L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente de l'agriculture

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente de l'agriculture

Version finale

30e législature, 3e session
(18 mars 1975 au 19 décembre 1975)

Le mercredi 26 février 1975 - Vol. 16 N° 18

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Avant-projet de loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles et règlement sur les viandes


Journal des débats

 

Commission permanente de l'agriculture

Avant-projet de loi sur l'assurance-stabilisation des revenus

agricoles et règlements sur les viandes

Séance du mercredi 26 février 1975

(Dix heures dix minutes)

M. Houde, Limoilou (président de la commission permanente de l'agriculture et de la colonisation): A l'ordre, messieurs!

Préliminaires

Ce matin, nous sommes réunis pour entendre des mémoires sur l'avant-projet de loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles et règlement sur les viandes.

Les membres de la commission sont les suivants: M. Bellemare (Johnson), M. Léger (Lafontaine), qui remplace M. Burns (Maisonneuve), M. Lachance (Mille-Iles), qui remplace M. Carpentier (Laviolette), M. Denis (Berthier), M. Côté (Matane), qui remplace M. Dionne (Mégantic-Compton), M. Faucher (Nicolet-Yamaska), M. Fraser (Huntingdon), M. Assad (Papineau), qui remplace M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Lessard (Saguenay), M. Massicotte (Lotbinière), M. Ostiguy (Verchères), M. Roy (Beauce-Sud), M. Toupin (Champlain), M.Tremblay (Iberville). Le nom de M. Benjamin Faucher est suggéré comme rapporteur officiel de la commission. Agréé?

M. Léger: D'accord, M. le Président.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, sur une question particulière, comme je dois assister à la séance de la commission parlementaire sur le bill 88, la fluoration de l'eau, et aussi à la commission parlementaire de l'Assemblée nationale sur l'affaire Morin, je vous demanderais la permission, ainsi qu'à la commission, de déposer immédiatement un mémoire que j'aurais lu après l'honorable ministre et après le Parti québécois, le parti de l'Opposition. Je déposerais ce mémoire. Je regrette infiniment de ne pouvoir assister à toutes les discussions qu'il va y avoir, mais je laisse dernière moi un observateur que vous connaissez bien, que vous avez vu comme ancien ministre de l'Agriculture, qui travaille maintenant à mon bureau. Je pense que lui, qui est très sensibilisé à ces problèmes, pourra me faire rapport adéquatement.

Alors, je remercie le ministre et je remercie, M. le Président, les membres de l'Opposition, le membre du Ralliement créditiste de bien vouloir me donner cette occasion de déposer ce document.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Est-ce que les membres de la commission acceptent que le document soit déposé?

M. Bellemare (Johnson): Je voudrais aussi que ce soit inséré aux procès-verbaux, s'il y a moyen. Alors, on va vous remettre une copie.

M. Léger: M. le Président, sur la proposition du député de Johnson, nous n'avons pas d'objection. Je pense qu'il veut dire par là qu'il soit déposé au journal des Débats. (Voir annexe)

M. Bellemare (Johnson): C'est ça.

M. Léger: Je voudrais, de mon côté, m'excuser au nom de mon collègue, le député de Saguenay, auprès des groupes qui sont venus ce matin pour se faire entendre, comme l'Association des consommateurs du Canada, le Conseil de l'alimentation du Québec et le Conseil des salaisons du Canada.

Le député de Saguenay, à cause de la grève du groupe d'entretien de l'aéroport de Québec, n'a pas pu atterrir à Québec et n'a pas pu être ici à temps. Il est obligé de s'en aller de Baie-Comeau à Montréal et revenir par autobus ou par le train. Alors, il ne sera pas là aujourd'hui mais il sera présent demain. Je pense bien que la commission ne sera pas terminée. Si la commission n'a pas d'objection, étant donné que le député de Saguenay est le spécialiste du parti dans le domaine de l'agriculture, il fera ses commentaires et prendra position sur l'avant-projet du ministre demain, à son retour. Je pense qu'il est de mise que ce soit lui-même qui le fasse et non pas moi-même.

De toute façon, je serai présent pour écouter les intervenants et lui transmettre les points de vue de ceux qui ont bien voulu se déplacer pour venir se faire entendre ce matin à la commission parlementaire. Je lui transmettrai vos voeux de façon que, même s'il n'est pas ici, il sera au courant demain de ce qui s'est passé aujourd'hui et prêt à intervenir pour faire avancer l'avant-projet de loi selon les intérêts des cultivateurs.

M. Ostiguy: M. le Président...

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Verchères.

M. Ostiguy:... je voudrais vous faire remarquer que le député de Mégantic-Compton sera plutôt remplacé par le député de Kamouraska.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Alors, correction apportée. M. Pelletier (Kamouraska) remplace M. Dionne (Mégantic-Compton).

Ce matin, nous entendrons les organismes suivants: L'Association des consommateurs du Canada (Québec), le Conseil de l'alimentation du Québec et le Conseil des salaisons du Canada.

L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. Toupin: M. le Président, avantd'entendre les parties, je désirerais, si vous me permettez, faire une courte introduction sur les travaux de cette commission parlementaire. Je sais que les représentants de l'Opposition officielle et des autres Oppositions auront sans doute aussi quelques mots à dire.

Le député de Johnson a déposé un document. L'Opposition officielle désire attendre à demain pour que la lecture se fasse parce que le député qui doit représenter l'Opposition n'est pas présent.

Une Voix: II est en l'air.

Exposé du ministre

M.Toupin: II est en l'air. Evidemment, on espère qu'il va tomber à terre; c'est important, en agriculture, d'avoir les pieds à terre, de ce temps-ci. Je sais aussi que le député de Beauce-Sud, bien sûr, aura sans doute quelques réflexions à apporter.

Le but de cette commission est de discuter deux problèmes — si on peut s'exprimer ainsi — en particulier. Le premier concerne une loi-cad re relative au revenu des agriculteurs ou une assurance-revenu des agriculteurs. Le second problème touche le règlement sur la qualité des aliments au Québec. Lorsque nous avions discuté, à l'Assemblée nationale, de la Loi sur les aliments, nous nous étions engagés à discuter en commission parlementaire et à entendre les parties sur le contenu de ces règlements qui sont complexes, qui sont vastes et qui touchent presque toute la chaîne de l'alimentation, dans le domaine des viandes plus particulièrement.

Le projet de loi-cadre, lui, vient tenter d'apporter des idées nouvelles sur la politique gouvernementale concernant les revenus des agriculteurs. Je n'ai pas besoin de signaler à la commission que le problème des revenus des agriculteurs fait l'objet, depuis déjà quelques années, de discussions tant de la part du ministère de l'Agriculture que de la part des producteurs eux-mêmes. Je n'ai pas besoin, non plus, d'insister sur le fait que l'économie agricole est une économie cyclique; c'est une économie où, très souvent, l'agriculteur touche beaucoup plus que ses coûts de production, allant même se chercher un revenu raisonnable. C'est une économie, aussi, où, dans certaines périodes, les prix sur le marché ne parviennent même pas à compenser les coûts de production sur les fermes en général.

Ce projet de loi vise, tout compte fait, à corriger ces accidents de parcours de l'économie agricole. Il n'a pas pour intention ni pour fonction fondamentale de remplacer les mécanismes actuels du marché. Il n'a pas l'intention de se substituer, par exemple, au mécanisme déjà existant pour l'établissement des prix, au mécanisme déjà existant pour la mise en marché des produits et au mécanisme déjà existant pour la fixation des prix sur le marché libre. Il a pour fonction essentielle de corriger les caprices du marché et de tenter ainsi de donner aux producteurs agricoles l'occasion, au moins, de compenser, dans toutes les périodes et dans tous les cycles de production et de marché, ces coûts de production.

C'est une politique gouvernementale que nous discutons déjà, au ministère de l'Agriculture, depuis près de deux ans. Nous avons commencé à travailler sur ce problème en 1972 et nous avons mis le point final à cet avant-projet en 1974. C'est complexe, bien sûr, une loi comme celle-là, mais c'est une loi qui s'avérera nécessaire. C'est un programme qui, assurément, doit être mis en place pour assurer aux agriculteurs québécois un revenu minimum, un revenu qui corresponde au moins à leurs coûts de production.

Voilà, M. le Président, c'étaient les quelques propos que je voulais tenir au début des travaux de cette commission.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, je viens d'entendre le ministre. Je tiens à dire que mes commentaires seront brefs. Je pense que tout le monde est d'accord pour dire que la sécurité de revenu, pour les membres de la profession agricole, est une chose louable et vers laquelle nous devons diriger nos objectifs. Ce n'est pas un sujet nouveau, il fait la manchette depuis nombre d'années. Pour assurer la survie de l'agriculture au Québec, il est urgent d'assurer un revenu convenable aux membres de la profession agricole.

Le temps est fini, je pense, où toute la famille devait travailler bénévolement pour apporter un maigre salaire, quand ce n'est pas une perte pure et simple. Si nous voulons une agriculture prospère au Québec, il faut que celui qui s'adonne à l'agriculture soit assuré d'un revenu décent.

Ceci dit, M. le Président, je ne veux pas dire que je suis parfaitement d'accord sur l'avant-projet de loi q ue nous avons devant nous. Je suis d'accord sur le principe du revenu stable aux cultivateurs, mais j'ai certaines réserves au sujet du projet de loi que nous avons à étudier. D'abord, je tiens à dire que ce n'est même pas un projet de loi; c'est un avant-projet de loi. Je pense que c'est la première fois en commission parlementaire que nous avons à étudier un avant-projet de loi. J'ose espérer que les discussions que nous aurons avec les intéressés — je dis bien les premiers intéressés, les agriculteurs eux-mêmes — nous permettront de moderniser cet avant-projet de loi que nous avons à étudier avant que le gouvernement présente un projet de loi définitif.

Je dois dire ici que l'avant-projet de loi qui nous a été soumis ne contient aucune innovation. J'ai le regret de dire que ce n'est qu'un ramassis de vieilles formules aussi désuètes que les anciennes méthodes que l'on utilisait il y a deux générations dans l'agriculture. Cela me fait penser un peu au règlement de l'assurance-récolte. Il y a donc beaucoup à ajouter à cet avant-projet de loi si l'on veut qu'il rencontre les objectifs que nous voulons atteindre. En définitive, l'avant-projet de loi qui nous est soumis pourrait se résumer à une chose: on espère assurer un revenu minimum aux agriculteurs en créant un fonds alimenté par les agriculteurs eux-mêmes et par le gouvernement, évidemment.

M. Toupin: C'est très important qu'on nous le dise.

M. Roy: Ce fonds sera alimenté d'abord par les agriculteurs eux-mêmes, mais le gouvernement

ajoute, selon ce qui est écrit dans l'avant-projet de loi, une somme équivalente. C'est la raison pour laquelle j'ai fait, tout à l'heure, un parallèle avec le principe de l'assurance-récolte.

Le gouvernement, c'est tout le monde. Parmi tout le monde, il y a les agriculteurs, mais il y a aussi les autres classes de la société. Il y en a qui ne sont pas plus fortunés que les agriculteurs. En résumé, ce que l'on essaie de réaliser, c'est une vieille formule. On essaie de rapatrier des miettes et des gouttes d'eau. Nous avons connu une ère de modernisme incroyable depuis les vingt dernières années. La mécanisation a permis de produire plus avec moins d'efforts humains et moins d'heures de travail. Aucune classe de la société ne peut revendiquer à elle seule ce résultat. Mais il faut dire que, si l'agriculteur du Québec produit beaucoup plus qu'il ne pouvait produire avec la même quantité de travail, c'est que les cultivateurs du Québec travaillent comme jamais ils n'ont travaillé dans la province, avec des conditions économiques qui sont loin de s'améliorer.

Le ministre nous a parlé tout à l'heure d'une économie cyclique. Le ministre ne nous a rien appris. En agriculture, il y a des cycles d'années d'abondance et il y a des cycles d'années de disette. Mais il y a aussi des cycles dans l'économie agricole qui sont voulus et qui nous arrivent par des agents de l'économie. Lorsque le ministre nous a dit ce matin qu'il ne voulait pas se substituer aux mécanismes existants, je dois dire — je le dis malheureusement — que je suis très déçu de l'attitude du ministre, parce que le ministre ne veut déranger personne. On ne veut pas déranger les trusts. On ne veut pas déranger les cartels. On ne veut pas déranger les importateurs. On ne veut pas changer les règles du jeu. On ne veut pas déranger les messieurs qui, dans des chapelles dont nous ignorons l'endroit exact, se réunissent et procèdent à la fixation arbitraire des prix dans l'agriculture qui jouent à l'encontre des agriculteurs du Québec et jouent, en même temps, à l'encontre des consommateurs québécois.

Alors, ce matin, on nous amène ici pour étudier un avant-projet de loi et un principesur lequel tout le monde est d'accord. Mais on va nous faire perdre notre temps. Cela va faire perdre le temps aux organismes agricoles. On va faire dépenser de l'argent aux agriculteurs du Québec pour organiser des études, leur faire préparer des mémoires et les faire venir devant le gouvernement pour nous dire ce qu'ils pensent. Autrement dit, on organise un grand placotage provincial qui ne réglera rien. J'ai posé une question au ministre de l'Agriculture à l'Assemblée nationale, l'automne dernier, pendant que les agriculteurs du Québec manifestaient partout, dans toutes les régions du Québec, à cause des prix de la viande, à cause des prix qu'ils réussissaient à obtenir pour leurs animaux de boucherie. Il y avait des navires qui entraient, qui venaient des marchés internationaux et qui étaient déchargés dans les ports de Montréal. Les cargaisons de ces navires et les stocks de viande allaient alimenter tous les épiciers et les grandes chaînes d'alimentation du Québec, y compris nos petites municipalités rurales.

Je ne comprends pas le gouvernement et je ne comprends pas le ministre de l'Agriculture, lui qui a fait carrière dans le monde agricole de par les fonctions qu'il avait avant qu'il soit ministre, de ne pas vouloir ou de ne pas pouvoir — il y a une chose ou l'autre — faire quoi que ce soit et s'attaquer aux racines du mal. On organise un grand placotage provincial. Je regrette, mais même si je suis d'accord sur le principe, cet avant-projet de loi n'est que l'organisation d'un grand placotage provincial qui va peut-être durer deux ans.

M. Toupin: Vous nous en donnez, d'ailleurs, une belle démonstration.

M. Roy: Le ministre peut faire de l'humour ce matin, le ministre pourra dire ce qu'il voudra, le ministre pourra, à un moment donné, se sentir un peu vexé...

M. Toupin: Pas du tout.

M.Roy:... le ministre pourra se sentir blessé. Ce que je dis, ce n'est pas de gaieté de coeur que je le dis, le ministre le sait. On organise un grand placotage provincial, et le ministre le sait. Il en a même le sourire aux lèvres. On organise, dans la province de Québec, du placotage de façon à éviter de parler du fond du problème, éviter de parler des véritables causes et des véritables politiques que le gouvernement — je dis bien un gouvernement; je serais tenté de ne pas parler tellement du gouvernement actuel — qu'un vrai gouvernement responsable devrait faire à l'endroit de la classe agricole.

Le nombre des agriculteurs diminue d'année en année. Le ministre a même dit, devant la télévision l'autre jour, qu'il diminuerait encore. Il n'a pas l'air de s'en préoccuper. Il y a quelques années, dans la province de Québec, on exportait des produits agricoles. Nous sommes rendus à importer des produits agricoles dans tous les secteurs. A la suite, justement, de la fameuse bataille du poulet et des oeufs, qui a duré deux ans — on l'a vu en fin de semaine dans des nouvelles qui ont paru dans les journaux — il y a du poulet qui arrive dans les abattoirs du Québec en provenance des Etats-Unis. On a vu cela dans la région des Cantons de l'Est. Cela nous arrive des Etats-Unis. Alors, qu'on ne parle plus de bataille du poulet et des oeufs avec l'Ontario et les provinces canadiennes, si ça vient des Etats-Unis, alors que les producteurs de poulet de gril se sont vu réduire leur quota de production.

Je me demande qui et quoi le ministre veut protéger. Je me demande qui et quoi attachent le ministre de façon qu'on nous arrive avec des petites lois dans lesquelles il n'y aqu'un principe mais dans lesquelles on donne aux fonctionnaires et aux technocrates tous les pouvoirs d'organiser le secteur de l'activité agricole, mais secteur par secteur, selon des règlements qu'ils prépareront eux-mêmes, qu'ils présenteront au conseil des ministres et que le législateur n'aura comme seule mission et seul rôle que de surveiller parce que.nous leur aurons donné l'autorité absolue.

Ceci dit, en terminant, je suis très inquiet, en ce

qui me concerne. Nous allons justement en discuter et je vais suivre, dans la mesure du possible, toutes les séances de cette commission parlementaire. Je dis, encore une fois, que le gouvernement manque le bateau; le gouvernement procède comme il a procédé depuis 1970. Dans l'agriculture du Québec, on tente de gagner, de sauver du temps par tous les moyens possibles pendant que les situations se détériorent dans tous les domaines.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Avant...

M. Toupin: M. le Président, vous me permettrez seulement quelques propos.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. Toupin: Je ne veux pas donner de réplique, bien sûr que non, ce n'est pas le temps ni, bien sûr, l'endroit pour donner des répliques. Je voudrais inviter, très sérieusement et très honnêtement, le député de Beauce-Sud à lire le document, à l'approfondir...

M. Roy: II n'y a rien dedans, il n'est pas facile à lire.

M. Toupin: ... et à regarder exactement comment le gouvernement entrevoit la possibilité d'assurer un revenu à long terme aux agriculteurs; pas un revenu à court terme mais un revenu à long terme, un revenu plus substantiel que celui qu'ils reçoivent actuellement. C'est l'objet fondamental de cette loi d'assurer des revenus aux agriculteurs.

Je n'arrive vraiment pas à comprendre — comment dirais-je? je vais utiliser les expressions du député de Beauce-Sud — les bavardages du député de Beauce-Sud.

M. Roy: Ce n'est pas l'expression que j'ai uili-sée.

M. Toupin: L'autre est aussi mauvaise, je pense. Une Voix: Le placotage.

M. Toupin: Le placotage, bon. Je n'arrive pas à le comprendre. Si le député de Beauce-Sud avait pris le temps de lire le document et de s'informer auprès de gens qui connaissent un peu comment se comporte l'économie agricole, qui savent un peu comment on doit intervenir dans une économie, sans être des dirigistes et des absolutistes, comment on peut, avec des politiques gouvernementales et en collaboration avec les producteurs, soutenir des revenus et soutenir des marchés en même temps...

C'est le fondement même de la loi et c'est précisément ce sur quoi le député de Beauce-Sud n'a fait porter aucun de ses raisonnements. J'ai fortement l'impression que le petit document qu'il a préparé fut fait un soir ou deux après une journée de travail, sans qu'il ait eu le temps d'approfondir vraiment le projet de loi comme tel.

C'étaient seulement, M. le Président, les quelques propos que je voulais tenir concernant cet exposé.

M. Roy: Je pourrais rependre certains propos du ministre...

M. Toupin: ... certains propos...

M. Roy: ... certaines affirmations gratuites. Je n'ai pas à tenir compte, à un moment donné, du temps qu'il a pu mettre. Je n'ai pas parlé du temps qu'il a pu mettre à étudier un document. Si le ministre veut jouer ce petit jeu d'enfan'illage, libre à lui.

M. Léger: M. le Président...

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Lafontaine.

M. Léger: ...je voulais simplement dire que je ne veux pas embarquer dans ce que disait le député de Beauce, du placotage. C'est plutôt le moment de ne pas assister à une commission de placotage mais à une commission de l'écoute, c'est-à-dire écouter ceux qui ont des choses à dire. Il y a une loi-cadre qui est présentée. Je pense que les groupes qui ont été invités ont eu l'occasion d'étudier cette loi-cadre. Ils ont des choses intéressantes à nous livrer. Avant de s'exprimer d'une façon définitive, sur les amendements à apporter ou sur l'acceptation ou le refus de cet avant-projet de loi, je pense qu'il serait de mise et logique d'écouter les personnes qui sont présentes, de voir ce qu'elles acceptent, ce qu'elles refusent, ce qu'elles veulent qu'on corrige. Notre rôle de législateur sera justement, par la suite, d'apporter les commentaires voulus de façon que le ministre puisse apporter les corrections voulues. J'espère que ce ne sera pas une correction complète mais au moins une correction suffisante pour satisfaire ceux qui sont touchés par cet avant-projet de loi.

Quant à moi, je suis prêt à écouter les intervenants.

M. Toupin: D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): La compagnie J. Demers lnc.de Gentilly, qui exploite un abattoir chevalin, désire obtenir un droit de parole à titre personnel, soit en fin de journée ou demain matin. Son représentant serait M. Jean-Paul Lussier. Est-ce que la commission acquiesce à cette requête?

M. Toupin: Personnellement, je ne vois pas d'inconvénient...

Le Président (M. Houde, Limoilou):Aucun inconvénient. Alors, la commission est d'accord?

M. Toupin:... si les membres de la commission sont d'accord.

M. Roy: D'accord.

M. Léger: D'accord. Est-ce que vous pourriez nous donner l'ordre des intervenants pour aujourd'hui?

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'Association des consommateurs du Canada (Québec), le Conseil de l'alimentation du Québec et le Conseil des salaisons du Canada.

Alors, j'invite immédiatement l'Association des consommateurs du Canada (Québec), dont la représentante est Mme Jacqueline Blanchet.

Association des consommateurs du Canada (Québec)

Mme Blanchet (Jacqueline): M. le Président, l'Association des consommateurs du Canada (Québec) est un organisme bénévole, à but non lucratif, qui regroupe 15,000 membres au Québec. Depuis 27 ans, cette association défend les consommateurs tant aux niveaux local, provincial que national et elle se présente devant vous afin de donner le point de vue de ses consommateurs.

L'Association des consommateurs du Canada (Québec) est heureuse de présenter ses commentaires sur l'avant-projet de loi d'assurance-stabilisation des revenus agricoles.

Tous les travailleurs, dans tous les pays, sentent le besoin universel d'une plus grande sécurité. L'agriculture et l'industrie des aliments, qui lui est rattachée, jouent un rôle prépondérant dans l'économie québécoise. Cependant, la production agricole demeure la pi us touchée par les fluctuations de toutes sortes, échappant à la volonté même des exploitants, dans une très large mesure.

Il est tout à fait juste que les agriculteurs québécois soient assurés de recevoir en recettes, chaque année, une somme équivalente à leurs déboursés encourus par la production et par la mise en marché de leurs produits, plus un revenu annuel adéquat, compte tenu du niveau de vie de la collectivité où ils vivent.

Nous reconnaissons leurs droits d'améliorer leur position socio-économique à l'instar de tous les autres citoyens.

Le rôle de l'Etat, à notre avis, est d'assurer à ces travailleurs autonomes une accessibilité à des mesures de protection comparables à celles dont jouissent les travailleurs dans l'industrie, grande ou petite.

Nous ne pouvons souhaiter qu'une équitable application de cette loi nouvelle, quant à la composition de ses membres au sein de l'organisme constitué et quant à la distribution des bénéfices prévus.

Nous croyons que notre association peut aider à atteindre les buts de la loi et notre participation serait souhaitable par une présence parmi les organismes créés et aussi par voie de consultation. Je vous remercie.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Merci, madame. Est-ce que les membres de la commission ont des questions à poser à Mme Blanchet?

M. Léger: M. le Président...

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Lafontaine.

M. Léger: Dans votre mémoire, madame, vous nous dites que vous aimeriez qu'il y ait une consultation un peu plus souvent, un peu plus régulièrement. Vous dites, entre autres, que votre "association peut aider à remplir les buts de la loi" et que votre "participation serait souhaitable par une présence parmi les organismes créés et aussi par voie de consultation".

Est-ce que, jusqu'à présent, de puis au moins les dernières années, votre association a déjà été consultée par le ministère de l'Agriculture?

Mme Blanchet: A titre de vice-présidente provinciale dans cette association où j'oeuvre, nous avons été consultés souvent parce que nous sommes venus faire des commentaires à la régie concernant le prix du lait, par exemple, et à différentes occasions. Je crois que l'association a toujours été invitée à présenter son point de vue et nous espérons continuer à le faire.

M. Léger: Mais, de la façon dont vous vous exprimez dans votre rapport, il semble que vous aimeriez une participation plus accrue dans la...

Mme Blanchet: Oui.

M. Léger:... consultation. Comment voyez-vous cette participation et cette consultation, d'une façon régulière ou systématique?

Mme Blanchet: Bien, ce qui arrive, c'est que nous sommes mis souvent au courant de la hausse des prix et nous sommes obligésd'y faire face. Nous voulons surtout, nous, développer le point de vue et qu'au moins le consommateur sache un peu où se trouver dans tout ça. Lorsqu'on nous arrive un matin et que le prix du lait est augmenté, nous sommes toujours pris assez au dépourvu. Nos commentaires ne sont pas toujours très écoutés. Alors, je pense qu'en travaillant, qu'en oeuvrant d'une manière plus précise, il y aurait moyen de faire quelque chose. A ce moment-là, je pense que ce ne serait pas une participation seulement à l'occasion; ce serait une participation vraiment précise.

M. Léger: Un peu mieux que les ACEF dans d'autres domaines, quoi!

Mme Blanchet: Je n'aime pas les comparaisons, monsieur.

M. Léger: Non, je parle de la consultation des gouvernements avec les ACEF qui s'occupent des consommateurs aussi. Vous trouvez que vous devriez avoir un rôle plus positif, plus accru, plus considéré par le gouvernement?

Mme Blanchet: Oui, exactement. M. Léger: D'accord, merci.

M. Toupin: Est-ce que...

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. Toupin:... madame, cela irait jusqu'à vouloir dire... Je regarde à la partie 8: "Nous croyons que notre association peut aider à remplir les buts de la loi et notre participation serait souhaitable par une présence." Est-ce que cela voudrait dire qu'à l'office que nous entendons créer pour administrer cette loi vous désireriez que votre association soit représentée effectivement par une personne...

Mme Blanchet: Exactement.

M. Toupin: ... au conseil d'administration de l'Office de stabilisation des prix?

Mme Blanchet: Exactement, M. le ministre. M. Toupin: C'est votre position? Mme Blanchet: C'est le point.

M. Toupin: C'est ce que veut dire l'article 8 de votre document.

Mme Blanchet: Exactement, M. le ministre.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, j'aimerais demander à madame... Dans les règlements sur les aliments, il y a l'article 4: "Les consommateurs sont confus entre les différentes estampilles dont l'une démontre..

Mme Blanchet: Ah bon!

M. Toupin: Elle n'a pas lu cette partie du mémoire.

M. Roy: Elle ne l'a pas lue, mais comme elle fait partie du mémoire et comme, probablement, elle n'aura pas l'occasion de revenir devant la commission...

M. Toupin: Oui. Elle aura l'occasion de lire tout son mémoire si elle le désire.

M. Roy: Elle pourra revenir sur la question des aliments.

M. Toupin: Au moment où on arrivera sur le règlement.

M. Roy: D'accord. Alors, je reposerai ma question.

Mme Blanchet: J'ai cru que c'était séparé, d'ailleurs.

M. Roy: D'accord.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Autres questions des membres de la commission?

M. Toupin: J'en aurais une, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. Toupin: Je trouve intéressante l'idée que vous apportez d'une présence plus concrète dans les organismes gouvernementaux ou paragouver-nementaux en ce qui concerne la question des prix des produits agricoles et la question des revenus des agriculteurs également. Est-ce que, dans votre esprit, en tant que responsable des consommateurs, vous avez la nette impression que le ministère de l'Agriculture doit attacher autant d'importance aux consommateurs qu'il peut en attacher aux producteurs?

Mme Blanchet: Exactement et même davantage parce qu'en fait nous sommes à la base et je pense qu'il est très important que l'on dise ce que l'on veut et qu'on ne se laisse pas imposer ce que l'on ne désire même pas. Parce que, si vous arrivez à toucher à l'empaquetage, à l'étiquetage et tout ça, je vous assure que, lorsqu on arrive à des coûts d'emballage de 20% dans les aliments, on trouve qu'il y a une exagération.

On est toujours très surpris de voir que le producteur agricole va avoir 15% sur $1 alors que 60% vont à la transformation. Alors, je pense q ue sur ça le consommateur a sûrement des choses à dire. Et cela orientera sûrement le mécanisme de transformation.

M. Toupin: Est-ce que vous iriez jusqu'à soutenir que le ministère de l'Agriculture devrait prévoir, et dans ses lois et dans ses règlements, non seulement une participation possible du consommateur mais aussi une certaine programmation qui serait de nature à le protéger, pour employer un terme générique, c'est-à-dire qu'il y ait des lois et des règlements qui s'adressent essentiellement aux consommateurs?

Mme Blanchet: Je serais en faveur, M. le ministre, sûrement.

M. Toupin: Vous seriez en faveur.

Mme Blanchet: C'est d'ailleurs notre demande.

M. Toupin: D'accord. M. le Président, je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Lafontaine.

M. Léger: M. le Président, j'aurais une autre question. Etant donné que votre intérêt premier est la protection du consommateur, pour vérifier les causes de ces augmentations que doit subir le consommateur, vous avez certainement dû faire

une certaine étude, à un degré plus ou moins intensifié, dépendant des moyens que vous aviez. A l'intérieur de tout le système, il y a des intrants, ceux qui fournissent aux agriculteurs, ceux qui achètent les produits agricoles et qui les transforment, ceux qui les vendent aux consommateurs; dans tout ce système il yen a deux qui subissent des conséquences immédiates et désastreuses, ce sont les agriculteurs et les consommateurs.

Avez-vous fait une étude? Vous êtes-vous penchés sur ce problème? Avez-vous évalué de quelle façon un gouvernement responsable et sérieux pourrait trouver des solutions pour rééquilibrer cela dans chacun des groupes qui sont dans ce milieu agro-alimentaire et quelles corrections pourrait-il apporter?

Mme Blanchet: Evidemment, nous ne sommes pas des spécialistes, M...

M. Léger: Le député de Lafontaine.

Mme Blanchet:... le député de Lafontaine. Seulement, nous sommes mis au courant et nous participons disons à des études, à des conférences. Je suis souvent en rapport avec la faculté d'agriculture. On voit tous les travaux qui y sont faits et on peut savoir que les cultivateurs, aujourd'hui, 60% de leurs produits vont à l'industrie d'à côté, enfin vont aux intrants, vont à la machinerie. Ils dépensent énormément pour leurs productions alors qu'autrefois l'agriculture était plus autosuffisante, si vous voulez. Aujourd'hui, elle ne l'est pas. Ils dépendent justement, en proportion, 60% de leurs produits pour les dépenses extérieures.

Evidemment, vous ne pouvez pas nous demander, M. le député, d'être des spécialistes. Nous aimerions bien que, à un moment donné, l'Association des consommateurs du Canada (Québec) ait des spécialistes à leur usage, à leur défense, si vous voulez, qui seraient bien intégrés dans le mouvement. A ce moment-là, nous serions les premiers et nous pourrions peut-être présenter un éventail plus précis et plus spécialisé.

M. Léger: Mais il y a le fait que vous êtes dans le bas de la chaîne; c'est le consommateur qui doit acheter, qui est limité aux prix des différents magasins qui lui offrent des produits. Vous, vous voyez en cela un problème majeur. Le consommateur est pris avec une inflation. Vous connaissez tout le rouage et voyez que les cultivateurs du Québec en particulier ont eu une baisse de revenu de 9% en 1974 alors qu'une hausse de 20% du revenu est reconnue à travers le Canada pour les autres agriculteurs.

Mme Blanchet: Oui.

M. Léger: Au Québec — puisque c'est au Québec qu'on voit le problème actuellement — les agriculteurs voient une baisse du revenu, les consommateurs voient une augmentation du prix. Vous, comme représentants d'un groupe qui veut protéger les consommateurs, quels sont les moyens, en plus de celui de vous plaindre auprès du gouvernement, et les suggestions que vous proposeriez devant cette anomalie: Que l'agriculteur, celui qui a le produit premier, perd du revenu et que le consommateur, qui va consommer le produit fini, voit le prix augmenter à un rythme effarant?

Devant cela, qu'est-ce que vous pensez qui devrait être fait devant un gouvernement qui serait responsable, à ce moment-à?

Mme Blanchet: C'est justement le pourquoi de nos interventions. C'est justement le pourquoi de notre présence ici. Moi-même, je suis issue d'une famille d'agriculteurs où nous sommes encore, au point de vue familial, bien implantés, bien engagés. J'ai su ce que c'était de se lever à cinq heures du matin pour aller traire les vaches ou aller faire les foins parce que l'orage s'en venait. J'ai connu ça, j'ai connu le travail familial non payé des jeunes dans une famille d'agriculteurs. Alors, je pense que, dans le moment, ce que je vous raconte, ce que je vous dis à la défense de l'agriculteur, je l'ai vécu. Je suis heureuse, en fait, de pouvoir prendre leur part et prendre leur défense. Et si les jeunes dans les familles d'agriculteurs quittent la ferme, bien, je vous assure, si on regarde comme il le faut, on n'est pas trop surpris.

Si on leur accordait, à ces jeunes agriculteurs, des possibilités d'une sécurité de salaire, sécurité financière, un niveau de vie au moins égal à celui du voisin qui est dans l'industrie, bien, je pense qu'on les garderait, parce qu'il y a du bonheur à être sur une ferme, il y a une autonomie qu'aucune personne dans l'industrie ne peut connaître. Je pense que nos jeunes seraient heureux s'ils avaient des possibilités d'une bonne sécurité.

M. Léger: Je pense que vous n'avez pas tout à fait saisi ma question. Je remarque, quand même, que vous vous apitoyez sur le sort des deux, et des consommateurs et des agriculteurs. Mais ma question était: Devant cela, devant les autres groupes qui entrent en ligne de compte, qui ont des attitudes ou des comportements qui amènent justement le problème que vous venez de soulever, autant celui de l'agriculteur que celui du cultivaleur, vous, comme membre d'un organisme et votre organisme qui est là pour la protection du consommateur, qui connaît les problèmes de l'agriculteur puisque vous venez de m'en donner des exemples, comment voyez-vous les solutions pour un gouvernement, si vous voulez que le gouvernement vous consulte? Quelles sortes de solutions voyez-vous comparativement aux trois autres groupes qui sont responsables du peu de revenus que l'agriculteur reçoit et du haut coût que le consommateur paie? Je parle des trois groupes: ceux qui fournissent aux agriculteurs les matières premières pour qu'ils fonctionnent, ceux qui achètent leurs produits pour les transformer et ceux qui les vendent aux consommateurs. Ce sont trois groupes qui font des profits réguliers, intéressants, accrus, qui contrôlent le marché, qui placent et le consommateur et l'agriculteur dans un étau d'où ils ne semblent pas pouvoir se sortir.

Vous, comme représentante des consommateurs, comment voyez-vous les solutions à cela?

Mme Blanchet: Bien, je pense qu'avant de voir des solutions, monsieur, il faudrait peut-être faire une grande lumière. Je pense que c'est ça, au départ. Ce serait de savoir, au fait, où cela se perd, parce que cela se perd sûrement quelque part ou cela se gagne en trop quelque part. C'est ce qu'on n'a pas été capable, même avec la commission Plumptre, d'élucider.

Alors, je pense que nous, de la base, nous les consommateurs, c'est ce qu'on voudrait savoir à un moment donné: pourquoi nos producteurs, ceux qui nous apportent à manger sont toujours pénalisés. Ils arrivent absolument dans des déficits ridicules. C'est là, d'abord, qu'il faudrait, je pense, faire la lumière. Ensuite, on verra notre moyen d'action.

M. Léger: Est-ce que vous iriez...

Mme Blanchet: On est sûrement prêt à agir.

