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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 24 mai 1983 - Vol. 27 N° 24

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures douze minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît: Nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez vous asseoir.

Il n'y a pas de déclaration ministérielle.

Dépôt de documents.

Premières décisions du Bureau de l'Assemblée nationale

L'article 109 de la Loi sur l'Assemblée nationale fait obligation au président de déposer les règles et règlements adoptés par le Bureau de l'Assemblée dans les quinze jours de leur adoption. On me permettra d'être cinq jours en retard mais, néanmoins, de déposer les premières décisions prises par le Bureau de l'Assemblée nationale.

Avis de la Commission de la fonction publique transmis au Conseil du trésor

Je désire également déposer, conformément aux dispositions de l'article 30 de la Loi sur la fonction publique, copie de l'avis que la Commission de la fonction publique a transmis au Conseil du trésor sur trois règlements.

Dépôt de rapports de commissions élues; il n'y en a pas, non plus que de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement, M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article a) du feuilleton.

Projet de loi no 14 Première lecture

Le Président: Le ministre du Revenu propose la première lecture du projet de loi no 14, Loi modifiant certaines dispositions législatives d'ordre fiscal.

M. le ministre du Revenu.

M. Alain Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, ce projet de loi a principalement pour objet de modifier diverses lois fiscales en vue d'en assurer une meilleure administration. Il vise, notamment, à rendre plus concurrentielle la position des fabricants et des commerçants québécois sur les marchés extérieurs, à accentuer l'humanisation des relations entre le ministère du Revenu et les contribuables et à protéger l'environnement des citoyens en favorisant la récupération et le recyclage des contenants d'aluminium.

D'abord, ce projet de loi modifie la Loi concernant l'impôt sur la vente en détail en précisant les cas où l'achat ou la fabrication au Québec de biens qui sont emportés, expédiés ou livrés hors du Québec pour y être utilisés ou consommés donne droit à une exemption complète, soit un remboursement total ou partiel de la taxe prévue par la loi. Il précise en outre que l'exemption de taxe accordée par la loi à l'égard de l'achat d'un aéronef utilisé aux fins prévues par la loi s'applique lorsque cette utilisation commence dans les douze mois, non pas de la vente, mais de la livraison de cet aéronef.

Ce projet de loi modifie, deuxièmement, la Loi sur les impôts. Il supprime les intérêts additionnels exigibles du contribuable qui acquitte dans un délai de trente jours un montant dû à la suite d'un avis de cotisation.

Enfin, ce projet de loi propose d'accorder aux brasseurs de bière ainsi qu'aux distributeurs de boissons gazeuses une exemption des droits de 0,02 $ prévus par la Loi sur les licences à l'égard des contenants à remplissage unique de 454 millilitres ou moins, lorsque les contenants utilisés sont recyclables.

Le Président: La première lecture de ce projet de loi est-elle adoptée?

Des voix: Adopté. Le Président: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Visite de MM. Michel Le Moignan et Bertrand Goulet

J'ai le grand plaisir de signaler la présence dans nos galeries, avec quelque peu de retard, je m'en excuse, de deux de nos anciens collègues, l'ancien député de Gaspé et chef intérimaire de l'Union Nationale, M. Le Moignan, et l'ancien député de Bellechasse, M. Goulet.

Il n'y a pas de présentation de projet de loi au nom des députés.

Nous passons donc à la période des questions des députés.

M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

La gestion de la Caisse de dépôt et placement

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Depuis 1965, la Caisse de dépôt et placement du Québec s'est toujours conformée à des objectifs multiples qu'elle a toujours réitérés, soit celui dans ses activités de voir à la rentabilité des placements, à leur sécurité, tout en mettant à la disposition du développement économique du Québec les sommes considérables que les déposants lui confient.

C'est d'ailleurs ce que le président-directeur général de la Caisse de dépôt répétait le 7 avril dernier, à l'Université Laval; c'est d'ailleurs là aussi ce qu'il répète dans son dernier rapport annuel où il soutient que c'est toujours de façon à atteindre sécurité et rendement tout en mettant des sommes orientées vers le soutien économique du Québec que la caisse est gérée.

Le premier ministre, quant à lui, semble avoir, et c'est là l'objet de ma question, une vue différente des choses. On pouvait voir en fin de semaine que le premier ministre croyait que les critères qui doivent prévaloir quant à la gestion de la Caisse de dépôt sont: prudence dans l'administration, rendement assuré, mais, et je le cite: "même si des fois les investissements ne sont pas maximisés, so what! pourvu qu'ils soient sécuritaires et servent d'instrument économique."

Est-ce que le premier ministre voudrait nous dire si ce sont là de nouvelles directives dont la Caisse de dépôt devra tenir compte? Est-ce que le rendement, même s'il n'est pas maximisé, devient "so what" et non important pour les déposants?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, il est évident que la Caisse de dépôt, au moment même où elle a été fondée, avait une double vocation. Je pourrais citer les termes mêmes du discours de deuxième lecture, je crois, de M. Lesage au moment où la caisse était fondée - l'ancien premier ministre Lesage - et je pense que vous trouverez dans la même phrase ou en tout cas dans le même paragraphe, deux choses, c'est-à-dire l'administration prudente, l'administration la meilleure possible, sécuritaire, évidemment, des fonds de retraite, pour des raisons évidentes et, aussi, deuxièmement, la vocation d'aider, de servir d'instrument de développement pour le

Québec.

Il est évident qu'entre les deux il n'y a pas toujours une absolue convergence. C'est pour cela d'ailleurs qu'il y a des limites à ce que peut détenir, comme la participation en actions à la Caisse de dépôt. Il est évident aussi qu'à l'occasion, à condition que le côté sécuritaire, que le meilleur rendement possible de l'ensemble soit préservé, à certains moments, il y a des participations qui impliquent forcément certains risques -c'est d'ailleurs pour cela que c'est limité, que c'est plafonné - ce n'est pas nécessairement dès le départ que le rendement maximum est impliqué, mais plutôt des perspectives et aussi une participation au développement. Je ne vois rien là de mystérieux et je ne vois rien là non plus d'illégitime. C'était là depuis le début, cela a été fait avec plus ou moins de vigueur, selon les périodes, mais c'était là depuis le début.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ai-je bien compris quand le premier ministre dit ne pas retenir comme critère qu'on doive rechercher le rendement maximum tout en favorisant le développement économique du Québec? Est-ce mutuellement exclusif?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Non, je dis simplement que ce n'est pas nécessairement toujours au même moment la même préoccupation de base qui doit prédominer. La Caisse s'administre librement, je pense que tout le monde le sait. À partir de là, il y a des éléments de risque dans des participations, ces éléments de risque doivent être pesés par les administrateurs de la Caisse et l'ensemble des activités de la Caisse doit, de façon absolue, un peu comme ce qu'on appelle en bon père de famille, donner le rendement requis aux sommes d'argent qui sont placées en fonction de la protection des pensionnés éventuels.

M. Levesque (Bonaventure): Question additionnelle.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en complémentaire.

M. Levesque (Bonaventure): Le premier ministre se rend-il compte que lorsqu'il parle des épargnes qui sont confiées à la Caisse de dépôt, il s'agit là de sommes qui sont enlevées chaque semaine du chèque de paie des travailleurs du Québec et que, pendant des semaines, des mois et des années, ces travailleurs voient leur chèque de paie réduit afin que ces épargnes soient déposées à la

Caisse de dépôt? Le premier ministre ne croit-il pas que le critère ou l'objectif numéro un est de voir à la sécurité des deniers des travailleurs du Québec et à leur rendement maximal? (14 h 20)

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Cela me fait penser à certains travaux de commission: Est-ce qu'on se rend compte..? Bien oui, on se rend comptel Des vérités de La Palice, même si on les répète quatre fois, on s'en rend compte.

M. Levesque (Bonaventure): So what?

M. Lévesque (Taillon): Cela me fait penser aussi à certaines réactions de l'Opposition. Un mot devient un symbole d'à peu près tous les péchés du monde; franchement! Oui, on se rend compte que ce doit être sécuritaire, je l'ai dit trois fois, sinon quatre, au député de Vaudreuil-Soulanges. L'absolue sécurité. Est-ce que le rendement maximal, immédiatement, peut toujours correspondre au moment où il y a certains investissements qui comportent certains éléments de risque? La réponse est évidemment: pas immédiatement, pas toujours. L'ensemble, oui.

Il y a une chose que je rappellerais au député de Bonaventure: les citoyens du Québec, en particulier les travailleurs et les travailleuses qui voient ponctionner comme cela leur chèque de paie, ne peuvent pas être contre l'idée que la Caisse de dépôt, au point de vue de sa participation au développement, de la création d'emplois, d'ouvrir des perspectives d'avenir, se serve d'une partie de cet argent, sécuritairement, pour assurer un meilleur élan à l'économie du Québec.

M. Lévesque (Bonaventure): M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le premier ministre est en train de me dire que les travailleurs du Québec doivent voir leurs épargnes placées à des taux inférieurs, et même que ces épargnes-là doivent être et peuvent être utilisées par le gouvernement via la Caisse de dépôt pour faire des . nationalisations déguisées par la porte d'en arrière?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, tout ce que je répondrai à cela - allusion très évidente à Domtar, je pense - c'est ceci. Quand des compagnies qui exploitent les richesses naturelles du Québec font, à travers plusieurs générations même, pas mal d'argent et pas mal de profits et qu'à un moment donné on a l'impression qu'elles sont en train de déménager les meubles ailleurs après avoir siphonné leur argent au Québec, je trouve, tout librement qu'elle ait agi, que la Caisse de dépôt a sacrement bien agi dans certains cas.

Le Président: Question principale, M. le député de Portneuf.

Le règlement de placement dans l'industrie de la construction

M. Pagé: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre du Travail. Je voudrais lui demander comment le ministre du Travail, qui, par surcroît, est député de Sherbrooke, peut accepter qu'un travailleur de la construction qui a toutes ses cartes du ministère du Travail et de l'OCQ, qui demeure à Sherbrooke, ne puisse se rendre travailler à Bromont alors qu'un travailleur de Joliette peut se rendre travailler sur les chantiers de Bromont.

Le Président: M. le ministre du Travail.

Des voix: Vive la... So what!

Des voix: So what!

Le Président: À l'ordre!

M. Fréchette: C'est un cas de comté.

Une voix: Effectivement...

M. Fréchette: M. le Président, c'est encore à partir d'un cas particulier que le député de Portneuf...

Une voix: II est poigné dans ses culottes.

Le Président: M. le député!

M. Fréchette: ...ouvre un dossier qui, assez curieusement, m'avait été soumis dans mon bureau de comté il y a à peine une dizaine de jours...

Une voix: Vous ne vous en êtes pas occupé.

M. Fréchette: ...par des gens qui étaient préoccupés effectivement...

Une voix: Vous n'avez pas réglé.

M. Fréchette: ...par cette situation que soulève le député de Portneuf. Il s'agit d'une

situation qui remonte, mon Dieu, à quelque cinq ans, sinon plus, alors qu'une décision avait été prise de procéder à établir des sous-régions par rapport à des régions principales quant à l'application géographique du règlement de placement.

Effectivement, pour la région de l'Estrie, à ce moment - je ne me rappelle pas précisément de l'époque, mais c'est assez simple de la retrouver - une décision administrative avait été prise de détacher de la région de l'Estrie la région de Bromont et de Granby pour la rattacher à la région principale de Montréal et en faire une sous-région de la région de Montréal. Je réitère simplement au député de Portneuf que déjà le problème m'a été soumis, que j'ai demandé qu'on revoie et réexamine l'ensemble de cette situation pour voir quels correctifs pourraient y être apportés parce que je suis assez porté à penser que les gens qui m'ont fait ces représentations, à bien des égards, ont raison de les avoir faites et ont enclenché la nécessité de revoir la décision qui avait été prise à ce moment.

M. Pagé: M. le Président...

Le Président: En complémentaire, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: ...ma question s'adresse toujours au ministre du Travail. Plusieurs collègues de l'Assemblée nationale, dont les porte-parole de l'Opposition, ont investi beaucoup de capital humain, depuis quelques années, pour sensibiliser le gouvernement à l'obligation que le gouvernement avait, a et aura toujours de modifier substantiellement le règlement de placement dans l'industrie de la construction et ce, à l'égard des injustices créées pour ceux qui se sont qualifiés...

Le Président: M. le député, la question.

M. Pagé: ...mais qui n'ont pas le sacro-saint certificat de l'OCQ. Comme je vous le disais aujourd'hui, c'est un règlement de placement injuste envers les différentes régions du Québec. Est-ce que je dois comprendre de la réponse que le ministre du Travail vient de nous donner qu'enfin le gouvernement a compris qu'il doit revoir dans les plus brefs délais l'application complète du règlement de placement dans l'industrie de la construction? Par quel mécanisme le ministre du Travail se propose-t-il de nous faire participer à l'élaboration des nouvelles normes applicables?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: M. le Président, comme l'a soulevé lui-même le député de Portneuf, il y a beaucoup de capital humain qui a été dépensé depuis un bon moment, depuis que le règlement de placement est là, pour en rediscuter aussi souvent que l'occasion se présente. J'ai eu l'occasion de dire à plusieurs reprises maintenant, autant en réponse à des questions qui m'étaient soumises ici qu'à l'extérieur de la Chambre, que si l'objectif de ce à quoi on se référait était d'annuler purement et simplement ou de faire disparaître le règlement de placement tel qu'on le connaît actuellement, dans sa philosophie de base, je n'étais d'aucune espèce de façon disposé à arriver à répondre à cet espoir - si c'est cela, effectivement, qu'on souhaite - pour deux motifs bien précis, M. le Président, d'abord, je suis loin de penser et je suis loin d'être convaincu du fait que, peu importe la nature des changements ou des amendements que l'on pourrait apporter à l'actuel règlement de placement, cela nous amènerait automatiquement, demain matin, du travail de plus dans la construction. Cela ne créerait pas, en d'autres mots, de nouveaux emplois si seulement le règlement de placement était modifié. Par ailleurs - et à deux reprises - le chef de l'Opposition est revenu avec une question d'une autre nature, cependant; il m'a demandé si j'étais disposé à considérer les critères en vertu desquels des travailleurs de la construction peuvent voir leur permis renouvelé au 1er mars de chaque année. À cet égard, j'ai répondu au chef de l'Opposition qu'effectivement, j'étais disposé à le faire. Au moment où on se parle, je suis en mesure aussi d'informer la Chambre que le processus est amorcé et que, lorsque arrivera le temps, au 1er mars 1984, de procéder au renouvellement des permis de plusieurs travailleurs, il sera effectivement tenu compte du fait qu'à cause de cette conjoncture économique dans laquelle nous avons vécu depuis près de deux ans maintenant - et qui a l'air de vouloir s'estomper - plusieurs travailleurs n'ont pu accumuler les heures nécessaires; il y aura cette espèce de pondération qui sera faite région par région et dont on tiendra compte, encore une fois, pour le renouvellement du permis au 1er mars 1984.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Très brièvement, devons-nous comprendre de la réponse du ministre du Travail que s'il s'est décidé à bouger, c'est parce que sa région était enfin affectée?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: M. le Président, c'est longtemps avant que surgisse le premier problème auquel le député de Portneuf a fait allusion que j'avais été sensibilisé à cette question. Cela vous ennuie peut-être que ce soit le chef de l'Opposition qui ait soulevé la

question, mais c'est à partir du moment où le chef de l'Opposition a soulevé la question...

Des voix: Ah!

M. Fréchette: ...avec d'autres représentations qui ont été faites que la décision a été prise.

Des voix: Bravo!

M. Fréchette: Je dis qu'il a soulevé la question ici en Chambre. Il l'a fait longtemps avant le député de Portneuf; donc, bien avant que la question soit soulevée par le chef de l'Opposition, déjà le processus dont il a lui-même parlé était engagé. C'est d'ailleurs l'évêque de Hull qui a été le premier à sensibiliser les gens de la Chambre ici. (14 h 30)

M. Lalonde: C'est Levesque de Bonaventure.

M. Fréchette: ...de Bonaventure.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, j'ai une question additionnelle à poser au ministre. Vu qu'il semble bien volontiers s'inspirer de certaines de mes suggestions, je lui en ferai une autre sous forme de question additionnelle. Est-ce que le ministre pourrait prendre note qu'il y a un nombre assez imposant de travailleurs de l'est du Québec qui se sont associés récemment et plusieurs sont venus me voir, encore juste avant mon départ du comté avant-hier, me demandant d'insister auprès du ministre du Travail pour faire modifier le règlement de placement dans l'industrie de la construction, particulièrement en ce qui touche le zonage. C'est une question, j'essaierai de la faire sous forme de question. Le ministre est-il conscient que plusieurs de ces personnes, de ces travailleurs ont en main un contrat d'engagement ou une demande d'aller prêter leurs services et qu'ils ne peuvent pas le faire parce qu'ils sont refoulés dans l'est du Québec, à l'est de Cacouna? Ils ne peuvent pas en sortir, justement à cause de ce règlement de placement dans l'industrie de la construction. Ils me prient de venir en Chambre demander au ministre de les libérer et de leur accorder une mobilité dans leur propre province.

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: M. le Président, le chef de l'Opposition me demande de prendre note du dossier qu'il me soumet actuellement; ce à quoi évidemment, je n'ai aucune espèce d'objection. Finalement, le problème très précis qu'il soulève rejoint, mais pour une autre région, celui que le député de Portneuf vient précisément de soulever en question principale. Je prends note et acte des deux questions soumises par mes deux collègues de l'Opposition.

Le Président: Question principale, M. le député de Hull.

Le projet Archipel

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre délégué à l'Aménagement et au Développement régional. Cela concerne le projet Archipel. Est-ce que le premier ministre est là? Je ne le vois pas.

Une voix: II s'en vient.

M. Rocheleau: Le premier ministre, M. René Lévesque, avait déclaré, en décembre dernier, en cette Chambre: "On est censé avoir un rapport sur l'état complet des études des travaux entrepris d'ici quelques jours." Je me réfère au journal des Débats du 15 décembre 1982. Pour sa part, le ministre délégué à l'Aménagement et au Développement régional avait ajouté: "Dès la semaine prochaine possiblement que mes collègues du Conseil des ministres pourront examiner les recommandations que je vais leur faire". Ces recommandations étant censées avoir été examinées par le Conseil des ministres depuis un bon moment, imaginant qu'à part de traiter de l'indépendance au Conseil des ministres on traite sûrement d'autres problèmes, le ministre peut-il nous dire quand ces recommandations seront rendues publiques en ce qui concerne le projet Archipel?

Le Président: M. le ministre délégué à l'Aménagenent et au Développement régional.

M. Rocheleau: Recommandations, M. le ministre, que vous deviez déposer dans les jours qui suivaient le 15 décembre.

Le Président: S'il vous plaît, M. le député!

M. le ministre.

M. Gendron: Effectivement, j'aurai l'occasion, lors de l'étude des crédits parlementaires, de faire le point sur le dossier Archipel. Pour le bénéfice des membres de cette Chambre je peux dire que c'est cette semaine - je crois, je n'ai pas l'heure précise - que le comité ministériel Archipel sera convié à une rencontre pour apprécier l'évolution de l'ensemble du dossier suite à une première analyse qui nous est

parvenue d'Hydro-Québec concernant le problème du comportement des glaces. On avait indiqué au Conseil des ministres qu'Hydro-Québec requérait une période d'hiver pour faire l'analyse du comportement des glaces avec la nouvelle technique d'instauration de turbine à bulbe au fil de l'eau. Il fallait attendre que l'hiver se passe pour avoir une première appréciation de la part d'Hydro-Québec sur cet aspect. Quant au reste, toute la question de l'aménagement des rives, la question de la régulation des eaux ou la qualité de l'eau, toutes les études et les travaux qui étaient en cours continuent de se poursuivre pour arriver à une recommandation à l'automne 1983, comme je l'avais mentionné également à M. le député de Hull. Le Conseil des ministres avait décidé qu'à l'automne 1983 on devrait avoir un rapport d'appréciation globale y incluant l'aspect le plus problématique à ce moment qui était le comportement des glaces pour des turbines au fil de l'eau.

Je n'ai pas mon agenda, mais à ma connaissance c'est au tout début de la semaine prochaine qu'il siège. À la suite des échanges que j'aurai avec les collègues ministériels du comité ministériel nous ferons une recommandation au Conseil des ministres.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Hull.

M. Rocheleau: Merci, M. le Président.

Je comprends que le ministre nous informe qu'une décision va se prendre à l'automne 1983. Je me rends compte que lorsque le premier ministre nous avait informés, le 15 décembre dernier, on s'attendait à l'hiver, j'imagine, le 15 décembre.

Le Président: M. le député.

M. Rocheleau: Dans les engagements financiers il y a des contrats qui semblent apparaître ici. Aux engagements financiers du mois de mars 1983, par exemple, pour effectuer conjointement avec Hydro-Québec...

Le Président: La question, M. le député.

M. Rocheleau: ...des études biologiques hivernales. J'ai l'impression que cela se fera l'hiver prochain.

Le Président: M. le député.

M. Rocheleau: Est-ce que le ministre pourrait m'informer...

Le Président: Je m'excuse de vous interrompre. Vous connaissez bien la règle qui prévaut quant aux questions complémentaires. Je vous invite à poser la question.

M. Rocheleau: Merci, M. le Président.

Est-ce que le ministre peut m'informer si ce sont des études qui vont se faire seulement l'hiver prochain alors que vous allez avoir un rapport à l'automne 1983?

Le Président: M. le ministre délégué à l'Aménagenent et au Développement régional.

M. Gendron: M. le Président, je voudrais donner deux précisions d'abord. Quand M. le premier ministre a mentionné que le Conseil des ministres serait saisi d'un rapport, rappelez-vous que l'échéancier qui avait été prévu pour l'ensemble du dossier Archipel nous conduisait en 1984. La décision du Conseil des ministres c'est de tout mettre en oeuvre pour qu'à l'automne 1983 nous puissions exiger effectivement d'Hydro-Québec d'avoir une première appréciation de l'étude qu'elle a menée cet hiver concernant le comportement des glaces.

Quant à l'aspect précis que vous touchez, les études biologiques qu'Hydro-Québec voulait faire nous serviront, bien sûr, à prendre la décision dans le dossier Archipel, mais elles étaient requises de toute façon. Nous n'aurions possiblement pas fait l'analyse qu'on est en train de faire pour l'ensemble des eaux de l'île de Montréal et Hydro-Québec aurait possiblement fait la même demande, soit d'avoir des études biologiques plus poussées de l'ensemble du milieu aquatique pour d'éventuelles interventions dans le bassin hydrologique de l'île de Montréal. Il ne faut pas relier la dernière demande spécifiquement à ce qui nous est requis pour prendre une décision, à l'automne 1983, sur la faisabilité ou non du projet.

Le Président: En complémentaire, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. Le gouvernement a-t-il consulté le chef Cross ou d'autres représentants du peuple mohawk qui habitent à Caughnawaga et qui seront drôlement affectés par le projet Archipel? Si oui, quel est leur position concernant le projet Archipel?

Le Président: M. le ministre délégué à l'Aménagement et au Développement régional.

M. Gendron: Dans toutes nos démarches, dans toutes les phases de consultation avec qui que ce soit, on a toujours sensibilisé par écrit, formellement, les gens de la réserve Kahnawake ou le chef lui-même. La réponse a toujours été à peu près la même: Nous sommes opposés

totalement à toute intervention de quelque nature que ce soit qui s'approcherait de notre réserve.

Dernièrement, on a expliqué qu'en retenant des variantes qui ont été modifiées... Ces gens nous avaient dit qu'ils en étaient encore aux premières variantes retenues par Hydro-Québec et, effectivement, à la face même de ces variantes, les inconvénients - appelons cela ainsi - étaient considérables en termes de perspectives aux gens de la réserve Kahnawake. Ce n'est plus le cas avec les variantes sur lesquelles nous travaillons qui ont été très sensiblement réduites; les impacts sont beaucoup plus réduits.

Nous allons continuer, quant à nous, de les sensibiliser, de les informer de l'évolution de ce dossier, mais on ne peut pas les forcer à venir participer à des niveaux d'échanges qu'on a toujours souhaité avoir avec eux. Ils ont fait le choix, pour le moment, de s'opposer formellement à toute intervention dans les eaux du fleuve Saint-Laurent.

Le Président: Dernière question complémentaire, M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre peut nous dire combien de millions de dollars ont été investis, au total, dans ce projet? Cela comprend tous les ministères concernés tels celui de l'Environnement, du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, le Conseil exécutif, les organismes publics et parapublics du Québec, à partir du début jusqu'à maintenant. Combien de millions - je ne parle pas de dizaines de mille, mais de millions - à ce jour, ont été investis? (14 h 40)

Le Président: M. le ministre délégué à l'Aménagement et au Développement régional.

M. Gendron: Encore là, on aura l'occasion de faire le tour de tout cela lors de l'étude des crédits parlementaires mais, puisque la question est posée à ce moment-ci, le chiffre global qui a été dépensé, toujours dans la perspective d'un projet qui pourrait rapporter des milliards, un projet qui pourrait avoir un impact considérable dans l'économie montréalaise pendant une quinzaine d'années et redonner ce qu'on n'a jamais pu donner, une plus-value aux eaux de l'île de Montréal... C'est important de s'occuper de ces questions, Montréal est entourée d'eau, mais je pense qu'il n'y a jamais eu d'intervention pour bonifier davantage l'utilisation des eaux, l'utilisation des berges, augmenter la qualité de l'eau et régler tous les problèmes d'inondations que ces gens ont encore eus dernièrement dans le comté de Mille-Îles. Le chiffre, c'est à peu près 18 000 000 $.

Le Président: Question principale, M. le député de Châteauguay.

Embouteillage causé par des travaux sur le pont Mercier

M. Dussault: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports. Elle concerne le problème du pont Mercier, qui a une incidence régionale certaine puisqu'il s'agit de cinq comtés dans le sud-ouest de Montréal. Je faisais parvenir ce matin un télégramme au ministre des Transports qui disait entre autres: "Le pont Mercier a connu ce matin son pire embouteillage en direction de Montréal, entraînant une période d'attente de plus de trois heures causée par des travaux de voirie du côté de LaSalle et ce, en pleine heure de pointe." J'ajoutais: "Cette situation est intolérable, car elle est désastreuse pour des milliers de travailleurs et l'économie générale de la rive sud-ouest de Montréal." Le télégramme évoquait en plus la possibilité de retarder les travaux à juillet au moment où il y a moins de circulation puisque beaucoup de travailleurs sont en congé pour une couple de semaines.

Dans une première question au ministre, je voudrais savoir si cette hypothèse de retarder les travaux à juillet pourrait être envisagée?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Clair: Je ne peux que confirmer effectivement les très sérieux inconvénients que cause la réfection des joints sur le pont Mercier. On sait que, pour toute une région, le pont Mercier donne accès à l'île de Montréal et tout travail important sur le pont a nécessairement des conséquences très importantes sur la circulation routière.

Quant à la façon de procéder à la réfection des joints, on m'indique au ministère des Transports, où on est en train de réévaluer quelles seraient les mesures qu'on pourrait prendre pour réduire l'impact sur la circulation routière, qu'on est en train d'y travailler, mais la raison première pour laquelle on a procédé immédiatement, c'est que, sur le plan technique, ces travaux étaient devenus urgents et qu'il fallait procéder à ce moment-ci.

Je peux assurer le député que le sous-ministre des Transports et le directeur régional sont en train d'évaluer quelles seraient les mesures qui pourraient être prises pour réduire l'impact sur la circulation automobile, mais il est bien évident que, comme il n'y a pas beaucoup de choix pour relier l'île de Montréal à cet endroit, tout travail important sur un pont qui joue un

rôle essentiel, fondamental pour la liaison de cinq comtés avec l'île de Montréal, cause nécessairement des désagréments importants qu'on tentera de minimiser au cours des prochains jours.

M. Dussault: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Jusqu'à maintenant, nous avons été mis dans le coup chaque fois qu'il y avait des travaux, pour minimiser l'impact de ces travaux et cela se faisait sur la rive sud. Nous étions présents auprès de l'administration et c'est maintenant l'initiative du ministère des Transports, mais, du côté de la région de Montréal, nous n'avons pas pu influencer la méthode.

Le Président: Question, M. le député.

M. Dussault: Je voudrais savoir du ministre si, dès demain matin, parce que je crains qu'on ait encore le même problème demain matin, il peut nous assurer qu'au moins il y aura des policiers, des gens qui surveilleront la circulation de façon qu'au moins les choses soient facilitées au maximum pour ceux qui y circulent.

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Clair: Je peux assurer le député que, cet après-midi même, au moment où on se parle, le ministère des Transports est en train d'évaluer quels sont les meilleurs moyens à prendre, comme je l'indiquais au député, pour tenter de minimiser l'impact.

Il ne fait aucun doute, par ailleurs, qu'au moins un minimum d'inconvénients demeureront au cours des prochains jours puisqu'on a déjà procédé à l'enlèvement d'un certain nombre de joints qu'il était important de remplacer, que les travaux se déroulent en trois phases: d'abord la démolition des joints existants; dans une deuxième phase, l'enlèvement de ces joints; dans une troisième et dernière phase, le remplacement. Ce sont des travaux essentiels pour la conservation d'une structure importante, mais, encore une fois, que ce soit en termes d'appel aux policiers de la Sûreté du Québec ou de toute autre signalisation opportune, nous sommes à évaluer quels sont les meilleurs moyens à prendre pour réduire au maximum l'impact des désagréments qui sont causés à la population de cette région.

Le Président: Question principale, M. le député de Pontiac.

Le dossier de la papeterie de Matane

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre de l'Énergie et des Ressources. Dans le dossier de la papeterie de Matane, le gouvernement du Québec semble prétendre que les retards à construire cette papeterie sont dus au fait que le gouvernement fédéral a refusé d'accorder une subvention. On m'informe par contre qu'une subvention du fédéral serait possible si le gouvernement du Québec répondait aux trois conditions suivantes: 1) l'identité précise des promoteurs et leur capacité financière; 2) le projet d'entente entre les partenaires impliqués dans ce projet; 3) l'impact du projet sur les autres producteurs oeuvrant dans ce domaine. Le ministre peut-il nous dire s'il a donné ou s'il entend donner suite à ces exigences du gouvernement fédéral?

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: Les trois conditions que vient d'énumérer le député dans sa question font partie, à peu près mot à mot, du discours que nous tiennent les ministres fédéraux dans ce dossier depuis de très longs mois. J'ai eu l'occasion de dire à l'Assemblée nationale tout récemment que si le dossier était paralysé à l'instant même où j'en parle, c'est que nous attendons deux choses: premièrement, que le gouvernement fédéral décrète que le "ruling" du ministère du Revenu fédéral, qui tenait jusqu'au 31 mars 1983, en ce qui est des avantages fiscaux d'une société en commandite, soit reconduit - et nous n'avons pas de nouvelles à cet égard - et, deuxièmement, il y a maintenant au-delà d'un an que le gouvernement du Québec a rendu public son volet de responsabilité dans l'entente que j'appellerais De Bané-Bérubé, qui remonte à presque deux ans et demi maintenant, à l'effet que les deux gouvernements se partageraient une subvention dans une proportion de 40% et 60%. Nous avons déjà répondu, il y a fort longtemps, que nous étions prêts à verser notre contribution, c'est-à-dire 40%, un montant de l'ordre de 23 000 000 $, et nous attendons toujours une réponse du gouvernement fédéral.

Il y a eu, bien sûr, beaucoup de correspondance. Mon collègue à l'Aménagement, qui est responsable du dossier dans les négociations avec le gouvernement fédéral, est, bien sûr, au fait de ce que je viens de dire. Même s'il y avait quinze réunions, nous ne pourrons jamais, quant à nous, convaincre nos partenaires de continuer dans ce dossier si les avantages et les bénéfices fiscaux d'une société en commandite sont disparus. Deuxièmement, nous ne pourrons convaincre

aucun prêteur à long terme dans cet investissement si nous n'avons pas non seulement un discours, mais une décision du gouvernement fédéral que la subvention promise viendra concrétiser les discours de M. De Bané.

Le Président: Question principale, M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: J'aurais eu des questions à adresser au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, mais je constate qu'il n'est pas présent. Est-ce que le leader parlementaire du gouvernement pourrait nous indiquer s'il sera en Chambre bientôt?

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Le ministre responsable de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation sera en retard; il était à Sept-Îles, au lancement du bateau patrouilleur Camille-Pouliot.

Le Président: Mme la députée de Jacques-Cartier.

Les ordinateurs dans les écoles

Mme Dougherty: Ma question s'adresse au ministre délégué à la Science et à la Technologie. Dans une entrevue publiée dans la Presse du 14 mai, à la question: comment les enseignants vont-ils accepter les ordinateurs dans les écoles? le ministre a répondu ceci, et je cite: "Ce n'est pas parce qu'on leur met dans les mains des instruments qu'on va aller leur dire comment enseigner et à quel rythme s'intéresser à cela. Ce n'est pas nous qui allons leur dire: Vous allez vous mettre à l'informatique et vous allez enseigner cela à partir de septembre 1983; pas du tout, les instruments seront là et, au début, si les enseignants ne s'y intéressent pas, les jeunes iront dans la salle où il y a des micro-ordinateurs et vont se mettre à travailler avec."

Par une telle déclaration, est-ce que le ministre essaie de se laver les mains de la responsabilité du manque de planification évident en ce qui concerne l'introduction des ordinateurs dans les écoles?

Le Président: M. le ministre délégué à la Science et à la Technologie. (14 h 50)

M. Paquette: C'est assez étonnant de voir certaines personnes, de l'Opposition notamment, nous reprocher d'être trop directifs, de ne pas tenir compte des possibilités des enseignants et en même temps nous dire qu'on n'a pas assez planifié dans les bureaux pour avoir le plan idéal où on imposerait une façon de faire, une démarche et un rythme au réseau de l'enseignement. On ne peut pas demander les deux en même temps.

Je répète ce que j'ai dit. Le rôle du gouvernement dans ce dossier est de mettre à la disposition des étudiants et des enseignants les outils nécessaires pour travailler, les outils nécessaires pour préparer les jeunes au monde dans lequel ils vont vivre. Je pense qu'il faut que les jeunes soient prêts à utiliser l'ordinateur aussi facilement que nous utilisons le papier et le crayon. Ce sera le monde dans lequel ils vivront.

On a annoncé l'objectif d'introduire 43 000 ordinateurs en cinq ans. On a également annoncé - mon collègue de l'Éducation l'a fait il y a quelques semaines - un plan de perfectionnement des maîtres, qui se mettra en marche dès septembre. Des mesures sont également prises pour favoriser l'élaboration de matériel didactique approprié. À partir de là - je le répète -c'est au dynamisme des éducateurs que l'on devra les progrès plus ou moins rapides de l'introduction de l'ordinateur dans les écoles. Je pense que c'est faire preuve de volonté politique, que de faire évoluer les choses en mettant les instruments à la disposition des éducateurs et en même temps de respecter ceux-ci dans la démarche éducative dont ils sont les premiers artisans.

Le Président: Question complémentaire, Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Est-ce que la réponse du ministre constitue une admission de sa part que le projet risque d'être un échec dès le départ?

Le Président: M. le ministre délégué à la Science et à la Technologie.

M. Paquette: M. le Président, le moins que je puisse dire, c'est que Mme la députée de Jacques-Cartier ne brille pas par son optimisme, ni par sa confiance aux divers milieurs scolaires.

M. le Président, pas du tout. La réponse est non. Ce n'est pas du tout une admission, au contraire. Nous pensons qu'en mettant les instruments à la disposition des divers milieux scolaires, ceux-ci sauront les utiliser, pour un certain nombre de raisons. D'abord, depuis 1975, il y a des centaines d'enseignants qui ont appris non seulement l'informatique, mais comment l'utiliser concrètement dans les classes avec des étudiants. Cela fait déjà huit ans qu'il y a, dans toutes les régions du Québec, des enseignants qui travaillent avec l'informatique et dont le principal problème était de ne pas avoir les instruments matériels pour travailler. Nous allons leur

donner ces instruments dès septembre 1983.

