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(Dix heures neuf minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La sous-commission des institutions se réunit avec le mandat de
procéder à des consultations particulières sur les
amendements proposés aux articles 703 à 716 de l'article 2 du
projet de loi 20, Loi portant réforme au Code civil du Québec du
droit des personnes, des successions et des biens.
Nous entendrons au cours de la journée le Conseil du statut de la
femme - qui viendra immédiatement la Chambre des notaires du
Québec, le Réseau d'action et d'information pour les femmes,
l'Association des femmes collaboratrices, l'Association féminine
d'éducation et d'action sociale et Mme Marthe Asselin-Vaillancourt.
Avant de demander au secrétaire de nous annoncer les
remplacements chez les membres de la commission je voudrais, en souhaitant la
bienvenue au Conseil du statut de la femme, aviser tous les groupes qui seront
entendus aujourd'hui que nous accorderons un maximum d'une heure par
mémoire, soit 20 minutes pour entendre le mémoire et 40 minutes
d'échange de commentaires avec les membres de la sous-commission.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: II y a un remplacement. M. Johnson (Anjou)
est remplacé par Mme Harel (Maisonneuve).
M. Marx: Est-ce qu'il a bien... M. Johnson?
Une voix: C'est une bien bonne raison.
Le Président (M. Gagnon): Je demanderais donc...
M. Marx: On attend son remplacement aussi.
Le Président (M. Gagnon): ...à Mme Francine
McKenzie, présidente, de nous présenter les gens qui
l'accompagnent et de nous faire lecture de son mémoire.
Conseil du statut de la femme
Mme McKenzie (Francine): M. le Président, mesdames et
messieurs, je dois dire que nous sommes particulièrement touchées
d'être invitées ce matin, étant donné que le dossier
à considérer est un dossier qui a été, depuis quand
même quelques années, jugé important par le Conseil du
statut de la femme. Je dois rappeler à cet égard que nous avons,
par le passé, déposé au ministre deux mémoires dont
l'un en septembre 1983 et l'autre en mars 1985.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que je pourrais vous
demander d'approcher un peu votre micro, s'il vous plaît?
Mme McKenzie: Est-ce qu'il est amovible, M. le Président?
C'est plutôt à moi de m'approcher du micro.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'on peut augmenter le
volume, monsieur? On devra vous demander de parler un peu plus fort.
Mme McKenzie: Je vais essayer. Je voudrais rappeler, et je crois
que vous vous en doutiez, que nous sommes des tenants de la réserve en
matière successorale, c'est-à-dire que nous sommes des tenants de
la liberté de tester mais non pas de la liberté absolue de
tester, estimant qu'à partir du moment où il y a partage
égal des obligations dans le contexte d'une union légale, il
devrait normalement en résulter un partage également, lors de la
dissolution du mariage en cas de décès, des biens
accumulés durant cette union, estimant aussi qu'on pourrait
difficilement invoquer la liberté de tester sur des biens qui ne nous
appartiennent pas entièrement.
Je souhaiterais attirer votre attention -notre mémoire est bref;
en fait, il comporte quatre recommandations - et rappeler que, bien sûr,
ces recommandations et ce que nous préconisons ne valent que pour les
conjoints légaux. Nous demandons que la part réservataire soit
fixée aux trois huitièmes, c'est-à-dire que la
liberté de tester n'est plus absolue, n'est plus à huit
huitièmes, mais serait de cinq huitièmes dans les cas où
il n'y a pas d'enfants mineurs ou à charge et serait de trois
huitièmes dans les cas où il y aurait des enfants mineurs ou
à charge de sorte que chacun des conjoints, en fait,
aurait droit à sa part, à trois huitièmes.
La deuxième recommandation, c'est que cette part
réservataire soit versée en pleine propriété,
jugeant qu'il est toujours possible de laisser le conjoint ou la conjointe qui
hérite disposer à sa guise des biens en cause et de gérer
comme il l'entend les biens faisant l'objet de la part réservataire.
La troisième recommandation, c'est qu'on ne prenne pas en
considération les avantages du régime matrimonial. Le conseil
avait insisté là-dessus pour bien dissocier ce qui ressort du
régime matrimonial de ce qui concerne la réserve successorale.
Enfin, la quatrième, c'est qu'on ne tienne pas compte dans le calcul de
la réserve des assurances exclues du patrimoine du défunt.
Je voudrais rapidement dire que nous sommes en faveur d'une
réserve pour les enfants. Nous n'avons pas fouillé cette
question, nous ne nous sommes pas penchés sur les droits des enfants du
de cujus. Toutefois, étant donné la multiplicité des
cellules familiales, il nous semble fondé qu'une réserve en
faveur des enfants existe.
En ce qui a trait à l'article 704, le conseil recommande donc que
la part du conjoint réservataire représente la moitié de
la succession. Le législateur propose plutôt le quart...
C'est-à-dire que le conseil recommandait que ce soit autrefois la
moitié; le législateur propose que ce soit le quart. Je rappelle
que, dans la présente proposition, nous nous en tenons, comme je l'ai
dit précédemment, à trois huitièmes.
En ce qui a trait au cumul des avantages du régime matrimonial,
la proposition du gouvernement évoque la possibilité de maintenir
le cumul des avantages résultant du régime matrimonial et de la
réserve jusqu'à concurrence de la moitié en valeur de la
succession. Je rappelle qu'il n'y a pas, selon nous, de lien à
établir entre les avantages reliés au régime matrimonial
et les successions. Il n'y a donc pas lieu, nous semble-t-il, de limiter la
vocation successorale, tel que proposé par le législateur.
En ce qui a trait à l'article 706, je dois dire que le conseil
n'est pas d'accord avec le premier alinéa, étant donné que
les donations à cause de mort sont souvent prévues au contrat de
mariage. Quant au deuxième alinéa touchant la question des
assurances, le législateur ne semble pas faire la distinction entre le
produit d'une police d'assurance qui fait partie de la succession et celui qui
n'en fait pas partie. La conséquence, c'est que le réservataire
qui est bénéficiaire d'une telle police sera discriminé
par rapport à tout autre bénéficiaire dans la même
situation puisque, dans le cas du réservataire, on comptabilisera dans
la part réservataire cette police d'assurance alors que lorsque nous
avons affaire à tout autre bénéficiaire que le conjoint
survivant elle ne le sera pas.
En ce qui a trait à l'article 707, nous sommes d'accord avec cet
article. Il nous semble fondé. Il nous semble prudent également
de prévoir des modalités pour les cas où l'actif ne serait
pas suffisant pour acquitter la part du réservataire.
Enfin, en ce qui a trait à l'article 713, il nous semble qu'il y
a une ambiguïté. L'emploi du qualificatif "réductibles"
laisse entendre que les sommes assurées, les primes et les contributions
ne seront pas assimilées à des libéralités.
Enfin, je voudrais rappeler la nécessité, nous
semble-t-il, que le conjoint survivant ait la pleine capacité de pouvoir
gérer sa part réservataire comme il l'entend.
Le conseil est conscient - ce sera ma conclusion - de l'effort du
législateur dans la rédaction de l'amendement du projet de loi
20. Nous espérons que la solution proposée, sous réserve
des quelques ajustements que je viens de mentionner, sera retenue et que la
réserve en faveur du conjoint survivant sera enfin
intégrée au Code civil.
Je vous remercie, M. le Président. Nous sommes disposés
à répondre à vos questions.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme McKenzie. Mme
McKenzie, ce matin, est accompagnée de Mme Micheline Boivin, directrice
à la recherce, Mme Céline Blanchet, conseillère...
Mme McKenzie: À ma gauche, je m'excuse. J'aurais dû
présenter mes collègues.
Le Président (M. Gagnon): ...et Mme Jocelyne
Olivière...
Mme McKenzie: Olivier. Oui, on n'a pas eu le droit de le
féminiser celui-là.
Le Président (M. Gagnon): ...secrétaire
générale. Je voudrais aussi rappeler aux membres de la
sous-commission que nous avons des gens qui accompagnent les parlementaires. On
s'était entendu au début des travaux de la sous-commission pour
qu'un certain nombre de spécialistes aient le droit de parler à
cette sous-commission. C'est ainsi qu'on a Me Cossette, Me Linteau, Me
Charbonneau ainsi que Me Jean Pineau qui ont suivi les travaux de la
sous-commission depuis le début. Aussi, pour établir les
positions immédiatement, M. le député de Deux-Montagnes,
qui n'est pas membre de la sous-commission. Je pense qu'on s'entend
immédiatement pour qu'il ait le droit de parole à cette
sous-commission. Cela va? Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je veux d'abord vous
remercier, vous du Conseil du statut de la femme, qui avez à plusieurs
occasions durant l'ensemble des travaux de
révision du Code civil fait valoir les grandes orientations qui
longuement ont été discutées dans le passé,
notamment, dans le rapport pour les Québécoises,
Égalité et indépendance, et qu'on retrouve à
l'occasion dans différents documents du conseil. Évidemment, en
principe, vous nous avez fait connaître, lors de travaux
précédents de la commission, votre appui à un
mécanisme de protection légale pour le conjoint, qui est
d'ailleurs en usage dans la majorité des systèmes de droit
européen. Je crois comprendre que c'est pour vous prioritaire que ce
soit pour le conjoint survivant et vous donnez votre accord. Vous souscrivez
également à un tel mécanisme de protection pour les
enfants, dites-vous. Je ne sais, pour ne pas avoir pu très longuement
prendre connaissance de votre mémoire, puisque nous l'avons reçu
ce matin, s'il s'agit aussi d'enfants mineurs ou si vous retenez le concept
d'enfant à charge qu'on retrouve...
Mme McKenzie: Mineurs ou à charge.
Mme Harel: Nécessairement, à ce moment, vous
excluez en fait, les enfants qui ne seraient pas à charge ou qui ne
seraient pas des enfants mineurs du défunt. Il y a d'autres
systèmes de droit... Dans le patrimoine, on réserve toujours une
part réservataire pour les enfants quelle que soit finalement leur
situation d'âge. Pour vous il semble que ce soit conforme à ce qui
est proposé, c'est-à-dire les enfants à charge ou les
enfants mineurs. C'est le cas.
Mme McKenzie: Voilà!
Mme Harel: J'aimerais bien voir avec vous un peu la situation qui
se produirait si était retenue votre recommandation de ne pas prendre en
considération les avantages du régime matrimonial; si tant est
qu'une part réservataire était retenue pour le conjoint
survivant, plus l'addition des avantages matrimoniaux dans les cas en
particulier de la communauté de biens ou de la société
d'acquêts. Il n'y a pas de tableau dans votre mémoire qui nous
permettrait de voir qu'elle serait la situation.
Mme McKenzie, vous avez raison, dès l'entrée de jeu de
votre présentation, en disant: Oui c'est la liberté de tester,
mais non pas la liberté absolue de tester, mais cette liberté de
tester est maintenue malgré l'introduction de parts
réservataires. Si tant est que le législateur retenait l'addition
à la fois d'une part réservataire de trois huitièmes,
comme vous le suggérez, qu'il faut additionner avec la part
réservataire pour éventuellement les enfants à charge ou
mineurs, le conjoint pouvant additionner dans le cas d'une communauté de
biens ou d'une société d'acquêts l'ensemble de ses
avantages matrimoniaux, est-ce qu'il reste encore quelque chose sur lequel le
de cujus pourrait tester?
Mme McKenzie: ...la voiture. Je vais laisser Mme Boivin
répondre à votre question, Mme Harel.
Mme Boivin (Micheline): Je veux rappeler au préalable
qu'il n'y encore que 50 % des gens qui sont mariés sous le régime
de la société d'acquêts, l'autre moitié
étant, de façon générale, en séparation de
biens, ce qui veut dire que notre proposition est d'autant plus importante pour
les personnes qui sont mariées en séparation de biens.
Pour ceux qui sont mariés en société
d'acquêts, il demeure que ce sont les acquêts pendant la
durée du mariage et donc les biens qui ont été
accumulés avant le mariage ou dans d'autres cadres sont ceux qui sont
prévus par la réserve. Céline Blanchet, avocate, va
compléter.
Mme Blanchet (Céline): Cela va! Mme Boivin: Cela va.
Mme McKenzie: Est-ce que vous jugez la réponse suffisante,
Mme Harel?
Mme Harel: Présentement, on me dit que près de 55 %
des mariages sont contractés dans le cadre de la société
d'acquêts, c'est-à-dire que c'est en progression. À peu
près 44 % le sont par contrat de mariage. Évidemment, il y a un
fort pourcentage par un contrat de séparation, mais la
société d'acquêts est en progression actuellement.
Mme Boivin: On nous dit, par ailleurs, que lorsque des
changements sont effectués après, ils sont favorables à la
séparation de biens, c'est-à-dire que des gens qui ont
été mariés dans le cadre de la société
d'acquêts demandent un changement pour obtenir un contrat en
séparation de biens. Ce sont du moins les statistiques que nous avons
obtenues.
Mme Harel: Lors d'un deuxième mariage ou...
Mme Boivin: Au cours...
Mme Harel: ...au cours d'un premier mariage?
Mme Boivin: Oui. Il y a quand même une proportion
importante de changements qui s'effectuent vers la séparation de
biens.
Mme Harel: Vous voulez peut-être compléter?
Mme Blanchet: Non, à moins qu'il y ait d'autres
questions.
Le Président (M. Gagnon): Me Cossette.
M. Cossette (André): J'ai préparé ici un
exemple d'une société d'acquêts avec les chiffres suivants:
La masse d'acquêts du mari est de 100 000 $ et celle de l'épouse
est de 40 000 $, de telle sorte que nous avons une masse totale de 140 000 $.
La dissolution arrivant par le décès, on suppose que les deux
masses se divisent également, c'est-à-dire 70 000 $ pour le
conjoint survivant et 70 000 $ à la succession de la personne
décédée. Votre proposition est la suivante, à
savoir que la réserve soit des 3/8, si j'ai bien compris. Est-ce exact?
Oui. Les 3/8 de la masse successorale, c'est-à-dire les 3/8 de 70 000 $
dans ce cas. Cela veut dire 26 250 $. Si on prend la masse totale de 140 000 $,
avec la réserve, cela donne le résultat suivant, soit une masse
totale de 96 250 $ pour le conjoint survivant, de telle sorte que le
décédé pourrait disposer d'une somme de 43 750 $. C'est le
résultat que cela donne.
Mme McKenzie: Oui, de la différence entre 140 000 $ et 96
000 $.
Mme Harel: Vous considérez ce qui est proposé par
le législateur qui consiste à pouvoir cumuler les avantages
matrimoniaux avec ta part réservataire mais, ce cumul ne pouvant
excéder la moitié en valeur de la succession, vous
considérez qu'il ne doit pas y avoir de maximum?
Mme McKenzie: De plafond.
Mme Harel: De plafond. Ce cumul pourrait être disons des
trois quarts ou des quatre cinquièmes de la succession. Vous savez, le
principe du cumul est retenu, mais ce cumul des avantages matrimoniaux du
contrat de mariage et de la part ne devrait pas excéder plus de la
moitié.
Le Président (M. Gagnon): Mme Olivier.
Mme Olivier (Jocelyne): En fait les positions antérieures
du Conseil du statut de la femme sur le projet de loi de réforme sur les
successions étaient en ce sens qu'il fallait dissocier le droit de la
famille et les successions. Je crois que le législateur -comme vous le
disiez Mme Harel - a retenu ces propositions. D'ailleurs dans la proposition
gouvernementale, à la page 16, on dit clairement que le projet de loi a
prévu de façon claire que le droit des successions devrait
obéir à une autre problématique que le droit de la famille
et qu'on a effectivement dissocié la succession du règlement du
régime matrimonial. En cela, dans la proposition que le Conseil du
statut de la femme vous soumet aujourd'hui, il est logique dans ce qu'il a
toujours recommandé; les membres ont insisté sur le fait qu'il
fallait véritablement dissocier les deux, d'une part le régime
matrimonial et d'autre part la succession, ce que le législateur a
reconnu. Je comprends que dans l'application le gouvernement propose, pour
assurer une plus grande part d'un bien sur lequel le testateur pourra exercer
sa liberté de tester, de fixer un plafond. Ce que le Conseil du statut
de la femme propose c'est de ne pas fixer de plafond, un peu dans la position
qu'il a soutenue antérieurement qui n'accepte pas un plafond quant au
cumul finalement. En fait, c'est ce qu'il a toujours défendu
jusqu'à maintenant face à la proposition gouvernementale. Notre
mémoire cette fois-ci s'est limité à commenter la
proposition qui a été faite et les membres ont maintenu leur
position antérieure sur cela.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais remercier la présidente et les membres
du Conseil du statut de la femme d'être venus nous expliquer leur
position sur cette question en ce qui concerne les modalités. Le
principe a été accepté par le gouvernement et par la
sous-commission, donc, c'est une question de modalités. La
différence en ce qui concerne le cumul, c'est un huitième. Il
faut tirer la ligne, soit trois huitièmes, un quart ou deux
huitièmes. Il ne faut pas aller d'un extrême à l'autre,
c'est ça le problème. On ne veut pas aller d'un régime
où il y a une liberté de tester illimitée à un
régime où les gens n'auront pas la possibilité de tester,
de favoriser peut-être un enfant à cause des aléas de la
vie. Tirer la ligne d'un huitième, je pense que le gouvernement serait
capable de le faire.
Une autre question concerne l'article 706. Au premier alinéa de
l'article 706, on parle des donations entre vifs dans les trois ans. Cela ne
touche pas les donations dans les contrats de mariage, cela touche les
donations entre vifs dans les trois ans précédant le
décès ou ayant pour terme le décès, pour
empêcher que le conjoint ou la conjointe ne donne tous ses avoirs
à une tierce personne avant de mourir. Étant donné que
c'est ça l'objectif du premier alinéa, je me demande quelle est
vraiment la pertinence de votre premier paragraphe à la page 5 de votre
mémoire. (10 h 30)
Le Président (M. Gagnon): Mme Olivier.
Mme Olivier: Si vous me permettez, il me semble qu'on a
vérifié. On parle des donations entre vifs dans les trois ans ou
des
donations ayant pour terme le décès. Je ne pense pas que
ce soit exclusif aux donations dans les trois ans parce qu'à l'article
704 on dit que dans le calcul de la part réservataire on a une masse
fictive composée des donations qui ont été
octroyées dans les trois ans et des donations ayant pour terme le
décès. Est-ce que c'est comme cela que vous le comprenez? Moi, je
ne pensais pas que les donations ayant pour terme le décès
étaient comprises dans les trois ans. Est-ce que vous prévoyiez
cela comme ça?
M. Marx: On va demander au légiste quelle était
l'intention du gouvernement.
Le Président (M. Gagnon): Me Cossette.
M. Cossette: L'intention du gouvernement s'exprime par la
doctrine, je pense bien. C'est qu'une donation ayant pour terme le
décès, ce n'est pas une donation à cause de mort. C'est
une donation entre vifs, mais qui a pour terme le décès, comme
toute autre donation qui aurait pour terme une date
déterminée.
Mme Olivier: Mais qui peut être octroyée
antérieurement aux trois ans ou exclusivement dans les trois ans. Est-ce
que vous parlez de cela? Est-ce que cela fait référence aux
donations par contrat de mariage, par exemple?
M. Cossette: Peu importe la date de la donation, cela n'a pas
d'importance. C'est le terme de la donation qui est important. Si son terme est
le décès, il y aura imputation.
Mme Harel: C'est par acte entre vifs... M. Cossette: Par
acte entre vifs... Mme Harel: ...dans les trois ans. M. Cossette:
Oui, oui.
Mme Harel: Si le contrat de mariage est existant de dix ans
avant?
M. Cossette: Oui, excusez. C'est dans les trois ans.
Mme Harel: C'est dans les trois ans. M. Cossette: Comme le
texte le dit.
M. Marx: Donc, on a raison, cela ne touche pas les
donations...
Mme Harel: Cela ne touche pas les donations par contrat de
mariage.
M. Marx: ...par contrat de mariage.
M. Cossette: Si elles sont antérieures au délai de
trois ans.
M. Marx: Oui, mais normalement elles ne sont pas dans les trois
ans...
Mme McKenzie: Dans ce cas, l'objection que j'ai exprimée
tombe concernant le premier alinéa.
M. Marx: Pardon?
Mme McKenzie: Dans ce cas, l'objection que j'ai exprimée
concernant le premier alinéa de l'article 706 tombe.
Mme Olivier: Ce dont on voulait s'assurer, c'est que les
donations faites par contrat de mariage et antérieures aux trois ans ne
soient pas calculées dans la masse fictive. À ce moment, elles ne
seront pas calculées non plus dans la masse fictive.
M. Marx: D'accord.
M. Cossette: Alors, cela supposerait un amendement.
Mme Olivier: Ah bon, c'est ce que...
Le Président (M. Gagnon): Me Jean Pineau.
M. Pineau: M. le Président, l'intention était
claire, mais je pense que la formulation peut être
améliorée, effectivement.
Mme Olivier: Donc, on a attiré l'attention...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Une question que je me pose à
l'occasion de la réforme, c'est: Est-ce qu'on protège les bonnes
personnes? Il faut bien reconnaître aujourd'hui que 60 % des mariages
finissent par un divorce. On suppose un divorce. Le conjoint n'a aucune
protection lors du décès; il peut avoir vécu trente ans,
trente-cinq ans... Vous êtes prêt à accorder des protections
énormes, jusqu'à trois huitièmes de la succession à
un conjoint légal, à la suite d'un mariage, disons, de six mois
et vous trouvez que c'est normal?
Le Président (M. Gagnon): Mme
McKenzie.
Mme McKenzie: C'est dans le contexte où on sait
pertinemment qu'il existe des mesures de partage au moment du divorce. On a la
prestation compensatoire; on a les pensions alimentaires. Dieu sait, en ce qui
nous concerne, à quel point le conseil a toujours été
vigilant pour que les tribunaux
puissent, lors de la rupture des unions, interpréter de
façon non mesquine, mais rejoindre l'esprit des lois du Code civil et,
notamment, celles qui touchent la prestation compensatoire, estimant que le
divorce, c'est quand même la dissolution ou la fin d'un contrat et
reconnaissant qu'il peut y en avoir deux, trois ou quatre - cela, je veux bien
-mais toujours dans le contexte où cela ne vise que les conjoints
légaux. Alors, je croi3 qu'à ce moment, les individus ont le
choix de statuer sur le type d'union qu'ils envisagent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Donc, vous reconnaissez que les
époux peuvent se protéger, bien sûr. Est-ce que c'est
nécessaire d'aller aussi loin à ce moment? Il faut bien
reconnaître que dans les 40 % des mariages qui subsistent,
habituellement, ces mariages fonctionnent bien. Je dirais que dans 98 % des
cas, lorsqu'ils font un testament, ils se donnent l'un à l'autre. On
protège, en fait, des gens qui n'ont pas besoin de protection du tout.
Quand vous dites: Lors d'un divorce, il va avoir la pension alimentaire.
Écoutez, après le décès, la pension alimentaire
n'existe plus. Peut-être que mon collège, Me Pineau, pourrait vous
parler de la prestation compensatoire. On dit que cela n'atteint pas du tout le
but qu'on visait.
Cela veut donc dire que ces gens n'ont aucune protection et vous voulez
protéger des gens qui n'ont même pas besoin d'être
protégés, qui ne demandent pas en fait d'être
protégés.
Mme McKenzie: Je ne prendrai pas...
M. Leduc (Saint-Laurent): D'ailleurs, la Chambre des notaires l'a
dit, le Barreau l'a dit et certains organismes l'ont dit également.
Mme McKenzie: Ce qui nous anime est beaucoup plus l'idée
du partage, en termes de l'équité, étant donné ce
que signifie l'ensemble du Code civil pour la reconnaissance des époux
en termes d'égalité. C'est beaucoup plus au nom de cette
égalité qu'au nom du concept de protection sur lequel vous
insistez.
Évidemment, il y a, par le fait même, une protection, mais
l'esprit qui nous anime tient beaucoup plus du partage, de ce que les biens
familiaux doivent être en toute équité partagés
également entre les deux conjoints, dans le cadre d'un contrat, d'une
union contractuelle légale.
M. Leduc (Saint-Laurent): Les trois huitièmes, cela me
semble très élevé, d'autant plus que vous dites qu'on ne
doit pas tenir compte du cumul. Cela me semble aller très loin. Si on
parle des enfants à charge, c'est quoi, un enfant à charge? Bien
sur, on pense peut-être à des enfants qui ont des handicaps, mais
est-ce qu'un enfant qui a 23 ans, qui est chez moi, qui est encore aux
études, qui est à ma charge, sera considéré, au
moment du décès, comme un enfant à charge, à
supposer qu'il ne travaille pas? D'après vous, est-ce que c'est un
enfant à charge?
Mme McKenzie: Je pense que la définition relèvera,
à ce moment-là, du testateur et du réservataire. Il me
semble...
M. Leduc (Saint-Laurent): Non, mais il n'y a pas de
testament.
Mme McKenzie: Un enfant handicapé, un enfant encore aux
études, un enfant qui, pour l'essentiel, compte sur la part des parents,
peut être considéré comme un enfant à charge.
M. Leduc (Saint-Laurent): Donc, celui qui est supporté par
ses parents, à qui on assure des études plus longues, va en
bénéficier, alors que l'autre, qui n'a pas fait d'études,
qui a 19 ans, n'aura rien. Drôle de concept du partage!
Est-ce que vous trouvez normal, également, qu'un enfant qui a 17
ans et 364 jours hérite, alors que celui qui a 18 ans et un jour
n'hérite plus? Est-ce que ce n'est pas le même enfant, est-ce que
ce ne sont pas deux enfants des parents?
Mme Boivin: II y a la position gouvernementale qui est une
réserve en faveur des enfants. Quant à nous, on ne s'y oppose
pas, mais on n'a pas étudié beaucoup la réserve en faveur
des enfants. On croyait que c'était quand même sage d'en
prévoir une si les enfants arrivaient toujours avec le conjoint
survivant. Si tous les enfants du défunt vivaient toujours avec le
conjoint survivant, il ne serait pas nécessaire, à notre avis, de
prévoir une réserve en faveur des enfants. Étant
donné maintenant les multiples familles dans lesquelles vit une
même personne, qu'elle peut avoir des enfants avec des conjoints
différents, il nous apparaissait sage de prévoir une
réserve surtout pour ces cas. Mais on n'a pas fouillé plus avant
la question de la réserve en faveur des enfants.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais
poser à Mme McKenzie une question à laquelle le Conseil du statut
de la femme n'était peut-être pas appelé à
répondre dans ce contexte précis, mais j'aimerais quand
même connaître l'avis du conseil. Il s'agit de savoir si, de l'avis
du conseil, il est juste et équitable que le
conjoint de droit commun survivant soit exclu de la protection qu'on
envisage ici.
Le Président (M. Gagnon); Mme McKenzie.
Mme McKenzie: Le conjoint de fait?
M. de Bellefeuille: Oui.
Mme McKenzie; C'est simplement parce qu'on se dit que les
conjoints de fait sont ceux qui n'ont pas voulu être assujettis au Code
civil. C'est ce qui nous amène à dire que les recommandations ici
présentées ne peuvent concerner que les conjoints
légaux.
M. de Bellefeuille: Au point de vue de l'équité,
à votre avis, cela ne pose pas de problème? On peut supposer le
cas d'un couple de fait qui a été tout à fait stable, qui
a duré 40 ans...
Mme McKenzie: C'est quand même en toute connaissance de
cause que les gens choisissent leur statut. Cela tient beaucoup à
l'information. On le vit à propos du partage des rentes en cas d'un
divorce. On sait que la prescription est de trois ans pour la femme pour
revendiquer à son ex-conjoint le partage des rentes. Dans les faits, on
a constaté que l'information ne circulant pas, peu de femmes se
prévalaient de cet avantage. À ce moment-là, l'effort qu'a
fait récemment le ministère de la Justice, notamment dans 30
palais de justice au printemps dernier, en mettant l'accent sur l'information,
est à la base de tout cela. Il n'est pas tout d'avoir des lois, il faut
que l'on sache, avec tout l'éclairage requis, ce que comporte le fait de
se marier ou alors de se séparer sans demander la séparation ou
sans demander le divorce, et d'entreprendre de partager sa vie avec un autre
conjoint. Cela repose sur une information qui, elle, peut permettre aux
individus de juger des avantages comparés. Il me semble que pour
prescrire une équité et l'inscrire dans un code, à ce
moment-là, il faut bien nommer dans quel contexte cela peut avoir un
impact. C'est ce qui nous a amenés à séparer les conjoints
de fait des conjoints légaux.
M. de Bellefeuille: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve, après quoi ce sera au député de
Saint-Laurent. (10 h 45)
Mme Harel: Je reprends l'idée centrale que vous
énoncez, à savoir celle du partage. Déjà avec le
régime matrimonial, je crois, le conjoint survivant peut partager aux
acquêts du défunt ou partager dans la communauté de bien.
D'une certaine façon lointaine, on peut voir là une limite
indirecte à la liberté absolue de tester. Dans les cas de
séparation de biens, comme vous le mentionniez je crois, il n'y a pas ce
partage. Le député de Saint-Laurent a fait état de la
prestation compensatoire. Je n'ai pas cru entendre de votre part un point de
vue sur cette question de la prestation compensatoire. Avez-vous
déjà effectué des travaux qui vous permettent d'avoir une
opinion sur l'utilisation qui est faite actuellement de la prestation
compensatoire?
Mme McKenzie: Je dois rappeler que, lorsqu'il a été
question de l'inscrire au code, le Conseil du statut de la femme avait à
ce moment-là attiré l'attention - je crois que c'était M.
Bédard qui était en place - sur la possibilité,
étant donné le libellé, d'interprétation mesquine
de la disposition prévoyant une prestation compensatoire.
