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Version finale

30e législature, 1re session
(22 novembre 1973 au 22 décembre 1973)

Le jeudi 6 décembre 1973 - Vol. 14 N° 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures huit minutes)

M. LAVOIE (président): A l'ordre messieurs!

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

M. LEVESQUE: Article c).

Projet de loi no 4 Première lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Fonction publique propose la première lecture du projet de loi, intitulé Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics.

M. PARENT (Hull): M. le Président, ce projet de loi propose l'établissement d'un régime de retraite applicable à tous les employés du secteur public et parapublic. Ce régime s'applique de plein droit aux employés qui, le 30 juin 1973, ne participaient pas à un régime de retraite et aux employés qui entrent en fonction après le 30 juin 1973.

Les employés qui participent au régime de retraite des fonctionnaires ou au régime, de retraite des enseignants pourront participer à ce nouveau régime de retraite en faisant un choix individuel à cette fin.

Les employés qui participent à un régime supplémentaire de rentes pourront adhérer collectivement à ce nouveau régime s'ils décident de ce choix à la majorité des votes. Ce projet constitue, en outre, une commission qui est chargée de l'administration de ce régime de retraite. De plus, ce projet prévoit des modifications au régime de retraite des fonctionnaires et au régime de retraite des enseignants, notamment pour que ces régimes concordent avec le régime dont le projet propose l'établissement.

LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle adoptée? Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine séance ou à une séance subséquente.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

DEPOT DE DOCUMENTS

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Richesses naturelles.

SOQUIP

M. MASSE: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1972/73 de la Société québécoise d'initiatives pétrolières.

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales.

Commission de révision de la Loi de la protection du malade mental

M. FORGET: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel de la Commission de révision de la protection du malade mental.

Rapport sur la périnatalité

M. FORGET: J'ai également l'honneur de déposer un document exposant la politique de mon ministère relativement à la périnatalité.

LE PRESIDENT: Questions orales des députés.

QUESTIONS DES DEPUTES

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

Campus universitaire anglais à Montréal

M. CHARRON: M. le Président, vous savez qu'au cours de la vacance entre les deux Législatures une université anglaise de Montréal en a profité pour s'adjoindre un campus.

Jusqu'à ce moment et de tout temps, ce campus s'était limité à l'enseignement collégial. Je pose donc la question au ministre de l'Education, je voudrais savoir si le ministre peut s'engager aujourd'hui à ne poser aucun geste de reconnaissance de cette université tant que la loi nécessaire pour amender la charte de l'université Sir George Williams n'aura pas été présentée à la Chambre dans l'intention évidente que nous ne soyons pas mis devant un fait accompli, comme ça semble déjà le cas avec l'existence de l'université Concordia.

M. CLOUTIER: La décision de permettre la fusion de Sir George Williams et de Loyola a été prise il y a déjà plusieurs mois, il n'est pas question d'y revenir. Il reste uniquement à déterminer de quelle façon cette décision sera mise en application.

Le député de Saint-Jacques évoque la possibilité d'une loi. Il n'est pas certain qu'une loi soit indispensable. Il est possible que nous puissions procéder par voie d'arrêté en conseil. C'est un problème juridique, et actuellement nos conseillers sont en train d'étudier l'ensemble du dossier.

Nous choisirons le cheminement qui nous paraîtra le plus pratique dans les circonstances.

M. CHARRON: Question additionnelle. Ma question peut sembler farfelue puisque, dans le cas actuel, le ministre a fait complètement fi des recommandations du conseil des universités, mais si, dans l'hypothèse où le ministre devrait permettre et légaliser la fusion déjà en cours, est-ce qu'il a l'intention de demander au Conseil des universités son avis quant à la charte que devrait avoir la nouvelle université Concordia qui, je le rappelle, est la troisième université anglaise à Montréal?

M. CLOUTIER: II est évident que le député de Saint-Jacques, par ces quelques remarques, essaie encore une fois de stimuler les préjugés raciaux. Cependant, je vais tenter de lui répondre de la façon la plus sereine possible. Je n'ai pas fait fi de la recommandation du Conseil des universités. J'en ai, au contraire, tenu compte.

Mais je n'étais pas lié par cette recommandation d'un organisme consultatif et, dans l'évaluation de la situation, il y avait d'autres éléments que ceux concernant le nombre de places disponibles. Un de ces éléments, en particulier, était le fait qu'un enseignement était donné, tant à Sir George Williams qu'à Loyola, depuis des générations. Il fallait tenir compte non seulement des facteurs humains mais également des traditions qui s'étaient instaurées.

Quant à consulter le Conseil des universités au sujet de la formule que nous choisirons pour mettre en application la décision prise, a priori, je n'en vois pas l'utilité, bien que je n'exclue pas de le faire.

M. CHARRON: Question additionnelle. Est-ce que le ministre peut nous dire à quel endroit précis il refuse le jugement consultatif — je l'admets — du Conseil des universités qui voyait, dans la permission de fusionner Loyola à Sir George Williams, l'octroi d'un nombre excédentaire de sièges par rapport à la minorité desservie.

M. CLOUTIER: M. le Président, j'ai l'impression que nous commençons déjà un débat sur la question. Si vous me le permettez, je veux bien tenter d'apporter une réponse, mais il va de soi que je ne crois pas pouvoir vider une question aussi complexe en quelques instants. Si j'ai décidé avec mes collaborateurs de ne pas retenir cette recommandation, d'ailleurs nuancée, du Conseil des universités, c'est précisément parce qu'en plus de ce facteur des places-élèves, il y avait d'autres facteurs qui m'ont semblé sous-évalués dans l'avis qui m'a été donné. J'ai déjà cité le fait qu'il se donnait déjà un enseignement à Loyola depuis très longtemps et également le fait qu'il fallait tenir compte des facteurs humains en cause.

Je pourrais ajouter d'ailleurs que si on s'était basé uniquement sur cet élément des places-élèves on n'aurait probablement pas fondé l'Université du Québec.

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président...

M. CHARRON: M. le Président, dernière question additionnelle.

LE PRESIDENT: Dernière.

M. CHARRON: Je veux demander au ministre s'il peut assurer la Chambre que cette fusion, contraire au Conseil des universités, n'entraînera pas automatiquement la création d'un nouveau CEGEP anglophone sur le territoire de Montréal.

M. CLOUTIER: Tous les CEGEP sont actuellement planifiés. Il n'est pas question de créer de nouveaux CEGEP au-delà de ceux qui sont déjà prévus. Il ne s'agit pas de créer une université supplémentaire. C'est précisément pour éviter l'apparition d'une université supplémentaire de langue anglaise que nous avons permis et même favorisé, il y a plusieurs années, cette évolution vers la fusion des deux institutions existantes.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

Hôpital de Chicoutimi

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales. Le président du Conseil d'administration de l'hôpital de Chicoutimi se plaignait récemment du fait que les services externes, d'urgence, de laboratoire et de radiologie étaient inadéquats. Est-ce que le ministre est en mesure d'annoncer l'octroi d'une subvention à l'hôpital de Chicoutimi pour le réaménagement de ces services, entre autres le réaménagement de la clinique externe et des cliniques d'urgence? Est-il exact que le ministère s'apprête à fermer 100 lits actifs à l'hôpital de Chicoutimi et à transformer cent autres lits actifs en lits chroniques ou en lits pour longue durée alors qu'il y a une liste d'attente de plus de 4,000 personnes pour entrer à l'hôpital? Est-il exact également que le ministère s'apprête à transférer à Québec les services de certaines superspécialités qui sont présentement disponibles à l'hôpital de Chicoutimi? Enfin, est-ce que le ministre a pris — ou le ministère — une décision concernant l'avenir des départements de pédiatrie et d'obstétrique de l'hôpital de Jonquière?

M. FORGET: M. le Président, comme mon honorable collègue d'en face le sait, depuis environ un an des conseils régionaux ont été mis en place dans le secteur des affaires sociales. Leur création est assez récente pour n'avoir pas suscité la possibilité pour eux de faire des recommandations quant à tous les aspects de leur vocation, de leur rôle. Ils ont reçu un mandat spécifique au début de l'an dernier relativement aux services d'urgence et le CRSSS de la région no 2 a aussi à considérer certains plans de réorganisation des services de santé dans la région no 2.

Le 13 décembre prochain, des représentants du conseil régional auront des conversations avec les officiers supérieurs de mon ministère, afin de préciser certaines recommandations qui pourraient faire suite à une première étude, ou à une deuxième étude, devrais-je dire, des recommandations initialement formulées par le ministère. Pour ce qui est des autres questions, il est bien entendu que ces consultations avec le conseil régional doivent avoir lieu avant que quelque décision que ce soit ne soit prise et, à plus forte raison, annoncée par mon ministère.

Ceci touche à la fois la fermeture ou l'ouverture de lits, de même que des regroupements de certaines spécialités ou superspécialités. Donc, à la fin de cette rencontre prévue pour le 13, certaines conclusions pourront se dégager. Il se pourrait également que des études supplémentaires soient nécessaires. Pour ce qui est plus précisément du dernier point, j'aimerais que mon collègue précise.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'était concernant l'avenir de la pédiatrie et de l'obstétrique à l'hôpital de Jonquière.

M. FORGET: Suite à cette réunion, une décision a été promise par mon ministère, avant la mi-décembre. Suite à cette réunion, je compte bien que nous annoncerons une décision quant à l'obstétrique et probablement la pédiatrie dans la région no 2 et particulièrement la région qui touche immédiatement Chicoutimi et les environs.

M. BEDARD (Chicoutimi): Une question additionnelle. N'est-il pas exact que déjà le ministère a recommandé en fait de diminuer de 200 lits l'hôpital de Chicoutimi, à savoir de 100 lits actifs et de changer 100 lits actifs pour 100 lits de longue durée? Est-ce qu'il est exact que déjà le ministère a mis de l'avant cette politique?

M. FORGET: J'ai déjà répondu à cette question. Plusieurs discussions ont eu lieu, mais aucune décision n'a été prise.

M. BEDARD (Chicoutimi): Peut-être, M. le Président, mais pas pour la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

M. LEVESQUE: Je comprends.

M. LESSARD: Question additionnelle.

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce que vous avez terminé votre réponse?

M. FORGET: Oui.

M. LESSARD: Question additionnelle.

LE PRESIDENT: Question additionnelle.

M. LESSARD: Suite, justement, aux politiques du ministère, est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il a aussi pris connaissance du dossier concernant la régionalisation des services, hospitaliers, des services de santé dans la région de Baie-Comeau-Hauterive, et entend-il prendre une décision d'ici quelque temps?

DES VOIX: A l'ordre!

LE PRESIDENT: A l'ordre! Non, je crois qu'il s'agit-là d'une question principale. On pourrait difficilement la greffer au problème régional de Chicoutimi. Vous aurez l'occasion, tout à l'heure, de poser votre question.

L'honorable député de Beauce-Sud.

Lois fédérales sur l'énergie

M. ROY: M. le Président, j'aurais une question à poser à l'honorable premier ministre du Québec. Est-ce que le premier ministre pourrait me dire s'il a pris connaissance des deux projets de loi déposés par le gouvernement fédéral, c'est-à-dire le projet de loi no C-236 concernant la création d'un office de répartition des approvisionnements d'énergie, et le bill C-23 qui donne les pouvoirs à l'office? Est-ce que le premier ministre a pris connaissance de ces deux projets de loi et est-ce qu'il pourrait faire connaître à la Chambre la position de son gouvernement devant ces deux projets de loi?

M. BOURASSA: M. le Président, le ministre des Richesses naturelles a répondu hier. Je comprends que le député était absent hier, qu'ils ont certains problèmes pour la fin de semaine mais...

M. ROY: Je m'excuse, M. le Président, mais j'ai posé des questions précises au premier ministre et le premier ministre possède l'art de souligner les absences à l'Assemblée nationale alors que nous pourrions faire la même chose du côté ministériel.

M. LEVESQUE: Et vous ne manquez pas une occasion.

M. ROY: J'ai posé une question précise à l'honorable premier ministre et je lui demanderais de répondre à cette question de façon précise, sans détourner l'attention et sans détourner la question.

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai dit que le député avait une absence motivée hier quand on sait les problèmes que connaît actuellement son parti.

M. ROY: Etes-vous dans les coulisses face à ces problèmes?

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LESSARD: Question additionnelle, M. le Président, concernant justement la politique énergétique du gouvernement du Québec. Maintenant que le premier ministre du Québec a reçu encore une réponse négative suite à la suggestion qu'il faisait au gouvernement fédéral de verser une subvention pour compenser la diminution des taxes sur les carburants, est-ce que le premier ministre...

M. LEVESQUE: II subit l'influence du nouveau chef parlementaire.

M. LESSARD: ... M. le Président... LE PRESIDENT: Question.

M. LESSARD: Oui, oui, si on veut me laisser poser la question. Est-ce que le premier ministre entend prendre des mesures positives pour compenser l'augmentation excessive des produits pétroliers au consommateur québécois? Est-ce qu'il y a des mesures positives que le premier ministre a l'intention d'étudier pour empêcher, justement, l'augmentation excessive?

M. BOURASSA: M. le Président, le ministre des Affaires sociales a déjà fait part de certaines mesures dans le cas des assistés sociaux. Nous avons à considérer également les implications financières que cette hausse du pétrole comporte pour les différents ministères eux-mêmes.

Il faut voir à quel montant cela peut s'élever pour savoir quelle marge de manoeuvre il reste au gouvernement pour le genre de mesures que semble vouloir proposer le député.

M. LESSARD: Est-ce qu'on peut être assuré que le gouvernement québécois ou le cabinet qui doit se réunir vendredi va étudier des mesures positives pour compenser l'augmentation excessive des produits pétroliers aux consommateurs?

M. BOURASSA: M. le Président, comme la réunion du cabinet porte sur le budget de l'année 1974/75, sur les enveloppes budgétaires, il est évident que cette question va être étudiée. Comme je viens de le dire il y a quelques instants, il faut évaluer le coût de l'augmentation du pétrole pour les différents ministères, que ce soit le ministère des Transports, que ce soit le ministère de l'Education, avec les autobus scolaires, ou le ministère de la Justice.

M. ROY: Une question additionnelle à celle que j'ai posée tout à l'heure. Est-ce que le premier ministre, en tant que chef de ce qu'on pourrait appeler, peut-être, encore un gouvernement, peut nous dire s'il a l'intention de joindre sa voix...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre, messieurs!

M. ROY: ... à l'opposition au gouvernement fédéral pour empêcher que ce dernier ne prenne les pleins contrôles et que la politique de rationnement ne vise surtout la province de Québec? Est-ce que le premier ministre pourrait me dire s'il donne son appui total au gouvernement fédéral ou s'il a l'intention de prendre position en faveur des meilleurs intérêts de la province de Québec, en refusant de donner carte blanche au gouvernement fédéral?

M. BOURASSA: M. le Président, je dirai d'abord que le député est très mal placé pour faire preuve d'insolence, ces jours-ci. Je peux répondre à ses questions en disant qu'il est normal que le gouvernement du Québec, dans une période de crise, collabore avec le gouvernement fédéral. C'est la situation dans toutes les régions du monde. Au Marché commun, actuellement, on propose de former un conseil de l'énergie. Le président de la République française et le premier ministre allemand ont convenu de proposer, un conseil de l'énergie pour voir à s'entendre entre eux sur la répartition des ressources énergétiques; a fortiori, dans un marché commun comme celui qui existe au Canada, il est absolument normal, en temps de crise, de collaborer, surtout que nous n'avons pas de pétrole au Québec. Ceci n'implique d'aucune façon, par ailleurs, que le gouvernement du Québec renonce à sa juridiction pour ce qui a trait aux richesses naturelles.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Vanier.

Protection du consommateur

M. DUFOUR: M. le Président, une bonne question maintenant pour le mieux-être de la population. Ma question s'adresse au ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives, qui s'occupe de la protection du consommateur. La Fédération des associations coopératives d'économie familiale a eu sa réunion annuelle, en fin de semaine dernière, et a suggéré plusieurs modifications à la Loi de la protection du consommateur. Est-ce que le ministre a l'intention d'agir?

M. TETLEY: M. le Président, il est vrai que l'ACEF, qui a tenu une réunion en fin de semaine, a fait des suggestions d'amendements à la Loi de la protection du consommateur. En

effet, trois groupements du gouvernement préparent des amendements: le Conseil de la protection du consommateur, l'Office de la protection du consommateur et les avocats du ministère. Nous avons même demandé par lettre à tout groupement, comme l'ACEF, de nous envoyer ses recommandations. L'ACEF a jugé bon de nous envoyer les siennes par le moyen des journaux et j'espère recevoir ses suggestions plus détaillées par lettre ou par mémoire. Et, aussitôt que nous aurons étudié toutes ces recommandations, nous présenterons une loi d'amendement.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: Dans les recommandations des ACEF, il avait été question de l'assurance-automobile. Est-ce que le ministre peut nous dire si le comité d'étude sur l'assurance-automobile, qui doit faire rapport le 31 décembre prochain, a fait une demande de prolongation du mandat? Et, deuxièmement, est-ce que le ministre rendra public le rapport dès qu'il lui sera remis?

M. TETLEY: En réponse à la première question, c'est oui. Très récemment, le comité a demandé le prolongement de son mandat parce que, comme l'Ontario, le Québec attend certains chiffres de l'industrie. Le premier ministre de l'Ontario, M. William Davis, a annoncé qu'il attendait jusqu'au 15 janvier. Nous avons décidé d'attendre jusqu'au 15 janvier ces chiffres de l'industrie et, immédiatement après, j'espère que le comité présentera son rapport au conseil des ministres. Quant à la question de le déposer immédiatement après, j'attends évidemment la décision de mes collègues du conseil des ministres.

Dunes et falaises des Iles-de-la-Madeleine

M. LEGER: Question principale, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre des Affaires municipales et de la protection de l'environnement. Cela concerne la protection de richesses spéciales du comté des Iles-de-la-Madeleine — et je ne fais pas allusion au député du comté des Iles-de-la-Madeleine — je parle plutôt des dunes et des falaises des Iles-de-la-Madeleine. Est-ce que le ministre a l'intention — il y en a qui sont nerveux — de protéger d'une quelconque manière peut-être, par l'exercice des articles 20, 22 et 23 de la loi 34 que le ministre connaît bien, les dunes et les falaises des Iles-de-la-Madeleine?

Elles sont actuellement aux prises avec ceux, là-bas, qu'on nomme les grugeurs de dunes, c'est-à-dire les entrepreneurs qui utilisent les dunes des îles comme élément de remplissage de routes? Pour que le ministre se situe bien, les dunes des Iles-de-la-Madeleine, concernant la richesse de la région, cela équivaudrait à remplir les trous du Rocher Percé.

DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LEGER: Est-ce que le ministre peut...

LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs !

M. LEVESQUE : Le député répète des arguments qui ont été utilisés en campagne électorale, et la population s'est prononcée.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, m'étant penché avec le député des Iles-de-la-Madeleine sur plusieurs problèmes dans ce coin un peu spécial de la province, notamment sur certains aspects de l'alimentation en eau potable, je peux assurer le député de Lafontaine que je vais regarder ce problème de très près.

