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Commission permanente de l'agriculture
Avant-projet de loi sur l'assurance-stabilisation des
revenus
agricoles et règlements sur les viandes
Séance du mercredi 26 février 1975
(Dix heures dix minutes)
M. Houde, Limoilou (président de la commission permanente de
l'agriculture et de la colonisation): A l'ordre, messieurs!
Préliminaires
Ce matin, nous sommes réunis pour entendre des mémoires
sur l'avant-projet de loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles
et règlement sur les viandes.
Les membres de la commission sont les suivants: M. Bellemare (Johnson),
M. Léger (Lafontaine), qui remplace M. Burns (Maisonneuve), M. Lachance
(Mille-Iles), qui remplace M. Carpentier (Laviolette), M. Denis (Berthier), M.
Côté (Matane), qui remplace M. Dionne (Mégantic-Compton),
M. Faucher (Nicolet-Yamaska), M. Fraser (Huntingdon), M. Assad (Papineau), qui
remplace M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Lessard (Saguenay), M. Massicotte
(Lotbinière), M. Ostiguy (Verchères), M. Roy (Beauce-Sud), M.
Toupin (Champlain), M.Tremblay (Iberville). Le nom de M. Benjamin Faucher est
suggéré comme rapporteur officiel de la commission.
Agréé?
M. Léger: D'accord, M. le Président.
M. Bellemare (Johnson): M. le Président, sur une question
particulière, comme je dois assister à la séance de la
commission parlementaire sur le bill 88, la fluoration de l'eau, et aussi
à la commission parlementaire de l'Assemblée nationale sur
l'affaire Morin, je vous demanderais la permission, ainsi qu'à la
commission, de déposer immédiatement un mémoire que
j'aurais lu après l'honorable ministre et après le Parti
québécois, le parti de l'Opposition. Je déposerais ce
mémoire. Je regrette infiniment de ne pouvoir assister à toutes
les discussions qu'il va y avoir, mais je laisse dernière moi un
observateur que vous connaissez bien, que vous avez vu comme ancien ministre de
l'Agriculture, qui travaille maintenant à mon bureau. Je pense que lui,
qui est très sensibilisé à ces problèmes, pourra me
faire rapport adéquatement.
Alors, je remercie le ministre et je remercie, M. le Président,
les membres de l'Opposition, le membre du Ralliement créditiste de bien
vouloir me donner cette occasion de déposer ce document.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Est-ce que les membres
de la commission acceptent que le document soit déposé?
M. Bellemare (Johnson): Je voudrais aussi que ce soit
inséré aux procès-verbaux, s'il y a moyen. Alors, on va
vous remettre une copie.
M. Léger: M. le Président, sur la proposition du
député de Johnson, nous n'avons pas d'objection. Je pense qu'il
veut dire par là qu'il soit déposé au journal des
Débats. (Voir annexe)
M. Bellemare (Johnson): C'est ça.
M. Léger: Je voudrais, de mon côté, m'excuser
au nom de mon collègue, le député de Saguenay,
auprès des groupes qui sont venus ce matin pour se faire entendre, comme
l'Association des consommateurs du Canada, le Conseil de l'alimentation du
Québec et le Conseil des salaisons du Canada.
Le député de Saguenay, à cause de la grève
du groupe d'entretien de l'aéroport de Québec, n'a pas pu
atterrir à Québec et n'a pas pu être ici à temps. Il
est obligé de s'en aller de Baie-Comeau à Montréal et
revenir par autobus ou par le train. Alors, il ne sera pas là
aujourd'hui mais il sera présent demain. Je pense bien que la commission
ne sera pas terminée. Si la commission n'a pas d'objection, étant
donné que le député de Saguenay est le spécialiste
du parti dans le domaine de l'agriculture, il fera ses commentaires et prendra
position sur l'avant-projet du ministre demain, à son retour. Je pense
qu'il est de mise que ce soit lui-même qui le fasse et non pas
moi-même.
De toute façon, je serai présent pour écouter les
intervenants et lui transmettre les points de vue de ceux qui ont bien voulu se
déplacer pour venir se faire entendre ce matin à la commission
parlementaire. Je lui transmettrai vos voeux de façon que, même
s'il n'est pas ici, il sera au courant demain de ce qui s'est passé
aujourd'hui et prêt à intervenir pour faire avancer l'avant-projet
de loi selon les intérêts des cultivateurs.
M. Ostiguy: M. le Président...
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Verchères.
M. Ostiguy:... je voudrais vous faire remarquer que le
député de Mégantic-Compton sera plutôt
remplacé par le député de Kamouraska.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Alors, correction
apportée. M. Pelletier (Kamouraska) remplace M. Dionne
(Mégantic-Compton).
Ce matin, nous entendrons les organismes suivants: L'Association des
consommateurs du Canada (Québec), le Conseil de l'alimentation du
Québec et le Conseil des salaisons du Canada.
L'honorable ministre de l'Agriculture.
M. Toupin: M. le Président, avantd'entendre les parties,
je désirerais, si vous me permettez, faire une courte introduction sur
les travaux de cette commission parlementaire. Je sais que les
représentants de l'Opposition officielle et des autres Oppositions
auront sans doute aussi quelques mots à dire.
Le député de Johnson a déposé un document.
L'Opposition officielle désire attendre à demain pour que la
lecture se fasse parce que le député qui doit représenter
l'Opposition n'est pas présent.
Une Voix: II est en l'air.
Exposé du ministre
M.Toupin: II est en l'air. Evidemment, on espère qu'il va
tomber à terre; c'est important, en agriculture, d'avoir les pieds
à terre, de ce temps-ci. Je sais aussi que le député de
Beauce-Sud, bien sûr, aura sans doute quelques réflexions à
apporter.
Le but de cette commission est de discuter deux problèmes
si on peut s'exprimer ainsi en particulier. Le premier concerne une
loi-cad re relative au revenu des agriculteurs ou une assurance-revenu des
agriculteurs. Le second problème touche le règlement sur la
qualité des aliments au Québec. Lorsque nous avions
discuté, à l'Assemblée nationale, de la Loi sur les
aliments, nous nous étions engagés à discuter en
commission parlementaire et à entendre les parties sur le contenu de ces
règlements qui sont complexes, qui sont vastes et qui touchent presque
toute la chaîne de l'alimentation, dans le domaine des viandes plus
particulièrement.
Le projet de loi-cadre, lui, vient tenter d'apporter des idées
nouvelles sur la politique gouvernementale concernant les revenus des
agriculteurs. Je n'ai pas besoin de signaler à la commission que le
problème des revenus des agriculteurs fait l'objet, depuis
déjà quelques années, de discussions tant de la part du
ministère de l'Agriculture que de la part des producteurs
eux-mêmes. Je n'ai pas besoin, non plus, d'insister sur le fait que
l'économie agricole est une économie cyclique; c'est une
économie où, très souvent, l'agriculteur touche beaucoup
plus que ses coûts de production, allant même se chercher un revenu
raisonnable. C'est une économie, aussi, où, dans certaines
périodes, les prix sur le marché ne parviennent même pas
à compenser les coûts de production sur les fermes en
général.
Ce projet de loi vise, tout compte fait, à corriger ces accidents
de parcours de l'économie agricole. Il n'a pas pour intention ni pour
fonction fondamentale de remplacer les mécanismes actuels du
marché. Il n'a pas l'intention de se substituer, par exemple, au
mécanisme déjà existant pour l'établissement des
prix, au mécanisme déjà existant pour la mise en
marché des produits et au mécanisme déjà existant
pour la fixation des prix sur le marché libre. Il a pour fonction
essentielle de corriger les caprices du marché et de tenter ainsi de
donner aux producteurs agricoles l'occasion, au moins, de compenser, dans
toutes les périodes et dans tous les cycles de production et de
marché, ces coûts de production.
C'est une politique gouvernementale que nous discutons
déjà, au ministère de l'Agriculture, depuis près de
deux ans. Nous avons commencé à travailler sur ce problème
en 1972 et nous avons mis le point final à cet avant-projet en 1974.
C'est complexe, bien sûr, une loi comme celle-là, mais c'est une
loi qui s'avérera nécessaire. C'est un programme qui,
assurément, doit être mis en place pour assurer aux agriculteurs
québécois un revenu minimum, un revenu qui corresponde au moins
à leurs coûts de production.
Voilà, M. le Président, c'étaient les quelques
propos que je voulais tenir au début des travaux de cette
commission.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Beauce-Sud.
M. Roy: M. le Président, je viens d'entendre le ministre.
Je tiens à dire que mes commentaires seront brefs. Je pense que tout le
monde est d'accord pour dire que la sécurité de revenu, pour les
membres de la profession agricole, est une chose louable et vers laquelle nous
devons diriger nos objectifs. Ce n'est pas un sujet nouveau, il fait la
manchette depuis nombre d'années. Pour assurer la survie de
l'agriculture au Québec, il est urgent d'assurer un revenu convenable
aux membres de la profession agricole.
Le temps est fini, je pense, où toute la famille devait
travailler bénévolement pour apporter un maigre salaire, quand ce
n'est pas une perte pure et simple. Si nous voulons une agriculture
prospère au Québec, il faut que celui qui s'adonne à
l'agriculture soit assuré d'un revenu décent.
Ceci dit, M. le Président, je ne veux pas dire que je suis
parfaitement d'accord sur l'avant-projet de loi q ue nous avons devant nous. Je
suis d'accord sur le principe du revenu stable aux cultivateurs, mais j'ai
certaines réserves au sujet du projet de loi que nous avons à
étudier. D'abord, je tiens à dire que ce n'est même pas un
projet de loi; c'est un avant-projet de loi. Je pense que c'est la
première fois en commission parlementaire que nous avons à
étudier un avant-projet de loi. J'ose espérer que les discussions
que nous aurons avec les intéressés je dis bien les
premiers intéressés, les agriculteurs eux-mêmes nous
permettront de moderniser cet avant-projet de loi que nous avons à
étudier avant que le gouvernement présente un projet de loi
définitif.
Je dois dire ici que l'avant-projet de loi qui nous a été
soumis ne contient aucune innovation. J'ai le regret de dire que ce n'est qu'un
ramassis de vieilles formules aussi désuètes que les anciennes
méthodes que l'on utilisait il y a deux générations dans
l'agriculture. Cela me fait penser un peu au règlement de
l'assurance-récolte. Il y a donc beaucoup à ajouter à cet
avant-projet de loi si l'on veut qu'il rencontre les objectifs que nous voulons
atteindre. En définitive, l'avant-projet de loi qui nous est soumis
pourrait se résumer à une chose: on espère assurer un
revenu minimum aux agriculteurs en créant un fonds alimenté par
les agriculteurs eux-mêmes et par le gouvernement, évidemment.
M. Toupin: C'est très important qu'on nous le dise.
M. Roy: Ce fonds sera alimenté d'abord par les
agriculteurs eux-mêmes, mais le gouvernement
ajoute, selon ce qui est écrit dans l'avant-projet de loi, une
somme équivalente. C'est la raison pour laquelle j'ai fait, tout
à l'heure, un parallèle avec le principe de
l'assurance-récolte.
Le gouvernement, c'est tout le monde. Parmi tout le monde, il y a les
agriculteurs, mais il y a aussi les autres classes de la société.
Il y en a qui ne sont pas plus fortunés que les agriculteurs. En
résumé, ce que l'on essaie de réaliser, c'est une vieille
formule. On essaie de rapatrier des miettes et des gouttes d'eau. Nous avons
connu une ère de modernisme incroyable depuis les vingt dernières
années. La mécanisation a permis de produire plus avec moins
d'efforts humains et moins d'heures de travail. Aucune classe de la
société ne peut revendiquer à elle seule ce
résultat. Mais il faut dire que, si l'agriculteur du Québec
produit beaucoup plus qu'il ne pouvait produire avec la même
quantité de travail, c'est que les cultivateurs du Québec
travaillent comme jamais ils n'ont travaillé dans la province, avec des
conditions économiques qui sont loin de s'améliorer.
Le ministre nous a parlé tout à l'heure d'une
économie cyclique. Le ministre ne nous a rien appris. En agriculture, il
y a des cycles d'années d'abondance et il y a des cycles d'années
de disette. Mais il y a aussi des cycles dans l'économie agricole qui
sont voulus et qui nous arrivent par des agents de l'économie. Lorsque
le ministre nous a dit ce matin qu'il ne voulait pas se substituer aux
mécanismes existants, je dois dire je le dis malheureusement
que je suis très déçu de l'attitude du ministre,
parce que le ministre ne veut déranger personne. On ne veut pas
déranger les trusts. On ne veut pas déranger les cartels. On ne
veut pas déranger les importateurs. On ne veut pas changer les
règles du jeu. On ne veut pas déranger les messieurs qui, dans
des chapelles dont nous ignorons l'endroit exact, se réunissent et
procèdent à la fixation arbitraire des prix dans l'agriculture
qui jouent à l'encontre des agriculteurs du Québec et jouent, en
même temps, à l'encontre des consommateurs
québécois.
Alors, ce matin, on nous amène ici pour étudier un
avant-projet de loi et un principesur lequel tout le monde est d'accord. Mais
on va nous faire perdre notre temps. Cela va faire perdre le temps aux
organismes agricoles. On va faire dépenser de l'argent aux agriculteurs
du Québec pour organiser des études, leur faire préparer
des mémoires et les faire venir devant le gouvernement pour nous dire ce
qu'ils pensent. Autrement dit, on organise un grand placotage provincial qui ne
réglera rien. J'ai posé une question au ministre de l'Agriculture
à l'Assemblée nationale, l'automne dernier, pendant que les
agriculteurs du Québec manifestaient partout, dans toutes les
régions du Québec, à cause des prix de la viande, à
cause des prix qu'ils réussissaient à obtenir pour leurs animaux
de boucherie. Il y avait des navires qui entraient, qui venaient des
marchés internationaux et qui étaient déchargés
dans les ports de Montréal. Les cargaisons de ces navires et les stocks
de viande allaient alimenter tous les épiciers et les grandes
chaînes d'alimentation du Québec, y compris nos petites
municipalités rurales.
Je ne comprends pas le gouvernement et je ne comprends pas le ministre
de l'Agriculture, lui qui a fait carrière dans le monde agricole de par
les fonctions qu'il avait avant qu'il soit ministre, de ne pas vouloir ou de ne
pas pouvoir il y a une chose ou l'autre faire quoi que ce soit et
s'attaquer aux racines du mal. On organise un grand placotage provincial. Je
regrette, mais même si je suis d'accord sur le principe, cet avant-projet
de loi n'est que l'organisation d'un grand placotage provincial qui va
peut-être durer deux ans.
M. Toupin: Vous nous en donnez, d'ailleurs, une belle
démonstration.
M. Roy: Le ministre peut faire de l'humour ce matin, le ministre
pourra dire ce qu'il voudra, le ministre pourra, à un moment
donné, se sentir un peu vexé...
M. Toupin: Pas du tout.
M.Roy:... le ministre pourra se sentir blessé. Ce que je
dis, ce n'est pas de gaieté de coeur que je le dis, le ministre le sait.
On organise un grand placotage provincial, et le ministre le sait. Il en a
même le sourire aux lèvres. On organise, dans la province de
Québec, du placotage de façon à éviter de parler du
fond du problème, éviter de parler des véritables causes
et des véritables politiques que le gouvernement je dis bien un
gouvernement; je serais tenté de ne pas parler tellement du gouvernement
actuel qu'un vrai gouvernement responsable devrait faire à
l'endroit de la classe agricole.
Le nombre des agriculteurs diminue d'année en année. Le
ministre a même dit, devant la télévision l'autre jour,
qu'il diminuerait encore. Il n'a pas l'air de s'en préoccuper. Il y a
quelques années, dans la province de Québec, on exportait des
produits agricoles. Nous sommes rendus à importer des produits agricoles
dans tous les secteurs. A la suite, justement, de la fameuse bataille du poulet
et des oeufs, qui a duré deux ans on l'a vu en fin de semaine
dans des nouvelles qui ont paru dans les journaux il y a du poulet qui
arrive dans les abattoirs du Québec en provenance des Etats-Unis. On a
vu cela dans la région des Cantons de l'Est. Cela nous arrive des
Etats-Unis. Alors, qu'on ne parle plus de bataille du poulet et des oeufs avec
l'Ontario et les provinces canadiennes, si ça vient des Etats-Unis,
alors que les producteurs de poulet de gril se sont vu réduire leur
quota de production.