Malheureusement, je dois ajouter que la jurisprudence a donné raison au
conseil. Les récents jugements que vous connaissez - je pense à
Globensky-Poirier - surtout avec le poids de la fameuse cause en Cour
suprême de Leatherdale contre Leatherdale dont tout le monde se sert, et
en revenant à Globensky-Poirier, constatant même qu'il n'y avait
pas consensus entre les trois juges en cause, cela nous a
inquiétés que l'on soit amené à définir de
façon restreinte le patrimoine accumulé entre deux époux,
surtout que dans ce cas dont je parle, nous n'avions pas affaire à une
femme qui était restée à la maison tout le temps.
C'était un panaché de vie rémunérée active
et de vie à la maison. Cela demeure un point sur lequel on est
très vigilant parce qu'on a peur du poids de la jurisprudence
là-dessus, reconnaissant que le législateur avait eu de la
largeur de vue, nous semblait-il, et que l'esprit même de cette loi
était intéressant.
Mme Harel: Je me suis demandé après la lecture de
votre mémoire si, finalement, indépendamment du régime
matrimonial, que ce soit communauté de biens, société
d'acquêts ou séparation de biens, vous recommandez,
indépendamment du régime -puisque vous souhaitez qu'il y ait
cumul complet, sachant qu'il n'y en a pas dans les cas de séparation -
vous recommandez un même régime indépendamment du fait
qu'il s'adresse à des personnes, des conjoints survivants qui vivent des
réalités différentes.
Mme McKenzie: Oui. À partir du moment où on se dit
qu'il faut dissocier les avantages liés au régime de la partie
successorale, je crois qu'à ce moment-là, on ne tient pas compte
de la différence entre les régimes.
Mme Harel: Je vais en tout cas vous remercier d'avoir
attiré notre attention sur
les donations par contrat de mariage, Mme Olivier, lors du calcul de la
réserve pour le conjoint survivant et dans le cas... Vous souhaitez,
j'imagine que la police d'assurance elle-même ne fasse pas partie
justement du calcul de la part réservataire. La police d'assurance doit,
selon vous, continuer même pour le conjoint survivant d'être exclue
de la succession.
Mme Olivier: Oui. Dans la mesure où elle n'est pas
calculée, ne fait pas partie de la masse fictive pour le calcul de la
part réservataire, dans la même mesure on devrait l'exclure quand
il s'agit du conjoint. Il ne faut pas avoir deux statuts...
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le
député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): J'étais bien heureux
tantôt de vous entendre, à la suite de l'intervention du
député de Deux-Montagnes, alors que vous disiez: II faut
respecter la liberté des gens, ils ont décidé de vivre
ensemble sans consacrer cela par le mariage. Il fallait respecter les
décisions. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est le même
principe qui devrait s'appliquer pour ceux qui se marient en séparation
de biens, quand ils contractent un mariage avec un contrat de mariage et qu'ils
décident de s'en remettre à la séparation de biens? Je
pense qu'il faut également respecter la décision qui a
été prise. Si cela vaut dans l'autre cas, cela doit valoir pour
cela également, vous ne pensez pas?
Mme McKenzie: Ce sont les règles du jeu, connaissant les
règles du jeu, ils restent entièrement libres de choisir le
statut, légal ou pas. Et je dois rappeler là-dessus, sur la
question du partage entre conjoints, que tout n'est pas dans le Code civil. Il
y a des lois statutaires qui prévoient les partages et là, on est
justement en train d'examiner ce que le gouvernement propose pour le
Régime des rentes. Il y a d'autres mesures qui, par le biais des lois
statutaires, peuvent permettre une reconnaissance des conjoints de fait.
M. Leduc (Saint-Laurent): Bon! D'accord.
Mme McKenzie: C'est qu'on ne peut pas marier les gens de force,
j'entends.
M. Leduc (Saint-Laurent): Donc, vous dites: On ne les marie pas
de force et on ne les oblige pas; à ce moment-là, ils ne sont pas
obligés de donner une protection à l'autre conjoint. Vous dites
d'accepter cela. Dès que c'est consacré par le mariage, on leur
impose une protection. On leur dit: Que cela fasse votre affaire ou non, vous
allez donner les trois huitièmes de vos biens au conjoint. Là, il
n'est plus question de liberté, il n'est plus question de dire: Vous
avez le choix de vous marier ou non, on respecte cela. Dès que vous
êtes mariés, c'est le bras dans le "tordeur" et vous allez y
passer au complet; vous serez obligés de respecter ce que l'Etat a
décidé pour vous. L'État n'impose pas une protection aux
conjoints à la suite d'une union de fait - ils peuvent avoir vécu
30 ou 35 ans ensemble, ce sont des choses que l'on voit quotidiennement -ce
n'est pas nécessaire!
Mme McKenzie: Ils peuvent tester.
M. Leduc (Saint-Laurent): Certainement, mais vous ne leur imposez
pas de donner les trois huitièmes, ils sont libres.
Mme McKenzie: Sur cinq huitièmes.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vraiment, je ne vois pas la
différence. Je pense que l'on surprotège les gens qui ne
demandent pas à être surprotégés. Je vous le
répète, dans 60 % des cas, c'est le divorce. Les mariages
finissent dans 60 % par le divorce. Alors, je pense que les mariages qui
subsistent habituellement fonctionnent très bien, les époux
prennent bien soin de se protéger par des testaments, dans 95 % ou 98 %
des cas donnant tous les biens au survivant.
Mme McKenzie: Est-ce que ce n'est pas quatre mariages sur dix...
Est-ce vraiment six mariages sur dix qui se terminent par un divorce?
M. Leduc (Saint-Laurent): 60 %. C'est maintenant rendu à
60 %.
Mme McKenzie: Ah, bon!
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le
député de D'Arcy McGee, je reviendrai à vous.
Mme Boivin: Donc, si la plupart des gens testent en faveur du
conjoint survivant, la réserve pour ces gens ne constitue pas une
contrainte.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je suis parfaitement d'accord avec
vous, mais ils sont libres de le faire. Si vous donnez une part à un
enfant dans une succession qui n'est pas tellement importante, à ce
moment-là, vous allez déposséder l'épouse ou
l'époux, le conjoint. À mon avis, dans une succession qui n'est
pas tellement importante, on devrait laisser le testateur libre de donner tous
ses biens au conjoint survivant. Dans certains cas, ce peut être un
minimum. Bien sûr, dans les successions importantes, c'est un autre
cas.
Mme Boivîn: Nous serions d'accord avec vous, comme nous
l'indiquions tout à l'heure, si tous les enfants vivaient avec le
conjoint survivant. Mais dans les cas où il y a des enfants
disséminés dans deux ou trois familles, cela peut devenir un
handicap pour les enfants si tout a été légué au
conjoint survivant.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. Si je reprends vos quatre
recommandations, la dernière mentionne que la part réservataire
du conjoint doit lui être versée en pleine
propriété; nous sommes d'accord avec cela.
Quant à l'article 713, nous croyons l'article ambigu et nous
allons demander au gouvernement de nous présenter une nouvelle
rédaction de l'article, le cas échéant, afin d'enlever
l'ambiguïté. Je sais que le ministre de la Justice a dit qu'il aime
vivre dans l'ambiguïté et que les Québécois sont
heureux dans l'ambiguïté...
Mme Harel: Dans la franchise.
M. Marx: Dans la franchise. Mais je pense que dans le Code civil,
il faut enlever les ambiguïtés, le cas échéant,
même si... Il y a donc un différend sur deux points: sur les trois
huitièmes au Heu du quart et sur la question du cumul, qui est
discutable. Je ne pense pas que la commission ait vraiment décidé
de quelle façon on traitera finalement ce problème. En gros, nous
sommes d'accord avec vos recommandations et je suis sûr que le
gouvernement va en tenir compte en refaisant certains articles, pour la
dernière fois.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Puisqu'on a l'occasion d'avoir avec nous le Conseil du
statut de la femme, qui a procédé à cette étude et
qui a certainement un point de vue sur la créance alimentaire qui se
retrouvait comme proposition première, cela pourrait peut-être
appeler des commentaires de votre part et je souhaiterais les entendre
immédiatement. Avez-vous eu l'occasion de faire l'étude des
avantages et des inconvénients de la créance? Il faut rappeler
que le Québec reste l'un des rares endroits, quand on fait
l'étude des législations étrangères, où
prévaut actuellement la liberté illimitée de tester. On en
a fait presque un droit de la nature des droits fondamentaux, mais il faut bien
voir que c'est mis en brèche dans les pays de tradition civiliste par la
réserve, et dans les pays de droit anglais par la créance
alimentaire.
Le Président (M. Gagnon): Mme Boivin.
Mme Boivin: Oui. Dans le premier mémoire que le conseil
soumettait au gouvernement en septembre 1983, il faisait état de
l'examen qu'il avait fait des deux possibilités: ou de la créance
alimentaire ou de la réserve héréditaire. Après
mûre réflexion - je me souviens bien que le conseil avait
examiné longtemps les deux possibilités - il avait rejeté
l'option de la créance alimentaire parce que, selon lui, cela mettait
les conjoints dans une situation difficile de devoir se présenter devant
les tribunaux pour faire preuve du besoin dans lequel ils se trouvaient, et
souvent de devoir se présenter contre leurs propres enfants à un
moment déjà assez difficile. On sait que souvent les femmes
hésitent à. utiliser les recours prévus parce que cela
leur apparaît compliqué, coûteux, etc. et que ce 3ont
souvent des mesures qui, en fait, ne produisent pas tous les effets qu'on en
attendait.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Pour le mot de la fin
est-ce qu'il y a quelque chose à ajouter?
Mme McKenzie: J'ajouterais peut-être qu'il faut se rappeler
que cela vaut pour les deux conjoints et qu'il y a déjà des
femmes qui commencent à gagner un peu plus que leur conjoint. On ne se
dérobera pas aux règles de la réciprocité, M. le
Président. Il y aura donc aussi une protection - je voulais le dire pour
M. Leduc surtout - éventuellement pour les hommes. Ce sont la grandeur
et la servitude de l'égalité.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
Mme McKenzie: Je voulais vous remercier, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci mesdames McKenzie, Boivin,
Olivier et Blanchet et également au Conseil du statut de la femme que
vous représentez si bien.
J'inviterais maintenant la Chambre des notaires du Québec
à prendre place. On va suspendre nos travaux pour deux minutes, le temps
que les gens changent de places.
(Suspension de la séance à 10 h 58)
(Reprise à Il heures)
Le Président (M. Gagnon): Veuillez prendre place, s'il
vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaîtl
Je souhaite maintenant la bienvenue à la Chambre des notaires du
Québec, représentée par Me Jean Lambert, Me Denyse Fortin
et Me Julien Mackay. Je
rappelle tout simplement que nous accordons une heure par
mémoire, soit environ 20 minutes pour la présentation et 40
minutes pour une période de questions et réponses avec les
membres de la sous-commission. Me Lambert, je vous laisse la parole.
Chambre des notaires du Québec
M. Lambert (Jean): Merci, M. le Président. Je remercie
également les membres de cette commission de bien vouloir entendre
à nouveau les arguments de la Chambre des notaires, notamment l'opinion
mise de l'avant que vous retrouvez tout à fait en haut de la page 2 et
qui fait suite à toute une série de réunions auxquelles
les membres du comité de législation ainsi que d'autres personnes
ont assisté. Tout cela pour en arriver à nouveau au maintien de
notre opinion originelle, c'est-à-dire que la liberté de tester
demeure la solution la plus adéquate.
Tout d'abord, concernant la réserve héréditaire. La
Chambre des notaires considère que c'est un mécanisme qui ne
tient pas compte de la réalité de tous les jours. La nouvelle loi
sur le droit des successions se doit d'être en accord avec les habitudes
et les besoins du citoyen québécois. Elle doit également
promouvoir le développement du sens des responsabilités chez
l'individu et respecter l'autonomie de la personne.
La proposition voulant introduire dans notre droit une réserve
héréditaire met l'emphase sur le fait que celle-ci constitue un
mécanisme de protection de la famille immédiate du défunt.
Cependant, dans maintes situations, l'application automatique et
générale des règles proposées ne parviendra pas
à offrir la meilleure protection aux proches du défunt et elle
interdira même une attribution des biens qui aurait été
jugée tout à fait acceptable et équitable. On pense ici au
conjoint survivant qui doit voir à de multiples dépenses
rattachées à la résidence familiale en plus de devoir
subvenir à ses propres besoins alors que les enfants ne
nécessitent des fonds que pour leurs besoins personnels. Dans un tel
cas, il serait préférable que le testateur puisse laisser
à son conjoint l'ensemble de sa succession et que celui-ci voie au
bien-être de leurs enfants communs. L'administration des biens
reçus du défunt en serait facilitée pour le conjoint
survivant puisque l'on éviterait ainsi les tracasseries, les
autorisations et les délais qu'entraînent des administrations
distinctes résultant du morcellement de la succession entre le conjoint
survivant et les enfants.
Une autre situation de plus en plus fréquente de nos jours nous
pousse à nous interroger une fois de plus sur l'opportunité de la
réserve héréditaire. Il s'agit des cas de second mariage
où le testateur, veuf ou divorcé, a des enfants d'un premier lit
et où le second conjoint est financièrement à l'aise. Ne
serait-il pas convenable, dans une telle situation, que le défunt puisse
laisser l'ensemble de ses biens à ses enfants?
En ce qui concerne la réserve en faveur des enfants, elle ne nous
semble pas davantage appropriée. En effet, la réserve signifie
que chaque enfant du défunt recevra une part égale de la
succession sans tenir compte des circonstances familiales et de la situation
particulière de chacun de ses frères et soeurs. En ce sens,
l'égalité des enfants dans le partage de la part
réservataire paraît être une source de discrimination
vis-à-vis les enfants du testataire qui seraient plus démunis,
puisque cette égalité ne permet pas au testateur de faire les
distinctions que lui dicteraient les circonstances. En effet, l'application
générale de la réserve englobe autant les enfants mineurs
que les enfants majeurs à la charge du défunt qui, pour des
raisons de handicaps physiques ou mentaux, ne sont pas en mesure de subvenir
eux-mêmes à leurs besoins ou qui, bien que capables de prendre
soin d'eux-mêmes, refusent de le faire en attendant l'héritage de
leur auteur.
À cet égard, il est à craindre que la loi, en
créant un mécanisme de protection universelle, encourage les
enfants à demeurer dépendants de leurs parents le plus longtemps
possible, ce qui, à notre avis, n'est pas souhaitable. La loi devrait,
au contraire, favoriser chez l'enfant le développement de l'autonomie et
lui apprendre à devenir autosuffisant. Un mécanisme de protection
obligatoire, en faveur de l'enfant majeur à charge, pourrait avoir pour
effet, croyons-nous, de maintenir l'enfant dans un état de
dépendance et lui enlever la motivation nécessaire à
l'apprentissage de son autonomie et du sens des responsabilités. Enfin,
la philosophie sous-jacente à la réserve des enfants
reflète une conception plutôt traditionaliste de conservation des
biens dans la famille. Elle apparaît anachronique et en désaccord
avec la mentalité contemporaine.
Ces exemples de la vie courante démontrent, en fait, les
injustices que pourrait créer l'application d'une réserve
hériditaire. Compte tenu de la diversité des situations
familiales et monétaires dans lesquelles peut se trouver une personne
à son décès, l'application automatique et
générale de la réserve priverait le testateur
d'apprécier les circonstances qui sont les siennes et de prendre les
décisions appropriées.
Il convient donc de souligner, en outre, que l'introduction de la
réserve en faveur du conjoint survivant, à moins que les
époux ne puissent y renoncer par contrat de mariage, contribuera
à faire augmenter sensiblement le nombre des unions de fait qui se
situent
déjà, selon une étude du chanoine Jacques
Grand'Maison, à un niveau important au Québec, soit environ un
tiers des couples. Elle favorisera également l'augmentation du nombre
des divorces, particulièrement chez les couples qui, dans l'état
actuel du droit, avaient préféré la séparation de
corps ou tout simplement la séparation de fait au divorce.
L'introduction d'une réserve accélérera ainsi la rupture
de mariages au détriment de certains conjoints séparés que
la loi visait à protéger.
Il est dit dans le document gouvernemental, que le "mécanisme de
protection recherché doit tendre à assurer aux membres de la
proche famille du défunt une part minimale de sa succession, part qui se
voudrait soit la reconnaissance de leur participation à la vie
familiale, soit aussi la concrétisation, après le
décès, de l'obligation alimentaire qu'avait le défunt
envers eux."
À ce niveau, pour ce qui est du conjoint, celui-ci
bénéficie, selon les règles actuelles, d'une situation
privilégiée en ce sens que ses droits dans le patrimoine familial
qu'il a contribué à bâtir sont pleinement respectés.
Le régime légal de la société d'acquêts donne
au conjoint survivant le droit de recevoir la moitié des acquêts
de son conjoint. D'un autre côté, le choix du régime de la
séparation de biens fait présumer que les conjoints ont
opté pour ce régime en connaissance de cause et qu'ils en
acceptent les effets, soit que la compensation offerte par les donations
prévues au contrat de mariage leur paraissent satisfaisantes, soit que
les conjoints soient tous deux économiquement autonomes.
De plus, la prestation compensatoire permet de rétablir
l'équilibre financier qui aurait pu être rompu entre les
époux. Au cas d'abus, le conjoint survivant a donc la possibilité
de choisir de bénéficier des avantages découlant de son
régime matrimonial et, en outre, de demander la prestation
compensatoire. S'il y a eu véritable abus, la prestation compensatoire
sera en effet accordée. Dans les cas de second mariage, il est fort
probable que le nouveau conjoint soit économiquement autonome et, s'il
est lui-même veuf ou divorcé, qu'il ait reçu des sommes et
avantages provenant de diverses sources depuis ce temps.
D'autre part, il n'est pas toujours exact, dans ces cas, de
prétendre que l'application de la réserve constitue pour le
nouveau conjoint la reconnaissance de sa participation à la vie
familiale. En effet, une partie des biens transmis au conjoint survivant, par
l'effet de la réserve, n'aura aucument été acquise par le
conjoint décédé durant ce second mariage. Il nous semble
donc que la décision prise à ce niveau devrait appartenir au
testateur lui-même.
Si l'on regarde maintenant la situation des enfants, la très
grande majorité des testateurs n'ont, jusqu'ici, failli ni à
leurs responsabilités, ni à leurs devoirs à cet
égard et ont usé avec discernement de la liberté de tester
que leur reconnaît la loi actuelle. Dans les cas où les enfants
n'héritent pas, il s'agit souvent de situations où le testateur a
fait un testament en faveur de son conjoint qui a reçu une part
importante, sinon l'ensemble de la succession et pourvoit de cette façon
aux besoins de la famille. Selon un sondage mené auprès des
notaires, au début de mai 1982, la très grande majorité
des testateurs mariés, avec ou sans enfants, laissent l'ensemble de
leurs biens à leur conjoint et une infime portion seulement partage leur
succession entre leurs enfants et leur conjoint. Il convient de rappeler ici
que les enfants du défunt ne sont pas démunis à la suite
du décès de leur auteur, puisqu'ils conservent une créance
alimentaire à l'égard de leur parent survivant.
Un troisième point soulevé est que le mécanisme de
protection choisi doit être "simple, facilement applicable et susceptible
de favoriser un règlement rapide et harmonieux." L'application d'ordre
public de la réserve signifie que le testateur ne pourra adopter la
meilleure solution au point de vue planification, tant au niveau fiscal qu'au
niveau administration générale, de ses biens après le
décès, puisqu'il devra se plier aux exigences de la
réserve et diviser sa succession de la façon prévue. En
effet, les biens laissés aux enfants mineurs nécessiteront la
nomination de tuteurs. Il en est de même pour les enfants incapables
auxquels il faudra nommer un curateur. Ces obligations compliqueront
substantiellement la gestion des biens et ne sont pas de nature à
favoriser des prises de décision rapides dans le meilleur
intérêt de la famille.
La proposition d'une réserve en faveur des enfants, que l'on
justifie par la préservation de l'intégrité du patrimoine
familial et son maintien dans la famille, risque d'avoir pour
conséquence, en morcelant ce patrimoine, d'en favoriser la dilapidation.
De plus, le morcellement, dans le cas des petites successions, ne peut
qu'être défavorable aux proches du défunt. L'institution
d'une réserve en faveur des enfants mettra en péril certaines
petites et moyennes entreprises de type familial qui devront être
liquidées pour satisfaire à la réserve. Par ailleurs, dans
les situations de remariage, il est à craindre que l'institution d'une
réserve en faveur du conjoint survivant et des enfants suscite des
frustrations et rende peu harmonieux le règlement de la succession.
On nous dit également que la prédétermination
objective des droits et obligations de chacun aide à préserver la
paix familiale. On peut voir ceci d'une autre façon et craindre que le
fait de reconnaître
un véritable droit de propriété, lors du
décès, aux bénéficiaires de la réserve
n'augmente les occasions de conflits dans une famille et n'aboutisse, en
pratique, à brimer les droits du testateur sur ses propres biens
même de son vivant, ce dernier faisant l'objet d'une surveillance
tatillonne de la part des réservataires, sur la façon dont il
administre ses biens.
Un autre point, surprenant est l'affirmation que "la réserve
permet au testateur de connattre exactement la portée de ses droits et
obligations envers ses héritiers et de planifier sa succession." Il
serait plus vrai de dire que le testateur se fait imposer des règles qui
ne lui conviennent pas nécessairement. En réalité, le
testateur, comme nous l'avons mentionné plus haut, ne pourra
répartir ses biens au meilleur de sa sagesse et à l'avantage
maximal de ses proches. Chaque situation étant particulière, il
devra néanmoins, et d'une façon automatique, appliquer la
réserve et, pour le reste, faire du mieux qu'il pourra, sans pouvoir
éviter à ses proches les inconvénients pouvant
découler de l'application aveugle de la réserve.
Il convient de rappeler que les normes législatives doivent
être en harmonie avec les valeurs de la société qui y sera
assujettie. Or, il nous semble que dans le secteur privé, à tout
le moins, le citoyen québécois tente de s'affranchir des
interdits et souhaite qu'on lui reconnaisse la possibilité de
gérer ses affaires et de se prendre en charge de façon autonome
et responsable.
Les dispositions proposées concernant la réserve viennent
à contre courant de ces aspirations légitimes. En effet,
l'adoption d'une réglementation stricte et impérative, laissant
peu de choix au testateur, dénote un manque de confiance envers
l'individu que l'on semble présumer, a priori, irresponsable et
incapable de disposer de ses biens d'une façon équitable à
l'égard des personnes envers lesquelles il assume des
responsabilités; présomption qui n'est corroborée
aucunement par l'expérience pratique. Une telle réglementation
apparaît discutable en ce qu'elle encourage à moyen et à
long terme une attitude d'irresponsabilité de la part du citoyen qui se
voit de plus en plus pris en charge par le législateur qui lui dicte sa
conduite. C'est pourquoi la Chambre des notaires recommande de laisser au
testateur le choix d'agir en personne raisonnable et responsable en faisant les
choix qu'il estime les meilleurs pour les siens en fonction des besoins
réels de chacun. En effet, les situations vécues sont beaucoup
trop diversifiées aujourd'hui pour que le législateur
réussisse à améliorer la situation en tentant d'imposer un
modèle unique.
À cet égard, il pourrait être dangereux qu'à
la longue les gens en viennent à considérer la norme que le
gouvernement aura fixée, par l'introduction d'une quotité dans un
article du code, comme étant la norme acceptable. En d'autres termes, il
se pourrait que, pour certains citoyens, la proportion, par exemple, d'un quart
allant automatiquement au conjoint soit jugée comme étant
convenable, puisque l'État en a décidé ainsi. On pourra,
à ce moment, disposer du reste en l'attribuant à d'autres
personnes.
La renonciation à la réserve par contrat de mariage. Si,
malgré les inconvénients importants que comporte l'introduction
d'une réserve héréditaire en faveur du conjoint survivant,
le gouvernement jugeait à propos d'adopter une telle mesure, la Chambre
des notaires du Québec est d'avis que la loi devrait permettre à
ceux qui le désirent de renoncer à ce droit successoral par
contrat de mariage. La Chambre des notaires estime en effet que, compte tenu de
la diversité des situations dans lesquelles un défunt peut se
trouver, il n'est pas souhaitable de faire de la réserve
héréditaire un droit successoral d'ordre public.
Le principe de la renonciation à la part réservataire du
vivant des deux époux est d'ailleurs déjà présent
dans le projet d'articles soumis à notre considération. En effet,
l'article 707 prévoit que les libéralités auxquelles le
réservataire a consenti ne peuvent être réduites. Ceci
équivaut, à notre avis, à une renonciation partielle et
indirecte à une partie de la part réservataire. La Chambre des
notaires estime donc que, si une renonciation partielle est possible, il
devrait également être permis, par contrat de mariage, de faire
une renonciation totale à la réserve, si tel est le désir
des époux. (Il h 15)
Contrairement à ce que certains prétendent, la
renonciation à la réserve ne deviendra pas, selon nous, une
clause de style des contrats de mariage, à la condition que la
population soit bien informée de ses droits. On en parlait justement
tantôt avec les intervenants qui nous ont précédés.
La Chambre des notaires recommande donc que des programmes d'éducation
populaire soient établis afin de permettre aux futurs époux de
mieux connaître leurs droits et ainsi de prendre librement une
décision éclairée face, notamment, à la question de
la réserve héréditaire.
Par ailleurs, la possibilité de renoncer à la
réserve par contrat de mariage permettra, à ceux qui
désirent se marier à un âge avancé, de concilier
leurs désirs légitimes d'avantager uniquement leurs enfants
respectifs tout en respectant leurs convictions religieuses qui leur
interdisent de vivre ensemble sans être mariés.
L'argument, voulant que la renonciation
à la réserve par contrat de mariage soit contraire
à la règle interdisant tout pacte sur une succession future, est
peu convaincant, puisque notre droit a toujours admis des exceptions à
cette règle, pourvu que la volonté des parties soit
exprimée dans un contrat de mariage. Le fait de permettre la
renonciation à la réserve par contrat de mariage serait donc
conforme à la tradition civiliste que nous avons toujours connue.
La suggestion faite dans le document gouvernemental que tout
réservataire pourrait, après l'ouverture de la succession,
renoncer à la protection que lui accorde la loi nous semble peu
réaliste. En effet, le conjoint survivant, qui serait avantagé
par la réserve, n'a aucun intérêt à renoncer
à cet avantage et la Chambre des notaires est d'avis que, notamment dans
le cas d'un second mariage, le conjoint survivant, qui ne serait pas le parent
des autres héritiers du défunt, n'aura personnellement aucun
intérêt à renoncer à la réserve, même
s'il n'en a aucunement besoin. En conséquence, elle estime que c'est
beaucoup présumer de la magnanimité de l'être humain que de
penser que le conjoint survivant renoncera, au moment de l'ouverture de la
succession, à la réserve que lui accorde la loi dans le cas ou il
jugerait suffisants les avantages que lui procure la succession.
La Chambre des notaires estime donc que la renonciation à la
réserve devrait pouvoir être négociée entre les
futurs époux au moment où ils décident de se marier et
fixent entre eux leurs rapports pécuniaires, tant pour l'avenir
immédiat que dans le cas du décès de l'un d'eux, et elle
recommande fortement qu'une telle possibilité soit introduite dans la
loi.
Le cumul des avantages résultant du régime matrimonial. La
Chambre des notaires souligne que plusieurs règles sont absentes du
projet d'articles concernant la réserve héréditaire et,
notamment, les règles concernant le cumul des avantages matrimoniaux et
des droits successoraux.
En conséquence, il fut extrêmement difficile de faire des
commentaires sur certains aspects de la réserve
héréditaire, compte tenu du fait que l'on ne connaissait pas
exactement le cadre d'application du cumul dont le projet du gouvernement
traite à la page 27 de son rapport.
Ainsi, dans l'exemple suivant, quel serait le maximum de la
réserve, compte tenu de la règle voulant que l'addition des
avantages du régime matrimonial et de la réserve ne constitue pas
plus de la moitié en valeur de la succession? Il y a trois exemples
numérotés qui vous sont soumis.
En conclusion, autrement dit, l'avantage du régime matrimonial
est-il la différence entre les acquêts que le conjoint survivant
reçoit et ceux qu'il remet aux héritiers du défunt ou
est-ce le montant des acquêts reçus du défunt?
Autre question, la responsabilité du passif. Le second point
où certaines questions demeurent sans réponse est celui de la
responsabilité du passif successoral en cas de réserve
héréditaire. À titre d'exemple, qui est responsable du
paiement de la réserve et dans quelles proportions? Est-ce que ce sont
les mêmes héritiers que ceux qui sont responsables du passif
successoral et en proportion de leurs legs? Est-ce que les légataires
particuliers pourraient être tenus de réduire leurs legs pour
pouvoir payer la réserve?
Quelle serait, par ailleurs, la responsabilité du
réservataire quant au passif successoral? Autrement dit, le
réservataire peut-il être appelé à assumer le passif
de la succession et ce, dans quelle proportion? Le réservataire est-il
assimilé, aux fins du paiement du passif de la succession, à un
héritier ab intestat, à un légataire à titre
universel ou à un légataire particulier?
L'assimilation des assurances aux libéralités
réductibles. Selon la Chambre des notaires, les
libéralités prévues à l'article 713,
c'est-à-dire les assurances ainsi que les régimes de retraite et
de rentes, ne feraient pas partie de la masse fictive prévue à
l'article 704, aux fins du calcul de la réserve. En effet,
l'interprétation des termes utilisés aux articles 704, 707 et 713
laisse croire que les assurances ne sont pas des libéralités au
sens de l'article 704, puisqu'elles sont seulement assimilées, selon les
termes mêmes de l'article 713, à des libéralités
lorsqu'il sera nécessaire de procéder à des
réductions pour assurer le paiement de la part réservataire.
