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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 14 mai 1996 - Vol. 35 N° 20

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Table des matières

Affaires courantes


Journal des débats


(Quatorze heures cinq minutes)

Le Président: Nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Merci. Si vous voulez bien vous asseoir.


Affaires courantes

Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

À l'étape de la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article c de notre feuilleton.


Projet de loi n° 14

Le Président: À l'article c du feuilleton, M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances présente le projet de loi n° 14, Loi modifiant la Loi sur le courtage immobilier. M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Ce projet de loi attribue expressément à l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec le pouvoir d'intenter des poursuites pénales en regard de certaines infractions prévues à la Loi sur le courtage immobilier. Il lui permet de plus de conserver les amendes lorsqu'elle a assumé la conduite de la poursuite. Le projet modifie aussi le délai de prescription de certaines infractions.

Par ailleurs, le projet de loi confère notamment à l'Association et à certaines personnes qui agissent pour elle une immunité à l'égard des actes accomplis de bonne foi dans l'exercice de leurs fonctions. Il modifie enfin certaines règles relatives à la fixation des droits qu'elle peut exiger de ses membres.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article b de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 11

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation présente le projet de loi n° 11, Loi modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance et d'autres dispositions législatives. Mme la ministre de l'Éducation.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Ce projet de loi modifie la Loi sur les services de garde à l'enfance afin d'établir de nouvelles règles portant, notamment, sur la délivrance des permis et le financement des services de garde et des agences de services de garde en milieu familial.

Ce projet de loi vient préciser quelles personnes peuvent se voir délivrer un permis, les qualités requises de ces personnes ainsi que leurs obligations. Il prévoit que seules la coopérative dont le conseil d'administration est composé majoritairement de parents usagers et certaines personnes morales sans but lucratif peuvent détenir un permis d'agence de services de garde en milieu familial et il permet à un CLSC d'obtenir un permis de garderie, de jardin d'enfants ou de halte-garderie. De plus, il précise la composition du comité de parents.

Ce projet prévoit également que toute personne physique qui fournit un service de garde dans une résidence privée où elle reçoit au moins sept enfants, y compris ses enfants et ceux de la personne qui l'assiste qui ont moins de neuf ans, doit être reconnue par une agence. Il prévoit de plus que la personne reconnue doit fournir au titulaire du permis d'agence les informations nécessaires à l'obtention de subventions et à la formation du comité de parents.

En matière de financement, ce projet modifie le mode de fixation et de répartition des places subventionnées et vient préciser à quelles personnes sont attribuées l'exonération, l'aide financière et les subventions. Ainsi, seules sont admissibles les agences et garderies qui sont des coopératives ou des personnes morales sans but lucratif dont les conseils d'administration sont composés majoritairement de parents usagers ainsi que les garderies tenues par des établissements publics, des commissions scolaires et des municipalités. Il prévoit également, pour les services de garde en milieu scolaire, que le gouvernement peut affecter annuellement des sommes permettant d'accorder de l'exonération et de l'aide financière. Il maintient de plus, à certaines conditions, l'admissibilité pour les titulaires de permis qui reçoivent du financement.

Ce projet de loi modifie, en outre, la composition et les pouvoirs de l'Office. Il modifie également les dispositions pénales et celles touchant l'inspection et prévoit l'entrée en vigueur des dispositions relatives aux jardins d'enfants et aux haltes-garderies.

Enfin, ce projet modifie certaines définitions, apporte des modifications de concordance et contient des dispositions transitoires.

(14 h 10)

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Est-ce qu'on pourrait à ce moment-ci, M. le Président, s'informer auprès du leader du gouvernement ou de Mme la ministre si le gouvernement entend tenir des consultations générales quant à ce projet de loi qui affecte l'ensemble de la population?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, à ce stade-ci, nous ne sommes pas en mesure de répondre à ça. Nous verrons.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article e de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 21

Le Président: À l'article e du feuilleton, M. le ministre d'État des Ressources naturelles présente le projet de loi n° 21, Loi modifiant la Loi sur la Société de récupération, d'exploitation et de développement forestiers du Québec. M. le ministre d'État des Ressources naturelles.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi sur la Société de récupération, d'exploitation et de développement forestiers du Québec afin de préciser le mandat de la Société et de réviser les règles concernant la composition du conseil d'administration de la Société et son fonctionnement.

Ce projet de loi comporte également des modifications concernant l'administration et le financement de la Société, notamment en ce qui concerne le fonds social autorisé et les engagements financiers autorisés par la loi.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article f de notre feuilleton.


Projet de loi n° 28

Le Président: À l'article f du feuilleton, Mme la ministre de la Culture et des Communications présente le projet de loi n° 28, Loi sur la Société de télédiffusion du Québec et modifiant la Loi sur la programmation éducative et d'autres dispositions législatives. Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. Ce projet de loi a principalement pour objet de préciser la mission de la Société de radio-télévision du Québec, laquelle sera dorénavant désignée sous l'appellation «Société de télédiffusion du Québec» ou «Télé-Québec». La mission de la Société consiste à exploiter une entreprise de télédiffusion éducative et culturelle de même qu'un service de production et de distribution de documents audiovisuels multimédias et de télédiffusion afin de développer le goût du savoir, de favoriser l'acquisition de connaissances, de promouvoir la vie artistique et culturelle et de refléter les réalités des régions et la diversité de la société québécoise.

Ce projet de loi modifie la composition du conseil d'administration, qui sera formé au maximum de 10 personnes, dont un président du conseil d'administration, un président-directeur général de la Société, trois personnes provenant de diverses régions du Québec autres que celle de Montréal et d'un membre du personnel de la Société élu par ses pairs.

Ce projet de loi prévoit le dépôt par la Société d'un plan d'activités à tous les trois exercices financiers, lequel plan sera examiné par la commission parlementaire compétente.

En outre, ce projet de loi modifie la Loi sur la programmation éducative afin d'instituer le Comité de reconnaissance du caractère éducatif de la programmation, lequel sera chargé de déclarer le caractère éducatif de toute programmation radiotélévisuelle soumise par une entreprise de radiotélédiffusion ou de câblodistribution en remplacement de la Régie des télécommunications. Le projet de loi prévoit la composition de ce Comité et les règles concernant son fonctionnement.

Enfin, ce projet de loi contient des dispositions de nature transitoire et de concordance.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Alors, adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article g de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 20

Le Président: À l'article g du feuilleton, M. le ministre de la Justice présente le projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique. M. le ministre de la Justice.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, ce projet de loi propose une réforme du régime d'aide juridique.

Ce projet de loi énonce tout d'abord l'objet de l'aide juridique, qui est de permettre aux personnes qui y sont financièrement admissibles de bénéficier de services juridiques devant les tribunaux et dans les autres circonstances que le projet de loi précise. Ce projet de loi énonce ensuite les principes qui guident la gestion et la prestation des services d'aide juridique.

Ce projet de loi confère au gouvernement le pouvoir d'édicter par règlement les règles relatives à l'admissibilité financière des personnes qui demandent l'aide juridique. À cet égard, il rend l'aide juridique accessible à un plus grand nombre de personnes en introduisant, pour les personnes non admissibles à l'aide juridique gratuite, une aide moyennant une participation financière du bénéficiaire aux coûts de l'aide juridique. Par ailleurs, le projet de loi permet au comité administratif de la Commission des services juridiques d'exercer une discrétion afin de déclarer financièrement admissibles, dans certaines circonstances exceptionnelles, des personnes qui, autrement, ne seraient admissibles à aucune aide juridique.

Par ailleurs, ce projet de loi vient préciser les services juridiques pour lesquels l'aide juridique est accordée en matière criminelle ou pénale et en d'autres matières ainsi que, dans certains cas, à quelles conditions elle est accordée. De plus, ce projet de loi accorde au comité administratif de la Commission des services juridiques une certaine discrétion, en ce qui concerne les services pouvant faire l'objet de l'aide juridique, d'attribuer l'aide en certaines circonstances exceptionnelles.

Le projet de loi précise également la responsabilité de la Commission des services juridiques d'assurer un service gratuit de consultation téléphonique en matière criminelle et pénale. Il spécifie de plus les fonctions des centres d'aide juridique en ce qui a trait aux programmes d'information et de consultation juridique destinés à renseigner les personnes dites financièrement admissibles sur leurs droits et leurs obligations.

Le projet de loi apporte en outre diverses autres modifications.

Ainsi, il introduit un mécanisme de recouvrement des coûts de l'aide juridique et, à cette fin, confère au gouvernement le pouvoir de préciser par règlement les cas dans lesquels le bénéficiaire de l'aide juridique sera tenu de rembourser ces coûts.

Le projet de loi confie au ministre de la Justice le pouvoir de conclure des ententes relatives à l'aide juridique avec d'autres gouvernements ou encore avec le Barreau du Québec ou la Chambre des notaires du Québec.

Par ailleurs, le projet de loi confère à la Commission des services juridiques et aux centres régionaux d'aide le pouvoir de convenir avec des associations d'experts des honoraires et des frais auxquels ont droit les experts qui agissent à ce titre dans le cadre de l'aide juridique.

De plus, ce projet introduit diverses règles visant à assurer une administration efficace du régime d'aide juridique. Ainsi, il vient préciser que la Commission des services juridiques et les centres d'aide ne peuvent, au cours d'un exercice financier, faire des dépenses ou assumer des obligations dont les montants dépassent les sommes dont ils disposent pour cet exercice ni prendre des engagements supérieurs au montant autorisé à cette fin. Il prévoit également que les emprunts de la Commission des services juridiques devront être autorisés par le gouvernement. Par ailleurs, certains domaines d'activité pourront être réservés, suivant les circonstances, aux avocats et notaires à l'emploi des centres d'aide juridique ou aux avocats et notaires exerçant en cabinet privé, afin d'assurer une bonne administration des fonds publics.

Enfin, ce projet de loi apporte des modifications d'ordre terminologique afin d'harmoniser la loi avec les concepts introduits au Code civil du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. Avant de décider quoi faire avec la proposition du ministre, est-ce qu'il peut indiquer à cette Chambre s'il a l'intention de tenir des consultations générales sur le projet de loi sur la réforme de l'aide juridique?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, il y a eu de nombreux échanges sur ce dossier, déjà, de nombreuses consultations sur ce dossier. À ce stade-ci, je ne suis pas en mesure de vous dire s'il y aura d'autres consultations. On verra. Ça pourra faire l'objet d'échanges entre les deux leaders.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie, donc, de ce projet de loi? Sur division. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article d de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 13

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique présente le projet de loi n° 13, Loi modifiant diverses dispositions en matière de boissons alcooliques, de loterie vidéo et d'appareils d'amusement. M. le ministre de la Sécurité publique.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Oui. Alors, M. le Président, ce projet de loi modifie certaines règles prévues dans la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques, dans la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d'amusement et dans la Loi sur la Société des alcools du Québec.

Ainsi, en matière de saisie et de confiscation, le projet de loi crée de nouvelles présomptions quant à la nature des boissons saisies, assouplit les règles applicables à certaines saisies et permet que la confiscation de certaines choses saisies ait lieu de plein droit.

Le projet de loi assouplit également, en matière pénale, le mode de preuve de la détention d'un permis d'alcool et apporte diverses précisions, notamment en matière d'immatriculation d'appareils d'amusement.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Une voix: Adopté.

Le Président: Alors, adopté. M. le leader du gouvernement, à nouveau.

(14 h 20)

M. Bélanger: Article h de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 27

Le Président: À l'article h du feuilleton, M. le ministre du Travail présente le projet de loi n° 27, Loi modifiant le Code du travail. M. le ministre du Travail.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, ce projet de loi modifie certaines dispositions du Code du travail relatives au mécanisme de solution des différends propre aux policiers et pompiers municipaux, particulièrement la médiation et le mode et les critères d'arbitrage. Il remplace la médiation obligatoire par une médiation facultative et accessible à la demande conjointe des parties.

Ce projet de loi introduit le droit des parties d'opter volontairement pour la formule de médiation-arbitrage en plus de la formule d'arbitrage actuelle qui continue de s'appliquer en l'absence d'accord particulier. Il reconnaît également le droit des parties, quelle que soit la formule d'arbitrage, de s'entendre sur le choix de l'arbitre à partir de la liste particulière prévue au Code du travail.

Enfin, ce projet de loi ajoute, à la liste des critères décisionnels rendus obligatoires, un critère à teneur économique obligeant l'arbitre à considérer la situation et les perspectives salariales et économiques du Québec avant de prendre sa décision.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie du projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article i de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 26

Le Président: À l'article i du feuilleton, à nouveau M. le ministre du Travail présente le projet de loi n° 26, Loi sur le ministère du Travail. M. le ministre du Travail.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: Oui, M. le Président. Ce projet de loi détermine les domaines d'action du ministre du Travail ainsi que ses principaux pouvoirs et fonctions en matière de relations du travail, de normes du travail, de gestion des conditions de travail, de santé et sécurité du travail et de sécurité des bâtiments.

Il prévoit aussi l'élaboration et la mise en oeuvre, sous la responsabilité du ministre et après consultation des intéressés, de politiques et de mesures destinées à favoriser l'évolution de ces divers objets en fonction, notamment, des besoins des personnes, du marché du travail et de l'économie.

Le projet de loi énonce aussi certains pouvoirs qui sont accessoires aux fonctions du ministre et il contient des dispositions relatives à l'organisation du ministère du Travail ainsi que des dispositions modificatives, transitoires et finales. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article a de notre feuilleton.


Projet de loi n° 8

Le Président: À l'article a du feuilleton, M. le ministre délégué au Revenu présente le projet de loi n° 8, Loi modifiant la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives. M. le ministre délégué au Revenu.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président. Ce projet de loi a pour objet principal d'harmoniser la législation fiscale du Québec avec celle du Canada. À cet effet, il donne suite aux mesures d'harmonisation prévues dans le Discours du budget du ministre des Finances du 12 mai 1994, dans sa Déclaration ministérielle du 21 décembre 1994 et dans les bulletins d'information 94-3 et 95-4 émis par le ministère des Finances respectivement le 31 mars 1994 et le 5 juillet 1995.

Ce projet de loi modifie en premier lieu la Loi favorisant l'augmentation du capital des petites et moyennes entreprises afin d'y apporter une modification technique portant sur la date la plus tardive où la Société de développement industriel du Québec doit délivrer le visa relatif à un placement ouvrant droit au crédit d'impôt remboursable visant à favoriser l'augmentation du capital de telles entreprises.

Il modifie en deuxième lieu la Loi concernant les droits sur les mines principalement afin de tenir compte, dans le calcul du profit ou de la perte d'un exploitant minier, des cotisations que celui-ci verse à une fiducie de restauration minière et des retraits qu'il effectue par la suite auprès de celle-ci.

Il modifie en troisième lieu la Loi sur les impôts principalement afin d'y apporter les modifications semblables à celles qui ont été apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada par les projets de loi fédéraux C-59 et C-70, sanctionnés respectivement le 26 mars 1995 et le 22 juin 1995.

Ces modifications concernent notamment: l'élimination de l'exemption de gain en capital de 100 000 $ à l'égard des aliénations effectuées après le 22 février 1994 et l'instauration d'un mécanisme de comptabilisation des gains accumulés à cette date; le traitement fiscal applicable lors d'une remise de dette ou lors du délaissement d'un bien par un débiteur en faveur de son créancier; le calcul du revenu des institutions financières relativement aux titres qu'elles détiennent dans le cadre normal de leur entreprise; et également la conversion, en franchise d'impôt, d'une société d'investissement à capital variable en une fiducie de fonds commun de placements, et la fusion, en franchise d'impôt, de telles fiducies.

Il modifie enfin diverses autres lois afin d'y apporter diverses modifications de concordance et de terminologie.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Une voix: Adopté.

Le Président: Alors, adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article j de notre feuilleton.


Projet de loi n° 18

Le Président: À l'article j du feuilleton, M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens présente le projet de loi n° 18, Loi sur le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et modifiant d'autres dispositions législatives. M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.


M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, le projet de loi prévoit la création du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, dirigé par le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

Le projet de loi prévoit que le ministre sera responsable de la promotion des droits et libertés de la personne et favorisera l'exercice par les citoyens de leurs responsabilités civiques et sociales. Il sera également chargé de promouvoir la solidarité entre les générations, l'ouverture au pluralisme et le rapprochement interculturel. Il sera, de plus, responsable de veiller à ce que l'État tienne compte des besoins des jeunes, des familles et des aînés. Il sera aussi chargé de l'immigration et de l'intégration des nouveaux arrivants.

Le projet de loi énumère aussi les fonctions et pouvoirs du ministre et contient des dispositions relatives à l'organisation du ministère ainsi que des dispositions modificatives transitoires et finales.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article k de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 208

Le Président: À l'article k du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 208, Loi concernant le Fonds d'assurance de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose donc ce rapport.

Mme la députée de Marie-Victorin présente le projet de loi d'intérêt privé n° 208, Loi concernant le Fonds d'assurance de la Fédération des médecins spécialistes du Québec.


Mise aux voix

L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des affaires sociales

M. Bélanger: Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des affaires sociales et pour que le ministre de la Santé et des Services sociaux en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Finalement, article l de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 212

Le Président: Article l. Alors... Parce que je n'étais pas certain si on avait le même texte. Alors, à cet article-là, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 212 – je pense qu'on parle bien du même projet – Loi concernant Champlain Regional College of General and Vocational Education. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose ce rapport.

Mme la députée de Sherbrooke présente le projet de loi d'intérêt privé n° 212, Loi concernant Champlain Regional College of General and Vocational Education.


Mise aux voix

L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail et pour que la ministre de l'Éducation en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Au dépôt de documents...


Dépôt de rapports de commissions

Dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission de la culture.


Étude du rapport annuel de la Commission d'accès à l'information

M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de la culture qui a siégé le 2 mai 1996 afin d'étudier le rapport annuel 1994-1995 de la Commission d'accès à l'information, conformément à l'article 119.1 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Le Président: Merci, M. le député. Le rapport est déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Montmorency.


Surseoir à l'application de la surtaxe de 30 $ sur les droits d'immatriculation pour les résidents de Sainte-Pétronille, île d'Orléans

M. Filion: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 381 pétitionnaires de la municipalité de Sainte-Pétronille, île d'Orléans, comté de Montmorency.

Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le taux de navettage retenu par le ministère des Affaires municipales comme critère d'application de la surtaxe de 30 $ aux droits d'immatriculation est un concept injuste et flou basé sur un échantillonnage statistique fait aux 10 ans;

«Considérant l'incompréhension des citoyens face à l'application de cette surtaxe aux droits d'immatriculation;

«Considérant les nombreuses plaintes de citoyens à chaque semaine depuis l'avènement de cette surtaxe de 30 $;

«Considérant que la promesse faite par l'ancien premier ministre, M. Jacques Parizeau, lors de la campagne électorale d'août 1991 dans le comté de Montmorency à l'effet que cette surtaxe injuste serait abolie;

«Considérant que rien n'a été corrigé depuis l'élection du gouvernement péquiste;

«Considérant la rencontre infructueuse du 4 juillet 1995 avec l'ex-ministre des Transports, M. Jacques Léonard;»

L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du ministre des Transports afin qu'il sursoie à l'application injuste de la surtaxe de 30 $ aux droits d'immatriculation pour les résidents de Sainte-Pétronille, île d'Orléans.»

(14 h 30)

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Cette pétition est déposée.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.


Questions et réponses orales

Nous en arrivons donc à la période des questions et des réponses orales. M. le leader de l'opposition officielle. M. le député de...

M. Paradis: Oui. Strictement, M. le Président, il y aurait, de la part du député de Robert-Baldwin, un consentement à solliciter pour déposer un document.

Le Président: M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: M. le Président, j'aimerais avoir le consentement de cette Assemblée pour déposer la liste des 3 268 enfants en attente à l'hôpital Sainte-Justine, liste qui a augmenté de 10 %, et elle est datée du 30 avril dernier.

Le Président: Il y a consentement?

M. Bélanger: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: ...il avait été décidé par vous que ça ne pouvait se faire qu'à l'étape des dépôts de documents. Est-ce que je dois comprendre qu'on doit considérer que c'est la première question de la période des questions? Sinon, je ne sais pas à quelle rubrique de notre feuilleton ou de notre ordre du jour nous nous trouvons.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Strictement, M. le Président, il s'agissait d'une demande de consentement. Est-ce qu'il y a consentement ou non?

Une voix: Oui ou non?

Le Président: J'ai compris qu'il n'y avait pas consentement, M. le leader de l'opposition officielle, d'une part. Et, d'autre part, sans consentement, on ne peut déroger à la règle, qui ne permet pas, à cette étape-ci, des dépôts de documents.

Alors, nous en sommes donc à la période des questions et des réponses orales. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Je croyais, M. le Président, que vous aviez donné des directives assez claires à cet effet-là afin justement d'éviter ce genre de situation là où un député peut se lever à n'importe quelle période de nos travaux puis demander tout simplement de déposer des documents. Je pense que c'est clair qu'on ne peut pas fonctionner de cette façon-là. On ne peut pas à chaque fois demander... Qu'un député, comme ça, se lève et demande le consentement, je pense que ce n'est pas une façon de fonctionner en cette Chambre, M. le Président.

Le Président: Du strict point de vue du règlement, M. le leader du gouvernement, vous avez raison, et c'est la raison pour laquelle, d'une part, j'ai souligné le fait que vous avez, un, refusé votre consentement et que, deuxièmement, effectivement, selon la règle que nous avons, ce n'est pas à cette étape-ci et ce n'est pas prévu au règlement, ce type de dépôt de documents. On aurait pu procéder, puisque c'est déjà arrivé dans le passé, sur consentement, mais il n'y a pas eu de consentement. Alors je vous invite à ce qu'on ne perde pas plus de temps sur cette question de règlement.

De toute façon, je vous indique que vous avez raison quant à l'interprétation du règlement, qui ne prévoit pas, à cette étape-ci, de dépôt de documents de la part d'un député. Ce ne sont que les membres du gouvernement qui peuvent déposer un document.

M. Bélanger: Une question de directive, M. le Président: Est-ce qu'on doit comprendre que, maintenant, vous allez accepter qu'un député de l'opposition se lève en tout temps pour demander le dépôt d'un document?

Le Président: Le président, d'une part, interprète le règlement; deuxièmement, tente de le faire appliquer et, aussi, essaie de faire en sorte que l'Assemblée se déroule correctement. Alors, à des moments donnés, le président peut user de son pouvoir de discrétion pour permettre, s'il y a consentement... Et j'ai souvent vu dans cette Assemblée des situations qui n'étaient pas conformes au règlement, mais, de consentement, qui ont été autorisées parce que, de part et d'autre, on souhaitait déroger au règlement. À d'autres moments donnés, je pense que tout le monde tient à ce que le règlement soit respecté strictement.

Alors, je suis prêt maintenant à reconnaître un premier intervenant à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Stratégie de création d'emplois

M. Johnson: Oui, M. le Président. On a vu, dans les statistiques qui ont été publiées à la fin de la semaine dernière, qu'il y avait au Québec 15 000 Québécois et Québécoises de moins au travail qu'au début de l'année, donc pertes d'emplois de 15 000. On a également vu dans les crédits budgétaires du gouvernement que celui-ci anticipait une hausse de la clientèle à la sécurité du revenu, donc de gens qui dépendent de l'aide sociale. On voit également un taux de chômage constant pour les prochaines années. Le premier ministre nous a par ailleurs annoncé avec beaucoup de solennité qu'il ne ferait rien avant le sommet de novembre prochain au titre des stratégies de création d'emplois. On sait que, dans le budget également, les citoyens ont été touchés par les augmentations d'impôts, de tarifs, de taxes et de tout ce qu'on voudra.

