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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le lundi 5 décembre 1983 - Vol. 27 N° 56

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures cinq minutes)

Le Président: À l'ordre, mesdames et messieurs!

Nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez vous asseoir.

Voeux à M. Henri Réthoré, consul général de france

Je désire saluer la présence aujourd'hui dans les galeries, du consul général de France à Québec, M. Henri Réthoré, qui termine son mandat.

Au cours des années qu'il a passées à Québec, nous avons appris à connaître et à apprécier la compétence professionnelle de M. Réthoré, mais au-delà, c'est un réseau d'amitié que M. Réthoré va emporter bientôt avec lui à Paris.

Durant son mandat, les liens entre notre Assemblée nationale et l'Assemblée nationale française se sont renforcés, notamment, par la mise sur pied d'une commission mixte de coopération entre nos deux institutions.

Parallèlement, les rapports entre les gouvernements de Paris et de Québec se sont approfondis. C'est avec la satisfaction d'avoir bien servi la France que son consul général nous quitte; c'est aussi avec regret que nous le voyons partir, mais ainsi va la vie diplomatique.

J'espère qu'à la faveur d'un voyage ou de vacances nous aurons le plaisir de le revoir. En tout état de cause, en mon nom et au nom de l'Assemblée nationale, je vais lui souhaiter nos meilleurs voeux pour l'avenir.

M. le leader du gouvernement.

M. Jean-François Bertrand

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais me joindre à vous pour souligner le départ imminent de celui qui est devenu un bon ami de tous les Québécois et de toutes les Québécoises, M. Henri Réthoré.

Pour les gens qui nous écoutent, il est peut-être bon de rappeler le profil de carrière qu'a suivi jusqu'à maintenant M. Réthoré. Il est certifié d'études supérieures de lettres, bachelier en droit breveté de l'École nationale de la France d'outre-mer et aussi conseiller des affaires étrangères de première classe.

Il a servi outre-mer de 1955 à 1961. Il a été affecté à l'administration centrale du ministère des Affaires étrangères avant d'être nommé a Alger, comme premier secrétaire, puis deuxième conseiller d'ambassade jusqu'en 1971. Sous-directeur de la coopération technique de 1971 à 1977, M. Réthoré était premier conseiller d'ambassade à Abidjan depuis juillet 1977.

Il a été nommé consul général de France à Québec, par décret du président de la République, en date du 9 novembre 1979. De plus, dois-je souligner que M. Réthoré est aussi chevalier de la Légion d'honneur et chevalier de l'Ordre national du mérite. Je voudrais indiquer, pour avoir eu le privilège, le bonheur, de rencontrer en plusieurs occasions M. Réthoré, qu'il s'est distingué au cours des quatre dernières années à Québec, au Québec comme un consul serein, calme, mais combien efficace. Il a su, par de profondes qualités humaines, créer avec tous nos amis du Québec des liens qui ont permis à la fois à la France et au Québec d'améliorer leurs relations, de les intensifier dans des secteurs où, jusqu'à maintenant, nous n'avions pas poussé assez loin nos efforts. Je dois dire que c'est tout à son honneur d'avoir réussi comme consul, ici, à Québec, d'accomplir cette transition qui, forcément, n'est jamais facile lorsqu'un gouvernement succède à un autre, entre un gouvernement du Québec et deux gouvernements français, de telle sorte que les relations non seulement se sont encore intensifiées, mais se sont améliorées sur des plans où jusqu'à maintenant les efforts avaient été de part et d'autre relativement timides.

Donc, M. le Président, je voudrais me joindre à ces bonnes paroles que vous avez eues à l'endroit de M. Réthoré et le remercier pour l'efficacité toute calme et sereine de son travail et d'avoir facilité, pour le gouvernement du Québec, l'amélioration et l'intensification de fructueuses relations entre le Québec et la France.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: M. le Président, vous me permettrez seulement quelques mots pour joindre notre voix à la vôtre et à celle du leader du gouvernement à l'occasion du départ de M. Réthoré. J'ai eu le privilège d'assister, à midi, au déjeuner que vous avez offert à l'occasion de son départ. Ce qui m'a frappé, c'est les paroles que M. Réthoré a prononcées. Elles témoignaient de son attachement au Québec et à son peuple

après ces quatre années de service bien remplies au nom de son pays, la France. Je voudrais simplement lui témoigner la reconnaissance qui nous anime à l'occasion de son départ et aussi lui souhaiter une carrière longue et fructueuse, car on sait, comme vous l'avez dit, que cette carrière diplomatique est truffée de départs et d'arrivées. Je pense que M. Réthoré a bien mérité, ici au Québec, à l'occasion de son mandat comme consul général à Québec et nous lui souhaitons une très fructueuse carrière à l'avenir. Merci, M. le Président.

Le Président: Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclaration ministérielle ni dépôt de documents ni dépôt de rapports de commissions. En fait, pour tout dire, cela nous mène à la période de questions des députés. M. le député de Viger.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

M. Maciocia: M. le Président, ma question s'adresserait au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, mais je vois qu'il est absent. Pourrait-on savoir s'il est présent aujourd'hui ou non?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Je voudrais dire au député de Viger que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme sera normalement à l'Assemblée nationale demain.

Le Président: M. le député de Nelligan. M. Lincoln: Je m'excuse...

M. Brouillet: M. le Président, je me suis levé bien avant que j'aperçoive un membre de l'Opposition. À tantôt normalement?

Le Président: Subséquemment, M. le député.

M. Brouillet: Très bien, merci.

Le Président: M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Je m'excuse, j'étais dans la lune, temporairement!

Est-ce que le ministre délégué aux Relations avec les citoyens sera présent aujourd'hui, M. le leader, s'il vous plaît?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je n'ai pas d'information à savoir que le ministre délégué aux Relations avec les citoyens ne serait pas à la période de questions aujourd'hui. Normalement, il devrait être ici et probablement arrivera-t-il d'une minute à l'autre. Je n'ai pas d'information à savoir qu'il soit absent.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Quant au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, vous surprendra-t-il d'apprendre qu'il se trouve en ce moment à Ottawa pour une conférence fédérale-provinciale sur les pêcheries?

Le Président: M. le député de Nelligan, M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens est parmi nous, vous pouvez poser votre question.

La hausse du prix de l'essence

M. Lincoln: Je voudrais poser une question au ministre délégué aux Relations avec les citoyens pour faire suite à la question qui a été posée l'autre jour par mon collègue de Jeanne-Mance au ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur au sujet du prix de l'essence. Nous voudrions vous demander, M. le ministre, si vous, comme ministre délégué aux Relations avec les citoyens, ou votre collègue de l'Habitation et de la Protection du consommateur, avez fait quelque pression que ce soit sur les compagnies d'essence pour protester contre le prix inéquitable de l'essence qui a à peine changé depuis la réduction de la taxe ascenseur du ministre des Finances.

Le Président: M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.

M. Lazure: M. le Président, tout en estimant la gravité de la situation pour les consommateurs qui sont, jusqu'à un certain point, les victimes d'une certaine pratique, le député de Nelligan va sûrement comprendre que l'objet premier de mon action ou de mon mandat consiste non pas à agir comme superviseur des pratiques commerciales, mais plutôt comme un membre du Conseil des ministres qui travaille avec ses collègues dans le but d'améliorer les services gouvernementaux. Je veux bien me rendre disponible pour offrir le plus de services

possible aux citoyens, mais vous comprendrez que notre action doit d'abord et avant tout porter sur la qualité des services gouvernementaux aux citoyens, ce à quoi je m'emploie avec mes collègues.

M. Lincoln: M. le Président.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur n'est pas présent aujourd'hui. On apprend qu'il est en dehors du Québec. L'autre jour, nous lui avons posé une question spécifique. Il n'avait pris aucune mesure auprès des compagnies pétrolières. Peut-on vous demander de faire vous-même en son nom et en votre nom personnel - puisque vous avez à coeur les intérêts des citoyens, je l'espère - des représentations auprès du Conseil des ministres pour que des pressions soient faites le plus tôt possible sur les compagnies pétrolières pour nous assurer que cette situation tout à fait inéquitable puisse être rectifiée le plus tôt possible?

Le Président: M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.

M. Lazure: M. le Président, je m'engage volontiers à discuter de la question avec mon collègue aussitôt qu'il sera de retour et, s'il le faut, à débattre la question avec les autres collègues du Conseil des ministres.

M. Lincoln: Pourriez-vous nous dire si vous ou le ministre des Finances ou le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur avez discuté jusqu'à maintenant de la question au Conseil des ministres ou vous êtes-vous préoccupés de présenter cette question très importante pour les citoyens ou les consommateurs devant le Conseil des ministres jusqu'à présent?

Le Président: M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je ne pense pas que ce soit la coutume dans cette Chambre de faire rapport ou de faire des commentaires sur les sujets discutés au Conseil des ministres. Je peux simplement assurer le député de Nelligan et les consommateurs qui se sentent lésés que je vais discuter de la question avec mon collègue aussitôt qu'il sera revenu. S'il le faut, nous en discuterons avec nos autres collègues qui sont touchés par cette situation que nous souhaitons tous voir corriger.

M. Pagé: M. le Président.

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Question additionnelle sur le sujet. Vous comprendrez qu'on doive adresser aujourd'hui nos questions au ministre délégué aux Relations avec les citoyens car le premier ministre est absent, le vice-premier ministre est absent, le ministre chargé de la Protection du consommateur est absent...

M. Lalonde: II est en Egypte.

M. Pagé: II est apparemment parti en Égypte. Et, vous, vous n'avez pas payé l'augmentation sur l'essence, votre essence est fournie par le gouvernement. Pouvez-vous donner une assurance aux milliers de citoyens et de citoyennes qui se sont vu infliger une hausse substantielle du coût de leur essence depuis une semaine? On a posé des questions, mais on n'a eu aucune réponse. Qu'est-ce que vous vous engagez à faire?

Une voix: Allez donc à Ottawa!

M. Pagé: À Ottawa, c'est vous qui voulez y aller!

Le Président: À l'ordre!

M. Pagé: Ma question au ministre est la suivante. On exige du gouvernement qu'il communique dans les meilleurs délais avec les compagnies pétrolières et qu'il intervienne dans la défense des intérêts des consommateurs du Québec. Est-ce que le ministre délégué aux Relations avec les citoyens peut prendre l'engagement de soumettre cette question au Conseil des ministres qui, je le présume, va se réunir quand même mercredi? Il ne faut pas attendre que tout le monde soit revenu d'Europe; pendant ce temps, on paie. Qu'allez-vous faire, quand, et quand allez-vous nous fournir un rapport, ici même, à l'Assemblée nationale du Québec?

Le Président: M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.

M. Lazure: Cela faisait un petit bout de temps qu'on n'avait pas entendu le député de Portneuf.

Une voix: II est porno.

Une voix: II est meilleur dans les scandales.

Une voix: II fait des films, lui.

Une voix: Le pornographe des libéraux.

M. Lazure: L'Opposition a mauvaise grâce d'essayer de blâmer le gouvernement pour des pratiques qui sont d'abord et avant tout reconnues dans le commerce. L'Opposition est la première à blâmer le gouverne-

ment lorsque nous commettons trop d'actes d'ingérence dans la libre entreprise et dans le libre commerce. C'est une pratique connue, courante au Québec comme ailleurs en Amérique du Nord. Il se trouve que, dans certaines de ces situations, plusieurs citoyens et citoyennes sont victimes de ces pratiques commerciales.

Je vous répète, prenant bonne note des questions posées par les deux députés de l'Opposition, que je vais en discuter avec les collègues intéressés. (15 h 20)

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: J aimerais tout simplement demander au ministre de répondre à la question du député de Portneuf. Est-ce qu'il entend soumettre cette question au prochain Conseil des ministres qui sera tenu soit demain ou après-demain?

Le Président: M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.

M. Lazure: Je ne sais pas si on a une série de questions supplémentaires aujourd'hui pour le ministre délégué aux Relations avec les citoyens. Je n'ai aucune espèce d'objection. Je répète pour la troisième fois - je ne sais pas si le député de Marguerite-Bourgeoys était distrait - que je vais soumettre la question à mes collègues du Conseil des ministres dès la prochaine occasion, c'est-à-dire demain.

M. Laplante: Question additionnelle.

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Je voudrais demander au ministre s'il est au courant que les distributeurs d'essence ont obtenu, en échange de l'augmentation de 0,10 $ ou 0,12 $ le gallon, une compensation de 0,005 $ le litre pour la vente de l'essence.

Le Président: M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens. À l'ordre!

M. Lazure: Je suis au courant, mais depuis très peu de temps.

Le Président: Question principale, Mme la députée de Jacques-Cartier.

La Maison des sciences et de la technologie

Mme Dougherty: Ma question s'adresse au ministre de la Science et de la

Technologie. Il y a deux semaines, le premier ministre a annoncé la création de la Maison des sciences et de la technologie, à Montréal. Quelles sont les démarches que le ministre entend prendre pour donner suite à cet énoncé?

Le Président: M. le ministre de la Science et de la Technologie.

M. Paquette: M. le Président, d'abord je suis heureux de voir que ma collègue, critique officielle de l'Opposition, est en Chambre, contrairement aux deux tiers de nos collègues de l'Opposition. Ce projet de Maison des sciences et de la technologie est en préparation au ministère et à la ville de Montréal par le biais de deux comités communs, depuis un an et demi. J'aurai le plaisir de rendre publiques les études quant au concept muséologique, aux études techniques également quant à l'emplacement du site, quant aux coûts et quant aux retombées économiques, dès que le rapport sortira de l'impression. En fait, nous avons le rapport sous forme polycopiée depuis le mois de septembre, mais le rapport définitif est encore à l'impression. J'ai l'intention, une fois que ce rapport sera rendu public, d'ouvrir un mécanisme de consultation de façon que toutes les personnes intéressées et impliquées dans ce dossier puissent nous faire connaître leurs projets, leurs orientations, afin de compléter ce projet dans les meilleurs délais.

Une voix: Très bien.

Une voix: M. le Président.

Le Président: Question complémentaire, Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Étant donné l'intérêt que ce centre a déjà suscité et va susciter dans le public, est-ce que le ministre pourrait nous assurer qu'il y aura des audiences publiques afin d'entendre les avis de tous les intéressés sur le concept et sur le site de ce centre?

Le Président: M. le ministre de la Science et de la Technologie.

M. Paquette: M. le Président, je peux très certainement assurer mes collègues de cette Chambre qu'il y aura des audiences publiques. C'était notre intention; cela va de soi. Je pense que c'est un projet très important pour la diffusion de la culture scientifique et essentiel au virage technologique. Il faut que l'ensemble de la population, particulièrement les jeunes, connaissent davantage les enjeux à l'aide de cet équipement essentiel que constitue la Maison des sciences et de la technologie. Ce

sont des investissements entre 60 000 000 $ et 120 000 000 $, selon l'option qui pourrait être retenue. Donc, il y a des retombées économiques considérables. Il y a également des retombées sur le plan de notre politique touristique puisqu'il s'agit d'un équipement culturel majeur. Donc, il y aura des auditions publiques.

Quant au choix du site, le rapport que je rendrai public montre que, sur une douzaine de sites qui ont été étudiés, les deux plus importants qui ressortent, les deux plus intéressants, ce sont l'île Sainte-Hélène et le Vieux-Port. Le rapport conclut légèrement pour l'île Sainte-Hélène, et le premier ministre a annoncé, comme vous le savez, dans le plan de relance, que le choix du gouvernement du Québec et de la ville de Montréal portait sur l'île Sainte-Hélène. Pour nous, c'est une décision qui est prise. À moins d'une position unanime qui nous amènerait à réviser cette décision, c'est, évidemment, la position du gouvernement et celle de la ville de Montréal.

Une voix: Très bien.

Une voix: M. le Président.

Une voix: Question additionnelle.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Dougherty: Question supplémentaire, M. le Président.

Le Président: Question supplémentaire, Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Étant donné le conflit qui existe déjà entre l'opinion qui favorise l'île Sainte-Hélène et celle favorable au Vieux-Port, pouvons-nous être assurés que la création de ce centre se fera en collaboration avec les autres paliers de gouvernement et non pas dans un esprit de confrontation afin qu'il ne soit pas utilisé comme un autre "football" politique dans le but de justifier votre déclaration que le virage technologique passe par l'indépendance.

Le Président: M. le ministre de la Science et de la Technologie.

M. Paquette: M. le Président, je n'ai pas très bien compris la dernière partie de la question. C'est vrai que l'indépendance pourrait aider les Québécois à prendre pleinement le virage techonologique; là-dessus, je pense qu'on pourrait ouvrir une discussion, mais effectivement c'est une question qu'il faudra que les Québécois tranchent à un moment donné, en temps et lieu.

En ce qui concerne la collaboration avec les autres paliers de gouvernement, je vous souligne que cette collaboration est offerte à tous les paliers de gouvernement. J'aimerais vous rappeler que, pour les centres de recherche, nous avons offert au gouvernement fédéral d'élaborer des projets conjoints. Il y avait même un certain centre de recherche où il y avait 10 000 000 $ sur la table; ces 10 000 000 $ ont été refusés parce qu'on voulait un seul drapeau devant le centre de recherche. Peu importe. Nous allons bâtir d'autres centres de recherche. Le Québec et le Canada ont en général, mais le Québec, en particulier, des retards tellement grands dans ce domaine qu'il n'est pas question de faire de querelles de drapeau, mais de développer le plus rapidement possible tout le potentiel scientifique du Québec pour qu'il prenne sa place parmi les nations qui sont à la pointe dans ce secteur.

D'autre part, j'aimerais simplement dire que la collaboration avec le palier municipal est engagée, comme je l'ai dit, depuis un an et demi. Il y a eu un comité de mis sur pied au sein de mon ministère dans lequel il y avait des représentants de la ville de Montréal et, inversement, un comité au niveau de la SIDEM à la ville de Montréal où on avait des représentants. Ce que je vais déposer avec la ville de Montréal, c'est un rapport conjoint de ces deux comités. On espère, bien sûr, que, comme il l'a fait pour tous les musées scientifiques au Canada, le gouvernement fédéral prendra la moitié des impôts qui lui revient chaque année pour investir dans cet équipement comme il l'a fait, par exemple, à Toronto, à l'Ontario Science Center.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Ma question s'adressait au premier ministre, M. le Président, mais, parce qu'il n'est pas ici, ni le vice-premier ministre, ni d'ailleurs le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, le ministre de l'Énergie et des Ressources et le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur...

Une voix: ...le ministre de la Justice.

M. Scowen: S'ils ne reviennent pas avant Noël, permettez-moi de leur souhaiter un joyeux Noël, de toute façon...

M. Bertrand: M. le Président, sur une question de règlement.

Le Président: Sur une question de rappel au règlement. M. le leader du gouvernement fait un rappel au règlement. M. le

leader du gouvernement.

Une voix: Cela fait cinq jours qu'il n'est pas ici.

M. Bertrand: Oui, M. le Président. Le député de Notre-Dame-de-Grâce, plutôt que de poser une question à un ministre nommément, fait l'inventaire des présences et des absences à l'Assemblée nationale. Je veux simplement souligner, M. le Président, qu'il y a 17 libéraux présents sur 46 et 38 péquistes présents sur 70. Je pense que, au bâton, notre moyenne est meilleure que la vôtre aujourd'hui.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Lalonde: M. le Président, je ne sais pas... J'aimerais...

M. Mailloux: Cela prend plusieurs péquistes...

Le Président: M. le député de Sainte-Marie me souligne que son caucus est présent. M. le leader de l'Opposition. M. le leader de l'Opposition. (15 h 30)

M. Lalonde: Je veux simplement vous demander, M. le Président, en vertu de quel article du règlement vous avez permis au leader du gouvernement de faire son "show". J'aimerais lui demander où sont les ministres délégué à l'Aménagement et au Développement régional, de la Justice, du Travail, le whip en chef et le ministre des Transports? Où sont les ministres?

Une voix: Où est le député de Marie-Victorin?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Question de règlement, M. le Président. J'ai ici la liste des absences des ministres en Chambre qui avaient des raisons valables.

Une voix: On vient de "sauver" les meubles.

M. Bertrand: M. Clair est à Ottawa. C'est ce qu'on me signale en ce moment.

Une voix: Ah!

M. Bertrand: C'est peut-être mauvais d'entretenir des relations avec le gouvernement fédéral, mais il y a deux ministres à Ottawa aujourd'hui.

Le Président: M. le leader.

M. Scowen: Une question, M. le Président.

M. Bertrand: M. Tardif est en mission commerciale importante en Égypte. M. Lévesque est en Europe.

Le Président: M. le leader du gouvernement!

M. Bertrand: Je ne vous ferai pas de cachette, M. le Président, j'ai l'impression qu'il y a certainement 29 députés libéraux absents aujourd'hui et on ne nous dira pas où ils sont.

Une voix: Mégantic-Compton.

M. Bertrand: Nous avons un ministre, M. Fréchette, dans Mégantic-Compton.

Le Président: Peut-on mettre fin à la récréation? Ce n'était évidemment pas une question de règlement, M. le leader du gouvernement. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, votre question, s'il vous plaît!

M. Scowen: Félicitons le ministre des Finances de sa présence aujourd'hui.

Le Président: M. le député!

Le projet de loi sur le Vérificateur général

M. Scowen: Je veux lui demander si le gouvernement a l'intention de déposer, d'ici à Noël, un projet de loi sur le Vérificateur général et, sinon, pourquoi pas?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, je présente au député de Notre-Dame-de-Grâce mes compliments pour être ici aujourd'hui. Je lui réponds essentiellement que nous sommes à examiner un document qui pourrait servir de projet de loi pour le Vérificateur général. Il a donné lieu à des examens au Conseil du trésor et au ministère des Finances; il est accepté par les deux ministres en cause, mais il doit maintenant, je pense, être examiné par le vérificateur lui-même pour voir dans quelle mesure cela correspond à certains des objectifs dont il a dit lui paraître importants et, bien sûr, passer par le Conseil des ministres. Donc, je ne peux mettre de date précise quant au moment où ce projet de loi serait déposé en Chambre. Bien sûr, s'il l'est avant le 21 décembre, il sera trop tard pour l'adopter cet automne ou cet hiver, mais en tout état de cause je pense qu'il va falloir, ou bien avant le 21 décembre ou tout de suite après l'ouverture de la Chambre, au printemps, que ce projet de loi soit déposé et suive son

processus normal ici.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Le ministre des Finances est-il conscient qu'en 1977 le premier ministre a pris l'engagement formel d'amender cette loi; qu'en 1982, à une commission parlementaire, il a dit qu'à sa courte honte il n'avait rien fait et qu'il avait l'intention d'agir immédiatement; qu'en décembre 1982, à la suite d'une question posée par mon collègue, le député de Vaudreuil-Soulanges, le premier ministre disait qu'il attendait immédiatement un avant-projet de loi sur le Vérificateur général - depuis un an maintenant - et qu'immédiatement après la réception de ce projet de loi il avait l'intention d'agir? Cela aurait pu être le début de 1983.

Le ministre des Finances est-il au courant que cela fait maintenant un an que le premier ministre a fait cette déclaration et que le ministre des Finances est encore obligé de dire: Je ne peux pas vous donner une date. Le ministre des Finances est-il conscient que, jusqu'à il y a quelques années, le Parti québécois se vantait d'être un gouvernement qui respectait ses engagements?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, est-ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce est conscient que la notion même de vérification dans les gouvernements a évolué un peu partout au Canada de façon extrêmement nette depuis trois ou quatre ans et que c'est à la suite, justement, de ces changements dans la définition même de la fonction de Vérificateur général qu'un bon nombre de propositions, de modifications dans le statut de ces vérificateurs ont été présentées depuis trois ou quatre ans? Ne pense-t-il pas que c'est justement à la suite de l'évolution de ces concepts que ce qu'on aurait peut-être pu faire dans une atmosphère de stabilité rapidement on prend un peu plus de temps pour le faire, mais en mettant toutes les chances de son côté afin de le faire bien?

M. Scowen: Question additionnelle.

Le Président: Complémentaire, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: II y a des occasions où la stabilité équivaut à la mort. Je demande au ministre des Finances de me dire si l'avant-projet de loi, qui a été présenté par le Vérificateur général, il y a à peu près un an, sera présenté à tous les membres de l'Assemblée nationale pour leur considération. Il sera d'accord qu'en principe la loi sur le Vérificateur général doit relever de l'Assemblée nationale. Est-ce qu'il y a une raison pour laquelle on ne peut pas avoir, cette semaine, l'avant-projet de loi pour que tous les élus puissent l'étudier?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Non, M. le Président, je ne peux pas m'engager à cela pour une raison très simple, c'est que l'initiative des lois dans notre système parlementaire vient de l'exécutif. Or, l'exécutif présentera un projet de loi et, à l'occasion de son examen en commission, on pourra demander tous les renseignements utiles et tous les témoignages utiles. Mais, encore une fois, nous n'allons pas changer le système parlementaire britannique parce que le député de Notre-Dame-de-Grâce tiendrait à regarder un document.

M. Scowen: Une courte additionnelle.

Le Président: L'un ou l'autre. M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Lalonde: Excusez-moi. Est-ce que le ministre est conscient que l'exécutif ne présentera aucun projet de loi à moins que lui-même ne prenne l'initiative de le lui présenter? Pourquoi s'est-il complu dans l'immobilisme, depuis sept ans, alors que l'évolution de la fonction de Vérificateur général a été très grande? Comment se fait-il que cela fait déjà un an qu'il a un avant-projet de loi et qu'il n'a rien fait jusqu'à maintenant?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, le député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas compris ce que j'ai dit dans ma première réponse. Il y a eu, effectivement, un avant-projet de loi qui a été remis par le Vérificateur général. Il a été longuement examiné et de façon très précise, parce que ce sont des choses importantes. J'ai eu l'occasion de dire que, à la suite d'une étude faite à la fois au Conseil du trésor et au ministère des Finances, un rapport avait été préparé qui peut servir de base à un projet de loi qui a été accepté et par le président du Conseil du trésor et par moi-même. À l'heure actuelle, il s'agit de lui faire suivre, dans les mois ou les semaines qui viennent, le cheminement normal aboutissant à la présentation d'un projet de loi ici.

Je rappellerai que la Loi sur l'administration financière, nous n'y touchons pas tous les jours. Quand on parle de la loi sur le Vérificateur général, il s'agit en fait

d'un chapitre de la Loi sur l'administration financière. Nous avons décidé de sortir ce chapitre de la Loi sur l'administration financière et d'en faire une loi sur le Vérificateur général. Je répète ce que je disais tout à l'heure. Les concepts à ce sujet sont extrêmement discutés un peu partout en Amérique du Nord, à l'heure actuelle, pour déterminer justement le degré d'élargissement des mandats. Il s'agit de quelque chose de tout à fait fondamental. 11 vaut mieux prendre son temps pour arriver à quelque chose de correct plutôt que de fonctionner avec précipitation.

M. Scowen: Question additionnelle.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Après six ans de promesses non respectées, est-ce que le ministre des Finances peut, aujourd'hui, nous donner une date limite avant laquelle il s'engage à déposer ce projet de loi?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Je n'irai pas plus loin que ce que j'ai dit dès ma première réponse. C'est-à-dire qu'au mieux, ce sera déposé en cette Chambre avant l'ajournement de Noël, sinon au début de la prochaine session, c'est-à-dire au début du printemps.

M. Lalonde: M. le Président....

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Lalonde: J'aimerais savoir du ministre s'il est conscient que s'il présente ce projet de loi avant Noël, même si nous sommes, d'après notre règlement, après la période durant laquelle le projet de loi ne peut être adopté sans consentement, est-il conscient que l'Opposition, vu qu'elle réclame cette loi depuis longtemps, est prête à l'étudier de façon rapide pour qu'il soit adopté le plus tôt possible avant l'entrée en vigueur de la réforme parlementaire au début de l'année prochaine?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, je serais navré que l'Opposition cherche, en quelques jours, à passer à travers un projet de loi comme celui-là; cela me paraîtrait imprudent et, au fond, de la poudre aux yeux. Il s'agit d'un projet de loi qui a une trop grande importance pour le fonctionnement de l'État pour que, simplement pour satisfaire l'évolution d'une période de questions, on s'engage à l'adopter en deux jours.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, à partir de ce que le ministre des Finances vient de nous indiquer et compte tenu du fait qu'il y a une commission parlementaire qui étudie actuellement la Loi sur la fonction publique, est-ce que le ministre des Finances peut nous indiquer si, d'une part, pour aider les travaux de cette commission, on pourrait avoir un aperçu du projet avant qu'on adopte la Loi sur la fonction publique et, d'autre part, est-ce qu'au moins il pourrait nous indiquer si la Loi sur l'administration financière sera retouchée au même moment, étant donné qu'on en profite pour sortir le chapitre sur le Vérificateur général? Est-ce que cela ira dans le sens des recommandations de la commission spéciale sur la fonction publique, c'est-à-dire la vérification intégrée?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Non, je pense que ces activités se feront en parallèle. Il est clair qu'il n'y a pas de projet immédiat pour la révision de la Loi sur l'administration financière. Au contraire, il y a une perspective de révision de ce chapitre de la Loi sur l'administration financière qui porte sur les fonctions du Vérificateur général, mais, quant à la Loi sur la fonction publique, c'est un troisième volet. D'ores et déjà je ne peux pas m'engager quant au contenu de la Loi sur le Vérificateur général puisque, encore une fois, ce n'est pas passé par le Conseil des ministres. Or, il est hors de question qu'avant que cela passe par le Conseil des ministres j'annonce quelque contenu que ce soit.

M. Brouillet: M. le Président.

Le Président: M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: J'ai encore ma question. Le Président: Posez-la, M. le député.

Crédits favorisant l'accès aux études universitaires

M. Brouillet: Elle s'adresserait au ministre de l'Éducation. M. le ministre, vous avez annoncé, vendredi dernier, l'octroi de sommes d'argent importantes pour favoriser l'accès des étudiants et des étudiantes aux études universitaires. La première partie de ma question est la suivante: Est-ce que ces

investissements annoncent la fin des compressions dans le secteur universitaire et, deuxièmement, quelles sont les raisons qui amènent le ministère à privilégier, dans l'octroi de ces crédits supplémentaires, certaines disciplines plutôt que d'autres?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: M. le Président, effectivement, dans le cadre du plan de relance annoncé par le premier ministre, j'ai eu le plaisir d'annoncer aux institutions d'enseignement supérieur que, d'ici à trois ans, le gouvernement injecterait près de 110 000 000 $ nouveaux au cours des trois prochaines années.

Des voix: ...

M. Laurin: Non, ce ne sont pas des mots, ce sont des chiffres très précis. La plus grande partie ira au financement des clientèles additionnelles dans les secteurs du virage technologique, c'est-à-dire sciences pures, sciences appliquées, génie et administration. En 1984-1985, 22 400 000 $ et, comme c'est une dépense récurrente, à la fin des trois années, cela fera 66 000 000 $. J'ai annoncé aussi les crédits nécessaires pour l'instauration, au sein des universités, au cours des trois prochaines années, de 40 équipes de recherche qui seront réparties sur l'ensemble du territoire et non seulement dans les disciplines du virage technologique cette fois, mais dans toutes les disciplines. Et enfin l'injection de 15 000 000 $ nouveaux, au cours des trois prochaines années, pour la modernisation et le renouvellement de l'équipement surtout destiné à ces recherches dans les nouveaux secteurs, les nouveaux créneaux du virage technologique, ce qui, au cours des trois prochaines années, fera à peu près 110 000 000 $ nouveaux.

Est-ce la fin des compressions? En très grande partie, M. le Président, parce que tout ce qu'il nous reste à faire, après les efforts que nous avons faits au cours des dernières années, c'est un dernier effort de rationalisation, d'augmentation de la productivité afin d'éliminer le chevauchement, augmenter la concertation afin que nous consacrions toutes nos ressources nouvelles à nos impératifs d'accessibilité et également de rattrapage dans le domaine de la restructuration industrielle du Québec. C'est donc la fin des compressions, à toutes fins utiles.