La Chambre des notaires est favorable à ce que les sommes
exigibles en vertu d'un contrat d'assurance, ainsi que les primes et les
contributions versées par le défunt à un régime de
pension ou de rentes, ne soient pas incluses aux fins de l'établissement
de la masse fictive sur laquelle sera calculée la part
réservataire, car la réserve est une mesure qui contrevient au
principe de la liberté individuelle et la composition d'une masse
fictive demeure, dans notre droit, une règle d'exception.
La Chambre des notaires recommande, par ailleurs, d'exclure totalement
de l'application de l'article 713 les assurances qui sont prises notamment
entre associés ou actionnaires dans le cadre de relations d'affaires.
Nous estimons en effet que ce type d'assurance est un élément de
protection des associés entre eux afin d'assurer, soit la survie de
l'entreprise ou le rachat des parts du défunt et qu'il ne comporte, de
façon générale, aucun intention de
libéralité de la part du défunt à l'endroit de
l'associé bénéficiaire.
Ces assurances, même si elles sont contractées dans les
trois ans précédant le
décès, ne devraient jamais être assimilées
à des libéralités réductibles devant servir au
paiement de la part réservataire.
La survie de la créance alimentaire. La Chambre des notaires est
d'avis que l'objectif premier des règles concernant la survie de la
créance alimentaire devrait être d'offrir un mécanisme de
protection aux personnes qui seraient véritablement dans le besoin en
raison du décès du défunt et de leur permettre de
traverser la période de transition les menant de la dépendance
à l'autonomie financière. Le second objectif poursuivi par les
recommandations que nous avons faites à cet égard est la
déjudiciarisation du processus de la créance alimentaire
après le décès.
Il nous semble que, dans la mesure du possible, tout devrait se passer
pour celui qui recevait déjà une pension alimentaire, et pendant
une période limitée, comme si le défunt vivait encore.
C'est pourquoi la Chambre des notaires recommande que, dans le cas où
une personne recevait une pension alimentaire du défunt avant son
décès, cette pension lui soit versée automatiquement pour
une période de six mois. Le montant de cette pension ne pourrait en
aucun cas être supérieur à ce que le créancier
alimentaire recevait effectivement du défunt antérieurement au
décès de ce dernier.
La Chambre des notaires recommande, d'autre part, de soustraire à
l'application de l'article 715 le cas des créancière alimentaires
qui s'étaient fait reconnaître un droit alimentaire contre le
défunt sans, toutefois, l'avoir effectivement exercé. Cette
recommandation vise à éviter que les jugements en viennent
à reconnaître, d'une façon automatique, le droit d'un
ex-conjoint à une pension alimentaire, alors que ce dernier est en
mesure de subvenir à ses besoins.
Vous trouverez aux pages suivantes les commentaires, article par
article, et des reformulations des dispositions au sujet desquelles la Chambre
des notaires souhaiterait voir apporter des modifications. Nous demeurons
à votre entière disposition pour l'élaboration et
l'étude des amendements que nous vous recommandons d'apporter au projet
de loi 20, notamment en ce qui concerne nos propositions relatives à la
liberté de tester et nous vous assurons de notre constante
collaboration.
Dans cet esprit de collaboration, M. le Président, la Chambre des
notaires a entrepris de faire effectuer un sondage par la maison SORECOM
auprès de la population du Québec pour connaître son
opinion sur cette question. On nous a garanti que les résultats seraient
connus le 10 octobre prochain. Il va sans dire que, peu importe le sens des
conclusions de ce sondage, celui-ci sera rendu public par la Chambre des
notaires et, évidemment, copie de la méthodologie ainsi que du
travail d'analyse sera transmise à cette commission.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Me Lambert. Avant de
laisser la parole à Mme la députée de Maisonneuve et
adjointe au ministre de la Justice, je voudrais souligner l'arrivée de
Me Yves Demers. Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, Me Lambert, je
ne sais si ce sondage que nous connaîtrons en même temps que vous -
si je comprends bien très bientôt, la semaine prochaine, pour
faire effectuer cette consultation auprès de la population reprendra la
formulation que l'on retrouve dans votre mémoire à savoir,
justement, ce préambule ou ce paragraphe sur lequel vous avez
attiré notre attention et qui dit: La Chambre des notaires est d'avis
que le maintien de la liberté de tester demeure la solution la plus
adéquate. Donc, je ne sais si le sondage reprendra la formulation: le
maintien de la liberté illimitée ou de la liberté absolue
ou de la liberté tout court de tester. Je crois qu'il s'agit plus que de
nuances, il s'agit de réalités qui s'expriment ensuite dans des
projets qu'on a à débattre en commission parlementaire.
Oui, la liberté absolue ou illimitée de tester est mise en
cause, mais la liberté de tester demeure. Je crois qu'il pourrait
être sage, lorsqu'on tient une consultation auprès de la
population, de faire la distinction entre ces deux réalités,
parce qu'il y a maintien de la liberté de tester sur la partie de la
succession qui résulte des calculs faits de la part réservataire.
Ce qui est en cause, maintenant, c'est la liberté illimitée ou la
libertée absolue de tester.
Vous le savez certainement, Me Lambert, parce que je sais que
vous-même et vos collègues de la Chambre des notaires avez
participé très assidûment à tous les travaux de la
sous-commission, vous connaissez l'état des législations
étrangères, en fait, et on a au-delà d'une vingtaine de
lois qui ont été étudiées par la commission. De
mémoire, je crois que ce n'était qu'en Californie, le seul
État où l'on préservait cette liberté absolue, mais
encore là, il y avait un tempérament puisqu'il me semble qu'il
pouvait y avoir révocation partielle s'il était prouvé que
le testament n'avantageait pas tous les enfants et le conjoint survivant. La
Californie était le seul cas. C'est donc dire que, dans l'ensemble des
législations étrangères étudiées, il
était clair que le Québec restait un des rares endroits où
prévalait cette liberté illimitée ou cette liberté
absolue. Je vais poursuivre rapidement parce qu'on a peu de temps...
Pardon?
M. Marx: ...
Mme Harel: Vous nous dites: Il serait préférable
que le testateur puisse laisser à son conjoint l'ensemble de sa
succession si tant est que son conjoint avait à assumer des
dépenses. Je pensais, en écoutant votre mémoire, que
parfois le mieux est l'ennemi du bien parce que sans doute ce serait
préférable, mais il est aussi possible qu'il ne lui reste rien du
tout. Finalement, cette recommandation que l'on fait, c'est non pas pour
intervenir lorsque justement... Vous le mentionnez, je crois, dans votre
mémoire, en fait, la grande majorité des testateurs laissait
l'ensemble de leurs biens à leur conjoint. Cela ne sera donc pas une
contrainte pour eux, mais il peut devenir nécessaire d'avoir une mesure
de protection adéquate. Ce n'est que dans ces cas-là que,
finalement, va jouer ce mécanisme de réserve
héréditaire.
D'autre part, je pense qu'il faut voir, il faut insister sur le fait
que, s'il y a des situations particulières, on parle d'enfants à
charge qui peuvent présenter parfois une contribution plus grande de la
part du testateur à cause d'un handicap ou autre chose le testateur
pourra toujours compenser sur, justement, la part de sa succession qui
résulte. Il pourra très bien, comme vous le dites,
apprécier les circonstances et prendre les décisions
appropriées. Il lui demeure donc possible de compenser, si telle
était sa volonté, les difficultés qui peuvent se
présenter pour un enfant en particulier, les compenser par une
contribution accrue lorsqu'il rédigera son testament.
Vous nous avez beaucoup parlé de la prestation compensatoire. Je
crois que vous mentionnez - je pense que vous avez raison -que la part
réservataire est moins nécessaire dans le cadre d'un
régime matrimonial en société d'acquêts ou en
communauté de biens, mais que, lorsqu'il y a séparation de biens,
elle peut être utile. Je ne crois pas, parce qu'à ce
moment-là, si tel était le cas, l'ensemble des
sociétés... Elles sont très nombreuses et majoritairement
nombreuses ces sociétés qui se sont donné ce type de
mécanisme de protection. Je ne sache pas que cela ait pour autant
amplifié l'irresponsabilité de leurs citoyens. Je crois que,
quand on nous parle... Si je reviens à la prestation compensatoire qu'on
retrouve dans votre mémoire à la page 5, il faut voir que la
prestation compensatoire nécessite une preuve de la part du conjoint et
dans des cas bien particuliers, parce qu'il faut vraiment prouver avoir
contribué à l'enrichissement, et cela va bien au-delà des
charges qui découlent normalement du mariage. (Il h 30)
Alors, je ne pense pas que cela vienne compenser pour un très
grand nombre de conjoints qui ont contribué à des
coresponsabilités dans le domaine du mariage, mais qui ne pourront pas
prouver avoir contribué au-delà de cela à l'enrichissement
de leur conjoint.
Ce sont les commentaires que j'avais à la lecture de votre
mémoire et à la suite d'autres interventions. Alors, on pourra
peut-être continuer cette réflexion.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous voulez
répliquer à ces commentaires?
M. Lambert: Oui, si vous me permettez, M. le Président, je
vais essayer de faire cela, brièvement, d'abord, pour assurer à
Mme la députée de Maisonne'jve qu'on a voulu faire le sondage
très sérieusement. Évidemment, les questions ne sont pas
posées dans le sens suivant: Êtes-vous pour ou contre la
liberté absolue de tester? Parce que, pour le citoyen ordinaire, cela
devient des notions un peu éloignées. Les questions ont
été posées dans des mises en situation concrètes.
C'est à partir de cela qu'on a posé les questions par exemple
est-ce que vous êtes d'accord qu'une partie de... pour être bien
fidèle à cela. C'est dans cet esprit.
D'ailleurs, on s'est engagé à rendre public tout le
processus, y compris le questionnaire, et je pense que le sondage ne sera pas
un outil qui va venir rouler complètement tout ce qui s'est fait ou
toutes les études, mais je pense que cela va être un indicateur de
l'opinion de la population. On a pensé que c'était important,
parce qu'on voit que les gens sont divisés. C'est une question qui va
engager l'avenir pour longtemps.
On a pensé que l'opinion de la population là-dessus, et
ceci, dans une cueillette très honnête, est importante pour
éclairer le travail du législateur. C'est dans cet esprit qu'on
l'a fait et on est même prêt à le divulguer, peu importe que
ce soit des positions qui ne fassent pas notre affaire. On a pris ce
risque.
Madame, vous mentionnez la Californie. La Californie a un régime
matrimonial de communauté de biens, sauf erreur. C'est peut-être
une des raisons qui fait que vous ne retrouvez pas la réserve. Je vous
dirais également que le principe de la réserve tire son origine
du temps de Louis XIV - ce n'est rien de moderne - et que Napoléon, qui
est celui qui l'a implanté d'une façon très rigoureuse,
voyait dans cette façon, une façon de diluer les fortunes pour
connaître de moins en moins d'opposition, parce qu'on sait que les
familles - du moins, à cette époque - riches pouvaient s'opposer
au maître de l'État. Alors, en diluant les fortunes, en les
éparpillant, en les morcelant, cela aidait beaucoup le souverain
à pouvoir gouverner davantage.
En Europe, il se fait actuellement beaucoup d'écrits; on critique
beaucoup la
réserve et les principes. On s'aperçoit, entre autres...
Je pourrais vous donner comme référence, par exemple, un ouvrage
de Georges Berthier, publié dans le Club de l'Horloge, intitulé
"Vivre la propriété", Albin Michel, 1984. Il y a tout un chapitre
intitulé le "Chaînon de l'héritage" où on critique
vraiment en profondeur les principes de réserve. On fait la comparaison
avec ce qui se passe en droit anglo-saxon et dans les pays anglo-saxons,
où on peut dire, pour résumer, que là où on laisse
la plus grande liberté aux citoyens, c'est là qu'on trouve que la
propriété se porte le mieux.
Ce que les auteurs mentionnent - il y en a un autre qui est Henri
Lepage, "Pourquoi la propriété?" dans la collection Pluriel,
1985; c'est un chapitre intitulé "À propos d'héritages" -
c'est ceci: Pendant le vivant de la personne, on lui accorde un droit absolu de
propriété - évidemment, à l'intérieur de
l'ordre public et des bonnes moeurs, on se comprend - un droit d'usus, de
fructus et d'abusus sur ses biens. Mais, au moment de son décès,
on ne lui reconnaît plus ce droit.
Les auteurs mentionnent que cette liberté de pouvoir
léguer le capital à ceux qui pourront continuer de le faire
croître fait partie de l'hérédité, au même
titre, un peu, que les gènes, et que, dans l'histoire d'une
société du monde, c'est important que cette possibilité
demeure la motivation chez bon nombre d'individus qui, passé l'âge
moyen, continuent de produire plutôt que de s'asseoir et de consommer ce
qu'ils ont acquis et accumulé avant. Ceci dans le but de faire
croître davantage de capital et les entreprises. C'est vitement
résumé, mais il y a des propos absolument très
intéressants qui originent de cette Europe qui a donné naissance
à la réserve.
J'aimerais également juste mentionner un point au sujet des
enfants. C'est une citation de Montesquieu qui dit: "La loi naturelle ordonne
aux pères de nourrir leurs enfants, mais elle ne les oblige pas à
les faire héritiers." Je pense que ça dit tout. Madame
mentionnait tantôt que la réserve semblait s'appliquer avec plus
de pertinence dans les cas de séparation. Je lui retourne la question
pour lui dire: Est-ce qu'on serait prêt, à ce moment-là,
à limiter la réserve uniquement à ceux qui seraient
mariés sous un régime séparatiste? Je ne sais pas si j'ai
bien compris votre remarque, tantôt.
Le Président (M. Gagnon): Je pense que Me Denyse Fortin
voulait ajouter quelque chose, mais juste avant, je voudrais vous demander, si
possible, de nous prêter la liste des auteurs que vous avez
mentionnés, de façon que les membres de la commission puissent en
avoir une photocopie. Est-ce possible?
M. Lambert: Oui, oui.
Le Président (M. Gagnon): Bon. Alors, Me Fortin.
Mme Fortin (Denyse): C'est tout simplement pour répondre
à l'argument de Mme Harel qui disait: Nous sommes un des rares pays
à conserver la liberté illimitée de tester. Je vais dire
oui et non, en ce sens qu'il faut s'entendre si on parle de pays qui ont une
réserve en faveur du conjoint ou qui ont une réserve en faveur
des enfants. Est-ce qu'on parle de pays qui ont une réserve ou qui ont
une créance alimentaire? Tout cela est bien différent.
D'après ce qu'on a pu comprendre de nos études, et même
d'après votre document, on nous dit que dans les pays où il y a
une réserve,, elle donne priorité aux enfants. Quand on parle de
réserve en faveur du conjoint, il ne faut pas prendre comme
modèle les pays dont les réserves s'appliquent surtout aux
enfants. À ce moment-là, de dire qu'on justifie la réserve
au conjoint par ces pays, je pense que c'est imcomplet ou inexact.
Par contre, quand on pense aux pays de "common law" qui s'appuient sur
une créance alimentaire, il ne faut pas du tout dire que tous ces pays
ont une réserve. Ils ont un mécanisme de protection, d'accord,
mais qui n'est pas sous forme de réserve héréditaire, si
on s'attaque à ce principe même. Il faut faire beaucoup de nuances
avant de dire qu'on est le seul pays qui a encore une liberté
illimitée de tester.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier les
membres de la Chambre des notaires d'être venus discuter les
modalités de ce chapitre dans le projet de loi même. Si je me
souviens bien, autrefois, à la Faculté ou aux faculté de
droit, on a expliqué la liberté illimitée de tester comme
suit. On a dit que c'était peu probable que quelqu'un
déshérite sa femme et ses enfants autrefois, mais la
liberté illimitée de tester a donné une certaine
autorité au père, au mari, surtout, et notamment sur sa femme,
parce qu'il pouvait déshériter sa femme, donc se donner une
certaine autorité, un certain pouvoir sur sa femme.
Aussi, on a expliqué cette liberté illimitée de
tester en disant que, si l'héritage avait été garanti par
la loi, il y a des gens qui auraient souhaité le décès des
testateurs. Et on a voulu garder ce régime. Je pense que
l'autorité du conjoint sur sa femme, peut-être que ça joue
encore dans ce pouvoir illimité de tester, mais, de toute façon,
c'est ce qu'on a dit autrefois dans les facultés de droit;
peut-être que les théories
ont changé.
Si je me souviens bien, dans un de vos autres mémoires, vous avez
dit qu'entre la créance alimentaire, qu'on trouve dans le projet
initial, et la réserve successorale, vous préférez la
réserve successorale. Donc, entre ces deux choix, nous avons suivi les
recommandations de la chambre.
M. Mackay (Julien): La première recommandation, c'est
qu'on est contre et l'un et l'autre.
M. Marx: Ah: Contre l'un et l'autre.
M. Mackay: On a dit clairement que, si le gouvernement
choisissait d'imposer l'une des deux solutions, on choisissait le moindre mal.
Je pense que c'est dit clairement dans notre...
M. Marx: Le moindre mal... Au moins, on a fait cela.
M. Mackay: Et on revient très clairement avec le premier
paragraphe de notre mémoire, en page 2, où on dit que la Chambre
des notaires est d'avis que le maintien de la liberté de tester demeure
la solution la plus adéquate. Il faut que ce soit clairement dit.
M. Marx: Oui, oui.
M. Mackay: Si on se permet de commenter subséquemment la
réserve alimentaire, ce n'est pas nécessairement parce qu'on est
d'accord sur celle-ci.
M. Marx: D'accord.
M. Mackay: Mais on ne voudrait pas que vous
légifériez sur la réserve alimentaire in absentia de la
Chambre des notaires sous prétexte qu'on aurait refusé de se
prononcer. On se prononce, mais toujours sous condition suspensive.
M. Marx: Le moindre...
Le Président (M. Gagnon): Me Denyse Fortin a quelque chose
à ajouter.
Mme Fortin: Je voudrais ajouter justement que, si on doit choisir
entre deux mécanismes de protection, on préfère la
réserve parce qu'elle évite le contentieux...
M. Marx: C'est cela.
Mme Fortin: ...elle évite des tas de problèmes.
Mais, par contre, on aimerait bien que les gens qui n'en veulent pas puissent y
renoncer, et, avec des programmes d'éducation populaire où les
futurs époux seront bien avisés de leurs droits, ils pourront
négocier à l'intérieur d'un contrat de mariage et y
inscrire: Je renonce à une part réservataire sur tes biens, mais,
en contrepartie, j'apprécierais recevoir une donation de tel montant. Et
ce genre de choses va se négocier.
M. Marx: Oui.
Mme Fortin: Cela permettra probablement, comme je vous dis,
à des couples où les deux conjoints, par exemple, étant
parfaitement égaux sont financièrement égaux
également, de décider qu'ils veulent chacun avantager leurs
enfants respectifs. Ces cas-là existent aussi. Il ne faut pas les mettre
de côté.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Je vous remercie d'avoir apporté des
précisions sur vos anciens mémoires. Je vois mal, en ce qui
concerne les relations humaines, qu'avant de se marier, deux jours avant ou une
semaine avant, on commence à discuter le partage. Le mari va dire
à sa future épouse: Je t'aime beaucoup mais je ne veux pas te
laisser un quart, le cas échéant, je veux avoir le droit
illimité de tester parce qu'il pourrait arriver que j'aimerais laisser
cela à une autre personne ou à une institution quelconque. Je ne
pense pas ce soit souhaitable qu'on commence...
Mme Fortin: J'aimerais laisser la parole à Me Yves Demers
qui fait régulièrement des contrats de mariage.
M. Marx: C'était seulement une remarque en marge. Vous
avez dit qu'il n'y a pas d'abus et que la grande majorité des conjoints
laissent leurs biens à leur conjointe. Donc, s'il n'y a pas beaucoup
d'abus, on ne va pas changer grand-chose avec la loi, on va seulement
entériner ce que les gens font maintenant, sauf dans le cas où
quelqu'un voudrait abuser.
Le Président (M. Gagnon): Me Fortin. M. Marx: Si
cela se fait...
M. Lambert: Je dois dire, M. Marx, qu'il est plutôt rare
qu'on voie l'État légiférer lorsque cela va
généralement très bien. Pour répondre aussi
à un argument que Mme Harel a amené et qui est semblable à
celui que vous venez d'émettre, c'est que les gens n'aiment pas
être forcés. Lorsqu'ils se conduisent en gens responsables et
qu'on consacre leur irresponsabilité dans un texte de loi, cela devient
choquant.
M. Marx: Oui, mais tout le Code civil
est fait de règles pour limiter quelque chose, toutes nos lois...
Chaque fois qu'on adopte une loi, on limite quelque chose: les contrats...
M. Lambert: Je suis d'accord. À un moment donné,
par exemple, si on veut déterminer le droit à la clôture,
cela est... Mais lorsqu'une situation ne cause pas de problème, on se
demande pourquoi arriver et obliger les gens à faire quelque chose. Cela
risque de créer beaucoup de négativisme.
M. Marx: Oui, mais autrefois, il était possible de signer
un bail en lisant seulement les articles du Code civil. Maintenant, il faut
lire une foule de lois pour connaître ses droits. Cela aussi est...
Une voix: C'est la réglementation. (Il h 45)
M. Marx: ...c'est aussi une limite au droit de contracter, au
droit illimité de contracter...
Le Président (M. Gagnon): Me Mackay.
M. Marx: ...entre la réserve successorale et d'autres
limites, je ne vois pas de différence de fond.
M. Mackay: On dit au législateur: Arrêtez d'en
faire. La Chambre des notaires a...
M. Marx: Oui, c'est cela, mais...
Le Président (M. Gagnon): Attention: Attention!
M. Marx: Sur cela, je ne suis pas d'accord avec vous.
Le Président (M. Gagnon): Oui, mais...
M. Marx: Sur ce point, on dit: Arrêtez d'en faire, sauf
pour les règlements et les lois que je veux dans mon entreprise, dans
mon industrie, dans ce que je pense être bon pour la population. Parce
que les gens nous disent: Ne réglementez pas dans ce domaine, mais, dans
mon domaine, on a besoin d'une certaine réglementation pour
protéger les emplois, pour telle et telle raison.
Le Président (M. Gagnon): M. le député, on
va laisser Me Mackay répondre.
M. Marx: Ce n'est pas un blâme que je porte à la
chambre. Mais, en général, sur la question de ne pas trop
légiférer, on dit de ne pas trop légiférer dans les
domaines en général, mais, dans mon domaine, dit-on, je veux
avoir une réglementation serrée pour telle et telle raison...
Cela arrive souvent. Pour le droit d'ouvrir les magasins le dimanche, tout le
monde est venu ici pour nous dire: C'est dans l'intérêt public
qu'on ne puisse pas ouvrir le dimanche. Tout le monde veut avoir une
réglementation pour qu'il n'y ait pas d'importation de souliers de je ne
sais pas où au Québec. Tout le monde veut toutes sortes de
réglementations pour leurs entreprises, pour leurs industries, mais pas
pour d'autres. C'est cela le...
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie, M. le
député de D'Arcy McGee. Maintenant, il y a Me Mackay, Me Demers
et Me Fortin ainsi que Mme la députée de Maisonneuve qui ont
demandé la parole. Me Mackay.
M. Mackay: Pourtant, Me Marx, on subit un vent, un souffle de
déréglementation sur toute la planète, je pense, pour
répondre à votre objection.
M. Marx: D'accord avec vous, mais le problème...
M. Mackay: Pour la première chose que vous avez dite sur
la question de la liberté, ce qu'on a étudié à
l'université quand on étudiait notre droit, je pense que
c'était dans le contexte de la communauté de biens. Je vois
mal... Je ne me souviens pas qu'on ait dit, au moment d'étudier la
liberté de tester qu'on prônait, que c'était dans le but de
garder une certaine autorité 3ur l'épouse. À ma
connaissance, c'était dans le cadre de la communauté de biens qui
était le régime légal, à ce moment-là,
où chacun des époux a la moitié des biens et est
parfaitement libre d'en disposer en faveur de qui il veut. Ce sont des
situations que j'ai vécues comme praticien, où un des
époux venait me trouver et me disait: Je suis en communauté.
Est-ce que j'ai le droit de disposer de ma moitié? Oui, monsieur. Oui,
madame. Et là, il en disposait comme il l'entendait. Je pense que c'est
ce qui est un peu l'égalité des conjoints.
L'autre pays - on parlait tantôt de la Californie - à ma
connaissance, c'était l'Afrique du Sud. C'est peut-être un mauvais
exemple à donner de nos jours, mais j'ai toujours appris que les deux
pays où il y avait la liberté illimitée de tester au
monde, c'était la Californie et l'Afrique du Sud. Je vous dis cela en
passant. Je n'ai pas fait d'études particulières. Vous avez
soulevé le problème du marchandage qui se fait un peu avant le
mariage. Je vous conseillerais de lire la pièce d'Honoré de
Balzac qui s'intitule "Le contrat de mariage". C'est assez loufoque, mais c'est
de la littérature française où on voit ce marchandage
éhonté qui se fait au point de vue financier
antérieurement au mariage. Et cela va peut-être illustrer un peu
dans quel esprit le législateur français a effectivement
travaillé
dans le sens dont parlait le président Lambert tantôt
à la suite des interventions de Louix XIV. Cela nous donne une bonne
idée de ce que c'est. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Me Deniers, en soulignant
à tout le monde qu'il reste neuf minutes.
M. Demers (Yves): Je vais être très bref. C'est un
peu à la suite de la remarque du député de D'Arcy McGee,
M. Marx, concernant les négociations justement préalables au
contrat de mariage. Il faut se dire qu'effectivement, quand les gens viennent
faire un contrat de mariage, d'abord aujourd'hui, l'homme et la fille sont
généralement très avertis de leurs droits. Ce n'est pas
comme il y a dix ans ou vingt ans. Cela a changé
considérablement, et, effectivement, il se fait le plus souvent une
bonne négociation quant aux donations qui sont convenues dans le contrat
de mariage et même quant au choix du régime. Il ne faut pas croire
que tout se passe... et que le notaire ne fait que ce qu'il veut dans tout
cela. Il y a vraiment des explications qui sont fournies aux parties, et les
gens font des choix éclairés. On croit, quant à nous, que
la possibilité pour les futurs époux de choisir d'échanger
une réserve contre des donations de montants précis peuvent faire
partie d'une bonne négociation dans certains cas, surtout lorsqu'il
s'agit d'un deuxième mariage, lorsque cela devient de plus en plus
évident.
Je voulais aussi vous souligner, quant à la réserve au
profit des enfants, qu'une des objections que nous avions était que dans
les petites successions, cela morcelait le patrimoine entre le conjoint d'une
part, les enfants d'autre part et laissait peu de possibilités au
défunt. Au Québec il ne faut pas croire que toutes les
successions sont grosses ou impliquent de forts montants. Très souvent -
c'est dans la majorité des successions, je pense - les montants en cause
sont relativement faibles. Or, morceler cela entre un conjoint et des enfants
qui, souvent, sont à la maison alors qu'ils devraient être partis
ou ailleurs et qui se laissent porter par la vague, tout cela va certainement
nuire au conjoint. À l'intérieur d'un choix de réserve, je
pense que la réserve au profit des enfants ne pourra que nuire au
conjoint dans la grande majorité des cas.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous permettez une
courte question?
M- Marx: On n'a pas vraiment répondu à la question
que j'ai posée il y a quelques minutes. S'il est vrai qu'il n'y a pas
d'abus, que la coutume veut que les conjoints laissent leur héritage
à leur femme, tout ce qu'on va faire ici, dans la loi, c'est
d'entériner dans une certaine mesure la coutume existante. Je ne vois
pas que l'on fasse tellement mal...
Mme Fortin: Est-ce que je peux répondre à cela, M.
le député, que vous allez entériner la coutume existante
dans peut-être un grand nombre de cas; mais dans les cas où, si on
parle encore de second mariage, le conjoint ne voudrait pas laisser ses biens
à son conjoint parce que, au fond, le capital, les biens qu'il a
accumulés, il veut les laisser à ses enfants à lui, si
l'autre est d'accord, si les deux sont d'accord, pourquoi le priver de poser ce
geste? Est-ce que cela semble inéquitable? Pensez à quelqu'un qui
est divorcé, qui se remarie et que cette personne divorcée a deux
ou trois enfants. Est-ce que cela paraît équitable
qu'obligatoirement il y ait une partie de sa succession qui aille à un
tiers, finalement, face aux enfants du conjoint divorcé ou du conjoint
veuf? Cette situation nous semble inéquitable pour les enfants et serait
perçue comme telle. En étant obligatoire, la réserve ne
permet pas de faire ce genre...
M. Marx: Est-ce qu'il ne serait pas possible à la femme de
renoncer et de donner cela aux enfants ou, dans son propre testament, de
laisser tout à ses enfants?
Mme Fortin: Est-ce que vous pensez qu'un second conjoint, qui
n'est pas du tout le parent des enfants du défunt, va renoncer avec
plaisir à une part qui lui vient d'une succession? Les enfants du
conjoint ne sont quand même pas les siens. Il n'a aucun
intérêt à les protéger ou, en fait, à leur
remettre quoi que ce soit. C'est beaucoup demander à la
magnanimité de quelqu'un. Alors que, s'ils le font dans leur contrat de
mariage, le contrat pourra dire: Je renonce à ta réserve et tu
renonces à la mienne et on laisse tout à nos enfants.
M. Marx: Juste une dernière remarque.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, c'est qu'il ne
reste que quatre minutes et j'ai deux personnes qui ont demandé la
parole.
M. Marx: Une dernière remarque. Dans toute loi qu'on va
adopter, il va y avoir des exceptions, des inconvénients, c'est
inévitable. Dans toute loi, on peut trouver une exception qui ne fait
pas l'affaire de certaines personnes.