Le Président: Question principale, M. le député de Saint-Henri.

Nouvelle vocation pour l'hôpital Reddy Memorial

M. Hains: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales. Brutalement, il y a un mois, M. le ministre, nous avons appris votre décision, définitive, semble-t-il, de convertir l'hôpital Reddy Memorial en centre de soins prolongés. Malgré toutes les oppositions, malgré un dossier très fouillé du conseil d'administration, malgré toutes les doléances des citoyens de Saint-Henri et du sud-ouest, malgré leurs récriminations et celles de mes concitoyens de Verdun, Sainte-Anne et Westmount, vous avez décidé, M. le ministre, d'une façon péremptoire, de changer la vocation de notre Reddy Memorial. Saint-Henri n'a pas d'hôpital et 75% de la clientèle de Reddy Memorial est de chez nous et des alentours. Déjà, M. le ministre, vous nous aviez donné le coup de l'étrier avec Henri-Dunant et maintenant vous semblez vouloir nous donner le coup de grâce.

L'hôpital Reddy Memorial, par ses approches faciles, près d'une bouche de métro, par ses cliniques nombreuses et variées, par ses soins renommés, par sa gestion reconnue comme l'une des meilleures de Montréal, par son caractère vraiment bilingue, par son statut de petit hôpital, est une institution vraiment de quartier qui est au coeur et le coeur de notre population.

Ma question a un triple volet. Premièrement, M. le ministre, je comprends très bien vos besoins dans le domaine des soins prolongés, mais pourquoi faut-il que ce soit un comté non privilégié dans le domaine hospitalier qui en porte les conséquences? Deuxièmement, n'y aurait-il pas d'autres endroits où cette conversion serait plus catholique? Troisièmement, vous-même, M. le ministre, êtes-vous prêt à révoquer votre décision?

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, en réponse au préambule, la qualité de la gestion, tout comme la qualité des services offerts au Reddy Memorial, n'est absolument pas en cause dans cette décision. Il s'agit essentiellement de transformer une partie des ressources que nous avons au centre-ville de Montréal pour les rendre disponibles, pour répondre à des besoins en soins prolongés dans l'ensemble de Montréal et, notamment, dans la périphérie de Montréal où on voit des absurdités dans des hôpitaux, que ce soit

Fleury, Jean-Talon, Cartierville, Sacré-Coeur, Cité de la santé ou ceux du West Island, qui sont aux prises avec un nombre de patients en soins prolongés nettement plus élevé, alors que ce sont des hôpitaux qui doivent normalement donner des services en soins aigus.

Dans les circonstances, nous avons pris la décision, conjointement avec le Conseil régional de la santé et des services sociaux de Montréal, de transformer la vocation de certains établissements, dont le Reddy Memorial, où seront cependant maintenus des services de clinique externe, de clinique de médecine familiale, le tout répondant à près de 80% de la demande de la médecine ambulatoire, des services réguliers en psychiatrie, en interne comme en externe, ce qui est déjà considérable.

À la deuxième question, c'est non.

À la troisième question, c'est non.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre est prêt à admettre que, dans sa décision, il a rejeté l'idée que le Reddy Memorial demeure un hôpital pour soins aigus s'occupant d'une clientèle défavorisée sur les plans social et économique? C'est un hôpital du sud-ouest où les gens se trouvent chez eux, un hôpital où le coût jour-patient est de 215 $, le plus bas dans toute la région. Est-ce qu'il est prêt à admettre qu'au lieu d'épargner 13 000 000 $, sa décision pourrait coûter 8 000 000 $? Je demande au ministre s'il est prêt maintenant à respecter l'opinion des usagers, révoquer sa décision et respecter le statu quo pour au moins une année.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, puisqu'il s'agissait d'une question additionnelle, mais avec préambule, j'y reviendrai rapidement. Encore une fois, il ne s'agit aucunement de mettre en doute la qualité de la gestion de cet établissement ni des services qu'il a rendus, ni la qualité d'implication du personnel clinique ou paraclinique qu'on y retrouve. Cependant, il y a, pour la population de cette sous-région de Montréal, des services qui pourront répondre à près de 80% des demandes de services en médecine ambulatoire, ce qui constitue l'essentiel des services donnés aux citoyens en clinique externe. Nous pouvons donc maintenir à la fois la qualité et la quantité des services et non pas des soins hospitaliers. La question n'est pas là. En conséquence, la réponse à la question que pose le député, c'est non.

M. de Bellefeuille: M. le Président...

Le Président: Question principale, M. le député de Deux-Montagnes.

Étude sur l'existence de BPC dans plusieurs rivières du Québec

M. de Bellefeuille: Ma question s'adresse au ministre de l'Environnement. La semaine dernière, dans une dépêche de la Presse canadienne, on prétendait que les principales rivières du sud du Québec sont contaminées par les BPC, les produits chimiques, soit les biphényls polychlorés dont l'utilisation est interdite au Canada depuis trois ans. Dans cette dépêche, on affirmait que ces renseignements se trouvaient dans une étude du ministère québécois de l'Environnement. Est-ce que le ministre pourrait confirmer l'existence de ce rapport, de cette étude et, si oui, si cette étude existe effectivement et qu'on porte ces conclusions, est-ce que le ministre pourrait nous indiquer quelles dispositions il entend prendre?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Ouellette: Oui, M. le Président, je peux confirmer l'existence de ce document qui a été préparé par les fonctionnaires du ministère de l'Environnement et qui nous révèle l'existence de BPC dans plusieurs cours d'eau du Québec.

Le Président: M. le député de Deux-Montagnes, en complémentaire.

M. de Bellefeuille: M. le Président, c'est sans doute parce que le temps presse, mais le ministre a omis de répondre à la deuxième partie de la question. Quelles dispositions son ministère et lui-même entendent-ils prendre?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Ouellette: La réponse habituelle à une telle question consiste à dire qu'on va continuer l'étude. C'est peut-être une façon trop facile de s'en tirer, mais il y a un volet qui correspond à ce type de réponse en ce sens que l'étude comme telle ou les auteurs de l'étude révèlent que leurs données sont encore partielles et qu'ils ont l'intention d'aller plus loin, pour voir jusqu'où la santé des gens peut être en danger avant qu'on puisse prendre de mesures précises pour réparer les dégâts dans certains de ces cours d'eau. (15 heures)

Le Président: Question principale, M. le député de Viger.

M. Maciocia: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Il était ici tantôt.

Le Président: Le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme est-il... Le voilà!

La présidence de la Société du Palais des congrès

M. Maciocia: M. le Président, tout le monde sait que le Palais des congrès va ouvrir vendredi prochain à 10 h 30. Tout le monde sait aussi que, depuis quelques semaines, le poste de président de la Société du Palais des congrès est vacant. Le ministre pourrait-il informer la Chambre aujourd'hui si ce poste va être comblé d'ici l'ouverture du palais ou quand il va être comblé?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: Non, M. le Président. Il ne sera pas comblé avant l'ouverture du palais, puisque ce sera en fin de semaine. Deuxièmement, il sera comblé après consultation avec les principaux intervenants dans le domaine du tourisme à Montréal.

Le Président: La période des questions est terminée.

Aux motions non annoncées. M. le leader parlementaire du gouvernement.

Révocation de l'ordre de deuxième

lecture du projet de loi no 17 et avis

d'auditions en commission parlementaire

M. Jean-François Bertrand

M. Bertrand: M. le Président, je suis en mesure - et je pense en cela répondre à une demande qui nous avait été faite par le député de Brome-Missisquoi, je crois, relativement au projet de loi no 17 portant sur le Code du travail d'avoir une commission parlementaire qui siégerait avant l'étude du projet de loi en deuxième lecture, donc, immédiatement après la première lecture - d'informer le député à ce moment-ci qu'effectivement - et je pense que vous en avez même discuté à l'extérieur de la Chambre - nous sommes disposés à tenir une telle commission parlementaire, fort probablement le 2 juin prochain, durant une journée, mais que nous inviterions un certain nombre de groupes à venir en commission parlementaire. Je crois que, là-dessus aussi, il y a eu des discussions ou des échanges entre le député de Brome-Missisquoi et le ministre du Travail. Il faudrait cependant, à ce moment-ci, M. le Président, pour nous conformer au règlement, que je fasse motion

pour faire en sorte que, malgré les délais prévus à l'article 118a de notre règlement, nous puissions faire en sorte que cette commission parlementaire puisse siéger le 2 juin. C'est une question de délai pour la parution des avis dans la Gazette officielle, etc., et comme il y a entente de part et d'autre, je pense qu'on peut fonctionner. J'en fais donc motion, M. le Président. C'est une question de délai pour la parution des avis dans la Gazette officielle, etc., et comme il y a entente de part et d'autre, je pense qu'on peut fonctionner. J'en fais donc motion, M. le Président.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: M. le Président, je remercie le leader et le ministre du Travail d'avoir accepté la suggestion du député de Brome-Missisquoi d'entendre plusieurs intervenants avant la deuxième lecture. Il me semble qu'il y aurait lieu toutefois d'accompagner la motion qui a pour but de réduire les délais de 30 jours d'une motion pour révoquer l'ordre de deuxième lecture de ce projet de loi aussi.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Je fais motion, M. le Président, pour que nous révoquions cet ordre.

Le Président: Cette motion ainsi modifiée est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté.

Il vous intéressera peut-être de savoir -c'est un calcul rapide - que nous avons eu neuf questions principales et treize questions complémentaires au cours de la période des questions d'aujourd'hui et je vous en félicite.

M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.

Voeux aux aînés à l'occasion de la semaine de l'âge d'or

M. Denis Lazure

M. Lazure: M. le Président, on me permettra de lire le texte d'une motion non annoncée qui, sans aucun doute, va rallier l'adhésion de nos collègues de l'Opposition: "Attendu que, depuis 1970, le gouvernement du Québec, en réponse à une demande de la Fédération des clubs de l'âge d'or du Québec, reconnaît le dernier dimanche du mois de mai comme jour de l'âge d'or et la dernière semaine de mai comme la semaine de l'âge d'or; "Attendu l'importance de cette journée et de cette semaine pour sensibiliser la population aux besoins de nos concitoyens et concitoyennes aînés et pour les encourager à demeurer actifs et autonomes dans la société; "Attendu l'importance que le gouvernement actuel accorde à la population aînée dans ses programmes, ses services et ses politiques; "Attendu qu'il convient que l'Assemblée nationale souligne cette journée et cette semaine et transmette les voeux de toute la population à ceux et celles qui ont bâti le Québec d'aujourd'hui.

Je propose la motion suivante: "Que l'Assemblée nationale invite tous les Québécois et toutes les Québécoises à poser un geste d'appréciation à l'égard de leurs aînés durant cette semaine et surtout le dimanche, 29 mai."

Le Président: Je présume qu'il y a consentement. M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Lalonde: M. le Président, on ne peut pas donner d'explication sur un consentement ou non. Ce n'est pas la raison de mes propos. J'aimerais savoir si c'est seulement la motion ou les attendus qui vont être votés, parce que les attendus peuvent ouvrir un grand débat. Si c'est seulement le corps de la motion, à ce moment-là, nous donnons notre consentement.

Le Président: C'est effectivement, normalement, seulement la motion. Bien qu'il y ait eu à cet égard différentes manières de procéder, il m'apparaît bien préférable, avant de demander le consentement, qu'on donne le corps de la motion et non pas la liste des attendus parce qu'on entre automatiquement dans un débat, dans bien des cas.

M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.

M. Lazure: M. le Président, je remercie l'Opposition de son appui à cette motion. Je voudrais d'abord souligner la présence dans nos galeries du président de la FADOQ, la Fédération de l'âge d'or, M. Roux, et de certains membres de son exécutif, ainsi que le directeur général de la corporation; donc, l'exécutif, accompagné du directeur général, M. Fraser.

Le gouvernement actuel, depuis 1976, a toujours manifesté une grande préoccupation pour l'amélioration des conditions économiques, des conditions sociales, des conditions culturelles de la personne âgée. Le Québec, depuis quelques années, voit le pourcentage de sa population âgée de plus de

65 ans augmenter de façon précipitée. Bien sûr, nous n'en sommes pas encore rendus au point de plusieurs pays d'Europe qui ont actuellement un pourcentage de 12%, 14% et 15% de population âgée de 65 ans et plus. Nous sommes à environ 9%, mais ce pourcentage ira en augmentant dans les quinze ou 20 prochaines années.

Notre gouvernement a tenté d'être prévoyant, à la fois de corriger des inégalités, des disparités qui existaient depuis plusieurs années. On verra tantôt, dans le projet de loi no 20 qui permet la retraite à 60 ans et augmente les rentes au conjoint survivant, on verra que, encore une fois, le gouvernement procède à des corrections de situations qui constituent une injustice pour plusieurs personnes âgées. Le gouvernement, disais-je, fait donc preuve de prévoyance. Il fait preuve de prévoyance, par exemple, en instituant un programme comme le programme de Logirente, qui permet aux personnes âgées qui veulent - et c'est le cas de la plupart des personnes âgées - demeurer dans leur appartement, dans leur maison, dans leur maison de chambre, continuer à le faire avec l'aide financière du gouvernement.

Le gouvernement a aussi multiplié, même si c'est encore insuffisant, les services à domicile pour les personnes âgées, budget qui a pratiquement quadruplé depuis six ou sept ans. Le gouvernement a aussi construit plus de 20 000 unités de logement, d'habitations à loyer modique pour personnes âgées depuis 1977. Le gouvernement a aussi permis le transport ambulancier gratuit pour les personnes âgées et les médicaments gratuits, depuis quelques années.

En rendant hommage aux personnes âgées, à nos aînés, je pense qu'il faut préciser de façon plus particulière la Fédération des clubs d'âge d'or, les 1000 -ou environ - clubs de l'âge d'or dans tout le Québec qui, eux aussi, ont connu une expansion considérable depuis quelques années. Ces clubs répondent à des besoins précis, des besoins sociaux, des besoins culturels, des besoins d'amitié. Chacun de ces 1000 clubs constitue un réseau de solidarité dans beaucoup de nos communautés. Je pense qu'il est tout à fait approprié que notre Assemblée nationale félicite les clubs de l'âge d'or et d'autres groupements de personnes âgées semblables aux clubs de l'âge d'or pour cette action bénévole qu'ils mènent dans tout le Québec. Je pense en particulier à l'action bénévole de milliers de personnes âgées qui aident leurs concitoyens et concitoyennes bénévolement à se rendre à l'hôpital, en clinique externe, par exemple, pour des traitements, aux milliers de personnes âgées qui s'occupent de distribuer des repas chauds, aux milliers de personnes âgées qui visitent leurs concitoyens et leurs concitoyennes dans des centres d'accueil pour personnes âgées, dans des hôpitaux pour soins prolongés. (15 h 10)

M. le Président, une autre fonction remplie de façon tout à fait correcte et admirable par la Fédération des clubs de l'âge d'or - qui ne plaît pas toujours au gouvernement, mais qui est utile dans une société - c'est la fonction de revendication. Les clubs de l'âge d'or assument leurs responsabilités sociales et économiques vis-à-vis de leurs membres en se faisant des porte-parole convaincants auprès des gouvernements. Je pense qu'il faut les féliciter pour cette action.

En terminant, je voudrais, au nom de notre formation politique, rendre hommage à toutes celles et tous ceux qui ont aidé à bâtir ce Québec. Je voudrais aussi rappeler à la population plus jeune qu'il est important de maintenir un lien avec la population plus âgée. Il est important que non seulement des traditions, des cultures, des techniques se transmettent de génération en génération, mais il est surtout important que les jeunes puissent profiter de toute cette sagesse qu'ont accumulée à travers les années nos personnes âgées. Merci, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il me fait plaisir, au nom de ma formation politique, de m'associer à la motion du ministre délégué aux Relations avec les citoyens pour souligner la semaine de l'âge d'or au Québec. Je voudrais rappeler, au point de départ, que ces motions se veulent des motions non partisanes, des motions pour souligner le travail que certains groupes font, pour rendre hommage à l'action sociale de certains citoyens. Il faut bien le voir une fois de plus, le ministre délégué aux Relations avec les citoyens ne changera pas. Il profite de cette occasion pour faire encore une sortie partisane et faire valoir les soi-disant bons coups du gouvernement.

M. le Président, je ne voudrais pas gâter la visite des membres de la Fédération des clubs de l'âge d'or du Québec qui sont dans nos galeries présentement et tomber dans le même travers que ce ministre incorrigible qui est de l'autre côté de la Chambre. Il aurait fallu que j'apporte beaucoup de corrections à ce qu'il vient de dire. J'ai eu l'occasion de le faire avec le nouveau ministre des Affaires sociales la semaine dernière. J'éviterai de revenir là-dessus parce que si on peut parler de certaines actions prises par le gouvernement - c'est la moindre des choses, compte tenu de l'augmentation des personnes âgées - on pourrait parler aussi des carences extrêmement sérieuses et des omissions qui

existent encore présentement.

C'est un plaisir pour moi, d'abord, de saluer la présence du président, M. Roux, et des membres de son exécutif et de leur souhaiter, au nom de ma formation politique, tout le succès possible dans l'action extrêmement constructive qu'ils mènent auprès de leurs concitoyens. L'âge d'or remplit un rôle social absolument indispensable dans notre société et je pense que tout l'appui que nous pouvons leur apporter est nécessaire. C'est avec plaisir que je veux les assurer de notre appui le plus complet. Je leur souhaite le meilleur succès possible dans toutes les actions qu'ils entreprennent au nom de nos concitoyens du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: M. le Président, au moment où le ministre convie les membres de cette Assemblée à se rallier à la motion qu'il nous présente, il n'a pu s'empêcher de dresser un court bilan des actions gouvernementales, depuis plusieurs années -depuis 1976, si je me fie au bilan qu'il a présenté - pour les personnes du troisième âge. Présenter un bilan, cela a toujours des aspects dangereux et cela en a, à mon sens, au moins deux. Le premier, c'est que la présentation d'un bilan nous souligne ou nous indique par le fait même les carences du bilan; elle nous indique aussi les choses qui n'ont pas été faites et qui sont à faire, le progrès qui reste encore à accomplir.

Le deuxième danger, c'est peut-être aussi, M. le Président, de placer le focus sur la demande. Autrement dit, on a répondu à des demandes en créant du logement particulier pour les personnes du troisième âge, mais cela nous fait perdre de vue l'autre aspect qui est l'apport des personnes du troisième âge à la société du Québec. Autrement dit, il s'agit non seulement de ce qu'on peut faire pour les personnes du troisième âge, mais de ce qu'elles peuvent faire pour nous, ce qui est peut-être l'aspect le plus important et celui qu'il faudrait peut-être davantage souligner au moment où on s'apprête à adopter cette motion.

Il s'agit de rencontrer régulièrement les personnes qui oeuvrent au sein de mouvements, de clubs de l'âge d'or, soit ceux qui se sont regroupés à l'intérieur de la fédération ou qui oeuvrent à l'extérieur des cadres de la fédération, dans d'autres types d'activité, pour savoir tout le dynamisme que l'on constate dans ces organisations, tout l'apport des personnes du troisième âge à une vie de quartier, à une société.

Au moment où on s'apprête à se rallier à cette motion du ministre, c'est peut-être l'aspect le plus important qu'il faudrait souligner. Il faudrait les remercier pour le travail qu'ils ont fait dans le passé, mais surtout les remercier pour leur présence d'aujourd'hui, pour l'appui constant qu'ils nous donnent, qu'ils nous procurent et pour l'exemple qu'ils sont, aussi, pour chacun d'entre nous. En me ralliant à cette motion, je veux non seulement remercier et féliciter les personnes du troisième âge, mais les assurer que cette motion n'a pas pour effet de les courtiser, mais elle devrait avoir pour effet de reconnaître non seulement ce qui a été fait, mais aussi ce qui est à faire et ce qu'ils feront dans l'avenir. Merci.

Le Président: M. le député de Bourassa. M. Patrice Laplante

M. Laplante: Merci, M. le Président. Je voudrais me joindre à la motion. On a un exemple de plus actuellement, vis-à-vis de nos personnes âgées, de ce qu'est la politique. La politique, c'est les petites chicanes, les pointes entre nous, c'est ce que les gens du troisième âge aiment souventefois. Ils suivent leurs politiciens depuis des dizaines d'années, pour la plupart d'entre eux, et sans ces pointes d'humour, sans ces reproches qu'on peut se faire entre nous, je crois que ce n'aurait pas été une motion ordinaire pour eux.

Ce que je voudrais dire dans des mots très simples aux personnes du troisième âge, auxquelles je m'associe depuis plusieurs années, depuis au moins quinze ans, quant aux actions des personnes âgées, c'est merci, un merci très sincère pour ce qu'ils ont donné au Québec au cours de leur vie, pour ce qu'ils s'attendent aussi de recevoir de nous comme citoyens du Québec, et non seulement comme politiciens.

Ils nous ont donné la vie, on a donné la vie à de petits enfants nous aussi, ces petits enfants se mélangent - de plus en plus on s'en rend compte, lorsqu'on visite les résidences ou les clubs de l'âge d'or d'endroits différents - à la société aujourd'hui. Dernièrement, je suis allé à une fête, la fête des mères des gens du troisième âge et je voyais là cinq générations qui ont su présenter un spectacle, une soirée durant, qui a commencé par un souper et qui s'est terminée à 1 heure du matin. Chacun a donné son petit numéro.

Pour une personne de mon âge, cela fait réfléchir sur l'importance que les personnes du troisième âge peuvent avoir pour nous et sur leur utilité chaque jour de notre vie. Ce sont ces choses qu'il ne faudrait pas qu'on oublie comme politiciens, comme citoyens, en les remerciant et en continuant la fête que la Fédération de l'âge d'or a voulu donner lors du dernier

dimanche de mai, afin qu'on puisse s'associer pour les fêter, pour penser à eux au moins une fois par année. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Johnson (Anjou): Très brièvement, M. le Président...

M. Polak: M. le Président, excusez-moi.

Le Président: On ne fera pas de chicane aujourd'hui, n'est-ce pas? M. le député de Sainte-Anne, si vous préférez prendre la parole, le ministre des Affaires sociales n'a pas d'objection à vous la céder.

M. Johnson (Anjou): Avec grand plaisir. M. Maximilien Polak

M. Polak: Je suis très content qu'on ne commence pas à briser le système de l'alternance.

Le Président: Parce que c'est une critique implicite, je veux bien qu'on ne brise pas le système de l'alternance, mais encore faut-il qu'un député se lève. (15 h 20)

M. Polak: Vous savez, M. le Président, je suis toujours debout très vite. Je voudrais d'abord, au nom du député de Berthier - je ne sais pas si, en vertu du système d'alternance, il pourra encore parler sur la même motion, mais je le fais au cas où il n'aurait pas la chance de parler - souligner la présence dans les galeries de M. Georges Rousseau et de son épouse; il est président du club de l'âge d'or de Saint-Barthélemy, et en même temps directeur général.

Notre formation politique, comme mon prédécesseur l'a déjà mentionné, souscrit entièrement aux félicitations offertes pour son magnifique travail à ce club de l'âge d'or. Dans mon comté, à Sainte-Anne, et dans le sud-ouest de Montréal, ces clubs sont très importants, jouent un rôle très important. On participe à leurs activités presque chaque fin de semaine et je suis toujours impressionné de voir comment les gens de l'âge d'or ont réussi à prendre des initiatives, à faire des projets et à offrir des cours pour développer leurs talents. On n'a qu'à voir leurs travaux d'artisanat. Chaque fois que ma femme et moi visitons un club de l'âge d'or, on revient d'une telle visite avec de nouvelles idées, avec un nouvel élan et avec beaucoup de respect pour leur travail.

Je dois dire aussi que c'est bien beau de dire à ces gens qu'on les félicite et qu'on pense à eux - ce sont des députés ministériels qui ont dit cela - mais il faut aussi être pratique. Je me rappelle que, quand les représentants de la fédération sont venus ici, il y a à peu près un an ou un an et demi, pour présenter un mémoire concernant le droit de grève dans les hôpitaux, c'était bien beau mais, à ce moment-là, il n'y avait pas beaucoup de sympathie à leur égard. Le projet de loi qui a suivi n'a jamais accepté les recommandations qui étaient carrément à l'effet de défendre une fois pour toutes le droit de grève dans certaines circonstances et dans certaines institutions. Je me rappelle très bien que le mémoire de la fédération était fort bien préparé, bien étoffé. On l'a écouté, mais le gouvernement n'a rien fait pour le mettre en oeuvre.

M. le Président, je veux terminer en disant que ce sont ces gens qui sont ici aujourd'hui - malheureusement, je suis situé d'une telle manière que je ne peux pas les voir - qui ont bâti le pays, qui ont bâti le Québec et le Canada. Nous leur devons beaucoup, mais nous l'oublions trop souvent. J'espère que, dès le moment de la reprise économique, on pensera à améliorer leur sort. Pour une grande partie de ces personnes, il y en a qui vivent encore sous le seuil de la pauvreté, et c'est scandaleux. Merci.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): Je voudrais simplement m'associer - beaucoup de choses ont été dites et probablement l'essentiel, jusqu'à maintenant - à ce qu'ont pu dire mes collègues d'en face et, évidemment, le ministre responsable et le député de Bourassa. Celui-ci, en particulier, a fort à coeur les intérêts des personnes âgées et il est fort actif depuis plusieurs années dans ce secteur même si lui-même n'a pas encore atteint cet âge, malgré ses tempes grisonnantes.

On a souvent tendance à parler du troisième âge avec un peu de condescendance. Ce qui me touche depuis un certain nombre de mois au ministère des Affaires sociales, c'est que les personnes âgées, si elles ont des besoins et si elles revendiquent à l'égard de ces besoins, ont surtout une expérience très concrète à apporter, des opinions à exprimer, une certaine sagesse, ma foi, dont notre société n'aura jamais assez. À cet égard, je dirai qu'elles ont des responsabilités, dont celle de faire partager au reste de la société, à ceux qui n'ont pas connu certaines époques, des époques qui ont tantôt été troublantes, tantôt exigeantes, tantôt stimulantes, de transmettre cette connaissance des êtres humains et des événements, de transmettre

aussi ce que sont les sentiments collectifs de leur génération dans les périodes difficiles. Cette époque que nous vivons en est une qui est exigeante non seulement pour eux, mais pour l'ensemble de la société. Je pense qu'ils peuvent y contribuer par leur sagesse et leur réflexion. Merci, M. le Président.

Le Président: La motion de M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens est-elle adoptée?

Le Président: Adopté.

Mme la députée de L'Acadie.

Appréciation aux familles d'accueil Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais solliciter le consentement des membres de cette Assemblée pour l'adoption de la motion suivante: Que les membres de l'Assemblée nationale soulignent la semaine provinciale de la famille d'accueil en exprimant, aux nombreuses familles qui jouent ce râle social indispensable, leur appréciation et en les assurant de leur appui.

Le Président: Y a-t-il consentement? Des voix: Consentement.

Le Président: II y a consentement. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je vais être très brève.

Être une famille d'accueil, c'est rendre service soit à un enfant soit à un adulte et cela exige beaucoup de bénévolat, de dévouement et de compréhension. Je voudrais, brièvement, rappeler qu'il y a 24 000 familles d'accueil au Québec qui reçoivent environ 15 000 enfants et 9000 adultes.

Pour ce qui est des enfants, ces familles doivent prendre soin d'enfants qui ont des problèmes de mésadaptation sociale ou encore des enfants qui ont besoin de protection, soit parce qu'ils ont été abandonnés, soit qu'ils ont été victimes de mauvais traitements ou encore qui connaissent des premiers symptômes de délinquance. Dans le cas des familles d'accueil d'adultes, ce sont souvent des adultes souffrant de déficience mentale ou d'ex-patients d'institutions psychiatriques et aussi un bon nombre de personnes âgées.

Le seul souhait que je ferais ici, M. le Président, c'est que tous ensemble, à l'Assemblée nationale, nous soyons conscients du rôle important qu'elles jouent, mais surtout de l'appui dont elles ont besoin pour remplir ce rôle de la meilleure façon possible. Elles oeuvrent très souvent dans l'ombre et on doit se réjouir qu'elles se soient regroupées en une fédération qui rend leur présence plus active et également contribue à sensibiliser davantage l'ensemble du Québec aux responsabilités qu'elles assument souvent vis-à-vis des êtres les plus faibles de notre société ou en plus grand besoin de protection et d'assistance.

M. le Président, encore une fois, au nom de ma formation politique, je veux assurer les familles d'accueil que leur fonctionnement nous importe beaucoup, que leur contribution est hautement appréciée. Qu'elles soient assurées de notre gratitude pour le magnifique travail qu'elles font. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): M. le Président, il me fait plaisir, au nom du gouvernement, de m'associer à la motion de Mme la députée de L'Acadie. En effet, près de 15 000 enfants, comme Mme la députée l'a dit, sont présents dans 10 700 familles d'accueil au Québec, et près de 9000 adultes sont présents dans environ 2500 familles d'accueil sur le territoire du Québec.

Je rappelle que ces familles ont choisi de s'adonner à ce type d'activité, dans l'immense majorité des cas - cela a été l'expérience que j'ai eue à en rencontrer plusieurs - d'abord et avant tout dans le contexte d'un sentiment de solidarité à l'égard de la communauté, que ce soit à l'égard des enfants et particulièrement les enfants qui ont des problèmes d'adaptation importants, ou à l'égard des adultes où, au-delà des handicaps physiques ou mentaux, on retrouve aussi des personnes qui ont besoin d'un certain environnement protégé, même si cela n'exige pas l'équivalent d'un centre d'accueil pour leur hébergement.

Le gouvernement, très concrètement, depuis un certain nombre d'années, il faut le dire, fait une série de choses à l'égard de ces familles. Il les subventionne, évidemment, sur la base de ce qu'on appelle un per diem, qui a été heureusement, cette année, ajusté et qui le sera maintenant régulièrement au fur et à mesure des trimestres, ce qui devrait répondre à une des demandes de la Fédération des familles d'accueil du Québec.

Le gouvernement a aussi mis sur pied, grâce à leur collaboration, je le dirai, et à leur demande, l'an dernier, des cours de formation. 55 sessions auprès d'une quinzaine de personnes chaque fois, donc au-delà de 500 personnes ont été impliquées dans des sessions visant à apprendre certaines des techniques d'accueil ou comment répondre à certains des besoins de ces personnes en difficulté, qu'elles soient des enfants ou des

adultes. Avec le résultat que, bientôt, dans le cadre de ce qu'on appelle les ententes MAS-MEQ, ministère des Affaires sociales et ministère de l'Éducation du Québec, on sera assuré que, dans un certain nombre de cégeps - je crois, une quinzaine - à compter de l'an prochain, il y aura, pour ceux qui veulent s'y adonner, dans le cas de ceux qui sont déjà une famille d'accueil, un cours de technique d'accueil pour les aider dans ce travail qui est constant, qui est très exigeant et dans lequel, je crois, au-delà des bénéfices que peuvent en retirer ceux qui y sont hébergés, il y a aussi, chez les personnes responsables des familles d'accueil, une certaine satisfaction dont j'ai été à même dé constater la présence l'an dernier en remettant ce qui a été mis sur pied l'an dernier pour la première fois, le prix de reconnaissance aux familles d'accueil du Québec, un peu comme le prix Persillier-Lachapelle le fait pour le secteur des établissements. (15 h 30)

J'aurai le plaisir de rencontrer à nouveau au nom du gouvernement, à la fin de la semaine, vendredi prochain, la Fédération des familles d'accueil du Québec, qui regroupe les familles d'accueil qui s'occupent de l'hébergement des enfants alors que l'autre s'occupe des familles d'hébergement pour adultes. Je leur transmettrai cette motion qu'a bien voulu présenter la députée de L'Acadie à laquelle, j'en suis sûr, nous souscrirons tous unanimement.

Le Président: La motion de Mme la députée de L'Acadie est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Aux avis à la Chambre, M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Aucun avis, M. le Président. Des motions, cependant...

Le Président: Sous la rubirque générale des avis, M. le leader.

Travaux des commissions

M. Bertrand: ...pour faire siéger deux commissions parlementaires cet après-midi et ce soir. D'abord, au salon rouge, la commission de l'énergie et des ressources sur le dossier du règlement hors cour du saccage du chantier de LG 2 et, à la salle 81-A, la commission des affaires culturelles pour la poursuite des auditions relativement au projet de loi no 3, la Loi sur les archives. Ceci, M. le Président, de 15 h 30 à 18 heures et de 20 heures à 22 heures.

Quant à demain matin, trois commissions parlementaires siégeraient, s'il y a consentement; celle de l'énergie et des ressources au salon rouge, de 10 heures à 13 heures; à la salle 81-A, la commission des affaires culturelles pour poursuivre les auditions relativement au projet de loi sur les archives; à la salle 91-A, mais de 11 heures à 13 heures et non pas de 10 heures à 13 heures, M. le Président, la commission des finances et des comptes publics pour l'étude article par article du projet de loi no 8.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Lalonde: Serait-il possible - j'ai oublié d'en parler au ministre de l'Énergie et des Ressources, mais cela aurait le même résultat si la motion était un peu modifiée -que demain on termine à 12 h 30 au lieu de 13 heures à cause d'une réunion que nous avons dans l'Opposition?

M. Bertrand: Toutes les commissions?

M. Lalonde: Toutes les commissions, oui. Si c'est possible, qu'on termine à 12 h 30.

M. Bertrand: D'accord.

Le Président: La motion est donc modifiée pour se lire 12 h 30...

M. Bertrand: Je suis prêt à intégrer cet amendement.

Le Président: ...pour ce qui est des commissions de demain matin. La motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Projet de loi no 20 Deuxième lecture

Le Président: Adopté. Nous passons donc aux affaires du jour et à la deuxième lecture du projet de loi no 20, Loi favorisant la retraite anticipée et améliorant la rente des conjoints survivants. La parole est au ministre délégué aux Relations avec les citoyens.

M. Denis Lazure

M. Lazure: M. le Président, il est particulièrement heureux que ce projet de loi, qui va toucher aux environs de 200 000 personnes dont l'âge varie entre 55 et 65 ans, soit débattu au cours de cette semaine dite la semaine de l'âge d'or. Le Parti québécois, et je vais l'évoquer encore, même si la députée de L'Acadie dans son

intervention pourra y revenir, avait prévu dans son programme un des aspects importants du projet de loi no 20 que nous débattons aujourd'hui. Je cite la version 1982 du programme du Parti québécois, parce que le Parti québécois a un programme solidement étoffé qui est révisé tous les deux ans. Le programme dit, à la page 29: "Faciliter la transition entre le travail et la retraite et instaurer un régime de retraite facultative entre 60 et 70 ans." De plus, le premier ministre, lors du discours inaugural, le 23 mars dernier, disait ceci, à la page 13: "Par ailleurs, il est souvent pénible pour les personnes âgées de mener une vie de travail à plein temps jusqu'au moment de la retraite, alors que des dizaines de milliers de jeunes sans emploi se retrouvent en même temps dans le désarroi le plus complet. Nous entendons donc ouvrir la porte également à la retraite anticipée à partir de 60 ans en modifiant les lois pertinentes et surtout certains règlements du Régime de rentes du Québec. De même, une pleine rente d'invalidité sera assurée de 60 à 64 ans aux travailleurs et travailleuses qui, usés au travail, ne sont plus en mesure d'accomplir leurs fonctions habituelles."

Finalement, il ajoutait ceci un peu plus loin, à la page 29: "Dans le cadre de cette importante réforme du Régime de rentes que j'évoquais... le gouvernement proposera de hausser la rente mensuelle des conjoints survivants âgés de 55 à 64 ans. Cette mesure devrait toucher environ 40 000 personnes dont 95% sont des femmes. Dans la même foulée, on fera disparaître la clause, franchement discriminatoire, qui entraîne la cessation - ou la coupure - de la rente en cas de remariage."

