L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Sous-commission des institutions

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Sous-commission des institutions

Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le vendredi 14 juin 1985 - Vol. 28 N° 13

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi 20 - Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens


Journal des débats

 

(Quatorze heures treize minutes)

Le Président (M. Gagnon): La sous-commission des institutions se réunit avec le mandat d'étudier article par article le projet de loi 20, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens.

Ce que je viens de dire est tout ce qui sera enregistré, parce que je pense que la commission a décidé, cet après-midi, de siéger en séance de travail.

Donc, j'ajourne immédiatement la sous-commission des institutions au mercredi...

M. Marx: M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): Oui. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Je pense qu'il faut que la discussion soit enregistrée.

Le Président (M. Gagnon): Oui, peut-être. Oui, c'est vrai.

M. Marx: Je pense qu'il faut que la discussion soit enregistrée.

Mme Harel: Au Journal des débats? M. Marx: Je pense que oui.

Le Président (M. Gagnon): À ce moment-là, ce ne sera pas en séance de travail.

Mme Harel: Est-ce qu'on va procéder article par article, à ce moment-là?

M. Marx: Oui, mais je pense qu'il va y avoir une discussion générale et, après cela, on va discuter les articles particuliers. Je pense qu'il faut que ce soit enregistré, comment dirais-je, les buts qu'on poursuit, comment va-t-on... Je pense que...

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous accepteriez qu'au début de notre réunion de mercredi prochain, on fasse un résumé qui pourrait être enregistré au Journal des débats?

M. Marx: Non.

Le Président (M. Gagnon): Non.

Mme Harel: M. le Président, on va être tenu, lors de l'étude article par article, de reprendre pour les fins du Journal des débats, la plaidoirie que l'on fait. Si on enregistre à ce moment-là, on va demander ' qu'on fasse tout de suite le travail article par article parce que cela va être...

M. Marx: Avez-vous jamais fait partie d'une commission qui a fait une séance de travail pour discuter les politiques à suivre dans un projet de loi particulier? Je n'ai jamais fait cela depuis que je suis à l'Assemblée nationale. J'ai déjà participé au débat où on avait, par exemple, un chapitre d'un projet de loi à discuter, où on a fait une discussion générale suivie de l'étude article par article. J'ai pensé qu'on ferait une discussion générale qui serait suivie d'une discussion article par article...

Mme Harel: Mais...

M. Marx: ...parce qu'une fois la discussion générale faite, ce serait beaucoup plus facile d'adopter les articles. De toute façon, j'ai la conception du Parlement qu'il faut faire tout en séance ouverte et que nos opinions soient exprimées en public et non pas cachées. Si on n'enregistre pas les débats, c'est un peu en cachette qu'on fera ce débat que je trouve un débat de fond.

Le Président (M. Gagnon): Voilà. Je ne croyais pas qu'une séance de travail avait pour but de faire le débat en cachette. Enfin, ce que je peux vous dire, aussi, c'est qu'il y a des précédents. La commission de l'agriculture a déjà ajourné ses travaux pour siéger en séance de travail afin de s'entendre sur les modalités d'un projet de loi, et, après, on a... Mais je n'ai pas d'objection...

M. Marx: Sur les modalités, cela veut dire quoi? Ce n'est pas sur les buts poursuivis.

Le Président (M. Gagnon): Personnellement, c'est la décision de la commission. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on procède à l'étude article par article et qu'on fasse le débat à ce moment.

M. Marx: C'est cela, soit qu'on le fasse au début...

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

M. Marx: Peut-on suspendre pour un moment?

Le Président (M. Gagnon): On peut suspendre, oui, pour une minute ou deux.

(Suspension de la séance à 14 h 16)

(Reprise à 14 h 21)

Le Président (M. Gagnon): Étant donné que la sous-commission était déjà ouverte, je demanderais au secrétaire d'annoncer les remplacements.

Le Secrétaire: M. Bédard (Chicoutimi) est remplacé par M. Blouin (Rousseau), M. Johnson (Anjou) est remplacé par Mme Harel (Maisonneuve).

Des successions (suite)

De la survie de l'obligation alimentaire

J'appelle le chapitre quatrième: De la survie de l'obligation alimentaire. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: À l'invitation qui a été faite par le député de Sainte-Anne, pourrions-nous procéder à un exercice qui consisterait à examiner, avec Me Cossette et Me Longtin, les tableaux qui ont été fournis aux membres de la sous-commission?

M. Marx: ...qu'il y a en jeu et les grandes lignes de ce qui est expliqué.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'on commence par ce travail?

M. Cossette (André): Si on avait un tableau noir, cela irait mieux, mais il n'y en a pas. Est-ce que tout le monde a son document?

M. Polak: Le document sur les successions et réserves.

M. Cossette: Oui, oui.

Le Président (M. Gagnon): Me Cossette? Mme la députée de Maisonneuve? Me Cossette, vous allez nous expliquer ce document. Cela va?

M. Cossette: Oui, d'accord. Pour faciliter la compréhension, nous allons toujours suivre à peu près le même exemple. Je pense que cela rend le travail plus facile. La situation envisagée, vous l'avez exposée à la page 1 et, dans tous les cas, il y a un conjoint survivant.

M. Marx: Est-ce qu'on peut avoir une... Pouvez-vous brosser les grands problèmes, la problématique et, après cela, on va procéder...

M. Cossette: Aux exemples?

M. Marx: ...aux exemples.

M. Cossette: Ah! bon.

M. Marx: Peut-être que ce sera mieux.

M. Cossette: Disons que...

M. Polak: On pourrait prendre l'exemple et ensuite...

M. Marx: Enfin, le droit civil et non pas la "common law". Avec le droit civil, on commence avec les principes et on va passer au cas par cas.

M. Cossette: Disons que si on procède de cette façon, si on commence par les principes et, ensuite, si on y va avec des exemples, Mme Longtin va exposer les principes et, ensuite, on reviendra aux exemples.

Mme Harel: Par la suite, si vous voulez, je vous ferai part un peu de ce qui a été apporté au débat au Conseil des ministres sur cette question dans le mémoire.

M. Marx: Cela serait parfait.

Le Président (M. Gagnon): Me Longtin.

Mme Longtin (Marie-Josée): Me Potvin est justement allé photocopier un document qui résume très sommairement les avantages, les inconvénients et la nature de la réserve héréditaire de la créance alimentaire ou d'une autre proposition avec les différentes modalités possibles, les avantages et les inconvénients.

Maintenant, si on peut faire un résumé, en fait, la question est de savoir si on maintient le régime actuel de notre droit, qui est la liberté absolue de tester en réservant une part de la succession en faveur de certaines personnes ou en donnant à ces personnes un certain recours contre la succession, lorsqu'elles se voient soit déshéritées ou insuffisamment bien traitées. Je ne sais pas si je dois faire un peu l'historique; est-ce que vous voulez...

Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Polak: Pour le bénéfice de monsieur...

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que vous pourriez parler un peu plus fort, s'il vous plaît?

Le Président (M. Gagnon): Vos écouteurs fonctionnent, M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je le sais, mais je préfère entendre la vraie voix, si c'est possible remarquez bien.

Une voix: Vous préférez vos oreilles.

Mme Longtin: J'ai trop de documents; je ne sais plus lesquels choisir.

M. Leduc (Saint-Laurent): Par lesquels commencer.

Mme Longtin: Je pense que c'est vraiment la question: Doit-on limiter la liberté par l'instauration, soit d'une réserve, d'une créance ou d'un autre mécanisme? Le projet de loi 107 avait proposé le maintien de la liberté absolue de tester et, en commission parlementaire, différentes associations ou organismes ont donné leur opinion sur la réserve, après le dépôt du projet de loi 107. La question a été posée par le ministre de la Justice à chaque intervenant, pour connaître sa position sur l'une ou l'autre de ces choses.

Je peux faire le sommaire des réponses. "Le Conseil du statut de la femme prônait l'établissement d'une réserve d'ordre public et en pleine propriété jusqu'à la moitié pour le conjoint survivant.

L'Association des femmes collaboratrices est aussi en faveur de l'établissement d'une réserve pour le conjoint survivant.

Le Réseau d'action et d'information pour les femmes réclame une part réservataire pour le conjoint survivant et voudrait, réserve ou pas, que la maison familiale et ses meubles meublant soient toujours dévolus au conjoint survivant.

L'Association québécoise de planification fiscale et successorale ne favorise pas la réserve et préfère le recours alimentaire post mortem.

Le Barreau du Québec ne favorise pas la réserve, mais plutôt un recours alimentaire pour le conjoint et les enfants.

La Chambre des notaires, à l'époque, ne favorisait pas la réserve, mais un recours alimentaire. Elle indiquait que si le législateur retenait la réserve, elle devrait être d'un quart de un pour cent. Ces deux organismes se sont prononcés récemment, le Barreau maintenant sa position et la Chambre des notaires favorisant la liberté absolue de tester ou, à la rigueur, l'introduction d'une réserve.

M. Marx: Le Barreau favorise la liberté de tester ou...

Mme Longtin: Non. La Chambre des notaires favorise la liberté absolue de tester ou, à la rigueur, l'introduction d'une réserve, si on juge vraiment opportun la nécessité...

M. Marx: D'accord.

Mme Longtin: ...ou l'introduction d'un mécanisme de protection.

M. Marx: Et le Barreau?

Mme Longtin: Le Barreau favorise le recours alimentaire.

