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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le jeudi 6 juin 1985 - Vol. 28 N° 7

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi 20 - Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens


Journal des débats

 

(Onze heures quarante-huit minutes)

Le Président (M. Gagnon): La sous-commission des institutions se réunit avec le mandat de consulter sur le livre troisième -des successions - du projet de loi 20, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens.

Livre troisième:

des successions Consultation

Nous avons ce matin comme invités la Chambre des notaires du Québec et le Barreau du Québec. Nous venons je pense de prendre une entente. Si on accorde une heure est-ce qu'on a le temps de vider la question avec une heure pour chacun des groupes? Cela irait bien? Ce qui veut dire qu'on terminerait avec le premier groupe vers 12 h 45 et on se reprendrait à la salle Pamphile-Le May vers 13 h 45 ou 14 heures pour entendre le deuxième groupe, à la salle 101, de l'édifice Pamphile-Le May pour terminer vers 15 heures.

Nous allons commencer avec le premier groupe qui est la Chambre des notaires et par la suite on s'ajustera d'abord. Cela va. La Chambre des notaires du Québec est représentée par Me Jean Lambert, président, Me Julien MacKay, Me Jacques Beaulne, Me Denise Fortin et Me Yves Deniers. M. le président, je vous laisse la parole immédiatement.

La Chambre des notaires du Québec

M. Lambert (Jean): Comme la nomenclature des personnes ici, à la table vient d'être faite cela m'évite d'avoir à la refaire à nouveau. Je veux souligner que trois des personnes présentes ont été actives dans les travaux d'étude qui nous occupent actuellement. Leurs noms figurent au début du rapport, c'est donc inutile de les rappeler.

M. le Président, nous allons attirer votre attention en outre de la grande question de la liberté de tester sur trois autres points en particulier, en plus de faire des observations d'ordre plus technique. Ce sera donc le droit d'option distinct d'un héritier pour chacune de ses vocations héréditaires, la part successorale du conjoint survivant et la révocation du testament antérieur en cas de mariage ou de divorce.

L'un des aspects majeurs de la réforme du droit des successions qui est déposé devant l'Assemblée nationale et devant nous actuellement concerne la liberté de tester. Le droit québécois connaît depuis fort longtemps et bien avant la codification du droit civil, en 1866, le principe de la liberté de tester. Le droit de réforme est l'occasion pour le législateur contemporain de s'interroger sur la pertinence des règles qui ont régi notre société depuis quelques siècles et sur l'adéquation de ces règles à la société d'aujourd'hui. L'on comprend donc qu'en matière successorale, le principe de la liberté de tester soit remis en question. La liberté de tester participe d'une philosophie voulant que l'individu soit maître de ses biens et qu'il puisse en disposer à sa guise. Certains diront que les biens acquis pendant le mariage l'ont été, certes, en raison de l'apport en industrie de celui qui les possède, mais aussi en raison de l'appui et de la contribution de son conjoint et que, pour cette raison, ce dernier devrait recevoir une part dans la succession du défunt.

La Chambre des notaires ne nie pas la contribution du conjoint dans l'enrichissement du patrimoine familial. Il faut cependant reconnaître que le conjoint a bénéficié, au cours du mariage, de cet enrichissement en participant au niveau de vie que le défunt, de son vivant, a procuré à sa famille. D'autre part, le régime matrimonial légal, celui de la société d'acquêts accorde au conjoint, au moment de la dissolution du régime, une part dans les acquêts amassés par son conjoint durant l'existence de ce régime, enfin, la moitié.

L'on rétorquera ici que le conjoint marié sous le régime de la séparation de biens ne bénéficie pas de cet avantage. C'est vrai, mais il faut bien noter que notre droit respecte la liberté des conventions matrimoniales et que, par conséquent, chacun des époux demeurait libre, lorsqu'il a opté pour la séparation de biens, de choisir un régime à base de partage.

En outre, depuis 1970, les époux peuvent modifier conventionnellement leur régime matrimonial. Ils ne sont plus pris, comme autrefois, dans un carcan immuable. Il convient de souligner également que les époux peuvent se faire des donations. Tout le régime fiscal, d'ailleurs, a été modifié au cours de la dernière décennie pour faciliter ce point, ce qui, dans une certaine mesure, permet de rétablir l'équilibre financier entre

les époux.

De plus, le législateur a introduit, dans la réforme de 1981, le mécanisme de la prestation compensatoire qui vise à corriger les déséquilibres entre patrimoines respectifs du mari et de la femme. Remarquons que la prestation compensatoire reçoit application non seulement en cas de dissolution du régime par divorce, par séparation de corps, par annulation de mariage, mais aussi par décès. C'est donc dire que les époux possèdent déjà, en vertu des lois existantes, des moyens de régler les cas où l'un des conjoints se trouverait dans une situation financière désavantageuse par rapport à l'autre. Doit-on ajouter à cela d'autres mécanismes de protection applicable en cas de décès de l'un des époux? La Chambre des notaires est d'avis que la situation actuelle ne justifie pas une intervention du législateur en ce sens.

À notre connaissance, et jusqu'à preuve du contraire, la très grande majorité des testateurs se comportent en personnes conscientes de leurs responsabilités. C'est du moins ce que révèle un sondage maison effectué auprès de nos membres. Les testateurs sont aussi, présumons-nous, les personnes les mieux placées pour apprécier la situation et les besoins de leurs proches et prendre les décisions appropriées.

Il convient également, lors de la réforme d'une loi, de prendre en considération la réalité québécoise contemporaine dans son ensemble, puisque l'un des objectifs d'une loi nouvelle est d'apporter un mieux-être au plus grand nombre de citoyens qui y sont soumis et non pas de leur être néfaste. Or, l'on constate que le concept de famille recouvre aujourd'hui une multitude de situations très différentes les unes des autres. Ainsi, le conjoint que l'on a choisi à vingt ans n'est pas nécessairement le même que celui qui nous survivra. Les séparations de corps, les divorces, le veuvage rendent plus fréquentes des unions de fait et des seconds mariages. Il n'est pas rare non plus de retrouver autour d'un même père ou d'une même mère des enfants d'un premier et d'un second lit. Évidemment, on utilise peut-être d'autres techniques aujourd'hui, d'autres endroits, mais en tout cas, on a conservé l'expression "lit".

Par ailleurs, peu de personnes réussissent à amasser des fortunes suffisamment importantes pour que le morcellement de la succession du défunt ne devienne pas un inconvénient plus grand que l'injustice présumée à laquelle on aura voulu pallier par des restrictions à la liberté de tester. Le maintien du principe de la liberté de tester permet au testateur de tenir compte de la diversité des situations dans lesquelles se trouvent ses proches et lui permet d'adapter la dévolution de ses biens à son décès en fonction de ces circonstances particulières. Pour ces raisons, la Chambre des notaires recommande de maintenir le principe de la liberté de tester.

Dans son projet de loi 20 portant réforme au Code civil du droit des personnes, des successions et des biens, le législateur recommande d'introduire un mécanisme de protection appelé "la survie de l'obligation alimentaire". Les bénéficiaires de cette mesure de protection seraient principalement le conjoint survivant et les descendants du défunt ainsi que toute personne qui, à l'époque du décès, était à la charge du défunt.

L'objectif poursuivi par la réforme proposée est d'assurer, en cas de décès d'une personne, une protection financière à ceux qui dépendaient d'elle pour leur subsistance matérielle ou, en d'autres mots, de prévoir un mécanisme destiné à éviter certaines injustices qui pourraient se produire en laissant au testateur une liberté absolue de tester.

L'expérience notariale en matière de testament et de règlement de succession n'a pas démontré que la liberté absolue de tester ait donné lieu à un nombre important d'abus de la part des testateurs. Peut-être que le gouvernement a ces chiffres ou ces informations, mais nous ne les avons pas, bien au contraire. Cependant, au-delà de cette considération pratique, la Chambre des notaires s'oppose tout à fait à l'introduction dans notre droit de la survie de l'obligation alimentaire, car ce mécanisme engendre des inconvénients et des coûts disproportionnés aux bénéfices escomptés.

Compte tenu du large éventail de créanciers alimentaires susceptibles de recourir systématiquement à ce mécanisme, il est à craindre qu'un nombre considérable de successions feront l'objet de réclamations alimentaires. En effet, si la survie de la créance alimentaire peut être une solution au problème des personnes laissées dans le besoin à la suite du décès de celui qui assurait leur subsistance, il faut bien admettre, cependant, que c'est là une solution de nature contentieuse susceptible d'engendrer une multitude de procès dont personne ne sortira vraiment gagnant.

Si l'on admet que la majorité des successions sont de peu d'importance, les conséquences d'une réclamation alimentaire contre la succession du défunt serait que les héritiers déterminés par le testament ne pourront toucher leur part tant que le jugement ne sera pas rendu sur l'admissibilité et le quantum de la réclamation alimentaire. De plus, les honoraires professionnels et les frais judiciaires entameront parfois substantiellement un actif qui est souvent de peu de valeur.

Quant aux réclamants, ils s'engageront aussi à grands frais dans ces procès dont l'issue ne leur sera pas nécessairement

favorable. Ajoutons à cela l'odieux des contestations entre membres d'une même famille et entre personnes qui ont des liens étroits. L'on peut se demander si les avantages anticipés compensent les retards, les zizanies, les frustrations, les frais additionnels que la survie d'une créance alimentaire contentieuse risque d'introduire dans le règlement des successions.

La Chambre des notaires ne croit pas que ce soit là une solution de nature à favoriser l'harmonie dans les familles, ni le mieux-être des personnes concernées. Par conséquent et pour toutes les raisons mentionnées ci-haut, la Chambre des notaires s'oppose fermement au principe de la survie de l'obligation alimentaire et, de ce fait, réclame le retrait des articles du projet de loi 20 relatifs à l'établissement d'une créance alimentaire contre la succession du défunt.

Une autre solution proposée est la réserve. Il s'agit, en résumé, d'une attribution légale et obligatoire d'une quote-part de la succession soit au conjoint survivant où aux enfants, soit à la fois au premier et au second, le testateur n'ayant pas la faculté de disposer autrement de cette quote-part par testament. Bien que de nature différente de l'obligation alimentaire, la réserve comporte également, à notre avis, des inconvénients non négligeables. En effet, la réserve comporte les désavantages de toute mesure uniforme qui, par son caractère impératif et son automatisme, ignore la diversité des situations tant factuelles que juridiques existant au moment du décès d'une personne. (12 heures)

C'est ainsi, à titre d'exemple, qu'une réserve en faveur du conjoint survivant s'appliquerait tant aux époux mariés sous un régime de séparation de biens qu'à ceux qui sont régis par la société d'acquêts ou la communauté de biens. Une telle réserve s'appliquerait en outre peu importe que le conjoint survivant soit autonome financièrement ou non et sans tenir compte du fait qu'il pourrait s'agir d'un premier ou d'un second mariage. Elle aboutirait également souvent à la transmission au conjoint survivant des biens qui n'ont aucunement été acquis par le défunt durant son mariage ou encore qui lui ont été donnés ou légués, ce qui se justifie difficilement, non pas que les biens de cette provenance ne doivent pas être dévolus au conjoint survivant mais il appert que les décisions de l'affaire relèvent exclusivement du testateur et non du législateur.

Si la créance alimentaire est fondée principalement sur la notion des besoins alimentaires, la réserve participe d'une philosophie fort différente. Elle suppose en effet la reconnaissance en faveur des bénéficiaires d'un quasi droit de propriété sur une partie du patrimoine d'une personne avant son décès et d'un véritable droit de propriété lors du décès de cette même personne, indépendamment des besoins alimentaires de ces bénéficiaires.

S'il faut reconnaître qu'une telle philosophie a été fort répandue dans les siècles passés dans les pays européens, il est certain qu'elle a été rejetée chez nous à cette même époque et il n'est aucunement démontré qu'elle est partagée aujourd'hui par une majorité de Québécois. Une telle mesure ne devrait pas être introduite sans s'assurer au préalable du désir de la population d'en bénéficier.

Il peut être important également de souligner qu'une réserve en faveur du conjoint porte non seulement directement atteinte au principe de la liberté de tester mais aussi indirectement au principe de la liberté des conventions matrimoniales que vient tout juste de consacrer à nouveau le législateur dans la réforme du droit de la famille. En effet, en déposant la dévolution d'une partie des biens du défunt au conjoint survivant, la réserve vient modifier profondément le choix que les époux expriment en optant pour un régime de type séparatiste.

Quant à ceux qui choisissent un régime à base de partage, que ce soit la société d'acquêts ou le régime de la communauté de biens, la réserve a pratiquement pour effet de les priver de ce qu'il leur reste du droit de tester en réduisant encore davantage la quotité disponible. À cet égard, l'introduction d'une réserve en faveur du conjoint est de nature à porter un sérieux coup au régime légal de la société d'acquêts et, conséquemment, de favoriser le régime de la séparation de biens. Non seulement la réforme de 1970 serait-elle alors remise en question mais l'on peut s'attendre aussi, avec une remontée du régime de la séparation de biens, à un accroissement des problèmes qu'engendre ce type de régime lors d'un divorce ou d'une séparation. Il n'est absolument pas question de décès dans ces cas-là, sauf que la mesure que les couples auront choisie, vu cette obligation d'avoir une quotité des biens dévolus automatiquement au conjoint, le régime de séparation de biens, cela amènera évidemment des conséquences désagréables s'il y a fin de l'union pour cause de divorce ou de séparation. Là, il n'y aura pas de partie obligatoire qui devra être transférée.

En somme, si les affections du défunt sont le fondement de la dévolution successorale tant légale que testamentaire, pourquoi ne pas laisser au testateur le soin d'exprimer en personne raisonnable et responsable les choix qu'il estime les meilleurs pour les siens? Bref, la réserve constitue une mesure d'une portée générale qui ne nous apparaît pas justifiée dans la

situation actuelle, compte tenu des mécanismes de protection déjà en vigueur et considérant également le peu d'abus qui se produisent en pratique. Encore là, nous n'avons pas de données qui prouvent qu'il y ait tant d'abus.

En conclusion, la Chambre des notaires recommande que de toutes les solutions envisagées, la meilleure demeure encore, compte tenu des réformes récentes concernant le droit de la famille et en particulier de l'introduction de la prestation compensatoire, le maintien du principe de la liberté de tester. Ce principe respecte la liberté individuelle et permet au testateur de disposer de ses biens en fonction des besoins réels de ceux dont il a la responsabilité et en tenant compte des circonstances qui lui sont propres.

Si, par ailleurs, le législateur décidait de restreindre le principe de la liberté de tester, la Chambre des notaires souhaiterait que cela se fasse par le biais de l'introduction d'une réserve plutôt que par la survie de l'obligation alimentaire. Outre les inconvénients inhérents à la créance alimentaire post mortem qui ont été soulignés précédemment, ce type de mécanisme participe très peu de l'esprit du droit civil.

En revanche, la réserve constitue un mécanisme juridique qui s'harmonise davantage avec la philosophie civiliste de notre droit privé et il serait possible de l'introduire dans notre système juridique sans que nos traditions n'en soient trop profondément bouleversées.

Donc, si, à la suite de l'information que possède le législateur, il opte pour la survie et une restriction à la liberté de tester, nous croyons que la réserve devrait être retenue. Nous allons, à ce moment-là, dans cette dynamique. Nous suggérons au législateur que, pour éviter un trop grand morcellement des successions, la réserve soit limitée au conjoint survivant et comportant des critères d'application visant à empêcher qu'elles n'aboutissent, à toutes fins utiles, dans les petites successions à n'accorder au conjoint survivant qu'une part peu significative des biens laissés par le défunt.

À cet égard, la Chambre des notaires suggère que la réserve soit égale à la moitié de la part qui aurait été dévolue au conjoint survivant dans une succession ab intestat, c'est-à-dire sans testament, tout en précisant cependant que la réserve ne peut être inférieure à 60 000 $. Cette réserve devrait être en pleine propriété et non en usufruit. En d'autres termes, on dit si, nonobstant les représentations que nous faisons présentement, le législateur décide de resteindre la liberté de tester, à ce moment-là, nous lui suggérons la réserve. Nous lui demandons de resteindre la réserve au cobénéfice du conjoint et, pour éviter des morcellements ou une réserve qui serait peu significative, que les premiers 60 000 $, dans le fond, soient dévolus au conjoint.

Il nous apparaît, en outre, opportun de limiter l'impact de la réserve sur les régimes matrimoniaux en prévoyant que les avantages découlant du régime matrimonial ou du contrat de mariage soient pris en considération dans le calcul de la réserve.

Le droit d'option distinct de l'héritier pour chacune des vocations héréditaires. Est-ce qu'il y aurait, M. le Président, volonté de la part des membres de cette sous-commission de nous poser des questions sur ce point-là ou s'ils préfèrent garder les questions pour la fin de la présentation?

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre. La question qu'on nous pose: Est-ce qu'on voudrait poser des questions sur la première partie du mémoire et, par la suite, on nous livrerait la deuxième partie où on aurait aussi des questions ou on peut...

Mme Harel: On peut se rendre à la fin.

M. Lambert: Remarquez qu'il nous reste...

M. Leduc (Saint-Laurent): On va se rendre à la fin. On va aller à la fin.

Le Président (M. Gagnon): Alors, continuez. Oui, d'accord. Alors, vous pouvez continuer.

M. Lambert: D'accord. Le droit d'option était le second point que nous voulions porter à l'attention du législateur. La Chambre des notaires estime que la possibilité accordée à un successible qui cumule plus d'une vocation successorale de choisir d'accepter un legs et de renoncer à un second est une innovation intéressante. Elle souligne cependant que la formulation actuelle de l'article 681 du projet de loi 20 demeure nébuleuse et que l'expression "vocation successorale" risque d'être interprétée restrictivement, considérant l'interprétation actuelle en cette matière. En conséquence, la Chambre des notaires recommande de reformuler le deuxième alinéa de l'article 681 en vue de clarifier le sens des mots "vocation successorale" de façon à permettre hors de tout doute à un successible qui serait notamment légataire de deux legs particuliers de bénéficier d'un droit d'option distinct pour chacune de ses vocations héréditaires.

Le troisième point, la part successorale du conjoint survivant. La Chambre des notaires s'oppose aux règles énoncées aux articles 730 et 737 du projet concernant la part successorale du conjoint survivant. La Chambre des notaires considère que dans l'hypothèse où le conjoint survivant vient en

concours avec les descendants du défunt, la part successorale de celui-ci devrait toujours être de la moitié de la succession, peu importe le nombre d'enfants ou de petits-enfants du défunt. Cela tombe sous le sens que pour un conjoint, cela deviendra autrement plutôt intéressant de n'avoir qu'un ou pas d'enfant plutôt que d'en avoir plusieurs. Alors, on pense qu'il s'agit ici d'une modification que le législateur aurait tout intérêt à apporter à son projet.

Pour ce qui de l'article 737, la Chambre des notaires estime qu'à défaut de descendants et d'ascendants prévilégiés du défunt, le conjoint survivant devrait recevoir la totalité de la succession. La règle proposée par la Chambre des notaires serait, selon l'expérience notariale en matière successorale, plus conforme à la pratique actuelle et répondrait davantage aux attentes de la population.

Le quatrième point, la révocation du testament antérieur en cas de mariage ou d'un divorce. La Chambre des notaires est d'accord avec le principe énoncé aux articles 816 et 817 du projet à l'effet que le mariage et le divorce constituent des causes de révocation automatique du testament fait antérieurement à ces événements.

Elle estime cependant qu'en cas de divorce, l'intention du testateur d'avantager le conjoint divorcé, malgré l'éventualité d'un divorce, devrait être établie hors de tout doute. C'est pourquoi la Chambre des notaires recommande que l'article 817 énonce que cette intention doit être manifestée, par écrit, dans le testament. Une règle claire, qui ne laisse place à aucune interprétation, évitera des contestations désagréables et coûteuses.

Dans les pages qui suivent, à la façon dont on l'avait fait . précédemment, vous retrouvez des commentaires d'ordre technique, mais aussi des suggestions de formulation d'articles qui tiennent compte des principes que nous venons d'énoncer.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Oui. D'abord, Me Lambert, je voudrais vous remercier, ainsi que tous vos collaborateurs de la Chambre des notaires. On est à même, à nouveau ce matin, de constater la qualité de vos travaux et la profondeur de vos convictions d'ailleurs sur un certain nombre de choses, de toute évidence.

Je me contenterai, ce matin, de me centrer sur un aspect qui - il y a plusieurs aspects d'importance dans votre mémoire, mais il y en a un qui m'intéresse au plus haut point - est celui des protections qu'on voudrait assurer au conjoint survivant. Ce que le projet de loi a retenu, devant un certain nombre d'hypothèses, à ce jour - nous avions l'intention d'entendre ce que vous aviez à en dire et d'en débattre ici -c'est, finalement, un mécanisme qui donne un droit qui entraînera une certaine judiciarisation, possiblement une certaine insécurité à l'égard cependant de ce qui arrivera de façon définitive à la succession, transitoirement, jusqu'aux décisions définitives entourant les recours qu'on laisserait au conjoint survivant, entre autres.

L'autre option, c'est celle de créer une réserve ou en pleine propriété ou en usufruit. Elle n'est pas présente dans le projet de loi, mais je présume que vous savez que nous sommes conseillés par de remarquables notaires au ministère de la Justice. J'ai l'impression que la Chambre des notaires doit connaître un certain nombre de ces choses. J'aimerais vous entendre disserter sur cette notion d'une réserve ou en pleine propriété ou en usufruit. Vous dites dans votre document, à la page 12, au milieu de la page, la dernière ligne, à la phrase qui suit "60 000 $": "Nous préférerions que ce soit en pleine propriété et non en usufruit." Dans l'hypothèse où la commission pourrait étudier la notion d'une réserve en pleine propriété ou en usufruit, qu'est-ce qui vous ferait rejeter celle en usufruit...

Le Président (M. Gagnon): Me Lambert. M. Lambert: Merci.

M. Johnson (Anjou): Toujours dans l'hypothèse où la Chambre des notaires reconnaîtrait que c'est la liberté de tester qui doit prévaloir et que, si jamais le législateur décidait de faire autre chose, le moindre mal?

M. Lambert: Oui, j'ai bien compris que le législateur pourrait être en possession d'informations qui l'amèneraient à considérer fortement de limiter le principe de la liberté de tester. On nous dit: Dans cette hypothèse, qu'est-ce que vous nous suggérez? Vous semblez nous suggérer la réserve. Effectivement, dans ce cas précis, nous suggérons au législateur de procéder dans ce cas précis évidemment. Pourquoi écarter l'usufruit? À cause d'un point d'abord, c'est que les revenus risquent d'être minimes dans la très grande majorité des successions. Pour avoir un revenu de l'ordre de 15 000 $ à 20 000 $, qui est un revenu que j'appellerais moyen, près d'un certain minimum, on parle d'un capital successoral de l'ordre, en tout cas au moment où on se parle aujourd'hui, de 150 000 $. Ce n'est pas, je pense, l'ordre du capital qu'on retrouve dans la majorité des successions des Québécois. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas. Forcément, bien sûr, il y en a, il y en a beaucoup plus. Pourquoi, à ce moment-là, ne pas donner la propriété dans le fond, si on opte pour cette voie? Pourquoi

ne pas accorder la propriété de cette part de réserve? On est tellement logique dans cette appréciation qu'on vous suggère, dans cette hypothèse, que, même lorsqu'une succession est minime - prenons la succession de 60 000 $ ou moins la totalité, à ce moment-là, de l'actif successoral soit dévolue au conjoint, parce qu'on considère que ce n'est pas un aussi gros capital que cela. Placé par le conjoint, cela lui donne un revenu quand même minimal auquel devront s'ajouter des prestations provenant de l'État pour compléter un revenu décent. (12 h 15)

Mme Fortin (Denise): Je voudrais également ajouter que si le conjoint survivant, par hypothèse, avait seulement un usufruit, il pourrait être utile pour lui dans certains cas de pouvoir prendre à même le capital pour aller se recycler, faire un an ou deux d'études pour pouvoir ensuite assurer sa propre subsistance. Ce qui serait peut-être plus difficile dans des cas d'usufruit.

Alors, c'est dans ce sens-là qu'on préfère une réserve en pleine propriété plutôt qu'une réserve en usufruit qui risque également de cristalliser en fait certains biens et créer des difficultés pour les vendre et de choisir les modes de revenus qu'on souhaiterait avoir, etc. On pense qu'en donnant la réserve en pleine propriété, le conjoint va être libre de l'administrer comme il lui plaît et avoir plus d'autonomie pour pouvoir utiliser le capital si bon lui semble pour se perfectionner et assurer sa propre subsistance par la suite.

M. Johnson (Anjou): Je me demandais si vous vouliez qu'on apporte des précisions autour de ces concepts qui m'aparaissent avoir plus qu'une certaine importance.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais d'abord saluer mes confrères de la Chambre des notaires et les remercier pour leur excellent mémoire. Encore cette fois-ci, la Chambre des notaires en général aide à améliorer le Code civil. C'est indiscutable que vous apportez un éclairage qui est très utile à nous, législateurs, qui devons prendre des décisions.

Je dois vous dire que contrairement à mon collègue, le notaire Cossette, je partage complètement votre point de vue. Je ne sais pas si c'est parce que je suis plus près du peuple, comme la Chambre des notaires, que les notaires qui travaillent pour l'État, mais je dois vous dire que je suis complètement d'accord que l'on doit à mon sens laisser la liberté absolue de tester.

Dans ma pratique, qui a duré jusqu'à maintenant 25 ans, je n'ai pas vu tellement de cas où cela créait des problèmes la liberté illimitée de tester. Règle générale, particulièrement entre époux, les gens se donnent normalement au dernier vivant dans 95 % des cas. C'est donc qu'ils sont d'accord à ce moment-là que les biens de la succession aillent aux survivants. Je ne vois pas l'utilité de la survie de l'obligation alimentaire. En outre, je ne vois pas l'utilité, alors qu'on a la prestation compensatoire qui était nécessaire. Il fallait qu'on ait au Code civil une compensation et une prestation. Je pense que c'était une bonne mesure.

Si j'avais à choisir entre la survie de l'obligation alimentaire et la réserve, je choisirais la réserve, mais je n'indiquerais pas le montant de 60 000 $ ou tout autre montant. Cela me semble assez arbitraire. Je préférerais absolument un pourcentage si on doit se résoudre à faire un choix. Je ne vois pas de raison particulière pour changer ces mesures, les articles qui prévoient qu'on a la liberté illimitée de tester et qui prévoient également qu'on a la possibilité de se marier en séparation de biens. On a également le droit de se marier en société d'acquêts, ou en séparation de biens, ou en communauté de biens. Alors, je pense qu'il faut laisser cette liberté. C'est un choix. Ils font un choix et sont en mesure de le faire. Ils ont l'éclairage nécessaire. Je favorise votre mémoire et vos recommandations sans aucune réserve. C'est ce que je pense depuis très longtemps et ma pratique m'a permis d'être d'accord et de maintenir ces principes qui, je le répète, n'ont pas jusqu'à maintenant créé de grands problèmes, à mon sens.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Oui M. Lambert.

