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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le jeudi 29 août 1985 - Vol. 28 N° 21

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi 20 - Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens


Journal des débats

 

(Dix heures onze minutes)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La sous-commission des institutions se réunit avec le mandat de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 20, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens. M. le secrétaire, voulez-vous faire connaître les membres de la sous-commission et leurs remplaçants, s'il y lieu?

Le Secrétaire: Les membres de la sous-commission des institutions sont M. Bédard (Chicoutimi), M. Gagnon (Champlain), M. Johnson (Anjou), M. Leduc (Saint-Laurent) et M. Marx (D'Arcy McGee). Les remplaçants sont M. Blouin (Rousseau), qui remplace M. Bédard (Chicoutimi), et Mme Harel (Maisonneuve), qui remplace M. Johnson (Anjou).

Le Président (M. Gagnon): J'inviterais immédiatement Mme la députée de Maisonneuve et adjointe au ministre de la Justice à déposer les textes ou enfin à prendre la parole.

Proposition sur les droits

du conjoint survivant et

des enfants dans la succession

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je dois dire que je suis contente de me retrouver parmi vous en sous-commission pour terminer les travaux que nous avons entrepris en mai dernier.

M. le Président, je crois comprendre que tous les membres de la commission ont reçu ce rapport de la question de la créance ou de la réserve héréditaire. C'est donc un rapport très complet, très substantiel qui, je pense bien, nous permet un tour d'horizon complet de la question du droit actuel jusqu'aux propositions que nous déposons ce matin devant la sous-commission.

Souhaiteriez-vous que je fasse lecture de la proposition avant de faire le dépôt des amendements? Pour les fins de nos travaux, serait-il utile que cela soit enregistré?

Le Président (M. Gagnon): Je le laisse à votre discrétion. Ici, on avait pensé que, effectivement, vous déposiez les amendements peut-être en donnant des explications, et qu'il y aurait aussi des questions de la part des autres membres de la sous-commission. Je laisse à votre discrétion le fait d'en faire la lecture ou non. Oui, M. le député D'Arcy McGee.

M. Marx: M. le Président, je pense qu'il est très important que non seulement les articles, mais toutes les explications se trouvent au Journal des débats. J'aimerais seulement soulever un petit point: on parle d'une réserve héréditaire, je pense que c'est plutôt une réserve successorale, peut-être faudrait-il changer le nom...

Mme Harel: ...et la terminologie. M. Marx: ...et la terminologie, oui.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, on pourrait peut-être procéder comme suit: je vais faire la lecture de la proposition, c'est-à-dire la lecture de ce qu'on retrouve aux pages 26 et 27. Je ferais formellement la lecture de ce texte. Nous pourrions par la suite faire la lecture, pour que cela soit enregistré, des amendements que nous apportons aux articles 703 à 716. Par la suite, peut-être, avec les membres de la commission, pourrions-nous reprendre chacun des articles ou bien tout simplement répondre aux questions des membres de la commission, si tant est qu'il y en ait...

M. Marx: Est-ce que vous allez lire les pages 1 à 26? Non?

Mme Harel: Non. Je ferai seulement la lecture des pages 26 et 27. Si vous le voulez, on pourrait ensuite faire un survol des questions qui sont traitées dans le document.

M. Marx: D'accord. Parfait!

Le Président (M. Gagnon): Cela va?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Parce qu'on pourrait considérer...

M. Marx: Parce que les pages 1 à 26 font état de l'historique et cela serait utile pour ceux qui lisent le Journal des

débats.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous êtes d'accord pour que l'on considère cela comme lu?

Mme Harel: Et que cela soit inscrit au Journal des débats, à ce moment-là.

Le Président (M. Gagnon): Oui, que cela soit inscrit au Journal des débats.

M. Marx: Est-ce que c'est possible, M. le Président?

Le Président (M. Gagnon): Oui, c'est possible.

M. Marx: Oui. Parfait:

Le Président (M. Gagnon): Oui, c'est possible. En fait, ce n'est pas un dépôt de document qui est inscrit au Journal des débats, mais on considère que ledit document a été lu. (Voir annexe)

M. Marx: Au lieu de répéter...

Le Président (M. Gagnon): C'est cela. Voilà.

M. Marx: J'aimerais souligner que cela a été très bien fait par nos légistes. C'est excellent. Vraiment. Je pense qu'il faut maintenant laisser au gouvernement le soin de prendre ses responsabilités, mais le travail est bien fait.

Mme Harel: Le travail est très bien fait...

M. Marx: On va voir ce que sera la conclusion.

Mme Harel: ...le ton est très pédagogique.

M. Marx: C'est pourquoi je l'aime.

Mme Harel: La proposition se lit donc comme suit. Ensuite, je ferai le dépôt des amendements. "Après l'étude des diverses hypothèses avancées, de leurs avantages et inconvénients respectifs ainsi que des questions qu'elles soulèvent, et compte tenu des orientations privilégiées par les organismes consultés et la sous-commission des institutions, il est proposé de retenir la réserve héréditaire comme mécanisme de protection des membres de la famille immédiate du défunt contre l'exercice abusif de sa liberté de tester. "La réserve héréditaire ainsi proposée serait établie en faveur du conjoint survivant, des enfants mineurs du défunt et de ceux qui, sans être mineurs, étaient à sa charge au jour du décès. Ces personnes ont paru être les seules qui méritaient effectivement une protection de la nature de celle proposée. Quant aux autres personnes qui dépendaient du défunt à l'époque de son décès, il est suggéré de leur accorder le droit à une contribution financière pour leur tenir lieu d'aliments, contribution dont le montant serait limité cependant à la valeur de six mois d'aliments. "Calculée sur une masse fictive constituée de l'actif réel de la succession et de certaines libéralités faites par le défunt avant le décès et ce, afin de ne pas rendre illusoire la protection recherchée, la réserve préconisée pour le conjoint ou l'enfant serait égale à la moitié en valeur de la part à laquelle l'un ou l'autre aurait pu prétendre si cette masse avait été dévolue suivant les règles de la dévolution légale des successions. "L'étendue de la protection ainsi accordée a également paru correspondre ici à ce qui est généralement admis dans les systèmes qui connaissent la réserve héréditaire, pour assurer une protection efficace sans affecter outre mesure la liberté de tester d'une personne. "La part d'un réservataire serait, dans tous les cas, imputée des avantages que lui conférerait la succession, de même que des sommes qui lui seraient payables en vertu d'un contrat d'assurance de personne, de régime de pension ou de rente contractée par le défunt. Le testateur pourra donc toujours satisfaire personnellement la part d'un réservataire au moyen de toute espèce de legs ou par la désignation de ce réservataire comme bénéficiaire du produit de tels contrats. "Concernant le conjoint survivant, il est proposé de maintenir la possibilité qu'il puisse cumuler les avantages lui résultant de son régime matrimonial et de la succession. Cependant, ce cumul ne pourrait jamais lui permettre de recueillir, par l'addition des avantages du régime matrimonial et la réserve, plus de la moitié en valeur de la succession.

Par ailleurs, lorsque l'actif réel de la succession serait insuffisant pour satisfaire la part d'un réservataire, en raison de certaines libéralités faites par le défunt avant son décès, il serait prévu un mécanisme de réduction de ces libéralités. Dans l'essentiel, cette réduction serait faite à l'amiable entre les parties ou, à défaut, par le liquidateur de la succession sur homologation judiciaire d'une proposition de réduction. "Enfin, s'il n'a pas paru opportun de permettre de renoncer à la protection légale à l'avance, notamment par contrat de mariage, il serait cependant possible, pour tout réservataire, de le faire après l'ouverture de la succession. Une telle

renonciation n'emporterait pas en principe renonciation à la succession de façon à laisser place à l'appréciation de l'héritier qui jugerait suffisants les avantages que lui procure la succession même s'ils ne suffisent pas à combler sa part réservataire. "En conclusion, cette proposition d'une réserve héréditaire en faveur du conjoint et des enfants, proposition d'ailleurs présentée de façon plus détaillée dans le projet dont je vais faire lecture immédiatement, demeure évidemment susceptible de discussions, donc de modifications. Elle tend néanmoins à réunir tous les éléments de ce qui a paru constituer un mécanisme de protection qui soit le plus apte à rencontrer les objectifs visés, compte tenu des circonstances sociales actuelles."