Pourquoi avons-nous privilégié ces secteurs nouveaux? C'est d'abord parce que c'est là que les demandes sont les plus fortes. Par exemple, l'an dernier, 90% des inscriptions nouvelles aux universités se sont situées dans le domaine des sciences pures et appliquées, le génie et l'administration. Donc, nous ne faisons que répondre à la demande. Deuxièmement, c'est là où le besoin est le plus vif et c'est là où le besoin pour le Québec d'effectuer un rattrapage et un développement qui mettra le Québec dans le peloton de tête des provinces et des pays environnants se révèle le plus important. Donc, je pense que c'est la fin des compressions, d'une part, mais aussi et surtout une relance du développement de l'enseignement universitaire et, par voie de conséquence, du développement économique du Québec.

Le Président: Question complémentaire, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je ne veux pas commenter tout le verbiage qui a entouré les explications du ministre. Je veux simplement lui demander ceci: II y a quelque temps, il a reçu un rapport du Conseil des universités l'informant de l'anarchie qui existe dans le secteur universitaire en matière d'initiatives de toutes sortes et lui soumettant des propositions précises. Je voudrais lui poser deux questions dans cette perspective. Premièrement, a-t-il consulté le Conseil des universités avant d'annoncer les mesures qui ont été rendues publiques vendredi et, deuxièmement, entend-il donner suite à la recommandation du Conseil des universités demandant que chaque université soit invitée à soumettre un plan triennal de développement au conseil afin qu'on sache un peu où on s'en va de ce côté-là et qu'on puisse mieux situer ensuite les initiatives comme celles qu'annonce le ministre?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: M. le Président, il me fait plaisir de répondre au député d'Argenteuil. J'ai pris connaissance de tous les avis que le Conseil consultatif des universités m'a envoyés. J'ai eu l'occasion aussi de m'entretenir avec les autorités du conseil consultatif et je peux l'assurer que ce que j'ai annoncé vendredi va tout à fait dans le sens de ce que me recommandait le Conseil consultatif des universités. Deuxièmement, il est vrai que le Conseil des universités disait que chaque université devait se donner un plan de développement et, précisément dans l'annonce que je faisais vendredi, j'ai dit que les équipes de recherche de même que tout cet effort additionnel sur le plan des équipements devaient s'inscrire dans un plan de développement que chaque université devrait se donner. D'ailleurs, dans chaque budget ou dans chaque enveloppe budgétaire que nous consentons aux universités, il y a toujours dans cette enveloppe de base une

partie de fonds que l'université peut consacrer aux infrastructures de recherche et il en sera de même dans l'avenir. C'est la raison pour laquelle nous demandons aux universités de s'associer à cet effort que nous faisons, par exemple afin de financer d'ici à cinq, six ou sept ans, une partie de ces équipes de recherche que nous mettons en place et pour lesquelles nous fournissons le capital initial. Nous avons également demandé - et c'est déjà fait, nous avons déjà recueilli ces plans triennaux de développement - à chaque université de nous faire un plan triennal de développement. Nous sommes en train de les étudier à l'heure actuelle et c'est justement à la lumière de ces plans triennaux de développement que nous essaierons d'accorder ensemble leurs priorités de même que les priorités du gouvernement et particulièrement du ministère de l'Éducation.

M. Fallu: M. le Président, question complémentaire.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Groulx.

M. Fallu: J'aimerais demander au ministre, qui nous dit que ces sommes répondent aux attentes des universités, si elles sont déjà ventilées, d'une part, et, si oui, y a-t-il des fonds qui pourraient éventuellement être recyclés pour répondre aux demandes de ce qu'on appelle la rive nord - c'est-à-dire Laval-Basses-Laurentides -qui ont été exprimées au cours de l'été et de l'automne?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: Elles sont ventilées dans la mesure où elles peuvent l'être. Par exemple - je l'ai dit tout à l'heure - si un étudiant s'inscrit dans les créneaux du virage technologique, sciences pures ou sciences appliquées, comme je l'ai annoncé, l'université pourra demander un remboursement au coût réel de cette inscription. On ne peut pas aller plus loin. (15 h 50)

En ce qui concerne les équipes de recherche, évidemment, c'est un programme étalé sur trois ans, là aussi, nous dépendrons des demandes que nous feront les diverses universités. Nous établirons des critères ou des normes, mais il restera à juger chaque demande des universités à son mérite et nous mettrons en place les organismes à cet effet. Il est tout probable que ce sera le Fonds de formation des chercheurs et d'aide à la recherche qui aura à évaluer scientifiquement ces demandes.

Quant à la demande que me fait le député de Groulx, il s'agit d'un problème différent. C'est celui de l'établissement d'une nouvelle université. Il faudra prévoir, pour cette nouvelle demande, comme dans tous les cas, un avis du Conseil des universités, qui est consultatif, et advenant que cet avis soit favorable il nous faudra ensuite, au gouvernement, étudier s'il est à propos d'émettre à cette nouvelle université les lettres patentes requises pour qu'elle commence à exister et, ensuite, prévoir son budget de fonctionnement.

Le Président: En complémentaire, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je pense que le ministre n'a pas bien saisi ce que je lui demandais tantôt. Je lui ai demandé si le projet d'aide spéciale aux universités, qu'il a rendu public vendredi, avait été soumis à l'avis du Conseil des universités. Le ministre a répondu qu'il avait parlé à certaines personnes au conseil, ce n'est pas la même chose. Je veux savoir s'il a demandé l'avis du conseil quant à l'orientation générale du plan et quant à la ventilation des subventions éventuelles. S'il a reçu un avis, est-ce qu'il pourrait nous faire l'honneur de nous en informer?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: Le projet s'inspire étroitement des avis et des rapports soumis au gouvernement par le Conseil des universités, mais je ne pense pas qu'il soit obligatoire, avant qu'un gouvernement annonce des politiques, qu'il les soumette à l'avis des conseils.

Le Président: En complémentaire, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Question additionnelle. Le ministre connaît-il le texte de la Loi sur le Conseil des universités? Il dit explicitement: "Le ministre de l'Éducation est tenu de soumettre à l'avis du conseil tout plan qu'il entend mettre en oeuvre pour le développement de l'enseignement supérieur et de la recherche universitaire à chaque phase majeure de son élaboration." Par conséquent, à la première phase...

M. Laurire Je pense que ceci n'interdit aucunement au gouvernement de faire des propositions de relance de l'économie auxquelles les universités doivent s'associer.

Le Président: En complémentaire, Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: En ce qui concerne la nouvelle clientèle, pourriez-vous nous expliquer l'énoncé qui a été reproduit dans le Devoir, pendant le week-end, voulant que le

gouvernement subventionne les nouvelles clientèles jusqu'à 70% du coût réel. Cela m'a étonnée parce qu'il y a quelques mois le ministre délégué à la Science et à la Technologie a assuré les universités qu'elles recevraient 100% des coûts réels, et cela, en dépit d'une directive émise par votre ministère en juin qui assurait les universités que les nouvelles clientèles seraient financées à 100% du coût moyen disciplinaire du réseau universitaire. Pourriez-vous nous expliquer cet écart?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: Quand nous disons que les nouvelles clientèles seront financées à 70% du coût moyen, cela veut dire très exactement que nous les financerons au coût réel parce que, dans les enveloppes budgétaires que nous donnons aux universités, il est prévu qu'une partie ira pour les frais administratifs généraux de l'université. Quand nous disons 70% du coût moyen, cela veut dire que nous allons financer, par exemple, le soutien direct à l'enseignement, qu'il s'agisse des bibliothèques, de l'audiovisuel, des laboratoires, alors que les 30% qui restent vont au financement de ces superstructures générales qui touchent toutes les clientèles universitaires. Donc, c'est peut-être une explication qu'il faut donner: un financement à 70% des clientèles additionnelles correspond exactement au coût réel de ces clientèles.

Le programme d'aide à l'édition

Le Président: Question principale, M. le député de Saint-Henri.

M. Mains: Ma question s'adresse au ministre des Affaires culturelles.

Des voix: Ah!

M. Hains: Elle est relative aux récents échanges de correspondance entre la maison d'édition Victor-Lévy Beaulieu et vous-même. Je passe par-dessus le ton parfois sévère de ces échanges, depuis la mi-novembre dernier, pour me limiter au contenu même du programme d'aide à l'éditeur administré par le ministère des Affaires culturelles.

Je demande simplement au ministre si les chiffres fournis par la maison Victor-Lévy Beaulieu sont exacts. L'éditeur aurait reçu le même montant du Conseil des arts du Canada, mais aurait perdu cette année 20 000 $ de la part du ministère des Affaires culturelles.

Puis-je savoir si ces données sont réelles et si le ministre peut les justifier?

Le Président: M. le ministre des

Affaires culturelles.

M. Richard: M. le Président, je suis heureux de saluer le retour du député de Saint-Henri et surtout heureux de saluer sa question pertinente. Je voudrais rappeler qu'il y a environ trois ans, le ministère des Affaires culturelles a conçu un nouveau programme d'aide à l'édition après que le gouvernement fédéral, par le biais du ministère des Communications, ait annoncé et mis sur pied un programme d'aide à l'édition. Il a donc fallu ajuster le programme du ministère des Affaires culturelles sur le nouveau programme d'aide à l'édition du gouvernement fédéral. Ce programme prévoit un certain nombre de critères pour l'attribution des subventions, notamment un critère basé sur le volume de vente de chacun des éditeurs.

Je voudrais rappeler au député de Saint-Henri que ce programme a été préparé en concertation, en consultation avec les éditeurs, qu'il a fait l'unanimité des éditeurs au moment où il a été élaboré et que même Victor-Lévy Beaulieu était tout à fait d'accord avec l'essence même de ce programme puisqu'à certaines occasions c'est lui qui avait recommandé les normes qui s'y appliquent.

Les chiffres cités par Victor-Lévy Beaulieu, en ce qui a trait aux subventions du ministère des Affaires culturelles, sont exacts, sauf qu'il ne dit pas ce qu'il a reçu totalement, depuis trois ans, du ministère des Communications, comme il ne dit pas ce qu'il a reçu totalement du ministère des Affaires culturelles, ni cette année, ni dans le passé.

D'autre part, ce qui fausse tout le problème, c'est qu'il ne dit pas sur quoi reposent les subventions, c'est-à-dire sur le chiffre d'affaires et le volume de vente. C'est pourquoi les subventions peuvent varier d'une année à l'autre.

C'est un programme qui fait l'unanimité des éditeurs au Québec, sauf Victor-Lévy Beaulieu, parce que ce programme lui est moins favorable cette année que par les années passées.

Le Président: La période des questions est terminée. Ce qui nous mène aux motions à la Chambre.

M. le leader du gouvernement.

Travaux des commissions

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais faire motion pour que, cet après-midi, de 16 heures à 18 heures et ce soir si nécessaire, de 20 heures à 24 heures, la commission du loisir, de la chasse et de la pêche siège au salon rouge pour poursuivre l'étude du projet de loi 9, Loi sur la conservation de la faune et que, ce soir, de

20 heures à 24 heures, à la salle 81-A, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation poursuive l'étude article par article du projet de loi 48.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté.

Y a-t-il des questions sur les travaux de la Chambre?

Cela nous mène aux affaires du jour, à la deuxième lecture du projet de loi 3, Loi sur les archives.

M. Pagé: M. le Président...

Le Président: M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: ...une très brève question au leader du gouvernement, s'il le permet. On s'interroge sur deux aspects: Qui est premier ministre par interim en l'absence du premier ministre? Est-il exact que ce serait Mme LeBlanc-Bantey?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Ce serait une excellente idée, toujours faudrait-il que je sache... En remplacement du premier ministre, bien sûr, c'est toujours le vice-premier ministre qui est... (16 heures)

Une voix: II n'est pas là.

M. Bertrand: Le vice-premier ministre est également retenu à l'extérieur. Cela dit, M. le Président, je vais m'informer...

Une voix: ...

M. Bertrand: Ah! Très bien.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Bertrand: Vous serez heureux d'apprendre que le...

M. Pagé: ...M. le Président. Des voix: Ah! Ah! Ah! Une voix: Vous ne le savez pas. Une voix: II ne sait pas qui c'est.

M. Pagé: On ne sait pas qui est le premier ministre du Québec.

M. Bertrand: ...remplaçant...

Le Président: À l'ordre!

M. Bertrand: ...du premier ministre est le ministre de la Justice.

Une voix: Voilà.

Une voix: Tu l'as poigné.

Des voix: II n'est pas là.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Une voix: Oui, il est là.

Une voix: II est au Québec.

Le Président: À l'ordre!

Une voix: II est tout là, à part cela.

M. Bertrand: II est au Québec, il est dans Jonquière et il est tout là. Je peux vous le garantir.

Une voix: II va revenir de bonne heure.

Projet de loi 3 Deuxième lecture

Le Président: Nous pouvons maintenant passer aux affaires du jour et à la deuxième lecture du projet de loi 3, Loi sur les archives. Je cède la parole à M. le ministre des Affaires culturelles.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. le ministre, je m'excuse. On va permettre à ceux qui doivent partir de le faire puisque c'est très bruyant.

À l'ordre, s'il vous plaît!

Puisque l'ordre est revenu, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Clément Richard

M. Richard: M. le Président, nous amorçons aujourd'hui le débat de deuxième lecture du projet de loi 3, Loi sur les archives, que j'ai déposé devant l'Assemblée nationale le 31 mars dernier. Depuis lors, de nombreux citoyens et plusieurs représentants d'organismes gouvernementaux et publics ont eu l'occasion de se prononcer sur les divers aspects de ce projet de loi, particulièrement lors des audiences de la commission parlementaire élue permanente des affaires culturelles tenues les 25 et 26 mai dernier. À cette occasion, 63 intervenants ont présenté des mémoires et, tout en se réjouissant de notre intention d'encadrer législativement la gestion des archives québécoises, ont fait ressortir certaines faiblesses de notre projet qui étaient

manifestes. Leurs interventions nous ont permis de bonifier le projet de loi sur les archives, de lever certaines ambiguïtés par l'inclusion de définitions claires, de préciser davantage les responsabilités du ministre des Affaires culturelles et du Conservateur des archives nationales dans la gestion des archives publiques, et de clarifier nos intentions eu égard aux archives détenues par des organismes privés ou par des individus.

Les correctifs apportés ont fait l'objet de consultations auprès d'experts des milieux concernés qui, d'ailleurs, nous ont manifesté leur accord. Ces modifications ont également été soumises aux membres du Comité de législation et au Conseil des ministres pour approbation et j'entends les porter à l'attention de la commission parlementaire chargée d'étudier le projet de loi article par article.

M. le Président, le projet de loi sur les archives soumis aujourd'hui pour étude devant les membres de cette Assemblée a pour but premier de doter les organismes publics et les détenteurs d'archives privées d'un outil qui leur permette de gérer efficacement leurs archives. Il vise en outre à protéger les archives québécoises actuelles et à venir et à en faciliter l'accès ou l'utilisation.

Ces archives que nous voulons protéger sont, à certains égards, uniques au monde. En effet, le peuple québécois est le seul à posséder tous les renseignements sur la vie et la mort de tous ses ancêtres, depuis que les premiers à connaître l'écriture ont fait souche sur ce coin de terre il y a quatre siècles. Aucun autre peuple sur terre ne possède tout son état civil comme nous, depuis ses origines; aucun ne possède tous ses actes notariés, depuis la signature des premiers, au milieu du XVIIe siècle. Nous seuls, Québécois, pouvons, grâce à ces sources, reconstituer l'histoire intégrale des familles, et non seulement des familles, mais aussi des terres, depuis la venue des tout premiers voiliers, M. le Président.

L'intégralité de nos archives attire sur nous et sur notre histoire l'attention de chercheurs du monde entier. Par exemple, depuis que la démographie historique a pris son essor, soit depuis les années cinquante, la population québécoise a fréquemment fait l'objet d'études comparatives menées tantôt par des chercheurs québécois, tantôt par des chercheurs français, anglais, américains ou autres. D'ailleurs, nos spécialistes en ce domaine se sont taillé une réputation tout è fait enviable, aussi bien aux États-Unis qu'en Europe.

En outre, le fait que nos archives aient été à l'abri des cataclysmes et aussi, disons-le, de la négligence permet aujourd'hui à nos généticiens de faire des observations fort intéressantes et de faire progresser les recherches médicales au profit de toute la population.

D'autre part, les mormons sont sur le point d'investir - c'est assez intéressant, M. le Président - plus de 1 000 000 $ pour nous aider à assurer la protection de nos greffes de notaires anciens - cela va faire plaisir au greffier et au greffier adjoint -tellement ils sont importants et riches pour l'histoire du Québec et de l'Amérique du Nord.

Le présent projet de loi veut d'abord accorder une protection accrue à ces archives particulièrement précieuses. Il veut aussi assurer la conservation de toutes les autres, particulièrement de celles de l'administration publique. Il serait regrettable que nos successeurs doivent constater que le Québec possède les meilleures archives en Amérique pour les XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, mais que, malheureusement le XXe n'aurait pas été à la hauteur.

Pour atteindre le double objectif que nous nous sommes fixé, soit fournir une aide à la gestion des archives, tout en favorisant leur utilisation, nous avons dû apporter quelques modifications à notre projet initial. C'est ainsi que des définitions claires ont été ajoutées. Cela avait été réclamé par plusieurs intervenants en commission parlementaire. Puis des mesures ont été prévues à trois paliers d'intervention, d'abord, au niveau des documents actifs et semi-actifs des organismes publics, à celui des documents inactifs, puis en regard des archives et services d'archives du secteur privé. Enfin, nous avons inscrit une série de dispositions relatives à l'administration de la loi.

Malgré les orientations méthodologiques actuelles des spécialistes de la logistique et en dépit des difficultés que représente parfois l'insertion dans un texte de loi de définitions ponctuelles, il nous est apparu absolument nécessaire, dans ce cas-ci, de bien camper les termes. C'est que d'abord, l'emploi même des mots "archive" et "document" prête, il faut bien le reconnaître, à une certaine confusion.

De plus, la compréhension du texte et l'utisation de termes scientifiques dans les milieux spécialisés de l'archivistique exigeaient que soit clairement établi le sens de certains mots ou concepts. (16 h 10)

II fallait d'abord, au premier chef, bien cerner l'objet même du présent projet de loi. Dans le langage courant, on attribue au mot "archives" trois significations différentes. Souvent, nous l'utilisons pour dénommer une institution dont le mandat est d'assurer la garde et l'exploitation des documents. Donc, dans certains cas, il s'agit de dénommer une institution. Parfois, le mot désigne le lieu où sont entreposés les documents. Enfin, lorsqu'on parle d'archives, l'on fait aussi référence aux documents conservés par des institutions ou des individus.

Cette dernière signification est la plus communément acceptée chez les archivistes et les utilisateurs d'archives. C'est ainsi qu'au sens de notre projet de loi, conformément d'ailleurs à une définition qu'en donne l'UNESCO, les archives sont l'ensemble des documents réunis par une personne physique ou morale dans le cadre de ses activités, utilisés à des fins administratives ou juridiques et conservés pour leur valeur d'information générale. La notion d'archives couvre donc tous les documents, tous les compléments d'information de toute nature, qu'ils soient détenus par un organisme public, par une institution privée ou encore par un individu.

Cela dit, cependant, les documents qui composent la masse des archives n'ont pas, évidemment, tous le même statut. Au départ, tous ces documents aussi bien que les données qu'ils contiennent sont actifs et, à ce titre, ils sont utilisés régulièrement dans le cours quotidien des activités de ceux qui les produisent ou encore les reçoivent. Dès qu'ils ne sont plus requis pour l'administration courante, ces documents deviennent semi-actifs. Ils sont alors conservés à titre de preuve, conformément aux prescriptions administratives et légales prévues.

Enfin, lorsque ces documents ne sont plus requis aux fins pour lesquelles ils ont été produits, on dit qu'ils deviennent inactifs. C'est alors que bon nombre d'entre eux, ne présentant plus aucun intérêt, sont éliminés par voie de destruction ou de recyclage. D'autres, cependant, qui représentent environ 5% de la masse documentaire produite, comportent des informations essentielles à la compréhension du devenir de notre société et sont donc conservés de manière permanente.

Ces notions, M. le Président, il était important qu'elles soient précisées devant les membres de cette Assemblée et qu'elles soient définies en tête de notre projet de loi, car elles expliquent l'économie du texte en même temps qu'elles sous-tendent toute l'approche archivistique véhiculée dans ce projet de loi sur les archives.

J'en viens maintenant au corps de notre projet de loi sur les archives, c'est-à-dire aux diverses dispositions relatives à l'administration même des stocks documentaires qui composent les archives. Une première série d'articles - c'est là le premier niveau d'intervention touché par ce projet de loi - se rapportent à la gestion des documents actifs et semi-actifs. Ici, il était absolument essentiel que les responsabilités des intervenants soient clairement exprimées. Il fallait, notamment, que soit prise en compte la compétence du Conseil du trésor en matière de gestion des documents du gouvernement. Il fallait également que soit considéré le double principe de l'équilibre et de la séparation des pouvoirs, qui régit les rapports de cette Assemblée avec le pouvoir exécutif et aussi avec le pouvoir judiciaire.

Il fallait, enfin, que soient considérés les besoins des pouvoirs publics décentralisés, c'est-à-dire les municipalités, les commissions scolaires, les établissements d'enseignement et les institutions régies par la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Par ailleurs, il était important, voire nécessaire, d'envisager la constitution d'un outil de gestion commun efficace et qui puisse garantir une certaine cohérence à la gestion des stocks documentaires de plus en plus considérables et complexes.

C'est ainsi que le ministre des Affaires culturelles se voit confier le mandat de préparer et de soumettre à l'approbation du Conseil du trésor une politique de gestion des documents actifs et semi-actifs du gouvernement, non seulement du gouvernement, mais aussi de ses ministères et des organismes qui en relèvent.

C'est ainsi également qu'en son nom, le Conservateur des archives nationales du Québec veillera à l'application de cette politique et pourra même, à la demande du Conseil du trésor, assurer la garde des documents actifs et semi-actifs réunis dans les ministères et les divers organismes gouvernementaux.

Par ailleurs, en ce qui regarde les tribunaux, le lieutenant-gouverneur, l'Assemblée nationale, ainsi que les institutions répondant de leurs activités devant elle, elles pourront compter sur nous pour leur soumettre une politique de gestion de leurs documents actifs et semi-actifs, voire pour assurer, mais après entente, la conservation de leurs documents semi-actifs.

Enfin, eu égard aux pouvoirs publics décentralisés, en vertu de ce projet de loi, ces derniers demeurent entièrement maîtres de l'élaboration et de l'application de leur politique de gestion documentaire en phase active et semi-active.

Cependant, les organismes publics ou reconnus d'intérêt public, en vertu de ce projet de loi, disposeront d'un calendrier de conservation, et seront tenus de préparer cet outil administratif universellement reconnu dans les milieux spécialisés comme étant la clef de voûte d'un système cohérent et efficace de gestion documentaire, outil qui facilitera singulièrement l'application de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Essentiellement, le calendrier de conservation se présente comme un cahier ou comme un tableau dans lequel sont enregistrés les titres et descriptions des documents ou grandes séries documentaires produits ou reçus par les diverses unités administratives d'un organisme. Il comprend également des indications sur les délais d'utilisation ou de conservation des documents à leur phase

active ou semi-active, délais qui sont avant tout fonction des besoins des organismes visés et des prescriptions administratives ou légales qui les régissent.

Enfin, le calendrier de conservation prévoit le sort des documents dès lors qu'ils ont atteint le seuil de l'inactivité. Il précise lesquels sont voués à la destruction et identifie ceux qui doivent être gardés en permanence en raison de leur intérêt historique, de leur valeur de preuve ou de témoignage ou simplement de leur valeur d'information générale.

Ici, M. le Président, à la lumière de ces explications, on comprend mieux l'extrême importance non seulement de l'outil que représente le calendrier de conservation, mais également de l'approche globalisante de ce projet de loi sur les archives qui prévoit des interventions ponctuelles et ordonnées aux diverses étapes de l'évolution des documents pour nous permettre, en définitive, de constituer une mémoire collective valable et vraiment révélatrice de notre devenir collectif. (16 h 20)

Afin d'assurer une coordination des efforts dans l'application de ces diverses dispositions relatives aux documents actifs et semi-actifs, des mesures ont été prévues pour que tout organisme public soumette son calendrier de conservation à l'approbation du ministre des Affaires culturelles. Cependant, le lieutenant-gouverneur, l'Assemblée nationale et les organismes en relevant ne sont pas tenus à cette obligation en raison même de l'autonomie de ces institutions au sein de l'appareil de l'État. Néanmoins, afin de permettre au ministre des Affaires culturelles d'atteindre à une vision complète de l'état du patrimoine archivistique québécois ces organismes seront tenus de lui transmettre, pour information, une copie de leur calendrier qui, comme tous les autres organismes publics, les liera dès son adoption et leur interdira, notamment, d'aliéner ou d'éliminer des pièces autrement que selon les dispositions ou les prescriptions prévues à ce calendrier.

Enfin, M. le Président, je ne saurais terminer la présentation de ce chapitre portant sur les documents actifs et semi-actifs sans attirer votre attention sur l'article 12 qui fait interdiction à tout titulaire d'un emploi au sein d'un organisme public de s'approprier, au moment de son départ, les documents qu'il a produits ou reçus en sa qualité de titulaire d'une fonction publique. Cette pratique nous a malheureusement coûté très cher par le passé et est à l'origine de lacunes parfois irréparables dans notre patrimoine documentaire sans compter que, encore aujourd'hui, elle nous contraint d'investir à nouveau des deniers publics dans la récupération de séries qui sont jugées essentielles. Cependant, les membres de l'Assemblée nationale ne seront pas tenus à cette obligation. Plusieurs intervenants présents à la commission parlementaire de mai dernier ont soulevé cette question et ont finalement admis avec nous que les députés reçoivent des documents à ce point personnels et confidentiels que les rendre publics tromperait la confiance de leurs concitoyens et se comparerait pour ainsi dire à une violation du secret professionnel. Tous les membres de cette Assemblée savent que certains secrets leur sont confiés pour qu'ils en soient à jamais les seuls dépositaires.

Par ailleurs, tous mes collègues savent également que la plus grande partie de leurs archives ne revêtent pas ce caractère particulier et que rien ne s'oppose à ce qu'elles soient un jour accessibles aux chercheurs. Quelques-uns parmi nos prédécesseurs et nos collègues ont compris que l'histoire politique ne peut se faire sans les archives des principaux agents politiques et ont pris la peine de remettre leurs documents aux Archives nationales. Ainsi, au cours des derniers mois - et on doit s'en féliciter - les Archives nationales ont acquis les fonds Jean-Jacques Bertrand, Jean-Noël Lavoie, Denis Vaugeois et Jacques-Yvan Morin. Les historiens se pencheront sur la façon dont nous avons rempli nos fonctions de représentants du peuple. Aussi bien leur laisser la matière qui leur permettra de vérifier leurs hypothèses plutôt que de les forcer à nous juger par défaut.

Les Archives nationales sont ouvertes et chacun des membres de cette Assemblée peut négocier avec elles les conditions d'accessibilité et les délais de communication des archives qu'il y déposera. Je ne saurais trop encourager tous les membres actuels de l'Assemblée nationale à déposer tôt ou tard leurs archives auprès des Archives nationales du Québec, et je salue le député de Saint-Henri qui m'affirme de son siège là-bas qu'il le fera très bientôt. Les Archives nationales s'en réjouissent, M. le député de Saint-Henri.

Une voix: Cela va avoir beaucoup de valeur.

M. Richard: La masse de documents inactifs constitue le second palier d'intervention du projet de loi sur les archives. Ici, la responsabilité revient entièrement au ministre des Affaires culturelles chargé, en l'occurrence, d'adopter une politique de gestion des documents inactifs des organismes publics. Là encore, le ministre ne saurait agir seul et c'est aux Archives nationales qu'incombe la charge de coordonner la mise en oeuvre de cette politique, d'en surveiller l'application, voire de conseiller les organismes visés en matière de gestion de leurs documents inactifs.

D'abord, il importe de bien garder en

tête que le ministre des Affaires culturelles n'entend pas ici intervenir et régir le processus de destruction des documents ne présentant pas d'intérêt particulier et voués à la destruction soit après leur phase active ou leur étape de vie semi-active. À ce chapitre, le projet de loi sur les archives vise essentiellement les documents inactifs destinés à une conservation permanente soit, au dire des spécialistes, de 5% à 10% de la masse documentaire générée dans nos administrations publiques.

Ici, les responsabilités de mise en valeur de ce patrimoine documentaire seront partagées. D'abord, c'est au ministère des Affaires culturelles que reviendra la garde des archives gouvernementales et judiciaires. Quant aux institutions proprement législatives, des dispositions sont prévues pour qu'elles puissent conclure des ententes avec les Archives nationales en vue soit d'y déposer ou d'y verser leurs archives.

Cette centralisation des responsabilités, eu égard aux archives de l'appareil d'État, marque, à mon sens, un progrès principalement en ce qu'elle permettra aux citoyens de mieux exercer leur droit d'accès à l'information contenue dans les archives de l'État. Par ailleurs, les organismes publics décentralisés, énumérés aux paragraphes 4 à 7 de l'annexe du projet de loi 3, gardent l'entière responsabilité de la gestion de leurs documents inactifs.

Il nous apparaît, en effet, que ces organismes doivent assurer eux-mêmes la garde de leurs archives et en garantir l'accès d'abord parce que - et nous en sommes convaincus - au nombre de leurs responsabilités sociales, se trouve celle de participer activement à la préservation du patrimoine culturel de notre collectivité et, ensuite, parce que, proches des milieux qui ont contribué a créer les archives qu'ils détiennent, ils sont généralement seuls en mesure de mettre à la disposition de ceux qu'ils servent ou représentent l'héritage documentaire communautaire. Enfin, parce que la conservation de leurs archives leur garantit l'autonomie dont ils ont besoin dans leur rapport de force avec les autres institutions publiques ou privées.

À ces dispositions, relatives au partage des responsabilités de conception et d'application de notre politique archivistique québécoise, s'en ajoutent d'autres touchant plus spécifiquement les documents eux-mêmes. Certaines font interdiction, cela va de soi, d'éliminer des documents destinés à la conservation permanente; d'autres mesures concernent l'accessibilité à ces témoignages de notre évolution et précisent certains délais particulièrement en ce qui regarde les documents comportant des renseignements nominatifs au sens de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels adoptés, comme on le sait, par cette Assemblée au cours de l'année dernière.

Enfin, toujours dans la même veine, des conditions particulières sont prévues pour l'exercice du droit de rectification des documents inactifs concernant une personne décédée, de sorte que puissent être évitées l'altération de pièces jugées de valeur permanente et la perte d'information nécessaire à la compréhension de notre cheminement collectif. (16 h 30)

Troisième secteur d'activité touché par le projet de loi sur les archives: les archives privées et les services qui en assurent la garde et la diffusion. D'entrée de jeu, la responsabilité du ministre des Affaires culturelles est clairement affirmée et c'est sur lui que repose la charge de promouvoir la conservation et l'accessibilité des archives privées. À ce chapitre cependant notre approche diffère quelque peu de celle adoptée à l'égard des archives publiques et des organismes publics. Notre démarche procède, en fait, des mêmes principes qui nous ont guidés dans le processus de régionalisation enclenché il y a plus de deux ans au ministère des Affaires culturelles. Elle vise, en quelque sorte, à laisser aux intervenants du milieu la marge de manoeuvre dont ils ont besoin pour satisfaire aux exigences de leur mandat, mais également à leur apporter l'appui nécessaire à l'atteinte de leurs objectifs.

