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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 25 mai 2000 - Vol. 36 N° 112

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés.

Nous allons nous recueillir un moment.

Bien, veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Nous abordons immédiatement les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre de la Solidarité sociale.


Entente de financement des centres communautaires de loisir

M. Boisclair: M. le Président, je voudrais déposer une entente signée avec les centres communautaires qui confirme que, hier, lors de sa question, le député de Kamouraska-Témiscouata, encore une fois mal informé, a induit la Chambre en erreur. Je dépose...

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président, en indiquant au leader adjoint du gouvernement qu'il doit sans doute connaître un petit peu le règlement, qu'il y a des façons, lorsqu'on a des compléments de réponse à apporter, d'aviser la présidence et d'aviser l'Assemblée nationale. Maintenant, quant au dépôt du document, il y a consentement.

Le Président: Alors, il y a consentement.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions, ni de pétitions, ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.


Questions et réponses orales

Je nous amène immédiatement à la période de questions et de réponses orales et je cède la parole pour une première question principale au chef de l'opposition officielle.


Services offerts aux enfants autistes, dysphasiques ou en difficulté d'apprentissage


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, il y aura aujourd'hui une manifestation à l'Assemblée nationale de parents dont les enfants souffrent de troubles d'apprentissage, soit des enfants autistes ou des enfants dysphasiques. C'est une question qui a déjà été soulevée ici, à l'Assemblée nationale, à quelques reprises. Et, hier, d'ailleurs, une mère de famille écrivait une lettre ouverte au premier ministre à ce sujet-là. Elle disait, et je cite: «Chaque jour qui passe creuse l'écart dans le développement intellectuel de Vincent – elle parlait de son enfant, bien sûr – chaque jour la bulle se referme davantage sur lui. Le temps presse, nous n'avons que quelques années pour tenter de lui permettre de vivre une vie normale.»

M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre, puisqu'il s'agit d'un sujet extrêmement important, et je veux le sensibiliser au fait qu'il est possible de venir en aide à ces enfants-là, que l'intervention précoce, c'est un élément essentiel dans le bien-être de ces personnes-là, qu'à défaut d'intervenir et d'y mettre les ressources nécessaires on risque d'hypothéquer la vie de ces personnes-là et que les familles qui ont malheureusement une situation comme celle-là vivent une situation extrêmement difficile.

Alors, j'aimerais demander au premier ministre, ce matin, de quelle façon il a l'intention de répondre à ces parents-là qui seront à l'Assemblée nationale aujourd'hui.

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Si effectivement les parents sont là, il me fait plaisir de pouvoir les saluer. J'ai déjà pris l'engagement ici, M. le Président, d'investir des sommes importantes pour réduire les listes d'attente et surtout pour aider les enfants souffrant autant d'autisme que d'autres types de problèmes au plan physique ou au plan de la déficience.

Ce que je peux dire très fermement, ce matin, M. le Président, c'est que nous avons investi 14 millions de dollars dans le budget 2000-2001 pour la déficience physique et 16 millions pour la déficience intellectuelle, incluant les problèmes d'autisme, et que, de ce 16 millions, 8 millions seront spécifiquement consacrés à la réduction des listes d'attente. J'ai formellement autorisé le déblocage des budgets cette semaine, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Dans le cas des enfants autistes, M. le Président, le ministère de la Santé et des Services sociaux avait publié un document en 1996 qui disait d'emblée que les ressources n'étaient pas suffisantes, qu'il fallait faire une intervention immédiate. Sauf que, depuis ce temps-là, très peu de choses se sont faites. Et les parents qui seront présents ici, à l'Assemblée nationale, ce matin, vont justement relater ces faits-là très directement aux parents.

Par exemple, l'investissement des gouvernements dans l'autisme, en services et recherche, dans la région de Québec, il y a eu 900 000 $ non récurrents sur deux ans pour la Régie et 200 000 $ seulement pour celle de Montréal, alors qu'ailleurs, en Ontario, c'est 11 millions de dollars pour cette année, 5 millions pour l'an passé, 19 millions pour l'an prochain; en Colombie-Britannique, c'est 9 millions de dollars, M. le Président.

Alors, dans le cas spécifique des enfants autistes, est-ce que la ministre est capable de nous dire quels montants seront débloqués pour ces enfants-là cette année?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, effectivement, M. le Président, nous avons adopté un certain nombre de politiques au ministère, et, dans les sommes qui ont été consacrées cette année et qui le seront dans les mois qui viennent, autant à la réadaptation physique qu'aux problèmes de déficience intellectuelle ou qu'au problème d'autisme, je le répète, c'est une somme de 8 millions de dollars qui sera une somme récurrente, M. le Président. Elle sera donc intégrée dans les budgets et on pourra ainsi compter sur une telle somme année après année. Et, si je devais être capable d'obtenir d'autres budgets pour l'année 2001-2002, il est bien évident que cela fera partie de mes priorités, M. le Président, et que nous continuerons à réinvestir dans l'ensemble de ces dossiers, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: J'aimerais, M. le Président, que la ministre puisse nous revenir avec un complément de réponse éventuellement pour nous donner les sommes précises, parce que c'est important que nous puissions savoir précisément les fonds qui seront destinés aux enfants autistes et aux enfants dysphasiques. Je rappelle à la ministre que, le 10 juin dernier, elle disait, et je cite: «Je sais que, si nous n'intervenons pas suffisamment tôt dans la vie de l'enfant, les retards risquent d'être très grands et difficiles à rattraper.» Elle reconnaît donc l'importance d'intervenir, M. le Président, le plus rapidement possible.

(10 h 10)

Et, en complément, M. le Président, le ministre de l'Éducation s'était fait dire, et le premier ministre, par la CEQ qu'il y avait environ 30 000 enfants en difficulté d'apprentissage dans notre système scolaire et il a à ce moment-là réagi à ces propos-là. Mais j'aimerais savoir ce que son ministère a fait depuis ce temps-là justement pour venir en aide aux enfants qui sont en difficulté d'apprentissage.

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, je l'ai dit à plusieurs reprises depuis que je suis ministre de l'Éducation, ma première priorité, c'est de s'occuper des enfants qui ont des difficultés d'apprentissage. On a annoncé un programme majeur au mois de janvier dernier qui va, à terme, ajouter 150 millions de dollars par année. On investit déjà, au Québec, plus de 1 milliard de dollars par année pour aider les enfants qui ont des troubles d'apprentissage ou de comportement. Dans les prochaines années, M. le Président, on a pris l'approche effectivement de faire de la prévention, d'agir très tôt. C'est pour ça qu'on va réduire de façon drastique le nombre d'enfants par classe dans nos maternelles, en primaire I, en primaire II. Il va y avoir plus de 2 000 nouveaux enseignants qui vont être embauchés pour répondre à ces besoins. On va aussi embaucher plus de 1 000 nouveaux psychologues, orthopédagogues, orthophonistes, des spécialistes, des professionnels pour s'assurer qu'on donne à ces enfants qui ont des problèmes d'autisme ou des problèmes de dysphasie tous les moyens pour être capables de prendre leur place dans la société, comme ils y ont droit, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, en complémentaire, à la ministre de la Santé: Est-ce que la ministre de la Santé et des Services sociaux peut nous donner une limite de délai d'attente acceptable? On sait que les délais d'attente vont jusqu'à 30 mois à l'heure actuelle. Donc, un enfant qui s'inscrit à l'âge de trois ans, qui est diagnostiqué à l'âge de trois ans, il a commencé l'école au moment où on a des traitements. Est-ce qu'elle peut nous dire, dans son plan, quelle est la limite maximale acceptable de délai d'attente pour les enfants autistes?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je n'ai pas par-devers moi la donnée scientifique concernant cette problématique particulière. Ce que je peux vous dire et ce que je sais, par ailleurs, c'est qu'il est préférable de pouvoir intervenir le plus tôt possible auprès de ces enfants parce que plus on intervient tôt dans leur vie, plus les chances de réadaptation sont grandes. Et c'est pour cette raison que j'ai spécifiquement demandé aux institutions de consacrer les sommes qui vont leur être affectées, et je pourrai d'ailleurs en ce sens déposer la ventilation exacte où sont allées les sommes, dans quelles régions, dans quelles institutions, donc j'ai spécifiquement demandé aux régies régionales et aux institutions concernées que l'on puisse prioritairement orienter ces sommes vers les jeunes qui ont de tels besoins, M. le Président.

Le Président: M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Est-ce que la ministre pourrait quand même s'engager à un délai maximal? Il me semble qu'en ces matières-là de dire qu'il y a un nombre de mois au-dessus duquel au Québec les enfants peuvent s'attendre à des soins, ça ne serait pas déraisonnable. Et qu'est-ce qu'elle répond aux parents qui, eux, pour éviter des délais aussi déraisonnables à leurs enfants, paient de leur poche des services? Puis qu'est-ce qu'elle répond à leur voisin qui n'a pas les moyens de payer des services privés et qui, lui, doit voir ses enfants privés parce qu'il n'a pas les moyens financiers de faire traiter ses enfants autistes?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: M. le Président, je n'ai pas dit que je n'étais pas d'accord avec le fait qu'on établisse un délai raisonnable. Ce que j'ai dit, c'est qu'au plan scientifique je n'ai pas entre les mains l'information à cet effet et que ce que je souhaiterais comme ministre, c'est évidemment que l'on puisse respecter ce délai.

Ce que je dis aux parents qui vivent avec des situations semblables concernant leurs enfants, c'est que nous avons fait plus que diligence, nous avons dégagé des sommes importantes. C'est considérable, quand on regarde l'ensemble du développement, les sommes qui auront été consacrées à cette problématique compte tenu d'un nombre quand même assez restreint, et heureusement, de cas concernés. Mais, cela étant, j'espère qu'avec les sommes que nous investissons cette année, que nous réinvestirons dans les années futures, nous pourrons répondre à l'ensemble des besoins dans des délais acceptables et que les personnes ainsi concernées avec leurs enfants n'aient pas à utiliser un service en parallèle.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: J'aurais une question complémentaire, M. le Président, là-dessus. Est-ce que la ministre peut confirmer qu'à son ministère il y a un seul fonctionnaire qui s'occupe du dossier de l'autisme et que cela représente seulement 10 % de l'emploi de son temps?

Des voix: Oh!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Non. M. le Président, de façon générale, au ministère de la Santé et des Services sociaux, on travaille en équipe et, dans chaque équipe, il y a des professionnels qui sont préoccupés par différentes problématiques. Un professionnel peut être affecté spécifiquement à une situation ou à une autre, mais il participe à une équipe, il est intégré dans une équipe, et, souvent, c'est justement la présence de professionnels venant de différentes disciplines qui assure la qualité de l'intervention et la qualité des programmes que nous préparons pour pouvoir soutenir et aider autant les enfants que les parents concernés.

Le Président: En question principale, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


Implantation de maternelles pour les enfants de quatre ans dans les milieux défavorisés


M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, M. le Président. On sait qu'au Québec il y a environ 40 % des jeunes qui ne terminent pas leurs études secondaires dans les temps prescrits et, selon plusieurs spécialistes, la clé pour réussir est d'agir très tôt. Une des façons d'agir très tôt, c'est le développement des maternelles quatre ans, entre autres dans les milieux défavorisés identifiés par la nouvelle carte de pauvreté du ministère de l'Éducation 1999. Le problème, c'est que le ministre de l'Éducation refuse de répondre à ces nouveaux besoins identifiés par son propre ministère, c'est-à-dire environ 311 classes pour 5 000 enfants défavorisés. Et son porte-parole disait même dernièrement que ce problème-là était un faux problème.

M. le Président, est-ce que le ministre de l'Éducation peut nous dire pourquoi il refuse de répondre à ces nouveaux besoins pour les démunis, qui sont identifiés par son propre ministère et qui pourraient aider les jeunes à réussir?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, ma prédécesseure avait mis en place effectivement, dans certains milieux défavorisés, des maternelles pour les enfants de quatre ans. Cependant, elle avait déjà annoncé à ce moment-là qu'elle mettait un moratoire sur ces nouvelles maternelles quatre ans, puisqu'on avait l'arrivée des nouveaux centres de la petite enfance qui donnent d'excellents services aussi aux enfants, incluant les enfants des milieux défavorisés.

Donc, M. le Président, le député de Kamouraska-Témiscouata confond l'utilisation qu'on veut faire de la carte de la population scolaire pour distribuer les ressources, dont je parlais tantôt, c'est-à-dire s'assurer, surtout dans les milieux défavorisés, qu'on réduise davantage la taille des classes pour les premières années et qu'on ajoute aussi plus de professionnels dans les milieux défavorisés. Parce qu'effectivement, M. le Président, on sait qu'en pourcentage, dans les milieux défavorisés, il y a plus d'enfants qui ont des difficultés que dans les milieux favorisés. Donc, oui, on investit, M. le Président, mais il ne faut pas tout confondre et surtout ne pas faire comme le député de Kamouraska-Témiscouata en prend l'habitude, par exemple hier, induire la Chambre en erreur.

Le Président: M. le député.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, M. le Président, on est plusieurs à être confondus. Pourquoi le ministre de l'Éducation refuse de se rendre aux avis des spécialistes, des enseignants et même de la Fédération des commissions scolaires, qui, en plus de l'inviter à la cohérence face aux besoins identifiés par son propre ministère, s'entendent pour dire que, si on veut aider les jeunes défavorisés à réussir, il vaut mieux offrir des maternelles quatre ans plutôt que d'expédier ces jeunes dans des garderies subventionnées qui ne couvrent pas les besoins spécifiques dont ont besoin ces jeunes-là défavorisés, qui viennent de milieux défavorisés?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: Oui, M. le Président. Il est absolument important de mentionner toute l'implication du gouvernement du Québec dans l'implantation d'un réseau des centres à la petite enfance, un réseau des centres à la petite enfance qui touche particulièrement les enfants de cinq ans et moins, toute la mission sociale qu'on se donne dans les centres à la petite enfance et toute la mission éducative qui se donne dans les centres à la petite enfance et pour aider particulièrement aussi, pour qu'il y ait une meilleure réussite scolaire, d'une part.

Je tiens à dire que, cette année, particulièrement dans le développement des centres à la petite enfance, lorsqu'on remet le nombre de places dans tous les CRD du Québec, il y a un critère national que nous avons soumis cette année qui vient juste d'être mis en place, celui davantage d'aider les milieux plus défavorisés pour davantage aider les familles des milieux défavorisés, donc les enfants qui seront intégrés plus rapidement dans nos centres à la petite enfance. Alors, il y a des mesures très concrètes qui se font au gouvernement du Québec présentement. Et l'intégration entre le développement qui se fait entre les centres à la petite enfance et l'intégration qui se fait en milieu scolaire, c'est un arrimage que nous sommes en train de faire, M. le Président.

Le Président: En question complémentaire. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


M. Russell Copeman

M. Copeman: M. le Président, est-ce que la ministre déléguée peut confirmer deux choses, de un, qu'elle ne réussit à fournir que 50 % des besoins pour les centres de la petite enfance? On pourrait les appeler les centres de petite absence plus qu'autre chose, dans 50 % des cas. Et, de deux, est-ce qu'elle peut confirmer s'il existe un programme spécifique dans les centres de la petite enfance pour aider les milieux défavorisés? Parce que, à ma connaissance, il n'y en a pas un. C'est le même programme dans tous les CPE, et ça n'aide pas, aucunement, les familles dans les milieux défavorisés, M. le Président.

(10 h 20)

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: M. le Président, le député de Notre-Dame-de-Grâce sait très bien comment se fait actuellement tout le développement des centres de la petite enfance et le développement des places à travers le Québec. Nous avons une mission de développer près de 200 000 places en 2005-2006. Auparavant, nous en ouvrions 2 500 par année. Voilà deux ans, on a ouvert 15 000 places par année à travers le Québec, 18 000 places l'année passée. Nous avons un objectif de 16 000 places cette année. Ça, c'est majeur dans l'implantation de tous les centres de la petite enfance du Québec. D'autre part, nous avons aussi des centres de la petite enfance de qualité: d'abord par la formation de notre personnel, qui est formé; deuxièmement, par un programme éducatif, et ce programme éducatif là doit être appliqué. Dans un programme éducatif... c'est vague le programme éducatif, mais, en même temps, c'est très précis dans la mission qu'ils ont à accomplir.

Alors, M. le Président, le critère que nous avons mis cette année, particulièrement pour le milieu défavorisé, c'est un critère national que chaque région du Québec devra davantage accentuer pour aider les familles défavorisées et les enfants défavorisés à s'intégrer dans les centres de la petite enfance et donner des ressources supplémentaires.

Le Président: En question principale, M. le député de Vaudreuil.


Maintien de l'équilibre budgétaire des établissements du réseau de la santé


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Alors, M. le Président, le 11 mai dernier, le premier ministre et la ministre de la Santé ont rencontré des dirigeants d'hôpitaux pour leur dire de se taire et de ne plus parler de déficit budgétaire. Au lieu d'inviter ces dirigeants à dire la vérité, on leur demande maintenant de camoufler la réalité. Les conseils d'administration doivent donc utiliser des astuces comptables pour annoncer publiquement des budgets équilibrés qui cachent des déficits. Ainsi, on parle de zones de fragilité, de zones d'instabilité, de zones de turbulence.

Par exemple, le centre hospitalier régional de Trois-Rivières a adopté un budget équilibré de 117 millions, mais il manque 6,5 millions pour équilibrer les deux colonnes comptables: on a mis des comptes à recevoir. Le Centre hospitalier de l'Université de Montréal, qui a adopté un budget de 462 millions, comporte toutefois des zones d'instabilité et de turbulence de 24 millions, et le directeur général dit: Je suis conscient que ce n'est pas suffisant. Donc, M. le Président, dans le langage courant, on appelle ça du trafic de chiffres.

Comment la ministre peut...

Des voix: ...

Le Président: Je comprends que vous n'avez pas imputé ces propos au gouvernement, donc vous êtes libre et vous êtes responsable de vos propos. Mais néanmoins je pense qu'il faut aussi vous appeler à une certaine modération par rapport au comportement des gens qui sont dans l'appareil gouvernemental.

Des voix: ...

M. Marcoux: M. le Président, comment la ministre peut-elle mettre en place un mécanisme budgétaire qui ne fait que fausser la réalité de la situation financière des établissements? Que l'on remplace le mot «déficit» par les mots «zone d'instabilité», «zone de turbulence», «zone de fragilité», la réalité est la même: il manque des ressources aux établissements pour fournir des services adéquats à la population et aux patients.

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je veux rassurer le député de Vaudreuil. Qu'il ne s'inquiète pas, nous ne bâillonnons jamais personne, et ce n'est absolument pas l'attitude que ni le premier ministre ni moi-même n'avons eue avec les présidents et directeurs d'établissement que nous avons rencontrés il y a quelques semaines. D'ailleurs, je rappellerai aux membres de cette Assemblée que je suis toujours étonnée quand on peut imaginer que, nous, on puisse demander ça et obtenir un résultat à cet égard, même si on le demandait. Voyons donc, M. le Président! Ce sont des gens responsables, ce sont des gens capables de défendre leur point de vue; et généralement ils ne nous demandent pas la permission pour le faire, ils le font.

Mais, cependant, M. le Président, je veux être très claire, comme je l'ai été, comme nous l'avons été avec les représentants des hôpitaux, particulièrement les hôpitaux universitaires, de même que les instituts universitaires, que nous avons rencontrés il y a quelques semaines, de même qu'à l'endroit de tous les établissements du réseau de la santé et des services sociaux: il n'y aura pas de déficit et nous n'accepterons pas de déficit, M. le Président, ni quelque astuce que ce soit pour avoir l'air de ne pas avoir de déficit. Nous avons cependant demandé aux établissements, oui, de nous indiquer des zones, que nous avons identifiées comme pouvant être des zones de fragilité dans le sens où il y avait un risque de dépassement.

Cependant, je veux dire aux membres de cette Assemblée et à l'ensemble de ceux et celles qui nous écoutent et qui sont responsables à l'intérieur des établissements: nous croyons qu'avec les sommes réinvesties depuis trois ans les établissements sont capables d'assumer leurs responsabilités en respectant les enveloppes qui leur ont été consacrées. Nous n'accepterons pas de budget ou de projet de budget qui soit déficitaire, nous les retournerons aux établissements, de telle sorte qu'ils puissent nous faire des contre-propositions. Nous avons admis cependant, M. le Président, que, dans certains cas où il y aurait des situations exceptionnelles et particulières, une équipe consacrée à cette fin au ministère irait analyser, avec les établissements, les budgets. Et, si en bout de piste il y avait déficit, les gens connaissent la conséquence et la signification d'une tel geste.

Le Président: M. le député de Vaudreuil.


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, qu'est-ce que la ministre répond au directeur général du CHUM qui dit: «Je suis conscient que, même avec ce montant additionnel, ce n'est pas suffisant. Ça nous permet d'ailleurs seulement de faire face à la situation avec ce montant additionnel», dit Jacques Girard, membre du conseil? Est-ce que, dans des cas comme celui-là, la ministre va dire: Écoutez, coupez les services à la population? Et est-ce que la ministre pourrait me confirmer s'il est exact que, lors de la réunion qu'elle a eue avec le premier ministre et les dirigeants d'hôpitaux, le 11 mai dernier, ces derniers auraient indiqué que, pour fournir des services adéquats à la population au cours de l'année qui vient, on estimait un déficit appréhendé non plus de 150 millions, mais de l'ordre de 200 millions?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Effectivement, un des représentants d'un établissement avait mentionné une telle somme, mais très rapidement tous ses collègues autour, le premier ministre et moi-même y compris, ont rappelé à ce représentant que c'était complètement exagéré et que ça ne correspondait absolument pas à la réalité. Alors, voilà. Il a lui-même admis d'ailleurs, à la fin de nos débats...

Le Président: M. le député de Saint-Laurent, je comprends que vous appréciez les yeux du premier ministre, mais il y a des limites. Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Non, cela s'est clarifié très rapidement et sans problème, à ce que je me souvienne. D'ailleurs, c'est très clair dans mon esprit, je revois très bien la situation.

Par ailleurs, rappelons-nous, M. le Président, que nous avons, l'an dernier, couvert les déficits accumulés, que sur la base du budget sur deux périodes budgétaires, 1998-1999 et 1999-2000, nous avons couvert entièrement les déficits des établissements, puisque dans les faits nous avons non seulement supporté les déficits, mais supporté les crédits non provisionnés, c'est-à-dire des dépenses faites soit par les régies ou des établissements, mais pour lesquelles il n'y avait pas de crédits d'alloués; nous les avons supportés.

(10 h 30)

Nous avons supporté les coûts de la sécurité et de la stabilité d'emploi, ce qui nous ramène à une somme pas mal plus importante que le déficit accumulé de l'an dernier, M. le Président. Avec donc les sommes que nous...

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne, en question principale.


Accessibilité des médicaments et des thérapies de pointe


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: S'il vous plaît, M. le Président, merci. Vous vous souvenez sûrement des confidences de la ministre de la Santé: En santé, ça va changer. J'invite le premier ministre du Québec et toute la population du Québec à lire ce matin l'article de Mme Lysiane Gagnon – c'est ça, c'est ça, M. le premier ministre – Champ de bataille . M. le premier ministre, je vous invite à le lire du début à la fin.

Et j'ai en main, M. le Président, une lettre troublante adressée il y a quelques jours...

Des voix: Ah!

Mme Loiselle: Attendez, attendez!

Le Président: Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, j'ai en main une lettre troublante adressée il y a quelques jours à la présidente du conseil d'administration de la Régie régionale de Montréal-Centre et signée par des comités de patients de six centres hospitaliers de la région de Montréal. Lettre troublante, car on apprend qu'une nouvelle pratique alarmante s'installe au Québec et qui est une des conséquences des compressions budgétaires imposées par le gouvernement péquiste dans notre réseau de la santé.

Ces six comités de patients dénoncent que, suite aux compressions budgétaires dans les hôpitaux, les médecins n'ont plus le choix et sont obligés de prescrire de vieilles thérapies, des thérapies moins coûteuses mais, malheureusement pour le malade, moins efficaces, particulièrement pour le traitement du cancer du sein et du cancer des ovaires.

Imaginez, M. le Président, les choix déchirants que doivent faire les médecins, sachant que de nouveaux médicaments reconnus scientifiquement pour leur efficacité existent et que ces médecins sont contraints à les prescrire seulement – seulement – au stade avancé de la maladie.

Le Président: Votre question, Mme la députée, maintenant, là

Mme Loiselle: Est-ce que la ministre de la Santé est au courant que des patients bien nantis ou qui ont une assurance personnelle se procurent eux-mêmes les nouveaux médicaments reconnus scientifiquement pour leur efficacité dans le traitement de première ligne et les apportent à l'hôpital pour obtenir leur traitement, et que malheureusement, M. le Président, les moins bien nantis, les moins fortunés, eux, doivent se contenter de vieilles thérapies?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Essentiellement, d'abord pour rappeler ce qui s'est passé depuis quelques années dans le réseau de la santé et des services sociaux. Après une période très difficile, très difficile parce que nous ramassions leurs dégâts, M. le Président, hein, nous gérions les troubles qu'ils nous avaient laissés, en plus du fédéral qui nous avait littéralement spolié de sommes considérables...

Des voix: ...

Mme Marois: ...le ministre de la Santé et des Services sociaux a, avec courage, procédé à une réforme que les gens d'en face n'avaient pas eu le courage, eux, d'implanter, M. le Président. Cela a été difficile, et c'est vrai que les crédits affectés à l'ensemble du réseau de la santé et des services sociaux ont été réduits de façon importante.

C'est vrai que cela a changé à cet égard, puisque nous avons recommencé à investir dans le réseau de la santé et des services sociaux. Je rappelle que, sur trois ans, c'est 4,4 milliards, si on excepte l'éducation, toute la marge de manoeuvre du gouvernement du Québec, M. le Président, et que, ce faisant, nous avons travaillé avec les médecins concernés par de telles problématiques, qu'il s'agisse de la question du cancer, en oncologie, qu'il s'agisse de la question de la cardiologie, qu'il s'agisse d'autres problématiques liées à l'orthopédie, liées aux problèmes de changements de prothèses de hanches, de genoux, à l'ophtalmologie.

Dans tous les cas, M. le Président, nous avons établi ou sommes à établir des plans de travail très concrets pour nous permettre de contrôler nos listes d'attente, de les inscrire dans un temps acceptable au plan clinique. Nous avons de plus fourni à nos établissements des sommes considérables, et nous continuerons de le faire, pour améliorer toutes les technologies utilisées et tous les médicaments qui doivent être disponibles pour répondre aux besoins des patients et des malades du Québec, M. le Président.

Cependant, je n'ai pas l'intention de me transformer ni en médecin ni en spécialiste ici, ce matin. Je prendrai connaissance des informations auxquelles fait référence notre collègue, M. le Président, mais je peux dire que nous avons largement progressé sur l'ensemble du territoire québécois pour améliorer les soins aux malades et aux patients du Québec.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: M. le Président, il aurait été agréable ce matin que la ministre mette de côté...

Le Président: En complémentaire, s'il vous plaît.

Mme Loiselle: Est-ce que la ministre ce matin peut mettre de côté la cassette de son prédécesseur et mettre de côté sa spécialité, M. le Président, de banaliser la souffrance des gens, souffrance que votre gouvernement a lui-même créée?

Je demande le consentement pour déposer la lettre des six comités de patients, M. le Président, qui dénoncent exactement ce fait-là, que, suite aux compressions budgétaires, il y a des gens actuellement qui ne reçoivent pas les traitements appropriés, quand les médicaments existent, parce que les hôpitaux ne sont pas capables de les fournir et que les personnes bien nanties qui ont de l'argent vont se procurer leurs médicaments pendant que les pauvres doivent attendre au stade avancé de leur maladie avant que l'hôpital leur donne le fameux médicament.

Des voix: Bravo!


Document déposé

Le Président: D'abord, est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt du document? Il y a consentement, Mme la députée. Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je pense que je n'ai pas de leçons et nous n'avons pas de leçons à recevoir en termes de compassion et de sensibilité à l'égard des problèmes que vivent nos concitoyens et nos concitoyennes lorsque ceux-ci sont malades, lorsque ceux-ci sont anxieux et lorsque ceux-ci sont inquiets. Au contraire, je pense que l'opposition fait largement de la démagogie sur le dos des malades en leur faisant peur, en dévalorisant par la même occasion le travail de nos professionnels, qui, inlassablement, partout, sur tout le territoire québécois, font un travail remarquable, M. le Président. Et, à cet égard, nous allons continuer.

Le Président: En question principale, M. le député de Westmount–Saint-Louis.


Tenue de référendums dans les municipalités de la couronne nord sur le projet de communauté métropolitaine de Montréal


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, les 27 municipalités de la couronne nord de Montréal tiendront des référendums entre le 7 et le 12 juin sur leur participation ou non au projet de communauté métropolitaine de Montréal déposé par la ministre des Affaires municipales. Cette dernière a été invitée par les maires de la couronne nord à participer à leur référendum, puisqu'elle a d'elle-même suggéré que, dans tout référendum, ça prenait un comité du Oui puis un comité du Non. Ils l'invitent donc à participer à titre, probablement, de présidente du comité du Oui et à faire en sorte de défendre sa position devant la population des 27 municipalités, encore une fois, de la couronne nord de Montréal.

M. le Président, est-ce que la ministre des Affaires municipales entend profiter de l'invitation des maires de la couronne nord?

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, les maires de la couronne nord ont été invités il y a bientôt trois mois à participer au sein du comité des élus de la région métropolitaine de Montréal, et je vous rappelle qu'ils ont décliné cette invitation, comme je décline également leur invitation de participer à ce qui me semble être une consultation qui est inutile.

Pourquoi l'est-elle, M. le Président? Parce qu'à l'évidence – n'est-ce pas, nous aurons d'ailleurs l'occasion en commission parlementaire, dès ce matin, d'en discuter avec M. Claude Pichette, qui avait remis au gouvernement précédent un rapport sur cette question il y a sept ans – la région métropolitaine de Montréal a débordé des deux côtés des rives depuis plus de 30 ans maintenant et qu'il faut, à l'évidence, prendre acte de cette nouvelle réalité.

(10 h 40)

Le Président: En question principale, M. le député de Jacques-Cartier.


Renouvellement de l'entente avec la communauté Uashat-Maliotenam sur la pêche au saumon dans la rivière Moisie


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: M. le Président, aujourd'hui la saison de la pêche au saumon débute sur la rivière Moisie. Cependant, l'ouverture de la saison risque d'être compromise, faute du renouvellement de l'entente entre les Innus de la communauté Uashat-Maliotenam et le gouvernement du Québec sur la gestion de la pêche sur cette rivière. Le ministre délégué aux Affaires autochtones a négligé ce dossier jusqu'à la veille de l'ouverture de la saison. Il faut rappeler que le ministre savait depuis mai 1999 qu'il fallait réviser l'ancienne entente.

Devant cette situation de conflit potentiel sur la rivière Moisie, qu'est-ce que le ministre entend faire dans les plus brefs délais afin d'en arriver à une nouvelle entente?

Le Président: M. le ministre responsable de la Faune.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, non seulement il n'y a pas eu négligence, mais il y a eu tentatives répétées, multiples de faire en sorte qu'on puisse s'asseoir pour négocier. Mais on ne peut pas négocier quand on n'a pas de vis-à-vis. On ne peut pas jaser avec une chaise vide, M. le Président. Ce qui est arrivé concrètement, c'est que le nouveau conseil d'administration, ou le conseil d'administration, ou le chef et son Conseil de bande de Sept-Îles–Maliotenam ne veulent pas négocier.

Ils veulent tout simplement appliquer leur code coutumier, et ce code coutumier, je me suis déplacé personnellement à Sept-Îles, après avoir demandé à plusieurs reprises des rencontres, pour essayer d'entendre ce qu'il comportait ou qu'il comprenait. Je ne suis pas plus avancé. J'ai assisté pendant trois heures, effectivement, à me faire dire que la rivière leur appartenait et qu'ils devaient pêcher selon leurs coutumes. Et j'ai répondu, en sortant, que, tant et aussi longtemps qu'il n'y aurait pas d'entente, ce sont les règles du jeu normales qui s'appliqueront.

Le Président: M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Est-ce que le ministre est conscient que, pendant sa visite, lundi passé, à Sept-Îles, la communauté s'attendait à une proposition du gouvernement? Et, au lieu de ça, le ministre est allé livrer des déclarations que le chef Rosaire Pinette a qualifiées de déclarations incendiaires qui risquent de provoquer des confrontations. Où est le grand conciliateur dans ce dossier, M. le Président?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, je m'aperçois que la seule source du député, c'est le chef Rosario Pinette. Mais je dois vous dire que j'ai assisté à cette rencontre et j'ai tendu la main à deux reprises sur deux formules différentes. Il devrait être au courant s'il a parlé au chef. Je suppose que le chef lui donne l'heure juste. J'ai proposé que, tant et aussi longtemps...

Une voix: ...

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, je considère que le député de Jacques-Cartier est un des seuls, qui suivent les directives de leur chef, qui veulent être constructifs. Donc, M. le Président, je dirai que j'ai tendu la main. J'ai tendu la main effectivement au chef Pinette et au conseil de bande ainsi qu'aux aînés en disant que, tant et aussi longtemps qu'il n'y aurait pas renouvellement d'une entente, c'était celle qui prévalait antérieurement qui devait s'appliquer. Ça, c'est un scénario.

Le deuxième scénario, c'est qu'on a proposé de créer une société de gestion sur la rivière où les autochtones seraient... comme on fait sur la Grande-Cascapédia, en Gaspésie, puis ça a porté ses fruits, les autochtones participent à la gestion. On parle beaucoup de pérennité, on parle de qualité environnementale, de qualité de prélèvement de la ressource, mais on veut faire à sa tête. Ça ne marche pas de même. L'esprit de la politique du gouvernement, adoptée en avril 1998, c'est d'établir des partenariats, puis établir des partenariats, ça veut dire favoriser le dialogue et non la confrontation.

Des voix: Bravo!

Le Président: En question principale, M. le député de l'Acadie.


Mesures de sécurité visant les motocyclistes


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Hier, le ministre des Transports annonçait la mise en place de mesures, notamment l'obligation de cours de conduite, pour contrer l'hécatombe chez les motocyclistes. Nous prenons acte que le ministre vient corriger les erreurs et l'incompétence de son prédécesseur, qui, lui, avait aboli, en 1997, les cours de conduite obligatoires pour les motocyclistes.

Suite à cette décision injustifiée du ministre de l'époque, nous avons été à même de constater la hausse effrayante des décès dans les années subséquentes. Le ministre des Transports est forcé aujourd'hui d'admettre concrètement que l'opposition avait raison, sur la simple base du bon sens, de s'objecter à la disparition des cours de conduite obligatoires. Dans sa conférence de presse, le ministre annonçait son intention de présenter un projet de loi à l'automne pour application en 2001. Le bilan de cette année est malheureusement fort négatif et la période de l'été est à peine commencée.

Compte tenu de l'urgence de la situation actuelle, est-ce que le ministre peut s'engager à déposer à la présente session un projet de loi à cet effet, auquel cas nous pouvons l'assurer de notre collaboration? Qu'il accepte notre offre de collaboration et nous adopterons rapidement ce projet de loi.

Le Président: M. le ministre des Transports.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Tout d'abord, je ne crois pas qu'il y ait eu une si grave erreur du passé, et je vais expliquer pourquoi. Les modalités ont changé en quatre ans comme ce n'est pas possible dans le domaine de la moto. Il y a un dernier-né, une dernière catégorie née qui atteint jusqu'à 305 km/h, ce qui n'existait même pas l'an passé. Donc, il y a eu des modifications énormes depuis quelques années, en particulier au cours des deux dernières années.

Mais je voudrais vous dire que, même s'il y avait eu erreur, je pense qu'il faut être assez humain pour la reconnaître, cette erreur, être assez courageux pour l'admettre et surtout être assez brave pour la réparer. Donc, M. le Président...

Des voix: Bravo!

M. Chevrette: ...je conclurai que, si on rend les cours obligatoires pour les motocyclistes, je serais prêt à instituer un cours pour l'opposition.

Le Président: M. le député de l'Acadie.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Je pense que le ministre n'a pas compris le sens de ma question. Je lui ai offert la collaboration de l'opposition pour qu'il dépose immédiatement un projet de loi compte tenu de l'urgence de la situation. Est-ce qu'il accepte notre collaboration? À ce moment-là, nous allons procéder rapidement à l'adoption de ce projet de loi.

Le Président: M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, j'ai eu le rapport la semaine dernière, j'ai pris des décisions lundi de cette semaine, le mandat est donné de préparer le projet de loi. J'ai annoncé ce matin dans plusieurs médias que j'espérais le déposer à cette session-ci, et, si j'ai votre collaboration, pour une des rares fois qu'on peut l'avoir, on va l'adopter, le projet de loi.

Le Président: En question principale, M. le député de LaFontaine, maintenant.


Situation des femmes dans l'industrie de la construction


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Oui, M. le Président. Des groupes de femmes se plaignent de la discrimination qu'elles supportent dans l'industrie de la construction, et un rapport de la Commission des droits de la personne confirme cet état de choses. En effet, on peut y lire: «Les femmes qui accèdent à l'industrie sont soumises à la discrimination, aux préjugés, au harcèlement de la part de leurs confrères de travail, de leurs employeurs, voire même de leurs représentants syndicaux.»

M. le Président, on retrouve aussi des mesures de discrimination systémiques, qui font en sorte que les femmes ne sont pas capables de faire autant d'heures de travail dans la construction que leurs collègues masculins, faisant en sorte qu'elles ne peuvent accéder à leur carte de compétence, en particulier comme compagnon, ceci améliorant grandement leurs conditions de travail.

Ma question à la ministre responsable de la Condition féminine et de la Charte des droits de la personne: Est-ce que, Mme la ministre, vous entendez prendre des mesures rapidement pour faire en sorte que cette discrimination cesse dans la construction et que les femmes puissent avoir accès au même nombre d'heures de travail que leurs collègues masculins de cette industrie?

Le Président: Mme la ministre responsable de la Condition féminine.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Alors, M. le Président, je n'ai pas pris connaissance du rapport qui vient d'être mentionné en cette Chambre. Je vais en prendre connaissance, et je peux vous assurer que ce gouvernement qui est en place prend toutes les mesures nécessaires pour s'assurer qu'il n'y en ait pas, de discrimination. Mais vous comprendrez qu'il y a plusieurs intervenants qui sont interpellés. À ce que je sache, le domaine de la construction, en grande partie, est régi également par l'entreprise privée. Alors, je vais prendre le temps de le regarder et j'en parlerai également avec ma collègue responsable du dossier du travail.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Bonaventure.


Propos du député de Matane concernant le dossier de l'usine Gaspésia


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Nous avons eu la preuve en fin de semaine dernière que le gouvernement péquiste ne sait absolument pas où il s'en va dans le dossier de la Gaspésia. Le député de Matane, dans une déclaration qu'il a faite au journal Le Soleil , le 20 mai dernier – vous me permettrez de le citer, M. le Président – a affirmé: «Nous sommes mal informés, même au sein du gouvernement. Et le caucus des députés péquistes ne se réunit même plus.» C'est une affirmation inquiétante, M. le Président, et qui confirme ce que pensent bien des Gaspésiens depuis longtemps: le premier ministre et le gouvernement péquiste manquent de leadership, de transparence et de vision pour assurer la relance d'une usine d'importance comme la Gaspésia.

(10 h 50)

Dans ce contexte, M. le Président, est-ce que le ministre délégué au Tourisme, qui est censé être le ministre responsable de la Gaspésie, peut expliquer les propos de son collègue le député de Matane, ancien ministre régional, qui doit emprunter la voie des médias pour se faire entendre et pour dénoncer l'inaction de son propre gouvernement dans le dossier de la Gaspésia?

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, M. le ministre des Ressources naturelles.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Oui, M. le Président, le député de Matane évidemment peut exprimer ses points de vue, je pense que c'est son droit comme élu. Mais je pense que les faits démontrent, au contraire, que, si un gouvernement s'occupe avec beaucoup d'intensité, d'énergie du développement de la Gaspésie, c'est bien celui qui exerce le pouvoir présentement.

Quant au dossier de la Gaspésia, la position du gouvernement, elle est on ne peut plus claire, c'est de favoriser la négociation entre l'entreprise propriétaire de l'usine et plusieurs promoteurs qui ont manifesté de l'intérêt et qui ont déposé des projets de relance de l'usine. Actuellement, des discussions sont en cours, des discussions sérieuses entre l'entreprise propriétaire et les promoteurs, et je pense que, d'ici peu, on devrait aboutir à une entente pour qu'un promoteur acquière l'usine. Et, à partir de ce moment-là, on pourrait franchir rapidement d'autres étapes pour en arriver à la relance et à la modernisation de l'usine.

Donc, il ne nous apparaît pas du tout opportun ni approprié, dans les circonstances, d'envisager une mesure radicale comme l'expropriation, puisqu'il y a des négociations qui se poursuivent. Et je suis convaincu qu'elles vont aboutir.

Le Président: Alors, la période de questions et de réponses orales est terminée pour aujourd'hui.


Motions sans préavis

S'il n'y a pas de motion sans préavis... M. le leader de l'opposition officielle.


Hommage à M. Alcide Courcy, ex-député d'Abitibi-Ouest, et condoléances à sa famille

M. Paradis: M. le Président, je proposerais la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale offre ses condoléances à la famille de l'honorable Alcide Courcy, député d'Abitibi-Ouest de 1956 à 1970 et ministre de l'Agriculture et de la Colonisation dans le gouvernement de l'honorable Jean Lesage de 1960 à 1966.»

Toutefois, M. le Président, considérant que le député d'Abitibi-Ouest a été prévenu à la dernière minute et qu'il ne peut être parmi nous ce matin, cette motion pourrait être débattue demain matin.

Le Président: Très bien. Alors, la motion est acceptée et elle sera donc débattue demain.


Avis touchant les travaux des commissions

S'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, nous allons aller aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: J'avise d'abord cette Assemblée que la commission de l'éducation procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 100, Loi modifiant la Loi sur les fondations universitaires, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 86, Loi sur la police, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures à la salle du Conseil législatif, de 15 heures à 18 heures à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine et de 20 heures à minuit à la salle 1.38-B de l'édifice Pamphile-Le May;

Que la commission de l'aménagement du territoire entreprendra les consultations particulières sur le projet de loi n° 134, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau; et

Que la commission des affaires sociales procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 107, Loi sur l'équilibre budgétaire du réseau public de la santé et des services sociaux, aujourd'hui, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Président: Alors, pour ma part, je vous avise que la commission des affaires sociales va se réunir en séance de travail demain, le vendredi 26 mai, à compter de 8 h 30, à la salle RC.161, afin de statuer sur une proposition de mandat et d'organiser les travaux de la commission.

Alors, nous allons aller aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.


Affaires du jour

S'il n'y a pas d'intervention pour cette rubrique, nous passons maintenant aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Nous allons débuter cet avant-midi de la première journée de session intensive par l'article 4, c'est-à-dire le projet de loi n° 99.


Projet de loi n° 99


Adoption du principe

Le Président: Donc, à cet article, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes propose l'adoption du principe du projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec. Alors, M. le ministre.


M. Joseph Facal

M. Facal: M. le Président, le projet de loi dont l'Assemblée nationale entreprend aujourd'hui le débat pour l'adoption du principe, a quelque chose d'unique. Pour la première fois dans l'histoire politique du Québec, en fait pour la première fois depuis que le Québec possède ses propres institutions parlementaires, soit depuis plus de 200 ans, un texte législatif issu de ses institutions vise spécifiquement à affirmer certains des droits et prérogatives les plus fondamentaux du peuple québécois et de l'État du Québec.

En quelques mots, le projet de loi n° 99 réitère les principes politiques et juridiques qui constituent les assises de la société et de la démocratie québécoise. Il consacre notamment le droit fondamental du peuple québécois de disposer librement de son avenir politique. Il réaffirme la souveraineté de l'État du Québec dans tous ses domaines de compétence, tant à l'interne que sur la scène internationale, ainsi que l'intégrité du territoire québécois. Il affirme aussi avec force qu'aucun autre Parlement ou gouvernement ne peut réduire les pouvoirs, l'autorité, la souveraineté et la légitimité de l'Assemblée nationale. Il réitère aussi les principes sous-jacents de la Charte de la langue française. Il précise enfin que la règle de la majorité de 50 % plus un des votes validement exprimés, universellement reconnue et appliquée, est celle qui continuera de prévaloir dans l'interprétation des résultats de tout référendum tenu en vertu de la Loi sur la consultation populaire par lequel le peuple québécois exercera son droit à disposer de lui-même. Et tout ceci, il convient de souligner, dans le respect des droits consacrés de la communauté québécoise d'expression anglaise et dans le respect des droits existants des 11 nations autochtones du Québec. Contrairement à ce que certains ont pu affirmer, il n'y a dans le projet de loi n° 99 aucune manigance, aucun complot de quelque nature que ce soit.

Permettez-moi, M. le Président, avant d'aller plus loin, quelques commentaires d'actualité. Dans le présent contexte, le gouvernement demeure convaincu qu'une loi aura plus de poids pour riposter à C-20 qu'une résolution, même si cette résolution est qualifiée de déclaration solennelle.

Cependant, dans un effort ultime pour parvenir à l'unanimité, le gouvernement aurait été prêt à considérer la déclaration solennelle présentée par l'opposition officielle, pour autant que celle-ci comporte quelques éléments fondamentaux que j'ai énumérés hier et que je réitère aujourd'hui: En tout premier lieu, une référence au peuple québécois; en second lieu, une affirmation du caractère inacceptable du projet de loi fédéral C-20; en troisième lieu, une affirmation forte de l'inviolabilité des frontières québécoises; quatrièmement, un rappel de la non-adhésion du Québec à la Loi constitutionnelle de 1982; et, cinquièmement, l'affirmation que le droit du Québec de décider de son avenir doit s'exercer sans ingérence et sans droit de veto découlant de la formule d'amendement de 1982.

Devant le refus de l'opposition de considérer ces cinq demandes minimales, le gouvernement va donc aujourd'hui de l'avant avec son projet de loi. J'invite cependant à nouveau l'opposition à considérer la possibilité d'apporter des amendements au projet de loi n° 99.

(11 heures)

M. le Président, le gouvernement voulait une entente, a fait des compromis fondamentaux, a même accepté de discuter sur la base de la motion libérale. Mais le Parti libéral du Québec, lors des pourparlers qui ont eu lieu, nous a en substance dit, particulièrement lors de la deuxième rencontre, d'entrée de jeu, qu'il n'était pas là pour négocier, que la motion était à prendre ou à laisser et qu'elle reflétait même un consensus au sein de la société québécoise, dans lequel se retrouvaient tous, sauf les sécessionnistes.

En ce sens, vous comprendrez, M. le Président, que, contrairement à ce qu'ont pu affirmer un certain nombre de commentateurs, que je respecte par ailleurs, le choix n'était pas entre une motion adoptée à l'unanimité et une loi adoptée sur division. Il n'y avait pas unanimité, même sur une motion. Certains disent: Oui, mais est-ce que vous ne courez pas le risque de faire adopter une loi qui serait contestée devant les tribunaux alors que vous-même dites que toute la question est politique et non juridique? M. le Président, il est complètement contradictoire pour certains, notamment certains commentateurs, de dire, d'un côté: Oui, le peuple québécois est libre de décider, et, de l'autre côté, de dire: Attention! attention! n'affirmons pas ce droit, les tribunaux fédéraux pourraient l'invalider. Autrement dit, on se reconnaît un droit, mais il ne faudrait surtout pas l'affirmer.

L'opposition officielle, d'un côté, nous dit: Vous judiciarisez une question politique et, de l'autre côté, nous dit: Il faut reconnaître l'intégralité de l'avis de la Cour suprême qui est précisément cela, la judiciarisation d'une question politique. Autrement dit, la judiciarisation est admissible quand elle vient d'un tribunal fédéral, elle ne l'est pas quand on veut faire parler le Parlement du peuple du Québec. Complètement contradictoire. On ne peut avoir le beurre et l'argent du beurre.

Si une motion avait la même force qu'une loi, pourquoi le gouvernement fédéral, lui, a choisi de procéder par loi et pas par motion? Il faut se rappeler, M. le Président, que des motions, on en a voté ici. Je me rappelle qu'on en a voté une dénonçant le rapatriement de la Constitution en 1982, motion à laquelle ne se sont pas ralliés tous les députés du Parti libéral du temps. Elle n'a pas empêché M. Trudeau de procéder.

Nous venons d'adopter une motion sur les jeunes contrevenants, unanime. On voit à quel point elle fait réfléchir le gouvernement fédéral. M. Dion, à Ottawa, a fait adopter une motion sur la société distincte. On voit à quel point elle influence vraiment les agissements du gouvernement fédéral. C'est ça, les motions. Si le gouvernement du Québec ne ripostait pas par une loi, il est aussi à craindre que la population du Québec n'ait en ces matières devant elle qu'une loi, la loi fédérale, et que, donc, la population se dise: L'ordre légal, c'est celui qui nous vient du gouvernement fédéral; si on ne s'y rallie pas, on est des hors-la-loi.

Non, M. le Président, il y aura maintenant deux lois, et le peuple du Québec aura à décider laquelle des deux il estime légitime: celle adoptée par le Parlement qui le représente véritablement ou celle adoptée par un Parlement au sein duquel la grande majorité des députés viennent de l'extérieur du Québec et au sein duquel les députés issus du Québec furent très majoritaires à voter contre C-20.

Il faut aussi rappeler, M. le Président, que le projet de loi n° 99 ne confère pas de nouveaux droits au Québec, il réitère des droits déjà existants. Si, donc, d'office, une partie ou une autre – faisons l'hypothèse – en était invalidée, nous ne perdrions pas de droits, 99 n'étant pas créateur de nouveaux droits. Enfin, ceux qui émettent des doutes sur certains des articles du projet de loi n° 99 n'ont pas lu la nouvelle version de ces articles, et j'aurai l'occasion d'y venir un peu plus tard.

Il faut à cet égard aussi rappeler, M. le Président, que le caractère novateur du projet de loi n° 99 se retrouve autant dans sa lettre que dans son esprit. Certes, ce n'est pas le projet de Constitution auquel nous avait invités plusieurs intervenants en commission et duquel ils auraient voulu débattre. S'il n'a pas la facture d'une constitution, il en a peut-être jusqu'à un certain point l'esprit et la portée, ce qui en fait, me semble-t-il dans les circonstances, une réponse ferme et appropriée à l'assaut perpétré par le gouvernement fédéral contre les droits fondamentaux du peuple québécois.