M. Lambert: Je voudrais apporter un court commentaire aux propos qui viennent d'être tenus pour dire que la raison pour laquelle, dans l'hypothèse où il faille retenir une limitation à la liberté de tester, je vous suggère que ce soit la réserve, il faut que cela signifie quelque chose et à ce moment-là il y a une logique. Si on ne met pas un minimum... Je suis d'accord, on propose dans le fond un pourcentage qui est la moitié de la quote-part, ce qui pourrait dire par exemple que dans une succession de 100 000 $, que la moitié de la quote-part serait de 25 000 $ qui donnerait un revenu placé à peu près au taux d'aujourd'hui autour de 2500 $ par année. C'est un principe qui trouve une application pratique très mitigée. C'est pourquoi on vous dit: Si on fonctionne dans une certaine dynamique et qu'on est convaincu de son bien-fondé, à ce moment-là ii faut au moins qu'il y ait un minimum pour que cela ait une signification au-delà de laquelle on revient au critère de la liberté.

C'est sûr que cette question fait l'objet d'intenses débats chez nous. Cela a été vraiment discuté, je dois dire, avec les tenants de toutes les parties. Finalement, on a dit: L'avantage qu'il y aurait de retenir ce minimum c'est qu'on évite de morceller des

petites successions, d'émietter des actifs qui ne satisferont plus personne.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Toujours sur ce même sujet général, la protection à accorder - j'allais dire à la conjointe survivante ou au cpnjoint survivant - est-ce que l'hypothèse de modification aux régimes matrimoniaux - je ne veux pas lancer un bâton de dynamite dans le milieu de la place - l'hypothèse d'une modification aux régimes matrimoniaux qui rendrait la copropriété des conjoints impératives à l'égard de la résidence familiale, des meubles et de la voiture familiale par exemple, vous apparaîtrait plus répondre à ce type de préoccupation?

Mme Fortin: Je pense que c'est peut-être une excellente suggestion dans le cas des premiers mariages. Étant veuve moi-même et pouvant peut-être penser éventuellement à un second mariage, je me demande si c'est opportun dans ces cas-là, si l'on pense que les conjoints seront vraisemblablement, économiquement autonomes de part et d'autre? Comme je vous le dis, étant moi-même dans cette situation, je considère que les biens que j'ai pu recevoir de mon mari, ou ceux que j'aurais pu accumuler durant ma vie, devraient aller directement à mes enfants et non pas être partagés sous quelque forme que ce soit avec un éventuel conjoint.

Je me dis: Si la réforme dans le sens dont vous parlez est intéressante dans le cas d'un premier mariage, un mariage qui dure longtemps aussi... Si c'était un premier mariage comme on en voit qui dure deux, trois ans et que c'est vraiment le second qui est important, à ce moment-là, l'argument serait à l'inverse. Je me dis: II y a trop de situations différentes tout au cours d'une vie pour que cette mesure obligatoire soit intéressante dans tous les cas. Elle a des avantages dans certains cas, elle a des inconvénients dans d'autres, alors je me dis: Pourquoi ne pas laisser aux gens cette faculté d'adaptation?

M. Johnson (Anjou): Si je pousse plus loin, Me Fortin, si elle était impérative dans le cas d'un premier mariage et dans le cas d'un second mariage, il pourrait y avoir une dérogation contractuelle.

Mme Fortin: Là, l'argument je vais vous le servir à l'inverse. Si votre premier mariage ne dure qu'un an ou deux - on connaît pour faire une blague, certains étudiants qui se marient que pour une bourse et qui y mettent fin une fois les études terminées - je me dis: Ils n'ont aucun intérêt à ce moment-là, même si par hasard ils achetaient des choses en commun, à ce qu'éventuellement, ils soient pris avec tout le dédale de devoir les séparer et les complications que cela suppose. Je me dis: Au fond, on a intérêt à faire ce genre de choses-là quand un mariage a une certaine durée, une certaine stabilité et ce n'est pas le cas, ni des premiers ni des seconds mariages aujourd'hui, nécessairement. Je me dis: Toute mesure impérative risque de créer des difficultés dans certains cas.

M. Johnson (Anjou): Par ailleurs...

Mme Fortin: On pourrait peut-être par des moyens publicitaires inciter la population ou les femmes, plus particulièrement, à suggérer ce genre de contrat au moment où elles achètent une maison. Mais l'imposer à tout le monde, je ne pense pas que ce serait nécessairement une bonne chose.

M. Johnson (Anjou): Par ailleurs - peut-être que ma remarque est plus destinée à mon collègue de Saint-Laurent qui nous parle des vertus de la liberté de tester qu'on partage dans notre droit depuis le deuxième régime colonial - je ferais remarquer à mon collègue que le principe de la liberté de tester, comme on le retrouve au Québec, n'existe plus en Occident, même pas en Angleterre d'où il est issu, pas en Ontario non plus. Je me permets d'utiliser la comparaison ontarienne qui semble un lieu de prédilection presque obsessionnelle dans les comparaisons venant de nos collègues d'en face et qu'on introduit graduellement, dans la plupart des législations de "common law", que ce soit au Canada ou aux États-Unis et en Angleterre, des limitations à la liberté de tester, paradoxalement, auxquelles le Québec n'a pas souscrit.

Par ailleurs, le droit français, lui, qui a été abondonné au chapitre des successions au moment du deuxième régime colonial, en faisant cet emprunt très largement au droit anglais, le droit français lui non plus; lui, il est extrêmement contraignant sur le plan de la dévolution successorale. Tout en comprenant le principe que nous défendons, il faut être conscients qu'on est les seuls à le défendre dans la plupart des démocraties occidentales. De l'évoquer comme une vertu - je comprends que ce n'est pas loin du veau d'or - il faut être conscients qu'on est les seuls en ce moment à avoir cette vertu, ou à peu près, dans la plupart des pays occidentaux. Même les États d'où on a pris cette notion de liberté de tester ont évolué dans le sens de fournir un certain nombre de garanties au conjoint. C'est devant cela que nos juristes, la commission et ceux qui ont réfléchi autour de ces questions, essaient de trouver une adaptation du droit québécois, cette nouvelle réalité qui vise à tenter de reconnaître pour des conjoints et - il faut

bien le dire, dans l'évolution des préoccupations et des sensibilités dans notre société depuis une dizaine d'années - des conjointes, dans bien des cas. Il s'agit de voir comment notre droit peut s'acclimater à ces nouvelles préoccupations. Je comprends donc que la position de nos collègues d'en face est qu'il ne faut pas toucher à la liberté de tester telle qu'on la retrouve dans notre droit depuis de nombreuses années, pour ne pas dire depuis un siècle et demi ou même un peu plus.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Ce qui est passionnant quand on étudie le Code civil, c'est que la partisanerie n'y joue aucun rôle. Il faut que je rectifie quelque chose. L'opinion du député de Saint-Laurent est son opinion personnelle comme l'opinion que j'émets maintenant est mon opinion personnelle. Quand on a parlé en deuxième lecture de la survie de l'obligation alimentaire, je me rappelle bien que mon opinion était tout à fait différente de celle du député de Saint-Laurent, comme dans votre formation, d'ailleurs, ce problème-là existe également. Notre présence ici n'est pas une question de ligne de parti, mais vraiment pour trouver une solution et donner satisfaction à la population.

D'abord, quelques remarques d'introduction. Quand un notaire parle de liberté de tester, comme on a le droit d'attaquer, de limiter ou d'abolir la liberté de tester, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de libertés dont on peut jouir à 100 %. Il y a des limitations, et c'est bien normal, dans toutes les lois. C'est pour cela que c'est le rôle du législateur de restreindre certains droits ou d'assujettir certains droits à certaines conditions. Je me rappelle très bien que des mouvements de femmes sont venus devant nous, quand il y avait une commission parlementaire. Plusieurs de ces femmes, travailleuses, maîtresses de maison ou faisant partie de PME nous ont décrit une situation existante. C'est bien beau de dire: Vous pourrez régler votre problème dans un contrat de mariage. Vous savez très bien que quand deux jeunes amoureux se présentent devant le notaire pour rédiger leur contrat de mariage, soyons honnêtes, on ne veut pas prendre des heures et des heures pour leur expliquer le Code civil et toutes les conséquences, ce qui arrive dans le cas de séparation, de divorce ou de mort, etc. On fait cela assez rapidement. Il y a une formule préparée d'avance. Je sais que vous prenez le temps de donner des explications. Je le sais parce que nous partageons aussi l'espace avec un bureau de notaires aussi. Vraiment, les jeunes qui viennent là, ils ne pensent pas à la misère, aux problèmes qui peuvent survenir, heureusement! Ils sont là pour commencer ce beau voyage vers la lune et le ciel. (12 h 30)

Nous avons une obligation de protéger. C'est bien beau de dire: Monsieur, on a maintenant ces régimes, la séparation de biens ou la société d'acquêts, etc., voici les conséquences qui en résultent. II ne veut pas trop savoir cela. Ils sont même un peu gênés de dire, dans un contrat en séparation de biens: Voulez-vous, s'il vous plaît, réserver l'ameublement à ma femme. Je me rappelle lorsque ma fille s'est mariée; j'avais suggéré cela au notaire, j'ai dit: Je veux que l'ameublement soit réservé à Monique. Je suis bien content de le lui avoir fait réserver car, aujourd'hui, elle est en instance de divorce.

Ces jeunes adultes qui se présentent, il faut bien les guider. Peut-être que dans un deuxième mariage, c'est le cas, mais pas dans un premier mariage avec deux jeunes. Donc, je n'ai aucune hésitation de dire que c'est même une obligation sociale du législateur, je ne dis pas de supprimer ce droit, mais de laisser ce droit intact, sujet à certaines conditions. D'ailleurs, je le dis avec fierté, je suis natif de la Hollande, des Pays-Bas où j'ai étudié le droit, où j'ai vécu jusqu'à l'âge de 21 ans. Là-bas, on a le droit de la réserve; on appelle cela "la portion légitime". Cela marche très bien. Il n'y a aucun scandale. Il n'y a rien, il n'y a personne... Je peux vous dire une chose. Quand vous dites qu'ici ce sont des cas exceptionnels où quelqu'un en souffre, pour moi, un cas exceptionnel, c'est comme dans la mort d'un enfant frappé par un autobus scolaire. Même une mort c'est déjà trop. Si on peut éviter des cas d'exception, pourquoi ne pas le faire?

Donc, ce que je trouvais intéressant dans votre mémoire, c'est que vous dites: Nous sommes contre la section de survie de l'obligation alimentaire, cela n'est pas acceptable. Nous sommes d'accord avec cela. Le député de Saint-Laurent et moi sommes d'accord, on a parlé là-dessus. Quant à nous, cela va devenir une bebelle de procédure comme on n'a jamais vu. Si vraiment on suit le texte tel que suggéré, cela va être impossible de régler des successions, des réclamations de partout.

Là, vous dites, à la page Il: "Si on doit choisir entre deux maux, plutôt la réserve que la survie de l'obligation alimentaire. Mais le législateur sans doute, en insérant la survie de l'obligation alimentaire, a pensé qu'il faut, d'une manière quelconque, restreindre ou rendre la liberté de tester sujette à un certain contrôle. Là, ils sont venus avec le contrôle de la survie de l'obligation aliementaire.

Disons qu'on peut faire la preuve que, malgré la bonne tentative de trouver une solution, peut-être que cela va créer plus de

problèmes. Là, vous dites: Dans ce cas-là, on accepte la réserve plutôt que cela. Vraiment, votre position, c'est qu'on ne veut rien savoir du tout, on reste dans la liberté totale, comme le député de Saint-Laurent. S'il y a des conditions à poser, on va prendre la réserve. Dans la réserve, vous n'êtes pas loin non plus, parce que vous dites "la moitié de la part pour la femme", mais vous ne pensez pas aux droits des enfants là-dedans. Par exemple, il y a des juridictions en Europe où les enfanta sont protégés aussi, dans la réserve.

Je vous donne un exemple. Ma mère est décédée il y a un an, sans testament. J'ai droit à une certaine portion, comme enfant, de cette succession, qui était la moitié de ce que j'aurais eu autrement. Donc, là, il y a un certain montant, c'est un pourcentage. Il n'y a pas de sommes qui sont fixées. Vous réglez le cas du conjoint ou de la conjointe, vous dites "50 % de ce que la personne a eu". Je suis d'accord avec cela, je trouve cela une démarche très timide. Si vous n'êtes pas capables de vivre avec cela, vraiment, je pense... Cela est un tout début, pour moi, d'une protection. Vous ne parlez même pas du cas des enfants. Je suis prêt à dire, par exemple, si on doit avoir un début de protection, qu'on accepte cela. En ce qui me concerne, cela ne va pas assez loin. Je pense vraiment que la protection familiale, surtout la position... Quand on parle du "conjoint", dans la majorité des cas, c'est la conjointe, ce n'est pas le mari qui a besoin de protection, c'est plutôt la femme. On le sait. Vous le savez comme notaires, je le sais comme avocat.

Vraiment, je pense que si le législateur disait "on va enlever cette section de l'obligation alimentaire à cause des problèmes que cela crée, et on va ouvrir la porte avec cette fameuse réserve, que la suggestion que vous faites seulement pour le cas de la protection du conjoint ou de la conjointe, ce n'est pas trop loin, je pense que ce sera quelque chose d'acceptable, même si le député de Saint-Laurent trouve que c'est peut-être une attaque contre son sacré principe de la liberté de tester sans restriction.

M. Leduc (Saint-Laurent): Merci.

M. Polak: Mais vraiment, je crois que vous n'avez qu'à regarder ce qui se passe dans d'autres juridictions. Regardez dans d'autres provinces canadiennes, il y a une protection légale qui existe aussi. Regardez dans les autres pays d'Europe. Pourquoi est-ce qu'à Québec on serait une exception? Cela ne me gêne pas du tout - je parle encore à titre personnel - d'imposer certaines restrictions pour le bénéfice, justement, de cette unité familiale dans laquelle je crois beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Sainte-Anne. Me Denise Fortin, ou Me Lambert.

M. Lambert: Si vous le permettez, c'est parce qu'il y a eu plusieurs propos qui ont été livrés. Je pense que les derniers propos qui viennent d'être livrés rejoignent un peu ceux du ministre de la Justice, à un moment donné. C'est qu'il faut quand même considérer le système de droit dans lequel nous sommes. C'est à se demander, par exemple, dans les pays où on connaît la réserve, s'ils connaissent la prestation compensatoire. Quel est leur régime légal?

Si on regarde ce que le législateur québécois a fait depuis 1964, mais particulièrement depuis 1970, il a essayé de vraiment abolir tout déséquilibre entre les conjoints. Je dirais - et je fais une parenthèse là-dessus - qu'à la suite des discussions qu'on a eues, ce sont les femmes qui ont participé à nos comités qui ont été les plus violentes là-dessus parce qu'elles sont dans la position inverse. Elles disent: Je ne veux pas qu'une partie de mes biens aille à mon mari. Mais c'est cela toute l'économie du droit de l'évolution de la société québécoise, c'est vraiment que les deux conjoints soient sur un pied d'égalité, de chance égale, qu'ils soient équipés, qu'il n'y en ait pas un qui parte perdant là-dedans.

On voit, par exemple, concernant des jeunes ménages, des jeunes mariages, en entrevue de contrat de mariage, qu'il y a une foule de problèmes qui existaient il y a quinze ou seize ans, quand j'ai commencé à pratiquer, et aujourd'hui... Par exemple, quand à l'achat de la résidence, maintenant, ce sont presque tous des cas de copropriété. Cela ne cause pas de problème; cela se fait.

La société d'acquêts, c'est un régime qui est maintenant bien accepté. Je ne dis pas qu'il n'y a pas encore des gens qui se marient en séparation de biens, mais le régime de la société d'acquêts, maintenant, c'est un régime intéressant, innovateur. À la base, tout de suite on sait que c'est un principe d'égalité.

Pour corriger une situation qui était bien réelle, le législateur a adopté la prestation compensatoire qui vient aussi en tenir compte. Là, si on vient, par-dessus tout cela, limiter, bien on pense que c'est peut-être aller trop loin. Je vous accorde peut-être qu'actuellement, on est dans une transition. C'est sûr que des conjoints qui originent d'une période où c'était peut-être le régime de la séparation de biens, peut-être que les entrevues, à l'époque, étaient faites d'une façon plus automatique, comme le député l'a soulevé tantôt, c'est vrai, mais je pense, par exemple, que la prestation compensatoire et la possibilité de modifier le régime matrimonial, cela aussi n'existait pas autrefois. Ce n'est pas sûr que cela existe

dans toutes les juridictions. On a dit que cela existait pour parler de la limitation à la liberté de tester, mais cela, c'est une innovation. C'est rendu d'une facilité extrême. On n'a même plus besoin d'aller faire homologuer cela devant le tribunal.

Il y a donc des instruments et on s'aperçoit, lorsque quelques cas malheureux nous sont soumis, que souvent, cela a été un manque d'information, un manque de connaissances bien plus qu'une volonté malsaine ou mesquine qui était à la base.

Alors, le législateur québécois a mis les deux conjoints sur un pied d'égalité. Il a voulu qu'ils aient une parfaite autonomie et je pense qu'il faudrait se le rappeler. Ce qui se passe aujourd'hui et ce que le législateur adopte, ce n'est pas juste pour l'année prochaine. Ce n'est peut-être pas pour 100 ans, mais c'est peut-être pour un bon nombre de décennies. Je pense qu'il faudrait en tenir compte.

Concernant des remarques particulières, Me Fortin voulait...

Mme Fortin: Oui, sur la question des enfants, on y a songé, et c'est pourquoi on a, entre autres, le plancher de 60 000 $. On s'est dit que dans le cas des enfants, à la suite du décès d'un des conjoints, il peut se produire deux choses: ou bien les enfants sont mineurs et ont encore besoin d'un soutien financier, ou bien ils sont majeurs et ils sont autonomes dans bien des cas. S'ils sont autonomes, leur accoder des biens d'une façon automatique à moins que ce soit la conception que le législateur veuille promouvoir, bien mon Dieu, nous on considérerait que les enfants n'ont pas le droit acquis dans le patrimoine de leurs parents décédés, de sorte que si leur père, ou le cas échéant leur mère, veut bien leur laisser des biens, tant mieux, mais sinon ils n'y ont pas de droit acquis.

Maintenant, s'ils sont mineurs et s'ils sont dépendants c'est autre chose. C'est pour cela qu'en pensant à la réserve, on voulait un plancher de 60 000 $ en disant: Si la mère - dans l'hypothèse, c'est souvent elle qui survit - a une somme plus importante de la succession, elle sera en mesure d'assurer la subsistance de ses enfants alors que si la succession se trouve partagée et morcelée, ce sera peut-être plus difficile pour elle.

Il ne faut pas oublier que l'obligation alimentaire entre parents et enfants continue à demeurer même si un des parents est décédé. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on proposait la réserve comme étant le quart de la succession ou la moitié de la part successorale de sorte que si quelqu'un laisse 1 000 000 $, la femme se retrouvera avec une somme de 250 000 $. Si par contre la succession est très petite, elle aura au moins une garantie d'avoir les premiers 60 000 $ ce qui lui permettra, ou de se recycler et ensuite d'assurer la subsistance de ses enfants si elle est très jeune et si elle est plus âgée et que ses enfants sont autonomes, mon Dieu, avec cela et les prestations gouvernementales et autres, elle pourra sensiblement prévoir se débrouiller. C'est là l'aspect de notre réforme en voulant accorder davantage dans les petites successions au conjoint survivant pour lui permettre d'assurer ses obligations alimentaires vis-à-vis les enfants sans morceler la succession.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve, juste avant de vous laisser la parole - ce n'est pas parce que je m'adresse à vous - il reste sur le temps qu'on avait mentionné environ sept minutes alors il faudrait peut-être que les questions et les réponses soient un peu plus courtes.

Mme Harel; Merci, M. le Président. En remarque préliminaire, je voulais simplement signaler que vous avez certainement pu vérifier et peut-être vous assurer - pour ne pas dire vous rassurer - puisque vous avez eu un représentant qui a suivi très attentivement, très assidûment tous nos travaux, que la commission prenait en grand intérêt les recommandations que vous aviez faites en faisant l'étude détaillée article par article sur le droit des personnes, je pense que l'échange que nous avons permet non seulement de prendre en considération vos recommandations mais aussi les commentaires que vous nous faites.

Vous avez parlé beaucoup de la prestation compensatoire et vous concevez la prestation compensatoire comme un instrument important dans cette égalité qui est recherchée. Pourtant on sait qu'il y a quand même des difficultés de preuve notamment. Souvent on a demandé une démonstration à l'effet qu'il y avait un apport monétaire supplémentaire au salaire du mari. Est-ce que la prestation compensatoire vous semble réellement pouvoir actuellement trouver application? Ça c'est ma première question. Ma seconde c'est quand, en fait, tout va bien qu'il faut certainement considérer les mécanismes de résolution des conflits mais c'est quand tout va bien qu'on ne prévoit pas les conflits. Des études récentes - je me réfère à une étude faite cet automne auprès de jeunes filles de niveau secondaire au Québec - démontraient que leur perception de leur avenir n'avait pas du tout changé comparativement à celui qui prévalait pour les générations précédentes. C'est évidemment toujours cet avenir associé à un prince charmant qui les entraîne sur un coursier vers le bonheur. Est-ce qu'au moment où justement la réflexion doit se faire sur les mécanismes de résolution des conflits, à ce moment-là même on ne les prévoit pas? Il en va donc à

ce moment-là d'une égalité de droit qui n'est pas une égalité de fait finalement? (12 h 45)

M. Lambert: Je pense, Madame, que vous soulevez peut-être là le problème. D'une part, un grand nombre de jeunes ménages connaissent un échec donc ce n'est pas au décès que l'équilibre va se faire. Il faut peut-être regarder au niveau de la prestation compensatoire et peut-être élargir son assiette. Je pense que c'est là que les cas ont fait problème. Actuellement, comme vous l'avez bien souligné, il faut prouver l'enrichissement, l'apport réel. Peut-être qu'il y aurait lieu de regarder, je dis bien peut-être, je ne suis pas un expert sur ce sujet. Mais on sait que si on cherche à corriger une certaine insouciance ou un certain manque de vigilance dû au jeune âge, que somme toute, ce n'est pas le plus grand nombre de ménages qui se rendent au bout, c'est-à-dire l'instant du décès et que le ménage est souvent un deuxième, sinon un troisième. On pense aussi que plus l'État va instaurer des restrictions où les gens vont se sentir obligés, plus l'union de fait va se développer comme les chiffres le prouvent. Alors, c'est sûr qu'il est impossible de vraiment tout prévoir pour satisfaire tout le monde. Mais on pense que l'égalité doit être donnée pour que cela se passe du vivant et non pas d'attendre l'hypothèse d'un décès pour peut-être la rétablir. On pense qu'il faut que cela se passe avant cela. À ce moment-là, le décès ne changera pas si les règles d'équilibre sont déjà faites, avant. Merci.

Mme Fortin: Je voudrais...

Le Président (M. Gagnon): Me Fortin.

Mme Fortin: ...ajouter à cela que j'ai connu des couples où les deux conjoints travaillaient - je ne parle pas de ceux où le conjoint ne travaille pas - mariés en séparation de biens...

M. Lambert: On veut dire, travaillaient à l'extérieur.

Mme Fortin: ...travaillaient à l'extérieur, oui - elles ne travaillent pas, il y a trop d'ouvrage - en fait, où les deux avaient des revenus, autrement dit, mariés sous le régime de la séparation de biens. Ce qui se produisait en pratique - c'était des gens qui ont peut-être mon âge maintenant, dans la quarantaine - c'est que le mari payait l'hypothèque, avait la maison à son nom, etc, et que la femme, avec son revenu payait l'épicerie, les vêtements, les frais de scolarité. Au bout de la ligne, au moment où le divorce s'est produit, évidemment, elle s'est retrouvée avec rien du tout et le mari avait accumulé des immeubles. Mais, est-ce la faute des régimes matrimoniaux et de la législation telle qu'elle existe ou si ce n'est pas plutôt un manque d'information? Je pense qu'on doit insister sur des programmes d'éducation face aux jeunes filles pour leur dire: Écoutez, vous vous mariez, payez l'hypothèque et laissez votre mari payer l'épicerie. À ce moment-là, c'est vous qui aurez la maison. Non, sans aller jusque là, leur suggérer en fait de faire des projets communs et de participer ensemble, et ne pas les obliger à le faire. Libre à ceux qui ne voudront pas le faire, mais une meilleure information diminuera de beaucoup ces problèmes. Et cela, ce n'est pas la loi qui me le fait, c'est tout simplement les mentalités qui ne sont pas rendues à ce niveau, je pense. Cela se corrige par des programmes d'éducation dans les cégeps, à l'école, à différents endroits, en expliquant le fonctionnement économique, en fait, parce que ce sont des associations économiques quand on en parle au niveau des biens.

Quant à l'autre question sur la prestation compensatoire, je pense que le texte, en parlant de la part en services, laisse une ouverture aux tribunaux de considérer qu'une contribution plus exceptionnelle aux soins du ménage, en tout cas, un apport de gestion dans l'entreprise commune pourrait laisser place à une compensation. Maintenant, est-ce la loi encore qui est mal faite ou si ce sont les tribunaux qui n'ont pas suffisamment évolué pour reconnaître ce type de situation? Là, on parle de correctifs à la loi. C'est peut-être dans bien des cas les mentalités qu'il faudrait changer.

M. Lambert: M. le Président, en matière...

Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Lambert: Juste pour conclure ce point-là, ce serait de considérer le décès comme une autre cause qui met fin à une union, comme le divorce, comme la séparation. C'est une cause de fin et les parties, les conjoints doivent être équitablement traités. Il faudrait le voir dans cette optique, que le décès n'est qu'une cause maintenant. Autrefois, c'était la cause, aujourd'hui, c'est une cause parmi d'autres.

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député de Saint-Laurent avait demandé la... Est-ce que vous avez autre chose à ajouter. M. le député de Saint-Laurent avait demandé la parole tantôt.

M. Leduc (Saint-Laurent): Cela va être très court. Je crois beaucoup à la famille. Je pense que ce sont les traditions. On a des racines. C'est très important. Mais il y a une chose qu'il faut bien réaliser, c'est que

les mariages aujourd'hui ne durent pas ce qu'ils duraient auparavant. Imaginez-vous le cas où on établit une réserve, particulièrement la réserve et où le mariage ne dure que six mois ou un an, ou deux ans, est-ce que c'est normal, légitime ou équitable, qu'ils aient une part importante de la succession de l'autre conjoint? Je pense que tout est là. Alors, la prestation compensatoire tient compte de la part de l'enrichissement, de la part surtout des époux durant le mariage. Je pense qu'elle corrige les inégalités, les inéquités et tout cela est très important. Je considère qu'avec la prestation compensatoire, on a le remède à certaines injustices. C'est vrai qu'il y a certains problèmes qui existent au niveau du tribunal, mais comme on le disait tantôt, mettons les mécanismes qui vont corriger les déficiences. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de tout réformer le Code civil. La question fondamentale qu'il faut surtout se poser est la suivante: Qui a demandé qu'on chambarde tout cela? C'est la question que je me pose, qui a demandé cela?

