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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 12 novembre 1996 - Vol. 35 N° 51

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Table des matières

Présence du ministre-président de la Région wallonne, M. Robert Collignon

Présence des journalistes de la Tribune de la presse

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Quatorze heures sept minutes)

Le Président: Alors, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Présence du ministre-président de la Région wallonne, M. Robert Collignon

Alors, j'ai d'abord le grand plaisir de souligner la présence dans les tribunes du ministre-président de la Région wallonne, M. Robert Collignon.


Présence des journalistes de la Tribune de la presse

Et, à l'occasion du 125e anniversaire de la Tribune de la presse parlementaire, j'aimerais souligner la présence, dans les galeries, des journalistes et des membres de leur exécutif et celle de leur président, M. Pierre April. Alors, nous savons à quel point cette institution est essentielle au bon fonctionnement de notre système démocratique et...

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président: ...malgré les rumeurs de part et d'autre, comme le président est un ancien de la confrérie journalistique, il a un préjugé favorable pour la tribune parlementaire.


Affaires courantes

Aux affaires courantes, déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article a de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 62

Le Président: À l'article a de notre feuilleton, M. le ministre responsable de l'application des lois professionnelles présente le projet de loi n° 62, Loi modifiant le Code des professions concernant les comités de discipline des ordres professionnels. M. le ministre responsable de l'application des lois professionnelles.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, ce projet de loi a pour effet de confirmer que les membres du comité de discipline d'un ordre professionnel peuvent continuer à instruire une plainte dont ils ont été saisis et en décider malgré leur remplacement.


Mise aux voix

Le Président: Alors, l'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Une voix: Oui.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

(14 h 10)

M. Bélanger: Article b de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 59

Le Président: À l'article b du feuilleton, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune présente le projet de loi n° 59, Loi modifiant la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.


M. David Cliche

M. Cliche: Merci, M. le Président. Ce projet de loi, Loi modifiant la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, modifie effectivement cette loi afin d'accorder aux agents de conservation de la faune l'assistance nécessaire pour assumer leurs fonctions. À cet effet, ce projet de loi prévoit que le ministre peut nommer des assistants à la conservation de la faune et des gardiens de territoire. Il leur accorde les pouvoirs requis pour assumer leurs fonctions. Et c'est un souhait qui a été mis de l'avant par les associations.

Ce projet précise qu'une municipalité ou une communauté urbaine peut conclure diverses ententes avec le ministre pour des fins de gestion de la faune et de son accessibilité ainsi que pour l'établissement de zones d'exploitation contrôlée, de réserves fauniques et de refuges fauniques. Il prévoit également que, lorsqu'une terre du domaine public située dans une zone d'exploitation contrôlée, une réserve ou un refuge est vendue ou cédée, cette terre continue de faire partie de la zone d'exploitation contrôlée, de la réserve faunique ou du refuge faunique aux fins de l'application des règlements qui y étaient applicables. Dans le même sens, lorsqu'un terrain privé est inclus dans cette zone d'exploitation contrôlée, une réserve ou un refuge faunique à la suite d'une entente entre le propriétaire et le ministre, le projet prévoit que cette entente lie le propriétaire et ses ayants cause pour la durée qui y est indiquée.

Ce projet accorde de plus au ministre le pouvoir de refuser un permis de transport ou d'ensemencement – de poissons, il va de soi – pour des motifs d'intérêt public, notamment de conservation ou de gestion de la faune. Il permet aussi au ministre de modifier dans certains cas un bail de droits exclusifs de chasse, de pêche ou de piégeage et prévoit de nouvelles exceptions à la procédure d'appel d'offres public concernant les baux de droits exclusifs de pêche.

Ce projet permet à un organisme gestionnaire d'une zone d'exploitation contrôlée de fixer, de concert avec un pourvoyeur, un organisme gestionnaire d'une zone d'exploitation contrôlée ou avec une association à vocation récréative, un montant forfaitaire annuel que ces derniers doivent payer à titre de droits de circulation sur son territoire. Il modifie également le montant maximum des emprunts non remboursés que peut effectuer la Fondation de la faune et lui permet d'acquérir des obligations ou autres titres de créance émis par des organismes du gouvernement du Québec.

Enfin, ce projet contient des dispositions pénales, transitoires et d'harmonisation avec le nouveau Code civil du Québec.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Alors, adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article c de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 236

Le Président: À l'article c du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 236, Loi concernant la Ville de Sorel. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose donc ce rapport.

Et M. le député Nicolet-Yamaska présente le projet de loi d'intérêt privé n° 236, Loi concernant la Ville de Sorel.


Mise aux voix

L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements et pour que le ministre des Affaires municipales en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée, M. le leader de l'opposition? Oui? Alors, adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le premier ministre.


Rapport annuel du ministère du Conseil exécutif

M. Bouchard: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995-1996 du ministère du Conseil exécutif.

Le Président: Ce document est déposé. Mme la ministre de l'Éducation.


Rapports annuels de l'Université Bishop's, de l'Université Concordia, de l'Université de Sherbrooke et de l'Université McGill

Mme Marois: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995-1996 de l'Université Bishop's; le rapport annuel 1995-1996 de l'Université Concordia, volumes 1, 2 et 3; le rapport annuel 1995-1996 de l'Université de Sherbrooke, volumes 1 et 2; et le rapport annuel 1995-1996 de l'Université McGill, volumes 1 et 2.

Le Président: Alors, les documents sont déposés. Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Rapports annuels du Musée du Québec et de la Régie des télécommunications du Québec

Mme Beaudoin: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995-1996 du Musée du Québec et le rapport annuel 1995-1996 de la Régie des télécommunications du Québec.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés.

Au dépôt de rapports de commissions... Oui.

M. Lefebvre: M. le Président, à l'étape du dépôt de documents... M. le Président, à la période de questions, jeudi dernier, le ministre de la Santé s'est engagé à déposer la liste des régies régionales qui empruntent en son nom et également, évidemment, les montants empruntés. On attend le document, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, le ministre a fait mention, à ce moment-là, qu'il déposerait les documents dès que possible. Alors, c'est ce qu'il va faire dès que possible.


Dépôt de rapports de commissions

Le Président: Dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission du budget et de l'administration et député d'Arthabaska.


Étude détaillée du projet de loi n° 42

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, je dépose le rapport de la commission du budget et de l'administration présidée par la députée de Vanier, qui a siégé le 7 novembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 42, Loi concernant l'harmonisation au Code civil du Québec de certaines dispositions législatives d'ordre fiscal. La commission a adopté le projet de loi avec des mendements.


Étude détaillée du projet de loi n° 193

Je dépose, également, le rapport de la même commission qui a siégé le 7 novembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 193, Loi concernant le Régime de retraite pour certains employés de la Commission des écoles catholiques de Québec. La commission a adopté le projet de loi.

Le Président: Alors, ces rapports sont déposés. M. le président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, M. le député de Richmond.


Étude détaillée du projet de loi n° 53

M. Vallières: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé les 6 et 7 novembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 53, Loi sur les appellations réservées et modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche. La commission a adopté le projet de loi.

Le Président: Ce rapport est déposé.

Dépôt de pétitions.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys présentée en vertu de l'article 97 du règlement, le 6 novembre dernier.


Questions et réponses orales

Alors, nous en arrivons maintenant à la période des questions et des réponses orales. M. le député de Bourassa.


Rôle de la SQDM dans la relance de l'emploi

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président. Lors du récent Sommet nous avons eu droit à la stratégie de relance de l'emploi du ministre d'État de l'Économie et des Finances d'une part, et, d'autre part, le président du Sommet, M. Béland, a fait circuler un autre document sur le même sujet, «La relance de l'emploi», mais avec un contenu passablement différent et qui reflétait – ce document de M. Béland – le point de vue du conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, les grands partenaires. Ces deux documents comportent des énoncés généraux, mais ne disent rien quant aux mécanismes qui vont donner des services à ceux que ça concerne: les travailleurs ou les entreprises dans le milieu et dans les régions. Ils ne disent rien sauf un énoncé général concernant l'importance d'un guichet unique.

La ministre de l'Emploi pourrait-elle nous dire quel rôle elle entend confier à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre dans la livraison, en région et au niveau local, des services de soutien à l'emploi? Est-ce qu'elle peut confirmer que les grands partenaires du marché du travail qui composent le conseil d'administration de la Société québécoise auront toujours des responsabilités précises et concrètes dans l'organisation et la gestion des services de l'emploi dans le milieu et sur le plan local en particulier?

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je crois important de pouvoir souligner à quel point le gouvernement entend maintenir la confiance et entend maintenir également la collaboration déjà instaurée avec les partenaires du marché du travail et je vous signale qu'à l'occasion du Sommet nous avons justement retenu un des documents auquel fait référence le député de Bourassa, qui s'intitule «Stratégie québécoise de l'emploi», et que nous entendons bien évidemment confier un rôle prépondérant, un rôle stratégique majeur à la fois aux partenaires du marché du travail et à ceux des collectivités locales et régionales.

Alors, M. le Président, le député de Bourassa m'interroge cependant sur les structures que nous mettrons en place immédiatement après que nous aurons eu enfin la confirmation du transfert des politiques actives de main-d'oeuvre actuellement dédoublées au Québec à cause des interventions fédérales en matière de main-d'oeuvre. Alors, il n'est pas de l'intention du gouvernement d'agir comme le précédent, de mettre des structures en place avant même d'avoir pu se faire confirmer ce transfert, ce rapatriement des mesures actives. Nous y travaillons énergiquement, nous avons espoir de réussir à court terme, mais vous conviendrez qu'il faut d'abord évidemment avoir signé avant de décider quelle structure va pouvoir les recevoir.

(14 h 20)

Le Président: M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): M. le Président, en complémentaire, j'aimerais demander à la ministre si elle est consciente de la mise à l'écart à peu près totale de la SQDM quant à la prestation des services de soutien à l'emploi qu'elle s'apprête à proposer dans son livre blanc sur l'aide sociale qui va sortir d'ici quelques jours. Est-ce qu'elle est consciente que cette mise à l'écart ou au rancart de la SQDM à peu près totale est un camouflet majeur aux partenaires patronaux et syndicaux, qui n'ont jamais donné leur accord, en conseil d'administration, à la vision de la ministre? Une vision bureaucratique, M. le Président. Est-ce qu'elle est consciente que c'est un désaveu à la présidente de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, qui, pas plus tard qu'aujourd'hui, dans Le Devoir , soutient et démontre l'importance d'associer les partenaires à la gestion concrète des mesures de soutien à l'emploi dans le milieu?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président, je suis obligée de reconnaître que le député de Bourassa est mal renseigné, d'autant plus que, s'il y a une confiance qui s'est installée entre les partenaires du marché du travail et le gouvernement, c'est bien actuellement. Il faut d'ailleurs avoir vu à l'oeuvre cette collaboration et cette confiance à l'occasion des travaux du Sommet.

La mise à l'écart dont parle le député de Bourassa, c'est cependant celle du gouvernement fédéral, qui a décidé, en l'espace de trois ans – nous en sommes à la deuxième année – de cesser tout financement dans le cadre des programmes qui, depuis 1986, étaient gérés par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. À terme, l'an prochain, c'est 90 000 000 $ de moins, dont 45 000 000 $ l'an prochain, 35 000 000 $ cette année et 15 000 000 $ l'an passé. Ça, M. le Président, c'est terriblement inquiétant. Je suis surprise que le député de Bourassa n'ait jamais interrogé sur ça. Ça, c'est terriblement inquiétant pour le sort, pour l'avenir de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

Des voix: ...

Mme Harel: M. le Président, s'il vous plaît, là, il y a des échos du côté de l'opposition qui me semblent devoir mériter...

Une voix: Oui, d'être rappelés à l'ordre.

Mme Harel: ...d'être rappelés à l'ordre, effectivement. Alors, je termine...

Des voix: ...

Le Président: En conclusion, Mme la ministre.

Mme Harel: En conclusion, M. le Président, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre joue présentement un rôle inestimable en matière d'intervention sectorielle. Plus de 20 comités sectoriels dans autant de branches industrielles sont à implanter le nouveau régime d'apprentissage que nous avons annoncé au Sommet et sont à réaliser, à la satisfaction des employeurs comme des employés, le 1 % de dépenses de formation de la main-d'oeuvre. Alors, M. le Président, je ne vois pas ce qu'on a à reprocher à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en complémentaire.

M. Johnson: Oui, au premier ministre. Est-ce que le premier ministre se rend compte que, contrairement à ce que la ministre dit, la disparition de la SQDM aux niveaux local et régional se fait à l'encontre de la volonté des partenaires? Deuxièmement, est-ce que le premier ministre est conscient des impacts que ça peut avoir sur la négociation fédérale-provinciale, car la SQDM, en septembre, a adopté justement la réorganisation – dans laquelle la ministre met la tronçonneuse – pour répondre aux préoccupations du gouvernement fédéral et faciliter la négociation? Est-ce que le premier ministre se rend compte que sa ministre est en train d'empêcher la négociation de se dérouler?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, là, je suis obligée de reconnaître que ce n'est pas juste le député de Bourassa, c'est le chef de l'opposition qui est mal renseigné.

Une voix: Ce n'est pas surprenant, c'est le député qui l'a informé.

Mme Harel: Oui. Alors, cela négocie toutes les semaines, n'est-ce-pas, de façon accélérée. Je dois aussi cependant constater qu'il n'appartient pas à d'autres qu'aux provinces, et chacune d'entre elles qui poursuit d'ailleurs des négociations bilatérales en matière de transfert des mesures actives de main-d'oeuvre... Il n'appartient pas, en fait, à Ottawa de décider dans aucune des provinces, et ce n'est pas la prétention du fédéral non plus de décider, pour aucune des provinces, des structures d'accueil dans aucune d'entre elles. Alors, je ne vois pas pourquoi le chef de l'opposition pourrait prétendre ici qu'il pourrait admettre, lui, qu'il y ait de l'ingérence de la part du fédéral dans la manière dont on va structurer nos services publics de main-d'oeuvre au Québec.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre, qui fait preuve de discrétion dans ce dossier important, pourrait nous expliquer comment il n'a pas été avisé par sa ministre que la SQDM, le 26 septembre, a précisément adopté cette réorganisation afin de faciliter la négociation avec le gouvernement fédéral? C'est en toutes lettres dans le dispositif de la décision de la SQDM. Est-ce que le premier ministre peut nous expliquer pourquoi c'est sa ministre qui a raison au lieu des partenaires?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, avant de répondre à la question, je voudrais joindre ma voix à la vôtre pour nous féliciter tous de l'apport irremplaçable de la presse dans les travaux parlementaires. C'est sûr qu'il n'y a personne en cette Chambre qui pourrait se passer d'eux, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: En réponse à la question, le gouvernement reconnaît le rôle extrêmement bénéfique que jouent, dans la création d'emplois, notamment du côté des mesures de main-d'oeuvre, les partenaires du travail. Le gouvernement entend continuer de travailler avec eux et fera en sorte que soit établi un ensemble de contributions qui tireront le meilleur des apports de chacun. Il est certain que les gens ne seront pas exclus de la mise en place de structures plus efficaces, plus immédiatement près des services à rendre et que, au nombre des partenaires privilégiés, bien sûr, il y a ceux-là.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre se rend compte que ça va prendre un autre 125 ans à la Tribune de la presse pour comprendre ce qu'il vient de dire?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: Ce que je demande au premier ministre, c'est: Est-ce que, oui ou non, il est au courant, par sa ministre, ou par la presse, ou je ne sais trop comment, que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre a adopté un plan de réorganisation qui vise à améliorer les services, à réduire les dédoublements et à impliquer les partenaires locaux justement pour faciliter la négociation avec le gouvernement fédéral, alors que sa ministre dit que c'est le contraire? Elle, elle attend qu'on lui envoie de l'argent, puis après on ne sait pas ce qu'elle va faire avec.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Heureusement, la presse a la compréhension plus rapide que le chef de l'opposition, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Mais rappelons les choses fondamentales: c'est le gouvernement du Québec qui négocie avec Ottawa, ce n'est pas la SQDM, et c'est le gouvernement du Québec qui est responsable des rapports avec le gouvernement fédéral. C'est également chacune des provinces qui va déterminer, selon les besoins qui sont les siens, les structures d'accueil de ces mesures actives et les ressources qui lui sont assorties.

Ceci étant dit, le gouvernement n'a aucunement l'intention d'exclure les partenaires du travail au Québec de la mise en place de structures efficaces. Nous travaillons avec eux et nous ferons en sorte que ce soit le citoyen qui profite des meilleures décisions qui seront prises de cette coopération qui sera mise en place.

Une voix: Bravo!

(14 h 30)

Le Président: En principale, M. le député de Marquette.


Nouveau programme de mathématiques 436 au secondaire

M. Ouimet: Principale, M. le Président. En adoptant un règlement haussant les exigences pour l'admission au cégep sans hausser les exigences du secondaire, la ministre de l'Éducation a dû admettre publiquement il y a quelques semaines qu'elle ne s'était pas rendu compte que 15 000 diplômés ne seraient pas admissibles au cégep, et on ne sait toujours pas, en passant, quel sort les attend. Dernièrement, j'apprenais que la ministre de l'Éducation a adopté un nouveau programme d'études au secondaire pour les mathématiques 436.

La ministre se souvient-elle, cette fois-ci, d'avoir adopté ce programme qu'elle a signé? Et, si oui, est-elle consciente des impacts financiers de l'adoption de ce programme?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, M. le Président, je savais, lorsque nous avons adopté le premier règlement auquel le député de Marquette fait référence, que cela aurait des impacts sur les élèves du secondaire. Le risque d'ailleurs que cela avait, si nous avions appliqué immédiatement le règlement pédagogique, c'était d'empêcher des jeunes d'obtenir leur diplôme, mais dans un nombre encore beaucoup plus grand que celui que le député mentionne. Ce que nous avons décidé, c'est de faire en sorte que les exigences restent là au niveau du cégep, mais cependant qu'au niveau du secondaire, s'il y avait nécessité de procéder à du rattrapage pour leur permettre, à ces jeunes, une fois obtenu leur diplôme, de passer au niveau secondaire, on puisse le faire.

C'est justement un exemple d'une réforme qui a été faite de façon isolée en ce qui a trait au cégep, et son effet pervers est exactement celui qu'a mentionné le député de Marquette. Et ce que nous faisons, c'est d'essayer de réparer les erreurs du passé, M. le Président. Bon.

Des voix: Bravo!

Mme Marois: Je suis...

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation, en conclusion.

Mme Marois: Merci, M. le Président. C'était la réforme de l'ex-ministre de l'Éducation qui est maintenant ministre à Ottawa. Sur l'implantation du programme de mathématiques 436, c'est évident que, lorsqu'on implante un nouveau programme, cela pose de nouvelles exigences dans les milieux scolaires, quand ce ne serait que pour les professeurs d'être mis à niveau pour pouvoir enseigner de telles matières, quand ce ne serait que pour le matériel didactique. Alors, bien sûr, nous sommes conscients que, lorsque nous implantons de nouveaux programmes, il y a un impact et un effet quant au budget.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: La ministre est-elle consciente que ce nouveau programme d'études oblige tous les élèves du Québec en mathématiques 436 à avoir une calculatrice à affichage numérique avec graphiques? C'est dans son programme.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, je sais ça, M. le Président. Ça m'a été d'ailleurs souligné lorsque nous avons regardé ce changement. Ça m'a été souligné lorsque j'ai visité des écoles – parce que j'en visite régulièrement – et c'est l'équivalent, dans le fond, une calculatrice – qu'elle soit d'un type d'affichage ou d'un autre – d'un matériel pédagogique et didactique, d'un livre, par exemple. Lorsqu'une commission scolaire adopte un nouveau programme ou a à implanter un nouveau programme, elle doit acheter les livres, les guides en conséquence. Comme on sait que cela reste la propriété de la commission scolaire, elle peut même répartir le coût ou l'amortir sur un certain nombre d'années. Alors, ce type de calculatrice qui sera rendu disponible pour les élèves pourra être amorti sur quelques années – est-ce que c'est trois ou quatre ans? – la vie utile, évidemment, de l'équipement, et nous savons, d'autre part, que ce type de calculatrice n'a pas à être acheté pour tous les élèves dans tous les cas, puisque tous les élèves ne suivent pas ce fameux cours, maths 436.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: La ministre de l'Éducation se rend-elle compte qu'il y a 54 000 élèves au secondaire qui devront débourser environ 150 $ pour cette calculatrice, pour un coût total de 6 500 000 $? Ce n'est pas les quelques dollars auxquels elle fait référence, là.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Alors...

Une voix: ...

Mme Marois: ...le... C'est un peu ridicule, ça, franchement.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Je voudrais vous en référer à l'article 32 qui...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: ...indique que les députés doivent s'abstenir de tout ce qui peut nuire à l'expression d'autrui et au bon fonctionnement de l'Assemblée. Ils doivent également garder le silence, et c'est clair que ce n'est pas parce qu'on ne parle pas au micro que des propos ne peuvent pas être à la fois antiparlementaires ou blesser les gens de l'Assemblée. Alors, je vous demande que... Il y a une personne qui a la parole. Actuellement, c'est la ministre de l'Éducation. Qu'on lui laisse la parole. Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, évidemment, je comprends que ça puisse intéresser de façon très significative l'ensemble de la population québécoise. Je vais donc vérifier d'une façon très fine ce que cela pourrait signifier en termes de coûts, mais, à partir du moment où ce sont les commissions scolaires qui les achètent – je n'ai pas tout à fait les mêmes chiffres que le député me mentionne – qu'on les rend disponibles aux élèves, comme on le fait pour les livres, qu'on les amortit sur une certaine période, je ne crois pas que ce sont les sommes dont on parle, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: Pourquoi, M. le Président, la ministre n'a-t-elle pas vérifié ces chiffres avant d'adopter le programme? Parce que c'est un programme qui est facultatif. Il y a des élèves au Québec qui ont déjà payé 150 $ parce qu'ils se sont inscrits dans le cours de mathématiques 436. Et c'est un préalable pour être admissible au cégep, Mme la ministre.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, M. le Président, lorsque l'on adopte des mesures qui nous amènent à changer des cours, c'est évident que le matériel didactique et pédagogique qui accompagne ou qui est exigé pour enseigner ce cours doit être pris en compte dans l'ensemble des budgets versés aux commissions scolaires, et il y a, pour ce faire, une enveloppe. Si nous ne versons pas ces mêmes sommes pour d'autres cours mais pour des nouveaux cours, on dégage donc des sommes qui sont ainsi rendues disponibles pour investir dans le nouveau matériel didactique. Est-ce que le député est en train de me dire qu'on devrait renoncer à certains types d'enseignement parce que cela coûte une certaine somme de se procurer le matériel pour le faire, M. le Président? Voyons!