Je me demande qui et quoi le ministre veut protéger. Je me
demande qui et quoi attachent le ministre de façon qu'on nous arrive
avec des petites lois dans lesquelles il n'y aqu'un principe mais dans
lesquelles on donne aux fonctionnaires et aux technocrates tous les pouvoirs
d'organiser le secteur de l'activité agricole, mais secteur par secteur,
selon des règlements qu'ils prépareront eux-mêmes, qu'ils
présenteront au conseil des ministres et que le législateur
n'aura comme seule mission et seul rôle que de surveiller parce que.nous
leur aurons donné l'autorité absolue.
Ceci dit, en terminant, je suis très inquiet, en ce
qui me concerne. Nous allons justement en discuter et je vais suivre,
dans la mesure du possible, toutes les séances de cette commission
parlementaire. Je dis, encore une fois, que le gouvernement manque le bateau;
le gouvernement procède comme il a procédé depuis 1970.
Dans l'agriculture du Québec, on tente de gagner, de sauver du temps par
tous les moyens possibles pendant que les situations se
détériorent dans tous les domaines.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Avant...
M. Toupin: M. le Président, vous me permettrez seulement
quelques propos.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre de
l'Agriculture.
M. Toupin: Je ne veux pas donner de réplique, bien
sûr que non, ce n'est pas le temps ni, bien sûr, l'endroit pour
donner des répliques. Je voudrais inviter, très
sérieusement et très honnêtement, le député
de Beauce-Sud à lire le document, à l'approfondir...
M. Roy: II n'y a rien dedans, il n'est pas facile à
lire.
M. Toupin: ... et à regarder exactement comment le
gouvernement entrevoit la possibilité d'assurer un revenu à long
terme aux agriculteurs; pas un revenu à court terme mais un revenu
à long terme, un revenu plus substantiel que celui qu'ils
reçoivent actuellement. C'est l'objet fondamental de cette loi d'assurer
des revenus aux agriculteurs.
Je n'arrive vraiment pas à comprendre comment dirais-je?
je vais utiliser les expressions du député de Beauce-Sud
les bavardages du député de Beauce-Sud.
M. Roy: Ce n'est pas l'expression que j'ai uili-sée.
M. Toupin: L'autre est aussi mauvaise, je pense. Une Voix: Le
placotage.
M. Toupin: Le placotage, bon. Je n'arrive pas à le
comprendre. Si le député de Beauce-Sud avait pris le temps de
lire le document et de s'informer auprès de gens qui connaissent un peu
comment se comporte l'économie agricole, qui savent un peu comment on
doit intervenir dans une économie, sans être des dirigistes et des
absolutistes, comment on peut, avec des politiques gouvernementales et en
collaboration avec les producteurs, soutenir des revenus et soutenir des
marchés en même temps...
C'est le fondement même de la loi et c'est
précisément ce sur quoi le député de Beauce-Sud n'a
fait porter aucun de ses raisonnements. J'ai fortement l'impression que le
petit document qu'il a préparé fut fait un soir ou deux
après une journée de travail, sans qu'il ait eu le temps
d'approfondir vraiment le projet de loi comme tel.
C'étaient seulement, M. le Président, les quelques propos
que je voulais tenir concernant cet exposé.
M. Roy: Je pourrais rependre certains propos du ministre...
M. Toupin: ... certains propos...
M. Roy: ... certaines affirmations gratuites. Je n'ai pas
à tenir compte, à un moment donné, du temps qu'il a pu
mettre. Je n'ai pas parlé du temps qu'il a pu mettre à
étudier un document. Si le ministre veut jouer ce petit jeu
d'enfan'illage, libre à lui.
M. Léger: M. le Président...
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Lafontaine.
M. Léger: ...je voulais simplement dire que je ne veux pas
embarquer dans ce que disait le député de Beauce, du placotage.
C'est plutôt le moment de ne pas assister à une commission de
placotage mais à une commission de l'écoute, c'est-à-dire
écouter ceux qui ont des choses à dire. Il y a une loi-cadre qui
est présentée. Je pense que les groupes qui ont été
invités ont eu l'occasion d'étudier cette loi-cadre. Ils ont des
choses intéressantes à nous livrer. Avant de s'exprimer d'une
façon définitive, sur les amendements à apporter ou sur
l'acceptation ou le refus de cet avant-projet de loi, je pense qu'il serait de
mise et logique d'écouter les personnes qui sont présentes, de
voir ce qu'elles acceptent, ce qu'elles refusent, ce qu'elles veulent qu'on
corrige. Notre rôle de législateur sera justement, par la suite,
d'apporter les commentaires voulus de façon que le ministre puisse
apporter les corrections voulues. J'espère que ce ne sera pas une
correction complète mais au moins une correction suffisante pour
satisfaire ceux qui sont touchés par cet avant-projet de loi.
Quant à moi, je suis prêt à écouter les
intervenants.
M. Toupin: D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Houde, Limoilou): La compagnie J. Demers
lnc.de Gentilly, qui exploite un abattoir chevalin, désire obtenir un
droit de parole à titre personnel, soit en fin de journée ou
demain matin. Son représentant serait M. Jean-Paul Lussier. Est-ce que
la commission acquiesce à cette requête?
M. Toupin: Personnellement, je ne vois pas
d'inconvénient...
Le Président (M. Houde, Limoilou):Aucun
inconvénient. Alors, la commission est d'accord?
M. Toupin:... si les membres de la commission sont d'accord.
M. Roy: D'accord.
M. Léger: D'accord. Est-ce que vous pourriez nous donner
l'ordre des intervenants pour aujourd'hui?
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'Association des
consommateurs du Canada (Québec), le Conseil de l'alimentation du
Québec et le Conseil des salaisons du Canada.
Alors, j'invite immédiatement l'Association des consommateurs du
Canada (Québec), dont la représentante est Mme Jacqueline
Blanchet.
Association des consommateurs du Canada
(Québec)
Mme Blanchet (Jacqueline): M. le Président, l'Association
des consommateurs du Canada (Québec) est un organisme
bénévole, à but non lucratif, qui regroupe 15,000 membres
au Québec. Depuis 27 ans, cette association défend les
consommateurs tant aux niveaux local, provincial que national et elle se
présente devant vous afin de donner le point de vue de ses
consommateurs.
L'Association des consommateurs du Canada (Québec) est heureuse
de présenter ses commentaires sur l'avant-projet de loi
d'assurance-stabilisation des revenus agricoles.
Tous les travailleurs, dans tous les pays, sentent le besoin universel
d'une plus grande sécurité. L'agriculture et l'industrie des
aliments, qui lui est rattachée, jouent un rôle
prépondérant dans l'économie québécoise.
Cependant, la production agricole demeure la pi us touchée par les
fluctuations de toutes sortes, échappant à la volonté
même des exploitants, dans une très large mesure.
Il est tout à fait juste que les agriculteurs
québécois soient assurés de recevoir en recettes, chaque
année, une somme équivalente à leurs
déboursés encourus par la production et par la mise en
marché de leurs produits, plus un revenu annuel adéquat, compte
tenu du niveau de vie de la collectivité où ils vivent.
Nous reconnaissons leurs droits d'améliorer leur position
socio-économique à l'instar de tous les autres citoyens.
Le rôle de l'Etat, à notre avis, est d'assurer à ces
travailleurs autonomes une accessibilité à des mesures de
protection comparables à celles dont jouissent les travailleurs dans
l'industrie, grande ou petite.
Nous ne pouvons souhaiter qu'une équitable application de cette
loi nouvelle, quant à la composition de ses membres au sein de
l'organisme constitué et quant à la distribution des
bénéfices prévus.
Nous croyons que notre association peut aider à atteindre les
buts de la loi et notre participation serait souhaitable par une
présence parmi les organismes créés et aussi par voie de
consultation. Je vous remercie.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Merci, madame. Est-ce
que les membres de la commission ont des questions à poser à Mme
Blanchet?
M. Léger: M. le Président...
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Lafontaine.
M. Léger: Dans votre mémoire, madame, vous nous
dites que vous aimeriez qu'il y ait une consultation un peu plus souvent, un
peu plus régulièrement. Vous dites, entre autres, que votre
"association peut aider à remplir les buts de la loi" et que votre
"participation serait souhaitable par une présence parmi les organismes
créés et aussi par voie de consultation".
Est-ce que, jusqu'à présent, de puis au moins les
dernières années, votre association a déjà
été consultée par le ministère de
l'Agriculture?
Mme Blanchet: A titre de vice-présidente provinciale dans
cette association où j'oeuvre, nous avons été
consultés souvent parce que nous sommes venus faire des commentaires
à la régie concernant le prix du lait, par exemple, et à
différentes occasions. Je crois que l'association a toujours
été invitée à présenter son point de vue et
nous espérons continuer à le faire.
M. Léger: Mais, de la façon dont vous vous exprimez
dans votre rapport, il semble que vous aimeriez une participation plus accrue
dans la...
Mme Blanchet: Oui.
M. Léger:... consultation. Comment voyez-vous cette
participation et cette consultation, d'une façon régulière
ou systématique?
Mme Blanchet: Bien, ce qui arrive, c'est que nous sommes mis
souvent au courant de la hausse des prix et nous sommes obligésd'y faire
face. Nous voulons surtout, nous, développer le point de vue et qu'au
moins le consommateur sache un peu où se trouver dans tout ça.
Lorsqu'on nous arrive un matin et que le prix du lait est augmenté, nous
sommes toujours pris assez au dépourvu. Nos commentaires ne sont pas
toujours très écoutés. Alors, je pense qu'en travaillant,
qu'en oeuvrant d'une manière plus précise, il y aurait moyen de
faire quelque chose. A ce moment-là, je pense que ce ne serait pas une
participation seulement à l'occasion; ce serait une participation
vraiment précise.
M. Léger: Un peu mieux que les ACEF dans d'autres
domaines, quoi!
Mme Blanchet: Je n'aime pas les comparaisons, monsieur.
M. Léger: Non, je parle de la consultation des
gouvernements avec les ACEF qui s'occupent des consommateurs aussi. Vous
trouvez que vous devriez avoir un rôle plus positif, plus accru, plus
considéré par le gouvernement?
Mme Blanchet: Oui, exactement. M. Léger: D'accord,
merci.
M. Toupin: Est-ce que...
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre de
l'Agriculture.
M. Toupin:... madame, cela irait jusqu'à vouloir dire...
Je regarde à la partie 8: "Nous croyons que notre association peut aider
à remplir les buts de la loi et notre participation serait souhaitable
par une présence." Est-ce que cela voudrait dire qu'à l'office
que nous entendons créer pour administrer cette loi vous
désireriez que votre association soit représentée
effectivement par une personne...
Mme Blanchet: Exactement.
M. Toupin: ... au conseil d'administration de l'Office de
stabilisation des prix?
Mme Blanchet: Exactement, M. le ministre. M. Toupin: C'est votre
position? Mme Blanchet: C'est le point.
M. Toupin: C'est ce que veut dire l'article 8 de votre
document.
Mme Blanchet: Exactement, M. le ministre.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Beauce-Sud.
M. Roy: M. le Président, j'aimerais demander à
madame... Dans les règlements sur les aliments, il y a l'article 4: "Les
consommateurs sont confus entre les différentes estampilles dont l'une
démontre..
Mme Blanchet: Ah bon!
M. Toupin: Elle n'a pas lu cette partie du mémoire.
M. Roy: Elle ne l'a pas lue, mais comme elle fait partie du
mémoire et comme, probablement, elle n'aura pas l'occasion de revenir
devant la commission...
M. Toupin: Oui. Elle aura l'occasion de lire tout son
mémoire si elle le désire.
M. Roy: Elle pourra revenir sur la question des aliments.
M. Toupin: Au moment où on arrivera sur le
règlement.
M. Roy: D'accord. Alors, je reposerai ma question.
Mme Blanchet: J'ai cru que c'était séparé,
d'ailleurs.
M. Roy: D'accord.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Autres questions des
membres de la commission?
M. Toupin: J'en aurais une, M. le Président.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre de
l'Agriculture.
M. Toupin: Je trouve intéressante l'idée que vous
apportez d'une présence plus concrète dans les organismes
gouvernementaux ou paragouver-nementaux en ce qui concerne la question des prix
des produits agricoles et la question des revenus des agriculteurs
également. Est-ce que, dans votre esprit, en tant que responsable des
consommateurs, vous avez la nette impression que le ministère de
l'Agriculture doit attacher autant d'importance aux consommateurs qu'il peut en
attacher aux producteurs?
Mme Blanchet: Exactement et même davantage parce qu'en fait
nous sommes à la base et je pense qu'il est très important que
l'on dise ce que l'on veut et qu'on ne se laisse pas imposer ce que l'on ne
désire même pas. Parce que, si vous arrivez à toucher
à l'empaquetage, à l'étiquetage et tout ça, je vous
assure que, lorsqu on arrive à des coûts d'emballage de 20% dans
les aliments, on trouve qu'il y a une exagération.
On est toujours très surpris de voir que le producteur agricole
va avoir 15% sur $1 alors que 60% vont à la transformation. Alors, je
pense q ue sur ça le consommateur a sûrement des choses à
dire. Et cela orientera sûrement le mécanisme de
transformation.
M. Toupin: Est-ce que vous iriez jusqu'à soutenir que le
ministère de l'Agriculture devrait prévoir, et dans ses lois et
dans ses règlements, non seulement une participation possible du
consommateur mais aussi une certaine programmation qui serait de nature
à le protéger, pour employer un terme générique,
c'est-à-dire qu'il y ait des lois et des règlements qui
s'adressent essentiellement aux consommateurs?
Mme Blanchet: Je serais en faveur, M. le ministre,
sûrement.
M. Toupin: Vous seriez en faveur.
Mme Blanchet: C'est d'ailleurs notre demande.
M. Toupin: D'accord. M. le Président, je n'ai pas d'autre
question.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Lafontaine.
M. Léger: M. le Président, j'aurais une autre
question. Etant donné que votre intérêt premier est la
protection du consommateur, pour vérifier les causes de ces
augmentations que doit subir le consommateur, vous avez certainement dû
faire
une certaine étude, à un degré plus ou moins
intensifié, dépendant des moyens que vous aviez. A
l'intérieur de tout le système, il y a des intrants, ceux qui
fournissent aux agriculteurs, ceux qui achètent les produits agricoles
et qui les transforment, ceux qui les vendent aux consommateurs; dans tout ce
système il yen a deux qui subissent des conséquences
immédiates et désastreuses, ce sont les agriculteurs et les
consommateurs.
Avez-vous fait une étude? Vous êtes-vous penchés sur
ce problème? Avez-vous évalué de quelle façon un
gouvernement responsable et sérieux pourrait trouver des solutions pour
rééquilibrer cela dans chacun des groupes qui sont dans ce milieu
agro-alimentaire et quelles corrections pourrait-il apporter?
Mme Blanchet: Evidemment, nous ne sommes pas des
spécialistes, M...
M. Léger: Le député de Lafontaine.
Mme Blanchet:... le député de Lafontaine.
Seulement, nous sommes mis au courant et nous participons disons à des
études, à des conférences. Je suis souvent en rapport avec
la faculté d'agriculture. On voit tous les travaux qui y sont faits et
on peut savoir que les cultivateurs, aujourd'hui, 60% de leurs produits vont
à l'industrie d'à côté, enfin vont aux intrants,
vont à la machinerie. Ils dépensent énormément pour
leurs productions alors qu'autrefois l'agriculture était plus
autosuffisante, si vous voulez. Aujourd'hui, elle ne l'est pas. Ils
dépendent justement, en proportion, 60% de leurs produits pour les
dépenses extérieures.
