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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le jeudi 5 septembre 1991 - Vol. 31 N° 7

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi n° 125, Code civil du Québec


Journal des débats

 

(Quatorze heures seize minutes)

Le Président (M. Lafrance): Puisque nous avons le quorum, j'aimerais déclarer cette séance de travail ouverte, en rappelant tout d'abord à tous et à toutes le mandat de notre commission qui est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 125, Code civil du Québec.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements à annoncer?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, un remplacement: Mme Bleau (Groulx) est remplacée par M. Doyon (Louis-Hébert).

Le Président (M. Lafrance): Merci. J'aimerais également rappeler que cette séance siégera jusqu'autour de 18 heures ce soir. Est-ce qu'il y a consentement?

Mme Harel: Avec plaisir.

Le Président (M. Lafrance): Oui, d'accord.

Mme Harel: II fait tellement beau.

M. Rémillard: Avec plaisir.

Documents déposés

Le Président (M. Lafrance): J'aimerais aussi annoncer la liste des documents qui ont été déposés aujourd'hui auprès de cette commission. Tout d'abord, un mémoire de l'Association provinciale des constructeurs d'habitation du Québec inc., qui porte la cote numérique 28D; des mémoires de la Chambre des notaires du Québec traitant du livre quatrième, Des biens, qui portera la cote numérique 29D, sur le livre cinquième, Des obligations, et, en particulier, sur le titre deuxième, Des contrats nommés, qui portera la cote numérique 30D, et, enfin, les commentaires de l'Autonhommie... J'ai de la misère à lire ça: A-U-T-O-N-il-O-M-M-l-E, du Centre de ressources sur la condition masculine, sur la refonte du Code civil, qui portera la cote numérique 31D.

Alors, merci. Avant de reprendre nos débats, est-ce qu'il y aurait des remarques d'introduction de la part des membres?.

Le Code civil et la protection du consommateur

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Si vous me permettez, très brièvement, j'ai pris connaissance dans les journaux des commentaires exprimés par l'Opposition en ce qui regarde certains aspects que nous aurons à étudier. Je trouve ça intéressant dans la mesure où je trouve que ça suscite de l'intérêt dans la population pour les travaux que nous faisons.

D'autre part, M. le Président, je veux répéter ce qui peut-être apparaissait en nuance dans ces articles, c'est-à-dire que, pour nous, nous recherchons ce juste équilibre. En ce qui regarde en particulier les consommateurs, je voudrais dire, M. le Président, que, pour ma part, je ne veux pas tomber dans ce piège de considérer qu'il y a de bons consommateurs et de mauvais fabricants ou de mauvais vendeurs, de mauvais commerçants. M. le Président, il n'y a qu'un juste équilibre à établir dans notre société et il y a pour moi des droits, des obligations, de part et d'autre, qui doivent être bien précisés.

En fonction des différentes questions qui ont été soulevées, tel que ça apparaît dans les médias d'aujourd'hui, je dois dire, M. le Président, que c'est des questions sur lesquelles nous nous interrogeons. Le point final n'est pas mis, parce que nous sommes toujours à consulter et à discuter. À un moment donné, nous devrons trancher, mais j'insiste sur ce point, M. le Président, en fonction d'un juste équilibre, et je crois que c'est fausser le débat que de dire qu'il faut favoriser le consommateur.

Il ne faut pas voir aussi simplement le commerçant et c'est probablement le problème que nous avons dans bien de nos discussions en ce qui regarde la protection du consommateur. C'est que, lorsque nous parlons de commerçants ou de fabricants, M. le Président, nous pensons immédiatement aux grandes multinationales. Ce n'est pas simplement ça. Et, au Québec, nous avons beaucoup, comme on le sait, de petites et de moyennes entreprises entreprenantes, je devrais dire, dynamiques et qui sont, au point de vue fabrication, au point de vue commerce, mise en marché, très actives. Donc, par conséquent, M. le Président, comme ministre de la Justice, je dois vous dire que ce que nous recherchons, c'est ce juste équilibre et, pour ma part, le point final n'est pas mis. Non. Nous allons en discuter et faire en sorte que cette commission puisse en arriver à un consensus, si c'est possible, recherchant ce juste équilibre.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y aurait d'autres commentaires avant qu'on reprenne... Oui, Mme la députée de Terrebonne, ensuite Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Caron: Oui, M. le Président, très brièvement. Je pense que les points qui ont été

soulevés étaient des points importants et ce n'est pas dans notre esprit non plus, dans le sens de dire qu'il y a des bons consommateurs, que tous les consommateurs sont bons et que tous les fabricants sont mauvais. Absolument pas. Mais un consommateur, lorsqu'il achète un produit, doit être assuré que le fabricant a la responsabilité du produit qu'il a mis en marché. Et ce n'est pas le consommateur... pas par le fait que le consommateur est bon, mais le consommateur n'a pas à être victime des nouvelles technologies que le fabricant peut considérer comme quelque chose d'intéressant à vendre et pour laquelle il n'a pas fait tous les essais. Au Québec, on n'a pas à devenir une terre où on va essayer tous les nouveaux produits et où le fabricant va être déchargé des responsabilités. On n'a surtout pas à reculer par rapport aux acquis que nous avions dans la Loi sur la protection du consommateur, et ça, je pense que c'est très clair du côté de l'Opposition, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la députée. Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

Mme Harel: M. le Président, je constate à nouveau que le ministre vient avec son concept de juste équilibre. C'est un concept dont Mme la députée de Terrebonne m'avait longuement parlé, en me signalant que c'était là la vision que le ministre avait depuis deux ans qu'elle est chargée du dossier de la protection du consommateur, que c'était donc là la vision que le ministre avait dégagée au fur et à mesure de ces deux années.

Moi, je m'élève complètement en désaccord, M. le Président, avec ce concept qui, dans les circonstances de la protection du consommateur, est totalement, à mon point de vue, inadéquat. Je rappelle au ministre qu'il n'y a pas d'équilibre entre les parties en matière de consommation. Il n'y en a pas pour la bonne raison que ce rapport inégalitaire vient d'un marketing que l'on sait être extrêmement agressif en Amérique du Nord, vient d'une publicité qui, pour avoir envahi notre vie quotidienne, nous invite à la consommation de produits. La question n'est pas de savoir s'il y a des bons consommateurs et s'il y a des mauvais fabricants. La question est de savoir s'il y a une bonne protection, autant pour protéger les bons fabricants que les bons consommateurs. C'est ça qui nous intéresse, M. le Président.

Un bon fabricant, c'est un fabricant qui va faire en sorte que toutes les études soient terminées, finalisées, avant de mettre sur le marché un produit qui peut avoir des conséquences néfastes pour la population. C'est ça un bon fabricant. C'est parce qu'on souhaite prendre le parti pris des bons fabricants et des bons consommateurs qu'on ne pourra pas accepter un recul sur la protection que le courant jurispru-dentiel avait jusqu'à maintenant offerte, en termes de responsabilité stricte du fabricant en matière de protection du consommateur.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la députée. Je réalise que nous commentons ici des déclarations qui ont paru dans les médias. Je réalise aussi que ces propos sont très très pertinents pour le mandat qu'on s'est donné, mais sont peut-être aussi à l'avant-garde des articles, étant donné que les articles en question vont, à un moment donné, venir à l'agenda. Alors, M. le député de Westmount, ensuite M. le ministre.

M. Holden: Oui, j'allais dire qu'on est loin de l'article 1466...

Le Président (M. Lafrance): Oui.

M. Holden: ...mais, quand on parle de petites entreprises et de grandes entreprises, il faut aussi considérer que, la plupart du temps, ce sont les grandes compagnies d'assurances qui sont impliquées plutôt que les petites entreprises et les grandes entreprises. C'est presque toujours des questions d'assurances.

Deuxièmement, M. le ministre, si vous allez consulter - je comprends que vous allez consulter le monde qui s'y intéresse - j'espère que vous n'arriverez pas, le jour où l'on discutera l'article 1466, avec votre idée déjà faite parce que j'aimerais et je crois qu'on aimerait tous avoir notre mot à dire.

J'ai même demandé à M. Kravitz, de la cause Kravitz, cette journée-là... Alors...

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, M. le député. Je vais laisser la parole à M. le ministre, étant donné que vous lui posez une question, mais très brièvement, s'il vous plaît, de façon à ce qu'on puisse reprendre nos travaux.

M. Rémillard: Oui, très brièvement, je dirai au député de Westmount que, non, tout ne sera pas décidé. Mais nous aurons toute l'information, par contre, pour décider et, pour ma part, le juste équilibre demeure toujours mon principe. Un équilibre n'amène pas le même nombre de poids d'un côté ou de l'autre, mais amène la même pesanteur, ce qui veut dire qu'il y a, dans les circonstances, différentes choses à prendre en considération.

Je terminerai, M. le Président, simplement sur les mots qu'a utilisés Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve en disant: Si on veut qu'un bon commerçant prenne tous les moyens nécessaires pour assurer la sécurité de son produit pour les consommateurs, si, justement, ce bon consommateur a fait tout ça, est-ce qu'il doit être pénalisé? Un bon fabricant - excusez-moi - a fait tout ça. Doit-il être pénalisé si on devait découvrir, après 15 ans, 20 ans, que son produit est dangereux pour la santé?

C'est une question que je laisse simplement en suspens. On va continuer nos réflexions. Mais une chose est certaine, M. le Président, en terminant. Nous n'avons pas non plus l'intention de diminuer la protection que nous avons présentement pour les consommateurs, pas plus que nous avons l'intention non plus de créer pour les fabricants des obligations qui rendraient plus vulnérables notre économie et la création d'emplois.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Très brièvement, s'il vous plaît, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, aussi brièvement que le ministre, n'est-ce pas, M. le Président? Aussi brièvement que l'a fait le ministre. La question qu'il pose, c'est une question à laquelle les tribunaux avaient déjà répondu. Il a décidé de rouvrir cette question-là. Alors, c'est un choix qu'il a fait; c'est un choix politique qu'il a fait de rouvrir cette question-là. Il aurait pu, comme pour bien d'autres sections du Code, simplement codifier l'état du droit. Il a décidé de rouvrir. Il va falloir qu'il assume que nous en débattions en société.

M. Rémillard: Définitivement. De la filiation

Le Président (M. Lafrance): Merci. Si vous le permettez, nous allons reprendre nos travaux en vous rappelant que nous étions au titre deuxième, De la filiation, en particulier, chapitre premier, De la filiation par le sang, et que les remarques d'introduction avaient été lues.

Alors, j'aimerais donc appeler les articles contenus dans la section I, qui traite des preuves de la filiation, les sept articles contenus entre 521 et 527 inclusivement, en notant qu'il y a deux sous-sections. Est-ce qu'il y aurait, tout d'abord, des amendements à ces articles?

De la filiation par le sang (suite)

M. Rémillard: Oui, M. le Président. À l'article 520, nous ajoutons l'article 520.1. L'article 520.1 se lirait comme suit: "Tous les enfants dont la filiation est établie ont les mêmes droits et les mêmes obligations, quelles que soient les circonstances de leur naissance."

Alors, c'est une disposition générale. Le titre serait: Disposition générale. M. le Président, puisqu'il a une portée générale et qu'il devrait s'appliquer pour les chapitres premier, deuxième et troisième, il nous semble préférable de déplacer l'article 536 au tout début du titre sur la filiation. Donc, cette modification permet, entre autres, de nous assurer que l'enfant issu de la procréation médicalement assistée disposera des mêmes droits et obligations que les autres enfants.

C'est donc dire que nous prenons l'article 536 et en faisons l'article 520.1, avec le titre Disposition générale. (14 h 30)

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres articles qui sont touchés par des amendements? Aucun.

Mme Harel: ...le ministre sur l'amendement.

Le Président (M. Lafrance): Oui, j'aimerais juste... On va essayer de régler les amendements. Est-ce qu'il y a d'autres amendements sur ces articles-là? Non.

M. Rémillard: II n'y a pas d'autres amendements.

Le Président (M. Lafrance): Alors, la discussion est ouverte pour traiter des questions touchant le nouvel article 520.1 jusqu'à l'article 527 inclusivement. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, d'abord, je félicite le ministre pour l'amendement qu'il apporte. Ça signifie donc que tous les enfants, quel que soit le mode, c'est-à-dire même ceux qui sont issus de la procréation médicalement assistée, auront les mêmes droits et les mêmes obligations, quelles que soient les circonstances de leur naissance. Ça signifie donc que... Comment va se lire 520.1 dorénavant? Ça se lit exactement de la même manière, mais il est simplement reproduit comme...

M. Rémillard: Simplement déplacé.

Mme Harel:...déplacé.

M. Rémillard: C'est 536 que nous déplaçons.

Mme Harel: Le principe est déplacé, donc, au début du chapitre. D'accord. Alors, ça m'amè^ ne à demander au ministre, puisque... Il faudra établir fa filiation, n'est-ce pas, pour pouvoir donner effet à cet article 520. Entend-il introduire des dispositions de façon telle que les enfants issus de la procréation médicalement assistée puissent identifier leur géniteur?

Actuellement, je crois comprendre qu'il n'y a pas de règle en vigueur dans les établissements, c'est-à-dire que chacun a son propre protocole ou ses propres règles d'éthique. On me faisait part tout dernièrement qu'il y a encore peu de temps les gamètes qui étaient utilisés pour la reproduction médicalement assistée pouvaient être l'effet de combinaisons, ce qui, entre vous et moi, rendait bien difficile de pouvoir identifier le géniteur. Est-ce que ça signifie qu'à ce moment-là il y aura des disposi-

tions pour que la filiation puisse être établie?

M. Rémillard: On aura l'occasion, je pense, de discuter un petit peu plus loin de cette question, mais le principe que nous établissons, c'est que le donneur de gamètes, son identité demeure confidentielle, excepté pour des questions de santé pour l'enfant. Nous aurons l'occasion probablement de discuter au fond, M. le Président, de cette question, lorsque nous aurons à discuter l'article... Je ne sais pas exactement quel numéro.

Mme Harel: 579.

M. Rémillard: Oui, 579 et suivants. Nous aurons, à ce moment-là, à discuter de ce principe qui n'est pas facile au départ, mais qui va nous amener à préciser tout ce principe de la confidentialité du donneur de gamètes et donc, par conséquent, de l'identité des parents biologiques à un certain niveau autre aussi.

Mme Harel: C'est ça, mais l'exception ouvre quand même à la nécessité de dispositions qui prévoient qu'il pourra y avoir donc identification.

M. Rémillard: II peut y avoir identification dans la mesure où la santé de l'enfant est en cause.

Mme Harel: C'est ça. Étant donné qu'il pourra y avoir identification, tel que proposé dans le projet de loi 125, si la santé de l'enfant est en cause, il devra donc y avoir des règles de pratique telles que l'on puisse identifier, à partir de ce moment-là...

M. Rémillard: À ce moment-là, oui, qu'on puisse identifier directement parce que c'est nécessaire pour la santé de l'enfant, les maladies génétiques.

Mme Harel: À ce moment-là, ça va devoir mettre fin à certaines pratiques, par exemple, qui étaient, entre autres, paraît-il, de mélanger les gamètes pour ne pas avoir à faire cette identification.

M. Rémillard: Les cocktails de gamètes dont vous parlez, il y a des questions d'éthique. Remarquez que dans ces articles du Code nous établissons les principes généraux. On ne verrait pas toute la problématique ou toutes les difficultés d'éthique que soulève, que peut soulever cette évolution de la science en ce qui regarde les grossesses médicalement citées. Mais il apparaît, de par les dispositions que nous avons, que nous allons approuver ici, discuter tout à l'heure, que ça va obliger les institutions à tenir, donc, un registre des donneurs en fonction des gamètes qui sont en relation avec ces donneurs.

Mme Harel: Alors, vous concevez qu'il devrait y avoir un registre dans les établissements qui procèdent à cette reproduction médicalement assistée.

M. Rémillard: En conséquence, par conclusion, oui.

Mme Harel: D'accord. En matière de filiation, est-ce qu'on exclut la preuve scientifique?

M. Rémillard: Excusez-moi. La filiation, qu'est-ce que vous voulez dire?

Mme Harel: À 520.

M. Rémillard: Oui. 520. 520, que vous dites? 521.

Mme Harel: Et suivants. Évidemment...

M. Rémillard: La filiation... Oui, mais qu'est-ce que vous...

Mme Harel: 521, plutôt 520.1.

M. Rémillard: Toutes les règles de preuve demeurent. On n'exclut rien. Toutes les règles de preuve sont là.

Mme Harel: D'accord. Adopté, à moins que...

Le Président (M. Lafrance): Oui. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur ces articles? Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, le nouvel article 520.1, qui porte le même libellé que l'article 536 qui est abrogé, ainsi que les articles 521 à 527, inclusivement, sont adoptés. J'aimerais appeler les articles contenus dans la section II, qui traite des actions relatives à la filiation, soit les articles 528 à 535 Inclusivement. Est-ce qu'il y aurait des amendements à proposer à ces articles?

M. Rémillard: Nous n'avons pas d'amendement, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Aucun amendement. Merci. Est-ce qu'il y aurait des commentaires ou des discussions, à ce stade-ci, sur ces articles?

Mme Harel: On me fait valoir que ces dispositions faciliteraient en simplifiant les actions qui pourraient être introduites, et nous sommes prêts à adopter ces articles.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. S'il n'y a pas d'autres commentaires, les articles 528 à 535 inclusivement sont adoptés. Nous en arrivons au chapitre deuxième, qui traite de l'adoption. Est-ce qu'il y aurait des observations d'introduction? Si quelqu'un veut bien les lire,

s'il y a lieu, s'il vous plaît. M. le député de Chapleau.

De l'adoption

M. Kehoe: Ce chapitre traite de l'adoption. Il reprend substantiellement le droit actuel tel qu'édicté aux articles 595 à 632 du Code civil du Québec et ne lui apporte que quelques modifications. Plusieurs de ces modifications sont d'ordre formel, rédactionnel et terminologique. Ainsi, par exemple, l'expression "déclaration d'adoptabilité" est remplacée à l'intérieur de ce chapitre par l'expression plus juste de "déclaration d'admissibilité à l'adoption".

En outre, il est à noter que les principes qui n'étaient pas clairement exprimés en droit actuel sont édictés à l'intérieur de ce chapitre; par exemple, le principe que l'adoption ne peut avoir lieu pour confirmer une filiation déjà établie par le sang est clairement exprimé à l'article 537.

Enfin, ce chapitre prévoit également quelques modifications importantes aux règles du droit actuel, principalement quant à la procédure d'adoption et quant à l'accès aux renseignements confidentiels contenus dans les dossiers ayant trait à l'adoption d'un enfant. Ainsi, selon les règles de ce chapitre, le parent d'un enfant peut, à certaines conditions, donner un consentement spécial à l'adoption de son enfant par son concubin. Quant aux règles sur l'accès aux renseignements confidentiels contenus dans les dossiers ayant trait à l'adoption d'un enfant, les règles nouvelles prévoient la possibilité de transmettre de tels renseignements à un adopté mineur, lorsque toutes les personnes intéressées ont consenti à la divulgation de tels renseignements. Elles permettent également la transmission de tels renseignements à un adopté majeur, à un adopté mineur et, dans certains cas, à ses descendants, lorsqu'un préjudice grave à la santé de la personne qui requiert de tels renseignements risque de lui être causé si elle en est privée.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le député. J'aimerais donc faire suite en appelant les articles contenus dans la section I, qui touche aux conditions de l'adoption, soit les 23 articles contenus entre 537 et 559 inclusivement, en apportant la précision que cette section comporte cinq sous-sections. Est-ce qu'il y aurait des amendements à ces articles, M. le ministre?

M. Rémillard: Oui, M. le Président. On a un amendement. C'est concernant l'article 549. À la dernière ligne de l'article 549, insérer, entre les mots "si" et "ces", ce qui suit: "étant concubins,". Alors, cette modification a uniquement pour but de préciser le sens de l'article, M. le Président. C'est donc dire que l'article 549 se lirait comme suit: "Le consentement à l'adoption peut être général ou spécial. Le consentement spécial ne peut être donné qu en faveur d'un ascendant de l'enfant, d'un parent en ligne collatérale jusqu'au troisième degré ou du conjoint de cet ascendant ou parent; il peut également être donné en faveur du conjoint ou du concubin du père ou de la mère, si, étant concubins, ces derniers cohabitent depuis au moins trois ans."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas d'autres amendements de proposés, la discussion est ouverte sur ces articles, donc, 537 à 559 inclusivement. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président, c'est en regard de l'application de l'article 537 qui dit que l'adoption ne peut avoir lieu que dans l'intérêt de l'enfant et aux conditions prévues par la loi. Excellent. Le deuxième alinéa est de droit nouveau: "Elle ne peut avoir lieu pour confirmer une filiation déjà établie par le sang." Il semble que ce serait pour contrer un jugement d'un tribunal qui serait venu confirmer une filiation dans le cas d'un transexuel, me dit-on, mais à moins que ce soit pour d'autres motifs aussi. On me dit qu'il pourrait y avoir d'autres motifs. Peut-on nous préciser l'intention que le ministre a en introduisant ce deuxième alinéa?