Les amendements à l'article 2 du projet de loi 20 consistent à remplacer le chapitre quatrième intitulé "De la survie de l'obligation alimentaire", comprenant les articles 703 à 716, par les deux chapitres et les articles qui suivent." Chapitre quatrième "De la réserve héréditaire". "Article 703. La réserve héréditaire est un droit successoral d'ordre public qui vient limiter la portion des biens dont une personne peut disposer par libéralités." "Elle est établie au profit du conjoint survivant, des enfants mineurs du défunt et de ceux qui, sans être mineurs, étaient à sa charge au jour du décès." "Article 704. La réserve héréditaire se calcule sur une masse constituée de l'actif de la succession, auquel est réunie fictivement la valeur des libéralités faites par le défunt par acte entre vifs dans les trois ans précédant le décès ou ayant pour terme le décès. "La réserve au profit du conjoint ou d'un enfant est égale à la moitié de la part à laquelle il aurait pu prétendre si cette masse avait été dévolue suivant les règles de la dévolution légale." "Article 705. Le réservataire peut renoncer à sa part. Cette renonciation n'emporte pas renonciation à la succession, à moins qu'elle ne soit expressément stipulée." "La part de celui qui renonce n'accroît pas aux autres réservataires." "Article 706. Doivent être imputés sur la part d'un réservataire tous les avantages que lui procure la succession ainsi que la valeur des libéralités qui lui ont été faites par le défunt par acte entre vifs dans les trois ans précédant le décès ou ayant pour terme le décès." "Doivent également être imputées sur la part d'un réservataire les sommes qui lui sont payables en vertu d'un contrat d'assurance de personne auquel le défunt était partie, de même que celles qui le sont en vertu d'un régime de pension ou de rente contracté par le défunt." "Article 707. Lorsque l'actif de la succession est insuffisant pour acquitter entièrement la part d'un réservataire, en raison des libéralités faites par acte entre vifs dans les trois ans précédant le décès ou ayant pour terme le décès, il est procédé à la réduction de ces libéralités." "Toutefois, les libéralités auxquelles le réservataire a consenti ne peuvent être réduites." "Article 708. La réduction des libéralités n'a lieu qu'en faveur des réservataires ou de leurs héritiers; elle ne profite ni à leurs créanciers ni à ceux de la succession." "Article 709. La réduction des libéralités est faite par le liquidateur de la succession. Il y procède dans l'ordre et suivant les proportions que les bénéficiaires de ces libéralités conviennent entre eux." "À défaut d'accord entre les intéressés, le liquidateur réduit les libéralités proportionnellement à leur valeur dans la mesure nécessaire pour payer les parts réservataires. Dans ce dernier cas, il doit faire homologuer par le tribunal la proposition de réduction." "Article 710. La réduction des libéralités n'a pour objet que la valeur des biens nécessaire au paiement des parts réservataires; elle n'a pas lieu en nature. "Le bénéficiaire de la libéralité peut soit se libérer par la remise du bien, soit verser en argent le montant de la réduction, avec intérêts depuis la demande qui lui est faite." "Article 711. Le paiement de la réduction se fait, à défaut d'accord entre les parties, aux conditions que le tribunal détermine et suivant les modalités de garantie et de paiement qu'il fixe." "Article 712. Est présumée être une libéralité toute alinénation, sûreté ou charge consentie par le défunt pour une prestation dont la valeur est disproportionnée par rapport à celle du bien au temps où elle a été faite." "Article 713. Sont assimilées à des libéralités réductibles les sommes exigibles en vertu d'un contrat d'assurance de personne, lorsque ces sommes auraient fait partie de la succession ou auraient été versées aux réservataires n'eût été la désignation d'un propriétaire subsidiaire ou d'un bénéficiaire dans les trois ans précédant le décès. "Les primes et les contributions versées par le défunt à un régime de pension ou de rente dans les trois ans précédant le décès le sont aussi." "Article 714. À moins qu'ils n'aient été manifestement exagérés, eu égard aux facultés du défunt, les frais d'entretien ou d'éducation et les présents d'usage ne sont pas considérés comme des libéralités." "Article 714.1. Les biens s'évaluent suivant leur état à l'époque de la libéralité

et leur valeur à l'ouverture de la succession; si un bien a été aliéné, on considère sa valeur à l'époque de l'aliénation ou, en cas de remploi, la valeur du bien substitué au jour de l'ouverture de la succession. "Les libéralités en usufruit, en droit d'usage, en rente ou en revenus d'une fiducie sont comptées pour leur valeur en capital au jour de l'ouverture de la succession." "Chapitre cinquième. "De la créance alimentaire contre la succession. "Article 715. "Celui qui n'a pas droit à une part réservataire mais qui, à l'époque du décès, recevait du défunt une pension alimentaire, s'en était fait reconnaître le droit contre lui ou était à sa charge peut, dans l'année du décès, réclamer contre la succession une contribution financière pour lui tenir lieu d'aliments." "Article 715.1. La contribution est attribuée sous forme d'une somme forfaitaire payable au comptant ou par versements; elle est fixée en accord avec le liquidateur de la succession agissant avec le consentement des héritiers et des légataires particuliers ou, à défaut d'entente, par le tribunal. "Elle ne peut affecter les droits d'un réservataire ni excéder la valeur de six mois d'aliments. "Article 716. Pour fixer la contribution, il est tenu compte des besoins et facultés du créancier, des circonstances dans lesquelles il se trouve et des avantages que lui procure la succession. "Il est tenu compte également de l'actif de la succession, des droits des successibles ainsi que du droit d'autres personnes à des aliments."

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'ai deux commentaires. Je vais commencer avec le fonds. Dans le projet d'amendement, je pense qu'il manque un article sur le cumul parce que, dans le document, on parle des cumuls et jusqu'à quel point on peut cumuler les avantages et la réserve successorale, mais ce n'est pas traduit dans les articles. L'article manque sur cette question.

Remarque. On peut expliquer cela. Me Longtin?

Le Président (M. Gagnon): Maître Longtin? Mme la députée de Maisonneuve?

Mme Harel: Oui, en fait, M. le Président, le député de D'Arcy McGee a tout à fait raison, mais on pourrait, je pense, déposer à la commission les articles?

M. Marx: II n'y a pas de problème. On pourrait les déposer lors de l'étude article par article. On n'a pas d'objection. Tout ce qu'on a voulu, c'est soulever cette question.

Mais, dans le document que le ministre de la Justice nous a fait parvenir avec sa lettre d'explication, il nous a expliqué pourquoi et comment il veut tergiverser dans ce dossier. Malheureusement, le ministre n'est pas ici aujourd'hui. Il s'occupe de ses autres préoccupations.

Une voix: II est bien représenté.

Mme Harel: Trouvez-vous qu'il est bien représenté, M. le député de D'Arcy McGee?

M. Marx: Mais, si vous voulez ma réponse à cela, je pense qu'il aurait dû vous laisser mener tout le dossier au lieu de nous envoyer des lettres pour expliquer pourquoi il ne veut pas prendre de décision ce mois-ci. À deux reprises, il nous envoie des lettres pour expliquer sa grande politique de tergiversation, ce qu'on appelle le "stâlage".

Dans sa lettre, le ministre nous a dit: "II faut faire des consultations". Dans le document, à partir de la page 23, on voit que nous avons déjà consulté, par exemple, le Conseil du statut de la femme, qui s'est prononcé pour la réserve successorale et l'Association des femmes collaboratrices qui était aussi d'accord. Le RAIF, soit le Réseau d'action et d'information pour les femmes, était aussi d'accord. La Chambre des notaires a voulu qu'on garde la liberté complète de tester, mais elle a dit: "Si on fait des modifications, elles sont plutôt à la réserve successorale". Je me demande ce que d'autres consultations vont ajouter à ce dossier. Tout le monde a déjà eu l'occasion de se prononcer. Je pense que c'est au gouvernement de prendre ses responsabilités et de trancher dans ce dossier. (10 h 30)

D'autre part, cette sous-commission, d'une façon unanime, a exprimé son point de vue que nous sommes d'accord avec la réserve successorale. Il y a, bien sûr, des ajustements à apporter aux articles, le cas échéant, mais, je pense que si je me souviens du Journal des débats, qui est maintenant public, la sous-commission s'est exprimée de cette façon.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci. Je pense bien que tous les membres de la sous-commission vont reconnaître qu'on a travaillé sans relâche pour activer le dossier. En début de juillet, on était un peu moins nombreux à suivre assidûment les travaux et on a terminé ces travaux le 5 juillet, justement en s'entendant sur le fait qu'il nous fallait procéder à une étude assez exhaustive de l'ensemble des modalités qui devaient conduire à une

modification aussi majeure dans notre droit. Il faut savoir que l'on a examiné toutes les législations étrangères et il n'y a que le Québec, qui est, je pense, une exception, celle de la Californie est parmi les 20 législations, je pense, étudiées dans le cadre de nos travaux, il n'y a que le Québec, dis-je, qui demeure un des rares endroits où prévaut actuellement la liberté et l'unité de tester.

Je voudrais rappeler au député de D'Arcy McGee qu'à la suite des recommandations de la sous-commission, le ministre de la Justice a procédé, comme nous le souhaitions, à une étude exhaustive de l'ensemble de la question, en faisant parvenir, dans les délais prévus aux membres de la sous-commission et l'étude et les amendements qui sont maintenant déposés. Je ne pense pas qu'il y ait eu de tergiversation dans le dossier dans la mesure où, ce matin, nous déposons des amendements. Je pense que l'orientation du ministre est maintenant connue, c'est donc celle que j'ai fait connaître tantôt à la commission.

Vous savez, c'est à bon droit que vous faites état de la commission parlementaire qui a siégé sur le projet de loi 107. Il faut quand même se rappeler qu'à l'origine, dans le projet de loi 107, on maintenait la liberté absolue de tester. Lorsque les organismes et les groupes sont venus déposer des mémoires en commission, ils n'avaient pas devant eux un projet qui était autre chose que la disposition toujours en vigueur dans le code. Quand Ils sont intervenus pour faire connaître les positions qu'on retrouve à la page 24 du rapport, ils l'ont fait à l'initiative du ministre de la Justice qui, sur place, en commission, leur demandait de réagir à l'opportunité de prévoir ou non un mécanisme de protection dans le cas où il aurait pu y avoir abus du droit de tester. C'est donc dire que ce n'est que la Chambre des notaires et, je pense, le Barreau qui ont pu formellement venir dans le cadre de nos travaux et, cette fois, faire connaître leur position sur l'ensemble du chapitre concernant les personnes, les biens et les successions et toujours en ayant, cette fois, devant eux des dispositions qui étaient à l'effet d'introduire une créance alimentaire.

À ma connaissance, c'est la première fois qu'il y a formellement dépôt d'une proposition de réserve successorale et des diverses modalités qu'on sait extrêmement importantes qui s'y rattachent. Cela va être la première fois qu'on demande aux organismes qui se sentent concernés au premier chef de réagir sur cette proposition. Quant à l'unanimité au sein de notre sous-commission, je souhaite que ce consensus se maintienne. Il me semble qu'il a fléchi à quelques reprises après s'être exprimé lors d'une séance de nos travaux sur notamment le fait d'introduire une certaine nuance quant à la liberté absolue de tester ou de réduire, ou, en tout cas, tout au moins d'introduire des mesures de protection. Je pense qu'il y avait consensus. Quant à prétendre qu'il y a consensus sur les modalités, je pense qu'il y a loin de la coupe aux lèvres.