Je suis heureux de l'informer que, selon les renseignements que j'ai obtenus hier, le député des Iles-de-la-Madeleine se porte très bien et sera bientôt parmi nous.

M. LEGER: Une question supplémentaire, M. le Président. Je suis heureux de voir que le député se porte bien mais je voulais simplement savoir si le ministre est au courant de la question que j'ai posée, à savoir que les gens se servent du sable des dunes. C'est une richesse là-bas; d'ailleurs, c'est un point de repère quand les pêcheurs reviennent et cela sert à des remplissages de routes. Est-ce que le ministre est au courant de cela?

M. GOLDBLOOM: J'étais au courant du problème, M. le Président, mais pas de son envergure. Je déduis de la question posée par l'honorable député de Lafontaine que ce phénomène prend de plus en plus d'importance. Je vais faire enquête et je vais agir selon les pouvoirs qu'il a invoqués.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi

Tunnel Québec-Lévis

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports. A la suite de la publication fragmentaire du rapport Holzl sur le lien direct Québec-Lévis et la possibilité technique de creusage à coût raisonnable d'un tunnel Québec-Lévis, le ministre peut-il nous dire si le rapport ou des études connexes ont évalué les coûts et les modalités d'un éventuel métro entre les deux centre-ville qui utiliseraient un tel tunnel? Si oui, quand ces études seront-elles terminées ou publiées et

par qui seront-elles menées? Sinon, pourquoi le ministère n'entend-il même pas envisager le métro comme solution à la possibilité d'un lien direct Québec-Lévis?

M. MAILLOUX: M. le Président, je vais tâcher d'être le plus honnête dans ma réponse au député de Chicoutimi. Pour ce faire, je voudrais me référer à une déclaration que je faisais en campagne électorale devant l'honorable député de Lévis, devant les hommes d'affaires de Saint-Romuald, où je disais que dans un avenir immédiat le ministère des Transports n'avait pas les moyens financiers pour mettre en place un lien direct, dans l'immédiat.

Quant aux études qui ne sont pas encore complétées, elles seront remises au ministère des Transports dans le cours des mois qui vont suivre. Il appartiendra à ce moment au gouvernement, comme aux autres gouvernements qui sont en cause, d'étudier le financement possible d'un tel lien éventuel mais qui n'est pas pour demain matin.

Régionalisation des services de santé

M. LESSARD: M. le Président, est-ce que je pourrais poser ma question au ministre des Affaires sociales?

Est-ce que le ministre des Affaires sociales a pris connaissance du dossier — fort important en tout cas pour notre région — concernant la régionalisation des services de santé, en particulier dans la région de Baie-Comeau-Haute-rive? S'il en a pris connaissance, est-ce qu'une décision a été prise ou est-ce qu'il entend prendre une décision d'ici quelque temps, parce que c'est un dossier qui dure déjà depuis deux ans, qui attend une solution?

M. FORGET: J'ai pris connaissance du dossier dont fait mention l'honorable député de Chicoutimi...

M. LESSARD: De Saguenay.

M. FORGET: ... de Saguenay. J'en ai pris connaissance. C'est un dossier qui est difficile, qui est débattu de part et d'autre, depuis en effet plus de deux ans. Des décisions préliminaires ont été prises qui seront annoncées en temps et lieu. Le temps n'est pas venu, dans le moment, d'annoncer quelles sont ces décisions.

M. LESSARD: Question additionnelle. Est-ce qu'au moins le ministre pourrait nous donner une indication sur son "en temps et lieu"? Est-ce qu'on peut, par exemple, d'ici janvier prochain attendre une réponse du ministre des Affaires sociales concernant ce dossier qui pourrit depuis deux ans, qui provoque des discussions fort acerbes dans la région et qui mérite une attention spéciale?

M. BOURASSA: Avec le député qu'il y a là!

M. FORGET: Je suis aussi intéressé que mon honorable collègue à résoudre ce problème, mais, comme je l'ai dit, ce sera annoncé en temps utile.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine, et après, l'honorable député de Beauce-Sud.

Rénovation urbaine

M. LEGER: Ma question s'adresse au ministre des Affaires municipales. Dans le cadre de la loi fédérale qu'on appelle Loi nationale de l'habitation, est-ce que le ministre — qui doit rencontrer bientôt, je pense, son homologue, M. Basford, concernant la rénovation urbaine et les sommes qui y sont affectées — sait, premièrement, quelles sommes seront réclamées par le Québec ou promises par Ottawa à la Société d'habitation du Québec pour la rénovation urbaine?

Deuxièmement, est-ce que le ministre peut nous assurer que toutes les sommes qu'Ottawa aura pour la rénovation urbaine seront transférées à la Société d'habitation du Québec pour être administrées par la Société d'habitation du Québec qui sera le seul juge du plan de rénovation? Est-ce que le ministre peut nous assurer cela?

M. GOLDBLOOM: C'est la politique du gouvernement, et cette politique sera poursuivie. Quant aux montants, des négociations sont en cours. Un montant global a été visé, qui fera l'objet d'une entente entre les deux paliers de gouvernement. Mais en attendant la conclusion de ces négociations, je ne pourrai parler de chiffres précis.

M. LEGER: Question supplémentaire. Est-ce que les sommes qu'Ottawa ou la Société centrale d'hypothèques et de logement pourraient envoyer au Québec, ce sont des chèques individuels sur des projets que le Québec endosse, après quoi on fait son chèque ou si ce sont des projets dont la Société d'habitation du Québec sera le promoteur? C'est ce que je demandais.

Est-ce que vous allez défendre cette politique qui n'existe pas actuellement? Est-ce que le ministre a l'intention d'exiger que toutes les sommes soient remises à la Société d'habitation du Québec pour qu'elle-même entreprenne ces projets et fasse les paiements à même la somme globale que le fédéral va mettre à la disposition du Québec?

M. GOLDBLOOM: II y a une distinction à faire entre certaines provinces qui assument elles-mêmes la responsabilité d'être maître-d'oeuvre de tout ce qui se fait dans le domaine de l'habitation et d'autres qui n'assument pas cette responsabilité.

Jusqu'à maintenant, le Québec se trouve dans cette deuxième catégorie, qui constitue la

majorité, celle des provinces qui ne se font pas maître d'oeuvre de ce travail. Donc, il y a une transaction individuelle dans chaque cas, et avec l'approbation du gouvernement du Québec, les municipalités ou les sociétés à but non lucratif s'adressent au gouvernement fédéral et il y a une entente tripartite pour chaque projet.

M. LEGER: Vous allez devenir le maître d'oeuvre?

M. GOLDBLOOM: Pardon?

M. LEGER: Quand la Société d'habitation du Québec deviendra-t-elle le maître d'oeuvre?

M. GOLDBLOOM: Bien, M. le Président, il y a...

M. LEGER: Du gouvernement?

M. GOLDBLOOM: ... présentement un comité interministériel qui se penche sur la question de l'habitation et...

M. LEGER: Nous avons la réponse! M. GOLDBLOOM: Très bien, merci.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce-Sud.

Caisses d'entraide économique

M. ROY: Une question à l'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives. Est-ce que le ministère des Institutions financières, par son ministre, va donner suite à son intention de déposer un projet de loi concernant les caisses d'entraide économique? Si oui, est-ce que nous pourrions demander au gouvernement de déposer ce projet de loi avant la période des fêtes, de façon que nous puissions l'examiner avec toute l'attention qu'il mérite?

M. TETLEY: Je trouve la suggestion du député de Beauce-Sud, M. le Président, fort intelligente; j'espère déposer la loi très bientôt. Il y a un petit problème cependant entre les avocats du gouvernement et les avocats des caisses d'entraide; lorsqu'il y a deux avocats, il y a toujours dissension; mais nous allons régler cela et déposer le projet de loi aussitôt que possible.

M. ROY: Je peux déduire par la déclaration du ministre qu'on pourrait espérer que ce projet de loi soit déposé d'ici l'ajournement des fêtes?

M. TETLEY: C'est vrai.

LE PRESIDENT: Affaires du jour.

M. BURNS: Est-ce que vous me permettez de poser au leader du gouvernement une question en vertu de l'article 34? Normalement, je pense bien que le ministre des Affaires municipales serait mieux placé pour me répondre mais je dois, en vertu du règlement, poser ma question au leader. Le 22 mars 1973, la commission des affaires municipales a ajourné sine die l'étude de l'avant-projet de la loi sur l'urbanisme et l'aménagement du territoire, et j'ai entendu le ministre des Affaires municipales dans son discours, dans le cadre du débat sur le discours inaugural, dire qu'il avait l'intention de hâter l'étude du processus de mise en vigueur de cet avant-projet. Je demande tout simplement: Est-ce que c'est l'intention du gouvernement de faire siéger bientôt la commission des affaires municipales sur cet avant-projet? Si oui, est-ce qu'il a l'intention de la faire siéger d'ici l'ajournement des fêtes?

M. LEVESQUE: Le député de Maisonneuve sait fort bien qu'il s'agit d'une nouvelle Législature et qu'en se référant à des documents étudiés durant l'hiver 1973, il ne fait que faire un historique, mais il ne peut relier ce document aux travaux de cette nouvelle Législature.

M. BURNS: Si vous me permettez, je n'ai peut-être pas été assez clair. En fait, j'ai mis tout simplement le cas du 22 mars 1973 de l'avant pour expliquer ce que je vois au journal des Débats du 29 novembre, et c'est le ministre des Affaires municipales qui nous dit: "M. le Président, comme ministre des Affaires municipales et de l'environnement, je m'engage à accélérer le processus d'examen de cet avant-projet de loi." Alors, c'est uniquement relativement au discours dans le cadre du débat sur le discours inaugural que je pose cette question. J'ai évidemment parlé de ce qui s'est passé dans une autre Législature mais je ne tiens pas le gouvernement avec ça.

M. LEVESQUE: C'est entendu, M. le Président, qu'il s'agit d'une question fort complexe. D'ailleurs, le député doit lui-même en être conscient, après avoir discuté et étudié, au moment où il le mentionne, le contenu de cet avant-projet. Dans les jours qui suivent, le calendrier est fort chargé, comme également le leader parlementaire de l'Opposition officielle le sait. Je veux simplement l'assurer qu'au moment où le contenu, si vous voulez, sera prêt, nous allons lui donner la place qu'il mérite dans l'étude qui peut être soumise à la Chambre, mais je ne veux pas être plus précis. Chose certaine, c'est que, d'ici à l'ajournement de Noël, il ne peut en être question.

LE PRESIDENT: Affaires du jour.

M. LEVESQUE: M. le Président, article 2).

LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice propose la deuxième lecture?

M. LEVESQUE: Oui.

Projet de loi no 5 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice propose la deuxième lecture du projet de loi no 5, Loi modifiant la loi de l'expropriation, la loi des tribunaux judiciaires et d'autres lois connexes.

Le ministre de la Justice.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée. Maintenant, je proposerais que nous passions à l'étude de ce projet de loi en commission plénière, en sautant immédiatement l'étape de la deuxième lecture, étant donné que le projet de loi ne comporte pas de questions de principe fondamentales qui méritent un débat en deuxième lecture.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, personnellement, je suis d'accord sur la suggestion du ministre qu'on aille en commission plénière immédiatement. C'est un projet de loi qui est plus ou moins substantiel, surtout moins que plus. Je dois dire au niveau de la deuxième lecture cependant au ministre que je comprends qu'il vienne avec un amendement à ces deux lois et non pas avec un amendement à l'ensemble de la Loi des tribunaux judiciaires, qu'il nous avait annoncé il y a quelque temps.

Je comprends que ces amendements sont nécessaires pour la mise en vigueur à court terme de la loi concernant l'expropriation. A ce titre, je suis d'accord pour collaborer avec le gouvernement et pour voir à l'adoption de ce projet le plus rapidement possible, avec la réserve suivante, c'est que je dis au ministre qu'il serait peut-être temps qu'il envisage, à plus ou moins court terme, cette fameuse réforme de l'ensemble des tribunaux de juridiction québécoise qu'il nous avait annoncée il y a, sauf erreur, près d'un an et demi, peut-être deux ans. Cela nous éviterait, justement, de revenir constamment avec des bribes d'amendement à la Loi des tribunaux judiciaires toutes les fois qu'une chambre spécialisée se forme ou qu'un tribunal particulier se forme sous la juridiction de la cour Provinciale.

Malgré cette réserve, M. le Président, nous sommes prêts à adopter la deuxième lecture de ce projet de loi et à faire l'étude du projet article par article en commission plénière.

M. BOURASSA: C'est de la collaboration constructive, comme l'a dit le député, hier, au centre Durocher, devant un tout petit groupe de militants péquistes.

LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

Adopté.

LE GREFFIER ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Commission plénière

LE PRESIDENT: L'honorable leader parlementaire du gouvernement propose la formation de la commission plénière.

M. LEVESQUE: Vous l'avez deviné.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: Adoptée.

LE PRESIDENT: Adopté.

M. BLANK (président de la commission plénière): Article 1.

M. MORIN: M. le Président, au sujet de l'article premier de ce projet de loi, il est dit, dans les notes explicatives, qu'il permet que les membres du tribunal de l'expropriation puissent être choisis au sein de la cour des Sessions de la paix alors qu'à l'heure actuelle ils le sont uniquement au sein de la cour Provinciale. Ce qui me surprend dans cette modification c'est qu'à ma connaissance les juges des Sessions de la paix ont rarement une expérience en matière civile et encore moins en matière d'expropriation.

Je m'interroge sur les vraies raisons de cette modification. Est-ce que le ministre veut organiser une sorte de rotation entre les juges pour les rendre plus polyvalents? Je sais qu'il y a un certain nombre de juges qui veulent échapper à la spécialisation à outrance, qui demandent à demeurer polyvalents. Je ne sais pas si c'est l'intention du gouvernement. Je note aussi qu'en pratique, M. le ministre de la Justice, cette modification va s'appliquer seulement à Québec, à Montréal, à Trois-Rivières et peut-être Sherbrooke, enfin, dans les villes où il y a des juges des Sessions de la paix parce qu'ailleurs ce sont les juges provinciaux qui, comme vous le savez, font le travail des juges des Sessions de la paix.

D'autre part, je signale également au ministre — c'est ce qui explique un peu ma surprise devant cette modification de la loi — que les juges des Sessions de la paix sont débordés de travail dans toutes les villes où ils siègent; alors, pourquoi cette modification?

M. CHOQUETTE: M. le Président, je pense que je vais satisfaire la curiosité du chef de l'Opposition. Il ne faut pas chercher, derrière l'amendement proposé — comment pourrais-je dire? — des grands principes de réforme judiciaire, voir là l'intention du législateur de voir s'opérer par le jeu de cet article-là, la polyvalence de nos juges. Les explications qui doivent être données en rapport avec cette modification sont très particulières. Au moment de la constitution du tribunal de l'expropriation, j'ai sollicité le juge Roger Savard, de la cour des Sessions de la paix, pour devenir vice-président du tribunal des expropriations étant donné que celui-ci avait déjà une expérience considérable en matière d'expropriation qui datait du moment où il était avocat et avant qu'il ait été nommé juge de la cour des Sessions de la paix.

Comme m'a dit le juge Savard, "si jamais je quitte le tribunal des expropriations, j'aimerais bien pouvoir revenir à la cour que je préfère, c'est-à-dire la cour des Sessions de la paix" et j'ai dû lui faire des promesses dans ce sens-là pour qu'il acquiesce à sa nomination au tribunal de l'expropriation. Evidemment, dans la rédaction originale de la Loi de l'expropriation nous avions, à l'instar du chef de l'Opposition, prévu qu'il était plus normal que ce soit des juges de la cour Provinciale qui fassent partie du tribunal de l'expropriation, que leur travail judiciaire ou le genre de pratique juridique qu'ils avaient pu avoir avant d'être nommés juges faisait qu'il y avait plus de rapports entre un juge de la cour Provinciale et le tribunal de l'expropriation qu'entre un juge de la cour des Sessions de la paix et le tribunal de l'expropriation.

Mais compte tenu du cas particulier du juge Savard qui, d'ailleurs, a toute la compétence voulue pour siéger en matière d'expropriation, c'est la raison pour laquelle je propose l'amendement qui figure à l'article 1.

LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté?

M. BURNS: Simplement une question, M. le Président, que je pourrais poser peut-être à l'article 1 ou à l'article 12, relativement à la mise en vigueur de la loi. Si je me rappelle bien, lorsque nous avons adopté, au cours de la Législature précédente, le projet de loi 88, qui est devenu la Loi sur l'expropriation, le ministre qui parrainait le projet de loi, le ministre des Transports, nous avait dit que ce projet de loi 88 serait mis en vigueur tranche par tranche. D'ailleurs, encore là, je pense que l'article de mise en vigueur du projet de loi 88 laissait entendre que c'était sur proclamation du lieutenant-gouverneur en conseil. Je me rappelle également que le ministre nous avait dit que la première étape de mise en vigueur de cette loi était la constitution du tribunal. C'est dans ce sens, comme je le disais en deuxième lecture, que nous sommes d'accord pour faciliter la constitution de ce tribunal le plus rapidement possible. J'aimerais, pendant qu'on y est — et je pense qu'on fait la dernière étape de la constitution du tribunal, puisqu'on permettra probablement au juge Savard d'être nommé, à très court terme — que le ministre nous dise où en est rendu le processus de mise en vigueur de cette loi, étant donné qu'il y a un très grand nombre d'expropriés qui, actuellement, sont un peu assis entre deux chaises, attendent de savoir quels vont être leurs droits, en vertu de la loi actuelle ou en vertu de la loi qui vient, etc. Est-ce que le ministre peut nous dire brièvement où en est rendu exactement le processus de mise en vigueur de la Loi concernant l'expropriation?

M. CHOQUETTE: Je peux dire au député de Maisonneuve que le tribunal d'expropriation a commencé à siéger le 26 septembre dernier. Le tribunal a commencé à accepter des causes, à en entendre. Pour ce qui est du juge Savard, il a été possible de le nommer, parce que nous l'avons nommé juge de la cour Provinciale et de là membre du tribunal. Evidemment, je lui avais fait la promesse qu'il redeviendrait juge de la cour des Sessions, ce qui lui permettrait, si jamais il abandonnait son...

M. BURNS: II siège déjà.

M. CHOQUETTE: Oui, il siège déjà. Il y a aussi le juge Dorion, qui était autrefois président de la Régie des services publics et le juge Paul Trudeau, qui était juge municipal à Laval. Ces juges sont déjà en fonction depuis la fin de septembre. Le tribunal a commencé à entendre les causes, mais je ne peux pas dire dans le moindre détail au député de Maisonneuve où en sont les travaux du tribunal.

M. BURNS: Est-ce qu'on doit comprendre que la partie substantive de la Loi sur l'expropriation est entièrement en vigueur? Je m'excuse de vous poser cette question, vous pourriez me dire: Allez voir dans la Gazette officielle, mais pour simplifier mon travail, je demande simplement, par l'entremise de votre sous-ministre qui est près de vous, si le ministre est en mesure de me dire si la partie droit substantif de cette loi est maintenant complètement en vigueur?