M. Marx: C'est cela. D'accord.

Mme Longtin: Le Barreau se dit satisfait de la proposition qui est au projet de loi actuellement. Je résume la position des institutions en cause. La liberté absolue de tester a été introduite dans notre droit privé par l'Acte de Québec de 1774 et, suivant les règles du droit actuel, cette liberté n'est limitée que par les restrictions qu'impose la loi, l'ordre public ou les bonnes moeurs. Ces restrictions sont peu nombreuses. Celles prévues par la loi concernent les incapacités pour certaines personnes de donner ou de recevoir par testament, la forme des testaments et, depuis l'adoption de la charte, elles permettent d'annuler aussi les dispositions testamentaires qui seraient contraires à celles-ci. La réserve héréditaire, quant à elle, est une institution qui établit au profit d'une ou de plusieurs personnes, conjoint survivant descendant ou ascendant, une part réservée dans la succession du défunt. Elle limite, par le fait même, la portion des biens qu'une personne peut léguer ou qu'elle peut donner entre vifs dans une période déterminée avant son décès, à des personnes qui ne sont pas des héritiers réservataires.

La réserve se calcule sur une masse fictive composée de la partie des biens que le défunt laisse dans son patrimoine et des libéralités et donations qu'il a faites dans les mois ou années précédant son décès et elle s'exerce dans toutes les successions. Elle peut faire, évidemment, l'objet de nombreux aménagements quant aux personnes en faveur de qui elle est établie, quant à la valeur des parts réservées et quant à la période préalable au décès dont on peut tenir compte pour calculer la masse et pour aller chercher des libéralités. On peut aussi y joindre des règles spéciales pour préciser le type de libéralité; on va considérer dans le calcul, par exemple, les rentes, les dons, les bénéfices d'assurance, pour permettre ou non d'y renoncer, pour imputer à la part réservée à certains héritiers certaines libéralités qu'ils

auraient reçues, pour prévoir des modalités de paiement, par exemple, par le biais de fiducies ou d'usufruit; ensuite, pour prévoir un mode à suivre, s'il y a lieu, de réduire des legs particuliers ou des donations. Alors, vous aviez dans les tableaux de droit comparé... Enfin, la réserve est assez répandue dans l'ensemble des pays européens. (14 h 30)

Le droit de créance alimentaire, quant à lui, est une institution qui s'est développée principalement dans les pays et les provinces de "common law", lorsqu'on a voulu contrer les abus de l'exhérédation découlant de la liberté de tester. Or l'institution permet à des créanciers d'aliments, conjoints, descendants ou ascendants, d'exercer leur créance contre la succession de leur débiteur d'aliments. La créance alimentaire est un droit lié à la personne et, en l'absence d'une règle spécifique, elle ne peut s'exercer contre les héritiers du débiteur. Là encore, le droit des aliments peut faire l'objet de variables quant aux personnes qui peuvent l'exercer, la période de prescription, la nature de leurs besoins, actuels ou éventuels, et les modes de paiement.

Dans une institution de ce type, l'initiative d'exercer ou non le recours appartient au créancier et la part qui lui revient dans la succession est fixée par le tribunal, avec ou sans limite. Celui-ci détermine le montant des aliments, le mode de paiement et il peut affecter certains biens à ce paiement. En outre, suivant le degré d'efficacité qu'on veut donner au recours, on peut limiter son exercice à la masse réelle de la succession ou constituer une masse fictive et calculer la valeur des libéralités faites dans une période prédéterminée antérieure au décès. Dans ce cas, les règles à suivre sont à peu près identiques à celles qu'on retrouve dans l'institution de la réserve héréditaire.

Si on brosse les tableaux des avantages et inconvénients, évidemment, le droit actuel, les avantages sont principalement de respecter le droit de propriété du testateur sur ses biens en lui permettant d'en disposer librement, suivant sa volonté. Et, en outre, le testateur peut alors tenir compte des besoins réels des membres de sa famille et leur aptitude à gérer leurs biens suivant son évaluation. Les inconvénients: En laissant au testateur entière liberté pour disposer de ses biens, il y a risque qu'il déshérite sans motif les membres de sa famille immédiate, les laissant dans le besoin ou qu'il fasse des discriminations que certains pourraient croire injustifiées entre ses héritiers. Il est aussi possible que le testateur vide sa succession avant son décès en donnant la majeure partie de ses biens à des tiers ou à certains de ses héritiers seulement, laissant, d'autre part, le conjoint ou les enfants dans le besoin.

Pour la réserve héréditaire, il faut noter que la réserve héréditaire, cela briserait carrément avec le régime actuel puisqu'elle n'a existé ici qu'avant 1774. Je voudrais simplement noter que, généralement, lorsque l'obligation, qui est prévue par la réserve, est satisfaite par le testateur, ce qui est habituellement le cas, les mécanismes ne s'appliquent pas puisque l'institution ne vaut que dans le cas où le testateur déshérite son conjoint ou limite leur héritage.

Les avantages de la réserve. Bien, c'est une institution de droit civil qui prévient l'exhérédation du conjoint et des descendants et présente plusieurs avantages. Elle prévient les abus de la liberté limitée, tout en laissant place à cette liberté dans les limites de la quotité disponible, c'est-à-dire la part de la succession dont le testateur peut disposer librement. Elle établit un mécanisme de protection de la famille immédiate du défunt, qui n'oblige pas à avoir recours aux tribunaux et à plaider contre les tiers ou même des parents. Et, en un sens, la prédétermination des droits aide à préserver la paix familiale. De plus, la réserve instaure un mécanisme qui permet de compenser la contribution du conjoint survivant et des enfants au bien-être de la famille et de concrétiser entre époux, parents et enfants un devoir d'assistance. Elle permet aussi de corriger la situation dans laquelle peut se trouver le conjoint survivant ou les enfants lorsqu'un conjoint décède sans avoir modifié le testament qu'il avait fait avant son mariage en faveur d'autres personnes, sous réserve évidemment de l'article 816, également suspendu.

En outre, se greffant à un système de droit civil qui favorise la détermination préalable et la connaissance des droits et obligations, la réserve, contrairement au droit de créance alimentaire, permet au testateur de connaître exactement la portée de ses droits et obligations envers ses héritiers légaux et de planifier sa succession en conséquence.

Enfin, comme inconvénients, la réserve prive une personne de sa liberté de disposer de ses biens en faveur de qui elle veut, du moins partiellement, et même en faveur d'oeuvres de charité. Elle limite la liberté d'une personne de créer des inégalités souhaitables même à l'intérieur de sa famille immédiate, par exemple, envers un enfant atteint d'infirmité ou d'un conjoint incapable. Seule la quotité disponible ou des paiements différés peuvent servir à ces fins.

Elle peut aussi nécessiter des aménagements d'ordre fiscal, surtout au cas de réduction de dons et legs, et entraîner le morcellement des héritages quand on ne prévoit pas certains mécanismes d'attribution préférentielle.

Enfin, on nous souligne que les abus seraient peu fréquents pour justifier la

restriction, mais on n'a aucune donnée, aucune enquête n'a été faite sur la question.

Sur la créance, l'avantage majeur de la créance alimentaire est de permettre d'éviter, dans la loi, la fixation arbitraire de parts. Elle donne au tribunal le soin d'apprécier les besoins des demandeurs conjoints ou descendants et, sans besoin, elle n'existe pas. Elle peut aussi être ouverte aux ascendants, puisque le recours est généralement ouvert aux personnes qui ont des droits de créance alimentaire. La créance donne une certaine discrétion au testateur pour évaluer les besoins de ses héritiers, un peu plus que dans la réserve.

Les inconvénients. La créance ne tient compte que des besoins existants au moment de l'ouverture de la succession et elle n'a pas comme réserve des effets préventifs. En outre, alors que dans un système avec réserve les héritiers sont immédiatement fixés sur leur part d'héritage, dans le système de la créance, les héritiers sont maintenus dans l'incertitude quant à leurs droits jusqu'au jugement définitif sur le recours.

Enfin, la part réservataire étant connue, la créance alimentaire offre, quant à elle, l'inconvénient d'être un droit variable et imprévisible. Il y a évidemment tout le recours qui peut perturber la planification successorale et retarder la liquidation de la succession.

Aussi, évidemment, cela pourrait être source de litiges entre membres de la famille; l'exercice lui-même du recours pourrait être difficile pour un créancier qui pourrait préférer renoncer à ses droits plutôt que de les exercer ou, encore, pour quelqu'un qui voudrait se servir de cela pour retarder la succession.

Comme on le mentionnait, pour que le recours alimentaire soit efficace et afin d'éviter l'obligation ou cette possibilité offerte aux héritiers créanciers que le testateur ne vide sa succession, il faut prévoir, comme dans la plupart des juridictions qui ont ce système, un mécanisme semblable à celui de la réserve pour aller chercher les libéralités faites dans le passé qui permettraient de rétablir la masse réelle de la succession. Ce sont, globalement, les deux gros dossiers.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Peut-être en résumé, la question qu'il faut se poser, c'est celle de la problématique exposée dans ce petit document dont on vous a fait la distribution et qui dit: "Faut-il limiter la liberté absolue de tester par l'instauration d'un mécanisme -c'est la première question à laquelle on a à répondre - visant à assurer une protection à la famille immédiate, conjoint et enfants, dans les cas où ces personnes seraient déshéritées par testament"? À cette question, le projet de loi 107 ne prévoyait aucune mesure spécifique destinée à assurer une protection de la proche famille d'un défunt.

Les intervenants. La majorité des intervenants qui ont présenté des mémoires en commission parlementaire se sont, quant à eux, prononcés en faveur d'une protection de la famille immédiate du défunt. Ils ont même dénoncé souvent l'absence d'une telle protection dans le projet de loi 107.

Ceci dit, les intervenants se divisaient presque en deux groupes d'égale importance. Si on répond d'abord oui à cette question, à savoir qu'il faut limiter la liberté absolue de tester, il faut répondre à cette deuxième question: Quel sera le mécanisme? Donc, les intervenants en commission parlementaire, qui étaient majoritairement favorables, se divisaient en deux groupes d'égale importance quant au type de protection souhaitable, les uns privilégiant la créance alimentaire du conjoint et des enfants contre la succession et les autres préconisant l'établissement d'une réserve fixe.

M. Marx: Je pense qu'on peut dire tout de suite qu'il faut avoir une certaine protection. Tout le monde est d'accord là-dessus. Le problème est de savoir laquelle?

Mme Harel: Voilà!