La proposition qui est sur la table ce matin va justement permettre aux membres de la sous-commission de réagir, non seulement sur le principe mais sur les modalités. Je crois qu'il est souhaitable, pour mieux connaître le point de vue des groupes qui vont avoir à vivre avec ces dispositions ou tout au moins à en faire la publicité, je pense même qu'il est important de connaître leur position.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Juste un mot sur les remarques de la députée de Maisonneuve. J'ai mon calendrier ici. Je me souviens bien que, le 4 juillet, le ministre est venu à cette sous-commission pour nous expliquer toute sa politique dans ce domaine. Il a dit: Je vais déposer des articles, je vais déposer des amendements. On a prévu que la sous-commission siégerait le 27 août pour les adopter. Quand le ministre est venu, le 4 juillet, en 3ous-commission, il n'a jamais dit - c'est au Journal des débats - qu'on irait en consultation; il a dit qu'en revenant au mois d'août -on a précisé le 27 - le gouvernement déposerait des amendements et qu'on les adopterait; qu'on allait terminer avec le projet de loi 20 à la fin du mois d'août. Entre le 4 juillet et quelques semaines plus tard, le ministre a décidé de ne pas faire adopter le projet de loi 20 le 27 août.

Quant à moi, je soupçonne qu'il a trouvé que la patate était un peu chaude, il a voulu refiler cela à quelqu'un d'autre pour que la décision soit prise par un autre, quand il ne serait pas ministre de la Justice et pas avant la course à la "chefferie" et tout cela. Pour moi, c'est évident. Pourquoi est-ce qu'entre le 4 juillet...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee, cette discussion a déjà eu lieu...

M. Marx: Avec qui?

Le Président (M. Gagnon): ...ici, en séance de travail, vous avez fait valoir ces arguments. Je n'ai pas d'objection à ce que vous les repreniez, mais je sais que vous avez déjà fait valoir ces arguments. Mme...

M. Marx: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Vous voulez terminer? Oui?

M. Marx: J'ai terminé, mais il y a une différence quand c'est à huis clos, que je parle seulement aux députés et au président, et lorsque c'est enregistré au Journal des débats. Donc, je voulais ...

Mme Harel: Écoutez, M. le Président...

M. Marx: ...faire état de mes soucis à la population en général.

Le Président (M. Gagnon): Cela va. Mme la députée de Maisonneuve, après, ce sera le député de Saint-Laurent.

Mme Harel: M. le Président, je crois comprendre que, lors de sa séance de travail, la commission des institutions a discuté de cette question, mais une majorité, m'a-t-on dit - je ne participais pas à cette séance -se dégageait nettement de part et d'autre pour mener une telle consultation particulière. Voyez, je...

M. Marx: On n'a pas le choix, la majorité est là.

Mme Harel: Mais semble-t-il que c'était aussi partagé par certains de vos collègues. Dans le domaine qui nous intéresse, il ne faut pas faire de procès d'intention. La question, c'est: Est-il sage de mener une telle consultation particulière à ce moment-ci? Est-ce sage? Quelles que soient les autres considérations que vous pouvez attribuer aux uns et aux autres, est-ce sage...? Quand on répond oui, c'est parce qu'il est sage, à mon point de vue, que ces dispositions qu'on jugeait à ce point importantes soient les seules que la sous-commission, à part une ou deux autres qu'on n'a pas cru bon d'adopter immédiatement parce que nous considérions avoir besoin d'un tour d'horizon plus vaste. Nous avons eu besoin de consulter les législations étrangères. Nous avons eu besoin de connaître l'état des juridictions dans les autres pays. C'est donc parce que c'est là une question assez fondamentale. Cela va évidemment modifier assez substantiellement le droit en vigueur depuis 1868.

M. Marx: Le gouvernement est-il pour la réserve successorale, oui ou non?

Mme Harel: Oui, nous avons déposé les amendements ce matin.

M. Marx: Ah! Vous êtes pour cela? Bon, on a déjà réglé ce problème.

Mme Harel: Voila! Nous allons justement... Nous avons déposé des amendements à cet effet.

M. Marx: Je ne pensais jamais...

Mme Harel: Je pense que c'est sage. Vous auriez raison si nous retardions indûment cette consultation particulière, mais je pense que nous sommes prêts à la mener. À l'invitation des membres de la commission qui veulent y participer, nous serions prêts à la mener assez rondement. Je ne sais pas si nous le pourrions immédiatement, parce qu'il faudra d'abord examiner quels sont les groupes que nous souhaitons consulter...

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, mais cela va se faire en séance de travail, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Ah bon!

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous permettez, M. le Président, mon collègue a parlé de tergiversation, moi, je parlerais plutôt de tourner en rond. J'ai nettement l'impression qu'on va tenir cette consultation absolument inutilement.

J'ai ressenti dès le départ que le ministre avait fait son lit. Il voulait sûrement instituer une réserve successorale ou héréditaire. Pour moi, c'était très clair dès le début, même si des grands organismes qui, je pense, ont beaucoup à dire là-dessus, par exemple le Barreau, s'étaient prononcés contre pour dire - je vais simplement citer un bout de phrase - "de plus, le principe -c'est le Barreau qui parle - de la liberté de tester établi depuis des siècles n'a pas vraiment causé de préjudice sérieux". Le Barreau a dit dès le départ: "Nous ne voulons pas de cette réserve". C'est très clair. Bien sûr, ensuite, il a senti qu'il fallait peut-être se résigner ou qu'il fallait peut-être qu'il l'accepte, il a alors proposé la créance alimentaire.

Ensuite, il y a eu également la Chambre des notaires qui est venue nous dire: Non. Nous pensons qu'il faut maintenir la liberté illimitée de tester, qu'il n'y a pas eu de dommage sérieux, que c'est maintenant peut-être plus important qu'auparavant, alors que le divorce n'était peut-être pas aussi facilement accessible qu'il l'est aujourd'hui. On avait des situations qui pouvaient être ambiguës et pas faciles à régler lorsque les conjoints devaient continuer à cohabiter alors qu'ils auraient peut-être préféré divorcer. Mais, à cette époque, ce n'était pas facile. Maintenant, dès qu'il y a un problème, le divorce intervient. Quand les conjoints ont à faire un testament entre eux, c'est parce que, habituellement, cela fonctionne très bien. Je pense qu'ils font un testament qui est logique. L'État n'a pas à intervenir pour leur dire qu'il faudrait peut-être qu'ils en donnent plus à un et moins à l'autre, sans tenir compte qu'il y a peut-être des besoins

pour certains enfants qui peuvent avoir des déficiences. Il faudrait peut-être alors leur en donner plus qu'à d'autres. Mais on dit: Non, un instant; l'État va décider pour vous. Puis, on nivelle.

Je me pose vraiment la question de la nécessité de cette consultation alors que le gouvernement - Mme la députée de Maisonneuve vient de le dire - a fait son lit, a décidé qu'il y aurait une réserve successorale. Je ne suis peut-être pas complètement d'accord. Par contre, je suis peut-être d'accord pour accorder une certaine protection à un conjoint, mais je ne suis pas prêt à aller aussi loin. Qu'on regarde le document soumis, les amendements, et qu'on les étudie. Je pense qu'on perdra beaucoup moins de temps et que l'on pourrait peut-être utiliser le temps des députés à d'autres fins, à des fins peut-être plus profitables.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Fabre.

M. de Bellefeuille: M. le Président, est-ce que...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes, je regrette, vous n'avez pas le droit de parole à la sous-commission.

M. de Bellefeuille: Je vous demande la parole, M. le Président, pour demander à la sous-commission si elle m'accorderait le droit de parole aux fins de faire une simple intervention.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve?

Mme Harel: M. le Président, je pense que ni le député de Fabre, ni le député de Deux-Montagnes ne sont membres de la sous-commission.

Le Président (M. Gagnon): C'est vrai. Voilà:

Mme Harel: Je pense que, pour...

Le Président (M. Gagnon): Cela prend le consentement unanime pour...

Mme Harel: Cela prend le consentement, mais aussi...

M. de Bellefeuille: C'est le but de ma remarque, M. le Président. C'est pour demander ce consentement.

Mme Harel: Nous en aurons l'occasion en commission, ce matin, où l'ensemble des membres pourront intervenir...

Le Président (M. Gagnon): En séance de travail, effectivement...

Mme Harel: En séance de travail de la sous-commission, je pense que cela est prévu à l'ordre du jour.

M. Marx: M. le Président, je n'ai pas objection, si nos collègues ont quelque chose de pertinent à dire. Je ne veux pas les priver de parler...

Le Président (M. Gagnon): Si je comprends bien, je remarque que ni le député de Deux-Montagnes, ni le député de Fabre n'ont le droit de parole à cette commission. Vous aurez l'occasion de vous exprimer en séance de travail, tantôt.

M. de Bellefeuille: Mais, M. le Président, vous pourriez peut-être demander à la commission si elle consent.

Le Président (M. Gagnon): Ce que j'ai fait, mais je...

M. de Bellefeuille: Est-ce qu'il y a eu objection?

Le Président (M. Gagnon): II m'a paru. M. de Bellefeuille: De la part de qui?

Le Président (M. Gagnon): Alors, je le demande fermement. Est-ce qu'il y a objection? (10 h 45)

M. Leduc (Fabre): Mais, M. le Président, rapidement, il me semble que la discussion commencée par le député est justement un des points à l'ordre du jour des travaux de la commission. C'est pour cela que je voudrais intervenir. Je suis intervenu à la dernière réunion comme membre de la commission.