Est-ce que le premier ministre est au courant que le programme de son nouveau parti prévoit une stratégie de plein-emploi? Et, s'il est au courant, qu'est-ce qu'il attend pour donner suite à cet engagement?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, j'ai entendu plusieurs questions, je ne sais à laquelle répondre. Ce que je puis dire sur le budget, c'est que ce budget a été salué de façon quasi unanime comme étant un budget éminemment responsable. Et je voudrais en particulier citer ce qu'en dit, par exemple, l'honorable Paul Martin, ministre des Finances à Ottawa, qui considère que tout le monde est très content de voir le désir du gouvernement du Québec d'assainir ses finances publiques et de prendre les mesures nécessaires pour y arriver. Je voudrais citer M. Dubuisson, de La Presse , à Montréal, qui a félicité le ministre des Finances en disant que le budget déposé par le ministre des Finances, M. Bernard Landry, est empreint de réalisme, un plan crédible de réduction du déficit, appuyé sur des hypothèses économiques solides. Et je pourrais en citer de grandes quantités, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: Et au plan de l'emploi, M. le Président, dans le budget – le ministre des Finances pourra être plus disert que moi – il y a des mesures extrêmement judicieuses qui vont permettre, par l'effet de levier, de provoquer de l'emploi. Par exemple: un investissement, en termes de garantie d'emploi, qui va permettre 1 000 000 000 $ d'exportations de plus; une politique aéronautique; une politique maritime; une protection pour les PME – les jeunes PME pourront être trois ans sans payer d'impôt ni quoi que ce soit, M. le Président.

Voici un budget qui est un budget intelligent, un budget responsable qui n'a pas saupoudré l'argent des contribuables, qui a fait en sorte qu'on rétablisse les finances publiques, qu'on assainisse le climat d'investissement et qu'ensuite il y ait de l'emploi, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Après nous avoir lu le scrapbook du ministre des Finances...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: ...est-ce que le premier ministre pourrait nous expliquer pourquoi il n'a pas d'autre livre en sa possession qui décrirait précisément comment il entend s'attaquer de façon organisée au chômage et au sous-emploi au Québec? Est-ce qu'il est à la veille de nous expliquer ça?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): Le premier ministre, M. le Président, a donné une explication très contemporaine sur la façon de relancer l'emploi. Le chef de l'opposition appréciera que je remonte un peu dans l'histoire pour lui rappeler que la meilleure façon de tuer l'emploi, c'est de faire ce qu'il a fait lui-même au Conseil du trésor pendant cinq ans, en laissant galoper les dépenses alors que toutes les provinces du Canada avaient commencé à décélérer. La meilleure façon de tuer l'emploi, c'est de faire comme son ministre des Finances a fait: nous conduire à un déficit de 5 700 000 000 $ et, la même année, baisser les impôts de 800 000 000 $. Comble de l'irresponsabilité dans les annales! C'est comme ça qu'on tue l'emploi. Trop d'impôts tue l'impôt, trop d'impôts tue l'emploi. C'est votre histoire.

Des voix: Oh!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: M. le Président, je ne demande pas au propriétaire du scrapbook de remonter dans le temps encore, je lui demande, pour l'avenir, pour les Québécois et les Québécoises et les familles québécoises qui cherchent à gagner leur vie, qui cherchent à contribuer, comme contribuables et payeurs de taxes – ils ont le droit, les gens, d'avoir des emplois, de payer des taxes, eux autres aussi – comment le ministre des Finances et le premier ministre...

Le ministre des Finances, dans le fond... Le premier ministre n'a pas l'air d'avoir de réponse. Comment le ministre des Finances est-il en train de nous dire que sa stratégie de création d'emplois, qui va faire reculer le chômage dans toutes les régions du Québec, comme il le dit dans son budget, comment nous dit-il que ça va faire reculer le chômage partout, lorsque les chiffres, dans son budget, montrent que le chômage augmente jusqu'en l'an 2000?

Le Président: M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): On s'attendrait à une pensée plus articulée de la part d'un diplômé de Harvard.

Des voix: Oh!

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Car, en effet, dans toutes les facultés d'administration du monde, y compris celle-là, j'imagine que l'on fait la distinction entre le consensus des prévisions et la lutte contre la fatalité pour déjouer ces prévisions. Notre budget est assis sur des prévisions réalistes. Celles du secteur privé sont de 1,5 % de croissance; la plus pessimiste du secteur privé est de 1,1 %. Nous avons soustrait 0,1 %. Si vous aviez pratiqué des méthodes aussi sages, on ne serait pas dans la gabegie où nous nous trouvons présentement.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Laporte, en complémentaire.

M. Bourbeau: M. le Président, comment le ministre des Finances...

Une voix: ...en 1983.

(14 h 40)

M. Bourbeau: Comment le ministre des Finances, qui affirmait dans son budget qu'assainir les finances publiques est une condition essentielle à la création d'emplois, explique-t-il que, dans son propre budget, lui-même estime que le chômage au Québec va augmenter l'an prochain, va augmenter dans deux ans et n'aura en aucune façon reculé au cours des trois ou quatre prochaines années?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Comment le député explique-t-il qu'il n'a pas écouté la question qu'a posée son chef et qu'il n'a pas écouté la réponse que j'ai donnée à son chef? C'est la même réponse. Ce sont des prévisions dont je serais le premier à me réjouir si elles avaient été trop pessimistes. Mais les vôtres n'étaient pas trop optimistes, elles étaient délirantes, et ça a provoqué la tragédie des finances publiques qui est la nôtre aujourd'hui.

Le Président: En principale, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Projet d'habitations de la gare de triage du Canadien Pacifique à Outremont

Mme Frulla: M. le Président, après avoir mis en doute la candidature du maire de Montréal-Nord, la semaine dernière, comme représentant des élus de l'île de Montréal à l'Agence métropolitaine de transport, après avoir regardé de haut aussi l'initiative du maire de Montréal quant à une campagne de relance économique et touristique de Montréal, voilà que le ministre d'État à la Métropole met en doute la capacité de gestion du maire d'Outremont. La discussion se situe au niveau du projet d'habitation de la gare de triage du Canadien Pacifique.

M. le Président, en principale: Est-ce que, selon le ministre de la Métropole, c'est son rôle de se substituer au maire d'une municipalité, un élu comme lui, quant aux décisions de celui-ci sur son territoire?

Le Président: M. le ministre d'État à la Métropole.

M. Ménard: Ce n'est pas mon rôle de me substituer à un maire élu comme moi, mais c'est certainement mon rôle, en tant que responsable de la santé générale de la métropole, d'espérer du maire, qui bénéficie d'un statut particulier dans cette métropole en ce sens qu'il est le maire d'un secteur où c'est surtout de l'habitation et de l'habitation non seulement aisée mais de haute gamme, d'avoir une attitude régionale, de comprendre qu'il est dans l'intérêt de ses citoyens et du sien de ramener des gens vers l'île de Montréal et, lorsqu'on est en présence d'un beau plan d'urbanisme, d'un beau plan d'habitation, qu'il doit faire preuve d'intérêt, qu'il doit faire preuve de vision régionale lui aussi. Et c'est ce que j'essaie de faire, le convaincre de cela. Si on ne réussit pas à le convaincre, il va falloir appliquer d'autres moyens de pression...

Des voix: ...

M. Ménard: ...car, indéniablement, ce projet est à l'avantage des gens de l'île de Montréal. Et je pense qu'il est aussi à l'avantage de la ville d'Outremont. Il prolonge la trame urbaine d'Outremont de façon naturelle et d'ailleurs très belle.

Le Président: Mme la députée.

Mme Frulla: M. le Président, est-ce que c'est la définition du ministre de la Métropole, celui dont on dit qu'il devrait être rassembleur... que celui-ci s'est déniché le droit de dire, en parlant du maire d'Outremont, tel que cité dans La Presse ce matin, que, si Montréal avait eu dans le passé des dirigeants comme ceux-là, elle ne serait jamais devenue une métropole?

Le Président: M. le ministre.

M. Ménard: Bon. J'ai dit ce que j'ai dit, dans l'état de déception dans lequel j'étais. Quand un maire me donne des arguments contradictoires pour justifier son opposition, quand il me fait état d'un possible risque financier dans 20 ans devant un projet qui, par ailleurs... Enfin, il reconnaît l'utilité d'établir un projet de ce genre à cet endroit. Je trouve qu'effectivement il n'a pas la vision que les bâtisseurs de Montréal ont eue.

Le Président: Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Frulla: M. le Président, est-ce que le ministre peut dire aux élus municipaux, aux 112, aussi, municipalités du Québec que son ministère va justement chapeauter... Est-ce que c'est par ce genre d'intervention que le ministre laisse entendre aux élus de la métropole que c'est de cette façon qu'il va intervenir directement dans le futur en matière d'aménagement du territoire, tel que stipulé dans le projet de loi, article 2, deuxième alinéa?

Le Président: M. le ministre d'État à la Métropole.

M. Ménard: Je n'ai pas pu entendre tout ce que vous avez dit parce que j'ai été distrait, mais... Enfin, pourriez-vous répéter, s'il vous plaît? Qu'on cesse de me parler, là.

Le Président: Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Frulla: Ce que je disais, M. le Président, c'est: Est-ce que c'est par ce genre d'intervention que le ministre laisse entendre aux élus de la métropole que c'est de cette façon qu'il va intervenir dans le futur en matière d'aménagement du territoire, tel que stipulé dans le projet de loi n° 1, article 2, deuxième alinéa?

Le Président: M. le ministre d'État à la Métropole.

M. Ménard: Au fond, oui, parce que je cherche d'abord à comprendre, je cherche ensuite à convaincre; et, ensuite, je pense qu'il faudra que j'aie des pouvoirs d'intervention. Et je m'attends bien à ce que, dans la métropole, je doive prendre des décisions, parfois, contre lesquelles certains seront. C'est un problème de toute région métropolitaine, vous ne pouvez pas prendre de décision sans déplaire à certaines personnes. Mais je rappellerais que la députée de Marguerite-Bourgeoys doit en être certainement consciente elle-même, elle qui, depuis le début, trouve que je n'ai pas assez de pouvoirs dans la loi qui m'a été donnée.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Frulla: Une chance, M. le Président! Alors, M. le Président, est-ce que le ministre réalise qu'il y a un grand principe qui s'appelle l'autonomie des municipalités? Est-ce que le ministre réalise aussi que les maires sont des élus? Et est-ce que le ministre réalise qu'il va probablement se faire dire que ce n'est pas de ses affaires?

Le Président: M. le ministre d'État à la Métropole.

M. Ménard: C'est drôle, M. le Président, je suis absolument convaincu que, si je me faisais dire par les maires de l'île de ne pas chercher à ramener des gens sur l'île par un beau projet et que de chercher à convaincre n'était pas de mes affaires, le premier défenseur, je pense, que j'aurais pour dire que c'est des affaires du ministre de la Métropole, je crois que ce serait la députée de Marguerite-Bourgeoys. Car c'est justement pour cela que l'on a voulu nommer un ministre de la Métropole: pour qu'il y ait quelqu'un qui voie l'intérêt de l'ensemble de la métropole, alors que, sur la métropole, il y a des gens qui, nécessairement, vont voir uniquement l'intérêt particulier d'un petit groupe, et que, justement, le ministre doit être au-dessus de ces gens, avoir des moyens, d'abord, de les convaincre et, ensuite, même, je pense, d'aller jusqu'à leur imposer certaines décisions dans l'intérêt général.

Le Président: En complémentaire, Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: M. le Président, est-ce que le ministre des Affaires municipales pourrait nous dire si ce nouveau mode d'emploi lui convient et s'il a l'intention, lui aussi, de ramener à l'ordre les maires et les mairesses du Québec qui ne seraient pas d'accord avec certaines de ses politiques?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: M. le Président, il est à noter, donc, que l'excellent travail accompli par le ministre d'État responsable de la Métropole se fait en collaboration avec tous les ministères concernés et vise à atteindre des résultats à partir d'objectifs bien déterminés, celui, par exemple, vient-il de le mentionner, de spécialement articuler et intensifier le développement sur l'île de Montréal. Et, à cet égard, il n'hésite pas à donner la direction que l'on doit prendre pour atteindre ce résultat, c'est-à-dire densifier l'habitation, réhabiter l'île de Montréal, parce que nous en avons besoin et que c'est une direction déterminée par notre gouvernement.

Le Président: Mme la députée de Jean-Talon.

(14 h 50)

Mme Delisle: M. le Président, est-ce que le ministre des Affaires municipales pourrait répondre à la question, me dire si, oui ou non, ce nouveau mode d'emploi sera appliqué ailleurs qu'à Montréal, dans tout le reste du Québec?

Le Président: M. le ministre.

M. Trudel: M. le Président, il n'y a pas de nouveau mode d'emploi, il y a une nouvelle façon de faire qui fait en sorte qu'on connaît les directions, qu'on connaît les objectifs et qu'on connaît aussi l'intensité qu'il faut mettre pour atteindre ces objectifs en collaboration avec tous les intervenants concernés dans la région de Montréal, comme ailleurs au Québec. C'est comme ça qu'on atteint des résultats.

Le Président: Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata, en principale.


Négociations concernant la réouverture de l'abattoir de Saint-Esprit

Mme Dionne: Merci, M. le Président. Le 5 janvier dernier, la Cour supérieure rendait un jugement dans l'affaire concernant l'abattoir de Saint-Esprit et ordonnait à la Régie des marchés agricoles de donner l'occasion à toutes les personnes intéressées de faire des représentations afin de mettre en place un nouveau système de mise en marché du porc traitant sur un pied d'égalité tous les acheteurs de porc. Cette décision faisait renaître l'espoir de réouvrir l'abattoir auprès de la population et du Comité de la relance de l'abattoir de Saint-Esprit. La Régie des marchés agricoles a porté en appel ce jugement. Après cela, des négociations se sont engagées entre le gouvernement et le Comité de la relance de l'abattoir.

Alors, en question principale, M. le Président, au ministre de l'Agriculture: Peut-il nous informer des résultats de ces négociations et qu'entend-il faire pour régler la crise qui sévit dans le moment dans le secteur du porc?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Julien: M. le Président, j'ai rencontré les gens de Saint-Esprit il y a déjà une quinzaine de jours. D'ailleurs, ils étaient très heureux parce que c'est la première fois depuis 10 ans qu'ils voyaient le ministre de l'Agriculture qui venait les rencontrer pour discuter de leurs problèmes. Vous savez qu'il y a eu des négociations avant les Fêtes qui n'ont pas donné les résultats escomptés. J'ai confié le mandat au ministre responsable de la région de refaire la négociation. Il y a eu deux rencontres la semaine dernière, et je peux peut-être demander à mon collègue, le ministre régional, de vous donner un premier compte-rendu, mais on doit se revoir là-dessus pour les gestes qui devront être posés. Mais il y a déjà eu deux rencontres avec les deux groupes à ce sujet-là.

Le Président: Rapidement, M. le ministre.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. J'ai effectivement rencontré les représentants de la Fédération des producteurs de porcs, qui m'ont expliqué qu'ils étaient en attente d'une étude faite par l'Université Laval en ce qui regarde les coûts de transformation, etc. J'ai rencontré le Groupe Brochu Lafleur, également, et j'ai fait rapport au ministre. Je dois préalablement regarder si la Régie des marchés agricoles va entériner cette entente, cette convention des abattoirs. Je dois me tenir au courant, d'abord, de ce que doit faire la Régie et ne pas dédoubler les travaux inutilement. Si la Régie doit intervenir, elle devra intervenir. Si la Régie n'intervient pas, je continuerai la médiation.

Le Président: Mme la députée.

Mme Dionne: M. le Président, est-ce que le ministre de l'Agriculture, suite aux informations qu'on vient de recevoir, peut nous dire, ou dire, à tout le moins, à la population de cette région quand son gouvernement va régler le dossier?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Julien: M. le Président, j'ai pris l'engagement qu'on était pour régler le dossier, puis le premier geste qui a été posé, ça a été de demander au ministre régional de faire la négociation. On doit se revoir cette semaine parce qu'il y a des positions, effectivement, à prendre. Mais l'objectif, c'est de régler le dossier à la satisfaction des gens, parce que vous comprendrez qu'il y a plusieurs parties dans ce dossier-là: les producteurs, la fédérée et autres. Et je pense qu'on est en train de trouver le trait d'union qui va faire en sorte qu'on va pouvoir faire quelque chose dans ce dossier-là.

Le Président: M. le ministre responsable.

M. Chevrette: Pour permettre à la députée de Kamouraska-Témiscouata d'avoir le vrai portrait, c'est un abattoir qui a été fermé du temps des libéraux à Québec, et cet abattoir-là, M. le Président, avait réclamé, à l'époque, en 1991, si ma mémoire est fidèle, que, dans l'éventuel transfert à un autre propriétaire, il y ait un certain nombre de porcs qui soient réservés pour l'abattoir Saint-Esprit, ce qu'on appelle l'abattoir des Laurentides. Ce qui est arrivé, cependant, c'est que, entre-temps, il y a eu une convention entre l'ensemble des abattoirs et on n'a pas tenu compte du quota réservé pour l'abattoir Saint-Esprit. On se retrouve donc avec une convention, au niveau des abattoirs, qui ne veut plus partager un certain quota avec cet abattoir-là même si ça avait été dit devant la Régie des marchés agricoles. Il faut de la bonne volonté et de la bonne foi à la fois de la Fédération des producteurs de porcs, des propriétaires d'abattoirs également, parce que Olymel est dans cela aussi, et elle a un gros bout, en passant. C'est elle qui a ouvert et fermé l'Abattoir Laurentides. Ça fait tout partie du décor...

Le Président: Mme la députée.

Mme Dionne: M. le Président, je me demande qui est le vrai ministre de l'Agriculture ici ce matin. M. le Président...

Le Président: Mme la députée.

Mme Dionne: ...compte tenu de toutes les démarches et des attentes de la population, est-ce qu'on peut avoir un échéancier concret sur ce dossier?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Julien: M. le Président, j'ai donné un mandat au ministre régional, qui a rencontré les deux parties, qui vont me faire un rapport; et, à la suite de ça, je vais prendre la décision, voir ce qu'on fait dans ce dossier-là. D'accord? Parce que je pense que ça ne donnait rien de nommer un nouveau négociateur, quand quelqu'un avait déjà fait une première négociation, pour accélérer le processus, pour ne pas que ça retarde trop longtemps. Alors, je pense que l'objectif, je l'ai donné, il avait un mandat clair, il l'a fait; maintenant, on va discuter entre nous puis on va prendre la décision en conséquence. «That's it.»

Le Président: M. le député de Richmond, en complémentaire.

M. Vallières: M. le Président, comme suite aux propos du ministre de l'Agriculture et de celui du ministre du développement régional, ma question s'adressera à ce dernier: Est-ce que, compte tenu de ce qu'il vient de nous dire, on doit faire le constat qu'il a échoué dans ce dossier, dans ses négociations et comme conciliateur? Et est-ce qu'on doit interpréter des propos du ministre de l'Agriculture qu'il se retire carrément du dossier?

Le Président: M. le ministre responsable du Développement des régions.

M. Chevrette: M. le Président, j'espère que le député, qui a tout près de 20 ans dans le Parlement, sait ce que c'est, donner un mandat à un collègue! C'est ma région et je suis ministre désigné de Lanaudière. C'est depuis le début que je m'occupe de ce dossier-là. J'ai rencontré deux groupes, mais vous savez qu'il y a eu renégociation entre les abattoirs et que la nouvelle entente n'est même pas homologuée par la Régie au moment où on se parle. Il sait tout cela. Et, connaissant un peu le système parce qu'il a été ministre de l'Agriculture...

Une voix: ...

M. Chevrette: Vous avez été suffisamment longtemps pour le régler au moment où vous avez été là; vous n'avez rien fait. On va le faire, nous autres.

Des voix: Bravo!

Le Président: En principale, M. le député de Rivière-du-Loup.


Partage de locaux pour assurer une représentation du Québec à l'étranger

M. Dumont: Merci, M. le Président. Dans le discours du budget, le ministre des Finances annonçait une entente avec la Banque Nationale du Canada pour assurer la présence du Québec, entre autres, à Atlanta, Boston, Chicago et Los Angeles. Pour impressionner la galerie et faire oublier la fermeture de nombreuses délégations, faire oublier ce qu'on avait tant questionné, l'improvisation du gouvernement en cette matière-là, y compris au Conseil national de son propre parti, le ministre nous disait: Les bureaux que je viens d'énumérer seront ouverts demain pour faire affaire avec la clientèle.

Ce matin, je me suis permis de vérifier les affirmations du ministre. À Boston, on nous dit qu'il n'y a rien pour l'instant, peut-être la semaine prochaine, et impossible de parler à qui que ce soit en français. À Atlanta, on nous dit: Rien pour l'instant; on en a entendu parler, cependant. Ils ne savent pas quand ça va être installé, et c'est impossible d'être servi en français. Même chose à Chicago. À Los Angeles, c'est un peu différent: ils ne sont pas au courant, mais, après cinq minutes d'attente, quelqu'un réfère à un numéro qui est le (514) 499-2140, un numéro au ministère des Affaires internationales que le ministre...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dumont: ...connaît sûrement très bien.

Est-ce que le ministre peut nous dire si cette annonce-là dans le budget était une annonce sérieuse ou est-ce qu'il s'agissait d'improvisation où il lançait n'importe quelle information pour rassurer ceux qui s'inquiétaient de la politique d'exportation du gouvernement, y compris dans son propre parti, et faire oublier le manque de mesures favorables à l'emploi dans son budget?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): Voilà au moins une question amusante. Heureusement qu'on n'a pas une seule opposition dans cette Chambre, mais qu'on en a deux!

M. le Président, d'abord, dans le discours du budget, loin de vouloir faire oublier la fermeture de délégations, nous l'avons déplorée, nous l'avons soulignée et nous avons dit que cette formule alternative et d'autres à venir allaient pallier à une chose que nous avons faite avec un extrême regret. Et, s'il ne dépendait que de nous et de l'Action démocratique du Québec, d'ailleurs, ce ne sont pas des bureaux dans des banques que le Québec aurait, ce sont des consulats et des ambassades dans les villes importantes. Mais, en attendant, avec beaucoup moins d'argent et...

Des voix: Ha, ha, ha!

(15 heures)

M. Landry (Verchères): Est-ce qu'on pourrait nous faire partager ces raisons d'ébaudissement, M. le Président?

Le Président: Je me sens encore une fois dans l'obligation de vous rappeler l'article 32. Les dispositions de l'article: Les députés «doivent d'abstenir de tout ce qui peut nuire à l'expression d'autrui ou au bon fonctionnement de l'Assemblée». Et, ça, ça veut dire pas uniquement quand vous avez la parole, mais surtout quand les députés n'ont pas la parole. Alors, M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): Alors, M. le Président, pour échapper aux gaudrioles de l'opposition sur un sujet aussi sérieux, je voudrais quand même dire que je vais vérifier moi-même. Je vais faire la même démarche, démarche intelligente, d'ailleurs, du député de Rivière-du-Loup, d'appeler ces bureaux. Parce que nous avons une convention avec une institution très sérieuse, la Banque Nationale du Canada. On m'a averti que cette convention était opérationnelle le lendemain du discours du budget. Si tel n'est pas le cas, je vais refaire le petit pèlerinage téléphonique du député, et nous nous mettrons ensemble pour pallier cette situation.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Est-ce que le ministre, M. le Président, trouve normal de lancer des informations dans son budget, et je les répète: «seront ouverts demain matin pour faire affaire avec la clientèle», alors que les hauts fonctionnaires, les gens de son propre ministère, sont incapables de donner un nom, un numéro de téléphone, une personne à rejoindre dans ces villes-là, sont incapables de donner le nom de quelqu'un capable d'assurer le service dans les villes qu'on a nommées tantôt?

Le Président: M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): Mais vous pensez bien, M. le Président, que je ne suis pas allé voir moi-même dans les quatre villes; j'ai pris les informations de mes hauts fonctionnaires, précisément. Et, deuxièmement, que le député ni personne ne s'attendent que, par cet accord qui ne coûte qu'une fraction infime de ce que nos bureaux avant nous coûtaient, nous allons donner le même service.

Le Président: Est-ce que j'ai besoin encore une fois de rappeler qu'à chaque fois qu'il y a une interruption c'est le temps de la période de questions, donc le temps accordé aux députés de l'opposition pour exercer leurs responsabilités, qui file. M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances, en conclusion.

M. Landry (Verchères): Alors, on va épargner du temps, là. Je vais redire au député ce que j'ai dit. Je trouve que sa démarche de vérification était bonne. Moi, j'ai dit de bonne foi les informations dont je disposais et je serai aussi mécontent que lui s'il a raison, et nous prendrons les mesures appropriées.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: M. le Président, en attendant, en l'absence d'une stratégie et devant l'improvisation qu'on vit, est-ce que le ministre peut au moins dire aux investisseurs, aux gens qui seraient intéressés, est-ce qu'il peut dire publiquement, cet après-midi, quoi faire en l'absence de délégations du Québec maintenant, dans ces villes-là, devant l'absence d'un service offert, tel qu'il l'a annoncé, tel qu'il l'a dit dans son budget pour faire applaudir son parti, demain matin? Est-ce qu'il peut dire quoi faire?

