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(Neuf heures quarante-six minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La sous-commission des institutions se réunit afin de
procéder à l'étude détaillée du projet de
loi 20, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des
personnes, des successions et des biens.
M. le secrétaire, il y a un remplacement.
Le Secrétaire: M. Johnson (Anjou) est remplacé par
Mme Harel (Maisonneuve).
Le Président (M. Gagnon): À l'ajournement de nos
travaux, nous en étions à l'article 1308. Est-ce que c'est
cela?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Titre sixième.
De certains patrimoines d'affectation
Mme Harel: C'est bien cela.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
De la fondation
Mme Harel: "La fondation résulte d'un acte par lequel une
personne affecte, d'une façon irrévocable, tout ou partie de ses
biens à la réalisation durable d'une fin d'utilité
sociale. "La fondation ne peut avoir pour objet essentiel la réalisation
d'un bénéfice ni l'exploitation d'une entreprise."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette (André): Cet article définit de
façon distincte le concept de fondation en y intégrant ses
éléments essentiels, soit une affectation irrévocable
faite par une personne de tout ou de partie de ses biens à la
réalisation durable d'une fin d'utilité sociale. La
définition proposée s'inspire de la doctrine et de la
jurisprudence, parfois étrangère, et permet, par sa
généralité, de recouvrir des manifestations diverses de ce
concept au Code civil et en droit statutaire actuel.
En proposant de définir la fondation, le projet innove par
rapport au droit actuel où le concept de fondation bien
qu'utilisé n'est jamais défini avec précision. Le Code
civil n'en traite, d'ailleurs, que partiellement, sans même que l'on y
trouve le mot "fondation", à l'article 869. En proposant de
définir la fondation comme un concept distinct des véhicules
employés pour le réaliser, le projet aborde la fondation sous un
angle qui permet d'englober les diverses formes de fondations tout en laissant
intactes les dispositions propres à chacune des formes.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau (Jean): Le Barreau, à la page 43, suggère
de retrancher le chapitre sous le prétexte que cela réfère
à la fiducie ou aux personnes morales. Mais je pense que ce sont des
déclarations de principe qu'il est bon de mettre dans le titre
consacré précisément aux patrimoines d'affectation.
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1308 est
adopté? L'article 1309?
Mme Harel: "Les biens de la fondation constituent soit un
patrimoine autonome et distinct de celui du disposant et de toute autre
personne, soit le patrimoine d'une personne morale. "Dans le premier cas, la
fondation est régie par les dispositions du présent titre
relatives à la fiducie d'utilité sociale, sous réserve des
dispositions de la loi; dans le second cas, elle est régie par les lois
applicables aux personnes morales de son espèce."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article établit par renvoi le
régime des règles applicables à la fondation sur la base
de ses manifestations législatives où la fondation se
présente tantôt comme un patrimoine autonome et distinct,
tantôt comme le patrimoine d'une personne morale. Dans le premier cas, la
technique employée était celle de la fiducie; ce sont
conséquemment les règles de celle-ci qui vont s'appliquer. Dans
le second cas, la fondation se réalise sous le couvert d'une personne
morale, une personne morale
préexistante ou à être formée à cette
fin, constituée en vertu de la loi générale sur les
personnes morales à but non lucratif ou de lois particulières. La
fondation sera alors régie par les lois applicables aux personnes
morales de son espèce.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 1309 est
adopté. L'article 1310?
Mme Harel: "La fondation créée par fiducie est
établie par donation ou par testament suivant les règles
gouvernant ces actes."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article indique que la fondation
créée par fiducie s'établit par donation ou testament
suivant les règles de forme et de fond gouvernant ces actes. Il est
conforme au droit actuel où l'intention libérale est de l'essence
même de la fondation et où il est admis que celle-ci peut non
seulement résulter d'un testament, mais aussi d'une donation
fiduciaire.
Le Président (M. Gagnon): Adopté?
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est très libéral.
Le Président (M. Gagnon): Article 1311?
M. Pineau: Tout ce qui est donation est libéral.
Le Président (M. Gagnon): J'ai vu le sourire du
député de Saint-Laurent. Je m'attendais à ce qu'il prenne
la parole.
Mme Harel: "Sauf stipulation contraire de l'acte constitutif de
la fondation, les biens qui forment le patrimoine initial de la fondation
créée par fiducie ou les biens qui leur sont subrogés ou
adjoints doivent être conservés et permettre d'atteindre la fin
poursuivie soit par la distribution des seuls revenus qui en proviennent, soit
par un usage qui ne modifie pas sensiblement la consistance du patrimoine."
Le Président CM. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article énonce, pour la fondation
fiduciaire, le principe du caractère intangible des liens formant
initialement le patrimoine de la fondation et son capital. Ce principe,
lui-même conforme à la règle de l'article 1308 du projet,
exige une affectation de biens à la réalisation durable de la fin
poursuivie. On considère, en effet, qu'il est de l'essence de la
fondation fiduciaire que celle-ci puisse fonctionner de façon autonome
grâce à un capital ou à une dotation de base qui, parce que
non susceptible d'être entamé ou amoindri, est un gage de la
survie de la fondation et de l'accomplissement permanent de la fin
poursuivie.
La fondation se réalisera donc à même les fruits et
revenus engendrés par le capital ou par l'utilisation de ce capital qui
n'en affecte pas sensiblement la consistance, par exemple, lorsque ce capital
comporte un terrain destiné à servir de parc aux résidents
d'une localité. L'article proposé ne concerne que les fondations
fiduciaires. Les fondations qui se réalisent sous le couvert de
personnes morales demeurent, sous l'aspect considéré,
régies par les lois qui les gouvernent plus spécifiquement.
Le Président (M. Gagnon): Adopté? M. Leduc
(Saint-Laurent): Oui. Le Président (M. Gagnon):Article 1312? De la fiducie
Mme Harel: II se lit comme suit: "La fiducie résulte d'un
acte par lequel une personne, appelée le constituant, transfère
de son patrimoine à un autre patrimoine qu'il constitue, des biens qu'il
affecte à une fin particulière et qu'un fiduciaire s'oblige, par
le fait de son acceptation, à détenir et à
administrer."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article définit la fiducie en incorporant
les éléments reconnus comme étant essentiels à sa
constitution, soit une affectation de biens à une fin s'effectuant par
le transfert du patrimoine du constituant à un nouveau patrimoine et
l'acceptation de ce transfert par un fiduciaire qui s'oblige à
détenir et à administrer ce nouveau patrimoine. En proposant de
définir la fiducie, le projet, qui s'inspire de l'Office de
révision du Code civil, innove par rapport au droit actuel, où le
Code civil, aux articles 981a et 981b notamment, ne fait que décrire la
fiducie dans son fonctionnement externe.
La définition proposée tient compte de l'approche nouvelle
du projet à l'égard de la fiducie qui est désormais
envisagée comme un patrimoine d'affectation autonome et distincte de
celui du fiduciaire.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, le Barreau suggère
d'ajouter "résulte d'un acte constaté par écrit".
Cependant, je me demande si on veut en faire un acte solennel: dans
l'article
1315, on affirme la règle du "consensualisme", de la même
façon dans l'article 1316.
Le Président (M. Gagnon): Me Longtin.
Mme Longtin (Marie-José): Je pense que, comme dans tout
contrat, l'écrit est peut-être préférable pour des
questions de preuve. Cependant, il reste qu'il est fort possible qu'on prenne
un téléphone et qu'on appelle une société de
fiducie, et qu'on constitue une fiducie pour fins d'étude ou qu'on fasse
transporter des biens en fiducie et que, par la suite, on formalise la chose
dans un écrit. Mais la convention verbale demeure possible. C'est assez
fréquent dans les fiducies de placement où on va procéder
par l'intermédiaire d'un courtier.
M. Pineau: Oui, l'écrit est un simple moyen de preuve.
C'est clair. Par conséquent, on n'a pas à l'imposer.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1312 est
adopté? Non?
M. Cossette: Non, je voulais ajouter tout simplement qu'à
la suite d'un téléphone on pourrait transmettre un chèque
constituant...
M. Pineau: Un commencement d'écrit.
M. Marx: Ou on peut enregistrer l'appel.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1313?
M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous le permettez...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): ...est-ce qu'il ne devrait pas y avoir
une virgule après "constitue", "constitue, des biens"?
M. Pineau: Après "constitue", non?
M. Leduc (Saint-Laurent): Après "constitue".
Le Président (M. Gagnon): À la troisième
ligne; au début de la troisième ligne.
Mme Harel: Ah oui.
M. Cossette: "Transfère de son patrimoine à un
autre patrimoine qu'il constitue."
Mme, Longtin: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): II y a un amendement pour la
virgule?
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Cet amendement est-il
adopté? Adopté. L'article tel qu'amendé est adopté.
Article 1313?
Mme Harel: "Le patrimoine fiduciaire, formé des biens
transférés en fiducie, constitue un patrimoine d'affectation
autonome et distinct de celui du constituant, du fiduciaire ou du
bénéficiaire, sur lequel aucun d'entre eux n'a de droit
réel."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article vise à mettre fin à la
controverse doctrinale et jurisprudentielle qui subsiste toujours quant au sort
du droit de propriété des biens transférés en
fiducie pendant sa durée. Il tranche définitivement le
débat en énonçant que les biens transférés
en fiducie constituent pendant sa durée "un patrimoine d'affectation
autonome et distinct de celui du constituant, du fiduciaire ou du
bénéficiaire, sur lequel aucun d'entre eux n'a de droit
réel." La solution adoptée par le projet, qui s'inspire des
recommandations de l'Office de révision du Code civil, s'est
avérée, après examen des diverses solutions possibles, la
seule qui puisse refléter adéquatement la véritable nature
de la fiducie.
Susceptible d'une intégration aisée en droit civil, elle a
d'ailleurs le mérite de ne pas modifier les rapports qui existent en
droit actuel entre les diverses parties en cause ni les pouvoirs de chacun sur
les biens de la fiducie.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 1313 est-il
adopté? Adopté. Article 1314?
Mme Harel: "La fiducie est établie par contrat, à
titre onéreux ou gratuit, par testament ou, dans certains cas, par la
loi."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article énonce que la fiducie peut non
seulement être établie par donation ou testament, comme le
précise l'article 981a du Code civil du Bas-Canada, mais aussi par
contrat à titre onéreux, en ajoutant que la fiducie peut encore
dans certains cas être établie par la loi. L'ouverture en faveur
de l'établissement de la fiducie par contrat à titre
onéreux, qui rejoint les propositions de l'Office de révision du
Code civil, est nouvelle dans le
Code civil. Visant à fournir aux résidents du
Québec des techniques efficaces utilisées chez leurs voisins de
"common law", notamment dans les domaines du commerce et des affaires ou en
matière d'investissements, cette ouverture n'est, d'ailleurs, que la
consécration au Code civil de ce que le droit statutaire permet
déjà.
On n'a qu'à penser, en effet, à la fiducie pour
obligataires, prévue par la Loi sur les pouvoirs spéciaux des
corporations, ou aux diverses fiducies abordées par la Loi sur les
impôts, telles les fiducies d'investissements à participation
unitaire, les fiducies de fonds mutuels ou les fiducies constituées en
vertu d'un régime enregistré d'épargne-retraite,
d'épargne-études ou autres du même genre, pour constater
que les fiducies établies par contrat à titre onéreux
existent dans notre droit. Par l'ouverture proposée, le projet tient
compte désormais de l'évolution du concept de fiducie en droit
statutaire.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 1314 est
adopté. L'article 1315?
Mme Harel: "La fiducie est constituée, dès
l'acceptation du fiduciaire ou, s'ils sont plusieurs, de l'un d'eux. "Lorsque
la fiducie est établie par testament, les effets de l'acceptation
rétroagissent au jour du décès."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article précise, conformément
à la proposition de l'Office de révision du Code civil, le moment
de la constitution de la fiducie. Le premier alinéa indique que la
fiducie est constituée dès l'acceptation par le fiduciaire du
transfert des biens, et conséquemment dès son enregistrement, de
les détenir et de les administrer aux fins voulues. Cette acceptation
est essentielle et, tant qu'elle n'a pas eu lieu, il n'y a pas fiducie. Cet
alinéa précise en outre qu'il suffit, pour que la fiducie soit
constituée, qu'un seul fiduciaire accepte, réglant ainsi la
difficulté qui peut se poser lorsque plusieurs fiduciaires ont
été désignés par l'acte constitutif mais qu'un seul
d'entre eux accepte.
Le second alinéa précise qu'en cas de fiducie
testamentaire les effets de l'acceptation du fiduciaire rétroagissent au
décès du constituant afin de couvrir le laps de temps qui peut
alors s'écouler entre ces deux événements. Sauf en
matière de fiducie testamentaire, le transfert des biens par le
constituant et l'acceptation par le fiduciaire ont lieu, suivant la
règle du consensualisme, en même temps.
Le Président (M. Gagnon): Adopté.
Article 1316?
Mme Harel: "L'acceptation de la fiducie dessaisit le constituant
des biens, charge le fiduciaire de veiller à leur affectation et
à l'administration du patrimoine fiduciaire et suffit pour rendre
certain le droit du bénéficiaire."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire. (10 heures)
M. Cossette: Cet article énonce les effets de
l'acceptation de la fiducie en précisant qu'elle dessaisit le
constituant des biens transférés, charge le fiduciaire de veiller
à leur affectation et à l'administration et suffit pour rendre
irrévocable le droit du bénéficiaire aux avantages que lui
confère la fiducie. Il est conforme aux principes du droit actuel.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: Le Barreau suggère de remplacer "suffit pour
rendre certain" par "suffit pour préserver le droit du
bénéficiaire". Je pense qu'on a voulu dire "pour rendre
irrévocable".
Mme Longtin: C'est ça effectivement, puisque c'est
à ce moment-là qu'est créé le droit du
bénéficiaire. Il est certain que ce droit peut être
conditionnel si le bénéficiaire n'est pas né encore au
moment de la création de la fiducie, mais il y a quand même un
droit qui existe et il suffit que la condition se réalise pour que son
droit soit certain. Ce n'est pas vraiment préserver un droit, c'est le
constituer.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: À moins de dire "pour rendre
irrévocable"? Il est clair, M. le Président, que c'est la
même chose.
Mme Longtin: Si la fiducie était créée par
donation et que le bénéficiaire avait une cause d'ingratitude, il
pourrait y avoir révocation, je pense.
M. Pineau: C'est préférable de maintenir
"certain".
M. Cossette: C'est préférable de ne pas employer
"irrévocable".
M. Pineau: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1316 est-il
adopté?
Mme Harel: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté.
Article 1317?
Mme Harel: "Les fiducies sont constituées pour des fins
personnelles, d'utilité privée ou sociale."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cassette: Cet article introduit au Code civil une nouvelle
classification des espèces de fiducies que reconnaît
désormais le projet, classification qui s'inspire des propositions de
l'Office de révision du Code civil. Il édicte ainsi que les
fiducies sont constituées soit pour des fins personnelles, soit pour des
fins d'utilité privée ou d'utilité sociale.
Le Président (M. Gagnon): Ça va.
L'article 1317 est adopté. Article 1318? Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: "La fiducie personnelle est constituée à
titre gratuit dans le but de procurer un avantage à une personne
déterminée ou qui peut l'être."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article définit la fiducie personnelle en
reprenant les caractéristiques de la fiducie prévue aux articles
981a et suivants du code actuel. C'est une fiducie qui est constituée
à titre gratuit dans le but de procurer un avantage à une
personne déterminée ou qui peut l'être.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: Mon commentaire général: Le Barreau
demande que les articles 1318 et suivants soient précisés. Je ne
suis pas sûr...
Mme Longtin: Ce qu'il voudrait c'est que, à chaque fois
qu'on dit qu'une fiducie est constituée, on répète
finalement le mode de constitution qui a été indiqué
à l'article 1314, de telle sorte qu'on devrait dire: "La fiducie
personnelle est constituée à titre gratuit par donation", ainsi
de suite... Je pense que ce n'est pas la façon dans le code. Une fois
qu'on a établi de quelle façon tel type d'institution
s'établit, cela vaut pour tout.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Quand on dit que la fiducie personnelle
est constituée à titre gratuit, cela veut dire à ce
moment-là qu'il ne peut y avoir aucune charge.
Le Président (M. Gagnon): Me
Charbonneau.
M. Charbonneau (Pierre): Oui, il pourrait y avoir des charges
dans la mesure où cela n'affecte pas finalement l'aspect de
gratuité, la gratuité générale de l'acte qui est
constitué. Évidemment, si la charge dépasse la
libéralité, à ce moment-là la question va se poser:
Est-ce que c'est véritablement une libéralité ou est-ce
que ce n'est pas finalement à titre onéreux?
M. Leduc (Saint-Laurent)! L'essence, c'est gratuit, d'accord.
Le Président (M. Gagnon): Article 1318, adopté.
Article 1319?
Mme Harel: "La fiducie d'utilité privée est celle
qui a pour objet l'érection, l'entretien ou la conservation d'une chose
corporelle ou l'utilisation d'un bien affecté à un usage
déterminé soit à l'avantage indirect d'une personne ou
à sa mémoire, soit pour l'accomplissement d'un autre but de
nature privée."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article définit la fiducie
d'utilité privée en précisant qu'elle a pour objet
l'érection, l'entretien ou la conservation d'une chose corporelle ou la
mise en disponibilité d'un bien affecté à un usage
déterminé, soit pour l'avantage direct d'une personne ou pour sa
mémoire, soit pour l'accomplissement d'un autre but de nature
privée.
Il vise plusieurs situations. Il permet d'abord d'englober les fiducies
constituées même à titre onéreux où aucune
personne physique ou morale n'est vraiment bénéficiaire, mais
dont le but revêt un caractère purement privé. C'est le
cas, par exemple, de la fiducie constituée dans le but d'ériger
et d'entretenir un monument funéraire à la mémoire du
défunt ou des membres de sa famille, ou encore d'assurer la survie des
animaux préférés du défunt. Il permet aussi
d'englober les fiducies constituées dans le but de procurer un avantage
indirect à une personne ou à un groupe en lui permettant
d'utiliser un bien affecté à un usage déterminé,
par exemple, une somme destinée à l'achat de médicaments,
d'appareils médicaux, chaises roulantes, etc., ou un immeuble
destiné à servir de lieu de villégiature pour les
employés d'une entreprise.
L'article proposé s'inspire des propositions de l'office. Il
innove sur le Code civil actuel où l'article 869 qui vise les fiducies
d'utilité publique ne semble pas permettre de recouvrir, sous
l'expression "ou
autres fins permises", des fins de nature purement privée.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 1319 est
adopté. Article 1320?
Mme Harel: "Est aussi d'utilité privée la fiducie
constituée à titre onéreux dans le but notamment de
permettre la réalisation d'un profit au moyen de placements ou
d'investissements, de pourvoir à une retraite ou de procurer un autre
avantage au constituant ou aux personnes qu'il désigne, aux membres
d'une société ou d'une association, à des employés
ou à des porteurs de titre."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article qui s'inspire des propositions de
l'Office de révision du Code civil est de droit nouveau. Il vise
à étendre l'usage de la fiducie à un domaine où le
Code civil actuel ne permet pas de l'utiliser en englobant désormais,
sous le concept de fiducie d'utilité privée, les fiducies qui
sont constituées autrement que par donation ou testament et dont le
droit statutaire comporte des illustrations.
L'article proposé recouvre ainsi les fiducies constitués
à l'occasion d'une émission d'obligations, les fiducies
d'investissement en matière immobilière ou relatives à des
valeurs mobilières, les fiducies établissant des fonds de
retraite et autres fiducies à titre onéreux.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 1320 est-il
adopté? Article 1321?
Mme Harel: "La fiducie d'utilité sociale est celle qui est
constituée pour l'accomplissement d'une fin d'intérêt
public ou général, notamment à caractère culturel,
éducatif, philanthropique, religieux ou scientifique. "Elle n'a pas pour
objet essentiel de réaliser un bénéfice ni d'exploiter une
entreprise."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article définit la fiducie
d'utilité sociale qui est celle dont traitent partiellement les articles
869 et 964 du code actuel en énonçant qu'elle est
constituée pour l'accomplissement d'une fin d'intérêt
public ou général, notamment à caractère
philanthropique, éducatif, scientifique ou culturel. Il précise
aussi qu'elle n'a pas pour objet principal de réaliser un
bénéfice, ni d'exploiter une entreprise.
Généralement conforme au droit actuel et aux propositions
de l'office, la définition proposée permet de recouvrir deux
notions voisines, soit celle du legs de bienfaisance qui implique une
distribution organisée du capital et du revenu, jusqu'à
épuisement, en faveur du but recherché, et celle de la fondation
dont elle sert de véhicule et qui implique la conservation du capital et
la seule distribution des revenus qui en proviennent.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1321 est-il
adopté? Adopté. Article 1322?
Mme Harel: "La fiducie personnelle constituée au
bénéfice de plusieurs personnes successivement ne peut comprendre
plus de deux ordres de bénéficiaires des fruits et revenus, outre
celui du bénéficiaire du capital; elle est sans effet à
l'égard des ordres subséquents qui y seraient visés. "Les
transmissions entre les cobénéficiaires des fruits et revenus
d'un même ordre ont lieu de la même façon qu'entre
cogrevés du même ordre en matière de substitution."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cassette: Cet article élabore avec l'article qui suit
les règles relatives à la durée de la fiducie personnelle
constituée pour le bénéfice de plusieurs personnes
successivement. Ces règles, qui s'inspirent des propositions de
l'office, sont conformes à la solution retenue par la jurisprudence qui
applique à la fiducie les règles de durée propres à
la substitution. Le premier alinéa établit ainsi la durée
maximale de la fiducie personnelle en édictant qu'elle ne peut
comprendre plus de deux ordres de bénéfificaires des fruits et
revenus outre celui du bénéficiaire du capital. Le second
alinéa rend, par ailleurs, applicable à la fiducie, en y faisant
renvoi, les dispositions des articles 1273 et 1293 du chapitre de la
substitution instauré au présent projet.
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. L'article 1322
est adopté. Article 1323?
Mme Harel: "Le droit du bénéficiaire du premier
ordre s'ouvre au plus tard à l'expiration des cent ans qui suivent la
constitution de la fiducie, même si un terme plus long a
été stipulé. Celui des bénéficiaires des
ordres subséquents peut s'ouvrir postérieurement, mais au profit
des seuls bénéficiaires qui ont la qualité requise pour
recevoir à l'expiration des cent ans qui suivent la constitution de la
fiducie. "Les personnes morales ne peuvent jamais être
bénéficiaires pour une période
excédant cent ans, même si un terme plus long a
été stipulé."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article complète le
précédent en prévoyant d'autres règles de
durée de la fiducie personnelle constituée au
bénéfice de plusieurs personnes successivement. En premier lieu,
il édicte que les bénéficiaires du premier ordre, par
exemple, des enfants ou des enfants à naître, doivent commencer
à jouir de leur droit dans une période maximale de 100 ans depuis
la constitution de la fiducie. En deuxième lieu, il précise que
la qualité requise pour recevoir les bénéficiaires des
ordres subséquents, y compris ceux du dernier ordre, doit pouvoir
être déterminée à l'expiration des 100 ans de la
constitution de la fiducie et que seuls ceux qui ont alors les qualités
requises, c'est-à-dire qui existent à cette époque,
pourront ultérieurement recevoir. L'effet combiné de ces deux
règles limite la durée maximale de la fiducie personnelle
à environ 2OO ans. Cette durée accorde suffisamment de
flexibilité pour que, dans les circonstances ordinaires - fiducie en
faveur du conjoint puis des enfants puis des petits-enfants - les
bénéficiaires puissent être déterminés sans
difficulté.
Le deuxième alinéa énonce que les personnes morales
ne peuvent jamais être des bénéficiaires pour une
période excédant 100 ans, même si un terme plus long a
été stipulé. Cette règle s'avère
nécessaire car le jeu normal de la durée de vie d'une personne,
sur la base duquel les règles du premier alinéa ont
été établies, est faussé en présence d'une
personne morale dont l'existence peut être perpétuelle. La
règle prévue permet dans ce cas d'éviter de prolonger
indûment la durée de cette fiducie. L'article proposé est
nouveau et s'inspire des propositions de l'Office de révision du Code
civil.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: Le Barreau suggère que, dans le deuxième
alinéa, on précise que les personnes morales ne peuvent jamais
être bénéficiaires du revenu pour une période
excédant 100 ans, de sorte que les personnes morales pourraient
être bénéficiaires du capital en permanence.
Le Président (M. Gagnon): Me Charbonneau.
M. Charbonneau (Pierre): Je crois que cela va de soi, car, si la
personne morale est bénéficiaire du capital, elle en est
propriétaire finalement. Il n'y a pas de problème à ce
moment-là. C'est à la fin de la fiducie, normalement, que le
capital est distribué. Si le capital est distribué de
façon régulière - une portion du capital - la règle
des 100 ans devrait jouer, mais, si la personne morale est
désignée en tant que bénéficiaire du capital ultime
à la fin de la fiducie, il n'y a aucun problème à ce
moment.
M. Pineau: II n'y a aucun problème en ce sens qu'elle
pourrait bénéficier du capital en permanence?
M. Charbonneau (Pierre): Si elle est le dernier
bénéficiaire du capital à la fin de la fiducie... Il n'y a
plus de fiducie à ce moment.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1323 est
adopté. Article 1324?
Mme Harel: "La fiducie d'utilité privée ou sociale
peut être perpétuelle."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire. (10 h 15)
M. Cossette: Cet article édicte, conformément aux
propositions de l'office, que la fiducie d'utilité privée ou
sociale peut être perpétuelle. En regard des fiducies
d'utilité privée, qui comprennent les fiducies à titre
onéreux, la règle proposée recouvre le seul critère
proprement applicable, soit le temps nécessaire à
l'accomplissement de la fin poursuivie, lequel peut ne pas pouvoir être
déterminé. On n'a qu'à penser, en effet, aux fiducies
constituées, par exemple, pour l'entretien d'un monument
funéraire pour le constater. Quant aux fiducies d'utilité
publique, la règle proposée est conforme à
l'interprétation actuelle de l'article 869 du Code civil du Bas-Canada
relatif aux legs de bienfaisance et à la fondation et est la seule qui
soit en accord avec le concept de fondation véhiculé par cette
fiducie, concept dont l'essence même implique une affectation
perpétuelle ou permanente.
La règle de perpétuité retenue par cette
disposition est par ailleurs tempérée par l'article 1345 du
projet, qui permet au tribunal de mettre fin à la fiducie qui a
cessé de répondre à la volonté première du
constituant, notamment si elle est devenue impossible à accomplir, ainsi
que par l'article 1347, qui prévoit entre autres que la fiducie se
termine par l'accomplissement de la fin poursuivie ou par
l'impossibilité constatée par le tribunal de l'accomplir.
Le Président (M. Gagnon): Ça va?
L'article 1324 est adopté. Article 1325?
De l'administration de la fiducie
Mme Harel: II y a un amendement à
l'article 1325 qui consiste à remplacer, à la
première ligne, les mots "Le majeur capable" par les mots "La personne
physique pleinement capable". L'article se lit comme suit: "La personne
physique pleinement capable de l'exercice des droits civils peut être
fiduciaire, de même que la personne morale autorisée par la
loi."
L'amendement proposé indique mieux le caractère juridique
de la capacité requise et couvre indubitablement le mineur pleinement
émancipé.
Le Président (M. Gagnon); Le commentaire.
M. Cossette: Sous réserve de l'amendement proposé,
cet article édicte que le majeur capable de l'exercice des droits civils
de même que la personne morale autorisée par la loi peuvent
être fiduciaires.
Nouveau, cet article est néanmoins conforme au droit actuel
où il est admis qu'il faille pouvoir s'obliger pour être
fiduciaire. Enfin, l'incapacité des personnes morales d'agir comme
fiduciaires, sauf autorisation législative, est conforme au droit actuel
et aux dispositions du livre des personnes.
Actuellement, les personnes morales autorisées par la loi
à agir comme fiduciaires le sont généralement en vertu de
la Loi sur les compagnies de fidéicommis que l'on retrouve au chapitre
41 des Lois refondues du Québec.
Le Président (M. Gagnon): Ça va?
Adopté. Article 1326?
Mme Harel: "1326. Le constituant ou le
bénéficiaire...
Le Président (M. Gagnon): L'amendement est adopté
et l'article tel qu'amendé est adopté. Excusez-moi, madame, je
vous redonne la parole.
Mme Harel: "1326. Le constituant ou le bénéficiaire
peut être fiduciaire, mais il doit agir conjointement avec un fiduciaire
qui n'est ni constituant, ni bénéficiaire."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article vise à permettre au constituant
ou au bénéficiaire d'agir comme fiduciaire pourvu qu'il agisse
conjointement avec un fiduciaire qui ne soit ni constituant, ni
bénéficiaire.
L'ouverture en faveur du constituant répond à une
interrogation en droit actuel où on estime, vu la formulation de
l'article 981a du Code civil, que le donateur ne peut être fiduciaire.
Celle en faveur du bénéficiaire est nouvelle, mais conforme au
droit actuel et à la pratique. Cette ouverture est demeurée
tempérée cependant par l'exigence de la présence d'un
fiduciaire impartial, exigence propre à assurer une administration
objective et à tempérer les conflits d'intérêts
possibles.
L'article proposé, qui s'inspire des propositions de l'Office de
révision du Code civil, pourrait permettre au constituant de participer
au fonctionnement de la fiducie à laquelle il a donné
l'élan premier et au bénéficiaire d'exercer un certain
droit de regard dans la prise de décisions qui le concernent, tout en
assurant à la gestion fiduciaire un minimum d'objectivité.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1326 est
adopté? Adopté. Article 1327.
Mme Harel: "1327. Le constituant peut désigner un ou
plusieurs fiduciaires ou pourvoir au mode de leur désignation ou de leur
remplacement."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article permet au constituant de désigner
un ou plusieurs fiduciaires ou de pourvoir au mode de leur désignation
ou de leur remplacement. Conforme au droit actuel et aux propositions de
l'office, l'article permet donc au constituant de désigner
personnellement les fiduciaires et leurs remplaçants ou de laisser
à d'autres, tels ses héritiers, le soin de le faire.
Il lui permet aussi de pourvoir de toute autre façon au mode de
leur désignation ou de leur remplacement. Il pourrait, par exemple,
décréter que le choix de fiduciaires additionnels ou de nouveaux
fiduciaires relèvera de l'entière discrétion des
fiduciaires en place.
Le Président (M. Gagnon): Ça va?
L'article 1327 est adopté.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous permettez!
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): On dit que le constituant peut
être fiduciaire, mais il ne peut pas être seul. Est-ce qu'à
ce moment-là il ne pourrait pas contrôler la fiducie?
M. Charbonneau (Pierre): II pourrait se réserver un
certain pouvoir de contrôle, sauf qu'il ne doit pas agir seul. La
présence d'un autre fiduciaire permettra de tempérer, finalement,
les conflits d'intérêts qui pourraient exister, puisque l'autre
fiduciaire demeurera quand même responsable de
l'administration.
M. Pineau: Solidairement.
M. Charbonneau (Pierre): Solidairement, oui, comme tout
administrateur du bien d'autrui.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1327 est
adopté. Article 1328?
Mme Harel: "Le tribunal peut, à la demande d'un
intéressé et après avis donné aux personnes qu'il
indique, désigner un fiduciaire lorsque le constituant, ayant
manifesté son intention de le faire, a cependant omis de le
désigner ou qu'il est impossible de pourvoir à la
désignation ou au remplacement d'un fiduciaire. "Il peut, de même,
désigner un ou plusieurs fiduciaires additionnels lorsque les conditions
de l'administration l'exigent."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article vise à permettre au tribunal de
désigner, conformément au droit actuel et aux propositions de
l'office, un fiduciaire lorsqu'il est impossible, d'après les
dispositions de l'acte constitutif, de pourvoir à la désignation
ou au remplacement d'un fiduciaire. Il innove, toutefois, en permettant aussi
au tribunal de désigner un fiduciaire lorsque le constituant a omis de
le faire, ce qui peut se produire notamment en cas de fiducie constituée
par testament olographe.
On a jugé qu'il n'y avait pas lieu de distinguer cette situation
de celle où le seul fiduciaire désigné par le testateur
n'accepte pas d'agir à ce titre et où on permet pourtant au
tribunal de lui nommer un remplaçant. Il innove également en
permettant au tribunal de désigner un fiduciaire additionnel lorsque les
conditions de l'administration l'exigent, par exemple lorsque celle-ci devient
trop lourde à exercer pour le fiduciaire en place.