M. Rémillard: C'est pour confirmer qu'on ne procède pas à une adoption seulement dans des cas où il y aurait peut-être des doutes de filiation déjà établie par le sang. Si la filiation est établie par le sang, que vous êtes l'enfant de tel père ou de telle mère et, par conséquent, même s'il peut y avoir des doutes ou quoi que ce soit, on ne procède pas par une adoption pour établir ce principe-là. Le principe, c'est que la filiation établie par le sang s'impose d'elle-même.

Mme Harel: J'arrive difficilement à comprendre parce que la filiation établie par le sang ne donne pas pour autant la possession d'état. Il faut quand même qu'il y ait eu un acte qui soit enregistré à ce moment-là, par exemple. Prenons un cas pour qu'on se comprenne: le mari de la mère est présumé être le père, mais il ne le serait pas. Alors, la filiation établie par le sang pourrait donner à entendre qu'il s'agit d'un père biologique qui n'est pas celui que le Code présume être le père. (14 h 45)

M. Rémillard: Je m'excuse, mais je ne vous ai pas suivie. J'ai manqué un jalon de votre exemple.

Mme Harel: Parce que la filiation, M. le ministre, établie par le sang... Je fais référence à cette possibilité, par exemple, qu'il y ait filiation établie par le sang avec l'ami de la mère... excusez-moi, avec le conjoint de la mère, malgré

que son mari soit présumé être le père de l'enfant.

M. Rémillard: Oui, oui.

Mme Harel: II pourrait arriver que le mari présumé être le père de l'enfant soit inscrit au registre comme étant le père et que le père biologique veuille éventuellement faire reconnaître sa paternité.

M. Rémillard: Dans votre cas, écoutez, sans aucune prétention - je demanderai aux experts de me corriger, là - au départ, je crois qu'il y a une présomption légale à l'effet que vous êtes l'enfant du père et de la mère qui vivent ensemble. Donc, la mère, c'est assez facile et il y a une présomption que votre père... le conjoint est votre père. Il y a une présomption légale. Est-ce que je me trompe en disant ça?

Mme Harel: La présomption légale, c'est à l'égard du mari...

M. Rémillard: Oui, c'est ça, mari.

Mme Harel: ...de la mère et non pas à l'égard du conjoint de fait.

M. Rémillard: Non, non, le mari. Je me suis peut-être mal exprimé. Le mari.

Mme Harel: Mari, d'accord. C'est du mari. Que vous viviez ensemble ou pas.

M. Rémillard: Parce que c'était votre exemple qu'ils vivent ensemble. Le mari est là.

Mme Harel: Non. Que vous viviez ensemble ou pas, je pense que ça ne rentre même pas en ligne de compte dans la preuve.

M. Kehoe: Ça dépend du nombre de mois... le nombre de jours.

Mme Harel: C'est le mari qui est présumé légalement être le père de l'enfant....

M. Rémillard: II est présumé... Mme Harel: ...dans les 300 jours.

M. Rémillard: Écoutez, il est présumé légalement, donc, le père. Dans ce cas-là, si cette présomption n'est pas irréfragable, dans le sens qu'on démontre par des tests qu'il n'est pas le père, il y a quelqu'un, donc, qui est le père. Dans le deuxième alinéa de 537, j'attire votre attention sur le mot "déjà". Alors, il s'agit d'une filiation déjà établie. On a déjà établi la filiation. On sait à ce moment-ià que, par exemple, ce n'est pas le mari, mais c'est quelqu'un d'autre qui est le père et on dit: Cette personne-là ne peut pas adopter parce qu'on sait déjà que, par filiation, c'est lui le père.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce que, Mme la députée, vous avez des commentaires additionnels?

Mme Harel: Bien, simplement une question. Alors, quel problème est-ce que le deuxième alinéa vient régler?

M. Rémillard: II vient régler qu'il y a des gens qui pourraient prendre l'adoption comme moyen de confirmation d'une filiation qui est tout à coup démontrée dans un cas peut-être comme le vôtre, alors qu'on n'a pas besoin de procéder par adoption, que la filiation est là et les moyens sont donnés pour que la possession d'état seule puisse suffire. Simplement ça.

M. Holden: Est-ce que le mari doit...

Le Président (M. Lafrance): M. le député de Westmount.

M. Holden: ...prendre une action en désaveu ou le père naturel doit demander à la cour sa paternité? Comment ça marche?

M. Rémillard: Une reconnaissance en paternité, ça se peut, mais l'enfant aussi. Ça peut être du côté de l'enfant aussi. Ça peut être du côté de la mère aussi. En fait, tous les éléments que nous retrouvons actuellement dans le Code en fonction de la filiation demeurent. Mais ce qu'on dit, c'est que lorsque cette filiation est déjà établie on n'utilise pas l'adoption pour l'établir.

M. Holden: Ça serait déjà enregistré. M. Rémillard: Déjà enregistré comme tel.

Mme Harel: Or, moi, M. le Président, je comprends...

Le Président (M. Lafrance): Oui. Est-ce que ça satisfait votre... Oui.

M. Holden: Oui, merci, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Mme la députée Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui. Je comprends, là, que 549 va venir régler une situation souvent dramatique de mères qui devaient se porter requérantes en adoption avec leur nouveau mari ou leur nouveau conjoint en faveur de l'enfant. J'ai eu des cas comme ceux-là à mon bureau de comté. Tandis que, dorénavant, avec les modifications apportées à 549, il pourra donc y avoir un consentement à l'adoption spéciale qui pourrait être donné en

faveur du conjoint ou du concubin. On n'aura plus la situation qui prévalait, qui était absolument... qui était absurde, où il fallait que la mère puisse se porter requérante comme parent adoptif.

M. Rémillard: Oui, comme on le verra probablement si on en discute...

Mme Harel: D'accord.

M. Rémillard: ...de fait, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve souligne un problème qu'on règle, un problème qui apportait des situations très difficiles pour faire adopter son propre enfant par son conjoint; elle devait elle-même procéder aussi à l'adoption. C'était absurde. Alors, on met fin à ça.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur ces 23 articles?

Mme Harel: Sur 549...

Le Président (M. Lafrance): ...549, tel qu'amendé.

Mme Harel: ...tel qu'amendé, il faut donc comprendre qu'il n'y a que le concubin qui est soumis à la règle, c'est-à-dire qu'on remplace "conjoint ou du concubin" par "concubin" seulement. C'est ça qu'il faut comprendre. Et le nouveau mari, par exemple, lui, n'est pas soumis à la règle des trois ans, mais le conjoint est soumis à la règle des trois ans. Vous avez préféré le mot "concubin" au mot "conjoint". Pourquoi? Le mot "concubin" a une connotation péjorative dans notre société. Le concubinage, c'était péjoratif.

M. Rémillard: ...par endroits.

Mme Harel: L'union de fait est une situation de fait, mais le concubinage a une connotation péjorative. C'est comme l'adultère, d'ailleurs. Non?

M. Rémillard: Pour les gens de notre génération, mais pas pour la nouvelle génération.

Mme Harel: Non, mais pourquoi "concubin" plutôt que "conjoint"?

M. Rémillard: En droit, le mot "concubin" n'a pas de sens péjoratif. Je suis d'accord avec vous que, dans nos moeurs, en fonction de notre génération, concubinage voulait dire quelque chose de pas correct, de pas bien du tout, pas apprécié par le papa et la maman. Mais...

Mme Harel: ...par le voisinage.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Mais, en termes juridiques, le concubin, le terme est utilisé partout dans cette section et un peu partout en droit, et n'a pas ce sens péjoratif.

Mme Harel: Mais est-ce qu'on utilise le mot "conjoint" uniquement lorsque les personnes ont contracté mariage?

M. Rémillard: Dans le Code, lorsque les personnes ont contracté mariage, ce sont des conjoints; autrement, ce sont des concubins.

Mme Harel: Ce n'est pas là, évidemment, une formulation à laquelle on est habitué dans le langage courant parce que dans notre société, le langage courant, c'est conjoint de fait plutôt qu'époux; époux en mariage et conjoint de fait en union de fait.

M. Rémillard: Le concubin est déjà dans le Code. Évidemment, ce n'est pas quelque chose de nouveau.

Mme Harel: Ah non, non, ça, je n'en doute pas...

M. Rémillard: ...mais...

Mme Harel: ...mais on avait fait sauter quand même pas mal de choses qui étaient déjà dans le Code.

M. Rémillard: Oui, mais je vais peut-être apporter une nuance à ce que j'ai apporté comme complément d'information.

Mme Harel: Peut-on me lire la définition de concubin?

M. Rémillard: Oui, mais juste une minute pour confirmer que, quand je vous disais que dans le Code on parle de conjoint pour les gens qui sont mariés, on parle aussi de conjoint de fait. Donc, il y a une nuance, là.

Mme Harel: Dans le Code, on parle de conjoint de fait?

M. Rémillard: Excusez, on dit dans des lois particulières: le conjoint de fait...

Mme Harel: Parce que le Code est muet et sans doute le restera-t-il sur les conjoints de fait.

M. Rémillard: Alors, en ce qui regarde le concubin, Mme Morency va nous lire de sa voix sous-ministérielle...

Mme Morency (Lise): Alors, on doit utiliser

deux mots pour comprendre le sens du mot "concubin". "Concubin", on dit: "personne qui vit en état de concubinage". Alors, on doit aller à "concubinage" et, à "concubinage", on dit: "état d'un homme et d'une femme qui vivent comme mari et femme sans être mariés". C'est tout. Et ce n'est pas écrit "péjoratif.

Mme Harel: Non, ce n'est pas nécessaire. Ça se déduit.

M. Rémillard: Ça se déduit.

Mme Harel: Alors donc, malgré tout, la question se pose, vous avez choisi d'assujettir à la règle des trois ans le conjoint de fait qu'on va appeler, pour faire plaisir à Me Morency, le "concubin" et vous en avez dispensé le nouveau mari qui, lui, peut adopter l'enfant immédiatement. Est-ce que je peux comprendre que, s'il y a mariage, il peut y avoir un projet de stabilité peut-être plus grand que l'union de fait? Mais ça, ça vaut par rapport aux époux qui ont contracté mariage. Mais je ne sais pas si les statistiques nous prouveraient si l'état de fait, si vous voulez, concorde avec l'intention. Je n'en sais rien, mais je n'en suis pas convaincue au départ. D'autre part, pour l'enfant, est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux qu'un délai se soit écoulé avant qu'il soit tout de suite adopté par le nouveau mari de la mère?

M. Rémillard: Écoutez, l'élément auquel on doit se référer dans tout ça, c'est la stabilité. On veut essayer qu'il y ait le maximum de stabilité pour accueillir cet enfant adopté. On considère que lorsqu'un homme et une femme décident de se marier, avec tout ce que ça signifie, entre autres qu'il y a un patrimoine familial qui existe, ça signifie de fait l'intention d'avoir une liaison stable, régie par les lois du mariage. Autrement, il y a d'autres façons de procéder pour qu'un couple vive ensemble. Dans ce contexte-là, c'est pour ça qu'on a dit. lorsqu'il s'agit d'un nouveau mari, on contracte mariage, le délai n'est pas le même que s'il s'agit de conjoints de fait, de concubins, dis-je, qui n'ont pas exprimé juridiquement, donc, cette stabilité par les lois qui gouvernent le mariage. Alors, c'est en fonction de la plus grande stabilité possible pour l'enfant adopté.

Mme Harel: C'est intéressant, M. le ministre, mais, évidemment, ça fait référence à des convictions, je dirai, à moins qu'on ait des statistiques qui puissent nous permettre de constater qu'il y a une plus grande stabilité en mariage qu'en union de fait. Si c'est le cas, j'apprécierais qu'on puisse peut-être les transmettre aux membres de la commission. Ça ne m'apparaît pas évident que cette stabilité-là, compte tenu du nombre de divorces...

M. Holden: ...si on a trouvé des statistiques sur ces unions de fait.

Mme Harel: Oui, oui, vous avez raison. C'est intéressant parce que vous dites qu'il faut assurer... Je suis d'accord avec le principe, l'objectif, au moins, qu'il y ait un maximum de stabilité. C'est un objectif qui est louable, je crois, auquel...

M. Holden: II faudrait avoir un enregistrement des unions de fait.

Mme Harel: ...il faille souscrire, un maximum de stabilité. Est-ce que ce n'est pas finalement une sorte de préjugé de penser qu'il y a plus de stabilité dans le mariage que dans l'union de fait? Peut-être, en fait, mais j'entends tellement souvent des commentaires qui me sont faits, d'ailleurs, par des gens que vous connaissez bien vous-même, à l'effet que leur couple dure justement parce qu'ils n'ont pas contracté le mariage, que c'est la une des conditions de réussite. Ha, ha, ha! Vous voyez, ce n'est pas moi qui parle. Je transmets simplement les propos que l'on tient.

Mais j'accepte, par exemple, un aspect que vous avez introduit, qui est nouveau, qui, peut-être, peut favoriser la stabilité, de la façon dont vous l'avez d'ailleurs amené: c'est le partage du patrimoine familial. En fait, vous dites: Ce n'est pas seulement le mariage, c'est parce qu'il y a le patrimoine familial, et là je me dis, évidemment, à ce moment-là, que, dans le choix que vous avez exprimé, il faut comprendre que vous considériez que le patrimoine va avoir une incidence sur la stabilité des unions en mariage. (15 heures)

M. Rémillard: Définitivement, dans le Code, nous prenons partie pour le mariage, dans ce sens que nous valorisons le mariage par certaines exigences et que, par conséquent, les gens choisissent le mariage qui implique ces exigences, implique une stabilité pour la famille. C'est toute la philosophie qu'il y a derrière la loi du patrimoine. Ceux qui ne veulent pas se marier, qu'ils ne se marient pas, mais, pour ceux qui se marient, il y a des conséquences légales, et dans le Code c'est très clair.

La question des conjoints de fait sera étudiée globalement plus tard, on le sait. Maintenant, les règles dans les lois particulières concernant les conjoints de fait, on parle de trois ans, sauf s'il y a un enfant qui est né de l'union même; on parle habituellement de trois ans. Alors, on s'est référé à cette règle de trois ans à cause de ça.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. Est-ce qu'il y aurait d'autres commentaires sur ces articles 537 à 559 inclusivement?

Mme Harel: Juste une petite seconde, M. le Président. La Commission des services juridiques faisait valoir, à l'appui du fait qu'on ait la même exigence à l'égard des conjoints mariés que des concubins, le fait qu'il n'était pas rare, et je la cite, de voir des enfants qui vivent des adoptions à répétition à cause du divorce de leurs parents. Mais le divorce n'entraîne pas le désaveu de paternité? Comment est-ce qu'il peut y avoir des adoptions à répétition si, par filiation, l'enfant a un père? Il peut y avoir un divorce d'avec la mère, mais le père reste le père. C'est dans la mesure où il y aurait des cas d'abandon, mais, à ce moment-là, il faut qu'il y ait une action en...

M. Rémillard: En renonciation.

Mme Harel: ...en renonciation ou en désaveu de paternité.

M. Rémillard: Non, c'est la seule façon.

Mme Harel: Non. Même pas, c'est vrai. Oui, oui.

M. Rémillard: II faut qu'ils abandonnent leur paternité ou leur maternité, sans ça, ce n'est pas parce qu'on divorce qu'on n'est plus père ou mère. On me dit que ça se fait.

Mme Harel: Est-ce que ça

M. Rémillard: Non, peut-être pas fréquemment, mais ça peut se faire. On a déjà vu qu'il y a eu abandon de paternité ou de maternité. Donc, ça peut vouloir dire une adoption après; mais plusieurs adoptions à cause de ça, il va falloir que ça se répète deux fois, trois fois, là je dois vous dire qu'il faut tomber sur le numéro chanceux, hein? Ce n'est pas facile.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur ces articles? S'il n'y a pas d'autres commentaires... Oui, M. le député de Westmount.

M. Holden: L'adoption est adoptée!

Mme Harel: On n'a pas fini, malheureusement.

Le Président (M. Lafrance): La section de l'adoption est adoptée. Les articles 537 à 548 sont adoptés tels quels. L'article 549 est adopté tel qu'amendé. Les articles 550 à 559 sont adoptés tels quels. J'aimerais appeler maintenant les articles contenus dans la section II qui traitent de l'ordonnance de placement et du jugement d'adoption, soit les articles 560 à 570 inclusivement.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Alors, il n'y a aucun amendement touchant ces articles. Est-ce qu'il y a des commentaires ou des observations?

D'accord. S'il n'y a pas de commentaires ou d'observations, les articles 560 à 570 inclusivement sont adoptés.

J'aimerais maintenant appeler les articles contenus dans la section III qui traite des effets de l'adoption, soit les articles 571 à 575 inclusivement.

M. Rémillard: M. le Président, il y a un amendement à l'article 571. Nous voulons abroger l'article 571 parce que cet article traite de questions plus spécifiques - prise d'effet d'une adoption prononcée en faveur d'adoptants dont l'un est décédé après l'ordonnance de placement - que celles traitées aux articles 573 à 575. Il serait donc plus logique qu'il soit placé après l'article 575.

Le Président (M. Lafrance): Si je comprends bien, M. le ministre, le libellé de l'article reste...

M. Rémillard: Oui.

Le Président (M. Lafrance): ...tel quel.

M. Rémillard: Oui. Mais nous...

Le Président (M. Lafrance): C'est dans l'ordre numérique que vous voulez proposer l'amendement.

M. Rémillard: C'est ça. Nous allons abroger 571 et nous allons revenir ensuite pour le proposer plus loin, parce qu'il y a trois autres amendements, M. le Président. Je vous ai induit en erreur, je m'en excuse.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, on vous écoute pour les autres amendements.

M. Rémillard: À l'article 572, nous abrogeons l'article 572 pour le même motif que 571, c'est-à-dire que l'article 572 traite de questions plus spécifiques que celles plus générales traitées aux articles 573 à 575. Alors, on trouve plus logique qu'il soit placé après l'article 575.1.

Il y a aussi un amendement à... C'est 575.1. L'amendement proposé se lit comme suit: Le projet est modifié par l'insertion, après l'article 575, du suivant: "575.1. L'adoption prononcée en faveur d'adoptants dont l'un est décédé après l'ordonnance de placement produit ses effets à compter de l'ordonnance."

M. le Président, en raison de cet amendement, le texte se lirait comme suit: "L'adoption prononcée en faveur d'adoptants dont l'un est décédé après l'ordonnance de placement produit

ses effets à compter de l'ordonnance." Plus, M. le Président, l'article 575.2. Le projet est donc modifié par l'insertion, après l'article 575.1, du suivant: "575.2. La reconnaissance d'un jugement d'adoption produit les mêmes effets qu'un jugement d'adoption rendu au Québec à compter du prononcé du jugement d'adoption rendu hors du Québec."

Il s'agit toujours de ces transferts d'articles. C'est l'article 572 qui devient 575.2.

Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y a d'autres amendements, M. le ministre?

M. Rémillard: C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, les articles 571 et 572 sont donc abrogés. Nous introduisons deux nouveaux articles: 575.1 et 575.2.

M. Holden: Le numérotage va être modifié en conséquence.

M. Rémillard: Oui, oui, oui, oui. Le Président (M. Lafrance): Oui.

M. Rémillard: En conséquence. À la fin, on fait une motion pour renumérotation.

Le Président (M. Lafrance): Alors, la discussion est ouverte sur ces articles. Donc, 573 à 575.2 tels qu'amendés.

Mme Harel: II faut donc comprendre que le ministre persiste à maintenir, au deuxième alinéa de 574, le pouvoir du tribunal de permettre le mariage de l'enfant adopté avec un membre de sa famille d'adoption, frère ou soeur, en sachant évidemment pertinemment que la loi fédérale à cet effet est contraire et qu'il y aura possiblement une collision sur le terrain, en tout cas, quant à l'application de dispositions semblables en voulant se conformer à l'attribution des compétences constitutionnelles en réclamant plus, en recherchant plus, du moins, de façon expresse, en démontrant plus clairement l'intention du gouvernement d'obtenir une harmonisation de tout le droit de la famille en rapatriant toutes ces dispositions.

Le ministre est conscient de l'impact que ça peut avoir pour nos concitoyens qui seront soumis, finalement, à des dispositions contradictoires.

M. Rémillard: M. le Président, dans cet article 574, nous permettons le mariage en ligne collatérale entre l'adopté et un membre de sa famille d'adoption, entre, par exemple, l'adopté et sa soeur, c'est-à-dire la soeur membre de la famille, qui n'est pas sa soeur au point de vue sang, mais sa soeur au point de vue adoption. M. le Président, nous en arrivons à cette conclusion parce que, s'il y a défense de mariage entre frères et soeurs, c'est pour des problèmes de consanguinité pour éviter, évidemment, que cette consanguinité aboutisse à des problèmes médicaux, etc. C'est la très grande raison.

Cependant, M. le Président, lorsqu'on parle d'adoption, évidemment que ça ne se réfère pas à ces questions de sang puisque le sang n'est pas le même. Donc, par conséquent, nous en arrivons à la conclusion qu'il est possible de permettre un mariage en ligne collatérale entre l'adopté et un membre de sa famille d'adoption. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve se réfère à un article de la loi fédérale. La loi fédérale a son application. Pour notre part, nous considérons que le nôtre es? constitutionnel. Il est constitutionnel, M. le Président, parce que l'essence et la substance de cet article c'est l'adoption et, par conséquent, les effets de l'adoption.