Je ne commenterai pas aujourd'hui, M. le Président, article par article le projet de loi n° 99, nous y procéderons en commission parlementaire, mais je veux simplement revenir sur un certain nombre de notions et de principes centraux du projet de loi. La première de ces notions est celle du peuple québécois. Alors, je ne ferai pas un long et un savant exposé visant à démontrer que le peuple québécois existe, nous savons tous que le peuple québécois existe, il se trouve simplement que certains sont prêts à le dire, l'écrire et le voter; d'autres reconnaissent l'objet, mais ne veulent le nommer. Il m'apparaît qu'il n'est pas nécessaire de longuement disserter sur l'existence du peuple québécois. Le coeur de ce peuple, il bat en cette Assemblée nationale. Et ce peuple, nous l'entendons tous les jours s'exprimer à la radio, à la télévision, au théâtre, au cinéma, dans les journaux.

Pourquoi cette référence à la notion de peuple est-elle à ce point importante? D'abord, bien sûr parce qu'elle vient décrire une réalité fondamentale: le peuple québécois, il existe, il croît et s'affirme. Mais aussi parce que cette affirmation vise à faire contrepoids à une stratégie fédérale qui vise précisément à banaliser, voire même, dans certaines circonstances, à nier l'existence du peuple québécois.

Et plusieurs événements, ces dernières décennies, sont venus témoigner de cette stratégie fédérale visant à banaliser, voire même à nier l'existence de ce peuple. En particulier, rappelons-nous la façon dont le gouvernement fédéral a graduellement écarté, après leur dépôt en 1967, les recommandations de la commission Laurendeau-Dunton, qui touchaient précisément la question des deux peuples fondateurs. Il y a la nécessité que la Confédération canadienne se développe d'après le principe de l'égalité de droits de ses deux peuples fondateurs.

Rappelons-nous le rapatriement de 1982, alors que, d'une Constitution fondée sur un compromis politique qui avait suscité, en 1867, l'adhésion des représentants du peuple qu'on qualifiait de canadien-français à l'époque, le Canada passe, sans l'accord du Québec, à une nouvelle vision constitutionnelle où la spécificité du Québec et où la dualité canadienne sont restées sans reconnaissance, consacrant ainsi le rejet de cette demande expressément formulée par le Québec pour que soient reconnus dans la Constitution, d'une part, l'égalité des deux peuples ayant fondé le Canada et, d'autre part, le caractère distinct de la cité québécoise.

Rappelons également le sort réservé au projet d'accord constitutionnel présenté par le gouvernement du Québec en mai 1985, qui proposait notamment la reconnaissance formelle du peuple québécois, projet d'accord qui fut complètement ignoré par la partie fédérale.

Rappelons-nous l'échec, en 1990, de l'accord du lac Meech. Attribuable à quoi? Attribuable à une opinion publique, dans le reste du Canada, défavorable, qui ne pouvait accepter que le Québec, pour la première fois de son histoire, voie son caractère distinct consacré par la Constitution du Canada.

Rappelons encore l'inclusion, en 1992, dans le défunt accord de Charlottetown, d'un concept de société distincte affaibli, encadré, banalisé, dilué par rapport aux demandes déjà qualifiées de minimales posées par le Québec et consignées dans l'accord du lac Meech.

Rappelons-nous encore l'adoption, en décembre 1995 – j'y faisais référence plus tôt – par le Parlement fédéral d'une résolution sans aucune portée véritable sur la société distincte, qui vient restreindre les caractéristiques essentielles du Québec, les restreindre à seulement la langue, la culture et la tradition de droit civil.

(11 h 10)

Et puis, encore plus près de nous, rappelons-nous, M. le Président, le dépôt, en février 1997, devant la Cour suprême, du mémoire du Procureur général du Canada dans l'affaire du renvoi fédéral au sujet de la sécession du Québec dans lequel il affirme, avec l'appui de plusieurs intervenants, dont les provinces du Manitoba et de la Saskatchewan, que les Québécois ne forment pas un peuple ni au sens du droit canadien ni au sens du droit international, puisqu'ils font déjà partie du peuple canadien au sein duquel ils jouissent du statut de minorité.

M. le Président, quand on voit une aussi élémentaire réalité être aussi systématiquement niée, un temps vient où il faut l'affirmer avec force. En dépit de la stratégie déployée par Ottawa, il reste qu'en tant que collectivité humaine se définissant et se reconnaissant comme telle, issue d'une volonté commune de partager sur un territoire aux frontières définies une façon d'être et une façon de faire, les Québécois forment un peuple, oui, non seulement au sens du droit international, mais également au sens de l'histoire du Canada telle qu'elle s'est écrite avant la Confédération de 1867 et après celle-ci. Voilà pourquoi il était essentiel que le projet de loi n° 99 vienne nous rappeler, vienne mettre au centre de sa démarche la notion d'un peuple québécois.

La deuxième notion importante contenue dans ce projet de loi, sur laquelle je veux insister, c'est cette notion d'État du Québec. Pendant les audiences que nous avons tenues, l'opposition officielle a, à quelques reprises, fait état du trouble que faisait surgir en elle l'expression l'«État du Québec». M. le Président, il est vrai que le Québec ne peut pas être encore qualifié d'État au sens du droit international. Il reste qu'il peut être considéré comme un État au sens politique pour les fins de l'exercice de sa souveraineté interne. Ce n'est pas incompatible avec son statut d'entité fédérée, ce n'est pas non plus étranger au contexte fédératif. Bien au contraire, une fédération implique en effet un partage de souverainetés ainsi que l'égalité ou en tout cas l'absence de hiérarchie entre les deux ordres de gouvernement. Puis je rappelle évidemment que ce furent les premiers ministres Jean Lesage et Daniel Johnson, père, qui ont été les premiers à employer l'expression l'«État du Québec». Il ne faut pas voir là une manigance souverainiste.

On entend d'ailleurs à ce propos qu'un constat très intéressant sur l'État du Québec avait été posé en 1980 par la Commission constitutionnelle du Parti libéral du Québec dans ce qu'il est maintenant convenu d'appeler le livre beige. On pouvait y lire notamment, je cite: «À compter de 1960, on parle de plus en plus couramment de l'État du Québec. Ce changement de vocabulaire n'est pas un accident sémantique, il traduit un changement de perception. On perçoit de plus en plus nettement en effet le caractère distinctif de la société québécoise et les défis historiques nouveaux auxquels elle fait face. On considère de plus en plus que cette société, pour survivre et s'épanouir, doit posséder chez elle le contrôle des leviers majeurs de son développement. On conclut de plus en plus que le gouvernement du Québec est l'instrument privilégié dont dispose le peuple québécois pour assurer son épanouissement et son affirmation suivant son génie propre.» C'est ce que le Parti libéral du Québec lui-même nous disait jusqu'à il y a quelques années.

Ce qui est remarquable, M. le Président, dans cet extrait, outre le fait que le Parti libéral de l'époque n'éprouvait aucune hésitation à l'idée d'employer des expressions telles que «peuple québécois», c'est que la notion d'«État du Québec» y traduisait alors essentiellement l'idée d'une société québécoise se dotant d'un instrument indispensable à son épanouissement et à son affirmation. Vingt ans plus tard, mais sous la plume d'une autre formation politique, eh bien, le projet de loi n° 99, par la notion d'«État du Québec», traduit aujourd'hui exactement la même intention, celle de permettre au peuple québécois de posséder chez lui le contrôle des leviers majeurs de son développement.

Abordons maintenant une autre notion assez mal comprise, celle du droit du Québec de décider seul de son avenir. Notre peuple a exercé trois fois, en 1980, 1992 et 1995, son droit de contrôler lui-même son destin national. Eh bien, ce droit se retrouve au coeur même du projet de loi n° 99. En fait, c'est l'exercice même de ce droit que le projet de loi cherche à réaffirmer, notamment par les articles 1 à 4.

Et je dois avouer, M. le Président, à cet égard, avoir été quelque peu étonné du questionnement soulevé par l'opposition officielle concernant l'article 1 du projet de loi qui prévoit que le peuple québécois peut décider seul de son avenir. En fait, les questionnements soulevés par l'opposition officielle m'apparaissent, et j'y reviendrai, non seulement erronés mais aussi en rupture totale avec la position jusqu'alors défendue par le Parti libéral du Québec. Ils entrent même en contradiction avec le texte de déclaration solennelle proposé par l'opposition officielle le 3 mai dernier. Du même souffle, en effet, l'opposition a déclaré, à propos de l'article 1 qui affirme le droit du peuple québécois de décider seul de son avenir, que cet article allait à l'encontre de l'avis consultatif de la Cour suprême du Canada et à l'encontre de ce que reconnaissent les experts internationalistes et constitutionnalistes, des paroles qui ont dû résonner comme une véritable symphonie aux oreilles de MM. Dion et Chrétien.

Avec respect, je souligne qu'il y a une grave confusion intellectuelle au sein de l'opposition officielle entre «droit à l'autodétermination» et «droit à la sécession». Ça n'a rien à voir. Puis-je rappeler que le peuple québécois possède, comme tous les peuples, en vertu des instruments internationaux, le droit imprescriptible et inaliénable de décider de son avenir, et que ce droit lui confère la possibilité de déterminer son statut politique en toute liberté, sans aucune ingérence extérieure, et que ce droit, il l'a déjà exercé à trois reprises?

Puis-je signaler que l'avis consultatif de la Cour suprême du Canada n'a pas nié au peuple québécois le droit à l'autodétermination? En fait, la Cour ne s'est pas prononcée sur cette question, mais elle a néanmoins tenu à préciser, au paragraphe 123, que c'est au peuple que le droit international accorde le droit à l'autodétermination. Elle a aussi indiqué, un paragraphe peu lu, qu'un peuple peut s'entendre d'une partie seulement de la population d'un État existant, rejetant ainsi un des arguments du Procureur général du Canada qui prétendait, rappelez-vous, que seul l'ensemble de la population canadienne, le peuple canadien, peut être titulaire de ce droit à l'autodétermination – c'est le très intéressant paragraphe 124 de l'avis de la Cour. Elle a aussi signalé, la Cour, que la majeure partie de la population du Québec partage bon nombre de traits pris en considération pour déterminer si un groupe donné est un peuple au sens des instruments internationaux – c'est le paragraphe 125 qu'il faudrait lire ou relire.

Il est donc manifestement incorrect, M. le Président, d'affirmer que la Cour suprême aurait énoncé, aurait soutenu que le Québec ne détient pas de droit à l'autodétermination en vertu des instruments internationaux. Cette affirmation faite par l'opposition officielle pendant la commission parlementaire est erronée.

(11 h 20)

Ce que le Cour suprême a rejeté, c'est l'idée que le Québec puisse détenir, en vertu du droit à l'autodétermination, un droit de sécession unilatérale, c'est-à-dire, sur les termes mêmes employés par la Cour, un droit de sécession sans négociations préalables. Car, là encore, M. le Président, il faut voir comment la Cour suprême définit la sécession unilatérale. Elle la définit comme une sécession sans négociations préalables. Sur ce point, la Cour suprême n'invente rien de nouveau. On se rappellera que les cinq experts consultés par l'Assemblée nationale en 1992 en étaient déjà arrivés à cette même conclusion. À ce que je sache, les gouvernements formés par le Parti québécois n'ont jamais proposé autre chose qu'une accession du Québec à la souveraineté réalisée à la suite de négociations menées d'égal à égal avec le reste du Canada. Il n'a jamais été question d'une accession à la souveraineté sans négociations préalables et sans période de transition.

Bien sûr, dans la mesure où le gouvernement fédéral s'est entêté pendant 20 ans à dire aux Québécois que jamais il ne négocierait quoi que ce soit, bien il a nécessairement fallu envisager l'hypothèse que des négociations menées de bonne foi de la part d'Ottawa puissent être impossibles. Même la Cour suprême, qui n'a quand même pas vécu en vase clos pendant toutes ces années, a dû admettre cette possibilité, elle a soulevé cette éventualité. Et c'est dans ce contexte de négociations qui ne seraient pas conduites en bonne foi et qui ne permettraient pas d'aboutir à un accord mutuellement satisfaisant qu'elle évoque le recours possible à la reconnaissance internationale pour concrétiser l'accession du Québec à la souveraineté.

Et, encore là, en 1992, les cinq experts avaient aussi envisagé ce scénario, et cela les avaient d'ailleurs amenés à assortir d'une réserve importante leurs conclusions portant sur une absence de droit à la sécession. Ils disaient que l'absence d'un droit à la sécession n'empêche nullement le Québec de revendiquer son accession à la souveraineté et de l'obtenir. Il s'agit là – je cite les experts – d'«une question de pur fait que le droit international ne fonde ni ne réprouve. Il en prend acte.» Fin de la citation. Il faut bien le lire, l'avis de la Cour suprême, M. le Président.

Or, justement, que dit l'article 1 du projet de loi n° 99? Est-ce qu'il vient proposer, comme l'a prétendu l'opposition officielle, un droit de sécession sans négociations préalables? Pas du tout. Ce n'est pas ça qu'il dit, l'article 1. L'article 1 dit, et je cite: «Le peuple québécois peut, en fait et en droit, disposer de lui-même. Il est titulaire des droits universellement reconnus en vertu du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes.»

Je soumets, M. le Président, qu'un certain nombre de commentateurs pressés n'ont pas lu correctement ce que dit l'article 1 dans la version réimprimée du projet de loi n° 99. En fait, l'article 1 du projet de loi affirme simplement mais solennellement que le peuple québécois est titulaire du droit à l'autodétermination, pas plus mais surtout pas moins. Et, qui plus est, dans le contexte canadien, l'avis de la Cour suprême a clairement indiqué, aux paragraphes 87 et 88, que la question de l'accession du Québec à la souveraineté pouvait légitimement être envisagée par les Québécoises et les Québécois.

Alors, en somme, il est tout à fait décevant de voir l'opposition officielle tenter de trouver, à partir d'une lecture manifestement erronée et biaisée de l'article 1, quelque disposition à critiquer pour justifier son refus de se porter solidairement, avec les deux autres formations ici représentées, à la défense des droits fondamentaux du peuple québécois.

Évidemment, je connais très bien la thèse du complot mise de l'avant par l'opposition officielle pour justifier sa position. Pour elle, le projet de loi n° 99 s'inscrit dans une vaste stratégie qui doit déboucher d'ici quelques mois sur la tenue d'un nouveau référendum, tout ceci est orchestré. M. le Président, ça n'a aucun sens. Ça n'a aucun sens parce que le projet de loi n° 99 se veut une réaction à un geste fédéral. S'il n'y avait pas eu de projet de loi fédéral C-20, il n'y en aurait sans doute pas eu de projet de loi n° 99. Alors, dire que tout ceci est initié dans une perspective référendaire relève vraiment du conspirationnisme. Ce n'est quand même pas le Québec, ce n'est quand même pas son premier ministre, ce n'est quand même pas son gouvernement, ce n'est quand même pas le Parti québécois, ce n'est quand même pas moi qui avons pris l'initiative de la loi fédérale C-20. Le projet de loi n° 99 a vu le jour uniquement en raison de l'atteinte portée par le projet de loi C-20 contre les droits fondamentaux du peuple québécois.

C'est d'ailleurs pourquoi, M. le Président, on ne peut évidemment parler de la portée du projet de loi n° 99 sans dire un mot – et c'est ce que je vais faire – de la portée du projet de loi fédéral C-20. M. le Président, c'est quoi, C-20, dans le fond? C-20, c'est une pièce législative qui vise tout simplement à rendre impossible la souveraineté du Québec en confiant un droit de tutelle, sur le cheminement pouvant peut-être aboutir à ce choix, à un Parlement au sein duquel la majorité des députés sont de l'extérieur du Québec. En fait, C-20, c'est un verrou législatif qui vise à entraver le droit de choisir librement et sans ingérence son statut politique. C-20, c'est aussi une grossière déformation de l'avis de la Cour suprême. C-20, c'est aussi le reniement de certains principes démocratiques universellement reconnus. C-20, c'est un lot de faussetés sur la divisibilité du territoire québécois. C-20 est une démarche aussi par laquelle on infantilise les Québécois, laissant entendre qu'ils ne sont pas assez matures politiquement pour juger eux-mêmes de la clarté de ce qui leur est soumis, mais qu'évidemment un honnête député du Manitoba ou de la Saskatchewan, lui, aura des lumières particulières pour statuer sur la clarté du projet soumis aux Québécois.

En fait, pourquoi C-20, M. le Président? Bien, C-20 est né du fait qu'avec l'avis de la Cour suprême le gouvernement fédéral a, bien malgré lui, récolté quatre missiles qu'il n'avait pas vu venir. Avec l'avis de la Cour suprême, le gouvernement fédéral récolte quoi? Il récolte d'abord, de la part du plus haut tribunal de son pays, de la part de neuf juges nommés par lui-même, la reconnaissance que le territoire du Canada est divisible sur la base des provinces et pas sur la base des territoires d'un quartier ou d'une ville. Donc, vous voyez, C-20 – c'est une de ses dimensions cachées – nie la logique même des partitionnistes québécois. Avec l'avis de la Cour suprême, le gouvernement récolte également la reconnaissance de la légitimité de l'option souverainiste, il récolte également une obligation de négocier d'égal à égal et il récolte aussi l'admission qu'en cas de mauvaise foi pendant les négociations la reconnaissance par la communauté internationale d'un Québec souverain s'en trouverait facilitée.

Plus particulièrement, pourquoi est-ce que le gouvernement fédéral tient tant à faire dire à l'avis ce que l'avis ne dit pas? Mais parce que cette obligation de négocier l'embarrasse. C'est 30 ans de discours fédéralistes qui ont été sciés à la base par cette obligation de négocier. C-20 vise donc à multiplier les entraves à cette obligatoire négociation.

(11 h 30)

Et puis, par ailleurs, M. le Président, nulle part, absolument nulle part, l'avis de la Cour suprême ne donne au Parlement fédéral le droit de statuer unilatéralement sur la clarté de la question. Qu'on me nomme le paragraphe qui dit ça. Nulle part l'avis de la Cour suprême ne donne au Parlement fédéral le droit d'imposer une question excluant toute référence à une offre de partenariat. Qu'on me nomme le paragraphe qui dit ça. Nulle part la Cour suprême ne donne au Parlement fédéral l'autorité de fixer à posteriori, après la partie, à son gré, la majorité requise. Qu'on me nomme le paragraphe qui dirait cela. En fait, c'est la beauté perverse de C-20. Voici que, à la fin de la partie, l'un des joueurs enlève son gilet, revêt le gilet de l'arbitre et là décide, après la fin de la partie, si le nombre de buts marqués par l'adversaire lui apparaît suffisant ou pas.

Il faut se rappeler, M. le Président, au moment où le gouvernement fédéral a soumis ses trois questions biaisées à la Cour suprême, ce qu'en avait dit M. Alain Pellet, qui était, à l'époque, le président de la Commission du droit international des Nations unies. Après avoir rappelé que, personnellement et n'étant pas partie prenante à ce débat, il n'avait pas d'opinion sur la pertinence ou non du projet politique qui est le nôtre, il avait rajouté qu'il était, je cite, «profondément troublé et choqué par la façon partisane dont les questions ont été posées» et qu'il se permettait «de suggérer qu'il est du devoir d'une cour de justice de réagir face à ce qui apparaît clairement comme une tentative trop voyante de la manipulation politicienne». Fin de la citation.

En fait, M. le Président, C-20 s'appuie sur une série de mythes et vise à donner corps aux pires préjugés, aux pires préjugés sur la capacité des Québécois à se gouverner eux-mêmes démocratiquement. C-20, par exemple, prend appui sur l'idée que la question du dernier référendum n'aurait pas été claire. M. le Président, 93,52 % ont été voter au dernier référendum. Je crois qu'ils avaient parfaitement compris l'enjeu. Dans les jours qui ont précédé le référendum de 1995, je me rappelle le premier ministre du Canada, dans une intervention solennelle à la télévision, regarder les Québécois dans le blanc des yeux et leur dire: Partir ou rester, c'est le choix fondamental que vous avez à faire, il n'y aura pas de retour en arrière. Il avait l'air d'avoir compris, à ce moment-là, quel était l'enjeu en cause. Tous ces milliers de Canadiens qui sont venus nous voir lors de la grande manifestation de l'amour, le «love-in», trois jours avant le référendum, qui étaient venus de partout ailleurs, au mépris de nos lois, il me semble qu'ils avaient l'air d'avoir compris de quoi il était question.

En fait, toute la logique de C-20, c'est de nous dire que, si on vote non, on a compris; si on vote oui, on n'a pas compris, on ne peut qu'être égaré. M. le Président, en 1995, il y a 2 308 360 Québécois qui ont voté oui. 2 308 360 Québécois ont voté oui. Il y a plus de gens qui ont voté oui au Québec, en 1995, qu'il n'y a d'habitants au complet au Manitoba, en Saskatchewan, à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard, mises toutes ensemble. Et ces 2 308 360 personnes n'auraient pas compris de quoi il était question, auraient toutes été manipulées, auraient toutes été sous effet d'hypnose collective. Seuls les tenants du Oui ne comprennent pas. M. le Président, soyons sérieux!

Et puis ça me fait rire. Je relisais encore ce matin la motion, la fameuse motion du Parti libéral du Québec. Dans un des considérants, on nous dit qu'en 1980 et en 1995 les Québécois ont pourtant clairement choisi leur attachement au Canada. Si les questions des précédents référendums n'étaient pas claires, comment la réponse peut-elle être claire? Comment peut-on, d'un côté, dire: Les questions n'étaient pas claires, et, de l'autre côté, nous dire: Pourquoi vous insistez, alors qu'en 1980 et 1995 les gens ont clairement choisi le Canada? Bien voyons donc!

C-20 aussi tripote certaines des règles les plus fondamentales et universelles de la démocratie. On m'a toujours dit, M. le Président, qu'en démocratie c'est un électeur, un vote, que tous les votes ont le même poids, peu importe ce que vous pensez, que le vote du député de Chapleau, dans l'urne, a le même poids que le mien, que le vôtre et que celui de mon voisin, ma voisine. Pourtant, à partir du moment où, pour déclarer le Oui gagnant, on mettrait la barre non plus à 50 % mais à 66 %, hypothèse, donc disons au deux tiers, ça suppose que, pour que le Oui gagne, il faudrait évidemment qu'il y ait deux fois plus de votes souverainistes que de votes fédéralistes. Autrement dit, dans la course, la ligne d'arrivée est plus loin pour une des options que pour l'autre. Si vous dites que, pour que le Oui gagne, il faut 66 % du vote, mais que, pour que le Non gagne, il ne lui faut que 50 % des votes, ce que vous dites, c'est qu'un vote fédéraliste, ça a plus de poids qu'un vote souverainiste. Ça veut dire, ça, que désormais les citoyens ne sont plus égaux au Québec, le vote de certains pèse plus lourd que le vote d'autres. C'est ça que nous dit Stéphane Dion.

Il faut aussi rappeler, M. le Président, que, pendant tous les référendums, tous les référendums tenus au Québec et au Canada depuis qu'il y a des référendums, peu importe le sujet, toujours la règle a été à 50 % plus un. Et elle était à 50 % plus un tant que les fédéralistes étaient sûrs de gagner, mais, après la dernière frousse, vous comprenez, ah là! il faut changer les règles. Et puis 50 % plus un, c'est aussi la règle partout à travers le monde lors des référendums. Il y a eu récemment un référendum en Australie sur la monarchie: la règle, 50 % plus un. Il y a eu un référendum récemment en Irlande du Nord sur le processus de paix: la règle, 50 % plus un. Il y a eu un référendum en Grande-Bretagne sur la dévolution d'avantage de pouvoirs à l'Écosse: la règle, 50 % plus un. Il y a eu un référendum en Nouvelle-Calédonie, territoire appartenant à la France: la règle, 50 % plus un. Le référendum de Maastricht sur le rattachement à l'Union européenne: la règle, 50 % plus un. Et ainsi de suite.

On me dit souvent: Oui, mais, ça, ce n'étaient pas des référendums pour faire la souveraineté. Ce n'étaient pas des référendums pour briser un pays. Parfait, M. le Président. Quand les Nations unies organisent des référendums précisément sur l'accession à la souveraineté, la règle, savez-vous, c'est aussi 50 % plus un. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, il y en a eu trois référendums sur l'accession à la souveraineté organisés par les Nations unies. Le premier a été tenu en 1991 en Érythrée qui voulait se détacher de l'Éthiopie: la règle, 50 % plus un. L'an dernier, il y en a eu un au Timor qui voulait quitter l'Indonésie: la règle, 50 % plus un. Cette année, il y en aura un au Sahara occidental: la règle, 50 % plus un.

Alors, voyez-vous, M. le Président, M. Chrétien, si prompt à vanter le Canada, si prompt à donner des leçons de démocratie dans le reste du monde entier, propose, dans le cas du Québec, des règles différentes de celles des Nations unies. Ça ne l'empêche pas ensuite d'aller au Moyen-Orient et de dire à M. Arafat: Avez-vous envisagé une déclaration unilatérale d'indépendance? Ah! c'est bon pour les Palestiniens, mais pas pour les Québécois. Problème, problème. Nulle part, l'avis de la Cour suprême ne nous dit que 50 % plus un, ce n'est pas la norme; elle aurait pu le faire si elle avait voulu. Nulle part la Cour suprême ne critique les précédentes questions référendaires; elle aurait pu le faire si elle l'avait voulu.

Et puis il faut lire C-20 qui est un monument élevé à la mauvaise foi. Sur la question de la clarté de la majorité, on nous dit qu'après le vote le Parlement fédéral pourra prendre en considération, ouvrons les guillemets, «tout autre facteur pertinent». Ça veut dire, ça, qu'après le vote on ne connaît même pas exactement où se situe la ligne d'arrivée.

M. le Président, c'est contre tout ça qu'il faut réagir, c'est contre tout ça qu'il faut lutter. Autant de rebuffades pendant des décennies aux revendications du Québec, autant de manigances maintenant de la part d'un gouvernement fédéral qui n'essaie même plus de tendre la main, tout cela nous amène à conclure que le temps de la supplique, il est bel et bien révolu. Le peuple québécois, il existe et il compte aujourd'hui l'affirmer. Désormais, le peuple québécois, il entend se prévaloir de tous les droits, de tous les attributs, de toutes les prérogatives que son statut de peuple lui confère, et c'est ça que le projet de loi n° 99 veut faire. C'est dans cette démarche-là qu'il veut s'inscrire.

(11 h 40)

Et le projet de loi n° 99, il inaugure une ère qui va voir le Québec et le peuple qui habite ce territoire, en toute amitié et en toute légalité, en toute égalité aussi avec les peuples voisins, prendre dans l'histoire la place qui est réservée à ceux et celles qui, conscients de leur passé, engagés dans le présent puis tournés vers l'avenir, affirment qu'ils existent. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Chapleau. M. le député.


M. Benoît Pelletier

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. M. le Président, je dois vous dire d'emblée que l'opposition officielle s'objecte au principe même du projet de loi n° 99 et déplore que l'Assemblée nationale ne puisse pas s'exprimer d'une seule voix autour de la déclaration solennelle que j'ai eu l'honneur de déposer à cette Assemblée il y a de cela quelques jours.

Je persiste à croire qu'un compromis serait possible autour de cette déclaration solennelle. Je persiste à croire qu'il est possible de s'entendre de part et d'autre pour que la déclaration solennelle serve désormais de base d'affirmation des droits, des pouvoirs et des prérogatives du peuple québécois. À cet égard, donc, je tends la main à nouveau au parti ministériel afin qu'ensemble nous puissions débloquer, dégager un consensus, un compromis sur la base de la déclaration solennelle que l'opposition officielle a déjà déposée en cette Chambre.

M. le Président, vous me permettrez de revenir, dans un premier temps, sur un certain nombre de sophismes qui ont été énoncés par M. le ministre. D'abord, je dois vous dire que l'un des sophismes que M. le ministre a affirmés, c'est que l'opposition officielle n'est pas prête à reconnaître que les Québécois et Québécoises forment un peuple, n'est pas prête à l'écrire à tout le moins. Eh bien, M. le ministre, vous vous trompez. Nous sommes prêts à l'écrire, nous sommes prêts à l'écrire dans notre déclaration solennelle: les Québécois forment un peuple, les Québécois d'origines diverses constituent un peuple en tout état de cause.

Nous sommes prêts non seulement à le dire, à le répéter, mais aussi à l'écrire dans la déclaration solennelle. Pourquoi, M. le Président, dans la déclaration solennelle plutôt que dans le projet de loi n° 99? C'est parce que le projet de loi n° 99 a le défaut majeur de judiciariser, c'est-à-dire de porter dans l'arène judiciaire un certain nombre de questions qui sont mieux servies lorsqu'elles sont établies et lorsqu'elles sont énoncées au Parlement même et dans l'arène politique. Sur ce point, c'est-à-dire la judiciarisation qu'emporte le projet de loi n° 99, j'aurai l'occasion d'y revenir un peu plus tard.

Je dois vous dire par ailleurs que ce qui est très étonnant, c'est d'entendre le ministre prétendre que l'opposition officielle n'est pas prête à reconnaître l'expression «État du Québec». J'ai même entendu le ministre prétendre que, lors des commissions parlementaires, l'expression «État du Québec» nous troublait. Or, tel n'est pas le cas, M. le Président, à un point tel que c'est moi, et non pas le ministre, qui ai défendu le concept d'État du Québec lorsque nous avons entendu en commission parlementaire les représentants de l'opposition officielle à Ottawa, c'est-à-dire les représentants du Reform Party. C'est moi-même qui ai expliqué à ces gens en quoi le concept d'État du Québec faisait partie de notre vocabulaire politique ici, faisait partie de notre lexicographie politique, et ce, depuis les années 1960, et c'est moi qui ai expliqué que le concept d'État québécois faisait partie de nos moeurs, était tout à fait acceptable et avait ici, au Québec, une connotation que probablement ce concept-là n'a pas lorsqu'il est traduit en anglais et lorsqu'il est compris par des Canadiens d'autres provinces que le Québec.

Donc, c'est moi-même qui ai, en commission parlementaire, défendu le concept d'État québécois. Et, M. le ministre, si ce qu'il vous faut pour que vous acquiesciez à notre déclaration solennelle, c'est que l'on écrive le mot «État» québécois, je vous le dis tout de suite: Je suis d'accord pour que nous le fassions. Et, si vous voulez, même, on prendra votre plume pour l'écrire. On prendra votre plume pour l'écrire, ce mot «État» québécois, pour être bien certain qu'ainsi votre empreinte apparaisse sur la déclaration solennelle de l'opposition officielle.

J'entendais par ailleurs M. le ministre expliquer en quoi l'article 1 du projet de loi n° 99 ne contenait pas une affirmation voulant que les Québécois aient le droit de faire la sécession au plan externe. Il nous a expliqué la nuance qui existe entre le droit à l'autodétermination et le droit à la sécession. Je dois vous dire que, a priori, jusqu'à un certain point – je dis bien jusqu'à un certain point – le ministre a raison, puisqu'il y a une différence entre le droit à l'autodétermination et le droit à la sécession à proprement parler. Un droit à l'autodétermination peut très bien n'être exercé que sur un plan interne. Dans ce contexte là, il signifie qu'un peuple a droit à une autonomie, comme c'est le cas pour le Québec qui bénéficie non seulement d'une autonomie mais également d'une souveraineté dans le contexte de la Fédération canadienne. Et ça n'implique pas pour autant que le Québec soit séparé du Canada, ce droit interne à l'autodétermination n'implique pas pour autant le droit à la sécession.

Et le ministre nous a dit que donc il avait utilisé à bon escient le mot «autodétermination» à l'article 1 du projet de loi n° 99 justement pour qu'on ne comprenne pas que le Québec a le droit à la sécession sur le plan international ou sur le plan externe. Or, lorsqu'on lit l'article 1 du projet de loi n° 99, on ne voit pas mention du droit à l'autodétermination; il n'est pas fait mention du droit à l'autodétermination. Ce que l'on y voit, M. le Président, c'est que l'on reconnaît que les Québécois et Québécoises sont titulaires des droits universellement reconnus en vertu du principe de l'égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes. Or, en droit international, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes a une connotation bien précise et implique que ces peuples ont le droit à la sécession, ce à quoi n'a pas droit le Québec justement en vertu du renvoi sur la sécession de la Cour suprême du mois d'août 1998.

En d'autres termes, lorsque le ministre affirme que le Québec est titulaire des droits universellement reconnus des peuples à disposer d'eux-mêmes, il réfère, qu'il le veuille ou non, à un concept juridique, à un concept établi en droit international, et ce concept établi en droit international implique le droit à la sécession, ce à quoi, je répète, le Québec n'a pas droit, puisqu'il n'est pas un peuple colonisé, puisqu'il n'est pas un peuple qui est opprimé de façon caractérielle.

(11 h 50)

Je rajouterai par ailleurs ceci, M. le Président. Il me semble que le ministre, lorsqu'il utilise le mot «peuple», il l'utilise dans un sens sociologique d'abord et avant tout. Je ne l'en blâmerai pas, le ministre lui-même est sociologue de formation, mais, lorsque le mot «peuple» est utilisé dans le contexte d'une loi, il prend alors un caractère juridique. C'est ce que ne semble pas mesurer le ministre. Et, lorsque l'on dit que le peuple a le droit de disposer de lui-même en vertu des grands textes internationaux, eh bien, là, à ce moment-là, on réfère à une réalité non seulement juridique, mais par ailleurs à une réalité bien établie en droit international, et cette réalité, c'est celle qui veut que ledit peuple ait le droit de faire la sécession, ce qui, je répète, n'est pas conforme au renvoi de la Cour suprême du mois d'août 1998 et ce qui, je répète, ne s'applique pas à l'égard du Québec.

Je remarquais également un autre sophisme de la part du ministre, alors qu'il disait: En 1981, nous avons utilisé une motion pour nous opposer au rapatriement, et il dit: Vous voyez bien, notre motion n'a pas réussi à empêcher le rapatriement. Alors, il dit: Vous voyez comme quoi, finalement, une motion, c'est inefficace, une motion, finalement, c'est insignifiant. Si c'est le cas, M. le ministre, pourquoi avoir négocié avec nous, dans ce cas-là, sur la base de notre déclaration solennelle? C'est ça, la grande question que je vous pose: Pourquoi avoir négocié avec nous sur la base de notre déclaration solennelle si, depuis le départ, vous croyez qu'une motion est un geste insignifiant qui n'a aucune répercussion, qui n'a aucune portée, même pas politique? Et, deuxièmement, je vous pose la question suivante: Même si le projet de loi n° 99 devait être adopté, croyez-vous que ça va empêcher le fédéral d'adopter son projet de loi C-20? Pensez-vous vraiment que ça va empêcher le fédéral d'aller de l'avant, M. le ministre? Pas plus, pas moins que ne le ferait une déclaration solennelle elle-même.

M. le Président, vous voyez bien que le ministre nous a avancé tout à l'heure une vision, la sienne, qui, à mon avis, n'est pas parfaitement respectueuse de la réalité, qui, à mon avis, est, à bien des égards, une vision que je qualifierais de tronquée, légitime par ailleurs, puisque c'est la sienne, mais néanmoins, à mon avis, inexacte.

À ce stade-ci, après avoir rappelé donc les inexactitudes et les sophismes que contenait le discours du ministre, permettez-moi de réaffirmer, M. le Président, un certain nombre de valeurs auxquelles croit le Parti libéral du Québec. Je pense que c'est important de le faire parce que, trop souvent, de l'autre côté, du côté du parti ministériel, trop souvent on entend dire qu'eux ont le monopole de la défense des intérêts du Québec et que nous, finalement, sommes les inféodés d'Ottawa, que nous ne sommes pas capables de défendre le Québec efficacement.

Or, M. le Président, nous avons dénoncé, et nous dénonçons encore, et nous dénoncerons tant qu'il existera, tant qu'il sera en vigueur, ou tant qu'il sera l'objet de discussions, le projet de loi C-20. Pourquoi nous dénonçons ce projet de loi, M. le Président? C'est parce que nous sommes tout à fait conscients que le peuple québécois a le droit de disposer de lui-même démocratiquement et a le droit de décider lui-même de son avenir constitutionnel et politique. C'est l'opposition officielle qui l'affirme, M. le Président. Nous sommes tout à fait déterminés à affirmer et à réaffirmer que les Québécois et les Québécoises ont le droit de contrôler eux-mêmes leur destin national. Ils ont le pouvoir, j'oserais même dire le pouvoir singulier et le pouvoir souverain de décider eux-mêmes de leur statut constitutionnel et politique.

Mais ce n'est pas là, M. le Président, le seul principe auquel nous croyons et auquel nous croyons fermement. Nous croyons aussi que le peuple québécois est maître de ses institutions démocratiques et que l'État du Québec fonde justement sa légitimité sur la volonté des citoyens. Qu'est-ce que nous venons de reconnaître par le fait même? Nous venons de reconnaître un principe premier dans notre système, qui est le principe de la volonté populaire, qui est le principe de la souveraineté populaire, qui est le principe de la souveraineté du peuple.

Et nous affirmons par ailleurs, M. le Président, que nous reconnaissons que l'État du Québec... vous voyez, M. le ministre, «l'État du Québec», ça devrait normalement vous réjouir que j'utilise ces expressions, que je les utilise même à satiété. Je le ferai tant que vous n'aurez pas signé la déclaration solennelle de l'opposition officielle, M. le ministre. Mais donc nous affirmons le principe que l'État du Québec est souverain dans les domaines de compétence qui sont les siens, et, jusqu'à nouvel ordre, que je sache, ces mêmes domaines de compétence sont définis et sont déterminés par la Constitution canadienne, et ça a été ça, le choix légitime qu'ont fait les Québécois en 1980 et en 1995.

Quel est le choix qu'ont fait les Québécois en 1980 et en 1995? Leur choix, ça a été de dire oui au Canada. Leur choix, ça a été de réaffirmer leur adhésion au lien fédératif canadien. Ça a été de réaffirmer leur appartenance au Canada et de dire: Nous voulons continuer à rester unis au Canada. Ça a été ça, le choix que les Québécois ont fait, et ce choix-là doit être respecté. Et ce choix-là non seulement implique un respect pour la volonté des Québécois, mais implique au surplus un respect pour la structure constitutionnelle et politique canadienne, tant et aussi longtemps à tout le moins que les Québécois n'auront pas révisé ce choix-là et n'en auront pas formulé un autre, ce qui ne sera pas demain la veille si on en croit les sondages les plus récents, M. le Président.

Des voix: ...

M. Pelletier (Chapleau): Vous me permettrez aussi, M. le Président... au moins, je sens que je suis écouté, ce qui me fait plaisir.

Des voix: ...

M. Pelletier (Chapleau): Je suis écouté et entendu, et peut-être même compris, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pelletier (Chapleau): Et peut-être même compris. J'avoue que, sur ce dernier point, quand même, j'ai un peu moins de conviction, je suis moins catégorique. On connaît leur capacité de comprendre les choses, qui est extrêmement limitée.

Je continue, M. le Président, en vous disant que, pour nous, il est très important qu'il y ait dans tout processus, dans tout processus constitutionnel ou politique, un respect des autorités québécoises, c'est-à-dire un respect de ces institutions là mêmes qui sont au coeur de notre identité collective. Ça, c'est majeur. Et, bien entendu, ça implique forcément qu'il doit y avoir un respect de l'Assemblée nationale du Québec. Et je dois vous dire que, pour le Parti libéral du Québec, pour l'opposition officielle, il est clair que rien ne doit pouvoir – je dis bien «rien ne doit pouvoir» – remettre en cause la légitimité, l'autorité, la souveraineté, ni les pouvoirs de l'Assemblée nationale, lesquels jouissent d'ailleurs de protection constitutionnelle formelle dans l'ensemble canadien.

Nous insistons aussi pour qu'il y ait un respect des valeurs démocratiques, M. le Président, et, à cet égard, nous insistons pour qu'il y ait un respect des Québécois et des Québécoises eux-mêmes, c'est-à-dire un respect de notre population. Et nous voulons aussi, M. le Président, qu'il y ait un respect du renvoi de la Cour suprême du mois d'août 1998 et nous considérons que le gouvernement du Québec doit lui-même accepter d'être lié par ce jugement, respecter ce jugement qui est un jugement sage et qui est un jugement pondéré.

Lorsque le jugement de la Cour suprême a été rendu, M. le Président, il a été applaudi par les gens du parti ministériel, il a été applaudi par le Parti québécois. Les articles de journaux portaient les titres suivants, M. le Président: La souveraineté est renforcée, croit Bouchard – imaginez; Bouchard applaudit le jugement ; La démarche souverainiste est légitime ; La Cour ébranle ainsi les fondements de la stratégie fédéraliste, sape les arguments de la peur et du refus de négocier – Lucien Bouchard s'exprimait alors; Les mythes fédéralistes enterrés ; L'arroseur arrosé ; Brassard se réjouit de la cause qu'il a boycottée ; Satisfaction à Québec ; Ça peut changer l'atmosphère au Canada, croit Landry ; Parizeau considère sa démarche réhabilitée – j'espère que les gens du parti ministériel vont continuer à écouter même si j'ai prononcé le nom de M. Parizeau.

(12 heures)

Donc, vous voyez, M. le Président, en quoi, vous voyez jusqu'à quel point le jugement a été applaudi non seulement du côté fédéraliste à l'époque, mais également du côté séparatiste. Et je vais vous dire pourquoi il l'a été, applaudi, non seulement parce que, comme je viens de le dire il y a une seconde, c'est un jugement sage et c'est un jugement pondéré, et c'est un jugement qui est équilibré, mais, au surplus, parce que c'est un jugement qui pose des principes qui nous semblent être des principes élémentaires et, de surcroît, des principes fondamentaux.

Le jugement parle de la nécessité d'une question claire et d'un verdict populaire clair, c'est-à-dire dénué de toute ambiguïté tant en ce qui concerne la question posée qu'en ce qui concerne l'appui reçu. Êtes-vous contre cela, M. le ministre? Êtes-vous contre le fait qu'une question soit claire et que le verdict populaire soit clair, comme le dit le jugement de la Cour suprême? La Cour suprême établit également un lien quant à un processus sécessionniste entre la légitimité démocratique et la légalité constitutionnelle. Êtes-vous contre, M. le ministre, la légitimité démocratique? Êtes-vous contre la primauté du droit dans un État qui constitue une démocratie libérale sophistiquée?

La Cour reconnaît, par ailleurs, M. le Président, l'importance qu'il y ait un respect du principe démocratique, un respect des droits des minorités, un respect de la primauté du droit et du constitutionnalisme. Bref, la Cour tient compte du cadre constitutionnel et politique canadien mais reconnaît aussi la possibilité qu'une sécession se fasse de facto, c'est-à-dire dans les faits. Mais, à ce moment-là, la Cour ajoute que cette sécession-là, toujours possible, serait illégale et inconstitutionnelle mais qu'elle pourrait néanmoins s'appuyer sur un certain nombre de précédents internationaux. Qu'avez-vous contre cela, encore une fois, M. le ministre?

Et la Cour invite le gouvernement du Québec, et non seulement le gouvernement du Québec, mais également le gouvernement du Canada et les autres provinces canadiennes, la Cour invite tout ce beau monde là à tenir compte de l'interdépendance qui caractérise le fédéralisme canadien, c'est-à-dire à tenir compte de nos obligations politiques, sociales et économiques réciproques, à tenir compte également des exigences qui découlent de la continuité juridique et à tenir compte de l'intégration de notre structure étatique et de nos institutions. Pour l'ensemble de ces motifs, M. le Président, pour l'ensemble des motifs que je viens d'énoncer, le jugement de la Cour suprême du Canada nous semble être un jugement tout à fait éclairé. Et, s'il doit recevoir votre appui, M. le ministre, ce n'est pas seulement parce que c'est un jugement de la Cour suprême du Canada, c'est surtout parce que c'est un bon jugement et un jugement que vous avez vous-même applaudi à l'époque et qu'aujourd'hui vous niez ou qu'aujourd'hui vous citez lorsque ça fait votre affaire, finalement, en sortant des phrases hors contexte et en oubliant de saisir l'ensemble de l'esprit de cette décision judiciaire des plus importantes.

M. le Président, le Parti libéral du Québec, l'opposition officielle, dès l'automne dernier, a soumis dans cette Chambre des motions à trois reprises. Nous avons soumis des motions, donc, où on reconnaissait ceci. Les motions de l'opposition officielle reconnaissaient, dans un premier temps, l'autorité et la légitimité de l'Assemblée nationale du Québec pour décider seule des conditions et des modalités entourant la tenue d'un référendum qui serait tenu en vertu de la Loi sur la consultation populaire. Donc, l'Assemblée nationale pouvait seule décider des modalités et conditions d'un tel référendum, y compris le libellé de la question.

Nous avons par ailleurs reconnu dans nos motions la pertinence, la sagesse et l'opportunité du renvoi de la Cour suprême du mois d'août 1998 et nous avons reconnu également comme principe démocratique fondamental la norme de la majorité absolue des voix, soit la règle du 50 % plus un. On aurait pu s'attendre à ce que les gens du parti ministériel acceptent cette motion, appuient cette motion, quitte, après cela, à ce qu'ils passent à leur propre agenda, à leur agenda finalement personnel. Tel n'a pas été le cas. À trois reprises, les gens du parti ministériel ont dit non à une motion qui reconnaissait, ni plus ni moins, l'autorité de l'Assemblée nationale, le principe du 50 % plus un et puis la pertinence et la sagesse du renvoi de la Cour suprême qu'ils avaient eux-mêmes applaudi en août 1998 au moment où la Cour a rendu sa décision. Quel est donc d'après vous, M. le Président, le parti qui est le plus soucieux de défendre ardemment les droits et les intérêts des Québécois et des Québécoises, si ce n'est justement le Parti libéral du Québec, si ce n'est justement ce parti qui aujourd'hui forme l'opposition officielle?

Vous savez, M. le Président, nous ne nous sommes pas arrêtés là. Afin de parvenir à un consensus en cette Chambre et afin d'étayer une position de force en faveur de l'Assemblée nationale, une position de force en faveur de l'ensemble des Québécois et Québécoises, j'ai déposé tout récemment à l'Assemblée nationale une déclaration solennelle, et cette déclaration solennelle contient essentiellement les affirmations suivantes. D'abord, nous reconnaissons que les Québécois et les Québécoises... Et ici non seulement je ne cite pas in extenso, mais je ne cite pas non plus tel quel le contenu de ma déclaration qui figure déjà dans les débats de cette Chambre. J'en traduis simplement l'essence, si vous voulez, de cette déclaration solennelle.

Nous sommes donc tout à fait favorables à ce que les Québécois et Québécoises soient habilités à déterminer eux-mêmes leur régime politique et leur statut juridique, et nous considérons par ailleurs que les institutions québécoises, les institutions politiques québécoises ont le droit exclusif – je dis bien «exclusif» – de statuer sur les modalités et conditions d'un référendum en vertu de la Loi sur la consultation populaire et portant sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Et, M. le Président, je le répète, aucun autre Parlement ne peut et ne doit remettre en cause ce droit qu'ont les Québécois et Québécoises et l'Assemblée nationale de déterminer eux-mêmes les modalités et conditions d'un référendum tenu en vertu de la Loi sur la consultation populaire. Aucun autre Parlement, aucun autre gouvernement n'a le droit de remettre cela en cause, de l'affecter ou de le restreindre.

Nous reconnaissons, par ailleurs, M. le Président, l'applicabilité et l'autorité du renvoi de la Cour suprême du mois d'août 1998, notamment en ce qui concerne le lien intrinsèque qui existe entre la légitimité démocratique et la légalité constitutionnelle, ainsi qu'en ce qui concerne l'obligation d'avoir une question claire et dépourvue de toute ambiguïté, ainsi qu'en ce qui concerne ces fameuses négociations que le ministre se disait prêt tout à l'heure à entamer, c'est-à-dire ces fameuses négociations constitutionnelles dont la Cour a parlé et qu'elle a demandé aux acteurs politiques de faire en tenant compte du principe du fédéralisme, du constitutionnalisme et de la primauté du droit, du respect des droits de la minorité et de la volonté démocratique des Québécois. Et enfin, dans notre motion, nous réitérons également l'importance que soit sauvegardée l'intégrité territoriale du Québec. C'est un principe auquel nous tenons fermement.

Si vous le voulez, tout à l'heure, si le temps me le permet, je ferai à nouveau une lecture de l'ensemble de ma déclaration solennelle, puisque tel semble être le souhait des gens du parti ministériel qui apparemment ne l'ont pas lue, puisqu'ils me demandent de la lire à nouveau afin qu'ils puissent bien en saisir le sens et qu'ils puissent bien en saisir la substance.

(12 h 10)

Permettez-moi, M. le Président, maintenant de vous dire un mot du projet de loi n° 99. D'abord, je ferai quelques affirmations préliminaires, mais par la suite je vais parler du véhicule, je vais parler de l'idée de procéder par un projet de loi qui, à mon avis, ici est quand même au coeur des divergences de vues qu'il y a entre l'opposition officielle et le parti ministériel. Mais permettez-moi tout simplement de vous dire que l'opposition officielle n'est pas dupe. Dans le projet de loi n° 99, tel que réimprimé, on s'attendait vraiment à ce que la réimpression porte sur des choses qui soient extrêmement importantes, qui soient fondamentales. On s'attendait à une réimpression de fond en comble du projet de loi. Ce ne fut pas le cas. Mais, peu importe, ça a été la décision du ministre. Mais on retrouve un considérant reconnaissant l'importance politique du renvoi de la Cour suprême du Canada du mois d'août 1998. Soit! C'est bien. On retrouve ça dans un considérant, on retrouve ça dans le préambule. C'est bien. Mais, lorsqu'on lit le corps du texte, on se rend compte que nulle part il n'est fait mention du renvoi et nulle part n'a-t-on tenu compte du renvoi, par ailleurs. Nulle part n'a-t-on tenu compte du renvoi.

Est-ce que vous pensez vraiment que l'opposition officielle est dupe à ce point de tomber dans le piège de se satisfaire d'une affirmation nébuleuse dans un préambule, alors que vous auriez très bien pu faire preuve d'une meilleure volonté et tenir compte du renvoi de la Cour suprême dans le corps même de votre projet de loi?