À certains égards, elle tend à favoriser la mise en place d'un véritable réseau de centres privés d'archives, capables d'offrir à leur clientèle des services de grande qualité. Elle conduit enfin le ministre des Affaires culturelles et son institution désignée, les Archives nationales du Québec, à s'associer des partenaires et à collaborer avec eux à la promotion de la conservation et de l'accessibilité des archives privées.

C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre la notion d'agrément mentionnée une première fois à l'article 14 et développée au chapitre III du projet de loi. Le concept, il faut le rappeler, n'est pas nouveau. Il est connu depuis un certain nombre d'années déjà dans les milieux des librairies et aussi dans les milieux des musées. Il y a, en effet, des librairies agréées comme il y a des musées accrédités.

Essentiellement, l'agrément confère à son détenteur un statut spécial qui atteste d'un certain niveau de développement et qui le place au nombre des services d'archives dont le fonctionnement est conforme aux exigences scientifiques de l'archivistique. Les projets de règlement prévoient en effet que l'admissibilité à l'agrément sera essentiellement fonction de la qualité des équipements et méthodes de conservation, des conditions d'accessibilité et de diffusion et de la compétence des personnes affectées

aux diverses opérations du service demandeur.

Ces critères de base sont d'autant plus nécessaires que, dans une perspective de régionalisation et d'action concertée en vue de laisser les archives dans leur milieu naturel, nous envisageons de pouvoir confier à ces services d'archives, après analyse des besoins des clientèles, bien sûr, des lots d'archives publiques susceptibles d'enrichir les mémoires collectives locales ou régionales.

Au chapitre des archives privées, de façon plus générale, le projet de loi soumis à votre intention prévoit, pour le ministère des Affaires culturelles, un triple rôle de soutien, de collaboration et de suppléance. C'est ainsi que le ministère des Affaires culturelles pourra continuer d'apporter aux gardiens d'archives privées une aide technique ou financière. C'est ainsi également qu'il collaborera lui-même à la garde d'archives privées et qu'il entend, à cette fin, participer à l'élaboration de plans d'action concertée visant à partager le mandat global et à définir le plus clairement possible les champs d'intervention des partenaires impliqués.

Enfin, toujours en matière d'archives privées, des dispositions sont prévues qui définissent le statut d'archives privées confiées à un organisme public et qui en régissent l'accessibilité. De plus, des interdictions sont faites quant au fractionnement de ces archives à des fins commerciales, une autre pratique malheureuse qui, par le passé, a entraîné d'irrémédiables pertes de corpus documentaires riches d'information et qui, souvent, étaient fort précieux.

Je ne saurais, M. le Président, terminer la présentation de ce projet de loi sur les archives sans faire état des dispositions conformes à nos pratiques législatives et traitant de l'administration de cette loi, des pouvoirs de réglementation en découlant et des dispositions transitoires et finales.

Une première série de mesures apportent des précisions quant à la marge de manoeuvre du ministre et des personnes qu'il aura déléguées pour voir à l'application de ce projet de loi sur les archives. Elles encadrent, à toutes fins utiles, les pouvoirs administratifs de sorte que les gestionnaires impliqués puissent jouir de la liberté nécessaire à la saine administration des archives québécoises, dans le respect, cependant, des besoins des organismes visés et aussi dans le respect des droits des citoyens.

En outre, le gouvernement se réserve, ainsi que le veut la pratique, le pouvoir de réglementer l'application de la loi. À cet effet, les projets de règlements fournissent à ceux qui auront à appliquer cette loi des indications précises sur les normes de compilation, de rédaction et d'approbation des calendriers de conservation. Ils indiquent les procédures à suivre dans les cas de remise, de dépôt, d'élimination et de conservation d'archives publiques. Eu égard aux services privés d'archives agréées, ils précisent la marche à suivre pour la demande d'agrément, les conditions d'éligibilité et les exigences opérationnelles pour le maintien du statut. Ce ne sont là -je tiens à le répéter - que des projets de règlements. Le cas échéant, ils seront adaptés en fonction des résultats des discussions lors de l'étude article par article de ce projet de loi.

Enfin, des sanctions sont prévues contre ceux qui contreviendront aux obligations de dresser des calendriers de conservation, qui modifieront ou détruiront des documents contrairement aux prescriptions de la Loi sur les archives, qui fractionneront, à des fins commerciales, des fonds d'archives privées et qui entraveront les personnes responsables de l'application de la loi dans l'exercice de leurs fonctions. Puis, comme dans tout autre texte législatif, des clauses modifiant certaines lois existantes en fonction des principes énoncés dans la future Loi sur les archives ont été préparées et insérées au dernier chapitre du projet soumis aujourd'hui à l'analyse de l'Assemblée nationale.

J'attirerai votre attention, en terminant, sur deux dispositions transitoires qui auront pour effet de ne pas bloquer les activités en cours dans les divers organismes visés et de leur permettre de consacrer davantage d'efforts à la mise en ordre de leur stock documentaire actuel. En effet, nous avons prévu, eu égard aux documents anciens et périmés, c'est-à-dire provenant de services disparus, mais encore conservés par les organismes publics, de ne pas en exiger l'inscription dans les calendriers de conservation. Considérant que nous voulons d'abord et avant tout repérer les séries intéressantes et les protéger, il nous est apparu suffisant de demander aux organismes de produire des listes à partir desquelles les personnes responsables pourront effectuer la sélection et poser les gestes appropriés.

Voilà donc pour l'essentiel de ce projet de loi 3 sur les archives, une première dans l'histoire législative du Québec. Après bientôt quatre siècles de présence continue de notre collectivité sur cette portion du continent nord-américain, le temps, il me semble, est venu d'agir, d'investir, à l'instar de nombreux pays et sociétés, des énergies dans la garde et la diffusion de ces archives qui témoignent de notre vécu et qui expliquent ce que nous sommes devenus. À première vue, les efforts à consentir peuvent apparaître importants. Pourtant, à les regarder de plus près, ils rapporteront gros et non seulement du seul point de vue de la préservation de notre héritage documentaire. Ils permettront de surcroît aux détenteurs

d'archives et particulièrement aux gardiens d'archives publiques de mettre de l'ordre dans leur stock documentaire, de dégager le mort-terrain qui, présentement, cache les filons d'information de valeur permanente et, partant, de rationaliser l'allocation des ressources. (16 h 40)

Par ailleurs, alors que l'ordinateur a déjà commencé à bouleverser singulièrement notre gestion des écritures et de l'information, il devient urgent de consolider l'acquis avant qu'il ne soit trop tard et, bien sur, d'appréhender l'avenir. Ici, le défi sera d'autant plus facile à surmonter que nous aurons prévu de bons outils de gestion de l'information actuelle, information porteuse de données historiques précieuses pour l'avenir. Nous serions d'autant plus impardonnables de ne rien faire pour nos archives que le public québécois est en droit d'exiger le libre accès à l'information qui le concerne et que ceux qui ont pour loisir ou métier de comprendre les fondements de notre société doivent avoir en main des données justes qui nous renvoient une image fidèle de ce que nous sommes devenus.

Avec d'autres interventions, la présentation de ce projet de loi constitue la preuve que le ministère des Affaires culturelles entend assumer tous les volets de sa mission.

Après avoir présenté au public, il y a quelques mois, un programme d'action axé sur la création, je soumets aujourd'hui à votre discussion un document portant sur la conservation. Le lien entre ces deux aspects de la vie culturelle est pourtant très étroit. En effet, nos créateurs méritent tout le crédit pour leur vitalité et leur originalité, mais il est permis de croire que, s'ils sont si différents des autres créateurs nord-américains, c'est d'abord parce qu'ils sont issus d'un peuple qui a une histoire particulière qu'il connaît par ses archives. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Saint-Henri.

M. Roma Hains

M. Hains: M. le Président, nous en voici donc venus à l'étude en deuxième lecture du projet de loi 3 sur les archives. L'annonce de ce projet de loi en première lecture avait déclenché une campagne de protestations. À qui mieux mieux, à cor et à cri, nos archivistes avaient décrié ce projet de loi. Offusqués qu'ils étaient par la notion exclusive de documents inactifs, l'absence criante de définitions, l'effort de centralisation, souvent au détriment des historiens régionaux, des professionnels du milieu demandaient une révision en profondeur, sinon le retrait de ce projet de loi écrit, en grande partie, dans l'oubli des principes de l'archivistique moderne. Et l'on passa à la commission parlementaire.

Plus d'une soixantaine d'organismes présentèrent des mémoires. Ce furent des moments de vérité. Dès le début des présentations, l'on sentit que le projet de loi ne pourrait résister aux remarques loyales mais sévères des différents participants. Même le terme "archives publiques", du chapitre III, avait fait appeler humoristiquement le projet de loi de projet de loi de l'âge d'or et du troisième âge, compte tenu que l'on ne parlait que de documents historiques, alors que, dans le milieu des archivistes, on doit se référer aux trois âges d'un document, c'est-à-dire actif, semi-actif et inactif.

En fait, M. le Président, chaque document passe par une période active où il est d'usage courant pour l'organisme qui l'a produit ou reçu. Vient ensuite la phase semi-active où le document n'est utilisé que sporadiquement. En dernier lieu, c'est la période inactive où se retrouvent les documents d'intérêt historique.

Il va sans dire que le passage d'une étape à une autre implique un tri et l'élimination d'un certain nombre de documents. Le rôle de l'archiviste consiste alors à déterminer judicieusement un plan de conservation en fonction de ces trois âges, des besoins et des contraintes des organismes. Il est donc important, dans cette optique, de pouvoir suivre un document dès sa création jusqu'à son élimination ou sa conservation à des fins d'information générale et historique.

Il y avait aussi le point délicat aux articles 10 et 19 qui dispensent les personnes élues, notamment les parlementaires, de verser les documents concernant l'exercice de leurs fonctions. C'est clair que des règles d'accessibilité pourront peut-être offrir un jour des garanties suffisantes de confidentialité pour permettre que les élus soient obligés ou du moins très fortement conseillés de conserver leurs archives. Dans le projet de loi 109 sur le cinéma, comme dans le projet de loi 3 sur les archives, j'avais dénoncé l'omniprésence et l'omnipotence du ministre. En risquant une boutade, je disais au ministre des Affaires culturelles qu'avec une autre loi et tous ces omnis, il serait un des premiers candidats au futur temple de la renommée québécoise.

Cette autre loi est déjà déposée et cesera bientôt la loi 35 sur les musées. Une des facettes les plus aiguës de cette plénitude ministérielle du pouvoir, c'était l'article 21 où le ministre se réservait le droit, sur la foi de son seul jugement, d'éliminer les archives ne présentant plus pour lui d'intérêt historique. Une autre

expression de ce pouvoir excessif était le droit, toujours du ministre, d'agréer un service d'archives privées. Même les journaux annonçaient par le projet de loi 3 l'abolition des Archives nationales, affirmation que le ministre avait niée avec véhémence. Je maintenais dans mon discours d'allocution à la commission parlementaire qu'il était presque malséant au chapitre VI du projet de loi de voir les huit articles 38 à 46 commencer par les mêmes mots: Le ministre élabore, le ministre assure, le ministre peut déléguer, certifier, publier, etc.

Il y avait aussi les articles 33, 34 et 35 qui avaient soulevé un tollé sur les documents anciens, certains intervenants n'hésitant point à dire que ces articles enfreignaient les droits et libertés de la personne, car ils enjoignaient aux détenteurs de certains documents anciens l'obligation de remettre ces biens au ministère des Affaires culturelles ou du moins de ne pas en disposer à leur gré. J'en saute, M. le Président, pour m'arrêter, cependant, à l'article 60, qui traitait des délais d'application de la loi. Il prévoit que des organismes publics devront transmettre leurs calendriers de conservation pour approbation au ministre dans l'année qui suivra la date d'entrée en vigueur de la loi, selon une réglementation encore inconnue et qui servira de mesure. Ce qui signifie qu'environ 5000 calendriers se retrouveraient sur le bureau du ministre. C'est clair que ce laps de temps est insuffisant pour de nombreux organismes et, de plus, devant l'abondance de ces calendriers, les délais d'acceptation risquent d'être fort longs. Il est évident que c'est une question de catastrophe et d'une noyade presque collective. Pourquoi cette précipitation, qui est si souvent l'ennemi de la perfection? Si j'ai insisté quelque peu sur cette première édition du projet de loi, c'est pour en faire ressortir l'imperfection, le manque de consultation et le bébé difforme qui est né de cette douloureuse gestation. (16 h 50)

Aussi, l'accueil de ce premier projet fut-il froid, malheureux et même répulsif. Comment expliquer les mésaventures subies par ce projet de loi dès sa première sortie officielle, le 31 mars 1982, sinon que ce fut un mauvais plat cuisiné en catimini? Manque de menu législatif véritable, on dirait parfois que ce gouvernement est prêt à présenter n'importe quelle loi, même si elle est à demi-cuite. Pour eux et pour le ministre, on dirait parfois que la consultation est un aveu de faiblesse, une atteinte à leur génie et à leur autorité. Souverains pontifes législatifs, ils se croient parfois vraiment dotés de l'infaillibilité parlementaire.

Pourtant, une véritable consultation de la gent archivistique aurait évité les erreurs grossières de cette première ébauche de loi, car, disaient MM. Chouinard, Couture et

Rousseau, il s'agit d'un projet de loi qui confirme la très faible volonté politique du gouvernement en matière de patrimoine archivistique du Québec. En fait, les 60 organismes qui ont défilé devant la commission parlementaire entonnèrent tristement le même refrain, excepté quelques adulateurs inconditionnels qui acceptent souvent des ruades au postérieur comme des caresses.

Sur les 79 articles de la loi, 48 au moins amenèrent des contestations, des demandes d'amendement ou de suppression. Comme je le disais précédemment, pourquoi ne pas avoir consulté ces chercheurs professionnels, les gens du métier qui oeuvrent dans le plus grand respect des archives qu'on appelle souvent les mémoires de notre histoire?

Malgré ses avatars et ses faiblesses, la loi 109 sur le cinéma avait été précédée du travail de Guy Fournier sur l'excellence et la survie du cinéma. Or, dans le projet de loi initial sur les archives, aucune consultation du milieu qui ne demandait pourtant qu'à aider et à collaborer pour sertir un bijou de loi dans un cadre législatif agréé par ce monde érudit, consciencieux et fort progressif.

Vous vous rappelez peut-être que j'avais terminé mon allocution en vous disant quelque chose comme ceci: M. le ministre, c'est le professeur qui vous parle, vous avez mal fait votre devoir, il faut le recommencer. Il fallait vraiment réimprimer cette loi, la remodeler, l'amender et la revitaliser. Les pontages et les rafistolages étaient trop nombreux et dangereux, il fallait vraiment un coeur neuf. Ces gens du milieu, remplis d'intérêt et de sympathie, ne demandent qu'à vous aider pour bâtir et rédiger un projet de loi qui fera leur bonheur et l'envie des connaisseurs archivistes.

Cette déclaration prémonitoire, M. le Président, avait fait dresser les oreilles de M. le ministre, mais, après l'audition des 60 mémoires, il en venait à la même conclusion. Au journal des Débats, il disait: "M. le Président, conformément aux dispositions de l'article 119 de notre règlement, je voudrais proposer qu'avant la deuxième lecture le projet de loi soit réimprimé. Je voudrais proposer la réimpression de ce projet de loi." Vous le savez, M. le ministre, c'est avec plaisir que j'avais appuyé votre motion à ce sujet.

En fait, la première version de la loi 3 sur les archives est vraiment déjà passée aux archives et est devenue un document inactif. C'est sur un nouveau texte revu et corrigé, réimprimé, que nous travaillerons, espérant qu'il saura colmater les fissures et les brèches et même les trous béants que nous avions découverts dans la première édition.

Ici, M. le Président, je veux rendre à César ce qui est à César, au ministre des Affaires culturelles l'hommage qui lui est dû.

II a su faire montre de clairvoyance, de souplesse et de courage. Ce ne sont pas tous les ministres qui feraient marche arrière en piétinant sur leur orgueil et sur leur fierté pour poser un geste qui accuse peut-être une faiblesse ou une erreur, mais qui par ailleurs, magnifie l'auteur par sa droiture et son honnêteté. On dit de la culture, M. le Président, que c'est ce qui vous reste quand vous avez tout oublié. Ici, M. le ministre a montré qu'il était vraiment digne des Affaires culturelles en gardant une belle ouverture d'esprit, en corrigeant une oeuvre imparfaite et en pensant au bien des gens du milieu et de ses concitoyens au lieu de s'enfermer dans une fausse tour d'autorité et de prestige. Le ministre a reculé pour mieux réussir et je crois que cette stratégie a été vraiment bénéfique.

La nouvelle réimpression sur laquelle nous travaillerons en deuxième lecture et à l'étude article par article est vraiment améliorée et semble bien perçue par le milieu, mais pour moi, après ces fleurs, l'épine persiste et me pique singulièrement. Je ne cesse de m'interroger. Pourquoi toujours et partout ce manque de consultation et de dialogue avec les gens concernés avant d'élaborer un projet de loi? J'avais fait un long prologue sur ce sujet lors de l'adoption du projet de loi 109 sur le cinéma et je l'ai répété avec le projet de loi 3 sur les archives. Que de problèmes n'auraient pas surgi et que de satisfaction aurait semée autour d'elle cette consultation!

J'appréhende déjà de recommencer ces mêmes doléances pour le prochain projet de loi 35 portant sur les musées dont nous ferons bientôt la deuxième lecture. Pas de commission parlementaire. Mais pourquoi? Il aurait été si facile d'entendre au moins les directeurs des deux musées puisque ce projet de loi ne concerne que le Musée de Québec et le Musée contemporain de Montréal. Les autres muséologues aussi auraient eu certes un mot à dire. Le ministre m'avait dit que nous ferions une commission parlementaire sur les archives et il avait estimé qu'elle serait courte et rapide. Les archives, le sujet pouvait paraître anodin et pourtant plus de 60 mémoires ont été lus et discutés avec profit de part et d'autre. Alors, pourquoi encore cette absence de consultation? Encore aujourd'hui, elle est possible et serait tout à fait bénéfique. Qu'y a-t-il donc? Cette consultation n'est pourtant par un aveu de faiblesse et la promulgation d'une loi n'est pas essentiellement un coup de force.

On m'a dit, avant la réimpression de ce projet de loi sur les archives, que le ministre aurait consulté quelques membres influents de ce métier. C'est logique et rassurant, surtout quand ces gens disent que le projet de loi est vraiment bonifié et qu'ils en acceptent grosso modo l'esprit et la rédaction. Sur ce sujet, puis-je attirer l'attention du ministre sur le mémoire quelque peu tardif, mais non moins important, de Marie Leclerc, de l'Association pour les études sur la radiotélévision canadienne, mémoire portant sur la conservation et l'exploitation des archives audiovisuelles d'origine québécoise? Il y a là des remarques très pertinentes auxquelles nous nous devons certes d'apporter des réponses adéquates avant l'adoption finale du projet de loi.

M. le Président, c'est donc avec joie et satisfaction que nous entreprendrons l'étude article par article du projet de loi sur les archives. De part et d'autre, je crois que nous avons fait notre devoir, même s'il est quelquefois difficile à remplir. Porter l'attaque à l'escrime est souvent aussi pénible et aussi périlleux que d'esquiver les coups. Ici, nous avons réussi une lutte qui se termine par une victoire des deux parties, mais surtout pour la plus grande joie et la plus grande satisfaction des connaisseurs et des travailleurs archivistes. Merci. (17 heures)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Trois-Rivières.

M. Denis Vaugeois

M. Vaugeois: Merci, M. le Président. Je me lève avec plaisir, comme député, pour parler de ce projet de loi. Je dois avouer que j'ai en même temps un peu de nostalgie, un peu de regret, presque un peu d'envie. J'aurais aimé me lever pour parler sur ce projet de loi à titre de ministre des Affaires culturelles; je l'avoue simplement, j'aurais aimé être à la place du député de Montmorency, de mon collègue et ami Clément Richard, de l'actuel ministre des Affaires culturelles. Mais je lui reconnais ce mérite d'avoir su rendre à terme ce que moi, après plusieurs autres, j'avais tenté de mener à terme. C'était à se demander d'ailleurs si, un jour, un ministre des Affaires culturelles réussirait à déposer dans cette Chambre, enfin, un projet de loi sur les archives. Notre collègue l'a réussi et d'une façon qui n'agrée pas, qui ne plaît pas totalement à l'Opposition.

Le député de Saint-Henri me fait signe que oui mais, dans son discours, il a eu quelques petites méchancetés bien tournées pour reprocher au gouvernement et au ministre le manque de consultation et quelques petites vétilles qui auraient entouré la première version du projet de loi.

Il n'y a pas de projet de loi étudié dans cette Chambre, du moins dans l'époque moderne, qui auront fait l'objet d'autant de discussions et d'autant de consultations. Je me permettrai aujourd'hui de faire quelques indiscrétions. Ce projet de loi sur les archives a été voulu par le premier sous-ministre des Affaires culturelles et voulu

ardemment par le premier ministre des Affaires culturelles. M. Lapalme et M. Frégault se sont bagarrés pendant des années pour pouvoir venir déposer devant cette Chambre ce projet de loi.

Guy Frégault était historien. Il faut comprendre qu'il ne pouvait pas ne pas souhaiter ardemment laisser aux siens, à ses collègues professionnels, cette pièce législative extrêmement précieuse. Après Frégault, il y a eu au moins, de mémoire, un autre sous-ministre qui était, à l'origine, également un historien de formation; M. Noël Vallerand. M. Vallerand, alors que j'étais aux Affaires culturelles, y a travaillé comme sous-ministre. Je peux témoigner de la priorité qu'il a donnée à cette démarche législative et, disons-le, il travaillait en équipe avec un ministre qui, lui-même, avait pratiqué un peu ce métier d'historien. Et pourtant, Frégault, Vallerand et plusieurs ministres, certains y croyant davantage, d'autres n'y croyant peut-être pas beaucoup -en tout cas, je peux témoigner des efforts que j'ai faits - tous ces gens sont restés en panne.

Manque de consultation, manque de discussion avec le milieu, caractère hâtif des démarches, mépris de l'opinion publique, mépris du point de vue des professionnels du secteur? Certainement pas. Les indiscrétions que je commettrai, je les résumerai seulement en disant que c'était à l'intérieur que se trouvaient les obstacles. Le député de Saint-Henri a quelques distractions en ce moment, c'est peut-être préférable parce que je dis des choses qu'on ne doit pas trop développer.

Dans ce projet de loi que nous avons devant nous, nous avons la clé des difficultés qu'ont vécues les 15, 20 ou 25 projets de loi, entre autres, à l'article 4. La clé se trouve un peu à l'article 4. Je peux dire que lorsque j'ai quitté le Conseil des ministres, à la séance à laquelle je devais assister le lendemain de mon départ, j'étais à l'ordre du jour avec le projet de loi sur les archives. Je peux dire que j'y étais à la dernière séance, également, qui a précédé le déclenchement des élections. Les séances, pendant la période électorale et celle qui a suivi, avant la formation du nouveau cabinet, n'étaient pas des séances normales. J'étais donc rendu, après toutes les étapes que cela suppose, avec une bonne pièce législative au Conseil des ministres.

J'ai quitté. Est-ce qu'il faut lier cela à la bataille que j'ai livrée sur le projet de loi sur les archives? Je ne crois pas, mais je pense que c'était lié à un certain nombre de batailles comme celle-là.

Celui qui m'a succédé a repris patiemment le travail en tenant compte des obstacles et des objections qu'on manifestait à l'intérieur vis-à-vis de ce projet de loi et de façon habile, de façon prudente, de façon mesurée, avec la volonté de se rendre au bout de la démarche, en faisant des concessions que moi je n'avais pas voulu faire, M. le Président, et que je ne pouvais pas accepter de faire. Je le dis, au fond, le ministre actuel avait sur moi l'avantage de ne pas être du métier. Il pourrait donc faire quelques concessions qu'on lui pardonnait à lui mais que je ne crois pas qu'on m'aurait pardonnées à moi.

Je suis d'accord avec les concessions qu'il a pu faire et qu'il a faites parce que l'important, c'était de nous mener à l'étape d'aujourd'hui. Elles ont été faites avec la première version du projet de loi et, de grâce! n'en imputons pas au ministre les imperfections. Il n'a pas pu me le dire aujourd'hui, mais le ministre était probablement le plus heureux des hommes que le milieu dise ce qu'il avait dit à l'intérieur, que le milieu exige ce qu'il avait osé demandé à l'intérieur, qu'enfin le milieu se levait pour soutenir une position qu'un ministre des Affaires culturelles avait défendue vainement à l'intérieur, parce que, disons-le, un ministre des Affaires culturelles est assez solitaire dans les gouvernements. Et même dans cette Chambre d'ailleurs, un ministre des Affaires culturelles a souvent l'impression de ne pas exister, parce que son secteur semble laisser l'Opposition assez indifférente. Je n'en fais pas grief au député de Saint-Henri, qui collabore bien en général, mais il faudrait reconnaître que les périodes des questions ne sont pas très achalandées dans le secteur culturel. Il y a quand même un vide assez désolant.

Le ministre a donc dû faire face à un milieu exigeant, un milieu qui exigeait, par exemple, qu'on maintienne la fonction de conservateur des archives. Je suis certain que dans l'administration publique il y a des gens qui sont tombés de leur chaise. Pour eux, ce devait être quelque chose de réglé. Mais non. Le ministre a donc repris sa pièce législative à la faveur, entre autres, de la disparition du ministère des Travaux publics. Le ministre est ici en cette Chambre, il pourrait témoigner que le fait que son ministère soit appelé à disparaître a facilité la démarche du ministre des Affaires culturelles. Il ne faut pas oublier que ce ministère était responsable de la conservation d'une partie des documents et, maintenant que nous allons vers une société d'État, il y a des fonctions jadis remplies par le ministère des Travaux publics qui doivent aller quelque part. C'est à ce moment-ci que le ministère des Affaires culturelles arrive avec quelque chose d'intéressant, d'autant plus que ce ministère est capable de faire le travail.

Pour que ce soit clair, rappelons qu'il n'y avait pas de rivalité entre le ministère des Affaires culturelles et le ministère des Travaux publics, ces deux ministères s'enten-

daient bien. C'est ailleurs, si vous voulez, que l'inquiétude régnait et que le pouvoir se trouvait. Le ministère des Travaux publics et le ministère des Affaires culturelles se sont donné la main, ces dernières années - depuis 1976, M. le député de Saint-Henri - pour relocaliser les Archives nationales. Avant cette loi, il y a au moins eu des gestes concrets qui ont pu être faits dans le domaine des archives. Avant cette loi il y a eu le recyclage de la chapelle du Grand Séminaire de l'Université Laval, qui a été un travail admirable. J'invite d'ailleurs les gens à passer à l'occasion visiter ce bâtiment. Ceux qui hésitent à remettre leurs documents aux Archives nationales seraient rassurés s'ils se rendaient visiter ce bâtiment où travaillent des gens extrêmement compétents. On se rendrait compte que le Québec n'a pas à avoir honte.

Si, sur le plan législatif, nous avons beaucoup tardé, au moins au niveau physique, nous avions bien progressé ces dernières années. Depuis bien longtemps, le Québec a des gens compétents dans le domaine des archives mais, aujourd'hui, il faut le dire, l'équipe est plus large et contient donc plus de gens compétents et qui devraient d'ailleurs rassurer tout à fait les éléments de l'administration publique qui s'inquiètent encore sur les capacités de ce secteur des Affaires culturelles à prendre charge de la gestion documentaire. En même temps qu'à Québec on installait correctement - en fait, je dois le dire, mieux que n'importe quelle autre province au Canada - les Archives nationales, on les rendait présentes sur le territoire également. Toutes les régions du Québec ont maintenant leur dépbt d'archives bien organisé et fréquenté. Je crois qu'il y avait cette réalité physique qui rendait encore plus possible le dépôt de ce projet de loi et qui en permettra la réussite. (17 h 10)

J'ai fait allusion, tout à l'heure, à la gestion documentaire. Il faut dire, M. le Président, que l'étape qui est franchie actuellement avec ce projet de loi, c'est une étape beaucoup plus importante qu'on le croit. Je suis certain que, demain, les journaux ne parleront pas de l'échange que nous avons. Ils ne mentionneront probablement pas le projet de loi. Ils ne feront pas allusion à ce qui s'y trouve. Pourtant, cette démarche s'inscrit dans les grandes réformes que l'État québécois a menées à terme. Je ne parle pas pour le gouvernement actuel; je ne fais pas l'apologie simpliste d'un gouvernement. Je parle de l'État québécois et des gouvernements qui se sont succédé et qui ont entrepris de moderniser l'appareil gouvernemental et l'appareil étatique.

Cela a été commencé par les libéraux qui ont travaillé dans le sens de l'approche budgétaire. On a travaillé dans le sens de l'approche de la fonction publique. On est encore en train de remettre en question certaines choses au niveau de la fonction publique et des travaux publics. Mais il y a une réforme qu'on n'avait jamais osé toucher, qu'on n'avait jamais osé entreprendre. C'est celle de la gestion documentaire. Dieu sait qu'il s'en brasse des papiers dans un gouvernement. D'ailleurs, cela prend la forme d'un papier. Cela prend la forme de films et de microfilms. Cela prend maintenant la forme de rubans d'ordinateur. Tout cela s'amoncelle et c'était devenu synonyme de problèmes: problèmes en termes de coûts de stockage, de rangement, d'accessibilité ou, disons-le, d'inaccessibilité.

Une loi comme celle qui est étudiée aujourd'hui, qui amorce une réforme de la gestion documentaire, est, à mon avis, synonyme d'économie: économie d'espace, économie de temps. Les documents seront mieux classés. On conservera ceux qui devront être conservés, le moment où ils devront être conservés. Le soutien documentaire sera celui qui convient pour ce genre de documents. Ils seront davantage accessibles. Cela devient, à ce moment-là, M. le Président, synonyme d'efficacité administrative. Je suis convaincu que quand cette loi aura été menée à terme, avec des bons règlements et avec la capacité pour le reste de l'administration publique de faire confiance en la capacité des Affaires culturelles et des Archives nationales de gérer les documents, tout cela deviendra synonyme d'économie et d'efficacité, également pour l'administration publique et pour les hommes politiques, synonyme de prudence, de qualité dans la gestion.

Le jour où on saura que non seulement certains documents sont accessibles immédiatement, tel que le rend maintenant possible la loi concernant l'accès à l'information, mais dès qu'on saura que les documents qui n'ont pas été accessibles immédiatement seront conservés, lorsqu'on prendra conscience que les traces de la gestion, tant au niveau politique qu'au niveau administratif, seront conservées, on comprendra que, tôt ou tard, hommes politiques et gestionnaires rendront des comptes. Je pense que ce moment est le début d'une plus grande sagesse, d'une plus grande qualité dans l'administration. Cette expérience a été faite ailleurs et j'ose croire qu'elle aura le même effet chez nous.

Il y a des choses que nous aurons l'occasion de discuter quand nous considérerons le projet de loi article par article. Il y a des éléments qui viendront plus tard. J'aimerais qu'on reprenne encore, à un moment donné, cette question que le ministre a effleurée quant aux documents que traitent les membres de cette Chambre, ceux qui sont au Conseil du trésor et au Conseil des ministres. Je suis partisan de la

plus grande ouverture possible. Je suis partisan de conserver les traces des gestes, les traces des décisions prises par les gouvernements. Je suis d'ailleurs partisan pour que ces traces, ces documents qui relatent le cheminement soient accessibles le plus rapidement possible. Je pense que le plus tôt les gouvernements ont à rendre des comptes, le mieux c'est.