Le Président (M. Gagnon): Non, je m'excuse...

M. Leduc (Fabre): Le député soulève des problèmes, des questions, des points qui ont été soulevés lors de la discussion en commission.

Le Président (M. Gagnon): II y a objection.

M. Leduc (Fabre): Alors, je voudrais intervenir.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Fabre, il y a objection à vous accorder le droit de parole. Effectivement, la discussion qui a été entreprise, c'est celle que nous aurons tantôt en séance de travail. On va effectivement passer dans les heures, dans les minutes qui suivent, à une séance de

travail.

M. de Bellefeuille: J'ai une toute petite remarque. J'ai l'impression qu'en séance de travail, nous allons discuter de consultations particulières et de questions de ce genre alors que l'intervention que je voulais faire a plutôt trait au contenu. Elle a trait à la réserve que nous sommes en train de discuter.

Le Président (M. Gagnon): II y a objection. On m'a dit que je n'avais pas l'unanimité des membres de la sous-commission pour donner le droit de parole à d'autres membres que ceux de la sous-commission.

Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président.

M. de Bellefeuille: Je prends note, M. le Président. Je mets cela dans ma pipe.

Le Président (M. Gagnon): C'est ce que j'ai fait moi aussi.

Mme Harel: M. le député de Saint-Laurent soumet à la commission que nous devrions procéder immédiatement à l'étude des amendements qui sont soumis. Il ne voit pas, dit-il, la nécessité d'une consultation. Je crois pour ma part qu'il faudrait vraiment voir avec les organismes qui se sentent concernés par cette question s'ils ne considèrent pas utile, précisément, d'être consultés pour nous faciliter l'étude des amendements soumis. Les amendements sont soumis, ils vont donc être rendus publics immédiatement, et les membres de la sous-commission de même que les membres de la commission qui voudront participer à nos travaux - j'invite le député de Deux-Montagnes à le faire à ce moment-là -auront certainement intérêt à connaître le point de vue non seulement des organismes qui représentent les professionnels du droit, mais également des organismes qui se sentent concernés par ces modifications majeures à notre droit. Je pense que c'est dans l'intérêt de nos travaux d'entendre les points de vue qui peuvent être exprimés. Cela peut nous permettre de procéder rapidement, si nous souhaitons tenir cette consultation rapidement, ce qui est mon cas.

M. Marx: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous me le permettez.

M. Marx: Oui, allez-y!

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Bien sûr, je suis pour qu'on consulte le plus de gens possible, mais on me dit ce matin que le gouvernement a décidé qu'il y aurait une réserve héréditaire ou successorale et que c'est décidé. Est-ce que ce n'est pas là une consultation bidon, inutile, qu'on va faire? Si vous me dites vraiment: Écoutezl le gouvernement a décidé, il va y avoir la réserve héréditaire. Bon, allons-y, étudions...

Mme Harel: M. le député de Saint-Laurent, vous êtes un parlementaire chevronné.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

Mme Harel: Vous êtes un parlementaire chevronné, vous savez très bien que ces amendements sont soumis pour adoption et qu'ils ne sont pas décidés. Les membres de la sous-commission et, par la suite, les membres de la commission auront à en disposer.

M. Leduc (Saint-Laurent): Ils engagent le gouvernement.

Mme Harel: Cela engage le gouvernement à les faire étudier par la commission et je pense que c'est dans notre intérêt de connaître le point de vue des organismes.

Le Président (M. Gagnon): Je vais mettre fin à la sous-commission; ce ne sera pas trop long. J'accorde le droit de parole au député de D'Arcy McGee, mais les autres qui ne sont pas membres n'ont pas le droit de parole.

M. Marx: M. le Président, si je comprends bien ce que l'adjointe parlementaire au ministre de la Justice a dit, au nom du gouvernement, c'est que le gouvernement a décidé de faire adopter un chapitre sur la réserve successorale, mais qu'il veut aller en consultation. La consultation portera seulement sur les modalités, sur les points techniques, mais pas sur le principe. Est-ce que j'ai bien compris qu'il n'est pas question pour des gens de venir nous dire s'ils sont pour ou contre la réserve successorale, parce que le gouvernement a déjà fait son lit et que le gouvernement a décidé qu'il est pour la réserve successorale? La consultation, ce sera seulement sur les questions techniques, les modalités, etc?

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: II en va de ces propositions

d'amendement comme c'est la tradition dans nos travaux, c'est-à-dire que, lors de l'étude du projet de loi 107, le gouvernement a entendu les points de vue qui étaient exprimés et je vous rappelle que le projet de loi 107 ne contenait aucune disposition à cet effet. Le projet de loi 20 contenait des dispositions portant sur une créance. Je vous soumets des amendements de la part du gouvernement ce matin en sous-commission de façon à étudier maintenant une réserve successorale ou héréditaire. La consultation particulière porterait sur ces amendements.

M. Marx: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: ...Le gouvernement a prévu dans la loi 107 un chapitre sur la créance alimentaire.

Mme Harel: Le projet de loi 20.

M. Marx: Au projet de loi 20, tel que déposé, dans sa sagesse, le gouvernement a proposé la créance alimentaire. La sous-commission, dans sa sagesse, a dit au gouvernement: La créance alimentaire, cela ne fonctionnera pas bien. Donc, le gouvernement, encore une fois dans sa sagesse, a décidé de retirer le chapitre sur la créance alimentaire et d'y substituer un chapitre sur la réserve successorale.

Si je comprends bien, l'adjointe parlementaire au ministre de la Justice nous parle aujourd'hui au nom du gouvernement et nous dit que, quoi qu'il arrive à la course à la "chefferie" et quel que soit celui que l'on aura comme nouveau premier ministre du Québec, le gouvernement a décidé de faire en sorte que le chapitre qu'on adoptera dans le projet de loi 20 sera un chapitre sur la réserve successorale. Le gouvernement veut aller en consultation sur les mécanismes, sur les modalités, sur les points et les virgules. C'est cela? Ai-je raison?

Le Président (M. Gagnon): Mme la député de Maisonneuve.

Mme Harel: Et donc de soumettre à l'étude de la sous-commission ces amendements concernant les chapitres 4 et 5 et de mener une consultation particulière sur ces amendements.

M. Marx: Quand on ira en consultation, peut-on préciser aux organismes qu'on invitera qu'on ne veut pas les entendre sur l'à-propos d'adopter un chapitre sur la réserve successorale mais leur demander qu'ils nous livrent leurs opinions sur les modalités d'une telle institution, sur les techniques, etc. Ai-je bien compris?

Mme Harel: Le député de D'Arcy McGee a tout à fait raison puisqu'on a déjà, à l'occasion de la commission parlementaire portant sur la loi 107, entendu plusieurs de ces organismes sur le besoin ou non de prévoir un tel mécanisme. Je pense que l'intérêt est de les entendre maintenant sur les modalités qui sont, on le sait ici pour en avoir fait l'étude, d'une importance quand même fondamentale, donc, sur les modalités de telles dispositions.

Le Président (M. Gagnon): Avant de donner la parole au député de Saint-Laurent pour la dernière fois, je voudrais informer ceux qui me l'ont demandé tantôt que les documents que Mme la députée de Maisonneuve vient de déposer seront disponibles dans quelques minutes.

M. Marx: Ces documents seront reproduits dans le Journal des débats.

Le Président (M. Gagnon): Voilà, aussi: M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais poser une question à la députée de Maisonneuve. Je voudrais qu'elle m'assure qu'il serait possible, à la suite de cette consultation, que le gouvernement change d'idée.

Mme Harel: M. le député de Saint-Laurent, si on mène une consultation, ce n'est pas parce qu'au point de départ tout est figé et rigide. On a mené des consultations au moment de l'étude de la loi 107, et du projet de loi 20, et on les mène encore sur ces amendements. C'est donc parce qu'il y a possibilité de modifications, sinon le processus qui consiste à consulter est vicié à sa base.

M. Leduc (Saint-Laurent): Donc, c'est seulement un document de travail qu'on nous a soumis ce matin.

Mme Harel: Ce sont des amendements que l'on vous soumet pour étude.

M. Leduc (Saint-Laurent): ...c'est la seule hypothèse?

Mme Harel: Voilà!

M. Leduc (Saint-Laurent): II n'y a pas d'autres hypothèses que celle-ci.

Le Président (M. Gagnon): Voilà: La sous-commission des institutions ajourne ses travaux sine die. Nous reprendrons tantôt en séance de travail. Je précise immédiatement qu'en séance de travail le public n'est pas admis.

(Fin de la séance à 10 h 55)

ANNEXE

LES DROITS DU CONJOINT SURVIVANT ET DES ENFANTS DANS LA SUCCESSION

Projet de loi 20 portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens

I. ÉTAT DES QUESTIONS

Dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi précité et tenant compte des consultations faites depuis le dépôt du projet de loi, il s'avère nécessaire de décider d'un mécanisme de protection de la famille immédiate du défunt, afin d'éviter que les membres de celle-ci - le conjoint survivant ou les enfants - ne se voient injustement déshériter ou attribuer une part de la succession que d'aucuns pourraient considérer inacceptable ou discriminatoire à leur égard.

Le mécanisme de protection recherché doit donc tendre à assurer aux membres de la proche famille du défunt une part minimale de sa succession, part qui se voudrait soit la reconnaissance de leur participation à la vie familiale, soit aussi la concrétisation, après le décès, de l'obligation alimentaire qu'avait le défunt envers eux. Il doit aussi être simple, facilement applicable et susceptible de favoriser un règlement rapide et harmonieux des successions.

