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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mercredi 25 mai 1983 - Vol. 27 N° 25

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures quinze minutes)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Quelques instants de réflexion.

Veuillez vous asseoir.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: M. le Président, selon l'article 10 du feuilleton, je vous demanderais de quitter votre siège pour que l'Assemblée se transforme en commission plénière aux fins d'étudier article par article la loi 23.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion est-elle adoptée?

M. Boucher: Adopté.

Projet de loi no 23 Commission plénière

M. Rancourt (président de la commission plénière): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons commencer l'étude article par article du projet de loi no 23, Loi assurant la reprise des activités de Madeli-pêche Inc.

M. le ministre, voulez-vous faire une intervention au départ ou si nous commencerons immédiatement l'étude article par article?

M. Garon: Je suis prêt à commencer l'étude article par article, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le chef de l'Opposition?

Remarques générales M. Gérard D. Levesque

M. Levesque (Bonaventure): Je voudrais tout d'abord faire une mise au point. Hier soir, le ministre a voulu comparer l'intervention du gouvernement actuel avec une législation qui date de 1975 relativement à la Compagnie de gestion de Matane, COGEMA. C'est une loi de 1975. Mais il faut bien souligner au moins les différences suivantes: Premièrement, il ne s'agissait pas d'un projet de loi présenté par un ministre, autrement dit il ne s'agissait pas d'un projet de loi du gouvernement. Le ministre a oublié de nous dire cela.

Deuxièmement, il s'agissait d'un projet de loi de nature privée qui avait été présenté par un député, mais il était d'abord de nature privée. Le projet de loi n'avait pas du tout la même signification, la même portée que le projet de loi que nous étudions présentement.

De plus, justement parce qu'il était de nature privée, il a donné ouverture à une commission parlementaire avant l'étude en deuxième lecture où toutes les parties intéressées pouvaient venir se faire entendre, contrairement à l'attitude présente du gouvernement qui non seulement n'a pas donné l'occasion aux intéressés de se faire entendre, non seulement n'a pas donné de commission parlementaire, mais il a voulu essayer de faire adopter ce projet de loi en première, deuxième et troisième lecture, incluant l'avis au feuilleton, au cours d'une seule séance. Je vous assure qu'il y a une différence fondamentale non seulement dans le projet de loi lui-même mais dans la façon qu'il a été abordé par cette Législature.

Je pourrais citer plusieurs avis juridiques que j'ai devant moi présentement qui justifient la présentation par le gouvernement du temps de cette loi. Il s'agissait simplement d'une affaire qui traînait devant la Commission des transports avec une multitude d'interventions de nature dilatoire qui faisaient en sorte que les promoteurs de COGEMA, qui étaient des gens du milieu en grande proportion, ont décidé de s'adresser à la Législature. Ce n'est pas le gouvernement qui imposait quoi que ce soit, ce sont les gens du milieu qui s'adressaient à la Législature. Ils ont été entendus en commission parlementaire. C'est tout un processus différent, un processus démocratique qui a eu lieu à ce moment-là, bien qu'on pouvait dire que l'intervention de l'Assemblée, après la commission parlementaire, après la première lecture, et finalement jusqu'à la dernière étape, évidemment, modifiait le processus normal d'une cause devant une commission, en l'occurrence la Commission des transports. Mais il n'y avait rien, dans tout ce processus, qui puisse ressembler au genre d'intervention à laquelle nous avons présentement à faire face.

Continuer la comparaison, je suis prêt à le faire, j'ai ici un dossier qui serait de nature à nous faire discuter assez longuement de cette situation si on veut faire porter la discussion sur cette question. Mais je n'ai pas l'intention de faire retarder les travaux davantage, je n'ai pris que cinq minutes pour faire cette mise au point. D'ailleurs, le gouvernement est en retard ce matin de 17 minutes; ce ne sont pas cinq minutes qui vont faire une grande différence,

pas plus qu'hier alors que j'entendais certains amis du ministre dire: On aurait pu régler cela ce soir. Si on avait voulu réellement régler cela, on aurait commencé par cette loi, la loi 23, hier. On n'aurait pas commencé avec une autre loi qui a été remise à plus tard pour une discussion éventuelle. Il fallait absolument entendre le collègue du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, il fallait passer à peu près une heure et demie sur un autre projet de loi avant d'aborder le projet de loi no 23. C'est le choix du gouvernement. Si le gouvernement avait voulu commencer par la loi 23, elle aurait été terminée hier soir, probablement. Au moins, elle avait une chance de l'être. Mais avec l'attitude du gouvernement, avec sa décision hier, nous n'avons pas pu terminer.

De toute façon, ce matin, je n'ai pas l'intention de retarder les choses. Cependant, j'avais posé une question au ministre hier, avant qu'il n'exerce son droit de réplique. J'ai posé au ministre une question bien simple. Nous avons devant nous un projet de loi, le projet de loi no 23, qui s'intitule: Loi assurant la reprise des activités de Madelipêche Inc. J'ai posé la question bien simple au ministre: Est-ce que notre exercice est futile ou s'il va assurer la reprise des activités de Madelipêche Inc. demain matin ou cet après-midi? Je lui ai demandé cela hier. Il m'a dit: Il n'y a rien là; ce projet de loi assure la reprise des activités de Madelipêche. Mais quelques minutes après -parce que j'avais su, dans l'intervalle, qu'il y avait eu une intervention faite auprès du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui était de nature à mettre en doute sa réponse - j'ai posé la question au ministre. Le ministre, évidemment, a prétendu qu'il n'était pas au courant. Je lui donne le bénéfice du doute. Je dois prendre sa parole parce qu'ici, à l'Assemblée nationale, je pense que c'est une tradition, M. le Président, de prendre la parole de nos collègues. Je vais donc me conformer au règlement et je vais dire: Le ministre m'a répondu, de la façon dont il l'a fait; je prends sa parole qu'il n'était pas au courant d'un télégramme, d'un télex ou d'une intervention qu'il aurait reçue du gouvernement fédéral, à savoir que si ce projet de loi était adopté il n'y aurait pas de permis d'accordé aux six chalutiers travaillant pour Madelipêche Inc. Est-ce que c'est exact? J'ai posé la question au ministre.

J'espère que, ce matin, il va pouvoir me dire s'il a reçu une telle information. Il pourra nous faire part de toute communication qu'il aurait pu recevoir dans ce sens-là. La raison pour laquelle, ce matin, je pose la question, c'est qu'il faut bien être réaliste, les permis, selon la constitution, sont donnés par le gouvernement fédéral. Ce n'est pas de juridiction provinciale. C'est de juridiction fédérale. Même si on mettait le conseil d'administration de la compagnie Madelipêche en tutelle, si on n'a pas de permis, je me demande ce que cela va donner. C'est pour cela que, depuis des mois, on dit au ministre: Entendez-vous donc! On dit au fédéral: Entendez-vous avec le provincial. On dit au provincial: Entendez-vous avec le fédéral; ne faites pas de querelle et de guerre stérile sur le dos des travailleurs d'usines, sur le dos des pêcheurs.

Le ministre a tergiversé pendant trois mois en nous disant, au début, qu'il n'y avait rien là et en nous disant, ensuite, qu'il y avait des questions de juridiction fédérale, en apportant ici des motions qu'il nous fait débattre durant des heures et des heures sur une question qui a son importance, mais qui, dans le contexte actuel, n'était que dilatoire. Nous avons dit au ministre du Québec et au ministre fédéral: Tâchez donc... vous êtes des grands garçons, rencontrez-vous, arrangez-vous donc pour arriver à une conclusion. Il semble que cela ne marchait pas. Le ministre a préféré nous présenter le projet de loi no 23.

On disait à Radio-Canada: M. Garon arrive de Matane, ce matin, en vainqueur -je le voyais descendre de l'avion à Matane -il a son bill 23 et demain il sera aux Îles-de-la-Madeleine, etc., pour annoncer la reprise des activités. Est-ce que le ministre avait pris ses précautions? Est-ce qu'il était sûr qu'en adoptant ce projet de loi, on aurait la reprise des activités de Madelipêche, comme l'indique le titre de la loi? Or, pour nous, les législateurs, il est important que, quand on pose un geste législatif, on ait une certaine assurance que cela veut dire quelque chose, que "assurant la reprise des activités de Madelipêche", cela veut dire cela.

Cela veut dire que le ministre avait pris ses précautions avec le gouvernement fédéral pour s'assurer que si ce projet de loi était adopté, normalement les permis seraient accordés par l'autre niveau de gouvernement. Quand même on voudrait se plaindre et crier, il y a une constitution, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et maintenant le nouvel acte constitutionnel qui donne au gouvernement fédéral la juridiction sur les pêcheries. Ce n'est pas moi qui ai inventé cela. Cela existe depuis 1867. En 1922, il y a eu une délégation par le gouvernement fédéral au gouvernement du Québec quant à l'administration des pêches. On sait que l'octroi des permis de pêche, l'octroi des permis pour que les chalutiers puissent aller en mer, cela dépend du gouvernement fédéral. Quand on apporte un projet de loi ici devant l'Assemblée pour étude en disant aux législateurs québécois, voulez-vous nous faire adopter ce projet de loi no 23 et vite parce que cela "assure la reprise des activités", comme l'indique le

titre... Je n'ai pas la confirmation, mais je voudrais savoir du ministre ce matin si c'est vrai ou pas vrai - si ce n'est pas vrai, on va passer à autre chose - est-ce que c'est vrai que le gouvernement fédéral ne veut pas donner de permis une fois cette loi adoptée? Si c'est le cas, pourquoi le ministre, avant d'apporter devant le législateur québécois ce projet de loi, ne s'est-il pas assuré que le gouvernement fédéral, tout en exerçant sa juridiction, accorderait les permis en question, parce que je ne peux pas imaginer qu'on puisse mettre en tutelle le conseil d'administration de Madelipêche et que cela va assurer la reprise des activités, s'il n'y a pas un bateau en mer, à moins que le ministre ait d'autres projets et qu'il y ait d'autres bateaux quelque part. Je ne le sais pas. (10 h 30)

Comme législateurs, que ce soit celui qui vous parle, celui qui est à côté du ministre ou un autre dans cette Chambre, je pense qu'avant de nous faire étudier un projet de loi, on doit savoir où l'on va. On veut savoir si le titre de la loi correspond à la réalité, parce que le titre de cette loi est le suivant: "Loi assurant la reprise des activités de Madelipêche Inc." Je demande ceci au ministre: Fait-on un exercice futile ou peut-il nous assurer - cela ne prendrait pas de temps parce que j'ai l'impression qu'à 12 heures ou 12 h 30, je ne sais pas, cela dépend des discours du ministre, mais on pourrait, après avoir fait notre devoir en posant les questions essentielles, ne pas retarder l'adoption de la loi inutilement, même si nous nous opposons à cette formule - que cet exercice va déboucher sur une reprise immédiate des activités de Madelipêche Inc.?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, j'ai écouté le député de Bonaventure. J'ai compris que son intérêt n'était pas immédiat. Vise-t-il d'autre fin, par son attitude, que celle d'assurer la reprise de la pêche aux Îles-de-la-Madeleine? C'est à lui d'en décider.

Le Président (M. Rancourt): M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Je demanderais au ministre d'être très prudent et de ne pas me prêter de motif indigne d'un député du Québec. Mes intérêts, ici - je l'ai dit je ne sais pas combien de fois - et l'intérêt également de toute ma formation politique sont que les travailleurs d'usine et les pêcheurs puissent reprendre leur travail sans délai. C'est pour cette raison que je m'inquiète. Je ne veux pas que l'exercice soit futile et qu'une fois qu'on passe cela, on ne soit pas plus avancé qu'avant. C'est la question que je pose au ministre. C'est normal.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, je suis d'autant plus inquiet de l'attitude du député de Bonaventure...

M. Levesque (Bonaventure): Ce n'est pas cela qui est l'affaire.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Levesque (Bonaventure): Je lui demande simplement de répondre.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Garon: ...qu'il se reporte à un télégramme que je n'avais pas reçu, hier soir, au moment où je parlais et que lui, connecté directement au Parti libéral fédéral, connaissait.

M. Levesque (Bonaventure): Il va y avoir de la chicane.

M. Garon: Il savait qu'un télégramme avait été envoyé, hier soir, au moment où il parlait. Il a fait allusion à un télégramme que j'aurais reçu, je me suis enquis si j'avais reçu un télégramme à mon bureau; j'ai fait appeler ma secrétaire chez elle; qui était partie du bureau à 17 h 45 et, à ce moment, il n'y avait pas de télégramme d'entré à mon bureau. Quelqu'un a eu la curiosité d'aller voir sur le télex, la machine qui envoie les télex et qui est au ministère de l'Énergie et des Ressources et un télégramme de M. De Bané, daté du 24 mai, était arrivé; il avait commencé à être rédigé à 19 h 30 hier soir. Donc, je n'avais aucune façon de savoir qu'un télégramme avait été envoyé. Mais, chose curieuse, cela révèle un peu les liaisons douteuses dont parlent les écrivains et qui faisaient que le député de Bonaventure était au courant, connecté directement avec sa ligne directe avec le gouvernement fédéral

C'est ce qui m'explique un peu ses paroles de jeudi quand il disait: Je ne veux pas donner mon accord pour qu'on adopte les première, deuxième et troisième lectures jeudi parce qu'il pourrait se passer des événements d'ici la semaine prochaine qui pourraient faire en sorte que la loi serait inutile.

M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège.

Le Président (M. Rancourt): M. le chef de l'Opposition, question de privilège.

M. Levesque (Bonaventure): Je n'ai pas l'intention de laisser le ministre faire de telles élucubrations et donner la suite d'une série de pensées qui sont le fruit d'une imagination fertile; je ne peux pas accepter cela. Il n'y a rien là-dedans. Lorsque nous avons décidé de procéder jeudi à donner notre consentement...

M. Garon: Je pense que j'avais la parole, M. le Président.

M. Levesque (Bonaventure): Mais je ferai ma question de privilège.

Le Président (M. Rancourt): Question de privilège, M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): C'est le ministre qui retarde les choses présentement en essayant de fabriquer de toutes pièces et d'inventer des choses qui sont fausses...

M. Garon: Ce sont vos paroles exactes.

M. Levesque (Bonaventure): Jeudi dernier, nous avons donné notre consentement sur un projet de loi qui n'était même pas au feuilleton, qui était en appendice et nous avons accepté qu'il soit déposé et qu'il soit adopté en deuxième lecture, mais nous avons dit, et c'est notre responsabilité de le faire: Nous préférons que les intéressés soient mis au courant avant de procéder davantage. Mais vous autres - et je l'ai dit - si le gouvernement est convaincu de la justesse de son attitude et de sa démarche, qu'il dépose une motion de suspension des règles et, au bout de deux heures, l'affaire est réglée. Le gouvernement n'a pas voulu le faire; qu'il ne vienne pas nous reprocher cela. Mais, quant à jeudi dernier, il n'y a pas de ligne directe, c'est simplement notre sens des responsabilités qui nous faisait agir. Je n'avais aucune idée à ce moment-là - je le dis de mon siège - que le ministre recevrait ce genre de télégramme dont il ne nous fait pas part présentement. Je pense que l'important, c'est de nous dire ce que contient ce télégramme et si, oui ou non, la loi que nous étudions... C'est ça qui est important pour les travailleurs et les pêcheurs. Ce n'est pas un procès d'intention comme celui que le ministre essaie injustement de me faire.

Le Président (M. Rancourt): Ayant entendu la question de privilège, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Je ne fais pas de procès d'intention, M. le Président, je relate les faits tels que je les ai vécus. Le député de Bonaventure disait lui-même, jeudi: Peut-être que des événements auront lieu d'ici la semaine prochaine qui feront en sorte que la loi ne sera plus nécessaire. Hier soir, il était très heureux de me dire: Vous n'auriez pas reçu un petit télégramme d'Ottawa? On sait qu'Ottawa travaille plutôt la nuit et le télégramme a été expédié hier soir, à 19 h 30, alors que les bureaux sont fermés. La machine qui reçoit les télégrammes chez nous est située dans un autre ministère que le mien et je n'avais aucune raison de le savoir.

Tous ceux qui sont au courant des règles normales des relations gouvernementales savent qu'il n'est pas normal quand un ministre fédéral m'envoie un télégramme, que le chef de l'Opposition en soit mis au courant avant que je l'aie reçu moi-même. Je pense que le député de Bonaventure admettra au moins qu'il n'est pas normal...

M. Levesque (Bonaventure): Je n'admets absolument rien.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Garon: ...qu'il connaisse les correspondances que je peux recevoir d'un ministre fédéral alors que je ne les ai pas reçues. Je ne suis pas au courant que des documents me sont expédiés, mais lui est au courant, et même plus, il est au courant de la teneur de ce document. J'en suis un peu estomaqué et je pense que tous ceux qui ne sont pas obnubilés par l'esprit partisan seront aussi estomaqués du comportement du gouvernement fédéral dans cette affaire et de celui du député de Bonaventure.

Je ne veux pas être plus long que cela, je veux dire simplement qu'hier le député de Bonaventure s'est référé à la loi 105. Je ne ferai pas de procès. Tout le monde sait que le gouvernement Bourassa n'avait pas le courage pour marque de commerce. Qu'on ait présenté une loi au nom d'un député, j'imagine que le député ne l'a pas adoptée seul, il a dû y avoir de ses collègues qui ont voté pour la loi, il a dû y avoir des membres du gouvernement qui ont voté pour la loi et le député libéral a dû être autorisé par le gouvernement pour présenter sa loi. Qu'on intervienne, dans ce cas, dans la vie d'une compagnie privée par l'intermédiaire d'un seul député, je trouve que c'est encore plus odieux que quand c'est une décision gouvernementale dans l'intérêt public.

Quant à nous, le gouvernement a pris une décision exceptionnelle, mais les circonstances justifiaient une telle action. Je laisse aux gens le soin de regarder la loi 105

qui a été adoptée avec le concours de l'Opposition de l'époque puisque le Parti québécois formait l'Opposition. Il n'était pas réputé pour faire la vie facile au gouvernement, à l'époque, et il avait voté pour le projet de loi dans l'intérêt public. (10 h 40)

J'ai cité hier les paroles de celui qui parlait au nom de l'Opposition officielle, en 1975, et qui disait: "De même que ce service nous apparaissait urgent et nécessaire, nous nous rallierons à cette loi au nom de l'intérêt public, au nom d'une population qui en a besoin." Ce qui démontre au fond que lorsque le Parti québécois était dans l'Opposition, il était capable de s'élever au-dessus des querelles partisanes et de voter pour l'intérêt public, pour un projet de loi qui était même exceptionnel, qui intervenait dans la vie d'une compagnie privée pour dicter les façons de fonctionner; il le faisait parce qu'il ne voulait pas faire de chicane au gouvernement sur des choses qui auraient été inutiles et qui n'auraient pas été dans l'intérêt public. C'est cela se comporter de façon responsable. Maintenant, que voulez-vous, l'Opposition actuelle ne peut pas faire la même chose, il y a des concours à la chefferie, il y a des libéraux fédéraux qui interviennent et chacun veut montrer patte blanche pour avoir le maximum de support de ce côté-là. Je comprends qu'on n'ait pas la même latitude du côté de l'Opposition...

M. Levesque (Bonaventure): Écoutez-le, là:

M. Garon: Concernant le télégramme, je vous dirai ceci. Il y a des règles de droit. On n'est pas actuellement dans une république de bananes. Je comprends que certaines actions peuvent nous faire penser parfois qu'il y a des gestes qui ressemblent à cela, mais je vous dirai que nous agissons dans la continuité de ce qui a été fait jusqu'à maintenant.

En 1977 et en 1978 les permis de pêche ont été émis par le gouvernement fédéral à Gestion Pêcheurs Unis du Québec pour des bateaux qui appartenaient en totalité au gouvernement du Québec; le gouvernement fédéral a émis des permis en faveur du gestionnaire qui avait été nommé par le gouvernement du Québec pour des bateaux qui appartenaient totalement au gouvernement du Québec. Le ministre fédéral cherche toutes sortes d'entourloupettes pour intervenir dans la vie des entreprises au Québec, domaine qui n'est pas de sa juridiction... La vie interne des compagnies au Québec est sous la juridiction du gouvernement du Québec. La vie des coopératives est sous la juridiction du gouvernement du Québec. Le gouvernement fédéral peut émettre ou non les permis, mais le pouvoir discrétionnaire n'est pas un pouvoir discriminatoire, n'est pas un pouvoir total, un pouvoir de vie ou de mort comme au Moyen Âge.

Avant que des permis ne soient délivrés la discrétion est assez large, mais une fois qu'ils ont été délivrés, pour le transfert des permis et le renouvellement des permis, la discrétion est beaucoup moins large.

Que le ministre fédéral veuille parler de télégrammes... Je me rappelle, quand je lis la bible, que le Christ a dit que la vérité est une. Elle est simple habituellement. Et vous remarquerez que les Évangiles n'ont jamais 50 pages, c'est court parce que la vérité est simple.

Les coûts n'ont pas d'importance quand il y a un déficit de 31 000 000 000 $ à Ottawa, mais quand les télégrammes ont trois pieds c'est parce que la vérité devient compliquée. Le droit n'est plus aussi simple. Je vous dis M. le Président qu'il y a telle chose que l'abus de discrétion. Quand un permis est délivré, son renouvellement ne peut plus se faire d'une façon discrétionnaire.

Je vous dirai que le projet de loi que nous présentons devant l'Assemblée ce matin a essentiellement pour but de rencontrer les conditions que posait le ministre fédéral qui disait: Je ne veux pas transférer les permis à SOQUIA, je voudrais que les bateaux soient loués à Madelipêche.

Nous avons dit: parfait! Je comprends qu'en délivrant des permis à SOQUIA, le ministre a une plus grande liberté parce qu'il s'agirait de nouveaux permis, mais quand il s'agit de renouvellement de permis à Madelipêche, là la discrétion du ministre est beaucoup plus faible. Ce n'est pas n'importe quel argument que peut invoquer le ministre fédéral pour ne pas émettre les permis. Il s'agit d'un renouvellement, des investissements ont été faits pour faire appliquer ces permis et le ministre n'a pas la même discrétion.

Évidemment, le ministre fédéral a l'habitude de consulter des biologistes avant de donner des opinions juridiques. Je lui suggérerais de consulter des avocats. Je le sais, j'ai déjà eu des discussions avec le ministre fédéral sur les droits que donnent les permis, sur les quotas. J'ai souvent remarqué qu'il consultait des biologistes pour avoir des opinions. Je lui ai dit à quelques reprises que son droit serait plus solidement assis s'il consultait des avocats plutôt que des biologistes quant au droit maritime.

Je ne veux pas être plus long. Je serai bien franc avec vous, je ne sais plus ce que veut le ministre fédéral. Le télégramme qu'il m'a fait parvenir est tellement emberlificoté que je ne sais plus ce qu'il veut. Tout ce que je sais, c'est qu'aussitôt la loi adoptée et les administrateurs nommés, nous ferons une demande de permis au ministre des Pêches et des Océans. Ce sera la première

démarche basée sur des faits réels, sur la réalité.

M. Levesque (Bonaventure): J'aurais une question.

Le Président (M. Rancourt): M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Le ministre aurait-il objection - peut-être qu'on pourrait l'aider - à déposer en cette Chambre une copie du télégramme pour que nos collègues puissent en prendre connaissance et qu'on sache de quoi on parle?

Le Président (M. Rancourt): Il n'y a pas de dépôt possible, mais si le ministre y consent...

M. Levesque (Bonaventure): S'il le veut, s'il y consent...

Le Président (M. Rancourt): ...s'il le veut bien, il peut faire distribuer le document.

M. Levesque (Bonaventure): Cela ne doit pas être secret. Est-ce que cela va contre l'intérêt public? Je ne le sais pas.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Ce n'est pas contre l'intérêt public, mais je n'ai pas l'habitude...

Mme LeBlanc-Bantey: Vous ne l'avez pas? Vous nous en avez parlé hier soir.

M. Garon: C'est vous qui en avez parlé.

M. Levesque (Bonaventure): Je suis au courant d'un télégramme. Je veux avoir la copie du télégramme reçu par le ministre. S'il ne veut pas la donner, c'est son affaire, mais il en prendra la responsabilité. Comment pourra-t-on en parler?

M. Garon: Qui vous a mis au courant de ce télégramme?

Le Président (M. Rancourt): M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Je vais vous le dire bien franchement, lorsque le ministre donnera toutes ses sources à cette Chambre, je suis prêt à lui donner les miennes. Mais le ministre est tellement cachottier que la veille même du dépôt de ce projet de loi en catastrophe, le ministre n'a même pas voulu me donner un signe, une indication de ses intentions. Il m'a envoyé paître. Ce matin, j'envoie paître le ministre.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Je n'ai pas envoyé paître le député de Bonaventure parce que, à ce moment-là, je ne savais pas qu'il pouvait être mouton.

M. Levesque (Bonaventure): C'est pas pire!

Mme LeBlanc-Bantey: Elle est bonne?

M. Levesque (Bonaventure): Elle est bonne.

M. Garon: Aujourd'hui, je m'aperçois qu'il faudrait que je l'envoie paître parce qu'il s'est déjà fait tondre.

M. Levesque (Bonaventure): Là, c'est moins drôle.

M. Garon: Ce serait peut-être nécessaire pour se remplumer.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de privilège.

Le Président (M. Rancourt): Question de privilège, M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Si on commence à faire des comparaisons et des parallèles avec des animaux domestiques, le ministre m'inviterait peut-être à employer des termes non parlementaires ou qu'il n'aimerait pas.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M. le ministre...

M. Garon: On aurait un bon président, c'est un expert agriculteur.

Le Président (M. Rancourt): Ne me mettez pas en cause.

M. Garon: Je peux bien déposer le télégramme.

Le Président (M. Rancourt): Vous pouvez le faire distribuer, M. le ministre, mais il n'y a pas de dépôt ici, en commission plénière.

M. Garon: Je peux bien le faire distribuer.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce qu'il y a des mots d'amour?

M. Garon: Hein?

M. Levesque (Bonaventure): Y a-t-il des

qu'il fait avec très peu de succès. Par ailleurs, concernant la gestion des usines et les permis d'usine, c'est la responsabilité totale du gouvernement du Québec. Je n'admets pas que le ministre fédéral intervienne dans la gestion interne des usines en s'arrogeant un droit que nous ne lui avons pas demandé d'exercer.

Si l'Opposition libérale est prête, nous sommes prêts à procéder à l'adoption du projet de loi article par article.

Le Président (M. Rancourt): Avant de commencer l'étude article par article, Mme la ministre de la Fonction publique et députée des Îles-de-la-Madeleine m'a demandé la parole.

Mme Denise LeBlanc-Bantey

Mme LeBlanc-Bantey: Très brièvement, M. le Président. Compte tenu des interrogations qu'a le chef de l'Opposition, ce matin, à l'égard des permis, compte tenu que tout le monde sait qu'il y a - il faut le répéter au cas où des gens voudraient bien l'oublier - quand même plus de 550 travailleurs et pêcheurs qui sont en chômage depuis un mois - l'usine serait déjà rouverte si M. De Bané n'était pas venu mêler les cartes à la dernière minute - compte tenu qu'il y a un appui total de la part des pêcheurs et des travailleurs des Îles-de-la-Madeleine au projet de loi qui vise à assurer la reprise des activités de Madelipêche, compte tenu qu'on n'a pas trouvé d'autre moyen pour assurer la reprise des activités, est-ce que le chef de l'Opposition - je lui fais une demande particulière - qui, tout à l'heure, disait que les premiers intérêts de l'Opposition et les siens sont les intérêts du Québec - le chef de l'Opposition, qui est aussi un Gaspésien, a, bien sûr, à coeur les intérêts des Gaspésiens et des Madelinots -ne pourrait pas nous assurer, dès maintenant, que, dès que le projet de loi sera adopté -je l'espère, d'ici 13 heures, cet après-midi -il va nous aider à ramener le ministre fédéral des Pêches et des Océans à la raison et lui demander d'émettre les permis solidairement avec le gouvernement et les Madelinots pour que les bateaux puissent partir pour la pêche dès demain, si c'est possible.

Le Président (M. Rancourt): M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je suis heureux que Mme la ministre souligne l'intérêt premier que nous avons quant au sort réservé aux travailleurs d'usine et aux pêcheurs. Je lui sais gré au moins de reconnaître que nous partageons le même objectif. La question n'est pas née aujourd'hui, ce matin, le 25 mai 1983. Depuis mots d'amour là-dedans, quoi?

M. Garon: Non, c'est tellement emberlificoté, c'est typique de la part du ministre fédéral des Pêches. Ce n'est jamais direct, c'est toujours en circonvolution. Moi, j'aime un débat plus franc et plus direct. Avec lui, ce sont toujours des "sparages". Je n'aime pas beaucoup les chicanes, personnellement. Je trouve malheureux que le ministre fédéral, responsable de la région, ait trouvé le moyen, sur le territoire gaspésien, de faire une chicane sur la mine de sel, de faire une chicane sur une papeterie à Matane, ce qui prive Matane d'une papeterie et, actuellement, tente d'amorcer une chicane sur Madelipêche, inutilement. (10 h 50)

Je pense que les gens de la Gaspésie commencent à se rendre compte que le député de Matane s'est fait un spécialiste de la chicane en Gaspésie alors qu'il refuse de collaborer à des ententes fédérales-provinciales. C'est lui qui, dans le fond, ne collabore pas. La mine de sel sera bâtie, sauf que le gouvernement fédéral n'y aura pas contribué. La papeterie de Matane, je ne le sais pas, parce que le gouvernement fédéral, là encore, pose toujours ses conditions pour rendre les projets irréalisables et, concernant Madelipêche, il essaie de faire la même chose.

Madelipêche, par ailleurs, il s'agit de permis et il faudra peut-être faire appel aux tribunaux et leur demander d'évaluer la discrétion du ministre dans le renouvellement des permis. Jusqu'à maintenant, nous avons dû, concernant les permis, aller devant les tribunaux, en Cour fédérale, et nous avons gagné. Il faudra peut-être y aller encore une fois devant les circonvolutions du ministre fédéral. Nous avons voulu régler un problème en acquiesçant à sa demande. C'est lui-même qui a demandé, pendant des jours, qu'on loue les bateaux à Madelipêche. Nous sommes prêts à louer les bateaux à Madelipêche. Nous sommes même prêts à vendre les bateaux à Madelipêche, mais pour ce faire, par ailleurs, nous n'avons plus confiance à l'administration actuelle et c'est la responsabilité du gouvernement du Québec d'intervenir dans ce dossier, parce que le gouvernement a une certaine responsabilité vis-à-vis de cette compagnie qu'il a lui-même mise sur pied. C'est sa responsabilité.

Maintenant, le ministre des Pêches et des Océans, à Ottawa, n'a pas de responsabilité vis-à-vis des usines. Il tente -je sais que c'est son projet puisqu'il en a parlé encore à la conférence fédérale-provinciale, le 18 avril dernier - de s'immiscer dans la gestion des usines. Je pense qu'il a le droit de donner des permis d'exportation. Actuellement, en vertu d'une entente avec le Québec, il a le droit de faire l'inspection des aliments, inspection

le début de mars, nous assiégeons littéralement le gouvernement, particulièrement le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, lui demandant de poser des gestes qui seraient de nature à assurer l'ouverture normale de la pêche. Nous sommes même allés au premier ministre qui nous a dit, pratiquement, que c'est cela qui va se passer. Personne n'est inquiet jusqu'à ce qu'on arrive en Gaspésie, sur la Côte-Nord, aux Îles-de-la-Madeleine, où l'ouverture de la pêche est compromise.

Des solutions de rechange ont été présentées. Entre autres, on sait que le ministre a décidé de procéder, au mois d'avril, à la saisie des bateaux de Madelipêche. C'est le gouvernement actuel qui a décidé de cela. Ce n'est pas nous. C'est le gouvernement actuel qui a décidé de saisir ces bateaux alors que les autres créanciers dans l'Est du pays attendaient en Nouvelle-Écosse, par exemple, et à Terre-Neuve; il y avait apparemment encore des dettes, des obligations de l'ordre de 150 000 000 $, me dit-on. Les créanciers ont attendu sachant que si un remuait, peut-être que les autres sauteraient sur les entreprises de pêche. Il semblait y avoir un "gentlemen's agreement", d'après ce que j'ai compris, que personne ne bougerait.

Or, le seul qui a bougé, à ma connaissance, vis-à-vis de Pêcheurs Unis, vis-à-vis de Madelipêche, vis-à-vis de l'ensemble des industriels de la pêche, c'est le gouvernement du Québec. Le gouvernement du Québec a bougé vis-à-vis des bateaux et je pense, par le truchement du ministre du Revenu du Québec. Ils ont posé des gestes, mais il faut savoir qu'il y a des conséquences aux gestes que l'on pose.

Malgré cela, il semblait y avoir une formule de compromis qui aurait permis aux bateaux de partir il y a peut-être deux ou trois semaines de cela, peut-être un mois, je ne me rappelle pas exactement la date, lorsque le ministre fédéral a dit: Très bien, nous allons donner des permis à Madelipêche à condition que les bateaux qui sont maintenant la propriété de SOQUIA soient loués à Madelipêche. Le gouvernement a dit non. Le gouvernement du Québec a dit non. On pouvait demander au gouvernement du Québec, à ce moment: Aidez donc les travailleurs d'usine et les pêcheurs à reprendre leurs activités. Il y a trois semaines ou un mois - je n'ai jamais compris pourquoi le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et le gouvernement dans son ensemble, je ne sais pas si c'était solidaire, mais enfin cela doit - le gouvernement refusait à SOQUIA de louer les bateaux à Madelipêche qui, apparemment, toujours d'après mes renseignements... Je ne suis pas au dossier comme le ministre peut l'être. C'est sa responsabilité. Apparemment, les bateaux seraient en mer, les travailleurs seraient au travail mais, ce que le ministre n'aimait pas là-dedans, c'est que le conseil d'administration ne faisait pas comme il aurait aimé qu'il fasse.

Je vais terminer tout de suite pour permettre au ministre peut-être de me corriger, s'il y a lieu. En répondant à madame, je dis ceci: Cela fait trois ou quatre semaines - je ne veux pas être très précis dans les dates parce que je ne les ai pas devant moi, mais il y a environ trois ou quatre semaines - qu'on aurait pu voir l'ouverture normale de la pêche si le gouvernement du Québec l'avait voulu. Le gouvernement du Québec a préféré choisir une autre voie, la voie de l'affrontement représentée par le projet de loi no 23, une loi qui est, comme le dit le ministre lui-même, il l'admet, très exceptionnelle, qui est contraire à l'économie de notre droit, normalement parlant. (11 heures)

Je peux assurer Mme la ministre que tout geste que je pourrai poser comme chef de l'Opposition, comme député de Bonaventure - et je suis convaincu que mes collègues doivent être dans les mêmes sentiments - qui serait de nature positive pour réellement faire en sorte que les travailleurs puissent travailler dans les usines et que les pêcheurs puissent aller pêcher, nous allons les poser. Mais nous ne pouvons pas poser des gestes... C'est pour cette raison que j'ai posé la question tout à l'heure. J'ai dit: Fait-on un exercice futile ou avez-vous pris vos précautions avec le gouvernement fédéral pour vous assurer que les permis seraient accordés si ce projet de loi était adopté? Je n'ai pas eu cette assurance. Je ne peux pas m'associer à quelque chose d'absolument futile et d'irresponsable si votre travail n'est pas fait. Mais chose certaine c'est que, lorsque je regarde - je remercie d'ailleurs le ministre de me l'avoir finalement remis - le texte du télégramme, je vois ce qui suit: "En résumé, le gouvernement du Canada est prêt à"... D'abord, si je vois bien ici, on est toujours prêt à une entente. Le gouvernement fédéral dit, dans ce que je lis devant moi: "Nous sommes toujours...

M. Garon: ...

M. Levesque (Bonaventure): Je le lis... Voulez-vous que je lise les trois pages en entier? Je peux bien le faire, mais je pense que ce serait... Ce que je lis présentement, c'est qu'on ne donne pas les permis, mais on est prêt à une entente. Et qu'elle est cette entente? "En résumé - je lis ce que le ministre vient de déposer, cela doit être ce qu'il a reçu - le gouvernement du Canada est prêt à: a) fournir une assistance financière immédiate à Madelipêche Inc...."

M. Garon: On ne l'avait pas demandée.

M. Levesque (Bonaventure): En tout cas! Il faut que je regarde cela, non? Le ministre vient de le déposer. "b) Le gouvernement du Canada est prêt à garantir le paiement des loyers des dix bateaux saisis par votre gouvernement..." Je pensais que c'était six. Maintenant, c'est rendu à dix. Est-ce six ou dix?

Mme LeBlanc-Bantey: Cela prouve qu'ils ne connaissent pas le dossier! C'est six.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Garon: C'est six. Cela démontre...