On l'a déjà évoqué, il y a des gens qui restent en cette Chambre pendant de nombreuses années et il faudrait quand même respecter les premiers documents qu'ils ont eu à traiter. C'est un point de vue, M. le Président. Mais je peux vous dire que le jour où j'ai quitté le ministère des Communications, le Conseil du trésor, le Conseil des ministres ou le ministère des Affaires culturelles, j'ai demandé à mes fonctionnaires de ne rien toucher aux dossiers qui étaient dans les classeurs. J'avais encore en mémoire le souvenir d'un ministre qui s'était fait photographier le lendemain de son départ en train de charger des caisses dans des camions. Il partait avec les documents du ministère des Finances, du moins ceux qu'il avait traités en tant que ministre.

À mon avis, l'administration publique, ce n'est pas cela. L'administration publique, c'est une continuité et les documents que je traite comme ministre ne sont pas des documents qui m'appartiennent en propre. Ce sont des documents qui portent ma marque, mon empreinte, qui ont quelque chose de moi, mais à mon avis, qui appartiennent à l'État ou que je me dois de rendre à l'État. Je serais peut-être justifié de faire le ménage, de dire: Cela est à l'État, cela est à moi; oui, effectivement, mais ce n'est pas mon approche. Mon approche, c'est de remettre à l'État les documents que j'ai eu à traiter comme homme politique. En ce qui me concerne, je n'ai fait aucune réserve, je n'ai demandé aucune prescription. Quand on m'appelle - c'est fréquent - pour avoir des renseignements sur des choses qui se sont passées quand j'étais là - cela ne m'arrive pas tous les jours, mais presque toutes les semaines - je réfère les gens aux Archives nationales. Souvent, on est étonné d'ailleurs. On dit: Où? Avez-vous déjà envoyé cela aux Archives nationales? Je dis: Oui. On me dit: Avez-vous l'intention de quitter? Je dis C'est une autre question.

Les documents qui correspondent à mon travail au cabinet, pour une période donnée, quand cette période est terminée, selon moi, sont en meilleure place, en meilleures mains aux Archives nationales que n'importe où ailleurs. Le jour où les autres lois, les autres règlements permettront de les ouvrir à la recherche, quant à moi, il n'y aura aucune restriction. Dès que les autres lois le permettront, dès que les documents que j'aurai traités comme ministre et membre du

Conseil des ministres deviendront du domaine public, on pourra avoir accès à ces documents. Quant à moi, j'invite le premier ministre et ceux qui le conseillent, ainsi que les membres du Conseil des ministres, à regarder cela à nouveau et, dans l'esprit qui a toujours animé ce gouvernement, à avoir les prescriptions les plus courtes possible.

On peut prendre l'exemple sur des pays qui ont été en guerre et qui, dans des périodes relativement courtes, ouvrent à la recherche les archives de guerre. Le Vatican, qui ne passe par pour l'institution la plus transparente qui soit, ouvre, de façon raisonnable, ses archives à la consultation et aux chercheurs et respecte les documents confiés aux chercheurs, parce qu'il ne s'agit pas de faire le ménage la veille. D'ailleurs, le projet de loi que nous allons adopter empêchera un gouvernement de faire le ménage. C'est le conservateur des archives qui, au dernier moment, sera le gardien, si vous voulez, de la documentation. Ce n'est d'ailleurs pas le ministre à ce moment-là, parce que le ministre lui-même pourra être dans une situation délicate, mais c'est le conservateur, avec la Commission des biens culturels, qui devra s'assurer qu'une administration publique ne fera pas disparaître des documents. Certains documents n'ont pas à être conservés, mais il appartiendra aux gens responsables et compétents du secteur des archives de le décider et non pas aux hommes publics.

S'il m'était permis, après avoir fait une invitation au premier ministre et au Conseil de ministres, d'en faire une à mes collègues de cette Chambre. Je trouve infiniment regrettable que, depuis 1791, depuis qu'il y a des députés au Québec, il y en ait eu si peu qui aient fait confiance aux Archives nationales. Je crois qu'à cet égard nous sommes un des coins de la planète où la performance est la plus faible. Peu d'hommes politiques ici ont remis leurs documents aux archives. Les documents qu'on retrouve sur eux aux archives sont des documents qui ont été attrapés à gauche et à droite, qui se trouvaient dans d'autres fonds documentaires, qui ont été ramassés un peu par hasard, même ceux sur les premiers ministres du Québec. C'est un sujet sur lequel j'ai beaucoup travaillé avec d'autres. On a été absolument étonnés que, sur certains premiers ministres, il n'y ait aucun document ou à peu près aucun document pour ainsi dire, si ce n'est des traces de papiers administratifs, mais pas de correspondance ou de papiers ayant une certaine signification. Il y a une très faible proportion d'hommes politiques pour lesquels on retrouve des documents un peu significatifs aux archives.

Je ne comprends pas trop cela, M. le Président. On ne vient pas en politique pour se bourrer les poches, pour le salaire, pour soi. On vient en politique avec un peu

d'idéal, pour faire des choses pour la collectivité et, au fond, admettons-le, M. le Président, on est un peu vaniteux. On aime être vu à la télévision parfois, on aime avoir sa photo dans les journaux, on aime être connu. Des fois, on aimerait mieux ne pas l'être, mais, en général, on apprécie un peu certains aspects de la démarche publique qui est la nôtre. Secrètement, on voudrait avoir fait des choses importantes pour le comté, le ministère où on travaille. On rêve secrètement de passer à l'histoire, n'est-ce pas, M. le ministre? Nous rêvons tous un peu de passer à l'histoire et nous prenons bien garde de confier aux archives et aux historiens les traces de notre passage en politique. Il faudra choisir, M. le Président, si on veut un peu passer à l'histoire et laisser pour les générations à venir... Vous venez de découvrir la vérité ou quoi?

Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est qu'il vous reste une minute, mon cher. (17 h 20)

M. Vaugeois: Ah! c'est un peu court. Je termine donc sur ce point, en lançant une invitation à mes collègues, à ceux qui nous ont précédés. Je me souviens de contacts que j'avais faits auprès de Robert Burns, par exemple, qui a eu une présence extraordinaire dans ce Parlement. Je le prends en exemple, mais Robert a des documents extraordinaires qu'il conserve péniblement. Probablement qu'à chaque déménagement il reprend ses caisses et il repart avec cela. Pourquoi ne viendrait-il pas confier ces documents aux archives? S'il veut les avoir à Montréal, on peut les conserver à Montréal. Si on veut les avoir dans la région de Trois-Rivières, on peut les conserver à Trois-Rivières. Si on veut les avoir dans n'importe quelle région du Québec, il se trouve des dépôts d'archives aptes, capables de recevoir et de prendre soin des documents qui correspondent à notre activité.

Il y a des documents qui ont un caractère confidentiel. C'est un point de vue. De toute façon, à mon avis, c'est une question de temps. Même si ce sont des documents assez intimes qui relatent des expériences personnelles parfois douloureuses que des gens sont venus nous confier, conservons les traces des témoins d'une époque où une certaine misère pouvait exister, où des difficultés pouvaient exister. C'est cela, l'histoire, M. le Président. Les spécialistes, les archivistes détermineront... Dans 50 ans, dans 90 ans, peu importe le délai, ces choses seront conservées et, lorsque des experts le jugeront approprié, seront accessibles aux chercheurs.

Je termine, puisque mon temps est écoulé, en félicitant le ministre, en félicitant le gouvernement d'avoir su rendre à terme cette démarche législative. Je me doute qu'elle va plutôt passer inaperçue, je le regrette un peu, mais j'invite ceux qui ont été associés à cette réflexion des dernières années, ceux qui restent encore liés à cette démarche, de rapidement nous donner les règlements qui permettront l'application de la loi.

J'invite tous ceux qui, dans l'administration, se sont beaucoup méfiés des capacités des archives nationales, de leur personnel et du ministère de tutelle, à faire honnêtement confiance à cette institution. J'invite ceux qui siègent dans cette Chambre, ceux qui nous ont précédés dans cette Chambre, ceux qui sont les dépositaires de documents qui ont appartenu a des disparus qui ont siégé dans cette Chambre, à communiquer avec le ministre, à communiquer avec leur député, à communiquer avec le directeur ici présent dans les galeries, M. Robert Garon, à communiquer avec le directeur des archives dans leur région pour confier à la garde de l'État des documents qui peuvent être utiles pour les générations qui nous suivront. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, votre droit de réplique.

M. Clément Richard (réplique)

M. Richard: M. le Président, très brièvement, je voudrais d'abord remercier mon collègue, le député de Saint-Henri, et, bien sûr, mon collègue et ami, le député de Trois-Rivières. J'aurais toutefois deux observations à faire. L'une à l'égard du député de Saint-Henri, pour lui dire que je saisis mal qu'il veuille toujours me reprocher les amendements que j'apporte après une commission parlementaire qui, justement, est l'instrument tout à fait privilégié de consultation puisque la consultation, à ce moment, est de nature publique. Il a utilisé sensiblement le même discours au moment de la Loi sur le cinéma. Il utilise encore le même discours pour me reprocher d'apporter des amendements après consultation, en disant que c'est à défaut de consultation. Précisément, une commission parlementaire a pour objet d'apporter, de bonifier un projet de loi. Il ne faudrait quand même pas qu'on me le reproche.

Quant à l'observation que je voudrais faire à l'égard de mon collègue, le député de Trois-Rivières, c'est simplement pour reconnaître ceci. Sans les énergies qu'il avait lui-même investies dans ce projet de loi, une étape essentielle n'aurait jamais été franchie et si, aujourd'hui, nous sommes à l'étude de ce projet de loi, c'est parce que mon prédécesseur y avait déployé tant d'efforts et d'énergies.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la deuxième lecture du projet de loi 3,

Loi sur les archives, est adoptée? Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission des affaires culturelles

M. Boucher: Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des affaires culturelles.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint.

M. Boucher: Je vous demanderais d'appeler l'article 10) du feuilleton d'aujourd'hui.

Projet de loi 18 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Jolivet): J'appelle la deuxième lecture du projet de loi 18, Loi sur la Société immobilière du Québec. La parole est au ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement. M. le ministre.

M. Alain Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, le lieutenant-gouverneur en conseil a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande l'étude à l'Assemblée nationale.

Le projet de loi dont nous abordons l'étude en deuxième lecture a pour objet de transformer le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement du Québec en une société d'État qui aura pour but de gérer et d'administrer les actifs immobiliers du gouvernement du Québec ou, une autre façon de l'exprimer, ce projet de loi propose ou a comme conséquence l'abolition du ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement et son remplacement par une société d'État chargée d'administrer les actifs immobiliers du gouvernement du Québec.

Je dirais que l'objectif central de ce projet de loi est de permettre au gouvernement de faire administrer de façon plus efficace et avec un meilleur rendement l'ensemble de ses propriétés, d'atteindre cet objectif de rendement et d'efficacité de façon plus facile dans le cadre d'une société d'Etat.

Je reviendrai tantôt sur l'ensemble des objectifs qui m'ont amené à recommander au gouvernement et qui ont fait retenir par le gouvernement cette proposition d'abolir le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement et de créer la Société immobilière du Québec.

Je pense qu'il faut d'abord très bien comprendre les fonctions actuelles du ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement. En somme, le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement loue des espaces, fait de la location d'espaces pour les besoins des ministères du gouvernement du Québec. Il achète des propriétés pour loger un certain nombre de ministères ou de services gouvernementaux ou il procède à des projets de construction qu'il réalise aux fins de satisfaire les besoins des ministères ou des organismes parapublics ou péripublics. De plus, pour ce qui regarde l'approvisionnement, le Service général des achats, jusqu'à maintenant, dépend du ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement. Si cette loi est adoptée, évidemment le Service général des achats ne fera pas partie de cette Société immobilière, puisque ses fonctions sont tout autres, c'est de voir à l'administration des règles d'achat du gouvernement du Québec. Il sera plutôt transféré sous la responsabilité du président du Conseil du trésor.

Qu'en est-il de cette fonction de gestion immobilière? Il faut savoir que le parc immobilier du gouvernement c'est 2 000 000 de mètres carrés, moitié en propriété, moitié en location. En somme, les palais de justice nous appartiennent, des centres de détention nous appartiennent, les postes de la Sûreté du Québec nous appartiennent ou sont loués, les édifices pour loger l'ensemble des fonctionnaires nous appartiennent ou sont loués; aussi des édifices nous appartiennent soit pour y installer des laboratoires gouvernementaux ou sont loués pour y installer des laboratoires de différents ministères. Ce sont ces services - décrits bien simplement - que le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement donne actuellement aux différents ministères du gouvernement.

Lorsque je suis arrivé au ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement, en avril 1981, il y a deux ans, j'ai pu constater que ce ministère avait déjà atteint deux grands objectifs, soit l'objectif de la compétence et celui de la transparence.

Quant à la compétence du ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement, j'en veux deux exemples que la population du Québec connaît. C'est nous qui avons construit le Palais des congrès de Montréal, une oeuvre de 80 000 000 $; nous avons construit cet édifice à l'intérieur des délais prévus et au coût prévu, alors que c'était un projet ambitieux, construire un centre des congrès

au-dessus d'une voie d'autoroute et réussir à faire cette construction avec le moins de dérangement possible, en atteignant les objectifs de notre client, le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. (17 h 30)

Un autre exemple que les citoyens de la région de Québec ont pu voir, c'est la construction récente de la Place de la justice, du nouveau palais de justice de Québec, une oeuvre de 55 000 000 $ qui a été faite pour répondre aux besoins du ministère de la Justice. Je crois que l'objectif de la compétence était largement atteint lorsque je suis devenu ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement.

Il en est de même pour l'objectif de la transparence. On sait qu'au cours des années l'État québécois est devenu de plus en plus transparent dans l'octroi de ses contrats. C'est ainsi qu'au cours des années soixante et des années soixante-dix on a procédé de plus en plus par appels d'offres publics pour les grandes constructions gouvernementales, mais ce mouvement s'est considérablement accentué avec l'arrivée au pouvoir du gouvernement du Parti québécois. C'est ainsi que nous avons commencé à faire des appels d'offres publics pour la location - pas seulement pour la construction - d'espaces pour satisfaire les besoins du gouvernement. Nous avons aussi décidé d'instaurer un fichier central des fournisseurs de services professionnels, des services de génie, des services d'architecture, des services d'administration, d'audiovisuel et de publicité, en somme les différents services professionnels auxquels recourt un gouvernement. Nous avons décidé de faire un fichier central où des firmes ou des individus pourraient s'inscrire pour offrir leurs services au gouvernement et décidé d'instaurer des méthodes objectives d'évaluation de la qualité de ces services professionnels. En somme, en 1981, lorsque j'ai assumé la responsabilité de ce ministère, en plus de l'objectif de compétence, l'objectif de transparence dans l'activité gouvernementale du ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement était largement atteint.

Il restait un troisième défi à relever pour ce ministère, soit celui d'améliorer considérablement son service à la clientèle. Je crois que ce n'est pas faire injure aux employés - j'y reviendrai - que de dire que ce ministère avait la réputation d'être le ministère des travaux pas vite plutôt que d'être le ministère des Travaux publics. Personnellement, après que les deux autres défis eurent été relevés - celui de la compétence et de la transparence - le défi que j'ai voulu relever avec l'équipe qui était au ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement était celui d'améliorer l'efficacité de nos services à la clientèle; à la fois donner des services plus efficaces, plus rapides et avec une économie accrue de ressources. Je dois dire que nous avons fait des efforts importants depuis deux ans dans ce sens, auxquels ont pleinement collaboré -je dois le souligner très clairement l'ensemble des employés du ministère des Travaux publics. C'est ainsi que, sur une période de deux ans, nous sommes en train de réduire de 10% le personnel du ministère des Travaux publics sans réduire la qualité des services donnés à la clientèle. Au contraire, nous avons augmenté la qualité des services donnés à la clientèle en donnant des responsabilités plus grandes à nos représentants régionaux et à nos gérants d'édifice, en décentralisant les responsabilités, en déléguant des pouvoirs de gestion et de signature pour que nos fonctionnaires qui ont la compétence puissent prendre des décisions pour accélérer la qualité des services donnés à la population.

Nous avons aussi été le premier ministère du gouvernement à instaurer un programme de motivation, de productivité et de performance visant à accroître, d'une part, la motivation de notre personnel et, d'autre part, sa productivité et sa performance dans les services à fournir à nos clients. Nous avons aussi accompli une régionalisation de l'action du ministère en déplaçant peu de personnes vers les régions et en ouvrant peu de postes dans les régions. Nous avons surtout donné des responsabilités aux personnes qui étaient là. Dans cette perspective d'améliorer notre efficacité, nous avons conçu un vaste plan de gestion de l'espace pour la région de Québec et nous sommes en train de terminer un plan semblable de gestion de l'espace pour la région métropolitaine. Celui de Québec est plus connu parce que - vous le savez - nous avons proposé un plan de gestion de l'espace qui a été approuvé par le Conseil des ministres et qui fera que, sur une période de cinq ans, nous allons réduire de 70 000 mètres carrés l'espace en location dans la région de Québec, c'est-à-dire qu'environ 15% de l'espace que nous louons dans la région de Québec sera réduit ou ne sera plus loué parce qu'il ne correspond plus à nos besoins. À cause de la réduction de l'activité gouvernementale, à cause des trop grands espaces loués dans le passé, nous devons réduire ces espaces loués dans une meilleure gestion de nos ressources.

Dans cette perspective d'accroître l'efficacité, nous avons décidé de faire faire à contrat par l'entreprise privée le maximum de travaux, quitte à ce que le ministère des Travaux publics mette davantage l'accent sur la planification des besoins de nos clients et sur le contrôle de la satisfaction du besoin de ces clients, ce qui ne signifie pas que nous n'aurons plus certains services à rendre en régie, mais nous voulons accroître cettetendance vers des contrats de services

professionnels dans le domaine de l'architecture, du génie, des services d'administration, de l'entretien et de l'exploitation de nos édifices. Nous voulons de plus en plus donner ces services à contrat tout en continuant d'en gérer une certaine partie nous-mêmes.

Vous allez me dire: Pourquoi proposez-vous la création d'une société immobilière du Québec si vous avez fait des efforts, si vous avez réussi, en bonne partie, à accroître la qualité des services que vous fournissez à votre clientèle? J'ai dû poursuivre ma réflexion plus loin et voir ce qu'il faudrait faire pour améliorer, pour franchir d'autres étapes dans l'amélioration de nos services à la clientèle. Cette réflexion nous a amenés à consulter l'expérience qui a été menée en Colombie britannique depuis sept ans déjà. En Colombie britannique, il y a déjà sept ans que le ministère des Travaux publics a été aboli et remplacé par une société d'État, BCBC, British Columbia Building Corporation, qui administre l'ensemble des actifs immobiliers du gouvernement. À la lumière de cette expérience et de la réflexion sur l'évolution du ministère des Travaux publics du Québec, nous en sommes arrivés à la conclusion que si nous voulions franchir d'autres étapes dans l'amélioration de ces services à la clientèle, il faudrait procéder à la transformation du ministère en une société immobilière.

En somme, l'objectif de la création de cette société immobilière est d'accroître l'efficacité. Cela constitue un meilleur moyen pour gérer les espaces gouvernementaux, produire les biens de service des différents organismes gouvernementaux. Dire ceci, ce n'est pas faire injure aux fonctionnaires membres du ministère des Travaux publics. Je crois fondamentalement que la fonction publique développe davantage des gestionnaires de programmes que des gestionnaires d'entreprises. Et ceci me paraît très normal. Quand quelqu'un adhère à la fonction publique, il adhère à un organisme, à une fonction d'État qui est d'abord de fournir des services à l'ensemble de la population. On sait que ces services sont fournis à travers des programmes qui comportent de multiples normes, de multiples règles. Or, la culture de la fonction publique, du fonctionnaire comme tel le rend davantage apte à gérer des programmes qu'à gérer des immeubles, qu'à gérer dans une perspective de gestion d'entreprise. C'est cette mentalité de gestionnaire d'entreprise que nous voulons développer dans le cadre de cette société immobilière du Québec.

Actuellement, le premier réflexe d'un agent, face à un client qui demande un service au ministère des Travaux publics, est de voir si cette demande correspond à certaines normes et à certains critères. Il faudra qu'à la société immobilière on s'intéresse de savoir quelle est la façon la plus rapide et la moins coûteuse de répondre aux besoins exprimés par ce client.

Un autre motif qui m'a amené à conclure à l'utilité de cette société immobilière du Québec est que le ministère des Travaux publics en soi n'est pas un ministère politique. C'est un ministère qui n'établit pas de politique au sens où un ministère peut créer des politiques sociales, des politiques économiques, des politiques culturelles. Ce n'est pas un ministère qui fait des lois pour mieux régir notre vie en société, soit dans le secteur culturel, soit dans le secteur économique, soit dans le secteur social. Le ministère des Travaux publics n'est pas un ministère qui administre des programmes qui donnent des services à la population. Ce n'est pas non plus un ministère qui réglemente notre vie en société. En somme, le ministère des Travaux publics n'a à élaborer ni politique au sens noble du terme ni d'objectifs qu'une société doit poursuivre. Il n'a pas de loi à développer ou à mettre en oeuvre. Il n'a pas de réglementation à développer pour encadrer notre société. Il n'a pas non plus de programme à administrer au bénéfice des citoyens du Québec.

En ce sens-là, le ministère des Travaux publics est bien d'avantage, et c'est ma conclusion essentielle, un ministère administratif. Je crois donc que pour améliorer au maximum cette administration il valait mieux le faire dans le cadre d'une société d'État, d'une société qui gérera les immeubles du gouvernement comme on gère des immeubles dans l'entreprise privée. En ce sens-là, le cadre de référence de cette société immobilière doit devenir les modes de gestion des immeubles dans l'entreprise privée. (17 h 40)

Un des objectifs supplémentaires que nous visons par la création de cette société immobilière, c'est de responsabiliser les ministères clients. Il est facile, dans le cadre actuel, pour un ministère, d'exprimer constamment ses besoins, de faire des demandes sans toujours en mesurer le poids financier, d'en mesurer le temps à réaliser, mais à partir du moment où nous allons facturer les ministères clients, ils devront assumer le coût correspondant 6 la qualité de services qu'ils demanderont, au type de services qu'ils demanderont, au type de baux qu'ils demanderont. S'ils nous demandent de signer des baux dans un centre-ville, ils devront accepter que le coût de ces baux soit plus élevé que ceux qui étaient à un mille ou à un demi mille du centre-ville et pas nécessairement sur les axes principaux.

C'est la même chose dans d'autres services que nous avons à fournir à ces ministères. Nous voulons, par cette société immobilière, rendre plus transparent pour chacun des ministères, le coût des services

que nous leur rendons. Nous voulons responsabiliser les ministères clients par rapport à l'analyse de leurs besoins, par rapport à la planification de leurs besoins, exactement comme si ces services leur étaient fournis par une entreprise privée. Nous voulons aussi rentabiliser au maximum les investissements du gouvernement dans ce secteur.

Quels sont brièvement les avantages que le gouvernement compte tirer de la création de cette société immobilière? C'est d'abord d'entraîner un changement de mentalité et de climat de travail dans cette entreprise pour qu'il soit plus compatible avec les modes de gestion d'une société immobilière en général, non pas, comme je l'ai dit brièvement tantôt, que nous soyons contre ou que nous craignions la mentalité, la culture propre à la fonction publique. Nous croyons que cette culture et cette mentalité vont de soi avec la gestion de programmes qui sont là pour servir la population. Nous croyons que dans le cadre d'une société immobilière, qui est d'abord une société d'administration d'actifs immobiliers, il est possible, il sera utile de développer un autre climat de travail, une autre mentalité de gestion du personnel lui-même.

Un autre objectif, c'est d'en arriver à la rentabilisation des investissements du gouvernement; en somme, à une plus grande efficacité dans la gestion de ses équipements.

Nous voulons également développer une mentalité axée sur les résultats à atteindre, parce que, dans le cadre d'une gestion immobilière, tout est facilement mesurable et tout est facilement pondérable. Il est facile de savoir le temps qu'on prendra pour réaliser telle chose. Il est facile de prévoir le coût pour la réalisation de tels services à donner à nos clients. Je crois qu'en ce sens, il sera plus facile, dans le cadre d'une société immobilière, d'arriver à développer cet esprit de gestion par les résultats, où les individus ont davantage de responsabilités, où on confie davantage de place à l'initiative personnelle dans le cadre du travail même de cette Société immobilière, à l'ensemble des employés qui en seront membres.

Nous croyons aussi qu'un autre avantage qui en sera tiré, c'est que le gouvernement pourra distinguer plus nettement le rôle d'intendance face à ses immeubles par rapport au rôle plus politique, celui du Conseil des ministres, qui est de décider de construire ou de ne pas construire, de satisfaire tels besoins ou de ne pas les satisfaire. À ce moment-là, nous croyons que les ministères devront assumer directement leurs responsabilités par rapport à la définition de leurs besoins et par rapport à la disponibilité financière pour satisfaire ces besoins.

Un autre avantage, ce sera que chaque service aura un prix. Àpartir du moment où on indique que chaque service aura un prix, le client devra faire des choix. Le client devra établir des priorités dans les services qu'il veut qu'on lui rende.

Un autre avantage, c'est que nous ne serons plus assujettis aux règles de fonctionnement de l'ensemble de l'administration publique et à la Loi sur l'administration financière et ses contraintes nombreuses qui sont normales dans le cadre de ministères, dans la vie de ministères, mais qui nous apparaissent moins utiles dans le cadre de la gestion des actifs immobiliers du gouvernement, soit ceux dont il est propriétaire, soit ceux dont il est locataire.

Un autre avantage de la création de cette Société immobilière, c'est qu'elle facilitera la gestion de nos projets de construction puisque plutôt que la dépense de nos projets de construction soit incluse dans notre budget, nous procéderons par voie d'emprunts et le prix sera fixé sous forme de loyer, dans les années à venir, au ministère client, au lieu d'avoir à arrimer nos projets de construction dans le cadre des années financières du gouvernement. Nous pourrons réaliser nos projets de construction dans le cadre d'emprunts qui nous permettront, en somme, de pondérer, d'activer nos réalisations, non au rythme de l'évolution temporaire ou passagère des budgets gouvernementaux, mais davantage à celui des besoins de nos clients.

Également, nous ferons une économie du profit du locateur puisque étant, comme Société immobilière, responsable de l'ensemble de la gestion de nos immeubles, le profit du locateur, de celui qui est propriétaire, nous en ferons bénéficier le gouvernement en lui payant les redevances normalement prévues par le gouvernement.

Je l'ai indiqué tantôt, nous pensons ainsi que cette Société immobilière devra se comparer bien davantage aux sociétés immobilières de l'entreprise privée pour arriver à atteindre son degré d'efficacité et de rentabilité.

Quelques éléments que je voudrais ajouter à cet énoncé des objectifs, des avantages de la création de cette société immobilière, c'est que cette société devra s'autofinancer et rentabiliser ses activités en assumant, en faisant payer à ses clients le prix de ses services. La Loi sur la fonction publique ne s'appliquera pas à cette société immobilière, comme pour la plupart des sociétés d'Etat qui oeuvrent en concurrence avec le secteur commercial et le secteur industriel, puisqu'elle sera, dans le fond, une société commerciale. Nous ne voyons pas l'utilité, à ce moment-là, de l'assujettir à la Loi sur la fonction publique non plus qu'à la Loi sur l'administration financière qui lui imposeraient des règles qui ne sont pas

l'habitude de ce milieu.

Quant aux impacts sur les relations du travail, nous n'en prévoyons pas de négatifs. Au contraire, vu la façon dont cette décision du gouvernement a été accueillie par le personnel du ministère des Travaux publics, je suis convaincu que l'ensemble du personnel de ce ministère va collaborer au maximum à la mise en place de cette société immobilière, d'autant plus que nous avons décidé, pour faciliter cette transition, d'inviter tout le personnel syndiqué du ministère à adhérer à la Société immobilière du Québec. En fait, tout le personnel syndiqué qui voudra devenir membre de la Société immobilière du Québec pourra le devenir en gardant la totalité de ses droits acquis, ce qui signifie que quelqu'un qui adhérera à la Société immobilière du Québec pourra se présenter à des concours de mutation de la fonction publique, à des concours de promotion de la fonction publique et faire évaluer son expérience acquise au sein de la société durant le. temps où il travaillera au sein de la Société immobilière, ce qui fait que l'ensemble des droits acquis des fonctionnaires, leurs droits acquis actuels leur seront maintenus. (17 h 50)

Évidemment, les nouveaux employés de la Société immobilière, ceux que cette société engagera au fur et à mesure des années, ne seront pas assujettis à la Loi sur la fonction publique et n'auront donc pas le statut de fonctionnaires.

J'ai parlé, au tout début, de tranparence. Nous avons voulu faire en sorte que cette société, même si nous voulons qu'elle se compare le plus possible à l'entreprise privée, maintienne les caractéristiques de la transparence de la gestion gouvernementale, puisque, essentiellement, ce sont des fonds publics qui seront administrés par cette société. C'est ainsi qu'elle devra avoir recours au fichier central des fournisseurs de services lorsqu'elle aura besoin de services professionnels. C'est ainsi qu'elle devra procéder par appels d'offres, selon les règles habituelles qui sont les siennes actuellement, et c'est ainsi qu'elle sera assujettie à la politique d'achat du gouvernement. Cette société devra également recourir au Service général des achats pour ses achats.

En somme, les acquis de notre histoire au niveau du gouvernement du Québec, les acquis de transparence du ministère des Travaux publics sont complètement protégés par ces trois décisions, à savoir que cette Société immobilière devra avoir recours au fichier central des fournisseurs de services, qu'elle devra procéder par appel d'offres et, également, qu'elle devra avoir recours au Service général des achats pour faire ses achats.

En terminant, M. le Président, je voudrais remercier tout le personnel du ministère des Travaux publics qui, je le pense, a pleinement collaboré depuis deux ans à atteindre l'objectif d'accroissement de l'efficacité et d'amélioration du service à la clientèle du ministère. Si nous avons pensé créer cette Société immobilière, c'est pour fournir à ces personnes un cadre encore meilleur pour atteindre cet objectif tout en protégeant la totalité de leurs droits. En ce sens, je suis convaincu que c'est grâce à eux, grâce à leur travail que la société pourra relever les défis qu'elle se donnera et le défi que le gouvernement lui propose, que le gouvernement souhaite qu'elle atteigne.

Je voudrais profiter aussi de cette occasion pour rassurer les entrepreneurs en construction qui craignaient qu'avec la création de cette Société immobilière le gouvernement ne devienne un entrepreneur en construction. Je voudrais éliminer toute confusion à ce sujet. Il n'est pas de l'intention du gouvernement de devenir un entrepreneur en construction. Cette Société immobilière recourra aux appels d'offres publics pour les constructions qu'elle voudra faire, recourra aux appels d'offres publics pour les locations d'édifices, de bureaux et, en ce sens, le choix qui a été fait déjà depuis plusieurs années par les différents gouvernements de recourir à des appels d'offres pour la construction des édifices gouvernementaux sera maintenu.

En conclusion, M. le Président, ce que nous voulons développer dans cette Société immobilière, c'est une nouvelle mentalité, une nouvelle culture axée sur des objectifs d'efficacité, de performance, de rentabilité et de service à la clientèle. Nous voulons aussi accroître l'autonomie dans la gestion des actifs immobiliers du gouvernement. Une autre conséquence, puisque j'ai indiqué qu'à notre sens le ministère des Travaux publics n'en était pas un où s'élaboraient des politiques, où s'élaboraient des programmes, où s'élaboraient des réglementations, où s'élaboraient des lois, c'est de permettre, en abolissant le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement, de libérer des ressources humaines gouvernementales pour répondre aux nouvelles priorités du gouvernement dans d'autres secteurs d'activité qui, aujourd'hui, sont plus mobilisatrices par rapport aux problèmes que vivent nos concitoyens et aux solutions qu'ils veulent que nous leur apportions.