M. CHOQUETTE: Etant donné qu'il y a eu sept ou huit proclamations qui ont mis différentes parties de la loi en vigueur à différentes époques, j'aimerais mieux ne pas donner une réponse immédiate au député de Maisonneuve. J'attends les renseignements que je lui donnerai très précisément tout à l'heure.

M. BURNS: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 1, adopté? Article 2.

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 3?

M. BURNS: Aussi.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 4?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 5?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 6?

M. BURNS: Adopté également.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 7?

M. BURNS: Adopté. Jusqu'à la fin, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 8, adopté. Article 9, adopté. Article 10, adopté. Article 11, adopté. Article 12, adopté.

Le bill est adopté sans amendement.

M. BURNS: Ce n'est pas difficile, M. le ministre, ça.

M. CHOQUETTE: C'est parfait.

Est-ce que le député de Maisonneuve voudrait que nous attendions que j'aie les renseignements que je lui ai promis ou que nous procédions immédiatement à la troisième lecture?

M. BURNS: Je voudrais bien être agréable au ministre, pour l'une des rares fois que j'ai la chance de l'être, mais je dois dire, étant donné que c'est le premier projet de loi que nous adoptons, que, sauf dans des cas véritablement exceptionnels, j'insisterai toujours — et cela pas par mauvaise volonté, mais uniquement par sens pratique pour qu'on suive le règlement là-dessus, c'est-à-dire pour que la troisième lecture se fasse le jour suivant.

Je le dis pour ce premier projet de loi et sans aucune arrière-pensée. C'est que, dans l'ancienne Législature, on a eu des cas où, entre la deuxième lecture, la commission plénière et les séances de la commission parlementaire, en particulier, on a eu parfois des éclairs de génie et du côté du gouvernement et du côté de l'Opposition et on s'est aperçu qu'il y avait peut-être des failles dans le projet de loi qu'on avait adopté article par article. C'est un peu dans ce sens, pour laisser décanter pendant 24 heures, au minimum, le projet de loi que nous adoptons article par article, que je préfère que cela se fasse à une autre séance.

M. CHOQUETTE: Très bien. Je note. Je veux maintenant, pour terminer les séances de la commission plénière, si vous me le permettez, donner les renseignements que j'ai promis au député de Maisonneuve tout à l'heure. Le 26 septembre 1973, on a proclamé les articles 1 à 33, 89 à 91, 93 à 97, 100 à 102, 105 à 109, 113, 118 à 120, 122 à 135, 138, 146, 148 à 152. Le 26 septembre 1973, on a également proclamé les articles 45, 46, 47 et 67. Le 26 septembre 1973, on a également proclamé les articles 137, 147. Il reste les autres articles qui n'ont pas encore été proclamés, mais qui le seront dans un avenir rapproché.

M. BURNS: Merci, M. le ministre.

M. BLANK (président de la commission plénière): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le bill no 5 est adopté sans amendement.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Houde, Limoilou): Troisième lecture?

M. CHOQUETTE: A la prochaine séance. M. BIENVENUE: Article 1), M. le Président.

Projet de loi no 1 Deuxième lecture

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre des Affaires sociales propose la deuxième lecture du projet de loi no 1, Régime des allocations familiales du Québec.

M. Claude Forget

M. FORGET: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi no 1 et il en recommande l'étude à l'Assemblée nationale. Le projet que cette Assemblée nationale doit maintenant considérer est, de façon assez symbolique, le projet de loi no 1 de la première session de cette nouvelle Législature. Il concrétise de façon remarquable un élément majeur du programme électoral du Parti libéral, lors des dernières élections. Même, il est si connu qu'on pourrait presque dire que son débat ici peut se passer de présentation, puisqu'il a fait l'objet de nombreux commentaires et de nombreux discours durant une période tout à fait récente.

Cependant, si ce projet est généralement approuvé dans ses implications financières pour les familles du Québec, il demeure nécessaire de souligner quels sont les principes qui le sous-tendent et qui sous-tendent l'insertion du régime des allocations familiales dans l'ensemble des politiques de soutien du revenu du Québec.

Ce projet est important parce qu'il constitue un élément majeur de la politique familiale du présent gouvernement et il représente la clé de voûte d'un réaménagement important du régime de sécurité du revenu. Une discussion est

sans aucun doute nécessaire pour faire ressortir ces deux éléments.

Un programme d'allocations familiales constitue un des éléments fondamentaux du système intégré de sécurité du revenu préconisé par le gouvernement du Québec. Un tel système, en plus de garantir à chaque citoyen les ressources minimales pour satisfaire aux besoins essentiels et améliorer les prospectives de promotion des individus et des familles, doit reconnaître de façon spécifique et distincte la présence des enfants et les charges financières qui en résultent au sein des familles.

Cette reconnaissance explicite des charges liées à la présence des enfants est commandée par deux faits principalement. D'une part, les revenus de travail ne tiennent pas compte de la dimension de la famille du travailleur. C'est ainsi que, dans les familles à faible niveau de revenu, la présence des enfants devient souvent une cause immédiate de pauvreté.

D'autre part, en ce qui concerne les familles qui doivent recourir à l'aide sociale, il est nécessaire de limiter la compensation des charges familiales par la voie du programme d'aide sociale, si l'on veut éviter que les montants d'aide sociale ne se comparent trop avantageusement avec les revenus de travail, compte tenu des lois sur les salaire minimum.

C'est pourquoi nous préconisons que les charges familiales soient compensées de façon beaucoup plus adéquate par la voie d'un programme distinct dont bénéficieront aussi bien les personnes qui sont sur le marché du travail que celles qui ne peuvent y participer.

Cette compensation accrue des charges familiales des familles à faible revenu ne peut pas se faire, toutefois, aux dépens des familles à revenu moyen qui ont des enfants. Si deux chefs de familles retirent de leur travail le même revenu, celui qui a des enfants ou celui qui a le plus d'enfants devrait avoir le revenu disponible le plus élevé. Il s'agit d'une question de simple équité naturelle ou ce que l'on appelle plus techniquement d'équité horizontale. Agir autrement serait contraire au principe d'équité et aussi à la politique familiale du gouvernement.

C'est pourquoi le régime d'allocations familiales que nous proposons doit conserver son caractère universel de façon à accorder des allocations à toutes les familles qui ont des enfants.

Le programme d'allocations familiales que nous proposons accordera des allocations variant selon le rang et l'âge des enfants et sera composé de deux régimes distincts, l'un fédéral et l'autre québécois.

Il est généralement reconnu que la présence des enfants constitue une des principales causes de l'insuffisance des revenus au Québec. Selon nos estimations, le pourcentage de familles dont le revenu du chef est inférieur au seuil de pauvreté est d'autant plus élevé que le nombre d'enfants à sa charge augmente, passant de 26 p.c. pour les familles qui ont un enfant à 43 p.c. pour les familles qui ont cinq enfants ou plus.

En conséquence, un programme d'allocations familiales sera d'autant plus efficace à combattre la pauvreté qu'il accordera des allocations relativement plus élevées aux familles nombreuses. Le programme d'allocations familiales que nous proposons paiera une allocation mensuelle de base de $15 au premier enfant, de $22 au deuxième, de $33 au troisième et de $37 à l'enfant de quatrième rang et plus.

Tout en reconnaissant que le coût d'entretien d'un enfant varie directement avec son âge, un programme d'allocations familiales ne saurait garantir, faute de données suffisamment précises, et pour des raisons administratives, des allocations croissantes à chaque changement d'âge, c'est-à-dire à chaque année, pour les enfants. Le programme que nous proposons fait une distinction entre les enfants d'âge de 0 à 11 ans et ceux âgés de 12 à 17 ans, en accordant à ceux-ci, c'est-à-dire aux derniers, de 12 à 17 ans, une prime d'âge de $5 par mois.

Selon les données qui nous sont disponibles, l'insuffisance totale des revenus chez les familles québécoises dont le revenu du chef est inférieur au seuil de pauvreté atteindra $895 millions en 1974, dont plus de la moitié, soit $465 millions, est attribuable à la présence des enfants. Le programme d'allocations familiales que nous proposons aura comme effet de réduire à $300 millions l'insuffisance de revenus due à la présence des enfants, soit une diminution de 35.5 p.c. de cet écart ou de ce manque à gagner.

Le nouveau programme d'allocations familiales sera constitué de deux régimes complémentaires, soit le régime fédéral et le régime québécois. Le gouvernement fédéral versera aux familles québécoises une allocation mensuelle de $12 pour le premier enfant, $18 pour le deuxième, $28 pour le troisième et $31 pour le quatrième ainsi que pour chaque enfant de rang supérieur. A cette allocation de base s'ajoutera une allocation mensuelle de $5 par enfant de 12 à 17 ans.

Cette structure de paiement faite en vertu du programme fédéral a été établie par le gouvernement du Québec et est incorporée à la présente législation.

Cette entente avec le gouvernement fédéral permet pour la première fois au Québec d'agencer toutes les ressources consacrées aux allocations familiales, qu'elles soient des ressources fédérales ou provinciales, selon les priorités du gouvernement du Québec.

Le Québec sera responsable de l'administration et du financement du régime québécois qui versera une allocation mensuelle de $3 pour le premier enfant, de $4 pour le deuxième, de $5 pour le troisième et de $6 pour chaque enfant de rang supérieur.

Les allocations familiales provenant du régi-

me fédéral et du régime québécois seront indexées annuellement pour tenir compte de l'augmentation du coût de la vie.

Au chapitre de l'imposition, le gouvernement du Québec n'imposera pas les allocations familiales provenant des deux régimes pour les raisons suivantes, principalement. D'abord, la Loi québécoise de l'impôt sur le revenu des particuliers ne prévoit pas d'exemption pour les enfants âgés de moins de seize ans. Le gouvernement considère que les familles à revenu moyen seraient appelées à supporter un fardeau trop lourd si leurs allocations familiales étaient imposées, étant donné notre régime fiscal actuel.

Ensuite, la hausse rapide du coût de la vie de la dernière année à réduit le pouvoir d'achat des familles québécoises, plus particulièrement des familles à revenus faible et moyen. Le fait pour le gouvernement du Québec de ne pas imposer les allocations familiales équivaut à laisser entre les mains des familles québécoises un montant total d'environ $60 millions en 1974.

Les allocations versées par le gouvernement du Québec, à l'exception de celles versées aux enfants de 16 à 17 ans ne seront pas non plus sujettes à l'impôt fédéral, puisque le projet de loi fédéral prévoit que les allocations versées par une province ne seront pas imposées par le gouvernement fédéral pourvu que la province n'accorde pas d'exemption fiscale pour les enfants admissibles aux allocations familiales.

Conformément au projet de loi fédéral, les allocations familiales du régime fédéral, ainsi que les allocations versées par le Québec aux enfants de 16 à 17 ans seront soumises à l'impôt fédéral sur le revenu.

Le nouveau programme d'allocations familiales requerra des déboursés globaux de $598.4 millions en 1974. La responsabilité financière sera de $501 millions pour le gouvernement fédéral et de $97.4 millions pour le gouvernement du Québec.

Le régime fédéral sera financé à même les $20 par mois par enfant conformément au projet de loi fédéral C-211. Pour lui permettre de financer son propre régime, le Québec ajoutera $26.4 millions à la somme de $71 millions consacrée au régime d'allocations familiales présentement en vigueur.

L'adoption du projet de loi sur les allocations familiales permettra au gouvernement du Québec de modifier en profondeur le programme de l'aide sociale. Il est en effet nécessaire d'en arriver à un équilibre essentiel entre les programmes d'allocations familiales et d'aide sociale, afin d'éviter la désincitation au travail tout en assurant aux personnes les plus défavorisées des ressources suffisantes.

L'intégration de ces deux programmes de sécurité de revenu permettra donc d'éviter que les prestations d'aide sociale ne deviennent plus élevées que le revenu d'un emploi rémunéré au taux du salaire minimum. C'est ainsi que plusieurs changements importants au program- me d'aide sociale entreront en vigueur le 1er janvier 1974, c'est-à-dire en même temps que le nouveau régime d'allocations familiales et ces changements sont principalement les suivants.

L'intégration des programmes d'allocations familiales et d'aide sociale dans le but de rétablir l'équilibre entre l'aide sociale et le salaire minimum. A compter du 1er janvier 1974, les prestations d'aide sociale ne pourront jamais dépasser le revenu d'un emploi rémunéré au salaire minimum, quelle que soit la taille de la famille, contrairement à ce qui peut se produire actuellement dans le cas des familles nombreuses.

Le nouveau programme d'allocations familiales, en compensant dorénavant plus adéquatement les charges dues à la présence des enfants, permettra en effet de modifier l'aide sociale en ce sens sans qu'aucune famille ne reçoive moins des deux programmes qu'elle ne reçoit actuellement.

Un deuxième élément de l'intégration des deux régimes: une hausse sensible de la prestation pour les deux premières personnes au sein d'une famille. Cette modification est devenue nécessaire du fait que les barèmes actuels de l'aide sociale sont nettement insuffisants, compte tenu du coût de la vie et particulièrement pour les familles de petite taille et les individus seuls.

Le nouveau programme d'allocations familiales, ainsi que la réforme du programme d'aide sociale amélioreront d'une façon significative la condition des familles à faible revenu, de même que celle des familles à revenu moyen. Ainsi, sera franchie une nouvelle étape importante dans la réforme de la sécurité sociale au Québec. Merci.

M. BURNS: M. le Président, c'est la première fois que ça arrive, d'ailleurs, depuis cette nouvelle Législature...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Voulez-vous qu'on suspende pour quelques minutes en attendant que le chef arrive?

M. BURNS: C'est-à-dire que le député de Chicoutimi, qui est sorti de la Chambre pour un instant, doit livrer la réplique au ministre des Affaires sociales. Je pense qu'il s'en vient. Alors, j'ai utilisé mon temps de deuxième lecture, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Chicoutimi.

M. Marc-André Bédard

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, tout d'abord, je dois dire que personnellement, étant chargé du ministère des Affaires sociales, je suis heureux de la présentation de ce projet de loi sur les allocations familiales, qui a été

faite par le ministre des Affaires sociales. Je crois traduire, à ce moment-ci, également l'opinion de mes collègues de l'Opposition. Je crois que le gouvernement a — il faut le dire — agi avec célérité dans la présentation de ce projet de loi. Il devait le faire de toute façon, suite, d'une part, à l'engagement qu'il avait pris au mois de septembre vis-à-vis de la population du Québec; également parce que cette loi s'imposait vu que des milliers de familles québécoises, à l'heure actuelle, ne joignent pas les deux bouts, suite — comme d'ailleurs l'a exprimé à un moment donné, dans son exposé, le ministre des Affaires sociales — entre autres à la hausse du coût de la vie.

M. le Président, il y a naturellement l'aspect constitutionnel sur lequel, on peut s'en douter, le Parti québécois a certaines remarques et certaines réserves. Mon collègue, le chef de l'Opposition, verra à aborder cet aspect constitutionnel. Le Parti québécois ne peut pas faire autrement qu'être d'accord, sauf certaines réserves, sur ce projet de loi dans l'ensemble, en ce sens que le Parti québécois, comme on le sait, lors de la dernière campagne, avait mis de l'avant un programme concernant les allocations familiales. On sait qu'à un moment donné le Parti québécois avait mis de l'avant un programme concernant les allocations familiales, qui accordait un montant de $17 au premier enfant, de $22 au deuxième enfant, de $35 au troisième enfant et de $40 au quatrième enfant et aux suivants. Le projet de loi qui nous est présenté en accorde $15 au premier, $22 au deuxième, $33 au troisième et $37 au quatrième et aux suivants. Il est peut-être un peu moins généreux que celui qui avait été proposé par le Parti québécois, mais, même en dépit de cela, ça reste un projet de loi sur lequel on ne peut pas ne pas être d'accord et qui, encore une fois, s'imposait.

Cependant, je crois qu'il ne faut pas donner démagogiquement à ce projet de loi une portée et des effets qu'il n'a pas, à mon humble avis.

D'abord, la présentation de ce projet de loi n'est pas, à mon sens, une lutte à la pauvreté, tel qu'on l'a exprimé tout à l'heure, parce qu'avec la hausse du coût de la vie, ce projet de loi arrive tout simplement à point. Tenant compte de cette hausse du coût de la vie, il permet tout simplement à la famille québécoise, non pas d'être nécessairement beaucoup mieux placée, mais au moins d'être capable de répondre à cette hausse du coût de la vie.

Je pense que ce serait, à mon sens, mal aborder la question, que de laisser entendre que c'est nécessairement en fait une mesure qui entre profondément dans le processus d'une lutte contre la pauvreté. Ce n'est pas non plus une mesure qui amorce une lutte qui serait de nature à réduire l'écart entre les riches et les pauvres au niveau des Québécois, étant donné, d'une part, l'abandon par le Québec du régime sélectif pour opter, comme il l'a fait, pour le régime universel.

D'autre part, je crois qu'une vraie lutte à la pauvreté par un gouvernement devrait avoir pour premier objectif l'implantation du revenu annuel garanti. C'est ce que disait le Parti québécois qui prônait dans son programme l'établissement le plus vite possible d'un revenu annuel garanti pour tous les Québécois. Ce n'est pas seulement l'opinion du Parti québécois. C'est également une opinion qui se vérifie et qui a été exprimée par le Conseil économique du Canada, qui après une étude, en est très clairement venu à la conclusion que l'écart qui existait entre les riches et les pauvres non seulement ne diminuait pas au Canada, mais, au contraire, s'accroissait.

Autrement dit, selon les conclusions du rapport du Conseil national du bien-être social, jusqu'en 1965, les riches gagnaient six fois plus, si on se place par rapport à l'évaluation en termes d'écart, que les pauvres en termes de revenu, alors qu'en 1971, selon le rapport, le revenu des gens les plus choyés d'une certaine façon par la société s'établissait non plus à six fois plus que les pauvres les plus démunis, mais était maintenant sept fois plus élevé que celui des pauvres.

Ce qui veut dire qu'en fait l'écart s'en va grandissant. Lé Conseil national du bien-être social en arrivait également à la conclusion que quelle que soit l'augmentation des allocations familiales ou de l'aide sociale, tant qu'un revenu de base régulier permettant à tous les Canadiens de vivre dignement et convenablement n'aura pas été établi, ces sommes d'argent supplémentaires ne réussiraient pas à élever d'un cran le niveau des pauvres.

Là-dessus, on peut dire qu'on est facilement en accord avec le fédéral, nous du Parti québécois, parce qu'effectivement nous prônions un système de revenu annuel garanti. Je suis convaincu que le gouvernement va étudier la possibilité que cela devienne une réalisation et que le gouvernement va étudier cette nécessité de l'établissement d'un revenu annuel garanti qui, à mon humble avis, serait la meilleure mesure à adopter si, vraiment, on veut faire une lutte de front à la pauvreté.

Ce mémoire-là exprimait l'avis et la conclusion que le nouveau régime des allocations familiales —qu'on présumait devoir entrer en vigueur le 1er janvier 1974 au Canada — bénéficiera davantage aux riches qu'aux pauvres. Le raisonnement de ceux qui ont fait ce mémoire était le suivant: "II est vrai, disait le mémoire dans sa conclusion, que les pauvres se réjouissent du fait que la moyenne des versements passera de $7.21 à $20 par enfant, mais il ne faut pas oublier que, pour les familles ayant le même nombre de personnes à charge, le total des bénéfices sera plus élevé pour celles dont le revenu est supérieur et moins élevé pour celles dont le revenu est plus bas."

