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(Onze heures quarante-huit minutes)
Le Président (M. Gagnon): La sous-commission des
institutions se réunit avec le mandat de consulter sur le livre
troisième -des successions - du projet de loi 20, Loi portant
réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des
successions et des biens.
Livre troisième:
des successions Consultation
Nous avons ce matin comme invités la Chambre des notaires du
Québec et le Barreau du Québec. Nous venons je pense de prendre
une entente. Si on accorde une heure est-ce qu'on a le temps de vider la
question avec une heure pour chacun des groupes? Cela irait bien? Ce qui veut
dire qu'on terminerait avec le premier groupe vers 12 h 45 et on se reprendrait
à la salle Pamphile-Le May vers 13 h 45 ou 14 heures pour entendre le
deuxième groupe, à la salle 101, de l'édifice Pamphile-Le
May pour terminer vers 15 heures.
Nous allons commencer avec le premier groupe qui est la Chambre des
notaires et par la suite on s'ajustera d'abord. Cela va. La Chambre des
notaires du Québec est représentée par Me Jean Lambert,
président, Me Julien MacKay, Me Jacques Beaulne, Me Denise Fortin et Me
Yves Deniers. M. le président, je vous laisse la parole
immédiatement.
La Chambre des notaires du Québec
M. Lambert (Jean): Comme la nomenclature des personnes ici,
à la table vient d'être faite cela m'évite d'avoir à
la refaire à nouveau. Je veux souligner que trois des personnes
présentes ont été actives dans les travaux d'étude
qui nous occupent actuellement. Leurs noms figurent au début du rapport,
c'est donc inutile de les rappeler.
M. le Président, nous allons attirer votre attention en outre de
la grande question de la liberté de tester sur trois autres points en
particulier, en plus de faire des observations d'ordre plus technique. Ce sera
donc le droit d'option distinct d'un héritier pour chacune de ses
vocations héréditaires, la part successorale du conjoint
survivant et la révocation du testament antérieur en cas de
mariage ou de divorce.
L'un des aspects majeurs de la réforme du droit des successions
qui est déposé devant l'Assemblée nationale et devant nous
actuellement concerne la liberté de tester. Le droit
québécois connaît depuis fort longtemps et bien avant la
codification du droit civil, en 1866, le principe de la liberté de
tester. Le droit de réforme est l'occasion pour le législateur
contemporain de s'interroger sur la pertinence des règles qui ont
régi notre société depuis quelques siècles et sur
l'adéquation de ces règles à la société
d'aujourd'hui. L'on comprend donc qu'en matière successorale, le
principe de la liberté de tester soit remis en question. La
liberté de tester participe d'une philosophie voulant que l'individu
soit maître de ses biens et qu'il puisse en disposer à sa guise.
Certains diront que les biens acquis pendant le mariage l'ont
été, certes, en raison de l'apport en industrie de celui qui les
possède, mais aussi en raison de l'appui et de la contribution de son
conjoint et que, pour cette raison, ce dernier devrait recevoir une part dans
la succession du défunt.
La Chambre des notaires ne nie pas la contribution du conjoint dans
l'enrichissement du patrimoine familial. Il faut cependant reconnaître
que le conjoint a bénéficié, au cours du mariage, de cet
enrichissement en participant au niveau de vie que le défunt, de son
vivant, a procuré à sa famille. D'autre part, le régime
matrimonial légal, celui de la société d'acquêts
accorde au conjoint, au moment de la dissolution du régime, une part
dans les acquêts amassés par son conjoint durant l'existence de ce
régime, enfin, la moitié.
L'on rétorquera ici que le conjoint marié sous le
régime de la séparation de biens ne bénéficie pas
de cet avantage. C'est vrai, mais il faut bien noter que notre droit respecte
la liberté des conventions matrimoniales et que, par conséquent,
chacun des époux demeurait libre, lorsqu'il a opté pour la
séparation de biens, de choisir un régime à base de
partage.
En outre, depuis 1970, les époux peuvent modifier
conventionnellement leur régime matrimonial. Ils ne sont plus pris,
comme autrefois, dans un carcan immuable. Il convient de souligner
également que les époux peuvent se faire des donations. Tout le
régime fiscal, d'ailleurs, a été modifié au cours
de la dernière décennie pour faciliter ce point, ce qui, dans une
certaine mesure, permet de rétablir l'équilibre financier
entre
les époux.
De plus, le législateur a introduit, dans la réforme de
1981, le mécanisme de la prestation compensatoire qui vise à
corriger les déséquilibres entre patrimoines respectifs du mari
et de la femme. Remarquons que la prestation compensatoire reçoit
application non seulement en cas de dissolution du régime par divorce,
par séparation de corps, par annulation de mariage, mais aussi par
décès. C'est donc dire que les époux possèdent
déjà, en vertu des lois existantes, des moyens de régler
les cas où l'un des conjoints se trouverait dans une situation
financière désavantageuse par rapport à l'autre. Doit-on
ajouter à cela d'autres mécanismes de protection applicable en
cas de décès de l'un des époux? La Chambre des notaires
est d'avis que la situation actuelle ne justifie pas une intervention du
législateur en ce sens.
À notre connaissance, et jusqu'à preuve du contraire, la
très grande majorité des testateurs se comportent en personnes
conscientes de leurs responsabilités. C'est du moins ce que
révèle un sondage maison effectué auprès de nos
membres. Les testateurs sont aussi, présumons-nous, les personnes les
mieux placées pour apprécier la situation et les besoins de leurs
proches et prendre les décisions appropriées.
Il convient également, lors de la réforme d'une loi, de
prendre en considération la réalité
québécoise contemporaine dans son ensemble, puisque l'un des
objectifs d'une loi nouvelle est d'apporter un mieux-être au plus grand
nombre de citoyens qui y sont soumis et non pas de leur être
néfaste. Or, l'on constate que le concept de famille recouvre
aujourd'hui une multitude de situations très différentes les unes
des autres. Ainsi, le conjoint que l'on a choisi à vingt ans n'est pas
nécessairement le même que celui qui nous survivra. Les
séparations de corps, les divorces, le veuvage rendent plus
fréquentes des unions de fait et des seconds mariages. Il n'est pas rare
non plus de retrouver autour d'un même père ou d'une même
mère des enfants d'un premier et d'un second lit. Évidemment, on
utilise peut-être d'autres techniques aujourd'hui, d'autres endroits,
mais en tout cas, on a conservé l'expression "lit".
Par ailleurs, peu de personnes réussissent à amasser des
fortunes suffisamment importantes pour que le morcellement de la succession du
défunt ne devienne pas un inconvénient plus grand que l'injustice
présumée à laquelle on aura voulu pallier par des
restrictions à la liberté de tester. Le maintien du principe de
la liberté de tester permet au testateur de tenir compte de la
diversité des situations dans lesquelles se trouvent ses proches et lui
permet d'adapter la dévolution de ses biens à son
décès en fonction de ces circonstances particulières. Pour
ces raisons, la Chambre des notaires recommande de maintenir le principe de la
liberté de tester.
Dans son projet de loi 20 portant réforme au Code civil du droit
des personnes, des successions et des biens, le législateur recommande
d'introduire un mécanisme de protection appelé "la survie de
l'obligation alimentaire". Les bénéficiaires de cette mesure de
protection seraient principalement le conjoint survivant et les descendants du
défunt ainsi que toute personne qui, à l'époque du
décès, était à la charge du défunt.
L'objectif poursuivi par la réforme proposée est
d'assurer, en cas de décès d'une personne, une protection
financière à ceux qui dépendaient d'elle pour leur
subsistance matérielle ou, en d'autres mots, de prévoir un
mécanisme destiné à éviter certaines injustices qui
pourraient se produire en laissant au testateur une liberté absolue de
tester.
L'expérience notariale en matière de testament et de
règlement de succession n'a pas démontré que la
liberté absolue de tester ait donné lieu à un nombre
important d'abus de la part des testateurs. Peut-être que le gouvernement
a ces chiffres ou ces informations, mais nous ne les avons pas, bien au
contraire. Cependant, au-delà de cette considération pratique, la
Chambre des notaires s'oppose tout à fait à l'introduction dans
notre droit de la survie de l'obligation alimentaire, car ce mécanisme
engendre des inconvénients et des coûts disproportionnés
aux bénéfices escomptés.
Compte tenu du large éventail de créanciers alimentaires
susceptibles de recourir systématiquement à ce mécanisme,
il est à craindre qu'un nombre considérable de successions feront
l'objet de réclamations alimentaires. En effet, si la survie de la
créance alimentaire peut être une solution au problème des
personnes laissées dans le besoin à la suite du
décès de celui qui assurait leur subsistance, il faut bien
admettre, cependant, que c'est là une solution de nature contentieuse
susceptible d'engendrer une multitude de procès dont personne ne sortira
vraiment gagnant.
Si l'on admet que la majorité des successions sont de peu
d'importance, les conséquences d'une réclamation alimentaire
contre la succession du défunt serait que les héritiers
déterminés par le testament ne pourront toucher leur part tant
que le jugement ne sera pas rendu sur l'admissibilité et le quantum de
la réclamation alimentaire. De plus, les honoraires professionnels et
les frais judiciaires entameront parfois substantiellement un actif qui est
souvent de peu de valeur.
Quant aux réclamants, ils s'engageront aussi à grands
frais dans ces procès dont l'issue ne leur sera pas
nécessairement
favorable. Ajoutons à cela l'odieux des contestations entre
membres d'une même famille et entre personnes qui ont des liens
étroits. L'on peut se demander si les avantages anticipés
compensent les retards, les zizanies, les frustrations, les frais additionnels
que la survie d'une créance alimentaire contentieuse risque d'introduire
dans le règlement des successions.
La Chambre des notaires ne croit pas que ce soit là une solution
de nature à favoriser l'harmonie dans les familles, ni le
mieux-être des personnes concernées. Par conséquent et pour
toutes les raisons mentionnées ci-haut, la Chambre des notaires s'oppose
fermement au principe de la survie de l'obligation alimentaire et, de ce fait,
réclame le retrait des articles du projet de loi 20 relatifs à
l'établissement d'une créance alimentaire contre la succession du
défunt.
Une autre solution proposée est la réserve. Il s'agit, en
résumé, d'une attribution légale et obligatoire d'une
quote-part de la succession soit au conjoint survivant où aux enfants,
soit à la fois au premier et au second, le testateur n'ayant pas la
faculté de disposer autrement de cette quote-part par testament. Bien
que de nature différente de l'obligation alimentaire, la réserve
comporte également, à notre avis, des inconvénients non
négligeables. En effet, la réserve comporte les
désavantages de toute mesure uniforme qui, par son caractère
impératif et son automatisme, ignore la diversité des situations
tant factuelles que juridiques existant au moment du décès d'une
personne. (12 heures)
C'est ainsi, à titre d'exemple, qu'une réserve en faveur
du conjoint survivant s'appliquerait tant aux époux mariés sous
un régime de séparation de biens qu'à ceux qui sont
régis par la société d'acquêts ou la
communauté de biens. Une telle réserve s'appliquerait en outre
peu importe que le conjoint survivant soit autonome financièrement ou
non et sans tenir compte du fait qu'il pourrait s'agir d'un premier ou d'un
second mariage. Elle aboutirait également souvent à la
transmission au conjoint survivant des biens qui n'ont aucunement
été acquis par le défunt durant son mariage ou encore qui
lui ont été donnés ou légués, ce qui se
justifie difficilement, non pas que les biens de cette provenance ne doivent
pas être dévolus au conjoint survivant mais il appert que les
décisions de l'affaire relèvent exclusivement du testateur et non
du législateur.
Si la créance alimentaire est fondée principalement sur la
notion des besoins alimentaires, la réserve participe d'une philosophie
fort différente. Elle suppose en effet la reconnaissance en faveur des
bénéficiaires d'un quasi droit de propriété sur une
partie du patrimoine d'une personne avant son décès et d'un
véritable droit de propriété lors du décès
de cette même personne, indépendamment des besoins alimentaires de
ces bénéficiaires.
S'il faut reconnaître qu'une telle philosophie a été
fort répandue dans les siècles passés dans les pays
européens, il est certain qu'elle a été rejetée
chez nous à cette même époque et il n'est aucunement
démontré qu'elle est partagée aujourd'hui par une
majorité de Québécois. Une telle mesure ne devrait pas
être introduite sans s'assurer au préalable du désir de la
population d'en bénéficier.
Il peut être important également de souligner qu'une
réserve en faveur du conjoint porte non seulement directement atteinte
au principe de la liberté de tester mais aussi indirectement au principe
de la liberté des conventions matrimoniales que vient tout juste de
consacrer à nouveau le législateur dans la réforme du
droit de la famille. En effet, en déposant la dévolution d'une
partie des biens du défunt au conjoint survivant, la réserve
vient modifier profondément le choix que les époux expriment en
optant pour un régime de type séparatiste.
Quant à ceux qui choisissent un régime à base de
partage, que ce soit la société d'acquêts ou le
régime de la communauté de biens, la réserve a
pratiquement pour effet de les priver de ce qu'il leur reste du droit de tester
en réduisant encore davantage la quotité disponible. À cet
égard, l'introduction d'une réserve en faveur du conjoint est de
nature à porter un sérieux coup au régime légal de
la société d'acquêts et, conséquemment, de favoriser
le régime de la séparation de biens. Non seulement la
réforme de 1970 serait-elle alors remise en question mais l'on peut
s'attendre aussi, avec une remontée du régime de la
séparation de biens, à un accroissement des problèmes
qu'engendre ce type de régime lors d'un divorce ou d'une
séparation. Il n'est absolument pas question de décès dans
ces cas-là, sauf que la mesure que les couples auront choisie, vu cette
obligation d'avoir une quotité des biens dévolus automatiquement
au conjoint, le régime de séparation de biens, cela
amènera évidemment des conséquences
désagréables s'il y a fin de l'union pour cause de divorce ou de
séparation. Là, il n'y aura pas de partie obligatoire qui devra
être transférée.
En somme, si les affections du défunt sont le fondement de la
dévolution successorale tant légale que testamentaire, pourquoi
ne pas laisser au testateur le soin d'exprimer en personne raisonnable et
responsable les choix qu'il estime les meilleurs pour les siens? Bref, la
réserve constitue une mesure d'une portée générale
qui ne nous apparaît pas justifiée dans la
situation actuelle, compte tenu des mécanismes de protection
déjà en vigueur et considérant également le peu
d'abus qui se produisent en pratique. Encore là, nous n'avons pas de
données qui prouvent qu'il y ait tant d'abus.
En conclusion, la Chambre des notaires recommande que de toutes les
solutions envisagées, la meilleure demeure encore, compte tenu des
réformes récentes concernant le droit de la famille et en
particulier de l'introduction de la prestation compensatoire, le maintien du
principe de la liberté de tester. Ce principe respecte la liberté
individuelle et permet au testateur de disposer de ses biens en fonction des
besoins réels de ceux dont il a la responsabilité et en tenant
compte des circonstances qui lui sont propres.
Si, par ailleurs, le législateur décidait de restreindre
le principe de la liberté de tester, la Chambre des notaires
souhaiterait que cela se fasse par le biais de l'introduction d'une
réserve plutôt que par la survie de l'obligation alimentaire.
Outre les inconvénients inhérents à la créance
alimentaire post mortem qui ont été soulignés
précédemment, ce type de mécanisme participe très
peu de l'esprit du droit civil.
En revanche, la réserve constitue un mécanisme juridique
qui s'harmonise davantage avec la philosophie civiliste de notre droit
privé et il serait possible de l'introduire dans notre système
juridique sans que nos traditions n'en soient trop profondément
bouleversées.
Donc, si, à la suite de l'information que possède le
législateur, il opte pour la survie et une restriction à la
liberté de tester, nous croyons que la réserve devrait être
retenue. Nous allons, à ce moment-là, dans cette dynamique. Nous
suggérons au législateur que, pour éviter un trop grand
morcellement des successions, la réserve soit limitée au conjoint
survivant et comportant des critères d'application visant à
empêcher qu'elles n'aboutissent, à toutes fins utiles, dans les
petites successions à n'accorder au conjoint survivant qu'une part peu
significative des biens laissés par le défunt.
À cet égard, la Chambre des notaires suggère que la
réserve soit égale à la moitié de la part qui
aurait été dévolue au conjoint survivant dans une
succession ab intestat, c'est-à-dire sans testament, tout en
précisant cependant que la réserve ne peut être
inférieure à 60 000 $. Cette réserve devrait être en
pleine propriété et non en usufruit. En d'autres termes, on dit
si, nonobstant les représentations que nous faisons présentement,
le législateur décide de resteindre la liberté de tester,
à ce moment-là, nous lui suggérons la réserve. Nous
lui demandons de resteindre la réserve au cobénéfice du
conjoint et, pour éviter des morcellements ou une réserve qui
serait peu significative, que les premiers 60 000 $, dans le fond, soient
dévolus au conjoint.
Il nous apparaît, en outre, opportun de limiter l'impact de la
réserve sur les régimes matrimoniaux en prévoyant que les
avantages découlant du régime matrimonial ou du contrat de
mariage soient pris en considération dans le calcul de la
réserve.
Le droit d'option distinct de l'héritier pour chacune des
vocations héréditaires. Est-ce qu'il y aurait, M. le
Président, volonté de la part des membres de cette
sous-commission de nous poser des questions sur ce point-là ou s'ils
préfèrent garder les questions pour la fin de la
présentation?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre. La question
qu'on nous pose: Est-ce qu'on voudrait poser des questions sur la
première partie du mémoire et, par la suite, on nous livrerait la
deuxième partie où on aurait aussi des questions ou on
peut...
Mme Harel: On peut se rendre à la fin.
M. Lambert: Remarquez qu'il nous reste...
M. Leduc (Saint-Laurent): On va se rendre à la fin. On va
aller à la fin.
Le Président (M. Gagnon): Alors, continuez. Oui, d'accord.
Alors, vous pouvez continuer.
M. Lambert: D'accord. Le droit d'option était le second
point que nous voulions porter à l'attention du législateur. La
Chambre des notaires estime que la possibilité accordée à
un successible qui cumule plus d'une vocation successorale de choisir
d'accepter un legs et de renoncer à un second est une innovation
intéressante. Elle souligne cependant que la formulation actuelle de
l'article 681 du projet de loi 20 demeure nébuleuse et que l'expression
"vocation successorale" risque d'être interprétée
restrictivement, considérant l'interprétation actuelle en cette
matière. En conséquence, la Chambre des notaires recommande de
reformuler le deuxième alinéa de l'article 681 en vue de
clarifier le sens des mots "vocation successorale" de façon à
permettre hors de tout doute à un successible qui serait notamment
légataire de deux legs particuliers de bénéficier d'un
droit d'option distinct pour chacune de ses vocations
héréditaires.
Le troisième point, la part successorale du conjoint survivant.
La Chambre des notaires s'oppose aux règles énoncées aux
articles 730 et 737 du projet concernant la part successorale du conjoint
survivant. La Chambre des notaires considère que dans l'hypothèse
où le conjoint survivant vient en
concours avec les descendants du défunt, la part successorale de
celui-ci devrait toujours être de la moitié de la succession, peu
importe le nombre d'enfants ou de petits-enfants du défunt. Cela tombe
sous le sens que pour un conjoint, cela deviendra autrement plutôt
intéressant de n'avoir qu'un ou pas d'enfant plutôt que d'en avoir
plusieurs. Alors, on pense qu'il s'agit ici d'une modification que le
législateur aurait tout intérêt à apporter à
son projet.
Pour ce qui de l'article 737, la Chambre des notaires estime qu'à
défaut de descendants et d'ascendants prévilégiés
du défunt, le conjoint survivant devrait recevoir la totalité de
la succession. La règle proposée par la Chambre des notaires
serait, selon l'expérience notariale en matière successorale,
plus conforme à la pratique actuelle et répondrait davantage aux
attentes de la population.
Le quatrième point, la révocation du testament
antérieur en cas de mariage ou d'un divorce. La Chambre des notaires est
d'accord avec le principe énoncé aux articles 816 et 817 du
projet à l'effet que le mariage et le divorce constituent des causes de
révocation automatique du testament fait antérieurement à
ces événements.
Elle estime cependant qu'en cas de divorce, l'intention du testateur
d'avantager le conjoint divorcé, malgré
l'éventualité d'un divorce, devrait être établie
hors de tout doute. C'est pourquoi la Chambre des notaires recommande que
l'article 817 énonce que cette intention doit être
manifestée, par écrit, dans le testament. Une règle
claire, qui ne laisse place à aucune interprétation,
évitera des contestations désagréables et
coûteuses.
Dans les pages qui suivent, à la façon dont on l'avait
fait . précédemment, vous retrouvez des commentaires d'ordre
technique, mais aussi des suggestions de formulation d'articles qui tiennent
compte des principes que nous venons d'énoncer.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Oui. D'abord, Me Lambert, je voudrais vous
remercier, ainsi que tous vos collaborateurs de la Chambre des notaires. On est
à même, à nouveau ce matin, de constater la qualité
de vos travaux et la profondeur de vos convictions d'ailleurs sur un certain
nombre de choses, de toute évidence.
Je me contenterai, ce matin, de me centrer sur un aspect qui - il y a
plusieurs aspects d'importance dans votre mémoire, mais il y en a un qui
m'intéresse au plus haut point - est celui des protections qu'on
voudrait assurer au conjoint survivant. Ce que le projet de loi a retenu,
devant un certain nombre d'hypothèses, à ce jour - nous avions
l'intention d'entendre ce que vous aviez à en dire et d'en
débattre ici -c'est, finalement, un mécanisme qui donne un droit
qui entraînera une certaine judiciarisation, possiblement une certaine
insécurité à l'égard cependant de ce qui arrivera
de façon définitive à la succession, transitoirement,
jusqu'aux décisions définitives entourant les recours qu'on
laisserait au conjoint survivant, entre autres.
L'autre option, c'est celle de créer une réserve ou en
pleine propriété ou en usufruit. Elle n'est pas présente
dans le projet de loi, mais je présume que vous savez que nous sommes
conseillés par de remarquables notaires au ministère de la
Justice. J'ai l'impression que la Chambre des notaires doit connaître un
certain nombre de ces choses. J'aimerais vous entendre disserter sur cette
notion d'une réserve ou en pleine propriété ou en
usufruit. Vous dites dans votre document, à la page 12, au milieu de la
page, la dernière ligne, à la phrase qui suit "60 000 $": "Nous
préférerions que ce soit en pleine propriété et non
en usufruit." Dans l'hypothèse où la commission pourrait
étudier la notion d'une réserve en pleine propriété
ou en usufruit, qu'est-ce qui vous ferait rejeter celle en usufruit...
Le Président (M. Gagnon): Me Lambert. M. Lambert:
Merci.
M. Johnson (Anjou): Toujours dans l'hypothèse où la
Chambre des notaires reconnaîtrait que c'est la liberté de tester
qui doit prévaloir et que, si jamais le législateur
décidait de faire autre chose, le moindre mal?
M. Lambert: Oui, j'ai bien compris que le législateur
pourrait être en possession d'informations qui l'amèneraient
à considérer fortement de limiter le principe de la
liberté de tester. On nous dit: Dans cette hypothèse, qu'est-ce
que vous nous suggérez? Vous semblez nous suggérer la
réserve. Effectivement, dans ce cas précis, nous suggérons
au législateur de procéder dans ce cas précis
évidemment. Pourquoi écarter l'usufruit? À cause d'un
point d'abord, c'est que les revenus risquent d'être minimes dans la
très grande majorité des successions. Pour avoir un revenu de
l'ordre de 15 000 $ à 20 000 $, qui est un revenu que j'appellerais
moyen, près d'un certain minimum, on parle d'un capital successoral de
l'ordre, en tout cas au moment où on se parle aujourd'hui, de 150 000 $.
Ce n'est pas, je pense, l'ordre du capital qu'on retrouve dans la
majorité des successions des Québécois. Je ne dis pas
qu'il n'y en a pas. Forcément, bien sûr, il y en a, il y en a
beaucoup plus. Pourquoi, à ce moment-là, ne pas donner la
propriété dans le fond, si on opte pour cette voie? Pourquoi
ne pas accorder la propriété de cette part de
réserve? On est tellement logique dans cette appréciation qu'on
vous suggère, dans cette hypothèse, que, même lorsqu'une
succession est minime - prenons la succession de 60 000 $ ou moins la
totalité, à ce moment-là, de l'actif successoral soit
dévolue au conjoint, parce qu'on considère que ce n'est pas un
aussi gros capital que cela. Placé par le conjoint, cela lui donne un
revenu quand même minimal auquel devront s'ajouter des prestations
provenant de l'État pour compléter un revenu décent. (12 h
15)
Mme Fortin (Denise): Je voudrais également ajouter que si
le conjoint survivant, par hypothèse, avait seulement un usufruit, il
pourrait être utile pour lui dans certains cas de pouvoir prendre
à même le capital pour aller se recycler, faire un an ou deux
d'études pour pouvoir ensuite assurer sa propre subsistance. Ce qui
serait peut-être plus difficile dans des cas d'usufruit.
Alors, c'est dans ce sens-là qu'on préfère une
réserve en pleine propriété plutôt qu'une
réserve en usufruit qui risque également de cristalliser en fait
certains biens et créer des difficultés pour les vendre et de
choisir les modes de revenus qu'on souhaiterait avoir, etc. On pense qu'en
donnant la réserve en pleine propriété, le conjoint va
être libre de l'administrer comme il lui plaît et avoir plus
d'autonomie pour pouvoir utiliser le capital si bon lui semble pour se
perfectionner et assurer sa propre subsistance par la suite.
M. Johnson (Anjou): Je me demandais si vous vouliez qu'on apporte
des précisions autour de ces concepts qui m'aparaissent avoir plus
qu'une certaine importance.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais d'abord saluer mes
confrères de la Chambre des notaires et les remercier pour leur
excellent mémoire. Encore cette fois-ci, la Chambre des notaires en
général aide à améliorer le Code civil. C'est
indiscutable que vous apportez un éclairage qui est très utile
à nous, législateurs, qui devons prendre des
décisions.
Je dois vous dire que contrairement à mon collègue, le
notaire Cossette, je partage complètement votre point de vue. Je ne sais
pas si c'est parce que je suis plus près du peuple, comme la Chambre des
notaires, que les notaires qui travaillent pour l'État, mais je dois
vous dire que je suis complètement d'accord que l'on doit à mon
sens laisser la liberté absolue de tester.
Dans ma pratique, qui a duré jusqu'à maintenant 25 ans, je
n'ai pas vu tellement de cas où cela créait des problèmes
la liberté illimitée de tester. Règle
générale, particulièrement entre époux, les gens se
donnent normalement au dernier vivant dans 95 % des cas. C'est donc qu'ils sont
d'accord à ce moment-là que les biens de la succession aillent
aux survivants. Je ne vois pas l'utilité de la survie de l'obligation
alimentaire. En outre, je ne vois pas l'utilité, alors qu'on a la
prestation compensatoire qui était nécessaire. Il fallait qu'on
ait au Code civil une compensation et une prestation. Je pense que
c'était une bonne mesure.
Si j'avais à choisir entre la survie de l'obligation alimentaire
et la réserve, je choisirais la réserve, mais je n'indiquerais
pas le montant de 60 000 $ ou tout autre montant. Cela me semble assez
arbitraire. Je préférerais absolument un pourcentage si on doit
se résoudre à faire un choix. Je ne vois pas de raison
particulière pour changer ces mesures, les articles qui prévoient
qu'on a la liberté illimitée de tester et qui prévoient
également qu'on a la possibilité de se marier en
séparation de biens. On a également le droit de se marier en
société d'acquêts, ou en séparation de biens, ou en
communauté de biens. Alors, je pense qu'il faut laisser cette
liberté. C'est un choix. Ils font un choix et sont en mesure de le
faire. Ils ont l'éclairage nécessaire. Je favorise votre
mémoire et vos recommandations sans aucune réserve. C'est ce que
je pense depuis très longtemps et ma pratique m'a permis d'être
d'accord et de maintenir ces principes qui, je le répète, n'ont
pas jusqu'à maintenant créé de grands problèmes,
à mon sens.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Oui M. Lambert.