Par ailleurs, M. le ministre, sans entrer dans les moindres détails du contenu de ce projet de loi qui contient de nombreux vices, donc, en ce qui concerne le contenu, bien entendu, vous me permettrez aussi d'ajouter que j'ai été étonné de voir que, dans le projet de loi, tant dans le préambule que dans le corps, on ne retrouve aucune mention de la question claire. J'avoue que je suis très étonné. À aucun égard le gouvernement tient-il à ce qu'un prochain référendum porte sur une question claire. C'est extrêmement étonnant.

D'abord, je pense que ça en dit long sur les volontés du gouvernement, le gouvernement qui, donc, forcément, n'est pas en faveur de la clarté, ou du moins ne veut pas l'écrire, hein? On est justement dans un contexte où le gouvernement dit: On est prêt, on est favorable à la clarté. On tient des bons discours, mais, quand vient le temps de l'écrire, comme le ministre aurait pu le faire dans le projet de loi n° 99, là, à ce moment-là, on recule. On dit: On n'est pas pour s'engager à écrire qu'il faut tenir un référendum portant sur une question claire, puisque, premièrement, ce n'est pas notre intention et, deuxièmement, ce n'est pas dans nos habitudes non plus.

Mais, au-delà, donc, M. le Président, de ces remarques que je viens de formuler... Et je pourrais en formuler bien d'autres quant au contenu du projet de loi n° 99, mais je m'en abstiendrai pour le motif suivant, c'est parce que, au-delà même de son contenu, ce qui pêche avec le projet de loi n° 99, là où le bât blesse, c'est qu'on n'a pas utilisé un bon véhicule pour affirmer les droits et les pouvoirs des Québécois et des Québécoises en ce qui concerne leur avenir collectif. Pourquoi on n'a pas utilisé un bon véhicule? C'est parce que, contrairement à une déclaration solennelle comme nous le proposions, le projet de loi n° 99 judiciarise tout le débat. Le projet de loi n° 99 est attaquable devant les tribunaux, sera possiblement attaqué devant les tribunaux. Je dois vous dire que, personnellement, je ne le souhaite pas. L'opposition officielle ne le souhaite pas, mais on ne peut pas empêcher des gens de soumettre devant les tribunaux des questions constitutionnelles et d'entamer des procédures judiciaires. Le projet de loi n° 99 est attaquable devant les tribunaux.

Imaginez-vous la situation dans laquelle nous nous retrouverions s'il fallait qu'une procédure judiciaire porte donc sur le projet de loi n° 99, attaque le projet de loi n° 99 devant la Cour supérieure, puis la Cour d'appel, puis la Cour suprême du Canada. Là, à ce moment-là on pourrait voir avec amusement le gouvernement du Québec aller défendre en Cour suprême du Canada son projet de loi n° 99 devant ces mêmes neuf juges dont le ministre ne veut pas reconnaître la sagesse et ne veut pas reconnaître l'autorité, par ailleurs, imaginez, M. le Président, parce que, dit-il, ils sont nommés par Jean Chrétien, ils sont nommés par Ottawa, donc ce n'est pas des gens crédibles. Je peux vous dire que, si le ministre était avocat, il pourrait être radié du Barreau. Heureusement pour lui qu'il n'a pas à mesurer ses propos à cet égard! Heureusement pour lui! Mais je dois vous dire que ses affirmations sont extrêmement fortes en ce qui concerne l'autorité morale et en ce qui concerne finalement l'autorité tout court de la Cour suprême du Canada.

Donc, on judiciarise la question, on fait en sorte que ce soit attaquable devant les tribunaux, on plonge des droits qui sont des droits fondamentalement politiques, lorsqu'ils sont énoncés comme nous le faisons ici, dans l'arène juridique. On les livre finalement en pâture à ceux-là mêmes qui voudront en contester la validité jusqu'en Cour suprême du Canada éventuellement. Bref, on fragilise les positions des Québécois et Québécoises, on affaiblit le Québec, on compromet l'avenir des Québécois et Québécoises. Ces mêmes droits là et ces mêmes pouvoirs là que nous voulons tous défendre et soutenir avec ardeur, on les met en péril en empruntant un véhicule qui amène la judiciarisation du débat. Dans ce contexte, nous privilégions, M. le Président, une déclaration solennelle qui, elle, serait inattaquable devant les tribunaux, qui donnerait par ailleurs le dernier mot aux parlementaires eux-mêmes. Nous sommes élus, après tout. Pourquoi ne pas profiter de l'occasion pour se donner à nous-mêmes le dernier mot en tant que représentants du peuple? Et la déclaration solennelle nous permet de laisser dans l'arène politique ce qui doit être dans l'arène politique et de ne livrer rien en pâture à ceux qui rêvent du jour où certaines dispositions du projet de loi n° 99 vont être déclarées inconstitutionnelles et invalides par nos tribunaux.

Vous allez me dire, M. le Président: Oui, mais pourquoi utiliser le biais d'une motion? Pourquoi utiliser le biais d'une motion et pourquoi utiliser l'intermédiaire d'une déclaration solennelle? Bien, je vous ferai remarquer qu'en 1985 c'est par une déclaration solennelle qu'on a reconnu les droits des autochtones au Québec, et cette déclaration solennelle là est encore très souvent invoquée dans notre débat et fait encore autorité politique. Je vous ferai remarquer que c'est en 1986 que l'on a émis également à l'Assemblée nationale une déclaration solennelle qui porte sur les relations interethniques et interraciales. Et je vous ferai remarquer que c'est par une motion que, en 1981, le Québec s'est opposé au rapatriement, s'est opposé à l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1982, et, que je sache, cette motion est encore valide aujourd'hui, a encore une grande autorité politique, est même souvent invoquée par les gens du parti ministériel. Si vous voulez dénigrer cette motion de 1981, dites-le, M. le ministre. Si telle n'est pas votre intention, si vous reconnaissez encore que cette motion-là a beaucoup d'autorité politique, dites-le aussi. Ce sera une confirmation du point de vue que nous soutenons, voulant qu'une motion soit un geste d'affirmation nationale très, très, très efficace.

Et je vous ferai remarquer que, lorsque j'entendais M. le premier ministre dire «loi pour loi», il se trouvait ainsi à contredire l'ex-premier ministre Lévesque qui, en 1981, avait utilisé une motion de cette Assemblée pour répondre à l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1982. Donc, pourquoi tout d'un coup on en arrive au «loi pour loi», alors que le Parti québécois lui-même, dans son histoire, a utilisé le mécanisme de la motion pour répondre à la Loi constitutionnelle de 1982?

Vous allez me dire: Oui, mais le projet de loi n° 99, il est inattaquable à proprement parler, il est parfait, toutes ses dispositions sont constitutionnelles, toutes ses dispositions sont valides. Je n'en suis pas si sûr, M. le Président. Robert Dutrisac écrivait dans Le Devoir du 25 avril 2000 ceci. Donc, c'est tout récent. Robert Dutrisac écrivait ceci, et je cite: «Que ce soit dans l'ancienne ou la nouvelle mouture, le projet de loi n° 99 reprend les grands principes politiques, développés au cours des 40 dernières années notamment, qui ont forgé le Québec moderne. Mais, alors que Joseph Facal soutient que l'avenir du peuple québécois est une affaire strictement politique, le projet de loi n° 99, paradoxalement, plonge ces droits politiques fondamentaux dans l'arène juridique, les livrant en pâture à ceux qui veulent en contester la validité devant la Cour suprême.

«Le constitutionnaliste Henri Brun a proposé que la riposte du gouvernement au projet de loi fédéral C-20 soit bien différente du projet de loi n° 99. À ses yeux, le projet de loi n° 99 prête flanc à une contestation juridique en règle. Il aurait été préférable, selon lui, que le projet de loi québécois se rive davantage à C-20, le déboulonne en se collant à l'avis de la Cour suprême sur la sécession – ça, c'est très intéressant, hein, "le déboulonne en se collant à l'avis de la Cour suprême sur la sécession" – une entreprise relativement facile, inattaquable par les Guy Bertrand et Alliance Québec de ce monde.»

(12 h 20)

Visiblement, le ministre n'a pas écouté les avis juridiques qu'il a reçus, qui donc vont dans ce sens, du fait qu'il y ait un certain nombre de dispositions inconstitutionnelles dans le projet de loi n° 99, et forcément avis juridiques qui invitent le ministre à ne pas judiciariser le débat, parce que, s'il s'avérait que les tribunaux déclarent certaines des dispositions du projet de loi n° 99 inconstitutionnelles, ce serait une véritable honte et, je dois le dire, non seulement pour le parti ministériel, mais pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises qui tiennent au principe mais qui finalement ne sont pas satisfaits du véhicule qui est ici emprunté.

L'idée même, M. le Président, que nous procédions par une motion, par une déclaration solennelle plutôt que par un projet de loi, a été par ailleurs appuyée par un grand nombre de commentateurs de la scène publique. Je vais vous citer ici Michel C. Auger, dans Le Journal de Montréal le mardi 25 avril 2000, où il dit notamment ceci: «Et, si le gouvernement péquiste voulait vraiment embarrasser les libéraux et les amener à voter avec lui, il pourrait tout simplement abandonner le projet de loi n° 99 et procéder par voie de résolution, d'abord parce que répondre par une loi est, au mieux, inutile et, au pire, potentiellement dangereux, puisqu'elle pourrait être contestée en cour avec des résultats qu'on ne peut prédire par le premier Guy Bertrand venu.»

Normand Girard, M. le Président, dans Le Journal de Québec du 22 avril 2000, affirme ceci: «Qui plus est, le projet de loi n° 99 réécrit donne prise, par son article 1, à une contestation devant les tribunaux. Cet article énonce que "le peuple québécois peut, en fait et en droit, disposer de lui-même. Il est titulaire des droits universellement reconnus en vertu du principe de l'égalité [...] des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes." L'avis de la Cour suprême énonce à cet égard que le Québec n'a pas le droit de s'autodéterminer en vertu du droit international mais qu'il peut le faire en vertu des précédents internationaux. Le projet de loi n° 99, sitôt adopté par la majorité péquiste à l'Assemblée nationale, ne manquera pas d'être contesté devant les tribunaux, ne serait-ce que sur ce seul aspect. Quoi qu'il en soit, le gouvernement Bouchard aurait voulu provoquer une deuxième fois le refus des libéraux d'adhérer au projet de loi n° 99 qu'il n'aurait pas agi autrement. Lorsque l'on cherche un consensus, d'ordinaire, on n'agit pas unilatéralement, on consulte ses interlocuteurs. Or, l'opposition officielle n'a jamais été consultée quant à la réécriture du projet de loi.»

Dans le journal Le Devoir du 21 avril 2000, Michel Venne écrit ceci: «Le ministre Joseph Facal soutient que l'avenir du Québec est une question politique. Le droit du peuple québécois de disposer de lui-même est une question politique. Or, en affirmant dans une loi le droit du peuple du Québec à l'autodétermination, il fait sortir cette question du champ politique pour le faire entrer dans le champ juridique, car le premier effet juridique d'une loi est de rendre contestable devant les tribunaux le contenu de cette loi. Quel avantage avons-nous à ce que la Cour suprême du Canada se prononce un jour sur ce droit? Il n'y en a aucun. Une telle éventualité comporte par contre des risques. Pour cette raison, le projet de loi n° 99 devrait énoncer surtout des modalités et s'en tenir à des formulations déjà admises en droit canadien.» Et s'en tenir à des formulations déjà admises en droit canadien, M. le Président.

Toujours Michel Venne, un peu plus tard, sous le titre Un geste de Charest , dans Le Devoir , écrivait ceci: «...sans compter qu'une loi serait contestable devant les tribunaux, ce qui n'est pas le cas d'une déclaration. En outre, affirmer dans une loi que le Québec a le droit à l'autodétermination n'a guère plus de poids politique que d'affirmer la même chose ou à peu près dans un texte solennel adopté à l'unanimité. Or, nous parlons ici d'un droit politique.»

Et Michel Venne de continuer en disant ceci. Écoutez bien, M. le ministre. M. le Président, je sais que j'ai toujours votre attention, je m'en réjouis, mais c'est celle du ministre que je veux avoir. «L'occasion est trop belle pour qu'on la laisse passer. Après tout, MM. Bouchard et Charest s'entendent, comme ils l'ont affirmé lors du lancement du livre du Devoir sur la nation québécoise, sur le fait que cette nation existe et que celle-ci a le droit de décider de son avenir politique et constitutionnel.» La nation québécoise existe, le peuple québécois existe, nous l'affirmons, nous sommes prêts à l'écrire dans notre déclaration solennelle. Je vous le dis, M. le ministre, la porte est ouverte pour que nous reconnaissions l'expression «État du Québec», si vous le désirez, et le fait que les Québécois forment un peuple composé, bien entendu, de citoyens d'origines diverses.

Le 6 mai 2000, Pierre Bourgault, maintenant, dans Le Journal de Montréal – Pierre Bourgault qu'on ne peut pas soupçonner, je pense, de sympathie fédéraliste, c'est le moins qu'on puisse dire – écrivait ceci: «Or, c'est Jean Charest qui a trouvé la solution.» Et le titre, c'est Jean Charest a raison . «Or, c'est Jean Charest qui a trouvé la solution. Plutôt que de proposer l'adoption d'une loi, contestable devant les tribunaux, il propose l'adoption d'une déclaration solennelle portant sur le droit des Québécois de décider de leur avenir politique et constitutionnel.»

Michel C. Auger, dans Le Journal de Québec le 16 mai 2000, disait ceci: «Or, voici que, après avoir considéré la question comme essentiellement politique pendant des années, le gouvernement Bouchard se sent obligé de répondre projet de loi pour projet de loi au Clarity Bill. C'est jeter par-dessus bord toute sa logique – qui lui permet de penser tenir un autre référendum sur la souveraineté – et c'est dangereux parce qu'une loi, cela se conteste devant les tribunaux avec des résultats pas toujours évidents. Ainsi, le gouvernement de René Lévesque était allé devant les tribunaux peu après le rapatriement de la constitution en 1982 pour faire valoir le droit de veto traditionnel du Québec. Il ne fut pas très avancé quand il apprit de la bouche du plus haut tribunal du pays que non seulement le Québec n'avait pas, mais n'avait même jamais eu de droit de veto en matière constitutionnelle.» Voilà ce qui arrive, M. le ministre, quand on veut tout judiciariser.

Et j'ajouterai à cela un article de M. Michel David, du journal Le Soleil , publié aujourd'hui même, dans lequel article l'auteur, le journaliste, affirme ceci: «D'ailleurs, même si c'était le cas, il est assez paradoxal que le gouvernement Bouchard donne lui-même au camp fédéraliste l'occasion de soumettre encore une fois le projet souverainiste à l'examen de la Cour suprême. En 1998, c'est précisément parce qu'il contestait sa compétence qu'il avait refusé d'y faire un plaidoyer. À moins, évidemment, que le but de toute cette opération soit de relancer le débat sur la souveraineté devant les tribunaux, en espérant que les Québécois finissent par avoir un coup de sang. À la veille d'une élection ou, mieux encore, d'un référendum, un nouveau jugement qui prétendrait restreindre leur droit à l'autodétermination serait certainement le bienvenu.»

(12 h 30)

Là, on comprend, à ce moment-là, la stratégie gouvernementale. La stratégie gouvernementale, malheureusement, c'est une stratégie qui risque d'être déplorable pour la défense sincère des intérêts des Québécois et des Québécoises, c'est d'aller devant les tribunaux, d'obtenir un jugement déclarant inconstitutionnelles certaines dispositions du projet de loi n° 99, de faire à ce moment-là la vierge offensée, même si on prévient le gouvernement à l'avance des dangers que cela comporte, de continuer à dénoncer systématiquement notre système judiciaire, de conclure que le fédéralisme canadien nie la réalité québécoise et de chercher à pousser la ferveur nationaliste au Québec et la ferveur souverainiste.

Si c'est ça, M. le ministre, votre objectif, si c'est ça, votre but, la Chambre doit prendre acte du fait que, aujourd'hui même, en cette Assemblée, nous vous prévenons des dangers que cela comporte, nous dénonçons cette stratégie qui ne peut être que néfaste pour les intérêts des Québécois et des Québécoises, et, par ailleurs, nous condamnons une telle initiative.

Dans ce contexte, et dans le contexte, M. le ministre, où telle ne serait pas votre intention, dans le contexte où telle ne serait pas votre stratégie, je vous invite à venir à nouveau discuter de la déclaration solennelle qui a été soumise par l'opposition officielle. Discutons-en, vous allez voir que, sur le concept de peuple, nous sommes tout à fait désireux que les Québécois non seulement soient reconnus comme peuple, mais s'affirment comme peuple.

Quant à nous, nous préférons que cette affirmation se fasse bien entendu dans le fédéralisme canadien, mais je trouve légitime que d'autres personnes puissent soutenir que cette affirmation doive se faire hors du contexte canadien. Mais nous nous entendons pour dire que les Québécois et les Québécoises forment un peuple. L'État du Québec, M. le ministre, je vous le dis tout de suite, a un sens politique bien précis, est utilisé depuis maintes années. Je pense que c'est un concept qui a vu le jour – mais je le dis sous toutes réserves, je n'ai pas fait de vérification, M. le Président – dans la foulée de la Révolution tranquille justement amorcée par Jean Lesage, Révolution tranquille dont nous allons souligner les 40 ans cette année, nous allons souligner les 40 ans de l'arrivée au pouvoir de Jean Lesage.

Et, si je souligne cela en terminant, M. le Président, c'est pour vous dire ceci, c'est pour vous dire que les droits, les pouvoirs, les prérogatives de l'Assemblée nationale, on les a à coeur; c'est pour vous dire que les droits, les pouvoirs du peuple québécois, on les a à coeur; l'intégrité territoriale de l'État québécois, M. le Président, on l'a à coeur. Nous, on croit que le meilleur véhicule pour affirmer tout cela, c'est par une déclaration solennelle non attaquable devant les tribunaux, adoptée – je l'espère – unanimement – je l'espère encore – par cette Assemblée. On a tout cela à coeur, M. le Président, et, en ce sens, nous sommes conformes à la longue tradition initiée par Jean Lesage, la longue tradition du Parti libéral du Québec et de l'opposition officielle actuelle.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Chapleau. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. On se retrouve aujourd'hui à discuter du principe du projet de loi n° 99, projet de loi, rappelons-le, qui est en réplique à cette décision du gouvernement fédéral de tenter de cloisonner, par projet de loi, à l'intérieur d'un cadre défini par Ottawa, les modalités à travers lesquelles les Québécois pourraient à l'avenir décider de leur avenir politique.

Avec quel délai on se retrouve dans le débat? Tout le monde s'attendait, les Québécois et les Québécoises s'attendaient à ce que, rapidement, l'Assemblée nationale puisse d'une seule voix donner à cette attaque du gouvernement fédéral une réplique. On est rendu fin mai et on est encore à l'Assemblée à discuter d'un projet de loi qui ne fait toujours pas l'unanimité, où les uns parlent d'une motion ou d'une déclaration et les autres d'un projet de loi. On est depuis des mois dans le choix des mots, on est depuis des mois dans le choix du moyen, et, pendant ce temps-là, on est depuis des mois dans la stérilité de l'Assemblée nationale sur le plan de la défense des Québécois et des Québécoises.

Jusqu'à maintenant, et en sentant encore entrouverte la porte pour une éventuelle entente, jusqu'à ce jour, c'est la défaite de la défense des intérêts du Québec, la défaite de la défense réelle par l'Assemblée nationale des intérêts de la population du Québec sur la partisanerie dans ses phases, dans ses démonstrations les plus extrêmes. Et la population, M. le Président, va devoir porter un jugement sur les partis qui sont en présence ici, à l'Assemblée nationale, et sur leurs résultats en matière d'avancement du Québec, sur leur capacité à défendre le Québec au-delà des discours.

Dans le cas qui nous occupe, on a de toute évidence un gouvernement en place, le Parti québécois, qui, à plus qu'une reprise, prétendant chercher le consensus, a travaillé en vase clos sur cette question-là mais qui, si on remonte en amont du problème, a laissé au gouvernement fédéral une très grande marge de manoeuvre pour empiéter dans des pouvoirs.

Parce que, au lendemain du référendum de 1995, je pense que c'est important de le rappeler, alors qu'une très forte proportion des Québécois, la majorité, ont choisi de refuser l'élément de rupture qui leur était proposé, une très forte proportion de Québécois, quelque 49 %, ont exprimé au nom de l'ensemble une forte volonté de changement.

Alors, plutôt que de s'appuyer là-dessus, plutôt que d'entendre et d'écouter le verdict populaire, de s'appuyer sur une volonté populaire pour se redonner une stratégie de défense des intérêts du Québec, le Parti québécois a plutôt choisi déjà de commencer à organiser un prochain référendum en disant: Ah! ça a passé proche, mais il y a encore la majorité qui s'est trompée parce qu'ils n'ont pas partagé le point de vue que l'on défendait. C'est donc une erreur, ils se sont trompés, le monde s'est trompé. Et, donc, on travaille sur une stratégie qui s'est appelée les «conditions gagnantes» mais, essentiellement, qui est une absence de stratégie. Parce que, dans mon oeil, une stratégie, c'est de partir de la réalité politique, de dire: Le peuple, au Québec, il s'est exprimé de cette façon-ci. Et, à partir de l'expression de la volonté populaire, je vais développer une stratégie pour que cette population-là en sorte gagnante, hein, pour que le Québec avance à son rythme, au rythme qu'il vient de nous exprimer, mais qu'on avance.

Alors, plutôt que de se lancer là-dedans, on s'est retrouvé dans les conditions gagnantes. Belle stratégie, les conditions gagnantes, du point de vue électoral! Il n'y a pas de doute, personne ne va mettre en doute que, pour le premier ministre, au moment de l'élection, l'idée de parler des conditions gagnantes est tout à fait favorable, parce qu'on pouvait dire à ceux qui voulaient un référendum que les conditions gagnantes allaient être réunies puis à ceux qui ne voulaient pas de référendum qu'il n'y en aurait pas à moins d'avoir les conditions gagnantes.

Mais le lendemain de l'élection, M. le Président, qu'est-ce que le Parti québécois avait en main pour défendre le Québec? Des conditions gagnantes auxquelles personne ne croit, incluant le premier ministre qui n'y croit même pas lui-même. Ce gouvernement-là du Parti québécois, sous des discours extrêmement nationalistes dans le ton, nationalistes dans la forme, est un de ceux dont on se souviendra dans l'histoire qu'ils ont gouverné le Québec sans avoir une approche de défense des intérêts du Québec. C'est un gouvernement qui a constamment été en réaction, un gouvernement qu'on regarde agir en disant: Bon, ils attendent après Ottawa. On n'est jamais trop sûr. Est-ce qu'ils souhaitent qu'Ottawa leur donne une tape sur la gueule parce que ça leur donne une occasion de parler déjà du prochain référendum puis de dire: C'est bien épouvantable? On n'est jamais certain. Est-ce qu'ils veulent qu'on soit le mieux traités possible comme Québécois par Ottawa ou qu'on mange des coups d'Ottawa?

Ce n'est jamais clair, qu'est-ce qui fait leur bonheur, parce que, quand le projet de loi sur la clarté référendaire, le projet de loi Dion, a été déposé à la Chambre des communes – et on ne se fera pas de cachette, M. le Président, c'était le party au caucus du Parti québécois – on disait alors qu'on aurait dû s'attendre à ce que, au Parti québécois, les gens soient déçus, choqués. Moi, j'ai vu les images, là, au téléjournal. C'était l'espoir, parce qu'on est toujours dans l'esprit non pas de défendre le Québec d'aujourd'hui, le Québec réel, on est dans l'esprit d'un prochain référendum, de créer la confrontation artificiellement s'il le faut. Alors, c'est là qu'on en était, M. le Président, au moment où on s'attendait à une meilleure défense des intérêts du Québec.

Le gouvernement du Parti québécois, par son absence de stratégie, par la faiblesse de ses positions, a laissé à Ottawa une marge de manoeuvre qu'Ottawa n'a pas souvent eue dans le passé. De façon générale, les gouvernements du Québec se sont toujours arrangés pour garder l'élastique assez tendu par rapport à Ottawa pour s'assurer que le Québec serait à tout moment bien défendu, et sur ses gardes, et en position pour défendre son autonomie et, si possible, gagner de l'autonomie, parce que, avec la distribution des pouvoirs puis avec le pouvoir de dépenser, il y a des gains nécessaires pour le Québec à faire, tout le monde le sait.

(12 h 40)

D'ailleurs, là-dessus, sur le Parti québécois, c'est un peu à l'image de son bilan depuis 30 ans. Vous ne serez pas surpris de comprendre que, depuis sa fondation, il y a un peu plus de 30 ans, le Parti québécois, qui pourtant a connu un relatif succès sur le plan électoral – il a gagné quand même à quatre reprises des élections dans son histoire, ce qui est un succès sur le plan électoral – sur le plan de son article 1, qui est la défense du Québec, l'autonomie du Québec, malgré que la population lui ait donné le privilège quatre fois de s'exécuter, de monter sur la scène puis de s'exécuter, le bilan du Parti québécois en matière d'autonomie du Québec, c'est un gros zéro. Puis être sévère, on dirait: Ce n'est pas zéro, c'est dans le négatif. Parce que, avec le droit de veto au début des années quatre-vingt puis le rapatriement, il en a échappé des bouts.

Donc, dans cet appel à la défense des intérêts du Québec, à l'heure actuelle on a un texte, on a un projet de loi n° 99. Bon. On a mis sur papier un certain nombre de principes assez généraux, largement consentis déjà au Québec, plusieurs déjà consentis d'ailleurs ailleurs au Canada ou par des jugements de la Cour suprême, mais où on réaffirme des choses. Mais, sur le plan de la stratégie gouvernementale, cet épisode-là nous a, à mon oeil, montré à nouveau que, dans un esprit de partisanerie, le Parti québécois est un parti fort nationaliste dans les discours mais bien faible quand le Québec a besoin d'être défendu dans la pratique.

De l'autre côté, M. le Président, si on est arrivé à ce cul-de-sac, c'est sûrement aussi parce que, du côté de l'opposition officielle... Tout à l'heure, le porte-parole de l'opposition officielle parlait de la tradition au Parti libéral de défendre les intérêts du Québec. Il remontait jusqu'à Jean Lesage. C'est vrai que cette tradition-là a existé au Parti libéral du Québec, une tradition de défense des intérêts du Québec, une tradition d'opposition résolument nationaliste. Maintenant, il faut être à jour pour se rendre compte que ça fait belle lurette que le Parti libéral du Québec est en rupture avec cette tradition-là, que jamais le Parti libéral du Québec n'a eu des liens aussi étroits, aussi proches avec le Parti libéral du Canada et que sa marge de manoeuvre, quand vient le temps de défendre une position comme celle-là, en est fort réduite.

Il faut seulement aller sur le site Internet du Parti libéral du Canada pour s'apercevoir maintenant que, dans la nomenclature, dans les liens avec le Parti libéral de chacune des provinces, le Parti libéral du Québec fait partie de la famille comme les autres avec lesquels on peut avoir un lien quand on est dans le site du Parti libéral du Canada, pour comprendre qu'on est dans la même famille, on est dans le même bassin. On est dans le même bassin sur le plan idéologique, on est dans le même bassin sur le plan du travail dans les comtés.

Depuis le début, l'opposition officielle, depuis la première journée, on a senti qu'il y avait une opposition générale au projet de loi qui venait d'Ottawa mais tout en pouvant laisser croire à ceux qui sont bien contents qu'Ottawa fasse ça au Québec qu'il y aurait peut-être une certaine forme de complicité. D'ailleurs, là-dessus, M. le Président, je suis obligé de dire que, sur le plan du courage, sur le plan de la fermeté, l'actuel chef du Parti conservateur à Ottawa, M. Joe Clark, a été beaucoup plus ferme. Il a pris des risques politiques beaucoup plus importants pour dire non au projet de loi C-20 et, lui, sur le plan personnel, il a maintenu sa position jusqu'à la dernière journée, jusqu'au moment du vote là-dessus, avec énormément de courage et de conviction, qu'on n'a pas nécessairement retrouvés ici, en Chambre, du côté de l'opposition officielle.

L'opposition officielle d'ailleurs, M. le Président – on parle d'affaiblissement du Québec – n'a jamais non plus reconnu le résultat du référendum, se contente de reconnaître, d'entendre le fait que par 1 % la majorité a choisi de rester à l'intérieur du Canada mais refuse d'entendre ce qui est l'évidence, ce que tout le monde a vu, c'est que 49,5 % des gens qui s'expriment en faveur d'un changement, c'est peut-être parce qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans le système, que peut-être une population qui est satisfaite d'un système, une population qui se reconnaît dans un système... il y a une volonté de changement, il y a une volonté d'autonomie et que ça doit obtenir des réponses.

Alors, tout ça pour dire, M. le Président, qu'on a démontré, depuis les semaines, les mois, à travers toute une commission parlementaire sur le sujet, combien difficile c'est devenu pour l'Assemblée nationale, dans les extrêmes de partisanerie connus, de parler d'une seule voix. Et ça ne l'a pas été à toutes les époques. L'Assemblée nationale, plus qu'une fois dans son histoire, a mis un cran d'arrêt, a dit: Sur un grand nombre de sujets, on débat au quotidien, mais, quand les pouvoirs du Québec sont aussi clairement menacés, quand l'autonomie des institutions québécoises, le respect des institutions québécoises sont aussi clairement visés, de façon unanime, tous les partis mettent ensemble un cran d'arrêt. Et j'ai la crainte que, par rapport au projet de loi C-20, le projet de loi sur la clarté référendaire, l'Assemblée nationale ne soit pas capable de s'entendre pour mettre ce cran d'arrêt là.

Je vous dirais que, même rendu à cette date-ci, avec tout ce qui s'est produit, tout ce qu'il y a eu comme tataouinage, comme péripéties, comme projet de loi imprimé, réimprimé, discussions entre l'opposition, et le gouvernement, et l'ADQ, plus de discussions, discussions qui reprennent sur une motion, la crédibilité de tout ce qui pourrait en sortir est déjà assez pâlie, déjà à l'heure où on se parle. Et je continue à dire qu'un projet de loi qui serait adopté et qui n'obtiendrait pas l'assentiment général de l'Assemblée nationale, ce qu'on va en retenir, ce que l'histoire va en retenir, ce que les gens au Parlement fédéral vont en retenir, ce n'est pas le texte du projet de loi. Le texte du projet de loi, ça ne sera pas ça, la nouvelle, ça ne sera pas ça, l'impact, ça ne sera pas ça, la résultante. La résultante, ça va être un Québec divisé. L'impact, ça va être le message d'un Québec divisé. La résultante à long terme, l'impact dont on se souviendra sur le long terme, ça sera celui d'un Québec affaibli par la division. C'est ça qui va en rester.

D'ailleurs, c'est surprenant et c'est même curieux que, sur tellement de sujets, hein, le gouvernement et l'opposition officielle s'entendent assez bien. Les réformes de la santé sont rédigées par les uns, appliquées par les autres. Sur plusieurs sujets, finalement, les... Écoutez nos concitoyens, ils disent: Bah! le pouvoir se passe d'un à l'autre, puis c'est relativement du pareil au même. Et, sur un sujet comme celui-là, où l'appel du public, où l'appel de l'intérêt général, c'est que ces mêmes personnes travaillent ne serait-ce que 15 minutes main dans la main pour arriver à un texte commun, alors là on n'est plus capable.

Alors, quand l'intérêt général serait à l'effet de changer les façons de faire, que le gouvernement qui a été élu... quand le Parti québécois a été élu, qu'il renverse des choses qui étaient en train de se faire puis qui n'étaient pas correctes, ils ont continué à faire ce qui se faisait avant. Mais, lorsque le temps serait venu de travailler main dans la main sur des thèmes où l'intérêt supérieur du Québec est en cause, ce n'est pas plus possible de le faire, ce n'est pas possible de le faire.

M. le Président, je pense que, dans le débat sur l'avenir du Québec, dans le débat sur le projet de loi n° 99, il y aurait intérêt à ce que tout le monde puisse revenir à ce qui est finalement la plus grande position de force qu'on peut avoir, c'est de s'appuyer sur l'expression de la volonté populaire.

Je sais que la volonté populaire, ça fait peur, hein. La volonté du peuple, ça fait peur. Quand j'ai eu l'occasion de déposer, il y a quelques jours, un projet de loi pour permettre l'initiative populaire, de part et d'autre de l'Assemblée on s'est inquiété. On a été sur la défensive, même si certains, entre autres le Parti québécois, ont inscrit ça, les membres ont inscrit ça dans le programme: une plus grande volonté populaire. Mais le premier ministre: Si on donne trop de pouvoir au monde, si on laisse trop de marge au peuple, on ne sait pas ce qu'ils peuvent faire avec ça. Nous, on pense le contraire, à l'ADQ. On pense qu'il faut s'appuyer sur la volonté populaire. Et, dans ce cas-ci, on a un résultat de référendum récent, très récent, beaucoup trop récent d'ailleurs pour en tenir un autre à court ou moyen terme.

(12 h 50)

On aurait intérêt à s'appuyer sur la volonté populaire. On aurait intérêt à s'appuyer sur les volontés populaires qui ont été exprimées à maintes et maintes reprises par les Québécois, sur le fait que les Québécois souhaitent que leurs institutions soient respectées, que les Québécois souhaitent que les pouvoirs de l'Assemblée nationale soient respectés, que les Québécois souhaitent que les pouvoirs de l'Assemblée nationale soient accrus mais rejettent la rupture qui leur était proposée dans le cadre du dernier référendum mais auquel le Parti québécois reste encore accroché aujourd'hui.

C'est ce sur quoi – il faut toujours rassurer la population – l'ADQ va appuyer ses positions, appuyer nos positions, sur la volonté populaire. Parce que, au Parti québécois, il y a un des anciens stratèges, M. Lisée, qui finalement est arrivé à la conclusion, lui aussi, que la stratégie des conditions gagnantes, la stratégie du Parti québécois affaiblissait le Québec. Puis il est arrivé à l'idée qu'il faudrait respecter le référendum de 1995, respecter les résultats, s'en aller, par rapport au reste du Canada, vers des discussions. Mais, dans son approche stratégique, on a comme l'impression qu'on veut utiliser la volonté populaire pour amener les gens à un échec pour finalement accomplir un autre objectif préétabli.

Non, quand on écoute la volonté populaire, il faut l'écouter pour le vrai. Il faut aller à la même vitesse que les gens sont prêts à aller puis faire le maximum politiquement pour que les changements qui sont souhaités par le peuple, les changements qui sont attendus par le monde, on puisse les faire arriver, on puisse les accélérer. C'est ce à quoi l'ADQ va continuer de s'appliquer: pousser la volonté d'autonomie, la défense des intérêts du Québec, mais dans l'esprit du respect, dans l'appui le plus profond sur la volonté populaire.

Je conclus en disant, M. le Président: Pas de problème particulier avec le principe du projet de loi n° 99 autre que de constater que, à l'heure où on se parle, l'Assemblée nationale a rarement, dans son histoire, été placée dans une semblable position de faiblesse, et il va de soi que ceux qui en sont responsables, s'ils ne sont pas capables de se raviser dans les délais nécessaires, vont devoir payer pour. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Rivière-du-Loup. Il nous reste encore sept minutes avant l'heure de la suspension. Est-ce qu'il y a un prochain intervenant? M. le député de Frontenac.

M. Boulerice: M. le Président, comme l'intervention de notre collègue est de 10 minutes, je demanderais le consentement qu'on dépasse de trois minutes, de façon à ce qu'il ait son bloc de 10 minutes.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Frontenac, vous pouvez commencer puis nous verrons à ajuster.


M. Marc Boulianne

M. Boulianne: Merci, M. le Président. J'écoutais tout à l'heure le député de Chapleau, porte-parole officiel en matière constitutionnelle, parler d'État du Québec, de peuple du Québec et vérifier si on avait entendu. Moi, j'ai bien entendu, mais je ne suis pas sûr de l'avoir compris. Alors, je suis très heureux d'intervenir sur le projet de loi n° 99 qui reconnaît le droit du Québec de disposer librement de son avenir et qui réaffirme, avec conviction, ce principe sacré de la reconnaissance de notre identité nationale comme peuple, qui d'ailleurs a toujours été une préoccupation historique du Québec dans le temps et dans l'espace.

M. le ministre le soulignait tout à l'heure, en 1867, lorsque les Pères de la Confédération décidèrent de créer le Dominion du Canada, le sentiment général, tant chez les chefs nationalistes que dans la population du Québec, fut effectivement d'obtenir cette garantie de retrouver inscrite dans la nouvelle constitution, c'est-à-dire l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, la reconnaissance, et l'existence, et les droits des peuples fondateurs.

D'ailleurs, les journaux de l'époque n'ont pas manqué de souligner ce désir et cet engagement. Ce fut le cas notamment de La Minerve de Montréal, qui, à propos de la nouvelle Constitution, écrivait ceci, et je cite: «La population y voit, dans cette Constitution, la reconnaissance de la nation canadienne-française comme une nationalité distincte et séparée. Elle y voit de plus la reconnaissance formelle de notre indépendance nationale.» Ça ne pouvait pas être aussi clair que cela, M. le Président.

Malheureusement, la réalité se révéla cependant moins glorieuse, car le premier ministre de l'époque, John A. Macdonald, se chargea très rapidement de remettre les pendules à l'heure et de ramener la population du Québec à une triste réalité en démontrant que la notion de peuple avait fait place à un étalement de pouvoirs provinciaux plus ou moins définis et que le Canada uni d'alors n'avait pas été scindé pour permettre au Québec de s'épanouir mais bien plutôt pour répondre au désir unitaire des Ontariens.

Pour plusieurs observateurs, M. le Président, la question demeure toujours d'actualité, à savoir: L'Acte de l'Amérique du Nord britannique ne fut-il pas une constitution basée sur une fausse représentation en laissant croire à la population du Canada-Est de l'époque – le Québec d'aujourd'hui – que ses droits, à titre de peuple, seraient reconnus? M. le Président, l'histoire apporte une réponse précise à cette question, à savoir que les engagements n'ont jamais été respectés.

Aujourd'hui, en l'an 2000, plus que jamais cette hantise politique de nier la notion de peuple et de chambouler les droits du Québec en limitant les revendications québécoises spécifiquement à des revendications provincialistes domine encore le paysage politique québécois, malheureusement, dans un Québec prêt à vivre sa modernité. Nous l'avons vu en commission, les attaques viennent de partout, orchestrées encore d'une façon outrancière par le gouvernement fédéral, évidemment appuyé en cela par le Canada anglais, les fédéralistes, les organismes et associations anglophones, les autochtones et les contradictions du Parti libéral du Québec.

De toute évidence, M. le Président, le gouvernement fédéral aujourd'hui reprend le bâton du pèlerin Macdonald et veut encore s'arroger le contrôle de la question et de la majorité nécessaire à la place, donc, des députés de l'Assemblée nationale, en nous retirant, d'une façon pour le moins humiliante, à nous, les députés dûment élus par le peuple du Québec, ce droit fondamental de décider de notre destin. Donc, les fédéralistes, les associations anglophones sont venus en commission parlementaire nous dire que les Québécois ne sont pas un peuple, qu'ils n'ont pas le droit à l'autodétermination et que la loi n° 99 est illégale. Ils nous ont dit aussi que C-20 avait sa raison d'être et qu'elle protégeait les citoyens des pays.

M. le Président, d'autres organismes, comme les autochtones, aussi sont venus en commission nous présenter leurs projets. La question qui s'impose et qui nous vient à l'esprit invite à la réflexion. En effet, est-ce que le fait de dénoncer, comme le font les autochtones, avec vigueur la démarche souverainiste du Québec comme un acte de spoliation et de disgrâce, est-ce que cette dénonciation va mieux servir leur démarche personnelle nationale autonomiste? Au contraire, ne devraient-ils pas, au nom des idées qu'ils ont toujours défendues et que le peuple québécois aussi défend, s'unir dans un même combat pour la reconnaissance des peuples, comme ils l'ont déjà fait d'ailleurs dans le passé?

En ce qui concerne l'opposition officielle, M. le Président, tous reconnaissent que son comportement est incompréhensible, d'autant plus qu'elle contredit la position traditionnelle et historique du Parti libéral face à la situation d'une telle gravité. Sa rengaine de se dire contre la loi C-20 et de voter contre le principe de la loi n° 99 commence à s'effriter, étant donné la contradiction flagrante d'une telle position. M. le Président, l'histoire juge sévèrement ces contradictions qui défendent mal les intérêts d'une nation.

Plusieurs groupes sont venus nous dire que l'unanimité donnerait beaucoup de force à notre projet de loi. Il est encore temps. Et le ministre, à ce chapitre, a tendu la main, mais je pense que l'opposition officielle devrait faire le mouvement qui s'impose.

M. le Président, en ce qui concerne C-20, je pense que c'est une honte pour le gouvernement libéral fédéral canadien d'avoir adopté le projet C-20, indigne d'un pays démocratique comme prétend l'être le Canada. C'est une honte de continuer à perpétuer ce mépris historique envers le Québec. Ces supposés défenseurs de la démocratie n'ont aucun scrupule à rendre illégale la majorité de 50 % plus un et de rendre impossible la souveraineté du Québec. Il faut défendre avec vigueur le projet de loi n° 99, envers et contre tous, comme le fait le gouvernement du Québec, et d'une façon unanime.

On ne peut, M. le Président, se dire contre C-20 et être contre le projet de loi n° 99. La loi n° 99 concernant le droit du peuple du Québec de disposer de son avenir sera adoptée prochainement à l'Assemblée nationale. Elle consacrera le droit du Québec à se prendre en main et – on a cité Bourgault tout à l'heure, et je me permets de le citer aussi – comme dirait Pierre Bourgault, «à refuser de se faire imposer de l'extérieur un cadre à l'intérieur duquel le Québec pourra exercer sa souveraineté».

En terminant, M. le Président, dans le contexte de la loi n° 99, la déclaration de René Lévesque trouve toute sa signification, et je cite: «Nous avons la maturité et la taille pour assumer nous-mêmes notre destin.» Merci, M. le Président.

(13 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Frontenac. Et nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 15 h 6)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Nous continuons les affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Nous allons continuer ce que nous avions débuté cet avant-midi, c'est-à-dire le projet de loi n° 99. Donc, c'est l'article 4 du feuilleton.

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 4 de votre feuilleton, M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes propose l'adoption du principe du projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec. Y a-t-il d'autres interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 99? Mme la députée de Sauvé.


Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. J'ai considéré extrêmement important de prendre la parole sur le projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec. J'ai considéré ça extrêmement important parce que je considère sincèrement, j'ai l'intime conviction que nous sommes en train de faire une erreur, que le gouvernement du Parti québécois est en train de commettre une erreur qui peut être une erreur grave, qui peut devenir une erreur historique dont les Québécois et Québécoises pourraient éventuellement payer le prix.

M. le Président, par le projet de loi n° 99, on plonge littéralement les droits politiques des Québécois et des Québécoises dans l'arène juridique, on les livre en pâture, ces droits, à ceux qui voudraient les contester devant les tribunaux, et on sait, ce gouvernement du Parti québécois est avisé, il sait qu'il y a des gens qui ont l'intention de procéder à la contestation du projet de loi n° 99. Donc, il est clair que ce gouvernement, mené par l'article 1 du programme du Parti québécois, décide coûte que coûte de procéder, ce qui signifie l'affaiblissement du Québec. On fragilise le Québec, puisqu'on est en train de judiciariser, de faire en sorte que ce soient des juges qui tranchent dans un domaine qui est un domaine qui touche des aspirations légitimes des Québécois et Québécoises et qui sont nettement plus de l'ordre de l'affirmation et donc clairement de nature politique et non pas juridique.

M. le Président, le 24 novembre 1999 – il y a donc maintenant déjà quelques mois – le chef du Parti libéral du Québec, le chef de l'opposition officielle, a déposé en cette Chambre une motion quelques heures après l'annonce par le gouvernement fédéral de son intention de déposer son projet de loi C-20. C'est une motion qui était extrêmement claire, extrêmement concise et qui réaffirmait de façon proactive, de façon constructive, de façon responsable et en continuité avec les positions traditionnelles du Parti libéral du Québec les droits des Québécois et Québécoises de disposer de leur avenir, mais selon également certains chemins tracés par la Cour suprême.

(15 h 10)

Pourquoi a-t-on trouvé important de procéder ici au dépôt d'une motion en novembre 1999? Parce qu'on a considéré important – et on le considère toujours – qu'il y ait une réaction unanime des membres de l'Assemblée nationale à un projet de loi fédéral que nous avons toujours décrit et décrié comme étant inapproprié et inopportun. En d'autres mots, M. le Président, et comme l'a clairement rappelé notre chef devant le premier ministre récemment lors de l'étude des crédits du Conseil exécutif, on s'est clairement opposés à l'action du gouvernement fédéral parce que le gouvernement fédéral, comme a l'intention de le faire en ce moment le gouvernement du Parti québécois, procède par loi, parce qu'il judiciarise une question qui est clairement de nature politique.

Afin de défendre véritablement les intérêts du Québec, le Parti libéral du Québec a à coeur qu'on évite une spirale d'actions devant les tribunaux. Donc, je le répète rapidement, de façon responsable, de façon constructive et en continuité avec nos positions traditionnelles pour la défense des intérêts du Québec, nous avons proposé d'agir par motion et non pas par loi, par motion, comme l'avait fait René Lévesque en 1982 en réplique au rapatriement unilatéral de la Constitution – qui s'est révélé un événement majeur pour le Québec – comme on l'a fait également en cette Assemblée en 1985 sur la question des droits des autochtones et comme on l'a fait en 1987 – c'était sous le gouvernement de Robert Bourassa – sur la question des relations interethniques.

M. le Président, le gouvernement du Parti québécois a refusé, en novembre 1999, que l'on procède rapidement, de façon unanime et clairement à la défense des intérêts du Québec par l'adoption de cette motion proposée par le Parti libéral du Québec, et je prends la peine de vous souligner que le Parti libéral du Québec avait annoncé la veille du dépôt de la motion son intention. Le gouvernement avait le texte plusieurs heures au préalable devant lui pour pouvoir en faire l'étude, et ce gouvernement n'a jamais contesté le bien-fondé de cette première motion mais a dit: Ah, nous préférons attendre et réagir par loi. Un peu plus tard, quelques jours plus tard, nous avons procédé au dépôt d'une deuxième motion, toujours dans la recherche constructive d'une unanimité en cette Chambre, et je vous la cite. Cette motion, elle est du 14 décembre 1999, toujours déposée par le chef de l'opposition officielle, et se libellait ainsi:

«Que l'Assemblée nationale réaffirme qu'elle seule peut déterminer les conditions entourant le processus référendaire sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec dans le respect des règles démocratiques et notamment la règle du 50 % plus un, et ce, en conformité avec la décision de la Cour suprême.»

Par le dépôt de cette deuxième motion, nous apportions une clarification en soulignant notamment bien sûr le respect de la règle du 50 % plus un. Résultat, M. le Président: une fois de plus, le gouvernement a opposé un refus, une fin de non-recevoir.

On se retrouve devant un gouvernement qui s'obstine avec un projet de loi, le projet de loi n° 99. Ce gouvernement a tenu des consultations en commission parlementaire et il en est arrivé à une mesure tout à fait exceptionnelle, à savoir qu'il a procédé à une réimpression du projet de loi n° 99 pour y apporter des changements que l'ensemble des analystes politiques ont déclaré être des changements mineurs. Et, surtout, l'ensemble des analystes politiques auront remarqué que, malgré les belles paroles, les souhaits exprimés que cette Assemblée prenne une position unanime en cette Chambre sur cette question, eh bien, le gouvernement du Parti québécois avait procédé de façon un peu unilatérale sans jamais consulter l'opposition officielle sur ce projet de réimpression du projet de loi et sur les modifications qu'il entendait y apporter. Donc, M. le Président, nous sommes devant un gouvernement qui s'enferme dans un processus législatif qui peut entraîner des actions judiciaires qui, elles, peuvent être clairement préjudiciables pour les intérêts du Québec et, bien sûr, avant tout, les intérêts des Québécois et des Québécoises.

Encore une fois, de façon constructive, de façon responsable, dans la continuité des positions traditionnelles du Parti libéral sur ces questions, mon collègue député de Chapleau a procédé, le 3 mai dernier, au dépôt d'une motion prenant la forme d'une déclaration solennelle et portant le titre Déclaration solennelle portant sur le droit des Québécois et Québécoises de décider de leur avenir. M. le Président, je n'ai pas l'intention de vous relire au complet cette déclaration, mais, tout de même, je juge important, à la lumière du projet de loi n° 99, de vous rappeler les principes qui m'apparaissent comme des principes fondamentaux que comprend cette déclaration solennelle.

Dans les considérants, on y relève l'importance de réaffirmer le principe fondamental en vertu duquel les Québécois et Québécoises sont libres de déterminer leur régime juridique et politique et d'assurer leur développement économique, social et culturel, que les Québécois et Québécoises sont maîtres de leurs institutions démocratiques. Donc, nous invitions l'ensemble des membres de cette Assemblée à réaffirmer que les Québécois et Québécoises ont le droit de choisir leur avenir et de décider eux-mêmes de leur statut constitutionnel et politique, à réaffirmer que seule l'Assemblée nationale a le pouvoir et la capacité de fixer les conditions et modalités entourant la tenue d'un référendum, conformément à la Loi sur la consultation populaire, y compris le libellé de la question. Unanimement en cette Chambre, nous souhaitions que nous déclarions que, lorsque les Québécois et Québécoises sont consultés par un référendum tenu en vertu de la Loi sur la consultation populaire, la règle démocratique alors applicable soit celle de la majorité absolue des votes déclarés valides. Également, M. le Président, nous énoncions l'importance que l'intégralité territoriale du Québec soit sauvegardée. Nous voulions reconnaître l'importance que les droits, les pouvoirs et l'autorité de l'Assemblée nationale, du gouvernement du Québec et des autres institutions démocratiques québécoises soient défendus et respectés.

Finalement, M. le Président, j'aimerais vous souligner une autre réaffirmation. Nous invitions les membres de cette Assemblée à réaffirmer que les Québécois et Québécoises ont le droit à ce que toute consultation populaire visant la sécession du Québec du Canada porte sur une question claire et que, lorsqu'une telle consultation a lieu, le gouvernement du Québec respecte le Renvoi relatif à la sécession du Québec du 20 août 1998. Ce paragraphe est extrêmement important, puisqu'il se distingue de façon importante du projet de loi n° 99 qui est devant cette Assemblée pour l'adoption du principe.