Evidemment, vous ne pouvez pas nous demander, M. le
député, d'être des spécialistes. Nous aimerions bien
que, à un moment donné, l'Association des consommateurs du Canada
(Québec) ait des spécialistes à leur usage, à leur
défense, si vous voulez, qui seraient bien intégrés dans
le mouvement. A ce moment-là, nous serions les premiers et nous
pourrions peut-être présenter un éventail plus
précis et plus spécialisé.
M. Léger: Mais il y a le fait que vous êtes dans le
bas de la chaîne; c'est le consommateur qui doit acheter, qui est
limité aux prix des différents magasins qui lui offrent des
produits. Vous, vous voyez en cela un problème majeur. Le consommateur
est pris avec une inflation. Vous connaissez tout le rouage et voyez que les
cultivateurs du Québec en particulier ont eu une baisse de revenu de 9%
en 1974 alors qu'une hausse de 20% du revenu est reconnue à travers le
Canada pour les autres agriculteurs.
Mme Blanchet: Oui.
M. Léger: Au Québec puisque c'est au
Québec qu'on voit le problème actuellement les
agriculteurs voient une baisse du revenu, les consommateurs voient une
augmentation du prix. Vous, comme représentants d'un groupe qui veut
protéger les consommateurs, quels sont les moyens, en plus de celui de
vous plaindre auprès du gouvernement, et les suggestions que vous
proposeriez devant cette anomalie: Que l'agriculteur, celui qui a le produit
premier, perd du revenu et que le consommateur, qui va consommer le produit
fini, voit le prix augmenter à un rythme effarant?
Devant cela, qu'est-ce que vous pensez qui devrait être fait
devant un gouvernement qui serait responsable, à ce moment-à?
Mme Blanchet: C'est justement le pourquoi de nos interventions.
C'est justement le pourquoi de notre présence ici. Moi-même, je
suis issue d'une famille d'agriculteurs où nous sommes encore, au point
de vue familial, bien implantés, bien engagés. J'ai su ce que
c'était de se lever à cinq heures du matin pour aller traire les
vaches ou aller faire les foins parce que l'orage s'en venait. J'ai connu
ça, j'ai connu le travail familial non payé des jeunes dans une
famille d'agriculteurs. Alors, je pense que, dans le moment, ce que je vous
raconte, ce que je vous dis à la défense de l'agriculteur, je
l'ai vécu. Je suis heureuse, en fait, de pouvoir prendre leur part et
prendre leur défense. Et si les jeunes dans les familles d'agriculteurs
quittent la ferme, bien, je vous assure, si on regarde comme il le faut, on
n'est pas trop surpris.
Si on leur accordait, à ces jeunes agriculteurs, des
possibilités d'une sécurité de salaire,
sécurité financière, un niveau de vie au moins égal
à celui du voisin qui est dans l'industrie, bien, je pense qu'on les
garderait, parce qu'il y a du bonheur à être sur une ferme, il y a
une autonomie qu'aucune personne dans l'industrie ne peut connaître. Je
pense que nos jeunes seraient heureux s'ils avaient des possibilités
d'une bonne sécurité.
M. Léger: Je pense que vous n'avez pas tout à fait
saisi ma question. Je remarque, quand même, que vous vous apitoyez sur le
sort des deux, et des consommateurs et des agriculteurs. Mais ma question
était: Devant cela, devant les autres groupes qui entrent en ligne de
compte, qui ont des attitudes ou des comportements qui amènent justement
le problème que vous venez de soulever, autant celui de l'agriculteur
que celui du cultivaleur, vous, comme membre d'un organisme et votre organisme
qui est là pour la protection du consommateur, qui connaît les
problèmes de l'agriculteur puisque vous venez de m'en donner des
exemples, comment voyez-vous les solutions pour un gouvernement, si vous voulez
que le gouvernement vous consulte? Quelles sortes de solutions voyez-vous
comparativement aux trois autres groupes qui sont responsables du peu de
revenus que l'agriculteur reçoit et du haut coût que le
consommateur paie? Je parle des trois groupes: ceux qui fournissent aux
agriculteurs les matières premières pour qu'ils fonctionnent,
ceux qui achètent leurs produits pour les transformer et ceux qui les
vendent aux consommateurs. Ce sont trois groupes qui font des profits
réguliers, intéressants, accrus, qui contrôlent le
marché, qui placent et le consommateur et l'agriculteur dans un
étau d'où ils ne semblent pas pouvoir se sortir.
Vous, comme représentante des consommateurs, comment voyez-vous
les solutions à cela?
Mme Blanchet: Bien, je pense qu'avant de voir des solutions,
monsieur, il faudrait peut-être faire une grande lumière. Je pense
que c'est ça, au départ. Ce serait de savoir, au fait, où
cela se perd, parce que cela se perd sûrement quelque part ou cela se
gagne en trop quelque part. C'est ce qu'on n'a pas été capable,
même avec la commission Plumptre, d'élucider.
Alors, je pense que nous, de la base, nous les consommateurs, c'est ce
qu'on voudrait savoir à un moment donné: pourquoi nos
producteurs, ceux qui nous apportent à manger sont toujours
pénalisés. Ils arrivent absolument dans des déficits
ridicules. C'est là, d'abord, qu'il faudrait, je pense, faire la
lumière. Ensuite, on verra notre moyen d'action.
M. Léger: Est-ce que vous iriez...
Mme Blanchet: On est sûrement prêt à agir.
M. Léger: ... jusqu'à dire qu'il faudrait une
enquête sur les intermédiaires?
Mme Blanchet: Bien, disons que, si c'est nécessaire, je
n'y verrais pas d'objection, s'il n'y a pas moyen de faire la lumière
autrement. Je pense qu'il faut trouver la source de possibilités. Alors,
ce sera au gouvernement en place de choisir et de prendre les directives. On
sera là pour dire si les directives sont bonnes ou si elles ne sont pas
bonnes. Je pense que c'est notre privilège. Je ne crois pas qu'on puisse
venir vous dicter exactement des modes à suivre. Mais on sera là
pour dire s'ils ne sont pas bons et, à ce moment-là,
peut-être que ce serait bien que vous suiviez nos indications.
M. Léger: Je vous remercie.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Alors, merci bien,
madame.
J'invite immédiatement le Conseil de l'alimentation du
Québec. Je demanderais à la personne concernée et à
ceux qui l'accompagnent de vouloir se présenter.
Conseil de l'alimentation du Québec
M. Roy (Léonard): Léonard Roy,
vice-président exécutif du Conseil de l'alimentation du
Québec.
M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire
de l'agriculture, madame, messieurs, le Conseil de l'alimentation du
Québec est reconnaissant à votre commission parlementaire de lui
permettre de faire connaître le point de vue de l'industrie qu'il
représente sur un avant-projet de loi destiné à assurer la
stabilisation des revenus agricoles au Québec. Dans le contexte de ce
matin, permettez-moi de vous dire que, personnellement, au nom de ceux que je
représente, je voudrais bien être un interlocuteur qui va apporter
quelque chose de constructif et non pas du placotage à votre
commission.
Incorporé en vertu des lois du Québec, le Conseil de
l'alimentation est une fédération professionnelle d'affaires
regroupant, pour des fins d'étude et d'action collective, des
associations à caractère provincial, dont les membres
représentent les entreprises industrielles et commerciales qui assurent
les approvisionnements alimentaires de la population du Québec.
Nous représentons effectivement ici les dix associations
suivantes: l'Association des manufacturiers de produits alimentaires du
Québec, le Conseil des salaisons du Canada (division du Québec),
le Conseil de l'industrie laitière du Québec, l'Association des
abattoirs avicoles du Québec, l'Association professionnelle des meuniers
du Québec, l'Association canadienne des manufacturiers de moulées
Inc.(Est), l'Association des magasins-chaînes du Québec,
l'Association des épiciers en gros du Québec, l'Association des
détaillants en alimentation du Québec et l'Association des
grossistes en fruits et légumes du Québec, qui ont
été consultées sur lavant-projet de loi qui fait l'objet
de la présente audience publique et qui nous ont donné mandat de
soumettre à nos législateurs l'ensemble des considérations
de ce mémoire.
Nous tenons à souligner que le Conseil de l'alimentation du
Québec a été accepté, après une dizaine
d'années d'activités, comme l'interlocuteur valable du monde des
affaires en alimentation, avec les autres grands secteurs de la
société et les milieux de l'administration publique aux divers
paliers de gouvernement.
Nous avons accepté d'intervenir dans l'étude de cet
avant-projet de loi parce que nous considérons que nous devons cette
collaboration au ministère de l'Agriculture du Québec qui, depuis
quelques années, tente de mettre en place une véritable politique
globale de développement intégré du grand complexe
agro-alimentaire québécois, dont la stabilisation du revenu
agricole est une des parties importantes. Nous sommes d'autant plus heureux de
le faire que ce ministère nous donne des preuves de son souci de la
consultation de tous les agents économiques de la chaîne
alimentaire dans ses orientations majeures; qu'il prend des attitudes et pose
des gestes destinés à en faire de plus en plus un
ministère à vocation économique générale,
greffé à la mise en valeur d'une de nos ressources naturelles les
plus vitales et de moins en moins un ministère de classe exclusivement
comme il l'a été trop longtemps.
Je voudrais apporter une précision sur les termes. Lorsque nous
employons, dans notre mémoire, l'expression "chaîne alimentaire",
il va de soi qu'on ne se réfère pas aux chaînes de
magasins. On se réfère ici précisément à
cette chaîne qui va de la ferme jusqu'à la table du consommateur.
C'est l'expression consacrée d'ailleurs par les travaux du gouvernement
fédéral, d'Agriculture-Canada, où on s'est penché,
depuis cinq ans, sur l'ensemble de ce problème de coordination dans tous
ces secteurs.
Nous considérons également que nous devons au maintien des
bonnes relations interprofessionnelles que nous avons avec le monde agricole de
venir exposer honnêtement le point de vue de l'industrie et du commerce.
Nous nous présentons ici
non pas dans une attitude d'opposition, mais de recherche de plus de
précisions sur un texte législatif qui ne peut pas être
isolé de la conception économique qui l'inspire. Tout le monde
est d'accord sur la nécessité et l'urgence de consolider l'avenir
de l'agriculture du Québec. Ce que nous entendons discuter, ce sont des
moyens pratiques de le faire, car nous y sommes impliqués directement
comme secteurs de prolongement de l'agriculture. C'est cela le
phénomène économique de l'agro-alimentaire: cette
interdépendance qui rend illusoire toute tentative de solution en vase
clos de problèmes propres au régime économique dans lequel
nous évoluons.
Dernière motivation de notre intervention: c'est
l'opportunité que nous avons, en étudiant l'avant-projet de loi
devant nous, de mettre en lumière la fonction économique utile et
le rôle que peut jouer l'industrie alimentaire québécoise
dans la stabilisation du revenu agricole, si on accepte enfin de voir chez elle
autre chose que des intermédiaires nuisibles, vivant dans un monde
à part, coupés de toute participation à la
prospérité du Québec.
Les dirigeants et les membres du Conseil de l'alimentation du
Québec ont pris connaissance, étudié et discuté du
projet de loi, de ses notes explicatives et du document annexe décrivant
la problématique de la situation que cette loi tendrait à
corriger.
Nous comprenons q ue l'objectif du projet de loi est la
régularisation du revenu agricole, maintenu constamment en état
d'équilibre instable par suite, d'une part des fluctuations des
rendements physiques de la production dépendant des forces de la nature;
par suite aussi des aléas des marchés découlant des
variations des prix de vente des produits agricoles, d'autre part.
Les documents officiels soulignent qu'alors que le revenu national de
l'ensemble de la population progresse lentement et régulièrement,
le revenu agricole s'élève par saccades, avec des reculs et des
reprises pour aboutir à un progrès moyen sensiblement
inférieur au progrès du revenu national.
Les experts quantifient le degré d'amplitude et de
fréquence de ces variations. Nous retenons des mêmes explications
officielles et pour référence ultérieurement
que cette instabilité du revenu provient beaucoup plus des variations du
marché que des aléas des forces de la nature.
En effet, on affirme que les variations annuelles des prix à la
ferme des produits agricoles expliq uent 48% environ des variations des revenus
nets, alors que les variations du volume de production n'en expliquent que
6%.
Le projet de loi décrit et propose exclusivement ce que sera cet
élément de stabilisation: soit le mécanisme d'une caisse
de compensation, à base contributoire, par les producteurs avec la
suppléance de l'Etat, pour hâter l'édification d'un fonds
assez considérable pour avoir un véritable effet
régulateur. Tout y est quant à la technique du fonctionnement de
cette caisse de compensation et de l'organisme gouvernemental qui verra
à la faire fonctionner.
Notre industrie n'a donc rien à redire d'un mé- canisme
destiné essentiellement à bâtir des coussins pour amoindrir
les coûts résultant du comportement erratique du marché en
face des aléas de la production agricole, d'un mécanisme
destiné à arrondir les pointes et les creux des fluctuations des
revenus agricoles dans le temps.
Nous sommes d'autant plus à notre aise pour dire que c'est
valable, c'est avenu, cela s'impose, que nous connaissons déjà le
fonctionnement de mécanisme similaires sur le plan fédéral
et nous sommes au courant, également, de l'application d'une telle
formule en Colombie-Britannique.
Nous avons tout de même deux réserves quant aux
modalités de fonctionnement du mécanisme de la caisse de
compensation décrit dans le projet de loi.
D'abord, l'article 2 prévoit qu'il peut y avoir un nombre non
limité de régimes de compensation pour diverses productions
agricoles, alors que l'article 34 ne prévoit aucune limite aux sommes
que le gouvernement pourra verser dans ces caisses de compensation, à
même le fonds consolidé de la province, ce qui veut dire sans
être soumises aux exigences budgétaires, semble-t-il.
N'y a-t-il pas là un danger sérieux d'aventures
coûteuses sans que le contribuable n'y puisse rien faire? Nous posons
seulement la question, M. le Président, conscients que c'est à
l'Assemblée nationale de rechercher des assurances de ce
côté.
Il y a les articles 24 et 25 qui perpétuent la tendance de
décider du rôle et des obligations des tiers sans se soucier s'il
est équitable et pratique de leur imposer un rôle dans
l'application d'une loi. Dans le cas du présent projet de loi, nous nous
opposons à ce qu'on force l'industrie à absorber des frais
comptables de perception sur les chèques de paie des
producteurs-fournisseurs, des montants qu'ils auront à verser à
leur caisse de compensation. Qu'il y ait au moins une compensation
prévue pour de tels frais inhérents au système, comme
c'est le cas pour la perception de la taxe de vente, pour la perception des
primes de l'assurance-récolte, etc.
Nous proposerons plus loin une autre modification au texte du
présent projet de loi-cadre, en regard des règlements qui en
découlent, entre autres, à l'article 36.
Poursuivant nos considérations sur les préalables
invoqués à la présentation de cet avant-projet de loi,
nous trouvons très valable et réaliste le postulat que le
documentaire sur la problématique traduit de la façon suivante,
et nous citons: "il faut substituer à une offre fortement menacée
par l'irrégularité des récoltes, un débit constant
ou régulièrement progressif comme l'exige la demande à
laquelle il faut répondre. Malheureusement, l'expérience montre
que les mécanismes économiques sont impuissants pour assurer
à eux seuls une telle régularisation à cause d'une
spécialisation accrue en agriculture combinée à une plus
grande taille des exploitations."
Il est évident que l'industrie de la transformation des produits
agricoles et le commerce des primeurs agricoles ne peuvent que
bénéficier de la régularité dans les
approvisionnements de matières premières agricoles. Pour les
industries d'amont à l'agriculture, cette stabilisation des revenus
agrico-
les est un gage de saines relations d'affaires. Pour certains genres
d'industrie alimentaire, cette régularité d'approvisionnements
est vitale.
Pour d'autres secteurs, comme l'industrie laitière, c'est
probablement le seul moyen maintenant de trouver l'accroissement de production
de lait dont on a besoin pour développer les marchés pour les
nouveaux produits laitiers. D'ailleurs, on est à même de constater
le rôle régulateur que jouent dans ce domaine les politiques
laitières fédérales.