M. Léger: ... jusqu'à dire qu'il faudrait une enquête sur les intermédiaires?

Mme Blanchet: Bien, disons que, si c'est nécessaire, je n'y verrais pas d'objection, s'il n'y a pas moyen de faire la lumière autrement. Je pense qu'il faut trouver la source de possibilités. Alors, ce sera au gouvernement en place de choisir et de prendre les directives. On sera là pour dire si les directives sont bonnes ou si elles ne sont pas bonnes. Je pense que c'est notre privilège. Je ne crois pas qu'on puisse venir vous dicter exactement des modes à suivre. Mais on sera là pour dire s'ils ne sont pas bons et, à ce moment-là, peut-être que ce serait bien que vous suiviez nos indications.

M. Léger: Je vous remercie.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Alors, merci bien, madame.

J'invite immédiatement le Conseil de l'alimentation du Québec. Je demanderais à la personne concernée et à ceux qui l'accompagnent de vouloir se présenter.

Conseil de l'alimentation du Québec

M. Roy (Léonard): Léonard Roy, vice-président exécutif du Conseil de l'alimentation du Québec.

M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire de l'agriculture, madame, messieurs, le Conseil de l'alimentation du Québec est reconnaissant à votre commission parlementaire de lui permettre de faire connaître le point de vue de l'industrie qu'il représente sur un avant-projet de loi destiné à assurer la stabilisation des revenus agricoles au Québec. Dans le contexte de ce matin, permettez-moi de vous dire que, personnellement, au nom de ceux que je représente, je voudrais bien être un interlocuteur qui va apporter quelque chose de constructif et non pas du placotage à votre commission.

Incorporé en vertu des lois du Québec, le Conseil de l'alimentation est une fédération professionnelle d'affaires regroupant, pour des fins d'étude et d'action collective, des associations à caractère provincial, dont les membres représentent les entreprises industrielles et commerciales qui assurent les approvisionnements alimentaires de la population du Québec.

Nous représentons effectivement ici les dix associations suivantes: l'Association des manufacturiers de produits alimentaires du Québec, le Conseil des salaisons du Canada (division du Québec), le Conseil de l'industrie laitière du Québec, l'Association des abattoirs avicoles du Québec, l'Association professionnelle des meuniers du Québec, l'Association canadienne des manufacturiers de moulées Inc.(Est), l'Association des magasins-chaînes du Québec, l'Association des épiciers en gros du Québec, l'Association des détaillants en alimentation du Québec et l'Association des grossistes en fruits et légumes du Québec, qui ont été consultées sur lavant-projet de loi qui fait l'objet de la présente audience publique et qui nous ont donné mandat de soumettre à nos législateurs l'ensemble des considérations de ce mémoire.

Nous tenons à souligner que le Conseil de l'alimentation du Québec a été accepté, après une dizaine d'années d'activités, comme l'interlocuteur valable du monde des affaires en alimentation, avec les autres grands secteurs de la société et les milieux de l'administration publique aux divers paliers de gouvernement.

Nous avons accepté d'intervenir dans l'étude de cet avant-projet de loi parce que nous considérons que nous devons cette collaboration au ministère de l'Agriculture du Québec qui, depuis quelques années, tente de mettre en place une véritable politique globale de développement intégré du grand complexe agro-alimentaire québécois, dont la stabilisation du revenu agricole est une des parties importantes. Nous sommes d'autant plus heureux de le faire que ce ministère nous donne des preuves de son souci de la consultation de tous les agents économiques de la chaîne alimentaire dans ses orientations majeures; qu'il prend des attitudes et pose des gestes destinés à en faire de plus en plus un ministère à vocation économique générale, greffé à la mise en valeur d'une de nos ressources naturelles les plus vitales et de moins en moins un ministère de classe exclusivement comme il l'a été trop longtemps.

Je voudrais apporter une précision sur les termes. Lorsque nous employons, dans notre mémoire, l'expression "chaîne alimentaire", il va de soi qu'on ne se réfère pas aux chaînes de magasins. On se réfère ici précisément à cette chaîne qui va de la ferme jusqu'à la table du consommateur. C'est l'expression consacrée d'ailleurs par les travaux du gouvernement fédéral, d'Agriculture-Canada, où on s'est penché, depuis cinq ans, sur l'ensemble de ce problème de coordination dans tous ces secteurs.

Nous considérons également que nous devons au maintien des bonnes relations interprofessionnelles que nous avons avec le monde agricole de venir exposer honnêtement le point de vue de l'industrie et du commerce. Nous nous présentons ici

non pas dans une attitude d'opposition, mais de recherche de plus de précisions sur un texte législatif qui ne peut pas être isolé de la conception économique qui l'inspire. Tout le monde est d'accord sur la nécessité et l'urgence de consolider l'avenir de l'agriculture du Québec. Ce que nous entendons discuter, ce sont des moyens pratiques de le faire, car nous y sommes impliqués directement comme secteurs de prolongement de l'agriculture. C'est cela le phénomène économique de l'agro-alimentaire: cette interdépendance qui rend illusoire toute tentative de solution en vase clos de problèmes propres au régime économique dans lequel nous évoluons.

Dernière motivation de notre intervention: c'est l'opportunité que nous avons, en étudiant l'avant-projet de loi devant nous, de mettre en lumière la fonction économique utile et le rôle que peut jouer l'industrie alimentaire québécoise dans la stabilisation du revenu agricole, si on accepte enfin de voir chez elle autre chose que des intermédiaires nuisibles, vivant dans un monde à part, coupés de toute participation à la prospérité du Québec.

Les dirigeants et les membres du Conseil de l'alimentation du Québec ont pris connaissance, étudié et discuté du projet de loi, de ses notes explicatives et du document annexe décrivant la problématique de la situation que cette loi tendrait à corriger.

Nous comprenons q ue l'objectif du projet de loi est la régularisation du revenu agricole, maintenu constamment en état d'équilibre instable par suite, d'une part des fluctuations des rendements physiques de la production dépendant des forces de la nature; par suite aussi des aléas des marchés découlant des variations des prix de vente des produits agricoles, d'autre part.

Les documents officiels soulignent qu'alors que le revenu national de l'ensemble de la population progresse lentement et régulièrement, le revenu agricole s'élève par saccades, avec des reculs et des reprises pour aboutir à un progrès moyen sensiblement inférieur au progrès du revenu national.

Les experts quantifient le degré d'amplitude et de fréquence de ces variations. Nous retenons des mêmes explications officielles — et pour référence ultérieurement — que cette instabilité du revenu provient beaucoup plus des variations du marché que des aléas des forces de la nature.

En effet, on affirme que les variations annuelles des prix à la ferme des produits agricoles expliq uent 48% environ des variations des revenus nets, alors que les variations du volume de production n'en expliquent que 6%.

Le projet de loi décrit et propose exclusivement ce que sera cet élément de stabilisation: soit le mécanisme d'une caisse de compensation, à base contributoire, par les producteurs avec la suppléance de l'Etat, pour hâter l'édification d'un fonds assez considérable pour avoir un véritable effet régulateur. Tout y est quant à la technique du fonctionnement de cette caisse de compensation et de l'organisme gouvernemental qui verra à la faire fonctionner.

Notre industrie n'a donc rien à redire d'un mé- canisme destiné essentiellement à bâtir des coussins pour amoindrir les coûts résultant du comportement erratique du marché en face des aléas de la production agricole, d'un mécanisme destiné à arrondir les pointes et les creux des fluctuations des revenus agricoles dans le temps.

Nous sommes d'autant plus à notre aise pour dire que c'est valable, c'est avenu, cela s'impose, que nous connaissons déjà le fonctionnement de mécanisme similaires sur le plan fédéral et nous sommes au courant, également, de l'application d'une telle formule en Colombie-Britannique.

Nous avons tout de même deux réserves quant aux modalités de fonctionnement du mécanisme de la caisse de compensation décrit dans le projet de loi.

D'abord, l'article 2 prévoit qu'il peut y avoir un nombre non limité de régimes de compensation pour diverses productions agricoles, alors que l'article 34 ne prévoit aucune limite aux sommes que le gouvernement pourra verser dans ces caisses de compensation, à même le fonds consolidé de la province, ce qui veut dire sans être soumises aux exigences budgétaires, semble-t-il.

N'y a-t-il pas là un danger sérieux d'aventures coûteuses sans que le contribuable n'y puisse rien faire? Nous posons seulement la question, M. le Président, conscients que c'est à l'Assemblée nationale de rechercher des assurances de ce côté.

Il y a les articles 24 et 25 qui perpétuent la tendance de décider du rôle et des obligations des tiers sans se soucier s'il est équitable et pratique de leur imposer un rôle dans l'application d'une loi. Dans le cas du présent projet de loi, nous nous opposons à ce qu'on force l'industrie à absorber des frais comptables de perception sur les chèques de paie des producteurs-fournisseurs, des montants qu'ils auront à verser à leur caisse de compensation. Qu'il y ait au moins une compensation prévue pour de tels frais inhérents au système, comme c'est le cas pour la perception de la taxe de vente, pour la perception des primes de l'assurance-récolte, etc.

Nous proposerons plus loin une autre modification au texte du présent projet de loi-cadre, en regard des règlements qui en découlent, entre autres, à l'article 36.

Poursuivant nos considérations sur les préalables invoqués à la présentation de cet avant-projet de loi, nous trouvons très valable et réaliste le postulat que le documentaire sur la problématique traduit de la façon suivante, et nous citons: "il faut substituer à une offre fortement menacée par l'irrégularité des récoltes, un débit constant ou régulièrement progressif comme l'exige la demande à laquelle il faut répondre. Malheureusement, l'expérience montre que les mécanismes économiques sont impuissants pour assurer à eux seuls une telle régularisation à cause d'une spécialisation accrue en agriculture combinée à une plus grande taille des exploitations."

Il est évident que l'industrie de la transformation des produits agricoles et le commerce des primeurs agricoles ne peuvent que bénéficier de la régularité dans les approvisionnements de matières premières agricoles. Pour les industries d'amont à l'agriculture, cette stabilisation des revenus agrico-

les est un gage de saines relations d'affaires. Pour certains genres d'industrie alimentaire, cette régularité d'approvisionnements est vitale.

Pour d'autres secteurs, comme l'industrie laitière, c'est probablement le seul moyen maintenant de trouver l'accroissement de production de lait dont on a besoin pour développer les marchés pour les nouveaux produits laitiers. D'ailleurs, on est à même de constater le rôle régulateur que jouent dans ce domaine les politiques laitières fédérales.

Nous référons ici, M. le Président, MM. les membres de la commission, à ce grand problème qui se traduit ainsi: Nous faisons du lait, nous avons du lait.

A certains moments de l'année, nous avons des surplus dont il est très difficile de disposer, qui influent sur les prix, mais ce lait n'est pas à la bonne place au bon moment, ce qui permettrait en définitive de faire d'autres produits avec ces excédents de lait et de les rendre rentables pour les cultivateurs et d'augmenter leur taux moyen.

Nous croyons, nous, que peut-être par cette stabilisation du revenu il y a moyen de ce côté-là d'essayer d'avoir cet accroissement, surtout que nous nous attendons à une augmentation dans la production du lait, l'hiver.

A ce sujet, nous retenons également que l'avant-projet de loi qui est devant nous est présenté comme un complément à la loi fédérale sur la stabilisation des prix agricoles. Effectivement, les autorités fédérales viennent de déposer un projet de loi (C-50) qui modifiera la loi nationale de manière à prévoir une coordination dans l'application des lois provinciales et fédérales dans ce domaine de la stabilisation des prix agricoles. Il y aurait, entre autres, la possibilité que les mesures d'aide à la stabilisation des revenus sur le plan national et provincial s'additionnent dans le but de rendre les systèmes plus efficaces.

Nous avons constaté, en faisant une analyse sommaire du projet de loi C-50, que la fixation des prix, la détermination du niveau se fera désormais sur une base de cinq ans au lieu de dix ans, comme moyenne, et qu'on reoherchera une parité à 90% au lieu de 80%, comme c'est le cas présentement.

On remarque aussi dans cette nouvelle loi fédérale un plafonnement de ces niveaux ou de ces revenus assurés. On remarque également qu'on ouvre la porte maintenant plus grande, croyons-nous personnellement, à une meilleure relation, une meilleure coordination avec les provinces.

L'industrie ne peut qu'être rassurée par cette convergence vers une meilleure coordination dans les législations qui visent à régulariser et à stabiliser les revenus agricoles.

Conscient des conséquences graves de cette instabilité du revenu du cultivateur sur la mise en marché ordonnée des produits agricoles, le Conseil de l'alimentation du Québec est favorable à cette tentative de régularisation, dans des structures législatives bien définies et avec des instruments administratifs qui respectent et traduisent d'abord la réalité de notre régime constitutionnel et, deuxièmement, le système économique dans lequel nous évoluons en Amérique du Nord.

Je n'ai encore connu aucun parti local ou régional existant dans l'Amérique du Nord qui a changé ce système.

Nous sommes d'autant plus disposés à prendre cette attitude que l'Etat se montre lui-même conscient des limitations d'un tel système d'assurance-stabilisation des revenus agricoles. A ce sujet, nous citons un extrait de l'exposé du ministre de l'Agriculture du Québec au congrès de la Fédération canadienne des producteurs laitiers, le 21 janvier dernier, sur cette question de la stabilité du revenu: "Nous croyons cependant qu'une meilleure gestion, qu'une utilisation optimale des ressources agricoles, qu'un contrôle sévère sur les prix et la qualité des intrants, qu'une structure de mise en marché qui va au-delà du contrôle de l'offre des produits agricoles, que l'amélioration constante de la productivité, etc., sont des éléments beaucoup plus dynamiques pour atteindre une parité et une stabilité des revenus que peut l'être une nécessaire législation garantissant le versement de subventions et la création d'un fonds de compensation, par les agriculteurs, dans le but de prévoir les variations cycliques trop prononcées".

Nous devons à la compétence de ceux qui ont inspiré ce projet de loi et à l'intelligence de ceux qui l'ont rédigé de croire qu'on maintient une différence fondamentale entre la stabilité du revenu agricole qui peut être apportée par une caisse de compensation et l'assurance d'un niveau de revenus agricoles qui ne peut pas être le résultat d'une législation ou d'une réglementation.

Si nous n'avons rien à redire ou presque sur ce qui se trouve dans le projet de loi, c'est bien plutôt ce qui ne s'y trouve pas, notamment sur cette distinction fondamentale entre stabilisation du revenu et niveau de revenu assuré, qui nous inquiète le plus et qui devrait inquiéter sérieusement tous ceux qui se soucient de l'avenir du grand complexe agroalimentaire du Québec.

L'article 29 de l'avant-projet de loi faisant référence à un revenu stabilisé; les notes explicatives faisant état que les producteurs seront assurés de percevoir en recettes une somme correspondant à leur coût de production "additionné d'un revenu annuel net déterminé par le régime"; le document sur la problématique affirmant que "ces objectifs pourront partiellement être atteints par une politique de revenus garantis aux producteurs agricoles", nous nous croyons justifiés de profiter de l'étude de ce projet de loi pour poser la question au gouvernement: "Qu'entendez-vous par un revenu garanti?" "A quel niveau entendez-vous placer ce revenu stabilisé et, surtout, parquel moyen pratique entendez-vous fixer ce niveau?"

Le projet de loi n'apporte aucune précision à ce sujet. De plus, comme il s'agit d'une loi-cadre, nous présumons que "le revenu net annuel déterminé" à assurer aux producteurs agricoles pour tel ou tel genre de production sera fixé par des règlements ultérieurs à l'acceptation du présent projet de loi. Impossible, actuellement, d'en connaître la teneur.

Cette incertitude quant à la conception du gouvernement en matière de niveau de revenus à assu-

rer aux agriculteurs s'aggrave du fait que les experts, dans leur étude de la problématique, ont tenu à mettre en évidence que l'équilibre de la stabilisation des revenus agricoles n'est affecté qu'à 6% par les aléas de la nature, alors qu'il est affecté jusqu'à 48% par les variations des prix du marché. D'où la tentation possible de vouloir établir une relation de cause à effet entre la fixation des prix du marché et le niveau de stabilisation des revenus agricoles et de tenter de justifier un plus grand degré de contrôle des marchés, avec l'illusion de pouvoir faire, sur le plan national, même avec une nouvelle loi fédérale modifiée, ce qu'on n'est pas capable de réussir sur le plan provincial.

Si vous ajoutez à toutes ces appréhensions le fait qu'il n'y a aucune limite imposée par le projet de loi à la faculté du gouvernement de puiser dans le fonds consolidé de la province pour soutenir de tels régimes de revenus garantis, vous comprendrez que l'industrie alimentaire se croit justifiée de demander des précisions sur des questions qui relèvent implicitement du fonctionnement du projet de loi d'assurance-stabilisation du revenu agricole.

En toute équité, nous reconnaissons que le ministre de l'Agriculture du Québec a apporté une série de précisions sur la philosophie de cette législation lors de sa conférence à la Fédération canadienne des producteurs laitiers, en janvier dernier. Dans cet exposé, le responsable de l'agriculture au Québec livre sa conception du producteur agricole et de son comportement possible dans le contexte économique nord-américain. Comme cet exposé, par un curieux concours de circonstances, n'a pas été porté à l'attention du public par les media d'information, nous en présentons ci-après la synthèse:

Une politique de revenus pour les agriculteurs doit s'inscrire dans une politique globale de revenus pour l'ensemble des citoyens. Il n'est pas question de classifier les citoyens et de faire des cultivateurs une classe de soutenus ou d'assistés sociaux.

L'agriculteur est d'abord un entrepreneur — non un ouvrier spécialisé — qui prend le risque de se lancer en affaires pour son propre compte dans un secteur économique dans lequel il a foi. Le véritable producteur agricole, c'est l'entrepreneur qui produit des biens agricoles à des prix concurrentiels, selon des techniques efficaces de production, de gestion, de mise en marché, en volume suffisant pour lui procurer le revenu qu'il désire. Il doit alors accepter les risques d'être propriétaire d'une entreprise oeuvrant en concurrence dans un pays à économie libérale.

Considérer les agriculteurs comme des salariés dont le niveau de revenus dépend de leur capacité d'arracher des subventions au gouvernement, c'est courir vers la disparition de notre agriculture.

Si la parité de revenus entre agriculteurs et travailleurs spécialisés devait se réaliser par le biais d'un transfert de revenus entre consommateur et agriculteur, on ne saurait le faire sans poser des questions sur la qualité de la gestion, des techniques et des structures de production agricole prévalant actuellement.

M. le Président, je vous demande de me permet- tre d'ajouter ici une citation qui rend encore plus justice à ce document. Je cite: "Ceci ne veut pas dire que nous n'encouragerons pas, à court terme, des hausses justifiées de prix pour certains produits agricoles. Ceci veut dire que nous continuerons à prendre tous les moyens nécessaires pour garder les prix les plus concurrentiels possible entre les diverses régions canadiennes et même nord-américaines". Page 12 du texte du ministre.

La parité ne peut s'arrêter au contenu du compte de banque à la fin d'une année, mais doit être vue dans le cadre de niveaux de vie comparables, dans le cadre d'un revenu permettant la qualité de vie recherchée par chacun. Il faut à ce sujet tenir compte que l'agriculteur accumule un patrimoine sans cesse croissant et en grande partie à partir de prêts dont le taux d'intérêt est très peu élevé. Il citait, à ce moment, une moyenne de 3.76% pour l'ensemble des années 1968 à 1972.

Plusieurs moyens sont à la disposition de l'agriculteur pour augmenter son niveau de revenus nets: ce sont les mêmes qui sont utilisés par les entreprises industrielles et commerciales.

L'adhésion à un programme de stabilisation comporte l'obligation de tenir une comptabilité adéquate afin de contrôler le degré d'efficacité.

La parité n'est réalisable qu'à partir d'une taille d'entreprises permettant de réaliser des économies d'échelle. Il est plus rationnel de chercher une amélioration de revenus dans un rendement optimal plutôt que dans des augmentations de prix.

Il y a un effort collectif extrêmement sérieux à entreprendre pour faire passer l'agriculture à l'âge de l'utilisation optimale.

Il est primordial de maintenir le jeu normal des prix sur le marché. Les mécanismes de négociation doivent demeurer. Tout en donnant aux producteurs une marge de base pourfaire face à leurs obligations à court terme, il faut laisser le marché suivre son cours normal.

Enfin, tout en travaillant à stabiliser les revenus agricoles, il faut permettre au Québec de développer le plus haut niveau d'autoapprovisionnement pour certains produits, grâce à une confiance accrue que fera naître un plan de stabilisation de revenus, permettant ainsi d'établir des programmes de production à long terme; il faut assurer une stabilité dans l'approvisionnement des industries de transformation de produits agricoles — pour nous, c'est fondamental — afin que celles-ci puissent mieux planifier leur expansion; il faut un mécanisme souple pour favoriser l'expansion ou la contraction de certains secteurs particuliers.

Nous ne pouvons éviter — c'est la fin de notre analyse de ce texte qui, nous l'espérons, colle aux énoncés du ministre; d'ailleurs, nous avons des références pour chacun des paragraphes de son texte — de faire un rapprochement entre cette prise de position courageuse, ces énoncés de politique du responsable de l'agriculture du Québec en janvier 1975 et l'essentiel d'un éditorial de la publication de la Coopérative des producteurs de lait de Montréal qui, dès novembre dernier, se résumait en ceci, et nous citons: "Cultiver la terre à salaire fixe et régulier, c'est possible. Cela se fait couramment en

Russie et en Chine. Là-bas, la terre appartient au peuple. Le patron, c'est le groupe qui habite la ferme collective. Le salaire est fixé par le groupe, il est égal, il est juste, il est équitable, il est minable.

Chez nous, le cultivateur est propriétaire de sa terre, de ses dépendances, roi et maître chez lui, jaloux de sa liberté. Il a investi de l'argent et des sueurs dans le sol, l'équipement, les bâtiments. Le fruit de ses investissements et la rétribution de son travail s'expriment en chiffres: rendement de tant pour cent, intérêt de tant pour cent sur le capital, profit net de tant pour cent. Bref, le cultivateur de chez nous n'est pas autre chose qu'un chef d'entreprise capitaliste, au même titre que le citoyen qui investit son argent et ses énergies dans les mines, les forêts, les manufactures, la finance, etc. Comme chef d'entreprise capitaliste, le cultivateur doit accepter de courir certains risques, comme tous les autres chefs d'entreprises capitalistes: les fluctuations de l'offre et de la demande, les fantaisies des taux d'intérêt, l'inflation, etc. Le Québécois qui veut absolument tirer de la terre un revenu fixe et régulier n'a qu'une chose à faire: travailler comme engagé dans une ferme du voisinage..." Fin de la citation d'un éditorial d'un organe publicitaire d'une grande coopérative de la province de Québec.

Tout en invitant le lecteur à s'abstenir de rêver, l'éditorialiste souligne tout de même, avec raison, que les cultivateurs ont raison de protester quand une économie ou une politique agricole les empêche de poser, au bon moment, les gestes nécessaires au succès de leur entreprise.

Dans le même ordre d'idées, nous avons relevé dans les commentaires qui accompagnaient la récente déclaration de la Régie des marchés agricoles du Québec sur le prix du lait des énoncés de même nature sur la rentabilité, les coups réels de production à la ferme, l'appréciation de la productivité, les revenus des producteurs capitalisés en valeurs de ferme et le reste, que l'on tente actuellement de traduire dans des formules d'indexation. Or, il ressort donc de tous ces énoncés que la maximalisation du revenu agricole et la garantie que ce revenu se maintiendra à un niveau qui assure une rentabilité comparable à celle des autres entreprises d'exploitation de nos ressources naturelles ne peuvent reposer sur un texte de loi ni sur des règlements fixant des conditions artificielles de marché. Quant à l'exposé-thèse du ministre de l'Agriculture, il se situe dans la ligne d'une politique globale agroalimentaire qui colle à la réalité économique du marché national et international.

Cet exposé-thèse renferme les éléments susceptibles de garder un régime de stabilisation du revenu agricole dans les limites qui préviennent la création de situations économiques incompatibles avec les exigences du marché canadien et continental.

Malheureusement, rien dans le projet de loi devant nous ne traduit ces données fondamentales. Nous admettons qu'un texte de loi n'est pas une déclaration de politique économique. Une loi peut tout de même, au chapitre des définitions, dans la description des mécanismes administratifs, dans l'énumération des pouvoirs des intervenants, comporter un ensemble de précisions qui traduisent les lignes de force, par exemple, d'une politique économique agro-alimentaire.

Ainsi, nous ne trouvons rien relativement aux critères de rentabilité qui seront utilisés dans le mécanisme de stabilisation des revenus, les secteurs de production agricole où ils seront utilisés, la manière dont ils seront appliqués. Si l'on tient compte des difficultés que suscite l'acceptation d'une formule d'indexation du coût de production du lait à la ferme, ne doit-on pas craindre les mêmes difficultés dans le choix des critères de rentabilité si le législateur n'en détermine pas d'avance les principes directeurs? Nous voulons ajouter ici que, dans toute tentative d'établir une équation prix-coût, le prix doit toujours tenir compte du prix des mêmes matières premières qu'on peut se procurer ailleurs. Ailleurs, pour nous, ça veut dire dans les autres provinces et aux Etats-Unis. Incidemment, ce n'est pas notre but de faire un traité sur les prix. On parle de stabilisation des revenus, mais si on veut mieux comprendre les difficultés qu'on a actuellement à indexer ou avoir une formule qui nous permette d'indexer raisonnablement les coûts de production à la ferme, c'est précisément ce facteur, en plus des deux autres que vous connaissez déjà qui vous ont été expliqués à l'Assemblée nationale, dont il faut tenir compte, mais celui-là aussi est fondamental.

Une caisse de compensation comportant la nécessité de prélever des contributions au moment où les prix sont les plus favorables pour les cultivateurs, de manière à pouvoir les utiliser comme coussins lorsque le marché se détériore, se pourrait-il que cette préoccupation normale de remplir la caisse se traduise par des prix artificiellement élevés? Parquel moyen va-t-on alors maintenir des prix artificiellement élevés dans notre régimede concurrence? Est-ce que dans un tel contexte de prix différents, suivant qu'il s'agira de produits agroalimentaires provenant du Québec ou de l'extérieur, il faudra prévoir le même mécanisme de compensation au niveau des prix de revente aux consommateurs? En d'autres termes, est-ce qu'un régime de stabilisation du revenu agricole devra nécessairement être assorti d'un ensemble de subventions compensatoires au niveau de la consommation, subventions qui ajouteraient au coût du maintien d'un régime de stabilisation des revenus agricoles par l'Etat du Québec, parce que c'est encore le même Etat qui paierait les subventions?

Comment le ministre de l'Agriculture peut-il soutenirque l'instauration de ce régimede stabilisation de revenus devra s'accommoder du comportement d'un marché de libre concurrence puisque ce régime de stabilisation repose sur le fonctionnement des plans conjoints de mise en marché qui sont des mécanismes de contrôle et de direction de l'offre, en mesure de créer la rareté artificielle par le jeu des quotas de production et habilités à exercer des contraintes quant à la classification des produits mis en marché?

La loi ne prévoit rien pour empêcher que les opérations de stabilisation qu'elle autorise ne soit identifiées à une subvention massive de l'agriculture et devienne un obstacle de taille lorsqu'il

s'agira d'exporter nos produits agricoles alimentaires, compte tenu de la nature des ententes internationales du genre de GATT. Quelles mesures seront prises dans la loi ou les règlements pour prévenir toute accusation de violation des ententes auxquelles le Canada est partie?

L'avant-projet de loi sur l'assurance-stabilisation du revenu agricole ne répond pas à ces questions.

Nous comprenons qu'une série de règlements découlant de ladite loi pourraient prendre soin ou clarifier plusieurs de nos inquiétudes. Nous nous trouvons donc dans la situation difficile de nous prononcer sur les implications d'une loi que nous devons nécessairement retrouver dans des règlements que nous ne connaissons pas.

En conséquence, le Conseil de l'alimentation du Québec recommande formellement aux autorités concernées de retarder la sanction ou la mise en vigueur du projet de loi jusqu'à ce que les principaux règlements, qui doivent nécessairement en découler, aient été étudiés par les parties intéressées et que celles-ci aient eu l'opportunité de faire connaître aux législateurs leur attitude au sujet desdits règlements.

Cette attitude nous est dictée par certaines appréhensions, fruits d'expériences que nous avons eues dans le passé en matière d'application de lois agricoles touchant la mise en marché et le développement des débouchés pour nos produis agroalimentaires. Un projet de loi comme celui que nous avons devant nous pourrait être un instrument efficace de stabilisation de l'agriculture du Québec, s'il n'y avait pas risque sérieux qu'il débouche, par ses règlements et par la force des pressions q u'il pourra susciter, vers des formes de dirigisme incompatibles avec notre économie de marchés ouverts. Nous craignons de nous retrouver, encore une fois, dans une situation de fait qui traduise la grande illusion qu'entretiennent certaines élites agricoles et gouvernementales, c'est-à-dire celle de penser que nous allons imposer de force nos productions agro-alimentaires au marché de consommation québécois, canadien ou international; celle de croire sauver l'agriculture en donnant une force de marchandage aux cultivateurs, sans se préoccuper en même temps de leur donner les moyens pratiques de développer les marchés existants et d'en créer de nouveaux pour placer nos productions agro-alimentaires québécoises.

Il y a plus encore. Ce projet de loi, par l'interprétation et l'orientation que pourraient lui imprimer ses règlements, pourrait être un premier pas vers une politique spécifique — nous soulignons ici le mot spécifique — de transfert du revenu du citoyen vers une plus grande appropriation pour les fins de l'alimentation. Ce transfert accéléré et à court terme du revenu peut se faire de deux manières: ou bien l'Etat, par des mesures de dirigisme en matière de prix et de contrôle sur la répartition du dollar du consommateur entre tous les agents de la chaîne alimentaire, garantit aux producteurs agricoles des niveaux de prix objectifs; ou bien l'Etat, par le jeu des subventions aux consommateurs atteint les mêmes fins, tout en évitant d'avoir à opérer dans une économie fermée. Dans les deux cas, c'est le contribuable ou le consommateur qui assume le fardeau du transfert du revenu. A remarquer que cette thérapie du transfert forcé des revenus peut être justifiée en certaines circonstances critiques. Il se pourrait fort bien que nous soyons en train de vivre ce phénomène depuis quelques années par le jeu des forces du marché libre et qu'une bonne part des augmentations dans le prix des aliments, que nous attribuons aux pressions inflation-naires, ne soit le résultat de ce transfert accéléré du revenu au bénéfice des besoins de l'alimentation.

Ici, M. le Président, nous n'inventons rien puisque le ministre fédéral des Finances, dans son dernier rapport, a précisément consacré, je crois, une partie importante de son exposé à ce fait. Il a mis ensemble l'alimentation et le pétrole, en disant: Dans le moment, en dépit des forces normales du marché de l'offre et de la demande, nous vivons un procédé économique qui s'appelle un transfert activé du revenu du contribuable canadien vers deux priorités majeures de notre économie: se nourrir et avoir l'énergie pourfaire fonctionner notre système.

Ce même genre de déclaration avait été fait il y a un an par le président de la Banque Royale du Canada, lui aussi, qui avait mis en garde contre le fait d'attribuer exclusivement aux forces inflationnaires normales les augmentations massives de prix des aliments. Il avait dit également qu'on devait les attribuer précisément à un transfert de revenus qui est fait d'une façon très active par le ministère fédéral de l'Agriculture, qui joue dans ce domaine un rôle déterminant par ses politiques laitières, par exemple.

Je vous donne un exemple. Depuis 1970 — on va prendre un exemple pratique dans la province de Québec — le prix du lait de consommation est passé de $7 à $12.21. Cela veut dire environ plus que 70% d'augmentation.

En régime normal de marché, il aurait été impossible de réaliser un tel accroissement dans un espace de temps aussi limité, si cela n'avait été la nécessité de donner aux producteurs ce dont ils avaient besoin pour faire face à une partie de leur coût. Nous donnons ces renseignements à l'appui de cette thèse qui, encore une fois, est très défendable, mais c'est ce que nous voulons dire. Dans ce contexte, si c'est l'intention de l'Etat d'être l'initiateur d'un tel transfert de revenus, qu'il le dise clairement afin que ceux qui seront appelés à en payer le coût soient parfaitement informés de l'effort collectif qu'on leur demande de faire pour des raisons supérieures de développement et de consolidation de l'agro-alimentaire québécois.

Dans l'exposé-thèse, auquel nous avons déjà fait référence, le ministre de l'Agriculture d u Québec regrette que les producteurs agricoles n'aient pas utilisé tous les moyens à leur disposition pour améliorer leur sort, qu'ils n'aient pas encore suffisamment axé leurs efforts vers une organisation adéquate de la production et de la mise en marché de leurs produits, qu'ils ne se soient pas assez souciés de se donner des structures de mise en marché qui aillent plus loin que le simple contrôle de l'offre de leurs produits.

Nous revenons donc tous à un seul et même énoncé de sens commun, soit que toute loi du genre de celle qui fait l'objet de cette audience publique demeure toujours uniquement un moyen pour parvenir à la fin principale, à l'objectif primordiale, qui est celui de réussir à vendre les produits agroalimentaires du Québec aux meilleures conditions possibles sur tous les marchés accessibles. C'est cette partie qui semble manquer dans toute l'histoire. Les mots "stabilité" et "parité" ne veulent rien dire dans une politique globale agro-alimentaire et n'apporteront jamais rien si les initiatives qu'ils décrivent ne parviennent pas à impliquer l'industrie alimentaire du Québec, ne rejoignent pas les centres de décision qui sont ailleurs aujourd'hui qu'au palier de la production primaire — C'est de la folie furieuse que de continuer à parler comme on le fait aujourd'hui, on va tout régler ce problème au niveau de l'agriculture, quand on sait où sont situés les centres de décision — si on ne suscite pas un meilleur équilibre dans les mécanismes de mise en marché.

Qu'on nous permette de décliner sommairement les facteurs que nous considérons essentiels pour assurer une véritable stabilité du revenu agricole et une meilleure parité avec les revenus des autres entrepreneurs industriels. En passant, vous me permettrez ici, au nom de ceux que je représente et comme contribuable de la province de Québec qui paie ses taxes comme tout le monde, de vous faire remarquer, en commençant cette partie, qu'on en a marre de se faire dire par tout le monde et par n'importe qui, des gens non informés et qui devraient l'être, parce qu'ils représentent des partis, qu'on n'a jamais rien, qu'on n'a jamais de programme, qu'on ne sait pas où on va. Je l'ai moi-même entendu ce matin, je regrette que l'intimé ne soit pas ici. Vous lui ferez part de mes réflexions. Il y en a des programmes, on sait ce qu'il faudrait faire. Le problème, par exemple, c'est qu on semble parler dans le désert. Cela doit faire au moins sept ans qu'on se présente ici devant les comités parlementaires de l'agriculture pour proposer des formules. En toute justice et équité, nous l'avons dit dans notre document, nous sommes très fiers de voir que nous avons un ministère de l'Agriculture qui, actuellement, a une politique, veut en avoir une, veut l'expliciter, veut la faire mieux comprendre. On y participe, ce n'est pas une honte, on ne s'en cache pas. Nous sommes très heureux d'y participer avec les gens de l'agriculture. Qu'on cesse de dire pour la galerie que nous sommes encore absolument dans le vague dans ce domaine. Voici ce qu'on suggère, d'une façon pratique, pour rester collés à la réalité:

On voudrait d'abord qu'on mette fin à l'illusion, entretenue chez les producteurs agricoles, selon laquelle ils sont les seuls maîtres de leur destinée et qu'ils peuvent imposer leurs produits à n'importe quelle condition au marché de consommation. Que l'on redécouvre l'existence de l'industrie alimentaire du Québec, ce géant qui occupe une place prépondérante dans l'économie québécoise et dont les activités industrielles et commerciales ne dépendent pas nécessairement du comportement de la production agricole du Québec. C'est la première et la principale industrie.au palier du manufacturier etdu commerce (à l'exclusion de l'agriculture), c'est la première quant à la valeur des expéditions industrielles, quant à la valeur ajoutée, quant au nombre des établissements industriels et commerciaux et les salaires totaux. Cette industrie, par ses deux secteurs majeurs, les prod uits laitiers et les viandes, est au second rang de nos 74 secteurs économiques comme agent multiplicateur d'emplois et au troisième rang comme agent multiplicateur de revenus au Québec.