Mme LeBlanc-Bantey: Cela démontre leur connaissance du dossier.

M. Garon: Ils disent n'importe quoi.

M. Levesque (Bonaventure): "...par votre gouvernement si les bateaux sont loués à Madelipêche Inc." Mais il pourrait y avoir une faute de frappe, évidemment - je ne le sais pas - sauf que c'est marqué dix. "c) Le gouvernement du Canada est prêt à travailler avec vous à la solution des problèmes financiers de Madelipêche Inc.; d) le gouvernement du Canada est prêt à collaborer avec vous pour nous assurer que les gens des Îles-de-la-Madeleine ne sont pas privés de l'opportunité de travailler aux pêcheries. Aucune des offres énumérées ci-haut ne sera possible si le projet de loi no 23 devient loi. Il est urgent que votre réponse nous parvienne le plus tôt possible."

M. le Président, y a-t-il là une solution acceptable par le ministre? C'est un des gestes que nous posons ce matin de poser cette question, car s'il est vrai qu'on peut avoir une entente sans avoir à adopter cette loi, ou que si on adopte cette loi cela met en danger l'entente, il faut le savoir à ce moment-ci. Mais je peux encore assurer Mme la ministre que je n'essaie pas actuellement par mon propos de diluer la question qu'elle m'a posée. Elle peut compter que nous allons poser des gestes positifs, que nous pouvons poser ou que nous aurons à poser, afin que les travailleurs puissent travailler et que les pêcheurs puissent pêcher.

Le Président (M. Rancourt): Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: M. le Président, le chef de l'Opposition, en bon parlementaire expérimenté, est entré dans une fenêtre ouverte pour en faire une énorme porte et faire un long discours. Il a refait tout l'historique. On pourrait le faire nous aussi de ce côté-ci, en commençant par les 2 700 000 $ qu'il nous manque toujours dans les caisses de Madelipêche. Mais je crois que l'objectif que j'ai et l'objectif de mon collègue, c'est que le projet de loi soit adopté le plus rapidement possible. Il a dit devant les membres de cette Chambre qu'effectivement, il nous assure de son appui pour tenter de faire rouvrir les usines le plus rapidement possible et, en ce sens, respecter la volonté des Madelinots. Je lui répète que la volonté de l'ensemble des Madelinots est l'appui du projet de loi qui est là. La question est très simple: Est-ce que, oui ou non, sur la question des permis - parce qu'on en est rendu là et c'est ce qui l'inquiète ce matin - l'Opposition libérale du Québec est prête à prendre la défense des Madelinots et des Québécois?

Le Président (M. Rancourt): M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): C'est clair, M. le Président, que nous voulons que les bateaux aient des permis parce que, autrement, ils ne fonctionneraient pas, mais il y a des offres de part et d'autre qu'il faut examiner.

M. Garon: M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Il faut quand même arrêter de tournailler et d'essayer de mêler les gens. On est dans une compagnie, Madelipêche, qui est formée à 51% par Pêcheurs Unis, 49% par la Société de développement industriel. Pendant cinq ans, le gouvernement du Québec s'est engagé. Le fédéral n'est pas là du tout; il a émis les permis, grâce à M. Jean Fréchette, en 1977 et 1978, aux bateaux de Madelipêche. Il arrive cette année alors qu'il devrait y avoir autour de 1 048 000 $ avant amortissement ou après impôt, 700 000 $ de bénéfices dans Madelipêche. Là-dessus, le gouvernement qui a avancé 2 200 000 $ pour payer les déficits pendant quatre ans, a droit au remboursement de 2 200 000 $ moins 300 000 $, soit 1 900 000 $. Mais au lieu d'avoir l'argent dans les caisses, l'argent se retrouvait ailleurs. Le gouvernement intervient dans le cours normal de ses affaires, de son administration. Nous n'avons pas demandé l'intervention du gouvernement fédéral dans Madelipêche. Nous n'avons pas besoin de l'argent du gouvernement fédéral pour exploiter Madelipêche.

Mme LeBlanc-Bantey: Il n'en a pas d'argent de toute façon.

M. Garon: D'ailleurs, il n'en a pas. Il

dit: Je garantirai 3 000 000 $ pour Pêcheurs Unis. D'ailleurs, au point de départ, il n'associait même pas Madelipêche à cette garantie de 3 000 000 $. C'est seulement récemment que le gouvernement du Québec lui a dit: Je mets 2 000 000 $ en partant pour Madelipêche et davantage si c'est nécessaire, seulement pour Madelipêche parce qu'on ne peut pas parler de fonctionnement sur quinze jours, trois semaines, un mois ou deux mois. C'est une administration normale de ses affaires de protection des fonds publics que le gouvernement a faite dans le fonctionnement de Madelipêche et, en même temps, faire fonctionner la pêche. Le ministre fédéral prend prétexte de la même façon qu'il avait pris prétexte dans la raffinerie de sucre, c'est lui qui avait imposé d'interdire qu'on fasse du raffinage à Saint-Hilaire. Il préférait qu'on le fasse faire en Ontario. Il nous obligeait à le faire faire en Ontario en nous mettant dans une souricière par des conditions, encore là, farfelues. C'est lui qui a imposé ce même genre de condition. Aujourd'hui, il vient s'immiscer dans un dossier où on ne lui a pas demandé d'intervenir; on n'a pas besoin de lui dans Madelipêche. Les pêcheurs n'ont pas demandé qu'il intervienne; personne n'a demandé qu'il intervienne dans Madelipêche, que je sache. Madelipêche est une compagnie à parts. Il a voulu intervenir dans Pêcheurs Unis, il intervient dans Pêcheurs Unis au niveau de la fédération contre les décisions des pêcheurs. À tel point, qu'actuellement, le danger, c'est que les pêcheurs abandonnent la formule coopérative. Les pêcheurs sont tannés de ce jeu. Des pêcheurs me demandent: M. Garon, pouvons-nous trouver une autre formule que la formule coopérative, parce qu'il semble, avec tout le jeu qu'est en train de faire le gouvernement fédéral avec Pêcheurs Unis, que former une coopérative sera impossible; alors pourquoi ne se regrouperait-on pas pour former une compagnie à parts? C'est le cheminement que font les pêcheurs actuellement, parce que le gouvernement fédéral intervient dans un dossier où ce sont essentiellement les financiers - vous connaissez cela des financiers; habituellement, ce sont les bailleurs des caisses électorales libérales -qui ont demandé au gouvernement fédéral d'intervenir. Demandez donc qui est allé voir M. De Bané, qui est allé lui demander d'intervenir essentiellement? Avec qui a-t-il communiqué?

Quand vous parlez du dossier des Maritimes, Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve, c'est un dossier complètement différent. Dans les provinces maritimes, ce sont les gouvernements provinciaux qui lui ont demandé d'intervenir parce qu'ils ne pouvaient régler un problème qui était devenu trop gros. C'est un problème considérable dans les Maritimes, Nouvelle-

Écosse et Terre-Neuve. On dit qu'il y aurait 150 000 000 $ dans le rouge de la part d'une banque dans les provinces maritimes.

J'étais présent à la conférence fédérale-provinciale où la province de la Nouvelle-Écosse, par son ministre, a demandé au ministre fédéral d'intervenir. C'était M. Roméo LeBlanc dans le temps, ce n'était pas M. De Bané. Mais dans le cas de Madelipêche, nous ne voulons pas... C'est un peu comme Hitler qui voulait aider la Pologne malgré elle; comme Mussolini qui voulait aider l'Éthiopie, malgré elle. Il y a ainsi des gens qui veulent vous aider jusqu'au bout de votre sang. Nous n'avons pas demandé l'aide du gouvernement fédéral dans Madelipêche; nous n'avons pas besoin de l'aide du gouvernement fédéral dans Madelipêche. Il essaie tout simplement de brouiller les cartes en mettant toutes sortes de débats autres que celui-là. Vous savez que si le gouvernement fédéral n'était pas venu soutenir la fédération moribonde de Pêcheurs Unis, le problème serait réglé actuellement puisque les activités auraient repris avec des coopératives régionales. (11 h 10)

C'est ça qu'est le dossier, il ne faut pas essayer de faire des entourloupettes, c'est essentiellement ça qu'est le dossier. Je n'en reviens pas, je suis estomaqué de voir qu'on dit: C'est compliqué, on va essayer de mêler les gens. C'est un dossier simple, au fond. Si Pêcheurs Unis ou la banque ne remettent pas l'argent à Madelipêche, il faudra aller devant les tribunaux pour le faire. C'est clair parce qu'il y a 2 700 000 $ qui devraient être à Madelipêche et qui ne s'y trouvent pas.

Il n'est pas normal qu'après tous ces mois les administrateurs du conseil d'administration aient laissé faire cela impunément et ne se soient pas sentis plus obligés que cela de faire valoir leurs droits. C'est pour ça que nous sommes intervenus. Quand il a été question de prendre la succession de Gorton's en 1977, c'est le gouvernement du Québec qui l'a fait. Il a senti qu'il avait cette responsabilité. C'est pour ça que j'aimerais qu'on procède à l'adoption du projet de loi plutôt que de faire des circonvolutions comme le fait le député de Bonaventure.

Étude article par article

Le Président (M. Rancourt): J'appelle l'article 1. Est-ce qu'il y aura des interventions ou si l'article 1 est adopté?

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): C'est simplement pour remarquer que ce projet de loi présenté par un ministre, un projet de loi du gouvernement, contient un préambule. Je l'ai dit hier, le ministre a dit: Il y en avait un dans l'affaire de COGEMA. Ce n'est pas la même nature de projet de loi. Il faut éviter ces choses. C'est simplement une indication qu'on a affaire à un projet de loi où le gouvernement est mal à l'aise. Encore là, le préambule ne dit pas tout: "Attendu que les activités de la compagnie sont présentement paralysées et qu'il est impérieux d'assurer sans délai la reprise de ses activités." Encore là, dans le préambule, on a le mot "assurer", dans le titre, on a le mot "assurant", mais on s'aperçoit que la loi n'assure pas.

De toute façon, l'article 1 dit: "À compter du 19 mai 1983, les pouvoirs du conseil d'administration de "Madelipêche Inc." sont suspendus." Est-ce que c'est la date retenue par le ministre?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Oui, M. le Président, parce que nous ne voulons pas qu'il y ait des imbroglios juridiques. On s'est posé la question: Est-ce qu'on devrait laisser la date telle que mentionnée au dépôt? La loi avait été faite pour être adoptée dans la même journée, mais nos conseillers juridiques nous disent, pour ne pas qu'il y ait de problème sur le plan juridique, que c'est mieux de rester ainsi avec la date qui était inscrite au moment du dépôt.

Le Président (M. Rancourt): M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): J'ai deux questions. Premièrement, en maintenant cette date, le 19 mai, ça devient une loi rétroactive. Est-ce qu'il y a des gestes qui, à la connaissance du ministre, ont été posés et qui l'obligent présentement à utiliser cette formule de rétroactivité? Autrement dit, peut-il l'éviter? S'il y a des raisons, des gestes qui ont été posés, très bien. Est-ce qu'il peut répondre à cela? J'aurai une deuxième question.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: À notre connaissance, non. Comme on n'a pas accès aux livres de la compagnie et aux procès-verbaux, on n'a pas d'assurance totale. C'est seulement par prudence que nous voulons laisser le projet de loi tel qu'il a été déposé. On a pensé faire des changements, mais nos conseillers juridiques nous disent que ce serait plus prudent de laisser la loi telle qu'elle a été présentée.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. le ministre, c'est prudent par rapport à qui? Vous avez des administrateurs qui ont été nommés, quatre administrateurs représentant le gouvernement et cinq représentant Pêcheurs Unis. Il y a des administrateurs qui ont été nommés légalement, de bonne foi. Vous pouvez secouer la tête, ça ne change rien aux choses. Depuis le 19 mai, ces administrateurs agissent en bonne et due forme, en légale et due forme. Peut-être qu'ils ont posé des gestes, vous ne pouvez pas nous assurer qu'il n'ont pas posé des gestes, mais disons qu'ils ont posé des gestes contraires à ce que vous pensez. Du 19 mai au 24 ou 25 mai, il n'y a que cinq ou six jours. En fait, ils sont suspendus. Qu'arrive-t-il de leur protection légale? Ils ont agi comme membres suspendus du conseil d'administration. Si vous étiez un membre du conseil d'administration qui aviez posé des gestes et vous êtes suspendu rétroactivement, quelle est votre protection juridique? Vous dites qu'on a fait cela par sécurité juridique. Quelle est leur sécurité juridique?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Le député de Nelligan sait bien que, si les administrateurs ont agi correctement, le projet de loi déposé jeudi prévoyait qu'à compter du 19 mai les pouvoirs du conseil d'administration de Madelipêche étaient suspendus; des administrateurs prudents n'auraient pas posé de gestes. On sait qu'il y avait un contrat de gestion entre Pêcheurs Unis et Madelipêche qui est annulé par le projet de loi et on sait que, dans le passé, Pêcheurs Unis ne s'est pas privé de poser des gestes pour Madelipêche, puisque, à toutes fins utiles, le conseil d'administration de Madelipêche ne se réunissait pas. Comme on ne sait pas ce qui a pu se passer au cours des derniers jours, par prudence, on préfère laisser le projet de loi tel qu'il est.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Plus je vous écoute, M. le ministre, plus je suis surpris. Vous me dites que si c'étaient des gens raisonnables, des gens prudents, ils n'auraient fait aucune action du 19 mai jusqu'au dépôt du projet de loi. Selon vous, un projet de loi déposé est adopté. Si le projet de loi n'était pas adopté avant quinze jours, vous voulez dire qu'ils ne devraient rien faire, vous voulez dire que légalement ils n'en ont pas le droit? Le fait

est que, légalement, ils ont tous les droits de poser des gestes jusqu'à l'adoption de ce projet de loi. De leur point de vue, est-ce que vous croyez que c'est équitable de mettre le 19 mai, quand cela aurait dû partir du moment de la sanction de la loi? Si vous étiez membre du conseil d'administration, est-ce que vous voudriez que cela se passe ainsi?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Quand vous mettez quelqu'un en tutelle par une loi, vous ne lui donnez pas l'occasion, pendant les jours qui précéderont l'adoption de cette loi, de poser des gestes qui contreviendront à l'acte que vous vous préparez à poser. C'est évident que tout cela se tient. Je comprends que le député de Nelligan veut bien faire croire que, sur neuf administrateurs, quatre sont nommés par la Société de développement industriel. J'ai répondu là-dessus, à satiété, que même si vous avez quatre administrateurs sur neuf, vous ne dirigez pas l'entreprise. Il y a des actes qui sont posés en vertu du contrat de gestion qu'il y avait entre Pêcheurs Unis et Madelipêche, nous n'avons pas les moyens de savoir tout ce qui s'est passé. J'ai souvent appris des choses tellement longtemps après le fait qu'à cause des événements passés je ne peux prendre trop de risques que des actes ne soient posés. Ils peuvent être de bonne foi ou non, je ne le sais pas. C'est pour cela qu'il est plus prudent de laisser: "à compter du 19 mai 1983" dans le projet de loi.

Le Président (M. Rancourt): M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, j'ai dit qu'il y avait deux points. Justement, mon collègue de Nelligan vient de soulever le deuxième point que j'avais à souligner. Le ministre se contredit parce qu'il dit, d'une part: Nous avons indiqué le 19 mai parce que nous pensions que le projet de loi serait adopté le même jour. Quelques minutes après, il dit: Le 19 mai est là et doit rester là parce que, même si c'est deux ou trois semaines, il faut que cela reste comme cela pour les raisons qu'il a données. Franchement, je pense que le ministre se contredit, il ne pouvait pas présumer. Je pense que la deuxième réponse est peut-être plus valable, mais la première m'inquiète lorsqu'il dit: J'ai donné un avis un jeudi matin et mon projet de loi a été fait de sorte que je présume que l'avis donnera suite à un consentement pour la première lecture, que la première lecture donnera un consentement pour la deuxième, sans audition de témoins, sans commission parlementaire, et on passera ensuite à la commission plénière, pour ensuite faire la troisième lecture et la sanction. C'est donc pour cela que j'ai mis le 19 mai. Je pense qu'il exagérait beaucoup.

Dans sa deuxième réponse, il dit: Non, il est important que, pendant tout le temps que dure l'étude de la loi, aucun geste ne puisse être posé. J'accepte cela parce qu'il y a déjà eu rétroactivité dans d'autres lois, ce n'est pas la première fois, mais qu'il admette qu'il pose ici un geste encore une fois de rétroactivité. C'est la question qu'on a posée. Est-ce qu'il pose un geste de rétroactivité volontairement et non pas, comme il l'a laissé entendre au début, parce qu'il pensait que cela passerait le même jour? Décidez-vous! (11 h 20)

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Le député de Bonaventure, qui est avocat, sait qu'on est toujours obligé de présumer que les gens sont de bonne foi; on est toujours obligé de présumer que l'Opposition est de bonne foi et on doit lui prêter les meilleures intentions au monde même si, dans mon for intérieur, j'ai de grandes réserves et de grands doutes. Je n'ai pas la naïveté de croire que l'Opposition est là pour nous aider, mais je suis obligé de présumer de sa bonne foi. En droit, dans le Code civil, il y a un article qui dit que tout le monde est présumé être de bonne foi. Il faut toujours présumer de la bonne foi des gens. Alors, que voulez-vous? La population, qui n'est pas naïve non plus, sait bien que la bonne foi n'est pas toujours existante.

Dans ce cas-ci, il s'agit véritablement d'une mise en tutelle, c'est évident; il ne s'agit pas d'une expropriation, il s'agit d'une mise en tutelle de Madelipêche. Le député de Bonaventure a déjà vu des lois de mise en tutelle adoptées par son gouvernement. Entre autres, en 1975, dans la loi pour la mise en tutelle de certains syndicats ouvriers, il y avait l'article 10 portant sur la rétroactivité. Il est dans la nature des choses, lors d'une mise en tutelle, de ne pas permettre à ceux que vous mettez en tutelle d'agir pendant que vous vous préparez à les mettre en tutelle. C'est dans la nature des choses. Je suis un peu étonné d'entendre le député de Bonaventure. Je me demande, bonne mère, qu'est-ce qui se passait quand il siégeait au Conseil des ministres. Est-ce qu'il écoutait ou comprenait ce qui s'y passait? C'est son gouvernement qui a adopté des lois de même nature, avec des dispositions qu'on retrouve dans des lois de cette nature, et il a toujours l'air estomaqué quand il retrouve ces dispositions dans une loi de même nature, la loi de mise en tutelle de Madelipêche. Il a l'air estomaqué et je ne

comprends pas; je ne sais pas si le député de Bonaventure est de bonne foi ce matin ou s'il l'était lorsque le Conseil des ministres dont il faisait partie adoptait de telles mesures. Je ne comprends plus.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): ...lorsque, récemment, y a eu une mise en tutelle d'un syndicat par le gouvernement, il n'y a pas eu la même réaction du côté de l'Opposition. Il s'agit ici de quelque chose de bien différent. Lorsque le ministre parle ainsi, il fait de la démagogie. Il était professeur de droit, il doit voir la différence entre la loi que son gouvernement a déposée en Chambre il y a peu de temps, sa loi spéciale, et ce genre de loi que lui-même juge très exceptionnelle. C'est lui-même qui l'a dit.

Passons donc à l'étude article par article de ce projet de loi. Je pense que ce serait dans l'intérêt des pêcheurs et des travailleurs d'usine qu'on ne philosophe pas ce matin. Il n'y a qu'une question que je poserais: Est-ce que notre exercice est utile, oui ou non? Le ministre n'a pas répondu. J'ai pris connaissance du télégramme qu'il a reçu et il semble que le gouvernement fédéral, qui a juridiction sur l'octroi des permis, demande de ne pas adopter la loi mais plutôt de négocier ce matin. On offre une négociation rapide. Est-ce que le ministre accepte cela ou s'il veut tout mettre en péril? Je ne sais pas. S'il nous demande de terminer l'exercice, on va le terminer, on va le faire et il en prendra la responsabilité. Il doit savoir où il va, là.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Il n'y a pas de lien entre les deux.

M. Levesque (Bonaventure): Allons-y.

M. Garon: Il n'y a pas de lien entre les permis et la mise en tutelle de Madelipêche. Sur le plan administratif, il y a des choses inacceptables qui se sont passées à Madelipêche. Il n'y a pas de lien entre les deux. Le ministre fédéral ne peut pas établir de lien entre les deux.

Le Président (M. Rancourt): M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Comment pourrait-il ne pas y avoir de lien quand on a le projet de loi no 23 qui dit: Loi assurant la reprise des activités de Madelipêche?... Comment peut-il y avoir des activités si on n'a pas de permis pour travailler?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Le ministre fédéral prendra ses décisions au moment opportun. Hier soir, il a été avisé qu'on adopterait le projet de loi no 23. Est-ce que c'est à la suite d'une demande du Parti libéral provincial ou à la suite d'un avis? Je ne le sais pas. Est-ce qu'ils ont concocté quelque chose ensemble? Ce que nous voulons essentiellement, c'est régulariser la situation. Le projet de loi no 23 va dans le sens de la régularisation de la situation, pour tous d'ailleurs.

Je ne comprends pas que le député de Bonaventure soit à peu près le seul à ne pas comprendre. Je suis allé en territoire maritime volontairement depuis jeudi dernier. Je suis allé à Matane. Je suis allé en Gaspésie, sur la Côte-Nord et aux Îles-de-la-Madeleine. Je peux vous dire que, partout, j'ai recontré des gens. J'ai rencontré les médias. J'ai rencontré tout le monde. Pour tout le monde, la situation était réglée. On a essayé, même à Matane, contrairement à ce que vous dites, de me poser le débat. Quelqu'un m'a demandé: Est-ce qu'en termes de victoire du Québec sur Ottawa... Je n'ai pas voulu entrer là-dedans. J'ai dit: Non, je ne peux pas parler en ces termes-là.

Le gouvernement fédéral a demandé que les bateaux soient loués à Madelipêche. J'ai dit: Nous, par ailleurs, n'avons pas confiance au conseil d'administration. On a essayé de trouver une troisième solution qui conviendrait à tout le monde. Même que les gens voyaient la situation réglée. Lisez les journaux de ce matin. Par exemple, le Devoir de ce matin titre: "Les chalutiers des Îles peuvent reprendre la mer." Tout le monde voyait même la situation réglée. Voyez-vous, même ils ne pouvaient pas traverser cette ligne rouge directe entre Québec et Ottawa, au sein du Parti libéral fédéral et du Parti libéral provincial.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le chef de l'Opposition, sur une question de...

M. Garon: Il y a une ligne entre Moscou et...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Je m'oppose encore à ce genre de petite politique de la part du ministre. Qu'il prenne ses

responsabilités. Si nous allons aux renseignements à Québec, si nous allons aux renseignements à Ottawa, si nous allons aux renseignements à Matane, si nous allons aux renseignements aux Îles-de-la-Madeleine, c'est parce qu'on s'occupe de notre affaire. Que le ministre s'occupe de son affaire et qu'il voie à donner suite à ce projet de loi si ce dernier est capable d'assurer la reprise des activités, sinon que le ministre, avant de procéder à la sanction de ce projet de loi, c'est-à-dire avant de le porter chez le lieutenant-gouverneur, explore les possibilités d'entente avec le gouvernement fédéral. En l'espace de quelques heures peut-être, il peut le faire. Est-ce qu'il refuse présentement de le faire? Est-ce qu'il veut faire sanctionner le projet de loi, qu'il devienne loi et qu'il devienne un obstacle à une entente fédérale-provinciale? Est-ce que le ministre sera assez prudent au moins pour vérifier, avant que ce projet de loi ne soit sanctionné, les possibilités d'une entente qui respecterait les objectifs du ministre, du gouvernement, de l'Opposition, de tout le monde, en faveur des travailleurs et des pêcheurs? Est-ce qu'il est capable, au moins, de faire une démarche qui va lui prendre peut-être quinze minutes, avant de procéder à la sanction du projet de loi, pour voir s'il n'y a pas moyen d'arriver à une entente sans avoir à adopter ce projet de loi? C'est la question que je lui pose.

Je dois, à cause d'engagements, quitter la commission. Je sais que le député de Nelligan pourra compléter les travaux. J'espère qu'on pourra le faire dans une atmosphère de coopération étant donné l'importance du sujet. C'est un appel que je fais au ministre avant de quitter, qu'il tâche de mettre l'intérêt des travailleurs d'usine et l'intérêt des pêcheurs avant ses intérêts partisans ou avant ses intérêts personnels dans le sens d'un entêtement ou la peur de perdre la face. Je pense que c'est son devoir d'examiner toutes les avenues dans l'intérêt, encore une fois, des travailleurs et des pêcheurs.

Pour nous autres, vous et moi ainsi que les autres collègues ici, la vie va continuer demain. Mais les travailleurs et les pêcheurs veulent savoir ce qui va se -passer. Quand même vous auriez le plus beau papier avec les plus belles estampes, si cela ne marche pas, ce n'est pas dans leur intérêt. C'est donc la responsabilité du ministre et du gouvernement de poser les gestes qui seraient de nature à assurer la reprise des activités, non pas un titre de loi, mais une réalité.

Le Président (M. Rancourt): Je vous rappelle que nous en sommes à l'article 1 et que Mme la ministre de la Fonction publique veut intervenir. (11 h 30)

Mme LeBlanc-Bantey: Le chef de l'Opposition, en quittant la commission, s'il va aux renseignements, parce qu'il a parlé beaucoup d'aller aux renseignements, va apprendre qu'à l'heure où l'on se parle, aux Îles-de-la-Madeleine, les pêcheurs et les travailleurs de Madelipêche sont en train de manifester devant les édifices fédéraux demandant au gouvernement canadien d'émettre les permis. Je le souligne parce que le chef de l'Opposition a voulu nous voir arrêter cet exercice qui vise à voter aujourd'hui la loi. Je souligne que les pêcheurs et les travailleurs de Madelipêche, je le répète, veulent rentrer dans leur usine non sur des bases temporaires, des bases floues, avec toutes sortes d'insécurités tel que le propose M. De Bané, mais ils veulent entrer sur une base durable dans une usine dont ils seront sûrs qu'elle va fonctionner toute la saison et aussi se tourner vers l'avenir. Dès que ce projet de loi sera adopté, avec le nouveau conseil d'administration, avec les Madelinots, nous ferons en sorte qu'éventuellement le plus rapidement possible ces gens puissent eux autres aussi participer à la gestion de leur usine.

J'espère que le député de Nelligan, qui prend la place du chef de l'Opposition, va nous aider à adopter la loi le plus rapidement possible et va nous aider lui aussi à faire des pressions de la même façon que les pêcheurs et les travailleurs de Madelipêche sont en train de le faire aux Îles, pour que le gouvernement canadien revienne à la raison et qu'il accepte d'émettre les permis sur Madelipêche.

Le Président (M. Rancourt): Est-ce que l'article 1 est adopté?

M. Lincoln: Parce que Mme la ministre...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: ...a mentionné mon nom. Tout ce que je veux dire, c'est que je pense que le chef de l'Opposition a été très clair. Tout ce qu'il a demandé au ministre et tout ce qu'on demande au ministre et à sa collègue, c'est qu'avant la sanction de la loi il y ait au moins un dialogue qui se passe, que vous fassiez au moins un coup de téléphone pour essayer d'arriver à un compromis parce que là, on va se retrouver devant une autre impasse au sujet des permis. C'est tout ce qu'on demande. Vous pouvez dire: On peut tous formuler des souhaits, on peut tous formuler de grands objectifs. S'il n'y a pas d'appel téléphonique, s'il n'y a pas de dialogue, s'il n'y a pas un compromis, rien ne va se passer. Cela va être la confrontation encore une fois. C'est tout ce que le chef de l'Opposition a dit.

Nous on n'a aucune raison. Je crois que le chef de l'Opposition a dit tout à fait clairement qu'il n'a pas envie de faire de "filibuster" là-dessus. 43 députés auraient pu parler. On aurait pu retarder la loi. On veut l'adopter. En même temps c'est notre devoir de poser des questions qui sont tout à fait raisonnables.

Je vais proposer un amendement pour les raisons que j'ai données à l'article 1. Je trouve que c'est tout à fait moralement inéquitable pour les membres du conseil d'administration. Si vous nous aviez donné l'assurance qu'il y avait eu des gestes de posés depuis; vous ne pouvez pas nous donner cette assurance quant à des gens qui ont été nommés en toute bonne foi, neuf membres du conseil d'administration. Je ne vois aucune raison pour la rétroactivité. J'aurais voulu faire un amendement: à compter de la date de la sanction de la loi, les pouvoirs du conseil d'administration de Madelipêche Inc. sont suspendus. Je ne veux pas faire de débat là-dessus comme j'aurais pu le faire. Je n'ai pas envie de retarder les choses. On a déjà discuté la question. Je trouve qu'il n'y a aucune raison valable que vous avez avancée - surtout que vous n'avez pas pu nous assurer qu'il y a eu des gestes posés -qu'on ne fasse pas cela à compter de la sanction de la loi. Les gens qui sont nommés au conseil d'administration sont des gens raisonnables, des gens honorables. Je trouve qu'ils ont besoin de cette protection.

Le Président (M. Rancourt): Est-ce que vous avez l'amendement, M. le député de Nelligan?

M. Lincoln: Je n'ai pas d'amendement écrit. C'est tout à fait simple: "À compter de la date de la sanction de la loi." M. le Président, j'espère que vous allez vous rappeler de cela parce que je n'ai pas...

Le Président (M. Rancourt): Donc, sur l'amendement au projet de loi, M. le ministre.

M. Garon: Je pense que le débat s'est fait avant que le député de Nelligan présente l'amendement. Nous sommes prêts à voter immédiatement là-dessus.

Le Président (M. Rancourt): Nous allons voter sur l'amendement. Quels sont ceux qui sont pour l'amendement? Ceux qui sont contre? Amendement rejeté. Est-ce que l'article 1 est adopté?

M. Lincoln: Sur division.

Le Président (M. Rancourt): Adopté sur division. J'appelle l'article 2. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: L'article 2, "jusqu'à ce que la suspension prenne fin". Quand le ministre estime-t-il que la suspension va prendre fin?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Lincoln: Sûrement qu'on a pensé à cela.

M. Garon: J'espère que cela va être le plus tôt possible.

M. Lincoln: Le plus tôt possible, c'est...

M. Garon: C'est pour cela que je dis, par exemple, si on peut régulariser toutes les choses. Vous savez, si les 2 700 000 $ sont versés, cela va régler bien des choses. Il faut faire valoir les droits des gens là-dedans. La reprise des activités, on va commencer immédiatement, j'espère, et la suspension des pouvoirs du conseil d'administration peut être faite assez rapidement. Actuellement, les Pêcheurs Unis sont dans une période de réorganisation. Il ne faut pas qu'elle se fasse au détriment de Madelipêche non plus. J'espère que cela va être le plus rapidement possible. Tout cela aurait déjà pu être réglé s'il n'y avait pas eu un poumon artificiel donné à Pêcheurs Unis récemment.

M. Lincoln: Là vous parlez de 2 700 000 $ qui vous sont dus. En même temps vous avez des bateaux que vous avez saisis qui ont certainement une valeur quelconque. On dit une valeur de 7 000 000 $, peut-être 8 000 000 $, peut-être 10 000 000 $. Là vous avez pris les bateaux. Maintenant, vous demandez 2 700 000 $ et vous reliez cela à la condition de la fin de la suspension. Je crois que ces deux choses ne sont pas connexes. Il faudrait que vous... Sûrement que vous avez une estimation dans la tête. Sûrement que vous avez un échéancier quelconque. Faites-vous une tutelle complètement ouverte? Cela sera une tutelle de quoi, de quelques mois, de quelques semaines, d'un an, de deux ans ou de trois ans? Sûrement que vos experts ont dû penser à toutes ces questions et à toutes ces conséquences. Sûrement que vous avez prévu toute la chose. Sûrement que vous avez discuté avec les intervenants avec lesquels vous pouviez discuter. Sûrement que vous avez une idée dans la tête et que vous pourriez nous dire: On achète une espèce de temps global. Cela peut être six mois. Cela peut être un an. Cela peut être trois ans. C'est combien de temps?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Le temps qui va être

nécessaire. Je vais vous dire une chose. Quand vous dites de discuter avec les intervenants, ce n'est pas facile de discuter avec les intervenants. Je demande, par exemple, à Pêcheurs Unis: Pourquoi l'argent n'est-il pas dans le compte de Madelipêche? Ils me disent: C'est parce que la banque a gardé l'argent. Quand vous appelez la banque, elle se défend en disant qu'elle ne pouvait pas faire ce qu'elle voulait avec Pêcheurs Unis, parce qu'ils ne respectaient pas leurs engagements. C'est comme un chien qui court après sa queue. À un moment donné, il y a quelqu'un qui doit trancher là-dedans. Qui va trancher? Les tribunaux vont avoir à trancher si l'argent n'entre pas. Il y a 2 700 000 $ qui devraient appartenir à Madelipêche. Est-ce que c'est Pêcheurs Unis qui les a pris ou la banque?

M. Lincoln: Mais c'est ce qu'on vous a demandé. Faites une enquête publique du Vérificateur général. Cela aurait été beaucoup plus rapide. Vous auriez eu...

M. Garon: Il y en a une en cours...

M. Lincoln: Non, il y en a une du Contrôleur des finances, c'est une affaire bien différente.

M. Garon: ...du Contrôleur des finances.

M. Lincoln: Si vous aviez fait faire une enquête publique par le Vérificateur général, vous auriez su toutes ces choses, tandis que là, vous nous dites que tout cela est relié à la suspension du conseil d'administration. Qu'arrive-t-il? Vous allez dire tout le temps: Tout cela n'est pas réglé. Cela va traîner et traîner parce que vous avez saisi les bateaux. Il y a une époque de confrontation. Vous pensez qu'en mettant le conseil d'administration en tutelle vous allez avoir toutes les réponses que vous n'avez pas eues avant. Vous allez les avoir moins que jamais, parce qu'il y a presque une situation de confrontation qui s'est créée. Vous mettez un conseil d'administration en tutelle et vous pensez que ces gens vont collaborer avec vous plus qu'avant. Mais c'est tout le contraire! Vous dites: Tant que tout cela ne sera pas réglé, selon votre jugement à vous, et vous admettez vous-même qu'il n'y a pas de dialogue d'amorcé. Ce que cela veut dire, en fait, c'est une espèce de suspension du conseil d'administration, plutôt sine die. C'est une affaire qui pourra durer des mois et des années, selon votre bon plaisir. C'est ce qui nous fait peur. Est-ce bien cela? Est-ce une affaire sine die? N'avez-vous même pas une idée du temps que cela va prendre pour régler toutes ces choses?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Cela peut être très rapide. Cela peut prendre plus de temps. C'est évident que je n'ai pas tout le contrôle dans les mains. C'est évident. Contrairement à ce que vous dites, je contrôle très peu de chose dans cette affaire, sauf qu'il y a des... Je vais vous dire une chose. On a demandé un rapport du Contrôleur des finances. Pourquoi, un rapport du Contrôleur des finances? Parce que dans l'entente qui lie la Société de développement industriel et Madelipêche il est prévu que, quand arrivent des questions d'imbroglio, c'est le Contrôleur des finances qui doit être appelé à venir fouiller la question. C'est pour cette raison qu'on a demandé le Contrôleur des finances.

Personnellement, j'irais plus loin. Je serais favorable à ce qu'il y ait une enquête publique dans ce dossier pour qu'on s'interroge sur le comportement des banques quand des entreprises sont en difficulté. Les banques - si c'est ce qui s'est passé -peuvent-elles accaparer tous les fonds d'une entreprise en difficulté, même les fonds que l'entreprise perçoit à titre de fiduciaire? Quand, par exemple, je suis un employé d'une entreprise en difficulté, j'encaisse mon salaire et qu'il y a des déductions faites sur mon chèque de paie pour ma cotisation syndicale, pour mes assurances, pour mes cotisations de sécurité du revenu, pour différentes choses, la banque peut-elle s'approprier ces fonds et ne pas payer l'entreprise qui devrait avoir l'argent qui a été déduit de mon salaire? Ont-ils le droit de faire cela? Le seul recours des gens est-il d'aller devant les tribunaux pendant des années là-dedans? Je pense que le dossier de Madelipêche est un dossier qui a beaucoup plus de conséquences qu'on pense. Je ne sais pas si tout cela est vrai. Est-il vrai que la décision a été prise par la banque ou a-t-elle été prise par Pêcheurs Unis? Je n'étais pas là. Je n'ai pas accès aux documents qui me permettraient de le savoir. C'est l'un ou l'autre. Si c'est Pêcheurs Unis, c'est odieux et si c'est la banque, c'est aussi odieux. (11 h 40)

M. Lincoln: Puisque c'est tellement odieux et que vous avez tous les pouvoirs, faites votre enquête publique. Nous sommes tous pour une enquête. On vous a demandé en fait de faire une enquête publique, faites votre enquête publique, c'est à vous de décider; ce n'est pas à nous dans l'Opposition de décider. Faites l'enquête publique, qu'est-ce que vous attendez? Faites l'enquête publique depuis l'année dernière, faites l'enquête publique depuis des mois, qu'est-ce que vous attendez? Au lieu de dire que c'est odieux de la part des Pêcheurs Unis et que c'est odieux de la part des banques, faites l'enquête publique, mettez les banques sur le tapis et Pêcheurs Unis, ils ont eux-mêmes

demandé une enquête publique. Alors, faites l'enquête publique; qu'est-ce que vous attendez alors, au lieu d'en parler. Faites l'enquête publique. On vous met au défi de faire l'enquête publique demain, après demain, qu'on en finisse avec cette affaire; au lieu de faire des accusations à droite et à gauche sans preuve. Alors, qu'on fasse une enquête publique, c'est simple.