Nous référons ici, M. le Président, MM. les membres
de la commission, à ce grand problème qui se traduit ainsi: Nous
faisons du lait, nous avons du lait.
A certains moments de l'année, nous avons des surplus dont il est
très difficile de disposer, qui influent sur les prix, mais ce lait
n'est pas à la bonne place au bon moment, ce qui permettrait en
définitive de faire d'autres produits avec ces excédents de lait
et de les rendre rentables pour les cultivateurs et d'augmenter leur taux
moyen.
Nous croyons, nous, que peut-être par cette stabilisation du
revenu il y a moyen de ce côté-là d'essayer d'avoir cet
accroissement, surtout que nous nous attendons à une augmentation dans
la production du lait, l'hiver.
A ce sujet, nous retenons également que l'avant-projet de loi qui
est devant nous est présenté comme un complément à
la loi fédérale sur la stabilisation des prix agricoles.
Effectivement, les autorités fédérales viennent de
déposer un projet de loi (C-50) qui modifiera la loi nationale de
manière à prévoir une coordination dans l'application des
lois provinciales et fédérales dans ce domaine de la
stabilisation des prix agricoles. Il y aurait, entre autres, la
possibilité que les mesures d'aide à la stabilisation des revenus
sur le plan national et provincial s'additionnent dans le but de rendre les
systèmes plus efficaces.
Nous avons constaté, en faisant une analyse sommaire du projet de
loi C-50, que la fixation des prix, la détermination du niveau se fera
désormais sur une base de cinq ans au lieu de dix ans, comme moyenne, et
qu'on reoherchera une parité à 90% au lieu de 80%, comme c'est le
cas présentement.
On remarque aussi dans cette nouvelle loi fédérale un
plafonnement de ces niveaux ou de ces revenus assurés. On remarque
également qu'on ouvre la porte maintenant plus grande, croyons-nous
personnellement, à une meilleure relation, une meilleure coordination
avec les provinces.
L'industrie ne peut qu'être rassurée par cette convergence
vers une meilleure coordination dans les législations qui visent
à régulariser et à stabiliser les revenus agricoles.
Conscient des conséquences graves de cette instabilité du
revenu du cultivateur sur la mise en marché ordonnée des produits
agricoles, le Conseil de l'alimentation du Québec est favorable à
cette tentative de régularisation, dans des structures
législatives bien définies et avec des instruments administratifs
qui respectent et traduisent d'abord la réalité de notre
régime constitutionnel et, deuxièmement, le système
économique dans lequel nous évoluons en Amérique du
Nord.
Je n'ai encore connu aucun parti local ou régional existant dans
l'Amérique du Nord qui a changé ce système.
Nous sommes d'autant plus disposés à prendre cette
attitude que l'Etat se montre lui-même conscient des limitations d'un tel
système d'assurance-stabilisation des revenus agricoles. A ce sujet,
nous citons un extrait de l'exposé du ministre de l'Agriculture du
Québec au congrès de la Fédération canadienne des
producteurs laitiers, le 21 janvier dernier, sur cette question de la
stabilité du revenu: "Nous croyons cependant qu'une meilleure gestion,
qu'une utilisation optimale des ressources agricoles, qu'un contrôle
sévère sur les prix et la qualité des intrants, qu'une
structure de mise en marché qui va au-delà du contrôle de
l'offre des produits agricoles, que l'amélioration constante de la
productivité, etc., sont des éléments beaucoup plus
dynamiques pour atteindre une parité et une stabilité des revenus
que peut l'être une nécessaire législation garantissant le
versement de subventions et la création d'un fonds de compensation, par
les agriculteurs, dans le but de prévoir les variations cycliques trop
prononcées".
Nous devons à la compétence de ceux qui ont inspiré
ce projet de loi et à l'intelligence de ceux qui l'ont
rédigé de croire qu'on maintient une différence
fondamentale entre la stabilité du revenu agricole qui peut être
apportée par une caisse de compensation et l'assurance d'un niveau de
revenus agricoles qui ne peut pas être le résultat d'une
législation ou d'une réglementation.
Si nous n'avons rien à redire ou presque sur ce qui se trouve
dans le projet de loi, c'est bien plutôt ce qui ne s'y trouve pas,
notamment sur cette distinction fondamentale entre stabilisation du revenu et
niveau de revenu assuré, qui nous inquiète le plus et qui devrait
inquiéter sérieusement tous ceux qui se soucient de l'avenir du
grand complexe agroalimentaire du Québec.
L'article 29 de l'avant-projet de loi faisant référence
à un revenu stabilisé; les notes explicatives faisant état
que les producteurs seront assurés de percevoir en recettes une somme
correspondant à leur coût de production "additionné d'un
revenu annuel net déterminé par le régime"; le document
sur la problématique affirmant que "ces objectifs pourront partiellement
être atteints par une politique de revenus garantis aux producteurs
agricoles", nous nous croyons justifiés de profiter de l'étude de
ce projet de loi pour poser la question au gouvernement: "Qu'entendez-vous par
un revenu garanti?" "A quel niveau entendez-vous placer ce revenu
stabilisé et, surtout, parquel moyen pratique entendez-vous fixer ce
niveau?"
Le projet de loi n'apporte aucune précision à ce sujet. De
plus, comme il s'agit d'une loi-cadre, nous présumons que "le revenu net
annuel déterminé" à assurer aux producteurs agricoles pour
tel ou tel genre de production sera fixé par des règlements
ultérieurs à l'acceptation du présent projet de loi.
Impossible, actuellement, d'en connaître la teneur.
Cette incertitude quant à la conception du gouvernement en
matière de niveau de revenus à assu-
rer aux agriculteurs s'aggrave du fait que les experts, dans leur
étude de la problématique, ont tenu à mettre en
évidence que l'équilibre de la stabilisation des revenus
agricoles n'est affecté qu'à 6% par les aléas de la
nature, alors qu'il est affecté jusqu'à 48% par les variations
des prix du marché. D'où la tentation possible de vouloir
établir une relation de cause à effet entre la fixation des prix
du marché et le niveau de stabilisation des revenus agricoles et de
tenter de justifier un plus grand degré de contrôle des
marchés, avec l'illusion de pouvoir faire, sur le plan national,
même avec une nouvelle loi fédérale modifiée, ce
qu'on n'est pas capable de réussir sur le plan provincial.
Si vous ajoutez à toutes ces appréhensions le fait qu'il
n'y a aucune limite imposée par le projet de loi à la
faculté du gouvernement de puiser dans le fonds consolidé de la
province pour soutenir de tels régimes de revenus garantis, vous
comprendrez que l'industrie alimentaire se croit justifiée de demander
des précisions sur des questions qui relèvent implicitement du
fonctionnement du projet de loi d'assurance-stabilisation du revenu
agricole.
En toute équité, nous reconnaissons que le ministre de
l'Agriculture du Québec a apporté une série de
précisions sur la philosophie de cette législation lors de sa
conférence à la Fédération canadienne des
producteurs laitiers, en janvier dernier. Dans cet exposé, le
responsable de l'agriculture au Québec livre sa conception du producteur
agricole et de son comportement possible dans le contexte économique
nord-américain. Comme cet exposé, par un curieux concours de
circonstances, n'a pas été porté à l'attention du
public par les media d'information, nous en présentons ci-après
la synthèse:
Une politique de revenus pour les agriculteurs doit s'inscrire dans une
politique globale de revenus pour l'ensemble des citoyens. Il n'est pas
question de classifier les citoyens et de faire des cultivateurs une classe de
soutenus ou d'assistés sociaux.
L'agriculteur est d'abord un entrepreneur non un ouvrier
spécialisé qui prend le risque de se lancer en affaires
pour son propre compte dans un secteur économique dans lequel il a foi.
Le véritable producteur agricole, c'est l'entrepreneur qui produit des
biens agricoles à des prix concurrentiels, selon des techniques
efficaces de production, de gestion, de mise en marché, en volume
suffisant pour lui procurer le revenu qu'il désire. Il doit alors
accepter les risques d'être propriétaire d'une entreprise oeuvrant
en concurrence dans un pays à économie libérale.
Considérer les agriculteurs comme des salariés dont le
niveau de revenus dépend de leur capacité d'arracher des
subventions au gouvernement, c'est courir vers la disparition de notre
agriculture.
Si la parité de revenus entre agriculteurs et travailleurs
spécialisés devait se réaliser par le biais d'un transfert
de revenus entre consommateur et agriculteur, on ne saurait le faire sans poser
des questions sur la qualité de la gestion, des techniques et des
structures de production agricole prévalant actuellement.
M. le Président, je vous demande de me permet- tre d'ajouter ici
une citation qui rend encore plus justice à ce document. Je cite: "Ceci
ne veut pas dire que nous n'encouragerons pas, à court terme, des
hausses justifiées de prix pour certains produits agricoles. Ceci veut
dire que nous continuerons à prendre tous les moyens nécessaires
pour garder les prix les plus concurrentiels possible entre les diverses
régions canadiennes et même nord-américaines". Page 12 du
texte du ministre.
La parité ne peut s'arrêter au contenu du compte de banque
à la fin d'une année, mais doit être vue dans le cadre de
niveaux de vie comparables, dans le cadre d'un revenu permettant la
qualité de vie recherchée par chacun. Il faut à ce sujet
tenir compte que l'agriculteur accumule un patrimoine sans cesse croissant et
en grande partie à partir de prêts dont le taux
d'intérêt est très peu élevé. Il citait,
à ce moment, une moyenne de 3.76% pour l'ensemble des années 1968
à 1972.
Plusieurs moyens sont à la disposition de l'agriculteur pour
augmenter son niveau de revenus nets: ce sont les mêmes qui sont
utilisés par les entreprises industrielles et commerciales.
L'adhésion à un programme de stabilisation comporte
l'obligation de tenir une comptabilité adéquate afin de
contrôler le degré d'efficacité.
La parité n'est réalisable qu'à partir d'une taille
d'entreprises permettant de réaliser des économies
d'échelle. Il est plus rationnel de chercher une amélioration de
revenus dans un rendement optimal plutôt que dans des augmentations de
prix.
Il y a un effort collectif extrêmement sérieux à
entreprendre pour faire passer l'agriculture à l'âge de
l'utilisation optimale.
Il est primordial de maintenir le jeu normal des prix sur le
marché. Les mécanismes de négociation doivent demeurer.
Tout en donnant aux producteurs une marge de base pourfaire face à leurs
obligations à court terme, il faut laisser le marché suivre son
cours normal.
Enfin, tout en travaillant à stabiliser les revenus agricoles, il
faut permettre au Québec de développer le plus haut niveau
d'autoapprovisionnement pour certains produits, grâce à une
confiance accrue que fera naître un plan de stabilisation de revenus,
permettant ainsi d'établir des programmes de production à long
terme; il faut assurer une stabilité dans l'approvisionnement des
industries de transformation de produits agricoles pour nous, c'est
fondamental afin que celles-ci puissent mieux planifier leur expansion;
il faut un mécanisme souple pour favoriser l'expansion ou la contraction
de certains secteurs particuliers.
Nous ne pouvons éviter c'est la fin de notre analyse de ce
texte qui, nous l'espérons, colle aux énoncés du ministre;
d'ailleurs, nous avons des références pour chacun des paragraphes
de son texte de faire un rapprochement entre cette prise de position
courageuse, ces énoncés de politique du responsable de
l'agriculture du Québec en janvier 1975 et l'essentiel d'un
éditorial de la publication de la Coopérative des producteurs de
lait de Montréal qui, dès novembre dernier, se résumait en
ceci, et nous citons: "Cultiver la terre à salaire fixe et
régulier, c'est possible. Cela se fait couramment en
Russie et en Chine. Là-bas, la terre appartient au peuple. Le
patron, c'est le groupe qui habite la ferme collective. Le salaire est
fixé par le groupe, il est égal, il est juste, il est
équitable, il est minable.
Chez nous, le cultivateur est propriétaire de sa terre, de ses
dépendances, roi et maître chez lui, jaloux de sa liberté.
Il a investi de l'argent et des sueurs dans le sol, l'équipement, les
bâtiments. Le fruit de ses investissements et la rétribution de
son travail s'expriment en chiffres: rendement de tant pour cent,
intérêt de tant pour cent sur le capital, profit net de tant pour
cent. Bref, le cultivateur de chez nous n'est pas autre chose qu'un chef
d'entreprise capitaliste, au même titre que le citoyen qui investit son
argent et ses énergies dans les mines, les forêts, les
manufactures, la finance, etc. Comme chef d'entreprise capitaliste, le
cultivateur doit accepter de courir certains risques, comme tous les autres
chefs d'entreprises capitalistes: les fluctuations de l'offre et de la demande,
les fantaisies des taux d'intérêt, l'inflation, etc. Le
Québécois qui veut absolument tirer de la terre un revenu fixe et
régulier n'a qu'une chose à faire: travailler comme engagé
dans une ferme du voisinage..." Fin de la citation d'un éditorial d'un
organe publicitaire d'une grande coopérative de la province de
Québec.
Tout en invitant le lecteur à s'abstenir de rêver,
l'éditorialiste souligne tout de même, avec raison, que les
cultivateurs ont raison de protester quand une économie ou une politique
agricole les empêche de poser, au bon moment, les gestes
nécessaires au succès de leur entreprise.
Dans le même ordre d'idées, nous avons relevé dans
les commentaires qui accompagnaient la récente déclaration de la
Régie des marchés agricoles du Québec sur le prix du lait
des énoncés de même nature sur la rentabilité, les
coups réels de production à la ferme, l'appréciation de la
productivité, les revenus des producteurs capitalisés en valeurs
de ferme et le reste, que l'on tente actuellement de traduire dans des formules
d'indexation. Or, il ressort donc de tous ces énoncés que la
maximalisation du revenu agricole et la garantie que ce revenu se maintiendra
à un niveau qui assure une rentabilité comparable à celle
des autres entreprises d'exploitation de nos ressources naturelles ne peuvent
reposer sur un texte de loi ni sur des règlements fixant des conditions
artificielles de marché. Quant à l'exposé-thèse du
ministre de l'Agriculture, il se situe dans la ligne d'une politique globale
agroalimentaire qui colle à la réalité économique
du marché national et international.
Cet exposé-thèse renferme les éléments
susceptibles de garder un régime de stabilisation du revenu agricole
dans les limites qui préviennent la création de situations
économiques incompatibles avec les exigences du marché canadien
et continental.
Malheureusement, rien dans le projet de loi devant nous ne traduit ces
données fondamentales. Nous admettons qu'un texte de loi n'est pas une
déclaration de politique économique. Une loi peut tout de
même, au chapitre des définitions, dans la description des
mécanismes administratifs, dans l'énumération des pouvoirs
des intervenants, comporter un ensemble de précisions qui traduisent les
lignes de force, par exemple, d'une politique économique
agro-alimentaire.
Ainsi, nous ne trouvons rien relativement aux critères de
rentabilité qui seront utilisés dans le mécanisme de
stabilisation des revenus, les secteurs de production agricole où ils
seront utilisés, la manière dont ils seront appliqués. Si
l'on tient compte des difficultés que suscite l'acceptation d'une
formule d'indexation du coût de production du lait à la ferme, ne
doit-on pas craindre les mêmes difficultés dans le choix des
critères de rentabilité si le législateur n'en
détermine pas d'avance les principes directeurs? Nous voulons ajouter
ici que, dans toute tentative d'établir une équation
prix-coût, le prix doit toujours tenir compte du prix des mêmes
matières premières qu'on peut se procurer ailleurs. Ailleurs,
pour nous, ça veut dire dans les autres provinces et aux Etats-Unis.
Incidemment, ce n'est pas notre but de faire un traité sur les prix. On
parle de stabilisation des revenus, mais si on veut mieux comprendre les
difficultés qu'on a actuellement à indexer ou avoir une formule
qui nous permette d'indexer raisonnablement les coûts de production
à la ferme, c'est précisément ce facteur, en plus des deux
autres que vous connaissez déjà qui vous ont été
expliqués à l'Assemblée nationale, dont il faut tenir
compte, mais celui-là aussi est fondamental.