Le Président: M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): Le député avait déjà dit, avant de l'être, qu'il aurait aimé suivre mes cours de commerce extérieur à l'UQAM. S'il les avait suivis, il aurait appris que, quand on vend pour 50 000 000 000 $ par année dans un seul pays, comme ça a été le cas l'an dernier aux États-Unis d'Amérique, ce n'est pas quatre numéros de téléphone qui font la différence.

Le Président: En complémentaire, Mme la députée de La Pinière.

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Houda-Pepin: M. le Président, au premier ministre, en additionnelle: Est-ce que le premier ministre peut confirmer avoir reçu une lettre du ministre-président de Bavière, qui déplore la fermeture de la Délégation générale du Québec à Düsseldorf et qui propose en plus son appui pour y maintenir une délégation plus petite? Et quelle réponse le premier ministre a-t-il donnée à cette proposition?

Le Président: M. le ministre des Relations internationales.

M. Simard: M. le Président, ainsi que l'indique la députée de La Pinière, le premier ministre ainsi que moi-même avons reçu de M. Ingo Kohlblum ainsi que du ministre Stoebel des lettres regrettant la fermeture de notre Délégation générale à Düsseldorf. Nous avons réitéré, dans cette Chambre, à plusieurs reprises, notre regret de devoir procéder à cette fermeture, mais nous nous sommes engagés, dans les délais les plus brefs, à mettre sur pied des mesures alternatives qui nous permettront, dans un premier temps, de nous assurer que notre marché commercial avec l'Allemagne reste non seulement bon, mais qu'il s'améliore au cours des prochaines années et que les échanges commerciaux de la dernière année, qui ont été excellents avec l'Allemagne, deviennent de plus en plus étroits au cours des prochaines années.

M. le Président, ainsi que l'indique la députée de La Pinière, des propositions nous sont faites, notamment celle de profiter de bureaux à l'intérieur de la Bavière, à Munich. Et je vous rappelle que nous avons des ententes avec la Bavière. Nous étudions actuellement ces propositions, mais nous étudions aussi d'autres propositions, non seulement dans le domaine économique, mais aussi dans le domaine universitaire et dans le domaine culturel, l'objectif restant le même: nous assurer qu'à la fin de l'opération, dans quelques semaines, nous ayons un niveau de relations et un système, un réseau de présences en Allemagne qui nous permette de compenser parfaitement cette fermeture.

Le Président: En complémentaire, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: En complémentaire, M. le Président. J'ai posé une question précise et je m'attendais à avoir une réponse précise. Il y a une lettre qui a été adressée au premier ministre, le 24 avril dernier, je crois. Quelle est la réponse qui y a été donnée, M. le Président?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, la réponse est en voie de préparation, parce que nous sommes en train, comme l'a dit le ministre, de mettre au point des formules alternatives qui vont nous permettre d'arriver à moindre coût à un résultat aussi efficace que celui qui était poursuivi dans la formule antérieure. Et, donc, quand nous aurons arrêté les dispositions requises, nous serons en mesure de les communiquer à celui qui a expédié la lettre dont vous parlez.

Le Président: M. le député de LaFontaine, en principale.


Non-renouvellement d'un contrat de sous-traitance à l'hôtel Méridien de Montréal

M. Gobé: Merci, M. le Président. Le 24 avril dernier, interrogé en cette Chambre, le ministre du Travail déclarait, alors qu'on lui posait la question sur ce qu'il entendait faire pour sauver les 350 emplois des travailleurs du Méridien, qu'il en parlait à son sous-ministre et qu'il en aviserait la Chambre. Deux semaines plus tard, les employés ont reçu leur avis de licenciement pour le 26 mai prochain et le sous-ministre est revenu de République dominicaine.

Qu'est-ce que le ministre du Travail a l'intention de faire concrètement, maintenant, pour les travailleurs et les travailleuses du Méridien?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, dans le cas du Méridien, il faut déplorer, bien sûr, qu'il y ait 350 emplois qui sont menacés. Mais j'aimerais ajouter ceci: il s'agit d'une décision de Desjardins de ne pas renouveler un contrat de sous-traitants avec l'hôtel, et Desjardins a décidé d'entamer des négociations pour remplacer le sous-traitant actuel.

Dans ce cas présent, l'article 45 ne joue pas, et c'est justement pour ça – et j'aimerais le dire au député de LaFontaine – qu'on a créé un comité de travail pour permettre une étude approfondie des dispositions de l'article 45 du Code du travail pour essayer de pallier des choses aussi malheureuses que celle qu'il évoque.

Le Président: M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: M. le Président, ce n'est pas le comité du ministre... Est-ce que le ministre est conscient que ce n'est pas son comité qui va faire en sorte que les 350 travailleurs et travailleuses du Méridien vont pouvoir conserver leur gagne-pain après le 26 mai? Est-ce que le ministre peut nous dire pourquoi, vu qu'il était au courant de cette situation, il a laissé perdurer, il a fait en sorte de ne pas agir? Et est-ce qu'il est, enfin, le ministre des fermetures d'entreprises, le ministre du chômage au Québec, ou le ministre du Travail?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, je ne sais pas si ça peut rassurer le député de LaFontaine, mais le président de la Fédération des caisses populaires de Montréal et de l'Ouest du Québec, M. Proteau, a demandé à celui qui va prendre la relève au Méridien d'accorder une priorité d'emploi à ceux qui sont déjà là. Moi, ce que je souhaite aujourd'hui, c'est que le nouveau sous-contractant embauche tout le monde. C'est ce que je souhaite au plus haut point, comme tout le monde.

Le Président: M. le député de LaFontaine.

(15 h 10)

M. Gobé: M. le Président, est-ce que le ministre, au-delà du placotage, pourrait s'engager devant une demande des travailleurs et des travailleuses du Méridien à modifier rapidement l'article 45 pour leur permettre de conserver leur emploi?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, il faut être joliment pharisien pour se lever et poser une question semblable. Après 10 ans de pouvoir, ils n'ont jamais réussi, eux autres, à le modifier, l'article 45. Jamais. Nous, on va le faire, ce que vous n'avez jamais réussi à faire, vous autres.

Le Président: M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: M. le Président, est-ce que le ministre, malgré les insultes, est conscient que 350 travailleurs et travailleuses du Méridien vont perdre leur emploi? Est-il prêt, si la demande était faite, à bouger rapidement avec son gouvernement pour changer l'article 45 et leur permettre de conserver leur emploi? La voilà, ma question.

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: C'est assez intéressant, M. le Président, de constater que les libéraux ont un préjugé favorable envers les travailleurs. C'est très intéressant, et je m'en réjouis le premier. Quant aux modifications à apporter à l'article 45, il y a une étude qui est en cours, et, le moment venu, on modifiera l'article 45. Mais continuez votre zèle apostolique, ça vous va bien.

Le Président: M. le député de Maskinongé, en principale.


Recotisation d'investisseurs dans des projets de recherche et développement

M. Désilets: Oui, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre délégué au Revenu et concerne les investisseurs qui ont acheté des parts dans les sociétés de recherche et développement: J'aimerais connaître, de la part du ministre, ce qu'il entend faire pour éviter que d'autres citoyens ne se retrouvent dans des situations semblables à l'avenir.

Le Président: M. le ministre délégué au Revenu.

M. Bertrand (Portneuf): M. le Président, il s'agit effectivement d'une question importante. On se rappellera que nous avons cherché à faire la meilleure offre et à apporter les meilleures solutions possible dans les circonstances en nous inspirant, d'ailleurs, des recommandations d'un comité qui a fait rapport sur le caractère juste et équitable de l'offre que nous avions faite à l'origine. Nous avons complété notre offre des recommandations dudit rapport, et, à ce jour, plus de 70 % des investisseurs ont effectivement accepté cette offre. Je pense donc que nous sommes sur la bonne voie.

Quant à l'avenir, M. le Président, je pense qu'il est important qu'on sache se tourner vers l'avenir aussi. L'opposition officielle nous a dit à plusieurs reprises qu'il fallait cesser de se tourner vers son passé, alors pensons à l'avenir. Nous attendons les recommandations du même comité quant au second volet de son mandat en ce qui a trait aux mesures qui pourraient être appliquées pour faire en sorte que, effectivement, de telles situations ne se reproduisent plus.

Le Président: M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: En complémentaire, M. le Président. Est-ce que le ministre pourrait nous dire ce qu'il entend faire concernant l'enquête du Protecteur du citoyen concernant le dossier de recherche et développement?

Le Président: M. le ministre délégué au Revenu.

M. Bertrand (Portneuf): M. le Président, j'ai été effectivement fort intéressé par l'initiative prise par le Protecteur du citoyen de s'intéresser également à cette question, parce que, si tant est qu'il arrive, dans ses conclusions, à des suggestions pour améliorer encore les choses, on y portera certainement une grande attention. Mais, surtout, s'il y avait, dans ses éventuelles recommandations, des éléments qui pouvaient nous permettre de corriger de façon définitive le genre de situation dans lequel nous avons été, je pense que nous en tiendrions compte très certainement. Je vous remercie.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci, M. le Président. Compte tenu du refus du ministre délégué au Revenu de suspendre son programme de recotisation, est-ce que le ministre délégué peut garantir en cette Chambre, aujourd'hui, que, si le Protecteur du citoyen recommande des gestes qui respectent mieux la bonne foi de ces contribuables, mieux que son propre ministère, il est prêt à accepter ces recommandations et à retourner leur argent à ces contribuables?

Le Président: M. le ministre délégué au Revenu.

M. Bertrand (Portneuf): J'aimerais rappeler, M. le Président, que, à ce jour, 70 % des investisseurs ont accepté l'offre. Je pense qu'il s'agit, dans les circonstances, d'une excellente offre. Alors, notre offre se poursuit actuellement, et, au-delà de cela, s'il arrivait qu'il y ait des recommandations ou des indications du Protecteur du citoyen pour améliorer certains aspects, il nous fera plaisir, effectivement, de les prendre, ces suggestions-là, en très haute considération.

Le Président: M. le député des Îles-de-la-Madeleine, en principale.


Le point sur l'usine de transformation de poisson de Newport

M. Farrah: Oui. Merci, M. le Président. Les gens de la Gaspésie doivent encore encaisser un dur coup dans le dossier de l'usine de pêche de Newport. On se souviendra que le gouvernement péquiste avait laissé filer une offre d'achat de l'usine qui avait finalement bénéficié au Nouveau-Brunswick. La semaine dernière, on apprenait que le ministre des pêches a rompu les pourparlers avec une compagnie américaine, 71 Fillets. Constat d'impuissance, le ministre déclara: Je me retire du dossier. Rappelons que son prédécesseur, le député de Bonaventure, avait promis la réouverture de cette usine en août 1995. Malheureusement pour le comité de relance de l'usine, la guerre n'est pas encore finie.

Ma question: En décidant que SOQUIA, à qui il avait demandé de rouvrir l'usine à tout prix, devait maintenant vendre l'usine, la louer ou la développer en condos industriels, le ministre des pêches peut-il avouer son incapacité à régler de façon satisfaisante le sort de cette usine qui est primordiale pour la région de Newport en Gaspésie et qui paie chèrement l'incompétence du gouvernement péquiste, lequel avait promis d'ouvrir cette usine en 1995?

M. Cherry: Avant le référendum.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Julien: J'aimerais rappeler au député des Îles-de-la-Madeleine que c'est une usine qui a été fermée pendant que vous étiez au pouvoir. Vous n'avez rien fait pour la faire sortir de là.

Des voix: Ah!

M. Julien: Ça, il faut se rappeler de ça. Il faut se positionner. Je dirais même qu'il y avait une autre usine aux Îles-de-la-Madeleine qui était fermée, qu'ils n'ont pas réglé le problème puis que je l'ai réglé, le problème. Là, on s'attaque maintenant au dossier de Newport.

Le dossier de Newport, il faut se rappeler qu'il y avait trois hypothèses dans ce dossier-là. Il y avait, entre autres, le fait de savoir si le gouvernement peut gérer une entreprise ou non. Après analyse, j'ai décidé que non, parce que, si le gouvernement gérait une entreprise, on compétitionnait le privé, et, ça, ce n'était pas correct. L'autre option, c'était achat ou location. On a négocié avec une compagnie, tel que mentionné, une option qui était une location d'une entreprise. On a préparé un document, une offre, on l'a soumise à cette entreprise-là, on a demandé des prérequis qu'elle ne nous a jamais déposés.

Alors, moi, j'avais le choix entre deux choses. Dire aux gens: Ça va bien, pas de problème, on va le régler, ou dire: Écoutez, à court terme, je n'ai pas d'offre, on n'a pas répondu à ma demande, donc, pour l'instant, je ne peux pas vous dire que c'est réglé. Moi, j'aime mieux donner l'heure juste aux gens pour qu'ils sachent ce qui se passe. J'ai demandé à SOQUIA – j'ai renouvelé son mandat – de continuer les négociations avec cette entreprise-là, qui continue actuellement de le faire.

Deuxièmement, on a un problème, effectivement: c'est deux belles bâtisses pour lesquelles, actuellement, on a de la misère à trouver preneur, et j'essaie de voir, avec une formule de condos industriels reliés aux pêches, ou à l'agroalimentaire, ou au bioalimentaire, comment on pourrait réutiliser ces pieds carrés là à d'autres fins de développement économique régional, et c'est là que j'en suis.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Merci, M. le Président. Compte tenu que le ministre vient d'avouer, en donnant l'heure juste, qu'il est incapable de régler le dossier à la satisfaction des gens de Newport, comment peut-il être crédible, alors qu'il a négocié avec une compagnie – et il donnait de l'espoir aux gens en disant: J'ai un acheteur pour vous – alors que cette compagnie, 71 Fillets, ne possède aucun bâtiment aux États-Unis – une compagnie américaine – n'apparaît pas dans l'annuaire de téléphone et, en plus, ne détient aucune référence de crédit dans la principale institution bancaire du Massachusetts? Est-ce que le ministre a négocié avec une boîte vocale?

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Julien: Alors, M. le Président, j'aimerais rappeler que j'ai rencontré ces investisseurs potentiels là à Boston. Ce n'étaient pas des cartes postales, ce n'étaient pas des numéros, c'étaient des messieurs qui voulaient négocier une possibilité de location. D'accord? On a fait une offre, ils n'ont pas répondu à l'offre. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Faire des accroires aux gens, dire: Oui, oui, ça s'en vient? Non. Je dis aux gens: Continuez, puis regardons une autre formule pour relancer l'entreprise. Et c'est ce qu'on fait actuellement.

Des voix: Bravo!

Le Président: C'est la fin de la période des questions et des réponses orales.

Il n'y a pas, aujourd'hui, de réponses différées ni de votes reportés.


Motions sans préavis

Nous en arrivons maintenant aux motions sans préavis. M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Chambre afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale réaffirme que le peuple du Québec est libre d'assumer son propre destin, de déterminer sans entrave son statut politique et d'assurer son développement économique, social et culturel.»

(15 h 20)

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: Est-ce qu'il y a d'abord consentement pour débattre de cette motion? M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui, un instant, M. le leader du gouvernement. M. le Président, le premier ministre, dans ce moment qu'il veut solennel, avait pris la peine hier de communiquer avec moi avant d'en faire l'annonce. J'ai interprété son geste, à ce moment-là, d'abord comme soulignant le caractère solennel de la motion qu'il voulait apporter et deuxièmement comme une amorce, sans doute, de pourparlers qui, à ma connaissance, se sont poursuivis entre les bureaux des leaders quant à l'agenda qui nous amène ici.

Je me permets de constater qu'il ne semble pas y avoir eu, je dirais, de conclusion constructive ou positive, pour aménager les travaux de la Chambre autour de cette motion, entre les bureaux des leaders; ce sont des choses qui arrivent. Et, afin, je dirais, de débloquer ce qui pourrait être une impasse à cet égard, je suggérerais, M. le Président, que nous considérions plutôt une motion qui réaffirmerait le droit des Québécois et des Québécoises à l'autodétermination, droit exercé le 30 octobre dernier en choisissant de poursuivre le développement de la société québécoise au sein du Canada, et qu'en conséquence elle enjoigne les gouvernements du Québec et du Canada à donner suite à cette volonté démocratique en acceptant de négocier de bonne foi le renouvellement du fédéralisme canadien.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Il y a une vieille tradition dans cette Assemblée: que le président accorde une tolérance particulière, à des moments importants, au premier ministre et au chef de l'opposition. C'est ce que le président vient de faire. Et je comprends des propos du chef de l'opposition officielle qu'il n'y a pas consentement à la motion du premier ministre. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, il n'y a pas non plus de consentement quant à cette proposition. Alors, je présente la motion de suspension des règles suivante, en vertu de l'article 182 et 183 de notre règlement: «Qu'en raison de l'urgence de la situation et en vue de...»

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! L'Assemblée nationale ne siège pas en vase clos. Toute la société québécoise connaît très bien l'importance de la journée d'aujourd'hui. Il y a eu une motion... À l'ordre!

Non, non, je n'en fais pas. Ce que le président veut simplement demander à ce moment-ci, c'est que tous les membres de l'Assemblée... Autant nous avons écouté le premier ministre et le chef de l'opposition avec respect, autant les autres membres de l'Assemblée qui auront à intervenir au cours de la journée doivent être écoutés avec respect. À ce moment-ci, c'est le leader du gouvernement qui a la parole, uniquement lui.


Motion d'urgence proposant la suspension de certaines règles de l'Assemblée afin de permettre la présentation d'une motion réaffirmant le droit du Québec de déterminer son statut politique


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Alors, M. le Président, je disais donc: «Qu'en raison de l'urgence de la situation et en vue de permettre la présentation et l'adoption de la motion suivante:

«"Que l'Assemblée nationale réaffirme que le peuple du Québec est libre d'assumer son propre destin, de déterminer sans entrave son statut politique et d'assurer son développement économique, social et culturel."

«Que le 1° paragraphe de l'article 19, l'article 20, le 7° paragraphe de l'article 53, le deuxième paragraphe de l'article 54, l'article 84, les mots "ou à la demande d'un député" au premier alinéa de l'article 86 ainsi que le deuxième alinéa du même article, les articles 88 à 93, 96, 100 et 101, 105 et 106, 188 et 189, 191, les articles 194 et 195, 196 à 204, 205 à 206, les articles 215, 216, 220, soient suspendus jusqu'à l'adoption de ladite motion;

«Que, dès l'adoption de la présente motion, il soit mis fin à l'étape des motions sans préavis et procédé aux étapes subséquentes de la période des affaires courantes;

«Qu'à l'étape des affaires du jour il soit permis, malgré l'article 54, à un ministre de présenter la motion prévue au premier alinéa;

«Que cette motion ne nécessite pas de préavis et ne puisse être amendée;

«Que le débat sur ladite motion soit limité à une durée de 1 h 45 min, 15 minutes étant réservées aux députés indépendants ainsi que 15 minutes pour la réplique de l'auteur de la motion, le reste du temps étant partagé également entre l'opposition officielle et les députés formant le gouvernement et ce, sans limite quant à la durée des interventions;

«Que l'ajournement du débat puisse être proposé à tout moment de la séance par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«Que l'ajournement de l'Assemblée puisse être proposé à tout moment de la séance par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«Que le retrait d'une motion puisse être proposé à tout moment de la séance par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«Qu'outre les dispositions prévues à la présente motion, tous les votes soient faits à main levée à moins que cinq députés n'exigent un vote par appel nominal;

«Que l'Assemblée puisse siéger jusqu'à ce qu'elle décide d'ajourner ses travaux;

«Que les règles ci-haut mentionnées puissent s'appliquer jusqu'à l'adoption de ladite motion.»

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Comme, à première vue, M. le Président, le gouvernement semble suspendre les règles de base de fonctionnement de l'Assemblée nationale qui constituent le fondement même de la démocratie québécoise, je crois qu'il serait opportun, à ce moment-ci, que nous suspendions nos débats pendant quelques instants, de façon à ce que nous puissions prendre connaissance de l'ampleur de la suspension de ces règles de fonctionnement de la démocratie québécoise.

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: ...correction. Je pense que j'ai lu «205 à 206» pour les articles, alors que c'est «205 à 210», juste pour que ce que j'ai dit soit conforme à ce qui a été déposé.

Le Président: Alors, la requête du leader de l'opposition officielle est pleine de sagesse. Alors, nous allons suspendre quelques instants, le temps de prendre connaissance de la motion. Je voudrais rappeler encore une fois aux députés qu'à chaque fois qu'il y a suspension par la présidence les règles de décorum prévalent. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Question d'information au leader du gouvernement. Compte tenu que des commissions parlementaires étaient prévues pour cet après-midi et en soirée, est-ce qu'il demeure dans l'intention du gouvernement de faire siéger les commissions parlementaires tel que prévu?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, pendant la...

Le Président: Est-ce que les députés pourraient prendre leur place, s'il vous plaît? M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, si j'ai le consentement de l'opposition, quand on reviendra après la suspension de quelques minutes, on pourrait toujours procéder aux avis touchant les travaux des commissions, si tel est son désir. Mais, tant que cette motion n'a pas été adoptée, on ne peut pas, évidemment, continuer, faire siéger normalement sans le consentement de l'opposition.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

(15 h 30)

M. Paradis: Oui, M. le Président, nous sommes dans une mesure qui, de toute évidence, ne sollicite pas le consentement de l'opposition. Nous serions contre, finalement, compte tenu du fait que le gouvernement a décidé, dans sa stratégie parlementaire et politique, de passer le bâillon aux parlementaires. Est-ce que les commissions parlementaires qui discutent d'autres projets de loi vont siéger cet après-midi et ce soir, oui ou non?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, c'est bien la première fois que je le vois se soucier des commissions qui doivent siéger. J'ai demandé tellement de fois le consentement pour que les commissions siègent, il ne me l'a jamais donné, alors je suis assez étonné. Les commissions siégeront quand la motion sera adoptée.

Le Président: Alors, je rappelle donc, puisque les nouvelles habitudes sont lentes à s'établir – et c'est normal – avant de suspendre la séance, qu'il y a des règles de décorum qui, de toute façon, sont prévues au règlement et que le président souhaite voir appliquées en toutes circonstances. Alors, les travaux de l'Assemblée sont suspendus.

(Suspension de la séance à 15 h 31)

(Reprise à 16 h 6)

Le Président: Alors, veuillez vous asseoir. Nous avons donc devant nous une motion de suspension des règles présentée par le leader du gouvernement. Nous avons suspendu les travaux de l'Assemblée le temps de nous assurer, de part et d'autre, d'avoir bien pris connaissance de la motion de suspension. À ce moment-ci, M. le leader de l'opposition officielle.


Débat sur la recevabilité


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président, comme vous venez de l'indiquer, nous sommes en présence d'une motion de suspension des règles qui gouvernent généralement nos travaux à l'Assemblée nationale du Québec. Quand nous sommes élus, les gens de nos diverses circonscriptions électorales s'attendent à ce que nous nous présentions devant l'Assemblée nationale du Québec pour faire valoir les divers arguments. Nous sommes régis, lorsque nous faisons valoir ces arguments suivant les dispositions de l'article 179 et suivants de notre règlement, comme vous le savez très bien, par la Loi sur l'Assemblée nationale du Québec. Nous sommes régis par le règlement, en temps normal, de l'Assemblée nationale du Québec et les règles de fonctionnement de cette Assemblée nationale. Nous sommes également régis par les ordres que l'Assemblée nationale donne à ses membres.

Le Président: Juste pour qu'on se comprenne, M. le leader de l'opposition officielle, dois-je comprendre que, à ce moment-ci, vous voulez plaider sur la recevabilité de la motion? Donc, vous êtes déjà sur la recevabilité, si je comprends bien. Alors, allez-y.

M. Paradis: M. le Président, à ce moment-ci, nous prétendons que cette motion est irrecevable parce qu'elle soulève, ou qu'elle met de côté les règles de base du fonctionnement d'une institution libre et démocratique qui a fêté son bicentenaire il y a quelques années. M. le Président, vous avez – et c'est la loi, les règlements et la jurisprudence en la matière – la tâche lourde de déterminer, à ce moment-ci, si la motion qui vous est présentée par le gouvernement est recevable dans cette circonstance.