L'adoption, les effets de l'adoption, la capacité des personnes, c'est de la juridiction du Québec, la juridiction provinciale. Le Code civil, ça fait partie du domaine de juridiction provinciale. Donc, après toutes les consultations que nous avons menées, la conclusion c'est que cet article est tout à fait constitutionnel et dans la juridiction québécoise.

M. Holden: "Pith and substance". M. Rémillard: "Pith and substance".

M. Holden: Mais, dans le fond, c'est le mariage. Ce n'est pas parce qu'on le met dans la section sur l'adoption qu'on ne traite pas de mariage.

M. Rémillard: Non. Absolument pas, M. le Président, absolument pas. Parce que, écoutez...

M. Holden: Je ne suis pas juge, M. le ministre, mais...

M. Rémillard: Non, non. M. le Président, écoutez, relisons l'article 574 où on dit: "L'adoption fait naître les mêmes droits et obligations que la filiation par le sang." Ce n'est pas le mariage, ça. Toutefois, le tribunal peut, suivant les circonstances, permettre un mariage en ligne collatérale entre l'adopté et un membre de sa famille d'adoption." Le mariage est un effet, à ce moment-là, une incidence, un pouvoir ancillaire qui est là parce que c'est le pouvoir de l'adopté de se marier.

M. Holden: Vous admettrez, M. le ministre, que ça peut être discuté.

M. Rémillard: Beaucoup de choses sont fort discutables, M. le député de Westmount. Vous savez comme moi qu'on peut beaucoup discuter... Vous qui êtes un brillant avocat, vous le savez à

quel point on peut discuter ces choses-là. M. Holden: Oui.

M. Rémillard: Mais je crois que ce qui n'est pas discutable dans ce cas-ci, c'est la constitu-tionnalité de cet article.

M. Holden: C'est un argument que... Est-ce que les fédéraux... Par exemple, est-ce qu'il y a une dispute ou une discussion entre les différents niveaux? Et quelle est la loi dans les autres provinces, M. le ministre? (15 h 15)

M. Rémillard: Non, ce n'est pas encore en application. La disposition fédérale n'est pas encore en application et on a envoyé des lettres, on les a avertis, on leur a dit l'état du droit québécois et, par conséquent, j'ai donc fait des représentations auprès de la ministre de la Justice et j'espère qu'ils vont en tenir compte.

M. Holden: Dans les autres provinces, c'est quoi la loi?

M. Rémillard: Je vais m'informer, si vous me permettez. Est-ce que je peux prendre avis de votre question pour vous revenir là-dessus?

M. Holden: Oui.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

Mme Harel: Oui. J'aimerais, au même moment, que le ministre nous dise, puisqu'il invoque que c'est une disposition qui se réfère à l'essence et à la substance qui est l'adoption, en fait, si cette interprétation-là est également celle de son homologue fédéral, si tant est que c'est indubitable que l'article porte sur l'adoption. Si ça l'est, pourquoi est-ce que le fédéral légifère? Parce que là, la collision, c'est... Je veux bien croire le ministre cet après-midi. Je ne demande pas mieux, mais sur le terrain - on fait un Code civil pour qu'il s'applique - est-ce qu'il faut croire que les gens sont maintenant à l'abri de toute action en nullité de leur mariage, ceux d'entre eux qui procéderaient en vertu de l'article 574? Ou faut-il croire qu'ils peuvent être susceptibles d'une action en nullité de mariage en vertu des dispositions mises en vigueur en décembre prochain et contenues dans la loi fédérale?

Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, on ne peut pas éviter les contestations, qu'est-ce que vous voulez? Quelqu'un qui veut contester, mon Dieu, qu'il conteste, mais on est en matière privée. Coudon, s'il y a une contestation... Vous savez, il n'y a pas juste cet article-là. Quelqu'un qui veut contester, je vais vous dire... C'est ça le travail de nos avocats et nous avons de brillants avocats au Québec. Ils peuvent contester beaucoup de choses. Qu'est-ce que vous voulez? On ne peut pas empêcher ça. Mais, moi, je ne peux pas vous dire...

Mme Harel: Alors, qu'il soit conséquent, par exemple. Est-ce qu'il a obtenu du fédéral l'assurance qu'il reconnaîtrait la prédominance du Québec en cette matière?

M. Rémillard: Non. J'ai écrit pour leur signifier notre position et leur demander de ne pas mettre en application cette partie-là, mais je n'ai aucune assurance et je ne vois pas comment je pourrais avoir cette assurance-là...

Mme Harel: Est-ce qu'ils vous ont répondu?

M. Rémillard: ...parce que c'est strictement une assurance politique. À ma connaissance, ils ne m'ont pas répondu, mais, sous toute réserve, il faudrait que je le vérifie. Je vais le faire vérifier.

M. Holden: Est-ce que chaque province...

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

M. Holden: ...a une loi sur l'adoption?

Le Président (M. Lafrance): M. le député de Westmount, vous avez une question?

M. Holden: Je viens de la demander au ministre.

Mme Harel: Je ne sais pas.

M. Holden: Ça doit. On va avoir une conférence fédérale-provinciale...

M. Rémillard: M. le Président, on va vérifier si on a la réponse.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. Est-ce que vous avez une question, M. le député de Westmount?

M. Holden: Une question à M. le ministre. La plupart des provinces ont une loi sur l'adoption, je crois.

M. Rémillard: Je crois que oui, M. le député de Westmount.

M. Holden: Je ne sais pas si on traite de cette question dans leur loi sur l'adoption ou si on n'a pas pensé à le faire.

M. Rémillard: Si vous voulez, je vais m'informer et je vous reviendrai aussi sur cette question-là.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires sur cette section, les articles 573 à 575 sont...

Mme Harel: Sur division.

Le Président (M. Lafrance): ...adoptés sur division, incluant les nouveaux articles 575.1 et 575.2.

J'aimerais maintenant appeler les articles contenus dans la section IV qui traitent du caractère confidentiel des dossiers d'adoption, soit les articles 576, 577 et 578. Est-ce que nous avons des amendements à proposer sur ces trois articles?

M. Rémillard: M. le Président, en ce qui regarde l'article 577, au troisième alinéa de l'article 577, remplacer, après le mot "sollicitation", par ce qui suit: "Un adopté mineur ne peut cependant être informé de la demande de renseignements de son parent." L'article 577 est modifié de manière à ce qu'un mineur ne puisse être informé de la demande de renseignements faite par son parent biologique pour le retrouver. Une telle modification vise à mieux protéger l'intérêt de l'enfant. En raison de cet amendement, l'article 577 se lirait comme suit, M. le Président: "L'adopté majeur a le droit d'obtenir les renseignements lui permettant de retrouver ses parents, si ces derniers y ont préalablement consenti. Il en va de même des parents d'un enfant adopté, si ce dernier, devenu majeur, y a préalablement consenti. "L'adopté mineur a également le droit d'obtenir les renseignements lui permettant de retrouver ses parents, si ces derniers, ainsi que les parents adoptifs, y ont préalablement consenti. "Ces consentements ne doivent faire l'objet d'aucune sollicitation. Un adopté mineur ne peut cependant être informé de la demande de renseignements de son parent."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

M. Rémillard: II y aussi l'article 578, M. le Président, qui est amendé. Remplacer l'article 578 par l'article suivant: "Lorsqu'un préjudice grave risque d'être causé à la santé de l'adopté, majeur ou mineur, ou de l'un de ses proches parents s'il est privé des renseignements qu'il requiert, le tribunal peut permettre que l'adopté obtienne ces renseignements. "L'un des proches parents de l'adopté peut également se prévaloir de ce droit si le fait d'être privé des renseignements qu'il requiert risque de causer un préjudice grave à sa santé ou à celle de l'un de ses proches."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a des commentaires ou des observations sur ces trois articles?

Mme Harel: Moi j'aimerais bien.

Le Président (M. Lafrance): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, s'il vous plaît, M. le Président, je souhaiterais que le ministre nous fasse valoir le nouveau régime qui est introduit par cette section IV portant sur le caractère confidentiel des dossiers d'adoption, le principe général étant l'accès aux dossiers, évidemment sous réserve du fait qu'il y ait consentement de chacune des parties informées de la demande de renseignements, sauf pour l'enfant mineur qui ne sera informé de la demande de renseignements de son parent biologique qu'à sa majorité. Est-ce que c'est ça qu'il faut comprendre?

M. Rémillard: Oui, c'est un sujet qui n'est pas facile. C'est un sujet qui est très très difficile, M. le Président. Après avoir consulté et rencontré les groupes intéressés, on en est arrivé à la conclusion que le principe qu'on devait retenir c'est celui de pouvoir recevoir cette information, pouvoir savoir qui est votre père ou votre mère biologique. Et ça, pour nous, c'est un droit qu'a chaque être humain. Ce droft-là doit être situé dans le contexte du respect de la vie privée et du respect, je dirais aussi, de la volonté des autres personnes qui sont impliquées, c'est-à-dire le père et la mère biologiques, comme le père et la mère adoptifs ou le tuteur dans le cas de mineurs, etc., de l'incapable.

M. le Président, la règle actuellement, telle que nous la définissons, veut dire ceci: Lorsqu'il s'agit d'un majeur, le majeur peut savoir qui est sa mère biologique ou son père biologique, dans la mesure où ce père et cette mère donnent leur consentement à dévoiler leur identité. Ça, c'est la première règle.

L'autre aspect, s'il est mineur, à ce moment-là le consentement est toujours nécessaire au niveau du père ou de la mère biologique, peu importe qui est en cause, mais aussi du père et de la mère adoptifs pour protéger la stabilité familiale. C'est des demandes qui nous ont été faites. Ce qui veut dire que dans le cas d'un mineur il y a donc deux consentements à obtenir. C'est évident aussi que, pour nous, ça ne doit faire l'objet d'aucune sollicitation. Parce que, dans la mesure où une des parties peut être informée de la demande de renseignements faite par l'autre partie, ça veut dire, entre autres, qu'on se retrouve dans une situation très difficile. Alors, c'est toujours le juste équilibre

qu'on recherche mais dans un sujet qui est très difficile.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y aurait d'autres observations?

Mme Harel: Je pense bien, M. le ministre, que là, ce qui est introduit, c'est le droit aux origines pour l'enfant. C'est bien le cas?

M. Rémillard: C'est le principe.

Mme Harel: C'est le principe, le droit aux origines pour l'enfant qui est tempéré par le consentement qui est requis par l'autre partie et qui est tempéré, dans le cas de l'enfant mineur, par le consentement de ses parents adoptifs, qui est requis également et qui est tempéré, dans le cas des parents biologiques d'un enfant mineur, par le fait que leur demande de renseignements ne lui sera communiquée qu'à sa majorité. C'est ça qu'il faut comprendre.

M. Rémillard: C'est ça...

Mme Harel: C'est ça.

M. Rémillard: ...à toutes fins pratiques.

Mme Harel: Mais c'est le droit... Tantôt vous disiez un droit qu'a chaque être humain de connaître ses origines biologiques. Je suis, finalement, assez d'accord avec ça. J'ai eu l'occasion d'en parler avec mon prédécesseur qui a siégé ici pendant toutes ces années avec la responsabilité du dossier de la justice, vendredi passé, et on convenait tous les deux qu'à une époque, M. le Président, où des gens de notre âge s'installent sur un divan pour se rappeler ce qui leur était arrivé à un an et demi, c'est bien évident que ça peut avoir beaucoup d'importance dans la structure de sa personnalité qu'à l'adolescence, entre autres, on puisse connaître ses origines, dans la mesure où ça devient, finalement, une sorte de philosophie bien ancrée dans la société, la règle étant que le droit aux origines est une règle, même tempérée. Donc, on peut être interpellé dans sa vie adulte par la demande de renseignements. Je pense que c'est ça, finalement. Je comprends bien que c'est cette façon de faire que vous avez choisie. C'est le cas.

Dans le cas de l'enfant mineur, d'abord, vous avez certainement pris connaissance des remarques de la Commission des droits de la personne plaidant en faveur d'un droit d'obtenir des renseignements pour l'enfant mineur, d'un droit très, très élargi, et puis se basant sur un jugement prononcé par l'honorable juge Ruffo en matière d'application de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, en faisant valoir qu'une mesure législative qui refuserait à un enfant l'autorisation qui est faite à un adulte de rechercher ses parents biologiques serait discriminatoire parce que, précisément, fondée sur l'âge, n'est-ce pas? En fait, c'était l'objet du jugement. (15 h 30)

Là, je crois comprendre que le tribunal, avec l'amendement que vous apportez à 578, pourrait faire lever les objections mais simplement s'il y a risque grave d'être causé à la santé de l'adopté. Et j'applaudis le deuxième alinéa de l'amendement de 578 qui permet dorénavant à un proche parent de l'adopté... ça pourrait être un descendant, en fait, de l'adopté, n'est-ce pas?

M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: ...de se prévaloir de ce droit aux renseignements lorsque sa santé est en cause. Je pense que c'est une excellente chose qu'on ne le réserve pas qu'à l'enfant adopté parce que ses descendants peuvent être dans une situation qui puisse exiger qu'ils obtiennent ces renseignements compte tenu des risques causés à leur santé. Mais est-ce que, dans un cas comme celui-là, on n'aurait pas intérêt - c'est la première fois, on est rendu à l'article 577, je n'en ai pas fait profusion jusqu'à maintenant, de ce genre de demande - à confier au tribunal le soin d'en décider au moins pour l'enfant mineur âgé de 14 ans et plus, s'il y a un refus des parents adoptifs?

J'imagine, moi, un enfant adopté. Je comprends très bien, et l'adolescence est une période de turbulences, je suis bien placée pour le savoir moi-même, comme tous ceux d'entre nous qui avons eu ou avons des enfants adolescents, mais, cela dit, ça me heurte de penser qu'un enfant de 14 ans et plus, un mineur de 14 ans et plus, par exemple, à qui on permet de requérir des soins de santé, puisque le ministre cherche à maintenir l'état du droit actuel, donc cherche à maintenir le fait que l'enfant mineur de plus de 14 ans peut requérir des soins de santé en matière de contraception, d'avortement ou de maladies transmises sexuellement, et ne pourrait pas obtenir, peut-être parce que l'un des deux parents refuserait... On met "ainsi que ses parents adoptifs". Les parents adoptifs ont, comme les parents biologiques, des situations conjugales qui peuvent à ce moment-là les amener dans des états de séparation, etc., et on lie le sort finalement de cette décision-là aux deux: "ainsi que ses parents adoptifs".

M. Rémillard: Vous parlez en fonction de la santé. Vous parlez...

Mme Harel: Non, moi, je parle en fonction du droit d'obtenir les renseignements, à 577.

M. Rémillard: Ah! C'est 577.

Mme Harel: Je prends pour acquis qu'en matière de...

M. Rémillard: O.K. O.K.

Mme Harel: ...risque pour la santé, c'est déjà...

M. Rémillard: Oui, ça, c'est réglé. Mme Harel: ...réglé.

M. Holden: Vous demandez ça pour les 14 ans et plus.

Mme Harel: Oui, moi, c'est pour les 14 ans et plus.

M. Holden: Oui, je suis d'accord.

Mme Harel: Oui, c'est ça. Mais je demande surtout qu'en cas de désaccord des parents adoptrfs... Il faut bien comprendre qu'il y a autant de désunions dans ces couples-là qu'il y en a dans l'ensemble des couples de la société. Je trouve, là, qu'on cadenasse d'une façon peut-être qui me préoccupe en tout cas.

M. Rémillard: Bon. Alors, si on regarde ça, l'enfant mineur pour savoir qui est sa mère biologique, par exemple, doit avoir le consentement de cette mère et doit avoir le consentement aussi de son père et de sa mère adoptifs.

Mme Harel: II pourrait l'avoir de sa mère, par exemple, qui a eu la garde de l'enfant et ne pas l'obtenir, par exemple, de son père ou vice versa...

M. Rémillard: Bon.

Mme Harel: ...et auquel cas, il ne pourrait pas faire appel au tribunal pour obtenir finalement une décision.

M. Rémillard: Si ça devient à ce point grave pour lui, évidemment, 578 va s'appliquer.

Là, ça devient une question de santé. Alors, 578 pourrait s'appliquer.

Mme Harel: Mais quand vous dites "santé", est-ce que vous... Évidemment, vous ne faites pas allusion au développement de l'enfant parce que, dans le jugement de l'honorable juge Ruffo qui était intervenu, on faisait justement référence à cette question, à cette recherche vitale pour un jeune comme moyen de développer sa personnalité. Je ne pense pas qu'on puisse élargir la définition d'un risque grave pour la santé à des questions de développement de personnalité.

M. Rémillard: La notion de santé est comprise dans son sens médical, c'est-à-dire qu'elle comprend la santé psychologique, la santé morale, la santé physique et, dans ce contexte-là, si l'enfant est perturbé dans son évolution psychologique à un degré tel, donc, que sa santé est en cause, 578 sera en application.

Mais revenons donc à la possibilité que vous soulevez, le mineur qui se voit refuser par ses parents adoptifs...

Mme Harel: Ou par un des deux.

M. Rémillard: ...ou un des deux, d'avoir la possibilité de connaître son père et sa mère; là, il est coincé. Ou bien il attend quatre ans d'être majeur parce que, là, on prend pour acquis que sa mère biologique est d'accord.

Mme Harel: Pas nécessairement, parce qu'il n'a pas pu y avoir transmission de la demande de renseignements.

M. Rémillard: Oui. Je pense qu'il n'y a pas eu de demande de renseignements parce que, pour qu'il y ait cheminement de renseignements, il faut que les parents, tout d'abord, soient d'accord. Et là, dans le cas de conflit entre la volonté de l'enfant adopté et de ses parents adoptifs, c'est le tribunal qui trancherait.

Mme Harel: Ou dans le cas de conflit entre les parents adoptifs eux-mêmes.

M. Rémillard: Ou dans le cas de conflit entre les parents adoptifs eux-mêmes.

Mme Harel: Parce qu'à 578 je crois comprendre que non seulement le tribunal tranche, mais il tranche pour permettre que l'adopté obtienne les renseignements, nonobstant le consentement du parent biologique. Ça va très loin, 578. L'appréciation que le juge doit faire du préjudice grave, dans une balance, doit être vraiment très... Finalement, ce préjudice doit être lourd parce que non seulement il y a demande de renseignements à 578, mais il y a obtention des renseignements. On ne parie plus de la même chose à 578.

M. Rémillard: Écoutez, M. le Président, là-dessus, c'est un point, comme je vous l'ai mentionné tantôt, très difficile. Il faut évaluer aussi que l'enfant adopté se retrouverait devant le tribunal contre ses parents adoptifs. Moi, j'aimerais bien entendre les membres de cette commission sur cette question-là. J'aimerais bien entendre les membres de la commission sur cette question: Est-ce qu'on devrait impliquer le tribunal à ce niveau-là? J'aimerais ça entendre les membres de la commission là-dessus.

M. Holden: Je vais me prononcer en faveur de l'un ou l'autre, la permission d'un des deux. Si, effectivement, il y a une séparation ou si la

petite fille dit: Moi, je ne t'aime pas, je veux voir ma vraie mère, alors, là, le père peut dire oui, mais la mère va dire non. Une chicane peut... L'un ou l'autre devrait suffir, pour moi, à partir de 14 ans.

Le Président (M. Lafrance): Oui. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, vous faites allusion au cas où il aurait mésentente entre les parents adoptifs, n'est-ce pas?

Mme Harel:...

Le Président (M. Lafrance): Mais, dans un tel cas, est-ce que l'enfant n'est pas repris à charge par...

M. Rémillard: II y a deux cas, si vous me le permettez.

Mme Harel: Oui, il y a deux cas.

M. Rémillard: J'ai cru comprendre qu'il y a deux cas.

Mme Harel: Oui.

M. Rémillard: II y a le cas où les deux parents adoptifs ne seraient pas d'accord...

Mme Harel: Mais à ce moment-là...

M. Rémillard: ...c'est-à-dire qu'un serait d'accord et que l'autre ne serait pas d'accord.

Le Président (M. Lafrance): Qu'il y ait désunion entre les parents adoptifs.

M. Rémillard: Oui, ou bien que les deux ne sont pas d'accord. C'est ça. Alors, soit que l'enfant est face au refus de ses parents adoptifs, soit que l'enfant soit face au refus de l'un de ses parents adoptifs, alors que l'autre est consentant. C'est ça?

Mme Harel: À ce moment-là, M. le ministre, on me fait savoir que, s'il y a. désaccord entre les parents adoptifs, l'article 604 sur les difficultés relatives à l'exercice de l'autorité parentale pourrait venir régler cette question de désaccord entre parents adoptifs puisque l'un des deux pourrait saisir le tribunal qui aura à statuer dans l'intérêt de l'enfant.

M. Rémillard: Donc, ça veut dire qu'on se retrouve avec un cas.

Mme Harel: C'est ça.

M. Rémillard: On se retrouve avec un seul cas.

Mme Harel: C'est ça.

M. Kehoe: Et, au bout de la ligne, c'est toujours le tribunal qui va décider. Quand il y a Une dispute, quand ils ne sont pas d'accord...

Mme Harel: Entre les parents, oui, mais, en vertu de 577, s'il y a un désaccord des parents adoptifs, l'enfant mineur, même de 14 ans et plus, ne pourrait pas faire appel, par exemple, au Tribunal de la jeunesse.