Que l'on comprenne toute la portée de cette situation de fait et qu'on implique ce géant industriel dans le développement de notre agriculture, au lieu de le tenir toujours à l'écart des politiques de relance et de consolidation de l'agriculture comme ce fut trop longtemps le cas dans le passé. Il est encore temps d'implanter un complexe agroalimentaire québécois bien à nous, reposant sur une ressource naturelle vitale encore sous notre contrôle au bénéfice d'une classe sociale, les agriculteurs, dont nous avons absolument besoin, et pour la prise en charge d'une industrie déterminante à garder au service de l'économie québécoise. Pour faire cette prise en charge, il va falloir, à un moment donné, si les parties intéressées, si les classes de la société ne sont pas capables de la faire elles-mêmes, qu'au moins le leadership de ceux qu'on élit donne l'orientation qu'il faut donner dans ce mouvement, au lieu de dresser les uns contre les autres. J'en ai marre personnellement d'entendre parler des multinationales, quand, encore une fois, nous avons dans la province de Québec plus de 12,000 entreprises. Est-ce que ces 12,000 entreprises sont des entreprises contrôlées par les Etats-Unis ou par l'étranger? Sont-elles des entreprises dans lesquelles c'est le capital des Québécois qui est là-dedans? Non, on parle avec aisance de tous les centres de décision ou de tous ces organismes qui sont menés, dirigés de l'étranger par des étrangers. Je crois que, dans ces 12,000, il y a passablement de chefs d'entreprises qui donnent de l'emploi, à part de cela, à 60,000 personnes dans la province de Québec, je crois qu'il y a passablement de Québécois respectables là-dedans. S'ils n'ont, comme les cultivateurs, qu'un objectif de développer un régime agro-alimentaire qui soit nôtre, rien contre ceux qui peuvent venir et qui aident actuellement parce qu'on n'est pas là, quand on crée un vacuum, il faut laisser le vacuum se remplir pard'au-tres. C'est vrai en économique comme dans toutes les autres questions que vous touchez ici, à l'Assemblée nationale.

Encore une fois, par souci de ne pas prendre le temps de la commission, c'était bien mon intention ce matin de vous donner quelques notes sur l'importance de ce géant économique. Je me demande si, encore une fois, pour l'intelligence de la question, je ne devrais pas le faire. Je tiens pour acquis que vous connaissez déjà l'importance que cela représente au point de vue de l'emploi, au point de vue de l'investissement de capitaux dans la province de Québec, l'industrie agro-alimentaire qui, encore une fois, est différente de l'agriculture, je veux dire qu'on ne doit pas compter cela ensemble. La res-

source naturelle et ceux qui l'exploitent, c'est une chose. Ceux qui prennent cette matière première pour la transformer chez nous, pour créer de l'emploi chez nous, pour développer des marchés pour les produits agricoles qu'on voudrait rendre plus populaires, c'est un autre groupe qui le fait. Encore une fois, nous sommes étonnés parfois de voir des gens en autorité mélanger les deux. C'est un fait. Actuellement, nous commandons $3.2 milliards par année de vente de produits agro-alimentaires au Québec. Il y a l'industrie du tourisme — je me réfère à celle-là, parce que les journaux en ont parlé récemment, on disait que c'était la première industrie du Québec, elle est bien loin en arrière de cela — et l'industrie des pâtes et papiers, elle est encore bien plus loin en arrière de cela. L'industrie alimentaire du Québec génère cela, une valeur de $3.2 milliards actuellement de produits qu'on met sur le marché. L'objectif, il me semble, de tout l'agro-alimentaire, cela devrait faire que ces $3.2 milliards soient faits de produits de matière première venant des fermes du Québec. Malheureusement, ce n'est pas le cas. C'est cela la question, il faudrait se poser la question, je crois, avant d'investir de l'argent pour faire des enquêtes, pour savoir si des intermédiaires font des profits éhontés. En passant, à mon âge, je connais actuellement la 17e enquête du gouvernement fédéral sur les profits éhontés des intermédiaires. S'il avait fallu mettre au cachot tous ces bandits en redingote qui, d'après ces gens, circulaient dans nos rangs, les prisons ne seraient pas assez grandes pour tous les contenir aujourd'hui.

Vous savez, les gens qui ont vécu, les gens du milieu, ce n'est pas à nous que vous allez venir faire des accroires de ce genre. Alors, faites-en des enquêtes, mais ce serait peut-être plus intelligent — je vous le soumets respectueusement, M. le Président — de prendre l'argent que vous mettriez dans les enquêtes et de faire du travail actif pour voir comment on pourrait vendre les produits du Québec. Dans les $3.2 milliards de valeur de production qu'on met sur le marché, essayez donc de vous demander d'abord exactement le pourcentage qui vient des fermes du Québec là-dedans, et, quand vous allez constater que c'est franchement pas alarmant, mais triste de voir la faible part qui vient encore de chez nous, qu'on fasse donc quelque chose ensemble, mais pas avec le moyen facile de la démagogie qui consiste à monter les classes les unes contre les autres, mais d'une façon constructive.

Que l'on ouvre les yeux et qu'on se hâte de tirer les conclusions qui découlent du fait que les centres de décision, dans notre économie de marché, ne sont plus au niveau de l'agriculture, ni au niveau de l'industrie, mais au niveau des grands réseaux de distribution.

Ici, je voudrais faire bien comprendre le centre de décision pour nous, je vais vous en donner une image. Ce matin, quelqu'un, dans un bureau quelque part, prend le téléphone, place une commande de produits transformés ou a transformer, ce qui signifie une augmentation de $2 l'unité pour les cultivateurs ou un an ou deux de misère pour les cultivateurs. C'est ça un centre de décisions dans le moment. Ces centres de décision, ce n'est pas l'UPA. Ces centres de décisions, ce n'est nulle part chez vous. Ce n'est nulle part dans aucune de nos usines. C'est dans les grands centres, aujourd'hui, les réseaux de distribution. Et le système économique est fait comme cela. Il n'y a personne qui va changer cela.

Alors, bon nombre de ces centres de décision ne sont même pas au Québec, ils ne sont même pas au Canada. Ils sont à Chicago. Ils sont à New York, bientôt ils seront à Tokyo.

Le ministère de l'Agriculture du Québec poursuit actuellement une recherche très révélatrice à ce sujet. Nous en sommes très heureux. Nous sommes très fiers. Encore là, il donne la preuve qu'il est averti des problèmes, il cherche, actuellement, à identifier où sont situés exactement ces centres de décision. Les intéressés ont eu l'occasion, ont eu accès à ces documents, ont pu travailler là-dessus. Au moins là, il se fait quelque chose de constructs.

Il est grand temps qu'on cesse de se prendre pour d'autres dans ce domaine et qu'on réoriente nos politiques de mise en marché sur une base d'actions collectives de tous les agents économiques de l'agro-alimentaire, sans quoi, il n'y aura bientôt plus de revenus agricoles à stabiliser au Québec. La loi que nous étudions n'aura plus d'utilité.

Que l'on cesse de bâtir des régimes de mise en marché de nos produits agricoles comme si nous vivions en marché fermé ou dans une économie captive, aux niveaux national et continental, nous opérons en régime d'économie libérale, et encore une fois, sans que ce soit de notre faute. Puis, il n'y a aucun contre-courant dans le moment, organisé, régime politique qui nous fait prévoir que, dans X mois ou X années, il y aura autre chose. Pour les cultivateurs, pour nous qui prenons nos matières premières, pour les consommateurs qui ont intérêt à savoir ce qu'on fait avec leur argent, on n'a pas le choix, nous autres, d'attendre des années, il faut se conformer au régime actuel qui régit l'ensemble de l'Amérique du Nord. Il nous faut faire face à une concurrence impitoyable, à part cela, on semble ignorer trop souvent, entre les diverses régions canadiennes et américaines.

Le Coopérateur agricole, publication de la Coopérative fédérée de Québec, faisant la revue de l'année 1974, soulignait la dépendance de l'agriculture canadienne et québécoise des conditions agricoles prévalant dans tous les pays occidentaux et mettait en garde, contre le danger des attitudes qui s'inspirent de l'isolationnisme économique: "L'agriculture québécoise, sur le double plan de son approvisionnement et de la mise en marché de ses produits, n'est pas une activité économique isolée à l'intérieur du Canada, aussi bien qu'à l'intérieur du continent nord-américain et du monde occidental. Cette situation lui vaut à la fois des inconvénients et des avantages, les uns et les autres changeant constamment dans le temps et dans les produits. Nous n'avons pas le droit de laisser croire que notre agriculture est assez puissante et que notre marché alimentaire québécois est assez important pour éviter une grande dépendance des forces extérieures".

Qu'on soit réaliste et, à la lumière de plusieurs expériences cuisantes des dernières années, qu'on réalise enfin que le marché commun canadien, actuellement, assuré par la confédération, ne permet pas d'établir des zones de production complémentaires pour nos principaux produits agricoles de base. Nous ne pouvons capitaliser sur la complémentarité pour orienter nos productions. On produit la même chose ou presque d'un océan à l'autre. Par contre, toutes les régions économiques du pays s'arrachent nos trois seuls grands marchés de consommation alimentaire, Montréal, Toronto et Vancouver. Puis Montréal, c'est le premier parce que c'est le premier.

C'est la loi de la jungle, en dépit des ententes et des mécanismes nationaux de mise en marché, dans la plupart des domaines de la production agricole, sauf celui du lait. Ce sont les difficultés propres à tous les marchés communs du monde, surtout là où il n'y a pas de complémentarité.

Nous avons dans l'Ouest le blé. Nous avons dans l'Est le produit laitier. Mais, encore une fois, impossible d'avoir du rendement en production laitière, si nous n'avons pas de quoi nourrir nos animaux. Et pour cela, nous dépendons de l'Ouest. Inversement, on produit du lait, et, de la production laitière aussi, il y a une certaine production animale qui découlerait de cela. Dans les autres provinces, on nous fait la même concurrence. Sauf ces deux grands paliers où on pourrait espérer avoir une stabilité — on l'a d'ailleurs, dans le lait, d'une façon relative; dans le blé, on ne l'a pas — vous savez l'histoire des grains de provende — mais dans tout l'ensemble des autres secteurs à développer, c'est la concurrence la plus sauvage qui puisse exister.

Vous nous permettrez de dire, nous qui sommes dans l'industrie et le commerce, qui connaissons cela, sans qu'on puisse nous taxer d'être des séparatistes, qu'il est très difficile de vivre dans le monde économique avec les lignes de force telles qu'elles existent au Canada. C'est pour cela qu'on insiste tellement pour que nos Québécois soient réalistes.

Dans le monde économique, pour nous, la confédération, c'est un mariage de raison, ce n'est pas un mariage d'amour. Dans le monde économique, le seul moyen de se faire respecter, c'est d'avoir pas mal d'argent dans nos poches et de mettre les gens devant les faits accomplis dans les autres groupes. C'est peut-être comme cela que la confédération pourra survivre.

D'où l'erreur de croire qu'on pourra réussir, sur le plan national canadien, ce qu'on ne peut pas faire sur le plan provincial, en matière d'imposition, par décrets, au marché de la consommation, de contraintes dans la recherche, par le consommateur, du meilleur produit au meilleur prix. Que l'on concentre les efforts collectifs de tous les agents de la chaîne alimentaire québécoise, d'une part sur l'augmentation de la productivité à la ferme et sur la spécialisation dans la production. Et M. Toupin, dans son exposé, a très bien tracé le tableau actuellement de ce niveau de productivité, le nombre de fermes qu'on pourrait retenir, dont on a besoin réellement pour donner tout ce dont on a besoin, comme production, pour répondre aux nécessités de l'alimentation du Québec et exporter en plus. D'une part, ce travail de spécialisation du côté de la ferme, d'autre part, sur la réorientation des industries alimentaires vers les secteurs de pointe de première et seconde transformation, sur l'innovation dans la présentation de produits mieux adaptés aux besoins des consommateurs et sur l'ouverture des réseaux de distribution à la commercialisation systématique des produits agro-alimentaires québécois. Nous voudrions que vous saisissiez le sens de ces trois dernières lignes. Précisément, une des avenues, probablement, les plus critiques actuellement à franchir par le ministère de l'Agriculture, c'est celle de rejoindre les centres de décision dont on vous parlait tout à l'heure, pour tâcher de les amener à jouer le jeu du Québec, le jeu qui veut dire aider notre agriculture à survivre, à se développer. Et toutes les industries qui en découlent, qui créent de l'emploi et qui créent une richesse nationale chez nous, qu'elles puissent également se développer. Que l'on capitalise sur l'état déficitaire de la plupart de nos productions, au plan de l'autosuffi-sance à améliorer, pour déterminer les secteurs où faire porter les efforts de développement. Nous nous référons ici aux mets cuisinés, aux produits surgelés, aux "snackfoods" et le reste. Tirer parti du fait que nous avons chez nous le plus grand marché de consommation alimentaire au Canada pour roder cette nouvelle orientation dans la production de nouveaux produits agro-alimentaires, basée sur la spécialisation et l'innovation, de manière à nous préparer à prendre place sur les marchés extérieurs, et porter un soin particulier à une production agroalimentaire de qualité contrôlée, par un régime de classification etd'inspection, au service des intérêts du Québec.

M. le Président, ce dernier membre de phrase signifie cela en mots clairs, des régimes de qualité contrôlée, ça fait très bien l'affaire dans d'autres provinces, souvent au détriment des produits du Québec.

Que l'exportation devienne une priorité pour le complexe agro-alimentaire. Le temps est venu de mettre à profit le marché de 50 millions d'Américains qui vivent à nos portes dans le triangle Montréal, New York, Chicago et de tirer avantage du glissement sur les marchés mondiaux vers le boeuf, le porc et les huiles végétales. Le contexte mondial de pénurie alimentaire nous permet, encore pour un bon moment, d'écouler nos surplus dans le Tiers-Monde, d'où nécessité d'une participation plus directe du Québec à l'orientation des activités de l'ACDI.

Ce serait peut-être une manifestation de fédéralisme rentable. Vous pouvez compter sur la collaboration des spécialistes de la chaîne alimentaire pour orienter vos politiques dans cette avenue nouvelle du marketing "export". La collaboration avec le gouvernement fédéral, dans ce domaine, est indispensable.

Que dans l'ordre des moyens pratiques, au niveau des parties impliquées, on accepte de rechercher un meilleur équilibre dans l'application de la Loi des marchés agricoles du Québec. Qu'après avoir négocié avec les acheteurs les conditions de

base de mise en marché de leurs produits, les producteurs fassent équipe avec les autres agents économiques de la chaîne alimentaire pour chercher à développer les marchés pour les produits agroalimentaire du Québec.

M. le Président, ce que nous disons là, nous étions venus le dire à M. Lesage, cela fait passablement d'années, au moment où on mettait en marche le système des plans conjoints. Le système des plans conjoints donne du rendement dans certains secteurs. Il s'applique très bien surtout dans des productionsqui, par la force des choses ou la nature des produits, ne peuvent être importées d'ailleurs. Je parle, par exemple, du lait. Quand on pense à la quantité d'eau qu'il y a dans le lait, cela serait de la folie furieuse que d'avoir des camions qui transporteraient de l'eau à travers le Canada, pour avoir du lait.

Alors les plans conjoints, ça donne du rendement dans certains secteurs particuliers qui se prêtent à ça, mais dans d'autres, c'est moins bon et cela a l'inconvénient aussi que ça peut laisser à ceux qui en bénéficient — les producteurs — l'impression qu'encore une fois ils peuvent régler tous leurs problèmes par un mécanisme qui leur permet de contrôler l'offre. Dans l'économie où nous vivons dans le moment, on peut contrôler l'offre jusqu'à un certain point pour assurer un niveau raisonnable de revenu, mais ça peut devenir très dangereux si vous contrôlez l'offre "au coton". Parce que vous allez avoir de très beaux plans conjoints, des conventions négociées avec des prix reluisants, puis vous ne vendrez pas le produit.

Ce fut le cas de la tomate rouge, ce fut le cas de la tomate verte. Ce fut le cas de bien des produits où les cultivateurs, sur papier, ont obtenu de très beaux prix, mais ils n'ont pas vendu leurs produits. Alors, nous nous disons, nous répétons de nouveau que la Loi des marchés agricoles conserve le régime des plans conjoints, mais qu'elle prévoie, tout à côté du système des plans conjoints, d'autres formes de régime, des commissions mixtes de vente, des sociétés d'intérêts mixtes. Ce ne sont pas des trouvailles. Cela se fait dans les autres provinces du pays, cela se fait dans le Marché commun européen, en France surtout et en Allemagne de l'Ouest. On met, dans des sociétés qui sont bien adaptées à ça, tous ceux qui ont intérêt à développer un marché — producteurs, transformateurs, ceux qui les financent, les exportateurs — on les met ensemble, puis on forme une société d'intérêts mixtes pour tel produit.

Qu'on ait la faculté ici tout à côté des plans conjoints, que les intéressés — producteurs, transformateurs et même les consommateurs — aient la faculté d'avoir d'autres genres de régime, se prêtant mieux ou collant mieux à la réalité, pour vendre plus des produits du Québec.

Que l'on puisse bénéficier des orientations, des mesures incitatives — genre p'rojet de loi créant une société québécoise d'initiatives agricoles et alimentaires — d'un ministère de l'Agriculture qui cesse d'être un ministère de classe pour devenir un ministère à vocation économique et qui s'est donné, par un plan intégré de développement de l'industrie agro-alimentaire, des objectifs qui s'intègrent dans ceux des grands plans de consolidation de l'avenir économique du Québec.

Le ministère de l'Agriculture du Québec doit se donner les moyens, par des structures appropriées de consultation, d'influencer directement les centres de décision de la chaîne alimentaire du Québec et nous insistons, M. le Président, énormément sur cette question.

Voilà, M. le Président, messieurs les membres, dans l'optique du Conseil de l'alimentation du Québec, les prérequis à la réalisation de l'objectif de parité entre le revenu agricole et le revenu des autres entrepreneurs industriels de la chaîne alimentaire québécoise.

Quant à la stabilisation du revenu agricole, le conseil est prêt à appuyer l'avant-projet de loi devant nous, à la condition que le gouvernement fasse droit aux trois modifications au texte des articles 2, 25 et 36 que nous avons l'honneur de vous faire distribuer, M. le Président, dans le moment.

Je les lis ici: Proposition de modification au texte des articles de l'avant-projet de loi. Article 2, paragraphe c).

A l'article 2, au paragraphe c), ajouter au texte actuel: "Etablir des règles destinées à assurer que le régime de stabilisation du revenu agricole n'aura aucune incidence sur le jeu normal des prix sur le marché et sur les mécanismes de négociation prévus dans la Loi des marchés agricoles du Québec et fixer des plafonds quant à la quantité ou à la valeur d'un produit agricole dont le prix est susceptible d'être stabilisé en vertu de la présente loi". Cette dernière partie étant la reproduction exacte de ce qui se trouve actuellement dans le projet de loi fédéral qui amende la loi fédérale en question.

L'article 25, 7e ligne, après le mot "percevoir", ajouter les mots "en considération d'une compensation pour frais comptables à être négociés par les parties."

Et la troisième suggestion, à l'article 36, ajouter, après le mot "sanction", le membre de phrase suivant — cette loi entrera en vigueur, je crois que c'est comme ça — "qui devra coïncider avec celui de la promulgation des principaux règlements devant découler de cette loi." Pour le reste, nous faisons confiance au ministère de l'Agriculture du Québec et à sa politique globale agro-alimentaire.

Merci aux membres de la commission parlementaire de leur bonne attention.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre de l'Agriculture.

M.Toupin: M. le Président, je n'ai pas besoin de vous dire que je suis tenté de poser plusieurs questions. La première question que j'aimerais poser au Conseil de l'alimentation du Québec est la suivante: elle touche le secteur primaire québécois. J'en aurai tantôt sur d'autres aspects du mémoire.

J'aurais aimé que le mémoire soit un peu plus explicite lorsqu'il parle, par exemple, d'une capacité plus grande de l'agriculture québécoise de satisfaire les plus grands besoins de l'alimentation québécoise. Vous soulignez le problème, mais comment dans votre esprit le voyez-vous, outre une

législation de nature à stabiliser les revenus et non pas les prix, parce que c'est extrêmement important de le distinguer? Il ne s'agit pas dans ce projet de législation de briser quoi que ce soit dans le domaine des structures de prix, parce que le contexte ne nous permet pas de le faire. Il s'agit beaucoup plus, évidemment, d'un revenu à assurer à un agriculteur que d'intervenir au niveau de la fixation des prix.

Donc, j'aimerais que vous cherchiez à expliciter davantage l'idée, pour l'agriculture primaire, de donner plus au secteur de transformation et, en même temps, l'idée des marchés. Comment, par exemple, les agriculteurs peuvent-ils rejoindre des marchés d'abord locaux et comment situez-vous les chaînes de magasins, de distribution actuellement dans ce contexte?

M. Roy (Léonard): M. le Président, d'abord, c'est clair, on s'entend; on ne mélangera pas stabilisation et niveau de revenu. On parle de niveau de revenu. Nous concevons que, dans l'économie agro-alimentaire du Québec, il y a déjà de l'acquis. Il y a quelque chose qui nous est propre et qu'il ne faut pas abandonner. Je parle, à ce moment-là, de cette base stable, quoi qu'il arrive, de cette base stable qu'est l'industrie laitière. Alors, sur cette base stable, nous avons déjà pris des positions comme entreprises, comme producteurs, transformateurs. Sur le plan national, le Québec est en train de devenir "la" province laitière pour tout le Canada. Il y a des forces économiques actuellement, en Ontario, qui sont telles que les usines ferment. Les producteurs trouvent plus de revenus ailleurs que dans la production laitière et on maintient d'une façon un peu artificielle, actuellement, la production laitière de l'Ontario pour éviter que le choc ne soit trop brusque.

Alors, première chose, le Québec dans l'ensemble canadien a une force comme agroalimentation dans l'industrie laitière. Celle-là, on ne doit pas s'illusionner. Si nous produisons dans le moment six milliards à sept milliards de livres, on ne peut pas penser que, dans cinq ans, avec de la stimulation, on en produirait douze milliards, parce qu'il y a un problème qui est humain. Il y a un problème sociologique qui est greffé à ça, c'est-à-dire, que vous n'arriverez pas à faire rester des gens sur des fermes, à faire ce genre de travail qui est nécessité par le genre de production laitière; vous ne gagnerez pas ça dans notre vie moderne d'astreindre des gens à rester là et à faire leur vie avec cela.

Or, la seule compensation qu'on peut avoir, c'est d'abord pour ceux qui sont là de leur assurer le meilleur revenu, le meilleur mode de vie, d'accroître le rendement, par exemple, par vache et de développer la production de lait l'hiver. Alors, c'est de ce côté que nous, industriels, on voit des possibilités, en s'appuyant sur l'industrie laitière, de faire plus de nouveaux produits alimentaires venant de cette source.

Cette source, elle est à nous. Cette base, on n'aura pas besoin d'aller la "courailler " à l'étranger. Cette base, chez nous, encore une fois, on a des chances, étant collé à notre source d'approvision- nement, de faire ce que d'autres entreprises font dans l'Ouest, parce qu'elles sont collées sur le tas de blé. On peut faire des produits, nous autres, qui vont avoirdes chances de franchir, dans n'importe quelle concurrence, les frontières des autres provinces et des Etats-Unis.

M. Toupin: Pendant que vous êtes sur ce point, vous permettez que je pose une sous-question?

M. Roy (Léonard): Oui.

M. Toupin: Je suis d'accord avec vous que le Québec non seulement est en train de devenir, mais est devenu la province laitière du pays. Les statistiques le démontrent très nettement, mais ce qui, par ailleurs, m'inquiète, et là, je m'adresse directement au secteur industriel, je suis bien conscient que le secteur industriel doit compter sur l'Etat de temps en temps, je suis d'accord, mais je dois aussi affirmer, je dois aussi compter que, dans un contexte économique comme celui que vous nous avez décrit, l'industrie a aussi son rôle à jouer dans le contexte où vous l'avez décrit.

Ceci m'amène à poser la question suivante: Comment se fait-il qu'on importe beaucoup de fromages spécialisés et qu'on ne soit pas capable encore de trouver des entreprises québécoises qui s'y intéressent?

M. Roy (Léonard): M. le Président et M. le ministre, précisément, ce problème que vous soulevez, nous sommes en train de l'étudier en profondeur, parce que nous avons, constaté que, chez nous, par des voyages à l'étranger, nous nous sommes rendus compte qu'il y avait moyen de produire chez nous, avec des recettes de l'étranger, les meilleurs fromages du monde avec le lait de nos producteurs.

M. Toupin: Vous êtes encore en état de vous en rendre compte actuellement. Vous ne...

M. Roy (Léonard): Oui. Seulement, dans le moment, le grand problème pour ceux qui désireraient investir de l'argent, soit des Québécois tout seuls, soit avec l'apport de capitaux de l'étranger, c'est qu'on n'a pas de lait au bon moment, au bon endroit, pour faire ces fromages. Vous allez dire c'est aberrant, puisqu'à certaines périodes de l'année, notre lait s'en va sous forme de beurre à Ottawa et il est soutenu par les subventions qui nous coûtent $200 millions ou $300 millions par année.

Le problème, M. le ministre — d'ailleurs, vous le savez, on vous l'a soumis — il s'agit de trouver une formule par laquelle tous ceux qui veulent investi ret développer le marché des fromages à spécialité auront à leur disposition les quantités de lait dont ils ont besoin pour les faire. Se greffent là-dessus, M. le ministre, d'autres choses. D'ailleurs, à ce moment, n'allez pas croire que les producteurs ne comprennent pas cela. La masse des producteurs comprend ce que je vais vous dire.

Il faut que le producteur, avec celui qui décide de lui créer un nouveau débouché pour son lait dans les fromages à spécialité, soit conscient qu'il est

partenaire dans une entreprise nouvelle, dans une aventure qu'il s'agit de développer et de créer un marché. Il faut que ce producteur, par son organisme professionnel, son syndicat professionnel, sa fédération, puisse être ouvert à nous permettre d'avoir de la matière première pour un temps limité, à meilleur compte, de manière à lancer le produit, à prendre place sur le marché. On ne fait pas de miracle dans ce domaine, M. le Président et M. le ministre. Quand on veut, comme Québécois, créer plus d'emplois et créer des entreprises, il faut prendre place sur le marché avec notre marchandise. Pour prendre place, je ne dis pas qu'il faut "coupailler" tous les prix qui existent sur le plan canadien, mais il faut au moins avoir un avantage, à qualité égale et service égal, un avantage un peu de prix pour l'avoir, pour un temps limité, histoire de franchir le mur, il faut avoir l'appui de la classe agricole.

Je tiens à souligner, en toute équité pour ces gens, pour certaines fédérations de l'UPA, que ces gens sont ouverts à cela. En réponse à votre question, qu'on nous donne actuellement, M. le ministre, le lait dont on a besoin au bon moment, au bon endroit, qu'on aie la chance de rencontrer les producteurs par leurs organismes professionnels en les impliquant dans ce coût qu'on traduit par le lancement d'un nouveau produit et on aura beaucoup de chances de développer cela.

Ensuite, je voudrais ajouter que vous avez eu précisément, dans le dernier rapport annuel de la Coopération de Granby, des remarques très pertinentes du président de cette coopérative qui a laissé entendre au public, à un moment donné, que son chiffre d'affaires était très intéressant, que c'était une entreprise dont le Québec pouvait être fier. Seulement, sachez qu'on ne peut pas continuer à faire seulement du lait, de la crème glacée, du yogourt avec nos produits et ces choses. Il va falloir entrer dans d'autres produits alimentaires.

Qu'est-ce qui empêche les entreprises qui sont laitières dans le moment d'ajouter à leur production des lignes qui soient même étrangères au lait, mais peuvent être mariées étroitement... Je pense à tout ce qui va avec un déjeuner, par exemple, à tout ce qui va avec les goûters de l'après-midi, au domaine des protéines, où le consommateur est de plus en plus désireux de donner le meilleur rendement pour sa santé avec l'argent qu'il donne pour ses aliments, car il devient de plus en plus conscient du rôle des protéines. Il cherche à avoir les protéines au meilleur marché.

Qu'on aide, à ce moment, le grand secteur laitier à diversifier sa production, même en "embarquant" dans des prod uctions qui ne sont pas nécessairement des productions laitières. Pour répondre à votre première question du début, une fois établie cette conception que nous avons du développement de la base de l'agro-alimentaire au Québec, c'est-à-dire les produits laitiers, pour toutes les autres productions nous voulons avec vous, M. le ministre — vous savez que c'est en cours dans le moment — établir quels sont les secteurs qui ont le plus de chance de franchir ce mur qui est terrible à franchir, celui de la concurrence, les secteurs où nous pouvons nous spécialiser.

Ce serait de la folie de continuer à faire au Québec ce que d'autres provinces font à un meilleur compte que nous, soit parce qu'elles sont plus proches du blé, ou qu'elles sont plus proches de certaines sources de matières premières. Il faut que nous recherchions les productions dans lesquelles nous pouvons nous spécialiser. Il n'en manque pas, M. le ministre. On vous a parlé tout à l'heure, par exemple, de l'huile végétale qui est un élément de base de l'alimentation de demain. Il y en a bien d'autres que je pourrais nommer ici. En réponse à votre question, savoir quelle est notre conception, on veut qu'ensemble — non pas par secteurs séparés, non pas par secteurs qu'on monte les uns contre les autres — on essaie de voir ce qu'on peut développer comme marché pour les produits agro-alimentaires du Québec.

M.Toupin:Si le Québec, M. Roy, prenait l'initiative, le ministère de l'Agriculture, en particulier — c'est toujours évidemment lié à la décision finale des producteurs — avec les producteurs, d'augmenter sa production laitière, est-ce que le secteur industriel pourrait nous assurer des marchés?

M. Roy (Léonard): De ce côté, vous savez, on reconnaît nos faiblesses. On dit dans le mémoire — je suis prêt à le répéter ici — que certains de nos secteurs ont fait des merveilles. Je n'ai pas besoin de les nommer, tout le monde les connaît. Dans d'autres secteurs de transformation, il y a des difficultés. Il faudrait regrouper, il faudrait plus d'innovation, il faudrait une orientation générale du marketing des produits, ce qu'on a fait jusqu'ici, changer cela pour avoir autre chose, une meilleure présentation.

M. Toupin: Qu'est-ce que vous pensez du rôle du ministère de l'Agriculture, depuis quatre ou cinq ans, dans le domaine de l'industrie laitière? Est-ce que vous constatez que, là-dedans, ce que vous avez appelé tantôt son leadership a été suffisamment fort pour donner des tournants à l'industrie laitière québécoise?

M. Roy (Léonard): Si vous parlez de l'industrie laitière, M. le ministre, c'est évident que le ministère de l'Agriculture a permis de réaliser chez nous des pôles d'attraction dans une conception positive. Je m'explique.

Vous savez, c'est très facile de s'en prendre aux multinationales en disant: Dans le lait, parexemple, nous avons des compagnies multinationales qui occupent la place, etc, et il faudrait bien s'organiser pour les mettre dehors. D'une façon positive, on a préféré, avec vous, essayer de bâtir des pôles d'attraction aussi forts, plus forts même que les multinationales qui se trouvent chez nous, et avec des capitaux, du savoir-faire québécois. Les réalisations sont là.

Je ne dis pas, M. le ministre, que ces réalisations sont de tout repos. Il faut absolument les aider à passer cette période où elles sont appelées à grossir

trop vite. Il faut absolument les aider de ce côté. Le grand problème, c'est d'avoir des cadres, des cadres spécialisés compétents. C'est un grand problème au Québec. Dans l'industrie alimentaire et dans l'industrie plus spéciale qu'est l'industrie laitière, on s'arrache les cadres compétents. Il y a une limite à cela.

Vous nous avez aidé et, encore une fois, vous pouvez nous aider énormément par ce mécanisme de regroupement, d'aide au regroupement, pour autant que vous sachiez mettre les crans d'arrêt au bon moment, parce qu'avec les meilleurs intentions du monde, il ne faudrait pas non plus déboucher vers le cartel. Il faut, à côté des entreprises du Québec dont nous sommes très fiers...

M. Toupin: Vous ne faites pas allusion à la Coopérative de Granby à ce moment?

M. Roy (Léonard): Non, mais je me permets de dire ceci. Nous en sommes très fiers. C'est à l'actif du Québec. Simplement, ces gens, les dirigeants de cette entreprise sont les premiers à reconnaître qu'il faut mettre à côté d'eux au moins un ou deux autres géants de même taille, parce que vous courez le risque... Il y a deux risques. D'abord, ces entreprises, ce n'est pas parce qu'elles sont coopératives qu'elles ont tant de succès, c'est à cause de la qualité des hommes qui les dirigent.

Deuxièmement, ces hommes disparaissant, vous pourriez avoir des catastrophes qui seraient proportionnées à leur importance économique. Même avec les meilleures intentions, les plus grandes entreprises, à un moment donné, se ramassent seules sur un marché et vous avez le phénomène de la cartellisation. C'est pour cela qu'on vous dit: Sachez mettre le cran d'arrêt au bon moment.

M. Toupin: Je ne veux pas prendre trop de temps, M. le Président, j'aurais encore quelques questions à poser. Je reviendrai probablement un peu plus tard sur un certain nombre de points. Il yen a un en particulier qui m'intéresse beaucoup. Vous nous avez posé une question et vous avez en même temps un peu donné la réponse. J'aimerais, d'abord vous reposer la question. Vous nous dites que la loi actuelle ne doit pas venir briser les mécanismes actuels qui existent au niveau des marchés. Elle ne doit pas, par exemple, augmenter les prix de façon trop élevée et ainsi éviter de prendre des marchés ou même risquer de perdre ceux qu'on a. Par ailleurs, vous nous dites comment vous voyez dans le temps ce que vous avez appelé le transfert. Est-ce que c'est l'Etat, demain, qui va payer pour que le consommateur ait des produits à meilleur compte ou si c'est le consommateur qui va payer pour que le producteur ait des revenus meilleurs? Lorsque vous parlez des prix, vous vous référez nécessairement à une politique de transfert. Est-ce que cela veut dire, dans votre esprit, qu'on doive jouer sur les deux tableaux en même temps ou si on doit s'arrêter essentiellement sur une politique de transfert?

M. Boy (Léonard): D'abord, c'est un problème très difficile, j'en conviens, mais permettez que je vous dise, en passant, que ce sont les problèmes difficiles qui permettent aux hommes intelligents de graver leur nom sur des solutions qui sont apportées.

Dans cette question du transfert des revenus, c'est évident qu'il y a un équilibre à maintenir. C'est l'intérêt général de la population du Québec, du consommateur "at large", nous sommes tous des consommateurs, c'est l'intérêt de toutes les entreprises, les 12,000 entreprises qui sont greffées là-dessus et c'est l'intérêt de nos 40,000 fermes actuelles qui, j'espère, vont devenir encore plus industrialisées, qu'on maintienne un degré d'équilibre pour le revenu, tel que vous l'avez expliqué. Là, cela va.