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: Puisque la ministre va faire des vérifications, peut-elle vérifier aussi le coût du matériel didactique par professeur de mathématiques? On me parle de 500 $, parce que ça va prendre des acétates qui sont reliées à la calculatrice, suite à la décision du programme de la ministre.

Le Président: M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président.

Le Président: En complémentaire ou en principale?


Frais de scolarité aux niveaux collégial et universitaire

M. Gautrin: Le 8 novembre dernier, les étudiants recevaient un appui de taille, soit celui du député de Matane et ministre du Travail, qui affirmait devant une assemblée d'étudiants que, lui, il s'opposerait à toute hausse des frais de scolarité. Alors, aujourd'hui, en Chambre, devant son premier ministre, est-ce que le ministre du Travail peut confirmer cette déclaration?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, j'étais dans une assemblée de cégépiens à Matane vendredi dernier, et le débat s'est amorcé sur les frais de scolarité, évidemment. Mais il faut dire que, dans le cas des étudiants du cégep de Matane, ils avaient une deuxième préoccupation, c'était l'avenir de leur collège. Ils se préoccupaient, compte tenu de la population qui n'est pas très nombreuse, ils se souciaient de l'avenir de leur collège. Quant aux frais de scolarité, ce que j'ai dit, j'ai dit: Si on devait agir aujourd'hui, j'ai l'impression qu'il y aurait augmentation des frais de scolarité. Ce que j'ai soutenu par après – et j'aimerais que le député comprenne bien – ça a été la chose suivante. J'ai dit: Nous nous donnons jusqu'à Noël pour examiner l'ensemble des enveloppes du ministère et des priorités budgétaires de l'État et, après ça, une décision sera prise. J'ai dit: Ce que je souhaite au plus haut point, c'est qu'il n'y ait pas d'augmentation des frais de scolarité. C'est ça que j'ai dit.

(14 h 40)

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Gautrin: M. le Président.

Le Président: M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Est-ce que le ministre du Travail, qui est un homme de principes...

Une voix: Ah oui?

M. Gautrin: ...est prêt à considérer que ses principes sont plus importants que sa limousine et à démissionner si le gouvernement ne suit pas ce qu'il a recommandé aux étudiants, à savoir un gel des frais de scolarité?

Le Président: M. le ministre.

M. Rioux: Je comprends qu'entre Verdun et Matane il y a une longue distance et que la distorsion soit possible. Ça, je reconnais ça volontiers. J'aimerais bien aussi que le député de Verdun, lors de sa prochaine question, nous donne la position des libéraux sur les frais de scolarité dans les cégeps et dans les universités.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre du Travail, en conclusion.

M. Rioux: M. le Président, peut-être serait-il utile de rappeler à cette Chambre que le gouvernement actuel s'est refusé à deux reprises d'augmenter les frais de scolarité, alors que les libéraux les ont augmentés de 150 % lorsqu'ils étaient au pouvoir. La voie libérale n'est pas la voie à suivre.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Gautrin: M. le Président, est-ce que je comprends du ministre du Travail qu'il affirme...

Le Président: Monsieur... Est-ce que... Bien oui...

M. Gautrin: Pensez dans ce sens-là, M. le Président. Est-ce que je comprends du ministre du Travail qu'il confirme à cette Chambre qu'il n'a pas dit à la télévision qu'il allait faire tout en son pouvoir pour lutter contre l'augmentation des frais de scolarité?

Le Président: M. le ministre.

M. Rioux: J'ai moins de problèmes avec la deuxième version, M. le Président, que la première...

Des voix: Ah!

M. Rioux: ...parce que la deuxième est plus près de la vérité que la première. Ce que j'ai dit, et je le répète – j'espère que le député de Verdun va se trouver une autre question une autre fois – ce que j'ai dit, c'est: Personne au gouvernement ne souhaite augmenter les frais de scolarité, et moi le premier; personne ne souhaite ça. J'ai dit: On se donne jusqu'au mois de décembre pour réfléchir à la question. Mais j'ai dit: En attendant, je vais tout faire pour ne pas qu'il y en ait, d'augmentation de frais de scolarité, parce que les étudiants en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent manifestent clairement leur réprobation contre une augmentation éventuelle des frais de scolarité. Voilà ce qui a été dit. Voilà!

Le Président: En principale, M. le député de LaFontaine.


Application du décret de la construction à certains travailleurs du secteur des télécommunications

M. Gobé: Oui. M. le Président, lors du dernier Sommet sur l'emploi, le premier ministre et le ministre de l'Industrie et du Commerce ont fait valoir largement et par grandes déclarations leur intention de déréglementer les industries au Québec, en particulier les relations du travail, ceci afin de redonner aux industries la facilité de fonctionner, de prendre de l'expansion et de créer des emplois. Or, nous apprenons que ce gouvernement a formé un comité de travail qui oeuvre dans le but de renforcer le décret, les champs d'application des secteurs soumis aux lois et aux décrets de la construction. En effet, nous apprenons que l'industrie des télécommunications, du câblage, de la robotique, de la domotique et des fibres optiques serait assimilée au corps de métier des électriciens. On sait très bien que c'est un domaine totalement différent, entre un électricien de construction et celui de ces entreprises de technologie.

Ma question au ministre du Travail est la suivante: Étant donné qu'il est responsable de ce comité, a-t-il bien compris les intentions du premier ministre et les déclarations du ministre de l'Industrie et du Commerce lorsqu'ils disaient qu'ils voulaient déréglementer afin de faciliter la création d'emplois? Et peut-il nous garantir ou rassurer les entrepreneurs de cette industrie, qui sont très inquiets, qu'il n'entend pas légiférer ou proposer un projet de loi qui aurait pour but d'assimiler leur industrie aux électriciens de la construction, les forçant ainsi à répondre aux lois et réglementations en matière de relations de travail de cette industrie?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président il y a beaucoup de questions dans la question du député de LaFontaine. On va essayer de débrouiller un petit peu les choses. Premièrement, il y aura une loi déposée à l'Assemblée nationale visant la modernisation de la loi des décrets de convention collective. Les libéraux n'ont jamais osé toucher à ça.

Des voix: ...

M. Rioux: Ni les Paradis, ni les Cherry, ni les ci, ni les ça, ils n'ont jamais touché à...

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre, je voudrais vous rappeler que notre règlement interdit qu'on désigne un député par son nom, en l'occurrence le député de Saint-Laurent, il ne peut pas être désigné par son nom, d'une part. Et, deuxièmement, même si...

Des voix: ...

Le Président: ...j'essaie d'interpréter le règlement de telle sorte que les discussions puissent se dérouler à l'Assemblée, je vous rappelle aussi que le règlement fait en sorte que les questions et les réponses ne doivent pas susciter de débat. Et, dans la mesure où, finalement, on suscite des débats qui sont connexes et qui ne sont pas reliés directement à la question principale, je vous inviterais à rester sur le sujet. M. le ministre.

M. Rioux: Les noms que j'évoquais, pour moi, c'étaient un peu des personnages, des créatures historiques, compte tenu que la loi est vieille de 64 ans. M. le Président, oui, il y aura modernisation de la Loi sur les décrets de convention collective. Et également priorité sera accordée au secteur manufacturier et certains décrets importants seront examinés, modifiés ou abrogés. Alors, si ça peut en rassurer quelques-uns, c'est sûr que les 29 décrets de l'industrie, qui couvrent 125 000 travailleurs et 15 000 entreprises, seront tous revus. Il y en a d'autres à qui on accordera une plus grande priorité, c'est-à-dire le secteur manufacturier.

Quant à la question du député...

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre, je dois vous signaler que...

Des voix: ...

Le Président: Écoutez, ce serait plus simple si on laissait le président faire son travail, d'une part. Et, deuxièmement, je tiens à vous rappeler qu'à chaque fois que le président est debout pendant la période de questions c'est du temps en moins pour l'exercice du débat démocratique.

À ce moment-ci, M. le ministre, je voudrais vous signaler que le temps imparti pour la réponse est terminé. Alors, si vous avez choisi de répondre au préambule, c'est votre choix, mais, à ce moment-ci...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: ...c'est au député de LaFontaine...

M. Gobé: Est-ce que le ministre est conscient qu'il y a un projet de loi qui est prévu pour le printemps 1997 et qui prévoit déjà une réglementation dans ce secteur d'industrie là? Et je peux le déposer en Chambre, pour les collègues.

M. le Président, est-ce que le ministre est conscient que ce règlement, cet assujettissement de cette industrie aux électriciens de construction va faire en sorte que les entreprises qui oeuvrent au Québec et à travers le monde vont aller s'établir ailleurs, vont déménager, faisant ensuite perdre des emplois aux Québécois? Est-ce qu'il est conscient de ça, le ministre, au lieu de pavoiser et de dire n'importe quoi sur d'autres décrets?

Le Président: M. le ministre.

(14 h 50)

M. Rioux: M. le président, je reconnais encore une fois le 45 tours usé du ténor léger de LaFontaine, qui est en train encore aujourd'hui de nous assommer avec sa vocalise lancinante.

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, dans la question qui est soulevée, il faut distinguer deux choses. Il y a d'abord le Commissaire de la construction et il y a aussi le comité de juridiction des métiers. Dans le premier cas, il s'agit d'assujettir tous les travaux de la construction à la loi R-20 de l'industrie, à l'article 19. O.K.? Deuxièmement, le comité dont parle le député est en train de faire le ménage dans tous les métiers existant dans l'industrie de la construction; donc, il ne faut pas mêler les choses.

À ce jour, il n'y a eu aucune demande de la part des syndicats et des employeurs pour assujettir à l'industrie de la construction la vidéo, la téléphonie et les télécommunications. Il n'y a aucune demande et, s'il devait y avoir des demandes adressées au Commissaire, on examinerait ça le moment venu.

Le Président: M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait prendre connaissance de ses dossiers, en particulier du projet de règlement qui a été déposé, un comité de travail du juge Gold qui mentionne l'installation des communications, les travaux, l'alimentation des machineries de production, l'alimentation des appareils informatiques, la robotique, la domotique et les fibres optiques, un projet de règlement, quasiment un article de projet de loi, M. le Président? Alors, ou il connaît son travail, ou il sait ses dossiers ou il ne les connaît pas. Mais est-ce qu'il peut nous garantir que la domotique, la robotique, les fibres optiques, les télécommunications ne seront pas assujetties aux lois de la construction et aux électriciens de la construction? Voilà la question.

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, le Commissaire de la construction, à ce jour, a confirmé l'assujettissement des travaux suivants: les systèmes d'alarme et de sécurité, les systèmes d'intercommunication; ça, ça s'est fait en 1992 et en 1993. Dans les deux cas, la Cour supérieure a confirmé la validité des deux décisions, et aujourd'hui aucune décision concernant les téléphones, les systèmes de télécommunications et la vidéo n'a été prise. Alors, je me demande pourquoi le député de LaFontaine, encore aujourd'hui, s'excite.

Le Président: M. le député d'Arthabaska, en complémentaire.

M. Baril (Arthabaska): Oui, M. le Président. Est-ce que le premier ministre peut nous assurer que, si toutefois la demande est faite, avant l'élargissement du décret au réseau de la télécommunication, il y aura une étude d'impact qui sera faite, tel qu'il a été annoncé au Sommet?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je confirme que les engagements qui ont été pris et que le décret que le gouvernement a adopté la semaine dernière seront respectés et qu'en effet il y aura des études d'impact pour tout règlement nouveau qui sera adopté.

Le Président: M. le député de LaFontaine, en complémentaire.

M. Gobé: Alors, est-ce que le ministre peut s'engager à tenir des audiences publiques de commission parlementaire avant de légiférer dans ce domaine-là, tel que c'est dans les documents que j'ai?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: Ce que nous allons faire, M. le Président, on va respecter l'esprit des décisions qui ont été prises au Sommet.

Le Président: M. le député de l'Acadie, en principale.


Contrats octroyés par le Secrétariat à la restructuration

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Le député d'Iberville, responsable des études sur la souveraineté à titre de ministre délégué à la Restructuration, dévoilait, dans une lettre adressée récemment au journal Le Soleil , que la population a raison de s'interroger sur les responsabilités des politiciens dans l'affaire Le Hir et impliquait expressément le premier ministre, le secrétaire général et les ministres membres du Conseil du trésor dans la mise en place d'un système de dérogation automatique pour l'octroi de contrats d'études faisant la promotion de la souveraineté et dans le fait qu'on ait restreint volontairement les mandats confiés au Vérificateur général. De plus, le député d'Iberville mentionnait que le Vérificateur général est allé le plus loin qu'il le pouvait en suggérant qu'il y avait des responsabilités politiques à partager par l'utilisation de l'expression, et je cite: «relâchement des mécanismes de surveillance dans un contexte d'urgence référendaire».

Pour sa part, l'éditorialiste Gilbert Lavoie signalait le 8 novembre dernier que «le gouvernement a le devoir de mettre en place les mécanismes qui éviteront un tel gaspillage de fonds publics en période électorale et référendaire. Or, pour le faire, il faut comprendre ce qui s'est passé». Fin de la citation.

La population, M. le Président, a le droit de savoir pourquoi elle a dû payer plus de 6 000 000 $ pour ce gâchis politique incroyable dicté par l'aveuglement référendaire. Ma question: Est-ce que le premier ministre, lui qui est aujourd'hui à la tête du gouvernement, a l'intention de faire enfin la lumière sur le volet politique de l'affaire Le Hir?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. On m'informe qu'il y a encore une enquête policière relativement à ça, M. le Président...

Des voix: Ah!

M. Bélanger: ...et je pense qu'il va de soi qu'on devrait inciter les membres de cette Assemblée à la plus grande prudence pour ne pas nuire à l'enquête policière qui est en cours présentement et qui n'est pas terminée. Alors, je pense que c'est important, M. le Président.

Le Président: Je voudrais, M. le leader, vous indiquer à vous et à tous les membres de l'Assemblée qu'il y a une différence entre une enquête policière et une affaire qui se retrouve devant les tribunaux, et, en l'occurrence, la règle que j'ai rappelée la semaine dernière s'applique d'abord et avant tout à des affaires qui se retrouvent devant les tribunaux criminels. Et, dans ce contexte-là, je pense qu'on peut être prudent et que le gouvernement – en l'occurrence, c'est ce que je comprends – invite les collègues à faire attention pour ne pas compromettre l'enquête, mais, par ailleurs, il n'y a pas lieu à ce moment-ci de faire en sorte que la question ne puisse pas être abordée à la période des questions et des réponses. M. le leader.

M. Bélanger: M. le Président, mon intervention n'était pas pour le fait d'invoquer la règle du sub judice, puisqu'il n'y a pas sub judice. Cependant, il y a toujours cette prudence que vos prédécesseurs ont toujours respectée, et, quand il y a une enquête criminelle qui est en cours, un rappel, tout simplement, à la prudence, de faire en sorte que ce qui va être dit ici en cette Chambre ne nuise pas à l'enquête en cours. Je pense que ce rappel à la prudence est valable.

Le Président: Bien, comme je viens de l'indiquer, effectivement, on se comprend, il ne s'agit pas d'invoquer à ce moment-ci la règle du sub judice. Le gouvernement peut – et c'est ce que vous venez de faire à deux reprises – souligner qu'il y a une enquête policière dans ce dossier et que les membres de l'Assemblée, par souci de comportement éthique, doivent faire en sorte que l'enquête puisse se dérouler correctement, mais, une fois que cette mise en garde est faite, je pense que le député de l'Acadie peut soulever la question et que le gouvernement a le loisir de répondre. Alors, M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, cette question a été soulevée ici à maintes reprises, et le député de l'Acadie avait lui-même convoqué ou demandé une interpellation juste avant Pâques, qui a été tenue durant des heures et de laquelle, en fait, il n'a rien pu tirer lui-même sinon l'oubli dans lequel cette question a été maintenue depuis plusieurs mois.

Alors, je veux rappeler quand même un certain nombre de choses là-dessus. Il y a eu une première vérification du Vérificateur général du Québec qui a fait un rapport, qui est venu ici devant l'Assemblée, et, par la suite, le premier ministre du Québec a demandé un complément d'enquête, un complément de vérification, ce qui a été fait. Le rapport a été déposé ici, devant l'Assemblée nationale, puis il y a eu certaines conclusions qui n'ont pas plu au député de l'Acadie, et je le comprends, parce que, au fond, il essayait de mêler tout le monde dans une affaire qui n'existait pas. Puis finalement le Vérificateur lui-même concluait que les personnalités politiques en cause n'étaient pas en cause. Alors, le député de l'Acadie essaye d'en faire...

Par ailleurs, dans le rapport du Vérificateur, il y avait certaines constatations, et mon collègue le ministre de la Justice a demandé qu'il y ait une enquête policière là-dessus. Alors, c'est cette enquête policière qui est toujours en cours, puis nous en attendons les conclusions, puis, à ce moment-là, toute la lumière sera faite, mais, en ce qui concerne les allégués du député de l'Acadie, je trouve qu'il exagère fortement.

Une voix: Comme de coutume.

Le Président: M. le député.

(15 heures)

M. Bordeleau: M. le Président, est-ce que la population du Québec doit comprendre que le premier ministre, par son silence, ne souhaite pas l'informer et veut protéger certains membres de son entourage, ses ministres actuels et ses proches conseillers politiques en se faisant lui-même complice de ce camouflage de la vérité?

Une voix: Wo, wo, wo!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je pense que, clairement, on vient d'enfreindre ici le règlement. On impute des motifs indignes au premier ministre, et je crois qu'on doit faire retirer les paroles que le député de l'Acadie vient de dire.

Le Président: M. le député de l'Acadie, je vous demanderais de reformuler votre question en respectant l'article 35.6° de notre règlement d'une façon correcte, s'il vous plaît.

M. Bordeleau: M. le Président, est-ce que la population doit comprendre du silence du premier ministre que ce dernier souhaite ne pas l'informer et ne veut pas impliquer certains membres de son entourage, ses ministres actuels et ses proches conseillers politiques en permettant lui-même, par ses gestes, que la lumière ne soit pas faite sur toute la vérité?

Une voix: Bon!

Une voix: C'est ça.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, toute la population a pu suivre, comme moi à l'époque où je n'étais pas dans cette Chambre, les débats considérables qui ont eu lieu ici, les questions très nombreuses, les réponses très élaborées, les enquêtes qui ont succédé aux vérifications, une enquête policière qui est toujours en cours. Tout le monde sait que la plus grande transparence a prévalu en rapport avec cette affaire.

Le Président: Dernière question, M. le député.

M. Bordeleau: Oui. M. le Président, le premier ministre peut-il cesser de se draper dans des discours de transparence et d'intégrité concernant l'adjudication de ces contrats gouvernementaux, lui qui disait, comme membre du gouvernement conservateur, et je cite, «c'est là que doit porter une partie importante de nos efforts en vue de garantir l'intégrité et la transparence décisionnelle de l'État»? Comment peut-on croire à la cohérence des paroles et des gestes du premier ministre?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, toute la lumière a été faite par le Vérificateur général là-dessus, et le député de l'Acadie essaie d'en remettre, mais je pense qu'il court après une cause perdue présentement.

Une voix: Bien oui, tout à fait.

Le Président: Alors, c'est la fin de la période des questions et des réponses orales.


Votes reportés


Motion proposant que l'Assemblée exige du ministre d'État à la Métropole qu'il obtienne un consensus métropolitain avant de créer la commission de développement de la Métropole

Il n'y a pas de réponses différées aujourd'hui, mais il y a un vote reporté. Alors, tel qu'annoncé précédemment, nous allons maintenant procéder au vote reporté sur la motion de Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Alors, la motion de Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys proposant... Est-ce que je pourrais avoir la collaboration des membres de l'Assemblée pour pouvoir présenter la motion de Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys sur laquelle nous allons voter dans quelques instants?

Alors, la motion de Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys proposait:

«Que l'Assemblée nationale exige du ministre d'État à la Métropole qu'il obtienne un consensus métropolitain avant de créer la commission de développement de la Métropole et qu'il n'impose en aucun temps une structure qui irait à l'encontre de la volonté des intervenants de la grande région de Montréal.»

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Thérien (Bertrand), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri– Sainte-Anne), M. Fournier (Châteauguay), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Laporte (Outremont), M. Kelley (Jacques-Cartier).

M. Le Hir (Iberville).

Le Président: Alors, que les députés contre cette motion veuillent bien se lever maintenant.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Perron (Duplessis), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Garon (Lévis), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Lelièvre (Gaspé), M. Létourneau (Ungava), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Charest (Rimouski), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Président: Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:38

Contre:63

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion est rejetée.


Motions sans préavis

Aux motions sans préavis, maintenant, Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Souligner le 125e anniversaire de la Tribune de la presse

Mme Beaudoin: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne le 125e anniversaire de la Tribune de la presse.»

(15 h 10)

Le Président: Alors, je présume qu'il y a consentement pour débattre de cette motion. Mme la ministre.


Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin: Oui. M. le Président, j'aimerais prendre quelques minutes pour rappeler certains jalons liés à la naissance et à l'évolution de la Tribune de la presse, marquée depuis 125 ans par le passage et les écrits d'hommes et de malheureusement trop peu de femmes dont on dit qu'ils sont les yeux et les oreilles du peuple.

Lorsqu'on parcourt le recueil de témoignages qui vient d'être lancé à l'occasion de cet anniversaire, on se rend compte de tout le chemin parcouru pour que s'implante et évolue chez nous cette institution témoin mais aussi actrice de notre démocratie dans l'un des parlements les plus anciens au monde. Comme nous le rappelle Jocelyn Saint-Pierre, responsable du Service de la reconstitution des débats à l'Assemblée nationale et qui signe la préface de l'ouvrage, et qui a également publié une thèse sur le sujet, les journalistes se sont battus pour avoir le droit de rapporter les débats parlementaires, notamment en Angleterre, d'où nous vient l'idée de la Tribune de la presse et dont les traditions journalistiques ont été souvent importées au Québec.

Les journalistes québécois suivent les débats de l'Assemblée législative depuis pratiquement la fin du XVIIIe siècle, au moment où sont créées nos institutions parlementaires. Jusqu'en 1869, ce sont surtout les journaux de la capitale qui s'intéressent aux activités de la première Législature québécoise. Par la suite, le nombre de courriéristes parlementaires augmente considérablement. Citons, notamment, Arthur Dansereau, pour La Minerve , le célèbre Arthur Buies, pour Le Pays , Cléophas Beausoleil, pour Le Nouveau Monde , Jean-Charles Langelier, pour Le Courrier de Saint-Hyacinthe , George Barnum, pour la Gazette , Hector Fabre, pour L'Événement – Hector Fabre qui sera par la suite le premier représentant du Québec à l'étranger, nommé par le premier ministre Chapleau à Paris – J.A. Jordan, pour le Globe de Toronto et William Thom, le premier véritable chroniqueur parlementaire québécois, pour le Quebec Morning Chronicle .