Vous avez dit auparavant: Je n'ai pas tout le contrôle là-dessus, je ne peux pas vous dire. Alors, vous aurez le contrôle des bateaux, vous aurez le contrôle du conseil d'administration; vous aurez le contrôle de tous les actifs; quel contrôle voulez-vous en plus? Vous avez tous les contrôles possibles; vous seul aurez tous les contrôles. Vous allez faire une suspension et vous ne savez même pas combien de temps elle durera.

Je vous pose une question: est-ce que vous avez des critères? Sûrement que vous avez un critère pour évaluer la fin de la suspension. Il y a sûrement des critères que vous avez utilisés.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Je pense que le député de Nelligan peut bien avoir un raisonnement d'enfant, sauf qu'il sait aussi bien que moi que quand je lui dis que le Contrôleur des finances fait actuellement une enquête et qu'il fera rapport... Le Contrôleur des finances, c'est quand même un personnage public; c'est quand même quelqu'un qui a un rôle important à jouer au gouvernement du Québec. C'est lui qui fait enquête actuellement; à partir de là, est-ce qu'on en saura assez ou si on n'en saura pas assez, c'est là qu'on le saura. Je n'ai pas encore eu ce rapport du Contrôleur des finances. Dans le comportement administratif, le sous-ministre du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a demandé au Contrôleur des finances de faire une enquête et de nous faire un rapport. C'est cela qu'il était régulier de faire. Maintenant, si ce n'est pas suffisant, il faudra d'autre chose. Est-ce que ce sera suffisant? Il faut attendre le rapport pour le savoir. C'est dans le cadre normal des choses, c'est comme cela qu'il faut procéder dans un gouvernement responsable.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Dans un gouvernement responsable, si vous avez demandé un rapport, vous attendez les conclusions du rapport avant de lancer des accusations prématurées. Si c'est vrai, attendez le rapport. Si, justement, vous dites: On attendra le rapport pour savoir ce qui en est, ne dites pas que c'est odieux de la part de celui-ci, que c'est odieux de la part de celui-là. Attendez le rapport pour faire toutes vos accusations. Attendez le rapport, déposez-le. Rendez la chose publique. Mais cessez les insinuations continuelles que vous faites, comme si les gens avaient tous les défauts ou quoi que ce soit. Attendez le rapport; si c'est le cas, qu'on fasse une enquête où qu'on traduise les gens en cour. C'est comme cela que ça se fait. On ne lance pas des insinuations dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, à droite et à gauche, avant même d'avoir le rapport. S'il y a des accusations à porter, portez-les en temps et lieu, mais ne les faites pas avant, attendez le rapport. La question que je vous ai posée, c'est: Quels sont les critères dont vous vous servez pour estimer le temps de la suspension du conseil d'administration? Quels sont les critères? Il y a sûrement des critères. Vous ne pouvez pas me dire si c'est un mois, deux mois, quatre mois ou un an? D'accord, quels sont les critères dont vous vous servez?

M. Garon: M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Le député de Nelligan ne comprend vraiment pas ou bien il ne veut pas comprendre. Mais je vous dirai une chose: Le syndicat qui a eu des cotisations syndicales perçues en son nom par Madelipêche et qui n'a pas reçu l'argent, pensez-vous qu'il a besoin... Il sait qu'il y a quelque chose d'irrégulier; comment cela s'est-il passé? il ne le sait pas sans doute, mais il sait qu'il y a quelque chose d'irrégulier. Les employés qui ont payé des primes d'assurance qui ne sont pas allées pour les assurer auprès des compagnies ou de la compagnie qui devait les assurer ne savent pas comment cela se fait, mais ils savent qu'il y a quelque chose de pas correct. Le gouvernement du Québec, qui sait que le poisson de Madelipêche a été vendu et payé et que l'argent n'est pas dans le compte de banque de Madelipêche, sait qu'il y a quelque chose de pas correct, mais il ne sait pas comment cela se fait que cela s'est passé de même.

Je dis au député de Nelligan: c'est justement parce qu'on ne sait pas comment certaines choses se sont faites pour arriver à ce résultat - on sait que le résultat n'est pas correct, mais on ne sait pas comment cela s'est fait exactement - qu'on fait faire une enquête par le Contrôleur des finances. Il me semble que c'est simple à comprendre.

M. Lincoln: D'accord, je suis tout à fait d'accord.

M. Garon: Pardon?

M. Lincoln: C'est très simple à comprendre. Tout ce que je vous dis, c'est qu'avant d'avoir les conclusions de cette enquête que vous faites - vous me dites vous-même qu'on ne fera rien d'autre comme enquête publique avant d'avoir les conclusions du rapport - tout ce que je vous dis: N'allons pas mettre tout cela sur la place publique, tout ce qui a été fait, tout ce qui n'a pas été fait; on n'a pas besoin de lancer des accusations avant d'avoir le rapport. Laissez cela pour plus tard. Si vous voulez que votre loi soit adoptée, nous allons l'adopter ou ne pas l'adopter, pour le moment, selon ses mérites mêmes. Tout ce je vous ai demandé, quant au conseil d'administration, c'est les critères que vous allez utiliser pour décider si la suspension sera appliquée ou non. Quels sont les critères? Vous avez sûrement des critères en tête. Ne passons pas par toutes les accusations à Madelipêche, nous attendrons le rapport. C'est ça que je vous demande. Quand le rapport sera prêt, vous nous ferez part des conclusions et si les conclusions sont négatives, je suis sûr que vous nous les communiquerez bien fort.

Voici ce qu'on vous demande: Quels sont les critères que vous allez utiliser? Est-ce que ce sera le rapport du Contrôleur des finances qui va décider de la fin de la suspension? C'est ça qu'on vous demande.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Non, ce ne sera pas nécessairement le rapport du Contrôleur des finances. Ce sera quand la situation sera régularisée à Madelipêche et à Pêcheurs Unis.

M. Lincoln: Régularisée d'après votre optique personnelle, naturellement.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: C'est évident que, quand un gouvernement agit, il agit selon son optique. C'est aux électeurs à juger par la suite s'il a bien agi ou non. Est-ce que vous voudriez que, quand on décide quelque chose au gouvernement, ce soit selon votre opinion? On a décidé, au gouvernement du Québec, d'agir selon l'opinion du gouvernement du Québec. Que voulez-vous que je fasse? C'est un peu le bon sens. Maintenant, la population jugera si on a pris de bonnes ou de mauvaises décisions, excepté qu'on va prendre des décisions selon notre propre jugement plutôt que selon le vôtre.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: M. le Président, en entendant le ministre, toutes les craintes que j'ai exposées, hier soir, dans mon discours viennent d'être prouvées. J'avais mentionné, hier soir, que le but de cette affaire, c'était la nationalisation d'une partie de l'industrie des pêcheries en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine. Le ministre a répondu qu'il ne sait pas quand il va mettre fin à cette tutelle, il ne sait pas quand, selon quels critères, comme lui demande le député de Nelligan, il ne le sait pas, ce sera selon la volonté du gouvernement. Qu'est-ce que ça veut dire? Cela veut dire que le gouvernement prend le contrôle ad infinitum et ça finit là. Ce n'est pas une tierce personne ou une personne qui fait enquête sur des choses malheureuses qui sont survenues et que le ministre a énumérées. Toutes ces choses, en passant, il peut les faire par des enquêtes privées, policières ou financières sans mettre la compagnie en tutelle.

Cela veut dire que n'importe quelle compagnie privée dans la province qui a des problèmes internes, le gouvernement va la nationaliser pour savoir ce qui s'est passé. C'est ça. Le ministre ne nous dit pas aujourd'hui quand prendra fin cette tutelle, selon quels critères, quand la compagnie commencera à faire des profits, quand il va retourner l'argent aux syndicats, au fonds de retraite. Quand? Quand une compagnie fait 1 000 000 $ de profits, comme la SAQ, il les fait transférer au trésor de la province. Est-ce que c'est ça qu'il veut? Il fera avec les pêches ce qu'il fait avec l'alcool. Ici, c'est plus cher, on fait des profits pour le bénéfice du gouvernement. Est-ce que c'est ça qu'il veut? Il ne dit rien aujourd'hui, on ne sait pas quand prendra fin cette tutelle et selon quels critères.

Le Président (M. Rancourt): Est-ce que l'article...

M. Lincoln: M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Pour reprendre le débat sur l'article 2, je présenterai un amendement qui se lit comme suit: "Jusqu'au 30 septembre 1983, les pouvoirs du conseil d'administration sont exercés par un conseil provisoire."

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre, sur l'amendement.

M. Garon: On est prêt à voter. Le débat vient d'avoir lieu.

M. Lincoln: Je suis d'accord, on va

voter.

Le Président (M. Rancourt): J'appelle le vote sur l'amendement.

Une voix: On vote à main levée. Des voix: Pour. Une voix:Quatre.

Le Président (M. Rancourt): Ceux qui sont contre? L'amendement est adopté.

M. Garon: Quatre à quatre; ce n'est pas adopté.

M. Lincoln: Ce n'est pas quatre à quatre.

M. Blank: Est-ce que le président va voter?

Le Président (M. Rancourt): Un instant, nous allons compter. Quatre à quatre. Il y a une coutume qui veut que le président vote, bien sûr, je vote contre l'amendement.

M. Blank: Les coutumes veulent le contraire. Pour faire fonctionner le Parlement, c'est la coutume. (11 h 50)

M. Bélanger: Trop tard, messieurs, vous pouvez retourner à vos occupations.

M. Blank: D'accord. Faites venir vos députés parce qu'on va procéder au vote.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! L'article 2 a été adopté.

M. Lincoln: Non, sur division.

Le Président (M. Rancourt): L'article 2 est adopté sur division.

M. Lincoln: Je vois que des députés auront des problèmes. Le ministre a plus d'un petit problème. Il a des problèmes avec le conseil d'administration.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Lincoln: Oui, excusez-moi.

Le Président (M. Rancourt): J'appelle l'article 3.

M. Lincoln: Article 3. "Le conseil provisoire est formé d'au plus trois membres dont un président." Je voudrais demander au ministre quelles consultations il aura avec le milieu pour la nomination des trois membres du conseil d'administration. Les cadres du parti?

M. Garon: Pardon?

M. Lincoln: Quels sont les critères? Les cadres du parti, les gens du milieu, les membres en règle du parti ou quoi? Des gens très dociles, serviles, qui vous obéiront sans...

Mme LeBlanc-Bantey: Question de privilège, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): Question de privilège.

Mme LeBlanc-Bantey: Les gens des Îles ne sont pas reconnus comme étant des gens dociles et serviles, et le député de Nelligan s'en rendra compte bientôt.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Lincoln: Sérieusement, M. le ministre, est-ce que vous consulterez? Quelles consultations aurez-vous ou avez-vous eues? Est-ce que les gens sont déjà nommés dans votre tête? Est-ce que les membres du conseil d'administration seront des gens du milieu? Est-ce que ce seront des Madelinots?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: C'est évident que nous allons nommer des gens comme membres du conseil d'administration provisoire qui sont capables d'agir en bon père de famille, c'est-à-dire de préserver les intérêts de l'entreprise. Ce sera le critère principal et c'est ce qu'il faut toujours rechercher lorsqu'on nomme des administrateurs d'entreprise. Des gens qui se comporteront vis-à-vis de l'entreprise comme si c'était leur propre famille.

M. Lincoln: C'est très beau, cela me fait presque pleurer. Ce sont des sentiments vraiment touchants mais tout ce que je vous ai demandé ce n'est pas si c'étaient des pères de famille ou des gens qui allaient agir en bon père de famille, je vous ai demandé quelles consultations vous allez avoir avec le milieu auquel vous dites faire tellement confiance, avant de nommer ces trois membres du conseil d'administration. C'est cela la question.

M. Garon: Je peux vous dire que jusqu'à maintenant j'ai eu pas mal de consultations. À chaque reprise je suis allé aux Îles-de-la-Madeleine rencontrer les gens pour discuter avec eux, rencontrer tout le groupe pour que les gens puissent exprimer ce qu'ils pensaient. Je peux vous dire que les discussions que j'ai eues jusqu'à maintenant

m'indiquent quel genre d'administrateurs seraient souhaités aux Îles-de-la-Madeleine.

M. Lincoln: Avez-vous déjà choisi les trois membres?

M. Garon: Non, ils ne sont pas choisis. J'ai une liste de noms d'administrateurs possibles. Je pense qu'ils pourraient bien jouer le rôle mais on a voulu aussi faire un conseil de trois personnes plutôt qu'une seule comme souvent dans les tutelles pour que les différents aspects des pêches puissent être représentés au conseil provisoire, c'est-à-dire l'aspect de la production en usine, l'aspect de la gestion, l'aspect de la modernisation de l'entreprise, afin que les différents aspects soient représentés au sein d'un conseil provisoire. Le mandat est clair dans le projet de loi à savoir, ce que ces administrateurs du conseil provisoire auront à faire.

M. Lincoln: Pouvez-vous nous dire dans cette liste que vous avez de dix, onze, quinze noms quels sont les critères que vous prendrez pour sélectionner les trois derniers membres et qui fera cela? Vous seul? Est-ce que ce sera un comité de sélection? Cela peut paraître farfelu mais je pose la question tout de même.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. le ministre.

M. Garon: Je fais beaucoup de consultations avant de prendre une telle décision.

M. Lincoln: Est-ce qu'il y aura des Madelinots, des gens des Îles parmi les trois personnes?

M. Garon: Il faudrait bien qu'il y en ait, ce serait une bonne chose.

M. Lincoln: Je l'espère. Est-ce qu'il y aura des gestionnaires de SOQUIA?

M. Garon: Non, pas dans mon esprit.

M. Lincoln: Pouvez-vous nous assurer qu'il n'y aura aucune personne de SOQUIA au conseil d'administration?

M. Garon: Dans mon esprit, actuellement en tout cas, il n'y a aucune personne de SOQUIA.

M. Lincoln: Est-ce que vous pouvez nous donner l'assurance qu'il n'y aura personne de SOQUIA?

M. Garon: Je ne peux pas vous en donner l'assurance et je vais vous dire pourquoi. Je n'ai voulu demander personne officiellement, avant que la loi soit adoptée. J'ai voulu attendre l'adoption du projet de loi avant de demander des gens officiellement. S'il y a des gens qui refusaient pour différentes raisons, je devrai demander d'autres personnes. Dans mon esprit, il n'y a pas de gens de SOQUIA qui seront approchés.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Sur votre liste présente, y a-t-il des gens de SOQUIA?

M. Garon: Sur ma liste présente, il n'y a personne de SOQUIA.

M. Lincoln: Très bien.

M. Garon: Mais je ne m'engage pas à ce qu'il n'y en ait pas. Je peux vous dire que si je trouve tous les gens qu'il faut en dehors de SOQUIA je le ferai.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Qui va payer les honoraires de ces gens? Seront-ils payés par le gouvernement qui les a mis en tutelle? Quelle est la base des honoraires? Y a-t-il des honoraires spéciaux? Comment se passe cette affaire?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Les conditions ne sont pas fixées puisqu'il faut en discuter avec chacune des personnes. Comme il s'agit d'un conseil provisoire, ce ne seront pas des gens à temps plein, ce seront des gens qui vont siéger le nombre de fois qu'il faut siéger. Je pense plutôt à quelque chose comme un per diem, une allocation de base ou un per diem. Ce sera discuté avec les gens. Maintenant, ce pourrait être aux frais de Madelipêche.

M. Lincoln: Vous dites qu'ils fixeront leurs conditions de travail. Vous avez fait ce projet de loi sans jamais penser comment tout cela s'arrangerait? Vous pouvez dire: J'attendais l'adoption de la loi. Mais quand on fait une loi, quand on fixe les conditions de travail, on a sûrement déjà à l'esprit si ces gens seront employés à temps partiel ou à temps plein, si c'est Madelipêche ou si c'est le gouvernement qui paiera les honoraires et sur quelle base. Il me semble que c'est tout à fait normal.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Vous savez comme moi que le gouvernement nomme un grand nombre de personnes à des conseils d'administration; il y a des règles suivies de façon régulière là-dedans. Ce sont les règles habituelles pour des gens qui siègent à des conseils d'administration. Ce ne seront pas des règles exceptionnelles, ce seront les règles habituelles. La rémunération des membres d'un conseil d'administration est habituellement de tant par jour.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: De ces trois membres, il y en a un qui sera président. Est-ce que lui, le président, sera à temps plein?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Je ne m'attends pas qu'il y ait qui que ce soit à temps plein, mais il peut y avoir des gens qui, pendant une période d'une semaine ou de quinze jours, travaillent à temps plein, pendant cette brève période, parce qu'ils devront engager des gens.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Qu'est-ce qui va arriver des officiers présents de Madelipêche: le président, le secrétaire et le trésorier? Est-ce que cette loi est silencieuse là-dessus? Est-ce qu'ils seront licenciés automatiquement? Comment cela va-t-il se passer? La loi ne stipule rien de tout cela. Vous nommez un président, mais il y a déjà un président de Madelipêche; il y a déjà un secrétaire et un trésorier. Qu'est-ce qui va arriver d'eux?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Il faut distinguer deux choses. Le conseil provisoire, c'est une chose. Il y a les administrateurs, qui forment le conseil d'administration, et les gestionnaires qui sont engagés par le conseil d'administration pour diriger les activités courantes. Par exemple, j'imagine qu'il va y avoir un gérant de production, un gérant d'usine. Il va y avoir sans doute quelqu'un responsable de la comptabilité ou du contrôle de la qualité. Ce sera le rôle du conseil provisoire.

Maintenant, des gens ont annoncé leur démission récemment. Je n'ai pas voulu me mêler de ces questions parce que je pense qu'il appartiendra au conseil provisoire d'affecter les gens qu'il faut pour diriger les activités quotidiennes de Madelipêche dans les meilleurs intérêts de la compagnie. Le député a une vision étroite des choses. Il pense que je veux tout diriger.

M. Lincoln: Mettre en tutelle.

M. Garon: Au contraire. Si je voulais tout diriger, j'aurais des réponses à toutes ces questions. Il faut justement que le conseil provisoire, dont ce sera la tâche de diriger Madelipêche, ait la marge de manoeuvre qu'il faut.

M. Lincoln: Ah, oui!

M. Garon: Je n'ai pas l'intention de lui tenir la main, comme l'ont fait M. Pépin et M. Gilson, ou comme M. Kirby fait avec M. De Bané. Je n'ai pas l'intention de faire cela. (12 heures)

M. Lincoln: Là, on revient à Kirby, De Bané, Gilson; la grande obsession, la petite obsession, l'obsession de toujours. Cela ne nous intéresse pas. On n'a pas envie de parler de Kirby. On a envie de parler de votre conseil d'administration. Je ne crois pas que ce soient des vues étroites. Ce sont des questions qu'il faut poser parce que l'article du projet de loi dit: Le conseil provisoire est formé de plus de trois membres dont un président. Vous me dites qu'on va employer des gestionnaires, des gens qui vont faire la comptabilité. Nous sommes tous d'accord pour employer des gens qui vont faire fonctionner l'usine, mais, dans tous les conseils d'administration, il y a aussi un président, un secrétaire et un trésorier. Ces gens-là sont des employés à temps partiel ou à temps plein. J'ai envie de savoir. Il y a maintenant un président. Il y a maintenant un trésorier. Il y a maintenant un secrétaire. Est-ce que, par la loi, ils seront limogés? Est-ce que vous les remplacez? Est-ce que le même président demeure? Ce sont des questions tout à fait valables.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Il y a des distinctions que vous ne faites pas actuellement. Le secrétaire de la compagnie peut être un membre du conseil d'administration et il peut être quelqu'un qui n'est pas membre du conseil d'administration.

M. Lincoln: Je suis tout à fait d'accord.

M. Garon: Alors, qu'est-ce que vous voulez savoir?

Le Président (M. Rancourt): M. le

député de Nelligan.

M. Lincoln: Ce que je vous demande, c'est ce qui arrive aux officiers de la compagnie? Ce sont des officiers, le président, le secrétaire et le trésorier. S'ils sont des officiers de la compagnie, comme je pense qu'ils le sont maintenant selon les statuts de Madelipêche, qu'est-ce qui leur arrive? C'est ce que je vous demande. Je sais qu'ils peuvent être un ou l'autre.

M. Garon: Ce qui est enlevé, c'est le conseil d'administration actuel, mais pas les officiers de la compagnie.

M. Lincoln: Mais vous dites "dont un président".

M. Garon: Oui.

M. Lincoln: Vous en parlez vous-même dans le projet de loi.

M. Garon: Le président du conseil d'administration.

M. Lincoln: Ah bon! Le président du conseil d'administration. Alors, les officiers de Madelipêche qui sont maintenant en place, le président de la compagnie, le secrétaire et le trésorier qui sont en place maintenant, qu'est-ce qui arrive avec eux?

M. Garon: Ils ne sont pas affectés par le conseil d'administration. C'est le conseil d'administration.

M. Lincoln: Parmi ces trois officiers, vous allez nommer un président du conseil d'administration et tous seront employés à temps partiel. Est-ce bien cela?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Essentiellement, oui, ils vont être à temps partiel.

M. Lincoln: Et ils vont prendre des décisions quant à tous le officiers de la compagnie: le président, le secrétaire et le trésorier de la compagnie qui sont là maintenant.

M. Garon: M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Je vais vous dire une chose. En 1982, le conseil d'administration de Madelipêche s'est réuni deux fois. Il ne sera pas difficile de faire mieux pour le conseil provisoire qui sera formé par ce projet de loi.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Cela n'a rien à voir avec ma question. Tout ce que je vous ai demandé, c'est une question très précise. Qu'est-ce qui arrive avec les officiers de Madelipêche qui ont été nommés au présent conseil d'administration? Il y a des officiers qui ont été nommés, qui signent des chèques, qui ont tous les pouvoirs des officiers d'une compagnie. Est-ce qu'ils seront limogés? Quelle est votre intention? N'auriez-vous même pas pensé à cela? C'est cela qu'on veut savoir? Je crois que c'est une question pertinente.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Ils ne seront pas limogés par le projet de loi. Qu'est-ce que le projet de loi dit? Voyons tous les articles.

M. Lincoln: D'accord.

M. Garon: J'espère que vous l'avez lu jusqu'au bout.

M. Lincoln: J'ai envie de savoir.

M. Garon: Il n'est pas tellement long. Il y a treize articles. C'est seulement le conseil d'administration qui est remplacé...

Une voix: Qui est suspendu provisoirement.

M. Garon: ...qui est suspendu provisoirement. Mais les autres personnes ne sont pas affectées à l'heure actuelle. Si le conseil provisoire estime qu'il y a des gens qui n'ont pas les qualifications nécessaires, il lui appartiendra de prendre les décisions. Je n'ai pas l'intention d'évaluer à l'avance les gens qui sont dans la compagnie.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Est-ce que vous pouvez me dire si, dans le mandat du nouveau conseil d'administration, cela ne pourrait pas provoquer la faillite de Pêcheurs Unis du Québec? Il serait bien facile pour le conseil d'administration de Madelipêche de provoquer la faillite de Pêcheurs Unis. Est-ce que ce sera une des conséquences directes du projet de loi no 23?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Pourquoi?

M. Lincoln: Si le conseil

d'administration de Madelipêche, par exemple, laissait toutes les dettes. Il y a maintenant une espèce de protection fictive des dettes. C'est sûr qu'il n'y a pas assez d'actifs dans Madelipêche et Pêcheurs Unis ensemble pour survivre sans aides fictives. Est-ce que ce sera une des choses dans votre idée?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Non. S'il y avait une faillite de Pêcheurs Unis, ce sont les actions de Pêcheurs Unis qui tomberaient dans la faillite...

M. Lincoln: C'est sûr.

M. Garon: ...actions que Pêcheurs Unis détient dans Madelipêche.

M. Lincoln: C'est sûr.

M. Garon: À ce moment-là... Madelipêche est une entité à part. Nous ne souhaitons pas que la faillite de Pêcheurs Unis entraîne celle de Madelipêche, si faillite il y a.

Le Président (M. Rancourt): M. le député.

M. Lincoln: Est-ce que vous souhaitez la faillite de Pêcheurs Unis?

M. Garon: Je ne me suis jamais prononcé sur Pêcheurs Unis comme tel parce que je considère que la décision relative à Pêcheurs Unis appartient aux coopérateurs. Si les coopérateurs décident de faire vivre Pêcheurs Unis, je travaillerai avec Pêcheurs Unis. S'ils décident de ne pas faire vivre Pêcheurs Unis, je travaillerai avec ce qu'ils vont décider. J'ai enseigné le droit des coopératives à l'Université Laval. Je suis peut-être un de ceux qui ont fait le plus de travail pour que le droit des coopératives soit une matière d'examen au barreau pour que les futurs avocats connaissent le droit des coopératives. Je suis le premier qui ai offert un cours de 45 heures sur le droit des coopératives à l'Université Laval. Il y a une base dans le droit des coopératives, une loi fondamentale, c'est que les décisions, ce sont les membres qui les prennent. Je ne choisis pas les gens. Je ne choisis pas à la place des coopérateurs ce qu'ils vont faire. Quand on donne une aide financière, on peut poser des conditions. Quand les gens sont venus me voir au bureau, ils ont parlé d'une fédération. J'ai dit: Là-dessus, je ne veux pas me prononcer. Les pêcheurs me l'ont demandé: Seriez-vous prêt à ceci? Qu'est-ce que vous pensez de cela? C'est votre décision, ai-je dit. Vous voulez former des coopératives régionales, vous voulez avoir une fédération, c'est à vous de décider cela. Si vous voulez avoir une coopérative régionale, c'est à vous de décider, ce n'est pas à moi. Si vous décidez que vous allez en faire une, on peut vous donner un coup de main, ou on peut refuser selon... et on a fait une lettre d'offre avec des conditions d'aide financière à une coopérative qu'ils avaient décidé de former. Maintenant, si un certain nombre de coopératives décident de faire une fédération, ce n'est pas à moi de décider cela, c'est aux pêcheurs. J'ai toujours été très clair là-dessus. J'ai dit à plusieurs reprises aussi que je ne devais en aucune façon décider de l'avenir de Pêcheurs Unis. Ce n'était pas à moi de décider. Je veux que cela soit très clair. Je ne prends pas de décision à la place de Pêcheurs Unis.

M. Lincoln: Excepté de mettre en tutelle ses actions dans Madelipêche.

M. Garon: Oui, parce que c'est différent.

Mme LeBlanc-Bantey: ...les travailleurs des Îles.

M. Garon: C'est différent. Je ne sais pas si vous connaissez bien les Îles-de-la-Madeleine. Je peux vous dire une chose et mon jugement vaut ce qu'il vaut, mais en tout cas. Mon sentiment personnel, pour être allé plusieurs fois aux Îles-de-la-Madeleine et avoir parlé avec beaucoup de personnes et avec les dirigeants mêmes de Pêcheurs Unis: Pêcheurs Unis n'attire pas beaucoup d'adhésions aux Îles-de-la-Madeleine. Je ne le pense pas. C'est déplorable, parce que j'aimerais même qu'il y ait un mouvement coopératif plus fort aux Îles-de-la-Madeleine, sauf que je n'ai jamais senti une adhésion populaire à Pêcheurs Unis aux Îles-de-la-Madeleine. Il y a d'autres coopératives. Il y a la coopérative de Gros-Cap, une coopérative de homard. J'ai rencontré des gens, et j'ai senti un sentiment d'appartenance à cette coopérative, des gens qui en sont membres. Auprès de Pêcheurs Unis, il faut dire que les gens de Pêcheurs Unis eux-mêmes m'ont déjà demandé en réunion pourquoi il n'y avait pas plus de sentiment d'adhésion des gens des Îles-de-la-Madeleine en faveur de Pêcheurs Unis.

Cette coopérative aurait aimé avoir un plus grand appui populaire; mais les intéressés sentaient qu'ils n'avaient pas un grand appui populaire à l'endroit de Pêcheurs Unis aux Îles-de-la-Madeleine. C'est une réalité. C'est mon évaluation. Je pense que c'est la réalité, le mouvement des pêcheurs unis n'a pas suscité l'adhésion des Madelinots. À tort ou à raison, ce n'est pas à moi de décider. On peut prendre cela comme un fait. Dans les faits, le mouvement

coopératif des pêcheurs unis, je ne parle pas des autres, n'a pas suscité l'adhésion des gens. Cela ne veut pas dire que la coopération est mal vue aux Îles-de-la-Madeleine. Il y a d'autres types de coopératives. Si vous regardez, il y a des coopératives de consommation. Il y a quatre magasins coopératifs de détail. Il y a une coopérative de transport. Il y a une coopérative qui met du homard en boîte. Il y a les caisses populaires. Il y a des coopératives.

Mais, vis-à-vis de Pêcheurs Unis, il n'y a jamais eu de sentiment d'adhésion depuis 1980, depuis que je suis ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, je n'ai jamais senti cela.

Le Président (M. Rancourt): Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Très rapidement, j'avais dit que je corrigerais mon collègue s'il ne reflétait pas bien l'opinion des Madelinots. Ce que je vais dire, c'est que non seulement le mouvement de la coopération existe encore aux Îles, mais il a été très fort, il a été à la base de l'économie des Îles dans la consommation, dans le transport et dans les pêches. Si Pêcheurs Unis ne suscite pas d'adhésion - là-dessus mon collègue a entièrement raison -s'il y a une profonde méfiance chez les Madelinots par rapport à Pêcheurs Unis du Québec, c'est qu'il y a déjà trois ou quatre décennies, Pêcheurs Unis s'est installé aux Îles et les Madelinots se sont fait faire des coups comme celui que Pêcheurs Unis nous a fait, encore une fois, dans Madelipêche. C'est vrai qu'il y a énormément de réticence aux Îles à l'égard de Pêcheurs Unis et une des raisons pour lesquelles les travailleurs et les pêcheurs sont entièrement d'accord avec ce projet de loi, c'est parce qu'ils ne voulaient plus de Pêcheurs Unis du Québec dans leur usine. Ils s'en méfiaient déjà, mais leurs dernières actions ont confirmé qu'ils avaient raison de se méfier. (12 h 10)

Cela étant dit, M. le Président, on aura l'occasion - j'en suis sûre - de régler le mieux possible le problème de Pêcheurs Unis en dehors des Îles et mêmes aux Îles si les pêcheurs veulent relancer une coopérative, mais j'aimerais bien qu'on revienne à Madelipêche, parce que c'est l'urgence d'aujourd'hui.

M. Lincoln: Mme la ministre, je...

M. Garon: Je voudrais ajouter quelque chose, M. le Président.

M. Lincoln: M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): Oui, M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: ...je serais tout à fait d'accord avec Mme la ministre. J'aurais voulu revenir au projet de loi, mais essayer de séparer Pêcheurs Unis de Madelipêche et dire que ce sont deux animaux tout à fait séparés quand l'un possède le contrôle de l'autre, c'est rêver en couleur. L'un possède l'autre. Tout ce que je veux dire, c'est que je n'ai aucune intention de dire ici qu'on défend ou qu'on ne défend pas Pêcheurs Unis. Tout ce que je veux, c'est assurer les protections que chaque corporation au Canada et au Québec a selon la loi, la Loi sur les compagnies, qui protège toutes les sociétés, incluant Pêcheurs Unis du Québec, incluant Madelipêche; c'est cela, notre point de vue. On dit: S'il y a quelque chose qui ne va pas, qu'on se serve des tribunaux, qu'on se serve de la légalité. C'est ce que j'ai voulu dire. Je n'ai pas envie de défendre Pêcheurs Unis ici plutôt que n'importe quelle autre corporation. J'aurais voulu qu'on revienne à l'article 3 et qu'on en finisse.

Le Président (M. Rancourt): Bien. J'y suis. Donc...

M. Garon: Nous sommes prêts à voter sur l'article 3.

Le Président (M. Rancourt): ...l'article 3 est-il adopté?

M. Lincoln: Sur division.

Le Président (M. Rancourt): Adopté sur division.

Mme LeBlanc-Bantey: ...toute la division qu'on vous connaît.

M. Lincoln: Sur division.

Le Président (M. Rancourt): Donc, j'appelle l'article 4. L'article 4 est-il adopté?

M. Lincoln: Qu'allez-vous faire avec "le conseil provisoire peut prendre toutes les mesures qu'il juge appropriées"? Est-ce que le conseil provisoire - parce que vous allez contrôler pour le conseil provisoire... C'est sûr que vous pouvez nous dire qu'il est indépendant. Le fait est qu'il n'est pas indépendant. Il est en tutelle. Il fera ce que vous voudrez. Que va-t-on faire pour la protection des intérêts des créanciers, surtout les petits créanciers là-dedans?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Je pense que c'est plutôt plus loin qu'on parle de cette question, à l'article 7 surtout, quand on parle de

l'exécution de toute obligation de la compagnie Madelipêche. À l'article 4...

M. Lincoln: On dit: "Le redressement de sa situation financière". Il pourrait peut-être prendre des décisions qui vont aller à l'encontre des intérêts financiers par la perception des choses qu'on...

M. Garon: Non. Je pense qu'une des premières tâches...

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: ...du conseil d'administration va être de prendre action pour se payer 2 700 000 $, je veux dire de reprendre les activités de pêche. La première tâche est de reprendre les activités de pêche, louer les bateaux, demander les permis, ouvrir l'usine et, en même temps, confier un mandat à un avocat - d'abord, si c'est possible, sans poursuite judiciaire et, si ce n'est pas possible, avec poursuite judiciaire - pour se faire payer l'argent qui lui est dû.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Allez-vous faire - dans ce plan de redressement de la situation financière - une évaluation tout à fait objective de la valeur des six chalutiers que vous avez saisis? C'est sûrement un actif. Vous l'avez pris. Vous l'avez saisi. Là, vous dites: Cela ne vaut pas 8 000 000 $. Cela vaut 2 300 000 $ de l'achat. Cela vaut quelque chose. Va-t-on situer cette chose? Va-t-on la prendre en considération, parce qu'aujourd'hui on dit que ces chalutiers valent 7 000 000 $, 8 000 000 $ ou 10 000 000 $? Dans le cas où on ferait une poursuite, allez-vous prendre cela en considération? Êtes-vous prêt à faire des évaluations objectives sur la valeur de ces bateaux? Sûrement que cela compte sur l'échiquier. Vous avez pris des actifs.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Je peux vous dire, si cela peut vous rassurer, que si la situation de Madelipêche devient régulière on va revendre les bateaux à Madelipêche au même prix. On n'a pas fait une vente de bateaux pour faire une piastre. Ce n'est pas cela. C'est parce que les bateaux n'étaient pas payés depuis un an. On ne faisait aucun paiement. Il y avait au-dessus de 300 000 $ qui étaient dus. Le but de la vente des bateaux à SOQUIA n'était pas de faire de l'argent en revendant les bateaux, mais plutôt d'essayer de faire une reprise des activités d'une façon différente, parce que Madelipêche n'était pas dans la situation financière pour le faire. À moyen terme ou même à court terme, selon ce qui va se passer dans les relations avec Pêcheurs Unis et avec la perception des 2 700 000 $, il n'est pas impossible aussi que les bateaux soient tout simplement retournés à Madelipêche.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Ma question était bien simple, M. le ministre....

M. Garon: Oui.

M. Lincoln: ...et j'aimerais que vous y répondiez. Est-ce que vous êtes prêt à faire une évaluation objective de la valeur de ces bateaux actuellement pour qu'on sache où on se situe par rapport à votre saisie, par rapport à la valeur de cet actif. C'est un actif qui compte beaucoup d'argent ou peu d'argent, d'après vous, alors il faudrait savoir où on se situe.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: En temps utile, oui.