Une caisse de compensation comportant la nécessité de
prélever des contributions au moment où les prix sont les plus
favorables pour les cultivateurs, de manière à pouvoir les
utiliser comme coussins lorsque le marché se détériore, se
pourrait-il que cette préoccupation normale de remplir la caisse se
traduise par des prix artificiellement élevés? Parquel moyen
va-t-on alors maintenir des prix artificiellement élevés dans
notre régimede concurrence? Est-ce que dans un tel contexte de prix
différents, suivant qu'il s'agira de produits agroalimentaires provenant
du Québec ou de l'extérieur, il faudra prévoir le
même mécanisme de compensation au niveau des prix de revente aux
consommateurs? En d'autres termes, est-ce qu'un régime de stabilisation
du revenu agricole devra nécessairement être assorti d'un ensemble
de subventions compensatoires au niveau de la consommation, subventions qui
ajouteraient au coût du maintien d'un régime de stabilisation des
revenus agricoles par l'Etat du Québec, parce que c'est encore le
même Etat qui paierait les subventions?
Comment le ministre de l'Agriculture peut-il soutenirque l'instauration
de ce régimede stabilisation de revenus devra s'accommoder du
comportement d'un marché de libre concurrence puisque ce régime
de stabilisation repose sur le fonctionnement des plans conjoints de mise en
marché qui sont des mécanismes de contrôle et de direction
de l'offre, en mesure de créer la rareté artificielle par le jeu
des quotas de production et habilités à exercer des contraintes
quant à la classification des produits mis en marché?
La loi ne prévoit rien pour empêcher que les
opérations de stabilisation qu'elle autorise ne soit identifiées
à une subvention massive de l'agriculture et devienne un obstacle de
taille lorsqu'il
s'agira d'exporter nos produits agricoles alimentaires, compte tenu de
la nature des ententes internationales du genre de GATT. Quelles mesures seront
prises dans la loi ou les règlements pour prévenir toute
accusation de violation des ententes auxquelles le Canada est partie?
L'avant-projet de loi sur l'assurance-stabilisation du revenu agricole
ne répond pas à ces questions.
Nous comprenons qu'une série de règlements
découlant de ladite loi pourraient prendre soin ou clarifier plusieurs
de nos inquiétudes. Nous nous trouvons donc dans la situation difficile
de nous prononcer sur les implications d'une loi que nous devons
nécessairement retrouver dans des règlements que nous ne
connaissons pas.
En conséquence, le Conseil de l'alimentation du Québec
recommande formellement aux autorités concernées de retarder la
sanction ou la mise en vigueur du projet de loi jusqu'à ce que les
principaux règlements, qui doivent nécessairement en
découler, aient été étudiés par les parties
intéressées et que celles-ci aient eu l'opportunité de
faire connaître aux législateurs leur attitude au sujet desdits
règlements.
Cette attitude nous est dictée par certaines
appréhensions, fruits d'expériences que nous avons eues dans le
passé en matière d'application de lois agricoles touchant la mise
en marché et le développement des débouchés pour
nos produis agroalimentaires. Un projet de loi comme celui que nous avons
devant nous pourrait être un instrument efficace de stabilisation de
l'agriculture du Québec, s'il n'y avait pas risque sérieux qu'il
débouche, par ses règlements et par la force des pressions q u'il
pourra susciter, vers des formes de dirigisme incompatibles avec notre
économie de marchés ouverts. Nous craignons de nous retrouver,
encore une fois, dans une situation de fait qui traduise la grande illusion
qu'entretiennent certaines élites agricoles et gouvernementales,
c'est-à-dire celle de penser que nous allons imposer de force nos
productions agro-alimentaires au marché de consommation
québécois, canadien ou international; celle de croire sauver
l'agriculture en donnant une force de marchandage aux cultivateurs, sans se
préoccuper en même temps de leur donner les moyens pratiques de
développer les marchés existants et d'en créer de nouveaux
pour placer nos productions agro-alimentaires québécoises.
Il y a plus encore. Ce projet de loi, par l'interprétation et
l'orientation que pourraient lui imprimer ses règlements, pourrait
être un premier pas vers une politique spécifique nous
soulignons ici le mot spécifique de transfert du revenu du
citoyen vers une plus grande appropriation pour les fins de l'alimentation. Ce
transfert accéléré et à court terme du revenu peut
se faire de deux manières: ou bien l'Etat, par des mesures de dirigisme
en matière de prix et de contrôle sur la répartition du
dollar du consommateur entre tous les agents de la chaîne alimentaire,
garantit aux producteurs agricoles des niveaux de prix objectifs; ou bien
l'Etat, par le jeu des subventions aux consommateurs atteint les mêmes
fins, tout en évitant d'avoir à opérer dans une
économie fermée. Dans les deux cas, c'est le contribuable ou le
consommateur qui assume le fardeau du transfert du revenu. A remarquer que
cette thérapie du transfert forcé des revenus peut être
justifiée en certaines circonstances critiques. Il se pourrait fort bien
que nous soyons en train de vivre ce phénomène depuis quelques
années par le jeu des forces du marché libre et qu'une bonne part
des augmentations dans le prix des aliments, que nous attribuons aux pressions
inflation-naires, ne soit le résultat de ce transfert
accéléré du revenu au bénéfice des besoins
de l'alimentation.
Ici, M. le Président, nous n'inventons rien puisque le ministre
fédéral des Finances, dans son dernier rapport, a
précisément consacré, je crois, une partie importante de
son exposé à ce fait. Il a mis ensemble l'alimentation et le
pétrole, en disant: Dans le moment, en dépit des forces normales
du marché de l'offre et de la demande, nous vivons un
procédé économique qui s'appelle un transfert
activé du revenu du contribuable canadien vers deux priorités
majeures de notre économie: se nourrir et avoir l'énergie
pourfaire fonctionner notre système.
Ce même genre de déclaration avait été fait
il y a un an par le président de la Banque Royale du Canada, lui aussi,
qui avait mis en garde contre le fait d'attribuer exclusivement aux forces
inflationnaires normales les augmentations massives de prix des aliments. Il
avait dit également qu'on devait les attribuer précisément
à un transfert de revenus qui est fait d'une façon très
active par le ministère fédéral de l'Agriculture, qui joue
dans ce domaine un rôle déterminant par ses politiques
laitières, par exemple.
Je vous donne un exemple. Depuis 1970 on va prendre un exemple
pratique dans la province de Québec le prix du lait de
consommation est passé de $7 à $12.21. Cela veut dire environ
plus que 70% d'augmentation.
En régime normal de marché, il aurait été
impossible de réaliser un tel accroissement dans un espace de temps
aussi limité, si cela n'avait été la
nécessité de donner aux producteurs ce dont ils avaient besoin
pour faire face à une partie de leur coût. Nous donnons ces
renseignements à l'appui de cette thèse qui, encore une fois, est
très défendable, mais c'est ce que nous voulons dire. Dans ce
contexte, si c'est l'intention de l'Etat d'être l'initiateur d'un tel
transfert de revenus, qu'il le dise clairement afin que ceux qui seront
appelés à en payer le coût soient parfaitement
informés de l'effort collectif qu'on leur demande de faire pour des
raisons supérieures de développement et de consolidation de
l'agro-alimentaire québécois.
Dans l'exposé-thèse, auquel nous avons déjà
fait référence, le ministre de l'Agriculture d u Québec
regrette que les producteurs agricoles n'aient pas utilisé tous les
moyens à leur disposition pour améliorer leur sort, qu'ils
n'aient pas encore suffisamment axé leurs efforts vers une organisation
adéquate de la production et de la mise en marché de leurs
produits, qu'ils ne se soient pas assez souciés de se donner des
structures de mise en marché qui aillent plus loin que le simple
contrôle de l'offre de leurs produits.
Nous revenons donc tous à un seul et même
énoncé de sens commun, soit que toute loi du genre de celle qui
fait l'objet de cette audience publique demeure toujours uniquement un moyen
pour parvenir à la fin principale, à l'objectif primordiale, qui
est celui de réussir à vendre les produits agroalimentaires du
Québec aux meilleures conditions possibles sur tous les marchés
accessibles. C'est cette partie qui semble manquer dans toute l'histoire. Les
mots "stabilité" et "parité" ne veulent rien dire dans une
politique globale agro-alimentaire et n'apporteront jamais rien si les
initiatives qu'ils décrivent ne parviennent pas à impliquer
l'industrie alimentaire du Québec, ne rejoignent pas les centres de
décision qui sont ailleurs aujourd'hui qu'au palier de la production
primaire C'est de la folie furieuse que de continuer à parler
comme on le fait aujourd'hui, on va tout régler ce problème au
niveau de l'agriculture, quand on sait où sont situés les centres
de décision si on ne suscite pas un meilleur équilibre
dans les mécanismes de mise en marché.
Qu'on nous permette de décliner sommairement les facteurs que
nous considérons essentiels pour assurer une véritable
stabilité du revenu agricole et une meilleure parité avec les
revenus des autres entrepreneurs industriels. En passant, vous me permettrez
ici, au nom de ceux que je représente et comme contribuable de la
province de Québec qui paie ses taxes comme tout le monde, de vous faire
remarquer, en commençant cette partie, qu'on en a marre de se faire dire
par tout le monde et par n'importe qui, des gens non informés et qui
devraient l'être, parce qu'ils représentent des partis, qu'on n'a
jamais rien, qu'on n'a jamais de programme, qu'on ne sait pas où on va.
Je l'ai moi-même entendu ce matin, je regrette que l'intimé ne
soit pas ici. Vous lui ferez part de mes réflexions. Il y en a des
programmes, on sait ce qu'il faudrait faire. Le problème, par exemple,
c'est qu on semble parler dans le désert. Cela doit faire au moins sept
ans qu'on se présente ici devant les comités parlementaires de
l'agriculture pour proposer des formules. En toute justice et
équité, nous l'avons dit dans notre document, nous sommes
très fiers de voir que nous avons un ministère de l'Agriculture
qui, actuellement, a une politique, veut en avoir une, veut l'expliciter, veut
la faire mieux comprendre. On y participe, ce n'est pas une honte, on ne s'en
cache pas. Nous sommes très heureux d'y participer avec les gens de
l'agriculture. Qu'on cesse de dire pour la galerie que nous sommes encore
absolument dans le vague dans ce domaine. Voici ce qu'on suggère, d'une
façon pratique, pour rester collés à la
réalité:
On voudrait d'abord qu'on mette fin à l'illusion, entretenue chez
les producteurs agricoles, selon laquelle ils sont les seuls maîtres de
leur destinée et qu'ils peuvent imposer leurs produits à
n'importe quelle condition au marché de consommation. Que l'on
redécouvre l'existence de l'industrie alimentaire du Québec, ce
géant qui occupe une place prépondérante dans
l'économie québécoise et dont les activités
industrielles et commerciales ne dépendent pas nécessairement du
comportement de la production agricole du Québec. C'est la
première et la principale industrie.au palier du manufacturier etdu
commerce (à l'exclusion de l'agriculture), c'est la première
quant à la valeur des expéditions industrielles, quant à
la valeur ajoutée, quant au nombre des établissements industriels
et commerciaux et les salaires totaux. Cette industrie, par ses deux secteurs
majeurs, les prod uits laitiers et les viandes, est au second rang de nos 74
secteurs économiques comme agent multiplicateur d'emplois et au
troisième rang comme agent multiplicateur de revenus au
Québec.
Que l'on comprenne toute la portée de cette situation de fait et
qu'on implique ce géant industriel dans le développement de notre
agriculture, au lieu de le tenir toujours à l'écart des
politiques de relance et de consolidation de l'agriculture comme ce fut trop
longtemps le cas dans le passé. Il est encore temps d'implanter un
complexe agroalimentaire québécois bien à nous, reposant
sur une ressource naturelle vitale encore sous notre contrôle au
bénéfice d'une classe sociale, les agriculteurs, dont nous avons
absolument besoin, et pour la prise en charge d'une industrie
déterminante à garder au service de l'économie
québécoise. Pour faire cette prise en charge, il va falloir,
à un moment donné, si les parties intéressées, si
les classes de la société ne sont pas capables de la faire
elles-mêmes, qu'au moins le leadership de ceux qu'on élit donne
l'orientation qu'il faut donner dans ce mouvement, au lieu de dresser les uns
contre les autres. J'en ai marre personnellement d'entendre parler des
multinationales, quand, encore une fois, nous avons dans la province de
Québec plus de 12,000 entreprises. Est-ce que ces 12,000 entreprises
sont des entreprises contrôlées par les Etats-Unis ou par
l'étranger? Sont-elles des entreprises dans lesquelles c'est le capital
des Québécois qui est là-dedans? Non, on parle avec
aisance de tous les centres de décision ou de tous ces organismes qui
sont menés, dirigés de l'étranger par des
étrangers. Je crois que, dans ces 12,000, il y a passablement de chefs
d'entreprises qui donnent de l'emploi, à part de cela, à 60,000
personnes dans la province de Québec, je crois qu'il y a passablement de
Québécois respectables là-dedans. S'ils n'ont, comme les
cultivateurs, qu'un objectif de développer un régime
agro-alimentaire qui soit nôtre, rien contre ceux qui peuvent venir et
qui aident actuellement parce qu'on n'est pas là, quand on crée
un vacuum, il faut laisser le vacuum se remplir pard'au-tres. C'est vrai en
économique comme dans toutes les autres questions que vous touchez ici,
à l'Assemblée nationale.
Encore une fois, par souci de ne pas prendre le temps de la commission,
c'était bien mon intention ce matin de vous donner quelques notes sur
l'importance de ce géant économique. Je me demande si, encore une
fois, pour l'intelligence de la question, je ne devrais pas le faire. Je tiens
pour acquis que vous connaissez déjà l'importance que cela
représente au point de vue de l'emploi, au point de vue de
l'investissement de capitaux dans la province de Québec, l'industrie
agro-alimentaire qui, encore une fois, est différente de l'agriculture,
je veux dire qu'on ne doit pas compter cela ensemble. La res-
source naturelle et ceux qui l'exploitent, c'est une chose. Ceux qui
prennent cette matière première pour la transformer chez nous,
pour créer de l'emploi chez nous, pour développer des
marchés pour les produits agricoles qu'on voudrait rendre plus
populaires, c'est un autre groupe qui le fait. Encore une fois, nous sommes
étonnés parfois de voir des gens en autorité
mélanger les deux. C'est un fait. Actuellement, nous commandons $3.2
milliards par année de vente de produits agro-alimentaires au
Québec. Il y a l'industrie du tourisme je me réfère
à celle-là, parce que les journaux en ont parlé
récemment, on disait que c'était la première industrie du
Québec, elle est bien loin en arrière de cela et
l'industrie des pâtes et papiers, elle est encore bien plus loin en
arrière de cela. L'industrie alimentaire du Québec
génère cela, une valeur de $3.2 milliards actuellement de
produits qu'on met sur le marché. L'objectif, il me semble, de tout
l'agro-alimentaire, cela devrait faire que ces $3.2 milliards soient faits de
produits de matière première venant des fermes du Québec.
Malheureusement, ce n'est pas le cas. C'est cela la question, il faudrait se
poser la question, je crois, avant d'investir de l'argent pour faire des
enquêtes, pour savoir si des intermédiaires font des profits
éhontés. En passant, à mon âge, je connais
actuellement la 17e enquête du gouvernement fédéral sur les
profits éhontés des intermédiaires. S'il avait fallu
mettre au cachot tous ces bandits en redingote qui, d'après ces gens,
circulaient dans nos rangs, les prisons ne seraient pas assez grandes pour tous
les contenir aujourd'hui.
Vous savez, les gens qui ont vécu, les gens du milieu, ce n'est
pas à nous que vous allez venir faire des accroires de ce genre. Alors,
faites-en des enquêtes, mais ce serait peut-être plus intelligent
je vous le soumets respectueusement, M. le Président de
prendre l'argent que vous mettriez dans les enquêtes et de faire du
travail actif pour voir comment on pourrait vendre les produits du
Québec. Dans les $3.2 milliards de valeur de production qu'on met sur le
marché, essayez donc de vous demander d'abord exactement le pourcentage
qui vient des fermes du Québec là-dedans, et, quand vous allez
constater que c'est franchement pas alarmant, mais triste de voir la faible
part qui vient encore de chez nous, qu'on fasse donc quelque chose ensemble,
mais pas avec le moyen facile de la démagogie qui consiste à
monter les classes les unes contre les autres, mais d'une façon
constructive.