M. Lambert: Je voudrais apporter un court commentaire aux propos
qui viennent d'être tenus pour dire que la raison pour laquelle, dans
l'hypothèse où il faille retenir une limitation à la
liberté de tester, je vous suggère que ce soit la réserve,
il faut que cela signifie quelque chose et à ce moment-là il y a
une logique. Si on ne met pas un minimum... Je suis d'accord, on propose dans
le fond un pourcentage qui est la moitié de la quote-part, ce qui
pourrait dire par exemple que dans une succession de 100 000 $, que la
moitié de la quote-part serait de 25 000 $ qui donnerait un revenu
placé à peu près au taux d'aujourd'hui autour de 2500 $
par année. C'est un principe qui trouve une application pratique
très mitigée. C'est pourquoi on vous dit: Si on fonctionne dans
une certaine dynamique et qu'on est convaincu de son bien-fondé,
à ce moment-là ii faut au moins qu'il y ait un minimum pour que
cela ait une signification au-delà de laquelle on revient au
critère de la liberté.
C'est sûr que cette question fait l'objet d'intenses débats
chez nous. Cela a été vraiment discuté, je dois dire, avec
les tenants de toutes les parties. Finalement, on a dit: L'avantage qu'il y
aurait de retenir ce minimum c'est qu'on évite de morceller des
petites successions, d'émietter des actifs qui ne satisferont
plus personne.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Toujours sur ce même sujet
général, la protection à accorder - j'allais dire à
la conjointe survivante ou au cpnjoint survivant - est-ce que
l'hypothèse de modification aux régimes matrimoniaux - je ne veux
pas lancer un bâton de dynamite dans le milieu de la place -
l'hypothèse d'une modification aux régimes matrimoniaux qui
rendrait la copropriété des conjoints impératives à
l'égard de la résidence familiale, des meubles et de la voiture
familiale par exemple, vous apparaîtrait plus répondre à ce
type de préoccupation?
Mme Fortin: Je pense que c'est peut-être une excellente
suggestion dans le cas des premiers mariages. Étant veuve moi-même
et pouvant peut-être penser éventuellement à un second
mariage, je me demande si c'est opportun dans ces cas-là, si l'on pense
que les conjoints seront vraisemblablement, économiquement autonomes de
part et d'autre? Comme je vous le dis, étant moi-même dans cette
situation, je considère que les biens que j'ai pu recevoir de mon mari,
ou ceux que j'aurais pu accumuler durant ma vie, devraient aller directement
à mes enfants et non pas être partagés sous quelque forme
que ce soit avec un éventuel conjoint.
Je me dis: Si la réforme dans le sens dont vous parlez est
intéressante dans le cas d'un premier mariage, un mariage qui dure
longtemps aussi... Si c'était un premier mariage comme on en voit qui
dure deux, trois ans et que c'est vraiment le second qui est important,
à ce moment-là, l'argument serait à l'inverse. Je me dis:
II y a trop de situations différentes tout au cours d'une vie pour que
cette mesure obligatoire soit intéressante dans tous les cas. Elle a des
avantages dans certains cas, elle a des inconvénients dans d'autres,
alors je me dis: Pourquoi ne pas laisser aux gens cette faculté
d'adaptation?
M. Johnson (Anjou): Si je pousse plus loin, Me Fortin, si elle
était impérative dans le cas d'un premier mariage et dans le cas
d'un second mariage, il pourrait y avoir une dérogation
contractuelle.
Mme Fortin: Là, l'argument je vais vous le servir à
l'inverse. Si votre premier mariage ne dure qu'un an ou deux - on connaît
pour faire une blague, certains étudiants qui se marient que pour une
bourse et qui y mettent fin une fois les études terminées - je me
dis: Ils n'ont aucun intérêt à ce moment-là,
même si par hasard ils achetaient des choses en commun, à ce
qu'éventuellement, ils soient pris avec tout le dédale de devoir
les séparer et les complications que cela suppose. Je me dis: Au fond,
on a intérêt à faire ce genre de choses-là quand un
mariage a une certaine durée, une certaine stabilité et ce n'est
pas le cas, ni des premiers ni des seconds mariages aujourd'hui,
nécessairement. Je me dis: Toute mesure impérative risque de
créer des difficultés dans certains cas.
M. Johnson (Anjou): Par ailleurs...
Mme Fortin: On pourrait peut-être par des moyens
publicitaires inciter la population ou les femmes, plus
particulièrement, à suggérer ce genre de contrat au moment
où elles achètent une maison. Mais l'imposer à tout le
monde, je ne pense pas que ce serait nécessairement une bonne chose.
M. Johnson (Anjou): Par ailleurs - peut-être que ma
remarque est plus destinée à mon collègue de Saint-Laurent
qui nous parle des vertus de la liberté de tester qu'on partage dans
notre droit depuis le deuxième régime colonial - je ferais
remarquer à mon collègue que le principe de la liberté de
tester, comme on le retrouve au Québec, n'existe plus en Occident,
même pas en Angleterre d'où il est issu, pas en Ontario non plus.
Je me permets d'utiliser la comparaison ontarienne qui semble un lieu de
prédilection presque obsessionnelle dans les comparaisons venant de nos
collègues d'en face et qu'on introduit graduellement, dans la plupart
des législations de "common law", que ce soit au Canada ou aux
États-Unis et en Angleterre, des limitations à la liberté
de tester, paradoxalement, auxquelles le Québec n'a pas souscrit.
Par ailleurs, le droit français, lui, qui a été
abondonné au chapitre des successions au moment du deuxième
régime colonial, en faisant cet emprunt très largement au droit
anglais, le droit français lui non plus; lui, il est extrêmement
contraignant sur le plan de la dévolution successorale. Tout en
comprenant le principe que nous défendons, il faut être conscients
qu'on est les seuls à le défendre dans la plupart des
démocraties occidentales. De l'évoquer comme une vertu - je
comprends que ce n'est pas loin du veau d'or - il faut être conscients
qu'on est les seuls en ce moment à avoir cette vertu, ou à peu
près, dans la plupart des pays occidentaux. Même les États
d'où on a pris cette notion de liberté de tester ont
évolué dans le sens de fournir un certain nombre de garanties au
conjoint. C'est devant cela que nos juristes, la commission et ceux qui ont
réfléchi autour de ces questions, essaient de trouver une
adaptation du droit québécois, cette nouvelle
réalité qui vise à tenter de reconnaître pour des
conjoints et - il faut
bien le dire, dans l'évolution des préoccupations et des
sensibilités dans notre société depuis une dizaine
d'années - des conjointes, dans bien des cas. Il s'agit de voir comment
notre droit peut s'acclimater à ces nouvelles préoccupations. Je
comprends donc que la position de nos collègues d'en face est qu'il ne
faut pas toucher à la liberté de tester telle qu'on la retrouve
dans notre droit depuis de nombreuses années, pour ne pas dire depuis un
siècle et demi ou même un peu plus.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: Ce qui est passionnant quand on étudie le Code
civil, c'est que la partisanerie n'y joue aucun rôle. Il faut que je
rectifie quelque chose. L'opinion du député de Saint-Laurent est
son opinion personnelle comme l'opinion que j'émets maintenant est mon
opinion personnelle. Quand on a parlé en deuxième lecture de la
survie de l'obligation alimentaire, je me rappelle bien que mon opinion
était tout à fait différente de celle du
député de Saint-Laurent, comme dans votre formation, d'ailleurs,
ce problème-là existe également. Notre présence ici
n'est pas une question de ligne de parti, mais vraiment pour trouver une
solution et donner satisfaction à la population.
D'abord, quelques remarques d'introduction. Quand un notaire parle de
liberté de tester, comme on a le droit d'attaquer, de limiter ou
d'abolir la liberté de tester, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de
libertés dont on peut jouir à 100 %. Il y a des limitations, et
c'est bien normal, dans toutes les lois. C'est pour cela que c'est le
rôle du législateur de restreindre certains droits ou d'assujettir
certains droits à certaines conditions. Je me rappelle très bien
que des mouvements de femmes sont venus devant nous, quand il y avait une
commission parlementaire. Plusieurs de ces femmes, travailleuses,
maîtresses de maison ou faisant partie de PME nous ont décrit une
situation existante. C'est bien beau de dire: Vous pourrez régler votre
problème dans un contrat de mariage. Vous savez très bien que
quand deux jeunes amoureux se présentent devant le notaire pour
rédiger leur contrat de mariage, soyons honnêtes, on ne veut pas
prendre des heures et des heures pour leur expliquer le Code civil et toutes
les conséquences, ce qui arrive dans le cas de séparation, de
divorce ou de mort, etc. On fait cela assez rapidement. Il y a une formule
préparée d'avance. Je sais que vous prenez le temps de donner des
explications. Je le sais parce que nous partageons aussi l'espace avec un
bureau de notaires aussi. Vraiment, les jeunes qui viennent là, ils ne
pensent pas à la misère, aux problèmes qui peuvent
survenir, heureusement! Ils sont là pour commencer ce beau voyage vers
la lune et le ciel. (12 h 30)
Nous avons une obligation de protéger. C'est bien beau de dire:
Monsieur, on a maintenant ces régimes, la séparation de biens ou
la société d'acquêts, etc., voici les conséquences
qui en résultent. II ne veut pas trop savoir cela. Ils sont même
un peu gênés de dire, dans un contrat en séparation de
biens: Voulez-vous, s'il vous plaît, réserver l'ameublement
à ma femme. Je me rappelle lorsque ma fille s'est mariée; j'avais
suggéré cela au notaire, j'ai dit: Je veux que l'ameublement soit
réservé à Monique. Je suis bien content de le lui avoir
fait réserver car, aujourd'hui, elle est en instance de divorce.
Ces jeunes adultes qui se présentent, il faut bien les guider.
Peut-être que dans un deuxième mariage, c'est le cas, mais pas
dans un premier mariage avec deux jeunes. Donc, je n'ai aucune
hésitation de dire que c'est même une obligation sociale du
législateur, je ne dis pas de supprimer ce droit, mais de laisser ce
droit intact, sujet à certaines conditions. D'ailleurs, je le dis avec
fierté, je suis natif de la Hollande, des Pays-Bas où j'ai
étudié le droit, où j'ai vécu jusqu'à
l'âge de 21 ans. Là-bas, on a le droit de la réserve; on
appelle cela "la portion légitime". Cela marche très bien. Il n'y
a aucun scandale. Il n'y a rien, il n'y a personne... Je peux vous dire une
chose. Quand vous dites qu'ici ce sont des cas exceptionnels où
quelqu'un en souffre, pour moi, un cas exceptionnel, c'est comme dans la mort
d'un enfant frappé par un autobus scolaire. Même une mort c'est
déjà trop. Si on peut éviter des cas d'exception, pourquoi
ne pas le faire?
Donc, ce que je trouvais intéressant dans votre mémoire,
c'est que vous dites: Nous sommes contre la section de survie de l'obligation
alimentaire, cela n'est pas acceptable. Nous sommes d'accord avec cela. Le
député de Saint-Laurent et moi sommes d'accord, on a parlé
là-dessus. Quant à nous, cela va devenir une bebelle de
procédure comme on n'a jamais vu. Si vraiment on suit le texte tel que
suggéré, cela va être impossible de régler des
successions, des réclamations de partout.
Là, vous dites, à la page Il: "Si on doit choisir entre
deux maux, plutôt la réserve que la survie de l'obligation
alimentaire. Mais le législateur sans doute, en insérant la
survie de l'obligation alimentaire, a pensé qu'il faut, d'une
manière quelconque, restreindre ou rendre la liberté de tester
sujette à un certain contrôle. Là, ils sont venus avec le
contrôle de la survie de l'obligation aliementaire.
Disons qu'on peut faire la preuve que, malgré la bonne tentative
de trouver une solution, peut-être que cela va créer plus de
problèmes. Là, vous dites: Dans ce cas-là, on
accepte la réserve plutôt que cela. Vraiment, votre position,
c'est qu'on ne veut rien savoir du tout, on reste dans la liberté
totale, comme le député de Saint-Laurent. S'il y a des conditions
à poser, on va prendre la réserve. Dans la réserve, vous
n'êtes pas loin non plus, parce que vous dites "la moitié de la
part pour la femme", mais vous ne pensez pas aux droits des enfants
là-dedans. Par exemple, il y a des juridictions en Europe où les
enfanta sont protégés aussi, dans la réserve.
Je vous donne un exemple. Ma mère est
décédée il y a un an, sans testament. J'ai droit à
une certaine portion, comme enfant, de cette succession, qui était la
moitié de ce que j'aurais eu autrement. Donc, là, il y a un
certain montant, c'est un pourcentage. Il n'y a pas de sommes qui sont
fixées. Vous réglez le cas du conjoint ou de la conjointe, vous
dites "50 % de ce que la personne a eu". Je suis d'accord avec cela, je trouve
cela une démarche très timide. Si vous n'êtes pas capables
de vivre avec cela, vraiment, je pense... Cela est un tout début, pour
moi, d'une protection. Vous ne parlez même pas du cas des enfants. Je
suis prêt à dire, par exemple, si on doit avoir un début de
protection, qu'on accepte cela. En ce qui me concerne, cela ne va pas assez
loin. Je pense vraiment que la protection familiale, surtout la position...
Quand on parle du "conjoint", dans la majorité des cas, c'est la
conjointe, ce n'est pas le mari qui a besoin de protection, c'est plutôt
la femme. On le sait. Vous le savez comme notaires, je le sais comme
avocat.
Vraiment, je pense que si le législateur disait "on va enlever
cette section de l'obligation alimentaire à cause des problèmes
que cela crée, et on va ouvrir la porte avec cette fameuse
réserve, que la suggestion que vous faites seulement pour le cas de la
protection du conjoint ou de la conjointe, ce n'est pas trop loin, je pense que
ce sera quelque chose d'acceptable, même si le député de
Saint-Laurent trouve que c'est peut-être une attaque contre son
sacré principe de la liberté de tester sans restriction.
M. Leduc (Saint-Laurent): Merci.
M. Polak: Mais vraiment, je crois que vous n'avez qu'à
regarder ce qui se passe dans d'autres juridictions. Regardez dans d'autres
provinces canadiennes, il y a une protection légale qui existe aussi.
Regardez dans les autres pays d'Europe. Pourquoi est-ce qu'à
Québec on serait une exception? Cela ne me gêne pas du tout - je
parle encore à titre personnel - d'imposer certaines restrictions pour
le bénéfice, justement, de cette unité familiale dans
laquelle je crois beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Sainte-Anne. Me Denise Fortin, ou Me Lambert.
M. Lambert: Si vous le permettez, c'est parce qu'il y a eu
plusieurs propos qui ont été livrés. Je pense que les
derniers propos qui viennent d'être livrés rejoignent un peu ceux
du ministre de la Justice, à un moment donné. C'est qu'il faut
quand même considérer le système de droit dans lequel nous
sommes. C'est à se demander, par exemple, dans les pays où on
connaît la réserve, s'ils connaissent la prestation compensatoire.
Quel est leur régime légal?
Si on regarde ce que le législateur québécois a
fait depuis 1964, mais particulièrement depuis 1970, il a essayé
de vraiment abolir tout déséquilibre entre les conjoints. Je
dirais - et je fais une parenthèse là-dessus - qu'à la
suite des discussions qu'on a eues, ce sont les femmes qui ont participé
à nos comités qui ont été les plus violentes
là-dessus parce qu'elles sont dans la position inverse. Elles disent: Je
ne veux pas qu'une partie de mes biens aille à mon mari. Mais c'est cela
toute l'économie du droit de l'évolution de la
société québécoise, c'est vraiment que les deux
conjoints soient sur un pied d'égalité, de chance égale,
qu'ils soient équipés, qu'il n'y en ait pas un qui parte perdant
là-dedans.
On voit, par exemple, concernant des jeunes ménages, des jeunes
mariages, en entrevue de contrat de mariage, qu'il y a une foule de
problèmes qui existaient il y a quinze ou seize ans, quand j'ai
commencé à pratiquer, et aujourd'hui... Par exemple, quand
à l'achat de la résidence, maintenant, ce sont presque tous des
cas de copropriété. Cela ne cause pas de problème; cela se
fait.
La société d'acquêts, c'est un régime qui est
maintenant bien accepté. Je ne dis pas qu'il n'y a pas encore des gens
qui se marient en séparation de biens, mais le régime de la
société d'acquêts, maintenant, c'est un régime
intéressant, innovateur. À la base, tout de suite on sait que
c'est un principe d'égalité.
Pour corriger une situation qui était bien réelle, le
législateur a adopté la prestation compensatoire qui vient aussi
en tenir compte. Là, si on vient, par-dessus tout cela, limiter, bien on
pense que c'est peut-être aller trop loin. Je vous accorde
peut-être qu'actuellement, on est dans une transition. C'est sûr
que des conjoints qui originent d'une période où c'était
peut-être le régime de la séparation de biens,
peut-être que les entrevues, à l'époque, étaient
faites d'une façon plus automatique, comme le député l'a
soulevé tantôt, c'est vrai, mais je pense, par exemple, que la
prestation compensatoire et la possibilité de modifier le régime
matrimonial, cela aussi n'existait pas autrefois. Ce n'est pas sûr que
cela existe
dans toutes les juridictions. On a dit que cela existait pour parler de
la limitation à la liberté de tester, mais cela, c'est une
innovation. C'est rendu d'une facilité extrême. On n'a même
plus besoin d'aller faire homologuer cela devant le tribunal.
Il y a donc des instruments et on s'aperçoit, lorsque quelques
cas malheureux nous sont soumis, que souvent, cela a été un
manque d'information, un manque de connaissances bien plus qu'une
volonté malsaine ou mesquine qui était à la base.
Alors, le législateur québécois a mis les deux
conjoints sur un pied d'égalité. Il a voulu qu'ils aient une
parfaite autonomie et je pense qu'il faudrait se le rappeler. Ce qui se passe
aujourd'hui et ce que le législateur adopte, ce n'est pas juste pour
l'année prochaine. Ce n'est peut-être pas pour 100 ans, mais c'est
peut-être pour un bon nombre de décennies. Je pense qu'il faudrait
en tenir compte.
Concernant des remarques particulières, Me Fortin voulait...
Mme Fortin: Oui, sur la question des enfants, on y a
songé, et c'est pourquoi on a, entre autres, le plancher de 60 000 $. On
s'est dit que dans le cas des enfants, à la suite du décès
d'un des conjoints, il peut se produire deux choses: ou bien les enfants sont
mineurs et ont encore besoin d'un soutien financier, ou bien ils sont majeurs
et ils sont autonomes dans bien des cas. S'ils sont autonomes, leur accoder des
biens d'une façon automatique à moins que ce soit la conception
que le législateur veuille promouvoir, bien mon Dieu, nous on
considérerait que les enfants n'ont pas le droit acquis dans le
patrimoine de leurs parents décédés, de sorte que si leur
père, ou le cas échéant leur mère, veut bien leur
laisser des biens, tant mieux, mais sinon ils n'y ont pas de droit acquis.
Maintenant, s'ils sont mineurs et s'ils sont dépendants c'est
autre chose. C'est pour cela qu'en pensant à la réserve, on
voulait un plancher de 60 000 $ en disant: Si la mère - dans
l'hypothèse, c'est souvent elle qui survit - a une somme plus importante
de la succession, elle sera en mesure d'assurer la subsistance de ses enfants
alors que si la succession se trouve partagée et morcelée, ce
sera peut-être plus difficile pour elle.
Il ne faut pas oublier que l'obligation alimentaire entre parents et
enfants continue à demeurer même si un des parents est
décédé. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on
proposait la réserve comme étant le quart de la succession ou la
moitié de la part successorale de sorte que si quelqu'un laisse 1 000
000 $, la femme se retrouvera avec une somme de 250 000 $. Si par contre la
succession est très petite, elle aura au moins une garantie d'avoir les
premiers 60 000 $ ce qui lui permettra, ou de se recycler et ensuite d'assurer
la subsistance de ses enfants si elle est très jeune et si elle est plus
âgée et que ses enfants sont autonomes, mon Dieu, avec cela et les
prestations gouvernementales et autres, elle pourra sensiblement prévoir
se débrouiller. C'est là l'aspect de notre réforme en
voulant accorder davantage dans les petites successions au conjoint survivant
pour lui permettre d'assurer ses obligations alimentaires vis-à-vis les
enfants sans morceler la succession.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve, juste avant de vous laisser la parole - ce n'est pas parce que je
m'adresse à vous - il reste sur le temps qu'on avait mentionné
environ sept minutes alors il faudrait peut-être que les questions et les
réponses soient un peu plus courtes.
Mme Harel; Merci, M. le Président. En remarque
préliminaire, je voulais simplement signaler que vous avez certainement
pu vérifier et peut-être vous assurer - pour ne pas dire vous
rassurer - puisque vous avez eu un représentant qui a suivi très
attentivement, très assidûment tous nos travaux, que la commission
prenait en grand intérêt les recommandations que vous aviez faites
en faisant l'étude détaillée article par article sur le
droit des personnes, je pense que l'échange que nous avons permet non
seulement de prendre en considération vos recommandations mais aussi les
commentaires que vous nous faites.
Vous avez parlé beaucoup de la prestation compensatoire et vous
concevez la prestation compensatoire comme un instrument important dans cette
égalité qui est recherchée. Pourtant on sait qu'il y a
quand même des difficultés de preuve notamment. Souvent on a
demandé une démonstration à l'effet qu'il y avait un
apport monétaire supplémentaire au salaire du mari. Est-ce que la
prestation compensatoire vous semble réellement pouvoir actuellement
trouver application? Ça c'est ma première question. Ma seconde
c'est quand, en fait, tout va bien qu'il faut certainement considérer
les mécanismes de résolution des conflits mais c'est quand tout
va bien qu'on ne prévoit pas les conflits. Des études
récentes - je me réfère à une étude faite
cet automne auprès de jeunes filles de niveau secondaire au
Québec - démontraient que leur perception de leur avenir n'avait
pas du tout changé comparativement à celui qui prévalait
pour les générations précédentes. C'est
évidemment toujours cet avenir associé à un prince
charmant qui les entraîne sur un coursier vers le bonheur. Est-ce qu'au
moment où justement la réflexion doit se faire sur les
mécanismes de résolution des conflits, à ce
moment-là même on ne les prévoit pas? Il en va donc
à
ce moment-là d'une égalité de droit qui n'est pas
une égalité de fait finalement? (12 h 45)
M. Lambert: Je pense, Madame, que vous soulevez peut-être
là le problème. D'une part, un grand nombre de jeunes
ménages connaissent un échec donc ce n'est pas au
décès que l'équilibre va se faire. Il faut peut-être
regarder au niveau de la prestation compensatoire et peut-être
élargir son assiette. Je pense que c'est là que les cas ont fait
problème. Actuellement, comme vous l'avez bien souligné, il faut
prouver l'enrichissement, l'apport réel. Peut-être qu'il y aurait
lieu de regarder, je dis bien peut-être, je ne suis pas un expert sur ce
sujet. Mais on sait que si on cherche à corriger une certaine
insouciance ou un certain manque de vigilance dû au jeune âge, que
somme toute, ce n'est pas le plus grand nombre de ménages qui se rendent
au bout, c'est-à-dire l'instant du décès et que le
ménage est souvent un deuxième, sinon un troisième. On
pense aussi que plus l'État va instaurer des restrictions où les
gens vont se sentir obligés, plus l'union de fait va se
développer comme les chiffres le prouvent. Alors, c'est sûr qu'il
est impossible de vraiment tout prévoir pour satisfaire tout le monde.
Mais on pense que l'égalité doit être donnée pour
que cela se passe du vivant et non pas d'attendre l'hypothèse d'un
décès pour peut-être la rétablir. On pense qu'il
faut que cela se passe avant cela. À ce moment-là, le
décès ne changera pas si les règles d'équilibre
sont déjà faites, avant. Merci.
Mme Fortin: Je voudrais...
Le Président (M. Gagnon): Me Fortin.
Mme Fortin: ...ajouter à cela que j'ai connu des couples
où les deux conjoints travaillaient - je ne parle pas de ceux où
le conjoint ne travaille pas - mariés en séparation de
biens...
M. Lambert: On veut dire, travaillaient à
l'extérieur.
Mme Fortin: ...travaillaient à l'extérieur, oui -
elles ne travaillent pas, il y a trop d'ouvrage - en fait, où les deux
avaient des revenus, autrement dit, mariés sous le régime de la
séparation de biens. Ce qui se produisait en pratique - c'était
des gens qui ont peut-être mon âge maintenant, dans la quarantaine
- c'est que le mari payait l'hypothèque, avait la maison à son
nom, etc, et que la femme, avec son revenu payait l'épicerie, les
vêtements, les frais de scolarité. Au bout de la ligne, au moment
où le divorce s'est produit, évidemment, elle s'est
retrouvée avec rien du tout et le mari avait accumulé des
immeubles. Mais, est-ce la faute des régimes matrimoniaux et de la
législation telle qu'elle existe ou si ce n'est pas plutôt un
manque d'information? Je pense qu'on doit insister sur des programmes
d'éducation face aux jeunes filles pour leur dire: Écoutez, vous
vous mariez, payez l'hypothèque et laissez votre mari payer
l'épicerie. À ce moment-là, c'est vous qui aurez la
maison. Non, sans aller jusque là, leur suggérer en fait de faire
des projets communs et de participer ensemble, et ne pas les obliger à
le faire. Libre à ceux qui ne voudront pas le faire, mais une meilleure
information diminuera de beaucoup ces problèmes. Et cela, ce n'est pas
la loi qui me le fait, c'est tout simplement les mentalités qui ne sont
pas rendues à ce niveau, je pense. Cela se corrige par des programmes
d'éducation dans les cégeps, à l'école, à
différents endroits, en expliquant le fonctionnement économique,
en fait, parce que ce sont des associations économiques quand on en
parle au niveau des biens.
Quant à l'autre question sur la prestation compensatoire, je
pense que le texte, en parlant de la part en services, laisse une ouverture aux
tribunaux de considérer qu'une contribution plus exceptionnelle aux
soins du ménage, en tout cas, un apport de gestion dans l'entreprise
commune pourrait laisser place à une compensation. Maintenant, est-ce la
loi encore qui est mal faite ou si ce sont les tribunaux qui n'ont pas
suffisamment évolué pour reconnaître ce type de situation?
Là, on parle de correctifs à la loi. C'est peut-être dans
bien des cas les mentalités qu'il faudrait changer.
M. Lambert: M. le Président, en matière...
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Lambert: Juste pour conclure ce point-là, ce serait de
considérer le décès comme une autre cause qui met fin
à une union, comme le divorce, comme la séparation. C'est une
cause de fin et les parties, les conjoints doivent être
équitablement traités. Il faudrait le voir dans cette optique,
que le décès n'est qu'une cause maintenant. Autrefois,
c'était la cause, aujourd'hui, c'est une cause parmi d'autres.
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de Saint-Laurent avait demandé la... Est-ce que vous avez autre chose
à ajouter. M. le député de Saint-Laurent avait
demandé la parole tantôt.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela va être très court.
Je crois beaucoup à la famille. Je pense que ce sont les traditions. On
a des racines. C'est très important. Mais il y a une chose qu'il faut
bien réaliser, c'est que
les mariages aujourd'hui ne durent pas ce qu'ils duraient auparavant.
Imaginez-vous le cas où on établit une réserve,
particulièrement la réserve et où le mariage ne dure que
six mois ou un an, ou deux ans, est-ce que c'est normal, légitime ou
équitable, qu'ils aient une part importante de la succession de l'autre
conjoint? Je pense que tout est là. Alors, la prestation compensatoire
tient compte de la part de l'enrichissement, de la part surtout des
époux durant le mariage. Je pense qu'elle corrige les
inégalités, les inéquités et tout cela est
très important. Je considère qu'avec la prestation compensatoire,
on a le remède à certaines injustices. C'est vrai qu'il y a
certains problèmes qui existent au niveau du tribunal, mais comme on le
disait tantôt, mettons les mécanismes qui vont corriger les
déficiences. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de tout
réformer le Code civil. La question fondamentale qu'il faut surtout se
poser est la suivante: Qui a demandé qu'on chambarde tout cela? C'est la
question que je me pose, qui a demandé cela?