Il est bien évident, M. le Président, que plusieurs groupements, à commencer par la Fédération de l'âge d'or du Québec et d'autres, réclament ce genre de modifications que nous apportons à la loi par ce projet de loi no 20. Par exemple, la FADOQ disait ceci, en septembre 1981: "Par contre, d'autres travailleurs, particulièrement ceux exposés à des tâches épuisantes, préféreraient prendre leur retraite avant d'atteindre l'âge de 65 ans." En conclusion, la FADOQ demandait que la retraite facultative devienne possible dès l'âge de 60 ans, avec un ajustement actuariel. Le Forum des citoyens âgés de Montréal disait aussi, en septembre 1981 - je cite un extrait d'un mémoire de cet organisme - "Le droit de prendre sa retraite à l'âge qui convient à chacun, que ce soit avant ou après 65 ans, devrait être assuré par une législation appropriée."

Un des aspects de ce projet de loi - et j'y reviendrai tantôt - va permettre maintenant aux veufs et aux veuves - il y en a environ 5000 - qui ont perdu leur rente de conjoint survivant parce qu'ils se sont remariés ou qu'elles se sont remariées... Sur cet aspect, nous avons reçu aussi des représentations de divers groupements. Je cite, par exemple, un extrait d'un mémoire de l'AFEAS, en août 1982. L'AFEAS, au moment de son congrès annuel, demande: "que le conjoint survivant reçoive la rente à laquelle il ou elle a droit, même s'il y a remariage."

Par conséquent, ce projet de loi arrive à la suite d'une série de mesures que notre gouvernement a prises depuis 1976-1977 qui ont contribué à améliorer plusieurs des conditions sociales et économiques des personnes âgées. Très rapidement, j'évoque les principales mesures, à commencer par les médicaments gratuits aux personnes âgées qui n'en bénéficiaient pas au moment où nous sommes arrivés au pouvoir, le transport ambulancier gratuit, la construction d'au-delà de 20 000 unités de logement pour personnes âgées - logements à prix modique, à un prix moyen de loyer d'environ 100 $ - l'aide à domicile augmentée de façon considérable et des centres d'accueil construits dans tout le Québec; plus de 65 centres d'accueil construits au cours des trois ou quatre dernières années.

Toutes ces mesures signifient clairement la volonté de notre gouvernement de rendre une certaine justice sociale à nos aînés. Le projet de loi dont nous commençons la discussion aujourd'hui ne prétend pas apporter la solution finale aux problèmes économiques des personnes âgées. Il est cependant un pas important dans cette direction. Je rappelle que ce projet de loi, c'est la deuxième partie d'une série de réformes qui touchent l'ensemble des régimes de rentes. La première, adoptée par l'Assemblée nationale l'an dernier, abolissait une fois pour toutes l'âge obligatoire de la retraite. Tel que promis au moment du débat, il y a un an, nous arrivons aujourd'hui avec cette deuxième partie, qui fera en sorte que la personne, à partir de 60 ans, pourra décider du moment de sa retraite. Certains appellent cette nouvelle liberté de choix la retraite à la carte. Il est bien sûr que les montants, qu'il s'agisse du Régime de rentes du Québec, qu'il s'agisse de certains régimes supplémentaires de rentes, dans plusieurs cas, ne sont pas suffisants. C'est pour cela que nous avons dit depuis un an et demi, et je le répète aujourd'hui au nom du gouvernement, que la principale étape, la principale réforme est à venir, et elle viendra, aussitôt que la crise économique nous permettra d'imposer des cotisations un peu plus élevées et aux employés et aux employeurs.

Il me semble qu'il serait tout à fait irresponsable, dans le climat économique actuel, d'imposer aux employeurs ou aux employés une charge sociale additionnelle sur le chèque de paie. C'est pourquoi la réforme

plus globale du Régime de rentes du Québec qui, cette fois, affectera non pas 200 000, personnes non pas la population de 55 ans à 65 ans, mais une population beaucoup plus considérable en réalité, l'ensemble des travailleurs et des travailleuses du Québec, c'est pourquoi, cette réforme, dis-je, viendra sous peu. Nous devrons commencer les consultations. Le premier ministre, dans le discours inaugural, a clairement indiqué que les principaux intéressés seront consultés avec ce document qui indiquera clairement les orientations que le gouvernement va privilégier autant pour la réforme du Régime de rentes du Québec que la réforme des régimes supplémentaires de rentes. Car cette réforme des régimes supplémentaires de rentes est nécessaire ne serait-ce que pour obtenir une fois pour toutes que les régimes de retraite d'entreprises et les régimes supplémentaires de rentes deviennent transférables. Pour que cela devienne transférable de façon valable, il faudra évidemment changer plusieurs règles du jeu qui seront expliquées dans ce document de consultation.

Il y a quatre éléments à ce projet de loi que nous discutons aujourd'hui. Le premier est de permettre à toute travailleuse et à tout travailleur entre 60 et 65 ans d'appeler sa rente, d'appeler sa pension, de demander sa pension au Régime de rentes du Québec. Bien sûr, si la personne décide de retirer sa rente du Régime de rentes du Québec quelques années avant l'âge de 65 ans, il y aura ce que nous appelons une réduction actuarielle, de la même façon qu'il y a une augmentation actuarielle si la personne décide de continuer à travailler au-delà de 65 ans. L'ajustement actuariel est de l'ordre de 6% par année, en plus ou en moins; par exemple, la rente actuelle du Régime de rentes du Québec, est de 345 $ au maximum par mois actuellement; si la personne décide de se retirer à 63 ans, elle retirera, par conséquent, 12% de moins que 345 $, soit un peu plus de 300 $. Si cette personne, au contraire, décide de continuer à travailler jusqu'à l'âge de 67 ans, deux ans de plus, elle commencera à retirer sa rente à 67 ans, mais une rente bonifiée de 12% de plus, donc tout près de 400 $ par mois.

Le deuxième élément de ce projet de loi a trait à l'invalidité. Nous changeons, par ce projet de loi, deux choses importantes pour qu'une personne soit mise à la pension d'invalidité du Régime de rentes du Québec. Premièrement, la règle actuelle, qui veut que, pour obtenir la rente d'invalidité, une personne doit avoir une invalidité permanente et totale qui l'empêche de gagner sa vie de quelque façon que ce soit, est modifiée pour les personnes à partir de 60 ans. À partir de 60 ans, il suffira de démontrer, sur certificat médical, que la santé de la personne l'empêche de continuer à occuper sa fonction actuelle. À ce moment-là, la personne pourra toucher la rente d'invalidité qui se situe autour de 450 $.

Deuxième changement pour la pension d'invalidité. Dans l'état actuel des choses, la personne, pour toucher sa rente d'invalidité, doit avoir travaillé cinq années durant les dix dernières années de sa carrière de travail. Pour les gens à partir de 60 ans, nous enlevons cette clause et nous laissons simplement la clause suivante: pour les gens de 60 ans et plus dont la santé ne permet plus de continuer à exercer leur travail actuel, il faudra que la personne ait contribué au Régime de rentes du Québec pendant le tiers des années, c'est-à-dire environ 6 ans, puisque le régime date d'environ 18 ans. Il ne sera plus nécessaire que ces années occupent cinq des dix dernières années. Ceci pour permettre à des personnes qui ne travaillent pas actuellement, justement à cause de leur état de santé, qui sont rendues à 60 ans et qui n'ont pas contribué cinq années durant les dix dernières années, de pouvoir quand même être admissibles à cette rente d'invalidité.

Le troisième élément de ce projet de loi, c'est l'augmentation importante de la prestation de la pension aux veuves et veufs. Cette pension aux veufs et aux veuves est composée, je vous le rappelle, de deux éléments. Le montant de la pension aux veufs et veuves est constitué de deux parties: une partie qui est fixe et une partie variable. La partie fixe est actuellement de 202 $ par mois, et la partie variable, 37,5% de la rente qu'aurait eue le conjoint s'il n'était pas décédé ou si elle n'était pas décédée. Nous changeons la partie fixe pour la hausser de 202 $ à 275 $ par mois à partir de janvier 1984. Cela veut dire que, dans sa partie fixe - c'est ça l'élément capital à retenir - la rente au conjoint survivant sera dorénavant toujours égale au montant de la pension de vieillesse qui est déboursé par le gouvernement fédéral. S'ajouteront à cela les 37,5% de la rente qu'aurait eue le conjoint décédé.

Le troisième aspect dont je viens de parler touche environ 40 000 personnes, dont 95% sont des femmes, des veuves.

Dans le dernier aspect, le quatrième, il s'agit d'enlever une clause dans la loi actuelle, une clause qui, selon les moeurs de l'époque, était peut-être acceptable il y a quinze ans, mais qui ne l'est plus aujourd'hui; c'est la clause actuelle qui fait que si une veuve ou un veuf touchant la rente au conjoint survivant se remarie, il ou elle perd sa rente. Nous enlevons cette clause et, par conséquent, 5000 veufs ou veuves pourront, s'ils en font la demande, revenir sur la liste d'envoi, la liste des prestataires de la Régie des rentes du Québec. (15 h 50)

Si nous revenons brièvement,

maintenant, à chacun de ces éléments, pour ce qui est de cette possibilité de retirer sa rente dès l'âge de 60 ans, nous touchons à ce moment-là environ 150 000 personnes puisque environ 150 000 personnes âgées de 60 à 65 ans se trouvent encore sur le marché du travail, dont environ 100 000 de façon très active.

Il est bien évident que pour la plupart de ces personnes, surtout si leur seul revenu est constitué par la rente du Régime de rentes du Québec, ce ne sera pas suffisant. Par contre, on sait que sur les 100 000 travailleurs ou travailleuses actifs entre 60 et 65 ans, presque la moitié contribuent à un régime supplémentaire de rente, un régime d'entreprise. Ce qui fait qu'une personne contribuant à un régime supplémentaire auquel elle peut avoir droit dès l'âge de 60 ans dans 95% des cas - les régimes d'entreprise permettent la retraite à 60 ans - si elle désire se retirer, peut appeler ses deux rentes à ce moment-là. Si la personne a le moindrement d'économies ou d'autres revenus additionnels, il deviendra d'autant plus facile de quitter complètement le marché du travail.

Nous sommes conscients, M. le Président, que le nombre exact d'emplois qui peuvent ainsi être libérés et profiter à une main-d'oeuvre peut-être plus jeune est très difficile à évaluer. La Régie des rentes du Québec estime qu'au cours de 1984 ce nombre pourrait aller jusqu'à 20 000. Je pense personnellement que c'est une estimation un peu trop optimiste. Je pense que si nous pouvions atteindre l'objectif de 10 000 emplois - ou entre 5000 et 10 000 emplois - dès 1984, nous aurions atteint un des objectifs importants de ce projet de loi.

Il est bien sûr que la valeur pécuniaire de cette rente venant du Régime de rentes du Québec demeure toujours discutable; c'est pour cela qu'il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit d'un régime d'assurance et non pas d'assistance sociale. Comme dans tout autre régime d'assurance, la personne pourra en retirer d'autant plus qu'elle en aura placé au fil des années, d'autant plus qu'elle aura contribué. Or, on sait, M. le Président, que les cotisations actuelles au Régime de rentes du Québec sont toujours les mêmes depuis 1966. Ceci n'est pas particulier au Régime de rentes du Québec; c'est la même chose pour le Régime de pension du Canada. Il est bien évident qu'avec des cotisations aussi peu élevées, la Régie des rentes n'est pas en mesure de verser des rentes aussi élevées que certains le voudraient. C'est pour cela qu'un des éléments de la réforme majeure dont je parlais au tout début de mon intervention sera par conséquent de hausser à la fois les cotisations de l'employeur et les cotisations de l'employé. Je vous répète qu'il n'est pas question de hausser les cotisations maintenant puisque nous sommes encore dans des difficultés économiques trop aiguës, trop graves et qu'il faudra attendre quelque temps.

Je voudrais ajouter quelques mots, M. le Président, sur le deuxième volet de ce projet de loi, les rentes d'invalidité concernant les groupements visés plus spécialement par ce projet de loi. Il s'agit, dans bien des cas, de personnes - femmes ou hommes - qui ont occupé des emplois à caractère pénible, des emplois qui, souvent, que ce soit au point de vue mental ou au point de vue physique, ont demandé des efforts considérables. C'est pour cela que nous élargissons de beaucoup les critères d'admission à la rente d'invalidité. Il suffira que la personne puisse démontrer, par certificat médical, que son travail actuel, qu'il s'agisse d'un travail dans une usine de pâtes et papiers, dans une fonderie ou dans d'autres lieux de travail moins pénibles mais qui ont quand même usé la santé du travailleur ou de la travailleuse, ne peut être continué. Un certificat de cessation d'emploi sera demandé; la personne pourra ainsi toucher sa rente d'invalidité qui se situe autour de 450 $ par mois. Ceci n'empêchera pas cette personne d'occuper certains emplois rémunérateurs à temps partiel.

En 1977, j'avais eu le plaisir de piloter un projet de loi qui amendait la loi de la Régie des rentes du Québec pour permettre aux personnes de 65 ans et plus, aux retraités, de toucher intégralement leurs rentes du Québec tout en ayant des revenus de travail. Il faut se rappeler qu'avant 1976 la loi et les règlements étaient ainsi faits que, si vous touchiez des revenus de travail, que vous aviez au-delà de 65 ans et que vous receviez la rente du Régime de rentes du Québec, on vous soustrayait des montants sur votre rente du Québec. Nous avons modifié cet aspect de la loi en 1977.

J'ajouterai d'ailleurs que plusieurs modifications ont été apportées à la loi du Régime de rentes du Québec aussi bien qu'à la loi régissant les régimes supplémentaires de rentes depuis 1976-1977, à tel point que lorsqu'on compare nos deux régimes, le Régime de pension du Canada et le Régime de rentes du Québec, il est clair, il est évident - je pourrais en citer plusieurs exemples - que dans presque tous les cas les différences entre les deux régimes sont à l'avantage des contribuables du Québec. Qu'il suffise de rappeler aussi l'amendement que nous avions fait adopter par l'Assemblée nationale, il y a quelques années, qui permet de ne pas comptabiliser dans la période requise les années que passe la travailleuse à domicile à s'occuper d'enfants de moins de sept ans. Ces années ne sont pas comptabilisées dans l'admissibilité.

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Lazure: Je n'ai pas bien saisi la remarque de Mme la députée de L'Acadie, elle pourra nous expliquer tantôt de quoi il s'agit. Je lui rappelle que ses amis du gouvernement fédéral ne songent qu'à peine à intervenir de la même façon. Nous avons cette clause dans notre loi depuis cinq ans. Le gouvernement fédéral va enfin céder aux pressions des femmes des autres provinces pour ajuster sa loi sur celle du Québec.

J'ajouterai une autre modification que nous avons apportée à la Loi des régimes supplémentaires de rentes, il y a aussi quelques années, il y a trois ou quatre ans. Une clause permet maintenant à chaque employé contribuant à un régime supplémentaire de rentes, à un régime d'entreprise, d'obtenir des renseignements de la part de son employeur sur la gestion du plan de retraite de l'entreprise.

Passons maintenant au troisième aspect de ce projet de loi, celui qui touche les conjointes et les conjoints, les survivants, les veuves et les veufs. Pourquoi intervenir et augmenter de façon aussi appréciable, même si ce n'est pas aussi élevé que certaines ou certains le souhaiteraient - nous l'augmentons à partir de janvier - cette partie fixe de la rente qui était de 202 $ pour l'augmenter à 275 $? C'est donc une augmentation de 73 $, une augmentation de 30% à 35%. Nous sommes de plus en plus convaincus que dans la plupart des cas, ces veuves de 55 ans à 65 ans ont d'énormes difficultés, d'abord parce que, très souvent, le marché du travail leur est fermé et, d'autre part, justement parce que la partie variable de la rente, les 37,5% de la rente au conjoint survivant, très souvent, ne donne, à toutes fins utiles, qu'environ 100 $ à 125 $ par mois, précisément parce que le conjoint, surtout de celles qui sont veuves depuis assez longtemps, n'avait pas accumulé plusieurs années de travail, plusieurs années de contribution. (16 heures)

Nous nous sommes rendu compte que la veuve de 55 à 65 ans, par rapport à celle plus jeune ou celle plus âgée, connaissait un creux de la vague vraiment pénible au plan économique et avait les revenus annuels probablement les plus bas qu'on puisse imaginer. Nous avons décidé d'augmenter le revenu de cette veuve et de ce veuf de 55 à 65 ans au même niveau de revenu qu'il ou elle aura à 65 ans lorsque la pension de vieillesse commencera à lui être versée. De cette façon, nous pouvons dorénavant assurer le conjoint survivant que, dès l'âge de 55 ans et pour le reste de ses jours, cette personne aura un revenu stable.

Finalement, je pense qu'il n'est pas nécessaire d'insister sur cette injustice, cette discrimination tout à fait inacceptable que la société, le législateur, à l'époque, avaient imposée au veuf ou à la veuve qui se remariait. J'ai dit tantôt qu'entre 5000 et 6000 personnes au Québec ont vu leur rente du Régime de rentes du Québec discontinuée, cesser, à cause du remariage. Il est évident que le législateur n'a pas à s'interposer dans la vie privée des gens. Cette rente au conjoint survivant était pleinement méritée et elle demeure tout aussi méritée, que le conjoint se remarie ou pas. C'est pourquoi nous allons mettre fin à cette discrimination.

M. le Président, en terminant, je voudrais dire quelques mots sur les coûts de ces actions que nous entreprenons. L'ensemble de la première mesure est, finalement, la mesure la plus importante au plan social, puisqu'à la fois elle ajoute un nouveau droit pour la personne de 60 ans et plus, le droit à la retraite dès l'âge de 60 ans. Nous sommes, dans le contexte actuel du Canada, la première province à légiférer dans ce sens. Les citoyens et les citoyennes du Québec sont les premiers et les premières, à partir de janvier 1984, à jouir du droit de choisir le moment de leur retraite entre 60 ans et 70 ans.

Le coût de cette mesure avantage à la fois les personnes d'un certain âge et, socialement et économiquement, avantage aussi les jeunes qui sont sans emploi et qui sont susceptibles d'occuper une partie des emplois laissés par les gens de 60 ans qui cesseront de travailler. Ce coût, la Régie des rentes du Québec l'évalue à environ 15 000 000 $ par année pour chaque tranche de 10 000 personnes qui décideront de prendre leur retraite à l'âge de 60 ans.

Mais, M. le Président, il ne s'agit pas là d'un coût véritable. Il s'agit d'un déboursé de 10 000 000 $ qui n'aurait pas été fait dans les quelques années qui viennent si nous n'avions pas légiféré de cette façon. Mais, à long terme - les actuaires peuvent le démontrer - pour la Régie des rentes du Québec, il ne s'agit pas d'un coût véritable, puisque les déboursés se font plus tôt, mais à des montants moindres, ce qui fait qu'à long terme le montant total dépensé est équivalent. C'est cela, M. le Président, qui résulte de ce qu'on appelle l'ajustement actuariel. Une partie de ces déboursés - je pense qu'il faut plutôt parler de déboursés dans l'immédiat plutôt que de coûts réels -de toute façon, se trouve annulée parce qu'un certain nombre de citoyens, qu'il est difficile d'évaluer là aussi - nous n'avons pas de chiffres précis - continue maintenant de travailler au-delà de 65 ans, comme cela se faisait auparavant, mais de plus en plus le font et bénéficient de l'ajustement actuariel à la hausse, ne demandent leurs rentes du Régime de rentes du Québec qu'à 66 ans, 67 ans ou 68 ans, ce qui fait que durant ces quelques années, la Régie des rentes n'a pas à débourser.

Quant aux trois autres aspects du projet de loi, la hausse de la rente au

conjoint survivant, les critères plus faciles pour l'acceptation de la rente d'invalidité et, finalement, remettre les 5000 ou 6000 veuves qui auraient perdu leur rente sur les listes des prestataires dès janvier, l'ensemble de ces coûts représente une somme d'à peu près 60 000 000 $. Dans ce cas, il s'agit non pas d'une avance de 60 000 000 $ que le régime peut se permettre, il s'agit d'un coût véritable additionnel.

Si le régime peut se le permettre, c'est que la Régie des rentes du Québec a l'assurance, de la part du gouvernement actuel, que nous allons apporter les changements majeurs dont je parlais tantôt à l'ensemble du Régime de rentes du Québec, valoriser, bonifier le Régime de rentes du Québec et, par conséquent, augmenter les entrées. Il est clair qu'avec le chômage actuel, qui s'améliore un peu, Dieu mercil il est clair qu'avec le chômage actuel, depuis une année, les sorties du Régime de rentes du Québec seront, en fin d'année 1983, très légèrement supérieures selon les prévisions, aux entrées, de quelques dizaines de millions de dollars. Mais il faut se souvenir, quand même, que les entrées totales aussi bien que les sorties se situent à environ 1 000 000 000 $ par année. Il faut se souvenir aussi que la réserve, principalement parce que cette réserve a été sagement administrée par la Caisse de dépôt et placement du Québec, cette réserve est d'au-delà de 10 000 000 000 $ et rapporte un autre 1 000 000 000 $ en intérêts chaque année.

M. le Président, les autorités de la Régie des rentes n'ont aucunement hésité à dire au gouvernement, bien sûr, que le Régime de rentes du Québec peut se permettre de corriger les quelques inéquités, les quelques anomalies dont j'ai parlé tantôt pour les conjoints survivants en particulier et pour les invalides partiels. Bien sûr que la Régie des rentes peut se permettre ce déboursé additionnel puisqu'il a la garantie que tout le financement du Régime de rentes du Québec sera révisé à la hausse d'ici un an, un an et demi, deux ans.

Pour l'ensemble de la population - et c'est ma conclusion - tout ce domaine des rentes et des pensions est un domaine aride, je dirais même non seulement pour l'ensemble de la population, mais pour plusieurs de mes collègues à l'Assemblée nationale, des deux côtés de la Chambre, d'ailleurs, aussi bien que pour le public en général. Il s'agit d'un domaine complexe, parfois difficile à saisir. Ce qui n'aide pas dans cette confusion, c'est que le citoyen ou la citoyenne doit constamment faire le partage entre deux niveaux de gouvernement. Constamment, le citoyen ou la citoyenne a à se demander: Si je deviens chômeur, quel niveau de gouvernement va m'apporter une compensation économique? Si je deviens retraité, quel niveau de gouvernement va m'apporter une compensation économique et quelle sera cette compensation? La constitution canadienne actuelle, depuis le tout début, a consacré ce que nous appelons la primauté législative. (16 h 10)

La constitution actuelle a toujours reconnu qu'en matière de pension les provinces avaient priorité sur le gouvernement fédéral. C'est pour cette raison, M. le Président, que nous prenons nos responsabilités, à cause de cette priorité législative dont jouissent les provinces. Cette responsabilité a été prise, d'ailleurs, par les prédécesseurs des gens qui sont en face de nous, par le gouvernement Lesage, en 1965-1966, lors de la création de la Régie des rentes et de la Caisse de dépôt et placement. Nous continuons à prendre nos responsabilités, mais il est bien clair que, pour nous, le jour où nous pourrons obtenir qu'un seul gouvernement - dans notre esprit, il est clair que ce doit être le gouvernement du Québec - ait tous les pouvoirs quant aux lois et quant aux impôts, non seulement nous pourrons faire disparaître une bonne partie de la confusion dans l'esprit du public, mais surtout, en économisant sur l'administration de ces nombreux programmes, nous pourrons bonifier de façon encore plus importante les rentes dont doivent profiter nos aînés au Québec. Les bonifications que nous apportons aujourd'hui sont partielles, mais elles touchent quand même une portion importante de la population du Québec - environ 200 000 personnes - et je répète que c'est cette population de 55 à 65 ans qui constitue la clientèle tout à fait naturelle des clubs de l'âge d'or.

M. le Président, en terminant, je voudrais remercier tous les groupements, les clubs de l'âge d'or et d'autres - je pense à l'Association du Québec pour la défense des droits des retraités et préretraités; je pense à l'AFEAS et aux Cercles des fermières, tous ces groupements - qui, de façon tenace et acharnée, ont demandé aux différents gouvernements de modifier les lois pour améliorer la sécurité du revenu de la personne âgée. Même si nous devons répéter que les réformes les plus fondamentales, les plus majeures doivent attendre encore un petit bout de temps, il faut quand même se rendre compte que ce gouvernement, par toutes les mesures qu'il a prises en 1977 et, plus particulièrement, par ce projet de loi no 20, démontre encore une fois qu'il a à coeur d'améliorer la condition des personnes âgées et celle des conjoints survivants. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Laurier.

M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. En l'absence de mon collègue de Verdun, je

prendrai la parole au nom de l'Opposition.

À écouter le ministre parler, si je pouvais résumer un peu son discours, je dirais qu'on est beau, on est fin, tout va bien et, à la fin, un petit laïus, encore une fois, sur l'indépendance pour rallier les troupes.

Le sujet dont nous traitons aujourd'hui, effectivement, est un sujet important qui concerne une partie importante de notre population. L'importance de ces mesures ne se mesure pas seulement - même si, là aussi, c'est important - par des chiffres en termes du nombre de gens qu'on touche. Leur importance se trouve seulement dans le fait qu'il s'agit d'une partie de la population qui, aujourd'hui, est là où nous - les plus jeunes -serons et qui a été là où nous sommes aujourd'hui. Il s'agit effectivement des gens qui nous ont précédés et qui ont oeuvré souvent avec beaucoup plus de difficultés que les jeunes générations d'aujourd'hui afin de faire face aux exigences de la vie. Pourtant, avant d'aller plus loin, j'aimerais relever une couple de petites choses qui m'ont frappé dans le discours du ministre parce que je crains de les oublier et je m'en voudrais ensuite. Je ne dirai pas que le ministre n'a pas dit la vérité, mais je dirais pourtant qu'il y a lieu peut-être de compléter la vérité que le ministre a donnée tout à l'heure.

Je citerai seulement deux exemples qui m'ont particulièrement frappé. Premièrement, le ministre a évoqué devant les caméras tous les bons coups que son gouvernement a faits. Dans cette foule de choses, comme si le monde avait commencé avec l'arrivée au pouvoir du Parti québécois en 1976, il a dit que son gouvernement avait donné la gratuité des médicaments aux personnes âgées. J'aimerais simplement corriger les faits. Les deux tiers des personnes âgées avaient déjà la gratuité des médicaments avant l'arrivée au pouvoir du Parti québécois. Je soulignerais aussi que c'étaient les deux tiers de la population des personnes âgées qui étaient le plus dans le besoin. Ce qui a été fait par la suite, c'est que l'universalité de ce régime a été accordée à tout le monde sauf que, quelques années plus tard, on s'est rendu compte que ce geste magnanime, le gouvernement ne pouvait pas l'endosser financièrement. Il a commencé à sabrer dans les médicaments, mais pour toutes les populations. Voilà la première correction.

La deuxième information, peut-être le ministre n'était-il pas au courant, quand il a mentionné l'exemple - je pense que c'était en comparant les régimes de retraite du Canada et du Québec - des femmes qui pouvaient retourner élever leurs enfants et, pourtant, continuer à contribuer au Régime de rentes du Québec. Si ma mémoire est bonne, c'est bien le gouvernement précédent qui a instauré - c'est-à-dire le ministre des

Affaires sociales de l'époque, le député de Saint-Laurent, M. Forget - ce mécanisme.

Alors, ce sont les deux éléments que je voulais présenter comme corrections parce que, comme je le disais au tout début, si on écoute le ministre, le monde a commencé à tourner avec l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, en 1976.

En préparant ce discours sur une question qui touche la retraite personnellement, je suis encore à une trentaine d'années, peut-être 25 années, avec la retraite anticipée, de la retraite - j'ai essayé de comprendre, de saisir un peu ce que cela signifie pour une personne qui, aujourd'hui, atteint 65 ans et qui doit prendre une décision quant à sa retraite. La première chose qui m'a frappé, c'est que la personne qui arrive aujourd'hui à l'âge de 65 ans est née en 1918. On peut tout de suite voir l'impact que ce vécu peut avoir sur la vie de la personne. Je disais tout à l'heure que ce sont des personnes qui ont oeuvré souvent avec beaucoup plus de difficultés que nous, les plus jeunes, avons aujourd'hui à gagner notre vie.

Au moment où cette personne, née en 1918, arrivait à son adolescence, survenait un premier événement choc dans le monde: la grande crise économique. On parle d'une crise aujourd'hui, mais je pense que les personnes qui ont vécu à la fin des années vingt et au début des années trente ont connu quelque chose de beaucoup plus douloureux que ce que nous connaissons ici aujourd'hui. Quelques années plus tard, quand la personne arrivait à l'âge adulte, éclatait la deuxième guerre mondiale. Peu importe si ces deux événements ont touché la personne elle-même de façon directe, ils ont certainement laissé des traces sur la société dans laquelle elle a évolué.

Pensons aussi aux notions qu'aujourd'hui nous tenons pour acquis. Par exemple, les personnes de ma génération qui sont ici, dans ce Parlement, et qui traitent de ces questions tiennent souvent pour acquis des choses qui sont là et qu'on a toujours connues, comme l'assurance-chômage, qui est pourtant relativement récente dans notre système social, comme partie de notre système social, l'assurance-santé, encore moins récente. Le Régime de rentes, quant à lui, ne date que de 18 ans. Pourtant, c'est quelque chose et, souvent, les plus jeunes, surtout, ont tendance à penser que les choses ont toujours été comme cela, même si les personnes qui aujourd'hui font face à une décision quant à la retraite savent très bien, après tout ce vécu, que cela n'a pas toujours été comme cela. Il y a eu effectivement des progrès par rapport au début.

Je ne veux pas dire cela en prétendant qu'on est allé très loin et qu'on a réglé beaucoup de problèmes parce qu'on est conscient, si on regarde les choses de près,

les chiffres, les statistiques sur les revenus des personnes, sur la santé des personnes, etc., on se rend compte assez rapidement qu'il y a encore un chemin énorme à faire et que, finalement, on ne commence qu'à toucher à la solution à ces problèmes. Alors, quand je dis que le sujet en est un qui concerne une partie importante de notre population, je le dis avec le respect qui est dû à ces personnes âgées qui ont oeuvré avant nous. Je le dis également avec l'admiration qui incombe envers ces gens qui ont vécu beaucoup plus que nous, aujourd'hui, ne pouvons l'imaginer.

En arrivant à ce troisième âge, la vieillesse, elle aussi, est une étape dans la vie, comme l'enfance ou l'âge adulte. C'est une étape qui se caractérise par une diminution progressive des capacités physiques. Les fonctions changent aussi pour la personne, au sein de la famille, au sein de la profession, au sein de la société. La personne qui travaillait pour subvenir à ses besoins doit faire face à sa retraite. Si c'est maintenant entre 60 et 70 ans, tant mieux, dans le sens que cela permet un certain choix parce que, à plusieurs égards, le véritable choix est illusoire. Il y a bien d'autres facteurs qui déterminent la décision de prendre sa retraite que le simple fait qu'il y ait une loi qui la permet maintenant à partir de 60 ans ou qui permet de continuer à travailler après 65 ans.

La retraite, c'est tout un changement pour la personne parce que, subitement, du jour au lendemain, la personne se trouve à disposer entièrement de son temps. L'impact du moment est énorme, finalement. Les conséquences peuvent être heureuses tout autant qu'elles peuvent être malheureuses. Cela dépend effectivement de plusieurs facteurs, dont l'état de santé de la personne, ses relations sociales, son environnement et le revenu dont elle disposera. La décision de prendre sa retraite se base, selon beaucoup d'analyses et d'études qui ont été faites, sur deux facteurs principaux: la santé de la personne et le revenu dont la personne disposera une fois à la retraite.

Le Régime de rentes du Québec a été instauré, comme je le disais, il y a 18 ans dans le but d'assurer un minimum de continuité dans les conditions matérielles des personnes qui quittent le monde du travail. Ce n'était et ce n'est toujours qu'un élément dans un ensemble de politiques qui seraient nécessaires pour faire face au véritable problème de la pauvreté chez les personnes âgées. C'est un fait indiscutable que le niveau de revenu moyen des personnes âgées est inférieur à celui de la population en général. Nous sommes bien loin, effectivement, d'assurer une continuité dans les conditions matérielles et sociales pour les personnes qui franchissent le cap du troisième âge. Même si nous avons effectivement fait des pas par rapport à l'époque dont j'ai parlé au tout début, nous ne pouvons pas cesser de chercher des avenues d'amélioration, et ce d'une façon constante et persistante.

Avant de passer au projet de loi comme tel et à d'autres considérations, j'aimerais prendre le temps d'étaler devant la population certains chiffres quant aux personnes âgées, le revenu dont elles disposent, pour être plus en mesure de comprendre le véritable impact qu'aura ce projet de loi, s'il en a, et pour qui.

Nous savons que, chez les quelque 170 000 familles dont le chef a plus de 65 ans, le revenu moyen est de 42% inférieur au revenu moyen de l'ensemble des familles. Chez les personnes qui vivent seules, qui ont 65 ans et plus, le revenu moyen, par rapport à la population en général qui vit seule, est de 35% moins élevé. La différence est de taille et c'est évidemment explicable par le fait que ces personnes n'ont plus un revenu de travail, mais se basent surtout sur des revenus de retraite.

Il faut prendre la peine aussi de regarder quel genre de revenu de retraite ont ces gens. Tous ceux qui ont travaillé depuis l'instauration de la Régie des rentes du Québec ont accès aux prestations de la Régie des rentes du Québec. Comme le ministre le soulignait tout à l'heure, je pense que le maximum possible comme rente mensuelle est de 340 $ par mois, ce qui ne constitue pas en soi une somme faramineuse, si vous voulez, pour quelqu'un qui gagnait un salaire qui, normalement, aurait été plus élevé. Il y a également la prestation de sécurité de la vieillesse qui vient s'ajouter à 65 ans. Fait important à retenir, c'est que, dans tous les paiements faits aux personnes âgées, il n'y a que 13% de ces paiements qui ont été faits à partir des régimes de rentes supplémentaires.

Nous savons que moins de 50% des personnes qui travaillent souscrivent à un régime de rentes privé supplémentaire collectif. Si on soustrait les secteurs public et parapublic de ces 50% - il y a là tout un groupe de 300 000 individus qui ont tous accès à ce genre de régime - la proportion doit tomber autour de 30%. Cela veut dire qu'il n'y a que 30% de la population active dans le secteur privé, dont le gouvernement dit depuis quelque temps que c'est par ce secteur que tout va se faire ici au Québec, qui ont accès à autre chose que la Régie des rentes du Québec. Si on pense à ces prestations de 340 $, on comprend pourquoi le moment de la retraite n'est pas nécessairement joyeux pour plusieurs personnes. La majorité des gens qui ont oeuvré non pas dans les grandes professions, non pas dans les grandes industries, mais les petits travailleurs qui ont oeuvré toute leur vie avec leurs moyens, qui arrivent au

moment de la retraite, et, à moins qu'ils n'aient pu faire des épargnes personnelles, ce qui est de plus en plus difficile depuis quelques années, le ministre évoquait lui-même que la crise économique... Même le gouvernement est au point où il ne peut plus procéder avec certaines choses qu'il souhaiterait voir. Donc, à moins qu'ils aient pu mettre de côté quelques dollars ici et là, ils se trouveront avec, comme pension de son travail, 340 $ par mois pour vivre, en excluant pour l'instant les montants qui pourraient venir de la sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti du gouvernement fédéral etc.

Uniquement pour ce qu'il retirera par rapport au travail qu'il a investi dans la société, il n'aura que 340 $ maximum, dépendant de son salaire actuellement. Comme on parle de pauvreté chez les personnes âgées, j'aimerais souligner aussi qu'il ne faut pas confondre les efforts, les changements ou les améliorations au Régime de rentes, avec quelque effort de combattre la pauvreté parce que les deux choses sont bien distinctes. Finalement, les rentes constituent une prestation que la personne retire après avoir contribué, épargné elle-même durant sa vie de travail; tandis que même si quelqu'un est dans le besoin, même si quelqu'un n'a pas d'autre source de revenu, ce n'est pas le Régime de rentes du Québec qui déboursera quoi que ce soit pour cette personne. Il y a peut-être d'autres programmes qui y verront, mais je pense que cela vaut la peine de faire la distinction entre des politiques de lutte contre la pauvreté et des politiques de refonte du Régime de rentes.