M. Rémillard: Je vais demander au député de Chapleau d'intervenir à ce niveau-là et de nous faire part de son opinion.

M. Kehoe: Personnellement, je ne vois aucune autre solution qu'une intervention par le tribunal pour décider. Par quel autre moyen peut-on régler le problème?

M. Rémillard: L'autre moyen, M. le Président, tout simplement c'est qu'il attende sa majorité. Ou bien il attend sa majorité ou bien on trouve un mécanisme pour régler le problème et le mécanisme, à ce moment-là, c'est le tribunal.

M. Kehoe: C'est justement. Dans les circonstances, si ce n'est pas logique d'attendre sa majorité, pourquoi ne pas soumettre l'affaire à un tribunal indépendant qui va agir dans l'intérêt nécessairement de l'enfant?

M. Rémillard: M. le député de Westmount a-t-il la même opinion?

M. Holden: Quatre ans, c'est long à attendre pour un enfant, M. le Président.

M. Rémillard: M. le Président, si tout le monde à cette commission en arrive à la même conclusion, moi, ma réserve...

Mme Harel: Suspendons...

Le Président (M. Lafrance): Moi, j'ai une réserve là-dessus. Si vous permettez, comme membre.

Mme Harel: Vous avez droit.

M. Rémillard: Bon, exprimez-vous, M. le Président! Allez-y!

Le Président (M. Lafrance): Quatre ans, oui c'est long, quatre ans, mais par contre, si la santé tant mentale que physique de l'enfant n'est pas directement en cause, je penche plutôt du côté des parents adoptifs plutôt que de référer au tribunal, personnellement.

M. Kehoe: Mais s'ils ne s'entendent pas.

M. Rémillard: Ça, on a réglé le problème à

630.

M. Kehoe: À 604.

M. Rémillard: Oui, à 604.

M. Kehoe: C'est ça.

M. Rémillard: Ça, c'est réglé, ce problème-là. Il reste le cas où ils ne consentent pas.

Mme Caron: Moi, M. le Président, je souhaiterais qu'on suspende, mais dans ma réflexion je me dis qu'on a accordé de nombreux droits jusqu'à maintenant à l'enfant mineur de plus de 14 ans. On fait des catégories vraiment spéciales. C'est évident que ces problèmes-là arrivent presque toujours à l'âge de l'adolescence, donc, autour de 14 ans. Je me demande s'il n'y a pas lieu, pour 14 ans et plus, de permettre.

Le Président (M. Lafrance): Vous voulez dire de permettre à l'enfant de...

M. Kehoe: ...14 ans.

M. Rémillard: Alors, si je comprends bien l'intervention de la députée de Terrebonne, ça voudrait dire que l'enfant de 14 ans et plus à qui, il est vrai, on reconnaît des droits particuliers comme mineur émancipé, on lui donnerait la possibilité d'aller devant le tribunal. Alors, je crois que c'est le voeu de cette commission, pour le moment, de suspendre cet article-là.

Mme Harel: Effectivement, parce qu'en fait il y a deux hypothèses: soit de pouvoir aller devant le tribunal ou de ne pas avoir à obtenir le consentement des parents adoptifs lorsqu'un mineur a 14 ans et plus. En fait, il y a deux voies dans lesquelles on peut s'engager et peut-être faudrait-il réfléchir encore.

M. Rémillard: Si vous me permettez, il y a même trois voies.

Mme Harel: Oui, c'est sûr. La troisième étant que le consentement est requis dans le cas des deux parents. Ça c'est certain aussi.

M. Rémillard: Ajournons là-dessus. Suspendons pour le moment.

Mme Harel: Suspendons, oui.

M. Rémillard: Oh madame, ajourner, c'est un lapsus qui n'est absolument pas révélateur de ma. pensée.

Mme Harel: M. le ministre, pour donner suite à cette suspension de façon à ce qu'on en sache un peu plus après la suspension que maintenant, j'aimerais bien qu'on puisse peut-être mieux échanger sur la question du préjudice grave causé à la santé de façon à mieux connaître la preuve qui serait exigée. Compte tenu du courant jurisprudentiel, de quelle nature serait la preuve de préjudice grave causé à la santé qui serait exigée si tant est que le ministre décidait de maintenir l'article 577 tel que rédigé? Est-ce qu'on peut avoir cette information? Pas maintenant, mais on peut y penser.

Le Président (M. Lafrance): En même temps qu'on...

M. Rémillard: Oui, oui, en même temps qu'on reviendra pour discuter l'article, je comprends votre intervention en disant que vous voulez avoir des précisions sur quelle est la réelle signification de... (15 h 45)

Mme Harel: Quel est le degré?

M. Rémillard: Le degré du préjudice grave à leur santé et quelle est la signification.

Mme Harel: C'est ça. M. Rémillard: Très bien.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Oui, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Dans le document de la Commission des droits de la personne, il y avait un autre point qui était soulevé et élaboré très longuement sur l'obligation d'informer une personne adoptée du fait qu'elle l'était parce qu'on disait que, souvent, le problème qui se posait c'est que la personne ne savait même pas qu'elle était adoptée. Et nulle part, dans le nouveau Code, il n'y a cette obligation-là. Est-ce qu'on s'est penché sur ce sujet-là? Est-ce qu'il y a eu des réflexions là-dessus? Parce que, pour consentir à accepter de recevoir des renseignements, il faut que la personne consente. Mais si elle ne sait même pas qu'elle a été adoptée!

M. Rémillard: Est-ce que vous voulez parler de l'obligation des parents adoptifs...

Mme Caron: Oui.

M. Rémillard: ...d'informer l'enfant qu'il est adopté?

Mme Caron: Oui.

M. Rémillard: Oui. Alors, M. le Président, on a pu voir dernièrement justement des discussions beaucoup sur la place publique en fonction de ça. Dans le Code civil, si on mettait une telle

disposition, on n'a aucune loi, aucune disposition coercitive. On ne peut rien faire contre ça. Comment peut-on obliger les gens à dévoiler à leurs enfants adoptés que ce sont des enfants adoptés? Mais les légistes nous informent qu'ils ne voient pas comment on pourrait mettre ça dans le Code civil.

Mme Harel: M. le Président, on a déjà adopté, dans les dispositions préliminaires, que le Code civil du Québec régit, en harmonie avec la Charte des droits et libertés de la personne et les principes généraux du droit, les personnes, les rapports entre les personnes, etc. Donc, le Code civil, on a décidé... En fait, c'est un choix politique... On aurait pu penser qu'on assujettissait... De toute façon, l'ensemble des lois sont assujetties à la Charte des droits, mais on souhaitait expressément et formellement le faire. Bon, à ce moment-là, le débat que soulève Mme la députée de Terrebonne c'est: Est-ce qu'il doit y avoir divulgation, n'est-ce pas, de l'adoption? Et là la Commission considère qu'à l'article 1 le droit à l'intégrité de la personne fait référence à la personnalité juridique et que ça serait implicite qu'il y aurait cette obligation de divulgation. Par ailleurs, il y a l'article 5 de la Charte qui parle du respect de la vie privée. Est-ce qu'il y a eu des décisions?

M. Rémillard: Non. Non.

Mme Harel: Parce qu'on parlait d'un jugement du juge Tremblay, jugement...

M. Rémillard: On me dit que non, mais je peux faire vérifier s'il y a des décisions qui ont été rendues. Mais, M. le Président, la question là aussi est fort délicate. Lorsqu'on parle de l'intégrité de la personne, et on dit que ça devrait nous amener à la conclusion que l'enfant doit savoir qu'il est adopté, il faut comprendre aussi que dans certains cas, en respect avec l'intégrité de la personne, ça peut être le contraire. Les parents peuvent juger qu'il vaut mieux ne pas le dévoiler.

Il y a donc une question de discrétion qui appartient aux parents. On va penser à des cas extrêmes où on va dire que les parents ne sont pas de, je ne veux pas dire de bonne foi, mais agissent d'une façon, disons, qui n'est pas sans reproche. Mais il faut penser une règle générale, que les parents sont là pour voir à l'intérêt de l'enfant. Ils ont adopté un enfant. Au départ, il faut savoir ce que ça veut dire adopter un enfant. C'est un geste qui est voulu. C'est un geste qui est pesé. C'est tellement difficile d'adopter un enfant maintenant que, même à ça, ça veut dire beaucoup de signification pour un couple d'adopter un enfant. Ils adoptent un enfant et c'est à eux, je pense, qu'on doit se référer à bien des égards pour élever cet enfant-là. La discrétion, c'est l'autorité parentale. La décision à savoir si l'on doit informer ou pas un enfant qu'il est adopté, moi, à mon sens, ça se réfère aussi, en premier lieu, à la discrétion des parents qui vivent avec cet enfant et qui peuvent décider: oui, on va l'informer ou bien non, on va attendre un petit peu à cause de certains problèmes qu'il peut y avoir à certains niveaux. Il me semble que la discrétion parentale, dans ce cas-là, est une chose intéressante et à protéger.

Mme Harel: M. le Président...

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: D'accord. De toute façon, comme on va suspendre l'article, je ne veux pas allonger indûment les débats, mais j'aimerais que le ministre prenne en considération qu'on ne peut pas être à la fois pour la discrétion en matière d'autorité parentale, et en même temps poser le droit qu'a chaque être humain de connaître ses origines biologiques. J'ai eu l'occasion, en tout cas, de consacrer une partie de mes réflexions de vacances sur cette question et, finalement, je me dis qu'on doit choisir l'intérêt de l'enfant. Bon.

Et l'intérêt de l'enfant, c'est, d'une certaine façon, presque nonobstant les considérations conjugales ou sociales que les parents peuvent avoir. L'intérêt de l'enfant est de connaître son...

M. Rémillard: Est-ce qu'on peut en arriver à cette conclusion-là d'une façon absolue? Pour ma part, j'ai des nuances. De par les intervenants que nous avons eus, les lettres que j'ai eues aussi, comme ministre de la Justice, des gens qui nous écrivent...

Mme Harel: Ce sont des enfants qui vous écrivent, ou ce sont des parents?

M. Rémillard: Beaucoup plus souvent des parents ou des psychologues qui nous écrivent, ou même des psychiatres. J'ai eu quelques lettres, je dois dire, dont une particulièrement pathétique d'un enfant et ça touche beaucoup. Reconnaître le droit de l'enfant, parce que le principe directeur dans tout ça, c'est le droit de l'enfant à ses origines biologiques. Ça, c'est ça le principe. On part de là, on construit là-dessus. On construit en fonction du respect de l'intégrité de la personne, en fonction du respect aussi de la vie privée, et en respect aussi du caractère, je dirais, de solidité, de stabilité du contexte familial qui, d'une certaine façon, se retrouve dans le Code civil par l'institution du mariage qui est réglementée, comme on le sait.

Dans ce contexte-là, on est arrivé à établir les règles que vous avez actuellement, mais ouvrir encore plus pour l'enfant, vous le dites dans l'intérêt de l'enfant, mais à quel âge

l'enfant peut-il en arriver à pouvoir prendre des décisions qui peuvent être aussi importantes sur son comportement, par exemple, sans mettre en cause une stabilité au niveau de l'unité familiale qui est la sienne maintenant? C'est difficile, très difficile à établir comme conclusion.

Mme Harel: II y a le juge Tremblay, dans une cause récente, 1989, qui disait ceci: "Depuis le 2 décembre 1982, date d'entrée en vigueur de l'article 632, les nouveaux adoptants ont l'obligation implicite de faire connaître à l'enfant son statut. Les nouveaux adoptants doivent être au courant de cette réalité de l'article 632, qui confirme une certaine évolution de notre société en regard de l'adoption."

Ce qu'il faut sans doute, M. le ministre, c'est qu'on dissipe la confusion, l'incertitude sur cette question-là, vous savez, d'une certaine façon, de manière à responsabiliser le plus possible les gens et que ce ne soit pas trop des zones grises. Si l'adoption, maintenant, dans une société comme la nôtre, comme ça s'est fait, dit-on, dans différents pays qui ont légiféré depuis quelques années, dont l'Angleterre, la Finlande, l'Islande et bien d'autres, si la règle du jeu est connue de tous, la règle du jeu étant devenue le droit aux origines, alors, c'est dans ce contexte-là que les adoptants vont assumer avoir à faire connaître la situation à l'enfant.

Mais si on est dans un droit qui n'a pas encore défini les règles, moi, je crains qu'on introduise dans le Code, actuellement, le droit à obtenir finalement l'information sur ses origines, mais que ça ne crée pas implicitement l'obligation de savoir qu'on est, donc, adopté.

M. Rémillard: Actuellement, au moment où nous nous parlons, il n'y a pas cette obligation pour les parents de dévoiler aux enfants qu'ils sont adoptés. On ne l'a pas, cette obligation. C'est à la discrétion des parents.

Mme Harel: C'est une question... Est-ce qu'il faut lever l'anonymat, dans un sens?

M. Rémillard: Et là, lever l'anonymat, vous l'avez donc... Cette question, vous devez la poser en fonction de trois intervenants: le parent biologique... l'enfant en premier lieu, oui, mais le parent biologique et le parent adopttf et concilier les droits de chacun. Je suis d'accord avec vous que c'est l'enfant qui est en cause, mais vous ne pouvez pas perdre de vue quand même que ces droits de l'enfant doivent être vus aussi en fonction des droits des autres intervenants qui sont impliqués.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. On peut peut-être revenir à vous, madame, si vous le désirez et il y a M. le député de Chapleau qui aimerait apporter un commentaire.

M. Kehoe: Fondamentalement, je pense que les parents adoptifs qui sont avec l'enfant sur une base quotidienne, qui connaissent sa personnalité, ses faiblesses et enfin tout, ils connaissent l'enfant bien mieux que n'importe qui, je pense que c'est eux qui sont dans une position de décider quand ou s'ils devraient le dire à l'enfant. Je pense que de l'encadrer, à quel âge et dans quelles circonstances, je me demande comment on peut mettre ça dans un article du Code civil, de vraiment l'encadrer d'une façon que ça pourrait être dans l'intérêt à la fois de l'enfant et à la fois des parents parce qu'il faut que les deux vivent avec ça par la suite et je me demande si l'obligation... Personnellement, je ne pense pas qu'il devrait... Ça devrait être adopté tel qu'il est actuellement, de laisser la discrétion à des personnes qui connaissent le plus l'enfant, ses besoins et sa personnalité et de laisser les parents adoptifs prendre la décision s'ils devraient le dire ou non.

Mme Harel: Moi, je...

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, je souscrirais aux propos du député de Chapleau si, jusqu'à maintenant, on n'avait pas procédé autrement. Par exemple, si vous reprenez les propos que vous venez de tenir, vous dites: C'est les parents qui connaissent le mieux les besoins, la personnalité de l'enfant, mais on a déjà convenu, par exemple, que pour l'enfant mineur de plus de 14 ans il pourrait requérir des soins de santé sans que ses parents en soient informés...

M. Kehoe: C'est une obligation de voir à la santé, je suis d'accord, mais je veux dire que quand il s'agit de...

Mme Harel: ...mais la santé physique de l'enfant vaut aussi pour sa santé psychologique.

M. Kehoe: Qui est mieux placé pour juger ça que les parents?

Mme Harel: Alors, dans ce cas-là, qui est le meilleur juge de la santé physique de l'enfant? De savoir si l'enfant mineur doit ou non prendre de la contraception... Mais on juge parce que... Dans la société, on prend acte qu'en matière de santé publique vaut mieux privilégier la santé publique que l'autorité parentale parce que ça pourrait avoir des effets contraires à ce qu'on recherche en matière de santé publique, compte tenu de la prolifération des maladies transmises sexuellement, compte tenu de l'augmentation vertigineuse des naissances chez les adolescentes, etc., n'est-ce pas? Donc, on prend des responsabilités en se disant qu'on ne peut plus confier, comme c'était le cas il y a 100 ans ou comme ça

peut l'être dans nos milieux familiaux à nous, on ne peut pas penser que toute la société est organisée sur un modèle que nous connaissons bien.

M. Kehoe: Mais à quel âge et en quelles circonstances, comment encadrer ça, l'obligation? Mettons qu'il y aurait quelque chose dans la loi vis-à-vis des parents adoptifs. À quel âge? Quand? Et dans quelles circonstances? C'est ça que je me demande. Je pense que dans l'ensemble les parents adoptifs sont certainement mieux postés pour savoir si, quand et comment.

Le Président (M. Lafrance): Par contre, M. le député de Chapleau, lorsqu'on considère que le principe de base sur lequel on a construit c'est celui du droit à un individu de connaître ses origines biologiques, ça laisse songeur aussi, à savoir si, à l'âge de la majorité, quelqu'un ne devrait pas être tenu de lui dire. De toute façon, je pense qu'on peut certainement réfléchir plus longuement sur cette chose-là...

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Lafrance): ...et on a convenu de laisser l'article...

Mme Harel: Sur celui-là.

Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y aurait d'autres commentaires sur peut-être l'article 578 qui suit? Non? Donc, les articles 576 et 578 sont adoptés et l'article 577 est laissé en suspens, tel qu'amendé, oui.

Avant d'entreprendre le chapitre troisième, j'aimerais peut-être, si vous êtes d'accord, recommander une petite pause de 10 minutes pour des raisons humanitaires. Alors, on va reprendre à 16 h 10. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 1)

(Reprise à 16 h 20)

Le Président (M. Lafrance): Si vous voulez, on va reprendre nos travaux. Nous en arrivons donc au chapitre troisième qui traite de la procréation médicalement assistée, un sujet sûrement très actuel. J'inviterais M. le député de Sherbrooke à bien vouloir, peut-être, nous lire... si vous êtes d'accord... Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, puis-je donner une information à cette commission, information qui nous a été demandée cette semaine sur les statistiques sur le mariage et la société d'acquêts? Or, pour 1990, M. le Président, on me donne les statistiques suivantes: il y a eu 32 059 mariages, 5762 en séparation ou communauté et 26 297 en société d'acquêts, pour un taux de 82 %.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, étant donné le sujet, vous me permettrez peut-être de le lire, ce texte.

Le Président (M. Lafrance): Certainement, M. le ministre.

De la procréation médicalement assistée

M. Rémillard: Merci, M. le Président. Alors nous en sommes, M. le Président, au chapitre troisième, la procréation médicalement assistée. Ce chapitre traite de la procréation médicalement assistée, principalement de l'établissement de la filiation d'un enfant dont la procréation est médicalement assistée. L'expression "procréation médicalement assistée" est très large. Elle permet, entre autres, d'englober l'insémination homologue, l'insémination hétérologue, la fécondation in vitro, la fécondation in vivo et la maternité de substitution.

Les dispositions édictées à l'intérieur de ce chapitre sont, de façon générale, conformes aux avis, aux recommandations des groupes et organismes nationaux ou internationaux qui se sont penchés sur la question de la procréation médicalement assistée au Québec et à l'étranger. Ainsi, on notera que les dispositions de ce chapitre sont largement inspirées de celles retenues par le gouvernement français à l'intérieur d'un volumineux avant-projet de loi présenté en 1989 à l'Assemblée nationale et qui s'intitule Avant-projet de loi sur les sciences de la vie et les droits de l'homme.

Outre la prohibition expresse des conventions de procréation ou de gestation pour le compte d'autrui et l'établissement du caractère confidentiel de tout renseignement nominatif contenu dans les dossiers relatifs à la procréation médicalement assistée d'un enfant, ce chapitre prévoit expressément que le donneur de gamètes, lequel est étranger au projet parental, ne peut jamais réclamer la paternité ou la maternité que son don a permis de concevoir. On retrouve également, M. le Président, à l'intérieur de ce chapitre, une règle établissant expressément que celui qui, après avoir consenti à la procréation médicalement assistée, ne reconnaît pas l'enfant qui en est issu engage sa responsabilité envers la mère de l'enfant.

Enfin, on retrouve à l'intérieur de ce chapitre, M. le Président, certaines règles légèrement modifiées que l'on retrouve déjà au Code civil du Québec, aux articles 586 et 588 du chapitre de la filiation par le sang. Les règles actuelles concernent l'impossibilité de contester la filiation d'un enfant pour le motif qu'il a été conçu par insémination artificielle et, notamment,

l'impossibilité pour l'époux qui a consenti à ce que son épouse soit artificiellement inséminée à contester la paternité de l'enfant qui naîtra à la suite de cette intervention. Les règles édictées dans ce nouveau chapitre sont différentes en ce sens que la portée de ces dispositions est élargie pour couvrir l'ensemble des techniques ou méthodes susceptibles d'être utilisées et, en outre, pour permettre au mari de la mère de l'enfant de contester sa paternité s'il prouve que la procréation de l'enfant ne provient pas d'actes de procréation médicalement assistée auxquels il a consenti.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. J'aimerais donc appeler les articles qui sont contenus dans ce chapitre troisième, soit les articles 579 à 583 inclusivement. Est-ce qu'il y a des amendements qui touchent ces articles, M. le ministre?

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Nous avons trois amendements. Le premier, M. le Président, propose, premièrement, que le chapitre troisième, De la procréation médicalement assistée, du titre deuxième, De la filiation, du livre deuxième, comprenant les articles 579 à 583, soit déplacé après l'article 536. Deuxièmement, M. le Président, le projet est modifié par l'insertion, après cet article 536, d'une section IV intitulée De la procréation médicalement assistée, et les articles 579 à 583 qui constituaient ce chapitre sont numérotés 536.1 à 536.5.