Seulement, il faut qu'à un moment donné l'Etat — parce que là il y a les intermédiaires, les producteurs ne peuvent pas le faire — pour des considérations de bien commun fasse... Ce qui se fait ailleurs et ce qui se fait... On appelle cela de toutes sortes de formules. On appelle cela les politiques laitières du gouvernement fédéral ou on appelle cela les décisions de la Régie des marchés. Vous le faites déjà d'une certaine manière, mais d'une façon éparse. D'ailleurs, je vous donnais les chiffres tout à l'heure. C'est impossible depuis 1970 d'avoir fait passer le prix du lait de $7 à $12.21 pour les cultivateurs seulement pour des considérations bien ordinaires d'augmentation régulière des coûts. Il y a eu du rattrapage — on va appeler cela dans les termes du métier — il y a eu un effort de rattrapage. Cela en était du transfert de revenus forcé. Nous prétendons qu'il n'y a rien de scandaleux là-dedans.

M. le Président, M. le ministre, au moment où je vous parle, c'est-à-dire avant la crise des trois dernières années, la plus forte crise au point de vue de l'inflation, on consacrait 19% de notre revenu personnel à notre panier de provision, dans la province de Québec. Au même moment, les Américains consacraient 15% de leur revenu personnel à leur panier de provision. Ils en étaient très fiers. Ils pensaient que c'était une trouvaille, ce n'était pas ordinaire, mais ils ont tué leur agriculture. Nous, on consacrait 19%. Dans le moment, on doit être près de 24%, mais depuis plusieurs années, des pays qui ont le même standard de vie que nous, même genre de civilisation, les pays du Marché commun, consacrent entre 29% et 32% du revenu personnel pour se nourrir.

Alors, devant cette situation, je me tourne vers les Québécois et je leur dis: Vous n'êtes pas plus fins que les autres. Il ne faut pas vous imaginer que vous allez continuer à manger votre gâteau et vouloir en avoir encore un entier. Vous allez être capables de garder une agriculture et de donner un autoapprovisionnement de plus que 50%, on dit 60% dans le moment, cela devrait être au moins 75%, si vous ne faites pas le nécessaire pour garder ou avoir une partie de votre revenu pour l'alimentation. Là, j'interjette là-dedans immédiatement pour qu'on ne me prête pas des intentions, Cela présuppose de la part de ceux qui sont chargés de voir au respect de l'équilibre et d'empêcher les abus, qu'on surveille la répartition du dollar du consommateur entre les producteurs et ce qu'on appelle les intermédiaires. On comprend tout cela, mais on accepte qu'il faut actuellement pousser, activer vers 28%, 29% de no-

tre revenu personnel, si on veut garder une agriculture viable chez nous parce qu'on n'est pas assez intelligents pour faire des trouvailles meilleures que celles des Européens avec des centaines d'années d'expérience derrière eux.

M. Toupin: Si j'ai bien compris les explications que vous m'avez données jusqu'à maintenant, au fond, votre philosophie serait que le transfert se fasse beaucoup plus par les prix qu'il puisse se faire par les impôts, les subsides et les interventions gouvernementales.

M. Roy (Léonard): Vous avez deux moyens. Par les prix, justement, c'est ce que je veux vous dire. De 1970 à aujourd'hui, vous avez augmenté par la force le retour au producteur de lait nature, mais probablement que des augmentations successives des trois dernières années de 11.4%, 10.7%, 10.9% étaient peut-être trop des chocs subits avec le phénomène que vous avez eu un décrochage. La consommation du lait, je n'aime pas le dire ici, parce que je ne veux pas être un alarmiste, c'est dangereux ce qu'on dit là, c'est comme à la bourse, mais c'est un fait. La consommation du lait, depuis le mois d'octobre, a baissée de 10% et on ne la récupère pas.

M. Toupin: Avant que vous alliez plus loin, M. Roy, là-dessus, je voudrais continuer mon raisonnement avec vous sur la question principale, première. Si vous acceptez en principe — je sais qu'il y a d'autres interventions — d'ailleurs, ce transfert de revenus, vous pouvez le prendre dans la poche du consommateur au niveau des prix et le mettre dans la poche du producteur pour élever le revenu du producteur et grever un peu plus le budget du consommateur. C'est évident en soi.

M. Roy (Léonard): C'est cela.

M. Toupin: On peut le faire sous forme de perception d'impôts et le remettre au producteur sous forme de subsides ou d'interventions gouvernementales, mais ne pensez-vous pas — et je pose la question — que la première thèse, celle qui veut que le transfert se fasse par les prix, que cela va un peu à l'encontre du principe que vous affirmez, celui d'une concurrence qui est très difficile dans le contexte nord-américain?

M. Roy (Léonard): Oui, mais encore une fois, restez dans le contexte où nous sommes. Vous avez pu faire des transferts dans l'industrie laitière parce que nous sommes dans un marché fermé.

M. Toupin: Oui.

M. Roy: Pour le lait nature. Je ne parle pas du fromage et des autres produits qui sont en marché ouvert, mais pour cela on a pu faire un transfert. On l'a fait d'une façon assez habile parce que, quand vous pensez que la consommation du lait, année après année, depuis 1957, s'est maintenue à 3% d'augmentation chaque année, en dépit des augmentations qui prenaient place à ce moment-là... Il y a 25 augmentations qui ont pris place.

M. Toupin: Là, on a des marchés fermés, mais quand on a des marchés beaucoup plus ouverts, on prend les oeufs, les poulets, les légumes, etc...

M. Roy (Léonard): C'est cela. Alors, si vous décidez que pour le bien commun il est mieux d'avoir nos oeufs, les fabriquer nous-mêmes, être plus autosuffisants et que cela signifie qu'il faut pallier certaines concurrences, je crois qu'à ce moment-là, c'est la responsabilité de l'Etat de prendre les moyens qui s'imposent pour la garder. Vous n'avez pas le choix, M. le ministre.

M. Toupin: D'accord. Cela répond à mes deux questions. C'est qu'au fond, vous êtes d'accord sur l'idée du transfert par les prix, mais vous êtes d'accord, par ailleurs sur une intervention gouvernementale au moment où les situations de marché le nécessitent.

M. Roy (Léonard): C'est cela. Mais à ce moment-là, il faut que vous sachiez ou que vous teniez compte du fait que vous ne pouvez pas, pas plus que vous pouvez éreinter un groupe de producteurs d'oeufs, par exemple, à cause d'un système, pas plus vous devez prendre la responsabilité, à mon sens, d'éreinter 300 ou 400 entreprises qui donnent du pouvoir d'achat et de l'emploi à 6,000 ou 7,000 personnes. Tout doit être pris en considération et cela prend une décision de l'Etat. C'est pour cela qu'on dit: L'entreprise privée, en principe, dit toujours. On est contre toutes les interventions de l'Etat, mais il reste que nous, dans le domaine agroalimentaire, la grande liberté, à toutes fins pratiques, cela n'existe plus beaucoup. Quant à être dans un régime dirigé, on voudrait qu'il soit dirigé le plus intelligemment possible, mais par ceux qui sont en mesure de le diriger, c'est-à-dire l'Etat. Parce que ce n'est pas aux paliers inférieurs des petits commerçants, ni des manufacturiers qui peuvent... D'ailleurs, on n'a pas le droit de combiner, on n'a pas le droit de s'entendre, alors que l'Etat assume ses responsabilités dans ce domaine.

M. Toupin: Vous êtes d'accord, dans un autre ordre d'idées... Est-ce que votre secteur est d'accord, sur le principe suivant? Quand l'Etat intervient, il faut qu'il y ait un minimum de contrôle. Par conséquent, si nous voulons intervenir au chapitre des revenus des agriculteurs, il nous faudra bien tenter de contrôler la production. Il reste un moyen, un seul qu'on a au Québec actuellement et dans les autres provinces du pays aussi, ce sont les plans conjoints, c'est-à-dire fixer aux producteurs des contingents de productions. Vous disiez tantôt et vous affirmiez même tantôt, qu'il y aurait avantage à ce que le gouvernement revise un peu sa politique de contingents ou de mise en place de plans conjoints.

Dans quelle perspective, plus claire que celle que vous avez décrite dans le mémoire, le voyez-vous?

M. Roy (Léonard): M. le Président, M. le ministre, je vais vous faire une image.

Si ça prend trois semaines, un mois, pour l'équilibre de forces qui s'appelle s'asseoir à une table et

négocier les prix pour les matières de base, ne pensez-vous pas que les onze autres mois qui restent pourraient être onze mois consacrés à un travail d'équipes entre l'organisme professionnel des cultivateurs, ceux qui sont impliqués dans la transformation et l'Etat, pour voir ce qu'on peut faire ensemble pour s'emparer de nouveaux marchés et rendre plus rentables les marchés que nous avons déjà?

M. Toupin: Alors, cela voudrait dire que vous verriez dans l'avenir une présence plus active des industriels dans l'administration des offices de commercialisation?

M. Roy (Léonard): Certainement. Comme, M. le Président, je ne veux pas faire une bourde, mais nous avons toujours cru et nous croyons encore q ue les plans conjoints qui sont dirigés par des organismes moteurs qui s'appellent offices, syndicats ou tout ce que vous voudrez, devraient être dirigés par des décorés du mérite agricole. Je ne sais pas si ça dit tout ce que ça doit dire.

Les plans conjoints sont des organismes, comme vous le dites si bien, qui font qu'on contrôle l'offre. Ce contrôle doit être fait intelligemment, il ne s'agit pas de tuer la poule aux oeufs d'or en voulant jouer au contrôle. Je ne veux pas dire par là que ceux qui dirigent les plans conjoints sont dépourvus de bon sens. Mais je veux vous faire une image. Sans discréditer ceux qui, actuellement, dirigent les plans conjoints, je vous dis, et ça dit exactement le fond de ma pensée, si les plans conjoints étaient dirigés par des décorés du mérite agricole, peut-être qu'il y aurait une autre tournure dans leur orientation.

M. Toupin: Alors, il faudrait poser une condition à l'élection des administrateurs des fédérations spécialisées?

M. Roy (Léonard): Prenez ça comme, peut-être, une image un peu drôle, mais ça dit, M. le ministre, exactement le fond de ma pensée.

M. Toupin: Maintenant, lorsque vous parlez d'intégrer le plus possible dans les activités de commercialisation, les entreprises de transformation, d'avec les plans conjoints, vous êtes conscient également, en même temps, que l'application d'une loi comme celle dont nous discutons, d'un projet comme celui dont nous discutons, va nécessiter, au niveau des ententes entre les deux parties, au chapitre des négociations, le respect également des lois normales du marché.

M. Roy (Léonard): Sûrement.

M. Toupin: II ne faudrait pas assister à une entente tacite entre les producteurs et les industriels pour faire payer le gouvernement. Vous seriez d'accord sur ça aussi?

M. Roy (Léonard): Absolument, c'est évident.

M. Toupin: S'il y a d'autres... J'en aurais d'autres, mais je voudrais bien laisser aussi aux autres membres de la commission la possibilité de poser des questions.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Lafontaine.

M. Léger: Je vais revenir un peu à un autre aspect de votre projet. Je dois vous dire, quand même, que votre présentation va pas mal en profondeur, ce qui dénote votre connaissance non seulement du marché québécois, mais des milieux ou des lignes de force soit au Canada, au Québec ou ailleurs, qui limitent les possibilités actuelles et je sens votre intérêt pour que le Québec ait sa place là-dedans.

Je reviendrais plutôt à une question qui touche la distinction. Ce qui semble vous inquiéter le plus, c'est la distinction qu'on ne fait pas entre la stabilisation du revenu et le niveau du revenu assuré. Est-ce que vous croyez qu'une politique de revenu assuré, l'assurance-revenu, pourrait fonctionner sans imposer un plus grand degré de contrôle du marché?

M. Roy (Léonard): D'abord, précisément ça, pouvez-vous, comme province de Québec, contrôler le marché?

M. Léger: Vous me donnez la réponse que j'attendais parce que, justement, si on regarde les rôles complémentaires ou résiduels des provinces dans une politique de l'agriculture, on voit que les lois, dans la législation provinciale, dans la belle Confédération dans laquelle nous sommes encore, concernant principalement l'agriculture d'un point de vue strictement intraprovincial et, la plupart du temps, la production qui est visée, sa qualité ainsi que les groupes ou les personnes qui sont directement concernés; c'est le point de vue provincial.

Au point de vue fédéral, la plupart des lois qui concernent l'agriculture le font au point de vue strictement interprovincial ou extérieur au Canada...

M. Roy (Léonard): C'est ça.

M. Léger: ... c'est l'aspect de mise en marché dans l'intérêt national des Canadiens qui, parfois, est un désintérêt ou un danger pour certaines provinces. C'est l'aspect de mise en marché qui est principalement touché. Mais cette mise en marché et son contrôle exigent, en même temps, une mainmise de plus en plus forte sur la production provinciale, mais aussi l'intervention fédérale et la qualité ainsi qu'un pouvoir illimité de planification, et la planification et la subvention aussi.

Plusieurs des lois fédérales comportant également des dispositions qui permettent aux gouvernements provinciaux de ne devenir que de simples délégués administratifs aux fins de l'application de la loi fédérale.

C'est donc di re que vous nous disiez tantôt de la loi fédérale qu'elle n'est pas encore adoptée et que

la loi provinciale ne pourrait être qu'un complément qui ne tient pas compte d'un contrôle d'un marché permettant justement à cette offre de se faire à un prix suffisant et, en même temps, d'avoir un débouché.

Pensez-vous que c'est réellement possible, actuellement, qu'il y ait une politique intégrée agroalimentaire pour l'intérêt des Québécois, alors qu'il y a des lignes de force qui sont extérieures au Québec et peut-être même, comme vous le disiez tantôt, extérieures au Canada? Vous avez dit tantôt que les lignes de force ou les décisio.ns se prenaient à New York, Chicago; vous avez parlé deTokyo et, maintenant, on va peut-être parler de l'Arabie aussi.

Devant toutes ces choses, comment pensez-vous être capables de le réaliser à l'intérieur de toutes ces contraintes du système dans lequel nous vivons?

M. Roy (Léonard): M. le Président, M. le député, vous êtes conscient que votre question ne débouche que sur un domaine, c'est-à-dire que les décisions qu'on a à prendre, sont des décisions politiques, pas des décisions économiques.

M. Léger: C'est ça.

M. Roy (Léonard): Evidemment, je me refuse à vous suivre sur ce terrain. Il reste que je suis personnellement convaincu, même compte tenu du régime constitutionnel dans lequel nous vivons, si nous sommes capables au Québec, pas par la coercition, mais en amenant toutes les parties composantes de l'agro-alimentaire à travailler ensemble, y compris les centres de décision qu'on peut rejoindre, parce qu'il y en a encore qu'on peut rejoindre, que nous pouvons, dans certains domaines, qui tiennent de la spécialisation ou de la production de masse, nous imposer par la concurrence quoi qu'il arrive. Parce qu'encore une fois on ne s'illusionne pas, nous, sur les relations fédérales-provinciales en matière de commerce ou de stabilisation. Je vais vous donner un exemple: le fédéral, il y a quelques mois — c'est discutable — semble-t-il, a posé un geste pour dire à une province qui a une richesse comme l'huile: D'accord, c'est à vous, mais vous devez concevoir que vous êtes partie d'un tout et il faut que vous agissiez de manière que le tout en bénéficie. Disons, grosso modo, que c'était ce que j'ai compris de leur politique.

En agriculture ou en agro-alimentaire, on n'a jamais réussi à appliquer ce raisonnement, cette thèse. On ne l'a pas appliqué. On n'a pas dit: Pour garder toutes les parties du pays ensemble, il faudra que vous vous entendiez, que vous vous spécialisiez. Déjà, on a un commencement, l'industrie laitière est dans l'Est, les céréales sont dans l'Ouest; alors, on pourrait peut-être s'entendre et là donner une chance égale à tout le monde. On n'a jamais réussi ça bien qu'on ait multiplié toutes sortes d'initiatives qui sont, à leur face, des initiatives, encore une fois, que je ne veux pas juger, mais effectivement, je les ai vécues, M. le Président, pendant des années. Vous vous rencontrez, la tape dans le dos, ça va très bien; on fait un accord, on le signe et, en dedans d'une semaine, l'accord est brisé par d'autres.

Alors, vous savez, quand vous accumulez l'expérience d'années et d'années de ce genre de choses, vous êtes obligé de conclure. Le commerce, comme on dit dans le métier, c'est "wild", c'est sauvage. Il n'y a rien qui tient devant ça, pas une diplomatie qui tient devant ça sur le plan international, encore plus dans le cadre de la confédération canadienne.

C'est une course, on s'arrache les marchés. Comme je l'ai dit tout à l'heure, l'embêtement — je vais vous dire le fond de ma pensée — c'est que la population du Québec devrait être consciente de la force qu'elle détient encore comme consommateur au lieu de brailler tout le temps contre les autres. Nous avons le plus gros marché de consommation du Canada, par la géographie, à Montréal. Nous avons une population qui, à cause de notre culture, de notre propension à bien manger, mange des choses et en quantité que d'autres mangent moins. Quand on pense que des entreprises qui sont à Lethbridge ou à Calgary se tuent pour prendre leur place sur le marché de Montréal, et n'ont même pas le coeur de donner de l'emploi à dix personnes en ouvrant un entrepôt, on se retourne et on dit: Si seulement la population du Québec était consciente de la force qu'elle détient comme consommateur, vous changeriez l'image du tout au tout.

Pour ça, ce consommateur, au lieu de le chauffer à blanc avec de la démagogie, on devrait l'informer et l'éduquer en y mettant le paquet.

M. Léger: Vous parlez de marchés communs, où des Etats peuvent ensemble faire des ententes. Je donnerai un exemple peut-être absolument loufoque mais qui va illustrer ma pensée. Je prends la France avec l'Allemagne, dans un marché commun, deux Etats autonomes. La France peut produire et vendre des produits agricoles à l'Allemagne, qui va lui vendre des produits industriels. Mais prenons l'exemple d'un Etat qui veut vendre un habit en disant à l'autre Etat: Nous, nous allons vous acheter des bottines. Mais l'Etat qui veut vendre des habits, son habit il ne peut pas le vendre au complet parce que c'est un autre gouvernement qui est responsable des manches. Et les manches de son habit, il ne pourra pas s'entendre à moins qu'il fasse des concessions sur les boutons avec une autre partie de l'Etat qui veut vendre des boutons. Il ne peut pas vendre cet habit complet pour avoir un marché avec l'autre parce qu'il y a une partie de son produit, qu'il veut vendre, qui ne dépend pas de lui. Est-ce qu'il n'y a pas quand même un obstacle majeur en cela? Là, je prends l'exemple d'une politique provinciale, d'une province qui veut vendre soit à une autre province, soit à un autre pays. Mais il y a un autre gouvernement qui a d'autres intérêts à défendre, qui a une partie du contrôle de ce produit qu'on veut vendre et qui nous empêche réellement de négocier avec l'autre.

M. Roy (Léonard): M. le Président, M. le député, moi, je ne vous réponds pas, encore une fois, sur le plan politique. Mais, sur le plan économique, je vais

vous dire seulement une chose. Il y a une grande province du Canada qui a réussi à être la plus grosse province au point de vue économique au Canada, qui a pratiqué ce dont chez nous, on a honte. On rougit quand on parle d'achat chez nous; ailleurs, on l'a fait. S'ils l'ont fait sans briser les murs, sans casser de vitres, sans faire de discours et aux bons moments et aux bons endroits, toujours en vivant dans le régime confédératif que nous connaissons, je me demande pourquoi les Québécois seraient moins intelligents et auraient moins de ressources pour faire exactement, dans le même cadre constitutionnel, ce qu'une autre province très prospère a réussi à faire au pays. Alors, je vous réponds comme économiste parce que, encore une fois, je me refuse de répondre sur le plan politique.

M. Léger: Malgré que les lignes de force étaient aussi politiques qu'économiques.

M. Roy (Léonard): Oui, admettons. M. Léger: D'accord.

M. Roy (Léonard): Alors, si d'autres l'ont fait, qu'est-ce qu'on attend, nous, pour le faire? On a déjà perdu un temps précieux. C'est pour ça que nous, comme industrie, on voit poindre — là on ne fait pas de politique, on ne fait pas de forfanterie envers un homme en particulier — au ministère de l'Agriculture du Québec une conception qu'on n'a jamais connue avant, sans discréditer les autres partis, une conception qui s'élargit à la grandeur du problème, au lieu d'être étriquée ou constipée rien que dans une optique d'un seul secteur. Alors, c'est ça qui nous redonne confiance et c'est ça qui nous fait dire: On prévoit, nous, d'ici cinq ans, que notre valeur ajoutée, la valeur de nos ventes d'un prod uit pourrait augmenter d'un autre milliard de dollars dans la province de Québec, pour le moindrement qu'on se sente épaulé, étayé par ceux qui sont capables de donner le coup. Nous, individuellement, pris un par un, on n'est pas capable de le faire.

M. Léger: Vous avez dit quand même — juste une dernière question — tantôt que les Québécois, actuellement, dépensaient à peu près 24% de leurs revenus dans le domaine alimentaire...

M. Roy (Léonard): Oui.

M. Léger: ... que d'autres pays, plus vieux que nous, en sont venus jusqu'à 29% et 32% de leurs revenus.

M. Roy (Léonard): C'est ça.

M. Léger: Vous dites que, pour protéger, pour amener ce contrôle de l'agro-alimentaire au Québec, il faudrait peut-être aller jusque-là. Cela voudrait quand même dire... Est-ce qu'il n'y aurait pas le danger que, si on fait payer par le consommateur le prix d'une meilleure agriculture aux Québécois, il y ait des produits étrangers qui viendraient prendre la place de notre produit, qui coûterait plus cher?

M. Roy (Léonard): C'est là qu'on dit qu'il faut absolument, à ce moment-là, accepter que l'Etat a un rôle à jouer et qu'il doit intervenir par des subventions. C'est l'argent de notre poche quand même. Vous allez atteindre vos 28% quand même qui sont consacrés à l'alimentation. Mais, au lieu que cela affecte la concurrence sur l'étiq uette de prix, cela va passer par le montant d'impôt que vous payez.

Mais je crois, personnellement— là je ne veux pas engager certains secteurs que je représente parce que je ne serais pas à la hauteur de ma responsabilité si je vous disais que toutes ces questions ont été discutées et que j'ai un mandat de parler sur cette question du transfertdu revenu — et fermement qu'on s'en va vers ça, qu'on ne peut pas y échapper. C'est pour cela que je demande de la franchise, je demande du courage. Au lieu de laisser entendre aux consommateurs — je vous demande ça après vous avoir dit: Faites le nécessaire pour voir à ce qu'il n'y ait pas d'abus dans les secteurs intermédiaires.

Après vous avoir dit ça, je dis: Cessez de faire croire au consommateur que réellement il est pressuré dans le contexte économique. Faites-lui plutôt comprendre pourquoi cela arrive et prenez les moyens pour que, par un transfert de revenus normal, logique, on puisse garder d'abord sur la terre les cultivateurs dont on a besoin et garder en activité les entreprises de transformation qui sont aussi essentielles pour l'avenir de l'agriculture.

Le Président ( M. Houde, Limoilou): La commission suspend ses travaux jusqu'à quinze heures trente.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

Reprise de la séance à 15 h 52

M. Houde, Limoilou (président de la commission permanente de l'agriculture et de la colonisation): A l'ordre, messieurs!

M. Giasson (Montmagny-L'Islet), cet après-midi, remplace, M. Assad (Papineau).

L'honorable député de Lafontaine.

M. Léger: Je voulais simplement demander au ministre s'il était allé faire son train,

M. Toupin: Non, je ne suis pas allé faire mon train, je suis allé discuter avec des gars pour savoir combien on doit payer d'autres gars pour faire le train.

M. Léger: De toute façon, d'abord que vous ne manquez pas le train.

M. Toupin: Non, non, on est sur la bonne voie.

M. Léger: J'avais terminé, je pense. J'aimerais laisser continuer le député de Beauce, s'il a des questions. Peut-être une dernière. Est-ce que je peux demander à M. Roy si, devant le projet de loi — la question que je vous pose, c'est une question très générale — est-ce que vous ne pensez pas qu'il aurait été préférable d'avoir aussi les règlements qui vont illustrer réellement, dans l'action, les intentions d'une loi-cadre?

M. Roy (Léonard): M. le Président, nous avons précisément, dans le cadre de notre mémoire, souligné ce fait et nous avons déposé, à la fin, un projet de modification à l'article 36 qui aurait pour but de retarder la sanction de la loi jusqu'à ce qu'on puisse avoir en même temps la promulgation des règlements, c'est-à-dire que cela donnerait l'occasion aux parties d'étudier les règlements qui vont découler de cette loi.

C'est entendu, nous ne voulons pas ici nous en prendre aux principes des lois-cadres. Seulement, c'est un fait qu'actuellement, cette loi, qu'on a devant nous, est une loi qui décrit très bien le mécanisme de fonctionnement d'une caisse de compensation. Tout y est là-dedans, il n'y a pas d'erreur là-dessus. Il reste cependant que les choses importantes qui vont découler de cette loi, à notre sens, vont être précisées dans des règlements, et on ne les connaît pas, les règlements. C'est pour cela.

M. Léger: Est-ce qu'on pourrait demander au ministre s'il a l'intention, la bonne intention, de faire comme certains ministres, de convoquer la commission parlementaire avant que les règlements soient adoptés, promulgués ou présentés dans la Gazette officielle?

M. Toupin: Je pense que ce serait prématuré de répondre à cette question. Tout ce que je peux vous dire, c'est que, présentement, par exemple, la Loi sur les aliments prévoyait des règlements en application. Alors, on les a portés devant la commission parlementaire pour qu'on les discute on va les discuter tantôt, probablement.

Sur cette question de la loi-cadre, pour l'assurance des revenus agricoles, il ne faut pas oublier que cela va se faire par négociation avec les producteurs. A ce moment-là, je ne sais pas s'il est possible d'amener les producteurs à négocier en commission parlementaire, avec le gouvernement, sur le degré d'intervention du producteur, le degré d'intervention du gouvernement. Cela peut être différent, selon les productions.

Pour le poulet, par exemple, on pourra peut-être parler de telle chose; dans les oeufs, d'autre chose; dans le bovin, d'autre chose, mais ce que je suis prêt à examiner... On le verra, il y a des suggestions qui sont faites.

Le conseil d'alimentation en a fait quelques-unes. D'autres groupes vont sans doute aussi en faire. A la suite de ces suggestions, on verra les amendements à apporter à la loi. Lorsqu'on reviendra à l'Assemblée nationale, je n'ai pas d'inconvénient, à ce moment, à regarder le problème à nouveau.

M. Léger: D'accord.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy (Beauce-Sud): M. le Président, j'aurais quelques questions à poser à M. Roy, mais, tout d'abord, j'aimerais tout simplement rappeler aux membres de la commission et à tous ceux qui sont ici que si j'ai parlé de placotages ce matin, ce n'était pas pour rien et ce n'était pas pour rire, parce que, depuis cinq ans, je pense qu'il n'y a jamais eu autant de commissions parlementaires de l'agriculture que nous en avons eu. Jamais il n'y a eu plus de colloques, de réunions partout et jamais cela n'a été aussi mal dans l'agriculture.

C'est dans un esprit très positif que j'ai voulu parler de placotages ce matin, en ce sens que je ne voudrais pas — je pense que nous serions tous là pour le regretter — qu'il ne se fasse pas quelque chose de pratique, de réaliste à la suite des travaux de cette commission parlementaire. Si cette commission débouche sur des résultats pratiques qui permettront d'améliorer le sort des agriculteurs du Québec, croyez-moi, j'en serai le plus heureux, M. le Président.

M. Roy, ce n'est pas la première fois que vous venez devant la commission parlementaire; ce n'est pas la première fois que vous nous présentez des mémoires excessivement intéressants, fort documentés dans lesquels vous nous apportez beaucoup de suggestions et dans lesquels vous nous faites justement part du point de vue des mouvements que vous représentez. Vous vous intéressez de près au sort de l'agriculture et surtout à la question agro-alimentaire du Québec. Je pense que vous êtes le pionnier de cette question et de cette formule de l'agro-alimentaire au Québec et je tiens en toute justice à vous le dire et à vous le répéter.

Le ministre...

M. Toupin: Vous êtes chanceux, je ne me suis jamais fait dire cela.

M. Roy (Beauce-Sud): On rend le mérite à ceux qui en ont, M. le Président. Lorsque le ministre...

M. Toupin: Selon les circonstances.

M. Roy (Beauce-Sud): Et selon les circonstances. Si le ministre se décide à faire quelque chose de concret et de pratique dans le domaine agricole, je ne serai certainement pas le dernier à le féliciter.

M. Toupin: Je voulais vous faire rire un peu.

M. Roy (Beauce-Sud): Oui, d'ailleurs, je pense que la situation agricole au Québec, actuellement, nous limite quand même dans nos rires.

A la page 3, M. Roy, dans votre mémoire, le dernier paragraphe, vous avez mentionné le fait suivant: Vous faites référence aux documents officiels. Vous soulignez que le revenu national de l'ensemble de la population progresse lentement et régulièrement. Le revenu agricole s'élève par saccades, avec des reculs et des reprises pour aboutir à un progrès moyen, sensiblement inférieur au progrès du revenu national. Je pense qu'on est tous d'accord sur cela. J'aimerais que vous nous donniez un peu plus d'explications à ce sujet et que vous disiez à la commission parlementaire quelles sont les causes, les premières causes ou les grandes causes, du fait que, justement, dans les revenus de l'agriculture, nous avons des hauts et des bas de cette nature.

Quelles sont les causes fondamentales de cette situation de fait?

M. Roy (Léonard): Voici, je dois d'abord faire remarquer à la commission parlementaire qu'il est évident, au texte même, que je redis avec d'autres mots exactement ce que les experts du ministère ont étudié. Nous acceptons d'emblée ce fait économique que la production agricole en soi — il faut l'accepter — c'est une production qui n'est pas une production mécanique. C'est une production qui dépend des aléas de la température, pour une chose, qui dépend également de l'organisation même à la ferme. Il y a des facteurs à la ferme qui sont des facteurs humains qu'on ne rencontre pas dans les autres genres d'opérations industrielles. Il y en a plusieurs autres facteurs de ce genre qui font que, précisément, la production à la ferme n'est pas toujours régulière, ne peut pas toujours rencontrer la demande au bon moment. C'est évident qu'à ce moment, dans un marché qui, lui, est un marché libre, un marché d'offres et de demandes, de grande concurrence, c'est évident que, dès que la production agricole est déficitaire ou tire de l'arrière ou n'arrive pas au bon moment, pour le cultivateur c'est entendu que c'est parfois catastrophique. C'est cela qu'on veut dire. On le reconnaît. On reconnaît qu'il y a un genre de production agricole qui ne peut pas se traiter de la même manière que quand on fait des automobiles. C'est aussi clair que cela.

On se dit, nous, d'un autre côté, il faut accepter que cette production agricole, avec la meilleure volonté de tous ceux qui veulent développer l'agro-alimentaire, il faut qu'elle affronte une économie qui est totalement ouverte. Alors, comment faire pour ajuster cela? On dit que, pour avoir des paliers raisonnables à un moment donné, il va falloir avoir une stabilisation. La loi qu'on présente, semble-t-il, vise à cela. On est totalement d'accord.

M. Roy (Beauce-Sud): La loi, en somme, vise, en quelque sorte, à organiser une caisse de stabilisation. Autrement dit, je me réfère un peu aux propos que vous avez tenus. C'est beaucoup plus une caisse de stabilisation qu'un régime de revenu minimum garanti.

M. Roy (Léonard): Non, c'est justement. On dit que...

M. Roy (Beauce-Sud): C'est là, je pense qu'il y a une distinction qui s'impose pour tout le monde. Il ne faudrait pas, à un moment donné, qu'on ait l'impression, si ce projet de loi est adopté, même avec des amendements, qu'il s'agit de l'établissement d'un revenu minimum garanti pour les agriculteurs du Québec. C'est une caisse de sécurité, autrement dit une soupape qui permet de faire face à des périodes creuses. C'est dans ce sens que...

M. Roy (Léonard): C'est cela.

D'ailleurs, en lisant les documents qui accompagnent le projet de loi, comme le document sur la problématique qui a amené ce projet de loi, à notre sens, ils ont très clairement établi qu'il y avait une différence entre stabilisation et assurance d'un niveau de revenus garantis. Il y a une différence entre cela, et c'est dans le texte. Ce n'est pas dans le texte de loi, dans le texte explicatif.

M. Roy (Beauce-Sud): Maintenant, on sait que, dans la production agricole, il y a des périodes où la mise en marché se fait, à cause de notre climat et à cause du genre de notre production agricole, sur des périodes de temps durant l'année, alors que la consommation est répartie sur une période de douze mois, et que cette loi de l'offre et de la demande a toujours joué à rencontre des producteurs. A titre d'exemple, on peut prendre les productions spécialisées comme le sucre et le sirop d'érable. On ne produit pas sur une période de douze mois, c'est une production de six semaines. Pour les pommes de terre, c'est la même chose. Dans les cultures spécialisées, c'est la même chose.

Mais derrière tout cela, il y a quelqu'un, quelque part, qui fixe à un certain moment. Est-ce qu'au niveau du Conseil de l'alimentation, vous avez fait des recherches, des études pour essayer de découvrir qui, comment et en vertu de quoi les prix sont fixés, à un certain moment, pour l'écoulement d'une production agricole? Non pas pour l'écoulement d'une production, mais pour payer aux producteurs agricoles. On a eu le cas du porc, on pourrait prendre le cas des oeufs... Les oeufs, abstraction faite de Fedco, maintenant. Mais on pourrait prendre le cas du boeuf, par exemple. Il y a quelqu'un quelque part qui fixe les prix. Je pense que c'est là qu'est le fond du problème. Qui fixe les prix, quand et en vertu de quoi?

M. Roy (Léonard): D'abord, dans le régime dans lequel on vit — encore une fois, parce qu'on en a hérité. Ce n'est pas nous qui l'avons bâti, ce régime. Nous sommes nés avec, nous vivons avec. Normalement, la stabilisation du prix, l'égalité entre l'offre et la demande se fait au moment où il y a un acheteur qui veut avoir quelque chose et qui veut l'avoir en telle quantité et à tel endroit.

Mais, dans toute la chaîne, même à partir de la production agricole jusqu'aux consommateurs, il y a des produits qui peuvent se prêter à une plus longue conservation ou à une spéculation, et je m'explique: Au niveau de la production agricole, la technique nous permet aujourd'hui, comme vous le disiez pour les productions qui sont très saisonnières, de les récolter en temps voulu et de les conserver dans un état de fraîcheur comme si on venait de les cueillir jusqu'à six et huit mois après et de les mettre sur le marché. A ce moment, c'est un moyen de fixer des prix. C'est un moyen d'empêcher une dégringolade de prix. On retient de la marchandise. On la retient en très bon état, grâce à la technique, encore une fois.

Tout le monde est heureux de ça, pensez aux pommes, pensez à bien d'autres produits, alors on fait à ce moment-là, un geste. On fait exactement ce que d'autres entreprises, dans d'autres domaines, plus loin dans la chaîne alimentaire, peuvent faire pour des produits qui se prêtent à la spéculation.

Il y a certains genres de produits qui peuvent être entreposés qui ne suscitent pas de problèmes de conservation par exemple, alors c'est évident qu'il peut arriver, dans toute la chaîne alimentaire, qu'il y ait un secteur qui puisse conserver, durant un certain temps, de la marchandise, dans l'espoir d'un gain. Mais même là, l'abus dont on parle, il faudrait être bien sûr qu'on est capable de le prouver. Il y a bien des fois que c'est conservé précisément pour garder une stabilité dans le marché, ça aussi.