Je dois dire, que dans 25 de pratique, je n'ai pas vu - j'avais une pratique qui était très importante; disons une pratique de quartier - pour beaucoup de testaments, de contrats de mariage, dans mes contacts avec ces personnes, des gens venir nous dire qu'ils n'avaient pas les moyens de remédier à certaines inéquités, certaines inégalités. Je pense que les gens en général - sauf certaines exceptions, mais il y en aura toujours - mais aujourd'hui le mariage étant ce qu'il est, ne durant pas trop longtemps dans beaucoup de cas, il faut tenir compte de ce fait-là. Pensons à toutes les unions. Quelle protection...

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député de Sainte-Anne, nous avons déjà dépassé...

M. Polak: Je veux juste faire une correction, quand le député de Saint-Laurent parle de mariage qui est dissous après six mois, un an. Il n'y a plus de conjoint, à ce moment, l'argent joue pour le conjoint survivant. La femme qui était là...

Le Président (M. Gagnon): Permettez, nous pourrons avoir cette discussion entre nous lors de l'étude article par article. S'il n'y a pas autre chose, je voudrais remercier la Chambre des notaires du Québec, Me Lambert, Me MacKay, Me Beaulne et Me Denise Fortin ainsi que Me Yves Demers d'être venus éclairer la commission. Merci infiniment, et je vais suspendre les travaux pour quelques minutes, afin que l'on puisse discuter. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 53)

(Reprise à 12 h 59)

Le Président (M. Gagnon): La commission des institutions suspend ses travaux jusqu'à 16 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 16 h 12)

Le Président (M. Gagnon): La sous-commission des institutions se réunit avec le mandat de procéder à une consultation particulière sur le livre troisième, Des successions, du projet de loi 20, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens. Nous accueillons cet après-midi le Barreau du Québec, Me Luc Plamondon, Me Daniel Barbeau et Me Suzanne Vadboncoeur.

Avant de vous laisser la parole, j'aimerais qu'on puisse s'entendre, parce qu'on nous dit que nous sommes sur la même piste pour l'enregistrement, le gouvernement et l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): On est sur la même ligne?

Le Président (M. Gagnon): C'est cela.

M. Johnson (Anjou): C'est bien cela. C'est très bon cela.

Le Président (M. Gagnon): Attention. Tout simplement pour qu'on puisse bien identifier les gens qui ont la parole, il faudrait faire attention...

Une voix: ...sûrement d'un des deux partis.

M. Marx: J'ai déjà appuyé un Johnson.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît: Pour qu'on puisse bien enregistrer nos travaux, il faudrait absolument demander la parole afin que je puisse identifier - c'est ce que l'on m'a demandé - ceux qui devront prendre la parole. Il faudra faire attention pour ne pas parler deux en même temps. Alors, Me Plamondon? Me Vadboncoeur, je vous laisse la parole en vous souhaitant la bienvenue.

Barreau du Québec

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Merci, M. le Président, M. le ministre, Madame, MM. les députés et tous les autres, le Barreau du Québec est heureux encore une fois de participer à cette séance de travail sur l'élaboration du Code civil du Québec. Nous étudions aujourd'hui le livre troisième sur le

droit des successions.

Nous avons eu l'occasion, ce matin, d'assister à la séance où la Chambre des notaires était entendue, et j'imagine qu'après avoir livré l'essentiel de notre mémoire, nous aurons à livrer nos commentaires ou à répondre à des questions de la part des membres de la commission, particulièrement sur la réserve héréditaire et la prestation compensatoire. Pour le moment j'aimerais -j'imagine que peu d'entre vous ont eu l'occasion de lire le mémoire - procéder comme la dernière fois, non pas à la lecture du mémoire, mais à un résumé de chacun des points qu'on a touchés.

Tout comme pour le droit des personnes, ce mémoire se divise en deux parties: une première consacrée à des commentaires de fond et une seconde qui donne certaines suggestions d'amendements techniques, purement techniques.

Le premier point qui fait l'objet des commentaires concerne le vocabulaire et en particulier le vocabulaire qui concerne les présomptions contenues au projet de loi. Nos commentaires, ici, se limitent au livre touchant les successions, mais ils peuvent également s'étendre au livre portant sur les biens. Les récents amendements que le Barreau a obtenus la semaine dernière ont apporté une amélioration en ce qui concerne le vocabulaire, particulièrement pour l'emploi des mots "réputé" par rapport à "présumé". Les premières versions, soit des avant-projets de loi ou des projets de loi, employaient indifféremment "présumé" et "réputé," et on se demandait s'il y avait une certaine différence de signification dans l'emploi des deux termes. La réponse à cette question a toujours été un peu douteuse. Les amendements qui ont été apportés récemment nous ont confirmé que le législateur voyait effectivement une différence entre les deux expressions "présumé" et "réputé". Dans ce sens, l'amendement apporté à l'article 803 du projet de loi est heureux. Certains autres articles demeurent peut-être un peu ambigus, particulièrement l'article 711 et l'article 807. On veut bien comprendre que ces deux articles expriment, encore une fois, une présomption qui peut être repoussée et non une présomption irréfragable. Ce sera à vous, madame et messieurs de la commission, d'y répondre; je laisse la question ouverte.

Le deuxième commentaire concerne l'article 665 du projet de loi, qui a suscité de vives discussions au sein de la sous-commission du Barreau. D'abord, on a constaté que les articles 663 et suivants utilisaient le mot "succéder" - qui est peut-être un terme générique - pour les personnes physiques. Par contre, dès qu'on arrivait à des personnes morales ou à des fiducies, on employait le terme "recevoir par testament". On s'est d'abord demandé s'il s'agissait là d'une différence ou, encore une fois, si c'était simplement une variante dans le vocabulaire. S'il y a une différence, le traitement quant à ses successibles pourrait évidemment être différent. Il y aura peut-être lieu d'éclaircir cela, sinon dans la loi, tout au moins dans le rapport des codificateurs que l'on espère avoir un jour, comme on le disait la dernière fois.

Quant à l'article 665 proprement dit, le libellé actuel de l'article 665 nous pose une interrogation. Est-ce que cet article concerne une fiducie pré-existante? Par exemple, Marcel, dans son testament lègue 100 000 $ à une fiducie qui existe déjà, dont les revenus, par exemple, pourraient être donnés ou versés à un bénéficiaire X et le capital pourrait être éventuellement versé à un bénéficiaire Y. Donc, est-ce que cela vise une fiducie pré-existante ou est-ce une fiducie créée par testament? Donc, le même Marcel, dans son testament, peut créer une fiducie disant: je lègue 500 000 $ à être administrés par une fiducie qui, éventuellement, en donnera les revenus à un bénéficiaire X, Y ou Z. Ce n'est pas clair.

Quelle que soit la situation qui est prévue à l'article 665, nous sommes d'avis qu'un legs, quel que soit le legs, n'est pas destiné au bénéficiaire, mais bien à la fiducie. La fiducie est une quasi personne morale en vertu du projet de loi 20, a un patrimoine d'affectation distinct de celui du constituant, de celui du bénéficiaire et de celui du fiduciaire. Donc, le legs est destiné à la fiducie elle-même et, éventuellement, ce que le ou les bénéficiaires en retireront, ce sera ce qui est prévu soit dans l'acte de fiducie soit dans le testament. Il y aurait lieu d'amender cet article 665 - et on le recommande d'ailleurs à la partie 2 du mémoire - pour qu'il se lise ainsi: "Le fiduciaire peut recevoir le legs destiné à la fiducie", et non pas "recevoir pour la fiducie le legs destiné au bénéficiaire". C'est tout à fait inexact.

Quant au troisième commentaire, il s'agit d'une disposition qui était prévue au Code civil du Bas-Canada, à deux endroits d'ailleurs: à l'article 658 et à l'article 1061, en ce qui concerne la renonciation à une succession non encore ouverte. Le projet de loi 20 ne reprend pas cette disposition. Peut-être que le législateur a l'idée de conserver cette disposition uniquement au chapitre des obligations; on n'en sait rien encore parce qu'on ne sait pas ce qui va advenir du chapitre des obligations dans le Code civil du Québec mais, chose certaine, il n'est pas reproduit au chapitre des successions. Peut-être que les légistes du ministère de la Justice ont cette réponse; nous ne l'avons pas. Je ne sais pas si les membres de la commission parlementaire l'ont mais, enfin, il faudrait que cette disposition qui concerne la renonciation à une succession non encore

ouverte soit retenue dans le Code civil du Québec.

On peut d'ailleurs facilement imaginer le bien-fondé d'une telle disposition. C'est un peu contraire aux moeurs juridiques qu'une personne puisse aliéner des droits éventuels dans une succession. Par exemple, si une personne pense avoir un immeuble dans la succession de X et que, d'ores et déjà, elle hypothèque cet immeuble, vous pouvez vous imaginer quels problèmes pratiques cela peut poser si le testateur décide de révoquer son testatement ou de changer ce legs; il peut se poser différents problèmes.

Je pense que l'article 1061 du Code civil du Bas-Canada, qui est probablement plus complet d'ailleurs que l'article 658, devrait être maintenu, soit au chapitre des obligations, soit au chapitre des successions, mais qu'à tout événement il soit maintenu.

Le quatrième commentaire concerne la forme des testaments et se divise en deux sections: d'abord, la nullité pour vice de forme et ensuite, le testament devant témoin.

La nullité pour vice de forme touche particulièrement l'article 765 du projet de loi, qui répugne vraiment aux puristes du droit et particulièrement aux civilistes parce que le formalisme dans les testaments a toujours été reconnu au Québec. Par cet article, on ouvre une brèche excessivement importante au principe du formalisme et à différents articles du projet de loi lui-même.

L'article 764 énonce d'ailleurs dans son premier alinéa: "Les formalités auxquelles les divers testaments sont assujettis doivent être observées, à peine de nullité." On a retranché le mot "absolue". J'en profite pour ouvrir une parenthèse ici. Est-ce qu'on a voulu abolir la nullité absolue ou si c'est simplement, encore une fois, une forme un peu moins sévère de vocabulaire qu'on utilise? Vu qu'on peut difficilement ratifier ou valider une nullité absolue, ce qui serait fait par l'article 765, c'est peut-être pour cela qu'on a décidé d'abolir le mot "absolue". On aimerait peut-être savoir si la nullité demeure absolue ou si elle devient une nullité relative.

À tout événement, avec cet article 765, on enlève le principe de base de l'article 764, à savoir que les formalités qui ne seraient pas observées rendraient nul le testament. On va également à l'encontre de l'article 819, deuxième alinéa, qui concerne la révocation des testaments. Je vous en fais lecture: "La révocation contenue dans une testament nul pour inobservation de quelque formalité obligatoire est sans effet." Cela veut donc dire que dès qu'un testament est nul pour vice de forme, la révocation qu'il contiendrait serait également nulle. Donc, je pense qu'on veut quand même donner une certaine force à ce formalisme des testaments, mais cet article 765 vient tout jeter par terre en plus de laisser finalement aux tribunaux un pouvoir que l'on considère peut-être un petit peu trop large, c'est-à-dire qu'on pourrait refaire, par un échange de correspondance, par exemple, le testament d'un individu en disant: Cela, oui, il a peut-être eu l'intention de changer telle clause; cela n'est peut-être pas assez fort. Enfin, cela laisserait au tribunal un pouvoir peut-être un peu trop large. Donc, nous sommes d'avis que l'article 765 devrait être retranché.

Je vous signale également que l'actuel article 892 du Code civil du Bas-Canada, qui permet la révocation d'un testament par un simple écrit, n'est pas reproduit dans le projet de loi 20. Est-ce qu'on a voulu par cet article 765 faire revivre l'article 892, ce qui permettrait donc une révocation par simple écrit? J'espère que non, parce qu'en ce qui concerne la révocation des testaments le projet de loi 20 est quand même assez clair. La révocation d'un testament ne peut se faire que par un testament postérieur; l'article 818 le dit très bien. Alors, il ne faudrait pas qu'on fasse indirectement ce qu'il nous est interdit de faire directement.

Deuxième partie de la forme des testaments: On a aboli une disposition du droit actuel qui consiste à permettre à l'aveugle et à l'illettré de faire un testament devant témoins. Je ne sais pas si les membres de la commission ou les représentants du ministère ont reçu beaucoup de plaintes à savoir que cela pouvait nuire ou causer des injustices, mais les avocats du Barreau qui faisaient partie de la sous-commission n'ont jamais vu de problème dans leur pratique en ce qui concerne cette ouverture à l'illettré de faire un testament devant témoins. Alors, nous suggérons que l'article 852 du Code civil actuel - enfin, la disposition, peut-être pas l'article proprement dit - soit maintenu de sorte que le testament d'une personne qui ne peut ou ne sait lire puisse être fait devant témoins, quitte à ce que cette forme de testament soit assujettie à une obligation de la part d'un témoin de lire le contenu du testament avant la signature.

Le cinquième commentaire touche la représentation en matière testamentaire. C'est un problème énorme. D'abord, c'est une modification au droit actuel qui est de taille. La représentation, maintenant, par l'article 800 du projet de loi 20, est permise en matière testamentaire, mais, malheureusement, on se réfère aux articles de la représentation qui s'appliquent dans une succession légale.

Or, vous constaterez à la lecture des cinq cas que nous avons mentionnés dans le mémoire, aux pages 8 et suivantes, que l'application pratique des articles 724 à 729, en matière testamentaire, pose des problèmes. On m'a dit, ce matin, que cela

ne semblait pas en poser à ce point-là. J'aimerais bien, si quelqu'un peut donner des réponses aux interrogations qu'on se pose, connaître ces réponses, parce que... On peut vous donner un exemple. Prenons le cas premier. Quelqu'un par testament fait de son fils le légataire universel. Ce fils a deux frères. Le légataire est prédécédé. En vertu des dispositions des articles 724 et 725, la succession du fils irait à ses enfants, à ses descendants, à l'infini, en vertu de l'article 725.

Par contre, quand on vient pour appliquer le deuxième alinéa de l'article 725, cela ne va pas. Celui-ci dit qu'elle est admise si les enfants du défunt - le défunt doit se lire le testateur - concourent avec les descendants d'un enfant représenté. Ce n'est pas le cas, ils ne concourent pas, ils ne sont même pas appelés à la succession du testateur, seul est appelé l'enfant prédécédé. Donc, ce membre de phrase ne peut pas s'appliquer. (16 h 30)

Je continue: "Soit que, tous les enfants du défunt étant décédés, inhabiles ou indignes, leurs descendants se trouvent entre eux en degrés égaux ou inégaux." Ce n'est pas le cas non plus. Les autres enfants du légataire ne sont ni prédécédés, ni inhabiles, ni indignes. Alors, on voit tout de suite une difficulté d'application en ce qui concerne la représentation en ligne descendante.

Dans la ligne collatérale, à l'article 727, le problème se pose également. L'article 734 nous dit: "Sont des collatéraux privilégiés, les frères et soeurs du défunt ainsi que leurs descendants au premier degré." Donc, les neveux et les nièces.

Prenez un testateur qui lègue tous ses biens à sa nièce qui, donc, est un collatéral privilégié. La nièce en question prédécède. En vertu des principes de la représentation, cela va à ses descendants au premier degré uniquement. Encore là, cela va si on Ht la définition, mais si on descend aux descendants au premier degré de cette nièce on tombe dans la ligne collatérale ordinaire, parce que cela arrête à la nièce, les privilégiés. Est-ce qu'on peut passer des collatéraux privilégiés aux collatéraux ordinaires comme cela? Cela m'étonnerait. Donc, il y a un blocus.

Advenant même que ce soit permis, si on compare maintenant aux collatéraux ordinaires, ceux-ci, en vertu de l'article 727, ne limitent pas la représentation à un degré chez les descendants de sorte que si le même testateur, au lieu de laisser ses biens à sa nièce, les lègue à sa petite-nièce qui est sa filleule, par exemple, et qui est à peu près sa seule famille qui subsiste, cette petite nièce, si elle prédécède, pourra voir ses biens légués passer à tous ses descendants à l'infini, parce qu'on ne mentionne pas de limite dans la représentation chez les descendants d'un collatéral ordinaire. C'est assez bizarre de voir que chez la nièce, cela se limite au premier degré quant à ses descendants, alors que chez la petite-nièce, cela peut aller à l'infini. Il y a sûrement un trou quelque part.

Le vocabulaire, également, n'est peut-être pas exact quand on utilise les termes "en ligne collatérale, la représentation a lieu". La représentation n'a pas lieu en ligne collatérale, la représentation a toujours lieu entre un ascendant et un descendant, elle n'a pas lieu par rapport au testateur en ligne collatérale. C'est quand le legs est fait à un collatéral que la représentation a lieu et celle-ci se fait en ligne descendante et non pas en ligne collatérale. Il y aurait peut-être lieu de modifier le vocabulaire pour le préciser.

Donc, je vous laisse le soin de lire les autres cas qui sont mentionnés dans le mémoire. Tout ce qu'on peut demander en conclusion de cela, c'est que des dispositions spécifiques soient reprises dans le chapitre traitant des testaments pour prévoir la représentation, auquel cas le défunt dont on parle aux articles 724 et suivants deviendrait le testateur et la personne représentée serait, évidemment, le légataire. Donc, la représentation aurait lieu chez les descendants du légataire prédécédé.

Il y a aussi la solution qui est proposée dans la loi ontarienne. M. le ministre faisait allusion, ce matin, au fait qu'on aimait beaucoup se référer à la loi ontarienne; on s'y réfère encore. La solution proposée dans la loi ontarienne...

M. Johnson (Anjou): C'est pour le Parti libéral que je disais cela. Vous ne vous sentiez pas visée, je l'espère.

Le Président (M. Gagnon): Me

Vadboncoeur, vous avez toujours la parole.

Mme Vadboncoeur: Merci. Donc, la solution apportée...

M. Leduc (Saint-Laurent): ...comparé à l'Ontario qu'à Terre-Neuve.

Mme Vadboncoeur: Oui, surtout le Barreau. La solution apportée, donc, par la loi ontarienne pose le principe suivant. À l'égard, quand même, d'un parent - il ne faudrait pas que la représentation s'applique à un étranger... Là-dessus, je dois souligner que les amendements apportés récemment par le ministère règlent, en tout cas en partie, le problème. C'est clair que la volonté du législateur veut que la représentation ne s'applique que dans la parenté. Dans la loi ontarienne, on considère que le légataire qui est prédécédé a survécu et le légataire parent du défunt, évidemment, a survécu quelques instants au

testateur et on considère aussi que, par une fiction juridique, lui-même serait mort sans conjoint et sans testament. Alors, la dévolution n'est peut-être pas tout à fait pareille, mais c'est une deuxième solution qui pourrait être envisagée.

Le sixième commentaire touche les clauses de viduité. On n'a pas reproduit dans le projet de loi 20 l'article 801 du projet de loi 107 sur lequel on avait fait en 1985 des représentations. Le projet de loi prévoyait à ce moment-là que les clauses testamentaires limitant aux cas de remariage les droits du conjoint survivant étaient sans effet. On s'était dit favorable à cet article-là. Par contre, le deuxième alinéa enlevait tout son sens à ce principe disant que le testateur pouvait stipuler que le conjoint survivant pouvait recevoir pendant viduité une rente, une pension ou, enfin, toute autre forme de bénéfice. On s'était évidemment prononcé contre ce deuxième alinéa.

On constate cependant que le projet de loi 20 n'a pas repris ce principe d'interdiction. Le Barreau est d'avis que ce principe devrait être reproduit dans le projet de loi 20 et, d'ailleurs, non seulement en faveur du conjoint survivant, mais en faveur de tout légataire. Pourquoi, en vertu de quel droit, un testateur pourrait-il se permettre de ne faire bénéficier son légataire que s'il conserve le statut civil qu'il a au moment où la succession s'ouvre à son égard?

M. Johnson (Anjou): Les articles 10 et 13.

Mme Vadboncoeur: II pourrait même y avoir une discrimination de la part du testateur en fonction du statut civil s'il dit: Vous n'aurez plus droit à tel revenu si vous vous remariez, si vous divorcez ou, enfin... Donc, peut-être que, par la charte, ce genre de clause pourrait être aboli, annulé, mais il serait peut-être prudent, comme le Code civil le fait d'ailleurs au niveau du droit des personnes, de reproduire cet article dans le Code civil. Le Code civil, pour le droit des personnes, reproduit certains articles majeurs de la Charte des droits et libertés de la personne quant aux droits et libertés de la personne à l'intégrité physique, etc. On ne voit pas pourquoi il n'y aurait pas un article dans le Code civil, dont on vous suggère d'ailleurs une formulation qui pourrait se lire comme suit: "La disposition testamentaire limitant, au cas de changement à son statut civil, les droits du légataire est sans effet."

M. Plamondon (Luc): Excusez-moi, je voudrais faire une intervention.

Mme Vadboncoeur: Nomme-toi!

M. Plamondon: Luc Plamondon. Je voudrais simplement rappeler - et vous me pardonnerez de mentionner cette personne dans cette salle, que M. Wilson, le ministre fédéral des Finances, dans son dernier budget, a annoncé que, dans les régimes de pension assujettis à la législation fédérale, les clauses de viduité allaient être interdites. Je pense que cette intervention se situe dans cette même ligne de pensée.

Le Président (M. Gagnon): Me

Vadboncoeur.

Mme Vadboncoeur: Le septième commentaire concerne la nullité de certains legs. On se réfère particulièrement à l'article 812.1 qui a été ajouté par les derniers amendements apportés par le ministère. Cet article reproduit, en substance, l'article 155 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Évidemment, on est d'accord avec le but social poursuivi par cet article. Mais vous constaterez, à la lecture de nos commentaires, qu'on s'interroge un peu sur l'oubli volontaire que la loi fait par rapport à certaines personnes qui peuvent avoir soin, et de bonne foi, de personnes malades, depersonnes âgées, pour lesquelles une infirmière, une travailleuse sociale, enfin, une pure étrangère peut être l'unique source de réconfort. Cette personne-là ne pourrait pas être avantagée par le testament de la personne êgée ou de la personne malade. On se demande s'il n'y aurait pas lieu d'ouvrir un petit peu, soit par une présomption - on n'a pas pris position d'ailleurs en faveur de qui cette présomption pourrait jouer, je laisse cela au législateur - de laisser une porte ouverte à ces cas qui, vraiment de bonne foi, mériteraient d'être avantagés, si c'est le désir du testateur.

Le huitième point concerne la révocation du testament. L'article 816 du projet de loi permet de révoquer - non seulement il permet, mais il affirme qu'un mariage révoque - le testament antérieur qui a été fait. Ce genre de disposition répugne un peu à nos moeurs juridiques, particulièrement en ce qui concerne les enfants. On parlait ce matin de la réserve héréditaire et je pense que c'est le député de Sainte-Anne qui demandait ce qu'il arrive dans le cas des enfants. Ici, c'est un petit peu le même principe. On ne peut pas demander au citoyen ordinaire de tout connaître dans la loi, ce n'est pas vrai. Même si le principe dit que nul n'est censé ignorer la loi, il ne faut pas se faire d'illusion, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas tout le monde qui fait des testaments mais ceux qui en font le font parce qu'ils pensent qu'un testament veut dire quelque chose. Or, cette personne-là, au bout de quelques années, décide de se remarier, par exemple après quelques années de veuvage ou après un divorce, et sans qu'elle le sache, les

dispositions testamentaires qu'elle a faites à l'égard de ses enfants par exemple, sont complètement mises de côté. Les enfants ne le savent pas, le testateur ne le sait pas, personne ne le sait et, s'il n'a pas fait de testament après cela, on se retrouve avec rien, peut-être une succession ab intestat. Cela nous met vraiment mal à l'aise par rapport aux droits des enfants et par rapport à la cellule familiale que le législateur a pourtant voulu privilégier dans la réforme du droit de la famille.

De plus, Il y aurait peut-être des problèmes qui se poseraient aux tiers de bonne foi. Malgré un article du projet de loi, l'article 678, qui dit que "les actes d'aliénation à titre onéreux à l'héritier apparent, au profit d'un tiers de bonne foi, sont opposables à l'héritier véritable", il y a quand même un certain courant de doctrine et de jurisprudence qui dit que, le mariage étant un acte public, on ne peut pas appliquer la bonne foi à un tiers dans le cas d'un mariage, étant donné que c'est un acte public et qu'il devrait normalement en avoir connaissance. Donc, l'article 678 ne s'appliquerait peut-être pas au tiers de bonne foi qui aurait fait une transaction à cet égard.

Il faut aussi ajouter l'argument qu'en vertu du projet de loi, le nouveau conjoint a des droits qui sont exprimés dans les articles 703 et suivants et qui concernent l'obligation alimentaire. Donc, si le testament antérieur demeure, cela n'empêche pas le nouveau conjoint de s'adresser au tribunal si jamais il n'y a rien qui joue en sa faveur et de faire valoir ses droits. Il n'y a aucune raison finalement qui pourrait justifier la révocation du testament antérieur par le nouveau mariage.

Le neuvième commentaire concerne la modification du régime de liquidation, par l'article 831. L'article 831 du projet de loi est un article qui a voulu permettre au testateur d'inclure dans son testament des clauses pouvant sûrement accentuer ou étendre les pouvoirs du liquidateur et également les restreindre. Mais on dit qu'une clause ne peut pas avoir pour effet de restreindre les pouvoirs du liquidateur. Maintenant, ce sont les droits et obligations, je pense, du liquidateur de façon à... Oui c'est cela... (16 h 45)

Une voix: Empêcher un acte nécessaire.

Mme Vadboncoeur: ...empêcher un acte nécessaire à la liquidation. La sous-commission du Barreau s'est posé la question: Qu'est-ce qu'un acte nécessaire à la liquidation? On ne le sait pas. Est-ce que, par exemple, en vertu de l'article 860 qui est prévu au projet de loi, un testateur pourrait prévoir un mode d'aliénation immobilière autre que le mode prévu au

Code de procédure civile? Le testateur, en faisant cela, restreindrait les obligations du liquidateur mais pourrait prévoir un mode d'aliénation qui serait beaucoup plus rapide, moins coûteux et plus rentable pour la succession. L'article 860, tel qu'il est rédigé, sème des doutes, en tout cas, quant à la possibilité du testateur de pouvoir prévoir un tel mode d'aliénation, que ce soit de gré à gré ou autrement.

Alors, on ne sait pas exactement ce qu'implique l'article 831, jusqu'où le testateur peut limiter le formalisme des fonctions du liquidateur et ce qu'un acte nécessaire à la liquidation prévoit. Il y aurait lieu d'apporter des amendements à ce sujet. Est-ce que, par exemple, le testateur pourrait changer l'ordre de paiement des créanciers par une clause? On ne le sait pas. Cela prendrait sûrement des précisions.

Enfin, le dixième point de no3 commentaires concerne le recours des créanciers inconnus. Le liquidateur a pour fonction de payer les dettes de la succession, de payer les légataires particuliers et, par la suite, faire la distribution aux héritiers. On prévoit, par contre, dans le projet de loi, que les créanciers et légataires particuliers demeurés inconnus peuvent revenir et demander d'être payés. Cela ne pose pas de problème comme principe sauf que ce sont les autres qui ont été payés avant qui auront le fardeau de la preuve alors que cela devrait, selon nous, être aux créanciers qui reviennent après que les paiements ont été faits régulièrement, de prouver qu'ils sont titulaires d'un droit. Ils réclament l'exercice d'un droit, mais qu'ils prouvent ce droit-là. Donc, le fardeau de la preuve devrait leur incomber et non pas incomber à ceux qui ont déjà été payés. Après tout, c'est le liquidateur qui paie, ce n'est pas les héritiers qui se sont payés eux-mêmes. Alors, les héritiers qui ont déjà été payés n'ont pas à prouver que ce n'est pas par un manque de diligence, etc. Ce sont ceux qui reviennent plus tard qui ont à prouver leur droit.