Le projet de loi que nous avons devant nous, le ministre le disait lui-même, est tellement partiel et restreint dans son application, qu'il y a lieu de se questionner par rapport à des déclarations qu'on a entendues. Il y a une chose qui me frappe souvent quand j'entends les ministres de l'autre côté faire des discours, c'est la façon qu'on a d'exagérer les choses, ce serait une façon de le dire, mais il y a autre chose aussi.

J'écoutais tout à l'heure le discours du ministre et je ne pouvais pas m'empêcher de penser honnêtement, d'après ce qu'on nous disait, que tout était magnifique, parfait et qu'il y avait un genre de tendance à éviter d'appeler les choses par leur nom. Effectivement les quatre éléments du projet de loi que nous avons devant nous susciteront et devraient susciter l'appui de plusieurs personnes âgées ainsi que de l'Opposition en Chambre. Il ne faut pourtant pas se leurrer, il ne faut pas croire que c'est un projet de loi qui changera le monde ou qui améliorera la condition de vie des personnes âgées de façon extraordinaire. Il ne faut pas prétendre que c'est quelque chose qui changera vraiment les choses pour beaucoup de personnes âgées.

Si on prend le principe premier du projet de loi qui est de permettre la retraite anticipée, c'est évidemment un geste louable, un geste qui donne et offre le choix à certaines personnes âgées de se retirer tôt du marché du travail. L'année passée le projet de loi no 15 a permis à des personnes de continuer à oeuvrer après l'âge de 65 ans. Mais par rapport, encore une fois, à la grande masse des personnes âgées, seules, quivivent sous le seuil de la pauvreté, quel choix réel y a-t-il là-dedans? Cela offre un choix réel pour les gens qui ont déjà un autre régime de rentes privé, cela offre un choix réel pour les gens qui ont pu arriver à cet âge en étant assez bien nantis. Pour ces gens-là, effectivement cela offre un choix, M. le Président. Mais je vous soumets très respectueusement que cela ne fait absolument rien pour ceux qui sont actuellement le plus dans le besoin.

Les gens qui ont vu leur situation qui était déjà précaire, pendant les dernières années, prendre, avec l'inflation, des coups l'un après l'autre, ce premier objectif de permettre la retraite anticipée, ne répond pas aux demandes de ces personnes-là. (16 h 30)

II y a autre chose que j'aimerais aussi souligner. Ce qui m'étonne, dans l'approche du gouvernement à l'heure actuelle, c'est qu'il me semble clair que c'est une approche de demi-mesure, une approche beaucoup plus motivée par un besoin de dire quelque chose à la population, même si c'est juste partiel, même si ce n'est qu'une demi-mesure, même si la véritable réforme va se faire à un autre moment. J'imagine qu'ils doivent lire les journaux comme tout le monde, ces gens doivent regarder les sondages comme tout le monde, ils doivent être très conscients qu'ils ont besoin de paraître bons et fins. C'est peut-être pour cela que le ministre a pris tout ce temps, durant son discours, pour nous dire comme ce gouvernement était beau et fin.

De toute façon, M. le Président, je voudrais vous soumettre quelques considérations concernant le projet de loi par rapport à ce besoin que nous avons de réformer le régime de retraite et de rentes. L'année passée, avec le concours de l'Opposition, on a présenté le projet de loi no 5 pour abolir l'âge de la retraite. Comme je le disais, nous avons voté pour le principe. On nous a dit: II faut permettre aux personnes âgées de maintenir leur emploi aussi longtemps qu'elles le peuvent. Cette année, avec un autre petit morceau, on vient nous dire qu'il faut encourager les personnes âgées à quitter leur emploi pour permettre d'intégrer les jeunes au marché du travail. Réunis ensemble et examinés dans l'optique de la retraite, les deux projets de loi offrent

un certain choix aux plus âgés, comme je le disais tout à l'heure. Un certain choix, car j'ai toujours en tête un grand nombre de personnes pour qui ce n'est pas un choix. Le choix, la décision de la retraite est dictée par des facteurs, entre autres, le revenu, qui ne sont pas touchés par les projets de loi en question.

Réunis ensemble et examinés par rapport à la libération de l'emploi, ces deux projets de loi sont en quelque sorte contradictoires. Si on isole le projet de loi que nous avons aujourd'hui devant nous, le projet de loi no 20, et qu'on l'examine par rapport à son but avoué, qui est de permettre la retraite anticipée, en premier lieu, on verra qu'il y a des questions à se poser comme je viens de le faire. Qui cela va-t-il servir, finalement? Tant mieux pour ces gens. Dans ce sens, le principe est bon, mais la réalité, pour la plupart des gens, reste inchangée.

Par rapport à l'autre objectif annoncé dans le discours inaugural qu'a fait le premier ministre et que le ministre a cité, savoir libérer des emplois en permettant la retraite anticipée, on verra facilement que cette mesure demeure un élément isolé de quelque effort réel que ce soit pour intégrer les jeunes au travail. C'est une approche qui me laisse perplexe dans les choix que fait le gouvernement de dire: On va essayer d'encourager les personnes âgées à quitter le travail, on va encourager une certaine catégorie de personnes âgées avec ce projet de loi, mais c'est laissé un peu comme cela. On n'a pas vu d'étude d'impact de ce projet de loi. On parlait de 5000 à 10 000 - on parlait de 20 000 il y a quelques semaines -emplois qui seront libérés et créés. D'où viennent ces chiffres? Est-ce qu'on peut nous dire qu'on a fait des études, qu'on a examiné d'autres projets ailleurs? Il y a des projets semblables ailleurs, dans d'autres parties du monde, qui, effectivement, encouragent les personnes âgées à prendre une retraite anticipée, mais c'est lié au fait que des jeunes sont intégrés au marché du travail.

Il y a, par exemple, le "Job Release Program", en Angleterre, qui a peut-être des carences, mais qui semble aussi faire son chemin. Il existe depuis 1977. Ici, on ne nous a rien dit sur l'impact réel, sérieusement étudié, d'un objectif avoué dans un discours inaugural qui était d'intégrer les jeunes au marché du travail. Il me semble qu'on a procédé plutôt à un genre de préparation de discours qui colle un peu avec ce qui existait dans les airs. Si on le présente, ça paraît bien.

Le ministre a aussi dit qu'il serait irresponsable d'augmenter les taxes sur la masse salariale des entreprises pour bonifier le Régime de rentes. Pourtant, il nous a dit aussi que les mesures contenues dans le projet de loi no 20 coûteront 60 000 000 $.

C'est évident que ce n'est pas gratuit et qu'il va falloir payer ces 60 000 000 $. C'est peut-être toute la question de la Caisse de dépôt qu'il faudrait aussi examiner, parce que nous savons que la Caisse de dépôt a un déficit actuariel. Nous savons que, dans quelques années... Honnêtement, je vous dis que j'ai été surpris aujourd'hui d'apprendre les prévisions, à savoir que ce n'était qu'en 1985 que la Caisse de dépôt commencerait à débourser plus qu'elle retire. On nous a dit que c'est déjà arrivé ou que cela arrivera l'année prochaine. On sait que c'est vers 1990 que la Caisse de dépôt sera obligée d'aller gruger dans les intérêts accumulés pour payer les cotisations. On sait que c'est vers l'an 2000, c'est-à-dire dans 17 ans, qu'il n'y aura plus un cent dans la Caisse de dépôt si on ne fait rien. Mon collègue de Vaudreuil-Soulanges l'a soulevé ce matin, même avec des attitudes qui veulent dire, finalement, "so what", si les investissements de la Caisse de dépôt ne donnent pas un rendement maximal, "so what", la Caisse de dépôt, semble-t-il, avec ce gouvernement, devient de plus en plus un instrument politique qu'un instrument qui va gérer et sauvegarder l'épargne des Québécois.

Mais, M. le Président, les 60 000 000 $ que cela va coûter ne vont pas venir des taxes; c'est ce qu'on nous a dit. Il faut que cela vienne de quelque part pourtant. Cela va venir de la Caisse de dépôt; c'est ce qu'on nous a dit également. Cela veut dire qu'on est dans une position où on sait que si on ne fait rien, sans parler d'augmenter les prestations, sans parler de bonifier les régimes, sans parler d'améliorer les conditions de retraite pour les gens qui ont contribué au Régime de rentes du Québec, si on laisse les choses telles quelles, il n'y aura plus de pension, il n'y aura plus d'argent pour payer les pensions dans 20 ans. Donc, il y a une urgence d'agir, M. le Président.

Il y a une urgence d'agir par rapport à l'ensemble de la question, concernant la bonification du Régime de rentes du Québec, sa valorisation, son mode de financement. Ce qu'on choisit de faire, c'est de traiter à la Caisse de dépôt pour payer maintenant des montants sans faire l'examen complet de ce qu'on veut comme société, l'examen complet d'un régime de rentes. On a procédé à la pièce, parce que cela paraît beau. Effectivement, comme je l'ai dit tout à l'heure, les quatre principes, les quatre sujets inclus dans le projet de loi, sont valables en soi. C'est valable de permettre une retraite anticipée, même à un taux actuariel réduit. C'est valable d'augmenter les prestations, le montant fixe à des conjoints survivants, etc. Mais ce n'est pas valable de procéder d'une manière décousue, par des demi-mesures et d'une manière qui, finalement, ne tient pas compte du fait que la Caisse de dépôt, ce

n'est pas la petite banque du Parti québécois, même si le ministre Parizeau l'utilise pour financer le trésor public à des taux préférentiels, même si ce même ministre emprunte de la Caisse de dépôt pour payer les intérêts qu'il doit à la Caisse de dépôt.

Il y a de sérieuses questions à se poser relativement au fonctionnement et à l'utilisation par le gouvernement de la Caisse de dépôt. On n'a rien fait de tout cela. On a choisi d'aller de l'avant par des mesures qui sont valables, mais qui sont abordées, si vous voulez, à l'envers. Cela aurait dû être des propositions, des changements à la suite d'une révision globale de toute la question. Si on n'est pas en mesure, aujourd'hui, de payer, comme l'a dit le ministre, pour bonifier le Régime de rentes du Québec, est-ce le fait que ce n'est que 60 000 000 $ qui nous permet aujourd'hui de le faire? "What is a million?" Est-ce simplement le fait qu'il reste encore quinze ans avant d'être à sec? Donc, on peut aller un peu plus vite et peut-être que cela va réduire le montant à on ne sait trop combien. Le chiffre de 60 000 000 $, qu'est-ce qui nous dit, M. le Président, que c'est effectivement les coûts de ce projet de loi? Est-ce qu'il y a eu des études de faites? Est-ce qu'il y a eu des analyses? S'il y en a eu, on n'a pas été mis au courant. (16 h 40)

On a vu d'autres domaines, l'exemple que je donnais tout à l'heure, celui des médicaments. En arrivant, le Parti québécois a dit: L'autre tiers des personnes âgées qui n'ont pas accès aux médicaments, on va donner des médicaments, sauf que, quelques années plus tard, ils étaient obligés de commencer à enlever ce médicament-ci de la liste, etc., même si cela touchait maintenant toute la clientèle. Je soulève cela simplement pour marquer l'inconsistance ou l'imprévoyance, si vous voulez, de ce gouvernement. Il n'y a rien qui garantit, à l'heure actuelle, que ce n'est pas la même incohérence, le même désir de paraître beau qui les pousse à aller de l'avant sans vraiment examiner d'une façon plus globale, plus sérieuse les impacts et les coûts de tout cela.

M. le Président, le ministre a parlé aussi d'une consultation qui sera faite quand la grande réforme viendra. Il a parlé dans les mêmes termes que le premier ministre dans son discours inaugural: il y aura un document en deux volets, en deux parties, qui sera soumis aux principaux intéressés. Je vois mal quels seraient les principaux intéressés si ce n'est tout le monde parce qu'il n'y a pas de principaux intéressés. J'aimerais, si vous le permettez, vous citer un bout d'un éditorial de Jean Francoeur, dans le Devoir du 27 mars, avec lequel je suis entièrement en d'accord, qui parlait précisément de la consultation: "Ou cette partie de phrase - dans le discours inaugural qui disait qu'on va soumettre un document de consultation aux principaux intéressés - ne veut rien dire, ou le gouvernement entend procéder à une consultation beaucoup trop limitée qu'il faut dénoncer à l'avance. - Je pense qu'effectivement il faut le dénoncer. -II n'y a pas - et je cite toujours - de principaux groupes intéressés dans une affaire qu'on aurait tort de réserver à quelque comité consultatif. Les rentes publiques sont la chose de tous les cotisants, syndiqués ou non, salariés ou indépendants. C'est une des voies très larges et très ouvertes qu'il faut réclamer sous peine de ne pouvoir discuter comme nous le faisons, d'ailleurs, depuis quelques mois à partir de fuites, délibérées ou non." Effectivement, M. le Président, une autre marque de commerce, si vous voulez, c'est de préparer quelque chose, de tester les gens en faisant quelques fuites, de faire parler les gens, de créer des espoirs, des attentes, de créer toutes sortes d'expectatives pour finalement arriver avec autre chose.

On l'a vu dans le projet de réforme du système scolaire. On l'a vu ici aussi. Vous rappelez-vous, il y a, je pense, à peu près huit, neuf mois, d'un mémoire qui a été supposément soumis au Conseil des ministres concernant toute la réforme des rentes du Québec? On était prêt à aller de l'avant. Là, on a retardé pour de bonnes raisons, je dirais, parce qu'il y a aussi toute la réforme du régime de rentes du Canada qui doit se faire, et que, même s'ils sont administrés séparément, on a profit à s'ajuster à celui du fédéral. C'est pour cela aussi que je me dis ceci: Nous savons que le gouvernement fédéral vient de commencer, à la suite d'études, une ronde de consultations publiques. Nous savons qu'en toute possibilité, en toute probabilité - et le ministre le disait lui-même - ni à Ottawa, ni ici au Québec on ne procédera avant un an et demi, deux ans peut-être à une réforme véritable. Pourquoi le gouvernement ne commence-t-il pas tout de suite à ouvrir le débat au grand public? Ce n'est pas seulement, encore une fois je le répète, la notion qu'il y a des rentes qu'il faut regarder du point de vue actuariel, etc., il y a aussi tout le débat qui doit se faire sur son mode de financement, sur la Caisse de dépôt et sur la façon dont on va prévoir un système de rentes pour les générations futures.

On a trop tendance, à l'heure actuelle - je pense que le projet de loi en est une preuve - à acheter maintenant et à payer plus tard. Je vous rappelle simplement que plus on retarde, plus la marge de manoeuvre est moindre, plus le coût sera élevé au moment où il va venir. C'est de la logique. S'il faut faire aujourd'hui quelque chose et qu'on le retarde pendant deux, trois, quatre

ans, dans quatre ans, il va falloir rattraper aussi tout ce qu'on a manqué parce qu'en attendant cette réforme, on se paie des traites. M. le Président, je pense que ce sont aussi des attitudes de ce genre qu'il faut regarder dans un discours semblable.

Quant aux quatre points du projet de loi, je pense que j'ai traité suffisamment du premier concernant la retraite anticipée. Simplement pour résumer, je pense que le principe de ce projet de loi est bon. Il va permettre à une partie de la population âgée d'avoir un choix réel par rapport au moment de sa retraite. Cela me fait penser aussi à toute la carence - je pense que c'était le député de Sainte-Marie qui le soulignait dans une motion sur les personnes âgées - quand on fait le bilan de quelque chose ou quand on regarde quelque chose, à tout ce qui n'a pas été fait encore. Je pense qu'on aurait avantage - et les personnes âgées y auraient aussi avantage - à avoir une discussion sur une véritable politique du vieillissement. Il y a des jalons de cette politique qui existent, mais le tout n'a pas été mis ensemble encore. Il ne faudrait pas croire que le projet de loi no 15 ou celui d'aujourd'hui, le projet de loi no 20, changent quoi que ce soit par rapport à la situation de la pauvreté des personnes âgées. Celui-ci traite des régimes de rentes. Quant aux trois autres points qui sont traités dans le projet de loi 20, là aussi nous sommes d'accord avec les modifications qui sont proposées. Nos réserves se situent surtout face à toute cette question de la réforme, à toute la manière de procéder. Ce n'est par rapport aux points précis qui existent dans le projet de loi comme tel que nous avons des objections. Nous avons des réserves par rapport à la façon de procéder de ce gouvernement, par rapport aux attitudes qu'a ce gouvernement quant à la facilité de se payer des choses dont les coûts devront être assumés par d'autres. Nous aimerions voir une attitude beaucoup plus responsable, beaucoup plus sérieuse et, surtout, plus réaliste. Comme je le disais au tout début de mon intervention, ce serait beau de voir les choses appelées par leur nom quand on traite de choses aussi importantes qui touchent une partie de la population qui, au fond, est beaucoup moins intéressée, à ce moment-ci, de savoir quels étaient les bons coups de tel ou tel gouvernement que de savoir comment sa condition sera améliorée.

J'aimerais arrêter là. Le débat continuera. Il y aura aussi, évidemment, la commission parlementaire où on va étudier ce projet de loi article par article. J'aimerais simplement dire que le gouvernement va recevoir la collaboration de l'Opposition pour ce projet de loi, même si on a des réserves, et c'est évident, par rapport au comportement du gouvernement. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: Merci, M. le Président. Je serai bref. Je demanderais l'ajournement du débat sur le projet de loi no 20, Loi favorisant la retraite anticipée et améliorant la rente des conjoints survivants.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion d'ajournement du débat est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 14) de notre feuilleton d'aujourd'hui.

Projet de loi no 23 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, la deuxième lecture du projet de loi no 23, Loi assurant la reprise des activités de Ma-delipêche Inc. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, on vient de m'apprendre que l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance du projet de loi et qu'il en recommande l'étude à la Chambre. En cela, il partage l'avis des pêcheurs et des travailleurs de l'usine de Madelipêche que nous avons eu l'occasion de rencontrer hier aux Îles-de-la-Madeleine lors d'une assemblée considérable qui regroupait plus de 500 personnes et qui ont demandé à l'unanimité à l'Assemblée nationale de voter le plus rapidement possible cette loi qui va permettre la reprise des activités de Madelipêche Inc. aux Îles-de-la-Madeleine. (16 h 50)

Normalement, les activités de pêche et de transformation de poisson commencent en avril, aux Îles-de-la-Madeleine, dès que le golfe a été libéré des glaces. Cette année, parce que l'hiver a été particulièrement clément, les chalutiers des îles auraient pu quitter le port de Cap-aux-Meules à la mi-mars. Mais ces bateaux sont toujours attachés au quai. Depuis le 14 avril dernier, le gouvernement du Québec a un plan pour envoyer ces bateaux à la pêche et assurer la reprise des activités de transformation dans les usines de la société Madelipêche, une société dont la Fédération coopérative des pêcheurs unis du Québec détient 51% du

capital-actions et la Société de développement industriel du Québec, 49%. Jusqu'à ce jour, ce plan a été mis en échec par Pêcheurs Unis du Québec et le gouvernement fédéral. Pêcheurs Unis du Québec est techniquement en situation d'insolvabilité depuis des mois. Cette coopérative doit à sa filiale, Madelipêche, une somme d'environ 2 700 000 $ qui paralyse cette compagnie des Îles-de-la-Madeleine et elle refuse de collaborer avec le gouvernement du Québec à la poursuite des activités de Madelipêche. Quant au gouvernement fédéral, il demande de maintenir le statu quo sur la situation financière désespérée de Pêcheurs Unis du Québec et de ses filiales en attendant que M. Michael Kirby, originaire d'Halifax, qui a présidé un groupe d'étude sur les pêches à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse, ne depose un rapport spécifique sur Pêcheurs Unis.

Parlant de M. Michael Kirby, je pourrais vous dire que j'ai eu l'occasion de le rencontrer, après ma tentative d'un mois et demi. Il a pu trouver seulement un mercredi soir, 23 heures, dans son calendrier de vice-président du Canadien National pour nous rencontrer à son bureau. J'ai été surpris de constater que, venant parler des pêches du Québec, il n'était accompagné d'aucun fonctionnaire des Pêches et des Océans d'Ottawa, donc aucun fonctionnaire du ministère de M. De Bané, qu'il était accompagné de deux personnes d'Halifax, d'une de Toronto et d'un fonctionnaire du ministère des Finances d'Ottawa. J'ai été un peu surpris de constater que quand on parle des pêches avec M. Kirby, il ne sent pas le besoin d'avoir des fonctionnaires du Québec dans le dossier, pas plus que dans sa commission.

Par ailleurs, pendant que deux mandarins de Pêcheurs Unis du Québec essaient de sauver leur peau et que le gouvernement fédéral poursuit placidement ses cogitations sur l'avenir des pêches au Québec, plus de 450 pêcheurs et travailleurs d'usine des Îles-de-la-Madeleine assistent passivement à cette tragique mascarade. Le gouvernement du Québec a décidé de mettre fin à cette prise d'otages.

Le projet de loi qui est déposé aujourd'hui vise à mettre fin à cet interminable tournage en rond. Il suspend les pouvoirs du conseil d'administration de Madelipêche, dominé par Pêcheurs Unis qui est en flagrant conflit d'intérêts. En effet, pour sauvergarder les intérêts vitaux de Madelipêche, les membres du conseil d'administration de Madelipêche doivent exiger de Pêcheurs Unis le remboursement de la dette de 2 700 000 $ que cette fédération coopérative a contractée envers Madelipêche en 1982. De son côté, celle-ci pourrait faire intervenir la banque qui aurait gardé les fonds à son avantage au détriment des autres créanciers.

Cela fait des mois que Pêcheurs Unis abuse de son pouvoir majoritaire au conseil d'administration de Madelipêche pour éviter que prenne fin le siphonage financier de Madelipêche au profit de la fédération coopérative et de ses créanciers. Il y a des limites à tout abus, surtout lorsque les fonds publics sont en cause. Ce projet de loi vise donc à remplacer temporairement et pour le temps que cela prendra tout de même, le pouvoir de cet étrange conseil d'administration. Il a aussi et surtout pour but d'assurer la reprise des activités de Madelipêche. Il y a cependant lieu d'expliquer à cette Chambre et à nos concitoyens comment une compagnie qui a fait 700 000 $ de profit net après impôt en 1982 et plus de 1 048 000 $ avant amortissement se retrouve endettée à l'extrême au printemps 1983 et totalement incapable de poursuivre ses activités. C'est une situation plutôt inusitée qui exige des éclaircissements.

Sans remonter à la nuit des temps, il faut se rappeler qu'au milieu des années soixante, la compagnie Gorton's Canada Limited, filiale de General Mills, a développé une industrie de pêche et de transformation du sébaste aux Îles-de-la-Madeleine. La compagnie a fait des affaires d'or entre 1967 et 1975 en participant, de concert avec d'autres compagnies basées surtout en Nouvelle-Écosse, à l'exploitation massive du sébaste du golfe Saint-Laurent. Les résultats de cette pêche ont été si stupéfiants que les stocks de poisson ont été complètement décimés et que le gouvernement fédéral, se réveillant sur le tard, a imposé à compter de 1976 des quotas très sévères aux pêcheurs de sébaste. Ces quotas ne permettaient pas de rentabiliser les exploitations de ces grandes compagnies et, à la fin de 1976, Gorton's Canada Limited a décidé de quitter les Îles-de-la-Madeleine. 300 pêcheurs et travailleurs d'usine étaient ainsi laissés pour compte avec deux usines, une flotte de six chalutiers et une ressource décimée.

Le gouvernement du Québec a néanmoins décidé de venir en aide à cette population des Îles-de-la-Madeleine pour qui la pêche représente la principale source de revenus. Le 21 avril 1977, il a acheté les usines et les bateaux de la multinationale et il a conclu un contrat de gestion avec la Fédération coopérative des pêcheurs unis du Québec par lequel tous les risques financiers étaient assumés par le gouvernement du Québec. Au printemps 1977, la pêche a repris aux Îles-de-la-Madeleine grâce au gouvernement du Québec.

En 1978, la société Madelipêche a été constituée. Elle est formée de Pêcheurs Unis du Québec, qui détient 51% du capital-actions et de la Société de développement

industriel, qui en détient 49%. Parmi les clauses des conventions qui interviennent alors entre la Société de développement industriel, Pêcheurs Unis et Madelipêche, il y a les dispositions suivantes: premièrement, la mise en marché de tous les produits de Madelipêche est confiée à Pêcheurs Unis du Québec en considération d'une commission de 4% ou 5% selon la nature des produits; deuxièmement, Pêcheurs Unis du Québec offre à Madelipêche des services de gestion et d'administration en considération de certains honoraires; troisièmement, le gouvernement du Québec remboursera à Madelipêche, sous forme de subvention, le déficit net consolidé pour une période de cinq ans; quatrièmement, à la fin de la période de cinq ans, Madelipêche remboursera à même les profits réalisés le montant des subventions effectivement versées pour les déficits, moins 300 000 $.

Entre 1978 et 1981, Madelipêche a été gérée par Pêcheurs Unis du Québec et le gouvernement du Québec a versé à cette compagnie des subventions de 2 215 810,30 $ pour le déficit d'exploitation de cette entreprise pour les quatre dernières années, c'est-à-dire les années 1978, 1979, 1980 et 1981. Pendant cette période, Madelipêche a diversifié sa production en adaptant une des deux usines pour la transformation du crabe. En 1981, lorsque Madelipêche a présenté au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation la facture représentant le déficit d'exploitation de cette société pour l'année 1980, j'ai posé un certain nombre de conditions au paiement de ce déficit qui s'élevait alors à 888 932 $.

Parmi les exigences que j'ai posées à Madelipêche, il y avait celles-ci: premièrement, retenir les services d'une firme de consultants afin d'analyser la structure administrative de Madelipêche, la qualité des administrateurs et l'efficacité des méthodes de production; deuxièmement, déposer au plus tard le 31 décembre 1981 un plan triennal de développement illustrant notamment les façons d'améliorer la productivité de l'entreprise et de rentabiliser ses exploitations; troisièmement, obtenir avant le début de chaque année financière l'autorisation conjointe du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et de la Société de développement industriel pour: a) l'établissement des taux de commission sur les ventes; b) la fixation des honoraires de gestion versés à Pêcheurs Unis du Québec; c) la conclusion d'accords relatifs aux bases d'imputation se rapportant à la rémunération des administrateurs qui travaillent à la fois pour le compte de Pêcheurs Unis du Québec et Madelipêche.

À l'exception de celle qui a trait au plan triennal, toutes ces conditions ont été acceptées. La firme de consultants retenue par Madelipêche fut Benoît, Mallette & Associés, qui a déposé, à la fin de l'année 1981 ou au début de l'année 1982, un rapport plutôt accablant sur la qualité des administrateurs et des gestionnaires de Madelipêche et de Pêcheurs Unis du Québec. Malheureusement, Pêcheurs Unis a cette fois encore utilisé de façon démesurée son pouvoir majoritaire au conseil d'administration de Madelipêche pour dénaturer les grandes lignes du rapport de la firme et faire effectuer un genre de chaise musicale aux officiers gestionnaires mis en cause plutôt que de remplacer ceux qui avaient vraiment été pointés comme douteusement compétents.

En 1982, les prix du sébaste se sont raffermis, les stocks de sébaste sont nettement en meilleur état qu'en 1976 et les prix, de même que la quantité de crabe, atteignent des sommets records. Madelipêche émerge et fait des profits. Le gouvernement du Québec a enfin gagné son pari. Madelipêche peut être rentable. (17 heures)

C'est là qu'il se passe des choses étranges. Les recettes de Madelipêche sont drainées dans le groupe financier de Pêcheurs Unis du Québec. Madelipêche accumule, au fil des mois, une dette de plus en plus lourde. Pêcheurs Unis du Québec cesse de payer ses créanciers et utilise à fond une marge de crédit. Au moment de reprendre ses activités au printemps 1983, Madelipêche paie des intérêts sur une marge de crédit de 1 700 000 $ et doit en plus 1 200 000 $ à plusieurs organismes publics ou parapublics tels le ministère du Revenu pour des impôts, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, l'Hydro-Québec, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, les assurances collectives et un grand nombre de petits créanciers des Îles-de-la-Madeleine.

Au fond, dans certains cas, il s'agit de sommes qui ont été perçues des salaires des employés pour des fins particulières et qui n'ont pas été remises à ceux à qui elles auraient dû être remises.

Je considère parfaitement anormal qu'on perçoive des cotisations syndicales et qu'elles se retrouvent dans la maison-mère ou dans la banque plutôt que dans le compte du syndicat. Je trouve parfaitement anormal que les employés paient des primes d'assurance et que ces primes ne se retrouvent pas auprès des assureurs, mais soient versées dans le compte de la maison-mère ou encore dans le compte de la banque. Je trouve parfaitement anormal que des impôts aient été déduits des salaires des employés et ne se retrouvent pas au gouvernement du Québec ou au gouvernement d'Ottawa, qui doivent percevoir ces impôts

déduits en leur nom auprès d'entreprises.

En somme, au fond, au cours de cette année 1982, le poisson a été payé aux pêcheurs, les salaires ont été payés aux employés, mais pour le reste, on a perçu l'argent et on n'a payé personne à toutes fins utiles. L'argent s'est retrouvé soit à Pêcheurs Unis du Québec, soit à la banque.

On peut utiliser tous les euphémismes pour définir ce genre de situation. Il y a cependant une situation très nette qui se dégage dans le présent cas. Les fonds de Madelipêche, pour la vente des poissons de Madelipêche qui ont été vendus par Pêcheurs Unis du Québec, sont rachetés par Pêcheurs Unis du Québec et d'autres disent que c'est la banque qui les a gardés. Cela est parfaitement clair et j'ai peine à croire que ces transactions auraient pu se faire en toute légalité dans le cours normal des affaires, parce que si c'était cela le cours normal des affaires, il faudrait qu'il soit changé par la loi. Car il est absolument anormal que des sommes pour les poissons qui ont été vendus se retrouvent partout ailleurs sauf dans le compte de banque de l'entreprise. C'est ce qu'a vécu Madelipêche au cours de l'année 1982. Et aujourd'hui il y a des moments où le compte a dépassé les 4 000 000 $ qui étaient dûs pour du poisson qui avait été vendu.

Ce qu'on ne sait pas encore, M. le Président, c'est sur l'instigation de qui le siphonage financier de Madelipêche a été accompli. On sait que Madelipêche et Pêcheurs Unis du Québec étaient administrés quotidiennement par les mêmes personnes et qu'ils faisaient affaires à la même banque. Tout le monde savait aussi qu'en 1982, Pêcheurs Unis du Québec était rendu au bout de sa corde et que Madelipêche était en excellente situation financière. Ceux qui ont tripoté les comptes de Madelipêche et qui les ont indûment associés à ceux de Pêcheurs Unis étaient parfaitement conscients de ce qu'ils faisaient.

Le Contrôleur des finances du Québec a été mandaté pour rechercher les documents permettant d'établir quels sont les responsables de ces transactions et au profit de qui elles ont été faites. Le contrôleur doit remettre son rapport la semaine prochaine. S'il n'a pu obtenir les réponses satisfaisantes aux interrogations troublantes que posent les événements qui se sont passés à Madelipêche en 1982, il faudra prendre les moyens pour obtenir nos réponses et nous les obtiendrons. Car il n'est pas correct pour les gens des Îles-de-la-Madeleine qu'une telle situation, un tel imbroglio se passe et que tous les gens que nous rencontrons dans ce dossier se disent tous de bonne foi. La bonne foi a ses limites, M. le Président.

C'est dans ce contexte que le gouvernement du Québec a décidé de relancer Madelipêche sur une autre base que celle qui a conduit à l'invraisemblable situation que nous déplorons aujourd'hui. Il fallait, tout en prenant les moyens de faire la lumière sur ces événements, tenter de récupérer les sommes dues à Madelipêche, fournir de nouveaux capitaux à l'entreprise, redémarrer la production et trouver des partenaires qui ne soient pas en conflit d'intérêts comme l'ont été les représentants de Pêcheurs Unis du Québec depuis le printemps 1982. C'est pourquoi le gouvernement du Québec a alors mandaté SOQUIA pour acquérir les bateaux et les actifs terrestres afin de "repartir" la saison de pêche, comme disent les Madelinots. Au cours de l'année, SOQUIA se serait par la suite consacrée aux pêcheurs, aux travailleurs d'usine et aux investisseurs privés des Îles-de-la-Madeleine pour former une société de pêche dans laquelle les Madelinots auraient eu une participation d'à peu près 50-50 avec SOQUIA. C'est dans le cadre de ce plan que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a mis en demeure Madelipêche de lui rembourser près de 350 000 $ sur des prêts sans intérêt contractés lors de la construction des six chalutiers de la compagnie et pour lesquels Madelipêche n'avait effectué aucun remboursement en 1982.

Le ministère a vendu par la suite ces chalutiers à SOQUIA conformément aux règles ou aux dispositions du droit maritime. Il a agi à cet égard de la même façon qu'avec les autres propriétaires de bateau qui n'effectuent pas le remboursement de leur prêt et qui ne prennent pas entente avec le ministère lorsqu'ils sont en défaut. La prochaine étape aurait été franchie par la location et la vente des actifs terrestres. Les négociations étaient déjà engagées avec les créanciers hypothécaires lorsque le gouvernement fédéral est intervenu.

L'effet de cette intervention impromptue et improvisée fut d'arrêter tout le processus de reprise des activités de Madelipêche. Le gouvernement fédéral a en effet décidé, vraisemblablement sous l'instigation des créanciers de Pêcheurs Unis du Québec, d'ajouter une bonbonne d'oxygène à l'appareil qui maintenait la fédération coopérative en vie de façon artificielle depuis plusieurs mois. En effet, le ministre des Pêches et des Océans, en s'appuyant sur le vide d'un rapport qui sera hypothétiquement déposé dans quelques mois, a décidé d'octroyer à la Fédération coopérative des pêcheurs unis du Québec une garantie bancaire de 3 000 000 $ sur une marge de crédit de 10 600 000 $ avancés par la Banque Nationale du Canada.

Il s'agit, dit le ministre fédéral, d'une aide ponctuelle temporaire destinée à maintenir la fédération coopérative à flot en attendant que M. Michael Kirby ait déposé son rapport dans deux mois. Pour pouvoir

bénéficier de ce sursis de deux mois, Pêcheurs Unis du Québec ne devait rien changer à son organisation et à ses structures, y compris dans Madelipêche qui, au dire du ministre fédéral, serait le joyau de Pêcheurs Unis. À voir ce qui s'est passé l'an dernier, je dirais davantage que Madelipêche est plutôt devenue la vache à lait de Pêcheurs Unis. Autrement dit, pour satisfaire la volonté fédérale, il faudrait simplement tout suspendre en attendant que M. Michael Kirby s'instruise.

Je regrette, mais nous ne marchons pas à cette cadence de tortue. Cela fait maintenant deux ans que la restructuration de Pêcheurs Unis est engagée, il faut aboutir. La situation financière de Pêcheurs Unis est tellement désespérée que les pêcheurs membres de cette fédération ne veulent plus de la fédération. La base d'une coopérative est que les membres en veulent; ce sont les membres eux-mêmes de Pêcheurs Unis, dans des assemblées qui ont regroupé les différentes personnes de Pêcheurs Unis, qui ont décidé de former des coopératives régionales et de vendre les actifs de Pêcheurs Unis à quatre coopératives: la Coopérative des Îles-de-la-Madeleine et surtout la Coopérative de Rivière-au-Tonnerre et celles de Rivière-au-Renard et de Newport. C'est avant que le fédéral n'intervienne. Les votes avaient été pris dans chacune de ces fédérations coopératives. Les votes avaient été pris à Rivière-au-Tonnerre. Tous les pêcheurs ont voté en faveur d'une coopérative régionale qui prendrait la succession des actifs de Pêcheurs Unis de même que les travailleurs d'usine qui voulaient s'impliquer également.