Que l'on ouvre les yeux et qu'on se hâte de tirer les conclusions
qui découlent du fait que les centres de décision, dans notre
économie de marché, ne sont plus au niveau de l'agriculture, ni
au niveau de l'industrie, mais au niveau des grands réseaux de
distribution.
Ici, je voudrais faire bien comprendre le centre de décision pour
nous, je vais vous en donner une image. Ce matin, quelqu'un, dans un bureau
quelque part, prend le téléphone, place une commande de produits
transformés ou a transformer, ce qui signifie une augmentation de $2
l'unité pour les cultivateurs ou un an ou deux de misère pour les
cultivateurs. C'est ça un centre de décisions dans le moment. Ces
centres de décision, ce n'est pas l'UPA. Ces centres de
décisions, ce n'est nulle part chez vous. Ce n'est nulle part dans
aucune de nos usines. C'est dans les grands centres, aujourd'hui, les
réseaux de distribution. Et le système économique est fait
comme cela. Il n'y a personne qui va changer cela.
Alors, bon nombre de ces centres de décision ne sont même
pas au Québec, ils ne sont même pas au Canada. Ils sont à
Chicago. Ils sont à New York, bientôt ils seront à
Tokyo.
Le ministère de l'Agriculture du Québec poursuit
actuellement une recherche très révélatrice à ce
sujet. Nous en sommes très heureux. Nous sommes très fiers.
Encore là, il donne la preuve qu'il est averti des problèmes, il
cherche, actuellement, à identifier où sont situés
exactement ces centres de décision. Les intéressés ont eu
l'occasion, ont eu accès à ces documents, ont pu travailler
là-dessus. Au moins là, il se fait quelque chose de
constructs.
Il est grand temps qu'on cesse de se prendre pour d'autres dans ce
domaine et qu'on réoriente nos politiques de mise en marché sur
une base d'actions collectives de tous les agents économiques de
l'agro-alimentaire, sans quoi, il n'y aura bientôt plus de revenus
agricoles à stabiliser au Québec. La loi que nous étudions
n'aura plus d'utilité.
Que l'on cesse de bâtir des régimes de mise en
marché de nos produits agricoles comme si nous vivions en marché
fermé ou dans une économie captive, aux niveaux national et
continental, nous opérons en régime d'économie
libérale, et encore une fois, sans que ce soit de notre faute. Puis, il
n'y a aucun contre-courant dans le moment, organisé, régime
politique qui nous fait prévoir que, dans X mois ou X années, il
y aura autre chose. Pour les cultivateurs, pour nous qui prenons nos
matières premières, pour les consommateurs qui ont
intérêt à savoir ce qu'on fait avec leur argent, on n'a pas
le choix, nous autres, d'attendre des années, il faut se conformer au
régime actuel qui régit l'ensemble de l'Amérique du Nord.
Il nous faut faire face à une concurrence impitoyable, à part
cela, on semble ignorer trop souvent, entre les diverses régions
canadiennes et américaines.
Le Coopérateur agricole, publication de la Coopérative
fédérée de Québec, faisant la revue de
l'année 1974, soulignait la dépendance de l'agriculture
canadienne et québécoise des conditions agricoles
prévalant dans tous les pays occidentaux et mettait en garde, contre le
danger des attitudes qui s'inspirent de l'isolationnisme économique:
"L'agriculture québécoise, sur le double plan de son
approvisionnement et de la mise en marché de ses produits, n'est pas une
activité économique isolée à l'intérieur du
Canada, aussi bien qu'à l'intérieur du continent
nord-américain et du monde occidental. Cette situation lui vaut à
la fois des inconvénients et des avantages, les uns et les autres
changeant constamment dans le temps et dans les produits. Nous n'avons pas le
droit de laisser croire que notre agriculture est assez puissante et que notre
marché alimentaire québécois est assez important pour
éviter une grande dépendance des forces extérieures".
Qu'on soit réaliste et, à la lumière de plusieurs
expériences cuisantes des dernières années, qu'on
réalise enfin que le marché commun canadien, actuellement,
assuré par la confédération, ne permet pas
d'établir des zones de production complémentaires pour nos
principaux produits agricoles de base. Nous ne pouvons capitaliser sur la
complémentarité pour orienter nos productions. On produit la
même chose ou presque d'un océan à l'autre. Par contre,
toutes les régions économiques du pays s'arrachent nos trois
seuls grands marchés de consommation alimentaire, Montréal,
Toronto et Vancouver. Puis Montréal, c'est le premier parce que c'est le
premier.
C'est la loi de la jungle, en dépit des ententes et des
mécanismes nationaux de mise en marché, dans la plupart des
domaines de la production agricole, sauf celui du lait. Ce sont les
difficultés propres à tous les marchés communs du monde,
surtout là où il n'y a pas de complémentarité.
Nous avons dans l'Ouest le blé. Nous avons dans l'Est le produit
laitier. Mais, encore une fois, impossible d'avoir du rendement en production
laitière, si nous n'avons pas de quoi nourrir nos animaux. Et pour cela,
nous dépendons de l'Ouest. Inversement, on produit du lait, et, de la
production laitière aussi, il y a une certaine production animale qui
découlerait de cela. Dans les autres provinces, on nous fait la
même concurrence. Sauf ces deux grands paliers où on pourrait
espérer avoir une stabilité on l'a d'ailleurs, dans le
lait, d'une façon relative; dans le blé, on ne l'a pas
vous savez l'histoire des grains de provende mais dans tout l'ensemble
des autres secteurs à développer, c'est la concurrence la plus
sauvage qui puisse exister.
Vous nous permettrez de dire, nous qui sommes dans l'industrie et le
commerce, qui connaissons cela, sans qu'on puisse nous taxer d'être des
séparatistes, qu'il est très difficile de vivre dans le monde
économique avec les lignes de force telles qu'elles existent au Canada.
C'est pour cela qu'on insiste tellement pour que nos Québécois
soient réalistes.
Dans le monde économique, pour nous, la
confédération, c'est un mariage de raison, ce n'est pas un
mariage d'amour. Dans le monde économique, le seul moyen de se faire
respecter, c'est d'avoir pas mal d'argent dans nos poches et de mettre les gens
devant les faits accomplis dans les autres groupes. C'est peut-être comme
cela que la confédération pourra survivre.
D'où l'erreur de croire qu'on pourra réussir, sur le plan
national canadien, ce qu'on ne peut pas faire sur le plan provincial, en
matière d'imposition, par décrets, au marché de la
consommation, de contraintes dans la recherche, par le consommateur, du
meilleur produit au meilleur prix. Que l'on concentre les efforts collectifs de
tous les agents de la chaîne alimentaire québécoise, d'une
part sur l'augmentation de la productivité à la ferme et sur la
spécialisation dans la production. Et M. Toupin, dans son exposé,
a très bien tracé le tableau actuellement de ce niveau de
productivité, le nombre de fermes qu'on pourrait retenir, dont on a
besoin réellement pour donner tout ce dont on a besoin, comme
production, pour répondre aux nécessités de l'alimentation
du Québec et exporter en plus. D'une part, ce travail de
spécialisation du côté de la ferme, d'autre part, sur la
réorientation des industries alimentaires vers les secteurs de pointe de
première et seconde transformation, sur l'innovation dans la
présentation de produits mieux adaptés aux besoins des
consommateurs et sur l'ouverture des réseaux de distribution à la
commercialisation systématique des produits agro-alimentaires
québécois. Nous voudrions que vous saisissiez le sens de ces
trois dernières lignes. Précisément, une des avenues,
probablement, les plus critiques actuellement à franchir par le
ministère de l'Agriculture, c'est celle de rejoindre les centres de
décision dont on vous parlait tout à l'heure, pour tâcher
de les amener à jouer le jeu du Québec, le jeu qui veut dire
aider notre agriculture à survivre, à se développer. Et
toutes les industries qui en découlent, qui créent de l'emploi et
qui créent une richesse nationale chez nous, qu'elles puissent
également se développer. Que l'on capitalise sur l'état
déficitaire de la plupart de nos productions, au plan de
l'autosuffi-sance à améliorer, pour déterminer les
secteurs où faire porter les efforts de développement. Nous nous
référons ici aux mets cuisinés, aux produits
surgelés, aux "snackfoods" et le reste. Tirer parti du fait que nous
avons chez nous le plus grand marché de consommation alimentaire au
Canada pour roder cette nouvelle orientation dans la production de nouveaux
produits agro-alimentaires, basée sur la spécialisation et
l'innovation, de manière à nous préparer à prendre
place sur les marchés extérieurs, et porter un soin particulier
à une production agroalimentaire de qualité
contrôlée, par un régime de classification etd'inspection,
au service des intérêts du Québec.
M. le Président, ce dernier membre de phrase signifie cela en
mots clairs, des régimes de qualité contrôlée,
ça fait très bien l'affaire dans d'autres provinces, souvent au
détriment des produits du Québec.
Que l'exportation devienne une priorité pour le complexe
agro-alimentaire. Le temps est venu de mettre à profit le marché
de 50 millions d'Américains qui vivent à nos portes dans le
triangle Montréal, New York, Chicago et de tirer avantage du glissement
sur les marchés mondiaux vers le boeuf, le porc et les huiles
végétales. Le contexte mondial de pénurie alimentaire nous
permet, encore pour un bon moment, d'écouler nos surplus dans le
Tiers-Monde, d'où nécessité d'une participation plus
directe du Québec à l'orientation des activités de
l'ACDI.
Ce serait peut-être une manifestation de fédéralisme
rentable. Vous pouvez compter sur la collaboration des spécialistes de
la chaîne alimentaire pour orienter vos politiques dans cette avenue
nouvelle du marketing "export". La collaboration avec le gouvernement
fédéral, dans ce domaine, est indispensable.
Que dans l'ordre des moyens pratiques, au niveau des parties
impliquées, on accepte de rechercher un meilleur équilibre dans
l'application de la Loi des marchés agricoles du Québec.
Qu'après avoir négocié avec les acheteurs les conditions
de
base de mise en marché de leurs produits, les producteurs fassent
équipe avec les autres agents économiques de la chaîne
alimentaire pour chercher à développer les marchés pour
les produits agroalimentaire du Québec.
M. le Président, ce que nous disons là, nous étions
venus le dire à M. Lesage, cela fait passablement d'années, au
moment où on mettait en marche le système des plans conjoints. Le
système des plans conjoints donne du rendement dans certains secteurs.
Il s'applique très bien surtout dans des productionsqui, par la force
des choses ou la nature des produits, ne peuvent être importées
d'ailleurs. Je parle, par exemple, du lait. Quand on pense à la
quantité d'eau qu'il y a dans le lait, cela serait de la folie furieuse
que d'avoir des camions qui transporteraient de l'eau à travers le
Canada, pour avoir du lait.
Alors les plans conjoints, ça donne du rendement dans certains
secteurs particuliers qui se prêtent à ça, mais dans
d'autres, c'est moins bon et cela a l'inconvénient aussi que ça
peut laisser à ceux qui en bénéficient les
producteurs l'impression qu'encore une fois ils peuvent régler
tous leurs problèmes par un mécanisme qui leur permet de
contrôler l'offre. Dans l'économie où nous vivons dans le
moment, on peut contrôler l'offre jusqu'à un certain point pour
assurer un niveau raisonnable de revenu, mais ça peut devenir
très dangereux si vous contrôlez l'offre "au coton". Parce que
vous allez avoir de très beaux plans conjoints, des conventions
négociées avec des prix reluisants, puis vous ne vendrez pas le
produit.
Ce fut le cas de la tomate rouge, ce fut le cas de la tomate verte. Ce
fut le cas de bien des produits où les cultivateurs, sur papier, ont
obtenu de très beaux prix, mais ils n'ont pas vendu leurs produits.
Alors, nous nous disons, nous répétons de nouveau que la Loi des
marchés agricoles conserve le régime des plans conjoints, mais
qu'elle prévoie, tout à côté du système des
plans conjoints, d'autres formes de régime, des commissions mixtes de
vente, des sociétés d'intérêts mixtes. Ce ne sont
pas des trouvailles. Cela se fait dans les autres provinces du pays, cela se
fait dans le Marché commun européen, en France surtout et en
Allemagne de l'Ouest. On met, dans des sociétés qui sont bien
adaptées à ça, tous ceux qui ont intérêt
à développer un marché producteurs,
transformateurs, ceux qui les financent, les exportateurs on les met
ensemble, puis on forme une société d'intérêts
mixtes pour tel produit.
Qu'on ait la faculté ici tout à côté des
plans conjoints, que les intéressés producteurs,
transformateurs et même les consommateurs aient la faculté
d'avoir d'autres genres de régime, se prêtant mieux ou collant
mieux à la réalité, pour vendre plus des produits du
Québec.
Que l'on puisse bénéficier des orientations, des mesures
incitatives genre p'rojet de loi créant une société
québécoise d'initiatives agricoles et alimentaires d'un
ministère de l'Agriculture qui cesse d'être un ministère de
classe pour devenir un ministère à vocation économique et
qui s'est donné, par un plan intégré de
développement de l'industrie agro-alimentaire, des objectifs qui
s'intègrent dans ceux des grands plans de consolidation de l'avenir
économique du Québec.
Le ministère de l'Agriculture du Québec doit se donner les
moyens, par des structures appropriées de consultation, d'influencer
directement les centres de décision de la chaîne alimentaire du
Québec et nous insistons, M. le Président,
énormément sur cette question.
Voilà, M. le Président, messieurs les membres, dans
l'optique du Conseil de l'alimentation du Québec, les prérequis
à la réalisation de l'objectif de parité entre le revenu
agricole et le revenu des autres entrepreneurs industriels de la chaîne
alimentaire québécoise.
Quant à la stabilisation du revenu agricole, le conseil est
prêt à appuyer l'avant-projet de loi devant nous, à la
condition que le gouvernement fasse droit aux trois modifications au texte des
articles 2, 25 et 36 que nous avons l'honneur de vous faire distribuer, M. le
Président, dans le moment.
Je les lis ici: Proposition de modification au texte des articles de
l'avant-projet de loi. Article 2, paragraphe c).
A l'article 2, au paragraphe c), ajouter au texte actuel: "Etablir des
règles destinées à assurer que le régime de
stabilisation du revenu agricole n'aura aucune incidence sur le jeu normal des
prix sur le marché et sur les mécanismes de négociation
prévus dans la Loi des marchés agricoles du Québec et
fixer des plafonds quant à la quantité ou à la valeur d'un
produit agricole dont le prix est susceptible d'être stabilisé en
vertu de la présente loi". Cette dernière partie étant la
reproduction exacte de ce qui se trouve actuellement dans le projet de loi
fédéral qui amende la loi fédérale en question.
L'article 25, 7e ligne, après le mot "percevoir", ajouter les
mots "en considération d'une compensation pour frais comptables à
être négociés par les parties."
Et la troisième suggestion, à l'article 36, ajouter,
après le mot "sanction", le membre de phrase suivant cette loi
entrera en vigueur, je crois que c'est comme ça "qui devra
coïncider avec celui de la promulgation des principaux règlements
devant découler de cette loi." Pour le reste, nous faisons confiance au
ministère de l'Agriculture du Québec et à sa politique
globale agro-alimentaire.
Merci aux membres de la commission parlementaire de leur bonne
attention.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre de
l'Agriculture.
M.Toupin: M. le Président, je n'ai pas besoin de vous dire
que je suis tenté de poser plusieurs questions. La première
question que j'aimerais poser au Conseil de l'alimentation du Québec est
la suivante: elle touche le secteur primaire québécois. J'en
aurai tantôt sur d'autres aspects du mémoire.