Nous soumettons encore une fois que nous sommes d'accord naturellement sur le projet de loi annoncé par le ministre des Affaires sociales.

Nous sommes d'accord, c'est clair, mais je pense qu'on ne doit pas, d'une façon démagogique, lui donner plus de portée et plus d'effets qu'il n'en a. Le gouvernement a exprimé le fait qu'il n'imposait pas les nouvelles allocations contrairement au gouvernement fédéral qui, lui, va imposer ses propres allocations. Autrement dit, le gouvernement du Québec a exprimé l'opinion qu'il était beaucoup plus généreux que le gouvernement fédéral en ce domaine.

Cependant, à moins que je ne me trompe, ce que ne dit pas le gouvernement, c'est qu'au Québec, contrairement aux autres provinces et contrairement au gouvernement fédéral, les exemptions personnelles pour les enfants qui reçoivent les allocations familiales ont été supprimées, comme on le sait, en 1965, lors de l'établissement des allocations familiales du Québec. Ces exemptions personnelles, qui ont été supprimées, restent supprimées dans le nouveau régime et, à ce moment-là, les contribuables ne peuvent, dans le nouveau régime, au niveau du Québec, se prévaloir des exemptions concernant les enfants qu'ils ont à leur charge.

Nous avons calculé — le gouvernement nous corrigera; il y aura moyen de faire une comparaison de nos calculs sur ce point-là — que cette suppression des exemptions personnelles pour les enfants de moins de 16 ans rapportera au gouvernement, en 1974, la jolie somme de $56 millions. Il faut remarquer que cette somme-là croît continuellement, d'année en année, d'une façon beaucoup plus rapide que le coût des allocations familiales.

A partir du moment où est établi clairement le fait que dans le nouveau régime cette possibilité de se prévaloir d'exemptions n'existe pas pour les Québécois dans le régime concernant le rapport d'impôt vis-à-vis du provincial, parce qu'elles avaient été supprimées en 1965, à ce moment — je pense qu'il faudrait le dire à la population avant de dire qu'on ne taxe pas, en aucune façon, les allocations familiales dans le présent régime — il y aurait avantage, pour ne pas faire de démagogie, à souligner cet aspect de la situation. Quand le gouvernement affirme sa générosité — d'ailleurs, nous sommes d'accord sur sa générosité, comparée à celle du gouvernement fédéral — je crois qu'il y a lieu de faire certaines distinctions.

Ces réserves étant faites, M. le Président, encore une fois nous sommes d'accord et nous voterons pour le projet de loi qui est présenté cet après-midi. Je crois qu'il était nécessaire — en tout cas, nous avons cru qu'il était nécessaire de le faire — de souligner qu'il ne faut pas, encore une fois, donner trop de portée à cette loi et en voir trop d'effets en fonction de l'avenir, surtout en fonction de problèmes aussi majeurs pour les Québécois, à savoir la lutte à la pauvreté et également la lutte pour diminuer l'écart entre les plus riches et les plus pauvres. Nous soumettons que cette lutte qui doit être engagée ne l'est pas de front par — je pense que le gouvernement aussi en est cons- cient — le fait du dépôt et de l'adoption de ce projet de loi sur les allocations familiales. Mais il faudra, une fois pour toutes, si on veut vraiment aborder de front la lutte à la pauvreté et à l'écart entre les riches et les pauvres, se décider d'établir un revenu annuel garanti pour tous les Québécois.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre de l'Education.

M. François Cloutier

M. CLOUTIER: M. le Président, très brièvement, j'aimerais proposer quelques réflexions sur le projet de loi no 1, instaurant un nouveau régime d'allocations familiales au Québec. Si j'ai décidé d'intervenir dans ce débat, c'est que ce projet me paraît marquer une date extrêmement importante dans l'histoire de nos programmes sociaux. Une date extrêmement importante pour une double raison: D'abord, parce qu'une formule nouvelle, une formule originale qui crée un véritable précédent sur le plan constitutionnel a pu être mise au point. Ensuite, à cause de la valeur intrinsèque de la démarche suivie.

Je ne m'interrogerai peut-être pas tellement sur le premier aspect, laissant à d'autres l'occasion d'en discuter. Il reste que c'est tout de même la première fois qu'une province peut déterminer ses propres priorités, à partir de prestations versées par le gouvernement central. Avant d'aborder le plan plus proprement social, je désire féliciter le député de Chicoutimi d'avoir abordé la question avec sérénité. Il faut dire d'ailleurs qu'un tel projet de loi ne se prête peut-être pas tellement à une évaluation démagogique.

Ceci dit, j'ai apprécié ses remarques concernant le problème de la pauvreté. Il est évident — et ce n'est pas du tout l'intention du gouvernement — qu'une telle loi ne constitue pas en soi une stratégie contre ce problème qui afflige toutes les sociétés modernes.

Je crois qu'il convient de le dire.

En revanche, le gouvernement croit que c'est un des éléments importants d'une telle stratégie et qu'il fallait commencer par là. La pauvreté constitue une véritable sous-culture au sein des sociétés et entraîne des comportements, des habitudes telles que seule une approche globale peut permettre de s'y attaquer d'une façon efficace.

Cependant, il convient de dire que cette loi apporte un élément extrêmement valable en ce sens, ne serait-ce que parce qu'elle augmente de 6 p.c. à 30 p.c. suivant la taille des familles le niveau d'allocations versées précédemment. De plus, si l'on se fie aux études qui déterminent le seuil de la pauvreté — je pense aux études de la commission Castonguay-Nepveu et je pense également aux études du comité du Sénat du gouvernement canadien — il faut également

admettre que nous nous rapprochons considérablement de ce niveau. Les lois précédentes correspondaient peut-être à 50 p.c. ou à 60 p.c. du seuil de la pauvreté, l'approche actuelle permet d'en arriver à peu près à 90 p.c.

Il ne s'agit pas en soi d'un salaire minimum garanti mais il s'agit très certainement d'une démarche qui permet d'en arriver à une véritable politique de sécurité du revenu. Même si les objectifs apparaissent clairement, il est évident que des étapes doivent être respectées; il est non moins évident qu'il y a des problèmes de coût dont il faut tenir compte en saine administration.

Je ne peux m'empêcher, à titre de ministre de l'Education, d'attacher une importance très particulière aux programmes sociaux pour l'excellente raison que j'ai fixé comme une des priorités de mon ministère le problème des zones défavorisées. En effet, on constate qu'il ne suffit pas d'améliorer les services scolaires, soit dans les villes, soit dans les campagnes, dans ce que l'on a appelé les zones grises, pour en arriver à une véritable accessibilité de l'éducation. C'est donc dire que le problème des zones défavorisées déborde le cadre des structures scolaires. Et il déborde le cadre des structures scolaires de telle façon que l'école ne peut être perçue comme un instrument susceptible de réduire les inégalités socio-économiques, comme un instrument susceptible de réduire, suivant l'expression du député de Chicoutimi, l'écart entre les riches et les pauvres.

Il en découle que pour satisfaire à l'objectif de notre réforme scolaire, touchant la démocratisation de l'enseignement, ce qui suppose cette accessibilité dont je viens de parler, il convient d'aborder le problème d'une façon globale, non seulement à partir des structures scolaires mais également à partir des structures sociales. Bien sûr, ce n'est pas uniquement la loi des allocations familiales qui va permettre d'en arriver à cet objectif mais il est absolument certain que c'est la base même de toute action en ce sens. Nous sommes en train, actuellement, de définir en collaboration étroite avec le ministère des Affaires sociales une telle stratégie qui nous permettrait, en plus de fournir des services scolaires adaptés à une population particulière, d'agir sur le milieu par tout un ensemble de mesures pour permettre au milieu lui-même de multiplier ses propres efforts et de se sensibiliser sur le plan social.

Si j'ai tenu, M. le Président, à élargir le débat, c'est précisément pour montrer que cette loi ne doit pas être considérée de façon parcellaire mais être située dans son véritable contexte.

Il s'agit d'une vaste réforme entreprise au Québec dans le domaine social, vaste réforme à laquelle le gouvernement actuel attachera très certainement son nom, vaste réforme qui a permis, depuis quelques années, des modifications extrêmement importantes dans le tissu même de notre société.

Il est possible, M. le Président, que l'on fasse dire à cette loi ce qu'elle ne veut pas dire ou ce qu'elle ne peut pas dire. Je ne serais pas étonné, par exemple, que l'on mette en évidence le problème de la natalité au Québec.

Il est exact — et il faut le déplorer — que notre population connaît un des taux les plus bas de natalité qui se rencontrent actuellement au Canada. Cependant, il faut bien avouer que, dans l'état actuel de nos connaissances, il est à peu près impossible de savoir exactement quelles sont les causes de ce genre de phénomène. Précisément parce qu'il est impossible de reconnaître les causes précises d'une telle évolution, il est aussi extrêmement difficile de définir des politiques proprement natalistes.

Aussi, il ne faudrait pas s'imaginer que cette loi, en soi, a un but de cet ordre. Cependant, je pense que, là encore, il faut la considérer comme un des éléments, dans un contexte beaucoup plus large, susceptibles de favoriser la famille, peut-être pas par une modification de notre évolution démographique immédiate, mais très certainement par une atmosphère familiale beaucoup plus favorable parce que, qu'on le veuille ou non, une politique familiale passe d'abord par un revenu décent et par un revenu suffisant.

M. le Président, je conclus en disant que même si cette loi n'a pas la prétention — et le ministre des Affaires sociales serait très certainement le dernier à vouloir la présenter comme une panacée — de régler le problème de la pauvreté, elle constitue certainement une des initiatives les plus prometteuses d'un gouvernement depuis de très nombreuses années.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le chef de l'Opposition.

M. Jacques-Yvan Morin

M. MORIN: M. le Président, il est certainement très heureux que le sort des familles du Québec, et notamment des familles nombreuses, soit amélioré, quoique moins sans doute qu'il n'aurait pu l'être. Mais il convient d'évaluer également les retombées, les conséquences, du système mis au point par Ottawa et accepté par Québec, du point de vue de l'avenir constitutionnel.

Or, une étude attentive, article par article, de la loi fédérale et du projet québécois, qui est en quelque sorte une loi complémentaire, révèle que les conséquences de ces projets sont graves pour le présent et pour l'avenir du Québec. C'est qu'en effet les techniques mises au point entre les deux gouvernements risquent d'avoir des conséquences, des retombées sur l'ensemble du dossier constitutionnel. C'est cela que je voudrais étudier brièvement cet après-midi.

Le projet de loi qui nous est soumis consacre l'effondrement complet des positions québécoises définies depuis dix ans par MM. Lesage,

Johnson, Cloutier et Castonguay, première version, positions qui ont reçu l'appui unanime de tous les partis, dans le passé, et dont le gouvernement actuel avait fait, si la mémoire ne me fait pas défaut, le fondement inébranlable de son attitude, notamment à la conférence de Victoria.

Puis-je me permettre un court rappel historique en ce qui concerne les allocations familiales?

On se souviendra que la constitutionnalité des allocations familiales fédérales a toujours été contestée par le Québec, peut-être également par d'autres provinces. Mais en tout cas jamais, jusqu'à tout récemment, la validité constitutionnelle de ces allocations n'a été reconnue par le gouvernement québécois.

Et il y avait pour cela de bonnes raisons. Depuis 1925, depuis la jurisprudence du Conseil privé dans l'affaire Snider, depuis 1937, dans l'affaire des Conventions de travail, nous avions des indications précises de la part du plus haut tribunal constitutionnel de l'époque, en ce qui a trait à la sécurité sociale aussi bien qu'à la législation industrielle — il est quelquefois difficile de distinguer où commence la législation industrielle et où commence la législation sociale, comme le salaire minimum, par exemple, le fait voir amplement — qui accordait exclusivement au pouvoir dit provincial la compétence en matière de sécurité sociale.

A la faveur de la seconde guerre mondiale, le pouvoir fédéral s'est immiscé dans ce domaine. Je ne parlerai pas de la santé et des autres aspects de la sécurité sociale, je ne parlerai que des allocations familiales. Le pouvoir s'est installé dans les allocations familiales — il est vrai qu'à cette époque le Québec n'envisageait pas d'en créer — et il a mis le gouvernement québécois de l'époque devant un fait accompli. D'ailleurs, il a mis toutes les provinces devant un fait accompli.

Il y a eu contestation devant les tribunaux de la constitutionnalité de cette loi. On se souviendra de l'affaire Angers qui a abouti devant la cour de l'Echiquier. Et la cour de l'Echiquier, qui est une cour fédérale, nommée, stipendiée par Ottawa comme la cour Suprême d'ailleurs, a rendu l'arrêt qu'on en pouvait attendre. M. le Président connaît cette jurisprudence aussi bien que moi puisque nous l'avons étudiée dans la même Faculté.

La cour de l'Echiquier a déclaré que cette législation n'était pas contraire à la constitution. Jamais le Québec n'a accepté ce verdict. Il l'a toujours contesté. Il a d'ailleurs depuis — j'attire l'attention du ministre des Affaires sociales sur ce petit détail — eu l'occasion de ne pas reconnaître la juridiction de la cour Suprême du Canada en matière constitutionnelle, notamment dans l'affaire des droits miniers sous-marins.

Mais il y a longtemps que nous n'avons pas au Canada de véritable forum, de véritable tribunal constitutionnel impartial. Et M. Pelle- tier, le ministre fédéral des Communications, le sait fort bien quand il invite son homologue québécois, le ministre des Communications du Québec, à porter le litige qui oppose les deux ministères des Communications devant la cour Suprême du Canada.

M. LEVESQUE: A l'ordre, M. le Président! La pertinence du débat.

M. MORIN: M. le Président, ce que j'ai à dire est tout à fait pertinent, parce que les conséquences de la technique utilisée par Ottawa et entérinée par Québec aura des répercussions dans l'ensemble du dossier constitutionnel. Et en particulier en matière de sécurité du revenu.

C'est le ministre des Affaires sociales qui va se trouver d'ici quelques mois ou en tout cas au plus tard d'ici quelques années aux prises avec les conséquences des gestes qui ont été posés par son prédécesseur.

Peu à peu donc, avec le passage du temps — parce qu'Ottawa compte toujours sur le passage du temps dans ces domaines, aussi bien dans le domaine de la santé que dans celui de la sécurité sociale — la compétence fédérale a été confirmée dans les faits. Ottawa n'avait pas obtenu le consentement des provinces pour les allocations familiales.

Eh bien, il élargit sa compétence en 1951 pour les pensions de vieillesse et, cette fois, il obtient le consentement des provinces pour l'établissement, la reconnaissance d'une compétence concurrente dans ce domaine.

Puis vient, vers la fin des années cinquante, ou le milieu des années cinquante, la réaction autonomiste: la loi de 1954, par exemple, sur l'impôt sur le revenu; rapport Tremblay qui presse le gouvernement de se donner une politique sociale autonome, qui reflète les besoins du Québec. En particulier, le ministre des Affaires sociales sera intéressé à lire les quelques pages qui sont consacrées aux allocations familiales dans ce rapport. Vers 1964, conformément à ces jalons posés notamment dans le rapport Tremblay, à l'époque Lesage-Pearson, Québec va même jusqu'à récupérer, grâce à la technique de l'"opting-out", les allocations aux jeunes âgés de 16 à 18 ans, que Québec vient d'abandonner, soit dit en passant.

En 1966, MM. Johnson et Dozois créent les allocations familiales québécoises. Tout au long de cette période, M. le Président, jamais le Québec n'a admis, n'a reconnu, la constitutionnalité des allocations fédérales. S'est établie dans les faits une concurrence entre les deux gouvernements en matière d'allocations familiales, mais je défie le gouvernement qui siège de l'autre côté de cette Chambre de me trouver la moindre déclaration qui reconnaîtrait que, sur le plan juridique, la compétence fédérale dans ce domaine était fondée. En 1969, pour continuer mon rappel des faits, le ministre de la Famille et du Bien-Etre social de l'époque, M. Cloutier, propose à la conférence fédérale-pro-

vinciale l'unification des régimes fédéraux et provinciaux d'allocations familiales et il propose également la prise en charge de l'ensemble du régime par le Québec. Donc, en 1969, il y a à peine quatre ans, M. le Président, la position officielle du Québec, c'était l'exclusivité québécoise de cette compétence.

Puis vient Victoria, après l'élection du gouvernement libéral qui vient d'être réélu. A Victoria — je vous fais grâce des tractations antérieures — la position du gouvernement Bourassa est très claire. Je la connais d'autant mieux que le premier ministre m'a fait l'honneur de m'appeler pour me consulter sur cette question, peut-être aussi pour tenter de me lier un peu les mains en me mettant dans sa confidence à l'égard de ce qu'il allait réclamer à Victoria. L'idée de l'époque, M. le Président, c'était que le gouvernement du Québec allait consentir à la formule d'amendement Trudeau-Turner en échange de la reconnaissance par le pouvoir fédéral de la primauté québécoise consacrée par un projet de modification du British North America Act, proposé par le Québec. Il s'agissait de la modification de l'article 94-A de ce que nous appelons la constitution.

Quand on examine le projet québécois, on voit à quel point les attitudes actuelles du gouvernement Bourassa sont éloignées de ce qu'il réclamait, de ce qu'il revendiquait comme étant essentiel il y a deux ans à peine. Je souligne au ministre des Affaires sociales qu'en ce qui concerne les allocations familiales le Québec avait demandé la primauté. Je définirai peut-être, tout à l'heure, ce qu'est la primauté dans le domaine constitutionnel. En matière, par exemple, d'assurance-chômage, l'attitude québécoise, telle que définie dans ce projet d'article 94-A, consistait à proposer la concurrence, une compétence concurrente. Mais, advenant qu'une loi fédérale soit adoptée postérieurement, elle devait être conforme à la loi provinciale, c'est-à-dire qu'il y avait un système de primauté "à retardement", de primauté postérieure, si je puis dire.

Donc, la position du Québec à Victoria est très claire. Le gouvernement revendique, m'a dit le premier ministre à l'époque, m'a dit le premier ministre lui-même, en échange de la formule Trudeau-Turner, l'adoption par la conférence fédérale-provinciale de Victoria de cet article 94-A. Et naturellement, puisque le gouvernement était logique, à l'époque...

M. BOURASSA: Je m'excuse, il n'était pas question de la formule Fulton-Turner.

M. MORIN: Je m'excuse, ai-je la parole, M. le Président?

M. LEVESQUE: Oui, mais il faudrait tout de même respecter la vérité.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre!

M. MORIN: Merci, M. le Président.

M. BOURASSA : J'ai le droit de rétablir les faits.

M. BURNS: Après, lisez l'article 96. M. BOURASSA: La vérité a ses droits.

M. MORIN: Si le premier ministre veut rectifier mes paroles, il aura le loisir de le faire après.

M. BOURASSA: J'ai d'autres fonctions après.

M. MORIN: M. le Président, le gouvernement de l'époque, logique comme il l'était, demandait également que la primauté constitutionnelle entraîne un transfert financier, ce qui avait pour effet de limiter le "spending power", le pouvoir fédéral de dépenser. C'est une attitude que nous approuvions avec quelques réserves évidemment sur les modalités. Non pas que nous ayons été d'avis que le premier ministre, en échange, dût consentir à la formule Trudeau-Turner de modification constitutionnelle, mais nous pensions que, dans l'état du dossier constitutionnel à l'époque, cette formule n'était pas la plus mauvaise.