Il faudra attendre toutefois 1871 avant qu'ils ne se dotent d'une structure permanente et que les autorités parlementaires les reconnaissent. Cette reconnaissance survient le 11 novembre 1871, au moment où l'honorable Blanchet officialise l'existence d'un comité représentant les membres de la Tribune de la presse. Mais ce n'est que 30 ans plus tard qu'apparaissent les premières traces de réglementation détaillée, soit en 1903. Fait à signaler, les membres de ce comité sont élus par les journalistes eux-mêmes et non par les entreprises de presse.

J'aimerais signaler également que plusieurs des correspondants qui ont fait leur marque à la Tribune en ont été secrétaires, particulièrement Damase Potvin, qui a occupé la fonction de 1930 à 1944, et Henri Dutil, de 1947 à 1966.

Créée afin d'éviter au gouvernement ou à l'Assemblée des conflits d'intérêts dans l'accréditation des représentants de la presse, la Tribune compte aujourd'hui 90 membres, incluant le personnel de soutien et le personnel administratif. Sur ce nombre, 37 % sont des journalistes dont la grande majorité, soit 67 %, représente un média électronique, ce qui témoigne des changements majeurs survenus en 125 ans, puisque, en 1871, la Galerie de la presse, comme on la nommait, comptait 17 hommes tous liés à un journal.

Sur ce chapitre, j'aimerais rendre hommage aux femmes qui, à partir des années soixante, ont commencé à investir non seulement le lieu, mais aussi la profession de courriériste parlementaire, particulièrement la pionnière Évelyne Dumas, au nom de laquelle il faut rajouter celui de Françoise Côté et celui de Lisa Balfour. Je salue également le travail de Gisèle Gallichan, entrée en fonction en 1967 et qui vient de la quitter, et celui de toutes les autres femmes qui, à l'instar de leurs confrères, suivent l'activité politique à la fois du gouvernement et des députés en lui donnant une visibilité propre à une saine démocratie. Connaissant ma position sur une présence accrue des femmes en politique, vous ne serez pas surpris, M. le Président, que je formule aujourd'hui aussi le souhait de voir s'accroître le nombre de femmes journalistes à la Tribune de la presse.

À l'ère de l'autoroute de l'information et d'Internet, on peut s'interroger à savoir quel sera le rôle du journaliste parlementaire au cours des prochaines décennies. Personnellement, je suis convaincue de la nécessité de la pérennité particulièrement de l'écrit pour maintenir et renforcer un métier et une tradition qui ont été essentiels au développement de la démocratie québécoise et qui doivent, par conséquent, mériter notre respect.

Je salue, en terminant, la grande fidélité à l'institution des vétérans de la Tribune de la presse du Québec, notamment MM. André Bellemare, Normand Girard, Gilles Lesage, Robert McKenzie, Gilles Morin et Rosaire Pelletier, tous témoins d'une des périodes majeures de notre histoire.

Le Président: M. le député de Laporte.

Une voix: D'Outremont.

Le Président: D'Outremont, je m'excuse.

Des voix: Ha, ha, ha!


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: M. le Président, je suis heureux de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui de souligner au nom de l'opposition officielle le 125e anniversaire de la Tribune de la presse, institution importante et souvent méconnue de la population.

C'est en 1792 que les journalistes peuvent commencer à assister aux débats parlementaires. Le 13 novembre 1871, près de 80 ans plus tard, naîtra la Tribune de la presse. L'histoire nous mentionne que la période suivant la Confédération incite les habitants de la ville de Québec à s'intéresser davantage aux activités du nouveau Parlement. Le Quebec Morning Chronicle confie donc à M. William Leslie Thom la responsabilité d'informer ses lecteurs sur les événements parlementaires. Celui-ci devient donc le premier véritable chroniqueur parlementaire québécois. Suivra toute une série de journalistes chevronnés, tels les Edouard Thomas Davies Chambers, qui fut professeur et principal d'école avant de représenter pendant une trentaine d'années le Quebec Morning Chronicle , le Toronto World de Toronto et le Montreal Star de Montréal, puis Jean-Baptiste Dumont, qui fit ses débuts à la Tribune de la presse à titre de rédacteur en chef au quotidien de Lévis; Damase Potvin, secrétaire de la Tribune de la presse, auteur de plusieurs ouvrages et publications et fondateur de la Société des arts, sciences et lettres de Québec et du Club des journalistes de Québec.

Même si l'histoire de la Tribune de la presse nous démontre le potentiel et le dévouement de ces pionniers, j'aimerais, M. le Président, souligner la contribution des journalistes qui sont bien connus du public et qui ont fait, eux aussi, partie de cette grande institution. Je doute qu'il y en ait ici qui soient suffisamment âgés pour avoir connu ces vénérables personnes. Les plus âgés se souviendront sans doute de Jean-Louis Gagnon, sûrement, Jean-Charles Harvey, Hervé Biron, Paul Bouchard, Vincent Prince, Richard Daignault, Maurice Bernier et de certains autres qui ont quitté le métier depuis peu ou qui oeuvrent encore, tels que Jean-V. Dufresne, Gilles Lesage, Pierre O'Neil, André Bellemare, Laurent Laplante et Normand Girard. Tous, sans exception, ont joué ou jouent encore aujourd'hui un rôle déterminant afin que les citoyens et citoyennes puissent être informés des faits, des enjeux et des conséquences des décisions prises tous les jours dans cette enceinte.

Je me joins finalement à la ministre de la Culture et des Communications pour souligner l'apport crucial qu'ont joué tout au long de cette dernière période les journalistes féminines. La diffusion de l'information politique est un élément primordial dans l'exercice de la démocratie, et, malgré le fait que, nous, parlementaires, n'appréciions pas toujours la médecine que les journalistes nous administrent, il reste que le travail des journalistes est essentiel d'abord à la qualité de notre vie démocratique et qu'il est un élément majeur de la connaissance que pourront acquérir les générations futures de l'histoire politique du Québec. Merci, M. le Président.


Le Président

Le Président: Alors, vous me permettrez, non seulement à titre d'ancien journaliste mais de président et donc de porte-parole de l'ensemble des membres de l'Assemblée, de simplement m'associer à la ministre de la Culture et des Communications et au député d'Outremont pour signaler qu'il n'y aurait pas de démocratie parlementaire sans les journalistes et sans les médias d'information, parce qu'il ne s'agit pas uniquement d'avoir la liberté d'expression, il faut aussi, et de plus en plus, avoir la liberté d'information et, donc, la capacité pour les gens, les citoyens, ceux qui, finalement, sont les derniers et les premiers décideurs... Ils sont au bout du processus et ils sont aussi les initiateurs des processus politiques. Il faut que les gens sachent, connaissent même si ça ne fait pas toujours plaisir, même si parfois nous vivons dans une maison de verre qui présente des visages déformants des situations, autant pour ceux qui sont à l'intérieur que pour ceux qui sont à l'extérieur et qui observent les situations qui se vivent ici, à l'Assemblée nationale ou dans les officines du pouvoir politique.

(15 h 20)

Alors, je crois que le... profiter de l'occasion du 125e anniversaire pour souligner l'importance que nous devons accorder à la démocratie, à la liberté d'information, à la liberté d'expression. Et pour que les journalistes, les chefs de pupitres, les éditeurs comprennent qu'il y a toujours une exigence fondamentale pour que ce métier et cette profession soient respectés, il faut que les membres qui la pratiquent aient cette angoisse de la vérité, et, dans la mesure où les journalistes ont ou peuvent développer cette angoisse de la vérité, je pense que la démocratie au Québec pourra s'en trouver renforcée.


Mise aux voix

Alors, je pense qu'il n'est pas nécessaire de demander si la motion est adoptée.

Une voix: Non.

Le Président: La motion, elle est adoptée à l'unanimité. Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis?


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement. Auparavant, je demanderais aux collègues de quitter la salle rapidement, pour ceux qui doivent travailler à l'extérieur.

Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission des affaires sociales poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 35, Loi sur l'équité salariale, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra et complétera les consultations générales sur le projet de loi n° 12, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 22 heures, à la salle Louis-Joseph Papineau.

Que la commission du budget et de l'administration procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre indiqué, soit le projet de loi n° 14, Loi modifiant la Loi sur le courtage immobilier, et le projet de loi n° 48, Loi modifiant la Loi sur la Société générale de financement du Québec, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 22 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Que la commission de l'aménagement et des équipements procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 46, Loi concernant certains rôles d'évaluation foncière dressés sous la responsabilité de la Municipalité régionale de comté de Portneuf, demain, le mercredi 13 novembre 1996, de 10 heures à 13 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Président: Pour ma part, je vous avise que la commission de l'éducation se réunira en séance de travail demain, mercredi le 13 novembre 1996, de 10 heures à 13 heures, à la salle RC-171 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est d'étudier et d'adopter le projet de rapport ainsi que les conclusions et recommandations de la commission de l'éducation sur les conditions de la réussite scolaire au niveau secondaire.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Alors, je vous informe, en ce qui me concerne, que demain, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, sera débattue la motion inscrite par M. le député de Westmount–Saint-Louis. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement péquiste qu'il respecte sa signature apposée aux conventions collectives des employés de l'État.»


Affaires du jour

Alors, s'il n'y a pas d'autres avis, à ce moment-ci, nous en arrivons maintenant aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 6 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 50


Adoption du principe

Le Président: Alors, M. le ministre d'État des Ressources naturelles propose l'adoption du principe du projet de loi n° 50, Loi sur la Régie de l'énergie. Alors, M. le ministre d'État des Ressources naturelles.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Il y a quelques semaines à peine, je déposais devant cette Assemblée un projet de loi qui visait à créer la Régie québécoise de l'énergie. Ce faisant, je remplissais avec fierté une promesse de longue date; tous s'en rappeleront. Mais, comme vous pouvez le constater, M. le Président, cette Régie constituera la pièce maîtresse de la politique énergétique qui, elle, sera déposée avant la fin novembre, une politique d'ailleurs qui s'appuiera largement sur les fameuses recommandations, les quelques 200 recommandations qui ont fait l'objet d'un consensus unanime auprès des membres de la table de l'énergie, qui a travaillé pendant plus d'un an et demi sur le sujet.

Plusieurs se demanderont: Mais pourquoi créer une Régie de l'énergie? J'aimerais, M. le Président, vous faire part des raisons qui nous ont amenés à doter le Québec d'une Régie de l'énergie. On sait très bien que le marché énergétique américain a tellement évolué qu'il était essentiel de nous doter d'un organisme indépendant de régulation des diverses formes d'énergie si nous voulions vraiment affronter les défis auxquels nous sommes confrontés et nous tailler une place qui nous revient, je crois, dans ce marché énergétique.

Jusqu'à maintenant, comme vous le savez, c'est devant la commission parlementaire de l'économie et du travail, annuellement, que les membres de l'Assemblée nationale, les députés, examinent les demandes tarifaires d'Hydro-Québec. J'aimerais, M. le Président, évoquer brièvement les raisons qui nous amènent à délaisser cette manière de faire ou cette manière de procéder. Est-ce vraiment en deux jours qu'une quinzaine de parlementaires peuvent véritablement contre-expertiser les demandes de l'Hydro? Est-ce que ça fait sérieux? Est-ce qu'on peut vraiment faire un examen approfondi des demandes tarifaires d'Hydro-Québec? Même si on s'appuyait sur des analyses préalables, ceux-ci, ces députés, nous tous qui siégeons en cette commission, est-ce qu'on dispose véritablement des connaissances techniques et des connaissances financières qui nous permettent véritablement de questionner adéquatement les dirigeants d'Hydro-Québec, qui, soit dit en passant, il faut bien le dire, s'acharnent bien souvent à justifier l'injustifiable? Lorsqu'on pense que le ministère des Ressources naturelles, lui, dispose de 30 fonctionnaires seulement pour analyser le travail d'une société d'État qui compte plus de 20 000 employés, une société d'État qui détient des actifs de près de 52 000 000 000 $, je pense qu'on peut tous en arriver à la conclusion qu'une contre-expertise s'avère difficile, voire même impossible.

De plus, le public ne peut participer aux travaux d'une commission parlementaire ou, s'il le fait, c'est de façon très indirecte, à cet examen. Par ailleurs, aussi, le processus était soumis, soit dit en passant, à des impondérables politiques. Lorsque le gouvernement devait prendre, par exemple, une décision en période électorale ou référendaire, le risque existait toujours – je dis bien que le risque existait toujours – que ces décisions soient prises en fonction de circonstances particulières et non en tenant compte de tous les impératifs économiques. Ça, tout le monde l'accepte, des deux côtés de la Chambre.

Finalement, une autre raison qui nous amène à créer cette Régie, c'est qu'il y a des risques de confusion dans les rôles: le rôle, par exemple, de l'État actionnaire unique dans sa société d'État; le rôle de l'État arbitre des intérêts des consommateurs et des intérêts de l'actionnaire; le rôle de l'État régulateur et de l'État garant de l'intérêt public. Voilà autant de raisons qui nous amènent à créer cette Régie. Comment concilier le désir légitime d'un actionnaire d'obtenir un rendement adéquat sur ses investissements avec la préoccupation des intérêts des consommateurs, par exemple? Voilà une question de taille. Comment faire coïncider la bonne marche d'une entreprise avec des objectifs gouvernementaux de création d'emplois et de développement économique régional? Une deuxième question de taille, M. le Président. Comment éviter les fameux conflits d'intérêts ou même l'apparence de conflits quand on est à la fois juge et partie? Selon nous, la création d'une régie de l'énergie constitue la meilleure réponse à toutes ces questions, tout d'abord parce qu'elle représente de nombreux avantages. Une telle régie a l'avantage de rendre des décisions à la lumière de tous les facteurs à considérer, qu'ils soient d'ordre économique, environnemental ou autre.

Mais comment s'assurer, maintenant, l'indépendance de cette Régie? Est-ce que c'est important de créer un organisme indépendant? La Régie sera formée de sept régisseurs, dont un président et un vice-président, et tous exerceront leurs fonctions à plein temps pour un mandat de cinq ans qui pourrait être renouvelé. Il leur sera toutefois interdit d'avoir, sous peine de destitution, quelque intérêt que ce soit, direct ou indirect, dans une entreprise susceptible de les mettre en conflit d'intérêts ou de devoir. Les régisseurs devront évidemment disposer de la compétence requise, et, pour nous en assurer, il est prévu que le gouvernement établisse une procédure de sélection juste et équitable qui prendrait la forme d'un comité de sélection. En outre, les décisions de la Régie seront sans appel, comme c'est le cas d'ailleurs pour la plupart des régies existantes sur le continent nord-américain.

(15 h 30)

Par ailleurs, notre Régie aura un statut d'organisme extrabudgétaire. Qu'est-ce que ça veut dire, M. le Président? Ça veut dire qu'elle devra s'autofinancer et s'interdire de faire des déficits d'opération. Et, pour une fois, les Québécoises et les Québécois auront le droit de faire entendre leur point de vue sur des questions énergétiques, parce qu'il y aura des audiences publiques. C'est en vertu de ce principe que la Régie devra, principalement dans les cas de demandes de tarifs, tenir des audiences publiques, mais elle pourra aussi le faire sur toute autre question qui relève de sa compétence. Toutefois, il lui sera impossible, comme le veut la nouvelle tendance dans les régimes nord-américains, de procéder à des ententes entre les parties et de tenir des discussions et des consultations afin de faciliter et de resserrer le déroulement des audiences publiques. La Régie pourra également, M. le Président, tenir des audiences génériques afin de fixer les règles et les balises qui la guideront ultérieurement dans l'étude des demandes qui lui seront faites. Je pense notamment à des questions comme le rendement des activités réglementées ou à l'interfinancement.

Nous avons voulu, en fait, nous doter d'une régie crédible, indépendante, neutre, efficace, disposant de toute l'autorité nécessaire, car c'est d'un tel organisme que nous avons besoin pour faire face aux défis qu'impose la nouvelle conjoncture du marché. Ce nouveau contexte nous oblige à offrir des tarifs d'énergie qui soient justes et équitables, et nous croyons sincèrement qu'ils le seront d'autant plus qu'ils auront été fixés par un organisme qui ne sera pas lui-même un acteur au niveau de la production et de la distribution. C'est d'ailleurs le choix que la plupart des États nord-américains et certaines provinces canadiennes ont déjà effectué.

Un autre avantage de la création d'une telle régie sera de traiter sur un pied d'égalité la distribution du gaz naturel et la distribution de l'électricité. Vous savez qu'actuellement les gazières se présentent devant la Régie du gaz et Hydro-Québec doit se présenter devant un groupe de parlementaires. Donc, dorénavant, ce que l'on propose, c'est que toutes les filières énergétiques soient traitées sur un pied d'égalité devant une régie. De fait, les pouvoirs de la Régie de l'énergie dont nous proposons la création s'étendront à toutes les formes d'énergie, comme je le disais, et son objectif premier sera de favoriser la satisfaction des besoins énergétiques dans la perspective d'un développement durable. Elle devra également assurer la conciliation entre l'intérêt public, la protection des consommateurs et un traitement équitable des distributeurs. Comme les autres organismes du même type, la Régie sera dotée de responsabilités en matière de tarification dans le domaine de l'électricité et du gaz naturel. Dans ces secteurs, les distributeurs soumis à la Régie seront donc Hydro-Québec et les distributeurs gaziers québécois Gaz Métropolitain et Gazifère.

Par ailleurs, le gouvernement a décidé de ne pas y assujettir les réseaux municipaux, du moins pour la tarification, puisque déjà la Loi sur les systèmes municipaux et les systèmes privés d'électricité continuera à garantir aux usagers de ces réseaux que leur facture ne dépassera pas celle appliquée à Hydro-Québec. Donc, on a laissé ça comme c'est présentement.

Les responsabilités décisionnelles de la Régie s'appliqueront au niveau des tarifs et à leur structure, aux programmes commerciaux, aux contrats spéciaux ainsi qu'aux tarifs et conditions auxquels le gaz et l'électricité seront transportés. En ce qui a trait plus particulièrement aux contrats spéciaux, le gouvernement pourra exercer un pouvoir de retrait afin de fixer des tarifs qui favorisent le développement économique du Québec, des tarifs qui tiennent compte de critères tels que les retombées économiques et la création d'emplois. Ceci se fera cependant dans la plus grande transparence.

En ce qui concerne l'électricité, il s'agit d'une innovation d'importance qui intéressera très certainement nos voisins de l'Est. Le gouvernement se propose en effet de permettre le développement d'activités de transit et il donnera à la Régie le pouvoir d'en contrôler les tarifs. Ici, je veux bien être clair: il faut dès maintenant, je crois, accepter l'idée que l'électricité pourra être produite par des producteurs privés et livrée à l'extérieur du Québec. On se comprend bien? Il s'agit de permettre à de la production privée de naître, mais pour fins d'exportation sur les marchés externes et non internes.

La question du transit est d'une importance majeure et elle sera traitée de façon détaillée dans la future politique énergétique. On pourra alors apprécier les initiatives que désire prendre le gouvernement pour adapter le Québec à la restructuration du marché de l'électricité en cours sur le continent. On verra qu'il est essentiel de se doter d'une régie de l'énergie dans un marché de libre concurrence en redéfinition constante.

Il est important aussi de signaler qu'Hydro-Québec et les distributeurs gaziers auront à présenter leur plan de ressources à la Régie. Le plan de ressources est un instrument de planification pluriannuel par lequel un distributeur détermine les moyens utilisés pour répondre à la demande qu'il anticipe. Nous prévoyons que le plan de ressources que nos distributeurs soumettront à la Régie proposera des stratégies pour établir l'équilibre entre l'offre et la demande par des moyens qui touchent tout autant l'une que l'autre. Le plan de ressources devra tenir compte des impacts économiques, sociaux et environnementaux ainsi que des risques découlant des choix énergétiques.

Jusqu'ici, M. le Président, les distributeurs gaziers n'étaient pas obligés de faire approuver leur plan de ressources par la Régie du gaz. Ils seront dorénavant soumis à cette obligation. Dans le cas d'Hydro-Québec, le plan de ressources correspond pour l'essentiel au plan de développement, du moins en ce qui concerne les activités réglementées. Par ailleurs, Hydro-Québec sera toujours – et je le répète, Hydro-Québec sera toujours – soumise à l'obligation de fournir à son actionnaire un plan stratégique touchant l'ensemble de ses activités.

Comme je l'ai déjà souligné, en créant la Régie de l'énergie, nous n'avons pas voulu limiter les responsabilités de ce nouvel organisme aux secteurs du gaz et de l'électricité. Dorénavant, la Régie de l'énergie aura à exercer la responsabilité de surveillance des prix de l'essence actuellement assumée par le ministère des Ressources naturelles. Cette responsabilité sera étendue à l'ensemble des produits pétroliers ainsi qu'aux réseaux de vapeur. Le gouvernement souhaite, en effet, que la Régie puisse donner un avis de type consultatif sur les prix de ces produits énergétiques.

La tenue d'audiences publiques aura pour but d'éviter les pratiques abusives dans la vente de l'essence et du carburant diesel, style de pratique que nous avons vu naître en juin et juillet derniers. Et, comme je l'ai indiqué récemment, en prévision du calcul des coûts que doit supporter un détaillant en essence et en carburant diesel, la Régie devra fixer chaque année, à la suite d'audiences publiques, un montant par litre au titre des coûts d'exploitation, ce qui n'enlève nullement la concurrence, mais ce qui empêche l'utilisation d'une pratique déloyale qui pourrait faire disparaître en quelques semaines à peine des détaillants indépendants qui fournissent le carburant à plusieurs citoyens, surtout dans nos régions éloignées. Il s'agit de quelques pratiques, pendant quelques semaines, de ce genre... Par exemple, quand on achète au prix du gros à 0,35 $ le litre et que la même pétrolière vend à 0,32 $ dans ses propres stations d'essence, vous pouvez vous imaginer quel coup dur reçoit le détaillant indépendant. On qualifie ce type de geste de pratique commerciale déloyale. C'est pour éviter cela qu'on introduit ce pouvoir dans la nouvelle Régie.