Maintenant, l'article 679 du code actuel prévoit un délai de prescription de trois ans à la suite de ce qu'on appelle la décharge. Le projet de loi 20 ne prévoit aucun délai. Il y aurait peut-être lieu également de prévoir un délai, parce que vous pouvez vous imaginer une succession réglée, toute finie et, 20 ans après, quelqu'un revient et dit: J'avais droit à telle chose. Je comprends qu'il y a les dispositions qui concernent les héritiers apparents, à l'article 178 sur les tiers de bonne foi, mais je pense qu'il y aurait lieu, quand même, de prévoir un délai après lequel les créanciers et les légataires particuliers perdraient leur recours.

La deuxième partie concerne certains amendements techniques. Je passerai rapidement parce que certains de ces amendements reprennent ou suggèrent des

modifications législatives à la suite des commentaires généraux, sauf le premier, par exemple, l'article 663, qui concerne les codécédés. L'article 663, tel que rédigé au projet de loi, implique une réciprocité. Donc, il faut que les deux personnes qui codécèdent soient appelées à la succession l'une de l'autre. C'est du moins ce qu'on comprend de la rédaction actuelle. Or, il peut arriver qu'une personne sur deux ait fait un testament en faveur de l'autre et que l'autre n'ait pas justement de testament. À ce moment-là, on voudrait que la présomption s'applique également à ce cas-là. C'est pourquoi on suggère que le premier alinéa se lise comme suit: "Les personnes qui décèdent sans qu'il soit possible d'établir laquelle a survécu à l'autre sont réputées codécédées si au moins l'une d'entre elles est appelée à la succession de l'autre."

L'article 665, on en a parlé tout à l'heure, c'est le fameux legs qui est destiné à la fiducie et non au bénéficiaire. Après la page 20, à l'article 703, c'est simplement un commentaire. Le Barreau ne voudrait pas que l'article 703 fasse en sorte de faire naître de nouveaux droits à l'ex-conjoint par rapport à ceux qu'il avait au moment du décès. Je m'explique. Le conjoint divorcé qui n'a jamais eu de pension alimentaire, par le simple fait du décès, pourrait-il revenir, faire naître un nouveau droit en disant: Maintenant, mon ex-conjoint est décédé et mon droit n'a pas été exercé avant mais peut l'être en vertu de l'article 703, parce qu'on dit "encore que le droit n'a pas été exercé au moment du décès". On voudrait être bien sûr que ce droit - le droit aux aliments - existait au moment du décès et que cette personne aurait eu droit à des aliments si le testateur avait survécu. Il ne faudrait pas que cela crée du droit nouveau.

À l'article 730, on suggère un amendement au deuxième alinéa. Qu'il soit remarqué que, déjà, l'amendement qui a été apporté à cet article par les représentants du ministère améliore grandement l'article 730, tel qu'il était rédigé dans le projet de loi. Maintenant, l'amendement fait en sorte que le conjoint recueille la moitié quand il y a un seul descendant et qu'il recueille le tiers quand il y a plus d'un descendant. Là-dessus, comme la Chambre des notaires, on est d'accord que le conjoint recueille, dans tous les cas, la moitié des biens et qu'il n'y ait pas de différence rattachée au nombre de descendants.

À l'article 757, c'est une modification purement technique, je passe par-dessus.

À l'article 764, j'en ai parlé tout à l'heure, c'est l'abolition du mot "absolue". On s'interroge sur ce que les rédacteurs ont voulu dire par l'abolition du mot "absolue". Est-ce qu'on en fait une nullité relative ou si cela demeure une nullité absolue mais sans qu'on le dise? Il faudrait le savoir.

L'article 765 reprend ce qu'on avait dit tout à l'heure. On veut évidemment le voir retranché parce que cela va à l'encontre du formalisme des testaments.

À 778, on suggère que cet article contienne la réserve qui est contenue à l'article 844 du Code civil du Bas-Canada, c'est-à-dire que, pour le testament devant témoin, si les deux conjoints sont témoins ensemble, on pense qu'il y aurait un risque de collusion et que l'article actuel du Code civil pourrait être maintenu à cet égard. Devant un testament notarié, cela ne pose pas de problème, parce qu'il y a un seul témoin et le notaire. Mais le testament devant témoin implique deux témoins sans aucun officier de la justice, il pourrait donc y avoir risque de collusion et on demande de remettre cette réserve.

À l'article 780, on en a parlé tout à l'heure, il s'agit de l'illettré ou de l'aveugle.

À l'article 790, on suggère un amendement au deuxième alinéa qui serait plus conforme, disons, au nouvel esprit des successions. Le nouveau droit des successions implique une responsabilité limitée des héritiers, ce qui est évidemment très nouveau, au point de vue de la philosophie. C'est bizarre qu'on retrouve à cet égard, à l'article 790, que le légataire particulier est tenu des obligations du défunt sur les biens, si les autres biens de la succession ne suffisent pas à payer les dettes. Alors que le principe n'est pas retenu pour le légataire universel, ni pour l'héritier d'une succession ab intestat, on dit qu'il n'est pas tenu des obligations, il n'est pas saisi des obligations du défunt; ou, par exception, il peut être tenu jusqu'à concurrence de la valeur des biens reçus. On pose le principe inverse pour le légataire particulier. Or, on suggère une nouvelle formulation qui serait plus conforme au nouvel esprit du droit des successions.

L'article 816 concerne la révocation du testament par mariage. On en a parlé tout à l'heure. On voudrait donc que cet article soit retranché.

Aux articles 859 et 860, on pose des questions que j'ai énumérées tout à l'heure par rapport à l'article 831: Qu'est-ce que le testateur peut faire? Qu'est-ce qu'il peut permettre au liquidateur? Qu'est-ce qu'il peut ne pas permettre? On reprend l'exemple de la vente d'immeubles.

À l'article 868, on fait un commentaire ici, à savoir que les créanciers d'aliments qui sont mentionnés à l'article 868 ne doivent concerner que les créanciers d'aliments prévus à l'article 703 du projet de loi et non pas les autres créanciers d'aliments, qui doivent venir avec les autres créanciers. Il faudrait peut-être que ce soit plus clair. Les aliments ont été interprétés par la jurisprudence de façon assez large. Donc, l'article 868, quant au rang, doit être clair à ce 3ujet, pour dire que les créanciers

d'aliments ne visent que ceux qui sont mentionnés à l'article 703.

Enfin, l'article 873 reprend le commentaire que j'ai fait tout à l'heure, à l'effet de redonner aux créanciers retardataires le fardeau- de preuve et à reproduire un délai de prescription pour les recours.

C'est l'essentiel de notre mémoire, M. le Président, M. le ministre, madame et MM. les députés. Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Merci, Me Vadboncoeur. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Merci, Me Vadboncoeur et vos collègues du Barreau. Comme nous avons pris connaissance du mémoire du Barreau à compter de ce matin seulement et comme nous avions aussi à écouter attentivement la Chambre des notaires du Québec, on comprendra que nos réactions sont essentiellement préliminaires. Je demanderai d'ailleurs, en cours de route, que Me Charbonneau, Me Cossette et Me Longtin, et peut-être d'autres selon le cas, nous aident un peu à réagir à certaines choses.

Vous avez soulevé un certain nombre de difficultés, certaines absolument réelles, auxquelles on pourra répondre par un certain nombre d'amendements, d'autres qui relèvent peut-être essentiellement d'une question d'interprétation. Je crois comprendre que votre sous-commission au Barreau a cherché des réponses, et qu'à l'occasion, elle n'en a pas trouvé. Peut-être qu'on peut l'aider dans certains cas, tant mieux; dans d'autres cas, vous nous aurez sans doute mis la puce à l'oreille ou le doigt précisément sur les choses à corriger.

D'abord, quant à la notion de "réputé" et "présumé", l'utilisation qui en est faite et, je crois avec les amendements, de façon systématique, permet d'indiquer s'il s'agit d'une présomption irréfragable ou d'une présomption qui permet une preuve contraire. C'est, en tout cas, l'objectif qui est recherché, y compris les amendements du mois de mai. Les articles 711 et 807 créeraient donc des présomptions simples.

Quant à ce que vous évoquez dans votre document autour des mots "censé" et "considéré", peut-être que ce serait intéressant de vous entendre là-dessus, à moins que vous ne le considériez autrement pour prendre le mot "considéré". Il s'agit moins de présomption que d'assimilation de concepts sur le plan du sens des mots. Je crois qu'il y a là une nuance qui permet de répondre à votre préoccupation.

Le successible et la fiducie, je crois que c'est une suggestion extrêmement intéressante. On va effectivement l'examiner. Comme on entame les successions à compter de lundi prochain, on va travailler en fin de semaine pour vous dresser un document plus court. La renonciation à une succession non ouverte, article 1061 du Code civil du Bas-Canada, va être prise dans le livre des obligations. (17 heures)

Quant à la forme des testaments, ce que le projet de loi fait, c'est qu'il apporte une forme d'adoucissement à la rigidité formelle du droit actuel en matière testamentaire, en permettant aux tribunaux, en fait, de passer outre à un défaut de forme lorsque l'écrit contient, de façon certaine et non équivoque, la volonté du défunt. En ce sens, je crois qu'on s'est inspiré aussi d'une certaine largeur, notamment dans le "common law", à ce sujet.

Quant à votre suggestion sur les testaments devant témoins, nous la considérons d'autant plus qu'on l'avait fait sauter au moment où on croyait introduire les vidéocassettes et autres qui, comme vous le savez, ont sauté quelque part entre l'avant-projet et le projet que vous avez critiqué. Effectivement, la réponse pour les personnes étant affectées d'une condition qui leur permettait de bénéficier du testament devant témoins, la réponse à cela étant dans ce qu'on a fait sauter, effectivement, je pense qu'il faut reconsidérer cette question.

Sur les clauses de viduité, je vais vérifier l'harmonisation du discours du ministre des Finances du Québec avec celui du fédéral. Par ailleurs, on peut considérer que la notion de discrimination en fait, en fonction du statut, serait couverte par la Charte des droits et libertés de la personne, aux articles 10 et 13. Je crois qu'il faudra qu'on se fasse une idée sur le fait si on l'inclut ou non dans le Code civil. Comme on a choisi de le faire dans le cas de l'intégrité de la personne, est-ce qu'on doit le faire au chapitre de la discrimination? Je sens qu'on va avoir quelques débats cosmiques autour de cette question sur la relation entre la Charte des droits et libertés de la personne et le Code civil. C'est une harmonisation qui n'est pas facile. Vous comprendrez, d'ailleurs, qu'on ne tient pas particulièrement à avoir une deuxième charte par-dessus cela, mais cela concerne un autre ministère.

Sur le septième point qui touche les personnes en situation de captation, tout en étant conscient qu'on ne peut pas tenir pour acquis que le personnel des centres d'accueil, des hôpitaux, les gens qui s'occupent notamment des personnes âgées en situation de plus grande fragilité quant à l'influence qui peut être exercée sur elles, ce sont des gens qui en abusent. Cependant, le ministère des Affaires sociales a jugé bon - et je pense qu'il l'a considéré au moins deux fois, si je ne me trompe pas, dans un historique récent - de l'inclure dans ses lois. Cela aurait normalement dû être dans le Code

civil. Ce que le ministère de la Justice a fait, c'est qu'il a intégré cette préoccupation du ministère des Affaires sociales. Quant à la perception, est-ce qu'elle est bien fondée? Il est extrêmement difficile de l'évaluer, mais la prudence a amené le ministère des Affaires sociales à vouloir intégrer les dispositions de l'article 155 au chapitre S-5 et, je dirais, un peu par analogie comme certaines choses qui se faisaient par des gens qui avaient d'autres occupations dans notre société il y a 50 ans. Je tiens compte de vos remarques, mais je tiens compte aussi de la prudence que le ministère des Affaires sociales veut qu'on exerce dans ce domaine.

Quant à la révocation des testaments antérieurs au mariage, l'article 816... C'est bien cela?

Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Johnson (Anjou): La loi ontarienne prévoit, puisque vous y référez, aux articles 15 et 16 de la "Succession Law Reform Act" de 1980, au chapitre 488, ce que notre texte reproduit, pour l'essentiel. On s'en est plus que largement inspiré.

Cela dit, vous avez quand même soulevé, je crois, avec une certaine passion dans votre mémoire, même si ce n'était pas dans votre exposé, cette question de la présomption de la connaissance, finalement, que l'effet d'un mariage subséquent à la suite d'un veuvage ou d'un divorce, soit de déshériter ses propres enfants. Je dois avouer que c'est une remarque qui m'ébranle, mais -et j'aimerais entendre vos réactions là-dessus - est-ce que la succession légale ne pallie pas assez largement cela? Je vous vois faire non. J'ai hâte de vous entendre.

Quant à la liquidation dont il est question à l'article 831, le problème de l'énumération m'apparaît considérable. Il y a beaucoup de situations qui peuvent être couvertes, alors c'est tout le problème du caractère limitatif des énumérations. D'autant plus qu'il y a plusieurs dispositions qui peuvent être nécessaires et d'autres qui risquent de ne pas l'être dans certaines liquidations. Il faudrait peut-être voir que, dans les cas où tous les héritiers peuvent dispenser de la liquidation d'une formalité, le testateur le pourrait aussi. Mais, on prend note, on va être occupés en fin de semaine.

Quant aux créanciers inconnus, est-ce que vous verriez que l'introduction d'une prescription serait la solution? Et si oui, de quelle nature?

Mme Vadboncoeur: Et le renversement du fardeau de preuve!

M. Johnson (Anjou): Et le renversement du fardeau de preuve!

Maintenant, sur les cas que vous avez soulevés, avec les a, b et c et avec les collatéraux privilégiés et non privilégiés, je dois vous avouer que je n'ai pas le schéma dans la tête. Je vais demander à Me Charbonneau qui, je pense, a fait un diplôme en informatique aussi, de nous aider à discuter de chacun des cas que vous avez soulevés.

Le Président (M. Gagnon): Je... M. Johnson (Anjou): Pardon?

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, si la commission est d'accord... Parce que lorsqu'on reçoit des invités, je veux bien donner le droit de parole à tous ceux qui entourent la table, mais on risque de vous retenir assez longtemps.

M. Johnson (Anjou): Est-ce que la commission consentirait, particulièrement sur la dimension de l'ouverture de la succession ab intestat, on parle et je pense qu'en lisant les exemples on se rend compte de la complexité des cheminements qu'on essaie de retrouver, alors qu'en principe les réponses sont très simples, c'est presque de l'ordre des mathématiques. Mais ce qu'on nous dit, c'est qu'on ne sait pas si c'est en chiffres romains ou en chiffres arabes. J'aimerais bien, si la commission y consentait, que Me Charbonneau, qui a de l'expertise dans ce domaine, nous éclaire quant à la valeur des exemples qu'on retrouve dans le document du Barreau.

Le Président (M. Gagnon): On ne semble pas avoir d'objections? Vous êtes d'accord? Alors, ça va.

M. Charbonneau (Pierre): D'accord. Concernant les difficultés que vous souleviez, il faudrait clairement établir, au départ, certains points. L'article 800, lorsqu'il stipule que la représentation a lieu dans les successions testamentaires de la même manière et en faveur des mêmes personnes que dans les successions ab intestat, ne vient pas simplement indiquer que la représentation joue désormais aussi dans les successions testamentaires, sans plus. Les mots "de la même manière" renvoient aussi aux règles de fond de la représentation des successions ab intestat. Ils impliquent donc nécessairement que la représentation n'aura lieu qu'en faveur des seules personnes qui peuvent prendre la place du légateur à la succession du défunt en vertu de ces règles de représentation. Ces personnes sont les descendants du défunt et ses collatéraux. Conséquemment, la représentation dans les successions testamentaires n'aura lieu que si le legs est fait aux descendants du testateur ou à ses collatéraux puisque seuls ces ordres successibles donnent lieu à la représentation en succession ab intestat. Dans tous les

autres cas prévus, la représentation n'aura pas lieu.

Par exemple, si c'est un legs qui est fait en faveur d'un étranger, du conjoint, d'un ascendant ou d'un collatéral ordinaire qui ne descend pas d'un collatéral privilégié, les règles normales de la caducité vont alors s'appliquer et, sous réserve de l'accroissement possible en présence de colégataires, vont attribuer le legs aux héritiers légaux du testateur, suivant les règles de la dévolution légale.

La position que semble aborder le Barreau s'insère, me semble-t-il, dans un cadre un peu différent. Son cheminement, de même que la solution qu'il préconise, du moins la solution ontarienne, dépasse le simple cadre de la représentation, mais déborde sur celle plus verbale de la dévolution du legs. À défaut du légataire de pouvoir recueillir le legs, celui-ci devrait être dévolué à ses héritiers légaux comme si le légataire avait survécu au testateur. Or, sans discuter de la valeur de cette approche pour l'instant, on peut quand même souligner qu'elle va au-delà des objectifs visés, lesquels consistaient essentiellement à établir un certain parrallèle entre les règles de dévolution légale et les règles de dévolution testamentaire et aussi à supprimer les conséquences actuelles qui résultent de l'existence des règles différentes à cet égard.

Actuellement, un testateur peut facilement croire à une similitude des règles et penser que s'il lègue, par exemple, tous ses biens à ses trois filles et que l'une d'elles le prédécède, la part de celle-ci ira à ses descendants à elle et non à ses soeurs. C'est là que, afin d'éviter de telles erreurs, le projet de loi a voulu établir un certain parrallèle des règles en cette matière et c'est dans cette optique que doit être envisagé l'article 800.

Maintenant, dans les cas que vous souleviez, les cas précis qui ont été soulevés dans votre mémoire, si on prend l'exemple du cas 1, 'je crois qu'effectivement, il y aurait possibilité éventuellement de modifier l'article 725 pour le clarifier afin de permettre de couvrir aussi les autres enfants, de prévoir que les autres enfants du défunt, en plus du prédécès, de l'inhabilité ou de l'indignité, le fait que les autres enfants du défunt n'étaient pas appelés à sa succession testamentaire. Il y aurait peut-être une précision à apporter dans ce sens-là à l'article 725, pour que cela soit concordant.

Dans le deuxième cas que vous soulevez, en fait, les difficultés que vous soulevez résultent d'une interprétation douteuse à l'article 724. Les descendants, dans l'hypothèse que vous mentionnez, ne peuvent représenter, avec l'article 724, le défunt à la succession du légataire. On peut représenter l'ascendant à la succession du défunt mais non le défunt à la succession du légataire qui se trouve à être ascendant. Donc, ce cas-là n'est pas...

M. Johnson (Anjou): Me Charbonneau, pourriez-vous juste recommencer ce bout-là?

M. Charbonneau (Pierre): Sur le cas no 2?

M. Johnson (Anjou): Au sujet de l'article 724.

M. Charbonneau (Pierre): Au sujet de l'article 724, si on regarde l'exemple qui est donné au cas 2, les descendants, dans l'exemple mentionné, le Barreau leur permet de représenter le défunt à la succession du légataire alors que l'article 724...

M. Cossette (André): ...le légataire à la succession du défunt.

M. Charbonneau (Pierre): ...finalement permet de représenter l'ascendant à la succession du défunt. Alors, si on représente le défunt à la succession du légataire, ce n'est pas une situation qui est visée à l'article 724.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. Vous voulez...

M. Charbonneau (Pierre): Non.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous voulez avoir immédiatement le...

M. Johnson (Anjou): Je pense que cela vaudrait la peine d'avoir une précision là-dessus...

Le Président (M. Gagnon): Voilà.

M. Johnson (Anjou): ...pour qu'on se comprenne bien sur les concepts et l'interprétation de l'article 724.

Le Président (M. Gagnon): Me

Vadboncoeur.

Mme Vadboncoeur: Si vous me le permettez, si on lit l'article 724, il dit: "La représentation est une faveur accordée par la loi en vertu de laquelle un parent - on ne sait lequel encore - est appelé à recueillir une succession qu'aurait recueillie son ascendant" - l'ascendant, dans ce cas-là...

M. Charbonneau (Pierre): Mais là vous arrivez nécessairement...

Mme Vadboncoeur: Mais enfin... Le légataire.

M. Charbonneau (Pierre): Mais c'est...

Mme Vadboncoeur: Parent moins éloigné du défunt, c'est le cas, qui étant prédécédé, codécédé, ne peut le recueillir lui-même. Donc, la succession serait normalement recueillie par l'ascendant, qui est le père, mais vu qu'il est prédécédé, cela va à ses descendants à l'infini en vertu de l'article 725. Est-ce qu'on se comprend?

M. Chabonneau (Pierre): Non, quand vous dites: Une succession qu'aurait recueillie son ascendant, là immédiatement, vous placez le défunt à la place de l'ascendant. Parent moins éloigné du défunt, le défunt, c'est le représenté dans votre esprit.

Mme Vadboncoeur: Non, le défunt, c'est le testateur.

M. Charbonneau (Pierre): D'accord.

Mme Vadboncoeur: Le prédécédé, c'est le légataire.

M. Charbonneau (Pierre): Oui.

Mme Vadboncoeur: II faut se comprendre.

M. Charbonneau (Pierre): C'est cela.

Mme Vadboncoeur: Ce serait bien plus simple s'il y avait des règles précises au chapitre des testaments.

M. Charbonneau (Pierre): Disons qu'on pourrait évaluer toutes les situations globales.

Mme Vadboncoeur: On se comprendrait bien plus. (17 h 15)

M. Barbeau (Daniel): Me Vadboncoeur. Daniel Barbeau. Je voudrais juste apporter une précision à ce sujet-là. Si je comprends l'intervention de Me Charbonneau qui dit que le principe de base, c'est qu'en matière de succession testamentaire, ce sont les mêmes cas de représentation qui doivent exister qu'en matière de succession ab intestat, ni plus ni moins, je suppose qu'il se réfère à l'article 726 qui dit: "La représentation n'a pas lieu en faveur des ascendants." Ce n'est pas le cas qui est soulevé dans l'exemple no 2. Ici, on n'essaie pas de faire jouer la représentation en faveur des ascendants. Le représenté ne sera pas ici un ascendant. Ce n'est pas le grand-père qui va venir recueillir à la place du père. C'est un descendant du père qui va venir recueillir à cause des règles énumérées aux articles 724 et 725 qui parlent de ligne directe descendante.

Nous sommes entièrement d'accord avec le but visé par la sous-commission, à savoir qu'en matière de succession testamentaire, il doit y avoir représentation. Où on accroche, c'est dans la terminologie. Cela ne fonctionne pas. Dans un premier temps, on disait "dans la même manière" et on a ajouté les mots "à l'égard des mêmes personnes". Encore là, cela ne fonctionne pas. Quand on essaie de faire le parallèle, il y a des points qui sont loin d'être clairs. Comme l'expliquent les autres exemples également, comme dans l'article 727, on ne peut pas suivre par analogie, on ne peut pas appliquer mutatis mutandis ces articles sans qu'il y ait lieu de faire des modifications. Je pense que l'exemple no 2 tient...

M. Charbonneau (Pierre): Je voudrais simplement préciser...

Le Président (M. Gagnon): Cela va.

M. Charbonneau (Pierre): ...que quand vous dites que les descendants viennent à la succession du père qui est légataire, nécessairement, le représenté, dans votre esprit, c'est le défunt. Le descendant représente le défunt à la succession du légataire.

M. Barbeau: Non. Le représenté, c'est le légataire. Le testateur, c'est le défunt.

M. Charbonneau (Pierre): Vous faites jouer la représentation en la faisant remonter.

M. Barbeau: Non, on va au légataire. Le légataire, dans ce cas, c'est le père et le père a des descendants.

Mme Vadboncoeur: La représentation, Me Charbonneau, joue, en matière testamentaire, en faveur des descendants du légataire, sinon, on n'a rien compris.

M. Barbeau: Toujours.

M. Charbonneau (Pierre): C'est essentiellement là-dessus qu'on voulait s'entendre.

Mme Vadboncoeur: La définition de l'article 724 dit que la représentation ne joue qu'en faveur des descendants d'un enfant prédécédé.

M. Charbonneau (Pierre): Essentiellement, oui.

Mme Vadboncoeur: Dans ce cas-ci, si on transpose en matière testamentaire, le défunt, c'est le testateur. Il lègue tous ses biens à M. X, cela peut être son père, sa soeur, son fils ou son cousin. Quand on parle de la personne prédécédée, c'est le légataire. En matière de testament fait à mon père, par exemple, c'est le légataire qu'il faut considérer comme prédécédé. Si mon père

me prédécède, la représentation va jouer en faveur de ses descendants, moi, je serai morte, évidemment. Donc, cela irait à mes enfants, en ce qui me concerne, et à mes frères et soeurs.

M. Charbonneau (Pierre): À ce moment-là, vous appliquez la représentation pour décider du sort du legs...

Mme Vadboncoeur: C'est ce que l'article 800 dit.

M. Charbonneau (Pierre): ...pour représenter à la succession, finalement. Pour pouvoir recueillir le legs qui était dévolu au père, mais comment rejoindre la succession du défunt? La représentation ne joue que par rapport au défunt.

Mme Vadboncoeur: La représentation ne joue pas par rapport au défunt en matière testamentaire. La représentation ne joue, par rapport au défunt, qu'en ce qui concerne son lien de parenté avec le légataire. Si on veut exclure la représentation par rapport à des étrangers, on ne retient que les parents du défunt, donc, les légataires parents du défunt, que ce soit en ligne descendante, que ce soit en ligne colatérale, privilégiée ou ordinaire. C'est exactement ce que l'article 800 dit et ce que les articles 724 et suivants disent. J'interprète le texte tel qu'il est rédigé. Si ce n'est pas cela que vous avez voulu dire, il faudrait peut-être changer le texte.

M. Charbonneau (Pierre): Je crois qu'on va le réévaluer. Il semble que...

Une voix: C'est ce que l'on veut.

M. Polak: Le texte actuel dans le Code civil...

Le Président (M. Gagnon): Attention! Oui, M. le ministre. Me Charbonneau.

M. Charbonneau (Pierre): Non.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Pour les fins de financement des travaux de notre sous-commission, de même que pour les fins de pouvoir, à compter de lundi, aborder ce chapitre, on vient de nous donner un bel exemple de la complexité de ce que représentent les règles prévues aux articles 724 et suivants...

Mme Vadboncoeur: Pour les testaments, parce que pour le reste cela va.

M. Johnson (Anjou): Pour les testaments toujours. Je comprends que la suggestion du Barreau, c'est qu'en matière de succession testamentaire, il faudrait prévoir des règles précises comme dans la succession ab intestat. Je ne veux pas m'engager, aujourd'hui, à l'envisager mais on vient d'avoir une démonstration de l'intérêt de clarification que cela représenterait pour le moins pour ceux qui ne sont pas là-dedans à la journée longue. Il reste peut-être qu'il y a aussi moyen de l'envisager autrement, c'est-à-dire comme l'abordait le projet de loi, à condition évidemment de clarifier un certain nombre de choses.