Même chose à Newport. Les gens ont voté, tant les pêcheurs que les travailleurs. À Rivière-au-Renard, les modalités étaient différentes et le débat n'était pas encore terminé. En somme, au fond, les pêcheurs eux-mêmes - et c'est là la base d'une coopérative - avaient décidé qu'ils voulaient liquider Pêcheurs Unis au profit de coopératives régionales parce qu'ils voulaient enfin mettre la main sur leurs institutions qui étaient dirigées davantage par des bureaucrates. Ils voulaient que les pêcheurs aient davantage un mot à dire dans les pêches. Le gouvernement de Québec a dit qu'il avait confiance en cette décision des pêcheurs et, de la même façon que les coopératives des agriculteurs sont dirigées par les agriculteurs eux-mêmes, il souhaitait, il trouvait normal et il appuyait les pêcheurs qui voulaient diriger eux-mêmes leurs coopératives. C'est cela, la base de la coopération.

Je m'étonne de constater - un jour, la petite histoire se fera de ce dossier - que des gens qu'on aurait dû voir davantage supporter les pêcheurs dans ce débat ont été plutôt mollasses. Je ne peux pas répéter tout ce qui a été dit dans mon bureau, M. le Président, mais je vais vous dire franchement qu'il y a des bouts que je ne comprenais pas. Les gens qui auraient dû être les premiers à faire confiance aux membres de mouvements coopératifs étaient les premiers à me demander pourquoi je faisais confiance aux pêcheurs. J'ai décidé de faire confiance aux pêcheurs et j'aurais aimé que les pêcheurs soient petits oiseaux pour entendre ce qui se passait dans mon bureau et voir à quel point c'est le gouvernement du Québec qui a été obligé de dire qu'il fallait faire confiance aux pêcheurs, qu'ils étaient capables de prendre des responsabilités et d'assumer des fonctions de responsabilité dans des coopératives régionales. Je pense que nous avons fait confiance aux pêcheurs.

Nous savons qu'il y aura des problèmes et en même temps nous sommes convaincus... Tous les gens qui ont participé à ce dossier, du côté du gouvernement, savent qu'il y aura des problèmes, que ce ne sera pas toujours facile et qu'il y aura des décisions parfois douloureuses à prendre. En même temps, comment une coopérative peut-elle exister si les pêcheurs qui sont membres de la coopérative n'ont plus leur mot à dire, si ce sont les bureaucrates qui décident pour eux, si les décisions sont prises sans la réunion des conseils d'administration, si les conseils d'administration sont là pour entériner des décisions une fois qu'elles ont été complètement prises par des bureaucrates? Ce n'est pas là le rôle d'une coopérative. C'est évident que cela prend des bons directeurs et des bons gestionnaires dans une coopérative, mais ces gestionnaires qui sont à l'emploi des conseils d'administration formés de pêcheurs doivent avoir un comportement normal, considérer que leurs patrons ce sont les pêcheurs, et qu'ils ne sont pas les patrons des pêcheurs. Je trouve personnellement un peu absurde que, dans le mouvement coopératif des pêches au Québec, on appelle les bureaucrates les patrons, alors que les patrons, ce sont les pêcheurs. Ce sont les pêcheurs qui paient. Ce sont les pêcheurs qui investissent l'argent. Ce sont eux qui doivent prendre les décisions après avoir écouté et entendu les avis des personnes qu'ils ont engagées. Les gestionnaires dans une coopérative sont d'abord les employés de la coopérative. Quand les gestionnaires ne le savent pas, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.

C'est pourquoi, M. le Président, on ne peut pas faire vivre contre nature une organisation coopérative qui est massivement rejetée à la base. Ce n'est pas nous qui avons fait le choix. Je n'ai jamais, dans le dossier de Pêcheurs Unis, d'aucune façon, décidé quoi que ce soit sans demander aux gens du milieu ce qu'ils voulaient. Ce sont les gens du milieu eux-mêmes qui veulent une nouvelle organisation coopérative, parce

qu'ils ont perdu confiance en Pêcheurs Unis. C'est aux coopérateurs de décider ce qu'ils veulent faire de leur coopérative. Dans ce dossier, nous avons essentiellement appuyé les décisions prises librement par les pêcheurs. Ce sont peut-être les premières décisions qu'ils prenaient librement depuis longtemps, soit de constituer des coopératives régionales opérant la liquidation graduelle de Pêcheurs Unis.

D'autre part, le Québec a adopté une loi et un règlement pour moderniser des usines de transformation. L'échéance de cette réorganisation, c'est le 1er janvier 1985. Ce n'est pas une échéance sortie du chapeau d'un magicien, comme on sort un lapin ou des mouchoirs, mais c'est un long processus qui a été engagé par le gouvernement du Québec, un long processus de consultation. En mars 1980, il y a eu le colloque de Gaspé qui a initié tout ce mouvement avec l'ensemble des gens qui ont discuté de ce que devrait être la modernisation du secteur des pêches. En mars 1981, il y a eu le colloque de Sept-îles où un brouillon de ce que serait une réglementation dans le secteur des pêches a été rédigé et endossé par l'ensemble du secteur des pêches au Québec. Finalement, une loi a été adoptée par l'Assemblée nationale le 31 décembre 1981 et une réglementation a été adoptée au printemps 1982 pour indiquer - après une dernière consultation de tous les industriels du secteur, qu'ils soient dans le domaine du gros ou même dans le domaine du détail, avec les différentes associations - quelle serait la loi et tout ce qui serait prévu dans le règlement. Nous avons fixé cette échéance au 1er janvier 1985, parce que le secteur des pêches au Québec va pouvoir véritablement fonctionner sur des bases solides quand il aura assumé une véritable direction dans le secteur, non pas de se comparer au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve et à la Nouvelle-Écosse, cela ne nous intéresse pas. Ce n'est pas ce que nous recherchons. Nous ne recherchons pas la comparaison avec les autres provinces maritimes qui sont dans une situation complètement différente de la nôtre. Les provinces maritimes qui produisent 20, 30, 40 ou 50 fois plus de poisson qu'elles peuvent en manger vont essayer de le vendre sous d'autres formes. Tandis que le Québec, avec 6 500 000 de population, avec des prises qui, l'an dernier, ont été de 80 000 tonnes, peut consommer lui-même une grande partie du poisson qu'il produit à condition de satisfaire les demandes du marché québécois. Surtout que cette modernisation dans les pêches au Québec, avec une orientation vers une transformation plus poussée des produits marins au Québec, avec le développement des élevages par la pisciculture, peut connaître un avenir extraordinaire à condition de décider d'une façon irrévocable que nous produirons un poisson de qualité qui sera comparable au poisson qui jouit de la plus grande renommée dans le monde.

C'est pour cela que quand nous avons recherché des modèles, nous avons recherché ce qui se faisait ailleurs, nous sommes allés voir où? Nous sommes allés voir sur la Côte-Ouest du Pacifique, aux États-Unis, dans la région de Seattle reconnue comme une des principales régions de production du poisson. Nous sommes allés voir aussi du côté Ouest, en Colombie britannique. Nous sommes allés aussi du côté des principaux acheteurs, à Boston, dans la région de Boston, Gloucester. Nous sommes allés également en Bretagne où il y a des usines renommées dans le secteur des pêches. Nous sommes allés voir aussi ce qui se passait au Danemark, là où la plus grande renommée se trouve dans le domaine de la production alimentaire, qu'il s'agisse de produits agricoles ou de produits marins. En Norvège, aux îles Foeroë, en Islande, pour prendre des modèles, voir ce qui se faisait dans les pays qui ont la plus haute renommée dans le monde.

Aujourd'hui, parce que ce sont nos compétiteurs - à moins qu'on veuille vivre selon des modèles traditionnels où, dans le temps, on vendait du poisson salé aux Antilles et on rapportait du rhum, mais cette époque est dépassée - il faut vendre sur de nouveaux marchés différents. C'est plus payant pour un pêcheur de la Gaspésie de vendre de la morue à Montréal, mais selon les spécifications de Montréal. Le consommateur québécois n'achètera pas de bloc. Il n'achète vraiment pas de grandes quantités de poisson salé et séché. Il achète du poisson dans des portions individuelles, quatre onces, cinq onces, six onces. Il achète du poisson frais, du poisson qui a été fraîchement décongelé, mais en fonction des besoins de nos marchés. Ce sont les marchés qui sont les plus payants. Pourquoi suivrions-nous un modèle comme Terre-Neuve, comme la Nouvelle-Écosse qui ne disposent pas de ces marchés? Pourquoi travaillerions-nous pour approvisionner les grossistes des États-Unis qui vont nous faire des bâtonnets avec du bloc en mettant un petit peu de panure dessus? Des morceaux de poisson qui auront été préparés dans les usines américaines? Pourquoi envisager d'abord ce marché alors que nous devrions envisager le marché québécois?

Je peux vous dire que j'ai rencontré, en fin de semaine, des distributeurs de service alimentaire du Québec qui me disaient: M. Garon, on a hâte de distribuer le poisson du Québec. J'ai rencontré encore récemment quelqu'un qui me disait que grâce aux bateaux modernes que vous avez aidé à bâtir au Québec avec réfrigération à bord, vos pêcheurs viennent nous rencontrer pour nous offrir du poisson de première qualité. Ce qu'on espère, c'est que quand on aura fait

des contrats avec eux, s'ils obtiennent pendant une journée ou deux dans une semaine un prix meilleur, qu'ils ne nous lâchent pas, qu'ils nous soutiennent en approvisionnement régulier; c'est là qu'est l'avenir du Québec dans les pêches. C'est clair comme de l'eau de source. On doit prendre d'abord son marché et en vendant notre poisson sur le marché québécois, on sera en mesure aussi de satisfaire les clients les plus sophistiqués dans le monde. Parce que les consommateurs du Québec - qu'il s'agisse de Montréal ou de Québec - les restaurateurs du Québec - sont parmi les meilleurs dans le monde en termes d'exigence du point de vue de la qualité.

En satisfaisant d'abord notre propre marché, nous nous mettons en position de vendre aux clientèles les plus sophistiquées dans le monde. C'est pour cela qu'il y avait besoin d'une réorientation. Personnellement, je n'étais pas d'accord avec Pêcheurs Unis dans une proportion de 12% du poisson du Québec et 88% des centres de distribution de Pêcheurs Unis distribuaient du poisson importé. Il faut s'orienter en fonction des besoins du marché. (17 h 20)

Cette loi de modernisation du secteur des pêches a été conçue en fonction des besoins du Québec, en fonction des besoins et des marchés québécois. Cette échéance, c'est le 1er janvier 1985. Il est absolument essentiel que Madelipêche et les coopératives qui seront issues de Pêcheurs Unis du Québec élaborent dès cette année les plans de modernisation de leur usine s'ils veulent poursuivre leurs activités après le 1er janvier 1985. Nous ne pouvons pas attendre, nous n'avons pas l'intention d'attendre et nous n'attendrons pas, M. le Président. D'ailleurs, c'est dans le projet de loi, le mandat du conseil provisoire, à un article précis, l'article 4. Il aura comme tâche également, après avoir mis en place ou après avoir pris les mesures qu'il juge appropriées, d'assurer la reprise et le développement des activités de la compagnie ainsi que le redressement de sa situation financière, de veiller notamment à élaborer et à mettre en oeuvre un plan de modernisation des usines, de manière à permettre à la compagnie de satisfaire aux exigences prescrites pour la délivrance des permis requis en vertu de la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments. Il ne faut pas attendre parce que M. Kirby n'est pas prêt. C'est son problème, à Kirby. On n'a pas besoin de Kirby pour faire notre travail au Québec dans le secteur des pêches. Ce qui ne veut pas dire - et je veux être clair là-dessus - que si le gouvernement fédéral, qui perçoit quand même 25% de son argent au Québec - 50% de nos impôts sont payés à Ottawa - a de l'argent à mettre dans le domaine des pêches, il n'y ait pas une part qui doive revenir au Québec.

Mais au Québec, mettre de l'argent, cela veut dire le mettre à des endroits où on en a besoin. Quand vous allez sur nos havres de pêche ou sur les quais du Québec - et combien de quais j'ai visités -normalement, il y a des usines autour, il y a une centaine de bateaux de pêche, il y a 200 ou 300 employés qui gagnent leur vie. Sur les quais, vous avez une pancarte signée Pêches et Océans où il est écrit: Accès à vos risques. Et ils vous disent: Regardez le plancher, ne regardez pas en l'air et ne regardez pas la mer quand vous marchez, parce que vous allez tomber dans un trou. Il manque des planches sur les quais. Les quais ont l'air d'être à l'abandon. Il y a des quais qui ne sont pas assez beaux pour aller pêcher l'éperlan. C'est le gouvernement fédéral. J'ai dit à plusieurs reprises à M. De Bané: Mettez donc votre argent d'abord où il doit y avoir de l'argent, dans une juridiction qui est totalement la vôtre. Arrêtez donc de "taponner" dans un secteur qui est le nôtre et faites donc le travail qui vous appartient, à vous.

Regardez les différents havres de pêche du Québec et allez faire un tour, après, à Shippegan ou à Lameque. L'an dernier, j'ai fait 5300 kilomètres en automobile. J'ai conduit moi-même. J'ai visité tous les ports de pêche du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse pour voir à quel point nous étions traités différemment, pour voir à quel point là-bas il y avait des havres de pêche bien faits, avec des poutres en acier qui ceinturaient un beau havre à l'intérieur duquel il n'y avait pas de vagues. C'était de toute beauté. Chez nous, que fait-on? On décharge des tas de roches. On fait de l'enrochement, et encore, quand on le fait. On considère même l'enrochement comme quelque chose de mieux que ce qu'on a actuellement, des vieux quais de bois qui n'ont pas été touchés depuis des années. De temps en temps, on fait un petit programme communautaire pour permettre aux gens de trouver quelques planches pour boucher les trous. C'est ce qu'il faut changer et on en a le droit.

Par curiosité, j'aimerais qu'un seul journaliste fasse un reportage - un seul -photographique sur les havres de pêche du Québec, le havre de Sainte-Thérèse, par exemple, à l'Anse à Beaufils, en Gaspésie -il y a différents havres de pêche que je pourrais nommer un par un - et, ensuite, aille photographier ceux de Shippegan et de Lameque. Il verrait la différence, à quel point on est traité d'une façon épouvantable au Québec dans le secteur des pêches. On ne demande pas au gouvernement fédéral de s'occuper de la boëtte. On est capable de s'occuper de la boëtte. On ne lui demande de s'occuper de la glace. On est capable de s'occuper de la glace. On ne lui demande pas

d'intervenir dans les secteurs où on intervient, sauf de faire sa part normalement dans des programmes réguliers. Mais on lui demande de jouer son rôle dans le secteur où c'est sa responsabilité principale. C'est lui qui bâtit les havres de pêche. C'est lui qui bâtit des quais. C'est la responsabilité fédérale de bâtir des quais. J'ai été élevé dans un village où il y avait un quai, à Saint-Michel-de-Bellechasse, où il reste un mignon de quai - un mignon, comprenez-vous? Vous pouvez peut-être faire 20 ou 25 pas sur ce quai, aujourd'hui. Toute la baie a été brisée parce que ce quai, qui servait de brise-lames en même temps, a disparu. C'est la même chose tout le long de la côte du Québec, nos quais ont disparu.

Mais en même temps, par exemple, le gouvernement fédéral a le moyen, cette année, de dépenser plus d'argent en Ontario. Écoutez-moi bien, en Ontario, le budget de Pêches et Océans, cette année, va être plus gros qu'à celui du Québec. La mer n'est pas forte en Ontario. Les pêcheurs ne sont pas nombreux. On le sait. Nos anguilles qui reviennent de ce lac reviennent polluées. Elles ont mangé du murex et elles ne peuvent plus être mangées après cela. Les Allemands n'en veulent même pas. Le gouvernement fédéral va dépenser 27 000 000 $ cette année en Ontario, mais il dépensera moins que cela au Québec. Les pêches, cela ne se passe pas en Ontario. Au Québec, nous avons près de 2000 milles de côte. C'est ce qu'on demande au gouvernement fédéral, de faire sa "job" dans un. domaine où c'est sa "job". J'ai écrit à M. LeBlanc pour lui demander un certain nombre de havres de pêche et pour lui dire: Pouvez-vous faire les quais à ces endroits? Cela presse.

D'aucuns vous diront: Vous pouvez toujours vous accommoder des Pêcheurs Unis du Québec pendant les quelques mois de sursis que leur accorde le gouvernement fédéral. Ce n'est pas aussi simple. Compte tenu de ce qui s'est passé l'an dernier et de la situation de conflit d'intérêts qui perdure, je serais totalement irresponsable de laisser voguer Madelipêche sur ces eaux troubles. L'Opposition serait la première à me blâmer de ne pas intervenir d'autorité dans Madelipêche, sachant ce que je sais. Il faut aussi penser à l'avenir. Est-ce qu'on s'imagine un instant que Madelipêche, associée à l'agonisant Pêcheurs Unis du Québec, sera en mesure d'insuffler une once de dynamisme dans le secteur des pêches des Îles-de-la-Madeleine et du Québec. Les Madelinots ont le droit d'avoir une entreprise de pêche agressive, moderne, bien gérée et financièrement solide. Nous n'avons pas le droit de les abandonner à une fédération coopérative en dérive, sur laquelle le gouvernement fédéral vient de jeter l'ancre, faute de mieux.

C'est en dernière instance que nous nous adressons à l'Assemblée nationale pour briser l'impasse qui persiste chez Madelipêche. Nous aurions pu tenter d'acquérir de gré à gré une partie ou la totalité des actions que détient Pêcheurs Unis du Québec dans Madelipêche. Mais la fédération coopérative posait une condition à cette vente dans son plan de restructuration. La vente au gouvernement - je cite les paroles de leur plan - du Québec ou à d'autres partenaires de la totalité du bloc d'actions, 51%, détenues par la fédération dans Madelipêche Inc. pour la valeur au livre de 153 000 $, en contrepartie de la radiation des comptes à recevoir qu'elle détient envers Pêcheurs Unis du Québec, 2 700 000 $. On aurait été prêt à nous vendre 51% des actions, mais à condition d'oublier un compte de 2 700 000 $ pour des actions qui ont été payées 153 000 $ par une entreprise qui a eu, au cours des quatre dernières années, 2 200 000 $ de déficit que le gouvernement du Québec a payé entièrement.

Cela veut dire, au fond, qu'en plus de passer l'éponge sur les prétendues irrégularités qui se sont passées dans Madelipêche ou autour de cette compagnie, le gouvernement aurait acheté une valeur de 153 000 $ pour 2 700 000 $, plus 1 700 000 $ de marge de crédit qu'il aurait fallu rembourser, plus 1 200 000 $ de créances ordinaires. Business as usual! La boucle était fermée, on faisait un cycle complet, on recommençait les subventions et, dans trois ou quatre ans, on recommencerait. Nous avons dit non.

Vous comprendrez qu'avec une telle proposition, j'allais dire une telle offre, Pêcheurs Unis du Québec n'était pas particulièrement disposé à négocier raisonnablement. Je répète que Pêcheurs Unis du Québec a abusé de son statut dans Madelipêche et, comme fédération coopérative, elle ne veut pas mettre fin à son régime de privilèges qui, dans les circonstances, sont exorbitants. C'est la raison pour laquelle, elle refuse toute collaboration avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec.

Ses deux employés-cadres - il y a deux employés-cadres à Pêcheurs Unis du Québec - ont même intenté des poursuites judiciaires contre le gouvernement du Québec sans avoir reçu le mandat du conseil d'administration. C'est fort! C'est un peu comme Boreman dans le bunker après la mort d'Hitler. Il faut mettre fin à ce chantage parce qu'il est odieux et parce qu'il paralyse une industrie essentielle au développement économique des Îles-de-la-Madeleine. Le conseil provisoire des administrateurs, qui est proposé dans le projet de loi, n'enlèvera aucun bien à Pêcheurs Unis du Québec, ne dépouillera

aucunement cette fédération coopérative. Il prendra cependant les décisions dans le meilleur intérêt de Madelipêche et des Madelinots avant de servir ceux de Pêcheurs Unis du Québec. Il veillera aussi à moderniser Madelipêche sur le plan financier, sur le plan de la gestion et au niveau de la production. Il fera en sorte que Madelipêche puisse tirer profit de l'énorme potentiel de développement qui s'offre à elle en raison de la position stratégique des Îles-de-la-Madeleine dans le golfe Saint-Laurent et l'Atlantique. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, on se demanderait après avoir entendu le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation... J'espère qu'il se calmera bientôt parce qu'un de ces jours, je crois qu'il aura des problèmes de tension artérielle. Il se met tellement en colère ici, qu'on se demande parfois s'il commence à faire battre tous les moulins à vent à la fois. Je me demandais parfois, en l'écoutant, si on discutait vraiment de la loi 23. Je croyais qu'il nous présenterait des arguments solides, des arguments raisonnables pour justifier l'introduction d'une loi qui est un précédent, la première loi de ce genre jamais introduite au Québec. (17 h 50)

Je pensais que le ministre nous expliquerait pourquoi il y a une telle urgence dans les pêches. Je réalise qu'il y a une urgence, mais est-ce une urgence telle qu'on doive prendre des décisions d'une telle importance, avec des conséquences si importantes pour l'avenir du Québec qu'on doive suspendre l'application de la Loi sur les compagnies? C'est cela que fait la loi 23: elle met une compagnie privée en tutelle, elle met un conseil d'administration en tutelle. J'aurais espéré que le ministre nous parle de cette question, nous explique ce qui justifie une action aussi importante dans le domaine de la Loi sur les compagnies, dans le domaine privé des entreprises, dans le domaine des entreprises privées. Qu'est-ce qui justifie cette décision par rapport à une autre?

Nous sommes tous d'accord et nous cherchons un objectif commun, celui que les gens qui sont dans le secteur des pêches, les gens qui y vivent, les familles qui vivent de la pêche, les pêcheurs, les travailleurs, tout ce bloc de personnes... Je pense que, de part et d'autre, on reconnaît que tout ce que nous cherchons ensemble, c'est de permettre l'ouverture de la pêche. Tant de travailleurs, tant de pêcheurs ont été brimés dans leurs droits depuis plusieurs semaines déjà, pour ne pas dire depuis plusieurs mois. Là-dessus, nous sommes tout à fait d'accord, nous cherchons un objectif commun, la réouverture de la pêche, la réimplication des pêcheurs et des travailleurs dans le milieu qu'ils connaissent, dans le milieu qui les fait vivre, la réimplication des familles pour aller chercher le gagne-pain que ces pêcheurs et ces travailleurs leur donnent tous les jours. Cet objectif est commun, de notre côté comme du vôtre.

Là où nous nous posons de sérieuses questions, c'est à savoir pourquoi nous arrivons aujourd'hui, pour la deuxième fois en deux semaines, à faire un débat sur la réouverture de la pêche au Québec. Je vous dis, M. le ministre, que c'est vous le grand coupable, c'est vous le grand responsable si, aujourd'hui, on a ce débat en Chambre pour discuter de la loi 23 qui établit des précédents dangereux pour le Québec de demain. Peut-être que ça va régler votre problème à court terme, mais il y aura des conséquences importantes dans tous les domaines, que ce soit dans le domaine économique, dans le domaine financier, que ce soit dans le domaine de la structure des compagnies ou des conseils d'administration des entreprises privées. Ce sont des gestes dont on ne peut prévoir maintenant les conséquences pour l'avenir.

C'est une question fondamentale dont j'espérais que vous alliez traiter au lieu, encore une fois, de faire de grandes palabres sur le fédéral, sur le Nouveau-Brunswick et sur toutes les provinces avoisinantes en disant: Nous, au Québec, on s'occupe de nos pêches, comme si on pouvait garder les poissons dans une enceinte. Ce ne sont pas des poissons de bocal. Si c'étaient des poissons de bocal, votre argument aurait été valide. Si on avait un petit bocal, on pourrait y mettre tous les petits poissons du Québec et on dirait: Cela, ce sont les pêcheries du Québec. Votre argument serait alors très valable. Mais les poissons, ça nage, ça se déplace. Les poissons, peut-être que demain il faudra aller les pêcher dans la zone de 200 milles, qui est une zone canadienne, à tort ou à raison, pour le moment. Il faudra aller les pêcher là-bas, il faudra une collaboration avec ces mêmes provinces atlantiques, il faudra voir un peu plus grand que vous ne voyez. II faudra quitter notre petit esprit de clocher, notre petit esprit restreint. Il faudra voir un peu plus grand, il faudra peut-être aller chercher ces poissons qui nagent ailleurs, malgré vous. Il faudra de plus grandes politiques, il faudra de plus gros chalutiers et il faudra voir un petit peu plus grand.

J'aurais préféré qu'aujourd'hui on discute de la question fondamentale qui est devant nous. Vous allez dire, comme vous l'avez déjà dit: Les libéraux, ce sont eux qui

retardent la reprise de la pêche en ne nous donnant pas le consentement que nous voulions obtenir la semaine dernière. Vous ne l'avez pas dit aujourd'hui, mais je sais que cela a été dit: Les libéraux ne nous donnent pas le consentement unanime qu'on voulait pour faire les trois lectures de ce projet de loi, la première, la seconde et la troisième jeudi. Mais là, le problème fondamental, c'est que nous avons eu des réserves très importantes sur le principe même de la solution. Nous disons que la fin ne justifie pas les moyens. Vous cherchez une fin que nous désirons tous. Nous disons cependant qu'il y a diverses façons d'arriver au même but.

Depuis le début de mars, soit deux mois et demi, nous vous demandons, M. le ministre, de faire quelque chose. La réouverture de la pêche est mise en péril. Le 8 mars, le député de Gaspé vous a parlé des centres gaspésiens qui étaient affectés, car l'ouverture de la pêche était retardée.

Je vous ai demandé si vous pouviez mettre en place des garanties bancaires transitoires, prendre des mesures transitoires, des mesures d'urgence afin que l'ouverture de la pêche se fasse de façon tout à fait normale dans tous les centres de pêche au Québec.

Le 10 mars, je posais la même question au premier ministre qui m'a dit deux fois en me répondant: II ne faut pas faire trop de chahut là-dessus, il ne faut pas prendre panique. On prendra toutes les mesures qui s'imposent pour que l'ouverture de la pêche se fasse normalement. Et voilà comment l'ouverture de la pêche s'est faite normalement. À Rivière-au-Renard, l'usine était fermée, à Newport, l'usine était fermée, à Rivière-au-Tonnerre, l'usine était fermée, à Madelipêche, tout était fermé, et les bateaux sont immobiles. L'ouverture de la pêche s'est faite encore une fois dans un climat de confrontation constitutionnelle fédérale-provinciale. Tandis que les gens impliqués du milieu auxquels vous dites faire confiance, les gens pour lesquels vous et nous, nous travaillons principalement ici, députés du Québec, ces mêmes gens-là se trouvaient sans travail. À l'ouverture de la pêche, alors que leur assurance-chômage arrivait à la fin, ils se trouvaient sans travail parce que vous n'avez pas fait le travail pour lequel on vous a nommé ministre.

Gouverner, M. le ministre, c'est prévoir, c'est prévoir des échéances, c'est prévoir des problèmes. Avez-vous prévu les choses? Tout cela est arrivé depuis des mois. Vous vous êtes réfugié derrière un rapport que vous attendiez, le rapport de restructuration. Vous vous êtes réfugié, chaque fois que je vous ai posé des questions là-dessus, derrière ce rapport. Vous disiez: II faut attendre le rapport avant d'agir. Mais sûrement qu'il y avait des façons d'arriver à des solutions transitoires, à des solutions d'urgence, à des solutions temporaires qui n'auraient aucunement négligé l'application de ce rapport que vous avez eu vers la fin du mois de mars.

Peut-être faut-il faire un relevé de ce qui s'est passé depuis le début de mars, depuis le début de l'ouverture de la pêche dans certains centres. Le 8 mars, le député de Gaspé et moi-même avons posé des questions au ministre. Le 10 mars, nous posions des questions au premier ministre, qui nous a assuré que l'ouverture de la pêche se ferait normalement. Le 29 mars, la même chose après le retour de congé. Le 30 mars, durant les crédits provisoires des pêcheries, je demandais au ministre, qui me répondait, chaque fois que nous parlions de l'ouverture de la pêche, en revenant toujours à Madelipêche, qui était une obsession pour lui. Pêcheurs Unis du Québec et Madelipêche faisaient toujours partie de son discours, à part le fédéral naturellement.

Je lui ai demandé: Les Pêcheurs Unis du Québec eux-mêmes, la société parente de Madelipêche, ont demandé une enquête du Vérificateur général. Qu'attendez-vous pour faire faire une enquête par le Vérificateur général, qui établira tous les faits dans cette affaire, qui montrera qui a eu tort, qui a eu raison, si vraiment des fonds ont été pris par Pêcheurs Unis du Québec, par la société parente, à l'encontre des règlements, des lois, des ententes que ladite société a avec Madelipêche?

Tout ce temps-là s'est passé. C'était le 8 mars, le 10 mars, le 29 mars, le 30 mars. Aujourd'hui, on est au 24 mai et comment agit-on? On dépose des lois spéciales, parce que c'est encore une loi spéciale. On ne l'appelle pas ainsi, mais c'est une loi de calibre, d'envergure, de nature telle que c'est vraiment une loi spéciale, parce qu'elle crée un précédent au Québec en établissant des règles de conduite qui n'ont jamais été appliquées au Québec jusqu'ici. (17 h 40)

Le 22 avril - peut-être que le ministre voulait nous montrer ce qui allait se passer -d'après un article d'André Leclerc dans le Journal de Québec, le ministre nous faisait entrevoir cette possibilité d'en arriver à une solution pour Madelipêche en faisant prendre en main par SOQUIA, la société contrôlée par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, les actifs et la gestion de Madelipêche. Il laissait entrevoir dans cet article, par ses déclarations du 22 avril qui ont été relatées par André Leclerc dans le Journal de Québec, que c'était la solution qu'il envisageait.

Le 27 avril arrivait la fameuse saisie des bateaux de pêche. C'était la première étape du plan d'attaque. Il fallait saisir les

bateaux de pêche, nous a-t-on dit, parce que les dettes de Madelipêche envers le gouvernement du Québec représentaient de grosses sommes et qu'il fallait se protéger. Le ministre, en sourdine, sans en aviser les autres créanciers, comme c'est toujours le cas dans les affaires, en sourdine, le gouvernement du Québec faisait une saisie de ces six bateaux de pêche, de ces six grands chalutiers essentiels à l'ouverture de la pêche aux Îles-de-la-Madeleine.

Là, c'est intéressant. Le ministre nous dit que les actionnaires de Madelipêche, Pêcheurs Unis du Québec, que le conseil d'administration de Madelipêche a été tout à fait négligent, qu'ils ont dépensé des sommes folles et qu'il fallait que le gouvernement du Québec agisse. On accuse Madelipêche d'avoir pris de l'argent à tort ou à raison. Là, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, pour une créance qui se situe juste au-dessus de 1 000 000 $, a saisi les actifs de ces bateaux de pêche qui sont évalués à 8 000 000 $. C'est l'évaluation de ces six chalutiers de pêche.

Le ministre, lui, a fait une affaire d'or par cette saisie en sourdine, tout à fait à l'encontre des pratiques du monde des affaires, sans en avertir les autres créanciers. Et il y a beaucoup de petits créanciers, il n'y a pas que les grosses banques et la caisse populaire Desjardins, comme nous le dit le ministre. Sans jamais négocier ou consulter les créanciers, en sourdine, il est allé saisir les bateaux de pêche. Le gouvernement du Québec a fait saisir les bateaux de pêche et les a vendus -il appelle ça "vendre" - à sa société, SOQUIA. C'est la première étape du plan d'attaque du ministre.

Après cela, par la coïncidence la plus inusitée, deux ou trois jours après, le ministre du Revenu qui, nous dit-il, n'a jamais consulté le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation - ils n'ont jamais parlé ensemble - par la plus étrange coïncidence, lui aussi, va saisir les actifs de la même compagnie, Madelipêche. Cette fois, c'est une saisie sur les comptes bancaires pour une redevance, nous dit-on, de 165 000 $ ou à peu près. Là, nous avons une saisie des bateaux, nous avons une saisie par le ministère du Revenu et c'est là qu'éclate toute la querelle. Si le ministre, au lieu d'aller saisir les bateaux, avait prévu des solutions qui auraient fait démarrer la pêche, avait prévu des solutions constructives, si son collègue - pas lui, mais son collègue -n'avait pas saisi certains autres actifs terrestres de Madelipêche, toute cette grosse querelle constitutionnelle n'aurait pas éclaté. C'est à ce moment qu'une demande fut faite au gouvernement fédéral, qui contrôle les permis de pêche, pour le transfert des permis de ces bateaux de pêche à la filiale du ministre, soit SOQUIA. Le gouvernement fédéral ayant refusé et selon nous à juste titre - parce que les permis sont la propriété de Madelipêche tout à fait légalement - le transfert de ces permis de pêche, toute une querelle a éclaté, parce que les bateaux étaient complètement immobilisés, tous les actifs de Madelipêche étaient en fait complètement immobilisés. Sans bateaux pour aller pêcher, les usines ne peuvent pas fonctionner; c'est évident. C'est alors que le gouvernement fédéral a présenté une solution transitoire, une solution temporaire, soit d'offrir des garanties bancaires de 3 000 000 $, ce qui permettrait d'avoir un genre de fonds de roulement temporaire de 10 000 000 $ pour que les usines ouvrent leurs portes et que les bateaux commencent à faire la pêche.

Cette même solution qu'a prise le gouvernement fédéral, lors d'une réunion tenue le 28 avril, c'était la vraie solution qu'aurait dû prendre le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation lui-même. C'est le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation lui-même qui aurait dû prendre cette décision que, malheureusement, pour les fins du dossier, le gouvernement fédéral a enfin prise le 28 avril. Si le ministre avait agi au début de mars, si le ministre avait agi à temps, si le ministre avait su prévoir, parce que toute l'affaire qui a éclaté, on pouvait la prévoir d'avance - on pouvait prévoir que la réouverture de la pêche était mise en péril - si le ministre avait donné les garanties bancaires que nous lui avions demandé de donner, s'il avait coopéré avec tous les intervenants du milieu en sus des pêcheurs, des travailleurs, des créanciers de Pêcheurs Unis - il fallait dialoguer avec tout ce monde - on aurait trouvé une solution, s'il avait fait une réunion de tous les intervenants dans ce dossier, au lieu d'attendre ce fameux rapport qui n'a vraiment rien réglé parce que, après avoir trouvé une solution à la suite de ce rapport, il n'a jamais offert de fonds de roulement aux coopératives locales pour leur permettre de commencer la pêche. Cela a été le fond du problème.

Les constatations sont celles-ci. Nous avons également parlé avec beaucoup de gens du milieu, en plus, évidemment, de tous les gens qui sont impliqués directement, tels les créanciers et les banques, dans la question financière elle-même de Pêcheurs Unis du Québec, et les gens de Madelipêche. Nous avons parlé surtout au milieu même de la pêche, aux pêcheurs, aux travailleurs d'usine, aux gérants d'entreprises indépendantes, aux gérants de coopératives locales. Tous nous ont dit: Tout ce que nous cherchons, c'est la réouverture de la pêche. Tous ont été unanimes. Sur cette question, nous sommes tout à fait d'accord.