M. le Président, qu'est-ce que c'est que la primauté législative? Le gouvernement, à plusieurs reprises, a jonglé un peu avec cette expression et, d'un mois à l'autre, on ne savait plus très bien ce qu'elle voulait dire. Qu'est-ce que la primauté constitutionnelle? Il ne faut pas confondre la primauté avec l'exclusivité en matière constitutionnelle, bien que l'effet, le résultat pratique soit souvent le même.

La primauté est une technique qui intervient essentiellement dans le contexte de la compétence concurrente, c'est-à-dire compétence pouvant être exercée simultanément par deux niveaux de gouvernement dans un système fédéral. Il y a des compétences concurrentes exercées sur un pied d'égalité comme c'est le cas par exemple pour les pensions de vieillesse en vertu de l'article 94-A tel qu'il existe actuellement dans le British North America Act, dans une affreuse traduction française d'ailleurs, non officielle, qui nous est donnée par Ottawa.

Il y a également des compétences concurrentes qui sont assorties de primautés, soit la primauté en faveur du gouvernement fédéral, soit la primauté en faveur du gouvernement provincial. C'est une technique qui existe dans plusieurs pays de type fédéral, notamment en Allemagne fédérale, en Inde dans certains cas, et ainsi de suite. Par exemple, ici, au Québec et au Canada, c'est le cas pour l'agriculture et l'immigration, sous l'empire de l'article 95 du British North America Act.

Ayant de la sorte défini la primauté en matière constitutionnelle, de quoi sommes-nous

saisis maintenant dans ce projet de loi qui doit être lu évidemment à la lumière de la loi fédérale, puisque maintenant c'est une loi? Bien. Nous sommes devant un régime de compétences concurrentes sur le plan constitutionnel. Nous sommes devant un régime, j'allais dire, quoique le terme n'ait pas de valeur technique, de complémentarité constitutionnelle, avec dans les faits, à cause du poids du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, avec dans les faits, dis-je, prépondérance, primauté législative fédérale.

Quand on analyse les choses de près, avec des techniques constitutionnelles précises, avec un vocabulaire constitutionnel précis, nous pouvons constater qu'il s'agit d'une retraite fondamentale par rapport aux positions antérieures du gouvernement québécois.

Un recul, une retraite non seulement par rapport au gouvernement Lesage, non seulement par rapport au rapport Tremblay, non seulement par rapport, naturellement, aux positions du Parti québécois qui ne sont pas en cause en ce moment, mais par rapport aux positions officielles du gouvernement Bourassa en 1971, il y a à peine deux ans.

M. BOURASSA: II n'a rien compris.

M. MORIN: La loi qui est devant nous — le premier ministre a fait des études de droit, je pense qu'il est à même de me suivre fort bien — quand elle est lue à la lumière de la loi fédérale, constitue la reconnaissance de la compétence fédérale dans le domaine des allocations familiales. On n'en sort pas; c'est une reconnaissance inscrite dans la loi, clairement, pour qui sait lire. Les conséquences de cela sont graves. Nous avons été, dans cette affaire, essentiellement à la remorque du gouvernement fédéral, malgré toutes les belles déclarations de primauté législative ou constitutionnelle. Nous avons été à la remorque, et je vais en donner des exemples.

M. Castonguay, dans son rapport, avait proposé l'universalité du régime. Le pouvoir fédéral, dans son premier projet, propose plutôt un régime sélectif. Dans le premier projet québécois, on s'aligne sur cette position et, revenant sur les positions de M. Castonguay, on adopte également un régime sélectif. Puis, Ottawa se ravise, change d'attitude et, dans son second projet, on en vient à l'universalité du régime. Que fait Québec?

M. BOURASSA: On en vient à la formule Castonguay.

M. MORIN: Vous parlerez à votre tour. M. BOURASSA: C'est Ottawa qui a...

M. MORIN: Vous parlerez à votre tour, M. le premier ministre.

M. BOURASSA: C'est faux! C'est Ottawa qui a choisi la formule Castonguay.

M. BURNS: A l'ordre! A l'ordre, M. le Président.

M. BOURASSA: C'est eux qui nous ont suivis.

M. LESSARD: A l'ordre, M. le Président!

LE PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! A l'ordre!

M. BOURASSA: C'est eux qui nous ont suivis.

M. MORIN: Que fait, M. le Président...

M. ROY: M. le Président, question de règlement. Je m'excuse auprès de l'honorable député de Sauvé, mais il y a quand même un règlement à respecter à l'Assemblée nationale et je vous inviterais à rappeler à l'ordre l'honorable premier ministre qui devrait être le premier à donner l'exemple et à être respectueux du règlement en Chambre. La parole est au député de Sauvé, M. le Président, et qu'on lui laisse son privilège.

M. MORIN : M. le Président, qu'a fait le Québec devant ce changement d'attitude d'Ottawa? Est-ce qu'il s'en est tenu au régime sélectif qu'il avait proposé dans son premier projet? Non, il s'est aligné sur le pouvoir fédéral et il a adopté l'universalité. Nous sommes, depuis deux ou trois ans, dans ce domaine, essentiellement à la remorque des projets fédéraux. C'est bien clair. Tout cela n'augure rien de bon pour les prochaines étapes de la négociation constitutionnelle. C'est avant tout pour cette raison que nous avons voulu souligner ce recul inexplicable, incroyable du Québec sur la question des allocations familiales.

Le premier point sur lequel je voudrais attirer l'attention du ministre des Affaires sociales, c'est qu'une partie très importante doit se jouer sous peu autour du revenu minimum garanti. Le gouvernement a-t-il l'intention de suivre le précédent des allocations familiales dans le domaine du revenu minimum garanti? Est-ce pour cette raison que M. Castonguay est passé au service de M. Lalonde? Est-ce cela qu'on doit présager dans ce transfert, pour dire les choses élégamment? Je pose la question au ministre des Affaires sociales parce que c'est lui qui va être aux prises avec les conséquences de la faiblesse de ce gouvernement et en particulier de la faiblesse du premier ministre.

DES VOIX: II n'a rien compris.

M. MORIN: Messieurs les députés libéraux, c'est vous aussi qui allez être aux prises avec le problème, pas seulement nous. Ce sont des reculs pour le Québec, pas seulement pour le Parti libéral ou pour l'Opposition officielle.

Deuxièmement, en matière de communications, si j'ai bien compris les discours éloquents

du ministre des Communications à la conférence de ces derniers jours, le Québec revendique là encore l'autorité prioritaire. J'imagine que c'est un rappel de la priorité, de la primauté ou de la prépondérance — parce qu'on jonglait pas mal avec le vocabulaire — un rappel de ces notions qui courent dans les projets gouvernementaux depuis quelques années.

Il veut, nous dit le ministre des Communications, devenir "maître d'oeuvre" des communications sur son territoire, avoir la primauté. Or, on sait que, dans le domaine des allocations familiales, le gouvernement fédéral est solidement implanté; de même, dans le domaine des communications, il est peut-être encore plus solidement implanté. Qu'on songe à TELESAT, à Radio-Canada, qu'on songe à la compétence que s'est arrogée le pouvoir fédéral en ce qui concerne la compagnie Bell Canada.

Dois-je en conclure, M. le Président, que le scénario est appelé à se répéter? Est-ce que le gouvernement va être capable d'être plus ferme en matière de sécurité du revenu, en matière de communications qu'il ne l'a été dans le domaine des allocations familiales, ou est-ce qu'il va aller de reculade en reculade? Je considère, en ce qui me concerne, que ce recul très réel — et j'ai hâte de voir les acrobaties de vocabulaire, les acrobaties constitutionnelles que le gouvernement va essayer de faire, pour justifier son recul — nous ramène au coeur même du débat constitutionnel. Il démontre que la technique qui consiste à vouloir modifier la constitution morceau par morceau est destinée à l'échec.

C'est à cela que nous faisions allusion, quand le Parti québécois déclarait qu'il fallait poser la question de l'avenir constitutionnel de manière globale. Ce n'est pas moi qui le dis. Je pourrais citer, par exemple, M. Claude Ryan qui le reconnaissait, en juin 1971: "S'il y a échec sur 94-A, écrivait-il, on saura que la révision n'est qu'un immense écran de fumée tendant à conserver le statu quo." Je vais plus loin, je dis que cet échec sur 94-A, qui est l'échec de M. Cas-tonguay, dont l'actuel ministre devra hériter sur ce point, comme sur les autres, je dis que cet échec compromet le reste de la révision constitutionnelle.

Je sais qu'on va me dire aussi que c'est une question théorique, une question pour les théoriciens de la constitution. Non pas. Si les positions québécoises avaient prévalu, nous aurions pu établir un régime intégré. C'était d'ailleurs le but évident du gouvernement, aussi bien sous l'Union Nationale que sous le Parti libéral, et cela aurait permis, grâce à la fiscalité québécoise, de récupérer une partie des montants et de les redistribuer en fonction des besoins réels des Québécois et notamment des besoins des familles nombreuses. A l'heure actuelle, les $12 du fédéral sont taxés par le gouvernement fédéral, tandis que les $3 québécois ne sont taxés ni par Québec, ni pas Ottawa.

On voit bien, par cet exemple, comment le dédoublement des compétences peut rendre rigide le système de sécurité sociale. De cela, le ministre ne nous a pas parlé, tout à l'heure. Des complications que cela va entraîner pour son ministère, pas un mot.

Mais c'est surtout de l'avenir qu'il faut parler, M. le Président. Nous sommes ramenés, inévitablement, par la leçon que nous devons tirer de cet échec, à la question globale que M. Castonguay voudrait, malgré son échec, éviter. Il voudrait que le Parti québécois mette cela sous le tapis, il ne pense plus, alors que nous pensons, nous, que cet exemple, cet échec de M. Castonguay explique sans doute, ce n'est peut-être pas la seule raison, son départ. Nous pensons que la leçon, c'est qu'on doit poser le problème de façon globale, et c'est pour ça que le Parti québécois est en Chambre.

Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Houde, Limoilou): L'honorable leader du gouvernement.

M. Gérard D. Levesque

M. LEVESQUE: M. le Président, je suis particulièrement heureux, à ce moment-ci, de participer à ce débat de deuxième lecture du projet de loi no 1, Régime des allocations familiales du Québec.

Ce projet de loi fait suite à un engagement pris par le gouvernement libéral, par l'équipe libérale au cours de la dernière campagne électorale.

Vous avez là, M. le Président, un exemple assez éloquent et frappant de la célérité et de la fidélité avec lesquelles le gouvernement libéral remplit les promesses très peu nombreuses qu'il fait — on le sait — mais combien plus imposant et important encore est l'ensemble des réalisations qu'il accomplit, comme nous l'avons vu au cours des trois années et demie du premier régime de M. Bourassa.

M. le Président, je prends la parole à la suite d'une intervention du député de Sauvé. Le chef parlementaire de l'Opposition officielle n'a pas eu la générosité ou l'objectivité de son collègue de Chicoutimi.

M. MORIN: On ne parlait pas de la même chose.

M. LEVESQUE: Le député de Chicoutimi, lui, semble être un petit peu plus près de la réalité que le député de Sauvé, dont la carrière l'a sans doute retenu à un niveau d'altitude...

M. MORIN: C'est ça, brodons!

M. LEVESQUE: ... qui s'assimile peut-être à des vols supersoniques dans la stratosphère. Il n'a pas semblé, dans son allocution, se rendre compte de l'importance pour le peuple québé-

cois de la mesure que nous avons devant nous pour étude.

Pas un mot de la population du Québec, des mères de famille du Québec. Pas un mot de l'aspect social qui a été développé évidemment par mon collègue, le ministre responsable des Affaires sociales, qui a été développé également par le ministre de l'Education, qui a été repris, selon ses moyens et ses capacités, par le député de Chicoutimi, mais qui a été omis complètement par le chef parlementaire du Parti québécois.

M. le Président, ce serait inconcevable, si nous ne connaissions pas le chef parlementaire de l'Opposition. Devant un projet de loi qui colle réellement à la réalité quotidienne, qui colle réellement, réellement là, à la question sociale dont semblent se gargariser, à certains moments, ceux qui préconisent la social-démocratie, devant ce projet de loi le plus important, le numéro 1 de la présente session, tout ce qu'arrive à faire le chef parlementaire de l'Opposition officielle, si vous voulez — c'est la position officielle de la loyale Opposition de Sa Majesté — c'est de nous livrer certains aspects purement théoriques. Au moins, si on pouvait descendre de ce piédestal autour duquel et dans les brumes duquel se sont perdus et le PQ et sa prétendue doctrine et surtout ses 104 candidats.

Si on avait voulu, au moins, essayer de nous expliquer en quoi le Québec avait eu un recul, en quoi le gouvernement pouvait être accusé d'avoir reculé, lorsque, M. le Président, nous avons ici l'exemple de ce projet de loi qui n'est pas venu spontanément. Il ne faudrait pas que le député de Sauvé pense que ce projet de loi arrive ici soudainement à l'Assemblée nationale. Dans son historique, où il a passé, évidemment dans les années quarante plus de temps que dans les années soixante-dix, il aurait dû, il me semble, regarder les véritables antécédents de ce projet de loi.

Et surtout il aurait dû attacher l'importance qu'il faut aux progrès réels, être plus positif, autrement dit, et ne pas regarder seulement les éléments d'une négociation parce qu'évidemment, dans toute négociation, il faut partir d'un point. Pour une partie, un point peut être à l'extrême; l'autre partie comme il doit le savoir, ne partage pas au départ la même position. Elle se trouve ordinairement à l'autre extrême.

M. le Président, nous avons ici non seulement un simple compromis mais nous avons un progrès réel, et non seulement d'une façon quantitative, non seulement d'une façon financière. Nous sommes partis, dans les allocations, de $7.21 de moyenne par mois pour atteindre une moyenne de $20 comme enveloppe globale.

M. le Président, cela lui importe peu. Il n'en a même pas parlé. Mais cela intéressera peut-être le chef parlementaire de l'Opposition officielle de savoir que nous n'avions rien à dire, pas un mot à dire, dans l'attribution des allocations familiales fédérales. Aujourd'hui, grâce aux efforts de l'ancien ministre des Affaires sociales, grâce aux efforts de ses collaborateurs, dont le ministre actuel des Affaires sociales, grâce à tous leurs collaborateurs, grâce à un gouvernement dynamique et décidé à faire des progrès réels pour l'intérêt de la population dans le domaine constitutionnel et dans le domaine social, aujourd'hui, M. le Président, nous avons devant nous ce projet de loi. Comme je le dis, il ne contient pas seulement un progrès réel sur le plan financier mais, sur le plan constitutionnel même, il nous permet de répartir cette enveloppe globale qui est financée, évidemment, en partie, et en grande partie, par le gouvernement fédéral, dans un fédéralisme sain et rentable.

M. le Président, à ce moment-ci, tenant compte de l'ensemble d'une politique sociale cohérente, provinciale, québécoise, nous pouvons voir même à influencer directement et à répartir nous-mêmes, de la façon que nous le voulons, tenant compte de nos priorités, des aspirations et de la mentalité du Québec, de la composition des familles québécoises. Nous pouvons nous-mêmes, membres du gouvernement du Québec, indiquer que ce ne sera pas tel montant que le gouvernement fédéral va verser mais que ce sera tel, tel et tel montant. Je le rappelle à ceux qui ont fait la campagne électorale, qui l'ont expliqué à la population du Québec, et vous savez quel mandat écrasant, par sa majorité, nous avons reçu, les 102 députés de l'Assemblée nationale, M. le Président, c'est assez clair — nous l'avons dit et répété à l'Assemblée nationale et nous l'avons répété également durant la...

M. BURNS: La pertinence!

M. LEVESQUE: ... campagne électorale, nous l'avons répété...

M. BURNS: La pertinence! La pertinence du débat.

M. LEVESQUE: Oui, M. le Président. M. BURNS: La pertinence!

M. LEVESQUE: La pertinence du débat, c'est d'arriver avec...

M. BURNS: La pertinence! C'est pertinent, cela?

M. LEVESQUE: ... le bill no 1, Régime des allocations familiales du Québec, qui est étampé, si l'on veut, qui a reçu un mandat non équivoque. 102 députés libéraux sont revenus de cette campagne électorale avec le mandat de donner une priorité à cette merveilleuse mesure du gouvernement libéral.

M. BURNS: La pertinence!

M. LEVESQUE: M. le Président, je le répète. Il y a là une victoire sur le plan financier; il y a là une victoire sur le plan social; il y a là une victoire sur le plan constitutionnel.

M. MORIN: Mais non, c'est une défaite!

M. LEVESQUE: M. le Président, pour le Québec, ce projet de loi no 1 est l'aboutissement de plus de dix ans de travail, dix ans de travail jalonnés de plusieurs étapes: la Loi des allocations scolaires, en 1961, la Loi des allocations familiales, en 1967. Et nous ne craignons pas de rendre à César ce qui appartient à César, de même qu'à un gouvernement qui n'était pas le nôtre. Nous n'avons pas crainte de dire qu'en 1967 il y a eu un gouvernement qui n'était pas le nôtre. Alors que nous étions dans l'Opposition nous avons appuyé le gouvernement du temps, mais non pas d'une façon destructive et négative comme ces débris que l'on veut appeler aujourd'hui une Opposition officielle, pour employer un langage dont se sert avec beaucoup d'ardeur le député de Saint-Jacques.

M. MORIN: Un langage peu démocratique. M. LEVESQUE: Pardon?

M. MORIN: Je dis que vous tenez un langage peu démocratique.

M. LEVESQUE: M. le Président, le député de Sauvé, chef parlementaire de l'Opposition, s'il a des leçons à donner à quelqu'un sur un langage démocratique, devrait se retourner légèrement et commencer ses sermons.

Je disais que ce projet de loi était l'aboutissement de plus de dix ans de travail. Et je parlais des étapes, 1961 à 1967. Et depuis 1967, il y a eu les pourparlers Québec-Ottawa qui, à partir de 1970 surtout, ont permis d'élaborer des solutions pour améliorer le revenu des familles québécoises.

Si on examine de plus près les efforts déployés par notre gouvernement depuis 1970, quelles constatations peut-on faire? Nous constatons que nous avons obtenu du gouvernement fédéral des arrangements administratifs et législatifs qui correspondent, pour l'essentiel, aux objectifs que notre gouvernement s'était alors fixés.

En effet, lors de la conférence fédérale-provinciale des ministres du Bien-Etre de janvier 1971, le Québec avait déposé un document intitulé "Analyse du livre blanc fédéral sur la sécurité du revenu, ministère des Affaires sociales du Québec", dans lequel il exposait les deux objectifs...

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: ... à poursuivre pour la réforme de la politique de sécurité du revenu familial: 1) l'unité de la conception de la politique sociale; 2) la primauté législative...