Ici – et j'aimerais entendre les membres de cette Assemblée s'ils sont d'accord ou pas avec la notion de la question claire – il est assez étrange et dérangeant de constater que le projet de loi n° 99 ne fait aucune référence à l'importance de procéder dans le cadre bien sûr de la Loi sur la consultation populaire et au fait que les Québécois et Québécoises soient amenés à se prononcer sur une question claire. L'absence de toute référence dans le projet de loi n° 99 sur cette dimension qui nous apparaît si essentielle et en même temps si simple, si évidente, cette absence de référence à l'importance d'une question claire dans le projet de loi n° 99 nous apparaît presque, M. le Président, comme un aveu de la part du gouvernement du Parti québécois.

Également, dans ce paragraphe, nous insistions pour que le gouvernement du Québec respecte le Renvoi relatif à la sécession du Québec du 20 août 1998. Vous savez, M. le Président, c'est cet avis de la Cour suprême qu'à l'époque, en 1998, l'actuel premier ministre du Québec a accueilli à bras ouverts, mais maintenant le ministre des Relations internationales nous invite à prendre seulement les parties qui font notre affaire. Ça ne peut pas fonctionner comme ça. Donc, nous croyons fondamental de respecter le Renvoi relatif à la sécession du Québec du 20 août 1998, cet avis de la Cour suprême que plusieurs ont déclaré être très pondéré et empreint de sagesse.

M. le Président, le projet de loi n° 99 nous amène dans un débat où vraiment la question de forme rejoint la question de fond. Le gouvernement du Parti québécois nous propose une certaine forme de réaction, à savoir un projet de loi sur les droits collectifs des Québécois et des Québécoises, ce qui nous entraîne dans une spirale de recours juridiques qui peuvent éventuellement – et j'ai envie de dire de façon presque assurée – affaiblir le Québec. L'opposition officielle – et nous relançons notre appel vers les membres de l'ensemble de cette Assemblée – propose de procéder par une motion comme il a été fait lors d'un moment important dans l'histoire de cette Assemblée, comme il a été fait par des premiers ministres représentant les deux formations ici en présence, donc de procéder par motion et par déclaration solennelle.

(15 h 20)

Et il est assez intéressant, M. le Président, de lire et de prendre connaissance de la réaction des commentateurs politiques, certains très férus, très expérimentés, qui ont suivi, au cours des dernières décennies, même, l'histoire du Québec et de les entendre sur cette question, sur ce débat qui a actuellement cours en cette Chambre. Permettez-moi, par exemple, de citer M. Pierre Bourgault dont les allégeances politiques sont très bien connues et respectées. Dans sa colonne du Journal de Montréal , M. Bourgault a commis un texte qui porte le titre clair Jean Charest a raison . Permettez-moi d'en citer un extrait. Il dit: «...M. Facal est revenu à la charge avec une nouvelle version – il parle bien sûr du projet de loi n° 99 – qui a aussi fait long feu. M. Bouchard voulait un coup de tonnerre qui aurait ébranlé l'opinion publique. Mais la manoeuvre était si grossière que les citoyens sont restés de glace. Le blocage était complet, mais il était évident que les choses ne pouvaient en rester là, tant il était important de réaffirmer solennellement le droit des Québécois de choisir eux-mêmes leur avenir.

«Or, c'est Jean Charest qui a trouvé la solution. Plutôt que de proposer l'adoption d'une loi, contestable devant les tribunaux, il propose l'adoption d'une déclaration solennelle portant sur le droit des Québécois de décider de leur avenir politique et constitutionnel.»

Un peu plus loin, M. Bourgault poursuit en disant: «D'abord, parce qu'une déclaration solennelle, adoptée à l'unanimité, aurait beaucoup plus de poids qu'une loi adoptée sur division. Après tout, nous sommes dans un débat politique, et je ne vois pas pourquoi nous en ferions une affaire juridique.» Clairement, M. Bourgault donne raison au leader de l'opposition officielle et chef du Parti libéral du Québec.

Un autre commentateur, Michel C. Auger, dans Le Journal de Québec le 16 mai dernier, commentait ainsi l'actuelle situation, et, dans son encadré, on retrouve une phrase très explicite: «Le gouvernement péquiste est coincé avec son projet de loi n° 99.» M. Auger mentionne: «Non seulement le projet de loi a-t-il été rédigé sans consultation, mais il fut retiré et présenté de nouveau sans qu'on juge bon de consulter l'opposition officielle. Pendant ce temps, l'opposition a fait ses devoirs et proposé un projet de résolution tout à fait acceptable.»

M. le Président, encore ce matin, faisant suite à l'annonce hier du ministre des Relations intergouvernementales d'appeler le projet de loi n° 99, entendons Michel David dans le quotidien Le Soleil – je le cite: «Les raisons pour lesquelles le gouvernement tient tant à ce que la riposte au projet de loi C-20 prenne la forme d'un autre projet de loi demeurent toujours aussi mystérieuses. D'accord, c'est le véhicule qu'a choisi Ottawa, mais il a toujours semblé tellement évident qu'une déclaration unanime de l'Assemblée nationale aurait plus de poids qu'un projet de loi adopté sur division qu'on ne peut s'empêcher de penser qu'il y a anguille sous roche. [...] L'opposition a tout à fait raison de craindre qu'on ouvre ainsi la porte à une contestation judiciaire.»

Un peu plus loin, M. David poursuit: «À moins, évidemment, que le but de toute cette opération – il fait référence à l'action gouvernementale en cours avec l'appel du projet de loi n° 99 – soit de relancer le débat sur la souveraineté devant les tribunaux, en espérant que les Québécois finissent par avoir un coup de sang.» Mais il termine en disant: «Il y a cependant un risque à jouer ainsi les apprentis sorciers. Au début des années quatre-vingt, le gouvernement Lévesque a cru bon de s'adresser aux tribunaux pour confirmer le droit de veto que le Québec croyait détenir depuis 1867. Il a eu la très désagréable surprise de découvrir qu'il n'en avait jamais eu.»

M. le Président, si l'ensemble des membres de cette Assemblée, comme moi, sont ici pour la défense des intérêts du Québec, il faut clairement se rallier à un principe de déclaration solennelle et ne pas jouer avec notre histoire, ne pas jouer avec les droits collectifs des Québécois et des Québécoises, ne pas jouer les apprentis sorciers. Le gouvernement du Parti québécois a déjà assez affaibli le Québec. Nous avons souligné il y a quelques jours le 20e anniversaire du premier référendum, tenu en 1980. Une des conclusions des commentateurs politiques et de ceux qui ont vécu l'expérience, ça a été une conclusion assez claire, c'est que la tenue d'un référendum perdant affaiblit le Québec. La tenue, 15 ans plus tard, d'un deuxième référendum perdant affaiblit le Québec. La politique de la chaise vide prônée, dans les relations intergouvernementales fédérales-provinciales, par le gouvernement du Parti québécois affaiblit le Québec. Comme députée de Sauvé, comme membre de cette Assemblée nationale, je ne peux admettre qu'on va jeter en pâture les droits collectifs des Québécois et Québécoises aux tribunaux et à ceux qui veulent contester ces droits devant les tribunaux.

M. le Président, j'invite les membres de cette Assemblée, parce qu'il est extrêmement important, et nous l'avons maintes fois souligné par des propositions multiples de motion à ce gouvernement... Que l'Assemblée nationale se prononce sur cette question. Mais, si l'ensemble des élus en cette Chambre sont bel et bien ici, comme moi, pour défendre les intérêts du Québec, nous ne pouvons procéder à l'adoption du projet de loi n° 99. Nous devons nous rallier à une déclaration solennelle que l'ensemble des commentateurs politiques affirment comme étant le bon véhicule pour réaffirmer ces droits, ces intérêts du Québec que nous voulons tous défendre. J'en appelle aux membres de cette Assemblée, le meilleur véhicule pour la défense des intérêts du Québec – et c'est important de procéder rapidement – c'est de se rallier à une déclaration solennelle votée à l'unanimité par les membres de cette Chambre. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Sauvé. Nous allons maintenant céder la parole au député de Laurier-Dorion. M. le député.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. Je dois dire que je suis un peu surpris qu'il n'y ait personne de l'autre côté qui se lève sur ce projet de loi que tous, de l'autre côté, ont qualifié de fondamental, d'important, de question nationale, etc. Et pourtant il n'y a personne qui se lève pour prendre la parole. C'est peut-être la preuve que le gouvernement a compris qu'il est dans une voie qui met le Québec sur une voie dangereuse, qu'il avoue finalement qu'il a fait une erreur. Mais, étant entêté comme il est, il va continuer à faire adopter par la majorité gouvernementale un projet de loi qui va effectivement ouvrir flanc au risque de judiciarisation et à l'affaiblissement des droits du Québec.

Ce qui affaiblit, depuis au moins le dernier référendum, constamment le Québec... On a parlé du premier référendum où, par la suite, on est sorti affaiblis parce que nous étions très divisés. On a vu par la suite un deuxième référendum où encore une fois la société québécoise a été déchirée presque dans le milieu, M. le Président, et une société qui se divise ainsi ne peut qu'être affaiblie. Et, si davantage le gouvernement qui fait la promotion de la poursuite de cette avenue qui vise à faire sécession, qui a pour deux fois fait l'objet d'une décision du peuple québécois qui a décidé de ne pas suivre le gouvernement... Mais le gouvernement en question persiste à amener la société sur cette voie, il persiste à vouloir l'affaiblir.

M. le Président, j'entendais récemment le ministre des Affaires intergouvernementales insister, avec raison d'ailleurs, sur le fait que la base de la démocratie, en termes de décision, c'est 50 % plus un. Il disait de plus que ça doit être respecté parce que, advenant un oui vis-à-vis de la sécession du Québec, ce serait normal que la minorité se rallie à la majorité pour donner la chance à celle-ci de mettre son projet de l'avant. Pourtant, la même logique ne semble pas s'appliquer quand il s'agit de vraiment respecter la volonté du peuple québécois qui s'est exprimé à deux reprises par voix majoritaire. Pourquoi donc le gouvernement ne se sent pas capable de respecter le peuple québécois dans sa volonté de poursuivre son évolution au sein de la fédération canadienne et de dire sincèrement et loyalement, comme d'ailleurs l'a fait le premier ministre Lévesque de façon très démocratique, très loyale, vis-à-vis de cette démocratie: Le peuple a parlé, je me dois de le respecter? En poursuivant cette démarche sécessionniste, le gouvernement actuel ne respecte pas cette volonté et met le Québec carrément sur la voie de l'affaiblissement.

Nous avons ici un projet de loi qui prend prétexte du dépôt du projet de loi C-20, un autre projet de loi qui est une erreur, M. le Président, un autre projet de loi qui est mal avisé, inopportun, inutile et qui affaiblit, lui, à son tour le Canada. La riposte est venue du Parti québécois, en disant: Loi pour loi – on aurait pu entendre: Oeil pour oeil – loi pour loi. On va répliquer avec une loi à une loi inique du fédéral.

(15 h 30)

M. le Président, normalement, quand un peuple s'affirme, il s'affirme, point. Il ne le fait pas en prétexte, suite à un prétexte qui est donné, et il ne le fait surtout pas en mettant dans un cadre juridique ses droits, afin de l'ouvrir à la possibilité de l'affaiblissement juridique. Et, étant donné que le Parti québécois a déjà eu une mauvaise expérience avec le choix de la voie juridique pour ce qui est de tester les droits politiques que le peuple québécois détient, on aurait pu croire qu'il aurait eu une leçon, qu'il aurait appris que ce qui importe, surtout dans le contexte de l'après-référendum de 1995, c'est de chercher vraiment à bâtir un consensus réel et honnête dans la société québécoise et, à partir des députés de cette Assemblée, qui représentent la volonté populaire de l'ensemble du peuple québécois, de chercher à bâtir un véritable consensus autour des droits fondamentaux du peuple.

Et, M. le Président, le Parti québécois a refusé dès le départ de nous suivre sur cette voie d'affirmation de nos droits. Il a choisi plutôt d'essayer, par toutes sortes d'astuces, de dépeindre le Parti libéral comme étant celui qui n'a pas véritablement à coeur les droits du peuple québécois, comme celui qui a peur même de parler du mot «peuple», comme celui qui n'est pas vraiment ici, à l'Assemblée nationale, pour faire la promotion des droits du peuple québécois.

C'est malheureux, parce que, ce faisant, il a choisi de mettre l'intérêt pour son option avant l'intérêt pour le peuple québécois. Il veut toujours, M. le Président, refuser de donner suite à cette volonté qui a été exprimée et poursuivre par des astuces et des tactiques la voie vers la promotion de son objectif, qui reste toujours d'ailleurs un objectif, même après un refus pour la deuxième fois du peuple québécois.

Alors, ce faisant, il a refusé de suivre l'opposition sur la voie d'une déclaration unanime par le biais d'une motion qui a été présentée par le chef de l'opposition dès le mois de novembre et presque instantanément après le dépôt du projet de loi C-20. Il a dit: Non, ça prend une loi. C'est loi pour loi, oeil pour oeil. On va continuer dans cette spirale de chicanes, M. le Président; on va refuser de prendre acte du fait que ce que le peuple recherche véritablement, c'est une amélioration du système actuel, une évolution du peuple québécois à l'intérieur de cette union. Et on a décidé de faire exactement ce que l'autre a fait, l'autre qui, lui non plus, n'a pas compris que ce qu'il faut faire, c'est axer les actions – du gouvernement fédéral, dans leur cas – sur la question de l'amélioration du système fédéral actuel.

Il y a effectivement deux fois qu'on s'est prononcé, et la dernière a été assez claire, une très grande majorité des Québécois veulent des changements au mode de fonctionnement de la fédération mais ne veulent pas de rupture. Le fédéral, lui, a choisi d'ignorer cet aspect du référendum et de focusser sur la question des règles de sécession.

On dirait que le Parti québécois n'attendait pas mieux. La joie était presque évidente sur leurs visages, M. le Président. Ils avaient cru qu'ils avaient trouvé là l'étincelle qui allait rallumer la flamme nationaliste, sécessionniste, et tout de suite c'était loi pour loi. Au lieu, comme je dis, de chercher à inclure tout le monde, à rebâtir les ponts entre les éléments divisés de la société québécoise, plutôt que de continuer à pointer le doigt vers ceux qui ne pensent pas comme eux, M. le Président, le gouvernement a procédé à la présentation de sa loi version 1. Il a vu que ça ne levait pas, que le peuple ne suivait pas. Il a décrété de grandes consultations populaires. On a eu droit à un certain nombre de groupes, une grande majorité pensant de la même façon que le gouvernement. Et, coup de théâtre, par la suite, le gouvernement a dit: Je réécris ma loi. Version 2.

Entre-temps, nous aussi, on a réfléchi, puis on a dit: Il est important qu'on puisse arriver à un honnête consensus au sein de l'Assemblée nationale autour de certains droits sur lesquels on peut tous être d'accord et les mettre de l'avant, pour qu'on puisse parler d'une voix à l'Assemblée nationale, d'une voix forte qui ferait que l'ensemble de la société québécoise se prononcerait non pas juste pour répliquer à la loi C-20, mais pour affirmer ce que nous sommes et les droits que nous possédons.

Et c'est pour ça d'ailleurs que, dans la motion de déclaration solennelle qu'on a présentée, il n'y a pas de référence à la loi C-20. Les droits qu'un peuple détient ne sont pas conditionnels à l'existence ou non d'une autre loi d'un autre Parlement, ils sont là et c'est dans ce contexte qu'on les a mis de l'avant. Et, si j'ai le temps tantôt, j'aimerais relire la motion de déclaration solennelle, parce que ça vaut la peine.

Mais permettez-moi de revenir sur la suite des choses, parce que la suite des choses démontre que nous avons devant nous véritablement un gouvernement pour lequel l'objectif premier du parti duquel il est issu prime sur les intérêts de la société québécoise. Coûte que coûte, on va y arriver, disent-ils, coûte que coûte. Et si le coût de ça, c'est de maintenir les divisions dans la société, si le coût de ça, c'est de maintenir l'affaiblissement du Québec, si le coût de ça, c'est d'ignorer la volonté populaire, soit. Je ne pense pas que ça leur fasse de quoi, M. le Président. Et la preuve, c'est que nous sommes aujourd'hui à débattre du projet de loi n° 99 version 2. Pourquoi? Parce qu'on n'a pas été capable de s'entendre sur un texte basé sur la motion de déclaration solennelle que nous avons soumis.

Et le ministre, avec lequel j'ai eu l'occasion d'échanger, lors de cette deuxième rencontre de discussions qu'on a eues entre les deux formations politiques, a dit que c'est parce que nous sommes intransigeants, nous ne voulons rien savoir. Et je pense bien qu'il me pointait également du doigt quand il faisait sa conférence de presse, en disant que c'est moi finalement qui ne voulais rien savoir du mot «peuple», de la question de l'intégrité territoriale, des autres trois questions qu'il a soulevées.

M. le Président, il déforme les faits. J'ai effectivement suggéré au ministre qu'on puisse regarder de façon claire et honnête la motion puis qu'on aille tout de suite à l'essentiel de ce qu'il y a là-dedans. Parce que, si on était capable de s'entendre sur l'essentiel, on pourrait à ce moment-là discuter du reste. Je lui ai dit qu'effectivement la motion représentait un consensus qui a été fait, effectivement, au sein d'une formation politique qui représente l'ensemble de la société, exception faite de ceux qui ont comme choix l'option sécessionniste. Ce faisant, M. le Président, on lui offrait la possibilité réelle de rebâtir les ponts avec toute la société. Il y a un point, un seul point sur lequel on s'est achoppés. C'est effectivement un point fondamental, et tant mieux si on a pu mettre au clair les divergences et les positions qui nous séparent, M. le Président, parce que ce n'est pas le fait que le mot «peuple» ne soit pas dans la déclaration qui pose problème, on l'a à maintes reprises dit et redit. Et moi-même, personnellement, je me suis insurgé en cette Assemblée, en commission parlementaire, lors des auditions sur Bélanger-Campeau, quand le chef des premières nations, M. Ovide Mercredi, avait nié l'existence du peuple québécois, et j'avais personnellement dit que ce n'est pas vrai, le peuple québécois existe. Et non seulement il existe, je me considère comme faisant partie de ce peuple.

(15 h 40)

Ça ne veut pas dire, M. le Président, qu'il n'y a pas une discussion sur l'utilisation qu'on fait du mot «peuple». Et je vous avoue qu'il y a des moments où c'est utilisé par le premier ministre actuel, le premier ministre précédent et d'autres ténors de ce gouvernement, que je ne me sens pas partie. Je me sens très clairement exclu, M. le Président, parce qu'il y a souvent une confusion autour de ça.

Mais c'est pour ça que j'ai dit au ministre: Allons-y tout de suite, à l'essentiel. Parce que, si on s'entend sur l'essentiel – et l'essentiel, c'est la question du renvoi à la Cour suprême, la question de la règle de droit et de son respect – si on peut s'entendre sur ça, on pourra revenir puis on trouvera la définition qui conviendrait à tout le monde. Parce que, fondamentalement, je pense que le fait qu'il y ait un peuple québécois composé de citoyens d'origines diverses, ça ne pose pas problème. Si le peuple québécois est considéré par certains être seulement une partie de cette population, ça pose problème.

Mais, l'essentiel étant la question de la Cour suprême, on disait: Allons voir si c'est possible de s'entendre. La réponse du ministre était claire: On ne peut pas subordonner – et c'était le choix de ses mots, je pense bien; il est ici, il pourra me vérifier – le choix du Québec pour l'indépendance ou la souveraineté – je ne me rappelle pas le mot exact qu'il a utilisé – à la formule d'amendement constitutionnel. Quand je lui ai posé pourtant la question: Mais vous ne trouvez pas qu'on devrait faire ça dans le droit, légalement? il m'a dit oui. Mais je dis: Comment est-ce qu'on peut faire forcer quelque chose légalement si on le fait en dehors du contexte légal qui s'applique, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas?

Parce que j'étais ici, moi, à l'Assemblée nationale, en 1981, quand on a voté contre le rapatriement de la Constitution unilatéralement, et j'ai voté contre ça parce que ça aussi, je crois, a affaibli le Canada et a conduit par la suite à l'affaiblissement du Québec. Mais force est de constater que le cadre juridique dans lequel on existe, il existe. On l'a même reconnu en choisissant de faire des amendements constitutionnels à l'intérieur de ce cadre. Alors, il est impossible d'avoir le beurre et l'argent du beurre. On ne peut pas dire qu'on veut faire ça légalement, mais qu'on ne veut pas le faire légalement, en ne subordonnant pas un choix au cadre légal.

J'ai suggéré au ministre qu'il y a une autre voie que la Cour suprême lui a ouverte, elle aussi... ou a reconnue, plutôt, et que libre à lui et son parti de voir s'ils voulaient mener le Québec dans ce trou noir éventuellement, s'il estimait, lui, que c'était le genre de risque qu'il voulait prendre, il verrait en temps et lieu, mais qu'il ne peut pas exiger ou demander, dans le cadre dans lequel nous sommes et surtout suite au choix que les Québécois ont librement exercé, de vouloir passer outre à cette réalité qui existe et qui s'applique.

Donc, l'écueil majeur qui nous a séparés, c'est autour de la question du renvoi. Tout le reste, c'est de la frime. Tout le reste, le ministre tente de l'utiliser pour couvrir son désarroi à l'heure actuelle. Non, parce que, véritablement, ce gouvernement a embarqué dans une stratégie où il a compris peut-être trop tard, et peut-être son orgueil ne lui permettra pas de reculer, mais force est de constater que tous les commentateurs, tous les acteurs sérieux constatent que le choix du gouvernement de procéder avec l'adoption de la loi n° 99 place le Québec directement sur une voie d'affaiblissement possible. À moins que, comme dit Michel David dans Le Soleil , c'est ce que le gouvernement, secrètement, souhaite, pour pouvoir ressortir le fait que les méchants de l'autre côté... Et le ministre parle constamment d'une Cour suprême nommée à 75 % de juges de l'extérieur du Québec, par les autres, minant la crédibilité de l'institution extrêmement importante dans le fonctionnement d'une société comme la nôtre, la Cour suprême.

S'il ne veut pas respecter son autorité, qu'il le dise clairement, qu'il dise que, quant à lui, il ne tiendra pas compte de ce que la Cour suprême dit. Mais pourquoi choisir cette voie sournoise d'essayer d'empoisonner l'atmosphère autour du respect que les gens peuvent avoir pour une institution comme la Cour suprême? Ce n'est pas ma conception de comment le Québec peut fonctionner démocratiquement à l'intérieur du Canada... Même pas! Démocratiquement, point. Parce que, si on peut faire ça pour une cour comme la Cour suprême, est-ce qu'on n'ouvre pas la porte à d'autres, par la suite, dans un éventuel, hypothétique Québec souverain, de dire la même chose par rapport aux cours qu'on va se donner? Alors, j'en appelle au sens des responsabilités du ministre, qu'il arrête ce genre de mesquines interventions vis-à-vis d'une institution extrêmement importante pour le fonctionnement démocratique de notre société.

Mais le fait est que les discussions ont achoppé sur ce point, et je ne peux que tirer la conclusion suivante: le gouvernement, dans sa tête, dans son analyse à lui, à partir du moment où il va réussir à avoir un oui, 50 % plus un, peu importe, lui, il comprend qu'il a le mandat de faire la sécession unilatérale, et la seule négociation qu'il veut faire n'est pas de trouver comment est-ce qu'on va sortir légalement du cadre constitutionnel, mais de comment est-ce qu'il va déclarer cette indépendance. Il ne l'avoue pas comme ça, M. le Président, mais c'est la seule conclusion réelle qu'on peut tirer.

Je vois que je n'aurai pas le temps de vous lire la déclaration qu'on aurait voulu présenter, M. le Président, parce que le temps achève. Mais permettez-moi tout simplement de dire, en terminant, qu'il est toujours temps de mettre de côté l'orgueil qui caractérise le premier ministre et le gouvernement actuel, de revenir sur le fait que ce qu'il importe de faire, c'est de trouver le moyen d'avoir un consensus réel dans cette Assemblée, avec tous les éléments de la société québécoise, et de convenir qu'on puisse le faire en respectant l'ensemble du droit, M. le Président, et la règle de droit. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Laurier-Dorion. Nous allons maintenant céder la parole au député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président. M. le Président, à mon tour d'intervenir quelques instants sur le projet de loi n° 99, la version réimprimée. Et, à moins que je ne me trompe, cette version n'a pas été réimprimée en raison de sa grande popularité, du fait qu'on en a manqué de copies, mais plutôt en raison du fait qu'on cherchait un moyen de relancer le débat après l'avoir essoufflé pendant plusieurs mois.

D'abord, M. le Président, sur l'ensemble du processus qui a mené au débat actuel, qui mène au débat d'aujourd'hui, il faut se rappeler que, je dirais, tout ça a commencé il y a déjà plusieurs mois avec le dépôt du projet de loi C-20, projet de loi que, de ce côté-ci, nous avions dès le départ qualifié d'inopportun, d'inapproprié et d'inutile à ce moment-ci. Mais, une fois que ce projet-là est sur la table, on s'attendait effectivement, je vous dirais, à une meilleure réaction, et à une réaction plus habile et qui tiendrait compte davantage des intérêts des Québécois et des Québécoises, de la part d'un gouvernement qui prétend être le champion de la défense des intérêts du Québec.

Cependant, déjà, M. le Président, avec le dépôt du projet de loi C-20 à Ottawa, on a clairement senti que, du côté du gouvernement péquiste, ce qui comptait, ce n'était pas nécessairement la défense des intérêts du Québec, mais c'était beaucoup plus de tenter de relancer l'option et, je dirais, en même temps de faire oublier le bilan de l'administration du gouvernement actuel. Vous vous souviendrez sans doute qu'une des phrases célèbres du ministre des Affaires intergouvernementales ici, au Québec, avait été à ce moment-là de qualifier le projet de loi C-20 d'être un projet de loi d'inspiration soviétique. On sentait déjà là une inflation verbale qui s'en venait et on sentait que ça allait être gros. Et, dès ce moment-là, vous vous souvenez que l'opposition officielle avait déjà déposé une motion, le 24 novembre, avait déposé une motion par la suite, aussi, au mois de décembre, qui disait tout simplement: «Que l'Assemblée nationale réaffirme qu'elle seule peut déterminer les conditions entourant le processus référendaire sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec dans le respect des règles démocratiques – et notamment la règle du 50 % plus un – et ce, en conformité avec la décision de la Cour suprême».

(15 h 50)

Malheureusement, le gouvernement actuel n'a pas cru bon d'utiliser cet outil comme point de départ ou comme tentative, là, de lancer un débat sur une voie beaucoup plus porteuse, c'est-à-dire sur une voie non pas juridique, comme il tente de le faire actuellement, mais sur une voie plus politique, parce que nous sommes convaincus, de ce côté-ci, que ces questions-là sont de ce domaine.

Et vous vous souvenez aussi sans doute, M. le Président, que par la suite il y a eu le dépôt du projet de loi n° 99 première version, si on peut dire, et dans une première version où on sentait déjà, en le déposant et avec toute la campagne publicitaire dans tous les grands journaux qu'il y a eu en même temps, qu'encore une fois le véritable intérêt du gouvernement du Parti québécois n'était pas la défense des intérêts du Québec, mais était beaucoup plus la défense de ses propres intérêts à lui, sa volonté de vouloir, je dirais, fouetter son option qui, force est de l'admettre, semblait essoufflée et semble encore essoufflée.

On a l'impression que ces gens-là veulent absolument faire courir un cheval qui est épuisé et qui ne veut plus courir. Mais ils veulent quand même y aller puis ils veulent quand même trouver tous les moyens possibles pour relancer le débat. Avec le fait que finalement la commission parlementaire a eu lieu, des groupes sont venus, ça n'a pas soulevé beaucoup de passion. On ne peut pas dire qu'on a appris beaucoup, beaucoup de choses nouvelles dans ces commissions parlementaires là, que j'ai suivies et que j'ai regardées en me disant: Bon, il y a peut-être quelque chose de nouveau qui va apparaître à un moment donné, on va peut-être apprendre de nouveaux éléments. Ce fut, je dirais, très peu le cas, et je vous dirais que ça, ça a amené à ce qu'on peut appeler un échec de cette première phase là.

Cette première phase là est tombée et est tombée parce que, comme l'ont dit certains commentateurs qui ont qualifié ça de double échec dans les jours qui ont suivi finalement la fin de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 99 et son retrait par le ministre actuel... Certains ont qualifié ça de double échec en disant que le gouvernement n'avait pas d'autre choix que de scraper son projet de loi n° 99, comme l'a fait le ministre Joseph Facal mardi. Et il était inscrit un peu plus loin: «Non seulement personne ne s'est bousculé dans les autobus pour en parler, mais, de l'aveu même du ministre délégué aux Affaires internationales canadiennes, le projet de loi a été sévèrement critiqué par la plupart des groupes entendus en commission.» Ça, M. le Président, c'est au lendemain, dans les jours qui ont suivi la fin de la commission parlementaire et qui a fait en sorte que la première étape, qui voulait répondre sur une voie juridique, n'a pas soulevé les passions et n'a pas fait en sorte que ce fut un grand succès.

Par la suite, on a senti que le gouvernement actuel cherchait autre chose, une autre façon. Ils ont réimprimé le projet de loi. Mais, si vous me permettez de faire une parenthèse sur un processus qui est là et qui démontre, je pense, à quel point le gouvernement actuel n'a jamais vraiment voulu que l'Assemblée nationale parle d'une seule voix... Et vous vous souvenez, M. le Président, en décembre, au dépôt de la première version du projet de loi n° 99, lors de la première version, il n'a pas mis l'opposition officielle au courant. On l'a appris en même temps que le projet de loi était déposé en cette Chambre. On n'a pas voulu vraiment, là, que l'Assemblée nationale parle d'une seule voix.

Et le même processus a été fait lors de la deuxième version du projet de loi. Et vous me permettrez, M. le Président, de citer quelques commentaires qui ont été faits à ce moment-là et qui disaient, entre autres... M. Girard, dans Le Journal de Québec , qui disait: «Lorsqu'on recherche un consensus, d'ordinaire, on n'agit pas unilatéralement, on consulte ses interlocuteurs. Or, l'opposition officielle n'a jamais été consultée quant à la réécriture du projet de loi.»

Michel David, du journal Le Soleil , qui disait – il nomme le ministre: Le député de Fabre «était tellement certain que les libéraux ne voudraient rien savoir de la version remaniée de son projet de loi 99 sur "l'exercice des droits fondamentaux du peuple québécois" qu'il n'a même pas eu l'élémentaire courtoisie de leur envoyer une copie avant de le rendre public.» Du côté du gouvernement, on ne voulait pas et on ne veut toujours pas que l'Assemblée nationale parle d'une seule voix.

Si vous me permettez, M. le Président, j'aimerais faire une autre parenthèse et faire ressortir un élément important qui, je pense, différencie les deux approches. De ce côté-là, on voit qu'on veut servir davantage sa cause que les intérêts des Québécois et Québécoises, qu'on veut davantage un projet de loi qui va parler au nom du Parti québécois plutôt qu'un projet de loi qui va parler au nom de l'Assemblée nationale ou au nom des Québécois et Québécoises. Ça, c'est leur approche. Et on veut aussi y aller d'un aspect beaucoup plus juridique, alors qu'ici on veut y aller d'un aspect beaucoup plus politique.

Et, à ce niveau-là, vous me permettrez, M. le Président, de saluer le travail de notre collègue de Chapleau qui a eu la clairvoyance dans ce débat-là de faire en sorte que l'Assemblée nationale parle d'une seule voix. Quel était le meilleur outil, quel est l'outil que l'Assemblée nationale a utilisé pour des moments aussi importants? Il s'agit d'une motion. Et cette motion-là est un véhicule qui fait en sorte que nous aurions pu, si le gouvernement avait vraiment voulu que les Québécois et Québécoises et que l'Assemblée nationale parlent d'une seule voix, rassembler toutes les parties. Mais, encore là, il est clair que ce n'est pas l'intérêt du gouvernement péquiste actuel.

Et c'est non seulement une motion qui a été préparée, qui a été présentée – je vais vous en parler en détail dans les prochaines minutes – mais qui a été aussi saluée par plusieurs commentateurs politiques au Québec. Et ça, ça doit être très difficile pour le ministre actuel, le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, de se faire critiquer de cette façon-là, de façon, je dirais, assez dure par des commentateurs qui regardent l'évolution de la situation politique québécoise depuis plusieurs années et qui, je vous dirais, ne sont pas nécessairement d'un côté ou de l'autre ou ont même, dans certains cas, changé leur approche.

Pour dire seulement quelques titres: Jean Charest a raison , en parlant de la motion libérale. Et pour indiquer que, finalement, c'était la voie de l'avenir. Et je reprends les commentaires de M. Pierre Bourgault qui disait que le blocage était complet, mais il était évident que les choses ne pouvaient pas en rester là: Il est important de réaffirmer solennellement le droit des Québécois de choisir eux-mêmes leur avenir. «Or, c'est Jean Charest qui a trouvé la solution. Plutôt que de proposer l'adoption d'une loi, contestable devant les tribunaux, il propose l'adoption d'une déclaration solennelle portant sur le droit des Québécois de décider de leur avenir politique et constitutionnel.» Pierre Bourgault.

D'autres commentateurs, M. le Président. Michel C. Auger qui indiquait: «Il y a peu de choses plus dangereuses que les politiciens qui craignent de perdre la face, parce qu'ils refusent les compromis honorables et s'enferment dans de douteuses logiques.» Par hasard, il parlait du ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes. Il indiquait: «C'est ce qui est en train d'arriver au gouvernement Bouchard dans le cas du projet de loi n° 99 qui serait la réplique de l'Assemblée nationale au projet de loi fédéral sur la clarté. Parce qu'il a décidé – un peu prématurément, en voulant répondre... en sortant tout de suite, là, avec l'inflation verbale qu'on lui connaît et qui est habituelle – de répondre au projet de loi fédéral par son propre projet de loi, le gouvernement péquiste se retrouve coincé.» Et quand on dit que le gouvernement péquiste se retrouve coincé, il faut se rendre compte d'une chose, M. le Président, oui, le gouvernement péquiste se retrouve coincé, mais le risque encore plus grave, c'est que le Québec se retrouve aussi coincé, quand on est avec un gouvernement qui a une telle approche. Qu'il coince le gouvernement péquiste, c'est une chose, mais, avec son approche dans ce dossier-là, il est aussi en train de coincer l'ensemble des Québécois et Québécoises dans un processus qui ne correspond pas aux besoins actuels de la situation. Et ça, il y en a d'autres aussi qui le mentionnent.

Michel Venne, dans Le Devoir , indiquait que «le texte qui a été déposé reformule certaines affirmations de principe contenues dans le projet de loi n° 99.» Et il était heureux, à ce moment-là, de voir le premier ministre ne pas tasser du revers de la main la motion libérale. Cependant, par la suite, comme vous le savez, bien, la motion, actuellement, ne semble pas être sur la voie d'être adoptée.

Il y a un autre commentateur qui mentionne l'effort du PLQ. Et dans ce texte-là aussi, on démontre toute la pertinence et l'opportunité d'y aller avec le texte d'une motion plutôt que d'y aller avec le texte d'un projet de loi.

(16 heures)

M. le Président, je pense que, quand on est dans un domaine qui est aussi important, qui est, je dirais, au coeur de l'évolution du Québec depuis plusieurs années et qui le sera encore pour plusieurs années, il ne faut pas avoir peur de changer d'idée. Et c'est un peu dans cet esprit-là que nous tendons la main encore au gouvernement du Parti québécois, que nous tentons de leur donner une chance, de dire: Écoutez, votre projet de loi, on ne peut pas être d'accord avec un projet de loi qui va affaiblir le Québec. Je pense que, même eux, là, les députés, chacun chez eux, peut-être en fin de semaine, vont profiter de la fin de semaine pour relire la motion libérale, pour y repenser encore et se dire: Dans le fond, on serait beaucoup plus d'accord avec cette motion-là qu'avec le projet de loi n° 99.

On ne peut pas être d'accord, de ce côté-ci de la Chambre, M. le Président, avec un projet de loi qui aura pour effet d'affaiblir le Québec comme ils l'ont déjà fait d'ailleurs à un autre niveau – sur le droit de veto, on s'en souvient – et comme ils semblent encore une fois déterminés à le faire, et ça, ce n'est pas vrai que le Parti libéral du Québec va participer à un exercice et va voter pour un projet de loi qui va affaiblir le Québec et qui va laisser de côté les intérêts des Québécois et des Québécoises.

Mais, M. le Président, sur le contenu comme tel de la motion présentée par mon collègue le député de Chapleau, quand on regarde cette motion-là, on a de la difficulté à comprendre pourquoi le gouvernement actuel l'a carrément laissée de côté. Je vais vous lire quelques extraits, et vous me direz si pour vous ça semble correct, si pour vous c'est bien ou si, au contraire, ça vous semble absolument inacceptable. D'abord, un des considérants: «Considérant l'importance de réaffirmer le principe fondamental en vertu duquel les Québécois et Québécoises sont libres de déterminer leur régime juridique et politique et d'assurer leur développement économique, social et culturel.» Y a-tu quelqu'un ici qui est contre ça? Y a-tu quelqu'un ici qui est contre ça, à part le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes?

«Considérant que les Québécois et Québécoises sont maîtres de leurs institutions démocratiques.» Je suis sûr que vous êtes pour ça, vous, M. le Président. L'ensemble des députés ici doivent être pour ça s'ils ont à coeur la défense des intérêts du Québec et de leurs institutions démocratiques.

Un autre: «Considérant que le Québec fait partie du Canada depuis 1867 et que les Québécois et Québécoises ont majoritairement exprimé leur attachement à ce pays à l'occasion des référendums de 1980 et 1995.» Ça aussi, il y a seulement de l'autre côté qu'on ne reconnaît pas ça. On ne reconnaît pas ça parce qu'on continue. Tant qu'ils ne l'auront pas, on va en faire des référendums. Ce n'est pas un gros respect de la démocratie, M. le Président.

Un autre élément, un des points qui sont affirmés: «Que cette Assemblée:

«Réaffirme que les Québécois et Québécoises ont le droit de choisir leur avenir et de décider eux-mêmes de leur statut constitutionnel et politique, et que ce droit doit être exercé en conformité avec les lois, conventions et principes constitutionnels ou internationaux applicables au territoire du Québec.» Ces gens-là sont contre ça? Est-ce qu'ils sont contre ça? Il semble que oui. Je vois le ministre de l'Éducation puis je vois le ministre des Affaires intergouvernementales qui disent que, oui, ils sont contre ça. C'est bon à savoir.

Un autre élément, M. le Président: «Reconnaisse l'importance que les droits des Québécois et Québécoises d'expression anglaise soient protégés et garantis en toutes circonstances et qu'ils soient reconnus et appliqués dans un esprit d'ouverture et de justice.»

Un autre point plus loin: «Réaffirme la contribution des Québécois et Québécoises faisant partie des communautés culturelles au développement du Québec et l'importance que leurs droits fondamentaux puissent être exercés adéquatement en toutes circonstances.» Ces gens-là semblent être contre ça.

Un élément sur lequel ils ne sont pas d'accord, par exemple, effectivement, c'est au point 8. Donc, que l'Assemblée nationale «réaffirme que les Québécois et Québécoises ont le droit à ce que toute consultation populaire visant la sécession du Québec du Canada porte sur une question claire et que, lorsqu'une telle consultation a lieu, le gouvernement du Québec respecte le Renvoi relatif à la sécession du Québec du 20 août 1998, notamment quant à l'obligation constitutionnelle de négocier sur le fondement du principe démocratique, de la primauté du droit et du constitutionnalisme, du fédéralisme ainsi que de la protection des droits des minorités».

Ça, là, finalement, c'est des éléments du jugement de la Cour suprême, hein, et vous vous souvenez, M. le Président que... Il semble qu'aujourd'hui ils ne soient pas d'accord avec ça, mais on se souvient aussi que, à l'époque, certains articles de journaux portaient des titres qui faisaient penser exactement au contraire. Par exemple, on voyait que M. Bouchard disait que la souveraineté était renforcée avec ce jugement-là. On disait même: Bouchard applaudit le mouvement . «La démarche souverainiste est légitime. La Cour ébranle ainsi les fondements de la stratégie fédéraliste, sape les arguments de la peur et du refus de négocier», selon Lucien Bouchard. Pourtant, c'est une cause qu'il a boycotté. Satisfaction à Québec . «Ça peut changer l'atmosphère au Canada», croyait M. Landry. Plus loin, on disait: Parizeau considère sa démarche réhabilitée . Donc, à l'époque, on avait l'impression que le jugement de la Cour suprême, c'était la nouvelle voie à suivre pour le gouvernement actuel. Aujourd'hui, ça ne semble plus être bon. On a de la misère à les suivre à ce niveau-là. Comment on peut, je dirais, à l'intérieur d'à peu près deux ans, changer autant d'idée, si ce n'est que par orgueil et par peur de perdre la face?

Je ne peux, M. le Président, passer sous silence un autre élément, un des éléments du jugement de la Cour, le fait d'avoir une question claire. Je pense que tous les Québécois et Québécoises souhaitent avoir une question claire, et une vaste majorité de Québécois et Québécoises sont bien conscients que les deux dernières questions que ce gouvernement-là a posées dans ses deux derniers référendums n'étaient pas très claires, et ça, je crois que, dans un prochain exercice, tel qu'ils le promettent constamment d'élection en élection... Dans le mandat actuel, ils l'ont promis aussi. S'il y a un autre référendum, j'ose espérer que la question sera claire et que les Québécois pourront décider sans astuce, sans artifice, comme ce fut le cas, entre autres, en 1995 avec la fameuse entente entre les trois chefs, où finalement c'était presque l'entente, je dirais, qui semblait être négociée avec le reste du Canada... Tout le monde était mêlé avec tout ça.

Je ne peux pas passer sous silence le rôle de l'ADQ et quelques-uns des commentaires de mon bon ami le député de Rivière-du-Loup, mon voisin, et l'entendre parler de sa trêve de 10 ans. Je me souviens d'avoir lu un des commentaires du premier ministre qui disait, sur la trêve de 10 ans du député de Rivière-du-Loup, qu'il y avait déjà cinq ans de passés. Donc, il va peut-être être bon pour sauter dans l'autobus au prochain. Mais, M. le Président, ce qui est particulier du député de Rivière-du-Loup, c'est qu'il est fédéraliste, il est souverainiste, il est à peu près tout ce que les sondages lui demandent d'être. Ce dont on se rend compte, de ce côté-ci, et ce que son passé nous fait retenir, c'est qu'il est beaucoup plus souverainiste et amateur de longues randonnées en autobus dans le camp du Oui qu'amateur de défense des intérêts du Québec du côté du renouvellement de la fédération canadienne. Je pense qu'il est clair que, encore une fois, le député de Rivière-du-Loup souhaite avoir sa carte postale avec les tenants du camp du Oui pour le prochain référendum.

M. le Président, en terminant, je veux revenir sur un point majeur qui, pour nous, est très clair: l'outil le plus approprié présentement, dans la situation actuelle, pour défendre les intérêts du Québec et pour faire en sorte que les Québécois et les Québécoises vont reprendre le leadership qui leur revient au sein de la fédération canadienne, c'est une motion telle que présentée par mon collègue de Chapleau, et, dans cet esprit, nous ne pouvons pas voter pour un projet de loi comme le projet de loi n° 99 qui va affaiblir le Québec et affaiblir les Québécois et les Québécoises. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Nous allons maintenant vous céder la parole pour la réplique, si vous le désirez, M. le ministre. M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.


M. Joseph Facal (réplique)

M. Facal: M. le Président, à ce stade-ci, je me contenterai simplement, en guise de réplique, de m'en tenir à quelques courts commentaires principalement sur l'intervention du député de Chapleau de ce matin ainsi que sur l'intervention du député de Laurier-Dorion. Je crois qu'à ce stade-ci il n'est pas utile de rentrer dans un long commentaire détaillé de chacune des affirmations qu'on a entendues ni de faire, moi non plus, une lancinante revue de presse. Si tel avait été le cas, j'aurais, moi aussi, pu passer de longues minutes à savourer des extraits de journaux du style Chrétien: les députés du PLQ sommés de se taire , ou bien tels que Appel à l'aide de Charest , ou bien tels que, dans La Tribune , Jean Charest n'est plus que l'ombre de lui-même , ou bien, dans Le Journal de Québec – suave, M. le Président – Charest admet qu'il a besoin d'une politique nationaliste claire , ou bien, dans Le Soleil , De passage au Saguenay, Charest a du chemin à faire , ou bien ma favorite, qui n'est pas de M. Charest, qui est du merveilleux député de Richmond, On veut redevenir un parti d'idées .

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Il y a du chemin à faire!

Une voix: Ça va être difficile.

Des voix: Ha, ha, ha!

(16 h 10)

M. Facal: Mais on ne fera pas ça, M. le Président, on ira sur le fond. Le député de Chapleau, dont je dois vraiment redire à quel point, au plan personnel, je l'apprécie, a voulu ce matin donner une apparence de mouvement, une apparence de souplesse au Parti libéral du Québec en disant: Comment? Peuple? Aucun problème avec ça. Comment? État? Aucun problème avec ça. Oui, évidemment, sauf que le député de Chapleau, je le connais, va reconnaître que, la première fois que je lui ai dit: Et si, par hypothèse, dans votre déclaration on mettait un peu de «peuple»? il m'a répondu: Écoute, je reconnais bien que le peuple québécois, ça existe, mais, si je le mets dans la déclaration, je fais le jeu du gouvernement, hein? Je constate évidemment que maintenant on serait prêt à saupoudrer un peu de «peuple». Alors, là où les nuits portent conseil, à vouloir sauver les apparences, où en sera l'opposition officielle la semaine prochaine? Je ne doute pas que, l'avenir étant long en politique, il y a peut-être encore du mouvement.

Le député de Laurier-Dorion, lui, il disait, tout à l'heure: On est pour ça, un honnête compromis, on trouve ça, oui, important de parler d'une seule voix. Oui, sauf que, quand je l'ai rencontré, lui aussi, j'en suis convaincu, sera prêt à reconnaître qu'il a commencé en me disant: Je t'écoute, mais je ne suis pas ici pour négocier. Après, il m'a dit: Si le gouvernement veut vraiment une entente, il y a moyen d'avoir une entente. Bien oui, il y a un prix à payer. Si vous voulez une entente, c'est la déclaration telle quelle. Curieuse position de négociation que de dire: Oui, on veut une entente! Le prix pour l'entente, c'est la déclaration telle quelle.

Évidemment, il faut bien voir d'où part l'opposition. Le député de Laurier-Dorion et le député de Chapleau me présentent la déclaration et me disent: Il faut que vous compreniez, nous, au Parti libéral, on est le reflet de la société québécoise. On est le reflet de la société québécoise, donc notre déclaration reflète un consensus au sein de la société québécoise. Ça, si ce n'est pas la grenouille et le boeuf, je ne sais pas ce que c'est. Or, voici que le Parti libéral, à 16 % chez les francophones, est le reflet de la société québécoise. Mais, évidemment, en bémol, le député de Laurier-Dorion dit: Dans notre déclaration se reconnaissent tous les Québécois, sauf les sécessionnistes.

M. le Président, au dernier référendum, 2 308 360 Québécois ont voté oui, oui à une question qui proposait de faire la souveraineté et d'offrir un partenariat. 2 308 360 personnes ont voté oui à une question qui enclenchait le processus d'accession du Québec à la souveraineté. 2 308 360 sécessionnistes égarés, à votre avis, 2 308 360 personnes toutes sous hypnose collective, les seuls voyant clair, les seuls étant de vrais Québécois consensuels étant ceux qui pensent comme vous. Allons donc! Allons donc!

Le député de Chapleau me dit: On est pour ça, le peuple. Parfait, sauf que, quand on creuse un peu plus loin, on voit qu'il est pour une reconnaissance purement cosmétique, purement rhétorique du peuple québécois, parce qu'il veut bien s'assurer que cette reconnaissance-là n'aurait aucun effet politique ou juridique. On est un peuple, oui, mais sûrement pas assez peuple pour avoir le droit à l'autodétermination.

Le député de Chapleau me dit: Oui, mais c'est parce que le ministre, lui, il a une conception sociologique du mot «peuple». Moi, je suis dans le juridique, le dur. M. le Président, c'est exactement le contraire. La définition de «peuple» que, moi, j'ai, elle a des effets juridiques, elle a des conséquences juridiques, elle donne au peuple québécois des droits qui sont précisément ceux que 99 vient affirmer: au premier chef, le droit à l'autodétermination, duquel il est vrai qu'il ne faut pas faire découler un droit à la sécession. Mais, vous, en termes de droit à l'autodétermination, vous me dites que nous n'avons que le droit interne de gigoter dans nos petites compétences provinciales tous les jours envahies par le gouvernement fédéral. Elle ne va que jusque-là, dans votre esprit, la reconnaissance de nos droits collectifs. Donc, c'est le député de Chapleau qui a une conception purement sociologique: Oui, je reconnais qu'une collectivité a des traits distinctifs, mais il ne faut surtout pas que ça lui donne des droits.

Alors, qui au juste a une conception étroitement sociologique? À vrai dire, M. le Président, le député de Chapleau a la même conception du peuple québécois que le gouvernement fédéral, et je vais vous le démontrer. Oui, je vais vous le démontrer. En 1995, quand la Chambre des communes a adopté cette futile résolution sur la société distincte, le sénateur Jean-Claude Rivest et le sénateur Andreychuk avaient demandé un avis juridique sur la portée qu'il fallait donner exactement à cette motion sur la société distincte. La réponse des juristes du gouvernement fédéral fut transmise par écrit. Je vous lis un extrait de la réponse des juristes du gouvernement fédéral. Je cite: «Au cours des dernières années, les juristes du droit constitutionnel et international au ministère de la Justice et les juristes au ministère des Affaires étrangères ont donné des avis au sujet de l'emploi du mot "peuple". La signification de l'expression "peuple du Québec" dans le contexte de la résolution est celle de "vox populi", le peuple qui, directement ou par le biais de représentants élus, a exprimé le désir de voir reconnaître la société distincte qu'il forme au sein du Canada.» Écoutez bien la suite: «L'expression "peuple du Québec" dans ce contexte n'est pas utilisée dans le sens d'une collectivité identifiable qui pourrait revendiquer un droit à l'autodétermination.» Ça, c'est la définition des juristes du gouvernement fédéral, strictement la même que celle que nous a livrée ce matin le député de Chapleau.