M. le Président, les articles de ce chapitre sont déplacés après l'article 536 à l'intérieur d'une nouvelle section, la section IV intitulée De la procréation médicalement assistée. Cet amendement vise à faire clairement ressortir l'application des règles édictées au chapitre De la filiation par le sang aux enfants dont la procréation a été médicalement assistée. En raison de cet amendement, immédiatement après l'article 536, le titre de la section se lirait donc comme suit: Section IV, De la procréation médicalement assistée.

M. le Président, un autre amendement proposé est celui concernant l'article 581. C'est la modification de l'article 581. L'article 581 se lirait comme suit: "Celui qui, après avoir consenti à la procréation médicalement assistée, ne reconnaît pas l'enfant qui en est issu, engage sa responsabilité envers cet enfant et la mère de ce dernier."

M. le Président, à la dernière ligne de l'article 581, les mots "la mère de l'enfant" ont été remplacés par les mots "cet enfant et la mère de ce dernier" pour assurer à l'enfant dont la procréation a été médicalement assistée à une meilleure protection. En raison de cet amendement, l'article 581 se lirait comme suit, M. le Président: "Celui qui, après avoir consenti à la procréation médicalement assistée, ne reconnaît pas l'enfant qui en est issu, engage sa respon- sabilité envers cet enfant et la mère de ce dernier."

M. le Président, il y a un amendement aussi à l'article 583 qui est remplacé par le suivant: "Toutefois, lorsqu'un préjudice grave risque d'être causé à la santé d'une personne ainsi procréée ou de ses descendants si elle est privée des renseignements qu'elle requiert, le tribunal peut lui permettre de les obtenir. L'un des descendants de cette personne peut également se prévaloir de ce droit si le fait d'être privé des renseignements qu'il requiert risque de causer un préjudice grave à sa santé ou à celle de l'un de ses proches."

M. le Président, le deuxième alinéa de l'article 583 a été modifié pour permettre que les descendants d'une personne issue de la procréation médicalement assistée puissent obtenir les renseignements nominatifs relatifs à la procréation médicalement assistée de leur ascendant si le fait d'être privé de tels renseignements risque d'être la cause d'un préjudice grave à leur santé ou à celle de l'un de leurs proches. En raison de cet amendement, l'article 583 se lirait comme suit: "Les renseignements nominatifs relatifs à la procréation médicalement assistée d'un enfant sont confidentiels.

Toutefois, lorsqu'un préjudice grave risque d'être causé à la santé d'une personne ainsi procréée ou de ses descendants si elle est privée des renseignements qu'elle requiert, le tribunal peut lui permettre de les obtenir. L'un des descendants de cette personne peut également se prévaloir de ce droit si le fait d'être privé des renseignements qu'il requiert risque de causer un préjudice grave à sa santé ou à celle de l'un de ses proches."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, si j'ai bien compris, le premier amendement consiste à déplacer le chapitre au complet après l'article 536, ce qui, évidemment, ne nous empêche pas de traiter de chacun des articles 579 à 583, incluant l'amendement à 581 et 583, pour débattre ou discussion maintenant.

Mme Harel: Sur cet amendement, M. le Président, je pense bien qu'on est prêt à voter en faveur.

Le Président (M. Lafrance): Vous êtes prête à adopter...

Mme Harel: Sur le fait de déplacer...

Le Président (M. Lafrance): ...sur le déplacement. D'accord.

Mme Harel: ...seulement, parce que...

Le Président (M. Lafrance): Alors, le chapitre troisième, tel qu'il apparaît, abrogé et

déplacé comme spécifié par la proposition d'amendement, est adopté. Maintenant, est-ce qu'il y a des discussions sur les articles contenus ici entre 579 et 583 inclusivement? (16 h 30)

Mme Harel: M. le Président, vous voyez, il s'agit de cinq articles sur lesquels nous avons beaucoup de questions et sur lesquels il y a eu beaucoup de représentations au ministre, notamment de la part de la Commission des droits de la personne et de la part du Conseil du statut de la femme. Alors, je ne sais pas s'il est préférable de s'engager peut-être dans un échange sur ces articles ou d'en suspendre l'examen maintenant, de façon à ce que nous puissions poursuivre peut-être dans une rencontre ultérieure. Je ne sais pas qu'est-ce que le ministre préfère.

M. Holden: Est-ce que la discussion va être prolongée sur plus d'une heure et demie?

M. Rémillard: Oui. Je crois, M. le Président, que c'est un point très important. De fait, il y a beaucoup de représentations qui nous ont été faites; nous tentons d'établir un consensus et nous aurons besoin d'une bonne discussion au sein de cette commission sur bien des points très importants que nous soulevons parce que, pour la première fois, nous proposons des règles minimales en matière de procréation médicalement assistée, et c'est une première. Sans avoir la prétention de voir tous les aspects, il faut quand même qu'on s'établisse des principes directeurs qui soient conformes au consensus social et ça va nécessiter une très bonne discussion. Est-ce que nos experts de part et d'autre ont pu se rencontrer sur ces sujets?

Mme Harel: On avait déjà fait savoir que nous souhaitions suspendre l'article 583, mais on peut peut-être le débuter et on verra au fur et à mesure s'il y a lieu d'en suspendre.

M. Rémillard: Oui. Peut-être qu'on peut l'aborder.

Mme Harel: Oui.

M. Rémillard: On va voir ce que ça va donner au fur et à mesure.

Mme Harel: Je pose tout de suite peut-être les questions. Concernant l'amendement que vous apportez...

Le Président (M. Lafrance): Ou est-ce qu'on ne pourrait pas procéder, madame, peut-être article par article au lieu de procéder en englobant toute la section, puis voir les articles qu'on peut adopter?

Mme Harel: Peut-être commencer par les amendements, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui? D'accord. Mme Harel: Ceux qui ont été déposés.

M. Rémillard: Les amendements qui ont été déposés. Ensuite, M. le Président, s'il y a des articles qui ne causent pas de problème, alors ils ne causent pas de problème, et ceux qui causent des problèmes, on peut en discuter ou on suspendra si on juge bon de suspendre.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. Alors, je vous laisse la parole, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Bon. Alors, je crois donc comprendre qu'à l'article 581 l'amendement qui est adopté vient satisfaire les représentations qui ont été faites cet été à l'effet que, si la personne qui avait consenti à la procréation médicalement assistée ne reconnaissait pas l'enfant une fois qu'il était conçu et né, elle n'engageait sa responsabilité qu'envers la mère de l'enfant, et là je crois comprendre qu'avec l'amendement on introduit le fait que la responsabilité, une fois le consentement acquis, la responsabilité de celui qui a donné le consentement est à l'égard de l'enfant et de la mère de ce dernier. Ça, je pense que c'est dans le sens de l'intérêt de l'enfant.

Là où je m'interroge, M. le ministre, c'est que ça crée une obligation alimentaire à l'égard de la personne, qu'elle soit l'époux, disons, ou le conjoint au sens du Code, qui a contracté mariage, ou le concubin. On dit "Celui qui, après avoir consenti à la procréation médicalement assistée". Alors, ça crée pour la première fois dans notre Code, je dois comprendre, une obligation alimentaire possiblement entre conjoints de fait. Si on revient, par exemple, pour donner un exemple concret, au cas de Jean-Guy Tremblay et Chantai Daigle, Jean-Guy Tremblay aurait été, par exemple, tenu responsable des aliments, donc tenu de verser une pension alimentaire à l'enfant qui aurait été conçu, mais il n'aurait jamais engagé sa responsabilité-Une voix:...

Mme Harel: Non, je le sais bien. Justement. Mais il n'aurait jamais engagé sa responsabilité à l'égard de la mère de son enfant parce qu'il n'y a pas d'obligation alimentaire entre conjoints de fait dans, si vous voulez, la procréation en général. Là, on vient faire une obligation, dans la procréation médicalement assistée, une obligation alimentaire. Il faut voir. C'est quelque chose de nouveau qui est introduit dans le Code. En Ontario, il y a déjà eu... En 1986, déjà, il y a eu une législation qui introduit une obligation alimentaire entre conjoints de fait, mais ça n'était pas là la volonté du législateur québécois parce que, dans le projet de loi 125, il n'y a

aucune référence à l'obligation alimentaire entre conjoints de fait, même lorsqu'un enfant est issu de l'union. Alors, là, on dit que, quand l'enfant est issu d'une procréation médicalement assistée, là, il y aurait une obligation alimentaire à l'égard de la mère. Remarquez que je trouve ça intéressant.

Jusqu'à maintenant, depuis la réforme du Code, il y a 10 ans, il y avait cette obligation alimentaire à l'égard de l'enfant, n'est-ce pas? Parce que quel que soit le statut conjugal ou marital des parents, l'enfant a droit aux aliments de ses père et mère, quel que soit le statut entre eux, qu'ils soient en union de fait ou mariés. Là, on dit: Non seulement l'enfant a droit aux aliments de ses père et mère s'il est issu d'une procréation médicale, mais, en plus, même dans les cas de conjoints de fait, la mère aura droit aux aliments. Alors, je comprends qu'on fait plus référence au contrat, comme s'il y avait eu un contrat. C'est la notion de contrat dont on s'inspire, j'imagine. Je demande au ministre s'il entend, puisqu'il introduit cette obligation alimentaire à l'égard de la mère, à l'article 581, qui a conçu par voie médicalement assistée... Pourquoi il continue d'exclure cette même obligation alimentaire à l'égard de la mère qui, elle, a conçu naturellement?

M. Rémillard: Alors, M. le Président, de fait, c'est du droit nouveau. C'est une règle nouvelle que nous introduisons dans notre Code civil à l'effet que, lorsque le conjoint accepte que la mère procrée médicalement assistée, par le fait même, il ne peut pas se dégager de sa responsabilité. Sa responsabilité est engagée envers l'enfant et la mère. Ce que ça signifie, M. le Président, c'est que la mère peut revenir contre le père, c'est-à-dire son conjoint qui a accepté qu'elle procrée médicalement assistée, pour non pas une pension alimentaire, mais pour des dommages, parce que c'est la notion de dommages qui est en cause ici, M. le Président. Par un changement d'attitude du conjoint, la mère se retrouve à des dommages, puisqu'elle doit assumer seule la responsabilité de l'enfant. Par conséquent, la notion que nous voulons développer est une notion de dommage et non pas simplement au niveau de la pension alimentaire, ce qui est beaucoup plus large que la question du dommage comme telle. Mais il ne s'agit pas de question de pension alimentaire. Remarquez que ça peut se traduire en pension alimentaire, d'une certaine façon. Ça peut aller au-delà de là aussi. Ça peut comprendre quelque chose de plus que ça. Ce n'est pas une pension alimentaire qui est en cause, mais c'est une question de dommages.

M. Holden: Mais le mot "responsabilité" est très général, M. le ministre. Comme vous dites, ça peut inclure... Mais c'est plutôt le moyen normal d'être responsable envers un conjoint. C'est la pension alimentaire ou un montant forfaitaire ou...

Mme Harel: Les aliments.

M. Holden: Oui, c'est quand même dans la nature de pension.

M. Rémillard: Dans fa situation des conjoints de fait, on n'a pas cette situation de droit. Donc, vous êtes face à une situation...

M. Holden: Je sais, mais vous la créez, justement, comme l'a dit la députée.

M. Rémillard: On la crée. Par conséquent, c'est ouvert. Vous mentionnez vous-même qu'on prend le mot "responsabilité". Donc, s'il y a eu responsabilité, il y a eu faute. Quelle est la faute dans ce cas-là? C'est le conjoint qui a changé d'attitude.

M. Holden: C'est contractuel, comme le dit la députée.

M. Rémillard: Bien oui, c'est contractuel. Alors, comme il y a un bris de contrat, il y a, par conséquent, des responsabilités qui sont engagées, des dommages qui sont subis et il y aurait compensation.

Mme Harel: Est-ce qu'il y a eu un contrat? Alors là, la question est posée: Est-ce qu'il y a eu un contrat, à ce moment-là?

M. Rémillard: Bien, il y a eu consentement, échange de volontés.

Mme Harel: Est-ce que ce consentement, cet échange de volontés doit être par écrit?

M. Rémillard: Ça dépend. Les règles de preuve vont s'appliquer là comme ailleurs. Si vous avez un début de preuve par écrit, oui, ça peut se faire assez facilement. Mais ce n'est pas nécessairement juste la preuve par écrit.

Mme Harel: Donc, il peut ne pas y avoir de consentement écrit. C'est ça?

M. Rémillard: II s'agit de démontrer, que la preuve puisse démontrer qu'il y a eu échange de consentements.

Mme Harel: Bon. Là, vous me dites: C'est parce qu'il a engagé sa responsabilité envers l'enfant et la mère en consentant.

M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: Ça vaut pour la reproduction médicalement assistée, mais est-ce que ça ne vaut pas aussi à l'égard de la reproduction naturelle au sens où...

M. Holden: Non. On n'a pas besoin de permission pour... de consentement. Il y a une permission, oui, mais il n'y a pas de contrat!

Mme Harel: II y a un échange de consentements s'il n'y a pas de... Oui, mais si on assimile à un contrat...

M. Holden: Oui, mais...

Mme Harel: Attendez là. On fait du droit nouveau, mais il faut voir où est-ce qu'on s'en va.

M. Holden: O.K.

Mme Harel: On fait du droit nouveau avec un consentement qui ne serait pas par écrit, un échange de volontés d'acquiescer à de la reproduction médicalement assistée. Et là on dit que ça engage la responsabilité, que ce n'est pas nécessairement des aliments, mais que ça peut être des aliments. Ça a une incidence énorme sur le plan fiscal, hein, parce qu'on sait très bien que les aliments, par exemple, sont déductibles d'impôt en matière fiscale, tandis que la responsabilité dont il est fait mention à 581...

M. Holden: Pas si on n'est pas mariés.

Le Président (M. Lafrance): M. le député de Westmount, j'aimerais peut-être laisser terminer madame. Ensuite, si...

Mme Harel: Oui. M. le député de Westmount, les pensions alimentaires versées aux enfants, quel que soit le statut conjugal ou marital des parents, sont déductibles d'impôt. Mais "engage sa responsabilité", ça, c'est sûr qu'à ce moment-là... Est-ce que ça implique les aliments?

M. Rémillard: M. le Président...

Mme Harel: Ça ne correspond pas seulement aux aliments. Ce n'est pas nécessairement les aliments, mais est-ce que ça peut être des aliments?

M. Rémillard: M. le Président, le but de cet article, c'est de protéger l'enfant qui naît d'une grossesse médicalement assistée et de protéger la mère. C'est ça, le but de l'article.

Mme Harel: C'est très intéressant.

M. Rémillard: Donc, nous voulons l'article le plus large possible. Vous soulevez le cas du consentement; pour nous, dire qu'il faudrait un consentement écrit serait restreindre considérablement ce droit de l'enfant et de la mère parce qu'on sait qu'en pratique ça peut se passer bien autrement.

Donc, s'il y a expression du consentement, par le fait même, pour nous, d'abord que les règles de preuve normales s'appliquent, et on a un consentement du conjoint à l'effet qu'il accepte que sa conjointe ait une grossesse médicalement assistée. Or, il faut bien comprendre la réelle signification d'une grossesse médicalement assistée. Ce que ça signifie, c'est qu'à un moment donné, il y a un échange de volontés manifeste. Ça ne se passe pas par hasard à un moment donné, ça n'arrive pas comme ça. Ça arrive qu'il y a tout un processus médical qui est en cours et qui fait en sorte qu'avant on a dit: Écoute, oui, est-ce que tu es d'accord que je prenne du sperme qui vient de quelqu'un d'autre, qu'on puisse faire en sorte qu'on ait un enfant ou que je prenne ton sperme et qu'il soit procédé d'une autre façon? Peu importent les techniques modernes, mais il y a un mécanisme médical qui est là et qui fait en sorte qu'il y a, médicalement donc, une décision à prendre et que, par conséquent, il y a une préparation qui s'impose. Donc, il n'y a rien qui arrive comme ça tout à coup. Ce qui veut dire qu'il y a une responsabilité qui est engagée d'une façon plus évidente que dans le cas d'une procréation normale. Une procréation normale, un couple peut dire: On va essayer, on va le faire ce soir, mais je ne peux pas dire que ça va arriver comme ça à tout coup, hein? Bon.

Mme Harel: On ne peut pas le dire non plus par la procréation médicalement assistée.

M. Rémillard: Mais ce que je veux vous dire, c'est qu'il y a quand même une décision à l'effet qu'il va y avoir un processus médical. Donc, ce processus médical, ou bien il a réussi, et là il y a la procréation, on a donné le consentement pour que ça se produise, ou bien il n'a pas réussi et là le problème ne se pose pas. C'est un des deux.

Dans ce cas-là, je crois qu'il faut quand même faire des nuances importantes lorsqu'on compare une procréation dans des situations normales et une procréation où c'est médicalement assisté. Pour nous, ce qui est important dans ce cas-là, c'est: Protégeons l'enfant, protégeons la mère. Et dans cet objectif d'avoir une protection la plus large possible, nous disons: II ne s'agit pas là simplement de question d'aliments, de pension alimentaire - prenons des termes qu'on connaît - mais il s'agit de dommages. C'est une responsabilité. Le mot qui est utilisé par l'article 536.3, c'est "engage sa responsabilité". Donc, le conjoint dit: Oui, tu vas avoir une grossesse médicalement assistée. Par le fait même, il engage sa responsabilité. S'il change d'idée, il change d'attitude, il dit: Non. Finalement, je ne reconnais pas ça. Par le fait même, il a engagé sa responsabilité et la femme peut poursuivre, pour l'enfant, pour elle-même, non seulement pour des dommages en fonction

des aliments, mais pour d'autres considérations que le tribunal pourrait statuer.

Mme Harel: M. le Président... (16 h 45)

M. Kehoe: Dans le quotidien, quand il s'agit d'une procréation artificielle ou médicalement induite comme ça, dans les hôpitaux, II y a des règles à suivre. Il y a un commencement de preuve. J'imagine qu'il y a des formules à remplir. C'est tout encadré, cette affaire-là. La preuve est là quand même, j'imagine.

M. Rémillard: On est loin de l'opération du Saint-Esprit. Je veux dire, au départ, ce n'est pas l'opération du Saint-Esprit. En tout cas, le Saint-Esprit est fortement aidé par nos médecins. Donc, il y a un processus médical qui est là. Et quand on va dans un hôpital, lorsqu'il y a un acte médical qui est fait, il y a des formulaires à remplir. Il y a différents renseignements qui sont demandés.

M. Kehoe: Mais c'est justement. La députée de Hochefaga-Maisonneuve a parlé d'un commencement de preuve par écrit. J'imagine que 100 % des cas... Dans les hôpitaux, il n'y en a pas des...

Mme Harel: Ça dépend des établissements. Je pense bien que le ministre prend son processus médical idéal pour une réalité qui n'est pas celle qui est en vigueur.

M. Kehoe: Une réalité que ça peut se faire sans des formules de consentement.

Mme Harel: De consentement aux soins, évidemment, pour la personne qui subit la procréation, mais ce n'est pas évident qu'il y ait une exigence de signature du conjoint.

M. Rémillard: M. le Président, là-dessus, on m'informe que, de par les informations qu'on a reçues, habituellement dans les hôpitaux, on demande le consentement des deux conjoints. Habituellement. Cependant, on ne veut pas exiger qu'il soit par écrit parce que, si on l'exigeait par écrit, on limiterait considérablement la portée de l'article. On veut qu'il puisse laisser droit parce que... Tout à coup on ne le demande pas, on ne l'a pas demandé, parce qu'il n'y aurait pas de preuve par écrit, on empêcherait la femme d'avoir droit ou l'enfant d'avoir droit à des dommages? Ça n'a pas de bon sens.

Alors, il faut qu'on le laisse quand même plus large et qu'on laisse la possibilité au tribunal d'apprécier, toujours en fonction de ce concept de responsabilité et de dommages.

Mme Harel: M. le Président, je reprends ma question. Je ne fais pas de grief au ministre d'avoir introduit cet amendement. Je l'ai dit tantôt, je l'en félicite. Mais je dois constater que toute l'argumentation qu'il développe, à raison, pour protéger la mère et l'enfant vaut autant, à mon point de vue, lorsqu'il y a procréation naturelle que lorsqu'il y a procréation médicalement assistée, pour la bonne raison que la différence, hors la question, si vous voulez, génétique, c'est la preuve du consentement qui est bien plus difficile à faire dans le cas de la procréation médicalement assistée qu'elle ne l'est dans le cas de la procréation naturelle, parce que la preuve du consentement est assez évidente dans le cas de la procréation naturelle. N'est-ce pas?

La preuve que l'enfant issu de l'union, c'est toutes les preuves de filiation, évidemment, mais une fois tout ça satisfait...

M. Rémillard: Si vous me permettez, je pense qu'il y a des nuancés quand même à apporter. Vous savez, la preuve du consentement en ce qui regarde la procréation naturelle est plus difficile à faire parce que vous pouvez vivre avec quelqu'un... Dans notre société contemporaine, vous pouvez vivre avec quelqu'un, votre conjoint, et vous ne voulez pas nécessairement avoir des enfants et vous prenez les moyens pour ne pas en avoir.