Nous sommes aussi d'accord sur le sujet qu'a abordé le ministre, à savoir que les coopératives locales se disaient tout à fait fatiguées d'une grande fédération, elles se disaient fatiguées de l'administration de Pêcheurs Unis du Québec et je pense qu'il n'y aucune discussion sur le sujet. Je pense que Pêcheurs Unis eux-mêmes reconnaissent que le temps d'une grande fédération groupant les coopératives locales est dépassé. La coopérative locale elle-même voulait un changement d'attitude, un changement de régime. Mais là, il n'y a aucun conflit entre ceux-là et une solution temporaire, une solution transitoire. Je pense que la solution transitoire qui avait été offerte, par exemple, par le gouvernement fédéral, et que le ministre aurait dû accepter, c'était une solution qui devait permettre à la pêche de rouvrir, malgré toutes les réserves que nous avions sur Pêcheurs Unis, sur l'administration de la pêche sur la mise en place de toutes ces réserves. Des mesures à long terme auraient pu être prises une fois la pêche réouverte dans 30, 60 ou 90 jours. Rien n'aurait changé excepté que la pêche aurait été réouverte dans un climat beaucoup plus sain, beaucoup plus favorable et beaucoup plus constructif.

Là le ministre est arrivé. Au lieu de promouvoir une solution transitoire qui permettrait l'ouverture de la pêche, il s'est réfugié, comme nous avons dit, dans l'attente d'un rapport sur la restructuration de trois coopératives locales de la Gaspésie et de la Côte-Nord, soit à Newport, Rivière-au-Renard, Rivière-au-Tonnerre. Ce rapport, moi aussi je l'ai bien lu. La clé de ce rapport est une demande de fonds de roulement transitoire de l'ordre de 4 900 000 $ pour les trois coopératives. La coopérative de Newport seulement demande quelque chose comme 1 600 000 $ de fonds de roulement transitoire en 1983. Comment le ministre, dans sa sagesse, pouvait-il croire, en faisant confiance aux pêcheurs pour acheter leurs propres actifs de pêche, qu'ils auraient les fonds, la liquidité nécessaire pour payer les salaires de départ, pour acheter les prises de pêche? Le plan du ministre était un voeu pieux voué à l'échec dès le départ. (17 h 50)

Plus que jamais nous sommes convaincus, de ce côté de la Chambre, que s'il y avait eu des solutions raisonnables, s'il y avait eu des solutions équitables, s'il y avait eu des solutions honorables qui avaient été offertes, de concert avec tous les intervenants, que ce soient les intervenants du milieu des pêcheurs, des travailleurs, du milieu de la pêche elle-même, mais aussi du milieu de la gestion, que ce soit Pêcheurs Unis qui était un intervenant pour certains dans sa propre cause, les banquiers, les créanciers, le gouvernement fédéral - et pourquoi pas? - s'il y avait eu une concertation de tous ces milieux, s'il y avait eu des propositions raisonnables de la part du ministre, nous sommes convaincus qu'aujourd'hui on ne serait pas devant le projet de loi no 23, que cette question aurait été résolue au moins d'une façon transitoire bien avant aujourd'hui. Par exemple, on aurait pu promouvoir l'achat des actions de Pêcheurs Unis du Québec dans Madelipêche. Je n'ai rien vu. En fait, cela m'a été confirmé par tous les intervenants dans ce dossier. Je n'ai rien vu jusqu'à aujourd'hui, dans les documents que j'ai lus au sujet de Pêcheurs Unis, qui indique que Pêcheurs Unis étaient tout à fait disposés à se débarrasser de leurs actions dans Madelipêche, pourvu que ces actions aient été achetées par une société qui représentait un consensus dans le milieu. C'est la question. Et le consensus aurait pu être fait. On aurait pu aussi mettre en vigueur la location temporaire des bateaux et des actifs terrestres. C'était une proposition formelle qui avait été faite au ministre. Je lui en ai parlé moi-même plusieurs fois. Je lui ai dit: Pourquoi ne louez-vous pas ces bateaux et les actifs pendant 30 jours, histoire de faire démarrer la pêche, quitte à ce que vous preniez toutes les actions nécessaires ensuite ou entretemps? Il n'y avait rien qui vous empêchait de faire cela. Rien n'aurait été perdu, mais vous avez refusé cela aussi. Même si Salomon lui-même avait prononcé un jugement ou avait fait une suggestion au ministre, il ne l'aurait jamais écouté, parce que le ministre est parti dans ce dossier comme quelqu'un de têtu, comme quelqu'un d'entêté qui ne voyait qu'une seule solution, la prise en charge de la pêche au Québec, la prise en charge de Madelipêche par SOQUIA.

C'était bien cela, M. le ministre. La solution de la loi 23, qui est la seconde étape pour vous après la saisie des bateaux, c'est justement cela même. Vous êtes responsable d'appliquer au moyen d'une loi ce que vous ne pouviez faire dans le contexte légal des choses. Dans le contexte légal des choses, vous ne pouviez pas faire ce que vous faites aujourd'hui. Vous faites adopter une loi, avec l'appui de la majorité ministérielle qui va certainement voter pour votre loi, pour faire ce que vous ne pouviez pas faire dans le contexte légal des choses, dans le contexte de la Loi sur les compagnies et dans le contexte normal du monde des affaires. Vous ne pouviez pas faire ces choses parce que, normalement, cela aurait été illégal. Il faut adopter une loi qui est un précédent, une loi illégale pour faire ce que vous ne pouviez faire, pour remplacer ce que vous auriez dû faire si vous aviez prévenu au lieu d'agir en têtu, en espèce de dictateur qui veut tout contrôler.

Cela me fait rire quand vous dites: II faut faire confiance aux pêcheurs. Il faut faire confiance aux gens du milieu. Vous

dites: II est temps qu'on accepte de part et d'autre que les bureaucrates ne peuvent pas décider à la place des pêcheurs. Les pêcheurs doivent prendre leurs affaires en main. Les pêcheurs? Ce sont les bureaucrates qui travaillent pour les pêcheurs et pas vis-à-vis de ce que vous nous avez dit aujourd'hui. Mais qu'apportez-vous comme solution au problème? Vous retirez des bureaucrates, dites-vous - ce sont sans doute des bureaucrates, sûrement, les Pêcheurs Unis du Québec - et vous les remplacez par des gens que vous nommez vous-même. Ce ne sera pas des bureaucrates? Ce sera des gens bien indépendants: trois membres du conseil d'administration nommés par le ministre lui-même selon la loi. Ce ne sera pas des bureaucrates. Ce sera des gens tout à fait indépendants qui vont voter en toute objectivité. Vous nous dites: Les pêcheurs doivent se prendre en main. Ah oui! les pêcheurs doivent se prendre en main. C'est comme cela que les pêcheurs se prennent en main, d'après vous? Les pêcheurs se prennent en main en cédant le contrôle des actions de Madelipêche au gouvernement du Québec! C'est comme cela que les pêcheurs se prennent en main d'après vous. C'est comme cela que vous évitez l'intervention gouvernementale! C'est comme cela que vous évitez la bureaucratie! Si c'est d'éviter la bureaucratie que de laisser le gouvernement intervenir et nationaliser une compagnie par une loi de tutelle, je ne sais rien de ce qu'est l'entreprise privée ou de l'action des gens du milieu. Est-ce que vous me direz comment vous faites confiance aux pêcheurs eux-mêmes, comment ils se prendront en charge, si vous nationalisez la compagnie principale avec laquelle ils transigent à Madelipêche?

Une voix: Vous parlez contre, vous allez voter contre...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Lincoln: Je vous le dirai en temps et lieu. Je n'ai pas à discuter avec vous. D'abord, assoyez-vous, si vous voulez me poser des questions.

Le ministre a une seule question en vue, soit d'imposer son contrôle, d'imposer ses vues, d'imposer ses décisions, d'imposer son optique. Il faut que ce soit SOQUIA qui prenne l'affaire en main; autrement, s'il parlait même du gouvernement du Québec en général, l'ironie de la chose, c'est que le gouvernement du Québec possède déjà 49% des actions de Madelipêche. Quatre des neuf membres du conseil d'administration qui a été renouvelé depuis seulement une semaine représentent le gouvernement du Québec, la Société de développement industriel du Québec. La chose la plus ironique, c'est que le ministre met en tutelle un conseil d'administration dont quatre des neuf intervenants, des neuf membres sont les représentants du gouvernement du Québec lui-même. Le gouvernement du Québec met en tutelle ses propres membres du conseil d'administration.

Alors, il faut se poser des questions. Il faut se demander si, selon l'optique du ministre, les gens de la Société de développement industriel, quant à eux, ne sont pas des gens compétents. Est-ce qu'ils n'ont pas les intérêts du Québec en jeu? Est-ce qu'ils n'ont pas assez d'assise pour défendre les intérêts du gouvernement du Québec dans Madelipêche? Est-ce qu'il faut aussi les mettre en tutelle? On assiste à cette espèce de scénario de bouffons où le gouvernement du Québec met en tutelle quatre des administrateurs nommés par lui-même sous le nom d'une autre corporation qui s'appelle la Société de développement industriel.

Si on pouvait savoir les secrets du ministre, je suis sûr qu'il nous aurait dit: Voyez, la Société de développement industriel, la seule faute avec cela, c'est que je ne la contrôle pas. Moi, l'empereur, il faut que je contrôle tout moi-même. Il faut que je contrôle SOQUIA, il faut que je contrôle les bateaux, il faut que je contrôle les PME. Il faut que je contrôle les poissons partout où ils vont; il faut que je contrôle tout ce qui est de mon domaine. Si ce sont les pêcheries, je contrôlerai tout quoi qu'il arrive, bien qu'on casse des vitres; quoi qu'il arrive, il faudra qu'il contrôle tout. C'est ça le problème. Le problème, c'est l'attitude du ministre, c'est un problème d'attitude fondamentale de la part du ministre, qui voit les choses d'une façon tout à fait étriquée et à sa manière. Il ne veut dialoguer avec personne, il ne veut écouter personne.

Le ministre veut nous faire adopter une loi qui pose certains principes fondamentaux. Premièrement, c'est la mise en tutelle d'un conseil d'administration. Je sais, Mme la ministre, que vous trouvez cela un peu rigolo, mais nous ne trouvons pas cela rigolo du tout. Je pense que c'est une question...

Mme LeBlanc-Bantey: Question de privilège, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de privilège, Mme la ministre de la Fonction publique.

Mme LeBlanc-Bantey: À entendre le député de Nelligan, j'avoue que des bouts de son discours m'ont semblé rigolos, mais je ne trouve pas du tout la question rigolote et j'espère bien que l'Opposition nous montrera aujourd'hui qu'elle aussi trouve que c'est sérieux qu'il y ait 600 chômeurs aux Îles-de-la-Madeleine à l'heure actuelle.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. le Président, j'ai pensé que la ministre souriait pendant que j'ai parlé de la question légale de la mise en tutelle. Je m'excuse si j'ai mal vu, mais peut-être qu'elle souriait à propos d'autre chose.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan, il est 18 heures. Est-ce que vous demandez la suspension du débat?

M. Lincoln: Oui, je demande la suspension du débat.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion de suspension du débat est adoptée?

Des voix: Adopté.

M. Boucher: M. le Président, je demande la suspension de nos travaux jusqu'à 20 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion de suspension des travaux est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise de la séance à 20 h 06)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Fréchette: M. le Président, c'est le député de Nelligan qui avait demandé la suspension du débat à 18 heures, n'est-ce pas?

Le Vice-Président (M. Rancourt): D'accord.

Nous reprenons donc la deuxième lecture du projet de loi no 23, Loi assurant la reprise des activités de Madelipêche. Lors de la suspension de nos travaux, à 18 heures, M. le député de Nelligan avait la parole. Il vous reste environ 30 minutes, si vous utilisez entièrement l'heure dont vous disposiez.

M. Lincoln: Si vous vous souvenez, M. le Président, avant la suspension du débat, à 18 heures, nous parlions de toute la question fondamentale des pêches au Québec et de la solution préconisée par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, soit une loi spéciale qui créait un précédent au Québec. Pour la première fois, on adoptera une loi qui mettra une corporation privée sous tutelle, soit Madelipêche qui s'occupe de la pêche aux Îles-de-la-Madeleine. On mettra le conseil d'administration sous tutelle, on suspendra des conventions dûment ratifiées entre Pêcheurs Unis du Québec, la société parente de Madelipêche, et le gouvernement lui-même sous la forme de la Société de développement industriel. On suspendra aussi des conventions qui avaient été ratifiées entre la société parente Pêcheurs Unis du Québec et sa filiale de Madelipêche. Tout cela dans l'ordre, dans la légalité.

Aujourd'hui, le ministre nous apporte ce nouveau projet de loi no 23, qui met de côté la Loi sur les compagnies du Québec, qui suspendra les mesures légales qu'ont les compagnies pour leur propre survie, leur propre défense, leur propre autorité tout à fait légale.

Le ministre nous dit qu'on ne pouvait plus attendre, que la chose se faisait urgente. Je lui demande encore, pour la deuxième, troisième ou quatrième fois, ce qu'il y a de nouveau aujourd'hui le 24 mai qui n'existait pas le 8 mars, qui n'existait pas le 10 mars, qui n'existait pas le 29 mars, qui n'existait pas durant l'étude des crédits provisoires des pêcheries le 30 mars, qui n'existait pas depuis toutes ces semaines où on a tergiversé, où le ministre s'est réfugié derrière un rapport de restructuration qu'il disait attendre. Ce rapport de restructuration a été présenté au ministre à la fin de mars, vers le 29 mars, je pense. Aujourd'hui, on est le 24 mai, deux mois plus tard. Et deux mois plus tard, sa solution ultime est une loi spéciale, une loi qui vient suspendre la Loi sur les compagnies, excepté pour certains articles tout à fait minimes, en l'occurrence. Il faut voir quelles sont les dispositions, quel est le principe même, le principe fondamental de la loi 23.

Le premier principe est la suspension des droits légaux légitimes qu'a le conseil d'administration d'une compagnie privée. D'un jour à l'autre on dit: Vous, du conseil d'administration, n'existez plus à partir du jour de la sanction de cette loi. Ce conseil d'administration légalement constitué, tout à fait légitime, n'existe plus par la parole même, le fiat du ministre et de tous ces votes qui vont sans doute l'appuyer d'une façon tout à fait docile et servile.

La deuxième chose est de suspendre les conventions dûment légalisées, dûment ratifiées entre des parties, entre des sociétés, entre une société et le gouvernement lui-même, conventions qui ont été signées en tout ordre, en toute légalité, en toute légitimité en 1978. On dit: Ces conventions n'ont jamais existé, selon nous, à

partir de l'adoption de cette loi.

La troisième chose est celle-ci: Madelipêche, une compagnie dûment constituée selon la Loi sur les compagnies, n'a plus de droits en vertu de la Loi sur les compagnies à partir de la sanction de la loi 23, sauf quelques articles d'exception qui ne s'appliquent pas dans ce cas. On dit: La Loi sur les compagnies ne s'applique plus à une compagnie qui est censée être gérée selon la Loi sur les compagnies. Quel non-sensl On dit: La seule exception, la seule fois où Madelipêche aura besoin de l'assentiment du gouvernement, de ce gouvernement si puissant qui décide tout pour les autres, c'est pour l'application des articles 55, 57 et 58 de la Loi sur les compagnies. Ce sont les seules exceptions, ce sont les seuls cas, ces trois articles de la Loi sur les compagnies, qui vont maintenant s'appliquer au gouvernement qui a pris cette compagnie en tutelle. L'article 55 de la Loi sur les compagnies a trait à la conversion des actions. L'article 57 a trait à l'augmentation du capital-actions. L'article 58 a trait à la réduction du capital. Donc, ce sont toutes les exceptions qu'on permet au nouveau conseil d'administration de Madelipêche, à qui on dit: Dans ces circonstances, selon ces trois articles, le gouvernement aura besoin de donner son assentiment; autrement, toutes les protections légales de la Loi sur les compagnies sont suspendues.

Là, on vient nous dire qu'il y a urgence, qu'il faut que vous acceptiez cette loi ou on vous demande d'accepter cette loi pour le bien des pêcheurs, des travailleurs et pour la réouverture de la pêche. Nous sommes entièrement pour la réouverture de la pêche. Nous sommes entièrement pour la reprise du travail par les travailleurs et par les pêcheurs. Nous sommes entièrement pour la survie de toutes ces familles, ces 2000 gens dont les familles ont besoin de la pêche pour survivre. Cependant, ce que nous disons, c'est que l'objectif, la fin ne justifie pas tous les moyens que le gouvernement entend déployer. Nous ne pouvons accepter comme valable la suspension des droits mêmes que le gouvernement a institués pour protéger cesdites compagnies.

Où s'arrêterait-on si, demain matin, on commençait à sanctionner, dans le cas de Madelipêche, un cas soi-disant exceptionnel, des choses qu'on ne tolérerait pas pour soi-même? Est-ce qu'on dit que toutes les compagnies dont Madelipêche est un cas typique, c'est-à-dire toutes les compagnies qui sont en difficulté financière, ont, selon le point de vue du ministre et du gouvernement, soi-disant pris des fonds et ne s'en sont pas servis à des fins propres à elles-mêmes? Nous sommes prêts à accepter qu'il y a peut-être eu quelque chose qui n'est pas tout à fait correct là-dedans. Dans ces cas-là, on va décider de suspendre de la

Loi sur les compagnies les protections, la présomption d'innocence de ces compagnies.

Est-ce qu'une compagnie privée est différente, philosophiquement et logiquement, d'une personne? Est-ce qu'on peut dire qu'une personne a tous les droits de défense selon la loi? C'est pour cela qu'on fait des chartes des droits et libertés de la personne, pour que cette dernière puisse se défendre. C'est pour cela qu'on dit qu'une personne est innocente jusqu'à ce qu'elle soit trouvée coupable. Mais là, on dit d'une corporation, une personne morale telle qu'une corporation, qui a les mêmes droits en loi qu'une personne: Si, du jugement du gouvernement, elle a agi de telle façon que cela ne plaît pas au gouvernement on va suspendre toutes ces protections légales que nous avons nous-mêmes données aux compagnies. À ce moment, c'est la loi de la jungle, parce qu'on ne peut pas dire où commence et où finit cette protection. On ne peut pas dire qu'un jour, si ce n'est pas le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, ce sera un autre ministre qui va décider que telle ou telle compagnie ne suit pas le genre de direction que le gouvernement voudrait qu'elle suive par rapport à la gestion de son entreprise et de ses finances. Pourquoi ne dirait-on pas, par exemple: Quebecair est une société privée. Selon tous les aveux que nous avons entendus en Chambre, cela ne marche pas trop bien? La gestion de cette entreprise, à tort ou à raison, n'a pas été quelque chose de tout à fait profitable pour les parties. À Quebecair, cela va très mal. Le gouvernement a eu à lui verser 20 000 000 $ depuis novembre jusqu'à mars. En mars, seulement 8 000 000 $. Le fait même que le gouvernement ait nommé un administrateur au conseil d'administration de Quebecair veut dire que le gouvernement n'était pas satisfait de la gestion de Quebecair.

Est-ce qu'on va dire, demain matin: Écoutez, Quebecair, cela ne va pas, on n'aime pas la façon dont vous gérez votre entreprise privée? On a mis des fonds dans cette compagnie. Alors, on va suspendre votre conseil d'administration, on va vous prendre en tutelle. On va suspendre toutes les conventions que vous avez faites déjà avec Air Canada, avec les lignes aériennes étrangères, etc. On va suspendre les conventions que vous avez faites ailleurs. On va prendre votre conseil d'administration en tutelle et on va dire: La Loi sur les compagnies, cela ne s'applique plus à vous. Cela ne vous protège plus. Vous pouvez me dire: Non, Madelipêche c'est un cas d'exception. Ce n'est pas la même chose que Quebecair. Pourquoi est-ce que le ministre des Transports ne dirait pas que, selon lui, les mêmes principes qui s'appliquent aujourd'hui, selon le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de

l'Alimentation, à Madelipêche s'appliqueraient à Quebecair et ailleurs?

L'autre jour, j'ai vu une liste de compagnies qui ont failli, des compagnies auxquelles le gouvernement a versé déjà des sommes très importantes. Il y avait une liste de neuf compagnies que le ministre de l'Industrie et du Commerce a présentées au cours des crédits. Pourquoi le même principe ne s'appliquerait-il pas à ces compagnies? Pourquoi est-ce que le ministre de l'Industrie et du Commerce ne dirait pas: J'ai prêté de fortes sommes à ces compagnies, ces compagnies ont failli; pour nos raisons à nous, nous décidons que ces compagnies ont eu tort, ont mal géré leurs actifs, ont mal géré l'argent que le gouvernement leur avait prêté? Là, nous allons dire: Vous ne faites pas bien votre affaire, on va suspendre la Loi sur les compagnies dans votre cas. On va prendre ces compagnies en tutelle. On va prendre votre conseil d'administration en tutelle. On va suspendre toutes les conventions que vous avez signées depuis 1977, 1978. Et ailleurs, vous dites: Cela ne peut pas arriver. C'est une loi exceptionnelle. C'est cela que vous avez dit lorsque vous êtes arrivés au pouvoir et que vous avez déclaré: Des lois spéciales, jamais on n'en fera comme les libéraux en ont fait. Mais depuis que vous êtes arrivés au pouvoir, vous avez faitdix lois spéciales. En 1982, vous en avez fait quatre pour forcer les gens à retourner au travail. Qui nous dit que le ministre de l'Agriculture lui-même ou un autre ministre n'aura pas la même tentation, une fois que vous aurez créé ce précédent très important? C'est là la question fondamentale que nous vous posons. Nous disons: Si les objectifs sont tout à fait acceptables d'un côté ou de l'autre, les moyens dont vous vous servez sont tout à fait inacceptables.

Nous ne considérons pas valable la solution proposée par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Cela aurait été facile pour nous, comme Opposition, de dire: Ce sera bien accueilli par le milieu. On va accepter la proposition. On va voter pour la loi 23, parce que les pêcheurs vont dire: Voilà! La pêche va commencer. Vous êtes d'accord avec le gouvernement. Vous voyez la chose d'une façon constructive. Cela aurait été bien facile pour nous. Cela aurait été la solution aisée. Cela aurait été la solution facile. Mais nous ne pouvons pas oublier tous les aspects à long terme de cette politique. Si nous disons aujourd'hui au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation: La loi 23, c'est d'accord, parce que nous cherchons le retour au travail des pêcheurs et des travailleurs, nous disons en même temps: On oublie toute la question à long terme que pose cette loi 23. Nous ne pouvons pas accepter le principe de la chose.

(20 h 20)

Nous disons oui à l'ouverture de la pêche. Nous le disons depuis le 8 mars, alors qu'on a questionné le ministre presque toutes les semaines. On l'a questionné plusieurs fois. On lui a suggéré des garanties bancaires temporaires. En fait, il nous dit: Vous n'auriez pas pu instituer les garanties bancaires temporaires aux coopératives locales, parce qu'elles n'existaient pas légalement à ce moment-là. Existent-elles aujourd'hui? Pourtant, à travers les garanties bancaires qu'a suggérées le ministre fédéral, à tort ou à raison, les usines ont rouvert à certains endroits. Il y avait des façons d'arriver à des solutions de compromis que le ministre n'a pas acceptées. On dit oui à l'ouverture de la pêche, mais on dit non aux moyens de le faire. On dit non au coup de force du ministre. On dit non aux saisies en sourdine qu'il a faites des bateaux et des actifs. On dit non à la tutelle des conseils d'administration, que ce soit pour cette société privée ou les sociétés privées de l'avenir qu'il va peut-être mettre en tutelle, lui ou un autre ministre. On dit non à la suspension des conventions légales, dûment établies et acceptées par les parties en cause à ce moment-là. On dit oui aux pêcheurs. On dit oui aux travailleurs. On a souvent parlé pour eux. On n'est certainement pas contre l'ouverture de la pêche, mais on dit non aux tactiques du ministre, on dit non à la dictature du ministre, à sa vision des choses qui est: Tout ce que je dis, c'est vrai; tout ce que les autres disent, c'est faux. Il ne veut pas écouter les gens. Il me dit qu'il est à l'écoute de tous les pêcheurs et de tous les travailleurs. Eh bien, alors, les gens qu'on a écoutés, les gens qu'on a vus sont sourds et aveugles parce qu'ils nous ont dit des choses tout à fait différentes. Les gens nous disent: Le ministre fait à sa façon, il n'écoute pas les gens, il n'est pas flexible, il ne veut pas écouter les solutions qui ouvriraient le débat; il veut seulement la solution qu'il a dictée. On dit non à son entêtement, on dit non à sa rigidité dans ce dossier depuis le départ.

Si le ministre pensait tellement qu'il y avait soudainement une grande urgence, pourquoi n'a-t-il pas, jeudi, pris ses responsabilités? Pourquoi n'a-t-il pas présenté une motion d'urgence? Je vais vous dire pourquoi il n'a pas présenté une motion d'urgence, jeudi, pour demander que notre refus de consentement pour la deuxième et la troisième lecture soit mis de côté par une motion d'urgence qui aurait été adoptée parce que vous avez une prépondérance de vote. Je vais vous dire pourquoi il n'a pas voulu présenter une motion d'urgence, jeudi. C'est que lui-même... Si ce n'est pas lui, c'est certainement le ministre des Finances et certainement le Conseil des ministres qui avaient certaines réserves quant à ce projet

de loi. Ils espéraient qu'entre jeudi et aujourd'hui cette question se règle par un compromis pour éviter cette loi spéciale. Je suis certain que, dans vos rangs, parmi les ministres, il y en a beaucoup qui se posent de sérieuses questions quant au précédent que nous sommes en train de créer aujourd'hui. C'est pourquoi le ministre, qui avait toute la latitude de le faire, n'a pas présenté une motion d'urgence que votre grosse majorité aurait certainement adoptée d'emblée et que nous, ici, n'aurions pu arrêter.

Alors, vous n'avez pas présenté une motion d'urgence parce que vous-même vous vous disiez: II y a quelque chose qui cloche là-dedans; il y a quelque chose qui ne tourne par rond là-dedans; il y a quelque chose là-dedans qu'il faut essayer d'éviter. Vous espériez une solution de dernière minute, mais avec le ministre, il n'y aura jamais une solution de dernière minute. Dès le point de départ, depuis deux mois, deux mois et demi, il avait déjà fixé sa politique. Autrement, il n'aurait pas saisi les bateaux; autrement, le ministre du Revenu n'aurait pas saisi les actifs terrestes; autrement, il n'aurait pas présenté sa stupide motion d'urgence débattue ici en Chambre pendant des heures. Pendant tout ce temps, les pêcheurs étaient sans travail, les travailleurs étaient en chômage, les usines étaient fermées.

S'il avait été réellement conscient du fait que les intervenants du milieu lui demandaient des solutions de compromis, sûrement qu'il aurait téléphoné à quelqu'un, il aurait fait quelque chose. Ce n'est pas la mer à boire. Il y a eu des problèmes beaucoup plus graves auxquels le Québec a fait face sans qu'on ait à appliquer des lois comme la loi 23. Je demande au ministre si c'est la première fois que le Québec fait face à une telle situation où on doit présenter une loi comme la loi 23? C'est un précédent dans l'histoire du Québec. Il y a sûrement eu des litiges beaucoup plus importants que celui-ci et on n'a pas eu besoin d'une loi 23.

Ce qui arrive, c'est que le ministre manque de flexibilité, il manque de doigté, il manque de finesse, il n'a pas le sens du compromis. Il veut toujours faire à sa façon. Tout ce qu'il a fait, c'est déblatérer contre Kirby, contre De Bané, contre le fédéral, contre les poissons qui doivent rester Québécois. Cela, c'est de la chimère. Nous disons au ministre: Oublions les querelles fédérales-provinciales, oublions les querelles stupides et stériles. Pour le moment, il y a une solution simple. La solution s'impose par des liquidités bancaires, des fonds de roulement. C'est à ça qu'il aurait dû penser depuis longtemps; la solution aurait été là.

Le ministre nous dit: II faut faire confiance aux gens du milieu, il faut faire confiance aux pêcheurs. Tout à l'heure, je lui faisais comprendre que ce qu'il fait, c'est tout à fait le contraire de ce qu'il nous dit parce qu'en mettant en tutelle un conseil d'administration le gouvernement lui-même devient responsable du milieu. Les gens qu'il placera à ce conseil d'administration seront des gens qui feront exactement ce que le ministre veut qu'ils fassent.

Je vais citer quelques extraits des paroles du ministre qui est tellement indépendant qu'il veut que les gens du milieu se prennent en main. Le 30 mars 1983, il disait: "M. le Président, je demande au député de Nelligan si, au nom de son parti, il souhaite que ce soit le gouvernement qui dirige et administre lui-même les entreprises de pêche. S'il veut que ce soit cela, cela peut être cela." Le ministre m'a demandé si je voulais que le gouvernement prenne en main la gestion des pêches. La question prévoit la réponse. C'est sûr que le ministre lui-même disait non à cette question; autrement, il ne me l'aurait pas posée. Moi aussi, je dis non à la question et je vous dis ce qu'il fait. Il fait exactement ce qu'il déplorait avant.

L'autre jour, durant l'étude des crédits du ministère, le ministre me disait: On paralyse souvent le secteur industriel quand les industriels ne veulent plus rien faire sans demander la permission du gouvernement. De la même façon, dans le domaine agricole, le gouvernement a aidé des gens à s'impliquer et, par ailleurs, s'est retiré d'une foule de domaines dans lesquels ses interventions étaient plus nuisibles que bénéfiques. Ah oui!

De la même façon, dans le domaine agricole, le gouvernement a aidé des gens à s'impliquer et, par ailleurs, s'est retiré d'une foule de domaines dans lesquels ses interventions étaient plus nuisibles que bénéfiques. Est-ce qu'il a réfléchi à savoir si son intervention est bénéfique aujourd'hui? Est-ce qu'il a réfléchi aujourd'hui au fait que son intervention est directe dans un secteur qu'il ne contrôlait pas du tout et qu'il vient contrôler maintenant par le biais d'une sorte de détournement de toute la question de la Loi sur les compagnies? Est-ce qu'il se demande aujourd'hui si c'est donner au milieu la chance de se prendre en main que de dire à ce milieu: On vous prend en charge? C'est cela la question. Le gouvernement nous dit: il faudra que les bureaucrates ne dictent pas au milieu, mais si le gouvernement ne dicte pas aux pêcheurs, je me demande qui dictera? Est-ce que le ministre de l'Agriculture veut nous faire croire que lui, inflexible comme il est, avec ses politiques tout à fait fixées dans le ciment, donnera toute la flexibilité possible au nouveau conseil d'administration qu'il nommera? Je suis prêt à parier qu'il nommera des gens qui feront tout ce qu'il dira. C'est lui qui dirigera la boîte depuis son ministère. S'il veut me faire croire que les trois nouveaux

membres du conseil d'administration seront indépendants de lui, à ce moment-là, il nous chantera beaucoup la romance parce que ce ne sera pas le cas.

Le 22 avril, il disait - je cherchais la référence tout à l'heure en parlant, mais je ne l'avais pas sous la main - à André Leclerc, du Journal de Québec: "La reprise des activités que M. Garon prévoyait pour le début de mai - je cite le ministre - se ferait sous une nouvelle administration en vertu des plans d'acquisition de la société d'État." C'est cela que le ministre avait en vue et qu'il envisageait depuis le début. Il n'envisageait aucune solution, excepté la prise en charge du milieu par SOQUIA, sa compagnie, celle qu'il contrôle complètement et directement. C'est ce qu'il cherchait et c'est à cela qu'il est arrivé.

L'autre jour, lors de nos discussions, le ministre disait: Vous n'avez suggéré aucune solution où le milieu se prendrait en main. Je voudrais lire les questions qu'on lui a posées le 10 mars, mettant de côté qui a tort ou qui a raison dans la question de Pêcheurs Unis. C'était notre approche fondamentale. On dit: On se fiche de savoir qui a tort ou qui a raison entre le fédéral et le provincial dans la question de Pêcheurs Unis. N'allons pas commencer des querelles, il faut trouver des solutions. Oublions tout cela et essayons de trouver une solution au problème. (20 h 30)

Je lui disais de donner des garanties bancaires intérimaires aux coopératives locales afin que l'argent commence à circuler et que la saison de la pêche s'ouvre à la date prévue, soit dans un mois.

C'était clair, on demandait cela au ministre de l'Agriculture et au premier ministre. Là, on me dit: Écoutez! comment pouviez-vous suggérer cela, parce que les coopératives locales n'existaient pas légalement à ce moment-là? Est-ce qu'elles existent aujourd'hui? Est-ce qu'elles existaient hier lorsque le gouvernement fédéral a produit des garanties bancaires de 3 000 000 $ et qu'il a trouvé le moyen de faire ouvrir l'usine de Rivière-au-Renard, l'usine de Rivière-au-Tonnerre et l'usine de Newport?

Il y a eu des façons de faire circuler l'argent par les banques qui ont permis l'ouverture de la pêche. C'est cela que nous disions, c'est cela que nous demandions alors au ministre. Si le ministre avait fait la même chose que son opposant, M. De Bané, qu'il n'aime pas beaucoup, a faite le 28 avril - et on ne prend pas position pour dire si M. De Bané a raison ou tort - si le ministre lui-même avait convoqué ce même genre de réunion avant le 28 avril, au début de mars, il aurait très bien pu faire la même chose, soit offrir des garanties bancaires du gouvernement du Québec. Ces garanties bancaires auraient eu l'effet de débloquer des fonds de roulement. Qu'est-ce que cela aurait donné? Cela aurait fait ouvrir l'usine de Newport, cela aurait fait ouvrir l'usine de Rivière-au-Renard, cela aurait fait ouvrir l'usine de Rivière-au-Tonnerre, cela aurait fait ouvrir aussi les usines de Madelipêche et cela aurait permis aux bateaux d'aller pêcher.

Vous allez me dire qu'il y avait une question de permis. Les permis, légalement, étaient déjà à Madelipêche. Si vous reprochez des actions à Pêcheurs Unis du Québec, la société mère, vous ne les reprochez pas directement à Madelipêche, vous n'avez pas affaire à Madelipêche. Si vous voulez punir Pêcheurs Unis, ne punissez pas Madelipêche qui est une filiale. Madelipêche elle-même, selon vos propres dires, n'a rien fait de mal; c'est Pêcheurs Unis, la société parente qui en a fait. Vous cherchez, par le biais de cela, à punir la société parente en punissant en même temps tout le milieu impliqué par Madelipêche.

Si le ministre avait produit des garanties bancaires, cela aurait débloqué toute l'affaire dès le départ. Cela a toujours été notre point de vue et nous le maintenons. Nous continuons à le croire et nous sommes convaincus qu'il aurait fallu insister là-dessus encore un peu plus, quoique ça n'aurait rien changé à l'attitude du ministre qui était figée depuis toujours.

Qu'est-ce qui arrive dans ce dossier? Le ministre nous dit que tout le monde a tort: M. Kirby, qu'il cite tous les jours, chaque fois qu'il y a un débat, le ministre De Bané, Pêcheurs Unis du Québec, les administrateurs de Madelipêche. Tout le monde qui est contre lui a tort. Tous les gens du milieu, tous les pêcheurs que nous avons rencontrés nous disent: Le ministre est inflexible, il ne nous écoute pas. Eux aussi ont tort. Les seuls qui ont raison sont ceux qui sont d'accord avec le ministre.

M. le ministre, il faut penser à ceux qui sont impliqués, il faut penser aux créanciers qui, eux aussi, avaient des droits. Il faut penser à tous les intervenants parce que, eux aussi, avaient des droits. Il faut penser surtout aux gens impliqués, aux gens du milieu afin que les conséquences du geste du ministre aujourd'hui ne les affectent pas à l'avenir. Nous disons donc au ministre: II n'est pas encore trop tard pour suspendre la loi 23. Il n'est pas encore trop tard pour essayer une solution de compromis. C'est ce que recherchent tous les gens, tous les intervenants de ce milieu. Si le ministre, lui aussi, cherchait cela, il aurait pu résoudre le problème.