Continuons. Au-delà des figures imposées sur le peuple et sur l'État, je note que le député de Chapleau reste étrangement muet sur les autres conditions posées par le gouvernement, ne serait-ce qu'envisager de considérer ces déclarations. Pas un mot sur la non-reconnaissance par le Québec de la Constitution de 1982. Vous nous dites: De toute façon, ce n'est pas grave qu'on ne la reconnaisse pas, elle s'applique. Le député de Chapleau, lui...

Enfin, disons que le député de Laurier-Dorion a certainement le mérite d'aller à l'essentiel. Le député de Laurier-Dorion, lui, nous dit: Dans le fond, la clé, c'est l'avis de la Cour suprême. La question, c'est de savoir: Est-ce que nous y sommes subordonnés ou pas? Dans le fond, M. le Président, quand on dit d'un côté de la bouche: Bien oui, on reconnaît aux Québécois le droit de décider, et de l'autre côté: Oui, mais, évidemment, on est pour l'avis de la Cour suprême au complet, bien, on se contredit parce que être pour l'avis de la Cour suprême au complet, c'est être pour une formule d'amendement qui dit: Si les Québécois veulent changer de statut constitutionnel, il faut qu'ils aient la permission de toutes les Législatures provinciales au Canada et du gouvernement fédéral. Alors, ça vaut quoi, dire qu'on est pour le droit des Québécois à décider, si en même temps on reconnaît au Parlement de l'Île-du-Prince-Édouard, 120 000 habitants – hier, j'ai dit «200 000»; c'est une erreur, ils sont encore moins nombreux – le droit de bloquer le choix des Québécois?

(16 h 20)

Je trouve aussi le député de Chapleau étrangement ambigu sur cette dénonciation de C-20. Il me dit: Nous, au Parti libéral du Québec, on a toujours été contre ça, C-20. C'est le «nous» qui est amusant parce que, évidemment, si on creuse un peu, on voit que le député de Laurier-Dorion, lui, disait, le 29 février dernier: «Certains peuvent voir une intrusion dans le fait que le Parlement décidera avant que la question ne soit adoptée à l'Assemblée nationale, mais, pour moi, ce n'est pas la fin du monde, même si ce n'est pas la meilleure chose non plus.» Un petit peu moins de vigueur dans la dénonciation de C-20 de la part du député de Laurier-Dorion que de la part du député de Chapleau.

Je continue un peu plus loin. Le député de Notre-Dame-de-Grâce, un de mes favoris: «Mais le projet de loi C-20 dicte la position du gouvernement fédéral, une position de négociation. Je pense que le fédéral a le droit d'avoir une position de négociation. C'est à eux de décider de leur attitude. Il est normal que le gouvernement du Canada ait une position sur la façon de négocier éventuellement.» Alors, le député de Kamouraska-Témiscouata, par exemple, et d'autres, la députée de Sauvé, auront beau sortir leur cassette de base sur le fait que le Parti libéral du Québec est contre C-20, ceux qu'on n'a pas entendus ici mais qui se sont échappés il y a quelques semaines, ils avaient été passablement plus complaisants à l'endroit de C-20, hein! Et c'est justement pour ça, parce que le Parti libéral est complètement divisé, que jamais il n'a été jusqu'à dire: C-20, c'est illégitime, odieux et inacceptable. On s'est contenté de dire: C'est inutile et inopportun. Inutile et inopportun, surtout pas plus.

Évidemment, dans ces cas-là, quand un parti est divisé, le leadership, c'est de se tourner vers le chef. Ah! le chef, lui, évidemment, il va nous donner la ligne. Le chef, le chef! Le chef, il est muet là-dessus. Mais le merveilleux député de Viger, lui, il nous a dit ce que le chef pensait. Alors, évidemment, quand on a demandé, dans le journal La Presse , au député de Viger ce que pensait le chef du PLQ – de qui on aurait pu s'attendre à un arbitrage – lui, il a répondu: Honnêtement, je ne peux pas vous dire ce qu'il en pense, la discussion n'est pas allée jusque-là. Le député de Viger conclut en nous disant que, au caucus libéral, pour éviter des déchirements, bien, le compromis, ça a été de dire: C-20, c'est inutile. Il n'aurait donc pas fallu faire ça. Bien, voilà.

M. le Président, cette division du Parti libéral du Québec, elle serait comique si elle n'était pas si tragique, de la part de gens qui s'évertuent à nous dire qu'ils sont de grands défenseurs des intérêts du Québec. Un jour, ils nous parlent de la défense des intérêts du Québec, le lendemain, ils portent les valises de Stéphane Dion. En fait, je me demande quel est le degré d'autodétermination, au sein du caucus, qu'a vraiment le député de Chapleau en ces matières...

Une voix: Nul.

M. Facal: ... – non, non – lui dont j'attends avec impatience la plateforme constitutionnelle. J'y viens, j'y viens.

Un mot maintenant sur la crainte de judiciarisation qu'invoque le Parti libéral. Ça, c'est ma meilleure. Le Parti libéral du Québec nous dit: Nous, on a à coeur les droits du Québec et on ne voudrait pas qu'ils soient menacés, et donc c'est pour ça qu'une loi, c'est le mauvais véhicule. M. le Président, à force de toujours affirmer que l'adoption d'une loi va donner ouverture à une contestation juridique des droits que nous affirmons, bien, l'opposition officielle, elle renforce l'idée que ces droits n'ont aucun fondement juridique. Vous renforcez l'idée que ces droits n'ont aucun fondement juridique et, par conséquent, ce que vous nous dites, c'est: Ça pourrait n'être que des droits fictifs, puisque les tribunaux pourraient les invalider. M. le Président, ce n'est pas compliqué. Des droits, notre peuple en a ou il n'en a pas. S'il en a, il ne faut pas qu'il craigne de les affirmer ou de leur faire franchir le test des tribunaux. Et, s'il n'en a pas, de droits, notre peuple, bien, que l'opposition ne fasse pas semblant de croire qu'il en a quand elle nous le dit.

En fait, quand le Parti libéral du Québec nous dit qu'il craint la judiciarisation, je vais vous dire ce qu'il craint. Ce qu'il craint, c'est que, si C-20 est contesté devant les tribunaux et si 99 est contesté devant les tribunaux, le Parti libéral du Québec ait à se poser l'existentielle question: De quel côté je vais être quand les deux lois seront contestées devant les tribunaux? Si vous avez de la misère avec «peuple», je vous garantis que vous allez avoir de la misère, à ce moment-là.

En fait, M. le Président, il est complètement contradictoire de dire d'un côté: 99 judiciarise une question politique, et du même côté de nous dire: Il faut se lier pieds et poings à l'avis de la Cour qui n'est que ça, la judiciarisation du politique. Comment pouvez-vous dénoncer la judiciarisation du politique et en même temps élever un cierge à la gloire de l'avis de la Cour suprême qui est justement ça, la judiciarisation du politique? Il faudrait savoir!

Je termine – on aura l'occasion d'y revenir – en prenant note que le député de Rivière-du-Loup, que le député de Kamouraska-Témiscouata n'a pas pu s'empêcher d'écorcher, lui, sans avoir ménagé ses critiques à l'endroit du gouvernement, bien, sur des questions essentielles, il est tombé du bon bord. Le Parti libéral du Québec nous dit: Eh, mon Dieu! si, au lieu de passer tout notre temps là-dedans, on travaillait vraiment à l'amélioration de la fédération canadienne, si on était constructifs! M. le Président, un éminent juriste – ah, je vois le sourire de celui qui sait ce qui s'en vient – écrivait, il y a peu – je cite: «Enfin, la volonté d'aboutir à une quelconque réforme constitutionnelle qui satisferait en partie le Québec semble plus que jamais faire défaut, et ce, tant au niveau de l'ordre central qu'au niveau des provinces majoritairement anglophones du pays.» Ça, l'auteur, c'était M. Benoît Pelletier, à la page 301 de l'ouvrage Les modalités de la modification de la Constitution du Canada . Il avait des éclairs de lucidité quand il était à l'université.

Des voix: Bravo!

M. Facal: Je termine, M. le Président, avec un dernier point. À chaque fois que j'ai le plaisir – parce que c'en est un – d'entendre le député de Chapleau, je suis toujours frappé du nombre de minutes qu'il consacre, de l'énergie avec laquelle il s'évertue à nous dire: Nous ne sommes pas une succursale, nous sommes autonomes; nous ne sommes pas aux ordres d'Ottawa, nous ne sommes pas inféodés. À force de mettre tellement d'insistance à dire que vous êtes indépendant de Stéphane Dion, les gens vont continuer à se poser des questions. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. M. le député de Chapleau, sur un point de règlement?

M. Pelletier (Chapleau): Oui, c'est une question de règlement, M. le Président. Le ministre a cité un extrait d'un article que j'ai commis et dont je ne réfute pas l'à-propos; au contraire, j'en reconnais encore la pertinence actuelle, puisque le manque de volonté politique par rapport aux changements du fédéralisme canadien est en bonne partie dû au fait que ce gouvernement n'assume pas le leadership que le Québec devrait assumer au sein du Canada. Voilà la précision que je voulais apporter.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Chapleau. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Ce n'était en aucun cas, M. le Président, une question de règlement, vous le savez autant que moi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader adjoint du gouvernement. Alors, ceci, avec la réplique du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, met fin au débat sur le principe du projet de loi n° 99.

Alors, le principe du projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec, est-il adopté?

Des voix: Sur division.

M. Boulerice: Vous avez, M. le Président, deux motions. La première: que le vote soit pris sur appel nominal et, une fois cela adopté: que le vote, en vertu de l'article 223, soit effectué à la fin de la période des affaires courantes demain.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Pinard): Le vote sera donc, en vertu de 223, reporté au vendredi 26 mai, aux affaires courantes. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

(16 h 30)

M. Boulerice: Oui, M. le Président, pour la suite des choses. Puisqu'il faut éduquer, éduquons. Alors, je vous demanderais de bien vouloir prendre en considération l'article 12 du feuilleton qui est le projet de loi n° 118.


Projet de loi n° 118


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 12 de votre feuilleton, M. le ministre de l'Éducation propose l'adoption du principe du projet de loi n° 118, Loi modifiant diverses dispositions législatives dans le secteur de l'éducation concernant la confessionnalité. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 118?

Comme il n'y a pas d'interventions, le principe du projet de loi n° 118, Loi modifiant diverses dispositions législatives dans... Excusez-moi.

Une voix: Il n'y a pas d'intervention de la part du ministre?

Le Vice-Président (M. Pinard): Non.

Une voix: Oui, oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon. Ha, ha, ha! En considérant que l'heure avance et que nous venons de terminer un débat quand même très, très intéressant... J'imagine que nous étions encore sous l'effet de l'adoption du principe du projet de loi n° 99, donc... Ha, ha, ha! Ah, vous n'aviez pas... Ha, ha, ha!

Alors, je vous demandais donc s'il y avait effectivement des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi. Alors, M. le ministre de l'Éducation, il me fait plaisir de vous céder la parole. Vous avez même droit à 60 minutes. M. le ministre de l'Éducation.


M. François Legault

M. Legault: Oui. Merci, M. le Président. Effectivement, j'ai le plaisir de soumettre aujourd'hui à l'Assemblée nationale le projet de loi qui modifie diverses dispositions législatives dans le secteur de l'éducation concernant la confessionnalité.

Avant de présenter les orientations dans ce projet de loi, il me semble important de rappeler aux membres de l'Assemblée nationale certains faits qui mettent en perspective l'actuel débat de société – parce que c'en est un, débat de société – sur la place de la religion à l'école. À la suite, M. le Président, des états généraux sur l'éducation en 1996, le gouvernement a été invité à examiner la confessionnalité scolaire sous l'angle de l'évolution culturelle et démocratique de la société québécoise et à poursuivre la déconfessionnalisation du système scolaire. C'est ce qui a amené l'Assemblée nationale du Québec à entreprendre une démarche unanime auprès du Canada pour que soit amendée la Constitution canadienne de 1867. Ainsi, en décembre 1997, le Québec a été soustrait aux paragraphes 1 à 4 de l'article 93 qui garantissaient des droits confessionnels à certains groupes de catholiques et de protestants, et le gouvernement a donc pu procéder par la suite au remplacement, le 1er juillet 1998, des commissions scolaires confessionnelles par des commissions scolaires francophones et anglophones.

Par ailleurs, M. le Président, l'adoption de la Charte québécoise des droits et libertés en 1975 et de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982 a eu un effet, il faut bien le dire, sur l'évolution du débat sur la confessionnalité scolaire et la place de la religion à l'école. Ces chartes, pour préserver les privilèges accordés aux catholiques et aux protestants, obligent le gouvernement du Québec à assortir les lois de l'éducation d'une clause dérogatoire aux chartes. Or, en vertu de la Charte canadienne, l'Assemblée nationale doit renouveler cette clause tous les cinq ans par une loi. Les discussions, donc, qui entourent la place de la religion à l'école reviennent régulièrement, d'autant plus que la protection constitutionnelle dont bénéficiaient les catholiques et les protestants n'existe plus. Donc, les clauses dérogatoires à la Charte canadienne ont été renouvelées en 1999 mais pour une période de deux ans, soit le temps qu'on a jugé nécessaire pour définir les orientations gouvernementales en cette matière.

En octobre 1997, le gouvernement a confié à un groupe de travail le mandat d'examiner la question de la place de la religion à l'école, de définir les orientations pertinentes et de proposer des moyens en vue de leur mise en oeuvre. Et, dans son rapport intitulé Laïcité et religions: perspective nouvelle pour l'école québécoise , le groupe de travail retient l'idée de la laïcité ouverte dans le contexte d'une école imprégnée des valeurs communes des citoyens et des citoyennes.

C'est à la suite de ce rapport, M. le Président, que l'Assemblée nationale a demandé à la commission de l'éducation de tenir des audiences publiques sur la place de la religion à l'école, et les opposants et les tenants de la confessionnalité scolaire ont pu s'y faire entendre. Je le rappelle, la commission a reçu plus de 30 000 messages et 254 mémoires et nous avons tenu des audiences publiques pendant 13 jours. Donc, ces audiences ont fait ressortir une diversité de points de vue, notamment sur les privilèges accordés aux catholiques et aux protestants dans le système actuel. Et, même si une position unanime n'a pas pu être dégagée de cette commission, tous les participants et participantes se sont montrés favorables à une certaine évolution. C'est dans ce contexte que j'ai déposé le projet de loi modifiant diverses dispositions législatives dans le secteur de l'éducation concernant la confessionnalité. Il donne suite à ces audiences publiques sur la place de la religion à l'école, qui ont été, donc, tenues à l'automne 1999 par la commission parlementaire de l'éducation.

Ce projet de loi propose à l'Assemblée nationale d'adopter des orientations et des aménagements qui répondront à certaines des questions soulevées en commission parlementaire, notamment les questions suivantes: D'abord, quelle direction prendre en matière d'éducation religieuse pour répondre à l'évolution de la société qui, depuis quelques années, tend vers une distinction plus nette entre le rôle des Églises et celui des écoles publiques? Et, deuxièmement, quelles étapes franchir pour faire évoluer la situation de manière à prendre en compte à la fois l'histoire de la société québécoise et les changements culturels qui se sont produits? Donc, c'est le genre de questions qu'on s'est posées en commission parlementaire, et, comme je l'ai dit précédemment, les principaux enjeux juridiques et sociaux rattachés à la place de la religion à l'école ont été largement commentés. Il appartient maintenant au gouvernement de tracer une direction et d'adapter l'offre de service éducatif des écoles à la réalité actuelle, une direction qui, je le souhaite vivement, recevra l'adhésion de la plus grande majorité possible.

Il faut aussi garder à l'esprit, M. le Président, que ces orientations ne sont pas statiques et que, dans l'avenir, des réadaptations récurrentes seront nécessaires au fur et à mesure de l'évolution des mentalités. Donc, dans un tel contexte, nous devons certes agir dans la perspective d'une société pluraliste et ouverte, mais à la fois garder une attitude nous permettant de respecter l'histoire et l'évolution de la culture québécoise. Et, pour cela, il est nécessaire d'emprunter une démarche progressive qui respecte le rythme d'évolution des mentalités. C'est à la lumière de ces principes que je vous propose des aménagements visant à déterminer la place que doit désormais avoir la religion à l'école publique, et notre choix fondamental, il faut être bien clair, n'est pas plus de religion à l'école. Nous devons tendre vers une distinction plus nette entre le rôle de l'État et celui des Églises.

(16 h 40)

Comme on le sait, M. le Président, la religion est présente dans de nombreuses sphères de la vie scolaire. Dans le réseau scolaire public, la confessionnalité se concrétise d'abord par des structures gouvernementales et administratives propres, aussi par le statut catholique ou protestant des écoles, aussi par l'obligation d'offrir des programmes d'enseignement religieux, aussi par des services d'animation pastorale catholique et religieuse protestante, de même que par les exigences de qualification du personnel de l'un ou l'autre des services. Des droits à ces égards sont en effet reconnus aux élèves et à leurs parents dans la Loi sur l'instruction publique. Donc, le premier volet touché par le projet de loi concerne les structures confessionnelles de l'administration gouvernementale.

Au moment de la création du ministère de l'Éducation en 1964, M. le Président, le gouvernement de l'époque a institué deux comités confessionnels, l'un catholique, l'autre protestant, qui sont toujours rattachés au Conseil supérieur de l'éducation, et ces comités ont le mandat d'orienter et de réglementer les différents aspects de la confessionnalité tout en assurant un lien entre les autorités religieuses et le ministère de l'Éducation. Au même moment, le gouvernement a prévu dans la Loi sur le ministère de l'Éducation la nomination de deux sous-ministres associés, l'un après consultation du Comité protestant, l'autre après consultation du Comité catholique, et nous avons encore aujourd'hui ces deux sous-ministres associés, donc un à la foi catholique et un à la foi protestante, que nous appelons chez nous nos bons dieux. Donc, nous avons au ministère de l'Éducation nos deux bons dieux.

Enfin, depuis l'adoption du projet de loi n° 180 modifiant la Loi sur l'instruction publique en 1997, les commissions scolaires doivent nommer un responsable du soutien à l'administration des écoles reconnues comme catholiques, et des écoles reconnues comme protestantes, et des services confessionnels dans les autres établissements. Cette personne doit recevoir l'assentiment de l'Église catholique et des Églises protestantes. Or, M. le Président, le projet de loi que je dépose aujourd'hui propose l'abolition complète de ces structures, et, en remplacement, sera institué un comité sur les affaires religieuses qui exercera une fonction-conseil auprès du ministre de l'Éducation et qui approuvera les contenus confessionnels des programmes d'enseignement religieux. Par ailleurs, on aura un petit secrétariat aux affaires religieuses qui sera aussi établi au ministère de l'Éducation. Donc, voilà pour la partie gouvernementale et administrative.

Le second volet touché concerne le statut des écoles. Les écoles publiques peuvent être reconnues comme catholiques ou protestantes ou être sans statut confessionnel. Ce sont les comités protestant et catholique – que je mentionnais tantôt – du Conseil supérieur de l'éducation qui ont la responsabilité d'accorder ou de retirer le statut confessionnel aux écoles publiques. Donc, sur environ 3 000 écoles qu'on a au Québec, il y en a à peu près 80 % qui ont un statut catholique, à peu près 10 % qui ont un statut protestant et à peu près un autre 10 % qui n'ont pas de statut confessionnel.

De plus, depuis l'adoption du projet de loi n° 180 en 1997, des commissions scolaires se sont prévalues de l'article 240 pour faire reconnaître le projet particulier des écoles à caractère religieux évangélique relevant anciennement des commissions scolaires protestantes. Il existe, au Québec, donc, 11 écoles qui sont fréquentées par 2 217 élèves, qui sont réparties sur l'ensemble du territoire québécois. Dans le contexte de la mise en place des commissions scolaires linguistiques et parce que les orientations touchant la place de la religion à l'école n'étaient pas encore arrêtées, ces écoles ont reçu entre-temps une première autorisation pour deux ans, puis une année supplémentaire prenant fin en juillet 2001. Or, le projet de loi qu'on présente aujourd'hui, M. le Président, propose d'abroger, à compter du 1er juillet 2000, le statut confessionnel des écoles primaires et secondaires, et il propose aussi d'exclure la possibilité pour une école publique d'adopter un projet particulier de nature religieuse, et ce, à compter du 1er juillet 2001, pour respecter les autorisations supplémentaires qui ont déjà été données. Donc, voilà pour le statut des écoles.

Le troisième volet concerne l'enseignement moral et religieux. D'abord, la situation actuelle. Actuellement, tout élève du primaire et du secondaire – ou ses parents – a le droit de choisir chaque année entre trois types d'enseignement, l'enseignement moral et religieux catholique, l'enseignement moral et religieux protestant ou l'enseignement moral, et ces enseignements sont donnés obligatoirement, à raison de 60 heures par année au primaire et de 50 heures par année au secondaire, par du personnel enseignant qui, dans le cas des enseignements religieux, satisfait aux conditions de qualification exigées par les comités catholique et protestant. Et une commission scolaire peut aussi, à la demande d'un conseil d'établissement, organiser l'enseignement moral et religieux d'une confession autre que catholique ou protestante. Or, lorsqu'on regarde la situation actuelle, M. le Président, en 1999-2000, le choix entre les enseignements confessionnel et moral se répartissait ainsi: au moment où on se parle, au primaire, 86,2 % en enseignement confessionnel – ça veut dire que les parents, au primaire, ont choisi, dans 86 % des cas, d'avoir pour leurs enfants un enseignement confessionnel – et 12,4 % ont choisi l'enseignement moral, alors que 1,5 % des élèves n'étaient, pour l'instant, inscrits à aucun des enseignements. Au secondaire, maintenant, 62,1 % ont choisi l'enseignement confessionnel, 32,8 %, l'enseignement moral, alors que 5,5 % des élèves n'étaient inscrits à aucun des deux programmes.

Dans le projet de loi qu'on dépose aujourd'hui, dans le projet de loi n° 118, je propose les aménagements suivants: d'abord, maintenir le choix entre l'enseignement moral et religieux catholique ou protestant et l'enseignement moral au primaire et au premier cycle du secondaire. Nous proposons aussi d'abroger l'article de loi qui permet à une commission scolaire d'autoriser dans un établissement d'enseignement l'enseignement religieux autre que catholique ou protestant. Nous proposons aussi d'offrir la possibilité aux commissions scolaires de mettre sur pied un programme d'études local d'éthique et de culture religieuse ou d'orientation oecuménique en remplacement de l'enseignement religieux confessionnel au premier cycle du secondaire, donc pour les secondaires I, II et III. Nous proposons finalement d'offrir à tous les élèves du deuxième cycle du secondaire, donc en secondaire IV et V, un programme d'éthique et de culture religieuse en remplacement de l'enseignement religieux confessionnel et de l'enseignement moral qu'on connaît actuellement.

Nous proposons aussi, M. le Président, d'allouer au primaire un temps d'enseignement indicatif de 72 heures par cycle de deux ans au lieu du temps obligatoire actuel de 120 heures par cycle, c'est-à-dire 60 heures par année. Et, au secondaire, nous proposons de fixer le nombre d'unités obligatoires à quatre au lieu de six au premier cycle du secondaire, et à deux au lieu de quatre unités au second cycle du secondaire. Donc, voici pour l'enseignement.

Reste maintenant le quatrième et dernier volet, l'animation pastorale ou religieuse. La Loi sur l'instruction publique prévoit que les élèves du primaire et du secondaire ont droit, pendant les heures de classe, à un service d'animation pastorale s'ils sont catholiques ou à un service d'animation religieuse s'ils sont protestants. Le financement de l'animation pastorale est entièrement assuré par les commissions scolaires au secondaire et partagé avec les paroisses au primaire, et, en ce qui concerne l'animation religieuse, son financement, tant au primaire qu'au secondaire, est partagé avec un organisme représentant des Églises protestantes. Donc, le présent projet de loi propose de remplacer ces services par un service commun d'animation spirituelle et d'engagement communautaire, et la mise sur pied de ce service se fera de façon progressive. Donc, il est proposé qu'il soit instauré en septembre 2001 dans les écoles secondaires et, une année plus tard, c'est-à-dire en septembre 2002, dans les écoles primaires, et ce service serait maintenant financé entièrement par l'État.

(16 h 50)

M. le Président, les orientations qui sont contenues dans le projet de loi exigent le recours aux clauses dérogatoires. Ces clauses auront toutefois une portée très restreinte, puisque seuls les articles de la Loi sur l'instruction publique et de la loi applicable aux autochtones concernant le droit des parents d'exiger pour leur enfant un enseignement religieux catholique ou protestant seront protégés par ces clauses. Donc, on oublie toute la partie gouvernementale, administrative, le statut des écoles, l'animation pastorale, tout ça disparaît.

En conclusion, M. le Président, je tiens à vous dire que, dans ma recherche de solutions en matière d'éducation religieuse pour les années à venir, j'ai préféré adopter une approche pragmatique. Je n'ai pas privilégié une approche uniquement juridique, idéologique ou philosophique. La population ne veut pas d'une rupture brutale, elle souhaite en cette matière une évolution respectueuse de la réalité socioreligieuse du Québec, et il faut dire que, pour bon nombre de Québécois et de Québécoises, la religion demeure un sujet très délicat. C'est en effet une question où les convictions et les sensibilités sont vives et contrastées.

J'ai aussi tenté de respecter les convictions des parents et de me centrer sur la poursuite d'un objectif sur lequel ils ont maintes fois insisté, celui de la cohésion sociale, car l'école a comme mission notamment de socialiser pour mieux apprendre à vivre ensemble, et je suis convaincu que les orientations qui sous-tendent ce projet de loi permettront au système scolaire d'évoluer dans le meilleur intérêt de l'ensemble de la population, particulièrement des jeunes. Je pense qu'elle donne une place à l'étude du fait religieux en introduisant un cours d'éthique et de culture religieuse, mais qu'elle répond aussi aux attentes d'un grand nombre de parents en reconnaissant l'apport particulier des traditions catholique et protestante dans notre culture et notre histoire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre de l'Éducation. Nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet n° 118, Loi modifiant diverses dispositions législatives dans le secteur de l'éducation concernant la confessionnalité. Je reconnais maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation et député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député, la parole est à vous.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président. C'est à mon tour d'intervenir sur le projet de loi n° 118, Loi modifiant diverses dispositions législatives dans le secteur de l'éducation concernant la confessionnalité. Ça fait un petit peu plus d'un an, je crois que ça fait 13 mois, presque 14 mois que... En tout cas, en ce qui me concerne, ce fut le premier grand dossier que nous avons travaillé suite au dépôt du rapport Proulx, rapport sur la place de la religion à l'école, et je vous dirais que, depuis ce temps-là, beaucoup de choses effectivement se sont produites, beaucoup d'idées ont été mises sur la table, et je veux, moi aussi, parler un petit peu des suites de ce rapport-là.

D'abord, le rapport Proulx a été déposé fin mars 1999 et, de mémoire, ce rapport recommandait la laïcisation des écoles et recommandait la mise en place, pour remplacer, d'un cours d'histoire et culture des religions. Et, par la suite, on se souvient tous, je crois, chacun dans nos comtés, que plusieurs disaient: Bof! la question de la religion à l'école, les gens, ça ne les touche à peu près pas, puis ce n'est pas important, puis, bon, il n'y a pas de problème. Je pense qu'à peu près tout le monde en cette Chambre a reçu au moins à quelques dizaines de reprises, d'une façon ou d'une autre, soit des lettres, soit des documents, soit des présentations qui ont démontré finalement que ce débat-là est encore très, très actuel et se situe effectivement dans l'évolution de la société québécoise et qu'il y a effectivement beaucoup de gens qui ne sont pas prêts à tirer un trait et à dire: Bien, on passe tout simplement à autre chose et on oublie cet aspect-là de notre histoire au Québec.

Moi, je vous dirais que, personnellement, ça m'a un peu surpris de voir l'ampleur que ce débat-là a prise et d'ailleurs de voir à quel point, autant d'un côté que de l'autre, les positions étaient claires, les positions étaient étoffées, mais aussi qu'il y avait, je vous dirais, de toutes les parties impliquées, un certain degré d'ouverture qui rendait le débat extrêmement intéressant. Et la preuve en est, comme l'a mentionné le ministre, qu'on a eu, l'automne dernier, des consultations – et je veux le spécifier – qui ont porté non pas sur le projet de loi que nous avons devant nous mais des consultations sur le rapport Proulx déposé le printemps dernier. Et, de mémoire, nous avons reçu 254 mémoires. Je pense que c'est 10 de moins que la plus grosse commission parlementaire à n'avoir jamais été tenue en cette Assemblée, qui était, je crois, sur la politique culturelle et qui avait reçu 264 mémoires. Donc, c'était vraiment un débat extrêmement important, et nous avons reçu beaucoup de mémoires, eu beaucoup d'audiences, mais, comme je le spécifie, sur le rapport Proulx comme tel et non pas sur le projet de loi que nous avons devant nous.

Qu'est-ce qu'on a appris dans ces consultations-là? Plusieurs éléments sont ressortis. Je ne veux pas tous les amener, c'est certain que je vais peut-être en oublier d'importants, mais il est ressorti des points très intéressants, d'abord qu'il ne faut pas oublier qu'au coeur de tout cela il est question de l'élève. On a beau parler de Constitution, on a beau parler des clauses dérogatoires, on a beau parler du contenu comme tel, du choix des parents, mais tout ça doit se situer dans un objectif qui est clair, c'est-à-dire le souci des enfants, des jeunes qui sont dans les classes, et comment on peut réussir à avoir pour eux un système adéquat, qui respecte le passé, qui respecte le présent et qui est porteur pour le futur.

On a aussi appris qu'il faut tenir compte de la qualité de l'enseignement de la religion, et, moi, j'ai été extrêmement impressionné par les arguments de ceux qui disaient: Ce n'est pas tout de dire qu'il faut avoir de l'enseignement religieux ou même qu'il faut qu'il y ait de l'enseignement moral, il faut qu'il y ait une qualité derrière ça, et ça, je pense que tous se sont montrés extrêmement conscients de cette problématique-là, et ils l'ont vue comme étant extrêmement importante.

Un autre point aussi qui est ressorti, c'est qu'il fallait absolument respecter la réalité du Québec, la réalité de la société québécoise, et faire en sorte que les modèles qui seraient mis en place respecteraient autant le Québec des régions que, je dirais, le Québec urbain, le Québec dans la ville, dans la région de Québec, dans la ville et dans la région de Montréal, et qui, quelque part, amèneraient une solution à cette réalité montréalaise, à cette diversité montréalaise et, je dirais, à cette diversité qui amène – je pense que c'est une richesse, c'est un plus pour notre société – une ouverture, qui amène de nouvelles idées, qui amène de nouvelles façons de faire, notamment au niveau de la religion et des phénomènes religieux.

On a aussi parlé des structures, et ça, je pense que c'est un des éléments qui sont ressortis de la part de l'ensemble des intervenants, ou à peu près, de dire que, dans ce débat-là, il y a deux points fondamentaux: il y a l'aspect contenant et il y a l'aspect contenu. Et, sur l'aspect contenant, c'est-à-dire les structures autant au niveau du ministère, autant au niveau du Conseil supérieur de l'éducation que des écoles comme telles, du statut des écoles, je pense que les gens étaient prêts à faire un bon bout de chemin pour dire: Bon, bien, c'est peut-être un des points qu'il faut relever, et à aller vers une certaine déconfessionnalisation des structures. Et il y avait aussi une volonté de trouver une solution – je pense que plusieurs l'ont soulevé – qui respectait la volonté et le choix des parents, et aussi des solutions qui nous permettraient éventuellement de ne plus avoir recours aux clauses dérogatoires, c'est-à-dire d'avoir un modèle qui serait mis en place et qui nous éviterait d'avoir recours aux clauses dérogatoires pour suspendre certains articles de la Constitution.

Moi, je l'ai dit et je le crois toujours, et je dirais plus que jamais, le débat sur la religion à l'école, je pense que, pour tous les étudiants en sciences politiques, en droit ou en histoire, ce débat-là est peut-être un des débats qui permettent le mieux de faire les liens entre les cours de politique 101, la politique pure, avec des groupes d'intérêts de part et d'autre, et, deuxièmement, les cours de droit. L'aspect juridique est très important. On ne s'imagine pas qu'il peut y avoir autant d'éléments juridiques dans la mise en place d'une politique ou d'une nouvelle loi sur la place de la religion à l'école. Et, troisièmement, sur l'aspect historique, je pense qu'il est absolument important et essentiel de reconnaître d'où on vient, quelles sont les origines, quelles sont les racines, comment tout ça a évolué pour en arriver à des solutions dans ce domaine-là. Donc, cette commission parlementaire, je vous dirais, a été extrêmement intéressante, et a permis d'apprendre énormément de choses, et a mené sans doute à certains des éléments qui sont dans le projet de loi qui est déposé aujourd'hui.

(17 heures)

Le projet de loi que nous avons devant nous, le projet de loi n° 118, M. le Président, d'abord, au niveau des structures, comme l'a mentionné le ministre tantôt, remplace les structures catholiques et protestantes du ministère de l'Éducation de même que celles du Conseil supérieur de l'éducation par un secrétariat aux affaires religieuses et un comité aux affaires religieuses pour le Conseil supérieur de l'éducation, et ça, je pense que c'est un voeu. Notre parti avait proposé cet élément-là, et je pense que l'ensemble des intervenants, ou à peu près, qui sont passés étaient d'accord avec cet aspect-là.

Un autre élément au niveau de l'élimination du statut confessionnel des écoles. Je pense que, encore une fois, quand je vous disais la différence entre le contenant et le contenu, ce n'est pas un élément qui a soulevé énormément de passion. Il y a des gens qui se posent des questions encore et qui, j'espère, auront la chance de venir nous faire quelques témoignages en commission parlementaire. Mais, là-dessus, je pense que la majorité des gens avaient aussi évolué pour dire: Bon, écoutez, au niveau des structures, on peut faire un pas.

Il y a aussi dans ce projet de loi, M. le Président, une troisième partie qui, elle, concerne le contenu, et, sur le contenu, d'abord la réduction du temps comme tel. Je pense que les conseils d'établissement pourront quand même avoir une certaine marge de manoeuvre pour garder le même temps, mais cependant, entre autres au niveau du contenu au niveau primaire, finalement, ce qu'on peut dire, c'est qu'il y a des bonnes chances que ça reste à peu près exactement comme c'est là si le conseil d'établissement prend la décision d'avoir du temps supplémentaire. Et là-dessus la critique que l'on peut faire, c'est que, dans le cadre particulier, je dirais, de la question des écoles montréalaises, ça ne représente pas une solution aux problèmes qui avaient été soulevés, parce qu'on garde les deux seules religions, catholique, protestante, plus la morale, mais qu'on ne veut pas aller dans la voie de l'ouverture à d'autres religions. Donc, la problématique au niveau primaire reste entière. Au niveau du secondaire, le premier cycle, effectivement, I, II, III, pourra toujours avoir de la religion comme telle et pourra aussi avoir le même cours qui sera au deuxième cycle du secondaire, en IV et V, un cours d'éthique et de culture religieuse.

Sur cette question-là, M. le Président, sur le contenu comme tel de ce cours d'éthique et de culture religieuse, j'ai bien hâte de questionner le ministre en commission parlementaire là-dessus parce qu'il sait comme moi qu'on a entendu plusieurs personnes qui sont venues en commission parlementaire et qui... Je ne peux pas dire jusqu'à quel point ce cours-là est semblable ou aura le même contenu que ce qui avait été proposé dans le rapport Proulx sur le cours culturel des religions, mais plusieurs se posent des questions sur la capacité, dans ce cours-là, d'avoir une neutralité qui ne vient pas enfreindre les convictions des jeunes. Il faut que ce cours-là soit neutre, il faut que ce cours-là ait un contenu qui ne vient pas brimer ou qui ne vient pas déranger une religion par rapport à une autre.

Là-dessus, nous aurons plusieurs questions à poser en commission parlementaire au ministre afin de voir là-dedans comment on peut arriver à un cours qui aura cette neutralité-là, parce qu'il sait sans doute comme moi que, dans différents avis juridiques, pour ce type de cours là où on s'est penché sur le contenu, finalement, il semble que c'est aussi difficile sinon davantage de mettre en place un cours comme ça d'éthique et de culture religieuse qui est vraiment neutre et qui est aussi neutre que l'autre solution qui pourrait être d'ouvrir à l'enseignement de diverses religions. Donc, sur ça, nous aurons la chance de revenir en commission parlementaire, mais, à date, ça soulève certaines questions de notre part.

Un autre point qui en découle, il y a eu, au cours de cette commission parlementaire là, comme je l'ai mentionné, un désir de plusieurs intervenants d'éviter le recours aux clauses dérogatoires. Finalement, dans cet esprit-là, il y a deux ou trois grandes options qui doivent être étudiées quelque part. La première, la plus simple, est une laïcisation complète. Donc, à ce moment-là, si c'est une laïcisation complète, on n'a plus besoin des clauses dérogatoires pour conserver les privilèges des catholiques et des protestants qui pourraient être contestés en cour.

L'autre solution qui a été amenée par plusieurs et par plusieurs groupes, là, quand je parlais tantôt de gens qui ont fait un pas, qui ont montré une certaine ouverture, par des groupes qui voulaient absolument défendre les statuts confessionnels, l'enseignement confessionnel, c'est qu'ils ont fait une ouverture à la possibilité d'avoir un enseignement religieux ouvert à d'autres religions. Et, s'il y a une critique qu'on peut faire à l'ensemble du processus qui entoure ce projet de loi là, c'est que cette option-là n'a pas vraiment été étudiée. On ne sent pas, là-dedans, qu'on a étudié cette option-là et qu'on a vraiment testé...

D'ailleurs, M. le Président, la Fédération des commissions scolaires elle-même avait, dans son mémoire, demandé dans ses recommandations d'examiner l'hypothèse de l'ouverture de l'école à l'enseignement religieux d'autres religions en retenant comme principes fondamentaux la nécessité d'une demande formulée par des parents ou l'élève, le concept du nombre justifiant, la définition de critères limitant l'accès aux grands courants religieux et le respect des chartes, et elle voulait une étude qui devra également comprendre une analyse approfondie de la faisabilité pédagogique, organisationnelle et financière de ladite hypothèse. Donc, il y avait, je pense, une volonté, au moins, comme on dit, d'aller tâter le terrain de ce côté-là, et, malheureusement, dans le projet de loi, on ne sent pas que ça, ça a été une volonté, et on ne le sent tellement pas qu'au contraire on sent, à ce niveau-là...

Il y avait dans la loi – et il y a encore dans la Loi sur l'instruction publique, M. le Président – une possibilité, aux articles 5 et 228, qu'une commission scolaire puisse organiser des cours d'autres confessions, d'autres religions que catholique ou protestante si elle avait une demande, si elle jugeait bon de le faire. Cependant, non seulement on n'a pas ouvert à d'autres religions, mais, d'un autre côté, on a même enlevé cette possibilité-là que les commissions scolaires avaient, et on l'a enlevée dans la Loi sur l'instruction publique. Cependant, on ne l'a pas enlevée dans la loi concernant les établissements privés, ce qui va faire en sorte que, finalement, pour l'enseignement d'autres religions, ce sera possible uniquement au niveau du secteur privé et ce ne sera pas possible au niveau du secteur public, et ça, je me souviens du mémoire de M. Pierre Lucier qui, lui, disait que, finalement, pour ceux qui voulaient ouvrir à d'autres, ces possibilités-là étaient là, elles existaient, il restait à voir sur la faisabilité, sur le comment. Mais les opportunités étaient là et le ministre de l'Éducation, dans son projet de loi, les enlève complètement mais laisse cette même marge de manoeuvre là à d'autres religions pour le secteur privé. Et, encore là, il faudra définir et se poser la question jusqu'à quel point c'est un secteur privé, quand on sait qu'il est quand même subventionné par l'État. Donc, il y a aussi là une zone grise sur laquelle nous aurons des questions à poser.

En ce qui a trait au remplacement du service d'animation pastorale par un service d'animation spirituelle et communautaire, ça, je pense que ça ne soulève pas de problèmes très, très majeurs, les gens semblaient assez d'accord avec ça. D'ailleurs, les intervenants que nous avons entendus nous disaient justement que cet aspect-là, c'était de plus en plus ouvert et de moins en moins, entre parenthèses et entre guillemets, religieux. Donc, à ce niveau-là, les gens se posaient des questions sur le financement, entre autres. Il semble que ce sera possiblement réglé. Donc, ça, c'est un élément qui est acceptable dans les circonstances.

Le dernier point sur lequel je veux intervenir, M. le Président – et ça, c'est un des points qui soulèvent la plus grande problématique, je pense, pour tout le monde – c'est le fait que, avec ce projet de loi là, on doit reconduire les clauses dérogatoires pour une durée de cinq ans, puisque l'enseignement religieux catholique ou protestant est maintenu dans la Loi sur l'instruction publique. C'est donc dire que les clauses dérogatoires devront rester. À ce niveau-là, nous, ce qu'on trouve difficile, c'est qu'on ne sent pas qu'il y a eu vraiment une volonté de la part du ministre d'étudier un projet ou de faire tester un projet par la cour ou d'avoir des avis juridiques là-dessus, sur une éventuelle façon de faire qui aurait permis de ne pas avoir recours aux clauses dérogatoires. D'ailleurs, nous avons bien l'intention, en commission parlementaire, de poser plusieurs questions là-dessus et de voir avec le ministre de l'Éducation peut-être ce qui a sous-tendu ce choix.

(17 h 10)

On comprend que c'est certain qu'il y a moins de lois qui vont être touchées par les clauses dérogatoires parce qu'on déconfessionnalise les structures, mais cependant je pense, au niveau du contenu, au niveau de la Loi sur l'instruction publique, entre autres, qu'on peut se demander s'il n'aurait pas été possible ou avantageux de regarder l'hypothèse que plusieurs ont amenée, que le Comité catholique du Conseil supérieur a amenée, que les commissions scolaires ont amenée et que de nombreux groupes ont amenée aussi – je pense à l'Assemblée des évêques et à d'autres groupes, aux parents catholiques, entre autres – d'ouvrir l'enseignement religieux à d'autres confessionnalités selon deux principes justement qui devraient être testés, c'est-à-dire la notion de là où le nombre le justifie, c'est à partir de quel nombre, c'est quoi, et aussi de voir quelle est la définition de la notion d'accommodement raisonnable, et de voir c'est quoi, pour une commission scolaire, d'avoir un accommodement raisonnable qui lui permet dans certains cas d'offrir un enseignement religieux à d'autres religions mais qui, d'un autre côté, ne l'oblige pas, si on veut, à chaque fois qu'elle a une demande, par exemple, à offrir un cours. Donc, je pense que, à ce niveau-là, nous aurons de nombreuses questions à poser au ministre de l'Éducation en commission parlementaire.

Vous me permettrez, en terminant, M. le Président, de répéter la demande que j'ai faite à deux ou trois reprises à date au ministre de l'Éducation de tenir des consultations, ne seraient-ce que des consultations restreintes, d'entendre quelques groupes, peut-être les plus représentatifs – on pourrait s'entendre, on pourrait proposer des noms – pour justement voir ce que ces groupes-là ont à dire sur ce projet de loi. On n'est pas obligés de refaire la même consultation avec les 254 mémoires que nous avons reçus, mais je pense qu'il pourrait être opportun de faire une consultation spécifiquement sur les éléments contenus dans ce projet de loi là et non pas, comme ça a été fait l'automne dernier, sur le rapport Proulx, c'est-à-dire le rapport sur la place de la religion à l'école, mais vraiment sur cet élément-là. Et, si le ministre accepte cette demande, bien, je pense qu'il aura toute la collaboration de l'opposition pour qu'on puisse s'entendre rapidement sur les groupes, pour qu'on puisse procéder rapidement et avoir des avis de ces gens-là qui viendraient peut-être – et j'en suis convaincu – encore une fois enrichir un peu le débat et faire en sorte que nous puissions tous et toutes avancer dans cette question-là de façon, je dirais, la plus solidaire possible.

Je pense qu'à ce moment-ci, comme vous l'avez sans doute deviné, il y a certains éléments sur lesquels nous ne sommes pas en accord. Nous devrons les étudier en commission parlementaire, et j'ose espérer que nous aurons la collaboration du ministre pour faire en sorte qu'on puisse entendre certains groupes qui viendraient nous dire ce qu'ils pensent du projet de loi actuel. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Nous en sommes toujours à l'adoption du principe du projet de loi n° 118, Loi modifiant diverses dispositions législatives dans le secteur de l'éducation concernant la confessionnalité. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Je voudrais céder la parole à M. le ministre de l'Éducation pour son droit de réplique. M. le ministre, la parole est à vous.


M. François Legault (réplique)

M. Legault: Oui, M. le Président. Une très courte réplique sur deux points. D'abord, le député de Kamouraska-Témiscouata demande qu'on continue les consultations. Je pense que, dans ce dossier, depuis déjà quelques années, nous avons consulté. Il y a eu, il faut le rappeler – et je l'ai rappelé tantôt – des états généraux. Il y a eu ensuite un groupe de travail qui a procédé à des consultations pour en venir à ce qu'on a appelé le rapport Proulx. On a eu, à l'automne dernier, comme le disait le député de Kamouraska-Témiscouata, je pense, la deuxième plus grande audience publique, avec plus de 250 mémoires, 13 jours où on a questionné et écouté les groupes qui sont venus présenter leurs points de vue. Je pense que, à un moment donné, il faut cesser de consulter puis il faut agir. Je pense qu'on est rendu vraiment à l'étape de passer à l'action.

Je pense que les groupes ne sont pas venus seulement critiquer le rapport Proulx; ils sont venus aussi exposer leurs positions, ils ont fait des propositions. Il y a des parties de ces propositions qui ont d'ailleurs été retenues dans le projet de loi qui est déposé aujourd'hui. Donc, je pense, M. le Président, que les groupes ont eu toute l'opportunité de présenter leurs positions et qu'il ne faut pas prolonger davantage les consultations mais plutôt passer à l'action pour qu'on puisse, dans nos écoles, mettre en place le consensus qui semble rejoindre la grande majorité des Québécois.

Un deuxième et dernier commentaire, M. le Président, concernant les fameuses clauses dérogatoires. Le député de Kamouraska-Témiscouata prend deux positions qui semblent contradictoires. Il nous dit, dans un premier temps: Il faut penser aux enfants, il ne faut pas penser aux clauses dérogatoires. Il nous a dit ça dans la première partie de son discours. Dans la deuxième partie de son discours, il dit: Oui, mais c'est très important, les clauses dérogatoires, et c'est un gros problème. Et, pour être capable d'essayer de contourner les clauses dérogatoires, le Parti libéral du Québec propose qu'on ait plus de religion dans nos écoles, donc propose, plutôt que d'aller vers une école de plus en plus distincte de l'Église, d'offrir toutes sortes de religions.

On le sait, M. le Président, au Québec, on a des milliers de religions qui sont pratiquées. Comment distinguer les religions qui sont acceptables, pas acceptables? Comment fixer un nombre qui est raisonnable pour offrir le service sans aller contre les clauses dérogatoires? On a regardé tous ces scénarios. Ça semble, pour nous, impossible à résoudre, sans compter tous les problèmes administratifs que ça peut poser d'offrir trois, quatre, cinq, 10, 20 choix dans les différentes écoles. Et je rappelle que la seule raison, la seule raison pour laquelle on garde dans nos écoles une possibilité... On offre quand même la liberté à tout le monde de choisir l'enseignement moral. Mais pourquoi on choisit de garder l'enseignement catholique ou protestant? Parce que ça fait partie de nos traditions, de notre histoire, de notre culture. C'est la seule raison pourquoi on a gardé ces droits. Donc, ce n'est pas l'intention du gouvernement et je ne pense pas que ce soit souhaitable d'essayer, pour répondre à des clauses dérogatoires ou ne pas utiliser des clauses dérogatoires, d'avoir plus de religions dans nos écoles comme le suggère le Parti libéral du Québec. Je pense qu'il faut tendre vers moins de religions dans nos écoles, mais tout en répondant aux attentes d'un grand nombre de parents qui souhaitent qu'on tienne compte quand même des traditions et de la culture, de l'histoire québécoise, et c'est ce qu'on a essayé de faire dans le projet de loi n° 118, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le ministre de l'Éducation. Le principe du projet de loi n° 118, Loi modifiant diverses dispositions législatives dans le secteur de l'éducation concernant la confessionnalité, est-il adopté?

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'éducation

M. Boulerice: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'éducation pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion du leader adjoint est adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: J'ai eu peur qu'on dise «sur division», mais ils m'ont épargné cela. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez poursuivre, M. le leader adjoint.

M. Boulerice: Volontiers, M. le Président. Alors, je vous réfère à l'article 6 du feuilleton de ce jour, et, si vous regardez bien, c'est le projet de loi n° 111.


Projet de loi n° 111


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le leader adjoint. À l'article 6, M. le ministre de l'Éducation propose l'adoption du principe du projet n° 111, Loi concernant le transfert de la propriété d'un immeuble à la Commission scolaire de Montréal et modifiant la Loi sur l'instruction publique.

M. le ministre de l'Éducation, je vous cède la parole.


M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, je présente aujourd'hui un autre projet de loi, un projet de loi qui vise à apporter une solution à un problème, un problème qui résulte tout simplement de l'incapacité de deux commissions scolaires de Montréal, la commission scolaire de Montréal, la CSDM, et la commission scolaire English-Montréal, la CSEM, de s'entendre sur un partage d'édifices dans le but d'offrir aux enfants les services éducatifs auxquels ils ont droit tout en faisant une utilisation optimale des actifs qui sont financés, faut-il le rappeler, par les contribuables québécois. Donc, M. le Président, depuis plusieurs mois des efforts importants ont été faits pour aider les deux commissions scolaires concernées à trouver une solution au problème de manque d'espaces pour scolariser les élèves de certains quartiers de Montréal et pour les scolariser surtout dans leur quartier.

Nous savons tous que la CSDM a identifié des besoins urgents d'écoles pour répondre à l'une ou l'autre des situations suivantes, soit l'augmentation importante d'effectif scolaire – je pense, entre autres, par exemple, au quartier Côte-des-Neiges – soit des écoles dont la capacité d'accueil est actuellement largement dépassée, soit pour répondre à des problèmes des élèves qui sont actuellement transportés hors de leur quartier pour se rendre à l'école. Et, dans tout cela, je pense qu'il y a une chose qui est très claire pour tout le monde, c'est qu'il y a des espaces qui sont disponibles et qui pourraient être libérés pour répondre aux besoins.