Mme Fortin: Cela m'amène, M. le député,
à vous demander quel est le genre de société que veut le
gouvernement. Est-ce qu'il veut une société de
célibataires, qui vivent en union de fait, ou s'il souhaite que les gens
se marient le plus fréquemment
possible? Je pense que plus on posera de restrictions et plus on rendra
exigeante la vie matrimoniale, plus les gens la fuiront. D'autant plus que
maintenant ce mode de vie est accepté. C'est ce que l'étude du
chanoine Grand'Maison nous disait: 50 % de la population
québécoise vivent en célibataires.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais simplement dire que
j'appuie absolument ce qui a été dit. Là, c'est le
côté pratique. On légifère dans l'abstrait. C'est
évident, il faut reconnaître que ce sont des situations
-particulièrement lors d'un second mariage -réelles auxquelles le
praticien doit faire face. Je pense que c'est inacceptable. Même le
Barreau l'a dit: on veut légiférer pour l'exception.
Qu'on laisse donc les gens disposer de leurs biens comme ils
l'entendent. Je pense qu'ils sont assez matures et responsables pour le
faire.
Je voudrais également revenir sur ce que mon collègue de
D'Arcy McGee disait. C'est fini! on ne pratique plus comme il y a 30 ans. Les
gens qui arrivent dans notre bureau pour faire un contrat de mariage sont
drôlement informés et ne signent pas n'importe quoi. Ils
n'acceptent pas des donations de 5000 $ ou 10 000 $ lors du décès
du conjoint. C'est terminé, ça. Or, il faut vivre la
réalité.
On légifère parce qu'on pense que cela pourrait
peut-être être utile, parce qu'ailleurs cela se fait comme cela. Un
instant; Même si on me disait que tous les pays ont un
régime de réserve, cela ne change rien à une situation,
à la réalité qui existe. On la regarde et on pratique. Les
praticiens voient les problèmes. Est-ce nécessaire de
protéger le conjoint lors du décès? S'il y avait des abus
criants, je pense que les praticiens les verraient et je pense qu'ils les
signaleraient, qu'ils devraient les signaler au législateur. Ils
devraient dire: cela n'a pas de sens qu'un conjoint ne laisse rien à son
conjoint. Je le répète, ce sont des cas très marginaux. On
ne vit à peu près pas ces cas-là. Je pense qu'on est en
train de légiférer pour l'exception.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la
députée de Maisonneuve pour le mot de la fin.
Mme Harel: Merci, M. le Président. D'abord, il faudrait
souligner qu'il y a actuellement 20 % des couples qui vivent en union de fait.
Il ne faudrait pas beaucoup citer le chanoine Grand'Maison qui lui-même a
protesté pour avoir été cité à tort dans les
journaux. D'autre part, il est très juste,
Me Mackay, que l'Afrique du Sud a, je pense, la seule législation
qui retienne la liberté illimitée, parce que même en
Californie il peut y avoir révocation partielle du testament lorsqu'il
n'avantage pas tous les enfants et le conjoint. La législation de
l'Afrique du Sud n'a pas été retenue. Je ne crois pas qu'on ait
voulu s'en inspirer et on ne s'en inspire pas habituellement d'ailleurs.
D'autre part, je pense qu'il y aurait intérêt à se
rappeler qu'il ne s'agit pas, pour le législateur, d'imposer quoi que ce
soit - à quelques reprises, Me Lambert, vous avez utilisé cette
formulation - mais de retenir un mécanisme de protection.
Je souscris à ce que disait Me Fortin. Le mécanisme de
protection n'est pas toujours réservataire. Les pays de droit anglais
choisissent habituellement la créance mais les pays de droit civiliste
choisissent la réserve. Avant d'affirmer qu'il n'y a pas d'abus, qu'il
n'y a pas de problème, il faudrait peut-être voir avec les
différents organismes qui se présenteront devant nous
aujourd'hui, si c'est le cas. Si c'est vraiment le fait, je pense qu'à
la fin de la journée on pourra mieux en conclure qu'en début de
travaux de cette commission. S'il n'y a pas de problèmes tels, le
gouvernement est sage de retenir ce qui est l'objet d'une recommandation d'un
grand nombre d'organismes dans notre société.
Vous avez cité quelques auteurs, Me Lambert, qui affirmaient que,
de son vivant, une personne peut avoir un droit de propriété
absolu qu'elle perd au moment de son décès, mais de son vivant
elle est encore tenue à des obligations alimentaires.
Par exemple quand vous nous signaliez que parmi les
difficultés... Je crois que c'est excellent toutes les recommandations
que vous faites quant aux modalités, quant à la mise en ordre
d'un tel mécanisme de protection. Vous nous signaliez le problème
de la nomination de tuteur là où les biens laissés aux
enfants mineurs nécessiteraient une telle nomination. Je vous rappelle
qu'avec les recommandations retenues par la sous-commission, les modifications
apportées au code, les parents deviendront automatiquement tuteur
légal. S'il y a décès des deux parents, il sera même
possible maintenant, par testament, de nommer un tuteur. Il y a quand
même des modalités d'application qui se trouvent d'autant
facilitées.
Je reviens à la question que je vous posais au départ.
Quand vous dites que la prestation compensatoire permet de rétablir
l'équilibre financier qui aurait pu être rompu entre les
époux, est-ce qu'on peut être aussi affirmatif, compte tenu de
l'interprétation que donnent les tribunaux de cette prestation
compensatoire qui, justement, va bien au-delà des charges qui
découlent normalement du mariage?
(12 heures)
Le Président (M. Gagnon): Alors, pour répondre
à la question, et ce sera aussi le mot de la fin, Me Lambert.
M. Lambert: D'accord. Quant à l'interprétation des
tribunaux sur l'étendue à donner au concept de la prestation
compensatoire, on est au tout début d'une nouvelle notion dans notre
droit et on peut convenir que la première interprétation
donnée est peut-être restrictive par rapport à ce qu'on
pourrait souhaiter. Encore là, le législateur pourrait et, c'est
sa prérogative, préciser sa pensée et sa
volonté.
J'aimerais d'abord préciser que, contrairement à ce qu'on
a déjà mentionné dans les journaux et un peu en
contradiction avec les exemples que M. le député de D'Arcy McGee
donnait tout à l'heure, la Chambre des notaires n'a aucun
intérêt personnel dans le débat actuel. Les notaires vont
continuer à faire des testaments, peu importe que les gens testent sur
100 %, 75 % ou 60 %. Cela, c'est de la blague. Je pense qu'on est vraiment
désintéressé dans le débat. On pense avoir une
certaine expertise qu'on a recueillie auprès de nos gens.
Il est absolument vrai, aujourd'hui, que les consultations
préalables au mariage sont beaucoup plus longues.
Généralement, il n'y a aucune signature lors de la
première consultation. Les gens partent, et, effectivement,
négocient entre eux. Et ce n'est qu'ultérieurement, s'il y a
lieu, qu'un contrat de mariage est signé. Encore là, je pense que
vous êtes à même de pouvoir effectuer les relevés
pour voir que le régime de séparation de biens connaît une
bien moins grande popularité que celle qu'il a déjà
connue. Donc, on pense que c'est plutôt là qu'est l'avenue: cela
et l'information populaire.
M. le Président, j'aimerais conclure en disant ceci: C'est
sûr qu'on peut regarder ailleurs. C'est sûr qu'on peut imiter ce
qui s'est fait ailleurs, il y a 100 ou 150 ans. Je pense qu'il faudrait quand
même prendre garde. Ce n'est pas parce que cela s'est fait ailleurs... Il
faut considérer que ces concepts sont rediscutés aujourd'hui.
Il reste une chose: notre société est fondée sur le
principe de la propriété individuelle. C'est le moteur de toute
notre économie, de toute notre société. On pense que ce
principe devrait perdurer. Aucune preuve n'a été faite qu'il y
avait effectivement abus et il est difficile de croire que quelqu'un qui a
été responsable dans la constitution d'un patrimoine devienne
soudainement irresponsable à cause de son décès.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Me Lambert, Me Demers, Me
Fortin ainsi que Me Mackay. Je remercie aussi la Chambre des notaires pour le
suivi qu'elle a accordé aux travaux de la sous-commission.
J'invite maintenant le Réseau d'action et d'information pour les
femmes à prendre place, Mme Marcelle Dolment et Mme Claudette Beaulieu.
Le temps qu'on change de siège, les travaux sont suspendus.
(Suspension de la séance à 12 h 3)
(Reprise à 12 h 7)
Le Président (M. Gagnon): En souhaitant la bienvenue au
Réseau d'action et d'information pour les femmes, je donne la parole
à Mme Dolment en vous rappelant aussi, comme aux autres groupes qu'on a
entendus, que nous consacrerons une heure à votre mémoire, soit
20 minutes environ pour nous livrer votre message et 40 minutes pour discussion
avec les membres de la sous-commission. Je vous donne la parole
immédiatement.
RAF
Mme Dolment (Marcelle): Nous avons été
profondément déçues, en lisant les articles de loi
concernant la réserve, de constater que vous n'accordez pas encore aux
femmes des droits égaux sur les biens familiaux, d'autant plus que nous
venions d'apprendre que les Suissesses avaient obtenu, elles, un droit sur la
moitié de la succession quand elles avaient des enfants.
Les Québécoises, à qui le nouveau droit successoral
n'accordera qu'un maigre quart des biens laissés par le mari,
réduits encore par le cumul d'autres éléments, alors
qu'une partie de ces biens leur appartient bel et bien légitimement
sinon légalement, occuperont encore plus le bas de l'échelle
où les a placées l'inéquitable et rétrograde loi 89
qui les a privées de tant de droits. Ne leur a-t-on pas offert, au lieu
du partage obligatoire des biens familiaux attendus, comme ce l'est dans les
autres provinces et pays, que cette indigeste et inapplicable prestation
compensatoire d'inspiration outrageusement patrimoniale?
Ces choix, si teintés de misogynie qu'on nous fait avaler de
force loi après loi, s'expliquent bien peu dans un contexte de
dénatalité dont on vient encore de sonner l'alarme avec urgence
et inquiétude dans les médias la semaine dernière. Les
législateurs sont-ils sourds ou irresponsables? Là où se
cogitent et se décident les lois, ne sait-on pas que tout se tient dans
l'édifice social et que tant qu'on traitera les femmes en
inférieures - malgré les grandes déclarations - et en
personnes à exploiter durant le mariage, puis à léser
impunément à la rupture, comme cela se fait au Québec
depuis des lustres, leurs soeurs, leurs filles,
leurs amies, s'éloigneront à pas rapides d'une
natalité qui risque de les placer dans pareille posture? Elles en ont
marre des sacrifices et des avenirs étriqués à cause d'un
rôle familial que le gouvernement se refuse obstinément, et on
pourrait dire "sexistement", à compenser dans ses lois ou, s'il le fait,
c'est de façon si mesquine, si humiliante, que la maternité
devient un cul-de-sac dont on se tient loin.
Les propositions du projet de loi 20 sur la réserve sont de
celles-là quand elles traitent les femmes en personnes à
protéger et non en partenaires égales dans la parentalité,
ce que tout le monde désormais reconnaît pourtant. Interrogez les
gens dans la rue, ils vont dire: Bien oui, c'est évident qu'elle a droit
à la moitié des biens. Protège-t-on les hommes, les
pères? Non. Ils en seraient humiliés. On leur reconnaît
leurs droits. Nous n'exigeons pas moins. Qu'on cesse de nous traiter sur le
même pied que les enfants comme on l'a fait tout au long du document de
travail sur la réserve. Nous n'avons pas à être
traitées de la même façon qu'eux. Ils ont des besoins.
Nous, nous avons droit à notre part et à des compensations, non
à être protégées.
Ce qui frappe aussi dans les décisions juridiques, pour qui les
subit, c'est ce manque de réalisme et cette irresponsabilité
sociale des décideurs ou décideuses qui ne semblent pas se rendre
compte que les articles de loi qu'ils façonnent sont
déconnectés de la dure réalité des femmes et qu'ils
auront des répercussions dramatiques sur le budget de la province en
augmentant le nombre potentiel des assistées sociales.
Ainsi, quand, au lieu d'obliger les individus à respecter tous
leurs engagements familiaux, ils font un tri injustifié parmi ces
obligations, ils se trouvent à remettre inutilement et
coûteusement à l'État, donc, à la population, la
tâche d'assumer en lieu et place du défunt ses obligations. En
sont-ils conscients? On s'étonnera ensuite qu'il y ait tant de
bénéficiaires d'aide sociale au Québec.
Cette gestion imprévoyante des fonds publics à laquelle
participent les concepteurs du Code civil nous inquiète grandement et en
tant que femmes et en tant que contribuables. Il est temps, à notre
avis, que le juridique s'intègre dans le tout social et que l'on examine
l'impact sur l'économie des décisions juridiques. C'est à
peine si on ose couper ici et là dans les privilèges des hommes.
On semble avoir plus de respect pour le système civiliste que pour les
droits des femmes et l'avenir de notre société, aussi beau que
soit l'édifice napoléonien.
La culture juridique déshumanisée va donc faire place aux
droits de la personne et aux responsabilités sociales. La tradition du
fameux "patrimonial" omniprésente encore de nos jours, si bien
incarnée par la prestation compensatoire et par le droit successoral,
est d'un autre âge. Mais malgré notre retard évident sur
tous les autres pays, ce que nos représentants et nos
représentantes cachent et camouflent chaque fois qu'ils vont à
l'extérieur du pays, prétendant même que notre Code civil
fait l'envie des autres quand il traite des droits des femmes, nos gouvernants
et juristes semblent incapables de s'en extraire si on en juge par les
propositions soumises dans le document de travail.
Premièrement, ainsi pourquoi ne pas avoir reconnu, avant
même d'aborder le projet de réserve, la notion pourtant
fondamentale que tout ce qui compose la résidence familiale, donc quand
il y a des enfants - car pour nous il est évident que sans enfant la
famille ne peut exister: quand on parle d'une résidence familiale, c'est
quand il y a une famille, des enfants; ce n'est pas pour un couple qui n'a pas
d'enfant ne peut logiquement entrer dans une succession? Ceci vaut aussi pour
les conjoints de fait, les parents mariés ou non ayant les même
droits. Si les enfants, légitimes ou non - avant on parlait
d'illégitimes - ont les mêmes droits maintenant, les parents ont
aussi les mêmes droits, qu'ils soient mariés ou non. Ces biens
n'appartiennent pas vraiment à celui qui en est légalement le
propriétaire, ils sont à la famille. En acceptant d'avoir des
enfants, le défunt acceptait de leur fournir les
nécessités de la vie, donc un abri. Logis, meubles et voiture -
dans un monde moderne, la voiture fait partie des meubles - sont des
nécessités de la vie familliale auxquelles il ne peut toucher.
Ces biens ne peuvent être légués à d'autres. La
personne qui continue la famille ne peut être dépouillée de
ces nécessaires éléments de la vie familiale. Le mariage
doit être un instrument de protection de la famille et non un instrument
d'exploitation d'un conjoint défavorisé par le rôle
stéréotypé qu'on lui fait jouer par l'autre conjoint plus
libre et plus privilégié et qui peut gagner à
l'extérieur du foyer et se constituer un patrimoine. La loi a pour but
de rétablir le rapport de forces. Il y va de la survie d'une
communauté, comme les statistiques inquiétantes sur la
dénatalité le démontrent amplement mais au
ministère de la Justice on ne semble pas les lire.
Les meubles, la voiture vont donc automatiquement au conjoint survivant
quand ils n'ont pas d'enfants. S'il y a une maison familiale, donc s'il y a des
enfants, elle devrait aller aussi au conjoint survivant ou à la
conjointe survivante. Nous sommes déçues qu'ayant abordé
cette possibilité dans le document de travail, cette proposition n'ait
pas été retenue. Elle est pourtant fondamentalement juste et
bénéfique pour la famille.
Deuxièmement, pourquoi ne pas avoir
reconnu le droit fondamental des conjoints sur les biens acquis durant
le mariage incluant, bien entendu, les rentes qui sont un des
éléments importants de ces acquis? On le sait quand les syndicats
négocient. (12 h 15)
Ce n'est pas parce que la loi 89 a reconnu un droit sur les biens
familiaux, peu importe le régime matrimonial, que cet autre volet du
droit qui affecte les familles, le droit successoral, doit
répéter cette inadmissible iniquité de notre
supposée réforme.
Cette approche, qui veut protéger la femme par une réserve
sans lui reconnaître de droit sur les biens familiaux, la traitant donc
comme un enfant sans biens, est humiliante et mauvaise. La réserve ne
doit s'appliquer qu'une fois ces droits sur les biens reconnus et
divisés. La réserve ne s'applique donc que sur le résidu.
Non seulement les femmes ont droit à la moitié, mais elles
devraient avoir droit à plus, car elles ont bien souvent rempli leur
rôle au détriment de leurs revenus possibles, ce que n'ont pas
à subir les hommes. Il est donc doublement injuste de les traiter en
enfants à protéger, elles qui ont été
pénalisées sur les autres plans à cause d'eux. Pourtant,
nous ne demandons que la moitié comme part, pas plus que la
moitié, et on nous la refusel
Qu'offre en effet l'article 704? C'est le quart des biens
légués par le testateur, qui ne sont en général que
les biens acquis durant le mariage - pour la plupart des mariages, c'est
ça, bien que maintenant, il y ait de plus en plus de divorces et de
deuxièmes mariages - sauf dans les cas de deuxième mariage. Les
Suissesses, les plus décriées des femmes d'Europe - elles
viennent à peine d'obtenir le droit de vote -et les autres obtiennent,
elles, la moitié. Pourquoi le ministre de la Justice est-il si mesquin
envers les Québécoises? Il n'est pas suffisant de
féminiser le langage - ce qu'on apprécie toujours quand
même - il faut aussi faire place à la femme dans la distribution
des richesses de la société et avant tout de la famille.
Nous estimons donc que la moitié des biens acquis durant le
mariage, et non de l'ensemble des biens légués par le testateur
-il y a une distinction importante à faire: dans le cas d'un
deuxième mariage ça pourra être très peu, mais dans
le cas d'un premier mariage qui dure 25 ans ça peut être quand
même assez - devrait, en toute équité et non
discrimination, revenir de droit à la conjointe survivante. Cette part
des bien3 ne peut faire partie de la succession car ils n'appartiennent pas
légitimement au testateur. Ce n'est qu'une fiction légale qui
fait du mari le propriétaire de ces biens gagnés autant par la
conjointe en prenant soin des enfants que par le gagne-pain à
l'extérieur. Le Québec est en train de payer cher cette injustice
intolérable avec laquelle il traite les femmes. La dépopulation
massive du Québec ne se réparera pas en quelques années,
et on ne peut blâmer les femmes, car pas un homme n'aurait accepté
pareilles conditions de vie.
Troisièmement, la réserve. Pour nous, la réserve ne
doit commencer à s'appliquer qu'après que ces biens qui
étaient sous la responsabilité du défunt, sans lui
appartenir vraiment, ont été soustraits à la masse
laissée officiellement par le défunt. Une fois
prélevés, les biens qui appartiennent en fait à la
conjointe survivante et ceux appartenant à la famille - meubles,
voiture, maison -nous sommes d'accord pour aborder l'application d'une
réserve sur les biens restants, dans le cas où il y a des enfants
mineurs ou majeurs non autonomes en tout premier lieu pour pourvoir aux besoins
des enfants, et en second lieu pour compenser la mère qui aura plus de
dépenses à cause de ses enfants mineurs à sa charge, et
pour compenser aussi l'éventuelle et fort probable perte de revenus ou
de chances sur le marché du travail à cause de la présence
de ces enfants, de même que la perte de sa liberté de mouvement.
Souvent, quand un homme reste veuf, il passe les enfants à sa
mère, à sa nouvelle compagne ou à une autre, mais pour la
femme, ce n'est pas la situation habituellement. Alors, elle est très
lésée sur le plan de la carrière.
Le RAIF a été heureux de constater que le projet
distinguait entre les enfants mineurs ou majeurs non autonomes,
financièrement ou autrement - ceux qui font des études
jusqu'à 25 ans; nous, on limite à 25 ans la possibilité
d'être aux études - et les enfants majeurs autonomes, ce qui
permettra, dans le cas de successions de peu d'importance de concentrer les
ressources financières sur celles et ceux qui en ont le plus besoin, les
enfants mineurs. Nous nous demandons cependant si, dans le cas de successions
de peu d'importance, la moitié de la part légale serait
suffisante. Disons qu'il n'y aurait que 50 000 $ ou 100 000 $, si
c'était seulement le quart, il ne resterait pas grand-chose. Dans un tel
cas, il faudrait prévoir pouvoir employer tous les biens de la
succession, si nécessaire, parce que les obligations du défunt
passent avant les legs à telle ou telle institution religieuse ou
à telle personne étrangère ou peu importe.
Ce qui amène le problème de la distinction à faire
entre les successions d'importance et celles de peu d'importance. En Ontario,
on l'a fait pour les successions ab intestat. Le document de travail avance une
telle possibilité pour la rejeter aussitôt, à tort, selon
nous, car une telle distinction permettrait un bien meilleur ajustement aux
problèmes qui attendent la famille du défunt. On pourrait inclure
une clause d'indexation
du montant choisi comme seuil entre les successions d'importance et
celles de peu d'importance, parce que c'est une objection qu'on apportait dans
le document de travail. Oui, mais si le coût de la vie monte, le montant
qui aura été choisi ne vaudra plus dans dix ans. Mais, avec la
clause d'indexation... On l'a dans l'assurance automobile, dans je ne sais pas
combien de lois, on peut très bien l'intégrer è cette loi
sur les successions. On peut même faire évaluer par des
spécialistes ce qui peut être considéré comme une
succession d'importance dans l'optique d'une réserve sous forme de
fiducie pour les enfants qu'il vaudrait la peine d'établir, compte tenu
du capital initial, et qui leur profiterait seulement jusqu'à leur
autonomie financière, ce qui d'ailleurs avait été
suggéré par le ministère lors des débats sur le
sujet. On en avait discuté. C'est une idée, d'ailleurs, on doit
l'avouer, qui vient de la sous-commission. Le document de travail qui en fait
aussi état allègue avec justesse, cependant, que, dans le cas de
successions modestes, une fiducie offrirait si peu de revenus qu'il serait
préférable de toucher une somme immédiatement pour
élever ces enfants et les éduquer. Les fiducies devraient donc
être réservées là où il y a des capitaux
suffisants.
Par ailleurs, dans le cas de successions importantes, la fiducie
s'avérerait non seulement pratique, mais elle répondrait à
un souci d'équité envers les autres enfants du défunt qui
n'auraient pas eu droit à une part de la succession alors que leurs
soeurs et frères mineurs auraient eu un montant dépassant leurs
besoins. Dans le cas d'une grosse suscession - disons 1 000 000 $, par exemple
- ce ne serait pas tout à fait normal qu'un enfant de 16 ans puisse en
avoir une grande part, parce qu'il est mineur, et que cela durerait seulement
jusqu'à 20 ans, parce qu'il n'en aurait plus besoin après, qu'il
garderait le résidu, disons 200 000 $ et que l'autre enfant, qui a 35
ans, n'ait rien eu du tout, simplement à cause de son âge. C'est
à cause de cela qu'une fiducie peut être une chose
intéressante, parce qu'à ce moment-là, avec une fiducie,
le capital retourne à la succession et elle ne sert que le temps
où il faut pourvoir aux besoins de l'enfant mineur ou aux
études.
Bien sûr, on ne peut répondre à toutes les
situations, mais ce projet de loi traite avec tant de minutie des
problèmes bien moins importants - on l'a vu lors de la discussion des
différents articles - qu'on s'étonne qu'on n'ait pas pu fouiller
les possibilités d'établir quelques grandes distinctions assez
faciles à faire législative-ment.
Quatrièmement, le cumul des autres mesures de
sécurité de la réserve. Le projet de loi propose
d'amalgamer tous les bénéfices dans l'évaluation de la
part réservataire. Cela ne nous semble désirable que pour
certains éléments et que pour certains
bénéficiaires de la réserve. Ainsi, il ne peut être
question d'inclure, dans le cas de la conjointe survivante, les rentes qui sont
attachées au travail - travail à la maison ou à
l'extérieur - comme les rentes publiques ou de pension, car ces revenus
lui reviennent en propre en tant que partenaire de l'association matrimoniale.
C'est sa part d'épargne en vue de la vieillesse, ce que reconnaît
la loi des rentes du Québec qui partage les rentes au moment du divorce
ou à 65 ans. Nécessairement, la loi le fait à 65 ans. Par
contre, pour les enfants dont la responsabilité familiale est non pas de
les faire participer à la richesse acquise par les parents - ils iront
chercher leur propre richesse par leur travail - mais de voir à ce que
leurs besoins soient pris en charge, le montant versé par ces plans aux
enfants pourra être considéré dans leur part
réservataire, comme à la Régis des rentes où il y a
un montant ridicule - 29 $, je crois. Ce sera calculé dans la part
réservataire des enfants, parce que c'est simplement à leurs
besoins qu'il faut pourvoir.
Si des plans de fiducie ou une assurance ont été pris par
le défunt au bénéfice de la conjointe survivante - ou
conjoint - ces sommes qui sont prévues afin de parer au manque de revenu
en cas de mort - donc, en cas d'accident - peuvent logiquement être
incluses dans la part réservataire - c'est bien différent des
rentes - ayant été pensées et payées pour ce genre
de situations.
Cinquièmement, le plafond... À la page 27, je trouve cela
étonnant que dans les... Je ne sais pas s'il manquait une page, mais
dans les articles de loi qu'on nous a proposés -les articles de loi
très bien définis - on ne retrouvait pas la limite de la
moitié qu'on retrouve dans les propositions. Est-ce un oubli ou s'il
manque une page? Dans les propositions du document de travail, on dit: Cela va
être limité à la moitié, pas plus que la
moitié des biens de la succession, s'il y a un cumul de la part
réservataire dans le régime matrimonial. Quand on lit les
articles de loi, cela n'est pas là. Est-ce que je pourrais juste avoir
une réponse?
M. Marx: Quand nous avons siégé pour étudier
ce projet de loi, vous n'étiez pas ici. C'est la seule fois et vous avez
manqué cette petite discussion. Il manque effectivement un article sur
le cumul.
Mme Dolment: Dans le document qu'on nous a envoyé...
M. Marx: C'est cela.
Mme Dolrnent; ...je ne l'ai pas.
M. Marx: II manque un article sur le cumul. C'est dans les
explications, mais pas dans la loi.
Mme Dolment: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. Maintenant, vous
allez terminer et...
Mme Dolment: Oui, j'ai terminé.
Le Président (M. Gagnon): ...par la suite, vous pourrez
discuter avec les membres de la commission. On va pouvoir faire avancer les
travaux d'une meilleure façon.
Mme Dolment: Le plafond imposé aux avantages qui
reviennent à la conjointe survivante. Est-il besoin de dire que nous
sommes tout à fait contre cette approche réductrice qui ne tient
pas compte des droits des gens? Il ne s'agit pas d'imposer des plafonds afin
que les étrangers profitent d'un bien qui devrait revenir à la
famille - cela peut arriver si on l'a laissé à d'autres - ce qui
est un non-sens social, mais de respecter les droits de chacun et de donner les
moyens de s'acquitter des responsabilités familiales et de compenser
adéquatement ces responsabilités. Point. Évidemment, s'il
n'y a pas assez de ressources dans la succession, il s'agit d'équilibrer
le tout, non d'imposer un plafond injustifié. Il nous semble que c'est
toute une mentalité qu'il faudrait corriger dans le domaine du droit
successoral.
Sixièmement, les donations au contrat de mariage en cas de mort.
Nous espérons que le droit de faire des donations futures
disparaîtra car elles ne sont qu'un trompe-l'oeil que les tribunaux et
les lois manipulent et transforment à leur gré à cause de
ceci et de cela. Ce restant d'un autre siècle, d'un autre genre de vie
n'a plus sa place dans la vie moderne. Mais comme elles ont existé dans
plusieurs contrats de mariage et qu'elles ont eu pour origine diverses raisons
non consignées dans le contrat - par exemple, un apport en meubles, en
argent, pour des services rendus ou à rendre, des prêts, etc. -il
est difficile de les éliminer sans en connaître la source lors du
règlement de la succession. Un tribunal des successions, comme en
Ontario, pourrait être utile ici, réduisant les coûts d'un
procès habituel et les délais de règlement. En Ontario,
ils ont un tribunal des successions, ce qui a l'air très
intéressant. Cela coûte moins cher et c'est plus rapide.
Septièmement, les créances alimentaires. On sait que, dans
le cas des créances alimentaires octroyées par la cour à
une ex-conjointe, le débiteur défunt était en dette envers
cette conjointe à cause du manque à gagner qu'elle a subi en
restant à la maison pendant de nombreuses années et/ou parce que
le régime de la séparation de biens l'avait privée de tout
partage des biens acquis par le couple ou parce qu'il y a encore de jeunes
enfant3 dont il faut prendre soin, ce qui l'empêche de gagner pleinement
sa vie sur le marché du travail. Si le tribunal l'a accordée,
c'est pour ces raisons. Il s'agit donc d'une dette prioritaire envers la
mère des enfants du défunt que, curieusement, le document de
travail traite comme une parfaite étrangère à la famille
du défunt constituée pourtant par ses enfants, les enfants des
deux. Qu'on aime cela ou pas, la mère ou le père des enfants sera
toujours un membre de la famille pour l'autre parent divorcé ou
mort.
Si le tribunal a accordé une créance à
l'ex-conjointe, il est dans l'ordre des choses que l'on fasse le
nécessaire pour que la cessation du versement de cette créance ne
mette pas la mère dans l'embarras. Autant que faire se peut, on doit
tenter de compenser équitablement cette obligation, ce que ne font pas
les articles de loi proposés. En effet, peut-on être aussi peu
réaliste et humain que de vouloir limiter à six mois d'aliments
la compensation possible quand on sait qu'un bail dure un an? Et on
s'étonne que les Québécoises fassent la grève du
ventre, quand on ne cesse de les entourer de mesquinerie
législative.