M. Polak: Nous, oui, mais pas la Chambre des notaires.

M. Marx: Je veux dire les membres de la commission.

M. Polak: D'accord.

Mme Harel: Alors, si tant est que nous convenons avoir répondu à cette première question, nous pouvons immédiatement aborder la question du mécanisme. Ce mécanisme doit-il être la créance alimentaire ou la réserve héréditaire? Il y a évidemment l'usufruit légal qui est une autre hypothèse qu'on peut envisager.

Vous avez devant vous de façon résumée les avantages et les inconvénients de chacun des mécanismes. Je n'ai pas ta prétention de les résumer, mais si vous me permettez juste une brève intervention, quand on parle d'une réserve fixe héréditaire, on sait que c'est généralement employé dans les pays de droit civil. La réserve héréditaire - il est difficile d'ailleurs de parler de ces mécanismes comme si on n'en privilégiait pas l'un ou l'autre - comporte des avantages et des inconvénients. Parmi les avantages, il faut voir que cela aide certainement à préserver la paix familiale puisqu'il n'y a pas, dans la famille immédiate, à plaider contre des tiers ou même des parents pour

établir des besoins. Parmi les inconvénients, on peut voir qu'il peut y avoir une judiciarisation qui peut - c'est-à-dire, non, pas une judiciarisation, au contraire, il y a un avantage de déjudiciarisation, excusez-moi.

Dans le cas de la réserve héréditaire, on a fait valoir qu'il pouvait y avoir un problème pour recréer une masse fictive, puis évaluer si la succession est conforme aux exigences de la loi. Peut-être allons-nous le demander à nos spécialistes? Oui, Me Cossette.

M. Marx: C'est quoi, la masse fictive dont on a parlé?

M. Cossette: En principe, la réserve doit se calculer à partir de la masse réelle de la succession. En supposant qu'il y ait réellement des biens dans la succession, cela va bien, mais si, par ailleurs, la personne décédée a disposé de la totalité de son actif de son vivant et si la succession veut dire zéro au moment du décès, même si on a une réserve, cela voudra toujours dire zéro. Cela veut dire qu'il faut reconstituer au moment du décès une masse fictive en allant chercher des donations qui ont été faites, disons, dans les cinq ans ou dans les dix ans qui précèdent le décès.

M. Marx: Comme en matière de faillite.

M. Cossette: Pardon?

M. Marx: Comme en matière de faillite, c'est ça.

M. Cossette: Oui, parce que celui qui aurait disposé de la totalité de son actif et qui laisserait zéro dans sa succession ou les seules sommes suffisantes pour payer ses frais funéraires, à ce moment-là, on devine qu'il a voulu frauder les bénéficiaires de la réserve et, conséquemment, on ira demander l'annulation d'une donation faite dans les trois ans du décès pour que la réserve soit effective.

M. Marx: Est-ce que cela existe dans d'autres lois?

M. Cossette: Oui, même en Ontario où il n'y a pas de réserve, mais seulement une créance alimentaire, on permet dans un cas comme celui-là d'aller chercher les sommes données, je pense, dans les cinq ans du décès. Nous l'avons dans le tableau de droit comparé. En France, où il y a une réserve, on permet aussi de demander la nullité de certaines donations parce qu'autrement cela risque tout simplement de ne pas être efficace. En voyant mon confrère d'origine hollandaise, je pense qu'en Hollande égale- ment on permet d'aller chercher des donations qui ont été faites dans les cinq ans ou dans les dix ans qui précèdent le décès.

Mme Harel: Est-ce que cela répond à votre question?

M. Marx: Si Me Cossette veut continuer parce que je pense...

Mme Harel: Oui, d'accord. Peut-être juste rapidement tracer le tableau des avantages et inconvénients de la créance alimentaire. Il me semble que cela a déjà été fait ou que vous avez déjà en main les éléments.

M. Marx: Les "convénients", la question qu'on se pose: Est-ce qu'il y a des "convénients"?

Mme Harel: Des inconvénients? M. Marx: Des "convénients". Mme Harel: Des avantages?

M. Marx: Des avantages. Oui, des avantages, je m'excuse.

Mme Harel: Des avantages à la créance alimentaire?

M. Marx: Tel qu'on le trouve dans le projet de loi.

Mme Harel: Cela permet de ne pas fixer des parts arbitraires et...

M. Marx: Il y a bien des praticiens dans notre caucus qui m'ont dit que la succession ne sera jamais fermée parce qu'il va continuer à y avoir des litiges pour toujours. C'est une mine d'or pour les avocats et les praticiens trouvent qu'il y a beaucoup de difficulté avec un tel système. Peut-être que le député de Sainte-Anne peut nous éclairer sur cette question, ainsi que le député de Saint-Laurent. (14 h 45)

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne suis pas rendu là tout à fait. Pourquoi parle-t-on de réserve de créance alimentaire? Pourquoi parle-t-on de protection d'abord?

Mme Harel: On est toujours à la première question.

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est cela: Pourquoi? Cela fait, je dirais, plusieurs jours que j'y réfléchis. Il y a des points sur lesquels je serais peut-être consentant à certains aménagements. J'ai discuté avec

beaucoup de gens sur ce qu'ils en pensaient. Est-ce qu'ils étaient favorables à une réserve? Est-ce qu'il fallait changer le régime actuel? C'est cela, la première question: Pourquoi faut-il une réserve, une créance alimentaire ou une protection pour les survivants?

Quand je parle de survivants, il faut inclure, bien sûr, le conjoint, les enfants ou les autres dépendants. C'est la première question. Je n'ai rien entendu encore là-dessus. Il faudrait qu'on m'éclaire à savoir pourquoi on veut à tout prix protéger, au-delà du décès, les survivants du défunt. Il faut bien comprendre une chose, c'est que depuis 1867 on vit avec la liberté de tester. Est-ce que cela a été si mauvais? Est-ce que l'expérience a été néfaste? Est-ce que les gens s'en sont plaints ou se plaignent de ce régime? Tout cela, c'est la première question que je me pose. Est-ce qu'il y a une nécessité de changer le régime actuel? Qu'est-ce qui s'est produit...

M. Marx: Je pense qu'il faut commencer par convaincre le député de Saint-Laurent!

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce qu'il s'est produit un événement ou est-ce que la société a évolué au point où il faut changer un régime qui existe depuis 1867 et qu'on n'a jamais jugé bon de changer, parce que j'imagine que ce n'était pas nécessaire de faire une réforme du Code civil pour changer cela.

Le Président (M. Gagnon): Madame, voulez-vous réagir tout de suite?

Mme Longtin: Non.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: J'ai une opinion tout à fait contraire, parce que je pense qu'on a une obligation...

M. Leduc (Saint-Laurent): Je n'ai pas donné d'opinion...

M. Polak: Non, mais de la manière dont vous avez parlé j'ai pas mal l'impression que vous êtes en faveur de la liberté totale de tester. Je pense que le temps est venu d'intervenir. D'ailleurs, j'ai dit qu'il s'agit d'un pas très timide, parce que même dans la réserve n'oublions jamais que la réserve est juste une partie. Mais il reste toujours une autre partie...

Pour moi, même s'il y a quelques cas... On a, par exemple, ici, une dame qui est venue témoigner, je me le rappelle très bien, à l'automne, il y a un an, qui en a parlé et qui nous a donné des exemples. Hier soir, je parlais avec M. Ryan qui m'a demandé de donner le message qu'il est en faveur d'une réserve. Donc, c'est enregistré maintenant aussi. C'est que, s'il y a de tels cas qui existent, on a, selon moi, une obligation sociale d'intervenir et de faire quelque chose.

Donc, je pense vraiment que le temps est venu. D'ailleurs, on va regarder autour de nous. Dans les autres provinces, dans le pays et partout, cette protection existe ou est en train d'exister. Nous, on va rester le seul pays, la seule province ou la seule juridiction où il n'y a absolument rien.

Je ne sais pas si le député de Saint-Laurent a déjà réglé des successions où il y avait, selon lui, inéquité. J'en ai eu, des successions comme cela, où j'étais un peu frappé par le contenu du testament, parce que cela allait contre ce que je trouvais une manière normale d'agir, disons, selon nos concepts moraux peut-être.

L'autre jour, j'ai donné un exemple. On a une législation très sévère vis-à-vis des accidents d'autobus impliquant des enfants. Le Code de la route est très sévère là-dessus. Pourquoi? Parce que - je suis tout à fait d'accord avec cela - perdre la vie d'un enfant, pour moi, cela vaut la peine de rendre la loi très difficile pour justement éviter cela. Même un cas, c'est déjà trop. Mais le cas ici, avec l'affaire de femmes qui sont toujours... D'ailleurs, ce sont des femmes. On parle de conjoint, mais on sait très bien que, dans la majorité des cas, ce sont des femmes qui deviennent des victimes.

Je pense qu'on a une obligation. On est en train de refaire tout le Code civil et on peut voir que, partout, il y a un esprit d'intervention non pas pour contrôler la vie des gens de jour en jour mais, tout de même, on peut voir que le concept d'équité joue un très grand rôle.

Quant à moi je n'aurais aucune hésitation à parler en faveur d'une restriction. De quelle manière ce sera et combien? cela, c'est une autre affaire. Mais, à la première question, je réponds avec un gros oui.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee. Excusez, cela va?

Mme Harel: Oui. En fait, j'aimerais intervenir sur la question posée par le député de Saint-Laurent, mais je peux le faire après le député de D'Arcy McGee.

Le Président (M. Gagnon): Oui, c'est ça.

M. Marx: Je voulais essayer de répondre à la question fondamentale qui a été posée par le député de Saint-Laurent. Je pense que l'État a un intérêt à prévoir que quelqu'un qui a une obligation alimentaire

Débats de l'Assemblée nationale 14 juin 1985 durant sa vie ne prive pas ces personnes après son décès, c'est-à-dire que le père ou le conjoint a une obligation vis-à-vis de la personne avec laquelle il est marié. Donc, il faut qu'il y ait quelque chose pour cette personne.