M. le Président, je souhaite que l'Opposition concoure à l'adoption de cette loi qui, je pense, correspond aux objectifs généraux que nous visons tous, c'est-à-dire l'amélioration de l'efficacité du gouvernement comme des services que nous offrons à l'ensemble de la population. Nous croyons bien sincèrement que, par la création de cette Société immobilière, nous pourrons mieux servir les différents ministères qui, à leur

tour, ainsi mieux servis par la Société immobilière du Québec, pourront donner de meilleurs services directement à la population. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: M. le Président, vu l'heure avancée, pourrais-je demander la suspension du débat jusqu'à 20 heures ou 20 h 15?

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, avant que les gens ne se mettent à croire qu'il y a eu des réalignements de forces politiques au cours des dernières secondes, je voudrais faire motion pour que nous suspendions nos travaux jusqu'à 20 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Suspension des travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 57)

(Reprise de la séance à 20 h 01)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je crois qu'à la suspension de nos travaux, le député de Robert-Baldwin avait demandé la parole sur la deuxième lecture du projet de loi 18, Loi sur la Société immobilière du Québec. M. le député de Robert-Baldwin.

M. John O'Gallagher M. O'Gallagher: Merci, M. le Président.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Des voix: II cherche...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. O'Gallagher: C'est vrai que les bureaux de scrutin viennent de fermer dans les deux comtés libéraux de Mégantic-Compton et de Jonquière.

M. le Président, je prends la parole sur le projet de loi 18, Loi sur la Société immobilière du Québec. Les principaux objectifs visés par le ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement, en nous présentant ce projet de loi, sont d'imposer une gestion plus rentable et plus efficace des immeubles logeant les différents ministères et organismes publics du Québec.

L'image que se fait le ministre de la Société immobilière du Québec, société qui héritera des services immobiliers de l'actuel ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement, en est une d'une entité administrative autonome, préoccupée d'abord et avant tout de la rentabilisation de ses investissements et de ses activités. C'est tout à fait dans l'optique du Parti libéral d'imposer aux sociétés d'État des objectifs de productivité, de rendement et d'efficacité. Or, le ministre prétend que la fonction publique forme davantage des gestionnaires de programmes que des gestionnaires d'entreprises, comme il l'a dit cet après-midi et il semble convaincu que son ministère pourrait atteindre un niveau de compétence égal à celui que pourrait donner l'entreprise privée à ces ministères et organismes. Le ministre a affirmé en conférence de presse qu'il croit - et je le cite - qu'il serait plus facile de développer une mentalité et une culture axées sur des objectifs dans une entreprise qui fonctionnera sur le modèle de l'entreprise privée. Cependant, après une étude plus approfondie du projet de loi 18, l'Opposition s'inquiète quant à la sincérité des intentions du ministre. D'abord, notons l'absence totale de quelque étude de rentabilité efficace d'une telle agence. Le ministre, pourtant enrichi de l'expérience de la British Columbia Building Corporation, mieux connue sous le nom de la BCBC, n'a jamais présenté un plan de développement pour la nouvelle société ni aucun objectif de rentabilité.

L'Opposition constate que le ministre ne dispose sur ce point que de bonnes intentions et d'un rapport de planification des tâches du comité de gestion et de transformation du ministère. Le ministre ne peut même pas nous dire qui sera le ministre responsable de la nouvelle société immobilière du Québec. Il ne peut pas non plus nous dire combien des 2200 employés de son ministère seront nécessaires à la gestion efficace et rentable de la nouvelle société.

De plus, comment compte-t-il atteindre un niveau de compétence et de rentabilité compatible au secteur privé de l'immeuble s'il entend transférer à la nouvelle société le fardeau de garantir aux employés du ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement les droits acquis et les conditions de travail actuelles que nous

savons bien supérieures à celles du secteur privé?

La Société immobilière du Québec deviendra-t-elle propriétaire des biens meubles et immeubles qui font partie du domaine public et qui sont présentement administrés par le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement? Cette nouvelle société sera dorénavant responsable de la construction, de l'exploitation et de la gestion des immeubles du gouvernement.

Pourquoi le ministre tient-il à se soumettre à l'exercice discutable qu'est l'évaluation des biens immeubles? Pourquoi ne préfère-t-il pas tout simplement effectuer un transfert des titres et du passif de chacun des immeubles impliqués? Cette évaluation sera-t-elle basée sur la valeur marchande des biens immeubles ou simplement sur la valeur aux livres?

Le projet de loi stipule, à l'article 19, que le gouvernement déterminera par décret une liste de tous les ministères et organismes publics qui devront faire affaires exclusivement avec la société. Nous sommes très intéressés à prendre connaissance des critères qui détermineront la composition de cette liste. Nous sommes anxieux de voir quels seront ces ministères et organismes publics.

Les besoins de chacun en matière d'immeubles seront-ils réévalués par la société dans le but d'atteindre une plus grande efficacité? Si un ministère ou un organisme quelconque n'aime pas les conditions imposées par la société pour ses services d'immeubles ou d'entretien, pourra-t-il aller en appel d'offres, tout au moins pour s'assurer que la Société d'immeubles du Québec soit effectivement en concurrence avec le secteur privé?

Nous demandons donc au ministre de nous fournir une liste des ministères et des organismes qui seront obligés de faire affaires exclusivement avec la société préposée. Peut-être le gouvernement n'a-t-il pas encore rédigé une telle liste, ce qui, évidemment, mettra en doute tout espoir de rentabilité. De plus, nous demandons au ministre de nous faire part des critères de base de la composition d'une telle liste.

M. le Président, cette société, dont le capital-actions fera partie du domaine public et est attribué au ministère des Finances, devra verser ses profits à son unique actionnaire, le ministère des Finances, sous forme de dividendes fixés par le gouvernement. (20 h 10)

Une question très importante nous vient tout de suite à l'esprit quant à cet élément du projet de loi. Est-ce que le ministre des Finances va partager les bonnes intentions du ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement de faire de cette nouvelle société une société efficace et compétitive avec le secteur privé? Le ministre des Finances, c'est bien connu, donne un sens qui lui est propre à la notion de rendement efficace. Le gouvernement fixera-t-il au début de l'exercice financier des dividendes que la Société immobilière du Québec devra verser, comme il le fait, par exemple, avec la Société des alcools du Québec? Le niveau des loyers imposés aux locataires obligatoires de la société tiendra-t-il compte du marché ou plutôt des attentes du ministre des Finances? Pourquoi le gouvernement ne laisse-t-il pas au conseil d'administration de la société la responsabilité de fixer des dividendes qu'elle va verser au gouvernement pour que l'objectif en soit un, d'abord, d'efficacité et non seulement de rentabilité pour son actionnaire gourmand qui est le ministre des Finances? Voilà encore une autre question, M. le Président, à laquelle le ministre devra répondre s'il veut l'appui de l'Opposition à ce projet de loi.

Ce projet de loi est basé sur l'expérience acquise dans ce domaine par la Colombie britannique qui, en 1976, a entrepris la transformation de son ministère des Travaux publics en société d'État, soit la British Columbia Building Corporation, BCBC. C'est d'ailleurs la même équipe de consultants, soit Peat Marwick, de Montréal, qui avait été impliquée dans la création de BCBC, qui aide aujourd'hui, au Québec, le ministre à effectuer la transformation du ministère en société d'État. Deux grandes différences semblent se faire valoir toutefois entre la BCBC et la Société immobilière du Québec, telle que proposée par le projet de loi 18.

D'abord, la BCBC relève d'un comité de direction nommé par le lieutenant-gouverneur, comité autonome et responsable des activités de la BCBC, tel que décrit par la loi. La Société immobilière du Québec ne jouira pas du même niveau d'autonomie, puisque plusieurs de ses activités devront être préalablement approuvées par le lieutenant-gouverneur. L'autre grande différence est que le gouvernement de la Colombie britannique, au moment de la création de la BCBC, transféra tout simplement ses droits de propriété ainsi que le passif à la nouvelle société, tandis qu'au Québec, comme nous l'avons mentionné plus tôt, le gouvernement veut plutôt et d'abord déterminer la valeur des biens qui feront l'objet du transfert. C'est à l'article 27.

Ce qui nous intéresse dans l'étude de la loi légiférant sur la British Columbia Building Corporation et de son dernier rapport annuel, c'est le niveau d'autonomie de la société et les politiques de gestion de la BCBC. La British Columbia Building Corporation fonctionne d'après un plan de développement quinquennal. Elle détermine ses prix d'après le prix du marché. Elle est sous l'autorité absolue de son conseil d'administration. La

BCBC a des programmes de développement, de construction, de conservation d'énergie, d'économie d'espace, de diminution de la fréquence des accidents du travail et d'absentéisme, ainsi que plusieurs autres programmes. Le ministre ne fait aucune mention de tels projets dans son projet de loi.

Enfin, il est évident que le ministre considère que pour atteindre des objectifs de rentabilité et d'efficacité, la société devra tailler son image sur celle du secteur privé. Il devra accorder toute l'autonomie de l'opération à cette société proposée qu'elle aurait si elle appartenait au secteur privé non seulement en apparence, mais en réalité. Le projet de loi prévoit à l'article 26 que l'Hôtel du Parlement, ici en cette Chambre et l'édifice Pamphile-Lemay, édifice voisin, ne seront pas soumis à cette nouvelle loi. Le projet de loi n'explique aucunement quels seront les rapports entre ces deux édifices et la société puisque l'Hôtel du Parlement et l'édifice Pamphile-Lemay ne sont pas autonomes en ce qui concerne leur chauffage, leur électricité, les deux étant alimentés par l'édifice André-Laurendeau.

Quel type d'entente existera-t-il aussi entre ces deux édifices et la société en ce qui a trait à leur entretien? Existera-t-il un système parallèle d'entretien pour ces deux édifices? Une telle solution ne sera évidemment pas très rentable du point de vue administratif, vu le dédoublement des services. Pourquoi, d'ailleurs, l'Hôtel du Parlement et l'édifice Pamphile-Lemay sont-ils exempts de la transparence administrative que devait apporter cette nouvelle loi? L'article 21 du projet de loi mandate la nouvelle société à réaliser la construction et l'aménagement d'un Palais des congrès à Montréal. Comme tout le monde le sait, ce palais est déjà construit. Ce même article stipule également que la société devrait participer à la construction, à l'aménagement et à l'exploitation de la Place Desjardins à Montréal. C'est déjà construit. Nous sommes déjà propriétaires à 49%, en plus de participer activement au financement de celle-ci.

Quoique ce soit normal que le ministre veuille bien transférer les objectifs et les pouvoirs de la Société immobilière du Québec, tel que prévu dans la loi gouvernant la nouvelle société créée par ce projet de loi, il ne semble pourtant pas irréaliste que le ministre amende quelques articles datant de 1971, afin de refléter davantage la réalité d'aujourd'hui. Cette négligence du ministre, confirmée par le fait que les responsables de ce projet de loi au sein de son cabinet ne prévoient aucun amendement à ces articles, indique clairement le manque de sérieux du ministre envers cette partie du projet de loi. (20 h 20)

En effet, l'article 21 du projet de loi 18 reprend presque mot pour mot les articles 17 et 18 de la Loi sur la Société de développement immobilier du Québec, deux articles datant de 1971, qui sont tout à fait désuets aujourd'hui. Il est évident que des amendements s'imposent quant aux fonctions attribuées à la Société immobilière du Québec.

Le projet de loi ne fait aucune mention de la Société parc auto. La Société parc auto, comme vous le savez sans doute, est une société sans but lucratif détenue majoritairement par le gouvernement du Québec, qui a un contrat avec elle pour la gestion de ses espaces de stationnement. Cette société, qui n'est toutefois pas propriétaire de ces espaces de stationnement, paie des redevances au gouvernement à partir de ses revenus d'exploitation.

La Société parc auto n'est visiblement pas touchée par le projet de loi 18. Nous voulons savoir si ce sera désormais la Société immobilière du Québec qui sera responsable de ce contrat avec la Société parc auto. Ce contrat sera-t-il renouvelé ou la société compte-t-elle plutôt prendre en main la gestion des espaces de stationnement pour ainsi éviter que nous ayons deux sociétés, une qui administre les espaces de bureaux et d'entrepôts et l'autre qui administre les espaces de garages?

Revenons maintenant, M. le Président, à la question des employés visés dans ce projet de loi, quoique je laisserai à mon collègue, le député de Louis-Hébert, le soin de parler de ce problème aigu affectant de nombreux employés de son comté. Il va sans doute faire des remarques sur ce problème particulier lors de la troisième lecture. Il va en traiter avec beaucoup plus de détails plus tard. Je voudrais cependant soulever deux éléments. Le ministre a annoncé en conférence de presse que les employés qui choisiront de travailler pour la nouvelle société ne feront plus partie de la fonction publique, mais qu'ils conserveront tout de même leurs droits acquis. Le ministre n'est sans doute pas sans savoir que pour être aussi rentable et efficace que le secteur privé, la Société immobilière ne pourra évidemment pas offrir des conditions de travail semblables à celles offertes par la fonction publique qui sont - c'est bien connu - nettement supérieures à celles que l'on retrouve dans le secteur privé.

Deuxièmement, le ministre peut-il assurer les employés de son ministère qui décideront de se joindre à la société proposée que leurs services seront toujours requis dans deux, trois ou quatre ans et même plus tard? Reprenons l'exemple de la British Columbia Building Corporation. Cette société qui sert de modèle à la Société immobilière du Québec et qui avait un effectif de 1674 employés au moment de sa création en 1976 a seulement à l'heure

actuelle, en 1983, 1134 employés, une diminution de 32,3% en cinq ans.

Quant à la question d'une rationalisation de la performance de l'effectif du ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement, il nous semble bizarre que ce même gouvernement, sous lequel on a assisté au Québec, entre 1976 jusqu'à maintenant, à une augmentation de 71 000 employés dans le secteur public, alors que le secteur manufacturier a perdu 55 000 employés, le même gouvernement, songe aujourd'hui, à la rentabilité et à l'efficacité. It is about time.

Il est important de vous dire que l'Opposition est, en grande partie d'accord avec le principe de ce projet de loi, mais nous insistons sur le fait que plusieurs points restent encore à clarifier avant que nous puissions l'appuyer pleinement. Plusieurs points concernent les objectifs de la société, concernent le ministre responsable que ce soit de la Société immobilière du Québec ou du service général des achats, concernent les rapports entre la Société immobilière du Québec et les structures existantes et, enfin, plusieurs questions sont encore sans réponse quant aux employés. C'est le devoir du ministre de répondre à ces questions avant de demander à l'Assemblée nationale de sanctionner un tel projet de loi.

En terminant, je voudrais demander au ministre de déposer ici en Chambre, avant d'entreprendre l'étude du projet de loi article par article, une liste complète de tous les édifices publics ou sous contrat de location qui sont présentement administrés par le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement. Cette information doit sans doute être disponible assez facilement dans vos banques de données ou dans vos ordinateurs. Cela nous permettra de suivre l'actuel débat et surtout le progrès de la nouvelle société que vous proposez par ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Richelieu.

M. Maurice Martel

M. Martel: Nous sommes très heureux, de ce côté-ci de la Chambre, de l'accord de principe que vient de nous donner le député de Robert Baldwin. Malgré ses multiples questions, nous nous efforcerons, à l'occasion de ce débat en deuxième lecture de la loi 18, d'y apporter les réponses exigées pour avoir ce vote unanime.

Nous assistons, par la présentation de ce projet de loi qui a pour but de créer des structures modernes qui correspondront à des services efficaces de gestion dans le domaine de l'immobilier au Québec, à l'abolition du ministère des Travaux publics. Nous ne pouvons passer sous silence la période de 1976 à 1983, qui a vu des réalisations importantes se manifester à l'intérieur de ce ministère. Tout le monde savait que ce ministère, dans les années antérieures, était un peu La Mecque, c'est-à-dire le lieu de pèlerinage de nombreux professionnels qui venaient à Québec - c'était la seule façon de procéder dans le temps - pour offrir leurs services au gouvernement.

Depuis ce temps, depuis que le Parti québécois a pris le pouvoir, nous avons vu des modifications importantes s'effectuer à l'intérieur de ce ministère, ne serait-ce, par exemple, que la création de ce fichier central qui permet dorénavant à tous les professionnels du gouvernement qui ont des services à offrir d'avoir l'égalité des chances pour obtenir ces fameux contrats. Cependant, la vocation d'un ministère à l'intérieur de ce gouvernement est de définir et d'administrer des politiques et également les règlements qui en découlent. (20 h 30)

De plus, la vocation d'un ministère est de surveiller ou de contrôler différents secteurs de l'activité sociale, économique et culturelle, comme, par exemple, au ministère des Affaires sociales, il s'agit de mettre en évidence de nouvelles politiques et de voir également à ce que les règlements permettent une application facile. Il s'agit également, à l'intérieur de différents ministères, de contrôler ses activités économiques, comme cela se fait au ministère des Affaires sociales, par exemple, de voir à ce que la Régie de l'assurance-maladie du Québec fonctionne efficacement, de voir à ce que son réseau hospitalier donne également des services adéquats à la population.

C'est le rôle d'un ministère, c'est-à-dire un rôle d'administrer des programmes, de faire des politiques et de surveiller. Le ministère de la Fonction publique forme également des gestionnaires de programmes et non pas des administrateurs d'immeubles. Ce sont les raisons qui font que nous sommes ce soir à discuter du projet de loi 18 qui a pour but d'établir de nouvelles structures pour répondre efficacement à ces besoins que nous constatons.

Le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement a été' jusqu'à maintenant une entreprise de production de services. Des services de soutien, il va de soi, des services de gestion en immobilisation, des services de construction, des services d'entretien d'édifices et, également, des services d'achat de biens de services. Mais ce n'est pas là la véritable vocation d'un ministère. C'est pour cette raison que ce projet de loi crée cette Société immobilière du Québec, qui possédera un personnel mieux intégré, qui répondra à des besoins spécifiques de gestion d'immeubles, et cela de la façon la plus proche possible du secteur privé, c'est-à-dire

avec de l'efficacité.

Nous avons entendu le ministre cet après-midi dire que dorénavant les ministères auront à comptabiliser une facture qu'ils auront à payer à cette société immobilière qui mettra en échange des services à la disposition des ministères et aussi à des organismes publics et parapublics. Pour répondre au député de Robert Baldwin, qui se demandait à qui cette société offrirait des services, c'est, évidemment, à tous les ministères, cela va de soi, et je crois que ce sera aussi efficace pour les organismes publics et parapublics d'avoir recours à cette nouvelle société.

Cette société offrira ce que le ministère offre actuellement: des services de gestion, des services en immobilier, des services d'entretien d'immeubles, des services d'achat en ce qui a trait à ces immeubles, et également des services de construction. Cette société, contrairement à d'autres sociétés... J'avais un point d'interrogation. Lorsqu'on parlait de créer un autre organisme, je me disais: Comment cela va-t-il se financer? De quelle façon le gouvernement va-t-il être obligé de mettre une mise de fonds là-dedans? Pour répondre également aux questions que se posait le député de Robert Baldwin, je tiens à lui rappeler que la mise de fonds du gouvernement dans cette nouvelle société d'État est composée au départ des biens meubles et immeubles qui lui sont transférés.

Donc, le gouvernement n'aurait pas à lui voter un budget. La société fera ses frais, donc, l'impact sur les finances publiques sera neutre. Il n'y aura pas de mise de fonds de la part du gouvernement. Les sommes que cette société recueillera des différents ministères, des différents organismes paragouvernementaux seront suffisantes pour assurer les services de cette nouvelle structure. Cette société sera évidemment soumise à la Loi sur le Service des achats de même qu'à la procédure du fichier central des fournisseurs et à la politique d'achat du gouvernement. Ce sont des mécanismes qui ont été mis en place à l'intérieur du ministère des Travaux publics depuis 1976 et qui ont donné d'excellents résultats. C'est donc normal que cette société soit soumise à ces règles.

La société conservera, cependant, certains pouvoirs qui sont maintenant dévolus aux Travaux publics. À ses propres fins, pour ses édifices, elle conservera ce droit d'expropriation, toujours dans le cadre bien spécifique de son mandat. Pour ce qui a trait aux autres expropriations, c'est le ministère des Transports qui en héritera et elles se feront en dehors du mandat de cette société d'État.

Les taxes que le gouvernement du Québec est maintenant le seul à contribuer aux municipalités seront assumées par cette

Société immobilière sur les immeubles qui seront sa propriété. Cela va se faire par le biais du ministère des Affaires municipales qui versera leur dû aux municipalités tandis que la taxe scolaire sera payée directement aux commissions scolaires par cette Société immobilière du Québec.

La section de l'Approvisionnement et le Service général des achats relèveront, cependant, du ministre délégué à la Réforme administrative, c'est-à-dire celui qui est responsable du Conseil du trésor. Ainsi, le fichier central relèvera, dorénavant, du Conseil du trésor. Dans mon esprit, on devrait profiter de cette occasion pour se donner, au Québec, une véritable politique d'achat qui contrôlerait non seulement les achats à l'intérieur de nos ministères, mais également ceux à l'intérieur du réseau hospitalier et du système de l'éducation. Je pense qu'avec un pouvoir d'achat d'environ 2 000 000 000 $ nous devrions mettre l'accent sur cette véritable politique d'achat qui aura sans doute des retombées économiques importantes pour le Québec.

M. le Président, avec ces structures mieux adaptées à cette vocation de gestion des services, la nouvelle Société immobilière du Québec devra avoir une productivité, une performance aussi bonne que celle que l'on retrouve dans l'entreprise privée. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Le gouvernement nous propose d'instituer, de créer la Société immobilière du Québec qui deviendra propriétaire, par voie de transferts, des meubles et immeubles qui font partie du domaine public et qui sont présentement administrés par le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement. Ce sera une nouvelle société d'État. Le but, selon les représentations que le gouvernement nous fait, c'est de rendre plus efficace l'administration des immeubles dans lesquels le gouvernement est impliqué, soit par location, soit en en étant propriétaire.

Évidemment, il y a deux façons de procéder, deux voies possibles. Il y a la voie de la société d'État que le gouvernement nous propose aujourd'hui, dont un exemple a été donné, celui de la Colombie britannique qui a créé une société d'État pour administrer les immeubles du gouvernement. L'autre voie, ce serait de continuer à gérer, à administrer les immeubles par l'entremise du ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement.

Quant à l'efficacité, ce n'est pas une question de voie, on peut opter soit pour une société d'État, soit pour le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement.

Par exemple, en Ontario, présentement, cela est administré par le ministère des Travaux publics. Parlons plutôt du contenu. Comment le gouvernement va-t-il administrer, gérer ses immeubles? Si la société d'État que le gouvernement propose ne remplit pas les conditions essentielles pour assurer une administration efficace, évidemment, ce n'est pas le seul fait d'avoir créé une société d'État qui va nous assurer cette administration efficace des immeubles du gouvernement. (20 h 40)

D'autre part, s'il y a des critères, des normes, des façons de fonctionner qui sont assez restreints, stipulés et mentionnés par le gouvernement, ils pourraient être donnés aussi efficacement, je crois, par l'entremise du ministère des Travaux publics. Cependant, si le gouvernement choisit de procéder par la voie d'une société d'État, nous ne nous opposerons pas à cette façon de procéder, pourvu qu'on ait les conditions, les garanties nécessaires pour nous assurer qu'il y aura des contrôles, une administration efficace et qu'il y aura quelqu'un qui pourra répondre à l'Assemblée nationale des gestes posés par cette société, parce que, quand il y a un problème dans un des édifices, on sait qu'on peut poser une question au ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement à l'Assemblée nationale et qu'il doit y répondre. Dans le projet de loi, ce n'est pas assez spécifique, pas assez clair pour savoir qui va répondre de l'administration de cette société.

Nous savons, M. le Président, qu'il y a plusieurs sociétés d'État. C'est difficile pour nous, comme membres de l'Assemblée nationale, de poser des questions, d'avoir des informations. Le gouvernement nous dit: C'est une société autonome. Les administrateurs en sont responsables. Ils nous fournissent leur rapport annuel tous les ans. Des fois, nous le recevons en retard, et nous devons nous fier au rapport annuel pour pouvoir poser certaines questions. C'est la première question, il faut s'assurer qu'il y ait un ministre responsable et qu'un contrôle nécessaire soit inclus dans le projet de loi afin de permettre aux élus de l'Assemblée nationale de poser les questions nécessaires pour faire une supervision, comme on pourrait dire, des fonds publics qui seront administrés par cette société d'État.

Quand on nous parle d'abolir le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement, soyons un peu plus nuancés, soyons plus exacts. On abolit peut-être, par l'adoption du projet de loi, le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement, mais ce n'est pas une réduction dans la machine gouvernementale; on le remplace par une société d'État qui aura des employés, un conseil d'administration, etc. Ce n'est pas vraiment une réduction de la machine gouvernementale, parce que ces édifices doivent être gérés et administrés et cela prendra le personnel requis. Dans le projet de loi, on n'a pas fait un tracé; on ne nous a pas donné un plan, une idée de ce que cela représentera si tous ces édifices sont gérés par la société d'État plutôt que par le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement. On ne nous a pas dit: Voici, les Travaux publics comptent maintenant un nombre X d'employés. Cela coûte un nombre X de dollars. Nous prévoyons, par cette société d'État, pouvoir économiser un montant X de dollars. Ce sera plus efficace, etc. On nous donne un peu les grandes lignes, les lignes directrices de cette société d'État sans entrer dans les détails, mais une question me préoccupe beaucoup et j'aimerais que le ministre puisse y répondre.

On prévoit, dans le projet de loi, que les propriétés qui existent maintenant, qui sont la propriété du gouvernement seront transférées à la société d'État par décret. Le gouvernement va décréter un nombre X de dollars pour leurs transferts. Il y a un danger si on n'établit pas les critères sur lesquels ces propriétés seront transférées. Est-ce que ce sera selon la valeur marchande, la valeur des livres? La valeur selon laquelle ces propriétés seront transférées va affecter le loyer. Il ne faudrait pas ouvrir la porte à une manipulation par le gouvernement des loyers, des dividendes, des sommes qui seront recevables par le gouvernement.

N'oublions pas, soyons réalistes qu'éventuellement - si ce n'est pas l'année prochaine, ce sera l'année suivante - il y aura des élections et il ne faudrait pas que, par l'entremise de cette société d'État, le gouvernement ait un compte recevable de 100 000 000 $, 200 000 000 $ ou 300 000 000 $, parce que c'est lui-même qui va déterminer le prix de ces bâtisses. C'est lui-même qui va déterminer que la Société immobilière doit au gouvernement 100 000 000 $ ou 200 000 000 $. Sur les budgets du gouvernement, cela peut paraître très respectable, cela peut permettre au gouvernement de donner des "candies" pour les élections, parce qu'il aura des propriétés d'une valeur de 150 000 000 $ ou 200 000 000 $ et, nous les élus, nous ne saurons pas vraiment si cela vaut 100 000 000 $, 50 000 000 $, 150 000 000 $. C'est une porte ouverte pour le gouvernement pour jouer un peu avec les livres. C'est censé être illégal. On doit établir des critères. Si des comptables, des individus dans la population essaient de jouer avec les livres, le ministère du Revenu tout de suite les prend, c'est une offense. Il y a des critères pour comptabiliser les prix, la valeur marchande, la dépréciation, tout le reste. Il faudrait que le ministre nous explique comment on procédera pour transférer ces propriétés du gouvernement à la société d'État.

Comment allons-nous établir les critères des loyers? Parce qu'il y a une clause dans ce projet de loi et il faut se méfier. Ce sont les fonds publics que nous ne voulons pas voir utilisés pour des fins politiques. On veut l'efficacité. On veut avoir le meilleur rendement. On veut payer les loyers les plus bas, mais on ne veut pas ouvrir la porte à la manipulation par le gouvernement des fonds publics que le gouvernement administre. Par exemple, on vous dit, ici à l'article 37: "Les dividendes payés par la société sont fixés par le gouvernement et non par les administrateurs." Cela est très dangereux. Normalement, les administrateurs fixent les dividendes basés sur le profit qu'ils font. Mais, ici, ce n'est pas à cela qu'ils veulent arriver. Cela va être comme avec la Société des alcools du Québec. Le ministre des Finances, s'il a besoin de 200 000 000 $ à la fin de l'année, dicte ses ordres à la Société des alcools du Québec: Les dividendes cette année vont être de 200 000 000 $. Qu'est-ce qui arrive? Les prix augmentent, parce que la société d'État est obligée, par la loi, de fournir les dividendes que le gouvernement lui-même impose. Cela veut dire qu'il va falloir augmenter les loyers. Il va falloir faire quelque chose pour s'assurer que le gouvernement va recevoir un montant X de dividendes. C'est jouer avec les livres.

Normalement, les dividendes sont déterminés par le conseil d'administration. Mais l'article 37 va ouvrir la porte à un genre d'abus grâce auquel le gouvernement peut décider d'imposer des dividendes, de recevoir, de percevoir des sommes qui ne sont pas vraiment là, mais pour des fins de comptabilité, pour des fins politiques, pour démontrer que le gouvernement n'a pas un déficit de 4 000 000 000 $, mais seulement un déficit de 3 000 000 000 $, il va jouer avec ces chiffres, il va jouer avec les dividendes, mais cela n'aidera pas l'administration des fonds publics. Cela n'aidera pas à enrayer le gaspillage. Cela ne nous donnera pas la réponse exacte à ce que cela coûte à cette société d'État d'administrer les biens publics, les immeubles du gouvernement.

Cela, M. le Président, c'est un danger qui existe dans ce projet de loi. Nous allons le discuter en commission parlementaire. Le projet de loi devrait stipuler les critères par lesquels les ventes, les transferts seront faits par le gouvernement à la société d'État pour éviter les abus, pour éviter la manipulation, pour éviter que le gouvernement crée des fonds qui n'existent pas. Cela se fait. On l'a vu souvent dans d'autres domaines. Je ne veux pas mentionner de cas spécifiques, mais si une compagnie veut augmenter ses parts, ses actions sur le marchés, elle a plusieurs filiales, c'est bien simple. Elle fait des ventes, des transferts à des prix élevés. Aussi longtemps qu'elle ne se fait pas prendre par les comptables, par les Bourses, par ceux qui examinent ces choses, cela devient un gain fictif.

Il ne faudrait absolument pas que le gouvernement soit dans une position où il peut abuser des fonds publics de cette façon. Il y a aussi le contrôle de l'Assemblée nationale sur toute l'administration de cette société d'État. Il faudrait savoir quel ministère, quel ministre sera responsable pour répondre à l'Assemblée nationale de cette loi. Je n'ai pas vu, à moins que je me trompe, qu'il y ait une clause dans le projet de loi pour dire que ce sera le ministre des Travaux publics, le ministre des Finances ou le président du Conseil du trésor. Il faut absolument stipuler qui va être responsable de cette société d'Etat, autrement on va perdre tout contrôle. Les élus du peuple ne pourront pas poser les questions nécessaires. (20 h 50)

II aurait été préférable, de plus, de mentionner quel ministre est responsable pour cette loi et inclure dans le projet de loi que les administrateurs de cette société aient l'obligation, au moins une fois par année, de comparaître devant une commission parlementaire pour se faire interroger sur leur administration. Il me semble que ce soit essentiel. On parle de centaines de millions de dollars de fonds publics, d'immeubles, on parle de loyers dans tout le Québec, on parle de contrats qui vont être négociés, qui vont être administrés par une société d'État dans un domaine très sensible, qui est ouvert à des abus et il faut absolument avoir ces contrôles. Il me semble que ce serait essentiel que le gouvernement inclue dans le projet de loi une clause disant que les administrateurs de cette société vont comparaître devant une commission parlementaire. Cela est vraiment avoir un contrôle sur les fonds publics et cela va vraiment montrer un intérêt de la part du gouvernement de vouloir imposer le contrôle de l'Assemblée nationale, d'avoir une ouverture et de pouvoir vraiment examiner les travaux, les décisions que ce conseil d'administration va être tenu de prendre.