En droit actuel, une telle désignation exige, en l'absence
d'indication, dans l'acte constitutif, l'adoption d'une loi privée
à cet effet, ce qui constitue une procédure inutilement lourde et
onéreuse.
Le Président (M. Gagnon): Adopté?
M. Leduc (Saint-Laurent): Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Article 1329?
Mme Harel: "Le fiduciaire a la maîtrise et l'administration
exclusive du patrimoine fiduciaire; il exerce tous les droits du patrimoine et
peut prendre toute mesure propre à en assurer l'affectation. "Il agit a
titre d'administrateur du bien d'autrui chargé de la pleine
administration."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire. Me Cossette.
M. Cossette: Cet article vise à accorder au fiduciaire les
pouvoirs les plus étendus à l'égard du patrimoine
fiduciaire. Il est conforme aux règles du droit actuel, telles
qu'exprimées à l'article 981j du Code civil du Bas-Canada et aux
propositions de l'office. En précisant que le fiduciaire a la
maîtrise exclusive du patrimoine fiduciaire, l'article permet
d'empêcher que l'on puisse considérer les biens qui le composent
comme étant des biens sans maître et, donc, susceptibles
d'appropriation par simple occupation.
Il permet, en outre, au fiduciaire de revendiquer les biens transmis,
même contre les bénéficiaires. En accordant, par ailleurs,
au fiduciaire l'administration exclusive du patrimoine, il indique clairement
que les bénéficiaires sont exclus de cette administration, sauf,
évidemment, dans la mesure des recours conservatoires que leur
reconnaît le projet.
Enfin, en conférant au fiduciaire le pouvoir d'exercer tous les
droits du patrimoine et de prendre toute mesure propre à en assurer
l'affectation, l'article propose une formulation suffisamment large pour
permettre au fiduciaire d'exercer tous les droits qu'un propriétaire
pourrait exercer pour protéger ses biens et pour en assurer la
conservation ou le développement et d'exercer aussi tout recours contre
les agissements d'un tiers susceptible de nuire à l'accomplissement de
la fin poursuivie, y compris des recours en injonction, en diffamation ou pour
publicité mensongère.
Par ailleurs, le renvoi fait à cet article aux règles de
l'administration du bien d'autrui a pour effet, d'une part, de conférer
au fiduciaire le pouvoir de faire pratiquement tous les actes se rapportant aux
biens gérés, dans la mesure où il l'estime
nécessaire ou utile dans l'intérêt de la fiducie ou des
bénéficiaires, et, d'autre part, de le soumettre
parallèlement à une série de dispositions destinées
à garantir en tout temps son intégrité et la
qualité de son administration.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Article... Me
Pineau.
M. Pineau: "II exerce tous les droits du patrimoine". Ne
serait-il pas plus exact de dire "tous les droits afférents au
patrimoine" ou quelque chose comme cela?
M. Charbonneau (Pierre): Oui, cela pourrait aller.
Mme Harel: Oui, alors, on va introduire l'amendement.
Le Président (M. Gagnon): Cet amendement sera
adopté et l'article, tel qu'amendé, est adopté? Article
1330. Cela va?
Mme Harel: "Le bénéficiaire d'une fiducie
constituée à titre gratuit doit avoir les qualités
requises pour recevoir par donation ou par testament à l'ouverture de
son droit. "S'il y a plusieurs bénéficiaires du même ordre,
il suffit que l'un d'eux ait les qualités requises pour recevoir
à l'ouverture du droit pour préserver le droit des autres
bénéficiaires, s'ils s'en prévalent."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article établit les conditions requises
pour recevoir d'une fiducie en s'inspirant de règles semblables en
matière de substitution. Le premier alinéa vise à
permettre au bénéficiaire d'une fiducie établie par
donation ou par testament de n'avoir les qualités requises pour recevoir
en vertu de ces actes qu'au moment où leur droit s'ouvre et non pas au
moment de la constitution de la fiducie. S'inspirant de l'article 838 du Code
civil actuel et des propositions de l'office, la règle proposée
est d'ailleurs conforme à la jurisprudence la plus récente en
cette matière et vise plus particulièrement les cas de fiducies
constituées en faveur d'enfants à naître. Le second
alinéa est de droit nouveau et est tiré des propositions de
l'office. Il prévoit que, si un seul des bénéficiaires du
même ordre, par exemple l'ordre des enfants à naître, a les
qualités requises pour recevoir, sa présence assurera l'ouverture
du droit pour tous les bénéficiaires de l'ordre qui viendront
après lui, s'ils désirent s'en prévaloir.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: La Chambre des notaires a fait sous 1330 un
commentaire semblable à celui qu'elle a fait sous 1294 en ce qui
concerne la concordance avec 664. Comme précédemment, je pense
qu'on peut dire que 1330 complète 664.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1330 est-il
adopté? Adopté. Article 1331?
Mme Harel: "Le bénéficiaire d'une fiducie doit,
pour recevoir, remplir les conditions requises par l'acte constitutif."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article énonce que le
bénéficiaire doit, pour recevoir, remplir les conditions
exigées par l'acte constitutif, en outre de remplir, le cas
échéant, les qualités requises pour recevoir par donation
ou testament. Ces conditions peuvent être diverses quant à leur
nature, mais elles devraient, pour être applicables, être conformes
à l'ordre public. De telles conditions, qu'elles concernent par exemple
l'âge du bénéficiaire, son appartenance à un groupe
ou sa situation financière, sont particulièrement
fréquentes en matière de fiducie et d'utilité sociale car
elles servent alors de critère d'identification des'
bénéficiaires. Mais elles peuvent aussi se rencontrer dans les
autres espèces de fiducies, y compris celles constituées à
titre onéreux car l'acte constitutif peut établir que le
bénéficiaire ne pourra recevoir qu'après sa retraite, par
exemple.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 1331 est-il
adopté? Article 1332?
Mme Harel: "Le constituant peut se réserver le droit de
recevoir les fruits et revenus ou éventuellement le capital d'une
fiducie, même constituée à titre gratuit, ou de participer
aux avantages qu'elle procure."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article reconnaît que le constituant d'une
fiducie constituée même à titre onéreux puisse en
être bénéficiaire en se réservant le droit de
recevoir les fruits et revenus ou éventuellement le capital de la
fiducie ou de participer autrement aux avantages qu'elle procure. La
règle proposée qui s'impose en cas de fiducie à titre
onéreux est nouvelle en matière de fiducie à titre
gratuit. Elle s'inspire de l'article 777, alinéa 3, du code actuel et
des propositions de l'Office de révision du Code civil.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 1333?
Mme Harel: "Le constituant peut se réserver ou
conférer au fiduciaire ou à un tiers la faculté
d'élire les bénéficiaires ou de déterminer leur
part. "En cas de fiducie d'utilité sociale, la faculté du
fiduciaire d'élire les bénéficiaires et de
déterminer leur part se présume. En cas de fiducie personnelle ou
d'utilité privée, la faculté d'élire ne peut
être exercée par le fiduciaire ou le tiers que si la
catégorie de personnes parmi lesquelles ils doivent choisir le
bénéficiaire est suffisamment déterminée à
l'acte constitutif."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article, de même que le suivant,
établit les règles relatives aux modalités d'exercice de
la faculté d'élire les bénéficiaires ou de la
faculté de déterminer leur part. Ainsi, il permet au constituant
de se réserver l'exercice de ses facultés ou de les
conférer au fiduciaire ou à un tiers. Il édicte aussi que
l'exercice de ces facultés dites d'élire et de répartition
se présume en cas de fiducie d'utilité sociale. Cette
règle nouvelle s'explique du fait que les bénéficiaires de
cette fiducie sont, par la nature même de celle-ci,
indéterminés lors de sa constitution. Il prévoit en outre
que la faculté d'élire les bénéficiaires d'une
fiducie personnelle ou d'utilité privée ne peut être
exercée que si la catégorie de personnes parmi lesquelles le
bénéficiaire doit être choisi est elle-même
suffisamment déterminée à l'acte constitutif. Cette
règle est conforme au droit actuel. (10 h 30)
L'article proposé s'inspire de l'article 619 proposé par
l'office et de l'article 935 du Code civil du Bas-Canada applicable en
matière de substitution.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Est-ce que l'article
1333 est adopté? Adopté. J'appelle l'article 1334.
Mme Harel: "La faculté d'élire les
bénéficiaires ou de déterminer leur part relève de
la discrétion de celui qui l'exerce; ce dernier peut modifier ou
révoquer sa décision pour les besoins de l'accomplissement de la
fiducie. "Celui qui exerce la faculté ne peut le faire à son
propre avantage."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article est nouveau et complète le
précédent. Il vise d'abord à accorder à la personne
chargée d'exercer les facultés d'élire et de
répartition l'assurance d'une indépendance et d'une marge de
manoeuvre suffisamment larges pour lui permettre de modifier ou de
révoquer sa décision lorsqu'il y va de l'accomplissement de la
fin poursuivie. Il permet ainsi de modifier une décision qui aurait
attribué, par exemple, une bourse d'études permettant à un
étudiant méritant de poursuivre ses études universitaires
sur preuve que l'étudiant choisi a cessé par la suite ses
études pour employer telle bourse à une autre fin.
En outre, l'article précise que les facultés
d'élire et de répartition ne peuvent être volontairement
exercées à l'avantage de celui à qui elles ont
été conférées. Agir autrement constituerait pour
celui-ci un manquement à ses obligations.
Le Président (M. Gagnon): Adopté.
J'appelle l'article 1335.
Mme Harel: "Pendant la durée de la fiducie, le
bénéficiaire a droit d'exiger, suivant l'acte constitutif, soit
la prestation d'un avantage qui lui est accordé, soit le paiement des
fruits et revenus et du capital ou de l'un d'eux seulement."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article énonce généralement
les droits du bénéficiaire pendant la fiducie en stipulant qu'il
a le droit d'exiger la prestation des avantages que lui accorde l'acte
constitutif, notamment le paiement des fruits et revenus et du capital ou de
l'un d'eux seulement.
Bien qu'il n'ait pas d'équivalent au Code civil, l'article
proposé est néanmoins conforme au droit actuel et aux
propositions de l'office et complète l'article 1313 du projet qui
précise que le bénéficiaire n'a aucun droit réel
sur les biens transférés en fiducie pendant la durée de
celle-ci.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 1335 est
adopté?
M. Leduc (Saint-Laurent): Adopté.
Le Président (M. Gagnon): J'appelle l'article 1336.
Mme Harel: "L'amendement consiste, à l'article 1336,
à ajouter, à la fin du deuxième alinéa, un membre
de phrase dont je ferai lecture. Je vais tout de suite vous lire le premier
alinéa. "Le bénéficiaire d'une fiducie constituée
à titre gratuit est présumé avoir accepté le droit
qui lui est accordé et il peut en disposer. "Il peut aussi y renoncer
à tout moment. Il doit alors le faire par acte notarié portant
minute s'il est bénéficiaire d'une fiducie personnelle ou
d'utilité privée."
Le commentaire sur l'amendement. Cet amendement a pour but d'obliger que
la renonciation d'un bénéficiaire d'une fiducie personnelle ou
d'utilité privée soit faite par acte notarié portant
minute, compte tenu de l'importance du geste posé. L'intervention du
notaire à cet acte et le formalisme devraient permettre au
bénéficiaire d'être mieux informé des
conséquences de sa décision et de la mieux penser.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires?
M. Cossette: L'article proposé établit en faveur du
bénéficiaire une présomption d'acceptation du droit que
lui confère la fiducie constituée à titre gratuit et
énonce
qu'il a le droit de disposer de son droit ou d'y renoncer.
Tirée de l'article 620 proposé par l'office, la
présomption d'acceptation est conforme au principe du droit actuel
où l'acceptation du fiduciaire suffit pour dessaisir
irrévocablement le constituant. Or, comme l'acceptation du
bénéficiaire n'est pas nécessaire à la constitution
de la fiducie et que le transfert des biens n'est pas fait au
bénéficiaire, il devient possible de poser une règle qui
présume l'acceptation du bénéficiaire, d'autant que
celui-ci ne subit aucun préjudice de ce fait.
Le bénéficiaire étant présumé
avoir accepté, il acquiert dès lors un droit de recevoir
et il peut dès lors disposer de son droit comme de tout autre bien, sous
réserve toutefois des formalités qui pourraient être
requises par l'acte constitutif qui peut prévoir, par exemple, un droit
de préemption en faveur des autres bénéficiaires où
le droit du bénéficiaire peut encore être restreint au
moyen d'une stipulation d'inaliénabiiité validement
stipulée.
Quant à la renonciation du bénéficiaire, celle-ci
peut survenir en tout temps, même après son acceptation
présumée ou effective du bénéfice que lui
confère la fiducie. Cette renonciation s'apparente à une
résiliation dont elle suit les règles ordinaires et n'a donc
d'effet que pour l'avenir.
Le Président (M. Gagnon): Voilà. L'amendement
est-il adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): L'article tel qu'amendé
est adopté. L'article 1337?
Mme Harel: "Si le bénéficiaire renonce à son
droit ou que ce dernier devient sans effet, son droit passe, en proportion des
parts de chacun, à ses cobénéficiaires des fruits et
revenus ou du capital selon que lui-même est bénéficiaire
des fruits et revenus ou du capital. "S'il est seul bénéficiaire
des fruits et revenus dans son ordre, son droit passe, en proportion des parts
de chacun, aux bénéficiaires des fruits et revenus de second
ordre ou, à défaut, aux bénéficiaires du
capital."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article élabore des règles
supplétives de dévolution du droit d'un
bénéficiaire qui renonce ou dont le droit devient sans effet.
Nouveau, il est conforme aux propositions de l'office et vise à combler
une lacune du droit actuel. Il s'inspire de règles semblables
applicables en matière de substitution.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: Le droit passe "aux" cobénéficiaires et
non "à ses" cobénéficiaires.
M. Charbonneau (Pierre): ...l'emploi du singulier.
Mme Harel: C'est "aux", au pluriel.
M. Pineau: Oui, au pluriel. On n'a pas besoin de dire "à
ses". Il s'agit nécessairement de "ses".
M. Charbonneau (Pierre): D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Est-ce que cet
amendement est adopté?
Mme Harel: De toute façon, au deuxième
alinéa, déjà on voyait "aux bénéficiaires
des fruits et revenus".
Le Président (M. Gagnon): Cet amendement est adopté
et l'article tel qu'amendé est adopté.
Une voix: Une prémonition.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'on suspend nos travaux
pour deux ou trois minutes?
Mme Harel: Si vous voulez. Le Président (M. Gagnon):
D'accord. (Suspension de la séance à 10 h 38)
(Reprise à 10 h 47)
Le Président (M. Gagnon): Oui. L'article 138?
Mme Harel: L'article 1338...
Le Président (M. Gagnon): 1338, oui.
Mme Harel: ...se lit comme suit: "L'administration de la fiducie
est soumise à la surveillance du constituant ou de ses héritiers,
s'il est décédé, et du bénéficiaire,
même éventuel. "En outre, dans les cas prévus par la loi,
l'administration des fiducies d'utilité privée ou sociale est
soumise, suivant leurs objet et fin, à la surveillance des personnes et
organismes désignés par la loi."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article est nouveau. Il confère au
constituant et au bénéficiaire le rôle de contrôler
et de surveiller
l'administration du fiduciaire, consacrant ainsi le droit actuel. Il
soumet également l'administration des fiducies d'utilité
privée ou sociale au contrôle et à la surveillance de
personnes et organismes désignés par la loi et qui pourraient
être, suivant la fiducie, des personnes ou organismes comme la Commission
des valeurs mobilières, le Curateur public, l'Inspecteur
général des institutions financières ou la Régie
des rentes du Québec.
En matière de fiducie d'utilité sociale, l'article comble
donc une lacune du droit actuel qui ne prévoit aucun régime de
surveillance de l'exécution de ces fiducies. La règle
proposée s'étend aussi aux fiducies d'utilité
privée constituées à titre gratuit et aux fiducies
d'utilité privée qui sont constituées à titre
onéreux.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 1338 est
adopté. 1339?
Mme Harel: "Dès la constitution de la fiducie
d'utilité privée ou sociale soumise à la surveillance
d'une personne ou d'un organisme désigné par la loi, le
fiduciaire doit déposer auprès de la personne ou de l'organisme
une déclaration indiquant notamment la nature et l'objet de la fiducie,
sa durée ainsi que les nom et adresse du fiduciaire. "Il doit, à
la demande de la personne ou de l'organisme, permettre l'inspection des
dossiers de la fiducie et fournir tout compte, rapport ou information qui lui
est demandé."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article est nouveau. Il complète le
précédent en prévoyant que, si une fiducie
d'utilité privée ou sociale est soumise à la surveillance
d'une personne ou d'un organisme, le fiduciaire a l'obligation de
déposer auprès de la personne ou de l'organisme habilité
une déclaration indiquant notamment la nature et l'objet de la fiducie,
sa durée ainsi que les nom et adresse du fiduciaire.
Cette mesure est complétée par l'obligation du fiduciaire
de permettre sur demande l'inspection des dossiers de la fiducie et de fournir
tout compte, rapport ou information qui lui est demandé. Pour avoir
effet cependant, cet article devra être complété par
d'autres dans les lois particulières qui habiliteront une personne ou un
organisme pour exercer cette surveillance.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 1340?
Mme Harel: "1340. Les droits du bénéficiaire d'une
fiducie personnelle sont exercés, s'il n'est pas encore conçu,
par la personne désignée par le constituant pour agir comme
curateur et qui accepte cette charge ou, à défaut, par celle que
nomme le tribunal à la demande du fiduciaire ou de tout
intéressé. Le Curateur public peut être
désigné pour agir. "En cas de fiducie d'utilité
privée dont aucune personne, même déterminable ou
éventuelle, ne peut être bénéficiaire, les droits
que le présent paragraphe accorde au bénéficiaire peuvent
être exercés par le Curateur public."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article est nouveau et vise à
déterminer dans certaines situations spéciales qui sera
habilité à agir en l'absence de bénéficiaire ou au
cas de bénéficiaire non conçu.
Le premier alinéa, qui s'inspire d'une disposition semblable en
matière de substitution, prévoit qu'en cas de fiducie personnelle
les droits d'un bénéficiaire non encore conçu seront
exercés par un curateur désigné par le constituant ou,
à défaut, nommé par le tribunal.
Le second alinéa prévoit qu'en matière de fiducie
d'utilité privée dont aucune personne n'est
bénéficiaire, par exemple s'il s'agit d'une fiducie pour
l'entretien d'un monument funéraire, le Curateur public pourra exercer
les droits conférés au bénéficiaire par le
présent paragraphe relatif aux mesures de surveillance et de
contrôle.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 1341?
Mme Harel: "1341. Le constituant, le bénéficiaire
ou, le cas échéant, un autre intéressé peut,
malgré toute stipulation contraire, agir contre le fiduciaire pour le
contraindre à exécuter ses obligations ou à faire un acte
nécessaire à la fiducie, pour lui enjoindre de s'abstenir de tout
acte dommageable à la fiducie ou pour obtenir sa destitution. "Il peut
aussi attaquer les actes faits par le fiduciaire en fraude du patrimoine
fiduciaire ou des droits du bénéficiaire."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: L'article proposé, dont les règles
s'inspirent des propositions de l'office, clarifie le droit actuel quant aux
recours que le bénéficiaire peut exercer contre le fiduciaire
pour assurer l'accomplissement de la fin poursuivie. Il étend ces
recours au constituant en raison de l'intérêt moral qu'il a
à la bonne exécution de la fiducie ainsi qu'à tout
intéressé lorsqu'il n'y a ni bénéficiaire, ni
constituant pour les exercer,
par exemple en cas de fondation testamentaire. On prévoit ainsi
la possibilité de contraindre le fiduciaire à exécuter ses
obligations ou à faire un acte nécessaire à la fiducie, de
lui enjoindre de s'abstenir de tout acte dommageable à la fiducie,
notamment au moyen d'une injonction, ou même d'obtenir sa
destitution.
On reconnaît également la possibilité d'agir contre
les actes frauduleux du fiduciaire par le biais d'une action de même
nature que l'action paulienne.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1341 est
adopté. Article 1342?
Mme Harel: "1342. Le tribunal peut autoriser le constituant, le
bénéficiaire ou, le cas échéant, un autre
intéressé à agir en justice à la place du
fiduciaire, lorsque celui-ci refuse, sans motif suffisant, d'agir,
néglige de le faire ou en est empêché."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: L'article proposé confère au tribunal
le pouvoir d'autoriser le constituant, le bénéficiaire ou tout
intéressé à agir en justice aux lieu et place du
fiduciaire qui refuse d'agir sans motif suffisant, néglige d'agir ou en
est empêché.
Nouveau, cet article s'inspire de l'article 627 proposé par
l'office.
Le Président (M. Gagnon): Ça va?
L'article 1342 est adopté. Article 1343?
Mme Harel: "1343. Le fiduciaire, le constituant et le
bénéficiaire sont solidairement responsables des actes
exécutés en fraude des droits des créanciers du
constituant ou du patrimoine fiduciaire."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article établit la responsabilité
solidaire du fiduciaire, du constituant et du bénéficiaire qui
agissent en fraude des droits des créanciers du constituant ou du
patrimoine fiduciaire. Il a ainsi pour effet de soumettre le constituant ou le
bénéficiaire qui s'immisce dans les affaires de la fiducie
à la même responsabilité qu'un fiduciaire.
De droit nouveau, cet article s'inspire de l'article 625 des
propositions de l'office qu'il complète en prévoyant la
participation possible du constituant à la fraude.
Le Président (M. Gagnon): Ça va?
L'article 1343 est adopté. Article 1344?
Mme Harel: "1344. Toute personne peut augmenter le patrimoine
fiduciaire en lui transférant des biens par contrat ou par testament et
en suivant, pour ces augmentations, les règles propres à la
constitution d'une fiducie. Elle n'acquiert pas, de ce fait, les droits d'un
constituant. "Les biens transférés se confondent dans le
patrimoine fiduciaire et sont administrés conformément aux
dispositions de l'acte constitutif."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: L'article proposé ici vise à permettre
expressément au constituant ou à un tiers d'augmenter le capital
de la fiducie pendant sa durée en effectuant de nouveaux transferts
à titre gratuit ou onéreux de biens, possibilité
particulièrement utile en matière de fiducie d'utilité
sociale servant de véhicule a une fondation. Il précise que celui
qui augmente le patrimoine fiduciaire n'acquiert pas, de ce seul fait, les
droits d'un constituant. On ne saurait, en effet, conférer à
celui qui fournit une simple contribution à une fiducie d'utilité
sociale, par exemple, tous les droits et recours ouverts au constituant par le
projet. Il indique également que le nouveau transfert de biens ne
constitue pas une nouvelle fiducie soumise à un régime distinct,
mais que ces biens se confondent plutôt dans le patrimoine fiduciaire et
sont administrés conformément aux dispositions de l'acte
constitutif.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau?
M. Pineau: Le Barreau indique, à l'article 1344, que cet
article confirme que l'article 663 vise plutôt le legs qui est
destiné à augmenter le capital de la fiducie et qu'il y aurait
lieu de reformuler le deuxième alinéa de cet article 665 en
fonction de la présente disposition. L'article 665, alinéa 2, se
lit ainsi - cela n'a pas été amendé, je ne pense pas: "Le
fiduciaire peut, pour la fiducie, recevoir le legs destiné au
bénéficiaire ou celui qui sert à l'accomplissement de la
fin de la fiducie." J'ai l'impression que l'alinéa 2 de l'article 665 -
ça n'a pas été amendé? - vise d'une façon
générale le pouvoir qu'a le fiduciaire de recevoir un legs pour
la fiducie, tandis que l'article 1344 vise la faculté que toute personne
a d'augmenter un patrimoine fiduciaire déjà existant. Donc, ce
sont deux questions totalement distinctes. Non?
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 1344 est
adopté. Article 1345?
Mme Harel: L'amendement à l'article 1345 vise à
insérer, à la troisième ligne du premier alinéa,
après les mots "qui rendent impossible", les mots "ou trop
onéreux".
Alors, l'article se lit comme suit: "Lorsqu'une fiducie a cessé
de répondre à la volonté première du constituant,
notamment par suite de circonstances inconnues de lui ou imprévisibles
qui rendent impossible ou trop onéreux l'accomplissement de la fiducie,
le tribunal peut, à la demande d'un intéressé, mettre fin
à la fiducie; il peut aussi, dans le cas d'une fiducie d'utilité
sociale, lui substituer une fin qui se rapproche le plus possible de la fin
originale. "Si la fiducie répond toujours à la volonté du
constituant, mais que de nouvelles mesures permettraient de mieux respecter sa
volonté ou favoriseraient l'accomplissement de la fiducie, le tribunal
peut modifier les dispositions de l'acte constitutif et notamment prolonger la
durée de la fiducie."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article est de droit nouveau. Il formule des
règles destinées à remédier aux divers lacunes ou
obstacles qui peuvent, au cours de la fiducie, nuire à l'accomplissement
de la fin poursuivie ou la rendre impossible. Le premier alinéa
confère ainsi au tribunal le pouvoir de mettre fin à la fiducie
qui a cessé de répondre à la volonté
première du constituant ou dont la fin est devenue impossible à
réaliser. Il lui confère aussi le pouvoir, lorsqu'il s'agit d'une
fiducie d'utilité sociale devenue impossible à réaliser,
de lui substituer une fin qui se rapproche le plus possible de la fin
originale.
Le second alinéa confère en outre au tribunal le pouvoir
de modifier les dispositions de l'acte constitutif, notamment pour prolonger la
durée de la fiducie, lorsque ces mesures permettraient de mieux
respecter la volonté du constituant ou favoriseraient l'accomplissement
de la fiducie. Ces modifications pourraient notamment avoir trait au nombre de
fiduciaires, à l'étendue de leurs pouvoirs ou à tout autre
aspect de leur administration.
Cet article s'inspire de l'article 636 proposé par l'office.
Cependant, il en précise les circonstances d'application afin de mieux
encadrer la discrétion du tribunal. Cet article devrait permettre,
à l'avenir, d'éviter la procédure parfois longue et
onéreuse de l'adoption de lois privées qui constituent la
solution actuelle aux fiducies désuètes devenues difficiles ou
impossibles à réaliser ou dont les conditions d'administration
sont déficientes.
(Il heures)
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau?
M. Pineau: Cet amendement vient répondre à
l'observation du Barreau et permet ainsi d'aller à l'encontre de la
solution apportée par la Cour suprême dans l'arrêt Tucker.
Je m'étais d'ailleurs demandé si 1347, alinéa 2,
n'était pas une réponse à l'arrêt Tucker. La fiducie
prend fin "par l'accomplissement de la fiducie ou par l'impossibilité,
constatée par le tribunal, de l'accomplir."
Une voix: Est-ce qu'on a un autre amendement à 1347?
Mme Harel: Non. C'est au premier alinéa de 1347. Il y aura
un amendement à 1347, mais au premier alinéa et non pas au
deuxième.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article
1347 est-il adopté?
M. Pineau: C'est la même chose? Mme Harel: On en est
à 1345.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'amendement est
adopté. L'article 1345 tel qu'amendé est-il adopté?
Adopté. Article 1346?
Mme Harel: "II doit être donné avis de la demande au
constituant et au fiduciaire et, le cas échéant, au
bénéficiaire, au liquidateur de la succession du constituant ou
aux héritiers et à toute autre personne ou organisme
désigné par la loi, si la fiducie est soumise à leur
surveillance."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article complète le
précédent. Il vise à assurer que tout
intéressé a été avisé d'une demande qui a
pour objet de mettre fin à la fiducie, d'en changer la fin, d'en
prolonger la durée ou d'en modifier les conditions d'administration en
prévoyant qu'avis de toute requête présentée
à cette fin leur soit adressé.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1346 est-il
adopté? Adopté. Article 1347?
Mme Harel: L'amendement consiste à remplacer le premier
alinéa par le suivant: La fiducie prend fin par la renonciation ou la
caducité du droit de tous les bénéficiaires tant du
capital que des fruits et revenus. "Elle prend fin aussi par l'arrivée
du terme ou l'avènement de la condition, par l'accomplissement de la
fiducie ou par l'impossibilité, constatée par le tribunal de
l'accomplir."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article énonce les causes mettant fin
à la fiducie. Il s'inspire des propositions de l'office et du droit
actuel. Il tient aussi compte des articles précédents.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Oui? L'amendement
à l'article 1347 est adopté et l'article tel qu'amendé est
adopté. Article 1348?
Mme Harel: "Le fiduciaire doit, à la fin de la fiducie,
remettre les biens à ceux qui y ont droit. "À défaut de
bénéficiaire, les biens qui restent à la fin de la fiducie
sont dévolus au constituant ou à ses héritiers."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article énonce l'obligation du fiduciaire
de remettre à l'expiration de la fiducie les biens à ceux qui y
ont droit. Il propose aussi une règle supplétive pour
déterminer le sort des biens en précisant qu'à
défaut d'un bénéficiaire les biens sont dévolus au
constituant ou à ses héritiers. Cette règle est conforme
au droit actuel et aux propositions de l'office. L'effet de cet article est
cependant limité par celui qui suit.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1348 est-il
adopté? Adopté. Article 1349?
Mme Harel: L'amendement à 1349 consiste à
remplacer, à la fin, les mots "par le fiduciaire ou, à
défaut, par le tribunal", par ce qui suit: "par le tribunal sur la
recommandation du fiduciaire. Le tribunal prend aussi l'avis de la personne ou
de l'organisme désigné par la loi, si la fiducie était
soumise à leur surveillance."
L'article se lit comme suit: "Les biens de la fiducie d'utilité
sociale qui prend fin par suite de l'impossibilité de l'accomplir sont
dévolus à une fiducie, à une personne morale ou à
tout autre groupement de personnes ayant une vocation se rapprochant le plus
possible de celle de la fiducie. La désignation en est faite par le
tribunal sur la recommandation du fiduciaire. Le tribunal prend aussi l'avis de
la personne ou de l'organisme désigné par la loi, si la fiducie
était soumise à leur surveillance."
Le commentaire. Cet amendement a pour but de mieux assurer la
dévolution des biens à une autre fiducie en donnant au tribunal
la responsabilité de désigner la fiducie ou la personne qui
recevra les biens. Le tribunal devra cependant agir sur la recommandation du
fiduciaire qui demeure la personne la plus apte pour déterminer la
similitude des vocations entre la fiducie qu'il administrait et une autre. Il
est prévu, également, que le tribunal devra prendre l'avis de la
personne ou de l'organisme qui surveillait la fiducie, le cas
échéant.
Le Président (M. Gagnon): Y a-t-il un commentaire sur
l'article?
M. Cossette: Sous réserve de l'amendement proposé,
l'article 1349 complète le précédent. Il crée une
exception dans le cas d'une fiducie d'utilité sociale qui se termine par
suite de l'impossibilité d'en accomplir la fin. Il édicte que les
biens sont alors dévolus, en l'absence de dispositions
différentes de l'acte constitutif, à une fiducie, à une
personne morale ou à tout autre groupement de personnes ayant une
vocation se rapprochant le plus possible de celle de la fiducie dont la
désignation est faite par le fiduciaire ou, à défaut, par
le tribunal. La règle proposée, qui est nouvelle, a paru
correspondre davantage à la volonté présumée du
constituant qui n'a pu prévoir l'impossibilité de réaliser
la fiducie qu'il créait.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: Je voudrais souligner ici, M. le Président,
qu'on accepte la suggestion du Barreau.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement à
l'article 1349 est adopté? Oui? L'article tel qu'amendé est aussi
adopté. Le titre septième, "De l'administration du bien
d'autrui", chapitre premier, "Dispositions générales". J'appelle
l'article 1350.
De l'administration du bien d'autrui
Mme Harel: L'amendement à cet article consiste à
supprimer, à la première ligne, les mots, "en vertu de la loi ou
d'un acte juridique", et à ajouter, à la fin, ce que je lirai en
faisant lecture de l'article: "Toute personne qui est chargée
d'administrer un bien ou un patrimoine qui n'est pas le sien assume la charge
d'administrateur du bien d'autrui si la loi ou l'acte juridique constitutif de
son administration le prévoit ou si la loi ou l'acte n'indique aucun
autre régime d'administration."