Mme Harel: C'est ça.

M. Rémillard: Et c'est tout à fait normal. Je pense que c'est libre au couple de décider s'il veut un enfant ou non. Mais, en ce qui regarde notre cas à nous, le geste est délibéré. C'est médicalement assisté, donc vous avez le médecin qui est impliqué, l'hôpital qui est impliqué. Vous avez là un geste qui est posé tant sur le plan administratif que sur le plan consensuel entre deux conjoints.

M. Holden: Dans le fond c'est l'aspect clinique qui fait que c'est une exception. Ça ne peut pas créer une règle générale pour toute procréation.

M. Rémillard: Non.

M, Holden: Je suis d'accord avec le ministre que c'est un cas très spécial.

M. Rémillard: C'est un cas spécial, M. le Président...

M. Holden: Je sais que la députée de Hochelaga-Maisonneuve aimerait étendre le champ d'application de la pension alimentaire à toutes les femmes, mais...

Mme Harel: Non, pas toutes les femmes.

M. Holden: ...je veux dire, ce n'est pas en argumentant sur cet article-là que vous allez

créer une situation où les conjoints de fait vont avoir une pension alimentaire.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le député de Westmount. M. le ministre, avez-vous des observations sur ces derniers commentaires?

M. Rémillard: M. le Président, j'ai dit ce que j'avais à dire sur cet article-là.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur cet article?

Mme Harel: Simplement une remarque, M. le Président. C'est évident que je m'interroge sur l'absence de protection des mères qui ont procréé un enfant dans le cadre d'une union de fait, n'est-ce pas. Ça, je m'interroge sérieusement là-dessus et j'imagine que le ministre en fait tout autant. J'attends avec impatience le rapport du comité interministériel sur les unions de fait qui, je crois, a complété son travail ou qui devrait le compléter cet automne. Ça fait déjà deux ans que le comité a été mis sur pied. D'ailleurs, il devait remettre un rapport en juin, il y a déjà un an. Ça s'avère peut-être plus complexe qu'il ne l'avait prévu. Mais c'est, je pense, dès le deuxième mandat du présent gouvernement que le comité a été mis sur pied.

M. Rémillard: Oui. Ça devait être, M. le Président, en juin dernier.

Mme Harel: C'est ça. Ah! c'était en juin dernier.

M. Rémillard: Ils ont demandé que ce soit remis parce que, de fait, c'est très complexe. Actuellement, la situation qu'on vit, on le sait très bien, c'est que le statut des conjoints de fait varie selon les lois. Une situation qui doit nous amener à statuer sur la situation légale, juridique des conjoints de fait, mais qui amène aussi beaucoup de difficultés à déterminer les normes objectives capables de nous amener à dire qu'il s'agit là vraiment d'une union de fait.

Mme Harel: Notamment, en fait, je dois donc comprendre que le recours en désaveu de paternité ne pourrait pas être invoqué, finalement, en procréation médicalement assistée tandis qu'il peut être invoqué dans le cadre de la procréation naturelle. C'est une différence qui est assez importante, ça.

M. Rémillard: C'est une différence importante parce que, dans le cas de la procréation médicalement assistée, il y a un échange de consentements qui doit être manifeste.

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, M. le député de Westmount.

M. Holden: Peut-être que je devrais attendre, mais je me demandais si l'expression "les proches" existe dans d'autres sections du Code. Je ne me souviens pas de ce que ça veut dire, "les proches".

Le Président (M. Lafrance): Est-ce que vous vous référez à l'article 581?

M. Holden: L'article 583.

Le Président (M. Lafrance): L'article 583, pardon.

M. Rémillard: Quelle est votre question, M. le député de Westmount? Je m'excuse.

M. Holden: C'est un peu vague, "les proches".

M. Rémillard: C'est l'expression que nous avons utilisée un peu partout dans le Code civil.

Alors, normalement, c'est les collatéraux, bien sûr, les parents des enfants.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

Mme Harel: La question de fond qui se pose, c'est celle qu'a posée la Commission des droits de la personne. Ça m'a inquiétée, d'une certaine façon, qu'elle soit elle-même inquiète de ce qu'elle appelle l'ambiguïté qui découle de la formulation même de l'article 579. Ce que la Commission considère, c'est qu'il y aurait possibilité éventuellement, par exemple... La Commission se demande si la formulation est telle qu'elle empêche d'une façon très étanche le recours aux services d'une mère porteuse.

M. Rémillard: Alors, l'article 579, je ne sais pas si on se réfère au même article... C'est peut-être 582. L'article 579, c'est pour les donneurs de gamètes.

Mme Harel: C'est ça. Excusez-moi. Pour le donneur de gamètes.

M. Rémillard: O.K. L'article 579, voyez-vous, c'est le donneur de gamètes. Ce qu'on veut, c'est qu'on puisse garantir quand même à la femme qui a été inséminée par des gamètes, donc par sperme venant de quelqu'un de l'extérieur, que cette personne ne puisse pas, après coup, réclamer la filiation sur l'enfant qui en naît. On sait que ça existe de plus en plus, ces grossesses médicalement assistées avec des gamètes qui proviennent d'autres personnes que le conjoint et mari. Dans ces cas, on veut que ce ne soit pas permis que, tout à coup, celui qui

a donné son sperme vienne dire: Eh bien, voici, cet enfant-là qui a été fait avec mon sperme, maintenant c'est mon enfant.

Mme Harel: Mais l'inverse peut également se présenter, c'est-à-dire le sperme du mari qui est utilisé avec une mère porteuse. Quand on lit l'article 579, je ne pense pas qu'on puisse le lire uniquement en pensant que ça ne cerne que (a situation du donneur de gamètes, parce qu'on dit: "La contribution au projet parental d'autrui par un apport de forces génétiques". Alors, une mère porteuse, c'est un apport de forces génétiques. C'est sûr que le projet de loi 125 interdit à titre onéreux, mais n'interdit pas complètement le projet de mère porteuse. Par exemple, je pense qu'en vertu même des dispositions que vous introduisez il pourrait y avoir, par exemple, entre ascendants, descendants, entre mère et fille, une entente à cet effet. L'article 579.

M. Rémillard: Quelle relation faites-vous entre l'article 579 et l'article 582?

Mme Harel: D'abord, toutes ces dispositions n'ont comme seule sanction que l'annulation du contrat, n'est-ce pas? Au chapitre traitant de la procréation médicalement assistée, si quelqu'un contrevient aux dispositions, la seule sanction c'est l'annulation du contrat.

M. Rémillard: C'est l'annulation. Le contrat est nul.

Mme Harel: Bon. Mais s'il n'y a pas eu de contrat à titre onéreux, comme on a vu encore récemment aux États-Unis une mère qui décide de devenir porteuse pour sa fille qui est infertile, on l'a vu aux États-Unis, on l'a vu en Afrique du Sud, on l'a vu un peu partout, il n'y a pas de contrat à titre onéreux. À ce moment-là, on aura beau invoquer, brandir la nullité du contrat, on n'a pas de garantie qu'il n'y aura pas finalement une procréation de cette nature-ià comme ça s'est produit à l'étranger.

M. Rémillard: Ce que nous disons avec l'article 582, c'est qu'il n'y a pas possibilité de mère porteuse moyennant des conditions monétaires. On ne peut pas payer quelqu'une pour qu'elle porte votre enfant. Ça, on dit ça.

Mme Harel: Vous le dites où?

M. Rémillard: À l'article 582.

Mme Harel: Non, vous ne dites pas ça.

M. Rémillard: "Les conventions de procréation ou de gestation pour le compte d'autrui sont nulles."

Mme Harel: Oui, mais à ce moment-là, qu'elles soient payantes ou gratuites.

M. Rémillard: Payantes ou pas, c'est fini, c'est terminé.

Mme Harel: C'est ça. Mais une fois que vous l'avez dit, il faut que vous le fassiez appliquer.

M. Rémillard: Oui, voilà.

Mme Harel: Là, la sanction, c'est que, si le contrat a été à titre onéreux, c'est annulé.

M. Rémillard: Ça c'est nul comme aussi toutes les questions de filiation, toutes les questions se rapportant à la filiation, puis des dommages qui pourraient en résulter, les pensions alimentaires, etc. Toute la ligne juridique, si vous voulez, qui découle d'une filiation est rompue.

Mme Harel: Alors, parlons très, très clairement. Une mère porteuse ne pourrait pas, par exemple, obliger le couple ou une des personnes du couple qui lui aurait demandé un contrat semblable, à des aliments à son égard et à l'égard de l'enfant.

M. Rémillard: C'est ça, elle n'a pas la possibilité d'exiger. (17 heures)

Mme Harel: Ça, en vertu de l'article 581, c'est bien clair, parce que c'est nul et de nullité absolue, c'est ça? Alors, nul et de nullité absolue. Elle se retrouverait donc responsable envers l'enfant, donc responsable des aliments envers l'enfant, n'est-ce pas? bon, c'est le cas, dans la mesure où toutes vos dispositions sont conçues dans le cadre d'une situation où il y a un bénéfice pécuniaire. Mais dans le cas où c'est - comme ça s'est produit assez souvent depuis quelque temps - par entente consensuelle au sein d'une famille qu'il y a ces situations, il n'y a aucune sanction à ce moment-là.

M. Rémillard: Vous savez, ça peut arriver, mais habituellement ce n'est pas la situation. C'est l'exception que ça arrive comme ça. Habituellement, c'est parce qu'il y a d'autres considérations et qu'il y a des conventions qu'on appelle des conventions de procréation et de gestation pour le compte d'autrui. Et dans ce cas-là, ce que nous voulons faire respecter comme principe, c'est qu'on ne peut pas vendre son corps pour la gestation, pour faire un enfant. C'est ça le principe comme tel. L'application du principe c'est que la grand-mère - dans le cas dont vous parlez - la grand-mère, donc celle qui accepte... plutôt la mère qui accepte de porter l'enfant pour sa fille, donc qui est inséminée avec l'ovule et le sperme de son gendre et de sa fille, qui porte un enfant, elle

serait finalement la mère de cet enfant qu'elle porte.

Une voix: La grand-mère.

M. Rémillard: Elle serait la mère.

M. Holden: Oui, la mère et la grand-mère.

M. Rémillard: Elle serait la mère. Elle serait la grand-mère, oui, biologiquement et normalement, mais légalement elle serait la mère. C'est elle qui le porte cet enfant-là. C'est elle qui va l'accoucher.

Mme Harel: évidemment, M. le Président, ce ne sont pas des cas fictifs, utopiques, ça c'est produit dans la réalité de notre actualité. Ce que la Commission des droits demande c'est: Est-ce qu'à ce moment-là l'article 579 pourrait empêcher réellement les personnes impliquées dans un tel projet de procéder par voie d'adoption suivant le consentement spécial tel que prévu à l'article 549? Parce qu'à l'article 549 qu'on a vu tantôt on a pu constater qu'un consentement spécial peut être donné en faveur d'un parent en ligne collatérale jusqu'au troisième degré.

M. Rémillard: Alors si on lit 549 en fonction de 579, je vais consulter les légistes à ce niveau-là pour être bien sûr, en fonction de ce que nous dit la Commission des droits... C'est bien la Commission des droits qui...

Mme Harel: La Commission des droits de la personne.

M. Rémillard: ...la Commission des droits de la personne qui soulève cette question-là?

Mme Harel: Oui.

M. Rémillard: ...que nous avons étudiée...

Mme Harel: Aux pages 80 et suivantes, oui.

M. Rémillard: Oui. Alors, je vais m'informer, si vous me permettez.

Mme Harel: Ce qu'on me dit peut-être... Je vous laisse...

M. Rémillard: Si vous me permettez, je vais demander à Me Longtin de venir nous donner des explications à ce niveau-ià.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Me Longtin.

Mme Longtin (Marie-José): Je pense que si on lit 549 - et on est dans l'hypothèse où la grand-mère porte pour sa fille l'enfant de sa fille, donc son petit-enfant - on pourrait sans doute tomber à 549 sous les règles du consentement spécial puisqu'il peut être donné en faveur d'un parent en ligne collatérale. Parce que si on présume à ce moment-là que la grand-mère est la mère et que la mère qui donne l'ovule est la soeur, à ce moment-là c'est un parent en ligne collatérale...

Mme Harel: II y a une autre question... Mme Longtin: ...à la rigueur. Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Lafrance): Oui, merci, Me Longtin. Vous avez une autre question, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve?

Mme Harel: Oui. Bon, en fait, c'est une autre question qui porte sur 582 justement, sur l'interprétation qu'on peut en faire. Ce que la Commission des droits recommande, à la page 83 de son mémoire, c'est donc qu'il y ait des mesures fortement dissuasives pour l'ensemble des parties qui pourraient être impliquées dans une telle entente, c'est-à-dire les intermédiaires nécessairement... Il ne peut pas y avoir comme ça de procréation médicalement assistée, le ministre l'a dit à raison tantôt, sans intermédiaire. Et c'est peut-être par ce biais-là qu'on pourrait rendre peut-être plus étanche, finalement - je ne sais pas si c'est la bonne expression, en fait - sinon, à 582, si le but poursuivi par le législateur c'est d'empêcher le recours à la gestation et à la procréation pour autrui, pas simplement dans le cadre de contrats à titre onéreux, mais aussi... En fait, pour empêcher tout recours à la gestation et à la procréation par autrui, c'est peut-être en visant dans la loi non seulement les personnes qui consentent, mais celles qui participent.

M. Rémillard: Je ne sais pas si je comprends bien votre question, si on comprend bien votre question, mais le principe qu'on veut protéger ici dans 582, c'est qu'il peut y avoir, bien sûr, une grossesse médicalement assistée, mais cette grossesse doit se référer à la mère. La question des mères porteuses, pour nous, pour le moment en tout cas, dans l'état actuel du consensus social, nous considérons qu'on ne peut pas le permettre. Donc, les conventions de procréation et de gestation pour le compte d'autrui sont nulles; 582 est clair là-dessus. À partir de là, on a fait la relation tout à l'heure avec 549 pour l'adoption, bien sûr, mais, pour nous, c'est tout le champ de la mère porteuse qui est touché à ce niveau-là.

Mme Harel: Le fait est que ça ne semble pas être le cas. Je sais que c'est l'intention du législateur, mais, par exemple, la Commission des droits affirme que la disposition n'est pas

suffisamment rigoureuse pour mettre un terme à cette pratique, tout au plus empêche-t-elle les futurs parents d'obliger légalement la mère porteuse à exécuter l'entente intervenue entre les parties. En supposant, par exemple, qu'elle veuille interrompre sa grossesse, ils ne pourraient pas l'obliger à la poursuivre ou, par ailleurs, qu'elle refuse de remettre l'enfant suivant sa naissance ou qu'elle refuse de reconnaître la paternité du père au lieu de consentir un consentement spécial afin qu'il puisse l'adopter, avec ou sans conjoint. Ce qui semble assez certain, c'est que ça peut permettre, c'est sûr, une action en nullité lorsqu'il y a un contrat qui est porté à l'attention du tribunal, mais ça n'empêche pas pour autant, dans les cas consensuels, s'il n'y a pas de... puisque, dans le fond, il pourrait y avoir de la procréation médicalement assistée par le biais d'une mère porteuse, sans qu'il y ait une action en nullité qui soit introduite.

M. Rémillard: Pour nous, M. le Président...

Mme Harel: L'enfant va naître quand même, hein?

M. Rémillard: Oui, mais, M. le Président, j'essaie de comprendre...

Mme Harel: Les établissements de santé, les médecins, les agences pourront considérer qu'il y a là une possibilité d'intervenir.

M. Rémillard: J'essaie de comprendre cette argumentation de la Commission des droits de la personne, mais il me semble que 582 - et on me corrigera, M. le Président - est clair. C'est que les conventions de procréation ou de gestation pour le compte d'autrui sont nulles. Donc, tout ce qui regarde les mères porteuses, que ce soit pour des questions onéreuses, sans conditions onéreuses, peu importe, ce n'est pas possible. On ne peut pas porter l'enfant de quelqu'un d'autre...

Mme Harel: Non, on ne dit pas que ce n'est pas possible, bien non.

M. Rémillard: ...légalement.

Mme Harel: On ne peut pas penser mettre un terme à ces conventions de mères porteuses avec 582.

M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: On dit: Si elles ont lieu, dans le fond, c'est à titre onéreux qu'elles pourront être annulées.

M. Rémillard: Oui. Non, attention, c'est parce que ce n'est pas un Code criminel, ce n'est pas un crime, ce n'est pas une pénalité, c'est évident ça.

Mme Harel: Non, non.

M. Rémillard: On est dans le Code civil et puis ce que nous disons, c'est qu'à ce moment-là toute la ligne juridique qui découle de la filiation n'existe pas. Il n'y pas par le fait même cette continuité qui devrait exister normalement comme lien juridique pour la mère qui donne naissance à un enfant et qui implique des droits juridiques et pour elle et pour l'enfant. Dans ce cas-ci, il y a donc une limite qui est importante.

Maintenant, probablement que la Commission des droits de la personne se réfère à l'article 579, disant que 579 pourrait être assez large. Je ne sais pas si c'est l'argumentation, mais 579 ne peut se lire qu'en fonction des autres articles, et les autres articles, c'est 582. Je ne sais pas si Me Ouellette, comme expert, a un autre point de vue ou si on peut comprendre autrement ce qui est soulevé par la Commission des droits, pour la rendre plus étanche, pour prendre l'expression de Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, si on a des suggestions... Mais j'ai de la difficulté à voir le problème.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Madame.

Mme Harel: Le problème est bien simple. C'est qu'on ne peut pas... Vous avez vu vous-même tantôt, je pense bien que vous avez constaté comme moi que, par exemple, il pourrait y avoir une convention et puis qu'en vertu de l'article 549, par la suite, l'enfant pourrait être adopté légalement, tout ça à l'intérieur du projet de loi qui introduit des concepts nouveaux. Bon. Je pense que ça mérite réflexion.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Est-ce que Me Ouellette aimerait apporter des commentaires?

Mme Ouellette (Monique): M. le Président, sur cette question, les auteurs sont... disons qu'ils en débattent depuis très longtemps. Dans les juridictions où on a voulu interdire les contrats de grossesse ou les mères porteuses, certaines suggestions beaucoup plus sévères que celles que l'on trouve dans le Code ont été faites, notamment de sanctionner également le médecin ou l'équipe médicale qui va aider à ce que ça se réalise. Est-ce que c'est suffisant pour empêcher que ça se fasse? Je n'en suis pas absolument convaincue.

Cependant, si vous me le permettez, j'aurais peut-être une question à poser. Quand on dit que la ligne de filiation est interrompue, j'avais compris qu'en interdisant les contrats de mère porteuse, ce que l'on visait, c'était de rendre inexécutoires ces contrats-là. C'est-à-dire que si la mère porteuse ne veut pas remettre l'enfant,

on ne pourra pas aller devant les tribunaux pour la forcer à le remettre, d'une part, et, si, d'autre part, les parents qui avaient fait ce contrat avec la mère porteuse refusent de prendre l'enfant, on ne pourra pas aller devant les tribunaux pour faire sanctionner. J'avais compris que c'était ça que ça voulait dire, la nullité du contrat de mère porteuse. Mais la mère porteuse qui a accouché de cet enfant-là, est-ce qu'on va nier qu'elle est la mère de l'enfant? Je veux dire que l'enfant a une mère et que ça va se trouver à être elle par le simple fait de l'accouchement, je crois.

M. Rémillard: Oui.

Le Président (M. Lafrance): Oui. M. le ministre.

Mme Harel: Et le père également.

M. Rémillard: Oui. M. le Président, c'est évident que, dans ça, il y a aussi le droit de l'enfant.

Mme Harel: Oui, c'est ça.

M. Rémillard: On n'est quand même pas pour lui enlever ses droits d'avoir des aliments...

Mme Ouellette: Ça prend un adulte. C'est ça.

M. Rémillard: ...ça, c'est évident. Mme Harel: C'est ça.

M. Rémillard: Je me suis exprimé peut-être avec des termes incomplets. Je complète en disant tout simplement ce que vient de dire Mme le professeur, que c'est en fonction de la ligne juridique qui existe normalement et qui n'existe plus dans ce cas-là.

Mme Ouellette: O.K. Alors, je m'excuse. J'avais mal compris votre réponse.

M. Rémillard: Je m'étais mal exprimé.

Le Président (M. Lafrance): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: D'accord. Alors, le droit des aliments pour l'enfant auquel vous vous référiez tantôt, ça ne vaudrait qu'à l'égard de la mère porteuse et non pas, à ce moment-là, à l'égard de celui qui a consenti à la procréation médicalement assistée, cette fois en participant au gamète. C'est bien ça?