Je dois dire, que dans 25 de pratique, je n'ai pas vu - j'avais une
pratique qui était très importante; disons une pratique de
quartier - pour beaucoup de testaments, de contrats de mariage, dans mes
contacts avec ces personnes, des gens venir nous dire qu'ils n'avaient pas les
moyens de remédier à certaines inéquités, certaines
inégalités. Je pense que les gens en général - sauf
certaines exceptions, mais il y en aura toujours - mais aujourd'hui le mariage
étant ce qu'il est, ne durant pas trop longtemps dans beaucoup de cas,
il faut tenir compte de ce fait-là. Pensons à toutes les unions.
Quelle protection...
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de Sainte-Anne, nous avons déjà dépassé...
M. Polak: Je veux juste faire une correction, quand le
député de Saint-Laurent parle de mariage qui est dissous
après six mois, un an. Il n'y a plus de conjoint, à ce moment,
l'argent joue pour le conjoint survivant. La femme qui était
là...
Le Président (M. Gagnon): Permettez, nous pourrons avoir
cette discussion entre nous lors de l'étude article par article. S'il
n'y a pas autre chose, je voudrais remercier la Chambre des notaires du
Québec, Me Lambert, Me MacKay, Me Beaulne et Me Denise Fortin ainsi que
Me Yves Demers d'être venus éclairer la commission. Merci
infiniment, et je vais suspendre les travaux pour quelques minutes, afin que
l'on puisse discuter. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 53)
(Reprise à 12 h 59)
Le Président (M. Gagnon): La commission des institutions
suspend ses travaux jusqu'à 16 heures.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 16 h 12)
Le Président (M. Gagnon): La sous-commission des
institutions se réunit avec le mandat de procéder à une
consultation particulière sur le livre troisième, Des
successions, du projet de loi 20, Loi portant réforme au Code civil du
Québec du droit des personnes, des successions et des biens. Nous
accueillons cet après-midi le Barreau du Québec, Me Luc
Plamondon, Me Daniel Barbeau et Me Suzanne Vadboncoeur.
Avant de vous laisser la parole, j'aimerais qu'on puisse s'entendre,
parce qu'on nous dit que nous sommes sur la même piste pour
l'enregistrement, le gouvernement et l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): On est sur la même ligne?
Le Président (M. Gagnon): C'est cela.
M. Johnson (Anjou): C'est bien cela. C'est très bon
cela.
Le Président (M. Gagnon): Attention. Tout simplement pour
qu'on puisse bien identifier les gens qui ont la parole, il faudrait faire
attention...
Une voix: ...sûrement d'un des deux partis.
M. Marx: J'ai déjà appuyé un Johnson.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît: Pour qu'on puisse bien enregistrer nos travaux, il faudrait
absolument demander la parole afin que je puisse identifier - c'est ce que l'on
m'a demandé - ceux qui devront prendre la parole. Il faudra faire
attention pour ne pas parler deux en même temps. Alors, Me Plamondon? Me
Vadboncoeur, je vous laisse la parole en vous souhaitant la bienvenue.
Barreau du Québec
Mme Vadboncoeur (Suzanne): Merci, M. le Président, M. le
ministre, Madame, MM. les députés et tous les autres, le Barreau
du Québec est heureux encore une fois de participer à cette
séance de travail sur l'élaboration du Code civil du
Québec. Nous étudions aujourd'hui le livre troisième sur
le
droit des successions.
Nous avons eu l'occasion, ce matin, d'assister à la séance
où la Chambre des notaires était entendue, et j'imagine
qu'après avoir livré l'essentiel de notre mémoire, nous
aurons à livrer nos commentaires ou à répondre à
des questions de la part des membres de la commission, particulièrement
sur la réserve héréditaire et la prestation compensatoire.
Pour le moment j'aimerais -j'imagine que peu d'entre vous ont eu l'occasion de
lire le mémoire - procéder comme la dernière fois, non pas
à la lecture du mémoire, mais à un résumé de
chacun des points qu'on a touchés.
Tout comme pour le droit des personnes, ce mémoire se divise en
deux parties: une première consacrée à des commentaires de
fond et une seconde qui donne certaines suggestions d'amendements techniques,
purement techniques.
Le premier point qui fait l'objet des commentaires concerne le
vocabulaire et en particulier le vocabulaire qui concerne les
présomptions contenues au projet de loi. Nos commentaires, ici, se
limitent au livre touchant les successions, mais ils peuvent également
s'étendre au livre portant sur les biens. Les récents amendements
que le Barreau a obtenus la semaine dernière ont apporté une
amélioration en ce qui concerne le vocabulaire, particulièrement
pour l'emploi des mots "réputé" par rapport à
"présumé". Les premières versions, soit des avant-projets
de loi ou des projets de loi, employaient indifféremment
"présumé" et "réputé," et on se demandait s'il y
avait une certaine différence de signification dans l'emploi des deux
termes. La réponse à cette question a toujours été
un peu douteuse. Les amendements qui ont été apportés
récemment nous ont confirmé que le législateur voyait
effectivement une différence entre les deux expressions
"présumé" et "réputé". Dans ce sens, l'amendement
apporté à l'article 803 du projet de loi est heureux. Certains
autres articles demeurent peut-être un peu ambigus,
particulièrement l'article 711 et l'article 807. On veut bien comprendre
que ces deux articles expriment, encore une fois, une présomption qui
peut être repoussée et non une présomption
irréfragable. Ce sera à vous, madame et messieurs de la
commission, d'y répondre; je laisse la question ouverte.
Le deuxième commentaire concerne l'article 665 du projet de loi,
qui a suscité de vives discussions au sein de la sous-commission du
Barreau. D'abord, on a constaté que les articles 663 et suivants
utilisaient le mot "succéder" - qui est peut-être un terme
générique - pour les personnes physiques. Par contre, dès
qu'on arrivait à des personnes morales ou à des fiducies, on
employait le terme "recevoir par testament". On s'est d'abord demandé
s'il s'agissait là d'une différence ou, encore une fois, si
c'était simplement une variante dans le vocabulaire. S'il y a une
différence, le traitement quant à ses successibles pourrait
évidemment être différent. Il y aura peut-être lieu
d'éclaircir cela, sinon dans la loi, tout au moins dans le rapport des
codificateurs que l'on espère avoir un jour, comme on le disait la
dernière fois.
Quant à l'article 665 proprement dit, le libellé actuel de
l'article 665 nous pose une interrogation. Est-ce que cet article concerne une
fiducie pré-existante? Par exemple, Marcel, dans son testament
lègue 100 000 $ à une fiducie qui existe déjà, dont
les revenus, par exemple, pourraient être donnés ou versés
à un bénéficiaire X et le capital pourrait être
éventuellement versé à un bénéficiaire Y.
Donc, est-ce que cela vise une fiducie pré-existante ou est-ce une
fiducie créée par testament? Donc, le même Marcel, dans son
testament, peut créer une fiducie disant: je lègue 500 000 $
à être administrés par une fiducie qui,
éventuellement, en donnera les revenus à un
bénéficiaire X, Y ou Z. Ce n'est pas clair.
Quelle que soit la situation qui est prévue à l'article
665, nous sommes d'avis qu'un legs, quel que soit le legs, n'est pas
destiné au bénéficiaire, mais bien à la fiducie. La
fiducie est une quasi personne morale en vertu du projet de loi 20, a un
patrimoine d'affectation distinct de celui du constituant, de celui du
bénéficiaire et de celui du fiduciaire. Donc, le legs est
destiné à la fiducie elle-même et, éventuellement,
ce que le ou les bénéficiaires en retireront, ce sera ce qui est
prévu soit dans l'acte de fiducie soit dans le testament. Il y aurait
lieu d'amender cet article 665 - et on le recommande d'ailleurs à la
partie 2 du mémoire - pour qu'il se lise ainsi: "Le fiduciaire peut
recevoir le legs destiné à la fiducie", et non pas "recevoir pour
la fiducie le legs destiné au bénéficiaire". C'est tout
à fait inexact.
Quant au troisième commentaire, il s'agit d'une disposition qui
était prévue au Code civil du Bas-Canada, à deux endroits
d'ailleurs: à l'article 658 et à l'article 1061, en ce qui
concerne la renonciation à une succession non encore ouverte. Le projet
de loi 20 ne reprend pas cette disposition. Peut-être que le
législateur a l'idée de conserver cette disposition uniquement au
chapitre des obligations; on n'en sait rien encore parce qu'on ne sait pas ce
qui va advenir du chapitre des obligations dans le Code civil du Québec
mais, chose certaine, il n'est pas reproduit au chapitre des successions.
Peut-être que les légistes du ministère de la Justice ont
cette réponse; nous ne l'avons pas. Je ne sais pas si les membres de la
commission parlementaire l'ont mais, enfin, il faudrait que cette disposition
qui concerne la renonciation à une succession non encore
ouverte soit retenue dans le Code civil du Québec.
On peut d'ailleurs facilement imaginer le bien-fondé d'une telle
disposition. C'est un peu contraire aux moeurs juridiques qu'une personne
puisse aliéner des droits éventuels dans une succession. Par
exemple, si une personne pense avoir un immeuble dans la succession de X et
que, d'ores et déjà, elle hypothèque cet immeuble, vous
pouvez vous imaginer quels problèmes pratiques cela peut poser si le
testateur décide de révoquer son testatement ou de changer ce
legs; il peut se poser différents problèmes.
Je pense que l'article 1061 du Code civil du Bas-Canada, qui est
probablement plus complet d'ailleurs que l'article 658, devrait être
maintenu, soit au chapitre des obligations, soit au chapitre des successions,
mais qu'à tout événement il soit maintenu.
Le quatrième commentaire concerne la forme des testaments et se
divise en deux sections: d'abord, la nullité pour vice de forme et
ensuite, le testament devant témoin.
La nullité pour vice de forme touche particulièrement
l'article 765 du projet de loi, qui répugne vraiment aux puristes du
droit et particulièrement aux civilistes parce que le formalisme dans
les testaments a toujours été reconnu au Québec. Par cet
article, on ouvre une brèche excessivement importante au principe du
formalisme et à différents articles du projet de loi
lui-même.
L'article 764 énonce d'ailleurs dans son premier alinéa:
"Les formalités auxquelles les divers testaments sont assujettis doivent
être observées, à peine de nullité." On a
retranché le mot "absolue". J'en profite pour ouvrir une
parenthèse ici. Est-ce qu'on a voulu abolir la nullité absolue ou
si c'est simplement, encore une fois, une forme un peu moins
sévère de vocabulaire qu'on utilise? Vu qu'on peut difficilement
ratifier ou valider une nullité absolue, ce qui serait fait par
l'article 765, c'est peut-être pour cela qu'on a décidé
d'abolir le mot "absolue". On aimerait peut-être savoir si la
nullité demeure absolue ou si elle devient une nullité
relative.
À tout événement, avec cet article 765, on
enlève le principe de base de l'article 764, à savoir que les
formalités qui ne seraient pas observées rendraient nul le
testament. On va également à l'encontre de l'article 819,
deuxième alinéa, qui concerne la révocation des
testaments. Je vous en fais lecture: "La révocation contenue dans une
testament nul pour inobservation de quelque formalité obligatoire est
sans effet." Cela veut donc dire que dès qu'un testament est nul pour
vice de forme, la révocation qu'il contiendrait serait également
nulle. Donc, je pense qu'on veut quand même donner une certaine force
à ce formalisme des testaments, mais cet article 765 vient tout jeter
par terre en plus de laisser finalement aux tribunaux un pouvoir que l'on
considère peut-être un petit peu trop large, c'est-à-dire
qu'on pourrait refaire, par un échange de correspondance, par exemple,
le testament d'un individu en disant: Cela, oui, il a peut-être eu
l'intention de changer telle clause; cela n'est peut-être pas assez fort.
Enfin, cela laisserait au tribunal un pouvoir peut-être un peu trop
large. Donc, nous sommes d'avis que l'article 765 devrait être
retranché.
Je vous signale également que l'actuel article 892 du Code civil
du Bas-Canada, qui permet la révocation d'un testament par un simple
écrit, n'est pas reproduit dans le projet de loi 20. Est-ce qu'on a
voulu par cet article 765 faire revivre l'article 892, ce qui permettrait donc
une révocation par simple écrit? J'espère que non, parce
qu'en ce qui concerne la révocation des testaments le projet de loi 20
est quand même assez clair. La révocation d'un testament ne peut
se faire que par un testament postérieur; l'article 818 le dit
très bien. Alors, il ne faudrait pas qu'on fasse indirectement ce qu'il
nous est interdit de faire directement.
Deuxième partie de la forme des testaments: On a aboli une
disposition du droit actuel qui consiste à permettre à l'aveugle
et à l'illettré de faire un testament devant témoins. Je
ne sais pas si les membres de la commission ou les représentants du
ministère ont reçu beaucoup de plaintes à savoir que cela
pouvait nuire ou causer des injustices, mais les avocats du Barreau qui
faisaient partie de la sous-commission n'ont jamais vu de problème dans
leur pratique en ce qui concerne cette ouverture à l'illettré de
faire un testament devant témoins. Alors, nous suggérons que
l'article 852 du Code civil actuel - enfin, la disposition, peut-être pas
l'article proprement dit - soit maintenu de sorte que le testament d'une
personne qui ne peut ou ne sait lire puisse être fait devant
témoins, quitte à ce que cette forme de testament soit assujettie
à une obligation de la part d'un témoin de lire le contenu du
testament avant la signature.
Le cinquième commentaire touche la représentation en
matière testamentaire. C'est un problème énorme. D'abord,
c'est une modification au droit actuel qui est de taille. La
représentation, maintenant, par l'article 800 du projet de loi 20, est
permise en matière testamentaire, mais, malheureusement, on se
réfère aux articles de la représentation qui s'appliquent
dans une succession légale.
Or, vous constaterez à la lecture des cinq cas que nous avons
mentionnés dans le mémoire, aux pages 8 et suivantes, que
l'application pratique des articles 724 à 729, en matière
testamentaire, pose des problèmes. On m'a dit, ce matin, que cela
ne semblait pas en poser à ce point-là. J'aimerais bien,
si quelqu'un peut donner des réponses aux interrogations qu'on se pose,
connaître ces réponses, parce que... On peut vous donner un
exemple. Prenons le cas premier. Quelqu'un par testament fait de son fils le
légataire universel. Ce fils a deux frères. Le légataire
est prédécédé. En vertu des dispositions des
articles 724 et 725, la succession du fils irait à ses enfants, à
ses descendants, à l'infini, en vertu de l'article 725.
Par contre, quand on vient pour appliquer le deuxième
alinéa de l'article 725, cela ne va pas. Celui-ci dit qu'elle est admise
si les enfants du défunt - le défunt doit se lire le testateur -
concourent avec les descendants d'un enfant représenté. Ce n'est
pas le cas, ils ne concourent pas, ils ne sont même pas appelés
à la succession du testateur, seul est appelé l'enfant
prédécédé. Donc, ce membre de phrase ne peut pas
s'appliquer. (16 h 30)
Je continue: "Soit que, tous les enfants du défunt étant
décédés, inhabiles ou indignes, leurs descendants se
trouvent entre eux en degrés égaux ou inégaux." Ce n'est
pas le cas non plus. Les autres enfants du légataire ne sont ni
prédécédés, ni inhabiles, ni indignes. Alors, on
voit tout de suite une difficulté d'application en ce qui concerne la
représentation en ligne descendante.
Dans la ligne collatérale, à l'article 727, le
problème se pose également. L'article 734 nous dit: "Sont des
collatéraux privilégiés, les frères et soeurs du
défunt ainsi que leurs descendants au premier degré." Donc, les
neveux et les nièces.
Prenez un testateur qui lègue tous ses biens à sa
nièce qui, donc, est un collatéral privilégié. La
nièce en question prédécède. En vertu des principes
de la représentation, cela va à ses descendants au premier
degré uniquement. Encore là, cela va si on Ht la
définition, mais si on descend aux descendants au premier degré
de cette nièce on tombe dans la ligne collatérale ordinaire,
parce que cela arrête à la nièce, les
privilégiés. Est-ce qu'on peut passer des collatéraux
privilégiés aux collatéraux ordinaires comme cela? Cela
m'étonnerait. Donc, il y a un blocus.
Advenant même que ce soit permis, si on compare maintenant aux
collatéraux ordinaires, ceux-ci, en vertu de l'article 727, ne limitent
pas la représentation à un degré chez les descendants de
sorte que si le même testateur, au lieu de laisser ses biens à sa
nièce, les lègue à sa petite-nièce qui est sa
filleule, par exemple, et qui est à peu près sa seule famille qui
subsiste, cette petite nièce, si elle prédécède,
pourra voir ses biens légués passer à tous ses descendants
à l'infini, parce qu'on ne mentionne pas de limite dans la
représentation chez les descendants d'un collatéral ordinaire.
C'est assez bizarre de voir que chez la nièce, cela se limite au premier
degré quant à ses descendants, alors que chez la
petite-nièce, cela peut aller à l'infini. Il y a sûrement
un trou quelque part.
Le vocabulaire, également, n'est peut-être pas exact quand
on utilise les termes "en ligne collatérale, la représentation a
lieu". La représentation n'a pas lieu en ligne collatérale, la
représentation a toujours lieu entre un ascendant et un descendant, elle
n'a pas lieu par rapport au testateur en ligne collatérale. C'est quand
le legs est fait à un collatéral que la représentation a
lieu et celle-ci se fait en ligne descendante et non pas en ligne
collatérale. Il y aurait peut-être lieu de modifier le vocabulaire
pour le préciser.
Donc, je vous laisse le soin de lire les autres cas qui sont
mentionnés dans le mémoire. Tout ce qu'on peut demander en
conclusion de cela, c'est que des dispositions spécifiques soient
reprises dans le chapitre traitant des testaments pour prévoir la
représentation, auquel cas le défunt dont on parle aux articles
724 et suivants deviendrait le testateur et la personne
représentée serait, évidemment, le légataire. Donc,
la représentation aurait lieu chez les descendants du légataire
prédécédé.
Il y a aussi la solution qui est proposée dans la loi ontarienne.
M. le ministre faisait allusion, ce matin, au fait qu'on aimait beaucoup se
référer à la loi ontarienne; on s'y réfère
encore. La solution proposée dans la loi ontarienne...
M. Johnson (Anjou): C'est pour le Parti libéral que je
disais cela. Vous ne vous sentiez pas visée, je l'espère.
Le Président (M. Gagnon): Me
Vadboncoeur, vous avez toujours la parole.
Mme Vadboncoeur: Merci. Donc, la solution apportée...
M. Leduc (Saint-Laurent): ...comparé à l'Ontario
qu'à Terre-Neuve.
Mme Vadboncoeur: Oui, surtout le Barreau. La solution
apportée, donc, par la loi ontarienne pose le principe suivant. À
l'égard, quand même, d'un parent - il ne faudrait pas que la
représentation s'applique à un étranger...
Là-dessus, je dois souligner que les amendements apportés
récemment par le ministère règlent, en tout cas en partie,
le problème. C'est clair que la volonté du législateur
veut que la représentation ne s'applique que dans la parenté.
Dans la loi ontarienne, on considère que le légataire qui est
prédécédé a survécu et le légataire
parent du défunt, évidemment, a survécu quelques instants
au
testateur et on considère aussi que, par une fiction juridique,
lui-même serait mort sans conjoint et sans testament. Alors, la
dévolution n'est peut-être pas tout à fait pareille, mais
c'est une deuxième solution qui pourrait être
envisagée.
Le sixième commentaire touche les clauses de viduité. On
n'a pas reproduit dans le projet de loi 20 l'article 801 du projet de loi 107
sur lequel on avait fait en 1985 des représentations. Le projet de loi
prévoyait à ce moment-là que les clauses testamentaires
limitant aux cas de remariage les droits du conjoint survivant étaient
sans effet. On s'était dit favorable à cet article-là. Par
contre, le deuxième alinéa enlevait tout son sens à ce
principe disant que le testateur pouvait stipuler que le conjoint survivant
pouvait recevoir pendant viduité une rente, une pension ou, enfin, toute
autre forme de bénéfice. On s'était évidemment
prononcé contre ce deuxième alinéa.
On constate cependant que le projet de loi 20 n'a pas repris ce principe
d'interdiction. Le Barreau est d'avis que ce principe devrait être
reproduit dans le projet de loi 20 et, d'ailleurs, non seulement en faveur du
conjoint survivant, mais en faveur de tout légataire. Pourquoi, en vertu
de quel droit, un testateur pourrait-il se permettre de ne faire
bénéficier son légataire que s'il conserve le statut civil
qu'il a au moment où la succession s'ouvre à son
égard?
M. Johnson (Anjou): Les articles 10 et 13.
Mme Vadboncoeur: II pourrait même y avoir une
discrimination de la part du testateur en fonction du statut civil s'il dit:
Vous n'aurez plus droit à tel revenu si vous vous remariez, si vous
divorcez ou, enfin... Donc, peut-être que, par la charte, ce genre de
clause pourrait être aboli, annulé, mais il serait peut-être
prudent, comme le Code civil le fait d'ailleurs au niveau du droit des
personnes, de reproduire cet article dans le Code civil. Le Code civil, pour le
droit des personnes, reproduit certains articles majeurs de la Charte des
droits et libertés de la personne quant aux droits et libertés de
la personne à l'intégrité physique, etc. On ne voit pas
pourquoi il n'y aurait pas un article dans le Code civil, dont on vous
suggère d'ailleurs une formulation qui pourrait se lire comme suit: "La
disposition testamentaire limitant, au cas de changement à son statut
civil, les droits du légataire est sans effet."
M. Plamondon (Luc): Excusez-moi, je voudrais faire une
intervention.
Mme Vadboncoeur: Nomme-toi!
M. Plamondon: Luc Plamondon. Je voudrais simplement rappeler - et
vous me pardonnerez de mentionner cette personne dans cette salle, que M.
Wilson, le ministre fédéral des Finances, dans son dernier
budget, a annoncé que, dans les régimes de pension assujettis
à la législation fédérale, les clauses de
viduité allaient être interdites. Je pense que cette intervention
se situe dans cette même ligne de pensée.
Le Président (M. Gagnon): Me
Vadboncoeur.
Mme Vadboncoeur: Le septième commentaire concerne la
nullité de certains legs. On se réfère
particulièrement à l'article 812.1 qui a été
ajouté par les derniers amendements apportés par le
ministère. Cet article reproduit, en substance, l'article 155 de la Loi
sur les services de santé et les services sociaux. Évidemment, on
est d'accord avec le but social poursuivi par cet article. Mais vous
constaterez, à la lecture de nos commentaires, qu'on s'interroge un peu
sur l'oubli volontaire que la loi fait par rapport à certaines personnes
qui peuvent avoir soin, et de bonne foi, de personnes malades, depersonnes âgées, pour lesquelles une infirmière, une
travailleuse sociale, enfin, une pure étrangère peut être
l'unique source de réconfort. Cette personne-là ne pourrait pas
être avantagée par le testament de la personne êgée
ou de la personne malade. On se demande s'il n'y aurait pas lieu d'ouvrir un
petit peu, soit par une présomption - on n'a pas pris position
d'ailleurs en faveur de qui cette présomption pourrait jouer, je laisse
cela au législateur - de laisser une porte ouverte à ces cas qui,
vraiment de bonne foi, mériteraient d'être avantagés, si
c'est le désir du testateur.
Le huitième point concerne la révocation du testament.
L'article 816 du projet de loi permet de révoquer - non seulement il
permet, mais il affirme qu'un mariage révoque - le testament
antérieur qui a été fait. Ce genre de disposition
répugne un peu à nos moeurs juridiques, particulièrement
en ce qui concerne les enfants. On parlait ce matin de la réserve
héréditaire et je pense que c'est le député de
Sainte-Anne qui demandait ce qu'il arrive dans le cas des enfants. Ici, c'est
un petit peu le même principe. On ne peut pas demander au citoyen
ordinaire de tout connaître dans la loi, ce n'est pas vrai. Même si
le principe dit que nul n'est censé ignorer la loi, il ne faut pas se
faire d'illusion, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas tout le monde qui fait des
testaments mais ceux qui en font le font parce qu'ils pensent qu'un testament
veut dire quelque chose. Or, cette personne-là, au bout de quelques
années, décide de se remarier, par exemple après quelques
années de veuvage ou après un divorce, et sans qu'elle le sache,
les
dispositions testamentaires qu'elle a faites à l'égard de
ses enfants par exemple, sont complètement mises de côté.
Les enfants ne le savent pas, le testateur ne le sait pas, personne ne le sait
et, s'il n'a pas fait de testament après cela, on se retrouve avec rien,
peut-être une succession ab intestat. Cela nous met vraiment mal à
l'aise par rapport aux droits des enfants et par rapport à la cellule
familiale que le législateur a pourtant voulu privilégier dans la
réforme du droit de la famille.
De plus, Il y aurait peut-être des problèmes qui se
poseraient aux tiers de bonne foi. Malgré un article du projet de loi,
l'article 678, qui dit que "les actes d'aliénation à titre
onéreux à l'héritier apparent, au profit d'un tiers de
bonne foi, sont opposables à l'héritier véritable", il y a
quand même un certain courant de doctrine et de jurisprudence qui dit
que, le mariage étant un acte public, on ne peut pas appliquer la bonne
foi à un tiers dans le cas d'un mariage, étant donné que
c'est un acte public et qu'il devrait normalement en avoir connaissance. Donc,
l'article 678 ne s'appliquerait peut-être pas au tiers de bonne foi qui
aurait fait une transaction à cet égard.
Il faut aussi ajouter l'argument qu'en vertu du projet de loi, le
nouveau conjoint a des droits qui sont exprimés dans les articles 703 et
suivants et qui concernent l'obligation alimentaire. Donc, si le testament
antérieur demeure, cela n'empêche pas le nouveau conjoint de
s'adresser au tribunal si jamais il n'y a rien qui joue en sa faveur et de
faire valoir ses droits. Il n'y a aucune raison finalement qui pourrait
justifier la révocation du testament antérieur par le nouveau
mariage.
Le neuvième commentaire concerne la modification du régime
de liquidation, par l'article 831. L'article 831 du projet de loi est un
article qui a voulu permettre au testateur d'inclure dans son testament des
clauses pouvant sûrement accentuer ou étendre les pouvoirs du
liquidateur et également les restreindre. Mais on dit qu'une clause ne
peut pas avoir pour effet de restreindre les pouvoirs du liquidateur.
Maintenant, ce sont les droits et obligations, je pense, du liquidateur de
façon à... Oui c'est cela... (16 h 45)
Une voix: Empêcher un acte nécessaire.
Mme Vadboncoeur: ...empêcher un acte nécessaire
à la liquidation. La sous-commission du Barreau s'est posé la
question: Qu'est-ce qu'un acte nécessaire à la liquidation? On ne
le sait pas. Est-ce que, par exemple, en vertu de l'article 860 qui est
prévu au projet de loi, un testateur pourrait prévoir un mode
d'aliénation immobilière autre que le mode prévu au
Code de procédure civile? Le testateur, en faisant cela,
restreindrait les obligations du liquidateur mais pourrait prévoir un
mode d'aliénation qui serait beaucoup plus rapide, moins coûteux
et plus rentable pour la succession. L'article 860, tel qu'il est
rédigé, sème des doutes, en tout cas, quant à la
possibilité du testateur de pouvoir prévoir un tel mode
d'aliénation, que ce soit de gré à gré ou
autrement.
Alors, on ne sait pas exactement ce qu'implique l'article 831,
jusqu'où le testateur peut limiter le formalisme des fonctions du
liquidateur et ce qu'un acte nécessaire à la liquidation
prévoit. Il y aurait lieu d'apporter des amendements à ce sujet.
Est-ce que, par exemple, le testateur pourrait changer l'ordre de paiement des
créanciers par une clause? On ne le sait pas. Cela prendrait
sûrement des précisions.