II. DROIT ACTUEL

Le droit actuel pose le principe de la liberté absolue, pour une personne, de tester de ses biens dans les limites de l'ordre public. La protection de la proche famille du défunt relève donc de son entière discrétion et le droit ne prévoit aucun mécanisme destiné spécifiquement à prémunir le conjoint survivant ou les enfants du défunt contre l'exercice malencontreux ou abusif de sa liberté de disposer de ses biens comme il l'entend. Même l'obligation de secours que lui impose le droit actuel envers ses créanciers alimentaires s'éteint avec son décès.

Seule l'application des règles relatives aux régimes matrimoniaux pourrait, à la rigueur, être considérée comme une limite indirecte à ce principe de la liberté de tester d'une personne. Ces règles permettent en effet au conjoint survivant de partager dans les acquêts du défunt ou dans la communauté de biens qui a pu exister entre lui et le défunt, en plus de profiter de l'usufruit légal sur les acquêts ou sur les biens de la communauté qui sont échus à ses enfants du chef du défunt. Elles lui permettent aussi, le cas échéant, de bénéficier du droit à une prestation compensatoire.

Mais, mise à part la prestation compensatoire, ces avantages découlant du régime matrimonial ne sont ouverts au conjoint qui concourt avec certains héritiers que s'il en fait le choix de préférence aux avantages que lui procure la succession. Cette option que doit faire le conjoint entre ces avantages résultant de son régime matrimonial et ceux découlant de la succession, et donc l'impossibilité actuelle pour lui de les cumuler, démontre bien que l'application des règles relatives aux régimes matrimoniaux n'est pas destinée à assurer au conjoint une protection contre la liberté de tester du défunt.

De plus, la protection indirecte qu'elle accorde paraît nettement insuffisante, eu égard aux objectifs visés:

Les règles relatives aux régimes matrimoniaux n'assurent la protection que du seul conjoint survivant et non celle des enfants du défunt.

La protection accordée risque d'être très minime si le régime matrimonial est celui de la séparation de biens et que le conjoint ne l'encontre pas les conditions requises pour bénéficier de la prestation

compensatoire.

En cas de second ou de troisième mariage, il est plausible de penser qu'une part importante des actifs du défunt auront été acquis avant le mariage, et donc exclus du partage en société d'acquêts ou en communauté de biens. Là encore, la protection accordée demeure aléatoire.

Les conditions spécifiques qui sont requises pour bénéficier de la prestation compensatoire ne sont pas toujours rencontrées.

Le défunt peut toujours écarter par testament l'usufruit légal du conjoint survivant.

III. HYPOTHÈSES

Les hypothèses de solution à la nécessité d'accorder une protection efficace au conjoint survivant et aux enfants du défunt contre l'exercice abusif ou malencontreux de sa liberté de tester sont nombreuses. La nature, les avantages et les inconvénients de celles qui ont été le plus souvent avancées peuvent se résumer comme suit.

1. La créance alimentaire

La créance alimentaire est un droit reconnu au conjoint, aux enfants et aux autres créanciers alimentaires du défunt, voire même aux personnes à sa charge à l'époque du décès, de réclamer des aliments contre la succession. Son exercice obéit essentiellement aux règles habituelles du recours alimentaire; il est donc fondé sur les besoins du demandeur et les facultés de la succession. Suivant le degré d'efficacité que l'on veut donner à ce recours et la qualité des créanciers, on peut limiter son exercice à la masse réelle de la succession ou constituer une masse fictive comprenant les libéralités faites par le défunt dans les mois ou années précédant son décès.

L'avantage majeur de la créance alimentaire est de permettre d'éviter dans la loi la fixation de parts strictes et de laisser place à l'appréciation des besoins réels des demandeurs, conjoints, enfants ou autres. Sans besoin, elle n'existe pas. En ce sens, elle constitue un mécanisme de protection ponctuel qui ne vise qu'à corriger les cas d'abus.

Conçue comme la continuation d'un devoir moral de secours imposé au défunt envers ses dépendants, la créance alimentaire offre un type de protection permettant d'atteindre non seulement les personnes qui étaient légalement les créanciers alimentaires du défunt de son vivant, mais aussi, au besoin, toute personne qui dépendait de lui dans les faits. Enfin, la créance alimentaire donne une certaine discrétion au testateur pour évaluer de son vivant les besoins de ses héritiers.

Toutefois, la créance alimentaire ne tient compte que des besoins existants lors de l'ouverture de la succession et elle n'a pas d'effet préventif. Les héritiers peuvent par ailleurs être maintenus dans l'incertitude quant à leurs droits jusqu'au jugement définitif sur le recours alimentaire: le recours peut ainsi retarder notablement le règlement des successions. Enfin, l'inconvénient majeur de la créance alimentaire est qu'elle judiciarise le règlement des successions, qui pourra donner lieu à des multiples procès. Elle place ainsi le demandeur dans la situation difficile d'avoir à établir la nature et l'étendue de ses besoins devant des tiers ou des parents, au risque de le décourager d'exercer ses droits ou d'entraîner des déchirements au sein de la famille. Elle rend par ailleurs toute planification successorale difficile, les droits éventuels des créanciers alimentaires étant aléatoires et incertains.

2. La réserve en pleine propriété

La réserve, qui se veut la traduction d'un droit aux biens du défunt, est une institution qui établit au profit de ses proches, normalement ses seuls conjoint et enfants, une part fixe et réservée dans sa succession pour compenser non seulement l'obligation alimentaire mais aussi la contribution de tous à la vie familiale. Elle limite par le fait même la portion des biens

qu'une personne peut léguer ou qu'elle peut donner entre vifs dans une période déterminée avant son décès à des personnes autres que son conjoint et ses enfants.

La réserve se calcule donc sur une masse fictive, composée de biens que le défunt laisse dans son patrimoine ainsi que des libéralités qu'il a faites dans les mois ou années précédant son décès. Elle s'exerce tant dans les successions testamentaires que légales.

Il est reconnu que la réserve prévient les abus et la liberté illimitée de tester et qu'elle constitue un bon mécanisme de protection de la famille immédiate du défunt. En plus, elle n'oblige pas à avoir recours aux tribunaux ou à faire valoir contre des tiers ou même des parents l'étendue de ses besoins. En ce sens, la prédétermination objective des droits et obligations de chacun aide à préserver la paix familiale. De plus, contrairement à un droit de créance alimentaire, la réserve permet au testateur de connaître exactement la portée de ses droits et obligations envers ses héritiers et de planifier correctement sa succession.

Cependant, la réserve, parce qu'elle constitue un type de protection objectif qui ne tient pas compte des besoins, présente l'inconvénient majeur d'être d'application générale et automatique dans toute succession et de ne pas limiter conséquemment la protection recherchée aux seuls cas d'abus. En fixant des parts dévolues à chacun sans égard à leurs besoins réels, la réserve prive encore une personne de sa liberté de créer des inégalités souhaitables à l'intérieur de la famille immédiate, comme par exemple envers un enfant atteint d'une infirmité ou d'un conjoint incapable.

Conçue comme la concrétisation d'un droit préexistant sur les biens dont le défunt est titulaire, la réserve est par ailleurs difficilement applicable de ce fait à d'autres personnes qu'au conjoint et aux enfants du défunt.

La réserve en pleine propriété constitue enfin une atteinte directe à la liberté absolue de tester puisqu'elle affecte la propriété même des biens de la succession d'une personne. Parce qu'elle assure le droit à une part successorale, en pleine propriété, fixée dès l'ouverture de la succession, la réserve laisse en soi peu de place à une gradation basée sur l'âge des héritiers.

3. La réserve en usufruit

S'inspirant des règles du droit actuel sur l'usufruit légal du conjoint survivant, la réserve en usufruit s'articule à la base comme la réserve en pleine propriété en ne conférant cependant au conjoint et aux enfants du défunt qu'une part en usufruit sur les biens de la succession. La propriété de ces biens demeure donc intacte entre les mains des héritiers légaux ou désignés par le défunt.

Afin d'accorder toute la souplesse voulue à ce mécanisme de protection, l'usufruit conféré - dont la durée peut par ailleurs être modulée suivant qu'il est exercé par le conjoint ou les enfants - peut en tout temps être rachetable ou convertible en rente soit à la demande de l'héritier nu-propriétaire, soit à celle du conjoint ou de l'enfant usufruitier. Comme pour la réserve en pleine propriété, la réserve en usufruit peut non seulement affecter l'actif réel de la succession, mais aussi les biens donnés ou légués dans les mois ou années précédant le décès.

Le principal avantage de la réserve en usufruit est qu'elle ne porte atteinte à la liberté de tester qu'en regard de la jouissance des biens de la succession sans affecter directement le droit de propriété sur ces biens: le testateur peut donc léguer la propriété de ses biens comme il l'entend, celle-ci devenant complète à l'expiration de l'usufruit conféré ou suite au rachat de l'usufruit ou à sa conversion en rente.

L'usufruit constitue par ailleurs un droit dont la nature se prête bien aux modulations de durée basées sur l'âge de l'usufruitier. La possibilité de capitaliser la valeur de l'usufruit pour le convertir en rente ou pour en

effectuer le rachat permettrait enfin non seulement de libérer le nu-propriétaire de l'usufruit grevant son bien, mais aussi d'accorder au conjoint ou aux enfants une protection plu3 palpable et intéressante.

Toutefois, l'usufruit comme mécanisme de protection existe déjà au profit du conjoint survivant et n'est pratiquement jamais exercé. Dans les successions de peu d'importance, l'usufruit, même rachetable ou convertible, risque de ne présenter qu'un intérêt fort minime pour le conjoint ou l'enfant et de ne leur accorder qu'une protection insuffisante.

4. La réserve en fiducie ou en rente

La réserve en fiducie ou en rente ne constitue qu'une variante de la réserve en pleine propriété, dont elle ne diffère qu'en ce que la part réservataire n'est attribuée que sous la forme de revenus d'une fiducie ou de rentes.