M. MORIN: Oui!

M. LEVESQUE: ... laissé aux provinces d'autre part.

M. MORIN: Parlons-en!

M. LEVESQUE: Vous, vous en avez parlé, mais d'une façon théorique. Vous avez parlé de la primauté législative de jure, mais c'est de la primauté de facto dont je veux vous parler, moi, dans les faits.

M. MORIN: Ah! oui!

M. LEVESQUE: Non pas d'une primauté législative fantaisiste basée simplement sur quelques élucubrations de l'esprit, mais une primauté législative comme celle qui parait dans le projet de loi no 1 et qui est justement celle qui est désirée, demandée par la population du Québec et que la population du Québec va apprécier. Si le Parti québécois, par son chef parlementaire, continue à rester dans la stratosphère ou les sphères où il a évolué cet après-midi, nous allons le perdre avant la fin des quatre années pour lesquelles nous avons été élus.

L'administration, le financement, tout cela pouvait faire l'objet de solutions diverses lorsque nous retournons au document de 1971. Qu'est-il arrivé de. ces objectifs? Je suis fier de dire qu'ils ont été largement atteints. Pour ce qui est de la conception de la politique sociale, on peut dire que le Canada dans son ensemble et les provinces une à une sont maintenant dans la voie d'harmoniser la politique de sécurité du revenu: régime de rentes, assurance-chômage, régime d'assistance publique du Canada, sécurité de la vieillesse, allocation de formation professionnelle des adultes.

Cette harmonisation s'opère dans le cas de la révision de la sécurité sociale engagée par la conférence fédérale-provinciale des ministres du Bien-Etre d'avril dernier.

Pour ce qui est du second objectif qui semble amuser follement le chef parlementaire de l'Opposition — ça va être moins drôle tout à l'heure — la primauté législative des provinces dans ce domaine, il est vrai que sur le plan constitutionnel, si l'on regarde d'une façon purement théorique la définition qu'a employée de jure le chef parlementaire de l'Opposition officielle, si on prend cette définition, il va trouver que sur le plan constitutionnel purement — et c'est là qu'il a été amené à discuter peut-être de l'article 94 a) de Victoria; je sais qu'il a mentionné tout à l'heure qu'il avait été lui-même consulté, qu'il avait peut-être les mains liées pour pouvoir en parler, mais après que Québec eut dit non à l'article 94 a), quelle était la voie à suivre?

Est-ce que le député de Sauvé aurait, quand Québec...

M. MORIN: Non!

M. CHARRON: Ce n'est pas Québec qui a dit non.

M.MORIN: C'est Ottawa qui a dit non à l'article 94-a).

M. LEVESQUE: M. le Président...

M. CHARRON: C'est vous autres qui l'avez demandé.

M. LEVESQUE: ... à la suite de Victoria... Est-ce que le député de Sauvé me suit?

M. CHARRON: C'est vous autres qui avez eu la claque sur la gueule, c'est pas Ottawa, à Victoria?

M. LEVESQUE: M. le Président, c'est le gouvernement québécois.

M. CHARRON: Qui a mangé la claque sur la gueule, oui, c'est ça qu'on dit.

M. LEVESQUE: M. le Président...

M. MORIN: Laissons-le parler parce que là, il ne sait pas de quoi il parle.

M. CHARRON: II est tout mêlé, là.

M. LEVESQUE: A ce moment-ci, moi je ne parle pas de la conférence même, je parle du lendemain de la conférence.

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: Je pense que ce que veut dire le député de Sauvé, c'est que la proposition du Québec...

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: ... n'a pas pu rassembler l'unanimité des provinces et du gouvernement fédéral.

M. MORIN: Oui, d'accord.

M. LEVESQUE : Je ne parlais pas de ça.

M. MORIN: Bon, d'accord.

M. LEVESQUE: M. le Président, d'ailleurs, le député de Sauvé le savait.

M. MORIN: Non, non! j'attends la suite des explications.

M. LEVESQUE: A la conférence de Victoria, en juin 1971 — on va y revenir — le Québec a proposé un amendement précis à la constitution du Canada pour donner aux provinces la garantie constitutionnelle qu'elle pourrait légiférer de façon à déterminer elle-même les politiques à mettre en oeuvre dans le secteur de la politique sociale. C'est vrai! C'est vrai qu'à ce moment-là nous n'avons pas obtenu de nos interlocuteurs l'acceptation de cette proposition.

M. MORIN: C'est vrai!

M. LEVESQUE: C'est connu, c'est officiel, c'est vrai, c'est public.

M. MORIN: Bien!

M. LEVESQUE: Est-ce que nous devions faire comme le suggère le chef de l'Opposition officielle, nous asseoir? M. le Président, ce que nous avons fait, nous nous sommes remis à la tâche. A défaut d'une clarification constitutionnelle, nous avons tenté, à l'automne 1971, une approche plus empirique, plus concrète des problèmes à résoudre. C'est une telle approche, moins spectaculaire, si l'on veut, M. le Président, moins spatiale, moins nébuleuse mais plus réaliste, M. le Président...

M. MORIN: Plus effondrée.

M. LEVESQUE: ... qui nous a conduits à la situation d'aujourd'hui.

M. MORIN : Vous voulez dire plus effondrée.

M. LEVESQUE: Où en sommes-nous maintenant, M. le Président? Le gouvernement du Québec a maintenant, et je le répète, le loisir d'exercer une primauté législative réelle qui lui permet de fixer les conditions susceptibles de répondre aux besoins spécifiques des familles québécoises...

M. MORIN: Allons donc!

M. LEVESQUE: ... en ce qui concerne les allocations familiales, compte tenu des seuils, des prestations et des sommes globales établies pour l'ensemble du Québec. M. le Président, on peut distinguer deux étapes principales dans cette évolution. Le Québec a précisé sa position en novembre 1972, et le fédéral, en avril 1973. Dans son historique, le chef parlementaire de l'Opposition aurait pu en parler...

M. MORIN: Une fois effondré, vous savez!

M. LEVESQUE: Oui, oui, quand ça fait son affaire il en parle, quand ça ne fait pas son affaire, il n'en parle pas.

M. MORIN: Bien, voyons!

M. LEVESQUE: M. le Président...

M. MORIN: Allons, allons!

M. LEVESQUE: ... le fédéral, en avril 1973,

a modifié sa position dans le document sur la sécurité du revenu.

M. MORIN: Hum! Hum!

M. LEVESQUE: En novembre 1972, — commençons par là — lors de la conférence interprovinciale des ministres du bien-être, le Québec a précisé ses positions au sujet des allocations familiales. Dans l'optique du Québec, il était nécessaire que la compensation des charges, vu la présence des enfants dans une famille, relève des allocations familiales plutôt que des autres régimes de sécurité du revenu. Selon le Québec, cette façon de voir les choses diminuerait — c'était là l'idée qui était celle que l'on considérait, chez nous, comme la plus importante, disons, comme le moteur, au point de vue pratique, parce qu'après tout, si on veut une intégration des lois sociales c'est pour une fin qui touche le bien-être de la population finalement — selon le Québec, cette façon de voir les choses diminuerait l'incitation à quitter le marché du travail qu'un régime d'allocations familiales fondé sur le revenu des familles pourrait comporter.

Cette approche n'excluait pas cependant que les allocations familiales contribuent à une meilleure distribution verticale des revenus.

Le nouveau régime d'allocations familiales devait, en effet, intégrer allocations familiales et allocations scolaires. Il devait aussi être universel et comprendre des allocations graduées en fonction de l'âge de l'enfant et de son rang dans la famille. Sachant que l'utilisation de ces facteurs dans la détermination des allocations à verser aux familles pour leurs enfants à charge ont forcément des incidences plus fortes dans les familles à faible revenu que dans les autres, la position québécoise avait nécessairement des implications importantes sur la redistribution des revenus.

Par ailleurs, au sujet de la répartition des compétences entre les deux niveaux de gouvernement, le Québec proposait au fédéral d'accorder aux provinces une primauté législative pour les allocations familiales et les autres régimes de sécurité du revenu.

M. MORIN: C'est ça que vous n'avez pas obtenu.

M. LEVESQUE: Cette primauté des provinces pouvait prendre diverses formes — s'il vous plaît, M. le Président — ou bien elle s'inscrivait dans des textes constitutionnels, comme nous le proposions à Victoria en 1971, ou bien elle s'inscrivait dans les législations des deux paliers de gouvernement.

Eh bien! M. le Président, après Victoria —j'en reviens à ça — quelle était la seule solution préconisée par le Parti québécois? Quelle aurait été la solution, quelle serait la solution, aujourd'hui, de l'honorable député de Sauvé?

M. MORIN: Un régime québécois.

M. LEVESQUE: Oui, M. le Président, un régime québécois! Où? Comment?

M.MORIN: Intégré.

M. LEVESQUE: Faites-vous donc élire avant de parler de ça. Vous êtes six! La population vous l'a dit; vous ne semblez pas avoir compris, c'est non, non, non! M. le Président, l'indépendance du Québec; la réponse a été donnée clairement, c'est non! Alors, qu'est-ce que vous feriez? Vous resteriez assis sur vos sièges, critiquant et détruisant comme d'habitude. Ce n'est pas la...

M. MORIN: II fallait tenir.

M. LEVESQUE: ... position prise par le gouvernement actuel, ce n'est pas ce genre de gouvernement que la population du Québec a réélu avec une telle majorité. C'est parce que nous avons toujours agi, c'est parce que nous avons toujours été alertes, c'est parce que nous avons toujours tenu à coeur les intérêts véritables de la population que nous sommes ici, aujourd'hui, en train d'étudier, de proposer et à la veille de voir adopter le projet de loi no 1 sur les allocations familiales.

C'est pour cette raison que nous sommes heureux, encore aujourd'hui, de vous dire que, devant deux possibilités — il y en a une que nous n'avons pas réussi à obtenir — ne nous décourageant pas, nous nous sommes tournés immédiatement vers cette autre solution qui n'est pas un recul, comme ose le dire le chef parlementaire de l'Opposition. Je le répète: Nous n'avions rien à dire dans le passé sur les allocations familiales payées par le gouvernement fédéral.

Aujourd'hui, M. le Président, grâce à toutes ces négociations, grâce à toute cette politique qui a été suivie, grâce à cette fermeté du gouvernement du Québec, grâce à cette persévérance de l'ancien ministre et de ses collaborateurs dont le ministre actuel des Affaires sociales...

M. MORIN: Vous permettez...

M. LEVESQUE: ... grâce à un gouvernement qui s'est tenu debout, nous avons devant nous un progrès sur le plan monétaire, un progrès sur le plan social et un progrès sur le plan constitutionnel. En effet, M. le Président, pour revenir à nos oignons, si vous voulez dans le communiqué émis à l'issue de cette conférence de novembre 1972, les ministres des provinces eux-mêmes expriment le désir que les provinces puissent légiférer de façon à déterminer le programme d'allocations familiales compatible avec leur propre système de sécurité du revenu et que l'exercice de cette compétence n'entraîne aucune perte financière pour leurs citoyens.

Telle était donc la position québécoise à l'automne 1972 et cette position du Québec correspondait, pour l'essentiel, à celle des autres provinces, simplement parce que c'est le Québec qui avait le leadership parmi toutes les provinces du Canada. Comme le disait le premier ministre tout à l'heure, nous avons eu le leadership même avec le gouvernement fédéral qui a dû, à la fin de toute cette négociation, accepter la plus grande partie des principes qui guidaient ou qui inspiraient la position québécoise.

En c'en est ainsi, par exemple, dans le cas de l'universalité mentionnée par le chef de l'Opposition officielle.

Pour sa part, le gouvernement fédéral a rendu publique, lors de la conférence fédérale-provinciale des ministres du Bien-Etre en avril 1973, la position qu'il entendait prendre compte tenu, il va sans dire, de l'évolution des choses au palier interprovincial. Dans le document fédéral sur la sécurité sociale distribué peu avant la conférence fédérale-provinciale des ministres du Bien-Etre les 25, 26 et 27 avril 1973, le fédéral proposait de hausser à $20 les allocations familiales, de $7.21 en moyenne qu'elles étaient à l'époque.

Ces allocations seraient universelles et imposables, un minimum serait déterminé par Ottawa et il serait laissé aux provinces la possibilité de faire varier les allocations en fonction de l'âge et du rang de l'enfant dans la famille. Le niveau des allocations serait révisé de temps à autre pour tenir compte des changements intervenus à l'indice des prix à la consommation. C'est cette proposition, où l'on voit la marque de l'influence du gouvernement québécois, du ministre et des ministères des Affaires sociales, cette proposition, je le répète, fut bien accueillie par les ministres des provinces qui décidèrent unanimement, d'accord avec le ministre fédéral, d'en faire la première priorité de la révision de la sécurité sociale.

Les ministres des provinces acceptèrent de discuter avec les autorités fédérales de façon bilatérale de la variation des niveaux des allocations en fonction de l'âge et du rang des enfants dans la famille. La proposition donnait une primauté législative réelle aux provinces en leur laissant la marge de manoeuvre nécessaire pour ajuster les allocations à leurs priorités compte tenu d'un minimum prescrit pour chaque allocation et d'un montant global donné pour l'ensemble des allocations. Au mois de juillet 1973, le gouvernement fédéral proposa à la Chambre des communes le projet de loi C-211, qui correspond, dans ses grandes lignes, aux propositions d'avril. Le projet de loi fixe à 60 p.c. du niveau moyen le montant minimum de l'allocation qui doit être versée à chaque enfant lorsqu'une province désire aménager les allocations de façon à établir des catégories selon l'âge et le rang de l'enfant, tout cela tel que préconisé au tout début des négociations par le gouvernement du Québec.

De plus, le montant global des allocations versées dans une province en vertu du régime doit correspondre au montant qui aurait été versé si les allocations étaient uniformes et au niveau moyen. La question d'administration avait donné lieu à de longs débats en 1971/72, c'est-à-dire à l'époque où le nouveau régime d'allocations familiales, considéré par le fédéral et inscrit dans le projet de loi C-170 déposé le 15 mars 1972, prévoyait les allocations familiales variables en fonction du revenu de la famille. Ce projet a cependant été retiré pour être remplacé par le projet C-211. Vous voyez que c'est le gouvernement fédéral, M. le Président, qui retire son projet de loi. Pourquoi l'a-t-il fait si ce n'est pas à cause de l'influence du gouvernement du Québec, à cause de la persévérance et de la détermination du ministre des Affaires sociales, du ministère des Affaires sociales représentant véritablement les intérêts du Québec? On voit ce que peut un gouvernement déterminé à défendre les intérêts véritables et particuliers des citoyens du Québec. Nous voyons le gouvernement fédéral retirer son projet de loi, en soumettre un autre et celui-là, par exemple, inspiré par la politique du gouvernement du Québec et de son ministère des Affaires sociales.

On a soumis de nouveau à Ottawa le projet de loi C-211, celui-ci prévoyant des allocations universelles comme le demandait le Québec. A ce moment-là, évidemment, la question d'administration perdait de son importance. En effet, le caractère automatique des allocations, maintenant prévu, ne laisse aucune place au jugement de valeur sur le revenu des familles, étant donné que c'est un régime universel tel que demandé par le Québec. Dans le nouveau contexte, la question de l'administration prenait moins d'importance et on voit que dans le bill actuel chacun garde l'administration de ses deniers.

Le Québec, comme nous le voyons dans le projet de loi, conserve l'administration de ses propres allocations familiales. Il détermine...

Et c'est là ce que semble ne pas avoir vu ou ne pas avoir voulu voir le chef de l'Opposition officielle, lorsqu'il parle d'un recul.

M. le Président, le chef de l'Opposition officielle devrait, au contraire, non pas se lever seulement comme le député de Chicoutimi, pour se réjouir de ce projet de loi et féliciter le gouvernement, mais il devrait également, sur le plan constitutionnel, comme les autres de ses collègues l'ont fait, au point de vue social et au point de vue monétaire, il devrait se lever même sur le plan constitutionnel et féliciter le gouvernement d'avoir réussi à faire retirer le projet de loi du gouvernement fédéral, d'avoir amené le gouvernement fédéral à adopter les positions préconisées par le gouvernement du Québec, et en même temps, féliciter le gouvernement du Québec de pouvoir, aujourd'hui, déterminer cette partie des allocations familiales du régime total financé par le gouvernement fédéral et

encore là, voir, comment — parce qu'on n'en verra plus, on ne commence qu'à lever le voile sur cette grande politique sociale du gouvernement du Québec — on verra bientôt comment s'intégreront dans tout cela les autres morceaux de cette politique sociale. L'on verra que tout cela a été pensé en fonction des besoins véritables du Québec. On verra que cette partie de l'assistance sociale, qui viendra s'ajouter au programme des allocations familiales, fera un tout homogène et ceci répondra aux désirs que nous avions tous de voir, par ces régimes sociaux, qu'il y a toujours pour ceux qui le peuvent évidemment, ceux qui le veulent, une incitation au travail. Nous réussissons maintenant par cette victoire constitutionnelle, qui est celle qui se traduit dans ce projet de loi, nous avons réussi à obtenir — je le répète encore une fois — par cette victoire monétaire, par cette victoire sociale, par cette victoire constitutionnelle, nous avons réussi à atteindre d'autres buts même qu'un seul but. Nous avons réussi à atteindre ce but qui est de permettre de redistribuer certaines sommes pour des fins sociales afin de compléter tout ce point de vue qui permet maintenant d'avoir une meilleure incitation au travail.

M. le Président, le projet de loi sur le régime des allocations familiales ne constitue pas un acte isolé. Au contraire, il se situe exactement dans un des trois paliers que définissait le ministre québécois des Affaires sociales, lors de la conférence fédérale-provinciale des ministres du Bien-Etre de janvier 1971. Le premier palier réfère à un régime général d'allocations sociales. Le deuxième palier vise l'ensemble des assurances sociales, c'est-à-dire les régimes de rentes, les accidents de travail, l'assurance-chômage et la sécurité de la vieillesse. Le troisième palier concerne les allocations familiales. Sans retenir cette phraséologie, mais reprenant la même démarche d'une conception globale de sécurité sociale, le document de travail sur la sécurité sociale au Canada, présenté à la conférence fédérale-provinciale des ministres du Bien-Etre d'avril dernier, propose cinq stratégies: une stratégie de l'emploi, une stratégie de l'assurance sociale, une stratégie du supplément du revenu, une stratégie des services sociaux et connexes à l'emploi, une stratégie fédérale-provinciale. Or, les ministres à cette conférence avaient décidé de s'attaquer, en toute priorité, à la réforme des allocations familiales et à celle du régime de pension du Canada et du régime de rentes du Québec. En mettant en oeuvre la première de ces priorités, le projet de loi du Québec, de même que celui du fédéral sur les allocations familiales, se trouvent par conséquent à réaliser le premier des objectifs que s'était assignés le Québec, dans la perspective d'une politique intégrée de sécurité du revenu.

M. le Président, j'ai parlé de primauté législative. Je pense bien que le chef parlementaire de l'Opposition réalise maintenant lui aussi que cet objectif a été atteint par le projet de loi que nous étudions présentement.