Pour les mêmes raisons qu'au niveau précédent, à la ferme, on a bâti des entreprôts pour garder nos produits en bon état, six et huit mois après leur récolte; pour la même raison dans les autres circuits et surtout les circuits de distribution, il peut arriver qu'on conserve des aliments en entrepôt pourstabi-liser le marché, pour éviter de tout jeter en même temps sur le marché et de faire faire une dégringolade de prix.

Alors, c'est pour ça qu'il est toujours très dangereux, d'essayer d'identifier des méchants quelque part dans le portrait. Je ne dis pas qu'il n'y a pas des gens qui peuvent profiter à un moment donné des circonstances. Je ne l'affirme pas. Seulement je vous dis qu'il faudrait éviter de généraliser dans ce domaine et qu'il faudrait penser qu'il y a bien des phases qu'on peut identifier à de la spéculation réellement malhonnête qui n'en sont pas. Ce sont tout simplement des procédés pour conserver le produit, de manière à stabiliser le marché, de manière encore une fois à éviter des chutes de prix trop radicales.

Je ne sais pas si ça répond à votre question quand vous dites qu'il doit y avoir quelqu'un quelque part qui fixe des prix.

M. Roy (Beauce-Sud): Oui, d'ailleurs ça répond, mais ça répond en partie, M. Roy. C'est que si on se réfère à titre d'exemple, à la situation qui a prévalu, depuis une vingtaine de mois, dans le domaine du boeuf, on se souvient que les prix ont commencé à augmenter de façon démesurée alors qu'il n'y a eu de rareté nulle part. Je me suis chargé, j'ai chargé quelqu'un de suivre ce dossier de très près, pour essayer de savoir qui était derrière tout cela, alors qu'il n'y a pas eu de rareté d'aucune façon et le prix du boeuf augmentait de façon pyramidale, pour employer un terme populaire, presqu'à chaque semaine, une escalade de prix extraordinaire; alors que pour des raisons que tout le monde ignore, les prix ont commencé à baisser par la suite et il a été plus difficile dans certains milieux de s'approvisionner, pendant que les prix étaient à la baisse, que pendant que les prix étaient à la hausse.

Ceci fait en sorte que beaucoup de gens se posent des questions. Et si je pose cette question, c'est parce que je fais référence à un fait dont probablement vous vous souvenez.

Je pense q ue c'est en 1963, je travaillais dans un secteur qui était très près de l'activité agricole, à ce moment, il y avait eu une enquête qui avait été faite et il avait été découvert que deux personnes fixaient les prix du porc, le mardi, àtelle heure, de façon que ce soit annoncé dans tous les journaux de mercredi. On avait même nommé les personnes. Il y avait un homme, un industriel de Montréal, spécialisé dans ce domaine, avec un haut officier du ministère fédéral de l'Agriculture. Je me souviens des noms, les noms étaient publics, je ne porte pas d'accusation contre les personnes, je me réfère à des articles qui ont paru dans des journaux, c'est un nommé Pizar-ski et M. Bélanger qui y travaillaient et c'étaient eux qui fixaient les prix.

C'est le point sur lequel j'accroche présentement. Je ne veux pas partir en guerre contre les nationales, les provinciales, les régionales, les multinationales, mais il y a quelqu'un quelque part qui fixe des prix. Je le demande, dans une société moderne comme la nôtre, même si c'est une société à économie libérale, est-ce qu'on doit continuer à permettre à des individus anonymes, mais bien organisés, de pouvoir jouer avec des conséquences aussi graves sur l'activité économique, les producteurs, d'une part, qui sont les victimes, et les consommateurs, de l'autre, qui paient toujours pour les frais? Est-ce qu'on peut continuer, logiquement, parce que vous en avez fait référence un peu dans votre mémoire, à la page 17, lorsque vous dites: Que l'on s'ouvre les yeux, qu'on se hâte de tirer les conclusions qui découlent du fait que les centres de décision, dans notre économie de marchés, ne sont plus au niveau de l'agriculture, ni au niveau de l'industrie, mais au niveau des grands réseaux de distribution. Vous avez ajouté ce matin que personne ne peut changer cela. Mais si on ne peut pas changer cela, n'avez-vous pas l'impression, à ce moment-ci — vous allez me dire peut-être que je pose deux ou trois questions dans la même — qu'on continue de légiférer sur les conséquences sans s'attaquer aux causes?

M. Roy (Léonard): D'abord, je vous ai dit, ce matin, c'est au texte, que le ministère de l'Agriculture du Québec a entrepris un travail qui est très considérable et qui va avoir aussi des effets très considérables sur la détermination des centres de décision. Ce travail est très avancé dans le moment. Et on peut, actuellement, savoir que, dans tel et tel domaine, c'est tel genre d'entreprises qui, définitivement, décide du sort du marché. Nous en avons encore passablement ici au Québec de ce genre d'entreprises, mais malheureusement, il y en a un bon nombre dont le contrôle nous échappe au Québec, qui sont à l'extérieur du Québec ou même aux Etats-Unis. Quand, les deux fois, à la fin de notre mémoire, on prie le ministre de l'Agriculture, dans les structures à venir, de s'organiser de manière à mettre en jeu, à impliquer ces centres de décision que l'on connaît et q ui opèrent au Québec et qui font de l'argent avec les gens du Québec.

C'est cela que nous avons dans l'esprit. Exactement un peu ce que vous avez. Nous sommes sûrs qu'à ce moment-là, si l'autorité gouvernementale du Québec les implique, on a beaucoup de chance que ces décisions tournent à notre avantage, mais quand je dis: Le régime des décisions qui se prennent à des niveaux supérieurs qui nous échappent, c'est un régime dans lequel aussi on est pris, cela fait partie du système.

M. le Président, M. le député, vous connaissez la Bourse de Winnipeg, vous connaissez la Bourse de Chicago, vous savez qu'à ces bourses on achète sur le système "futur", vous connaissez cela. Vous êtes capables d'identifier ce qu'on achète par le système "futur" à Chicago et à Winnipeg. Alors, ces biens agricoles que l'on achète, que ce soit du blé ou que ce soit du boeuf, qu'on achète même avant que l'ensemencement soit fait, ne croyez-vous pas qu'à ce moment-là les gens qui jouent ce jeu — qui est très honnête — ce sont des gens qui ont de l'argent, qui prennent un risque en bourse, ils risquent d'acheter une récolte qui n'est même pas encore mise dans la terre et de l'acheter à tel prix. Cela se fait au vu et au su de tout le monde. C'est légal à la bourse. Alors, quand vous vous demandez: Est-ce qu'il y a quelqu'un qui contrôle ces choses? Je crois qu'il faut aller jusque-là et voir que, dans le système économique normal, légal dans lequel nous vivons, il y a toutes sortes de genres d'opérations commerciales ou financières qui font que nous sommes rendus à cela aujourd'hui. On achète et on spécule sur des récoltes qui ne sont même pas encore ensemencées. Si cela existe légalement dans notre pays et aux Etats-Unis, ne doit-on pas, comme vous le dites si bien, se mettre à pleurer sur les conséquences? Je ne dirais pas que ce sont les causes, mais c'est le mécanisme qui est comme cela. Je ne sais pas si cela répond à votre question à savoir où sont situés les...

M. Roy (Beauce-Sud): Oui, je comprends les éléments et les réponses que vous me donnez. Si on parle du marché de Chicago et si on parle du marché de Winnipeg, je pense qu'on parle un peu de façon différente parce qu'au marché de Winnipeg, c'est canadien...

M. Roy (Léonard): Oui.

M. Roy (Beauce-Sud):... il n'y a pas de frontières entre les provinces qui sont surveillées. Alors, si on parle du marché de Chicago, il y a quand même les douanes et les barrières. Je pense que, sur le marché de Chicago, on a quand même un peu plus de mots à dire qu'on peut en avoir sur le marché de Winnipeg. Je pense que tout le monde va être d'accord là-dessus. La question des grains de l'Ouest, ce n'est pas là-dessus surtout que je voulais m'attarder parce qu'il y a d'autres questions qui se rattachent à cela et cela pourrait faire l'objet d'une autre étude, parce qu'on étudie le problème actuellement au niveau des producteurs, mais comme nous ne produisons pas de céréales pour en faire une mise en marché, voire même nationale, voire même sur le plan international, c'est pour cela que je n'ai pas touché ce domaine en particulier.

Je me suis attaqué surtout aux productions québécoises. Prenons le domaine du lait, où il y a la Régie des marchés agricoles actuellement, qui a fixé les prix, je pense que personne ne s'en plaint trop. Sauf que, jusqu'à maintenant, il y a le problème avec les associations de consommateurs à cause du coût des intrants et ce n'est pas le débat où je veux en venir. Il y a la Régie des marchés agricoles, qui a quand même son mot à dire dans les prix. Si on prend les services d'utilité publique, prenons le domaine des transports, il n'y a pas un transporteur routier actuellement, au Québec, qui peut fixer arbitrairement des prix sans soumettre ses prix à une régie gouvernementale. Je ne veux pas prêcher un dirigisme économique absolu, totalitaire.

Mais on a quand même la responsabilité de voir à prendre les moyens qui s'imposent de façon à protéger la population du Québec si de petits intérêts particuliers et privés s'arrogent des pouvoirs et le droit, autrement dit, d'exploiter ces populations.

C'est pour ça que j'étais un peu déçu quand vous avez dit dans votre mémoire ce matin qu'on ne peut rien faire pour ça. Ne croyez-vous pas plutôt, au contraire, qu'on devrait s'attarder à étudier des mécanismes, des moyens, essayer de trouver une formule par laquelle ceux qui fixent les prix actuellement devraient être dans l'obligation de rendre des comptes à quelqu'un. Ces gens ne rendent de comptes à personne. Je n'apprends rien à personne en disant ça. Ces gens ne rendent de comptes à personne et tout le monde est pris.

M. Roy (Léonard): Dans les secteurs que vous avez nommés, précisément les secteurs laitiers, c'est du dirigisme qui se fait dans le moment. Il se fait par Québec pour ce qui est du lait de consommation, il se fait par Ottawa pour ce qui est du lait industriel. Il y a eu un certain équilibre qui a été établi et je ne crois pas qu'actuellement vous ayez personne devant vous, dans les milieux industriels, qui se plaigne de cette situation, loin de là, parce qu'il y a de la stabilité. Dans les autres domaines, j'ai l'impression que la force des circonstances nous conduit, il y a un cheminement vers une plus grande réglementation dans les oeufs et dans la volaille qui se fait grâce aux plans conjoints, mais nous, c'est ce

que nous avons dit ce matin, au lieu de régir l'offre, on voudrait qu'on aille plus loin que l'offre et qu'ensemble, on puisse développer des marchés pour ces produits ou des produits dérivés de ces produits de base.

C'est ainsi qu'on voit que la question de contrôler les prix est une manière de parler parce que, souvent, je le dis à mes gens, on est déjà dedans jusqu'au cou. Mais il s'agit tout de même de ne pas stériliser les efforts, de ne pas faire mourir l'ambition qui est donnée par l'appât du gain dans tous les secteurs, que ce soit la production agricole, la transformation, ne pas stériliser cet appât du gain qui nous permettrait de développer les marchés.

Je ne sais pas si on peut dire: II y a telle et telle personne, dans la province de Québec, qui, actuellement, jettent la population agricole dans le marasme. Je crois que ce serait peut-être trop simplifier le problème, M. le ministre. D'un autre côté, je vous dis que nous sommes très rassurés de voir que le ministère de l'Agriculture, par ses études sur les centres de décision, est en train de nous montrer où ils sont et, une fois que nous allons les connaître, nous allons essayer de les mettre en jeu, convaincus que, lorsqu'on est en dedans, c'est encore bien mieux que de les laisser, en dehors, faire ce qu'ils veulent. Au moins, avec nous, tous ensemble, on pourra peut-être faire quelque chose de valable.

M. Roy (Beauce-Sud): Maintenant, comment verriez-vous une politique gouvernementale qui verrait à garantir des prix minimaux à certaines productions agricoles? Je fais référence, à ce moment-là, au salaire minimum. Il y a une loi, dans le monde du travail, qui a déterminé un salaire minimum, auquel tous les employeurs, quels qu'ils soient et où qu'ils soient, doivent se soumettre, de façon que, dans des périodes de chômage, des périodes creuses comme nous en avons là, les travailleurs ne soient pas exploités indûment et que tout le monde soit tenu de leur payer un'salaire minimum.

Ne verriez-vous pas qu'il y ait possibilité, à un moment donné, dans le domaine agricole, dans certaines productions particulières, qu'il y ait des prix minimaux fixés? Est-ce que ce serait une chose possible, selon vous?

M. Roy (Léonard): D'ailleurs, vous le faites déjà, je le répète, dans tout le domaine laitier. Cela se fait déjà. Dans les autres domaines, qui sont aujourd'hui des domaines non régis, évidemment, vous êtes en plein marché ouvert, c'est assez difficile de dire: On va fixer un prix minimum, parce que vous ne connaissez pas les conjonctures six mois d'avance. Il peut arriver que le niveau que vous allez fixer ce soir, dans trois ou quatre mois, soit un niveau qui tue l'agriculture du Québec ou des secteurs comme la volaille ou n'importe quel autre genre de production.

C'est tellement erratique. C'est pour cela que le gouvernement veut une loi de stabilisation. Nous, on croit que le plus loin qu'on puisse aller dans le moment, c'est de combler, par des coussins, ces pointes et ces creux, de tâcher d'avoir une stabilité relative dans les revenus des producteurs, quitte à ce que, concomitamment à cela, on s'organise tous ensemble pour tâcher de développer des marchés progressifs pour nos produits agricoles. C'est comme cela que nous voyons cela.

M. Roy (Beauce-Sud): Je suis bien d'accord sur tout cela. Je vous remercie des réponses que vous nous avez données, mais, M. le Président, on me permettra quand même une réflexion à ce moment-ci. Si on ne fait pas en sorte de déranger quelque peu les lois du marché ou les habitudes actuelles des grandes chaînes d'alimentation... D'ailleurs, nous en avons parlé à maintes et maintes reprises. Quand j'écoute des émissions de télévision françaises, qui sont diffusées dans tout le territoire du Québec, et qu'on recommande, que certaines personnes qui sont spécialisées dans l'art culinaire recommandent: Allez à votre magasin et achetez du boeuf de l'Ouest! On commence par leur dire cela à nos émissions de télévision.

Je pense, M. le Président, que c'est tout le problème dans son ensemble qu'on devrait examiner. On devrait l'examiner dans tous les secteurs. Il y a un autre secteur — et je veux attirer l'attention du ministre là-dessus, parce que la Chambre ne siégeant pas actuellement, je ne le peux pas; avec la permission du président — tout un secteur, le secteur des produits de l'érable.

Il y a 2.5 millions de livres de sirop d'érable dans la région de l'amiante, dans la région des Bois-Francs, dans la région de la Beauce qui ne sont pas vendus, et la récolte va commencer dans deux semaines. On ne peut pas en trouver sur le marché, ou à peu près pas. On me dit qu'il y en a plus de 2.5 millions.

On a justement un point et il n'est pas question de frontière. Il n'est même pas question de province, de conflit interprovincial, mais il n'y en a pas sur le marché. Qu'on aille dans certaines grandes chaînes d'alimentation, on n'en trouvera même pas une livre.

M. Toupin: J'espère que les producteurs ne refusent pas de vendre leur sirop?

M. Roy (Beauce-Sud): Non, mais c'est le mécanisme qu'ils demandent. Je dis qu'il y a une action gouvernementale qui s'impose. Si je me réfère — et je vois qu'il y a un député qui a voulu me rappeler à l'ordre — on prend la Loi de stabilisation des prix des produits agricoles. Dans le cas des productions qui ne sont pas vendues, que les agriculteurs ont sur les bras, qu'est-ce qui se produit?

M. Toupin: Je pense qu'il faut distinguer les problèmes. Il faut distinguer un problème de revenu agricole et un problème de marché.

M. Roy (Beauce-Sud): Cela va tout ensemble.

M. Toupin: Non, il faut les distinguer, parce que ce sont des solutions bien différentes qui peuvent s'appliquer.

M. Roy (Beauce-Sud): D'accord.

M. Toupin: Parce que, dans le domaine des marchés, je ne peux pas forcer un consommateur à manger du siropd 'érable s'il ne veut pas en manger.

M. Roy (Léonard): C'est exactement cela.

M. Toupin: C'est très simple. Il faut bien que je joue avec les lois du marché. Dans le domaine des revenus, c'est une autre chose. C'est que la question que vous posiez tantôt à M. Roy trouve sa réponse dans les discussions d'aujourd'hui. Vous avez, devant vous, une sorte de projet de loi qui pourrait s'appeler la loi de l'assurance-chômage des producteurs jusqu'à un certain point. Il y a une sécurité de revenu minimal, c'est-à-dire celle qui va garantir au moins les coûts de production. C'est cela que prévoit le projet de loi.

M. Roy (Beauce-Sud): Mais qui ne dérange personne.

M. Toupin: Ecoutez, est-ce que c'est nécessaire de déranger tout le monde pour régler un problème?

M. Roy (Beauce-Sud): Je pense qu'il y a des agents en économie qui ont des responsabilités, qui n'ont pas seulement que des droits...

M. Toupin: Oui.

M. Roy (Beauce-Sud): ... mais qui ont des devoirs. Je pense qu'il y a une action dynamique, énergique de la part d'un gouvernement...

M. Toupin: Oui, mais il ne faut pas se...

M. Roy (Beauce-Sud):... qui voit à prendre ses responsabilités dans ce secteur de façon, justement, à s'organiser pour que, dans la loi, comme sur tous les plans, dans tous les secteurs, les agents de l'activité économique jouent leur rôle. Il y a probablement, non seulement probablement, mais il y a des politiques gouvernementales qui deviennent nécessaires à ce moment.

Si on prend, par exemple, le cas du boeuf. Je n'irai pas engager ici un dialogue avec le ministre à ce niveau, mais rencontrons les propriétaires des abattoirs au Québec pour savoir le problème majeur qu'ils rencontrent. Même si on double, si on triple, si on quadruple la réglementation actuelle, qu'est-ce que vous voulez? Vous avez de grandes chaînes d'alimentation qui ont 65% ou 70% du marché québécois et le marché est fermé. Qu'on ait des assurances de stabilisation ou autres, qui va acheter les animaux du Québec?

M. Toupin: II faut faire une distinction entre un problème de revenu agricole et un problème de marché. Je pense que M. Roy, tantôt, a donné une précision assez claire là-dessus. Il y a actuellement des centres de décisions au Canada et au Québec.

M. Roy (Beauce-Sud): Et ailleurs.

M. Toupin: Ailleurs aussi.

M. Roy (Beauce-Sud): C'est ailleurs qui mène.

M. Toupin: Ce sont des centres de décisions qu'il faut influencer. Quand le député de Beauce-Sud veut influencer quelque part, il prend les moyens pour le faire. C'est la même chose.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Verchères.

M. Roy (Beauce-Sud): Merci, M. Roy!

M. Ostiguy: M. Roy, j'ai seulement une courte question. J'ai remarqué, tout au long de votre mémoire et de votre exposé que vous semblez jeter plutôt le blâme sur le réseau de distribution vis-à-vis de l'augmentation des coûts de l'alimentation plutôt qu'entre le producteur et l'intermédiaire. Vous nous avez, à plusieurs reprises, parlé du réseau de distribution qui semble profiter, si vous voulez, d'un certain coût qui serait trop élevé.

La question que je me pose et que je vous pose, c'est que vous ne pensez pas, vous autres, en tant que représentants des manufactures, que tous ces mets cuisinés, ces "TV. dinner", tout cet empaquetage moderne, ce qui est un attrape-l'oeil pour le consommateur, cela a fait augmenter aussi les coûts de production qui se situent, bien sûr, entre le producteur et le consommateur?

M. Roy (Léonard): M. le Président, M. le député, je suis très heureux que vous souleviez ce point. D'abord, je serais très malheureux si le texte portait à croire que nous mettons un blâme sur les réseaux de distribution. Ce n'est pas cela, nous sommes loin de mettre un blâme. Notre souci a été d essayer de voir avec vous autres les faits. On vous a dit, à la lumière de ce qu'on sait maintenant en provenance des études qui ont été faites par le gouvernement: Ne cherchez plus les centres de décisions à l'Agriculture, ne les cherchez plus à l'UPA, ne les cherchez plus à la Coopérative fédérée, ne les cherchez plus dans les grandes corporations, ils ne sont pas là, les centres de décision, ils sont dans les chaînes de distribution. On ne vous a pas dit qu'on les blâmait. Par l'économie, par le jeu normal de l'économie, il est arrivé que ce sont eux qui décident pour tout le monde en descendant. C'est ma première remarque.

Deuxième remarque: Si, demain matin, devant le problème de la Beauce, le problème du sucre d'érable, du sirop d'érable, on avait la chance, si les responsables disaient: Cela n'a pas marché, la vente du sirop d'érable, avec le régime des plans conjoints, nous allons essayer une autre formule et si on avait la chance, à ce moment, de dire: La nouvelle formule, on se met ensemble, tous ceux qui sont intéressés dans la commercialisation du sirop d'érable, c'est un produit de chez nous, on est bien bête de ne pas en tirer tout le profit possible, on se met ensemble pour la production et la transformation, qu'est-ce qu'on va faire, M. le député, en premier lieu?

Je fais appel à votre expérience parce que vous avez oeuvré dans le domaine du cidre de pomme, par exemple. Quelle est la première chose qu'on va faire? On va essayer de trouver comment le vendre, comment le présenter d'abord.

On va regarder la qualité intrinsèque de ce sirop. On va voir s'il n'y a pas d'autres moyens de le présenter que sous la forme ordinaire du sirop ou du sucre. On va trouver des produits dérivés de cela. Ensuite, on va dire: II faut l'habiller. Probablement qu'il ne se vend pas parce qu'il est mal habillé, ce produit, il est mal présenté. Il est en trop grosse quantité. Ce serait peut-être mieux d'avoir un autre genre de portion pour le faire entrer dans les "snack-food" — excusez l'expression anglaise, mais cela dit cela — plutôt que de le faire entrer pour faire des repas d'hôtel. Il y a toutes sortes d'avenues qu'on va explorer pour pouvoir lancer le produit qui s'appelle le sirop d'érable. A ce moment, on est obligé de prendre les formules de marketing qui, sur le marché nord-américain, s'avèrent les plus efficaces.

En passant, je vous fais remarquer qu'au ministère de l'Agriculture, il y a une équipe formidable de ce côté qui, à coeur de semaine, essaie de trouver des moyens nouveaux pour stimuler la vente, la mise sur le marché de nos produits du Québec. Or, qu'est-ce qu'elle fait après tout? Elle essaie d'emprunter ailleurs les formules qui ont donné le meilleur résultat. On essaie de mettre cela au service de nos produits.Alors, au bout d'un an, qu'est-cequ'on va avoir fait? On va s'être embarqué probablement dans quelques procédés de commercialisation un peu plus coûteux. On va avoir peut-être un empaquetage qui va être un peu plus dispendieux. Pourquoi va-t-on avoir cela? Parce qu'il a fallu, à un moment donné, prendre place sur le marché. Vous savez, il ne faut pas rêver en couleur. Excusez, si je vous fais cette remarque. Penser qu'on va faire du commerce comme on le faisait il y a 50 ans, c'est impensable aujourd'hui. Qu'il y ait de l'exagération dans la manière de faire la commercialisation, d'accord. Il s'agit d'écouter une heure la télévision et la radio pour s'en rendre compte. C'est un fait, on nous le dit de plus en plus, chez ceux qui mettent la main à la pâte et qui veulent vendre ces produits. Encore une fois, cela me fait plaisir que cela vienne de vous. Pensez à ce que j'appelle l'épopée du cidre de pomme dans la province de Québec. Qu'est-ce qu'il afallu faire pour pouvoir le lancer et le stabiliser? Il a fallu emprunter des formules qui sont coûteuses.

M. Ostiguy: II fallait d'abord produire un cidre de qualité.

M. Roy (Léonard): De qualité, oui. Après cela, il fallait le rendre à la portée du consommateur. Cela se traduit par des contenants. Cela se traduit par de la publicité. Cela se traduit par différentes méthodes. Or, j'ai pris l'exemple du sirop d'érable précisément, à l'intention du député de Beauce. S'il se posait la question: Pourquoi ce sirop ne se vend-il pas? Peut-être qu'il aurait une réponse lui-même. Je n'ai pas besoin de la lui donner.

M. Roy (Beauce-Sud): II y a bien des raisons.

D'ailleurs, si vous me demandez de vous donner une réponse, si le président me le permet, il y a le fait...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Une courte réponse.

M. Roy (Beauce-Sud): Une courte réponse. Je pense que c'est la plus grande réponse qu'on peut donner actuellement pour l'examiner dans son ensemble, parce que c'est un marché qui allait vers les Etats-Unis. Il y a eu des années d'abondance et il y a eu des difficultés de vente. Les producteurs ont dû garder leurs produits chez eux pendant un certain nombre de mois. L'année suivante, ces gens n'ont pas entaillé leurs érablières. L'année suivante, il y a eu des périodes de rareté de produits. Les organisations, les commerces américains qui achetaient le sirop d'érable ont été obligés de se présenter devant le gouvernement américain pour faire modifier la Loi des aliments pour tâcher de pouvoir augmenter le pourcentage de succédanés dans le sirop d'érable.

M. Roy (Léonard): C'est cela l'affaire.

M. Roy (Beauce-Sud): Chaque fois que la loi a été amendée à cause d'une rareté, lorsque la période d'abondance est revenue l'année suivante ou deux ans après, jamais la loi n'est revenue à son point de départ. Or, s'il y avait eu au Québec des entrepôts pour entreposer les surplus pendant que nous avions des surplus, nous aurions été en mesure d'alimenter régulièrement chaque année les marchés que nous avions aux Etats-Unis. A ce moment, il aurait fallu l'intervention gouvernementale, parce que les producteurs et les coopératives n'avaient pas les moyens de supporter seuls ce fardeau. Cela en est un exemple. On m'a demandé une réponse, c'en est une réponse que je donne. Actuellement, vous avez le même phénomène qui se présente vis-à-vis de certains marchés internationaux qui pourraient être développés, parce qu'il n'y a pas de garantie d'approvisionnement, Alors, ceux qui ont des capitaux n'osent pas les risquer. Il faut l'intervention du gouvernement à ce sujet. S'il y avait des entrepôts pour entreposer les surplus, à ce moment, les industriels, les nommes d'affaires, l'entreprise privée pourraient avoir la certitude de pouvoir s'entreposer et pouvoir faire en sorte au niveau des dépenses, de l'amortissement de capital et autres, d'être capables d'organiser une mise en marché rationnelle sur une base annuelle. Si on prend la production du sirop d'érable, entre autres, et qu'on fait une comparaison entre la production annuelle pour chaque période de cinq ans, il n'y a pas de différence entre cinq années par rapport à cinq autres années.

Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre!

M. Roy (Beauce-Sud): Vous avez des différences d'une année par rapport à une autre.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Une courte réponse.

M. Roy (Beauce-Sud): On m'avait demandé une réponse et je vous ai donné une réponse complète, M. le Président. Merci, j'avais fini.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Verchères.

M. Ostiguy: C'est une grande réponse, mon cher collègue.

M. Roy (Beauce-Sud): Quand même, je pense que c'est important pour tout le monde que cela se sache.

M. Ostiguy: De toute façon, pour revenir à mon réseau de distribution, bien sûr M. Roy, vous nous parlez du sirop, du sucre, du cidre, des oeufs, mais les oeufs se vendent aujourd'hui comme ils se vendaient il y a 15, 20 ans. Mais là où je trouve qu'il y a une différence et où il y a vraiment une augmentation dans le coût vis-à-vis des aliments, c'est dans le boeuf, par exemple, et le poulet, qui eux, subissent un empaquetage bien spécial, et je me plais, si vous voulez, personnellement, à aller dans des grandes chaînes de magasins ou même dans des petits magasins, de petites épiceries ou des petites boucheries, à voir de quelle façon l'empaquetage des aliments est fait. C'est bien sûr que cela a eu pour but de faire augmenter, vous l'avez mentionné vous-même tout à l'heure. Je me demande, vis-à-vis de la situation qu'on connaît actuellement dans le monde entier presque, il y a de l'inflation partout, si on ne devrait pas songer à revenir à un système plus économique vis-à-vis de la distribution, surtout du boeuf, du poulet. Je pourrais en nommer d'autres. Il y a tellement de catégories d'aliments. Revenir peut-être à la formule des oeufs. Les oeufs, c'est toujours dans une boîte de carton, une douzaine d'oeufs. Vous parliez du cidre tout à l'heure. Bien sûr, j'ai mentionné que d'abord il fallait faire de la qualité, avoir une présentation dans une bouteille, mais c'était la qualité d'abord. Le boeuf, je ne dis pas parce qu'il est empaqueté dans un empaquetage individuel que la qualité n'est pas aussi bonne, elle est peut-être même supérieure; c'est peut-être une question de salubrité. Mais il reste quand même que cela coûte de l'argent. Cela fait augmenter les coûts. Il y a le producteur, qui est le cultivateur et il y a le consommateur, et lui...

M. Roy (Léonard): Etes-vous prêt, comme législateur, à intervenirsur les habitudes alimentaires de la population?

M. Ostiguy: Ce n'est pas au législateur à faire cela. C'est plutôt au manufacturieret aux centres de distribution, je pense.

M. Roy (Léonard): Bon! Je vais vous donner un exemple précisément dans le sens de celui que vous venez de soulever. Vous parlez de la viande. D'accord! Vous parlez aussi de la volaille.

M. le député, vous êtes conscient, chez vous même, dans votre patelin, à une heure et demie de la nuit, après avoir passé une soirée à jouer aux cartes, n'importe quoi, on appelle Saint-Hubert Bar-B-Q. Vous connaissez ce phénomène? Bon! On se fait livrer, à la maison, du poulet dodu, tout prêt à manger. Vous savez quel prix vous le payez. Vous savez aussi quel prix ce poulet a donné au cultivateur, le premier dans la chaîne d'alimentation. La différence, M. le député, c'est vous qui l'avez créée.

M. Ostiguy: D'accord, M. Roy! Là-dessus, d'accord! Attention, je ne touche pas... M. Roy, cela ne touche pas le panier du consommateur, par exemple. Cela est un luxe. Si je veux me faire venir un poulet...

M. Roy (Léonard): Non.

M. Ostiguy:... après avoir joué une bonne partie de carte, une veillée avec des amis, c'est un luxe.

M. Roy (Léonard): Oui.

M. Ostiguy: Je pense toujours au panier...

M. Roy (Léonard): D'accord!

M. Ostiguy: ... du consommateur.

M. Roy (Léonard): J'ai voulu faire une blague.

M. Ostiguy: D'accord!

M. Roy (Léonard): Mais il y a des millions d'individus, ce soir, dans la province de Québec...

M. Ostiguy: D'accord!

M. Roy (Léonard): ... ou après une partie de hockey, vont faire la même chose que j'ai dite. Ces gens ne seront pas conscients, à ce moment, que par une attitude, un caprice absolument exagéré de la population, de notre manière de vivre, de notre art de bien manger quand on veut et tout ce qu'on veut, on suscite un ensemble d'opération — je n'ai pas besoin de faire le dessin — entre le petit poulet qui a été livré à telle heure par un grossiste, vous avez eu les cuisiniers qui sont derrière le fourneau 24 heures par jour obligatoirement; vous avez les séries de camionnettes à la porte qui attendent; il y a de l'essence là-dedans; il y a la dépréciation et des salaires de gars qui travaillent aux heures anormales. Vous savez ce que cela veut dire. A part de cela, tout cela pour attendre votre téléphone qui peut aller jusqu'à trois heures dans la nuit.

M. Ostiguy: M. Roy, encore une fois...

M. Roy (Léonard): Alors, vous savez qu'on a beau... Moi, c'est la question que je pose à tous ceux qui veulent faire des lois ou réglementer les habitudes de nos gens. Si on vous disait, demain matin, dans un autre domaine: Les dépenses qu'on fait pour le sport, le sport assis, le sport sur son derrière, c'est inoui, et pour une raison de bien-être social, vous décideriez demain matin que c'est fini, cette folie. On va arrêter cela. Allez-vous réellement avoir le courage d'aller au bout?

M. Ostiguy: M. Roy, vous vous êtes éloigné un peu...

M. Roy (Léonard): Non, non. Je ne m'éloigne pas du tout...

M. Ostiguy: ... du panier de nos consommateurs.

M. Roy (Léonard):... parce que c'est notre attitude. C'est notre mode de vie. Le poulet Bar-B-Q et le Forum et la manière dont vous rentrez vos provisions à la maison, la caisse de bière, tout cela va dans le même genre de choses. Mais quand j'entends des gens qui veulent laisser entend re qu'on va changer les habitudes alimentaires des individus, vous savez, je ne veux pas dire que je vais m'esclaffer de rire, parce que ce ne serait pas poli, mais il y a toujours des limites de vouloir penser... D'ailleurs, cela ne s'adresse pas surtout à vous autres, les députés. Loin de là. Cela s'adresse surtout aux activistes qui, dans certains champs actuellement, veulent faire croire qu'on peut faire cela. Ils prétendent parlerau nom de 100,000, 500,000, un million d'individus.

Je ne sais pas s'il y en a 125 qui les suivent. Je me permets de glisser cela en passant, parce que c'est justement cette affaire-là. On se pose comme les réformateurs qui ont décidé que les gens vont finir d'aller au Forum, vont finir de manger du poulet de gril, n'achèteront plus leur bière. Regardons donc notre cheptel dans la province de Québec. Il veut cela, puis je n'ai pas encore vu le gars qui est né pour changer cela. C'est bien de valeur, mais...

M. Ostiguy: Encore une fois, M. Roy, lorsqu'on fait le calcul des statistiques du coût d'un panier au consommateur, ce n'est pas calculé, ce n'est pas entré.

M. Roy (Léonard): Non.

M. Ostiguy: Lorsqu'on calcule le coût du panier d'un consommateur, c'est ce qu'il achète à la boucherie ou à l'épicerie ou à la chaîne, en tout cas peu importe l'empaquetage dispendieux. C'est à se demander quand même — et peut-être que vous devriez être les instigateurs de ce projet — si on ne devrait pas tenter de changer justement nos coutumes.

En Europe, par exemple — vous parlez de livraison — si vous allez en France, à Paris, il n'y en a pas de livraison, vous essayez de vous faire venir un poulet de gril à Paris, il n'en est pas question.

M. Roy (Léonard): Permettez que je vous apporte un exemple bien pratique. Au moment où l'on parle, dans le secteur laitier, on est en train de changer tous nos contenants au système métrique, de manière à être prêt, le 1er juillet 1976, au système métrique. Savez-vous qu'à ce moment-là, on s'est rendu compte que, dans des quantités qui sont en bas de 10 onces, on a recensé — des quantités qui étaient des fractions — 27 grandeurs de contenants dans les inventaires, soit dans les fromages qu'on vend dans n'importe quelle quantité, des portions de fromage. Je vous mets au défi. Regardez, chez vous, ce soir dans le garde-manger, du fromage importé, du fromage qu'on fait ici en petites portions, puis regardez les quantités. C'est inouï.

Dans les fromages, les portions de crème glacée, les yogourts, il y avait 27 quantités différentes, on change cela pour sept. On profite du changement au système métrique pour vider les inventaires qui sont trop coûteux, qui finissent par être des coûts qu'on impose en plus aux consommateurs. On va laisser tomber une quantité de contenants qui sont devenus de la folie furieuse après tout, parce que c'est le résultat de quoi cela? C'est le résultat de la concurrence. Quelqu'un pour avoir un contrat arrive et dit: Moi, je vais vous fournir la même matière, mais dans un contenant d'une once de moins. Vous savez, c'est ça l'affaire.