Donc, il est essentiel également que le consommateur puisse bénéficier d'un traitement équitable, lui. C'est la raison pour laquelle nous avons fait nommer il y a quelques années un Commissaire aux plaintes des clients de distributeurs d'électricité. Cette responsabilité que nous voulons voir assumée maintenant par la Régie de l'énergie ne doit pas dispenser les distributeurs d'une responsabilité première à l'égard des plaintes de leurs abonnés. La Régie n'interviendra que lorsque les citoyens seront insatisfaits du traitement de leurs plaintes par leurs distributeurs. Donc, ce n'est pas automatiquement à la Régie, vous le comprendrez donc. Le citoyen qui se sent lésé pose un geste d'abord vis-à-vis son distributeur et, s'il n'obtient pas satisfaction, il pourra recourir aux services de la Régie. La Régie se prononcera par ordonnance, et le distributeur devra s'y conformer, car aucun mécanisme d'appel n'est prévu. Nous croyons que la Régie détiendra les moyens d'action nécessaires dans le traitement équitable des plaintes. Cependant, en matière de produits pétroliers et de vapeur, la Régie ne disposera que d'un pouvoir consultatif.

(15 h 40)

En terminant, je voudrais également souligner qu'au-delà des pouvoirs assumés en matière de réglementation la Régie disposera d'un pouvoir général d'enquête et d'analyse également. Ainsi, à la demande du ministre ou de son propre chef, l'organisme pourra examiner une question et soumettre ses conclusions à l'attention du gouvernement. En fait, il peut s'agir de tout sujet intéressant le secteur de l'énergie. Par exemple, on pourra analyser les enjeux de la déréglementation du secteur de l'électricité, la prévision de la demande, l'évolution de la réglementation en Amérique du Nord, etc.

J'arrête donc ici, M. le Président, l'examen des pouvoirs et des responsabilités que nous voulons donner à cette Régie de l'énergie, d'autant plus que nous aurons l'occasion d'examiner le projet de loi en commission parlementaire, où nous inviterons, bien sûr, les principaux intéressés à venir nous faire part de leurs commentaires sur la création de cet organisme. Comme nous l'avons fait depuis le début de ce processus de redéfinition de notre avenir énergétique, nous serons transparents et ouverts à la discussion. Au moment où s'amorce, à grande vitesse, une restructuration complète du marché de l'électricité en Amérique du Nord, je crois qu'il est essentiel, autant pour notre marché domestique que pour nos interventions sur le marché continental, que nous disposions d'un outil solide, indépendant, neutre, donc d'une telle Régie.

Avec la Régie de l'énergie, nous devrions tous être fiers de doter le Québec d'un outil lui permettant d'affronter les défis liés au nouveau contexte énergétique nord-américain. M. le Président, je voudrais réitérer, en terminant, le magnifique travail qu'a fait la table sur l'énergie pendant plus d'une année, où des personnes, venant de tous les milieux ont réussi à dégager des consensus formidables, nous ont fait quelque 200 recommandations. Nous avions, sur cette Table, je le répète, des gens d'Hydro-Québec, de Gaz Métropolitain, de l'industrie pétrolière; nous avions des autochtones, des syndiqués, des écologistes, des consommateurs. Nous avions, en fait, une panoplie de gens intéressés, venant de tous les milieux et qui ont réussi à dégager un consensus formidable, ce qui nous permettra, d'ici la fin de novembre, de déposer, ici en cette Chambre, un texte officiel qui constituera la politique énergétique du Québec, dont la principale ou une des principales pièces maîtresses sera l'adoption par l'Assemblée nationale de cette loi créant une Régie nous permettant d'avoir un outil moderne, pour faire face aux nouveaux défis de la déréglementation nord-américaine. Et je suis persuadé que le Québec, M. le Président, a toutes les chances possibles de devenir la plaque tournante, sur le plan énergétique, du continent nord-américain. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre d'État des Ressources naturelles. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Saint-Laurent. M. le député.


M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. J'interviens, à mon tour, sur le principe du projet de loi n° 50, Loi sur la Régie de l'énergie. Le ministre a raison de dire que c'est un projet de loi majeur. J'ai référé tantôt à un éditorialiste, qui le décrit même comme un virage radical. Donc, il s'agit de quelque chose d'éminemment important. C'est une pièce législative qui est extrêmement importante, non seulement à cause, bien sûr, du nombre d'articles – il y en a 168 – mais elle modifie neuf lois, en abroge deux, mais surtout elle crée une toute nouvelle structure.

D'entrée de jeu, M. le Président, je vous dirai qu'il aurait été souhaitable que le gouvernement procède d'abord de la façon suivante: d'abord, rendre publique la politique de l'énergie; ensuite, bien sûr, voir de quelle façon la Régie... Parce que la Régie est appelée à prendre, à se prononcer, à faire, à avoir des regards, des décisions, quand on ne connaît pas encore la politique de l'énergie du gouvernement.

Donc, dans un premier temps, M. le Président, il aurait été souhaitable – et le ministre pourra peut-être, dans une période de réplique, nous expliquer... Il a mentionné, tantôt, que la politique va être rendue publique au cours du moins de novembre. Mais vous ne trouvez pas, M. le Président, que le ministre procède à l'envers? Le gouvernement aurait d'abord dû faire connaître la politique énergétique du gouvernement pour, ensuite de ça, que nous puissions discuter et, même en commission parlementaire, souhaiter des intervenants. Parce que le ministre réfère constamment, en tout cas très fréquemment, au fait que ça a fait l'objet d'une table de concertation, qu'ils ont travaillé ensemble pendant 18 mois. Donc, il serait intéressant que ces gens-là puissent nous dire ce qui a amené cette unanimité. Est-ce que c'est reflété dans le projet de loi qui est devant nous? C'est important de savoir ça.

Le ministre dit: Ces gens-là ont travaillé ensemble et il y a une rare unanimité au Québec – par rapport aux travaux de la table de concertation sur l'énergie, bien sûr. Mais est-ce que ce qui a fait l'objet de concertation se retrouve, comme ces gens-là l'ont souhaité, dans le projet de loi du gouvernement? Est-ce que ce qu'ils ont souhaité va se retrouver dans la politique énergétique du gouvernement? À date, on ne doit que soulever des interrogations à cet effet-là, et ça me semble une façon de procéder qui sème une inquiétude, j'espère, inutile dans l'esprit des gens qui ont travaillé à la table de concertation. Il me semble que ce n'est pas nécessaire. Le gouvernement aurait dû choisir de rendre d'abord publique sa politique.

Le projet de loi n° 50, M. le Président, propose la mise sur pied d'un organisme de référence qui aura juridiction pas seulement sur le gaz et l'électricité, mais sur toutes les filières énergétiques, en plus d'avoir le pouvoir d'intervenir dans le secteur des produits pétroliers. La création d'une régie de l'énergie constitue une modification majeure dans toute la gestion du secteur énergétique québécois.

Comme en fait mention le rapport de la Table de consultation du débat public sur l'énergie – et je vous réfère, M. le Président, en page 41, où il est cité: «Pour les membres de la Table de consultation comme pour la plus grande majorité des intervenants lors des audiences, le temps est venu que, par une initiative longtemps attendue, le gouvernement améliore la transparence, l'efficacité et la rationalité de sa gestion du secteur énergétique.» Page 41, rapport de la Table de consultation. De là ma première intervention pour vous rappeler qu'il serait important que nous connaissions les politiques énergétiques du gouvernement. Cette nouvelle structure sera donc appelée à jouer un rôle déterminant qui, lui, doit être fondé sur le développement durable.

La lecture du projet de loi nous indique que la future Régie de l'énergie se verra attribuer toute l'autorité pour fixer, à la suite d'audiences publiques, les tarifs et les conditions de distribution et de transport d'Hydro-Québec et des distributeurs de gaz naturel; surveiller leurs opérations afin de s'assurer que les consommateurs aient des approvisionnements suffisants et les paient selon un juste tarif; déterminer leur taux de rendement, M. le Président – toujours des pouvoirs de la Régie; autoriser leurs projets d'immobilisation – si ça, c'est des pouvoirs de la Régie, c'est important de connaître les politiques; approuver les plans de ressources; contrôler les contrats d'exportation d'électricité d'Hydro-Québec; examiner les plaintes des consommateurs insatisfaits des décisions rendues par les distributeurs d'électricité et de gaz à l'égard d'un tarif ou d'une condition de service; surveiller les prix de la vapeur et des produits pétroliers; toujours dans les pouvoirs de la Régie, M. le Président, fixer, en matière d'essence et de carburant diesel, un montant représentant les coûts d'exploitation d'un détaillant pour l'application d'une présomption légale en matière de prix de vente introduite dans la Loi sur l'utilisation des produits pétroliers; exercer les fonctions consultatives ainsi que des enquêtes et des inspections.

(15 h 50)

Sans plus tarder, M. le Président, je me dois d'indiquer que nous sommes d'accord avec le principe de la création d'une régie de l'énergie, et ce, tel que souhaité par l'ensemble des signataires du rapport final du débat public sur l'énergie. Pour ça, il faut se rappeler que ce n'est pas là une idée nouvelle, puisque la politique québécoise de l'énergie de 1978 prévoyait la mise en place d'un tel organisme. Cela s'impose lorsqu'on sait notamment que le transport et la distribution du gaz naturel et de l'électricité sont assurés par des entreprises placées en situation de monopole par rapport aux consommateurs. De plus, la différence significative entre les activités des distributeurs d'électricité et de gaz naturel est aujourd'hui de plus en plus difficile à justifier. Il ne faut également pas oublier que cette future Régie jouera dans le domaine de l'essence un rôle pour assurer un marché libre et concurrentiel et pour déterminer un montant au titre des coûts d'exploitation du détaillant qui s'ajoutent au coût minimal d'acquisition sur le marché, aux coûts de transport et aux taxes.

L'opposition officielle estime donc qu'une régie de l'énergie doit voir le jour et être guidée par les quatre principes suivants: d'abord, être crédible et efficace à moindre coût; deux, laisser place aux consommateurs qui, eux, doivent faire les choix entre les différentes formes d'énergie, et ce, par l'intermédiaire du marché; établir un processus de planification visant le moindre coût social; et proposer une nouvelle réglementation plaçant toutes les formes d'énergie dans des conditions équivalentes en tenant compte, cependant, de la réalité de chacun des marchés concernés.

Malheureusement, certaines dispositions contenues dans le projet de loi n° 50 ne correspondent pas entièrement aux recommandations formulées par la Table de consultation du débat public sur l'énergie, et c'est pourquoi, M. le Président, il est capital que nous puissions entendre en commission parlementaire des groupes d'envergure qui sont concernés par cette nouvelle législation. Il y a lieu de tenir des consultations. C'est le souhait du ministre, elles peuvent être particulières, mais elles ne doivent pas être faites à la sauvette, juste pour dire qu'on en a fait. C'est important, M. le Président. Il s'agit d'un virage radical. Il s'agit de partenaires qui, de bonne foi, ont travaillé – et je prends les chiffres du ministre – pendant une année et demie à l'élaboration d'une politique de l'énergie, à la création de la Régie.

Donc, il est important que ces gens-là puissent venir nous dire à nous, les parlementaires, de quelle façon le projet de loi qui est devant nous donne véritablement suite aux résultats de leurs travaux. Autrement, ce ne serait que de se servir du paravent de leur volonté de la création d'une régie de l'énergie pour dire, parce qu'ils sont d'accord là-dessus... Et on ne regarderait pas de quelle façon ces gens-là ont travaillé ensemble pour voir au bon fonctionnement de cette dite Régie. Ainsi donc, comme disposition proposée par le gouvernement et faisant fi du consensus du débat public sur l'énergie, c'est inquiétant pour son avenir. Si ces gens-là ont accepté d'y consacrer 18 mois, le ministre devrait offrir son entière collaboration pour que nous puissions entendre les groupes qui y ont travaillé venir nous dire jusqu'à quel point ils se reconnaissent dans le projet de loi et de quelle façon ils souhaiteraient que ce projet de loi là soit modifié pour véritablement répondre aux aspirations et aux fruits du labeur auquel ces gens-là ont contribué.

À cet effet, M. le Président, permettez-moi de vous citer l'éditorialiste Jean-Robert Sansfaçon, qui, en date du 1er novembre dernier, je crois, M. le Président, traduit très bien cette inquiétude, et je le cite: «...le gouvernement est à prendre un virage radical, bien différent de celui suggéré par la Table de concertation sur l'énergie. Un virage qui rendrait presque impossible la planification du développement de l'énergie sur le territoire. Un virage où la pression à la baisse exercée sur le prix par les futurs clients industriels américains inciterait Hydro-Québec à se rattraper par des hausses sensibles des tarifs à ses clients locaux captifs du secteur résidentiel.» Fin de la citation.

Donc, il est extrêmement important de protéger les citoyens et citoyennes du Québec qui, eux, comme particuliers, n'ont pas le choix, bien souvent, de pouvoir alterner d'une matière d'énergie à une autre. Une fois que tu as organisé ta maison pour l'électricité, tu en es captif. De là, une interrogation extrêmement vigilante de Jean-Robert Sansfaçon et qui devrait indiquer au ministre et au gouvernement de quelle façon leur projet de loi est très loin de répondre aux souhaits, et ça va même, je dirais, dans le respect des travaux qu'a eus cette Table de concertation.

En conséquence, M. le Président, nous souhaitons que le gouvernement assume entièrement ses responsabilités et accepte d'entendre les groupes. M. le Président, permettez-moi de vous en citer. Les ACEF et la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec, les consommateurs, ceux auxquels je viens de référer tantôt, qui ne peuvent pas choisir entre le gaz et l'électricité, qui sont des clientèles captives. Ces gens-là devraient venir nous dire comment la création de cette Régie de l'énergie protégerait ces clientèles. Bien sûr, l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec, qu'ils viennent nous dire, ces gens-là, en commission, de quelle façon la création de cette Régie rencontre les objectifs, les orientations. C'est important que ces gens-là viennent nous le dire. Le centre Helios, qui est la stratégie énergétique et environnementale; le Comité Baie James – il me semble que ces gens-là devraient être entendus; les centrales syndicales, la CSN, la FTQ – j'entends le ministre qui fait ses commentaires, je ne sais pas s'il voudra les faire quand le micro sera ouvert; l'énergie éolienne Kenetech inc.; la Fédération québécoise du canot-camping.

(16 heures)

Le ministre ne devrait pas être gêné. Il dit: Tous ces gens-là vont être unanimes. Donc, il devrait être le premier à souhaiter que tous ces gens-là viennent lui dire comment ils trouvent son projet beau, bon et répondant exactement aux résultats des travaux auxquels ils ont contribué. Donc, le ministre ne devrait pas s'objecter à ce que ces gens-là puissent être entendus. Le GRAIGE, le groupe de l'UQAM; le Grand conseil des Cris du Québec, des partenaires – c'est important de les entendre là-dedans. Greenpeace, il me semble que, hein, c'est important qu'on entende ces gens-là, les environnementalistes. Non, on a besoin de ces gens-là comme partenaires. Si on ne les consulte pas d'abord, si on ne leur permet pas de se faire d'abord entendre, après on paie pour, il y a des conséquences, et on sait que collectivement aujourd'hui on est plus conscient de ces réalités-là et qu'on a besoin de faire de ces gens-là des partenaires. On ne peut pas les amener à une table, les faire travailler pendant 18 mois, puis après ça dire: Voici le fruit, voici le résultat de vos travaux et voici mon projet de loi, et merci beaucoup pour le travail bien fait, même si ces gens-là, dans certains aspects de la loi, disent ne pas se reconnaître, quand ce n'est pas totalement à l'encontre.

Le Groupe de recherche en économie de l'énergie et des ressources, de l'Université Laval, il me semble que c'est des gens que le ministre... ça me semble des incontournables, M. le Président. Le Mouvement Au Courant, la Régie du gaz naturel, Régions-laboratoires de développement durable, l'Union des producteurs agricoles... Et je recevais un communiqué cet après-midi sur le projet de loi. Il y a certaines municipalités au Québec qui ont la responsabilité de la distribution de l'énergie. Ces gens-là veulent se faire entendre. Ils en sont déjà responsables. Alors, il me semble que le ministre ne pourrait pas, ne devrait pas s'objecter à ce que ces gens-là viennent nous dire s'ils peuvent très bien s'accommoder du projet de loi ou quelles sortes de modifications ils souhaiteraient.

Le ministre a répété tantôt que le temps est fini des 12, 13 ou 14 heures en commission parlementaire, qu'une quinzaine de parlementaires puissent entendre sans la préparation nécessaire... Comme il s'agit d'un projet de loi qui est un virage majeur, le ministre ne devrait que souhaiter que les gens qui ont travaillé à cette élaboration-là et qui devront en suivre l'application viennent nous dire au tout début de quelle façon ils pourraient contribuer à améliorer le projet de loi.

Par conséquent, M. le Président, en terminant, je tiens à dire au gouvernement que l'opposition attend avec impatience la nouvelle politique énergétique. Elle aurait dû précéder le dépôt de ce projet de loi. Espérons que la politique énergétique du gouvernement reflétera davantage le consensus issu de la Table de consultation du débat public sur l'énergie au Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Saint-Laurent. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Abitibi-Ouest. M. le député.


M. François Gendron

M. Gendron: Moi, M. le Président, vous comprendrez que le projet de loi, surtout puisque nous sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi, m'intéresse au plus haut point, ayant été celui qui a initié le vaste débat public sur une politique énergétique et non sur la création d'une régie de l'énergie, et c'est pour ça que j'en profiterai pour faire quelques parenthèses tout de suite.

C'est évident que je ne peux blâmer personne qui peut alléguer que le dépôt et l'adoption du projet de loi créant la Régie de l'énergie est une pièce significative et importante de la table d'énergie et de la politique énergétique. Personne ne conviendra pas de ça. Mais il ne faut pas non plus inverser notre responsabilité comme État. Il appartient au gouvernement du Québec, dans les meilleurs délais, de se doter d'une politique énergétique à l'intérieur de laquelle un des éléments de la politique énergétique, c'est ce que nous discutons aujourd'hui.

Autre parenthèse, j'écoutais attentivement le critique de l'opposition officielle s'exprimer sur la création de la Régie de l'énergie, et il disait: Ça serait important, lorsqu'on avancera plus avant dans l'étude article par article, d'avoir un minimum de consultations. Bon, lui, il n'a pas employé l'expression «minimum»; c'est son droit, je n'ai pas de trouble avec ça. Moi, la nuance que je veux apporter, et je trouve qu'elle est fondamentale, c'est que, dans une société, on ne peut pas constamment reprendre les étapes que nous avons franchies puis recommencer le même travail, si un jour on veut deux choses: que nous vivions avec la politique énergétique adoptée par le gouvernement du Québec, d'une part, et, d'autre part, à l'intérieur de cette politique-là, qu'il y ait une régie de l'énergie dans les meilleurs délais, puisque, oui, il est vrai que, lors des audiences, lors des forums, lors des débats organisés par toutes sortes d'intervenants qui souhaitaient le meilleur niveau de préparation possible avant d'aller sur le terrain pour que les intervenants qui venaient voir les représentants de la Table puissent s'exprimer, entre guillemets, avec un minimum de connaissances, il y a eu toutes sortes de travaux préparatoires, puis ce n'est pas le moment d'élaborer là-dessus: ça a eu lieu.

Est-ce que je suis très satisfait de l'équipe qui a cheminé la documentation sur l'élaboration de la politique énergétique éventuelle? Réponse: Oui, ils ont fait un travail admirable. Est-ce que M. Alban D'Amours a conduit ça de main de maître? Oui. Est-ce que cette Table-là, où, normalement, on devait – excusez l'expression, parce que je parle habituellement clairement et franchement – se casser la gueule selon, d'abord, nos adversaires, nos amis d'en face qui étaient très inquiets... Je me rappelle, je vois le député de Laurier ici qui trouvait que la formule était dangereuse. On m'avait informé de toutes sortes de situations en disant: Ce n'est pas réaliste de mettre toutes sortes d'intervenants à intérêts divergents, provenant de milieux différents les uns des autres puis penser que ça va donner un consensus. Bien, à tort ou à raison, le même éditorial que vous citiez tantôt, M. Sansfaçon en avait écrit un lorsqu'on a rendu public le rapport de la table d'énergie puis il disait: Travail extraordinaire. Fantastique d'arriver avec un tel niveau de consensus.

Mais aujourd'hui je veux rappeler, M. le Président, à tous nos amis parlementaires que ce que nous avons à apprécier, c'est le projet de loi créant la Régie de l'énergie, un des éléments importants de la politique, et c'est évident que, pour moi aussi, ça aurait été probablement préférable, s'il n'y avait pas la contrainte qu'on s'est imposée comme parlementaires de déposer nos projets de loi avant le 15 novembre quand on veut les faire adopter, que la politique énergétique soit rendue publique avant, parce que j'aime mieux connaître le tout qu'un des morceaux pour voir la conformité. Mais là, qu'est-ce que vous voulez, on est obligé de composer avec cette réalité-là.

Pourquoi, cependant, je vais m'exprimer avec beaucoup de fierté et d'accord pour l'adoption du principe? Bien, pour six raisons, rapidement – parce que c'est ça, le sujet qu'on a à discuter – la première: Est-ce que... Parce qu'il y a eu des périodes de questions où la même critique, en période de questions, disait: Écoutez, c'est parce que le gouvernement veut se sortir d'une difficulté avec Hydro, de problèmes de tarification qu'il crée une régie de l'énergie. Moi, j'avais indiqué au moment où on posait cette question-là: Non, ce n'est pas parce qu'on veut se soustraire à des responsabilités, c'est parce qu'il y a eu un large consensus, partout au Québec, qui souhaite que le Québec, comme société, comme État moderne, adopte une régie qui, elle, étant plus spécialisée, étant plus habilitée, déciderait dans le futur de tout ce qui regarde un élément important dans une société qui s'appelle la tarification d'un bien essentiel qui est l'énergie.

Donc, est-ce que, M. le Président, il y a eu un consensus lorsque la table sur l'énergie a fait toutes les régions du Québec pour entendre des intervenants et ce qui serait logique dans une politique énergétique, d'avoir une régie de l'énergie? La réponse, c'est oui. C'est oui puis ce n'est pas oui sur le bout des lèvres. C'est oui, fort. C'est un oui pesant. C'est un oui très – ce que j'appelle – informé. Alors, il n'y a aucune hésitation là, y compris des écologistes.

Parce que, quand on a à regarder ou à apprécier ce qu'on appelle une dimension aussi importante que la création d'une régie de l'énergie, il faut regarder plus large que le consommateur, il faut regarder plus large que les producteurs, il faut regarder plus large que ce qu'on appelle les intérêts normaux liés à du développement durable, parce qu'il y avait des représentants des Amérindiens, il y avait des représentants qu'on dit de Greenpeace Québec, d'Environnement Jeunesse – je pense à M. Dunsky qui était là – et d'autres. Et tous ces intervenants-là, collectivement, ont dit: Il faut se préoccuper du développement durable. Il faut se préoccuper de ce qu'on appelle... qu'il est peut-être plus important, parfois, dans une société, de sauver de l'énergie qu'en créer. Et c'est toute la notion moderne des «négawatts» plutôt que «mégawatts» que, moi-même, j'ai contribué à véhiculer un peu, puis ça, ça s'appelle ce qu'on appelle des programmes d'efficacité énergétique pour essayer de réduire notre consommation. Parce qu'il y a toujours un gain pour une société quand elle ne se comporte pas comme un consommateur, ce que j'appelle, entre guillemets, sauvage qui bouffe de l'énergie parce que c'est chez nous puis qu'elle est belle, qu'elle est propre. Plus nous en avons, plus le client en demande. Ce n'est jamais bon pour la suite des choses.