Je remarque aussi qu'il y a certains aspects du projet de loi qui pourraient donner une fausse impression à la population quant aux obligations du gouvernement et de la société d'État. Par exemple, on dit que la société d'État, en termes de taxes scolaires, va payer les montants qui auraient été perçus si la propriété n'était pas celle de la société d'État. À première vue, cela semble être très clair et ce l'est pour la taxe scolaire. Mais quand on vient à la taxe foncière on ne dit pas la même chose. Le gouvernement essaie toujours de nous faire croire qu'il paie sa portion de taxes municipales, de taxes foncières, qu'il ne veut pas pénaliser les municipalités. Mais si on examine le projet de loi, nous voyons que la

société est tenue de verser au ministère des Affaires municipales un montant égal à la somme d'argent que ce dernier verse annuellement aux corporations municipales pour tenir lieu de taxes municipales.

Ce qu'on devrait dire - si le gouvernement veut être cohérent avec ses politiques et veut vraiment être clair dans ses obligations de payer des taxes municipales -c'est que le gouvernement va payer les taxes municipales comme si ces propriétés n'étaient pas la propriété d'une société d'État. Autrement dit, qu'il va payer vraiment la valeur locative ou la valeur municipale telle qu'évaluée par les différents bureaux d'évaluation des différentes municipalités et des différentes communautés urbaines. Là, cela laisse entièrement à la discrétion du gouvernement la somme des taxes municipales qui sera payée. Si on prend que le gouvernement peut décider le montant des taxes municipales, le gouvernement va décider le prix auquel il transfère les propriétés; le gouvernement va décider le montant des dividendes. Qu'est-ce que cela laisse pour la population? Vous voulez nous donner l'impression que vous allez administrer d'une façon efficace et vous laissez la porte ouverte à toutes sortes de manipulation de la part du gouvernement sur les fonds publics. Ce n'est pas tout à fait honnête de nous dire cela. Vous auriez été mieux de ne pas faire adopter ce projet de loi et laisser l'administration au ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement jusqu'à ce que vous ayez établi tous ces critères, les critères de location, les critères de vente, les critères de taxes municipales, les critères de dividendes parce que, comme c'est là, il n'y a pas grand-chose qui change. C'est encore totalement sous le contrôle et à la discrétion du gouvernement; c'est lui qui va déterminer ce qui va se passer et même, c'est un outil additionnel pour créer des fonds qui n'existent pas, des fonds fictifs, recevables par le gouvernement pour des fins fiscales.

M. le Président, ce n'est pas la meilleure façon de démontrer que le gouvernement veut être efficace, honnête et transparent et qu'il fait cela pour le mieux-être des contribuables. Les contribuables vont se faire passer des choses qu'ils ne pourront pas contrôler. Ils peuvent se retrouver dans une situation où cela va leur coûter plus cher que l'administration actuelle, mais cela va permettre au gouvernement de donner l'impression qu'il a créé des fonds, qu'il a des dividendes et des revenus afin de pouvoir utiliser ces sommes additionnelles, qui vont faire partie du budget global du Québec, à des fins politiques. Je déplore cela. Si le gouvernement est vraiment sérieux, sincère, s'il veut vraiment avoir une administration efficace, il va enlever tous ces petits sapins, toutes ces petites ouvertures, tous ces petits abus, les clauses dans le projet de loi qui vont lui permettre de manipuler les fonds publics. Il va restreindre cela. II va poser des gestes concrets, des restrictions et des critères qui vont lier les administrateurs, car ce n'est pas le gouvernement qui devrait décider de tout.

J'entendais l'orateur du Parti québécois avant moi dire que cette société sera soumise à la politique d'achat du gouvernement. Quelqu'un qui écoute cela trouve que cela a bien du bon sens. La société va être soumise à la politique d'achat du gouvernement. Ce n'est pas ce que dit le projet de loi. Le projet de loi nous dit que c'est le gouvernement qui va décider des mesures et des conditions auxquelles la société sera assujettie à la Loi sur le Service des achats du gouvernement. Franchementl Le gouvernement se donne ici une ouverture qui peut être abusive et je me pose la question suivante: Qu'est-ce que le gouvernement a derrière la tête quand il se donne ces pouvoirs, quand il refuse de mettre des critères et des restrictions?

M. le Président, vous m'avez indiqué que mon temps était écoulé. En conclusion, comme l'a indiqué mon collègue, le député de Robert Baldwin, nous ne sommes pas contre le fait qu'une société d'État soit créée. Nous pouvons approuver la création d'une société d'État pour administrer les immeubles du gouvernement, mais il va falloir que le gouvernement nous assure que cette loi n'aura pas les ouvertures vagues et abusives qu'elle contient maintenant. Il va falloir établir des critères. Il va falloir établir des restrictions. Il va falloir établir de quelle façon les propriétés seront vendues à la Société immobilière du Québec. Il va falloir éclaircir et établir les conditions de travail des employés. Il va falloir établir si cela va être assujetti à la Loi sur le Service des achats du gouvernement.

Nous demandons au gouvernement de clarifier toutes ces questions. Ce ne sont pas des questions mineures. Ce sont des clauses très importantes. Nous demandons au gouvernement d'apporter des réponses qui devront être contenues dans le projet de loi, à moins qu'il n'y ait des changements à cet égard qui imposeront des restrictions nécessaires, non pas pour restreindre le fonctionnement de la société d'État, mais pour permettre au gouvernement et au public d'être protégés. La façon dont le projet de loi est présentement rédigé ouvre la porte à trop d'abus. Nous devons avertir le gouvernement de ces abus possibles et nous lui demandons d'y apporter les corrections nécessaires. Merci. (21 heures)

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Vimont s'est levé en premier. M. le député de Vimont.

M. Jean-Guy Rodrigue

M. Rodrigue: M. le Président, à écouter le député de Mont-Royal, il m'est venu une réflexion à l'esprit: il y a des gens qui se font de grosses peurs et qui finissent par y croire eux-mêmes. À l'entendre, le gouvernement aurait des intentions absolument malveillantes dans la présentation de ce projet de loi. On voudrait jouer avec l'administration, on voudrait siphonner la société par des dividendes, on voudrait manipuler les fonds publics. Il doute de la transparence car on voudrait l'utiliser à des fins politiques, et j'en passe'.

Je pense que la sagesse populaire a déjà reconnu ce qui suit: on n'a jamais rencontré un voleur qui puisse s'imaginer que tous ne sont pas des voleurs. De la même façon, on n'a jamais rencontré des politiciens ratou-reurs qui pouvaient comprendre ou s'imaginer que les autres politiciens n'étaient pas ratou-reurs. Pour eux, cela leur paraît un peu contre nature. À ce moment-là, ils sont portés à voir des intentions malveillantes dans tous les gestes que les autres peuvent poser.

C'est une attitude qui, à mon sens, découle peut-être des pratiques qu'a connues ce député au moment où il était député dans le gouvernement Bourassa. Je pense que ceux qui ont pu suivre le présent gouvernement, depuis qu'il a pris le pouvoir en 1976, savent que nous avons fait des efforts considérables et pris des mesures importantes pour nous assurer et assurer la population aussi que la gestion des fonds publics, même si, à l'occasion, il a pu se glisser quelques bavures - et nous sommes bien conscients que nous ne sommes pas à l'abri de cela - se fasse avec toute la rigueur et l'honnêteté possibles. Je ne veux donner comme exemple que la mise sur pied du fichier central pour le choix des fournisseurs de biens et services à l'État qui est actuellement administré par le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement.

On se rappelle comment cela fonctionnait auparavant. Le gouvernement Bourassa, si on veut se rappeler des choses, avait accordé des contrats à la société Paragon sans soumissions publiques, société qui était administrée, comme par hasard, par des parents immédiats de l'ancien premier ministre qui, aujourd'hui, est à nouveau le chef du Parti libéral, parti qui aspire à prendre le pouvoir. Mais je me demande dans quelles conditions, si jamais cela devait se faire. Il semble que, de l'autre bord, on a une certaine nostalgie de cette belle époque.

Le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement est un ministère qui est fort différent des autres ministères.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Messieurs!

M. Rodrigue: En fait, c'est un ministère qui regroupe actuellement 2300 employés et qui gère, pour le compte du gouvernement, un parc d'espaces qui atteint présentement et qui dépasse même 2 000 000 de mètres carrés dont la moitié sont en location. Ce ministère gère plus de 1000 baux à un coût total d'environ 105 000 000 $ en dollar de 1983 et il possède et administre 819 immeubles dont la valeur dépasse les 500 000 000 $.

C'est donc un ministère qui a essentiellement une vocation de service envers les autres ministères du gouvernement du Québec de même qu'envers certains organismes du gouvernement. Son rôle est de construire, de gérer, d'équiper et d'entretenir des immeubles. À cet égard, il doit faire l'inventaire des besoins d'espaces que lui soumettent les différents ministères. Il doit acheter, construire, louer les espaces requis, il doit gérer les projets de construction, administrer les baux, meubler et équiper les espaces soit pour des bureaux ou encore pour des laboratoires ou pour des garages en ce qui concerne le ministère des Travaux publics; il doit gérer et exploiter les immeubles du gouvernement et également s'occuper de l'entretien et de la conservation de ces immeubles. Bref, c'est un ministère dont la vocation est essentiellement de fournir les services d'immeubles, de bureaux, d'espaces de location aux autres ministères.

Comme on peut le constater, ces activités ne sont pas de la nature de celles qui font généralement l'objet d'enjeux et de discussions politiques au sens élevé du terme. En examinant cette situation, ceci a conduit le gouvernement du Québec à s'interroger sur le cadre administratif qui serait le plus approprié pour ce genre d'activité, pour ce genre de services qui sont rendus aux autres ministères du gouvernement.

À la suite de l'examen approfondi de cette question, le gouvernement en est justement venu à la conclusion qu'il fallait modifier la structure organisationnelle, trouver une autre façon ou un autre organisme qu'un ministère dont c'est normalement la vocation d'administrer des programmes, de les implanter et de les administrer par la suite, qui soit mieux adapté aux services qu'est appelé à rendre actuellement le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement. C'est ce qui nous amène au dépôt du projet de loi qui est devant nous ce soir, qui a pour objets principaux d'abolir le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement et de créer, pour le remplacer, une société d'État, la Société immobilière du Québec. Étant donné que le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement administre actuellement le service général des achats et qu'il s'agit là d'une fonction un peu différente de sa vocation principale, le projet

de loi transfère également au Conseil du trésor le soin d'administrer ce service général des achats dont dépend entre autres notre fameuse Rosalie, c'est-à-dire l'ordinateur qui est chargé de donner des indications au gouvernement quant aux firmes auxquelles les contrats doivent être octroyés, en particulier pour des services de génie-conseil, de conseillers en administration et de conseillers de toutes sortes.

Le gouvernement a opté pour une société d'État parce qu'il recherchait une structure organisationnelle qui se rapproche un peu de ce qu'on retrouve dans l'entreprise privée. En fait, nous voulions une structure qui soit plus souple et également plus efficace. Dans l'administration publique, il y a de nombreuses étapes à franchir lorsqu'on veut qu'une décision soit prise. C'est nécessaire parce que cela implique des services rendus aux citoyens et, à ce moment-là, il est fort utile et indispensable même que cela donne lieu à un débat politique qui se déroule ici dans cette Assemblée ou encore à des débats qui peuvent se dérouler à l'extérieur de cette Assemblée, soit à l'occasion d'assemblées publiques ou de discussions avec des organismes représentatifs du milieu.

Une fois que les décisions sont prises, il y a tout un processus à mettre en branle pour faire en sorte que cela se répercute en actions efficaces sur le terrain. Qu'on pense seulement à la gestion de projets de construction. Du seul fait qu'actuellement le ministère des Travaux publics soit un ministère et qu'il doive faire adopter des crédits pour des travaux de construction, cela amène souvent la situation un peu loufoque qu'on peut constater entre autres ici, peut-être pas récemment, mais qu'on a pu constater il y a quelques années autour de l'Assemblée nationale où, à un moment donné au cours de l'année... Je veux faire une parenthèse ici pour rappeler que l'Assemblée nationale est en réfection depuis plusieurs années et qu'il s'agit là de travaux difficiles à évaluer d'avance, parce qu'il s'agit de travailler dans du vieux et, à ce moment-là, il est extrêmement difficile de faire des devis précis et surtout de faire des estimations précises. C'est une situation où il y a plusieurs inconnues auxquelles on fait face. Dans un contexte comme celui-là, on a donc vu à quelques reprises des travaux s'amorcer à l'Assemblée nationale et, à un moment donné, parce qu'il y a des inconnues qui se présentent, c'est une vieille structure et il faut faire plus de travaux qu'on l'avait prévu, cela coûte plus cher, on épuise les crédits plus rapidement et, comme il reste trois mois, quatre mois, cinq mois à courir sur l'année financière, on arrête les travaux et on attend à l'année suivante. (21 h 10)

C'est un peu le genre de contraintes auxquelles est soumis un ministère. Si on était plutôt dans la structure de société d'État comme le propose le projet de loi, il y aurait beaucoup plus de souplesse. Les gens qui font face à ce genre de problème pourraient tout simplement virer des crédits et s'assurer que les travaux se poursuivent. Vous savez, quand on arrête des travaux et qu'on les reprend trois mois plus tard, et qu'on fait cela deux ou trois fois, cela coûte beaucoup plus cher en fin de compte que quand on commence des travaux et qu'on les finit. Mobiliser et démobiliser des chantiers, ceux qui travaillent dans le domaine de la construction savent ce que cela peut signifier en termes de perte de temps et en termes de coûts additionnels.

Donc, à l'intérieur d'un ministère, il y a une lourdeur qui est intrinsèque à ce genre de structure organisationnelle qu'on va pouvoir éviter en mettant sur pied une société d'État.

Un autre objet du projet de loi, c'est d'améliorer la productivité, le rendement et l'efficacité du personnel, mais d'améliorer cette productivité, ce rendement et cette efficacité en fournissant au personnel les moyens pour y parvenir. Souvent, on entend des critiques sur le dos des fonctionnaires. Dans certains cas, c'est justifié; je pense qu'il faut le reconnaître. Cependant, ceux qui ont pu travailler avec les fonctionnaires à plusieurs reprises savent que, de façon générale, les fonctionnaires sont des gens dévoués, des gens qui veulent travailler convenablement, mais on se rend compte aussi qu'à plusieurs reprises, c'est souvent la structure et la lourdeur de la structure décisionnelle d'un gouvernement qui les écrase et qui refroidit les meilleures volontés. Dans une société d'État, dont le processus de décisions est beaucoup plus allégé, ceux qui ont vraiment envie de faire quelque chose - je pense que c'est une majorité - vont pouvoir faire valoir leurs talents, leur dynamisme et aller de l'avant dans des conditions convenables qui font faciliter leur travail.

Le projet de loi a également pour but d'assurer une meilleure gestion du parc immobilier du gouvernement. La société qui va être formée va facturer aux ministères les coûts réels de ce que représentent les espaces requis par les ministères. Ces ministères qui font appel aux services de la société vont donc devoir s'interroger sur la nécessité d'avoir des espaces. Ils vont être plus rationnels dans les demandes, parce que cet argent va être pris à même leur propre budget, ce qui n'est pas le cas présentement. Cela va permettre une utilisation optimale des équipements, parce que les ministères vont surveiller, vont s'assurer, avant de décider de les louer, que tous les espaces loués sont bien requis, et ils vont s'occuper de les utiliser à pleine capacité lorsqu'ils les

auront loués. Enfin, M. le Président, les mesures que je viens d'énoncer permettront d'atteindre le plus haut taux possible de rentabilité de ses investissements.

À l'instar des autres sociétés d'État, la Société immobilière du Québec créée par le présent projet de loi va, d'autre part, devoir respecter la politique du gouvernement du Québec en matière d'achat de biens et services. Cette société devra continuer à accorder une certaine préférence aux biens produits au Québec et aux services offerts au Québec avant d'avoir recours à des biens ou à des services provenant de l'extérieur. Cette société va devoir également se conformer, pour l'octroi des contrats de services professionnels, à la politique du Service des achats actuel qui, par l'ordinateur Rosalie, comme on l'appelle, assure une certaine rotation dans l'octroi des contrats, de façon que tous ceux qui ont la capacité de faire des travaux puissent, un jour ou l'autre, obtenir un contrat du gouvernement et pour éviter que ce soit toujours les mêmes qui, par favoritisme, comme cela s'est déjà produit dans le passé, obtiennent constamment les contrats au détriment des autres.

La société devra également continuer à procéder par soumissions publiques de façon à s'assurer que les biens et les immeubles acquis par l'État le sont au meilleur coût possible. Il me semble que ces mesures offrent les garanties nécessaires pour rassurer ceux qui nous écoutent. Je ne voudrais pas m'employer à rassurer le député de Mont-Royal, parce que je pense que c'est peine perdue; il est vraiment dans un état de grande noirceur sur ce plan. Mais ces mesures-là devraient, je pense, rassurer ceux qui nous écoutent sur les intentions du gouvernement. Nous avons démontré, dans le passé, que nous avions une grande rigueur dans l'application de ces mesures, il s'agit tout simplement de continuer les politiques que nous avons poursuivies, depuis 1976, à cet effet.

Bien sûr, lorsqu'on chambarde ainsi les structures administratives, il y a des gens inquiets et, en particulier, les employés qui, actuellement, travaillent au ministère des Travaux publics. Le changement suscite toujours une certaine inquiétude, et c'est normal. Le projet de loi veut répondre à ces inquiétudes. Les employés du ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement seront protégés. Ce ministère compte actuellement 2300 employés, dont un bon nombre sont syndiqués. Ces derniers continueront de profiter des dispositions incluses actuellement dans leur convention collective de travail. Autant les cadres que ces employés conserveront leurs droits dans la fonction publique, ce qui veut dire que, d'une part, ils peuvent choisir immédiatement d'être mutés à d'autres postes dans la fonction publique. D'autre part, s'ils décident d'aller travailler pour la Société immobilière du Québec, ils auront le droit, en tout temps, de demander plus tard une mutation à l'intérieur de la fonction publique ou encore de participer à des concours de recrutement, comme c'est leur droit présentement.

M. le Président, ce projet de loi se situe dans la trame de la politique du gouvernement du Québec qu'avait annoncée le premier ministre à l'occasion du discours inaugural, je crois, en 1982. Il s'est donné comme objectif de rationaliser les services de l'État québécois, d'en diminuer les coûts, d'en augmenter l'efficacité, en un mot, d'en réduire la taille. Vous savez, aujourd'hui, dans la fonction publique du Québec, il y a moins de fonctionnaires qu'il n'y en avait en 1976, lorsque nous avons pris le pouvoir. Il n'y a pas beaucoup d'organismes publics ici au Québec, ou encore au Canada ou aux États-Unis, qui, sans des chambardements majeurs, sans effectuer de mises à pied, sans mettre en cause la sécurité d'emploi de ceux qui sont au service des citoyens dans la fonction publique, sont parvenus quand même à réduire leur taille de façon aussi appréciable.

Le gouvernement du Québec l'a fait et il poursuit ce travail de façon à s'assurer que les employés qui restent à son emploi sont utilisés de façon adéquate, efficace et rendent les services pour lesquels ils sont payés. Je pense que, pour les employés eux-mêmes, c'est plus satisfaisant. Je me rappelle, à l'époque de mes activités syndicales, une des récriminations majeures qu'on entendait souvent de la part des employés qui travaillent dans la fonction publique, c'est qu'ils étaient mal utilisés. Ils avaient des idées, ils avaient la volonté d'agir, ils voulaient faire preuve de dynamisme; pourtant, la lourdeur de l'administration et l'encadrement faisaient qu'ils se sentaient sous-utilisés. Pour eux, c'était une grande cause de frustration.

Nous avons fait des efforts pour tenter d'améliorer la situation. Je suis persuadé, M. le Président, qu'il en reste encore à faire. La perfection n'est pas de ce monde, mais, au moins, nous allons dans la bonne direction. La disparition du ministère des Travaux publics et de . l'Approvisionnement s'inscrit dans cet effort de rationalisation de la même façon que, l'an dernier, en 1982, nous avons aboli, à toutes fins utiles, l'Office des autoroutes du Québec et que nous nous apprêtons bientôt à faire disparaître le ministère de la Fonction publique. Nous nous étions engagés à réduire la taille de l'État; aujourd'hui, nous livrons la marchandise. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent. (21 h 20)

M. Germain Leduc

M. Leduc (Saint-Laurent): Merci, M. le Président. Je serais peut-être tenté de vous parler de quelque chose d'actualité, deux victoires retentissantes, mais je suis certain que vous allez m'arrêter immédiatement. Je ne serais pas pertinent. Bien sûr, la loi 18 c'est une loi importante. Je voudrais communiquer certaines réflexions sur le projet de loi 18, soit la Loi sur la Société immobilière du Québec. En fait, la création de cette Société immobilière du Québec signifie la disparition du ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement ainsi que de la Société de développement immobilier du Québec.

Ce ministère n'avait qu'à administrer les biens meubles et immeubles qui appartenaient à l'État, au domaine public. La Société immobilière du Québec devient, elle, réellement propriétaire des biens meubles et immeubles qui étaient administrés auparavant par le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement. Première question: Pourquoi l'abolition de ce ministère et pourquoi confier la gestion de ces biens meubles et immeubles à une société d'État? Est-ce qu'on reconnaît expressément ici l'incapacité du ministère et du ministre à administrer d'une façon efficace et rentable ces meubles et immeubles de l'État? Est-ce que le ministre reconnaît son impuissance et surtout est-ce qu'il reconnaît que ces biens étaient mal gérés, mal administrés? Est-ce que le fait, simplement, de passer ces biens meubles et immeubles sous l'administration d'une société d'État, est une garantie que ces biens vont être mieux administrés? Je ne suis pas convaincu du tout. Est-ce que le ministre reconnaît qu'il était un mauvais mandataire? Ce sont, je pense, des questions qu'il faut se poser.

Il faut peut-être également se poser la question à savoir qui a évalué qu'il y avait mauvaise gestion dans ce ministère? Toutes ces questions sont pertinentes. Une autre question qui me vient immédiatement à l'esprit, c'est: Est-ce que cette mauvaise gestion ne pourrait pas se retrouver, exister également dans d'autres ministères? En fait, qui est en mesure d'évaluer qui peut nous renseigner? Quand on constate le genre d'administration, la façon dont les biens de l'État sont administrés, quand on voit que cette énormité qu'est la législation déléguée, une véritable législation oligarchique, on peut sûrement se poser des questions.

Également, on doit se poser des questions quand on voit l'échec lamentable de ce gouvernement en matière sociale, économique et constitutionnelle. Je pense que ce sont des questions à se poser. Qu'il suffise de mentionner ici en matière économique, le nombre de chômeurs que nous connaissons au Québec, le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale, 400 000 chômeurs, 375 000 bénéficiaires de l'aide sociale, tout près de 600 000 personnes dépendent actuellement de l'aide sociale au Québec. On connaît un taux de chômage absolument inacceptable, 14,5%. Également, qu'il suffise de mentionner l'échec du gouvernement en matière sociale. Qu'on se rappelle les lois 70, 105, 111. Bien sûr, l'échec constitutionnel. Ici, M. le Président, je voudrais vous référer à la perte du droit de veto. En fait, un gouvernement qui voulait donner au Québec une place majeure, alors, on perd le droit de veto.

Également, une question à se poser, est-ce que le ministre a fait faire des études de rentabilité et d'efficacité de la future Société immobilière du Québec? Je n'ai pas eu de réponse. Je pense qu'on peut déduire que la réponse, c'est non. Il n'y a eu aucune enquête, aucune étude de faite quant à la rentabilité parce que, apparemment, on crée cette société pour générer une rentabilité, pour générer des revenus. Pas d'étude rendue publique à la suite de l'introduction de cette loi. Est-ce que le ministre s'est fié uniquement sur les performances de la British Columbia Building Corporation qui existe depuis cinq ans en Colombie britannique? Est-ce qu'on peut penser que la Société immobilière du Québec sera aussi performante que cette British Colombia Building Corporation? Est-ce que ce qui est bon en Colombie britannique, sera bon ici? Des questions que l'on peut se poser.

Enfin, le ministre, constatant son impuissance à bien administrer les biens meubles et immeubles dont il avait la gestion, confie cette gestion à une société d'État qui sera administrée dorénavant par neuf administrateurs, tous nommés par l'État, y compris, bien sûr, le président-directeur général. À quelles sortes de nominations aurons-nous droit, M. le Président? Est-ce que ce seront des nominations comme on en a connues récemment, des nominations de MM. Michaud en ligne? Est-ce qu'on retrouvera les accusations de favoritisme, de népotisme que nous avons connues? Le député de Vimont tantôt a fait état de Paragon. Je peux vous dire que quand M. Robert Bourassa a constitué la fameuse commission Cliche, on n'a pas retrouvé un seul libéral siégeant à cette commission. Je ne pense pas que nous ayons de leçon à donner à M. Robert Bourassa ou au Parti libéral. S'il y a du favoritisme, du népotisme, il faut regarder de l'autre côté de la Chambre. On le mentionnait tantôt, les nominations de MM. Michaud en ligne récemment.

Le ministre va demander à cette société d'État d'accomplir ce que lui, avec toutes les ressources humaines et financières dont dispose le ministère, a été incapable d'accomplir, soit bien administrer son ministère. Il reconnaît expressément qu'il a

été dans l'impossibilité, dans l'incapacité d'administrer ce ministère d'une façon normale, d'une façon rentable. Au lieu de créer cette nouvelle société, est-ce qu'il n'aurait pas été mieux de changer le titulaire du ministère? Je pense que c'est une question qu'on doit se poser. Le ministre a deux ministères, peut-être est-ce au-delà de ses forces. Peut-être aurait-il fallu confier un des deux ministères à quelqu'un d'autre.

Le ministre responsable de cette nouvelle société - on ignore qui, on ne sait pas qui, parmi les ministres, sera responsable de cette nouvelle société - aura la tâche d'administrer d'une façon rentable et efficace les meubles et immeubles qui étaient administrés auparavant par le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement et qui l'étaient - on doit le reconnaître, puisque le ministre lui-même le reconnaît - d'une façon inadéquate.

Bien sûr, la tâche sera énorme, puisque la Société immobilière du Québec devra le faire en tenant compte des handicaps, des inconnues et, parmi ces handicaps et ces inconnues, nous pouvons retenir d'abord que cette société devra garantir aux employés de l'ancien ministère qui seront transférés à la nouvelle société leurs droits acquis et leurs conditions actuelles de travail, qui sont nettement supérieurs à ceux du secteur privé.

Deuxième question qu'il faut se poser, elle devra nécessairement transiger avec les ministères et organismes du gouvernement. Elle devra donc louer à ces organismes et à ces ministères les locaux qu'elle aura en gérance. Si donc les conditions sont inacceptables pour ces ministères et ces organismes, on suppose que la Société immobilière du Québec pourrait à ce moment-là demander trop pour la location de ces locaux, est-ce qu'il y aura un arbitrage? Est-ce qu'il y aura une intervention du gouvernement du Québec? Est-ce qu'on a affaire à un marché captif? Ce sont des questions qu'il faut se poser, particulièrement quand on parcourt l'article 33 qui dit: "La société ne peut, sans l'autorisation du gouvernement -au paragraphe 2 - conclure un contrat pour une durée et pour un montant supérieurs à ceux déterminés par le gouvernement." Également au paragraphe 4 on dit: "La société ne peut, sans l'autorisation du gouvernement, acquérir un immeuble, le céder à bail ou autrement en disposer pour un montant supérieur au montant déterminé par le gouvernement." Je suppose donc, M. le Président, que les dés sont pipés et qu'à ce moment c'est le gouvernement qui, comme dans un ministère, va déterminer les conditions de location. Je pense qu'on n'avance pas, on ne bouge pas. On fait des changements pour faire des changements. (21 h 30)

Autre inconnue. S'il y a transfert du déficit accumulé de l'actuelle Société de développement immobilier du Québec, est-ce que cette charge ne sera pas trop lourde pour rentabiliser la nouvelle société? Il faut savoir si la nouvelle société devra assumer le déficit accumulé par la Société immobilière du Québec. Autre inconnue également l'article 37 de la loi stipule que les dividendes payés par la société sont fixés par le gouvernement et non par les administrateurs. La même chose se produit au niveau de la SAQ, la Société des alcools du Québec et également au niveau d'Hydro-Québec. Il y a une question à se poser, encore la: Les dés ne sont-ils pas pipés? En fait, qui va déterminer? C'est l'Etat. C'est l'État qui va dire à la société: Vous devez payer tant en dividendes. Les administrateurs n'auront rien à dire. Je pense que si on veut créer une société, il faut également donner les pouvoirs qui vont avec elle.

De plus, le ministre des Finances, à qui on attribue le capital et les actions - en vertu de l'article 25, "les actions de la société font partie du domaine public et sont attribuées au ministre des Finances - va-t-il se satisfaire de peu ou bien ne sera-t-il pas trop gourmand? C'est le ministre des Finances; c'est une question qu'on peut sûrement se poser. En fait, quelle sorte de rentabilité le ministre peut-il exiger? Quelle sorte de retour pourra-t-il exiger de cette société?

Autre inconnue, l'article 19 stipule qu'à compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, tout ministère ou tout organisme public qui apparaît dans une liste établie par décret du gouvernement doit faire affaires exclusivement avec la société. La question à se poser est la suivante: Quel organisme, quel ministère devront nécessairement faire affaires avec cette société et quelles seront les contraintes imposées à ces ministères, à ces organismes et à la société également? Ces contraintes n'empêcheront-elles pas toute rentabilité à lasociété? La sixième inconnue est l'article 22 qui stipule ce qui suit: "La société doit également exécuter tout autre mandat connexe aux objets de la société que lui confie le gouvernement et dont les frais sont supportés en tout ou en partie par ce dernier." Quel sera ce mandat connexe? S'agit-il encore ici d'une autre contrainte? Il faudra répondre à cette question. Septième handicap ou inconnue, l'article 27 qui stipule que le gouvernement détermine, par décret, la valeur des biens meubles et immeubles ainsi transférés, à l'exception des sommes à recevoir et des sommes à payer, lesquelles sont transférées à leur valeur comptable à la date du transfert. Donc, il s'agit d'un décret provenant du gouvernement. Encore là, la patte du gouvernement, mais - et c'est une question qui vient

immédiatement à l'esprit - de quelle façon et à quelles fins le ministère compte-t-il déterminer la valeur des biens meubles et immeubles qui feront l'objet du transfert? Pourquoi établir cette valeur? De quelle façon et, bien sûr, à quelles fins? Il y a sûrement des fins qu'il faudrait peut-être nous les indiquer.

Huitième inconnue: La Société immobilière du Québec sera-t-elle assujettie à la politique d'achat du gouvernement ou à la procédure du fichier central des fournisseurs? Question sûrement pertinente. Encore là, s'agira-t-il d'une contrainte additionnelle qui pourrait affecter la rentabilité de la société. Il y a également une question qu'on peut se poser. Quand on soustrait à l'application de la loi à l'article 26 l'Hôtel du Parlement et l'édifice Pamphile-LeMay, on peut se poser la question suivante: Quelle sorte d'entente aura à être conclue en ce qui concerne le service d'électricité et de chauffage? Il n'y a pas de service puisque ces deux bâtisses, l'Hôtel du Parlement et l'édifice Pamphile-LeMay ne possèdent pas de service d'électricité et de chauffage autonome. Il faudra qu'il y ait une entente de faite.

M. le Président, je pense que si on veut faire de cette société une société dynamique et rentable, il va falloir la laisser respirer, lui donner de l'oxygène. Il va falloir que le gouvernement enlève son gros pied de la "hose". Il va falloir que cette société ait beaucoup plus d'autonomie sans quoi le remède risque d'être pire que le mal que le ministre a décelé dans son propre ministère. C'est lui qui l'a décelé. En regardant la loi, je n'en vois pas nécessairement l'obligation, l'utilité. Le ministère était sous sa responsabilité et il devrait nous expliquer son échec. Ce projet de loi devrait donc être amendé à plusieurs égards. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, votre droit de réplique.