Alors, le commentaire sur l'amendement. Cet amendement a pour but de
circonscrire davantage les cas où une personne assume la charge
d'administrateur du bien d'autrui et d'exclure de ce régime, par voie de
conséquence, les situations où la loi ou l'acte prévoit un
autre régime. Ce sera le cas, notamment, pour l'administrateur d'une
personne morale; la loi le qualifiant de mandataire, il n'est pas
administrateur du bien d'autrui.
Le Président (M. Gagnon): Ça va? Le
commentaire.
M. Cassette: Cet article est formulé en termes
généraux. Il vise à rendre les règles du titre
proposé applicables à toute personne qui est chargée de la
simple administration ou de la pleine administration à l'égard
d'un bien ou d'un patrimoine qui n'est pas le sien si ces actes sont accomplis
en vertu de la loi ou d'un acte juridique.
Ainsi, les règles sur l'administration devraient s'appliquer au
tuteur, au curateur, au liquidateur d'une succession, au gérant de biens
indivis ou d'une copropriété ou au fiduciaire puisqu'ils sont
chargés, en vertu des articles 224, 305, 309, 856, 1086, 1140 et 1329 du
projet, soit de la simple administration du bien d'autrui, soit de la pleine
administration. Elles ne s'appliqueraient pas à l'emphytéote ou
au grevé de substitution puisque, même s'ils sont tenus de rendre
le bien, ils sont d'abord titulaires d'un droit réel et elles ne
s'appliqueraient pas non plus à l'administrateur de la personne morale
puisqu'il est, en vertu de la loi, un mandataire de la personne morale. Ceci
est d'ailleurs exprimé à l'article 354 du projet.
Le Président (M. Gagnon): Ça va?
L'amendement est adopté et l'article 1350 tel qu'amendé
est adopté. J'appelle l'article 1351.
Mme Harel: "Sauf si l'administration est gratuite en vertu de la
loi, de l'acte ou des circonstances, l'administrateur a droit à une
rémunération fixée par l'acte ou la loi ou, à
défaut, selon la valeur des services rendus ou l'usage. "Celui qui agit
sans droit ou sans y être autorisé n'a droit à aucune
rémunération."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cassette: L'article établit en faveur de
l'administrateur le principe du droit à une rémunération
et en précise le mode de fixation. Le droit actuel énonce
tantôt le principe de la gratuité de l'administration, comme en
matière d'exécution testamentaire ou de fiducie, tantôt le
principe de son caractère rémunéré, comme en
matière d'administration de copropriété. En optant,
à l'instar de l'office, pour le principe général du droit
à une rémunération, l'article proposé a paru mieux
refléter la pratique actuelle tout en évitant un
désintéressement pour la fonction d'administrateur qu'aurait pu
entraîner l'adoption du principe inverse. L'article réserve, par
ailleurs, les cas où la gratuité de l'administration ressort de
la loi, de l'acte ou des circonstances lui ayant donné lieu. La
formulation proposée est ici assez large pour permettre de
déduire le caractère gratuit de l'administration, même en
l'absence d'une disposition expresse à cet effet.
Le deuxième alinéa énonce que celui qui agit sans
droit ou sans y être autorisé n'a droit a aucune
rémunération. Il vise à empêcher l'immixtion
douteuse de personnes qui auraient pu, à cause du principe de la
rémunération, être tentées de s'immiscer
indûment dans la gestion des biens d'autrui.
Le Président (M. Gagnon): Adopté? Me Pineau.
M. Pineau: Une question, M. le Président. L'administrateur
a droit à une rémunération. À supposer, dans le cas
d'une copropriété divise, que l'assemblée
générale désigne trois ou cinq personnes comme
administrateurs, non rémunérées, l'une de ces cinq
pourrait dire: Je veux une rémunération.
M. Cossette: Dans le cas de la copropriété, la
copropriété étant une personne morale, cela ne
s'appliquerait pas parce que l'administrateur est administrateur d'une personne
morale et, à ce moment-là, devient un mandataire.
Par contre, le gérant nommé par le conseil
d'administration pour administrer la copropriété deviendrait un
administrateur du bien d'autrui.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 1351 est
adopté? M. le député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela va.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 1351 est
adopté. Article 1352?
Des formes de l'administration
Mme Harel: "Celui qui est chargé de la simple
administration doit faire tous les actes nécessaires à la
conservation du bien ou ceux qui sont utiles pour maintenir l'usage auquel le
bien est normalement destiné."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article énonce les obligations
générales applicables à la simple administration du bien
d'autrui en précisant qu'elles obligent celui qui en est chargé
à faire, outre les actes nécessaires à la conservation du
bien, ceux qui sont utiles pour maintenir l'usage auquel le bien est
normalement destiné; visant les administrateurs tels que le tuteur, le
curateur ou le liquidateur, la simple administration implique donc non
seulement l'idée des actes nécessaires à la conservation
du bien qui sont le propre de la garde mais
aussi celle des actes nécessaires ou utiles à sa
conservation en bon état d'utilisation ou de fonctionnement. Conforme
aux propositions de l'office, cet article est complété ou
explicité par les autres règles de la section.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 1352 est
adopté. Article 1353?
Mme Harel: "L'administrateur chargé de la simple
administration est tenu de percevoir les fruits et revenus du bien qu'il
administre et d'exercer les droits qui lui sont attachés. "Il
perçoit les créances qui sont soumises à son
administration et en donne valablement quittance. Il exerce les droits
attachés aux valeurs mobilières qu'il administre, tels les droits
de vote, de conversion ou de rachat."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article oblige l'administrateur à
percevoir les fruits et revenus du bien géré et à exercer
les droits qui lui sont attachés. Il précise aussi que
l'administrateur perçoit ainsi les créances et en donne
valablement quittance et qu'il exerce les droits attachés aux valeurs
mobilières qu'il gère comme les droits de vote, de conversion,
d'option ou de rachat. Conforme aux propositions de l'office, l'article l'est
aussi au droit actuel où la perception des fruits et revenus, y compris
celle des créances, constitue un acte de pure administration ou à
l'attribution d'un pouvoir où l'imposition d'une obligation emporte
l'accomplissement des actes nécessaires ou requis à cette
fin.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 1353 est
adopté. Article 1354?
Mme Harel: "L'administrateur doit continuer l'utilisation du bien
qui porte des fruits et revenus, sans en changer la destination, sauf
autorisation du bénéficiaire ou, en cas d'empêchement, du
tribunal."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article énonce l'obligation pour
l'administrateur de continuer l'utilisation à laquelle le bien
producteur de fruits et revenus est affecté sans en changer la
destination.
Cette obligation, qui s'inspire des propositions de l'office,
découle de l'obligation générale du simple administrateur
de faire tout acte utile pour maintenir l'usage auquel le bien est normalement
destiné.
Elle oblige ainsi l'administrateur à continuer le commerce ou
l'entreprise faisant partie du patrimoine géré, à
poursuivre la culture des terres y comprises ou à maintenir
l'utilisation, à des fins locatives, des immeubles administrés,
par exemple. Elle permet conséquemment à l'administrateur de
poser tous les actes requis à ces fins comme le renouvellement des baux
ou la passation d'autres contrats. (Il h 15)
L'article proposé permet, par ailleurs, à l'administrateur
d'obtenir l'autorisation du bénéficiaire ou du tribunal pour
mettre fin à l'exploitation ou pour en modifier la forme. Ceci est
conforme à son obligation d'agir dans le meilleur intérêt
du bénéficiaire. Ce peut être le cas, par exemple, lorsque
l'exploitation s'avère d'un coût trop élevé par
rapport aux fruits et revenus engendrés ou lorsqu'elle est devenue
désuète.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président. "L'administrateur doit
continuer l'utilisation du bien qui produit des fruits et revenus, sans en
changer la destination, sauf autorisation du bénéficiaire..."
Autorisation du bénéficiaire pour continuer ou pour changer de
destination? La phrase n'est pas très claire.
Le Président (M. Gagnon): Me
Charbonneau.
M. Charbonneau (Pierre): Je crois que cela s'applique aux deux
situations.
M. Pineau: On doit continuer l'utilisation sans en changer la
destination avec l'autorisation...
M. Charbonneau (Pierre): C'est-à-dire qu'en principe il
continue l'utilisation du bien sans en changer la destination, à moins
qu'il n'obtienne le consentement, soit pour cesser l'utilisation du bien qui
produit des fruits ou des revenus ou, s'il désire en changer la
destination, à ce moment il faudrait l'autorisation du
bénéficiaire également.
M. Pineau: Je pense qu'il serait peut-être
préférable de dire qu'il doit continuer l'utilisation du bien
sans en changer la destination, à moins d'y être autorisé
par le bénéficiaire ou en cas d'empêchement par le
tribunal.
M. Charbonneau (Pierre): Oui, c'est une formulation qui
reviendrait...
M. Pineau: Oui, d'accord, je pense que cette seconde formulation
serait plus claire.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que
ce sera un amendement? Mme Harel: Oui. Le Président (M.
Gagnon): Oui. Mme Harel: Vous allez le préparer?
Le Président (M. Gagnon): Cet amendement est
adopté. L'article tel qu'amendé est adopté. J'appelle
l'article 1355.
Mme Harel: "L'administrateur est tenu de placer les sommes
d'argent qu'il administre conformément aux règles du
présent titre relatives aux placements présumés
sûrs. Il peut modifier les placements faits avant son entrée en
fonctions ou ceux qu'il a faits."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article qui s'inspire des propositions de
l'office oblige l'administrateur à placer les sommes d'argent qu'il
administre conformément aux règles relatives aux placements
présumés sûrs établis aux articles 1392 et suivants
du projet.
Il précise aussi que l'administrateur a le pouvoir de modifier
les placements qui avaient été faits ou ceux qu'il a faits.
Le Président (M. Gagnon): Cela va-t-il? L'article 1355 est
adopté. J'appelle l'article 1356.
Mme Harel: "L'administrateur peut, avec l'autorisation du
bénéficiaire ou, en cas d'empêchement de celui-ci, du
tribunal, aliéner le bien à titre onéreux ou le grever
d'une sûreté, lorsque cela est nécessaire pour payer les
dettes, maintenir l'usage auquel le bien est normalement destiné ou en
conserver la valeur. "Il peut, toutefois, aliéner seul un bien de nature
périssable ou susceptible de se déprécier rapidement."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: L'article proposé reconnaît au simple
administrateur le droit d'aliéner les biens dans certaines
circonstances.
Le premier alinéa de cet article permet à l'administrateur
d'aliéner à titre onéreux ou de grever d'une
sûreté un bien qui lui est confié, lorsque cela
s'avère nécessaire pour payer les dettes, pour maintenir l'usage
auquel le bien est normalement destiné ou en conserver la valeur.
Il exige, cependant, pour ce faire, l'autorisation préalable du
bénéficiaire ou, en cas d'empêchement, du tribunal. Muni de
l'autorisation requise, l'administrateur peut ainsi vendre un bien pour payer
les dettes ou pour maintenir l'usage auquel le bien est normalement
destiné. Il peut aussi emprunter sur hypothèque afin de
s'acquitter de ses obligations. Il peut même vendre un bien dont la
valeur est susceptible de diminuer, par exemple, par suite des effets
prévisibles d'un règlement de zonage ou des conditions du
marché.
Le second alinéa crée une exception au premier en
permettant à l'administrateur, conformément au droit actuel et
à celui proposé par l'office, d'aliéner seul un bien de
nature périssable ou susceptible de se déprécier
rapidement. Outre le fait que son devoir de prudence et de diligence lui
dicterait bien souvent de l'exercer, ce pouvoir a par ailleurs paru s'imposer
ici, vu le caractère urgent de la situation envisagée.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: Dans le commentaire, au premier paragraphe: L'article
proposé reconnaît au simple administrateur le pouvoir
d'aliéner, non point le droit d'aliéner. L'administrateur n'a
aucun droit, il n'a que des pouvoirs.
Le Président (M. Gagnon): Ce sera corrigé?
M. Cossette: Oui.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1356 est-il
adopté?
M. Cossette: C'est une correction au commentaire.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1356 est
adopté? Article 1357. Mme la députée.
Mme Harel: "1357. Celui qui est chargé de la pleine
administration doit conserver et faire fructifier le bien, accroître le
patrimoine ou en réaliser l'affectation, lorsque l'intérêt
du bénéficiaire ou l'accomplissement de la fin l'exigent."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article énonce en termes fort
généraux les principales obligations de l'administrateur
chargé de la pleine administration en précisant que celui qui en
est chargé doit conserver et faire fructifier le bien, accroître
le patrimoine ou en réaliser l'affectation, lorsqu'il y va de
l'intérêt du bénéficiaire ou de l'accomplissement de
la fin poursuivie.
Alors que la simple administration est un mode d'administration actif
mais doublé d'un souci de protection, la pleine administration
apparaît comme un genre d'administration actif et normalement axé
vers la rentabilité. La nature assez large des obligations
imposées au plein administrateur s'explique en raison des pouvoirs
étendus qui lui sont conférés par l'article suivant,
pouvoirs qu'exige la nature même des fonctions de ceux qui sont
appelés à agir à ce titre, tels les fiduciaires.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: Le Barreau suggère une modification: "doit
prendre toutes les mesures requises pour le faire fructifier", une obligation
de moyen et non pas une obligation de résultat. Je pense que l'article
1360 indique que l'administrateur doit agir avec prudence, diligence et
compétence; ça, c'est une obligation de moyen.
M. Charbonneau (Pierre): Obligation de moyen, tout
simplement.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1357 est
adopté. Article 1358?
Mme Harel: "1358. L'administrateur peut, pour exécuter ses
obligations, aliéner le bien à titre onéreux, le grever de
charges ou d'un droit réel ou en changer la destination et faire tout
autre acte nécessaire ou utile, y compris toutes espèces de
placements."
M. Cassette: Cet article complète le
précédent en conférant au plein administrateur le pouvoir
de faire pratiquement tous les actes se rapportant aux biens
gérés dans la mesure où ces actes sont utiles ou
nécessaires à l'exécution de ses obligations. Il accorde
ainsi le pouvoir d'aliéner les biens à titre onéreux, de
les grever de charges ou d'un droit réel, d'en changer la destination,
de même que le pouvoir de faire tout autre acte nécessaire ou
utile, y compris toutes espèces de placements.
L'exercice de ces vastes pouvoirs est toutefois assujetti aux autres
règles du projet, notamment à celles qui obligent
l'administrateur à agir avec prudence et diligence dans le meilleur
intérêt du bénéficiaire ou de la fin
recherchée.
L'article proposé, de même que le précédent,
s'inspire des propositions de l'office et est conforme aux règles du
droit actuel applicables aux fiduciaires.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, à quelles charges
pense-t-on qui ne seraient pas un droit réel? Quelles charges
personnelles?
Mme Harel: C'est une bonne question.
M. Pineau: Ils ne passeront pas l'examen.
M. Cassette: On va y penser.
Mme Harel: On va le suspendre. C'est intéressant, en fait,
cela pourrait être une question d'examen à laquelle personne ne
pourrait répondre.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1358 est suspendu?
Mme Harel: Oui, suspendu, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): À l'article 1359, vous
avez un amendement.
Des règles de l'administration
Des obligations de l'administration envers le
bénéficiaire
Mme Harel: Oui, qui consiste à supprimer, à la fin
du premier alinéa, les mots "et suivant leur finalité" et
à remplacer, à la première ligne du deuxième
alinéa, le mot "survenu" par le mot "survenue" au féminin.
L'article se lit comme suit: "1359. L'administrateur du bien d'autrui
doit, dans l'exercice de ses fonctions, respecter les obligations que la loi et
l'acte constitutif lui imposent; il doit agir dans les limites des pouvoirs qui
lui sont conférés. "Il ne répond pas de la perte ou de la
détérioration du bien survenue par suite d'un cas fortuit ou
résultant de sa vétusté, de sa nature périssable ou
de l'usage normal et autorisé du bien."
Le commentaire. Ce premier amendement vise à éviter une
répétition puisque la finalité de pouvoir est
inhérente à leur expression. Le second amendement est formel.
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article est le premier d'une suite d'articles
qui énoncent les obligations et devoirs fondamentaux propres à
tout administrateur, quel que soit le genre d'administration qui lui est
confié. Il précise que l'administrateur doit agir
conformément à la loi et à l'acte constitutif dans la
limite des pouvoirs qui lui sont conférés et suivant leur
finalité.
Nouveau, le premier paragraphe de cet article s'inspire des propositions
de l'office et est conforme aux principes du droit actuel qui impose à
l'administrateur le devoir d'agir légalement et intra vires de ses
pouvoirs.
Quant au deuxième alinéa, il reprend, en s'inspirant des
propositions de l'office, des règles du droit commun. Il précise
ainsi que l'administrateur du bien d'autrui n'est pas responsable de la perte
ou de la détérioration du bien survenue par suite d'un cas
fortuit ou résultant de sa vétusté, de sa nature
périssable ou de l'usage normal et autorisé du bien.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'amendement à
l'article 1359 est adopté et l'article tel qu'amendé est
adopté. Article 1360?
Mme Harel: "L'administrateur doit agir avec prudence, diligence
et compétence comme le ferait en pareilles circonstances une personne
raisonnable"
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article énonce une règle de
conduite constamment réaffirmée au Code civil et dans d'autres
lois, à savoir que l'administrateur doit agir avec prudence, diligence
et compétence, comme le ferait en pareilles circonstances une personne
raisonnable. Il reprend ainsi sous une formulation nouvelle, mais dont le
contenu demeure conforme au droit actuel, la norme de conduite objective et
abstraite du bon père de famille. L'article proposé est aussi
conforme à l'article 513 proposé par l'Office de révision
du Code civil.
Mme Harel: Et la personne prudente et raisonnable, la bonne
mère de famille, qu'en faites-vous?
Le Président (M. Gagnon): L'article 1360 est-il
adopté? L'article 1361?
Mme Harel: "L'administrateur doit agir avec
honnêteté et loyauté, dans le meilleur intérêt
du bénéficiaire et de la fin poursuivie."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article impose à l'administrateur un
devoir général d'honnêteté et de loyauté
envers le bénéficiaire ou l'accomplissement de la fin poursuivie
dans leur meilleur intérêt. L'article exige ainsi non seulement
une entière fidélité aux engagements assumés ou
imposés par la loi, mais aussi le respect des règles de l'honneur
et de la probité et une prise en charge des intérêts du
bénéficiaire ou de la fin. Il obligerait l'administrateur, par
exemple, à instruire le bénéficiaire de tout renseignement
utile pouvant influer sur sa volonté de maintenir l'administration, la
modifier ou y mettre fin ou, en l'absence du bénéficiaire,
à prendre sur soi la décision de s'adresser au tribunal à
ces fins.
Cet article, qui s'inspire des propositions de l'office, est conforme au
droit actuel où le devoir de loyauté, sans être
imposé expressément par les textes, se déduit
néanmoins de l'obligation faite à plusieurs administrateurs de ne
pas se placer dans une situation de conflit d'intérêts et d'agir,
non pas en bon père de famille, mais comme une personne raisonnable.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1361 est
adopté. Article 1362?
Mme Harel: "L'administrateur ne peut exercer ses pouvoirs dans
son propre intérêt ni dans celui d'un tiers; il ne peut non plus
se placer dans une situation de conflit entre son intérêt
personnel et ses obligations d'administrateur. "S'il est lui-même
bénéficiaire, il doit exercer ses pouvoirs dans
l'intérêt commun en considérant son intérêt au
même titre que celui des autres bénéficiaires."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article, de même que ceux qui suivent,
énonce des règles qui découlent du devoir
général de loyauté imposé à
l'administrateur. Il édicte ainsi que l'administrateur ne peut exercer
les pouvoirs qui lui sont conférés dans son propre
intérêt, ni dans celui d'un tiers. Il ne peut non plus se placer
dans une situation mettant en conflit son intérêt personnel et ses
obligations d'administrateur.
Le second alinéa précise ce que l'administrateur doit
faire dans les cas où il est lui-même bénéficiaire.
Dans ce cas, il doit exercer ses pouvoirs dans l'intérêt commun en
considérant son intérêt au même titre que celui des
autres bénéficiaires. Nouveau, l'article proposé est
conforme à certaines règles du droit actuel et s'inspire des
propositions de l'Office de révision du Code civil. (Il h 30)
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 1362 est
adopté. C'est cela, il n'y a pas d'amendement. Article 1363? Il y a un
amendement.
Mme Harel: Oui. Il consiste à remplacer, à la
quatrième ligne du premier alinéa, les mots "a contre lui" par
les mots "qu'il peut faire valoir contre lui" et à insérer,
à la cinquième ligne de ce même alinéa, avant les
mots "la valeur de ces droits", les mots "la nature et". L'article se lit comme
suit: "L'administrateur doit, sans délai, notifier par écrit au
bénéficiaire tout intérêt qu'il a dans une
entreprise et qui est
susceptible de le placer en situation de conflit
d'intérêts, ainsi que les droits qu'il peut faire valoir contre
lui ou dans les biens administrés en indiquant, le cas
échéant, la nature et la valeur de ces droits. Il n'est pas tenu
de notifier l'intérêt ou les droits qui résultent de l'acte
ayant donné lieu à l'administration."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
Mme Harel: II y a un autre alinéa, M. le Président:
"Sont notifiés à la personne ou à l'organisme
désigné par la loi l'intérêt ou les droits portant
sur les biens d'une fiducie soumise à leur surveillance."
Le Président (M. Gagnon): Voilà! Le
commentaire.
M. Cossette: Cet article complète les
précédents relatifs à l'obligation de loyauté et
à l'obligation d'éviter les conflits d'intérêts. Il
oblige l'administrateur à notifier au bénéficiaire
l'intérêt qu'il peut avoir dans une entreprise susceptible de le
placer dans une situation de conflit d'intérêts ainsi que les
droits qu'il a contre lui ou dans les biens administrés. Cette
notification vise à informer adéquatement et dès le
départ le bénéficiaire, ses représentants ou les
personnes chargées de surveiller l'administration de situations pouvant
influer sur le maintien ou non de l'administrateur dans ses fonctions, sur son
aptitude à participer à certaines décisions, voire sur
l'opportunité de la nomination d'un administrateur ad hoc, en certaines
circonstances. La notification n'est évidemment pas nécessaire
lorsque les situations conflictuelles résultent de l'acte même qui
a donné lieu à l'administration car alors les parties
intéressées en seront par là avisées.
Le deuxième alinéa prévoit, en cas de fiducie, une
notification particulière à la personne ou à l'organisme
chargé par la loi de surveiller la fiducie.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement est-il
adopté? L'article tel qu'amendé est-il adopté?
Adopté. Article 1364? Il y a un autre amendement.
Mme Harel: Oui. L'amendement consiste à remplacer,
à la deuxième ligne du premier alinéa, le mot "affectant"
par les mots "qui touche". L'article se lit comme suit: "L'administrateur ne
peut, pendant son administration, se porter partie à un contrat qui
touche les biens administrés, ni acquérir autrement que par
succession des droits sur ces biens ou contre le bénéficiaire.
"Il peut néanmoins y être expressément autorisé par
le bénéficiaire ou par le tribunal, en cas d'empêchement ou
à défaut d'un bénéficiaire
déterminé."
C'est un amendement de nature purement formelle.
Le Président (M. Gagnon): Y a-t-il des commentaires sur
l'article?
M. Cossette: Sous réserve de l'amendement, cet article,
comme les précédents, précise certaines règles de
conduite pour l'administrateur. Il édicte que l'administrateur ne peut
pendant son administration se porter partie à un contrat touchant les
biens administrés ni acquérir, sauf par succession, des droits
sur ces biens ou contre le bénéficiaire à moins d'obtenir
l'autorisation expresse de ce dernier ou, à défaut, du tribunal.
Il vise à éviter que l'administreur ne se place volontairement et
sans autorisation dans une position où il aurait à choisir entre
son intérêt personnel et celui du bénéficiaire et ne
soit conséquemment tenté de sacrifier à son
intérêt personnel son devoir d'agir dans le meilleur
intérêt du bénéficiaire. L'article proposé,
qui s'inspire en partie des propositions de l'office, est conforme à
plusieurs dispositions du droit actuel applicables aux administrateurs du bien
d'autrui.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement est adopté.
L'article tel qu'amendé est adopté. Article 1365?
Mme Harel: "L'administrateur ne doit pas confondre les biens
administrés avec ses propres biens."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article interdit à l'administrateur de
confondre les biens administrés avec ses propres biens. Conforme aux
propositions de l'office et aux principes du droit actuel, l'article
proposé ne fait qu'énoncer une règle illustrant le
principe de l'élimination des conflits d'intérêts. Il
oblige l'administrateur à gérer de façon distincte et
séparée les biens confiés.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1365 est
adopté? Adopté. Article 1366?
Mme Harel: "L'administrateur ne peut utiliser à son profit
le bien qu'il administre ou l'information qu'il obtient en raison même de
son administration, à moins que le bénéficiaire n'ait
consenti à un tel usage ou qu'il ne résulte de la loi ou de
l'acte constitutif de l'administration."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article interdit en principe à
l'administrateur de tirer profit des biens qu'il administre ou de toute
possibilité de gains qui pourrait s'offrir à lui dans le cours de
l'administration ou à son occasion, y compris à la suite
d'informations obtenues en raison même de son administration. Il permet
toutefois à l'administrateur de le faire lorsqu'il y est autorisé
par le bénéficiaire ou que la loi ou l'acte constitutif lui
accorde ce droit.
Conforme aux propositions de l'office, la règle proposée
constitue une application de l'obligation de loyauté. Elle s'inspire du
droit des personnes morales et de certaines dispositions du Code civil actuel
en matière de dépôt.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. 1367?
Mme Harel: "Sauf s'il est de la nature de son administration de
pouvoir le faire, l'administrateur ne peut disposer à titre gratuit des
biens qui lui sont confiés; il le peut néanmoins s'il s'agit de
biens de valeur modique et que la disposition est faite dans
l'intérêt du bénéficiaire ou de la fin poursuivie.
"Il ne peut, sans contrepartie valable, renoncer à un droit qui
appartient au bénéficiaire ou qui fait partie du patrimoine
administré."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Le premier alinéa de cet article
établit l'interdiction pour l'administrateur de disposer à titre
gratuit des biens qui lui sont confiés, à moins qu'il ne s'agisse
de biens de valeur modique donnés dans l'intérêt du
bénéficiaire ou de la fin poursuivie. Il réserve toutefois
les cas où le pouvoir de disposer à titre gratuit résulte
de la nature même des fonctions de l'administrateur, par exemple s'il est
fiduciaire d'une fiducie d'utilité sociale ou administrateur d'une
fondation.
Le second alinéa complète cette règle en
précisant que l'administrateur ne peut renoncer sans
considération valable à un droit qui appartient au
bénéficiaire ou qui fait partie du patrimoine administré.
Ainsi, il ne pourrait renoncer à une distribution de dividendes ou
à la prescription extinctive d'une créance contre le
bénéficiaire ou le patrimoine. L'article proposé s'inspire
de l'article 528 proposé par l'office et du droit actuel, notamment de
l'article 763 du Code civil du Bas-Canada.
Le Président (M. Gagnon): Adopté? Adopté.
1368?
Mme Harel: "L'administrateur peut ester en justice pour tout ce
qui touche son administration; il peut aussi intervenir dans toute action
concernant les biens administrés."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article permet à l'administrateur d'ester
en justice pour tout ce qui touche son administration. Il lui permet aussi
d'intervenir dans toute action concernant les biens administrés. Il
constitue une exception à la règle de l'article 59 du Code de
procédure, à savoir que nul ne peut plaider au nom d'autrui.
Le Président (M. Gagnon): Adopté? Adopté.
1369?
Mme Harel: "S'il y a plusieurs bénéficiaires de
l'administration, simultanément ou successivement, l'administrateur est
tenu d'agir avec impartialité à leur égard, compte tenu de
leurs droits respectifs."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article oblige l'administrateur à agir
avec impartialité à l'égard des
bénéficiaires simultanés ou successifs de
l'administration, compte tenu de leurs droits respectifs. Conforme aux
recommandations de l'office, la règle proposée s'applique, qu'il
y ait plusieurs bénéficiaires simultanés en parts
égales ou inégales, ou plusieurs bénéficiaires
successifs, ou plusieurs bénéficiaires dont certains ont droit
aux revenus et d'autres au capital.
Le Président (M. Gagnon): Adopté? Adopté.
1370?
Mme Harel: "Lorsqu'il apprécie la responsabilité
d'un administrateur, le tribunal peut tenir compte du fait que la personne agit
gratuitement, qu'elle est mineure ou majeure sous un régime de
protection, ou qu'elle a été désignée en raison de
sa compétence professionnelle."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: L'administrateur est, dans l'exercice de ses
fonctions et l'exécution de ses obligations fondamentales, notamment
celles d'agir avec prudence et diligence, responsable envers le
bénéficiaire ou le patrimoine du préjudice qui
résulte de sa faute conformément aux règles du droit
commun. L'article proposé établit que le tribunal peut, dans
l'appréciation de la responsabilité de l'administrateur,
tenir
compte du fait qu'il a agi gratuitement, qu'il est mineur ou majeur sous
un régime de projection, ou qu'il a été
désigné en raison de sa compétence professionnelle.
Cet article, qui s'inspire en partie des propositions de l'office, est
généralement conforme au droit actuel. La règle qui permet
au tribunal de tenir compte du caractère gratuit de l'administration
dans l'appréciation de la responsabilité existe en matière
de mandat. Celle qui lui permet de tenir compte du fait que l'administrateur a
été désigné en raison de sa compétence
professionnelle résulte de l'application normale du critère
objectif et abstrait de la personne raisonnable placée dans des
circonstances comparables. Enfin, le droit actuel permet à la personne
protégée d'invoquer son incapacité dans certains cas, en
réduction de sa responsabilité contractuelle. Il ne le permet pas
cependant en matière de responsabilité extracontractuelle, ce qui
est repris à l'article 178 du projet. Les fonctions de l'administrateur
n'étant pas de nature extracontractuelle, l'article vise donc à
permettre au tribunal de tenir compte de l'état de minorité ou
d'incapacité pour apprécier la responsabilité de
l'administrateur.
Cette approche a été retenue plutôt que celle
proposée par l'article 510 du projet de l'Office de révision du
Code civil. Je dois souligner que l'expression "bon père de famille"
dans le texte est entre guillemets, ce qui veut dire que cela veut dire une
personne raisonnable.
M. Pineau: C'est une expression du passé.
M. Charbonneau (Pierre): II fait également
référence au droit actuel qui, lui, parle de bon père de
famille.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, la proposition "lorsqu'il
apprécie la responsabilité d'un administrateur" est ambiguë.
On ne sait pas s'il s'agit d'une exception à la règle de
l'appréciation in abstracto ou s'il s'agit d'une exception à la
règle de la réparation intégrale. C'est la même
ambiguïté que nous retrouvons dans les articles 1710,
deuxième alinéa, du Code civil du Bas-Canada et 1045,
deuxième alinéa, du Code civil du Bas-Canada concernant le
quasi-contrat, 1710 et 1045, aux deuxièmes alinéas.
Il s'agit de savoir si vous voulez déroger au principe de
l'appréciation in abstracto ou au principe de la réparation
intégrale. Que permettez-vous au tribunal de faire?
Le Président (M. Gagnon): Me
Charbonneau.
M. Charbonneau (Pierre): Je pense que l'article constitue surtout
une exception au principe de la réparation intégrale.
M. Pineau: Bon, il faut alors le dire clairement.
M. Charbonneau (Pierre): Finalement, quant à l'autre
aspect que vous mentionniez, pourriez-vous répéter le premier
aspect?
M. Pineau: L'appréciation in abstracto ou in concreto du
comportement de l'administrateur ou la réparation intégrale ou la
réparation partielle.
M. Charbonneau (Pierre): Dans le comportement in abstracto, je
crois que l'on tient compte de ces éléments lorsqu'on
apprécie la responsabilité de l'administrateur, le
caractère gratuit peut entrer en considération, par exemple.
M. Pineau: Mais je m'explique autrement, je pose ma question
autrement. Lorsque le tribunal va vouloir apprécier la
responsabilité, qu'est-ce qu'il va devoir faire? Va-t-il devoir se
demander si l'administrateur s'est comporté comme un homme normalement
prudent et raisonnable l'aurait fait en semblables circonstances ou va-t-il
devoir prendre en considération les circonstances, la
personnalité de l'administrateur, etc., l'appréciation in
concreto?