Le peu de temps dont nous avons disposé entre le moment où vous avez ordonné la suspension des travaux et le moment où nous nous retrouvons ensemble ne nous a pas permis d'identifier ou de reconnaître aucun précédent de motion de suspension des règles de l'Assemblée nationale à l'item des motions sans préavis. Jamais un gouvernement, même aux prises avec la pire crise, aux prises avec des fermetures d'hôpitaux, aux prises avec des conflits de travail qui ont conduit, dans certains cas, à la violence, n'a utilisé, à l'item «motions sans préavis», une motion de suspension des règles fondamentales du débat démocratique en cette Chambre.

M. le Président, si nous réussissons, comme citoyens, à garantir la paix sociale, c'est parce que les règles que nous nous sommes données ensemble, de part et d'autre de l'Assemblée, de quelque côté que nous ayons siégé, garantissent la libre expression aux députés, sauf dans des circonstances extraordinaires. Et jamais un gouvernement n'a osé, au moment des motions sans préavis, invoquer qu'il y avait une urgence tellement urgente qu'on ne pouvait pas attendre aux affaires du jour, suspendre la législation en cours et procéder de façon normale. Ce que le nouveau leader du gouvernement vient de faire, M. le Président, est un geste qui est sans précédent et sur lequel vous devez vous prononcer.

(16 h 10)

M. le Président, dans une décision rendue le 16 juin 1993, l'honorable Michel Bissonnet, qui occupait à ce moment-là votre fauteuil, décidait ce qui suit: «Le règlement enjoint au président de décider de la recevabilité d'une motion, à savoir si les conditions de forme sont remplies.» Et ce que nous prétendons à ce moment-ci, M. le Président, c'est que les conditions de forme ne sont pas remplies, les motions sans préavis n'ont pas été soumises à l'attention des parlementaires, et nous n'en étions pas encore arrivés aux affaires du jour comme telles. Il aurait suffi de quelques minutes pour disposer de la motion du chef de l'opposition, qui se voulait recevable, et nous aurions pu en débattre en cette Assemblée.

Mais il y a davantage, M. le Président. Et vous vous retrouvez dans une situation où, d'un coté, mon bon ami le leader du gouvernement va vous soumettre que vos prédécesseurs ont refusé de se prononcer sur l'urgence de tenir des débats lorsque cette urgence a été invoquée par les divers leaders du gouvernement. Le député de Joliette a déjà eu l'occasion d'invoquer certaines urgences dans des cas qui étaient possiblement justifiés, dans des cas qui étaient plus questionnables. Mais la jurisprudence constante de vos prédécesseurs a été à l'effet qu'il n'appartient pas à la présidence comme telle de se prononcer sur l'urgence invoquée par le leader du gouvernement. Je vous soumets que nous ne sommes pas dans une de ces situations.

Lorsque l'ex-leader du gouvernement a invoqué l'urgence, il se conformait en tous points, du moins en apparence, aux exigences de l'article 183 du règlement de l'Assemblée nationale, qui stipule: «La motion ne requiert pas de préavis si le motif invoqué est l'urgence.» Je pense que tout le monde est d'accord sur les faits. Il n'y a pas eu de préavis, et le seul motif invoqué par le leader du gouvernement est l'urgence. Nous sommes aux motions sans préavis, nous ne sommes pas aux motions du jour, ce qui vous permet, M. le Président, de vous distancer, dans un cas qui est différent, des décisions qui ont été rendues par vos prédécesseurs.

Mais il y a davantage, M. le Président. Le débat politique comme tel auquel nous sommes confrontés vous amène et nous condamne également – et vous condamne, M. le Président, et je suis certain que vous l'auriez souligné si vous aviez jugé la motion acceptable – à beaucoup de prudence de la part des parlementaires. Vous êtes conscient, parce que vous avez déjà eu à rappeler des parlementaires à l'ordre dans cette Assemblée, des dispositions de l'article 35.3° du règlement de l'Assemblée nationale du Québec, qui stipule que le député qui a la parole ne peut «parler d'une affaire qui est devant les tribunaux ou un organisme quasi judiciaire, ou qui fait l'objet d'une enquête, si les paroles prononcées peuvent porter préjudice à qui que ce soit».

Nous vous soumettons, M. le Président, qu'il ne s'agit pas là d'une loi ou d'un règlement qui nous est imposé par un autre Parlement, par des gens qui ne sont pas d'ici. Nous vous soumettons qu'il s'agit de règles que nous nous sommes données dans notre régime démocratique et parlementaire québécois.

On sait que, présentement, le gouvernement du Québec est partie à une instance devant la Cour supérieure du Québec, communément appelée «l'affaire Bertrand», et que, au moment où nous nous apprêtons à discuter d'une motion qui fait référence à cette affaire devant l'Assemblée nationale du Québec, nous nous apprêtons à violer les dispositions de l'article 35.3° de notre règlement, et que la prudence la plus élémentaire nous commande, sur le plan strictement du respect des institutions juridiques, de respecter l'indépendance du système judiciaire de façon à ce que ce système puisse s'exprimer en toute liberté quant à la légalité ou l'illégalité des diverses actions qui ont pu être posées dans le dossier constitutionnel. Ce qui ne nous empêche aucunement, M. le Président, de conserver ici notre droit de parole, ce qui ne nous empêche aucunement de conserver ici, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, la priorité de défendre en tout état de cause, mais dans le respect de la loi et dans le respect du règlement que nous nous sommes donné, l'indépendance du système judiciaire.

Le seul argument invoqué par la partie ministérielle, par le gouvernement, est l'urgence de la situation. Hier, devant les tribunaux, et je vais tenter de faire preuve du maximum de prudence, le gouvernement du Québec, par la voix de ses procureurs, a demandé au juge Pidgeon, qui présidait au procès, de ne pas procéder parce qu'il n'y avait pas urgence, parce qu'il n'y avait pas de référendum de prévu, parce qu'il n'y avait pas d'élection référendaire de prévue. Je vous demanderais de prendre connaissance de l'argumentation du Procureur général du Québec, du ministre de la Justice du Québec devant la Cour supérieure, qui a plaidé exactement le contraire de ce que vient de prétendre le leader du gouvernement en cette Chambre aujourd'hui. Et le seul fait que le leader du gouvernement prétende en cette Chambre aujourd'hui qu'il y a urgence peut procurer des munitions à l'avocat Bertrand qui s'en prend aux droits et privilèges de l'Assemblée nationale du Québec, et je l'inviterais à faire preuve de beaucoup de prudence dans ses propos.

De l'autre côté, face à une question où on suspend ce qu'il y a de plus important pour un député, le droit de se prononcer, le droit d'utiliser son droit de parole, le droit de faire valoir les arguments des gens qu'il représente à l'Assemblée nationale, lorsqu'on est dans le cadre d'une telle motion, on devrait retenir les commentaires qui nous disent de pousser, mais pousser égal. Lorsque le gouvernement a le front de monter à l'assaut et de mettre de côté le règlement de l'Assemblée nationale du Québec, il devrait toujours le faire – et peut-être que l'actuel leader devrait se référer à son prédécesseur – avec beaucoup de retenue, beaucoup d'humilité et demander s'il n'y a pas moyen de collaborer pour qu'on s'entende sur un minimum d'éléments.

Est-ce qu'il y a urgence à ce moment-ci? Comme je vous l'ai indiqué, je vous demande, dans ces circonstances exceptionnelles, d'en décider vous-même, de prendre sur vous le fardeau de décider s'il est urgent que nous suspendions tous les travaux de l'Assemblée nationale, que l'on suspende les questions et les interrogations des gens qui vont subir les affres du budget qui a été déposé la semaine passée.

Est-ce que les malades qui sont en attente à Sainte-Justine considèrent qu'il est plus urgent de discuter de leur sort et des services de santé que de discuter d'une motion du chef du Parti québécois?

Des voix: Bravo!

M. Paradis: Est-ce que les 800 000 assistés sociaux du Québec, dont on prévoit que le nombre va s'accroître...

M. Chevrette: Question de règlement. Ça n'a pas d'allure!

Des voix: Oh! Oh!

Le Président: L'article 40, les remarques lors d'un rappel au règlement, et ça concerne la question qui est devant nous: «Le président peut – peut – autoriser quelques remarques à l'occasion d'un rappel au règlement. Elles doivent se limiter à l'article invoqué et au point soulevé.» Dans le contexte actuel, il est clair que le président interprète les quelques remarques en termes de temps et d'espace dans le débat ou dans la discussion qui a cours devant l'Assemblée. Alors, ça étant dit, M. le leader de l'opposition officielle, je vous inviterais à faire en sorte... Je m'excuse, c'est au président à établir quand il se jugera suffisamment informé pour prendre une décision. C'est à aucun membre de l'Assemblée de dire au président qu'il a maintenant compris.

Alors, M. le leader du gouvernement, sur...

M. Bélanger: Juste là-dessus, M. le Président, je voudrais dire tout simplement que toutes les remarques qu'est en train de faire présentement le leader de l'opposition, il pourra les faire quand on débattra de la motion comme telle. Mais, sur la recevabilité, les arguments sont très pointus, à savoir quand on plaide la recevabilité. Je soumets respectueusement qu'on est en train de plaider sur le fond de la motion, là.

(16 h 20)

Le Président: C'est la raison pour laquelle, M. le leader du gouvernement, j'ai rappelé les dispositions de l'article 40 et, dès le départ, j'ai demandé au leader de l'opposition officielle s'il intervenait sur la recevabilité. Il m'a indiqué que oui et, depuis, je comprends qu'il doit s'en tenir à la recevabilité. Alors, sur la recevabilité toujours, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, mon bon ami le leader du gouvernement aurait raison de vous demander de m'empêcher de parler du motif d'urgence qu'il a invoqué si vous aviez déjà rendu une décision à l'effet que ce n'est pas à vous de décider de l'urgence ou pas, comme certains de vos prédécesseurs l'ont fait en d'autres circonstances. Le but de mon argument, c'est de vous amener et de vous convaincre que nous sommes dans une situation qui n'a jamais été tranchée par aucun président de l'Assemblée nationale. Jamais un leader du gouvernement n'avait osé présenter une motion de suspension des règles de l'Assemblée nationale à l'item des motions sans préavis. Nous sommes donc dans un autre contexte, et si je veux vous convaincre, M. le Président, qu'il n'y a pas urgence, qu'il y a d'autres choses plus urgentes à faire pour l'Assemblée nationale, il faut que je reprenne l'argument, que je vous invite à relire les notes du Procureur général du Québec, du ministère de la Justice devant la Cour supérieure qui disent qu'il n'y a pas d'urgence à trancher le débat, des notes qui ont été produites hier devant la Cour supérieure.

Il faut que je vous répète, M. le Président, que le cas des 3 000 enfants et plus qui sont en attente d'hospitalisation à l'hôpital Sainte-Justine, c'est plus urgent, et vous devez vous faire une idée là-dessus, M. le Président. Il faut que je vous répète, M. le Président, que le cas des 800 000 personnes qui doivent compter sur l'aide sociale pour vivre au Québec, c'est plus urgent que la motion du premier ministre du Québec présentée en cette Chambre. Il faut que je vous convainque...

Le Président: Je comprends l'argumentation que vous développez, M. le leader de l'opposition officielle. Néanmoins, le Président souhaiterait que, finalement, vous en arriviez à des arguments qui l'inciteraient d'une façon encore plus pointue à rejeter – parce que c'est la demande que vous me faites – la recevabilité de la motion. Alors, il ne s'agit pas non plus d'utiliser – et ça, je pense qu'on se comprend bien, vous êtes suffisamment expérimenté pour le savoir – un plaidoyer sur la recevabilité pour faire un débat sur le fond. Alors...

M. Paradis: M. le Président, à partir du moment où, de ce côté-ci, nous prétendons que vous avez compétence pour déterminer s'il y a urgence ou pas, si vous déterminez qu'il n'y a pas d'urgence, qu'il y a des choses plus urgentes auxquelles le Parlement devrait s'affairer, vous allez rejeter la motion du gouvernement. Si vous, M. le Président, décidez que c'est l'affaire la plus urgente ou que vous n'avez pas à vous prononcer sur l'élément d'urgence comme tel, vous allez rejeter nos arguments. Mais la moindre des choses, M. le Président, c'est de permettre à l'opposition, qui, si vous acceptez la recevabilité de la motion de nos amis d'en face, ne pourra plus parler ou sera limitée dans son droit de parole, c'est de nous entendre sur la recevabilité et sur l'urgence. J'en étais donc, M. le Président...

Le Président: Je voudrais juste qu'on se comprenne. Il y a, et vous venez de le dire vous-même, un plaidoyer sur la pertinence d'invoquer l'urgence et il y a aussi ce que vous venez de dire, c'est-à-dire: Est-ce que c'est l'affaire la plus urgente par rapport à d'autres? Je pense qu'on peut très bien distinguer entre débattre de cette question-là par rapport à d'autres, en termes d'urgence, et plaider sur l'urgence en soi qui peut ou pas être invoquée à ce moment-ci.

M. Paradis: M. le Président, je diffère respectueusement quant à votre obiter. Il ne s'agissait pas d'une décision. Si le Québec, présentement, était dans une situation de plein-emploi, si nous n'avions pas 800 000 assistés sociaux, 400 000 chômeurs, des enfants en attente d'hospitalisation, vous seriez dans un contexte où ce serait plus facile de rendre votre décision. Mais, pour rendre votre décision, vous vous devez de tenir compte, si vous en venez à la conclusion qu'il vous appartient de trancher sur l'urgence, du climat global politique au Québec tel que nous le connaissons présentement. Bon.

Le Président: Je voudrais vous indiquer, à vous, M. le leader de l'opposition officielle, et éventuellement au leader du gouvernement, que le président n'entend pas, à l'étape de la décision sur la recevabilité, entendre pendant des heures et des heures des plaidoyers sur la recevabilité. L'article dont je vous ai fait la lecture il y a quelques instants est assez clair: «quelques remarques». C'est au président d'apprécier le temps et c'est au président de choisir s'il veut entendre ou non ces remarques-là, parce que l'article dit très bien «peut» et «quelques remarques». Je constate qu'on a déjà pris un certain temps pour exposer votre point de vue sur la recevabilité. Je suis prêt à vous entendre encore quelques instants, mais je vous indique tout de suite que je n'ai pas l'intention, ni de votre côté, ni du côté du leader du gouvernement, de prendre une heure de chaque côté pour entendre un plaidoyer sur la recevabilité de la motion qui est présentée devant nous sur la suspension des règles. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, je comprends très bien votre position, M. le Président, mais l'horloge est la même pour les deux côtés de la Chambre et pour la présidence. Je n'ai pas l'intention de prendre une heure. Compte tenu des interruptions doubles de l'autre côté, de l'ancien leader, du leader actuel...

Une voix: Qui mène?

M. Paradis: ...on a à peine 10 minutes de prises sur la question.

M. le Président, je vous assure que je n'ai pas l'intention de déborder, mais simplement de vous rappeler qu'en prenant votre décision sur l'urgence vous vous devez de tenir compte des représentations du gouvernement du Québec devant la Cour supérieure, à l'effet qu'il n'y a pas d'urgence, qui ont été faites hier devant la Cour supérieure. Vous vous devez de tenir compte de l'ensemble des dossiers, au Québec, qui font l'objet de la période de questions et de l'intervention de l'Assemblée nationale, ou qui devraient en faire l'objet à tous les jours en cette Assemblée nationale.

Je vous répète que nous comptons présentement plus de 800 000 assistés sociaux et que les crédits déposés prévoient une augmentation, que l'on compte actuellement plus de 400 000 chômeurs et que les crédits déposés par le ministre des Finances prévoient une augmentation, pour les trois prochaines années, des chômeurs. Ce qu'on prétend de ce côté-ci, M. le Président, c'est que les choses urgentes auxquelles le gouvernement qui est en face devrait s'attaquer en priorité... Et si le leader veut invoquer l'urgence, c'est sur ces sujets-là qu'il devrait invoquer l'urgence: remettre le Québec au travail. Il serait urgent de redonner confiance aux Québécois et aux Québécoises.

Il serait également urgent, M. le Président, que l'urgence soit reconnue par cette Assemblée nationale et par vous-même, que l'on accepte démocratiquement le résultat d'un acte pratique d'autodétermination du Québec, qui est le résultat du dernier référendum au Québec. C'est urgent que cette Assemblée reconnaisse...

M. Bélanger: M. le Président, là...

Une voix: M. le Président, il est après plaider l'urgence.

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur la question.

M. Bélanger: Bien, M. le Président, là, on a deux heures pour débattre sur, justement, la motion qui a été présentée. Il pourra faire ce discours-là à ce moment-là, pas sur la recevabilité, M. le Président. On est sur la recevabilité. Je veux bien laisser la présidence présider, M. le Président, parce que c'est la prérogative de la présidence, mais je vous demanderais, M. le Président, d'appliquer notre règlement afin qu'on puisse vraiment procéder sur la motion qui est présentée et, après ça, sur la motion qui sera présentée.

Une voix: C'est ça, bravo!

M. Paradis: Moi, je veux tenter...

Le Président: Je voudrais vous indiquer, M. le leader – parce que je pourrais très bien invoquer certains précédents – qu'à cette étape-ci, compte tenu des informations dont j'ai besoin pour rendre une décision, je pense que, sur la question d'urgence, j'ai suffisamment d'éléments d'information. De votre côté, j'aimerais ça entendre l'autre partie sur cette partie-là. Si vous avez d'autres éléments concernant la décision que je dois rendre sur la recevabilité, parce que vous avez invoqué au moins trois arguments jusqu'à maintenant, dont un est la question d'urgence, si vous avez d'autres éléments sur lesquels je pourrais éventuellement me pencher, alors je vous invite à le faire à ce moment-ci.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je sais que vous avez une expérience suffisante comme député de comté pour savoir quels sont les éléments que la population de votre comté considère comme étant urgents. Oui, il y en a d'autres. Le député de Marquette vient de me souffler à l'oreille que, dans le domaine des services de garde à l'enfance, il y a des enfants qui...

Des voix: Ha, ha, ha!

(16 h 30)

Le Président: Je vous ai demandé justement de cesser de plaider l'urgence parce que, sur cette question-là, je considère que je suis suffisamment informé de l'argumentation que l'opposition officielle présente à la présidence. Je voudrais, par ailleurs, vous inviter, si vous avez d'autres éléments d'argumentation sur d'autres aspects que l'urgence, à les faire valoir à ce moment-ci, sinon je serai obligé, à un moment donné, de conclure que l'intervention de l'opposition officielle sur l'irrecevabilité est terminée.

M. Paradis: M. le Président, vous me placez dans une situation extrêmement difficile. Si vous vous étiez levé debout et m'aviez dit: Oui, j'avais à la tête, en mémoire et dans mon coeur, la question des garderies... Non. M. le Président, de ce côté-ci, on pense que c'est ça qui est urgent. Est-ce qu'on peut au moins le dire? Les règles ne sont pas encore suspendues, à ce que je sache. Est-ce qu'on peut dire que ce sont les préoccupations de nos citoyens?

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, le président a interprété largement et de façon libérale, dans le sens classique du terme, le règlement pour vous permettre de plaider sur la recevabilité et notamment sur l'argument de l'urgence. À ce moment-ci, je vous demande de passer à d'autres arguments si vous en avez d'autres, sinon j'ai pris note que vous avez plaidé l'irrecevabilité sur trois éléments majeurs, dont l'urgence, et, éventuellement, dans la décision, je devrai prendre en considération les trois arguments sur lesquels vous avez fondé jusqu'ici votre plaidoyer. Alors, sur un autre argument, s'il vous plaît, s'il y en a d'autres, actuellement, à être soulevés.

M. Paradis: Oui, M. le Président, je vais être, dans les circonstances, obligé, et je le déplore... Dans de telles circonstances, habituellement... Et, comme je vous l'indique, on est dans une circonstance un peu particulière. Jamais un leader n'avait suspendu les règles au moment des motions sans préavis comme telles. Jamais personne n'avait osé faire ça dans le Parlement québécois. Ça va? Jamais personne n'avait osé le faire dans le Parlement québécois. Si vous avez à décider sur l'urgence, et je pense que vous considérez sérieusement la question, si vous me demandez d'arrêter de plaider, que vous en avez suffisamment, moi, je veux être convaincu que vous êtes convaincu présentement que, si c'est vous qui décidez de l'urgence, vous êtes convaincu qu'il y a d'autres matières plus urgentes et qu'il n'y a pas urgence à entendre la motion du député ou du leader du gouvernement et du premier ministre. Si vous me dites que c'est le cas, je peux me rasseoir, et, à ce moment-là, M. le Président, nous applaudirons votre décision.

Le Président: Si je vous ai laissé plaider jusqu'à maintenant sur l'urgence, c'est que je n'entendais pas, avant d'entendre le plaidoyer, prendre une décision sur l'à-propos d'invoquer l'urgence à ce moment-ci, sinon je vous aurais arrêté dès le départ. Sauf que, ce que je vous indique, c'est que l'article dont j'ai parlé tantôt, dans le fond, permet au président de recevoir quelques remarques de part et d'autre de l'Assemblée lorsqu'il a à statuer sur un rappel au règlement. Vous avez fait un rappel au règlement. Vous invoquez finalement l'irrecevabilité de la motion qui est présentée par le leader du gouvernement, et ce que je vous indique, c'est que j'ai bien entendu votre plaidoyer. Vous avez, jusqu'à maintenant, invoqué trois types d'arguments, je les ai pris en note et je vous invite maintenant à conclure, à moins que vous n'ayez un quatrième ou un cinquième argument sur la recevabilité. La question de l'urgence, en ce qui me concerne, j'ai suffisamment de remarques qui ont été présentées de votre côté, pour pouvoir, à ce moment-ci, être en mesure de recevoir la réplique sur cette question-là, éventuellement, du leader du gouvernement.

M. Paradis: Simplement pour m'assurer que... Dans les quatre ou cinq – parce que, lorsque ça devient «quatre ou cinq», c'est moins précis que «quatre et cinq» – est-ce que vous avez inclus dans les arguments le fait que cette Assemblée nationale a été saisie à 18 reprises d'une motion présentée par des députés de l'opposition à l'effet d'exiger du gouvernement d'en face qu'il reconnaisse le résultat démocratiquement exprimé par la population du Québec à l'occasion d'un référendum qui s'est tenu il y a moins d'une année? Est-ce que ça fait partie des quatre ou cinq arguments que vous avez retenus, M. le Président?

Le Président: Écoutez, je vous ai indiqué... À l'ordre! C'est le genre de situation où le président a besoin d'un maximum de concentration, et je vous prierais de lui permettre de faire son travail correctement pour le bien commun de l'Assemblée même et pour nos travaux. Alors, n'ayez crainte, M. le leader de l'opposition officielle, le président a pris note des arguments que vous avez invoqués, et tous les arguments distincts les uns des autres ont été pris en note non seulement par la présidence, mais j'ai demandé avant qu'on fasse en sorte que les notes soient prises pour qu'on n'oublie pas d'éléments lorsqu'il y aura un délibéré, éventuellement, à se faire – dans quelques instants – après qu'il y aura eu argumentation sur la recevabilité. Alors, je vous invite à conclure sur la recevabilité.

M. Lefebvre: M. le Président...

Le Président: À ce moment-ci, M. le leader... Alors, je serais prêt à reconnaître... Attendez. Je serais prêt à reconnaître quelqu'un de l'autre côté, maintenant.

M. Lefebvre: M. le Président... M. le Président...

Le Président: Écoutez, à ce moment-ci, le président a statué sur la recevabilité. Ce dont j'ai besoin, c'est d'avoir des informations et des commentaires de part et d'autre, et, comme, d'une certaine façon, le président a à se comporter comme un juge, à ce moment-ci je souhaite avoir la réplique. Je pourrai reconnaître par la suite le député de Frontenac, qui pourra ajouter des éléments additionnels, et une dernière réplique de l'autre côté afin qu'on en finisse dans la compréhension de la question de la recevabilité. J'ai reconnu, à ce moment-ci, le leader du gouvernement sur la recevabilité.