(16 h 10)

Alors, moi, j'arrête là. Est-ce qu'il y a un consensus pour créer une régie de l'énergie? Réponse: Oui. Deuxièmement, est-ce que la Régie devrait être mieux outillée, plutôt que ce que nous avions comme mécanisme, pour déterminer un prix juste, normal, équitable? En principe, oui. Je ne pense pas que mon collègue nie ça. D'ailleurs, lui-même, il l'a dit très clairement: Nous sommes pour ça, nous aussi. Ça fait partie de ce que j'appelle l'évolution normale d'une société: à un moment donné, tu ne peux pas être juge et partie, tu ne peux pas en même temps avoir des principes qui te guident qui sont une saine gestion des budgets de l'État... Or, une société d'État comme Hydro, qui est très importante dans le budget de l'État, a des préoccupations à dimension budgétaire. Mais, quand on a à fixer, M. le Président, une politique de tarification, un prix juste par rapport à la valeur d'un kilowatt d'électricité, ou d'un baril de pétrole, ou d'un réservoir de gaz propane... Parce que, là, elle va toucher tous les secteurs énergétiques, la Régie, et il est bon qu'il en soit ainsi. Alors, moi, qu'est-ce que tu veux, ça se résume dans une phrase: la méthode moderne retenue par la Régie est plus adaptée, elle est moins vétuste, elle est plus équipée pour donner plus d'assurance et de justesse aux consommateurs d'un juste prix.

Troisièmement – et je pense que c'est très important – on ne peut, M. le Président, dans le futur, avoir une politique énergétique, avoir une régie de l'énergie et agir sectoriellement avec une espèce de visière latérale qui dit: Bien, nous, on est dans le domaine gazier, vous autres, Hydro, vous étiez dans le domaine hydroélectrique, puis d'autres seront dans l'éolien, d'autres seront dans le marché de transit ou le marché «spot» qu'on appelle, où, de temps en temps, on va acheter l'énergie dont on va avoir besoin au moment où on en aura besoin, puis ça pourra être pour une durée de trois heures. On n'est plus du tout dans le mécanisme traditionnel de: On emprunte de l'argent des Américains pour faire un développement de barrages parce qu'on a la sécurité de vendre ça avec un contrat ferme, 25 ans, la paix dans le ménage. On est capable de sortir les calculatrices de la période de questions aujourd'hui, puis on est capable de compter ça exactement, puis dire: Bien, oui, il y a un avantage net parce que ça coûte tant le faire puis on va vendre toute notre production puis on sait à quel prix on va la vendre. Puis, règle générale, on va être plus intelligent que les contrats secrets, c'est-à-dire qu'on devrait la vendre un peu plus cher qu'elle nous coûte, alors que, là, nos amis, avec les contrats secrets, ça nous a coûté cher, puis j'ai hâte de voir le jour où on va faire des profits.

Alors, le troisième élément: Est-ce qu'une régie permet de faire cet arbitrage utile entre les filières énergétiques? La réponse, c'est oui. Alors, lorsqu'on peut faire un arbitrage entre les filières énergétiques, il y a un avantage important parce que, dorénavant, il y a lieu d'avoir un équilibre autant dans les volumes d'énergie utilisée par les Québécois en termes de gaz, en termes d'éolien, en termes d'énergie propre qui s'appelle l'hydroélectricité, et d'avoir en même temps un système tarifaire qui tient compte de ces diverses réalités liées aux filières énergétiques.

Quatrième élément, moi, qui me fait donner complètement mon accord à la création d'une régie, et ça ne veut pas dire que je suis en accord avec tous les articles du projet de loi, mais qui me donne complètement mon accord avec la création d'une régie... Parce que, à ce que je sache, on est en train de faire le principe, mes amis, on n'est pas en train de discuter article par article. Bien, moi, à ce que je sache – j'ai assez d'expérience dans cette boîte-là, ici, là – on est en train d'étudier le principe du projet de loi créant la Régie de l'énergie.

Alors, le quatrième point, ce que je disais, c'est que, dorénavant, c'est la Régie qui va rendre les décisions par rapport à une juste tarification, mais là il n'y a plus de commission parlementaire, il n'y a pas le ministre qui peut regarder ça si ça fait son affaire ou pas puis s'il a reçu une commande du premier ministre ou de son gouvernement, quel qu'il soit, pour dire: Bien, là, écoute, il faut que tu me livres tant de profits, puis ça vient d'Hydro, puis il faut que ça rentre dans les balises de ce qu'on appelle le cadre financier du gouvernement. Moi, je ne dis pas que c'était irrévérencieux puis péché mortel, ce qui a été fait. Je dis: Ce n'est plus moderne, ce n'est plus approprié, ça ne correspond pas du tout au modernisme d'une société qui a une régie qui est capable d'avoir de l'expertise, d'avoir également des comparables puis qui est en mesure d'être complètement détachée d'autres réalités qui ne la regardent pas. La Régie, c'est... Une régie, quelle qu'elle soit, sa préoccupation majeure, M. le Président, ça ne sera pas: Est-ce que ça balance ou pas cette année dans le compte courant du gouvernement? Ce n'est pas ça, son mandat. C'est: un juste prix équitable avec toutes les composantes liées au mandat.

Puis là je ne veux pas aller article par article, mais je l'ai lu, et sur les mandats confiés à la Régie, j'ai l'impression qu'on a bien lu le consensus de l'éventuelle politique énergétique, que je ne connais pas, parce que, moi, ce que je connais, c'est ce que la Table a produit, mais je ne connais pas la résultante des travaux de la Table dans le choix que le gouvernement va faire. Je ne suis plus membre du gouvernement, donc je ne le sais pas, ce que le gouvernement va retenir. J'ai hâte de voir ça, j'ai hâte de prendre connaissance de l'ensemble de la politique énergétique. Mais, pour ce qui est de ce qu'on discute, je n'ai pas de trouble avec le quatrième aspect que je développe: que la Régie prendra des décisions, puis c'est final, c'est définitif, puis ça fait sérieux parce qu'elle a l'outillage requis pour faire ce travail-là.

Un autre aspect, c'est que le ministre a décidé de confier à la Régie un certain nombre de pouvoirs d'enquête et d'analyse. Moi, il me semble, M. le Président, que ça aurait été tout à fait incorrect de penser qu'on peut avoir une régie qui n'a que la capacité d'apprécier ce que le gouvernement lui fournit. Le gouvernement lui fournit une série de données, puis c'est: Arrange-toi avec ce qu'on appelle les éléments de connaissance ou d'information que le même État, qui avait la responsabilité, dans un cadre inapproprié, de décider de la tarification... C'est lui qui déciderait si tu t'en sers ou pas. Alors, ce n'est pas ça que le projet de loi dit. La Régie aura des pouvoirs d'enquête et d'analyse, ce qui lui permettra, d'après moi, de décider s'il y a lieu de déborder parfois un certain nombre d'éléments d'information qui seraient complètement requis et utiles pour s'assurer de faire son travail.

Je pense qu'il y a deux autres éléments qui sont importants – je reviens un petit peu là-dessus – quand le critique disait, tantôt: Bien, là, j'espère que, parce que c'est un virage radical – puis là j'essaie de le citer correctement – le ministre décidera plutôt d'une consultation générale que de consultations particulières. Moi, je tiens à le dire tout de suite, je suis plutôt de l'avis contraire, parce que c'est un domaine tellement spécialisé, c'est un domaine tellement important qu'on ne peut pas recommencer une espèce de consultation générale pour un morceau de la politique. Si ce que nous avions à adopter après midi, c'est: La politique énergétique a été rendue publique, et il y a une espèce de projet de loi cadre qui est adoptée par l'Assemblée nationale pour pouvoir donner suite aux éléments de cette politique énergétique, bien, là, je trouverais ça tout à fait requis que nous ne nous soustrayions à aucun groupe, à aucune organisation qui voudrait donner des indications par rapport à la suite des choses.

Là où je rejoins le critique, c'est quand il disait – et je pense, encore là, le citer correctement: Il est important, M. le Président, que ce que nous faisons donne suite au consensus de la table de l'énergie. Ça, je pense qu'il a raison. Mais, moi, je prétends, et c'est toujours là le danger, dans le système où on est, entre le pouvoir puis l'opposition, que l'opposition, si elle est dans l'opposition, elle va vouloir rallonger la liste parce qu'elle pense que c'est avec 500 qu'on réussit à prouver ça, puis que le gouvernement, lui, va vouloir donner suite au projet de loi – puis il pense que non – avec une dizaine de groupes. Moi, si après une dizaine de groupes qui ont participé à toute la discussion – et on parle depuis 18 mois – neuf sur 10 viennent nous dire: Bien, M. le ministre, ce que nous voyons, ça ne correspond d'aucune façon au consensus qui a été établi, bien, moi, il me semble que je vais avoir une preuve assez évidente, et là ça ne me tente pas de refaire le débat que j'ai dû faire en termes d'arbitrage une première fois. Est-ce qu'on fait trois, quatre autres régions de plus qui souhaitaient qu'on aille les voir? Est-ce que, au lieu de recevoir 300 et quelques mémoires, on en reçoit 500? Je ne suis pas sûr que les 200 derniers auraient été beaucoup plus éclairants que les 300 premiers. À un moment donné... Je veux juste illustrer qu'il faut être réducteur, si on veut accoucher de quelque chose. On ne peut pas constamment élargir les vannes.

Alors, moi, je l'entendais tantôt, et d'avance j'ai peur qu'il vous fasse accroire, qu'il fasse accroire aux parlementaires que ça serait donc intéressant d'entendre Pierre, Paul, Jacques, Marie, Thérèse, tout le monde. Moi, ça, j'adore le monde, j'aime le monde, j'en vis une, commission parlementaire où on entend tout le monde, mais ça fait au moins trois semaines qu'on entend la même chose qu'on a entendue les deux premières semaines. Ça, je peux vous garantir ça. Alors, ça, c'est une des vicissitudes du régime parlementaire dans lequel on est et qui, j'espère, un jour sera corrigée. On ne peut pas toujours s'amuser pour s'amuser, là.

(16 h 20)

Alors, moi, là-dessus, j'espère que le ministre prendra une décision éclairée. Est-ce qu'il y a lieu d'entendre un certain nombre d'intervenants qui viendront nous dire que, oui, la Régie qu'on retrouve dans le projet de loi permet de donner suite à des éléments du consensus de la politique énergétique? Si la réponse est oui, moi, ça ne m'en prend pas 35; ça m'en prend une couple, puis ça va être suffisant, d'après moi.

Dernier point – et ça va être ma conclusion, M. le Président – c'est évident que le ministre, avec raison, rappelait, en conclusion de sa présentation, que, dans ce dossier-là – et là, c'est sûr qu'on parle davantage de l'élaboration et du cheminement pour arriver à une politique énergétique – M. D'Amours, son équipe, les gens du ministère ont fait un travail extraordinaire. Et il arrive qu'à un moment donné il y a des choses qui marchent au gouvernement, alors je ne vois pas pourquoi on se gênerait de le dire. Alors, ça, ça a été une belle opération. On a pris des risques. Certains ont pensé qu'on naviguait sans filet au début, et c'était le cas de plusieurs. Et, moi, je pense qu'on a pris une décision qui a permis à des groupes d'intérêts qui – ce n'est pas évident – pouvaient dégager des consensus forts, puis ils l'ont fait... Donc, moi, je veux féliciter leur professionnalisme. J'ai eu l'occasion de le faire, mais je veux rappeler que ces gens-là ont fait énormément, ce que j'appelle, d'abnégation de leur petit bateau pour s'assurer que le bateau qu'ils conduisent soit le bateau collectif, dans une société qui nous conduise à un objectif plus large, plus noble qui est d'avoir une politique énergétique moderne, efficace, qui nous permet d'être à l'avant-garde dans le monde d'aujourd'hui, où, fondamentalement parlant, on dit: L'élément numéro 1 d'une politique énergétique doit être axé sur le développement durable, le respect des valeurs les plus liées à une exploitation qui nous permet de sauver plus de choses que d'en détruire.

Et, là-dedans, il y a toute la dimension de l'efficacité énergétique, il y a toute la dimension de l'écologie, il y a la dimension de tirer profit de nos avantages. Et, à un moment donné, c'est pour ça qu'on voit, dans la politique énergétique: Est-ce qu'il est logique que, dans la Gaspésie, on ait un effort un peu plus fort du côté de l'éolien? La réponse, c'est oui. Ça ne prend pas une analyse de 14 ans pour arriver à ça. On a des avantages liés au climat, liés aux vents, liés à des positions qui ont été étudiées largement. Puis là le moment est venu de dire: Il faut privilégier ces éléments-là parce qu'ils sont chez nous au Québec.

Mais, en même temps, on a tout le tirant des autres grandes communautés, que ça soit l'Europe, l'Asie, que ça soit les États-Unis. On vit dans un contexte de déréglementation, de marché ouvert. Et, dans un contexte de marché ouvert, ça prend un minimum de balises, un minimum de guides. Dans un cas, ça sera la politique énergétique, puis, pour ce que nous discutons, ça sera la Régie de l'énergie.

Et effectivement, article par article, je suis convaincu qu'il y aura lieu de repréciser puis de modifier un certain nombre d'articles qui donneraient davantage de sécurité quant à ce qui a été évoqué par plusieurs. C'est important qu'après qu'un travail a été si bien fait que les gens qui l'ont fait puissent se retrouver dans des étapes ultérieures. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Abitibi-Ouest. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Laurier-Dorion. M. le député.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. Il me fait également plaisir de prendre la parole aujourd'hui sur ce projet de loi proposant la création d'une régie de l'énergie. C'est un projet de loi extrêmement important. Et j'aimerais profiter de l'occasion qui m'est donnée pour, en quelque sorte, dans les quelques minutes, les 15, 20 minutes qui sont à ma disposition, allumer le feu jaune.

Il y a des choses qui clochent dans la façon avec laquelle le gouvernement procède et dans les orientations qui sont incluses dans le projet de loi. Elles ne sont pas au point, pour l'instant, parce que le tout a été quand même assez rapidement amené, avec une certaine hâte. Et je dois dire que j'ai été surpris par la courte durée de l'intervention du ministre, qui a rapidement éludé certains éléments importants du projet de loi, comme si de rien n'était.

L'ex-ministre qui vient de me précéder, le député d'Abitibi-Ouest, a probablement raison de dire – mais il le dit de façon feutrée, étant donné qu'il est de l'autre côté de la Chambre – que c'est inquiétant de voir un gouvernement procéder à l'envers.

Faisons les choses comme elles doivent être faites, dans l'ordre, et retournons un petit peu en arrière pour qu'on puisse avoir la perspective qu'il faut pour bien analyser ce projet de loi. Il y a eu, juste avant les élections, en 1994, du temps du gouvernement précédent, au moment où j'occupais le poste qu'occupe présentement le ministre actuel, une consultation lancée sur la planification intégrée des ressources au Québec. On avait demandé à toutes les personnes intéressées – puis on avait reçu au-delà d'une centaine de mémoires, si ma mémoire est bonne – de nous indiquer, sur la base d'un document qu'on avait publié, comment on devrait faire la planification énergétique au Québec de façon à ce qu'on puisse incorporer les externalités de chaque source d'énergie qu'on choisirait, afin de produire de l'électricité, dans ce cas-ci, pour que l'évaluation qui serait faite reflète réellement l'ensemble des coûts.

Élection venue, nouveau gouvernement. Malheur à nous et à la population, d'après ce qu'on vit ces jours-ci, M. le Président: abandon de ce qui avait été lancé au préalable, nouvelle consultation lancée cette fois-ci sur une politique énergétique. Une politique énergétique, d'ailleurs, que le ministre actuel, député de Joliette, réclamait à forte voix en déchirant presque sa chemise durant le temps qu'il était dans l'opposition, et j'imagine que le ministre qui avait été nommé dans le temps, M. le député d'Abitibi-Ouest, a finalement acquiescé à ce besoin de procéder d'une autre façon que le précédent gouvernement, de lancer une consultation pour l'élaboration d'une politique énergétique du gouvernement du Québec.

On a accepté, nous de l'opposition, de participer à la Table de consultation, et j'ai moi-même assisté à plusieurs réunions menant à l'élaboration du document jusqu'au moment où j'ai dû abandonner certaines tâches quand le référendum est arrivé, et le temps n'était effectivement pas disponible pour faire l'ensemble des choses, M. le Président. Mais, ça étant dit, le député de Joliette, qui réclamait à hauts cris une politique énergétique, nous dépose aujourd'hui un élément d'une politique possible qu'on n'a pas vu, et je ne peux pas accepter, comme le fait si gentiment le député d'Abitibi-Ouest, la simple excuse de la nécessité de procéder à cause des contraintes législatives que nous avons de déposer les projets de loi, et je ferai remarquer deux choses. La date limite pour le dépôt des projets de loi est le 15 et non pas le 12. Donc, on aurait encore trois jours, s'il s'agit de trois jours, pour déposer la politique énergétique. Et, deuxièmement, devons-nous donc conclure à une très mauvaise planification dans le travail du ministère des Ressources naturelles et du ministre en question, pour ne pas être en mesure de nous présenter, après tant de mois de travail, une politique énergétique pour qu'on puisse en saisir les orientations et les éléments qui sont contenus, pour conclure par la suite que, oui, ça nous prend une régie de l'énergie avec tel genre d'orientation et de mandat?

Ce que nous avons aujourd'hui, c'est l'inverse. Un ministre qui dit: Bien, ça s'en vient. La politique énergétique, elle est quelque part ici. Moi, j'entends des rumeurs, d'ailleurs, qu'elle va être remise au mois de mars. Parce qu'on avait déjà entendu les rumeurs pour le 12 novembre, donc aujourd'hui. Alors, aujourd'hui le ministre nous disait que ça va être ce mois-ci. On verra bien.

(16 h 30)

Mais une chose est claire: on aurait dû normalement procéder au dépôt de la politique du gouvernement, parce que le gouvernement a reçu de la Table de consultation les recommandations pour formuler une politique, et ça revient au gouvernement de remâcher ça, en quelque sorte, et de dire à la population: Voici ce que je retiens de l'ensemble des consultations qui ont été faites, de l'ensemble des au-delà de huit, neuf, 10 mois de travail que ce groupe a fait, un groupe dont on louange le travail, et voici ce que je propose comme gouvernement à l'ensemble des Québécois pour ce qui est d'une politique énergétique. Et là, on pourrait être saisi de ce que le gouvernement veut faire pour qu'on puisse en débattre pour en juger la pertinence, l'à-propos. Est-ce que ça colle à ce qui avait été recommandé? Si ça ne colle pas ou s'il y a des écarts, pourquoi est-ce qu'il y a des écarts? Qu'on puisse poser ces questions-là, M. le Président, avant d'être saisi d'un projet de loi qui met la charrue clairement devant les boeufs. Mais le ministre procède à l'inverse. Il dit: Bien, écoutez, il y a un consensus sur la Régie de l'énergie. Je la propose donc sous couvert d'actions. J'agis. On peut agir juste en bougeant, mais ça ne veut pas dire qu'on agit de la bonne façon.

Et il y a ici, dans ce projet de loi, deux choses qui sont arrivées qui sont suffisantes pour qu'on dise à la population: Allumons le feu jaune. Le capitaine Kirk aurait dit: «Yellow alert». Faites attention parce que, de façon très subtile, on a introduit dans le projet de loi un article ou deux – et je sais qu'on ne discute pas article par article, M. le Président – qui changent même le principe qu'on est en train d'adopter ici. Parce que ce n'est pas juste le fait qu'on crée une structure qui est important. Oui, il y a eu consensus sur la création d'une régie qui évaluerait les demandes de tarifs d'Hydro-Québec de façon indépendante du gouvernement. Ça, oui, mais il n'y a jamais eu de consensus à l'effet qu'on devrait procéder – décision prise d'après ce qu'on peut voir dans le projet de loi – à une déréglementation dans le domaine de l'électricité.

Parce que j'ai commencé mon intervention en disant qu'on avait décidé, nous, en 1994, de procéder à une consultation sur la planification intégrée des ressources. Le gouvernement nous annonce aujourd'hui dans ce projet de loi qu'il a pris la décision, lui, de déréglementer. Juste question de savoir jusqu'où on va déréglementer... Mais déjà le ministre nous dit: Il faut accepter. La production privée pour exportation, c'est acquis. La transmission, le transit de l'électricité, c'est décidé et un mandat est donné à la Régie de l'énergie, qui n'est pas encore créée, d'indiquer au gouvernement dans les six mois de sa création l'étendue de la déréglementation souhaitée dans le domaine de la production.

Bien, M. le Président, déréglementation et planification intégrée, c'est impossible de faire vivre les deux ensemble. Donc, si on a véritablement décidé, de l'autre côté, de déréglementer et de jouer le même jeu que, par exemple, les États américains jouent tout en ayant des caractéristiques tout à fait différentes, tout à fait différentes par rapport à nos voisins du Sud, on a pris une décision qui est complètement à l'encontre des orientations contenues dans la Table de consultation et dans le rapport. Complètement à l'encontre. Donc, on peut bien se poser la question à ce moment-là: Ça sert à quoi de demander aux gens de venir s'asseoir, de se préparer, de travailler, de faire de l'abnégation, comme disait l'ex-ministre, sur ce dossier pour que, par la suite, de façon très cavalière et très subtile, si ce n'est pas cavalier, les orientations fondamentales du rapport soient mises de côté, pour qu'on arrive avec un article qui aurait été ajouté à la dernière minute? Parce que, dans les versions du début du projet de loi, selon des sources qui ont parlé dans les journaux, cet article et cette orientation n'étaient pas là, mais sont arrivés à la suite de la nomination du nouveau président-directeur général d'Hydro-Québec. Un article qui donne donc des orientations très différentes.