M. Leduc (Saint-Laurent): Intégrale.
Le Président (M. Gagnon): Me
Charbonneau.
M. Charbonneau (Pierre): Les deux, sauf qu'à l'article
1370, ici, c'est surtout in concreto dont on parle, c'est surtout de sa
responsabilité in concreto.
M. Pineau: À partir du moment où le tribunal
considère que l'administrateur a eu un comportement fautif, est-ce qu'il
va devoir indemniser intégralement?
M. Charbonneau (Pierre): L'article 1370 vient lui donner les
éléments lui permettant de réduire sa
responsabilité ou d'en tenir compte pour évaluer l'étendue
de sa responsabilité.
M. Pineau: II pourrait donc ne pas être condamné
à indemniser intégralement?
M. Charbonneau (Pierre): Oui, c'est cela.
M. Pineau: Alors, c'est une dérogation aux deux aspects du
principe de responsabilité, l'appréciation in concreto et la
réparation éventuellement partielle et non intégrale.
M. Charbonneau (Pierre): Cela peut jouer aux deux niveaux,
effectivement.
M. Pineau: Alors, ce n'est pas clair.
M. Charbonneau (Pierre): Finalement, lorsqu'il apprécie
généralement la responsabilité d'un administrateur,
soit à l'égard de la faute qu'il a commise, soit pour
déterminer l'étendue de la responsabilité...
Le Président (M. Gagnon): Nous allons suspendre...
Mme Harel: Et l'article également.
Le Président (M. Gagnon): ...et l'article
également. Nous allons suspendre nos travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à Il h 45)
(Reprise à Il h 59)
Mme Harel: L'article 1370 se lit comme suit...
M. Cossette: Non, il est suspendu.
Mme Harel: II est suspendu. Est-ce qu'on le rouvre
immédiatement?
M. Charbonneau (Pierre): Je crois qu'on va le suspendre. On va
proposer une rédaction. On s'est un peu entendu sur les
modalités. Ce sera dans le sens d'une clarification.
Mme Harel: Très bien.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1370 demeure suspendu.
Article 1371?
Des obligations de l'administrateur et du
bénéficiaire envers les tiers
Mme Harel: "L'administrateur qui, dans les limites de ses
pouvoirs, s'oblige au nom du bénéficiaire ou pour le patrimoine
fiduciaire n'est pas personnellement responsable envers les tiers avec qui il
contracte. "Il est responsble envers eux s'il s'oblige en son propre nom, sauf
leurs droits contre le bénéficiaire ou le patrimoine fiduciaire,
le cas échéant."
Le Président (M. Gagnon): Commentai- re.
M. Cassette: Cet article est le premier de plusieurs articles du
projet qui établissent les obligations de l'administrateur et du
bénéficiaire ou du patrimoine envers les tiers, obligations
s'exprimant essentiellement en termes de responsabilités. Il est
tiré des règles du mandat telles qu'exprimées aux articles
1715 et 1716 du Code civil du Bas-Canada et des articles 570 et 571 du projet
de l'office.
Le premier alinéa dégage l'administrateur de toute
responsabilité envers les tiers avec qui il contracte lorsqu'il
s'oblige, dans les limites de ses pouvoirs, au nom du
bénéficiaire ou pour le patrimoine fiduciaire. Cette règle
a pour effet de rendre le bénéficiaire ou le patrimoine seul
responsable envers les tiers des obligations contractées en son nom.
Le second alinéa rend par ailleurs l'administrateur responsable
envers les tiers avec qui il contracte en son nom personnel. Il réserve
toutefois le recours des tiers contre le bénéficiaire ou le
patrimoine fiduciaire lorsque l'administrateur a effectivement contracté
pour leur bénéfice sans toutefois avoir dévoilé
leurs noms.
Le Président (M. Gagnon): Cela va. L'article 1371 est
adopté. J'appelle l'article 1372.
Mme Harel: "L'administrateur qui excède ses pouvoirs est
responsable envers les tiers avec qui il contracte, à moins qu'il ne
leur en ait donné une connaissance suffisante ou que le
bénéficiaire n'ait ratifié, expressément ou
tacitement, les obligations contractées."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article établit le principe de la
responsabilité de l'administrateur envers les tiers avec qui il
contracte en excès de ses pouvoirs. II prévoit toutefois deux
exceptions à ce principe: l'administrateur sera d'abord exempté
de toute responsabilité envers les tiers lorsque ceux-ci connaissaient
l'étendue des pouvoirs limités de l'administrateur et ont,
malgré cette connaissance que leur avait donnée l'administrateur,
accepté de contracter avec lui. Dans ce cas, ni l'administrateur, ni le
bénéficiaire ou le patrimoine ne seront responsables envers les
tiers.
L'administrateur sera encore exempté de responsabilité
lorsque les obligations ainsi contractées auront été
ratifiées par le bénéficiaire. Cette ratification rend le
bénéficiaire seul responsable envers les tiers comme si
l'administrateur avait agi dans les limites des pouvoirs qui lui avaient
été
conférés. Cet article s'inspire du droit actuel en
matière de mandat exprimé aux articles 1717 et 1727 du Code civil
du Bas-Canada. La similarité des règles juridiques dans les
rapports entre les administrateurs, bénéficiaires et tiers et les
mandataires, mandants et tiers s'explique par la similarité des
situations factuelles.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. 1373.
Mme Harel: "L'administrateur qui exerce seul des pouvoirs qu'il
est chargé d'exercer avec un autre est réputé avoir
excédé ses pouvoirs. "N'est pas réputé les avoir
excédés celui qui les exerce d'une manière plus
avantageuse que celle qui lui était imposée."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Le premier alinéa de cet article qui est
tiré d'une règle actuelle énoncée à
l'article 1719 du Code civil du Bas-Canada en matière de mandat illustre
la notion d'excès de pouvoirs au moyen d'un exemple évident,
celui où l'administrateur exerce seul des pouvoirs qu'il est
chargé d'exercer avec un autre. Le second alinéa,
également tiré d'une règle du mandat exprimée
à l'article 1718 du Code civil du Bas-Canada, énonce que
l'administrateur est réputé ne pas avoir agi en excès de
ses pouvoirs s'il les exerce de manière plus avantageuse que celle qui
lui était imposée.
On a jugé qu'il serait inacceptable que le
bénéficiaire soit dégagé de toute
responsabilité pour des actes qui se sont avérés lui
être manifestement avantageux.
Le Président (M. Gagnon): Adopté? Adopté.
1374?
Mme Harel: "Le bénéficiaire ne répond envers
les tiers du préjudice causé par la faute de l'administrateur
dans l'exercice de ses fonctions qu'à concurrence des avantages qu'il en
a retirés. En cas de fiducie, ces obligations retombent sur le
patrimoine fiduciaire."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article précise l'étendue de la
responsabilité du bénéficiaire. Celui-ci ne répond
envers les tiers du préjudice causé par la faute de
l'administrateur dans l'exercice de ses fonctions qu'à concurrence des
avantages qu'il en a retirés. En cas de fiducie, ces obligations
retombent sur le patrimoine fiduciaire.
L'article proposé édicte une règle
différente de celle qui prévaut en matière de mandat et
qui est exprimée à l'article 1731 du Code civil du Bas-Canada. Si
une telle règle était retenue, le bénéficiaire
répondrait envers les tiers du préjudice causé par la
faute de l'administrateur dans l'exercice de ses fonctions. Cependant, une
telle règle ne tiendrait pas compte du fait que, contrairement au
mandat, le bénéficiaire ne peut pas toujours contrôler
l'administration et ne peut pas toujours décider de mettre fin à
une administration fautive.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: "Jusqu'à concurrence des avantages qu'il en a
retirés". Qu'il a retirés de quoi? Ou préjudice qu'il a
causé?
Le Président (M. Gagnon): Me Longtin.
Mme Longtin: Les avantages qu'il a retirés de cette partie
de l'administration qui est considérée comme fautive.
M. Pineau: Des actes qu'il a passés? Mme Longtin:
Oui.
Mme Harel: Vous proposez une formulation qui clarifie?
M. Pineau: Oui. Il ne peut pas avoir retiré des avantages
du préjudice. Ce sont des avantages des actes juridiques qu'il a
passés.
M. Marx: Qu'on le suspende.
Le Président (M. Gagnon): On suspend l'article 1374?
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Gagnon): On s'est bien entendu? Oui? Vous
avez un amendement à l'article 1375?
Mme Harel: Qui consiste à insérer, à la
première ligne, avant le mot "capable", le mot "pleinement".
L'article se lit comme suit: "Celui qui, pleinement capable de
l'exercice des droits civils, a donné à croire qu'une personne
était administrateur de ses biens est responsable, comme s'il y avait eu
administration, envers les tiers qui ont contracté de bonne foi avec
cette personne."
L'amendement proposé marque le caractère juridique de la
capacité requise.
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article vise à rendre responsable la
personne qui a donné des motifs raisonnables de croire qu'une autre
était administrateur de ses biens, comme s'il y avait eu administration,
envers les tiers qui ont contracté de bonne foi avec cette autre
personne.
Conforme aux propositions de l'Office de révision du Code civil,
ainsi qu'à celles de l'article 1730 du code actuel en matière de
mandat, la règle instaurée a pour effet de rendre celui qui a
laissé croire qu'une personne administrait ses biens tout aussi
responsable que cette dernière envers des tiers de bonne foi.
Afin de protéger une personne incapable, l'article précise
cependant que cette responsabilité ne vaut que si la personne
était capable de l'exercice des droits civils.
M. Pineau: "Donné à croire", est-ce correct? Celui
qui, capable de l'exercice de ses droits civils, a fait croire ou a
donné des motifs raisonnables de croire... "À donné
à croire"...
Mme Harel: On va introduire cette clarification: a donné
des motifs raisonnables de croire qu'une personne était
administrateur.
Le Président (M. Gagnon): On va l'inclure dans
l'amendement.
M. Cossette: On va vérifier...
Mme Harel: On va faire la vérification pour voir si cette
expression ne serait pas consacrée dans le Petit Robert ou dans le Grand
Robert, dans le dictionnaire.
M. Marx: On va le suspendre.
Le Président (M. Gagnon): On le suspend? On retire
l'amendement que nous avions en main. Je présume qu'il sera
corrigé ou qu'on ramènera le même amendement.
M. Cossette: Pour faire les deux sur le même.
Le Président (M. Gagnon): Voilà! Article 1376?
De l'inventaire, des sûretés et des
assurances
Mme Harel: "L'administrateur n'est pas tenu de faire inventaire,
de souscrire une assurance couvrant sa responsabilité ou de fournir une
autre sûreté à moins d'y être obligé par la
loi ou l'acte ou encore par le tribunal, à la demande du
bénéficiaire ou de tout intéressé. "Dans le cas
où c'est l'acte qui lui crée ces obligations, il peut, si les
circonstances le justifient, demander d'en être dispensé."
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Commentaire. Me
Cossette.
M. Cossette: Cet article énonce le principe que
l'administrateur n'est pas tenu de faire l'inventaire des biens, de souscrire
une assurance couvrant sa responsabilité ou de fournir une autre
sûreté, à moins d'y être obligé par la loi ou
l'acte ou encore par le tribunal, à la demande du
bénéficiaire ou d'un intéressé. Il permet aussi
à l'administrateur qui est tenu à ces obligations en vertu de
l'acte constitutif d'en être dispensé par le tribunal si les
circonstances le justifient.
Nouveau, l'article proposé s'inspire des recommandations de
l'Office de révision du Code civil. Il a pour but d'assouplir le
régime d'administration quant à ces mesures en permettant au
bénéficiaire, par exemple, de les faire imposer en tout temps,
lorsqu'elles s'avèrent nécessaires à la protection de ses
intérêts, ou à l'administrateur d'en être
dispensé si elles lui avaient été imposées
inutilement par l'acte constitutif.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 1377?
Mme Harel: "Le tribunal saisi d'une demande tient compte dans sa
décision de la valeur des biens administrés, de la situation des
parties et des autres circonstances. "Il ne peut faire droit à la
demande si cela a pour effet de remettre en cause les termes d'une convention
à laquelle l'administrateur et le bénéficiaire
étaient initialement parties."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article complète le
précédent. Il indique d'abord les éléments que doit
prendre en considération le tribunal pour imposer ou dispenser de ces
mesures, telles la valeur des biens administrés, la situation des
parties et les autres circonstances pertinentes.
Il énonce ensuite que le tribunal ne peut toutefois imposer ces
mesures ou en dispenser l'administrateur lorsque, ce faisant, le jugement
aurait pour effet de réviser une convention à laquelle
l'administrateur et le bénéficiaire étaient initialement
parties.
L'article proposé réserve donc le jeu normal des
règles du consensualisme en ne permettant pas aux parties d'obtenir la
révision judiciaire d'une convention valide. La révision
judiciaire sera possible dans les autres cas comme dans les actes
unilatéraux,
tel le testament.
Le Président (M. Gagnon): Cela va. L'article 1377 est
adopté. J'appelle l'article 1378.
Mme Harel: "L'inventaire auquel peut être tenu
l'administrateur doit comprendre l'énumération fidèle et
exacte de tous les biens qu'il est chargé d'administrer ou qui forment
le patrimoine administré. "Il comprend notamment: "1 La
désignation des immeubles et la description des meubles, avec indication
de leur juste valeur; "2° La désignation des espèces en
numéraire et des autres valeurs; "3° L'énumération des
documents de valeur. "L'inventaire fait aussi état des dettes et se
termine par une récapitulation de l'actif et du passif."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Les articles 1378 et 1383 traitent de l'inventaire.
Ces dispositions sont d'application générale. Elles s'appliquent
à l'administrateur du bien d'autrui chargé de faire inventaire
ainsi qu'à toute autre personne chargée par la loi de faire
inventaire lorsque la loi le prévoit. C'est le cas, par exemple, de
l'usufruitier par application de l'article 1196 du projet.
L'article 1378 indique le contenu de l'inventaire. Celui-ci comprendra
une énumération fidèle et exacte de tous les biens
administrés ou de ceux qui forment le patrimoine administré. Cet
article s'inspire de l'article 120 du livre IV du projet de l'office. Avec les
articles 1379 et 1380, il reprend en substance les articles 913 et 917 du Code
de procédure civile, mais il simplifie la procédure.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le
député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Lorsqu'on parle, à
l'aliéna 1, de l'indication de la juste valeur, est-ce qu'on parle d'une
valeur déterminée ou établie par celui qui dresse ou fait
l'inventaire, ou bien si on se réfère à une expertise? Je
sais qu'on a déjà soulevé cette question. Il y aurait
sûrement lieu qu'on soit fixé sur cette juste valeur
indiquée.
Le Président (M. Gagnon): Me Longtin.
Mme Longtin: En fait, l'objectif poursuivi ici n'était pas
nécessairement d'avoir une évaluation exacte d'un expert, puisque
cela serait évidemment extrêmement onéreux s'il fallait
faire évaluer tous et chacun des biens, mais de donner la valeur la plus
exacte possible qu'on peut retirer d'un examen...
M. Leduc (Saint-Laurent): Suivant le jugement...
Mme Longtin: De celui qui fait l'inventaire.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est exactement ce que cela veut dire.
D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Adopté?
Mme Longtin: C'est ce qui veut être dit.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1378 est-il
adopté? Adopté. J'appelle l'article 1379. Il y a un
amendement.
Mme Harel: L'amendement consiste à remplacer l'article
1379 par le suivant: "L'inventaire est dressé par un notaire en forme
notariée portant minute. !1 peut aussi être dressé sous
seing privé en présence de deux témoins. Dans ce cas, son
auteur et les témoins le signent et y indiquent la date et le lieu
où il est fait."
L'amendement proposé a pour but de préciser que
l'inventaire est dressé par le notaire lui-même et, par
conséquent, qu'il ne s'agit pas d'une simple déclaration faite
devant notaire par l'auteur de l'inventaire.
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire sur
l'article.
M. Cossette: Oui, le commentaire sur l'amendement vaut pour
l'article.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): La Chambre des notaires a
proposé à l'article 1379 un deuxième alinéa dans
lequel il serait dit: Lorsque parmi les bénéficiaires se trouvent
des mineurs ou des personnes protégées, l'inventaire doit
être en forme notariée portant minute. Je serais tenté de
dire que ce serait une mesure sage s'il y a des mineurs ou des personnes
protégées, de façon à être bien certain de
retrouver cet inventaire. La meilleure façon de le retrouver, c'est que
cela soit fait devant notaire; autrement dit, qu'on soit assuré de la
conservation de l'inventaire. Évidemment, on pourrait en avoir besoin
plusieurs années après la confection. (12 h 15)
Le Président (M. Gagnon): Me Cossette.
M. Cossette: Me permettez-vous de
retrouver quelque chose? Je pense que la protection que vous recherchez,
nous la retrouvons en particulier à l'article 688 du projet. En fait, le
mineur ou le majeur protégé ne peut jamais être tenu au
paiement des dettes de la succession au-delà de la valeur des biens
qu'il recueille.
M. Leduc (Saint-Laurent): Qu'est-ce que cela change? Est-ce qu'il
ne serait pas sage de bien s'assurer que cet inventaire pourra être
retrouvé facilement, qu'on soit assuré de sa conservation? Dans
le cas où on a affaire à des mineurs ou à des personnes
protégées, l'article 688 dit: "Le mineur ou le majeur
protégé ne peut jamais être tenu au paiement des dettes de
la succession au-delà de la valeur des biens qu'il recueille."
M. Cossette: Mais, si vous recherchez l'inventaire notarié
pour la protection du mineur, je dis que ce n'est pas la forme qui va faire que
le mineur sera plus ou moins responsable, c'est le deuxième
alinéa de l'article 688 qui fait que le mineur n'est jamais tenu
au-delà de ce qu'il recueille.
Mme Harel: M. le Président, Me Longtin...
Le Président (M. Gagnon): Oui, Me Longtin.
Mme Longtin: Je voulais indiquer ceci, c'est l'aspect pour le
droit des successions. Si on va maintenant au droit des personnes, le tuteur
à un majeur protégé ou à un mineur, au-delà
de 7000 $, avec la proposition de la Chambre des notaires, devrait être
tenu de faire dresser un inventaire notarié dans tous les cas.
Évidemment, ici, il y a les questions de coût. Il y a aussi quand
même une certaine protection qui est assurée par la surveillance
soit des conseils de tutelle, soit du Curateur public. Je dois dire
qu'actuellement, pour les personnes qui sont sous curatelle publique,
l'inventaire est fait sous seing privé et c'est dans les
règlements adoptés sous cette loi-là qu'on a tiré
un peu la règle de l'article 1379.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je suis bien d'accord avec ce que vous
dites. Si c'est le Curateur public, cela va bien, mais dans les autres cas je
pense que la protection des mineurs et des personnes protégées
est bien mieux assurée par un inventaire fait devant notaire; on
s'assure surtout de la conservation de cet inventaire. Est-ce qu'il sera
possible de retrouver facilement cet inventaire-là? C'est la question
que je pose.
Le Président (M. Gagnon): Me Cossette. M. Cossette:
Celui qui aura l'obligation de faire l'inventaire, c'est
généralement un administrateur du bien d'autrui qui a des
obligations, qui doit se conduire comme un homme prudent, comme un homme loyal,
comme un homme compétent. Si, dans son esprit, il vaut la peine ou cela
s'impose de faire un inventaire notarié, il le fera. Maintenant, on ne
l'obligera pas, même dans le cas où il y a des mineurs, à
recourir à cette forme-là parce que, dans certains cas, cela va
imposer des coûts trop importants par rapport à la valeur des
biens à inventorier, par exemple. C'est une question qu'on laisse
à la discrétion de l'administrateur du bien d'autrui, du
liquidateur de la succession, du tuteur ou du curateur, suivant les
circonstances.
Le Président (M. Gagnon): Ça va?
L'amendement à l'article 1379 est adopté et l'article tel
qu'amendé est adopté. Article 1380?
Mme Harel: "1380. Lorsqu'il se trouve dans le patrimoine
administré des effets personnels du titulaire du patrimoine ou, le cas
échéant, du défunt, il suffit de les mentionner
généralement à l'inventaire et de n'énumérer
ou ne décrire que les vêtements, papiers personnels, bijoux ou
objets d'usage courant dont la valeur excède pour chacun 100 $."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article, inspiré de l'article 120 du
livre III du projet de l'Office de révision du Code civil,
précise que, lorsqu'il se trouve dans le patrimoine administré
des effets personnels du titulaire du patrimoine ou, le cas
échéant, du défunt, il suffit de les mentionner
généralement à l'inventaire et de n'énumérer
ou d'écrire que les vêtements, papiers personnels, bijoux ou
objets d'usage courant dont la valeur excède pour chacun 100 $.
Cette disposition vise à faciliter la confection de l'inventaire
et à ne pas rendre le recours à l'inventaire trop
onéreux.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 1381?
Mme Harel: "Les universalités, tels les entreprises ou les
fonds de commerce ainsi que leurs accessoires, sont valablement décrits
à l'inventaire si la mention qu'on en fait est suffisante pour une vente
en bloc, pourvu toutefois que chacun des immeubles soit désigné
individuellement."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Complémentaire au
précédent, cet article précise que les
universalités, tels les entreprises ou les fonds de commerce ainsi que
leurs accessoires, sont valablement décrits à l'inventaire si la
mention qu'on en fait est suffisante pour une vente en bloc, pourvu toutefois
que chacun des immeubles soit indiqué individuellement. Cet article
s'inspire de la proposition de l'Office de révision du Code civil.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Adopté. Article
1182?
Mme Harel: L'amendement ' consiste à remplacer, à
la fin, les mots "du contraire" par les mots "le contraire", et l'article se
lit comme suit: "Les biens désignés à l'inventaire sont
présumés en bon état à la date de la confection de
l'inventaire, à moins que l'administrateur n'y joigne un document
attestant le contraire."
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'amendement est
adopté et l'article tel qu'amendé est adopté.
M. Cossette: Le commentaire.
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article de droit nouveau édicte une
présomption, à savoir que les biens désignés
à l'inventaire sont présumés être en bon état
à la date de la confection de l'inventaire, sauf si l'administrateur y
joint un document attestant le contraire.
Le Président (M. Gagnon): Adopté tel
qu'amendé. Article 1383?
Mme Harel: "L'administrateur doit fournir copie de l'inventaire
à celui qui l'a chargé de l'administration et au
bénéficiaire de celle-ci, ainsi qu'à toute personne dont
l'intérêt lui est connu. Il doit aussi, lorsque la loi le
prévoit, déposer au lieu indiqué l'inventaire ou un avis
de clôture de celui-ci précisant le lieu où l'inventaire
peut être consulté. "Tout intéressé peut contester
l'inventaire ou l'une de ses inscriptions; il peut aussi demander qu'il soit
procédé à un nouvel inventaire."
Le Président (M- Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article oblige l'administrateur à fournir
une copie de l'inventaire à la personne qui l'a chargé de
l'administration et au bénéficiaire de celle-ci, ainsi
qu'à toute personne dont l'intérêt lui est connu. Il devra
aussi, lorsque la loi le prévoit, comme c'est le cas en matière
de succession, déposer au lieu indiqué l'inventaire ou un avis de
clôture de celui-ci précisant le lieu où l'inventaire peut
être consulté.
Tout intéressé pourra contester l'inventaire ou l'une de
ses inscriptions et même demander qu'il soit procédé
à un nouvel inventaire.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 1383 est
adopté. Article 1384?
Mme Harel: "L'administrateur peut, aux frais du
bénéficiaire ou de la fiducie, assurer les biens qui lui sont
confiés contre les risques usuels, tels le vol et l'incendie. "Il peut
aussi, à leurs frais, souscrire une assurance couvrant sa
responsabilité."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Le premier alinéa de cet article permet
à l'administrateur d'assurer les biens confiés contre les risques
usuels, tels l'incendie ou le vol, aux frais du bénéficiaire ou
de la fiducie. Il n'a pas pour but d'imposer à l'administrateur
l'obligation de faire assurer les biens, contrairement à la proposition
de l'office. Il a paru préférable, en effet, de laisser à
l'administrateur le soin de juger dans chaque cas de l'opportunité de
faire assurer les biens, conformément à son obligation d'agir
avec prudence, diligence et compétence dans le meilleur
intérêt du bénéficiaire ou de la fin poursuivie.
Les biens peuvent avoir été déjà
assurés par le bénéficiaire. Ils peuvent encore ne pas
être assurables ou ne l'être qu'à un coût
exorbitant par rapport aux risques encourus. Il reviendra à
l'administrateur d'apprécier, suivant les circonstances propres à
chaque cas. Le second alinéa permet à l'administrateur de
souscrire une assurance couvrant sa propre responsabilité aux frais du
bénéficiaire de la fiducie. Cette règle, qui s'inspire des
propositions de l'office, vise à alléger le fardeau de la
responsabilité de l'administrateur, notamment de celui qui agit
gratuitement.
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau?
M. Pineau: L'administrateur peut, aux frais du
bénéficiaire ou de la fiducie, souscrire une assurance couvrant
sa propre responsabilité. Or, cet administrateur, en principe, est
rémunéré. Qu'il assure lui-même sa propre
responsabilité, s'il veut être assuré. Pourquoi mettre cela
à la charge du bénéficiaire ou de la fiducie?
M- Leduc (Saint-Laurent): Pour protéger le
bénéficiaire. S'il est insolvable...
Mme Harel: II faudrait faire la distinction lorsque
l'administrateur est ou n'est pas rémunéré.
M. Pineau: Oui, mais "il peut".
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, "il peut". Je serais tenté
de dire "il doit". S'il peut seulement, pourquoi prendrait-il une
assurance-responsabilité? Autrement dit, il aurait peur d'être
voleur.
M. Pineau: Aux frais de l'autre, il peut toujours s'assurer.
M. Leduc (Saint-Laurent): S'il s'agit de protéger le
bénéficiaire, je suis bien d'accord.
Mme Harel: À ce moment, il s'agirait de biffer: "à
leurs frais", de façon qu'on y lise: II peut aussi souscrire une
assurance couvrant sa responsabilité.
M. Marx: S'il n'est pas rémunéré, je pense
que ce serait injuste de ne pas lui permettre de souscrire une assurance aux
frais de l'administration.
M. Cossette: Cela mérite réflexion, je pense.
M. Marx: Suspendu. M. Cossette: Suspendu?
M. Leduc (Saint-Laurent): On ne faisait pas état de cette
question.
M. Pineau: L'administrateur est tenu d'assurer, aux frais du
bénéficiaire...
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, mais seulement pour l'incendie et
le vol, les risques ordinaires.
M. Pineau: Oui, le premier alinéa, c'est juste.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1384 est suspendu.
L'article 1385?
De l'administration collective et de la
délégation
Mme Harel: "Lorsque plusieurs administrateurs sont chargés
de l'administration, Ils peuvent agir à la majorité d'entre eux,
à moins que l'acte ou la loi ne prévoie qu'ils agissent de
concert ou suivant une autre proportion."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article établit la règle de la
majorité lorsque plusieurs personnes sont conjointement chargées
de l'administration du bien d'autrui. Il a pour but de faciliter la prise de
décision en cas d'administration collective. Il écarte,
toutefois, l'application de la règle de la majorité lorsque
l'acte ou la loi exige que les administrateurs agissent de concert ou suivant
une autre proportion.
L'article proposé s'inspire des propositions de l'office. Il
reprend la solution du droit actuel en matière de fiducie
exprimée à l'article 981f du Code civil du Bas-Canada, mais
modifie celle énoncée en matière d'exécution
testamentaire.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 1385 est
adopté. Article 1386?
Mme Harel: "Si, en cas d'empêchement ou par suite de
l'opposition systématique de certains d'entre eux, les administrateurs
ne peuvent agir à la majorité ou selon la proportion
prévue, les autres peuvent agir seuls pour les actes conservatoires; ils
peuvent aussi agir seuls pour des actes qui demandent
célérité, s'ils y sont autorisés par le tribunal.
"Lorsque la situation perdure et que l'administration s'en trouve
sérieusement entravée, le tribunal peut, à la demande d'un
intéressé, dispenser les administrateurs d'agir suivant la
proportion prévue, diviser leurs fonctions, donner voix
prépondérante à l'un d'eux ou rendre toute ordonnance
qu'il estime appropriée dans les circonstances."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article vise à éviter que
l'administration ne soit paralysée indûment lorsque ta proportion
d'administrateurs requise pour la prise de décision ne peut être
atteinte, soit en raison de l'absence ou autre cause d'empêchement de
certains d'entre eux, soit en raison de leur obstruction systématique.
Le premier alinéa permet alors aux autres administrateurs d'agir seuls
pour les actes conservatoires demandant célérité ou non.
Il leur permet aussi d'agir seuls pour des actes autres que simplement
conservatoires qui demandent célérité, comme l'acceptation
d'une offre de contracter limitée dans le temps, s'ils y sont
autorisés par le tribunal.
Alors que le premier alinéa propose une solution à une
situation essentiellement temporaire, le second alinéa est
destiné à s'appliquer lorsque cette situation perdure et que
l'administration s'en trouve sérieusement entravée. On permet
alors à tout intéressé de s'adresser au tribunal pour
mettre fin à l'impasse. Le tribunal peut, à cette fin, dispenser
les administrateurs d'agir suivant la proportion prévue, diviser leurs
fonctions,
accorder une voix prépondérante à l'un d'eux ou
rendre toute ordonnance qu'il estime appropriée suivant les
circonstances. Ces larges pouvoirs permettraient même au tribunal
d'exclure un administrateur.
L'article proposé est de droit nouveau et s'inspire des articles
568 et 569 du projet de l'office.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je trouve que cela va passablement
loin. Un testateur pourrait nommer des liquidateurs et le tribunal pourrait
enlever l'obligation d'agir à la majorité ou à
l'unanimité.
Le Président (M. Gagnon): II est midi trente minutes. Nous
allons dîner en réfléchissant à ce problème
et nous reprendrons a 14 heures. La sous-commission suspend ses travaux.
(Suspension de la séance à 12 h 30)
(Reprise è 15 heures)
Le Président (M. Gagnon): Nous en étions à
l'article 13B6. Si je me souviens bien, la discussion était
engagée, l'article a été lu. Le député de
Saint-Laurent n'y est pas.
M. Marx: II revient dans cinq minutes.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 1386 est
adopté? Je sais que le député de Saint-Laurent avait des
questions. Voulez-vous qu'on le suspende jusqu'à ce qu'il revienne?
M. Cossette: On en était à 1386.
Le Président (M. Gagnon): Le député de
Saint-Laurent avait des questions sur cet article. Nous allons le suspendre
pour le reprendre tantôt, aussitôt qu'il arrivera. Article
1387?
Mme Harel: "Les administrateurs sont solidairement responsables
de leur administration. "Toutefois, lorsque leurs fonctions ont
été divisées par la loi, l'acte ou le tribunal et que
cette division a été respectée, chacun n'est responsable
que de sa propre administration."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article établit le régime de
responsabilité applicable en cas d'administration collective.
Le premier alinéa énonce le principe de la
responsabilité solidaire des administrateurs. Le second alinéa
prévoit une exception évidente à ce principe lorsque les
fonctions des administrateurs ont été divisées par la loi,
par l'acte ou par le tribunal et que cette division a été
respectée dans les faits. Il précise que chacun des
administrateurs n'est alors responsable que de sa propre administration, que
des actes posés dans l'exercice de ses fonctions distinctes.
L'article proposé s'inspire des propositions de l'office à
l'article 566 et est conforme au droit actuel en matière de fiducie et
de mandat tel qu'exprimé aux articles 981m et 1712 du Code civil.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 1387 est
adopté. Nous reprenons l'article 1386. M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Pardon?
Le Président (M. Gagnon): Lorsque nous avons suspendu nos
travaux, nous étions à la discussion de l'article 1386. On
était supposé y réfléchir à l'heure du
dîner.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous avez sans doute
réfléchi.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous avez des
questions à l'article 1386?
M. Leduc (Saint-Laurent): J'évoquais la possibilité
pour le tribunal de modifier les règles établies dans le
testament qui pouvaient requérir une majorité ou
l'unanimité des liquidateurs.
M. Cossette: Au moment où nos travaux ont cessé,
j'en étais à attirer l'attention de mon confrère sur le
deuxième alinéa en particulier qui exige que le tribunal
n'intervienne que lorsqu'une situation perdure et qu'une administration s'en
trouve évidemment sérieusement entravée, ce que le
tribunal appréciera avant d'appliquer le deuxième alinéa.