Alors on arrive avec une législation, avec des ordonnances du gouvernement, on va avoir un nombre très limité de contenants, de manière que ce soit économiq ue dans nos opérations et dans nos inventaires. Cela est un exemple qui vous montre que nous sommes conscients de cela. Mais, nous aussi, il faut se défendre d'un système dans lequel on a été pris comme dans un engrenage et, là, on le fait de notre mieux.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député d'Iberville.

M. Tremblay: M. le Président, j'allais enchaîner en disant qu'ils avaient procédé de la même façon pour les tubes de pâte à dent, il y a deux ou trois ans. Trois questions bien courtes. Tout d'abord, M. Roy, quelle est la proportion, en pourcentage, des produits importés vendus au Québec par l'ensemble des membres de votre conseil? Est-ce que c'est une question qui demande trop de...

M. Roy (Léonard): Non.

M. Tremblay: Vous avez huit associations différentes de fournisseurs, de grossistes, détaillants, manufacturiers. Vous avez deux conseils, un de salaison et l'autre d'industrie laitière.

M. Roy (Léonard): Je vais vous répondre à cela très vite aussi. Si vous regardez un panier de provisions dans l'allée d'un magasin cet après-midi. Dans ce panier, il y a environ 50% de produits qui sont faits avec des matières premières agricoles provenant du Québec, 50%.

M. Tremblay: 50%.

M. Roy (Léonard): Mais, si vous prenez les produits, par exemple, qui sont manufacturés au Québec, qui donnent de l'emploi au Québec, mais manufacturés avec de la matière première agricole venant de l'extérieur, vous n'arrivez même pas à 40%, je dirais, moi, en bas de 40% de produits provenant réellement du Québec. Alors, votre question, à savoir ce qu'on importe, je vous la donne sous une image qui est beaucoup plus frappante, parce

qu'encore une fois, il y a le chiffre exact, le gouvernement du Québec parle toujours qu'on est autosuffisant en moyenne à 60%. Moi, je fais cette distinction, 50/50 lorsque ce sont des produits dont la matière première vient du Québec, mais lorsque la matière première vient de l'extérieur, mais manufacturée au Québec à mon sens, moi, vous n'avez même pas les 40%.

M. Tremblay : Comme Conseil de l'alimentation, votre préoccupation première — sans doute cela en est une de celles-là du moins — est de voir à ce que cette situation se corrige davantage et finisse par arriver, par exemple, à ce que, dans le même panier de provisions, un bon jour, nous aurions réellement 75% de produits...

M. Roy (Léonard): 75%, 78%, selon nous.

M. Tremblay:... dont la matière première est le produit fini...

M. Roy (Léonard): Québec.

M. Tremblay: Bon. Afin d'arriver à cet objectif, vous nous avez parlé beaucoup aujourd'hui, cela a été fort intéressant, personnellement, je vous en remercie, vous nous avez donné beaucoup de choses pour nous instruire sur la matière, mais en plus de tout ce que vous avez élaboré devant nous en suggestions bien constructives, évidemment, il n'y a pas de formule magique, mais il y a certainement moyen d'améliorer la situation avec, non seulement les moyens du bord, mais les moyens rationnels dont vous disposez, ainsi que l'UPA, l'Association des consommateurs, et le ministère de l'Agriculture. Tout cela peut se coordonner comment? Cela m'amène à vous poser la question: Quel est le genre de relations et de consultations qui existent entre votre conseil qui est extrêmement important au Québec... je n'aurais jamais pensé, que cela avait une valeur telle que celle que vous avez mentionnée ce matin, en chiffre d'affaires, $3.2 milliards, alors cela veut dire que vous détenez une clé importante de l'économie québécoise... Alors, il est primordial que le Conseil de l'alimentation du Québec travaille peut-être beaucoup dans le moment, mais en fasse davantage.

La question, je vous la pose de nouveau. Quel est le genre de consultations et de relations que vous avez avez l'UPA. le ministère et les consommateurs?

M. Roy (Léonard): Nous rencontrons d'une façon régulière, statutaire, l'UPA dans plusieurs comités consultatifs rattachés au gouvernement, au ministère de l'Agriculture et aussi dans certaines sociétés, comme par exemple, le Centre de promotion de l'industrie agricole alimentaire, dans lesquelles le conseil d'alimentation et l'UPA sont partenaires à part entière avec le ministère de l'Agriculture, dans une entreprise de promotion pour la vente des produits agricoles du Québec, les produits agro-alimentaires du Québec. Au point de vue relations humaines, vous savez que, personnelle- ment, je crois compter que de bons amis à l'UPA. Evidemment, nous avons chacun à défendre des points de vue. Moi, je dis qu'en autant qu'on le fait honnêtement, il n'y a rien qui puisse briser notre amitié là-dessus. De ce côté, nous sommes loin d'être des gens séparés, nous nous rencontrons pour échanger, simplement, mais pas suffisamment, premièrement.

Avec le ministère de l'Agriculture, je l'ai dit tout le long de notre texte, ce matin, et même au risque de passer pour faire de la forfanterie, il reste que de fait, nous nous sentons, actuellement, comme des partenaires très bien reçus par ceux qui orientent l'agriculture du Québec. Nous sommes consultés, nous sommes dans des comités. Nous avons accès à certains documents pour tâcher de travailler ensemble, développer, apporter une collaboration pratique. Nous ne faisons pas de politique, nous ne courons pas les conférences de presse, nous travaillons, dans l'ombre, mais à bâtir quelque chose. Avec le ministère de l'Agriculture, dans le moment, nous avons l'impression, de ce côté, que nous avons fait beaucoup plus que l'an passé. Nous en sommes très satisfaits. Nous disons, cependant, qu'il faudrait, encore une fois, conserver le mécanisme qui fait que les cultivateurs, à un moment donné, doivent faire un arrêt et faire un effort pour avoir ce qu'ils ont besoin d'avoir. On accepte tout cela, cela veut dire par la formule syndicaliste, l'épreuve de force, la négociation, il faut faire cela. Mais une fois qu'on l'a fait, on voudrait qu'on prenne le reste de l'année, avec le ministère de l'Agriculture, pour bâtir ensemble. C'est cela, quand je dis dans le texte: Impliquez donc au plus tôt — impliquer, cela veut dire les compromettre, les mettre dans le bain — les entreprises alimentaires du Québec dans toute grande politique. C'est cela qu'on veut dire. On est prêt, on veut travailler, mais on veut travailler sur des choses qui débouchent vers quelque chose, pas travailler pour des choses qui restent dans l'air.

M. Tremblay: Est-ce que c'est, en somme, la synthèse de la réflexion de votre collègue après la session de ce matin qui disait: Cela prend une commission? Voulez-vous élaborer un peu là-dessus?

M. Roy (Léonard): II faudrait préciser ici, peut-être, ce que mon collègue, M. Berthiaume, avait dans la tête. Il vous parlait des mécanismes qui, en plus des plans conjoints, pourraient être des mécanismes valables pour faire de la mise en marché, il référait à des gens, par exemple, des commissions mixtes de vente, comme il y en a en Ontario, dans les autres provinces, aux Etats-Unis et dans le marché commun, ou des sociétés d'intérêts mixtes, entre autres, comme il y en a en France, qui s'adaptent très bien à toutes sortes de modalités de mise en marché par produit. C'est cela qu'il avait à l'esprit, avoir des commissions où vous mettez dans le bain tous ceux qui ont intérêt à essayer de développer un marché, depuis le producteur jusque... Moi, je n'ai aucune objection même à inclure là-dedans les consommateurs, pour autant qu'on puisse trouver des consommateurs qui représentent des corps

représentatifs. Vous savez, c'est notre problème dans le moment, cela aussi.

Il faut dire les choses telles qu'elles sont. Je crois même que le gouvernement actuel fait des travaux là-dessus parce qu'il arrive que je siège à certaines commissions où il en est question. Le problème est de trouver actuellement à établir le caractère représentatif des organismes qui se disent défenseurs des intérêts des consommateurs, pour précisément qu'ils deviennent des interlocuteurs valables envers les organismes du gouvernement et les autres secteurs de la société. Nous n'avons aucune objection que, dans les organismes comme ceux-là, le consommateur comme tel, bien représenté, bien structuré, fasse partie à part entière d'organismes de ce genre-là.

M. Tremblay: Je vous remercie, M. Roy.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Lafontaine.

M. Léger: M. le Président, je voulais seulement poser une question au ministre. A la suite de plusieurs affirmations de M. Roy qui parlait souvent d'une étude sérieuse du ministère qui se faisait sur les centres de décision, est-ce que le ministre peut nous dire si cette étude est en cours, si on peut avoir des "progress reports" ou des rapports intérimaires? Comment sont faites ces études sur les centres de décision?

M. Toupin: Non seulement on a des "progress reports", mais si vous avez suivi un peu les documents que le ministère de l'Agriculture a rendu publics depuis à peu près six mois, vous avez trouvé un document à peu près ça d'épais qui s'appelle: Plan intégré agro-alimentaire. Vous allez trouver cela là-dedans.

M. Léger: C'est là-dedans que vous avez les réponses aux études que vous avez faites, mais qui ne sont pas terminées?

M. Toupin: C'est-à-dire que vous avez là l'esquisse. On détermine les principaux centres là-dedans, les principaux endroits, là où on doit agir. Il reste maintenant à appliquer cela programme par programme, dans les différents secteurs, comment on peut agir. Si on prend le secteur routier, on a agi avec une politique de regroupement, on a agi également au niveau... La régie agit également avec les industriels en diminuant le nombre de contenants.

M. Roy (Léonard): C'est cela.

M. Toupin: Tantôt on aura à discuter du règlement des abattoirs. Vous allez trouver là-dedans encore des idées qu'on a émises dans le plan agroalimentaire et on débouchera peut-être aussi dans ce domaine avec des politiques de regroupement, des politiques d'amélioration pour qu'on puisse présenter un meilleur marché, surtout autour de pôles de croissance. Vous allez trouver aussi dans ce document des centres de décision dont parlait M.

Roy et vous allez vous rendre compte très facilement, en lisant le document, qu'on ne peut pas vendre du sirop d'érable quand les consommateurs ne veulent pas en manger. Si on veutqu'ilsen mangent, il faut changer le produit, il faut changer la forme de présentation.

M. Léger: II faut dire que le consommateur accepte ou acquière des habitudes très souvent...

M. Toupin: Qu'on veut bien lui vendre.

M. Léger:... imposées par le fait q ue la publicité ou les gens qui veulent vendre créent des besoins qui n'existent pas nécessairement, en revenant au poulet de gril de tantôt. Ce sont des habitudes qui se créent parce que, justement, on crée chez des gens des habitudes et on laisse chez eux une impression de choses nécessaires pour des choses qui sont souvent des luxes. Mais quand on parle des centres de décision, M. Roy a parlé tantôt de centres de décision économiques et des centres de décision politiques, dans les centres de décision politiques, prenons l'exemple des pommes de terre, un ministre de l'Agriculture du Québec peut-il réellement contrecarrer des décisions politiques de subventions de transport pour les pommes de terre du Nouveau-Brunswick qui arrivent dans le territoire du Québec, qui sont vendues à un prix inférieur, parce qu'il y a des subventions de transport, au prix réel des pommes de terre qui seraient cultivées au Québec? Le ministre peut-il réellement, au Québec, avoir une politique et des moyens d'écouler nos pommes de terre, les nôtres avant celles du Nouveau-Brunswick?

M. Toupin: C'est tout un mécanisme qui entre en ligne de compte. C'est le mécanisme d'abord du producteur qui met en marché un bon produit, un produit de qualité, c'est par la suite un mécanisme d'entreposage, c'est par la suite un mécanisme de sélection et d'emballage, et après c'est le mécanisme des dépositaires et des chaînes qui vont distribuer le produit. Ce que le ministère fait actuellement à ce niveau, il cherche d'abord à identifier les catégories de pomme de terre, les bonnes et les moins bonnes, et il met en contact les principaux producteurs avec les principaux acheteurs, et les principaux acheteurs avec les principaux distributeurs.

M. Léger: Oui, mais, à qualité égale, les deux sortes de pommes de terre, celles du Nouveau-Brunswick et celles du Québec, si la différence dans le coût provient en gros d'une subvention pour le transport, à ce moment-là, c'est au détriment du Québec et c'est un centre de décision politique qui est étranger à la décision ou aux possibilités du ministère du Québec.

M. Toupin: II peut y avoir une certaine discrimination si on prend certaines régions du Québec, mais, de façon générale, ces taux ont été pensés en tenant compte de la différence qu'il pouvait y avoir pour le transport entre les Maritimes et les principaux marchés du Québec parce que le Québec ne

produisait pas 100% de ses besoins en pommes de terre. On produit quoi? Peut-être 50% ou 55%.

M. Léger: Oui, mais pour arriver à produire la quantité qu'il nous faut, est-ce qu'au Québec on n'aurait pas réellement les moyens de le faire si le marché acceptait d'acheter le produit du Québec?

M. Toupin: Evidemment, si les consommateurs et les chaînes de magasins du Québec disaient: On va d'abord acheter tout le produit du Québec, on l'écoulerait en entier. On est bien d'accord sur cela, mais cela ne veut pas dire qu'on l'écoulerait au prix qu'on le voudrait.

Quand tu es dans le marché de la distribution, si tu es capable d'avoir des pommes de terre aux Maritimes à $0.05, $0.10 ou $0.20 meilleur marché qu'au Québec, tenant compte des coûts de transport, on risque de manquer le bateau.

M. Léger: La subvention gouvernementale fédérale est quand même un obstacle auquel le ministre du Québec a à faire face.

M. Toupin: Je ne dirai pas que c'est un obstacle, mais je dirai que c'est un avantage que les producteurs du Nouveau-Brunswick ont et qui peut leur être très utile dans des circonstances particulières. Quand les marchés de pommes de terre sont à l'état rare, ça se vend bien autant au Québec qu'ailleurs. L'an dernier, ça se vendait combien les pommes de terre, pour 100 livres, pour 50 livres? Je ne sais pas, entre $4 et $6; cela ne s'était jamais vu depuis dix ans. Voici que, cette année, tout s'est effrondré. Parce que c'était payant l'année dernière, tout le monde s'est mis à en produire. Mais ce n'est pas parce que les consommateurs du Québec vont acheter toutes les pommes de terre du Québec qu'on va régler le problème des revenus des agriculteurs.

M. Léger: Pour devenir autosuffisant, ce qui est un objectif quand même valable au point de vue politique du Québec...

M. Toupin: Oui.

M. Léger:... comment êtes-vous capable, étant donné que les centres de décision fédéraux et provinciaux s'affrontent, qu'est-ce que vous pouvez faire?

M. Toupin: II y a trois moyens de procéder là-dedans. L'Europe a pris, il y a une vingtaine d'années et, avant ça, depuis des décennies, la technique de fermer les frontières, et ils se sont rendu compte que, plus on fermait les frontières, plus on se créait de problèmes. Là, ils ont ouvert les frontières, avec le marché commun, et on laisse circuler plus librement les produits avec certaines ententes, bien sûr, entre pays. Donc, un des moyens qu'un gouvernement peut avoir, c'est celui de fermer les frontières. Mais le gouvernement du Québec n'a pas les moyens légaux de fermer les frontières.

Mais il reste quand même que l'expérience dé- montre... D'ailleurs, les Etats-Unis sont l'exemple le plus typique de tout ça. Je me demande vraiment ce que ferait l'Etat du Maine décroché de l'ensemble des 49 autres Etats. Ce serait vraiment fantastique de voir comment ça pourrait se maîtriser sur le plan économique.

L'autre moyen dont le Québec dispose et dont tous les gouvernements provinciaux disposent, c'est l'organisation de mise en marché, c'est la concurrence dans les prix, c'est de travailler avec les centres de décision.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Merci bien, M. Roy. J'invite immédiatement le Conseil des salaisons du Canada.

Conseil des salaisons du Canada

M. Roy (Léonard): M. le Président, j'enchaîne parce que c'est précisément nous qui présentons l'introduction au sujet du règlement des aliments et M. Soucy présentera exactement ce qu'il a à dire sur le secteur de la viande.

Le Conseil de l'alimentation du Québec a pris connaissance du projet de refonte du règlement des aliments du Québec et a consulté ses secteurs sur cette refonte.

D'une façon générale, l'industrie alimentaire du Québec accepte l'ensemble de cette nouvelle présentation, d'autant plus que nous y retrouvons reproduite la plus grande partie de l'actuel règlement sur les aliments du Québec que nous avons déjà eu l'occasion de réviser avec les officiers du ministère de l'Agriculture du Québec. Nous continuons à recommander que ce règlement soit un règlement-cadre qui coiffe, dans un seul code, tous les règlements particuliers ou sectoriaux s'appliquant à la mise en marché de nos divers produits agroalimentaires.

Dans le document que vous avez devant vous, il y a une partie qui est de portée -générale et qui constitue réellement ce qu'on pourrait appeler un règlement-cadre et vous avez la plus grande partie de ce document qui est consacrée à la volaille, aux oeufs et à la viande. Nous souhaitons qu'on continue dans cette voie et que ce règlement devienne, en quelque sorte, le code qui contiendra tous les règlements de secteurs qui ont trait à la mise en marché de tous les produits agricoles du Québec.

Considérant les recommandations que l'industrie alimentaire québécoise a faites depuis avril 1967, surtout quant à la forme et quant à certaines expressions utilisées, nous regrettons que le ministère n'ait pas profité de cette refonte pour corriger le texte en employant les expressions plus réalistes, plus pratiques que nous avions déjà recommandées. Juste pour vous donner une idée, ça va prendre une minute. D'abord, le règlement des aliments du Québec relève d'une loi, laquelle loi du Québec couvre à la fois les aliments pour les humains et les aliments pour les animaux, contrairement à la loi fédérale du même genre qui couvre, elle, exclusivement les aliments pour les humains.

Nous continuons à affirmer que ça cause des ambiguités; il y aurait avantage à changer ça, que ce

soit un règlement des aliments pour les humains. Nous avons relevé des choses, par exemple quand on demande à quelqu'un d'avoir des conditions de propreté et d'hygiène irréprochables.

Nous trouvons que c'est demander la perfection, au point de vue pratique, qui est difficile à obtenir. Ensuite, on dit par exemple: L'atelier doit assurer une protection parfaite contre les insectes, les rongeurs et autres animaux et contre toute cause de pollution, de contamination. Encore-là, c'est évident qu'il y a toutes sortes de règlements qui nous prennent de ce côté-là, pour avoir à surveiller cet aspect qui est essentiel chez nous.

On nous demande si, dans le moment, le règlement s'applique aux produits pour consommation humaine et consommation des animaux. Voyez-vous un article comme celui-là qui dit: "II doit assurer une protection parfaite contre les insectes, rongeurs et autres animaux dans les granges, sur les fermes, dans les établissements de ferme"? C'est cela, lorsqu'on vous illustre par cet article-là que, franchement, il y a des incidences de concordance qu'on devrait changer, pour éviter d'avoir des choses cocasses comme par exemple, quand on nous dit, à un endroit: "Les véhiculesqui transportent des aliments devraient indiquer dans des lettres de trois pouces de hauteur, sur les faces latérales, la nature du produit, l'identité du vendeur". Quand vous pensez que les vendeurs, les rouliers indépendants, aujourd'hui, transportent pour toutes sortes de compagnies, en dedans d'une semaine, est-ce que c'est pensable, logique, d'avoir sur les camions de Bellechasse Transport ou des entreprises du genre des panneaux qui, le mercredi, vont dire: Là-dedans, il y a des fruits ce jour-ci et un autre panneau pour le lendemain qui va dire: Ce sont des produits laitiers que l'on transporte aujourd'hui, ce sont des choses de ce genre-là, tous les véhicules affectés à la vente, à la livraison à domicile, etc.? Il y a des choses qui doivent servir uniquement à cette fin. On ne voit pas aujourd'hui des véhicules qui servent uniquement à transporter, surtout sur les grands rouliers, de la nourriture. Au point de vue économique, on va transporter de la nourriture de Montréal à Québec et on va tâcher de trouver des produits secs, de Québec à Montréal, pour retourner avec une cargaison, pour abaisser le coût d'exploitation.

Il y a toutes sortes de choses comme celles-là qui sont, à notre sens, des défauts de forme, ce ne sont pas des défauts de base. Cela fait longtemps qu'on demande cela, on aimerait, encore une fois, avoir l'avantage de revenir là-dessus. C'est d'autant plus surprenant que, dans la partie nouvelle, en ce qui a trait à la viande, au poulet, les rédacteurs du règlement ont employé précisément les termes que nous recommandions.

Dans les circonstances, nous recommandons que les représentants de l'industrie aient de nouveau l'occasion de rencontrer les officiers du ministère pour reviser les expressions mises en cause, ne serait-ce que pour des fins de concordance avec des expressions utilisées dans la seconde partie du règlement qui a trait à la viande.

Nous sommes heureux aussi de retrouver à l'ar- ticle 3.3.1, les mêmes exigences de l'ancien règlement relatives aux indications et marques, et en particulier à la langue de l'étiquetage.

Compte tenu des efforts considérables faits par l'industrie dans le passé pour concilier les exigences fondamentales de la communication avec le client dans le commerce avec les droits de la langue française, nous sommes satisfaits que le ministère de l'Agriculture conserve, dans ce règlement, un ensemble de prérogatives touchant la langue d'étiquetage, qui doivent demeurer à ce ministère pour des raisons d'ordre pratique.

D'abord, l'industrie préfère de beaucoup la clarté, la précision de l'article 3.3.1 du projet de règlement que nous avons devant nous aux principes directeurs relatifs à la langue de l'étiquetage des produits que le ministre responsable de la Régie de la langue française fait circuler actuellement dans les milieux de l'industrie. Nous regrettons que l'on noie un principe universel aussi simple que celui du service à la clientèle dans la langue de la collectivité, dans une confusion inextricable en faisant intervenir des considérations relatives à la collectivité locale — je me réfère à ce document — le produit local, le produit spécial, le produit importé, le produit d'essai, etc.

On veut satisfaire, dans cela comme dans tout le reste, tout le monde, mais on ne satisfera personne. Là encore, on semble vouloir tenir compte d'un ensemble de situations qui ne sont vraiment pas des problèmes. On crée des problèmes en procédant de cette manière. Et, nous n'avons pas l'intention, comme industrie, de recommencer le travail que nous avons fait avec le ministère de l'Agriculture, depuis bien avant 1967, pour arriver à la situation claire et nette que traduit l'article 3.3.1 du règlement devant nous.

Pour des considérations d'équité pour toutes les entreprises alimentaires opérant au Québec, qui n'ont pas attendu la Loi sur la langue officielle pour servir leurs clients dans leur langue, nous tenons à ce qu'en matière d'étiquetage alimentaire, nos entreprises aient à se référer exclusivement aux exigences de l'article 3.3.1 du règlement des aliments du Québec appliqué par le ministère de l'Agriculture.

Ici, M. le Président, je veux faire remarquer encore une fois que nous avons été, nous, à la base de ces travaux qu'on a faits avec le ministère de l'Agriculture pour l'ancien règlement des aliments, pour cette question de l'étiquetage bilingue, pas pour des considérations de langue, c'étaient des considérations de gros bon sens.

Avant d'investir dans des étiquetages, on voulait être sûr que tout le monde serait sur un pied d'égalité.

Dans le moment, pensez-vous, par exemple, que cela a de l'allure qu'on se prépare encore par ces règlements, à vouloir faire des passe-droits ici pour les gens qui vont mettre sur le marché des produits dans la Beauce, qui sont sûr que ces produits ne sortiront pas de la Beauce? Où va-t-on en arriver? On va en arriver que nos entreprises qui ont assumé leurs responsabilités, qui ont investi beau-

coup d'argent dans l'étiquetage bilingue... En passant, des produits manufacturés au Québec se vendent dans toutes les provinces du Canada avec des étiquetages bilingues, M. le Président.

Je ne veux pas nommer les compagnies, mais de grandes compagnies que vous connaissez vendent actuellement à Vancouver de la crème glacée dans des étiquetages bilingues. Elles ont subi, il y a un an, un boycottage de la part de la population de la Colombie-Britannique, parce qu'elles affichaient de l'étiquetage bilingue. Elles ne l'ont pas retiré.

Devant cela, M. le Président, nous autres, c'est pour cela qu'on est piqué quelque part. Quand on arrive, pour vouloir plaire à Pierre, Jean, Jacques, à toute la famille, avec des distinctions qui, à notre sens, n'ont pas d'allure, qui sont surtout injustes pour ceux qui se sont déjà soumis à la loi et qui ont investi là-dedans, c'est pourquoi on demande, pour que ce soit plus simple, qu'au niveau du gouvernement et au niveau du cabinet des ministres, il soit clairement établi... Nous autres, on veut trancher en matière d'étiquetage avec le ministère de l'Agriculture du Québec.

Il y a une autre raison qui nous fait insister sur le rôle que le ministère de l'Agriculture doit jouer en matière d'étiquetage des aliments. Nous nous référons aux cas qui se présentent assez souvent, par suite de rareté de certains produits alimentaires, où il nous faut importer temporairement, de sources avec lesquelles nous ne transigeons pas régulièrement, des produits qui ne sont pas libellés en français. Il faut qu'à ce moment une autorité compétente puisse décréter qu'il s'agit bien d'un état exceptionnel du marché justifiant la suspension temporaire de la réglementation relative à la langue d'étiquetage.

Qui mieux que le ministère de l'Agriculture est mieux placé pour assumer de telles responsabilités? Voilà l'attitude du Conseil de l'alimentation du Québec quant à l'ensemble du projet de refonte du règlement des aliments.

Pour ce qui est des dispositions spéciales relatives aux viandes, le Conseil de l'alimentation du Québec endosse les représentations que le Conseil des salaisons du Canada, division de Québec, entend faire à votre commission incessamment.

Il me fait plaisir de vous présenter, M. Soucy, le secrétaire de la division du Québec du Conseil des salaisons du Canada.

Le Président: (M. Houde, Limoilou): M. Soucy.

M. Soucy (Roland): M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire, mesdames, messieurs, il nous fait plaisir, au nom du Conseil des salaisons du Canada, de vous présenter les commentaires du secteur de la transformation des viandes en marge du projet de règlement sur l'inspection des viandes.

Selon les objectifs que le Conseil des salaisons a toujours poursuivis, l'industrie que nous représentons s'intéresse directement à toute législation se rapportant aux viandes. Nous sommes heureux que l'occasion nous soit donnée d'offrir aux législateurs le point de vue de l'industrie et notre collaboration.

Pour plus de références, nous avons présenté les objectifs du conseil, en annexe 1.

Un mot maintenant sur ce qu'est le Conseil des salaisons du Canada. C'est d'abord une association nationale des abattoirs et des charcuteries dont les établissements sont soumis aux règlements de l'inspection fédérale des viandes, tel que requis pour le commerce interprovincial et international. Cette association fut fondée il y a 55 ans.

Nous avons aussi ajouté la liste des membres du Québec, en annexe 2.

Dans la province de Québec, il y a 25 compagnies et coopératives qui en sont membres. Elles administrent 27 établissements. Les membres abattent ou transforment ou manipulent d'une certaine façon environ les trois quarts des bestiaux et de la viande vendus dans la province. Encore pour plus de renseignements, nous présentons quelques statistiques sur l'abattage et le commerce des viandes en annexe 3.

Comme M. Roy vous l'a dit tout à l'heure, le Conseil des salaisonsdu Canada, parson comité du Québec, est aussi membre du Conseil de l'alimentation et il souscrit entièrement aux vues que le Conseil d'alimentation a présentées devant la commission sur l'avant-projet de loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles.

Nous pouvons compter sur l'appui du Conseil de l'alimentation de tout le secteur représenté par le Conseil de l'alimentation quant à notre représentation touchant le règlement sur les viandes.

Entrons, maintenant, directement dans le sujet. Quelques considérations sur l'importance de l'inspection. Tel que nous l'avons souvent manifesté aux autorités en place, c'est-à-dire au ministère de l'Agriculture, nous sommes entièrement d'avis qu'il est essentiel pour la protection du public, la protection du consommateur que la viande soit soumise à une inspection obligatoire. C'est pourquoi nous nous réjouissions de l'initiative du gouvernement du Québec de présenter un règlement sur l'inspection des viandes auquel notre conseil donne son appui entier.

Une inspection rigoureuse devient encore plus importante de nos jours avec les achats de masse, les grandes populations des villes, les touristes et les déplacements rapides des produits, puisque les conséquences pourraient être plus graves en cas d'absence de contrôle et les torts causés pourraient se propager plus rapidement. Le consommateur doit être assuré d'acheter un produit sain, en tout temps, et peu importe l'endroit où il se trouve.

Inspection uniforme: Notre conseil s'est toujours prononcé en faveur d'une inspection avec des normes de salubrité sévère et uniformes, incluant l'examen ante-mortem et post-mortem des animaux et des viandes. Nous soutenons encore ce principe. En général, les normes établies dans le présent projet de règlement nous apparaissent à peu près équivalentes à celles de l'inspection fédérale. Alors que les normes, quant à nous, soient appliquées par l'un ou l'autre des gouvernements, par le gouvernement provincial ou fédéral, le tout résidera dans la fermeté de l'application.

Inspection obligatoire: II est très important de

contrôler sévèrement la salubrité au niveau des abattoirs, mais il faut encore que ce contrôle se continue àtous les niveaux de la commercialisation, soit durant l'abattage, la transformation, l'emballage, l'entreposage, le transport, la vente au détail, et le reste, de sorte que la viande qui était saine au départ puisse se retrouver dans un produit sain au niveau de la consommation. Même si le règlement prévoit des normes rigoureuses, nous nous inquiétons sur la possibilité d'en faire respecter l'application dans son ensemble. Pour se faire adéquatement, il faudra nécessairement un nombre suffisant d'inspecteurs à tous les niveaux.

Le règlement tel que présenté ne semble pas, du moins à nous, indiquer clairement que tout produit de viande retrouvé dans un établissement commercial doive porter l'estampille "Québec approuvé" ou l'estampille "Canada". Nous croyons que c'est bien là l'intention. Si c'est bien cela l'intention visée, nous en sommes entièrement d'accord. Nous croyons que c'est une des conditions essentielles pour le bon fonctionnement de cette loi aussi bien que la mise en vigueur et le respect rigoureux par tous les intéressés dans toutes les parties de la province.

A l'article 6.2.2, dérogation à la règle, l'exemption accordée à l'agriculteur, pour lui permettre d'abattre sans permis et vendre en carcasse à un acheteur qui en prend livraison lui-même à la ferme, laisse une porte ouverte à une possibilité de commerce clandestin qui, de plus, il nous semble, sera très difficile à surveiller. A cet effet, nous recommandons que cette dérogation ne soit accordée que pour l'usage personnel de l'agriculteur et celui de sa famille.

Au sujet du regroupement des abattoirs dont le ministre et les autorités du ministère de l'Agriculture ont fait état à plusieurs reprises, on sait que la capacité d'abattage actuelle dépasse largement les sources d'approvisionnement.

Nous recommandons que l'aide se fasse de façon judicieuse, après étude des capacités du commerce et de la rentabilité des entreprises concernées.

Les viandes impropres à la consommation humaine. Nous attendons encore avec impatience le chapitre réglementant le commerce de la viande impropre à la consommation humaine qui n'apparaît pas dans le présent projet de règlements. Nous croyons fermement que, tant que le commerce des ateliers d'équarrissage et du ramassage des animaux morts ne sera pas surveillé et contrôlé sévèrement, la présente législation sera d'autant plus difficile d'application.

Voilà, M. le Président, messieurs les membres de la commission, les quelques commentaires que nous avions à vous soumettre. Maintenant, à l'aide de mes collègues qui sont ici, nous serons heureux de répondre à vos questions ou de clarifier certains points qui ne semblent pas clairs.

Avant de terminer, j'aimerais remercier les autorités du ministère de l'Agriculture qui nous ont permis, ainsi qu'à d'autres groupes, de discuter à quelques reprises les premières ébauches de ce projet de règlement et d'y apporter certaines sug- gestions constructives dont on a d'ailleurs déjà tenu compte.

Nous voulons aussi remercier votre commission parlementaire et l'assurer de notre plus cordiale collaboration dans la poursuite de ses travaux. Nous espérons que ce règlement sur l'inspection des viandes sera adopté et mis en vigueur le plus rapidement possible.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. Toupin: M. le Président, j'aurais seulement une première question, tout au moins, à poser. Quand vous voulez qu'on ramène les règlements à l'idée d'abattre sur des fermes seulement les animaux susceptibles d'être consommés sur la ferme — au fond, c'est cela que vous soutenez — ne croyez-vous pas qu'à ce moment, vous enlevez au producteur agricole l'occasion de prendre un contact direct avec un consommateur, lequel consommateur prendra le risque qu'il veut bien prendre en achetant directement chez un producteur? Ne croyez-vous pas que vous empêchez, vous enlevez peut-être d'entre les mains des producteurs une source de revenus additionnels qu'ils ne pourraient pas trouver si on ne leur offrait pas cette occasion?

M. Soucy: Peut-être, M. le ministre, mais ce qui nous semble important, c'est de contôler d'une façon uniforme et sévère pour tout le monde, avoir une inspection obligatoire dans la province. Si l'agriculteur continue à vendre son produit, c'est-à-dire la viande, son animal, directement de la ferme, on croit que cela va être assez difficile de contrôler le volume. S'il vend seulement un animal par semaine, c'est peut-être pas trop pire, mais s'il en vend dix par jour, cela devient un commerce à ce moment. C'est là que cela va être dur de voir la différence. Cela va être dur pour les autorités aussi de mettre un horaire.

M. Toupin: Mais je pense que le règlement dit ses propres animaux, pas les animaux qu'il peut commercer, ses propres animaux.

M. Soucy: Oui, mais ses propres animaux. Justement, encore là, si le producteur a 2,000 têtes à l'engraissement dans son parc, cela va être ses propres animaux et il pourra, à ce moment, les commercialiser en raison d'une dizaine ou peut-être plus par jour ou par semaine. C'est là qu'on voit le danger. Si c'est contrôlé pour tout le monde, cela devrait l'être aussi à ce niveau. On n'empêche pas, évidemment... Le producteur est libre pour sa famille, c'est sûr qu'on doit lui laisser ce droit.

Nous croyons que le paragraphe devrait se terminer après les mots "pour lui et sa famille " pour les raisons que je vous ai données.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Lafontaine.

M. Léger: Etant donné que vous représentez le

Conseil des salaisons du Canada, il y a eu une affirmation qui est passée, au début de novembre 1974, qui n'a jamais été démentie, une affirmation de M. Guy Gauvin, président du Syndicat des producteurs de boeuf de l'Estrie ainsi que directeur national des producteurs de boeuf du Canada. M. Gauvin avait déclaré qu'il était temps que le grand public apprenne certaines choses qui lui étaient cachées jusqu'à maintenant et une de ces choses était l'emprise exercée par la pègre montréalaise, sur la manipulation, à quelque degré que ce soit, de toute la viande qui passe par la métropole et, selon M. Gauvin, la pègre toucherait $0.10 sur chaque livre de viande fraîche et $0.05 sur chaque livre de viande congelée qui passe par Montréal, réalisant ainsi des bénéfices extraordinaires compte tenu des millions de livres de viande passant dans la métropole chaque année.

Etes-vous en mesure soit d'infirmer, confirmer ou de ne pas être au courant de cette affirmation qui n'a pas été réfutée à nulle part depuis?