L'avantage qu'elle présente par rapport à la réserve en pleine propriété est de permettre, dans tous les cas, d'étaler le versement de la part réservataire sur une période prolongée, ce qui allège l'obligation des héritiers chargés du paiement de la réserve. Elle se prête bien aussi aux modulations de durée basées sur l'âge des réservataires, ce qui peut être utile en regard des enfants du défunt.

Inversement, son inconvénient résulte du fait que le conjoint ou l'enfant ne bénéficie pas d'une part qui lui soit immédiatement transmise en totalité. Dans le cas d'une succession de peu d'importance, la protection accordée peut s'avérer moins intéressante, en raison des versements minimes qu'elle implique alors.

5. L'attribution de biens familiaux: résidence, meubles meublants, automobile

Une autre hypothèse de solution à la nécessité d'accorder une protection efficace au conjoint survivant et aux enfants du défunt consisterait à leur réserver automatiquement le droit à la propriété des biens familiaux que sont la résidence familiale, les meubles meublants et la voiture affectés à l'usage de la famille.

Cette solution permettrait d'assurer une protection respectable des membres de la proche famille du défunt sur des biens usuels de la famille.

Cependant, cette protection n'est viable que dans la mesure où de tels biens existent dan3 le patrimoine du défunt, ce qui n'est pas toujours le cas. Elle est difficilement applicable aux enfants du défunt, considérant que le conjoint survivant jouit déjà d'une droit de préférence sur ces biens lorsqu'ils font partie de l'actif partageable du régime matrimonial ou qu'ils lui sont attribués par testament et que le paiement de la protection compensatoire peut être accordé par l'attribution de droits sur ces mêmes biens.

Il n'est pas facile par ailleurs de justifier une telle protection en regard d'enfants nés d'un premier mariage du défunt et pour qui ces biens ne sont pas toujours à proprement parler des biens familiaux.

La valeur de ces biens peut enfin être minime et ne présenter qu'une protection bien aléatoire en raison de leur état à l'époque du décès.

6. Les options multiples

Une dernière hypothèse de solution consisterait enfin à offrir des options multiples au conjoint et aux enfants quant aux biens susceptibles d'assurer leur protection. Le conjoint ou l'enfant pourrait alors avoir le choix entre l'une ou l'autre des options suivantes: i) les bénéfices ou avantages que lui procure le testament. ii) la pleine propriété de la résidence familiale, des meubles meublants et de la voiture affectés à l'usage de la famille. iii) la pleine propriété des biens de la succession d'une valeur égale à la moitié de la part légale du conjoint ou de l'enfant. iv) l'usufruit sur les biens de la succession d'une valeur égale à la

totalité de la part légale du conjoint ou de l'enfant. v) le plein bénéfice du régime de pension ou de retraite contracté par le défunt. vi) le plein bénéfice du produit d'assurances de personne contractées par le défunt sur la vie.

L'option retenue par le conjoint ou l'enfant lui tiendrait lieu de réserve. Afin que le choix soit éclairé et puisse être porté à la connaissance des tiers intéressés, il devrait être fait par acte notarié en minute et faire l'objet d'une publication au bureau d'enregistrement. Il devrait aussi être exercé dans un certain délai depuis l'ouverture de la succession, afin de fixer rapidement les droits de chacun des biens de la succession.

Cette hypothèse présente l'avantage d'offrir au conjoint ou à l'enfant la possibilité de choisir, parmi les diverses options, celle qui lui paraît être la plus avantageuse dans les circonstances ou qui est la plus susceptible de rencontrer ses préférences.

Elle pose cependant des difficultés d'application lorsque plusieurs héritiers portent leur choix sur les mêmes biens, à moins d'établir des règles d'attributions préférentielles. Son principal inconvénient réside dans ce qu'elle porte atteinte à la liberté de tester sur pratiquement tous les plans, puisque les options offertes couvrent l'ensemble des biens du défunt. L'existence d'options rend par ailleurs impraticable toute tentative de planification successorale.

IV. QUESTIONS SOULEVÉES

Les principales questions qui se soulèvent dans l'établissement du mécanisme de protection souhaitable portent sur les points suivants:

1. Les personnes à protéger

Compte tenu des objectifs visés, il ne fait pas de doute que les premières personnes qui méritent d'être protégées contre les abus du défunt dans l'exercice de sa liberté de tester sont les membres de sa famille immédiate: son conjoint et ses enfants. Par extension, le mécanisme recherché pourrait aussi viser des personnes qui, sans faire partie de la proche famille du défunt, étaient à sa charge à l'époque du décès.

i) Le conjoint survivant

Concernant le conjoint survivant, sa position privilégiée au sein de la famille du défunt lui confère une place prioritaire parmi les personnes susceptibles de bénéficier d'une protection légale. Aussi la nécessité de lui accorder le droit à cette protection n'est généralement pas remise en question. Elle se justifie d'ailleurs en raison de la contribution du conjoint au bien-être de la famille et de l'obligation alimentaire qu'avait le défunt envers lui.

Certains facteurs, tels la durée plus ou moins longue du mariage ayant uni le défunt au conjoint ou le fait que des procédures de divorce aient été entreprises à l'époque du décès, pourraient théoriquement être pris en considération dans l'appréciation de l'étendue de la protection à accorder au conjoint, voire de l'opportunité même de cette protection. Mais l'application pratique de tels facteurs serait très difficile puisque plusieurs variables sont alors susceptibles d'entrer en ligne de compte.

Déterminer l'importance de la participation d'un conjoint au bien-être "familial" du défunt en termes de durée de cette participation s'avère pour le moins hasardeux, considérant que cette durée n'est pas nécessairement un gage de l'intensité ou de la qualité de cette participation, lesquelles sont également difficilement évaluables. Par ailleurs, tant que le divorce n'est pas prononcé, tes époux demeurent toujours liés et leur réconciliation toujours possible. Doit-on retirer toute protection au conjoint qui a participé à la vie familiable du défunt depuis, disons trente ans, au motif que des procédures en divorce avaient été entreprises? Doit-on tenir compte du fait que ces

procédures aient été ou non entreprises à la demande du conjoint survivant?

Les diverses variables susceptibles d'entrer en ligne de compte font en sorte que ces facteurs ne devraient pas être considérés, du moins dans une conception objective du mécanisme de protection recherché (réserve). Ils le pourraient peut-être dans une conception subjective d'un tel mécanisme (créance alimentaire), mais encore là, il n'est pas sûr que le tribunal soit vraiment en mesure de les apprécier à leur juste valeur.

Par ailleurs, les situations de remariage ou de mariage entre personnes d'un âge plus ou moins avancé posent la question de savoir si une protection légale ne risque pas de contrer la volonté des époux désireux d'avantager exclusivement leurs familles respectives et, conséquemment, de dissuader ces mariages.

À cet égard, il serait possible d'entrevoir une solution qui permettrait aux époux de renoncer à la protection légale par contrat de mariage. Toutefois, cette solution présente le danger qu'une telle renonciation ne devienne une clause de style des contrats de mariage. Elle irait d'ailleurs à l'encontre de la politique établie en droit de la famille qui veut que tout pacte sur succession future ou non ouverte soit interdit. Il demeure cependant que le conjoint survivant pourra toujours renoncer à cette protection au moment de l'ouverture de la succession et qu'une telle possibilité est peut-être celle qui doit être préférée.

ii) Les enfants

La question de savoir si les enfants du défunt doivent pouvoir bénéficier d'une protection légale suscite plus de discussion.

À première vue, rien ne semble justifier que les enfants majeurs du défunt puissent être admis a revendiquer le droit à une protection légale. Certes, celle-ci est chose courante dans les systèmes de droit européen, mais elle est alors en accord avec une certaine conception de la famille et du patrimoine familial. Cependant, la conception qui semble prévaloir au Québec veut que les enfants majeurs soient autonomes et n'aient pas de droits stricts aux biens de leurs parents. À leur égard, on présume que le défunt a déjà contribué à leur installation dans la vie et que ces enfants sont normalement à même d'assurer leur propre autonomie. Parmi les enfants majeurs du défunt, seuls donc ceux qui seraient dépourvus d'une autonomie suffisante ou à la charge du défunt à l'époque du décès mériteraient une protection légale. Le critère d'enfant "à charge" demeure cependant susceptible de litiges, mais il permet bien de couvrir les personnes visées.

Par contre, les enfants mineurs du défunt paraissent nettement mériter une protection légale contre les abus possibles du défunt, ne serait-ce que parce que le droit a toujours cherché à les protéger, soit par le biais de la responsabilité des parents quant à leur entretien, leur éducation ou leur bien-être, soit encore par le biais des régimes de tutelle.

Des distinctions pourraient être faites suivant que les enfants sont ou non aussi les enfants du conjoint survivant. Dans l'affirmative, la nécessité d'assurer leur protection devient moins importante à première vue, dans la mesure où ils ont toujours une créance alimentaire contre le conjoint survivant, lequel bénéficierait par ailleurs de la protection légale. Cependant, il faut bien admettre que les recours alimentaires d'enfants contre leurs parents s'avèrent peu réalistes en pratique. Aussi de telles distinctions ne paraissent-elles pas souhaitables.

Par ailleurs, la possibilité pour le défunt d'exclure exceptionnellement l'application de la protection légale pour des motifs sérieux et légitimes, notamment dans le but d'avantager exclusivement l'un de ses enfants qui est infirme, pourrait être envisagée. Là encore cependant, le critère des motifs sérieux et légitimes pourrait être une source de litige. Notons que la protection légale s'envisageant comme un droit successoral, la question de savoir si le défunt pourrait exclure des enfants pour causes d'indignité ou d'inhabilité de plein droit se résout par l'affirmative puisque la loi prévoit déjà ces causes d'exclusion, qui sont d'ailleurs applicables à tout héritier ou

successible.

iii) Les personnes à charge

Si la protection des membres de la proche famille du défunt paraît nécessaire, celle des personnes qui, sans faire partie de la famille immédiate du défunt, étaient à sa charge à l'époque du décès, l'est moins. Aussi, dans la mesure où une protection leur serait accordée, celle-ci ne devrait pas dépasser les limites de ce qui serait nécessaire pour leur permettre de pallier la cessation de soutien alimentaire que provoque le décès du défunt. Dans tous les cas, cette protection ne devrait pas nuire à celle, prioritaire, qui serait conférée aux membres de la famille immédiate du défunt.