M. Rémillard: Si on suit la ligne, oui, on arrive à cette conclusion-là. (17 h 15)

Mme Harel: II y a une autre question peut-être, de manière à ce qu'on puisse faire le tour des questions qui se sont posées à l'examen de tout ce chapitre-là, c'est la conservation et la codification des dossiers et la possibilité de faire des rapports. On nous dit que la situation actuelle... et je lisais là-dessus, notamment, dans le mémoire du Conseil du statut de la femme qui faisait état de certaines pratiques du recours à des donneurs multiples pour brouiller irrémédiablement les origines biologiques des enfants et qui faisait état de différentes pratiques de cette nature-là. Donc, ce qu'introduit le ministre, notamment, à 583, va sans doute obliger la constitution d'une banque d'informations centralisées et systématisées. Moi, je crois comprendre que, présentement, il n'y a pas cette banque d'informations centralisées et systématisées. Chaque établissement a, je crois, ses propres règles pour la conservation des dossiers, la codification des dossiers. Ça a d'autant plus d'importance qu'on va introduire un droit, si la santé de l'enfant est en cause, de retracer son origine biologique.

Alors, est-ce que le ministre entend réglementer, faire suivre, finalement, l'adoption du Code d'une réglementation sur la tenue des dossiers?

M. Rémillard: La question est fort pertinente, M. le Président, en ce sens que, par l'application de 583, on en arrive certainement à cette obligation d'avoir un registre réglementé au niveau des nouveaux centres où on procède à ces procréations médicalement assistées. Probablement dans la loi d'application ou bien dans les lois particulières, on aura à s'y pencher ou bien en fonction d'une loi particulière qui relèverait du ministère de la Santé et des Services sociaux où on pourrait établir une réglementation dans ce domaine-là. Mais nous sommes dans un domaine qui, à bien des égards, doit être réglementé. La recherche juridique n'est pas terminée pour couvrir, comme on devrait le faire sous tous les aspects mais, déjà, par exemple, au niveau du ministère de la Santé et des Services sociaux, il y a un rapport du comité de travail sur les nouvelles technologies de reproduction humaine qui date de 1988 et qui est à l'étude au ministère pour voir de quelle façon on devrait réglementer toutes ces nouvelles techniques de reproduction humaine. Et certaines de ces techniques sont directement en relation avec le problème que vous soulevez.

M. Holden: II y a une commission fédérale qui travaille là-dessus aussi.

Mme Harel: C'est vrai, hein?

M. Rémillard: Dieu nous en garde!

M. Holden: Mme Clark est dessus, membre

de la commission.

M. Rémillard: Ah oui? Ah, je l'aime beaucoup, Mme Clark. Elle est gentille, très agréable.

Mme Harel: Alors, vous nous dites que c'est à l'étude présentement. Mais on doit comprendre de vos propos que... Est-ce que c'est vous-même ou si c'est le ministre de la Santé et des Services sociaux qui avez la responsabilité do réglementer ou d'Introduire peut-être une loi-cadre sur cette question?

M. Rémillard: Non, c'est le ministre de la Santé et des Services sociaux qui ferait une loi particulière si c'était au niveau du Code civil dans une loi d'application, mais je ne le vois pas dans une loi d'application au moment où on se parle. Je vois ça beaucoup plus dans une réglementation ou une législation particulière au niveau du ministre de la Santé.

Mme Harel: Mais ces articles-là ne pourraient pas être mis en vigueur avant qu'un tel registre... ou, tout au moins, avant qu'il y ait une codification de tous les dossiers. Sinon, si...

M. Rémillard: On ne pourra se référer...

Mme Harel: On ne pourra pas s'y référer, voilà. D'ailleurs, on ne pourra pas s'y référer avant peut-être bien des années, maintenant, en fonction d'une pratique autre récemment...

M. Rémillard: Bien là, on va pouvoir le faire, mais avec moins de sécurité que dans la mesure où on va établir le processus. Et tantôt, quand je me référais aux travaux du comité fédéral où des gens très compétents siègent sur ce comité-là, on va voir les travaux qu'ils font. On va voir les résultats de ce travail et on pourra l'étudier aussi ce rapport fait par des gens très compétents, qui nous arrive du gouvernement fédéral. Donc, ce sera une pièce certainement utile à l'étude du dossier.

M. Holden: M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): M. le député de Westmount.

M. Holden: Je sais que, logiquement, 582 mène à une difficulté pour l'enfant. Pour être logique, l'enfant va perdre ses droits, sauf contre la mère qui l'a mis au monde. Il n'y a pas moyen d'atténuer la situation de l'enfant, même si le contrat est nul? Je ne sais pas comment, mais...

M. Rémillard: Avez-vous une idée, M. le député?

M. Holden: En disant "sauf en ce qui concerne les droits de l'enfant" ou... Des droits possibles, des droits s'il y en a ou...

M. Rémillard: L'objectif est noble parce que, quand on regarde ça, c'est évident que l'enfant qui naît d'une mère porteuse...

M. Holden: II n'a pas beaucoup de droits.

M. Rémillard: ...et qui voit ses droits diminués parce qu'il est né d'une mère porteuse. Il y a quelque chose là qui fait réfléchir, qui touche Mais, d'autre part, comment pourrions-nous faire autrement si ce n'est en créant un lien juridique, qu'on ne veut pas créer parce que sans ça on brise tout l'équilibre?

M. Holden: Je me dis peut-être que la nullité va faire en sorte que les mères porteuses seront très hésitantes à essayer de garder leur enfant au moins.

M. Rémillard: Oui. Dans ce sens-là, M. le Président, j'en arrive à la même conclusion que le député de Westmount: Être mère porteuse, ça n'arrive pas par hasard aussi, un petit peu comme on discutait tout à l'heure. Ça n'arrive pas par hasard. C'est des décisions qui sont mûries, qui sont pensées. Donc, à ce moment-là, les gens vont prendre tout ça en ligne de compte. Mais il demeure que ce que fait valoir le député de Westmount est quelque chose de préoccupant aussi, c'est sûr.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Je réalise, M. le ministre, que vous nous aviez avisés aussi que vous deviez vous absenter pour quelques minutes, à ce stade-ci de nos débats.

M. Rémillard: Oui. Pour une dizaine de minutes. Je vais demander au député de Chapleau de continuer. J'ai quelque chose d'urgent à faire. J'ai encore cinq minutes, je pense? Oui. J'ai encore cinq minutes. On pourrait peut-être adopter ces principes-là et, ensuite, je pourrai peut-être...

Mme Harel: Oui. Je pense bien que...

Le Président (M. Lafrance): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Je pense qu'on a quand même soulevé beaucoup de questions et je ne vois pas qu'on puisse adopter maintenant ces dispositions sans avoir quelques réponses aux questions qu'on a posées. Notamment, je faisais état, à 583, du principe du droit à l'information sur ses origines lorsqu'un préjudice grave à la santé de l'enfant est en cause, l'enfant qui est conçu artificiellement. On prend pour acquis qu'en vertu de 579 il n'y a aucun lien de filiation. Ça, c'est évident que le donneur de gamètes n'engage aucunement

sa responsabilité de paternité, il n'y a aucun lien de filiation. Ça, on souscrit à ça parfaitement. Mais...

M. Rémillard: Oui. Me permettez-vous, Mme la députée...

Mme Harel: Oui.

M. Rémillard: ...de simplement vous dire que 583, on peut convenir tout de suite de suspendre.

Mme Harel: Oui. D'accord.

M. Rémillard: Oui, définitivement, il y a des questions à discuter.

Mme Harel: Parce que je me pose vraiment la question. Tantôt, le ministre disait que l'enfant avait des droits, quelles que soient les circonstances de sa naissance. Est-ce que, à sa majorité, il ne serait pas aussi en droit, s'il recherche cette information-là, d'obtenir son information sur son origine biologique?

M. Rémillard: Bien, avec les réponses qu'on a apportées tout à l'heure et la discussion qu'on a eue tout à l'heure... On vient d'avoir une très longue discussion sur...

Mme Harel: Oui. On va y revenir de toute façon. On pourrait poursuivre avec M. le député de Chapleau peut-être sur les autres aspects.

M. Kehoe: Les obligations alimentaires... Mme Harel: C'est ça. Puis, on reprendra. Le Président (M. Lafrance): Oui.

M. Rémillard: Mais est-ce que les derniers articles qu'on vient de voir sont adoptés? Qu'est-ce qu'on fait?

Le Président (M. Lafrance): C'est ce que j'allais poser comme question. Est-ce qu'on peut adopter 579, 580, 581, 582 et laisser 583 en suspens?

Mme Harel: Certainement pas. M. le Président, moi, je considère qu'on n'aurait pas fait nos devoirs correctement.

M. Rémillard: Suspendons, M. le Président.

M. Kehoe: Si je comprends bien, ces articles-là sont suspendus.

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Lafrance): D'accord.

M. Kehoe: Et nous allons continuer sur...

Le Président (M. Lafrance): Si vous me permettez, M. le député de Chapleau, donc, les articles 579, 580, 581 tel qu'amendé, 582, 583 tels qu'amendés, sont laissés en suspens. Et j'appelle le titre troisième qui traite De l'obligation alimentaire... Pardon? Non, non. Les articles sont laissés en suspens et les amendements aussi, oui.

Mme Harel: Sauf le premier, par exemple, sur le déplacement.

De l'obligation alimentaire

Le Président (M. Lafrance): J'appelle les articles 584 à 595 inclusivement qui traitent de l'obligation alimentaire. Est-ce qu'il y a des propos d'ouverture sur ce titre troisième?

M. Kehoe: C'est très court, M. le Président. Je vais le lire. Ce chapitre troisième traite de l'obligation alimentaire. Il reprend les règles du droit actuel édictées aux articles 633 à 644 du Code civil du Québec et ne les modifie, de façon générale, que de façon formelle, pour, entre autres, en préciser le sens, ou pour assurer la concordance avec les autres dispositions de ce projet. Je ne sais pas s'il y a des projets d'amendements. Peut-être qu'on peut les lire.

Le Président (M. Lafrance): Merci, oui. Est-ce qu'il y a des amendements?

M. Kehoe: II y en a deux.

Le Président (M. Lafrance): Deux.

M. Kehoe: À l'article 587. L'amendement proposé à l'article 587. Ajouter un deuxième alinéa libellé comme suit: "II peut, également, accorder au créancier d'aliments une provision pour les frais de l'instance." Le commentaire: II a paru souhaitable de permettre au tribunal d'accorder au créancier d'aliments une provision pour les frais de l'instance pour éviter que, dans certaines circonstances, le créancier d'aliments soit privé du plein exercice de ses droits.

En raison de cet amendement, l'article 587 se lirait comme suit: "Le tribunal peut accorder au créancier d'aliments une pension provisoire pour la durée de l'instance. "Il peut, également, accorder au créancier d'aliments une provision pour les frais de l'instance."

Il y a un autre...

Le Président (M. Lafrance): Merci. Oui, il y a un autre amendement?

M. Kehoe: Un deuxième amendement à l'article 593. L'amendement proposé se lit comme suit: À la fin de l'article 593, les mots ", même

en cas de changement imprévu dans les facultés ou les besoins des parties" sont remplacés par les mots "que s'il n'a pas été exécuté". Les commentaires: Permettre la révision d'un jugement accordant une somme forfaitaire, lorsque des faits nouveaux la justifient et que le jugement n'a pas été exécuté, paraît plus équitable et davantage conforme à la nature même de l'ordonnance alimentaire.

En raison de cet amendement, l'article 593 se lirait comme suit: "Le jugement qui accorde des aliments, que ceux-ci soient indexés ou non, est sujet à révision chaque fois que les circonstances le justifient. "Toutefois, s'il ordonne le paiement d'une somme forfaitaire, il ne peut être révisé que s'il n'a pas été exécuté."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le député.

M. Kehoe: M. le Président, ce sont les deux seuls amendements prévus dans cette section.

Le Président (M. Lafrance): Sous ce titre troisième. D'accord.

M. Kehoe: Voilà.

Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y a des commentaires ou des observations sur les articles 584 à 595, incluant les deux amendés, 587 et 593?

M. Holden: Est-ce que je peux poser une question au député de Chapleau?

Le Président (M. Lafrance): Oui. M. le député de Westmount.

M. Holden: Les frais de l'instance, c'est uniquement l'instance...

M. Kehoe: Judiciaire.

M. Holden: Oui, mais l'instance pour la pension temporaire. Pas pour la cause au complet.

M. Kehoe: S'il s'agit d'une instance judiciaire intentée pour établir le montant de la pension alimentaire, il s'agit des frais de cela.

M. Holden: La pension provisoire.

M. Kehoe: Oui, c'est ça.

Le Président (M. Lafrance): Merci.

M. Kehoe: Pas seulement provisoire, mais de la pension de toute l'instance. (17 h 30)

M. Holden: Comme un cautionnement, quoi?

M. Kehoe: Bien, un cautionnement... Il s'agit du paiement pour des frais pour toute l'instance, des frais de jugement, des frais qui sont attribués par le tribunal lorsqu'une personne intente une action. Il ne s'agit pas seulement de provisoire, mais pour tout le jugement qui a été rendu.

M. Holden: Jusqu'à la fin de la cause. M. Kehoe: Jusqu'à la fin de la cause.

M. Holden: Ça dépend du juge, probablement.

M. Kehoe: Oui.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui. On me fait valoir, M. le Président... C'est-à-dire que c'est en prenant connaissance des représentations faites par la Commission des services juridiques que l'article 593 va venir en collision, en fait, avec la Loi sur le divorce fédérale parce que la loi fédérale permet la révision des ordonnances de sommes forfaitaires en tenant compte des circonstances de chaque cas tandis que là, à 593, avec l'amendement, ce ne sera que lorsque la somme forfaitaire n'aura pas été payée, en fait exécutée, qu'il pourra y avoir révision. Alors, c'est un autre domaine où il peut y avoir, finalement, affrontement d'une disposition fédérale et du droit québécois.

Le Président (M. Lafrance): Discordance, oui.

Mme Harel: Oui, discordance. M. Kehoe: Je tiens à signaler...

Le Président (M. Lafrance): M. le député de Chapleau, avez-vous des commentaires sur ces remarques?

M. Kehoe: Mais il s'agit d'une compétence provinciale en ce qui concerne... Il s'agit d'un paiement forfaitaire global. Vous parlez du deuxième alinéa de 593?

Mme Harel: Oui, c'est tout à fait ça.

M. Kehoe: Dans l'ensemble, je pense que c'est assez clair qu'il s'agit d'une juridiction provinciale. C'est dans le Code civil et... Je tiens à souligner aussi qu'on ne parle pas ici d'une question de divorce. On parle strictement d'une question...

Mme Harel:...

M. Kehoe: C'est ça.

Mme Harel: ...depuis le divorce. C'est ça.

M. Kehoe: Oui.

Mme Harel: Qu'est-ce qu'il y a de nouveau comme droit dans ce chapitre de l'obligation alimentaire?

M. Kehoe: C'est justement ça que... Lorsqu'on a lu...

Mme Harel: Les amendements.

M. Kehoe: ...l'introduction, on dit textuellement qu'il n'y a rien de nouveau. Il y a réaménagement et l'amendement qu'on a eu à 593, c'est à peu près la seule chose qui est vraiment nouvelle. La balance, c'est tel que la loi existe actuellement.

Mme Harel: En matière de frais, les amendements réintroduisent, je pense, la pratique actuelle. L'amendement sur les frais, hein?

M. Holden: Oui. Ça se fait couramment mais ce n'est pas dans la loi.

M. Kehoe: C'est ça. Mme Harel: D'accord. M. Kehoe: C'est ça. Et là...

Mme Harel: Ça le sera. Bon. C'est une amélioration.

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci. Donc, les articles 584, 585, 586 sont adoptés comme tels, l'article 587 tel qu'amendé, les articles 588 à 592 sont adoptés tels quels, l'article 593 est adopté tel qu'amendé et, finalement, les articles 594 et 595 sont adoptés tels quels.

J'aimerais maintenant appeler le titre quatrième qui parle de l'autorité parentale et peut-être demander à M. le député de Sherbrooke, s'il veut bien nous donner un petit coup de main, de lire les remarques d'introduction. M. le député de Sherbrooke.

De l'autorité parentale

M. Hamel: Merci, M. le Président. Titre quatrième: De l'autorité parentale. Ce titre traite de l'autorité parentale. Il reprend, en leur apportant quelques modifications, les règles du droit actuel édicté aux articles 645 à 659 du Code civil du Québec.

Outre l'intégration, parmi les dispositions de ce titre, parce qu'elles se rapportent davantage à l'autorité parentale, de certaines dispositions que l'on retrouvait antérieurement au chapitre du divorce et des modifications de concordance avec les autres dispositions de ce projet, il faut noter que les notions de "déchéance totale" et "déchéance partielle" d'autorité parentale que l'on connaît en droit actuel sont reprises à l'intérieur de ce titre sous les expressions de "déchéance d'autorité parentale" et de "retrait d'un attribut de l'autorité parentale". À ces deux pouvoirs du tribunal est expressément joint celui que les tribunaux exercent parfois sans qu'il leur soit expressément reconnu par le Code, à savoir celui de retirer l'exercice d'un attribut de l'autorité parentale. Ce pouvoir du tribunal de retirer l'exercice d'un attribut de l'autorité parentale est déjà prévu en droit actuel dans la Loi sur la protection de la jeunesse.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le député de Sherbrooke. J'appelle les articles contenus dans ce titre quatrième qui traite de l'autorité parentale, soit les articles 596 à 612 inclusivement. Est-ce qu'il y a des amendements à ces articles?

M. Kehoe: Oui. Avant que l'on procède à l'étude de ces articles-là, il y a cinq amendements. Le premier est un amendement à l'article 602. L'amendement proposé se lit comme suit: À la fin de l'article 602, après le mot "modérée", ajouter les mots suivants "et raisonnable". Le commentaire: Bien que le caractère de modération implique celui de la raisonnabilité, il a paru préférable de reprendre le libellé de l'article 651 du Code civil du Québec compte tenu de l'importance de ce caractère de la raisonnabilité en cette matière.

En raison de cet amendement, l'article 602 se lirait comme suit: "Le titulaire de l'autorité parentale a sur l'enfant un droit de correction modérée et raisonnable."

Aussi, un amendement à l'article 605. L'amendement proposé: À la 3e ligne de l'article 605 remplacer les mots "leur entretien et leur éducation" par les mots "son entretien et son éducation". Le commentaire: II s'agit de corriger une erreur dans la rédaction.

En raison de cet amendement, l'article 605 se lirait comme suit: "Que la garde de l'enfant ait été confiée à l'un des parents ou à une tierce personne, quelles qu'en soient les raisons, les père et mère conservent le droit de surveiller son entretien et son éducation et sont tenus d'y contribuer à proportion de leurs facultés."

Un amendement aussi à l'article 606. L'amendement proposé se lit comme suit: 1° à la 3e ligne du premier alinéa, entre les mots "attribuée" et "si", insérer une virgule; 2° ajouter, à la fin du second alinéa, la phrase suivante: "II peut aussi être saisi directement d'une demande de retrait." Commentaire: Outre

une modification purement formelle pour faciliter la compréhension de cet article, l'article 606 est modifié pour éviter toute ambiguïté sur la possibilité de demander au tribunal uniquement un retrait d'attribut d'autorité parentale ou uniquement un retrait d'exercice d'un attribut de l'autorité parentale.

En raison de ces amendements, l'article 606 se lirait comme suit: "La déchéance de l'autorité parentale peut être prononcée par le tribunal, à la demande de tout intéressé, à l'égard des père et mère, de l'un d'eux ou du tiers à qui elle aurait été attribuée, si des motifs graves et l'intérêt de l'enfant justifient une telle mesure. "Si la situation ne requiert pas l'application d'une telle mesure, mais requiert néanmoins une intervention, le tribunal peut plutôt prononcer le retrait d'un attribut de l'autorité parentale ou de son exercice. Il peut aussi être saisi directement d'une demande de retrait."

Un amendement à l'article 607 se lit comme suit: L'amendement proposé: À la deuxième ligne de l'article 607, remplacer les mots "désigner la personne qui exercera l'autorité parentale ou décider de" par les mots suivants: "le retrait d'un attribut de l'autorité parentale ou de son exercice, désigner la personne qui exercera l'autorité parentale ou l'un de ses attributs; il peut aussi". Cette modification confère expressément au tribunal le pouvoir de désigner la personne qui exercera l'attribut de l'autorité parentale qu'il a retiré ou dont il a retiré l'exercice. En raison de cet amendement, l'article 607 se lirait comme suit: "Le tribunal peut, au moment où il prononce la déchéance, le retrait d'un attribut de l'autorité parentale ou de son exercice, désigner la personne qui exercera l'autorité parentale ou l'un de ses attributs; il peut aussi prendre, le cas échéant, l'avis du conseil de tutelle avant de procéder à cette désignation ou, si l'intérêt de l'enfant l'exige, à la nomination d'un tuteur."

Un dernier amendement à l'article 609. L'article 609 est remplacé par le suivant: "La déchéance emporte pour l'enfant dispense de l'obligation alimentaire, à moins que le tribunal n'en décide autrement. Cette dispense peut néanmoins, si les circonstances le justifient, être levée après la majorité."

Commentaire: Étant donné le caractère exceptionnel de la mesure de déchéance d'autorité parentale, il ne peut donc n'y avoir que peu de cas où elle pourrait être prononcée sans que les circonstances exceptionnelles ne justifient la dispense de l'obligation alimentaire de l'enfant à l'égard de son parent. Il a donc, dès lors, paru préférable de renverser la règle prévue à l'article 609. Il convient, cependant, de prévoir la possibilité de lever cette dispense après la majorité; cela constitue, après la majorité, le recours équivalent à celui permettant pendant la minorité la restitution de l'autorité parentale. En raison de cet amendement, l'article 609 se lirait comme suit. "La déchéance emporte pour l'enfant dispense de l'obligation alimentaire, à moins que le tribunal n'en décide autrement. Cette dispense peut néanmoins, si les circonstances le justifient, être levée après la majorité."