C'est la même chose, si on veut, pour commencer, pour les enfants mineurs. Le père et la mère ont une obligation vis-à-vis de leurs enfants mineurs. Je pense qu'il y a un intérêt pour l'État de prévoir que dans la succession il y ait une part qui aille à ces personnes, à ces héritiers pour qu'ils ne soient pas obligés de recourir à l'aide sociale. Je vois mal que quelqu'un se marie, vive avec sa femme pendant cinq ans, ait cinq enfants et, la sixième année, décide de faire un testament en faveur de sa mat tresse.

M. Polak: II n'a pas le temps, il a eu cinq enfants en cinq ans.

M. Marx: II fait un testament et lègue tout à sa maîtresse. La septième année, il décède, sa femme n'a rien, ses enfants n'ont rien et doivent recourir à l'aide sociale. Je comprends que c'est un cas extrême, c'est rare que ça arrive chez les Québécois.

J'ai pris un exemple extrême pour effectivement mettre le doigt sur le problème. Je pense que l'intérêt de l'État est là, pour moi. Si on veut laisser de côté toute question morale...

Le Président (M. Gagnon): Me Cossette, Mme la député de Maisonneuve avait demandé la parole.

Mme Harel: Je pense que, de la même façon que le député de Sainte-Anne a parlé d'équité sociale, peut-être faut-il aussi parler - je me réfère à l'intervention du député de D'Arcy McGee, qui a raison - du principe qui est au coeur de toute cette question, à savoir la survie de l'obligation alimentaire. Je pense que c'est peut-être à partir de ce principe qu'on peut envisager la possibilité de limiter la liberté de tester.

La conception qu'on se faisait du patrimoine familial a quand même été profondément modifiée. On pense plus, maintenant, à une association, quand on pense à la famille, et la réserve pouvait avoir comme inconvénient d'entraîner un morcellement des biens en l'absence de règles d'attribution préférentielle. Mais c'est compensé du fait que, maintenant, la considération qu'on a d'une famille, souvent comme association, rend plus équitable, finalement, cette redistribution, cette nouvelle attribution.

D'autre part, en 1866, on n'envisageait pas le conjoint comme pouvant hériter, parce que j'imagine que les règles en vigueur dans la société étaient à savoir que le conjoint était pris en charge par les enfants et la famille. Ce n'est plus une règle dont on peut se prévaloir. Cela change profondément la mise en scène de l'ensemble des relations entre les personnes dans la société.

Parmi les arguments apportés en commission, on peut en citer beaucoup. Me Cossette me fait justement valoir que Me Morel arguait que la cohésion sociale qui existait en 1866 et qui servait de gardien de l'ordre public et des bonnes moeurs n'est plus tout à fait la même aujourd'hui ou n'est plus du tout la même aujourd'hui.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? Me Cossette, vous aviez demandé la parole.

M. Cossette: Oui. Pour ajouter quelques mots seulement peut-être à ce que M. Marx mentionnait tout à l'heure, pour dire que dans la logique législative également il faut signaler ceci. Pendant la vie de deux personnes mariées qui ont eu des enfants, le législateur leur crée des obligations alimentaires l'une envers l'autre. Parce qu'arrive un décès, est-ce qu'il est logique pour le législateur de permettre à quelqu'un de se libérer totalement de ses obligations à cause du principe de la liberté de tester? Si je donne tous mes biens à mon voisin, pour ne pas dire ma voisine, cela met fin à toutes ces obligations.

M. Marx: Oui, oui. Je suis tout à fait d'accord.

M. Cossette: C'était seulement pour ajouter cela.

M. Marx: Tout à fait d'accord.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Bien sûr, je n'ai pas d'objection à ce que disait le député de D'Arcy McGee et également la députée de Maisonneuve. Je suis bien d'accord. C'est évident qu'en principe un conjoint ne devrait pas se libérer de ses obligations du fait d'un décès. Je veux bien et je comprends cela parfaitement. Il y a tout de même une chose, par exemple, que je retiens. Du vivant, je suis d'accord sur le principe, mais je suis bien obligé de concéder que du vivant quelqu'un peut donner ses biens de la façon dont il le veut et à qui il veut. Cela est tout de même quelque chose, un principe qu'on doit retenir.

Si on veut être absolument logique, bien sûr, je suis parfaitement d'accord. C'est vrai que j'ai compris également que, s'il y a des obligations du vivant d'un conjoint, cela ne devrait pas cesser par le simple fait du décès parce que les obligations sont encore là. Je ne pense pas qu'elles soient disparues

du fait du décès. Mais, à ce moment-là, il faudrait être logique et c'est cela qui me fatigue beaucoup. Certainement que la réserve héréditaire ne répond pas du tout -il faut être logique - à cette obligation. Je ne pense pas qu'on puisse dire: Écoutez, on va remplacer les pensions alimentaires par un montant fixe, arbitraire et qui veut dire à peu près n'importe quoi ou rien. Alors, là, on est obligé de regarder du côté de la survie des pensions alimentaires ou bien de la prestation compensatoire. J'y reviens.

Je pense que le principe de la prestation compensatoire, c'est le meilleur principe qui puisse exister. Si un conjoint a contribué à l'enrichissement du patrimoine des conjoints, je pense que cela devrait être reconnu, il devrait avoir une part de cet enrichissement. On devrait en tenir compte. On a des problèmes en ce qui concerne l'application de la prestation compensatoire. On va avoir les mêmes maudits problèmes -excusez-moi - avec la survie de l'obligation alimentaire, à mon avis. Si on n'est pas capable de régler la prestation compensatoire en cour, je ne vois pas comment on va pouvoir régler l'autre.

Je serais peut-être d'accord, je voudrais peut-être qu'on aménage - cela pourrait peut-être régler tout le problème - la prestation compensatoire. On va reconnaître des droits au conjoint. On dit: II faut tenir compte des droits qui appartiennent au survivant conjoint. Mais pourquoi? Parce qu'il a contribué à l'enrichissement du patrimoine de la famille. Je suis parfaitement d'accord avec cela. Je suis parfaitement d'accord avec la prestation compensatoire. Mais pourquoi aller avec une réserve héréditaire, un montant arbitraire qui va être déterminé par la loi? (15 heures)

Ce qui me fatigue également, si on parle de créance alimentaire, par qui cela va-t-il être décidé? Imaginez-vous que quelqu'un d'autre va décider pour nous, va décider qu'il faut payer une pension alimentaire. Ce quelqu'un d'autre va être un juge. Est-ce que c'est mieux que ce soit décidé par un juge que par le conjoint dans bien des cas? C'est une autre question qu'on doit également se poser. Je me dis que si vraiment on veut remédier à l'injustice qui pourrait être créée, réglons le problème par la prestation compensatoire, c'est fait pour cela. C'est pour, je dirais, remédier à une injustice. C'est cela, la prestation compensatoire, et vous réglez tout le problème.

Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.

M. Pineau (Jean): M. le Président, je ne sais comment commencer. Je comprends parfaitement les partisans du principe de la liberté illimitée de tester. Je comprends parfaitement les partisans de la réserve. Les deux systèmes s'opposent de façon extrême; chacun de ces systèmes a ses avantages et ses inconvénients.

Il y a une troisième voie qui est la voie mitoyenne, qui est celle qui est proposée actuellement par le gouvernement, c'est la survie de la créance alimentaire. Le système est sans doute ingénieux parce qu'il y a des modalités qui atténuent peut-être les inconvénients du système, mais je suis persuadé que c'est certainement le moins bon système parce que c'est véritablement un nid à procès.

J'entends parler de la prestation compensatoire. Je suis un peu inquiet parce que la prestation compensatoire, c'est autre chose, et nous savons combien on a de la difficulté à savoir ce que c'est. Il y a eu un grand nombre de jugements de la Cour supérieure à cet égard, des jugements qui vont dans tous les sens. Il y a une décision très récente de la Cour d'appel qui semble mettre un peu d'ordre là-dedans, mais la prestation compensatoire, telle qu'elle est dans la loi d'aujourd'hui, ce n'est absolument pas cette pseudo-prestation compensatoire dont on a pu entendre parler dans les journaux ou ailleurs, n'est-ce pas? Il faut bien s'entendre là-dessus et j'ai déjà eu l'occasion de le dire: la prestation compensatoire, telle qu'elle est dans la loi aujourd'hui, c'est une application particulière en matière de mariage de la doctrine de l'enrichissement sans cause, ce n'est pas autre chose.

La prestation compensatoire multipliée en regard de la succession, cela entraînera autant de problèmes au niveau des tribunaux que pourrait en entraîner la survie de la créance alimentaire telle qu'elle est présentée aujourd'hui. J'ai l'impression que le choix qui reste est extrêmement limité. Si on ne veut pas du principe de la liberté illimitée de tester, si l'on veut éviter les difficultés d'application de la survie de la créance alimentaire, il reste la réserve avec certaines modalités qui pourraient être éventuellement inventées, mises au point par le législateur. Mais je ne pense pas que la survie, telle qu'elle est présentée, puisse conduire à une situation satisfaisante pour les justiciables, parce que ce sera la guerre à outrance entre les personnes à charge et les héritiers.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: À ce moment-ci, peut-être pourrions-nous inviter Me Cossette à exposer une troisième hypothèse qui comporte aussi ses avantages et ses inconvénients, mais qui pourrait, en fait, bénéficier au débat que l'on fait présentement.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee, voulez-vous ajouter quelque chose avant?

M. Marx: Non, non, merci.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous me le permettez, on parle d'obligation alimentaire, mais l'obligation alimentaire, évidemment, s'applique ou est en faveur de toutes les personnes à charge. C'est bien cela, vu qu'elle n'est pas strictement en faveur du conjoint. Cela, c'est un autre problème.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Je suggère que Me Cossette devrait prendre ce document sur les successions et réserves. Maintenant, on a parlé de principes, mais cela ne sert à rien de continuer à parler sur les principes parce qu'on n'a rien pour les convaincre. Ce qui est bon, c'est de parcourir tous ces cas pour voir ce que cela donne avec différentes formules. Ensuite, on peut le raffiner en parlant d'un deuxième mariage et de choses qui ne sont pas couvertes encore.