Nous disons enfin au ministre: Malheureusement, M. le ministre, c'est à vous à prendre vos responsabilités. Si vous voulez en arriver à des solutions par des lois spéciales, des lois qui suspendent la Loi sur

les compagnies, des lois qui suspendent les protections tout à fait légitimes des compagnies privées, si vous voulez que ce soit la solution, prenez-en la responsabilité vous-même, prenez ces votes vous-même. Nous vous dirons: Prenez vos responsabilités. Nous sommes pour l'ouverture de la pêche, nous sommes pour les pêcheurs, nous sommes pour les travailleurs, nous l'avons dit plusieurs fois, et nous ne pouvons accepter une solution qui constitue un précédent dangereux, une solution, selon nous, tout à fait inacceptable pour l'avenir.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la ministre de la Fonction publique et députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Denise LeBlanc-Bantey

Mme LeBlanc-Bantey: Merci, M. le Président. Je répondrai tout de suite à une question du député de Nelligan qui demande pourquoi le ministre n'a pas présenté ce projet de loi il y a un mois plutôt que maintenant. D'abord, pour deux raisons. La première raison est sa conviction de la mauvaise foi de certains intervenants dans le dossier. Je pense en particulier, bien sûr, à certains dirigeants de Pêcheurs Unis, à Montréal, et, que le député de Nelligan veuille l'accepter ou non, mais c'est quand même la réalité, à certains de ses amis du gouvernement canadien. Deuxièmement, il y a le refus des travailleurs des Îles-de-la-Madeleine et des pêcheurs de Madelipêche, la semaine dernière, de retourner travailler sous l'administration actuelle telle qu'elle existait, avec le contrôle majoritaire de Pêcheurs Unis du Québec. C'est donc pourquoi, aujourd'hui, M. le Président, je pense pouvoir affirmer que je parle au nom de la très grande majorité des gens de mon comté lorsque je remercie mon collègue, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, d'avoir eu le courage de présenter ce projet de loi.

Le titre du projet de loi respecte, bien sûr, les us et coutumes juridiques et législatifs, mais il ne reflète que partiellement la réalité. Il est vrai que ce projet de loi, une fois adopté - j'espère que l'Opposition nous permettra de l'adopter ce soir; c'est bien beau dire oui à l'ouverture de la pêche, oui aux travailleurs, oui aux pêcheurs, on va voir, ce soir, s'ils nous permettent de dire oui à l'ouverture de la pêche demain et dans les prochains jours -permettra la reprise des activités, aux Îles-de-la-Madeleine, de l'entreprise de Madelipêche qui, faut-il le rappeler, est une de nos plus importantes industries. Il est vrai également que cette reprise impliquera le retour au travail de 500 personnes et plus, des travailleurs d'usine et des pêcheurs hauturiers. Il est vrai, enfin, que la mise en tutelle de Madelipêche constitue une mesure tout à fait exceptionnelle par laquelle le gouvernement manifeste sa volonté ferme de sauvegarder les intérêts du Québec dans le secteur des pêches maritimes.

Quant à moi, j'attribue un sens plus large, à plus long terme, si vous me permettez l'expression, au projet de loi no 23. Je parle des implications socio-économiques pour les Madelinots et des considérations - il faut bien en parler -d'ordre constitutionnel pour les Québécois. Pour les gens des Îles-de-la-Madeleine, ce projet de loi marque une étape décisive dans notre dur combat pour réaliser une certaine autonomie dans le secteur des pêches commerciales. En mettant Madelipêche en tutelle - je le dis comme je le pense - le gouvernement lève, en effet, une tutelle sous laquelle nous avons toujours vécu, aux Îles-de-la-Madeleine, depuis toujours. Nous l'avons vécue, pour ceux que cela intéresse en face, de 1930 à 1976, sous la Gorton Pew, cette filiale de la General Mills qui exploita le secteur et - il faut bien le dire - parfois ses pêcheurs et ses travailleurs également.

Nous l'avons vécue aussi - je le dis -de 1977 à 1983, sous la Fédération des pêcheurs unis du Québec. C'est un constat triste, mais néanmoins réel. Lorsque ce gouvernement - je le rappelle - a été élu en 1976, certains d'entre nous ont espéré que cette entreprise pourrait passer aux mains de ceux et celles pour lesquels elle représente le pain et le beurre quotidiens. À ce moment-là - quelques-uns de mes collègues ainsi que le chef de l'Opposition officielle s'en souviennent; ils s'en souviennent sans doute, je l'espère - je me trouvais dans le camp de la minorité non seulement aux Îles-de-la-Madeleine, je le dis, mais au sein des députés ministériels. C'est un secret de polichinelle que je différais d'opinion avec le ministre d'alors, M. Rodrigue Tremblay, quant à la façon de régler ce dossier. Adjointe parlementaire, j'ai fait de multiples représentations auprès de lui pour qu'il donne raison aux Madelinots, mais sans succès.

Je ne crois trahir aucun secret en vous faisant part publiquement de ma position prise en 1977. Je m'opposais à l'implication de Pêcheurs Unis dans ce qui deviendrait plus tard l'entreprise Madelipêche. Ce n'est pas le moment d'étaler au grand jour les raisons qui m'incitaient, à l'époque, à m'opposer à cette solution. Disons tout simplement que j'avais peu de confiance dans les structures centralisées de la fédération, dans sa vision de la coopération et dans ses méthodes de gestion. Je préconisais, à l'époque, la création d'une société mixte dans laquelle les pêcheurs, les travailleurs d'usine et les gens d'affaires des Îles-de-la-Madeleine auraient été les actionnaires majoritaires et le gouvernement, par l'entremise d'une société d'État, l'actionnaire

minoritaire. Une telle solution aurait assuré la prise en main par les Madelinots de ce qui fut alors et ce qui demeure encore l'industrie clé de notre milieu. (20 h 40)

Par le projet de loi actuel, j'ai la conviction que le gouvernement pose le premier jalon de la politique que j'avais proposée il y a six ans avec l'appui des pêcheurs hauturiers, du syndicat des travailleurs et du milieu des affaires des îles. Je l'affirme sans prétention, sans fausse modestie non plus, tout simplement parce que j'estime sain que nous possédions en tant que gouvernement le courage de corriger notre tir et d'agir de façon décisive lorsque les circonstances l'exigent. Voilà ce que je considère comme la marque d'un gouvernement responsable, d'un gouvernement qui place l'intérêt public avant toute autre considération et avant tout autre groupe d'intérêt.

L'actuel projet de loi ne prétend pas dessiner pour Madelipêche un avenir qui soit coulé dans le béton. Plus modestement, il assure ce qui est fondamental, c'est-à-dire la reprise de la pêche hauturière aux îles, en ouvrant la porte à une restructuration globale de l'entreprise. Certes, cette restructuration ne saurait se réaliser sans l'implication du milieu. C'est pour cette raison que j'estime qu'en adoptant ce projet de loi nous contribuerons - j'espère que les gens d'en face vont contribuer avec nous - à l'émancipation économique des îles, avec toutes les retombées que cela entraînera inévitablement sur le plan social.

Que cette prise en main soit souhaitée par la majorité des personnes impliquées, je n'en ai aucun doute. Hier soir - il est dommage que le député de Nelligan n'y soit pas allé, je crois qu'il aurait tenu un autre discours ce soir - quelque 600 personnes se sont réunies aux îles, à Cap-aux-Meules, pour indiquer leur appui massif à ce projet de loi. Voilà ce qui témoigne de la volonté des Madelinots de participer activement à l'orientation de cette entreprise, de leur volonté de ne plus être assujettis à quelque dirigisme que ce soit de l'extérieur.

Cependant, il faut aussi l'admettre, l'importance de ce projet de loi dépasse le territoire des Îles-de-la-Madeleine. En effet, je pense que c'est tout l'avenir du secteur des pêches maritimes au Québec qui sera influencé par l'adoption de la loi 23. Je n'ai pas non plus l'intention de faire l'historique de l'évolution du dossier des pêches maritimes au Québec. Je pense qu'il faut constater que les gouvernements qui se sont succédé à Québec n'ont pas, jusqu'à ces toutes dernières années, manifesté une imagination débordante dans ce secteur. C'est comme si nous voulions faire la preuve du mythe que nous étions, dans le milieu des pêches maritimes, nés pour un petit pain.

Pendant que les provinces de l'Atlantique et même des pays étrangers exploitaient les ressources de la mer, y compris celles du golfe, nous nous contentions, d'une année à l'autre, de pratiquer une pêche plutôt artisanale. Lorsque les compagnies étrangères s'installèrent au Québec, les gouvernements s'empressèrent de les accueillir non seulement à bras ouverts, ce qui aurait été normal pour encourager l'investissement, mais avec des subventions et une aide financière qui, parfois, frisaient le scandale.

C'est dans le but, d'ailleurs, d'encourager une participation québécoise accrue que le gouvernement précédent et notre gouvernement ont engagé des fonds publics pour contribuer à la mise sur pied de petites industries de transformation enracinées au Québec et, bien sûr, à l'expansion du mouvement coopératif des pêcheurs unis du Québec. Mais, comme dans d'autres secteurs, nos gouvernements ont fait trop peu, trop tard. Les provinces de l'Atlantique, avec l'aide du gouvernement central, récoltèrent les fruits de notre insouciance. Après la débâcle constitutionnelle de 1981, le gouvernement fédéral s'est donné de tout coeur - il faut le dire, même si c'est désagréable de se l'entendre dire -d'imposer ses diktats au Québec ce qui, dans le secteur des pêches, nous a valu la dénonciation unilatérale de l'entente de 1922 par laquelle nous partageons avec Ottawa l'administration des pêcheries sur notre territoire.

Au même moment, une conjoncture difficile dans ce secteur, comme dans tant d'autres aussi, a incité le gouvernement fédéral à s'immiscer davantage dans les industries de pêche de provinces comme Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse, entre autres. Fort de ses premiers succès et déterminé à prendre le contrôle global des pêcheries sur la côte est du Canada, Ottawa a mis sur pied - je sais que le nom déplaît au député de Nelligan - une commission dirigée par le célèbre M. Kirby, ce confident du premier ministre dont on a beaucoup parlé, qui avait jusqu'alors si bien planifié le coup de force constitutionnel contre le Québec.

Bien que cette commission n'ait rédigé qu'un rapport préliminaire, au moment où je vous parle, ses orientations sont déjà évidentes. M. Kirby veut la nationalisation des grandes flottes de pêche de l'Atlantique. Il se pourrait qu'une telle nationalisation fasse l'affaire des multinationales et de quelques institutions financières des provinces de l'Atlantique, mais nous sommes convaincus au Québec que l'emprise qui se dessine sonnerait le glas pour l'industrie de la pêche sur notre territoire.

Dans l'esprit d'Ottawa, le Québec est marginal dans ce secteur et, je pense, pas seulement dans l'esprit d'Ottawa, mais dans

l'esprit de beaucoup de gens dans cette Assemblée. En termes canadiens, la nationalisation des pêches passe inévitablement, à mon avis, par la disparition de cette industrie au Québec. Les bureaucrates pensent efficacité et centralisation. Ils s'intéressent peu au sort des milliers de pêcheurs et de travailleurs pour lesquels la pêche et la transformation des produits de la mer constituent leur seule et unique gagne-pain. M. Kirby se recycle comme vice-président du Canadien National. Il pense sans doute que les pêcheurs et les travailleurs québécois n'ont qu'à suivre son exemple. Croyez-moi, je pense qu'il ne s'agit pas d'un procès d'intention que je fais à M. Kirby. Nous l'avons rencontré - on vous l'a dit - mon collègue de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et moi-même. Je vous assure qu'il a, à mon avis, à peine caché sa stratégie. Lorsque nous avons demandé le transfert des permis des chalutiers de Madelipêche, il n'a pas hésité à nous proférer des menaces - et vous les avez entendues publiquement par les journalistes -à savoir que ce n'était pas compliqué, si cela ne marchait pas, il pourrait toujours nous envoyer les bateaux de la Nouvelle-Ecosse.

Le projet de loi no 23 vient donc, à mon avis, contrecarrer cette vision centralisatrice. Qui plus est, le Québec réaffirme non seulement sa volonté d'être présent dans la pêche hauturière, mais fait en sorte que cette présence soit étendue. La flotte de Madelipêche n'est qu'un chaînon auquel il faudra en ajouter d'autres dans les années qui viennent et, sans trop tarder, le Québec devrait prendre toute la place qui lui revient dans la zone de 200 milles. On nous rappelle souvent que le Québec fait partie du Canada. C'est un état de fait qui existe, que cela déplaise aux Canadiens ou non pour le moment. Nous sommes obligés de vivre avec les lacunes qu'impose notre membership actuel dans la fédération canadienne. Il me semble qu'aussi longtemps que nous demeurerons dans ce système, nous avons le droit d'insister sur une part équitable de ses richesses marines. Je suis certaine que même certaines personnes qui hochent de la tête de l'autre côté, tout fédéralistes qu'elles soient, ne trouveront rien d'exagéré dans mes propos.

Voilà donc les raisons principales qui m'incitent à appuyer - avec la grande majorité des Madelinots, je le répète - avec enthousiasme le projet de loi qui est devant nous. J'estime que même si les circonstances qui nous obligent à légiférer sont très malheureuses, nous avons l'occasion, avec cette loi, de planifier un meilleur avenir pour nos travailleurs de la mer et pour nos Québécois en général. En terminant, je rappellerai à nos amis d'en face que si c'est vrai, s'ils sont sincères dans leurs propos, si c'est vrai que c'est oui aux travailleurs et oui aux pêcheurs, il faut adopter ce projet de loi ce soir, parce que les bateaux sont prêts; les capitaines sont en train de réparer les chaluts depuis ce matin et ils seront prêts aussi demain matin. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Daniel Johnson

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président. Ce qui m'amène à intervenir assez brièvement sur ce projet de loi, c'est qu'on semble confondre assez facilement les objectifs et les moyens. Dans la mesure où on est en train de discuter du principe même d'un projet de loi, c'est important de faire valoir quelles sont, de toute origine, les objections qu'on peut justement faire valoir publiquement quant à la façon dont le gouvernement veut atteindre des objectifs qu'on partage tous. La question est de savoir comment les pêcheurs des Îles-de-la-Madeleine vont pouvoir retourner au travail, comment ce mode de vie traditionnel qui est le leur sera accéléré, sera amélioré et sera actualisé dans les heures qui suivent. La question est de savoir si c'est par la mise en tutelle de Madelipêche ou si ce n'est pas plutôt à la lumière des suggestions faites par mon collègue de Nelligan à de nombreuses reprises; si ce n'est pas plutôt par d'autres moyens qui préservent des principes extrêmement importants qu'on ne peut pas arriver à actualiser le désir des gens des Îles-de-la-Madeleine de travailler le plus tôt possible à la pêche. (20 h 50)

Donc, il me semble que le gouvernement, en l'occurrence, a le fardeau de la preuve, de nous démontrer que la mise en tutelle d'une société privée, comme entend faire le ministre dans ce projet de loi, c'est la seule façon, l'unique façon, la meilleure façon d'en arriver à l'objectif qu'on souhaite tous. Il suffit de regarder quels sont les éléments de précédent assez nouveaux, même je dirais inédits, qui sont contenus dans le projet de loi no 23. Il y en a au moins cinq qu'on peut relever très facilement à la simple lecture:

Les pouvoirs du conseil d'administration d'une société privée sont suspendus. C'est l'article 1 du projet de loi.

Deuxièmement, on nomme un conseil provisoire. C'est évident que si on suspend les pouvoirs de quelqu'un, il faudra, si on veut décider des choses, qu'on nomme des gens. Or, c'est le ministre qui nommera un conseil d'administration d'une société privée dans laquelle, étrangement, on retrouve

comme partenaire, presque à 50%, une société d'État, la Société de développement industriel du Québec. Dans ce sens, il me semble que c'est absolument exorbitant du droit commun, du droit habituel que de mettre en tutelle une société privée sous prétexte - cela en "contusionnant", comme on dit, les objectifs et les moyens - que c'est la seule façon de le faire et que toutes les autres suggestions qu'on a pu faire valoir, que toutes sortes d'intervenants ont fait valoir ne sont pas les bonnes solutions parce qu'elles ne correspondent pas au schème que le ministre a à l'esprit depuis déjà pas mal de semaines.

Le troisième aspect. On voit que le gouvernement, dans ce projet de loi s'est réservé ou s'est donné des pouvoirs. Il peut garantir du paiement en capital et intérêts. Depuis quand a-t-on besoin d'un projet de loi spécial? Il suffit de regarder dans la loi, dans les programmes d'aides de toutes sortes qui existent. Pourquoi le gouvernement a-t-il besoin, dans les circonstances, de se réserver, dans ce projet de loi, le pouvoir de faire des avances, de garantir du paiement en capital-intérêts, à avancer à la compagnie tout montant jugé nécessaire? Ce sont des choses qui ont déjà été faites sans projet de loi, ici à l'Assemblée nationale.

Cela fait très rapidement cinq éléments, sans compter la suspension d'une entente qui existait entre Pêcheurs Unis et la SDI et un tas d'autres intervenants depuis plusieurs années. Il me semble que c'est le genre de nouveautés qu'on introduit dans notre droit des sociétés, dans la Loi sur les compagnies si on veut, qui fait qu'on a perdu de vue l'objectif en voulant privilégier des moyens qui, comme tels, n'amènent rien, à strictement parler, pour faire se résorber le problème et les difficultés que connaît Madelipêche.

Dans ce sens, on a réussi à confondre un peu, pour les besoins de la discussion, le genre d'aide que l'État peut apporter à des situations de crise comme celle qui est en train d'être vécue là-bas.

Quel est le rôle véritable de l'État? Si on regarde à l'égard de certains individus, les gens démunis, les gens plus faibles, les gens qui ne sont pas protégés, il y a un rôle que je dirais permanent de la part du gouvernement qui est de voir à favoriser la liberté des gens, à soutenir leur vie tout simplement, à leur donner des moyens d'être plus libres comme citoyens. Mais quand on parle d'entreprises, il me semble que l'aide doit être ponctuelle, conjoncturelle. Selon les circonstances, on devrait introduire des programmes. Dans ce sens, il me semble qu'on a retenu trop rapidement, trop facilement, avec des risques pour l'avenir, une solution qui est, comme je le disais, exorbitante. II me semble que l'imagination qu'un gouvernement peut faire valoir est mieux utilisée à vérifier comment l'objectif qu'on partage tous peut être atteint sans devenir extrêmement différent ou sans diverger profondément et radicalement, je dirais, de la façon dont un gouvernement doit régler les problèmes lorsqu'une entreprise privée est en cause. Dans ce sens, il me semble qu'on a manifesté souvent de l'imagination de l'autre côté. On confond objectif et moyen. On se souvient que le ministre des Finances a justifié la taxe sur l'essence par la réduction du nombre d'accidents. On se souvient qu'il justifie la taxe de vente à 9% au lieu de 7% sous prétexte que c'est formidable ici, étant donné qu'il y a certaines exemptions, et en Ontario, à 7% au lieu de 9%, eh bien! les "hot dogs" sont taxés. C'est faire preuve de beaucoup d'imagination, c'est entendu, quand on veut justifier une intervention gouvernementale. Mais il me semble qu'au lieu de passer beaucoup de temps ici à se demander comment une société d'État pourrait participer au règlement d'un problème, au lieu de passer beaucoup de temps ici à cogner à tour de bras sur un rapport d'un comité de travail du fédéral le rapport Kirby... Il n'y a pas si longtemps, il y a une quinzaine de jours, on était ici en Chambre, en train de rejeter, à la suggestion du gouvernement, les recommandations d'un rapport d'un comité d'étude sur les pêches atlantiques. Il me semble que toutes les heures qu'on a passées à faire cela auraient été des heures extrêmement précieuses pour l'imagination des gouvernants, s'il leur en reste pour autre chose que justifier des gestes inconsidérés. Il me semble que ces heures auraient été mieux passées à regarder si les suggestions que mon collègue de Nelligan, entre autres, a faites depuis des mois ne pouvaient pas être mises en marche.

De quoi parle-t-on? On parle de difficultés financières, de fonds de roulement. On parle d'une disponibilité financière la plus immédiate possible. On peut le faire par voie de subvention conditionnelle. Si on veut absolument encadrer l'action du groupe Pêcheurs Unis, Madelipêche, SDI, etc., aux Îles-de-la-Madeleine, s'il y a des subventions ou des avances à faire, ça se fait avec des conditions. Le plan Biron, on n'a pas eu de loi là-dessus. Cela a démontré qu'un gouvernement peut intervenir s'il met des conditions, et le programme existe par simple décret d'une façon ou d'une autre. On ne met pas en péril pour autant notre droit sur les sociétés et les compagnies et la façon dont les gens ont décidé de faire affaires et de se prendre en main.

Se prendre en main, quand on forme une société privée, ce n'est pas exactement comme la tutelle; c'est exactement le contraire. Si on veut valoriser la participation des gens des Îles-de-la-

Madeleine à la solution des problèmes qui ont cours là-bas, on ne réussira évidemment pas, à mon sens, en recourant à une procédure qu'on peut voir lorsqu'il s'agit d'un handicapé, d'un malade mental, des choses comme ça, la curatelle ou la tutelle. Ce n'est pas ainsi qu'on va valoriser ces gens. Dire: C'est le ministre qui va nommer trois personnes, c'est comme ça que ça va marcher, à partir d'aujourd'hui, c'est comme ça que ça marche, ce n'est pas valoriser 500 ou 600 personnes. Le ministre disait tout à l'heure qu'ils souhaitent que la pêche reprenne. Ils le souhaitent, mais ils veulent qu'elle reprenne comme résultat de leurs propres efforts, selon les suggestions imaginatives qui ont eu cours là-bas pendant que, de l'autre côté, au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, entre autres, on se demandait comment rédiger une motion qui ferait qu'on condamnerait le fédéral puis le rapport Kirby, des choses comme ça, à une époque, à un moment où le téléphone ne dérougissait pas, à un moment où les gens, là-bas, aux îles-de-la-Madeleine, se demandaient qu'elle serait éventuellement la participation du gouvernement au règlement de leurs problèmes.

Il me semble que des garanties bancaires, ce n'est pas si exorbitant que ça, on en voit tous les jours, tous les ministères en font. Au ministère de l'Éducation, au ministère des Affaires sociales, au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, on passe son temps, à l'intérieur de différents programmes, à garantir des emprunts bancaires que des institutions d'un réseau ou de l'autre ou que des agriculteurs, en l'occurrence, peuvent avoir contractés. Les emprunts qu'ils ont contractés sont garantis par le gouvernement. Dans ce sens, il n'y a rien de si extraordinaire là-dedans. On se donne même par projet de loi, sous prétexte que c'est absolument nécessaire, le pouvoir de faire des avances.

Je ne me souviens pas qu'ici, à l'Assemblée nationale, on ait eu des projets de loi pour que le ministère des Transports ou le ministère des Finances fasse des avances à Quebecair. Lorsqu'il y a des problèmes de liquidité, de disponibilité de fonds pour fonctionner, le gouvernement, s'il le désire, est parfaitement libre d'y voir à l'intérieur de sa juridiction, de sa discrétion, je dirais, dans ces cas, si c'est un problème de nature financière. Si c'est un problème de nature beaucoup plus structurelle, il faut avoir exercé son imagination depuis quand même plusieurs semaines pour dire: Comment approche-t-on cette situation pour modifier la qualité des rapports qui peuvent exister entre les différentes personnes? On avait entre les mains, comme gouvernement - et on aime se servir des sociétés d'État - une participation substantielle à Madelipêche où 49% des actions sont détenues par la SDI, la Société de développement industriel.

Déjà, le gouvernement est présent dans le dossier. Je ne vois pas en quoi on veut annuler cette participation ou la minimiser en permettant au ministre de nommer trois tuteurs qui vont aller se promener et prendre des décisions. Je comprends qu'il y a un imbroglio juridique, etc., et on est encore loin d'avoir réglé le problème. Il me semble que, malgré tout, il est important de savoir que la tutelle est un moyen. Il faut faire attention de ne pas confondre les objectifs et les moyens. L'objectif, c'est d'assurer le fonctionnement quotidien de Madelipêche à partir de demain, à partir de ce soir si c'est possible. Il me semble qu'on ne peut pas atteindre cet objectif en passant notre temps à nous retourner rapidement et presque instinctivement, comme le fait le gouvernement, vers les sociétés d'État. Si ce n'est pas SOQUIA, c'est autre chose. Il me semble qu'on est en train de mettre beaucoup de choses, beaucoup de responsabilités, beaucoup d'occasions de faire des choses dans les mains du ministre ou dans les mains du pouvoir exécutif. Dans ce sens-là, c'est un peu la même chose que de passer son temps à adopter des motions de dénonciation de ci et de rejet de ça. (21 heures)

Pendant ce temps-là, l'imagination dont on est capable de faire preuve quand on s'enferme, qu'on se donne un délai et qu'on dit qu'on va régler tel problème est utilisée à mauvais escient. Il me semble qu'il est plus que temps qu'on réalise qu'on est en train de créer, à petits pas, un ensemble de précédents avec lesquels on sera obligé de vivre. Je suis sûr que le ministre nous répondra: Ce n'est pas un précédent, on ne le fera plus jamais. Oui, mais vous l'aurez fait une fois, vous aurez mis en tutelle une société privée et ce sera dans les statuts du Québec à tout jamais. Une fois que ce sera fait, ce sera fait. C'est cela, un précédent; c'est là, dans les livres.

Dans ce sens-là, au niveau même du principe de l'utilisation de ce moyen, ce n'est pas une loi, contrairement à ce que cela pourrait dire ici. Ce projet vise à assurer la reprise des activités de la compagnie Madelipêche, comme si c'était la seule façon. C'est absolument exorbitant et, si le ministre insiste pour que ce soit le moyen, donc que le principe même de la reprise des activités de Madelipêche soit soumis à ce seul moyen exclusif de faire revivre les choses, je n'ai d'autre choix, fondamentalement, que de m'opposer, avec mes collègues, à l'inscription dans les statuts du Québec d'un principe aussi faux et aussi exorbitant, quelles que soient les circonstances.

Il me semble qu'en dernier appel le

ministre devrait considérer qu'il existe d'autres moyens. On en a suggéré. Quelle est la nature du problème? Est-ce un problème qui se règle par une tutelle ou un problème qui se règle autrement? Le fardeau de la preuve repose sur le gouvernement de nous dire que c'est la seule façon, que l'unique façon, c'est de déroger au droit des compagnies, de déroger à la liberté qu'ont des actionnaires ou des administrateurs de gérer de la meilleure façon possible les activités dont ils ont le contrôle. À défaut par le ministre de relever cette obligation qu'il a de nous montrer que c'est la seule façon, ce projet de loi, dans son principe, est inacceptable et l'objectif du retour des pêcheurs à leur travail le plus tôt possible est toujours intact. Il existe d'autres moyens, c'est au gouvernement à les trouver. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le chef de l'Opposition et député de Bonaventure.

M. Gérard D. Levesque

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, nous sommes à ce moment-ci, comme on le sait, au débat de deuxième lecture du projet de loi no 23 qui s'intitule Loi assurant la reprise des activités de Madelipêche Inc. Je m'arrête immédiatement parce que, encore une fois, le gouvernement, par le titre qu'il donne à son projet de loi, cache volontairement la vérité. Il n'y a rien dans ce projet de loi qui assure la reprise des activités de Madelipêche Inc., parce que le gouvernement du Québec ne peut pas, par cette loi, nous assurer que les navires, les bateaux de pêche auront les permis nécessaires pour être en service car cela est de juridiction fédérale. Tant et aussi longtemps qu'on ne m'assurera pas que les bateaux de pêche auront les permis nécessaires on ne peut pas, dans un projet de loi comme celui-ci, assurer la reprise des activités de Madelipêche Inc.

Deuxièmement, ce que ce projet de loi dit, substantiellement, n'est pas que la pêche reprendra. Quand vous commencez à lire le projet de loi, sauf pour le préambule - on a jugé nécessaire, contrairement aux traditions de cette Chambre, d'y ajouter un préambule... Le projet de loi lui-même est tellement exceptionnel, tellement contraire à notre législation habituelle qu'on a cru nécessaire de donner des explications en préambule. Dès que vous lisez ce projet de loi, vous vous apercevez qu'il n'a pour but et fonction que de mettre en tutelle une compagnie privée qui s'appelle Madelipêche. Dans le préambule, on parle d'une société mixte, mais le fait est que Madelipêche est contrôlée par Pêcheurs Unis du Québec et, en conséquence, est une compagnie privée. Ce que l'on fait par ce projet de loi, c'est de dire: Nous n'aimons pas les administrateurs de Madelipêche, ils ne pensent pas comme le gouvernement. Ce n'est pas la première fois que le gouvernement agit de cette façon vis-à-vis de ceux qui ne pensent pas comme lui.

Or, c'est exactement ce qu'on fait. On dit: II y a neuf administrateurs de Madelipêche, on ne les aime pas, on n'aime pas leurs décisions. Ce que nous allons faire par ce projet de loi, nous allons nommer trois administrateurs nous-mêmes gouvernement du Québec, et ces trois administrateurs seront nommés par le ministre. Seul le ministre peut - et non pas les actionnaires - décider s'ils resteront ou ne resteront pas en fonction. Pourquoi en nommer trois? Aussi bien nommer le ministre lui-même, ce serait plus transparent. En fait, le but de ce projet de loi est de donner Madelipêche en pâture au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Le but de ce projet de loi est d'avoir un "boss" qui va s'appeler M. Jean Garon. Même si je n'ai pas le droit de nommer le ministre, il se reconnaîtra. La loi dit: II n'y aura plus de conseil d'administration. Ce qui est assez intéressant, c'est que, parmi les neuf administrateurs actuels, se trouvent quatre administrateurs qui viennent d'être nommés par le gouvernement, par la Société de développement industriel du Québec.

M. Picotte: II est encore plus hypocrite que je ne le pensais.

M. Levesque (Bonaventure): II y a moins de dix jours, ce gouvernement, par la Société de développement industriel, un organisme du gouvernement du Québec, nommait quatre administrateurs. Aujourd'hui, par cette loi, on les fait disparaître parce que le ministre, j'imagine, n'aime pas les gens qui relèvent de son collègue, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, il décide de foutre ces gens à la porte. Maintenant, on aura trois personnes nommées par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Le projet de loi va plus loin que cela. Si, au moins, on respectait les droits acquis. Non. On décide que des contrats passés entre deux sociétés privées, même lorsqu'il y a eu un intervenant qui s'appelait la Société de développement industriel, n'existent plus. Je ne sais pas même si on ne dit pas qu'ils n'ont jamais existé. Je me réfère à ce projet de loi où on dit ceci: "Sont sans effet à compter du 19 mai 1983..." Les contrats passés entre Pêcheurs Unis du Québec et Madelipêche n'existent plus, c'est fini. C'est un contrôle complet qui équivaut, de toute façon, à une nationalisation, sauf qu'on dit: Les Pêcheurs Unis du Québec garderont leurs 51% des parts, la Société de développement industriel en gardera 49%, mais le "boss"

sera le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. (21 h 10)

Cela, c'est la loi que nous avons devant nous. Le titre, "Loi assurant la reprise des activités de Madelipêche", ne veut rien dire. Vous ne trouverez rien là-dedans qui assure la reprise, c'est simplement pour assurer la prise en charge par le ministre d'une société qui s'appelle Madelipêche. C'est seulement ça qu'on retrouve dans cette loi et on nous demande de la voter. Maintenant, il ne faut pas oublier une chose: pour nous, le sort des pêcheurs, le sort des travailleurs, c'est ce qui nous a toujours préoccupés et qui nous préoccupe ce soir, en particulier. D'ailleurs, mon collègue de Nelligan qu'en passant je félicite de son exposé très éloquent ainsi que mon collègue de Vaudreuil-Soulanges, ont justement indiqué combien nous avons insisté, de ce côté-ci de la Chambre - cela fait trois mois, au moment où le gouvernement a été mis en garde contre ce qui allait arriver - tout le mois de mars, tout le mois d'avril et tout le mois de mai. On a demandé au premier ministre ce qu'il faisait dans ce dossier. On a prévenu le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation que la pêche ne reprendrait pas s'il continuait son incurie, son indifférence et ses chicanes fédérales-provinciales. À quoi a-t-on eu droit? On a eu droit à des réponses nous disant qu'on était dans les patates, autrement dit, qu'on ne connaissait pas cela, qu'eux autres s'occupaient des affaires, que le début de la pêche allait reprendre normalement. Mais cela n'a pas repris.

Qu'est-ce qu'on nous a donné? On nous a donné en pâture, le 5 mai, une motion du ministre. Comme le disait le député de Vaudreuil-Soulanges, au lieu de s'occuper à trouver des solutions, on nous présente une motion de la nature d'une chicane fédérale-provinciale. Cela fait des heures et des heures qu'on discute de cette motion, alors que le ministre aurait dû être en train de régler cette affaire comme on doit la régler et non pas par des mesures comme le projet de loi no 23.

Mais le projet de loi a été présenté jeudi dernier. Mercredi, j'ai demandé au ministre: Mais qu'est-ce qui se passe? Est-ce qu'on peut donner un coup de main? Est-ce qu'on peut faire quelque chose? Il faut faire quelque chose. C'est fermé. Pas d'inquiétude; il n'y a rien là. Mais le lendemain, un projet de loi, pas seulement déposé avec le consentement de l'Opposition - parce qu'il n'y avait même pas de loi - c'était un avis en appendice au feuilleton. On a demandé notre consentement; on l'a donné pour que la population intéressée puisse au moins voir ce projet de loi. On nous a dit: Vous nous donnez la permission de le déposer; vous l'adoptez en première lecture, mais on vous dit que vous devriez l'adopter en deuxième et troisième lecture immédiatement. Or, M. le Président, qu'est-ce que ces gens-là ont fait?

Nous avons dit: II faut être responsables. Adopter un tel projet de loi qui a tous les défauts d'une loi improvisée, adopté à la suite d'un entêtement du ministre, qui touche des droits auxquels on ne touche pas normalement, même dans une loi. C'est un projet de loi qui essaie de contourner la Loi sur les compagnies. C'est un projet de loi qui attaque l'entreprise privée. C'est un projet de loi qui attaque les conseils d'administration. On dit au ministre qu'il serait beaucoup plus prudent d'attendre la reprise des travaux au début de la semaine. Qu'est-ce que le ministre a fait? Il s'en va à Matane. Il s'en va à Radio-Canada, à Matane; il donne des interviews. Le lendemain ou le surlendemain, il était rendu aux Îles-de-la-Madeleine essayant de simuler une assemblée beaucoup plus politique que technique. Qu'est-ce qu'il faisait pendant ce temps? Il disait: Vous savez, les libéraux n'ont pas voulu donner leur permission pour adopter la deuxième et la troisième lecture. Je l'ai entendu. Oui, je l'ai entendu. Le ministre me dit non. Il a dit, à Radio-Canada: Les libéraux, sous la direction de M. Gérard D. Levesque, n'ont pas voulu donner leur consentement. Je l'ai entendu. Il ferait mieux de dire oui.

Deuxièmement, M. le Président, après avoir dit cela, il a oublié, cependant, de mentionner que si le gouvernement avait réellement voulu adopter ce projet de loi, il avait, dans le règlement, tout ce qu'il fallait pour le faire en deux heures. Cela prend deux heures, faire une motion de suspension des règles. Le gouvernement ne l'a pas fait. Le ministre ne l'a pas fait. Plusieurs collègues du ministre n'osaient même pas penser le faire, tellement ce projet de loi est une loi d'exception qui touche tellement de gens, tous les intéressés, les travailleurs, les pêcheurs, les créanciers, les institutions financières, la population intéressée, le gouvernement fédéral et le public. Vous allez adopter cela en trois lectures? Si vous vouliez le faire, vous n'aviez qu'à le faire. Ne venez pas brailler que c'est le Parti libéral qui vous a empêché de le faire. Nous vous avons ramené à la raison. Je vous dis encore, ce soir, en deuxième lecture, que nous n'avons pas l'intention de bousculer les choses. Nous allons vous aider dans un sens, c'est-à-dire que nous n'allons pas faire des discours d'obstruction concernant ce projet de loi, parce que si vous voulez vous tromper, on va vous donner l'occasion de le faire. Si vous voulez faire des erreurs comme celles qui sont contenues là-dedans, vous le ferez, mais vous en porterez la responsabilité.