M. Alain Marcoux (réplique)

M. Marcoux: M. le Président, j'ai apprécié la teneur du débat concernant cette loi qui vise à créer la Société immobilière du Québec en faisant disparaître le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement. Je me réjouis que les principes fondamentaux proposés dans cette loi rejoignent la faveur de l'Opposition, qui a manifesté clairement qu'elle approuverait le projet de loi, qu'elle accordait son appui à l'objectif essentiel du projet de loi qui est de donner un cadre administratif à la gestion des biens immobiliers du gouvernement, favorisant ainsi un accroissement de l'efficacité, du rendement et de la rentabilité dans l'usage de ces actifs et dans la façon dont ils sont exploités.

Je n'ai jamais dit, contrairement au dernier intervenant, que le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement n'avait pas satisfait, pour l'essentiel, à son travail et ce, de la bonne façon. Ce que j'ai dit, c'est que nous voulions lui fournir un contexte pour accroître cette efficacité, accroître ce rendement. Au contraire, j'ai précisé que, par rapport aux objectifs de compétence et de transparence, le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement avait dépassé, pourrais-je dire, les objectifs que le gouvernement lui avait fixés au cours des années.

Quant à l'objectif d'améliorer le service à la clientèle, d'améliorer son efficacité et son rendement, on l'a fait progressivement dans les récentes années, plus particulièrement depuis deux ans. Mais il y a d'autres pas à franchir et il s'agissait de savoir quel était le contexte juridique par lequel on pouvait le mieux atteindre cet objectif. Tout au cours de cette deuxième lecture, malgré que l'Opposition soit d'accord sur l'essentiel, elle a posé plusieurs questions concernant des articles précis du projet de loi. On se serait cru davantage à l'étude article par article du projet de loi dans plusieurs des discours de deuxième lecture.

Je voudrais quand même donner quelques réponses. Non pas répondre à l'ensemble de ces interrogations dans le cadre de cette réplique, puisque la plupart des questions relèvent bien davantage d'une analyse article par article, mais je vais donner des éléments de réponse pour prouver que nous avons ces réponses et nous les fournirons à l'Opposition. Nous avons aussi quelques projets d'amendement que nous soumettrons à la commission parlementaire.

Un exemple de question qui a été posée: Qu'est-ce qu'on entend par mandat connexe? Le gouvernement pourra confier des mandats connexes à cette société. Je vais vous donner un exemple précis que nous vivons actuellement. Le gouvernement vient de décider de construire un Musée d'art contemporain à Montréal, qui sera situé tout près de la Place des Arts et qui sera géré par un conseil d'administration par la suite. Il appartiendra a la Place des Arts et sera géré par elle. Puisque la Place des Arts n'a pas d'expertise particulière en termes de construction, le gouvernement a décidé de confier le mandat de construction au ministère des Travaux publics. Quand on parle de mandat connexe, c'est un exemple précis qui illustre que le gouvernement pourra confier des mandats, soit de gestion immobilière, soit de construction, à cette société immobilière à l'occasion de décisions qu'il prendra.

On a soulevé d'autres questions. Par exemple, l'Hôtel du gouvernement. Qu'arriver a-t-il à l'Assemblée nationale, a

l'édifice où nous travaillons actuellement? Qu'arrivera-t-il à l'édifice Pamphile-Le May, à l'édifice occupé par le ministère des Finances, actuellement? Ces édifices continueront d'appartenir au gouvernement parce qu'on trouve normal que le siège de l'Assemblée nationale continue d'appartenir au gouvernement mais, exactement comme cela se fait en Colombie britannique, avec un contrat de gestion, d'exploitation de cet immeuble. La Société immobilière du Québec va facturer l'Assemblée nationale, comme les autres ministères du gouvernement, pour les services rendus. D'ailleurs, je suis convaincu que le président de l'Assemblée nationale apprécie cette nouvelle attitude, cette nouvelle façon de procéder puisque, depuis quelques mois, nous avons fait l'impossible au ministère des Travaux publics pour répondre avec la plus grande rapidité, la plus grande efficience, aux demandes pressantes de l'Assemblée nationale, à la fois en termes de construction de cet édifice et en termes d'exploitation. Et c'est le mode que nous adopterons à l'avenir avec la société immobilière.

D'autres exemples de questions soulevées Qu'arrive-t-il de la Société parc auto? La Société parc auto est un organisme sans but lucratif qui administre les stationnements du gouvernement, les stationnements de la ville de Québec et retourne les profits, dans la même proportion, à ses mandants. Alors, la Société parc auto, il n'en est pas question dans cette loi, parce que ce n'est pas une société qui appartient au gouvernement. Cette société a un contrat d'exploitation avec le ministère des Travaux publics et en aura sans doute un avec la Société immobilière du Québec.

Le représentant de l'Opposition, le député de Robert Baldwin, a demandé de rassurer les employés du ministère et je l'avais fait, je crois, dans mon discours de deuxième lecture. Je tiens à le répéter, parce que je pense que c'est essentiel, que c'est important. Il a dit: Que va-t-il arriver? En cinq ans, en Colombie britannique, la société de travaux publics là-bas, BCBC, a réduit de 1600 à 1300 le nombre de ses employés. Nous, nous l'avons fait durant les deux dernières années. Nous avons réduit de 10% à 11% - on aura les résultats complets au 31 mars prochain - en l'espace de deux ans, le nombre d'employés du ministère. Et cela s'est fait avec la pleine collaboration de ces employés, en accroisssant même leur productivité et leur efficacité et la qualité des services donnés aux clients. Dans cette perspective, nous avons décidé de ne pas choisir les employés syndiqués qui viendraient à la Société immobilière du Québec. Au contraire, nous avons décidé d'inviter tous les employés syndiqués du ministère des Travaux publics à devenir membres de la Société immobilière du Québec. Évidemment, parmi les postes d'encadrement, nous allons faire certains choix pour inviter une majorité des cadres actuels à faire partie de cette société immobilière. Mais je peux à nouveau assurer les employés que l'ensemble, la totalité de leurs droits acquis seront respectés, leur possibilité de retour dans la fonction publique, en somme, la totalité de leurs droits acquis seront respectés et en ce sens, nous préciserons les articles de loi... C'est déjà dans la loi; des amendements seront apportés pour correspondre véritablement et entièrement à cet esprit.

D'autres questions plus fondamentales ont été abordées concernant la marge d'autonomie qu'aura cette société. Il est bien sûr que, comme cette société aura un seul actionnaire, le gouvernement du Québec, c'est le gouvernement du Québec comme tel qui va lui donner l'essentiel de ses autorisations sur les grandes orientations que devra poursuivre cette société. C'est pourquoi, comme pour l'ensemble des sociétés d'État, nous avons cru bon introduire dans cette loi le pouvoir de directive pour le gouvernement de telle façon que, si le gouvernement veut, par exemple, appliquer la politique du 1% dans le domaine des arts à cette société immobilière, il aura le pouvoir de la fixer. Si le gouvernement veut que cette société respecte l'ensemble de son programme de conservation énergétique, il exigera que cette société y soit astreinte. Alors, ce pouvoir de directive permettra au gouvernement, entre autres, évidemment, de faire en sorte que la société dont il est le seul et unique actionnaire respecte les grandes orientations gouvernementales.

Quant à l'autonomie, c'est bien sûr que la création de cette société ne change pas -ce n'est pas une création à partir de rien -du tout au tout la réalité des choses. C'est simplement un contexte juridique, un contexte organisationnel, un contexte de structure qui, à notre point de vue, peut permettre davantage d'atteindre les objectifs qui sont les objectifs de base de cette société, soit de développer un esprit, une culture ou une mentalité de gestion immobilière semblable à celle qui existe dans l'entreprise privée, évidemment avec un minimum de contraintes - certains diront un maximum - qui doivent s'appliquer à une société qui est la propriété de l'ensemble des Québécois et qui est sous la juridiction du gouvernement du Québec.

Quant aux acquis dans le domaine de la transparence, dans le domaine du Service général des achats, j'ai déjà indiqué, dans mon discours de deuxième lecture, que cette société devrait recourir au fichier central des fournisseurs et qu'elle devrait recourir au Service général des achats pour l'essentiel de ses approvisionnements.

M. le Président, plusieurs autres points pourraient être abordés puisque les députés

de l'Opposition en particulier ont soulevé des questions très précises sur plusieurs des articles du projet de loi, mais je crois qu'au moment de l'étude article par article, nous pourrons continuer de répondre à ces questions. J'ai voulu donner quelques exemples simplement pour illustrer que les différents points qui ont été soulevés ont été examinés et nous avons des réponses à fournir à l'Opposition, ce qui, je l'espère, lui permettra d'appuyer le projet de loi en troisième lecture, comme elle a manifesté son intention de l'appuyer en deuxième lecture. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la deuxième lecture du projet de loi 18, Loi sur la Société immobilière du Québec, est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission des travaux publics

et de l'approvisionnement

M. Boucher: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire des travaux publics et de l'approvisionnement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion est adoptée? M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: Sur cette motion, M. le Président, je voudrais demander au leader adjoint du gouvernement s'il ne préférerait pas discuter du résultat des élections partielles où le gouvernement s'est fait battre dans Jonquière et dans...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la motion est adoptée?

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: M. le Président, nous poursuivons nos travaux - je crois que nous sommes en Chambre - et je vous demanderais d'appeler l'article 2) et de reconnaître le député de Mille-Îles.

Reprise du débat sur le discours

sur le complément aux politiques

budgétaires et la motion de censure

Le Vice-Président (M. Jolivet): L'article 2 est la reprise du débat sur la motion du ministre des Finances proposant que l'Assemblée approuve le complément aux politiques budgétaires du gouvernement pour 1983-1984, et sur la motion de censure du député de Vaudreuil-Soulanges qui se lit comme suit: "Que cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement qui, dans son énoncé complémentaire au budget de 1983-1984, n'a rien ajouté de précis ou de concret aux mesures mal définies évoquées par le premier ministre le 13 novembre dernier, qui a maintenu les deux tiers des taxes soi-disant temporaires en place depuis deux ans, compromettant ainsi davantage une reprise économique déjà incertaine et qui, par conséquent, a trompé les attentes qu'il avait lui-même fait naître auparavant pour tenter de justifier sa décision de retarder d'un mois la reprise des travaux parlementaires."

La parole est au député de Mille-Îles.

M. Jean-Paul Champagne

M. Champagne (Mille-Îles): Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup d'intérêt que j'interviens ce soir en regard du discours sur le budget du ministre des Finances qui a été présenté il y a quelques semaines. C'est aussi dans l'intérêt de la population qui doit se demander - enfin, on vient d'un peu loin -ce qu'il advient des taux d'intérêt exorbitants qu'on a connus il y a deux ans, ce qu'il advient de la crise économique qu'on a connue et de laquelle on en sort au moment où on se parle, ce qui est arrivé des compressions budgétaires, ce que cela a donné. Je pense que, ce soir, les gens sont intéressés à savoir ce que le plan d'urgence a aussi donné, le plan de relance économique. À la fois, il y va de l'intérêt de tous et on peut dire qu'on peut voir l'avenir avec beaucoup plus d'optimisme.

Je pense que le gouvernement a fait un effort assez sérieux pour consolider la fonction publique. Il y a quelques années, plus de 52% du budget étaient consacrés aux salaires des fonctionnaires de la fonction publique et à tout le secteur public et parapublic qui avait aussi des avantages sociaux. Je pense que, comme État responsable, nous devions faire en sorte, pour aider la relance économique, de consolider nos effectifs de la fonction publique. Je suis content de savoir ce soir que nous avons peut-être atteint notre objectif avec à peu près le même nombre de fonctionnaires ou avec environ 2000 fonctionnaires de moins qu'en 1976. Si on se rappelle l'histoire, de 1970 à 1976, la fonction publique a augmenté de 4000 employés d'année en année jusqu'en 1976. On avait le devoir de consolider, de rendre plus efficace la fonction publique et nous avons réussi jusqu'à maintenant. (21 h 50)

Dans le domaine des affaires sociales, autrefois, les hôpitaux, selon l'habitude et selon la tradition, faisaient en sorte que, si on dépassait le budget, on arrivait au déficit

et, automatiquement, c'est le gouvernement, par l'entremise du ministère des Affaires sociales, qui comblait la différence, qui épongeait le déficit. M. le Président, depuis l'an dernier, on a obligé les hôpitaux à une rigueur administrative, à équilibrer leur budget. Nous sommes contents de voir que, l'an dernier, sur 152 hôpitaux, 146 ont équilibré leur budget. C'était de la rigueur administrative, et on le prouve.

Dans le domaine de l'éducation, les commissions scolaires sont financées à 100% par le gouvernement, et certaines commissions scolaires réussissaient à avoir un surplus budgétaire ou un déficit budgétaire. On demande maintenant l'équilibre du budget. Je pense que le gouvernement, les municipalités, même l'entreprise privée ont fait un effort de rigueur administrative depuis la crise, et actuellement, considérant la consolidation des effectifs ainsi que la consolidation budgétaire des entreprises, du gouvernement et des municipalités, je pense qu'il y a espoir et, on le sent dans la population, il y a reprise économique.

M. le Président, en 1976, la différence entre les impôts de l'Ontario et du Québec était supérieure à 19% pour le Québec. Les impôts et les taxes étaient de 19% supérieurs au Québec qu'en Ontario, en 1976. Au moment où on se parle, en 1983, l'écart a été réduit à 11%. On payait 19% de plus de taxes et d'impôts, en 1976 et, aujourd'hui même, nous payons 11% de plus. L'écart diminue et, dans quelques années, nous espérons qu'il n'y aura plus d'écart.

Hélas, nos amis d'en face, comme on les appelle, disent, d'une façon assez irresponsable, que nous payons plus de taxes et d'impôts, mais il faut comparer les mêmes choses. Jamais nous ne disons que ceux qui gagnent 25 000 $ et plus paient beaucoup plus d'impôt, mais ceux qui gagnent 25 000 $ et moins paient beaucoup moins d'impôt que ceux de l'Ontario. Jamais on ne fait cette différence. Les hauts salariés doivent aider les bas salariés. Je pense que c'est une justice distributive, et jamais on ne fait la différence. On ne fait jamais aussi la différence pour savoir quels sont les services qu'on a de plus si on paie un peu plus d'impôt. Jamais on ne dit qu'en Ontario, entre autres, pour l'assurance-maladie, on doit payer une assurance privée qu'on appelle la Croix bleue. Chacun des Ontariens doit payer de 500 $ à 600 $ par année de plus. Nous, au Québec, c'est le gouvernement qui paie pour l'ensemble. En Ontario, on n'ajoute jamais cela comme impôt. C'est pour cela qu'il faut comparer les "comparables" à ce moment-la.

On ne fait jamais aussi de comparaison au sujet de la taxation. Il y en a qui seraient surpris de voir qu'en Ontario, par exemple, même pour une tasse de café ou une tablette de chocolat, on est taxés, mais ici au Québec, les repas de 3,25 $ ou moins, les meubles, les vêtements d'enfants, les appareils ménagers ne sont pas taxés. On ne parle pas beaucoup de cela. Je pense qu'il faut être honnête et comparer les "comparables". Une étude a prouvé que le dollar dépensé à Montréal vaut beaucoup plus que le dollar dépensé à Ottawa, Calgary ou Vancouver. Je pense que c'est ce qu'il faut comparer.

M. le Président, j'ai quelques tableaux assez révélateurs de nos besoins financiers nets ici au Canada, et dans la province de Québec. C'est un tableau assez révélateur. Il y en a qui se demandent où va le Québec dans cette crise économique. Quelle est la situation financière ici au Québec?

Nous avons ici un tableau assez révélateur des besoins financiers nets des provinces par habitant en 1983. En Ontario, chaque personne coûte 309 $ en besoins financiers nets à la province. Au deuxième rang vient le Québec qui doit payer, en besoins financiers, 342 $. Ensuite, il y a l'Alberta, 359 $; l'île-du-Prince-Édouard, 515 $; la Colombie britannique, 631 $; le Manitoba qui doit payer, par tête d'habitant, 825 $ en besoins financiers. Enfin, il y a la Saskatchewan qui doit payer 1002 $ en besoins financiers par habitant.

C'est la situation financière dans l'ensemble du Canada et nos besoins financiers, par tête de Québécois, sont seulement de 342 $. Je pense qu'on a avantage, des fois, à se comparer pour se rassurer. J'ajouterai au tableau des besoins financiers du Canada un déficit de 31 000 000 000 $ pour une population de 24 000 000 ou de 25 000 000 d'habitants. Nous arrivons ici à des besoins financiers, par habitant, d'à peu près 1300 $ par Canadien. C'est le résultat de la rigueur administrative dont on a fait preuve dans le passé; on le voit ici devant nous.

J'aimerais aussi montrer un autre tableau qui parle de l'évolution des besoins financiers nets en millions de dollars. Bien sûr, on connaît l'inflation et la valeur du dollar en 1977 n'est pas la même qu'en 1983. Les besoins financiers nets de 1977 étaient de 1 171 000 000 $. Nous avons traversé la crise, nous avons repris l'économie en main un peu plus et, actuellement, en 1983-1984, en dollars constants, les besoins financiers sont à peu près identiques à ceux de 1977-1978. Ils sont de 1 290 000 000 $. Nous faisons preuve à ce moment-ci de rigueur administrative; nous voyons le bout du tunnel et je pense que c'est tout à l'avantage du gouvernement du Québec, du secteur privé et du secteur public qui marchent la main dans la main pour essayer de relancer l'économie. La confiance vient de plus en plus.

M. le Président, on aime se comparer. Il y a quelques années, on parlait de l'Alberta. L'Alberta, actuellement, a 12% de

chômeurs. Ce n'est peut-être pas à envier. Nous en avons 13%. Mais ceux qui étaient très prospères, il y a quelques années, ont connu aussi la crise économique. Nous, on s'en sort assez bien. Ici, on fait une évolution du chômage canadien. Au Canada, qu'est-ce qui se passe dans le domaine du chômage? Au Québec, qu'est-ce qui se passe dans le domaine du chômage?

En 1968, nous avions à peu près 34% du chômage canadien au Québec. En 1969, cela a été le record, 37% du chômage canadien au Québec. Si je prends d'autres chiffres, en 1972, 31%; en 1974, 32%; en 1976, il y avait 32% du chômage. Nous avons monté à 33%. Durant le pire de la crise, nous avons connu jusqu'à 34,6% de chômage au Québec, à comparer au Canada. Or, actuellement, nous connaissons des plans de relance, des plans d'urgence. En voici le résultat. Actuellement, en 1983, nous n'avons que 28,8% du chômage canadien. C'est bien sûr que c'est encore trop, mais jamais, depuis que nous avons des statistiques, le Québec n'a été en bas des 30% de chômeurs, nous l'avons cette année, nous n'avons que 28% de chômeurs. (22 heures)

C'est une preuve, M. le Président, que nos plans de relance, que nos plans d'urgence ont été efficaces. Nous avons connu des moments pénibles, des compressions budgétaires, nous avons appliqué une rigueur administrative et, aujourd'hui, je pense qu'on est bien servi. J'ai tout lieu de croire qu'en 1984 - je vais l'espérer avec vous - on aura encore les 25%, mais que ce sera avantageux à comparer aux autres provinces du Canada qui, elles aussi font un effort, mais ne réussissent pas autant que nous.

Je pense aussi à l'autre tableau. Que faisons-nous, ici au Québec, pour essayer de sortir de cette crise économique? Que faisons-nous au point de vue de relance? J'ai ici toutes les provinces du Canada, nous avons toutes les enveloppes provinciales d'aide au commerce et à l'industrie, de 1976 à 1980, et on a pris une moyenne d'enveloppes provinciales d'aide au commerce et à l'industrie. Qu'est-ce qu'on voit? Le Québec a injecté en moyenne 120 000 000 $ dans la relance économique. Pour aider l'industrie, pour aider le commerce on a fait un effort assez important et on le voit par le schéma ici. Que fait l'Ontario pendant ce temps, de 1976 à 1980? Elle fournit une aide d'environ 80 000 000 $ par année; Terre-Neuve a à peu près 85 000 000 $; le Manitoba, une aide de 15 000 000 $; la Saskatchewan, une aide d'environ 18 000 000 $; l'Alberta, environ 10 000 000$; la Colombie britannique, environ 25 000 000 $, moyenne annuelle d'aide au commerce et à l'industrie.

M. le Président, le gouvernement a pris les choses en main et pour nous, l'industrie et le commerce sont très importants. On voit la part du gouvernement, une part de 125 000 000 $ en moyenne par année injectée dans le commerce et l'industrie. Je pense que c'est tout à l'honneur du Québec qui est à l'avant-garde pour la relance économique.

Depuis quelques années nous avons connu deux plans d'urgence. Nous avons connu ce qu'on appelle le plan Biron, un programme administré par la Société de développement industriel qui a fait en sorte que nous avons garanti les prêts des petites et moyennes entreprises du Québec alors que les taux d'intérêt étaient exorbitants et inacceptables. Des taux d'intérêt de 24% et de 25%. Qu'a fait le plan Biron? Le plan Biron a aidé à environ 700 entreprises manufacturières au Québec et avec cela on a réussi à sauver plus de 32 000 emplois. À cause de notre imagination, de notre audace et l'esprit de concertation que nous avons dans le milieu québécois, on se met ensemble et on s'en sort. Les preuves sont là. Actuellement, 28% du chômage canadien à comparer aux 37% que nous avons déjà connus, à comparer au tant de pour cent qu'on n'a jamais obtenu, mais qu'on avait toujours au-dessus.

Autre plan d'urgence. Nous avons connu des programmes de création d'emplois. Vous allez peut-être me dire que ce sont des programmes de création d'emplois temporaires. Je suis d'accord avec vous, mais je pense que lorsqu'on traverse une crise, on prend tous les moyens du bord. Entre autres, on a lancé pour les jeunes le bon d'emploi qui valait un montant de 3000 $ pour aider les jeunes à se trouver un premier emploi. Nous avons connu un autre programme, Chantier-Québec, qui a aidé énormément de jeunes dans des emplois communautaires. Nous avons connu aussi le programme PECEC, pour les petites et moyennes entreprises, et nous avons injecté en 1983, uniquement dans des programmes de création d'emplois, plus de 265 000 000 $, ce qui a donné 64 000 emplois. M. le Président, il y en a qui l'ont reconnu. Je ne demande pas aux gens d'en face de reconnaître ce que le gouvernement a fait, mais . le Conference Board du Canada disait, et je cite: "Le Québec bat la marche de la reprise économique et prévoit pour 1984 une performance surprenante pour le Québec."

Fantastique! Je pense que les plans d'urgence ont été efficaces. Les plans de création d'emplois ont été efficaces. Notre rigueur administrative, nos compressions budgétaires ont été efficaces et on le reconnaît. Le Conference Board du Canada le reconnaît. C'est grâce à notre imagination. C'est grâce à notre audace. C'est grâce à notre esprit de concertation.

Il n'y a pas que le Conference Board du Canada qui voit ce que le Québec fait.

J'ai ici d'autres titres de journaux: "Résultat d'une étude de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante" - et le titre - "La PME créerait 75 000 emplois au Québec en 1984."

Il y en a qui aimeraient de l'autre côté qu'on soit pessimiste. Ils aimeraient qu'on montre un peu le Québec d'une façon très négative et très noire, mais il y en a qui reconnaissent ce qu'on fait. Ici, je regarde: "Le Québec mène le bal pour la création d'emplois à comparer au Canada, 73 000 nouveaux postes." Je vois ici dans le Soleil: "Une reprise qui se confirme." Et c'est signé Jacques Dumais. Je pense qu'il faut être optimiste. Ici, dans le journal Le Quotidien, un éditorialiste, Bertrand Tremblay, citait le président de la Bourse de Montréal, M. Pierre Lortie, qui disait: "Québec offre, et de loin, le meilleur environnement sur le plan fiscal pour le financement des entreprises". Et c'est M. Pierre Lortie, de la Bourse de Montréal, qui disait cela, il y a quelque temps. Je prends ici un autre titre dans le Journal de Québec: "L'économie du Québec a le vent dans les voiles." Nous avons tout lieu de croire que nous allons nous en sortir, parce que nous avons fait la preuve de notre capacité. Nous avions un programme qu'on a appelé Corvée-habitation. C'est cela, de la concertation. Nous avons demandé aux banquiers, aux financiers, aux municipalités, aux travailleurs et aux professionnels de se mettre ensemble pour aider à la reprise de la construction, parce que tant va l'habitation, tant va aussi l'économie.

Qu'est-il arrivé avec cet esprit de concertation et cet esprit audacieux de la part du gouvernement? Cela a été un succès phénoménal. Nous avons mis en chantier 26 000 logements, de janvier à août. Qu'est-il arrivé dans le reste du Canada? Au Québec, entre autres, nous avons eu 135% de plus de construction que l'année dernière, 135% de plus de construction cette année que l'an dernier à cause de Corvée-habitation. Pendant ce temps, en Ontario, cela a été 73% de plus et, dans le reste du Canada - l'ensemble du Canada - cela a été 44%. Je pense qu'avec l'esprit de concertation, l'esprit de dynamisme, avec le programme de Corvée-habitation qui a été mis sur pied, il y a quelques années, nous avons ici des résultats tangibles. En parlant de concertation, nous avons créé avec la Fédération des travailleurs du Québec, la FTQ, un fonds de solidarité, un fonds d'investissement constitué de cotisations des travailleurs. Je pense que c'est une autre initiative qui fait en sorte qu'on pourra donner le moyen à des syndiqués, à des travailleurs d'aider et de soutenir l'entreprise, quelle soit publique ou privée. (22 h 10)

Dans le dernier discours, on a parlé de déductions fiscales à la source pour ceux qui veulent aider au Fonds de solidarité des travailleurs. On voit que la confiance renaît. Dernièrement, j'ai fait le tour des caisses populaires, comme l'année dernière. Les gens étaient prudents, l'année dernière; on avait, entre autres, un fonds qu'on conservait dans des coffres et on ne dépensait pas du tout. Il y avait des caisses populaires qui accumulaient des épargnes de 10 000 000 $. Or, cette année, les gens se sont mis à avoir confiance et les 10 000 000 $ ont été lancés dans l'entreprise, dans l'industrie et aussi dans des commerces. La confiance renaît et on le constate aussi dans les grands investissements.

Une de nos richesses est bien l'électricité. Le Québec est à la veille de devenir la capitale... Enfin... Reynolds a investi plus de 500 000 000 $ dans l'aluminium. C'est la capitale de l'aluminium dont je voulais parler. Pechiney a investi 1 500 000 000 $ dans l'aluminium. Alcan vient d'annoncer 1 000 000 000 $ d'investissement dans l'aluminium. C'est ça, la confiance qu'on donne au Québec. Le Québec deviendra sûrement la capitale de l'aluminium dans quelques années.

Une voix: La capitale mondiale.

M. Champagne (Mille-Îles): On pourrait même dire la capitale mondiale de l'aluminium.

J'aimerais parler aussi de la relance économique à Laval, qui fait partie du comté de Mille-Îles, que je représente. Je suis content de voir que Laval adhère au plan de relance économique qui vient d'être mis sur pied par le gouvernement du Québec. En effet, la semaine dernière, la ville de Laval annonçait qu'elle adhérait au programme triennal d'immobilisations de l'assainissement des eaux. Elle a porté son montant d'investissement à 95 000 000 $ et cela va permettre de créer plus de 2280 emplois directs et indirects durant les deux prochaines années à Laval.

Je veux souligner le dynamisme du conseil exécutif de la ville de Laval qui a pris en main ce que le gouvernement offrait; on a investi 95 000 000 $ dans l'assainissement des eaux. L'assainissement des eaux, c'est une priorité. On a peut-être, hélas, trop souvent dans le passé, négligé notre environnement et on doit corriger cette erreur. Ces travaux de 95 000 000 $ vont permettre d'éliminer les déversements d'égouts dans la rivière des Prairies. On va aussi voir à ce que, à Lapinière, on ait une usine d'épuration des eaux. Alors, chapeau à la ville de Laval qui a contribué à créer des emplois et à relancer l'économie par l'assainissement des eaux.

Un deuxième élément du discours sur le budget de M. Parizeau était la suppression

de l'augmentation de la taxe sur l'essence pour les commissions de transport du Québec. Qu'est-il arrivé avec la Commission de transport de Laval? La semaine dernière, la CTL a décidé de remettre aux usagers les 500 000 $ à 600 000 $ qu'elle avait de moins à payer en taxe sur l'essence. C'est un autre exemple qui va faire que les usagers vont payer moins cher leur laissez-passer mensuel.

Lors du discours sur le budget de M. Parizeau on a peut-être, comme Lavallois, jeté momentanément un soupir de soulagement en entendant dire que le péage sur les autoroutes était gelé. J'espère que ce n'est qu'une étape. Moi, comme Lavallois, je vais toujours défendre l'abolition, je vais toujours viser à ce qu'on en arrive à l'abolition totale du péage sur les autoroutes, que ce soit à Laval, dans les Laurentides, dans Lanaudière ou dans les Cantons de l'Est. M. le Président, je l'ai dit, c'est peut-être une taxe déguisée; c'est arbitraire et c'est discrétionnaire. Pourquoi, ailleurs au Québec, sur les autoroutes ne paie-t-on pas? Je m'engage ce soir, comme Lavallois et comme député du comté de Mille-Îles qui représente la ville de Laval, à faire en sorte qu'on en vienne à l'abolition du péage sur les autoroutes.

M. le Président, j'ai une responsabilité comme député de Mille-Îles, comme député de la ville de Laval, celle du dossier culturel. Nous avons, à Laval, de nombreuses associations culturelles et c'est très important. On a constitué dernièrement un conseil consultatif de la culture. Il y a eu aussi la formation d'une fondation des arts. Nous avons aussi comme projet une maison des arts, à Laval. Je pense que la population a des besoins culturels; elle a besoin d'espace. Je m'engage à faire pression, pour mes concitoyens de Laval, auprès du gouvernement, auprès du ministère des Affaires culturelles, pour aider à l'implantation de cette maison des arts, pour aider aux arts d'interprétation, aux arts de création, aux arts visuels, que dis-je, aux arts en général.

Il y a aussi un dossier qui me tient à coeur énormément. C'est celui de la rivière des Prairies. En effet, il y a 50 ans, en 1929, on a bâti un barrage sur la rivière des Prairies et on défendait la libre circulation sur cette rivière. Avec l'Association de l'aménagement de la rivière des Prairies, avec des comités de citoyens, avec la chambre de commerce, avec la ville de Laval, avec d'autres associations, nous avons fait pression pour qu'on puisse construire une écluse, pour qu'on puisse retrouver la libre circulation sur cette rivière.

Dans une politique de loisir, de plein air, dans une politique de respect de notre environnement, je pense qu'il est tout à fait normal qu'on redonne l'usage de la rivière des Prairies aux Lavallois et aux Montréalais et je suis assez optimiste. Il y a quelques mois, Hydro-Québec déposait un rapport de faisabilité d'une écluse. Les coûts sont raisonnables et on dit que, techniquement, c'est faisable. Dans un esprit de relance économique et de création d'emplois, je pense qu'il serait de bon aloi, et même indispensable, de construire une écluse. Je m'engage à demander au gouvernement fédéral, au gouvernement provincial et aux gouvernements municipaux de faire en sorte qu'on puisse réaliser ce projet. Bien sûr, c'est une question de coût. Combien cela va-t-il coûter et qui va payer? Mais tous ces paliers de gouvernement devront s'asseoir à la même table pour essayer de réconcilier les Lavallois et les Montréalais et redonner la libre circulation à notre rivière.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Mille-Îles, veuillez, s'il vous plaît, conclure.