Le Président (M. Gagnon): Vous suggérez que Me Cossette entreprenne l'explication des exemples contenus dans ce document.

M. Polak: Dans les différents régimes. Le Président (M. Gagnon): Voilà.

M. Polak: Cela va nous donner beaucoup de réponses.

Le Président (M. Gagnon): Attention, s'il vous plaît! On peut suspendre quelques minutes, si vous avez...

Une voix: Non, cela va aller.

Mme Harel: M. le Président, nous allons donc immédiatement regarder...

Le Président (M. Gagnon): À la suggestion...

Mme Harel: ...à la suggestion du député de Sainte-Anne, les différents exemples qui sont devant nous.

Le Président (M. Gagnon): Oui, je pense. On entame la dernière heure. Me Cossette.

M. Cossette: Je voudrais parler deux minutes seulement comme ancien praticien, pour permettre à chacun d'être bien fixé, soit sur une réserve, sur une créance alimentaire ou sur toute autre solution. Comme praticien, je pense qu'il pourrait être avantageux d'avoir une part réservataire parce que la part réservataire est connue d'avance pour le notaire et pour le testateur, de telle sorte que le testateur peut toujours tester, tenant compte d'une proportion qu'il doit laisser nécessairement à son conjoint survivant et à ses enfants. C'est un avantage, évidemment, par rapport à la créance alimentaire qui, elle, est susceptible d'être discutée en Cour supérieure, en Cour d'appel et peut-être même éventuellement en Cour suprême. Comme praticien, si j'avais à choisir, je pense que j'opterais peut-être -mais là, c'est de l'égoïsme...

Mme Harel: Non, non.

M. Cossette: Je parle comme praticien égoïste, je préférerais peut-être la part réservataire.

Au point de vue de la liquidation de la succession, aussi, je pense que c'est toujours plus facile d'avoir une part déterminée que d'avoir un recours alimentaire. En même temps, le recours alimentaire évite, évidemment, l'odieux d'avoir à se présenter devant le tribunal pour réclamer d'une certaine façon l'exécution d'une obligation.

En dernier lieu, évidemment, le fait de recourir à la créance alimentaire pourrait nous porter à aller chercher, à aller puiser dans la jurisprudence des pays de "common law", alors que, si on avait une réserve, on pourrait bénéficier de toute la jurisprudence déjà établie dans les pays civilistes comme en France ou en Hollande.

Je voulais tout simplement mentionner cela pour qu'on puisse bien choisir.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: La liberté absolue de tester ne vient pas du droit civil, elle vient, bien sûr, du "common law". L'erreur a été commise avant que cette commission ait commencé à siéger, en 1866 environ.

M. Cossette: En 1774, à l'Acte de Québec.

M. Marx: Oui, c'est cela, après le Code... Je m'excuse, en 1874. Donc, on est appelé à corriger cette erreur, si on peut le dire ainsi.

M. Cossette: Cela ne fait pas longtemps qu'on peut corriger l'erreur. Je ne sais si, historiquement, je me trompe - il y aura peut-être quelqu'un pour me corriger -la liberté de tester a été introduite en 1774 par l'Acte de Québec. À ce moment-là, en

vertu d'une loi...

M. Marx: En 1774?

M. Cossette: En 1774, oui.

M. Marx: C'est cela.

M. Cossette: Je pense qu'en vertu d'une loi qu'on appelait le "Colonial Laws Validity Act"...

M. Marx: ..."Validity Act", c'est cela.

M. Cossette: Je pense. Ah! C'est vrai, vous me corrigerez. Je pense que, jusqu'à 1931, on ne pouvait pas faire de lois contraires à ces lois britanniques.

M. Marx: Pas celles qui s'appliquaient au Canada.

M. Cossette: C'est cela. Alors, de telle sorte qu'on n'aurait peut-être pas pu légiférer sur la liberté de tester avant 1931. Cela, est-ce que...

M. Marx: Cela prendrait un peu de recherche pour vraiment répondre à cette question.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Laurent m'a demandé la parole. Maintenant, est-ce que nous...

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est à la suite de l'intervention de Me Cossette. Je suis parfaitement d'accord avec lui. Au point de vue pratique, très bien. Je pense que la réserve héréditaire, c'est la formule idéale. Mais je pense que, si on veut absolument être juste, être équitable, ce n'est pas la formule du tout. En fait, on prend une formule qui va être facile d'application, mais c'est une formule qui ne corrige pas du tout, je dirais, les inégalités ou les injustices qui pourraient être criantes. Cela ne les règle pas du tout. Dans certains cas, le montant de la réserve héréditaire va être nettement insuffisant; dans d'autres cas, il va être trop élevé, c'est-à-dire le montant qui va être donné avec la réserve alimentaire. À ce moment-là, soyez logique. Si vous voulez absolument que les obligations normales qui découlent du mariage, qui sont payées, qui sont attribuées au conjoint durant la vie - je parle du conjoint, on peut parler également des enfants - si vous voulez absolument que cela se continue au-delà du décès, soyez logique, acceptez la créance alimentaire. Là, cela va être juste. Autrement, je dirais que c'est du "patchage". Vous voulez absolument corriger une situation injuste, je suis d'accord, je vais l'acheter; mais, attention, soyons logiques jusqu'au bout!

M. Marx: Passons à la deuxième question.

M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, je dis, à ce moment-là, qu'il faut assurer la pension alimentaire.

M. Marx: Prenons des exemples ici.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Laurent, je vais voir si les membres de la sous-commission sont d'accord avec moi. Je pense que, sur la première question qui se posait - enfin, on a entendu tout le monde et on semble avoir la majorité - on semble avoir atteint un consensus.

M. Marx: Consensus...

Le Président (M. Gagnon): Voilà.

M. Marx: ...et même l'unanimité.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Louis voudrait ajouter un mot. Vous ne pouvez pas le déplacer, M. le député...

M. Blank: Je ne peux pas le déplacer.

Le Président (M. Gagnon): ...mais vous pouvez parler dans le mien.

M. Blank: D'accord. Seulement quelques réponses à mon collègue; je ne veux pas argumenter contre lui, mais il y a tellement de changements dans nos lois - je ne sais pas si on en a pris connaissance ici. Quand on avait le projet de loi 10, quand on a aboli l'article 1301 du Code civil, quand on a donné le pouvoir de faire des dons entre mari et femme, la situation a changé. C'est possible, aujourd'hui, pour un mari ou pour une femme de vider la caisse de l'autre; au moment du décès, il n'y a aucune façon de le récupérer. Cela veut dire qu'on doit donner un peu de protection parce que le système a tellement changé. Depuis l'abolition de l'article 1301 et le droit des dons, j'étais devenu avocat d'une réserve. Avant, j'étais pour la liberté; mais du moment où on a changé les règles du jeu, cela a été changé.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je suis d'accord avec vous. Il faut protéger, je ne dis pas le contraire. Mais je dis...

M. Marx: M. le Président...

M. Leduc (Saint-Laurent): ...que l'époux, le conjoint survivant soit protégé adéquatement, si on veut le protéger. Prenons les moyens, faisons que ce soit équitable et juste.

M. Marx: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député D'Arcy McGee.

M. Marx: Puis-je vous demander de constater qu'il y a unanimité sur cette première question, que tout le monde veut protéger le conjoint survivant?

Le Président (M. Gagnon): Voilà. Alors, maintenant, je donne la parole à Me Cossette qui devrait, je pense, à la demande de tout le monde, nous expliquer les exemples que vous avez ici.

Mme Harel: Juste avant que Me Cossette procède à cet examen des exemples, il y a également une troisième hypothèse que le gouvernement a examinée et je pense que c'est le bénéfice de la commission que l'ensemble de ces hypothèses soient maintenant discutées. Me Cossette, en faisant, je pense, l'examen des exemples, vous nous en parlerez, c'est celui de l'usufruit légal au conjoint et aux enfants.

M. Cossette: Oui.

Mme Harel: C'est simplement pour le bénéfice de notre examen.

M. Cossette: Brièvement, on pourrait dire que l'autre possibilité, ce serait d'avoir une réserve en usufruit pour le conjoint survivant et pour les enfants. Dans le cas du conjoint survivant, l'usufruit serait un usufruit viager, c'est-à-dire sa vie durant. Et, dans le cas des enfants, ce serait un usufruit jusqu'à l'âge de 25 ans, avec au surplus ceci de particulier, que cet usufruit serait toujours un usufruit rachetable ou qui pourrait être liquidé et, éventuellement, être représenté par une somme de capital. Autrement dit, pour une personne... Je vous donne un exemple: En supposant qu'un enfant aurait l'usufruit d'une somme de 10 000 $ jusqu'à 25 ans et que cet enfant a 7 ans, cela voudrait dire un usufruit qui doit durer 18 ans. L'usufruit portant sur une somme de 10 000 $, si on avait à racheter cet usufruit, cela pourrait éventuellement être représenté par une somme de capital. De toute façon, dans les exemples, on reviendra là-dessus. (15 h 15)

Dans les exemples que nous allons voir ensemble, il y a toujours un conjoint survivant et il y a toujours trois enfants survivants de moins de 25 ans. Dans tous les cas, la succession s'élève à 60 000 $. Dans tous les cas, également, on applique la nouvelle règle de 718, dans le projet, c'est-à-dire qu'on cumule toujours les avantages matrimoniaux et les avantages successoraux.

Dans l'exemple, il s'agira toujours, aussi, d'un premier mariage. On tient pour acquis - quoique cet article est sous réserve - qu'en matière de succession ab intestat le conjoint reçoit un tiers et les enfants les deux tiers. Ce sera toujours le même schéma et je pense que cela va être moins mêlant pour tout le monde. Est-ce que cela va? Est-ce que, autrement dit, la position du problème est bien comprise?