2. L'étendue de la protection accordée

Bien que l'étendue de la protection légale puisse dépendre de la nature du mécanisme adopté, suivant qu'il soit basé sur une conception objective (réserve) ou subjective (créance alimentaire) - en raison de la notion de "besoins" que cette dernière implique - certaines constantes demeurent présentes quelle que soit la conception retenue.

Ainsi, afin de ne pas rendre illusoire la protection recherchée, celle-ci devrait être établie à partir non seulement de l'actif réel de la succession, mais aussi des libéralités qui ont pu avoir été faites par le défunt dans les mois ou années précédant le décès.

De plus, les avantages retirés de la succession par le bénéficiaire du mécanisme de protection devraient dans tous les cas être considérés, qu'il s'agisse des bénéfices tirés d'un régime de rentes, d'un contrat d'assurance ou d'une fiducie.

Enfin, il y aurait lieu de fixer une limite en valeur à la protection accordée, afin de ne pas restreindre indûment la liberté de tester du défunt. Cette limite serait un maximum dans une conception subjective de la protection, mais constituerait un minimum dans une conception objective de la protection recherchée.

Sur ce point, deux avenues sont plausibles. Une première consisterait à fixer l'étendue en valeur de la protection légale par référence à une fraction - la moitié, le tiers, le quart - de la part de la succession à laquelle le bénéficiaire aurait pu prétendre, s'il avait hérité conformément aux règles de la dévolution légale des successions.

Une seconde serait de chiffrer l'étendue de la protection à une valeur arbitraire de 10 000 $, 30 000 $ ou 60 000 $ selon le degré de protection désiré. Cette dernière possibilité présente cependant des inconvénients majeurs. Elle présuppose en effet que l'on puisse évaluer avec assez de justesse la valeur de la protection souhaitable par rapport à la valeur moyenne des successions, ce qui est pratiquement impossible à faire sans créer des injustices. Dans le cas des successions peu importantes, le montant fixé risque d'absorber la totalité de la succession et de rendre illusoire l'exercice de la liberté de tester pour le testateur moins fortuné. De plus, la fixation d'un montant pose le problème de son indexation.

3. Le cumul des avantages découlant du régime matrimonial et de la succession

Le projet de loi déposé a prévu de façon claire que le droit des successions devrait obéir à une autre problématique que le droit de la famille. C'est pourquoi il considérait que les droits successoraux du conjoint survivant devraient être traités distinctement de ses droits matrimoniaux, car si le droit successoral vise la dévolution des seuls biens du défunt, la liquidation du régime matrimonial vient concrétiser les résultats de la vie commune et de l'association qui existe entre conjoints. Ainsi, la prestation compensatoire tout comme le partage des acquêts ou de la communauté visent à rétablir l'égalité entre les conjoints et à reconnaître leur participation à l'enrichissement de l'autre. Conséquemment, le cumul des avantages découlant du régime matrimonial et de la succession devrait être

ouvert au conjoint survivant.

Cependant, un tel cumul peut, dans certaines circonstances et sous certains régimes, faire en sorte que le conjoint puisse recueillir près des trois quarts des actifs partageables du défunt, ce qui peut être considéré excessif non seulement en regard de la liberté de tester du défunt, mais aussi quant à l'assiette de la protection légale accordée aux enfants.

Cette situation pourrait effectivement se produire sous le régime de la communauté de biens ou de la société d'acquêts lorsque les acquêts sont plus importants que les propres et constituent les principaux actifs du défunt, ce qui, est susceptible d'être le cas pour la majorité des couples mariés sous ces régimes.

Notons, cependant, que le problème soulevé ne se pose pas en regard des donations faites par contrat de mariage. Les donations qui pourraient avoir un effet ici sont celles qui ont pour terme le décès: or, ces donations sont assimilées à des dispositions testamentaires et seraient conséquemment considérées dans la valeur de la protection légale. Il ne se pose pas non plus sous le régime de la séparation de biens, ni même à la rigueur sous le régime de la communauté ou de la société d'acquêts lorsque les époux se sont mariés sous ces régimes alors que leur fortune personnelle était déjà en grande partie accumulée - et donc soustraite de la liquidation du régime - ce qui est possiblement le cas des seconds mariages ou de mariages contractés à un âge avancé.

Devant le problème que pose le cumul, trois solutions peuvent être avancées. Une première consisterait à écarter la possibilité du cumul et d'imposer un choix au conjoint survivant, comme en droit actuel. Cette solution est cependant difficilement acceptable, considérant la distinction très nette qui existe entre les droits successoraux du conjoint survivant et ses droits matrimoniaux.

Une deuxième possibilité serait d'attribuer une protection moindre au conjoint survivant dont le régime matrimonial serait celui de la communauté ou de la société d'acquêts. Mais cette solution conduirait à pénaliser, lors de la succession, le conjoint pour avoir choisi un régime matrimonial plutôt qu'un autre et opérerait une discrimination non souhaitable entre les divers régimes offerts.

Une dernière solution, qui minimiserait les inconvénients des deux premières, serait d'admettre le cumul, mais de limiter ses effets de façon à ce que la protection légale accordée au conjoint ne puisse jamais lui permettre de recueillir en valeur plus de la moitié ou des six dixièmes de la masse successorale de la masse à partager. Conséquemment, le conjoint dont les avantages matrimoniaux excéderaient en valeur celle de cette part de la succession se verrait privé du mécanisme de protection.

4. L'étalement de la protection légale

Parmi les questions que soulève l'instauration d'un mécanisme de protection se trouve celle de savoir s'il serait possible, pour le testateur, de satisfaire aux exigences de la protection légale tout en prévoyant le paiement différé ou échelonné de la valeur des droits que confère cette protection. Le testateur peut en effet avoir un intérêt certain à ce que ses enfants, par exemple, ne se voient attribuer que graduellement les biens qui leur sont dévolus, notamment s'ils sont en bas âge.

Sauf dans la mesure où le mécanisme de protection accorde aux bénéficiaires la possibilité de choisir l'attribution de biens spécifiques de préférence aux avantages que lui confère la succession, la réponse à cette question doit être affirmative. Il faut comprendre en effet qu'en dehors de ce type de mécanisme, la protection légale ne vise qu'à assurer au bénéficiaire une valeur minimale de la succession du défunt, indépendamment de la nature des biens qui lui sont effectivement transmis.

Rien ne s'oppose donc à ce que le testateur puisse satisfaire les exigences des autres mécanismes de protection au moyen de legs de toute

espèce, et notamment de legs en usufruit, en revenus d'une fiducie ou en rentes, par exemple, pourvu seulement que la valeur capitalisée de ces avantages soit au moins équivalente à celle que le mécanisme de protection reconnaîtrait au conjoint ou à l'enfant.

Conséquemment et sauf dans le cas d'un mécanisme à options multiples, il sera toujours possible pour un testateur de se conformer aux exigences de la protection légale tout en conservant le droit de prévoir le versement différé ou étalé des avantages qu'il désire conférer à ses héritiers pour leur tenir lieu de protection. À cette fin, il pourra procéder soit à la création d'une fiducie, soit encore par le biais d'instructions données au liquidateur de la succession. Cependant, compte tenu que la réserve héréditaire veut aussi partiellement répondre à des préoccupation de nature alimentaire, il ne faudrait pas que le versement soit différé de manière à faire échec aux objectifs poursuivis.

5. Les incidences fiscales de l'introduction d'un mécanisme de protection

De tous les mécanismes de protection envisagés, seul celui de la créance alimentaire présente des incidences fiscales nouvelles ou susceptibles de l'être. Dans les autres cas, l'attribution des biens en paiement de la protection légale n'emporterait aucune incidence fiscale nouvelle par rapport au régime d'imposition actuel que prévoit la Loi sur les impôts, loi qui demeure incidemment la seule applicable, compte tenu de l'abolition récente de la Loi sur les droits successoraux. En effet, le droit fiscal ne distingue pas suivant que les biens dévolus a un conjoint ou à un enfant le sont en vertu des dispositions testamentaires du défunt ou par suite de l'application des règles de la dévolution légale des successions, règles tout de même fixées par la loi.

Quant au mécanisme de la créance alimentaire exercée après le décès, son introduction pose en droit fiscal la question de savoir si un paiement effectué par la succession à titre de pension alimentaire sera déductible par la succession et imposable dans les mains du créancier alimentaire ou si un tel paiement ne devrait pas plutôt n'emporter aucune conséquence fiscale.

Or, cette question demeure sans réponse certaine en droit actuel puisque, l'obligation alimentaire d'une personne s'éteignant avec son décès, la Loi sur les impôts n'est réellement conçue que pour couvrir le cas des pensions alimentaires versées principalement du vivant du débiteur. Aussi, cette question devra-t-elle faire l'objet d'une évaluation globale par les autorités fiscales, pour le cas où le mécanisme de protection adopté serait celui de la créance alimentaire contre la succession.

V. DROIT COMPARÉ

Si l'on examine les législations étrangères, il est clair que le Québec demeure l'un des rares endroits où, actuellement, prévaut la liberté illimitée de tester. En fait, sur au-delà de vingt juridictions examinées, seul un État, la Californie, a préservé cette liberté absolue. Et encore, il y est expressément prévu que, sauf disposition explicite ou contraire du défunt, un testament qui n'avantage pas tous les enfants et le conjoint survivant peut être révoqué partiellement.