M. Lincoln: Mais est-ce que le temps n'est pas utile maintenant?

M. Garon: Non, cela ne donnerait rien de plus.

M. Lincoln: Cela donnerait beaucoup de choses aux gens qui possédaient des bateaux avant de savoir si, par exemple, ces bateaux valent 8 000 000 $ ou 10 000 000 $ par rapport au....

M. Garon: Non, non.

M. Lincoln: Si vous avez peur, pourquoi n'en faites-vous pas une évaluation objective?

M. Garon: Bien oui, mais...

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Devenons sérieux. Les bateaux ne sont pas des arbres; ils ne grandissent pas avec les années.

M. Lincoln: Ah! Je ne savais pas. Excusez, merci de me l'avoir dit.

M. Garon: Alors, en 1976, on a acquis les bateaux avec les actifs terrestres pour 2 000 000 $. On les a revendus environ 2 000 000 $ en 1978, au même prix qu'on les avait acquis en 1977. Les bateaux n'ont pas pris de valeur, voyons donc! Les bateaux

s'usent avec le temps.

M. Lincoln: M. le ministre, le coût de construction des bateaux...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Lincoln.

M. Nelligan: ...a monté en flèche.

M. Garon: Si je peux vous dire une chose, les gens des Îles savent que dans l'administration de Madelipêche ils ont rouillé davantage que dans le temps de Gorton. Alors un bateau, cela s'use; c'est comme un être humain; cela vieillit et, à un moment donné, le bateau est fini. Alors des bateaux qui valaient 2 000 000 $ en 1977, qui ont été vendus 2 000 000 $ en 1978, ne valent pas plus en 1983...

M. Lincoln: C'est votre évaluation des choses.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Garon: Non, non; ce n'est pas mon évaluation des choses. Il y a quand même...

M. Lincoln: Je ne suis pas prêt à accepter votre évaluation parce qu'il y a d'autres gens qui disent que le coût de construction des gros chalutiers aujourd'hui a monté en flèche, que ces bateaux valent beaucoup plus maintenant. Alors, tout ce qu'on vous demande, c'est de faire une évaluation pour qu'on sache où on se situe. Ce n'est pas une affaire qui coûtera de grandes fortunes. C'est une affaire que beaucoup d'experts maritimes peuvent faire bien vite. C'est ce qu'on vous demande comme partie de toute cette affaire de plan de redressement financier. Sûrement que ce n'est pas quelque chose d'impossible à faire ou à vous demander.

M. Garon: M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Le député peut peut-être vérifier auprès d'un autre propriétaire de bateaux qui a des seines à hareng à vendre. Vous lui demanderez combien cela coûte pour en faire bâtir un. Actuellement, il essaie de les vendre depuis un an et demi. Combien peut-il obtenir pour les seines à hareng qu'il possède? Vous verrez qu'entre la valeur de remplacement et la valeur marchande, dans le domaine maritime, il y a une grande différence. Vous avez vu le Sieur-D'Amours qui a été vendu par la Société des traversiers du Québec pour très peu d'argent. Quant à la valeur de remplacement, si on rebâtissait ce bateau aujourd'hui, cela coûterait beaucoup plus cher que le prix auquel il a été vendu. Tout le monde sait qu'une valeur marchande et une valeur de remplacement, ce sont deux choses complètement différentes. Les bateaux, en termes de valeur de remplacement, c'est évident qu'ils valent plus cher que le montant auquel ils ont été vendus, mais en termes de valeur marchande, c'est une autre affaire.

Je vais vous dire une chose. Le ministre fédéral a dit qu'ils valaient 10 000 000 $. Si on avait une offre de 10 000 000 $, on la considérerait très sérieusement.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Ce serait intéressant, si vous aviez une offre de 10 000 000 $, de voir ce que vos conseillers en tutelle feraient.

M. Garon: Pas les permis, mais les bateaux tout seuls...

M. Lincoln: Oui, les bateaux.

M. Garon: ...une offre de 10 000 000 $, je peux vous dire qu'on peut être vendeur assez rapidement.

M. Lincoln: Dans le deuxième paragraphe de l'article 4, quel besoin y a-t-il d'insérer ce deuxième paragraphe dans la loi de toute façon. Selon la loi 36, la compagnie doit faire cela de toute façon parce que vous avez un plan de modernisation qui la force, au 1er janvier 1985, à faire ces choses. Qu'est-ce que vous avez à nous répéter cela dans la loi? C'est déjà la loi qui contrôle toutes les entreprises.

M. Garon: C'est parce qu'on ne sait pas - je l'ai dit tantôt - combien de temps exactement durera la tutelle et que les exigences de la loi doivent être appliquées à partir du 1er janvier 1985. Si les gens qui seront au conseil d'administration provisoire pensent qu'ils sont là uniquement pour exercer une tutelle, sans aucun autre mandat, on pourrait se retrouver avec une usine qui ne se conformerait pas aux normes au 1er janvier 1985. Rien n'aurait été préparé dans ce sens. C'est pourquoi, dans le mandat prévu par la loi, il y a la modernisation des usines de Madelipêche pour satisfaire les objectifs de la loi. C'est fondamental, c'est aussi l'une des raisons de cette action. Je vais vous dire une chose, je l'ai dit aussi dans le cas de Madelipêche et dans le cas des usines de Pêcheurs Unis: Nous n'attendrons pas. C'est clair? M. Kirby n'est pas plus fort que l'Assemblée nationale.

Il y a une loi qui a été votée qui dit que le 1er janvier 1985 les usines doivent être modernisées. (12 h 20)

M. Blank: Ce n'est pas dans cette loi-ci.

M. Garon: Nous n'attendrons pas que M. Kirby s'instruise. On va agir clairement par la loi. La modernisation des pêches au Québec ne sera pas mise en échec parce que... Les pêcheurs le savent à tel point qu'actuellement ils discutent pour l'acquisition des actifs de Pêcheurs Unis dans les coopératives régionales. Si c'est non, ils reviennent et on discute de projets de construction neuve et on laisse les actifs de côté.

M. Lincoln: Vous revenez toujours à M. Kirby. On va terminer votre affaire. Je vous ai posé une question très précise parce que la modernisation est indiquée à l'article 4. Ne revenez pas sur Kirby, sur De Bané et tout le reste, ça ne nous intéresse pas du tout votre obsession de Kirby. Tout ce qu'on vous demande, c'est si le fait même d'inclure ce paragraphe est un indicatif de la durée du conseil provisoire. Est-ce que vous pensez garder en place le conseil provisoire jusqu'à la date d'entrée en vigueur du plan de modernisation, le 1er janvier 1985? Est-ce que cela indique un peu vos vues? Est-ce que les deux sont reliés?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Non. Le premier objectif, c'est d'ouvrir les usines pour que la pêche commence immédiatement; ensuite, qu'on se fasse payer ce qui est dû à Madelipêche et, en même temps, qu'on commence à préparer les plans de modernisation de l'entreprise. Ce que je souhaiterais, je vais vous le dire très franchement, c'est que les travaux de modernisation commencent à l'automne. Quand l'entreprise va fermer à l'automne, il faudrait qu'on commence la construction. J'espère qu'entre-temps tout le débat avec Pêcheurs Unis va être réglé et j'ai de bonnes raisons de croire qu'il va l'être.

Je sais que les gens de Rivière-au-Tonnerre et de Newport n'ont pas l'intention d'attendre. Ils veulent diriger leur entreprise. Je n'ai pas eu de rapport encore, mais on m'a dit qu'il y avait eu des réunions aussi à Rivière-au-Renard en fin de semaine. Les gens veulent diriger leur entreprise et ils savent que le gouvernement du Québec est d'accord avec eux dans ce sens.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Vous dites qu'une des premières choses que le conseil provisoire fera, ce sera d'engager un avocat pour essayer de récupérer les 2 700 000 $ de Pêcheurs Unis. Cela peut prendre un peu de temps parce que je suis certain que, de l'autre côté, il y aura des avocats. En attendant, est-ce que le ministre peut nous dire quel est le montant des dettes de la compagnie dues à des créanciers ordinaires? Combien la compagnie doit-elle au "trade", comme on dit, aux créanciers ordinaires?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Les créances ordinaires? Environ 1 200 000 $.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Qu'arriverait-il si un ou plusieurs créanciers prenaient une requête en faillite contre la compagnie. - Il n'y a rien dans la loi qui empêche cela - ou effectuaient des saisies d'équipements, d'usines? Quelle garantie a-t-on pour des gens qui ont droit à leur argent, comme la compagnie a droit à de l'argent de Pêcheurs Unis... Il n'y a pas un article dans la loi qui empêche des procédures contre la compagnie par de tierces parties qui ont droit à leur argent? Qu'arriverait-il? Vos 2 000 000 $ ne seraient pas suffisants. Vous ne pouvez pas avoir un fonds de roulement et aussi payer ces créanciers. Toute l'affaire peut tomber en faillite, comme l'a mentionné le député de Nelligan, ou peut-être est-ce l'intention du comité provisoire de faire une proposition suivant la loi des faillites, je ne sais pas?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: C'est évident qu'un des rôles du conseil d'administration sera de discuter avec les créanciers.

M. Blank: Si les créanciers ne veulent pas conclure une entente? Si les créanciers ne veulent pas accepter la proposition et réclament leur argent?

Mme LeBlanc-Bantey: Le problème... M. Garon: Oui, mais...

M. Blank: C'est le gouvernement qui investira encore de l'argent comme dans le cas de Quebecair?

Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce que ce sont les pêcheurs qui vous intéressent ou les créanciers?

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Garon: Je dirai au député de... M. Blank: Saint-Louis.

M. Garon: ...Saint-Louis, qui s'intéresse soudainement aux pêches...

M. Blank: Oui, dans mon comté, j'ai le plus grand magasin de pêche au Canada.

Mme LeBlanc-Bantey: Pas aux pêches, aux créanciers.

M. Garon: C'est justement pour éviter cela que nous voulions transférer les bateaux et les actifs terrestres à une nouvelle compagnie avec SOQUIA. C'est le gouvernement fédéral qui l'a empêché, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: M. le ministre, vous êtes avocat, vous savez qu'il y a dans le Code civil une action...

M. Garon: Oui.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Blank: Cela va déranger votre affaire de transfert.

Le Président (M. Rancourt): Est-ce que l'article 4 est adopté?

Des voix: Adopté.

M. Blank: Sur division.

Le Président (M. Rancourt): Adopté sur division. J'appelle l'article 5. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Qu'est-ce qui nuirait à votre loi de tutelle d'aviser les actionnaires ou de demander l'approbation des actionnaires? Après tout, à la SDI, ce sont des actionnaires à 49%. Pourquoi mettez-vous cela dans le projet de loi? Est-ce que vous visez purement Pêcheurs Unis par l'article 5?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Lincoln: M. le ministre, est-ce qu'on continue ou si on arrête là?

M. Garon: Oui.

M. Lincoln: Je vous ai posé une question sur l'article 5.

M. Garon: Je suis en train de lire l'article 5.

M. Lincoln: Ah bon!

M. Garon: Je veux répondre intelligemment à votre question.

M. Lincoln: Vous ne l'avez pas encore lu?

M. Blank: Vous n'avez pas encore lu le projet de loi?

M. Garon: Quand vous me posez une question sur un article, je commence par le lire.

Mme LeBlanc-Bantey: La question est intelligente.

M. Lincoln: Il n'y a que trois ou quatre lignes et vous ne l'avez pas encore lu.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Garon: Vous comprenez le problème au fond. Une assemblée d'actionnaires... 51% des actions appartiennent à Pêcheurs Unis mais, dans le fond, c'est le gouvernement du Québec qui a mis tout l'argent dans cette entreprise. C'est le gouvernement du Québec qui a consenti des prêts sans intérêt pour les bateaux. C'est le gouvernement du Québec qui a payé les déficits pendant quatre ans. C'est le gouvernement du Québec qui s'est occupé de tout le fonctionnement. C'est le gouvernement du Québec qui avancera l'argent pour le fonds de roulement. Essentiellement, en 1978, Pêcheurs Unis a acheté 153 000 $ d'actions. Le gouvernement du Québec a mis des millions de dollars dans l'entreprise. Aujourd'hui, on ne peut pas considérer qu'on est devant une entreprise, une compagnie normale. C'est une compagnie qui a été créée par le gouvernement du Québec et on a confié la gestion à Pêcheurs Unis en lui donnant 51% des actions, mais le comportement qu'elle a eu vis-à-vis de Madelipêche n'est pas un comportement de bon père de famille.

C'est évident que si on nomme un conseil d'administration provisoire et qu'en même temps on se retrouve dans la même situation par des réunions d'actionnaires, il faut y avoir une disposition qui prévoit que le conseil provisoire pourra fonctionner et faire des réorganisations possibles dans l'entreprise. Tout cela ne pourra se faire que sur l'approbation du gouvernement cependant.

M. Lincoln: Quand vous parlez de

l'approbation du gouvernement, c'est le gouvernement qui met en tutelle les administrateurs. Les administrateurs ont tous les pouvoirs dans votre ministère de faire ce qu'ils veulent. De quelle approbation du gouvernement parlez-vous?

M. Garon: Pardon?

M. Lincoln: De quelle approbation du gouvernement parlez-vous? Le conseil d'administration est nommé par...

M. Garon: "Toutefois un règlement adopté suivant l'article 55, 57 ou 58 de la Loi sur les compagnies ne peut entrer en vigueur sans l'approbation du gouvernement."

M. Lincoln: Ah bon! Que voulez-vous? Avez-vous regardé les articles 55, 57 ou 58? Cela concerne les changements d'actions ou la réduction du capital de la compagnie. Cela veut dire que tout le reste de la Loi sur les compagnies est suspendu. Pouvez-vous me dire pourquoi, si cela dit: "Toutefois un règlement adopté suivant..."

M. Garon: La Loi sur les compagnies s'applique complètement...

M. Blank: Sauf que les trois administrateurs peuvent faire ce qu'ils veulent. Ils n'ont pas besoin de demander aux actionnaires qui étaient les vrais propriétaires. C'est-à-dire que maintenant, ce sont trois personnes qui ont 100% du vote et qui peuvent faire ce qu'elles veulent contrairement à la Loi sur les compagnies. Selon la Loi sur les compagnies, les actionnaires sont les patrons du conseil d'administration. Le conseil d'administration suit les instructions des détenteurs d'actions. Ici les trois personnes suivent les instructions du gouvernement parce qu'elles sont vraiment propriétaires des actions à 100%.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Vous savez comme moi, M. le Président et le député de Saint-Louis aussi, qui fait baroud d'honneur, que dans les entreprises, ceux qui ont le pouvoir, ce sont les gens du conseil d'administration et qu'essentiellement...

M. Blank: Nommé par les actionnaires.

M. Garon: ...le rôle des actionnaires, c'est de les nommer.

M. Blank Ou de les destituer s'ils ne suivent pas leurs instructions.

M. Garon: C'est cela. (12 h 30)

M. Lincoln: Je suis très étonné d'entendre le ministre dire que dans les corporations le pouvoir soit détenu par le conseil d'administration. Généralement, le conseil d'administration suit les directives des actionnaires contrôleurs des actions. Vous allez me dire que, dans n'importe quelle compagnie, le conseil d'administration contrôle. À ce moment-là, il faudrait peut-être voir si, à Domtar, le conseil d'administration contrôle la Caisse de dépôt et placement et le gouvernement du Québec ou vice versa. C'est une phrase que vous dites, M. le ministre, parce que, en fait, les actionnaires contrôleurs contrôlent toutes les compagnies. Ce sont eux qui nomment le conseil d'administration, comme vous l'avez bien dit, et ils le destituent aussi quand il ne fait pas leur affaire. Les actionnaires sont maîtres. C'est là la clé.

Vous dites que la Loi sur les compagnies s'applique. Elle s'applique sauf sur le point fondamental de la Loi sur les compagnies qui dit que les actionnaires sont maîtres de leurs actions, qu'ils sont maîtres de nommer le conseil d'administration, qu'ils sont maîtres de nommer les officiers de la compagnie, qu'ils sont maîtres de changer les objectifs de la compagnie, de changer sa charte, de changer sa direction, de tout faire. C'est exactement cela, le noeud du litige: vous suspendez le pouvoir des actionnaires. Pouvez-vous me dire si vous allez au moins aviser les actionnaires? Là, vous visez Pêcheurs Unis, vous ne visez pas la SDI, c'est le gouvernement. Allez-vous, au moins, aviser les actionnaires de toutes les décisions que vous allez prendre par le conseil en tutelle?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Ce n'est pas moi qui vais prendre les décisions, c'est le conseil d'administration provisoire.

M. Lincoln: On parle de la loi. "Un règlement adopté par le conseil provisoire ne requiert pas la ratification ou l'approbation des actionnaires." Vous allez me dire: Ce n'est pas moi, c'est le conseil provisoire. Le conseil provisoire, c'est vous. C'est vous qui le nommez, le conseil provisoire. Est-ce que le conseil provisoire va agir contrairement à vos intentions? C'est sûr que c'est vous, le conseil provisoire. Vous pouvez le changer quand vous voulez, vous pouvez en nommer d'autres s'ils ne font pas votre affaire. C'est vous et le conseil provisoire. Ils seront vos représentants. Ce ne sera pas vous-même, personnellement, mais ils vous représenteront.

Au moins, le conseil provisoire va-t-il aviser les actionnaires des décisions qu'il va prendre par rapport aux actifs des

actionnaires? C'est ce que je vous demande. Si vous n'êtes pas prêt à leur demander leur ratification ou leur approbation, allez-vous, au moins, les aviser avant de prendre des décisions qui vont toucher leurs actifs? C'est ce qu'on vous demande.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Au fond, il y a deux actionnaires: Pêcheurs Unis et la Société de développement industriel. Le but de la loi est de protéger Madelipêche contre des décisions malencontreuses que pourrait prendre Pêcheurs Unis vis-à-vis de Madelipêche qu'il était en train de siphonner. C'est un peu le but de la loi. À toutes fins utiles, Pêcheurs Unis serait actuellement en liquidation si le gouvernement fédéral n'était pas venu dire: Je vais vous donner une garantie de prêt en attendant que M. Kirby ait fait son rapport. C'est cela, la réalité. N'essayons pas de dire qu'on est dans une situation normale, où tout fonctionne normalement: Pêcheurs Unis a un compte en banque, un fonds de roulement, etc.

Je m'étonne un peu. Vous avez vu le télégramme de M. De Bané. On vient de nommer un tuteur à Pêcheurs Unis; ce n'est pas son rôle. Il parle d'une garantie de 3 000 000 $. Il n'a pas donné un cent, il a garanti 3 000 000 $. Il vient de nommer un tuteur. Il vient de nommer le directeur général de Pêcheurs Unis, une coopérative. Là, l'Opposition ne dit rien. On intervient dans la direction... Écoutez, c'est écrit dans le télégramme.

Une voix: Où cela?

M. Garon: On vient de nommer un M. Laferrière ou Laperrière.

M. Lincoln: Est-ce qu'on va faire le procès de M. De Bané et son télégramme ou si on parle de la loi? Si le ministre recommence avec Kirby et De Bané, on va faire traîner cette loi et, après, c'est lui qui en subira les conséquences. Je n'ai pas envie de discuter de M. Kirby, de M. De Bané, du gouvernement fédéral, c'est leur affaire. Ce qu'ils font, eux, ce n'est pas nous qui le faisons. Je n'ai pas envie de discuter de M. Kirby et de M. De Bané. Je n'ai même pas encore lu son télégramme. Je ne sais pas ce qu'il a dit, cela ne m'intéresse pas du tout, son affaire. S'il pose des gestes et qu'il a tort, cela ne vous donne pas raison à vous de faire la même chose. Ce n'est pas ce qu'on discute. On discute si vous avez le droit, vous, de prendre une compagnie et de la mettre en tutelle. Que cette compagnie soit en faillite ou dans un état normal, s'il fallait faire la même chose pour toutes les compagnies au Québec, des compagnies qui ont des problèmes ou qui ont fait des choses que vous n'acceptez pas ou qui sont anormales, selon vous, à ce moment-là, il faudrait les aligner et il n'y aurait pas assez de place sur ces banquettes. Il doit y avoir des milliers de ces compagnies au Québec et on ne les met pas toutes en tutelle. Ces compagnies ont des droits légaux, c'est ce qu'on vous dit.

Donc, on vous pose des questions tout à fait normales. Si vous n'êtes pas prêt à demander l'approbation ou la ratification de ces actes à Pêcheurs Unis, on vous demande si vous êtes prêt à les aviser des décisions que vous allez prendre et qui touchent leurs actifs qui impliquent leurs actifs. Cela n'a rien à voir avec De Bané et Kirby. On se fout de De Bané et Kirby pour le moment. On parle du projet de loi no 23.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Je pense que le projet de loi parle par lui-même. L'article 5 dit: "Un règlement adopté par le conseil provisoire ne requiert pas la ratification ou l'approbation des actionnaires. Toutefois un règlement adopté suivant l'article 55, 57 ou 58 de la Loi sur les compagnies ne peut entrer en vigueur sans l'approbation du gouvernement."

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Cela ne change rien, en fait, M. le ministre. Cela prend l'approbation du gouvernement parce qu'à l'article 2 vous avez le droit de destituer ces administrateurs à n'importe quel moment.

M. Garon: C'est cela.

M. Blank: Cela veut dire que vous contrôlez tous les autres règlements qui ne sont pas soumis à l'approbation du gouvernement aux articles 55, 57 et 58. C'est-à-dire que vous contrôlez tous les règlements. Je ne sais même pas pourquoi vous avez écrit cela, parce que cela ne vaut pas la peine d'être écrit. En fait, vous contrôlez tous les règlements.

Le Président (M. Rancourt): Est-ce que nous sommes prêts à adopter l'article 5?

M. Lincoln: J'ai envie d'une réponse catégorique du ministre. Je lui demande: Est-ce que vous êtes prêt à aviser les actionnaires de Pêcheurs Unis et les actionnaires contrôleurs de cette compagnie des décisions que vous allez prendre et qui vont avoir des implications quant à leurs actifs?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Je n'avais pas l'intention de donner des ordres au conseil d'administration provisoire. Ce que le député de Nelligan me reproche, c'est que je vais donner des ordres au conseil d'administration provisoire. Mais j'ai dit que je ne veux pas lui donner des ordres. Comprenez-vous?

M. Blank: Vous faites cela avec une "straight face".

M. Garon: Une fois nommé, il va agir comme est censé agir un conseil d'administration.

Le Président (M. Rancourt): Est-ce que l'article 5 est adopté?

M. Lincoln: Adopté sur division.

Le Président (M. Rancourt): Adopté sur division.

J'appelle l'article 6. M. le député de Nelligan.

Une voix: Adopté.

M. Lincoln: Sur division.

Le Président (M. Rancourt): L'article 6 est adopté sur division.

J'appelle l'article 7. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: J'aurais voulu discuter des articles 7, 8 et 9 et on pourrait les adopter, évidemment, séparément après, parce que les trois touchent le même sujet.

Le Président (M. Rancourt): D'accord. Nous allons discuter des articles 7, 8 et 9 ensemble et nous les adopterons un après l'autre. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Vous faites une avance de fonds jusqu'à concurrence de 2 000 000 $. Il y a des prévisions de garanties de paiement, en fait, illimitées, parce que cela n'est pas indiqué. Pourrait-on savoir s'il va y avoir un genre de rapport périodique à l'Assemblée nationale sur les activités du conseil provisoire? Comment va-t-on savoir de quelle façon l'argent aura été dépensé? Est-ce que ce sera une autre affaire de Quebecair où on va se réveiller après et on va savoir que 20 000 000 $ ont été dépensés en quatre mois? Quel contrôle va-t-on avoir sur le conseil provisoire, qui est vous-même, malgré tout ce que vous me dites? C'est vous qui pouvez les destituer, les nommer. Vous pouvez faire tout ce que voulez avec eux. Alors, ils vont être indépendants selon vous, mais, selon nous, ils ne seront sûrement pas indépendants de vous. Quel contrôle aura-t-on sur ces dépenses? Quel rapport aura-t-on de ces dépenses? Quand pourra-t-on savoir comment cet argent a été dépensé et quel montant? Vous avez jusqu'à concurrence de 2 000 000 $ de fonds avancés à la compagnie, mais en même temps vous êtes prêt à garantir le paiement, capital et intérêts, de tout emprunt de la compagnie. Si c'est une compagnie qui est branlante, quel sera le montant, quels seront les barèmes? Quel contrôle a-t-on?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, je pense que le député n'a pas lu le projet de loi au complet, encore une fois.

M. Lincoln: Je l'ai lu.

M. Garon: Je suis un peu étonné. L'article 9 y répond entièrement: "Les sommes que le ministre des Finances ou le gouvernement peut être appelé à payer en vertu des articles 7 ou 8 sont prises sur le fonds consolidé du revenu."

M. Lincoln: Qu'est-ce que cela a à faire avec cela?

M. Garon: Vous avez le droit de poser toutes les questions que vous voulez concernant le fonds consolidé du revenu, à savoir où va l'argent, où est allé l'argent. Vous posez toutes les questions que vous voulez.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. le ministre, si je lis la même chose que vous avez lue, peut-être que c'est vous qui n'avez pas bien lu votre projet de loi. Il dit que "le gouvernement peut, en outre, aux conditions qu'il détermine: garantir le paiement en capital et intérêts de tout emprunt de la compagnie." Cela ne va pas sortir du fonds consolidé de la province.

Une voix: C'est jusqu'à concurrence...

M. Lincoln: Cela pourrait être, par exemple, comme vous l'avez fait avec Quebecair. Vous avez prêté 4 000 000 $ par la Caisse de dépôt que le gouvernement a garantis. C'est après qu'on sait la chose.

M. Garon: C'est toujours comme cela.

M. Lincoln: À un moment donné, on est devant. C'est toujours comme cela. Mais c'est cela qui nous fait peur, parce qu'après

tout, quand on se réveille, on voit que des millions ont été engloutis. Alors, cela peut sortir du fonds consolidé du revenu. On peut poser des questions. Tout ce que je vous demande: Est-ce que le conseil provisoire va vous faire des rapports périodiques que vous allez déposer à l'Assemblée nationale pour voir quel genre de garanties bancaires on donne, combien d'argent est impliqué, ce qui se passe dans cette affaire, ou si, un jour, on va se réveiller et on va voir que des millions sont impliqués? C'est cela qu'on veut savoir.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre. (12 h 40)

M. Garon: Le gouvernement ne donne jamais d'avis antérieurs à l'Opposition ou à l'Assemblée nationale quand il prend des décisions sur des avances de fonds ou des garanties de prêts. Nous en avons fait des garanties de prêts. On en a fait en 1980 dans le crabe. Les usines auraient fermé. On a fait une garantie pour maintenir des inventaires élevés. Cela n'a pas coûté un sou au gouvernement. Cela a très bien marché rendu à l'automne et les gars ont fait de l'argent. On l'a fait déjà. Occasionnellement, pour régler des situations temporaires, le gouvernement donne des garanties de prêts. Ce n'est pas la règle. C'est exceptionnel, mais il le fait occasionnellement. Il n'y a rien de plus exceptionnel que ce qu'on fait habituellement à ce point de vue. L'article 7 permet au ministre des Finances, et pas à n'importe quelle condition... une minute, ce n'est pas de l'argent de "Monopoli" - c'est marqué: "Le ministre des Finances est autorisé jusqu'à concurrence de 2 000 000 $ à avancer à la compagnie à un taux d'intérêt pour la durée et aux conditions qu'il détermine tout montant jugé nécessaire pour la réalisation de ses objets et à garantir aux conditions qu'il détermine le paiement en capital et intérêts de tout emprunt de la compagnie ou l'exécution de toute obligation de cette dernière." Il peut, mais il va poser des conditions.

M. Lincoln: Là ce sont 2 000 000 $.

M. Garon: C'est seulement jusqu'à 2 000 000 $.

M. Lincoln: Mais en plus, M. le ministre, si vous continuez à lire - c'est probablement pourquoi on a mis ces trois articles ensemble - l'article 8 et si vous lisez l'alinéa 2 de l'article 8, cela veut dire: "En outre, en plus des 2 000 000 $, le gouvernement peut autoriser le ministre des Finances à avancer à la compagnie tout montant jugé nécessaire", c'est-à-dire que cela peut ne pas être seulement 2 000 000 $; cela peut être 2 000 000 $, 4 000 000 $, 5 000 000 $, 10 000 000 $, 15 000 000 $, comme c'est le cas avec Quebecair où on a englouti 20 000 000 $ en quatre mois. À ce moment, on se réveille un jour, c'est aux engagements financiers qu'on le sait... Le ministre lui-même ne savait pas que 8 000 000 $ avaient été dépensés en mars; il ne savait pas que c'était en mars quand on lui a posé des questions. C'est cela qu'on veut savoir. Quel genre de contrôle, quel genre de rapport il y aura à l'Assemblée nationale de ces dépenses. Car là ce n'est pas une situation normale; c'est une situation de compagnie privée que vous avez mise en tutelle pour la première fois au Québec.

C'est pourquoi on pose ces questions. On a le droit de les poser. Je pense que ce sont des questions valables. Sûrement que vous avez un ordre de grandeur. Si le député de Terrebonne n'est pas tout à fait satisfait, s'il n'est pas satisfait des débats, qu'il prenne son droit de parole et me pose des questions. Si monsieur est impatient et qu'il commence à cogner sur le pupitre, cela ne va pas m'effrayer du tout, M. le ministre.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Blais: M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Je faisais un commentaire -Je m'excuse auprès du député de Nelligan -que personne n'entendait, qui n'était pas enregistré. Cependant, vu que vous me demandez de le dire à haute voix, je vais le faire: c'est que vous dites à peu près n'importe quoi et n'importe comment, juste pour attirer l'attention pendant que vous êtes devant la caméra. Vous dites que le ministre des Transports ne savait même pas quelles étaient les dépenses de Quebecair. Il l'a dit à peu près 56 fois à la Chambre et l'a expliqué en détail. Si pendant ce temps vous dormiez, vous n'écoutiez pas, n'allez pas dire qu'il ne savait pas ce qu'il disait...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Lincoln: Question de privilège.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît. Il n'y a pas de...

M. Lincoln: J'ai raconté quelque chose de tout à fait spécifique. Il m'a traité...

Le Président (M. Rancourt): Je m'excuse, M. le député de Nelligan. Je m'excuse, M. le député de Nelligan. Il n'y a pas de question de privilège ici.

M. Lincoln: Il y a une question de règlement, alors. Le député de Terrebonne a mis des choses dans ma bouche que je n'ai pas dites du tout. S'il va consulter le journal des Débats, il verra que c'était lui qui était endormi ce jour là ou qui a mal écouté.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Lincoln: Parce que le ministre des Transports a admis, et c'est au journal des Débats, à la suite d'une question tout à fait spécifique, que 8 000 000 $ avaient été dépensés en mars alors qu'il croyait qu'ils avaient été dépensés en avril. C'est pour vous montrer que ces choses se dépensent bien facilement et sans que le ministre le sache. C'est là la portée de ma question. Si vous croyez que je fais du show devant la télévision, le public jugera. J'ai lu cette loi plus que vous et j'ai le droit de poser les questions que je veux.

Le Président (M. Rancourt): J'aimerais revenir, s'il vous plaît, aux articles 7, 8 et 9. S'il vous plaît.

M. Lincoln: C'est une machine à voter.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Blais: Et vous, vous êtes une machine à roter.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

Mme LeBlanc-Bantey: Une machine à De Bané.

Le Président (M. Rancourt): Je pense qu'il nous faut revenir maintenant aux articles du projet de loi no 23.

M. Blank: Je pense que le député de Terrebonne comprend le rôle des députés des deux côtés de la Chambre ici. On est ici pour protéger l'argent des contribuables. Ici, on donne carte blanche au gouvernement de dépenser jusqu'à la limite et se on pose des questions à savoir comment on va faire rapport à la Chambre, à nous les députés, vous et moi, des deux côtés de la Chambre et comment nous pouvons contrôler les dépenses de l'État. Ici, on donne un chèque en blanc. On pose des questions au moins sur la façon de le savoir. On ne dit pas comment le dépenser. On dit: Au moins, dites-nous quand vous le dépensez et pour quelle raison? C'était la question du député de Nelligan et c'est notre devoir des deux côtés de la Chambre, le vôtre et le mien.

Le Président (M. Rancourt): Sur les articles, s'il vous plaît.

M. Garon: D'après les règles habituelles, il y a la commission des engagements financiers aussi où l'Opposition peut poser toutes les questions qu'elle veut concernant les dépenses du gouvernement. Si le député de Saint-Louis dit que sa préoccupation, c'est vraiment les fonds publics, il doit être content qu'on s'occupe de Madelipêche, parce que si l'argent revient à Madelipêche, il y a des avances qui ont été faites pour payer des déficits. Elles vont pouvoir entrer dans les fonds publics. Elles vont entrer au gouvernement du Québec, parce que c'est une des raisons pour lesquelles il faut s'occuper de Madelipêche. Des 2 700 000 $, il y a une partie qui revient au gouvernement.

M. Blank: On va voir. On va voir. M. Garon: C'est cela. On va voir.

Mme LeBlanc-Bantey: Le député de Saint-Louis est mélangé...

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée.

M. Levesque (Bonaventure): ...entre son appui aux créanciers et l'argent des contribuables. Espérons qu'entre-temps, il va se brancher.

M. Blank: Non. J'ai peur parce que quand j'ai parlé...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: J'ai peur que les créanciers détruisent tout votre projet ici. Il n'y a rien dans la loi qui les empêchent de le faire. C'est possible qu'un des créanciers puisse détruire la compagnie et mettre tout le monde dans la rue avec votre projet de loi. Votre projet de loi est incomplet. Si vous voulez accomplir ce que vous dites, c'est incomplet.

Mme LeBlanc-Bantey: Les créanciers n'ont aucun intérêt à faire cela.

M. Lincoln: Sûrement que vous avez un ordre de grandeur du montant. Vous avez parlé de 7 000 000 $ à l'article 8. Pourquoi mettez-vous une clause additionnelle à l'article 7? Vous parlez d'un maximum de 2 000 000 $. À l'article 8, alinéa 2, vous donnez presque carte blanche pour ajouter les montants. Pourquoi est-ce que ce n'est pas resté simplement à l'article 7 et, après cela, s'ils ont besoin des montants additionnels, vous apporter des amendements à la loi? Sûrement que vous avez un ordre

de grandeur. De combien avez-vous besoin dans cette affaire, pour que ce ne soit pas une affaire illimitée?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Oui. C'est parce que vous allez partir en vacances cet été et nous, on va continuer à travailler; les pêcheurs vont continuer à pêcher.

M. Lincoln: Here we go!

M. Blank: Il a des mandats de gouverneur.

M. Garon: Les travailleurs d'usine vont continuer à fileter le poisson et l'entreprise va continuer.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Garon: Si on a besoin d'argent avant l'ouverture de la session à l'automne, si on n'a pas été prévoyant, on peut se retrouver comme la cigale et la fourmi. On veut être prévoyant. Si c'est nécessaire, en plus des 2 000 000 $, d'avancer d'autres sommes d'argent, le gouvernement pourra le faire, mais en posant des conditions qu'il va déterminer, en évaluant la situation. On ne peut pas la déterminer. Il s'agit simplement de donner un pouvoir au gouvernement de le faire éventuellement, si c'est nécessaire.

M. Lincoln: N'avez-vous aucune idée aujourd'hui - la pêche va durer jusqu'à la fin de l'été ou de l'automne - sur le montant d'argent qui va être impliqué d'ici là? Sûrement que vous aviez une idée quelconque quand vous vous êtes aventuré là-dedans.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Je pense que le permis... Il est très important qu'on commence la pêche le plus rapidement possible. La pêche au sébaste vient de commencer. Les bateaux sont plutôt équipés pour le sébaste. La pêche au sébaste vient de commencer. Cette année sera sans doute une année considérable pour le sébaste. C'est pour cette raison que la population n'admettra pas un retard d'une seule journée de la part du ministre fédéral des Pêches et des Océans pour l'émission des permis. Je peux vous dire cela. Les quotas seront sans doute augmentés cette année parce que les ressources biologiques nous indiquent...

M. Blank: Ce n'est pas la question.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Blank: Il a demandé un montant, un chiffre, pas un discours.

Mme LeBlanc-Bantey: Cela ne vous intéresse pas de savoir qu'il y aura beaucoup de poisson.

M. Blank: Il a demandé un chiffre.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le député de Saint-Louis, M. le ministre répondait à une question.

M. Garon: Au cours de l'année, comme il y aura des prises importantes de sébaste cette année, selon ce que prévoient les biologistes, il faudra sans doute, selon le montant des prises... Il y aura une certaine variation dans les inventaires parce que la vente n'est pas nécessairement la journée même où le poisson a été pris. Il faut prévoir que cela peut être nécessaire de faire ce financement de façon temporaire. Ce n'est pas un financement automatique à l'article 8, c'est un financement si c'est nécessaire, que le gouvernement pourra accepter, mais en posant ses conditions, ou encore autoriser le ministre des Finances à avancer à la compagnie des montants jugés nécessaires pour la réalisation de ses objets, à un taux d'intérêt, pour la durée et aux autres conditions que détermine le gouvernement.