Les circonstances. Nous allons examiner successivement quatre circonstances particulières, la première étant un décès ab intestat; la seconde étant un décès survenu alors que dans la législation il n'y a pas de réserve et que le conjoint laisse un testament en vertu duquel il lègue 30 000 $ à son ami. Dans la troisième circonstance, c'est-à-dire ce sont les mêmes que je viens d'exposer, qui sont exposées au paragraphe 2, à la différence du cas précédent où il n'y a pas de réserve dans la législation, dans le troisième cas il y a une réserve qui est établie à la moitié de la part légale, soit un sixième pour le conjoint et un tiers pour les enfants. Dans le quatrième cas, les circonstances sont les mêmes, sauf que cette fois la réserve porte sur l'usufruit de la part légale. On tient pour acquis que l'usufruit est viager pour le conjoint et que l'usufruit va jusqu'à 25 ans pour les enfants. Pour que la difficulté soit plus grande, j'ai augmenté le legs à l'ami à 60 000 $, c'est-à-dire à la totalité de la succession.

Le premier cas, c'est un cas facile, ce n'est même pas une question d'examen. Le conjoint est décédé ab intestat. Il est marié en séparation de biens, la succession est de 60 000 $, c'est un calcul très simple, le conjoint survivant reçoit 20 000 $ et les enfants 40 000 $. Je pense que tout le monde s'entend et comprend.

Une voix: ...question à l'examen.

M. Cossette: Non, même pas. Le professeur ne se dérange pas pour poser des questions comme celle-là.

Mme Harel: C'est le droit actuel. M. Marx: C'est le droit actuel. M. Cossette: C'est cela.

M. Polak: C'est sujet à l'acceptation d'un article. On n'a pas encore fixé cela parce que je pense que la Chambre des notaires demande la moitié pour la femme. Mot aussi.

M. Cossette: Exactement. Si on dit moitié-moitié, à ce moment il y aura 30 000 $ pour le conjoint survivant et 40 000 $ pour les enfants.

M. Polak: D'accord.

M. Cossette: Dans le projet 20, c'est

écrit 1/3-2/3; alors, j'ai fonctionné avec cela.

Dans le deuxième cas, 1.01, c'est le même cas, les époux étaient mariés en séparation de biens, mais le conjoint survivant a demandé une prestation compensatoire de 21 000 $ et le tribunal a reconnu que le conjoint survivant avait droit à une prestation de 21 000 $ ou, encore, les héritiers ou les légataires universels et à titre universel ont reconnu que le conjoint survivant avait droit à cette prestation.

On a toujours une succession de 60 000 $, on enlève la prestation compensatoire de 21 000 $ parce que c'est considéré comme une dette de la succession, de telle sorte que le solde à partager est de 39 000 $. Si on revient avec le tiers et les deux tiers, le conjoint survivant recevra le tiers de 39 000 $, soit 13 000 $ et les enfants recevront 26 000 $, c'est-à-dire les deux tiers de 39 000 $. Comme résultat net, cela donne, pour le conjoint survivant, une prestation compensatoire de 21 000 $ plus 13 000 $ de part successorale, cela fait 34 000 $ et les enfants 26 000 $, pour un total de 60 000 $. Je pense qu'il n'y a pas de complication non plus là-dedans.

En communauté de biens, pour avoir une succession de 60 000 $, il faut imaginer, évidemment, une communauté qui vaut 60 000 $ et des biens propres qui appartiennent au défunt pour 30 000 $ de telle sorte que la succession du conjoint défunt comprend 30 000 $ de biens propres et 30 000 $ de biens communs, ce qui veut dire que le conjoint survivant, lui, a droit à 30 000 $. Il retient ses 30 000 $ de biens communs et la succession comprend 60 000 $.

Comme on n'applique pas ici la règle de l'article 624C, on applique l'article 730 proposé, le conjoint prend dans la succession, c'est-à-dire à même les 60 000 $, 20 000 $ et les enfants 40 000 $ de telle sorte que le résultat final pour le conjoint survivant c'est 30 000 $ de biens communs, 20 000 $ dans la succession, cela veut dire 50 000 $ et les enfants reçoivent 40 000 $ à même la succession du défunt. Je pense que cela aussi ça va bien.

En société d'acquêts, si on tient pour acquis que le conjoint survivant laisse des acquêts pour 30 000 $ et que le conjoint décédé avait, lui aussi, des acquêts pour 30 000 $ et que le conjoint défunt avait 30 000 $ de biens propres, on arrive exactement aux mêmes résultats.

Maintenant, dans le deuxième cas, à la page 3, nous allons examiner les mêmes situations mais avec un testament en vertu duquel le conjoint laisse 30 000 $ à son ami, au voisin ou à la voisine, selon le cas. Dans le cas exposé au paragraphe 2, il n'y a pas de réserve. On tient pour acquis qu'il n'y a pas de réserve dans la loi. Étant marié en séparation de biens, laissant toujours une succession de 60 000 $, le partage se ferait comme suit: L'ami reçoit d'abord 30 000 $ parce que le testament le dit et qu'il y a liberté de tester. Alors, l'ami reçoit d'abord 30 000 $, comme il reste 30 000 $ dans la succession, le conjoint survivant reçoit 10 000 $ et les enfants 20 000 $. Je pense que cela va bien.

À l'article 2.01, il y a une prestation compensatoire, comme tantôt, reconnue, établie pour une somme de 21 000 $. Alors, 60 000 $ moins 21 000 $, il reste dans la succession 39 000 $ à partager. À ce moment-là, on est encore en régime de liberté de tester, l'ami reçoit 30 000 $, le conjoint survivant reçoit 3000 $ dans la succession et les enfants reçoivent 6000 $; ajoutons toutefois que le conjoint survivant reçoit ses 21 000 $ et 3000 $ dans la succession, ce qui ferait un total de 24 000 $ pour le conjoint survivant et 6000 $ pour les enfants.

En communauté de biens, avec une absence de réserve - c'est le premier cas examiné - c'est le même exemple que tantôt, celui d'une communauté de biens qui vaut 60 000 $ et un conjoint qui laisse des biens propres pour 30 000 $ de telle sorte que nous avons une succession de 60 000 $. Le partage se ferait de la façon suivante: toujours en présence d'un testament en vertu duquel le conjoint défunt lègue 30 000 $ à son ami, toujours dans un système dans lequel il y a absence de réserve, l'ami reçoit 30 000 $, le conjoint survivant reçoit 10 000 $ de la succession mais garde toujours ses 30 000 $ de communauté et les enfants reçoivent 20 000 $. Ça va?

En société d'acquêts, dans les mêmes circonstances, c'est-à-dire, l'absence de réserve, le résultat serait le même.

Dans le troisième exemple qu'on retrouve à la page 4, alors, les circonstances sont les mêmes sauf que, cette fois-là, on a un régime de réserve, une réserve qui est établie à la moitié de la part légale; alors, la moitié de la part légale, la moitié d'un tiers, cela fait un sixième pour le conjoint et la moitié de la part légale pour les enfants, la part légale étant les deux tiers, c'est un tiers. Toujours le même exemple: le conjoint qui est décédé laisse un testament léguant 30 000 $ à son ami. En régime de séparation de biens, la succession est toujours de 60 000 $. Normalement, avec un régime de réserve, le conjoint survivant doit recevoir, en toute circonstance, la somme de 10 000 $ et les enfants doivent recevoir 20 000 $, de telle sorte que le résultat du partage serait le suivant: L'ami reçoit 30 000 $, le conjoint, 10 000 $ et les enfants, 20 000 $.

Évidemment, c'est un cas limite, parce que, si le legs avait été supérieur à 30 000 $, là, on aurait procédé à la

réduction du legs. L'exemple a été bien choisi pour rendre les choses plus faciles. Si, par ailleurs, on avait eu un legs de 40 000 $ au voisin, à ce moment, le legs de 40 000 $ aurait été réduit à 30 000 $ pour permettre de satisfaire la réserve légale, c'est-à-dire, les 10 000 $ et les 20 000 $.

M. Leduc (Saint-Laurent): Quand vous parlez de réserve, est-ce que vous parlez de pourcentage ou de montant fixe établi par le...

M. Cossette: Je parle d'une réserve fixe..

M. Leduc (Saint-Laurent): ...établi dans le code, un montant fixe.

M. Cossette: ...établie à la moitié de la part légale.

M. Leduc (Saint-Laurent): Ah, la moitié de la part légale; d'accord.

M. Cossette: Oui, autrement dit, la moitié du tiers pour le conjoint et la moitié des deux tiers pour l'enfant survivant.

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est en proportion.

M. Cossette: Oui. Le cas suivant, à l'article 3.01, ce sont les mêmes circonstances, mais avec une prestation compensatoire. Alors, il faut d'abord enlever les 21 000 $ - la prestation compensatoire -pour laisser une somme de 39 000 $ à partager seulement. Alors, dans ces circonstances, le conjoint doit recevoir 6500 $ et les enfants doivent recevoir 13 000 $, pour un total de 19 000 $. Alors, à même les 39 000 $, il faut d'abord payer le conjoint et les enfants avec 19 500 $, de telle sorte que, dans ces circonstances, l'ami, c'est-à-dire, le légataire d'une somme de 30 000 $ ne recevra que 19 500 $, parce qu'il faut satisfaire la réserve en premier lieu.

M. Marx: Ici, il y a une prestation compensatoire plus une réserve.

M. Cossette: Oui, alors, le résultat pratique pour le conjoint serait de recevoir sa part légale, sa réserve, 6500 $, mais il aura reçu, auparavant, 21 000 $ de prestations compensatoires, parce que la prestation est une dette à charger à la succession.