Les pays de droit anglais choisissent habituellement la créance alimentaire comme mode de protection, alors que les juridictions de tradition civiliste optent généralement pour la réserve. L'usufruit du conjoint survivant est aussi utilisé à l'occasion. Le plus souvent toutefois, il est accompagné d'une réserve en pleine propriété en faveur des enfants. D'ailleurs, plusieurs législations comptent différents régimes de protection et ne se limitent pas à une seule forme de mesures.

Il ressort également de la législation étrangère que, dans la très grande majorité des cas, les enfants du défunt sont les premiers protégés. De plus,

rares sont les juridictions qui établissent une distinction entre les enfants majeurs ou mineurs ou ceux qui au moment du décès étaient à la charge du défunt. Subséquemment, vient le conjoint. Il faut par contre noter que certains pays vont l'exclure des mesures de protection, quand ce n'est pas de la succession légale, soit que l'on considère comme suffisantes les règles de dissolution du régime matrimonial légal, soit que l'on attache une importance particulière au patrimoine familial et que, le conjoint étant un héritier par alliance, l'on préfère attribuer des droits de propriété aux descendants, quitte à accorder à l'époux un usufruit viager ou temporaire sur les biens du défunt. Certaines juridictions vont également protéger les ascendants, alors que d'autres accordent même à tout dépendant du défunt un droit de regard sur sa succession. Bien sûr, dans la majorité des cas, un mécanisme de révision des transactions effectuées quelque temps avant le décès est établi, afin d'éviter les fraudes à la loi.

1. La créance alimentaire

C'est le choix, entre autres, des provinces anglaises canadiennes. Elle est accordée aux enfants du défunt, à son conjoint et, souvent, au conjoint de fait ou même à tout dépendant.

On laisse généralement au tribunal une assez grande latitude. À titre indicatif souvent, on lui soumet certains critères à prendre en considération, tels les donations, le régime matrimonial, l'état des relations familiales, etc.. Il jouit également d'une bonne discrétion pour établir le besoin réel et peut ordinairement combler celui-ci par l'attribution de la propriété de certains biens, par le paiement d'une pension ou le versement d'une somme globale. 2. La réserve

II est difficile de résumer le droit comparé quant aux législations ayant choisi la réserve comme mode de protection. Il s'agit d'une quote-part fixe de la succession qui varie d'un pays à l'autre en fonction des différents régimes matrimoniaux, des mentalités et du choix effectué de limiter un peu ou beaucoup la liberté de tester.

Elle est parfois égale à la moitié de la succession pour un enfant, des deux tiers ou des trois quarts suivant que le défunt laisse deux ou trois enfants et plus. C'est le cas entre autres de la France et de la Belgique.

D'autres pays par contre la réduisent a la moitié de la part à laquelle auraient eu droit les héritiers réservataires dans une succession légale. C'est le choix de l'Allemagne, de l'Autriche et du Luxembourg. Dans ce dernier cas cependant, le conjoint n'est pas un héritier réservataire et il doit se contenter d'un usufruit minime.

Ce ne sont là cependant que quelques exemples. Outre ceux-ci, il existe une foule de combinaisons diverses. Certains pays établissent des quote-parts moins élevées mais permettent le cumul des avantages matrimoniaux. Ainsi, le Danemark n'octroie à l'épouse que le sixième de la succession à titre de réserve, mais lui permet de conserver ses avantages matrimoniaux.

Il faut noter cependant que plusieurs pays ne permettent pas le cumul des donations, des dispositions testamentaires et de la réserve. En outre, celle-ci se paie généralement en argent ou alors, par l'attribution de certains biens privilégiés comme la maison, les meubles du ménage, etc.

Il est permis à l'occasion au testateur d'affecter spécifiquement un bien au paiement de la réserve, mais, règle générale, ce bien doit être libre de toute dette. Il est parfois possible d'effectuer une donation de son vivant et de l'imputer expressément sur la réserve.

Il est généralement interdit de renoncer à l'avance à une réserve. Le défunt conserve toutefois souvent le droit de déshériter complètement un héritier réservataire, mais seulement pour des motifs graves. Enfin, l'usufruit qui est à l'occasion accordé à certains héritiers est, dans la majorité des cas, convertible en rente, quelquefois à l'initiative de ceux-ci, parfois au gré

des légataires.

3. Le plafond

Aucune législation n'enraie complètement la liberté de tester. Il arrive parfois que les créances alimentaires aient ce résultat, mais ce n'est qu'exceptionnellement et qu'en présence d'énormes besoins ou de sérieuses discriminations de la part du testateur.

Certaines législations ont prévu certains plafonds. Ainsi, l'Écosse, qui a un régime de protection particulier, accorde au conjoint, en priorité sur tous les autres héritiers, la propriété de la résidence familiale et des meubles meublants jusqu'à concurrence de montants respectifs de 30 000 et 8000 livres. Cette protection peut toutefois être écartée par testament. L'État de New York accorde au conjoint le tiers de l'actif net de la succession en présence de descendants, mais ce tiers ne doit jamais dépasser la somme de 10 000 $.

La majorité des législations étrangères n'établissent cependant pas de plafonds fixes et préfèrent stipuler des quote-parts réservataires ou laisser toute discrétion au tribunal pour établir le montant des créances alimentaires accordées.

VI. ORIENTATIONS PRIVILÉGIÉES

Les orientations privilégiées par les divers organismes ou associations consultés de même que par la sous-commission des institutions chargée de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 20 ont été les suivantes:

1. Les organismes consultés

Lors de la commission parlementaire qui a suivi le dépôt du projet de loi 107, lequel proposait le maintien de la liberté absolue de tester, les organismes présents ont été invités par le ministre de la Justice à donner leur opinion sur l'opportunité de prévoir un mécanisme de protection contre l'exercice abusif de cette liberté, de même que les grandes orientations qui pourraient être retenues dans l'élaboration d'un tel mécanisme de protection.

En réponse à l'invitation qui leur avait été faite, les organismes se sont montrés globalement favorables à l'introduction d'un mécanisme de protection de la famille immédiate du défunt. Les orientations privilégiées par chacun des organismes dans l'établissement d'un mécanisme ont été les suivantes:

Le Conseil du statut de la femme s'est prononcé en faveur d'une réserve d'ordre public et en pleine propriété par le conjoint survivant, jusqu'à concurrence de la moitié de la succession. Il recommandait que cette réserve s'applique indépendamment des avantages que procure au conjoint son régime matrimonial.

L'Association des femmes collaboratrices était aussi en faveur de l'établissement d'une réserve pour le conjoint survivant. Le Réseau d'action et d'information pour les femmes réclamait une part réservataire pour le conjoint survivant et voulait, réserve ou pas, que la maison familiale et les meubles meublants soient toujours dévolus au conjoint survivant.

L'Association québécoise de planification fiscale et successorale ne favorisait pas, pour sa part, l'établissement d'une réserve mais préférait le recours alimentaire. Le Barreau du Québec était également défavorable à l'instauration d'une réserve et prônait plutôt un recours alimentaire pour le conjoint et les enfants. La Chambre des notaires, à l'époque, ne favorisait pas la réserve, mais un recours alimentaire en précisant toutefois que si le législateur retenait éventuellement la réserve, celle-ci devrait être limitée au quart de la succession.

Devant la sous-commission des institutions chargée cette fois d'étudier le projet de loi 20, le Barreau du Québec et la Chambre des notaires ont eu l'occasion de se prononcer à nouveau sur ces questions. Le Barreau du Québec a alors maintenu la position qu'il avait déjà exprimée et s'est dit

satisfait de la proposition contenue au projet de loi d'établir un mécanisme de créance alimentaire contre la succession.

La Chambre des notaires est, pour sa part, revenue sur sa position antérieure et s'est nettement prononcée cette fois en faveur de la liberté absolue de tester. Si toutefois cette position devait ne pas être retenue, la Chambre des notaires favoriserait alors la réserve plutôt que la créance alimentaire. Cette réserve, qui serait en pleine propriété, devrait être limitée au seul conjoint survivant et être égale à la moitié de sa part légale de la succession. La Chambre des notaires recommandait également que la réserve ne puisse être inférieure à 60 000 $ et que les avantages découlant du régime matrimonial soient pris en considération dans le calcul de cette réserve.

2. La sous-commission des institutions

Sur l'opportunité de prévoir un mécanisme de protection de la proche famille du défunt contre l'exercice abusif de sa liberté de tester, les membres de la sous-commission des institutions se sont unanimement prononcés en faveur de l'introduction d'un tel mécanisme.

Sur le genre de protection souhaitable, la sous-commission favorise par ailleurs nettement l'adoption d'une réserve héréditaire plutôt qu'un mécanisme de créance alimentaire. Elle estime en effet que la créance alimentaire présente l'inconvénient de judiciariser le règlement des successions et de le retarder pour des périodes importantes, en outre de susciter d'importants conflits familiaux et d'être fort onéreuse pour la succession et les personnes en cause.

La sous-commission recommande donc plutôt l'adoption d'un mécanisme de protection simple et facilement applicable qui permette au testateur de connaître précisément les limites à sa liberté de tester et un règlement rapide de la succession sans recours aux tribunaux.

Concernant les personnes à protéger et l'étendue de la protection, un consensus semble s'établir en faveur d'une réserve pour le conjoint survivant et les enfants du défunt, en pleine propriété et fixée par référence a une fraction de la part successorale à laquelle ils auraient pu prétendre suivant les règles de la dévolution légale des successions.

Quant aux autres modalités de la protection recherchée, elles n'ont fait l'objet d'aucun consensus lors des travaux de la commission et les questions soulevées au présent document demeurent également à décider.

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