Autrement dit, on est dans un "dead-lock", il n'y a pas moyen d'en sortir et le
tribunal intervient pour qu'on en arrive à une solution.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cette règle n'existait pas
auparavant. Est-ce que cela créait beaucoup de problèmes? Est-ce
qu'il y a eu beaucoup de litiges?
M. Cossette: Oui, parce que, autrefois, il n'y avait pas de moyen
d'en sortir. Aujourd'hui, il y en a un. Je pense que cela va permettre de
régler beaucoup de cas.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 1386 est
adopté. Article 1388?
Mme Harel: "L'administrateur est présumé avoir
approuvé toute décision prise par ses coadministrateurs. Il en
est responsable avec eux, à moins qu'il ne manifeste
immédiatement sa dissidence à ses coadministrateurs et en avise
le bénéficiaire dans un délai raisonnable.
"L'administrateur qui justifie de motifs sérieux pour n'avoir pu faire
connaître au bénéficiaire sa dissidence en temps utile peut
néanmoins s'exonérer de sa responsabilité."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article est nouveau et s'inspire des
propositions de l'office ainsi que du droit sur les personnes morales actuel
tel qu'énoncé par l'article 123.85 de la Loi sur les compagnies.
Il introduit, en matière d'administration collective, un droit de
dissidence permettant à un administrateur de s'exonérer de la
responsabilité normalement solidaire pouvant lui incomber en raison
d'une décision de ses pairs.
Le premier alinéa édicte tout d'abord que l'administrateur
est réputé avoir approuvé toute décision prise par
ses coadministrateurs en sa présence et en être responsable avec
eux conformément à la règle de la
collégialité.
Il permet toutefois ensuite à un administrateur dissident
d'écarter l'application de cette règle pourvu qu'il manifeste
sur-le-champ sa dissidence à ses coadministrateurs et en avise le
bénéficiaire dans un délai raisonnable. Ce n'est
qu'à ces conditions que l'administrateur pourra s'exonérer de la
responsabilité découlant de la décision de ses
coadministrateurs.
Le deuxième alinéa apporte un tempérament aux
conditions exigées en permettant à l'administrateur qui n'a pas
fait connaître sa dissidence en temps utile d'être néanmoins
exonéré de sa responsabilité s'il justifie de motifs
sérieux de n'avoir pu le faire, par exemple, si on lui avait
caché des faits dont la connaissance aurait modifié sa
décision ou s'il était physiquement dans l'incapacité de
le faire.
L'article proposé vise à empêcher la majorité
décisionnelle d'imposer indûment ses vues et la
responsabilité qui en découle à un administrateur qui
manifeste clairement sa dissidence réelle. Le mécanisme
prévu permet, d'ailleurs, d'aviser le bénéficiaire par
là même d'une divergence importante quant à
l'opportunité de la décision.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce la fin du
commentaire?
M. Cossette: C'est cela.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. J'appelle
1389.
Mme Harel: "L'administrateur est présumé avoir
approuvé une décision prise en son absence, è moins qu'il
ne manifeste sa dissidence aux autres administrateurs et au
bénéficiaire dans un délai raisonnable après en
avoir pris connaissance."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article complète le
précédent en édictant que l'administrateur est
présumé avoir approuvé une décision prise en son
absence, à moins qu'il ne manifeste sa dissidence aux autres
administrateurs et au bénéficiaire dans un délai
raisonnable après en avoir pris connaissance.
Le Président (M. Gagnon): Cela va, adopté.
J'appelle l'article 1390.
Mme Harel: "L'administrateur peut déléguer ses
fonctions ou se faire représenter par un tiers pour un acte
déterminé; toutefois, il ne peut déléguer
généralement la conduite de l'administration ou l'exercice d'un
pouvoir discrétionnaire, sauf à ses coadministrateurs. "Il
répond de la personne qu'il mandate, entre autres s'il connaissait ou
devait connaître son incompétence ou s'il n'était pas
autorisé à confier un mandat."
L'amendement - vous l'aurez compris -consiste à insérer,
à la première ligne du deuxième alinéa,
après les mots "qu'il mandate", les mots ", entre autres".
Cet amendement a pour but d'indiquer que les cas où
l'administrateur répond de la personne qu'il mandate ne sont pas
exhaustifs.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement est
adopté? Le commentaire.
M. Cossette: Cet article établit les règles
relatives à la possibilité pour l'administrateur de
déléguer ses fonctions ou de se faire représenter ainsi
qu'à la responsabilité en découlant.
Le premier alinéa permet ainsi à l'administrateur de
déléguer ses fonctions ou de se faire représenter par un
tiers pour tout acte déterminé. Il lui permet aussi de
déléguer généralement la conduite de
l'administration ou l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire mais en
faveur de ses seuls coadministrateurs. Le pouvoir de déléguer ses
fonctions à un tiers ou de se faire représenter par lui pour un
acte déterminé est non seulement utile mais bien souvent
nécessaire à une bonne gestion. Il n'affecte aucunement la
fonction de l'administrateur qui conserve alors la conduite de l'administration
et la direction des opérations. Tout autre est le pouvoir de
l'administrateur de déléguer généralement la
conduite de l'administration ou l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire
et lui permettre de le faire en faveur d'un tiers serait lui accorder la
possibilité de se dérober à la première de ses
obligations qui est celle d'administrer. La seule exception permise l'est en
faveur de ses coadministrateurs.
Le deuxième alinéa établit le régime de
responsabilités applicables en cas de délégation ou de
représentation.
L'administrateur peut être autorisé à confier ses
mandats ou ne pas l'être. S'il y était autorisé, même
généralement, l'administrateur ne sera responsable des actes de
la personne mandatée que s'il en connaissait ou devait en
connaître l'incompétence. S'il n'y était pas
autorisé, l'administrateur sera en tout temps responsable des actes de
la personne mandatée. L'article proposé qui s'inspire des
propositions de l'Office est conforme au droit actuel en matière de
mandat exprimé à l'article 17111 du Code civil.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement est adopté.
Me Pineau.
M. Pineau: Le deuxième alinéa: "II répond de
la personne qu'il mandate s'il connaissait ou devait connaître son
incompétence." Ce n'est pas son incompétence, c'est
l'incompétence de la personne qu'il mandate. Il répond de la
personne qu'il mandate s'il en connaissait ou devait en connaître
l'incompétence, je suppose.
Le Président (M. Gagnon): II y aura amendement, une
correction. Est-ce que ce serait possible de le faire pour ne pas avoir deux
amendements sur le même...
M. Cossette: Sur le même document?
Le Président (M. Gagnon): ...sur le même
document.
M. Cossette: On va le faire là-dessus.
Le Président (M. Gagnon): Oui. Alors, l'amendement
à l'article 1390 est adopté et l'article tel qu'amendé est
adopté. Article 1391?
Mme Harel: "1391. Le bénéficiaire qui subit un
préjudice peut répudier l'administration de la personne
mandatée par l'administrateur en violation de l'acte ou des usages. "Il
peut aussi, même si l'administrateur pouvait valablement confier le
mandat, exercer ses recours contre la personne mandatée."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article complète le
précédent. Il permet au bénéficiaire de
répudier, dans certains cas, les actes qui lut sont
préjudiciables posés par la personne mandatée par
l'administrateur et d'exercer en tout temps ses recours directement contre
cette personne.
L'article est conforme aux propositions de l'office ainsi qu'aux
règles de l'article 1711 du code actuel en matière de mandat.
Le Président (M. Gagnon): Ça va? Me
Pineau.
M. Pineau: "Le bénéficiaire peut répudier
l'administration..." Ce n'est pas tant l'administration qu'il peut
répudier que les actes juridiques, comme le dit d'ailleurs le
commentaire. Les actes juridiques passés en violation, les actes
posés par la personne mandatée par l'administrateur en
violation... Là, il y a un arrangement à faire parce qu'on ne
répudie pas l'administration.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que la correction sera
faite?
M. Leduc (Saint-Laurent): L'ORCC parlait de répudier les
actes.
Mme Harel: Les actes?
M. Cossette: Oui, d'y substituer...
M. Pineau: Là encore, s'il en a subi le
préjudice...
M. Leduc (Saint-Laurent): Non, mais en tout cas, il peut
répudier les actes.
M. Cossette: On peut suspendre celui-là et on le
reprendra.
Le Président (M. Gagnon): On suspend l'article 1391.
Article 1392?
De3 placements présumés sûrs
Mme Harel: Je vais lire les amendements au fur et à mesure
que je ferai lecture des alinéas qui les concernent. "1392. Sont
présumés sûrs les placements faits dans les biens suivants:
"1° Les immeubles corporels situés au Québec; "2 Les
obligations ou autres titres d'emprunt émis ou garantis par le
Québec, le Canada ou une province canadienne, les États-Unis
d'Amérique ou l'un des États membres, la Banque internationale
pour la reconstruction et le développement, une municipalité ou
une commission scolaire au Canada ou une fabrique au Québec; "3° Les
obligations ou autres titres
d'emprunt émis par une personne morale exploitant un service
public au Canada et investie du droit de fixer un tarif pour ce service;
"4° Les obligations ou autres titres d'emprunt garantis par l'engagement,
pris envers un fiduciaire, du Québec, du Canada ou d'une province
canadienne, de verser des subventions suffisantes pour acquitter les
intérêts et le capital à leurs échéances
respectives; "5° Les obligations ou autres titres d'emprunt d'une
société dans les cas suivants..." L'amendement consiste au
cinquièmement, paragraphe a, à insérer les mots "par un
privilège ou" après le mot "garantis". Le cinquièmement,
paragraphe a se lit comme suit: "a) Ils sont garantis par un privilège
ou une hypothèque de premier rang sur un immeuble corporel ou par le
nantissement de titres présumés sûrs;"
À cinquièmement, paragraphe b, l'amendement consiste
à remplacer les mots "le service de ses autres emprunts" par les mots
"le service des intérêts sur ses emprunts". Le
cinquièmement, paragraphe b se lit comme suit: "b) Ils sont garantis par
un nantissement de premier rang sur des équipements et la
société a régulièrement assuré le service
des intérêts sur ses emprunts au cours des dix derniers
exercices;" (15 h 15)
L'amendement consiste au cinquièmement, paragraphe c, à
insérer les mots "ou privilégiées" après les mots
"actions ordinaires". Le paragraphe c de cinquièmement se lit comme
suit: "Ils sont émis par une société dont les actions
ordinaires ou privilégiées constituent des placements
présumés sûrs;" "6° Les obligations ou autres titres
d'emprunt émis par une société de prêts
constituée par une loi du Québec ou autorisée à
exercer son activité au Québec en vertu de la Loi sur les
sociétés de prêts et de placements (L.R.Q., chapitre S-30),
à condition que cette société ait été
spécialement agréée par le gouvernement et que son
activité habituelle au Québec consiste à faire soit des
prêts aux municipalités ou aux commissions scolaires et aux
fabriques, soit des prêts garantis par une hypothèque de premier
rang sur des immeubles situés au Québec; "7 Les créances
garanties par hypothèque sur des immeubles situés au
Québec: "a) Si le paiement du capital et des intérêts est
garanti ou assuré par le Québec, le Canada ou une province
canadienne; "b) Si le montant de la créance n'est pas supérieur
à 75 % de la valeur de l'immeuble qui en garantit le paiement,
déduction faite des autres créances garanties par le même
immeuble et ayant le même rang que la créance ou un rang
antérieur;"
Au paragraphe c de septièmement, l'amendement consiste à
remplacer le mot "émise" par le mot "délivrée", à
la septième ligne. Le paragraphe c de septièmement se lit comme
suit: "Si le montant de la créance qui excède 75 % de la valeur
de l'immeuble qui en garantit le paiement, déduction faite des autres
créances garanties par le même immeuble et ayant le même
rang que la créance ou un rang antérieur, est garanti ou
assuré par le Québec, le Canada, une province canadienne, la
Société canadienne d'hypothèques et de logements, la
Société d'habitation du Québec ou par une police
d'assurance hypothécaire délivrée par une
société titulaire d'un permis en vertu de la Loi sur les
assurances;"
À huitièmement, l'amendement consiste à supprimer,
dans les troisième et quatrième lignes, le membre de phrase "en
le prélevant sur le bénéfice de l'exercice", et ajouter,
après les mots "le dividende stipulé", les mots "sur toutes les
actions privilégiées". Huitièmement se lit comme suit:
"Les actions privilégiées libérées, émises
par une société dont les actions ordinaires constituent des
placements présumés sûrs et qui, au cours des cinq derniers
exercices, a distribué le dividende stipulé sur toutes les
actions privilégiées."
À neuvièmement, l'amendement consiste à supprimer,
dans la première ligne du neuvièmement, le mot
"libérées", et le neuvièmement se lit ainsi: "Les actions
ordinaires, émises par une société qui satisfait depuis
trois ans aux obligations d'information continue définies par la Loi sur
les valeur mobilières, dans la mesure où elles sont inscrites
à la cote d'une bourse reconnue à cette fin par décret du
gouvernement, adopté sur recommandation de la Commission des valeurs
mobilières, et où la capitalisation boursière, compte non
tenu des actions privilégiées et des blocs d'actions de 10 % et
plus, excède la somme fixée par ce décret;"
À dixièmement, l'amendement consiste a remplacer, dans la
deuxième ligne les mots "de placements" par les mots "de placements ou",
et le dixièmement se lit comme suit: "Les actions d'une
société d'investissement à capital variable et les parts
d'un fonds commun de placements ou d'une fiducie d'utilité
privée, à condition que 60 % de leur portefeuille soit
composé de placements présumés sûrs dans les cas
suivants: "a) Les actions ou les parts remplissent les exigences prévues
au sous-paragraphe a) du paragraphe Il de l'article 3 de la Loi sur les valeurs
mobilières;"
Au dixièmement, paragraphe b, l'amendement consiste à
remplacer les mots "ou le fonds" par les mots "le fonds ou la
fiducie", et le paragraphe b de dixièmement se lit comme suit:
"La société, le fonds ou la fiducie satisfait depuis trois ans
aux obligations d'information continue définies par cette loi."
Le commentaire sur les amendements. Les amendements proposés sont
de concordance, à l'exception de ceux apportés au
septièmement et au neuvièmement qui sont d'ordre formel. Avec les
modifications apportées récemment à la Loi sur les valeurs
mobilières et le règlement sur les valeurs mobilières,
plus précisément, le septièmement, paragraphe a, est
ajouté, parmi les sûretés admissibles, le privilège
sur un immeuble.
Au cinquièmement, paragraphe b, une norme moins
sévère que celle qui y est prévue, mais similaire à
celle établie dans les textes correspondants, est
préconisée en prévoyant que les obligations ou autres
types d'emprunt d'une société sont des placements
présumés sûrs dans le cas où ils sont garantis par
un nantissement de premier rang sur les équipements et que la
société a régulièrement assuré le service,
non pas comme le texte actuel le prévoit "de ses autres emprunts au
cours des dix derniers exercices", mais plutôt "des intérêts
sur ses emprunts au cours des dix derniers exercices".
Au cinquièmement, paragraphe c est ajouté aux actions
ordinaires les actions privilégiées. Au huitièmement,
compte tenu d'abord que les conditions qui y sont prévues sont
exigées cumulativement, alors que les textes correspondants ne posent
ces conditions qu'alternativement et sont donc moins restrictifs, on a
rétabli l'alternative en prévoyant que les actions
privilégiées, émises par une société dont
les actions ordinaires constituent des placements présumés
sûrs ou qui, au cours des cinq derniers exercices, a distribué le
dividende stipulé, sont des placements présumés
sûrs.
Ensuite, comme l'article exige que le dividende distribué soit
prélevé sur le bénéfice de l'exercice et que cette
exigence ne se retrouve pas dans les textes correspondants parce que trop
rigoureuse, il suffirait, en effet, d'une mauvaise année qui ne
compromet d'aucune façon la situation de la société pour
que les actions privilégiées ne soient plus acceptées
comme placements présumés sûrs pour une période de
cinq ans, nous avons simplement exigé que soit distribué le
dividende stipulé sur toutes les actions privilégiées.
Enfin, au dixièmement, des modifications sont apportées
afin de ne pas limiter indûment à la fiducie la possibilité
de proposer au public les parts d'un fonds commun de placement.
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire sur
l'article.
M. Cossette: Cet article énumère les placements
sécuritaires qui peuvent être considérés comme
relevant d'une bonne administration destinée à faciliter la
tâche des administrateurs. L'énumération proposée
est conforme généralement aux propositions de l'office et reprend
essentiellement les dispositions de l'article 980 du Code civil actuel en
modernisant la terminologie. Cependant, certains correctifs ou certaines
précisions ont été apportées aux règles
actuelles pour tenir compte des lois récentes en matière de
valeur mobilière et pour permettre d'assurer davantage la
sécurité des placements et leur liquidité et aussi pour
simplifier le texte tout en le rajeunissant. Ainsi, le projet de loi ne
considère plus suffisant d'exiger, dans le cas d'obligations ou autres
titres d'emprunt, que la personne morale soit constituée au Canada, mais
exige plutôt que la société émettrice satisfasse aux
obligations d'information continue définie par la Loi sur les valeurs
mobilières. De cette façon, bien que l'on admette quelques
sociétés non constituées au Canada, on se trouve à
ne retenir des sociétés constituées au Canada que celles
qui, depuis au moins trois ans, fournissent aux épargnants
québécois l'information prévue par la Loi sur les valeurs
mobilières et exigée pour toute décision
éclairée de placement.
Le projet de loi ne se contente plus également d'exiger dans le
cas des actions ordinaires qu'elles soient inscrites à la Bourse
canadienne pour qu'un placement soit présumé sûr. Les
Bourses étant plus ou moins strictes quant à leurs
critères d'admission, il importe en conséquence de refuser
certaines Bourses à la cote desquelles sont inscrits des titres
comportant trop de risques. Le nouveau projet de loi reconnaît donc au
gouvernement, sur la recommandation de la Commission des valeurs
mobilières, le pouvoir de reconnaître les Bourses et de fixer la
capitalisation boursière minimale.
Le critère de rendement proposé dans le texte actuel, dans
le cas des actions ordinaires, est aussi substitué au critère de
liquidité du marché parce que rien ne garantit, même si une
société a réalisé un bénéfice
constant au cours des cinq derniers exercices, qu'on pourra liquider dans des
conditions intéressantes un paquet d'actions le moindrement important.
Le nouveau projet reconnaît également les actions de
sociétés d'investissements à capital variable et les parts
de fonds commun de placement.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'amendement à
l'article 1392 est-il adopté? L'article, tel qu'amendé, est-il
adopté? Adopté. Article 1393?
Mme Harel: II s'agit de tous les amendements, évidemment.
"L'administrateur décide des placements
à faire en fonction du rendement et de la plus-value
espérée; dans la mesure du possible, il tend à composer un
portefeuille diversifié, assurant dans une proportion établie en
fonction de la conjoncture, des revenus fixes et des revenus variables. "Il ne
peut cependant acquérir plus de 5 % des actions d'une même
société, ni acquérir des actions, obligations ou autres
titres d'emprunt d'une personne morale qui a omis de payer les dividendes
prescrits sur ses actions ou les intérêts sur ses obligations ou
autres titres, ni consentir un prêt à ladite personne morale.
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article indique la politique que doit suivre un
administrateur en matière de placements. Il reprend la règle
actuelle à savoir qu'un administrateur ne peut acquérir plus de 5
% des actions d'une même société ni acquérir les
actions, obligations ou autres titres d'emprunt d'une personne morale qui est
en défaut de payer les dividendes prescrits sur ses actions ou les
intérêts sur ses obligations ou autres titres, ni consentir un
prêt à une telle personne morale. Cependant, l'exigence pour un
administrateur de n'investir en actions pas plus de 30 % de la valeur globale
des biens dont il a l'administration est abolie; mais, lui est imposée,
par contre, l'obligation de diversifier, dans la mesure du possible, ses
placements en fonction de la conjoncture.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1393 est-il
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. J'appelle
l'article 1394.
Mme Harel: "L'administrateur peut déposer les sommes
d'argent dont il est saisi dans une banque, une banque d'épargne, une
société de fiducie ou une société d'entraide
économique ou une caisse d'épargne et de crédit, si le
dépôt est remboursable à vue ou sur un avis d'au plus
trente jours. "Il peut les déposer pour un terme plus long, avec
l'autorisation du tribunal et aux conditions fixées par ce dernier."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article reprend sensiblement la règle de
l'article 981r du Code civil du Bas-Canada, elle-même reprise par
l'article 555 du projet de l'office, en s'inspirant cependant de l'article 296a
du Code civil actuel, et y est ajoutée la possibilité pour
l'administrateur de pouvoir déposer les sommes d'argent dont il est
saisi pour un terme plus long que trente jours, avec l'autorisation d'un
tribunal et aux conditions fixées par ce dernier.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je pense gu'on devrait modifier
l'article 1394. Evidemment, il est identique à l'article 981r, mais il
faut dire qu'il crée de gros problèmes. Est-ce qu'il y a en
principe un placement plus sûr qu'un certificat de dépôt
à terme auprès d'une institution bancaire comme la Banque Royale,
qui détient tout près de 100 000 000 000 $ d'actifs, ou les
autres banques, ou avec les caisses populaires ou les fiducies? À ce
moment-là, il faut chercher l'autorisation du tribunal. Je pense que ce
n'est pas du tout approprié.
Les gens qui administrent souvent n'entendent pas faire des placements
très sophistiqués. Ils veulent bien s'assurer d'un rendement
raisonnable. Il faut dire que les certificats de dépôt donnent des
rendements assez intéressants et ils ne créent pas trop de
problèmes à l'administrateur. Autrement dit, il n'a pas de grand
choix à faire. Or, je pense qu'on devrait lui donner le droit d'investir
auprès de ces institutions sans que cela ne soit remboursable à
vue ou sur un avis de trente jours. Cela veut dire que les placements dans ces
institutions deviennent absolument impossibles.
Je dois vous dire que cela nous a causé beaucoup de
problèmes. Cela m'en a causé beaucoup également. Les gens
voulaient placer leur argent auprès de ces institutions et ils
n'étaient pas en mesure de le faire. Alors, ils le plaçaient de
toute façon.
Je ne comprends pas tellement pourquoi on met cette restriction à
l'article 1394 pour les placements auprès de ces institutions. Ils sont
peut-être dans des cas drôlement plus sûrs et plus judicieux
que des placements qu'on pourrait effectuer en vertu de l'article 980,
maintenant l'article 1392.
Le Président (M. Gagnon): Me Cossette.
M. Cossette: Nous allons suspendre l'article. Il y a dans cette
disposition un problème de liquidité et le problème de
l'administrateur qui ne doit pas laisser traîner son argent à la
banque quand il lui est possible de le placer ailleurs. Mais, nous allons le
réserver pour y réfléchir et ensuite y revenir.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous comprendrez que je ne parle pas de
laisser l'argent dans un compte d'épargne ou dans un compte courant sans
intérêts. Je parle de placements à terme, de
dépôts à terme...
M. Cossette: Oui.
M. Leduc (Saint-Laurent): ...ce qui se fait d'une
façon journalière et qui est très rentable. De toute
façon, dans plusieurs cas on va faire ces placements en vertu de
l'article 1392. Qu'on s'enlève le droit de le faire auprès de ces
institutions, je pense que c'est se créer un handicap.
Le Président (M. Gagnon): Me Longtin.
M. Cossette: Nous le suspendons pour le moment.
Mme Longtin: Je voudrais juste poser une question. Finalement,
est-ce que, dans la plupart des cas, ils ne sont pas remboursables sur avis
d'au plus trente jours? (15 h 30)
M. Leduc (Saint-Laurent): Auprès des fiducies c'est un
terme fixe. Elles n'acceptent pas que vous encaissiez par anticipation. Les
autres institutions ont toutes sortes de dépôts à terme. Il
y en a qui sont à terme fixe. Vous devez respecter le terme.
M. Pineau: Les taux d'intérêt sont
décroissants si on les retire avant l'échéance.
M. Cossette: II y a une pénalité indirecte.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1394 est suspendu.
Article 1395?
Mme Harel: "L'administrateur peut maintenir les placements
existants lors de son entrée en fonctions, même s'ils ne sont pas
présumés sûrs. "Il peut aussi détenir les titres
qui, par suite de la réorganisation, de la liquidation ou de la fusion
d'une personne morale, remplacent ceux qu'il détenait."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article sur le maintien de placements existants
énonce des règles prévues aux articles 981p et 981s du
Code civil actuel et proposées également par l'office aux
articles 554 et 556 du projet.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Adopté. Article
1396?
Mme Harel: "L'administrateur qui agit conformément aux
dispositions de la présente section est présumé agir
prudemment. "L'administrateur qui effectue un placement qu'il n'est pas
autorisé à faire est, par ce seul fait et sans autre preuve de
faute, responsable des pertes qui en résultent."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article énonce le régime de
responsabilité applicable en matière de placements. Le premier
alinéa établit une présomption de bonne gestion en faveur
de l'administrateur qui effectue un placement ou agit conformément aux
dispositions de la présente section. Il n'a pas toutefois pour effet
d'exonérer l'administrateur de toute responsabilité à
l'égard des actes posés en conformité de ces
règles.
L'administrateur doit toujours agir avec prudence et diligence dans le
meilleur intérêt du bénéficiaire ou de la fin
recherchée. Il peut être démontré que, dans les
circonstances de l'administration, les placements effectués
n'étaient pas de ceux qu'une personne raisonnablement prudente aurait
faits ou n'étaient pas dans le meilleur intérêt du
bénéficiaire ou de la fin, engageant ainsi la
responsabilité de l'administrateur fautif.
Le second alinéa rend, par ailleurs, l'administrateur responsable
des pertes qui résultent d'un placement effectué alors qu'il
n'était pas autorisé à le faire par l'acte ou la loi de ce
fait et sans autre preuve de faute.
Cet alinéa vise par exemple le cas où l'acte constitutif
interdit certains genres de placements, n'autorise que certains d'entre eux ou
énumère expressément les placements permis. Il ne vise pas
le cas où l'acte constitutif est muet sur ces points et où les
dispositions relatives au placement présumé sûr
s'appliquent à titre supplétif ou en vertu d'une disposition
législative alors applicable. Dans ce cas la responsabilité de
l'administrateur s'établit conformément au premier
alinéa.
L'article proposé s'inspire des propositions de l'office et des
articles 981u, 981k et 981t du Code civil actuel.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 1396 est
adopté. Article 1397?
Mme Harel: "Les placements effectués au cours de
l'administration doivent l'être au nom de l'administrateur agissant en sa
qualité."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article est nouveau. Il vise à contrer
une pratique dénoncée fréquemment en droit actuel
où l'administrateur effectue les placements en son nom personnel,
contrairement à son obligation de ne pas confondre les biens
administrés avec les siens. L'article énonce
donc, à titre de rappel, que les placements effectués
doivent l'être au nom de l'administrateur agissant
ès-qualité.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 1397 est
adopté. Article 1398?
De la répartition des bénéfices
et des dépenses
Mme Harel: "La répartition des bénéfices et
des dépenses entre le bénéficiaire des fruits et revenus
et celui du capital se fait conformément aux dispositions de l'acte
constitutif et suivant l'intention qui y est manifestée. "À
défaut d'indication suffisante dans l'acte, cette répartition se
fait le plus équitablement possible en tenant compte de l'objet de
l'administration, des circonstances qui y ont donné lieu ainsi que des
usages comptables généralement reconnus."
M. Cossette: Cet article est nouveau. Il énonce les
principes généraux devant guider l'administrateur dans la
répartition des bénéfices et des dépenses de
l'administration entre le bénéficiaire des fruits et revenus et
celui du capital.
Le premier alinéa édicte ainsi que cette
répartition se fait conformément aux dispositions de l'acte
constitutif suivant l'intention qui s'y trouve manifestée.
Le second alinéa établit qu'à défaut
d'indication suffisante dans l'acte permettant d'effectuer cette
répartition, celle-ci doit être faite le plus équitablement
possible en tenant compte de l'objet de l'administration, des circonstances
ayant entouré sa création ainsi que des pratiques comptables
généralement acceptées.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Laurent. Non, cela va?? Adopté. J'appelle l'article 1399.
Mme Harel: "Le compte du revenu est généralement
débité des dépenses suivantes et autres de même
nature: "1° Les primes d'asurance, le coût des réparations
mineures et les autres dépenses ordinaires de l'administration; "2°
La moitié de la rémunération de l'administrateur et des
dépenses raisonnables qu'il a faites dans l'administration conjointe du
capital et des fruits et revenus; "3° Les impôts payables sur les
biens administrés; "4° Sauf si le tribunal en ordonne autrement, les
frais acquittés pour protéger les droits du
bénéficiaire des fruits et revenus et la moitié des frais
de la reddition de compte en justice; "5° L'amortissement des biens, sauf
ceux utilisés à des fins personnelles par le
bénéficiaire. "L'administrateur peut, pour régulariser le
revenu, répartir les dépenses considérables sur une
période de temps raisonnable."
Le Président (M. Gagnon): Cela va-t-il? Le
commentaire.
M. Cossette: Cet article est le premier d'une série de
dispositions qui visent à fournir à l'administrateur un guide
supplétif lui permettant de régler les difficultés de
l'administration courante.
Le premier alinéa énumère les dépenses qui,
de manière générale, sont débitées au compte
du revenu, telles les primes d'assurance, le coût des réparations
mineures et les autres dépenses ordinaires de l'administration
mentionnées à l'alinéa.
Le second alinéa permet à l'administrateur
d'échelonner les dépenses importantes sur plusieurs années
afin de régulariser le revenu. L'article proposé est nouveau.
S'inspirant des propositions de l'office, il reflète essentiellement des
usages comptables généralement reconnus.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Me Pineau.
M. Pineau: Deuxièmement, "la moitié de la
rémunération de l'administration" sur le compte du revenu... Je
me suis demandé pourquoi la moitié, mais j'imagine que c'est un
usage comptable reconnu; l'autre moitié va sur le compte du capital,
j'imagine?
M. Cossette: C'est cela.
Le Président (M. Gagnon): J'appelle 1400.
Mme Harel: L'amendement consiste à supprimer au
deuxième alinéa le membre de phrase suivant: "ainsi que les
impôts sur les successions affectant les biens administrés, lors
même que le bénéficiaire des fruits et revenus a aussi des
droits dans le capital".
C'est un amendement de concordance avec la proposition d'abolir
l'impôt sur les successions.
Le Président (M. Gagnon): Et l'article...
Mme Harel: L'article se lit comme suit: "Le compte du capital est
généralement débité des dépenses qui ne sont
pas débitées au revenu, y compris celles qui sont
afférentes au placement du capital, à l'aliénation des
biens, à la protection des droits du bénéficiaire du
capital ou du droit de propriété des biens administrés.
"Sont aussi généralement débités au compte du
capital les impôts sur les gains ou les autres montants attribuables au
capital, lors même que la loi qui régit ces impôts les
considère comme impôts sur le revenu."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article est le pendant de l'article
précédent quant aux dépenses généralement
débitées au compte du capital. Comme lui, il s'inspire des
propositions de l'Office et énonce des règles conformes aux
usages comptables généralement reconnus.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement est adopté.
L'article tel qu'amendé est adopté. J'appelle 1401.
Mme Harel: "Le bénéficiaire des fruits et revenus a
droit au revenu net des biens administrés à compter de la date
déterminée à l'acte donnant lieu à l'administration
ou, à défaut, de la date du début de l'administration ou
de celle du décès.
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article précise la portée du droit
du bénéficiaire aux revenus des biens administrés de
même que l'époque à laquelle il y a droit. Il indique ainsi
que le bénéficiaire des fruits et revenus n'a droit qu'aux
revenus nets et ce, à compter de la date prévue par l'acte
constitutif de l'administration ou, à défaut, de la date du
début de l'administration ou de celle du décès lorsque
celle-ci résulte d'un testament. L'article proposé, qui est
nouveau s'inspire des propositions de l'Office de révision du Code
civil.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. J'appelle
l'article 1402.
Mme Harel: "Les fruits et revenus payables périodiquement
sont comptés jour par jour. "Les dividendes et distributions d'une
personne morale sont dus depuis la date indiquée à la
déclaration de distribution ou, à défaut, depuis la date
de cette déclaration."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article énonce des règles de
computation des revenus en s'inspirant des propositions de l'office et du droit
actuel.
Le premier alinéa reprend la règle du droit commun
exprimée notamment par l'article 451 du code actuel voulant que les
fruits et revenus payables périodiquement soient comptés jour par
jour.