(17 h 20)

Sur ce dernier point, M. le Président, où j'ai fait le constat que la commission scolaire English-Montréal pouvait contribuer à solutionner des problèmes de la commission scolaire de Montréal, je veux insister, vraiment insister sur le point suivant: je veux que tous les enfants, francophones ou anglophones, reçoivent la même attention et soient scolarisés dans la mesure du possible le plus près de chez eux, dans des locaux adéquats, ce qui implique que les commissions scolaires doivent s'entraider, et c'est particulièrement évident à Montréal.

Si je présente aujourd'hui ce projet de loi, c'est parce que les commissions scolaires concernées ont été incapables de s'entendre, et ce n'est pas parce que tout n'a pas été tenté, M. le Président. Permettez-moi de prendre quelques minutes pour faire un petit historique de ce dossier, ce qui va nous permettre de mieux situer l'intervention législative qui s'impose. D'abord, la Loi sur l'instruction publique, telle que modifiée par le projet de loi n° 109 en 1997, prévoyait un mécanisme qui avait pour but d'assurer que tous les biens, droits, obligations des commissions scolaires établies sur une base confessionnelle soient répartis et accordés aux commissions scolaires francophones et anglophones, et les commissions scolaires anglophones et francophones qui, jusqu'à récemment, jusqu'en 1997, se superposaient devaient, en collaboration, se répartir les droits de propriété des immeubles des commissions scolaires confessionnelles lorsque ces immeubles étaient situés sur un territoire commun.

Vous vous rappellerez, M. le Président, que tous les immeubles n'étaient pas sujets à une répartition par négociation. Comme la majorité des commissions scolaires confessionnelles dispensaient l'enseignement en français et en anglais, la loi prévoyait que les écoles où l'enseignement ne se faisait qu'en français étaient transférées du côté des commissions scolaires francophones et que les écoles où il y avait seulement de l'enseignement en anglais étaient transférées du côté de la commission scolaire anglophone, mais c'était toujours possible pour les commissions scolaires concernées d'en convenir autrement. Cette disposition avait pour but de bouleverser le moins possible le réseau des écoles publiques et de faire en sorte que les élèves soient peu affectés par le changement de structure scolaire. La loi prévoyait également le pouvoir pour le ministre de l'Éducation de trancher les litiges si des commissions scolaires n'arrivaient pas à s'entendre avant le 30 juin 1998, date de cessation d'existence des commissions scolaires confessionnelles. Donc, tous leurs droits devaient être à ce moment-là attribués à une commission scolaire, qu'elle soit francophone ou anglophone.

Or, les représentants des commissions scolaires linguistiques concernés par la répartition des droits de propriété des immeubles de la Commission des écoles catholiques de Montréal, la CECM de l'époque, de même que ceux concernés par la répartition des droits de propriété des immeubles de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal, la CEPGM, qu'on appelait en anglais PSBGM, ne sont pas parvenus à s'entendre sur ces répartitions. Ça a obligé la ministre de l'Éducation de l'époque à statuer et à décider de cette répartition. Ces décisions ont été prises le 30 juin 1998. Toutefois, étant donné que les immeubles dans lesquels étaient établies des écoles où se trouvaient uniquement des élèves francophones ou uniquement des élèves anglophones ont été attribués automatiquement à la CSDM ou à la CSEM, il en est résulté que la situation qui existait à la CECM ou à la CEPGM, en vertu de laquelle les écoles francophones dans ces deux commissions scolaires étaient... D'un côté, du côté francophone, les élèves surutilisaient les écoles, et, de l'autre côté, c'est le contraire, c'est-à-dire que c'était sous-utilisé à la commission scolaire English-Montréal.

Au cours de la dernière année, il est devenu évident que les deux commissions scolaires étaient incapables de s'entendre sur le transfert d'écoles qui auraient permis à la CSDM de répondre à ses besoins d'espaces. Donc, pour rappeler un petit peu la petite histoire, l'année dernière, en juin 1999, j'avais convenu d'une répartition, d'un transfert d'écoles avec la présidente de la CSDM. Ce projet n'a pas été entériné par le Conseil des commissaires de la CSDM. On le sait très bien, on s'en rappelle, le Conseil était politiquement divisé, suite à la présence d'un certain nombre de dissidents du parti au pouvoir, le MEMO. Donc, on a dû tout recommencer à l'automne avec les nouveaux représentants, et là c'est à la CSEM que les décisions n'ont pas pu être prises.

D'abord, il y a eu beaucoup de réunions, et, de réunion en réunion, malgré mes demandes pressantes, le Conseil des commissaires n'arrivait jamais à s'entendre. Les pressions des conseils d'établissement étaient très fortes, les menaces de procédures judiciaires par-dessus tout ça et, le comble, l'absence de quorum ont provoqué cette indécision dans laquelle on se retrouvait. Donc, au mois de février 2000, il y a quelques mois, la commission scolaire English-Montréal a enfin adopté une résolution pour transférer deux écoles. On avait besoin de trois écoles à la CSDM, donc deux écoles, l'école St. Kevin's à Côte-des-Neiges et Somerled à Notre-Dame-de-Grâce, ont été transférées, mais la commission scolaire English-Montréal a alors décidé de modifier une décision antérieure de fermer l'école Francesca Cabrini, ce qui rendait impossible son transfert à la CSDM qui a pourtant d'importants besoins d'espaces dans ce quartier, c'est-à-dire dans le quartier Saint-Michel-Sud.

Il faut se rappeler, donc, qu'il y avait eu une première décision au Conseil des commissaires de la CSEM pour transférer cette école, pour la fermer. Les parents, dans un premier temps, ont contesté, et finalement la décision a été renversée. D'ailleurs, M. le Président, lors de certaines discussions que nous avons eues au cours des dernières semaines, des derniers mois, avec la CSEM, la CSEM nous a fait savoir qu'elle pourra transférer à la CSDM pour 2001-2002 une école qui pourra répondre en totalité aux besoins des élèves francophones. Donc, elle a par le fait même reconnu qu'elle détient la solution au problème de la CSDM. Il s'agit donc de l'école Francesca Cabrini ou de l'école Emily Carr. Donc, la CSEM nous a dit: Pour 2001-2002, on va pouvoir transférer une des deux écoles.

D'abord, je pense que ça montre bien que l'école peut être disponible – une des deux écoles – sans qu'il y ait de préjudice pour les enfants, mais, M. le Président, il y a des besoins, de l'autre côté, à la CSDM, qui sont urgents, qui sont pour septembre 2000. Donc, les enfants ont besoin de classes, et, puisque la Loi sur l'instruction publique n'accorde aucun pouvoir au ministre de l'Éducation permettant de régler la situation, puisque le gouvernement se refuse à autoriser la construction d'une école – on n'est pas pour construire une école au moment où il y en a une qui est disponible, qui est même disponible, selon la confirmation de la commission scolaire English-Montréal, pour 2001; donc, on n'est pas pour construire un nouvel immeuble dans le même quartier, là où on a une école qui appartient à l'autre commission scolaire – donc j'en suis arrivé à la seule conclusion qu'il y avait une seule solution, c'était l'intervention législative pour dénouer cette impasse. Donc, le projet de loi que je dépose va obliger la CSEM à désigner, au plus tard le 30 juin 2000, l'immeuble qu'elle accepte de céder à la CSDM pour lui permettre d'établir dès septembre 2000 une école dans le quartier Saint-Michel-Sud, soit l'immeuble abritant soit l'école Francesca Cabrini ou encore l'immeuble abritant l'école Emily Carr. Et, à défaut par la CSEM d'y donner suite dans le délai imparti, je prendrai moi-même cette décision.

M. le Président, pour éviter que de telles impasses mènent à nouveau le gouvernement à l'obligation de légiférer à la pièce, le projet de loi va permettre aussi au gouvernement, sur recommandation du ministre de l'Éducation, d'agir sans avoir à soumettre à chaque fois une législation particulière. Et, dans des situations semblables, si et seulement si des commissions scolaires n'arrivent pas à s'entendre sur un transfert de propriété d'un immeuble, le gouvernement pourra intervenir si l'intérêt public le justifie, et ce, afin d'assurer une gestion efficace et efficiente des immeubles qui, bien qu'appartenant aux commissions scolaires...

(17 h 30)

Il faut quand même rappeler que ces immeubles ont été payés par l'ensemble des contribuables québécois. M. le Président, je veux vous assurer cependant que j'ai l'intention de tout mettre en oeuvre pour que cette partie de la loi que je soumets à l'adoption de cette Assemblée ne soit utilisée que de façon exceptionnelle, et je pourrais même ajouter qu'elle ne soit jamais utilisée. La Loi sur l'instruction publique repose sur des postulats de collaboration à tous les niveaux entre les commissions scolaires, et ce n'est pas normal qu'on se retrouve devant de telles impasses après plus d'un an de débat, ou d'absence de débat, je devrais dire, dans certains cas. Et je ne peux pas et personne ici, je pense, ne peut accepter de telles situations, puisque nous savons qu'il y aura peut-être d'autres cas à Montréal où on devra agir. Et, pour éviter de se retrouver dans des problèmes semblables, je demanderai un portrait complet de l'utilisation actuelle des écoles à Montréal pour s'assurer qu'on réponde le mieux possible aux besoins des élèves de chacune des commissions scolaires, anglophone ou francophone.

M. le Président, j'espère avoir l'appui de l'opposition dans l'étude de ce projet de loi, puisque je demande à l'Assemblée nationale de nous permettre de nous sortir d'une impasse malheureuse, de nous donner les moyens pour que, dans l'avenir, nous puissions solutionner de tels problèmes si cela devait à nouveau être nécessaire. Et il ne faut jamais oublier qu'il y a des élèves et des parents qui attendent de nos nouvelles, qui attendent notre décision pour savoir où iront leurs élèves au mois de septembre 2000 qui vient. Donc, j'espère avoir toute la collaboration de l'opposition.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 111, Loi concernant le transfert de la propriété d'un immeuble à la Commission scolaire de Montréal et modifiant la Loi sur l'instruction publique. Et je reconnais le porte-parole de l'éducation de l'opposition officielle et député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député, je vous cède la parole.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, merci, M. le Président. C'est à mon tour d'intervenir sur le projet de loi n° 111 qui concerne le transfert – dont le titre n'est peut-être pas évocateur nécessairement de ce qui est dans le projet de loi – de la propriété d'un immeuble à la commission scolaire de Montréal et modifiant la Loi sur l'instruction publique. L'aspect sur lequel on a plusieurs questions à poser est bien sûr celui, je dirais, de la phase 2 du projet de loi, c'est-à-dire l'aspect de la modification de la Loi sur l'instruction publique.

Mais commençons par le début. D'abord, la première partie qui fait en sorte que le ministre donne jusqu'au 30 juin à la commission scolaire anglophone de Montréal pour décider lequel des deux édifices elles vont transférer, soit Francesca Cabrini ou encore Emily Carr. Il y a certains points là-dedans qu'on doit soulever, et je pense que le ministre devrait être sensible à cette question-là. Si la décision est prise le 30 juin, on sait que les écoles sont fermées, on sait que les élèves sont surtout déjà inscrits pour le mois de septembre qui vient. Donc, M. le Président, on peut s'attendre à deux, trois mois assez turbulents, ne serait-ce que pour les élèves qui seront transférés d'un endroit à un autre ou qui devront aller à une école plutôt qu'à une autre.

Et j'ai bien hâte de voir, en commission parlementaire, si le ministre de l'Éducation va nous dire s'il prévoit certaines mesures spéciales pour ne pas qu'à la rentrée à l'automne on perde une semaine, ou deux semaines, ou trois semaines en raison du transfert ou en raison du fait qu'il y a des élèves qui seraient inscrits à un endroit ou qui s'étaient inscrits à un endroit et ne veulent pas se retrouver dans cette école-là, mais veulent plutôt aller dans une autre. En tout cas, j'espère qu'on va trouver une façon d'aplanir cette problématique-là qui pourra survenir avec le projet de loi actuel.

Effectivement, ça fait plusieurs mois que ce dossier-là est dans les médias, ça fait plusieurs mois que ça soulève les passions d'un côté et de l'autre, ça fait plusieurs mois que finalement plusieurs se demandent: Est-ce que ça va finir par aboutir quelque part? Est-ce qu'il va y avoir à un moment donné une décision de prise? Et vous savez, M. le Président, je pense qu'il faut quelque part voir: Est-ce que vraiment tout a été fait pour qu'on en arrive à une solution? Le ministre dit que oui; certains disent que non. Là-dessus, on peut avoir différentes opinions, mais il reste que c'est quand même assez particulier de voir qu'on est obligé d'en arriver à avoir une loi pour transférer les écoles. Et ça, je pense que c'est un phénomène, que tous et toutes doivent réfléchir à cette situation-là.

Est-ce que quelque part on se rend compte que finalement on poursuit le débat? Parce que, d'ici le 30 juin... Le ministre sait sans doute autant que moi que déjà il y a toutes sortes de pétitions, il y a déjà toutes sortes de menaces juridiques qui courent pour justement déjà renverser une décision qui n'est pas prise encore. Donc, la turbulence, pour parler dans des termes que le ministre connaît bien, n'est pas tout à fait encore terminée malgré la mise en place de ce projet de loi là. Et j'ose espérer, comme on l'a vu avec les autres écoles qui étaient en question dans ce dossier-là, que la solution qui sera apportée sera dans l'intérêt des enfants et je dirais même que j'ose espérer que les deux commissions scolaires s'entendront avant que le ministre ait à décider laquelle des écoles sera transférée. Je pense que, s'il y a une invitation qu'on peut faire aux commissions scolaires, c'est de tenter un dernier sprint de négociations pour faire en sorte que la décision d'une école – Francesca Cabrini ou Emily Carr – qui sera transférée sera une décision qui leur appartiendra et que le ministre de l'Éducation ne sera pas obligé de trancher dans ce dossier-là.

Il y a un problème important, M. le Président, qu'il faut aussi soulever avec ce projet de loi là, et on en a parlé il y a quelques semaines en Chambre, on a eu quelques questions là-dessus. Il faut bien se rendre compte que ce projet de loi là, malgré le transfert de l'école en question, ne vient pas régler l'ensemble de la problématique du manque d'espace pour des jeunes dans la région de Montréal, et ça, je pense qu'il faut le souligner à ce moment-ci parce que des gens pourraient avoir l'impression que finalement, avec ce projet de loi là, le problème de manque d'espace dans les écoles de la région de Montréal est terminé, et je pense que le ministre est aussi conscient que moi que ce n'est pas le cas.

Il y a des quartiers dans la région de Montréal, il y a des quartiers dans certains comtés, dans certains secteurs – et mes collègues vont en parler aussi – où il y a un manque de places important pour l'automne. D'ailleurs, la commission scolaire de Montréal indiquait dernièrement que finalement le transfert des écoles ne viendrait régler, au maximum, que la moitié du problème comme tel et qu'il doit y avoir immédiatement des fonds d'accordés pour de nouvelles constructions, notamment dans le quartier Côte-des-Neiges, qu'il doit aussi y avoir certains bâtiments qui doivent être réaménagés et qu'il doit y avoir un financement d'agrandissement de certaines écoles si on veut vraiment combler le besoin d'espace et faire en sorte que les écoles, les 3 250 places, selon la commission scolaire de Montréal, qui manquent présentement, dont 1 600 dans le quartier Côte-des-Neiges, 350, Notre-Dame-de-Grâce, 300 dans le quartier Saint-Michel et 1 000 dans le quartier Ahuntsic, bien, que cette solution-là... qu'on puisse trouver le plus rapidement possible des solutions qui ne résident pas uniquement dans le transfert des écoles, mais des solutions qui vont permettre de faire en sorte que les jeunes, les étudiants vont avoir entre les mains, je vous dirais, les meilleurs outils possible, le meilleur environnement possible pour étudier, parce que souvent c'est peut-être ce qui donne le plus le goût d'aller ou de ne pas aller à l'école, c'est-à-dire l'environnement dans lequel les jeunes étudient.

Il y a aussi toute une question importante dans ce projet de loi là, M. le Président, qui, au premier abord... Je vous dirais, on sait tous – et on l'a déjà évoqué en cette Chambre, on a déjà eu quelques blagues à ce sujet-là – que le ministre de l'Éducation ne se gêne pas pour dire un peu partout, dans diverses tribunes, que l'Assemblée nationale, pour lui, c'est un peu une perte de temps. Et ça, je veux dire, c'est rare qu'on voit des parlementaires eux-mêmes discréditer l'institution dans laquelle, finalement, ils exercent leur métier. La partie, peut-être, la plus agaçante de ce projet de loi là à ce moment-ci, c'est la deuxième partie, la partie avec l'article 7 et suivant, 7 et 8, où finalement le ministre de l'Éducation profite du fait qu'on a un projet de loi pour transférer une école d'une commission scolaire à l'autre, profite de ce fait-là pour se donner le pouvoir absolu de décider lui-même du transfert des écoles dans l'avenir. Et j'entendais le ministre de l'Éducation qui disait tantôt qu'il espérait ne jamais avoir à utiliser cette partie-là.

(17 h 40)

Il y a un autre aspect aussi, M. le Président, c'est qu'il faut regarder quels sont les outils dont dispose la population, dont disposent l'ensemble des gens face à un transfert d'écoles comme ça. Et je vous dirais qu'il y a à ce niveau-là... Sur la place de l'Assemblée nationale, sur la place des députés dans la vie des écoles, ce gouvernement-là ne semble pas très, très fort là-dessus, parce qu'on se souvient qu'avec le projet de loi n° 180, adopté en 1997, on éliminait un élément – certains vont s'en souvenir peut-être ou en ont déjà entendu parler – particulier qui démontrait finalement que les écoles appartenaient vraiment à tout le monde, c'est-à-dire le droit absolu qu'avaient tous les parlementaires, tous les députés d'aller visiter une école n'importe quand. Le projet de loi n° 180 enlevait ce privilège-là aux élus de l'Assemblée nationale. Et ça, à l'époque – certains se disent: Oui, mais il n'y a personne qui se fait barrer la porte à l'entrée d'une école – c'était quand même particulier de voir un gouvernement qui enlevait aux élus cette possibilité-là.

Mais, avec le projet de loi actuel... Le ministre l'a mentionné lui-même, on souhaite que ça soit le moins fréquent possible, et ce n'est pas très fréquent non plus qu'on ait à adopter un projet de loi pour justement forcer le transfert d'une école d'une commission scolaire à une autre. La dernière fois que c'est arrivé, c'était en 1996, de mémoire. Donc, ça fait quand même quatre ans. Et, quelque part, c'est ce qui permet à l'Assemblée nationale... Le fait de déposer un projet de loi, ce n'est pas une question de perte de temps, c'est une question, entre autres, pour les députés qui sont de ces régions-là, de ces comtés-là, de venir questionner le ministre de l'Éducation, de venir voir avec le ministre de l'Éducation quelles sont les options, la façon que ça se passe, comment tout a été mis en place.

Bien, ça, avec le projet de loi que nous présente le ministre de l'Éducation aujourd'hui, ça va disparaître. À l'avenir, le ministre de l'Éducation, avec ce projet de loi là, pourra lui-même, tout seul, décider à partir de quand – puis c'est lui-même qui décide de l'intérêt public – favoriser ou tout de suite ordonner que la propriété d'un immeuble appartenant à une commission scolaire soit transférée à une autre commission scolaire afin qu'elle établisse un service d'enseignement. Donc, pour les prochaines années... Ça n'arrive pas à tous les ans puis à toutes les sessions, M. le Président, là; c'est la deuxième fois que ça arrive depuis, je dirais, cinq ans, depuis 1996, la dernière fois. Et là le ministre vient dire: À l'avenir, je serai le seul qui va pouvoir procéder. Je n'ai plus besoin de passer à l'Assemblée nationale avec ça.

Et, là-dessus, les questions qu'on soulève, c'est quand il est mentionné, à l'article 7, au sous-article 477.1.1: «Sur la recommandation du ministre, le gouvernement peut, s'il estime que l'intérêt public...» C'est lui qui décide de ça. C'est quoi, les étapes avant? Est-ce qu'il faut qu'il y ait eu un processus de négociation avant? Est-ce qu'il faut qu'il y ait eu un médiateur? Qu'est-ce qui va faire en sorte qu'un bon jour le ministre de l'Éducation va se lever? Et, si jamais on frappe un ministre de l'Éducation qui aime moins l'Assemblée nationale que le ministre actuel, on n'en entendra pas beaucoup parler ici, parce qu'on aura encore moins la chance d'entendre parler le ministre de l'Éducation. Mais qu'est-ce qui va faire en sorte qu'un bon jour le ministre de l'Éducation va dire: Voici, c'est aujourd'hui que, dans l'intérêt public, je décide de transférer une école?

En tant que parlementaires, nous n'aurons aucune possibilité, à ce moment-là, de faire valoir nos différents points de vue. Et ça, là-dessus, M. le Président, je dirais que, de notre côté, nous qui privilégions les institutions démocratiques, nos institutions, ça soulève plusieurs questions du fait qu'à l'avenir le ministre de l'Éducation n'aura pas à venir passer devant l'Assemblée nationale pour décider du sort des immeubles scolaires qui, comme il l'a dit lui-même, appartiennent à l'ensemble de la collectivité, donc la collectivité représentée par ses députés. Mais les députés n'auront plus un mot à dire là-dedans.

Et, là-dessus, si le ministre de l'Éducation ne veut plus avoir de projet de loi comme tel, spécial ou quoi que ce soit, est-ce que, quelque part dans son processus, il a prévu une alternative où, par la commission de l'éducation ou par une autre façon, les députés, l'Assemblée nationale sera consultée? Et, moi, je trouve ça assez particulier qu'au moment où on parle de revaloriser le rôle du député, bien, on vient, dans ce projet de loi là, enlever au député un droit de regard sur ce qui se passe dans les transferts d'écoles dans chacun de leurs comtés et dans chacun des quartiers qu'ils représentent. C'est assez particulier.

Un autre élément, M. le Président, du projet de loi, toujours dans le même esprit – parce qu'il y a vraiment deux projets de loi là-dedans: il y en a un pour régler le transfert d'une école et il y en a un autre pour augmenter les pouvoirs directs du ministre de l'Éducation – un élément encore dans les pouvoirs directs, c'est au niveau de l'indemnité qui est versée en contrepartie des transferts d'immeubles. C'est le gouvernement qui va déterminer ça, et, encore une fois – on ne le voit pas, pas nécessairement là-dedans – sans passer devant l'Assemblée nationale ou sans qu'il y ait eu une discussion à l'Assemblée nationale là-dessus. Donc, si les gens ne sont pas d'accord avec l'indemnité qui sera versée, à ce moment-là, s'ils appellent leur député pour dire: «On n'est pas d'accord, est-ce que vous pouvez nous aider?», le député devra dire: Non, on ne peut pas vous aider parce que, finalement, le ministre de l'Éducation a décidé que ça ne passerait pas devant l'Assemblée nationale et qu'il décide ça tout seul, lui-même.

Donc, M. le Président, ça, c'est aussi un élément, je dirais, qui est très, très, très agaçant dans le cadre d'un projet de loi comme ça et qui fait en sorte que ce sera difficile pour nous – en tout cas, à ce moment-ci – d'appuyer le ministre dans cette partie-là du projet de loi. Il peut peut-être vouloir le scinder en deux. On verra dans les prochaines étapes. Il peut peut-être le diviser et faire en sorte qu'il y ait une partie qui passe, l'autre partie qui soit étudiée plus à fond. En tout cas, on verra, mais déjà ces deux aspects-là sont, je vous dirais, assez inquiétants pour l'instant.

Comme je vous le mentionnais, un élément qu'il faut aussi soulever, j'aimerais bien, on va le voir en commission parlementaire, que le ministre de l'Éducation puisse nous dire finalement qu'est-ce qui va faire en sorte qu'un jour il va décider que, ça y est, on transfère l'école. Ça, c'est crucial.

Et aussi un autre élément sur lequel on doit se poser des questions, c'est quand il est inscrit, toujours à l'article 7, au 477.1.3, il dit: Le jour où, lui, il va décider, le ministre de l'Éducation, de transférer une école, il donne 30 jours à la commission scolaire pour présenter des observations écrites. Est-ce que ces observations-là vont être uniquement présentées à lui? Est-ce qu'elles seront rendues publiques? Est-ce que les gens y auront accès ou les gens y auront accès uniquement par la suite en passant par la Commission d'accès à l'information et, avec les délais, finalement ils vont avoir les avis des commissions scolaires uniquement le jour où la décision va être prise?

Donc, M. le Président, dans ce projet de loi là – et je veux qu'on soit très clair – il y a une partie là-dedans sur les transferts d'écoles qui soulève certains points, qui laisse certaines marges de manoeuvre aux élus normalement, dans les autres cas qu'on a vus. Le dernier cas, c'est arrivé en 1996. Il faut que les élus aient le droit de se prononcer. C'est ce qu'on fait dans la première partie du projet de loi. Mais ce qui est dommage, c'est que la deuxième partie du projet de loi fait en sorte que cette occasion-là ne sera plus redonnée aux élus de l'Assemblée nationale, parce que, à l'avenir, ça sera le ministère de l'Éducation, le ministre de l'Éducation qui va décider lui-même.

Et, moi, ce qui m'inquiète, comme je l'ai mentionné, si jamais on tombe sur un ministre de l'Éducation qui aime encore moins l'Assemblée nationale ou qui aime moins l'Assemblée nationale que le ministre actuel, bien là on n'entendra pas souvent parler du transfert des écoles, M. le Président. Et vous savez comme moi que, s'il y a un des éléments qui est au coeur de notre mandat, au coeur de nos responsabilités en tant qu'élus, c'est celui de représenter des écoles. Moi, je serais très mal à l'aise de dire aux gens chez nous: Bien, écoutez, en tant que député, je n'ai plus rien à dire dans ce qui arrive de l'avenir des écoles de mon comté.

Et c'est pour ça que, M. le Président, à ce moment-ci... Sur la première partie, comme je dis, il n'y a pas de problème majeur, on va en parler, on va en discuter, les gens vont faire valoir leurs points de vue, mais, sur la deuxième partie, c'est extrêmement inquiétant pour la valorisation du rôle du député, la place de l'Assemblée nationale dans notre vie démocratique. Nous aurons de sérieuses réserves à approuver cette deuxième partie du projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Sur ce même sujet, je vais céder la parole au député de l'opposition officielle, porte-parole à l'enfance et à la famille et député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député, je vous écoute.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. J'aimerais également m'adresser à l'Assemblée au sujet de l'adoption du principe du projet de loi n° 111, Loi concernant le transfert de la propriété d'un immeuble à la Commission scolaire de Montréal et modifiant la Loi sur l'instruction publique, Bill 111, An Act respecting the transfer of the ownership of an immovable to the Commission scolaire de Montréal and amending the Education Act.

M. le Président, comme l'a très bien indiqué mon collègue le député de Kamouraska-Témiscouata et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation, le projet de loi comporte deux éléments reliés mais quand même distincts. Les premiers articles touchent le transfert de soit l'école Francesca Cabrini ou Emily Carr qui appartiennent présentement à la commission scolaire English-Montréal à la commission scolaire de Montréal, une ou deux, avant le 30 juin. Si ce n'est pas par entente, bien le ministre de l'Éducation va trancher et va transférer une de ces deux écoles-là à la commission scolaire de Montréal pour, tel qu'indiqué par le ministre, répondre à un besoin qui existe – personne ne va le nier – dans le quartier Saint-Michel, pour des parents et des enfants francophones qui fréquentent des écoles sous la juridiction de la commission scolaire de Montréal.

(17 h 50)

M. le Président, mes premières remarques, c'est à l'effet que je comprends qu'il y a eu des négociations difficiles dans ce dossier-là et que, semble-t-il, pour Emily Carr et Francesca Cabrini, ces négociations n'ont pas abouti à une entente à temps pour septembre 2000. Et je pense qu'il faut faire la distinction, M. le Président. Le ministre vient d'indiquer, même, que la commission scolaire English-Montréal serait prête à céder une des deux bâtisses pour septembre 2001. C'est ça qu'il a dit. Alors, déjà, ça démontre une volonté de la part de la commission scolaire English-Montréal de régler le problème de la surcapacité, la surpopulation des écoles francophones de la commission scolaire de Montréal pour septembre 2001.

Je comprends que, pour le ministre et pour beaucoup de parents, ça représente un délai additionnel d'un an et je comprends leur inquiétude. Mais, M. le Président, en même temps, le ministre, le gouvernement actuel a toléré la surcapacité dans beaucoup d'autres écoles sur l'île de Montréal depuis des années. Il ne faut pas... Eh oui! Et cette surcapacité, même, existait dans notre temps. Absolument! Alors, M. le Président, il ne faut pas, quant à moi, répondre à des besoins réels dans un secteur de façon précipitée, et c'est ça que le ministre est en train de faire.

Les commissions scolaires peuvent s'entendre, M. le Président. And we saw, with the negotiations between the English-Montréal School Board and the commission scolaire de Montréal, that there's already been an agreement to transfer two schools, Mr. Speaker, one of which is located in my riding, Somerled School, and the other is St. Kevin's. And, Mr. Speaker, you know full well, as does the Minister, it's never easy for a school board to close a school. No one is happy when a school closes. So needless to say, Mr. Speaker, the people of NDG were not happy with the decision taken by the English-Montréal School Board to close Somerled School. They were not happy, the parents of the children who went to that school were not happy.

But, Mr. Speaker, I think, generally speaking, the community understands that when you have a building that's operating below capacity and you have needs in the community for students of another language, and regardless of what language that is, the community has a responsibility to act responsibly. And that's what the English-Montréal School Board did with regard, I believe, to Somerled School and St. Kevin's School. It wasn't easy. If you polled, you know, the individual parents of the students at Somerled School, they would not be happy with that closure. But the school board did what they felt they had to do. And frankly, Mr. Speaker, I supported that decision. I supported the decision that Somerled School had to be transferred, with compensation, to the commission scolaire de Montréal because there's an overcapacity in two French-language schools in my riding, école Notre-Dame-de-Grâce and école Sainte-Catherine-de-Sienne.

Alors, les élus locaux, M. le Président, même au niveau des commissions scolaires, peuvent s'entendre. Et la preuve de ça, c'est ce qui est arrivé avec St. Kevin's School et Somerled School.

Alors, le litige est autour d'une des deux écoles, Francesca Cabrini ou Emily Carr. M. le Président, j'imagine que mon collègue va poursuivre ce genre de réflexion là en commission parlementaire, mais j'aimerais bien que le ministre me dise... Il réalise, j'espère, qu'en fermant une de ces deux écoles, le 30 juin, ça laisse aux commissions scolaires deux mois – parce que c'est pour septembre de cette année – pour planifier la fermeture d'une école et redistribuer ses élèves.

The Minister has to know that to do staffing decisions in two months, after students have already been registered in those schools, to make decisions with regard to busing in that time period, to make decisions with regard to the formation of classes in that time period is going to represent a major challenge for one of those two schools. The Minister can't be insensitive to those. If the Minister stands up and says: You know, you can close the school in two months and transfer students from one to the other very easily in two months, I would be very surprised, Mr. Speaker, because it just doesn't make any sense from a pedagogical point of view.

Alors, oui, il y a des besoins, mais de donner à une commission scolaire deux mois d'avis, essentiellement, pour des écoles qui sont occupées présentement, pour des écoles dont les inscriptions sont déjà faites, M. le Président... Les inscriptions ont été faites au mois de janvier. Alors, il y a des élèves inscrits dans Francesca Cabrini et dans Emily Carr.

Et le ministre va se virer de bord, il va dire: D'ici le 30 juin, on va fermer une de ces deux écoles-là. Il dicte essentiellement à la commission scolaire English-Montréal: Grouillez-vous bien vite, là, parce que la décision va être prise puis c'est vous qui allez être responsables d'arranger tout ça, de ramasser les pots cassés après parce que c'est la responsabilité de la commission scolaire de planifier la rentrée. Et j'ai bien hâte de savoir si le ministre pense que deux mois, c'est suffisamment de temps pour planifier la fermeture d'une école et les transferts d'une centaine d'élèves d'une école à l'autre. Parce que ça ne peut pas être l'idéal, M. le Président, sur le plan pédagogique, c'est impossible.

Comme j'ai dit, M. le Président, oui, il y a des besoins, mais il ne faut pas réagir de façon précipitée. Les élèves à l'école Notre-Dame-de-Grâce ont été logés dans des classes temporaires pendant un an; la même chose avec l'école Sainte-Catherine-de-Sienne. Je ne dis pas que c'est idéal, loin de là. Et personne ne va me dire que c'est bon d'avoir des écoles à surpopulation. Je suis très conscient de ça. Mais il y a une possibilité d'avoir une solution à cet effet-là, qui est rejetée par le ministre, une entente à l'amiable entre les deux parties qui est rejetée par le ministre. Il dit: Non, moi, je vais trancher, puis je vais trancher le 30 juin, puis en deux mois vous allez arranger tout ça. Ce qui m'apparaît un geste quasi irresponsable de la part du ministre de l'Éducation, de un.

Le deuxième élément, M. le Président... Et, même à ça, on a vu dans le passé des projets de loi à cet effet-là. Je me rappelle très bien, j'ai assisté au débat autour du projet de loi n° 87, en décembre 1996, où sa prédécesseure, la députée de Taillon, avait proposé le même type de projet de loi en ce qui concerne le transfert d'une école pour l'école Coronation. La grande différence, quant à moi, c'est que cette décision a été prise en décembre 1996 pour l'année scolaire 1997-1998. Il y a toute une différence entre décembre avant la fermeture et le 30 juin. Au moins, les commissions scolaires impliquées avaient cinq mois additionnels, presque six mois additionnels pour planifier la fermeture de l'école Coronation et le transfert. Alors, il y avait un total de huit mois, tout près.

Là, il donne deux mois. Moi, je pense, M. le Président, que c'est une attitude irresponsable de la part du ministre de l'Éducation d'exiger ce transfert en dedans de deux mois. Sa prédécesseure, elle, minimalement, avait donné un total de huit mois avant la fermeture de l'école Coronation. À ce moment-là, on n'était pas d'accord avec cette décision, M. le Président, mais, minimalement, c'était un geste plus responsable, dans le sens que les inscriptions n'ont pas été faites à l'école Coronation à ce moment-là. On était en décembre 1996, les inscriptions n'étaient pas faites à ce moment-là, alors la commission scolaire savait qu'elle ne pouvait pas inscrire des élèves en janvier 1997 pour septembre 1997. Mais là les inscriptions sont faites, et le ministre arrive et dit: Vous avez deux mois, arrangez-vous. Mais, moi, je vais trancher. Et, M. le Président, je le répète une dernière fois, je comprends la situation de surpopulation d'écoles, mais, quant à moi, le ministre agit de façon précipitée et quasi négligente dans la fermeture d'une de ces deux écoles-là.

L'autre partie du projet de loi touche évidemment un pouvoir général, M. le Président. Si vous me permettez, avant d'aborder cette deuxième partie, on pourrait peut-être reprendre à 20 heures.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le député, à votre demande, je vais suspendre les travaux de cette Assemblée, compte tenu de l'heure, à 20 heures. Bon appétit à tous.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 2)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. Nous allons poursuivre nos travaux aux affaires du jour. Nous allons reprendre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 111, Loi concernant le transfert de la propriété d'un immeuble à la Commission scolaire de Montréal et modifiant la Loi sur l'instruction publique.

Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce avait commencé son exposé. Il vous reste 9 min 8 s exactement, nous avons le temps indiqué sur le tableau. Alors, je vous cède la parole, M. le député.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je vais terminer une observation en ce qui concerne la première partie du projet de loi n° 111, c'est-à-dire le transfert d'une des deux écoles, soit Francesca Cabrini ou Emily Carr. Je veux que ma pensée soit claire, M. le Président, pour le bénéfice des membres de cette Assemblée et du ministre de l'Éducation. De ce côté-ci, on ne veut pas – et surtout pas ça, M. le Président – être un obstacle à la résolution d'un problème qui existe dans le quartier Saint-Michel avec les écoles de la Commission scolaire de Montréal et des enfants francophones, on ne veut surtout pas être un obstacle à la résolution de ce problème-là. Mais il ne faut pas que ce problème-là soit, non plus, résolu sur le dos des élèves inscrits à d'autres écoles, comme à Emily Carr ou à Francesca Cabrini.

Mais le deuxième élément du projet de loi n° 111, M. le Président – qui est, quant à moi, encore plus important – c'est le principe général énoncé à l'article 7 qui essentiellement donne le pouvoir au ministre de l'Éducation de recommander au gouvernement, c'est-à-dire au Conseil des ministres, de procéder à des transferts d'écoles de façon unilatérale, sans l'autorisation de l'Assemblée nationale, et de le faire possiblement, même, sans compensation, sans indemnité. Et je vous réfère non seulement à l'article 7, M. le Président, qui modifie l'article 477.1 de la Loi sur l'instruction publique, mais au deuxième paragraphe de l'article 7 qui indique: «Le gouvernement détermine, par décret, si une indemnité est versée en contrepartie de ce transfert d'immeuble et, s'il y a lieu, le montant de celle-ci et les autres conditions de ce transfert.» C'est très clair, M. le Président, le libellé de ce paragraphe-là est très clair, le gouvernement détermine par décret si une indemnité est versée. Alors, quand on met un «si» là, c'est parce qu'il y a une possibilité même qu'il n'y aura pas d'indemnité suite à un transfert qui est décrété par le gouvernement du Québec.

Alors, d'une part, M. le Président, un transfert d'école décrété par le Conseil des ministres – parce que c'est de ça qu'il s'agit, le ministre de l'Éducation recommande au gouvernement, c'est-à-dire au Conseil des ministres, c'est un pouvoir réglementaire, il faut qu'on soit très clair là-dessus – ça donne le pouvoir au Conseil des ministres d'essentiellement aliéner des biens d'une commission scolaire puis de les donner à une autre.

M. le Président, comme vous le savez – comme on sait tous – la discussion, lors d'une réunion du Conseil des ministres, est faite derrière des portes fermées. On n'est pas partie à cette discussion-là. Elles sont secrètes, elles sont tenues à une certaine confidentialité. Le public ne peut pas assister, il n'y a pas de caméra, il n'y a pas de transparence. Les discussions sont derrière des portes fermées; les décisions prises sont annoncées. Alors, j'ai beaucoup de difficulté à concevoir que l'Assemblée nationale va donner un tel pouvoir au Conseil des ministres.

Il est vrai, M. le Président, que, de temps en temps, dans l'intérêt public, il faut que l'Assemblée nationale tranche sur des litiges. Ça, c'est vrai et, de ce côté de la Chambre, on ne remet pas ce pouvoir de l'Assemblée nationale en question. Mais il y a toute une différence entre un pouvoir accordé à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire aux 125 élus, puis un pouvoir qui est accordé à une trentaine de personnes derrière des portes fermées, avec aucune transparence, avec aucun droit de regard de la part du public ni d'autres législateurs. Moi, je pense que ce sont des pouvoirs extraordinaires que l'Assemblée nationale s'apprête, si ce projet de loi est adopté... C'est des pouvoirs extraordinaires qui vont être conférés au Conseil des ministres.

Même, à cet égard, M. le Président, la prédécesseure du ministre de l'Éducation actuel, lors d'un débat sur un projet de loi similaire, en ce qui concerne la première partie, a dit ceci le 18 décembre 1996, et je cite au texte Mme la députée de Taillon, ministre de l'Éducation d'alors: «Est-ce que je pourrais vous dire, M. le Président, d'autre part, que la loi que je vous propose d'adopter, que je propose à mes collègues de l'Assemblée nationale d'appuyer, c'est une loi à laquelle je n'aurais pas voulu procéder, pour laquelle je n'aurais pas voulu souhaiter l'appui de mes collègues, parce que je ne voulais pas qu'il y ait de loi spéciale ou particulière venant résoudre un problème que, je crois, les parties auraient dû résoudre elles-mêmes?» Fin de la citation.

C'était là la pensée de la ministre de l'Éducation d'alors, la députée de Taillon, lors de l'adoption par bâillon du projet de loi n° 87 qui traitait essentiellement du transfert de l'école Coronation de l'ancienne Commission des écoles protestantes du Grand Montréal à l'ancienne Commission des écoles catholiques de Montréal. La ministre a très clairement indiqué à ce moment-là, M. le Président, qu'il s'agit de pouvoirs extraordinaires qui doivent, quant à nous, très rarement être utilisés. Quand ils sont utilisés, ça doit être l'Assemblée nationale qui vote des lois particulières là-dessus. Ça ne doit pas être le Conseil des ministres, une trentaine de personnes réunies derrière des portes fermées, avec aucune transparence, qui peut décider si un immeuble est transféré d'une commission scolaire à une autre. C'est un pouvoir réglementaire qui est, quant à moi, absolument hors mesure pour corriger des situations qui arrivent très rarement.

Le député de Kamouraska-Témiscouata l'a soulevé, la dernière fois qu'on a été obligé de trancher à cet égard, c'est il y a trois ans et demi, décembre 1996. Alors, ça arrive très rarement dans la vie d'un Parlement d'être obligé de statuer sur le transfert des immeubles, et, nous, on pense qu'on devrait continuer d'exiger que l'Assemblée nationale dans son ensemble statue sur ce genre de transfert, et non pas uniquement le Conseil des ministres.

(20 h 10)

Et la question de l'indemnité, M. le Président, est importante. La loi proposée par le ministre de l'Éducation, la loi n° 111, est très claire: «Le gouvernement détermine, par décret – encore une fois par règlement, c'est-à-dire derrière des portes fermées – si une indemnité est versée en contrepartie.»

M. le Président, encore une fois, on peut très facilement concevoir des moments où le gouvernement ne va pas verser une indemnité, et c'est très dangereux, cet aspect-là de pouvoir transférer des écoles d'une commission scolaire à l'autre sans indemnité. Je comprends que c'est des biens publics qui ont été payés par des payeurs de taxes, mais il y a également une composante des contribuables de la commission scolaire elle-même, des taxes scolaires qui ont été payées par des contribuables d'une commission scolaire. Alors, d'être capable d'aliéner des biens, même, avec une possibilité d'aucune indemnité, me semble très dangereux, M. le Président.

Et, pour toutes ces raisons, pour les difficultés que ça peut occasionner et pour le dangereux précédent qu'on s'apprête à voter en ce qui concerne la possibilité de transférer des écoles simplement par un décret ministériel, c'est-à-dire un Conseil des ministres, nous, de ce côté de la Chambre, M. le Président, on va s'opposer au projet de loi n° 111 à ce stade-ci. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Le prochain intervenant sera M. le député de Mont-Royal. M. le député.


M. André Tranchemontagne

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir également d'intervenir sur le projet de loi n° 111 qui propose de transférer des immeubles de la CSEM à la CSDM. La première chose que je voudrais vous dire, c'est que, d'entrée de jeu, je suis d'accord avec le principe particulier dont on parle, c'est-à-dire que je suis d'accord pour reconnaître que, dans le moment, dans certaines régions de Montréal, il y a un problème de surplus d'un côté, d'élèves ou de disponibilité, c'est-à-dire de places, et, de l'autre côté, on a, dans la région de Montréal, un manque de places très significatif. Alors donc, c'est important de reconnaître que le ministre a sûrement raison de vouloir dire: On va équilibrer les choses, et il s'agit ici d'établir le principe des vases communicants qui est de rendre service à une partie de la population finalement, puisque l'autre partie de la population est plus que bien desservie.

Alors donc, au niveau du principe de regarder le projet de loi dans son ensemble, on a des difficultés avec l'ensemble de ce projet de loi. Par contre, dans la première partie, quand il s'agit du transfert des deux écoles, d'une des deux écoles, devrais-je dire, soit Francesca Cabrini ou Emily Carr, au réseau de la CSDM, alors, à ce moment-là, pas vraiment de problème avec ça, puisqu'il y a des besoins du côté francophone et il y a des surplus du côté anglophone. Donc, à ce moment-là, il m'apparaît très normal que nous puissions transférer d'une école à l'autre. Ce transfert est une nécessité, à mon point de vue, M. le Président, et donc, c'est pour cette raison que je suis d'accord avec le concept de cette loi, ou la première partie de cette loi.

Par contre, ce qui m'inquiète dans ça, M. le Président, c'est que le ministre, je trouve, a pris très peu de temps pour finalement imposer ce transfert-là, et je pense que le ministre, depuis le temps que cette situation traîne dans ce territoire de Montréal, aurait pu prendre des décisions bien avant le moment où il les a prises, et il aurait pu imposer une date bien avant le 30 juin de l'an 2000.

Et je crois que c'est malheureux qu'on ait attendu jusqu'au 30 juin de l'an 2000, parce que, vous savez, ça va imposer à ces deux écoles-là qui ont déjà fait les inscriptions pour leurs élèves... Et, à ce moment-là, on ne sait pas encore aujourd'hui et on ne saura pas avant le 30 juin quels élèves iront à quelle école et quelle école restera. Est-ce que ce sera Francesca Cabrini qui restera dans le réseau anglais ou ce sera Emily Carr? On ne le sait pas encore et on ne le saura pas avant le 30 juin. Et les classes commencent au début de septembre, comme vous le savez, M. le Président. Donc, ça va donner très peu de temps à ces deux écoles-là pour se réajuster et transférer les élèves d'une école à une autre.

Alors, il faut donc que le ministre prévoie des procédures spéciales et urgentes pour permettre à ces écoles, à ces commissions scolaires, les deux, anglophone et francophone, de réagir en temps opportun pour permettre aux élèves de rentrer et d'être prêts à temps pour rentrer au mois de septembre qui vient.

Alors donc, je suis, un, déçu que le ministre ait attendu jusqu'au 30 juin pour décider d'imposer ou de mettre de la pression pour que le transfert se fasse; et également, je voudrais m'assurer que le ministre met en place les mesures qui s'imposent afin de s'assurer que vraiment le transfert se fasse et dans la plus grande harmonie possible.

Alors donc, M. le Président, dans la première partie de ce projet de loi, quand le ministre parle de libérer des espaces qui sont disponibles pour les rendre accessibles à la population qui en a besoin, on ne peut pas faire autrement que d'être d'accord avec ce concept-là et d'être d'accord avec, évidemment, le transfert de soit Francesca Cabrini ou Emily Carr au réseau français.

Par contre, M. le Président, je suis très inquiet de l'attitude du ministre, puisqu'il parle de faire des transferts comme ça et il parle ici d'une section, on parle de la section de Saint-Michel, où on a évidemment un problème important d'élèves. Il y a 300 élèves, un surplus de 300 élèves dans la région de Saint-Michel. Et loin de moi de prétendre que ce n'est pas un problème important. C'est un problème très important. Mais ce qui m'inquiète le plus, c'est que le ministre ignore totalement le problème qui est à Côte-des-Neiges, le problème où on a un surplus de 1 600 élèves. Je répète, au cas où vous n'auriez pas compris, M. le Président. Je sais que vous écoutez toujours, mais, au cas où vous n'auriez pas compris, 1 600 élèves de surplus dans mon comté, dans le réseau de Côte-des-Neiges.

C'est incroyable, on a transféré... Tantôt, mes confrères ont parlé de l'école St. Kevin's. On a transféré l'école St. Kevin's. On a un surplus de 1 600 élèves, on va transférer l'école St. Kevin's. Ça compte pour seulement 200 élèves, puis ça, c'est la capacité maximale, y compris les classes temporaires qui seront installées. Alors, ça veut dire que le surplus va être encore dans le réseau de la commission scolaire de la CSDM, dans Côte-des-Neiges. Le surplus ou le besoin va être encore de 1 400 élèves, et ça, je parle en septembre de l'an 2000.

Maintenant, on a parlé que le ministère accepterait un agrandissement de St. Kevin's, et St. Kevin's passera à 500 places. Mais ça, ça va prendre deux ans avant que ça se réalise. Donc, ce sera seulement qu'en septembre de 2002, ce qui veut donc dire que le problème de 1 600 places que nous avons dans Côte-des-Neiges, M. le Président, actuellement, si on suppose qu'il va rester stable... On va oublier le fait qu'il peut y avoir une progression du nombre d'élèves, puisqu'il y en a eu au cours des cinq dernières années. Alors, si on oublie ça, si on laisse ça à 1 600 de surplus moins les 300 places additionnelles, donc on va tomber à ce moment-là à un manque, encore une fois, de 1 200 places dans le réseau de la Commission scolaire de Montréal, particulièrement dans Côte-des-Neiges.

À mon point de vue, M. le Président, c'est inacceptable, et il est temps que le ministre se lève et mette les budgets à la disposition de la population de Côte-des-Neiges pour construire deux nouvelles écoles. On parle d'un manque de places de 1 200. Je comprends qu'on est en train, avec le projet de loi, de régler le problème de 300 élèves et je ne suis pas contre régler le problème de 300 élèves, mais je voudrais vous dire, M. le Président, avec tout le respect que je dois au ministre, qu'il faudrait aussi qu'il s'occupe des plus gros problèmes.

(20 h 20)

Vous savez, dans la vie, on devrait marcher par priorités, et le plus gros problème qu'on a à Montréal, c'est la région de Cote-des-Neiges, où on a dans le moment 1 600 élèves qui manquent de place. Les écoles, c'est des surplus incroyables. Dans l'école Bedford, par exemple, dans mon comté, c'est 30 % en haut de la capacité maximale de l'école. Dans l'école Simone-Monet, c'est 20 % en haut, de même que dans l'école Saint-Pascal-Baylon, de même que dans l'école des Nations où le surplus est de 7 %. Et, finalement, dans Félix-Leclerc où les surplus des élèves est de 63 %. Ça se peut-u? Il y a presque quasiment deux fois plus d'élèves que ce qu'il devrait y avoir dans cette école-là. C'est incroyable. L'infirmière est installée dans le coin où c'était autrefois le «janitor» qui était là. Alors, ça n'a pas de bon sens. C'est des conditions incroyables.

M. le Président, d'ailleurs, je voudrais vous dire que le ministre a reçu une lettre de l'école Simone-Monet, une lettre qui date du 28 avril 2000, donc c'est récent, où ils l'invitent à venir faire un tour visiter l'école, que j'ai moi-même visitée. Puis on pourrait l'inviter aussi à visiter Félix-Leclerc, que j'ai visitée pas plus longtemps que voilà un mois. Ils l'invitent à venir voir la situation.