M. Lincoln: M. le ministre, tout ce que je vous ai demandé...

M. Garon: C'est un peu standard.

M. Lincoln: Est-ce que vous avez une idée de l'importance, est-ce que vous parlez de 2 000 000 $, de 10 000 000 $, 15 000 000 $, 20 000 000 $? Sûrement que vous avez des chiffres, vous avez fait des calculs, vous avez discuté avec vos sous-ministres, sûrement que vous pouvez nous donner une idée de combien d'argent vous pensez dépenser aux articles 7, 8 et 9.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Garon: Il y a beaucoup de choses à considérer, la marge de crédit, il y a aussi: Est-ce que les pêcheurs de crabe reviendront à Madelipêche, parce qu'ils sont allés ailleurs? Combien de gens qui actuellement ont commencé à livrer ailleurs reviendront livrer à Madelipêche? Tout cela, ce sont des facteurs difficiles à évaluer. C'est pour cela qu'il faut laisser une marge de manoeuvre pour pouvoir autoriser des crédits additionnels si c'est nécessaire.

M. Blank: Ce n'est pas cela qu'il demande.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Nous sommes prêts à adopter cet article éventuellement sur division. Vous aurez le droit de dépenser votre argent. D'accord?

M. Garon: C'est cela.

M. Blank: Vous avez besoin de notre approbation, l'approbation de l'Assemblée nationale pour faire cela. La seule question qu'on vous demande: Combien pensez-vous que cela vous coûtera? C'est seulement cela. Je suis certain, M. le ministre, quand vous avez proposé cette loi ici, que vous aviez un chiffre, une limite dans votre tête. Vous ne réglez pas l'affaire de Madelipêche pour 50 000 000 $ ou 25 000 000 $; vous avez un chiffre en tête et vous pourriez aller jusqu'à cette limite. C'est cela qu'on vous demande. Jusqu'où pensez-vous devoir aller cet été avec cette affaire? 2 000 000 $, 3 000 000 $, 4 000 000 $, 5 000 000 $? On ne vous tient pas à cinq cents près, on veut une idée. C'est seulement cela qu'il vous demande. (12 h 50)

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: L'idée est dans l'article 7.

Mme LeBlanc-Bantey: C'est cela.

M. Blank: Combien?

M. Garon: L'idée est dans l'article 7.

Mme LeBlanc-Bantey: C'est cela, lisez.

M. Blank: Pourquoi l'article 8?

M. Garon: Et la soupape est dans l'article 8.

M. Blank: D'accord, mais combien?

M. Garon: 2 000 000 $, c'est marqué dans l'article 7, vous ne l'avez pas lu?

M. Blank: C'est donc dire que le ministre demande ici qu'on adopte une loi pour dépenser de l'argent et il ne sait pas combien il dépensera.

M. Garon: Non, non.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Dans l'article 7, c'est marqué que le ministre des Finances...

M. Blank: C'est la marque de commerce de ce gouvernement.

M. Garon: ...peut aller jusqu'à concurrence de 2 000 000 $. On pense que 2 000 000 $ seront nécessaires; s'il y a des sommes additionnelles nécessaires, il y a une soupape à l'article 8 qui permet au gouvernement de venir jouer son rôle de soupape.

M. Blank: D'accord.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: On met de côté les 2 000 000 $; combien pour le "si"?

M. Garon: Pardon?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Blank: Combien pour le "si"? "Si" on a besoin... Combien cela coûtera-t-il, pensez-vous, si...?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce qu'il y aura des avaries de bateaux ou pas? Il y a bien des choses qui ne peuvent pas être prévues.

M. Garon: Au moment où on se parle, je pense qu'on n'aura pas besoin de l'article 8.

M. Blank: D'accord.

M. Lincoln: C'est tout ce qu'on vous a demandé, pourquoi vous ne l'avez dit depuis le début?

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Blank D'accord, c'est tout ce qu'on vous demande.

Le Président (M. Rancourt): Donc, nous appellerons les articles 7, 8 et 9.

M. Garon: Il y a un proverbe latin qui dit: "Qui potest capere capiat". Que celui qui peut comprendre comprenne.

M. Lincoln: Oui, justement.

M. Blank: Si on répond...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous

plaît!

M. Blank: Si on répond, on pourra comprendre, mais si on ne répond pas, on ne comprendra jamais.

M. Lincoln: Vous ne voulez pas qu'on comprenne ici.

M. Garon: Vous ne pouvez pas m'obliger à mettre 12 onces de liquide dans un verre de 4 onces.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Nous allons appeler l'article 7. Est-ce qu'il est adopté?

M. Blank: Sur division.

Le Président (M. Rancourt): Adopté sur division.

L'article 8?

M. Blank: Sur division.

Le Président (M. Rancourt): Adopté sur division. L'article 9?

M. Lincoln: Même chose.

M. Blank: On n'a pas besoin de l'adopter.

Le Président (M. Rancourt): J'appelle maintenant l'article 10. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Comment allez-vous fixer le prix du poisson maintenant que vous avez suspendu les conventions à Pêcheurs Unis et Madelipêche? Qu'est-ce qui va arriver pour fixer les prix? Qu'est-ce qui va arriver des ententes qui ont déjà été prises?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: On va fixer le prix du poisson au prix du marché.

Mme LeBlanc-Bantey: Voilà, c'est très simple.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Toutes les ententes qui sont intervenues avant, je sais qu'elles seront suspendues d'après votre loi, légalement. Est-ce que vous allez vous inspirer de ces ententes ou si ces ententes sont complètement désuètes?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: À toutes fins utiles, on dit: Contrat de gestion avec Pêcheurs Unis. Il n'y a plus de gestionnaires à Pêcheurs Unis véritablement. Il y avait le secrétaire, qui est un sociologue, il y avait également un comptable et une secrétaire. Je viens d'apprendre, dans le télégramme de M. De Bané, qu'il vient de faire engager un directeur général. C'est tout ce qu'il y a à Pêcheurs Unis. Il n'y a plus de monde. À toutes fins utiles, ces ententes existaient pour ne pas garder d'ambiguïté, elles n'avaient plus beaucoup de valeur. Le soutien de gestion, Madelipêche paie un montant pour la gestion qui, à toutes fins utiles, n'est pas là.

M. Blank: Ne pensez-vous pas, M. le ministre, que cette partie est plus qu'un article, c'est toute la loi? Si on prend un contrat conclu entre deux compagnies privées et qu'on l'annule... Vous me donnez des raisons de croire qu'il était nul. D'accord, mais pourquoi n'allez-vous pas devant les tribunaux pour le faire annuler? Pourquoi pas? Vous serez juge et partie en même temps.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: Je vais vous dire plus que cela, M. le Président. Le service de mise en marché de Pêcheurs Unis n'existe plus.

M. Blank: D'accord, mais c'est une raison pour annuler le contrat.

M. Garon: M. Urgel Blais, qui dirigeait le service, a quitté Pêcheurs Unis et vient de former sa compagnie. Il n'est plus là, il n'y a plus de service de mise en marché à Pêcheurs Unis, que je sache.

M. Blank: C'est vous qui dites ça, mais c'est possible que Pêcheurs Unis dise autre chose. C'est la raison pour laquelle on a des tribunaux pour régler ces problèmes, on ne le fait pas par décret gouvernemental pour dire: Le contrat est terminé. Dans mon bureau d'avocat, est-ce que le gouvernement va venir dire: On annule le bail et on ne vous donne pas de chauffage à vous, M. Blank, on annule le bail. C'est ce que vous faites ici. Vous annulez ce contrat. Ce n'est pas nécessaire. Vous pouvez passer par les tribunaux si vous pensez vraiment avoir raison.

Je me souviens qu'il n'y a pas très longtemps, avec ce gouvernement-ci, on a refusé de donner un accord à un projet de loi privé où on essayait d'annuler le contrat d'une dame de l'hôpital Charles-Lemoyne qui tenait le restaurant. La commission des affaires sociales a refusé d'annuler ce contrat parce que c'était un contrat entre

des tierces parties et le gouvernement n'était pas dans... Ici le même gouvernement fait le contraire. Il n'y a aucun principe pour ce gouvernement. Aujourd'hui c'est une question de principe et demain il n'y a plus de principe.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Garon: On n'est pas dans les principes, on est dans la réalité, M. le Président.

M. Blank: C'est pour cela qu'on a des cours, monsieur.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Blank: C'est la raison pour laquelle on a des cours et des juges.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. le ministre.

M. Bélanger: C'est la réalité qu'on veut.

M. Garon: La réalité c'est qu'il n'y a plus de gens pour effectuer les ventes chez Pêcheurs Unis. Celui qui s'occupait de cela a quitté l'entreprise. Il n'y a plus personne pour faire ce service de gestion chez Pêcheurs Unis. Pourquoi maintenir en force des sections du protocole d'entente qui prévoient ces choses-là alors que ce n'est plus réel?

M. Blank: D'accord.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Si ce n'est plus réel, n'y touchez pas. Cela ne fait rien, cela ne fait aucun dommage. Ici, dans le texte du projet de loi vous faites quelque chose qui est contre tous les principes de justice et de liberté. Si ce n'est pas nécessaire ne le mettez pas.

Le Président (M. Rancourt): Est-ce que l'article 10 est adopté?

M. Lincoln: Attendez, M. le Président!

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Pour les mêmes raisons que l'article 1 je vais proposer un amendement qui dira que la dernière ligne sera sans effet à compter de la date de la sanction de la loi. Pour les mêmes raisons qu'on a expliquées à l'article 1.

Le Président (M. Rancourt): Est-ce que cet amendement est adopté?

Une voix: Non. Une voix: Oui.

Le Président (M. Rancourt): Nous allons prendre le vote.

Amendement rejeté. L'article 10 est-il adopté?

M. Lincoln: Sur division.

Le Président (M. Rancourt): Adopté sur division.

J'appelle l'article 11.

M. Blank: Sur division.

Mme LeBlanc-Bantey: Adopté.

M. Garon: À l'article 11, êtes-vous d'accord?

Le Président (M. Rancourt): Adopté sur division.

J'appelle l'article 12.

M. Garon: Avez-vous un autre ministre à suggérer?

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

Mme LeBlanc-Bantey: La partisanerie aveugle.

Le Président (M. Rancourt): L'article 12 est appelé.

M. Blank: Contre. Une voix: Adopté. M. Lincoln: Contre.

Le Président (M. Rancourt): Adopté sur division.

M. Blank: Pas sur division, contre.

M. Garon: Comme père de famille vous avez connu cela: À deux ans, un enfant dit non pour prouver qu'il existe.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

Est-ce que l'article 13 est adopté?

Mme LeBlanc-Bantey: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Président (M. Rancourt): Adopté sur division.

Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce qu'on fait la troisième lecture maintenant?

M. LeMay (président de la commission plénière): M. le Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que la commission plénière a adopté tous les articles du projet de loi no 23.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que ce rapport est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Adopté.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: M. le Président, je demanderais que l'on procède aux écritures et, avec le consentement de l'Opposition, que l'on adopte la troisième lecture immédiatement.

Je propose que la troisième lecture soit adoptée.

Troisième lecture

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette proposition de troisième lecture est adoptée?

M. Lincoln: M. le Président, très brièvement...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: ...on a dit qu'on n'allait pas intervenir pour retarder le projet de loi, mais j'ai envie de réitérer très brièvement que nous sommes fondamentalement opposés au principe de ce projet de loi, c'est pourquoi on a adopté sur division chacun de ses articles. Nous considérons que c'est une solution néfaste à cause des conséquences qu'on a déjà soulignées. On est prêt à donner notre consentement à la troisième lecture qu'on adoptera sur division de notre côté.

M. Boucher: Adopté sur division.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette troisième lecture est adoptée?

M. Lincoln: Sur division.

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Adopté sur division.

La troisième lecture est adoptée sur division.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: M. le Président, je fais motion pour que nous suspendions nos travaux jusqu'à 15 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Adopté. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise de la séance à 15 h 13)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez prendre vos places.

Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Au dépôt de documents, M. le président du Conseil du trésor, par M. le leader du gouvernement.

Document sessionnel no 142

M. Bertrand: M. le Président, au nom du ministre délégué à la Réforme administrative, je voudrais déposer le document sessionnel no 142 concernant le document sessionnel no 86.

Le Président: Document déposé. M. le ministre du Travail.

M. Bertrand: M. le Président.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Simplement pour préciser qu'il s'agit de dispositions qui modifient les dispositions constituantes des conventions collectives, tel que déposé à l'Assemblée nationale.

Le Président: Document déposé. M. le ministre du Travail.

Copie d'un décret concernant

l'application de l'article 23 de la loi 111

M. Fréchette: M. le Président, je voudrais déposer en double exemplaire copie d'un décret gouvernemental adopté à la séance du Conseil des ministres de ce matin, le 25 mai 1983, et confirmant une décision prise en vertu de l'article 23 de la loi no 111.

Le Président: Document déposé. M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Rapport actuariel de la Régie des rentes

M. Marois: M. le Président, dans le cadre de la réforme proposée au Régime de rentes du Québec, la Régie des rentes du Québec doit faire préparer par un actuaire, en vertu des articles 217 et 218 de la loi, un rapport indiquant dans quelle mesure les amendements proposés à l'Assemblée nationale modifient les estimations de la plus récente analyse actuarielle. J'ai donc le plaisir de vous transmettre en double copie le rapport actuariel préparé par les actuaires de la Régie des rentes du Québec.

Le Président: Rapport déposé. M. le député d'Orford.

Pétition de détaillants d'essence demandant une réduction de taxe

M. Vaillancourt (Orford): M. le Président, j'ai une pétition à déposer. "Nous, détaillants d'essence de la ville de Coaticook, à environ quinze kilomètres des frontières américaines, demandons d'avoir la même réduction de taxe que ceux près de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick."

Le Président: Pétition déposée.

Il n'y a pas de dépôt de rapports des commissions élues, ni du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Au dépôt de projets de loi au nom du gouvernement, M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article b) du feuilleton.

Projet de loi no 22 Première lecture

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme propose la première lecture du projet de loi no 22, Loi modifiant la Loi sur l'aide au développement touristique.

M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, ce projet de loi a pour objet de permettre une accessibilité plus étendue à l'aide financière prévue à la loi, notamment par l'augmentation du nombre d'institutions de crédit aptes à consentir des prêts. Le projet de loi autorise l'octroi d'une aide financière pour un projet touristique indépendamment des activités principales de l'entreprise qui réalise le projet. À l'avenir, cette aide financière ne sera plus accordée selon un ordre de priorités basé sur la situation géographique de l'entreprise.

Le projet de loi prévoit également de nouvelles formes d'aide financière qui pourront être accordées aux entreprises telles une subvention, une exemption partielle du remboursement d'un prêt consenti par la SDI ou une acquisition par cette société d'actions d'une entreprise exploitant un projet touristique.

Enfin, le projet de loi vise à faciliter l'administration de la loi. La Société de développement industriel du Québec recevra, dans les régions, les demandes d'aide financière. Les rôles du ministre et de la société sont précisés dans l'étude des demandes et l'octroi de l'aide financière.

Le Président: La première lecture de ce projet de loi est-elle adoptée?

Des voix: Adopté. Le Président: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Il n'y a pas de projet de loi au nom des députés. La période des questions, M. le chef de l'Opposition.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Le prochain scrutin général et l'indépendance du Québec

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable premier ministre. Malgré le verdict très clair rendu par la population du Québec, le 20 mai 1980, le premier ministre a annoncé à diverses reprises et s'est engagé à ce que la prochaine élection générale au Québec porte sur la question de la souveraineté ou de l'indépendance du Québec. Est-ce que le premier ministre considère qu'il s'agit là d'un engagement formel? Est-ce qu'il peut imaginer les circonstances qui feraient que cet engagement ne serait pas tenu? Le troisième volet de ma question: Est-ce que le premier ministre croit qu'une telle consultation pourrait se faire sans avoir de changement sur le bulletin de vote, c'est-à-dire qu'en votant pour tel parti cela voudrait dire qu'on vote pour ou contre l'indépendance du Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, quant à nous, c'est un engagement formel que ce sera pour nous le sujet central des prochaines élections. Il est évident qu'il peut

y avoir des circonstances - on ne fait pas de scénario futuriste - qui feraient dériver quelque peu l'intérêt. On ne peut pas éviter les autres questions, mais quant à nous, ce sera un sujet central. Pour ce qui est de la mécanique et de la façon dont cela se présentera, à savoir si cela peut amener des changements au bulletin de vote ou des additions, etc., on nous permettra de préparer soigneusement et de la façon la plus démocratique possible le genre de consultation dont il s'agira.

Le Président: Question complémentaire, M. le chef de l'Opposition. (15 h 20)

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, si je comprends bien la réponse du ministre - je m'excuse, du premier ministre -il est possible qu'à cette élection générale, en plus du bulletin de vote qui est là pour juger de l'administration du gouvernement et pour juger les autres circonstances qui entourent cette élection, il pourrait y avoir un autre bulletin ou une annexe au bulletin sur l'avenir constitutionnel du Québec.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, il peut y avoir beaucoup d'hypothèses de travail. Une chose est certaine, c'est que dès qu'on aura étudié cela - parce qu'on a encore, je dois le dire au député de Bonaventure, sauf erreur, un certain temps qui devrait nous permettre de travailler à tête reposée - plutôt que d'évoquer toutes sortes d'hypothèses, on trouvera très certainement l'hypothèse la plus démocratique, la plus acceptable de façon que tout le monde ait une chance de s'exprimer clairement.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, le premier ministre maintient-il le principe qu'il a déjà évoqué lui-même qu'il était essentiel que le statut ou l'avenir du Québec, cette question très importante, soit traité d'une façon privilégiée et que cette question ne soit pas mêlée dans l'ensemble des autres? Pour être plus explicite, je le réfère à son conseiller d'antan - peut-être son conseiller d'aujourd'hui - l'ancien ministre des Affaires intergouvernementales, M. Claude Morin, qui disait au sujet de la tenue d'une élection référendaire, et je le cite: "Je serais pas mal d'accord que ce serait suicidaire." Il ajoutait: "Si la population peut se prononcer sur ce sujet, il faudrait que ce soit fait clairement, à l'exclusion des autres sujets." Quelle est l'opinion du premier ministre là-dessus? A-t-il changé d'idée?

Le Président: M. le premier ministre. M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je voudrais d'abord souligner qu'il y avait beaucoup plus de nuances dans la transcription de cette interview de M. Morin à l'émission de M. Pierre Nadeau, à Radio-Québec. Il y avait beaucoup plus de nuances que ce qu'un certain titre de journal lui a attribuées; le mot "suicidaire", il ne l'avait même pas prononcé lui-même, mais enfin ce sont des choses qui arrivent assez couramment par les temps qui courent.

Pour ce qui est du reste, je renvoie le député de Bonaventure à la réponse que j'ai donnée il y a quelques instants. Tout cela forcément comme il s'agit du statut d'une collectivité nationale et comme il s'agit très évidemment d'avoir une réponse démocratiquement aussi claire que possible, on fera tous les efforts sur toutes les hypothèses qui paraissent valables, je suis sûr qu'on a le temps. En temps et lieu, ce sera clair et on pourra dire: Voici dans quelle direction on s'en va précisément.

Le Président: Question complémentaire, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: On aimerait voir le premier ministre expliquer plus clairement le cheminement qu'il a suivi pour trouver que la loi sur les référendums ne vaut plus rien. Vous avez fait adopter une loi des référendums par cette Chambre, la grande justification, c'était la tenue d'un référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec. Maintenant que vous l'avez utilisée et que cela n'a pas marché, est-ce que c'est pour cela que vous voulez changer?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Non, M. le Président. La réponse, c'est non, absolument pas. Vous vous souviendrez peut-être, M. le député d'Argenteuil, que la loi s'appelle, si j'ai bonne mémoire, la Loi sur la consultation populaire. C'est un instrument qui, quant à nous, doit être permanent. Il y a peut-être des amendements à y apporter de façon que ce soit un peu moins laborieux comme cheminement. Mais une chose certaine, il n'est pas exclu du tout que cela fasse partie de notre réflexion.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le premier ministre qui vient de parler de la Loi sur la consultation populaire est au courant de l'article 15 de cette loi qu'il a lui-même amenée devant cette Chambre, qu'il a fait approuver par sa majorité ministérielle? Est-ce qu'il est au courant de

l'article 15, de son contenu? Ne sait-il pas qu'il y a là une disposition qui fait que lorsqu'il y a une élection générale en cours, on ne peut pas utiliser cette Loi sur la consultation populaire? Comment pourrait-il concilier cette disposition de la loi avec ses intentions à peine voilées de vouloir poser une question double lors de la prochaine élection? Qu'on soit donc clair! Que le gouvernement réponde donc et qu'il cesse de faire des engagements du genre partisan comme il le fait!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Lévesque (Taillon): Le chef de l'Opposition ne devrait quand même pas oublier que des lois, à moins de penser chaque fois qu'elles sont adoptées pour l'éternité, à l'usage, cela peut s'amender.

Une voix: Voilà! Bien oui.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président: Question complémentaire, M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Question additionnelle. Je pourrais essayer de faire une grimace pour essayer de répondre au premier ministre. Mais je pense qu'on touche un sujet extrêmement important. Je voudrais poser une dernière question additionnelle; je reviendrai sans doute sur cette question une autre fois étant donné qu'elle est si importante. Est-ce que le premier ministre pourrait dissiper cette ambiguïté qu'il cultive vis-à-vis de cette question très importante qui a d'ailleurs déjà été réglée par la population du Québec le 20 mai 1980? Est-ce qu'il pourrait être moins ambigu sur l'engagement de son gouvernement vis-à-vis des prochaines élections? Est-ce qu'elles vont porter essentiellement et d'une façon significative sur l'indépendance du Québec? Est-ce que ce sera une nouvelle réponse de la population à cette question?

M. Lalonde: C'est la vérité qu'on veut. Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, ce que je peux dire au chef de l'Opposition, c'est qu'il n'y aura pas de cachette. Quant à nous, le sujet sera central, il a toujours été central dans notre option et il sera central dans notre campagne électorale. Je pense que l'Opposition a appris à ses dépens que, parfois, on anticipe des résultats, mais que la population, dans sa sagesse, peut en décider autrement. Tout le monde sait qu'il peut être légitime de maintenir un vieux régime éculé, mais qui est là dans le paysage, qui est le régime fédéral. Il faut être quelque peu totalitaire ou alors dangereusement émasculé pour ne pas comprendre que l'option de la liberté collective et de la souveraineté d'un peuple, c'est également légitime. Quant à nous, ce sera au centre de la prochaine élection, et si les citoyens se prononcent massivement ou majoritairement en faveur, je pense qu'il n'y aura pas d'ambiguïté dans l'esprit de personne.

Le Président: En complémentaire, M. le chef de l'Opposition.

M. Lévesque (Bonaventure): Si le premier ministre veut répondre simplement à la question sans ambiguïté au lieu de faire partir ses troupes sur un "trip" indépendantiste, est-ce que le premier ministre pourrait faire cesser cette ambiguïté?

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le premier ministre pourrait répondre à la question? Il me semble qu'elle était claire. Est-ce que la prochaine élection portera sur l'indépendance du Québec? Autrement dit, est-ce qu'il y aura un vote par citoyen ou deux votes? Est-ce que ce sera séparé? Autrement, on n'aura pas une élection référendaire. Je demande: Est-ce qu'on va avoir une élection référendaire ou une élection plus un référendum?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je répète, en réduisant à l'essentiel, ce que j'ai dit au moins deux ou trois fois dans les diverses questions additionnelles du chef de l'Opposition. Quant à nous, c'est une question qui sera centrale. Elle ne sera pas exclusive, c'est sûr; dans une élection, cela ne peut jamais être complètement exclusif, mais elle sera au coeur de notre campagne électorale. Ce sera clair et démocratique et on rentrera dans les hypothèses - c'est la troisième fois que je le dis au chef de l'Opposition - en temps et lieu.

Le Président: Question principale, M. le député de Maskinongé.

Les crédits consacrés à l'emploi agricole

M. Picotte: Merci, M. le Président. Malgré que le gouvernement essaie de faire

croire à la population du Québec et à tous les Québécois, aux chômeurs comme aux bénéficiaires de l'aide sociale, qu'il fait tout en son pouvoir pour créer de l'emploi, malgré les voeux pieux lors du discours inaugural du premier ministre à savoir qu'il créera de l'emploi, malgré les voeux pieux lors du discours sur le budget du ministre des Finances qu'il créera de l'emploi, le monde agricole est obligé de se rendre compte que le ministre de l'Agriculture n'est pas sur la même longueur d'onde.

Est-ce que le ministre de l'Agriculture pourrait m'indiquer et indiquer à cette Chambre, selon les documents qu'il a lui-même fournis à la commission parlementaire, qu'en 1982-1983 il y avait un budget de 3 215 000 $ consacré au soutien à l'emploi agricole, pour créer de l'emploi dans le milieu agricole, et que cette année, dans le budget qu'il propose à cette Chambre, il y a une diminution de 117 000 $? Est-ce qu'il prétend créer beaucoup d'emplois pour tâcher de concrétiser les voeux pieux et le "bluff" de ce gouvernement à l'endroit des travailleurs, des assistés sociaux et des chômeurs du Québec? (15 h 30)

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, le député de Maskinongé doit savoir qu'il y a un budget au ministère de l'Agriculture et un autre au ministère de la Main-d'Oeuvre et que nous avons tous les budgets voulus pour tous ceux qui veulent engager de la main-d'oeuvre. En plus, cette année, on a augmenté les pourcentages puisque, dans le cas de l'engagement de bénéficiaires de l'aide sociale ou de chômeurs qui recevaient de l'aide sociale l'an dernier mais qui sont devenus chômeurs parce qu'ils ont été engagés l'an dernier, le remboursement aux agriculteurs sera de 60% plutôt que de 50% comme l'an dernier. Le pourcentage de remboursement sera encore plus fort cette année que l'an dernier.

Il y a des budgets à deux ministères, le nôtre et celui de la Main-d'Oeuvre, et nous sommes assurés de ne pas manquer d'argent.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Comment le ministre de l'Agriculture explique-t-il qu'avec moins d'argent et un remboursement plus élevé il créera plus d'emplois? À moins qu'il ne sache pas compter et qu'il n'ait aucune notion des mathématiques. Le ministre pourrait-il nous expliquer cela?

D'autre part, comment explique-t-il que l'an passé, au lieu d'être au service des agriculteurs, il a été au service du fonds consolidé de la province en retournant 1 244 000 $ en fonds périmés du côté du soutien de l'emploi agricole?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Cette année, il y aura deux sources de revenus pour la main-d'oeuvre. Au ministère de la Main-d'Oeuvre et au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, dans les deux cas, il va y avoir deux sources de revenus. Ce n'est pas difficile à comprendre. C'est facile, il y aura deux sources de revenus. Donc, tous ceux qui vont demander des programmes de main-d'oeuvre vont pouvoir en bénéficier. Maintenant, il peut arriver que des gens décident d'investir leur argent différemment. Je ne sais pas d'avance à quel point les agriculteurs vont se prévaloir de ces programmes mais je suis convaincu, parce que je connais la philosophie du gouvernement quant aux programmes de main-d'oeuvre, que nous ne manquerons pas d'argent. S'il n'y en avait pas assez du montant que nous avons actuellement, s'il n'y en avait pas assez dans les deux sources, je suis convaincu qu'on pourrait avoir recours au budget supplémentaire à l'automne.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, question additionnelle au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, cette fois-ci. Le ministre pourrait-il indiquer à cette Chambre quelle partie du budget il va consacrer à la main-d'oeuvre agricole? Ce budget est-il illimité et combien d'emplois cela contribuera-t-il à créer dans le secteur agricole spécifiquement?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Marois: Ce que je peux dire à ce moment-ci au député c'est, d'une part, on se souviendra que les budgets de création d'emplois administrés au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, en concertation avec toute une série de ministères, incluant le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, était en début d'année, l'année dernière, de 62 000 000 $; c'était le budget qu'on pouvait engager ou autoriser. En fin d'année, on avait un budget autorisé d'environ 160 000 000 $. Cette année, nous démarrons l'année avec 235 000 000 $. Dans le cas de toute une batterie de ministères, incluant le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, il y a 36 600 000 $ pour commencer l'année. Il y a un bloc particulier de quelques millions de dollars. Je n'ai malheureusement pas le chiffre ici avec moi,

mais je pourrais le fournir au député de façon très précise en ce qui concerne l'agriculture, sans compter, en plus, le budget spécifique du programme de placement étudiant agricole, administré conjointement par les deux ministères.

Le résultat net de cela jusqu'à présent donne deux chiffres très simples. Pour l'année qui s'est terminée, 42 000 emplois ont pu être ouverts; là-dessus, plus de 50% pour des hommes et des femmes qui étaient des bénéficiaires de l'aide sociale. Quand on regarde les chiffres de Statistique Canada pour la période de janvier à mars inclusivement, il s'est créé au Canada 55 000 emplois dont 23 000 au Québec, c'est-à-dire plus de 40%; et en avril, il s'est créé au Canada 46 000 nouveaux emplois à temps plein dont 21 000 au Québec, c'est-à-dire près de 46%.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Est-ce que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu est en train de me mentionner que les agriculteurs peuvent s'adresser au centre de main-d'oeuvre pour autre chose que la sélection et qu'advenant le cas où il n'y aurait plus de budget au ministère de l'Agriculture, comme cela s'est déjà vu dans le passé, ou que les normes faites par le ministre de l'Agriculture ne soient pas acceptables par les agriculteurs, le fonctionnaire aura le pouvoir de verser des montants d'argent à son ministère même pour la création d'emplois au niveau agricole? Est-ce que c'est cela?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre.

M. Marois: M. le Président, il y a un certain nombre de programmes que les agriculteurs connaissent qui sont administrés, les uns directement par le ministère de l'Agriculture, d'autres conjointement par les deux ministères; les agriculteurs savent très bien où s'adresser pour l'un ou l'autre de ces programmes. Dans la mesure où les budgets sont disponibles, le gouvernement vient de donner une indication de l'importance première qu'il accorde au problème du chômage en haussant de façon aussi substantielle les budgets visant à créer de l'emploi dans la mesure où les demandes correspondent aux normes qui sont de plus en plus réduites pour que ce soient des normes minimales minimales. Dans la mesure où ces personnes sont admissibles, elles peuvent très bien faire leur demande, elles seront reçues et admises.

Le Président: Une dernière question additionnelle, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, une dernière question additionnelle au ministre de l'Agriculture. Comment le ministre de l'Agriculture peut-il expliquer le sérieux de son programme quand, pour la création d'emplois en milieu agricole pour les bénéficiaires de réadaptation sociale, il consacre 1000 $ et que pour la création d'emplois en milieu agricole pour les détenus il consacre une somme de 13 000 $? Comment peut-il expliquer le sérieux de son programme? Cela coûte déjà plus cher de publiciser ces deux points que les 14 000 $ qu'il met au niveau provincial.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: Quand on fait un programme, c'est évident qu'on ne choisit pas les demandes à la place des gens. Le programme de réadaptation sociale m'a été demandé par un groupe d'adolescents. Ils m'ont demandé s'il n'était pas possible d'avoir un programme dans le but de faire engager des jeunes gens en voie de réadaptation sociale par les agriculteurs.

Le programme a été adopté. Cette année, des fonctionnaires m'ont dit: Il n'a pas fonctionné beaucoup l'an dernier, allez-vous l'abandonner? J'ai dit: Non. S'il y a des agriculteurs qui veulent engager une personne en voie de réadaptation sociale et que cela permet la réadaptation sociale d'une personne, eh bien! le programme aura joué son rôle pour cette personne. C'est clair?

C'est ce qui est important. Quant au budget, je vais vous dire une chose: On pige dans le ministère de l'Agriculture des montants d'argent et c'est un bon truc d'aller prendre aussi de l'argent dans le ministère de la Main-d'Oeuvre, on en prend dans l'OPDQ, on en prend dans l'extrabudgétaire. Avec la complicité du ministre responsable du trésor, je vais aller en chercher dans tous les ministères si c'est possible pour l'agriculture.

Le Président: Question principale, M. le député de Huntingdon.

L'entente entre Redpath et la Raffinerie de sucre du Québec

M. Dubois: Ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Le ministre dit apprécier...

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, un député est en train de vous poser une question principale et, plutôt que de la faire répéter, je préférerais que vous l'écoutiez.

Une voix: Très bien.

M. Dubois: M. le Président, le ministre dit apprécier la franchise, l'honnêteté et les choses simples. Le ministre n'a jamais nié, depuis mes premières questions en cette Chambre, avoir acheté la clientèle de Provigo et de Métro pour la somme d'environ 1 400 000 $ et, par le fait même, avoir littéralement volé les deux principaux clients de Sucre Saint-Laurent. J'ai également indiqué en cette Chambre que Redpath, de Toronto, avait intérêt à raffiner, à n'importe quel prix, du sucre pour le compte de la Raffinerie de sucre du Québec.

Ma question est la suivante: Le ministre peut-il expliquer à cette Chambre les raisons précises pour lesquelles Redpath, de Toronto, vendrait son sucre blanc à la Raffinerie de sucre du Québec 120 $ la tonne moins cher qu'à son meilleur client de l'Ontario, soit Dominion Stores?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, d'abord, nous n'achetons pas de sucre de Redpath tout simplement à cause d'une condition en vigueur jusqu'au mois d'octobre 1985 qui a été imposée par le ministre de l'Expansion économique régionale à l'époque, M. Pierre De Bané. Nous ne pouvons pas, à la raffinerie de sucre, faire du raffinage final jusqu'au détail. Nous pouvons faire du sucre brut, mais pas du sucre qui va aller jusqu'au détail. Nous avons un contrat de raffinage temporaire pour réaliser des ventes de sucre que nous avons fait. Mais nous n'achetons pas de sucre de Redpath, comme vous le dites.

Le Président: En complément, M. le député de Huntingdon. (15 h 40)

M. Dubois: M. le Président, je pourrais soulever une question de privilège étant donné que le ministre a des contrats de 43 000 tonnes de sucre et qu'il en fait raffiner 16 000. La différence, c'est du sucre certainement acheté de Redpath.

M. le Président, ma question additionnelle est la suivante. Le ministre peut-il indiquer pourquoi, de connivence évidente avec Redpath, de Toronto, il encourage cette politique de dumping, politique par laquelle le ministre devient l'agent et la collaborateur de Redpath pour mieux écraser et fermer la seule raffinerie privée au Québec? C'est la question que je pose au ministre.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Je n'ai pas compris. Qu'est- ce qu'il a dit?

Des voix: ...

Une voix: Il ne comprend pas.

Le Président: M. le député, pourriez-vous répéter votre question complémentaire?

M. Dubois: M. le Président, j'ai demandé au ministre pourquoi il est de connivence évidente avec Redpath, de Toronto, pour encourager cette politique de dumping, politique par laquelle le ministre devient l'agent et le collaborateur de Redpath pour mieux écraser et fermer la compagnie Sucre Saint-Laurent, de Montréal?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, le député n'est pas au courant du dossier du sucre. C'est cela le problème.

Des voix: Ah!

M. Garon: Essentiellement, M. le Président, il pourrait s'informer auprès des compagnies Provigo ou Métro-Richelieu et il verrait que, dans ces soumissions-là, il n'y a pas que Sucre Saint-Laurent et la Raffinerie de sucre du Québec qui ont soumissionné. D'autres raffineries ont soumissionné. Que je sache, Redpath a même soumissionné. Nous avons obtenu le contrat même avec une soumission de Redpath. Que je sache, Redpath a également soumissionné. Je peux le vérifier, si vous voulez, plus amplement, mais les informations indiquent que Redpath a également soumissionné. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise de plus? Vous auriez préféré que ce soit Redpath qui ait le contrat?

M. Dubois: M. le Président.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Il est question de la fermeture d'une usine québécoise. Alors, M. le Président, le ministre n'est-il pas conscient que, dans l'éventualité de la fermeture de la compagnie Sucre Saint-Laurent, tout l'odieux de cette machination reposera sur le dos du ministre et de son gouvernement puisque cette politique de dumping fera perdre 400 emplois dans le comté de Maisonneuve, à Montréal, et elle fera perdre une contribution de 25 000 000 $ à l'économie du Québec?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Je ne sais trop si on peut amplifier le son pour les bénéfices des deux côtés de la Chambre, mais une chose est certaine, une façon de comprendre les questions, c'est de faire en sorte que les autres membres de l'Assemblée se taisent pendant qu'elles sont posées. M. le député, encore une fois, pouvez-vous répéter votre question?