Le second alinéa propose une règle inspirée du
droit des compagnies en édictant que les dividendes et distributions
d'une personne morale sont dus depuis la date indiquée à la
déclaration de distribution ou, à défaut, depuis la date
de sa déclaration.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1402 est
adopté. Article 1403?
Mme Harel: "1403. Lorsque son droit prend fin, le
bénéficiaire des fruits et revenus a droit aux fruits et revenus
qui ne lui ont pas été versés et à la portion
gagnée mais non encore perçue par l'administrateur. "Cependant,
il n'a pas droit aux dividendes d'une personne morale qui n'ont pas
été déclarés durant la période d'existence
de son droit."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article établit la portée du droit
du bénéficiaire aux revenus des biens administrés lorsque
son droit prend fin par suite de son décès, d'une cession ou
autrement.
Le premier alinéa énonce que le bénéficiaire
des fruits et revenus a droit à ceux qui lui sont dus mais qui ne lui
ont pas été versés, ainsi qu'à la portion
gagnée mais non encore perçue par l'administrateur, de ses fruits
et revenus.
Le second alinéa propose une solution à un problème
qui se pose fréquemment en droit des compagnies, en édictant que
le bénéficiaire n'a pas droit aux dividendes d'une personne
morale, dividendes qui n'ont pas été déclarés
durant la période d'existence de son droit, même s'ils sont
tirés de profits accumulés durant cette période.
L'article s'inspire des règles proposées par l'office aux
articles 546 et 547.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1403 est
adopté. Article 1404?
Mme Harel: "1404. L'administrateur rend un compte sommaire de sa
gestion au bénéficiaire au moins une fois l'an."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article énonce l'obligation de
l'administrateur de rendre compte de sa gestion au bénéficiaire
au moins une fois l'an. On évite, cependant, le formalisme en
prévoyant que ce compte est sommaire. Cette obligation est
nécessaire pour permettre au bénéficiaire ou à ses
représentants d'exercer un contrôle et une surveillance efficaces
de l'administration.
La règle proposée est conforme aux propositions de
l'office ainsi qu'au droit actuel, où le compte de gestion est
exigé de plusieurs administrateurs tels le tuteur, l'administrateur de
copropriété ou de
l'exécuteur testamentaire dans une certaine mesure. Sa
formulation laisse par ailleurs ouverte la possibilité de prévoir
plus d'une reddition de compte durant l'année.
Le Président (M. Gagnon): Ça va?
L'article 1404 est adopté. Article 14057
Mme Harel: "1405. Le compte doit être suffisamment
détaillé pour qu'on puisse en vérifier l'exactitude. "Tout
intéressé peut, à l'occasion de la reddition de compte,
demander au tribunal d'en ordonner la vérification par un expert."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article complète le
précédent et s'inspire des propositions de l'office. Le premier
alinéa oblige l'administrateur à fournir un compte suffisamment
détaillé pour permettre aux intéressés d'en
vérifier l'exactitude et d'apprécier la qualité de la
gestion de l'administrateur.
Le second alinéa accorde à tout intéressé la
possibilité de demander au tribunal d'ordonner la vérification du
compte par un expert, demande qui se fera conformément au Code de
procédure civile.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 1406?
Mme Harel: "1406. S'il y a plusieurs administrateurs, ils doivent
rendre un seul et même compte, sauf si leurs fonctions ont
été divisées par la loi, l'acte ou le tribunal et que
cette division a été respectée."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article énonce la règle à
suivre en cas d'administration collective pour exécuter l'obligation de
rendre un compte annuel de gestion. La démarche suivie est semblable
à celle adoptée à l'article 1387 du projet. Il
édicte ainsi que, s'il y a plusieurs administrateurs, ceux-ci doivent
rendre un seul et même compte à moins que leurs fonctions n'aient
été divisées et que cette division ait été
respectée, auquel cas chacun rend séparément un compte
distinct de son administration.
La règle proposée est conforme aux propositions de
l'office à l'article 588 ainsi qu'au droit actuel en matière
d'exécution testamentaire et de fiducie, tel que l'énoncent les
articles 913 et 981n du Code civil.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 1407?
Mme Harel: L'administrateur doit, à tout moment, permettre
au bénéficiaire d'examiner les livres et pièces
justificatives se rapportant à l'administration."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article accorde au bénéficiaire le
droit d'exiger, en tout temps, que l'administrateur lui donne accès aux
livres et aux pièces justificatives se rapportant à
l'administration.
La règle proposée élargit la portée des
propositions de l'office qui limitait ce droit du bénéficiaire
qu'en cas de contestation du compte annuel et qui exigeait en outre
l'autorisation préalable du tribunal. Cet élargissement a paru
essentiel à un contrôle et à une surveillance efficace de
la gestion de l'administrateur. Il se justifie d'ailleurs du fait que l'examen
des livres et pièces justificatives apparaît comme une
étape qui devrait normalement précéder toute demande de
vérification par expert du compte et susceptible bien souvent d'en
dispenser. (15 h 45)
Le Président (M. Gagnon): Me Pineau.
M. Pineau: Le Barreau, à la page 50 de son rapport,
soulève l'objection suivante: Cette obligation pour les administrateurs
risque de paralyser l'administrateur dans sa gestion. Le Barreau suggère
que celui-ci devrait pouvoir choisir le moment de l'examen.
M. Cossette: C'est une interprétation de la lettre de
l'article.
Mme Longtin: Évidemment, lorsqu'on dit "à tout
moment", c'est un moment opportun et non à contretemps.
M. Cossette: Pas à minuit, la nuit.
Mme Longtin: Si c'est la nuit, le bénéficiaire fut
certainement de l'abus de droit.
De la fin de l'administration
Le Président (M. Gagnon): Nous entreprenons maintenant le
chapitre quatrième: De la fin de l'administration. Section I: Des causes
mettant fin à l'administration. L'article 1407 est-il adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 1408?
Mme Harel: "Les fonctions d'administrateur prennent fin par son
décès, sa démission ou son remplacement, par sa
faillite ou par l'ouverture à son égard d'un régime
de protection. "Elles prennent fin aussi par la faillite du
bénéficiaire ou par l'ouverture à son égard d'un
régime de protection, si cela a un effet sur les biens
administrés."
L'amendement consiste ici à remplacer, à la
deuxième ligne du deuxième alinéa, les mots "affecte" par
les mots "a un effet sur". C'est un amendement purement formel.
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article énumère certaines causes
par lesquelles les fonctions de l'administrateur prennent fin. Le premier
alinéa énonce des causes inhérentes à
l'administrateur, tels son décès, sa démission ou son
remplacement, de même que sa faillite ou l'ouverture à son
égard d'un régime de protection.
Le second alinéa prévoit des causes inhérentes au
bénéficiaire en précisant que les fonctions de
l'administrateur prennent fin aussi par la faillite du
bénéficiaire ou l'ouverture à son égard d'un
régime de protection lorsque ces causes affectent les biens
administrés. Ainsi, la faillite du bénéficiaire provoque
normalement la nomination d'un liquidateur ayant pouvoir de saisir et
d'administrer ces biens pour les fins de la liquidation. Aussi, lorsque le
bénéficiaire est propriétaire des biens, l'administrateur
en perdra-t-il le contrôle et la gestion aux mains du liquidateur. Il en
va autrement, toutefois, lorsque le bénéficiaire n'est pas
propriétaire des biens, comme en matière de fiducie, et où
sa faillite n'affectera aucunement la gestion du fiduciaire.
La même situation peut se présenter en cas d'ouverture d'un
régime de protection en faveur du bénéficiaire lorsque le
régime ne concerne que sa personne et non ses biens.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement est adopté
et l'article tel qu'amendé est adopté. Article 1409?
Mme Harel: "L'administration prend fin: "1° Par la cessation
du droit du bénéficiaire sur les biens administrés;
"2° Par l'arrivée du terme ou l'avènement de la condition
apposée à l'acte donnant lieu à l'administration; "3°
Par l'accomplissement de l'objet de l'administration ou la disparition de la
cause qui y a donné lieu."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article complète le
précédent en énumérant les causes usuelles par
lesquelles l'administration même et non simplement les fonctions de
l'administrateur se terminent. Il prévoit que l'administration prend fin
par la cessation du droit du bénéficiaire sur les biens
administrés à la suite d'une vente, par exemple, par
l'arrivée du terme ou l'avènement de la condition prévue
par l'acte constitutif, par l'accomplissement de l'objet de l'administration ou
la disparition de la cause qui y a donné lieu.
L'article s'inspire des propositions de l'office ainsi que des causes
actuelles d'extinction des obligations et des règles propres au contrat
nommé, qu'il n'épuise d'ailleurs pas.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 1409 est
adopté. Article 1410?
Mme Harel: "L'administrateur peut, à tout moment, renoncer
à ses fonctions en avisant par écrit le
bénéficiaire et, le cas échéant, ses
coadministrateurs ou la personne qui peut lui nommer un remplaçant. S'il
ne se trouve aucune de ces personnes ou s'il est impossible de leur donner
l'avis, celui-ci est donné au curateur public qui, au besoin, assume
provisoirement l'administration des biens et fait procéder au
remplacement de l'administrateur. "L'administrateur d'une fiducie
d'utilité privée ou sociale doit aussi aviser de sa
démission la personne ou l'organisme désigné par la loi
pour surveiller son administration."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article introduit le droit pour l'administrateur
de renoncer unilatéralement et sans justification à ses
fonctions. Ce droit de démission demeure toutefois assujetti à
l'exigence d'un avis écrit à cet effet, avis destiné
à permettre aux intéressés de procéder au
remplacement de l'administrateur et même d'assurer provisoirement la
gestion des biens.
L'article oblige ainsi l'administrateur à aviser par écrit
le bénéficiaire et, le cas échéant, ses
coadministrateurs ou la personne qui peut lui nommer un remplaçant.
À défaut de pouvoir aviser ces personnes, l'avis doit être
donné au Curateur public qui, au besoin, assume provisoirement la
gestion des biens et fait procéder au remplacement de
l'administrateur.
L'article précise enfin qu'en cas de fiducie d'utilité
privée ou sociale, l'administrateur doit aussi aviser de sa
démission les personnes ou organismes désignés par la loi
pour surveiller son administration. Ce droit de démission
unilatéral s'inspire des propositions de l'office faites à
l'article 574 et de l'article 1759 du code actuel en matière de mandat.
Son exercice peut engager la responsabilité
de l'administrateur pour les dommages causés au
bénéficiaire et au patrimoine, si la démission est faite
sans motif valable ou à contretemps, ou si elle équivaut à
un manquement aux obligations de l'administrateur. Elle peut d'ailleurs donner
lieu à l'application des règles normales de responsabilité
pour bris de contrat ou inexécution d'obligations.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 1411?
Mme Harel: "La démission de l'administrateur prend effet
à la date de la réception de l'avis ou à une date
postérieure qui y est indiquée."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article complète le
précédent en précisant que la démission de
l'administrateur prend effet à la date de la réception de l'avis
ou à une date postérieure qui y est indiquée. L'article
modifie quelque peu les propositions de l'office qui permettaient que la
démission prenne effet à la date d'envoi de l'avis. La
règle retenue a paru préférable, vu les délais
parfois assez longs pouvant s'écouler entre la date d'envoi et celle de
réception.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 1412.
Mme Harel: L'amendement consiste à remplacer, à la
deuxième ligne, le mot "faite" par le mot "donnée". L'article
1412 amendé se lit comme suit: "L'administrateur répond du
préjudice causé par sa démission si elle est donnée
sans motif valable et à contretemps ou si elle équivaut à
un manquement à ses devoirs."
Le Président CM. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article sert de contrepoids au droit de
démission unilatéral de l'administrateur en le rendant
responsable du préjudice causé par sa démission,
donnée sans motif valable et à contretemps ou qui équivaut
à un manquement à ses devoirs. Tiré des propositions de
l'office, l'article s'inspire en partie de l'article 1759 du code actuel en
matière de mandat.
La démission peut être considérée faite
à contretemps lorsque, par exemple, des difficultés
sérieuses s'annoncent pour la gestion du bien. Elle peut constituer un
manquement aux devoirs de l'administrateur, tel celui d'agir en toute
loyauté dans l'intérêt du bénéficiaire ou de
la fin, lorsqu'elle a lieu à un moment que l'administrateur sait
favoriser la manoeuvre d'un tiers. L'article proposé n'affecte par
ailleurs aucunement l'application usuelle des règles de
responsabilité pour bris de contrat ou inexécution
d'obligations.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement e3t adopté
et l'article 1412 tel qu'amendé est adopté. Article 1413?
Mme Harel: "Le bénéficiaire qui a confié
à autrui l'administration d'un bien peut remplacer l'administrateur ou
mettre fin à l'administration, notamment en exerçant son droit
d'exiger sur demande la remise du bien. "Tout intéressé peut
demander le remplacement de l'administrateur qui ne peut exercer sa charge ou
qui ne respecte pas ses obligations."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article prévoit deux manières de
mettre fin à l'administration. Le premier alinéa édicte
une règle d'application normale permettant au bénéficiaire
qui a confié à autrui l'administration d'un bien de remplacer
l'administrateur ou de mettre fin a l'administration.
Le second alinéa propose une règle essentielle à un
contrôle et une surveillance efficace de l'administration en permettant
à tout intéressé de demander judiciairement le
remplacement de l'administrateur qui ne peut exercer sa charge ou qui ne
respecte pas ses obligations.
Il s'inspire des propositions de l'office aux article 581 et 582 et est
conforme à certaines règles du droit actuel exprimées aux
article 917, 981d et 1756 du Code civil du Bas-Canada.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1413 est
adopté. Article 1414.
Mme Harel: "Au décès de l'administrateur, le
liquidateur de sa succession qui est au courant de l'administration est tenu
d'aviser du décès le bénéficiaire et, le cas
échéant, les coadministrateurs ou, s'il s'agit d'une fiducie
d'utilité privée ou sociale, la personne ou l'organisme
désigné par la loi pour surveiller l'administration. "Le
liquidateur est également tenu de faire, dans les affaires
commencées, tout ce qui est inexactement nécessaire pour
prévenir une perte; il doit aussi rendre compte et remettre les biens
à ceux qui y ont droit."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article énonce des règles
applicables en cas de décès de
l'administrateur, règles destinées à permettre aux
intéressés de prendre les mesures qui s'imposent alors, notamment
le remplacement de l'administrateur, et d'assurer la sauvegarde des biens
administrés.
Le premier alinéa oblige le liquidateur de sa succession qui
connaît l'administration à aviser du décès le
bénéficiaire et les administrateurs ainsi que, le cas
échéant, les personnes et organismes désignés par
la loi pour surveiller l'administration en cas de fiducie d'utilité
privée ou sociale.
Le second alinéa oblige en outre le liquidateur à faire
dans les affaires commencées tout ce qui est immédiatement
nécessaire pour prévenir une perte et, par la suite, à
rendre compte et à remettre les biens à ceux qui y ont droit.
L'article proposé s'inspire des recommandations de l'office
exprimées aux articles 585 et 586 et des articles 266, 4411, 920, 981a,
et 1761 du Code civil du Bas-Canada.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1414 est
adopté. Article 1415?
Mme Harel: "Les obligations contractées envers les tiers
de bonne foi par l'administrateur dans l'ignorance du terme de son
administration sont valides et obligent le bénéficiaire ou le
patrimoine fiduciaire; il en est de même des obligations
contractées après la fin de l'administration ou la suite
nécessaire requise pour prévenir une perte."
L'amendement consiste à insérer, au deuxième
alinéa, après les mots "le patrimoine" le mot "fiduciaire". Je
fais lecture du deuxième alinéa: "Le bénéficiaire
ou le patrimoine fiduciaire est aussi tenu des obligations contractées
envers les tiers qui ignoraient la fin de l'administration."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article détermine le sort des actes
posés par l'administrateur après que l'administration a
cessé. Le premier alinéa consacre d'abord la validité et
le caractère obligatoire vis-à-vis du bénéficiaire
ou du patrimoine fiduciaire des obligations contractées envers les tiers
de bonne foi par l'administrateur qui ignorait que son administration avait
cessé par suite du décès du bénéficiaire par
exemple.
Cette règle ne s'applique toutefois que si les tiers contractants
étaient de bonne foi. S'ils connaissaient la fin de l'administration,
ils ne pourraient opposer la validité de ces obligations. Elle a
pour effet, par ailleurs, de dégager l'administrateur de toute
responsabilité pour ses obligations. L'alinéa consacre
également la validité et le caractère obligatoire des
obligations contractées après que l'administration a cessé
lorsqu'elles sont une suite nécessaire de l'administration ou sont
requises pour prévenir une perte.
Cette règle s'applique peu importe que l'administrateur ait connu
ou non la fin de son administration et malgré la connaissance qu'en
avaient les tiers contractants. La nature même des actes posés
suffit à elle seule pour lier le bénéficiaire au
patrimoine.
Le second alinéa énonce enfin que le
bénéficiaire ou le patrimoine est aussi tenu des obligations
contractées envers les tiers qui ignoraient la fin de l'administration.
La règle proposée ici se distingue de celle
qu'énonce la première partie du premier alinéa en ce
qu'elle présuppose que l'administrateur connaissait la fin de son
administration. Ses effets sont les mêmes vis-à-vis des tiers,
mais le bénéficiaire ou le patrimoine conserve ses recours contre
l'administrateur.
L'article proposé s'inspire des recommandations de l'office et
est conforme au droit actuel en matière de mandat tel qu'exprimé
aux articles 1721, 1728, 1729, 1760 et 1761 du Code civil du Bas-Canada.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement est adopté.
L'article tel qu'amendé est adopté. Article 1416?
Mme Harel: "L'administrateur doit, à la fin de son
administration, rendre un compte définitif au bénéficiaire
et, le cas échéant, à l'administrateur qui le remplace ou
à ses coadministrateurs. S'il y a plusieurs administrateurs et que leur
charge prend fin simultanément, ils doivent rendre un seul et même
compte, sauf division de leurs fonctions. "Le compte doit être
suffisamment détaillé pour permettre d'en vérifier
l'exactitude; les livres et les autres pièces justificatives se
rapportant à l'administration peuvent être consultées par
les intéressés. "L'acceptation du compte par le
bénéficiaire opère clôture de celui-ci."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article énonce les modalités du
compte définitif que doit rendre tout administrateur du bien d'autrui.
Le premier alinéa indique d'abord les personnes à qui le compte
doit être rendu, en précisant qu'il doit l'être au
bénéficiaire et, le cas échéant, à
l'administrateur qui le remplace ou à ses coadministrateurs. Il
prévoit aussi que s'il y a plusieurs administrateurs et que leurs
fonctions se terminent simultanément, ceux-ci doivent, sauf division,
rendre un seul et même compte. Lorsque les fonctions des administrateurs
ne se terminent pas simultanément, par exemple si un seul d'entre eux
démissionne, la reddition de
compte est séparée. (16 heures)
Le second alinéa reprend des règles semblables à
celles que prévoit le projet pour la reddition de compte annuelle, en
exigeant que le compte soit suffisamment détaillé pour permettre
d'en vérifier l'exactitude et en accordant aux intéressés
le droit de consulter les livres et autres pièces justificatives se
rapportant à l'administration.
Enfin, le troisième alinéa prévoit que
l'acceptation du compte par le bénéficiaire opère
clôture de celui-ci. L'article s'inspire des propositions de l'office aux
articles 587 et 588 du projet et de plusieurs dispositions du droit actuel,
telles celles des articles 441t, 918, 9811 981m, 1712 et 1713 du Code civil du
Bas-Canada.
Le Président (M. Gagnon): Adopté? Des voix:
Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 1417?
Mme Harel: "L'administrateur peut, à tout moment et avec
l'agrément de tous les bénéficiaires, rendre compte
à l'amiable. "Si le compte ne peut être rendu à l'amiable,
la reddition de compte a lieu en justice."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article complète le
précédent. Il permet aux parties de s'entendre entre elles sur la
forme du compte. Ce n'est qu'à défaut d'entente entre les parties
que la reddition de compte a lieu en justice conformément aux articles
532 et suivants du Code de procédure civile.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1417 est
adopté. Article 1418?
Mme Harel: "L'administrateur doit remettre le bien
administré au lieu convenu ou, à défaut, au lieu où
il se trouve."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article énonce l'obligation commune
à tout administrateur du bien d'autrui de remettre le bien
administré à la fin de l'administration en précisant que
cette remise se fait au lieu convenu ou à défaut, au lieu
où se trouve alors le bien. Il est conforme au droit actuel
énoncé par l'article 1809 du Code civil du Bas-Canada en
matière de dépôt.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 1419?
Mme Harel: L'amendement consiste à insérer à
la deuxième ligne du deuxième alinéa après le mot
"patrimoine" le mot "fiduciaire" et l'article 1419 se lit comme suit:
"L'administrateur doit remettre tout ce qu'il a reçu dans
l'exécution de ses fonctions, même si ce qu'il a reçu
n'était pas dû au bénéficiaire ou au patrimoine
fiduciaire; il est aussi comptable de tout profit ou avantage personnel qu'il a
réalisé en utilisant sans y être autorisé
l'information qu'il détenait en raison de son administration.
L'administrateur qui a utilisé un bien sans y être
autorisé est tenu d'indemniser le bénéficiaire ou le
patrimoine fiduciaire pour son usage en payant à compter de l'usage soit
un loyer approprié, soit l'intérêt de l'argent."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article complète les
précédents en explicitant la portée de l'obligation de
rendre compte imposée à l'administrateur. Le premier
alinéa oblige ainsi l'administrateur à remettre tout ce qu'il a
reçu dans l'exécution de ses fonctions, même si ce qu'il a
reçu n'est pas dû au bénéficiaire ou au patrimoine,
comme des créances perçues erronément, des cadeaux ou des
commissions. Il le rend aussi comptable de tout profit ou avantage personnel
qu'il a réalisé par suite de l'utilisation non autorisée
de l'information qu'il détenait en raison de son administration comme,
par exemple, s'il s'est prévalu personnellement d'une offre
intéressante de contracter destinée au bénéficiaire
et en a tiré profit.
Le second alinéa oblige de plus l'administrateur à
indemniser le bénéficiaire ou le patrimoine fiduciaire pour
l'usage non autorisé qu'il a fait des biens gérés en
payant à compter de l'usage soit un loyer approprié pour la chose
utilisée, soit l'intérêt de l'argent employé.
Les règles proposées par l'article s'appliquent
indépendamment du fait que le bénéficiaire ou le
patrimoine ait ou non subi un préjudice de cette utilisation. Ces
règles, qui sont le pendant de celles édictées par les
articles 1389 et suivants du projet, découlent de l'obligation de
loyauté imposée à l'administrateur. Cette règle est
conforme aux propositions de l'office énoncées aux articles 561,
592 et 595 du projet ainsi qu'à l'interprétation actuelle des
règles du mandat énoncées aux articles 1713 et 1714 du
Code civil du Bas-Canada.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement est adopté
et l'article tel qu'amendé est adopté. Article 1420? Il y a un
amendement.
Mme Harel: L'amendement consiste à ajouter, à la
fin du premier alinéa, le mot "fiduciaire" et 1420 se lit comme suit:
"Les dépenses de l'administration, y compris les frais de la reddition
de compte et de remise, sont à la charge du bénéficiaire
ou du patrimoine fiduciaire.
La démission ou le remplacement de l'administrateur oblige le
bénéficiaire ou le patrimoine fiduciaire à lui payer,
outre les dépenses de l'administration, la part acquise de sa
rémunération."
Le Président (M. Gagnon): Commentaire.
M. Cossette: Cet article énumère les paiements,
frais ou autres dépenses que le bénéficiaire ou le
patrimoine peut être appelé à assumer à la fin de
l'administration.
Le premier alinéa met ainsi à la charge du
bénéficiaire ou du patrimoine les dépenses de
l'administration y compris les frais de la reddition de compte et de la
remise.
Le second alinéa oblige par ailleurs le
bénéficiaire ou le patrimoine fiduciaire à payer à
l'administrateur qui démissionne ou qui est remplacé, outre les
dépenses de l'administration, la part acquise de sa
rémunération.
Cet article s'inspire de certaines dispositions du droit actuel, telles
celles des articles 914, et 981g, 1713 et 1812 du Code civil du Bas-Canada
ainsi que des articles 580, 583 et 590 du projet de l'Office de révision
du Code civil.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article
1420 est adopté. L'article 1420 tel qu'amendé est adopté.
J'appelle l'article 1421.
Mme Harel: "L'administrateur doit des intérêts sur
le reliquat à compter de la clôture du compte définitif ou
de la mise en demeure de le produire; le bénéficiaire ou le
patrimoine fiduciaire n'en doit qu'à compter de la mise en demeure."
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article précise l'étendue des
obligations respectives de l'administrateur et du bénéficiaire ou
patrimoine fiduciaire quant au paiement des intérêts sur les
sommes qu'ils peuvent se devoir mutuellement. Il édicte que
l'administrateur doit des intérêts sur le reliquat du compte
définitif à compter de sa clôture ou, s'il tarde à
produire le compte, à compter de la mise en demeure de le faire.
Cette règle, qui prévoit que les intérêts
sont dus à compter de la clôture du compte, est conforme à
l'article 313 du code actuel en matière de tutelle. Elle modifie
toutefois le droit actuel énoncé en matière de mandat
à l'article 1714 de même que la proposition de l'Office de
révision du Code civil au même effet, qui prévoient tous
deux que les intérêts ne sont dus qu'à compter de la mise
en demeure.
La règle retenue a paru devoir s'imposer, considérant que
rien ne justifie de retarder la computation des intérêts
après la clôture du compte. La règle qui édicte que
les intérêts peuvent aussi être dus à compter de la
mise en demeure de produire le compte est nouvelle et vise à
éviter que l'administrateur ne retarde indûment la production du
compte définitif.
Quant au bénéficiaire ou au patrimoine, l'article
énonce qu'il ne doit des intérêts qu'à compter de la
mise en demeure. Cette règle est conforme aux propositions de l'office
de même qu'aux dispositions du droit actuel en matière de
tutelle.
Le Président (M. Gagnon): Adopté? Adopté.
J'appelle l'article 1422.
Mme Harel: L'amendement à l'article 1422 consiste à
ajouter à la première ligne du premier alinéa, avant le
mot "doit", le mot "le" et, à la deuxième ligne de ce même
alinéa, après le mot "patrimoine", le mot "fiduciaire".
L'article 1422 se lit comme suit: "L'administrateur a le droit de
déduire des sommes qu'il doit remettre ce que le
bénéficiaire ou le patrimoine fiduciaire lui doit en raison de
l'administration. "Il peut retenir le bien administré jusqu'au paiement
de ce qui lui est dû.
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article vise à faciliter à
l'administrateur le remboursement des sommes qui peuvent lui être dues
par le bénéficiaire ou le patrimoine fiduciaire en raison de
l'administration.
Le premier alinéa lui accorde ainsi le droit de déduire
des sommes qu'il doit remettre ce que le bénéficiaire ou le
patrimoine lui doit en raison de l'administration.
Cette règle simple et d'une utilité certaine est conforme
aux recommandations de l'office ainsi qu'à la règle de l'article
1713 du Code civil actuel.
Le second alinéa lui accorde en outre un droit de
rétention sur les biens administrés jusqu'au paiement de ce qui
lui est dû. Cette règle, qui vise à assurer à
l'administrateur un moyen efficace d'obtenir le paiement rapide de sa
créance est conforme aux propositions de l'office et étend
à tout administrateur la règle des articles 1723 et 1812 du Code
civil du Bas-Canada.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article
1422 est adopté. L'article tel qu'amendé est adopté.
J'appelle l'article 1423.
Mme Harel: C'est le dernier article du projet de loi 20. "S'il y
a plusieurs bénéficiaires, leur obligation envers
l'administrateur est solidaire."
M. Cossette: Le dernier commentaire.
Le Président (M. Gagnon): Le commentaire.
M. Cossette: Cet article établit la solidarité des
bénéficiaires à l'égard des obligations dont ils
peuvent être tenus envers l'administrateur. Conforme aux propositions de
l'Office de révision du Code civil, l'article étend au
bénéficiaire de toute administration une règle du droit
actuel applicable en cas de pluralité de mandants, règle
énoncée à l'article 1726 du Code civil du Bas-Canada.
Le Président (M. Gagnon): Adopté?
Adopté.
Avant d'entreprendre les articles qui ont été
suspendus.
Mme Harel: II y a les articles 3 et 4 également du projet
de loi, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): On peut suspendre les travaux
pour cinq minutes?
Mme Harel: Très bien. On n'a terminé ni l'article 1
ni l'article 2.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'on le fait tout de
suite?
M. Leduc (Saint-Laurent): On est aussi bien de le faire tout de
suite.
Mme Harel: Est-ce qu'on peut suspendre pour quelques minutes?
Le Président (M. Gagnon): C'est ce que j'allais vous
suggérer. Nous pouvons suspendre nos travaux cinq minutes et nous les
reprendrons aux articles laissés en suspens. Voilà.
(Suspension de la séance à 16 h 11)
(Reprise à 16 h 31)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! La sous-commission des institutions reprend ses travaux. J'appelle
l'article 36.
Articles en suspens
Ou respect de la réputation et de la vie
privée
M. Marx: M. le Président, j'aurais une question à
poser...
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de D'Arcy McGee.
M. Marx: ...en ce qui concerne l'article 36 et surtout en ce qui
a trait à ce chapitre troisième. L'Opposition a reçu un
mémoire de la Ligue des droits et libertés, et je pense que le
gouvernement en a reçu une copie. J'aimerais, demander au gouvernement
quelles conclusions il a tirées de ce mémoire.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. À la suite de la
réception de ce mémoire, l'analyse en a été faite
dans les services concernés du ministère de la Justice et un
document a été préparé. J'ai adressé une
lettre au responsable, le coordonnateur du programme à la Ligue des
droits et libertés, qui reprenait l'essentiel de l'analyse qui
était faite de leur mémoire.
Si le député de D'Arcy McGee est intéressé,
je pourrais lui transmettre copie de cette lettre. Je peux lui faire part
immédiatement des grandes lignes retenues.
M. Marx: Oui, quelles étaient les grandes lignes?
Mme Harel: Essentiellement, que plusieurs des recommandations de
la Ligue des droits et libertés auraient plus de mérite à
être intégrées à un projet de loi particulier,
notamment en reprenant la recommandation pour établir la gratuité
de l'accès d'une personne à son dossier, le droit de faire
supprimer des informations périmées, le droit de formuler des
commentaires et de les verser au dossier. Certaines de ces recommandations sont
retenues par le Code civil, mais l'essentiel c'est qu'il y a une étude
qui se poursuit présentement par le Groupe de recherche en informatique
et en droit de l'Université du Québec à Montréal,
une étude complète sur toute cette question, sur les pratiques en
usage, sur les effets prévisibles d'une loi qui pourrait être
complète dans ce secteur privé; on peut la souhaiter aussi
complète qu'elle l'est pour le secteur public avec la loi sur
l'accès à l'information et sur la protection des renseignements
personnels.
De plus, le groupe de recherche poursuit aussi une enquête
sociologique sur les banques privées de données a
caractère personne! dans le secteur du commerce, de
la consommation, de l'emploi et du traitement de l'information. Ce
groupe a aussi le mandat d'analyser les problèmes juridiques et
organisationnels que soulève le développement des banques
privées de données personnelles de même que les diverses
lois québécoises, canadiennes et étrangères en la
matière et, finalement, de formuler et d'évaluer les
différentes solutions juridiques et techniques possibles, y compris les
solutions législatives et réglementaires.
Comme cette étude doit être complétée d'ici
à la fin de l'année 1985, elle devrait alimenter la
réflexion d'un groupe de travail autre qui est actuellement
constitué de représentants du ministère de la Justice, du
ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la
Technologie et du ministère de l'Habitation et de la Protection du
consommateur. Ce groupe de travail devrait s'adjoindre incessamment des
représentants de la Commission d'accès à l'information et
de la Commission des droits de la personne. Ce groupe de travail est
actuellement constitué et il devrait s'alimenter de cette
réflexion poursuivie par le Groupe de recherche en informatique de
l'Université du Québec à Montréal.
Il faut souhaiter que les travaux de ce groupe de recherche et, par la
suite, ceux du groupe de travail, conduisent incessamment à un projet de
loi particulier sur les banques privées de données personnelles.