Et pourquoi s'exciter, M. le Président? Parce que la déréglementation de cette façon et la décision prise à l'effet que la production privée est dorénavant permise pour exportation seulement, ça veut dire au moins deux choses. Ça veut dire, d'une part, qu'on va favoriser, par le fait même de la libre concurrence et le marché déréglementé, la production énergétique par des ressources non renouvelables. Exemple: Vous avez quelqu'un qui a un beau projet d'usine de cogénération. Il trouve un client aux États-Unis qui, lui, va acheter l'électricité. Il trouve un client ici qui, lui, va acheter la vapeur. Il construit l'usine de cogénération, dit à Hydro-Québec: Prenez mon électricité puis envoyez-la à telle usine aux États-Unis, à telle place. Et là on vient d'avoir une usine de cogénération qui a été construite non pas en fonction de nos besoins, même pas en fonction des besoins d'Hydro-Québec d'exporter de l'électricité, parce qu'Hydro-Québec aurait trouvé le client pour faire le bénéfice que maintenant quelqu'un du privé va faire. Et là on vient de faire deux choses: on a abandonné la possibilité pour Hydro-Québec – et donc pour les consommateurs et les payeurs de taxes québécois – de profiter du fait qu'il y a des marchés d'exportation à aller chercher, et on a dit à quelqu'un du privé: Vous, vous êtes assez intelligents, et smarts, et capables, allez vendre l'électricité à telle usine, aux États-Unis, mais, nous, corporation qui appartient à l'ensemble des citoyens, on va se mettre les mains dans les poches, on va vous regarder faire et, non seulement ça, mais on va transiter votre électricité. Alors, on s'est privé d'un client potentiel qui aurait pu bénéficier à l'ensemble des contribuables, M. le Président. Pourquoi?

La deuxième chose qu'on a faite, on a créé une usine de génération d'électricité à base de carburant non renouvelable, ce qui n'est pas nécessairement la meilleure chose du point de vue environnemental. Et on l'aurait fait parce qu'on aurait abandonné la possibilité de faire de la planification intégrée de nos ressources, et on se serait mis au rythme de la déréglementation qui existe actuellement aux États-Unis, tout en étant tout à fait différent comme caractéristique de production d'énergie. Parce que, si, aux États-Unis, il y a un certain sens à la déréglementation, du point de vue du consommateur, laquelle était vue comme une pression à la baisse sur les prix au niveau des États américains, en forçant les monopoles privés plus souvent qu'autrement à soutenir la concurrence, où, de toute façon, la grande partie de la production électrique est à base de carburant non renouvelable, mazout, gaz, etc., ici, ce n'est pas le cas.

D'abord, nos prix sont déjà les plus bas en Amérique du Nord. D'ailleurs, c'était un des éléments de la loi constitutive d'Hydro-Québec, de s'assurer que les Québécois bénéficient du prix le plus avantageux possible au niveau de l'électricité. Deuxièmement, notre source de production étant renouvelable, l'eau, qui requiert des investissements très importants au point de vue capital au départ... Une Grande-Baleine ou une La Grande, etc., requiert des milliards de dollars, M. le Président. Une usine de cogénération ici et là, qui se construit dans un an ou deux, ne requiert pas autant que ça. Donc, à court terme, c'est plus rapide, c'est moins coûteux. Mais, à long terme, c'est plus polluant et c'est moins profitable pour la société.

Mais c'est la décision que le gouvernement a prise en mettant dans le projet de loi, dans le mandat de la Régie – sur laquelle, oui, il y a un consensus au niveau de son utilité quant à la réglementation des prix – cette décision qui ne reflète pas le consensus de la Table. Et ça a été dit par plusieurs membres de la Table de consultation. D'ailleurs, selon des conversations que j'ai eues, je pense que je peux affirmer que l'ensemble des membres de la Table de consultation, à l'exception des représentants corporatifs, c'est-à-dire les représentants de Gaz Métropolitain, d'Hydro-Québec et des pétrolières, sont très inquiets par rapport à ce qui se passe ici. Alors, les représentants environnementaux, les représentants des consommateurs, les représentants qui siégeaient à la Table, à l'exception de ceux que j'ai nommés tantôt, sont très inquiets par rapport à l'orientation qui est contenue ici.

Et j'espère, dans ce sens-là, M. le Président, que ce n'est pas parce que c'est le 25e anniversaire de la Tribune de la presse que nos amis de la presse vont passer – le 125e...

M. Ciaccia: 125e.

(16 h 40)

M. Sirros: ...c'est ça, le 125e anniversaire de la Tribune de la presse – sous silence l'orientation très importante qui est prise ici et qu'ils vont éviter, eux aussi, de peut-être allumer le feu jaune.

Pour ce qui est des autres éléments du projet de loi, la réglementation que la Régie va faire par rapport, par exemple, aux pétrolières, etc., je pense qu'on peut regarder ça en commission parlementaire. Il y a une certaine validité à examiner ça dans le sens d'une protection du consommateur à long terme, même si, à court terme, les consommateurs estiment être lésés par des interventions du gouvernement qui limitent la baisse des prix. Parce que c'est ça qu'on fait ou que le gouvernement propose de faire.

Mais, sur les suites qu'on doit donner à ce projet de loi, j'espère sincèrement que le gouvernement et le ministre en question ne se limiteront pas aux 15 groupes qu'ils ont proposés qu'on puisse entendre, cinq desquels sont strictement des représentants des pétrolières, et qu'une orientation aussi importante sera véritablement soumise à l'examen public dans le vrai sens du terme. Et ce n'est pas parce qu'une table de consultation extraparlementaire a fait de la consultation que nous, les parlementaires, devons abdiquer notre responsabilité de, justement, consulter correctement la population et les groupes concernés sur les suites de ce projet de loi que le ministre va refuser.

Ce que je souhaite, ce sont des audiences générales sur ce projet de loi public ouvertes à qui veut venir. Ce sont ici des orientations qui auront des conséquences pour des générations, en quelque sorte, sinon des générations, des décennies, parce qu'une régie ce n'est pas quelque chose qu'on change du jour au lendemain, ni plus une décision de déréglementer. Et, dans ce sens-là, prendre une semaine ou deux pour bien écouter les groupes intéressés, ce n'est pas de trop, M. le Président. Il ne faut pas prétendre que, parce qu'on veut faire vite, on agit. Il s'agit surtout de bien agir et non pas de faire les choses comme semble les faire le gouvernement, en mettant la charrue devant les boeufs et en procédant de façon inverse de ce que la logique dicte. Merci.

Une voix: Ah! Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Laurier-Dorion. Je cède maintenant la parole au député de Groulx. M. le député.


M. Robert Kieffer

M. Kieffer: Alors, M. le Président, j'ai écouté attentivement à la fois le discours du ministre et ceux de l'opposition, particulièrement celui du critique officiel. J'ai cru et je suis d'avis que le discours du ministre couvrait très bien l'ensemble des préoccupations qui légitimaient la création d'une régie, d'ailleurs, qui avait fait le consensus, on l'a dit, des deux côtés de la Chambre lors des consultations sur une politique énergétique.

J'aimerais, moi, poser la question, au niveau de la Régie, à titre de parlementaire et de député, et je vais vous expliquer pourquoi. Je ne suis pas un spécialiste de la question énergétique; je ne suis pas membre du gouvernement à titre de ministre. Je reçois cependant dans mon comté les réactions de mes citoyens et de mes citoyennes vis-à-vis les décisions qui sont prises par les principaux intervenants au niveau d'une question aussi fondamentale que l'énergie. Je m'adresserai donc à trois éléments du projet de loi ou qui sont touchés par le projet de loi et qui sont: la fixation des tarifs, le contrôle qu'on doit exercer sur les organismes tels qu'Hydro-Québec ou Gaz métropolitain et la question de la déréglementation, et ça, ça me permettra de revenir sur certaines des remarques qui ont été faites par les députés de l'opposition.

À titre de simple député, lorsque je rencontre Hydro-Québec à la commission de l'énergie et du travail pour fixer les tarifs de l'année qui vient, il m'est toujours apparu quelque peu paradoxal d'être dans la situation suivante: les citoyens et les citoyennes qui m'ont élu me perçoivent comme celui qui aura des positions particulièrement rigides vis-à-vis la fixation des tarifs, surtout à l'approche de l'échéance électorale, et qui aura tendance à accorder les augmentations lorsqu'il aura été élu. C'est en général ce que les citoyens pensent et c'est ce qui me situe, moi, dans cette situation difficile d'avoir à être à la fois juge et partie lorsqu'une agence aussi importante qu'Hydro-Québec a à déterminer les tarifs.

En ce sens, une régie neutre comme celle qui est proposée sera à l'abri de ce type de contraintes liées à ce que j'appellerais une politique partisane – d'ailleurs qui se situe des deux côtés de la Chambre, lorsque l'un ou l'autre côté est au pouvoir et qu'il doit déterminer le niveau des tarifs à fixer par Hydro-Québec. La Régie aura, elle, pour objectif de s'assurer que la fixation des tarifs, aussi bien au niveau de l'électricité que du gaz, sera faite dans une perspective, premièrement, de rentabilisation de l'avoir québécois – hein, il faut bien se rappeler qu'Hydro-Québec c'est l'avoir de l'ensemble des Québécois – mais aussi dans une perspective de développement durable qui visera effectivement à s'assurer que les ressources naturelles du Québec puissent continuer à offrir aux Québécois et Québécoises les gains et les profits qu'on puisse tirer de leur exploitation.

On s'assure dans le projet de loi aussi que la Régie ne prendra pas ses décisions seule, parce qu'elle est obligée de consulter. Les citoyens auront la possibilité de faire valoir leur point de vue devant la Régie avant que celle-ci puisse rendre sa décision, ce que les citoyens ne pouvaient pas faire lorsque c'était la commission de l'économie et du travail qui fixait les tarifs. La Régie pourra aussi entendre les plaintes, et ce ne sera pas par la suite de sa décision. Il n'y aura pas possibilité d'avoir d'autres recours. Ce sera la Régie qui, à l'audition des plaintes, pourra, ensuite de ça, rendre une décision définitive.

Il m'apparaît que, au niveau de la fixation des tarifs, la création d'une régie rendra beaucoup plus efficace le développement de nos ressources naturelles et l'évaluation des besoins et des tarifs en fonction des priorités du Québec.

Deuxième point: le contrôle de l'organisme. Encore une fois, je me réfère à la commission de l'énergie et du travail pour y avoir siégé pendant deux ans et pour avoir écouté et posé des questions à Hydro-Québec sur ses plans stratégiques, sur ses bilans. Mon seul commentaire, c'est que je me sentais particulièrement petit devant l'immensité de l'efficacité d'Hydro-Québec pour la raison suivante: J'ai à ma disposition deux adjointes qui sont capables de me fournir un certain nombre de données, et le cabinet du ministre nous fournissait aussi un certain nombre de documents – mais le cabinet du ministre est à peine plus équipé que mon propre cabinet – et nous avions, à titre de députés, à évaluer les performances d'Hydro-Québec, à évaluer ses programmes futurs, alors qu'en commission parlementaire Hydro-Québec arrivait avec au minimum une quarantaine de cadres supérieurs particulièrement bien équipés, particulièrement bien informés et qui s'appuyaient sur une armée d'au-dessus de 20 000 travailleurs qui étaient spécialisés dans ce domaine-là. Le résultat de tout ça, c'est qu'après deux jours de rencontres avec Hydro-Québec on ressortait habituellement de cet exercice-là avec un sentiment d'impuissance devant une machine tellement compétente, tellement efficace et tellement puissante que nous restions avec un sentiment de ne pas avoir été en mesure d'être allés chercher les réponses aux questions qui nous préoccupaient.

La création d'une régie va permettre, je pense bien, de résoudre ce paradoxe-là, dans la mesure où la Régie sera spécialisée. Elle se consacrera exclusivement à la gestion et à l'encadrement du marché de l'énergie. Elle aura les compétences pour ce faire, elle aura le matériel pour ce faire et elle aura les outils et le temps. Elle sera donc en mesure, elle, de véritablement exercer le contrôle nécessaire sur les organismes qui gèrent la production énergétique au Québec. Ceci ne signifie pas et absolument pas qu'Hydro-Québec ait pu avoir des plans malveillants. Ce n'est pas du tout ça, sauf que dans une société démocratique il importe qu'il y ait des mécanismes de contrôle efficaces. C'est à la base même de notre structure démocratique.

(16 h 50)

Je terminerai, M. le Président, avec la question de la déréglementation. À titre de président du comité du Eastern Regional Conference, qui regroupe l'ensemble des États du Nord-Est américain, j'ai assez souvent l'occasion de rencontrer des parlementaires de la Nouvelle-Angleterre jusqu'au Maryland, qui sont nos principaux clients et qui sont nos principaux partenaires économiques. Le Rhode Island, cette année, a décidé et a légiféré sur une politique de déréglementation. Maintenant, l'énergie au Rhode Island est déréglementée; le Vermont y arrive, je pense, dans deux mois; le Massachusetts suivra bientôt. L'ensemble du Nord-Est américain sera tout au plus dans les 18 ou 24 prochains mois complètement déréglementé quant à la production et quant au transport de l'électricité.

J'entendais tantôt le député critique de l'opposition officielle soulever l'hypothèse que la population québécoise pourrait être captive d'une politique qui ferait en sorte que, pour être compétitive sur les marchés internationaux – on parle ici du marché du Nord-Est des États-Unis – la Régie doive augmenter artificiellement les prix à l'interne. Je vous ferai remarquer deux choses. Premièrement, et historiquement, c'est son gouvernement qui a décidé, en investissant dans les infrastructures énergétiques, qu'il valait la peine que le Québec devienne un fournisseur important des États du Nord-Est américain en ce qui a trait à l'énergie électrique. C'est son gouvernement qui a décidé ça, ce n'est pas le mien. Puis je suis d'accord. On s'entend là-dessus, moi, je suis d'accord avec ça. Je pense qu'effectivement le Québec a une source efficace, renouvelable et non polluante d'énergie et qu'on devrait l'utiliser, cette source-là, pour permettre au Québec de se développer économiquement en la vendant à nos clients américains, qui sont aussi nos partenaires, par ailleurs.

Est-ce à dire qu'il y a un risque que, en tant que société qui a développé pendant 30 ans son expertise en hydroélectricité, nous ne soyons pas en mesure d'affronter la compétition américaine et que, pour être en mesure de le faire, nous soyons obligés d'augmenter artificiellement nos prix à l'interne? Je ne suis pas d'accord. Je ne suis absolument pas d'accord. Hydro-Québec a fait la preuve qu'effectivement elle est en mesure à l'heure actuelle de compétitionner sur les marchés américains à peu près par rapport à toutes les autres sources d'énergie. Le Rhode Island, à venir jusqu'au moment où il a déréglementé, vendait le kilowattheure autour de 0,13 $ ou 0,14 $; il prévoit, avec la déréglementation, le ramener de moitié. Ils vont être à peu près à 0,065 $, 0,07 $. Je vous ferai remarquer qu'à la frontière il se vend à 0,045 $: on est encore très compétitif.

Je ferai aussi remarquer au député qu'actuellement on a des surplus de l'ordre d'à peu près 3 500 MW. C'est énorme. La seule façon de s'en débarrasser, de ces surplus-là, c'est de les vendre à l'étranger. Les Américains ont décidé de déréglementer, M. le Président. On a le choix en tant que société: ou bien on embarque dans le train et on démontre notre capacité à compétitionner, ou bien on refuse et, à ce moment-là, nous restons à l'interne avec nos surplus sans capacité de faire valoir nos projets.

Là-dessus, je termine en vous disant que l'énergie, c'est un des grands dons que la nature a octroyés à la province de Québec, et la Régie sera un mécanisme efficace pour bien gérer notre énergie. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Groulx. Je cède maintenant la parole au député d'Orford. M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Oui. Merci, M. le Président. Il m'est agréable de prendre la parole sur le projet de loi n° 50 après notre porte-parole officiel et des gens qui s'y connaissaient en la matière.

J'écoutais avec grand intérêt le ministre de l'Énergie nous faire part un peu du projet de loi n° 50, loi qui finalement va créer la Régie de l'énergie. J'ai eu l'occasion, comme un certain nombre d'entre nous, d'assister au moment où la Table de consultation du débat public sur l'énergie siégeait dans différentes parties du Québec. On avait demandé qu'elle vienne dans l'Estrie, en passant. Elle n'y était pas venue à ce jour. On pense qu'elle aurait dû venir faire un petit tour dans l'Estrie, il y avait des spécificités en ce qui a trait à l'énergie. Finalement elle avait décidé de ne pas y venir. Enfin, on a eu l'occasion d'y assister.

Je suis d'accord avec les intervenants, autant de l'opposition que du gouvernement, il y a eu un grand sérieux qui a été amené à cette Table-là et il y avait un bon équilibre des forces. D'autre part, il faut voir maintenant si, entre les intentions de cette Table, qui a siégé effectivement longtemps, où il y avait des gens de l'entreprise privée, du mouvement de l'environnement... Et c'était à ce titre que j'avais été vérifier ce qui se disait là, un peu pour voir de quel bois se chauffaient les environnementalistes, à cette Table-là, quelles étaient leurs attentes, ce qu'ils aimeraient voir dans un projet de loi éventuellement, dans une politique de l'énergie, ce qu'ils aimeraient avoir.

Là, on a le projet de loi, on n'a pas encore la politique de l'énergie. J'y reviendrai d'ailleurs tantôt. Et je vous dirai que, comme membres de l'opposition, c'est notre job de regarder avec grand intérêt et d'essayer de voir s'il y a des points qui ont été sous-évalués, sous-représentés. Et j'aimerais en souligner quelques-uns au ministre. Je vous dirai tout de suite, comme l'a fait notre porte-parole en matière d'énergie: Sur le principe, à ce point-ci, il nous semble que les choses sont correctes. Maintenant, comme disait si bien un de mes confrères ministre, il y a quelques années: C'est dans les détails que se cache le diable. Et on va regarder chacun des articles et on va voir s'il n'y a pas un diable de caché là-dedans.

Je vous dirai que je ne peux pas perdre de vue non plus que c'est ce gouvernement qui, en 1976, avait, comme grande politique de l'énergie, l'énergie nucléaire. Et ça, ça réglait tous les problèmes de la planète et particulièrement ceux du Québec. Heureusement qu'il y a eu des Robert Bourassa dans l'opposition, qu'il y a eu des Christos Sirros, qu'il y a eu des John Ciaccia, qu'il y a eu des gens, à l'époque, qui ont tenu tête véhémentement à M. Parizeau, qui ont tenu tête véhémentement à René Lévesque, à l'époque, pour leur dire que ce n'était pas la bonne filière, la filière nucléaire. Et Dieu sait qu'à l'époque les groupes d'environnement n'étaient pas ce qu'ils sont. Aujourd'hui, les groupes d'environnement sont les premiers à reconnaître que l'équipe Parizeau, à l'époque, l'équipe René Lévesque s'en allait dans la pire des solutions, dans la pire des filières, celle de l'énergie nucléaire.

Alors, quand on nous propose un projet de loi maintenant – ce même gouvernement – vous comprendrez qu'on veuille l'étudier article par article avec grand intérêt, pour être sûrs qu'on ne fait pas l'erreur de 1976, de nous proposer des choses qui n'ont pas d'allure finalement, ce qu'on a essayé de faire en 1976.

Sans y aller article par article, M. le Président, il y a certains articles qui me fatiguent d'une façon particulière. Je suis un peu surpris ici de voir une phrase venant du ministre actuel de l'Énergie. Et je vous lis cet article. C'est le juste retour des choses, hein. On se souvient tous comment le ministre de l'Énergie, pendant des années, a déchiré ses belles chemises neuves, jour après jour, ici, comme porte-parole de l'opposition en énergie, nous disant que les contrats secrets, ça n'avait pas d'allure, que ça n'avait pas d'allure qu'il y ait des secrets.

Eh bien, là, je retrouve une phrase, à l'article 30 – c'est le même ministre maintenant – qui dit: «La Régie peut interdire ou restreindre la divulgation – «c'est-u» pas extraordinaire, M. le Président – la publication ou la diffusion de renseignements ou de documents qu'elle indique, si le respect de leur caractère confidentiel ou l'intérêt public le requiert.» M. le Président, je me demande si je ne rêve pas ici, dans cette Assemblée. Le ministre de l'Énergie, qui, pendant des années, nous a dit que ça n'avait pas d'allure, jour après jour, période de questions après période de questions, conférence de presse après conférence de presse, nous dit: «La Régie peut interdire ou restreindre la divulgation...»

M. le Président, la question que je me pose, et on la reposera en commission parlementaire: Cette Régie-là, quel sera son statut en ce qui a trait à l'accès à l'information? Les groupes de consommateurs, entre autres, veulent savoir. Vous savez qu'ils sont de féroces batailleurs pour aller chercher l'information. Est-ce qu'à cette Régie-là on pourra avoir accès à l'information ou est-ce que tout ça sera considéré comme «caractère confidentiel où l'intérêt public le requiert»? Parce que c'est très large, hein, ça. Alors, ça, c'est la première question qu'on pose au ministre, et on aimerait ça avoir une réponse là-dessus avant qu'on vote, la prochaine fois. Ça va être important qu'on ait... les ACEF vont nous suivre là-dessus.

(17 heures)

L'article 133. Alors, vous savez, notre porte-parole en a parlé tantôt, il y a un regroupement des distributeurs d'électricité au Québec. Et, dans mon comté, d'une façon particulière, on retrouve la ville de Sherbrooke. Une partie d'Hydro-Sherbrooke vend de l'électricité, distribue de l'électricité dans la partie de Rock Forest, Sainte-Élie. La ville de Magog a ses propres barrages et distribue sa propre électricité. La ville de Coaticook a ses propres barrages et distribue sa propre électricité. Et je voyais dans le projet de loi qu'il y a même une coopérative en électricité quelque part dans la région de Saint-Hyacinthe.

Alors, il va falloir voir, là, avec cet article-là, comment on va se comporter, et ces gens-là, je pense qu'on devrait les entendre. Il y a un regroupement de ces associations-là – elles sont une quinzaine de municipalités maintenant... ou bien qui produisent leur électricité – et je pense que ce regroupement-là devrait être entendu. Il devrait être entendu parce qu'il a rarement été d'accord avec ce qu'Hydro-Québec lui proposait, entre autres au niveau de la tarification. Et je vous dirai, pour leur avoir parlé aujourd'hui, qu'ils étaient surpris de voir la rapidité avec laquelle le ministre voulait procéder dans tout ça. Alors, on invite le ministre à amener ce regroupement de municipalités à se faire entendre pour ce qui a trait au projet de loi n° 50.

Les points les plus préoccupants pour moi, il y en a deux, M. le Président. Le premier, c'est, dans le projet de loi, je crois comprendre – et ça aussi, ça demandera clarification – qui va faire l'évaluation quand un promoteur privé ou public va demander pour construire quelque chose, une infrastructure quelconque, qui a trait indéniablement à l'énergie, donc qui va toucher à l'environnement? Que ce soit un barrage sur la rivière dans votre comté, ou que ce soit un site de déchets où on veut capter les gaz, ou que ce soit la production du maïs pour aller en pétrole éventuellement. Je crois comprendre que, quelque part, à la Régie, on va vérifier ça, ces affaires-là.