M. Paradis: Question de règlement.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Simplement pour vous rappeler un événement très récent, M. le Président. Tantôt, vous avez reconnu – et c'était votre droit de le faire – l'ancien leader du gouvernement et vous avez reconnu le leader actuel du gouvernement sans alternance. Au moment où nous nous parlons, le leader adjoint de l'opposition veut ajouter à l'argumentation que j'ai présentée et, en vertu de la même règle d'équité que vous venez d'appliquer au gouvernement qui veut suspendre nos droits de parole, qui veut suspendre notre droit de nous prononcer en cette Chambre, je vous demande de reconnaître le leader adjoint.

Le Président: Je regrette, M. le leader de l'opposition officielle, mais je ne crois pas qu'on ait eu la même lecture des événements. Le député de Joliette s'est levé, et je ne lui ai pas permis d'intervenir. Je ne l'ai donc pas reconnu et, à ce moment-ci, il n'y a qu'un seul député – c'est vous – qui a plaidé sur la recevabilité. Et, comme vous avez terminé, je demanderais maintenant au leader du gouvernement...

M. Lefebvre: Question de directive, M. le Président.

Le Président: En vertu de quel article, M. le député de Frontenac?

M. Lefebvre: Question de directive, l'article...

Le Président: Allez-y.

M. Lefebvre: Article usuel, M. le Président, sur la question de directive. Comment pouvez-vous présumer que, moi ou d'autres de mes collègues, peu importe de quel côté de l'Assemblée, ne pourrions pas jeter un éclairage additionnel à tout ce qui a été dit par le leader de l'opposition officielle avant de l'avoir entendu?

Le Président: La question n'est pas là, M. le leader adjoint de l'opposition, la question n'est pas là. La question, c'est que le président doit statuer sur la recevabilité. C'est lui qui décide s'il veut entendre ou non des opinions. Je peux vous faire remarquer que, encore une fois, l'article 40 est très clair: «Le président peut – ce n'est pas écrit "doit" – autoriser quelques remarques à l'occasion d'un rappel au règlement.» Le président a permis au leader de l'opposition officielle de faire des remarques, il souhaite maintenant entendre la partie gouvernementale, et je n'ai dit à aucun moment que je ne souhaiterais pas éventuellement vous entendre pour que vous puissiez ajouter des éléments additionnels. Alors, M. le leader du gouvernement.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président. Je reviendrai uniquement sur quelques points. Je ne reparlerai pas de l'urgence, puisqu'il y a énormément de décisions, et c'est tout à fait constant, disant que l'urgence ne peut être invoquée au niveau de la recevabilité d'une motion de suspension des règles de procédure. Maintenant, en vertu de l'article 182, cela permet au leader en tout temps – en tout temps – de présenter une motion de suspension des règles de procédure et d'invoquer, à ce moment-là, l'urgence. Donc, 182 est excessivement clair.

Quant au sub judice, mon collègue le leader de l'opposition officielle a invoqué l'article 35.3°. La jurisprudence est constante à cet effet-là que, quand on est en matière civile, on peut quand même parler de la chose qui est présentement devant les tribunaux en prenant soin que ce qui va être dit ne porte pas atteinte aux droits des gens qui sont présentement impliqués devant les tribunaux.

Ceci étant dit, M. le Président, je vous demanderais de relire la motion que nous allons présenter, que le premier ministre va présenter une fois que la motion de suspension des règles va être adoptée:

«Que l'Assemblée nationale réaffirme que le peuple du Québec est libre d'assumer son propre destin, de déterminer sans entrave son statut politique et d'assurer son développement économique, social et culturel.»

(16 h 40)

Nullement dans cette motion il n'est fait mention du gouvernement fédéral, nullement dans cette motion il n'est fait mention du processus ou du procès, de la demande qui est présentement devant les tribunaux. Donc, on a pris le plus grand soin possible, M. le Président, justement, d'éviter toute mention de quelque chose qui pourrait être devant nos tribunaux, justement pour se conformer à cette règle de 35.3°.

Quand le leader de l'opposition disait: Jamais une telle motion de suspension des règles n'a été produite au moment de la période des motions sans préavis, je voudrais tout simplement vous rappeler, M. le Président, porter à votre attention la décision 183-2, page 102 de notre Recueil des décisions, où la question était: «Est-ce qu'une motion de suspension des règles de procédure ne requérant pas de préavis doit être présentée aux affaires courantes, à l'étape d'une motion sans préavis?» C'était la question qui avait été, à ce moment-là, devant le président, et le président avait dit, à ce moment-là, qu'en tout temps le leader du gouvernement, à toute étape, peut présenter, en vertu de 183, une motion de suspension des règles. En toute étape. Donc, à ce moment-là, ça ne peut même pas être plaidé au niveau de l'irrecevabilité.

Je conclurai en disant, M. le Président, que vous n'êtes même pas obligé d'écouter les parlementaires sur l'irrecevabilité ou la recevabilité d'une motion. C'est uniquement une tradition, M. le Président, qui fait en sorte que les présidents et les vice-présidents...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, MM. les députés! Je ne voudrais pas être obligé de suspendre la séance simplement parce que les députés s'invectivent d'un côté ou de l'autre et que le climat devient intolérable pour une discussion relativement civilisée et correcte. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. En concluant, M. le Président. Simplement pour vous dire qu'au niveau de la recevabilité, quand on plaide la recevabilité, quand on argumente au niveau de la recevabilité ou de l'irrecevabilité d'une motion, c'est uniquement une tradition à l'effet que le président, bon, pour prendre une décision, écoute de part et d'autre le leader de l'opposition et le leader du gouvernement, mais le président n'a nullement l'obligation d'écouter les parlementaires relativement à ce stade-ci. Et, quand le président ou un vice-président se déclare suffisamment informé et prêt à rendre une décision, il a le pouvoir de dire tout simplement: Je suis présentement assez informé, j'ai assez de renseignements pour rendre ma décision. Et vous avez le pouvoir de la rendre immédiatement.

Et de tous les motifs qui ont été invoqués par le leader de l'opposition, il n'y en a aucun, M. le Président, qui soit valable au niveau de justifier une quelconque irrecevabilité de la motion que j'ai présentée devant vous. Et je pense que vous êtes suffisamment informé, M. le Président, pour rendre immédiatement une décision.

Le Président: M. le député de Frontenac.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: M. le Président, je suis assez estomaqué, moi, d'entendre le leader du gouvernement dire, à toutes fins pratiques, qu'on n'a plus rien à dire ici, nous autres. Non seulement, M. le Président, la procédure, elle est absolument exceptionnelle, c'est du jamais vu. Une motion de suspension des règles sur une motion sans préavis, c'est du jamais vu. Moi, je ne me souviens pas d'avoir vu ça ici, à l'Assemblée, depuis 10 ans, et je suis convaincu que le député de Joliette, M. le Président...

Le Président: Le président est le seul à apprécier quand il jugera qu'il sera suffisamment informé. Entre-temps, je demande aux députés d'être à leur siège, en silence, comme le règlement les oblige à le faire, et de permettre à l'intervenant de prendre la parole et de permettre au président d'écouter les arguments d'un côté ou de l'autre pour qu'il puisse éventuellement rendre une décision la plus éclairée possible. M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, je vais aborder avec vous – puis je suis convaincu que vous allez m'écouter avec grande attention – un élément additionnel à ceux qui ont été soulevés par le leader de l'opposition officielle.

Dans un premier temps, M. le Président, je veux rapidement revenir sur l'urgence. D'ailleurs, vous avez remarqué que le leader du gouvernement n'en a pas soufflé mot, de l'urgence. M. le Président, l'urgence, c'est vrai, la jurisprudence est assez constante dans ce sens-là, n'a pas à être prouvée, sauf, M. le Président... Et la décision à laquelle a fait référence mon collègue de Brome-Missisquoi, tout à l'heure, dit ceci: «Enfin, il n'appartient pas au président de déterminer si l'urgence existe.» Sauf, M. le Président, que, si la présidence sait par d'autres sources qu'il n'y a pas urgence, elle a l'obligation, sur la base de notre argumentation que c'est irrecevable parce qu'il n'y a pas urgence... Vous avez l'obligation, M. le Président, si vous savez par d'autres sources que les commentaires des parlementaires – et c'est ça que je vous soumets avec tout le respect qu'on vous doit – de déclarer irrecevable la motion de suspension, parce qu'il n'y a pas urgence.

Et de quelle façon le savez-vous? Vous le savez par la connaissance que vous avez et que vous devez avoir, pour bien appliquer l'article 35.3°, de tout ce qui se passe au niveau de nos tribunaux. Et vous le savez, que ça a été plaidé par les procureurs du gouvernement du Québec, qu'il n'y a pas d'urgence. Donc, c'est à votre connaissance qu'il n'y a pas urgence, et vous êtes coincé par la démarche parallèle des procureurs du gouvernement qui ont allégué exactement le contraire de ce qui apparaît sur la procédure, à savoir qu'il y a urgence, alors qu'on a plaidé qu'il n'y avait pas urgence. Donc, vous êtes saisi depuis hier, comme tous les parlementaires de l'Assemblée, qu'il n'y a pas urgence. Vous devez en tenir compte.

C'est vrai que ça n'a pas été prouvé ici. On ne peut pas faire la preuve à l'Assemblée qu'il y a urgence ou pas, mais vous le savez par une autre source, incontestable, celle-là: les procureurs du gouvernement. Et vous le savez – je me répète – qu'ils ont très clairement indiqué... C'est la base de leur argumentation sur la requête en irrecevabilité de la procédure de Me Bertrand, qu'il n'y a pas urgence. Donc, vous êtes saisi et vous devez, sur cette base-là, déclarer la motion de suspension des règles irrecevable.

Deuxième argument, vous êtes, vous, le gardien des droits des députés et vous avez la responsabilité de surveiller la règle de la séparation des pouvoirs: le législatif, l'Assemblée nationale, l'exécutif, le gouvernement et le judiciaire.

Une voix: Oui.

M. Lefebvre: La motion de suspension des règles constitue, quant à moi, déjà une entrave dans le judiciaire, parce que la motion de suspension des règles plaide l'urgence et vient interférer dans un débat pendant devant les tribunaux. C'est extrêmement grave. Vous avez la responsabilité, vous, en vertu de 35.3°, de dire: M. le leader du gouvernement, non seulement par vos propos, mais par vos écrits, vous faites de l'ingérence dans le troisième pouvoir qui est le judiciaire. Vous avez cette responsabilité, M. le Président, et c'est déjà allé, quant à moi, pas mal loin. On débat d'une procédure, d'une motion qu'on n'a pas le droit de débattre à cause de son libellé. C'est de l'ingérence. C'est de l'ingérence à l'intérieur même du pouvoir qu'est le pouvoir judiciaire, et vous avez l'obligation de le protéger. Puis, ça, on ne fait pas de politique, ici. On parle...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Non, non, non! Non, non! Ça les fait rire. La séparation des pouvoirs, ça ne les dérange pas. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois qu'on voit ça.

Des voix: Non, non.

M. Lefebvre: Ils jouent avec ça depuis septembre...

Le Président: Je voudrais vous dire, en terminant, M. le député de Frontenac, que vous avez à vous adresser toujours sur la question de la recevabilité. Vous n'avez pas à répondre aux quolibets ou aux remarques qui ne devraient pas être faits, de toute façon, par l'autre côté. Alors, en terminant.

M. Lefebvre: M. le Président, je conclus en disant que c'est assez exceptionnel. C'est la première fois que la présidence est soumise à un tel questionnement lorsque l'on parle de l'urgence invoquée dans une motion de suspension des règles. Votre problème est double: c'est à votre connaissance qu'il n'y a pas urgence, un; et, deux, la procédure elle-même et les commentaires du leader du gouvernement constituent, quant à moi, quant à nous, de l'opposition officielle, une ingérence dans le système judiciaire, et c'est très grave.

Alors, je vous demande de réparer, à date – il n'est pas trop tard, pas trop tard – le tort causé par ce gouvernement qui, lui, ne pense qu'à faire de la politique, ultimement, avec les droits les plus sacrés des Québécois et des Québécoises.

(16 h 50)

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: Alors, à ce moment-ci je vais suspendre les travaux, pour délibérer. M. le député de Laurier-Dorion, le président considère qu'à ce moment-ci il y a eu suffisamment d'éléments qui lui ont été présentés. Je m'excuse, mais je n'ai pas l'intention d'entendre d'autres plaidoyers sur la recevabilité. Alors, si c'est sur autre chose, je suis prêt à vous écouter quelques instants.

M. Sirros: M. le Président, c'est un autre élément sur cette question de la recevabilité. Ça ne serait pas plus long que...

Le Président: Je m'excuse, M. le député, j'ai déjà décidé que le président, à ce moment-ci, était suffisamment informé. Je suspends les travaux de l'Assemblée et je souhaite que, lors de la suspension, les mêmes règles de décorum s'appliquent.

(Suspension de la séance à 16 h 51)

(Reprise à 17 h 54)


Décision du président sur la recevabilité

Le Président: Veuillez vous asseoir.

Alors, après avoir pris en considération chacun des arguments invoqués par les leaders de l'opposition officielle et du gouvernement sur la recevabilité de la motion de suspension des règles présentée par le leader du gouvernement, je déclare celle-ci recevable, et ce, notamment, pour les motifs suivants. D'abord, l'urgence n'a pas à être prouvée par l'auteur de la motion ni à être appréciée par le président. Elle n'a qu'à être invoquée au moment de la présentation de la motion, ce qui a pour effet de dispenser cette dernière du préavis dont, autrement, elle devrait être précédée.

À cet égard, je voudrais ajouter que, si la présidence portait un jugement sur l'à-propos d'une telle motion ou sur la notion d'urgence à laquelle elle réfère, elle interviendrait directement dans le fond du débat et s'immiscerait dans un processus décisionnel réservé aux membres de cette Assemblée. D'ailleurs, tant la jurisprudence de cette Assemblée que les auteurs de droit parlementaire reconnaissent qu'il appartient à l'Assemblée et non au président de décider s'il y a urgence. Je vous réfère simplement aux décisions rendues par mes prédécesseurs le 18 août 1977, le 9 décembre 1982 et le 18 juin 1987 ainsi qu'à l'article 531 du règlement Geoffrion et à la page 431 du traité de la procédure d'Australie de 1981, House of Representatives Practice.

Sur cette question d'urgence, d'autre part, il en est autrement, cependant, lorsque la présidence a à apprécier à l'occasion d'une demande de débat d'urgence faite en conformité des articles 88 et suivants du règlement. En effet, le règlement, dans ce dernier cas, octroie au président certains pouvoirs d'intervention et d'appréciation, ce que ne donne pas la notion de suspension de certaines règles. D'autre part, l'urgence ayant été invoquée, la motion est dispensée d'un préavis, conformément à l'article 183. En conséquence, elle peut être présentée à tout moment des affaires du jour, mais également, en toute logique, à l'étape dite des motions sans préavis des affaires courantes, comme le démontrent au moins une demi-douzaine de précédents depuis 1993, notamment les décisions prises le 3 février 1995, le 26 janvier 1995, le 14 décembre 1993, le 13 décembre 1993, le 9 décembre 1993 et le 17 juin 1993.

Quant à la question du sub judice, je rappelle ce qui suit: l'application de la règle du sub judice relève de la discrétion de la présidence, sous réserve de son application absolue dans les affaires criminelles et pénales. Lorsque nous ne sommes pas en présence d'une affaire criminelle ou pénale, la règle du sub judice s'applique d'une manière moins absolue, et la présidence permet le débat. Dans un tel cas, la présidence rappelle toutefois la teneur de la règle du sub judice et demande aux députés d'éviter toute remarque qui pourrait avoir pour effet de porter préjudice à qui que ce soit. Les députés devront éviter de tenir des propos qui font référence directement aux procédures judiciaires afin de ne pas porter préjudice à qui que ce soit.

La règle du sub judice doit être appliquée avec circonspection de la part de la présidence, car cette règle a en quelque sorte pour effet d'atténuer d'importants privilèges parlementaires de nature constitutionnelle, soit le privilège individuel de la liberté de parole des députés et son corollaire, le privilège collectif de l'Assemblée de régir ses affaires internes sans ingérence extérieure, qui comporte, notamment, le droit pour l'Assemblée d'administrer ses propres affaires dans son enceinte.

Le président de la Chambre des communes du Canada a déjà fait remarquer, et je cite, que «la Chambre n'a jamais été empêchée d'étudier une affaire en cours d'instance lorsque cette affaire était vitale pour le pays et pour la bonne marche de notre institution». Fin de la citation. En l'occurrence, il s'agissait de questions d'importance dite nationale.

Voilà donc la décision de la présidence et, à ce moment-ci, je voudrais inviter les deux leaders parlementaires à la salle des délibérés pour qu'on puisse organiser le débat restreint qui est prévu par notre règlement.

M. le leader de l'opposition officielle, allez-y.

M. Paradis: Oui. Strictement, M. le Président, tout en se conformant à la décision que vous venez de rendre, quant à l'aspect sub judice, vous avez insisté sur la prudence qui devait animer les membres de l'Assemblée nationale à l'intérieur du débat, mais, sauf si j'ai échappé une de vos conclusions, vous ne vous êtes pas prononcé sur la motion comme telle. C'est un argument que j'avais soulevé et que le leader adjoint de l'opposition officielle avait soulevé, la motion, à sa face même, contredit les prétentions du Procureur général du Québec devant les tribunaux, prétentions qui ont été exprimées hier.

Est-ce que, à votre opinion, la motion comme telle contrevient ou interfère dans le processus judiciaire? Si votre décision incluait cette argumentation, je vous demanderais de me le spécifier, parce que les avocats des diverses parties qui suivent attentivement nos travaux et qui ont plaidé exactement...

(18 heures)

Une voix: Bravo! Bravo!

M. Paradis: Je n'avais pas terminé. M. le Président, vous ne pouviez pas écouter deux personnes en même temps. Je n'avais pas terminé. Les procureurs du gouvernement du Québec, qui ont prétendu exactement le contraire devant la Cour supérieure hier, se demandent si votre décision inclut le libellé de la motion comme tel.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: La décision est rendue, M. le Président. Je demanderais qu'on commence le débat sur la motion. Votre décision est rendue. On ne peut pas essayer de faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement, c'est-à-dire contester votre décision.

Des voix: Bravo!

Le Président: Le président a toute la latitude pour non seulement rendre sa décision, mais aussi expliquer plus ou moins en détail les raisons pour lesquelles... Alors, le président a rendu sa décision, il a donné les explications qu'il jugeait, à ce moment-ci, utiles à être données pour que la motion soit reçue ou non reçue, et je n'entends pas aller plus loin dans les appréciations ou les évaluations. J'ai pensé que ce qui devait être dit à ce moment-ci a été dit et, à ce moment-ci, je voudrais inviter les deux leaders à une réunion pour...

M. Paradis: M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Compte tenu des circonstances, je vous demanderais de notifier l'heure et d'appliquer l'article 20 du règlement.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Bien, M. le Président, je suis prêt à ce qu'il y ait une rencontre entre les leaders et qu'on commence immédiatement le débat sur la motion.

Le Président: À l'ordre! À l'ordre! Le président n'a pas ordonné aux leaders de venir le rencontrer, il a invité les leaders. À ce moment-ci, au-delà de cette invitation, je n'ai pas d'autre choix, en vertu de l'article 20, que de suspendre les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

(Reprise à 20 h 1)

Le Président: Veuillez vous asseoir.

Alors, en fonction de la motion du leader du gouvernement, je serais prêt, d'une part, à reconnaître un premier intervenant et, en même temps, pour faire en sorte que les travaux de la Chambre puissent se dérouler correctement, puisqu'il a été impossible d'avoir une conférence des leaders avant ce moment-ci, alors je voudrais convoquer les deux leaders pendant l'intervention du premier intervenant.

Alors, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Bien humblement, pour peut-être ajuster les pendules ou les mettre à l'heure, il a été impossible d'avoir une conférence des leaders parce que l'aimable invitation que vous nous avez acheminée informellement était après les 18 heures, heure à laquelle l'Assemblée nationale met normalement fin à ses travaux pour l'heure du souper. Il y a peut-être des gens de l'autre côté qui n'ont aucun respect pour la tenue d'un caucus des députés où les députés se parlent entre eux. Il y avait caucus du Parti libéral du Québec à 18 heures, et les membres étaient tous là et ont assisté au caucus.

Maintenant, M. le Président, je vous ai indiqué sur l'heure, ou dès que j'ai pu me libérer du caucus, que j'étais disponible pour une brève réunion des leaders à partir du moment où l'Assemblée nationale reprenait ses travaux. C'est l'invitation que vous nous formulez, et nous sommes disponibles.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, vraiment, je ne serai jamais à court de surprises avec mon vis-à-vis le leader de l'opposition. C'est la première fois que j'entends parler que les réunions des leaders doivent avoir lieu entre les heures où le Parlement doit siéger. C'est la première fois que j'entends parler de ça. Franchement, M. le Président, je pense que, comme excuse... quand on veut chercher des excuses pour ne pas débattre d'une motion, pour ne pas s'engager ou pour montrer tout simplement qu'on a peur de voter sur une motion, je pense qu'à ce moment-là le leader de l'opposition est champion.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, rapidement.

M. Paradis: Oui, M. le Président, conformément aux dispositions de l'article 35 de notre règlement, je n'ai jamais imputé de motif à l'actuel leader du gouvernement. Je lui demanderais de faire preuve de la même réserve.

Le Président: Bon, d'accord. Écoutez, le président vous a fait une suggestion. S'il n'y a pas moyen de s'entendre à ce moment-ci, je vais suspendre les travaux, on va faire une conférence des leaders rapidement.

M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je pense que vous avez fait une proposition, c'est-à-dire que le débat commence. Et, à ce moment-là, on peut se rencontrer pendant la première intervention. Ça sera le député de Joliette qui sera le premier intervenant de notre côté, puis ça n'empêchera pas, à ce moment-là, le déroulement de la Chambre. Je vous soumets respectueusement que vous n'avez pas à suspendre les travaux de la Chambre, malgré que vous ayez le pouvoir de le faire, M. le Président, mais, à partir du moment où vous avez fait la proposition suivante, le débat va être entamé, le premier intervenant de notre côté va être le leader, l'ancien leader de l'opposition, c'est-à-dire le député de Joliette... le leader du gouvernement – pardon – leader du gouvernement. Leader du gouvernement! Il a aussi été leader de l'opposition, comme, maintenant, le leader de l'opposition a été aussi leader du gouvernement à l'époque, mais ça sera le député de Joliette qui sera le premier intervenant et, à ce moment-là, on pourra faire la conférence des leaders, la rencontre des leaders.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. M. le Président, l'article 210 du règlement doit, je vous le soumets très respectueusement, s'appliquer en tout temps, mais encore plus lorsqu'il est question de suspendre des droits fondamentaux des parlementaires qui ont été élus pour représenter la population du Québec à l'Assemblée nationale du Québec. Ce que vous avez suggéré à l'Assemblée nationale, c'est de suspendre quelques minutes pour une conférence des leaders. Si le leader du gouvernement conserve la même attitude, vous reviendrez sur le trône, vous constaterez l'impasse et vous vous devrez de trancher en équité pour que les parlementaires aient le maximum de droits possible à l'intérieur d'une motion qui brime nos droits et que vous avez jugée – et je ne fais pas appel de votre décision, M. le Président – recevable.

Si le leader du gouvernement en est rendu à ce point qu'il ne veut même pas participer à une conférence des leaders pour que, dans une situation où nos droits sont brimés, de ce côté-ci de l'Assemblée nationale et de l'autre côté aussi – il y a peut-être des gens qui ne s'en sont pas rendu compte, mais leur droit de parole, également leur droit de bien représenter des électeurs qui les ont élus à l'Assemblée nationale sont bâillonnés, sont brimés – à ce moment-ci, c'est d'ajouter l'injure à l'insulte.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, c'est peut-être la fatigue ou un peu l'ouïe qui est un peu plus faible, je pense que le leader de l'opposition avait mal compris ce que j'avais dit alors que je lui avais dit que j'étais prêt à assister tout de suite à une rencontre des leaders. Cependant, pour ne pas retarder les travaux de la Chambre, ce que je vous soumettais, comme vous l'avez proposé, c'était qu'on commence immédiatement le débat. Alors, je pense que le leader de l'opposition a mal compris. Il était peut-être occupé à parler à quelqu'un, mais je pense qu'il avait mal compris ce que je lui avais dit, tout simplement.