On préfère sans doute que cette exconjointe se tourne vers
l'aide sociale plutôt que de convenir d'une compensation équitable
compte tenu des moyens de la succession. On soumet même l'octroi de ces
six mois d'aliments à l'approbation des héritiers ou
héritières, c'est-à-dire de ses enfants,
d'étrangers ou même d'une deuxième conjointe. Quelle
ex-conjointe voudra d'une pareille humiliation? C'est toujours la même
histoire. On s'arrange toujours pour rendre inapplicable le peu qu'on offre aux
femmes dans les réformes comme, par exemple, la déclaration de
résidence familiale, qui est vraiment inapplicable, la prestation
compensatoire et, maintenant, ces six mois d'aliments conditionnels à
l'approbation des héritiers. Ces femmes sont pourtant celles qui ont
fait le plus pour la famille et la société. Que d'ingratitude et
de mesquinerie!
Nous suggérons plutôt des mesures plus dignes. Que l'on
abroge l'article 2555 qui fait tomber les assurances en cas de divorce il les
fait tomber automatiquement maintenant - afin de permettre à la
conjointe de continuer à payer l'assurance. Qu'on accorde un an de
versements, qui ont été décrétés par le
tribunal, automatiquement à l'ex-conjointe sans nécessité
d'approbation par les héritiers ou, si les ressources de la succession
ne le permettent pas, d'une somme forfaitaire convenue entre le liquidateur et
la
créancière. À défaut d'entente, on pourrait
aller devant un tribunal des successions, qui serait une bonne innovation,
à peu de frais. C'est un tribunal du genre petites créances, je
crois.
Une autre mesure pourrait venir compléter ce tableau: Exiger du
débiteur d'une créance alimentaire une assurance en cas de mort
proportionnelle au montant de la créance. N'oblige-t-on pas un
emprunteur -quand on va à la banque - à s'assurer lors d'un
prêt? Pourquoi négliger ainsi celles qui mériteraient le
plus de ne pas finir leurs jours dans la pauvreté, comme les
statistiques le prouvent, et sur lesquelles le gouvernement pleure
hypocritement, puisqu'il se refuse à adopter les lois qui
éviteraient un tel sort?
Terminons en remarquant que, si la société est dans de
mauvais draps financièrement, ce n'est pas par manque d'argent, ce n'est
pas par manque de richesse, c'est parce que cette richesse est mal
administrée par ceux qui ont en main les rênes du pouvoir, parce
qu'ils n'ont qu'une vue partielle de la société, la leur, celle
des hommes ou de femmes dont le genre de vie ressemble tant à celui des
hommes qu'elles deviennent incapables de raisonner, de sentir et d'agir
autrement qu'eux. Maniée par des hommes ou par des femmes, l'injustice
demeurera toujours l'injustice et la mesquinerie la mesquinerie.
Nous espérons cependant que ces sentiments feront place à
l'urgence de traiter équitablement les femmes pour la survie même
de la société québécoise. (12 h 30)
Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme Dolment. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Il faut vous dire, Mme
Dolment, que j'ai participé très activement aux travaux de la
commission parlementaire de la culture qui a produit ce rapport sur la
population, sur la démographie québécoise publié la
semaine dernière. Après avoir entendu, pendant de nombreuses
rencontres de la commission, les différents démographes qui ont
présenté des travaux, si je pouvais en conclure comme vous le
faites que la natalité augmenterait au Québec simplement par
quelques modifications au Code civil, je pense qu'on pourrait le souhaiter.
Je dois vous rappeler que la baisse la plus spectaculaire du taux de
natalité s'est produite entre les années 1964 et 1968 et que ces
quatre années ont vu une diminution drastique. Je vous rappelle que
c'était avant même l'adoption de la Loi sur le divorce, avant sa
mise en vigueur et avant même que la mise en marché de la pilule
contraceptive soit généralisée. Il faut penser qu'il y a
peut-être une profondeur, dans les facteurs ou dans le complexité
des facteurs, qui m'amènerait à croire qu'il n'y a pas de
relation de cause à effet directe comme vous semblez en faire en reliant
cela au Code civil.
D'autre part, je dois vous dire, pour avoir assisté au
Nouveau-Brunswick au mots d'août dernier à une l'encontre de
parlementaires de langue française et avoir fait un exposé
très rapide sur les diverses réformes amenées par le
révision du Code civil, que bien des parlementaires étrangers
étaient parfois même non pas étonnés, mais presque
inquiets de voir là où nous en étions rendus nous qui,
avec raison, nous enorgueillissons légitimement de toutes ces
réformes sur les responsabilités parentales, la résidence
familiale, le choix conjoint du nom pour les enfants, la perception des
pensions alimentaires et bien d'autres réformes.
Je veux simplement vous rappeler que nos travaux portent sur ce chapitre
des successions et particulièrement sur les articles qui peuvent nous
amener à retenir le mécanisme de protection le plus
adéquat possible. Comme vous le savez, pour avoir suivi très
assidûment nos travaux, nous avons tenu compte, les membres de la
sous-commission, de l'ensemble des recommandations qui nous étaient
faites.
Je crois comprendre, pour en avoir jasé à l'occasion avec
vous durant tous ces travaux, que vous nous faites là une
synthèse des arguments que vous nous avez tenus pendant les semaines
où nous avons procédé à la réforme du Code
civil. Notamment, vous insistez sur deux questions qui vous préoccupent
beaucoup: le sort de l'ex-conjointe et également le fait qu'il n'y ait
pas cumul à la fois des avantages du régime matrimonial et des
droits à la succession. Comme troisième élément,
vous nous avez rappelé à plusieurs occasions cet
élément très important pour vous qui est l'attribution des
biens familiaux que vous nous décrivez: meubles, voiture et
résidence familiale.
Je pense que votre mémoire fait une synthèse écrite
de l'ensemble de ces plaidoiries que vous nous avez tenues. Je vous en
remercie.
Mme Dolment: Est-ce que je peux répondre?
Le Président (M. Gagnon): Oui.
Mme Dolment: J'aimerais juste spécifier que le cumul des
avantages du régime matrimonial, de la réserve et de la
succession, vous l'avez accepté. Évidemment, il y a une limite de
la moitié. La succession et le régime matrimonial, je sais que
c'est accordé dans le projet de loi 20. La réserve, c'est une
autre affaire, c'est dans le cas où elle a été
dépouillée. Ce n'est jamais plus de la moitié de toute
façon. Pour nous, ce n'est pas la question de cumuler les avantages
du
régime matrimonial et ceux de la réserve. C'est simplement
qu'on estime que la femme a, dans les biens qui sont légués, des
biens qui lui appartiennent et qu'on lui remet, les biens qui appartiennent
à la famille. Et l'autre, ce n'est pas un cumul, mais simplement une
responsabilité supplémentaire parce qu'il y a des enfants
mineurs. Il y a une logique de base dans cela, c'est toujours basé sur
le droit des gens. Il n'y a pas d'affaire de cumul ou de limite pour nous.
C'est simplement le droit des gens.
Quant à la question de la dénatalité, vous avez
raison de dire que c'est très complexe. Maintenant, si on fait des
statistiques, il faut bien tenir compte qu'il y a beaucoup d'immigrés.
Il y a eu beaucoup d'immigration récemment et ces gens ont beaucoup plus
d'enfants que les Québécoises. Si on prenait seulement combien
les Québécoises ont d'enfants, je crois que la chute serait
encore plus dramatique. Ce n'est pas une question de loi. On sait bien que ce
n'est pas telle loi qui va être adoptée qui fera que les gens vont
avoir des enfants, parce que souvent ils ne sont pas au courant de la loi.
C'est un climat général. Quand on entend dire que sa mère
a tout perdu, que sa soeur perd tout et que les gens perdent tout, cela
crée un climat qui fait qu'on dit que c'est dangereux d'avoir des
enfants. Ce n'est pas telle loi précise; c'est un ensemble de lois,
c'est le fait de ne pas être mesquin envers les femmes. Je dois dire que
lorsqu'on va dans les rencontres - j'y ai été, moi aussi,
très souvent - on s'aperçoit que les gens ne comprennent pas tout
à fait notre droit parce qu'il leur a été mal
expliqué. Quand on le lit, cela a l'air très beau, mais quand on
l'applique, c'est bien autre chose. C'est sûr qu'ils vont dire que c'est
fantastique, mais dans la pratique, on s'aperçoit que, dans les autres
provinces, c'est fantastique, mais qu'ici la femme est lésée.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, si vous me le permettez,
simplement sur un élément de fait. Il a été
présenté à la commission des travaux de démographes
sur les comportements, justement, des nouveaux arrivants. Il a
été mis en preuve que les couples immigrants, dès la
première génération, adoptent les comportements culturels
de la société québécoise. Alors, il n'y a donc pas
de différences majeures dès la première
génération. Là, on est d'accord.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier les
membres de RAIF de venir nous présenter leur mémoire. Comme la
députée de Maisonneuve l'a souligné, le RAIF a fait du bon
lobbying, puis-je dire, durant l'étude de ce projet de loi. La seule
chose qui m'a vraiment surpris, c'est que vous ayez dit que la loi 20
était une loi sexiste. Il serait illégal en vertu de la charte
québécoise d'adopter une loi sexiste et cela va de soi qu'on ne
veut pas faire quoi que ce soit d'illégal. Dans la loi, on ne parle pas
des femmes ou des hommes; on parle des conjoints. Cela peut bien arriver que ce
soit un homme qui bénéficie d'un tel régime. À mon
avis, ce n'est pas juste de dire que c'est une loi sexiste. Peut-être
qu'aujourd'hui les femmes vont en bénéficier davantage, mais on
ne connaît pas l'avenir où, dans certains cas, ce seront les
hommes qui vont en bénéficier davantage. De toute façon,
on n'a pas voulu rédiger une loi sexiste.
Mme Dolment: Est-ce que je pourrais juste souligner qu'il y a des
situations de ghetto? C'est sûr que dans certaines situations où,
supposons, il y a un homme dans un groupe de travailleuses, on va dire: Ce
n'est pas sexiste parce qu'il y a un homme et qu'il est traité pareil,
alors qu'on sait que 99 % des gens dans cette situation sont des femmes. C'est
la même chose pour la famille. C'est comme lorsqu'on veut avoir le
transfert d'exemption de personne mariée; c'est presque toujours les
femmes qui sont dans cette situation. Donc, cela peut être sexiste
même si la rédaction, elle, ne l'est pas.
M. Marx: Vous voulez dire que c'est une loi sexiste, mais que
c'est du bon sexisme?
Mme Dolment: Non, pas du tout. M. Marx: Non.
Mme Dolment: Non, je pense que ce sont des situations, il faut
regarder les faits. Est-ce que ce sont des femmes ou des hommes qui sont
généralement dans cette situation? Alors, ce qui est important,
c'est de rédiger une loi en fonction de la majorité.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Cela va-t-il? Je voudrais
remercier le Réseau d'action et d'information pour les femmes, Mme
Marcelle Dolment et Mme Claudette Beaulieu, et particulièrement Mme
Dolment puisque je sais qu'effectivement elle a suivi attentivement les travaux
de notre sous-commission.
J'invite maintenant l'Association des femmes collaboratrices à
prendre place et je
suspends les travaux pour deux minutes, le temps que cela se fera.
(Suspension de la séance à 12 h 40)
(Reprise à 12 h 41)
Association des femmes collaboratrices
Le Président (M. Gagnon); Je souhaite la bienvenue
à l'Association des femmes collaboratrices. Vous êtes Mme Yolande
Bédard et je vous informe, comme je l'ai fait avec les autres groupes
qu'on a entendus jusqu'à maintenant, qu'on vous consacrera une heure,
soit environ 20 minutes pour nous faire part de votre mémoire et une
quarantaine de minutes d'échange avec les membres de la commission.
Je vous inviterais à nous présenter les gens qui vous
accompagnent.
Mme Bédard (Yolande): D'accord, merci, M. le
Président. Je suis consciente qu'on est à une heure qui est un
peu difficile pour présenter un mémoire, mais notre position est
tellement évidente et tellement claire que je pense que cela ne sera pas
très difficile à suivre même s'il est tard.
Je vous présente Mme Denise Blanchette, qui est la directrice
générale de l'association, et Mme Lorraine Beauvais qui y
travaille comme recherchiste.
La femme collaboratrice contribue, par son travail à l'entreprise
familiale, à l'enrichissement du patrimoine familial. La contribution
des femmes collaboratrices à l'économie canadienne peut
s'établir à pas moins de 9 000 000 000 $, soit un peu plus de 3 %
du revenu national net.
Le problème majeur des femmes collaboratrices est la
non-reconnaissance économique de leur travail. Le concept de
collaboration fait, hélas, trop souvent l'objet d'une
incompréhension de la part de la société. Ce travail est
considéré comme étant sans importance puisqu'il s'effectue
à l'intérieur de l'entreprise familiale et est
considéré comme faisant partie des "devoirs conjugaux des
femmes".
Une enquête a été faite en 1975 qui
révèle que 84 % des femmes collaboratrices travaillent dans des
entreprises à propriétaire unique et que 54,6 % sont
mariées en séparation de biens. Une autre enquête a
été effectuée dernièrement et les nouvelles
statistiques seront publiées à la fin d'octobre 1985, lors de
notre colloque canadien.
Cette dernière enquête démontre, cependant, que,
bien que le pourcentage de femmes collaboratrices travaillant dans des
entreprises à propriétaire unique ait diminué, le
pourcentage des femmes mariées en séparation de biens a
légèrement augmenté.
Le nombre d'heures par semaine consacrées à la
réalisation des tâches demeure sujet à quelques variations,
compte tenu du secteur de production de l'entreprise et des charges familiales.
En 1975, le nombre moyen d'heures travaillées dans l'entreprise
était de 23 heures alors qu'il a augmenté considérablement
en 1984.
La femme collaboratrice investit son temps, ses énergies, ses
ambitions, une bonne partie de sa vie dans l'entreprise de son mari et ce, sans
reconnaissance légale. Son "projet de vie" est devenu "projet de
carrière".
La femme collaboratrice se retrouve démunie si le conjoint n'a
pas prévu pour elle une certaine protection financière et s'il a
exercé sa liberté de tester. Certains cas nous ont
été soumis dans ce sens. En fait, de nombreux cas nous sont
soumis régulièrement. Nous avions demandé a deux dames de
venir raconter leur cas à la commission parce que c'était quelque
chose de pratique, de réel. Malheureusement, à cause de la
situation dans laquelle elles se trouvent présentement, elles n'ont pas
pu venir, mais Mme Blanchette va quand même vous relater très
rapidement ces cas.
Le Président (M. Gagnon): Mme
Blanchette.
Mme Blanchette (Denise): Ça va. Alors, dans le fond, si on
insiste beaucoup sur l'implication des femmes, c'est pour comprendre dans
quelle situation elles peuvent se retrouver, encore plus démunies, quand
on a exercé cette liberté totale de tester.
Dans un premier cas, il s'agit d'une femme qui a travaillé dans
une entreprise agricole, collaboratrice pendant 20 ans. L'implication a
été financière et au niveau du travail et de la vie du
milieu. Sa participation dépassait largement la participation de la
moyenne des femmes, de ce qu'on peut attendre dans une entreprise agricole.
Évidemment, elle était mariée sous le régime de la
séparation de biens. Il s'agissait d'une ferme laitière d'une
valeur de 500 000 $. Au moment du décès, elle avait deux
enfants de 17 et 15 ans. Le conjoint est décédé sans
testament.
La dévolution légale est permise, mais le problème
de cette femme, dans le fond, a été le suivant: - on insistera
tantôt sur les arguments; c'est tout simplement pour illustrer les
situations familiales dans lesquelles la conjointe peut se retrouver - le fils
ayant atteint sa majorité, il a exigé de sa mère sa part
de la succession et on a procédé la semaine dernière
à l'encan de l'entreprise en question puisque la conjointe
n'était pas en mesure d'assumer le paiement de la part de la succession
et qu'elle a dû vendre l'entreprise. Il faut aussi noter le climat
familial dans lequel on vivait cette
situation depuis le décès, les pressions que le fils a pu
exercer sur la mère. En tout dernier lieu, la mère n'habitait
même plus la maison familiale; l'enfant faisait preuve de violence et
exigeait sa part pour en faire ce qu'il entendait. De l'avis du milieu... Vous
me permettrez de ne pas citer ce qu'il entend faire avec sa part. Notons tout
simplement l'impact que cela peut avoir sur les années de contribution
du conjoint dans l'entreprise et sur - on faisait allusion tantôt
à des morcellements ou à des poursuites d'entreprise - la
poursuite qu'elle peut exercer dans ce cas.
Un autre cas: une personne mariée depuis 30 ans sous le
régime de la séparation de biens, ayant deux enfants majeurs. Le
décès survint en mars 1984. C'était un professionnel, tout
à fait un autre type d'entreprise, mais la femme a toujours
travaillé avec le conjoint. À ce moment-là, le conjoint a
décidé de tout laisser à ses deux filles,
c'est-à-dire un montant pour chaque fille, et de partager le reste de la
succession entre les deux filles. Selon le témoignage de la personne en
question, elle connaissait la teneur du testament et, trois mois avant le
décès du conjoint, elle a procédé à ce qu'on
appelle maintenant une protection qui est normale, qui est la
déclaration de résidence familiale, ce qu'elle appelle une loi
matraque, parce qu'elle dit que, à la suite de cette déclaration,
le testament a été changé en faveur des deux filles. Cette
dame-là - c'est la raison pour laquelle elle n'est pas là
aujourd'hui -déménageait effectivement hier puisque la
résidence a dû être vendue pour permettre de régler
la succession. Elle a, évidemment, entrepris des démarches en
raison de ce qu'on appelle la prestation compensatoire et le tout devrait
possiblement se régler - on le souhaite - hors cour.
Ce qu'il faut illustrer dans cette démarche-là, c'est
l'odieux pour la personne d'avoir à poursuivre, dans ce cas-ci, ses deux
filles, la situation dans laquelle l'une des deux filles se retrouve parce
qu'elle est mal à l'aise devant la partie qui lui a été
cédée et qui ne tient pas compte de la part du conjoint ou de la
part de sa mère et l'attitude, évidemment, inverse de l'autre qui
dit: Ce n'est pas à toi, papa ne te l'a pas donné. C'était
pour illustrer.
Il y a un autre cas qui date d'un peu plus longtemps, où la
personne nous écrivait et nous disait: "J'ai travaillé 24 ans
dans un commerce avec mon conjoint et, au moment du décès, il a
tout laissé aux six enfants, ne me laissant même pas
l'opportunité d'habiter l'un de ses 100 logements."
On dit qu'il n'y a peut-être pas de cas ou que ce sont des
situations particulières. On n'a évidemment peut-être pas
d'analyses statistiques - il faudrait les voir - mais il y a quand même
des cas où les situations ne sont pas toujours pénibles, mais ne
sont pas toujours en faveur du conjoint et des enfants.
Mme Bédard: Le droit actuel pose le principe de la
liberté absolue de tester. Pour la majorité des femmes
collaboratrices, la collaboration prend fin au décès. Il est
clair que leurs droits actuels découlent de leurs régimes
matrimoniaux. Elles se retrouvent avec des droits qui ne peuvent être
retransmis parce que, la plupart du temps, cela se limite à une
espèce de reconnaissance morale de leur implication dans l'entreprise.
Elles sont à peu près les seules dans notre société
actuelle à n'avoir comme contrat de travail que leur contrat de
mariage.
Un des objectifs que l'association poursuit est la reconnaissance de la
valeur économique du travail des femmes qui collaborent avec leur mari
dans une entreprise à but lucratif. C'est pourquoi nous tenons à
ce que des lois soient en vigueur pour rétablir l'équilibre dans
toute circonstance déterminante, tel le travail de ces femmes qui n'a
pas été reconnu au fur et à mesure qu'il était
accompli. Il est clair que les femmes collaboratrices contribuent au
développement du patrimoine familial par leur apport dans
l'entreprise.
Les solutions proposées, telles la créance alimentaire, la
réserve en usufruit, la réserve en fiducie, l'attribution de
biens familiaux et les options multiples, n'ayant pas été
retenues, je ne les mentionnerai pas, même si elles sont inscrites et
commentées dans le texte.
L'Association des femmes collaboratrices retient la réserve
héréditaire comme le mécanisme le plus approprié et
le plus décent pour la femme collaboratrice. La réserve
héréditaire est une part fixe et réservée de la
succession. Le conjoint, lorsqu'il rédige un testament, sait qu'il doit
léguer une partie de ses biens au conjoint survivant et aux enfants.
C'est un mécanisme simple et efficace par lequel chacun connaît
ses obligations et ses droits. Cela évite d'avoir à instituer des
procédures judiciaires et, par le fait même, cela permet de
préserver la paix familiale. Le meilleur argument en faveur de cette
réserve est sans contredit le fait qu'elle permet d'éviter les
abus qu'occasionne le droit à la liberté illimitée de
tester. De cette façon, il y a une rétribution équitable
des biens du défunt au sein de la famille et cela évite dans
certains cas que la famille devienne à la charge de la
société.
L'ADFC considère, en raison des principes déjà
énoncés, qu'il serait nécessaire de prévoir un
minimum afin de privilégier la famille et de reconnaître au
conjoint un droit inaliénable. L'ADFC demande que la réserve
accordée à la femme collaboratrice
corresponde à la moitié des biens. L'association
considère que chiffrer la protection légale est illusoire et
qu'accorder une fraction équivalant à moins de la moitié
des biens ne correspond pas à la réalité, puisque
l'implication au niveau du couple et au niveau de l'entreprise aussi a dû
se réaliser sur une base égalitaire.
Parmi les solutions apportées au problème du cumul des
avantages des régimes matrimoniaux et de la succession, l'ADFC est
d'avis d'opter pour la troisième solution qui est d'admettre le cumul.
Mais l'association n'est pas d'accord pour limiter les effets du cumul de
façon que la protection légale accordée au conjoint ne
puisse jamais lui permettre de recueillir en valeur plus de la moitié de
la masse successorale de la masse à partager.
En comparant le droit québécois au droit des autres
provinces et d'autres pays, on s'aperçoit que le Québec demeure
l'un des rares endroits où actuellement prévaut la liberté
illimitée de tester. C'est sans aucun doute une indication que
l'état du droit doit changer quant à cette liberté de
tester. L'ADFC admet que chaque individu a le droit de disposer librement de
ses biens à condition que ceux-ci lui appartiennent de fait et non
seulement légalement. Dans le cas des couples travaillant en
collaboration, nous soutenons qu'une part des biens appartenant de "par la loi"
au mari appartient en réalité à sa compagne qui l'a
gagnée et qui l'a fait fructifier par son travail.
Puisque la réserve héréditaire assure un droit
minimum de succession que l'on veut garantir au conjoint sans l'obliger
à recourir aux tribunaux pour établir ses besoins au moyen d'une
action, l'association recommande qu'au décès de l'un des
conjoints le conjoint survivant ait droit à une réserve. Ce droit
à la réserve est d'ordre public et il est impossible d'y
déroger par contrat de mariage. Cependant, le conjoint survivant pourra
y renoncer après l'ouverture de la succession. L'association recommande
que la réserve soit établie à la moitié des biens
de la succession. L'association recommande de ne pas limiter les effets du
cumul à la moitié de la masse successorale de la masse à
partager.
Pour évaluer la réserve du conjoint survivant,
l'association est d'avis d'inclure les biens suivants: 1) tous les biens de la
succession; 2) toutes sommes exigibles au titre de pensions de retraite,
contrats d'assurance, etc., si la désignation a été faite
dans les trois ans précédant le décès; 3) toutes
donations faites à cause de mort. L'association est d'avis d'imputer sur
la réserve du conjoint survivant les sommes ou les biens suivants: les
legs faits par le défunt au conjoint; les donations à cause de
mort en faveur du conjoint; les sommes exigibles à titre de
régimes de retraite ou contrats d'assurance, etc., dont le conjoint est
bénéficiaire; les donations faites entre vifs par le
défunt à son conjoint avec mention que ces donations seront
déduites lors du calcul de la réserve; la valeur des biens
reçus à la suite du partage de la communauté ou de la
société d'acquêts à la suite de l'attribution de la
prestation compensatoire.
Mme Beauvais pourrait vous expliquer nos prises de position quant aux
différents articles.
Mme Beauvais (Lorraine): D'accord. Quant aux articles 703 et
suivants, nous appuyons l'article 703 qui prévoit une
réserve héréditaire qui vient limiter la liberté de
tester; l'article 704 qui prévoit le calcul de la réserve.
Cependant, nous aimerions remplacer le paragraphe 2 de l'article et changer la
partie réservée au conjoint qui devrait se lire comme suit: La
réserve au profit du conjoint est égale à une fraction
équivalant à la moitié des biens; l'article 705 qui
prévoit la renonciation du réservataire. Nous aimerions ajouter
à cet article que le réservataire ne peut renoncer à sa
part avant l'ouverture de la succession; l'article 706 qui prévoit les
imputations sur la part du réservataire; l'article 707 qui
prévoit la réduction des libéralités lorsque
l'actif de la succession est insuffisant pour acquitter la part du
réservataire; l'article 708 qui prévoit que la réduction
des libéralités n'a lieu qu'en faveur des réservataires ou
des héritiers; l'article 709 qui prévoit que la réduction
des libéralités est faite par le liquidateur de la succession.
Nous aimerions proposer que le terme "liquidateur" soit changé pour le
terme "administrateur"; l'article 710 qui prévoit que la
réduction des libéralités ne vise que la valeur des biens
nécessaires au paiement des parts réservataires; l'article 711
qui prévoit que, s'il y a des accords quant au paiement de la
réduction, c'est le tribunal qui tranche; l'article 712 qui
prévoit ce qu'est une libéralité. Nous aimerions cependant
que l'on apporte des précisions à l'expression "dont la valeur
est disproportionnée" car cette expression peut porter à
interprétation; l'article 713 qui prévoit ce qui est
assimilé à des libéralités réductibles;
l'article 714 qui prévoit ce qui est exclu; l'article 714.1 qui
prévoit l'évaluation.
Quant à ce qui concerne les articles sur la créance
alimentaire, nous ne les retenons pas.
Le Président (M. Gagnon): Cela
complète? Merci.
Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Dans votre
mémoire, en première partie portant sur la situation de fait, on
retrouve une description de ce que sont les femmes collaboratrices. Vous nous
dites, entre autres, qu'un très grand pourcentage d'entre elles sont
mariées en séparation de biens. C'est une enquête qui a
été faite en 1975. Vous avez comme chiffre 54,6 % et vous nous
signalez que ce pourcentage a légèrement augmenté lors
d'une étude récente. Maintenant que l'association existe et a
beaucoup d'appui dans l'ensemble du milieu, est-ce qu'il y a eu des campagnes
menées soit pour promouvoir éventuellement un changement de
régime matrimonial - puisqu'il est possible qu'il y ait
négociation dans le couple pour qu'il y ait changement de régime
- ou pour inciter les femmes collaboratrices qui procèdent à un
nouveau contrat, à un premier mariage, de le faire sous le régime
de la société d'acquêts?
Mme Bédard: C'est sûr que les couples peuvent
actuellement changer de régime matrimonial, sauf qu'il faut que les deux
soient d'accord pour le faire. Comme il y en a un des deux qui est toujours
bénéficiaire, ni plus ni moins, de ce régime... Madame
travaille dans l'entreprise, elle est fort peu payée quand elle l'est.
Je ne vois pas pourquoi, après quelques années, on
déciderait de changer de régime simplement pour plaire à
madame puisque cela ne fait pas l'affaire des deux.
Quant aux jeunes couples, je ne pense pas que l'association ait
tellement réussi à les rejoindre encore parce qu'ils n'ont pas
à vivre cette situation.
Mme Harel: Est-ce qu'il vous paraîtrait efficace de mener
une campagne d'éducation populaire à cet égard, pour
inciter les couples qui contracteront mariage et qui travailleront ensemble
dans une entreprise à le faire sous le régime de la
société d'acquêts?
Mme Bédard: Ce serait certainement une excellente chose.
Je pense que oui. Pour le moment, l'association n'a certainement pas les moyens
de se payer des campagnes d'éducation, mais je pense que cela devrait
être une chose qui pourrait être faite.
Mme Harel: Mme Blanchette.
Mme Blanchette: Si je peux me permettre de répondre, il
est évident qu'à la suite de l'adoption de la loi 89 des
séances d'information ont été faites sur les nouveaux
droits, les nouvelles responsabilités. Quant au changement de
régime, ce qu'on peut signaler, plus par certains cas que par une
analyse globale, c'est qu'il faut se rendre compte que les époux sont
liés aussi par ce qu'on appelle les règles d'attribution.
Même si des conjoints veulent modifier leur régime matrimonial,
ils sont quand même assujettis à ce qu'on appelle les
règles d'attribution. Dans certains cas, ce n'est pas toujours
incitatif. Cela n'empêche pas de donner davantage d'information sur les
possibilités de modifier le contrat de mariage, mais l'incitation chez
les femmes collaboratrices va peut-être aller davantage dans le sens
qu'à partir du moment où elles sont en entreprise avec le
conjoint elles doivent avoir une reconnaissance réelle, un statut
légal dans l'entreprise. (13 heures)
D'après nous, tout ne peut pas, évidemment, être
réglé uniquement par l'entremise du régime matrimonial ou
du contrat de mariage, sauf que, dans ce cas-là aussi, il faut
être aux aguets et s'assurer qu'on ne se voie pas
dépossédé par des lois qui seraient encore
désuètes.
L'autre élément du droit actuel qui nous semble quand
même très important, c'est en raison, justement, des nouvelles
charges ou des effets, quand on dit que les époux ne peuvent
déroger aux dispositions présentes du chapitre quel que soit leur
régime et qu'on parle des nouveaux droits et devoirs des époux.
Peu importe le régime sous lequel ils auront passé un contrat de
mariage, ils seront tenus, solidaires, responsables, partagés
proportionnellement, etc., pour employer tous les termes qui sont là.