M. Dubois: Étant donné que le ministre ne répond jamais aux questions, je retire ma troisième question.

M. Picotte: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation - comprenez-vous, M. le ministre? - pourrait me dire quel rôle SOQUIA a joué dans cette attribution de contrat, dans ce vol, comme l'a dit mon collègue, du marché chez Métro-Richelieu, chez Provigo, à la compagnie Sucre Saint-Laurent, avec ou sans directive du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation parce que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a déjà dit qu'il avait donné des directives...

Le Président: Sans commentaire. M. le député, votre question est posée. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, ce qui démontre un peu l'ignorance de l'Opposition, c'est que SOQUIA n'a rien à faire là-dedans. C'est la raffinerie de sucre. SOQUIA n'est pas actionnaire de la raffinerie de sucre. C'est tout simplement la Raffinerie de sucre du Québec qui a soumissionné et SOQUIA n'est pas partie à l'affaire.

Le Président: Dernière question complémentaire, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Pour faire comprendre le ministre davantage, si ce n'est pas SOQUIA, quel rôle a joué son président, M. Marier, de connivence avec votre M. Tremblay, chef de cabinet à votre ministère? C'est cela que je vous demande, au sujet de M. Marier, président de SOQUIA.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. Tremblay, mon chef de cabinet, est un excellent chef de cabinet, c'est un excellent cultivateur qui a un jugement dépareillé, comme on dirait chez nous. Je vais vous dire une chose, M. le Président, il n'a rien eu à faire lui non plus dans la transaction puisqu'il s'agit essentiellement de soumissions qui ont été faites. Métro-Richelieu fait des appels d'offres auprès d'entreprises pour ses livraisons de sucre. Il y a différentes entreprises qui soumissionnent. La raffinerie de sucre a soumissionné. Sucre Saint-Laurent a soumissionné et il y a d'autres entreprises qui ont soumissionné. Celui qui a obtenu le contrat, apparemment, par une mince marge, c'est la Raffinerie de sucre du Québec.

Par après, il y a eu aussi une offre de soumissions par Provigo et j'ai rencontré récemment le président de Provigo qui me disait: Vous savez, ces contrats sont beaucoup plus serrés que les gens ne le pensent; quand les gens parlent de ristourne de 1 000 000 $, j'aimerais, s'il vous plaît, avoir ce 1 000 000 $, M. Garon, parce qu'il n'est pas question de 1 000 000 $ de ristourne, pas du tout. Il s'agit de transactions normales dans le cours des affaires.

Maintenant, il arrive que le président de SOQUIA et le président de la raffinerie soient la même personne - cela n'a rien à voir - mais il ne s'agit pas des mêmes conseils d'administration. Il s'agit d'un conseil d'administration et je peux vous dire que le président de SOQUIA est membre de plusieurs conseils d'administration. C'est une bonne affaire, à part cela, parce que le rôle de SOQUIA, c'est d'être présent et de jouer un rôle dans le monde agroalimentaire; il faut le jouer au maximum pour le développement économique du Québec. Je vais vous dire une chose, avant longtemps...

Le Président: Conclusion, M. le ministre.

M. Garon: ...on va vouloir lui faire jouer un rôle encore plus grand que celui qu'il joue actuellement parce que c'est important pour le développement économique du Québec.

Le Président: Question principale, M. le député de Gaspé.

Télégramme de M. De Bané au sujet des permis de pêche à Madelipêche

M. LeMay: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Ce matin, nous adoptions, malgré le désaccord de l'Opposition, la loi 23 assurant la reprise des activités de Madelipêche. Ce matin également - et seulement ce matin - vous preniez connaissance d'un télégramme de M. De Bané concernant les permis de pêche de Madelipêche. Qu'entendez-vous faire à la suite de ce télégramme et surtout, que

contenait ce télégramme, M. le ministre?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, je dois rectifier une chose. J'ai pris connaissance du télégramme hier soir puisque le chef de l'Opposition, le député de Bonaventure, m'a dit que j'avais dû recevoir un télégramme du gouvernement fédéral. J'ai vu que la ligne rouge avait joué; il était au courant d'un télégramme que je devais recevoir, alors que je ne l'avais pas reçu. J'ai communiqué avec ma secrétaire, qui est partie du bureau à 17 h 45 et elle n'avait pas reçu de télégramme. Finalement, on est allé voir sur l'appareil qui envoie des télex au ministère de l'Énergie et des Ressources, parce qu'on occupe la bâtisse conjointement avec le ministère de l'Énergie et des Ressources; il y a un seul appareil de télex pour économiser et il se trouve à l'Énergie et Ressources. Le télégramme est entré à 19 h 30 hier soir et c'est vers 21 h 45 hier soir que le député de Bonaventure a fait allusion au fait que j'aurais reçu un télégramme du gouvernement fédéral. J'ai dit: Je n'ai pas reçu de télégramme. Mais j'ai fait vérifier et c'est après la période de débat qu'on m'a dit que j'avais reçu un télégramme au ministère de l'Énergie et des Ressources. J'ai été surpris de cette communauté de communication entre le Parti libéral fédéral et le Parti libéral du Québec. À ce moment-là, j'ai lu le télégramme. Il est long. Il a quasiment trois pieds.

Des voix: Ah! Ah!

M. Garon: C'est un télégramme pour homme.

Des voix: Ah! Ah! Une voix: Aïe! Denise!

M. Garon: Loin de moi l'idée de tenir un propos sexiste en disant cela, dans le sens qu'il est long.

Des voix: Ah! Ah!

M. Garon: Dans le télégramme, il y a deux points qui ont attiré mon attention. Le ministre fédéral des Pêches dit qu'il n'a pas l'intention de délivrer des permis. "Si le projet de loi devient loi, je n'émettrai pas les permis à Madelipêche et, tel que je l'ai déjà dit, ne permettrai leur transfert." En même temps, il nous dit qu'il vient de voir à ce qu'un directeur général soit nommé à Pêcheurs Unis et que cette personne pourra aussi jouer le rôle de directeur général de Madelipêche. De sorte que je suis un peu estomaqué de voir que le ministre fédéral des Pêches est en train de voir à faire nommer des directeurs généraux dans des coopératives qui ne relèvent pas du gouvernement fédéral. Essentiellement, M. le Président, le ministre fédéral a surtout juridiction sur les bateaux, mais il n'a pas juridiction sur les usines qui sont la totale responsabilité du Québec. L'administration des coopératives est aussi de la responsabilité totale du Québec. De sorte que je ne comprends pas trop pourquoi il nous envoie un télégramme de cette nature. Mais je peux vous dire que la loi a été adoptée ce...

Le Président: M. le ministre, veuillez terminer.

M. Garon: Elle a été sanctionnée aussi tout à l'heure et la ministre députée des Îles-de-la-Madeleine y a assisté. Nous avons immédiatement nommé des personnes au conseil d'administration, lesquelles vont faire la demande de permis au gouvernement fédéral régulièrement.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Compte tenu que le ministre vient de mentionner Madelipêche aux Îles-de-la-Madeleine et compte tenu aussi qu'il y a implication du gouvernement fédéral et du gouvernement du Québec dans d'autres usines que celle de Madelipêche, le ministre pourrait-il faire le point, en particulier sur le dossier de Rivière-au-Tonnerre, Rivière-au-Renard et Newport en rapport avec les problèmes que nous avons vécus depuis deux semaines? (15 h 50)

M. Garon: M. le Président, à Rivière-au-Tonnerre...

Le Président: On proteste à bon droit signifiant qu'il ne s'agit pas là d'une question complémentaire. Une question complémentaire, au sens strict, doit porter sur la réponse fournie par le ministre, mais à coup sûr, doit porter sur le sujet de la question principale et non pas sur un sujet qui s'y rattache. Dans ce cas, il s'agirait davantage d'une question principale qui sera peut-être possible, selon le déroulement de la période des questions.

M. Lavigne: M. le Président...

Le Président: Non. Mme la députée... En complémentaire?

M. Lavigne: Non, non, en principale.

Le Président: Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: M. le Président.

Le Président: Oui, une question de privilège, M. le député de Duplessis.

M. Perron: Je ne veux en aucune façon discuter la décision que vous venez de rendre.

Une voix: Et je voudrais reposer ma question.

M. Perron: Je connais très bien les quatre dossiers qui sont interreliés, à la suite des problèmes que nous vivons dans le domaine des pêches. Il ne faut pas oublier qu'il y a quatre usines qui sont touchées. Ces usines sont reliées à une décision qui a été prise par le gouvernement fédéral. Je voudrais que le ministre fasse le point sur la question.

Le Président: M. le député, pour bien me faire comprendre, la question principale portait sur Madelipêche, la loi qui a été adoptée ce matin et sanctionnée tantôt, et sur un télégramme à ce sujet que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation était censé avoir reçu et qu'il a effectivement reçu du ministre fédéral des Pêches et des Océans. Par conséquent, compte tenu que la question principale portait sur ce sujet très spécifiquement, l'élargir en complémentaire à l'ensemble du problème, m'apparaît effectivement être une extension de la notion de question complémentaire. Je vous réfère d'ailleurs à ce sujet à la décision que j'avais rendue sur les préambules qui touchent notamment cette question, si ma mémoire est bonne.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, sur la question qui a été soulevée par le député de Duplessis, il me semble que l'esprit de la question du député de Duplessis... Non, c'est simplement pour clarifier un peu certaines choses. Selon l'esprit de la question du député de Duplessis, il voulait savoir si le sens du télégramme envoyé par le ministre fédéral au ministre québécois de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pouvait avoir un effet, et dans quel sens, sur le plan de la réorganisation, entre autres, qui est en cours dans trois centres régionaux de la Gaspésie.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement. Voulez-vous reconnaître Mme la députée de Chomedey s'il vous plaît?

Une voix: Assis l'avocat!

Le Président: Si tel était le sens de la question, telle n'était pas la question que j'ai comprise au moment où le député de Duplessis l'a formulée. Faire le point sur l'ensemble du dossier, c'est en prendre singulièrement plus large que le cadre restreint de la question principale. En ce sens, si tel se voulait être la question complémentaire, elle aurait dû être formulée en de tels termes, ce qui n'était pas le cas. Mme la députée de Chomedey.

Une voix: Question complémentaire s'il vous plaît.

Le Président: Mme la députée de Chomedey en question principale.

L'existence de BPC dans des cours d'eau du Québec

Mme Bacon: M. le Président, le ministre de l'Environnement, à une question qui lui a été posée, confirmait l'existence des BPC dans plusieurs cours d'eau du Québec, selon une étude de son ministère. De plus, vis-à-vis des dispositions que le ministère de l'Environnement devait prendre, il ajoutait que les données sont encore partielles et qu'il a l'intention d'aller plus loin pour voir jusqu'où la santé des gens peut être en danger avant qu'on puisse prendre des mesures précises pour réparer les dégâts dans certains de ces cours d'eau. Autrement dit, attendons que la santé des gens soit menacée et même altérée avant de réagir. C'est plutôt paradoxal. Pourtant, un article de Québec Science de janvier 1977 disait ceci: "Les BPC donnent lieu à une concentration progressive le long de la chaîne alimentaire, si bien que des quantités infimes dans le milieu ambiant peuvent quand même provoquer bientôt une intoxication majeure des êtres vivants supérieurs qui se voient souvent menacés d'une façon toute particulière. Parmi ces derniers, il y a évidemment les hommes. On mentionnait un peu plus loin que déjà la situation revêt un caractère d'urgence. J'aimerais faire remarquer que dès 1977, on savait que la santé de l'homme était menacée et que, de plus, cela revêtait un caractère d'urgence, il y a déjà six ans.

Le ministre nous dit qu'il faut attendre d'autres études avant de prendre les mesures nécessaires. Est-ce que le ministre peut nous dire quand il entend prendre ces mesures nécessaires, des mesures précises pour réparer les dégâts causés par le BPC? Est-ce que le ministre ne trouve pas qu'il serait bon de commencer maintenant les travaux pour l'assainissement de ces cours d'eau sans empêcher, évidemment, la poursuite des études?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Ouellette: M. le Président, loin de moi l'intention de contester les dires de Québec Science en ce qui a trait à la chaîne alimentaire. En ce qui regarde les études auxquelles Mme la députée de Chomedey fait allusion, je lui ferai remarquer que ces études ont été conduites à partir d'éléments pris dans la chaîne alimentaire puisqu'il s'agit d'études qui ont porté sur des poissons, et que les résultats nous démontrent que la quantité de BPC décelée dans le foie de ces poissons, notamment, est inférieure aux normes sécuritaires du ministère de l'Environnement.

Le Président: Mme la députée de Chomedey, en complémentaire.

Mme Bacon: Qu'entendait le ministre lorsqu'il a dit "jusqu'où la santé des gens peut être en danger avant qu'on puisse prendre des mesures précises"? Est-ce que le ministre ne trouve pas aberrant de prendre une telle attitude de réaction plutôt que de prévention lorsqu'il s'agit de la santé des gens?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Ouellette: Les études qui ont été faites récemment par le ministère de l'Environnement démontrent, comme je viens de le dire, que les normes sont respectées en ce sens que la gravité du problème n'est pas au-delà des normes qui pourraient mettre en danger la santé des Québécois. Nous allons donc poursuivre ces études pour nous assurer que les résultats dont nous disposons aujourd'hui sont corrects. Si jamais nous décelions une présence trop grande de BPC dans ces poissons ou dans les cours d'eau en question, nous envisagerions des mesures de correction. À ce stade-ci, rien ne nous indique qu'un tel risque est encouru par les citoyens de ces régions.

Le Président: Question complémentaire, Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Si j'ai bien compris, M. le Président, le ministre nous dit qu'il ne commencera pas maintenant l'assainissement de ces cours d'eau.

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Ouellette: C'est-à-dire que l'assainissement des cours d'eau est commencé depuis longtemps via le programme d'assainissement des eaux qui touche les secteurs urbain, municipal et industriel. Si Mme la députée fait allusion à du dragage dans certains cours d'eau en vue de récupérer les BPC, ce n'est pas envisagé actuellement compte tenu du fait que nous n'avons pas de preuve que les concentrations sont telles qu'elles puissent mettre en danger la santé des citoyens.

M. Lavigne: M. le Président...

M. Vaillancourt (Orford): M. le Président...

Le Président: Question principale, M. le député d'Orford, et, par la suite, M. le député de Beauharnois.

La taxe sur l'essence dans les régions frontalières

M. Vaillancourt (Orford): M. le Président, j'aurais voulu poser ma question au ministre des Finances ou au premier ministre, mais, étant donné leur absence, je vais la poser au ministre du Revenu. Lors du discours sur le budget, le ministre des Finances annonçait une nouvelle formule de taxation concernant l'essence dans les régions frontalières. En ce qui concerne les régions frontalières du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario, il avait une formule décroissante. Il annonçait que, dans les régions frontalières de l'Ontario, l'aide maximale serait de 50% du niveau de la taxe sur les carburants, avec le tableau qui nous indique le taux de décroissance par tranche de cinq kilomètres. Quant aux régions frontalières des États-Unis, la réduction est fixée à seulement 20%.

La question que je veux poser au ministre est la suivante: Pourquoi deux poids deux mesures? Dans les régions frontalières des États-Unis, on accorde une décroissance de 20% au lieu de 50% et il n'y a pas de tableau décroissant comme dans les régions frontalières du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario. Pourquoi deux poids deux mesures? Est-ce que le ministre pourrait nous expliquer pour quelle raison on n'accorde pas le même privilège aux régions frontalières américaines qu'aux régions frontalières du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario?

Le Président: M. le ministre du Revenu.

M. Marcoux: Je veux indiquer au député d'Orford qu'à la suite de la décision du ministre des Finances de maintenir la taxe sur les carburants à 40% j'avais pris l'engagement d'étudier les problèmes particuliers qui étaient posés sur certains territoires, en particulier dans trois secteurs, Témiscouata, Papineau, ce qu'on appelle le secteur de la Petite Nation, et également des représentations nous ont été faites en ce qui concerne la frontière américaine. Normalement, dans la première ou la deuxième semaine de juin, des décisions pourraient être prises dans ces cas, y

compris le cas que vous soulevez où, évidemment, comme vous l'avez indiqué, la réduction est de 20% au lieu de 50%. À ce moment-là, une décision définitive sera prise pour l'ensemble des cas particuliers que nous devions examiner une fois la décision essentielle prise de maintenir la taxe sur les carburants à 40%. (16 heures)

Le Président: Question complémentaire, M. le député d'Orford.

M. Vaillancourt (Orford): Vous disiez dans votre réponse, tout à l'heure, qu'il n'y avait pas eu de représentations concernant les régions frontalières des États-Unis, mais je pense que la pétition que j'ai déposée, si elle ne contient pas beaucoup de noms...

Le Président: M. le député d'Orford, puis-je vous rappeler qu'une question complémentaire ne doit pas comporter de préambule et vous inciter à poser votre question complémentaire?

M. Vaillancourt (Orford): Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre pourrait prendre cette demande en considération et accorder justice à tous les détaillants d'essence des régions frontalières des États-Unis, avec le même tableau décroissant que celui qui existe dans les autres régions frontalières?

Le Président: M. le ministre du Revenu.

M. Marcoux: Tantôt, je n'ai pas dit que nous n'avions pas eu de représentations, j'ai dit que c'était à la suite de la décision centrale du maintien du taux de la taxe sur l'essence que nous avions décidé d'examiner les trois cas problèmes qui nous avaient été signalés, dont celui de la frontière américaine. En ce sens-là, vous pouvez être assuré qu'on tiendra compte des représentations qui nous ont été faites et auxquelles vous avez fait allusion tantôt.

Le Président: Question principale, M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Merci, M. le Président...

M. Vallières: Question additionnelle sur le même sujet, M. le Président...

Le Président: Courte et dernière question additionnelle, M. le député de Richmond.

M. Vallières: ...au ministre du Revenu toujours. Compte tenu que, dans le budget, on annonçait simplement un ajustement de neuf dixièmes de cent concernant l'essence régulière pour les villes frontalières, est-ce que vous prenez l'engagement de rencontrer les représentants des détaillants des villes frontalières qu'on retrouve dans la région d'Orford afin d'établir avec eux une formule qui serait à leur satisfaction? Quand comptez-vous les rencontrer?

Le Président: M. le ministre du Revenu.

M. Marcoux: Que je sache, je n'ai pas eu de demande - quitte à vérifier - de rencontre, à titre de ministre du Revenu, contrairement au secteur de la Petite Nation ou de Témiscouata où les groupes avaient demandé à me rencontrer. J'ai rencontré les deux groupes, du comté de Papineau comme de Témiscouata. Si j'ai eu des demandes de rencontre dans le cas de la zone frontalière avec les États-Unis, j'essaierai de prendre les mesures pour rencontrer les intéressés, quoique je puis vous assurer que compte tenu des représentations qui nous ont été faites, et je sais qu'il y en a eu, la description du problème est connue au ministère.

Le Président: M. le député de Beauharnois, question principale sans complémentaire.

Mouvement pour la réduction des importations de vêtement

M. Lavigne: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. On pouvait lire, M. le ministre, dans le Devoir de ce matin que l'industrie du textile, le monde du textile, les syndicats et les employeurs, tous réclament une baisse des importations du gouvernement fédéral dans le domaine du vêtement et du textile.

On peut lire dans l'article qu'en 1981 il y avait 28% d'importations de vêtements et de textile au Québec, qu'en 1983 ces importations sont montées à 40%, ce qui a donné comme résultat que dans le textile, M. le ministre, 8000 personnes ont connu le chômage à cause de ces importations massives et 5000 autres dans le textile, ce qui veut dire 13 000 emplois perdus à cause des importations massives qui nous viennent des pays étrangers.

On sait que, l'an passé, le même gouvernement a touché au domaine de la chaussure, a fait des importations massives dans la chaussure de cuir et cela a donné 2000 chômeurs de plus. Je sais que le gouvernement du Québec, par votre ministère, est intervenu et a pu régler un tant soit peu le problème de l'importation massive de la chaussure au Québec. Est-ce que vous avez l'intention, en dépit des ententes GATT signées avec les pays étrangers pour l'importation du vêtement et du textile, d'intervenir pour faire modifier les ententes? Je pense que les ententes du GATT permettent une diminution des

importations massives de textile et de vêtements au Québec.

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, c'est exact qu'on a perdu, depuis au-delà de deux ans, tout près de 15 000 emplois au Québec dans le domaine du textile et des vêtements à cause de la levée des quotas d'importation. On importe, au Canada, environ 40% de nos besoins en vêtements alors que les États-Unis, eux, ont un plafond de 15% d'importations. On voit que la politique fédérale là-dessus est complètement irresponsable, d'autant plus que c'est 70% de la production du vêtement qui est au Québec, donc, ce sont les entreprises du Québec et les travailleurs et les travailleuses du Québec qui sont pénalisés par l'irresponsabilité du gouvernement fédéral dans le domaine d'une politique raisonnable d'importation du textile et du vêtement.

On en a discuté à plusieurs reprises, à l'occasion de rencontres avec les industriels, les travailleurs et les représentants syndicaux du domaine du vêtement et du textile. Nous avons fait plusieurs réclamations au gouvernement fédéral pour avoir une politique beaucoup plus responsable et protéger au moins les 15 000 emplois qu'on a perdus au Québec et essayer de les récupérer. Chaque fois, on a reçu des réponses du fédéral disant: Cela ne presse pas, ce n'est pas trop important et on y verra avec le temps.

La dernière démarche, je l'ai menée personnellement auprès de M. Lumley. Je l'ai rencontré à bonne heure à Montréal il y a deux ou trois semaines. Il m'a référé à M. Reagan, qui est ministre du Commerce extérieur fédéral. Mon collègue, le ministre du Commerce extérieur du Québec, lui en a parlé aussi et, finalement, j'ai reçu une lettre de M. Reagan, sans saveur, inodore, qui ne veut à peu près rien dire, qui veut dire: Que les travailleurs et les travailleuses du Québec perdent leur job, ça ne nous dérange pas trop, pourvu que ce ne soit pas en Ontario. C'est à peu près de cette façon qu'on nous a répondu. C'est complètement irresponsable de la part du gouvernement fédéral.

Nous appuyons les travailleurs et les travailleuses du vêtement, nous appuyons les industriels du vêtement, nous voulons des quotas d'importation qui soient raisonnables, qui soient à la limite des quotas de 1980. Si on faisait cela, si on avait seulement la volonté à Ottawa - cela ne coûte rien -d'imposer les mêmes quotas qu'on avait en 1980, c'est de 10 000 à 15 000 emplois de plus que nous pourrions avoir au Québec. Le gouvernement du Québec continue ses démarches pour appuyer les entreprises et les travailleurs du vêtement et du textile.

Le Président: La période des questions est terminée.

M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Lalonde: La période des questions, d'après vos services, devait se terminer à 16 h 02. Vous avez permis une autre question à un député ministériel. Si une période de messages publicitaires était prévue avant ou après la période des questions, il faudrait qu'elle soit prévue par le règlement.

M. le Président, je vous soumets que, d'après l'usage établi ici, le parti de l'Opposition a les trois premières questions principales et ensuite, bon an mal an, bon jour mal jour, une question est prévue pour les ministériels. Généralement, c'est une question plantée. Ensuite, nous revenons, nous, de l'Opposition. Nous n'avons eu que deux questions principales avant que vous ne retourniez, en dehors de la période des questions, qui se terminait à 16 h 02, aux ministériels. Quoiqu'un grand nombre de questions additionnelles aient été accordées, c'est sur les questions principales qu'on doit, je pense, fonder les droits des parlementaires de l'Opposition. Je vous invite simplement à reconnaître nos droits.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition, je pense qu'aujourd'hui est une bien mauvaise journée à choisir pour vous plaindre que le président ne reconnaît pas vos droits. J'ai fait le relevé des questions et je vous l'ai d'ailleurs fait parvenir, vous l'avez devant vous. Il y a eu en tout et partout, de la part de l'Opposition officielle aujourd'hui, cinq questions principales et amplement de questions complémentaires, ce qui fait qu'en tout et partout, l'Opposition officielle a pu poser aujourd'hui 21 questions au gouvernement.

De leur côté, les députés ministériels ont eu très exactement 2 questions principales et aucune question complémentaire. À 21 contre 2, M. le leader parlementaire de l'Opposition, je soumets que les droits de l'Opposition sont bien loin d'être brimés.

M. Lalonde: Je reconnais, M. le Président, qu'il y a eu beaucoup de questions additionnelles, mais je vous demande simplement, à l'avenir, de tenir compte des questions principales d'abord. On peut conclure, avec le même calcul que vous venez de faire, qu'aujourd'hui l'Opposition, avec 43 députés, a eu cinq questions principales et le parti ministériel a passé deux messages publicitaires.

Des voix: Oh!

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition, je ne vois vraiment pas en quoi... Si vous voulez qu'on réorganise l'agencement de la période des questions, je veux bien. Pour l'instant, l'usage fait qu'effectivement les trois premières questions principales sont données à l'Opposition, ce que j'ai toujours maintenu. D'ordinaire, la quatrième va au côté ministériel. Il faut évidemment que le président tienne compte dans l'évolution de la période des questions du nombre de questions complémentaires qui sont posées. Il est trop facile de dire qu'il n'y a pas eu beaucoup de questions principales alors qu'il y a eu une grande quantité de questions complémentaires. Ce sont néanmoins des questions.

Dans l'évolution de la période des questions, si nous avions eu aujourd'hui, à titre d'exemple, dix questions principales et très peu de questions complémentaires, je n'aurais probablement eu aucune protestation de votre côté à l'effet que des dix questions principales, il y en aurait eu deux aux ministériels. Cette fois-ci, j'ai pondéré en tenant compte de la très grande quantité de questions complémentaires. Je pense que c'est une chose imminente et équitable et qu'on est malvenu de m'en faire le reproche aujourd'hui en particulier.

M. Lalonde: M. le Président, je ne vous en fais pas de reproche. Je ne voudrais pas que vous preniez cela comme un reproche. Je veux simplement vous inviter à protéger, à l'avenir, davantage ou à tenir compte davantage des droits de l'Opposition. C'est mon devoir de le faire. Je le fais dans l'ordre. Je le fais conformément au règlement et je le fais avec tout le respect que nous devons à la présidence.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, je m'engage à continuer à protéger les droits de l'Opposition, comme je pense l'avoir fait sagement jusqu'à maintenant et à protéger également les droits de tous les députés à intervenir en cette Chambre.

Aux avis à la Chambre, M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais faire motion...

Une voix: J'ai une motion non annoncée.

Le Président: Je m'excuse. Aux motions non annoncées, M. le député de Laprairie.

Journée internationale 1983 de Montréal M. Jean-Pierre Saintonge

M. Saintonge: M. le Président, je solliciterais le consentement de cette

Assemblée pour proposer une motion afin de souligner cette journée du 25 mai qui a été proclamée, par la Chambre de commerce de Montréal, journée internationale 1983 de Montréal.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: Consentement.

Le Président: Consentement. M. le député.

M. Saintonge: Chacun de nous connaît le dynamisme qui anime cette grande ville qu'est Montréal, ville qui a su se tailler une place de choix à plus d'un titre par l'excellence de ses contributions au niveau international. Tout le long de son histoire, Montréal a su relever de grands défis et ainsi contribuer à l'essor de l'activité économique, industrielle, financière et culturelle de l'ensemble du Québec. Montréal est devenue ainsi le moteur du Québec.

Par cette journée, on viendra stimuler davantage l'esprit d'initiative et de création de l'industrie montréalaise afin qu'elle se fasse connaître partout dans le monde et fasse ainsi rejaillir ses succès sur l'ensemble de la collectivité montréalaise et québécoise.

Un prix d'excellence offert par la Banque Royale sera remis afin de couronner les efforts de l'entreprise montréalaise qui s'est distinguée par sa contribution au rayonnement international de Montréal.

Je fais donc motion, M. le Président, pour que cette Assemblée félicite les organisateurs de cette journée internationale 1983 de Montréal, soit les membres de la Chambre de commerce de Montréal. Je félicite également les artisans de cette journée et les Montréalais qui, par leur enthousiasme et leur ténacité, ont fait de Montréal une ville internationale.

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, je m'associe au député de l'Opposition pour féliciter Montréal, ses habitants, ses élus, pour cette journée internationale, et souligner aussi tous les succès qu'a remportés Montréal depuis des décennies dans son rôle de métropole du Québec en particulier. On le fait aujourd'hui sur les plans industriel, commercial et économique en général par le biais de la Chambre de commerce de Montréal.

Je soulignerai, par ailleurs, que Montréal a aussi un rôle à jouer sur le plan international. En particulier, nous avons eu l'occasion, en fin de semaine, de souligner la

signature d'un accord de jumelage entre l'Île-de-France et la Communauté urbaine de Montréal qui remettait en lumière ce rôle international de Montréal. Je soulignerai aussi que l'an prochain, à l'occasion du congrès international de la Fédération mondiale des villes jumelées, Montréal sera encore à l'honneur et toute l'île de Montréal y sera.

Je m'associe donc à cette motion de l'Opposition, M. le Président.

Le Président: La motion du député de Laprairie est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: En vertu de l'article 34, M. le Président.

Le Président: Cela viendra plus tard. Aux avis à la Chambre, M. le leader parlementaire du gouvernement.

Avis à la Chambre

M. Bertrand: M. le Président, j'aurais quelques motions à faire, premièrement, pour faire siéger des commissions parlementaires cet après-midi. Au salon rouge, la commission de l'énergie et des ressources, concernant le dossier LG 2, siégera de 16 h 15 à 18 heures. À la salle 81-A, la commission des affaires culturelles poursuivra les auditions relativement au projet de loi sur les archives.

Je voudrais aussi faire motion pour que, demain matin, de 10 heures à 12 h 30, au salon rouge, la commission de l'énergie et des ressources poursuive ses travaux concernant le dossier LG 2 et qu'à la salle 91-A la commission des engagements financiers se réunisse pour faire l'étude des engagements financiers.

Le Président: La motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Aux questions en vertu de l'article 34, M. le député de Laporte.

Recours à l'article 34

M. Bourbeau: M. le Président, ma question s'adresse au leader du gouvernement. Est-ce que le gouvernement entend donner suite, bientôt, à la promesse maintes fois faite par le ministre des Transports de légaliser le covoiturage et s'il entend déposer sous peu un projet de loi à cet égard?

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, promesse faite, promesse tenue. Il y aura effectivement un projet de loi qui sera déposé, mardi, à l'Assemblée nationale.

Le Président: Nous passons donc aux affaires du jour qui commencent par une réponse à une question inscrite au feuilleton. M. le leader parlementaire du gouvernement.

Réponses aux questions inscrites au feuilleton

M. Bertrand: M. le Président, c'est avec beaucoup de plaisir que je donne réponse, au nom du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, à une question qui est à l'article 1 du feuilleton d'aujourd'hui, question posée par M. Houde au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Je fournis la réponse. Je voudrais faire remarquer, en passant, qu'effectivement les questions des députés qui sont inscrites au feuilleton ont toutes trouvé une réponse, du moins les questions des députés de l'Opposition ont toutes trouvé une réponse, sauf le député de Sainte-Marie qui attend toujours après la sienne. Je pense qu'il s'agit quand même d'un rendement meilleur que ce qu'on connaissait dans le passé.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Lalonde: À tout seigneur, tout honneur. L'honnêteté et la sincérité m'obligent de le reconnaître lorsque le leader du gouvernement fait bien les choses. Malheureusement, je n'ai pas l'occasion très souvent de me lever pour le faire. Qu'à cela ne tienne, je dois reconnaître qu'à cause d'un système qui s'est installé, qui s'est imposé lui-même, nous avons maintenant, au-delà de nos espérances, des réponses aux questions au feuilleton. Je ne le fais pas par flagornerie. Dans le passé, on a vu des fois le petit nombre de questions au feuilleton vu le temps que cela prenait, des fois six mois, un an, pour obtenir une réponse; cela décourageait les députés d'inscrire une question au feuilleton. Nous allons maintenant, je pense, recourir davantage à cet instrument de travail prévu par nos règlements et j'invite le leader du gouvernement à poursuivre son travail.

Motion proposant que l'Assemblée

se prononce en faveur de l'abrogation

immédiate de la loi 111

Le Président: Ce sur quoi nous passons à la motion du député d'Argenteuil, en vertu de l'article 91 du règlement: Que

l'Assemblée nationale se prononce en faveur de l'abrogation immédiate de la loi 111, Loi assurant la reprise des services dans les collèges et les écoles du secteur public, et invite le gouvernement à prendre sans délai les mesures nécessaires à cette fin. La parole est au député d'Argenteuil.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, la motion que je présente aujourd'hui est conçue dans un esprit impartial et objectif. Je n'entends pas ressusciter les débats qui ont entouré l'adoption de la loi 111. Je veux plutôt demander que nous acceptions ensemble, députés ministériels, députés de l'Opposition et député indépendant, de faire un geste inspiré uniquement par le souci des droits de la personne et par le souci du bon renom du Québec à l'extérieur de ses frontières.

L'Assemblée nationale adoptait, le 17 février dernier, la loi 111, laquelle allait bien au-delà de tout ce que nous avions vu jusqu'alors en fait de sanctions contre un groupe de travailleurs syndiqués. Les quelque 85 000 enseignants des secteurs primaire, secondaire et collégial publics s'étaient mis en grève de manière illégale pour protester contre les effets de la loi 105, laquelle, on s'en souvient, dictait jusque dans le détail les conditions de travail de ce groupe de salariés pour une période de trois années. Pour obliger les enseignants à reprendre le travail, le gouvernement adoptait la loi 111. Cette loi, par la sévérité inusitée des sanctions qu'elle comportait, a justement soulevé un concert très large de réprobation non seulement au Québec, mais aussi au Canada et même à l'étranger.

Pour se rendre compte de la gravité des réactions suscitées par cette loi, il faut rappeler, d'abord, la gravité des sanctions qu'elle comportait. Tout d'abord, elle faisait disparaître d'un trait de plume un principe sacré de notre droit, la présomption d'innocence lorsqu'une personne est accusée d'avoir commis un délit de caractère pénal. Dans un paragraphe, on faisait disparaître la présomption d'innocence dans le cas des enseignants qui ne se seraient pas présentés au travail un bon matin. Le seul fait d'avoir été absent créait contre eux une présomption de culpabilité. La même présomption cessait de s'exercer en faveur des associations de travailleurs. Des syndicats, des confédérations et des groupes de travailleurs étaient mis dans le même sac que n'importe quel individu qui aurait décidé de son seul gré de violer la loi. (16 h 20)

Ces deux dispositions de la loi 111 -les articles 17 et 18 - étaient contraires à la Charte des droits des Nations-Unies, la Déclaration universelle des droits de la personne, au Pacte international des droits civiques et politiques - document auquel a souscrit le Canada et qui nous engage moralement au Québec, sinon nécessairement de façon légale - à la Charte canadienne des droits et aussi à l'article 33 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

La loi 111 comportait en outre des sanctions individuelles d'une sévérité inusitée en cas d'absence d'enseignants au travail. Par exemple, toutes les lois spéciales que nous avons adoptées jusqu'à maintenant prévoyaient qu'une personne qui refusait de se présenter au travail cessait de toucher son salaire. Avec la loi 111, c'était la sanction en double; c'était la perte de son salaire pour la journée manquée plus une journée additionnelle de salaire qui était enlevée à l'intéressé; la perte de droits d'ancienneté aussi. Chaque journée d'absence entraînait la perte de droits d'ancienneté chèrement acquis au prix d'années de travail.

Enfin, la loi 111 comporte des amendes plus élevées que celles qui sont définies dans le Code du travail. On créait des sanctions spéciales dans le cas de cette loi, toujours à l'endroit des enseignants. Même chose à l'endroit des associations d'enseignants. On prévoyait des sanctions d'une sévérité absolument inconnue jusqu'alors. Par exemple, la retenue de la cotisation syndicale était suspendue dès qu'une association était présumée coupable d'avoir été partie à l'absence d'une personne ou d'un groupe d'enseignants au travail. À ce moment-là, la retenue des cotisations syndicales devait cesser. Les libérations de dirigeants syndicaux pour affaires syndicales qui sont longuement définies dans les conventions collectives - maintenant dans les décrets -cessaient également de s'appliquer et les dispositions relatives au paiement des frais d'arbitrage étaient modifiées de manière que le syndicat en assume une part plus élevée.

La loi 111 comporte également des changements à nos procédures judiciaires ordinaires, dont parlera sans doute tantôt le député de D'Arcy McGee. Enfin, elle met en veilleuse la charte québécoise des droits et la charte canadienne des droits, au cas où elle ne l'aurait pas été déjà par la loi 62. En tout cas, c'était un article précis de la loi 111 en vertu duquel la charte québécoise des droits cessait de s'appliquer aussi longtemps que cette loi était en vigueur.