Enfin, le dixième point de no3 commentaires concerne le recours
des créanciers inconnus. Le liquidateur a pour fonction de payer les
dettes de la succession, de payer les légataires particuliers et, par la
suite, faire la distribution aux héritiers. On prévoit, par
contre, dans le projet de loi, que les créanciers et légataires
particuliers demeurés inconnus peuvent revenir et demander d'être
payés. Cela ne pose pas de problème comme principe sauf que ce
sont les autres qui ont été payés avant qui auront le
fardeau de la preuve alors que cela devrait, selon nous, être aux
créanciers qui reviennent après que les paiements ont
été faits régulièrement, de prouver qu'ils sont
titulaires d'un droit. Ils réclament l'exercice d'un droit, mais qu'ils
prouvent ce droit-là. Donc, le fardeau de la preuve devrait leur
incomber et non pas incomber à ceux qui ont déjà
été payés. Après tout, c'est le liquidateur qui
paie, ce n'est pas les héritiers qui se sont payés
eux-mêmes. Alors, les héritiers qui ont déjà
été payés n'ont pas à prouver que ce n'est pas par
un manque de diligence, etc. Ce sont ceux qui reviennent plus tard qui ont
à prouver leur droit.
Maintenant, l'article 679 du code actuel prévoit un délai
de prescription de trois ans à la suite de ce qu'on appelle la
décharge. Le projet de loi 20 ne prévoit aucun délai. Il y
aurait peut-être lieu également de prévoir un délai,
parce que vous pouvez vous imaginer une succession réglée, toute
finie et, 20 ans après, quelqu'un revient et dit: J'avais droit à
telle chose. Je comprends qu'il y a les dispositions qui concernent les
héritiers apparents, à l'article 178 sur les tiers de bonne foi,
mais je pense qu'il y aurait lieu, quand même, de prévoir un
délai après lequel les créanciers et les légataires
particuliers perdraient leur recours.
La deuxième partie concerne certains amendements techniques. Je
passerai rapidement parce que certains de ces amendements reprennent ou
suggèrent des
modifications législatives à la suite des commentaires
généraux, sauf le premier, par exemple, l'article 663, qui
concerne les codécédés. L'article 663, tel que
rédigé au projet de loi, implique une réciprocité.
Donc, il faut que les deux personnes qui codécèdent soient
appelées à la succession l'une de l'autre. C'est du moins ce
qu'on comprend de la rédaction actuelle. Or, il peut arriver qu'une
personne sur deux ait fait un testament en faveur de l'autre et que l'autre
n'ait pas justement de testament. À ce moment-là, on voudrait que
la présomption s'applique également à ce cas-là.
C'est pourquoi on suggère que le premier alinéa se lise comme
suit: "Les personnes qui décèdent sans qu'il soit possible
d'établir laquelle a survécu à l'autre sont
réputées codécédées si au moins l'une
d'entre elles est appelée à la succession de l'autre."
L'article 665, on en a parlé tout à l'heure, c'est le
fameux legs qui est destiné à la fiducie et non au
bénéficiaire. Après la page 20, à l'article 703,
c'est simplement un commentaire. Le Barreau ne voudrait pas que l'article 703
fasse en sorte de faire naître de nouveaux droits à l'ex-conjoint
par rapport à ceux qu'il avait au moment du décès. Je
m'explique. Le conjoint divorcé qui n'a jamais eu de pension
alimentaire, par le simple fait du décès, pourrait-il revenir,
faire naître un nouveau droit en disant: Maintenant, mon ex-conjoint est
décédé et mon droit n'a pas été
exercé avant mais peut l'être en vertu de l'article 703, parce
qu'on dit "encore que le droit n'a pas été exercé au
moment du décès". On voudrait être bien sûr que ce
droit - le droit aux aliments - existait au moment du décès et
que cette personne aurait eu droit à des aliments si le testateur avait
survécu. Il ne faudrait pas que cela crée du droit nouveau.
À l'article 730, on suggère un amendement au
deuxième alinéa. Qu'il soit remarqué que,
déjà, l'amendement qui a été apporté
à cet article par les représentants du ministère
améliore grandement l'article 730, tel qu'il était
rédigé dans le projet de loi. Maintenant, l'amendement fait en
sorte que le conjoint recueille la moitié quand il y a un seul
descendant et qu'il recueille le tiers quand il y a plus d'un descendant.
Là-dessus, comme la Chambre des notaires, on est d'accord que le
conjoint recueille, dans tous les cas, la moitié des biens et qu'il n'y
ait pas de différence rattachée au nombre de descendants.
À l'article 757, c'est une modification purement technique, je
passe par-dessus.
À l'article 764, j'en ai parlé tout à l'heure,
c'est l'abolition du mot "absolue". On s'interroge sur ce que les
rédacteurs ont voulu dire par l'abolition du mot "absolue". Est-ce qu'on
en fait une nullité relative ou si cela demeure une nullité
absolue mais sans qu'on le dise? Il faudrait le savoir.
L'article 765 reprend ce qu'on avait dit tout à l'heure. On veut
évidemment le voir retranché parce que cela va à
l'encontre du formalisme des testaments.
À 778, on suggère que cet article contienne la
réserve qui est contenue à l'article 844 du Code civil du
Bas-Canada, c'est-à-dire que, pour le testament devant témoin, si
les deux conjoints sont témoins ensemble, on pense qu'il y aurait un
risque de collusion et que l'article actuel du Code civil pourrait être
maintenu à cet égard. Devant un testament notarié, cela ne
pose pas de problème, parce qu'il y a un seul témoin et le
notaire. Mais le testament devant témoin implique deux témoins
sans aucun officier de la justice, il pourrait donc y avoir risque de collusion
et on demande de remettre cette réserve.
À l'article 780, on en a parlé tout à l'heure, il
s'agit de l'illettré ou de l'aveugle.
À l'article 790, on suggère un amendement au
deuxième alinéa qui serait plus conforme, disons, au nouvel
esprit des successions. Le nouveau droit des successions implique une
responsabilité limitée des héritiers, ce qui est
évidemment très nouveau, au point de vue de la philosophie. C'est
bizarre qu'on retrouve à cet égard, à l'article 790, que
le légataire particulier est tenu des obligations du défunt sur
les biens, si les autres biens de la succession ne suffisent pas à payer
les dettes. Alors que le principe n'est pas retenu pour le légataire
universel, ni pour l'héritier d'une succession ab intestat, on dit qu'il
n'est pas tenu des obligations, il n'est pas saisi des obligations du
défunt; ou, par exception, il peut être tenu jusqu'à
concurrence de la valeur des biens reçus. On pose le principe inverse
pour le légataire particulier. Or, on suggère une nouvelle
formulation qui serait plus conforme au nouvel esprit du droit des
successions.
L'article 816 concerne la révocation du testament par mariage. On
en a parlé tout à l'heure. On voudrait donc que cet article soit
retranché.
Aux articles 859 et 860, on pose des questions que j'ai
énumérées tout à l'heure par rapport à
l'article 831: Qu'est-ce que le testateur peut faire? Qu'est-ce qu'il peut
permettre au liquidateur? Qu'est-ce qu'il peut ne pas permettre? On reprend
l'exemple de la vente d'immeubles.
À l'article 868, on fait un commentaire ici, à savoir que
les créanciers d'aliments qui sont mentionnés à l'article
868 ne doivent concerner que les créanciers d'aliments prévus
à l'article 703 du projet de loi et non pas les autres créanciers
d'aliments, qui doivent venir avec les autres créanciers. Il faudrait
peut-être que ce soit plus clair. Les aliments ont été
interprétés par la jurisprudence de façon assez large.
Donc, l'article 868, quant au rang, doit être clair à ce 3ujet,
pour dire que les créanciers
d'aliments ne visent que ceux qui sont mentionnés à
l'article 703.
Enfin, l'article 873 reprend le commentaire que j'ai fait tout à
l'heure, à l'effet de redonner aux créanciers retardataires le
fardeau- de preuve et à reproduire un délai de prescription pour
les recours.
C'est l'essentiel de notre mémoire, M. le Président, M. le
ministre, madame et MM. les députés. Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Me Vadboncoeur. M. le
ministre.
M. Johnson (Anjou): Merci, Me Vadboncoeur et vos collègues
du Barreau. Comme nous avons pris connaissance du mémoire du Barreau
à compter de ce matin seulement et comme nous avions aussi à
écouter attentivement la Chambre des notaires du Québec, on
comprendra que nos réactions sont essentiellement préliminaires.
Je demanderai d'ailleurs, en cours de route, que Me Charbonneau, Me Cossette et
Me Longtin, et peut-être d'autres selon le cas, nous aident un peu
à réagir à certaines choses.
Vous avez soulevé un certain nombre de difficultés,
certaines absolument réelles, auxquelles on pourra répondre par
un certain nombre d'amendements, d'autres qui relèvent peut-être
essentiellement d'une question d'interprétation. Je crois comprendre que
votre sous-commission au Barreau a cherché des réponses, et
qu'à l'occasion, elle n'en a pas trouvé. Peut-être qu'on
peut l'aider dans certains cas, tant mieux; dans d'autres cas, vous nous aurez
sans doute mis la puce à l'oreille ou le doigt précisément
sur les choses à corriger.
D'abord, quant à la notion de "réputé" et
"présumé", l'utilisation qui en est faite et, je crois avec les
amendements, de façon systématique, permet d'indiquer s'il s'agit
d'une présomption irréfragable ou d'une présomption qui
permet une preuve contraire. C'est, en tout cas, l'objectif qui est
recherché, y compris les amendements du mois de mai. Les articles 711 et
807 créeraient donc des présomptions simples.
Quant à ce que vous évoquez dans votre document autour des
mots "censé" et "considéré", peut-être que ce serait
intéressant de vous entendre là-dessus, à moins que vous
ne le considériez autrement pour prendre le mot
"considéré". Il s'agit moins de présomption que
d'assimilation de concepts sur le plan du sens des mots. Je crois qu'il y a
là une nuance qui permet de répondre à votre
préoccupation.
Le successible et la fiducie, je crois que c'est une suggestion
extrêmement intéressante. On va effectivement l'examiner. Comme on
entame les successions à compter de lundi prochain, on va travailler en
fin de semaine pour vous dresser un document plus court. La renonciation
à une succession non ouverte, article 1061 du Code civil du Bas-Canada,
va être prise dans le livre des obligations. (17 heures)
Quant à la forme des testaments, ce que le projet de loi fait,
c'est qu'il apporte une forme d'adoucissement à la rigidité
formelle du droit actuel en matière testamentaire, en permettant aux
tribunaux, en fait, de passer outre à un défaut de forme lorsque
l'écrit contient, de façon certaine et non équivoque, la
volonté du défunt. En ce sens, je crois qu'on s'est
inspiré aussi d'une certaine largeur, notamment dans le "common law",
à ce sujet.
Quant à votre suggestion sur les testaments devant
témoins, nous la considérons d'autant plus qu'on l'avait fait
sauter au moment où on croyait introduire les vidéocassettes et
autres qui, comme vous le savez, ont sauté quelque part entre
l'avant-projet et le projet que vous avez critiqué. Effectivement, la
réponse pour les personnes étant affectées d'une condition
qui leur permettait de bénéficier du testament devant
témoins, la réponse à cela étant dans ce qu'on a
fait sauter, effectivement, je pense qu'il faut reconsidérer cette
question.
Sur les clauses de viduité, je vais vérifier
l'harmonisation du discours du ministre des Finances du Québec avec
celui du fédéral. Par ailleurs, on peut considérer que la
notion de discrimination en fait, en fonction du statut, serait couverte par la
Charte des droits et libertés de la personne, aux articles 10 et 13. Je
crois qu'il faudra qu'on se fasse une idée sur le fait si on l'inclut ou
non dans le Code civil. Comme on a choisi de le faire dans le cas de
l'intégrité de la personne, est-ce qu'on doit le faire au
chapitre de la discrimination? Je sens qu'on va avoir quelques débats
cosmiques autour de cette question sur la relation entre la Charte des droits
et libertés de la personne et le Code civil. C'est une harmonisation qui
n'est pas facile. Vous comprendrez, d'ailleurs, qu'on ne tient pas
particulièrement à avoir une deuxième charte par-dessus
cela, mais cela concerne un autre ministère.
Sur le septième point qui touche les personnes en situation de
captation, tout en étant conscient qu'on ne peut pas tenir pour acquis
que le personnel des centres d'accueil, des hôpitaux, les gens qui
s'occupent notamment des personnes âgées en situation de plus
grande fragilité quant à l'influence qui peut être
exercée sur elles, ce sont des gens qui en abusent. Cependant, le
ministère des Affaires sociales a jugé bon - et je pense qu'il
l'a considéré au moins deux fois, si je ne me trompe pas, dans un
historique récent - de l'inclure dans ses lois. Cela aurait normalement
dû être dans le Code
civil. Ce que le ministère de la Justice a fait, c'est qu'il a
intégré cette préoccupation du ministère des
Affaires sociales. Quant à la perception, est-ce qu'elle est bien
fondée? Il est extrêmement difficile de l'évaluer, mais la
prudence a amené le ministère des Affaires sociales à
vouloir intégrer les dispositions de l'article 155 au chapitre S-5 et,
je dirais, un peu par analogie comme certaines choses qui se faisaient par des
gens qui avaient d'autres occupations dans notre société il y a
50 ans. Je tiens compte de vos remarques, mais je tiens compte aussi de la
prudence que le ministère des Affaires sociales veut qu'on exerce dans
ce domaine.
Quant à la révocation des testaments antérieurs au
mariage, l'article 816... C'est bien cela?
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Johnson (Anjou): La loi ontarienne prévoit, puisque
vous y référez, aux articles 15 et 16 de la "Succession Law
Reform Act" de 1980, au chapitre 488, ce que notre texte reproduit, pour
l'essentiel. On s'en est plus que largement inspiré.
Cela dit, vous avez quand même soulevé, je crois, avec une
certaine passion dans votre mémoire, même si ce n'était pas
dans votre exposé, cette question de la présomption de la
connaissance, finalement, que l'effet d'un mariage subséquent à
la suite d'un veuvage ou d'un divorce, soit de déshériter ses
propres enfants. Je dois avouer que c'est une remarque qui m'ébranle,
mais -et j'aimerais entendre vos réactions là-dessus - est-ce que
la succession légale ne pallie pas assez largement cela? Je vous vois
faire non. J'ai hâte de vous entendre.
Quant à la liquidation dont il est question à l'article
831, le problème de l'énumération m'apparaît
considérable. Il y a beaucoup de situations qui peuvent être
couvertes, alors c'est tout le problème du caractère limitatif
des énumérations. D'autant plus qu'il y a plusieurs dispositions
qui peuvent être nécessaires et d'autres qui risquent de ne pas
l'être dans certaines liquidations. Il faudrait peut-être voir que,
dans les cas où tous les héritiers peuvent dispenser de la
liquidation d'une formalité, le testateur le pourrait aussi. Mais, on
prend note, on va être occupés en fin de semaine.
Quant aux créanciers inconnus, est-ce que vous verriez que
l'introduction d'une prescription serait la solution? Et si oui, de quelle
nature?
Mme Vadboncoeur: Et le renversement du fardeau de preuve!
M. Johnson (Anjou): Et le renversement du fardeau de preuve!
Maintenant, sur les cas que vous avez soulevés, avec les a, b et
c et avec les collatéraux privilégiés et non
privilégiés, je dois vous avouer que je n'ai pas le schéma
dans la tête. Je vais demander à Me Charbonneau qui, je pense, a
fait un diplôme en informatique aussi, de nous aider à discuter de
chacun des cas que vous avez soulevés.
Le Président (M. Gagnon): Je... M. Johnson (Anjou):
Pardon?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, si la commission
est d'accord... Parce que lorsqu'on reçoit des invités, je veux
bien donner le droit de parole à tous ceux qui entourent la table, mais
on risque de vous retenir assez longtemps.
M. Johnson (Anjou): Est-ce que la commission consentirait,
particulièrement sur la dimension de l'ouverture de la succession ab
intestat, on parle et je pense qu'en lisant les exemples on se rend compte de
la complexité des cheminements qu'on essaie de retrouver, alors qu'en
principe les réponses sont très simples, c'est presque de l'ordre
des mathématiques. Mais ce qu'on nous dit, c'est qu'on ne sait pas si
c'est en chiffres romains ou en chiffres arabes. J'aimerais bien, si la
commission y consentait, que Me Charbonneau, qui a de l'expertise dans ce
domaine, nous éclaire quant à la valeur des exemples qu'on
retrouve dans le document du Barreau.
Le Président (M. Gagnon): On ne semble pas avoir
d'objections? Vous êtes d'accord? Alors, ça va.
M. Charbonneau (Pierre): D'accord. Concernant les
difficultés que vous souleviez, il faudrait clairement établir,
au départ, certains points. L'article 800, lorsqu'il stipule que la
représentation a lieu dans les successions testamentaires de la
même manière et en faveur des mêmes personnes que dans les
successions ab intestat, ne vient pas simplement indiquer que la
représentation joue désormais aussi dans les successions
testamentaires, sans plus. Les mots "de la même manière" renvoient
aussi aux règles de fond de la représentation des successions ab
intestat. Ils impliquent donc nécessairement que la
représentation n'aura lieu qu'en faveur des seules personnes qui peuvent
prendre la place du légateur à la succession du défunt en
vertu de ces règles de représentation. Ces personnes sont les
descendants du défunt et ses collatéraux. Conséquemment,
la représentation dans les successions testamentaires n'aura lieu que si
le legs est fait aux descendants du testateur ou à ses
collatéraux puisque seuls ces ordres successibles donnent lieu à
la représentation en succession ab intestat. Dans tous les
autres cas prévus, la représentation n'aura pas lieu.
Par exemple, si c'est un legs qui est fait en faveur d'un
étranger, du conjoint, d'un ascendant ou d'un collatéral
ordinaire qui ne descend pas d'un collatéral privilégié,
les règles normales de la caducité vont alors s'appliquer et,
sous réserve de l'accroissement possible en présence de
colégataires, vont attribuer le legs aux héritiers légaux
du testateur, suivant les règles de la dévolution
légale.
La position que semble aborder le Barreau s'insère, me
semble-t-il, dans un cadre un peu différent. Son cheminement, de
même que la solution qu'il préconise, du moins la solution
ontarienne, dépasse le simple cadre de la représentation, mais
déborde sur celle plus verbale de la dévolution du legs. À
défaut du légataire de pouvoir recueillir le legs, celui-ci
devrait être dévolué à ses héritiers
légaux comme si le légataire avait survécu au testateur.
Or, sans discuter de la valeur de cette approche pour l'instant, on peut quand
même souligner qu'elle va au-delà des objectifs visés,
lesquels consistaient essentiellement à établir un certain
parrallèle entre les règles de dévolution légale et
les règles de dévolution testamentaire et aussi à
supprimer les conséquences actuelles qui résultent de l'existence
des règles différentes à cet égard.
Actuellement, un testateur peut facilement croire à une
similitude des règles et penser que s'il lègue, par exemple, tous
ses biens à ses trois filles et que l'une d'elles le
prédécède, la part de celle-ci ira à ses
descendants à elle et non à ses soeurs. C'est là que, afin
d'éviter de telles erreurs, le projet de loi a voulu établir un
certain parrallèle des règles en cette matière et c'est
dans cette optique que doit être envisagé l'article 800.
Maintenant, dans les cas que vous souleviez, les cas précis qui
ont été soulevés dans votre mémoire, si on prend
l'exemple du cas 1, 'je crois qu'effectivement, il y aurait possibilité
éventuellement de modifier l'article 725 pour le clarifier afin de
permettre de couvrir aussi les autres enfants, de prévoir que les autres
enfants du défunt, en plus du prédécès, de
l'inhabilité ou de l'indignité, le fait que les autres enfants du
défunt n'étaient pas appelés à sa succession
testamentaire. Il y aurait peut-être une précision à
apporter dans ce sens-là à l'article 725, pour que cela soit
concordant.
Dans le deuxième cas que vous soulevez, en fait, les
difficultés que vous soulevez résultent d'une
interprétation douteuse à l'article 724. Les descendants, dans
l'hypothèse que vous mentionnez, ne peuvent représenter, avec
l'article 724, le défunt à la succession du légataire. On
peut représenter l'ascendant à la succession du défunt
mais non le défunt à la succession du légataire qui se
trouve à être ascendant. Donc, ce cas-là n'est pas...
M. Johnson (Anjou): Me Charbonneau, pourriez-vous juste
recommencer ce bout-là?
M. Charbonneau (Pierre): Sur le cas no 2?
M. Johnson (Anjou): Au sujet de l'article 724.
M. Charbonneau (Pierre): Au sujet de l'article 724, si on regarde
l'exemple qui est donné au cas 2, les descendants, dans l'exemple
mentionné, le Barreau leur permet de représenter le défunt
à la succession du légataire alors que l'article 724...
M. Cossette (André): ...le légataire à la
succession du défunt.
M. Charbonneau (Pierre): ...finalement permet de
représenter l'ascendant à la succession du défunt. Alors,
si on représente le défunt à la succession du
légataire, ce n'est pas une situation qui est visée à
l'article 724.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. Vous voulez...
M. Charbonneau (Pierre): Non.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous voulez avoir
immédiatement le...
M. Johnson (Anjou): Je pense que cela vaudrait la peine d'avoir
une précision là-dessus...
Le Président (M. Gagnon): Voilà.
M. Johnson (Anjou): ...pour qu'on se comprenne bien sur les
concepts et l'interprétation de l'article 724.
Le Président (M. Gagnon): Me
Vadboncoeur.
Mme Vadboncoeur: Si vous me le permettez, si on lit l'article
724, il dit: "La représentation est une faveur accordée par la
loi en vertu de laquelle un parent - on ne sait lequel encore - est
appelé à recueillir une succession qu'aurait recueillie son
ascendant" - l'ascendant, dans ce cas-là...
M. Charbonneau (Pierre): Mais là vous arrivez
nécessairement...
Mme Vadboncoeur: Mais enfin... Le légataire.
M. Charbonneau (Pierre): Mais c'est...
Mme Vadboncoeur: Parent moins éloigné du
défunt, c'est le cas, qui étant
prédécédé, codécédé, ne peut
le recueillir lui-même. Donc, la succession serait normalement recueillie
par l'ascendant, qui est le père, mais vu qu'il est
prédécédé, cela va à ses descendants
à l'infini en vertu de l'article 725. Est-ce qu'on se comprend?
M. Chabonneau (Pierre): Non, quand vous dites: Une succession
qu'aurait recueillie son ascendant, là immédiatement, vous placez
le défunt à la place de l'ascendant. Parent moins
éloigné du défunt, le défunt, c'est le
représenté dans votre esprit.
Mme Vadboncoeur: Non, le défunt, c'est le testateur.
M. Charbonneau (Pierre): D'accord.
Mme Vadboncoeur: Le prédécédé, c'est
le légataire.
M. Charbonneau (Pierre): Oui.
Mme Vadboncoeur: II faut se comprendre.
M. Charbonneau (Pierre): C'est cela.
Mme Vadboncoeur: Ce serait bien plus simple s'il y avait des
règles précises au chapitre des testaments.
M. Charbonneau (Pierre): Disons qu'on pourrait évaluer
toutes les situations globales.
Mme Vadboncoeur: On se comprendrait bien plus. (17 h 15)
M. Barbeau (Daniel): Me Vadboncoeur. Daniel Barbeau. Je voudrais
juste apporter une précision à ce sujet-là. Si je
comprends l'intervention de Me Charbonneau qui dit que le principe de base,
c'est qu'en matière de succession testamentaire, ce sont les mêmes
cas de représentation qui doivent exister qu'en matière de
succession ab intestat, ni plus ni moins, je suppose qu'il se
réfère à l'article 726 qui dit: "La représentation
n'a pas lieu en faveur des ascendants." Ce n'est pas le cas qui est
soulevé dans l'exemple no 2. Ici, on n'essaie pas de faire jouer la
représentation en faveur des ascendants. Le représenté ne
sera pas ici un ascendant. Ce n'est pas le grand-père qui va
venir recueillir à la place du père. C'est un descendant du
père qui va venir recueillir à cause des règles
énumérées aux articles 724 et 725 qui parlent de ligne
directe descendante.
Nous sommes entièrement d'accord avec le but visé par la
sous-commission, à savoir qu'en matière de succession
testamentaire, il doit y avoir représentation. Où on accroche,
c'est dans la terminologie. Cela ne fonctionne pas. Dans un premier temps, on
disait "dans la même manière" et on a ajouté les mots
"à l'égard des mêmes personnes". Encore là, cela ne
fonctionne pas. Quand on essaie de faire le parallèle, il y a des points
qui sont loin d'être clairs. Comme l'expliquent les autres exemples
également, comme dans l'article 727, on ne peut pas suivre par analogie,
on ne peut pas appliquer mutatis mutandis ces articles sans qu'il y ait lieu de
faire des modifications. Je pense que l'exemple no 2 tient...
M. Charbonneau (Pierre): Je voudrais simplement
préciser...
Le Président (M. Gagnon): Cela va.
M. Charbonneau (Pierre): ...que quand vous dites que les
descendants viennent à la succession du père qui est
légataire, nécessairement, le représenté, dans
votre esprit, c'est le défunt. Le descendant représente le
défunt à la succession du légataire.
M. Barbeau: Non. Le représenté, c'est le
légataire. Le testateur, c'est le défunt.
M. Charbonneau (Pierre): Vous faites jouer la
représentation en la faisant remonter.
M. Barbeau: Non, on va au légataire. Le légataire,
dans ce cas, c'est le père et le père a des descendants.
Mme Vadboncoeur: La représentation, Me Charbonneau, joue,
en matière testamentaire, en faveur des descendants du légataire,
sinon, on n'a rien compris.
M. Barbeau: Toujours.
M. Charbonneau (Pierre): C'est essentiellement là-dessus
qu'on voulait s'entendre.
Mme Vadboncoeur: La définition de l'article 724 dit que la
représentation ne joue qu'en faveur des descendants d'un enfant
prédécédé.
M. Charbonneau (Pierre): Essentiellement, oui.
Mme Vadboncoeur: Dans ce cas-ci, si on transpose en
matière testamentaire, le défunt, c'est le testateur. Il
lègue tous ses biens à M. X, cela peut être son
père, sa soeur, son fils ou son cousin. Quand on parle de la personne
prédécédée, c'est le légataire. En
matière de testament fait à mon père, par exemple, c'est
le légataire qu'il faut considérer comme
prédécédé. Si mon père
me prédécède, la représentation va jouer en
faveur de ses descendants, moi, je serai morte, évidemment. Donc, cela
irait à mes enfants, en ce qui me concerne, et à mes
frères et soeurs.
M. Charbonneau (Pierre): À ce moment-là, vous
appliquez la représentation pour décider du sort du legs...
Mme Vadboncoeur: C'est ce que l'article 800 dit.
M. Charbonneau (Pierre): ...pour représenter à la
succession, finalement. Pour pouvoir recueillir le legs qui était
dévolu au père, mais comment rejoindre la succession du
défunt? La représentation ne joue que par rapport au
défunt.
Mme Vadboncoeur: La représentation ne joue pas par rapport
au défunt en matière testamentaire. La représentation ne
joue, par rapport au défunt, qu'en ce qui concerne son lien de
parenté avec le légataire. Si on veut exclure la
représentation par rapport à des étrangers, on ne retient
que les parents du défunt, donc, les légataires parents du
défunt, que ce soit en ligne descendante, que ce soit en ligne
colatérale, privilégiée ou ordinaire. C'est exactement ce
que l'article 800 dit et ce que les articles 724 et suivants disent.
J'interprète le texte tel qu'il est rédigé. Si ce n'est
pas cela que vous avez voulu dire, il faudrait peut-être changer le
texte.
M. Charbonneau (Pierre): Je crois qu'on va le
réévaluer. Il semble que...
Une voix: C'est ce que l'on veut.
M. Polak: Le texte actuel dans le Code civil...
Le Président (M. Gagnon): Attention! Oui, M. le ministre.
Me Charbonneau.
M. Charbonneau (Pierre): Non.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Pour les fins de financement des travaux de
notre sous-commission, de même que pour les fins de pouvoir, à
compter de lundi, aborder ce chapitre, on vient de nous donner un bel exemple
de la complexité de ce que représentent les règles
prévues aux articles 724 et suivants...
Mme Vadboncoeur: Pour les testaments, parce que pour le reste
cela va.