En communauté de biens - c'est le troisième cas - les résultats... L'exemple est toujours le même, encore une fois. Une communauté de 60 000 $, des propres de 30 000 $ pour le conjoint qui est décédé. Tout calcul étant fait, la succession est de 60 000 $; alors, le conjoint doit recevoir 10 000 $ et les enfants doivent recevoir 20 000 $. Le partage, dans un cas de communauté se ferait comme suit: L'ami, à ce moment, reçoit 30 000 $, le conjoint reçoit dans la succession, 10 000 $, mais garde toujours sa moitié de communauté, 30 000 $ et les enfants reçoivent 20 000 $.

Encore ici, on peut noter que si le legs était supérieur à 30 000 $ on aurait procédé à la réduction du legs. En société d'acquêts, le résultat est le même.

En quatrième lieu, on suppose qu'on aurait un usufruit viager comme réserve, autrement dit, que la réserve consisterait en un usufruit viager pour le conjoint et en un usufruit pour les enfants jusqu'à l'âge de 25 ans. Dans les mêmes circonstances, pour rendre la chose peut-être plus explicite ou plus compréhensible, j'ai augmenté le legs à 60 000 $, c'est-à-dire que le legs épuise la totalité de la succession. Autrement dit, il y a 60 000 $ dans la succession et le conjoint a fait un legs de 60 000 $ à son ami.

Alors, cela donnerait comme résultat, en séparation de biens, un usufruit viager de 20 000 $ au conjoint et un usufruit de 40 000 $ pour les enfants. Cela veut dire qu'au point de vue du capital l'ami recevra 40 000 $ lorsque les enfants auront atteint 25 ans et que l'ami recevra 20 000 $ au décès du conjoint. Pécuniairement, cela représente un usufruit de 20 000 $ pour le conjoint. En supposant que le taux d'intérêt est de 10 %, cela veut dire 2000 $ par année. Un usufruit de 40 000 $ pour les enfants à 10 %, cela représente 4000 $ par année.

(15 h 30)

Dans l'esprit d'une réserve en usufruit, on peut dire d'une certaine façon que la liberté de tester n'est pas touchée parce que, pour le capital, la liberté de tester demeure. La limitation s'exprime en termes d'usufruit et non en termes de capital.

M. Leduc (Saint-Laurent): L'usufruit s'exercerait pour le conjoint sur un tiers et pour les enfants sur deux tiers des biens.

M. Cossette: Oui, toujours avec la même règle, je n'ai pas changé la règle.

Maintenant, en séparation de biens, toujours le même exemple, mais avec une prestation compensatoire de 21 000 $; c'est encore la même chose. Nous avons une succession de 39 000 $, de telle sorte que l'usufruit du conjoint survivant s'exercerait sur une somme de 13 000 $ et l'usufruit des enfants s'exercerait sur une somme de 26 000 $. 13 000 $ à 10 % pour le conjoint survivant, cela veut dire 1300 $ et 26 000 $ à 10 % pour les enfants, cela représente une somme de 2600 $ annuellement, sous réserve de ce que nous avons vu précédemment, que le conjoint, dans ce cas, recevra 21 000 $ de capital de prestations compensatoires. Le

résultat, vous l'avez, il est indiqué un peu plus bas.

En communauté de biens et en société d'acquêts, avec les mêmes chiffres, cela donnerait le même résultat en termes d'usufruit ou en termes de revenu, si on veut, c'est-à-dire 1300 $ annuellement de revenu pour le conjoint et 2600 $ de revenu annuellement pour les enfants, entendu toujours que l'usufruit des enfants se termine à 25 ans et que celui du conjoint survivant est un usufruit viager. Ce sont des illustrations, évidemment.

M. Marx: M. le Président, je pense que cela a été très utile d'avoir ces illustrations, parce que cela explique clairement quelles seront les situations en pratique. L'usufruit légal, est-ce que cette institution existe ailleurs?

M. Cossette: Oui, en Belgique. Ce que j'ai exposé n'est pas une copie fidèle de ce qui existe en Belgique parce que la réserve est une réserve en usufruit, en grande partie, mais elle est beaucoup plus étendue que celle proposée. Je pense qu'elle va au-delà du conjoint et des enfants; cela peut même s'étendre à des parents et à des frères et soeurs, je pense.

M. Marx: Donc, en Belgique, on a une réserve . héréditaire qui, en fait, est un usufruit. C'est ça?

M. Cossette: Je ne voudrais pas me tromper parce que cela a été changé récemment, en Belgique. Cela fait deux ans ou plus que la loi a été modifiée.

M. Marx: De toute façon, je suis prêt à prendre la décision, le cas échéant.

M. Cossette: À la page 3 en particulier, vous avez...

M. Marx: C'est juste parce qu'il y a...

M. Cossette: ...les modalités d'application de cet usufruit. Ce serait très compliqué d'exposer davantage le régime de Belgique parce qu'il est fort compliqué, comme celui qui existe en France aussi est fort compliqué.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne crois pas qu'on retienne l'usufruit.

M. Marx: Je suis prêt à écarter l'usufruit légal si cela convient à la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Gagnon}: M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: J'ai une question à poser à Me Cossette. Ce que je vois comme désavantage de l'usufruit, c'est qu'on bloque vraiment le propriétaire... Toute la restriction qui est la conséquence d'une institution qui s'appelle l'usufruit...

M. Leduc (Saint-Laurent): ...garder cela dans les mains de l'exécuteur, du liquidateur.

M. Cossette: Évidemment, en principe, ce que vous dites est vrai, mais, dans l'esprit de ceux qui ont imaginé une réserve en usufruit, il était prévu que l'usufruitier avait toujours le droit de demander au nu-propriétaire de convertir son usufruit en piastres, si on veut. C'était moins embarrassant.

M. Polak: Oui, mais on n'est pas toujours...

M. Cossette: Évidemment, un embarrassant...

M. Polak: ...capable de le faire.

M. Cossette: Oui, mais un usufruit sur une maison, vous allez à la caisse populaire, vous empruntez de l'argent, vous payez l'usufruitier et vous lui dites bonjour. C'est réglé.

M. Polak: Mais là, je suis pris avec une hypothèque envers la caisse à un taux, on ne sait pas combien, d'intérêt. C'est bien beau, mais, dans mon idée, dans la réserve en nue-propriété directe, il y a une certaine portion qui est réservée à la femme. Je trouve cela intéressant que vous ayez, dans vos exemples, protégé la femme et les enfants. On parlait justement de réserve en faveur du conjoint. On n'a jamais parlé du conjoint et des enfants. En tout cas. J'aime mieux, si je devais choisir... Je n'aime pas la formule d'usufruit. Je pense que cela va être coûteux et des tierces parties vont faire de l'argent, le financement et tout le reste pour racheter cela et payer la somme.

M. Cossette: Pour être honnête envers tout le monde, il valait la peine de mentionner que c'était aussi une possibilité, une réserve en usufruit.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Mme la députée de Maisonneuve a mentionné tantôt qu'elle avait eu des suggestions de la part du Conseil des ministres. Est-ce qu'il y a d'autres suggestions que celles-là ou bien si c'est complet comme possibilités?

Mme Harel: Non, je n'ai pas parlé de

suggestion, j'ai parlé de diverses hypothèses étudiées, avec les avantages et les inconvénients. C'était dans ce sens-là.

M. Marx: Je pense qu'il faut passer aux propositions concrètes...

Mme Harel: Aux choses sérieuses?

M. Marx: Non, on était toujours sérieux. Je vois que... Oui?

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): La première question, après ce dont on a discuté, serait de savoir si on veut protéger également les enfants ou si on ne veut protéger que le conjoint.

M. Marx: C'est dans un deuxième temps. Ma proposition concrète est la suivante: je pense qu'on a écarté l'usufruit légal, si je comprends bien. Donc, il reste deux possibilités, soit la réserve héréditaire, soit la créance alimentaire, qui est dans le chapitre IV. J'aimerais suggérer aux légistes de nous faire un brouillon d'un chapitre sur la réserve héréditaire... C'est déjà fait? Tant mieux.

Une voix: On va ouvrir une...

M. Marx: On va ouvrir une... J'ai dit l'autre jour qu'on avait d'excellents fonctionnaires. Maintenant, c'est prouvé. Cela se confirme. Donc, si c'est déjà prêt, peut-être peut-on avoir une copie du chapitre qui encadre une institution de réserve héréditaire. On peut passer à la discussion, à savoir laquelle institution on favorise, et, une fois qu'on aura choisi l'institution, on pourra discuter des modalités, des pourcentages et à qui va profiter cette réserve héréditaire.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Nous connaissons bien la mécanique de la créance puisque nous retrouvons les articles 703 à 717 et autres. Enfin, pour faire l'étude d'un autre scénario qui serait celui de la réserve, il y a un certain nombre de questions auxquelles il faut répondre, notamment si elle va exister en faveur du conjoint et des enfants. Est-ce qu'elle va être convertible de façon qu'elle puisse plus facilement être payée dans le cas d'aliments?

M. Marx: Mais, si vous voulez...

Mme Harel: Je vais vous donner une liste de questions.

M. Marx: Oui, c'est dans les modalités. Mme Harel: Oui. M. Marx: Je ne pense pas que... Mme Harel: Ce sont des modalités...

M. Marx: Ce sont des modalités importantes, d'accord.

Mme Harel: ...notamment, quelle sera la...

M. Leduc (Saint-Laurent): Seulement l'époux et les enfants.

Mme Harel: Le conjoint et les enfants. Ensuite, il y a toute la question de la convertibilité. Quelle en serait la proportion? On parle d'une moitié, du tiers de la part légale. Est-ce qu'on maintient, comme dans le projet initial du ministère, la créance alimentaire de six mois pour les autres créanciers? Il y a déjà une disposition d'une créance alimentaire de six mois pour les autres créanciers. Ces créanciers vont-ils perdre leurs droits ou va-t-on les maintenir? Il y a une série de questions auxquelles il faut répondre pour bien examiner toute cette question de la réserve.