Il nous semble, malgré tout, que le chapitre du projet de loi 20 relatif
au respect de la réputation et de la vie privée conserve quand
même sa pertinence. C'est l'essentiel de ce qui a été
transmis à la ligue.
M. Marx: M. le Président, si je me rappelle bien, c'est la
même réponse qu'on a donnée à la Ligue des droits et
libertés quand la ligue a présenté son mémoire lors
de l'étude du projet de loi 106, qui est maintenant incorporé
dans le projet de loi 20. Je pense qu'on a dit à Ligue, à cette
époque, je pense que c'était aussi l'avis de l'Opposition, que
pour les détails, en ce qui concerne cette question de la vie
privée des personnes, il faut prévoir une loi spéciale, le
cas échéant. Il ne serait pas souhaitable d'intégrer les
dispositions particulières et détaillées dans le Code
civil. Je pense que c'est ça le résumé.
Mme Harel: Lorsque la Ligue des droits et libertés de la
personne est venue présenter son mémoire, je pense que le
gouvernement s'est engagé à faire effectuer une recherche qui est
celle, dont je vous parlais précédemment, qui est conduite par le
groupe de recherche de l'Université du Québec à
Montréal. Il reste que les dispositions du projet de loi 20 sont quand
même adéquates pour permettre un cadre général de
référence que pourra venir compléter une loi
particulière.
Le Président (M. Gagnon): Ça va, M. le
député de D'Arcy McGee?
M. Marx: Parfait.
Le Président (M. Gagnon): L'article 36.
Mme Harel: L'amendement se lit comme suit: À la
première ligne, en début d'article, remplacer le mot "sont" par
les mots "peuvent être"; à la deuxième ligne, supprimer ce
qui suit: "s'ils sont faits sans son consentement"; et au premièrement,
remplacer le mot "et" par le mot "ou".
L'article 36 amendé se lirait comme suit: "36. Peuvent être
notamment considérés comme des atteintes à la vie
privée d'une personne les actes suivants: "1° Pénétrer
chez elle ou y prendre quoi que ce soit; "2° Intercepter ou utiliser
volontairement une communication privée; "3° Capter ou utiliser son
image ou sa voix lorsqu'elle se trouve dans des lieux privés; "4
Surveiller sa vie privée par quelque moyen que ce soit; "5 Utiliser son
nom, son image, sa ressemblance ou sa voix à toute autre fin que
l'information légitime du public; "6° Utiliser sa correspondance,
ses manuscrits ou ses autres documents personnels."
Le commentaire sur l'amendement. Le premier amendement vise à
clarifier le fait que les actes énumérés, outre qu'ils ne
sont pas exhaustifs de ce qui peut constituer une atteinte à la vie
privée, ne sont pas nécessairement considérés comme
des atteintes à la vie privée. En effet, ses actes pourront,
suivant les circonstances, constituer ou non des atteintes.
Le deuxième amendement vise a éviter une difficulté
d'interprétation, vu que l'article 35 traite déjà du
consentement.
Le troisième amendement indique que l'un ou l'autre des actes
mentionnés en premièrement peut constituer une atteinte:
l'exigence de la conjonction des deux actes ne sera plus requise.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que ça va? M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Non, juste un moment. Je veux juste prendre connaissance
de cela pour quelques minutes parce que c'est la première fois qu'on
voit cet amendement. Adopté.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article
36 est adopté et l'article 36 tel qu'amendé est adopté.
Article 38?
Mme Harel: L'amendement à l'article 38 consiste à
remplacer l'article 38 par le suivant: "38. Toute personne peut, gratuitement,
consulter et faire rectifier un dossier qui la concerne et qu'une personne a
constitué ou détient sur elle ou le faire reproduire à ses
frais à moins d'une disposition contraire de la loi. "Elle peut faire
corriger une information inexacte, incomplète ou équivoque, faire
supprimer une information périmée ou non pertinente par rapport
à l'objet du dossier, ou formuler par écrit des commentaires et
les verser au dossier. La rectification doit être notifiée
à toute personne qui a reçu l'information dans les six mois
précédents. Il en est de même de la demande de
rectification, si elle est contestée."
Commentaire. L'amendement proposé reprend pour l'essentiel
l'article 38 proposé. Cependant, plutôt que d'indiquer que cet
article s'applique sous réserve de la seule loi relative à
l'accès aux documents des organismes publics et à la protection
des renseignements personnels, l'amendement réserve toute autre
disposition d'une loi particulière, notamment de celle qui pourrait
intervenir pour régir la question de l'information dans des secteurs
d'activités particulières. Il prévoit aussi qu'un motif
sérieux ou légitime pourrait toutefois justifier le
contraire.
L'amendement précise également certains
éléments de l'article initial. Ainsi, il prévoit que la
consultation du dossier est gratuite et qu'elle s'étend à tout
dossier, même s'il n'est pas constitué dans le but d'informer un
tiers. En effet, la gratuité de la consultation mérite
d'être affirmée puisque la personne est elle-même objet du
dossier et son droit de le consulter doit aussi être établi quel
que soit le motif initial de la constitution.
L'amendement précise que le droit de rectification s'étend
à la suppression de l'information périmée; cette notion
pouvait être comprise dans la notion de non-pertinence, mais il
paraissait opportun de clarifier le point. Il prévoit aussi que le droit
de rectification s'étend à toute information non pertinente
à l'objet du dossier sans égard au caractère
préjudiciable de l'information, puisque ce préjudice ne peut
être facilement évalué. Enfin, ce droit inclut aussi -
l'article le précise - le droit de formuler des commentaires et de les
verser au dossier afin de permettre à la personne concernée de
nuancer certains aspects du dossier.
Enfin, l'article prévoit que la rectification du dossier doit
être communiquée aux personnes qui ont reçu de
l'information à partir du dossier dans les six mois qui
précèdent la correction. En effet, il pourrait être commun
que la demande de rectification suive une décision prise par un tiers
qui se sera fondée sur le dossier dont on demande la rectification, et
il paraît opportun que ce tiers soit avisé.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement à
l'article 38 est adopté?
Mme Harel: On peut prendre le temps...
Le Président (M. Gagnon): Non, on m'a dit que ça
allait.
M. Marx: Supposons qu'une agence d'investigation a
constitué un dossier sur monsieur X. Si monsieur X est au courant de ce
dossier, il peut exiger que ce dossier soit rectifié. Supposons que
j'aie un dossier... cela peut vouloir dire que j'ai des lettres, des documents
concernant une personne. Cette personne peut exiger que ces dossiers soient
corrigés, le cas échéant. Si j'ai un dossier sur le
président de notre commission, il peut demander d'avoir
l'opportunité de faire des corrections, le cas
échéant.
Le Président (M. Gagnon): Je ne le demanderais pas, parce
que je sais que ce serait conforme.
M. Marx: Ce serait conforme, oui. Je me demande ce que le premier
alinéa couvre exactement: "Toute personne peut gratuitement consulter et
faire rectifier un dossier qui le concerne et qu'une personne a
constituée ou détient sur elle ou le faire reproduire à
ses frais, à moins d'une disposition contraire de la loi." Donc,
peut-être que la seule disposition contraire dans la loi, c'est quelque
part dans la loi sur l'accès à l'information ou la Loi sur les
secrets officiels du Canada, j'imagine. (16 h 45)
Mme Harel: ...sur les services sociaux, sur les services de
santé.
M. Marx: Oui, les services de santé. Supposons que...
Mme Harel: Les éléments nouveaux. En fait, il y a
le qualificatif "périmée": une information non seulement non
pertinente, mais périmée. C'est une recommandation qu'on
retrouvait dans le mémoire de la Ligue des droits et
libertés.
M. Marx: Oui, mais on veut savoir ce que cela couvre. Car cela
peut avoir une étendue assez large. J'aimerais essayer d'évaluer
les effets du premier alinéa.
Mme Longtin: Cela couvre évidemment plus que l'article 38
initial faisait, puisque le 38 prévoyait "dans le but d'informer un
tiers"; donc, c'était nécessairement une information qui
était recueillie et qui visait
à être transmise à quelqu'un d'autre. Cette question
avait été discutée; l'article initial semblait limitatif
puisqu'il fallait pratiquement savoir le but poursuivi par celui qui constitue
le dossier au moment où il le fait. C'est évident ■ que la
proposition nouvelle est plus large puisqu'elle peut viser finalement tout
dossier constitué sur autrui par une personne.
M. Marx: Tout le monde a un dossier sur tout le monde. Dans les
affaires, j'imagine que chaque compagnie a un dossier sur chacun de ses
clients. Est-ce que les clients peuvent dire: j'aimerais examiner les dossiers
pour vraiment rectifier les faits, le cas échéant, parce que vous
m'avez re fusé un certain crédit, ou que vous ne voulez pas
m'expédier la marchandise parce que vous pensez que... et ainsi de
suite.
J'aimerais vous demander de cerner la portée de cet
alinéa. Cela peut être une intrusion dans la vie privée,
pas dans la vie privée des autres, mais dans une certaine information
privée. Je pense que j'ai le droit d'avoir un dossier sur quelqu'un et
de l'utiliser pour mes fins.
Mme Harel: Évidemment, ce qui cause un problème,
c'est que si ce dossier... il faut faire la preuve que ce dossier, au moment
où il est constitué ou détenu, l'est dans le but
d'informer un tiers.
M. Marx: Une agence de crédit, je comprends cela. Il y a
une agence de crédit qui prépare des dossiers, qui monte des
dossiers sur des milliers de personnes, et qui vend cette information aux
tierces personnes, là je comprends. Si c'est Dunn & Bradstreet ou
d'autres compagnies qui font le même travail, cela c'est une autre
chose.
Mme Harel: Mais comme ce n'est pas réglementé tout
ce secteur, il y a des dossiers qui sont constitués et qui ne le sont
pas à l'origine dans le but d'informer un tiers, mais qui, une fois
qu'ils l'ont été, sont utilisés à des fins
d'information d'un tiers.
M. Marx: Oui, mais... C'est cela, le tiers a été
supprimé.
Mme Harel: C'est cela. Si on reprend évidemment
l'économie générale de cette disposition, toute personne
peut retenir de l'information sur une autre personne et c'est maintenu, en
fait. Mais une personne qui se sent concernée peut faire rectifier au
besoin cette information qui est ainsi détenue sur elle.
M. Marx: Oui, mais supposons que... Nous avons comme
députés des dossiers dans nos bureaux.
Mme Harel: Moi, personnellement, j'en ai un sur le chef du Parti
libéral.
M. Marx: Vous en avez un sur le chef du Parti libéral?
Mme Harel: Oui, mais ce sont des coupures de presse.
M. Marx: C'est le livre de Lévesque. Donc, nous avons
décidé qu'il n'y a rien là à corriger. Cela n'en
vaut pas la peine.
Mme Harel: C'était l'ancien...
M. Marx: Les dossiers que nous avons dans nos bureaux sur des
électeurs et des électrices, est-ce que ceux-ci peuvent demander
qu'il y ait des rectifications? Supposons que quelqu'un nous demande
d'acheminer une demande de subvention à un certain ministère et
par la suite c'est refusé à la personne. Est-ce qu'ils peuvent
demander de vérifier leur dossier pour voir si ce qu'on a dit dans nos
lettres était vrai?
Mme Harel: M. le député de D'Arcy McGee, encore une
fois, si on relit la disposition, il reste que cette... Non, en fait, je pense
que ce dossier doit être constitué pour un intérêt
sérieux et légitime, parce que "toute personne - vous voyez, il
faut faire référence à l'article 37 - qui constitue un
dossier sur une autre personne doit avoir un intérêt
sérieux et légitime à le faire". Si cet
intérêt sérieux et légitime n'existe pas, c'est la
constitution du dossier qui est mise en cause. Mais à partir du moment
où il y a un intérêt sérieux et légitime
à constituer un dossier, le droit corollaire c'est que la personne dont
il est fait mention dans ce dossier peut le consulter.
M. Marx: Oui, mais on a toujours un intérêt
sérieux et légitime... J'ai besoin d'une certaine information. Je
vais recueillir cette information. Ce sera dans un dossier. Je vais demander
des lettres de recommandation des personnes. Pour notre dossier
d'activités de comté, on peut demander des lettres de
recommandation des divers groupes dans le comté. On peut demander
à l'association qui demande la subvention de nous fournir un bilan de
ses activités et ainsi de suite. On se constitue un dossier. Est-ce que
ces dossiers sont sujets à être rectifiés? Et si cela va
pour le député, est-ce que cela va pour tout le monde, toute
personne physique ou morale au Québec? Car la loi sur l'accès
à l'information, quand même, c'est l'information qui est
détenue par des organismes publics.
Mme Longtin: Mais dans la mesure où l'on considère
- je peux peut-être ajouter
certains autres éléments - que les personnes ont aussi
certains droits fondamentaux à leur honneur, à leur
dignité, à leur réputation et à leur vie
privée, lesquels sont exprimés dans la Charte des droits, et dans
la mesure aussi où ces personnes dans leurs contacts avec autrui je
révèlent, n'ont-elles pas aussi le droit de voir à ce que
les documents qu'on fait sur elles soient corrects? C'est, comme Mme la
députée le disait, un corollaire du droit de constituer ce
dossier.
M. Marx: II n'y a pas de limite à cela. Ce sera possible
pour chaque locataire de demander à son locateur de voir son dossier, le
cas échéant - tout le monde doit avoir un dossier ou quelque
chose - est-ce qu'il a téléphoné au locataire
précédent? Est-ce qu'il a pris des notes qu'il a confiées
au dossier? Le problème avec cet article, c'est qu'on ne connaît
pas la portée et l'étendue de ce qu'on va toucher. Je ne dis pas
que je suis contre l'idée ou la politique qu'on trouve dans l'article
mais avant de l'approuver, j'aimerais savoir quelles en seront la portée
et l'étendue. Je pense que par la rédaction de cet article, on va
toucher des choses qu'on ne veut pas vraiment toucher.
Mme Harel: M. le Président, si vous me permettez, il est
difficile de connaître la portée tant d'une disposition qui
contiendrait, par exemple, le membre de phrase qu'on retrouvait dans l'article
original "dans le but d'informer un tiers". Il est difficile tout en autant
d'en connaître la portée. Il est difficile actuellement, compte
tenu de l'état des travaux, de connaître la portée de ce
que sera le respect de la réputation de la vie privée entre toute
cette question d'information avec l'introduction des nouvelles technologies et
de l'informatique. Cela reste très difficile.
M. Marx: Dans le but d'informer un tiers, c'est clair ce que cela
veut dire. Cela veut dire les agences de crédit, cela veut dire les gens
qui font...
Mme Harel: L'exemple que vous donnez en est
précisément un bon: le locateur qui, pour ses fins propres,
constitue un dossier sur chacun de ses locataires. À l'origine, cela
peut être certainement pour ses fins propres, mais ses dossiers
étant constitués, ce locateur se trouve à devenir membre
d'une association - comme celle qui se développe actuellement - de
propriétaires qui mettent en commun les différents dossiers
déjà constitués. Ce n'est donc qu'au moment où il y
a mise en commun de ces dossiers, mais cette mise en commun n'est pas connue
par la personne concernée par un dossier qui aurait été
constitué sur elle.
M. Marx: Si ce n'est pas dans le but d'informer une tierce
personne, cela touche tous les dossiers que tout le monde a sur tout le monde
et ce sont des dossiers assez innocents. Supposons qu'en tant que professeur
j'ai fait une recommandation pour quelqu'un. Je me suis informé de quel
genre d'étudiant il s'agissait. J'ai un dossier. Est-ce que
l'étudiant a le droit de me demander de rectifier ce dossier? Je n'ai
pas constitué le dossier dans le but d'informer une tierce personne mais
si un autre professeur me téléphone et me demande ce que je pense
d'un tel parce qu'il m'a demandé d'écrire une lettre. Je dis:
Cela ne vaut pas la peine de faire une lettre de recommandation pour
l'université Yale parce que ce n'est pas un bon étudiant. Je fais
alors une note dans le dossier. Est-ce que ce dossier est sujet à
être corrigé et rectifié, etc.? La réponse est
peut-être oui, comme M. Pineau m'a suggéré.
Le Président (M. Gagnon): Si je comprends bien, l'article
étant large, on a de la difficulté à saisir ce qu'on veut
couvrir.
M. Marx: Le danger est que cela couvre des choses qu'on ne veut
pas vraiment couvrir.
Mme Harel: Dans l'état actuel de la recherche devant
conduire à une loi particulière, cette loi particulière
pourrait venir restreindre la portée de dispositions semblables.
M. Marx: Jusque-là. (17 heures)
Mme Harel: Le contraire est vrai aussi. La loi
particulière pourrait venir élargir l'application de cette
disposition si tant est qu'on l'y maintient "dans le but d'informer un tiers".
La loi particulière pourrait, à ce moment, venir élargir
l'application de cette disposition en spécifiant dans quelles
circonstances et avec quels motifs.
M. Marx: On ne peut légiférer aujourd'hui en
fonction de ce qu'on pourra faire un jour, le cas échéant.
Peut-on suspendre?
Mme Harel: Si vous voulez, on va suspendre jusqu'à demain
matin.
Le Président (M. Gagnon): Je suspends les travaux pour
deux minutes... Quelle était votre question, M. le député
de D'Arcy McGee?
M. Marx: On va repenser cet article. Au deuxième
alinéa, qu'est-ce que cela ajoute qu'on puisse corriger... Dans le
premier alinéa, on parle de rectifier. Chaque correction sera une
rectification.
Mme Longtin: Au premier alinéa, on
parle en général de rectification du dossier. Au second
alinéa, on dit: Corriger l'information inexacte ou incomplète qui
est au fond la forme ou la suppression. Donc la rectification se fait par le
biais d'une correction ou par une suppression.
M. Marx: C'est cela. On explique davantage le premier
alinéa. D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Nous allons retirer
l'amendement. On y reviendra demain, si je comprends bien. Je suspends les
travaux pour deux minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 2)
(Reprise à 17 h 4)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!. La sous-commission des institutions reprend ses travaux. Nous
allons entreprendre l'étude de l'article 78.
Mme Harel: L'amendement a été distribué, je
crois.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement vise à
supprimer l'article 78. Est-ce cela?
Mme Harel: Oui, il s'agit de supprimer l'article 78. Le
commentaire sur l'amendement. Cet amendement vise à supprimer la
présomption à savoir que l'établissement d'une
résidence fait présumer l'établissement du domicile, afin
d'éviter les difficultés de preuve qui pourraient en
résulter pour les personnes qui, temporairement ou pour exercer leurs
fonctions, établissent une résidence, ce qui est le cas, entre
autres, pour les époux.
Ces difficultés pouvaient être accrues en raison du retrait
du deuxième alinéa de l'article 80 proposé. Par ailleurs,
la présomption de l'article 79 que nous proposons de renforcer devrait
suffire pour faciliter la preuve de l'établissement du domicile au lieu
de la résidence lorsque le domicile ne peut être établi
avec certitude.
M. Marx: Cela va? Pas de problème?
Le Président (M. Gagnon): Êtes-vous d'accord?
M. Marx: II faudrait peut-être voir l'article 79 avant.
Le Président (M. Gagnon): Si vous êtes d'accord,
nous allons rouvrir l'article 79 parce qu'il était adopté.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Nous allons voir l'amendement
à l'article 79. Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Cet amendement consiste, à la deuxième
ligne...
M. Marx: On n'a pas reçu l'amendement à l'article
79.
Mme Harel: Vous n'avez pas reçu 79?
M. Marx: Oui? Ah, d'accord. Un instant.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Bon, à la deuxième ligne du premier
alinéa, ainsi qu'à la première ligne du deuxième
alinéa, l'amendement consiste à remplacer le mot
"présumée" par le mot "réputée". L'article 79
amendé se lit comme suit: "La personne dont on ne peut établir le
domicile avec certitude est réputée domiciliée au lieu de
sa résidence. "À défaut de résidence, elle est
réputée domiciliée au lieu où elle se trouve ou,
s'il est inconnu, au lieu de son dernier domicile connu."
Cet amendement vise à renforcer la présomption
prévue dans les cas où la preuve de l'établissement du
domicile ne peut être établie avec certitude. Si les articles
précédents ne sont pas appliqués, cela suppose que la
preuve de l'intention n'a pu être suffisante.
M. Marx: Peut-on nous relire les articles 76 et 77?
Le Président (M. Gagnon): 76 et 77? M. Marx:
Oui.
Mme Harel: Oui, on va en faire lecture.
Le Président (M. Gagnon): L'article 77 a été
amendé.
M. Marx: L'article 76 aussi, je pense.
Une voix: Tel qu'amendé.
M. Marx: Pouvez-nous lire ces articles?
M. Cossette: Je ne pense pas les avoir ici.
M. Marx: Peut-être pouvons-nous demander au
secrétaire de nous lire ces amendements.
M. Cossette: Je pense que ce serait plus certain.
Mme Harel: Vous pouvez en faire lecture, parce que j'ai, en fait,
les amendements, mais je crois qu'il est préférable...
Le Secrétaire: De lire les amendements?
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Gagnon): M. le secrétaire.
Le Secrétaire: À l'article 76, ajouter
l'alinéa suivant: "La preuve de l'intention résulte des
déclarations de la personne et des circonstances."
M. Cossette: Je pense que c'est dans le Code civil actuel.
Le Président (M. Gagnon): Cela va pour l'article 76? Et
77.
Le Secrétaire: À l'article 77, l'amendement
consiste à remplacer la dernière ligne par ce qui suit: "On
considère, pour l'établissement du domicile, celle qui a le
caractère principal."
Mme Harel: L'article 77 tel qu'amendé se lit donc: "La
résidence d'une personne est le lieu où elle demeure
effectivement de façon habituelle; en cas de pluralité de
résidences, on considère celle qui a le caractère
principal."
Le Président (M. Gagnon): L'article 78 est supprimé
par l'amendement à l'article 78.
M. Marx: Je pense que c'est l'article 78 qui nous a donné
le plus de difficultés l'autre jour.
Le Président (M. Gagnon): Oui, parce que les autres
étaient adoptés.
M. Marx: Oui, c'est cela. C'est cet article qui a causé
des problèmes.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article
78 est adopté. Donc, l'article est supprimé. C'est cela?
Mme Harel: Me Longtin, oui?
Mme Longtin: Avec la suppression de l'article 78, cela se trouve
à être, sauf pour la notion de résidence, le maintien du
droit actuel quant à la preuve et à l'établissement du
domicile, sauf que l'article 79 vient créer une présomption
résiduaire; donc, si on n'a pas pu l'établir autrement, c'est la
résidence.
M. Marx: C'est cela. Cela peut être assez difficile.
D'accord. Parfait.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article
78 est adopté. L'article 78 est supprimé, l'amendement à
l'article 79 est-il adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Gagnon): L'article 79 tel
qu'amendé est adopté. Est-ce cela?
Mme Harel: C'est bien cela.
Le Président (M. Gagnon): Nous ne pouvons adopter
l'article 1 parce que l'article 36 est encore en suspens.
Une voix: C'est cela, l'article 38. Le Président (M.
Gagnon): 38.
Mme Harel: Maintenant, nous pourrions disposer de l'article
193.
Le Président (M. Gagnon): Article 193? Mme Longtin:
Il s'agirait de le rouvrir.
Le Président (M. Gagnon): De le rouvrir, parce qu'on ne
l'a pas dans la liste.
Mme Harel: De le rouvrir.
Le Président (M. Gagnon): La sous-commission est-elle
d'accord pour rouvrir l'article 193? Oui?
Mme Harel: L'amendement consiste, à la première
ligne, à remplacer les mots "tout majeur" par "toute personne physique",
et l'article se lit comme suit: "La tutelle est une charge personnelle,
accessible à toute personne physique capable du plein exercice des
droits civils et apte à exercer la charge."
Le commentaire. Cet amendement vise à éviter tout doute
sur l'aptitude du mineur pleinement émancipé à agir comme
tuteur. Ce dernier est réputé capable comme tout majeur des actes
de la vie civile, mais une difficulté d'interprétation pourrait
être soulevée lorsqu'on semble poser la majorité comme une
condition pour agir.
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article
193 est adopté. L'article 193 qu'on a rouvert tantôt est
réadopté tel qu'amendé.
M. Marx: C'est cela.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? On se comprend bien?
Là, on le referme.
Mme Harel: On devrait maintenant
procéder à l'étude de l'article 298.1.
Le Président (M. Gagnon): L'article 298.1. C'est un nouvel
article qu'on avait adopté.
Mme Harel: Oui. M. Cossette: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous acceptez de
rouvrir cet article pour le réétudier?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Oui? J'appelle l'article
298.1.
Mme Harel: L'amendement consiste à faire un article du
troisième alinéa de l'article 298.1 et à numéroter
ce troisième alinéa, devenu 298.1, 298.2.
Le Président (M. Gagnon): Vous scindez l'amendement qu'on
avait adopté qui faisait l'article 298.1. Vous prenez le
troisième alinéa et vous en faites l'article 298.2.
Mme Harel: Peut-être, M. le secrétaire,
pourriez-vous faire la lecture de l'article 298.1.
M. Marx: Qu'est-ce au juste?
Mme Harel: C'est une règle de compensation.
Mme Longtin: C'est une règle de compensation.
M. Marx: Une règle de?
Mme Longtin: De compensation.
M. Marx: C'est une question de renumérotation.
Mme Longtin: Découlant de la suppression de l'article
78.
M. Marx: D'accord. J'ai compris.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez compris.
M. Pineau: II y a un amendement à l'article 298.2.
Mme Harel: Oui, une fois numéroté 298.2,
l'amendement consiste, au troisième alinéa, qui est devenu 298.2,
à remplacer au début les mots: "S'il y a lieu d'agir en dehors de
ces cas" par "Hors les cas du mandat ou de la gestion d'affaires, s'il y a lieu
d'agir". Quand le secrétaire aura retrouvé le troisième
alinéa, il nous fera lecture de l'article 298.1.
Le Président (M. Gagnon): Cela devient 298.2.
Mme Longtin: Est-ce que vous avez le texte?
Le Secrétaire: Oui. Il y a un changement de texte.
Mme Harel: C'est cela. Voulez-vous nous faire lecture de
l'article 298.1?
Le Secrétaire: Le premier amendement? Le
Président (M. Gagnon): Oui.
Le Secrétaire: D'accord. Le premier amendement à
l'article 298.1. "L'acte par lequel le majeur a déjà
chargé une autre personne de l'administration de ses biens continue de
recevoir exécution malgré l'instance, à moins que, pour un
motif sérieux, cet acte ne soit révoqué par le tribunal.
"En l'absence d'un mandat donné par le majeur ou par le tribunal en
vertu de l'article 476, on suit les règles de la gestion d'affaires et
le Curateur public ainsi que toute autre personne qui a qualité pour
demander l'ouverture du régime peut faire, en cas d'urgence, les actes
nécessaires à la conservation du patrimoine. "S'il y a lieu
d'agir en dehors de ces cas pour éviter un préjudice
sérieux, le tribunal peut désigner provisoirement le Curateur
public ou une autre personne soit pour accomplir un acte
déterminé, soit pour administrer les biens du majeur dans les
limites de la simple administration."
Mme Harel: C'est ce dernier alinéa qui vient d'être
lu qui serait modifié par l'amendement qui consiste à remplacer
les mots: "S'il y a lieu d'agir en dehors de ces cas" par "Hors les cas du
mandat ou de la gestion d'affaires, s'il y a lieu d'agir".
Le Président (M. Gagnon): Voilà. Est-ce que...
M. Marx: Oui, adopté.
Le Président (M. Gagnon): ...l'amendement à
l'article 298.1 est adopté?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Adopté.
M. Marx: Est-ce que le président peut nous assurer que le
livre premier comportera 399 articles après la
renumérotation?
Mme Harel: Je ne sais pas si le président peut l'assurer,
mais les experts le peuvent.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Nous allons suspendre pour deux
minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 17)
(Reprise à 17 h 20)
La réserve successorale
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre'. M. le
ministre de la Justice, je vous laisse la parole.
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je vous remercie et
je remercie les membres de la commission de bien vouloir me laisser quelques
minutes pour parler d'un sujet qui intéresse au plus haut point tous les
membres de la commission, je le sais, soit la réserve dans le chapitre
Des successions.
Avant d'évoquer ici la démarche que je me réserve
de vous proposer, je voudrais, d'une part, remercier la députée
de Maisonneuve pour le travail de leader du Code civil, si je peux m'exprimer
ainsi, qu'elle a assumé depuis toutes ces semaines, et,
évidemment, tous les gens de l'équipe qui l'ont appuyée.
Je voudrais aussi faire mes remerciements au député de D'Arcy
McGee en particulier et à ses deux collègues de Sainte-Anne et de
Saint-Laurent. Je sais que vous avez abattu un travail considérable. Je
vous dirai qu'il m'est arrivé de parcourir la transcription de vos
débats; il m'est arrivé aussi à l'occasion
d'écouter vos débats par le perroquet que nous avons dans nos
bureaux. Je sais que tous les membres de la commission, de part et d'autre
autour de la table, avec le soutien, entre autres, du professeur Pineau du
côté de l'Opposition, et vous-même, M. le Président,
avec votre patience sur de ces choses arides, mais néanmoins
fascinantes, aurez contribué à faire avancer de façon
remarquable la réforme du Code civil. Je vous le dis tout à fait
modestement étant donné que je considère que ma
contribution aura été celle de préparer le projet de loi
20 avec mes fonctionnaires, mais je suis conscient que le gros du travail aura
été fait par les membres de l'Assemblée nationale qui
siègent ici.
Sur la réserve et la distribution des actifs à la suite de
l'ouverture d'une succession et les droits du conjoint survivant ou des
enfants, je crois qu'on peut dire que le problème a été
cerné de la façon suivante: nous partons d'une situation de
liberté de tester et d'option. Il est de l'avis du gouvernement, et je
crois aussi que cela semble être un consensus des membres de la
commission, que nous pouvons intervenir dans cette notion de liberté de
tester, et ce, à la lumière non seulement d'un certain nombre
d'objectifs sociaux qu'on s'est donnés au Québec pour que notre
Code civil, dans cette partie de son droit, reflète l'évolution
de notre société depuis une vingtaine d'années, mais
également à la lumière du droit étranger et,
notamment, du droit d'inspiration civiliste qu'on retrouve à
l'étranger.
Les hypothèses qui se présentaient devant nous
étaient donc celle de la créance de nature alimentaire, celle de
la réserve en usufruit ou non, et la notion possible de partage, je
sais, qui a été évoquée quant à la
copropriété, par exemple, de la maison, des meubles et de
l'automobile. Les avantages et les inconvénients à la fois au
niveau des principes de conciliation dans notre droit civil, de clarté
pour les justiciables de savoir à quoi ils s'attendent, de recherche
d'une certaine efficacité et d'une judiciarisation qui ne serait pas
excessive, je crois, nous ont amenés à considérer, encore
une fois majoritairement auprès des membres de la commission, que la
réserve est sans doute une approche plus adéquate que la
créance alimentaire. Il reste cependant qu'à l'intérieur
de cette notion, puisque nous parlons de limitation de la liberté de
tester, on répond, je crois, à un certain nombre de questions et
j'ai cru m'en rendre compte en relisant la transcription de vos travaux autour
de ces questions, en étant présent aussi à une
séance - comment dites-vous? - informelle, à une séance de
travail de la commission. De toute évidence, le cumul des avantages
entre le régime matrimonial et les conséquences d'un testament
avec réserve pour le conjoint survivant, les dimensions de planification
fiscale, l'identification des bénéficiaires: le conjoint et/ou
les enfants - les enfants, est-ce les mineurs ou non, est-ce les adultes, mais
à charge? - la notion de paiement différé, qu'a,
d'ailleurs, soulevée, à sa façon, le député
de Saint-Laurent en cours de route, en nous donnant quelques exemples qui, en
cela, reprenaient, d'ailleurs, les considérations que m'avaient
livrées d'autres députés de l'Assemblée nationale
qui, sans participer à vos travaux, de part et d'autre de la Chambre
s'étaient intéressés à ces questions, la notion de
quote-part et de plafond constituent des choses qu'il faut "très bien
identifier; je crois qu'elles sont bien identifiables. Le droit comparé,
notamment quant à l'application simultanée de dispositions en
matière de liquidation de la communauté ou des biens en
communauté, s'il s'agit du régime des acquêts; la
question
de l'harmonisation des dispositions en matière de droit
successoral versus le partage de ce qui fait l'objet de la communauté
dans le régime d'application générale, c'est-à-dire
la communauté d'acquêts, ou encore dans le régime de la
communauté de biens, soulèvent toute la question de comment se
vit ce droit comparé.