M. Johnson (Anjou): Pour les testaments toujours. Je comprends
que la suggestion du Barreau, c'est qu'en matière de succession
testamentaire, il faudrait prévoir des règles précises
comme dans la succession ab intestat. Je ne veux pas m'engager, aujourd'hui,
à l'envisager mais on vient d'avoir une démonstration de
l'intérêt de clarification que cela représenterait pour le
moins pour ceux qui ne sont pas là-dedans à la journée
longue. Il reste peut-être qu'il y a aussi moyen de l'envisager
autrement, c'est-à-dire comme l'abordait le projet de loi, à
condition évidemment de clarifier un certain nombre de choses.
Alors, je prends bonne note de "os exemples et du débat
extrêmement intéressant auquel vous nous avez fait assister depuis
tout à l'heure, Me Charbonneau et Mme Vadboncoeur,
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Me
Vadboncoeur, est-ce que vous voulez réagir aux autres
recommandations?
Mme Vadboncoeur: Est-ce que les remarques du ministre
étaient terminées, de toute façon?
M. Johnson (Anjou): J'aurais les mêmes questions pour le
Barreau que j'ai eu l'occasion de poser à la Chambre des notaires ce
matin, concernant la réserve. Je connais la position du Barreau qui nous
l'a dite et répétée aujourd'hui d'ailleurs, concernant la
liberté de tester. J'ai tout de suite remarqué
l'intérêt que le Barreau a pris dans la formulation que nous
avions retenue dans la mesure où on voulait aller toucher la
liberté de tester, c'est-à-dire que nous avons choisi une
formulation qui impliquera ce que la Chambre des notaires appelait par ailleurs
un système de judiciarisation des droits qu'on veut accorder au conjoint
survivant en matière testamentaire. J'aimerais peut-être entendre
le Barreau sur la notion de réserve héréditaire, que ce
soit en pleine propriété ou en usufruit, ce qui ne figure pas au
projet de loi, mais qui est une hypothèse qui avait été
évoquée. Et, deuxièmement, en ce qui concerne un montant
minimal, un peu comme le suggérait la Chambre des notaires, encore une
fois que ce soit en pleine propriété ou en usufruit, si jamais on
devait envisager l'équivalent qu'une réserve
héréditaire plutôt qu'une créance alimentaire?
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Cela va?
Me Vadboncoeur?
Mme Vadboncoeur: Je commenterai brièvement, et je
laisserai le soin à Me Plamondon de compléter. Comme vous l'avez
mentionné, le Barreau s'était prononcé en 1982 sur le
document d'orientation du
ministère qui suggérait la réserve; on
s'était prononcé de façon catégoriquement
défavorable à la réserve héréditaire pour
différentes raisons. Remarquez que ces motifs peuvent être un
petit peu nuancés aujourd'hui, parce que la législation a
changé. La réserve héréditaire s'appliquerait
évidemment dans tous les cas, de façon générale. La
Chambre des notaires, ce matin - et je l'ai noté dans son mémoire
à la page 5, si ma mémoire est fidèle - mentionnait que
selon un sondage interne, il y avait très peu de cas d'injustice de la
part des testateurs. Or, si cela est vrai et je le crois personnellement, s'il
est vrai qu'il y a très peu d'injustice, pourquoi, à ce moment,
établir une règle générale qui limiterait
effectivement la liberté de tester beaucoup plus que la créance
alimentaire, soit dit en passant, pourquoi donc apporter une réserve
à ce point de vue alors que cela ne s'appliquerait qu'à des cas
particuliers?
Deuxièmement, avec la philosophie actuelle du droit,
spécialement du droit de la famille, où on a voulu consacrer
l'égalité des conjoints, on a voulu enlever toute espèce
de subordination ou de contrôle d'un conjoint par rapport à
l'autre, et on veut autant dans la loi 89 dans le chapitre du divorce,
même s'il n'est pas en vigueur, que dans le nouveau projet de loi
fédérale amendant la loi du divorce; on veut donc
privilégier une certaine dépendance économique des
conjoints. On ne veut pas que le mariage constitue une assurance-revenu
à l'infini et à tout jamais pour les conjoints et Ies
ex-conjoints de sorte que c'est un peu dans cette optique qu'on se dit qu'il
nous est un petit peu difficile d'accepter le principe d'une dépendance
automatique que donnerait la réserve héréditaire. Quand je
dis dépendance, je veux dire que quelqu'un puisse compter sur un certain
montant assuré, spécialement pour le conjoint adulte.
Pour les enfants, c'est une autre histoire, remarquez encore une fois,
surtout les enfants mineurs. Présentement, avec la loi actuelle, nous
croyons que le conjoint survivant a suffisamment de moyens - pour les quelques
cas spécifiques, d'ailleurs, que cela peut impliquer, encore une fois,
on ne parle pas de généralités, on parle de
particularités - et je pense que la créance alimentaire qui est
prévue au projet de loi est basée sur la notion de besoin et non
pas sur la notion de droit fondamental à un revenu X au
décès de son conjoint. Cette notion est peut-être plus
responsable et si vraiment la personne est dans le besoin au moment du
décès, elle aura les recours qui lui sont ouverts. C'est pourquoi
on privilégie la créance alimentaire.
Il y a la prestation compensatoire également, j'oubliais de le
mentionner. Il y a la prestation compensatoire qui existe, évidemment,
au moment du décès. On en parlait ce matin et on pourra
peut-être revenir un petit peu plus tard sur d'autres points. La
prestation compensatoire est insatisfaisante au moment où on se parle
parce que le récent arrêt Globensky en Cour d'appel nous montre
les limites de l'article 559 à l'heure actuelle, mais quand même,
la porte est ouverte à cela de sorte que la prestation compensatoire
existe, le régime matrimonial existe, le contrat de mariage existe et la
créance alimentaire existe. En surplus, avec la créance
alimentaire, on a les dispositions qui concernent la réduction des
libéralités faites dans les trois ans précédent le
décès, ce qui a également pour effet de protéger le
conjoint survivant.
Je pense que toutes ces dispositions sont amplement suffisantes, sans
être obligé de créer un système universel qui
pénaliserait, finalement, 90 % des gens.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Me Plamondon.
M. Plamondon: Au départ, je voulais ajouter des paroles,
mais je pense que Me Vadboncoeur a couvert toute la matière et je n'ai
rien à ajouter.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. Premièrement,
j'aimerais remercier le Barreau pour sa collaboration précieuse. C'est
la deuxième fois que le Barreau vient avec un mémoire. Lors de
l'étude du projet de loi 20, le Barreau avait aussi un
représentant ici la plupart du temps, lequel nous a fait des suggestions
que nous avons discutées en commission. Soyez bienvenus de laisser
encore un représentant qui pourrait nous faire des suggestions le cas
échéant.
Je trouve qu'il y a beaucoup de points. Comme le ministre a
soulevé un certain nombre de points, je ne vais pas revenir sur ceux-ci,
mais je trouve qu'il y a deux points importants. Premièrement, il y a la
réserve héréditaire et je comprends que le Barreau penche
plutôt vers la liberté complète de tester. Non?
Mme Vadboncoeur: Si vous me permettez de vous répondre
tout de suite, pas nécessairement. Le projet de loi, tel qu'il est, nous
convient en ce qui concerne la créance alimentaire. C'est sûr que
s'il y avait une liberté totale de tester, on ne crierait pas. Mais le
projet de loi tel qu'il est nous convient. (17 h 30)
M. Marx: Est-ce que le Barreau est pour la liberté de
tester, c'est-à-dire que quelqu'un pourrait exclure son conjoint dans le
testament? C'est ça la liberté de tester
pour moi. Vous êtes d'accord?
M. Plamondon: Oui. Le commentaire que nous aimerions faire c'est
que peut-être que le principe est encore là même si les mots
ne figurent plus au code, qu'il y a liberté limitée de tester.
Par ailleurs, il y a des jalons qui ont été mis, notamment en
raison de la prestation compensatoire et de la survie de l'obligation
alimentaire qui, effectivement, réduisent un peu la liberté
illimitée, absolue de tester.
M. Marx: C'est pas la même chose le résultat?
M. Plamondon: Bien, ce n'est pas la même chose, mais le
résultat...
M. Marx: Non, mais le résultat ce n'est pas la même
chose parce qu'il faut aller demander, faire valoir ses droits.
M. Plamondon: Oui, c'est exact.
M. Marx: Quand c'était une réserve
héréditaire, c'était automatique, la loi tranchait.
M. Plamondon: Le Barreau s'est prononcé contre une
règle. Notre société est tellement
hétérogène maintenant et on n'a plus
"l'imitabilité" des principaux éléments de notre
société qu'on pouvait avoir auparavant de sorte qu'une
règle aussi fixe que la réserve ne nous semble plus
appropriée de nos jours. On préfère juger au besoin de
chaque cas par intervention judiciaire que par une règle fixe.
M. Marx: Est-ce que cette réserve
héréditaire existe dans d'autres juridictions voisines comme en
Ontario ou ailleurs? Je pense que ça existe en Hollande, cela existe en
Europe, en France, dans beaucoup de pays, ce n'est pas si exceptionnel que
cela. De toute façon la liberté illimitée de tester vient
du droit anglais, non pas du droit français. Je comprends la position du
Barreau sur ce point. J'imagine qu'on va débattre ce point en
commission.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, je passe à
Me Barbeau. Tout le monde est d'accord, oui?
M. Marx: D'accord, oui.
M. Barbeau: On parle de ce qui se passe dans les autres
sociétés mais en fait la société
québécoise est également une société pleine
et entière qui évolue selon ses propres données. Je pense
que la famille ici au Québec évolue peut-être plus
rapidement au niveau des relations entre les conjoints que dans d'autres
provinces où les droits et les obligations entre les conjoints
diffèrent et où la relation entre les conjoints tend à
évoluer plus rapidement ou encore, comme on le mentionnait tantôt,
on esssaie d'avoir une indépendance d'un conjoint par rapport à
l'autre conjoint. Cette indépendance est reconnue dans plusieurs textes
de loi actuellement au Québec. On ne voit pas pourquoi d'un
côté il y aurait cette indépendance qui serait reconnue
dans des textes alors que d'un autre côté, on viendrait toujours
à avoir un texte de dépendahce alors que même, comme on le
mentionnait plutôt ce matin, c'est exceptionnel les cas où il
devrait y avoir une intervention à ce niveau puisque dans 95 % ou 99 %
des cas, le testateur fait un testament qui avantage adéquatement ses
légataires.
Nous, ce qu'on préconise c'est une intervention du tribunal qui
serait également, à notre avis, exceptionnelle, pour corriger les
cas où il y a précisément eu absence, un manque de besoin
versus les revenus qui auraient pu être apportés par un legs
suffisant. Encore là, ce serait pour régler des situations
exceptionnelles. On ne voit pas pourquoi un législateur ferait une
règle générale qui... Le Code civil est censé
s'appliquer dans le temps, non pas pour deux ans, trois ans ou cinq ans mais
est censé s'appliquer pour une longue durée. Par exemple, on ne
peut pas penser cent ans comme le Code civil actuel mais on peut
peut-être penser cinquante ans. Alors, est-ce qu'on va entrer dans le
Code civil une règle immuable qui va régir la
société qui évolue actuellement pour les cinquante ou cent
prochaines années ou est-ce qu'on va penser à l'amender ou
plutôt est-ce qu'on va laisser une règle large qui va pouvoir
être interprétée par les tribunaux selon toujours cette
même évolution de la société?
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Je comprends le point de vue du Barreau et j'imagine que
cette question sera largement discutée en commission parce que les
points de vue sont différents même au sein de la commission.
Le deuxième point important que vous avez soulevé porte
sur le droit de survie. Vous êtes contre les articles du projet de loi
actuel et, en consultant des praticiens, on me dit que c'est "unworkable".
C'est impossible d'appliquer, d'une façon ordonnée, ces articles
sur le droit de survie parce que la succession ne sera jamais fermée, et
ainsi de suite. Est-ce cela?
Sur les autres points, par exemple, la révocation d'un testament
par le mariage, je ne vois pas, personnellement, l'utilité de cela.
Quelqu'un qui fait un testament, c'est comme dire que tout le monde doit
connaître la loi, mais il y a beaucoup
d'avocats qui ne connaissent pas la loi. Au moins, ils ne connaissent
pas la loi qu'ils ne pratiquent pas!
M. Polak: Même des notaires.
M. Leduc (Saint-Laurent): Non, il a parlé des avocats.
M. Marx: J'ai parlé des avocats. Je n'ai pas voulu dire...
C'est à revoir. L'autre point que le ministre soulevait, savoir si on va
répéter dans le Code civil ce qui est déjà dans la
charte, il y a des articles et des articles dans les chartes, et l'article 10
n'a pas la même place dans la charte que l'article 1 ou l'article 2 qui
sont dans un autre chapitre. Peut-être faudrait-il revoir cela. Cela peut
être bon de répéter parfois ce qu'on trouve dans une loi ou
dans une autre. Cela ne fait pas de tort. C'est ce que j'ai à dire.
Encore une fois, on apprécie beaucoup vos interventions. On va
certainement en tenir compte.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. Me Plamondon.
M. Plamondon: J'aimerais faire un commentaire sur cette question
de la charte et de son application aux clauses de viduité. On exprime
des doutes quant à l'application de la charte en matière
testamentaire. Il semble que, pour pouvoir se prévaloir des
éléments de discrimination qui figurent à l'article 10 de
la charte, il faut d'abord établir un droit. Or, les légataires
n'ont pas de droit justement. S'il y a liberté limitée de tester,
c'est que le légataire n'a pas de droit. On exprime des doutes quant
à la possibilité, pour une personne qui serait
évincée d'une succession ou qui en perdrait une partie en raison
de la clause de viduité, de pouvoir se prévaloir de la charte.
Évidemment, il y a eu au Québec, surtout au début du
siècle, des décisions qui ont validé les clauses de
viduité comme n'étant pas contre l'ordre public. J'aimerais
simplement souligner qu'elles ont toutes été
décidées par des juges qui étaient des hommes et qu'elles
ont toutes été décidées à l'égard de
femmes. Aucune n'a eu à se prononcer sur une clause dans un testament
qui dirait: Je lègue tous mes biens à mon mari, à la
condition qu'il ne se remarie pas. Ce serait intéressant de voir, si les
tribunaux avaient à se prononcer aujourd'hui, s'ils auraient la
même attitude. Quant à moi, j'appelle les clauses de
viduité les clauses de gigolo. Cela encourage à continuer une
relation sans la légitimer.
M. Marx: Qu'est-ce que les tribunaux décident sur ces
questions aujourd'hui?
M. Plamondon: II n'y a pas eu de décision récente
sur une clause qui limite le droit à un revenu dans une succession ou
qui élimine ce droit en cas de survenance de remariage. Il y a eu des
décisions, mais elles datent maintenant déjà de 30 ou 40
ans au moins. Elles ont toutes, à cette époque, été
considérées comme très raisonnables et très
valables. La motivation semblait être: Écoutez, c'est bien
raisonnable que je laisse ces biens à mon épouse, jusqu'à
ce qu'un autre homme s'occupe d'elle. C'était la motivation à
l'époque.
M. Barbeau: Pour l'usufruit.
M. Plamondon: Pour l'usufruit, évidemment. On trouvait
cela très raisonnable.
M. Marx: Je me souviens de la jurisprudence si quelqu'un laisse
de l'argent à un héritier en disant qu'il doit se marier. S'il se
marie avec une personne d'une autre religion... Sur cela, les juges ont dit
que...
M. Plamondon: Là, vous entrez un autre
élément de discrimination qui est la religion...
M. Marx: C'est semblable pour moi, les deux. Cela veut dire qu'il
y a une corrélation entre ces clauses parce que cela restreint la
personne dans l'exercice de ses droits fondamentaux.
M. Plamondon: Vous avez raison, ii y a une corrélation,
sauf que les décisions ont été beaucoup plus en faveur de
rendre illégales des clauses touchant ia religion des gens que celles
sur cette question du remariage.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. M. le député de Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, je voudrais revenir encore une
fois, même si je ne peux pas convaincre le Barreau, sur cette affaire de
la réserve. Je vous ai entendu parler de cette clause de viduité
que vous avez appelée clause de gigolo, et je cite votre mémoire
à la page 12. Vous parlez de la philosophie du nouveau droit de la
famille qui consacre l'égalité des époux. Là, vous
défendez la position de la femme. Vous dites qu'il ne faut pas
encourager la perpétuation de la subordination de l'un par rapport
à l'autre. Je suis tout à fait d'accord. Mais, soudainement,
quand on parle de la réserve, vos beaux arguments n'existent plus. Je me
demande pourquoi vous n'avez pas le même raisonnement parce que, dans
l'affaire de la réserve, vous devez aussi protéger cette
même femme. On parle encore de la perpétuation de la subordination
et de quelle manière... Si c'est vrai ce que vous dites... Je ne suis
pas d'accord que les statistiques
démontrent que dans tous les testaments, tous les conjoints sont
toujours protégés. Ce n'est pas vrai: allez demander simplement
au ministère du Revenu toutes les successions qui ont été
déclarées et dont les impôts ont été
payés, allez voir. Je ne sais pas si on peut obtenir ces statistiques.
Ce serait bien intéressant. J'ai réglé moi-même des
successions comme avocat où il n'y avait pas de protection des membres
de la famille. C'est bien bizarre. Ce matin, les notaires ont dit que, selon ce
qu'on sait, selon ce qu'on pense, le testament qu'on a rédigé, la
famille est bien protégée, mais j'aimerais avoir une meilleure
preuve scientifique de cela parce que je ne le crois pas.
Disons que c'est vrai que tous ces hommes pensent de bien
protéger l'unité familiale, comme je l'appelle. Qu'est-ce que
vous avez contre le principe d'inscrire dans le Code civil une réserve?
Vous dites: On donne déjà plus que le minimum. Je n'en suis pas
convaincu. Donnons au moins en inscrivant dans le Code civil ce
minimum-là, et ce minimum, ce n'est pas beaucoup parce que, lorsqu'on
parle de la réserve qui était suggérée par la
Chambre des notaires, c'était seulement 50 % de la pension pour la femme
et rien pour les enfants. C'est beaucoup moins que dans les pays
européens.
Donc, je dois dire qu'autant j'admire la position du Barreau... Je suis
moi-même membre du Barreau, mais, malheureusement, j'aurais dû
être au Barreau pendant votre débat pour parler là-dessus.
Lorsque vous parlez de votre clause de gigolo, je suis d'accord avec vous,
mais, quand vous parlez de la réserve, j'ai une opinion
différente.
Maintenant, une question. Vous dites: Nous, au Barreau, on accepte
l'obligation alimentaire parce qu'on croit que c'est vraiment la restriction au
droit illimité de tester, mais les notaires nous ont dit ce matin: Si on
devait choisir entre deux maux, disons, l'obligation alimentaire et la
réserve, nous préférerions la réserve parce qu'avec
l'obligation alimentaire on ne réglera jamais une succession, c'est une
source de chicanes. Je dois vous dire que j'ai parlé sur cette section
de l'obligation alimentaire en deuxième lecture. Avec le
député de Saint-Louis, qui est avocat pratiquant, on en a
parlé, on a soulevé des cas, article par article, et c'est
vraiment possible de bloquer des successions avec des réclamations; cela
ne finirait pas. Je ne dis pas que pour les avocats ce n'est pas un champ
intéressant de travail, mais les notaires disent: Nous, on
préfère avoir une atmosphère claire et nette dans ce
cas-là. Si on doit choisir, ils disent qu'ils ne le veulent pas du tout
non plus parce qu'ils veulent avoir le moins de restrictions possible sur le
droit de tester. Mais là, ils disent: Si on devait choisir, on
choisirait la réserve. Donc, il y a une contradiction entre la position
des notaires et celle du Barreau. Peut-être que chacun pense un peu
à son propre intérêt.
Est-ce qu'il n'y aurait pas une obligation sociale comme
législateur d'intervenir à un moment donné? Je ne vois
aucune objection d'inscrire cette réserve là-dedans. Cela va
protéger ces femmes qui sont venues témoigner devant nous. Je me
rappelle très bien ce mouvement-là. Ne me dites pas que... C'est
un mouvement qui existe avec des centaines de membres qui nous ont
énuméré des cas. Est-ce que, apparemment, ce sont des
exceptions? Les quelques successions que j'ai réglées où
il y avait des cas comme celui-là, cela existe. Demandez donc des
statistiques - je ne sais pas s'il y a moyen - au ministère du Revenu;
ce serait bien intéressant. On pourrait régler tous ces
cas-là. On ne donne pas trop de protection, on donne simplement... Je
suis d'accord parce que, psychologiquement, c'est un pas, apparemment,
très difficile. Je voudrais personnellement aller plus loin que cela
mais je serais prêt à dire: Bon, dans ce cas-là, on va
commencer avec une protection pour la femme: 50 % de la succession ab intestat.
Je pense que tout le monde va être bien heureux. En tout cas, c'est comme
cela que je le vois. (17 h 45)
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Sainte-Anne. M. le député de Sainte-Anne
a exprimé une opinion. Si, de part et d'autre, on exprime des opinions,
on va en avoir pour longtemps. En tout cas, je vous laisse quand même
réagir à l'opinion du député de Sainte-Anne.
Mme Vadboncoeur: Si vous me le permettez, j'aurais trois
remarques.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, madame, Me Barbeau
m'avait demandé la parole.
Mme Vadboncoeur: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Cela va?
M. Barbeau: Me Polak, c'est normal que les successions que vous
avez eu à régler en tant qu'avocat, ce soit du contentieux. Ce
sont peut-être ces exceptions-là que vous avez eu à
régler. C'est vrai que, en parlant du droit de réserve, c'est
peut-être la solution facile, "at large". Pas de problème, 50 %,
c'est facile. On détermine cela, un bout de crayon, un papier, le
montant, c'est réglé, on continue. Si on envisage la
facilité, c'est la solution la plus facile. Si on envisage l'obligation
sociale, ce n'est pas nécessairement la plus équitable. C'est
vrai qu'il y a des successions où le conjoint ne recueille rien. C'est
peut-être parce qu'il n'a aucun besoin de recevoir des biens et que ce
sont plutôt les enfants qui sont devenus
majeurs et dont le conjoint ne s'occupe pas nécessairement qui en
ont besoin. À ce moment-là, c'est plus flexible. C'est
peut-être moins facile d'application, à savoir quels sont les
besoins de l'individu qui demeure vivant mais, socialement, on a l'impression
que c'est peut-être plus équitable.
En ce qui concerne votre remarque, je ne crois pas qu'il y ait de
contradiction entre le fait, pour le Barreau, d'être contre le droit de
réserve parce que cela entrave la liberté de tester et, d'un
autre côté, le fait de n'être en faveur d'aucune clause de
viduité. Ce sont des clauses qui, à notre avis, sont contre
l'ordre public, tout simplement. Cela n'a rien à voir avec la
liberté absolue de tester.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Me Vadboncoeur.
Mme Vadboncoeur: J'aurais trois remarques à apporter,
donc, sur trois points différents. D'abord, sur la disposition du fameux
article 765. À la suite de la remarque du ministre qui disait tout
à l'heure que c'est une façon, pour le tribunal, de passer outre
à la formalité des testaments, je veux bien, mais si le...
M. Johnson (Anjou): D'adoucir la formalité des
testaments.
Mme Vadboncoeur: D'adoucir; c'est plus qu'adoucir. Si le
législateur veut vraiment enlever le principe de la formalité des
testaments, il va falloir qu'il soit logique et conséquent et qu'il
enlève plusieurs dispositions existantes du projet de loi, entre autres,
l'article 764 qui dit que c'est nul. C'était de nullité absolue,
c'est maintenant de nullité, mais cela demeure, à notre point de
vue, de nullité absolue quand on ne suit pas les formalités. Il
faudrait qu'il enlève cela.
Il faudrait qu'il enlève également l'article qui
prévoit que, quand un testament est nul pour vice de forme, la
révocation qui est contenue dans ce testament est sans effet
également; ce ne serait plus vrai, cela non plus. Il faudrait
peut-être savoir exactement où on s'en va. Ou on ne retient plus
du tout le principe du formalisme, ou on le retient. Si on le retient, il faut
qu'on l'observe jusqu'au bout. Je pense qu'il y a une certaine logique à
suivre. Si on veut maintenir l'article 765, l'article 764 n'a plus sa raison
d'être et l'article 819 non plus. Ce sont les deux qui me viennent
à l'esprit tout de suite mais il y a plusieurs dispositions, quand
même, qui jouent autour du principe du formalisme des testaments. C'est
une décision politique que vous aurez à prendre mais il faut
être conséquent avec la décision qu'on prend...
Une voix: ...
Mme Vadboncoeur: Merci, M. le député, de m'avoir
enseigné ce beau terme.
Pour les clauses de viduité, le fait de prévoir cet
article à la charte ou au Code civil... L'article 10 de la charte est
évidemment très large et interdit la discrimination pour
différents motifs et, particulièrement, ceux fondés sur le
statut civil. Je pense que le mettre dans le Code civil, au chapitre des
successions, au chapitre des testaments en l'occurrence, n'aurait pas pour
effet de restreindre l'application de la charte, d'une part, et aurait
l'avantage d'être d'application plus restreinte là-dessus. Pour un
testament notarié ou fait chez les avocats, les notaires et les avocats
pourraient dire au testataire: Le Code civil se dit formellement contre ce
genre de clause. Si le testataire se laisse aller dans une clause de
viduité, cela implique un débat judiciaire long et coûteux
et, comme le mentionnait tout à l'heure Me Plamondon, il n'y rien de
moins sûr que ce recours, parce que le légataire n'a pas un droit
et il aurait donc certaines difficultés, alors que si c'est strictement
interdit dans le Code civil, le problème est réglé bien
rapidement.
Troisièmement, en ce qui concerne les legs ou dons en faveur des
personnes qui prennent soin de gens âgés ou malades dans des
établissements ou dans des familles d'accueil, je comprends fort bien la
remarque du ministre à savoir que c'est une préoccupation du
ministère des Affaires sociales. C'est également une
préoccupation du Barreau. On a pris grand soin, d'ailleurs, de
mentionner qu'on y était favorable, en principe.
On mentionne également qu'il est sûr que toute
sollicitation serait interdite. Il y a une différence entre solliciter
un legs ou un don et le recevoir ou l'accepter. 5i le testateur ou le donateur
est seul au monde, qu'il n'a plus de famille ou rien, que c'est la seule
personne qu'il puisse avantager et qu'il s'est créé des liens, je
ne vois pas pourquoi cette personne ne pourrait pas accepter un don ou un legs
qui lui serait fait.
Je voulais simplement faire la nuance entre le fait de solliciter un
legs et celui d'accepter un legs qui serait fait par une tierce personne.
Encore là, on ne veut pas non plus ouvrir la porte toute grande. On
voudrait simplement qu'il y ait une présomption et que, dans le cas
d'une contestation de la validité de ce legs, la présomption soit
en faveur ou du légataire ou de la personne qui conteste la
validité du legs. Il est sûr que ce legs pourrait être
attaqué d'une façon ou d'une autre, mais il s'agit de ne pas
l'interdire formellement et ce, dans tous les cas. Cela nous paraît
peut-être un peu poussé.
Finalement, en ce qui concerne la
fameuse réserve, je ne crois pas que le fait que le Barreau se
prononce plutôt en faveur d'une créance alimentaire qu'en faveur
d'une réserve héréditaire puisse nuire en quoi que ce soit
à la position du Barreau, socialement et légalement. On
n'enlève pas tout recoure au conjoint qui serait démuni. Il faut,
encore là, apporter une nuance. Le recours est là et, comme tous
les recours alimentaires, il serait fondé sur une base de besoin, comme
il l'est à l'heure actuelle.
Il y a aussi d'autres recours et d'autres dispositions de la loi qui
sont ouverts au conjoint survivant. Il me semble, d'après les
commentaires que j'ai entendus des différents députés, que
leurs préoccupations se situent beaucoup plus au niveau du conjoint
qu'au niveau des enfants. Le conjoint lui-même, s'il est marié en
communauté de biens, n'a pas de problème. S'il est marié
sous le régime légal, il n'a pas de problème non plus. Le
problème se situe au niveau de la séparation de biens. On enrevient toujours là, la prestation compensatoire aussi situe son
problème au niveau de la séparation de biens. C'est ce
régime matrimonial qui pose des problèmes. Est-ce que l'on
va...