Peu importe le régime, il nous apparaît que, dans le fond, les
conjoints auront dû contribuer, selon leurs facultés respectives
et proportionnellement, aux charges du ménage. C'est ce qui nous
amène à dire, dans le cadre d'une consultation comme celle-ci,
qu'il faut trouver des mécanismes pour reconnaître ou rendre
concordantes des lois. À partir du moment où les époux
sont tenus et même s'ils sont sous le régime de la
séparation de biens, les conjointes se doivent maintenant de... Il est
illogique de dire au bout: J'ai contribué, mais c'est à toi
maintenant de disposer des biens auxquels j'ai contribué.
Mme Harel: Vous disiez à juste titre, Mme Blanchette et je
pense, vous aussi, Mme Bédard, que tout ne peut pas être
réglé même par une modification au chapitre des successions
comme la réserve, parce que, dans le premier cas que vous nous donniez,
il s'agissait d'une dévolution légale et, dans l'étude qui
nous intéresse, cette réserve ne serait possible que dans le cas
d'un testament. En effet, cette dévolution légale, ce premier
exemple que vous nous apportiez, c'est fait dans le régime...
Mme Blanchette: On en était bien conscientes, oui.
Mme Harel: ...avec une répartition d'un tiers pour le
conjoint et de deux tiers pour les enfants, ce qui est l'état du droit
actuel. Vous savez sûrement qu'avec les modifications qui ont
été apportées lors de l'étude en troisième
lecture la sous-commission recommande une dévolution de la moitié
pour le conjoint et la moitié pour les enfants. Cela modifierait,
à ce moment-là, le pourcentage, mais cela ne remplacera jamais un
testament dans le premier cas que vous nous apportiez.
Mme Blanchette: Non, c'est cela, mais si on l'apportait,
c'était pour illustrer la demande en ce qui a trait à la
réserve.
Mme Harel: Excusez-moi, Mme Blanchette. On me fait valoir que,
effectivement, avec les modifications apportées, il y a non seulement un
nouveau partage, mais également une possibilité d'indivision de
l'entreprise, ce qui pourrait, éventuellement, certainement...
Mme Blanchette: Permettre de régler des cas comme
celui-là.
Mme Harel: ...améliorer des situations comme celle que
vous avez décrite.
Mme Blanchette: C'est cela.
Le Président (M. Gagnon): Vous étiez en train
de...
Mme Blanchette: Ce que j'allais dire, c'est que, si on avait
jugé bon de porter ce cas-là à votre attention,
c'était peut-être plus pour justifier encore davantage notre
analyse de la réserve quand on dit qu'on demande qu'elle soit
attribuée pour la moitié au conjoint en se disant que, dans le
fond, dans le cas d'une entreprise, si on lui avait reconnu la moitié,
elle aurait peut-être pu trouver la possibilité de refinancer la
partie qu'elle devait à l'enfant, alors que là elle a dû
liquider le bien pour être en mesure d'y faire face. Les années
antérieures investies auraient pu être un moyen d'assurer une
crédibilité et, financièrement, elle aurait
peut-être pu refinancer seulement la partie qu'elle aurait dû
partager avec un des enfants.
Mme Harel: Je voudrais qu'on me permette une autre question. Vous
ne faites pas état dans votre mémoire, Mme Bédard, de la
question des enfants, c'est-à-dire de la réserve à
l'égard des enfants. Est-ce parce que vous n'avez pas de recommandations
à nous faire sur cette question ou est-ce parce qu'il vous semble que le
législateur ne devrait retenir que le conjoint comme
réservataire?
Mme Bédard: Représentant une association de femmes
qui travaillent en entreprise avec leurs conjoints et étant
moi-même une collaboratrice d'ailleurs, je dois dire que, quand on
travaille dans une entreprise pendant 20, 22 ou 25 ans, l'entreprise fait
partie pratiquement de notre vie et les enfants sont ni plus ni moins
qu'impliqués dans l'entreprise. Il s'agit là d'un monde un peu
différent, peut-être difficile à saisir pour les gens qui
sont à l'extérieur, mais dans une entreprise, ordinairement, les
enfants eux-mêmes sont impliqués très jeunes. Quand la
femme peut maintenir l'entreprise en activité, la famille en
bénéficie presque automatiquement.
Mme Harel: Oui, mais, par ailleurs, avec l'exemple que vous nous
avez apporté, je pense...
Mme Bédard: C'est vrai.
Mme Harel: ...que vous nous avez, justement, souligné que
parfois les enfants n'étaient pas désireux de poursuivre.
Mme Bédard: Oui, mais il s'agissait d'un tout jeune
garçon...
Mme Harel: Oui.
Mme Bédard: ...de 17 ou 18 ans. Il avait 17 ans quand son
père est mort. Il a atteint sa majorité quelques mois plus tard.
À 18 ans, je pense que c'est peut-être un âge difficile.
Mme Harel: Je dois vous dire que l'exemple que vous nous apportez
plaide plutôt en faveur d'écarter les enfants mineurs de la part
réservataire.
Mme Blanchette: Mais il est évident qu'en vertu de la
position qu'on avait déjà défendue lors d'une
première commission parlementaire et n'ayant pas dû retourner
devant les membres pour l'analyser, la position que l'association défend
est la reconnaissance de la participation du conjoint à partir du
principe que, les conjoints ayant travaillé ensemble et ayant
accumulé ensemble ce patrimoine, on peut créer une réserve
que la femme continuera d'administrer et cela, pour le bien-être des
enfants. Si l'accent est mis sur le conjoint, c'est dans le sens que
l'association représente et défend les intérêts des
conjointes, mais, évidemment, dans l'optique où elles le font par
rapport aux enfants également. Les enfants ne sont pas
éliminés, mais on dit: Donnez-les à la femme et elle saura
les administrer ou les redistribuer aux
enfants. Donnez-lui la possibilité de léguer des biens qui
sont autres qu'une reconnaissance morale du travail qu'elle a
effectué.
Le Président (M. Gagnon): Avant... Oui?
Mme Harel: Je veux vous remercier. Je trouve
particulièrement intéressante la partie de votre mémoire
qui traite des biens qui doivent être inclus dans le calcul de la
réserve, de même que des sommes ou des biens qui doivent
être imputés sur la réserve du conjoint. Je pense que,
comme d'habitude, vous nous faites des recommandations raisonnables.
Le Président (M. Gagnon): Juste avant de terminer, je
constate que j'ai la permission de la commission pour poursuivre au-delà
de 13 heures, parce qu'on est rendu à 13 h 8.
M. Marx: Vous avez bien constaté.
Le Président (M. Gagnon): J'ai bien constaté. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aurais dû dire,
au début de la séance ce matin, que Mme Aline Saint-Amand,
députée de Jonquière, voulait être ici aujourd'hui.
Elle fait partie de cette commission. Malheureusement, elle a été
retenue dans son comté et elle s'excuse auprès de vous. On va lui
faire part de tout ce qui s'est passé, aujourd'hui, en commission. De
toute façon, elle en aura la transcription demain.
Je vois que, globalement, votre association est d'accord avec le projet
de loi. J'ai juste une question. À la page 6 de votre mémoire,
vous dites: "L'association recommande de ne pas limiter les effets du cumul
à la moitié de la masse successorale de la masse à
partager." Donc, le cumul devrait être possible. À la page 7, vous
dites: "L'association est d'avis d'imputer sur la réserve du conjoint
survivant les sommes ou les biens suivants...", le dernier article étant
"la valeur des biens reçus à la suite du partage de la
communauté ou de la société d'acquêts." Bon. Est-ce
que c'est contradictoire, parce que cela pourrait réduire le cumul? Cela
semble contradictoire.
Mme Beauvais: Nous, on ne veut pas limiter le montant du cumul,
en fin de compte.
M. Marx: De toute façon, il faut enlever le dernier
article à la page 7. Je pense qu'on comprend ce que vous voulez dire,
mais il y a une petite contradiction entre la page 6 et la page 7. Avec cet
éclaircissement, on va retenir votre recommandation qui est très
claire, à savoir que le cumul soit permis.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous voulez ajouter
quelque chose, Mme Bédard?
Mme Bédard: Non, cela va.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le
député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Tout votre mémoire est
centré sur les femmes collaboratrices. Bien sûr, je suis
très sympathique à votre cause, mais ce qui me surprend un peu,
c'est que vous dites: À cause du fait qu'on est des femmes ou qu'il
existe des femmes collaboratrices, il faudrait qu'il existe une réserve.
Est-ce que c'est à cause de cela? À ce moment-là, il
faudrait simplement donner la réserve aux femmes collaboratrices.
Mme Bédard: Non. Je ne parle pas pour le reste du monde,
mais je dois dire que les femmes collaboratrices, ce sont des femmes qui ont
participé à l'entreprise. Quand une femme y a travaillé
durant 20 ou 25 ans, l'entreprise vaut ce qu'elle vaut à cause de son
travail aussi, même si l'entreprise n'est pas à son nom.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je suis parfaitement d'accord. Je suis
très sympatique aux femmes collaboratrices. Est-ce que cela devrait
être une réserve? Je ne le sais pas, mais on devrait tenir compte
de l'apport qui a été fait par ces femmes. Mais que vous veniez
nous dire: Écoutez, nous voulons la réserve parce que, bon, on a
collaboré, on a apporté des biens à la famille ou au
patrimoine, ensuite, on va avoir la même situation pour d'autres qui
n'ont pas collaboré, j'ai de la difficulté à comprendre,
à vous suivre là-dedans. Que vous me disiez: Écoutez, il
faut que les femmes collaboratrices bénéficient des biens qui ont
été accumulés par le couple, je suis parfaitement d'accord
avec cela, mais que ce soit par le mécanisme de la réserve, je ne
sais pas, cela me semble...
Mme Bédard: Vous pouvez appeler le mécanisme
autrement, du moment que vous lui reconnaissez une part de l'entreprise, de ce
qu'elle a gagné.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais vous ne vous occupez pas des
autres. Vous dites: Nous, du moment qu'on l'a...
Mme Bédard: Écoutez, je ne peux pas défendre
tout le monde.
M. Leduc (Saint-Laurent): ...les autres vont l'avoir. Mais vous
n'aurez pas plus que
les autres qui n'auront pas collaboré.
Mme Bédard: Cela n'est pas juste.
Le Président (M. Gagnon): Excusez. Mme Bédard?
Oui?
Mme Bédard: Bien non. Il dit: Vous n'aurez pas plus que
les autres qui n'ont pas collaboré. C'est là où est
l'injustice. Si on a travaillé dans une entreprise à temps plein,
on a au moins les droits des autres travailleuses.
Le Président (M. Gagnon): Voilà. Est-ce que vous
voulez ajouter quelque chose, Mme Blanchette? Cela va?
Mme Blanchette: Je voulais tout simplement ajouter ceci sur la
représentativité. Il est évident qu'on est un organisme
qui représente des femmes qui travaillent avec leur conjoint. Alors, on
ne vient pas ici pour défendre l'ensemble des femmes du Québec ou
défendre l'ensemble des situations de femmes, soit des femmes qui
travaillent déjà à l'extérieur ou des femmes qui
sont au foyer. On voulait porter à votre attention cette
problématique qui est particulière et qui se pose,
évidemment, dans le cas des successions. Elle est doublement
particulière parce que, en plus d'avoir contribué aux biens
familiaux, les femmes contribuent aussi aux biens qui viennent de l'entreprise,
qui constituent, tout compte fait, le patrimoine, ce patrimoine qui est
légué par la liberté totale de tester.
Maintenant, il est évident qu'il faudrait peut-être
discuter avec d'autres organismes qui représentent les autres
catégories de femmes. Quand on appuie le principe de la réserve,
évidemment, on ne l'appuie pas que pour les femmes collaboratrices; on
l'appuie en raison de la concordance des lois. À partir du moment
où on veut développer des rapports égalitaires entre
hommes et femmes et qu'on a des charges qui sont similaires au niveau d'une
entente de couple, eh bien, il faut que ce rapport soit égalitaire
jusqu'à la fin.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Rapidement, M. le Président. C'est que cette
situation différente que vous décrivez comme étant votre
problématique particulière permet, notamment, la prestation
compensatoire. On ne vous a pas entendu sur cette question de la prestation
compensatoire parce qu'elle peut venir, en plus d'une réserve
héréditaire, compenser pour l'enrichissement que vous avez
occasionné à l'entreprise.
Le Président (M. Gagnon): Oui. Mme Bédard.
Mme Bédard: C'est que, justement, madame, nous avons,
quant à nous, des réticences un petit peu quant à cette
prestation compensatoire parce que le fardeau de la preuve continue
d'appartenir à la femme. Ce n'est pas si simple que cela. D'après
les causes qui ont déjà été entendues sur le sujet,
ce n'est pas une chose si évidente que cela que la femme s'en tire au
mieux avec cette loi.
Le Président (M. Gagnon): Mme Blanchette.
Mme Blanchette: II y a la question des coûts qui sont
encourus pour démontrer cette participation. Il faut que ce soit une
participation qui soit reconnue, il faut démontrer que la participation
a contribué à l'accroissement de l'actif. Il y a plein de choses
à prouver et il y a des frais qui sont encourus.
Dans le cas que je vous citais tantôt, la dame a dit: Vous leur
direz bien - je me permets de vous le dire - que cela coûte cher. Je vais
peut-être aller me chercher X mille dollars, mais il faut savoir ce que
cela va coûter pour aller les chercher en plus de l'odieux de la
démarche, car celles contre qui j'intente cette démarche, ce sont
mes filles, dans le fond. Alors, la prestation compensatoire peut être un
moyen pour corriger, mais, à l'analyse qu'on en fait, on dit: II reste
que ce n'est pas le moyen pour reconnaître des choses qui ont
été faites.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Alors, je vous
remercie, Mmes Bédard, Blanchette et Beauvais, ainsi que l'association
que vous représentez. Merci pour l'apport à cette commission. Je
suspends nos travaux jusqu'à quinze heures exactement. C'est quinze
heures, n'est-ce pas, M. le secrétaire? Quinze heures. Nous entendrons
à ce moment l'Association féminine d'éducation et d'action
sociale.
Les travaux sont suspendus jusqu'à quinze heures.
(Suspension de la séance à 13 h 15)
(Reprise à 15 h 7)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
À cette heure-ci, nous devions entendre l'Association
féminine d'éducation et d'action sociale. On me dit que le groupe
n'est pas arrivé. Je vais demander à Mme Marthe
Asselin-Vaillancourt, qui a déjà pris place, si elle accepte de
passer avant l'autre groupe. Nous allons vous entendre immédiatement en
vous disant la même chose que j'ai
mentionnée aux autres, que vous avez une heure, soit 20 minutes
pour livrer votre message et environ 40 minutes pour dialoguer avec les membres
de la commission.
Mme Marthe Asselin-Vaillancourt
Mme Asselin-Vaillancourt (Marthe): Je vais commencer
immédiatement, je pense bien.
M. le Président, MM. les membres de la commission, je ne suis pas
avocate, je suis travailleuse sociale. Mon message aura donc certains aspects
différents de ceux qui vous ont été livrés
jusqu'ici. Je tiens à vous dire que je l'ai constitué très
rapidement, compte tenu que je me suis inscrite à la dernière
minute à la commission parlementaire, mais, quand même, je tenais
à vous livrer mes quelques réflexions sur la question.
On a beaucoup parlé au Québec, ces dernières
années, de la pauvreté économique des femmes. On a aussi
fait état, à maintes reprises, du nombre élevé de
familles monoparentales dirigées par des femmes et vivant sous le seuil
de pauvreté. La récession des années 1983 a
accentué ce problème et on n'a pas encore vu de changement
malgré la supposée reprise de 1984-1985. Les femmes forment donc
un pourcentage élevé de personnes en état de
difficulté financière.
On retrouve, parmi les bénéficiaires de prestations d'aide
sociale, un nombre élevé de femmes dont les conjoints ne versent
pas de pension alimentaire ou qui ont été privées de la
possibilité de se voir attribuer une part de la succession de leurs
conjoints. Vous comprendrez, dans l'énoncé des cas, pourquoi
j'amène, dès ce moment-ci, cet exposé. Il est surprenant
que ce genre de situation soit tolérée depuis si longtemps car
les programmes d'assistance sociale devraient couvrir les parties de la
population qui n'ont pas d'autres recours et on ne devrait pas placer des
familles et des femmes dans l'obligation de recourir à ces mesures parce
qu'on n'a pas su les protéger de manière adéquate en
préservant leurs droits au partage des biens familiaux.
Il faudra, bien sûr, tout un ensemble de mesures pour
améliorer la condition économique des femmes, mais, dans toute
réforme proposée, que ce soit au plan du travail ou de la
sécurité du revenu, et particulièrement dans les
modifications au Code civil, il est important de garder en mémoire la
nécessaire justice à accorder aux conjointes qui ont
contribué à l'accroissement du patrimoine familial.
On a déjà diverses mesures qui contribuent à
améliorer la situation. Par exemple, on nous parle de la perception des
pensions alimentaires et de mesures de prestations compensatoires. Je vous
avouerai que j'ai hésité longtemps avant d'inclure les mesures de
prestations compensatoires dans les mesures susceptibles d'améliorer la
qualité de vie des femmes, mais enfinl Plus récemment,
l'énoncé d'orientation d'une politique québécoise
de sécurité du revenu à la retraite propose de faire un
pas de plus pour améliorer la condition des femmes en rendant
automatique le partage des rentes de retraite du Régime de rentes du
Québec, au moment du divorce et de la retraite, reconnaissant par
là que les rentes de retraite constituent des avoirs familiaux qui
appartiennent à part égale aux deux conjoints.
À l'intérieur de plusieurs unions, la naissance des
enfants et l'absence de services de garde ont forcé l'épouse
à sacrifier sa propre carrière et à se retirer du
marché du travail. Cette décision, par voie de
conséquence, l'empêchait de se constituer des rentes de retraite
et la rendait vulnérable économiquement. La liberté de
tester du conjoint ajoute à cette insécurité et influence
plusieurs aspects de la vie de l'épouse et des enfants nés de
cette union.
Dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi
20, si l'on croit nécessaire de décider d'un mécanisme de
protection de la famille immédiate du défunt et si l'on a ouvert
la discussion sur ce point, on s'inscrit, à mon avis, dans le
complément des mesures déjà existantes et ce
mécanisme de protection de la famille doit éviter que les membres
de celle-ci, le conjoint survivant ou les enfants, ne se voient injustement
déshérités ou attribuer une part dérisoire ou
inacceptable de ce qui constitue les biens accumulés par les deux
conjoints. Ici, je fais référence aux possibilités du
quart de la succession, ce qui serait, à mon avis, très
insuffisant, vous le comprendrez.
Je rappelle, par la suite, dans les phrases suivantes, ce qui est
à l'intérieur du document d'accompagnement du projet de loi 20
qui concerne la réserve héréditaire. On dit que "lors de
la commission parlementaire qui a suivi le dépôt du projet de loi
107, lequel proposait le maintien de la liberté absolue de tester, les
organismes présents ont été invités par le ministre
de la Justice à donner leur opinion sur l'opportunité de
prévoir un mécanisme de protection contre l'exercice abusif de
cette liberté..."
Je fais état des associations, comme le Conseil du statut de la
femme, l'Association des femmes collaboratrices et le Réseau d'action et
d'information pour les femmes, qui réclamaient, chacune à leur
façon, mais non pas d'une façon tellement différente
finalement, une part réservataire pour le conjoint survivant, sauf que
le RAIF demandait, en plus, que la maison familiale et les meubles soient
toujours dévolus au conjoint survivant.
J'ai, pour ma part, un engagement envers les femmes qui diffère
de ces trois
organismes, puisque, depuis près de dix ans, j'aide les femmes
victimes de violence dans les démarches qu'elles entreprennent pour
acquérir leur autonomie et leur indépendance. Ma démarche
en ce qui concerne ce projet de loi s'inscrit dans la même ligne de
pensée que celle des membres du Conseil du statut de la femme,
c'est-à-dire en faveur d'une part réservataire en pleine
propriété pour le conjoint survivant.
J'ai vécu, ces dernières années, en accompagnant
ces femmes, des situations d'injustice relatives à la liberté de
tester des conjoints. Ceux-ci oublient en rédigeant leur testament que
les biens qu'ils possèdent alors sont le fruit du travail de deux
personnes, le conjoint au foyer ayant contribué par son travail
à la maison et la bonne administration du budget familial à
accroître le patrimoine. Après 30 ou 40 ans de mariage, ce
conjoint se voit dépouillé de 3a part des biens accumulés
et contraint de recourir à des prestations d'aide sociale.
Pour les conjointes au foyer, peu de mesures sont accessibles pour
garantir un revenu et les mesures de prestations compensatoires ne leur sont
guère utiles, même si elles ont contribué pour beaucoup
à accroître le revenu de la famille, souvent grâce à
des travaux de couture ou de ménage effectués pour des tierces
personnes.
Parmi les cas auxquels je me suis trouvée confrontée, j'en
ai retenu trois pour illustrer ma prise de position. Vous comprendrez que je ne
donnerai pas tous les détails. Je ne voudrais pas, surtout dans ma
région, que les femmes puissent être reconnues ou que les
situations puissent être collées à une famille en
particulier. Je vous présente une première situation.
II s'agit d'un remariage d'un veuf de 50 ans et d'une veuve de 39 ans.
Monsieur possédait quelques biens et fit de grandes promesses à
madame en lui disant que sa nombreuse famille avait déjà
suffisamment bénéficié de ses largesses et qu'elle serait
assurée d'une vieillesse à l'abri du besoin advenant son
décès. Pendant les dix ans que dura cette union, monsieur se
révéla être alcoolique, parcimonieux dans les
dépenses du ménage, tout en ne se gênant pas pour infliger
des sévices corporels à madame.
À plusieurs reprises, elle songea à le quitter, mais la
peur du lendemain et le discrédit que son entourage aurait jeté
sur elle en considération de la bonne réputation du monsieur lui
firent endurer cette situation pendant toutes ces années. À la
mort de monsieur, madame, lorsqu'elle assista à la lecture du testament,
découvrit qu'à peu près toute la famille de monsieur,
frères et soeurs y compris, héritait de certains montants, alors
qu'elle se voyait dépouillée jusqu'à la dernière
cuillère et la dernière chaise, monsieur prétendant que ce
qui ornait le domicile conjugal avait d'abord appartenu à sa
première épouse et que le tout devait retourner aux enfants de
celle-ci.
N'ayant eu l'usufruit du logement que pendant trois jours, madame le
quitta avec une petite mallette d'effets personnels pour se diriger vers le
bureau d'aide sociale, après avoir enterré un mari qui laissait
à ses héritiers plusieurs milliers de dollars. La liberté
de tester du mari laisse à cette dame un goût amer.
Deuxième situation. Il s'agit d'une famille où le
père était un être perturbé psychologiquement, mais
quand même apte au travail dans une grande entreprise de la région
du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Depuis des années, à l'insu de la
mère, il commettait des actes incestueux avec ses filles, tout en la
maltraitant elle-même et en bousculant les garçons de la famille.
N'en pouvant plus, la mère demande la séparation légale.
Après bien des scènes, des menaces, des tergiversations et des
recours aux policiers, le mari quitte la maison et est contraint par la cour
à verser une pension alimentaire.
Pendant les instances de séparation, il rédige chez un
notaire un testament léguant tous ses biens à sa femme et aux
filles résidant encore avec la mère. Quelques jours plus tard,
une fille et un garçon déjà mariés, donc ne
participant pas à l'héritage, rendent visite au père,
réussissent à le convaincre de les désigner comme
héritiers de son fonds de pension et de ses assurances accumulés
dans l'entreprise où il travaille. Le lundi suivant, monsieur se rend au
bureau des avantages sociaux de ladite compagnie, effectue les changements
proposés et se suicide en absorbant de l'alcool méthylique.
Madame inscrit une demande en Cour supérieure pour que, compte
tenu de l'état de santé psychologique de son mari, de la pension
alimentaire déjà octroyée et de la teneur du testament,
les héritiers lui versent une part des biens du mari. Le
résultat: madame et ses deux filles n'ont strictement rien obtenu, se
retrouvent avec une maison en fort mauvais état dont le mari n'eut pas
le temps de les dépouiller, une rente du Québec de quelque 300 $,
l'obligation de combler le revenu par des prestations d'aide sociale et une
dette de plus de 2000 $ chez leur avocat, alors que s'il leur avait
été possible de bénéficier d'une réserve
héréditaire, le montant eut été suffisant pour
subvenir à leurs besoins, permettre le retour aux études et se
donner le moyen de vivre convenablement.
Troisième situation. Madame a 70 ans et depuis des années
elle subit les crises de violence et de jalousie de son mari. Il lui a
déjà fracturé un bras et une jambe. Prévenu par
l'une des belles-filles, lorsque madame vient me rencontrer, je l'incite
à réfléchir sur le sérieux de sa situation. Les
blessures que son mari lui inflige sont lourdes de
conséquences, surtout pour une personne ce cet âge.
Après bien des discussions, sa réponse demeure négative.
Elle ne quittera pas son mari parce que chaque jour il lui répète
que, si elle part, il va la déshériter ainsi que les enfants.
Elle continuera donc d'endurer "ses épreuves" - je l'ai mis entre
guillemets parce que c'était comme cela qu'elle parlait, j'emploie ses
propres termes -parce qu'elle ne pourrait vivre avec l'idée qu'elle
aurait contribué à nuire à l'avenir de ses enfants,
quelques-uns d'entre eux vivant des revenus de la PME mise sur pied par le
père.
Des situations de ce genre, j'en ai vécu des dizaines et, parmi
elles, certaines sont si pénibles que je n'oserais les raconter.
L'entière liberté de tester accordée jusqu'ici à un
conjoint peut limiter le droit de sa conjointe à mettre fin à une
vie conjugale où elle subit des situations de violence parce qu'une
grande partie de ces femmes préfèrent subir leur sort
plutôt que de risquer que la famille ne soit victime de leur
décision de partir. N'ayant que la présence de leurs enfants pour
retrouver un peu de dignité, c'est rarement à elles qu'elles
pensent d'abord, mais à l'avenir de ces derniers et au maintien de la
cellule familiale, fut-elle dans un grand état de perturbation.
J'ai eu l'occasion de discuter avec quelques avocats de l'aide juridique
et de la pratique privée avec qui je travaille plus
particulièrement. Sans prendre position en faveur de la réserve
héréditaire, si cette mesure était adoptée, il leur
apparaît qu'elle devrait être assortie d'une proposition explicite
qui inciterait le mari à continuer à contribuer au fonds de
pension et au régime d'assurance de la compagnie pour laquelle il
travaille. C'est sûr que vous m'entendez beaucoup parler de fonds de
pension et de compagnies d'assurances. Il faut que vous compreniez qu'au
Saguenay la presque-totalité des ouvriers travaillent pour des grandes
entreprises; donc, on a toujours ça et ce sont toujours les exemples qui
nous viennent à l'idée lorsqu'il s'agit de prendre position. Je
continue. Il devrait être obligé de contribuer au régime
d'assurance afin que la réserve héréditaire s'appuie sur
une certaine base pour faire respecter les obligations envers le conjoint et
les descendants.
J'ai eu l'occasion de discuter avec des personnes responsables du
versement des avantages sociaux dans certaines entreprises du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Vous savez tous comment cela marche.
Généralement, les fonds de pension et les assurances sont
versés aux bénéficiaires désignés sur les
polices, comme pour toute autre police d'assurance, et le testament ne modifie
pas cette désignation. Dans une entreprise, en 1976, on a permis aux
employés de modifier les bénéficiaires de leurs avantages
sociaux et ceux qui parmi leurs employés ne se sont pas prévalus
à ce moment de ce droit ont des bénéficiaires
irrévocables. Cependant, on fait face présentement à
plusieurs contestations quand le testament mentionne un autre
désignataire que celui nommément précisé sur les
polices d'assurance et le fonds de pension. Une situation clairement
définie dans un texte de loi éviterait toutes ces contestations
en cour.
J'ai tenu a souligner cela parce qu'à un moment donné on
dit dans le document d'accompagnement du projet de loi 20: La réserve
héréditaire, cela entraînerait peut-être des
problèmes. C'est juste pour vous montrer et vous le savez sans doute,
que la liberté de tester aussi entraîne des problèmes
puisqu'il y a de grandes entreprises qui se retrouvent avec des contestations
en cour. C'est donc qu'il faudrait être davantage clair et que la
liberté de tester n'est pas nécessairement la panacée qui
règle tous les problèmes, non plus. Si les autres solutions
risquent d'amener des difficultés, celle-là en amène
peut-être davantage, à mon humble avis.
J'ai aussi tenté de voir auprès des personnes
âgées qu'est-ce que cela leur disait, une réserve
héréditaire. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'elles
n'étaient pas tellement familières avec le terme, mais chacune
reconnaissait que la liberté de tester conduisait à des abus et
chacune avait à ce moment-là son propre exemple en tête.
C'est sûr que pour les conjoints âgés, comme on l'a
mentionné depuis ce matin, changer les contrats de mariage ou discuter
de testament, cela ne se fait pas facilement. Du côté des femmes,
il y a toujours un malaise indéfinissable parce qu'elles ne sont pas
habituées à parler en termes de droit, mais plutôt en
termes de protection. Chez les femmes âgées, surtout celles qui ne
sont pas regroupées en association, comme chez les femmes victimes de
violence, on a de la difficulté à revendiquer pour
soi-même, mais heureusement cela aussi, c'est en voie de changement.
En conclusion, je voudrais vous dire que j'ai abordé la question
de la réserve héréditaire sous l'angle de la
pauvreté des femmes parce que c'est ainsi que les femmes victimes de
violence analysent leur situation pécuniaire, leur situation
économique. Si j'avais fait toute seule le mémoire, j'aurais
parlé beaucoup plus d'une question de justice envers des femmes et des
enfants qui font partie d'un ensemble appelé famille, à
l'intérieur duquel tous les membres ont des droits, des devoirs et des
obligations. Qu'on l'appelle devoir moral ou devoir de justice, le testateur
devrait respecter l'obligation qu'il a contractée envers sa conjointe et
ses enfants.