Alors, je comprends difficilement, M. le Président. Je n'ai rien contre les transferts que le ministre veut faire, mais il est temps que le ministre se lève debout, mette ses culottes puis dise que, dans Côte-des-Neiges, on a besoin de deux écoles additionnelles. Sans compter, M. le Président, que, comme vous le savez, on a besoin aussi, dans Côte-des-Neiges, d'une école qui s'occuperait du centre d'éducation des adultes. On a des problèmes d'éducation des adultes, on a beaucoup d'immigrants dans le comté de Côte-des-Neiges et il est important d'instruire ces gens-là qui vont entraîner leurs enfants à aussi s'instruire dans notre langue. C'est absolument essentiel pour nous. Et, vous savez, un adulte qui est assis sur des bancs d'enfants qui sont hauts comme ça, c'est impensable. Il y va une fois, il y va deux fois puis il n'y retourne plus.

Alors, M. le Président, j'aimerais que le ministre de l'Éducation commence à comprendre les problèmes de l'ensemble de la région de Montréal et commence aussi à regarder les problèmes particulièrement de mon comté, c'est-à-dire de Côte-des-Neiges. Il est absolument essentiel, fondamental, nécessaire – plus que nécessaire, essentiel – qu'on construise deux écoles dans la région de Côte-des-Neiges. C'est la seule région où les enfants sont en progression. Et ce n'est pas nouveau. Je peux vous dire une chose: En 1996 – le 18 décembre 1996 – la ministre de l'Éducation d'alors, qui est aujourd'hui ministre de la Santé, disait ce qui suit: «Les gens me disent: Oui, mais, Mme la ministre, peut-être que dans cinq ans on devra – on était en 1996, donc ça fait presque cinq ans – construire parce qu'il y a une population croissante.» On parle de Côte-des-Neiges, évidemment. La ministre, de répondre: «Bien, on construira dans cinq ans.» Et, un peu plus loin, elle dit: «M. le Président, si c'est dans trois ans, on décidera dans trois ans, s'il y a lieu.» Bien, je vais vous dire une chose, c'est plus que temps. Ça fait cinq ans que le Parti québécois est au pouvoir, ça fait cinq ans qu'il ne fait rien dans le territoire de Côte-des-Neiges, et il est important, essentiel et fondamental qu'il fasse quelque chose, on est en déficit de 1 600 places. Le transfert de St.Kevin's n'apportera à peu près rien, c'est-à-dire 200 places, pour croître à 500, mais il restera toujours, toujours un déficit, dans deux ans, de 1 200 places. Alors, c'est donc essentiel de construire deux nouvelles écoles, sans compter la nouvelle école dont on a besoin pour l'éducation des adultes.

Permettez-moi, M. le Président, maintenant de revenir au projet de loi spécifiquement et de vous parler de la deuxième partie du projet de loi du ministre. Et nous sommes en total, total désaccord avec le ministre, puisque le ministre se donne un pouvoir absolu, dans cette deuxième partie du texte de loi. Et, nous, nous sommes absolument contre un tel pouvoir absolu de transférer une propriété d'un immeuble d'une commission scolaire à l'autre sans avoir à rendre compte de ses gestes, de ses décisions. Nous pensons qu'en système démocratique normal – et peut-être que, pour les péquistes, un système démocratique, ce n'est pas bien, bien important – il est absolument essentiel que, si le ministre veut prendre ce genre de décision là, il soit obligé de venir devant l'Assemblée nationale, qui représente la population de l'ensemble du Québec, de venir s'adresser à nous et de nous expliquer quelles sont les raisons pour lesquelles il propose ce transfert, comment il s'explique, comment il le justifie, sur quelles bases, quelles sont les statistiques sur lesquelles il se base pour en arriver à une telle décision. C'est absolument essentiel, fondamental. On ne donne pas de chèque en blanc à un ministre, qui qu'il soit.

Je respecte beaucoup le ministre de l'Éducation actuel, mais on ne sait jamais qui le suivra. On ne sait jamais, M. le Président. Alors donc, pour cette raison, nous sommes absolument, absolument contre la deuxième partie de ce texte de loi qui donne au ministre un pouvoir outrancier, à mon point de vue, un pouvoir absolu qu'il est absolument impensable que nous mettions dans les mains d'un ministre, qui qu'il soit.

Alors, M. le Président, nous aimerions être en faveur du projet de loi. Malheureusement, nous sommes en faveur de la décision de transférer une des écoles dont nous avons parlé, mais il reste que nous avons des problèmes fondamentaux avec la deuxième partie du texte de loi qui est de donner des pouvoirs absolus à un ministre sans qu'il ait à venir rendre compte de ses décisions ici, devant l'Assemblée nationale. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Mont-Royal. Maintenant, le prochain intervenant sera le député de Châteauguay et whip en chef de l'opposition.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir en ce début de soirée sur le projet de loi n° 111. Mon collègue qui m'a précédé, de Mont-Royal, m'interpelle, comme nous tous, j'imagine, sur un dossier important. Ce n'est pas de ça dont je veux surtout parler, je veux surtout parler, quant à moi, de la deuxième partie du projet de loi, mais, quant à la première partie, le député de Mont-Royal nous révèle des chiffres qui, me semble-t-il, devraient nous faire réfléchir.

J'aimerais que ça ne soit pas que de ce côté-ci de la Chambre qu'on réfléchisse, j'aimerais bien entendre des collègues. Il y a le député de Groulx qui se lève et qui va peut-être procéder à une demande de parole, on pourra lui laisser la parole, ou il s'en va réfléchir. Mais je pense qu'on devrait réfléchir, des deux côtés, M. le Président, lorsqu'on apprend qu'il y a des écoles qui sont à surcapacité, qu'on est rendu avec presque le double d'étudiants que ce qui est admis selon les normes.

Ça me fait penser à un discours que je faisais la semaine dernière sur la TGE, M. le Président, sur le fait que les municipalités ont moins d'argent parce que le gouvernement a mis les mains dans les poches des municipalités pour aller chercher cet argent-là. Et qui est pénalisé en bout de ligne? Ce sont les jeunes à qui on coupe soit les patinoires l'hiver, soit les services en matière de sport ou d'aide aux organismes communautaires, ce qui fait que les jeunes, l'avenir du Québec, sont pénalisés. C'était vrai la semaine passée sur la TGE, c'est vrai cette semaine, lorsqu'on entend mon collègue parler de la façon dont le ministre de l'Éducation du Parti québécois décide de pénaliser l'avenir du Québec en ne permettant pas aux jeunes du Québec d'avoir des facilités en matière d'éducation qui vont leur permettre d'avoir tous les atouts de leur côté, pas juste pour eux individuellement, mais pour nous collectivement, vous, M. le Président, nous. Nous tous, comme société, on mériterait d'avoir un gouvernement qui est plus à l'écoute de la jeunesse, de ses besoins et de notre avenir collectif. Voilà donc pour les propos que mon collègue a tenus – et qui m'interpellent, comme nous tous, j'imagine – sur l'avenir du Québec.

Mais mon intervention sera courte, M. le Président, elle vise un seul élément, un court élément du projet de loi. Mais je vais tenter de partager avec vous la surprise que j'ai eue en faisant la lecture de cet article-là, je vais vous le lire. En fait, il s'agit de l'article 7, qui introduit... C'est dans le cadre des dispositions, je dirais, générales. On sait que le projet de loi a des applications plus particulières, spécifiques, mais il déborde aussi sur des éléments plus généraux, et il s'agit d'un de ces éléments. La Loi sur l'instruction publique, donc, qui est modifiée par de nouveaux articles dont un qui, essentiellement, sans en faire la lecture, dit à peu près ceci: Le ministre peut décider de transférer d'une commission scolaire à une autre une école, un établissement, un édifice, et il peut décider de le faire même sans indemnité.

(20 h 30)

Mon problème, il est là, M. le Président, il est là. Pourquoi? Parce qu'il n'appartient pas au gouvernement, cet édifice, il appartient à une commission scolaire. Vous me direz: Une commission scolaire, ce n'est pas très loin du gouvernement, et je vous dirai qu'une commission scolaire appartient d'abord et avant tout aux citoyens qui en font partie et qui paient des taxes à cette commission scolaire. Et j'en ai pour le principe suivant, et, comme c'est un principe général qui est modifié ici, qui permet de donner un pouvoir absolu au ministre, un pouvoir de tutelle, ni plus ni moins, de vie ou de mort sur une commission scolaire, sur les établissements, sur les actifs d'une commission scolaire... C'est une tutelle, ni plus ni moins, ou une expropriation déguisée, unilatérale, omnibus, qui arrive avant coup dans tous les cas. Qu'arrive-t-il pour les payeurs de taxes, les contribuables d'une commission scolaire, qui ont donc contribué à permettre la création d'un actif à une commission scolaire et qui s'aperçoivent qu'unilatéralement, par décret, en cachette, sans débat public, le ministre peut soustraire à l'actif de cette commission scolaire, donc soustraire à l'actif de ces payeurs de taxes, pour l'attribuer à une autre commission scolaire dont ils ne font pas partie et qui bénéficie de cette arrivée dans l'actif de cette autre commission scolaire?

Vous me direz, M. le Président, que ce dont je suis en train de discuter semble académique, théorique, superflu. Je vous dirai qu'il s'agit d'un principe de base. Lorsque, en démocratie – et c'est probablement la raison qui m'amène à venir devant vous ce soir – les gens ont un pouvoir, celui d'être représentés, de prendre des décisions, de se donner des outils, et que, à l'encontre ou en échange de ce pouvoir, ils ont une obligation, celle de payer des taxes, on s'attendrait à ce qu'un gouvernement responsable, respectueux de la démocratie, respectueux des citoyens, ne vienne pas mettre sous tutelle, exproprier les actifs de l'un au profit de l'autre, que ce soit fait en cachette.

J'en ai contre le fait que le Parti québécois, dans ce cas-là comme dans bien d'autres cas, M. le Président, fait un acte de manipulation antidémocratique, comme dans bien d'autres cas, où on vient tout simplement dire aux citoyens du Québec: Vous ne comptez pas. Je sais, moi, gouvernement du Parti québécois, ce qu'est le bien commun, plus que vous.

On l'a vu dans le cas des fusions municipales; c'est le même débat. Le premier ministre se lève à tout bout de champ, la ministre des Affaires municipales se lève à tout bout de champ pour nous dire: Le Québec, c'est moi. Le bien commun, c'est moi. Que le Québec entier se lève, par référendum, pour nous dire qu'on a tort, ce n'est pas grave, nous détenons la vérité. C'est ça que le gouvernement du Parti québécois nous dit à chaque jour. Et ils ne se rendent même pas compte que nos discours portent là-dessus souvent, parce qu'il y a tellement d'exemples devant nous, ils ne se rendent pas compte comment ce discours est vrai, parce qu'ils sont obnubilés par ce deuxième mandat au pouvoir. Ils sont devenus d'une arrogance historique. Ils sont dans un état de «je sais tout», «je suis le Québec».

Le ministre des Finances nous donne cet exemple assez régulièrement: Celui qui ne pense pas comme moi est antiquébécois. Ça, c'est un démocrate. Voilà quelqu'un qui sait ce qu'est la démocratie. Si quelqu'un ne partage pas mon idée, il n'est pas Québécois. Ça, c'est le Parti québécois. Bien, je pense que, si j'étais membre de ce parti, j'en aurais honte, M. le Président. Et les exemples, ils sont dans tous les cas, même dans le cas de cet article qui vient ni plus ni moins donner au ministre de l'Éducation, qui ne...

Faisons attention, ici. Des fois, quand on fait ces discours-là, les gens qui nous écoutent peuvent se dire: Ah, voilà! Le député de Châteauguay, il en a contre le ministre de l'Éducation. Attention! On sait bien comment ça arrive, ces pièces législatives là. Le ministre de l'Éducation, il a proposé ça au Conseil des ministres, au premier ministre du Québec. C'est lui qui veut... C'est le premier ministre du Québec qui veut que, dorénavant, les commissions scolaires, on puisse passer dessus. C'est lui qui le veut, avec tous ses collègues, avec tous les membres du caucus qui se lèvent en bloc pour dire: Oui, on va passer par-dessus les municipalités, on va passer par-dessus les commissions scolaires, on va passer par-dessus les citoyens du Québec, parce que c'est juste nous, la petite gang du PQ, qui savons ce qui est bon. C'est comme ça qu'ils pensent.

Et je sais que les gens vont dire: Ah! C'est un libéral qui parle du Parti québécois, c'est normal, il est partisan, il voit ça comme ça. Mais pourquoi, dans tous les projets de loi qu'on a devant nous, à cette session-ci, ce n'est que la répétition de cette arrogance, de ce mépris pour les citoyens, de cette suffisance où on semble se dire: Bien, nous, on en sait plus que les autres. Moi, je vous avoue, M. le Président, que la démocratie devrait d'abord nous apprendre comme première leçon qu'on peut et qu'on doit – surtout qu'on doit – valoriser la divergence des opinions. On doit accepter que tous nous ne partageons pas le même point de vue.

Ça me ramène à ce projet de loi là. Comment, en bons démocrates, pouvons-nous permettre qu'un ministre, dans son cabinet, puisse décider que ceux qui ont payé des taxes à une commission scolaire se voient soustraits de leur actif des biens au profit d'une autre sans aucune compensation? Comment on peut accepter qu'un Parlement, formé d'un exécutif et d'un législatif, permette ce genre de chose? Moi, je vous dis: Ça ressemble beaucoup plus à de la dictature.

Oh! le mot peut paraître fort, parce qu'on voit dans les médias que notre société nous permet d'avoir des gens qui s'opposent, puis on se dit: Il y a des contrepoids, donc ce n'est pas la dictature. Mais, quand des lois comme celle-ci, qui vient mettre sous tutelle les commissions scolaires en décidant de leurs actifs et sous tutelle les citoyens qui ont payé des taxes pour constituer ces actifs, quand on voit les lois qui sont déposées qui viennent décider du sort des corporations municipales qui appartiennent aux citoyens en propre... On a beau dire que ce sont des créatures provinciales, M. le Président, ce sont d'abord et avant tout des entités qui appartiennent à ceux qui contribuent à leurs fonds, les payeurs de taxes municipaux, d'abord et avant tout aux citoyens du Québec.

Moi, j'en ai, M. le Président, contre le fait que le gouvernement du Parti québécois est totalement déconnecté, complètement déconnecté de ce qu'est le Québec, de ce que sont les Québécois. Il est passé au-dessus. Il est tellement passé au-dessus des Québécois, au-dessus des municipalités, au-dessus des commissions scolaires, qu'il en est même passé au-dessus de la démocratie. Et j'interviens ce soir, M. le Président, pour dénoncer l'arrogance péquiste qui se retrouve dans toutes les décisions qui sont prises. J'interviens pour crier ma gêne à l'effet d'avoir un gouvernement qui est à ce point arrogant, qui est à ce point sûr qu'il détient la vérité qu'il en est dangereux pour l'avenir du Québec.

J'interviens parce que, à chaque fois qu'il y a des projets de loi comme ceux-ci où un seul petit article peut paraître banal... Ah! ce n'est pas grave. Dans ce cas-là, ce n'est pas grave si les commissions scolaires, on finit finalement par leur dire: Vous n'existez plus. Je veux dire, le jour qu'un ministre peut décider de l'actif d'une commission scolaire sans débat public, par décret, en cachette, aussi bien se le dire, il vient de décider du sort d'une institution, d'une organisation démocratique tout seul, sans aucun débat public.

Où est-ce qu'on s'en va, M. le Président? Quelle est la prochaine étape quand, dans la même session, on nous propose de saborder le monde municipal quand il ne pense pas comme eux? Il s'agit d'entendre la ministre des Affaires municipales et tous les autres qui sont intervenus hier sur la motion sur les fusions forcées nous dire combien un référendum, quand c'est tenu par d'autres que par le PQ, ce n'est pas bon. Quand c'est par le PQ, écoutez, c'est le paradis sur terre, c'est le modèle à suivre, c'est la vérité absolue. Quand c'est tenu par d'autres, ce n'est que consultatif. Puis là, aujourd'hui, la ministre nous a dit: Moi, je ne participerai pas à ça parce que ça n'a qu'une valeur consultative. Je vous laisse faire vous-même vos conclusions sur la prochaine fois que le PQ va en faire un référendum, M. le Président.

(20 h 40)

S'il fallait que tout le monde se dise ça, alors qu'on sait que tous les référendums sont consultatifs, tant qu'à faire, ça irait où pour la possibilité pour le Québec de s'exprimer de façon démocratique, pour la possibilité pour les Québécois de parler, pour la possibilité pour les Québécois d'avoir un mot à dire dans la gouverne de leur vie, de leurs institutions? Parce qu'il n'y a pas que la constitution ou que la séparation du Québec qui est un enjeu pour l'avenir des Québécois; l'avenir quotidien de chacun des Québécois et des Québécoises fait partie de notre avenir. Or, si on empêche, du côté du Parti québécois, ces citoyens et ces citoyennes du Québec de s'exprimer, si on usurpe le pouvoir à sa base, il va rester quoi de notre société, M. le Président? Vous-même, vous devriez vous lever, vous qui êtes, comme président de cette Assemblée, détenteur d'une autorité fondamentale pour le caractère démocratique de notre société, vous devriez vous lever et dire: Mais ça n'a pas d'allure! On ne peut pas permettre au gouvernement d'aller chercher des biens qui appartiennent à une collectivité, les donner à une autre sans dédommager celle-ci, la première. Comment peut-on faire ça? Bien, assez étonnamment, c'est ce que le gouvernement nous propose.

Dans le projet de loi n° 111, un des éléments majeurs qui est proposé, c'est de soustraire à une communauté des actifs pour les donner à une autre. Et évidemment, aucune justification n'accompagne ce genre de geste, aucun cadre n'est prévu, ni même aucun règlement, M. le Président. Carte blanche. Je donnerai à celui qui pensera comme moi. Comment ne peut-on pas imaginer que c'est ça qui va gouverner le ministre de l'Éducation?

Moi, je me souviens encore du ministre des Finances qui s'est levé la semaine dernière, M. le Président, et qui a dit ceci en cette Chambre: S'il y a un fonctionnaire de mon ministère qui a dit le contraire de ce que j'ai dit, ce gars-là, son avenir est fini. Il est assis là, là, celui qui a dit ça, puis il l'a dit la semaine passée. Après la Grande Noirceur, c'est la grande terreur, M. le Président. Alors, ce ministre-là – puis il y en a d'autres de l'autre côté qui s'en souviennent, là, puis je pense qu'ils sont un peu mal à l'aise, M. le Président – nous a donné – d'ailleurs applaudi quand il a fait cette déclaration-là, il a été applaudi par ses collègues – il nous a dit quelle était la philosophie, le guide qui dirige le Parti québécois, comment on s'oriente, chez eux. Il faut que tu sois dans la gang. Si tu n'es pas dans la gang, tu es en dehors de la gang, donc on te pénalise.

La ministre de la Santé disait aujourd'hui: Voyez-vous, on ne peut pas demander à personne de se taire puis... Voyons donc, les témoignages pleuvent partout. Il s'agit qu'on demande aux dirigeants des institutions: Il se passe quoi avec ton budget? Oui, mais là, si je te le dis, tu vas-tu en parler à Québec? Parce que là, moi, je vais être pénalisé. Savez-vous que c'est ça que le monde nous dit, M. le Président? S'il vous plaît, n'utilise pas le nom de mon institution parce qu'ils vont me couper.

Le régime de la terreur est installé au Québec. Ça s'appelle le gouvernement du Parti québécois. Et, même si on n'a affaire qu'à un article dans le projet de loi n° 111 là-dessus, il s'agit d'un élément significatif prouvant... On s'en vient dire – je le répète parce que c'est tellement pas banal – à partir du moment où, dans un projet de loi, vous dites qu'on peut enlever un établissement dans une communauté pour le donner à l'actif d'une autre, ça veut dire que vous pouvez enlever tous les établissements d'une communauté pour les donner à une autre; ça veut dire que vous pouvez pénaliser tout un groupe de payeurs de taxes au profit d'un autre; et ça veut dire que vous pouvez le faire sans même les consulter, sans même débat public parce que vous savez mieux que tous les autres ce qui est bon pour le Québec parce que vous êtes péquiste. Quand vous êtes péquiste, vous êtes Dieu, vous êtes au-dessus de la mêlée.

Moi, M. le Président, je me lève aujourd'hui parce que je suis pour la démocratie et je suis contre cette façon de faire. Je trouve qu'elle est honteuse et je sais que les livres d'histoire décriront cette période comme étant une période très sombre pour le Québec. Quand ce n'est pas la ministre de la Santé, c'est le ministre des Finances; quand ce n'est pas le ministre des Finances, c'est la ministre des Affaires municipales; et quand ce n'est pas elle, comme aujourd'hui, c'est le ministre de l'Éducation. Tout ça sous la houlette de qui, M. le Président? De celui qui est assis juste en face, qui est premier ministre du Québec, plénipotentiaire, qui dit à tout le monde qui ne pense pas comme lui: Toi, tais-toi! Ou: C'est qui, ce gars-là? C'est à ça qu'on assiste au Québec de plus en plus, irrémédiablement.

Et c'est pour ça que, moi, je me lève aujourd'hui, M. le Président, pour dénoncer cette intransigeance, cette façon méprisante, arrogante de penser que tout ce qui n'est pas péquiste n'est pas québécois, que tout ce qui n'est pas péquiste n'est pas bon. J'en ai assez de cette façon de voir le Québec. J'aimerais qu'on se dise tout simplement: Célébrons la diversité des opinions. Souhaitons-nous que nous ne soyons pas d'accord, parce que c'est juste normal dans une société de ne pas être d'accord.

Le ministre de la Science, de la Technologie et de la Recherche est devant nous, M. le Président. Il va convenir certainement que c'est dans le fait que des gens aient des idées différentes que la recherche avance, que la science avance. Pourquoi pas la même chose pour le Québec? Pourquoi pas la même chose pour notre société? Et je souhaite – puisqu'il fait signe de l'affirmative, de la tête – qu'au prochain Conseil des ministres il réveille tous les autres et dise: Savez-vous, la semaine passée, le député de Châteauguay s'est levé puis il nous a remis à notre place en maudit, parce qu'on a l'air fou pas mal, on pense qu'on est les meilleurs. Mais les meilleurs, c'est les Québécois, ce n'est pas le PQ.

C'est les Québécois, qui sont les meilleurs, individuellement, chacun chez eux, chacun dans leur communauté, qu'on veut dépouiller aujourd'hui avec le projet de loi n° 111, chacun des Québécois dans leur communauté, dans leur municipalité qu'on veut dépouiller, avec la ministre des Affaires municipales, chacun des Québécois qui ne pensent pas nécessairement comme le ministre des Finances. Ce sont ces Québécois-là qu'on doit écouter, qu'on doit célébrer qu'ils ne partagent pas tous la même opinion. Et on doit se dire une fois pour toutes: Si on pouvait respecter la démocratie au Québec, tous les Québécois s'en sentiraient mieux. Et, ma foi, M. le Président, le PQ serait peut-être un peu mieux. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Et, sur le même projet de loi, il y a M. le député de Jacques-Cartier qui va intervenir. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais intervenir dans le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 111, Loi concernant le transfert de la propriété d'un immeuble à la Commission scolaire de Montréal et modifiant la Loi sur l'instruction publique; Bill 111, An Act respecting the transfer of the ownership of an immovable to the Commission scolaire de Montréal and amending the Education Act.

Moi aussi, je pense, pour les personnes qui nous écoutent ce soir, je veux mettre ça dans un contexte un petit peu plus important. Ce dont on parle ici, c'est d'un autre projet de loi de ce même gouvernement qui est inspiré par un manque de respect pour le gouvernement local. Encore une fois, on va dire que, ici, à Québec, on est les seuls qui ont la vérité, on est les seules personnes qui peuvent prendre des décisions éclairées. Et toutes les autres personnes, soit les élus au niveau municipal, soit les élus au niveau des commissions scolaires, ne sont pas capables de gérer leurs affaires.

Et je trouve... Est-ce que le mot est «ironie»? Je ne sais pas, M. le Président, mais ce gouvernement qui se plaint toujours qu'on a un fédéralisme dominateur et que chaque geste d'Ottawa est toujours vu comme de l'ingérence, ça, c'est bon quand on parle de nos relations fédérales, mais, quand c'est pour les municipalités, quand c'est pour nos commissions scolaires, oh!, il y a une autre règle qui s'applique à ce moment. À ce moment, on peut prendre tous les pouvoirs, on peut prendre tous les pouvoirs décisionnels et, oh!, ça, c'est correct.

Why, Mr. Speaker? And I think it's one of the things we have to look at. It's been a very bad week, or few weeks, or months, for the respect of local government in Québec. And tonight, once again, with Bill 111, what we're going to do is undermine the powers of our school boards to make decisions about the management of schools. It's in the same weeks that we have seen a legislation brought forward which will probably force municipal mergers on hundreds of municipalities across Québec, all of it under this assumption that this enlightened Government knows better than the people at the local level, the people who are elected to do their jobs, what should be done. So, I think, the first thing we have to see with this bill is again an effort by this Government that everything has to be centralized here in Québec City, that no one else is able to make decisions. So, once again, the powers of school boards will be undermined.

Je veux... très brièvement parce qu'il y a deux éléments dans ce projet de loi. Et je pense que c'est très important. Il y a une question d'un litige local dans l'est de la ville de Montréal concernant les écoles. Et je trouve malheureux, à ce niveau, qu'au niveau local on n'ait pas trouvé une solution locale au partage des écoles entre la English-Montréal School Board et la commission scolaire de Montréal. Mais ça arrive de temps en temps. Moi, je suis loin d'être convaincu que ce gouvernement ait épuisé toutes les possibilités. On peut regarder dans nos lois qui gèrent le travail. Il y a la médiation, il y a la conciliation et même l'arbitrage.

(20 h 50)

Alors, est-ce que le ministre a regardé la possibilité de nommer un arbitre, d'aller s'asseoir avec les deux commissions scolaires, avec les données démographiques, avec les besoins des parents et des étudiants dans ce secteur de la ville de Montréal, et d'arriver à un consensus ou au moins quelque chose que tout le monde peut vivre avec? Moi, je suis loin d'être convaincu que ce ministre a fait ce travail dans ce secteur de la ville de Montréal. C'est un petit peu loin de mon comté, alors ce n'est pas à moi de m'ingérer dans ses décisions, mais ce n'est pas la première fois. Et, je veux souligner ça, M. le Président, au niveau exceptionnel, si au niveau local on ne peut pas trouver une solution, oui, il y a le besoin, pour le gouvernement du Québec, d'arriver et imposer une solution. Alors, je ne suis pas contre l'idée que, de temps en temps, mais exceptionnellement – et je veux souligner ça – le gouvernement doit trancher, le gouvernement doit décider qu'il faut aller de l'avant avec une situation locale. Je conviens que ça peut arriver de temps en temps. Mais ça, c'est juste le premier volet de ce projet de loi.

It's just the first part of the bill that is before us this evening, Mr. Speaker, and I think it's very important that, on a very exceptional basis, if a government decides that we've exhausted all the means, that conciliation, that mediation and arbitration to try to find a local solution, because local solutions are always the best solutions, because parents and children will have to live with the consequences of what we're going to decide tonight a long time into the future, so... But, if no local solution is available, if we've really decided at the end of the day that there is no possibility to find a solution of the local matter, the Minister, exceptionally, can come before this House with a bill to say: When it comes to the management of these particular schools, no local solution is possible, so I'm going to make a decision. That I can understand, Mr. Speaker, but I underline once again: it must be an exceptional measure.

Cependant, le projet de loi qui est devant nous ce soir, c'est le contraire: on donne une carte blanche au ministre dans l'avenir que, quand il décide, de son bureau ici, à Québec, de trancher peut-être sur l'île de Montréal, peut-être dans Gaspé la prochaine fois, peut-être que ça va être dans l'Outaouais, on ne sait pas, le ministre va dire: Bah! Je vais décider ça d'une façon ou d'une autre. Les commissaires qui sont élus pour prendre ce genre de décision, je n'ai pas confiance en eux autres. C'est un processus long et laborieux, de temps en temps, de travailler avec les élus locaux, alors, moi, de mon bureau, je vais trancher. Et c'est juste comme ça qu'il va prendre une décision au lieu d'aller faire le travail sur le terrain.

Et, si j'étais dans une commission scolaire, je dis: Pour moi aussi, c'est moins intéressant de m'asseoir avec la commission scolaire avoisinante pour trouver une solution. Moi, j'irais direct au bureau du ministre, parce que j'ai un «in» là-bas peut-être. Peut-être que c'est un ancien ami de classe à l'université. Alors, j'irais voir le ministre direct parce que ça va être beaucoup plus facile de convaincre le ministre de trancher que de faire le travail, qui n'est jamais facile, d'arriver à un compromis local. Mais, moi, je pense qu'on a toujours un intérêt de privilégier les compromis locaux parce qu'il faut vivre ensemble avec les conséquences après.

Alors, s'il y a le sentiment que quelqu'un a passé une petite vite, est allé cogner sur la porte du ministre pour régler les choses plus rapidement, je pense que ça risque de nuire aux relations entre les parents, entre les communautés scolaires dans un secteur. Et, comme j'ai dit, ça peut être n'importe où au Québec parce que le premier volet de ce projet de loi touche uniquement une situation très précise, mais l'article 7 est fort troublant pour l'ensemble de nos commissions scolaires, pour l'ensemble des parents et des étudiants dans nos écoles parce que ça donne un pouvoir sans limites au ministre de décider: Ah, je vais prendre cette école, je vais la mettre là.

Why bother electing school commissioners? Why bother going through the whole process of these people? And I know from the school commissioners in my own riding, Mr. Speaker, O.K., it's not quite volunteer work, but it's pretty close to volunteer work. Yes, they get paid a little salary, but, if you compare to the hours and hours that school commissioners put in on various committees, on reaching out the Island's School Council if you're a Montréal school commissioner, it occupies a great deal of time.

So these are people who want to be involved in their communities, believe in education, believe that it's important to give something back to the community and to get back to the education system that they perhaps graduated from. So they've gone out and they've decided to be elected, and we assume that these people we've elected have certain powers, have certain privileges to try to do something. But what we're saying with Bill 111 tonight is: Forget it! You're there, you can go to the meetings, you can drink all that lousy coffee out of Styrofoam cups, but at the end of the day the real power is in the Minister's office, the real power to make the decisions won't be in your school board, it won't be around the table of commissioners, but it'll be up in Québec City. So something as basic as the management of the school buildings under the authority of the school board is seriously, seriously compromised by Bill 111.

Et je veux insister sur ça, M. le Président, que nos commissaires sont des quasi-bénévoles. Oui, ils ont un certain salaire pour faire leurs fonctions, mais, avant tout, ce sont des personnes qui ont un dévouement à leur communauté, à l'école, à notre système d'éducation, qui ont décidé de donner leur temps, de participer aux réunions des commissions scolaires pour améliorer la qualité de l'éducation dans leur communauté. Qu'est-ce qu'on est en train de faire ce soir avec le projet de loi n° 111, c'est encore une fois de miner leur travail, de dire que ce n'est pas vraiment important: Les décisions comme la gestion des écoles sont nettement trop importantes pour vous autres; alors, dorénavant, vous pouvez avoir l'illusion que vous êtes gestionnaires de vos écoles, mais le vrai gestionnaire, ça va être le ministre, ici, à Québec, qui, de son bureau, va décider c'est quoi qui est dans l'intérêt des commissions scolaires plutôt, comme j'ai dit, que d'insister, d'encourager les solutions locales qui sont toujours préférables.

This bill, Mr. Speaker, also takes us on to very delicate ground dealing with minority rights. And this Government, when it comes to talking about minority rights, I can haul out the Centaur speech that the Premier gave in 1996, a wonderful speech, full of all the right messages to the English-speaking community, but by your acts you shall be known, it's by the gestures that Government presses time and time again, and, when it comes to respecting minority rights in this province, this Government has no respect at all. And Bill 111, once again, will lead us into very delicate ground because a fundamental principle across Canada is that the linguistic minorities are able to control and manage their schools.

This is something that has been very important for French-speaking minorities outside of Québec. I think the Supreme Court, particularly the Mahe decision in 1990, took an amazing step forward for French-speaking minorities in Canada by allowing them the control and management of their schools. It was seen, for French-speaking parents in Alberta, for French-speaking parents in Ontario, New Brunswick, Prince Edward Island, Nova Scotia... the Mahe decision has allowed them to move forward to control and manage their schools. It's not perfect, Mr. Speaker, and I'm not gonna say tonight that everything is easy. It remains a long struggle for French-speaking parents in other provinces to have control and management of their schools. But, slowly, the other provinces are moving towards a greater respect of the notion that, if we're going to have minority language schools in our society, an element of control and management of those schools must go to the parents.

But where do we find that in this? What we're saying to the English School Board of Montréal, which grew out of a fusion of long standing school boards, the English section of the Montréal Catholic School Commission and the Protestant School Board of Greater Montréal – of which the elements were brought together into the new English-Montréal School Board – that has been there for a 100, 150 years or in different... we're saying that the control and management of your schools, that will now just be up to the whim of the Minister. And I think that's a very alarming step. And I know it's a very delicate matter because the English school population is declining, so there will be a management and control of a dwindling school population.

But, having said that, the respect of the minority language parents for the control and management of their schools is a fundamental principle and it's not something that a minister, just in one day, can decide to wave away. It's something that has to be done with great deliberation and with great care. We find neither in this bill.

(21 heures)

M. le Président, on touche ici un terrain très sensible, très, très sensible, c'est-à-dire le respect des droits de la minorité linguistique, c'est-à-dire les anglophones de Montréal quant à la gestion de leurs écoles. Et il faut toujours trouver un équilibre – c'est pourquoi je dis que c'est délicat – entre les besoins de la clientèle anglophone et le contrôle et la gestion de leurs écoles, tel que confirmé par la Cour suprême pour les parents d'expression française à l'extérieur du Québec. On a juste à relire la décision Mahe, en 1990, qui est une décision qui a donné le contrôle et la gestion des écoles françaises aux parents en Alberta. Et la lutte était et demeure difficile pour les parents francophones à l'extérieur du Québec d'avoir accès aux écoles, aux services éducatifs en français. J'en conviens. Je ne remets pas en question que ça, c'est une lutte qui a commencé il y a longtemps et qui continue toujours. Mais le principe de base qui est exprimé dans la décision Mahe, c'est le suivant: que la minorité linguistique doit avoir le contrôle et la gestion de ses écoles.

Aujourd'hui, on a maintenant un système de commissions scolaires linguistiques au Québec. Il y a une communauté linguistique historique, c'est-à-dire la communauté d'expression anglaise, qui a également droit à ces genres de droits, et je vois que ces droits ne sont aucunement, aucunement respectés dans le projet de loi n° 111. Alors, je pense que le gouvernement doit songer sérieusement avant de procéder, parce que, et j'y reviens, ce n'est pas la question des deux écoles en question, de situations locales, mais c'est plutôt l'article 7 et le pouvoir énorme qu'on donne à un ministre de prendre les décisions. Ce n'est pas si simple que ça, M. le Président, et je pense qu'il faut agir avec très grande prudence.

In conclusion, Mr. Speaker, there are two basic principles that are not respected in this bill. The first is the respect for local authority, which should be a basis. Wherever possible, if decisions can be taken on a local level, you will find decisions that are in tune with what parents and children and students need and want, you will find decisions that are in tune with the reality in a local locality, whether it's a neighborhood or certain parts of Québec.

So, I think, in terms of the respect of local authority, this Government clearly has no respect for local authority, whether it's the mayors who have come here in great number this week to try to remind the Government that municipalities matter and that they have a right to control their affairs, or whether it's school boards and school commissioners who were saying: We'll just get out of the way, the Minister is gonna do everything from here on... So, that important principle of the respect for local authority and local autonomy has gone out the window with Bill 111, another gesture that this Government has posed, but equally... and, as I say, it's a delicate matter, but there are rights for the minority.

And this Government pays lip service. As I say, the Premier speech, four years ago, in the Centaur Theater had all the right messages in it, but ever since he gave that speech he has done the contrary. And everything he said he was going to do, whether it was protecting rights for the English-speaking minority in hospitals... Well, the former Minister, who's with us tonight, couldn't even succeed in having a few bilingual signs put up in the Sherbrooke hospitals, despite closing the last English-speaking hospital in Sherbrooke.

Now, we all get worked up when the Montfort Hospital has closed, with reason, because this is very important to have French-speaking services in Ottawa. When it comes to closing the Jeffery Hale Hospital in Québec City, oh, that's different. I don't know what the principle is, Mr. Speaker, that makes it different. When it comes to closing the Sherbrooke General Hospital, which was the last English-speaking hospital to serve the Sherbrooke population, oh, that was alright, but, when it happens elsewhere... This Government is very keen that Ottawa, with a French-speaking population, when it gets put together, of 17 %, be a bilingual city. For Montréal, which has an English-speaking population of 30 % or 25 %, no question of it ever becoming a bilingual city.

I have a great deal of difficulty, Mr. Speaker, understanding what the principle is that guides this Government. But it seems to me that they are very good at criticizing on the outside, but, when it comes to themselves posing concrete gestures towards the English-speaking minority, well, then a different set of rules apply, Mr. Speaker. So, I will be polite tonight, I will call it irony. I think there are probably other better words for it, but I won't use them this evening.

Mais, pour ça, pour le fait que ce projet de loi n° 111 n'a aucun respect à la fois pour l'autonomie et l'autorité locales, qui, je crois, est l'élément de base de notre système démocratique ici, au Québec, mais également ça fait fi des droits historiques de la minorité anglaise... Parce que, quand on touche le contrôle et la gestion des écoles, c'est avant tout une question qui est fondamentale pour les minorités linguistiques au Canada, y compris la minorité linguistique au Québec.

Alors, pour ces raisons, je vais joindre ma voix à celle de mes collègues et voter contre le projet de loi n° 111. Merci beaucoup.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Alors, s'il n'y a plus d'autres intervenants sur le projet de loi, nous allons mettre aux voix le principe du projet de loi n° 111, Loi concernant le transfert de la propriété d'un immeuble à la Commission scolaire de Montréal et modifiant la Loi sur l'instruction publique. Ce principe du projet de loi est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'éducation

M. Boulerice: Oui. Alors, M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'éducation pour adoption. Je peux espérer.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, pour la suite des choses, je vous réfère à l'article 19, qui est le projet de loi n° 130.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, est-ce que c'est la continuation du débat ou...

M. Boulerice: C'est la continuation du débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ah bon! C'est la... C'est très bien, parce qu'on l'avait... Très bien.

M. Boulerice: La parole est à l'opposition.


Projet de loi n° 130


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons donc poursuivre le débat, ajourné le 23 mai 2000, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 130, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et la Loi sur le transport par taxi. Alors, y a-t-il un intervenant? Oui. M. le député de Marquette, je vous cède la parole.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que je prends la parole sur ce projet de loi avec lequel, je pense, nous avons manifesté notre accord, des points d'interrogation, cependant, par rapport à la stratégie utilisée par le gouvernement.

C'est un projet de loi qui contient essentiellement trois principes. Le premier principe vise à permettre le virage à droite sur feu rouge par la mise en place de projets-pilotes dans certaines municipalités désignées par le ministre des Transports; deuxième principe, avec lequel nous sommes également en accord, il introduit de nouvelles mesures visant à interdire l'entrave volontaire à la circulation; troisième principe, il permet de banaliser le transport bénévole en précisant que la Loi sur le transport par taxi ne s'applique pas au transport effectué par un bénévole oeuvrant pour un organisme humanitaire, avec lequel principe nous avons quelques réserves, M. le Président.

Je reprends le premier principe. J'aimerais vous signaler, M. le Président, de façon générale – ça s'applique beaucoup plus aux interventions qu'ont faites mes collègues qui m'ont précédé – qu'il serait peut-être souhaitable que, lorsque nous effectuons nos débats en Chambre sur des projets de loi d'une certaine importance, le ministre puisse bénéficier de l'éclairage que nous lui apportons, comme parlementaires, comme représentants du peuple. J'ai remarqué – et loin de moi l'idée de signaler l'absence d'un ministre en Chambre – que le ministre n'était pas présent.

Ce qu'a dit, en particulier, mon collègue le député de Jacques-Cartier concernant le projet de loi n° 111, moi, j'ai trouvé que c'était une intervention qui était pleine de bon sens, et je pense que le ministre aurait pu s'en inspirer pour apporter des modifications à son projet de loi. Mais peu importe. Mon collègue le député de l'Acadie a eu la chance de prendre la parole sur le projet de loi n° 130, et j'étais content de constater que le ministre responsable des Transports était présent. Il y a eu plusieurs échanges entre lui et mon collègue le député de l'Acadie, et j'espère, M. le Président – je suis optimiste – que ça va déboucher sur certaines ententes pour régler les éléments problématiques du projet de loi n° 130.

Donc, en ce qui concerne le virage à droite sur feu rouge, il faut rappeler, je pense, que le Québec est le seul État en Amérique du Nord, outre la ville de New York, à interdire le virage à droite sur feu rouge. Ce principe-là, on le retrouve exprimé à l'article 359 de la loi n° 130, qui interdit essentiellement... qui dit ceci: «Malgré l'article 359 – qui interdit, lui, essentiellement le virage à droite – [...] le conducteur d'un véhicule routier, dans une municipalité désignée par arrêté publié à la Gazette officielle par le ministre, peut face à un feu rouge effectuer un virage à droite après avoir immobilisé son véhicule avant le passage pour piétons ou la ligne d'arrêt ou, s'il n'y en a pas, avant la ligne latérale de la chaussée sur laquelle il veut s'engager et après avoir cédé le passage aux véhicules routiers, aux cyclistes et aux piétons déjà engagés dans l'intersection.»

(21 h 10)

M. le Président, pour rassurer les gens qui pourraient être inquiets par rapport à cette nouvelle approche, comme l'a fait si brillamment mon collègue le député de l'Acadie, il a très bien indiqué que les municipalités conservaient quand même certains pouvoirs en cette matière, c'est-à-dire que la Loi sur la sécurité routière va s'appliquer sur l'ensemble du territoire.

Mais, lorsqu'un conseil de ville constatera que l'application de cette disposition-là sur un territoire donné risque de mettre en danger la sécurité soit des piétons, ou des cyclistes, ou des personnes qui sont handicapées, eh bien, ce conseil de ville là pourra interdire les virages à droite sur feu rouge à certaines intersections, et ça, je pense, dans le but de rassurer la population, parce qu'il y a des intersections, M. le Président, où on peut facilement concevoir qu'il y aurait risque d'accident. Je pense que la ville de New York s'est inspirée de cela pour faire en sorte, elle, de l'interdire sur l'ensemble de son territoire. Quiconque a eu le plaisir et le privilège de visiter la ville de New York peut sûrement constater à quel point il y a un trafic important sur les rues de cette ville.

Maintenant, M. le Président, la question de fond qui demeure sur ce premier principe du projet de loi: Pourquoi le ministre responsable des Transports a-t-il privilégié l'idée d'un projet-pilote dans quatre villes ou quatre régions du Québec? Pourquoi ne pas avoir généralisé à la grandeur de la province cette nouvelle possibilité de virer à droite lorsque le feu est rouge et lorsque, bien sûr, l'automobiliste a fait son arrêt, a constaté qu'il pouvait s'engager dans la nouvelle voie? Ça me pose un peu de difficultés parce que ça risque d'être problématique pour les automobilistes, l'objectif poursuivi par le ministre responsable des Transports.

Je m'explique – et je m'explique pour le bénéfice également des gens qui nous écoutent. Imaginez, M. le Président, qu'une ville est choisie pour l'expérience-pilote mais que les villes avoisinantes, elles, ne peuvent le faire, parce que cet article du Code de la sécurité routière ne sera pas immédiatement en vigueur, tant et aussi longtemps que le ministre et le Conseil des ministres n'auront pas décidé qu'ils peuvent aller maintenant de l'avant pour le faire sur l'ensemble du territoire. Cela implique pour les automobilistes qu'ils doivent maintenant avoir la connaissance dans quelle ville ils pourront tourner à droite et dans quelle autre ville ils ne pourront le faire. J'imagine qu'il y aura une campagne de sensibilisation auprès des automobilistes, mais il ne faudrait pas que des automobilistes se voient imposer des billets de contravention par les autorités policières parce qu'ils ignoraient les limites d'une ville donnée. Pourtant, c'est le risque auquel nous nous exposons si on suit la logique du ministre responsable des Transports.

Ça va vouloir dire que les automobilistes qui vont arriver... Admettons que la ville qui est choisie, c'est, je ne sais pas, moi, la ville de Québec, où arrête Québec et où commence Sillery? Et où arrête Sillery et où commence la ville de Québec? Ce ne sont pas tous les citoyens qui sont au courant. Le député de la circonscription locale, lui, sûrement, il l'est. Mais, dès le moment où vous arrivez à une intersection et que vous pensez que vous êtes dans la ville de Québec, parce que c'est la ville qui a été choisie comme projet-pilote, mais que, malheureusement pour vous, vous êtes dans la ville de Sillery et que vous décidez de tourner à droite parce que le feu est rouge, mais vous vous êtes dit: Le ministre le permet, je suis sur le territoire de la ville de Québec, mais là, malheureusement pour vous, vous n'êtes pas sur le territoire de la ville de Québec, vous êtes sur le territoire de la ville de Sillery et que là, bien sûr, il n'y a pas encore eu de fusion entre Sillery et Québec et d'autres villes, là...

Prenons cette hypothèse-là. Je ne sais pas pour combien de temps elle sera valable et valide, mais prenons-la pour les fins de la discussion ce soir. Eh bien, là, cet automobiliste, M. le Président, risque de commettre une infraction au Code de la sécurité routière parce qu'il n'a pas le droit de tourner à droite sur un feu rouge dans la ville de Sillery.

Or, on constate rapidement les problèmes. Et on est en train de demander aux automobilistes de bien connaître les cartes géographiques des différentes villes qui seront choisies par le ministre, bien sûr, après consultation mais qui seront choisies par le ministre pour tenter cette expérience-pilote.

Ce qu'on nous a rapporté en commission parlementaire essentiellement, c'est que les Québécois sont prêts à vivre cette nouvelle expérience là, à la mettre en pratique. Le ministre d'ailleurs l'a lui-même confirmé dans un communiqué de presse, le 11 mai dernier. Il disait ceci: «Lors de la commission parlementaire sur la sécurité routière, une majorité de participants se sont prononcés en faveur du virage à droite sur feu rouge.» Le ministre le reconnaît lui-même, les sondages qui ont été rendus publics, M. le Président, pendant les consultations en commission parlementaire, eh bien, les résultats sont à l'effet que 65 % de la population était favorable au virage à droite sur feu rouge.

Alors, comme l'indiquait si bien mon collègue le député de l'Acadie, on s'étonne un peu de constater et de réaliser pourquoi le ministre n'a pas décidé d'appliquer cette mesure à la grandeur de tout le territoire. Nous sommes convaincus que les Québécois et les Québécoises sont prêts, avec une bonne campagne de sensibilisation, à se comporter comme tous les autres citoyens en Amérique du Nord. Parce que, rappelons-le, nous sommes la seule juridiction, le seul État au Canada et en Amérique du Nord qui ne permet pas le virage à droite sur feu rouge.

M. le Président, ce qui est encore plus étonnant, c'est que, pendant la commission parlementaire, le ministre a soumis à la consultation trois hypothèses, et aucune de ces hypothèses-là ne parlait de projet-pilote. Alors, ça sort un petit peu comme une surprise de constater que, tout d'un coup, lui se permet, alors que la population n'a pas été consultée. Parce que, si la population avait été consultée, je suis convaincu, j'ai la même conviction que mon collègue le député de l'Acadie, que la population lui aurait dit: Ce n'est pas une bonne idée que de faire des projets-pilotes; allons-y pour l'ensemble du Québec ou n'y allons pas, M. le Président, mais on ne peut pas choisir, pour une période de 12 mois ou de 18 mois, des enclaves, des territoires sur le territoire de notre province qui vont pouvoir permettre un virage à droite.

L'autre volet, M. le Président, c'est que, au Québec, le principe existe déjà. Parce qu'il faut réaliser qu'actuellement ça existe déjà à plusieurs endroits. Si vous arrivez à un croisement de routes où il n'y a pas de lumière, s'il y a des arrêts, bien, vous faites l'arrêt, puis, après ça, vous tournez, s'il n'y a personne, bien sûr, qui vient dans le sens opposé. S'il y a quelqu'un qui vient dans le sens opposé, eh bien, là vous lui accordez la priorité. On le vit, ça, quotidiennement sur l'ensemble du territoire. Bien sûr, il n'y a peut-être pas un feu rouge, mais le principe, il est là, il est déjà acquis.

Il existe également actuellement au Québec des feux rouges avec des flèches jaunes à l'intérieur. Ça aussi, c'est utilisé. Ça veut dire: Vous arrêtez, vous surveillez, puis vous pouvez vous glisser vers la droite après avoir fait un arrêt. Ça, c'est le même principe que le virage à droite sur feu rouge.

Autre situation connue de tous les automobilistes: lorsqu'il y a des feux clignotants. Ça existe dans ma circonscription, dans la ville de Lachine, à l'intersection de la 55e avenue et de la rue Sherbrooke, et sûrement un peu partout dans l'ensemble des circonscriptions, il y a des feux clignotants tard en soirée. Et là c'est parce que le trafic n'est pas assez important pour pénaliser les automobilistes, qui devraient attendre 30 secondes, 40 secondes, jusqu'à temps que le feu change au vert. Ce que nous faisons, M. le Président – nous sommes tous habitués comme automobilistes – nous faisons notre arrêt, nous regardons si la voie est libre; si elle est libre, nous amorçons notre virage et nous tournons.

Or donc, les Québécois et les Québécoises sont déjà conditionnés à cette possibilité-là. Pourquoi l'avoir limité pour l'instant ou pourquoi vouloir le limiter pour l'instant strictement à quelques villes qui seront choisies par le ministre? Moi, je pense que ça risque d'amener beaucoup plus de confusion qu'autre chose. Parce que, déjà, le problème existe dans les villes qui sont frontalières soit avec le Nouveau-Brunswick, ou avec l'Ontario, ou avec quelques États des États-Unis.

Donc, M. le Président, d'accord avec le principe, mais nous pensons qu'on aurait dû l'étendre à travers la province immédiatement.