Vous savez qu'au moment où on se parle, c'est le BAPE qui devait trancher ces débats-là. Alors que votre gouvernement parle de guichet unique en ce qui a trait à l'environnement, c'est peut-être le plus beau succès de guichet unique... Tout doit passer par le BAPE: que vous soyez agriculteur, producteur d'électricité, que vous veniez du ministère des Transports ou d'une compagnie qui veut faire Dieu sait quoi. Vous avez d'ailleurs amendé la loi pour les grands projets. Je suis un peu surpris de comprendre maintenant qu'il y aurait une manière de BAPE qui serait créée au niveau de la Régie. Est-ce qu'on est après défaire ce guichet unique, celui qui fonctionne le mieux au Québec? D'ailleurs, je ne me suis jamais caché pour dire que j'étais un admirateur du BAPE, que ça dépolitisait les débats dans les régions où, soudainement, des gens neutres de grande expertise venaient écouter les parties. Il y aurait des améliorations à apporter au BAPE: je pense que les promoteurs devraient payer les frais au BAPE; ça ne devrait pas être l'État qui paie. Le promoteur qui veut bâtir quelque chose devrait payer tous les frais au BAPE, comme ça se fait ailleurs. Mais, ça, c'est un autre débat; on y reviendra éventuellement, M. le Président.

Je pense qu'on a un guichet unique et je pense que la tendance avec le projet de loi n° 50... Je me questionne: Ne sommes-nous pas après créer d'autres guichets? Et, si c'était le cas, qu'allons-nous dire au ministère de l'Environnement où, en ce moment, on a des demandes pour que les grandes porcheries passent devant le BAPE? Est-ce qu'on créera soudainement, au nom de la compétence, des petits BAPE au ministère de l'Agriculture et, pourquoi pas, à ce moment-là, au ministère des Transports qui, lui aussi, a des demandes toutes les semaines de gens qui veulent passer des routes dans des marais, etc., et doivent aller devant le BAPE? Les citoyens, maintenant, connaissent l'organisme. C'est un organisme qui fonctionne bien, qui a maintenant ses lettres de crédit. Et je serais désolé de voir que cette Régie pourrait se soustraire au BAPE parce que, elle, elle s'organiserait une patente à côté, une autre fois, occulte, où on ne saurait pas trop, alors que le BAPE, c'est au vu et au su de tout le monde, c'est dans un sous-sol d'église, tout le monde est convoqué, les choses se font au vu et au su.

D'ailleurs, depuis la création du BAPE par les libéraux, je pense qu'il n'y a pas eu grand critiques. Et je dois avouer que, tranquillement, on est après établir une jurisprudence sur plein de projets. Les municipalités qui veulent maintenant sabler une plage, bien, elles ont le choix ou bien d'aller devant le BAPE ou bien de sortir la dernière enquête du BAPE sur l'ensablement d'une plage pour savoir que, bon, il y a eu toutes sortes de raisons pour lesquelles on l'a permis ou on ne l'a pas permis. Donc, il y a toute une jurisprudence là-dedans. Je pense que cette jurisprudence-là, elle s'applique de plus en plus, en environnement, aux petits barrages, aux usines de tout acabit qui veulent s'installer, et c'est une préoccupation. Comme porte-parole de l'environnement, M. le Président, je ne pouvais pas passer ça sous silence.

Je vous dirai aussi que l'article 49 me préoccupe. L'article 49, tel que libellé, indique que l'efficacité énergétique n'est plus l'affaire de tous mais devient optionnelle, et ce, en autant qu'elle serve les intérêts d'Hydro-Québec. Où est l'environnement là-dedans? Les consommateurs pourront toujours recourir à différentes mesures d'efficacité énergétique moyennant une certaine contribution de leur part, ce qui va à l'encontre des principes qui la sous-tendent.

Alors, ça aussi, M. le Président, on devra questionner le ministre article par article, bien sûr, et notre porte-parole, vous savez, c'est un batailleur, c'est un gars qui vient du mouvement syndical. Et si on a un batailleur dans notre gang, c'est bien notre porte-parole en énergie, qui en a vu d'autres. Il n'est pas haut, mais il n'y a pas grand-chose qui l'impressionne. Les courants d'air lui passent par-dessus la tête et puis, dans les batailles, je vous dis qu'il prend sa place.

Alors, on a des questions puis on va mener une bonne bataille là-dessus. On va mener une bonne bataille, je vous le dis tout de suite, et on ne sera pas tout seuls, hein, on ne sera pas tout seuls, parce que les groupes d'environnement, je pense, ne sont pas tout à fait d'accord avec ce qui s'en vient dans cette histoire-là. Je vous lis un communiqué de presse des groupes d'environnement qui disent que la politique énergétique, il y a peut-être quelques cachettes là-dedans, le fait qu'on la passe après le projet de loi.

Dans la logique des choses, tu fais une table, après ça tu fais une politique, puis après ça tu crées une régie. Ça, c'est la logique; en tout cas, il me semble. Ici, on a fait une table. Jusque-là, ça va bien, on vous a appuyés là-dedans. Et puis là on s'en vient avec un projet de loi sur une régie sans savoir ce que va être la politique. Ça ressemble étrangement à l'environnement, ça, d'ailleurs, où le ministre annonçait toutes sortes d'affaires au Sommet alors qu'on attend le résultat d'une consultation qui a duré un an et demi. C'est quoi, la logique? Ou bien on consulte puis on écoute le monde puis on va faire ce qu'il va dire, ou bien on ne consulte pas puis on dit au ministre: Annonce n'importe quoi. Mais on ne fait pas les deux.

Alors, il me semble que c'est un peu la même chose ici, et je vous lirai un petit bout de ce communiqué de la part des environnementalistes. Ils disent: Les éléments de la politique énergétique annoncée au Sommet sur l'économie et l'emploi par le ministre des richesses naturelles, Guy Chevrette, ne vont ni dans le sens du développement durable ni dans le sens des propositions de la Table de consultation sur l'énergie – la Table, ce dont on vient de parler. C'est ainsi que l'Union québécoise pour la conservation de la nature, l'UQCN – l'UQCN, ça, M. le Président, c'est le regroupement de tous les mouvements d'environnement au Québec, et, si vous avez un groupe à une école quelconque ou sur un bord de lac, un petit groupe d'environnement, il fait partie de l'UQCN, et ces gens-là parlent en leur nom ou au nom de Greenpeace Québec, qui a participé à la Table – a accueilli hier le projet du gouvernement de transformer le réseau hydro-québécois en autoroute de l'énergie avec beaucoup de scepticisme.

Un peu plus loin ils diront: Les Américains pourraient solder au Québec des surplus d'énergie polluante aux dépens des ventes d'hydroélectricité ici et, en bout de compte, des contribuables qui ont payé pour des infrastructures inexistantes. Un peu plus loin, ils nous disent: Les deux plus importants groupes environnementaux québécois ont conclu leur réaction en disant que le ministre avait peut-être jeté la première pelle de terre sur la tombe du rapport de la table de concertation sur l'énergie, qui avait tracé la voie à un développement énergétique durable auquel tous les secteurs industriels avaient donné leur accord. C'est assez clair, M. le Président, c'est assez clair, ce qui se dit là.

Alors, je voudrais continuer en vous disant que, dans le rapport, on lisait à cet égard-là le libre choix, et je ne retrouve pas ça, moi, là-dedans, dans le projet de loi. On disait à la Table: La satisfaction des besoins des citoyens par le développement durable implique la liberté de choix balisée par les considérations économiques. Dans le secteur énergétique, les choix individuels sont encadrés par les lois et règlements et soumis aux forces du marché. Le marché est normalement la meilleure garantie de la liberté des choix individuels. Cependant, certains dysfonctionnements du marché, certaines dispositions législatives ou réglementaires ont pour effet direct ou indirect de limiter les choix individuels, ce qui va à l'encontre du développement durable. De plus, plusieurs de ces limites viennent empêcher la pénétration d'énergies renouvelables ou la mise en place de mesures d'efficacité énergétique. Une politique énergétique devrait procéder à une analyse systématique de ces dysfonctionnements de ces lois et règlements et viser à les corriger. Or, M. le Président, on ne trouve rien là-dessus, et il n'est pas évident qu'on n'est pas après nous dire finalement que c'est encore Hydro-Québec qui aurait un gros bout à dire dans toute cette histoire-là.

Je finirai en vous disant que je suis toujours un peu allergique, depuis que je suis à Québec, aux structures, et puis, depuis que le nouveau gouvernement est en place – il ne faut pas oublier que ça fait deux ans et quelques mois qu'ils sont là – ils n'ont pas manqué d'en mettre, des structures, les CJE, et puis ça ne finit pas. Maintenant, c'est la Régie de l'énergie. On pourrait demander au ministre ça va coûter combien, cette patente-là. Et puis là on entend qu'il y a une régie de l'eau qui s'en viendrait en quelque part au Québec. Il y a la Régie des déchets. Celle-là, elle est à toutes fins pratiques annoncée pour le mois de décembre. Là, ça en fait trois dans... Hein, ça va en faire une en novembre, une en décembre; puis la Régie de l'eau, je ne sais pas si c'est en janvier ou en février. Ça va en faire trois, nouvelles patentes.

(17 h 10)

Y «a-tu» un citoyen, M. le Président, qui vous a arrêté sur la rue cette semaine pour vous dire: Vous devriez créer une nouvelle structure au Québec, on n'en a pas tout à fait assez? Y «a-tu» un citoyen récemment qui vous a dit ça? Moi, M. le Président, je fais pas mal d'assemblées publiques dans mon comté. «C'est-u» drôle, ce n'est pas ça que j'entends, moi. Des nouvelles structures, des nouvelles régies puis des nouvelles patentes, les gens nous disent d'en éliminer.

Hier, j'étais sur le conseil d'administration du CRD. Il n'y a pas grand monde qui sait ce que c'est, des CRD. Enfin, le conseil d'administration du CRD nous a montré un organigramme que le ministre du Développement des régions a sorti au Sommet: une pleine page de petits ronds puis des lignes, puis des flèches, puis c'est à ne rien comprendre là-dedans, hein! Imaginez-vous, nous autres, c'est notre métier puis on ne comprend pas ça. Imaginez-vous, le citoyen qui vient d'arriver de travailler ce soir, là, qui nous écoute, si on lui montrait ce graphique de l'organisation que vous êtes après mettre en place, de structurite au Québec! Il n'y a plus un citoyen qui s'y retrouve. Comme disait si bien le ministre de l'Énergie pendant des années: Un chat n'y retrouverait pas ses chattes, hein! J'ai entendu ça de la part du ministre. Bien, la structurite du gouvernement en ce moment... Maintenant, cette Régie-là est peut-être meilleure que les autres. Je dois avouer qu'elle est peut-être un peu meilleure, mais c'est une autre structure qu'on est après mettre en place.

La déréglementation. Il faut faire attention avec la nouvelle marque de gargarisme qui s'appelle la déréglementation, et, quand on est environnementaliste, c'est une marque de gargarisme dont on a un peu peur, nous autres, les environnementalistes, la déréglementation, parce que la première gang qui passe au bat normalement quand tu décides de déréglementer, c'est tout le secteur de l'environnement. Pourquoi? Parce que c'est bien fatigant. Quand tu as réglementé en environnement comme l'Ontario depuis le début des années soixante puis qu'il y a une culture qui a été mise en place, je comprends que Mike Harris dise: Bien, nous autres, «enough is enough». La culture, elle est là. Les entreprises, maintenant, récupèrent, etc. Mais, nous, la culture de l'environnement, à toutes fins pratiques, elle a commencé en 1985. Elle a commencé avec l'arrivée du Parti libéral et de Clifford Lincoln. Oui, il y a eu un ministère avant ça. Oui, il y a eu une loi en 1972, mais les vraies actions environnementales, elles commenceront vraiment en 1985. On n'a pas encore développé cette culture-là si profondément que ça, et, quand on me dit qu'on va déréglementer, je vous dis: Attention! Ne le faites pas au coût de pénaliser l'environnement, parce que, tous, comme citoyens, on en serait pénalisés. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Orford. Je cède maintenant la parole au député de Mont-Royal. M. le député.


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. On nous propose la création d'une régie de l'énergie. Il semble que, dans d'autres provinces canadiennes et dans d'autres pays, des régies de l'énergie existent, et il semble que le temps est devenu à la mode de créer une régie de l'énergie. On peut être en faveur du principe de la création d'une régie, mais il faut regarder les conséquences, les pouvoirs qu'on accorde à la régie, et on ne peut pas faire abstraction, au Québec, de l'historique d'Hydro-Québec, de la façon non seulement dont elle a été créée, mais de la façon dont on a pu développer et créer au Québec une société d'énergie, de création, de distribution, de production d'électricité qui est une des meilleures et une des plus grandes en Amérique du Nord. Et la façon dont nous l'avons fait, nous avons créé une société autonome qui répond à ses actionnaires par l'entremise du pouvoir politique. Alors, ça a été, si je puis dire, une utilisation judicieuse du pouvoir de la société, de l'opération de la société autonome et du pouvoir politique, et ceci nous a amené à avoir une des plus grandes sociétés d'énergie, d'électricité en Amérique du Nord.

Alors, on peut améliorer. C'est clair, on peut toujours améliorer la façon dont on va pouvoir gérer puis prendre les décisions à l'avenir, mais ce à quoi il faut faire attention, c'est de briser complètement ce processus, si je puis ainsi dire, de le chambarder, de le changer complètement pour qu'on ne le reconnaisse plus, pour qu'on ne puisse plus utiliser les avantages que nous avons eus avec le pouvoir judicieux de la société autonome et le gouvernement. Et ça a été une performance assez spectaculaire, M. le Président. Alors, il faut faire attention, quand on crée une régie de l'énergie, à ce que nous allons faire à ce processus, à Hydro-Québec, à la protection des consommateurs, à la question des exportations, à la question des immobilisations. Quels pouvoirs donnons-nous à la Régie et quelles seront les conséquences de ces pouvoirs? Première question qu'on peut se poser: Est-ce que le gouvernement va perdre sa marge de manoeuvre? Puis la marge de manoeuvre d'un gouvernement est très importante, M. le Président, c'est important pour le développement économique. Ce n'est pas une régie qui va faire le développement économique, ce n'est pas des bureaucrates, parce que, si vous bureaucratisez... Nécessairement, la nomination de régisseurs, ça devient une bureaucratie.

Quant au développement économique, les décisions du développement doivent être prises par le gouvernement. Le gouvernement parle d'une politique de l'énergie. Quelle sera la valeur de cette politique de l'énergie si on donne tous les pouvoirs à la Régie? Où seront les décisions gouvernementales? Est-ce que la Régie sera liée par la politique énergétique du gouvernement? Si elle ne l'est pas, liée, si elle ne l'est pas, on pourra avoir les plus belles paroles, on pourra dire les plus belles choses, mais les décisions seront prises par les régisseurs, qui vont être nommés pour une certaine période de temps et qui vont prendre les décisions d'après leurs critères, pas d'après ce que le gouvernement voit comme développement économique et qui doit répondre à la population pour les emplois, pour le développement du Grand Nord, pour le développement économique des régions. Ça, c'est la responsabilité d'un gouvernement, ce n'est pas la responsabilité d'une régie. Alors, faites attention aux pouvoirs que vous donnez à la Régie.

Je remarque qu'on donne à la Régie le pouvoir d'autoriser les projets d'immobilisation. On revient à notre question. Posez-vous les questions suivantes: Est-ce qu'une régie de l'énergie aurait ratifié ou permis le développement de Churchill Falls? Rappelez-vous, à cette époque-là, tous les risques incroyables. Brian Tobin semble l'oublier. Peut-être qu'il n'était pas là à ce moment-là, peut-être qu'il n'a pas lu l'histoire, mais c'étaient des décisions économiques, des risques de prendre tout le rendement, toute la production de Churchill Falls pour tant et aussi longtemps que le contrat durerait, de faire tout le financement. Je doute, M. le Président, qu'une régie aurait même la capacité de prendre une telle décision. Ça ne peut pas être évalué d'un point de vue économique strictement. Ça a été une décision politique et économique, et nous voyons aujourd'hui que ça a été une bonne décision. Ça nous bénéficie. Bien, peut-être qu'avec une régie on ne l'aurait pas eue.

La même chose avec le projet de la Baie-James. Ça a créé des emplois, des milliers, des dizaines de milliers d'emplois. Il y a eu un grand risque à le faire. Mais, ça, c'est le gouvernement qui a décidé, qui a pris le risque, et c'est ça, le rôle d'un gouvernement. On prend le risque, on prend les décisions et on va à l'électorat. On dit: Voici ce que nous avons fait. Et si l'électorat aime ce que nous avons fait, il peut nous réélire, sinon il va changer de... Mais il ne faut pas enlever à la population le droit et on ne peut pas enlever le devoir et les responsabilités au gouvernement de prendre certaines décisions. Alors, la question que je me pose, c'est: Est-ce qu'on doit laisser totalement à une régie le droit de décider sur les projets d'immobilisation? Est-ce qu'on n'enlève pas au gouvernement un droit, une responsabilité très importante pour le développement économique de la population du Québec?

Un autre aspect de ce projet de loi donne le pouvoir à la Régie de déterminer le taux de rendement. Vous savez, c'est facile pour un gouvernement de dire: Écoutez, ce n'est pas ma décision, c'est la décision de la Régie. C'est dangereux. Comment est-ce que la Régie va déterminer le taux de rendement? Ça peut être 7 %, 10 %, 11 %, il y aura des représentations qui seront faites, mais ça va être arbitraire. Et le gouvernement, lui, ça doit être lui... Je ne dis pas que le gouvernement ne doit pas prendre avis, ne devra pas prendre conseil d'une régie, mais la décision finale, on ne peut pas laisser une telle décision à une régie.

(17 h 20)

La même chose avec la question des tarifs résidentiels et commerciaux. Combien de fois durant au moins les 15 dernières années... Hydro-Québec venait toujours au gouvernement, venait au ministre de l'Énergie et faisait un plaidoyer pour dire: Écoutez, les taux résidentiels ne sont pas assez élevés, on n'a pas un taux de rendement suffisant, il faut augmenter le taux de rendement sur les taux résidentiels. Oui. Entre-temps, ça n'empêchait pas Hydro-Québec d'avoir des profits assez intéressants que leur cote de crédit est toujours restée bonne. Mais la décision politique a dit: Non, vous n'allez pas augmenter le taux de rendement comme vous le voulez ou le rendre sur le même taux de rendement que le taux commercial. Il y a différentes raisons pour ce faire, et ça fonctionne très bien. Ça, c'est une décision politique et c'est une bonne décision politique, et ça n'a pas fait de tort à la performance financière d'Hydro-Québec. Vous avez seulement à voir comment, quand ils font des obligations, des débentures, c'est acheté immédiatement. La garantie d'Hydro est très bonne.

Alors, il y a certaines décisions, M. le Président... il faut absolument que la population du Québec, que le consommateur puisse se fier sur le gouvernement pour qu'il y ait un pouvoir décisionnel du gouvernement, parce que c'est le gouvernement qui doit répondre à la population. J'entendais un député ministériel dire que c'était insuffisant: Tous les ans, on va à la commission parlementaire deux, trois jours, et puis Hydro-Québec arrive. C'est vrai, ils remplissent la Chambre, il y a une quarantaine, une cinquantaine d'experts d'Hydro-Québec, et c'est vrai... Franchement, des fois, quand j'étais ministre, je me disais: Le pauvre député! Comment pouvez-vous vous attendre qu'un député puisse vraiment poser toutes les questions? Ça, c'est une critique très valable. C'est vrai qu'on ne peut pas continuer, peut-être, de prendre des décisions sur les immobilisations, sur le plan de développement, sur les tarifs de la même façon que nous l'avons fait dans le passé, par une commission parlementaire de trois, quatre jours. Je pense que la complexité de tout a dépassé cette façon de faire les choses.

Mais il ne faut pas aller à l'autre extrême, il ne faut pas complètement enlever le rôle du parlementaire, parce que lui, le parlementaire, a un rôle important à jouer: il faut qu'il réponde à la population des décisions qui seront prises par Hydro pour les immobilisations, le taux de rendement, les tarifs. La population est l'actionnaire; nous sommes les représentants des actionnaires. Si c'était une compagnie privée, si Hydro-Québec avait été privatisée, on parlerait peut-être différemment. Mais le fait demeure que nous sommes les représentants des actionnaires d'Hydro, et on s'attend que certaines décisions soient prises par le gouvernement. Et le gouvernement, dans le passé, je crois que la performance, généralement... C'est vrai qu'à certains moments il y a eu certains problèmes, mais généralement la performance a été bonne, et d'Hydro et du gouvernement. Ce n'est pas seulement une opinion que j'émets. Vous regardez les résultats: la performance financière, la cote de crédit d'Hydro, c'est bien. On peut l'améliorer, mais pas en créant une régie qui va complètement changer le mode d'agir, le mode décisionnel. Je ne crois pas que c'est ça que la population veut et je ne pense pas que ceux qui ont fait des représentations au gouvernement s'attendaient à une régie qui pourrait avoir tant de pouvoirs qu'elle a maintenant et enlever, abdiquer la responsabilité du gouvernement.

On parle de la Régie qui va prendre des décisions sur le prix de l'essence – qui peut les prendre – pas totalement parce qu'il y a une loi qui permet au ministre de fixer le prix, mais c'est seulement dans des cas d'urgence, mais avec Gaz métropolitain. Alors, la question qu'on peut se poser: Est-ce qu'il va y avoir une compétitivité ou est-ce que la Régie va décider d'essayer de maintenir les prix soit égaux, soit de favoriser un ou l'autre? Ça aussi, en termes de permettre une compétitivité entre les différentes formes d'énergie, la façon actuelle, que le gouvernement prend la décision pour Hydro, il y a un genre de concurrence, d'une certaine façon; pas une concurrence totale, c'est vrai, mais, au moins, il y a certaines pressions où on évite de prendre des décisions complètement à l'abri de la compétitivité.

M. le Président, pour toutes ces raisons, je crois qu'il faudrait vraiment examiner avec soin le projet de loi qui crée Hydro-Québec. Je pense qu'on a les mêmes intérêts ici. Ce n'est pas partisan, je vous l'assure. Si on regarde le passé, si on regarde la performance d'Hydro, la façon dont les décisions ont été prises... Et même le ministre actuel, quand il a eu certains problèmes dernièrement avec Hydro, il leur a dit: Écoutez, je vais vous donner une augmentation, un certain montant, mais vous allez être obligés de réduire certaines dépenses. Ça, c'est une décision politique, une décision qui respecte la volonté de la population. On ne peut pas laisser totalement ce genre de décision à une régie et se disculper ou abdiquer totalement notre rôle. Je crois, M. le Président, qu'il faut revoir... Il faut être très prudent dans les pouvoirs que nous allons accorder à une régie de l'énergie, très prudent, pour permettre qu'Hydro-Québec soit en position de tirer avantage des contrats d'exportation.