M. Soucy: Je regrette, M. le Président, je ne suis absolument pas au courant de ce dont vous parlez. Je n'ai rien à répondre là-dessus, je ne suis absolument pas au courant.

M. Léger: Comme de raison, dans les intermédiaires, entre le producteur de bovins et l'acheteur, il y a toute une gamme de phases dans laquelle passe cette viande et chacun prend une part de profit. Vous n'avez aucunement été au courant d'indices, cette affirmation n'a jamais été réfutée et, selon vous, vous n'êtes pas au courant de cette chose du tout. Il n'y a rien qui vous dit que ça peut être vrai?

M. Soucy: Pas du tout. Pour autant qu'on est concerné, nous, les intermédiaires, entre le producteur et le consommateur, se situent à deux niveaux, c'est-à-dire qu'il y a la salaison, si on parle dans le gros, il y en a des petits, il y a d'autres intermédiaires, mais en général, c'est la salaison, l'abattoir qui a aussi sa salaison et qui achète du producteur et qui revend à un détaillant et, ensuite, il y a le détaillant. Alors, ce sont deux stades, si vous voulez, de la commercialisation. Nos membres sont des salaisons et abattoirs également. Ils achètent directement des producteurs et ils revendent aux détaillants et les détaillants directement aux consommateurs.

M. Léger: Parce que je voyais dans l'annexe, Conseil des salaisons du Canada, membres du Québec, que le nom de Willie O'Bront n'est pas là-dedans du tout. Il n'est pas membre de votre conseil?

M. Soucy: II n'est pas membre de notre conseil.

M. Léger: Alors, étant donné que vous n'êtes pas au courant, je vais passer à une autre question. Dans la même affirmation, dans un même geste, M. Gauvin disait qu'une des principales causes de la chute du marché du boeuf était imputée à une poli- tique fédérale qui permettait l'entrée du boeuf de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande qui serait une viande de deuxième qualité et qui serait achetée par des grandes chaînes alimentaires qui revendent cette viande comme étant de première qualité, après avoir ajouté parfois du gras, parfois du sang, parfois des additifs chimiques. Etes-vous au courant de ces choses?

M. Soucy: D'ailleurs, c'est interdit d'ajouter du sang ou d'ajouter des additifs chimiques. C'est vrai qu'il y a la possibilité qu'il entre du boeuf de l'Australie, de l'extérieur, et c'est vrai que c'est probablement une des causes de la baisse des prix de la viande commerciale. Depuis un an ou depuis que le niveau des prix a baissé dans le boeuf surtout — on est toujours dans la question du boeuf — l'écart de prix entre le boeuf de marque rouge et la viande commerciale a élargi et ceci surtout à cause du fait qu'on peut se procurer du boeuf de l'extérieur, de la viande de boeuf désossée à meilleur marché. Alors cette viande passe aussi dans le même canal, si vous voulez, que la majorité de la viande du Québec qui vient surtout de vaches laitières. C'est une viande de boeuf qui est désossée, qui ne se vend pas généralement à l'état naturel, à cause de la qualité de la viande qui est plus dure et moins grasse. Alors on se sert de cette viande comme viande désossée et cette viande désossée entre dans les produits de charcuterie et aussi peut servir à faire du boeuf haché, lorsqu'on rajoute du gras qui provient d'animal de catégorie supérieure. C'est un peu ça la situation.

M. Léger: Maintenant, je voyais tantôt à quelque part, je ne sais pas où, qu'il y a à peu près 25% de la consommation québécoise qui provient de notre propre élevage, est-ce que vous voyez des moyens d'augmenter cela?

Tantôt, je voyais le député de Beauce-Sud parler de cette publicité qu'on faisait et qui entrait dans l'esprit des gens, cela est du boeuf de l'Ouest, c'est meilleur. Est-ce que vous voyez des moyens de contrecarrer cette habitude ou cette attitude des gens de croire que le boeuf de l'Ouest est absolument supérieur au nôtre?

M. Soucy: Le seul moyen, je pense, c'est d'en produire plus au Québec. On produit à peu près 25% du boeuf qu'on consomme au Québec. Il faut dire que ces 25% sont en majorité de la viande de vache qui est désossée et qui entre dans les produits de charcuterie. On exporte même de cette viande. Le boeuf de consommation de marque rouge, ce qu'on appelle le boeuf de l'Ouest, il faut faire attention aux termes aussi, à ce qu'on appelle "boeuf de l'Ouest". Parce que c'est du boeuf de marque rouge ou du boeuf qui provient d'animaux de boucherie, on a l'habitude d'appeler cela du boeuf de l'Ouest. Mais des fois il a été élevé à l'ouest de Montréal ou à l'ouest de Québec. Dans le boeuf de marque rouge, catégorie A, qu'on consomme dans la province de Québec, il y en a 95%, au moins, qui vient de l'extérieur, qui vient de l'Ouest et 5%, à peine — je pense, mes chiffres sont peut-être forts — qui vient du Québec.

M. Léger: Mais vous affirmez que...

M. Soucy: Si on dit aux consommateurs de ne pas manger de boeuf de l'Ouest, qu'est-ce qu'ils vont manger?

M. Léger: Quel est le problème majeur pour permettre une industrie beaucoup plus autosuffisante ou du moins approchant l'autosuffisance, au niveau du boeuf au Québec? Vous avez dit: II faut en vendre plus. Quel moyen voyez-vous...

M. Soucy: D'en produire plus, peut-être en engraisser plus aussi. C'est surtout au niveau de la finition et au niveau des races aussi. Parce que le boeuf qu'on produit au Québec, il ne faut pas se le cacher, c'est un sous-produit de l'industrie laitière. En fait, ce sont les vaches, il y a même des croisements qui sont faits avec des races laitières, mais qui ne sont pas vraiment faites pour faire de la viande de boeuf de première qualité, tel qu'un élevage bien établi avec des races de boucherie et qui va donner la catégorie A. Je pense que le consommateur veut encore, surtout depuis qu'on a changé la classification, manger un boeuf de catégorie A. Du moins, il en demande. Il y a 70% du boeuf vendu au Canada qui est dans la catégorie A. Cela est le boeuf de marque rouge.

M. Léger: Quelle solution voyez-vous pour que l'élevage au Québec soit augmenté? Il y a un marché quand même puisqu'on l'achète de l'extérieur, comment voyez-vous une solution à cela? Est-ce un problème de politique...

M. Soucy: Je pense que c'est une étude à faire avec le ministère de l'Agriculture. D'ailleurs, elle n'est pas à faire, elle est déjà faite ou entreprise. C'est de faire peut-être plus d'engraissement, plus de parcs d'engraissement. Tout repose sur les aliments qu'on peut donner à ces animaux, assez de fourrage pour les engraisser, du maïs à ensilage, toutes ces choses. C'est là, je pense, que le changement va se faire.

M. Léger: Maintenant, il y a, actuellement, il semble, au Québec, environ 430 abattoirs qui ne sont inspectés ni par les services sanitaires fédéraux, ni provinciaux. Il semble qu'il y en aurait seulement 40 qui sont contrôlés soit par le fédéral ou le provincial. Avec les nouveaux règlements, pour réellement faire une surveillance de tous ces abattoirs, est-ce que le ministre a déjà pensé combien d'inspecteurs cela va lui prendre pour réaliser cet objectif? Jusqu'à ce jour, les gens que j'ai rencontrés, qui s'occupaient de ce domaine me disaient qu'il y avait beaucoup de laisser-aller, que c'est une surveillance même un peu organisée, qu'il y aurait du favoritisme dans certains abattoirs pour dire: L'inspecteur on va dire qu'il est passé, pas de problème. De quelle façon le ministre entend-il faire respecter les règlements de cette surveillance sanitaire des abattoirs, surtout les nouveaux? Combien d'inspecteurs cela va-t-il vous prendre?

M. Toupin: Avant de parler du nombre d'inspec- teurs, on va essayer de définir ce qu'est un abattoir. C'est bien important. Je pense que M. Soucy disait tantôt que ce qui est "approuvé Canada" et "approuvé Québec", actuellement, cela représente à peu près 75% ou 78% de toutes les viandes consommées au Québec. Il y a donc 22% à 25% de viandes qui sont mises en marché au Québec et qui ne sont pas inspectées.

On le retrouve peut-être un peu plus dans les régions périphériques où il n'y a pas d'abattoir ou peu d'abattoirs de taille suffisante pour correspondre aux normes de classification établies par les règlements sur les aliments et la qualité des viandes. Donc, le premier problème que nous avons à régler n'est pas un problème d'inspecteur pour tout de suite. Cela va en prendre plus, c'est bien sûr, mais c'est d'abord un problème d'abattoir. Définir ce que c'est qu'un abattoir et construire des abattoirs ou faire agrandir des abattoirs ou regrouper des abattoirs qui vont correspondre aux normes qui sont définies dans les règlements. Peut-être qu'à ce moment-là, on ramènera le nombre d'abattoirs au Québec à 100 ou 125. Cela va créer un problème, j'en suis conscient, mais cela va aussi régler un problème, celui d'une quantité de viande vendue au Québec qui n'est pas sous inspection. Actuellement, même si nous avions une armée d'inspecteurs, cela deviendrait très difficile d'essayer de suivre tous ces petits abattoirs dont certains abattent peut-être une centaine de têtes par mois ou même peut-être six ou sept têtes par semaine. Certains abattent le lundi, d'autres le mardi, d'autres le mercredi, d'autres le dimanche soir, d'autres le vendredi, je ne le sais pas. Alors, c'est presque pas possible de suivre cela de près. C'est donc d'abord et avant tout un problème de réorganisation du secteur des abattoirs de ce secteur. Il en reste 379. Donc, cela veut dire qu'il y en a à peu près 300 qui ne sont pas inspectés actuellement. Il y en a déjà un bon nombre de partis. Seulement, parce qu'on a commencé à parler de rendre obligatoire l'inspection partout, avant et après abattage. Une fois que ce problème sera réglé, la fusion ou le regroupement des abattoirs, il s'agira d'ajuster le personnel.

M. Léger: Ce sont les paroles du ministre ou de son sous-ministre qui avait dit qu'il y avait 430 abattoirs qui n'étaient pas inspectés, lors d'une rencontre ou d'une réunion du Conseil des salaisons du Canada?

M. Toupin: Oui.

M. Léger: Les 78% de la viande qui est inspectée, cela équivaudrait aux 40 abattoirs et 22% équivaudraient aux 430 abattoirs.

M. Toupin: C'est cela. C'est exact. Depuis ce temps-là, on commence à parler d'appliquer des règlements à tout centre d'abattage, mais déjà un bon nombre a décidé de laisser l'abattage, de faire abattre dans un abattoir approuvé et, par la suite, de faire la distribution qui peut se faire dans les centres de distribution que l'on retrouve dans les villes, dans les petites villes. Il y a des marchés publics aussi, mais il y a inspection dans les marchés publics. La

plupart des villes ont des règlements d'inspection, donc on inspecte les viandes sur les marchés publics. Ce qui n'est pas inspecté, ce sont les viandes qui sont abattues dans les abattoirs qu'on appelle, nous, clandestins. Le mot est fort, mais des abattoirs de petite taille qui n'ont pas ce qu'il faut à l'intérieur et qui sont situés un peu partout dans la province de Québec, très souvent difficiles à localiser.

M. Léger: Les abattoirs parallèles. Je fais allusion aux écoles clandestines.

M. Toupin: II y a une certaine similitude. En ajoutant un peu de viande aux écoles, on pourrait peut-être trouver de la similitude.

M. Léger: D'accord, j'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy (Beauce-Sud): M. le Président, j'aimerais avoir un peu de détails concernant votre association. Est-ce que votre association regroupe seulement des entreprises qui opèrent des abattoirs ou si elle regroupe également des organismes ou des entreprises qui font le commerce des viandes?

M. Soucy (Rolland): Des abattoirs et charcuteries. Les abattoirs ou ceux qui font de la transformation de la viande au niveau de la charcuterie ou salaison, si vous voulez, pas de vente en gros ou commerce de détail.

M. Roy (Beauce-Sud): Cela veut dire que quelqu'un qui serait dans le domaine — je prends un exemple en particulier — de l'importation des viandes, qui s'occuperait d'avoir un réseau de mise en marché ou de vente, ne pouvait pas être membre de votre organisme?

M. Soucy: Non, il ne peut pas être membre de notre organisme. Pour être membre du Conseil de salaison, il faut qu'il ait un établissement qui opère sous inspection fédérale et une place physique qui transforme de la viande d'une certaine façon.

M. Roy (Beauce-Sud): Voulez-vous dire, quand vous dites: D'inspection fédérale, que tous les membres de votre association sont des organismes qui sont soumis à l'inspection fédérale?

M. Soucy: Oui, c'est cela.

M. Roy (Beauce-Sud): "Canada Approved ".

M. Soucy: C'est cela.

M. Roy (Beauce-Sud): II n'y a aucune de ces entreprises qui est "Quebec Approved"?

M. Soucy: Non. Pour être membres de l'association, il faut qu'elles soient soumises à l'inspection fédérale, "Canada Approved".

M. Roy (Beauce-Sud): C'est parce que dans l'annexe vous nous parlez...

M. Soucy: Dans la liste des membres que vous avez là...

M. Roy (Beauce-Sud): Dans la liste des membres, ils sont tous soumis à l'inspection fédérale, "Canada Approved".

M. Soucy: Exactement.

M. Roy (Beauce-Sud): Dans la liste que vous nous avez donnée, des statistiques annuelles de 1974, on parle d'abattage estimatif, "Approuvé Québec", sans inspection au Québec. Alors, cela comprend les deux. "Approuvé Québec" ou sans exception. Maintenant, dans le projet de règlement qui nous est soumis actuellement, c'est un règlement d'inspection provincial, en vertu duquel les viandes qui seront inspectées devront porter l'estampille "Québec approved", "Approuvé Québec' , à la suite de cette inspection.

M. Léger: "Approuvé Québec".

M. Roy: "Quebec Approved" ou "Approuvé Québec", je pense qu'on se comprend, je ne m "en-fargerai" pas dans les virgules, ni dans les apostrophes. Actuellement, je m'adresse surtout au ministre, vous m'excuserez, est-ce l'intention du gouvernement d'obliger tous les abattoirs à être estampillés "Approuvé Québec" même s'ils ont déjà l'inspection fédérale ou si c'est un ou l'autre?

M. Toupin: Les règlements qu'on présente actuellement, je pense que M. Soucy l'a dit tantôt, les normes que vous retrouvez dans ces règlements sont à peu près les mêmes, à quelques points près, et ça ne semble pas être quelque chose de bénin en soi, aux normes fédérales. C'est donc dire que dorénavant, dans le cas de celui qui sera "Approuvé Québec" et qui voudra vendre des viandes sur le marché du Québec, le consommateur ou l'acheteur sera assuré que ces viandes recevront la même inspection et auront, en termes de qualité, l'équivalent de "Federal Approved", etc.

Néanmoins, si le gars ou l'abattoir veut faire du commerce interprovincial ou international, il devra devenir "Approuvé Canada" parce que les viandes "Approuvé Québec" peuvent, bien sûr, se vendre sur le marché international à cause d'une bonne qualité, mais parce que le problème de l'importation et de l'exportation est un problème interprovincial et relève du gouvernement fédéral; c'est préférable qu'il soit "Approuvé Canada" plutôt que "Approuvé Québec";il pourrait être les deux, d'ailleurs, aussi.

M. Roy: Est-ce l'intention du gouvernement provincial, à la suite de cette réglementation, de faire que ceux qui font le commerce des viandes uniquement au Québec soient obligés d'être "Approuvé Québec"?

M. Toupin: A l'avenir, tout abattoir qui voudra

commercialiser des viandes, qui achète des viandes des producteurs, qui les transforme, et, par la suite, les revend aux détaillants, tous ceux-là devront dorénavant correspondre aux normes des règlements et recevoir l'étampe "Quebec Approved", sauf le producteur qui met en marché son propre produit.

M. Roy: Si je pose ces questions, M. le Président, c'est que nous avons devant nous actuellement, ici, à la commission parlementaire, deux projets qui nous seront soumis. Il y a l'avant-projet de loi concernant l'assurance-stabilisation des produits agricoles, or, on touche évidemment la mise en marché en quelque sorte par voie de conséquence et c'est inévitable, ça ne peut pas être autrement, mais on touche la question d'inspection des viandes.

Si je pose ces questions au gouvernement, c'est que j'aimerais savoir et j'aimerais que quelqu'un puisse me dire aujourd'hui si le fait d'avoir deux sortes d'étampes au Québec "Canada Approved" et "Approuvé Québec" ne fait pas en sorte qu'il y ait une discrimination sur les grands marchés d'alimentation et je m'explique. Dans l'esprit du consommateur, je dis bien dans l'esprit des consommateurs québécois, lorsque l'estampille "Canada Approved" est mise, ils ont l'impression d'avoir une viande de qualité supérieure, plus que lorsque la viande est estampillée "Approuvé Québec". Je ne sais pas si le gouvernement est conscient du problème, mais on n'a seulement qu'à regarder, j'ai fait référence cet après-midi à certaines annonces à la télévision et un peu partout, j'ai rencontré des propriétaires d'abattoirs qui sont "Approuvé Québec" jusqu'à maintenant et qui se plaignent justement de cette situation, qui ne peuvent pas avoir accès à certains marchés parce qu'ils n'ont pas "Canada Approved". S'ils avaient "Canada Approved", ils pourraient avoir accès à certains marchés dans leur région dans le territoire du Québec. Je pense que nous avons là un des éléments de base qui a constitué la crise que les éleveurs de bovins de boucherie du Québec ont connue cet automne.

C'est un des éléments de base. J'ai rencontré des dirigeants d'abattoirs, des propriétaires d'abattoirs. Ils sont limités au niveau du marché et ils sont concurrencés par des organismes qui font venir de la viande, qui en importent ou encore qui mettent sur le marché du boeuf de l'Ouest dans nos municipalités rurales. Je pourrais parler du milieu urbain mais je pense que dans le milieu urbain, c'est peut-être plus facile, tout le monde en conviendra, les organismes sont plus gros. Dans les régions semi-rurales, semi-urbaines, dans les régions rurales du Québec, c'est une situation qui existe. J'aimerais avoir l'avis du ministre, étant donné qu'on parle de règlements, j'aimerais également avoir l'opinion du Conseil des salaisons du Canada à ce sujet pour savoir s'il n'y a pas lieu de corriger cette situation.

Cette façon pourrait permettre aux éleveurs du Québec, qui ont des viandes d'aussi bonne qualité que les viandes qui sont importées, d'avoir la même chance au niveau de la mise en marché.

M. Toupin: Je pense, M. le Président, que ce sont des questions qui ne se posent pas.

M. Roy: Non, ce sont des questions qui se posent.

M. Toupin: Je ne vous dis pas que vous n'avez pas raison de la poser, je vous dis qu'en soi, c'est une question qui ne se pose pas dans notre esprit, parce que, si on a décidé d'améliorer les règlements sur la qualité des viandes, si on a décidé de les rendre plus rigides et conformes à ceux qu'on retrouve dans l'ensemble des autres provinces du pays, c'est parce qu'on veut créer, dans l'esprit des détaillants, l'idée d'une qualité de viande "Approuvé Québec" égale à la qualité de viande "Canada Approved".

Il va s'agir, maintenant, d'amener les acheteurs à prendre conscience que les viandes produites au Québec, en vertu des abattoirs "Approuvé Québec", sont d'aussi grande qualité que celles qui proviennent des abattoirs "Approuvé Canada". C'est évident que cela fait partie de la stratégie et du développement. M. Roy a touché à ces problèmes cet après-midi, par exemple, lorsqu'il disait: II faudra maintenant agir sur les centres de distribution, sur les centres de décision.

La concurrence va se mettre à jouer également. L'abattoir "Approuvé Canada" va vouloir vendre autant que possible dans les centres et l'abattoir "Approuvé Québec" devra en faire autant. Donc, on devra être aussi dynamique d'un côté que de l'autre.

M. Soucy: M. le Président, M. le député, pour autant que nous sommes concernés, on croit que cela ne change absolument rien dans le commerce actuel pour ceux qui sont sous inspection fédérale, qui ont l'estampille "Canada". Cela va simplement déranger ceux qui n'ont pas d'inspection du tout. Vous avez déjà une inspection qui existe, "Québec approved" ou "Approuvé Québec". Je pense que tous les éleveurs du Québec ont accès à tous les marchés, que ce soit le marché de l'inspection fédérale ou le marché de l'inspection provinciale, et ils vont l'avoir encore davantage.

Dans l'esprit du consommateur, c'est sûr que tout va résider, comme on l'a dit dans notre mémoire, sur la fermeté de l'application. Je pense que c'est là qu'est tout le point. Je suis peut-être d'accord sur les commentaires que vous avez faits tout à l'heure. Il y en a qui croient que l'estampille "Canada" est de plus haute valeur que l'autre, actuellement.

C'est peut-être l'application, au point de vue de la rigidité de l'application parfois, qu'on peut peut-être être moins sévère ou plus tolérant un peu, si vous voulez, dans l'inspection provinciale.

Si la nouvelle inspection provinciale "Approuvé Québec" devient appliquée d'une façon aussi rigide, je crois qu'il n'y aura plus de problème du tout. Ceux qui ont une inspection fédérale, j'espère qu'ils vont pouvoir continuer leur commerce dans la province.

M. Roy: Dans la liste des 25 membres que vous

nous avez fournie en annexe 2, est-ce que ces organismes, ces entreprises ont été "Approuvé Québec" avant d'être "Canada Approved"?

M. Soucy: Presque la moitié de ceux-là ont été "Approuvé Québec" avant d'être "Canada".

M. Roy: Maintenant, est-ce qu'il y a une raison particulière, pourquoi ont-ils commencé à demander à être "Approuvé Québec" avant l'autre?

M. Soucy: Avant l'autre, je ne le sais pas. J'aurais voulu que vous me posiez la question: Pourquoi ont-ils demandé à être "Approuvé Canada".

M. Roy: Non, ce n'est pas celle-là que je veux vous poser, c'est l'autre. C'est l'autre que je veux vous poser.

M. Soucy: Ils n'étaient pas membres de notre conseil dans ce temps-là, alors on n'avait pas accès à leur information.

M. Roy: Cela veut dire que, pour être membres de votre conseil, il faut qu'ils soient exclusivement "Canada Approved"?

M. Soucy: Oui, c'est cela que j'ai dit tout à l'heure et je le répète encore. Il faut qu'ils soient exclusivement "Approuvé Canada".

M. Roy: Donc, aucun organisme, aucun abattoir "Approuvé Québec" ne peut faire partie de votre organisme?

M. Soucy: Pas selon notre constitution dans le moment.

M. Léger: Pour quelle raison que ce qui est "Approuvé Québec", étant donné que cela va être le même système, ne pourrait pas servir uniquement? Pourquoi doubler un système parallèle? Je demande cela au ministre. Pour quelle raison, entre autres... Si les deux systèmes s'équivalent au point de vue du sérieux, de la sécurité, pour quelle raison "Approuvé Québec" ne servirait-il pas non seulement pour ce qui se vend au Québec, mais pour ce qui se vend en Ontario? Est-ce que le gouvernement fédéral n'a pas confiance aux inspecteurs du gouvernement provincial?

Quand bien même que ce ne serait pas "Approuvé Québec". Si cela l'est, il n'a pas d'affaire à doubler.

M. Toupin: C'est une uniformisation des normes de qualité dans tout le pays. Pourquoi un système d'inspection des viandes au Québec? Je pense que la question ne se pose pas, parce qu'il y a environ 300 abattoirs qui n'ont pas d'inspection et qui ne peuvent pas s'organiser actuellement pour devenir "Federal Approved".

Evidemment, notre rôle, maintenant, avec nos règlements va être d'amener ces abattoirs, dans le plus bref délai, à s'organiser pour qu'il y ait des viandes "Québec Approved" sur le marché québé- cois. Je ne pense pas que le député de Lafontaine s'oppose à retrouver sur des viandes l'estampille "Québec Approved".

M. Léger: "Approuvé Québec" plutôt, oui.

M. Toupin: Ou "Approuvé Québec ". Ce que je veux dire par là, c'est que si vous avez un inspecteur d'un gouvernement responsable, qui est celui du Québec, qui vérifie et qui met son estampille "Approuvé Québec", donc cette viande a été inspectée. Pour quelle raison faudrait-il qu'elle soit inspectée à nouveau par les représentants du Canada pour qu'elle soit acceptée dans d'autres provinces? Est-ce que c'est illégal? C'est une entente fédérale-provinciale?

M. Toupin: Je l'ai dit tantôt. Le commerce interprovincial relève du gouvernement fédéral et tout produit qui circule d'une province à l'autre doit, dans le domaine des viandes, recevoir l'approbation des inspecteurs du gouvernement fédéral, c'est-à-dire "Ottawa Approved", à cause de ('intercommunication rapide de ces produits dans tout le pays. C'est pour cela d'ailleurs que cela fonctionne ainsi. Comme je le disais tantôt, cela n'empêchera pas un acheteur de l'Ontario de décider d'acheter des viandes du Québec, s'il veut bien en acheter, à condition, bien sûr, que les règlements de l'Ontario le prévoient. Si les règlements de la province d'Ontario disent: Nous, nos règlements, c'est "Canada Approved". Toute viande entre chez nous à condition qu'elle ait l'estampille "Canada Approved". Si c'est là ses règlements, je ne vois pas comment je pourrais aller trouver le gouvernement de l'Ontario et lui dire: Ecoute, à compter de demain matin, cela va être "Québec Approved". Si ce n'est pas "Québec Approved", on ne vend pas de viande. On ne règlera pas notre problème de ce côté.

M. Léger: Je trouve cela un peu ridicule. Dans un fédéralisme rentable, on essaie de dire que...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Nicolet-Yamaska.

M. Léger: Je n'ai pas terminé. ... l'approbation d'un gouvernement responsable au point de vue de la qualité de la viande, qu'un autre gouvernement provincial dise: Nous autres, c'est "Canada Approved". C'est approuvé par les inspecteurs du Québec, mais ce n'est pas suffisant.

M. Toupin: M. le Président, est-ce que c'est ridicule qu'un gouvernement prenne ses responsabilités dans le domaine de l'inspection des viandes? Il n'y a rien de ridicule là-dedans.

M. Léger: Si le Québec l'afait, c'est une délégation de pouvoirs.

M. Toupin: Ce n'est pas une délégation de pouvoirs. Le Québec a le pouvoir d'inspecter ses viandes sur son territoire et il le fait. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Pourquoi me demandez-vous maintenant...

M. Léger: C'est le fédéral, je ne vous blâme pas.

M. Toupin: ... de pouvoir les vendre partout au pays? S'il y a d'autres normes qui existent dans d'autres provinces, je suis bien obligé de les respecter.

M. Léger: C'est ce que je trouve ridicule, d'avoir une double inspection.

M. Toupin: Que l'Ontario soit ridicule, qu'elle n'achète pas nos viandes, je n'ai rien contre cela.

M. Roy (Beauce-Sud): M. le Président, j'avais encore deux questions à poser. Je n'avais pas fini. J'ai permis une question additionnelle à mon collègue de Lafontaine. J'ai une question bien indiscrète à vous poser. Soyez bien à votre aise pour me répondre. Est-il exact que, pour pouvoir faire le commerce, c'est-à-dire faire des ventes avec les grandes chaînes d'alimentation, il est absolument nécessaire d'être "Canada Approved", autrement dit qu'un abattoir "Approuvé Québec" ne peut pas faire affaires avec les grandes chaînes d'alimentation?

M. Soucy: Je crois qu'il est exact dans le moment q u'il y a des chaînes de magasins qui, c'est une politique de leur chaîne, de leur compagnie, demandent que toute viande qu'ils achètent soit soumise à l'inspection fédérale. C'est exact.

M. Roy (Beauce-Sud): Merci. Deuxième question, au ministre. En ce moment, qu'est-ce que le ministre de l'Agriculture entend faire à ce niveau?

M. Toupin: Le commerce de tout produit alimentaire dans notre système actuel ne s'impose pas. Ceux qui sont engagés dans le domaine de la transformation des viandes ont au moins, pour première responsabilité, d'essayer de conquérir les marchés. C'est là une de leurs premières responsabilités. Par exemple, dans le domaine des oeufs, l'organisation qui a été mise en place au Québec, a fait des ententes avec les chaînes. Les oeufs du Québec se vendent par l'intermédiaire des chaînes.

M. Roy: Je n'aimerais pas aborder un débat d'envergure sur la question des oeufs, parce qu'il y aurait certainement quelque chose...

M. Toupin: Oui, je sais.

M. Roy:... qui ferait une omelette qui ne serait pas très bonne à manger.

M. Toupin: Dieu sait que celles que vous faites ne sont pas bonnes à manger non plus.

M. Roy: Non, je n'en ai pas fait, je n'ai pas eu la responsabilité, moi.

M. Toupin: Qu'est-ce que vous avez fait au juste?

M. Roy: Je n'ai pas eu la responsabilité et je ne jouerai pas à la petite politique.

M. Toupin: Qu'est-ce que vous avez fait de plus?

M. Roy: Je me tiens uniquement sur des questions administratives des décisions gouvernementales.

M. Toupin: Alors, je vous apporte un exemple.

M. Roy: Je ne veux pas cela comme exemple. Il n'est pas bon. Présentez m'en un autre.

M. Toupin: Ecoutez, ce que vous ne trouvez pas bon, cela ne veut pas nécessairement dire que c'est faux. Dans le domaine des oeufs, on a réglé le problème de cette façon. Dans le domaine des viandes, je n'ai absolument pas d'inconvénient au niveau du ministère de faire avec les abattoirs "Approuvé Québec" la même chose qu'on a faite avec d'autres produits. Je n'ai pas d'inconvénient non plus à faire dans le domaine des viandes la même chose qu'on a faite avec les pommes AC, "Atmosphère contrôlée" qui, maintenant, vont sur les chaînes de magasins québécoises. Elles y vont très largement, avant celles des autres provinces, cette fois. C'est possible de le faire aussi dans le domaine des viandes, mais on n'était pas rendu là. On a les règlements et on va demander aux abattoirs "Québec approved" de se donner des structures similaires et une inspection égale à "Canada approved". A ce moment, on pourra travailler au niveau de ces centres de décision, ces centres d'achat q ui sont importants pour le développement de l'économie du Québec.

M. Roy: Jusqu'à maintenant, il y en a des abattoirs qui sont "Québec approved"?

M. Toupin: Oui, il y a des problèmes.

M. Roy: Est-ce que le ministère de l'Agriculture comme tel a fait des démarches jusqu'à maintenant à ce niveau ou s'il attend que tout cela soit adopté?

M. Toupin: C'est-à-dire qu'on fait des démarches à peu près sur toutes les productions actuellement vis-à-vis des chaînes, vis-à-vis des distributeurs en général. On parle des chaînes, parce que là on est parti avec cela ce matin. Vis-à-vis de l'ensemble des distributeurs, quand un problème se pose, je peux apporter un tas d'exemples, le problème des tomates qui s'est posé, le problème des concombres qui s'est posé, le problème des carottes, des salades, on entre en communication avec les distributeurs et on leur demande d'accorder priorité au Québec. On finit toujours... D'ailleurs, vous n'avez pas de problème dans les produits maraîchers. On finit toujours par les écouler.

M. Roy: Rien n'empêche que si vous avez... M. Toupin: Dans ces secteurs aussi, on travaille. M. Roy: Vous avez une immense béquille dans

les mains en partant. La dernière question que j'ai à poser... Non, une grosse béquille.

M. Toupin: ...

M. Roy: Viande impropre à la consommation humaine, vous avez touché cet aspect. J aimerais pour ma propre gouverne avoir des informations. C'est que nous attendons encore avec instance le chapitre réglementant le commerce de la viande impropre à la consommation humaine qui n'apparaît pas avec le projet de règlement. Nous croyons fermement que tant que le commerce des ateliers d'équarissage et des animaux morts ne sera pas surveillé et contrôlé sévèrement, la présente loi sera d'autant plus difficile d'application.

Pourriez-vous nous dire, de votre côté, si, actuellement, il y a quelque chose, il y a une inspection ou si ces gens sont soumis à certaines règles ou à certaines normes de la part du gouvernement, ou s'ils sont laissés entièrement libres d'agir comme bon leur semble?

M. Soucy: Je crois qu'ils sont laissés assez entièrement libres, à part de... Peut-être que mes collègues peuvent m'aider. Il y en a un ou deux, je crois, qui ont une inspection. En tout cas, quelques maisons ont une certaine forme d'inspection, mais il n'y a absolument aucun règlement dans le moment qui régit le commerce des animaux morts. C'est ce qu'on nous a dit, que le règlement s'en vient, c'est-à-dire que ce sera une tranche de ce règlement, je crois, du moins. Peut-être que je pourrais demander à M. le ministre si c'est bien cela l'intention. Cela sera une tranche du règlement sur les aliments qui va régir les animaux morts.

M. Toupin: II existe déjà une réglementation en vertu du chapitre 21 des règlements provinciaux d'hygiène. Il y a déjà de l'inspection, mais il y a d'autres problèmes, évidemment, qui ne pouvaient être réglés en vertu de ces règlements déjà en vigueur. C'est pour cela qu'on intégrera dans ces règlements sous peu la partie qui a trait aux animaux morts. C'est simplement un problème de santé qui nous a empêchés de les présenter, parce que celui qui les rédigait a dû être hospitalisé depuis trois semaines, un mois et on n'a pas pu, évidemment, lui trouver un remplaçant. C'est tellement technique. Il faut que le gars connaisse vraiment son domaine pour être capable de bien les rédiger.

M. Roy: Dernière question, M. le Président. Un abattoir "Approuvé Québec" peut-il vendre des viandes à un abattoir "Canada Approved"?

M. Soucy: Pas dans le moment, non. M. Roy: Quelles sont les raisons?

M. Soucy: C'est que c'est un accord ou un règlement de l'inspection fédérale dans tout le pays que seule entre dans un établissement sous inspection fédérale une viande qui provient d'un autre éta- blissement sous inspection fédérale avec le cachet "Canada Approved". C'est le règlement sous inspection fédérale.

M. Roy: L'inverse peut se faire? M. Soucy: L'inverse peut se faire.

M. Roy: "Canada Approved" peut vendre à "Québec Approved".

M. Soucy: Oui.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Nicolet-Yamaska.

M. Faucher: J'aimerais apporter quelques précisions concernant tout le domaine de l'inspection des viandes, car si nous faisons l'historique ici, au Québec, de l'inspection des viandes, nous devons admettre qu'il y a eu énormément de progrès depuis quelques années.

Nous avons ici inauguré, au Québec, "Québec Approved", nous avons quelques plans qui fonctionnent dans le moment. Je pense que cela a aidé énormément à la population du Québec, pour la bonne raison que plusieurs propriétaires de "Québec Approved" sont passés à "Canada Approved ", ce qui prouve que les normes que nous avons observées au Québec étaient les mêmes normes qui s'observent au fédéral. Actuellement, toutes les normes qui sont appliquées dans nos abattoirs sont les mêmes normes qu'au fédéral. Si des abattoirs sont passés au fédéral, c'est une bonne chose. Cela veut dire que le travail a été bien accompli, et, d'un autre côté, je pense que, pour l'avantage de notre commerce, c'est bon qu'on ait "Québec Approved ' et "Canada Approved".

Il est question de publicité quand on dit que les viandes "Canada Approved" semblent préférées à "Québec Approved", c'est tout un problème de publicité ensemble et de concurrence, peut-être bonne, peut-être mauvaise. Je laisse à vous d'en juger.