(21 h 20)

Autre volet source de préoccupation pour nous, pour tous les élus, je pense, c'est la pratique qui s'est développée au Québec depuis quelques années de bloquer les routes pour manifester, pour exprimer un désaccord fondamental avec soit une action menée par le gouvernement ou une inaction, que le gouvernement tarde à poser. On constate que certains groupes organisés, qu'il s'agisse des autochtones en 1990, et en 1998 des producteurs porcins, ou des camionneurs en 1999 et 2000, ou des maires de la Gaspésie en 2000, ont exercé des pressions sur le gouvernement du Québec en orchestrant des blocus routiers qui ont affecté différentes régions. Le Québec a connu au cours des dernières années des blocus de camionneurs et de producteurs porcins qui ont eu des conséquences néfastes sur la population.

Le ministre tente de corriger cette situation-là avec des pénalités qui seront assez importantes. Et, dans le cas de récidives, les montants qui devront être perçus vont être très importants. Et ceux qui auront été également à la source de l'organisation de cette manifestation illégale là vont avoir de lourdes conséquences. Ça, c'est une mesure, je pense, que nous devons appuyer parce que, que ça soit le gouvernement du Parti québécois ou, très bientôt, le gouvernement du Parti libéral, nous ne pouvons tolérer, dans notre société démocratique, que des gens fassent payer le prix à toute une population ou à toute une population d'une région parce qu'ils veulent exprimer leur désaccord par rapport à leur intérêt, quel qu'il soit. Et, aussi légitime que leur désapprobation soit, on ne peut pas prendre en otage toute une population, M. le Président. Donc, c'est une mesure bien sûr que nous allons appuyer et que nous avons eu le courage de dénoncer également lorsque ces blocages de route là ont eu lieu au Québec.

Dernier principe, cette fois-ci, M. le Président, et ça, c'est un peu étonnant de constater que c'est dans le projet de loi parce que ça semble ne pas aller avec le Code de la sécurité routière, c'est de venir modifier la Loi sur le transport par taxi. Et là on comprend qu'il y a un problème pour les chauffeurs de taxi. Et, M. le Président, je dois vous dire, vous exprimer toute l'admiration que j'ai pour les chauffeurs de taxi, qui consacrent de très longues heures dans une journée pour tenter de gagner un revenu qui est parfois même très, très modeste, particulièrement à Montréal, le nombre de chauffeurs de taxi, les longues heures qu'ils doivent travailler, combien ça pénalise leurs familles dans des conditions qui sont extrêmement difficiles, M. le Président, avec des clients qui sont parfois désagréables.

Bien, ces gens-là ont beaucoup de difficultés à gagner leur vie. Et je comprends qu'ils aient mis un peu de pression sur le ministre responsable des Transports, lorsqu'ils constatent qu'il y a une certaine concurrence déloyale qui s'installe par rapport à des organismes communautaires qui viennent verser des sommes d'argent à des personnes qui se disent bénévoles pour faire le transport de certaines personnes soit d'un établissement hospitalier, ou d'un CLSC, ou d'un centre d'accueil à leur résidence.

Le ministre tente de venir corriger ou de venir empêcher cette situation-là qui est quelque peu problématique. Parce qu'il faut également constater qu'on a à encourager le bénévolat dans notre société, et, si jamais les gens ne sont pas remboursés de leurs dépenses lorsqu'ils décident de se prêter volontaires au niveau de leur temps et qu'ils assument des dépenses au niveau de l'essence de leur véhicule, on peut comprendre que c'est une situation problématique. Mais, comme le signalait mon collègue le député de l'Acadie, il nous semble que ce n'est pas l'endroit pour apporter des correctifs, dans le projet de loi qui vise le Code de la sécurité routière.

Donc, cela étant dit, M. le Président, au niveau des grands principes du projet de loi, nous y sommes favorables mais avec certaines réserves qui ont été exprimées par notre collègue qui est le porte-parole en cette matière, le député de l'Acadie.

Par rapport au troisième principe, un gros mais très gros point d'interrogation. Alors, M. le Président, je pense que le ministre devrait suivre les conseils que lui a donnés notre collègue le député de l'Acadie. Ce n'est pas la première fois non plus que le ministre s'inspire des propos du député de l'Acadie, qui a une très grande sagesse en cette matière-là et qui apporte une contribution très constructive qui vient améliorer les choses. Et je pense que, cette fois-ci, à nouveau, le ministre devrait s'en inspirer. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Marquette. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: M. le Président, je suis intervenu sur le projet de loi n° 130 et je demanderais le consentement du leader adjoint du gouvernement pour faire état un peu de négociations que j'ai eues avec le ministre responsable, pour expliquer un petit peu la situation où on en est présentement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Après avoir entendu les propos du député de Marquette au sujet du député de l'Acadie, je serais bien mal venu de ne pas l'entendre moi-même, M. le Président, donc consentement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. M. le député de l'Acadie.


M. Yvan Bordeleau (suite)

M. Bordeleau: Ça va vous donner l'occasion, M. le Président, de profiter de la sagesse dont a fait état le député de Marquette.

Non, seulement quelques minutes pour signaler que, au moment où on a discuté le projet de loi n° 130, on avait fait effectivement une proposition au ministre de scinder le projet de loi, c'est-à-dire que les deux tiers du projet de loi concernent la sécurité routière. On a fait état des réserves qu'on avait sur la question du virage à droite, mais, sur le principe, évidemment on est d'accord. Sur la question de prendre les mesures nécessaires pour empêcher les blocus routiers, nous sommes également d'accord. Donc, de ce côté-là, on peut travailler assez rapidement.

Là où on a des interrogations, et c'est une autre réalité complètement, c'est la modification à la Loi sur le transport par taxi. Alors, ça, on fait affaire à un autre sujet totalement sur le transport bénévole. Et présentement – j'en ai fait état au ministre – on est en train de faire des consultations parce qu'on n'est pas convaincu actuellement qu'on atteint la solution optimale. C'est qu'il y a deux groupes impliqués à ce niveau-là: il y a le monde du taxi et il y a le monde des organismes communautaires qui font du transport bénévole. Et on est en train de vérifier si effectivement on répond bien aux besoins et aux attentes. Alors, moi, j'ai fait part au ministre que, dans ce contexte-là, c'était un peu compliqué pour nous parce qu'on est en partie d'accord avec une partie du projet de loi et en réserve sur l'autre projet de loi.

Alors, suite à la proposition de scinder le projet de loi, le ministre a fait une contre-proposition où il a pris effectivement l'engagement, au moment où on arrivera à la commission parlementaire, par amendement, d'extraire complètement le troisième sujet et de le remettre à plus tard, au besoin dans un autre projet qui pourra traiter de plus de dimensions concernant le taxi.

Alors, je veux juste expliquer que, dans l'état actuel du projet de loi, c'est-à-dire que, tel qu'il est rédigé présentement et comme je viens de l'expliquer, on va devoir être en désaccord avec le projet de loi. Puis je voulais bien que ce soit qualifié, l'optique dans laquelle on se situe. Et, suite aux informations que nous aurons du milieu, on pourra réévaluer avec le ministre la pertinence de retirer cette dimension-là, ce que le ministre a accepté de faire, si on considère que c'est la meilleure solution. Alors, on avisera au niveau de notre position éventuellement, au niveau des travaux en commission parlementaire.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le député de l'Acadie. Alors, il n'y a plus d'autres intervenants. Je mets au voix le principe du projet de loi n° 130, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et la Loi sur le transport par taxi. Est-il adopté?

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des transports et de l'environnement

M. Boulerice: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des transports et de l'environnement pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. M. le leader adjoint.

(21 h 30)

M. Boulerice: Oui, M. le Président, je vous réfère cette fois-ci à l'article 41 du feuilleton, le projet de loi n° 82.


Projet de loi n° 82


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 41, M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique, président du Conseil du trésor, propose l'adoption du projet de loi n° 82, Loi sur l'administration publique. M. le ministre.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. Je propose aujourd'hui l'adoption du projet de loi n° 82 qui vise à doter le Québec d'une nouvelle loi sur l'administration publique. Cette loi est fondamentale parce qu'elle touche le coeur de l'administration gouvernementale, ses façons de faire, son esprit et sa culture. Cette Assemblée se penche sur nombre de lois qui façonnent notre société dans une perspective, par exemple, d'amélioration des services à la population ou de soutien à notre économie, mais il arrive moins souvent que l'on s'arrête à revoir le fonctionnement même du gouvernement.

En instaurant ce nouveau cadre de gestion pour l'administration gouvernementale, notre fonction publique sera plus performante, nos fonctionnaires disposeront d'une marge de manoeuvre nouvelle qui leur permettra d'être plus créatifs et de mieux adapter les services aux besoins de la population. En contrepartie, les citoyens et les parlementaires de cette Assemblée seront mieux informés que jamais sur les intentions de l'administration et sur les résultats qu'elle compte atteindre.

Les ministères et les organismes – et dorénavant, M. le Président, je ne vais employer que le mot «ministère» en comprenant «organisme» – s'engageront dans des déclarations publiques sur le niveau et la qualité des services aux citoyens. Ils annonceront dans des plans stratégiques les objectifs qu'ils poursuivent et les résultats qu'ils comptent atteindre. Dans les rapports annuels de gestion, leurs dirigeants rendront compte de ces résultats. Quant à cette Assemblée, elle pourra encore mieux apprécier l'activité et la performance de l'administration gouvernementale non seulement grâce aux informations qui lui seront transmises, mais par des mécanismes d'imputabilité permettant aux parlementaires de questionner les dirigeants des ministères sur leur gestion.

Ce dont je vous parle aujourd'hui, c'est donc de gestion par résultats, mais aussi de transparence et d'une imputabilité accrue de l'administration devant l'Assemblée nationale. Certains se demanderont ce qu'un nouveau cadre de gestion au gouvernement va changer dans la vie des citoyens. D'entrée de jeu, le projet de loi affirme la priorité accordée à la qualité des services aux citoyens. Il s'agit là d'une déclaration de principe importante dans une loi adoptée par l'Assemblée qui regroupe des représentants des citoyens.

Notre démocratie se nourrit de principes, c'est même ce qui en solidifie les fondements. Mais, au-delà des principes, la Loi sur l'administration publique donnera à l'administration des moyens pour passer à l'action. Il s'agit ici de la manière dont la fonction publique s'acquittera de sa tâche envers les citoyens. La qualité d'une administration publique dépend bien sûr de ses ressources, mais aussi de ses façons de faire. La réforme que nous lançons est a priori une entreprise interne au gouvernement, mais qui, par la suite, doit déboucher sur des résultats très concrets en termes de services à la population.

Le projet de loi n° 82 et la réforme qu'il contient s'inscrivent dans une vaste entreprise de modernisation de la gestion publique amorcée depuis au moins deux ans par notre gouvernement. Vous vous souviendrez qu'en 1998 nous adoptions une politique en matière d'autoroute de l'information et qu'un ministre était nommé pour voir à son implantation. La même année, nous lancions le projet GIRES qui vise à revoir en profondeur les pratiques et les outils de gestion en matière de ressources humaines, de ressources administratives, matérielles pour l'ensemble des ministères. Ajoutons à cela que, l'an dernier, le Conseil des ministres reconduisait le mandat du Groupe conseil sur l'allégement réglementaire constitué dans la foulée du Sommet sur l'économie et l'emploi de 1996. Tous ces chantiers – inforoute, GIRES, allégement réglementaire – en conjonction avec la modernisation de la gestion publique, permettront à l'État québécois de se maintenir dans le peloton de tête des administrations publiques.

Il est très motivant de penser que nous bénéficions d'un contexte favorable pour réaliser cette modernisation, un contexte dont nous pouvons être fiers, puisque nous avons contribué à le créer. Le budget du Québec est équilibré pour une troisième année consécutive. Avec une santé financière restaurée, nous pouvons miser sur la vitalité de notre économie pour investir dans nos priorités. On parle ainsi de santé et de services sociaux, d'éducation et de jeunesse, de développement économique dans tout le Québec, mais, de façon plus générale, je pense également aux milliers de gestes que les ministères posent quotidiennement pour le mieux-être de nos concitoyens. Ils sont nombreux, les services que notre fonction publique offre à la population de toutes sortes de manières.

Ce que nous avons donc commencé à reconstruire avec l'assainissement de nos finances, c'est la capacité pour le Québec de prendre des décisions à l'avantage de toute la population sans pour autant reporter la facture sur les générations futures. Nous devons préserver l'équilibre budgétaire et continuer à gérer de manière rigoureuse. Et c'est là, M. le Président, que l'administration gouvernementale joue un rôle important.

Le premier levier du gouvernement pour relever les défis d'aujourd'hui et de demain, c'est sa fonction publique. Les fonctionnaires doivent disposer des meilleures conditions possible pour accomplir leurs nombreux mandats. L'énoncé de politique publié en juin dernier, 1999 j'entends, a fait l'objet de consultations en commission parlementaire et dans la fonction publique. Le projet de loi sur l'administration publique a été déposé à l'automne. Et hier cette Assemblée a pris en considération le rapport de la commission des finances publiques, laquelle en a fait l'étude détaillée durant plus de 36 heures. Avec l'adoption du projet de loi n° 82, sa mise en oeuvre pourra commencer dans les prochaines semaines.

Je m'arrête un moment, M. le Président, à l'objet du projet de loi n° 82 et j'en rappelle les trois grands objectifs: premièrement, améliorer la qualité des services aux citoyens; deuxièmement, favoriser la performance de la fonction publique québécoise; troisièmement, rendre la gestion gouvernementale plus transparente.

Pour atteindre ces objectifs, le projet de loi instaure un nouveau cadre de gestion pour l'administration gouvernementale. D'ici quelques années, on peut dire que le gouvernement ne travaillera plus tout à fait de la même façon. Et, quand je parle de gouvernement, je fais ici référence aux ministères et organismes budgétaires de l'administration gouvernementale et à tout autre organisme qui sera désigné à cette fin par le ministre dont il relève. Mais les réseaux de la santé et de l'éducation, par exemple, ne seront pas assujettis à la loi n° 82.

Pour les ministères assujettis, la loi prévoit de nouvelles responsabilités. S'ils fournissent directement des services aux citoyens et aux entreprises, ils rendront publique une déclaration contenant leurs objectifs quant au niveau et à la qualité de ces services. La déclaration portera notamment sur la diligence avec laquelle les services devraient être rendus et fournira une information claire sur leur nature et leur accessibilité. Ces ministères devront s'assurer de connaître les attentes des citoyens et chercher à simplifier le plus possible les règles et les procédures qui régissent la prestation de services. Ils devront en plus développer chez leurs employés le souci de dispenser des services de qualité et les associer à l'atteinte des résultats fixés. On sait que les citoyens veulent que soient maintenus des services de qualité auxquels ils sont habitués. On sait aussi qu'ils souhaitent que ces services soient simples, efficaces et accessibles. Ils nous parlent de choses aussi concrètes que les services au téléphone, l'émission des permis, la clarté des formulaires et la lourdeur de la réglementation.

Dans le projet de loi n° 82, il est question de gestion par résultats. C'est là le fondement du nouveau cadre de gestion. Alors, comment fonctionne la gestion par résultats? On mesure un résultat par rapport à un objectif, et c'est le plan stratégique de chaque ministère qui énoncera les objectifs à atteindre ainsi que les résultats visés au terme de la période couverte par le plan, une période qui couvrira plus d'une année. Le plan stratégique sera transmis au gouvernement, mais surtout il sera déposé à l'Assemblée nationale. Et c'est ainsi que l'administration gouvernementale devrait être plus transparente quant à ses intentions et qu'elle annoncera dans un document public les résultats qu'elle compte atteindre et sur lesquels elle sera jugée.

(21 h 40)

Ce qui nous amène à la reddition de comptes. Le rapport annuel que produisent les ministères deviendra, avec la loi n° 82, un rapport annuel de gestion. Ce rapport présentera les résultats obtenus par rapport aux objectifs prévus par le plan stratégique et, le cas échéant, par le plan annuel de gestion des dépenses, également prévu par la loi. Tout comme le plan stratégique, le rapport annuel de gestion sera déposé à l'Assemblée nationale. Ce sera un autre outil que nous pourrons utiliser, comme parlementaires, pour mieux comprendre et évaluer le travail accompli par les ministères.

Nous pourrons d'ailleurs, en commission parlementaire, questionner les sous-ministres et les dirigeants d'organismes sur les objectifs fixés et les résultats atteints par leur organisation. Le projet de loi n° 82 intègre en effet les principes énoncés par la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics, une loi qui sera abrogée par l'adoption de celle qui est devant nous aujourd'hui et que nous devons, je le rappelle avec plaisir, M. le Président, à l'actuel député de Verdun. Cet examen en commission parlementaire bouclera le cycle de la gestion par résultats, un type de gestion impliquant qu'entre l'énoncé des objectifs et l'atteinte des résultats les gestionnaires de l'État auront une marge de manoeuvre suffisante pour agir et qu'ils devront disposer des outils leur permettant de gérer différemment.

La gestion par résultats implique un changement de culture important. Avec la modernisation, nous comptons passer d'une culture administrative à une culture de gestion. M. le Président, depuis des années, au gouvernement, nous gérons des volumes d'activités, nous appliquons des normes, nous suivons des procédures. Dans la nouvelle culture, celle de la modernisation, nous entendons fixer des objectifs, nous engager à l'égard de ces résultats. Il y aura un changement de perspective: la manière, le processus devraient être axés sur la finalité et le produit livrable. C'est pourquoi le projet de loi reprend ou révise selon une approche d'allégement les règles de gestion des ressources humaines, budgétaires, matérielles et informationnelles applicables à l'administration gouvernementale, des règles actuellement prévues par deux lois, la Loi sur l'administration financière et la Loi sur la fonction publique.

Le processus de promotion dans la fonction publique, le contrôle de l'effectif, la gestion des contrats, la façon d'autoriser les crédits sont des exemples de processus et d'activités qui feront l'objet d'assouplissement. En plus des allégements, les nouvelles technologies de l'information et des communications seront essentielles pour concrétiser la gestion par résultats. Elles permettront aux décideurs de disposer au bout des doigts d'information permettant de lire des situations, de décider rapidement et de réduire ainsi le processus bureaucratique. C'est pourquoi nous parlerons de plus en plus de gestion en temps réel et c'est pourquoi un projet comme GIRES et un chantier comme celui de l'inforoute gouvernementale fourniront une infrastructure de base essentielle à la modernisation. Le projet de loi sur l'administration publique prévoit l'utilisation de nouvelles technologies pour simplifier et rendre plus accessibles les services à la population et aux entreprises. Ces technologies seront gérées en favorisant la concertation entre ministères de façon à soutenir le développement d'un État réseau dont les composantes fonctionnent en harmonie plutôt qu'isolément les unes par rapport aux autres.

Jusqu'où peut aller la gestion par résultats si nous appliquons, par exemple, le principe à un ministère? Le projet de loi prévoit qu'un ministre et le dirigeant d'une unité administrative de son ministère pourront conclure une convention de performance et d'imputabilité. Il s'agit d'un contrat dans lequel ministres et dirigeants s'entendent sur un plan d'action annuel et sur la mécanique qui permettra d'en mesurer l'efficacité. Ce contrat pourra être assorti d'une entente de gestion avec le Conseil du trésor, dans laquelle seraient prévus des allégements au cadre de gestion qui lui serait autrement applicable. La convention de performance et d'imputabilité pourra permettre la création d'une agence, ce qu'on a appelé jusqu'à maintenant unité autonome de service. Conformément à l'esprit de la gestion par résultats, les agences seront assujetties à l'obligation d'énoncer des objectifs et des résultats à atteindre dont les dirigeants seront imputables, mais elles disposeront par ailleurs d'une autonomie qui leur permettra de mieux innover et de mieux adapter le service aux besoins du client.

Par ailleurs, dans le contexte de la mise en place d'un nouveau cadre de gestion, le rôle du Conseil du trésor sera profondément transformé. Outre ses fonctions traditionnelles, la loi lui confiera une fonction d'orientation sur les principes et les pratiques en matière de gestion des ressources humaines, budgétaires, matérielles ou informationnelles. Ces orientations serviront de guide au ministère. Et, dans une perspective de responsabilisation, on l'a vu, le Conseil du trésor réduira autant que possible les contrôles a priori pour réserver ses interventions à des enjeux plus globaux ou plus généraux.

En conclusion, M. le Président, je veux rappeler le grand objectif de notre démarche, soit le meilleur service au citoyen. Le résultat ultime que la population attend de son gouvernement, c'est d'obtenir les meilleurs services avec les impôts et les taxes qu'elle consent à verser. Elle veut une administration gouvernementale qui fonctionne mieux. Le produit livrable à l'externe sera un ensemble de services améliorés. Même à travers une réforme qui est au premier chef administrative, nous ne devons pas l'oublier, à l'échelle du gouvernement, avec la loi n° 82, plus que jamais, il faudra penser «citoyen» et le traiter avec soin. Le résultat ultime, en parlant de résultat, ce sera que le client ou le citoyen soit content, soit satisfait du service obtenu.

En plus, parce que nous voulons relever le défi de la performance, nous permettrons au Québec de grandir, de rayonner. Notre objectif est de situer le Québec parmi les 10 économies les plus compétitives avant 2010. L'efficacité du gouvernement devra y contribuer. Et ce ne sont pas, sûrement, nos entreprises qui vont s'en plaindre, elles qui se retrouvent en pleine mondialisation et qui affrontent la concurrence quotidiennement. Voilà un cas où l'appui efficace du gouvernement devrait être apprécié.

Je peux aussi réitérer un point de vue de parlementaire et de représentant des citoyens, de député, en somme. Avec la loi n° 82, nous aurons de meilleurs outils d'information, puisqu'ils seront formulés en termes d'objectifs et de résultats. Nous connaîtrons mieux les enjeux, les choix et les coûts. Notre action en tant que députés et le travail de la fonction publique seront ainsi mieux arrimés. Ensemble, nous pourrons mieux servir nos concitoyens.

J'aimerais donc, chers collègues, partager avec vous une vision renouvelée de l'administration gouvernementale, la vision d'une administration publique moderne, dynamique et concurrentielle, une administration qui utilise le plein potentiel des nouvelles technologies, une administration qui suscite la fierté de son personnel et le respect des citoyens, une administration qui se démarque et s'apprécie sur la base de résultats convenus et partagés, de résultats connus et tangibles, une administration qui s'apprécie grâce à une reddition de comptes transparente basée sur des indicateurs connus et responsabilisants. Nous pouvons faire de cette vision une réalité. C'est un défi, M. le Président, auquel nous sommes tous conviés. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Shefford. M. le député.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Comme vous le savez, nous sommes intervenus hier après-midi sur la prise en considération du rapport concernant le projet de loi n° 82. Le ministre avait émis ses commentaires qui ressemblent à ceux d'aujourd'hui – naturellement, nous discutons du même projet de loi.

Je vais être bref, puisque des collègues qui ont participé à la commission parlementaire désirent aussi s'exprimer sur le projet de loi, le député de Jacques-Cartier, le député de Verdun. Et, comme vous le savez, M. le Président, dans la grande majorité du débat, c'est le député de Vaudreuil, qui est maintenant critique en matière de santé, qui a géré, du côté de l'opposition, l'aile parlementaire libérale concernant l'étude du projet de loi.

Donc, M. le Président, comme je le disais hier, nous sommes très fiers de notre fonction publique. Je pense qu'il y a unanimité des deux côtés de la Chambre, le Québec s'est doté d'une fonction publique compétente, nous sommes fiers d'elle et nous appuyons tout ce qui fait en sorte de faire évoluer les modes de gestion. Donc, dans ce sens-là, il n'y a aucun problème, l'opposition y va dans le même sens, nous sommes d'accord à faire évoluer les modes de gestion.

(21 h 50)

Donc, M. le Président, la nuance que j'apportais hier, je l'apporte toujours aujourd'hui, que, tout en étant d'accord avec les grands principes de faire évoluer les modes de gestion de la fonction publique, nous sommes en désaccord seulement avec le processus, puisque, dans plusieurs États dans le monde, on a procédé à l'adoption de lois semblables pour moderniser cette fonction publique là, mais, auparavant, on s'était donné la peine de revoir les fonctions de l'État, sa mission, son organisation, ses structures et surtout de refaire un examen des programmes du gouvernement. Donc, de ce côté-ci de la Chambre, on aurait été fiers – on aurait été fiers – de faire une grande révision des missions de l'État avant de procéder à l'adoption d'un projet de loi comme ça. Donc, c'est une lacune. Peut-être que le gouvernement pourrait penser, dans les prochains mois, les prochaines années, ou sinon le gouvernement qui suivra, qui sera un gouvernement libéral, probablement, à revoir les missions fondamentales de l'État, à revoir son organisation, à revoir les programmes. Donc, je pense que ça aurait été souhaitable que ce processus-là ne soit pas inversé.

M. le Président, vous savez comme moi que, lorsque les missions ne sont pas révisées, lorsque les programmes ne sont pas révisés, ça fait en sorte qu'on est devant un projet de loi qui est déposé, qui sera adopté tantôt, mais qui fait en sorte que, encore, avec le processus actuel, nous sommes toujours les citoyens les plus taxés d'Amérique, les citoyens les plus imposés, nous sommes les citoyens pour lesquels les dépenses du secteur public représentent encore 50 % de notre produit intérieur brut. Puis, je le disais hier – le président du Conseil du trésor ne sera pas surpris – lorsqu'il a dit qu'il n'y avait pas de problème là-dessus, le déficit zéro était atteint, je pense, M. le Président, que, si l'objectif zéro, oui, est souhaitable, qu'il est le bienvenu, ce n'est pas le seul objectif, il faut avoir des missions gouvernementales qui sont adaptées au monde moderne. Donc, c'est la première objection qu'on avait au projet de loi.

Deuxième objection qu'on a eue, on l'a dit hier, on l'a dit longuement en commission parlementaire, il y a des organismes qui sont soumis à des articles du projet de loi, qui deviendra loi dans quelques jours, et ces organismes-là se trouvent en fin de compte sous l'égide, sous presque une menace constante de représailles de la part du gouvernement. On parlait de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui disait – et je lis tout simplement la fin de sa résolution: «...réitère que le respect de l'intégralité de sa mission, telle que l'a voulue et souhaitée l'Assemblée nationale, exige que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse ne soit pas assujettie au projet de loi n° 82.» Donc, il faut aussi protéger la démocratie, la grande social-démocratie que le Parti québécois veut défendre. Donc, M. le Président, je pense qu'il faut les protéger contre eux-mêmes et faire en sorte de les avertir que certains articles du projet de loi n° 82 vont à l'encontre de cette démocratie-là.

Donc, M. le Président, je suis intervenu hier plus longtemps, tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on aurait souhaité voter avec le gouvernement. Malheureusement, ça sera impossible. Ça sera impossible. On espère que, dans un temps le plus rapproché possible, le gouvernement pourra nous déposer un projet de loi qui reverra les missions du gouvernement, un projet de loi qui fera en sorte que l'impartialité ou la distance sera conservée entre les organismes paragouvernementaux. Donc, jusqu'à nouvel ordre, malheureusement, nous ne pourrons pas voter dans le même sens que le gouvernement et nous sommes toujours dans l'attente d'un projet de loi qui pourra satisfaire les besoins modernes du Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Shefford. Je vais céder la parole maintenant à M. le député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais intervenir dans le débat sur l'adoption du projet de loi n° 82, Loi sur l'administration publique, Bill 82, Public Administration Act. Un petit peu dans le même sens que mon collègue de Shefford, je pense que le processus que nous avons suivi et surtout les consultations publiques que nous avons faites sur l'avant-projet de loi, il y avait beaucoup d'idées dans l'air, il y avait beaucoup d'attentes à la fois de la fonction publique, à la fois d'autres personnes, des experts concernant des changements de fonctionnement de notre fonction publique et je pense qu'il faut voir dans le projet de loi n° 82 un travail incomplet.

Je rejoins le ministre sur les grands principes, qu'est-ce qu'on cherche. Il n'y a personne qui peut être contre les services de qualité pour le citoyen. Je pense que, des deux côtés de la Chambre, on partage l'intérêt d'avoir des services de qualité pour nos concitoyens. Je pense que ça va de soi également d'avoir une fonction publique performante. Je pense que c'est quelque chose, des deux côtés de la Chambre, il n'y a aucune objection. Et, troisièmement, d'avoir une fonction publique plus transparente. Je pense, le ministre a cité dans son discours le travail de mon collègue le député de Verdun qui a fait adopter la loi 198 qui était un petit peu la racine sur la notion qu'il faut avoir une meilleure reddition de comptes, une imputabilité accrue de la fonction publique québécoise envers les parlementaires.

Alors, sur ces grands principes, je pense qu'on n'a pas eu de différences, mais, de ce côté de la Chambre, qu'est-ce que nous avons cherché en commission parlementaire, après les consultations publiques, était vraiment une volonté d'aller de l'avant de ce gouvernement. Parce que ce n'est pas juste le gouvernement, les parlementaires, mais également les représentants de la fonction publique, qui sont venus témoigner en commission parlementaire, ont le goût de changement aussi.

Mais nous avons vu dans les autres pays, soit en Angleterre surtout ou aux États-Unis, que, pour en arriver à faire les changements, parce que c'est beaucoup de personnes, il y a les cultures, des coutumes, des façons de faire qui sont bien ancrées, ça prend vraiment une volonté, ça prend un champion – je pense que c'est le mot du Vérificateur général – ça prend quelqu'un vraiment pour forcer le changement, pour aller de l'avant, et on n'a pas vu ça dans la présentation du projet de loi n° 82. Moi, par exemple, Modernizing Government , qui sont les documents du gouvernement d'Angleterre... Et c'est émis par le bureau du premier ministre lui-même. C'est lui qui pousse le changement d'avoir une fonction publique plus efficace. L'avant-propos, ça vient du bureau du premier ministre. C'est M. Blair lui-même qui dit qu'il faut avoir un changement.

Nous avons cherché en vain, je trouve, en commission parlementaire, ce goût, cette volonté de faire des changements dans notre fonction publique pour faire la preuve, au-delà des principes... Comme je dis: Tout le monde est pour la transparence, tout le monde est pour l'imputabilité, tout le monde est pour les redditions de comptes, mais, au-delà de ces voeux pieux, on cherche un plan d'action. Nous avons réclamé: Est-ce que le ministre peut nous donner un échéancier quand on va mettre ça en vigueur? Est-ce que le ministre peut nous donner une idée combien de nouvelles unités autonomes de service, par exemple, vont être mises en place? Pas de détail, pas d'indicateur qu'il a vraiment un échéancier à proposer pour mettre en vigueur son projet de réforme, qu'il dit très important. Comme nous avons vu dans les autres juridictions, c'est très important d'avoir cette volonté dès le départ, parce qu'il y a beaucoup d'obstacles, il y a beaucoup de choses qui peuvent empêcher le changement. Alors, il faut avoir la volonté. Nous avons essayé de la trouver en commission parlementaire, sans succès.

Il y a également l'absence d'une réexamination du rôle de l'État. Parce que, si on est pour changer nos façons de faire, si on est en train de regarder comment on structure le gouvernement, il faut faire le débat: Est-ce que le gouvernement va faire ça? On a dit à maintes reprises, des deux côtés de la Chambre, qu'on est contre la réglementation, mais je vois que la Gazette officielle ne manque pas de matériel. À toutes les semaines, ils sont capables de trouver une autre brique de règlements qui viennent d'être adoptés. Alors, comment est-ce qu'on va aller au-delà de l'idée de déréglementer, d'avoir moins de réglementation? Comment est-ce qu'on va le faire? On a cherché, en commission parlementaire, à voir comment le gouvernement entend procéder et on n'a pas eu de réponse.

Également, on a regardé comment est-ce qu'on va établir les indicateurs de performance. Parce que c'est facile pour le ministre de dire qu'on va établir les objectifs et les résultats, mais le travail fait par la commission de l'administration publique à date... Nous avons reçu, je pense, cinq des 15 unités autonomes de service, et ils ne sont pas là encore. Ce n'est pas un reproche, parce que ce n'est pas facile, mais, pour le Centre de recouvrement de la sécurité du revenu, le Centre de perception fiscale, ils sont toujours en train de développer des indicateurs de performance. Alors, ce n'est pas une science exacte, c'est un travail qui est très difficile.

(22 heures)

De notre côté de la Chambre, nous avons demandé: Est-ce qu'il y aura des ressources additionnelles? Est-ce qu'il y aura les moyens d'aider la fonction publique à bien cibler les indicateurs de performance? Parce qu'il y a des réserves. Et on a eu une discussion fort intéressante avec le sous-ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie, qui n'est pas réfractaire mais a mis beaucoup de réserves sur la notion des indicateurs de performance ou les mesures de performance. On peut avoir les indicateurs, mais il dit: C'est quelque chose pour lequel il faut avoir une approche très nuancée et avoir un objectif de résultats. Surtout dans le domaine de la recherche, il s'oppose à avoir des des indicateurs trop précis parce que la recherche est quelque chose à moyen terme, à long terme. Alors, d'avoir les résultats année après année est quelque chose qu'il a trouvé trop exigeant devant les parlementaires.

M. le Président, je vois que vous siégez sur un comité parce que c'est un défi pour l'Assemblée nationale au niveau de notre fonctionnement, parce que, si on veut mettre dans nos lois des obligations d'avoir une meilleure reddition de comptes, il faut donner les ressources nécessaires à nos commissions parlementaires, il faut donner une certaine autonomie à nos commissions parlementaires aussi, recevoir les unités autonomes de service, les nouvelles créations, pour faire la reddition de comptes devant les parlementaires. C'est un travail qui est difficile à organiser, mais ça va devenir de plus en plus important parce que le pari dans le projet de loi, c'est qu'on va donner une plus grande autonomie aux gestionnaires, et je pense que c'est le souhait de la fonction publique qui est exprimé depuis des années, d'avoir une plus grande autonomie. Mais, en contrepartie, il faut avoir une plus grande imputabilité et reddition de comptes.

Mais, pour le faire, les parlementaires vont être équipés, et les commissions parlementaires doivent avoir les moyens de demander d'avoir la reddition de comptes. Déjà, le Vérificateur général a signalé, à l'intérieur des unités autonomes de service, un certain épuisement, que, dans la reddition de comptes, on prend presque le mot à mot, les mots dans le rapport annuel précédent, et qu'on le réimprime. Il y a très peu de changements, une année après l'autre. Ça, ça a été signalé par le Vérificateur général. Alors, je pense qu'on a tout intérêt à s'assurer que ça va changer, qu'il y aura toujours l'engouement pour faire des changements, qu'il y aura toujours la volonté de faire des changements.

Je pense que tout le monde a été frappé. Un des groupes qui ont témoigné en commission parlementaire, je pense que c'était l'Association des anciens cadres, qui a fait une grande liste de six ou sept grandes réformes, depuis le début des années quatre-vingt, qui étaient annoncées pour... Ça va vraiment faire un changement dans le style de gestion de la fonction publique. Et, l'une après l'autre – et c'est une remarque bipartisane parce qu'il y avait la moitié des réformes qui était sous un gouvernement du Parti québécois, l'autre moitié était sous un gouvernement libéral – les associations de cadres ont dit: Au-delà des grands discours, des grandes paroles, quand le temps est venu de passer aux gestes concrets, de passer aux actes, les gouvernements n'étaient pas au rendez-vous. Alors, je pense qu'il y avait dans ce mémoire... Et je pense que le ministre s'en souvient aussi. C'était quelque chose qui... Nous devrons, parce qu'il y a une volonté de faire les changements partout. Tous les témoins qui sont venus devant la commission parlementaire ont dit qu'il faut changer nos façons de faire. Comme j'ai dit, les buts que le ministre a énumérés sont louables, mais il faut mettre en place, il faut avoir la volonté d'aller de l'avant. C'est ça que nous avons cherché en commission parlementaire, et on ne l'a pas constaté. Merci beaucoup, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Puisqu'il n'y a pas d'autres intervenants, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique? Non? Alors, le projet de loi n° 82, Loi sur l'administration publique, est-il adopté?

Une voix: Adopté, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté?

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Je vous réfère à l'article 20, le projet de loi n° 131.


Projet de loi n° 131


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 20 de votre feuilleton, M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor propose l'adoption du principe du projet de loi n° 131, Loi modifiant les régimes de retraite des secteurs public et parapublic. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 131? M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. Alors, le projet de loi n° 131 concrétise les ententes intervenues entre d'une part le gouvernement et d'autre part les syndicats et les associations de cadres représentant les employés des secteurs public et parapublic en regard du Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics. C'est un projet de loi assez régulier, que nous présentons presque à chaque session, mais, cette année, il tient compte des ententes intervenues lors des négociations des conventions collectives qui, comme vous le savez, en sont presque à leur dénouement, sauf quelques exceptions, au moment où nous nous parlons.

Comme par le passé, les représentants de ces employés ont discuté avec le gouvernement afin d'apporter des modifications aux régimes de retraite qui leur étaient applicables. Ces modifications visent à répondre à certaines situations problématiques. D'abord, une modification concerne la revalorisation des crédits de rente correspondant aux années de service effectuées par les employés avant le 1er juillet 1973, soit avant qu'un régime de retraite ne leur soit applicable. Ces employés se sont vu reconnaître par le RREGOP un bénéfice de retraite dont la valeur ne correspondait pas à 2 % par année de service pour les fins du calcul de leur rente. Il s'ajoutait simplement, à compter de 65 ans, à la rente acquise par l'employé depuis le début de sa participation au RREGOP. Le projet de loi prévoit que ces crédits de rente seront revalorisés afin que leur valeur corresponde à environ 2 % par année de service, calculée sur le traitement moyen servant au calcul de la rente.

D'autres modifications visent à améliorer les critères permettant à l'employé de se qualifier afin de prendre sa retraite sans réduction actuarielle. Ainsi, pour les employés syndicables, deux nouveaux critères de retraite sont introduits, soit 60 ans ou 35 années de service. Pour les employés de niveau non syndicable s'ajoute également le facteur 88, soit la somme de l'âge et des années de service totalisant 88.

Une autre modification importante touche le bénéfice de l'indexation des rentes. Comme vous le savez, toutes les années de service antérieures au 1er juillet 1982 sont pleinement indexées. À compter de cette date, les années de service sont indexées selon l'excédent de l'IPC sur 3 %. À compter du 1er janvier 2000, le bénéfice de l'indexation correspondra à l'IPC moins 3 %, avec un minimum de 50 % de l'IPC. Cette nouvelle formule d'indexation viendra donc améliorer la protection des rentes lorsque le taux d'inflation est inférieur à 6 % par année.

D'autre part, une modification est introduite au RREGOP afin de permettre à toute personne travaillant moins que 100 % du temps plein de se voir reconnaître une pleine année de service aux fins de l'admissibilité à la retraite. Je dis bien «aux fins de l'admissibilité à la retraite». Cette modification permettra aux personnes visées d'être admissibles à la retraite après 35 années de service comme pour les employés à temps plein. Elles recevront toutefois la rente à laquelle elles ont droit en fonction des années de service réellement travaillées et cotisées durant leur carrière, ce qui est équitable par rapport aux employés à temps plein. Cette modification améliore réellement la situation des employés autres qu'à temps plein en regard de leur admissibilité à la retraite. Pour les employés de niveau non syndicable, des modifications additionnelles sont introduites afin que le calcul de la rente s'effectue sur le traitement moyen des trois meilleures années au lieu des cinq meilleures années et que la réduction actuarielle, si elle est applicable, soit de 3 % au lieu de 4 % par année d'anticipation.

En terminant, soulignons que les taux de cotisation des employés de niveaux syndicable et non syndicable sont révisés à la baisse à compter du 1er janvier 2000. Le taux de cotisation du RREGOP passera de 7,95 % à 5,35 % pour les années 2000 et 2001 et sera fixé à 6,2 % à compter du 1er janvier 2002, sous réserve du résultat de l'évaluation actuarielle du régime, prévue pour juin 2001. Pour les employés de niveau non syndicable, le taux de cotisation passera de 6,35 % à 1 % pour les années 2000 et 2001 et sera fixé à 4,5 % pour l'année 2002, sous réserve, là encore, du résultat de l'évaluation actuarielle du régime.

Le présent projet de loi contient d'autres modifications de concordance avec d'autres régimes de retraite, tels le Régime de retraite des fonctionnaires, le Régime de retraite des enseignants et le Régime de retraite de certains enseignants, pour lesquels nous aurons l'occasion, lors de l'étude article par article en commission parlementaire, de fournir des précisions additionnelles. Je vous remercie, M. le Président.

(22 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre d'État à l'Administration et à la Fonction publique et également président du Conseil du trésor et toujours député de Labelle. Alors, je vous cède maintenant la parole, M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. C'est toujours difficile, ces débats autour d'une loi qui modifie un régime de retraite mais qui a déjà été débattue dans une autre instance, à savoir les instances de négociations syndicales. Comme le ministre vient de le rappeler, la loi améliore sensiblement, pour les participants actifs au régime, les bénéfices du régime. Je pourrais les répéter, et on les étudiera au moment où on arrivera article par article, que ce soit la facilité de pouvoir prendre une retraite plus facilement, c'est-à-dire sans pénalité actuarielle, que ce soient aussi les facilités, par exemple, de la reconnaissance de conjoint survivant ou particulièrement les facilités de ce qui touche la reconnaissance des années de service antérieures. Donc, il y a là des améliorations aux régimes de rentes qui touchent les participants actifs.

De surcroît, et le ministre l'a rappelé, on va baisser les cotisations parce que, il n'en a pas fait état, mais les régimes de rentes, le RREGOP en particulier... Et on pourra redébattre en commission parlementaire entre les excédents d'actif qui résultaient de la participation du personnel et les excédents d'actif virtuel qui viennent des contributions du gouvernement qui ne sont pas faites, qui diffèrent de ce qu'on pourrait avoir, qui est considéré aux états financiers du gouvernement. Mais ça, c'est un vieux débat qu'on a refait maintes et maintes fois mais qui existe dans le sens suivant, c'est qu'on a un régime de retraite actuellement qui a un certain nombre d'excédents d'actif. Ça a permis, si vous me permettez, ça permettrait même, pour ce qui est du personnel-cadre, par exemple, d'avoir une situation où on pourrait ne pas avoir de cotisation du tout à l'intérieur du régime de rentes pour le personnel-cadre et une cotisation encore plus inférieure pour le personnel non syndiqué.

Et là, actuellement, ce que fait le gouvernement, c'est qu'il diminue la cotisation des participants, c'est-à-dire des employés, des gens qui participent réellement au régime de rentes, et, implicitement, puisqu'il y a le phénomène miroir, c'est-à-dire que les employés doivent payer autant que les participants, il diminue autant sa contribution. Et, pour financer les avantages – que l'on pourra regarder à l'intérieur des articles – on évalue qu'il y a une partie des excédents d'actif qui doivent être accordés pour financer tel ou tel avantage.

Je vois le ministre qui fronce les sourcils. Je lui fais référence aux articles aux pages... On pourra le voir lorsqu'on fera l'étude article par article, mais, à la page 13, à l'article 133.1, on précise, dans chacun des régimes, quelle part de l'excédent d'actif pourrait être prise pour financer les avantages qui sont considérés dans le régime.

Le gros problème pour moi, ça reste un absent que sont les bonifications pour les retraités actuels. Ma lecture du projet de loi, qui est différente de ce que le ministre a dit, c'est que la bonification des rentes, maintenant, qui vont être bonifiées non pas seulement sur l'IPC moins 3 %, mais entre l'IPC moins 3 % et un demi de l'IPC, à la lecture que j'ai faite du texte, serait seulement pour les services effectués après le 31 décembre 1999. Je n'ai pas ce qu'il a dit, mais c'est la lecture que je fais actuellement du texte.

Alors, il y a un élément sur le plan d'équité, il y a un problème parce que les excédents d'actif que l'on voit apparaître à l'intérieur des différents régimes gouvernementaux, que ce soit ce qu'on appelle dans notre langage le RREGOP syndiqués ou le RREGOP non syndiqués, le RRE, le RRF, l'ont été bien sûr par les 450 000 participants actifs actuels mais aussi par les 50 000 retraités actuellement des régimes de retraite gouvernementaux, et il me semble qu'il aurait été juste de voir à utiliser aussi une partie de ces excédents d'actif pour bonifier les retraites de ceux qui ont pris leur retraite avant le 31 décembre 1999, et, comprenez-moi bien, M. le Président, qui, à cause du fait que l'IPC n'a jamais dépassé 3 %, n'ont pas vu depuis 1992 leur retraite indexée, et qui ont perdu un pouvoir d'achat assez important. Alors, sur le plan de l'équité, il y a là un manque, d'après moi, à l'équité qu'il faudrait corriger.

Je me permets de rappeler au ministre et je voudrais lui rappeler – et c'est toujours le phénomène qui se passe – qu'au moment de la négociation – et j'ai ici un document qui date du mois de mai 1999 – les centrales syndicales, lorsqu'elles ont fait leurs demandes, envisageaient aussi de faire indexer rétroactivement la partie en quelque sorte de la rente jusqu'au 1er juillet 1982, c'est-à-dire de bonifier aussi la partie de la rente, et c'est ça, toujours, ce qui arrive avec ce groupe qui devient de plus en plus important dans notre société, qui représente les retraités, les retraités n'étaient pas vraiment partie à la table. Au début, les demandes syndicales les incluaient. Le jeu de la négociation, c'est qu'ils sont tombés réellement dans l'oubli au milieu de la négociation et qu'ils n'ont pas réellement été présents au terme de ce qu'on voit ici dans les modifications du RREGOP.

Une fois qu'on a fait cette constatation, qu'on peut résumer à peu près en un mot, un, il y a des bénéfices substantiels dans le projet de loi n° 131 pour les participants actifs, et je crois qu'il ne s'agit pas, de notre côté, ici, de le nier. Néanmoins, il y a, à mon sens, un manque d'équité – et je veux en débattre après en commission parlementaire avec le ministre – pour les participants qui sont déjà retraités mais qui, par leurs contributions leur vie durant, ont contribué à l'excédent d'actif qu'on voit apparaître aujourd'hui dans les régimes de retraite. Quelle pourrait être la position de l'opposition? Il est clair que nous ne voulons pas bloquer aujourd'hui le projet de loi, c'est-à-dire qu'il y a à peu près 400 000 à 410 000 participants, qu'on pourrait qualifier de participants actifs actuellement, qui vont avoir des améliorations substantielles de leur régime de pension par ce projet de loi, et il serait malvenu de notre part de dire: Nous voterons contre cela. Donc, l'opposition va voter pour le projet de loi n° 131.

Je ne peux pas voter pour le projet de loi n° 131 sans m'empêcher de rappeler qu'il existe à l'intérieur une fraction, une petite partie de la population, probablement beaucoup moindre, de l'ordre d'une cinquantaine de milliers de personnes, qui sont les retraités actuels du régime de rentes, qui n'ont peut-être pas été traitées de manière équitable. Alors, j'insiste vraiment. C'est parfaitement légal, ce qui est fait, et vous connaissez bien, vous êtes qui est un juriste, M. le Président, la différence qu'on voit entre ce qui est vrai en équité et ce qui peut être légal mais pas équitable comme tel. Alors, je dis: Le fait que cet excédent d'actif ou ce surplus actuariel – on ne s'embarrassera pas nécessairement dans les mots – ait été aussi généré en partie par ces 54 000 retraités et qu'ils n'en voient, si ma lecture est exacte, aucun bénéfice me semble inéquitable. En commission parlementaire je verrai, je vais essayer de peut-être tenter de rétablir l'équité. Mais, M. le Président, il serait malvenu de la part de l'opposition de dire: Parce que, pour une partie de la population, le projet de loi me semble inéquitable, je devrai en faire un blocage complet, compte tenu qu'il amène des améliorations substantielles pour une partie importante.

(22 h 20)

Alors, je terminerai ici, M. le Président. C'est un projet de loi très technique, et, avec notre habitude de travailler en commission parlementaire, on va le faire et on va le traverser article par article. Le ministre peut être sûr qu'on a l'habitude de travailler à ce niveau-là avec sérieux. Mais je trouve qu'il y a un manque d'équité envers les retraités par ce projet de loi et je souhaiterais qu'on puisse éventuellement, dans les amendements qu'on pourrait amener au projet de loi, rétablir une certaine équité envers les retraités. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Verdun. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Alors, M. le ministre et président du Conseil du trésor, vous avez un droit de réplique.


M. Jacques Léonard (réplique)

M. Léonard: M. le Président, par rapport à l'objection que vient de formuler le député de Verdun, je voudrais donner une première réponse. Nous aurons l'occasion en commission parlementaire d'en débattre plus longuement et d'aller plus à fond dans la question, mais je veux ici, comme le cas a été soulevé à l'Assemblée nationale, dire une chose: les engagements des régimes envers les retraités sont tous respectés. C'est très important de le dire parce que, s'il y a aujourd'hui des surplus, à un autre moment il pourrait peut-être y avoir quelques déficits. Est-ce qu'à ce moment-là on se mettrait à réduire la pension des retraités? Alors, quand on veut plaider au moment où il y a des excédents, il faut aussi prévoir le cas où il y aurait des déficits dans les régimes. Donc, ça amènerait les pensions des retraités à se moduler selon les rendements des régimes en cours.

Alors, dans tous les pays, on n'a jamais reconnu cette question parce que, au fond, les engagements du régime doivent être respectés. C'est le fondement même des régimes de retraite. Le seul cas où la cour a reconnu un droit des retraités à aller chercher les surplus d'un régime, c'est lorsqu'il était terminé, complètement fermé, et qu'il n'y avait plus aucun cotisant au régime. Donc, à ce moment-là, la cour a dit: À qui appartiennent les régimes alors qu'il n'y a plus personne qui cotise, qui est actif à ce régime? À ce moment, dans le cas de la cause Singer, les surplus ont été attribués aux employés. C'est le seul cas. Ailleurs, jamais on n'a dit que, s'il y a des excédents, ils doivent aussi aller aux retraités. Alors, je tenais à dire cela, M. le Président. Nous en débattrons en commission parlementaire.

M. Gautrin: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Ce que vous allez sûrement faire en commission parlementaire, M. le député de Verdun. Ha, ha, ha! Alors, ceci met fin à l'adoption du principe du projet de loi n° 131.


Mise aux voix

Donc, le principe du projet de loi n° 131, Loi modifiant les régimes de retraite des secteurs public et parapublic, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je fais motion, après cette première journée de session intensive, pour que nous ajournions nos travaux à demain, vendredi 26 mai 2000, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, j'ajourne donc nos travaux au vendredi 26 mai, à 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 26)


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