Alors, je prends bonne note de "os exemples et du débat extrêmement intéressant auquel vous nous avez fait assister depuis tout à l'heure, Me Charbonneau et Mme Vadboncoeur,

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Me Vadboncoeur, est-ce que vous voulez réagir aux autres recommandations?

Mme Vadboncoeur: Est-ce que les remarques du ministre étaient terminées, de toute façon?

M. Johnson (Anjou): J'aurais les mêmes questions pour le Barreau que j'ai eu l'occasion de poser à la Chambre des notaires ce matin, concernant la réserve. Je connais la position du Barreau qui nous l'a dite et répétée aujourd'hui d'ailleurs, concernant la liberté de tester. J'ai tout de suite remarqué l'intérêt que le Barreau a pris dans la formulation que nous avions retenue dans la mesure où on voulait aller toucher la liberté de tester, c'est-à-dire que nous avons choisi une formulation qui impliquera ce que la Chambre des notaires appelait par ailleurs un système de judiciarisation des droits qu'on veut accorder au conjoint survivant en matière testamentaire. J'aimerais peut-être entendre le Barreau sur la notion de réserve héréditaire, que ce soit en pleine propriété ou en usufruit, ce qui ne figure pas au projet de loi, mais qui est une hypothèse qui avait été évoquée. Et, deuxièmement, en ce qui concerne un montant minimal, un peu comme le suggérait la Chambre des notaires, encore une fois que ce soit en pleine propriété ou en usufruit, si jamais on devait envisager l'équivalent qu'une réserve héréditaire plutôt qu'une créance alimentaire?

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Cela va? Me Vadboncoeur?

Mme Vadboncoeur: Je commenterai brièvement, et je laisserai le soin à Me Plamondon de compléter. Comme vous l'avez mentionné, le Barreau s'était prononcé en 1982 sur le document d'orientation du

ministère qui suggérait la réserve; on s'était prononcé de façon catégoriquement défavorable à la réserve héréditaire pour différentes raisons. Remarquez que ces motifs peuvent être un petit peu nuancés aujourd'hui, parce que la législation a changé. La réserve héréditaire s'appliquerait évidemment dans tous les cas, de façon générale. La Chambre des notaires, ce matin - et je l'ai noté dans son mémoire à la page 5, si ma mémoire est fidèle - mentionnait que selon un sondage interne, il y avait très peu de cas d'injustice de la part des testateurs. Or, si cela est vrai et je le crois personnellement, s'il est vrai qu'il y a très peu d'injustice, pourquoi, à ce moment, établir une règle générale qui limiterait effectivement la liberté de tester beaucoup plus que la créance alimentaire, soit dit en passant, pourquoi donc apporter une réserve à ce point de vue alors que cela ne s'appliquerait qu'à des cas particuliers?

Deuxièmement, avec la philosophie actuelle du droit, spécialement du droit de la famille, où on a voulu consacrer l'égalité des conjoints, on a voulu enlever toute espèce de subordination ou de contrôle d'un conjoint par rapport à l'autre, et on veut autant dans la loi 89 dans le chapitre du divorce, même s'il n'est pas en vigueur, que dans le nouveau projet de loi fédérale amendant la loi du divorce; on veut donc privilégier une certaine dépendance économique des conjoints. On ne veut pas que le mariage constitue une assurance-revenu à l'infini et à tout jamais pour les conjoints et Ies ex-conjoints de sorte que c'est un peu dans cette optique qu'on se dit qu'il nous est un petit peu difficile d'accepter le principe d'une dépendance automatique que donnerait la réserve héréditaire. Quand je dis dépendance, je veux dire que quelqu'un puisse compter sur un certain montant assuré, spécialement pour le conjoint adulte.

Pour les enfants, c'est une autre histoire, remarquez encore une fois, surtout les enfants mineurs. Présentement, avec la loi actuelle, nous croyons que le conjoint survivant a suffisamment de moyens - pour les quelques cas spécifiques, d'ailleurs, que cela peut impliquer, encore une fois, on ne parle pas de généralités, on parle de particularités - et je pense que la créance alimentaire qui est prévue au projet de loi est basée sur la notion de besoin et non pas sur la notion de droit fondamental à un revenu X au décès de son conjoint. Cette notion est peut-être plus responsable et si vraiment la personne est dans le besoin au moment du décès, elle aura les recours qui lui sont ouverts. C'est pourquoi on privilégie la créance alimentaire.

Il y a la prestation compensatoire également, j'oubliais de le mentionner. Il y a la prestation compensatoire qui existe, évidemment, au moment du décès. On en parlait ce matin et on pourra peut-être revenir un petit peu plus tard sur d'autres points. La prestation compensatoire est insatisfaisante au moment où on se parle parce que le récent arrêt Globensky en Cour d'appel nous montre les limites de l'article 559 à l'heure actuelle, mais quand même, la porte est ouverte à cela de sorte que la prestation compensatoire existe, le régime matrimonial existe, le contrat de mariage existe et la créance alimentaire existe. En surplus, avec la créance alimentaire, on a les dispositions qui concernent la réduction des libéralités faites dans les trois ans précédent le décès, ce qui a également pour effet de protéger le conjoint survivant.

Je pense que toutes ces dispositions sont amplement suffisantes, sans être obligé de créer un système universel qui pénaliserait, finalement, 90 % des gens.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Me Plamondon.

M. Plamondon: Au départ, je voulais ajouter des paroles, mais je pense que Me Vadboncoeur a couvert toute la matière et je n'ai rien à ajouter.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. Premièrement, j'aimerais remercier le Barreau pour sa collaboration précieuse. C'est la deuxième fois que le Barreau vient avec un mémoire. Lors de l'étude du projet de loi 20, le Barreau avait aussi un représentant ici la plupart du temps, lequel nous a fait des suggestions que nous avons discutées en commission. Soyez bienvenus de laisser encore un représentant qui pourrait nous faire des suggestions le cas échéant.

Je trouve qu'il y a beaucoup de points. Comme le ministre a soulevé un certain nombre de points, je ne vais pas revenir sur ceux-ci, mais je trouve qu'il y a deux points importants. Premièrement, il y a la réserve héréditaire et je comprends que le Barreau penche plutôt vers la liberté complète de tester. Non?

Mme Vadboncoeur: Si vous me permettez de vous répondre tout de suite, pas nécessairement. Le projet de loi, tel qu'il est, nous convient en ce qui concerne la créance alimentaire. C'est sûr que s'il y avait une liberté totale de tester, on ne crierait pas. Mais le projet de loi tel qu'il est nous convient. (17 h 30)

M. Marx: Est-ce que le Barreau est pour la liberté de tester, c'est-à-dire que quelqu'un pourrait exclure son conjoint dans le testament? C'est ça la liberté de tester

pour moi. Vous êtes d'accord?

M. Plamondon: Oui. Le commentaire que nous aimerions faire c'est que peut-être que le principe est encore là même si les mots ne figurent plus au code, qu'il y a liberté limitée de tester. Par ailleurs, il y a des jalons qui ont été mis, notamment en raison de la prestation compensatoire et de la survie de l'obligation alimentaire qui, effectivement, réduisent un peu la liberté illimitée, absolue de tester.

M. Marx: C'est pas la même chose le résultat?

M. Plamondon: Bien, ce n'est pas la même chose, mais le résultat...

M. Marx: Non, mais le résultat ce n'est pas la même chose parce qu'il faut aller demander, faire valoir ses droits.

M. Plamondon: Oui, c'est exact.

M. Marx: Quand c'était une réserve héréditaire, c'était automatique, la loi tranchait.

M. Plamondon: Le Barreau s'est prononcé contre une règle. Notre société est tellement hétérogène maintenant et on n'a plus "l'imitabilité" des principaux éléments de notre société qu'on pouvait avoir auparavant de sorte qu'une règle aussi fixe que la réserve ne nous semble plus appropriée de nos jours. On préfère juger au besoin de chaque cas par intervention judiciaire que par une règle fixe.

M. Marx: Est-ce que cette réserve héréditaire existe dans d'autres juridictions voisines comme en Ontario ou ailleurs? Je pense que ça existe en Hollande, cela existe en Europe, en France, dans beaucoup de pays, ce n'est pas si exceptionnel que cela. De toute façon la liberté illimitée de tester vient du droit anglais, non pas du droit français. Je comprends la position du Barreau sur ce point. J'imagine qu'on va débattre ce point en commission.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, je passe à Me Barbeau. Tout le monde est d'accord, oui?

M. Marx: D'accord, oui.

M. Barbeau: On parle de ce qui se passe dans les autres sociétés mais en fait la société québécoise est également une société pleine et entière qui évolue selon ses propres données. Je pense que la famille ici au Québec évolue peut-être plus rapidement au niveau des relations entre les conjoints que dans d'autres provinces où les droits et les obligations entre les conjoints diffèrent et où la relation entre les conjoints tend à évoluer plus rapidement ou encore, comme on le mentionnait tantôt, on esssaie d'avoir une indépendance d'un conjoint par rapport à l'autre conjoint. Cette indépendance est reconnue dans plusieurs textes de loi actuellement au Québec. On ne voit pas pourquoi d'un côté il y aurait cette indépendance qui serait reconnue dans des textes alors que d'un autre côté, on viendrait toujours à avoir un texte de dépendahce alors que même, comme on le mentionnait plutôt ce matin, c'est exceptionnel les cas où il devrait y avoir une intervention à ce niveau puisque dans 95 % ou 99 % des cas, le testateur fait un testament qui avantage adéquatement ses légataires.

Nous, ce qu'on préconise c'est une intervention du tribunal qui serait également, à notre avis, exceptionnelle, pour corriger les cas où il y a précisément eu absence, un manque de besoin versus les revenus qui auraient pu être apportés par un legs suffisant. Encore là, ce serait pour régler des situations exceptionnelles. On ne voit pas pourquoi un législateur ferait une règle générale qui... Le Code civil est censé s'appliquer dans le temps, non pas pour deux ans, trois ans ou cinq ans mais est censé s'appliquer pour une longue durée. Par exemple, on ne peut pas penser cent ans comme le Code civil actuel mais on peut peut-être penser cinquante ans. Alors, est-ce qu'on va entrer dans le Code civil une règle immuable qui va régir la société qui évolue actuellement pour les cinquante ou cent prochaines années ou est-ce qu'on va penser à l'amender ou plutôt est-ce qu'on va laisser une règle large qui va pouvoir être interprétée par les tribunaux selon toujours cette même évolution de la société?

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Je comprends le point de vue du Barreau et j'imagine que cette question sera largement discutée en commission parce que les points de vue sont différents même au sein de la commission.

Le deuxième point important que vous avez soulevé porte sur le droit de survie. Vous êtes contre les articles du projet de loi actuel et, en consultant des praticiens, on me dit que c'est "unworkable". C'est impossible d'appliquer, d'une façon ordonnée, ces articles sur le droit de survie parce que la succession ne sera jamais fermée, et ainsi de suite. Est-ce cela?

Sur les autres points, par exemple, la révocation d'un testament par le mariage, je ne vois pas, personnellement, l'utilité de cela. Quelqu'un qui fait un testament, c'est comme dire que tout le monde doit connaître la loi, mais il y a beaucoup

d'avocats qui ne connaissent pas la loi. Au moins, ils ne connaissent pas la loi qu'ils ne pratiquent pas!

M. Polak: Même des notaires.

M. Leduc (Saint-Laurent): Non, il a parlé des avocats.

M. Marx: J'ai parlé des avocats. Je n'ai pas voulu dire... C'est à revoir. L'autre point que le ministre soulevait, savoir si on va répéter dans le Code civil ce qui est déjà dans la charte, il y a des articles et des articles dans les chartes, et l'article 10 n'a pas la même place dans la charte que l'article 1 ou l'article 2 qui sont dans un autre chapitre. Peut-être faudrait-il revoir cela. Cela peut être bon de répéter parfois ce qu'on trouve dans une loi ou dans une autre. Cela ne fait pas de tort. C'est ce que j'ai à dire. Encore une fois, on apprécie beaucoup vos interventions. On va certainement en tenir compte.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. Me Plamondon.

M. Plamondon: J'aimerais faire un commentaire sur cette question de la charte et de son application aux clauses de viduité. On exprime des doutes quant à l'application de la charte en matière testamentaire. Il semble que, pour pouvoir se prévaloir des éléments de discrimination qui figurent à l'article 10 de la charte, il faut d'abord établir un droit. Or, les légataires n'ont pas de droit justement. S'il y a liberté limitée de tester, c'est que le légataire n'a pas de droit. On exprime des doutes quant à la possibilité, pour une personne qui serait évincée d'une succession ou qui en perdrait une partie en raison de la clause de viduité, de pouvoir se prévaloir de la charte. Évidemment, il y a eu au Québec, surtout au début du siècle, des décisions qui ont validé les clauses de viduité comme n'étant pas contre l'ordre public. J'aimerais simplement souligner qu'elles ont toutes été décidées par des juges qui étaient des hommes et qu'elles ont toutes été décidées à l'égard de femmes. Aucune n'a eu à se prononcer sur une clause dans un testament qui dirait: Je lègue tous mes biens à mon mari, à la condition qu'il ne se remarie pas. Ce serait intéressant de voir, si les tribunaux avaient à se prononcer aujourd'hui, s'ils auraient la même attitude. Quant à moi, j'appelle les clauses de viduité les clauses de gigolo. Cela encourage à continuer une relation sans la légitimer.

M. Marx: Qu'est-ce que les tribunaux décident sur ces questions aujourd'hui?

M. Plamondon: II n'y a pas eu de décision récente sur une clause qui limite le droit à un revenu dans une succession ou qui élimine ce droit en cas de survenance de remariage. Il y a eu des décisions, mais elles datent maintenant déjà de 30 ou 40 ans au moins. Elles ont toutes, à cette époque, été considérées comme très raisonnables et très valables. La motivation semblait être: Écoutez, c'est bien raisonnable que je laisse ces biens à mon épouse, jusqu'à ce qu'un autre homme s'occupe d'elle. C'était la motivation à l'époque.

M. Barbeau: Pour l'usufruit.

M. Plamondon: Pour l'usufruit, évidemment. On trouvait cela très raisonnable.

M. Marx: Je me souviens de la jurisprudence si quelqu'un laisse de l'argent à un héritier en disant qu'il doit se marier. S'il se marie avec une personne d'une autre religion... Sur cela, les juges ont dit que...

M. Plamondon: Là, vous entrez un autre élément de discrimination qui est la religion...

M. Marx: C'est semblable pour moi, les deux. Cela veut dire qu'il y a une corrélation entre ces clauses parce que cela restreint la personne dans l'exercice de ses droits fondamentaux.

M. Plamondon: Vous avez raison, ii y a une corrélation, sauf que les décisions ont été beaucoup plus en faveur de rendre illégales des clauses touchant ia religion des gens que celles sur cette question du remariage.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, je voudrais revenir encore une fois, même si je ne peux pas convaincre le Barreau, sur cette affaire de la réserve. Je vous ai entendu parler de cette clause de viduité que vous avez appelée clause de gigolo, et je cite votre mémoire à la page 12. Vous parlez de la philosophie du nouveau droit de la famille qui consacre l'égalité des époux. Là, vous défendez la position de la femme. Vous dites qu'il ne faut pas encourager la perpétuation de la subordination de l'un par rapport à l'autre. Je suis tout à fait d'accord. Mais, soudainement, quand on parle de la réserve, vos beaux arguments n'existent plus. Je me demande pourquoi vous n'avez pas le même raisonnement parce que, dans l'affaire de la réserve, vous devez aussi protéger cette même femme. On parle encore de la perpétuation de la subordination et de quelle manière... Si c'est vrai ce que vous dites... Je ne suis pas d'accord que les statistiques

démontrent que dans tous les testaments, tous les conjoints sont toujours protégés. Ce n'est pas vrai: allez demander simplement au ministère du Revenu toutes les successions qui ont été déclarées et dont les impôts ont été payés, allez voir. Je ne sais pas si on peut obtenir ces statistiques. Ce serait bien intéressant. J'ai réglé moi-même des successions comme avocat où il n'y avait pas de protection des membres de la famille. C'est bien bizarre. Ce matin, les notaires ont dit que, selon ce qu'on sait, selon ce qu'on pense, le testament qu'on a rédigé, la famille est bien protégée, mais j'aimerais avoir une meilleure preuve scientifique de cela parce que je ne le crois pas.

Disons que c'est vrai que tous ces hommes pensent de bien protéger l'unité familiale, comme je l'appelle. Qu'est-ce que vous avez contre le principe d'inscrire dans le Code civil une réserve? Vous dites: On donne déjà plus que le minimum. Je n'en suis pas convaincu. Donnons au moins en inscrivant dans le Code civil ce minimum-là, et ce minimum, ce n'est pas beaucoup parce que, lorsqu'on parle de la réserve qui était suggérée par la Chambre des notaires, c'était seulement 50 % de la pension pour la femme et rien pour les enfants. C'est beaucoup moins que dans les pays européens.

Donc, je dois dire qu'autant j'admire la position du Barreau... Je suis moi-même membre du Barreau, mais, malheureusement, j'aurais dû être au Barreau pendant votre débat pour parler là-dessus. Lorsque vous parlez de votre clause de gigolo, je suis d'accord avec vous, mais, quand vous parlez de la réserve, j'ai une opinion différente.

Maintenant, une question. Vous dites: Nous, au Barreau, on accepte l'obligation alimentaire parce qu'on croit que c'est vraiment la restriction au droit illimité de tester, mais les notaires nous ont dit ce matin: Si on devait choisir entre deux maux, disons, l'obligation alimentaire et la réserve, nous préférerions la réserve parce qu'avec l'obligation alimentaire on ne réglera jamais une succession, c'est une source de chicanes. Je dois vous dire que j'ai parlé sur cette section de l'obligation alimentaire en deuxième lecture. Avec le député de Saint-Louis, qui est avocat pratiquant, on en a parlé, on a soulevé des cas, article par article, et c'est vraiment possible de bloquer des successions avec des réclamations; cela ne finirait pas. Je ne dis pas que pour les avocats ce n'est pas un champ intéressant de travail, mais les notaires disent: Nous, on préfère avoir une atmosphère claire et nette dans ce cas-là. Si on doit choisir, ils disent qu'ils ne le veulent pas du tout non plus parce qu'ils veulent avoir le moins de restrictions possible sur le droit de tester. Mais là, ils disent: Si on devait choisir, on choisirait la réserve. Donc, il y a une contradiction entre la position des notaires et celle du Barreau. Peut-être que chacun pense un peu à son propre intérêt.

Est-ce qu'il n'y aurait pas une obligation sociale comme législateur d'intervenir à un moment donné? Je ne vois aucune objection d'inscrire cette réserve là-dedans. Cela va protéger ces femmes qui sont venues témoigner devant nous. Je me rappelle très bien ce mouvement-là. Ne me dites pas que... C'est un mouvement qui existe avec des centaines de membres qui nous ont énuméré des cas. Est-ce que, apparemment, ce sont des exceptions? Les quelques successions que j'ai réglées où il y avait des cas comme celui-là, cela existe. Demandez donc des statistiques - je ne sais pas s'il y a moyen - au ministère du Revenu; ce serait bien intéressant. On pourrait régler tous ces cas-là. On ne donne pas trop de protection, on donne simplement... Je suis d'accord parce que, psychologiquement, c'est un pas, apparemment, très difficile. Je voudrais personnellement aller plus loin que cela mais je serais prêt à dire: Bon, dans ce cas-là, on va commencer avec une protection pour la femme: 50 % de la succession ab intestat. Je pense que tout le monde va être bien heureux. En tout cas, c'est comme cela que je le vois. (17 h 45)

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Sainte-Anne. M. le député de Sainte-Anne a exprimé une opinion. Si, de part et d'autre, on exprime des opinions, on va en avoir pour longtemps. En tout cas, je vous laisse quand même réagir à l'opinion du député de Sainte-Anne.

Mme Vadboncoeur: Si vous me le permettez, j'aurais trois remarques.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, madame, Me Barbeau m'avait demandé la parole.

Mme Vadboncoeur: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): Cela va?

M. Barbeau: Me Polak, c'est normal que les successions que vous avez eu à régler en tant qu'avocat, ce soit du contentieux. Ce sont peut-être ces exceptions-là que vous avez eu à régler. C'est vrai que, en parlant du droit de réserve, c'est peut-être la solution facile, "at large". Pas de problème, 50 %, c'est facile. On détermine cela, un bout de crayon, un papier, le montant, c'est réglé, on continue. Si on envisage la facilité, c'est la solution la plus facile. Si on envisage l'obligation sociale, ce n'est pas nécessairement la plus équitable. C'est vrai qu'il y a des successions où le conjoint ne recueille rien. C'est peut-être parce qu'il n'a aucun besoin de recevoir des biens et que ce sont plutôt les enfants qui sont devenus

majeurs et dont le conjoint ne s'occupe pas nécessairement qui en ont besoin. À ce moment-là, c'est plus flexible. C'est peut-être moins facile d'application, à savoir quels sont les besoins de l'individu qui demeure vivant mais, socialement, on a l'impression que c'est peut-être plus équitable.

En ce qui concerne votre remarque, je ne crois pas qu'il y ait de contradiction entre le fait, pour le Barreau, d'être contre le droit de réserve parce que cela entrave la liberté de tester et, d'un autre côté, le fait de n'être en faveur d'aucune clause de viduité. Ce sont des clauses qui, à notre avis, sont contre l'ordre public, tout simplement. Cela n'a rien à voir avec la liberté absolue de tester.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Me Vadboncoeur.

Mme Vadboncoeur: J'aurais trois remarques à apporter, donc, sur trois points différents. D'abord, sur la disposition du fameux article 765. À la suite de la remarque du ministre qui disait tout à l'heure que c'est une façon, pour le tribunal, de passer outre à la formalité des testaments, je veux bien, mais si le...

M. Johnson (Anjou): D'adoucir la formalité des testaments.

Mme Vadboncoeur: D'adoucir; c'est plus qu'adoucir. Si le législateur veut vraiment enlever le principe de la formalité des testaments, il va falloir qu'il soit logique et conséquent et qu'il enlève plusieurs dispositions existantes du projet de loi, entre autres, l'article 764 qui dit que c'est nul. C'était de nullité absolue, c'est maintenant de nullité, mais cela demeure, à notre point de vue, de nullité absolue quand on ne suit pas les formalités. Il faudrait qu'il enlève cela.

Il faudrait qu'il enlève également l'article qui prévoit que, quand un testament est nul pour vice de forme, la révocation qui est contenue dans ce testament est sans effet également; ce ne serait plus vrai, cela non plus. Il faudrait peut-être savoir exactement où on s'en va. Ou on ne retient plus du tout le principe du formalisme, ou on le retient. Si on le retient, il faut qu'on l'observe jusqu'au bout. Je pense qu'il y a une certaine logique à suivre. Si on veut maintenir l'article 765, l'article 764 n'a plus sa raison d'être et l'article 819 non plus. Ce sont les deux qui me viennent à l'esprit tout de suite mais il y a plusieurs dispositions, quand même, qui jouent autour du principe du formalisme des testaments. C'est une décision politique que vous aurez à prendre mais il faut être conséquent avec la décision qu'on prend...

Une voix: ...

Mme Vadboncoeur: Merci, M. le député, de m'avoir enseigné ce beau terme.

Pour les clauses de viduité, le fait de prévoir cet article à la charte ou au Code civil... L'article 10 de la charte est évidemment très large et interdit la discrimination pour différents motifs et, particulièrement, ceux fondés sur le statut civil. Je pense que le mettre dans le Code civil, au chapitre des successions, au chapitre des testaments en l'occurrence, n'aurait pas pour effet de restreindre l'application de la charte, d'une part, et aurait l'avantage d'être d'application plus restreinte là-dessus. Pour un testament notarié ou fait chez les avocats, les notaires et les avocats pourraient dire au testataire: Le Code civil se dit formellement contre ce genre de clause. Si le testataire se laisse aller dans une clause de viduité, cela implique un débat judiciaire long et coûteux et, comme le mentionnait tout à l'heure Me Plamondon, il n'y rien de moins sûr que ce recours, parce que le légataire n'a pas un droit et il aurait donc certaines difficultés, alors que si c'est strictement interdit dans le Code civil, le problème est réglé bien rapidement.

Troisièmement, en ce qui concerne les legs ou dons en faveur des personnes qui prennent soin de gens âgés ou malades dans des établissements ou dans des familles d'accueil, je comprends fort bien la remarque du ministre à savoir que c'est une préoccupation du ministère des Affaires sociales. C'est également une préoccupation du Barreau. On a pris grand soin, d'ailleurs, de mentionner qu'on y était favorable, en principe.

On mentionne également qu'il est sûr que toute sollicitation serait interdite. Il y a une différence entre solliciter un legs ou un don et le recevoir ou l'accepter. 5i le testateur ou le donateur est seul au monde, qu'il n'a plus de famille ou rien, que c'est la seule personne qu'il puisse avantager et qu'il s'est créé des liens, je ne vois pas pourquoi cette personne ne pourrait pas accepter un don ou un legs qui lui serait fait.

Je voulais simplement faire la nuance entre le fait de solliciter un legs et celui d'accepter un legs qui serait fait par une tierce personne. Encore là, on ne veut pas non plus ouvrir la porte toute grande. On voudrait simplement qu'il y ait une présomption et que, dans le cas d'une contestation de la validité de ce legs, la présomption soit en faveur ou du légataire ou de la personne qui conteste la validité du legs. Il est sûr que ce legs pourrait être attaqué d'une façon ou d'une autre, mais il s'agit de ne pas l'interdire formellement et ce, dans tous les cas. Cela nous paraît peut-être un peu poussé.

Finalement, en ce qui concerne la

fameuse réserve, je ne crois pas que le fait que le Barreau se prononce plutôt en faveur d'une créance alimentaire qu'en faveur d'une réserve héréditaire puisse nuire en quoi que ce soit à la position du Barreau, socialement et légalement. On n'enlève pas tout recoure au conjoint qui serait démuni. Il faut, encore là, apporter une nuance. Le recours est là et, comme tous les recours alimentaires, il serait fondé sur une base de besoin, comme il l'est à l'heure actuelle.

Il y a aussi d'autres recours et d'autres dispositions de la loi qui sont ouverts au conjoint survivant. Il me semble, d'après les commentaires que j'ai entendus des différents députés, que leurs préoccupations se situent beaucoup plus au niveau du conjoint qu'au niveau des enfants. Le conjoint lui-même, s'il est marié en communauté de biens, n'a pas de problème. S'il est marié sous le régime légal, il n'a pas de problème non plus. Le problème se situe au niveau de la séparation de biens. On enrevient toujours là, la prestation compensatoire aussi situe son problème au niveau de la séparation de biens. C'est ce régime matrimonial qui pose des problèmes. Est-ce que l'on va...

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que je peux vous demander de conclure? Ce n'est pas que ce n'est pas intéressant, madame. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on poursuive toute la veillée...