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que je peux vous demander
de conclure? Ce n'est pas que ce n'est pas intéressant, madame. Je n'ai
pas d'objection à ce qu'on poursuive toute la veillée...
Mme Vadboncoeur: Je disais que c'était le régime de
séparation de biens qui créait des problèmes. Il y aura
peut-être, dans un autre forum et à une autre époque, lieu
de revoir nos régimes matrimoniaux et de revoir la prestation
compensatoire. Peut-être qu'on pourra penser à emprunter, encore
une fois, de la loi ontarienne la notion de "family assets"; peut-être
qu'il y aura lieu de prévoir, éventuellement, un partage
égal des biens familiaux, des "family assets", au moment de la rupture
du mariage. Le Barreau, à ce point de vue, a déjà franchi
un certain pas et, là, j'apporte une réserve: ce n'est pas encore
la position officielle du Barreau que d'emprunter tout de suite la loi
ontarienne là-dessus, mais, au niveau du livre vert sur la politique
familiale, le comité du Barreau a présenté un
mémoire où - passez-moi l'expression - on "flirte" avec
l'idée d'emprunter cette notion de "family assets" et de partage
égal des biens familiaux au moment de la rupture du mariage. On doit
également, au moment de la deuxième séance de la
conférence sur la sécurité économique des
Québécoises, produire un mémoire dans ce sens où un
des aspects qui sera discuté touchera à la sécurité
de la femme au foyer.
Donc, on a l'intention de se pencher là-dessus de façon
très consciencieuse et formelle, et d'arriver avec des
représentations. C'est pour cela qu'à ce stade-ci on n'est pas
prêt à s'engager sur ce point comme Barreau, mais l'idée
nous apparaît intéressante et réglerait le problème
de la réserve. On n'en aurait plus une fois pour toutes et on pourrait
demeurer quand même avec la créance alimentaire.
Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. Une très
courte question et une très courte réponse par la suite.
Après, nous mettrons fin à nos travaux.
M. Polak: M. le Président, ce n'est pas une question, mais
une rectification. Je voudrais dire à Me Barbeau que, quand il a
parlé tout à l'heure, il n'a pas peut-être compris comment
cela marche en pratique la réserve. Vous avez dit: Bon, sur un bout de
papier, voici, madame, vous avez votre pourcentage. Il faut bien comprendre
qu'elle a juste une réserve, une base de minimum garanti. Pour le
restant, ce qui représente beaucoup dans une grande succession, le
testateur peut encore faire ce qu'il veut. Il peut laisser tout à sa
maîtresse, sauf qu'il y a une certaine portion qui est
réservée à cette femme, et ce n'est pas plus que cela la
réserve.
Donc, il faut bien faire la distinction: la réserve est une
petite portion qui est enlevée et tout le reste se déroule comme
d'habitude.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Me Barbeau? M. le
député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, je voudrais revenir sur la
représentation. On a discuté longuement, j'ai l'impression que
plusieurs ne réalisent pas qu'il y a toute la différence du monde
entre une succession ab intestat et une succession testamentaire. Si on a
décidé de 3'en remettre à la loi, c'est donc qu'on s'en
remet à une mesure supplétive. Les règles sont que les
biens sont dévolus à telle personne et, dans certains cas, il y a
représentation. Donc, on s'en remet à la loi. On dit: J'ai
décidé de ne pas faire de testament, je veux que la loi
s'applique; donc, c'est du droit supplétif. Mais, quand on fait un
testament, je ne vois pas pourquoi on voudrait faire dire à celui qui
fait un testament qu'il a dit telle chose alors qu'il ne l'a pas dite.
Écoutez, il y a deux façons de disposer de ses biens par
testament: le testament devant un notaire ou un avocat... À ce moment,
il a la compétence, l'expertise nécessaire pour décider.
On va lui expliquer que, s'il n'indique pas s'il y a représentation, il
n'y en aura pas en matière de testament. Alors, la personne est en
mesure de prendre une décision.
Il y a l'autre cas, c'est le testament olographe fait par la personne.
Je doute très
fort que la personne connaisse suffisamment le code pour savoir que, si
elle ne dit pas qu'il n'y a pas représentation, il va y avoir
représentation. Permettez-moi de douter que quelqu'un qui dit: Je donne
mes biens à Pierre, Jean, Jacques, veuille les donner aux
héritiers de ces gens-là, je ne vois pas, mais pas du tout, je ne
vois pas pourquoi. On dit: À moins que ce ne soit exclu, il y a
représentation. On veut faire faire quelque chose à quelqu'un qui
ne veut pas nécessairement arriver à cette conclusion. J'essaie
de comprendre pourquoi, en matière de succession testamentaire, on veut
absolument qu'il y ait représentation. Autrement dit, la personne a
décidé de faire un testament, elle y a indiqué telle
chose, elle lègue ses biens à telle personne, mais ce n'est pas
cela qu'elle a voulu dire, elle a voulu dire plus que cela' Je ne suis pas
d'accord, mais pas du tout! Je pense qu'on règle un paquet de
problèmes comme ceux qu'on a soulevés tantôt qui sont
causés par l'article 724 ou 725.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Saint-Laurent. Me Barbeau, vous aviez...
Mme Vadboncoeur: J'aurais peut-être un commentaire à
apporter là-dessus.
Le Président (M. Gagnon): Oui.
Mme Vadboncoeur: D'une part, la représentation ne
s'applique pas aux légataires particuliers* Donc, si vous avez voulu
laisser un bien en particulier à une personne en particulier, la
représentation ne s'applique pas à moins que le testateur ne
spécifie le contraire. Le legs particulier qui est fait est donc plus
fait de façon intuitu personae; c'est vraiment la personne qui est
désignée dans le testament que le testateur veut avantager. La
représentation ne s'applique pas dans ce cas-là. Pour les
légataires universels et à titre universel, vu que cela reste
dans la parenté immédiate -dans la plupart des cas cela va rester
dans la parenté immédiate, parce que c'est exclu pour les
étrangers - le testateur a voulu avantager financièrement sa
famille.
M. Leduc (Saint-Laurent): II peut y avoir accroissement! À
mon sens, vous présumez.
Mme Vadboncoeur: Pour nous, vu que cela reste dans la famille,
que cela aille ensuite aux descendants du légataire universel ou
à titre universel, cela ne nous choque pas, vu que le legs particulier
est exclu, de toute façon, de la représentation.
Le Président (M. Gagnon): Ça va?
Merci, Me Plamondon, Me Barbeau, Me Suzanne Vadboncoeur, ainsi que le
Barreau du Québec pour cette présentation.
Mme Vadboncoeur: À la semaine prochaine!
Le Président (M. Gagnon): À la semaine prochaine,
oui. Sur ce, nous allons suspendre nos travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 18 h 3)
(Reprise à 18 h 8)
Le Président (M. Gagnon): La sous-commission des
institutions est suspendue jusqu'à 20 heures et nous reprendrons
à 20 heures à la même salle jusqu'à 22 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 9)
(Reprise à 20 h 7)
Étude détaillée
Le Président (M. Gagnon): La sous-commission des
institutions se réunit afin de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 20, loi portant réforme au Code
civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens.
Nous revenons à l'étude article par article. Est-ce qu'on devrait
revenir aux quelques articles qui étaient suspendus?
Articles en suspens
Mme Harel: Oui, M. le Président. Nous allons pouvoir
disposer de ces articles.
Le Président (M. Gagnon): On avait les articles 290 et
310.
M. Marx: Est-ce qu'on a adopté les articles 16, 17, 18, 36
et 78?
Le Président (M. Gagnon): Non. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président. Il s'agit, à
l'article 290, de supprimer, aux première et deuxième lignes, les
mots "à la curatelle et", et d'ajouter, à la fin, l'alinéa
suivant: "Elles s'appliquent de même à la curatelle au majeur,
exclusion faite notamment de celles relatives à l'administration
tutélaire."
Commentaire sur l'amendement: Les règles relatives à
l'administration tutélaire ne conviennent pas au régime de
curatelle au majeur puisque en ce cas, !e curateur a la pleine administration
des biens; si le curateur public agit, son administration est régie
principalement par la Loi sur la curatelle publique. Le tuteur au majeur n'a
pour sa part que la simple administration et
généralement les règles d'administration
applicables à la tutelle au mineur s'appliquent.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que les commentaires sur
l'article avaient été lus?
M. Cossette: Je pense que, dans les circonstances, les
commentaires...
Le Président (M. Gagnon): Les nouveaux commentaires...
M. Cossette: ...sur l'article original ne s'appliquent
plus...
Le Président (M. Gagnon): ...ne s'appliquent plus.
M. Cossette: ...vu les nouveaux commentaires sur
l'amendement.
Le Président (M. Gagnon): Voilà. Est-ce qu'il y a
d'autres commentaires?
Mme Harel: L'article 290, tel qu'amendé, se lirait comme
suit: "290. Les règles relatives à la tutelle au mineur
s'appliquent à la tutelle au majeur, compte tenu des adaptations
nécessaires". L'alinéa suivant est ajouté: "Elles
s'appliquent de même à la curatelle au majeur, exclusion faite
notamment de celles relatives à l'administration tutélaire".
Le Président (M. Gagnon): Ça va?
L'amendement à l'article 290 est-il adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Gagnon): L'article 290 tel
qu'amendé...
M. Cossette: Non, les commentaires sur l'amendement ont
été lus et remplacent les commentaires sur l'article.
Le Président (M. Gagnon): Sur l'article. M. Marx:
Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté tel
qu'amendé. Article 310.
Mme Harel: C'est bien ça. L'article 310 est
remplacé par les articles qui suivent: 310 et 310.1. Je fais lecture de
l'article 310. "310. Les règles relatives à l'exercice des droits
civils du mineur s'appliquent au majeur en tutelle, compte tenu des adaptations
nécessaires."
Et "310.1. Le tribunal peut, à l'ouverture de la tutelle ou
postérieurement, accroître ou restreindre la capacité du
majeur en tutelle sur l'avis d'experts et, selon le cas, du conseil de tutelle
ou des personnes normalement appelées à en faire partie. "Il
indique alors les actes que la personne en tutelle peut faire elle-même,
seule ou avec l'assistance du tuteur, ou ceux qu'elle ne peut faire sans
être représentée."
Mme Longtin va faire lecture du commentaire sur l'amendement.
Le Président (M. Gagnon): Me Longtin.
Mme Longtin (Marie-José): Commentaire sur l'amendement.
Cet amendement modifie la première phrase de l'article 310
proposé pour éviter de référer de façon
générale à la capacité d'exercice du majeur en
tutelle, puisque cette capacité est atteinte par l'ouverture même
du régime. De plus, l'amendement divise l'article en deux
dispositions.
L'article 310.1 fait mention de la capacité du majeur qui est
accrue ou restreinte par le tribunal, puisque même si la tutelle fait
naître une certaine incapacité, on ne peut à
l'inverse nier au majeur une certaine capacité.
Le Président (M. Gagnon): Ça va? Est-ce que cet
amendement est adopté?
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Oui, adopté. L'article
310 tel qu'amendé est-il adopté?
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 317.
Du conseiller au majeur (suite)
Mme Harel: Article 316?
Le Président (M. Gagnon): Oui, 316.
Mme Harel: "316. L'acte fait seul par le majeur alors que
l'intervention de son conseiller était requise peut être
annulé ou les obligations qui en découlent réduites, si
cet acte lui cause un préjudice".
Le Président (M. Gagnon): Commentaire. Me Cossette.
M. Cossette: Cet article reprend en substance l'article 334 du
Code civil du Bas-Canada à savoir que les actes faits sans l'assistance
du conseiller par le majeur placé sous ce régime de protection
peuvent être annulés. Étant donné que ce majeur
protégé n'a pas besoin de représentation et qu'il est en
principe capable, il est logique d'exiger que l'acte lui soit
préjudiciable pour l'annuler ou réduire les obligations qui en
découlent.
Le Président (M. Gagnon): D'autres commentaires?
M. Pineau (Jean): Non.
Le Président (M. Gagnon): Ça va. Alors, l'article
316 est adopté?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gagnon): On a dit qu'il n'y avait pas
d'amendement à l'article 316.
Mme Harel: Non.
De la fin du régime de protection
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 317?
Mme Harel: "317. Le régime de protection cesse par l'effet
d'un jugement de mainlevée ou par le décès du majeur
protégé. "Il cesse aussi à l'expiration du délai
prévu pour contester le rapport qui atteste la cessation de
l'incapacité."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article énumère les seules causes
qui mettent fin à un régime de protection! le décès
du majeur, le jugement prononçant la mainlevée du régime
ou l'expiration du délai pour contester le rapport qui atteste la
cessation de l'incapacité. Cette dernière cause est en
concordance avec l'article 303 qui établit un mécanisme simple de
mainlevée, soit le dépôt d'un certificat de capacité
par l'établissement où est gardé le majeur
protégé.
Le Président (M. Gagnon): Oui, Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, ici, dans le deuxième
alinéa, il s'agit d'un rapport médical qui atteste la cessation
de l'inaptitude car il n'appartient pas au médecin de mettre fin
à l'incapacité juridique.
Le Président (M. Gagnon): Ça va?
(20 h 15)
Mme Harel: Oui. Alors on remplace "l'incapacité" par
"l'inaptitude".
Le Président (M. Gagnon): Alors, cet amendement est
adopté et l'article 317 tel qu'amendé est adopté. Nous
allons recevoir l'amendement. Article 318?
Mme Harel: "Le majeur protégé peut toujours,
après mainlevée du régime et, le cas
échéant, la reddition de compte du curateur ou du tuteur,
confirmer un acte autrement annulable."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article étend au majeur
protégé la règle prévue pour le mineur à
l'article 181 du projet. Le majeur protégé pourra donc confirmer
un acte autrement annulable dès qu'il retrouvera sa
capacité d'exercice.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires? Oui, Me Pineau.
M. Pineau: Deux questions, M. le Président. Pourquoi "le
cas échéant", première question? Deuxième question,
pourquoi "acte autrement annulable"?
Le Président (M. Gagnon): Me Longtin. M. Pineau: Ne
doit-il... Pardon.
Mme Longtin: Je pense que "le cas échéant", c'est
qu'ici on parle du majeur qui reçoit reddition de compte. Or
évidemment, s'il décède, il n'y en a pas. Je pense que
c'était cette allusion qui a été faite.
M. Pineau: Je me posais la question. Ne doit-il pas toujours y
avoir reddition de compte? Article 290, pardon.
Mme Longtin: Oui, il y a toujours une reddition de compte
à ce moment-là. S'il est décédé, on se
réfère au liquidateur de succession tandis qu'ici, elle se
fait... On vise le cas où c'est le majeur protégé qui la
reçoit puisque c'est lui seul qui pourrait confirmer un acte
annulable.
Quant à ['"autrement", je pense que c'était tout
simplement un petit effet de style. Cela pourrait vouloir dire,
évidemment... S'il ne le confirme pas, il est autrement annulable. Ce
serait dans ce sens-là.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 318 est
adopté?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Article 319?
Mme Harel: "Lorsque la nullité d'un acte est
prononcée à la demande du majeur protégé ou de son
curateur, tuteur ou conseiller, le majeur est dispensé de remettre ce
qu'il a reçu en vertu de cet acte alors qu'il était sous
régime de protection, sauf dans la mesure de l'enrichissement qu'il en
conserve."
Le Président (M. Gagnon): Me Cossette, le commentaire.
M. Cossette: Commentaire. Cet article reprend à
l'égard du majeur protégé la règle prévue
à l'article 1011 du Code civil du Bas-Canada qui est reprise aussi pour
le mineur à l'article 179 du projet. Pour les mêmes motifs que le
mineur, le majeur protégé n'est pas tenu de rembourser les
prestations reçues, sauf dans la mesure de l'enrichissement qu'il en
conserve.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires? Me Pineau.
M. Pineau: En vertu de cet acte, alors qu'il était sous
"un" régime de protection ou sous régime...
M. Cossette: Sous "un" régime. Mme Harel: Sous "un"
régime. M. Pineau: Sous "un" régime.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Alors, cet amendement
est adopté? Adopté. L'article 319 tel qu'amendé est
adopté. Article 320?
Mme Harel: Aux deuxième et troisième lignes du
second alinéa, l'amendement consiste à remplacer ce qui suit:
"tuteur ou conseiller; tout intéressé peut aussi provoquer cette
nomination" par ce qui suit: "ou tuteur; tout intéressé peut
aussi provoquer cette nomination de même que celle d'un nouveau
conseiller", de façon que l'article 320 se lise comme suit: "La vacance
de la charge de curateur, de tuteur ou de conseiller ne met pas fin au
régime de protection. "Le conseil de tutelle doit, le cas
échéant, provoquer la nomination d'un nouveau curateur ou tuteur;
tout intéressé peut aussi provoquer cette nomination de
même que celle d'un nouveau conseiller."
Commentaire sur l'amendement. Étant donné que le
conseiller n'a pas l'administration des biens du majeur protégé
et qu'il ne le représente pas mais l'assiste dans l'exercice de ses
droits civils, il n'y a pas de constitution de conseil de tutelle dans ce
régime de protection. L'amendement fait disparaître l'obligation
du conseil de tutelle de provoquer, en cas de vacance, la nomination d'un
nouveau conseiller.
Le Président (M. Gagnon): Des commentaires sur l'article?
Me Cossette.
M. Cossette: Sous réserve de l'amendement proposé,
le commentaire original se lisait comme suit: Cet article énonce
clairement la règle que la vacance de la charge du représentant
n'est pas une cause de cessation du régime de protection et qu'alors le
conseil de tutelle a l'obligation de faire nommer un remplaçant. Dans
l'intervalle, ou si on néglige d'agir, l'article 291 proposé
trouvera application.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires? Non. L'article 320 est-il adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. L'amendement
à l'article 320 est adopté at l'article est adopté tel
qu'amendé. Article 321?
Des personnes morales
De la constitution et des espèces de personnes
morales
Mme Harel: II y a une amendement qui consiste à changer le
titre. Il s'agit de remplacer l'intitulé de la section I du chapitre
premier, titre cinquième, qui précède l'article 321 par le
suivant: "De la constitution et des espèces de personnes morales."
Le Président (M. Gagnon): Cet amendement est-il
adopté?
M. Marx: Un instant, M. le Président.
Mme Harel: Commentaire sur l'amendement. Je vais le relire. "De
la constitution et des espèces de personnes morales" se trouve à
remplacer l'intitulé de la section I. Cet amendement vise à
améliorer la structure du chapitre premier du titre des personnes
morales. Il est en effet plus logique de commencer le titre par les
dispositions relatives à la constitution des personnes morales.
M. Marx: Donc, le titre, c'est...
Mme Harel: C'est l'intitulé de la section I.
M. Marx: Oui. L'ancien, c'était "Des personnes
morales".
Mme Harel: "Des espèces de personnes morales". Maintenant,
c'est "De la constitution et des espèces de personnes morales".
Le Président (M. Gagnon): Cela va, M. le
député de D'Arcy McGee?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Cela veut
dire que l'amendement est adopté? M. Marx:
Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Oui, Me Pineau.
M. Pineau: Je ne suis pas sûr que cet amendement soit
judicieux. Peut-être pourra-t-on y revenir après.
Mme Longtin: Je dois dire qu'on dépose une série
d'amendements pour les articles 321, 326 et 327, de telle sorte que,
actuellement, les articles 326 et 327 traitent de la personnalité
juridique et de la constitution. Ils sont repris dans les articles 321.1 et
321.2, de telle sorte que toute la section II sera consacrée aux effets
de la personnalité juridique et que la première section, ce sera
la constitution et les espèces.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, est-ce qu'on peut faire une
observation sur certaines ambiguïtés qui, probablement, vont
être corrigées par ces amendements?
Mme Harel: Oui.
M. Pineau: Peut-être est-il préférable d'en
parler tout de suite.
Le Président (M. Gagnon): Cela va.
M. Pineau: M. le Président, à la lecture des
différentes dispositions qui sont proposées et des commentaires
qui suivent ces dispositions, il y a peut-être une certaine
ambiguïté. Le Barreau l'a d'ailleurs soulevée, à cet
égard. Cette ambiguïté consisterait peut-être à
laisser croire qu'il peut exister des personnes morales qui n'ont pas la
personnalité juridique.
M. Cossette: Cela va disparaître avec l'amendement.
M. Pineau: Alors, c'est cela. Il est donc très clair qu'un
groupement qui est une personne morale a la personnalité juridique. Une
personne morale a nécessairement la personnalité juridique.
M. Cossette: C'est le premier amendement qu'on fait, c'est
justement dans ce sens?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement à
l'intitulé est-il adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Voilà. Article 321?
Mme Harel: L'amendement consiste à remplacer l'article 321
par les suivants: les articles 321, 321.1 et 321.2. Je fais lecture de
l'article 321: 321. "Les personnes morales ont la personnalité
juridique. "Elles sont de droit public ou de droit privé. "321.1: Les
personnes morales sont constituées suivant les formes juridiques
prévues par la loi et parfois directement par la loi. "Elles existent
à compter de l'entrée en vigueur de la loi ou au temps que
celle-ci prévoit si elles sont de droit public ou constituées
directement par la loi ou par l'effet de celle-ci; autrement, elles existent
à compter de leur immatriculation au registre des associations et
entreprises. "321.2: Sauf disposition contraire de la loi, l'immatriculation au
registre des associations et entreprises peut seule conférer le statut
de personne morale aux associations, sociétés ou autres
groupements de droit privé."
Le commentaire sur l'amendement: Les articles proposés par cet
amendement reprennent sous une autre forme, pour les clarifier, les articles
321, 326 et 327 proposés par le projet de loi 20. Ils visent, d'une
part, à clarifier que toute personne morale a la personnalité
juridique du seul fait qu'elle existe et à préciser le moment
à compter duquel elles existent et, d'autre part, à
établir que c'est seulement l'immatriculation au registre des personnes
morales que le statut de personne morale est conféré aux
associations, sociétés et autres groupements de droit
privé, sauf disposition contraire de la loi. Tels que
rédigés, les articles 321, 326 et 327 semblent reconnaître
la possibilité qu'il puisse exister des personnes morales sans
personnalité juridique complète.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Les commentaires que
vous venez de lire sur l'amendement sont-ils complets? Oui?
Mme Harel: II faudra lire le commentaire de façon à
introduire que c'est seulement par l'immatriculation.
Le Président (M. Gagnon): Oui, cela va.
Mme Harel: C'est simplement une correction.
Le Président (M. Gagnon): Voilà.
Mme Harel: II faut lire le commentaire
en sachant que c'est par l'immatriculation au registre. C'était
une omission du "par" devant le mot "immatriculation".
Le Président (M. Gagnon): Cela va.
M. Marx: L'immatriculation, c'est l'instruction à la Cour
supérieure? Est-ce cela?
Mme Longtin: Non.
M. Marx: Cela sert à quoi?
Le Président (M. Gagnon): Me Cossette?
M. Cossette: Ce sera le registre des associations et
entreprises.
M. Marx: II va y avoir un autre... Où cela sera-t-il?
Mme Longtin: C'est un registre qui sera détenu par
l'Inspecteur général des institutions financières et qui
se trouvera à remplacer les petits registres de raisons sociales
actuellement éparpillés dans tous les palais de justice.
M. Marx: Dans quelle loi retrouve-t-on cela?
Mme Longtin: Dans une loi à venir. M. Marx: Dans
une loi à venir?
Mme Longtin: Dont le dépôt est à venir,
oui.
M. Marx: Est-ce que c'est dans l'avant-projet de loi sur...
Mme Longtin: Non, parce que c'est une loi d'une assez grande
ampleur vu qu'elle doit modifier plusieurs lois de nature...
M. Marx: Sera-t-elle déposée avant la fin de cette
session?
Mme Longtin: ...sur les compagnies. M. Cossette:
C'est-à-dire que... Mme Longtin: II semblerait que non. M.
Marx: II semblerait que non. Mme Longtin: On n'a pas
réussi...
M. Cossette: Mais elle sera déposée en même
temps que le projet sur la loi d'application. (20 h 30)
M. Marx: Ah boni C'est juste, M. le Président, qu'on va
adopter aujourd'hui des articles qui comportent des références
à des lois inexistantes, qui vont venir un jour.
Mme Longtin: Mais le titre ne sera pas en vigueur tant que nos
registres ne seront pas existants puisque...
M. Marx: Oui, c'est cela.
Mme Longtin: ...il est lié à ce registre.
M. Marx: D'accord. Est-ce que cela sera une loi du
ministère de la Justice ou de celui des Institutions
financières.
M. Cossette: Ce sera une loi de l'Inspecteur
général des institutions financières.
M. Marx: II va refaire toute...
M. Cossette: Qui va reprendre, pour les fins du registre, qui va
récupérer tout ce qui se fait dans tous les palais de justice de
la province.
M. Marx: II va y avoir un registre... M. Cossette:
Centralisé. M. Marx: Informatisé, j'imagine. M.
Cossette: Je le pense, oui.
Le Président (M. Gagnon): Je voudrais vous demander
de...
Mme Harel: Excusez, Me Cossette, M. le Président,
simplement...
Le Président (M. Gagnon): ...faire attention. Les propos
que vous venez d'échanger sont très certainement
extrêmement importants, or, je remarque qu'il y a des fois où cela
se dédouble. La réponse arrive avant que la question soit
finie.
M. Marx: On va passer par vous, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Non, ce n'est peut-être
pas nécessaire, mais il serait bon d'attendre tout de même que la
question ou la réponse soit finie pour reprendre la parole.
Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je voudrais simplement
signaler que nous avons avec nous MM. Denis Racine et Michel Cloutier, qui sont
tous les deux du bureau de l'inspecteur général et qui sont au
travail présentement sur le cadre juridique de cette loi, je crois.
M. Marx: De cette nouvelle loi...
Mme Harel: De cette nouvelle loi. M. Marx: ...à venir.
Le Président (M. Gagnon): Cela va. Me Pineau.
M. Pineau: Oui, M. le Président, il est possible que la
réponse ait déjà été donnée à
ia question que je vais poser, mais je ne suis pas sûr d'avoir entendu.
J'avais été frappé dans le texte original de la
proposition par le fait que l'on disait simplement: "La personnalité
juridique ou morale existe à compter de l'immatriculation." Je vois que,
dans l'alinéa second de l'article 321.1, on nous dit bien: "Elles
existent à compter de leur immatriculation..." mais on ne dit pas
qu'elles existent par l'immatriculation. Or, en fait, l'immatriculation n'est
pas simplement le point de départ de l'acquisition de la
personnalité juridique. C'est une condition d'existence, n'est-ce pas?
C'est cela qui m'avait frappé, mais je vous ai vaguement entendue tout
à l'heure dire "par", mais je ne sais pas de...
Mme Harel: Est-ce que l'article 321.2 ne satisfait pas votre
point de vue?
M. Pineau: C'est étonnant que l'article 321.2 vienne
après le deuxième alinéa de l'article 321.1 car, en
définitive, dans l'article 321.2, on indique la condition d'existence
alors que, dans l'article 321.1, on nous indique le point de départ de
l'effet de l'acquisition de la personnalité juridique. C'est une simple
observation.
M. Frénette (Aldée): Par contre, l'article 321.1
est plus général et comprend d'autres personnes morales que les
personnes morales de droit privé qui doivent s'immatriculer. Il y a des
personnes publiques et même des personnes morales de droit privé
qui n'ont pas, en vertu de la loi, à s'immatriculer.
M. Pineau: Cela va.
Le Président (M. Gagnon): Alors, le nouvel article 321 est
adopté. L'article 321.1 est adopté. L'article 321.2 est
adopté.
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gagnon): L'article 322?
Mme Harel: II y a plusieurs amendements apportés à
l'article 322. À la deuxième ligne, il s'agit d'insérer,
après le mot "lois", le mot "particulières"; à la
deuxième ligne également, insérer, entre les mots "et" et
"leur", les mots "par celles qui"; et à la quatrième ligne,
insérer, après les mots "quant à", les mots "leur statut
de personne morale", de façon que l'article 322, tel que modifié,
se lise comme 3uit: "Les personnes morales de droit public sont d'abord
régies par les lois particulières qui les constituent et par
celles qui leur sont applicables; elles sont aussi régies par le
présent code lorsqu'il y a lieu de compléter les dispositions de
ces lois, notamment quant à leur statut de personne morale, à
leurs biens ou leurs rapports avec les autres personnes."