J'aurais aimé que le mémoire soit un peu plus explicite
lorsqu'il parle, par exemple, d'une capacité plus grande de
l'agriculture québécoise de satisfaire les plus grands besoins de
l'alimentation québécoise. Vous soulignez le problème,
mais comment dans votre esprit le voyez-vous, outre une
législation de nature à stabiliser les revenus et non pas
les prix, parce que c'est extrêmement important de le distinguer? Il ne
s'agit pas dans ce projet de législation de briser quoi que ce soit dans
le domaine des structures de prix, parce que le contexte ne nous permet pas de
le faire. Il s'agit beaucoup plus, évidemment, d'un revenu à
assurer à un agriculteur que d'intervenir au niveau de la fixation des
prix.
Donc, j'aimerais que vous cherchiez à expliciter davantage
l'idée, pour l'agriculture primaire, de donner plus au secteur de
transformation et, en même temps, l'idée des marchés.
Comment, par exemple, les agriculteurs peuvent-ils rejoindre des marchés
d'abord locaux et comment situez-vous les chaînes de magasins, de
distribution actuellement dans ce contexte?
M. Roy (Léonard): M. le Président, d'abord, c'est
clair, on s'entend; on ne mélangera pas stabilisation et niveau de
revenu. On parle de niveau de revenu. Nous concevons que, dans
l'économie agro-alimentaire du Québec, il y a déjà
de l'acquis. Il y a quelque chose qui nous est propre et qu'il ne faut pas
abandonner. Je parle, à ce moment-là, de cette base stable, quoi
qu'il arrive, de cette base stable qu'est l'industrie laitière. Alors,
sur cette base stable, nous avons déjà pris des positions comme
entreprises, comme producteurs, transformateurs. Sur le plan national, le
Québec est en train de devenir "la" province laitière pour tout
le Canada. Il y a des forces économiques actuellement, en Ontario, qui
sont telles que les usines ferment. Les producteurs trouvent plus de revenus
ailleurs que dans la production laitière et on maintient d'une
façon un peu artificielle, actuellement, la production laitière
de l'Ontario pour éviter que le choc ne soit trop brusque.
Alors, première chose, le Québec dans l'ensemble canadien
a une force comme agroalimentation dans l'industrie laitière.
Celle-là, on ne doit pas s'illusionner. Si nous produisons dans le
moment six milliards à sept milliards de livres, on ne peut pas penser
que, dans cinq ans, avec de la stimulation, on en produirait douze milliards,
parce qu'il y a un problème qui est humain. Il y a un problème
sociologique qui est greffé à ça, c'est-à-dire, que
vous n'arriverez pas à faire rester des gens sur des fermes, à
faire ce genre de travail qui est nécessité par le genre de
production laitière; vous ne gagnerez pas ça dans notre vie
moderne d'astreindre des gens à rester là et à faire leur
vie avec cela.
Or, la seule compensation qu'on peut avoir, c'est d'abord pour ceux qui
sont là de leur assurer le meilleur revenu, le meilleur mode de vie,
d'accroître le rendement, par exemple, par vache et de développer
la production de lait l'hiver. Alors, c'est de ce côté que nous,
industriels, on voit des possibilités, en s'appuyant sur l'industrie
laitière, de faire plus de nouveaux produits alimentaires venant de
cette source.
Cette source, elle est à nous. Cette base, on n'aura pas besoin
d'aller la "courailler " à l'étranger. Cette base, chez nous,
encore une fois, on a des chances, étant collé à notre
source d'approvision- nement, de faire ce que d'autres entreprises font dans
l'Ouest, parce qu'elles sont collées sur le tas de blé. On peut
faire des produits, nous autres, qui vont avoirdes chances de franchir, dans
n'importe quelle concurrence, les frontières des autres provinces et des
Etats-Unis.
M. Toupin: Pendant que vous êtes sur ce point, vous
permettez que je pose une sous-question?
M. Roy (Léonard): Oui.
M. Toupin: Je suis d'accord avec vous que le Québec non
seulement est en train de devenir, mais est devenu la province laitière
du pays. Les statistiques le démontrent très nettement, mais ce
qui, par ailleurs, m'inquiète, et là, je m'adresse directement au
secteur industriel, je suis bien conscient que le secteur industriel doit
compter sur l'Etat de temps en temps, je suis d'accord, mais je dois aussi
affirmer, je dois aussi compter que, dans un contexte économique comme
celui que vous nous avez décrit, l'industrie a aussi son rôle
à jouer dans le contexte où vous l'avez décrit.
Ceci m'amène à poser la question suivante: Comment se
fait-il qu'on importe beaucoup de fromages spécialisés et qu'on
ne soit pas capable encore de trouver des entreprises québécoises
qui s'y intéressent?
M. Roy (Léonard): M. le Président et M. le
ministre, précisément, ce problème que vous soulevez, nous
sommes en train de l'étudier en profondeur, parce que nous avons,
constaté que, chez nous, par des voyages à l'étranger,
nous nous sommes rendus compte qu'il y avait moyen de produire chez nous, avec
des recettes de l'étranger, les meilleurs fromages du monde avec le lait
de nos producteurs.
M. Toupin: Vous êtes encore en état de vous en
rendre compte actuellement. Vous ne...
M. Roy (Léonard): Oui. Seulement, dans le moment, le grand
problème pour ceux qui désireraient investir de l'argent, soit
des Québécois tout seuls, soit avec l'apport de capitaux de
l'étranger, c'est qu'on n'a pas de lait au bon moment, au bon endroit,
pour faire ces fromages. Vous allez dire c'est aberrant, puisqu'à
certaines périodes de l'année, notre lait s'en va sous forme de
beurre à Ottawa et il est soutenu par les subventions qui nous
coûtent $200 millions ou $300 millions par année.
Le problème, M. le ministre d'ailleurs, vous le savez, on
vous l'a soumis il s'agit de trouver une formule par laquelle tous ceux
qui veulent investi ret développer le marché des fromages
à spécialité auront à leur disposition les
quantités de lait dont ils ont besoin pour les faire. Se greffent
là-dessus, M. le ministre, d'autres choses. D'ailleurs, à ce
moment, n'allez pas croire que les producteurs ne comprennent pas cela. La
masse des producteurs comprend ce que je vais vous dire.
Il faut que le producteur, avec celui qui décide de lui
créer un nouveau débouché pour son lait dans les fromages
à spécialité, soit conscient qu'il est
partenaire dans une entreprise nouvelle, dans une aventure qu'il s'agit
de développer et de créer un marché. Il faut que ce
producteur, par son organisme professionnel, son syndicat professionnel, sa
fédération, puisse être ouvert à nous permettre
d'avoir de la matière première pour un temps limité,
à meilleur compte, de manière à lancer le produit,
à prendre place sur le marché. On ne fait pas de miracle dans ce
domaine, M. le Président et M. le ministre. Quand on veut, comme
Québécois, créer plus d'emplois et créer des
entreprises, il faut prendre place sur le marché avec notre marchandise.
Pour prendre place, je ne dis pas qu'il faut "coupailler" tous les prix qui
existent sur le plan canadien, mais il faut au moins avoir un avantage,
à qualité égale et service égal, un avantage un peu
de prix pour l'avoir, pour un temps limité, histoire de franchir le mur,
il faut avoir l'appui de la classe agricole.
Je tiens à souligner, en toute équité pour ces
gens, pour certaines fédérations de l'UPA, que ces gens sont
ouverts à cela. En réponse à votre question, qu'on nous
donne actuellement, M. le ministre, le lait dont on a besoin au bon moment, au
bon endroit, qu'on aie la chance de rencontrer les producteurs par leurs
organismes professionnels en les impliquant dans ce coût qu'on traduit
par le lancement d'un nouveau produit et on aura beaucoup de chances de
développer cela.
Ensuite, je voudrais ajouter que vous avez eu précisément,
dans le dernier rapport annuel de la Coopération de Granby, des
remarques très pertinentes du président de cette
coopérative qui a laissé entendre au public, à un moment
donné, que son chiffre d'affaires était très
intéressant, que c'était une entreprise dont le Québec
pouvait être fier. Seulement, sachez qu'on ne peut pas continuer à
faire seulement du lait, de la crème glacée, du yogourt avec nos
produits et ces choses. Il va falloir entrer dans d'autres produits
alimentaires.
Qu'est-ce qui empêche les entreprises qui sont laitières
dans le moment d'ajouter à leur production des lignes qui soient
même étrangères au lait, mais peuvent être
mariées étroitement... Je pense à tout ce qui va avec un
déjeuner, par exemple, à tout ce qui va avec les goûters de
l'après-midi, au domaine des protéines, où le consommateur
est de plus en plus désireux de donner le meilleur rendement pour sa
santé avec l'argent qu'il donne pour ses aliments, car il devient de
plus en plus conscient du rôle des protéines. Il cherche à
avoir les protéines au meilleur marché.
Qu'on aide, à ce moment, le grand secteur laitier à
diversifier sa production, même en "embarquant" dans des prod uctions qui
ne sont pas nécessairement des productions laitières. Pour
répondre à votre première question du début, une
fois établie cette conception que nous avons du développement de
la base de l'agro-alimentaire au Québec, c'est-à-dire les
produits laitiers, pour toutes les autres productions nous voulons avec vous,
M. le ministre vous savez que c'est en cours dans le moment
établir quels sont les secteurs qui ont le plus de chance de franchir ce
mur qui est terrible à franchir, celui de la concurrence, les secteurs
où nous pouvons nous spécialiser.
Ce serait de la folie de continuer à faire au Québec ce
que d'autres provinces font à un meilleur compte que nous, soit parce
qu'elles sont plus proches du blé, ou qu'elles sont plus proches de
certaines sources de matières premières. Il faut que nous
recherchions les productions dans lesquelles nous pouvons nous
spécialiser. Il n'en manque pas, M. le ministre. On vous a parlé
tout à l'heure, par exemple, de l'huile végétale qui est
un élément de base de l'alimentation de demain. Il y en a bien
d'autres que je pourrais nommer ici. En réponse à votre question,
savoir quelle est notre conception, on veut qu'ensemble non pas par
secteurs séparés, non pas par secteurs qu'on monte les uns contre
les autres on essaie de voir ce qu'on peut développer comme
marché pour les produits agro-alimentaires du Québec.
M.Toupin:Si le Québec, M. Roy, prenait l'initiative, le
ministère de l'Agriculture, en particulier c'est toujours
évidemment lié à la décision finale des producteurs
avec les producteurs, d'augmenter sa production laitière, est-ce
que le secteur industriel pourrait nous assurer des marchés?
M. Roy (Léonard): De ce côté, vous savez, on
reconnaît nos faiblesses. On dit dans le mémoire je suis
prêt à le répéter ici que certains de nos
secteurs ont fait des merveilles. Je n'ai pas besoin de les nommer, tout le
monde les connaît. Dans d'autres secteurs de transformation, il y a des
difficultés. Il faudrait regrouper, il faudrait plus d'innovation, il
faudrait une orientation générale du marketing des produits, ce
qu'on a fait jusqu'ici, changer cela pour avoir autre chose, une meilleure
présentation.
M. Toupin: Qu'est-ce que vous pensez du rôle du
ministère de l'Agriculture, depuis quatre ou cinq ans, dans le domaine
de l'industrie laitière? Est-ce que vous constatez que,
là-dedans, ce que vous avez appelé tantôt son leadership a
été suffisamment fort pour donner des tournants à
l'industrie laitière québécoise?
M. Roy (Léonard): Si vous parlez de l'industrie
laitière, M. le ministre, c'est évident que le ministère
de l'Agriculture a permis de réaliser chez nous des pôles
d'attraction dans une conception positive. Je m'explique.
Vous savez, c'est très facile de s'en prendre aux multinationales
en disant: Dans le lait, parexemple, nous avons des compagnies multinationales
qui occupent la place, etc, et il faudrait bien s'organiser pour les mettre
dehors. D'une façon positive, on a préféré, avec
vous, essayer de bâtir des pôles d'attraction aussi forts, plus
forts même que les multinationales qui se trouvent chez nous, et avec des
capitaux, du savoir-faire québécois. Les réalisations sont
là.
Je ne dis pas, M. le ministre, que ces réalisations sont de tout
repos. Il faut absolument les aider à passer cette période
où elles sont appelées à grossir
trop vite. Il faut absolument les aider de ce côté. Le
grand problème, c'est d'avoir des cadres, des cadres
spécialisés compétents. C'est un grand problème au
Québec. Dans l'industrie alimentaire et dans l'industrie plus
spéciale qu'est l'industrie laitière, on s'arrache les cadres
compétents. Il y a une limite à cela.
Vous nous avez aidé et, encore une fois, vous pouvez nous aider
énormément par ce mécanisme de regroupement, d'aide au
regroupement, pour autant que vous sachiez mettre les crans d'arrêt au
bon moment, parce qu'avec les meilleurs intentions du monde, il ne faudrait pas
non plus déboucher vers le cartel. Il faut, à côté
des entreprises du Québec dont nous sommes très fiers...
M. Toupin: Vous ne faites pas allusion à la
Coopérative de Granby à ce moment?
M. Roy (Léonard): Non, mais je me permets de dire ceci.
Nous en sommes très fiers. C'est à l'actif du Québec.
Simplement, ces gens, les dirigeants de cette entreprise sont les premiers
à reconnaître qu'il faut mettre à côté d'eux
au moins un ou deux autres géants de même taille, parce que vous
courez le risque... Il y a deux risques. D'abord, ces entreprises, ce n'est pas
parce qu'elles sont coopératives qu'elles ont tant de succès,
c'est à cause de la qualité des hommes qui les dirigent.
Deuxièmement, ces hommes disparaissant, vous pourriez avoir des
catastrophes qui seraient proportionnées à leur importance
économique. Même avec les meilleures intentions, les plus grandes
entreprises, à un moment donné, se ramassent seules sur un
marché et vous avez le phénomène de la cartellisation.
C'est pour cela qu'on vous dit: Sachez mettre le cran d'arrêt au bon
moment.
M. Toupin: Je ne veux pas prendre trop de temps, M. le
Président, j'aurais encore quelques questions à poser. Je
reviendrai probablement un peu plus tard sur un certain nombre de points. Il
yen a un en particulier qui m'intéresse beaucoup. Vous nous avez
posé une question et vous avez en même temps un peu donné
la réponse. J'aimerais, d'abord vous reposer la question. Vous nous
dites que la loi actuelle ne doit pas venir briser les mécanismes
actuels qui existent au niveau des marchés. Elle ne doit pas, par
exemple, augmenter les prix de façon trop élevée et ainsi
éviter de prendre des marchés ou même risquer de perdre
ceux qu'on a. Par ailleurs, vous nous dites comment vous voyez dans le temps ce
que vous avez appelé le transfert. Est-ce que c'est l'Etat, demain, qui
va payer pour que le consommateur ait des produits à meilleur compte ou
si c'est le consommateur qui va payer pour que le producteur ait des revenus
meilleurs? Lorsque vous parlez des prix, vous vous référez
nécessairement à une politique de transfert. Est-ce que cela veut
dire, dans votre esprit, qu'on doive jouer sur les deux tableaux en même
temps ou si on doit s'arrêter essentiellement sur une politique de
transfert?
M. Boy (Léonard): D'abord, c'est un problème
très difficile, j'en conviens, mais permettez que je vous dise, en
passant, que ce sont les problèmes difficiles qui permettent aux hommes
intelligents de graver leur nom sur des solutions qui sont
apportées.
Dans cette question du transfert des revenus, c'est évident qu'il
y a un équilibre à maintenir. C'est l'intérêt
général de la population du Québec, du consommateur "at
large", nous sommes tous des consommateurs, c'est l'intérêt de
toutes les entreprises, les 12,000 entreprises qui sont greffées
là-dessus et c'est l'intérêt de nos 40,000 fermes actuelles
qui, j'espère, vont devenir encore plus industrialisées, qu'on
maintienne un degré d'équilibre pour le revenu, tel que vous
l'avez expliqué. Là, cela va.