Mme Vadboncoeur: Je disais que c'était le régime de séparation de biens qui créait des problèmes. Il y aura peut-être, dans un autre forum et à une autre époque, lieu de revoir nos régimes matrimoniaux et de revoir la prestation compensatoire. Peut-être qu'on pourra penser à emprunter, encore une fois, de la loi ontarienne la notion de "family assets"; peut-être qu'il y aura lieu de prévoir, éventuellement, un partage égal des biens familiaux, des "family assets", au moment de la rupture du mariage. Le Barreau, à ce point de vue, a déjà franchi un certain pas et, là, j'apporte une réserve: ce n'est pas encore la position officielle du Barreau que d'emprunter tout de suite la loi ontarienne là-dessus, mais, au niveau du livre vert sur la politique familiale, le comité du Barreau a présenté un mémoire où - passez-moi l'expression - on "flirte" avec l'idée d'emprunter cette notion de "family assets" et de partage égal des biens familiaux au moment de la rupture du mariage. On doit également, au moment de la deuxième séance de la conférence sur la sécurité économique des Québécoises, produire un mémoire dans ce sens où un des aspects qui sera discuté touchera à la sécurité de la femme au foyer.

Donc, on a l'intention de se pencher là-dessus de façon très consciencieuse et formelle, et d'arriver avec des représentations. C'est pour cela qu'à ce stade-ci on n'est pas prêt à s'engager sur ce point comme Barreau, mais l'idée nous apparaît intéressante et réglerait le problème de la réserve. On n'en aurait plus une fois pour toutes et on pourrait demeurer quand même avec la créance alimentaire.

Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. Une très courte question et une très courte réponse par la suite. Après, nous mettrons fin à nos travaux.

M. Polak: M. le Président, ce n'est pas une question, mais une rectification. Je voudrais dire à Me Barbeau que, quand il a parlé tout à l'heure, il n'a pas peut-être compris comment cela marche en pratique la réserve. Vous avez dit: Bon, sur un bout de papier, voici, madame, vous avez votre pourcentage. Il faut bien comprendre qu'elle a juste une réserve, une base de minimum garanti. Pour le restant, ce qui représente beaucoup dans une grande succession, le testateur peut encore faire ce qu'il veut. Il peut laisser tout à sa maîtresse, sauf qu'il y a une certaine portion qui est réservée à cette femme, et ce n'est pas plus que cela la réserve.

Donc, il faut bien faire la distinction: la réserve est une petite portion qui est enlevée et tout le reste se déroule comme d'habitude.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? Me Barbeau? M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, je voudrais revenir sur la représentation. On a discuté longuement, j'ai l'impression que plusieurs ne réalisent pas qu'il y a toute la différence du monde entre une succession ab intestat et une succession testamentaire. Si on a décidé de 3'en remettre à la loi, c'est donc qu'on s'en remet à une mesure supplétive. Les règles sont que les biens sont dévolus à telle personne et, dans certains cas, il y a représentation. Donc, on s'en remet à la loi. On dit: J'ai décidé de ne pas faire de testament, je veux que la loi s'applique; donc, c'est du droit supplétif. Mais, quand on fait un testament, je ne vois pas pourquoi on voudrait faire dire à celui qui fait un testament qu'il a dit telle chose alors qu'il ne l'a pas dite. Écoutez, il y a deux façons de disposer de ses biens par testament: le testament devant un notaire ou un avocat... À ce moment, il a la compétence, l'expertise nécessaire pour décider. On va lui expliquer que, s'il n'indique pas s'il y a représentation, il n'y en aura pas en matière de testament. Alors, la personne est en mesure de prendre une décision.

Il y a l'autre cas, c'est le testament olographe fait par la personne. Je doute très

fort que la personne connaisse suffisamment le code pour savoir que, si elle ne dit pas qu'il n'y a pas représentation, il va y avoir représentation. Permettez-moi de douter que quelqu'un qui dit: Je donne mes biens à Pierre, Jean, Jacques, veuille les donner aux héritiers de ces gens-là, je ne vois pas, mais pas du tout, je ne vois pas pourquoi. On dit: À moins que ce ne soit exclu, il y a représentation. On veut faire faire quelque chose à quelqu'un qui ne veut pas nécessairement arriver à cette conclusion. J'essaie de comprendre pourquoi, en matière de succession testamentaire, on veut absolument qu'il y ait représentation. Autrement dit, la personne a décidé de faire un testament, elle y a indiqué telle chose, elle lègue ses biens à telle personne, mais ce n'est pas cela qu'elle a voulu dire, elle a voulu dire plus que cela' Je ne suis pas d'accord, mais pas du tout! Je pense qu'on règle un paquet de problèmes comme ceux qu'on a soulevés tantôt qui sont causés par l'article 724 ou 725.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Me Barbeau, vous aviez...

Mme Vadboncoeur: J'aurais peut-être un commentaire à apporter là-dessus.

Le Président (M. Gagnon): Oui.

Mme Vadboncoeur: D'une part, la représentation ne s'applique pas aux légataires particuliers* Donc, si vous avez voulu laisser un bien en particulier à une personne en particulier, la représentation ne s'applique pas à moins que le testateur ne spécifie le contraire. Le legs particulier qui est fait est donc plus fait de façon intuitu personae; c'est vraiment la personne qui est désignée dans le testament que le testateur veut avantager. La représentation ne s'applique pas dans ce cas-là. Pour les légataires universels et à titre universel, vu que cela reste dans la parenté immédiate -dans la plupart des cas cela va rester dans la parenté immédiate, parce que c'est exclu pour les étrangers - le testateur a voulu avantager financièrement sa famille.

M. Leduc (Saint-Laurent): II peut y avoir accroissement! À mon sens, vous présumez.

Mme Vadboncoeur: Pour nous, vu que cela reste dans la famille, que cela aille ensuite aux descendants du légataire universel ou à titre universel, cela ne nous choque pas, vu que le legs particulier est exclu, de toute façon, de la représentation.

Le Président (M. Gagnon): Ça va?

Merci, Me Plamondon, Me Barbeau, Me Suzanne Vadboncoeur, ainsi que le Barreau du Québec pour cette présentation.

Mme Vadboncoeur: À la semaine prochaine!

Le Président (M. Gagnon): À la semaine prochaine, oui. Sur ce, nous allons suspendre nos travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 18 h 3)

(Reprise à 18 h 8)

Le Président (M. Gagnon): La sous-commission des institutions est suspendue jusqu'à 20 heures et nous reprendrons à 20 heures à la même salle jusqu'à 22 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 9)

(Reprise à 20 h 7)

Étude détaillée

Le Président (M. Gagnon): La sous-commission des institutions se réunit afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 20, loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens. Nous revenons à l'étude article par article. Est-ce qu'on devrait revenir aux quelques articles qui étaient suspendus?

Articles en suspens

Mme Harel: Oui, M. le Président. Nous allons pouvoir disposer de ces articles.

Le Président (M. Gagnon): On avait les articles 290 et 310.

M. Marx: Est-ce qu'on a adopté les articles 16, 17, 18, 36 et 78?

Le Président (M. Gagnon): Non. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président. Il s'agit, à l'article 290, de supprimer, aux première et deuxième lignes, les mots "à la curatelle et", et d'ajouter, à la fin, l'alinéa suivant: "Elles s'appliquent de même à la curatelle au majeur, exclusion faite notamment de celles relatives à l'administration tutélaire."

Commentaire sur l'amendement: Les règles relatives à l'administration tutélaire ne conviennent pas au régime de curatelle au majeur puisque en ce cas, !e curateur a la pleine administration des biens; si le curateur public agit, son administration est régie principalement par la Loi sur la curatelle publique. Le tuteur au majeur n'a pour sa part que la simple administration et

généralement les règles d'administration applicables à la tutelle au mineur s'appliquent.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que les commentaires sur l'article avaient été lus?

M. Cossette: Je pense que, dans les circonstances, les commentaires...

Le Président (M. Gagnon): Les nouveaux commentaires...

M. Cossette: ...sur l'article original ne s'appliquent plus...

Le Président (M. Gagnon): ...ne s'appliquent plus.

M. Cossette: ...vu les nouveaux commentaires sur l'amendement.

Le Président (M. Gagnon): Voilà. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?

Mme Harel: L'article 290, tel qu'amendé, se lirait comme suit: "290. Les règles relatives à la tutelle au mineur s'appliquent à la tutelle au majeur, compte tenu des adaptations nécessaires". L'alinéa suivant est ajouté: "Elles s'appliquent de même à la curatelle au majeur, exclusion faite notamment de celles relatives à l'administration tutélaire".

Le Président (M. Gagnon): Ça va?

L'amendement à l'article 290 est-il adopté?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): L'article 290 tel qu'amendé...

M. Cossette: Non, les commentaires sur l'amendement ont été lus et remplacent les commentaires sur l'article.

Le Président (M. Gagnon): Sur l'article. M. Marx: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): Adopté tel qu'amendé. Article 310.

Mme Harel: C'est bien ça. L'article 310 est remplacé par les articles qui suivent: 310 et 310.1. Je fais lecture de l'article 310. "310. Les règles relatives à l'exercice des droits civils du mineur s'appliquent au majeur en tutelle, compte tenu des adaptations nécessaires."

Et "310.1. Le tribunal peut, à l'ouverture de la tutelle ou postérieurement, accroître ou restreindre la capacité du majeur en tutelle sur l'avis d'experts et, selon le cas, du conseil de tutelle ou des personnes normalement appelées à en faire partie. "Il indique alors les actes que la personne en tutelle peut faire elle-même, seule ou avec l'assistance du tuteur, ou ceux qu'elle ne peut faire sans être représentée."

Mme Longtin va faire lecture du commentaire sur l'amendement.

Le Président (M. Gagnon): Me Longtin.

Mme Longtin (Marie-José): Commentaire sur l'amendement. Cet amendement modifie la première phrase de l'article 310 proposé pour éviter de référer de façon générale à la capacité d'exercice du majeur en tutelle, puisque cette capacité est atteinte par l'ouverture même du régime. De plus, l'amendement divise l'article en deux dispositions.

L'article 310.1 fait mention de la capacité du majeur qui est accrue ou restreinte par le tribunal, puisque même si la tutelle fait naître une certaine incapacité, on ne peut à l'inverse nier au majeur une certaine capacité.

Le Président (M. Gagnon): Ça va? Est-ce que cet amendement est adopté?

M. Marx: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): Oui, adopté. L'article 310 tel qu'amendé est-il adopté?

M. Marx: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 317.

Du conseiller au majeur (suite)

Mme Harel: Article 316?

Le Président (M. Gagnon): Oui, 316.

Mme Harel: "316. L'acte fait seul par le majeur alors que l'intervention de son conseiller était requise peut être annulé ou les obligations qui en découlent réduites, si cet acte lui cause un préjudice".

Le Président (M. Gagnon): Commentaire. Me Cossette.

M. Cossette: Cet article reprend en substance l'article 334 du Code civil du Bas-Canada à savoir que les actes faits sans l'assistance du conseiller par le majeur placé sous ce régime de protection peuvent être annulés. Étant donné que ce majeur protégé n'a pas besoin de représentation et qu'il est en principe capable, il est logique d'exiger que l'acte lui soit préjudiciable pour l'annuler ou réduire les obligations qui en découlent.

Le Président (M. Gagnon): D'autres commentaires?

M. Pineau (Jean): Non.

Le Président (M. Gagnon): Ça va. Alors, l'article 316 est adopté?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gagnon): On a dit qu'il n'y avait pas d'amendement à l'article 316.

Mme Harel: Non.

De la fin du régime de protection

Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 317?

Mme Harel: "317. Le régime de protection cesse par l'effet d'un jugement de mainlevée ou par le décès du majeur protégé. "Il cesse aussi à l'expiration du délai prévu pour contester le rapport qui atteste la cessation de l'incapacité."

Le Président (M. Gagnon): Commentaire.

M. Cossette: Cet article énumère les seules causes qui mettent fin à un régime de protection! le décès du majeur, le jugement prononçant la mainlevée du régime ou l'expiration du délai pour contester le rapport qui atteste la cessation de l'incapacité. Cette dernière cause est en concordance avec l'article 303 qui établit un mécanisme simple de mainlevée, soit le dépôt d'un certificat de capacité par l'établissement où est gardé le majeur protégé.

Le Président (M. Gagnon): Oui, Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, ici, dans le deuxième alinéa, il s'agit d'un rapport médical qui atteste la cessation de l'inaptitude car il n'appartient pas au médecin de mettre fin à l'incapacité juridique.

Le Président (M. Gagnon): Ça va?

(20 h 15)

Mme Harel: Oui. Alors on remplace "l'incapacité" par "l'inaptitude".

Le Président (M. Gagnon): Alors, cet amendement est adopté et l'article 317 tel qu'amendé est adopté. Nous allons recevoir l'amendement. Article 318?

Mme Harel: "Le majeur protégé peut toujours, après mainlevée du régime et, le cas échéant, la reddition de compte du curateur ou du tuteur, confirmer un acte autrement annulable."

Le Président (M. Gagnon): Commentaire.

M. Cossette: Cet article étend au majeur protégé la règle prévue pour le mineur à l'article 181 du projet. Le majeur protégé pourra donc confirmer un acte autrement annulable dès qu'il retrouvera sa capacité d'exercice.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Oui, Me Pineau.

M. Pineau: Deux questions, M. le Président. Pourquoi "le cas échéant", première question? Deuxième question, pourquoi "acte autrement annulable"?

Le Président (M. Gagnon): Me Longtin. M. Pineau: Ne doit-il... Pardon.

Mme Longtin: Je pense que "le cas échéant", c'est qu'ici on parle du majeur qui reçoit reddition de compte. Or évidemment, s'il décède, il n'y en a pas. Je pense que c'était cette allusion qui a été faite.

M. Pineau: Je me posais la question. Ne doit-il pas toujours y avoir reddition de compte? Article 290, pardon.

Mme Longtin: Oui, il y a toujours une reddition de compte à ce moment-là. S'il est décédé, on se réfère au liquidateur de succession tandis qu'ici, elle se fait... On vise le cas où c'est le majeur protégé qui la reçoit puisque c'est lui seul qui pourrait confirmer un acte annulable.

Quant à ['"autrement", je pense que c'était tout simplement un petit effet de style. Cela pourrait vouloir dire, évidemment... S'il ne le confirme pas, il est autrement annulable. Ce serait dans ce sens-là.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 318 est adopté?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Article 319?

Mme Harel: "Lorsque la nullité d'un acte est prononcée à la demande du majeur protégé ou de son curateur, tuteur ou conseiller, le majeur est dispensé de remettre ce qu'il a reçu en vertu de cet acte alors qu'il était sous régime de protection, sauf dans la mesure de l'enrichissement qu'il en conserve."

Le Président (M. Gagnon): Me Cossette, le commentaire.

M. Cossette: Commentaire. Cet article reprend à l'égard du majeur protégé la règle prévue à l'article 1011 du Code civil du Bas-Canada qui est reprise aussi pour le mineur à l'article 179 du projet. Pour les mêmes motifs que le mineur, le majeur protégé n'est pas tenu de rembourser les prestations reçues, sauf dans la mesure de l'enrichissement qu'il en conserve.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Me Pineau.

M. Pineau: En vertu de cet acte, alors qu'il était sous "un" régime de protection ou sous régime...

M. Cossette: Sous "un" régime. Mme Harel: Sous "un" régime. M. Pineau: Sous "un" régime.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? Alors, cet amendement est adopté? Adopté. L'article 319 tel qu'amendé est adopté. Article 320?

Mme Harel: Aux deuxième et troisième lignes du second alinéa, l'amendement consiste à remplacer ce qui suit: "tuteur ou conseiller; tout intéressé peut aussi provoquer cette nomination" par ce qui suit: "ou tuteur; tout intéressé peut aussi provoquer cette nomination de même que celle d'un nouveau conseiller", de façon que l'article 320 se lise comme suit: "La vacance de la charge de curateur, de tuteur ou de conseiller ne met pas fin au régime de protection. "Le conseil de tutelle doit, le cas échéant, provoquer la nomination d'un nouveau curateur ou tuteur; tout intéressé peut aussi provoquer cette nomination de même que celle d'un nouveau conseiller."

Commentaire sur l'amendement. Étant donné que le conseiller n'a pas l'administration des biens du majeur protégé et qu'il ne le représente pas mais l'assiste dans l'exercice de ses droits civils, il n'y a pas de constitution de conseil de tutelle dans ce régime de protection. L'amendement fait disparaître l'obligation du conseil de tutelle de provoquer, en cas de vacance, la nomination d'un nouveau conseiller.

Le Président (M. Gagnon): Des commentaires sur l'article? Me Cossette.

M. Cossette: Sous réserve de l'amendement proposé, le commentaire original se lisait comme suit: Cet article énonce clairement la règle que la vacance de la charge du représentant n'est pas une cause de cessation du régime de protection et qu'alors le conseil de tutelle a l'obligation de faire nommer un remplaçant. Dans l'intervalle, ou si on néglige d'agir, l'article 291 proposé trouvera application.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Non. L'article 320 est-il adopté?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Adopté. L'amendement à l'article 320 est adopté at l'article est adopté tel qu'amendé. Article 321?

Des personnes morales

De la constitution et des espèces de personnes morales

Mme Harel: II y a une amendement qui consiste à changer le titre. Il s'agit de remplacer l'intitulé de la section I du chapitre premier, titre cinquième, qui précède l'article 321 par le suivant: "De la constitution et des espèces de personnes morales."

Le Président (M. Gagnon): Cet amendement est-il adopté?

M. Marx: Un instant, M. le Président.

Mme Harel: Commentaire sur l'amendement. Je vais le relire. "De la constitution et des espèces de personnes morales" se trouve à remplacer l'intitulé de la section I. Cet amendement vise à améliorer la structure du chapitre premier du titre des personnes morales. Il est en effet plus logique de commencer le titre par les dispositions relatives à la constitution des personnes morales.

M. Marx: Donc, le titre, c'est...

Mme Harel: C'est l'intitulé de la section I.

M. Marx: Oui. L'ancien, c'était "Des personnes morales".

Mme Harel: "Des espèces de personnes morales". Maintenant, c'est "De la constitution et des espèces de personnes morales".

Le Président (M. Gagnon): Cela va, M. le député de D'Arcy McGee?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Cela veut

dire que l'amendement est adopté? M. Marx: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): Oui, Me Pineau.

M. Pineau: Je ne suis pas sûr que cet amendement soit judicieux. Peut-être pourra-t-on y revenir après.

Mme Longtin: Je dois dire qu'on dépose une série d'amendements pour les articles 321, 326 et 327, de telle sorte que, actuellement, les articles 326 et 327 traitent de la personnalité juridique et de la constitution. Ils sont repris dans les articles 321.1 et 321.2, de telle sorte que toute la section II sera consacrée aux effets de la personnalité juridique et que la première section, ce sera la constitution et les espèces.

Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, est-ce qu'on peut faire une observation sur certaines ambiguïtés qui, probablement, vont être corrigées par ces amendements?

Mme Harel: Oui.

M. Pineau: Peut-être est-il préférable d'en parler tout de suite.

Le Président (M. Gagnon): Cela va.

M. Pineau: M. le Président, à la lecture des différentes dispositions qui sont proposées et des commentaires qui suivent ces dispositions, il y a peut-être une certaine ambiguïté. Le Barreau l'a d'ailleurs soulevée, à cet égard. Cette ambiguïté consisterait peut-être à laisser croire qu'il peut exister des personnes morales qui n'ont pas la personnalité juridique.

M. Cossette: Cela va disparaître avec l'amendement.

M. Pineau: Alors, c'est cela. Il est donc très clair qu'un groupement qui est une personne morale a la personnalité juridique. Une personne morale a nécessairement la personnalité juridique.

M. Cossette: C'est le premier amendement qu'on fait, c'est justement dans ce sens?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'intitulé est-il adopté?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Voilà. Article 321?

Mme Harel: L'amendement consiste à remplacer l'article 321 par les suivants: les articles 321, 321.1 et 321.2. Je fais lecture de l'article 321: 321. "Les personnes morales ont la personnalité juridique. "Elles sont de droit public ou de droit privé. "321.1: Les personnes morales sont constituées suivant les formes juridiques prévues par la loi et parfois directement par la loi. "Elles existent à compter de l'entrée en vigueur de la loi ou au temps que celle-ci prévoit si elles sont de droit public ou constituées directement par la loi ou par l'effet de celle-ci; autrement, elles existent à compter de leur immatriculation au registre des associations et entreprises. "321.2: Sauf disposition contraire de la loi, l'immatriculation au registre des associations et entreprises peut seule conférer le statut de personne morale aux associations, sociétés ou autres groupements de droit privé."

Le commentaire sur l'amendement: Les articles proposés par cet amendement reprennent sous une autre forme, pour les clarifier, les articles 321, 326 et 327 proposés par le projet de loi 20. Ils visent, d'une part, à clarifier que toute personne morale a la personnalité juridique du seul fait qu'elle existe et à préciser le moment à compter duquel elles existent et, d'autre part, à établir que c'est seulement l'immatriculation au registre des personnes morales que le statut de personne morale est conféré aux associations, sociétés et autres groupements de droit privé, sauf disposition contraire de la loi. Tels que rédigés, les articles 321, 326 et 327 semblent reconnaître la possibilité qu'il puisse exister des personnes morales sans personnalité juridique complète.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? Les commentaires que vous venez de lire sur l'amendement sont-ils complets? Oui?

Mme Harel: II faudra lire le commentaire de façon à introduire que c'est seulement par l'immatriculation.

Le Président (M. Gagnon): Oui, cela va.

Mme Harel: C'est simplement une correction.

Le Président (M. Gagnon): Voilà.

Mme Harel: II faut lire le commentaire

en sachant que c'est par l'immatriculation au registre. C'était une omission du "par" devant le mot "immatriculation".

Le Président (M. Gagnon): Cela va.

M. Marx: L'immatriculation, c'est l'instruction à la Cour supérieure? Est-ce cela?

Mme Longtin: Non.

M. Marx: Cela sert à quoi?

Le Président (M. Gagnon): Me Cossette?

M. Cossette: Ce sera le registre des associations et entreprises.

M. Marx: II va y avoir un autre... Où cela sera-t-il?

Mme Longtin: C'est un registre qui sera détenu par l'Inspecteur général des institutions financières et qui se trouvera à remplacer les petits registres de raisons sociales actuellement éparpillés dans tous les palais de justice.

M. Marx: Dans quelle loi retrouve-t-on cela?

Mme Longtin: Dans une loi à venir. M. Marx: Dans une loi à venir?

Mme Longtin: Dont le dépôt est à venir, oui.

M. Marx: Est-ce que c'est dans l'avant-projet de loi sur...

Mme Longtin: Non, parce que c'est une loi d'une assez grande ampleur vu qu'elle doit modifier plusieurs lois de nature...

M. Marx: Sera-t-elle déposée avant la fin de cette session?

Mme Longtin: ...sur les compagnies. M. Cossette: C'est-à-dire que... Mme Longtin: II semblerait que non. M. Marx: II semblerait que non. Mme Longtin: On n'a pas réussi...

M. Cossette: Mais elle sera déposée en même temps que le projet sur la loi d'application. (20 h 30)

M. Marx: Ah boni C'est juste, M. le Président, qu'on va adopter aujourd'hui des articles qui comportent des références à des lois inexistantes, qui vont venir un jour.

Mme Longtin: Mais le titre ne sera pas en vigueur tant que nos registres ne seront pas existants puisque...

M. Marx: Oui, c'est cela.

Mme Longtin: ...il est lié à ce registre.

M. Marx: D'accord. Est-ce que cela sera une loi du ministère de la Justice ou de celui des Institutions financières.

M. Cossette: Ce sera une loi de l'Inspecteur général des institutions financières.

M. Marx: II va refaire toute...

M. Cossette: Qui va reprendre, pour les fins du registre, qui va récupérer tout ce qui se fait dans tous les palais de justice de la province.

M. Marx: II va y avoir un registre... M. Cossette: Centralisé. M. Marx: Informatisé, j'imagine. M. Cossette: Je le pense, oui.

Le Président (M. Gagnon): Je voudrais vous demander de...

Mme Harel: Excusez, Me Cossette, M. le Président, simplement...

Le Président (M. Gagnon): ...faire attention. Les propos que vous venez d'échanger sont très certainement extrêmement importants, or, je remarque qu'il y a des fois où cela se dédouble. La réponse arrive avant que la question soit finie.

M. Marx: On va passer par vous, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Non, ce n'est peut-être pas nécessaire, mais il serait bon d'attendre tout de même que la question ou la réponse soit finie pour reprendre la parole.

Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, je voudrais simplement signaler que nous avons avec nous MM. Denis Racine et Michel Cloutier, qui sont tous les deux du bureau de l'inspecteur général et qui sont au travail présentement sur le cadre juridique de cette loi, je crois.

M. Marx: De cette nouvelle loi...

Mme Harel: De cette nouvelle loi. M. Marx: ...à venir.

Le Président (M. Gagnon): Cela va. Me Pineau.

M. Pineau: Oui, M. le Président, il est possible que la réponse ait déjà été donnée à ia question que je vais poser, mais je ne suis pas sûr d'avoir entendu. J'avais été frappé dans le texte original de la proposition par le fait que l'on disait simplement: "La personnalité juridique ou morale existe à compter de l'immatriculation." Je vois que, dans l'alinéa second de l'article 321.1, on nous dit bien: "Elles existent à compter de leur immatriculation..." mais on ne dit pas qu'elles existent par l'immatriculation. Or, en fait, l'immatriculation n'est pas simplement le point de départ de l'acquisition de la personnalité juridique. C'est une condition d'existence, n'est-ce pas? C'est cela qui m'avait frappé, mais je vous ai vaguement entendue tout à l'heure dire "par", mais je ne sais pas de...

Mme Harel: Est-ce que l'article 321.2 ne satisfait pas votre point de vue?

M. Pineau: C'est étonnant que l'article 321.2 vienne après le deuxième alinéa de l'article 321.1 car, en définitive, dans l'article 321.2, on indique la condition d'existence alors que, dans l'article 321.1, on nous indique le point de départ de l'effet de l'acquisition de la personnalité juridique. C'est une simple observation.

M. Frénette (Aldée): Par contre, l'article 321.1 est plus général et comprend d'autres personnes morales que les personnes morales de droit privé qui doivent s'immatriculer. Il y a des personnes publiques et même des personnes morales de droit privé qui n'ont pas, en vertu de la loi, à s'immatriculer.

M. Pineau: Cela va.

Le Président (M. Gagnon): Alors, le nouvel article 321 est adopté. L'article 321.1 est adopté. L'article 321.2 est adopté.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gagnon): L'article 322?

Mme Harel: II y a plusieurs amendements apportés à l'article 322. À la deuxième ligne, il s'agit d'insérer, après le mot "lois", le mot "particulières"; à la deuxième ligne également, insérer, entre les mots "et" et "leur", les mots "par celles qui"; et à la quatrième ligne, insérer, après les mots "quant à", les mots "leur statut de personne morale", de façon que l'article 322, tel que modifié, se lise comme 3uit: "Les personnes morales de droit public sont d'abord régies par les lois particulières qui les constituent et par celles qui leur sont applicables; elles sont aussi régies par le présent code lorsqu'il y a lieu de compléter les dispositions de ces lois, notamment quant à leur statut de personne morale, à leurs biens ou leurs rapports avec les autres personnes."

Le commentaire: La première modification apporte une précision au texte puisqu'il s'agit bien ici de lois que l'on désigne par le mot "particulières", par opposition aux codifications d'ordre général.