Ses effets, M. le Président, sont très graves et très inquiétants. Ils nous ont obligés, dès le mois de février dernier, à nous opposer vigoureusement à l'adoption de la loi 111 et, depuis ce temps, ils ont soulevé l'inquiétude - justifiée, à mon point de vue - des milieux internationaux les plus autorisés. Pour la première fois depuis très longtemps, le gouvernement du Québec a reçu une lettre de la Fédération internationale des droits de l'homme qui a

son siège social à Paris et dont fait partie, si mes informations sont exactes, la Ligue québécoise des droits de l'homme. Cette fédération, par la voie de son président, écrivait au premier ministre du Québec, en mars, la lettre suivante que je voudrais verser au dossier: "La Fédération internationale des droits de l'homme a été saisie du dossier se rapportant à la loi 111, sanctionnée par votre gouvernement le 17 février dernier. L'analyse de cette loi nous conduit à conclure que les droits et libertés d'un groupe de vos concitoyens sont remis en question." Je pense que je vais sauter pardessus le reste. Je demanderais de la déposer au dossier, peut-être en annexe au texte de mon discours, mais j'en remettrai volontiers une copie aux représentants du gouvernement qui sont en cette Chambre au cas où ils n'en auraient point pris connaissance.

Cette loi fut justifiée dans le temps par le gouvernement au nom d'une situation créée par la grève des enseignants, à la suite de l'adoption de la loi 105. Nous avons soutenu dans le temps - et nous continuons évidemment de le soutenir du côté de l'Opposition - que la situation créée par la grève des enseignants dans l'éducation ne justifiait pas une loi aussi sévère, ne justifiait pas, en particulier, la mise en veilleuse des droits garantis par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, par la Charte canadienne des droits de la personne et par la Déclaration universelle des droits de l'homme. Nous avons trouvé la justification de notre position dans une disposition du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, document adopté par de nombreux gouvernements de manière à favoriser l'application concrète des dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme. À l'article 4 de ce pacte international auquel a souscrit le Canada en 1976, on lit ceci: "Dans un cas où un danger public exceptionnel menace l'existence de la nation, il est proclamé par un acte officiel, les états parties au présent pacte peuvent prendre dans la stricte mesure où la situation l'exige des mesures dérogeant aux obligations prévues dans le présent pacte sous réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations que leur imposent le droit international."

La situation à laquelle nous faisions face en février était très sérieuse. Nous n'en disconvenons aucunement, mais elle n'était pas de celles qui justifient la mise en veilleuse de droits fondamentaux garantis par une charte des droits humains. La seule exception que prévoit le Pacte international relatif aux droits civiques et politiques, c'est une situation qui met en danger l'existence même de la nation. Personne ne serait assez cinglé pour oser soutenir en cette Chambre que l'existence de la nation québécoise était mise en danger en février dernier, par le fait que les enseignants s'étaient mis en grève pendant quelques jours. C'est pourquoi d'ailleurs dans la lettre qu'il a adressée au premier ministre, le président de la Fédération internationale des droits de l'homme lui demandait d'expliquer les raisons qui ont justifié le gouvernement de faire adopter cette loi dans les circonstances que l'on sait. Il lui disait que la Fédération internationale des droits de l'homme s'inquiétait grandement de constater la facilité avec laquelle la sauvergarde des droits et libertés au Canada avait été écartée à cette occasion.

À plus forte raison, si en février dernier, la situation à laquelle nous faisions face ensemble ne justifiait pas un recours aussi extrême, en est-il de même aujourd'hui, alors que l'arrêt de travail des enseignants est terminé depuis déjà plusieurs mois fort heureusement? L'arrêt de travail prit fin presque immédiatement et tous ceux qui avaient suivi cette situation de près s'étaient rendus compte qu'elle ne durerait pas longtemps. On voulait faire une manifestation dont les auteurs et les dirigeants des organismes concernés ont pris et doivent assumer l'entière responsabilité. Mais de toute manière, la situation qui a pu exister à l'époque n'existe plus aujourd'hui, les enseignants ont repris le travail. Il y a eu une commission parlementaire à laquelle leurs organisations syndicales ont participé. Cette commission parlementaire fut suivie d'une conciliation à laquelle le gouvernement a consenti à participer avec la partie syndicale, le gouvernement à titre d'élément dominant de la partie patronale, c'était très bien. Ensuite des ententes ont été signées dans certains secteurs. Autant de développements qui nous portent à conclure que la situation d'alors, même si nous ne trouvions pas qu'elle justifiait encore une fois des conclusions aussi extrêmes, n'existe plus aujourd'hui et que cela doit constituer pour le gouvernement une invitation à se corriger dans les meilleurs délais.

Le ministre du Travail a déposé cet après-midi en Chambre un décret en vertu duquel, suivant l'article 23 de la loi 111, le gouvernement a décidé - je pense que c'est aujourd'hui même - nous sommes bien contents que ce soit arrivé juste avant le débat que nous avions proposé au gouvernement pour cet après-midi, je pense qu'il y a eu à tout le moins une rencontre de pensées fort heureuse - que le loi cesse de s'appliquer au groupe de syndiqués qui en sont venus à une entente avec le gouvernement. J'en suis très heureux, mais je suis convaincu que les porte-parole du gouvernement conviendront avec moi qu'un décret, c'est toujours dangereux. On l'a vu quand cette masse de décrets nous a été soumise au mois de décembre dernier. Je

pense que le gouvernement lui-même reste gêné de tous les problèmes techniques et autres qui ont découlé de cette façon de procéder. Dans ce cas, le décret ne peut être au mieux qu'une mesure transitoire. (16 h 30)

Le décret est adopté aujour'dhui. La loi reste dans les statuts; elle continue de peser sur la tête des intéressés à la manière d'une épée de Damoclès qui pourrait toujours être invoquée dans une situation imprévisible. Je pense que le ministre du Travail, qui m'écoute avec attention - je l'en remercie -qui a une longue expérience de ces choses sait très bien que, sur une période de trois ans, il pourrait survenir toutes sortes d'accidents de parcours que nous ne souhaitons aucunement, mais qui pourraient être imputables à toute autre raison et survenir dans de tout autres circonstances que celles que nous avons connues en février dernier.

C'est pourquoi il me semble que la véritable solution devrait consister, pour le gouvernement, à présenter à cette Assemblée nationale un projet de loi très court, un projet de loi très concis, très clair, qui nous inviterait à proclamer tous ensemble, dans un geste d'unanimité - comme le gouvernement les aime parfois et comme nous aussi, de l'Opposition, les aimons de temps à autre -que le Québec veut effacer de son souvenir, au moins de ses livres de loi, de ses textes législatifs, cette pièce que les historiens jugeront à son mérite, que les générations futures pourront discuter, mais dont je souhaiterais vivement qu'entre nous il ne soit plus jamais question.

À sa face même, la loi 111 reste dans mon esprit une mesure énorme, une mesure tout à fait disproportionnée par rapport à la situation à laquelle nous faisions face à l'époque. Elle a entraîné en conséquence des suites injustes, inhumaines et odieuses pour des milliers de travailleurs, au-delà de 85 000 travailleurs qui méritent notre respect et notre compréhension, même si nous ne sommes pas obligés d'être toujours d'accord avec eux dans toutes les choses qu'ils font. Je fais appel cet après-midi à la majorité gouvernementale pour qu'avec nous, et je dirais avec tous les citoyens de bonne volonté du Québec, avec les observateurs internationaux, avec tous les amis des droits de l'homme qui se comptent nombreux, d'ailleurs, chez les membres de la majorité ministérielle également, dans un geste d'engagement renouvelé envers le service prioritaire des libertés et des droits fondamentaux de la personne, cette Chambre décide cet après-midi, en adoptant la motion que nous lui avons soumise, que la loi 111 devrait être retirée des statuts du Québec dans les plus brefs délais, de manière que les enseignants visés par cette loi puissent recommencer, à compter de maintenant, à fonctionner sous l'empire de nos lois régulières du travail.

Les enseignants ne sont pas une catégorie plus difficile que les autres, ils ne sont pas une catégorie de travailleurs qui doit être infiniment astreinte à un statut particulier aussi odieux que celui-là. Je pense que c'est le moment pour tous, surtout si le gouvernement veut être conséquent avec lui-même, de poser un geste de confiance à l'endroit des enseignants, surtout un geste de respect à l'endroit de leurs libertés fondamentales, en faisant disparaître cette loi de nos statuts.

Je termine, M. le Président, en rendant hommage aux enseignants. On a dit toutes sortes de choses à leur sujet, mais il m'a été donné de les connaître d'un peu plus près au cours des derniers mois. Je voudrais assurer mes collègues dans cette Chambre et aussi mes concitoyens que les enseignants sont des citoyens aussi respectueux des lois, aussi amoureux de leur travail, aussi consacrés à la recherche du bien commun que n'importe quelle autre classe de citoyens au Québec. Je dois constater, en observant ce qui s'est passé depuis le mois de février, qu'ils ont repris le travail dans des circonstances extrêmement difficiles. Ils l'ont repris avec dignité, ils l'ont repris avec une conscience professionnelle qui, à mon point de vue, est remarquable. Je pense que s'il y avait cette nouvelle étape, ce nouveau développement que propose cette motion, encore une fois, dans un esprit bien au-delà de la partisanerie, nous poserions tous ensemble un geste salutaire pour la démocratie et le respect des libertés et des droits au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, si j'avais le consentement de l'Assemblée nationale -je m'excuse, j'aurais dû le faire tout à l'heure avant que le député d'Argenteuil ne prenne la parole - on m'indique qu'il serait important qu'on puisse procéder immédiatement, et je crois savoir qu'il n'y a pas de discours prévus ni d'un côté ni de l'autre à l'adoption des projets de loi 112 et 113 en troisième lecture. Je fais donc motion pour qu'ils soient adoptés.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce qu'il y a consentement?

M. Levesque (Bonaventure): Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que la troisième...

M. Bisaillon: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Oui, M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Est-ce que cette demande du leader du gouvernement pourrait venir dans une demi-heure? Est-il essentiel de donner maintenant le consentement? Pourvu que le leader ait son consentement avant la fin de la séance, est-ce que ce serait suffisant pour lui? Cela lui permettrait peut-être de me consulter, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Je le fais séance tenante. Nous pourrions simplement procéder à la sanction royale immédiatement. Donc, cela nous faciliterait les choses.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Est-ce qu'on pourrait demander au leader d'attendre environ cinq minutes? Le temps de venir me rencontrer et après cela, on procédera. Après la prochaine intervention, est-ce que cela pourrait être suffisant?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Chicoutimi et ministre de la Justice.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard: M. le Président, je pense que ceux et celles qui nous écoutent présentement ont été à même de constater que le député d'Argenteuil, représentant de l'Opposition, avait presque omis de parler des circonstances qui ont amené l'adoption de la loi 111. À écouter l'Opposition, on serait porté à croire que, dans les mois qui ont précédé l'adoption de la loi 111, adoption qui n'a pas été faite de gaieté de coeur par le gouvernement, comme toute loi spéciale n'est pas adoptée de gaieté de coeur par quelque gouvernement que ce soit, le Québec était très calme, qu'il n'y avait aucun problème de relations du travail, qu'il n'y avait aucune violation de la loi, à un point tel que je pense que l'Opposition se retient presque pour ne pas nous dire même qu'une loi spéciale n'était pas nécessaire.

On dirait que l'Opposition a l'impression que la loi 111 est arrivée comme cela, sans qu'il y ait une nécessité qui était commandée par des circonstances. Si l'Opposition ne se le rappelle pas, la population, qui a eu à en subir les effets, se souvient de ces circonstances, dans les mois qui ont précédé l'adoption de la loi 111.

La loi 111 n'est pas arrivée comme cela. Ce n'est pas un gouvernement ou le gouvernement qui s'est levé un matin avec le goût d'adopter une loi, qui était extrêmement sévère, il faut en convenir. S'il en a été ainsi, c'est parce qu'il y avait des circonstances que, je pense, il est important de rappeler.

L'Opposition sait très bien que cela faisait presque un mois que des syndiqués, des instances syndicales et des autorités de ce milieu organisaient des grèves illégales et incitaient les membres des associations accréditées et les instances syndicales à ne pas respecter les lois en vigueur et, ce faisant, à brimer les droits de ceux qui voulaient néanmoins enseigner ou recevoir l'enseignement, à brimer les droits des enfants et les droits des parents de ces enfants.

L'Opposition n'y a fait aucune allusion, comme si rien n'était, comme si c'était presque l'effet du hasard que cette loi spéciale ait été adoptée par le gouvernement. Pourtant, pendant presque un mois, plus de 60 000 enseignants étaient en grève, il faut s'en rappeler. Cela faisait presque un mois que les enseignants et les autres travailleurs du secteur de l'éducation, qui désiraient accomplir leur travail et respecter la loi, ne pouvaient le faire en raison de lignes de piquetage qui, plus souvent qu'autrement, ne pouvaient être franchies qu'avec l'aide des policiers qui ont fait, dans les circonstances, un travail remarquable, je pense, en termes de respect par rapport à l'ensemble des parties concernées dans ces conflits auxquels nous faisons allusion. (16 h 40)

Je passe également sous silence le harcèlement et l'ostracisme que devaient subir ces personnes et l'existence de commandos spéciaux chargés de les rappeler à l'ordre. Cela, l'Opposition ne l'a pas mentionné, mais je pense qu'il faut le rappeler, ne serait-ce que pour réaffirmer la nécessité qu'il y avait qu'une loi spéciale très sévère soit adoptée. Non seulement la loi n'était-elle pas respectée, malgré les milliers de plaintes pénales qui étaient portées, mais, on le sait, de nombreux enseignants faisaient également fi des injonctions qui avaient été émises par les tribunaux, les enjoignant de demeurer ou de rentrer au travail. Une telle situation, où perdurait une grève illégale de cette envergure, était sans précédent. Selon nous, c'était bien dans cette situation qu'il fallait identifier l'atteinte la plus directe et concrète au bon fonctionnement de nos institutions démocratiques.

Le droit à l'instruction, qui est aussi, dois-je le rappeler, un droit prévu dans notre Charte des droits et libertés de la personne, était également gravement compromis pour des centaines de milliers d'élèves. Dans de telles circonstances, une loi visant à assurer le retour au travail de milliers de personnes

déjà en grève illégale, ne pouvait que proposer un aménagement différent des droits et obligations des contrevenants éventuels à la loi par rapport aux règles usuelles de droit que nous connaissons. C'était effectivement une loi très sévère qui a été adoptée, avec des dispositions rigides, ayant des conséquences très importantes pour ceux qui pouvaient décider de violer les dispositions de cette loi. Je pense qu'il est important de rappeler ces faits, ne serait-ce que pour bien faire ressortir la nécessité qu'il y avait pour le gouvernement, au nom des intérêts de la population, de procéder à l'adoption d'une loi spéciale, en l'occurrence, la loi 111.

L'Opposition, avec sa motion d'aujourd'hui, ne prend pas le gouvernement par surprise puisque déjà, dans la loi 111, il y avait une disposition, faut-il le rappeler, à l'effet de rendre inopérantes les dispositions de cette loi très sévère à partir du moment où il y aurait une normalisation dans le domaine des relations du travail, à partir du moment où des associations syndicales qui étaient concernées en arriveraient à des ententes avec le gouvernement. Donc, l'abrogation de certains articles ou l'abrogation de la loi 111, que demande l'Opposition par sa motion, s'inscrit dans un processus logique qui était déjà contenu à l'article 23 du projet de loi. Cet article était le suivant, je cite: "Sauf à l'égard des infractions déjà commises, la présente loi cesse de s'appliquer à une association de salariés et aux salariés qu'elle représente à compter de la date fixée par décret du gouvernement si ce dernier l'estime appropriée, compte tenu de la conclusion d'une entente entre les parties." Donc, cette loi visait deux objectifs: non pas d'ostraciser les enseignants, mais d'essayer d'en arriver à ce qu'il y ait un retour au travail, ce qui s'est produit, une fois la loi 111 adoptée.

Elle avait également pour but de normaliser les relations du travail à partir d'ententes signées, ce qui s'est produit également. La meilleure preuve en est que le ministre du Travail a déposé aujourd'hui un décret où il est fait état que, conformément à l'application de l'article 23, la loi 111 cesse de s'appliquer à compter du 25 mai 1983 aux associations de salariés qui ont conclu des ententes avec le gouvernement après l'adoption de la loi 111. Cette disposition, ce décret vise les ententes qui ont été signées avec les commissions scolaires, c'est-à-dire entre le Comité patronal de négociation des commissions scolaires et la Centrale de l'enseignement du Québec, l'entente conclue le 17 avril 1983 entre le Comité patronal de négociation des commissions scolaires catholiques et la Provincial Association of Catholic Teachers et également une autre entente signée avec l'Association provinciale des enseignants protestants du Québec.

Donc, M. le Président - c'était l'esprit de la loi - conformément à cette loi 111 dont parle le député d'Argenteuil, aujourd'hui, parce qu'il y a eu des ententes signées, nous sommes en mesure de dire que cette loi ne s'applique plus pour ces associations.

M. le Président, c'est pour cela que nous serons très disposés à voter pour la résolution, pour la motion qui est présentée par le député d'Argenteuil au nom de l'Opposition, encore une fois parce que cette motion s'inscrit dans l'esprit, dans la logique de la loi 111, à savoir que cette dernière ne s'applique pas à partir du moment où des ententes sont signées. Évidemment, s'il n'y a pas d'entente de signée, la loi s'applique et je pense qu'une situation telle qu'elle existait dans les mois qu'on vient de vivre ne pouvait pas continuer.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre, veuillez conclure.

M. Bédard: M. le Président, cependant, je ne peux pas accepter la résolution du député d'Argenteuil, telle qu'elle est libellée, parce qu'il est important - je terminerai avec un amendement, M. le Président - je pense que l'Opposition le réalise, il ne faut pas que l'Assemblée nationale pose un geste, quel qu'il soit, qui soit de nature à mettre en péril les plaintes qui ont été portées en vertu de la loi 111. Je pense qu'il faut s'assurer que toutes les plaintes qui ont été portées ou qui pourraient être portées en vertu de ces lois ne soient pas affectées, parce qu'il y a eu une violation de loi et il est important que des sanctions soient prises et que ces plaintes trouvent leur aboutissement devant les tribunaux.

Motion d'amendement

C'est pourquoi, M. le Président, je terminerai avec un amendement à l'effet de rayer le mot "immédiate" dans la proposition. Je propose donc l'amendement suivant: À la deuxième ligne de la motion, enlever, après les mots "l'abrogation", le mot "immédiate", afin que la motion se lise comme suit: "Que l'Assemblée nationale se prononce en faveur de l'abrogation de la loi 111..." Je donne simplement, en terminant, les motifs.

Il m'est impossible de donner suite immédiatement à la motion. En effet, il faut que nos légistes - je pense que l'Opposition sera très sensible à ces arguments -examinent, parmi les dispositions de la loi 111, les articles qui doivent demeurer et qui concernent les plaintes prises sous l'empire du Code du travail, qu'il s'agisse de transfert de juridiction du Tribunal du travail à la Cour des sessions de la paix ou encore de l'article traitant de la délégation de

signatures et également l'obligation d'étudier les dispositions de concordance.

Par ailleurs, comme il n'est pas question de retirer les plaintes prises en vertu de la loi 111 contre les syndicats, leurs dirigeants et leurs délégués, je dois faire examiner les effets de l'abrogation de la loi sur ces plaintes pour déterminer si, sur le plan de la technique législative, il y a lieu d'introduire un article spécial pour préserver ces poursuites. (16 h 50)

Enfin, il y a lieu également de conserver des dispositions pour poursuivre sous la loi 111 les syndicats et les dirigeants syndicaux qui ne l'ont pas été pour les raisons que vous connaissez.

C'est l'essentiel des remarques que j'aurais à faire à la suite de la motion de l'Opposition. Nous sommes d'accord avec cette motion à condition qu'on accepte l'amendement proposé. Nous croyons que la motion de l'Opposition s'inscrit dans l'esprit et la logique de la loi 111 qui était de rendre cette loi ou les dispositions de cette loi inopérantes à partir du moment où les relations du travail sont normalisées, à partir du moment où il y a des ententes signées entre les parties impliquées dans le conflit. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de L'Acadie.

M. Bisaillon: M. le Président, vous voudrez bien m'excuser deux secondes.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Oui, M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Je pense que le leader du gouvernement attend mon consentement sur les lois 112 et 113. Comme on a eu le temps de se consulter effectivement, on peut procéder à 112 et 113 et considérer les deux lois adoptées.

Le Vice-Président (M. Rancourt):

D'accord. Il y a consentement sur la demande du leader, mais comme le leader n'est pas là pour l'instant, nous allons donner la parole à Mme la députée de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je suis très heureuse de pouvoir appuyer la motion du député d'Argenteuil qui propose à cette Assemblée l'abrogation de la loi 111. Il y a maintenant plus de six ans que je siège à l'Assemblée nationale et, à ma connaissance, c'est la première fois que l'Opposition se lève pour demander l'abrogation d'une loi. La raison en est très simple. C'est que cette loi, dans ses conséquences, est tellement sérieuse que nous croyons qu'elle doit disparaître de nos statuts comme l'indiquait tout à l'heure mon collègue d'Argenteuil. Il a commencé ses remarques en disant qu'il faisait cette motion dans un esprit non partisan. Je pense que la meilleure preuve en est que si cette loi devait demeurer dans nos statuts, elle serait d'abord une tache pour le gouvernement. C'est quand même le gouvernement du Parti québécois qui a présenté et fait adopter avec sa majorité une loi qui suspend l'ensemble des droits et libertés reconnus par la charte québécoise.

Je pense également que pour l'ensemble de mes concitoyens du Québec, il est extrêmement important que cette loi disparaisse de nos statuts. J'aurais voulu moi aussi éviter de faire une genèse des événements qui ont amené l'adoption de la loi 111 pour justement, comme le signalait tout à l'heure mon collègue, ne pas faire de cette motion une motion partisane, mais vraiment la situer au niveau où elle doit l'être. Nous intervenons parce que nous croyons qu'une telle loi est dangereuse. La seule autre fois, à ma connaissance, où on avait soustrait à l'application de la Charte des droits et libertés de la personne une loi du Québec, c'était dans le cas de la loi, qui était la Charte de la langue française. À la suite des protestations générales qui s'étaient fait entendre par l'ensemble des citoyens du Québec, elle avait finalement été retirée. C'est donc la deuxième fois que cela arrive. Nous croyons qu'il est tout aussi important que nous multipliions les interventions et les protestations auprès du gouvernement et ce, au nom de nos concitoyens. C'est très rare que je prétends parler au nom de l'ensemble des concitoyens, mais il faut avoir entendu et lu tous les reproches et la réprobation générale de la population et d'organismes très représentatifs de la population comme la Commission des droits de la personne, le Barreau du Québec, la Conseil consultatif de la justice, qui doit conseiller le ministre de la Justice, qui ont été unanimes à dire qu'il n'y avait aucune justification pour qu'une loi de retour au travail prévoie des dispositions aussi importantes que celles de la loi 111.

Le ministre nous faisait le reproche suivant: À la façon dont le député d'Argenteuil s'est prononcé, on a l'impression que cette loi a été imposée par le gouvernement un bon matin sans qu'il y ait de faits précis. C'est vrai que la situation dans le monde scolaire était extrêmement difficile, et cela a été signalé par le député d'Argenteuil, mais elle ne justifiait pas une loi qui allait aussi loin dans ses sanctions et surtout qui impliquait une dérogation à la Charte des droits et libertés de la personne. Dans ce sens, si on voulait refaire la genèse de la loi 111, il faudrait - et je ne voudrais pas m'y arrêter longtemps - recommencer à rappeler l'escalade des lois extrêmement

autoritaires que le gouvernement a imposées tout au long de cette dernière négociation sans même qu'il ait permis que s'exerce le droit à la libre négociation. Les décrets sont arrivés. Les lois spéciales sont arrivées et on n'avait même pas commencé à négocier que, déjà, le gouvernement intervenait par décret, si bien que lui-même, en renonçant à sa propre signature - on se rappellera la loi 70 - a sans aucun doute contribué à mener les syndicats à l'illégalité. Ceci ne justifiait pas l'illégalité des syndicats - et je tiens à le dire - mais il ne faudrait pas dissocier la loi 111 de tous les actes antérieurs qui l'ont amenée et pour lesquels le gouvernement doit assumer toutes ses responsabilités.

Le ministre de la Justice nous a dit: Nous y avions pensé en même temps que vous autres puisque, aujourd'hui, nous avons ce décret qui, justement, indique que la loi 111 ne s'appliquera plus aux syndicats qui ont déjà signé une entente avec le gouvernement. Mais je tiens à dire qu'il y a encore des collèges qui n'ont pas signé d'entente avec le gouvernement. Le décret ne s'applique pas à eux et de plus - il faut bien le rappeler - un décret pourrait être remodifié demain matin, la loi existant toujours. Le décret est un acte transitoire et ne vient pas faire disparaître la loi. Évidemment, le décret est un geste positif, il faut bien le reconnaître, mais ce que nous demandons, à cause des conséquences importantes de cette loi, c'est l'abrogation de la loi même.

Nous avons en cette Chambre, au moment de l'adoption de la loi 62 qui voulait soustraire la Charte des droits et libertés de la personne du Québec de l'application de la Charte canadienne des droits et libertés de la Loi constitutionnelle du Canada, longuement discuté de la valeur de la Charte des droits et libertés de la personne. On se rappelle à cet effet que le ministre de la Justice nous avait dit: "Ces droits et libertés sont déjà fort bien protégés depuis 1975 par la Charte des droits et libertés de la personne et les Québécois - on le sait -peuvent s'enorgueillir d'une charte qui passe pour être l'une des meilleures et des plus complètes au monde. Notre Charte des droits et libertés de la personne - je le répète -protège mieux et davantage les droits et libertés des Québécois." Sans aucun doute, certains se souviendront du débat qui avait été fait autour d'une charte des droits et libertés qui était imbriquée dans la constitution et d'une charte des droits et libertés qui faisait partie des lois statutaires et combien la seconde était beaucoup plus exposée aux aléas et aux caprices du Parlement qu'une loi constitutionnelle. Malheureusement, le gouvernement, peu de mois après - puisque cette déclaration remonte à mai 1982 - nous donnait raison puisque, pris de panique - et à cause de toutes les circonstances sur lesquelles je ne veux pas revenir - il trouvait déjà très facile de soustraire une loi à l'application de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

Quand le gouvernement a adopté cette loi, il a sans doute pensé qu'il avait derrière lui l'opinion publique et je crois qu'il pouvait y avoir la tentation chez un certain nombre de concitoyens de dire: Enfin! que le gouvernement mette de l'ordre là-dedans. Cela fait trop de rondes de négociations dont nous faisons les frais, que ce soit dans le domaine de l'éducation, que ce soit dans le domaine de la santé ou des affaires sociales. Je peux comprendre les citoyens d'avoir cette réaction presque viscérale de dire: Enfin, qu'on règle les choses, qu'on prenne les moyens pour les régler! Mais je pense que jamais les citoyens n'ont demandé au gouvernement qui est en face de nous d'aller aussi loin dans le retrait de l'exercice des droits fondamentaux. (17 heures)

Nous sommes habitués ici, au Québec, comme au Canada d'ailleurs - c'est ce que tout le monde nous envie - à un grand climat de liberté où justement le respect des opinions, le droit d'association, le droit de se défendre en justice, le droit de se former en syndicat ou associations diverses sont reconnus et ne sont jamais contestés. On les tient pour acquis. La loi 111 nous donne une démonstration de combien sont fragiles ces libertés, de combien sont fragiles ces droits. Peut-être parce que je suis une optimiste, le seul bon côté de la loi 111 aura été de rappeler à l'opinion publique la fragilité des droits et libertés des citoyens - que ce soit ici ou ailleurs - le fait qu'il faut constamment la vigilance des Parlements et surtout la vigilance des citoyens, parce que ce sont eux qui ont un pouvoir d'influencer encore plus grand que celui des parlementaires, et combien il est important de dire chaque jour: La liberté tant qu'on l'exerce, on ne se pose pas de question, mais elle est sans cesse menacée. À cet égard, la loi 111 aura permis ce débat qui m'apparaît important et qui, je pense, aura été un avertissement aux parlementaires des deux côtés de cette Chambre si, un jour ou l'autre, les rôles devaient être renversés.

Je voudrais terminer en souhaitant... J'ai entendu l'amendement du ministre et je sais ici qu'il est coutumier dans les motions du mercredi de discuter à la fois de l'amendement et de la proposition principale. Je laisserai à mon collègue de D'Arcy McGee, qui doit intervenir après moi, le soin de revenir sur la question de l'amendement. Je sais que le ministre a fait valoir qu'il voulait s'enquérir auprès de ses conseillers. Est-ce que si nous procédions à une abrogation rapidement, ceci annulerait d'une certaine façon les plaintes ou rendrait

caduques les plaintes qui ont été portées en vertu de la loi 111? Je ne suis pas juriste moi-même, mais j'ose espérer qu'il devrait quand même y avoir un moyen juridique pour que les plaintes déjà prises puissent être plaidées, mais que ceci n'empêche pas néanmoins que dans les plus brefs délais - je sais qu'il faudra que le gouvernement présente un autre projet de loi puisqu'il s'agira de modifier ou d'abroger une loi - si ce n'est pas demain, si ce n'est pas après demain, le gouvernement revienne avec un projet de loi qui assurera l'abrogation de cette loi qui, comme je le disais la semaine dernière, a été un affront à l'ensemble de nos concitoyens et qui, d'ailleurs, a reçu la réprobation générale non seulement au Québec, mais également à l'extérieur du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, s'il y a alternance, je reconnaîtrai...

M. Fréchette: M. le Président...

M. Bisaillon: M. le Président, il faudrait s'entendre sur l'alternance.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cela va. M. le...

M. Fréchette: Dans un tel esprit de sérénité, je n'ai aucune objection à ce que vous reconnaissiez le député de Sainte-Marie.

Une voix: Oui, mais cela mettra fin à la sérénité.

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Consentement. Donc, M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: Si j'étais le ministre président du Conseil du trésor, j'ajouterais une petite phrase en disant que ce consentement n'est pas une acceptation d'un droit. Je ne voudrais pas faire de débat de procédure, je prends votre consentement comme il se présente, mais il faudra régler une fois pour toutes cette question qui se pose dans les débats restreints. Il me semblait qu'on l'avait réglée une fois pour toutes.

Je commencerai mon intervention là où Mme la députée avait terminé la sienne. Elle soulignait, en concluant, que la loi 111 nous aura apporté, des enseignements. L'un des enseignements de la loi 111 aura été d'apprendre non seulement aux membres de cette Assemblée, mais aussi à l'ensemble des citoyens du Québec combien un certain nombre de droits que l'on tenait trop souvent pour acquis, étaient mis en danger ou étaient fragiles, finalement.

Je pourrais souligner qu'il y aurait peut-être un deuxième enseignement qui, lui, s'appliquerait davantage aux parlementaires pour montrer jusqu'à quel point - c'est peut-être la réflexion qu'on peut faire sur la loi 111 et ce qui l'a entourée - nous nous trouvons souvent de bonnes raisons pour balayer ou pour mettre de côté des choses auxquelles nous croyions dans le passé et que nous défendions dans le passé. Je me souviens de très beaux discours de membres du côté ministériel qui s'opposaient à l'abolition d'un certain nombre de droits pendant la crise d'octobre, par exemple, pendant les années soixante-dix. Je ne peux pas m'empêcher de faire un certain parallèle entre ce que nous avons vécu ici en cette Chambre au moment où on a voté la loi 111. La différence essentielle - c'est peut-être ça qu'il faudrait qu'on retienne comme réflexion - c'est que là, ce sont eux qui étaient au bon bout du bâton.

Il me semble que c'est une réflexion qui devrait nous inciter à être beaucoup plus prudents dans les gestes que l'on pose comme législateurs. Je voudrais vous donner la citation suivante: "Tout ce qui peut retarder l'adoption d'une loi spéciale nous paraît digne d'être soutenu parce que cela marquera ainsi notre profonde réprobation pour ces lois d'exception qui sont présentées trop souvent dans cette Chambre depuis quelques années et qui constituent, au fond, une violation par le gouvernement lui-même des lois qu'il a acceptées par la passé. Jamais nous n'insisterons assez pour blâmer un gouvernement de passer outre aux lois que les gouvernements antérieurs ou que ce gouvernement lui-même a adoptées."

Cette citation était de M. Camille Laurin, qui était alors chef de l'Opposition en 1972, au moment où on discutait une des premières lois spéciales que ce Parlement a été amené à voter. Le ministre de la Justice, qui lui aussi a été amené à tenir de semblables propos au moment où des lois spéciales ont été adoptées, nous rappelait tantôt que l'objectif essentiel de la loi 111 était d'assurer la reprise des services d'enseignement dans le secteur public. Il a convenu que ceci était réalisé. Il a indiqué que ça visait aussi à appliquer des conditions de travail dans les secteurs public et parapublic, ce qui est fait. Quel est donc l'objectif de cette motion qui est devant nous, sinon de rétablir, et ce de façon définitive, un climat qui ne pourra jamais être le même que celui qu'on a pu connaître dans le passé, si on ne procède pas à l'abrogation de la loi 111? D'une part, rétablir un climat et, d'autre part, peut-être rétablir une image que le Québec et que le gouvernement du Québec, par l'adoption de cette loi, a amochée quelque peu.

Déjà, les milieux internationaux - le député d'Argenteuil y a référé tantôt - ont

été alertés au fait que cette loi que nous avons adoptée, la loi 111, allait à l'encontre de droits fondamentaux qui avaient déjà été reconnus, que ça entachait la réputation non seulement du Québec, mais du Canada entier, qui était pourtant réputé... On se souviendra jusqu'à quel point nous du Québec, en particulier, avons mis de l'avant la charte des droits que nous avions, en essayant d'expliquer jusqu'à quel point elle se présentait comme la meilleure de toutes celles qui pouvaient exister au Canada, comme celle qui garantissait le maximum de droits et de libertés aux citoyens du Québec. Des organismes internationaux se sont inquiétés du fait que des lois aussi fondamentales soient balayées du revers de la main, soient mises de côté et que des droits aussi fondamentaux que la présomption d'innocence, un argument qu'on a entendu ici même dans cette Chambre invoqué pour d'autres circonstances... On invoquait, pour préserver les individus, le droit à la présomption d'innocence. Ce droit, on l'a enlevé par la loi 111. (17 h 10)

Le décret partiel dont parlait le ministre de la Justice, qui ne vise qu'à enlever l'application de la loi 111 à ceux qui ont été assez gentils pour signer une entente, pour signer le décret modifié, cela ne règle pas fondamentalement le problème. Le problème, c'est que tout en assurant la reprise des services, on est allé au-delà et on a fait en sorte que jusqu'à la fin de la convention collective ou de ce qui en tient lieu - le projet de loi no 8 qui est devant nous aujourd'hui est une confirmation de ce que je dis - les décrets qui ont été votés par le Parlement sont des conventions collectives qu'il y ait eu par la suite signature ou non. Donc, les deux objectifs majeurs du gouvernement ont été atteints. Il y a eu reprise des services et il y a des conditions de travail fixées dans des conventions collectives ou dans des décrets qui en tiennent lieu et ce, jusqu'à la fin.

Quelle serait la raison qui pourrait nous inciter à maintenir cette loi en place? Présumer que parce qu'un syndicat n'a pas signé d'entente écrite et qu'il se contente du décret, présumer qu'il y aura peut-être quelque chose dans un an? M. le Président, on pourrait peut-être passer le même raisonnement, même pour quelqu'un qui a signé une entente. Est-ce qu'il n'arrive pas régulièrement que des gens, après avoir signé une entente, disent: On veut la réviser. Cela pourrait arriver aussi et cela ne nous aurait pourtant pas empêchés ni de signer l'entente ni de passer le décret auquel se reportait le ministre de la Justice tantôt.

Donc, on n'a aucune raison fondamentale de maintenir cette loi 111 dans le décor du Parlement, de maintenir cette loi 111 dans l'ensemble des lois qui auraient été adoptées par ce gouvernement. Il faut donc procéder immédiatement à son retrait, à son abrogation. Procéder non seulement dans les plus brefs délais, je pense qu'on peut s'entendre sur un délai raisonnable qui pourrait être la semaine prochaine, mais rien ne peut nous inciter à maintenir cette loi en place.