Tout à l'heure, on a discuté ici d'un article concernant le propriétaire qui peut abattre ses animaux sur sa ferme. On a fait quelques remarques. On a dit qu'il y a un danger réel pour la bonne raison que le type doit commencer par abattre les siens, il va en acheter d'autres, il va abattre ceux du voisin et il va en avoir encore. Cela s'est présenté dans le passé; cela peut se présenter dans l'avenir.

Je verrais ici une solution quelconque pour que le cultivateur qui abat ses propres animaux ait une certaine protection, parce que le cultivateur lui-même ne peut pas juger de la valeur de la viande de son animal qu'il abat. Je pense qu'il y aurait peut-être une solution à trouver, pour qu'on puisse l'aider, à ce moment, soit pour aller faire une inspection sur place. Je ne sais pas.

Ce sont quelques remarques que je voulais apporter. S'il y avait quelque chose d'autre à ajouter, il me fera plaisir de l'entendre.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Lotbinière.

M. Massicotte: Merci, M. le Président. M. Soucy, quand vous parlez du regroupement des abattoirs, vous dites qu'il y a une capacité d'abattage actuelle qui dépasse largement les sources d'approvisionnement. J'aimerais savoir quelle est cette proportion. Puis, avez-vous aussi vécu des expériences, soit québécoises ou à travers le Canada, concernant le regroupement de certains abattoirs municipaux où on a nos bouchers, en fait, qui accomplissent quand même un certain travail, qui donnent des revenus que certains de nos agriculteurs apprécient beaucoup? Cela n'a pas été publié trop trop actuellement. J'aimerais savoir si cela a eu lieu. Quelles ont été les réactions des agriculteurs, des salaisons et les répercussions enfin sur le consommateur?

M. Soucy: A la première partie de la question, si... Je m'excuse, j'étais...

M. Massicotte: On dit que la capacité d'abattage dépasse largement les sources d'approvisionnement.

M. Soucy: C'est difficile de donner un chiffre exact là-dessus, mais il y a trois ou quatre ans, on disait que nos abattoirs fonctionnaient à peu près à 80% de leur capacité. Aujourd'hui, je pense qu'on pourrait dire peut-être 85% ou 80%. C'est encore dans les 80%, ils fonctionnent à 80% de leur capacité, dépendant évidemment du temps de la saison. Il y a, à certains moments de l'année, où ils vont peut-être fonctionner seulement à 75% ou à 70%, peut-être 60%.

Alors, il y a une concurrence très forte dans ce domaine. Maintenant, ce qui s'est fait dans les autres provinces, dans le regroupement, je n'ai pas d'expérience à vous apporter de façon concrète. Ce qu'on voulait dire là-dedans, c'est surtout offrir notre collaboration dans ce domaine au ministère de l'Agriculture qui en fera probablement l'étude et qu'avant de décider quel genre d'aide au regroupement le ministère va apporter, on aimerait offrir notre collaboration là-dedans et qu'il y ait une étude de faite pour voir d'abord la rentabilité de l'établissement. Même cela, ça vaut pour l'usine qui n'a pas d'inspection dans le moment et qui veut peut-être se regrouper avec d'autres ou se lancer dans l'inspection "Québec approuvé" et si, après étude, plutôt que de lui faire faire une catastrophe, s'il n'y a pas de rentabilité possible — c'est pour prévenir une catastrophe, si vous voulez — ou s'il y a moyen d'avoir une rentabilité, on peut y aller. Et la même chose, quel genre de regroupement? Est-ce qu'on doit donner une aide à la fermeture des abattoirs, à l'achat par un autre d'une usine ou regrouper plusieurs usines ensemble.

Je pense qu'il va falloir que le gouvernement aide d'une certaine façon.

M. Massicotte: Est-ce que vous croyez que les abattoirs actuels, ceux qui appartiennent à votre association, sont stratégiquement placés pour répondre actuellement aux besoins?

M. Soucy: Je le penserais. Mais il n'est pas question de faire de la discrimination envers qui que ce soit. Il y a de la place pour un tel commerce, mais la concurrence est très très forte. Quant au nombre d'abattoirs qui existent, surtout dans le domaine du porc, dans le moment, il y a un grand nombre d'abattoirs, il y a 35 abattoirs qui sont, soit "Québec Approuvé" ou "Canada Approved", qui abattent du porc dans le moment, alors qu'en Ontario, on abat plus de porcs q u'au Québec et il n'y en a que douze.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, deux dernières questions. Est-ce qu'il est assez facile pour un abattoir d'être accepté pour l'inspection canadienne, pour pouvoir utiliser l'estampille "Canada Approved"?

M. Soucy: C'est assez facile, s'il répond aux normes d'établissement, aux normes de construction, d'abord qui sont, comme je l'ai dit tout à l'heure, à peu près les mêmes. En fait, les exigences devraient être la même chose. Je crois que c'est assez facile. Il est peut-être aussi facile de joindre les rangs de l'inspection fédérale que de joindre les rangs de l'inspection provinciale, si les deux inspections sont au même niveau.

M. Roy: Si les deux inspections sont au même niveau, mais à ce moment-ci?

M. Soucy: Je pense, selon l'expérience du passé, pour les quelques abattoirs qui ont passé par le "Québec Approuvé" et qui sont venus à l'inspection fédérale après, qu'ils ont peut-être été obligés de débourser un peu, peut-être à cause de la sévérité de l'application des normes, surtout. Il y avait peut-être un peu plus de tolérance au niveau provincial. Mais si le nouveau document est appliqué intégralement, tel qu'on l'a vu, il ne devrait pas avoir de différence.

M. Roy: Quand vous dites: Débourser un peu, cela peut représenter quoi proportionnellement aux investissements?

M. Soucy: Cela dépend, je ne sais pas si on peut même donner une proportion, cela dépend de la grosseur de l'établissement.

M. Roy: Je comprends que je ne vous pose pas des questions faciles, parce qu'en somme, c'est difficile à évaluer quand même.

M. Soucy: De toute façon, je n'ai pas de réponse...

M. Roy: Mais je pense qu'il y a certains points où on peut donner un aperçu général. C'est au niveau de l'aperçu général que j'aimerais savoir, par exemple, si un abattoir qui est "Approuvé Québec"... Ceux de vos membres qui ont déjà été "Approuvé Québec" et ont demandé d'être "Approuvé Canada", comme vous venez de le dire vous-même, ont été obligés de faire des déboursés additionnels.

Est-ce que, dans l'ensemble, selon votre connaissance, ces déboursés ont été de 5%, 10% ou 20% de leur investissement?

M. Soucy: Je ne sais pas. Il y en a qui ont peut-être fait 5% de déboursés, d'autres en ont peut-être fait 10% et d'autres, presque pas, peut-être seulement 1% additionnel. Je suis très mal placé pour vous donner un chiffre. Je ne sais pas. D'ailleurs, je vous dis ce que j'ai entendu dire, certains abattoirs ont été obligés de débourser un peu. Cela devrait varier entre 0% et 10%.

M. Roy: Si je vous pose la question, c'est que j'ai eu personnellement des témoignages à ce sujet et les personnes nous ont dit: On n'a pas les moyens de le faire. Cela nous coûterait encore $50,000 à $75,000 d'investissements additionnels et on n'est pas capable de le faire. Ce sont les témoignages que j'ai eus de la part de propriétaires d'abattoirs modernes. J'aimerais savoir, en guise de dernière question, M. le Président, combien de nouveaux membres, combien d'abattoirs au Québec ont reçu l'approbation "Canada Approved" au cours des deux dernières années?

M. Soucy: Je suis assez embêté de vous le dire. S'il y avait quelqu'un de l'inspection fédérale ici, il serait plus en mesure que moi de vous le dire. Au cours des deux dernières années, je vous donne une approximation, peut-être seulement quatre ou cinq dans la province. Il n'y en a pas beaucoup au cours des deux dernières années. Il y en a eu beaucoup au cours des trois ou quatre années passées. ll y en a eu en 1970.

M. Roy: Est-ce que c'est à l'occasion d'Expo 67 qu'il y en a eu plusieurs?

M. Soucy: Non. Après cela, cela a été surtout 1971...

M. Roy: Je ne vous demande pas de détail. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Merci, M. Soucy. J'invite le représentant de la compagnie J. Demers Inc., M. Jean-Paul Lussier.

Compagnie J. Demers Inc.

M. Demers: MM. les membres de la commission parlementaire, prendre la parole à la suite d'un Roi ou d'un Soucy, ce n'est pas une sinécure en soi, vous l'admettrez. Je n'ai ni leur talent ni leur compétence. Par contre, je compte d'avance sur votre indulgence étant donné que le temps et les circonstances ne m'ont pas permis d'apporter avec moi une présentation, une documentation qui soit à l'échelle des membres de la commission parlementaire. Ma présentation se voudra forcément improvisée et elle aura pour mérite d'être brève.

Notre compagnie, J. Demers Incorporée, est localisée à Gentilly, ville de Bécancour. Nous admi- nistrons depuis vingt ans, et même au-delà, un abattoir chevalin sous juridiction fédérale. Malheureusement, à cause de préjugés, à cause de circonstances, nous sommes forcés d'expédier la grande majorité de notre production vers les marchés européens. La population du Québec, entre autres, vit de préjugés qu'on semble, avec la réglementation actuelle, vouloir renforcer ou lui donner justice de se propager constamment d'une génération à l'autre. La réglementation force les propriétaires d'abattoir chevalin à restreindre ou a limiter leur distribution à des établissements désignés. En soi, immédiatement, on semble jeter un sort à la viande chevaline, on semble vouloir la catégoriser immédiatement, que la viande chevaline est une viande d'une qualité inférieure qui ne se compare pas à celle du boeuf ni à celle du porc ou à toute autre viande qu'on retrouve sur le marché libre.

Le but de notre présentation est d'inviter votre étude et votre considération sur le fait que nous aimerions voir une distribution plus libérale, sans jeu de mots, de la viande chevaline. On espérerait pouvoir offrir au public, un public de plus en plus grand, parce qu'on a quand même ici au Québec un pourcentage assez considérable d'Européens qui recherchent les avantages, les bienfaits, ou les mérites de la viande chevaline, on devrait ici dans un pays libre, dans une société qui se veut libre, donner au public un libre choix d'acheter la viande de son choix. Là, on le force nécessairement ici dans tout le Québec à aller rechercher sa viande chevaline dans 20 établissements ici au Canada.

C'est un non-sens qui est évidemment beaucoup plus accentué dans les autres parties du Canada que cela l'est ici, au Québec. Dans tout le Canada, dans les autres provinces, on retrouve un seul établissement où la viande chevaline est permise. Ici, si on ne demeure pas à Québec, à Montréal, à Trois-Rivières, à Sherbrooke ou dans quelques autres arrondissements, polir les gens qui aimeraient avoir la viande chevaline, cela ne leur est pas possible à moins de parcourir une centaine de milles, si on est par exemple dans la région du Lac-Saint-Jean, où, pour donner un exemple, on ne peut pas se procurer de viande chevaline, parce qu'il n'y a n'y a pas d'établissement désigné.

Ce que notre compagnie propose ou aimerait off rir à votre considération, ce serait d'avoir le privilège de présenter une excellente viande chevaline. Je ne sais pas si vous êtes au courant des mérites de la viande chevaline. C'est une viande qui a beaucoup moins de cholestérol que celle du boeuf, par exemple. A ceux qui ont le malheur de souffrir d'insuffisance cardiaque, étant donné la faible teneur de sodium de la viande chevaline, les médecins européens recommandent fortement la viande chevaline; à ceux qui souffrent d'anémie, surtout en France, en Suisse, en Belgique, en Hollande, les médecins recommandent fortement la viande chevaline. Il y en a qui la recherchent aussi par goût. Je ne sais pas lesquels d'entre vous, messieurs, aiment à l'occasion, surtout durant la période de chasse, déguster un bon steak de chevreuil. Il y en a à qui cela plaît, il y en a d'autres à qui cela ne plaît pas. La viande de cheval est une viande plus douce

que celle du boeuf, mais il y a quand même 20 établissements à Montréal qui progressent et qui progressent pourquoi, parce qu'i ly a des avantages, soit de goût, soit de préférence soit d'économie, parce que, heureusement, la viande chevaline pourrait permettre à un grand nombre de familles de se procurer une saine alimentation à des prix beaucoup plus convenables que ceux qu'elles sont obligées de payer actuellement pour d'autres viandes que la viande chevaline.

Ce que nous préconisons, si nous pouvons obtenir la permission — par permission, j'entends un changement aux règlements actuels, de vendre, en vente libre, dans tous les établissements commerciaux de la province de Québec, c'est une viande chevaline préparée sous inspection fédérale, avec toute la réglementation que le ministère de l'Agriculture voudrait donner à cette préparation, une viance qui serait préparée à l'avance, qui serait présentée malheureusement dans des emballages dont il à été question plus tôt cet après-midi, où il n'y aurait aucune confusion pour le public à identifier une viande chevaline.

Comme je vous l'ai dit au début, ou le temps, les circonstances, la poste — on peut facilement blâmer le courrier aujourd'hui — je n'ai pas ma documentation. J'aurais voulu me présenter ici, devant vous, avec une esquisse ou une maquette de l'emballage qu'on prévoit. Vous pouvez facilement visualiser, j'en suis sûr, un empaquetage qui ressemblerait, par exemple, à une boîte de margarine ou — je regrette d'avoir à dire le nom — un TV Dinner, où on pourrait facilement acheter une viande chevaline qui serait présentée soit sous forme de steak, soit délicatisée, ou sous forme de hamburger steak. Je ne sais pas pourquoi on appelle cela hamburger steak, mais ce serait de la viande hachée de cheval qui aurait le mérite, au moins, d'être offerte à 95% de maigre.

Il n'y aurait aucune confusion pour le public que se présenterait dans une grande chaîne d'alimentation ou dans une boucherie du coin, à se procurer, sous forme congelée, une viande chevaline qui serait présentée et offerte au public avec toutes les restrictions qui satisferaient le ministère de l'Agriculture pour que le public en ait réellement pour son argent.

En résumé, c'est ce que je voulais laisser à votre considération en formulant au moins l'espoir qu'une révision de la réglementation actuelle est une chose possible et que le public pourra se procurer avant longtemps de la viande chevaline dans d'autres établissements que ceux qui sont spécifiquement désignés à cet effet.

Je vous remercie infiniment, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Des questions des membres de la commission? Le député d'Iberville.

M. Faucher: A quelle place prenez-vous vos matières premières, les chevaux pour l'abattage?

M. Lussier: Nous nous procurons les chevaux dans le moment partout dans la province de Qué- bec, dans les provinces maritimes. Nous allons jusqu'en Louisiane. Nous allons jusqu'au Nebraska et au sud de la Virginie.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député d'Iberville.

M. Tremblay: M. Demers, est-ce que vous êtes au courant dans combien d'Etats...

M. Lussier: M. Demers, malheureusement, je n'ai pas son compte de banque.

M. Tremblay: M. Lussier, je vous demande pardon.

M. Lussier: Ce n'est rien.

M. Tremblay: M. Lussier, dans combien d'Etats américains la viande chevaline est-elle vendue sur le marché libre?

M. Lussier: Aucun, je crois. Il y a quelques établissements aux Etats-Unis, surtout aux environs de Boston, il y a une couple d'établissements que je connais en Floride, surtout à cause de la présence d'un grand nombre d'Européens et de Canadiens français qui sont là, qui encouragent des établissements de viande chevaline. Je peux vous dire qu'en France surtout, qui est le plus grand pays consommateur de viande chevaline, on a aussi des établissements désignés. Il faut que ce soit un abattoir chevalin, mais, depuis deux ans, on a permis la vente libre, proprement identifiée, de la viande chevaline dans toutes les grandes boucheries parisiennes.

M. Tremblay: Au Québec maintenant, à votre connaissance, combien y a-t-il d'éleveurs de chevaux intéressés précisément à alimenter votre abattoir?

M. Lussier: Aucun, ce n'est pas rentable.

M. Tremblay: Est-ce que vous êtes le seul abattoir au Québec?

M. Lussier: Non, nous sommes trois abattoirs ici dans la province de Québec.

M. Tremblay: Le vôtre est-il des plus importants ou le plus important? Dites-le modestement.

M. Lussier: Si vous parlez en fonction de volume, non, nous ne le sommes pas. Si vous parlez de prestige ou de réputation, je crois que, modestement, je peux vous répondre "oui".

M.Tremblay: II y a, pour détailler les produits de la viande chevaline au Québec, une vingtaine de magasins, vous dites, qui sont désignés?

M. Lussier: Environ.

NI. Tremblay: II y a trois abattoirs qui fournissent ces vingt magasins, plus leurs exportations?

M. Lussier: C'est exact.

M. Tremblay: Quelle est la proportion, justement — je reviens à ma question — du nombre d'éleveurs?

M. Lussier: Des éleveurs, M. le député, il n'y en a aucun au Canada. Il n'y en a aucun que je connaisse dans le monde qui fasse l'élevage proprement dit du cheval.

M. Tremblay: Quand vous achetez un cheval au Québec, vous l'achetez...

M. Lussier: C'est parce qu'il a...

M. Tremblay: II est élevé pour la viande ou c'est après avoir travaillé?

M. Lussier: Après avoir travaillé, ce sont des chevaux d'équitation, des chevaux de selle, des chevaux de course, des chevaux de travail, de trait qui ont vécu leur vie. La viande chevaline, contrairement à celle du boeuf, plus elle est vieille, plus elle provient d'un cheval âgé, meilleure elle est.

M. Tremblay: C'est ma dernière question. Maintenant, vous qui êtes versé dans ce genre d'industrie en alimentation, d'après vous quel est le préjugé principal attaché à l'aspect généralement négatif de la consommation de la viande chevaline?

M. Lussier: Je suis très heureux que vous me posiez la question. Je pense que c'est dû à, on parle souvent de mère patrie... Si nous n'étions que des Canadiens français au Canada, je crois que la viande chevaline serait beaucoup plus populaire. C'est à cause de notre ascendance ou de l'influence anglo-saxonne qui se percute aussi aux Etats-Unis pour qui le cheval a des dimensions qui se comparent peut-être à la vache en Inde. C'est un animal sacré.

M. Tremblay: C'est un ami.

M. Lussier: C'est un ami, cela ne se mange pas.

M. Tremblay: On ne mange pas de nos amis.

M. Lussier: Cela deviendrait de l'anthropophagie pour certaines personnes.

M. Tremblay: On les mange, mais sans qu'ils ne s'en aperçoivent.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Lotbinière.

M. Massicotte: M. Lussier, j'aimerais savoir, pour faire suite aux questions de mon col lègue, quel serait votre pourcentage de vente qui va à l'exportation européenne dans votre cas et concernant aussi les trois abattoirs, si vous avez des statistiques?

M. Lussier: Les trois abattoirs du Québec ex- portent 90% à 95% vers l'Europe. Il y a une compagnie parmi les trois dont je vous parle, qui donne en transport aérien, $1.5 millions par année. Nous sommes de beaucoup les plus importants clients des lignes aériennes, de beaucoup; parce qu'en Europe, la presque totalité de nos exportations se font sous forme de viande fraîche. La viande est abattue le lundi, elle part le mercredi et est rendue à Paris le jeudi matin. On paie des prix... on paie $0.25 de transport par livre pour la recevoir fraîche.

M. Massicotte: Maintenant, quel pourcentage sert à la fabrication de la nourriture pour les petits animaux, comme les chats et les chiens?

M. Lussier: Une fraction, 0.5%. Il y en a très peu. Il y a tout simplement les animaux qui peuvent mourir dans les champs et qui n'entrent pas sur pattes. On a une petite usine d'équarrissage à l'arrière de notre abattoir chevalin qui sert à alimenter partiellement la conserverie de nourriture animale que nous exploitons, adjacente à l'abattoirchevalin.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Vous avez dit qu'il y avait une vingtaine d'établissements qui faisaient le commerce de la viande chevaline, qui faisaient la vente...

M. Lussier: Oui. M. Roy: C'est cela? M. Lussier: Exact.

M. Roy: Est-ce que ces établissements qui font la vente, sont limités à vendre exclusivement de la viande chevaline ou s'ils peuvent vendre d'autres catégories de viandes?

M. Lussier: Ils ne peuvent vendre ni porc, ni boeuf, ni veau. Je crois que c'est limité. Je ne sais pas si le poulet leur est permis. Il faut qu'ils s'en tiennent strictement à la viande chevaline.

C'est une discrimination — vous l'admettrez, j'espère — qui est néfaste, autant pour le producteur que pour le consommateur, qui recherche cette viande par goût ou par économie.

M. Roy: Suggérez-vous des modifications ou des changements dans cet état de fait?

M. Lussier: Nous reconnaissons volontiers, M. Roy, que la réglementation qui existe actuellement est faite à dessein pour protéger certains manipulateurs de viande qui sont, disons-le, pas tellement catholiques, et qui pourraient facilement mélanger la viande de cheval, qui est meilleur marché, à celle du boeuf. Personnellement, je n'y vois pas d'inconvénient. Il n'y aurait que des avantages pour le consommateur, en autant que cette viande provienne d'un abattoir sous inspection soit fédérale, soit provinciale.

M. Roy: II se vend, dans les institutions, dans des hôpitaux... Est-ce qu'il s'en vend actuellement...

M. Lussier: II doit s'en vendre, mais nous ne connaissons pas, nous n'avons pas de canaux de distribution comme cela. On pourrait vendre à un abattoir chevalin qui, en retour, irait vendre à une prison ou à un hôpital.

M. Roy: Vous n'êtes pas au courant.

M. Lussier: Nous ne vendons pas directement.

M. Roy: Vous ne pouvez pas nous donner de renseignements...

M. Lussier: Aucun, malheureusement. Je pourrai m'en procurer, mais je n'en ai pas pour le moment.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député d'Iberville.

M. Tremblay: II y a, M. Lussier, aucun établissement de restauration au Québec, d'après vous, où l'on peut voir sur le menu une viande chevaline offerte aux clients?

M. Lussier: Je parlais de discrimination tantôt, M. le député. Si vous tenez un restaurant... J'ai un de mes bons am is — je ne sais pas si je devrais le mentionner ici — mais qui a déjà tenu un restaurant de réputation fameuse. Je ne l'identifierai pas davantage, parce que cela pourrait lui porter préjudice. Il voulait vendre de la viande chevaline dans son restaurant, qui était un des plus fameux à l'époque à Montréal. Même s'il était une personne avec des responsabilités, qui aurait pu faire le changement, la loi provinciale lui défendait de mettre à son menu de la viande de cheval en même temps que de la viande de boeuf. Il fallait qu'il indique à la porte de son établissement: Ici, nous servons de la viande chevaline.

M. Tremblay: Qu'est-ce qui lui est arrivé?

M. Lussier: II n'en a pas vendue. On ne lui en a pas vendue; il n'en a pas offert à sa clientèle.

M. Tremblay: Parce que cela lui était défendu de s'en procurer?

M. Lussier: II ne pouvait pas. Non, cela ne lui était pas défendu, mais il ne pouvait pas avoir, dans ses glacières, de la viande de boeuf et de la viande de cheval.

M. Tremblay: Ah bon!

Le Président (M. Houde, Limoilou): Autre question des membres?

M. Toupin: J'aurais une seule question, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. Toupin: Une première, d'abord.

Ce serait une suggestion que je ferais à M. Lussier. Je serais intéressé à le voir mettre sur papier ce qu'il nous a dit cet après-midi, qu'il nous le fasse parvenir pour que nous puissions le regarder plus en profondeur.

M. Roy: D'ailleurs, vous allez l'avoir au journal des Débats.

M. Toupin: Oui, mais il disait tantôt qu'il pouvait apporter des statistiques, certaines données à l'appui de ce qu'il disait. Je serais intéressé, personnellement, en tout cas, à ce qu'il nous fasse parvenir la documentation.

M. Lussier: Je n'y manquerai pas, M. le ministre.

M. Toupin: Parfait. C'est la première question. L'autre, c'est que vous avez parlé de manipulateurs, tantôt. Je voudrais que vous m'apportiez certaines précisions parce que les règlements, au fond, sont là pour éviter qu'il y ait des manipulations, dans le sens que vous l'avez décrit, tout au moins, verbalement.

M. Lussier: C'est extrêmement délicat, tout cela.

M. Toupin: Vous pouvez ne pas y répondre, si vous voulez. C'est parce que je pensais que vous aviez...

M. Lussier: J'y répondrai privément, M. le ministre, mais, en public, cela pourrait nous causer des préjudices assez sérieux.

M. Toupin: D'accord.

M. Lussier: Je n'y vois pas d'inconvénient. C'était simplement pour apporter une précision.

Le Président (Houde, Limoilou): Le député de Lotbinière.

M. Massicotte: M. Lussier, j'aimerais savoir, par exemple, quel est le chiffre d'affaires soit de Demers Inc. ou encore des trois abattoirs, globalement, et le nombre d'emplois que cela a créés. En fait, c'est réellement dans un milieu rural où on a besoin d'emplois.

M. Lussier: Nous avons un chiffre d'affaires combiné qui peut s'estimer entre $10 millions et $15 millions par année. Nous y employons facilement 200 personnes.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député d'Iberville.

M. Massicotte: D'accord!

M. Tremblay: Je ne veux pas retarder la commission, ni nos visiteurs, M. Lussier, mais je ne peux m'empêcher de vous faire une suggestion. Avez-vous l'intention de reprendre vos représentations auprès de la commission de l'agriculture d'une façon un peu plus concrète, comme vous auriez aimé le faire, par exemple, avec un échantillonnage de mémoires, peut-être même convier les membres de la commission à un bon repas chevalin?

M. Lussier: C'est de trouver le restaurant qui va se permettre de le faire.

M. Tremblay: On pourra peut-être demander au responsable du restaurant Le Parlementaire, pour un midi, de faire une exception pour une table spécifique pour la commission parlementaire de l'agriculture.

M. Lussier: Si cela peut s'arranger, je ferai le nécessaire pour vous amener un cuisinier qui vous préparera un repas dont vous parlerez longtemps.

M. Tremblay: Je vous suggérerais, dans vos approches auprès du ministre et de la commission, et auprès de M. Pouliot, le secrétaire de la commission, de le mentionner dans vos intentions. On verra probablement que vous serez le bienvenu.

M. Lussier: Je vous remercie infiniment.

M. Tremblay: II ne faut pas que la discrimination parte d'ici, n'est-ce pas?

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Je n'ai pas de question à poser à notre invité, M. Lussier. C'est une question que je voulais poser au ministre juste avant la fin de nos travaux de la commission parlementaire.

Si on me permet, M. le Président, je peux bien les poser tout de suite, mais s'il y a d'autres personnes qui ont d'autres questions à poser à M. Lussier...

Le Président (M. Houde, Limoilou): M. Lussier, j'aimerais suggérer, étant donné qu'il a un mémoire, de le transmettre au secrétaire de la commission parlementaire et ils feront des photocopies et les transmettront à chacun des membres.

M. Lussier: Dans le plus bref délai possible. Je vous remercie infiniment, messieurs.

M. Roy: A la suite du dépôt de ce volumineux document contenant la réglementation concernant l'inspection des viandes, j'aimerais demander au ministre quelles sont ses intentions, parce qu'il y a quand même des gens qui sont directement concernés, directement impliqués par ce règlement. C'est qu'il y a au Québec des abattoirs plan A, "Approuvé Québec", il y a aussi des abattoirs, plan B, qui ont été exigés par le ministère et qui ont été construits selon les plans de construction et d'égoût exigés par le ministère. Face à cette réglementation qui arrive et comme ces gens ne pourront probablement pas faire les dépenses nécessaires pour satisfaire les exigences du gouvernement, est-ce que le ministre pourrait nous dire, à ce moment-ci, quelles sont les intentions précises du ministère? Parce qu'il y a quand même des droits acquis, ces gens ont des clientèles, ces gens ont un marché, autrement dit ce sont des entreprises qui existent, qui ont le droit d'exister, en somme, mais qui pourront se retrouver demain dans des situations fort précaires. J'aimerais savoir du ministre quelles sont ses intentions à ce sujet, pour voir s'il peut rassurer ces gens?

M. Toupin: M. le Président, je pourrai donner peut-être plus de précisions, peut-être à la fin de la commission, après avoir entendu d'autres parties. J'ai seulement la réaction suivante pour le moment. Si vous voulez que le ministère soit capable de donner suite aux réponses que nous avons données aux questions que vous nous avez posées, aujourd'hui, il faut améliorer la situation. Il ne faudrait pas demander à un B de concurrencer avec A fédéral. Il ne faudrait pas lui demander cela, mais il ne faudrait pas non plus qu'il soit frustré, s'il n'est pas capable de prendre ces marchés. La concurrence existe partout et cela existe surtout au chapitre de la qualité. On va regarder, bien sûr, les cas pris individuellement. On n'imposera à personne des dépenses substantielles, mais on va indiquer clairement nos intentions d'assainir très nettement ce secteur.

M. Roy: II y a la question de l'assainissement, mais il y a aussi la question des capitaux qui ont été investis, jusqu'à ce jour, par des gens qui sont suivi, jusqu'à ce jour, les exigences du gouvernement, les recommandations du ministère de l'Agriculture.

M. Toupin: Oui.

M. Roy: Mais il faut tenir compte aussi des marchés locaux, il faut tenir compte des régions.

Il y a des abattoirs dans certaines régions du Québec, à cause de la densité de la population, à cause de l'étendue du territoire et toutes ces choses qui sont des circonstances particulières pour ceux qui sont près des grands centres. Alors, il y a eu une loi qui a existé, par exemple dans le cas des meuneries. Il y a eu des dédommagements qui ont été consentis en vertu de la fusion de meuneries. Cela s'est fait dans les questions d'usines laitières. J'aimerais bien savoir du ministre s'il peut nous donner la garantie qu'il n'y a pas d'institutions ou d'abattoirs qui, demain matin, devront fermer leurs portes et perdre tout ce qu'ils ont engagé.

M. Toupin: II faut bien comprendre une chose, c'est que le but des règlements, ce n'est pas de sauver les abattoirs actuellement. Le but des règlements, c'est de protéger le consommateur. C'est cela, le but des règlements. Le deuxième but, c'est de rendre ces abattoirs "Quebec Approved" aptes à concurrencer n'importe quel autre abattoir qui se situe sur le territoire du Québec et qui utilise la marque "Canada Approved". Dans les moyens

qu'on entend utiliser, j'en ai dit un mot cet après-midi et j'aimerais, plus tard, en discuter plus longuement, nous avons un programme d'aide de fusion ou d'agrandissement pour ceux qui voudront bien se conformer à la réglementation actuelle. Là où il y aura des droits acquis, si, toutefois, il y a vraiment des droits acquis, ce sont des choses qui se discutent. On l'a fait dans le lait, par exemple, on l'a fait dans les meuneries, quoique cela ait été beaucoup moins efficace. On a presque arrêté le programme de ce côté. Cela veut dire une régionalisation, cela veut dire une étude de la production, cela veut dire tout cela. Mais les objectifs visés, ce n'est pas de sauver tous les abattoirs à tout prix. C'est de mettre à la disposition des consommateurs une viande de qualité.

M. Roy: Vous allez pouvoir nous donner de plus amples informations...

M. Tospin: Sur le programme.

M. Roy: ...plus de détails et préciser davantage avant la fin de nos travaux.

M. Toupin: Pas mal. Je ne dirais pas les détails complets d'une programmation pour aider à la fusion, mais...

M. Roy: Au moins les grandes lignes.

M. Toupin: Oui, on peut vous donner pas mal de choses et, d'ailleurs, dans le discours du budget, au moment de la discussion des crédits du ministère, cela va venir d'ici trois semaines ou un mois, deux mois, on va mettre deux semaines de plus, vous aurez l'occasion...

M. Roy: D'ici la fin de nos travaux de la commission parlementaire.

M. Toupin: Je peux vous donner les principes, pas les budgets.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Merci, messieurs. La commission ajourne ses travaux à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 18 h 29)

ANNEXE

Commentaires de M. Maurice Bellemare, député de Johnson et

chef de l'Union Nationale sur l'avant-projet de loi

d'assurance-stabilisation des revenus agricoles

Vu la nature et la portée restreinte de l'avant-projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, mes commentaires préliminaires seront brefs.

Il est clair que nous sommes ici d'abord pour entendre les observations et les recommandations des individus et des divers organismes qui ont demandé la permission de déposer un mémoire devant cette Commission parlementaire. J'aimerais beaucoup que les personnes qui témoigneront aujourd'hui et demain nous fassent connaître leurs commentaires sur les points suivants: 1)Sur le principe même de l'avant-projet de loi, soit l'assurance-stabilisation, j'ai nettement l'impression que tout le monde est d'accord. D'ailleurs, c'est tout ce que nous dit l'avant-projet de loi. Le gouvernement se prononce en faveur du principe d'assurance-stabilisation et il met sur pied une structure administrative pour en assurer le fonctionnement. Mais chose étrange — il s'arrête là! Comment voulez-vous qu'on s'objecte?Tout ce qui est le moindrement important demeure inconnu — c'est-à-dire que ça se fera par règlementation. Encore une fois, ce seront les technocrates qui légiféreront! Messieurs, dames, êtes-vous d'accord avec cette manière cavalière de procéder? Croyez-vous que c'est suffisant d'émettre un objectif valable en soi sans nous donner les moyens qu'on entend prendre pour l'atteindre? N'avez-vous pas l'impression que le gouvernement lui-même ne sait pas où il va en réalité — qu'au lieu de nous donner les lignes directrices tel que l'exigerait un leadership véritable, il continue à agir selon son habitude et fait faire son travail par les autres? Il est permis de se le demander. Si le gouvernement prenait son travail de législation au sérieux, il aurait eu la décence élémentaire de nous présenter avec cet avant-projet de loi, la règlementation qui s'y rattache. Là au moins, on aurait une idée où l'on s'en va. Est-il normal que nous ne connaissions pas à l'heure actuelle ce que le gouvernement entend par "revenu stabilisé (article 29)? Est-il normal que nous ignorions complètement en vertu de quels critères le gouvernement déterminera "le revenu annuel net déterminé", mentionné dans les notes explicatives — lesquelles d'ailleurs ne nous expliquent pas grand chose? Est-il normal que nous ne sachions pas aujourd'hui quels secteurs de production agricole seront touchés par ce projet de loi — du moins les premiers secteurs? 2)Vous savez comme moi que tout régime d'assurance-stabilisation est intimement relié à la politique et aux mécanismes de mise en marché du gouvernement car le "revenu stabilisé " de l'agriculteur auquel se réfère l'avant-projet de loi sera affecté en premier lieu par les prix du marché et la commercialisation de nos produits agricoles. Or sur ce dernier point, je me permets de rappeler aux membres de cette commission et aux personnes qui sont de l'autre côté de la barre, que le 13 septembre 1973, lors de l'étude du projet de loi 24 — Loi concernant la mise en marché des produits agricoles au Québec, le porte-parole de l'Union Nationale à cette Commission avait exposé la politique de l'Union Nationale en matière de mise en marché des produits agricoles. Les mesures proposées par l'Union Nationale à ce moment-là nous apparaissent de plus en plus valables et dans le contexte d'un régime d'assurance-stabilisation, elles deviennent, à notre avis, un complément essentiel. Nous proposons, en somme que l'on modifie la structure juridique de la Régie des Marchés Agricoles pour en faire un véritable tribunal pour toutes les lois sur la mise en marché des produits agricoles et qu'on crée un Office de commercialisation des produits agricoles du Québec pour promouvoir sur tous les plans une saine commercialisation des produits agricoles — de manière à ouvrir le plus de marchés possibles tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Québec. Certes, cet Office de commercialisation pourrait avoir beaucoup d'autres pouvoirs tant au niveau de plans conjoints qu'au niveau de la planification à moyen terme et à long terme des tendances des marchés des produits agricoles, mais il est encore trop tôt pour entrer dans ces détails aujourd'hui.

Document(s) associé(s) à la séance