La seconde modification est de nature purement formelle. Quant à la dernière, elle ne change pas le fond de l'article puisqu'elle ajoute un élément à une énumération non limitative visant à expliquer la portée du chapitre premier par rapport aux lois particulières applicables aux personnes morales de droit public. Cependant, il était utile d'ajouter l'élément le plus fondamental, le statut de personne morale.

Le Président (M. Gagnon): Des commentaires?

M. Cossette: Le commentaire original sur l'article 322. Cet article reprend essentiellement le premier alinéa de l'article 356 du Code civil du Bas-Canada, qui distingue les personnes morales, politiques ou de droit public et les personnes morales civiles ou de droit privé. Il maintient également le principe que les personnes morales de droit public sont régies par le droit public, donc, les lois qui les constituent et qui leur sont applicables. Le code, au titre des personnes morales, ne sert qu'à compléter ces lois, s'il y a lieu, notamment quant à leurs biens et à leurs rapports avec les autres personnes.

Par ailleurs, le chapitre deuxième du titre des personnes morales ne s'applique pas aux personnes morales de droit public puisqu'elles ne sont pas formées en vertu du Code civil.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?

M. Marx: Des commentaires sur les amendements?

Le Président (M. Gagnon): Non, je veux dire de votre part. Cela va? Alors, l'amendement à l'article 322 est-il adopté? Et l'article...

M. Marx: II n'y a pas...

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le

député.

M. Marx: Est-ce que nous avons eu le commentaire sur les amendements?

Le Président (M. Gagnon): Oui. M. Marx: C'est cela.

Le Président (M. Gagnon): L'article 322, tel qu'amendé, est-il adopté?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Article 323?

Mme Harel: Les amendements. À la première ligne du deuxième alinéa, insérer, après le mot "lois", le mot "particulières" et à la troisième ligne du deuxième alinéa, insérer, après les mots "quant à", les mots "leur statut de personne morale", de façon que l'article 323 amendé se lise comme suit: "Les personnes morales de droit privé doivent emprunter les formes juridiques que la loi reconnaît comme pouvant conférer la personnalité morale; elles se divisent principalement en associations et en sociétés et sont généralement formées de plusieurs membres. "Elles sont d'abord régies par les lois particulières applicables à leur espèce; elles le sont aussi par le présent code lorsqu'il y a lieu de compléter les dispositions de ces lois, notamment quant à leur statut de personne morale, à leurs biens ou leurs rapports avec les autres personnes."

Le commentaire: Ces amendements ont le même effet que ceux apportés à l'article 322.

Le Président (M. Gagnon): Des commentaires sur l'article?

M. Cossette: Cet article précise que les personnes morales de droit privé issues de la volonté d'individus doivent prendre l'une des formes que la loi reconnaît comme pouvant conférer la personnalité morale. Ainsi, elles pourront se former suivant diverses lois: le Code civil, les lois sur les compagnies, les coopératives, les compagnies de fidéicommis, etc.

Le présent article simplifie aussi les divisions du droit actuel et classe les personnes morales de droit privé, principalement en deux catégories: l'association et la société. Celles-ci se distinguent l'une de l'autre par leur vocation exprimée aux articles 324 et 325. Le second alinéa de cet article établit la portée des dispositions de ce titre sur les personnes morales de droit privé. Sauf le chapitre deuxième, qui prévoit des règles applicables aux personnes morales formées suivant le présent code, les autres articles de ce titre qui concernent la notion même de personnalité morale, la personnalité juridique et ses attributs, et les obligations des administrateurs s'appliquent à toutes les personnes morales de droit privé, mais celles-ci demeurent d'abord régies par les lois qui leur sont spécialement applicables.

Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, c'est moins ambigu que cela l'était. Il y a une légère ambiguïté néanmoins, encore, lorsqu'on dit que les personnes morales de droit privé doivent emprunter les formes juridiques que la loi reconnaît comme pouvant conférer la personnalité morale. La forme juridique se réfère aux différentes espèces de sociétés: en commandite, par actions, en nom, etc. Cela ne se réfère pas aux conditions d'existence telles que l'immatriculation par exemple. Je me demande s'il ne serait pas sage de dire: "Les personnes morales de droit privé doivent emprunter les formes juridiques que la loi exige afin de conférer la personnalité juridique ou la personnalité morale." On englobe tout à ce moment, enfin, je ne sais pas si mon observation est claire?

Mme Harel: Nous allons consulter notre experte.

Le Président (M. Gagnon): Nous allons suspendre pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 20 h 43)

(Reprise à 20 h 47)

Le Président (M. Gagnon): Donc, l'amendement à l'article 323, est-ce que vous voulez le relire, Mme la députée de Maisonneuve?

Mme Harel: Oui, l'amendement consiste, à la deuxième ligne du premier alinéa, à remplacer les mots "reconnaît comme pouvant conférer" par les mots "exige pour conférer". Je vais reprendre en fait, en deuxième et troisième lignes du premier alinéa, remplacer les mots "reconnaît comme pouvant conférer la personnalité morale" par les mots "exige pour conférer la personnalité juridique".

Le Président (M. Gagnon): Voilà. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Non, les commentaires ont été faits. Est-ce que vous voulez y ajouter? Non. Alors, l'amendement à l'article 323 est adopté?

M. Leduc (Saint-Laurent): Oui.

Le Président (M. Gagnon): Oui, l'article 323 tel qu'amendé est adopté?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gagnon): L'article 324.

Mme Harel: L'amendement de l'article 324 consiste à insérer après le mot "ont" le mot "généralement" et à remplacer tout ce qui suit le mot "tiers" par ce qui suit: "elles n'ont pas habituellement pour objet essentiel de réaliser des bénéfices, de les partager entre leurs membres, ni d'exploiter une entreprise". Ceci de façon que l'article 324 amendé se lise comme suit: "Les associations ont généralement vocation à satisfaire, par la mise en commun de biens, de connaissances ou d'activités, les besoins de leurs membres ou de tiers. Elles n'ont pas habituellement pour objet essentiel de réaliser des bénéfices, de les partager entre leurs membres ni d'exploiter une entreprise."

Le Président (M. Gagnon): Commentaires sur...

Mme Harel: Cet amendement atténue le caractère absolu de la définition proposée pour la rendre plus conforme à la réalité. En pratique, certains groupements ont d'autres objets que celui de satisfaire les besoins de leurs membres, tout en possédant la caractéristique essentielle d'une association. L'ajout des mots "généralement" et "habituellement" permet de considérer de tels groupements comme des associations, même s'ils ont des objets secondaires non compris dans la définition prévue au présent article.

Le Président (M. Gagnon): Les commentaires sur l'article.

M. Cossette: Compte tenu des modifications proposées dans l'amendement, cet article 324 est de droit nouveau; avec l'article suivant, il fonde les deux grandes divisions applicables aux personnes morales de droit privé, et il établit la différence essentielle entre une association et une société.

La première vise d'abord et avant tout à combler les besoins de ses membres ou de tiers, mais elle ne peut, si des bénéfices sont réalisés, les partager entre les membres. Elle couvre principalement des associations philanthropiques, des groupements professionnels ou syndicaux et en général des groupements de personnes exerçant une activité commune ou ayant un intérêt commun aussi bien dans le domaine culturel que dans les domaines sociaux ou économiques.

La seconde vise à satisfaire les besoins économiques et sociaux communs des membres par l'exploitation d'une entreprise. Elle a pour objet de procurer revenus et profits aux membres. Elle couvre, entre autres, les sociétés par actions, les sociétés en commandite et nombre de coopératives.

Le Président (M. Gagnon): Ça va? Me

Pineau.

M. Pineau: M. le Président, le premier rapport du Barreau nous dit que les coopératives ne sont pas couvertes par l'article 324. Le commentaire qui est sous l'article 324 nous indique, au contraire, que nombre de coopératives sont couvertes par l'article 324.

M. Cossette: Pas toutes.

M. Marx: Non.

M. Pineau: Pas toutes, mais...

M. Marx: Si on dit "nombre", lesquelles sont couvertes et...

M. Pineau: Ce sont celles qui ont quoi pour objet essentiel?

Le Président (M. Gagnon): Me Cossette. Ça va?

M. Cossette: Je pense que des coopératives peuvent être considérées tantôt comme des sociétés tantôt comme des associations. Je pense particulièrement aux cercles de fermières. Généralement, les cercles de fermières sont des coopératives qui peuvent facilement entrer dans la définition prévue à l'article 324; une coopérative d'habitation aussi, peut-être pas toujours, mais en principe, on pourrait dire oui. Je pense que la caisse populaire, la caisse d'épargne et de crédit est davantage une société qu'une association. On ne peut pas dire, pour toutes les coopératives, qu'elles entrent soit dans l'article 324 ou dans l'article 325. Mais, tantôt la coopérative sera une association, tantôt elle sera une société, suivant sa vocation.

Le Président (M. Gagnon): Oui, Me Longtin.

Mme Longtin: D'une façon très schématique, on peut dire qu'une société est, en gros, une personne morale qui poursuit un but lucratif, suivant l'ancienne terminologie, alors que l'association est une personne morale à but non lucratif.

Le Président (M. Gagnon): Me Cossette.

M. Cossette: On n'a pas voulu se coller aux expressions "avec but lucratif" et "sans but lucratif", qui ont tendance à disparaître

de plus en plus.

Le Président (M. Gagnon): Ça va? M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article 324 est-il adopté?

M. Marx: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): L'article 324 tel qu'amendé est-il adopté?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): L'article 325?

Mme Harel: L'amendement consiste, à la première ligne, à insérer après le mot "on" le mot "généralement". L'article 325 amendé se lit comme suit: "Les sociétés ont généralement vocation à réaliser et à partager des bénéfices. Elles peuvent aussi avoir vocation à profiter des économies qui peuvent résulter de la mise en commun de biens, de connaissances ou d'activités ou à satisfaire des besoins économiques et sociaux communs par l'exploitation d'une entreprise."

Le Président (M. Gagnon): Y a-t-il descommentaires?

M. Cossette: Une partie du commentaire de cet article...

Mme Harel: Sur l'amendement...

M. Cossette: ...apparaissait à l'article précédent.

Le Président (M. Gagnon): Le commentaire sur l'amendement.

Mme Harel: Le commentaire. En pratique, certains groupements ont d'autres objets que de réaliser et de partager des bénéfices. Tout en possédant la caractéristique essentielle d'une société, l'ajout du mot "généralement" permet de considérer de tels groupements comme des sociétés, même s'ils ont des objets secondaires non compris dans la définition prévue au présent article.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?

Mme Harel: Me Choquette.

Le Président (M. Gagnon): Me Cossette?

Mme Harel: Me Cossette.

M. Cossette: Le commentaire lu sous l'article 324 s'appliquait également pour l'article 325.

Le Président (M. Gagnon): Me Pineau?

M. Pineau: Là encore le premier rapport du Barreau s'interroge sur les sociétés de gestion.

M. Cossette: Je pense qu'avec le mot "généralement", on peut couvrir la société de gestion qui, elle, généralement n'a pas pour but ou pour vocation de réaliser des bénéfices, bien que ce soit très rare qu'une société de gestion ne réalise pas elle-même des bénéfices. Au cas où elle n'en réaliserait pas, je pense que l'expression "généralement" vient couvrir le tout.

Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article 325 et l'article 325 tel qu'amendé sont adoptés. Article 326. Mme la députée de Maisonneuve.

Des effets de la personnalité juridique

Mme Harel: Avant d'étudier l'article 326, il y a un amendement à l'intitulé de la section II qui précède l'article 326, et il consiste à remplacer l'intitulé par le suivant: Des effets de la personnalité juridique.

Le commentaire sur l'amendement. Les dispositions relatives à la constitution des personnes morales ont été déplacées à la section I. La section II concerne maintenant les effets de la personnalité juridique uniquement.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cet amendement à l'intitulé de la section II est adopté?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Article 326?

Mme Harel: L'amendement consiste à supprimer l'article. Le commentaire sur l'amendement: Le contenu de cet article est repris par l'amendement apporté à l'article 321.

Le Président (M. Gagnon): Voilà. Ça va? Il n'y a pas d'autres commentaires? Est-ce que l'amendement à l'article 326, qui demande de supprimer l'article 326, est adopté?

M. Marx: Supprimé, oui.

Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 327?

Mme Harel: De la même façon, l'amendement consiste à supprimer l'article 327. Le commentaire sur l'amendement est à

l'effet que le premier alinéa est repris par l'amendement apporté à l'article 321 et le second est repris par l'amendement apporté au projet par l'introduction de l'article 345.1.

M. Marx: Article que nous n'avons pas reçu encore.

Mme Harel: Voulez-vous qu'on vous en fasse lecture?

M. Marx: Peut-être.

Mme Harel: Nous allons vous en faire lecture tout de suite.

M. Marx: Oui, ce serait peut-être utile...

Le Président (M. Gagnon): Voulez-vous en faire lecture?

M. Marx: ...étant donné qu'on fait référence à cet article.

Mme Harel: On va le distribuer.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: L'article 345.1 se lit comme suit: "345.1 Le tribunal peut, pour statuer sur l'action d'un tiers de bonne foi, décider qu'une personne ou un groupement qui n'a pas le statut de personne morale est tenu au même titre qu'une personne morale s'il a agi comme tel à l'égard de ce tiers."

Je fais tout de suite le commentaire sur l'amendement. Cette modification vise à améliorer la structure du projet. Cette disposition se trouvait au deuxième alinéa de l'article 327, au début de la section sur les effets de la personnalité juridique. Comme il s'agit d'une exception, puisque ces groupements n'ont justement pas la personnalité juridique, le déplacement de cette règle à la fin de la section est beaucoup plus logique et permet surtout d'éviter la confusion au niveau de l'énoncé des règles générales relatives aux effets de la personnalité juridique.

À ce moment-ci, on peut peut-être simplement disposer de l'amendement à l'article 327 qui consiste à le supprimer et puis, lors de l'étude, nous reviendrons à l'article 345.1.

Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article 327 est-il adopté?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): II consiste à supprimer l'article 327. Article 328?

Mme Harel: "328. Les personnes morales constituées suivant les lois du Québec ont la pleine jouissance des droits civils au Québec et hors du Québec."

M. Marx: C'est un article important en droit constitutionnel si on veut pouvoir transiger à l'extérieur du Québec. (21 heures)

Le Président (M. Gagnon): Les commentaires.

M. Cossette: Cet article reconnaît que la personnalité juridique donne aux personnes morales la pleine jouissance des droits civils au Québec et hors du Québec. Le projet distingue, comme pour les personnes physiques, la jouissance des droits civils et l'exercice de ces droits. Les personnes morales ont la pleine jouissance de leurs droits, mais l'exercice de ce droit peut être limité à la fois par la loi ou par leur nature, tel que précisé à l'article 330 du projet.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 328 est adopté?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 329?

Mme Harel: L'amendement à l'article 329 consiste, à la deuxième ligne, à remplacer les mots "être divisés ou faire l'objet d'affectation" par les mots "faire l'objet d'une division ou d'une affectation" et, à la dernière ligne, à remplacer les mots "personnalité morale" par le mot "nature", de façon que l'article 329 se lise comme suit: "Les personnes morales sont titulaires d'un patrimoine qui peut, dans la seule mesure prévue par la loi, faire l'objet d'une division ou d'une affectation. Elles ont aussi des droits et obligations extrapatrimoniaux liés à leur nature."

Le commentaire sur cet amendement. La première modification est de concordance avec l'amendement apporté à l'article 2. La seconde vise à clarifier le texte.

Le Président (M. Gagnon): Des commentaires sur l'article?

M. Cossette: Cet article reconnaît que la personne morale est, comme toute personne, titulaire d'un patrimoine et qu'elle a, conformément à sa nature, des droits dits extrapatrimoniaux liés à sa personnalité juridique.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Cela va? L'amendement à l'article 329 est-il adopté? L'article 329 tel qu'amendé est-il adopté?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Oui. Article 330?

Mme Harel: À la troisième ligne du premier alinéa, l'amendement consiste à remplacer le mot "de" par le mot "des". C'est une modification de nature purement formelle. L'article 330 amendé se lit comme suit: "Les personnes morales ont toute la capacité requise pour exercer leurs droits et les dispositions du présent code relatives à l'exercice des droits civils par les personnes physiques leur sont applicables compte tenu des adaptations nécessaires. Elles n'ont d'autres incapacités que celles qui résultent de leur nature ou de la loi."

Le Président (M. Gagnon): Commentaires?

M. Cossette: Cet article reprend certains éléments des articles 358 et 364 du Code civil du Bas-Canada, mais il s'en différencie en reconnaissant, dès l'abord, que les personnes morales sont, comme les personnes physiques, capables de l'exercice des droits civils, sauf les réserves que la loi ou leur nature apportent à cette capacité. Ainsi, la loi peut interdire l'exercice de certaines activités, alors que, comme l'indique l'article 331, certains actes ou fonctions sont incompatibles avec la nature même d'une personne de ce type.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?

Une voix: Non.

Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article 330 est-il adopté?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): L'article 330 tel qu'amendé est adopté. Article 331?

Mme Harel: Il n'y a pas d'amendement. L'article se Ht comme suit: "Les personnes morales ne peuvent exercer la tutelle ou la curatelle à la personne, ni être jurés. Elles doivent comparaître par procureur et être représentées par une personne physique lorsqu'elles sont assignées comme témoin. Elles peuvent cependant, dans la mesure prévue par la loi, exercer la charge de tuteur ou de curateur aux biens, de liquidateur d'une succession, de séquestre, de fiduciaire ou d'administrateur d'une autre personne morale."

Le Président (M. Gagnon): Commentaires?

M. Cossette: Cet article, comme le fait en droit actuel l'article 365 du Code civil du

Bas-Canada, énumère certaines incapacités de la personne morale liées à sa nature même. Ainsi, comme endroit actuel, la personne morale ne peut exercer une curatelle ou une tutelle à la personne, ni être juré, ni comparaître en justice autrement que par procureur.

Une modification cependant. La personne morale pourra être assignée comme témoin, mais elle devra alors être représentée par une personne physique pour témoigner. Il s'agit ici de faciliter l'assignation de ces personnes lorsqu'on ignore qui, dans l'organisation, peut témoigner.

Le second alinéa modifie cependant le droit actuel en permettant aux personnes morales, dans la mesure prévue par les lois, d'exercer une charge de tuteur ou de curateur aux biens, de liquidateur d'une succession, de séquestre, de fiduciaire ou d'administrateur d'une autre personne morale. Ses fonctions sont d'ordre administratif ou financier plutôt que personnel. Elles ne requièrent généralement plus de leur titulaire la prestation du serment et ne les exposent plus à la contrainte par corps. Au surplus, l'exercice de telles fonctions est aujourd'hui largement réglementé.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?

M. Marx: Je trouve que...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Je trouve curieux qu'elles ne puissent pas être jurés. Je pense que dans la Loi sur les jurés, on parle des personnes physiques. De toute façon, la Loi sur les jurés du Québec s'applique seulement aux procès de droit criminel. C'est déjà dans la loi que...

M. Pineau: M. le Président, je...

M. Marx: Le shérif ne peut pas arrêter sur la rue une personne morale et l'amener à la cour.

Une voix: Cela va être difficile.

Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.

M. Pineau: C'était...

Une voix: On ne sait jamais avec la science...

Une voix: Je ne sais pas comment vous allez vous y prendre.

M. Pineau: Cette interdiction était dans l'article 365. Je suppose... Je ne sais pas,

mais on fait allusion aux procès civils, probablement, qui pouvaient être par jurés. Moi aussi, j'avais noté cela. Est-ce utile de dire cela dans le Code civil qu'une personne morale ne peut pas être juré.

Mme Longtin: Cela fait partie de la nature de la personne de ne pas pouvoir être juré. On va biffer. On va présenter un amendement pour biffer.

Le Président (M. Gagnon): II va apparaître un amendement à l'article 331.

Mme Harel: Qui va consister à biffer "ni être juré".

Le Président (M. Gagnon): Voilà.

Mme Harel: La curatelle, alors c'est une correction, M. le Président, qui consiste à remplacer "ou" par "ni".

Le Président (M. Gagnon): Voilà. Nous allons avoir cet amendement. Est-ce que cet amendement à l'article...

M. Pineau: Elles peuvent exercer la tutelle.

Mme Harel: Ou la curatelle.

M. Pineau: C'est une négation, cependant.

Mme Harel: Les personnes morales. Le Président (M. Gagnon): Oui.

Mme Harel: On va préparer l'amendement.

Le Président (M. Gagnon): Oui, d'accord. Est-ce que l'amendement à l'article 331 est adopté? Non, pas tout de suite.

Mme Harel: L'amendement consiste à la première ligne du premier alinéa à remplacer le mot "ou" par le mot "ni" et à la deuxième ligne du premier alinéa, à biffer "ni être juré".

Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.

M. Pineau: Une simple question, M. le Président. On maintient "doivent comparaître par procureur". Est-ce qu'on a maintenu le terme "procureur" dans l'ensemble du projet de loi?

Le Président (M. Gagnon): Me Cossette.

M. Cossette: Et dans le Code de procédure également.

M. Pineau: Et dans le Code de procédure également.

M. Leduc (Saint-Laurent): Ce n'est pas mandataire qu'on utilise...

M. Cossette: Pour désigner un avocat, c'est généralement procureur.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que c'est nécessairement un avocat qui va représenter la personne morale?

Mme Longtin: Je pense que "procureur" comprend les notaires lorsqu'ils peuvent agir en justice...

Une voix: Dans certains cas.

Mme Longtin: ...donc, c'est plus large que avocat.

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est plus large.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? Est-ce que l'amendement à l'article 331 est adopté?

Mme Harel: L'amendement est à l'effet évidemment de corriger ni la tutelle, ni la curatelle.

Le Président (M. Gagnon): Oui, c'est parce que je... J'attends que les interrogations... Je ne sais pas s'il y a d'autres interrogations.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je me demandais si...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): ...c'était mieux d'utiliser le mot représentant. Une personne morale, est-ce qu'elle doit être représentée par procureur nécessairement? Je ne comprends pas.

M. Marx: À la cour, oui, c'était toujours comme cela.

M. Leduc (Saint-Laurent): On ne dit pas que c'est à la cour, ici.

Mme Longtin: C'est parce qu'elles sont assignées comme témoins.

Mme Harel: Comparaître.

Mme Longtin: Comparaître. C'est un acte de comparution.

M. Marx: Comparaître.

M. Leduc (Saint-Laurent): Comparaître.

Le Président (M. Gagnon): Faites attention. Qui a la parole?

M. Marx: Je veux juste dire que... Je pense que...

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous ne comprenez pas, est-ce qu'il ne...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): ...pourrait pas y avoir ambiguïté dire "comparaître, un acte". Nous, les notaires, on voit cela souvent, des gens qui comparaissent. Est-ce que cela ne peut pas prêter à ambiguïté? Un notaire, la première chose qu'il a à l'esprit, c'est "comparaître un acte". Peut-être qu'il y a déformation, remarquez bien.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Pour un avocat...

M. Leduc (Saint-Laurent): Pour un avocat...

M. Marx: ...c'est un procès.

M. Leduc (Saint-Laurent): ...c'est la cour.

M. Marx: Pour un avocat, c'est un procès. Je pense que c'est évident que dans la loi c'est "comparaître à la cour", cela prendra un procureur, un avocat.

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est sûr que si c'est à la cour, il n'y a pas de problème. Est-ce qu'on ne pourrait pas dire "doit comparaître à la cour"?

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous avez terminé, M. le député de D'Arcy McGee?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Oui? M. le député de Saint-Laurent, cela va?

M. Leduc (Saint-Laurent): Oui. J'attends de voir si ma remarquable intervention va les inciter, n'est-ce-pas, à faire quelques changements.

Mme Harel: II faut que ce soient des changements utiles et valables.

Le Président (M. Gagnon): Me Longtin, oui.

Mme Longtin: En fait, c'est parce que le contexte de la phrase dit: Lorsqu'elles sont assignées comme témoins." Autant que je sache, je ne pense pas que les notaires, pour faire comparaître un témoin à un acte, l'assignent. Cela réfère quand même au bref d'assignation.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'amendement à l'article 331 est adopté. L'article 331, tel qu'amendé, est-il adopté?

M. Marx: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): Article 332?

Mme Harel: L'amendement consiste, à la dernière ligne du deuxième alinéa, à remplacer le mot "sa" par le mot "la" et à ajouter, à la fin, les mots "qu'elles empruntent". L'article 332 amendé se lit comme suit: "Les personnes morales ont un nom qui leur est donné au moment de leur constitution. Elles exercent leurs droits et exécutent leurs obligations sous ce nom. "Ce nom doit être conforme à la loi et inclure, lorsque la loi le requiert, une mention indiquant clairement la forme juridique qu'elles empruntent."

Le commentaire sur l'amendement: C'est une modification de nature purement formelle.

Le Président (M. Gagnon): Le commentaire sur l'article.

M. Cossette: Cet article, comme l'article 357 du Code civil du Bas-Canada, prévoit qu'une personne morale a un nom et qu'un certain contrôle sur le nom peut exister. Il établit qu'une personne morale doit avoir un nom, exercer ses droits et exécuter ses obligations sous ce nom. La règle proposée ne fait toutefois pas obstacle à l'utilisation éventuelle d'un numéro pour désigner la personne.

Par ailleurs, cet article étend à toute personne morale l'obligation prévue à l'article 123.22 de la Loi sur les compagnies, a l'effet d'identifier, lorsque la loi le requiert, le type d'entité dont il s'agit. Il vise principalement à faire connaître au tiers qu'il s'agit d'une personne morale dont les membres ont une responsabilité, limitée ou non.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): On dit: Ajouter, à la fin, les mots "qu'elle emprunte". Cela veut donc dire une mention indiquant clairement sa forme juridique.

Mme Harel: "Qu'elles empruntent", au pluriel.

M. Leduc (Saint-Laurent): "Qu'elles empruntent".

M. Marx: "Sa forme juridique", cela veut dire une compagnie incorporée, limitée ou enregistrée, ainsi de suite? Tous les mots qui...

M. Cossette: Cela pourrait être une société en commandite. Cela pourrait être...

M. Marx: D'accord, je comprends.

M. Cossette: ...une société purementcontractuelle.

Le Président (M. Gagnon): Me Longtin ainsi que Mme la députée de Maisonneuve, vous avez ajouté des choses, à la question qu'on vous a posée, qui n'ont sûrement pas été enregistrées.

Mme Harel: II ne s'agissait pas d'un amendement...

Le Président (M. Gagnon): Non? Il n'y a pas de problèmes?

Mme Harel: Mais d'un simple commentaire.

Le Président (M. Gagnon): Voilà. C'est important d'enregistrer aus3i les commentaires. Est-ce que cela va?

M. Marx: Oui, je pense que cela va.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement à l'article 332 est adopté?

Mme Harel: L'amendement est adopté.

Le Président (M. Gagnon): L'article 332, tel qu'amendé, est-il adopté?

M. Marx: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): Article 333?

Mme Harel: L'amendement consiste à remplacer ce qui suit le mot "sien", à la deuxième ligne, par ce qui suit: "elle doit déposer un avis en ce sens au registre des associations et entreprises." L'article amendé se lit comme suit: "La personne morale peut exercer une activité ou s'identifier sous un autre nom que le sien; elle doit déposer un avis en ce sens au registre des associations et entreprises."