Le commentaire: La première modification apporte une
précision au texte puisqu'il s'agit bien ici de lois que l'on
désigne par le mot "particulières", par opposition aux
codifications d'ordre général.
La seconde modification est de nature purement formelle. Quant à
la dernière, elle ne change pas le fond de l'article puisqu'elle ajoute
un élément à une énumération non limitative
visant à expliquer la portée du chapitre premier par rapport aux
lois particulières applicables aux personnes morales de droit public.
Cependant, il était utile d'ajouter l'élément le plus
fondamental, le statut de personne morale.
Le Président (M. Gagnon): Des commentaires?
M. Cossette: Le commentaire original sur l'article 322. Cet
article reprend essentiellement le premier alinéa de l'article 356 du
Code civil du Bas-Canada, qui distingue les personnes morales, politiques ou de
droit public et les personnes morales civiles ou de droit privé. Il
maintient également le principe que les personnes morales de droit
public sont régies par le droit public, donc, les lois qui les
constituent et qui leur sont applicables. Le code, au titre des personnes
morales, ne sert qu'à compléter ces lois, s'il y a lieu,
notamment quant à leurs biens et à leurs rapports avec les autres
personnes.
Par ailleurs, le chapitre deuxième du titre des personnes morales
ne s'applique pas aux personnes morales de droit public puisqu'elles ne sont
pas formées en vertu du Code civil.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires?
M. Marx: Des commentaires sur les amendements?
Le Président (M. Gagnon): Non, je veux dire de votre part.
Cela va? Alors, l'amendement à l'article 322 est-il adopté? Et
l'article...
M. Marx: II n'y a pas...
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le
député.
M. Marx: Est-ce que nous avons eu le commentaire sur les
amendements?
Le Président (M. Gagnon): Oui. M. Marx: C'est
cela.
Le Président (M. Gagnon): L'article 322, tel
qu'amendé, est-il adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Article 323?
Mme Harel: Les amendements. À la première ligne du
deuxième alinéa, insérer, après le mot "lois", le
mot "particulières" et à la troisième ligne du
deuxième alinéa, insérer, après les mots "quant
à", les mots "leur statut de personne morale", de façon que
l'article 323 amendé se lise comme suit: "Les personnes morales de droit
privé doivent emprunter les formes juridiques que la loi reconnaît
comme pouvant conférer la personnalité morale; elles se divisent
principalement en associations et en sociétés et sont
généralement formées de plusieurs membres. "Elles sont
d'abord régies par les lois particulières applicables à
leur espèce; elles le sont aussi par le présent code lorsqu'il y
a lieu de compléter les dispositions de ces lois, notamment quant
à leur statut de personne morale, à leurs biens ou leurs rapports
avec les autres personnes."
Le commentaire: Ces amendements ont le même effet que ceux
apportés à l'article 322.
Le Président (M. Gagnon): Des commentaires sur
l'article?
M. Cossette: Cet article précise que les personnes morales
de droit privé issues de la volonté d'individus doivent prendre
l'une des formes que la loi reconnaît comme pouvant conférer la
personnalité morale. Ainsi, elles pourront se former suivant diverses
lois: le Code civil, les lois sur les compagnies, les coopératives, les
compagnies de fidéicommis, etc.
Le présent article simplifie aussi les divisions du droit actuel
et classe les personnes morales de droit privé, principalement en deux
catégories: l'association et la société. Celles-ci se
distinguent l'une de l'autre par leur vocation exprimée aux articles 324
et 325. Le second alinéa de cet article établit la portée
des dispositions de ce titre sur les personnes morales de droit privé.
Sauf le chapitre deuxième, qui prévoit des règles
applicables aux personnes morales formées suivant le présent
code, les autres articles de ce titre qui concernent la notion même de
personnalité morale, la personnalité juridique et ses attributs,
et les obligations des administrateurs s'appliquent à toutes les
personnes morales de droit privé, mais celles-ci demeurent d'abord
régies par les lois qui leur sont spécialement applicables.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, c'est moins ambigu que cela
l'était. Il y a une légère ambiguïté
néanmoins, encore, lorsqu'on dit que les personnes morales de droit
privé doivent emprunter les formes juridiques que la loi reconnaît
comme pouvant conférer la personnalité morale. La forme juridique
se réfère aux différentes espèces de
sociétés: en commandite, par actions, en nom, etc. Cela ne se
réfère pas aux conditions d'existence telles que
l'immatriculation par exemple. Je me demande s'il ne serait pas sage de dire:
"Les personnes morales de droit privé doivent emprunter les formes
juridiques que la loi exige afin de conférer la personnalité
juridique ou la personnalité morale." On englobe tout à ce
moment, enfin, je ne sais pas si mon observation est claire?
Mme Harel: Nous allons consulter notre experte.
Le Président (M. Gagnon): Nous allons suspendre pour deux
minutes.
(Suspension de la séance à 20 h 43)
(Reprise à 20 h 47)
Le Président (M. Gagnon): Donc, l'amendement à
l'article 323, est-ce que vous voulez le relire, Mme la députée
de Maisonneuve?
Mme Harel: Oui, l'amendement consiste, à la
deuxième ligne du premier alinéa, à remplacer les mots
"reconnaît comme pouvant conférer" par les mots "exige pour
conférer". Je vais reprendre en fait, en deuxième et
troisième lignes du premier alinéa, remplacer les mots
"reconnaît comme pouvant conférer la personnalité morale"
par les mots "exige pour conférer la personnalité juridique".
Le Président (M. Gagnon): Voilà. Est-ce qu'il y a
d'autres commentaires? Non, les commentaires ont été faits.
Est-ce que vous voulez y ajouter? Non. Alors, l'amendement à l'article
323 est adopté?
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui.
Le Président (M. Gagnon): Oui, l'article 323 tel
qu'amendé est adopté?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gagnon): L'article 324.
Mme Harel: L'amendement de l'article 324 consiste à
insérer après le mot "ont" le mot "généralement" et
à remplacer tout ce qui suit le mot "tiers" par ce qui suit: "elles
n'ont pas habituellement pour objet essentiel de réaliser des
bénéfices, de les partager entre leurs membres, ni d'exploiter
une entreprise". Ceci de façon que l'article 324 amendé se lise
comme suit: "Les associations ont généralement vocation à
satisfaire, par la mise en commun de biens, de connaissances ou
d'activités, les besoins de leurs membres ou de tiers. Elles n'ont pas
habituellement pour objet essentiel de réaliser des
bénéfices, de les partager entre leurs membres ni d'exploiter une
entreprise."
Le Président (M. Gagnon): Commentaires sur...
Mme Harel: Cet amendement atténue le caractère
absolu de la définition proposée pour la rendre plus conforme
à la réalité. En pratique, certains groupements ont
d'autres objets que celui de satisfaire les besoins de leurs membres, tout en
possédant la caractéristique essentielle d'une association.
L'ajout des mots "généralement" et "habituellement" permet de
considérer de tels groupements comme des associations, même s'ils
ont des objets secondaires non compris dans la définition prévue
au présent article.
Le Président (M. Gagnon): Les commentaires sur
l'article.
M. Cossette: Compte tenu des modifications proposées dans
l'amendement, cet article 324 est de droit nouveau; avec l'article suivant, il
fonde les deux grandes divisions applicables aux personnes morales de droit
privé, et il établit la différence essentielle entre une
association et une société.
La première vise d'abord et avant tout à combler les
besoins de ses membres ou de tiers, mais elle ne peut, si des
bénéfices sont réalisés, les partager entre les
membres. Elle couvre principalement des associations philanthropiques, des
groupements professionnels ou syndicaux et en général des
groupements de personnes exerçant une activité commune ou ayant
un intérêt commun aussi bien dans le domaine culturel que dans les
domaines sociaux ou économiques.
La seconde vise à satisfaire les besoins économiques et
sociaux communs des membres par l'exploitation d'une entreprise. Elle a pour
objet de procurer revenus et profits aux membres. Elle couvre, entre autres,
les sociétés par actions, les sociétés en
commandite et nombre de coopératives.
Le Président (M. Gagnon): Ça va? Me
Pineau.
M. Pineau: M. le Président, le premier rapport du Barreau
nous dit que les coopératives ne sont pas couvertes par l'article 324.
Le commentaire qui est sous l'article 324 nous indique, au contraire, que
nombre de coopératives sont couvertes par l'article 324.
M. Cossette: Pas toutes.
M. Marx: Non.
M. Pineau: Pas toutes, mais...
M. Marx: Si on dit "nombre", lesquelles sont couvertes et...
M. Pineau: Ce sont celles qui ont quoi pour objet essentiel?
Le Président (M. Gagnon): Me Cossette. Ça va?
M. Cossette: Je pense que des coopératives peuvent
être considérées tantôt comme des
sociétés tantôt comme des associations. Je pense
particulièrement aux cercles de fermières.
Généralement, les cercles de fermières sont des
coopératives qui peuvent facilement entrer dans la définition
prévue à l'article 324; une coopérative d'habitation
aussi, peut-être pas toujours, mais en principe, on pourrait dire oui. Je
pense que la caisse populaire, la caisse d'épargne et de crédit
est davantage une société qu'une association. On ne peut pas
dire, pour toutes les coopératives, qu'elles entrent soit dans l'article
324 ou dans l'article 325. Mais, tantôt la coopérative sera une
association, tantôt elle sera une société, suivant sa
vocation.
Le Président (M. Gagnon): Oui, Me Longtin.
Mme Longtin: D'une façon très schématique,
on peut dire qu'une société est, en gros, une personne morale qui
poursuit un but lucratif, suivant l'ancienne terminologie, alors que
l'association est une personne morale à but non lucratif.
Le Président (M. Gagnon): Me Cossette.
M. Cossette: On n'a pas voulu se coller aux expressions "avec but
lucratif" et "sans but lucratif", qui ont tendance à
disparaître
de plus en plus.
Le Président (M. Gagnon): Ça va? M. Marx:
Oui.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article
324 est-il adopté?
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): L'article 324 tel
qu'amendé est-il adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Gagnon): L'article 325?
Mme Harel: L'amendement consiste, à la première
ligne, à insérer après le mot "on" le mot
"généralement". L'article 325 amendé se lit comme suit:
"Les sociétés ont généralement vocation à
réaliser et à partager des bénéfices. Elles peuvent
aussi avoir vocation à profiter des économies qui peuvent
résulter de la mise en commun de biens, de connaissances ou
d'activités ou à satisfaire des besoins économiques et
sociaux communs par l'exploitation d'une entreprise."
Le Président (M. Gagnon): Y a-t-il descommentaires?
M. Cossette: Une partie du commentaire de cet article...
Mme Harel: Sur l'amendement...
M. Cossette: ...apparaissait à l'article
précédent.
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire sur
l'amendement.
Mme Harel: Le commentaire. En pratique, certains groupements ont
d'autres objets que de réaliser et de partager des
bénéfices. Tout en possédant la caractéristique
essentielle d'une société, l'ajout du mot
"généralement" permet de considérer de tels groupements
comme des sociétés, même s'ils ont des objets secondaires
non compris dans la définition prévue au présent
article.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires?
Mme Harel: Me Choquette.
Le Président (M. Gagnon): Me Cossette?
Mme Harel: Me Cossette.
M. Cossette: Le commentaire lu sous l'article 324 s'appliquait
également pour l'article 325.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau?
M. Pineau: Là encore le premier rapport du Barreau
s'interroge sur les sociétés de gestion.
M. Cossette: Je pense qu'avec le mot
"généralement", on peut couvrir la société de
gestion qui, elle, généralement n'a pas pour but ou pour vocation
de réaliser des bénéfices, bien que ce soit très
rare qu'une société de gestion ne réalise pas
elle-même des bénéfices. Au cas où elle n'en
réaliserait pas, je pense que l'expression "généralement"
vient couvrir le tout.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article
325 et l'article 325 tel qu'amendé sont adoptés. Article 326. Mme
la députée de Maisonneuve.
Des effets de la personnalité juridique
Mme Harel: Avant d'étudier l'article 326, il y a un
amendement à l'intitulé de la section II qui
précède l'article 326, et il consiste à remplacer
l'intitulé par le suivant: Des effets de la personnalité
juridique.
Le commentaire sur l'amendement. Les dispositions relatives à la
constitution des personnes morales ont été
déplacées à la section I. La section II concerne
maintenant les effets de la personnalité juridique uniquement.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cet amendement
à l'intitulé de la section II est adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Article 326?
Mme Harel: L'amendement consiste à supprimer l'article. Le
commentaire sur l'amendement: Le contenu de cet article est repris par
l'amendement apporté à l'article 321.
Le Président (M. Gagnon): Voilà. Ça va? Il
n'y a pas d'autres commentaires? Est-ce que l'amendement à l'article
326, qui demande de supprimer l'article 326, est adopté?
M. Marx: Supprimé, oui.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 327?
Mme Harel: De la même façon, l'amendement consiste
à supprimer l'article 327. Le commentaire sur l'amendement est
à
l'effet que le premier alinéa est repris par l'amendement
apporté à l'article 321 et le second est repris par l'amendement
apporté au projet par l'introduction de l'article 345.1.
M. Marx: Article que nous n'avons pas reçu encore.
Mme Harel: Voulez-vous qu'on vous en fasse lecture?
M. Marx: Peut-être.
Mme Harel: Nous allons vous en faire lecture tout de suite.
M. Marx: Oui, ce serait peut-être utile...
Le Président (M. Gagnon): Voulez-vous en faire
lecture?
M. Marx: ...étant donné qu'on fait
référence à cet article.
Mme Harel: On va le distribuer.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: L'article 345.1 se lit comme suit: "345.1 Le tribunal
peut, pour statuer sur l'action d'un tiers de bonne foi, décider qu'une
personne ou un groupement qui n'a pas le statut de personne morale est tenu au
même titre qu'une personne morale s'il a agi comme tel à
l'égard de ce tiers."
Je fais tout de suite le commentaire sur l'amendement. Cette
modification vise à améliorer la structure du projet. Cette
disposition se trouvait au deuxième alinéa de l'article 327, au
début de la section sur les effets de la personnalité juridique.
Comme il s'agit d'une exception, puisque ces groupements n'ont justement pas la
personnalité juridique, le déplacement de cette règle
à la fin de la section est beaucoup plus logique et permet surtout
d'éviter la confusion au niveau de l'énoncé des
règles générales relatives aux effets de la
personnalité juridique.
À ce moment-ci, on peut peut-être simplement disposer de
l'amendement à l'article 327 qui consiste à le supprimer et puis,
lors de l'étude, nous reviendrons à l'article 345.1.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article
327 est-il adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Gagnon): II consiste à supprimer
l'article 327. Article 328?
Mme Harel: "328. Les personnes morales constituées suivant
les lois du Québec ont la pleine jouissance des droits civils au
Québec et hors du Québec."
M. Marx: C'est un article important en droit constitutionnel si
on veut pouvoir transiger à l'extérieur du Québec. (21
heures)
Le Président (M. Gagnon): Les commentaires.
M. Cossette: Cet article reconnaît que la
personnalité juridique donne aux personnes morales la pleine jouissance
des droits civils au Québec et hors du Québec. Le projet
distingue, comme pour les personnes physiques, la jouissance des droits civils
et l'exercice de ces droits. Les personnes morales ont la pleine jouissance de
leurs droits, mais l'exercice de ce droit peut être limité
à la fois par la loi ou par leur nature, tel que précisé
à l'article 330 du projet.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 328 est
adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 329?
Mme Harel: L'amendement à l'article 329 consiste, à
la deuxième ligne, à remplacer les mots "être
divisés ou faire l'objet d'affectation" par les mots "faire l'objet
d'une division ou d'une affectation" et, à la dernière ligne,
à remplacer les mots "personnalité morale" par le mot "nature",
de façon que l'article 329 se lise comme suit: "Les personnes morales
sont titulaires d'un patrimoine qui peut, dans la seule mesure prévue
par la loi, faire l'objet d'une division ou d'une affectation. Elles ont aussi
des droits et obligations extrapatrimoniaux liés à leur
nature."
Le commentaire sur cet amendement. La première modification est
de concordance avec l'amendement apporté à l'article 2. La
seconde vise à clarifier le texte.
Le Président (M. Gagnon): Des commentaires sur
l'article?
M. Cossette: Cet article reconnaît que la personne morale
est, comme toute personne, titulaire d'un patrimoine et qu'elle a,
conformément à sa nature, des droits dits extrapatrimoniaux
liés à sa personnalité juridique.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires? Cela va? L'amendement à l'article 329 est-il
adopté? L'article 329 tel qu'amendé est-il adopté?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Oui. Article 330?
Mme Harel: À la troisième ligne du premier
alinéa, l'amendement consiste à remplacer le mot "de" par le mot
"des". C'est une modification de nature purement formelle. L'article 330
amendé se lit comme suit: "Les personnes morales ont toute la
capacité requise pour exercer leurs droits et les dispositions du
présent code relatives à l'exercice des droits civils par les
personnes physiques leur sont applicables compte tenu des adaptations
nécessaires. Elles n'ont d'autres incapacités que celles qui
résultent de leur nature ou de la loi."
Le Président (M. Gagnon): Commentaires?
M. Cossette: Cet article reprend certains éléments
des articles 358 et 364 du Code civil du Bas-Canada, mais il s'en
différencie en reconnaissant, dès l'abord, que les personnes
morales sont, comme les personnes physiques, capables de l'exercice des droits
civils, sauf les réserves que la loi ou leur nature apportent à
cette capacité. Ainsi, la loi peut interdire l'exercice de certaines
activités, alors que, comme l'indique l'article 331, certains actes ou
fonctions sont incompatibles avec la nature même d'une personne de ce
type.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires?
Une voix: Non.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article
330 est-il adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Gagnon): L'article 330 tel
qu'amendé est adopté. Article 331?
Mme Harel: Il n'y a pas d'amendement. L'article se Ht comme suit:
"Les personnes morales ne peuvent exercer la tutelle ou la curatelle à
la personne, ni être jurés. Elles doivent comparaître par
procureur et être représentées par une personne physique
lorsqu'elles sont assignées comme témoin. Elles peuvent
cependant, dans la mesure prévue par la loi, exercer la charge de tuteur
ou de curateur aux biens, de liquidateur d'une succession, de séquestre,
de fiduciaire ou d'administrateur d'une autre personne morale."
Le Président (M. Gagnon): Commentaires?
M. Cossette: Cet article, comme le fait en droit actuel l'article
365 du Code civil du
Bas-Canada, énumère certaines incapacités de la
personne morale liées à sa nature même. Ainsi, comme
endroit actuel, la personne morale ne peut exercer une curatelle ou une tutelle
à la personne, ni être juré, ni comparaître en
justice autrement que par procureur.
Une modification cependant. La personne morale pourra être
assignée comme témoin, mais elle devra alors être
représentée par une personne physique pour témoigner. Il
s'agit ici de faciliter l'assignation de ces personnes lorsqu'on ignore qui,
dans l'organisation, peut témoigner.
Le second alinéa modifie cependant le droit actuel en permettant
aux personnes morales, dans la mesure prévue par les lois, d'exercer une
charge de tuteur ou de curateur aux biens, de liquidateur d'une succession, de
séquestre, de fiduciaire ou d'administrateur d'une autre personne
morale. Ses fonctions sont d'ordre administratif ou financier plutôt que
personnel. Elles ne requièrent généralement plus de leur
titulaire la prestation du serment et ne les exposent plus à la
contrainte par corps. Au surplus, l'exercice de telles fonctions est
aujourd'hui largement réglementé.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires?
M. Marx: Je trouve que...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Je trouve curieux qu'elles ne puissent pas être
jurés. Je pense que dans la Loi sur les jurés, on parle des
personnes physiques. De toute façon, la Loi sur les jurés du
Québec s'applique seulement aux procès de droit criminel. C'est
déjà dans la loi que...
M. Pineau: M. le Président, je...
M. Marx: Le shérif ne peut pas arrêter sur la rue
une personne morale et l'amener à la cour.
Une voix: Cela va être difficile.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: C'était...
Une voix: On ne sait jamais avec la science...
Une voix: Je ne sais pas comment vous allez vous y prendre.
M. Pineau: Cette interdiction était dans l'article 365. Je
suppose... Je ne sais pas,
mais on fait allusion aux procès civils, probablement, qui
pouvaient être par jurés. Moi aussi, j'avais noté cela.
Est-ce utile de dire cela dans le Code civil qu'une personne morale ne peut pas
être juré.
Mme Longtin: Cela fait partie de la nature de la personne de ne
pas pouvoir être juré. On va biffer. On va présenter un
amendement pour biffer.
Le Président (M. Gagnon): II va apparaître un
amendement à l'article 331.
Mme Harel: Qui va consister à biffer "ni être
juré".
Le Président (M. Gagnon): Voilà.
Mme Harel: La curatelle, alors c'est une correction, M. le
Président, qui consiste à remplacer "ou" par "ni".
Le Président (M. Gagnon): Voilà. Nous allons avoir
cet amendement. Est-ce que cet amendement à l'article...
M. Pineau: Elles peuvent exercer la tutelle.
Mme Harel: Ou la curatelle.
M. Pineau: C'est une négation, cependant.
Mme Harel: Les personnes morales. Le Président (M.
Gagnon): Oui.
Mme Harel: On va préparer l'amendement.
Le Président (M. Gagnon): Oui, d'accord. Est-ce que
l'amendement à l'article 331 est adopté? Non, pas tout de
suite.
Mme Harel: L'amendement consiste à la première
ligne du premier alinéa à remplacer le mot "ou" par le mot "ni"
et à la deuxième ligne du premier alinéa, à biffer
"ni être juré".
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: Une simple question, M. le Président. On
maintient "doivent comparaître par procureur". Est-ce qu'on a maintenu le
terme "procureur" dans l'ensemble du projet de loi?
Le Président (M. Gagnon): Me Cossette.
M. Cossette: Et dans le Code de procédure
également.
M. Pineau: Et dans le Code de procédure
également.
M. Leduc (Saint-Laurent): Ce n'est pas mandataire qu'on
utilise...
M. Cossette: Pour désigner un avocat, c'est
généralement procureur.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que c'est nécessairement
un avocat qui va représenter la personne morale?
Mme Longtin: Je pense que "procureur" comprend les notaires
lorsqu'ils peuvent agir en justice...
Une voix: Dans certains cas.
Mme Longtin: ...donc, c'est plus large que avocat.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est plus large.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Est-ce que l'amendement
à l'article 331 est adopté?
Mme Harel: L'amendement est à l'effet évidemment de
corriger ni la tutelle, ni la curatelle.
Le Président (M. Gagnon): Oui, c'est parce que je...
J'attends que les interrogations... Je ne sais pas s'il y a d'autres
interrogations.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je me demandais si...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): ...c'était mieux d'utiliser le
mot représentant. Une personne morale, est-ce qu'elle doit être
représentée par procureur nécessairement? Je ne comprends
pas.
M. Marx: À la cour, oui, c'était toujours comme
cela.
M. Leduc (Saint-Laurent): On ne dit pas que c'est à la
cour, ici.
Mme Longtin: C'est parce qu'elles sont assignées comme
témoins.
Mme Harel: Comparaître.
Mme Longtin: Comparaître. C'est un acte de comparution.
M. Marx: Comparaître.
M. Leduc (Saint-Laurent): Comparaître.
Le Président (M. Gagnon): Faites attention. Qui a la
parole?
M. Marx: Je veux juste dire que... Je pense que...
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous ne comprenez pas, est-ce qu'il
ne...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): ...pourrait pas y avoir
ambiguïté dire "comparaître, un acte". Nous, les notaires, on
voit cela souvent, des gens qui comparaissent. Est-ce que cela ne peut pas
prêter à ambiguïté? Un notaire, la première
chose qu'il a à l'esprit, c'est "comparaître un acte".
Peut-être qu'il y a déformation, remarquez bien.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Pour un avocat...
M. Leduc (Saint-Laurent): Pour un avocat...
M. Marx: ...c'est un procès.
M. Leduc (Saint-Laurent): ...c'est la cour.
M. Marx: Pour un avocat, c'est un procès. Je pense que
c'est évident que dans la loi c'est "comparaître à la
cour", cela prendra un procureur, un avocat.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est sûr que si c'est à
la cour, il n'y a pas de problème. Est-ce qu'on ne pourrait pas dire
"doit comparaître à la cour"?
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous avez
terminé, M. le député de D'Arcy McGee?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Oui? M. le député
de Saint-Laurent, cela va?
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui. J'attends de voir si ma
remarquable intervention va les inciter, n'est-ce-pas, à faire quelques
changements.
Mme Harel: II faut que ce soient des changements utiles et
valables.
Le Président (M. Gagnon): Me Longtin, oui.
Mme Longtin: En fait, c'est parce que le contexte de la phrase
dit: Lorsqu'elles sont assignées comme témoins." Autant que je
sache, je ne pense pas que les notaires, pour faire comparaître un
témoin à un acte, l'assignent. Cela réfère quand
même au bref d'assignation.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'amendement à
l'article 331 est adopté. L'article 331, tel qu'amendé, est-il
adopté?
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Article 332?
Mme Harel: L'amendement consiste, à la dernière
ligne du deuxième alinéa, à remplacer le mot "sa" par le
mot "la" et à ajouter, à la fin, les mots "qu'elles empruntent".
L'article 332 amendé se lit comme suit: "Les personnes morales ont un
nom qui leur est donné au moment de leur constitution. Elles exercent
leurs droits et exécutent leurs obligations sous ce nom. "Ce nom doit
être conforme à la loi et inclure, lorsque la loi le requiert, une
mention indiquant clairement la forme juridique qu'elles empruntent."
Le commentaire sur l'amendement: C'est une modification de nature
purement formelle.
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire sur
l'article.
M. Cossette: Cet article, comme l'article 357 du Code civil du
Bas-Canada, prévoit qu'une personne morale a un nom et qu'un certain
contrôle sur le nom peut exister. Il établit qu'une personne
morale doit avoir un nom, exercer ses droits et exécuter ses obligations
sous ce nom. La règle proposée ne fait toutefois pas obstacle
à l'utilisation éventuelle d'un numéro pour
désigner la personne.
Par ailleurs, cet article étend à toute personne morale
l'obligation prévue à l'article 123.22 de la Loi sur les
compagnies, a l'effet d'identifier, lorsque la loi le requiert, le type
d'entité dont il s'agit. Il vise principalement à faire
connaître au tiers qu'il s'agit d'une personne morale dont les membres
ont une responsabilité, limitée ou non.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires? M. le député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): On dit: Ajouter, à la fin, les
mots "qu'elle emprunte". Cela veut donc dire une mention indiquant clairement
sa forme juridique.
Mme Harel: "Qu'elles empruntent", au pluriel.
M. Leduc (Saint-Laurent): "Qu'elles empruntent".
M. Marx: "Sa forme juridique", cela veut dire une
compagnie incorporée, limitée ou enregistrée, ainsi de
suite? Tous les mots qui...
M. Cossette: Cela pourrait être une société
en commandite. Cela pourrait être...
M. Marx: D'accord, je comprends.
M. Cossette: ...une société purementcontractuelle.
Le Président (M. Gagnon): Me Longtin ainsi que Mme la
députée de Maisonneuve, vous avez ajouté des choses,
à la question qu'on vous a posée, qui n'ont sûrement pas
été enregistrées.
Mme Harel: II ne s'agissait pas d'un amendement...
Le Président (M. Gagnon): Non? Il n'y a pas de
problèmes?
Mme Harel: Mais d'un simple commentaire.
Le Président (M. Gagnon): Voilà. C'est important
d'enregistrer aus3i les commentaires. Est-ce que cela va?
M. Marx: Oui, je pense que cela va.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement à
l'article 332 est adopté?
Mme Harel: L'amendement est adopté.
Le Président (M. Gagnon): L'article 332, tel
qu'amendé, est-il adopté?
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Article 333?
Mme Harel: L'amendement consiste à remplacer ce qui suit
le mot "sien", à la deuxième ligne, par ce qui suit: "elle doit
déposer un avis en ce sens au registre des associations et entreprises."