Parce que je regarde aussi que le rôle de la Régie va être de contrôler les contrats d'exportation d'électricité d'Hydro-Québec. Je ne sais pas exactement ce que ça veut dire, ça, que la Régie va contrôler. Si, moi, je suis le ministre de l'énergie ou je suis le président d'Hydro et que je veux aller à New York vendre 2 000 MW, 3 000 MW, pourquoi ça devrait être contrôlé par la Régie? Si, en ce faisant, il y a un marché, je suis capable de le construire à un rendement qui pourrait être intéressant pour Hydro, pourquoi donner ce contrôle-là à une régie? Il me semble que c'est une décision que la Société peut prendre avec le gouvernement, parce qu'il y a du financement, il y a de la création d'emplois.

Ce n'est pas le rôle d'une régie de créer de l'emploi, ce n'est pas le rôle d'une régie de dire: On va faire telle, telle chose pour une telle région. Non, la régie, elle peut vous donner un conseil, elle peut examiner les tarifs, elle peut examiner certains taux de rendement, mais les décisions cruciales, fondamentales ont toujours été prises avec l'accord du gouvernement, et on doit continuer à avoir cette façon de prendre des décisions. La responsabilité gouvernementale doit demeurer.

Alors, M. le Président, j'espère qu'en commission parlementaire nous allons pouvoir examiner le projet de loi d'une façon très positive et très constructive. Et le but serait quoi? Le but serait d'améliorer la situation actuelle, d'améliorer comment les décisions sont prises pour les tarifs, comment elles sont prises pour... On parle de développement durable, on parle de l'environnement, on parle même de donner à la Régie... Le commissaire qui a été créé, le commissaire des plaintes, ça aussi, je pense que c'est quelque chose de positif pour que le consommateur ait quelque endroit à aller s'il y a une plainte contre, effectivement, un monopole de l'État. Ça, c'est bien.

Mais j'espère qu'on va pouvoir examiner et apporter des changements importants à ce projet de loi. Et le but serait de ne pas bureaucratiser les décisions gouvernementales et de laisser au pouvoir politique, au gouvernement les responsabilités qui lui incombent, la responsabilité de la protection du consommateur, la responsabilité du développement économique et la responsabilité de s'assurer que la société Hydro-Québec, qui est une des plus grandes sociétés d'énergie en Amérique du Nord, continue à l'être pour le bénéfice de toute la population du Québec. Merci, M. le Président.

(17 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Mont-Royal. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, il me fait plaisir d'intervenir à cette étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 50, Loi sur la Régie de l'énergie, qui a été déposé le 22 octobre dernier par le ministre des Ressources naturelles et qui modifie neuf lois notamment, et non les moindres, la Loi sur l'exportation de l'électricité, la Loi sur Hydro-Québec, la Loi sur la protection du consommateur, la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic, la Loi sur le régime de retraite des fonctionnaires et la Loi sur les systèmes municipaux et les systèmes privés d'électricité, pour ne citer que celles-là. Le projet de loi n° 50 abroge également la Loi concernant l'examen des plaintes des clients des distributeurs d'électricité et la Loi sur la Régie du gaz naturel.

Dans les notes explicatives du projet de loi n° 50, on peut lire «que la Régie a pour fonctions de fixer, à la suite d'audiences publiques, les tarifs et les conditions de distribution et de transport d'Hydro-Québec et des distributeurs de gaz naturel, sauf à l'égard d'un contrat spécial de fourniture d'électricité que le gouvernement détermine. Elle a également pour fonctions de surveiller leurs opérations afin de s'assurer que les consommateurs aient des approvisionnements suffisants et paient selon un juste tarif, de déterminer leurs taux de rendement, d'autoriser leurs projets d'immobilisation et d'approuver leurs plans de ressources.» C'est donc un mandat très vaste.

Il faut se rappeler que ce projet de loi n° 50 fait suite au rapport de la Table de consultation du débat public sur l'énergie qui a été publié récemment et qui recommande, à la page 140, que, «pour réaliser cet ensemble d'objectifs, une réforme des institutions s'avère nécessaire, permettant en même temps de garantir un système d'allocation efficace des ressources. La Table propose donc la création d'une régie de l'énergie et d'une agence de l'efficacité énergétique qui, par leurs pouvoirs et prérogatives, permettront de stimuler l'action et de recueillir les opinions des citoyens par des mécanismes consultatifs légers et efficaces tout en exploitant les forces du marché.»

Ce débat public sur l'énergie a conduit à un large consensus en faveur de la mise sur pied d'une régie de l'énergie. Sur ce point, M. le Président, nous ne pouvons que souscrire au principe de la création d'une régie de l'énergie. D'ailleurs, il existe déjà des régies de l'énergie en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick et au Manitoba qui ont, entre autres rôles, celui de déterminer les tarifs d'électricité. En Ontario, par ailleurs, la Régie de l'énergie n'a aucun pouvoir décisionnel vis-à-vis d'Hydro Ontario.

Le projet de loi n° 50 confère à Hydro-Québec un droit exclusif de distribution de l'électricité sur l'ensemble du territoire du Québec, à l'exception des territoires desservis par un distributeur opérant un système municipal ou privé d'électricité. Les systèmes municipaux se voient également attribuer un droit exclusif de distribution d'électricité sur les territoires qu'ils desservent.

À la lecture de ce projet de loi de 168 articles, on constate que le ministre des Ressources naturelles n'a pas donné suite au consensus qui s'est dégagé de la Table de consultation, dans la mesure où l'article 5 du projet de loi n° 50 stipule, et je cite: «Dans l'exercice de ses fonctions, la Régie favorise la satisfaction des besoins énergétiques dans une perspective de développement durable. À cette fin, elle tient compte des préoccupations économiques, sociales et environnementales ainsi que de l'équité au plan individuel comme au plan collectif.» Par contre, à la page 35 du rapport du débat public sur l'énergie, on peut lire que, «dans ses décisions concernant le plan de ressources d'une entreprise donnée, la Régie visera le moindre coût social. À cette fin, une de ses missions sera de s'assurer de l'intégration, dans les choix énergétiques, des externalités économiques, sociales et environnementales.»

À la lumière du texte du projet de loi, il paraît évident que tout le volet de la planification intégrée des ressources a été évacué, dans la mesure où le projet de loi ne prend pas en considération les coûts et les risques de tous les choix énergétiques. Par ailleurs, la Table de consultation sur l'énergie a beaucoup insisté sur l'exigence de «l'efficacité énergétique [qui] doit se retrouver au coeur de la future politique énergétique» et viser une consommation minimale pour un service optimal tout en bénéficiant à l'ensemble des consommateurs. Or, l'article 49 du projet de loi ne fait pas écho à cette préoccupation. Au contraire, l'efficacité énergétique devient optionnelle et conditionnelle aux intérêts d'Hydro-Québec. Les consommateurs pourront toujours recourir à différentes mesures d'efficacité énergétique moyennant une certaine contribution de leur part.

Un autre point dont on peut questionner la pertinence touche l'article 48 du projet de loi, qui stipule que «sur demande d'Hydro-Québec la Régie fixe ou modifie les tarifs et les conditions auxquels l'électricité est transportée», ce qui ouvre la voie au transit de l'électricité vers les États-Unis à tous les producteurs privés qui cherchent à en exporter. Cette pratique, qui sera soustraite à la juridiction de la Régie, aura des impacts négatifs sur l'environnement dans la mesure où elle incitera à la production d'énergie thermique et privera le Québec de retombées économiques.

Je me permets également d'attirer l'attention de cette Assemblée sur l'article 164 du projet de loi n° 50, qui oblige la Régie à élaborer, dans les six mois suivant l'entrée en vigueur de l'article 4, un avis au gouvernement sur la déréglementation. Il s'agit là d'une décision pour le moins précipitée, quand on sait que la Régie a besoin de consacrer les premiers mois de son existence à préciser ses règles de fonctionnement et opérer normalement. Il est utile de rappeler à cet effet qu'il a fallu aux régies américaines de l'énergie entre trois et cinq ans pour restructurer leur marché d'électricité. L'échéancier du gouvernement quant à la réglementation paraît donc trop rapide. Il faut également s'assurer qu'un projet aussi important que celui de la Régie de l'énergie ne soit pas implanté dans la hâte et dans l'improvisation, car il en va des intérêts mêmes de l'ensemble des Québécois.

En terminant, il est extrêmement important que les groupes impliqués dans les filières énergétiques soient entendus et que des consultations particulières soient tenues afin de leur permettre de réagir et de bonifier le projet de loi n° 50. Il me fera alors plaisir d'apporter mes commentaires et ma contribution au débat en commission parlementaire. Merci, M. le Président.


Avis de débats de fin de séance

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de La Pinière. Alors, je vous avise que nous avons reçu de la part du député de l'Acadie, à 16 h 45, une demande pour un débat de fin de séance. Alors, M. le ministre.

M. Chevrette: Oui. M. le Président, je devrais normalement procéder à ma réplique, mais, compte tenu qu'il y a eu une demande d'ajournement de la Chambre à cause de ce qu'on connaît, le 125e anniversaire de la tribune parlementaire, et étant donné que j'ai une longue réplique à faire parce que je dois rectifier tout ce qui a été dit, je vous demande donc l'ajournement du débat et je procéderai à ma réplique une autre journée pour faire place au débat de fin de séance dont on a convenu entre les deux formations politiques.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est acceptée?

Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, ajournement du débat. Maintenant, conformément à l'article 310, le député de l'Acadie aura un temps de parole de cinq minutes... La suspension est demandée. Nous allons suspendre...

Mme Caron: Une suspension de quelques minutes, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Pinard): ...le temps que le député de l'Acadie vienne nous rejoindre. Alors, nous allons suspendre quelques instants nos travaux.

(Suspension de la séance à 17 h 39)

(Reprise à 17 h 44)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir.


Débats de fin de séance


Contrats octroyés par le Secrétariat à la restructuration

Alors, je vous rappelle que nous avons reçu une demande de débat de fin de séance de la part du député de l'Acadie, M. Yvan Bordeleau. Ce débat de fin de séance va porter sur les responsabilités politiques dans l'affaire Le Hir. Le président du Conseil du trésor et député de Labelle, M. Jacques Léonard, ainsi que le député Yvan Bordeleau, de l'Acadie, vont maintenant procéder.

En vertu de l'article de notre règlement, M. le député de l'Acadie, vous avez un temps de parole de cinq minutes, M. le ministre, une réplique de cinq minutes et, à la fin, M. le député de l'Acadie, vous aurez un dernier deux minutes.

Alors, je vous rappelle également qu'il y a eu consentement pour que le débat de fin de séance se tienne à l'heure précise. Alors, M. le député de l'Acadie.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, cet après-midi, à la période de questions, j'ai eu l'occasion de poser des questions au premier ministre concernant les responsabilités politiques dans le cadre de l'affaire Le Hir. Le premier ministre n'a pas daigné répondre à nos questions. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé un débat de fin de séance, pour essayer de clarifier un peu plus la situation.

D'abord, M. le Président, je voudrais souligner qu'il y a à peine une dizaine de jours j'ai questionné le ministre de la Sécurité publique sur les suites de l'enquête policière actuellement en cours à la Sûreté du Québec concernant l'affaire Le Hir. Alors, le ministre nous a confirmé à ce moment-là qu'il y avait effectivement eu quatre autres perquisitions qui avaient été effectuées à la suite des 16 perquisitions, donc, qui ont été rendues publiques antérieurement. Ces quatre perquisitions ont eu lieu dans des banques et concernent essentiellement les comptes et les transactions bancaires reliées directement ou indirectement à M. Claude Lafrance.

Donc, on voit très bien que présentement l'enquête policière se limite exclusivement aux responsabilités administratives des gens qui ont été impliqués dans l'affaire Le Hir. Et c'est tout à fait normal qu'il en soit ainsi puisque le Vérificateur général n'a jamais considéré que les deux mandats qu'il a reçus impliquaient qu'il avait à regarder du côté des responsabilités politiques. Le Vérificateur général mentionnait, dans une entrevue radiophonique donnée le 14 mars 1996, et je cite: «Moi, les intérêts politiques, j'essaie d'y rester assez loin. C'était une enquête administrative et non pas une enquête politique que je faisais.» Donc, la Sûreté du Québec enquête sur les faits mis en évidence dans les rapports du Vérificateur général, des faits qui touchent strictement au volet administratif de l'affaire Le Hir. Donc, il est normal que la Sûreté du Québec enquête aussi exclusivement sur ce volet administratif.

M. Le Hir, dans une déclaration qu'il a faite au Soleil il y a quelques jours à peine, mentionnait, et je cite: «Je n'ai été ni impliqué ni même consulté dans les décisions prises par le cabinet du premier ministre de procéder par voie de dérogation dans le cas des contrats accordés par le Secrétariat.» Un peu plus loin, il mentionne: «Le premier ministre jouit d'un prestige, d'une autorité et d'un ascendant importants sur les ministres et les fonctionnaires, en plus d'avoir un pouvoir discrétionnaire très considérable. S'il en use de façon responsable, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. S'il en use de façon irresponsable ou même téméraire, rien ne va plus.»

Dans le même article, M. le Président, M. Le Hir mentionnait également, concernant, disons, l'ampleur des mandats confiés au Vérificateur général: «J'ai toujours favorisé et facilité la tenue d'une enquête sur les questions des contrats, d'abord par le Secrétariat général du gouvernement, dès le mois de juin 1995, et ensuite en septembre, en insistant de plus pour que l'enquête confiée au Vérificateur général soit la plus large possible, contre l'avis du secrétaire général et du cabinet du premier ministre qui eurent gain de cause en en limitant la portée.»

M. le Président, on est essentiellement face à une enquête administrative, et le premier responsable des études sur la souveraineté, le député d'Iberville, nous confirme qu'il y a eu des décisions prises au cabinet du premier ministre par le premier ministre, le secrétaire général, et que les ministres impliqués au Conseil du trésor ont été également partie prenante dans toutes les dérogations qu'on a vues au moment où on a parlé de ce problème de l'affaire Le Hir.

Le journaliste Gilbert Lavoie, du Soleil , mentionnait, et je cite: «Est-ce à dire que les politiciens ont été totalement absous dans ce dossier? Répondre oui à cette question, c'est accepter que les mêmes abus puissent être répétés à l'avenir. Le gouvernement a le devoir de mettre en place les mécanismes qui éviteront un tel gaspillage des fonds publics en période électorale ou référendaire. Or, pour le faire, il faut comprendre ce qui s'est passé. Comme un coroner, il faut identifier les causes de "l'accident" avant de faire des recommandations.»

Présentement, M. le Président, le premier ministre refuse qu'il y ait un débat, un forum ici, à l'Assemblée nationale, dans le cadre d'une commission parlementaire, qui puisse faire la part des responsabilités politiques. Le premier ministre et le président du Conseil du trésor se cachent derrière les enquêtes du Vérificateur général qui, lui, affirme qu'il n'a pas eu à tenir compte des vérifications des responsabilités politiques, de même que la Sûreté du Québec, qui n'a pas à faire enquête sur ce volet-là.

(17 h 50)

Donc, aujourd'hui, M. le Président, on est au même point: il n'y a absolument rien qui démontre quelles ont été les responsabilités politiques des personnes impliquées au cabinet du premier ministre et au Conseil du trésor.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de l'Acadie. Alors, M. le président du Conseil du trésor et député de Labelle.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, depuis le temps que j'entends le député de l'Acadie sur cette question, depuis un an, pratiquement, il répète toujours la même chose, et je dois dire, à ce stade, que la vérité a ses droits aussi. Il affirme n'importe quoi. Il ignore le fonctionnement du Conseil du trésor et, malgré ce qu'on lui dit, il répète toujours comme une ritournelle des accusations qui n'en sont pas.

M. le Président, le gouvernement a fait toute la transparence, a posé tous les gestes qu'il devait poser sur ce dossier. Il a d'abord confié une première vérification au Vérificateur général qui a fait un premier rapport et, lorsque nous avons eu d'autres éléments, nous avons élargi l'enquête du Vérificateur général et le Vérificateur général a fait rapport ultérieurement.

Je vous lis ce qu'il en est et ce qu'on doit savoir aussi sur cette question. À la page 26 de son deuxième rapport, donc après avoir fait ses deux vérifications, il dit ceci: Nous avons été en mesure de constater que le cabinet du premier ministre et celui du ministre délégué à la Restructuration ont été informés dès la fin de mai 1995 par le secrétaire général du Conseil exécutif du mauvais climat de travail qui régnait au Secrétariat à la restructuration.

Le secrétaire général du Conseil exécutif a indiqué au cabinet du premier ministre, au début de juin 1995, que des allégations de conflits d'intérêts concernant M. Pierre Campeau n'étaient pas fondées. Ces conclusions ont aussi été transmises au cabinet du ministre délégué à la Restructuration. Par contre – et ça, c'est important – les résultats de notre enquête indiquent que ni le cabinet du premier ministre, ni celui du ministre délégué à la Restructuration, ni aucun autre représentant politique n'a été informé de l'existence de conflits d'intérêts réels ou potentiels entre M. Claude Lafrance et certains fournisseurs. Remarquez bien que la dernière phrase que je viens de lire s'applique à M. Claude Lafrance et aux fournisseurs et non pas du tout à M. Pierre Campeau, qui avait fait l'objet d'allégations de conflit d'intérêts et où on a démontré qu'il n'y en avait pas, en ce qui concerne M. Campeau.

Et maintenant nous sommes devant la question qui concerne M. Claude Lafrance, et c'est là-dessus que le Procureur général enquête via les voies normales. Alors, c'est là où nous en sommes, et nous attendons les résultats. M. le Président, le gouvernement a posé tous les gestes en toute transparence sur ces questions. Il faut quand même qu'un jour le député de l'Acadie l'admette. Il a tenté de toutes sortes de façons de, je dirais, salir des gens, mais il n'a pas réussi puis il ne peut pas réussir. Et le Vérificateur, là-dessus, je pense, a eu un témoignage très clair après l'enquête qu'il avait portée sur cette question.

Je comprends que le député de l'Acadie essaie d'avoir une cause, mais il n'y en a pas. Il n'y en a pas là-dedans. Il s'essaie. Mais je voudrais le renvoyer à d'autres dossiers auxquels il devrait s'intéresser beaucoup, par exemple celui de la Société immobilière du Québec, où il y a des choses là-dessus. Il y a des choses là-dessus.

Les conclusions d'un rapport de vérification là-dessus indiquent qu'il y a absence d'analyse économique, qu'il y a absence d'analyse des alternatives à des renouvellements de baux, qu'il y a des baux accordés au moment où l'évolution du marché, le taux de vacance, l'amorce des compressions budgétaires militaient contre l'approche retenue par la SIQ: des locations ont été faites à très long terme – exemple, 30 ans – évaluées comme étant contraires aux intérêts de la SIQ; absence de clause permettant à la SIQ de rétrocéder des espaces devenus excédentaires; transactions se soldant par une dépense additionnelle pour le gouvernement et la SIQ, alors que la SIQ avait fait état de gains à titre d'économies de rétrocession et de crédits de loyers; location simultanée d'espaces à deux endroits pour loger le même service; prolongation de cinq ans d'un bail alors qu'il restait encore 12 ans à courir avant son échéance, et ce, à l'encontre des intérêts de la SIQ, en échange d'avantages pour le locateur.

Quand ces transactions-là ont-elles était faites? Durant le temps de l'administration libérale, M. le Président. C'est ça. Là il y a des choses. Alors, on essaie de mousser des questions et puis de dire qu'il y a eu des implications politiques là-dedans. Non, le gouvernement a joué son rôle, et, en ce qui concerne le Conseil du trésor, le Conseil du trésor joue son rôle et, lorsqu'il y a des dossiers sur lesquels il y a des choses à corriger, il pose les gestes qu'il doit poser pour les corriger. C'est ce que nous avons fait dans le dossier.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le président du Conseil du trésor. M. le député de l'Acadie, en réplique. Deux minutes.


M. Yvan Bordeleau (réplique)

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, effectivement, si le Vérificateur général ne mentionne rien du côté des responsabilités politiques, c'est, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, parce qu'il considère que c'était une enquête administrative et non pas une enquête politique qu'il faisait. C'est lui qui l'a dit. Donc, on ne peut pas prétendre que ça exonère toute responsabilité au niveau politique.

Je voudrais rappeler ici, M. le Président, l'attitude et les paroles du premier ministre qui s'est toujours valorisé en parlant de transparence et d'équité, et il le faisait d'une façon particulièrement éloquente quand il était au gouvernement fédéral, membre du gouvernement conservateur, quand il disait: «La question de l'adjudication des contrats gouvernementaux demeure la plus potentiellement dangereuse et, en tout cas, celle qui alimente le plus l'idée négative que beaucoup de gens se font de l'activité politique. C'est là que doit porter une partie importante de nos efforts en vue de garantir l'intégrité et la transparence de l'appareil décisionnel de l'État.» Nous lui demandons de mettre en place une façon, des moyens qui vont nous permettre de clarifier s'il y a des responsabilités politiques, et le premier ministre, malgré ses beaux discours, n'ajoute pas le geste à sa parole et refuse systématiquement qu'on regarde où sont les responsabilités politiques, alors que le Vérificateur général a dit que ce n'était pas de ses affaires de s'occuper de ça, que la Sûreté du Québec, par la voix du ministre de la Sécurité publique, nous disait il y a une dizaine de jours: Ce n'est pas le travail de la police de faire des enquêtes sur les responsabilités politiques. C'est le débat qui se passe à l'Assemblée nationale éventuellement. C'est le ministre de la Sécurité publique qui nous dit ça.

Alors, on demande qu'il y ait un forum ici, à l'Assemblée nationale, pour clarifier cette question-là. Le gouvernement se cache actuellement d'une façon honteuse derrière le Vérificateur général et derrière la Sûreté du Québec qui, elle, n'avait pas mandat de toucher aux responsabilités politiques. La population, M. le Président, a le droit de savoir pourquoi 6 000 000 $ des fonds publics ont été dépensés dans un gâchis politique incroyable tout simplement dédié à la cause référendaire.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de l'Acadie. Cela met fin maintenant à notre débat de fin de séance. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mercredi 13 novembre, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, les travaux sont maintenant ajournés au mercredi 13 novembre, à 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 58)