Le commentaire sur l'amendement. L'article proposé subordonne l'utilisation par une personne morale d'un autre nom que le sien à l'enregistrement d'une déclaration à cet effet au registre. Or, une telle utilisation découle en fait de l'usage et non de l'enregistrement. L'amendement a pour but de rendre l'article proposé conforme à cette réalité tout en imposant par ailleurs le mode de divulgation de cette utilisation d'un nom autre que le sien pour en informer les tiers.

Le Président (M. Gagnon): Pas de commentaires? M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'aimerais comprendre qui utilise un nom autre que le sien. Donnez-moi un ou deux exemples.

Le Président (M. Gagnon): Me Cossette.

Mme Harel: C'est très fréquent pour les restaurants.

M. Cossette: Oui, le restaurant est déjà un exemple. Je pourrais être propriétaire de Les entreprises André Cossette Inc..

M. Marx: C'est le restaurant Cossette.

M. Cossette: ...et exploiter un restaurant qui s'appellerait le restaurant Raspoutine.

Le Président (M. Gagnon): Ça va? Me Pineau.

M. Pineau: La Chambre des notaires a proposé une modification dans son deuxième rapport, je crois, à la page 31. Elle suggérait de lire cet article de la façon suivante: "La personne morale peut exercer une activité ou s'identifier sous une appellation autre que son nom, pourvu qu'un avis, etc." J'ai eu l'impression que cette observation était assez juste.

M. Frénette: Non, parce que c'est vraiment leur nom. Personnellement, je ne vois pas la nuance ou ce qu'on pourrait couvrir de plus en disant "appellation" plutôt que "nom".

M. Pineau: À l'objection qui est faite, si on considère la personne physique, on pourrait répondre que celle-ci possède un nom patronymique et qu'elle peut se faire appeler sous un pseudonyme.

M. Cossette: Un nom pseudo, un faux nom. C'est toujours un nom.

M. Pineau: Oui, mais ce n'est pas le nom patronymique, justement. C'est une appellation. En d'autres termes, ce n'est pas son vrai nom, c'est son faux nom.

M. Marx: On va suspendre pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 15)

(Reprise à 21 h 25)

Le Président (M. Gagnon): L'article 333?

Mme Harel: II consiste à remplacer ce qui suit le mot "sien" par "Elle doit déposer un avis en ce sens au registre des associations et entreprises."

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cet amendement est adopté?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Adopté. L'article 333 tel qu'amendé est-il adopté?

M. Marx: Oui, sauf si...

M. Leduc (Saint-Laurent): On dit "par un autre que le sien."

Mme Harel: On l'a maintenu parce que "autre que le sien", ou "autre nom", cela a finalement le même sens.

Le Président (M. Gagnon): Article 334?

Mme Harel: "334. La personne morale a son domicile aux lieu et adresse du siège qu'elle déclare."

Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.

M. Cossette: Le droit actuel prévoit l'obligation, notamment pour les compagnies, les sociétés en commandite et les sociétés commerciales, de déclarer le lieu du siège social de la personne morale. Cet article fixe dans l'intérêt du tiers le domicile à ce lieu.

Le Président (M. Gagnon): Ça va! L'article 334 est-il adopté?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.

M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous permettez! Si on regarde la recommandation de l'office, qui disait que la personne morale ason domicile au lieu de son siège social ou à défaut au lieu de son principal établissement, c'est une recommandation assez spéciale.

Le Président (M. Gagnon): M. Frénette.

M. Frénette: Ce n'est pas plus simple d'établir que c'est le siège qu'elle déclare, elle va le déclarer, cela va être déterminé pour tout le monde, ce n'est pas si compliqué.

M. Leduc (Saint-Laurent): On accepte la déclaration qu'elle va faire.

M. Marx: C'est ce qu'il y a dans la Loi sur les compagnies.

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est ça.

Le Président (M. Gagnon): Ça val

M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, d'accord.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 334 est adopté?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Article 335?

Mme Harel: "335. La personne morale peut changer son nom ou son domicile en suivant la procédure établie par la loi."

Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.

M. Cossette: Cet article reprend le droit actuel relativement au changement de nom et de domicile des personnes morales en ajoutant l'obligation de déposer un avis du changement au registre des associations et entreprises pour que ce changement puisse être opposable aux tiers.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?

M. Pineau: Un instant, M. le Président, j'avais quelque chose. Il y a eu une modification par rapport à l'article 348 du projet 106, me semble-t-il. Ah oui! On a supprimé l'avis de changement, qui doit être déposé au registre des personnes morales pour que le changement soit opposable aux tiers. Est-ce qu'on le retrouve ailleurs?

Mme Longtin: Cela va être suivant les différentes lois qui concernent les différentes espèces de personnes morales. Si on parle d'une compagnie, les procédures pour changer le nom ou le domicile sont généralement établies là. Si on parle d'une société, ça va être aussi dans la Loi sur les sociétés et il va y avoir aussi, possiblement, des dispositions à la Loi sur le registre pour une multitude d'autres personnes morales.

Le Président (M. Gagnon): Ça va? L'article 335 est-il adopté?

Mme Harel: Oui.

M. Marx: Oui, adopté.

Le Président (M. Gagnon): Article 336?

Mme Harel: "336. Les personnes morales sont distinctes de leurs membres. Leurs actes n'engagent qu'elles-mêmes, sauf les exceptions prévues par la loi, notamment pour certaines associations ou sociétés formées suivant le présent code." (21 h 30)

M. Cossette: Cet article reprend essentiellement le principe de l'article 363 du Code civil du Bas-Canada lorsqu'il énonce que la personne morale est distincte de ses membres et que ses actes n'engagent qu'elle-même, sauf exception. L'Office de révision du Code civil énonçait le principe inverse à l'article 249, mais reprenait l'article 363 du Code civil du Bas-Canada au chapitre des corporations. En pratique, le résultat est le même, puisque le projet de loi ne change pas fondamentalement la responsabilité des membres des diverses catégories de personnes morales. Il demeure cependant, au plan de l'énoncé du principe, que si la personne morale se voit reconnaître une personnalité juridique équivalente à celle d'une personne physique, cette personnalité la rend distincte des membres et responsable.

Le Président (M. Gagnon): Me Pineau?

M. Pineau: Le Barreau, dans son premier rapport, a fait un commentaire sur l'article 318, selon lequel cette règle bouleverse tout le régime de responsabilité des sociétés telles que nous les connaissons aujourd'hui et notre chapitre doit prévoir des dispositions particulières sur ces sociétés. Le commentaire ici est très clair, mais, enfin, peut-être serait-il bon de répondre?

M. Cossette: Le commentaire se référait à quel article?

M. Pineau: 318.

M. Cossette: À 318.

M. Pineau: Article 318, projet de loi 106, page 162.

Le Président (M. Gagnon): Me Longtin.

Mme Longtin: Je pense qu'entre la rédaction de l'article 318 et celle de l'article 336, on a quand même précisé le "notamment" pour certaines associations ou sociétés formées suivant le présent code, de telle sorte que le principe demeure qu'elles n'engagent qu'elles-mêmes sauf ces quelques exceptions.

M. Pineau: Cela me paraît clair.

Le Président (M. Gagnon): Alors, l'article 336 est adopté. Article 337?

Mme Harel: "Les personnes morales agissent par leurs organes. À moins que la loi ou les statuts n'en disposent autrement, ces organes sont, notamment, le conseil d'administration et l'assemblée des membres."

Le Président (M. Gagnon): Des commentaires?

M. Cossette: Cet article est nouveau. Il s'inspire des articles 359 et 360 du Code civil du Bas-Canada et des articles 246, 247 et 275 proposés par l'Office de révision du Code civil. Il exprime une réalité commune en prévoyant que la personne morale agit par ses organes, notamment le conseil d'administration et l'assemblée des membres, même si l'administration quotidienne repose sur les dirigeants.

Le Président (M. Gagnon): Me Pineau?

M. Pineau: Là encore, M. le Président, le Barreau, dans son premier rapport, demandait que l'on retranche l'article 337, qui était 328 sous le projet de loi 106, et qui disait que les personnes morales s'expriment par leurs organes. Mais je crois que la modification est claire; les personnes morales désormais "agissent" par leurs organes et non plus s'"expriment". Donc, cela correspond.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 337 est-il adopté? Adopté. Article 338?

Mme Harel: L'amendement consiste, à la première ligne de l'article 338, à supprimer les mots "administrateurs" et "les". L'article se lit comme suit: "Les dirigeants de la personne morale la représentent et l'obligent, dans la mesure des pouvoirs que la loi ou les statuts leur confèrent."

Le commentaire sur l'amendement. L'amendement rétablit la règle du droit actuel et surtout la pratique actuelle à savoir que ce sont les dirigeants d'une personne morale qui la représentent et l'obligent et non pas les administrateurs. Les administrateurs réunis en conseil d'administration prennent les décisions, mais ce sont les directeurs et autres dirigeants qui exécutent ces décisions et qui sont généralement en relation avec les tiers.

Le Président (M. Gagnon): Des commentaires?

M. Cossette: Cet article reprend en substance le droit actuel, en particulier l'article 360 du Code civil du Bas-Canada qui édicté, d'une part, que les officiers représentent la personne morale et la lient et, d'autre part, que leurs pouvoirs sont déterminés dans la loi ou les statuts de la personne morale. Il apporte cependant une

modification terminologique au droit actuel. Le terme "officiers" est remplacé par le terme "dirigeants".

Le Président (M. Gagnon}: Me Pineau?

M. Pineau: Ai-je bien compris que l'article 338 se lisait désormais: "Les dirigeants de la personne morale la représentent."?

M. Cossette: C'est cela, oui.

Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article 338 est-il adopté? L'article 338 tel qu'amendé est-il adopté?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Gagnon): L'article 339.

Mme Harel: Alors, l'amendement à l'article 339 consiste à la deuxième ligne du premier alinéa, à remplacer "ses" devant "statuts" par "leurs", à ajouter, à la fin du premier alinéa et après le mot: "règlements", ce qui suit: "Dans la mesure où la loi le permet, ils peuvent aussi être réglés par une convention unanime des membres" et à déplacer l'article 339 après l'article 336 et le renuméroter 336.1. Alors, l'article 336.1 se lirait comme suit: "Le fonctionnnement, l'administration du patrimoine et l'activité des personnes morales sont réglés par la loi et par leurs statuts, ceux-ci comprenant l'acte constitutif et les règlements. Dans la mesure où la loi le permet, ils peuvent aussi être réglés par une convention unanime des membres. "En cas de divergence entre l'acte constitutif et les règlements, l'acte constitutif prévaut."

Le commentaire sur l'amendement. La première modification a pour but de tenir compte du fait que la Loi sur les compagnies permet aux actionnaires d'une compagnie de convenir unanimement d'un partage différent des pouvoirs entre les actionnaires et les administrateurs. La seconde modification est de nature purement formelle.

Mme Longtin: C'est l'inverse.

Mme Harel: C'est cela, c'est l'inverse. C'est la première qui est formelle; la troisième et la deuxième, le commentaire vaut pour la Loi sur les compagnies.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Me Cossette.

M. Cossette: Sous réserve de l'amendement proposé, le commentaire original sur l'article 339 se lit comme suit: Cet article s'inspire de l'article 361 du Code civil du Bas-Canada ainsi que des articles 246 et 275 proposés par l'Office de révision du Code civil. Il précise cependant, par rapport au droit actuel, que les statuts comprennent non seulement l'acte constitutif de la personne morale, mais également ses règlements. Le présent article prévoit également que les règles de fonctionnement peuvent être comprises à la fois dans la loi et les statuts.

Enfin, il édicte une règle de conflit à savoir que l'acte constitutif prévaut sur les règlements de la personne morale.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Cela va? Alors, l'amendement à l'article 239 est adopté. L'article 339 tel qu'amendé est adopté. L'article 340?

Mme Harel: "Les statuts de la personne morale établissent des rapports de nature contractuelle entre elle et ses membres."

Le Président (M. Gagnon): Commentaire?

M. Cossette: Cet article consacre la décision de la Cour suprême du Canada rendue dans l'affaire Thomas Bernard -Jacques Senez contre la Chambre d'immeuble de Montréal en établissant que les rapports entre les membres et la personne morale sont de nature contractuelle. Cependant, ce qualificatif ne s'applique pas lorsqu'il s'agit de désigner les relations qui existent entre la personne morale et ses fondateurs. Cet article s'inscrit également dans l'objectif global de la réforme qui consiste à adapter les dispositions du Code civil à la réalité contemporaine sans nier le caractère institutionel de certaines personnes morales. Il faut reconnaître que la plupart des personnes morales créées au Québec sont maintenant formées par simple dépôt d'une convention des membres aux autorités concernées. Les personnes morales originent donc actuellement plutôt de la volonté des membres que d'un acte de l'administration. Il est donc souhaitable d'établir clairement la nature contractuelle des rapports entre la personne morale et ses membres.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Cela va? L'article 340 est adopté. L'article 341?

Mme Harel: "L'existence d'une personne morale est perpétuelle, à moins que la loi ou les statuts n'en disposent autrement."

M. Cossette: Cet article reprend en substance l'article 352 du Code civil du Bas-Canada, à savoir que l'existence d'une personne morale est en principe perpétuelle, mais que la loi ou les statuts peuvent en limiter la durée.

Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.

M. Pineau: Non. C'est parce que cela va.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 341 est adopté? L'article 342?

Mme Harel: Enfin, il y a une correction qui consiste à écrire "ils" à la deuxième ligne, au pluriel plutôt qu'au singulier. L'article 342 se lit comme suit: "Les membres d'une personne morale sont tenus envers elle de ce qu'ils promettent d'y apporter, sauf disposition contraire de la loi."

Le Président (M. Gagnon): Des commentaires?

M. Cossette: Cet article s'inspire de l'article 274 proposé par l'Office de révision du Code civil pour les corporations ainsi que de l'article 1839 du Code civil du Bas-Canada qui concerne les sociétés. Il établit une relation de créancier et de débiteur entre la personne morale et son membre, pour le paiement de l'apport.

Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, le Barreau, dans son premier rapport, a proposé que l'on maintienne la règle actuelle, qui est renversée par celle-ci: Les membres d'une personne morale sont personnellement et complètement responsables des dettes de celle-ci, sous réserve des dispositions expresses de la loi.

Le Président (M. Gagnon): Me Longtin.

Mme Longtin: En fait, je pense que la ligne de pensée du projet tend à dire qu'à partir du moment où onconstitue une personne morale ayant une personnalité juridique, normalement, c'est cette personne qui est responsable de ce qu'elle fait. Ce n'est qu'exceptionnellement qu'il y a une responsabilité qui découle ou qui retombe sur les membres qui y participent, au-delà de ce qu'ils peuvent avoir décidé d'apporter. C'est ce qu'expriment les articles 342 et 346.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? Alors, l'article 342, est-il adopté?

M. Marx: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): Article 343?

Mme Harel: L'amendement consiste à remplacer le second alinéa par le suivant. Je vais faire lecture de l'article 343.

Le Président (M. Gagnon): Oui.

Mme Harel: "En cas de fraude à l'égard de la personne morale, le tribunal peut, à la demande de tout intéressé, tenir les fondateurs, les administrateurs, les autres dirigeants ou les membres de la personne morale responsables, dans la mesure qu'il indique, des dommages subis par celle-ci. "Dans l'appréciation de la responsabilité, le tribunal tient compte de la participation des fondateurs, administrateurs, dirigeants ou membres à l'acte reproché ou du profit personnel qu'ils en ont retiré."

Le commentaire sur cet amendement. L'amendement a pour but d'appliquer aux administrateurs et aux dirigeants la même règle de responsabilité prévue pour les membres et les fondateurs. L'absence des administrateurs et des dirigeants dans le texte du second alinéa pourrait être interprétée comme une présomption de responsabilité à leur égard indépendamment de leur participation à l'acte reproché ou du profit personnel qu'ils en ont retiré.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires, Me Cossette?

M. Cossette: Je pense que, dans les circonstances, le commentaire qui accompagne l'amendement est suffisant.

Le Président (M. Gagnon): II est suffisant.

M. Cossette: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Me Pineau.

M. Pineau: Si je comprends bien, M. le Président, on rétablit dans l'article 343 le deuxième alinéa de l'article 357 du projet de loi 106.

M. Cossette: Voulez-vous répéter?

M. Pineau: L'amendement portant sur l'article 343 rétablit le deuxième alinéa de l'article 357 du projet de loi 106 qui avait été supprimé... Ce n'est pas tout à fait la même chose.

Le Président (M. Gagnon): Me Longtin.

Mme Longtin: Dans le projet de loi 106, il y avait deux règles de responsabilité. Il y avait une présomption de responsabilité contre les administrateurs et les autres dirigeants. C'est une proposition qui avait été contestée de façon assez véhémente qu'on l'a retirée. Finalement, même en l'absence de celle-ci, plusieurs personnes y ont vu une présomption tacite, du seul fait d'une possibilité d'interpréter a contrario le deuxième alinéa. Dès lors, la proposition vise à établir une seule et même règle pour

toutes les personnes qui pourraient être poursuivies dans ces cas en liant la responsabilité ou en donnant au tribunal, comme règle, d'apprécier la responsabilité en fonction du profit personnel et de la participation à l'acte.

M. Pineau: Et le deuxième alinéa est à peu près semblable?

Mme Harel: Mais il n'y a plus de présomption de responsabilité.

M. Pineau: Non, il n'y a plus de présomption, c'est cela.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? Mme Harel: Cela va?

Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article 343 est-il adopté?

M. Leduc (Saint-Laurent): Adopté. (21 h 45)

Le Président (M. Gagnon): Adopté. L'article 343 tel qu'amendé est-il adopté? Adopté. J'appelle l'article 344.

Mme Harel: L'amendement consiste, à la troisième ligne, à insérer, après le mot "sert", les mots "entre autres" et, à la fin, à ajouter les mots "ou l'abus de droit". L'article 344 se lit comme suit: "La personnalité juridique d'une personne morale ne peut être invoquée à l'encontre d'un tiers de bonne foi dès lors que cette personnalité sert, entre autres, à masquer la fraude ou l'abus de droit."

Le commentaire sur l'amendement. L'article proposé codifie la doctrine et la jurisprudence développées autour de la théorie de l'immunité corporative - voile corporatif - en établissant que la personnalité juridique d'une personne morale ne peut servir à masquer la fraude. Même si le concept de fraude peut être interprété comme couvrant certains cas d'abus de droit, cet article est plus restrictif que la règle qu'on peut dégager de la jurisprudence en cette matière. Les tribunaux ont souvent, en effet, accepté de lever le voile corporatif dans des cas d'abus de droit sans que le membre de la personne morale n'ait agi frauduleusement.

L'amendement vise donc à élargir la portée de la règle proposée en ajoutant l'abus de droit puisqu'il est également justifié, en ces cas, de permettre au tribunal de reconnaître une responsabilité aux membres d'une personne morale au-delà de ce à quoi ils seraient normalement tenus en vertu du principe de l'immunité corporative.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires ou si les commentaires qui ont été lus à l'amendement vous satisfont? Ça va? Me Pineau.

M. Pineau: Oui, M. le Président. On reprend la proposition qui a été faite par le Barreau dans son deuxième rapport en supprimant une contravention à une règle d'ordre public. Cela va de soi. La question que je me pose est celle-ci: Est-ce que cet ajout de l'abus de droit répond à la préoccupation qui est inscrite dans le commentaire sous l'article 344? Surtout dans la mesure où...

M. Cossette: ...du Barreau?

M. Pineau: C'est le deuxième rapport du Barreau.

Mme Harel: Est-ce un commentaire sur l'amendement?

M. Pineau: Oui. Surtout dans la mesure où certains pourraient penser que la notion d'abus de droit qui a été indiquée dans les premiers articles du projet de loi 20 pourrait être interprétée - on ne sait trop comment encore - de façon plus restrictive par les tribunaux avec le concept - je n'ai plus le texte en mémoire - d'intérêt sérieux et légitime. J'ai l'impression que le Barreau souhaiterait qu'on aille un peu plus loin que cela pour pouvoir soulever le voile corporatif. Je me suis demandé s'il ne songeait pas à l'acte qui sert à masquer la fraude ou les actes déloyaux, peut-être quelque chose comme cela, voyez-vous? Cela ne serait peut-être pas nécessairement de l'abus de droit, mais ce serait un acte déloyal; déloyal est peut-être plus faible que malhonnête.

Le Président (M. Gagnon): Me Cossette.

M. Cossette: Je pense que l'amendement prévoit d'ajouter, après le mot "sert", l'expression "entre autres", de telle sorte que cela ne devienne pas limitatif. Cela comprendra la fraude, l'abus de droit et autre chose suivant l'appréciation faite par le tribunal.

Mme Harel: À ce moment-là, il pourrait donc y avoir application de l'article 7?

M. Cossette: Oui. Parce que "entre autres" fait appel à une énumération non limitative.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que ça va?

M. Pineau: C'est peut-être dangereux, M. le Président, parce que, entre autres, fraude, abus de droit et quoi? Si vous voulez

que l'acte déloyal puisse soulever le voile, dites-le.

M. Cossette: D'une part, si on énumère trois cas, cela devient limitatif. Le tribunal ne pourra jamais appliquer, soulever le voile corporatif dans d'autres circonstances que celles prévues à l'article 344. Or, ce qu'on a examiné dans la jurisprudence nous permet de dire aujourd'hui que, généralement, s'il y a fraude, abus de droit, contravention à une disposition d'ordre public, cela permet au tribunal de soulever le voile corporatif, mais, demain matin, le tribunal pourra peut-être considérer normal de soulever le voile corporatif dans d'autres circonstances, pour des motifs d'ordre public, d'intérêt public. On ne voudrait pas figer cette théorie qui permet au tribunal de soulever le voile corporatif. On ne voudrait pas la figer dans l'état où se trouve la jurisprudence aujourd'hui. On voudrait qu'elle puisse continuer de se développer, le tribunal étant garant de l'ordre public en cette matière.

M. Marx: On a soulevé le problème. Maintenant, c'est au gouvernement de prendre ses responsabilités.

Une voix: Mission accomplie.

M. Marx: Parce qu'il a plus de votes que nous, de toute façon.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement à l'article 344 est adopté?

Mme Harel: On n'a pas plus de votes, mais plus de sièges.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il est adopté?

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): Adopté, et l'article 344 tel qu'amendé est adopté. Article 345?

Mme Harel: "345. La personne morale qui n'est pas constituée suivant les lois du Québec est régie quant à son état et à sa capacité par la loi du lieu de sa création, sous réserve, quant à son activité, des lois du Québec."

Le Président (M. Gagnon): Les commentaires.

M. Cossette: Les compagnies étrangères sont actuellement soumises à la Loi sur les déclarations des compagnies et sociétés et à la Loi sur les compagnies étrangères. Plus spécifiquement, elles doivent obtenir un permis pour faire affaires au Québec. Cet article établit la règle relative au droit qui est applicable à ces personnes morales. C'est le droit québécois qui régit leurs activités au Québec, mais c'est le droit du lieu de leur création qui régit leur état et leur capacité. Cette dernière règle a fait l'objet d'une proposition de l'Office de révision du Code civil à l'article 19 du livre IX sur le droit international privé.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: En vertu de cet article, peut-on exiger d'une compagnie d'avoir un nom français?

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve ou Me Cossette.

M. Cossette: Quant à son état et à sa capacité, je pense que oui.

Mme Harel: Sûrement quant à son état.

M. Marx: Pour une compagnie québécoise, cela va de soi, mais pour une compagnie non québécoise?

M. Cossette: Une compagnie étrangère.

M. Marx: Disons une compagnie ontarienne, une compagnie fédérale.

Le Président (M. Gagnon): Me Longtin.

M. Marx: Parce que le nom est un attribut essentiel d'une compagnie.

Mme Longtin: Le nom fait vraisemblablement partie de l'état, sauf que je pense qu'il serait possible dans une législation provinciale qui régit l'activité de demander qu'elle exerce une activité sous une appellation qui soit acceptable et compréhensible, d'abord, par les citoyens. Si elle vient du Liban, avec un nom libanais, on va probablement demander...

M. Marx: C'est le problème de la compagnie.

Mme Longtin: Oui.

M. Marx: C'est le problème de la compagnie et non celui de... Si la compagnie a un nom incompréhensible, elle ne fera pas beaucoup d'affaires ici.

Mme Longtin: Ou un numéro.

M. Marx: C'est cela. On ne peut pas...

Une voix: En arabe.

Une voix: En chiffres arabes.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 340...

M. Marx: Non, mais... excusez.

Le Président (M. Gagnon): M. le député.

M. Marx: Donc, cela ne peut pas être...

M. Pineau: En chiffres arabes ou en chiffres romains, c'est tout de même...

M. Marx: C'est le droit du lieu de leur origine qui régit leur état. Donc, cela échappe à...

Mme Harel: Le nom fait partie de l'état.

M. Marx: Donc, cela échappe au contrôle québécois sur une compagnie étrangère.

M. Pineau: Mais c'est raccroché par l'utilisation.

Mme Harel: Cela couvre.

Mme Longtin: Peut-être est-ce...

M. Marx: Mais c'est le droit du lieu de leur création qui régit leur état et leur capacité?

Mme Harel: Sous réserve. Alors, c'est l'activité qui régit à ce moment. Évidemment, l'activité...

M. Marx: Leur activité, cela veut dire si elles peuvent vendre ou acheter tel ou tel objet.

Mme Harel: Ou annoncer, j'imagine, publier ou afficher, mais on ne réglera pas la question de l'affichage ici ce soir. Cela fera l'objet d'un autre forum, d'une autre commission.

Une voix: On peut toujours en parler. Le Président (M. Gagnon): Me Longtin.

Mme Longtin: Je voulais juste, pour votre information, indiquer que la question est déjà régie par la Loi sur les compagnies étrangères qui prévoit l'utilisation du nom d'origine et l'utilisation d'une version.

M. Marx: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): Cela va?

M. Marx: On n'a pas répondu à ma question, mais ce n'est pas essentiel avant qu'on adopte cet article.

Le Président (M. Gagnon): Vous avez eu une réponse, mais peut-être pas à votre satisfaction.

Mme Harel: Votre question, quelle était-elle?

M. Marx: Est-ce qu'on peut forcer... Mme Harel: Est-ce que le nom...

M. Marx: Est-ce qu'on peut exiger qu'une compagnie étrangère utilise un nom autre que son nom de création?

Mme Harel: En vertu de la loi qu'a citée Me Longtin, oui.

M. Marx: Peut-être pour une compagnie provinciale, mais pas pour une compagnie fédérale. Passons à autre chose.

Le Président (M. Gagnon): L'article 345 est-il adopté?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Avant de passer à l'article 346, comme il est 22 heures et qu'il y a eu entente pour siéger jusqu'à 22 heures, à moins que le député de D'Arcy McGee ne soit prêt à se rendre jusqu'à 23 heures ou minuit...

M. Marx: Je suis prêt à revenir à 5 heures du matin.

Le Président (M. Gagnon): Je vous donne donc rendez-vous demain matin, après les affaires courantes, mais j'ignore actuellement dans quelle salle nous siégerons. Le leader de l'Assemblée nationale nous en donnera l'indication demain.

La sous-commission des institutions ajourne donc ses travaux à demain, après les affaires courantes.

(Fin de la séance à 21 h 59)

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