L'article amendé se lit comme suit: "La personne morale peut exercer une
activité ou s'identifier sous un autre nom que le sien; elle doit
déposer un avis en ce sens au registre des associations et
entreprises."
Le commentaire sur l'amendement. L'article proposé subordonne
l'utilisation par une personne morale d'un autre nom que le sien à
l'enregistrement d'une déclaration à cet effet au registre. Or,
une telle utilisation découle en fait de l'usage et non de
l'enregistrement. L'amendement a pour but de rendre l'article proposé
conforme à cette réalité tout en imposant par ailleurs le
mode de divulgation de cette utilisation d'un nom autre que le sien pour en
informer les tiers.
Le Président (M. Gagnon): Pas de commentaires? M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais comprendre qui utilise un nom autre que le
sien. Donnez-moi un ou deux exemples.
Le Président (M. Gagnon): Me Cossette.
Mme Harel: C'est très fréquent pour les
restaurants.
M. Cossette: Oui, le restaurant est déjà un
exemple. Je pourrais être propriétaire de Les entreprises
André Cossette Inc..
M. Marx: C'est le restaurant Cossette.
M. Cossette: ...et exploiter un restaurant qui s'appellerait le
restaurant Raspoutine.
Le Président (M. Gagnon): Ça va? Me Pineau.
M. Pineau: La Chambre des notaires a proposé une
modification dans son deuxième rapport, je crois, à la page 31.
Elle suggérait de lire cet article de la façon suivante: "La
personne morale peut exercer une activité ou s'identifier sous une
appellation autre que son nom, pourvu qu'un avis, etc." J'ai eu l'impression
que cette observation était assez juste.
M. Frénette: Non, parce que c'est vraiment leur nom.
Personnellement, je ne vois pas la nuance ou ce qu'on pourrait couvrir de plus
en disant "appellation" plutôt que "nom".
M. Pineau: À l'objection qui est faite, si on
considère la personne physique, on pourrait répondre que celle-ci
possède un nom patronymique et qu'elle peut se faire appeler sous un
pseudonyme.
M. Cossette: Un nom pseudo, un faux nom. C'est toujours un
nom.
M. Pineau: Oui, mais ce n'est pas le nom patronymique, justement.
C'est une appellation. En d'autres termes, ce n'est pas son vrai nom, c'est son
faux nom.
M. Marx: On va suspendre pour deux minutes.
(Suspension de la séance à 21 h 15)
(Reprise à 21 h 25)
Le Président (M. Gagnon): L'article 333?
Mme Harel: II consiste à remplacer ce qui suit le mot
"sien" par "Elle doit déposer un avis en ce sens au registre des
associations et entreprises."
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cet amendement est
adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. L'article 333 tel
qu'amendé est-il adopté?
M. Marx: Oui, sauf si...
M. Leduc (Saint-Laurent): On dit "par un autre que le sien."
Mme Harel: On l'a maintenu parce que "autre que le sien", ou
"autre nom", cela a finalement le même sens.
Le Président (M. Gagnon): Article 334?
Mme Harel: "334. La personne morale a son domicile aux lieu et
adresse du siège qu'elle déclare."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Le droit actuel prévoit l'obligation,
notamment pour les compagnies, les sociétés en commandite et les
sociétés commerciales, de déclarer le lieu du siège
social de la personne morale. Cet article fixe dans l'intérêt du
tiers le domicile à ce lieu.
Le Président (M. Gagnon): Ça va! L'article 334
est-il adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous permettez! Si on regarde la
recommandation de l'office, qui disait que la personne morale ason
domicile au lieu de son siège social ou à défaut au lieu
de son principal établissement, c'est une recommandation assez
spéciale.
Le Président (M. Gagnon): M. Frénette.
M. Frénette: Ce n'est pas plus simple d'établir que
c'est le siège qu'elle déclare, elle va le déclarer, cela
va être déterminé pour tout le monde, ce n'est pas si
compliqué.
M. Leduc (Saint-Laurent): On accepte la déclaration
qu'elle va faire.
M. Marx: C'est ce qu'il y a dans la Loi sur les compagnies.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est ça.
Le Président (M. Gagnon): Ça val
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, d'accord.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 334 est
adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Article 335?
Mme Harel: "335. La personne morale peut changer son nom ou son
domicile en suivant la procédure établie par la loi."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article reprend le droit actuel relativement au
changement de nom et de domicile des personnes morales en ajoutant l'obligation
de déposer un avis du changement au registre des associations et
entreprises pour que ce changement puisse être opposable aux tiers.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires?
M. Pineau: Un instant, M. le Président, j'avais quelque
chose. Il y a eu une modification par rapport à l'article 348 du projet
106, me semble-t-il. Ah oui! On a supprimé l'avis de changement, qui
doit être déposé au registre des personnes morales pour que
le changement soit opposable aux tiers. Est-ce qu'on le retrouve ailleurs?
Mme Longtin: Cela va être suivant les différentes
lois qui concernent les différentes espèces de personnes morales.
Si on parle d'une compagnie, les procédures pour changer le nom ou le
domicile sont généralement établies là. Si on parle
d'une société, ça va être aussi dans la Loi sur les
sociétés et il va y avoir aussi, possiblement, des dispositions
à la Loi sur le registre pour une multitude d'autres personnes
morales.
Le Président (M. Gagnon): Ça va? L'article 335
est-il adopté?
Mme Harel: Oui.
M. Marx: Oui, adopté.
Le Président (M. Gagnon): Article 336?
Mme Harel: "336. Les personnes morales sont distinctes de leurs
membres. Leurs actes n'engagent qu'elles-mêmes, sauf les exceptions
prévues par la loi, notamment pour certaines associations ou
sociétés formées suivant le présent code." (21
h 30)
M. Cossette: Cet article reprend essentiellement le principe de
l'article 363 du Code civil du Bas-Canada lorsqu'il énonce que la
personne morale est distincte de ses membres et que ses actes n'engagent
qu'elle-même, sauf exception. L'Office de révision du Code civil
énonçait le principe inverse à l'article 249, mais
reprenait l'article 363 du Code civil du Bas-Canada au chapitre des
corporations. En pratique, le résultat est le même, puisque le
projet de loi ne change pas fondamentalement la responsabilité des
membres des diverses catégories de personnes morales. Il demeure
cependant, au plan de l'énoncé du principe, que si la personne
morale se voit reconnaître une personnalité juridique
équivalente à celle d'une personne physique, cette
personnalité la rend distincte des membres et responsable.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau?
M. Pineau: Le Barreau, dans son premier rapport, a fait un
commentaire sur l'article 318, selon lequel cette règle bouleverse tout
le régime de responsabilité des sociétés telles que
nous les connaissons aujourd'hui et notre chapitre doit prévoir des
dispositions particulières sur ces sociétés. Le
commentaire ici est très clair, mais, enfin, peut-être serait-il
bon de répondre?
M. Cossette: Le commentaire se référait à
quel article?
M. Pineau: 318.
M. Cossette: À 318.
M. Pineau: Article 318, projet de loi 106, page 162.
Le Président (M. Gagnon): Me Longtin.
Mme Longtin: Je pense qu'entre la rédaction de l'article
318 et celle de l'article 336, on a quand même précisé le
"notamment" pour certaines associations ou sociétés
formées suivant le présent code, de telle sorte que le principe
demeure qu'elles n'engagent qu'elles-mêmes sauf ces quelques
exceptions.
M. Pineau: Cela me paraît clair.
Le Président (M. Gagnon): Alors, l'article 336 est
adopté. Article 337?
Mme Harel: "Les personnes morales agissent par leurs organes.
À moins que la loi ou les statuts n'en disposent autrement, ces organes
sont, notamment, le conseil d'administration et l'assemblée des
membres."
Le Président (M. Gagnon): Des commentaires?
M. Cossette: Cet article est nouveau. Il s'inspire des articles
359 et 360 du Code civil du Bas-Canada et des articles 246, 247 et 275
proposés par l'Office de révision du Code civil. Il exprime une
réalité commune en prévoyant que la personne morale agit
par ses organes, notamment le conseil d'administration et l'assemblée
des membres, même si l'administration quotidienne repose sur les
dirigeants.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau?
M. Pineau: Là encore, M. le Président, le Barreau,
dans son premier rapport, demandait que l'on retranche l'article 337, qui
était 328 sous le projet de loi 106, et qui disait que les personnes
morales s'expriment par leurs organes. Mais je crois que la modification est
claire; les personnes morales désormais "agissent" par leurs organes et
non plus s'"expriment". Donc, cela correspond.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 337 est-il
adopté? Adopté. Article 338?
Mme Harel: L'amendement consiste, à la première
ligne de l'article 338, à supprimer les mots "administrateurs" et "les".
L'article se lit comme suit: "Les dirigeants de la personne morale la
représentent et l'obligent, dans la mesure des pouvoirs que la loi ou
les statuts leur confèrent."
Le commentaire sur l'amendement. L'amendement rétablit la
règle du droit actuel et surtout la pratique actuelle à savoir
que ce sont les dirigeants d'une personne morale qui la représentent et
l'obligent et non pas les administrateurs. Les administrateurs réunis en
conseil d'administration prennent les décisions, mais ce sont les
directeurs et autres dirigeants qui exécutent ces décisions et
qui sont généralement en relation avec les tiers.
Le Président (M. Gagnon): Des commentaires?
M. Cossette: Cet article reprend en substance le droit actuel, en
particulier l'article 360 du Code civil du Bas-Canada qui édicté,
d'une part, que les officiers représentent la personne morale et la
lient et, d'autre part, que leurs pouvoirs sont déterminés dans
la loi ou les statuts de la personne morale. Il apporte cependant une
modification terminologique au droit actuel. Le terme "officiers" est
remplacé par le terme "dirigeants".
Le Président (M. Gagnon}: Me Pineau?
M. Pineau: Ai-je bien compris que l'article 338 se lisait
désormais: "Les dirigeants de la personne morale la
représentent."?
M. Cossette: C'est cela, oui.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article
338 est-il adopté? L'article 338 tel qu'amendé est-il
adopté?
Des voix: Oui.
Le Président (M. Gagnon): L'article 339.
Mme Harel: Alors, l'amendement à l'article 339 consiste
à la deuxième ligne du premier alinéa, à remplacer
"ses" devant "statuts" par "leurs", à ajouter, à la fin du
premier alinéa et après le mot: "règlements", ce qui suit:
"Dans la mesure où la loi le permet, ils peuvent aussi être
réglés par une convention unanime des membres" et à
déplacer l'article 339 après l'article 336 et le
renuméroter 336.1. Alors, l'article 336.1 se lirait comme suit: "Le
fonctionnnement, l'administration du patrimoine et l'activité des
personnes morales sont réglés par la loi et par leurs statuts,
ceux-ci comprenant l'acte constitutif et les règlements. Dans la mesure
où la loi le permet, ils peuvent aussi être réglés
par une convention unanime des membres. "En cas de divergence entre l'acte
constitutif et les règlements, l'acte constitutif prévaut."
Le commentaire sur l'amendement. La première modification a pour
but de tenir compte du fait que la Loi sur les compagnies permet aux
actionnaires d'une compagnie de convenir unanimement d'un partage
différent des pouvoirs entre les actionnaires et les administrateurs. La
seconde modification est de nature purement formelle.
Mme Longtin: C'est l'inverse.
Mme Harel: C'est cela, c'est l'inverse. C'est la première
qui est formelle; la troisième et la deuxième, le commentaire
vaut pour la Loi sur les compagnies.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires? Me Cossette.
M. Cossette: Sous réserve de l'amendement proposé,
le commentaire original sur l'article 339 se lit comme suit: Cet article
s'inspire de l'article 361 du Code civil du Bas-Canada ainsi que des articles
246 et 275 proposés par l'Office de révision du Code civil. Il
précise cependant, par rapport au droit actuel, que les statuts
comprennent non seulement l'acte constitutif de la personne morale, mais
également ses règlements. Le présent article
prévoit également que les règles de fonctionnement peuvent
être comprises à la fois dans la loi et les statuts.
Enfin, il édicte une règle de conflit à savoir que
l'acte constitutif prévaut sur les règlements de la personne
morale.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires? Cela va? Alors, l'amendement à l'article 239 est
adopté. L'article 339 tel qu'amendé est adopté. L'article
340?
Mme Harel: "Les statuts de la personne morale établissent
des rapports de nature contractuelle entre elle et ses membres."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire?
M. Cossette: Cet article consacre la décision de la Cour
suprême du Canada rendue dans l'affaire Thomas Bernard -Jacques Senez
contre la Chambre d'immeuble de Montréal en établissant que les
rapports entre les membres et la personne morale sont de nature contractuelle.
Cependant, ce qualificatif ne s'applique pas lorsqu'il s'agit de
désigner les relations qui existent entre la personne morale et ses
fondateurs. Cet article s'inscrit également dans l'objectif global de la
réforme qui consiste à adapter les dispositions du Code civil
à la réalité contemporaine sans nier le caractère
institutionel de certaines personnes morales. Il faut reconnaître que la
plupart des personnes morales créées au Québec sont
maintenant formées par simple dépôt d'une convention des
membres aux autorités concernées. Les personnes morales originent
donc actuellement plutôt de la volonté des membres que d'un acte
de l'administration. Il est donc souhaitable d'établir clairement la
nature contractuelle des rapports entre la personne morale et ses membres.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires? Cela va? L'article 340 est adopté. L'article 341?
Mme Harel: "L'existence d'une personne morale est
perpétuelle, à moins que la loi ou les statuts n'en disposent
autrement."
M. Cossette: Cet article reprend en substance l'article 352 du
Code civil du Bas-Canada, à savoir que l'existence d'une personne morale
est en principe perpétuelle, mais que la loi ou les statuts peuvent en
limiter la durée.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: Non. C'est parce que cela va.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 341 est
adopté? L'article 342?
Mme Harel: Enfin, il y a une correction qui consiste à
écrire "ils" à la deuxième ligne, au pluriel plutôt
qu'au singulier. L'article 342 se lit comme suit: "Les membres d'une personne
morale sont tenus envers elle de ce qu'ils promettent d'y apporter, sauf
disposition contraire de la loi."
Le Président (M. Gagnon): Des commentaires?
M. Cossette: Cet article s'inspire de l'article 274
proposé par l'Office de révision du Code civil pour les
corporations ainsi que de l'article 1839 du Code civil du Bas-Canada qui
concerne les sociétés. Il établit une relation de
créancier et de débiteur entre la personne morale et son membre,
pour le paiement de l'apport.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, le Barreau, dans son premier
rapport, a proposé que l'on maintienne la règle actuelle, qui est
renversée par celle-ci: Les membres d'une personne morale sont
personnellement et complètement responsables des dettes de celle-ci,
sous réserve des dispositions expresses de la loi.
Le Président (M. Gagnon): Me Longtin.
Mme Longtin: En fait, je pense que la ligne de pensée du
projet tend à dire qu'à partir du moment où onconstitue une personne morale ayant une personnalité juridique,
normalement, c'est cette personne qui est responsable de ce qu'elle fait. Ce
n'est qu'exceptionnellement qu'il y a une responsabilité qui
découle ou qui retombe sur les membres qui y participent, au-delà
de ce qu'ils peuvent avoir décidé d'apporter. C'est ce
qu'expriment les articles 342 et 346.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Alors, l'article 342,
est-il adopté?
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Article 343?
Mme Harel: L'amendement consiste à remplacer le second
alinéa par le suivant. Je vais faire lecture de l'article 343.
Le Président (M. Gagnon): Oui.
Mme Harel: "En cas de fraude à l'égard de la
personne morale, le tribunal peut, à la demande de tout
intéressé, tenir les fondateurs, les administrateurs, les autres
dirigeants ou les membres de la personne morale responsables, dans la mesure
qu'il indique, des dommages subis par celle-ci. "Dans l'appréciation de
la responsabilité, le tribunal tient compte de la participation des
fondateurs, administrateurs, dirigeants ou membres à l'acte
reproché ou du profit personnel qu'ils en ont retiré."
Le commentaire sur cet amendement. L'amendement a pour but d'appliquer
aux administrateurs et aux dirigeants la même règle de
responsabilité prévue pour les membres et les fondateurs.
L'absence des administrateurs et des dirigeants dans le texte du second
alinéa pourrait être interprétée comme une
présomption de responsabilité à leur égard
indépendamment de leur participation à l'acte reproché ou
du profit personnel qu'ils en ont retiré.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires, Me Cossette?
M. Cossette: Je pense que, dans les circonstances, le commentaire
qui accompagne l'amendement est suffisant.
Le Président (M. Gagnon): II est suffisant.
M. Cossette: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires? Me Pineau.
M. Pineau: Si je comprends bien, M. le Président, on
rétablit dans l'article 343 le deuxième alinéa de
l'article 357 du projet de loi 106.
M. Cossette: Voulez-vous répéter?
M. Pineau: L'amendement portant sur l'article 343 rétablit
le deuxième alinéa de l'article 357 du projet de loi 106 qui
avait été supprimé... Ce n'est pas tout à fait la
même chose.
Le Président (M. Gagnon): Me Longtin.
Mme Longtin: Dans le projet de loi 106, il y avait deux
règles de responsabilité. Il y avait une présomption de
responsabilité contre les administrateurs et les autres dirigeants.
C'est une proposition qui avait été contestée de
façon assez véhémente qu'on l'a retirée.
Finalement, même en l'absence de celle-ci, plusieurs personnes y ont vu
une présomption tacite, du seul fait d'une possibilité
d'interpréter a contrario le deuxième alinéa. Dès
lors, la proposition vise à établir une seule et même
règle pour
toutes les personnes qui pourraient être poursuivies dans ces cas
en liant la responsabilité ou en donnant au tribunal, comme
règle, d'apprécier la responsabilité en fonction du profit
personnel et de la participation à l'acte.
M. Pineau: Et le deuxième alinéa est à peu
près semblable?
Mme Harel: Mais il n'y a plus de présomption de
responsabilité.
M. Pineau: Non, il n'y a plus de présomption, c'est
cela.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Mme Harel: Cela
va?
Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article
343 est-il adopté?
M. Leduc (Saint-Laurent): Adopté. (21 h 45)
Le Président (M. Gagnon): Adopté. L'article 343 tel
qu'amendé est-il adopté? Adopté. J'appelle l'article
344.
Mme Harel: L'amendement consiste, à la troisième
ligne, à insérer, après le mot "sert", les mots "entre
autres" et, à la fin, à ajouter les mots "ou l'abus de droit".
L'article 344 se lit comme suit: "La personnalité juridique d'une
personne morale ne peut être invoquée à l'encontre d'un
tiers de bonne foi dès lors que cette personnalité sert, entre
autres, à masquer la fraude ou l'abus de droit."
Le commentaire sur l'amendement. L'article proposé codifie la
doctrine et la jurisprudence développées autour de la
théorie de l'immunité corporative - voile corporatif - en
établissant que la personnalité juridique d'une personne morale
ne peut servir à masquer la fraude. Même si le concept de fraude
peut être interprété comme couvrant certains cas d'abus de
droit, cet article est plus restrictif que la règle qu'on peut
dégager de la jurisprudence en cette matière. Les tribunaux ont
souvent, en effet, accepté de lever le voile corporatif dans des cas
d'abus de droit sans que le membre de la personne morale n'ait agi
frauduleusement.
L'amendement vise donc à élargir la portée de la
règle proposée en ajoutant l'abus de droit puisqu'il est
également justifié, en ces cas, de permettre au tribunal de
reconnaître une responsabilité aux membres d'une personne morale
au-delà de ce à quoi ils seraient normalement tenus en vertu du
principe de l'immunité corporative.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires ou si les commentaires qui ont été lus à
l'amendement vous satisfont? Ça va? Me Pineau.
M. Pineau: Oui, M. le Président. On reprend la proposition
qui a été faite par le Barreau dans son deuxième rapport
en supprimant une contravention à une règle d'ordre public. Cela
va de soi. La question que je me pose est celle-ci: Est-ce que cet ajout de
l'abus de droit répond à la préoccupation qui est inscrite
dans le commentaire sous l'article 344? Surtout dans la mesure où...
M. Cossette: ...du Barreau?
M. Pineau: C'est le deuxième rapport du Barreau.
Mme Harel: Est-ce un commentaire sur l'amendement?
M. Pineau: Oui. Surtout dans la mesure où certains
pourraient penser que la notion d'abus de droit qui a été
indiquée dans les premiers articles du projet de loi 20 pourrait
être interprétée - on ne sait trop comment encore - de
façon plus restrictive par les tribunaux avec le concept - je n'ai plus
le texte en mémoire - d'intérêt sérieux et
légitime. J'ai l'impression que le Barreau souhaiterait qu'on aille un
peu plus loin que cela pour pouvoir soulever le voile corporatif. Je me suis
demandé s'il ne songeait pas à l'acte qui sert à masquer
la fraude ou les actes déloyaux, peut-être quelque chose comme
cela, voyez-vous? Cela ne serait peut-être pas nécessairement de
l'abus de droit, mais ce serait un acte déloyal; déloyal est
peut-être plus faible que malhonnête.
Le Président (M. Gagnon): Me Cossette.
M. Cossette: Je pense que l'amendement prévoit d'ajouter,
après le mot "sert", l'expression "entre autres", de telle sorte que
cela ne devienne pas limitatif. Cela comprendra la fraude, l'abus de droit et
autre chose suivant l'appréciation faite par le tribunal.
Mme Harel: À ce moment-là, il pourrait donc y avoir
application de l'article 7?
M. Cossette: Oui. Parce que "entre autres" fait appel à
une énumération non limitative.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que ça va?
M. Pineau: C'est peut-être dangereux, M. le
Président, parce que, entre autres, fraude, abus de droit et quoi? Si
vous voulez
que l'acte déloyal puisse soulever le voile, dites-le.
M. Cossette: D'une part, si on énumère trois cas,
cela devient limitatif. Le tribunal ne pourra jamais appliquer, soulever le
voile corporatif dans d'autres circonstances que celles prévues à
l'article 344. Or, ce qu'on a examiné dans la jurisprudence nous permet
de dire aujourd'hui que, généralement, s'il y a fraude, abus de
droit, contravention à une disposition d'ordre public, cela permet au
tribunal de soulever le voile corporatif, mais, demain matin, le tribunal
pourra peut-être considérer normal de soulever le voile corporatif
dans d'autres circonstances, pour des motifs d'ordre public,
d'intérêt public. On ne voudrait pas figer cette théorie
qui permet au tribunal de soulever le voile corporatif. On ne voudrait pas la
figer dans l'état où se trouve la jurisprudence aujourd'hui. On
voudrait qu'elle puisse continuer de se développer, le tribunal
étant garant de l'ordre public en cette matière.
M. Marx: On a soulevé le problème. Maintenant,
c'est au gouvernement de prendre ses responsabilités.
Une voix: Mission accomplie.
M. Marx: Parce qu'il a plus de votes que nous, de toute
façon.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement à
l'article 344 est adopté?
Mme Harel: On n'a pas plus de votes, mais plus de
sièges.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il est
adopté?
Mme Harel: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté, et l'article 344
tel qu'amendé est adopté. Article 345?
Mme Harel: "345. La personne morale qui n'est pas
constituée suivant les lois du Québec est régie quant
à son état et à sa capacité par la loi du lieu de
sa création, sous réserve, quant à son activité,
des lois du Québec."
Le Président (M. Gagnon): Les commentaires.
M. Cossette: Les compagnies étrangères sont
actuellement soumises à la Loi sur les déclarations des
compagnies et sociétés et à la Loi sur les compagnies
étrangères. Plus spécifiquement, elles doivent obtenir un
permis pour faire affaires au Québec. Cet article établit la
règle relative au droit qui est applicable à ces personnes
morales. C'est le droit québécois qui régit leurs
activités au Québec, mais c'est le droit du lieu de leur
création qui régit leur état et leur capacité.
Cette dernière règle a fait l'objet d'une proposition de l'Office
de révision du Code civil à l'article 19 du livre IX sur le droit
international privé.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: En vertu de cet article, peut-on exiger d'une compagnie
d'avoir un nom français?
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve ou Me Cossette.
M. Cossette: Quant à son état et à sa
capacité, je pense que oui.
Mme Harel: Sûrement quant à son état.
M. Marx: Pour une compagnie québécoise, cela va de
soi, mais pour une compagnie non québécoise?
M. Cossette: Une compagnie étrangère.
M. Marx: Disons une compagnie ontarienne, une compagnie
fédérale.
Le Président (M. Gagnon): Me Longtin.
M. Marx: Parce que le nom est un attribut essentiel d'une
compagnie.
Mme Longtin: Le nom fait vraisemblablement partie de
l'état, sauf que je pense qu'il serait possible dans une
législation provinciale qui régit l'activité de demander
qu'elle exerce une activité sous une appellation qui soit acceptable et
compréhensible, d'abord, par les citoyens. Si elle vient du Liban, avec
un nom libanais, on va probablement demander...
M. Marx: C'est le problème de la compagnie.
Mme Longtin: Oui.
M. Marx: C'est le problème de la compagnie et non celui
de... Si la compagnie a un nom incompréhensible, elle ne fera pas
beaucoup d'affaires ici.
Mme Longtin: Ou un numéro.
M. Marx: C'est cela. On ne peut pas...
Une voix: En arabe.
Une voix: En chiffres arabes.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 340...
M. Marx: Non, mais... excusez.
Le Président (M. Gagnon): M. le député.
M. Marx: Donc, cela ne peut pas être...
M. Pineau: En chiffres arabes ou en chiffres romains, c'est tout
de même...
M. Marx: C'est le droit du lieu de leur origine qui régit
leur état. Donc, cela échappe à...
Mme Harel: Le nom fait partie de l'état.
M. Marx: Donc, cela échappe au contrôle
québécois sur une compagnie étrangère.
M. Pineau: Mais c'est raccroché par l'utilisation.
Mme Harel: Cela couvre.
Mme Longtin: Peut-être est-ce...
M. Marx: Mais c'est le droit du lieu de leur création qui
régit leur état et leur capacité?
Mme Harel: Sous réserve. Alors, c'est l'activité
qui régit à ce moment. Évidemment,
l'activité...
M. Marx: Leur activité, cela veut dire si elles
peuvent vendre ou acheter tel ou tel objet.
Mme Harel: Ou annoncer, j'imagine, publier ou afficher, mais on
ne réglera pas la question de l'affichage ici ce soir. Cela fera l'objet
d'un autre forum, d'une autre commission.
Une voix: On peut toujours en parler. Le Président (M.
Gagnon): Me Longtin.
Mme Longtin: Je voulais juste, pour votre information, indiquer
que la question est déjà régie par la Loi sur les
compagnies étrangères qui prévoit l'utilisation du nom
d'origine et l'utilisation d'une version.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Cela va?
M. Marx: On n'a pas répondu à ma question, mais ce
n'est pas essentiel avant qu'on adopte cet article.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez eu une réponse,
mais peut-être pas à votre satisfaction.
Mme Harel: Votre question, quelle était-elle?
M. Marx: Est-ce qu'on peut forcer... Mme Harel: Est-ce que
le nom...
M. Marx: Est-ce qu'on peut exiger qu'une compagnie
étrangère utilise un nom autre que son nom de
création?
Mme Harel: En vertu de la loi qu'a citée Me Longtin,
oui.
M. Marx: Peut-être pour une compagnie provinciale, mais pas
pour une compagnie fédérale. Passons à autre chose.
Le Président (M. Gagnon): L'article 345 est-il
adopté?
Des voix: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Avant de passer à
l'article 346, comme il est 22 heures et qu'il y a eu entente pour
siéger jusqu'à 22 heures, à moins que le
député de D'Arcy McGee ne soit prêt à se rendre
jusqu'à 23 heures ou minuit...
M. Marx: Je suis prêt à revenir à 5 heures du
matin.
Le Président (M. Gagnon): Je vous donne donc rendez-vous
demain matin, après les affaires courantes, mais j'ignore actuellement
dans quelle salle nous siégerons. Le leader de l'Assemblée
nationale nous en donnera l'indication demain.
La sous-commission des institutions ajourne donc ses travaux à
demain, après les affaires courantes.
(Fin de la séance à 21 h 59)