Le Président: Bon. Alors, le président avait fait une proposition afin que les travaux puissent se dérouler correctement. La responsabilité du président, c'est de diriger les séances et de faire en sorte que les travaux se déroulent correctement. Dans le contexte, ce que je comprends, c'est que ça ne sera pas possible d'avoir une atmosphère correcte pour tenir le débat s'il n'y a pas d'abord une réunion des leaders.

Alors, je suspends les travaux, et les leaders sont convoqués immédiatement à la salle de délibérés.

(Suspension de la séance à 20 h 7)

(Reprise à 20 h 30)

Le Président: Veuillez vous asseoir.

La répartition du temps. Puisqu'il n'y a pas eu entente entre les deux leaders à l'occasion de la conférence des leaders, le président se voit donc dans l'obligation de lui-même répartir le temps de parole entre les groupes et les députés de l'Assemblée. Je voudrais d'abord relire l'article 210 concernant les débats restreints: «Sauf dispositions contraires, la durée d'un débat restreint est d'au plus deux heures. À la suite d'une réunion avec les leaders, le président répartit le temps de parole entre les groupes, en tenant compte de la présence de députés indépendants.»

Ce qu'il faut d'abord savoir à cet égard-là, c'est que toute l'économie de notre droit parlementaire est fondée sur un principe fondamental, c'est l'équilibre entre les moyens qui sont à la disposition du gouvernement pour faire adopter ses lois et ses motions et les moyens qui sont à la disposition des députés de l'opposition pour s'objecter, faire valoir leur point de vue. Quand on utilise une motion de suspension des règles, qui, nécessairement, brise cet équilibre-là, on est obligé de passer par une étape qui est fondamentale, c'est ce débat restreint sur cette motion de suspension des règles. Et, dans ce contexte-là, toute la pratique et la tradition parlementaire amènent le président à ne pas restreindre d'une façon quelconque le droit de parole qui est imparti aux députés de l'Assemblée.

Et, dans ce contexte, la décision est la suivante. D'abord, puisqu'il s'agit d'un débat de cette nature, il n'y a pas de droit de réplique prévu par le règlement. Les députés indépendants auront chacun cinq minutes. Le groupe gouvernemental aura 50 % du temps qu'il reste et l'opposition officielle 50 % de l'autre temps, enfin, du temps qu'il reste, également; donc, chacun 50 %, si on exclut le temps qui est accordé aux députés indépendants. Quant au transfert du temps non utilisé pour un groupe, il sera possible, comme la tradition le veut et les usages dans cette Chambre, depuis fort longtemps... et il n'y aura pas de limite pour chacune des interventions.

Alors, sur cette décision, je suis prêt à reconnaître un premier intervenant. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Excusez-moi, M. le Président, vous avez bien dit que c'était deux heures, le débat, c'est bien ça?

Le Président: Deux heures, oui.

M. Bélanger: Alors, je vous demanderais de céder la parole, comme premier intervenant, à M. le député de Joliette et ministre des Ressources naturelles.

Le Président: M. le ministre.


Débat sur la motion d'urgence


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le Président, on vient de voir, au niveau de cette Assemblée nationale, des manoeuvres – moi, j'appellerais ça des manoeuvres – pour empêcher le Parlement, à très court terme, l'Assemblée nationale de tous les Québécois, de se prononcer, M. le Président, sur un droit le plus fondamental, celui de s'autodéterminer. Et on a plaidé pendant 50 minutes sur le fond d'une motion alors qu'on devait plaider d'abord sur la recevabilité de la motion. Ordinairement, quand on juge une motion recevable ou non recevable, on dit: Voici, c'est non conforme à tel article de la loi, à tel article du règlement et à tel article du règlement, et, M. le Président, vous devez, à ce moment-là, la juger irrecevable, alors qu'on a entendu pendant 50 minutes le leader de l'opposition plaider sur le fond, discours qu'il aurait dû prononcer à l'intérieur des deux heures qui lui sont dévolues. On a assisté aussi à un délibéré de 40, 45 minutes, ce qui fait que, ce soir, au terme de nos travaux, à 22 heures, il n'y aura pas d'adoption de la motion. On sait ça. Il y en a qui vont aller se bidonner dans les couloirs, qui vont rigoler sur le fait qu'ils ont gagné quelque chose, alors que, fondamentalement, c'est le courage politique de se prononcer sur une question aussi fondamentale qu'ils n'ont pas, comme formation politique. C'est ça, fondamentalement.

M. le Président, manifestement, les libéraux du Québec non seulement, malencontreusement, n'ont pas de position constitutionnelle, mais ils ont peur de se prononcer sur ce qu'il y a de plus cher en démocratie, le droit du peuple à faire quelque chose. C'est ça, fondamentalement, la situation. Par des manoeuvres, on ne votera pas ce soir. Mais je dois leur dire, M. le Président, qu'ils vont nous trouver tenaces, parce que vous allez voter sur une motion, je vous en jure quelque chose. Ils vont voter, et à tour de rôle. L'un après l'autre, nominalement, ils devront dire s'ils sont pour ou contre le droit fondamental du peuple québécois à s'exprimer sur son avenir.

M. le Président, on a essayé de faire croire qu'il n'y avait pas d'urgence en essayant de dire: Bon, bien, il y a d'autres choses bien plus urgentes. Mais, fondamentalement, en démocratie, il faut avoir toutes les mains déliées complètement puis avoir tous nos pouvoirs pour pouvoir régler les problèmes fondamentaux de notre société. M. le Président, oui, il y a urgence. Au moment même, une heure après que le premier ministre du Canada a carrément dit, à la Chambre des communes: Il ne saurait être question d'une déclaration unilatérale du Québec en matière de souveraineté politique.

À Ottawa, c'est bravo, pour les libéraux du Québec d'entendre ça. Nous, ça veut dire quoi, ça? Oui, il y a urgence de réaffirmer en cette enceinte la suprématie de l'Assemblée nationale, le seul gouvernement près de ses citoyens, qui a le devoir de les représenter, y compris dans la définition de son avenir. Ça a été reconnu par toutes les formations politiques. Ne serait-ce que cela, M. le Président, ça constitue une urgence capitale, une réaction de l'Assemblée nationale du Québec à un gouvernement, supérieur pour l'instant, qui refuse de reconnaître le droit d'un peuple à se définir lui-même. Ça, c'est une urgence à faire. Et ça venait d'être fait à la Chambre des communes. Entre petits frères rouges, ils auraient pu se renseigner pour découvrir que c'était une urgence.

La deuxième urgence, M. le Président, et je serai très mesuré dans mes propos, mais la deuxième urgence, c'est qu'un individu québécois qui a tourné sur un dix-cents dans sa carrière est en train d'essayer de plaider contre un droit inaliénable d'un peuple. Et le fédéral s'acoquine avec. Et, nous, on dit, comme gouvernement du Québec, et on devrait le dire comme Assemblée nationale du Québec, d'ailleurs, et on verra qui en cette Assemblée osera refuser cet appui: L'autodétermination d'un peuple ne relève pas du pouvoir juridique. C'est le pouvoir du peuple lui-même à le faire. Il n'y a rien de plus démocratique dans une société que d'en appeler à son peuple. Et le gouvernement central, le gouvernement fédéral, le gouvernement d'Ottawa fait quoi? Il s'acoquine à un avocat en mal de publicité.

M. le Président, je m'excuse, mais, ça, ça constitue une deuxième urgence, majeure. Il faut répéter à qui de droit et surtout informer notre population que jamais on ne peut empêcher un peuple de s'exprimer. Un tribunal n'est pas là pour décider de l'avenir d'un peuple, il est là pour sanctionner ou vérifier la légalité des gestes que pose un gouvernement. Mais, dans toute l'histoire des peuples, il n'y a qu'une constitution au monde qui prévoyait un référendum, c'est la Russie. Jamais dans les démocraties vous n'avez une constitution qui peut prévoir quand un peuple veut s'autodéterminer ou pas. Jamais. Et le peuple québécois a le droit le plus fondamental. Et, d'ailleurs, ça a été reconnu. Ça a été reconnu par Daniel Johnson, actuel chef de l'opposition. Ça a été reconnu par Jean Chrétien dans son volume «Dans la fosse aux lions». Il faudrait qu'il en sorte aujourd'hui. Ça a été reconnu par toutes les formations politiques québécoises, ça a été reconnu également par Chrétien lui-même et son groupe en participant eux-mêmes à la dernière consultation populaire. Ils ont participé même au référendum, ils sont même venus faire une grande manifestation d'amour au Québec: Nous voulons vous garder. Oui, «nous voulons vous garder», puis, après avoir essayé d'endormir les Québécois: Nous n'accepterons jamais votre verdict. C'est ça qu'il nous dit aujourd'hui.

M. le Président, ce droit-là est un droit inaliénable, et jamais, jamais l'Assemblée nationale du Québec n'acceptera, de quelque niveau que ce soit, qu'on vienne entraver ce droit, qu'on vienne l'empêcher de s'exercer. Ce n'est pas l'Assemblée nationale, ici, qui va voter la souveraineté du Québec un jour, c'est le peuple lui-même par référendum. A-t-on peur du peuple, M. le Président, a-t-on peur du peuple?

J'ai compris, dans tout l'argumentaire du très savant leader de l'opposition, que, fondamentalement, il a voulu camoufler le manque de cohésion de sa formation politique.

Des voix: Exactement. Oui!

M. Chevrette: Ils ne sont pas capables de faire consensus autour de cette idée du droit fondamental du peuple. Je les vois se chicaner entre eux pour dire: Avez-vous remarqué? Même le chef de l'opposition, qui, normalement, doit dire, à une question: Y a-t-il consentement ou pas? a pris sept ou huit minutes pour venir à bout de nous sortir une phrase, a réussi, au niveau de son caucus d'une heure en après midi, à dire, en somme: On va, nous autres, plutôt réaffirmer que le peuple a ses droits, mais qu'entre-temps on doit continuer d'aller essayer de coucher avec nos petits frères fédéraux puis de négocier en catimini des arrangements qu'ils ne tiennent jamais. On s'est toujours fait avoir, mais il faut continuer à se faire avoir parce que ce sont nos petits frères. Voyons!

Des voix: Ha, ha, ha!

(20 h 40)

M. Chevrette: Voyons! Ça ne marche pas de même, ça. Le fédéralisme, il n'y a pas plus grande preuve de non-renouvellement qui nous a été donnée par eux-mêmes, ces fédéraux. Et, quand on regarde cette belle formation politique, elle est loin de Jean Lesage, n'est-ce pas...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: ...du «Maîtres chez nous» de Jean Lesage...

Une voix: Ils se fichent de ça.

M. Chevrette: ...de Georges-Émile Lapalme, qui était au moins nationaliste puis qui croyait fondamentalement au pouvoir de cette Assemblée nationale.

Une voix: René Lévesque, Honoré Mercier.

M. Chevrette: ...de M. René Lévesque, qui vient même de leurs rangs. Puis il s'est tellement fait, j'allais dire... Je vais peser mes mots.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Mais il en avait tellement soupé d'eux autres qu'il a dit: Écoutez, il n'y a rien à faire avec eux autres; formons une équipe d'hommes et de femmes qui vont emmener le Québec vers sa libération. C'est ça qu'il s'est dit, René Lévesque.

Une voix: C'est ça!

M. Chevrette: C'est ça qu'il a fait.

Des voix: Bravo!

M. Chevrette: M. le Président, le respect, ça ne se gagne pas à quatre pattes, ça ne se gagne pas à genoux. Le respect, ça se gagne, M. le Président, quand on est transparent, qu'on dit aux gens où on s'en va, qu'on dit aux gens: Voici où on veut aller, voici pourquoi on veut y aller puis voici comment on veut y aller.

M. le Président, ce n'est pas en disant: Il faut négocier! Il faut négocier! Trente autres années de négociations, tu sais, eux autres, ils aimeraient ça, M. le Président, ces gens-là, et c'est leur seule façon d'être ensemble. Il y en a qui sont plus accolés à la couronne de la reine d'Angleterre encore que même au Canada. C'est pas des farces! Je comprends qu'ils peuvent avoir de la difficulté à dégager un consensus ferme, un consensus vigoureux en faveur du Québec. Non, non, il faut aller négocier, en même temps qu'on voit couper dans les paiements de transferts, qu'on voit s'accumuler des sommes fantastiques en termes de coupures. C'est rendu à 1 000 000 000 $, 2 000 000 000 $ cette année, disait-on dans le dernier budget. Non, mais ça va bien avec le fédéral! Il faut le renouveler, ce fédéralisme-là! Il faudrait leur permettre de couper en double, je suppose? Voyons, M. le Président, vous savez bien que ça ne tient plus debout.

Il y a une urgence au moins d'agir présentement pour réaffirmer nos droits. Tant et aussi longtemps que le peuple québécois, démocratiquement, ne décidera pas de s'assumer pleinement, il faut au moins qu'il y ait un organisme dans ce Québec-là, qui est leur gouvernement, qui se tienne debout puis qui dise: On ne laisse plus aller les choses. Ce n'est pas vrai qu'on va laisser tomber des droits inaliénables. Ce n'est pas vrai que l'Assemblée nationale, au moment où quelqu'un fricote en coulisse, puis à un palier qui ne les regarde pas, des droits aussi fondamentaux que celui de s'autodéterminer... C'est notre devoir de le réaffirmer ici.

Les tribunaux... C'est vrai qu'on vit dans un régime de droit, mais le régime de droit... Qui décide du droit? C'est le gouvernement représentatif d'un peuple. Les tribunaux sont là pour interpréter les lois que l'on vote, M. le Président. Si l'Assemblée nationale du Québec n'avait pas le courage politique d'affirmer hautement et fièrement ce droit le plus fondamental, nous ne mériterions pas de nous appeler Assemblée nationale, nous ne mériterions pas cela, M. le Président. Et, en formation politique, des fois, c'est dur d'afficher ses convictions. Et je connais certains de nos amis d'en face qui vont avoir de la difficulté à s'exprimer. Ils vont avoir de la difficulté, parce que, si vous cherchez... Et ça, M. le Président, je dois vous le garantir, s'ils cherchent un consensus entre eux, il y en a qui vont avoir des problèmes de conscience, parce que j'en connais qui reconnaissent au moins que c'est un droit du peuple. Et si l'Assemblée nationale devait s'astreindre à ne pas commenter cela, ce qui se passe, disant: Il n'y a pas d'urgence, allez donc négocier encore un 30 ans. Laissez les tribunaux faire des choses qui ne les regardent pas.

Je le dis comme je le pense, moi, je ne suis pas avocat, mais je prétends qu'un tribunal, c'est là pour interpréter les lois que vote un Parlement et non pas pour décider de l'avenir d'un peuple. Ça, c'est fondamental, puis tous les livres d'histoire que j'ai lus à travers les ans m'indiquent qu'un peuple n'a pas à quêter un droit. C'est une légitimité pour un peuple de poser un geste aussi démocratique que celui de décider de son avenir puis de se donner des règles que les tribunaux interpréteront par la suite. Mais qu'on ne vienne pas me dire, M. le Président, qu'on va se mettre à quatre pattes pour réclamer un droit aussi fondamental que tous les peuples de la terre, d'ailleurs, ont compris, puis se sont autodéterminés, la très grande majorité, d'ailleurs, par référendum. Donc, M. le Président, il y en a d'autres qui n'ont pas eu la chance de le faire parce qu'il y avait des contextes de climat social beaucoup plus difficile que celui qu'on vit ici. Nous, on vit dans une démocratie, puis on est fiers, à part ça, d'y vivre puis on est fiers de proposer continuellement des processus démocratiques.

Deuxièmement, M. le Président, ne serait-ce que pour faire prendre conscience aux libéraux québécois qu'il y a une urgence là aussi, il y a une urgence à leur faire comprendre, là, je vous le dis très honnêtement, qu'il y a un droit inaliénable en cause et puis qu'il faudrait qu'ils se prononcent. Puis le peuple les a élus pour se prononcer. Je vois certains députés, là, de certains coins du Québec qui n'auront pas de misère à se prononcer contre ça parce qu'ils ont été élus dans un contexte, ils sont contre ça, puis dans des comtés qui sont contre ça. Mais ce n'est pas vrai pour tous les députés des banquettes avant. Il y en a ici, là, qui peuvent être fédéralistes mais qui savent très bien que c'est au peuple à le dire. Ce n'est pas au Parti libéral, comme ce n'est pas plus au Parti québécois de proclamer unilatéralement la souveraineté. On a toujours eu comme souci permanent et constant de dire qu'on respecterait le peuple.

On a respecté le verdict, à 49,5%. On l'a respecté. Et pourtant, M. le Président, on aurait bien pu chialer, nous aussi, après le référendum puis condamner la fabrique de citoyens des dernières semaines, avec des juges de l'extérieur pour venir assermenter des citoyens pour faire des votes. On aurait bien pu, M. le Président, dans certains comtés, contester le nombre de révisions. Sept mille personnes, dans certains comtés, inscrites en révision. C'est à se demander s'il n'y a pas plus de voteurs qu'il y a de population dans certains comtés. M. le Président, on n'a pas chialé. On a dit: Le peuple s'est prononcé, on le respecte. À la prochaine! Puis vous ne viendrez toujours pas me dire aujourd'hui, M. le Président, que c'est une option farfelue, quand on est rendu à 49,5 % du vote. C'est parce qu'il y a du monde qui y croit, fondamentalement. Puis il y a du monde qui sont accrochés toujours à une dernière chance mais qui en ont soupé de voir aller ça puis qui vont encore changer.

Donc, M. le Président, oui, il y a urgence. Il y a urgence face à un premier ministre canadien irresponsable qui s'acoquine, je le dis bien, avec un certain monsieur – pour ne pas le nommer parce que je ne voudrais pas lui faire de publicité, il en a assez déjà. M. le Président, il est inconcevable qu'un gouvernement supérieur qui a reconnu la légitimité du référendum québécois, qui y a participé, à le faire battre, si vous voulez, mais qui y a participé... Sénateurs, députés, ministres ont participé, M. le Président. À l'encontre des lois du Québec sur la consultation populaire, ils ont dépensé des dizaines et des dizaines de milliers de dollars à l'encontre de la loi sur les consultations populaires québécoises.

M. le Président, on a tout toléré cela, on a déposé des plaintes conformément à nos lois, nous, et, aujourd'hui, probablement parce qu'on sent monter cette fièvre vers la souveraineté du Québec... On la sent monter parce qu'il y a des gens qui disent: Mais quand est-ce qu'ils vont le renouveler, ce fédéralisme-là? Ils sont venus se battre, les larmes aux yeux, pour nous dire: Ça va changer, vous allez voir. Ça a tellement changé que, plus ça change, plus c'est pareil. Et je dois vous dire, M. le Président, ils auront beau accrocher des grandes bannières en arrière d'un avion puis dire: On vous aime, avec une traduction très correcte, je m'excuse, mais il y a des gens qui ne se laissent plus berner.

(20 h 50)

Et nous, comme politiciens, dans tout cela, on oserait contester l'urgence de se prononcer sur un droit qui est en péril présentement, on oserait contester le fait qu'il n'y a pas urgence parce qu'il y a des gestes qui se posent devant les tribunaux, parce qu'un premier ministre canadien pose des gestes, déclare des choses, puis on ne ferait rien pour représenter notre peuple puis lui dire: C'est un droit fondamental, je serais contre ce droit s'il s'exprimait contre le fédéralisme. Vous pourriez aller jusque-là, au moins, dans votre raisonnement et vous seriez logiques. Vous pourriez dire: C'est au peuple à se prononcer, puis je vais me battre pour qu'on reste dans le régime fédéral, j'aime ça, en manger. Vous auriez le droit de dire ça, mais vous n'avez pas le droit de dire en cette Chambre, qui que nous soyons, que ce n'est pas au peuple à définir son avenir, à se prendre en main. C'est à lui de décider s'il doit rester dans le régime fédéral ou s'il doit être souverain, et, ça, je ne comprends pas que les libéraux québécois, M. le Président, aillent jusque dans la manigance de la procédure pour éviter que cette Assemblée se prononce.

Des voix: Bravo!

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais, oui, moi aussi, m'adresser à nos concitoyens qui écoutent ce débat. Fondamentalement, si on avait tous eu le réflexe de la démocratie fondamentale, cette résolution-là aurait pu être adoptée avec le premier ministre du Québec, le chef de l'opposition, le chef de l'ADQ, puis on se serait unanimement levé debout pour applaudir ces trois hommes qui auraient défendu démocratiquement un droit inaliénable. On a tendu la perche, M. le Président. On n'a pas eu de réponse des libéraux. Il n'y en a pas eu, soyez sans crainte. Et ils ont cherché un moyen pour ne pas que ce soit trop embêtant: On va y aller par la procédure parce que, si on est obligé de voter, imaginez-vous, avant 18 heures, sur une motion, à la TV, à 18 heures, on va peut-être en avoir neuf, 10, nous autres, qui feront comme en 1980 quelques, vous vous rappellerez, où on avait présenté à l'Assemblée nationale des motions très fondamentales. Et c'était M. Ryan qui occupait les banquettes de l'opposition. Il n'a jamais été capable de rallier à un droit aussi fondamental neuf de ses ouailles à l'époque, et, d'après le rapide coup d'oeil que je viens de faire, je peux vous dire qu'il y en aurait peut-être 12 ce soir.

Mais, peu importe, M. le Président, le courage politique n'est pas nécessairement dans l'unanimité. Je m'adresse au député de Verdun, qui, d'habitude, est capable de voler de ses propres ailes. Le courage politique, dans une formation politique, n'est pas nécessairement toujours l'unanimité. Il faut accepter des fois que, dans une formation politique, il y en ait quelques-uns qui n'acceptent pas. Mais j'ose espérer... Parce qu'on va vous donner la chance, soyez-en sûrs, on va vous donner la chance de vous exprimer de façon nominale, et j'ai hâte de voir, M. le Président, si on aura compris que la motion du premier ministre du Québec est bien au-delà des formations politiques. La motion du premier ministre du Québec est bien au-delà des options politiques. La motion du premier ministre du Québec est sur un droit fondamental, celui de ceux et celles que nous représentons. Et si vous croyez qu'en démocratie ce n'est pas la seule voie la plus correcte, eh bien, vous ne croyez pas au régime démocratique.

Pour nous, on est prêts à reconnaître en tout temps le verdict du peuple, mais, pour ce faire, il faut d'abord conserver leur droit, puis c'est pour ce droit-là qu'on va se battre, pour qu'ils le conservent à tout jamais et pour dire que ce n'est pas aux tribunaux mais bien à l'Assemblée nationale de réaffirmer ces droits-là et au peuple de les exercer.

Le Président: M. le député de Châteauguay.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. J'interviens à ce moment-ci, M. le Président, après le ministre qui m'a précédé, qui a, par l'allure et le ton de ses propos, fait la preuve de ce que le chef de l'opposition disait hier: nous étions conviés à du théâtre. Et c'est vraiment ce à quoi on a pu assister, une prestation théâtrale. On nous a parlé... Et je vous le dis d'avance, M. le Président, je vais adopter un ton beaucoup plus sérieux devant l'importance que nous devons apporter aux événements que nous vivons. D'abord pour vous parler d'urgence, ensuite pour vous parler d'improvisation, mais aussi et surtout pour vous parler de théâtre, parce que c'est bien de cela qu'il est question.

L'urgence d'abord, M. le Président. Nous sommes dans un débat aujourd'hui où le gouvernement a plaidé durant toute la journée, et même encore, c'est ce qu'on vient d'entendre, qu'il y avait urgence de statuer sur des propos, un libellé pour lequel le gouvernement que formait le Parti libéral avait voté trois fois, alors que l'opposition du Parti québécois avait voté contre à trois reprises. Et c'est urgent aujourd'hui de prendre un virage. M. le Président, quelle est l'urgence? Les avocats mandatés par le Procureur général, qui malheureusement n'est pas avec nous, les avocats du gouvernement du Québec, dans la cause qui est entendue présentement, ont eu le mandat de plaider qu'il n'y avait pas d'urgence, M. le Président, et le même gouvernement, le lendemain, utilisant le double langage qui est maintenant sa marque de commerce, vient nous dire qu'il y a urgence, pas une fois, pas deux fois, c'est l'essence de son propos, M. le Président. Et je veux dénoncer ici encore une fois cet exemple de double langage. Non seulement ils ne s'entendent pas sur la notion d'urgence, mais, après avoir envoyé un tas de rumeurs... Avant d'avoir réfléchi, nous dit-on, l'émotivité nous avait pris. On a passé le week-end à réfléchir, et a découlé de ça l'improvisation la plus totale.