Je crois qu'il est normal que les collègues de l'Assemblée
soient intéressés à en connaître un peu plus long
sur ces questions. En effet, on peut remarquer - si je me souviens bien, c'est
dans le cas du droit espagnol - qu'il y a une sorte
d'étanchéité entre les deux régimes où il y
a carrément, dans certains cas, l'impossibilité pour le conjoint
d'accéder à la succession s'il bénéficie d'un
partage de la communauté de biens.
Il faut donc, à partir des orientations que nous avons
privilégiées autour de la réserve
héréditaire, en tenant compte des commentaires venant des
organismes, tels le Barreau et la Chambre des notaires, en arriver à
répondre à ces préoccupations et à ce
questionnement des députés et, deuxièmement, en arriver
à établir une hypothèse pouvant faire l'objet d'un
consensus. Nous pourrions simplement dire: Oui, le gouvernement n'a qu'à
trancher, une fois pour toutes, dans la réserve, nous proposer une
formule et on sera pour ou contre.
Il faut être bien conscient que, quand on touche au Code civil, on
y touche pour un petit bout de temps. Cela m'étonnerait qu'on rouvre la
question de la réserve, éventuellement, d'ici cinq, dix, quinze
ou même cinquante ans. Il va falloir vivre un certain temps avec ce que
nous adopterons. Je souhaiterais donc que le régime avec lequel nous
considérons que le Québec peut vivre et doit vivre dans ce
domaine, un domaine d'une très grande sensibilité, soit choisi
avec une approche qui soit la plus approfondie et la plus
réfléchie possible, et où nous savons que nous avons
répondu à chacune des questions. Il ne s'agit pas d'y aller avec
une orientation idéologique. Je crois qu'il faut pouvoir répondre
à toutes les questions légitimes que peuvent se poser les membres
de l'Assemblée nationale autour de ces limites que nous introduisons
à la liberté de tester.
Dans les circonstances, je me propose donc de fournir aux membres de la
commission, d'ici à la fin du mois de juillet, un document qui
répondra aux différents aspects que je viens d'évoquer, en
précisant quelles étaient les hypothèses, quels sont les
problèmes qui ont été soulevés à
l'égard de la réserve, les différents mécanismes
possibles, le tout avec des éléments de droit comparé,
notamment quant à la concomitance de l'application du régime de
droit matrimonial et des successions.
J'ai une intuition de l'endroit où on pourrait déboucher.
Je me suis fait, après plusieurs lectures et plusieurs discussions, une
idée de ce que sera le résultat, que je me suis permis de
partager avec une seule personne, mais j'ai l'impression que je sais où
cela va aboutir. Néanmoins, je pense qu'il faut cheminer. Si je me
trompe, je me trompe et, si j'ai raison; j'ai raison et c'est tout, mais je
pense qu'il faut cheminer très précisément. II faut, au
moment où nous passerons à l'adoption en troisième lecture
de ce projet de loi 20, compte tenu de l'énorme travail accompli par les
membres de la commission, que nous soyons certains d'avoir bien
honnêtement et bien sincèrement pesé et soupesé tous
les aspects de la technique de réserve que nous serions appelés
à adopter et que nous pouvons tous vivre avec ce choix, le mieux
possible, en ayant fait valoir nos points de vue réciproques.
M. le Président, je m'engage à faire parvenir aux membres
de la commission, par votre entremise ou celle du secrétariat, un
document, d'ici à une, quinzaine de jours environ, qui fera une
synthèse de tous ces éléments, y compris les
hypothèses que nous pourrions retenir. Je souhaite, par le fait
même, que votre commission, qui doit se réunir au mois
d'août pour un mandat d'initiative concernant la Commission de police,
puisse, à ce moment ou dans les jours qui précéderaient,
une fois que tout le matériel aura été
digéré et partagé, se prononcer sur la technique qui sera
proposée.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Herbert Marx
M. Marx: M. le Président, je dois admettre qu'à ce
moment je suis un peu surpris que le ministre nous arrive avec une proposition
de réétudier un chapitre du projet de loi 20 sans l'adopter avant
la fin de cette semaine. Nous sommes ici depuis le mois de mai. L'Opposition
était d'accord pour siéger tout de suite après la
fermeture de l'Assemblée nationale, et cette semaine aussi, pour
permettre l'adoption de ce projet de loi et permettre aux légistes qui
ont travaillé depuis des années sur ce projet de loi d'aller en
vacances, après avoir adopté ce Code civil. Cela a l'air qu'ils
seront bien déçus, avec beaucoup d'autres personnes, et moi
aussi, parce que, si ce n'était pas pour adopter le projet de loi 20 au
complet, je ne sais pas pourquoi on a siégé au début de
juillet. On aurait pu faire cela, comme le ministre vient de le
suggérer, vers la fin d'août ou au début de septembre, en
octobre ou après les prochaines élections, je ne sais pas
quand.
Je pense que c'est pressant d'adopter ce projet de loi 20. Sinon, toute
l'adoption
du Code civil, serait, comme on dit, entre guillemets, "stallée"
encore des mois, si ce n'est des années. Ce n'est pas un projet de loi
prioritaire pour un gouvernement. Je ne veux pas porter préjudice au
travail de ce gouvernement sur le Code civil, mais, en général,
ce n'est pas un projet de loi prioritaire. On a d'autres choses à faire
où il y a plus de pression pour agir vite.
En ce qui concerne le fond du problème, la sous-commission a bien
rejeté la possibilité d'adopter un régime de
créance alimentaire parce que nos députés praticiens nous
ont dit que cela ne fonctionnerait pas, que ce serait nid à
procès et que cela allait causer beaucoup de problèmes. C'est
pourquoi cela a été rejeté.
En ce qui concerne d'autres régimes possibles, il y a un document
au ministère de la Justice sur au moins une vingtaine de pays, si ce
n'est pas plus. On a le régime matrimonial, les successions, la
protection légale et les remarques. Donc, le ministère a
déjà fait l'étude de toutes les possibilités.
Maintenant, on nous dit qu'on va nous fournir un autre document pour
encore examiner les possibilités. Je pense que la raison pour laquelle
le ministre n'est pas prêt à adopter quoi que ce soit dans ce
chapitre, c'est que le gouvernement n'a pas pris position, qu'on ne sait pas ce
qu'on veut faire.
Peut-être puis-je poser une question facile: Est-ce qu'entre les
régimes... Premièrement, je pense que tout le monde est
prêt à dire qu'on va limiter la liberté de tester d'une
façon ou d'une autre. Le ministre dit qu'il est d'accord.
Deuxièmement, on a rejeté la créance alimentaire. Le
ministre fait signe que c'est vrai aussi. Troisièmement, je pense que le
ministre favorise la réserve successorale. II me fait signe... Donc, je
veux que les signes soient enregistrés.
Une voix: Ce n'est pas télévisé.
M. Marx: Ce n'est pas télévisé. Donc, si je
comprends bien, le ministre veut avoir le temps de se pencher sur la plomberie
d'un tel régime. C'est cela?
M. Johnson (Anjou): Si vous me permettez d'intervenir.
M. Marx: Oui.
M. Johnson (Anjou): Je pense que jusqu'à maintenant le
député a bien suivi le cheminement. Dans le fond, quand on arrive
dans la technique de la réserve héréditaire, c'est quand
même significatif. Par exemple, j'ai vu un de nos collègues, ici,
autour de cette table, à l'occasion d'une réunion, alors que nous
discutions de la technique de la réserve héréditaire,
reposer la question de la liberté de tester. Je comprends que les choses
ont évolué depuis ce temps, et tant mieux, mais à chaque
élément de la réserve héréditaire il y aura
beaucoup de questions qui seront posées. Il faut, pour nous,
répondre à certaines choses qui sont soulevées par les
députés. Le rôle des députés, dans un projet
de loi comme celui-ci, en tout cas, M. le Président, m'apparaît
évident, c'est d'être d'authentiques législateurs pour
éclairer les décisions que nous allons prendre. Il ne s'agit pas
d'une loi de nature purement technique; il s'agit d'une loi qui régit
les rapports privés de tous les citoyens. Il y a là des
conceptions philosophiques, des priorités sociales, une
appréciation qu'on fait de la judiciarisation ou non, de
l'équilibre qui doit exister entre les mineurs, les personnes à
charge, le conjoint survivant et l'importance du régime matrimonial, qui
sont toutes des questions très importantes.
Je vous dis encore une fois que j'ai une très bonne idée
de l'endroit où on pourrait aboutir, mais je ne voudrais pas que, sur
une chose aussi importante dans notre Code civil, l'on soit dans une situation
où le débat se prolonge jusqu'en troisième lecture de
façon telle que la commission n'ait pas fouillé vraiment cet
aspect, ne serait-ce que pour y consacrer une journée et demie. Une fois
que tout le monde aura lu les documents et les hypothèses
formulées, il faut vraiment que ce soit avec une grande satisfaction sur
le plan intellectuel, sur le plan de l'esprit et de notre compréhension,
que nous proposions à l'Assemblée nationale d'adopter la
troisième lecture en ce qui concerne cet aspect en particulier.
Le cheminement que je vous propose, s'il est vrai que nous avons
l'essentiel de ce qu'il faut pour arriver à la décision, une fois
qu'on aura établi ce qu'est l'hypothèse, il faudra, pour chacune
des questions que les membres de la commission posent, que nous ayons les
réponses et non pas que nous disions: Bien, on ne le sait pas. Enfin, il
faudra au moins savoir qu'on n'a pas les réponses.
Je vous donne un exemple tout récent qui est arrivé. On a
soulevé toute cette question: Oui, mais qu'est-ce qui arrive dans le cas
de la communauté? Est-ce que cela ne fait pas que le conjoint a 75 % de
la succession, à toutes fins utiles? Est-ce qu'on vient de limiter la
liberté de tester ou si on vient, finalement, de faire un autre type de
choix? Il y a des réponses à cela. Il y a des techniques qui nous
permettent aussi de modifier le projet de loi de telle sorte qu'on atteigne les
objectifs qu'on considère être ceux qu'on vise. Pour l'essentiel,
ce que nous visons dans la technique de la réserve, en plus de la notion
d'efficacité, c'est essentiellement de nous assurer qu'un conjoint
survivant, des enfants mineurs et
des enfants à charge ne soient pas laissés sur le carreau.
On se comprend bien pour ce qui est de l'objectif.
À partir de là, il faut s'assurer que la mécanique
qu'on va utiliser dans le Code civil nous permette d'atteindre cet objectif
sans créer des effets pervers, d'une part, et, d'autre part, de
répondre avec beaucoup de précision à ce que soulevait,
par exemple, le député de Saint-Laurent; c'est également
l'opinion, je crois, du leader de l'Opposition avec qui j'ai eu l'occasion d'en
discuter, comme cela, privément, M. Gérard D. Levesque, le
député de Bonaventure. Quand on arrive à l'application de
la réserve à l'égard des mineurs, est-ce que des dons
différés, par exemple, ne devraient pas être pris en
compte? Est-ce qu'on devrait établir un régime d'option qui soit
différent de celui que nous avons à l'égard du conjoint,
en fonction de la part de la succession qui est divisible, par opposition
à la part qui serait, par exemple, non divisible, mais faisant partie du
patrimoine successoral?
Il faut pouvoir répondre à chacune de ces questions dans
notre hypothèse. C'est ce que je m'engage, au nom du ministère,
à vous faire produire d'ici à une quinzaine de jours à
partir d'une hypothèse qui tentera de répondre à chacune
de ces questions qui ont été soulevées lors de la
discussion en commission.
M. Marx: Si je comprends bien, le gouvernement est favorable et
s'engage à déposer un projet en ce qui concerne la réserve
successorale.
M. Johnson (Anjou): C'est le projet que j'ai effectivement. Mais
j'aurai, à l'égard de certaines questions, le même type
d'interrogation de la part des collègues du Conseil des ministres sur
l'application de la réserve que j'ai eue de la part des membres de la
commission.
M. Marx: Est-ce que c'est le projet du ministre ou si c'est le
projet du gouvernement?
M. Johnson (Anjou): Je crois que ça finira par être
le projet de la commission parlementaire.
M. Marx: Non. Maintenant, est-ce que...
M. Johnson (Anjou): C'est du droit civil, c'est là pour
longtemps. C'est un projet du Parlement.
M. Marx: Comme le ministre explique cela, la réserve
successorale, ce n'est pas encore la position du gouvernement du Québec.
Cela commence là. Si le ministre veut me dire que c'est moi en tant que
parlementaire, parce que c'est l'Assemblée nationale qui va adopter la
loi 20, qui pourrait déposer son projet sur la réserve
successorale, je vais m'empresser de le faire.
M. Johnson (Anjou): Je m'excuse, je n'ai pas entendu. Vaut
peut-être mieux pas. Je relirai la transcription.
M. Marx: Non, il n'y a rien là. C'est parce que le
ministre parle d'un projet qui sera adopté par l'Assemblée
nationale où tous les députés sont égaux et ainsi
de suite. Si le ministre veut que ce soit moi qui dépose ce projet sur
la réserve successorale, je pourrais tenter de faire un brouillon de
projet.
M. Johnson (Anjou): Peut-être que, dans une séance
de travail, ce serait intéressant que la députée de
Maisonneuve, avec le député de D'Arcy McGee, nous rédige
quelque chose. Cela serait magnifique.
M. Marx: Oui. J'aimerais savoir quelle est la position du
gouvernement, c'est-à-dire est-ce que le gouvernement est pour la
réserve successorale? Je pense que c'est une question assez simple.
M. Johnson (Anjou): Le gouvernement est favorable au principe de
la limitation de la liberté de tester à partir de l'objectif que
je décrivais tout à l'heure: ne laisser personne sur le carreau.
Par ailleurs, au gouvernement, les mêmes questions se posent quant
à la technique qui sera utilisée dans la réserve
successorale et ses effets sur les régimes matrimoniaux, ses effets sur
la planification fiscale, ses effets quant au paiement différé
dans le cas des mineurs. Je pense que le député comprendra que ce
type de discussion se tiendra au Comité de législation et que la
commission nous a éclairés beaucoup sur un certain nombre de
questions.
M. Marx: Donc, si je comprends bien, le gouvernement n'est pas
prêt à se prononcer, à ce moment-ci, sur la réserve
successorale. Cela peut être la créance alimentaire
modifiée par rapport au projet qu'on trouve dans le projet de loi 20, et
ainsi de suite. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Johnson (Anjou): Vous avez bien compris que la décision
du Conseil des ministres était de limiter la liberté de tester en
fonction des objectifs que j'évoquais, que le gouvernement a
publié dans le projet de loi 20 une approche qui était celle de
la créance alimentaire, donc, qu'il n'a pas débattu, au moment
où il a présenté ce projet, de la notion de réserve
héréditaire dans les détails. Les deux hypothèses
ont été présentées aux fins de discussion en
commission parlementaire et c'est ainsi,
d'ailleurs, que le libellé de la décision du Comité
de développement social, je crois, était rédigé,
puisque j'ai participé à la fois au Comité de
législation, au Comité de développement social, à
celui de la condition féminine et au Conseil des ministres sur cette
question. Nous avions retenu la créance alimentaire pour les fins du
dépôt du projet de loi 20, avec la compréhension que la
notion de réserve serait soulevée lors de la commission et que je
devrais retourner par la suite... Pardon?
M. Marx: Ce serait soulevé par qui?
M. Johnson (Anjou): Je pense qu'elle a été
soulevée par des intervenants. Elle a été
soulevée...
M. Marx: Par l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): Elle a été soulevée par
des membres...
M. Marx: Vous avez compté sur l'Opposition pour soulever
cette question.
M. Johnson (Anjou): Nous avons compté sur les efforts de
tous les députés.
M. Marx: Le ministre est sage.
M. Johnson (Anjou): De temps en temps.
M. Marx: Bon, c'est pour que ce soit clair pour tout le monde,
parce que le ministre parlait d'une façon elliptique. (17 h
45)
M. Johnson (Anjou): II faut bien comprendre aussi, si vous me
permettez juste d'ajouter ceci, M. le Président, que, dans la mesure
où le projet de loi 20 contenait la notion de créance
alimentaire, nous ayons interrogé certains des intervenants en leur
disant: Parlez-nous donc de la réserve un peu. Dans le fond, la
conclusion, l'espèce de consensus, c'est qu'on se dirige vers la
réserve. Il faut être bien conscient que, si on adopte et si je
vous dépose l'hypothèse que je vois comme celle qui serait
l'aboutissement à peu près logique de tout cela, on va le faire
dans un contexte où peut-être ce ne sera pas ventilé
suffisamment, parce que les gens ont travaillé au projet de loi 20. Ils
n'ont pas travaillé à l'hypothèse dont on parle. Il faut
maintenant permettre aux gens de travailler à l'hypothèse et de
répondre à l'ensemble des questions et des
préoccupations.
M. Marx: Maintenant, qu'est-ce que le ministre va faire? Est-ce
qu'il va nous expliquer les démarches?
M. Johnson (Anjou): Disons que, d'ici une quinzaine de jours, je
ferai parvenir aux membres de la commission... On comprendra que j'aurais bien
aimé le faire avant; cependant, nos experts de ces questions
étaient retenus par vos travaux. Je pense qu'ils pourront se
libérer à travers le soleil d'été dans la
région de Québec pour nous aider à confectionner un
document qui va ramasser toute cette question, les tenants et les aboutissants,
l'hypothèse que nous formulons pour répondre aux
préoccupations qui ont été soulevées par la
commission. À partir de ce document, nous pourrions élaborer une
proposition de réserve.
M. Marx: C'est qui, "nous"?
M. Johnson (Anjou): Je m'excuse, c'était peut-être
un... Je pourrais ou, enfin, mon adjoint parlementaire, le cas
échéant, pourrait déposer à la commission un
projet.
M. Marx: Mais j'ai un document de trois pages ici qui explique
pas mal les successions ou la réserve successorale et d'autres
possibilités. Je pense que je peux vous envoyer une copie de ce
document. Cela va...
M. Johnson (Anjou): II y a des hypothèses auxquelles on
travaille au ministère, vous savez.
M. Marx: C'est cela, mais ici on...
M. Johnson (Anjou): On travaille tout le temps au
ministère.
M. Marx: ...a résumé les hypothèses. On peut
vous donner cela; donc, le premier document est prêt. Maintenant, dans
quinze jours, ce sera prêt, on va nous donner...
M. Johnson (Anjou): Un document plus exhaustif, plus
définitif, plus précis.
Mme Harel: Sur les modalités.
M. Marx: Sur les modalités, mais dans quinze jours on
n'aurait pas les articles?
M. Johnson (Anjou): Oui, ce qu'on aurait, c'est qu'on vous
proposerait l'état de la question, le droit actuel, l'hypothèse
de la réserve avec les problèmes que cela soulève, le
droit comparé et l'orientation qu'on privilégie à partir
de cela.
M. Marx: Mais, est-ce que ce sera en forme d'un chapitre
quatrième pour remplacer le chapitre quatrième qui se trouve aux
articles 703 à 716? C'est ce qu'on veut.
M. Johnson (Anjou): Ce sont effectivement les seize ou dix-sept
articles
du chapitre quatrième, 703 à 716 inclusivement.
M. Marx: Donc, dans quinze jours, on aura le document. Quand
va-t-on avoir l'ensemble de ces articles?
M. Johnson (Anjou): Dès que le document est prêt, on
vous le fait parvenir et on peut tenir pour acquis qu'on ne demandera pas
à la commission de se réunir sans discuter sur des textes qui
sont au chapitre quatrième.
M. Marx: Mais, est-ce que la commission va discuter sur le
document ou sur l'ensemble des articles? Il y a une différence; on ne
peut pas les rédiger à quinze.
M. Johnson (Anjou): Je pense que la commission devrait discuter
sur les articles, mais je veux m'assurer que nous avons les documents
d'appoint, que le travail a été fait de part et d'autre et qu'on
ne se sent pas obligés de réinviter l'allumette dans tous les
cas. S'il y a des considérations qui nous sont fournies par les
collègues et qui ne sont pas présentes dans notre document,
encore une fois, on les écoutera. Mais on pense qu'à travers le
débat qu'il y a eu ici, à la fois en séance de travail et
en commission, comme à travers les discussions que j'ai pu avoir avec
quelques collègues autrement ou, enfin, dans les couloirs
privément durant la session, je pense que le document qu'on va produire
devrait répondre a l'ensemble des questions qui ont été
soulevées.
M. Marx: Donc, le document sera prêt dans quinze jours ou
vers la fin du mois de juillet.
M. Johnson (Anjou): C'est cela.
M. Marx: D'accord. Quand est-ce que le ministre entend
déposer les articles?
M. Johnson (Anjou): On pourrait peut-être faire cela
quelque part au début du mois d'août.
M. Marx: Oui, au début du mois d'août. Mais je ne
veux pas poser de questions qui touchent au fonctionnement du gouvernement. De
toute façon, le ministre...
M. Johnson (Anjou): Cela fonctionne, le gouvernement, douze mois
par année.
M. Marx: ...ne répondra pas s'il ne le veut pas. Est-ce
qu'on va avoir des articles qui ont déjà été
adoptés par le Comité de législation, par le Conseil des
ministres et par tout le monde pour qu'on ne discute pas pour rien?
M. Johnson (Anjou): Le Conseil des ministres est prêt
à donner un mandat aux ministres participant au Comité de
législation pour approuver un texte définitif.
M. Marx: Donc, les articles qu'on va recevoir seront des articles
déjà approuvés par le gouvernement.
M. Johnson (Anjou): Effectivement.
M. Marx: Donc, cela resterait à la commission de faire des
modifications mineures ou majeures, le cas échéant, comme
toujours.
M. Johnson (Anjou): C'est ça. Puisque le
député me posait des questions, il me permettra de lui en poser.
Comme je ne peux pas lui en poser à lui du côté de
l'Assemblée nationale, je peux peut-être lui en poser au moment
où on est au salon rouge. Alors est-ce que je comprends bien que, si
nous avions un projet qui consacre le principe de la réserve par
opposition à la créance alimentaire, nous aurions un consentement
de l'Opposition sur cette approche? Est-ce que j'ai bien compris l'objet des
débats?
M. Marx: L'Opposition ne légifère pas, l'Opposition
réagit aux documents et aux lois déposés par le
gouvernement. Si on veut changer les rôles, l'Opposition est
prête.
M. Johnson (Anjou): Mais ça, on va essayer d'y voir.
M. Marx: On aimerait légiférer avec le ministre,
mais il ne nous donne pas cette occasion.
M. Johnson (Anjou): Justement, M. le Président, c'est ce
que j'offre aux membres de la commission. Mais, est-ce que je dois bien
comprendre.,.
M. Marx: Mais, comme réponse, le ministre a, bien
sûr, lu le Journal des débats du 14 juin qui fait état de
la discussion en sous-commission et des positions qui ont été
prises par les quatre députés qui étaient ici.
M. Johnson (Anjou): Oui, voilà. J'aimerais bien cela, M.
le Président; c'est juste une question de savoir, parce qu'après
tout c'est le Code civil et on ne veut pas jouer à la politique avec le
Code civil.
M. Marx: C'est ça.
M. Johnson (Anjou): C'est trop fondamental pour s'adonner
à des exercices qui nous amèneraient trop facilement sur la pente
savonneuse de la démagogie. Je suis conscient que la réserve
héréditaire et la
limitation de la liberté de tester, c'est une liane
graissée pour quelqu'un qui se promène d'arbre en arbre. Je
voudrais quand même essayer de dégager de ces discussions ce qui
me semble être un consensus et je voudrais que le député me
corrige si je me trompe. J'ai cru comprendre qu'il y a un consensus quant
à la notion de liberté de tester qui peut être
limitée en fonction des objectifs qu'on a évoqués tout
à l'heure. Je ne me trompe pas là-dessus?
M. Marx: Le ministre peut lire le Journal des débats, il
va tout comprendre. Il y a un certain nombre d'articles que le gouvernement a
insisté pour qu'on adopte malgré l'opposition de l'Opposition et
il y a un certain nombre d'articles qu'on a adoptés sur division.
J'imagine que, si le ministre a une politique qui est approuvée par le
Conseil des ministres, approuvée par le Comité de
législation, ce sera l'Opposition qui va l'empêcher d'adopter
cette politique.
M. Johnson (Anjou): Je comprends, M. le Président, que le
député de D'Arcy McGee excelle dans ces choses et qu'il fait une
pirouette que je ne lui reproche pas. J'essaie juste de comprendre parce que
j'ai effectivement lu la transcription du Journal des débats. J'y ai
trouvé des choses qui semblaient un peu incompatibles avec une
séance de travail. Je comprends qu'il est toujours plus facile pour
l'Opposition d'expliquer que oui, mais le caucus ne s'est pas prononcé.
J'aimerais savoir si le député parle au nom de l'Opposition quand
il nous dit que: Oui, on accepte la limitation à la liberté de
tester.
M. Marx: Je trouve la question assez curieuse parce que le
ministre, quand il dépose des projets de loi, des articles ou des
modifications, n'a jamais demandé à l'Opposition ou aux
députés indépendants s'ils les approuvent au s'ils ne les
approuvent pas. Ce serait une drôle de façon de
légiférer.
M. Johnson (Anjou): Je comprends...
M. Marx: Si le ministre veut que ses projets de loi soient
élaborés avec la collaboration de l'Opposition et que
l'Opposition forme un comité de législation, c'est une
possibilité. Mais que je sache, jusqu'à ce moment-ci, cela a
toujours été à l'initiative du gouvernement. L'Opposition
ne légifère pas, en ce sens que nous n'avons pas l'initiative.
Mais si vous voulez nous donner l'initiative et renverser les rôles, nous
sommes prêts.
M. Johnson (Anjou): On n'a qu'à faire trois
élections partielles. Bon.
M. Marx: Mais il ne faut pas...
Le Président (M. Gagnon): À ce moment-ci, je
voudrais résumer pour savoir si j'ai bien compris.
M. Johnson (Anjou): Juste avant, M. le Président, si vous
le permettez, tout simplement pour que cela soit bien clair entre nous. Encore
une fois, le Code civil n'est pas exactement un projet de loi comme les autres.
Cela nous a pris cent ans avant de le refaire et nous sommes au stade où
on est en train de le refaire. Je comprends très bien la dynamique que
décrit le député de D'Arcy McGee sur la
responsabilité gouvernementale de la majorité parlementaire. Je
croyais que nous avions fait, cependant, pendant l'étude de ce projet de
loi, un effort particulier d'aller juste au-delà des lignes de parti
pour essayer de doter le Québec d'un instrument qui soit le meilleur
possible et auquel le législateur ne touchera pas pour un certain nombre
d'années.
Je me refuse de voir dans les propos du député une
tentative de se garder en réserve pour ensuite dénoncer ce que
serait la proposition gouvernementale. Je trouverais cela d'un cynisme dont il
n'est pas capable. Mais je comprends aussi, M. le Président, que le
député a dit ici et répété à
plusieurs reprises qu'il était en faveur de la limitation de la
liberté de tester. Je crois que certains de ses collègues ont
affirmé cela, mais je sais aussi que beaucoup de ses collègues ne
partagent pas son opinion et qu'ils ont probablement la même
réaction que j'ai eue le jour où, comme ministre de la Justice,
mes fonctionnaires m'ont présenté ce projet de loi en disant: Mon
Dieul Qu'est-ce que c'est cela? On va limiter la liberté de tester. Cela
n'a pas de sens. Alors, on s'y remet, on lit un peu et on se rend compte que ce
n'est pas la révolution et qu'à toutes fins utiles on fait ce qui
se fait dans la plupart des sociétés civilisées. On n'est
pas en train de créer des précédents et on n'est surtout
pas en train de dire au monde qu'on est en train de limiter leur liberté
en tant que citoyens, d'une façon indéfendable et absolument
caractéristique de ce gouvernement oppresseur des personnes.
En pratique, on en arrive à un choix entre la créance et
la réserve. L'approche en général de "common law", c'est
la créance. L'approche en général civiliste, c'est la
réserve. Il s'agit pour nous de savoir si on choisit la réserve
ou la créance. J'ai cru déceler chez, notamment, le
député de Sainte-Anne et le député de D'Arcy McGee
une préférence pour la réserve. Moi aussi, j'ai cette
même préférence pour la réserve et je pense que ma
collègue a également la même opinion. Or, je me dis:
Voilà des gens qui ont cheminé...
M. Marx: Dans le Journal des débats...
M. Johnson (Anjou): ...qui ont cheminé... Pardon?
M. Marx: ...le député de Saint-Laurent était
plutôt favorable. Dans le Journal des débats, c'est cela.
M. Johnson (Anjou): À la réserve? M. Marx:
C'est cela.
M. Johnson (Anjou): Oui, mais cela était avant la
séance de travail.
M. Marx: C'était dans le Journal des débats.
M. Johnson (Anjou): Oui, je sais. M. Marx: Oui, je ne peux
pas...
M. Johnson (Anjou): J'aime cela voir des gens bien dans leur
peau. Je ne voudrais pas que vos collègues de l'Opposition soient mal
dans leur peau. Alors, il faut vivre pas seulement avec ce qu'on dit, mais avec
ce qu'on pense aussi.
M. Marx: On veut que nos épouses soient bien dans leur
peau aussi.
M. Johnson (Anjou): C'est cela. Une voix: Ha! Ha! Ha!
M. Johnson (Anjou): On veut que tout le monde soit bien dans sa
peau. J'en arrive à la conclusion, M. le Président, que, parce
qu'il ne m'a pas donné des réponses claires, le
député de D'Arcy McGee se garde une certaine réserve que
j'appellerais de dénonciation plutôt qu'une réserve
héréditaire qui, dans son cas, n'est pas nécessairement
héréditaire. Il se garde une réserve de
dénonciation alors que j'aimerais le voir et j'aimerais voir les membres
de la commission, dans un esprit beaucoup plus constructif, essayer
d'élaborer des solutions raisonnables à cette question. On ne
peut pas dire qu'on est en faveur d'un principe et déchirer sa chemise
sur la plomberie en mettant en cause le principe.
M. Marx: On va voir ce que le ministre dépose. Le ministre
veut que l'Opposition soit d'accord avec tout le projet de loi 20, mais je dois
vous dire que l'article 3, nous allons voter contre, par exemple. L'article 3.
"La présente loi a effet indépendamment des dispositions des
articles 2 et 7 à 15 de la Loi constitutionnelle" et tout cela. Je ne
pense pas que le ministre va retrancher cet article parce que l'Opposition
n'est pas en faveur. Je pense que c'est la politique du gouvernement de mettre
un tel article dans la loi. Mais l'Opposition n'a pas l'initiative, elle a
seulement la possibilité de réagir, d'examiner la
législation déposée par le gouvernement. Même dans
cette sous-commission, ce n'est pas nous qui pouvons vraiment mener l'affaire
parce que le gouvernement a la prépondérance des votes. Si on
n'est pas satisfait, on dit: Sur division. On a adopté un certain nombre
d'articles sur division et je pense que dans notre système on fonctionne
de cette façon. Si le ministre veut que cela fonctionne d'une autre
façon, nous sommes prêts à prendre l'initiative pas
seulement dans ce dossier du projet de loi 20, mais dans l'élaboration
d'une politique en matière carcérale, en matière de
police. Juste pour terminer...
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Marx: On vous donne la permission de continuer après 18
heures.
Le Président (M. Gagnon): Oui.
J'aimerais avoir la permission de dire aussi quelques mots avant que le
ministre nous quitte.
M. Marx: Juste en terminant, M. le ministre. Moi-même,
modestement, j'ai rendu public un document, intitulé "L'avenir de la
justice au Québec". Si le ministre veut qu'on mette en vigueur les
politiques énoncées dans ce document, s'il nous donne la
permission de le faire, on va le faire tout de suite, il n'y a pas de doute. Je
vois qu'il n'est pas tellement heureux de proposer un tel renversement de
rôles.
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie. J'ai la
permission de dépasser 18 heures. On ne dépassera pas tellement
18 heures parce que je pense que Mme la députée de Maisonneuve,
entre autres, doit nous quitter.
Si j'ai bien compris, M. le ministre, pour tous les articles qui
touchent à la réserve, vous allez déposer à la
commission un document qui va expliquer la position du gouvernement et les
modifications aux articles concernés viendront lors de l'étude
article par article. Ceci veut dire que dans quinze jours la commission aurait
ce document.
(Fin de la séance à 18 h 5)