M. MORIN: Absolument pas!

M. LEVESQUE: C'est effectivement une législation québécoise, je le répète, afin d'essayer de lui rentrer ça dans la tête. Qu'il descende un peu des nuages! C'est effectivement une législation québécoise qu'il a devant lui...

M. MORIN: Vous voulez que je m'effondre, moi aussi!

M. LEVESQUE: ... qui détermine le montant des allocations familiales qui sont versées en vertu de la loi fédérale.

Il s'agit là, qu'il l'admette, d'une innovation qui ouvre la porte sur des possibilités considérables pour l'avenir du fédéralisme canadien. Mais, nous vivons à l'intérieur d'un régime fédéral et nous voulons voir ce fédéralisme vivant, sain, bon pour la population du Canada et du Québec en particulier. Et c'est cela que nous sommes en train de faire.

M. le Président, que le Québec ait ainsi la possibilité, que le Québec ait ainsi la possibilité, je le répète, de définir le contenu réel d'une politique fédérale dans un domaine aussi important, me semble extrêmement significatif et représente un gain considérable dans la voie d'un fédéralisme authentique.

Le chemin parcouru pour en arriver là a été long, c'est vrai, malaisé, mais nous l'avons atteint notre but, M. le Président. Je comprends que le chef parlementaire de l'Opposition, tout ce à quoi il pense, c'est à l'indépendance du Québec, être nommé ambassadeur je ne sais pas dans quel pays, avoir un groupe de gens qui s'en vont en mission quelque part et il se voit déjà parti. Notre mandat à nous est de répondre aux besoins des citoyens de chacun des comtés de la province de Québec.

M. le Président, je disais, et je conclus parce que je vois que mon bon ami, le leader parlementaire de l'Opposition officielle a été aussi généreux sur le temps que je ne l'ai été hier à son endroit... Je ne veux pas abuser du temps de cette Chambre, mais comme je le mentionnais, le chemin parcouru et vous le savez, M. le Président. Qu'on se rappelle les journaux, la presse, tous les media, c'était plein de cette histoire pendant trois ans. Vous avez vu tout ce qui s'est fait, tout le travail, toute la négociation. C'est facile pour le chef de l'Opposition d'arriver aujourd'hui et de dire: Ah! on devrait avoir cela dans la constitution. Evidemment, s'il a passé son temps à l'université dans les livres de la constitution, il trouve que cela n'arrive pas à la page 402, comme cela devrait arriver à la page 402. Pendant ce temps-là, ici, il y a eu le ministère des Affaires sociales, le ministre des Affaires sociales, ses collaborateurs, le ministère des Affaires intergouvernementales, le gouvernement dans son ensemble et, du côté d'Ottawa, des milliers de gens qui ont travaillé, comme ici, à essayer d'en arriver à une solution. Nous y sommes arrivés. Vous pouvez bien comprendre que nous soyons

contents, que la population du Québec soit contente; que vous soyez les seuls mécontents. Il y en aura toujours des mécontents, comme on disait.

Ce n'est pas l'idéal sur le plan de la pensée pure. C'est vrai, je l'ai dit. Notre première idée était de pouvoir entrer cela dans un amendement constitutionnel à Victoria. C'est vrai. Il y a bien des choses comme cela. On voudrait avoir tout. Mais ce n'est pas parce qu'on n'a pas tout qu'on boude, qu'on s'en va se cacher et qu'on se lance dans la retraite, dans la fuite et dans l'indépendance stérile. M. le Président, ce que nous avons fait est que nous nous sommes repris et nous avons pris une autre voie mais toujours en tenant compte des principes fondamentaux de l'autonomie du Québec.

Nous avons même réussi, en tenant cette attitude ferme, très lucide, à faire les gains que j'ai mentionnés au cours de mon intervention, non pas seulement sur le plan pécuniaire, non pas seulement sur le plan social, mais également — et cela devrait impressionner le député de Sauvé — sur le plan consitutionnel.

M. le Président, il a fallu que, de part et d'autre, on maintienne un dialogue souvent difficile. Les efforts consentis de part et d'autre, M. le Président, comme je le mentionnais, pour concilier des points de vue apparemment inconciliables au départ, étaient cependant entièrement justifiés. Le résultat devant lequel nous sommes aujourd'hui démontre clairement qu'il est possible de faire évoluer notre régime fédéral et d'assouplir ses modes de fonctionnement, de façon que les Etats membres de la fédération et en particulier le Québec puissent orienter le développement des collectivités dont ils sont responsables dans les voies qui correspondent à leurs aspirations et à leurs besoins.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. ROY: M. le Président, j'ai bien peur qu'il m'arrive la même chose que la dernière fois: les libéraux ont applaudi au début de mon intervention mais ils m'ont coupé à la fin, ils ne m'ont même par permis de terminer.

M. le Président, c'est tout simplement pour dire quelques mots au sujet du projet de loi no 1, Régime des allocations familiales du Québec. Il est évident que ce projet de loi est attendu depuis fort longtemps de la population du Québec. Il est également vrai, M. le Président, que nous avons réclamé, depuis que nous sommes à l'Assemblée nationale du Québec, depuis 1970, que les allocations familiales soient augmentées, au Québec, de façon à permettre aux familles québécoises d'avoir de meilleurs revenus pour être capables de vivre dans des conditions plus normales, compte tenu des possibilités immenses que leur offre la société québécoise, compte tenu des possibilités immenses que nous avons au point de vue des ressources, au point de vue des richesses, et autres.

M. le Président, inutile de vous dire que nous sommes en faveur de cette hausse des allocations familiales du Québec, parce qu'elle est dans l'intérêt de toutes les familles québécoises et que les familles québécoises l'attendent depuis fort longtemps.

M. le Président, ce n'est pas d'aujourd'hui que les créditistes parlent de hausser les allocations familiales. Ils ont été même les premiers à réclamer qu'il y ait des allocations familiales au Québec. Je me souviens, que lorsque j'étais tout jeune, et qu'on entendait les premiers créditistes, au Québec, parler d'allocations familiales — c'est justement l'intervention de l'honorable leader du gouvernement, tout à l'heure, lorsqu'il nous parlait des années 1940 et 1945, qui m'a rappelé un peu ces choses — on traitait ces personnes de communistes, on traitait ces personnes de tous les qualificatifs possibles, on les chassait même sur le perron des églises au Québec parce qu'elles osaient demander au gouvernement que des législations sociales favorisent le développement et la survie de la famille au Québec et que ces allocations familiales soient en quelque sorte un partage de la richesse et non pas une distribution de taxes faite par des "taxeux" qui se querellent à différents paliers de gouvernement.

Ces lois ont été votées, ont été réclamées et aujourd'hui nous nous trouvons devant un nouveau projet de loi qui a pour effet d'ajuster les allocations familiales au coût de la vie. Il n'y a rien de nouveau dans la loi fédérale ou dans la loi provinciale actuelle, comme dans la loi fédérale.

Si on se reporte à la Loi des allocations familiales qui avait été votée en premier et si on tient compte des revenus, des salaires à l'époque et du coût de la vie, on constate aujourd'hui que cette loi des allocations familiales n'est tout simplement qu'un rajustement qui aurait dû être fait depuis fort longtemps, de façon à maintenir un certain équilibre entre le salaire du travail de l'ouvrier, du père de famille et le montant des allocations familiales qu'il peut recevoir pour chacun de ses enfants.

A partir de ce principe, il y en a également un autre que nous avions réclamé avec force, c'est le principe de l'universalité de ce projet de loi des allocations familiales. On a parlé en premier lieu d'une loi des allocations familiales sélective qui aurait fait en sorte qu'on en arriverait encore à scruter les revenus de la famille avant de déterminer quels seraient les montants alloués par les allocations familiales.

Je pense que notre présence et notre influence à ce sujet ont quand même été bénéfiques pour permettre au gouvernement il y a un an ou deux de rejeter ce principe de sélectivité pour opter pour le système d'universalité, sachant fort bien qu'il y aurait de longs débats à

l'Assemblée nationale de la part descréditistes à l'époque.

Ce projet de loi, le gouvernement nous le présente aujourd'hui comme étant son oeuvre, son initiative. Nous ne sommes pas dupes à ce point. Nous savons très bien qu'une loi fédérale a été votée et que le gouvernement du Québec a jusqu'au 1er janvier pour voter sa loi pour permettre que ces allocations familiales soient distribuées dans les familles de façon que le Québec puisse bénéficier des montants qui seront versés par le gouvernement fédéral.

Le gouvernement n'a pas le choix. Et j'ai été même surpris, au cours de la dernière campagne électorale, alors que toutes ces choses étaient décidées depuis un bon bout de temps, que le gouvernement s'en fasse un cheval de bataille, une promesse électorale. On a annoncé ça à grand renfort de publicité en disant: Si vous élisez les libéraux, vous allez avoir des allocations familiales. Mais, si vous avez le malheur de ne pas élire les libéraux, il n'y aura pas d'allocations familiales, alors que ça avait été décidé antérieurement par le gouvernement fédéral et que la loi était en train d'être adoptée par notre gouvernement fédéral.

Ce sont des petits trucs électoraux auxquels les libéraux nous ont habitués, ainsi que la population du Québec. Mais, heureusement, il y a encore des régions au Québec où les gens ne se laissent pas manipuler par la grosse propagande libérale, par les menaces et les promesses de toutes sortes. Je pense que c'est un gage qui nous permet de constater que la démocratie a quand même réussi à survivre un peu au Québec.

C'est pourquoi je tiens à rendre hommage à ces populations des huit comtés qui n'ont pas opté pour l'option du Parti libéral.

M. le Président, il est évident que cette loi, encore, fait partie d'une vaste réforme dans le domaine social, et le gouvernement, comme on vient de l'entendre, de l'honorable leader du gouvernement, ne m'aura pas convaincu sur ce point. Nous sommes d'accord qu'il y a des problèmes sociaux, nous sommes d'accord qu'il faut qu'il se fasse quelque chose au niveau de la sécurité sociale. Mais à l'heure actuelle, le gouvernement provincial qui croit — et c'est là que le gouvernement s'illusionne — avoir eu un mandat clair et net en fonction de son option fédéraliste asservissant et dépossédant que nous connaissons, peut se permettre tous les privilèges, toutes les législations, et donner tous les pouvoirs au gouvernement fédéral.

Je dis ceci, M. le Président, et je l'ai dit à l'occasion du discours inaugural, le vote qui s'est donné, c'est que la population du Québec a manifesté son intention claire et précise de ne pas faire un choix à l'occasion d'une élection générale mais plutôt de discuter de cette question constitutionnelle, question du fédéralisme et du séparatisme en dehors des campagnes électorales. Et en face d'une option, à un moment donné, qui nous permettait de nous interroger sur les conséquences alors que plusieurs se posaient des questions, les gens ont préféré le statu quo pour le moment. Je tiens bien à dire "pour le moment", ne vous illusionnez pas, messieurs de l'autre côté de la Chambre.

M. le Président, lorsqu'on parle de sauver le social, nous assistons à une capitulation et une reddition quasi sans condition devant le gouvernement fédéral. Lorsqu'on regarde les sommes que le gouvernement provincial ajoute à ce programme — et nous avons les détails ici — lorsque nous prenons connaissance de ces faits, nous nous demandons jusqu'à quel point le gouvernement provincial pourrait tenir en vigueur la législation que nous sommes en train d'étudier si le gouvernement fédéral décidait, demain matin, de couper de $100 millions à $150 millions pour d'autres priorités. C'est là le point qui mérite réflexion, qui mérite notre attention.

Nous sommes en train de capituler complètement devant le gouvernement fédéral et ça me fait penser un peu à ce père de famille qui, voulant augmenter, si vous voulez son revenu pour permettre à sa famille de mieux vivre, hypothéquerait sa propriété qui ne serait ni plus ni moins qu'une illusion parce qu'il se retrouverait tôt ou tard dépossédé de sa propriété. C'est un peu le sort qui nous guette, M. le Président, c'est un peu le sort qui nous attend parce que, de ce côté, le gouverment est limité à un rôle strictement législatif et administratif et il est tributaire du gouvernement fédéral, à ce moment-là. C'est ce qui me fait dire, M. le Président, que le gouvernement est en train de devenir de plus en plus, et de façon de plus en plus accélérée, une succursale administrative au Canada.

Un gouvernement qui ne contrôle pas sa fiscalité pour ses besoins directs et un gouvernement qui ne contrôle pas son crédit n'est qu'un gouvernement de façade. Ce n'est pas un vrai gouvernement. On ne me fera jamais admettre ces choses-là.

Ce ne sont, tout simplement, que des décisions purement administratives, avec une certaine façade législative. Cela entretient l'illusion et permet à dire aux Québécois: Mais vous avez un gouvernement à Québec, alors qu'en réalité ce ne sont simplement que des décisions purement administratives que nous prenons. Le gouvernement sera obligé de revenir devant la Chambre avec une autre législation pour tâcher de se rajuster, parce que conditionné par les sommes que le gouvernement fédéral voudra bien lui consacrer.

Or, en face de ces choses, M. le Président, nous sommes inquiets. Nous sommes inquiets et à juste titre. J'écoutais le chef de l'Opposition tout à l'heure. Il avait raison, le chef de l'Opposition. Quoi qu'en pense et quoi qu'en dise le leader du gouvernement, il n'a pas réussi à me convaincre du tout. Je comprends que les Québécois en ont marre des débats constitu-

tionnels sur les questions sociales, sur les questions économiques, mais, M. le Président, il va falloir, quand même, que des gens, un jour, se décident à prendre leurs responsabilités. Je pense que nous avons été mandatés pour prendre nos responsabilités et pour prévoir, parce qu'administrer, c'est prévoir.

Je trouve que le gouvernement a des politiques à courte vue, de ce côté. Le gouvernement s'est laissé influencer, le gouvernement s'est laissé intimider — il en a parlé lui-même à plusieurs occasions — par le grand pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, par la force du gouvernement Trudeau. Le premier ministre nous en a parlé à plusieurs reprises, de ce pouvoir de dépenser. Il y a une chose que je mets en doute dans le gouvernement fédéral actuel, dans son pouvoir de dépenser: c'est son pouvoir de "collecter". Si le gouvernement fédéral a un si grand pouvoir de dépenser, c'est parce que les provinces sont complices et qu'elles se laissent faire de ce côté-là; elles se laissent manipuler. Je pense que la province de Québec en est un exemple frappant et veuillez croire que ce n'est pas de gaieté de coeur que je dois avouer ces choses.

M. le Président, si nous laissons faire les choses et si nous continuons de la façon dont nous agissons à l'heure actuelle, nous allons nous retrouver tantôt dans une fédération — c'est le genre de fédéralisme dont le gouvernement nous parle — avec deux sortes de provinces ou avec deux sortes de statuts. Nous allons avoir des provinces qui auront en quelque sorte un statut d'Etat associé. C'est de plus en plus vrai et je vais donner, à titre d'exemple, l'Ontario, la Colombie-Britannique et 1'Alberta. D'autre part, vous allez avoir des provinces de plus en plus tributaires. Le Québec est une des provinces tributaires, alors qu'il a quand même présidé — je dis bien qu'il a présidé — au début, à toutes ces négociations qui ont fait en sorte que nous avons pu avoir ce qui est encore une réalité, ce qu'on appelle le Canada, notre pays.

Or, M. le Président, le gouvernement nous a dit, au cours de la campagne — et il nous l'a répété tout à l'heure — que les allocations familiales ne seraient pas imposées.

Je pense que le gouvernement devrait être honnête à l'endroit de la population du Québec. Ce gouvernement a été le premier à abolir l'exemption de $300 pour les enfants de 16 ans et moins sur les lois fiscales, la Loi de l'impôt sur le revenu. On sait, M. le Président, qu'au Québec un père de famille qui gagne $125 par semaine et qui a dix enfants à sa charge — il y en a encore — est obligé de payer de l'impôt sur le revenu comme s'il était seul avec son épouse. C'est un fait aujourd'hui dans la province de Québec. Le fédéral taxe les allocations familiales, nous devons l'admettre, mais il y a quand même, en guise de compensation, une exemption de $300 à la base qu'une personne peut calculer lorsqu'elle fait son rapport d'impôt sur le revenu.

Ces choses-là, on devrait les dire, que le Québec n'accorde aucune exemption, aucun droit de dégrèvement d'impôt pour les enfants qui sont à la charge des familles, à la charge de leurs parents, des salariés du Québec. On aurait dû dire ces choses-là.

Avant de terminer, j'aimerais quand même apporter quelques chiffres sur la Loi des allocations familiales pour démontrer quelle est la participation du Québec dans ce nouveau régime des allocations familiales et des allocations de bien-être social, parce que cela a été présenté dans un grand cadre; coût du programme actuel: Ottawa paie environ $150 millions, Québec $95 millions, ce qui fait $245 millions. Le bien-être social: Ottawa, $186 millions; Québec, $186 millions pour un total de $372 millions. Total aux deux gouvernements pour les deux programmes: $617 millions se répartis-sant ainsi: $336 millions par Ottawa et $281 millions pour Québec. Coût estimé du nouveau programme pour l'année 1974: la part du gouvernement fédéral, selon les chiffres que nous avons pu obtenir, est de $501 millions, alors que la part du Québec est de $98 millions. Si on regarde les allocations familiales qui coûtaient $95 millions dans l'ancien régime, elles vont coûter $98 millions dans le nouveau régime. Ce qui fait que Québec contribue directement, pour la hausse des allocations familiales, seulement $3 millions, ce qui prouve notre dépendance aux décisions prises au palier du gouvernement fédéral, au palier supérieur.

Pour ce qui a trait au bien-être social, c'est un partage 50-50. La part du Québec est de $206 millions, et la part d'Ottawa est de $206 millions également, ce qui fait $412 millions. Le coût estimé aux deux paliers de gouvernement pour les deux programmes est de $1,011,000,000 et on se rappelle du gros milliard que le premier ministre a annoncé.

L'apport du gouvernement fédéral est de $703 millions, alors que l'apport du Québec est de $308 millions. Si on fait un calcul, en comparaison à l'ancien programme auquel le Québec participait au coût de $281 millions, le Québec participe maintenant au coût de $308 millions. Ceci veut dire que l'apport du Québec est de $27 millions supplémentaires alors qu'on a laissé croire à la population du Québec que celui-ci avait pris ses responsabilités, qu'il avait des allocations familiales sans augmentation de taxes grâce aux victoires et à la bonne administration du fédéralisme rentable et tout ce que vous voulez. On dit que le Québec est capable de faire davantage et qu'il est en mesure de démontrer que grâce à lui-même les allocations familiales pourraient augmenter alors qu'en réalité les chiffres démontrent des faits complètement contraires.