Une motion qui vient réaffirmer... Je fais une parenthèse, M. le Président, juste pour vous rappeler une chose. L'opposition a à 18 reprises déposé une motion en cette Chambre pour que nous puissions débattre d'une chose, une seule chose: que le gouvernement respecte le résultat du dernier référendum. C'est quoi, le résultat du dernier référendum? Qu'est-ce que ça veut dire, M. le Président? Ça veut dire le résultat de l'exercice du droit à l'autodétermination. Parce que, c'est une chose d'affirmer le droit à l'autodétermination, encore faut-il respecter l'exercice de ce droit. Or, ce gouvernement se targue, se plaît aujourd'hui à vouloir affirmer ce droit, mais, lorsque nous lui avons donné à 18 reprises l'occasion d'envoyer le message qu'on doit respecter cet exercice si fondamental, à entendre le ministre encore tantôt, à les entendre déchirer leur chemise, souvenez-vous, souvenez-vous qu'à 18 reprises ils ont dit non. Et qu'est-ce que nous disait alors le leader, qui est finalement le ministre d'État des Ressources naturelles, qui a parlé juste avant moi, qui a déchiré sa chemise une autre fois? Qu'est-ce qu'il a dit à une de ces occasions où on refusait toujours? Il a dit, c'était le 7 décembre, M. le Président: «...ça fait plusieurs jours que je me demande de quoi il cherche à se convaincre. Le peuple a parlé et nous avons accepté son verdict.» Donc, il n'y a pas lieu d'adopter une motion. C'est ce qu'il disait.

Mais, aujourd'hui, devant une autre évidence, là, ça serait important d'adopter des motions. Mais la motion la plus importante, M. le Président, et c'est là qu'il y a improvisation totale, surtout lorsqu'on sait que le premier ministre en fait sa motion, qu'il nous plaide l'urgence, et on apprend aujourd'hui, un peu plus tard en fin d'après-midi: incapable de voir adopter sa motion, le premier ministre Lucien Bouchard a décidé de ne pas participer aux débats de l'Assemblée. Cet après-midi, c'était incroyable, c'était fondamental, c'était la motion du premier ministre, mais là ça ne l'intéresse plus, c'est terminé. C'est ça, l'improvisation, M. le Président.

(21 heures)

On assiste, et je pense que c'est le coeur de ce débat dans lequel nous sommes en ce moment plongés... Il s'agit d'une motion qui est devant nous, une motion qui vise à faire reconnaître le droit à l'autodétermination, présentée par un gouvernement qui ne respecte pas le résultat de l'exercice de ce droit. Je vois de l'autre côté des gens qui disent: Comment ça? Je pense qu'ils n'ont pas écouté le ministre parler. Le ministre qui vient de parler, pour lui, le droit à l'autodétermination, c'est lorsque les Québécois vont décider de la séparation. Mais, lorsque les Québécois décident autre chose, ils n'ont pas exercé le droit à l'autodétermination.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: Alors, évidemment, quand on reçoit une motion comme celle-là, on se demande: Mais le proposeur, qu'est-ce qu'il veut dire avec ces mots? Il prend des mots issus de la loi 150 pour lesquels il a voté trois fois contre. Il y a 18 fois des motions qui ont été présentées au gouvernement pour dire de respecter le résultat référendaire, et tout le temps il dit non. À l'étude des crédits, le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes nous a dit ceci – et c'est encore plus clair; ce n'est même pas une motion qu'on refuse – il nous a dit que le référendum et le résultat ne lui donnaient pas le mandat de travailler aux modifications au régime fédéral qui seraient dans l'intérêt des Québécois. C'est ça qu'il nous a dit. Il nous a dit: Le résultat référendaire nous donne le mandat du statu quo. C'est comme ça qu'il a interprété le résultat référendaire et c'est ce qui gouverne le gouvernement, c'est ça qui lui sert de guide. En fait, le gouvernement n'entend pas respecter le résultat d'un exercice du droit à l'autodétermination, à moins qu'il ait gagné.

Une voix: Bien oui.

Des voix: C'est ça.

M. Fournier: Mais, quand il perd, les Québécois n'ont plus le droit à l'autodétermination. Il n'en veut pas! Il n'aime pas ça! Mais le peuple a voté, le peuple a choisi, et, aujourd'hui, le chef de l'opposition a présenté une motion dont je m'étonne encore que le gouvernement ait refusé de débattre. Qu'est-ce qu'elle disait, cette motion? Elle disait que les Québécois et les Québécoises ont le droit à l'autodétermination. Ils ont le droit de décider de leur avenir. Mais la motion ajoutait un élément, mémoire un peu plus longue, peut-être: on vient d'exercer ce droit. En fait, le gouvernement qui est en avant de nous a passé une année entière à procéder à la mise en branle de l'exercice de ce droit.

Comme si ce n'était pas assez, aujourd'hui on a passé la journée là-dessus. Évidemment, le reste, c'est moins important. Mais on a passé une année entière à préparer ça. Ce droit a été exercé. Est-ce que quelqu'un, de l'autre côté, va nous dire qu'on n'a pas exercé notre droit à l'autodétermination, le 30 octobre? On l'a exercé, avec votre question, avec votre stratégie.

Des voix: Ha, ha, ha! Vos astuces.

M. Fournier: On va s'entendre tout de suite sur une chose. Je ne dis pas que vous avez perdu de beaucoup et je sais qu'il reste énormément de travail à faire, mais je vous dis une chose: Les Québécois et les Québécoises seraient bien mieux servis si le gouvernement, qui se plaît tant à dire qu'il trouve fondamental le droit à l'autodétermination, acceptait le résultat de l'exercice de ce droit.

Une voix: Oui. C'est ça.

M. Fournier: M. le Président, la motion qu'on nous présente, non seulement il faut en décoder le proposeur, il faut décoder la signification des mots, la stratégie et la tactique là-dedans. Tantôt, pour faire un aparté, le ministre qui m'a précédé a parlé de l'opposition en disant qu'elle avait usé de manigances de procédure. On a une motion de suspension des règles – en termes de manigance, c'est difficile de trouver mieux...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: ...hein, c'est difficile, M. le Président, de trouver mieux – pour une motion où on voulait aller chercher l'assentiment de tout le monde. Mais le gouvernement avait oublié un élément. Mais je peux comprendre: pour ce gouvernement, la cause l'aveugle. Et, comme il n'a pas compris que, le 30 octobre dernier, on avait exercé notre droit à l'autodétermination, il n'a pas pensé qu'il n'était pas cohérent avec lui-même s'il disait: Il faut respecter le droit à l'autodétermination, mais qu'il ne comprenait pas qu'il fallait aussi respecter l'exercice et le résultat de cet exercice. Il n'y a pas pensé. Il pensait que, l'autodétermination, ça voulait dire la séparation. Non, ça ne veut pas dire ça; ça veut dire choisir son avenir. Ça ne fait pas votre affaire quand les Québécois choisissent dans un autre sens, mais il faut le respecter. Ça, on appelle ça respecter le peuple. Ça, c'est la démocratie.

Des voix: Bravo!

M. Fournier: M. le Président, il faut penser aux mots, il faut essayer de comprendre ce que le proposeur veut avec sa motion. Et ce qu'on voit, c'est ni plus ni moins qu'un détournement d'un exercice démocratique qui a été fait, parce qu'il a refusé la motion du chef de l'opposition qui tenait compte de l'exercice démocratique.

Il faut aussi se demander dans quel contexte on se situe, où on est. On est dans une période sur le budget. Quelle merveilleuse occasion pour créer une diversion sur le budget! Il ne faut pas l'oublier. Diversion aussi, M. le Président, sur l'inaction annoncée jusqu'à la fin de cette année. Doit-on se rappeler que ce gouvernement, élu supposément pour une autre façon de gouverner, aura décidé que, pendant les deux premières années de son mandat, il n'y aurait pas de gouvernement? C'est ça, M. le Président, ce à quoi on fait face. Il faut comprendre cette conjoncture pour voir la stratégie du gouvernement. C'est ce qu'ils font.

Mais ce qu'il y a de plus grave, M. le Président – et je le dis comme Québécois, citoyen – c'est que l'objet de cette motion, en outre de faire diversion, a un but inavoué et inavouable pour le gouvernement. Mais le but est bien là, et je suis sûr que ça doit faire les délices des corridors de leurs conseils nationaux. Le but de cette motion, M. le Président, c'est de créer un autre chantier: le chantier de la chicane, le chantier des dissensions, le chantier de la division, M. le Président. C'est ça qui se cache derrière cette motion.

On essaie de dire: On va faire voter pour réaffirmer le droit qu'ont les Québécois. Ils ont ce droit. Votons donc sur quelque chose de plus important. Après 18 fois que vous avez refusé, M. le Président, que le gouvernement a refusé d'accepter une motion pour respecter le résultat, après que le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes a avoué que, lui, n'avait pas de mandat autre que de consacrer le statu quo, empêchant ainsi de donner des effets au résultat référendaire, au résultat démocratique, après avoir refusé de débattre d'une motion du chef de l'opposition, aujourd'hui même, qui considérait le droit à l'autodétermination, mais l'obligation, si on veut reconnaître un droit et être cohérent et honnête, de respecter le résultat référendaire, M. le Président...

Autrement dit, c'est une motion pour cacher l'inaction, cacher le budget, susciter les chicanes, et une motion de suspension des règles qui veut amener le Parlement à d'autres fins que le contenu de la motion. Et ça, M. le Président, c'est un détournement de l'institution.

(21 h 10)

Mais l'incohérence, M. le Président, elle est dans ce double langage continu, continuel du gouvernement. Ce nouveau premier ministre avait promis de s'occuper d'économie. Le voilà qui utilise le Parlement comme un théâtre, le voilà qui multiplie les rumeurs de toutes sortes, le voilà qui avoue que l'émotivité lui sert de guide, le voilà qui a choisi de s'occuper de l'économie en accroissant l'incertitude, en accroissant l'instabilité. Belle façon de s'occuper de l'économie!

Les citoyens et citoyennes du Québec demandent à ce gouvernement de cesser les représentations théâtrales, de cesser de dramatiser et de commencer, d'oser commencer à gouverner. À tous vos jeux, stratégies et tactiques, à toutes vos procédures de division, à toutes vos astuces, à ce gouvernement nous disons non. À l'avenir et à l'avance, je peux vous dire que toute motion, toute procédure, toute tactique qui va servir à diviser les Québécois entre eux ne pourra recevoir notre assentiment. L'opposition ne peut pas laisser ce gouvernement détourner la démocratie et détourner les institutions.

Au gouvernement du Québec et au gouvernement du Canada, il y a un message à retenir de nos débats. Certes, et la motion du chef de l'opposition le disait, les Québécois et les Québécoises ont le droit de décider de leur avenir. Ce pays doit en être un d'adhésion volontaire. Pour nous, au Québec, c'est tous les jours le 30 octobre, tant que les résultats de changement et de reconnaissance québécoise n'auront pas trouvé leur juste place dans la Constitution. Pour nous et pour l'ensemble de la population du Québec, l'escalade n'a pas sa place, l'escalade doit cesser.

Pour nous, le droit de décider, pour les Québécois, de leur avenir doit non seulement être réaffirmé, mais il doit surtout être respecté lorsqu'il est exercé, ce que le gouvernement refuse quand ce n'est pas son obsession, son projet qui a gain de cause, et ça, c'est déplorable. En conséquence, puisqu'il y a droit à l'autodétermination, puisqu'il y a eu exercice de ce droit et connaissant le résultat de cet exercice, nous en appelons au gouvernement du Québec et au gouvernement du Canada de cesser l'affrontement, de travailler de bonne foi à renouveler ce pays que nous voulons comme modèle de cohabitation. Voilà ce que les Québécois ont décidé, le 30 octobre. À nous tous, voilà notre responsabilité.

Et j'écoutais les discours du ministre qui a précédé et qui invoquait à forte dose la démocratie, comme si la démocratie n'était que ce que lui croyait, ce que lui voyait. Mais la démocratie est plus grande qu'un homme, la démocratie est plus grande qu'un gouvernement; la démocratie appartient à nous tous, Québécois et Québécoises, et la démocratie a parlé le 30 octobre dernier. La motion du chef de l'opposition visait simplement à demander à ce gouvernement de respecter le résultat de l'exercice de ce droit. Et, si vous n'avez pas vu cela, si vous n'avez pas compris encore qu'il y a eu exercice de ce droit et qu'il faut y donner effet, vous ne comprendrez jamais ce que signifie vraiment la démocratie. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Châteauguay. J'accorde maintenant la parole au député de Rivière-du-Loup. M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. Alors, je repars des propos que nous a laissés le député de Châteauguay. Il nous a dit: C'est une motion dont le texte a déjà été adopté par son parti ou dont l'essence a déjà été adoptée par son parti, et c'est vrai. C'était vrai dans la loi 150, c'était vrai dans le texte de Bélanger-Campeau. Même quand ils ont modifié la loi 150 pour essayer de passer l'entente de Charlottetown, ils ont réadopté ces principes-là.

Alors, les propos du député de Châteauguay qui nous dit: C'est un texte dans lequel on croit, ce sont des principes qui nous sont chers, ce sont des choses qu'on a déjà adoptées, moi, quand j'additionne ça avec ce que nous a dit le député de Brome-Missisquoi, le leader de l'opposition officielle, aujourd'hui, qui nous parlait de l'urgence d'économiser le temps qu'on a à l'Assemblée nationale pour pouvoir l'utiliser mieux à parler économie, à parler de toutes les autres questions, bien, je me dis: Il apparaît évident que l'opposition officielle aurait dû d'emblée, dès que la motion a été présentée, une motion dont le texte, les mots étaient des mots bien connus de la part de l'opposition officielle... Bien, il m'apparaît évident qu'elle aurait dû immédiatement l'adopter pour économiser le temps qui est le nôtre, parce que c'est une chose de dire qu'elle a déjà été adoptée par l'Assemblée nationale – et le député de Châteauguay a raison – mais c'est une autre chose d'être compris. C'est une chose de parler, mais c'est une autre chose d'être compris.

Et, quand on regarde les agissements, à l'heure actuelle, du premier ministre du Canada, son entrée surprise dans un procès qui est celui d'un avocat de pratique privée qui était pour l'indépendance sans référendum il y a deux ans et qui, aujourd'hui, est la locomotive derrière laquelle le premier ministre du Canada accroche son petit wagon de la défense du Canada, puis, quand on regarde sa façon d'agir pour aller contester justement ce droit-là des Québécois de décider de leur avenir, on s'aperçoit qu'on a parlé – le Parti libéral du Québec, à une époque, a voté des principes – mais que l'Assemblée nationale n'a pas été comprise. D'où la nécessité, aujourd'hui, de reprendre ces principes-là et de les rappeler, de les renouveler, de prendre le temps, avec le chef de l'opposition – qui nous a encore rappelé, je l'écoutais récemment, que, lui, il pensait que les Québécois devaient décider eux-mêmes de leur avenir – de les revoter comme Assemblée nationale. C'est l'Assemblée du peuple, l'Assemblée qui doit garder la démocratie au Québec.

Parce qu'il faut se rappeler que, dans le système actuel, rejeté par l'Assemblée nationale presque unanimement, le système de la Constitution de 1982, la grande, grande majorité des Québécois, la grande majorité, même, de ceux qui, lors des dernières élections, ont voté pour le Parti libéral, j'en suis convaincu, veut du changement. Et l'attitude du gouvernement fédéral, à l'heure actuelle, le modèle qu'il est en train de nous dessiner, quelle que soit la nature du changement que les différents partis à l'Assemblée nationale peuvent souhaiter, le modèle qu'il est en train d'imposer, c'est un cadenas, c'est le modèle des changements qui ne pourront pas se faire par la démocratie québécoise. Et ça, quelle que soit la nature des changements qu'on souhaite, je pense qu'on doit réaffirmer ce droit qu'ont les Québécois, démocratiquement, de se prononcer à tout moment sur leur avenir.

Et je dois vous dire, M. le Président, que je trouve malheureux qu'un débat qui aurait pu se faire sereinement, qu'un débat qui aurait pu se faire en beaucoup moins de temps, qu'un débat qui aurait pu se faire d'une façon solennelle, avec des convictions maintes fois renouvelées par les partis politiques au Québec, qui aurait pu se faire dans l'esprit du rapport Allaire, qui a été le programme du Parti libéral, dont le titre devrait tous nous inspirer aujourd'hui... On l'a appelé rapport Allaire, mais le titre, c'est «Un Québec libre de ses choix».

Des voix: Bravo!

(21 h 20)

M. Dumont: Combien ça aurait dû nous inspirer, aujourd'hui, face à nos concitoyens, pour prendre notre responsabilité, à l'Assemblée nationale, de défendre les droits du Québec plutôt que de sombrer dans un débat de procédure qui décourage tout le monde. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. J'accorde maintenant la parole au député de Richelieu, ministre des Relations internationales et ministre responsable de la Francophonie. M. le ministre.


M. Sylvain Simard

M. Simard: Merci, M. le Président. Je voudrais, dans ce débat que nous n'avons pas souhaité, débat de procédure, répondre aux propos du député de Châteauguay d'il y a quelques minutes et parler justement des suites du référendum du 30 octobre 1995.

Le gouvernement du Parti québécois non seulement a reconnu les résultats, mais depuis a très bien compris le message profond de la population qui lui demandait de s'attaquer en priorité à la relance de l'économie du Québec et à l'assainissement des finances publiques. Ce que les gens demandent au Québec aujourd'hui, que ce soit à Gatineau, à Sorel, à Montréal ou à Québec, dans toutes les régions du Québec, dans toutes les paroisses, dans tous les villages, ce qu'ils demandent à leurs gouvernants, c'est de gouverner, c'est d'assainir les finances publiques, c'est de relancer l'emploi, de créer des conditions économiques qui permettent enfin aux Québécois de se développer, de pouvoir avoir accès à l'égalité des chances. C'est ce que nous avons fait. Nous n'avons sans doute pas fait 18 déclarations en Chambre; nous avons de facto, tous les jours, respecté la volonté des Québécois en nous attaquant aux vrais problèmes, ceux que les Québécois vivent quotidiennement, chaque jour.

Et, pendant ce temps, qu'a fait le gouvernement fédéral canadien, lui qui, pour tenter à la dernière minute, à l'instigation d'un certain nombre de députés de l'opposition qui invitaient ce gouvernement... Et je vois le leader de l'opposition qui sourit en m'écoutant; ça lui rappelle des événements très précis du mois d'octobre où il invitait le gouvernement fédéral canadien à s'engager à des changements, sinon le référendum, il en était convaincu, serait perdu. Et, à la dernière minute, effectivement, nous avons assisté à un engagement profond, solennel, les ondes de la télévision ont été mobilisées à cette fin, engagement du gouvernement canadien à réformer en profondeur le fédéralisme canadien, à reconnaître le Québec comme société distincte, à satisfaire aux aspirations fondamentales des Québécois. Un certain nombre de nos concitoyens, sans doute, ont cru encore une fois que le gouvernement fédéral était sincère et qu'il pourrait changer le fédéralisme dans le sens qu'il indiquait.

Mais que s'est-il passé, en fait? Pendant que, nous, nous respections les résultats du référendum, qu'ont-ils fait, à Ottawa, ceux qui devaient remplir cette promesse solennelle qu'ils avaient faite à la population du Québec? Ils se sont lancés dans le plan B, le fameux plan B, c'est-à-dire le plan qui consiste à tenter de déstabiliser la démocratie québécoise, à faire peur aux Québécois. Parce qu'ils sentaient bien – parce que les sondages le leur indiquaient, parce que toutes les indications étaient claires sur le terrain – que si, effectivement, un autre référendum avait lieu, toutes les chances étaient qu'ils le perdent, que les Québécois, cette fois-ci, donnent une majorité très forte aux tenants de la souveraineté, les fédéralistes, à Ottawa, ont décidé de changer les règles du jeu.

Eux qui avaient reconnu, en 1980, en y participant, l'exercice démocratique que constituait un référendum, maintenant remettent en question ce droit fondamental. Eux qui avaient tenu un référendum autour des propositions de Charlottetown, maintenant, prétendent que cet exercice démocratique n'en est plus un. Eux qui ont fait la lutte quotidiennement, pendant des semaines et des mois, l'an dernier, pour préserver le fédéralisme canadien, qui ont participé à ce référendum ne croient plus maintenant aux règles démocratiques d'un référendum.

Règle démocratique: le respect de la majorité. Règle démocratique: accepter un cadre juridique qui entoure la tenue d'un référendum. Le Québec s'est doté d'une loi référendaire dont nous avons à être fiers, dont nous pouvons être fiers, que peu de peuples peuvent se vanter de posséder, M. le Président. Nous avons devant nous non plus des gens qui veulent dialoguer, non plus des gens qui veulent renouveler le système constitutionnel; nous avons des gens qui, chaque jour, jettent leur hargne contre le peuple du Québec. Nous avons des gens qui, devant nous, cherchent la chicane, font de la provocation, font ce qu'un journaliste appelait ce matin du «fédéralisme macho», tentent de faire peur à nos concitoyens, tentent de changer les règles du jeu en cours de route. Mme Lysiane Gagnon, qu'on ne peut pas accuser d'être une très chaude partisane de la souveraineté du Québec, avait trois mots ce matin pour qualifier cette attitude: «Stupide, stupide, stupide...»

Eh bien, aujourd'hui, l'opposition, que cette motion invite à se joindre au gouvernement, à se joindre à la majorité pour défendre ce droit essentiel de l'Assemblée nationale de consulter les Québécois sur leur avenir politique, devant cette attaque sans précédent... Il n'y a eu aucun précédent. Jamais on n'a remis en cause de façon aussi officielle allant jusqu'à appuyer une démarche devant les tribunaux, jamais on n'a remis en question de façon aussi claire et formelle ce droit des Québécois à disposer d'eux-mêmes. Au lieu de s'associer avec nous, dans la tradition de ce que l'un de leurs chefs, il n'y a pas si longtemps, avait, avec une certaine élévation d'esprit et avec un certain sens de la démocratie et des droits de cette Assemblée, proposé... Je parle de Robert Bourassa lorsqu'il affirmait que jamais, jamais on ne pourrait remettre en question le fait...

M. Paradis: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, très, très brièvement, M. le Président, et je m'en excuse auprès du ministre qui avait la parole, simplement vous demander une application de l'article 32 du règlement. On constate que le ministre parle du fauteuil du ministre de la Santé. Je ne sais pas s'il est dans le bon discours.

Des voix: Ah! Voyons donc!

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît, messieurs! Messieurs, s'il vous plaît! Messieurs, s'il vous plaît, je vous demanderais... Il y a sûrement possibilité qu'on puisse continuer dans l'ordre et dans le respect mutuel les uns des autres. Alors, M. le député de Richelieu et ministre des Relations internationales, si vous voulez poursuivre, s'il vous plaît.

M. Simard: Je pense que cette intervention a relevé le débat à un niveau qui a sans doute impressionné.

Une voix: Elle est stupide.

M. Simard: Je ne vous le fais pas dire. M. le Président...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Messieurs, s'il vous plaît! Messieurs, s'il vous plaît! Il vous reste 30 minutes à vous supporter mutuellement. Alors, je pense que le débat est très sérieux et chacun mérite d'être entendu et de livrer son message à la population québécoise. Alors, pour l'instant, j'ai reconnu et j'ai cédé la parole au député de Richelieu et ministre des Relations internationales. M. le ministre.

M. Simard: M. le Président, en conclusion, nous sommes devant une attaque sans précédent contre le droit des Québécois à disposer d'eux-mêmes qui ne nous vient pas des banquettes de l'opposition, qui vient de l'appui qu'a donné le gouvernement fédéral canadien à une cause qui remet en question ce droit, qui prétend donner primauté à une décision des tribunaux sur la volonté de l'Assemblée nationale du Québec. C'est de ça qu'il est question aujourd'hui. C'est un moment important. J'aurais espéré et je souhaiterais encore que l'opposition y accorde tout le sérieux qu'exigent les circonstances exceptionnelles. La population qui nous écoute, la population qui nous regarde s'attend à ce que nous considérions, que nous étudiions ces questions avec tout le sérieux que cela mérite.