M. Champagne (Mille-Îles): Voici, je dirai simplement que le nautisme est très important. Il y a 114 000 embarcations dans la région métropolitaine; 400 000 personnes font du nautisme et cela injecte 100 000 000 $ au point de vue économique. C'est bien beau, les grands voiliers en 1984. Je vais espérer que nous allons faire le tour de l'île très prochainement.

M. le Président, rigueur administrative, relance économique, on a donné l'exemple. L'entreprise privée prend l'exemple du gouvernement. Je pense qu'il y a un effort de la part de tous, il y a une concertation, il y a de la confiance et notre principal défi, actuellement, c'est de donner de l'ouvrage à tout le monde, c'est d'aider particulièrement les jeunes. Mais si on s'y met tous ensemble, on arrivera à faire de tous les Québécois des Québécois heureux dans un Québec heureux. Merci, M. le Président. (22 h 20)

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Joan Dougherty

Mme Dougherty: M. le Président, tout le monde parle de la crise économique. Chaque mois, on lit dans les journaux de nouvelles analyses de Statistique Canada qui révèlent un triste tableau: des milliers de chômeurs, des milliers de bénéficiaires de l'aide sociale qui ont épuisé leur droit à l'assurance-chômage.

Si on analyse ces chiffres, on constate que c'est le Québec qui a été le plus frappé par la crise et même si le Québec a bénéficié dernièrement de quelques retombées de la reprise économique canadienne, la reprise de l'économie du Québec comme telle n'a pas même commencé.

Chacun de nous connaît quelqu'un qui a

perdu son poste et plusieurs jeunes qui ont cherché en vain un job. Chacun de nous est sensible au fait qu'être sans travail, c'est se sentir inutile, se sentir dévalorisé.

Donc, pour apprécier l'ampleur de la crise, il faut ajouter aux chiffres économiques des indicateurs de la crise morale et sociale, comme le nombre croissant des suicides chez les jeunes, des maladies physiques et mentales qui glonflent la clientèle de nos hôpitaux et de nos services sociaux. Quelles sont les raisons de cette situation tragique et comment peut-on sortir de cette crise? Let us see what the people who are in a position to know say about the situation.

M. Rodrigue Tremblay, who was the former Minister of Industry of Québec from 1976 to 1979 - he is now teaching at the University of Montreal - said these things in an article in the Wall Street Journal, in February the 11th, 1982. He said: "The most critical threat to Québec's prosperity arises not from its cultural differences but from a more or less out of control public sector. Québec's public sector is crushing the vitality and competitiveness of the productive side of our economy. Québec has become a very high cost economy and is faced today with a dire choice: either reverse the 20 year pendulum movement of the so-called quiet revolution which has gone too far and is turning into a financial and economic nightmare, or loose more of its population, especially the young, to faster growing regions elsewhere in Canada. "Over the last five years, twice as many people have left Québec as have entered, with the result that there has been a net outflow of 25 000 people each year. "One should add to all this a wasteful political guerilla warfare between Québec and Ottawa, and the highest legally imposed minimum wage in North America. Furthermore - I am still citing Rodrique Tremblay - while Québec has 26% of the Canadian population, it has 35% of the Canadian unemployed persons and it has close to 50% of all Canada's days lost in industrial relations difficulties."

Mr. Tremblay concluded that nothing less than a revolution in political and social thinking is needed. Increased productivity in the public sector is a must if the social progress of the last 20 years is to be continued but, even more important, a lower tax burden in the private economy and more investments to restore Québec's competitiveness and to create the new employment which the public sector can no longer provide.

Le Conseil du patronat has recently summarized their opinion as follows: "Pour créer un climat favorable à l'investissement privé, seule source véritable d'emplois productifs et permanents, il faut créer un climat général favorable à l'investissement, réduire le fardeau fiscal des particuliers, réduire les dépenses gouvernementales, réduire le rôle de l'État, laisser respirer les entreprises, refuser la négociation sectorielle, faire preuve de réalisme dans les lois du travail et arrêter de parler de l'indépendance.

L'Ordre des ingénieurs du Québec a déclaré récemment: "II y a une chose que la récente récession nous a enseignée, c'est qu'il n'existe aucune garantie de prospérité ou même de sécurité dans ce monde. Nous sommes tous soumis aux lois fondamentales de l'économie, qui sont simplement qu'avant de distribuer la richesse il faut d'abord la créer. L'acquisition d'une dimension technologique nous apparaît comme la seule voie dans laquelle notre pays puisse s'engager pour se maintenir et progresser."

L'Ordre des ingénieurs a dit: "La notion de profit est un stimulant essentiel pour notre créativité, notre esprit d'innovation, notre rendement et notre productivité. Quant à l'excellence, elle doit être un objectif. Nous devons avoir l'ambition et la combativité pour devenir meilleurs que les autres."

The Canadian Manufacturers Association has recently said: "II est maintenant largement reconnu que nous sommes dans une guerre mondiale, une guerre de "survival of the fittest", où les gagnants seront ceux qui manifestent les meilleures idées, les meilleures capacités créatrices, la plus grande adresse à exploiter leurs idées pour des fins utiles. Notre qualité de vie en dépend."

Vincent Prince, dans le journal La Presse, le 17 mai 1982, disait: "L'exemple japonais est absolument convaincant. L'avenir n'est pas nécessairement à ceux qui disposent d'abondantes richesses naturelles, mais à ceux qui sauront devenir compétitifs en recourant au maximum à la technique la plus perfectionnée. "L'économie, pour se développer, suppose un contexte favorable aux investissements. De plus, le domaine des relations du travail est d'une importance également capitale. Si le Québec continue de maintenir son championnat des grèves idéologiques et interminables, les plus beaux plans de redressement ne sauraient mener nulle part."

Dominique Clift, observateur très attentif de la réalité québécoise, déclarait récemment dans le Globe and Mail, le 22 mars 1983, dans un article intitulé "Beyond Nationalism in Québec": "There comes a moment when leaders must focus on pressing requirements of productivity and economic growth, and this is the point where liberation politics break down. The problem is that existential victims are not achievers and they are not proned to the kind of action

required in the prosaic and workaday world. The core of the matter is right there. The Pequiste political speech is coming under growing criticism because it is more and more out of place, discordant in a world where the true liberation can only come from personal or collective achievement of another kind: economic, social and cultural excellence." (22 h 30)

And finally, Claude Hamel, le président de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, a dit, dans un article paru dans le Devoir, le 5 octobre 1983: "Les universités ne font plus partie des priorités gouvernementales." On veut prendre le virage technologique? L'apport universitaire y est essentiel. Si les compressions budgétaires devaient continuer d'affaiblir l'infrastructure de la recherche, le danger guette que se démembrent rapidement des équipes de recherche qu'on a pris de 10 à 20 ans à constituer. L'enseignement de la recherche universitaire doit compter désormais parmi les plus grandes priorités du gouvernement, sans quoi on renonce à investir dans l'avenir."

En résumé, quelles sont les voies prometteuses pour l'avenir? Il est évident qu'il y a un consensus important dans ces témoignages. Ce consensus pourrait être résumé comme suit: Si nous voulons créer des emplois, il faut augmenter notre capacité d'être concurrentiels. Premièrement, il faut réduire le poids de l'État pour laisser respirer le secteur privé qui est le véritable moteur de l'économie et la source des revenus dont nous avons tellement besoin.

Deuxièmement, le rôle de l'Etat doit être réorienté afin de créer de meilleures conditions fiscales, sociales et politiques, propices à attirer l'investissement et à permettre à nos entreprises d'être concurrentielles dans l'économie mondiale. Cela veut dire qu'il faut réduire les taxes, il faut réduire les réglementations gouvernementales, il faut assainir les relations entre nos travailleurs et nos employeurs afin de les réorienter sur une base de responsabilité mutuelle et non pas sur une base de confrontation. Finalement, il faut rétablir la stabilité politique en cessant de parler de l'indépendance.

Troisièmement, dans la révolution technologique, le gouvernement doit assumer un rôle de leadership et non pas un rôle de gérance, les rôles d'encouragement et d'appui pour l'innovation, pour l'esprit d'entrepre-neurship qui est au coeur de notre capacité d'être concurrentiels. Ce qui est primordial, c'est que le gouvernement trouve le courage de s'engager dans une stratégie à long terme. Les stratégies improvisées à court terme sont souvent plus populaires auprès de certains électeurs, mais ne nous assureront pas le succès dans la guerre économique mondiale.

Quatrièmement, le gouvernement doit s'engager dans une stratégie globale en ce qui concerne le développement de nos ressources humaines. C'est une véritable révolution des valeurs qui s'impose, mais une révolution qui demande qu'on fasse notre possible pour libérer et maximiser notre potentiel. Il faut réorienter nos énergies, toutes les activités de nos institutions publiques, parapubliques et privées pour qu'elles puissent favoriser l'excellence de nos ressources humaines, l'excellence des idées, des produits et des services que nous offrons à notre société et au monde entier.

Pendant le temps qu'il me reste, M. le Président, j'aimerais parler du quatrième élément, le développement de nos ressources humaines, parce que je suis convaincue que notre meilleure ressource est notre capital humain. Si nous ne faisons pas un effort massif pour équiper nos citoyens des meilleurs outils pour survivre dans la course technologique, pour maximiser et libérer leur potentiel créateur, le fameux virage technologique ne sera qu'un voeu pieux qui ne se réalisera jamais au Québec, faute de courage et de détermination de réussir, faute de compétence à relever le défi de la révolution des connaissances technologiques.

Pour bâtir nos ressources humaines, il faut commencer à l'école. It is time to stop fooling ourselves about the importance of language. First of all, first language. As the world becomes more sophisticated, it is absolutely essential that all of our citizens be literate. You would think that this was self-evident, but the truth is that we have hundreds of thousands of Quebecers who read, write and speak very poorly. A large number of our children and adults cannot read at all.

A feature article in the Gazette, last Saturday, reported that Concordia University, which is deeply concerned about the situation, has introduced literacy tests as a requirement for graduation. The first test was administered two weeks ago to 59 students; the result: only 22 passed. It is time to ask ourselves: How did we get into this situation? How did it come about? How did these students ever get through school? And what is the Government prepared to do about it?

The Government's response seems to be to change the system which we use to teach our children to read. The fact is that most children learn to read no matter what the system. It is the 15% to 20% who have difficulty that we have to worry about, the 15% to 20% who need special help and special teaching. Everybody knows they have a problem all through school, but the special help that they need so much does not seem to be available. In fact, successive budget cuts in our school systems have made these

critical teaching resources less and less available to our children.

L'apprentissage d'une langue seconde est d'égale importance. Il est impensable que tous les enfants du Québec ne puissent avoir la chance de bien apprendre le français et l'anglais. Une des réalités de la révolution technologique est que c'est une chose internationale et que le succès appartiendra à ceux qui peuvent fonctionner dans un contexte international multilingue.

Nous devons vendre une grande quantité de nos produits et de nos services en dehors du Québec si nous voulons survivre. Nous devons rechercher de nouvelles idées et de nouvelles technologies à travers le monde entier, si nous voulons que nos industries et nos compagnies soient concurrentielles. La grande tristesse de la loi 101, c'est que le gouvernement a vendu l'illusion à des multitudes de Québécois qu'ils pouvaient vivre en français seulement, surprotégés par la loi 101. Il est encourageant de voir que certains parents se réveillent et demandent un meilleur apprentissage de la langue seconde pour leurs enfants, et en plus bas âge.

It is urgent that the Government listen and respond to these demands; otherwise, a whole generation of Quebecers will rendered incompetent to meet the challenges of functioning in the larger world. (22 h 40)

J'ai aussi de sérieuses questions sur les faiblesses de l'éducation dans le domaine des sciences et des mathématiques dans nos écoles. Il me semble que la philosophie même qui est à la base de notre système d'éducation publique diminue le climat d'excellence qu'on veut nourrir. L'accent sur l'égalitarisme risque de mener à la médiocrité. Le problème est accentué par le fait que la plupart de nos enseignants ont une faible formation en sciences et en mathématiques. Un urgent recyclage s'impose à cet égard. Pis encore, j'ai peur que le nouveau régime pédagogique n'aille institutionnaliser la médiocrité. Le régime qui met l'accent sur l'acquisition des connaissances selon des objectifs minimums va jouer contre nos étudiants, nos esprits créateurs, nos futurs leaders dans la révolution scientifique et technologique. Même si l'intention exprimée par le ministre de l'Éducation est bonne, à savoir d'augmenter les standards de fond en comble, je prévois des résultats graves pour ceux qui aspirent au défi de l'excellence. En effet, la preuve que mes craintes sont justifiées est déjà évidente dans les nouveaux programmes des cégeps. Pour compléter le malheureux cercle vicieux, le gouvernement a l'intention de diluer les matières dans les cours de sciences et de mathématiques au cégep pour accommoder le nouveau régime pédagogique au niveau secondaire. Cette façon d'agir est totalement inacceptable pour un gouvernement qui prêche l'importance de relever le défi du virage technologique.

Si les problèmes au niveau secondaire et au cégep sont graves, la situation au niveau universitaire est pire. Au cours des cinq dernières années, ce sont les universités qui ont subi les plus grandes coupures budgétaires par rapport aux autres secteurs de l'éducation, 270 000 000 $ en cinq années et ceci en dépit d'une augmentation substantielle de leur clientèle. Le niveau général de financement de nos universités est rendu au point où on risque de sacrifier leur mission primordiale, la poursuite de l'excellence. Pendant que le gouvernement prêche l'importance de la recherche et la nécessité d'encourager une formation plus poussée, le gouvernement siphonne 20 000 000 $ additionnels des budgets actuels, malgré les fortes protestations du Conseil des universités et de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec.

Je viens de compléter une tournée des universités. Partout, j'ai entendu la même triste histoire: des laboratoires désuets, une pénurie de professeurs dans les secteurs de pointe, une formule de financement peu favorable au développement des deuxième et troisième cycles, le vieillissement inquiétant du corps professoral, un manque d'argent pour remplacer ceux qui partent, une détérioration générale de l'infrastructure, des bibliothèques inadéquates, des salaires non compétitifs avec le secteur industriel - en génie, par exemple - un manque d'espace pour répondre aux demandes dans le domaine de la micro-électronique, etc.

Dans la Presse du samedi 3 décembre, M. Lacoste, recteur de l'Université de Montréal, a déclaré: "Nous ne pouvons plus être résolument tournés vers l'avenir comme nous devrions l'être pour répondre à des besoins urgents et manifestes de développement, notamment dans certains secteurs de pointe. Une société ne peut envisager de prendre sérieusement le virage technologique sans considérer prioritaires la recherche et les études universitaires."

La gravité de la situation pour l'avenir de la recherche est longuement analysée dans le récent rapport du Conseil des universités, intitulé L'impasse du financement fédéral sur le développement du réseau universitaire. Le ministre de l'Éducation a demandé ce rapport en mai 1981 pour justifier sa conviction que le gouvernement fédéral doit se retirer de ce champ d'intervention et consentir aux provinces les transferts fiscaux qui leur permettent d'assumer leurs responsabilités. Le rapport fait aujourd'hui boomerang. Ce n'est pas l'alarme constitutionnelle qu'il faut sonner, dit-il, puisqu'il y aurait moyen de mieux contrôler l'influence fédérale. Le vrai problème est que les centres d'excellence

décollent ou se consolident au pays, tandis que le Québec francophone, mal préparé à prendre le virage, traîne lamentablement de l'arrière.

Il est vrai que le Québec ne reçoit pas sa part des fonds pour la recherche universitaire, mais il ne s'agit pas là de discrimination. Le problème ressemble à celui de la poule et de l'oeuf. Sur plus de 2000 étudiants de maîtrise et de doctorat en sciences naturelles et en génie au Québec, la moitié seulement sont inscrits dans une institution de langue française. Cette sous-productivité vient-elle de la faiblesse de l'infrastructure de recherche ou est-elle elle-même à l'origine du maigre taux de participation québécoise à la recherche? Le résultat, de toute façon, est assez catastrophique.

Les énoncés récents du premier ministre et du ministre Laurin ne constituent pas une réponse satisfaisante. Il est urgent qu'on regarde le problème d'une façon globale et non pas pièce par pièce et de façon improvisée. La même situation existe en ce qui concerne l'éducation des adultes. Le gouvernement parle de l'importance de la formation professionnelle et du recyclage qui s'impose pour les femmes qui sont les plus touchées par la révolution micro-électronique et par l'automatisation de nos entreprises. L'objectif est bon, mais est-ce réaliste d'attendre que nos institutions aient la capacité de répondre à ces besoins étant donné que, chaque année, le gouvernement coupe sévèrement le budget consacré à l'éducation permanente?

Combien de temps me reste-t-il? Trois minutes. Merci.

Je n'ai pas le temps de discuter une autre situation déplorable, celle des "dropouts", mais je crois qu'une société qui aspire à prendre le virage technologique ne peut pas tolérer un taux de décrochage de 30%. C'est une manifestation flagrante de la faiblesse de notre système d'éducation.

It is urgent, Mr. Speaker, that we address all of these problems now. We are already very late. It is urgent now that we develop a global strategy to allow our citizens to recycle and retrain themselves on an ongoing basis. It is time for industry, education, government and unions to sit down together to work this out. Job security in future will not come from job protection clauses in labour contracts, it can only come from the provision of retraining and upgrading opportunities. We must devise a global plan not of unemployment insurance, but of skilled training insurance; this is our best hedge against the unknowns of the future.

Je considère qu'un gouvernement qui veut prendre le virage technologique devrait nourrir l'excellence, devrait établir, comme première priorité, la qualité de ses ressources humaines. Dans la révolution technologique, ce sont les connaissances qui vont nous donner le pouvoir. "Knowledge is power". Si on sacrifie nos universités et nos autres organismes éducatifs, on risque de manquer le bateau faute de compétences pour relever le défi d'être concurrentiels dans l'économie mondiale. Il faut investir aujourd'hui dans notre capital humain, c'est la seule façon d'assurer un avenir sain et prospère pour le Québec. (22 h 50)

Pour toutes ces raisons, M. le Président, j'appuie la motion de mon collègue, le député de Vaudreuil-Soulanges, qui se lit comme suit: "That this Assembly firmly condemns the Government for having presented a supplementary budget for 1983-1984 which has nothing concrete or specific to the vague measures outlined by the Prime Minister on November 13th." Thank you, Mr. Chairman.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci, M. le député de Trois-Rivières. M. le Président, tout d'abord, un geste parlementaire: féliciter les deux élues de l'élection complémentaire de ce soir dans Jonquière et dans Mégantic-Compton. Bien sûr que je le dis avec un peu d'amertume, mais je les félicite, quand même. C'est le jeu de la démocratie.

C'était une petite phrase gentille envers les gens de l'Opposition, malgré un discours tonitruant, choquant, choquant, extrêmement choquant, qui manque totalement de réalisme, de la part de la députée qui m'a précédé, Mme la députée de Jacques-Cartier. C'est malheureux d'avoir un comté qui a un aussi beau nom et de le "maganer" avec une telle représentation.

Une voix: Cela, c'est vrai.

M. Blais: Cela me fait penser aux années 1967-1968 où il y avait des gens qui voulaient aller sauver le Canada. De la façon dont les gens de l'Opposition parlent, ils le font comme si tout était médiocre au Québec, y compris les gens du gouvernement et ils se posent comme les grands sauveurs de ce Québec dans une élection générale qui viendrait. Je me souviens, M. le Président, et vous aussi, des trois colombes qui se sont envolées calmement vers Ottawa, toutes de blanc vêtues, parce qu'en 1966 il y avait un premier ministre, qui était de l'Union Nationale au Québec, qui disait: "Égalité ou indépendance." Et on voyait à l'époque le RIN essayer de prendre en main le pouvoir pour la nation québécoise. Et on a vu aussi, dans les années 1968, se former le Parti

québécois. Un premier ministre au Québec, réaliste, qui disait: Souveraineté ou indépendance. Alors, c'était l'oeuf et la poule tantôt. À l'époque, c'étaient les trois colombes pour aller sauver le Canada. Je crois qu'une autre fois on veut faire faire encore un parcours aux Québécois. On veut essayer de ramener des anciens sauveurs que le peuple a éliminés lors d'une certaine élection, dont le slogan était "Non aux séparatistes". Imaginez-vous.

On nous dit qu'au référendum on a réglé le problème parce qu'on a perdu à 40-60. Mais, en 1976, il y avait un premier ministre qui a fait une élection. Son slogan, c'était "Non aux séparatistes". Il a perdu. Donc, ce doit être réglé; on lui a dit non. On revient avec des oeufs, des poules. Cela va finir en omelette encore, c'est sûr. Il y a deux écoles et c'est cela qui est malheureux pour la nation francophone du Québec. Nous avons quelqu'un à Ottawa qui est francophone, qui est une personne très capable, très très capable. Et nous avons au Québec un premier ministre francophone, puissant, solide et capable. Et le peuple du Québec regarde ces deux hommes qu'il admire et se demande lequel des deux il doit écouter. En 1976, à l'élection générale, et en 1981, à l'élection générale il a dit: Au Québec, c'est la politique et l'idéologie du premier ministre actuel que le peuple québécois veut choisir. S'il y avait une élection générale aujourd'hui, il est fort possible que nous aurions des difficultés.

Ces deux hommes sont des gens que j'admire beaucoup. L'un cependant, me prêche, comme citoyen du territoire québécois, la soumission totale. Le premier ministre actuel du Canada dit: Toi, comme individu au Québec, tu fais partie d'une tribu, tu ne fais pas partie d'une nation. L'autre à cûté, qui est notre chef actuel, nous dit: Renaissance et espoir! Renaissance et espoir dans notre nation! Je préfère l'espoir de notre chef actuel à la soumission du premier ministre du Canada.

En 1954, dans Cité libre, M. Trudeau écrivait - je le cite à peu près textuellement - Les francophones au Québec sont une tribu qui fume le calumet de paix sous des wigwams et ils envoient à Ottawa des sorciers pour les représenter. Un seul homme, dit-il un peu plus tard, encore dans Cité libre, vers 1961 ou 1962, Wilfrid Laurier, est un francophone valable à Ottawa. Tous les autres n'étaient que des sorciers. Il est là maintenant, avec son groupe.

S'il désire que nous fumions le calumet de paix, M. le Président, sous le wigwam, je m'y refuse. J'aime mieux le laisser avec son groupe, de l'autre côté, édifier une tente et je les laisse s'enfumer seuls. Je préfère, entre les deux hommes que j'admire, celui qui représente l'idéologie que notre parti défend, cette fierté, ce respect du peuple francophone québécois, qui se veut - c'est l'article no 1 de notre programme - la souveraineté de notre territoire, le Québec.

Quand j'entends un discours défaitiste comme celui-là, où les ressources humaines et les moyens pris pour améliorer la situation ont comme équivalents la médiocrité, M. le Président, cela me laisse pensif, cela m'horripile, cela me fâche, pour ne pas dire plus parce que ce ne serait pas parlementaire. Je m'excuse de cette introduction, mais la façon dont on nous a parlé, de l'autre côté, demandait une réponse au moins un peu acerbe.

Une voix: Vigoureuse.

M. Blais: J'ai essayé d'être le plus poli possible...

Une voix: Trop.

M. Blais: ...même si le langage que vous avez tenu à notre endroit était extrêmement blessant.

Une voix: C'est vrai.

M. Blais: Chaque parole était un glaive à travers notre corps. Je m'excuse, mais j'avais à le dire et je l'ai dit. C'est malheureux, mais c'est ainsi.

M. le Président, on nous dit de l'autre côté: Tout est médiocre. Tout ce que nous faisons de ce côté-ci est médiocre, stupide, vide de sens, incohérent. Vous ne dites que cela. Quand on répète ce qu'ils ont dit, ils se "bourrent" à cela. Ils applaudissent et ils aiment cela.

Une voix: Ils se "bourrent" à ça? Bourassal

M. Blais: Oui, monsieur. Je tiens à vous dire, M. le Président, que, de ce côté-ci de la Chambre, il y avait, à cause de la crise économique et à cause du contexte dans lequel nous vivions, quelques oui et quelques non à dire comme gouvernement. Ces non et ces oui, nous les avons dits à temps, au détriment de notre popularité, et nous le savons. Avant de poser les gestes, nous le savions. (23 heures)

Tout d'abord, la crise économique, elle était mondiale. Le Québec, à ce que je sache, fait encore partie de cette planète et est attaché à ce pays que nous appelons Canada. Le gouvernement, pour mater la crise budgétaire engendrée par la crise économique, a dû, en 1980-1981 et ou 1981-1982, prendre des mesures très impopulaires parce qu'il a le sens des responsabilités comme gouvernement. Nous avons fait faire des sacrifices à nos 322 000 employés.

Je me souviens de quelqu'un - il n'est plus député, on peut le nommer aujourd'hui, M. Forget - qui était là à l'époque et qui avait dit qu'il quittait les rangs du Parti libéral parce que l'Opposition n'était pas assez positive, l'Opposition ne voulait pas faire passer une de ses idées qui était celle-ci: il faut absolument, dans l'année qui vient, couper 1 000 000 000 $ dans les salaires de la fonction publique. Il a dit cela le lendemain de sa démission: Je suis avec des gens irresponsables. Je fous le camp, mais, malgré tout, je reste libéral. Cette dernière phrase, je ne l'ai pas comprise. Je suis avec des irresponsables, je fous le camp, mais je demeure dans leur clique. Il a dit: II faut couper 1 000 000 000 $.

De l'autre côté, on a maugréé contre ce geste rationnel que nous devions poser. Nous n'avons pas coupé 1 000 000 000 $, M. le Président. Il y avait dans la convention collective, si je me rappelle bien les chiffres, 899 000 000 $ à verser en augmentations. Nous avons demandé à nos employés de couper 521 000 000 $. Cela faisait mal, nous le savons. Nous avons arrangé cela après pour que ce soit 400 000 000 $. On a redonné 121 000 000 $. C'était tout de même important. Dans les budgets suivants, c'était récurrent. Nous l'avons imposé et nos employés, aujourd'hui, on se doit de les féliciter. Ils avaient le droit de faire une lutte contre nous là-dessus. Ils l'ont faite. Aujourd'hui, on voit qu'ils commencent à accepter, pas de gaieté de coeur, mais, eux aussi, avec leur raison, cette coupure un peu draconienne qu'on a dû faire à cause des circonstances. Un geste.

Deuxième geste, on a fait des coupures dans les frais de service et on a imposé de nouvelles taxes. On dit: Ces taxes sont là jusqu'à ce que la reprise économique recommence. Eh bien, cela veut dire à peu près 1 000 000 000 $ à chaque palier. Nous avons donc fait des coupures d'environ 3 000 000 000 $. C'est pour cela que notre déficit est de 3 280 000 000 $ actuellement, avec le dernier discours sur le budget, plutôt que de 6 300 000 000 $ à peu près; c'est ce qu'on appelle un gouvernement qui veut gérer les finances de l'État de façon rationnelle.

On voit qu'il y a quelqu'un à l'extérieur de la Chambre qui part de très loin, qui n'ira peut-être pas très loin et qui vous revient. Après la main de Dieu, le défenseur des gueux. Il nous revient et il dit: Je veux retourner au gouvernement pour assainir les finances de l'État. Nous avons un degré de popularité qui a descendu, justement, parce que nous avons été assez responsables dans nos budgets depuis 1980 pour vraiment assainir, dans la crise, les finances de l'État. Je ne vois pas quelle leçon d'administration ce nouveau champion d'une sorte de libération de la nation veut venir donner, à la tête de la population. Voilà.

Nous avons réagi à la crise économique après ces coupures. Il y a eu le plan Biron. Il y a eu le lac Sainte-Anne.

M. Vaugeois: Le mont Sainte-Anne.

M. Blais: Le mont Sainte-Anne. Merci, M. le député de Trois-Rivières. Ensuite, le nouveau budget. Le gouvernement endosse 2 000 000 000 $ pour toutes les compagnies du Québec, un total de 2 000 000 000 $. Cela ne coûte pas très cher, vous allez me dire, mais, au moins, nos banquiers ont une certitude que, si jamais une de ces PME vient à faire faillite, ce que nous ne souhaitons pas, le gouvernement est là pour un remboursement de 66%.

Il y a aussi l'assainissement des eaux. Il y a les installations et les supports de tous nos gros projets et nous avons fait tout cela et nous avons aussi, depuis un an, créé le plus d'emplois dans tout le Canada. C'est donc dire que, par son sens administratif, sa décision de couper les dépenses, son habileté à gérer de façon scrupuleuse les finances de l'État, notre gouvernement a pris ses responsabilités de façon fort satisfaisante, malgré le négativisme d'Ottawa, le S-31, les F-18, le rapatriement de la constitution, le Nid-de-Corbeau, la formation de la commission Macdonald.

On nous prend sur tous les fronts, du côté culturel, du côté économique. Du côté culturel, on a dit: II faut absolument que le gouvernement fédéral investisse plus dans la culture, comme si cela le regardait. Du côté économique, malgré le S-31, malgré les fausses retombées du F-18, on fait la commission Macdonald pour essayer, encore une fois, de serrer davantage, de déstabiliser autant que faire se peut les finances de la nation québécoise.

Il arrive aussi - parce qu'ils sont beaucoup plus bas en popularité que nous -que les députés fédéraux se promènent dans nos comtés avec 1 000 000 $, 2 000 000 $ ou 3 000 000 $ qu'ils distribuent à qui mieux mieux ou qu'ils essaient de distribuer à qui mieux mieux aux municipalités. Elles sont très rares, M. le Président, les municipalités qui ont osé poser une geste anticonstitutionnel; elles sont très rares et on doit ici féliciter les municipalités du Québec. On nous accuse, nous, de ne pas aimer l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, mais, au moins, tout en le détestant, nous le respectons, tandis que le gouvernement fédéral, par ses gestes, veut que les municipalités ne le respectent pas.

Après les discours que nous avons entendus de l'autre côté, j'aimerais beaucoup que ces gens pensent qu'un jour ils seront peut-être au pouvoir. Je ne le souhaite pas, mais, à tenir des propos d'éteignoirs

économiques comme ceux qu'ils tiennent, ils contribuent à saper la confiance des investisseurs et, si jamais ils prennent le pouvoir, ils en subiront eux-mêmes les conséquences. Ils nous demandent même de ne pas parler de souveraineté. Là-dessus, vous repasserezl Nous parlons ici de souveraineté comme on respire et, à ce que je sache, le Parti québécois a de très bons poumons.

Les taxes commencent déjà à baisser parce que la reprise économique se fait. Dans le budget supplémentaire que M. le ministre des Finances vient de déposer, il y a une baisse de 10% de la taxe sur l'essence, il y a 20% de réduction sur l'essence pour les transports en commun, il y a 0,04 $ le litre pour les taxis, mais il faut dire qu'il y a 500 $ déductibles; cela veut donc dire que les taxis sont considérés comme du transport en commun et c'est à peu près l'équivalent de 20%.

Une voix: Transport collectif.

M. Blais: M. le Président, on me fait remarquer que c'est du transport collectif.

Je tiens à dire que, comme gouvernement, nous voulons la relance, nous faisons en sorte qu'elle se fasse, elle est recommencée. Je suis persuadé que le peuple québécois, petit à petit, dans les mois qui viennent, comprendra que le gouvernement qui est ici est un gouvernement responsable et qu'aux prochaines élections générales nous serons encore là et que je vous appellerai encore M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: M. le Président, m'étant entendu avec ma collègue de l'autre côté de la Chambre, je demanderais l'ajournement du débat, s'il vous plaît;

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: Adopté, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Cette motion d'ajournement est adoptée.

M. Boucher: Je ferais motion pour que nous ajournions nos travaux à demain, 10 heures, alors que nous terminerons l'étude du projet de loi sur le taxi et entreprendrons l'étude du projet de loi 38.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion d'ajournement de nos travaux est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Nos travaux sont ajournés à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 11)

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