M. le Président, il ne fait aucun doute que cette loi d'allocations familiales, pour les familles qui vont en bénéficier, est une très bonne chose pour les familles. Mais, lorsque nous avons à nous pencher au niveau de la législation

et au niveau de l'administration, on doit regarder les deux facettes. Les bénéficiaires, mais qui paient pour les allocations familiales? On sait, M. le Président, que tout le conflit fédéral-provincial dont a parlé cet après-midi pendant près de deux heures se limite à une chose, une querelle de "taxeux" et "d'endetteux". Le problème c'est de savoir qui va taxer. C'est le gros problème, qui va taxer? Qui va endetter? Ce sont deux administrations déficitaires, le gouvernement québécois, comme le gouvernement fédéral. On veut un moment donné faire taxer l'autre gouvernement pour tâcher d'administrer en disant: Voici, nous avons des bénéfices à répartir à l'endroit de la population et ces bénéfices nous les avons faits sans augmentation de taxes. Mais les gouvernements se disent ceci — et je cite M. Trudeau: Si c'est nous qui taxons, c'est nous qui allons payer et c'est nous qui allons décider. Le gouvernement libéral actuel se dit tout simplement ceci: Taxez, vous autres, mais donnez-nous l'argent de façon qu'on puisse l'administrer puis faire voir que nous avons, au Québec, un vrai gouvernement.

M. le Président, l'honorable leader du gouvernement, comme je le disais tantôt, n'a pas réussi à me convainvre; il a fait une belle profession de foi à l'endroit du fédéralisme, à l'endroit du fédéralisme asservissant. Il a parlé même, un moment donné, de certaines fonctions qui pourraient être attribuées à d'autres personnes. Je lui dis avec un sourire qu'il ferait un excellent candidat au poste de sénateur pour services rendus au gouvernement fédéral, surtout après avoir entendu un discours comme tout à l'heure.

En terminant, je dirai donc que nous allons voter pour ce projet de loi, mais les explications et les mises au point que j'ai tenu à faire, nous aurons l'occasion d'y revenir lors d'autres débats parce que cette question devra être discutée dans d'autres occasions que celle-ci, où l'on tente encore une fois de garder les familles du Québec en otage pour régler des questions constitutionnelles. Il va falloir qu'on cesse de faire de la petite politique partisane sur cette question. Il va falloir qu'on fasse la lumière une fois pour toutes sur cette question. Il va falloir que ces fameuses conférences constitutionnelles se fassent au grand jour. Il va falloir qu'on permette aux représentants de l'Opposition d'être présents à titre d'observateurs. Je n'en demanderai pas plus. Il va falloir qu'on permette également à la presse, au monde de l'information d'assister à ces conférences de façon que la population du Québec, comme la population du Canada, soit le mieux informée possible et connaisse la vérité.

En ce qui a trait aux ententes fédérales-provinciales, je tiens à dire ceci encore une fois. Les ententes fédérales-provinciales qui sont signées entre le gouvernement du Québec et le gouvernement d'Ottawa devraient être autorisées par une loi votée devant l'Assemblée nationale et discutée devant l'Assemblée nationale du Québec parce que ceci permettrait aux élus du peuple de dire leur mot dans ces prétendues ententes fédérales-provinciales. On pourrait justement mieux représenter nos électeurs de façon à faire de ces débats des questions sérieuses, des questions objectives pour qu'on en vienne à trouver des solutions acceptables pour que les provinces puissent s'autodéterminer elles-mêmes et que le fédéral puisse jouer un rôle de coordonnateur, si vous voulez, tout en respectant le droit des provinces à s'autodéterminer mais que le gouvernement fédéral puisse jouer son rôle, un rôle de conciliateur et de coordonnateur de façon que l'ensemble canadien puisse bénéficier des avantages d'une grande société, une société d'abondance, une société moderne.

LE PRESIDENT: Excusez-moi. Il y a consentement unanime pour que les débats se continuent après 18 heures?

M. BURNS: D'accord.

LE PRESIDENT: La réplique de l'honorable ministre mettra fin au débat de deuxième lecture.

M. Claude Forget

M. FORGET: M. le Président, l'honorable député de Chicoutimi nous a fait part de ses inquiétudes quant à l'impact de la loi que considère l'Assemblée nationale aujourd'hui sur le problème de la pauvreté au Québec.

Me permettrai-je de lui rappeler que, lors de la dernière campagne électorale, son parti a défendu un soi-disant régime de revenu garanti dont les prestations comportaient, pour un individu seul, une garantie de $2,000 et, pour un couple sans enfant, un revenu de $3,500?

Or, en vertu du réaménagement de l'aide sociale qui découle directement du projet de loi que nous considérons aujourd'hui, le gouvernement du Québec, à partir du 1er janvier 1974 assurera à tous les citoyens du Québec un revenu garanti minimum de $2,040 pour les individus seuls et de $3,264 pour des familles de deux personnes, et des montants correspondants plus élevés pour des familles où se trouvent des enfants.

Dans le cas où des familles se retrouvent avec des enfants, la garantie du régime d'aide sociale et d'allocations familiales combinés comporte des montants de $37 ou de $42, selon l'âge des enfants, pour tous les bénéficiaires de l'aide sociale.

Il s'agit là, à mon avis, d'un régime de revenu garanti ou d'une version d'un régime de revenu garanti qui va considérablement loin sur la voie d'une solution, sans doute pas définitive, sans doute pas parfaite, au problème de la pauvreté au Québec.

Il existe deux notions de lutte à la pauvreté et deux notions de pauvreté. D'abord, une notion absolue en vertu de laquelle on définit,

une fois pour toutes, un niveau minimum en dessous duquel aucun individu ou aucune famille ne devrait tomber. Il est bien évident que, grâce au développement économique, à l'accroissement de la productivité et à ses retombées plus ou moins inévitables, quoique imparfaites, sur l'ensemble de la population, un tel niveau absolu est de mieux en mieux réalisé dans toute société. Mais le régime de sécurité de revenu que nous aurons dès le mois prochain va plus loin que cela.

Il comporte une indexation, une révision annuelle des barèmes qui permettra de maintenir les bénéfices assurés, en vertu de ce régime et en vertu du régime d'allocations familiales qui est une de ses composantes importantes, à un degré de progrès dans un rythme d'évolution, quant aux prestations, qui se comparera absolument à l'évolution du coût de la vie.

Si l'on dépasse ces notions de lutte à la pauvreté, on doit s'intéresser, comme l'a fait l'honorable député de Chicoutimi, aux problèmes de redistribution du revenu. Mais je soumets que ce problème de redistribution n'en est pas un que nous pouvons facilement aborder dans le contexte d'une discussion des allocations familiales, puisque ce problème ne peut se résoudre, quant à l'ensemble des citoyens d'un Etat ou d'une province, que grâce à des politiques de revenu et principalement à des politiques fiscales, dont il n'est pas question actuellement.

Cependant, il faut se rendre compte que c'est grâce à la fiscalité, grâce aux impôts que paient tous les citoyens qu'il est possible de réaliser des garanties quant aux revenus pour ceux de nos concitoyens qui sont les plus défavorisés. Et la redistribution a ses limites, elle a des limites physiques, mathématiques et aussi humaines puisque — et c'est un concept qui échappe souvent à l'attention — toute redistribution effectuée grâce au système fiscal, de manière à soulager la pauvreté, frappe de façon prédominante l'ensemble ou l'immense majorité des individus et des familles dont le revenu se situe, non pas à un multiple de six ou sept, ou cinq du revenu minimum ou du seuil de pauvreté, mais à des niveaux beaucoup plus modestes, et il frappe de façon majoritaire dans tous les cas des gens qui sont à un niveau équivalent à deux ou trois fois au maximum le seuil de pauvreté.

Et c'est cette limite humaine, une limite aussi physique, qui empêche que la redistribution et la générosité, à un moment donné, de n'importe quel système de sécurité de revenu ne puissent aller plus loin. Il va cependant considérablement loin, comme je l'ai indiqué, dans le sens même que nos collègues d'en face l'ont recommandé dans leur campagne électorale, puisqu'il dépasse, dans un cas, et il est presque l'équivalent, dans l'autre cas, d'un revenu garanti selon leur proposition même.

Un deuxième point qui mérite d'être souligné, c'est l'incohérence qui peut être décelée dans certaines critiques ou certaines allusions qui sont faites quant aux exemptions fiscales relativement à la présence des enfants. Bien entendu, ces exemptions n'existent pas au Québec, elles ont été supprimées. Mais je m'interroge sur les motifs qui ont poussé à la fois l'honorable député de Chicoutimi et celui de Beauce-Sud de mentionner l'absence de ces exemptions et de les déplorer puisqu'il est bien connu que des exemptions bénéficient davantage aux personnes et aux familles qui ont des revenus supérieurs qu'elles ne bénéficient aux familles de revenus modestes. Dans le contexte où cette absence d'exemption a été mentionnée, c'est-à-dire dans le contexte d'une critique implicite de ce projet de loi, je suis convaincu que l'absence d'exemption fiscale pour les enfants est une mesure qui, jointe aux dispositions de la loi que nous considérons, contribue au contraire à la progressivité du régime fiscal global. Cela contribue davantage à aider de façon prépondérante les familles et les enfants qui vivent dans ces familles de revenus modestes et de revenus moyens par opposition à ceux de revenus supérieurs.

C'est d'ailleurs dans la même optique, c'est pour poursuivre les mêmes objectifs d'une redistribution maximum des sommes qui sont consacrées aux allocations familiales que le projet que nous considérons contient un dispositif qui a fait couler beaucoup d'encre et qui a été l'objet de plusieurs fausses représentations. Je pense ici à la structure progressive, selon le rang des enfants, des allocations familiales proposées. Il faut noter à cet égard que les enfants qui vivent dans des familles pauvres sont majoritairement des enfants qui vivent aussi dans des familles nombreuses. La répartition des sommes totales que les deux niveaux de gouvernement consacrent aux allocations familiales est considérablement influencée à l'avantage des familles défavorisées par une telle graduation des allocations familiales en faveur des familles nombreuses.

C'est ce qui permet de combler l'écart observé entre le seuil de pauvreté et les revenus dont disposent les familles défavorisées de la façon la plus efficace, de la façon la plus complète à même des ressources financières données. On peut même affirmer que plus de la moitié des enfants vivant dans un milieu défavorisé se retrouvent dans des familles qui comptent quatre enfants ou plus. C'est en favorisant ces familles que l'on peut le mieux non seulement résoudre les problèmes des charges familiales pour les parents, mais également éviter les séquelles de la pauvreté sur le développement de ces enfants et sur leur possibilité future de se développer normalement et de sortir de ce cercle vicieux de la pauvreté qui n'a que trop tendance à se perpétuer, à moins que l'on n'intervienne, et cela de façon aussi énergique que nous le faisons dans ce projet de loi, pour précisément briser ce cercle vicieux.

Le député de Beauce-Sud prétend que le

rajustement des allocations familiales, qui est contenu dans le projet de loi, ne fait qu'effectuer un rattrapage pour l'augmentation du coût de la vie. J'attire son attention sur la hausse absolument considérable que représente la différence entre les allocations familiales d'il y a quelques années et certainement celles du début du régime, dans les années quarante, où le premier enfant n'obtenait que $8, et le niveau prévu pour l'enfant du même groupe d'âge en vertu du projet que nous considérons où cette somme sera portée à $37 pour l'enfant de quatrième rang et plus.

Il y a là une augmentation, une multiplication par un facteur plus grand que quatre dans le montant consacré aux allocations familiales et, dans tous ces cas, nous sommes en présence d'une hausse qui fait beaucoup plus que rattraper la hausse du coût de la vie. Bien sûr, la structure du régime est changée, de manière qu'elle favorise davantage les familles nombreuses, non pas, comme on l'a prétendu à tort, pour favoriser la natalité, puisque nous ne nous faisons pas d'illusions sur les possibilités d'influencer par des mesures purement financières des traits et des habitudes de vie qui sont devenus les nôtres ces dernières années et qui ont des racines sans aucun doute beaucoup plus profondes qu'une simple considération financière.

Mais il importe de faire cette restructuration des allocations familiales à la fois pour résoudre le problème des charges familiales et pour résoudre de la façon la plus complète possible, à même les ressources dont nous disposons, le problème de la pauvreté et particulièrement, encore une fois, le problème de la pauvreté des enfants ou du milieu familial dans lequel le plus grand nombre d'enfants se retrouvent.

Lorsque le député de Beauce-Sud regrette l'absence ou la disparition de la notion de sélectivité...

M. ROY: Je m'excuse, M. le Président, je voudrais rectifier immédiatement le ministre. Je n'ai pas dit que je regrettais l'absence de sélectivité, j'ai dit que j'étais heureux de voir que le gouvernement avait rejeté la notion de sélectivité pour accepter la notion d'universalité. C'est complètement différent.

UNE VOIX: Ce n'était pas clair.

M. ROY: Le premier ministre n'a pas compris. Me permettez-vous, M. le Président, de le lui répéter? J'ai dit que j'étais heureux de voir que la notion de sélectivité avait été rejetée et qu'on avait adopté...

DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre! M. ROY: ... la notion d'universalité.

M. BOURASSA: II n'a rien compris, comme d'habitude.

M. ROY: Je sais que vous ne comprenez rien.

M. FORGET: M. le Président, je suis heureux que l'honorable député de Beauce-Sud ait une raison de plus...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, à l'ordre!

M. FORGET: ... pour approuver le projet. Pour ce qui est des sympathies exprimées de façon tout à fait superflue par l'honorable chef de l'Opposition officielle à mon égard quant à la succession que j'ai assumée, j'aimerais lui dire que cette sympaghie n'est pas du tout requise. Je ne suis certainement pas dans la position de celui qui, recevant une succession, ne le fait que sous bénéfice d'inventaire, désespérant de trouver dans cette succession un actif supérieur au passif.

J'accepte volontiers de vivre avec les conséquences de cette succession car, particulièrement aujourd'hui, alors que l'on en considère un volet particulièrement important, comme on le sait, je n'ai pas du tout le sentiment de vivre avec un passif mais, au contraire, avec un actif très important. J'ai beaucoup apprécié, comme tous mes collègues sans doute, le tour d'horizon et le rappel historique auxquels s'est livré le chef de l'Opposition.

Cependant, je crois qu'un gouvernement qui, pour satisfaire à des coquetteries de constitu-tionnalistes, aurait tenu les familles québécoises défavorisées en otage, en quelque sorte, jusqu'à la solution de tous ces conflits porterait une très lourde responsabilité vis-à-vis de ces familles et vis-à-vis de ces enfants qui vivent dans un milieu défavorisé et qui n'ont peut-être pas la patience, contrairement au chef de l'Opposition, d'attendre la solution éventuelle à toutes ces difficultés.

Il a également affirmé que, dans le passé, ce champ de juridiction avait été, en quelque sorte, assombri par l'utilisation du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral. Il a même suggéré, je crois, que l'utilisation du pouvoir de dépenser créait, en quelque sorte, une modification à la constitution ou, du moins, qualifiait la situation constitutionnelle dans un sens différent de ce que les textes eux-mêmes font.

Je trouve étrange que si l'on fait une telle hypothèse, on refuse de reconnaître l'effet que peut avoir sur la situation constitutionnelle le précédent que crée un arrangement législatif de cette nature, puisque ce droit qu'a acquis le Québec de modifier, d'infléchir, de déterminer les sommes que versera le gouvernement fédéral aux citoyens du Québec, ce n'est pas un droit, ce n'est pas un acquis qui sera facilement retiré ou perdu. Très certainement, autant que le pouvoir de dépenser, cet arrangement législatif, qui se retrouve dans des textes de deux Assemblée législatives, de l'Assemblée législative du Québec et du Parlement canadien, a au moins

autant de poids pour qualifier ou modifier, dans les faits, la situation constitutionnelle que l'exercice d'un pouvoir de dépenser.

M. BURNS: Vous l'avez comprise en retard, celle-là.

M. BOURASSA: Une coquetterie de consti-tutionnalistes! On va la retenir, celle-là.

M. ROY: Un autre candidat au poste de sénateur.

M. CLOUTIER: Elle va resservir aussi.

M. BURNS: Une autre formule dans le vague.

M. CHARRON: Avez-vous entendu Jos Formule?

M. FORGET: A la suite des commentaires faits par l'honorable collègue d'en face, voilà à peu près les quelques remarques qui me semblent devoir être faites. Je pense qu'il faut insister à nouveau sur le caractère novateur de cette loi, sur le plan des possibilités qu'elle ouvre non seulement dans ce domaine mais dans le domaine plus vaste de la sécurité du revenu, dont tous les contours sont loin d'être suffisamment bien définis à l'heure actuelle pour pouvoir faire l'objet d'un développement comparable.

Pour ce qui est de l'impact sur les familles, sur la pauvreté, de la mesure envisagée, il s'agit sans aucun doute d'une mesure qui fait franchir au Québec un pas en avant très considérable. Nous nous retrouvons dans une situation non pas tout à fait satisfaisante mais immensément plus satisfaisante que celle où nous sommes dans le moment et que celle qui a prévalu jusqu'ici.

Nous nous trouvons dans la situation de pouvoir garantir à tous les citoyens du Québec un niveau de revenu qui s'approche de très près et qui atteint même, dans certaines circonstances, les seuils de pauvreté qui ont été définis, par un grand nombre d'organismes indépendants de toutes sortes, par des commissions d'enquête, des commissions parlementaires, comme devant constituer l'objectif de toute politique de sécurité du revenu moderne. Nous y atteignons à partir d'une situation où nous en sommes encore maintenant hélas! fort éloignés. Pour cette raison, je crois que ce projet de loi devrait avoir l'assentiment de cette Assemblée.

M. BOURASSA: Ceux qui sont contre?

LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté, M. le Président, à l'unanimité.

M. ROY: A l'unanimité. M. LEVESQUE: Merci. DES VOIX: Vote enregistré? UNE VOIX: Non.

M. ROY: Ne me dites pas que ce sont les libéraux qui vont faire de l'obstruction systématique.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE : Après consultations, puis-je suggérer que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire des affaires sociales et que la procédure qui sera suivie, surtout pour le rapport, soit celle d'une commission pléniè-re?

M. BURNS: D'accord, M. le Président. M. ROY: D'accord, M. le Président. M. LEVESQUE: Merci.

LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs! Cette motion du leader parlementaire du gouvernement est-elle adoptée?

M. BOURASSA: Ils se sont rangés. UNE VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT: Si je comprends bien, ce sera la même procédure que si le projet de loi avait été étudié par la commission plénière.

M. BURNS: C'est cela. C'est-à-dire que nous n'exigerons pas, M. le Président, les formalités de rapport, etc.

LE PRESIDENT: Le délai pour le... Et cela devient un ordre de la Chambre.

M. BURNS: Exact.

M. ROY : M. le Président, avant que l'honorable leader présente une autre motion, je tiens quand même à le remercier de m'avoir consulté.

M. LEVESQUE: M. le Président, il me fait toujours plaisir de consulter le plus de collègues possible, mais, officiellement, j'ai dû consulter l'Opposition officielle.

M. ROY: Et un autre parti reconnu. UNE VOIX: Attendez la fin de semaine.

M. LEVESQUE: M. le Président, maintenant que cette motion a été adoptée, puis-je

suggérer que la commission siège ce soir, à 20 h 30, au salon rouge?

LE PRESIDENT: A 20 h 30.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à mardi, quinze heures.

LE PRESIDENT: Cette motion d'ajournement est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à mardi prochain, quinze heures.

(Fin de la séance à 18 h 29)

ANNEXE

Présidents des commissions élues permanentes:

MM. Aimé Brisson MM. Paul Lafrance

Fernand Cornellier Fernand Picard

Michel Gratton Roger Pilote

Fernand Houde Arthur Séguin George Kennedy

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