L'article 10 du projet de loi no 8 qui est devant l'Assemblée nationale et qui est discuté actuellement en commission parlementaire confirme tout ce que je viens de dire et est une acceptation, dans le fond, du fait que le problème qui avait été présenté à ce Parlement au moment de la loi 111 est maintenant réglé. Ce qui ne le sera pas cependant, c'est l'application qui pourrait en être faite localement, régionalement ou nationalement à l'égard d'un certain nombre de membres des syndicats qui ne seraient pas couverts par le décret dont parlait le ministre. Ce qui ne pourra pas être enlevé, si on n'abroge pas cette loi, c'est la présomption d'innocence qui ne s'appliquera pas à un certain nombre de citoyens du Québec. Ce qui ne pourra pas être enlevé, c'est les mesures de congédiements arbitraires qui pourraient survenir à n'importe quel moment alors qu'au Québec tout semble réglé pour l'ensemble des citoyens, cette situation, par laquelle un certain groupe de citoyens, une minorité de nos concitoyens et de nos concitoyennes se sentiraient appliquer un traitement particulier, comme s'ils étaient devenus, par le seul fait que nous en avons décidé, par le seul fait que nous nous sommes sentis le droit divin à adopter cette loi 111, tout à coup, des citoyens de seconde zone.

C'est cela qu'il faut enlever du décor. Faire en sorte que l'ensemble de la situation se rétablisse. Le député d'Argenteuil s'est reporté tantôt à une lettre que la Fédération internationale des droits de l'homme avait adressée au premier ministre du Québec. Je voudrais dire qu'on n'a pas eu encore, au moment où on se parle, l'assurance que le premier ministre du Québec avait répondu au président de cet organisme international. De la même façon qu'on ne sait pas non plus si le ministre de la Justice a répondu à la Ligue des droits et libertés du Québec qui lui adressait les mêmes commentaires.

Je termine en vous indiquant, M. le Président, que je viens de recevoir le texte d'une lettre du directeur des opérations juridiques du ministère des Affaires extérieures du Canada. Il répond au président de la Fédération internationale des droits de l'homme au nom du premier ministre du Canada, auquel la fédération avait expédié, en même temps qu'elle envoyait sa lettre à M. Lévesque, premier ministre du Québec, copie de cette lettre. J'ai donc la réponse à cette lettre qui se lit comme suit: "J'accuse réception... - je passerai les détails. Je saute

au deuxième paragraphe - "Nous sommes actuellement en communication avec les autorités québécoises, particulièrement au sujet de l'article 28 de cette loi. J'espère être en mesure, dans un avenir rapproché, de communiquer de nouveau avec vous à ce sujet."

Il semble donc qu'il y ait des communications actuellement entre le ministère des Affaires extérieures du Canada et un ministère ou des représentants du gouvernement du Québec afin de faire au moins retirer l'article 28 de la loi 111. Ce gouvernement a toujours voulu présenter aux Québécois l'image d'un Québec qui voulait s'ouvrir aux autres, d'un Québec qui voulait faire les choses dans le respect et dans un cadre démocratique, ce gouvernement pourrait déjà corriger la situation au niveau international en abrogeant la loi 111 et aussi en donnant justice et en répondant au voeu des 36 000 citoyens du Québec qui ont déposé ici, dans cette Chambre, une pétition demandant l'abrogation de la loi 111, des citoyens et des groupes qui représentaient 500 000 Québécois. Si ce sont des paroles qu'on ne peut plus entendre, qui ne nous atteignent plus, si 500 000 Québécois ne peuvent plus nous atteindre ici, je ne sais pas où on en est rendu.

J'espère donc que tous ensemble nous accepterons, dans les plus brefs délais et immédiatement, de faire lever, d'enlever, d'abroger, de faire disparaître cette loi 111 qui aura été trop longtemps dans notre décor parlementaire.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre du Travail.

M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: Je vous remercie, M. le Président. Pour plusieurs motifs, et peut-être pour l'implication que j'ai eue dans le processus d'adoption de cette loi, vous allez comprendre l'intérêt que je porte au débat que suscite la motion du député d'Argenteuil. Ce débat, qui, jusqu'à maintenant, a gardé ce caractère de calme et de sérénité auquel je référais tout à l'heure, se situe à un niveau que je tiens à respecter quant à moi, afin qu'on puisse continuer dans le même sens la discussion telle qu'elle a été amorcée jusqu'à maintenant.

Je voudrais relever une affirmation de Mme la députée de L'Acadie qui, en fouillant dans ses souvenirs, croyait se rappeler, au niveau des précédents, que c'était au moment de l'adoption de la loi 1 qu'une dérogation à la charte des droits avait été introduite dans une loi. Toujours dans son évaluation à elle, il n'existerait pas d'autres semblables précédents dans nos lois.

Je crois me souvenir - à cet égard, je dois, moi aussi, faire appel à ma mémoire - assez fidèlement qu'au moment où on a procédé à l'étude de la loi 111, particulièrement en commission plénière, j'ai fait référence à une loi adoptée en 1976 par le gouvernement qui a précédé l'actuel gouvernement. Encore une fois, je cite tout cela de mémoire. J'avais donc fait référence à une loi adoptée par le gouvernement qui nous a précédés et qui ordonnait le retour au travail des infirmiers et des infirmières du Québec qui étaient en conflit depuis un bon moment.

La seule différence qui existait entre cette loi de 1976, à laquelle je réfère - et dont je n'ai malheureusement pas les spécifications précises pour la retrouver tout de suite dans nos statuts - et cette loi 111, qui a été adoptée par l'actuel gouvernement, c'était strictement et uniquement dans les termes qui ont été utilisés. Cette loi de 1976 disait presque au texte ce qui suit: Nonobstant les dispositions du chapitre - là, je n'ai pas le numéro en mémoire - la présente loi s'applique. Ce chapitre, c'était précisément l'ensemble de toutes les dispositions de la charte des droits et libertés qui venait à peine d'être adoptée par le gouvernement précédent.

Or, quand Mme la députée de L'Acadie, de bonne foi, très certainement, informe le Parlement que ce serait seulement au moment de la loi 1 qu'il y aurait eu une semblable dérogation... (17 h 20)

Une voix: Une dérogation générale.

M. Fréchette: Oui, une dérogation générale, je soutiens, encore une fois, M. le Président, que cette loi de 1976 ordonnant le retour au travail d'infirmiers et d'infirmières contenait également une dérogation générale à la Charte des droits et libertés de la personne. Enfin, c'est peut-être une question d'interprétation. Je vois que le député de D'Arcy McGee va intervenir à cet égard. Mais, encore une fois, lorsqu'en commission plénière le sujet a été abordé, je me souviens très bien avoir référé la Chambre à cette loi.

Quoiqu'il en soit, M. le Président, et dépassant le stade de l'interprétation stricte des lois, je voudrais vous signaler, le plus brièvement possible, que la motion du député d'Argenteuil fait suite à un grand nombre de questions et à un grande nombre d'observations également qui ont pu être constatées au cours des derniers mois, au cours des dernières semaines, soit dans les médias d'information, soit à partir des instances qui sont particulièrement touchées par cette loi ou à partir d'autres instances, telles la Ligue des droits de l'homme ou autres associations dont les objectifs sont essentiellement les mêmes. Mais la question qui revient toujours est celle qui est posée essentiellement par la motion du député

d'Argenteuil: À quel moment le gouvernement du Québec abrogera-t-il la loi no 111?

M. le Président, le ministre de la Justice a souligné cet aspect de l'ensemble de la question qu'on est en train de débattre. Il me semble - cela se reflète dans le texte même de la loi - qu'au moment où il a déposé la loi, au moment où la discussion s'est engagée et au moment où la loi a été adoptée, déjà, l'intention du gouvernement était fort claire et ce par les dispositions de l'article 23 de la loi no 111. Le ministre de la Justice y a fait référence tout à l'heure. Il a procédé à la lecture des dispositions de l'article 23 et il est clair que la conclusion que l'on doit tirer de cette disposition, c'est qu'au moment même où il a procédé au dépôt de la loi, au moment où il a procédé à la faire adopter, déjà, le gouvernement avait en tête le souci d'arriver à la retirer à un moment donné ou à l'abroger, purement et simplement.

D'ailleurs, M. le Président, on dira bien ce qu'on voudra, le député de Sainte-Marie évaluera la situation comme bon lui semble, mais il me semble que le geste posé par le gouvernement aujourd'hui, la décision prise aujourd'hui par le Conseil des ministres de soustraire de l'application de la loi no 111 les associations qui ont convenu d'une entente, c'est un premier pas dans le sens suggéré, bien sûr, par le député d'Argenteuil, mais un premier pas également dans le sens de l'intention gouvernementale au moment même où le projet de loi était déposé.

Toujours dans ce sens-là, je suis en mesure de dire à cette Assemblée que la loi no 111 pourra être abrogée dès que les ententes entre toutes les associations de salariés visées par la loi no 111 auront été signées, assurant ainsi les objectifs principaux de la loi, c'est-à-dire le retour au travail jusqu'en décembre 1985. Il est évident que, dès que ces ententes auront été conclues, le gouvernement complétera son travail par voie de décret quant aux associations qui sont visées. Quand toutes les associations qui sont visées auront conclu ces ententes, il est également évident qu'il faudra procéder au dépôt d'une loi dont l'objectif sera d'amener l'abrogation pure et simple de la loi no 111 et cela, cependant, M. le Président - il faut le dire, il faut le répéter - aux conditions et réserves que le ministre de la Justice a soulignées tout à l'heure.

Je suis tout à fait d'accord avec l'argumentation qu'on a développée tout à l'heure et en vertu de laquelle la conclusion, c'est que l'abrogation de la loi no 111 fera disparaître des sanctions spéciales, des sanctions d'une extrême rigueur, personne ne l'a jamais nié, mais qui étaient, me semble-t-il, commandées par l'arrêt de travail, qui était carrément illégal, et à deux égards, je ne reviendrai pas sur les circonstances qui existaient à l'époque, des différentes associations et il y avait également aussi -et cela encore une fois procède de l'évaluation que les uns et les autres on peut en faire - à cette époque, dans les circonstances que l'on connaît, un risque sérieux de déstabilisation de la société québécoise. M. le Président, vous me signalez que mon temps, à toutes fins utiles, est écoulé. Je respecterai effectivement l'avertissement que vous me donnez pour simplement vous réitérer, en conclusion, que c'est effectivement l'intention du gouvernement de procéder à l'abrogation de cette loi lorsque, encore une fois, les conditions prévues à l'article 23 auront été réalisées.

Le ministre de la Justice a proposé à l'évaluation de la Chambre un amendement qui ferait en sorte que le terme "immédiat" ou "immédiatement" disparaîtrait de la motion. Je ne sais pas quel sort l'Opposition réservera à la motion d'amendement du député de Chicoutimi et ministre de la Justice, mais il est certain que si l'Opposition, après avoir évalué, apprécié la portée de la proposition d'amendement du ministre de la Justice, décidait de l'accueillir et de procéder à l'amendement, de modifier la motion du député d'Argenteuil pour y introduire cet amendement, il est certain, dis-je, que, sans aucune hésitation, le gouvernement, le parti ministériel accepteraient de voter pour la motion si cet amendement était reçu.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Herbert Marx

M. Marx: Merci, M. le Président. Il va sans dire que je m'associe et que j'appuie la motion déposée par notre porte-parole, le député d'Argenteuil. La loi 111 a posé et pose encore la question de fond: Quelle est la philosophie, quelle est l'attitude de ce gouvernement vis-à-vis des droits de la personne? Depuis quelques semaines, depuis quelques mois, le ministre de la Justice est en train de nous proposer une nouvelle théorie des libertés publiques. Par exemple, aujourd'hui, il a dit: Durant la grève des enseignants, il y avait deux sortes de droits en présence. Il y avait les droits des enfants à l'instruction et les droits des enseignants de faire la grève. Il a dit: L'instruction est plus importante que la grève, donc, on peut diminuer les droits des enseignants pour favoriser les droits des étudiants. Si c'est sa théorie des libertés publiques, on peut dire que le droit à la vie est plus important que les droits juridiques d'un meurtrier. On peut enlever les droits juridiques d'un meurtrier, toutes les protections qu'il a quand il va devant la cour, parce que le droit à la vie

est plus important.

Un autre élément de cette nouvelle théorie, c'est que le ministre de la Justice a dit: La clause d'égalité hommes et femmes, dans la Charte canadienne des droits et libertés, va diminuer les droits des Québécoises. Il n'a jamais expliqué comment ou pourquoi. Je pense, M. le Président, qu'il n'y a pas même un étudiant en première année de droit qui prendrait au sérieux cette nouvelle théorie des libertés publiques énoncée par le ministre de la Justice. La loi 111 marque la première fois, et j'insiste, que l'Assemblée nationale ait exclu toute une loi de l'application de la charte québécoise. Le ministre du Travail avait tort de dire que la députée de L'Acadie a fait une erreur. Ce n'est pas vrai, parce que, en commission parlementaire, quand on a étudié la loi 111, j'ai demandé au ministre de la Justice si c'était la première fois qu'on procédait de cette façon. Après consultation avec son conseiller juridique, il a dit oui. Donc, c'est la première fois qu'on a exclu toute une loi de l'application de la charte québécoise. (17 h 30)

L'effet de la loi 111, c'est que s'il y a un conflit entre la loi 111 et la charte québécoise ou la charte canadienne, c'est la loi 111 qui aura préséance. En passant, je peux mentionner que dans la charte de la Saskatchewan, il y a aussi une clause "nonobstant", mais elle n'a jamais été utilisée par la Législature de cette province. Dans la déclaration canadienne des droits, nous avons une clause "nonobstant" et elle a été, bien sûr, utilisée une fois par le gouvernement fédéral lors de la crise d'octobre, en 1970.

Depuis le début du mandat du gouvernement péquiste, nous avons subi une érosion de nos droits et libertés. La députée de L'Acadie a bien mentionné que c'est dans le premier projet de loi de ce gouvernement - le projet de loi no 1 - qui a porté sur la Charte de la langue française, qu'on a voulu modifier la Charte des droits et libertés de la personne du Québec pour mettre la Charte de la langue française au-dessus de la charte des droits. Cela a été refusé à cause de l'Opposition et un tollé général dans la population. Vous savez bien, M. le Président, que la loi 101 est subordonnée à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

Après ce premier projet de loi du gouvernement péquiste, il y a eu aussi la charte canadienne des droits qui a été adoptée il y a maintenant un an. Nous avons adopté ici - parce que le gouvernement a, bien sûr, la majorité - la loi 62 pour exempter toute loi du Québec de l'application de la charte canadienne en ce qui concerne les droits fondamentaux, les garanties juridiques et les droits à l'égalité. Le ministre de la Justice - c'est un autre élément de sa nouvelle théorie sur les libertés publiques - a dit: On adopte la loi 62 parce que ces droits fondamentaux, ces garanties juridiques et ces droits à l'égalité empiètent sur les compétences de l'Assemblée nationale. Mais c'est tout à fait faux; ces droits n'empiètent pas sur les pouvoirs de l'Assemblée nationale parce qu'elle peut se soustraite de l'application de ces droits dans la charte canadienne. Donc, la charte canadienne a posé la question sur le fond: Le gouvernement péquiste est-il prêt à accepter la prépondérance des droits fondamentaux, des garanties juridiques et des droits à l'égalité dans la charte canadienne sur les lois québécoises? Étant donné - je le répète - qu'on peut se soustraire de l'application de ces articles dans la charte canadienne, on ne peut pas parler d'un empiètement de cette charte sur les droits et privilèges de l'Assemblée nationale.

Le ministre de la Justice a aussi dit à maintes reprises que la charte québécoise était meilleure que la charte canadienne. C'est une fausse comparaison. Premièrement, une charte constitutionnelle a plus de poids qu'une charte qui n'est qu'une loi ordinaire comme la charte québécoise. Cela a été dit par le juge en chef Laskin, de la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Curr, et aussi par le juge en chef Deschênes, de la Cour supérieure du Québec. La charte québécoise est une loi ordinaire qui peut être modifiée par une autre loi ordinaire, quoique la charte constitutionnelle peut seulement être modifiée par un amendement constitutionnel.

Il y a aussi un autre exemple: l'exemption, la clause "nonobstant" dans la charte canadienne est limitée dans le temps pour cinq ans, alors que la même clause dans la charte québécoise est illimitée dans le temps. Comme je l'ai dit, les juges ont dit clairement qu'une charte constitutionnelle a plus de poids et qu'on donnerait plus de poids à une charte constitutionnelle qu'à une charte qui n'est qu'une loi ordinaire. Mais j'insiste sur le fait que la charte québécoise est essentielle, parce qu'il y a des articles qui traitent de la discrimination. Il y a une Commission des droits de la personne, au Québec. Donc, la charte québécoise a sa raison d'être et elle est essentielle. Même si on accepte la charte canadienne, il est nécessaire d'avoir une charte québécoise, tout comme l'État de la Californie, par exemple, qui a deux chartes. La Californie a le Bill of Rights américain, mais elle a son propre Bill of Rights pour l'État de la Californie.

La loi 111 est la réalisation de ce que ce gouvernement a voulu faire dans son premier projet de loi, c'est-à-dire de mettre une loi au-dessus de la charte québécoise des droits de la personne. Avec ce gouvernement, la charte québécoise est à la

merci du gouvernement. Le gouvernement est entaché par cette philosophie, par cette attitude qu'il a prise depuis son premier projet de loi. Le gouvernement ne peut pas effacer cette tache par le décret qu'il a déposé aujourd'hui. Le ministre du Travail ne peut dire, comme il a dit, sans connaissance de cause, que nous avons déjà dans cette Chambre adopté une loi semblable à la loi 111. C'est faux. Il a admis cela lui-même en commission parlementaire quand on a étudié la loi 111. En cela, nous avons subi une érosion de nos droits et libertés sous ce gouvernement du Parti québécois. Je pense qu'il faudrait un autre gouvernement pour rétablir les droits et libertés des Québécois dans nos lois. Pour faire un pas au moins dans le rétablissement de nos droits et libertés au Québec, le gouvernement, les membres du caucus péquiste devraient voter pour cette motion et le gouvernement doit prendre les mesures nécessaires pour abroger cette loi 111 qu'ils ont adoptée à la vapeur il y a quelques mois. Merci, M. le Président.

Mme Harel: M. le Président... Je pense avoir été la première à me lever, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Vous me mettez dans...

M. Gauthier: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Deux personnes se sont levées en même temps, mais il y a une personne qui m'a nommé en premier. Si j'applique le règlement tel qu'il est indiqué... J'aimerais bien à l'avenir que chacun des parlementaires de cette Assemblée quand il veut parler, s'en tienne au règlement qui se lit: "Pour parler, un député doit se lever et demander la parole au président en le désignant par son titre." Deux personnes se sont levées en même temps... Oui, M. le député sur une question de règlement?

M. Gauthier: Question de règlement, M. le Président, oui. Il y a un usage dans cette Chambre qui veut, bien sûr, qu'en général il y ait une certaine ordonnance qui se fait parmi les orateurs. Conformément à cette habitude, j'ai signifié au whip du parti l'intention de prendre la parole dans l'équipe ministérielle et ceci a été autorisé. Je me suis conformé à une première règle qui est une règle en usage chez nous.

Deuxièmement, je me suis levé immédiatement après l'intervenant de l'Opposition, tel que je dois le faire, et j'ai dit: M. le Président; je vous ai interpellé. Peut-être que la voix perçante de ma collègue de Maisonneuve vous a frappé davantage et je vous comprends, elle est en face de vous. Mais je me suis conformé à l'ensemble des directives et, en plus, j'étais celui normalement prévu dans l'ordre établi.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Effectivement, j'ai reçu une liste dans laquelle votre nom, M. le député de Roberval, était inclus. En même temps que vous vous êtes levé, il est évident que j'ai entendu Mme la députée de Maisonneuve me nommer par mon nom. J'aimerais bien, dans une situation semblable, qu'au parti ministériel, puisque ce sont deux personnes du côté ministériel qui me demandent la parole, on en arrive à une entente. Si je m'en tiens à la liste déposée par le whip du gouvernement - ...je m'excuse, madame... S'il vous plaît! S'il vous plaît!... - c'est le député de Roberval qui doit avoir la parole. Si vous pouviez vous entendre, je le préférerais; sinon, je vais être obligé d'appliquer le règlement tel qu'il existe, tel que l'article 92 le stipule, mais j'aimerais, dans la mesure du possible...

M. le whip du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, vous connaissez les usages en cette Chambre, le député de Roberval les a rappelés. Ce n'est pas inscrit dans le règlement, c'est bien évident. Quand on demande à un député de se préparer pour intervenir, il me semble normal - d'ailleurs, on avise la présidence à cette fin - que le député en question ne se soit pas préparé inutilement. J'ai demandé au député de Roberval d'intervenir sur cette motion, il s'y est préparé et j'aimerais que vous le reconnaissiez.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Je suis dans une situation vraiment difficile, surtout qu'il s'agit du même côté de la Chambre. Actuellement, j'ai l'obligation de reconnaître la personne que j'ai entendue de façon très spécifique, quoique je sache très bien que le député de Roberval voulait parler sur cette motion du député d'Argenteuil.

M. Gauthier: M. le Président, je demande une directive.

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Demande de directive, M. le député de Roberval.

M. Gauthier: M. le Président, votre jugement est rendu et je ne voudrais pas le contester, mais je veux simplement avoir une information. C'est donc dire que tout ce qui est usage habituel dans cette Chambre pour son fonctionnement n'a aucune valeur, si je comprends bien votre décision. C'est donc dire, comme le règlement prévoit le principe de l'alternance - on me corrigera si ce n'est pas exact - que dorénavant, pour prendre la

parole dans cette Chambre, il faudra, faisant fi de cette habitude, pour la bonne marche de nos travaux, qu'on se lève et qu'on crie le plus fort possible, et celui que vous entendrez crier le plus fort, vous le reconnaîtrez. C'est cela?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: M. le Président, je sympathise beaucoup avec la majorité quant à l'imbroglio qui persiste de son côté. Le but de ma démarche, c'est d'assurer que les droits du député d'Argenteuil et de l'Opposition seront respectés et être certain qu'à compter de 17 h 50 la parole sera au député d'Argenteuil pour son droit de réplique.

M. Ryan: Simplement une chose, si vous me permettez, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je consentirais volontiers que la députée de Maisonneuve prenne les dix minutes qui lui sont attribuées si le gouvernement veut consentir à ce que nous allions cinq minutes au-delà du temps réglementaire de 18 heures. Je souhaiterais que cette décision soit prise de l'autre côté dans le même esprit de courtoisie et de souci des droits fondamentaux qui a été central dans tout ce débat-ci depuis le début.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Je suis obligé d'appliquer le règlement. En réponse à votre demande de directive, il est effectivement arrivé à cette Assemblée que quelques députés, d'un côté ou de l'autre, se lèvent en même temps pour exercer un droit de parole et le président au fauteuil a toujours décidé de donner la parole à celui ou à celle qui avait interpellé le président par son titre. Ceci ne veut pas dire que je n'accepte pas de répartir le temps avec une alternance mais, surtout du côté gouvernemental, j'espère qu'on pourra en arriver à une entente.

Mme la députée de Maisonneuve a cinq minutes.

M. Gauthier: Question de privilège, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Question de privilège.

M. Gauthier: Je regrette, mais ces usages qui ont normalement cours lors de la période des questions et qui ont cours pour l'ensemble des travaux de l'Assemblée nationale, vous les reconnaissez lors de la période des questions parce que s'il nous arrive de nous lever et de vous interpeller, M. le Président, vous donnez, selon une espèce d'ordre établi, la parole aux personnes qui voudront bien intervenir.

Je voudrais savoir s'il est écrit quelque part que ces règles en usage lors de la période des questions ne sont pas les mêmes que celles établies pour l'ensemble des débats. Deuxièmement, je voudrais vous faire remarquer la crainte soudaine, que je ne comprends pas, du Parti libéral de me voir intervenir sur cette question.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Question de règlement, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Je ne pense pas qu'il y ait eu de réponse à la question de savoir si cinq minutes allaient être allouées en supplément du temps accordé à cette Chambre pour le débat de cette motion. Si c'était le cas, je pense qu'il vaudrait la peine d'intervenir maintenant. Sinon, par des mesures dilatoires, il me semble qu'on ait écarté toute possibilité d'intervention puisqu'il sera bientôt 17 h 50 et qu'il est tout à fait inapproprié que je commence une intervention qui durera 30 secondes, M. le Président.

Est-ce qu'on peut avoir réponse à la question, à savoir si le temps alloué pourra être utilisé pour permettre deux interventions?

M. Pagé: M. le Président, nous avons déjà évoqué sur cette question que l'Opposition est prête à permettre à Mme la députée de Maisonneuve d'intervenir à la condition, toutefois, que les règles de bon entente et de consentement prévoient que M. le député d'Argenteuil pourra prendre son droit de réplique par la suite et dépasser 18 heures de quelques minutes.

Le Vice-Président (M. Rancourt): À la demande du député d'Argenteuil au gouvernement, à savoir s'il donnait son consentement pour dépasser 18 heures, j'ai bien entendu qu'il n'y avait pas consentement pour dépasser 18 heures.

Dans les circonstances, puisqu'il reste deux minutes, ou je donne à M. le député d'Argenteuil ou à Mme la députée de Maisonneuve une ou deux minutes, ou je donne tout de suite la parole au député d'Argenteuil pour son droit de réplique.

Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Très rapidement, M. le Président. J'aurai l'occasion d'y revenir, je l'espère, lors du débat sur le projet de loi qui nous a été annoncé pour abroger cette

loi 111. Je vous donnerai simplement les conclusions de cette intervention que j'entendais faire durant tout le temps qui doit m'être imparti comme parlementaire. Je vous donnerai simplement les conclusions très brèves, trop brèves pour tout ce que j'aurais souhaité et aimé dire ici, dans cette Assemblée.

Les conclusions sont les suivantes: Cela ne me convainc pas de savoir que des précédents similaires, par exemple, des précédents sur le renversement du fardeau de la preuve - on les a invoqués un peu plus tôt - sur le renversement de la présomption d'innocence, ont pu être utilisés par des gouvernements qui nous ont précédés. Je n'ai pas été élue ici pour agir comme les gouvernements antérieurs. Je ne vois pas pourquoi, maintenant, j'aurais à les prendre en exemple.

D'autre part - et je termine là-dessus -ce n'est pas quand ça va mal dans un ménage qu'il est temps de signer un contrat; bien au contraire, c'est quand ça va mal qu'il faut avoir un bon contrat. C'est quand il y a une crise dans la société qu'il faut avoir une bonne charte.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de Maisonneuve...

Mme Harel: Il ne faut surtout pas que soit accréditée cette impression que le Québec a la meilleure Charte des droits et libertés, mais que cette charte protège peu ses citoyens puisqu'on en écarte l'application dès que se présente un problème social...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de Maisonneuve...

Mme Harel: ...de quelque importance. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député d'Argenteuil, votre droit de réplique.

M. Claude Ryan (réplique)

M. Ryan: M. le Président, je regrette les incidents qui ont empêché cette Assemblée d'entendre au complet l'intervention de la députée de Maisonneuve. J'espère que nous pourrons disposer du texte de cette intervention pour en faire notre profit. Cela m'intéresserait beaucoup d'en prendre connaissance. (17 h 50)

À la suite du débat que nous avons entendu, je voudrais tirer quelques rapides conclusions. Tout d'abord, je pense que le gouvernement, à son insu, a fait la démonstration, en blanc sur noir, de la supériorité d'une charte sur les lois statutaires en matière de droits fondamentaux. Nous l'avions prévenu, l'an dernier, lors du débat autour de la loi 62, de ce qui allait arriver avec la loi 111. Nous ne connaissions pas les modalités précises que revêtirait cette preuve, mais le gouvernement l'a administrée d'une manière extraordinairement éloquente. J'espère que le plus tôt possible nous pourrons convenir entre nous qu'une charte constitutionnelle des droits est un instrument infiniment plus stable, plus précieux et plus solide pour la protection des droits fondamentaux qu'une loi statutaire que le gouvernement peut modifier à sa volonté, suivant le contrôle qu'il a d'une simple majorité de députés dans cette Chambre.

Deuxièmement, lorsque nous traitons d'une charte, la pratique internationale, confirmée par le pacte international des droits en matière de droits civiques et politiques, confirme qu'on ne peut déroger à une charte que pour une raison très grave: l'existence d'une situation mettant en péril l'existence même de la nation. C'est clair. Je n'ai entendu, dans les discours de cet après-midi, aucune réponse à cet argument. C'est la norme internationale vers laquelle non seulement nous devons tendre, mais que nous devrions accepter.

J'entendais le ministre de la Justice évoquer les événements de février dernier. Nous les avons vécus tous ensemble et nous savons très bien - je l'ai dit moi-même -que c'était une situation très sérieuse, mais ce n'était pas le genre de situation qui crée un péril pour l'existence même de la nation. C'est pourquoi on s'est inquiété à juste titre non seulement au Québec, mais également à l'étranger, de ce qui se passait ici.

J'ai entendu les porte-parole du gouvernement nous dire qu'ils seraient prêts à envisager l'abrogation de la loi 111 pourvu que les syndicats qui traînent encore de la patte acceptent de signer des ententes. Cela n'a rien à voir. Le député de Sainte-Marie l'a signalé avec beaucoup de justesse: signature d'une entente n'a rien à voir avec le sujet que nous discutons aujourd'hui. Ce n'est pas parce que les enseignants des collèges n'ont pas encore signé d'entente qu'on doit présumer qu'ils sont hors la loi et qu'ils sont dignes du genre de sanctions qui sont imposées par la loi no 111. Il me semble que c'est un ordre de considérations complètement différent.

Je m'étonne et je m'inquiète à la fois de constater que ces propos ont été tenus cet après-midi par les deux ministres qui sont les principaux responsables du dossier en ce qui touche le gouvernement, c'est-à-dire le ministre de la Justice et le ministre du Travail. Je pense qu'aussi longtemps que le gouvernement voudra subordonner l'abrogation de la loi à la signature d'ententes, cela n'aura rien à voir avec l'objet initial de la loi. Il peut très bien arriver que des syndiqués - nous savons que c'est le cas dans

d'autres secteurs, dans le secteur des affaires sociales - aient préféré subir le poids d'airain de décrets très sévères plutôt que de donner au gouvernement l'impression qu'ils approuveraient sa manière de faire en signant des ententes qui viennent améliorer ou atténuer quelque peu les décrets. C'est la décision des syndiqués, des associations de syndiqués. Le gouvernement n'a pas de jugement à passer là-dessus et cela ne devrait avoir rien à faire avec la décision que nous devons prendre dans ce cas-ci.

Le décret est une mesure complètement inadéquate par rapport au problème que nous avons soulevé. Nous avons soulevé un problème très grave, un problème qui est d'importance internationale et qui est de nature à affecter notre réputation comme pays qui a toujours été à l'avant-garde en matière de respect des droits fondamentaux. Et on nous présente un décret en nous disant: Mais voici, le Conseil de Sa Majesté a siégé ce matin et il a décidé, dans sa bonté, que les décrets ne s'appliqueraient plus à des gens qui, de toute manière, ne sont pas affectés immédiatement par les décrets. Ce qui pèse, c'est l'épée de Damoclès qui est là avec la loi. Nous savons très bien que le gouvernement a adopté un décret aujourd'hui. Il pourra en adopter un autre demain. À ce moment-là, la menace que nous dénonçons, cette menace que nous trouvons absolument digne de notre réprobation la plus profonde, continuerait d'exister. C'est pourquoi, comme première étape, nous n'avons pas d'objection. Si c'est la première étape, la première démarche que le gouvernement entend suivre vers l'abrogation, vers la présentation en cette Chambre d'un projet de loi visant l'abrogation de la loi no 111, nous attendrons le projet de loi avec infiniment d'intérêt.

En ce qui touche l'amendement proposé par le gouvernement, nous ne pouvons pas l'accepter pour une raison très simple. Je comprends très bien ce qu'a dit le ministre de la Justice, à savoir que notre motion ne pourrait pas, même si elle était adoptée, s'appliquer cet après-midi. Je pense qu'il faudra au moins quelques heures, peut-être même quelques jours, pour mettre en place tous les mécanismes permettant de disposer des poursuites qui sont déjà devant les tribunaux, permettant d'assurer que ces poursuites pourraient peut-être être maintenues. Je pense qu'en principe elles devraient l'être, mais moyennant peut-être l'abrogation des violations de droits qui étaient dans la loi no 111, comme la présomption de culpabilité. Maintenant que ce danger est passé, est-ce qu'on va la laisser là? C'est un cas où, je pense, le gouvernement a un examen très sérieux à faire des décisions qu'il devra prendre au cours des prochains jours. Il me semble que l'abrogation permettra peut-être d'inclure, dans le projet de loi éventuel, une clause prévoyant que si les poursuites sont maintenues, elles devront être entendues par les tribunaux à la lumière de nos normes de justice ordinaires, de nos normes garanties par la charte des droits et non pas des normes d'exception absolument indignes d'une société civilisée qu'on avait dans la loi 111.

La motion amputée du mot immédiatement pourrait servir de prétexte au gouvernement pour maintenir sa loi 111 encore des semaines. Nous tenons à ce que le mot immédiatement reste là. Encore une fois, nous ne l'interprétons pas de manière littérale. J'ai fait venir un dictionnaire tantôt pour savoir ce que cela voulait dire. Ce serait trop long à cette heure-ci d'entrer dans les exercices d'étymologie. Je dis au gouvernement que ce que nous voulons, c'est la disparition de cette loi 111 de nos statuts dans les meilleurs délais. Je suis parfaitement prêt à comprendre que cela prenne quelques jours, mais je ne voudrais pas que cette décision politique que doit prendre le gouvernement soit liée à la signature d'une entente par les enseignants du secteur collégial comme l'ont laissé entrevoir deux porte-parole importants du gouvernement cet après-midi.

Ce lien ne doit pas être établi, en l'occurrence. Je pense que nous devons viser l'objectif. Qu'on règle les problèmes techniques et je pense que la collaboration de l'Opposition sera acquise au gouvernement, mais qu'on procède sans délai pour que cette page regrettable de l'histoire des relations du travail, l'histoire des droits tout court au Québec disparaisse de nos statuts. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion d'amendement du ministre de la Justice est adoptée?

M. Ryan: Vote enregistré.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Votre enregistré. Donc, la motion d'amendement du même coup?

M. Bertrand: Vous êtes combien? Cela prend cinq députés.

M. Marx: ...qu'on prenne un vote, on sonne les cloches. Qu'on sonne les cloches maintenant, on va avoir le vote tout de suite.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Il faudrait qu'on se rappelle qu'effectivement il faut un minimum de cinq députés pour demander un enregistrement du vote. Deuxièmement...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Bertrand: Deuxièmement, M. le Président, le leader parlementaire du gouvernement peut demander que le vote soit reporté à la séance suivante. C'est ce que je fais pour que nous soyons plus nombreux pour voter sur cet important amendement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, le vote est reporté...

M. Marx: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Le leader parlementaire du gouvernement a mal compté. Il y a au moins dix députés en Chambre et on est prêt à voter.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Bien! M. le Président, je voudrais signaler que j'ai eu une longue conversation, avec le député de Sainte-Marie, que je dois consulter fréquemment pour obtenir des consentements en cette Chambre. Il se sent moins isolé comme cela. Dans ce contexte, je...

M. Bisaillon: Ce sont de petites phrases dangereuses, M. le Président.

M. Bertrand: Des menaces. Dans ce contexte, je pense que nous pourrions procéder à l'adoption des projets de loi 112 et 113 en troisième lecture.

Projet de loi no 112 Troisième lecture

Le Vice-Président (M. Rancourt): La troisième lecture du projet de loi no 112, Loi modifiant la Loi favorisant l'amélioration des fermes est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Projet de loi no 113 Troisième lecture

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. La troisième lecture du projet de loi no 113, Loi modifiant la Loi favorisant le crédit à la production agricole est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Donc, M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Avant de faire motion pour que nous ajournions nos travaux à demain, M. le Président, je voudrais indiquer, et en faire motion en même temps, que demain, la commission de l'industrie, du commerce et du tourisme siégera à la salle 81-A, à compter de 10 heures, pour l'étude des crédits de ce ministère.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député d'Argenteuil.

M. Bertrand: Oui, d'accord.

M. Ryan: M. le leader du gouvernement, si vous avez autre chose à ajouter, je vais attendre cependant.

M. Bertrand: Non.

M. Ryan: La commission des finances, qui a commencé ce matin l'étude du projet de loi no 8, siégera-t-elle de nouveau cette semaine ou la semaine prochaine?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Je ne crois pas, M. le Président, que ce soit demain puisque trois commissions parlementaires vont siéger en même temps. En tout cas, demain après-midi, je pourrai peut-être donner l'information, au moment des questions en vertu de l'article 34, après la période des questions ou au moment des motions que je ferai, évidemment, ou des avis que je donnerai pour la semaine prochaine. Je sais que le député d'Argenteuil a des engagements aussi. On va en tenir compte.

Je fais donc motion pour que nous ajournions nos travaux à demain, 14 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion d'ajournement est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Adopté. Nos travaux sont ajournés à demain, 14 heures.

(Fin de la séance à 18 heures)

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