M. le Président, qu'est-ce qui nous

assure la reprise des activités de Madelipêche? Est-ce que le ministre - dans sa réplique, il pourra nous le dire - peut répondre à ceci? Est-ce que, du moment que ce projet de loi sera adopté, il peut m'assurer, ce soir, de la reprise des activités de Madelipêche Inc.? Peut-il me répondre à cette seule question? Le projet de loi no 23 dit ceci: Loi assurant la reprise des activités de Madelipêche Inc. Est-ce que le ministre peut me dire que ce projet de loi va assurer la reprise des activités? Peut-il m'assurer que les bateaux vont partir en mer, et me dire à quelle date, dans quel délai?

M. le Président, il y avait cependant des solutions de rechange à celles utilisées par le ministre, mais son entêtement a fait qu'il n'a pas voulu les utiliser. Entre autres, pourquoi n'a-t-il pas accepté que SOQUIA, une société du gouvernement, de la couronne, comme on dit, qui est sous l'emprise, sinon sous la dictée du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, à qui le ministre a vendu, dans la même journée où il les a saisis, les bateaux... La même journée où le gouvernement a saisi les six navires, il se retourne de bord et il les vend à SOQUIA. Est-ce que SOQUIA ne pouvait pas louer les bateaux à Madelipêche, qui aurait eu les permis immédiatement? Cela fait des semaines qu'on aurait eu la reprise des activités de pêche. Mais le ministre a dit non. Jamais!

M. le Président, qu'est-ce que le ministre a fait lorsqu'il a saisi les bateaux? Des bateaux qui valaient au moins 8 000 000 $. Parce qu'il y avait des montants dus au gouvernement de quelque 300 000 $, des arrérages, et que la dette totale était de 1 000 000 $, il a saisi des biens pour 8 000 000 $. Qu'est-ce qu'il a fait avec ces biens? Il s'est tourné et il les a revendus à SOQUIA, une société de la couronne, donnant à SOQUIA un enrichissement sans cause au détriment de Madelipêche. On se plaint que Madelipêche s'est fait organiser pour 2 600 000 $. D'accord, mais vous autres vous l'avez organisée pour 6 000 000 $ au moins en faisant ce que vous avez fait. Où sont les protections données à Madelipêche là-dedans? Madelipêche a complètement perdu ses bateaux. Des bateaux qui valaient au moins 8 000 000 $; il y en a qui disent 10 000 000 $, il y en a qui disent 7 000 000 $, réglons pour 8 000 000 $. Cela valait 8 000 000 $. Pourquoi? Pour une dette de 1 000 000 $, maximum. Avez-vous saisi cela? Vous dites: On l'a fait en vertu du droit maritime. D'accord que sur le plan légal vous pouviez vous en tirer, mais en le faisant en vertu du droit maritime, qu'est-ce que vous faites du droit de Madelipêche?

Vous pleurez sur la situation de Madelipêche parce que Pêcheurs Unis du Québec ne lui auraient pas remis l'argent qui lui revenait. On pourrait examiner cela. On suggère même une commission parlementaire. S'il y a des procédures, tous les tribunaux sont là pour régler ces choses. Mais vous autres, vous avez joué un curieux de rôle en saisissant les bateaux de Madelipêche et en les vendant le même jour à SOQUIA pour à peu près 1 000 000 $ alors que Madelipêche perdait ainsi 6 000 000 $ à 7 000 000 $. Qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus? Vous nous le direz en réplique, M. le Président. Là, vous allez avoir les bateaux de Madelipêche. Vous allez contrôler Madelipêche. Cela va devenir une compagnie du gouvernement. Le ministre me dit non. Quand on contrôle à 100% une compagnie, qu'est-ce qui arrive? Qui mène? Est-ce que c'est parce que le ministre passe par trois autres personnes qu'il nomme et qu'il peut révoquer à volonté que cela change la vérité? C'est le ministre qui va avoir le contrôle de Madelipêche. C'est le ministre que j'ai devant moi.

Il va exploiter une compagnie et les autres, à côté, les concurrents, les indépendants, aux Îles-de-la-Madeleine, vont avoir un beau concurrent: le gouvernement qui, à mesure qu'il y a des problèmes, des difficultés, peut jeter de l'argent continuellement. D'ailleurs, on a l'expérience de cela dans Quebecair, pas besoin d'aller bien loin. La première journée, il n'y avait rien là, quelques millions de plus. Voici qu'on est rendu à 30 000 000, 40 000 000 $ ou 50 000 000 $. (20 h 20)

M. le Président, on me permettra simplement de rappeler au ministre, avant de terminer, qu'il y a ici un projet de loi extrêmement dangereux dans les principes qu'il avance et dans ce qu'il fait même si, encore une fois - j'insiste là-dessus l'objectif que nous poursuivons et que Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine poursuit sans doute - et je la comprends très bien -c'est de voir, d'une part, les pêcheurs reprendre la mer et, d'autre part, les travailleurs reprendre le travail dans les usines. C'est normal et c'est le but que nous poursuivons. C'est pourquoi cela fait trois mois qu'on dit au ministre de se remuer et de voir à régler ces problèmes. Il ne l'a pas fait. Il a préféré attendre trois mois. Après avoir fait perdre à ces gens-là des semaines de travail et de pêche, il nous arrive avec ce bout de papier qui dit: Loi assurant la reprise, alors qu'il ne peut pas me répondre que les activités vont reprendre demain matin ou après demain.

À quel moment vont-elles reprendre? Le ministre peut-il me dire si les informations que j'ai ce soir sont exactes et véridiques, à savoir qu'un télex lui aurait été adressé par le gouvernement fédéral lui disant que si ce projet de loi était adopté il n'aurait pas les permis nécessaires pour

fonctionner? Je veux savoir cela. Je veux que le ministre s'informe. Il a le temps d'y aller pendant que je termine. Qu'il aille téléphoner à son ministère pour savoir s'il est exact que le ministre aurait reçu - il me semble que c'est assez important, il doit y avoir des communications entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec - un télex à son bureau lui disant que si ce projet de loi était adopté, ce serait impossible de s'entendre et qu'il n'y aurait pas de permis d'émis par le gouvernement fédéral, mais que si le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation était prêt à négocier avec le gouvernement fédéral l'affaire se réglerait immédiatement, sans ce projet de loi.

Si cette information est exacte, je dis que nous n'avons pas le droit de mettre en péril le sort des travailleurs d'usine, le sort des pêcheurs pour contenter le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Je veux, avant de passer à une autre étape du projet de loi, être rassuré, parce que ce n'est pas le titre de ce projet de loi qui me rassure. Même si le projet de loi indique, gros comme cela, Loi assurant la reprise des activités de Madelipêche Inc., si j'en arrive à la conclusion, après la réponse du ministre, qu'en adoptant ce projet de loi non seulement je n'assure pas la reprise, mais que je consacre la non-reprise des activités, à ce moment-là, je veux être au courant avant de me prononcer sur les étapes à venir de ce projet de loi. C'est dans l'intérêt des travailleurs d'usine et dans l'intérêt des pêcheurs des Îles-de-la-Madeleine. Je suis convaincu que Mme la députée, qui est la première intéressée dans ce Parlement où nous sommes présentement réunis, voudra elle aussi que ce soit une véritable reprise des activités de Madelipêche et que ce ne soit pas simplement la consécration d'une autre querelle fédérale-provinciale sur le dos des travailleurs et des pêcheurs. Il va falloir éviter ces choses-là.

Encore une fois - et cela, après être revenus à la charge pendant des semaines et des semaines - combien de fois le député de Nelligan ne s'est-il pas levé dans cette Chambre pour poser des questions au gouvernement, au premier ministre, au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation? Combien de fois ne nous sommes-nous pas levés dans cette Chambre pour poser des questions pertinentes, mettant en garde le ministre contre des retards inouïs et des chicanes stériles, rappelant au ministre ses responsabilités dans le domaine des pêches et lui disant également que, s'il continuait dans cette voie, la pêche ne reprendrait pas? C'est ce qui est arrivé.

Je vois, M. le Président, que vous me faites signe que mon temps est terminé, mais je demande au nom des travailleurs, au nom des pêcheurs, au nom des créanciers, au nom de tous ceux qui sont intéressés à cette question, au nom également d'une loi qui doit être respectueuse des traditions dans cette Chambre, d'une loi qui doit être respectueuse des droits de chacun, je demande au ministre de nous renseigner, et je répète encore la question essentielle: Est-ce que ce projet de loi, s'il est adopté ce soir ou demain matin, permettra à lui seul la reprise des activités? C'est cela le titre de la loi. Est-ce qu'il permettra, assurera -c'est ce qui est marqué - la reprise des activités de Madelipêche Inc.? Je veux le savoir et à quelle date? Combien d'heures après que la loi aura été sanctionnée? Nous nous opposons à la forme que cela prend, nous nous opposons à la forme de la loi, au genre. D'ailleurs, le ministre était bien inquiet lui-même, il a dit que c'était une loi exceptionnelle, il a émis bien des doutes lui-même; d'autres de ses collègues m'ont même exprimé des doutes également sur ce genre de loi nous ne pouvons pas l'accepter comme telle, mais est-ce que l'objectif que nous poursuivons ensemble sera atteint simplement par l'adoption de ce projet de loi?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, votre droit de réplique.

M. Blank: Avant que le ministre ne fasse sa réplique...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Je veux dire quelques mots sur ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur ce projet de loi?

M. Blank: Oui.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, M. le député de Saint-Louis.

M. Harry Blank

M. Blank: Je suis un député qui représente un comté de la ville. Je ne suis pas le député de Nelligan, qui a le dossier des pêcheries; je ne suis pas le député de Bonaventure, qui vient de la Gaspésie où est le problème. Comme député de ville, comme député dans cette Chambre, comme avocat de pratique, je trouve ce bill aberrant, complètement à l'opposé de tout ce que j'ai déjà appris dans ma vie. Je prends cette loi et je peux l'appeler aussi une loi matraque. Quand on retourne des grévistes au travail, on appelle cela une loi matraque. Ici, on prend une compagnie à ses actionnaires et le gouvernement s'empare du contrôle, il prend

cette compagnie entre ses mains et il met de côté tous ses actionnaires: je trouve que c'est une loi matraque. Je ne vois pas une grande différence entre cette loi et la fameuse clause de la loi 111 où on prive une section de la population de ses droits; ici, ce n'est pas seulement de leurs droits qu'on les prive, mais de leurs biens. Cela va plus loin que la loi 111. Dans la loi 111, on a pris les droits d'une certaine section de la population. Ici, on prive de leurs droits et de leurs biens des actionnaires d'une compagnie privée. Je me demande pourquoi, comme le député de Bonaventure, le député de Johnson et le député de Nelligan...

Une voix: De Vaudreuil-Soulanges.

M. Blank: ...député de Vaudreuil-Soulanges, excusez-moi. L'autre nom est plus beau.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci.

M. Blank: Je me demande pourquoi le gouvernement avait besoin d'une loi matraque, d'une loi anti-droits, violant tous les principes des droits et des libertés civiles. Pourquoi? Il y avait toutes sortes d'autres moyens d'en arriver au même objectif. L'objectif, comme on le dit dans le texte du projet de loi, on veut que la pêche reprenne. Comme le député de Bonaventure l'a dit, on n'est pas certain. Je trouve toute cette opération curieuse. Je juge cela de l'extérieur. Je ne suis pas impliqué dans les pêcheries. On procède par étapes. Le gouvernement a saisi les bateaux et les biens de Madelipêche pour une dette d'environ 350 000 $; ces biens d'environ 8 000 000 $, il les a transférés immédiatement à SOQUIA. Or, SOQUIA est une compagnie d'État et le gouvernement a pensé avoir le contrôle de ces bateaux de pêche et il a, en fait, le contrôle de Madelipêche. Madelipêche ne peut pas exister sans ses bateaux et ils sont dans une société d'État, encore dans les mains du gouvernement. Je pense que cela était le but de toute cette opération, que le gouvernement contrôle une partie de la pêche aux Îles-de-la-Madeleine. C'est ce qu'il veut. Mais qu'est-ce qui est arrivé? Ottawa a dit non à cette affaire. Il a donné de bonnes raisons. Il y avait des problèmes à Terre-Neuve, il y avait des problèmes en Nouvelle-Écosse, s'il créait un précédent en transférant ces permis. Alors, le gouvernement, qui voulait avoir ces bateaux entre ses mains, pour en contrôler les opérations, aurait été frustré. Trouvez un autre moyen; l'autre moyen, c'est une loi matraque, une loi antiliberté, antidroits. À mon avis, c'est une solution qui était décidée d'avance. Le gouvernement voulait contrôler le secteur des pêcheries aux Îles-de-la-Madeleine et en Gaspésie. Son objectif, c'est très facile, c'est son idée depuis la création de ce parti politique qui est toujours la même: contrôler sans utiliser l'entreprise privée. (21 h 30)

Cela, c'est leur façon de faire. Le gouvernement a été frustré au début lorsque SOQUIA a loué les bateaux et qu'on n'a pu renouveler les permis. Maintenant, après ce que le député de Bonaventure a dit, c'est possible qu'il soit frustré encore. Que fera-t-il maintenant? Est-ce qu'il va faire sortir la Gendarmerie du Québec pour les prendre? Je ne sais pas. Il va aller voir la garde côtière du Québec et il va entrer dans ce jeu, je ne sais pas. On n'est pas certain que demain on verra la pêche aux Îles-de-la-Madeleine. C'est pourquoi je voterai contre le projet de loi.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, votre droit de réplique.

M. Jean Garon (réplique)

M. Garon: M. le Président, j'ai écouté les discours des députés de l'Opposition avec un certain amusement jusqu'à la dernière partie du discours du député de Bonaventure. Dans son appel du pied au gouvernement fédéral de ne pas émettre les permis, j'ai trouvé qu'il allait trop loin.

Une voix: ...

M. Garon: Le député de Bonaventure ne m'a pas compris. J'ai dit: quand il a fait un appel du pied au gouvernement fédéral pour lui dire de ne pas émettre les permis, j'ai trouvé qu'il allait trop loin.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de privilège, M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Je pense que j'ai mal compris. Je ne sais pas si j'ai bien compris, mais je m'excuse auprès du ministre si j'ai mal saisi. J'ai cru comprendre - un collègue m'a dit que c'est ce que le ministre avait dit - que j'avais fait appel au gouvernement fédéral pour qu'il n'émette pas les permis. C'est la plus basse affirmation que j'aie entendue dans cette Chambre. Jamais je n'aurais pu concevoir que l'on puisse avoir de tels propos, et je proteste avec toute mon énergie contre une telle affirmation du ministre qui est contraire non seulement aux faits, mais à toute ma vie de parlementaire voué aux meilleurs intérêts du Québec et des Québécois.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Je n'ai pas interrompu le député de Bonaventure et j'espère qu'il aura la même gentillesse comme vieux parlementaire. J'ai dit qu'il avait fait un appel du pied en suggérant que j'aurais reçu un télégramme du gouvernement fédéral, alors que je n'ai reçu aucun télégramme. J'ai même vérifié, et je sais à quel point le parti libéral fédéral est connecté au bureau du chef de l'Opposition. Je sais que certaines délégations sont venues dans son bureau avec M. Ouellet, dans le cas des céréales; on a entendu parler de cela.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaîtl Question de privilège, M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je n'aurais aucune objection à recevoir des ministres fédéraux, qui seraient toujours bienvenus s'ils voulaient me voir, mais aucun ministre fédéral n'est venu dans mon bureau relativement à l'affaire mentionnée par le ministre. De grâce, arrêtez donc! Mentez, mentez, avez-vous dit, il en reste toujours quelque chose.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Celui qui a dit ça, c'est Voltaire, et il était reconnu plutôt pour être libéral. Je vous dirai ceci. Comme, en droit, on présume la bonne foi, j'ai présumé, sans aucun avis contraire, que le gouvernement fédéral émettrait des permis parce que c'est le gouvernement fédéral lui-même qui a demandé qu'on loue les bateaux, que SOQUIA loue les bateaux à Madelipêche. C'est pourquoi, devant cette demande tellement forte du gouvernement fédéral, nous avons dit: La solution de vendre les bateaux et les actifs terrestres à SOQUIA, ça ne fait pas plaisir au gouvernement fédéral, trouvons une formule - c'est ce que j'ai dit à M. Kirby aussi - une troisième solution, que j'ai annoncée dès le lendemain à la télévision, une solution qui pourrait convenir aux deux gouvernements.

Nous nous sommes ingéniés à trouver une formule non pas dans un esprit de confrontation, mais dans un esprit d'accompagnement qui conviendrait aux deux gouvernements. Que les bateaux soient retournés à Madelipêche mais, en même temps, que la manque de confiance qu'il y avait dans le conseil d'administration de Madelipêche, qui était dirigée par les

Pêcheurs Unis, puisse être différent. C'est cette solution que nous avons trouvée en nous forçant. Nous avons proposé ce projet de loi, qui n'est pas si exceptionnel que l'Opposition veut bien le laisser entendre. Je reverrai tout à l'heure un projet de loi identique qui était présenté par l'Opposition libérale en décembre 1975 où, au lieu d'avoir trois administrateurs, il y en avait un et où on changeait tout le fonctionnement d'une compagnie privée, mais le parti de l'Opposition de ce temps, qui s'appelait le Parti québécois, dans l'intérêt public, avait voté pour le projet de loi. Je vous dirai qu'il s'agissait du projet de loi no 105, Loi concernant la Compagnie de gestion de Matane Inc., sanctionnée le 19 décembre 1975 et qui, en plus... Le député de Bonaventure vieillit, je pense bien, parce qu'il ne se rappelle pas les lois qu'il a adoptées. Puisqu'il faisait partie du Conseil des ministres il a sans doute appuyé cette résolution - à moins qu'il ne dormait - avec des attendus pour expliquer à quel point cette loi était exceptionnelle puisque, comme je l'ai dit, de façon régulière il n'y a pas d'attendus. Je ne dis pas que le projet de loi no 23 que nous adoptons est une loi routinière. C'est une loi qui comporte un caractère d'exception, comme la loi 105 en comportait un. Parce qu'elle en comportait un en 1975, il y avait des attendus, et parce que notre projet de loi no 23 en comporte un aussi, il y a aussi des attendus, M. le Président.

Si vous voulez vous y référer, vous verrez que le ministre peut, aux conditions qu'il détermine... Et vous verrez que la compagnie doit fournir les services deux fois par semaine. Il dit même que le service sera fourni à la compagnie privée. La compagnie ne peut supprimer, réduire ou étendre son service sans l'autorisation préalable du ministre.

Vous avez les dispositions spéciales qui ont été votées par l'Assemblée nationale avec cette loi 105. Mais la différence c'est ceci. Vous comprenez que le gouvernement de ce temps s'autorisait à réquisitionner les services d'une compagnie privée d'une façon autoritaire, mais le député de ce temps, qui était critique du Parti québécois dans l'Opposition, a dit: "De même que ce service nous apparaissait urgent et nécessaire, nous nous rallierons à cette loi au nom de l'intérêt public, au nom d'une population qui en a besoin."

C'est pourquoi je pense que pour les mêmes principes que l'Opposition de ce temps avait voté pour une loi d'exception parce qu'elle était nécessaire, de la même façon si l'Opposition pense à l'intérêt public au lieu de penser à ses intérêts partisans, elle pourra voter pour ce projet de loi.

Le député de Bonaventure a dit que les bateaux valent 8 000 000 $ ou

10 000 000 $. Vous savez qu'à ce prix-là on pourrait peut-être bien les vendre sans problème. Je peux vous dire que quand on les a vendus en vertu du protocole d'entente le 20 décembre 1978, il y a près de cinq ans, on les avait vendus 2 116 532,45 $. Vous voyez qu'on était loin des 8 000 000 $. Vous savez que depuis l'an dernier on a utilisé seulement quatre bateaux sur six à Madelipêche et que ceux-ci n'ont pas dû augmenter de valeur au cours des années. Ils ont plutôt diminué de valeur et un montant considérable de 375 000 $ n'avait pas été payé au gouvernement l'an dernier.

Le député de Bonaventure pourra dire ce qu'il voudra, pourra faire croire que le ministre fédéral a dit 10 000 000 $. Je lui ai dit: À ce prix-là on pourrait peut-être bien penser à vous les vendre si vous nous faites une telle offre. On pourrait peut-être placer l'argent sur autre chose qui serait plus productif.

Quand le député de Bonaventure dit qu'il s'agit de la compagnie du ministre, il sait bien au fond qu'il fait du sparage, qu'il fait des discours. Je le voyais commencer tranquillement et je me disais: II est fatigué, la campagne à la chefferie doit le fatiguer, il n'est pas en forme comme d'habitude. Dans les cinq dernières minutes on a vu qu'il s'est mis sur le pilote automatique parce qu'il est parti au même régime que d'habitude et il a dit: Allons-y aux prunes, ça va poignerl Sauf que le monde n'est pas dupe.

(21 h 40)

Je me suis rendu à différentes reprises aux Îles-de-la-Madeleine avec la députée des Îles-de-la-Madeleine pour parler aux gens de leurs problèmes. Le manque de confiance est aussi ressenti par la population des Îles-de-la-Madeleine. La députée des Îles-de-la-Madeleine pourra vous dire, par exemple, qu'il y a des pêcheurs qui n'ont pas voulu aller pêcher pour Madelipêche, telle qu'administrée, il y a quelques jours parce qu'ils ont placé de l'argent dans la compagnie et ils n'ont pas revu leur argent. Des fournisseurs ont refusé des services parce qu'ils n'ont pas été payés. Des syndicats demandaient de suivre la solution du Québec parce que les employés ont payé des cotisations syndicales qu'on n'a pas retrouvées dans la caisse des syndicats. Il y a aussi deux personnes qui sont décédées. Je ne sais pas si c'est le député de Hull qui va payer les prestations d'assurance-vie aux familles; les primes d'assurance n'ont pas été payées. Elles avaient été payées par les employés.

On peut trouver cela drôle, quand on n'est pas en cause. On peut jouer à la vierge offensée, quand on n'est pas en cause. Quand il s'agit de faire des lois spéciales sur les syndicats, il n'y a pas de problème; quand il s'agit du transport en commun à Montréal, pas de problème, mais quand il s'agit d'une population rurale qui est entièrement dépendante d'une entreprise, là, nos spécialistes du sépulcre blanchi... J'ai même entendu le député de Vaudreuil-Soulanges, directement venu de Power Corporation, nous dire: Le secret du voile corporatif, mes amis. Écoutez donc, ma chère! Oui, ma chère!

II a dit ceci: De la même façon que lorsque l'intérêt public est en cause pour le transport en commun, il faut parfois des lois qui tiennent compte de l'intérêt public avant toute chose, quand il n'y a pas d'autres moyens. Nous avons cherché d'autres moyens et nous ne les avons pas trouvés. On a essayé d'autres moyens pendant deux mois avec insuccès; les autres moyens n'ont pas fonctionné. On se retrouve avec des poursuites d'entreprises qui n'ont même pas de résolution du conseil d'administration parce qu'on ne réunit pas le conseil d'administration, ça n'a pas d'importance. On administre avec un ou deux bureaucrates qui ne se préoccupent pas du conseil d'administration, qui décident eux-mêmes, comme si c'était leur argent, leur entreprise, quand il s'agit d'une coopérative ou d'une entreprise quasi coopérative. C'est là le côté anormal.

Je suis étonné de voir le Parti libéral, qui n'a plus de libéral que le nom, se prononcer contre une telle mesure. Il faut être déconnecté de la population pour ne pas sentir toutes les pressions qui viennent de la population des Îles-de-la-Madeleine en faveur de ce projet de loi. Les gens des Îles-de-la-Madeleine souhaitent l'adoption de ce projet de loi parce qu'ils savent à quel point différentes solutions ont été essayées au cours des dernières semaines, des deux ou trois derniers mois. Ils savent à quel point nous avons fait tout notre possible. Nous les avons tenus au courant, à chaque étape, des différentes mesures qui ont été prises. La députée des Îles-de-la-Madeleine est allée régulièrement sur place pour les tenir au courant. Les gens des Îles-de-la-Madeleine nous ont, hier, librement, fait une proposition demandant à l'Assemblée nationale d'adopter cette loi le plus rapidement possible. À l'assemblée publique où tout le monde était invité, personne n'a manifesté d'intérêt contraire.

On a aussi dit que je n'aimais pas les administrateurs. J'aimerais bien des administrateurs qui administrent. Quand on sait que le conseil d'administration ne s'est réuni que deux fois en 1982, est-ce qu'on peut dire que c'est un conseil d'administration qui administre?

M. Rocheleau: Vous l'avez nommé vous-même.

M. Garon: Non. Nous n'avons pas

nommé le conseil d'administration nous-mêmes. Nous avons demandé quatre administrateurs, mais ce n'est pas suffisant pour faire une réunion du conseil d'administration. Le député de Hull doit le savoir. S'il ne le sait pas, c'est grave. Au cours de l'année 1982, même après des représentations vigoureuses pour qu'il y ait des réunions du conseil d'administration, elles n'ont pas eu lieu, M. le Président, parce que la société Pêcheurs Unis préférait qu'il n'y en ait pas et utilisait le contrat de gestion pour administrer comme bon lui plaisait.

Le député de Bonaventure a demandé si on peut avoir l'assurance qu'avec ce projet de loi les bateaux vont partir. Je le pense, parce que la condition qui était posée par le gouvernement fédéral sera remplie, c'est-à-dire qu'avec le nouveau conseil d'administration provisoire, il sera possible de louer des bateaux à Madelipêche, et Madelipêche se trouvera exactement dans la situation que souhaitait le gouvernement fédéral, avec les bateaux à Madelipêche, plutôt qu'à SOQUIA, par un contrat de location qui pourra éventuellement être un contrat de revente, si on veut, si les conditions normales sont réalisées.

Nous sommes dans une situation particulière qui doit être traitée d'une façon particulière, M. le Président. C'est de cette façon que le dossier a été traité, parce que tous ceux qui ont eu l'occasion, au cours des derniers mois, de traiter le. dossier de Pêcheurs Unis se trouvent devant le même problème. Même le ministre fédéral me disait, le 18 avril, devant plusieurs personnes: Je ne sais plus qui est en charge de Pêcheurs Unis; pouvez-vous me dire qui dirige cette entreprise? Je ne le sais plus. Nous avons les mêmes inquiétudes parce qu'il y a un conseil d'administration qui, à toutes fins utiles, ne se réunit plus ou rarement, et il y a deux fonctionnaires, le secrétaire de Pêcheurs Unis et un autre qui travaille dans la comptabilité. Une secrétaire travaille également à Pêcheurs Unis. On me dit que la société a réengagé quelqu'un récemment pour les aider.

Essentiellement, nous avons décidé qu'il y avait urgence à trouver une solution immédiate. C'est évident que plusieurs de ces questions vont se retrouver devant les tribunaux, mais on ne peut pas, pour la question qui nous concerne, attendre un an, deux ans, trois ans de litige devant les tribunaux pour qu'ils viennent régler la question. Il est évident qu'il devrait y avoir des poursuites pour 2 700 000 $. Il est évident qu'il n'est pas normal que du poisson ait été vendu par Madelipêche et que cette dernière ne retrouve pas l'argent dans son compte de banque. Il est évident que des poursuites devraient être intentées. Il est évident également que, quand un conseil d'administration est dominé par une entreprise et que cette dernière a gardé les 2 700 000 $, il n'est pas trop agressif à prendre les mesures judiciaires qui s'imposent pour se faire payer les 2 700 000 $. Sauf que certains disent que cela aurait été fait par la banque et que la société Pêcheurs Unis n'aurait pas eu le choix. C'est évident qu'une question comme celle-là doit être tranchée par les tribunaux. S'il ne peut pas y avoir d'entente à l'amiable, c'est évident qu'il appartiendra aux tribunaux de trancher. Pour cela, il faut d'abord qu'il y ait des poursuites d'engagées. Il faut aussi que la saison de pêche commence. C'est devant ce dilemme à plusieurs niveaux que nous avons pensé, avec raison, je suis convaincu, que la loi 23 était la meilleure solution. Des gens seront nommés aussitôt que la loi aura été votée. Nous allons trouver des gens qui vont administrer Madelipêche dans son meilleur intérêt. Au cours d'une période transitoire, tout le monde sait qu'au cours des prochaines semaines et des prochains mois, la question de Pêcheurs Unis va être réglée, puisque Pêcheurs Unis ne peut pas véritablement continuer ses activités, qu'elle a été maintenue artificiellement en vie par une garantie fédérale et, comme le disaient ses dirigeants de Newport, c'est comme si on avait donné une piqûre de morphine à un cadavre.

Temporairement, Pêcheurs Unis s'est maintenue, malgré la volonté des gens. C'est pour cela qu'il est un peu anormal qu'on ait utilisé la force alors que les choses étaient complètement en train de se régler avec la transmission des actifs aux coopératives régionales, que la discussion était engagée au sujet de Madelipêche au début d'avril, alors que tout cela est en train de se régler, qu'on ait décidé, à ce moment, d'essayer de bloquer un document connu du député de Nelligan. Si le député de Nelligan sait lire, il l'a lu. Il sait que le gouvernement du Québec a marché exactement dans ce que les gens ont voulu soutenir, des coopératives régionales. Le seul domaine où nous avons agi, c'est que nous ne pouvions pas dire qu'en ce qui concerne les 51% d'actions de Pêcheurs Unis, il fallait oublier un compte de 2 700 000 $, alors que, dans l'entreprise, Pêcheurs Unis avait mis 350 000 $ et qu'il y avait eu en même temps une subvention de 200 000 $ du gouvernement. (21 h 50)

Au cours des dernières années, 2 200 000 $ ont été payés pour garantir des déficits alors que, cette année, alors qu'il y avait des bénéfices, le gouvernement du Québec avait droit à ce déficit, à ces avances qui avaient été faites sur des déficits d'au moins 300 000 $, c'est-à-dire que le gouvernement du Québec avait droit en cette année 1982 à 1 900 000 $ de retour sur le paiement des déficits selon le protocole d'entente qui avait été fait au

gouvernement du Québec.

C'est cela qui avait été fait. Essentiellement, il s'agit d'une question interne aux Québécois. Quand on veut essayer de faire, comprenez-vous, toutes sortes de questions au sujet des permis, je vais vous dire une chose: au cours des dernières années, 64 permis ont été effacés de la carte du Québec parce qu'on les a laissés inactifs. Le Québec est la seule province, avec le Nouveau-Brunswick, où le gouvernement fédéral a laissé des permis de chalutage inopérants. La seule province où il y a eu des permis de chalutage inopérants, c'est au Québec. Il y a eu 64 de ces permis, la plupart aux Îles-de-la-Madeleine, quelques-uns en Gaspésie. Quand est arrivé le gel des permis, on a donc fait disparaître 64 permis du Québec, alors qu'on n'avait gelé aucun permis en Nouvelle-Écosse ni à Terre-Neuve. Si on veut parler véritablement d'une question d'équité dans le domaine des permis, on devrait demander immédiatement au gouvernement fédéral d'ajouter 64 permis pour le Québec pour rétablir la situation qui aurait dû précéder le gel des permis, c'est-à-dire qu'on émette les permis au Québec comme on les émettait aux autres provinces. Sauf que c'est facile, vous savez, pour des fonctionnaires fédéraux qui, pour la plupart, viennent de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse, de ne pas émettre les permis. Malgré le gel, quinze permis additionnels ont été émis à Terre-Neuve. En 1981, le ministre a fait venir son fonctionnaire de Terre-Neuve pour lui demander si c'était vrai. Le sous-ministre adjoint responsable du dossier a confirmé qu'il y avait eu, malgré la directive du ministre, quinze permis additionnels d'émis et depuis ce temps, en guise de récompense, il a eu une promotion. Habituellement, quand on désobéit aux directives des ministres, il n'y a pas de promotion, sauf quand il y a une certaine complicité de la part du ministre. Quand on parle du taponnage dans les permis, c'est cela qu'on a vécu au cours des dernières années. Je souhaite qu'on règle cette question le plus rapidement possible, mais en même temps, immédiatement aussi, il faudra régler les autres questions concernant les permis. Puisque vous avez soulevé ce point, j'ai voulu en dire un mot, M. le Président.

Je ne voudrais pas être plus long puisque mon droit de parole se termine, mais je suis persuadé, avec tous les gens des Îles-de-la-Madeleine qui ont voté unaniment, hier, une résolution pour que l'Assemblée nationale adopte cette loi, que tous ceux qui ont à coeur les intérêts du secteur des pêches -même si je comprends que c'est un peu loin pour le député de Hull - entendront la voix qui vient à travers les vents des Îles-de-la-Madeleine et écouteront leur coeur...

Des voix: Oh!

M. Garon: ...en décidant de voter pour que la pêche reprenne aux Îles-de-la-Madeleine et que l'usine de Madelipêche commence à fonctionner immédiatement.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

Des voix: Adopté. Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté sur division.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, si nous avions pu le faire - mais je pense qu'à ce moment-ci, ce ne serait pas raisonnable -nous aurions procédé à l'étude article par article de ce projet de loi ici, en commission plénière...

Une voix: Consentement?

M. Bertrand: ...à condition - oui, évidemment - qu'il y ait consentement pour qu'on le fasse et qu'on déborde un peu au-delà de dix heures. Non? Dans ce contexte, M. le Président, nous reprendrons nos travaux demain matin, à 10 heures, je l'annonce immédiatement, par une commission plénière ici même, à l'Assemblée nationale, pour étudier...

M. Levesque (Bonaventure): C'est-à-dire...

M. Bertrand: Je m'excuse.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): ...M. le Président, que nous pourrions peut-être procéder immédiatement à nous placer en "commission plénière si c'est pour être en commission plénière. On pourrait le faire immédiatement et, ensuite, être prêt demain matin, dès la première heure, à commencer.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je suis tout à fait disposé à fonctionner de cette façon. Donc, je fais motion à ce moment-ci pour que vous quittiez votre fauteuil - en n'oubliant pas que demain matin lorsque vous

reviendrez, M. le Président, vous devrez être assis au bout de la petite table - et que nous puissions étudier le projet de loi no 23, article par article.

Une voix: ...demain.

M. Bertrand: Ahl c'est exact. À juste titre, le président nous informe que de toute façon, il devra rouvrir les travaux de l'Assemblée nationale demain à partir du trône, mais la motion aura été faite et on peut considérer qu'on procédera dès votre arrivée demain matin.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, je m'installe.

M. Bertrand: Vous avez cinq minutes.

Commission plénière

M. Rancourt (président de la commission plénière): Nous sommes en commission plénière sur le projet de loi no 23, Loi assurant la reprise des activités de Madelipêche Inc.

M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, est-ce qu'on peut considérer que le projet de loi est adopté? Non?

Une voix: Je pense que le ministre a une vérification à faire.

M. Bertrand: Bon, très bien. M. le Président, je fais motion pour que nous...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Bertrand: ...ajournions ce débat à demain matin, 10 heures.

Le Président (M. Rancourt): D'accord.

M. Bertrand: Je constate que Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine aurait bien aimé que le projet de loi soit adopté dès ce soir en troisième lecture pour que la pêche puisse reprendre demain, même cette nuit, aux Îles-de-la-Madeleine. Mais cela, M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement, je retournerai au fauteuil. On me fera rapport que nous n'avons pas terminé et nous pourrons reprendre là-dessus demain, à 10 heures.

M. Bertrand: Bon voyage, M. le Président:

M. LeMay (président de la commission plénière): La commission n'a pas terminé ses travaux et demande de continuer ses travaux demain matin.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Très bien. Tel que prévu, nous savons maintenant que nous siégeons demain matin en commission plénière. M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux à demain matin, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion d'ajournement est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, nos travaux sont ajournés à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 58)

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