À travers toute la consultation que j'ai
pu faire - en tout cas, j'ai eu peu de temps pour faire cela et c'est
sûr que moi, je n'ai pas fait un sondage SORECOM - la réserve
héréditaire est apparue à toutes les personnes que j'ai
rencontrées comme la plus souhaitable des mesures de protection.
Je vous remercie de m'avoir entendue.
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, vous comprendrez d'abord que
je veux remercier Mme Asselin-Vaillancourt. Vous souhaitez qu'on utilise le
double nom?
Mme Asselin-Vaillancourt: De préférence, mais vous
pouvez m'appelez Vaillancourt, c'est déjà si long que lui
adjoindre un autre nom c'est...
Mme Harel: Je veux vraiment vous féliciter très
très sincèrement de vous être présentée
devant la commission. Je crois beaucoup à ce genre de témoignage.
Je crois parfois que ces exemples parlent plus éloquemment que bien des
statistiques ou bien des mémoires. C'est dans un exercice
démocratique extrêmement sain que des personnes comme vous se
présentent devant une commission parlementaire. Je sais que cela a
été accepté immédiatement. Je n'étais pas
présente au moment où la décision a été
prise par le bureau de direction de la commission des institutions, mais je
pense que cela était extrêmement souhaitable qu'on entende votre
témoignage.
Mme Asselin-Vaillancourt: Merci bien.
Mme Harel: En fait, ce que vous avez bien décrit, c'est ce
qui s'ajoute à l'insécurité de bien des épouses et
même ce qui peut influencer leur choix de vie.
Mme Asselin-Vaillancourt: Oui.
Mme Harel: Je crois qu'on ne légifère jamais dans
l'absolu. Si on pouvait légiférer entre le bien et le mal, ce
serait extraordinaire, mais, depuis cinq ans que je suis ici, je me rends
compte que ce n'est pas le cas.
M. Marx: Cela prendrait un changement de gouvernement.
Mme Harel: S'il était à ma place, il dirait la
même chose. Entre divers inconvénients, il y a des choix à
faire. Comme vous le disiez si bien, il y a peut-être des
inconvénients à introduire une réserve
héréditaire, mais vous avez bien décrit les
inconvénients de la liberté illimitée de tester. Dans
cette évaluation des inconvénients, vous avez fait votre choix -
et moi aussi - en souhaitant que ce soit celui du gouvernement très
prochainement.
Mme Asselin-Vaillancourt: Merci bien.
Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier Mme
Vaillancourt pour être venue présenter ce mémoire et pour
nous avoir offert ce témoignage. On connaît Mme Vaillancourt parce
qu'il y avait un projet pilote à Chicoutimi en ce qui concerne les
femmes battues ou qui ont cubi de la violence. Je peux vous dire que j'ai
inventé, il y a maintenant presque quinze ans, le cours de droit et
pauvreté qui se donnait à l'Université de Montréal.
Dans le cadre de ce cours, j'ai beaucoup étudié cette question
des femmes pauvres parce que la plupart des assistés sociaux sont des
femmes qui ne peuvent pas travailler pour une raison ou pour une autre. C'est
inutile de créer de l'emploi pour ces personnes dans le sens que,
souvent, elle3 sont incapables de travailler à cause de leur famille,
parce qu'elles doivent assurer la garde de leurs enfants, parce qu'elles sont
malades ou pour toutes sortes de raisons.
Mme Asselin-Vaillancourt: Ou parce qu'il n'y a pas d'emplois dans
les régions.
M. Marx: C'est cela.
Mme Asselin-Vaillancourt: Si vous faites référence
à la région d'où je viens, une fois qu'on a comblé
le secteur des services dans les emplois pour les femmes, ce sont de grandes
entreprises qui emploient des hommes.
M. Marx: Oui, cela...
Mme Asselin-Vaillancourt: À l'Alcan, on a très peu
de femmes; chez Abitibi Price aussi. Ce sont de gros employeurs.
M. Marx: La semaine prochaine, on va traiter des programmes
d'accès à l'égalité. Mais, il y a quelque chose
à faire dans ce domaine aussi. J'ai visité des maisons
d'hébergement pour les femmes violentées et je comprends les
problèmes.
Ce que j'ai beaucoup apprécié de votre témoignage,
c'est qu'il y a du vécu dans les bureaux de notaires, il y a aussi du
vécu sur le terrain. Je pense que c'est important pour la commission et
pour ceux qui lisent le Journal des débats d'avoir une
appréciation du vécu dans les bureaux de notaires, dans les
bureaux d'avocats, mais aussi sur le champ, comment cela se traduit dans des
exemples assez concrets, et nous sommes heureux de voir que vous êtes
d'accord avec
la réserve successorale. Si le gouvernement n'avait pas fait
cette consultation, le projet de loi aurait déjà
été adopté, mais le ministre Johnson, qui sera
bientôt premier ministre, a pensé que ce serait mieux à ce
moment-ci, de tergiverser.
Mme Harel: Consulter, ce n'est pas tergiverser.
M. Marx: Bah! Ce qu'on appelle...
Mme Asselin-Vaillancourt: Des fois, on dit: II recule pour mieux
sauter. Espérons!
M. Marx: Consulter comme on l'a fait cette fois-ci, ce n'est
peut-être pas tergiverser. C'est du "stallage", c'est-à-dire qu'on
savait quel serait le résultat de cette consultation. Je pense que Mme
la députée de Maisonneuve le savait aussi, mais je ne lui demande
pas de nous expliquer tout cela.
Mme Asselin-Vaillancourt: Je crois qu'on se pose beaucoup de
questions pour savoir pourquoi il y a tant de femmes sur l'aide sociale et
pourquoi les femmes ne partent pas. Ce sont les questions qu'on se pose.
Pourquoi, dans une situation de violence, les femmes ne quittent-elles pas? Je
pense qu'on ne va pas chercher les bonnes réponses, souvent. Il faudrait
voir. Plus la famille est à l'aise, moins les femmes quittent. Elles
s'engagent dans une démarche qui leur fait sacrifier des choses et elles
se disent: Oh! moi, je peux, mais c'est pour les enfants. C'est pour la
famille. Les enfants sont habitués à un certain standing de vie.
C'est toujours la première chose qu'elles disent. Je pense que ce projet
a eu tant de succès parce que... J'avais mon intervention sur la femme,
elle. Toi, tu es victime, toi, toi, toil Mais, plus la femme est à
l'aise, moins elle va quitter et, si elle quitte, plus sa
décision va être difficile à prendre, parce que c'est
l'avenir de ses enfants qu'elle engage et cela va jusqu'à la
possibilité pour les enfants d'hériter. C'est pour cela qu'elle
ne partira pas. (15 h 30)
M. Marx: En ce qui concerne les femmes violentées, le
ministre Johnson, à sa façon, a fait une démarche
concrète. Il a publié une consultation. Je ne pense pas qu'on
avance vraiment ces dossiers en faisant des consultations et en les publiant.
Je pense qu'il faut prendre des mesures plus concrètes, et souhaitons
que le prochain ministre de la Justice - on ne sait pas qui encore - prendra...
Ce serait peut-être une bonne idée d'avoir une femme ministre de
la Justice au Québec. Je pense que ce serait une première pour le
Canada? Aux États-Unis j'imagine qu'il y a eu des femmes "Attorney
General". Pour le Canada, ce serait une première.
Mme Asselin-Vaillancourt: Je ne pense pas qu'il y ait eu des
femmes ministres de la Justice.
M. Marx: Peut-être que cela prendra un gouvernement
libéral aussi pour cela.
Mme Asselin-Vaillancourt: Ah! là, si vous vous engagez sur
ce terrain, on sera là pour vous rappeler ce que vous avez dit cet
après-midi.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse.
Mme Harel: De toute façon, on ne peut pas souhaiter que le
voeu du député de D'Arcy McGee se réalise parce que cela
pourrait nous éviter... Cela ne pourrait pas nous éviter, au
contraire, mais nous priver de sa présence à cette fonction.
M. Marx: Mais je serais toujours en commission.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Bien sûr, madame, votre plaidoyer
est très bien et je suis sympathique à votre document, mais je
pense qu'on mêle peut-être certaines choses. Vous parlez de
violence, vous parlez de pauvreté, vous parlez de problèmes
sociaux. Je ne sais pas. Il ne faudrait peut-être pas mêler cela
avec la réserve héréditaire. Bien sûr, on peut
toujours relier la liberté de tester ou la réserve à des
problèmes sociaux, mais ce n'est pas tout à fait la même
chose. Qu'il y ait des problèmes de pauvreté, de violence, de
chômage, je suis parfaitement d'accord pour dire que l'on doit essayer
d'y remédier, mais dire que, parce que les foyers ont de l'argent ou ont
des moyens, les problèmes n'existent pas ou que cela va régler
certains problèmes et que cela va permettre à certains
ménages de durer, je ne sais pas si c'est la bonne solution ou si c'est
souhaitable.
Mme Assselin-Vaillancourt: Non, je ne pense pas que c'est ce que
j'ai dit. Je n'ai pas dit que cela permettrait de durer, j'ai dit que cela
permettrait de laisser les biens dans la famille, cela permettrait de garantir
à la conjointe et aux enfants un certain... Vous savez, il n'y a pas une
seule mesure qui va corriger les problèmes de pauvreté des
femmes, il n'y a pas une seule mesure qui va corriger le fait que les femmes
n'ont pas d'argent ou qu'elles dépendent de l'aide sociale ou qu'elles
3ont victimes de violence. Quand on vit dans une société, quand
on joue avec le casse-tête administratif, il faut faire attention de ne
pas déplacer les pièces qui
vont accentuer les problèmes. Je l'ai dit, cela va prendre tout
un train de mesures -je commence même par cela - pour changer la
situation des femmes, mais il ne faut pas agir de telle façon qu'il y en
ait de plus en plus qui dépendent de l'aide sociale ou qu'il y en ait
qui se ramassent à l'aide sociale, alors que les biens qui leur
appartiennent - il faut bien se le dire - sont dispersés aux
frères ou aux soeurs, à une organisation charitable, à une
fondation d'hôpital, etc. Je n'ai rien contre les fondations des
hôpitaux, mais il ne faut pas, dans ce bloc administratif, changer
des choses qui ne vont qu'accentuer les problèmes.
Je vous dis qu'il y a un problème relié à la
liberté de tester. Bien sûr, je ne viens pas vous donner une
recette pour que le problème s'amplifie. Au contraire, dans ce que je
vis, j'essaie de voir ce qui pourrait corriger la situation. Or, en lisant dans
les journaux qu'il y avait une sous-commission qui se penchait sur la
réserve héréditaire, je me suis dit: Bon, voilà,
pour un certain nombre de femmes, il y a une possibilité, là,
d'aller chercher une sécurité du revenu, donc, de les
empêcher d'être en situation difficile. C'est certain que ce n'est
pas cela qui va faire que, demain matin, il n'y aura plus de femmes
dépendantes de l'aide sociale.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais, madame, quand on parle de
liberté de tester ici, on parle constamment de déposséder
quelqu'un. Mais il ne s'agit pas de cela du tout. Je pense qu'il s'agit de
planifier, de permettre...
Mme Asseiin-Vaillancourt: Si le mari laisse l'argent à
l'hôpital...
M. Leduc (Saint-Laurent): ...si vous me le permettez, madame, une
dévolution logique des biens. Prenez le cas où la succession du
mari n'est pas très élevée. Disons, pour les besoins de
l'exemple, qu'elle est de 100 000 $ incluant la propriété. Ne
pensez-vous pas absolument normal qu'on donne tout à l'épouse?
Absolument. Cela, c'est de la planification. Bien sûr, s'il y a des
enfants, l'épouse aura soin des enfants. Ce serait joliment mieux que
d'être obligé de partager avec les enfants qui pourraient, comme
on l'a indiqué, dilapider certains biens. Il ne s'agit pas de dire qu'on
donne la liberté de tester pour permettre à l'époux ou au
conjoint de déposséder ou d'enlever tous les biens à
l'autre. Il ne s'agit pas de cela du tout. Je dis qu'il faut juger, qu'il faut
permettre aux gens d'exercer un jugement sain et de donner leurs biens de la
façon qui leur semble la plus appropriée. On pense que quelqu'un
qui a été assez intelligent pour amasser un peu ou beaucoup de
biens - en tout cas je pense cela - sera peut-être assez intelligent pour
en disposer d'une façon intelligente. Je pense qu'il faut faire
confiance aux gens aussi.
Est-ce qu'on va déposséder complètement
l'épouse pour donner cela à quelqu'un d'autre?
Une voix: Cela se fait.
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, bien sûr, et cela se fera et
même si vous voulez enlever la liberté illimitée de tester
vous aurez le même problème. Il y en aura qui trouveront des trucs
pour passer à côté, madame. Vous pouvez être certaine
de cela. Ils vont en venir à bout.
Je pense qu'il faut peut-être regarder cela de façon un peu
différente, de façon positive. Je suis d'accord sur ce
point-là. Je pense que donner des biens aux enfants, ce n'est pas
approprié, hormis qu'on soit très riche, avec une succession
très élevée. À ce moment-là, bien sûr,
c'est de la planification successorale.
Je pense qu'il faut nuancer. On parle constamment comme si la
liberté illimitée de tester conduisait absolument à
déshériter les conjoints. Ce n'est pas cela du tout. Si c'est
cela, je suis parfaitement d'accord avec vous, mais je ne pense pas que ce soit
tout à fait dans cette optique qu'on doive le voir.
Le Préaident (M. Gagnon): Mme Asselin-Vaillancourt.
Mme Asselin-Vaillancourts Sauf que vous nous parlez toujours d'un
jugement sain, d'un monsieur qui est bien équilibré. Dans ce
cas-là on n'aurait pas besoin de légiférer. Si tout le
monde possédait un jugement sain, si tout le monde n'avait de rancune
envers personne vous perdriez votre job et moi aussi. On n'aurait pas besoin de
règlements de la circulation; personne ne prendrait de la boisson; tout
le monde conduirait sa voiture de façon normale,
équilibrée, en pensant qu'elle lui coûte cher et en
ménageant le voisin qui a aussi un droit de passage. La vie
réelle, la vie de tous les jours nous fait souvent penser qu'il y a
autre chose qui prime le jugement sain qu'un individu peut avoir par ailleurs.
Comme vous le dites il peut être capable d'amasser des biens.
M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous permettez, madame, vous allez
reconnaître avec moi que, lorsqu'un mariage fonctionne très mal,
cela tourne au divorce habituellement. Le problème ne se pose donc pas
tellement. Ce n'est pas comme il y a peut-être 25 ou 30 ans où
vraiment le divorce était un tabou, où les gens devaient faire
preuve de beaucoup plus de tolérance. Aujourd'hui, dès que cela
fonctionne plus ou moins bien, cela conduit directement au divorce. Le
problème...
Mme Asselin-Vaillancourt: Pas tout à fait.
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, le problème en tout cas de
la liberté de tester se pose beaucoup moins à ce
moment-là, madame.
Mme Asselin-Vaillancourt: En vertu de ce que je vous ai dit, je
ne vous dirai pas qu'on divorce pour un oui ou pour un rien puisque je vous ai
prouvé qu'il y a des femmes, même en situation de violence, qui ne
partent pas, préférant préserver pour les enfants une
famille en état de perturbation plutôt que pas de famille du tout.
Je vois cela à tous les jours.
On parlait ce matin de personnes informées et de jeunes qui
venaient faire des contrats de mariage en toute connaissance de cause...
Écoutez! Vous lisez certainement les journaux. Quand vous voyez que les
jeunes sont si peu informés sur leur sexualité et sur les moyens
de contraception comment voulez-vous qu'ils soient informés sur les
mesures législatives, les contrats matrimoniaux, etc.?
Pourquoi le ministre de la Justice, le Conseil du statut de la femme,
l'Association des femmes collaboratrices, l'AFEAS, la Fédération
des femmes du Québec, etc., font-ils tant de publications? Pourquoi la
Semaine de la justice a-t-elle été axée sur la question de
la justice, de la violence faite aux femmes, des séparations, des
avantages que les femmes devraient aller chercher, etc.? C'est la
dernière Semaine de la justice qui a été axée
là-dessus. Je le sais, j'ai eu assez de difficultés durant la
semaine pour m'en rappeler: j'étais contredite par à peu
près tous les autres intervenants, mais finalement... Je veux dire que,
si on met autant de brochures sur le marché, c'est donc que les gens ne
sont pas informés. Sinon, personne n'investirait d'argent
là-dedans. L'AFEAS n'a pas d'argent en trop pour publier des choses
intitulées "À vos amours et à vos affaires", "Quand le
coeur et la tête sont en affaires", etc. Si elle le fait, c'est qu'elle
sait qu'il y a un manque d'information chez les femmes membres d'organismes
féminins, pas seulement du sien. Donc, si on investit autant dans la
formation, on ne peut pas, d'un autre côté, affirmer que les
jeunes sont informés. Mais non, ils ne le sont pas. Ils prennent des
décisions en se mariant. Ils ont besoin que vous leur poussiez dans le
dos pour qu'ils aillent chez le notaire faire un contrat. En tout cas... Je
vous ai beaucoup parlé des personnes âgées, parce que je
pense que ce sont celles qui sont le plus victimes de la liberté de
tester. Mais si je vous disais que la grande majorité de ma
clientèle a entre 19 et 28 ou 29 ans! Donc, il y a des malaises, il y a
un manque d'information, il y a des décisions qui sont prises... On
n'est pas habitué de creuser... Dans l'euphorie du mariage, le contrat
semble une chose qui s'additionne. Aussi bien du côté des
garçons que du côté des filles, il n'y a pas tellement
d'information véhiculée à ce sujet. J'ai un fils qui s'est
marié au Maroc et j'ai entendu dire qu'il allait se marier sous la loi
du Canada. Je tire sa manche et je lui dis: Toi, tu restes dans la province de
Québec, tu es obligé d'adopter le régime civil en vigueur
dans la province de Québec. Il me répond: Bah! Qu'est-ce que cela
me fout, cela, moi? Je ne lui aurais même pas dit... C'était quand
même un garçon qui avait une maîtrise. Quand ils se marient,
tu sais...
Une voix; Il n'habitait pas...
Mme Asselin-Vaillancourt: ...les régimes matrimoniaux,
cela ne les fatigue pas tellement. Le rabbin au Maroc a eu l'agréable
surprise d'apprendre qu'il y avait une province francophone qui avait son
propre code civil. Je ne considère pas que mon fils est
particulièrement défavorisé, sauf que cela ne
l'intéressait pas. Ce qui lui importait, lui, c'était de se
marier avec une femme qu'il aimait et qu'elle puisse immigrer au Canada. Il a
signé le contrat de mariage qui était en hébreu et, j'aime
autant vous le dire, il ne l'a pas lu.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Mme Asselin-Vaillancourt: II aurait été en
français et il ne l'aurait pas lu davantage. En tout cas!
Le Président (M. Gagnon): Alors, je vous remercie, Mme
Asselin-Vaillancourt, de ce témoignage que vous avez apporté
à la commission. Contrairement à ce qu'on a entendu, à
savoir que cette journée retarde inutilement, peut-être,
l'adoption du projet de loi, je pense qu'aujourd'hui, à cause de
témoignages comme le vôtre, on en a appris... en tout cas, pour ma
part, comme président de la commission, j'en ai appris beaucoup. Dans ce
sens, je remercie le ministre de la Justice d'avoir demandé des
consultations sur le droit de tester. Merci infiniment.
Mme Asselin-Vaillancourt: C'est moi qui vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Le prochain groupe que nous
devons recevoir, c'est l'Association féminine d'éducation et
d'action sociale. Je pense que les gens ne sont pas arrivés. On les
avait invités pour 16 heures. Nous allons suspendre nos travaux
jusqu'à 16 heures pour voir si... On nou3 dit qu'ils sont à
Québec présentement.
(Suspension de la séance à 15 h 44)
(Reprise à 16 h 3)
Association féminine d'éducation et
d'action sociale
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je voudrais souhaiter la bienvenue à l'Association
féminine d'éducation et d'action sociale, à Mme
Coulombe-Joly et à Mme Michelle Ouellet. Voilà.
Je vous laisse la parole immédiatement en vous rappelant, comme
on l'a fait depuis le début de la journée, que nous consacrons
une heure, si nécessaire, par mémoire. Donc, vous avez environ 20
minutes pour nous livrer votre message et 40 minutes de discussion avec les
membres de la commission. Je vous cède la parole.
Mme Coulombe-Joly (Louise): Merci. Premièrement,
j'aimerais vous dire, en tant que présidente de l'Association
féminine d'éducation et d'action sociale, qu'il nous fait plaisir
de venir vous rencontrer cet après-midi et de vous apporter nos
positions concernant votre commission.
J'aimerais aussi mentionner que Michelle Ouellet, qui m'accompagne, est
notre chargée du programme d'action à l'AFEAS au niveau
provincial.
J'aimerais aussi ajouter que - je ne sais pas si vous connaissez
très bien l'Association féminine d'éducation et d'action
sociale -l'AFEAS a beaucoup plus d'information sur les situations que les
femmes vivent que sur des éléments concrets de certains projets
de loi à certains moments donnés; cela vous expliquera
peut-être le contenu de notre mémoire et vous fera réaliser
que dans certains petits articles du projet que vous nous aviez
présenté nous n'avons pas pu aller jusqu'au fond de la discussion
avec nos membres puisque nous avons fait beaucoup plus de travail
d'éducation, d'information et de constat de situations dans toute la
province.
Ceci dit, j'aimerais vous présenter notre association qui
regroupe 35 000 femmes dans la province de Québec. Ces femmes sont
actives dans 600 cercles locaux réunis dans treize régions
différentes.
Les deux buts principaux de l'AFEAS sont l'éducation et l'action
sociale. L'association propose chaque année un programme d'études
mensuelles à tous ses membres. C'est ainsi que, par une prise de
conscience à la fois individuelle et collective, elle contribue à
améliorer les conditions de vie des femmes et celles de la
société. Par ailleurs, l'AFEAS incite également ses
membres à engager des actions concrètes dans leur milieu en vue
d'un changement social.
Les propositions adoptées par les membres de l'AFEAS
reflètent les intérêts et les préoccupations des
femmes. Elles découlent des sujets étudiés durant
l'année ou résultent d'une prise de position à la suite
d'un sujet d'actualité. Une fois les positions adoptées au cercle
local, elles sont acheminées au niveau de leur région pour
être étudiées lors des congrès annuels de mai.
L'assemblée générale du mois d'août,
l'assemblée provinciale, constitue la dernière étape de
notre processus de prise de position au niveau de PAFEAS.
C'est ainsi que, forte de l'appui de ses 35 000 membres, l'AFEAS
détermine des positions pour ensuite les revendiquer et les
défendre auprès des instances concernées. Ce
mécanisme de prise de décision garantit à l'AFEAS sa
réputation de corps intermédiaire représentatif et
très écouté.
Avant de nous présenter devant la sous-commission des
institutions concernant la Loi portant réforme au Code civil du
Québec du droit des personnes, des successions et des biens, nous avons
recueilli les principales données de nos recherches-actions ainsi que
des positions adoptées par l'assemblée générale et
celles adoptées par le conseil d'administration provincial.
Ce court document résume nos positions concernant les aspects
étudiés pour la sous-commission.
Je dois peut-être vous dire à ce moment-ci que l'AFEAS a
effectué en 1982 une grande recherche auprès de 2000 femmes au
foyer de la province, et l'AFEAS a publié le rapport de compilation et
d'analyse de cette recherche en 1984 aux Éditions du Boréal
Express. Alors, plusieurs éléments de notre document ressortent
de ce que nous avons découvert dans notre recherche sur la situation des
femmes au foyer.
En fait, le droit québécois de la famille, la loi 89,
accorde aux époux l'égalité dans le mariage; ils ont les
mêmes droits et les mêmes obligations. La loi précise que
les époux contribuent aux charges du ménage en proportion de
leurs facultés respectives, chacun pouvant s'acquitter de sa
contribution par son activité au foyer.
La loi ne prévoit par contre aucune règle de partage des
revenus entre conjoints. Le revenu appartient en propre à celui qui le
reçoit; le partage relève des ententes privées. Les
gouvernements misent beaucoup sur ces ententes et comptent sur les conjoints
pour répondre aux besoins des femmes au foyer. Le régime fiscal
et les politiques sociales entretiennent cet état de dépendance,
laissant croire que tout est bien ainsi. Aucune mesure n'incite les conjoints
à reconnaître financièrement le travail au foyer, condition
essentielle à une forme d'autonomie dans la famille.
Tant que la bonne entente règne dans le couple, la
dépendance financière peut certes être supportable: dans la
vie de tous les jours, les ententes de partage n'ont guère d'importance
pour la majorité des femmes au foyer. C'est lorsque l'harmonie se brise
ou qu'un événement met fin à la vie du couple qu'on mesure
la gravité de la situation pour les femmes au foyer.
En fait, lorsque les femmes au foyer n'ont plus de conjoint, leurs
chances de s'en tirer, financièrement parlant, sont minimes. Tout
dépend du régime matrimonial sous lequel elles étaient
mariées, de l'avoir financier de leur conjoint ou de la volonté
de celui-ci de reconnaître leur travail au foyer.
Lors de notre enquête effectuée dans le cadre de la
recherche-action que je mentionnais tantôt, nous avons découvert
que le régime matrimonial des répondantes se situe comme suit:
Près de la moitié des répondantes sont mariées sous
le régime de la séparation de biens. Plus d'un quart n'ont pas de
contrat de mariage. Ces couples se retrouvent donc sous le régime
légal en vigueur au moment du mariage. Un couple sur quatre a choisi le
régime de la communauté de biens et quelques-uns, 3,1 %, ont
opté pour la société d'acquêts. Très peu de
répondantes, 1,6 %, ne savent pas sous quel régime elles sont
mariées. Je vous ai mentionné tantôt que cette recherche
date de 1982. Ce sont donc des chiffres très récents.
Par la suite, nous avons analysé le régime matrimonial
selon l'année du mariage, puisque depuis 1970 le régime
légal au Québec est changé. Nous découvrons
qu'après 1970 plus de la moitié des couples ont choisi le
régime de séparation de biens. C'est donc une augmentation de
10,8 % par rapport aux années antérieures. Un autre fait
étonnant à signaler, le pourcentage de couples choisissant le
régime de communauté de biens est monté a Il,4 %,
comparativement à celui pour la société d'acquêts
qui est de 7,3 % seulement.
Pourquoi tant de couples choisissent-ils la séparation de biens?
Considérant que les répondantes travaillent exclusivement au
foyer, qu'elles exercent un travail non rémunéré et
qu'elles ont peu de possibilités d'accumuler des biens personnels, que
veut dire la séparation de biens? Séparation de biens pour qui?
Car la principale caractéristique de ce régime est l'absence de
biens communs aux deux époux.
Nous pouvons, sans risque de nous tromper, avancer les hypothèses
suivantes sur les raisons de ce choix. D'une part, au moment de passer un
contrat de mariage, rares sont les couples qui pensent à la
séparation ou au divorce. La seule préoccupation concerne les
décès. Elle est réglée par la clause testamentaire.
D'autre part, sous ce régime, l'épouse ne se sent pas responsable
des dettes du conjoint et, si le conjoint investit dans sa propre entreprise,
certains biens sont protégés, par exemple, les biens de son
épouse ou ceux qu'il désigne à son nom. De plus, la
croyance populaire veut que, de toute façon, ce qui appartient à
un conjoint appartienne aussi à l'autre. Cela peut être
réel dans la pratique, mais différent lorsque le point de vue
juridique entre en jeu. Cette trop grande popularité du régime de
la séparation de biens est inquiétante, d'autant plus qu'une
répondante sur deux, parmi les femmes de moins de 45 ans, est
mariée sous ce régime - et, je le répète, en 1982.
Le pourcentage de couples dans cette situation augmente avec le revenu. Un
autre fait surprenantl On considère, en regardant le tableau, que, dans
la catégorie de moins de 10 000 $ de revenu annuel, 28,5% des couples
sont mariés en séparation de biens. Vous arrivez à la
catégorie de 30 000 $ et plus de revenu annuel et 64,2% des couples sont
mariés en séparation de biens.
Ces faits nous amènent à conclure que la protection
accordée en vertu du régime matrimonial risque d'être
minime quand on considère la faveur toujours grandissante du
régime de la séparation de biens.
Puisque ce régime se caractérise par l'absence de biens
communs, que la majorité des couples ne font pas l'achat de leur maison
en copropriété et que très peu de maris se
préoccupent de désigner des biens au nom de leur conjoint au
foyer, quelle sera la part de la femme au foyer? Cette question concerne
environ une répondante sur deux.
La plupart des couples de notre enquête prévoient des
dispositions légales en cas de décès. La situation
financière de ces femmes dépendra des avoirs du ménage et
du montant des assurances. Cette affirmation repose cependant sur les
arrangements actuels du couple. Il faut se rappeler qu'un
bénéficiaire peut être changé. Les autres, celles
qui n'ont rien de prévu, qui ne savent pas ou qui ne seront pas
bénéficiaires, se trouvent devant une situation incertaine.
Bien sûr, les intentions des conjoints au moment du mariage
étaient fort louables, mais les conséquences sont lourdes pour la
personne qui n'a pas eu l'occasion d'accumuler des biens personnels.
Après cinq, dix, quinze ou vingt ans de travail au foyer, les femmes
peuvent se retrouver dépourvues de tous les biens auxquels elles avaient
accès. Pourquoi? Parce qu'elles ont suivi la tendance
générale en se mariant en séparation de biens, parce
qu'elles ont fait confiance à la vie. Elles ont travaillé au
bien-être de la famille sans se préoccuper de leur contrat de
mariage ni de la possession légale des biens. Il est bien tentant pour
le conjoint de conserver les biens qu'il possède
légalement lorsque l'amour s'est envolé, même si
l'épouse a contribué, par son travail, à l'accumulation et
à l'entretien de ces biens.