(21 h 30)

En conclusion, nous, de ce côté-ci de la Chambre, avons toujours considéré qu'il fallait respecter le voeu de la majorité des Québécois. Lorsque, le 30 octobre, les Québécois se sont prononcés contre notre option, nous l'avons respecté. Si dans deux ans, dans trois ans, lorsque, lors des prochaines élections, la population nous reportera au pouvoir, si nous le méritons, si elle juge que le travail que nous avons fait mérite que nous revenions au pouvoir, nous allons proposer à la population de tenir effectivement un nouveau référendum, parce que nous considérons que les résultats du dernier...

Une voix: Ne nous plaisent pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Simard: ...non seulement ont été extrêmement serrés...

Une voix: Pierre-F. Côté!

M. Bélanger: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader, vous n'avez pas à vous lever, j'ai très bien saisi. Actuellement, messieurs, je pense qu'on a dénoté, tout à l'heure... Moi, j'ai compris de mon fauteuil qu'il y a eu énormément de respect suite aux propos qui ont été livrés par votre collègue de Châteauguay et je n'ai vraiment pas entendu autant de bruit et de rires que j'en entends actuellement. Alors, s'il vous plaît, je vous prierais de bien vouloir laisser terminer le député de Richelieu et ministre des Relations internationales, et, après coup, la parole, je l'accorde au député de Verdun, en espérant toutefois que du côté gouvernemental on maintienne le respect. Alors, M. le député, en conclusion, s'il vous plaît.

M. Simard: Merci, M. le Président. La population, si nous travaillons sérieusement, si nous réussissons à assainir les finances publiques, à relancer l'économie, aura notre bilan, nos engagements et saura à l'avance notre volonté de tenir un nouveau référendum. Si elle décide de ne pas tenir de référendum, elle aura l'option très simple de ne pas nous reporter au pouvoir. Je pense que les sondages qui ont été publiés ces dernières semaines montrent que les chances sont encore assez grandes que ce soit le contraire, que ce soit le contraire des espoirs des gens d'en face.

M. le Président, nous avons devant nous une motion extrêmement importante pour notre avenir. Au lieu de se répandre en quolibets de tous genres, l'opposition libérale devrait réfléchir à ce qu'a été son passé en ce domaine, à l'importance de la question, au jugement que la population qui nous regarde retiendra sur le sérieux et l'importance que nous accordons à cette question. Je pense que nous devons en ce moment reconnaître l'urgence de la situation et accepter, en en sentant toute l'importance, qu'il faille à ce moment-ci ensemble nous prononcer, quelles que soient parfois les divisions qui peuvent atteindre un parti, sur cette question qui est celle de l'avenir du Québec, le droit à décider nous-mêmes, Québécois, de notre avenir. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Richelieu, ministre des Relations internationales et ministre responsable de la Francophonie.

Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, j'accorde maintenant la parole au député de Verdun et critique officiel de l'opposition en matière d'enseignement supérieur. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Le 30 octobre dernier, les Québécois et les Québécoises ont exercé le droit à l'autodétermination et, de ce côté-ci, des deux côtés de la Chambre, personne ne le conteste. Alors, pourquoi aujourd'hui y a-t-il urgence de venir dire que l'on a ce droit, si ce n'est par tactique ou stratégie? La réalité, c'est que, le 30 octobre, les Québécois et les Québécoises, en exerçant leur droit fondamental à l'autodétermination, ont choisi que le Québec doit se développer à l'intérieur du Canada, et ça, vous n'avez pas encore été capable de reconnaître ce principe fondamental de démocratie qui est de respecter la volonté populaire, c'est-à-dire que les Québécois ont choisi que le Québec se développera à l'intérieur du Canada. Et c'est ça, la démocratie. Alors, nous ramener aujourd'hui, pour créer des chicanes, des divisions, vouloir réaffirmer ce que nous avons toujours affirmé, à savoir que c'est un droit que nous avons exercé le 30 octobre, j'avoue, au début, n'avoir pas compris.

L'intervention du député de Richelieu me fait bien mieux comprendre à quel point il s'agit purement de stratégie, de manigances, d'astuces pour créer une division artificielle avec le gouvernement fédéral, parce que la réalité du travail qui vous attendrait, vous, gouvernement du Québec, si vous avez suivi le résultat du référendum, ça serait de travailler d'arrache-pied de concert avec le gouvernement fédéral au renouvellement du fédéralisme canadien. Et c'est ça qu'on attendrait de vous si vous aviez été suffisamment démocratique pour accepter le verdict populaire.

Le verdict populaire vous a dit, le 30 octobre, que les Québécois et les Québécoises veulent continuer le développement du Québec à l'intérieur du Canada. Reconnaissez-le, reconnaissez-le 13 fois...

M. Cherry: C'est 18.

M. Gautrin: ...18 fois – merci, M. le député de Saint-Laurent – 18 fois en sachant que des différents députés de l'opposition ont présenté une motion. Dix-huit fois vous avez refusé dans cette Chambre de reconnaître le résultat du référendum, à savoir que démocratiquement les Québécois et Québécoises ont choisi que l'avenir du Québec doit se faire à l'intérieur du Canada; 18 fois vous avez refusé.

(21 h 40)

Aujourd'hui, le chef de l'opposition, dans un désir d'unanimité, a présenté une résolution qui refaisait exactement la situation, et je vais vous la relire, si vous me permettez: Que l'Assemblée nationale réaffirme le droit des Québécoises et des Québécois à l'autodétermination, droit qui a été exercé le 30 octobre dernier en choisissant de poursuivre le développement de la société québécoise au sein du Canada, et qu'en conséquence elle enjoigne les gouvernements du Québec et du Canada de donner suite à cette volonté populaire en acceptant de négocier de bonne foi le renouvellement du fédéralisme canadien. Cette résolution, dans un geste de recherche d'unanimité, a été proposée par le chef de l'opposition, et le leader du gouvernement, d'un revers de la main, a dit: On ne peut même pas accepter d'en discuter, préférant les arguties, les technicalités, actuellement, qu'on suspende les règles, qu'on soit en train de perdre notre temps alors qu'il y a des gens qui attendraient pour aller en commission, alors que ç'aurait été extrêmement simple de tomber d'accord sur ce qui est réellement le résultat démocratique du référendum.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Gautrin: Vous n'avez pas été capable de finir par accepter ce résultat. Et c'est toujours par tactique, par esprit de division...

Une voix: Par astuce.

M. Gautrin: ...par astuce – merci, M. le député de Saint-Laurent – par astuce...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Non, mais c'est bon d'avoir des gens qui nous aident. À l'heure actuelle, vouloir continuer à présenter une résolution qui va affirmer solennellement ce que nous avons déjà exercé le 30 octobre, il y a quelque chose que je ne comprends pas, moi, je m'excuse de vous le dire. On a eu, on a exercé ce plein droit à l'autodétermination le 30 octobre, on voudrait réaffirmer qu'on a le droit de faire ce qu'on a déjà fait. C'est un peu bizarre, si vous permettez, M. le Président. C'est pas mal bizarre. Sauf que c'est beaucoup plus difficile pour eux de reconnaître que le 30 octobre Québécoises et Québécois ont choisi, ont exercé ce droit à l'autodétermination et, en choisissant, ils ont choisi, M. le Président, que le Québec va continuer à se développer à l'intérieur du Canada. Et, aujourd'hui, tout ce que nous voudrions, c'est qu'ils puissent être en mesure de reconnaître ce geste démocratique de la part des Québécois.

Alors, M. le Président, la motion ne sert strictement qu'à être une motion de division, de partition, à vouloir créer une chicane artificielle avec le gouvernement fédéral, qui commence à faire certaines ouvertures.

Des voix: ...

M. Gautrin: M. le Président, de la diversion. Mais vous n'étiez pas, hier, en train d'écouter le discours de M. Chrétien, vous n'y étiez pas. Alors, de quoi vous pouvez en dire, franchement, et rire, à l'heure actuelle? Vous pouvez en rire, vous ne cherchez qu'à faire la division. M. le Président, ce sont des gens qui ne cherchent qu'à diviser, à chercher absolument le refus du renouvellement du fédéralisme canadien. Nous ne marcherons pas dans leur stratégie, dans leur tactique, dans leur tactique de diversion, nous allons voter contre, à ce moment-là, leur approche, M. le Président. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. J'accorde maintenant la parole au député d'Anjou, leader du gouvernement et ministre délégué à la Réforme électorale et parlementaire. M. le ministre.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: M. le Président, j'écoutais le député de Verdun qui disait sans ménagement qu'il allait voter contre la motion qui était présentement devant cette Assemblée. Il sait très bien qu'avec la procédurite dont nous avons été témoins aujourd'hui cette motion ne sera jamais votée, qu'à 22 heures les travaux de cette Chambre seront ajournés et donc, à ce moment-là, que cette motion restera au feuilleton, cependant. Alors, je pense que les gens de l'opposition devront se résigner, à un moment donné, M. le Président, à voter là-dessus, à voter sur ce principe.

J'écoutais le député de Châteauguay qui parlait, M. le Président, qu'à 18 reprises les députés de l'opposition ont présenté une motion nous demandant de reconnaître le résultat du référendum du 30 octobre. Des fois, M. le Président, je me demande si on n'assiste pas, à chaque fois qu'un député de l'opposition officielle se lève comme ça, à une thérapie de groupe. Je pense que c'est une thérapie de groupe à laquelle nous assistons. Ils essaient de se convaincre qu'ils ont gagné. Je pense qu'ils ne réalisent pas. J'ai rarement vu des gagnants aussi peu fiers d'avoir gagné ou ne pas avoir réalisé qu'ils ont gagné le référendum. Je pense que c'est pour ça qu'inlassablement ils se relèvent puis ils relisent, puis, là, ils doivent se dire en même temps: Aïe! coudon, c'est vrai, on l'a gagné ce référendum-là. On l'a gagné. Et, là, ils nous demandent de le reconnaître à ce moment-là, le résultat de ce référendum. On l'a reconnu, M. le Président. Si on ne l'avait pas reconnu, on aurait déclaré unilatéralement l'indépendance du Québec, la souveraineté du Québec. Si on ne l'avait pas reconnu, c'est ça qu'on aurait fait. À ce que je sache, je paie encore des impôts à Ottawa, malgré moi, hein? Bien, on en paie tous encore, des impôts à Ottawa. Et, de toute façon, ils nous en retournent de moins en moins. Ça, on le sait aussi. Alors, comment peut-on dire que nous ne respectons pas le verdict de la population qui a été rendu le 30 octobre?

Mais je comprends que c'est dur, après tout ce qui a été fait pour avoir le meilleur résultat possible, qu'on arrive finalement à cette si courte victoire. Je comprends que c'est dur. C'est difficile. On entendait certains ténors du Non qui disaient qu'il fallait maintenant écraser le mouvement souverainiste en bas de 40. Évidemment, quand on voit le résultat, ils se rendent bien compte que, cette courte victoire, M. le Président, elle fait mal. Alors, là, ils nous disent qu'on ne respecte pas le verdict populaire. Oui, nous le respectons, M. le Président. Oui, nous le respectons, et c'est pour ça d'ailleurs... Nous respectons tellement le verdict populaire que nous avons choisi, nous, de faire la souveraineté le plus démocratiquement possible, c'est-à-dire par référendum populaire, parce que c'est seulement le peuple québécois qui peut décider quand le Québec sera souverain. Ce n'est pas Jean Chrétien, M. le Président, à Ottawa, qui va décider quand, nous, il va nous accorder la souveraineté.

Et c'est ça, le but de cette motion, M. le Président, la motion qui avait été présentée par le député de Jonquière et premier ministre. C'est évident que nous aurions préféré une unanimité en cette Chambre. C'est évident, surtout sur un sujet aussi délicat que celui d'un droit fondamental du Québec, des Québécois à déterminer leur avenir. D'ailleurs, on avait fait parvenir au cabinet du leader de l'opposition une copie de la motion que nous allions présenter. On attendait des résultats à savoir s'il était d'accord avec le libellé. On avait pris le soin, à part ça, de prendre une motion qui ne mentionnait même pas leurs petits frères au fédéral, de peur, finalement, qu'ils se sentent mal pris de condamner, même du bout des lèvres, leurs vis-à-vis fédéraux.

La motion, c'est la suivante, M. le Président, celle qui a été lue par le premier ministre: «Que l'Assemblée nationale réaffirme que le peuple du Québec est libre d'assumer son propre destin, de déterminer sans entrave son statut politique et d'assurer son développement économique, social et culturel.» Je vous avoue honnêtement que je ne voyais pas comment les gens de l'opposition officielle pouvaient ne pas être en faveur d'un tel principe. On était certain même que, avec les propositions qui avaient été faites, c'est-à-dire deux intervenants de part et d'autre, avec les députés indépendants, nous aurions pu facilement, dans l'unanimité, adopter ce principe qui n'attaquait personne du côté fédéral.

Mais là, M. le Président, il est évident que, par tous les moyens possibles, l'opposition officielle ne veut pas voter sur cette motion-là. Elle ne veut pas voter cette motion-là, et, ça, je pense qu'on le voit maintenant. Évidemment, on avait eu plus de facilité pour passer une petite motion sur le foyer, hein? On s'en souviendra, le fameux foyer. Ça, il n'y avait pas eu de problème. Évidemment, il n'y avait pas eu de débat, elle avait été votée, cependant, à l'unanimité. C'était tellement gros, la notion de foyer telle qu'elle avait été concoctée par les libéraux fédéraux, que c'était évident, il me semblait, qu'à cette Assemblée nationale on ne pouvait pas être d'accord pour rapetisser tellement le caractère distinct du Québec à cette notion de foyer principal; même pas le seul foyer de la langue française, foyer principal. À ce moment-là, on avait fait une motion et on a eu l'unanimité de l'Assemblée nationale. Donc, il me semblait, quand on arrive à des choses aussi fondamentales que ça, qu'on pouvait facilement obtenir l'unanimité de l'Assemblée nationale.

L'urgence. Oui, il y a urgence, M. le Président. Ce n'est pas la cause qui est devant les tribunaux qui est l'urgence, M. le Président. L'urgence, c'est que, pour la première fois, un gouvernement fédéral décide de s'allier à une telle procédure, et c'était ça, quant à nous, l'urgence, M. le Président. Et l'urgence est d'autant plus vraie après les propos du premier ministre du Canada aujourd'hui, qui a déclaré que, tant qu'il serait premier ministre, jamais le Québec ne pourrait déterminer à lui seul de devenir souverain. Ce que ça veut dire, M. le Président, en termes clairs, c'est que cette Assemblée nationale n'a pas le droit de voter des lois qui font en sorte que, par un consensus, par un référendum populaire où les québécois diraient majoritairement oui... on ne pourrait pas, à ce moment-là, devenir un état souverain sans que le gouvernement fédéral nous en donne le consentement.

Ça, M. le Président, j'ai de la difficulté à comprendre le raisonnement du gouvernement fédéral quand il a lui-même participé... les députés libéraux fédéraux, les ministres fédéraux ont participé à ce référendum-là, ont toujours reconnu le processus démocratique du Québec; ils ont participé, en tout cas, au référendum de 1980, et Dieu sait qu'ils y ont participé, on l'a vu; en 1995 aussi, ils ont participé. Donc, s'ils ne croyaient pas ou s'ils croyaient que, finalement, ce référendum-là ne voulait rien dire, que, de toute façon, ils n'étaient pas obligés de reconnaître le résultat, pourquoi auraient-ils participé avec autant d'énergie, M. le Président?

Non, M. le Président. Non, M. le Président. Je pense qu'on assiste maintenant au fameux... On a eu le plan A, le plan B... On a vu le nouveau ministre des Affaires intergouvernementales, le ministre canadien, M. Dion, on a vu de quelle façon il change du plan A au plan B. Bien, là, on est rendu au plan B. On est rendu au plan B, M. le Président, ne plus reconnaître le droit du Québec. Puis ça, à la limite, M. le Président, je pense que c'est ne plus reconnaître les privilèges des députés de cette Assemblée nationale. Quand on pense, justement, aux responsabilités des députés de cette Assemblée nationale, à notre Loi électorale – on le sait, on est en train, présentement, de faire une commission sur la réforme électorale – à la Loi sur la consultation populaire aussi, à nos référendums... S'il y a quelque chose de démocratique, je pense, M. le Président, c'est l'instrument qui est celui du référendum, c'est-à-dire de faire appel au peuple pour déterminer: Que veut ce peuple? Veut-il rester dans la Constitution canadienne? Veut-il que le Québec devienne un état souverain?

Le 30 octobre, le peuple québécois a décidé majoritairement de rester dans la Constitution canadienne. Oui, c'est vrai. Oui, c'est vrai, M. le Président. Cependant, M. le Président, on le sait que de nombreux Québécois qui ont voté non, qui ne voulaient pas faire le saut au niveau de la souveraineté du Québec, l'ont fait aussi en espérant qu'il y ait un renouvellement du fédéralisme, certains d'entre eux. Le message, maintenant, que le premier ministre du Canada nous donne d'une façon sans équivoque, c'est qu'il n'y en aura jamais de renouvellement de la Confédération, il n'y en aura jamais. N'essayons pas de penser qu'il va y en avoir, il n'y en aura pas. Ils ne sont même pas capables de s'entendre sur même la notion de: C'est quoi le Québec? C'est quoi? Qu'est-ce qui est spécifique au Québec?

(21 h 50)

Donc, M. le Président, je pense qu'il était absolument essentiel de présenter cette motion pour réaffirmer que, tous en cette Chambre, nous croyons au droit fondamental du peuple québécois de déterminer de son avenir. Alors, ça, M. le Président, pour moi, ça allait de soi, et je suis tout à fait étonné que les gens de l'opposition officielle ne veuillent pas, finalement, voter sur cette motion.

Tout à l'heure, le député de Rivière-du-Loup brandissait ou nous montrait le rapport Allaire. On s'en souviendra du fameux rapport Allaire, ce fameux rapport Allaire qui était, à l'époque, le plan, le programme constitutionnel du Parti libéral du Québec. Je suis certain que plusieurs députés qui sont ici ont voté en faveur de ce programme constitutionnel du Parti libéral. Le titre de ce rapport Allaire, c'était «Un Québec libre de son choix»...

Une voix: «De ses choix».

M. Bélanger: «Un Québec libre de ses choix», ou «de son choix», «de ses choix». Le député de Laurier-Dorion me dit «de ses choix». Mais qui dit «choix» dit la possibilité de choisir, la possibilité de choisir, M. le Président. Et c'est justement ce que le gouvernement fédéral ne veut pas reconnaître aux Québécois, le droit de choisir, M. le Président, c'est ça, le droit de choisir démocratiquement. Alors, c'est ça, M. le Président.

Donc, M. le Président, on aurait espéré, évidemment, que les députés de l'opposition se joignent à nous unanimement sur cette motion qui a été lue et présentée par le premier ministre et député de Jonquière. Cependant, il en sera autrement. Au niveau de la procédure, on a décidé de faire de la procédurite, on a décidé de faire en sorte, au niveau de l'irrecevabilité...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélanger: Au niveau de l'irrecevabilité. M. le Président, on a plaidé abondamment l'irrecevabilité tout en sachant fort bien que, si cette motion de suspension des règles n'était pas adoptée avant 22 heures, à ce moment-là, la motion telle que présentée tombait tout simplement, n'était pas adoptée et, donc, on ne pouvait pas faire le vote sur la motion présentée par le premier ministre.

Mais je tiens à dire, M. le Président, aux membres de cette Assemblée qu'on peut essayer de reculer un choix, on peut essayer de faire en sorte d'éviter de montrer ses réelles intentions, mais, à un moment donné, le vote va arriver, il va falloir que tous les membres de cette Chambre votent sur la motion qui a été présentée par le premier ministre, parce que c'est quelque chose de trop fondamental. Et les gens ne sont pas dupes. On écoutait, M. le Président, les journalistes, tout à l'heure, aux nouvelles. Ils sont conscients que, la motion, elle embête les gens de l'opposition officielle. Ça les embête carrément, beaucoup même, M. le Président. Ce n'est pas pour rien qu'on assiste à ça, M. le Président. Quand on est réellement contre une motion, M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement, en conclusion, s'il vous plaît.

M. Bélanger: M. le Président, quand on est réellement contre une motion puis qu'on est fiers d'être contre une motion, à ce moment-là, on demande le vote le plus rapidement possible après un débat et on dit: On va voter, on va vous montrer qu'on est contre une motion. Ils ne veulent même pas voter, M. le Président, sur la motion.

Des voix: ...

M. Bélanger: Ça vous prouve à quel point, M. le Président, ils sont fiers de leur position. Et ça, à un moment donné, les Québécois vont les juger...

M. Paradis: M. le Président...

M. Bélanger: ...sur leur comportement et sur ce qu'ils veulent vraiment.

M. Paradis: M. le Président...

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Marquette, en vous indiquant qu'il vous reste à peine trois minutes.


M. François Ouimet

M. Ouimet: S'il me reste trois minutes, M. le Président, je vais m'en tenir au caractère d'urgence, parce que le gouvernement invoque l'urgence de la situation pour suspendre les règles de tous les parlementaires. Je me suis inspiré, M. le Président, du «Petit Robert» pour connaître la définition du mot «urgence». Et, au «Petit Robert», on peut lire ceci: «Caractère de ce qui est urgent; nécessité d'agir vite; régime exceptionnel qui, en cas de troubles graves ou de calamité publique, renforce les pouvoirs de police des autorités civiles.»

À entendre le député de Richelieu, j'étais sous l'impression que les chars d'assaut du gouvernement fédéral étaient aux portes de l'Assemblée nationale.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ouimet: On lit, un peu plus loin, M. le Président, et ça, c'est peut-être davantage de caractère urgent: «Cas urgent, nécessitant une intervention médicale ou chirurgicale rapide.»

Et là on s'est rappelé des 3 200 enfants de l'hôpital Sainte-Justine.

Des voix: Oh!

M. Ouimet: S'il y a une urgence, ça, ça en est une. On est rappelé, M. le Président, dans le comté de Chicoutimi et dans le comté de Jonquière: le taux de chômage est le plus élevé au Canada, M. le Président.

Des voix: Ça, c'est urgent!

M. Ouimet: Ça, c'est urgent. Services de garde en milieu scolaire. M. le Président, je suis convaincu, si on s'adressait à la ministre de l'Éducation, ça, c'est urgent. Elle a un projet de loi sur la table pour corriger les erreurs qu'elle a commises dans ce dossier. Ça, c'est urgent, M. le Président. Les travailleurs de l'hôtel Le Méridien, qui sont en attente de décision, d'intervention du gouvernement; ça, c'est urgent, M. le Président. Et on sait également, dans le cas du dossier de la Kenworth, il n'y a eu aucune intervention de la part du gouvernement ou des interventions beaucoup trop tardives. Ça, c'était urgent, M. le Président.

Et que fait-on, comme Assemblée nationale, si on ne fait que réaffirmer des choses qui ont été exprimées plusieurs fois par le passé? Quelles sont les conséquences alors que le gouvernement a donné mandat à ses procureurs de plaider devant la Cour supérieure qu'il n'y avait pas urgence? Et, aujourd'hui, on vient invoquer l'urgence pour suspendre les règles de l'Assemblée nationale et bafouer les droits de tous les parlementaires de cette Assemblée en prétextant l'urgence, alors qu'on voit carrément qu'il n'y a aucune urgence, M. le Président.

Nous sommes en présence d'un geste posé par le gouvernement qui a sollicité le consentement de l'opposition pour une motion. L'opposition a sollicité le consentement du gouvernement pour présenter sa motion, les deux motions n'ont pas reçu le consentement. Le gouvernement se sert de sa majorité pour réprimer la minorité que nous sommes, M. le Président, et pour faire passer sa motion. C'est devant ça que nous sommes.

Alors, vous m'indiquez que mon temps est écoulé, M. le Président. Nous allons voter contre cette motion de suspension des règles. C'est sans précédent ce que le gouvernement est en train de faire.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, nous avons atteint 22 heures. À ce moment-ci, selon le règlement, j'ajourne les travaux à demain, 10 heures.

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

(Fin de la séance à 21 h 59)