Ce sont les différents amendements proposés, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le député. Alors, s'il n'y a pas d'autres amendements la discussion est ouverte sur les articles 596 à 612 inclusivement.

M. HoWen: C'est bizarre, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le député de Westmount.

M. Holden: J'aimerais savoir pourquoi - je sais qu'il y a très peu de cas - à l'âge de la ma|ortté, après que l'enfant ait subi toutes sortes de misères de la part des parents, tout d'un coup, on revient à l'âge de 18 ans et on dit: Paie-nous une pension. Quand même, je trouve ça un peu bizarre comme principe. Peut-être qu'il y a une explication à ça.

Le Président (M. Lafrance): M. le député de Chapfeau ou M. le ministre. Je vois que vous êtes de retour, M. le ministre.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. On a voulu essayer de coller un peu à la réalité, M. le Président, et à l'évolution de la vie. Des fois, la vie change bien des choses. On a dit: Bien, c'est possible...

M. Holden: Ils sont plus sages, les parents, plus tard...

M. Rémillard: ...que les choses changent.

M. Holden: ...ils deviennent très sages et alors l'harmonie se remet et... En tout cas, il me semble qu'on a décidé de changer le fardeau un peu là-dedans.

M. Rémillard: Ça vous paraît quoi...

M. Holden: Non, c'est que les enfants ont subi probablement la misère. C'est pour ça qu'on a enlevé le...

M. Rémillard: Oui.

(17 h 45)

M. Holden: ...et là on dit: Tout le monde est plus sage et le jeune justement commence à gagner de l'argent. Alors là, tu vas nous payer, nous autres, les mauvais parents. Peut-être que les circonstances changent, c'est vrai, M. le ministre, mais...

Le Président (M. Lafrance): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?

M. Rémillard: II y a peut-être une incidence...

Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, il y a une incidence importante qu'il ne faut pas oublier. On pense évidemment toujours à cette relation que l'enfant peut demander aux parents des aliments, mais les parents peuvent le faire aussi à l'enfant, mais il y a une question aussi, il y a des incidences importantes en matière successorale, en matière de succession.

M. Holden: Quel exemple?

M. Rémillard: Je vais demander à Mme Longtin de nous donner des exemples.

Le Président (M. Lafrance): Oui, merci. Me Longtin.

Mme Longtin: Oui, en fait, l'article 620 prévoit que: Est de plein droit indigne de succéder celui qui est déchu de l'autorité parentale... avec dispense pour celui-ci de l'obligation alimentaire. Donc, compte tenu du fait que, suivant la règle qui est en droit actuel, on peut... C'est une règle exceptionnelle, donc qui doit emporter une décision particulière sur cette question-là; ici, en modifiant la règle, il faut laisser la possibilité de faire un renversement si les circonstances un jour se modifient puisque, autrement, on bloque tous les droits successoraux du parent.

M. Holden: Donnez-moi un exemple concret. Une succession...

Mme Longtin: Disons, par exemple, que le père ou la mère est déchu de l'autorité parentale, avec dispense de l'obligation alimentaire pour l'enfant, que l'enfant décède, plus tard, évidemment, et qu'il laisse une certaine somme d'argent. Normalement, si lui-même n'a pas de descendants, ses ascendants ont un droit particulier sur sa succession et, à ce moment-là, s'il n'y a jamais eu d'autre circonstance qui ont levé la déchéance, le parent est déclaré indigne de succéder de plein droit.

M. Holden: Ah oui? Mme Longtin: C'est ça.

M. Holden: Ah oui? Mais même... Ça veut dire que la règle de droit qui donne à l'ascendant... la succession est changée à cause de la destitution de la...

Mme Longtin: De la déchéance de l'autorité parentale.

M. Holden: Je ne savais pas. C'est de la jurisprudence ou quoi? C'est dans la loi?

Mme Longtin: C'est dans le projet en tout cas.

M. Holden: Oui.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Mais l'exemple que vous nous donnez, Me Longtin, c'est un exemple où l'enfant serait décédé, c'est un exemple en matière de succession, mais, à ce moment-là, il ne pourrait pas y avoir levée de la dispense puisque l'enfant serait succédé... Là, je...

Mme Longtin: Non, non, ça, c'est certain. Je voulais simplement exprimer l'une des conséquences de la déchéance...

Mme Harel: Ah! Oui, d'accord.

Mme Longtin: ...de l'autorité parentale à l'égard des droits successoraux.

Mme Harel: Oui, mais, si le parent est déchu de l'autorité parentale, ça ne m'étonne pas qu'il ne puisse pas succéder à l'enfant qui est décédé et qui laisserait des biens. Ça m'apparaît même assez, disons, raisonnable, mais je n'arrive pas à comprendre que l'enfant vivant qui est dispensé de l'obligation alimentaire parce qu'il y a eu déchéance de l'autorité parentale... il ne s'est pas prononcé maintenant sans qu'il y ait des bonnes raisons de le faire par le tribunal. On sait qu'il y a eu, finalement, très très sérieusement, un resserrement des conditions pour prononcer la déchéance parentale. Alors, s'il y a dispense à l'obligation alimentaire de l'enfant à l'égard du parent qui est l'objet de cette déchéance parentale, la dispense pourra être levée par le tribunal après la majorité, si les circonstances le justifient. Ce n'est même pas à la demande de l'enfant, là. Je trouve ça un peu, excusez-moi, je trouve ça un peu fort. C'est à la demande... Il y a eu une déchéance parentale pendant la minorité de l'enfant et, ensuite, à la majorité, les parents peuvent aller au tribunal redemander, plaider que l'obligation alimentaire soit... Je trouve ça étonnant.

M. Rémillard: Écoutez, il faut essayer d'apprécier comment ça peut se passer. Ça peut se passer que, très bien, l'enfant est mineur et il est donc maltraité, etc. Il y a déchéance. Mais les choses évoluent un peu plus tard et les relations redeviennent bonnes, la déchéance n'est jamais à perpète.

Mme Harel: Bon, alors, à ce moment-là, M. le ministre, permettez-moi de vous proposer que ce soit l'enfant devenu majeur qui puisse faire lever ou demander... Que l'enfant puisse demander au tribunal de lever la dispense si les relations sont devenues meilleures. Sinon, imaginez-vous... Parce que l'exemple de la succession, je ne trouve pas qu'il cadre. Il faudrait un exemple en matière d'obligation alimentaire et comment accepter qu'un enfant qui a été victime, durant sa minorité, d'une déchéance parentale - il y a eu de bonnes raisons pour que la déchéance soit prononcée - l'enfant qui est victime finalement de ses parents, puisse être tenu, sans le vouloir, d'être finalement obligé aux aliments à sa majorité?

M. Rémillard: Par le tribunal, quand même. Mme Harel: Oui, oui, je veux bien croire. M. Rémillard: Par le tribunal.

Mme Harel: Je veux bien croire, mais ce sera à lui...

M. Rémillard: C'est que le tribunal est là pour protéger les droits de...

Mme Harel: ...il me semble, à lever la dispense.

M. Rémillard: Bien, ce serait à lui! Je ne le sais pas trop là.

Mme Harel: Comment plaider sa propre turpitude là? Comment est-ce que le père, objet d'une déchéance parentale, va pouvoir plaider que maintenant il voudrait faire lever la dispense d'obligation alimentaire? Il y a quelque chose qui ne marche pas.

M. Rémillard: Ah! Mais, écoutez. Écoutez bien! Attention! Il peut y avoir des cas. Faisons des scénarios. L'enfant de 7 ans, 8 ans, etc., est malmené par ses parents; les parents ne remplissent pas leurs devoirs parentaux et il y a déchéance. Bon.

Mme Harel:...

M. Rémillard: II y a déchéance. On se suit jusqu'à présent? D'accord. Là, il y a déchéance et là les parents sont traités ou les parents ont passé une phase difficile; il y a réhabilitation, je ne sais pas ce qui se passe, et, de 14 à 18 ans, et même ils continuent, ils paient pour les enfants à l'université, etc., il y a réhabilitation, c'est-à-dire que leur relation avec l'enfant se stabilise et puis ils agissent en bons parents. Ça se peut, ça. Ça se peut fort bien.

Mme Harel: On peut penser à des toxicoma- nes, par exemple...

M. Rémillard: Ah oui! Oui.

Mme Harel: ...qui ont fait vivre des années de misère aux enfants, qui ont connu la déchéance parentale et qui se réhabilitent.

M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: La liberté humaine, ça permet une destinée qu'on choisit, mais, à ce moment-là, je pense qu'il y a quelque chose d'inconvenant de penser que l'enfant qui a souffert ces années de misère soit mis maintenant en demeure, même par des gens réhabilités, j'en conviens, d'être responsable d'aliments à leur égard. Je trouve ça...

M. Rémillard: Moi, je crois... Attention! Je me réfère toujours au tribunal. C'est le tribunal qui est là et qui apprécie la situation. Le régime ne redevient pas normal par la simple volonté du parent qui a été déchu. Le parent qui est déchu s'adresse au tribunal et demande au tribunal qu'il soit reconnu dans ses pleins droits. À toutes fins pratiques, c'est ça que ça veut dire. Donc, le tribunal l'apprécie et, là, l'enfant va se présenter au tribunal et va dire: Non. Ça suffit. Un instant! Ce n'est pas comme ça. Le tribunal va l'apprécier. Mais, autrement, ça voudrait dire que la déchéance est à perpétuité; ou bien vous allez dire: C'est l'enfant qui peut demander...

Mme Harel: Non. Ce n'est pas la déchéance. C'est la dispense.

M. Rémillard: La dispense

Mme Harel: La déchéance n'est pas à perpétuité. Il peut y avoir, n'est-ce pas, un rétablissement dans les droits parentaux?

M. Holden: L'article 609. Dans l'original de 609, ce n'était peut-être pas tellement bon pour l'enfant non plus, mais c'était un peu plus large que ce qu'on a maintenant.

Mme Harel: Parce que n'oubliez pas, M. le ministre, que cette dispense-là pourrait être prononcée tout en maintenant la déchéance parentale. Ce n'est pas une action pour faire lever la déchéance parentale.

M. Rémillard: Est-ce que ça équivaut?

Mme Harel: Bien non! Ce n'est pas dit comme tel.

M. Rémillard: Je vais demander à Mme Longtin de nous donner son interprétation.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Me

Longtin.

Mme Longtin: En fait, la déchéance de l'autorité parentale peut difficilement être levée après la majorité de l'enfant puisqu'il n'est plus sous autorité parentale. Donc, pour éviter de rendre définitivement et à perpétuité la sanction, c'est pourquoi il faudrait faire lever spécifiquement cette dispense qui se trouverait à rétablir, au fond, la situation de filiation et les obligations et droits qui en découlent.

Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le député de Westmount.

M. Holden: M. le Président, 609, avant l'amendement, n'était pas à perpétuité. C'était "peut". Il me semble qu'on fait un changement peut-être inutile. L'article 609, tel que c'est dans le projet...

Mme Harel: II y a un vieux principe qui dit: Quand quelque chose n'est pas cassé, pourquoi le réparer? Je pense que c'était 657 du Code civil du Québec. Hein, ce n'est pas ça? En fait, c'est qu'il pourrait ne pas y avoir de rétablissement d'autorité parentale à l'âge de 17 ou 18 ans. Et puis il pourrait y avoir cette demande au tribunal de faire lever la dispense d'obligation alimentaire. Mais, en général, jusqu'à maintenant, c'a été assez... Je pense que les tribunaux ont été assez prudents dans l'attribution d'aliments.

M. Holden: Ah oui, ils ne donnent pas d'aliments à des parents. Quasiment jamais.

Mme Harel: Non, c'est ça. C'a été...

M. Holden: II y avait une cause puis c'a été cassé en appel.

Une voix: ...des cas exceptionnels.

M. Holden: Oui, c'a été même cassé en appel.

Mme Harel: Dans ces circonstances, dire qu'on va se fier au jugement.

M. Holden: Oui.

Une voix: Au jugement du tribunal.

Mme Harel: Non.

M. Holden: II y avait quelqu'un, à 42 ans, qui avait 500 $ par mois de ses parents, mais c'a été cassé en appel.

Le Président (M. Lafrance): Merci. M. le ministre, est-ce que vous auriez des commentaires à apporter?

M. Rémillard: Vous me permettez de demander à Me Pineau d'apporter aussi son point de vue?

Le Président (M. Lafrance): Certainement. Me Pineau.

M. Pineau (Jean): M. le Président, dans l'article 657 du Code civil du Québec d'aujourd'hui, la déchéance peut emporter pour l'enfant, si des circonstances exceptionnelles le justifient, dispense de l'obligation alimentaire. Cela signifie que, dans le droit d'aujourd'hui, la déchéance n'enlève pas à l'enfant son obligation alimentaire à l'égard de son parent déchu. Alors, l'article 609 proposé renverse cela et vient dire: La déchéance emporte, pour l'enfant, dispense. Donc, il n'a plus d'obligation - cela est le principe - à moins que le tribunal n'en décide autrement. Donc, le tribunal peut décider que la déchéance n'emportera pas dispense.

S'il y a dispense, cette dispense pourra, si les circonstances le justifient, être levée après la majorité.

Mme Harel: Vous voyez, je partais d'autorité à bon droit.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Et, là, il reste une dernière question sur tout ce chapitre avant que...

Le Président (M. Lafrance): Oui, en vous rappelant, Mme la députée, qu'il reste quatre minutes à notre...

Mme Harel: Oui. Alors, c'est une question qui est relative au maintien du droit de correction à l'article 602. On en avait déjà discuté dans le cadre du projet de loi 20. Je ne sais pas si certains s'en rappelleront. Et puis je me rends compte que, de génération en génération, on reconduit cette correction, ce droit de correction, à notre corps défendant, comme si personne n'osait avoir le courage de regarder bien en face la réalité, en disant que tout ça est bien dépassé, même avec le mot "raisonnable", parce que correction, si j'ai bien compris son sens, quand on l'apprécie, ça veut aussi dire des corrections physiques. Ça comprend aussi des corrections physiques.

Je sais qu'il y a de nombreux pays qui ont légiféré jusqu'à maintenant, y compris la Suède, je crois. Ça veut donc dire qu'un professeur dans une classe peut utiliser... Le titulaire de l'autorité parentale. Le titulaire, ça peut être le professeur dans une classe, il peut user d'un droit de correction, il faut qu'il soit modéré, raisonnable, j'en conviens.

Le conseiller expérimenté qui est à mes côtés me laisse entendre que, s'il n'y avait aucune disposition semblable, ça pourrait avoir

un effet pire que l'objectif que je recherche, parce que, comme ce ne serait pas un droit de correction modéré et raisonnable, il pourrait y avoir, à ce moment-là, le droit de correction...

Le Président (M. Lafrance): Que ce soit non raisonnable, oui.

Mme Harel: Oui. Alors, je sais que l'enfer est pavé de bonnes intentions et...

Le Président (M. Lafrance): M. le ministre, est-ce que... Pardon.

Mme Harel: Non. À moins que M. le ministre...

Le Président (M. Lafrance): M. le ministre aimerait peut-être commenter...

M. Rémillard: Quand on parle de sévices corporels... Non, non, je fais référence à des corrections corporelles, si vous voulez. On peut penser, par exemple, de priver un enfant de sortie ou qu'il reste dans sa chambre, qu'il ne sorte pas. Alors, il est privé de sa liberté. Ça veut dire raisonnable. Je trouve que l'expression "raisonnable" est bien apportée pour qu'on puisse situer dans sa réelle perspective ce droit de correction du titulaire de l'autorité parentale. Je ne vois pas ce qu'on pourrait mettre d'autre. Il faut bien qu'il y ait une autorité de correction, qu'il y ait une possibilité de corriger.

Maintenant, on ne peut pas corriger d'une façon déraisonnable ni immodérée. On ne pourrait pas permettre ça. Donc, on met que c'est raisonnable.

Le Président (M. Lafrance): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, on me fait valoir qu'à 600 l'autorité parentale peut être déléguée, mais qu'à ce moment-là il s'agirait d'une délégation à l'égard de la garde, de la surveillance ou de l'éducation de l'enfant et non pas d'une délégation de correction en vertu de 602. Alors donc...

M. Rémillard: En ce qui regarde les enseignants...

Mme Harel: ...il n'y aurait que les père et mère qui pourraient user de ce droit de correction.

M. Rémillard: Oui. Ça, c'est une mention importante.

Mme Harel: Même modérée et raisonnable. Mais, M. le Président, je vous le dis là, sincèrement, je vais inscrire sur division ici parce que je suis convaincue que, si j'en parlais à la maison, je serais mise en minorité!

M. Holden: Moi, je vote avec le gouvernement parce que j'aime ça "raisonnablement" critiquer mes enfants!

Le Président (M. Lafrance): Si je comprends bien, les articles 596 à 612 sont adoptés; 602, sur division; tel qu'amendé, sur division. 605, 606, 607 et 609 tels qu'amendés.

M. Rémillard: M. le Président, est-ce que je peux me permettre de demander à Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve ce qu'elle aurait mis au lieu de mettre "un droit de correction"? Est-ce qu'elle aurait... Parce que c'est bien beau de dire sur division, mais qu'est-ce qu'elle nous proposerait de mettre au lieu de... Est-ce qu'elle voudrait qu'il n'y ait aucun droit de correction pour les parents? Parce que là, on se comprend bien - c'est un point important - il ne s'agit pas de donner à quiconque autre que les parents ce droit de corriger modérément et raisonnablement. La députée de Hochelaga-Maisonneuve dit "sur division". Je veux bien, mais je ne l'ai pas entendue nous proposer quelque chose d'autre. C'est un point important, je trouve, parce que là c'est toute l'autorité du parent, c'est toute la conception familiale et...

Mme Harel: Tout à fait.

M. Rémillard: ...c'est une situation difficile. Il me semble que j'aimerais avoir le point de vue de la députée de Hochelaga-Maisonneuve là-dessus.

Mme Harel: Alors, M. le Président, c'est évidemment le mot "correction" qui fart problème. Le mot "correction" réfère, le ministre l'a d'ailleurs signalé lui-même, à la fois à des corrections corporelles et je pense qu'il y a là... Ça heurte, en tout cas, certainement une façon d'envisager la relation avec les enfants dans notre société. Je sais qu'il y a des sociétés - je pense entre autres aux sociétés qui sont assez près de nous, en fait, comme us et coutumes, les sociétés nordiques, la Suède, la Norvège, le Danemark - qui ont interdit les corrections corporelles. C'est bien simple, en fait, c'est parce que le mot "correction" fait aussi référence aux corrections corporelles.

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie...

M. Rémillard: M. le Président, à ce moment-là, moi, je suis prêt à suspendre cet article-là.

Mme Harel: Ah! bien, tant mieux! Tant mieux! Alors, on va... Excellent.

Le Président (M. Lafrance): Ou on peut...

M. Rémillard: Je suis prêt à suspendre cet article-là.

Mme Harel: Bon. Bien, si la commission y consent, M. le Président...

M. Rémillard: Moi, je suis prêt à suspendre cet article-là et qu'on y revienne avec une argumentation.

Mme Harel: Et ça permettrait...

M. Rémillard: Je trouve ça trop important.

Mme Harel: ...à ce moment-là, de peut-être demander aux légistes du ministère de nous faire connaître l'état du droit sur cette question...

M. Rémillard: Très bien.

Mme Harel: ...dans ces pays que j'ai mentionnés.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. Alors, l'article 602 tel qu'amendé est laissé en suspens. Sur ce, j'aimerais vous remercier et vous rappeler que notre prochaine séance est prévue pour le mardi 10 septembre, de 14 heures à 18 h 30. Sur ce... Oui, Mme la députée de Hochelaga-Mai-sonneuve.

Mme Harel: M. le Président, une remarque bien brève pour d'abord, évidemment, constater que nous terminons cette deuxième semaine de nos travaux, et pour remercier Me Ouellette. Mardi prochain nous entamerons la section du Code qui traite des successions, avec Me Frenet-te. Alors, je veux la remercier et je sais qu'elle pourra poursuivre ses échanges de façon a ce que nous puissions compléter au moment où nous reviendrons sur les articles qui sont suspendus.

Le Président (M. Lafrance): Merci. M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, je voudrais remercier moi aussi Mme la professeure Ouellette pour sa grande contribution et sa collaboration à travailler avec les experts du gouvernement. Ça nous a permis, je pense, d'approfondir bien des points, d'apporter des éléments intéressants. Maintenant, comme vient de le dire la députée de Hochelaga-Maisonneuve, Me Ouellette n'a pas tout à fait terminé parce qu'il y a des points en suspens où on aimerait bien qu'elle puisse continuer à travailler avec nous. Voilà, M. le Président. Et je la remercie.

Le Président (M. Lafrance): Alors, je vous remercie tous en vous rappelant qu'on va reprendre avec un autre livre, le livre troisième, à notre prochaine séance. Alors, sur ce, j'ajourne nos travaux. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 7)

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