Comme recommandations, nous disons: Dans le mémoire
présenté par l'AFEAS au comité de consultation sur la
politique familiale, nous y développons l'importance de respecter les
principes d'égalité et le partage des responsabilités
entre les membres qui constituent la famille. La loi ne prévoit aucune
règle de partage des revenus entre les conjoints, ce partage
étant laissé au domaine des ententes privées.
Ainsi, les 35 000 membres de l'AFEAS se sont prononcées sur cette
question et ont adopté les résolutions suivantes, lors du
congrès de 1983. Premièrement, on demande que les gouvernements
reconnaissent la part du travail au foyer durant la vie de couple. Exemples: le
partage du revenu familial, le partage des gains du régime de rentes.
Deuxièmement, on demande que le travail au foyer soit reconnu comme une
participation à l'enrichissement du couple et, troisièmement, que
cette participation à l'enrichissement du couple soit incluse dans la
prestation compensatoire. (16 h 15)
La liberté totale de tester, telle qu'elle se pratique
actuellement au Québec, contredit, selon nous, l'esprit de ces
principes. Encore aujourd'hui, la plupart des biens de valeur sont la
propriété du mari. De plus, on le sait, les femmes en
général ont peu de biens en propre. Il est établi que le
salaire de la femme qui travaille à l'extérieur est souvent
utilisé pour l'achat de biens courants. Pour la travailleuse au foyer,
cette situation va presque de soi.
Il nous apparaît donc que la plupart des biens acquis par le mari
l'ont été grâce à la contribution des deux
conjoints, chacun à sa façon et selon ses possibilités.
Pourquoi alors, au moment de tester, seul le propriétaire légal
peut-il disposer de ces biens?
La situation actuelle ne peut que nous inciter à prendre position
en faveur d'une réserve successorale. Pour reconnaître
l'échange de services entre conjoints, l'Office de révision du
Code civil proposait, en 1979, de créer une part réservataire du
conjoint survivant et ce, indépendamment des régimes
matrimoniaux. Le conseil d'administration provincial de l'AFEAS a
endossé cette proposition de l'office.
Ainsi donc, nous reprenons cette position de l'AFEAS qui demande qu'au
décès de l'un des conjoints le conjoint survivant ait droit
à une réserve. Ce droit à une réserve serait
d'ordre public et il serait impossible d'y déroger même par
contrat de mariage. On demande que la réserve soit de la moitié
en propriété des biens énumérés à la
recommandation suivante et qu'on inclue les biens suivants pour évaluer
la réserve du conjoint survivant: tous les biens de la succession;
toutes les sommes exigibles au titre de pension de retraite, contrat
d'assurance, si la désignation d'un bénéficiaire a
été faite dans les trois ans précédant le
décès; toutes les donations faites entre vifs dans les trois ans
précédant le décès; toutes les donations faites
à cause de mort.
De plus, on demande que les sommes ou les biens suivants soient
imputés sur la réserve du conjoint survivant: les legs faits par
le défunt au conjoint; les donations à cause de mort en faveur du
conjoint; les sommes exigibles à titre de régime de retraite ou
contrat d'assurance dont le conjoint est bénéficiaire; les
donations faites entre vifs par le défunt à son conjoint avec
mention que ces donations seront déduites lors du calcul de la
réserve; la valeur des biens reçus à la suite du partage
de la communauté ou de la société d'acquêts. On
demande que le conjoint survivant, sous réserve des exceptions
concernant l'entreprise familiale, la résidence familiale, les meubles
meublants, ne puisse exiger le paiement en nature de sa réserve.
Ainsi donc, l'AFEAS privilégie des mesures d'application
générales et automatiques afin que toutes les femmes
concernées en bénéficient sans procédures complexes
et coûteuses. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. D'abord,
félicitations, parce que vous êtes une toute nouvelle
présidente, je crois, à l'AFEAS. Le congrès a eu lieu, je
pense, assez récemment, a la fin août - c'est cela? - avant
même... Je pense que l'AFEAS avait déjà été
convoquée avant même que vous soyez élue à la
présidence.
Mme Coulombe-Joly: Oui. Ma décision de me présenter
avait été prise en juin.
Mme Harel: Vous faites état d'une étude que vous
avez menée, d'ailleurs, et qui a été publiée dans
une revue, je crois, dans un livre...
Mme Coulombe-Joly: Un bouquin aux Éditions du
Boréal Express.
Mme Harel: ...et vos recommandations sont, notamment, de
créer une part réservataire indépendamment des
régimes matrimoniaux. Vous faites état de la situation
particulière de plusieurs de vos membres qui, elles, sont mariées
en séparation de biens. Je crois comprendre - et je trouve cela
intéressant - que vous proposez que l'on tienne compte des biens
reçus à la suite du partage de la société
d'acquêts et de la communauté de biens pour évaluer la
réserve du conjoint survivant. C'est bien le cas?
Mme Coulombe-Joly: Oui.
Mme Harel: Vous prenez en considération, donc - et votre
recommandation est à cet effet - qu'il y ait une réserve
indépendamment du régime matrimonial, que cette réserve
soit de la moitié en propriété des biens et qu'aux fins du
calcul on tienne compte du partage des acquêts et du partage de la
communauté des biens.
Mme Coulombe-Joly: C'est exact. Mme Harel: C'est bien
cela?
Mme Coulombe-Joly: II y a peut-être une chose que je
voudrais réexpliquer. Notre recherche n'a pas été faite
auprès de nos membres. Notre recherche sur la situation des femmes au
foyer a été faite auprès de 2000 Québécoises
qui n'étaient pas des membres de l'AFEAS. Les noms ont été
sélectionnés par un centre de sondage de l'Université de
Montréal et ont été pigés au hasard pour
représenter toute la province.
Ce qui ressort de cette étude, de cette recherche qui, en
passant, est disponible à nos bureaux de l'AFEAS ou dans toute
librairie... Il en reste quelques exemplaires. Il y a 2500 exemplaires de
vendus sur une édition de 3000. Ce qui ressort de cela, ce sont les
données concernant ce que les femmes de la province vivent. Ce ne sont
pas nécessairement les femmes de l'AFEAS. Ce qui est intéressant
pour nous, c'est qu'on s'est rendu compte que la représentativité
des femmes au foyer de la province est exactement la même que la
représentativité des membres de l'AFEAS, autant selon les
opinions, les besoins des femmes de la province, autant selon les situations
vécues. Ce qui est intéressant, c'est de constater que ces
chiffres datent de 1982.
Vous disiez tantôt qu'en juin nous avons accepté de nous
présenter devant votre commission. On était un peu mal à
l'aise de se présenter parce que, depuis deux ans, un an et demi ou deux
ans, on demande la reconnaissance du travail au foyer et le partage
équitable durant la vie de couple. On se dit: On ne veut pas simplement
la réserve. Tant et aussi longtemps que le travail effectué par
la femme - je parle des travailleuses au foyer parce que c'est notre dossier,
mais les femmes de la province font aussi du travail à la maison - ne
sera pas reconnu dans la richesse familiale, on demandera le partage au jour le
jour. À un moment donné, quand il y aura une séparation ou
un divorce, ils auront déjà chacun leur part. Au
décès, ils auront déjà chacun leur part parce qu'on
aura partagé tout le long de la vie commune.
Par contre, on ne pouvait pas se présenter pour aussi demander
qu'il n'y ait pas de réserve tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas le
partage durant la vie. Je ne sais pas si cela situe notre dossier. Nous voulons
la reconnaissance tout au long de la vie commune et, tant et aussi longtemps
que nous n'aurons pas la reconnaissance concrète tout au long de la vie
commune, nous demandons une réserve pour le conjoint qui a
effectué un travail et qui n'a pas eu la possibilité d'accumuler
des biens.
Bien sûr, on ne demande pas de donner plus à la femme
qu'à l'homme, on ne demande pas de donner plus à un conjoint
qu'à l'autre, c'est une question de justice, d'égalité. Si
le couple est marié en communauté de biens et qu'on partage le
tout en deux, on dit: Cela va. Mais pour les couples mariés en
séparation de biens, il faut absolument demander une réserve pour
qu'elle puisse avoir la part qu'elle n'aurait pas eue par le biais de son
contrat de mariage. Du fait que ce contrat de mariage soit tellement populaire,
il est important d'avoir une réserve pour ces couples.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
Mme Harel: C'est d'autant plus intéressant, Mme
Coulombe-Joly, que c'est sur la situation des femmes au foyer. Donc, ce serait
un portrait très récent de la situation des
Québécoises qui, lorsqu'elles sont interrogées, se
déclarent comme travaillant à la maison. J'avais pensé,
à l'origine, que c'était le portrait de la situation de vos
membres.
Mme Coulombe-Joly: Non.
Mme Harel: Donc, ce serait un échantillonnage des
Québécoises au foyer.
Mme Coulombe-Joly: De la province.
Mme Harel: La question qui me vient à l'esprit est:
Comment se fait-il qu'elles soient plus nombreuses que la moyenne provinciale
à avoir contracté un mariage en séparation de biens? On
voit même qu'il y a eu augmentation avant 1970 et après 1970. On
me dit que, présentement, environ 44 % des mariages seraient
contractés en séparation de biens. Les contrats de mariage, le
régime matrimonial choisi.
Le Président (M. Gagnon): Me Longtin.
Mme Longtin (Marie-José): Oui, en fait, dans les chiffres
que l'on a, par rapport aux inscriptions au registre central des régimes
matrimoniaux et au nombre de mariages qui
sont contractés annuellement et de modifications qui sont
inscrites au registre, il y a effectivement une espèce de progression
qui s'est faite depuis 1970, partant de 1/4, qui fait qu'il y aurait,
d'après ces données, 55 % des mariages qui se font actuellement,
en 1985, sous le régime de la société d'acquêts ou
sans contrat.
Mme Harel: Est-ce récent?
Mme Longtin: C'est un phénomène qui est assez
récent, oui, durant les cinq dernières années.
Mme Harel: C'est un phénomène qui est assez
récent.
Mme Coulombe-Joly: Nos chiffres datent de 1982 et cela nous a
surpris aussi, surtout de voir que ce sont des femmes qui travaillent au foyer
à temps plein, qui n'ont aucune possibilité d'accumuler des
biens. On a demandé: Pourquoi se marier en séparation de biens?
On a avancé certaines hypothèses, on en a discuté avec
certains notaires et ils nous ont répondu que c'est vrai, qu'ils
réalisaient qu'il y avait beaucoup de couples qui se mariaient en
séparation de biens. Bien souvent, ont-ils dit, c'est la solution
facile. On propose ce contrat de mariage qui est le plus facile, qui
représente le moins de comptabilité, qui est le plus facile
à administrer.
Les femmes qui sont sur le marché du travail, elles, pensent un
peu plus à garder leurs acquêts propres, pensent peut-être
plus à une autre forme de contrat de mariage que celles qui
décident de rester au foyer mais, en tout cas, la situation est
alarmante vu que ce sont les femmes au foyer qui sont en séparation de
biens.
Mme Harel: En fait, ce qui serait vraiment passionnant, c'est si
on avait une étude comparée des femmes qui sont aussi sur le
marché du travail. Peut-être pourrions-nous découvrir
à ce moment-là que ce sont celles qui sont sur le marché
du travail qui décident d'utiliser un autre régime que la
séparation de biens.
Mme Coulombe-Joly: On a voulu comparer mais il n'y avait pas de
statistiques sur la situation des femmes sur le marché du travail. Il y
avait des statistiques sur la situation globale des régimes matrimoniaux
mais il n'y en avait pas de spécifiques en 1982 et les statistiques de
1981 n'existaient pas.
Mme Harel: C'est dans ce contexte-là que je comprends bien
votre recommandation qui est particulièrement de corriger la situation
à l'égard des femmes qui sont en situation de séparation
de biens, de façon que l'ensemble de celles qui peuvent en
bénéficier le fassent puisque ce serait indépendamment du
régime matrimonial mais on calculerait les avantages résultant du
régime matrimonial dans la répartition de la part
réservataire. C'est bien cela?
Mme Coulombe-Joly: C'est cela. Je pense que cela s'applique
beaucoup aussi dans le cas de contrats de société d'acquêts
parce qu'à certains moments il y a des biens qui sont des biens propres
et des biens qui sont des biens communs. On peut jouer sur les mots, c'est un
bien propre au conjoint ou un bien commun de la famille. S'il y a une
réserve on verra à partager les biens selon le montant de la
réserve et, aussi, s'il y a trop de biens propres à l'un plus
qu'à l'autre.
Mme Harel: J'aimerais bien comprendre la huitième
recommandation que vous faites: "Que le conjoint survivant, sous réserve
des exceptions concernant l'entreprise familiale, la résidence
familiale, les meubles meublants, ne puisse exiger le paiement en nature de sa
réserve."
Mme Coulombe-Joly: Je dois dire qu'on comprend cette
résolution dans le sens - je vais essayer de vous mettre cela concret
-qu'un couple possède une maison, un chalet et d'autres biens. On fait
le total de la masse des biens familiaux et on divise en deux si la maison lui
revient ou s'il y avait une partie du chalet qui lui revenait. La maison c'est
la résidence familiale, elle a le droit d'y demeurer, elle a
accès à la maison familiale. Mais, si la moitié du chalet
lui revient, qu'elle ne puisse pas demander l'accès la moitié du
temps à son chalet ou quelque chose comme cela mais qu'elle puisse
prendre en argent cette valeur du chalet et non pas demander en nature la
moitié de son chalet. Quand ce n'est pas la résidence familiale,
ce n'est pas l'entreprise familiale, ce ne sont pas les meubles meublants,
qu'elle puisse recevoir cette valeur en argent et qu'elle ne puisse pas exiger
de l'avoir en nature. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre.
Mme Harel: C'est-à-dire que dans le cas des meubles
meublants de la résidence familiale et autres...
Mme Coulombe-Joly: Ce sont les réserves.
Mme Harel: ...elle pourrait obtenir une compensation...
Mme Coulombe-Joly: Ce sont les autres biens excédant la
résidence familiale, les meubles meublants ou l'entreprise familiale
dont elle aurait droit à une part. Qu'elle ne puisse pas demander en
nature la partie des
autres biens.
Mme Harel: D'accord.
Mme Coulombe-Joly: Comme la moitié de l'auto. Si la valeur
de la moitié de l'auto lui revient, qu'elle le prenne en argent, qu'elle
n'ait pas à demander la moitié de l'auto en nature.
Mme Harel: Très bien. Vous n'avez pas fait mention du tout
de la part réservataire à l'égard des enfants mineurs ou
à charge. Avez-vous une opinion sur cette question? Avez-vous eu
l'occasion de faire l'étude de cette question? Est-ce que cela vous
inquiète qu'il puisse y avoir éventuellement morcellement de
l'entreprise? Avez-vous étudié la possibilité d'un
usufruit pour les enfants? Est-ce que ce sont des questions que vous avez
examinées?
Mme Ouellet (Michelle): Malheureusement ce sont des questions
qu'on n'a pas eu l'occasion d'étudier, de pousser à fond avec nos
membres. C'est un peu pourquoi on faisait le préambule qu'on a fait
à notre travail. On considère que ce qu'on présente est
assez mince. Si le temps nous l'avait permis on aurait pu consulter nos membres
sur les différentes hypothèses émises dans le document et
en particulier vis-à-vis des personnes à protéger. Les
délais ne nous ont pas permis de le faire, ce qui veut dire qu'on a
relevé simplement les positions qu'on avait, qui datent, d'ailleurs, de
1979 là-dessus. Malheureusement on n'avait rien de spécifique
face aux personnes à protéger autres que le conjoint
survivant.
Par contre, on regarde dans la politique familiale où on a
développé beaucoup, comme position, le respect de
l'identité de chacune des personnes qui constituent la famille et on a
défendu le principe d'égalité de chacun des membres qui
constituent la famille et le principe de la responsabilité
partagée avec chacun de ces membres. À partir de cela on ne peut
s'opposer au fait qu'on tienne compte des enfants et des personnes à
charge dans la réserve mais on n'a pas vraiment de position officielle
là-dessus.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? (16 h 30)
Mme Harel: Oui. Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mesdames, nou3 apprécions
beaucoup votre intervention ici cet après-midi et nous vous remercions
de votre document. Je voudrais relever certains points de ce document. Vous
dites à la page 3: "Fait étonnant à signaler, le
pourcentage de couples choisissant le régime de la communauté de
biens (Il,4 %) après 1970 est plus élevé que pour la
société d'acquêts (7,3 %)." Je ne vous cache pas que c'est
un énoncé qui m'étonne beaucoup. Vous dites
qu'actuellement il se fait plus de contrats de mariage en communauté de
biens qu'en société d'acquêts?
Mme Coulombe-Joly: Maintenant que la société
d'acquêts est le régime juridique en vigueur au Québec, la
communauté de biens peut être encore un régime matrimonial,
mais sous forme de contrat notarié. Ce n'est plus le régime
automatique, il faut le faire sous forme de contrat chez le notaire. Il y a des
couples qui font encore des contrats de communauté de biens.
Personnellement, je pense que la société d'acquêts n'est
pas assez comprise ou que cela semble trop compliqué à
administrer et que la communauté de biens est moins compliquée.
Mais ce sont les données qui ressortent de notre enquête, à
savoir qu'il y a plus de couples qui ont choisi, après 1970, la
communauté de biens que la société d'acquêts.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je crains beaucoup que vos
renseignements ne soient pas adéquats. On parle de moins de 1 %, madame.
Je ne sais pas où vous avez pris ce3 renseignements.
Mme Coulombe-Joly: Le 1 %, c'est peut-être pour les
années quatre-vingt. Moi, je parle de tous les couples qui se sont
mariés entre 1970 et 1982, parce que notre recherche a été
faite en 1982.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je dois vous dire que j'ai beaucoup de
réserves pour avoir pratiqué assez intensément comme
notaire. Je ne vous cache pas que, depuis 1970, je n'ai jamais fait un contrat
de mariage en communauté de biens. Je ne crois pas que sur dix notaires
on en ait fait un également. Maintenant...
Mme Coulombe-Joly: II n'y en a pas eu du tout entre 1970 et
1975?
M. Leduc (Saint-Laurent): Non. Je ne sais pas où vous avez
pris cela. Je veux bien comprendre qu'il peut s'en faire, mais le pourcentage
de Il,4 % me semble très élevé.
Vous dites, au dernier paragraphe de la page 3: "D'une part, au moment
de passer un contrat de mariage, rares sont les couples qui pensent à la
séparation ou au divorce. Leur seule préoccupation concerne le
décès: elle est réglée par la clause
testamentaire." Qu'est-ce que vous entendez par cette affirmation? Je ne saisis
pas très bien. Est-
ce que vous parlez de l'institution contractuelle révocable,
irrévocable...
Mme Coulombe-Joly: C'est la clause testamentaire qui est
ajoutée au contrat de mariage en séparation de biens.
M. Leduc (Saint-Laurent): Qui est ajoutée, pas
nécessairement, mais qui peut être ajoutée. Est-ce que vous
parlez d'une institution contractuelle révocable ou
irrévocable? Vous dites: "elle est réglée". Est-ce que
cela voudrait dire que ce serait irrévocable?
Mme Coulombe-Joly: Non, c'est que...
M. Leduc (Saint-Laurent): Si c'est révocable, ce n'est pas
réglé.
Mme Coulombe-Joly: Non, c'est révocable. Dans notre
tête, quand un couple se marie, il ne pense pas à prévoir
certaines mesures au cas où il y aurait une séparation ou un
divorce. Par contre, dans la grande majorité des contrats de mariage en
séparation de biens, il y a une clause testamentaire qui dit: Au dernier
vivant les biens, ou quelque chose comme cela. En tout cas, cela a
existé à une certaine époque.
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, oui.
Mme Coulombe-Joly: Je ne sais pas si cela concernait tous les
contrats. Alors, la femme qui voit son contrat de mariage, dit: II n'y a pas de
problème, on se marie, on s'aime, on va vivre ensemble longtemps. Si
jamais il décède avant moi, c'est moi qui aurai les biens. Si je
décède avant, c'est lui qui aura les biens, ou quelque chose
comme cela. Il n'y a pas de problème, tout est réglé. On
ne pense pas à la séparation et au divorce.
M. Leduc (Saint-Laurent): Écoutez, madame, c'est
peut-être une mauvaise perception que vous avez. Depuis quelques
années, ce n'est plus cela. Quand les gens font un contrat de mariage
maintenant, ils connaissent les tenants et aboutissants des clauses qui sont
insérées dans le contrat de mariage. Je dirais qu'ils sont
beaucoup plus prudents et beaucoup plus informés que vous l'affirmez.
Les gens, aujourd'hui, connaissent exactement les conséquences des
clauses qui sont stipulées. Comme je le disais, ce matin, les clauses
avantageant l'un des conjoints pour un montant de 5000 $ ou de 10 000 $, c'est
fini. Maintenant, les gens sont avisés, sont avertis et ils exigent
d'être protégés. Alors, ce sont des affirmations que je
trouve assez gratuites. Si vous me parliez d'il y a 25 ans, madame, je serais
parfaitement d'accord avec vous. Mais, aujourd'hui, les gens connaissent les
conséquences. Ils savent que les mariages ne durent pas tellement
longtemps. Le pourcentage de divorces est de 60 %, les gens sont au courant de
cela. Ils savent que six mariages sur dix vont finir par un divorce. Alors,
quand les gens entrent dans le bureau du notaire ils sont bien
préoccupés par cela. Ils disent: On veut bien avoir des
explications concernant le divorce.
Alors, je pense qu'il ne faut pas affirmer trop facilement que les
jeunes s'aiment, que cela ne les préoccupe pas du tout. C'est faux. Moi,
en tout cas, l'expérience que j'ai eue... Maintenant, ensuite,
quand...
Mme Coulombe-Joly: J'aimerais répondre à ce
commentaire.
M. Leduc (St-Laurent): Oui..
Mme Coulombe-Joly: C'est possible qu'il y ait beaucoup de couples
qui soient informés, qu'il y ait beaucoup de couples qui fassent des
contrats de mariage différents, mais quand on va dans la classe des gens
populaires... En tout cas, notre recherche a été faite avec une
recherchiste de l'Université de Montréal; c'est une recherche
scientifique avec des données comparées et c'est
représentatif de la province. On se rend compte qu'il y a beaucoup de
couples encore qui sont mariés comme cela. Je ne vous parle
peut-être pas de couples qui se sont mariés en 1980 ou 1981 mais
de couples qui se sont mariés entre 1970 et 1982.
Cela veut dire qu'il y a des couples de douze ans de mariage, de onze
ans de mariage, de dix ans de mariage. De toute façon, nos
données sont expliquées dans ce livre; la façon dont on
les a compilées et la méthode qui a été
utilisée sont toutes expliquées là-dedans. Vous avez le
droit de contester nos chiffres si vous le voulez. Mais ce n'est pas une
affirmation qu'on fait. C'est selon une recherche scientifique qui a
été faite. Cela nous donne le portrait de la situation de
l'ensemble des femmes de la province.
C'est possible qu'il y ait une certaine proportion de couples qui vivent
différemment depuis 1980 ou depuis 1975, c'est possible, mais il y a
encore une bonne proportion de couples qui vivent comme cela ou qui ont
vécu comme cela. Vous me dites que cela change. Je suis contente de
l'entendre dire et je me dis: Tant mieux si cela peut changer, si les nouveaux
couples vont se marier différemment. Mais moi, je vous rapporte ce qu'on
a été chercher dans les questionnaires écrits qui ont
été compilés et analysés avec une recherchiste
scientifique.
M. Leduc (Saint-Laurent): À la page 4, vous dites: "Compte
tenu que ce régime se caractérise par l'absence de biens
communs,
que la majorité des couples ne font pas l'achat de leur maison en
copropriété et que très peu de maris se préoccupent
de désigner des biens au nom de leur conjoint au foyer... Là, je
dois vous dire également qu'il y a une évolution. Maintenant,
lors d'achat d'une propriété résidentielle, je dirais que
dans 60 % des cas c'est aux deux noms, ce qui n'existait pas il y a cinq
ans.
Mme Coulombe-Joly: En quelle année? Il y a cinq ans?
M. Leduc (Saint-Laurent): Bien, en tout cas, c'est un praticien
qui vous parle. On n'a peut-être pas une clientèle qui est normale
mais c'est la...
Mme Harel: Pour la ville de Saint-Laurent, mais elle n'est
peut-être pas normale pour l'ensemble du Québec.
M. Leduc (Saint-Laurent): Non. On doit vous dire qu'à
Saint-Laurent... Disons qu'on ne pratique pas simplement dans Saint-Laurent. On
pratique dans toute l'île de Montréal. C'est ce qu'on voit, ce
qu'on ne voyait pas auparavant, je dois vous le concéder. Si je vous
disais autre chose je vous conterais des blagues. Mais je dois dire que
là-dessus il y a eu une évolution. Je pense que c'est une bonne
chose. D'ailleurs, je dois vous dire que peut-être les notaires ont une
responsabilité dans ce domaine d'informer les gens des
conséquences et peut-être de les encourager à acheter en
copropriété.
Même si on ne le leur suggère pas, dans beaucoup de cas ils
insistent et ils veulent que la propriété soit aux deux noms. Je
dois vous dire que cela ne crée pas de problèmes. Il n'y a pas de
méchant mari -parce que c'est celui qui est attaqué aujourd'hui;
depuis ce matin on l'attaque, ce pauvre homme - qui s'oppose à mettre la
propriété aux deux noms. Je voulais simplement mentionner ce
qu'on peut connaître dans la pratique notariale.
Mme Coulombe-Joly: Je vais vous répondre à cela. Ce
n'est pas là non plus une affirmation gratuite. On n'a pas mis le
tableau de notre recherche à la suite de cette affirmation, mais je dois
vous dire que dans notre recherche on a découvert que parmi les couples
mariés en séparation de biens il y en a 141 qui sont
propriétaires et il y en a 68 % dont la maison appartient au conjoint
seulement. C'est donc plus des deux tiers parmi les répondants de notre
recherche. Je ne veux pas du tout que vous preniez ce qu'on vous apporte comme
argument comme blâmant les hommes et disant que les hommes sont
méchants. C'est que les mentalités sont comme cela et que tout
fait dans la société qu'on est bien comme cela et qu'on ne s'y
arrête pas, qu'on ne s'en préoccupe pas.
Mais je dois vous dire, pour avoir jasé avec un notaire
qu'à ma question à savoir comment cela se fait qu'après
avoir marié un couple en séparation de biens, l'année
suivante, quand ils viennent pour signer un contrat d'achat de maison, il ne
leur fait pas penser d'acheter en copropriété, le notaire a dit:
Oui, c'est vrai. On devrait le faire mais, par contre, il y a des
procédures qui sont déjà entreprises, le mari a
déjà fait sa demande d'hypothèque, sa demande d'emprunt,
qu'il a signée seul. Il arrive chez le notaire et là la femme
veut signer. II aurait fallu que la femme commence sa démarche au
début. Il y a tout cela qui fait que, bon, finalement, le mari se
ramasse le seul propriétaire. Ce n'est pas par méchanceté
du tout. Quand le mari dit: Ce qui est à toi est à moi, c'est
vrai. Quand il le dit, c'est vrai. C'est seulement quand il ne l'aime plus,
qu'ils se sont chicanés ou quand il en aime une autre que là ce
n'est plus vrai. Quand il le dit, il est sincère et je crois qu'il est
sincère aussi. Je ne veux pas que vous pensiez qu'on dit que tous les
hommes sont des diables, mais c'est la situation que dans la grande
majorité des cas le mari est l'unique propriétaire.
Le Président (M. Gagnon): Mme Ouellet aurait quelque chose
à ajouter.
Mme Ouellet: J'aimerais ajouter quelque chose sur la
copropriété, sur l'usage qui est fait de la
copropriété. J'ai essayé d'obtenir à la fin
d'août des chiffres de la Chambre des notaires sur l'utilisation de la
copropriété dans la signature des contrats d'achat de maison. On
m'a dit qu'il n'existait pas de tels chiffres, que ce n'était pas
disponible, mais on m'a dit: On peut quand même vous donner une
idée de la situation, de ce qui se pratique. Ce qu'on m'a
rapporté, à ce moment, c'est que la copropriété se
développait effectivement, sauf qu'actuellement on en notait l'usage
dans certains quartiers précis de Montréal et de Québec,
c'est-à-dire dans des quartiers très urbains et dans des
quartiers avec un niveau de revenus élevé.
On disait que dans ces quartiers-là, pour les contrats
notariés, la pratique se répand de plus en plus de l'usage de la
copropriété. Par contre, dans les autres endroits du
Québec, c'est rare. Cela demeure une pratique encore assez
particulière et peu répandue. Il y a beaucoup d'information qui
est demandée par les femmes sur la copropriété. Cela a
été fait, notamment, par les membres de l'AFEAS à notre
dernier congrès et on se propose au cours de l'année de faire de
la publicité sur la copropriété, à savoir qu'est-ce
que la copropriété et
comment on y accède. L'AFEAS publiera probalement un feuillet
publicitaire pour informer les femmes de cela. Alors, que les femmes demandent
de l'information là-dessus, c'est peut-être indicatif que ce n'est
pas aussi répandu encore que vous semblez le dire.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je disais simplement qu'il faut
peut-être apporter certaines nuances.
Mme Ouellet: On constate beaucoup que cela se publicise, se
pratique davantage.
Le Président (M. Gagnon): Voilà. Est-ce que
ça va? Oui? Il n'y a pas d'autres questions? Je voudrais vous remercier
de votre voyage de Montréal à Québec pour venir nous
informer. Votre mémoire a été extrêmement
intéressant. Là-dessus j'ajourne la sous-commission sine die en
vous rappelant qu'on devrait, théoriquement, se rencontrer le 16, mais
j'ajourne quand même sine die.
(Fin de la séance à 16 h 43)