M. Leduc (Saint-Laurent): On pourrait ajouter les donations si le montant est insuffisant.

M. Cossette: Cela est dans le projet...

Mme Harel: C'est dans le projet, par exemple.

M. Cossette: On l'a. Quel que soit le régime choisi, que ce soit une réserve au une créance alimentaire, si on veut que ce soit efficace et que le bénéficiaire reçoive quelque chose, il faut toujours, dans les deux cas, aller chercher quelque chose avant le décès, s'il y a lieu.

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est-à-dire fait avant le décès...

M. Cossette: Oui, qui a été fait avant le décès.

M. Leduc (Saint-Laurent): ...et aller le chercher après le décès.

M. Cossette: Oui, oui. Parce que exercer un recours alimentaire contre une succession qui comprend 10 $, cela ne donne pas grand-chose si on ne peut pas aller...

Mme Harel: II s'agit de l'article 710 du projet. Alors, M. le Président, en ce qui concerne cette séance de travail que nous

faisons cet après-midi, je vais devoir prendre en réserve la réserve et transmettre la recommandation de la sous-commission aux instances concernées, de manière que, lorsque nous ferons l'étude article par article, nous puissions connaître l'intention du législateur.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve... Oui, M. le député de Sainte-Anne.

M. Marx: Oui, mais est-ce que, nous, ce petit groupe de travail, avons le droit de faire une recommandation? Pour ce que cela vaut, parce que le législateur peut toujours dire: Je ne l'accepte pas. Moi, ce que j'ai compris, c'est que, d'abord, nous sommes en faveur du principe de limiter ou de restreindre le droit total, la liberté de tester.

Le Président (M. Gagnon): Si je comprends bien, M. le député de Sainte-Anne, c'est une suggestion que nous faisons. En fait, la sous-commission a donné une orientation, à savoir dans quel sens on voulait aller. Vous allez approfondir les suggestions qui ressortent...

Mme Harel: On va les transmettre.

Le Président (M. Gagnon): Vous allez les transmettre.

Mme Harel: Certainement.

Le Président (M. Gagnon): À ce moment-ci, compte tenu que l'on doit terminer nos travaux à 16 heures, il est 15 h 45... C'est cela?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'on pourrait tout simplement ajourner nos travaux à mercredi prochain?

M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous permettez, M. le Président, mais est-ce qu'on s'est décidé là-dessus?

Une voix: C'est cela.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce qu'on est d'accord que la recommandation, c'est la réserve? Je ne pense pas qu'on soit déjà rendu là.

M. Marx: Je pense que, comme le président l'a dit, c'est une orientation.

Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Marx: Je ne pense pas qu'on décide.

Le Président (M. Gagnon): En fait, on est ici pour étudier le projet de loi article par article. Alors, la seule façon de faire valoir qu'on n'est pas d'accord, c'est de voter contre un article ou de l'amender.

Mme Harel: Vous gardez votre entière liberté de disposer de chacun des articles au moment où on les déposera.

Le Président (M. Gagnon): La discussion, c'était de donner une orientation, quitte à ce que quelqu'un qui n'est pas d'accord avec un article puisse toujours proposer des amendements.

M. Leduc (Saint-Laurent): II faudrait à tout le moins qu'on s'entende pour savoir si cela va au-delà de l'époux ou de l'épouse, sur au moins cela. Je ne vous cache pas que j'ai beaucoup de réserve à protéger les enfants.

M. Marx: Même des enfants mineurs? Je pense que tout le monde a accepté le principe...

Une voix: Non.

M. Marx: ...j'ai bien dit que c'était à l'unanimité, M. le Président - que, pour les personnes qui ont une obligation alimentaire avant leur décès, l'obligation continue, donc, pour les enfants mineurs aussi.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Sainte-Anne. (15 h 45)

M. Polak: M. le Président, on parle d'orientation. Je pense qu'on devrait au moins avoir une conclusion, à savoir sur quoi nous sommes d'accord au point de vue de l'orientation. Je pense que, d'abord, où il faut une certaine intervention du législateur. Deuxièmement, il y a une autre orientation. Vraiment, l'idée de l'usufruit était, pour nous, la formule la moins acceptable.

Le Président (M. Gagnon): Si vous me permettez, M. le député de Sainte-Anne, j'aimerais, si vous faites une conclusion de nos discussions, qu'on puisse écouter. C'est important.

M. Polak: Avec votre permission, je pense qu'il se dégage quelques orientations.

Mme Harel: Oui, me permettez-vous simplement, sur la question des enfants, de vous rappeler que l'article 703, qui était formulé dans un contexte de créance, parlait de tout créancier qui, à l'époque du décès, était à la charge du défunt? Peut-être vaut-il mieux retenir cette formulation. Il est vraisemblable ou, enfin, plausible qu'un enfant majeur qui était à la charge du défunt puisse avoir ce droit de créance dans

le projet, tel qu'on le retrouve à l'article 703.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Si je comprends bien, l'orientation était plutôt vers une réserve héréditaire. En ce qui concerne les pourcentages, les personnes couvertes, etc., je pense que...

Mme Harel: On en discutera article par article.

M. Marx: Oui, c'est cela, article par article. Je n'ai pas d'idée fixe sur cette question. Il y a beaucoup de problèmes, c'est évident.

M. Polak: Mais pas d'usufruit.

M. Leduc (Saint-Laurent): Au départ, je dois dire que je ne suis pas pour qu'on donne une part héréditaire aux enfants, en tout cas, jusqu'à maintenant. Je vais y penser en fin de semaine. On va avoir la chance d'y réfléchir pendant deux jours. Je veux bien qu'on protège le conjoint, mais je pense qu'on va trop loin si on protège également les enfants. Bien sûr, on peut me dire: Écoutez, il y aurait lieu de protéger un enfant mineur. Oui, c'est vrai. Il ne faut pas oublier que tout de même le survivant, c'est le père ou la mère. S'il y a une réserve en faveur du conjoint, qu'on mette la réserve un peu plus forte, peut-être. À ce moment-là, il pourra prendre soin de ses enfants.

M. Marx: Je pense qu'on va discuter de cela article par article. Comme je viens de le dire, je n'ai pas d'idée fixe. Je suis prêt à entendre le député de Saint-Laurent sur cette question.

Le Président (M. Gagnon): Me Cossette. Après, je serais tenté de vous demander, Mme la députée de Maisonneuve, de faire un résumé de la discussion, de l'orientation de la discussion...

Mme Harel: M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): ...ou si on a tout simplement le Journal des débats et...

Mme Harel: ...je pense que c'est beaucoup trop me demander dans l'état actuel de nos travaux, en cette dernière journée de la semaine.

Le Président (M. Gagnon): Me Cossette.

M. Marx: Nous comprenons que la députée de Maisonneuve, adjointe parlementaire du ministre de la Justice, qui est ici pour parler au nom du gouvernement a compris ce qu'on a voulu dire.

Le Président (M. Gagnon): Voilà! Me Cossette.

M. Cossette: Je voulais tout simplement alimenter davantage la réflexion de tous ceux qui songeront à ce problème et dire qu'il serait possible d'imaginer aussi une réserve en pleine propriété pour le conjoint survivant et peut-être une réserve en usufruit pour les enfants jusqu'à 25 ans...

M. Marx: C'est cela.

M. Cossette: ...l'âge qui correspond peut-être...

M. Leduc (Saint-Laurent): Peut-être que vous pourriez également tenir...

M. Cossette: ...à l'entrée effective d'un enfant dans la vie, après l'université. C'est une possibilité.

M. Leduc (Saint-Laurent): Au sujet de la réserve héréditaire, on pourrait peut-être également tenir compte du nombre d'enfants. Pourquoi pas?

M. Cossette: Je pense que dans certains pays c'est le cas.

M. Leduc (Saint-Laurent): Pourquoi pas? On parle des enfants. S'il n'y a pas d'enfant, c'est cela de moins.

M. Polak: II y a un autre problème. On parle des enfants, mais...

Le Président (M. Gagnon): Nous allons, si vous voulez...

M. Polak: ...le conjoint survivant est obligé envers ses enfants.

Le Président (M. Gagnon): On pourra continuer de discuter. Je vais mettre fin officiellement à nos travaux. Cela va?

M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, d'accord.

Le Président (M. Gagnon): La sous-commission des institutions ajourne ses travaux à mercredi, le 19 juin.

M. Marx: À quelle heure?

Le Président (M. Gagnon): C'est cela?

Une voix: Non.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Après la

période des affaires courantes.

M. Leduc (Saint-Laurent): Mercredi?

Le Président (M. Gagnon): Mercredi, parce que la commission siège sur des projets de loi lundi et mardi. C'est cela, c'est mercredi, après les affaires courantes.

M. Marx: Si la commission pouvait siéger sur des articles non contentieux lundi ou mardi, s'il y a une salle de disponible...

Une voix: II n'y a pas de salle.

M. Marx: ...je n'ai pas d'objection parce que c'était déjà fait quand le député de Saint-Laurent a siégé seul.

Le Président (M. Gagnon): Oui. Alors, le problème auquel nous faisons face... Effectivement, la sous-commission pourrait siéger en même temps que la commission siège sur des projets de loi. Le problème, c'est qu'on me dit qu'il n'y a pas de salle de disponible.

M. Marx: Bon, mercredi.

Le Président (M. Gagnon): Alors, si on trouve une solution, Mme la députée... Lundi ou mardi, on pourra regarder cela pour voir s'il est possible de trouver une solution. Je suis obligé de vous donner rendez-vous à mercredi pour le moment, quitte...

Mme Harel: M. le Président, on peut certainement ne pas siéger lundi parce qu'il peut être difficile de nous rejoindre, mais, lundi, on peut tenter de trouver une solution pour mardi...

Le Président (M. Gagnon): Oui, oui, c'est ce qu'on va tenter de faire.

Mme Harel: ...et le faire savoir.

Le Président (M. Gagnon): Cela va. Alors, les travaux sont ajournés.

(Fin de la séance à 15 h 51)

Document(s) associé(s) à la séance