Seulement, il faut qu'à un moment donné l'Etat
parce que là il y a les intermédiaires, les producteurs ne
peuvent pas le faire pour des considérations de bien commun
fasse... Ce qui se fait ailleurs et ce qui se fait... On appelle cela de toutes
sortes de formules. On appelle cela les politiques laitières du
gouvernement fédéral ou on appelle cela les décisions de
la Régie des marchés. Vous le faites déjà d'une
certaine manière, mais d'une façon éparse. D'ailleurs, je
vous donnais les chiffres tout à l'heure. C'est impossible depuis 1970
d'avoir fait passer le prix du lait de $7 à $12.21 pour les cultivateurs
seulement pour des considérations bien ordinaires d'augmentation
régulière des coûts. Il y a eu du rattrapage on va
appeler cela dans les termes du métier il y a eu un effort de
rattrapage. Cela en était du transfert de revenus forcé. Nous
prétendons qu'il n'y a rien de scandaleux là-dedans.
M. le Président, M. le ministre, au moment où je vous
parle, c'est-à-dire avant la crise des trois dernières
années, la plus forte crise au point de vue de l'inflation, on
consacrait 19% de notre revenu personnel à notre panier de provision,
dans la province de Québec. Au même moment, les Américains
consacraient 15% de leur revenu personnel à leur panier de provision.
Ils en étaient très fiers. Ils pensaient que c'était une
trouvaille, ce n'était pas ordinaire, mais ils ont tué leur
agriculture. Nous, on consacrait 19%. Dans le moment, on doit être
près de 24%, mais depuis plusieurs années, des pays qui ont le
même standard de vie que nous, même genre de civilisation, les pays
du Marché commun, consacrent entre 29% et 32% du revenu personnel pour
se nourrir.
Alors, devant cette situation, je me tourne vers les
Québécois et je leur dis: Vous n'êtes pas plus fins que les
autres. Il ne faut pas vous imaginer que vous allez continuer à manger
votre gâteau et vouloir en avoir encore un entier. Vous allez être
capables de garder une agriculture et de donner un autoapprovisionnement de
plus que 50%, on dit 60% dans le moment, cela devrait être au moins 75%,
si vous ne faites pas le nécessaire pour garder ou avoir une partie de
votre revenu pour l'alimentation. Là, j'interjette là-dedans
immédiatement pour qu'on ne me prête pas des intentions, Cela
présuppose de la part de ceux qui sont chargés de voir au respect
de l'équilibre et d'empêcher les abus, qu'on surveille la
répartition du dollar du consommateur entre les producteurs et ce qu'on
appelle les intermédiaires. On comprend tout cela, mais on accepte qu'il
faut actuellement pousser, activer vers 28%, 29% de no-
tre revenu personnel, si on veut garder une agriculture viable chez nous
parce qu'on n'est pas assez intelligents pour faire des trouvailles meilleures
que celles des Européens avec des centaines d'années
d'expérience derrière eux.
M. Toupin: Si j'ai bien compris les explications que vous m'avez
données jusqu'à maintenant, au fond, votre philosophie serait que
le transfert se fasse beaucoup plus par les prix qu'il puisse se faire par les
impôts, les subsides et les interventions gouvernementales.
M. Roy (Léonard): Vous avez deux moyens. Par les prix,
justement, c'est ce que je veux vous dire. De 1970 à aujourd'hui, vous
avez augmenté par la force le retour au producteur de lait nature, mais
probablement que des augmentations successives des trois dernières
années de 11.4%, 10.7%, 10.9% étaient peut-être trop des
chocs subits avec le phénomène que vous avez eu un
décrochage. La consommation du lait, je n'aime pas le dire ici, parce
que je ne veux pas être un alarmiste, c'est dangereux ce qu'on dit
là, c'est comme à la bourse, mais c'est un fait. La consommation
du lait, depuis le mois d'octobre, a baissée de 10% et on ne la
récupère pas.
M. Toupin: Avant que vous alliez plus loin, M. Roy,
là-dessus, je voudrais continuer mon raisonnement avec vous sur la
question principale, première. Si vous acceptez en principe je
sais qu'il y a d'autres interventions d'ailleurs, ce transfert de
revenus, vous pouvez le prendre dans la poche du consommateur au niveau des
prix et le mettre dans la poche du producteur pour élever le revenu du
producteur et grever un peu plus le budget du consommateur. C'est
évident en soi.
M. Roy (Léonard): C'est cela.
M. Toupin: On peut le faire sous forme de perception
d'impôts et le remettre au producteur sous forme de subsides ou
d'interventions gouvernementales, mais ne pensez-vous pas et je pose la
question que la première thèse, celle qui veut que le
transfert se fasse par les prix, que cela va un peu à l'encontre du
principe que vous affirmez, celui d'une concurrence qui est très
difficile dans le contexte nord-américain?
M. Roy (Léonard): Oui, mais encore une fois, restez dans
le contexte où nous sommes. Vous avez pu faire des transferts dans
l'industrie laitière parce que nous sommes dans un marché
fermé.
M. Toupin: Oui.
M. Roy: Pour le lait nature. Je ne parle pas du fromage et des
autres produits qui sont en marché ouvert, mais pour cela on a pu faire
un transfert. On l'a fait d'une façon assez habile parce que, quand vous
pensez que la consommation du lait, année après année,
depuis 1957, s'est maintenue à 3% d'augmentation chaque année, en
dépit des augmentations qui prenaient place à ce
moment-là... Il y a 25 augmentations qui ont pris place.
M. Toupin: Là, on a des marchés fermés, mais
quand on a des marchés beaucoup plus ouverts, on prend les oeufs, les
poulets, les légumes, etc...
M. Roy (Léonard): C'est cela. Alors, si vous
décidez que pour le bien commun il est mieux d'avoir nos oeufs, les
fabriquer nous-mêmes, être plus autosuffisants et que cela signifie
qu'il faut pallier certaines concurrences, je crois qu'à ce
moment-là, c'est la responsabilité de l'Etat de prendre les
moyens qui s'imposent pour la garder. Vous n'avez pas le choix, M. le
ministre.
M. Toupin: D'accord. Cela répond à mes deux
questions. C'est qu'au fond, vous êtes d'accord sur l'idée du
transfert par les prix, mais vous êtes d'accord, par ailleurs sur une
intervention gouvernementale au moment où les situations de
marché le nécessitent.
M. Roy (Léonard): C'est cela. Mais à ce
moment-là, il faut que vous sachiez ou que vous teniez compte du fait
que vous ne pouvez pas, pas plus que vous pouvez éreinter un groupe de
producteurs d'oeufs, par exemple, à cause d'un système, pas plus
vous devez prendre la responsabilité, à mon sens,
d'éreinter 300 ou 400 entreprises qui donnent du pouvoir d'achat et de
l'emploi à 6,000 ou 7,000 personnes. Tout doit être pris en
considération et cela prend une décision de l'Etat. C'est pour
cela qu'on dit: L'entreprise privée, en principe, dit toujours. On est
contre toutes les interventions de l'Etat, mais il reste que nous, dans le
domaine agroalimentaire, la grande liberté, à toutes fins
pratiques, cela n'existe plus beaucoup. Quant à être dans un
régime dirigé, on voudrait qu'il soit dirigé le plus
intelligemment possible, mais par ceux qui sont en mesure de le diriger,
c'est-à-dire l'Etat. Parce que ce n'est pas aux paliers
inférieurs des petits commerçants, ni des manufacturiers qui
peuvent... D'ailleurs, on n'a pas le droit de combiner, on n'a pas le droit de
s'entendre, alors que l'Etat assume ses responsabilités dans ce
domaine.
M. Toupin: Vous êtes d'accord, dans un autre ordre
d'idées... Est-ce que votre secteur est d'accord, sur le principe
suivant? Quand l'Etat intervient, il faut qu'il y ait un minimum de
contrôle. Par conséquent, si nous voulons intervenir au chapitre
des revenus des agriculteurs, il nous faudra bien tenter de contrôler la
production. Il reste un moyen, un seul qu'on a au Québec actuellement et
dans les autres provinces du pays aussi, ce sont les plans conjoints,
c'est-à-dire fixer aux producteurs des contingents de productions. Vous
disiez tantôt et vous affirmiez même tantôt, qu'il y aurait
avantage à ce que le gouvernement revise un peu sa politique de
contingents ou de mise en place de plans conjoints.
Dans quelle perspective, plus claire que celle que vous avez
décrite dans le mémoire, le voyez-vous?
M. Roy (Léonard): M. le Président, M. le ministre,
je vais vous faire une image.
Si ça prend trois semaines, un mois, pour l'équilibre de
forces qui s'appelle s'asseoir à une table et
négocier les prix pour les matières de base, ne
pensez-vous pas que les onze autres mois qui restent pourraient être onze
mois consacrés à un travail d'équipes entre l'organisme
professionnel des cultivateurs, ceux qui sont impliqués dans la
transformation et l'Etat, pour voir ce qu'on peut faire ensemble pour s'emparer
de nouveaux marchés et rendre plus rentables les marchés que nous
avons déjà?
M. Toupin: Alors, cela voudrait dire que vous verriez dans
l'avenir une présence plus active des industriels dans l'administration
des offices de commercialisation?
M. Roy (Léonard): Certainement. Comme, M. le
Président, je ne veux pas faire une bourde, mais nous avons toujours cru
et nous croyons encore q ue les plans conjoints qui sont dirigés par des
organismes moteurs qui s'appellent offices, syndicats ou tout ce que vous
voudrez, devraient être dirigés par des décorés du
mérite agricole. Je ne sais pas si ça dit tout ce que ça
doit dire.
Les plans conjoints sont des organismes, comme vous le dites si bien,
qui font qu'on contrôle l'offre. Ce contrôle doit être fait
intelligemment, il ne s'agit pas de tuer la poule aux oeufs d'or en voulant
jouer au contrôle. Je ne veux pas dire par là que ceux qui
dirigent les plans conjoints sont dépourvus de bon sens. Mais je veux
vous faire une image. Sans discréditer ceux qui, actuellement, dirigent
les plans conjoints, je vous dis, et ça dit exactement le fond de ma
pensée, si les plans conjoints étaient dirigés par des
décorés du mérite agricole, peut-être qu'il y aurait
une autre tournure dans leur orientation.
M. Toupin: Alors, il faudrait poser une condition à
l'élection des administrateurs des fédérations
spécialisées?
M. Roy (Léonard): Prenez ça comme, peut-être,
une image un peu drôle, mais ça dit, M. le ministre, exactement le
fond de ma pensée.
M. Toupin: Maintenant, lorsque vous parlez d'intégrer le
plus possible dans les activités de commercialisation, les entreprises
de transformation, d'avec les plans conjoints, vous êtes conscient
également, en même temps, que l'application d'une loi comme celle
dont nous discutons, d'un projet comme celui dont nous discutons, va
nécessiter, au niveau des ententes entre les deux parties, au chapitre
des négociations, le respect également des lois normales du
marché.
M. Roy (Léonard): Sûrement.
M. Toupin: II ne faudrait pas assister à une entente
tacite entre les producteurs et les industriels pour faire payer le
gouvernement. Vous seriez d'accord sur ça aussi?
M. Roy (Léonard): Absolument, c'est évident.
M. Toupin: S'il y a d'autres... J'en aurais d'autres, mais je
voudrais bien laisser aussi aux autres membres de la commission la
possibilité de poser des questions.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Lafontaine.
M. Léger: Je vais revenir un peu à un autre aspect
de votre projet. Je dois vous dire, quand même, que votre
présentation va pas mal en profondeur, ce qui dénote votre
connaissance non seulement du marché québécois, mais des
milieux ou des lignes de force soit au Canada, au Québec ou ailleurs,
qui limitent les possibilités actuelles et je sens votre
intérêt pour que le Québec ait sa place
là-dedans.
Je reviendrais plutôt à une question qui touche la
distinction. Ce qui semble vous inquiéter le plus, c'est la distinction
qu'on ne fait pas entre la stabilisation du revenu et le niveau du revenu
assuré. Est-ce que vous croyez qu'une politique de revenu assuré,
l'assurance-revenu, pourrait fonctionner sans imposer un plus grand
degré de contrôle du marché?
M. Roy (Léonard): D'abord, précisément
ça, pouvez-vous, comme province de Québec, contrôler le
marché?
M. Léger: Vous me donnez la réponse que j'attendais
parce que, justement, si on regarde les rôles complémentaires ou
résiduels des provinces dans une politique de l'agriculture, on voit que
les lois, dans la législation provinciale, dans la belle
Confédération dans laquelle nous sommes encore, concernant
principalement l'agriculture d'un point de vue strictement intraprovincial et,
la plupart du temps, la production qui est visée, sa qualité
ainsi que les groupes ou les personnes qui sont directement concernés;
c'est le point de vue provincial.
Au point de vue fédéral, la plupart des lois qui
concernent l'agriculture le font au point de vue strictement interprovincial ou
extérieur au Canada...
M. Roy (Léonard): C'est ça.
M. Léger: ... c'est l'aspect de mise en marché dans
l'intérêt national des Canadiens qui, parfois, est un
désintérêt ou un danger pour certaines provinces. C'est
l'aspect de mise en marché qui est principalement touché. Mais
cette mise en marché et son contrôle exigent, en même temps,
une mainmise de plus en plus forte sur la production provinciale, mais aussi
l'intervention fédérale et la qualité ainsi qu'un pouvoir
illimité de planification, et la planification et la subvention
aussi.
Plusieurs des lois fédérales comportant également
des dispositions qui permettent aux gouvernements provinciaux de ne devenir que
de simples délégués administratifs aux fins de
l'application de la loi fédérale.
C'est donc di re que vous nous disiez tantôt de la loi
fédérale qu'elle n'est pas encore adoptée et que
la loi provinciale ne pourrait être qu'un complément qui ne
tient pas compte d'un contrôle d'un marché permettant justement
à cette offre de se faire à un prix suffisant et, en même
temps, d'avoir un débouché.
Pensez-vous que c'est réellement possible, actuellement, qu'il y
ait une politique intégrée agroalimentaire pour
l'intérêt des Québécois, alors qu'il y a des lignes
de force qui sont extérieures au Québec et peut-être
même, comme vous le disiez tantôt, extérieures au Canada?
Vous avez dit tantôt que les lignes de force ou les décisio.ns se
prenaient à New York, Chicago; vous avez parlé deTokyo et,
maintenant, on va peut-être parler de l'Arabie aussi.
Devant toutes ces choses, comment pensez-vous être capables de le
réaliser à l'intérieur de toutes ces contraintes du
système dans lequel nous vivons?
M. Roy (Léonard): M. le Président, M. le
député, vous êtes conscient que votre question ne
débouche que sur un domaine, c'est-à-dire que les
décisions qu'on a à prendre, sont des décisions
politiques, pas des décisions économiques.
M. Léger: C'est ça.
M. Roy (Léonard): Evidemment, je me refuse à vous
suivre sur ce terrain. Il reste que je suis personnellement convaincu,
même compte tenu du régime constitutionnel dans lequel nous
vivons, si nous sommes capables au Québec, pas par la coercition, mais
en amenant toutes les parties composantes de l'agro-alimentaire à
travailler ensemble, y compris les centres de décision qu'on peut
rejoindre, parce qu'il y en a encore qu'on peut rejoindre, que nous pouvons,
dans certains domaines, qui tiennent de la spécialisation ou de la
production de masse, nous imposer par la concurrence quoi qu'il arrive. Parce
qu'encore une fois on ne s'illusionne pas, nous, sur les relations
fédérales-provinciales en matière de commerce ou de
stabilisation. Je vais vous donner un exemple: le fédéral, il y a
quelques mois c'est discutable semble-t-il, a posé un
geste pour dire à une province qui a une richesse comme l'huile:
D'accord, c'est à vous, mais vous devez concevoir que vous êtes
partie d'un tout et il faut que vous agissiez de manière que le tout en
bénéficie. Disons, grosso modo, que c'était ce que j'ai
compris de leur politique.
En agriculture ou en agro-alimentaire, on n'a jamais réussi
à appliquer ce raisonnement, cette thèse. On ne l'a pas
appliqué. On n'a pas dit: Pour garder toutes les parties du pays
ensemble, il faudra que vous vous entendiez, que vous vous spécialisiez.
Déjà, on a un commencement, l'industrie laitière est dans
l'Est, les céréales sont dans l'Ouest; alors, on pourrait
peut-être s'entendre et là donner une chance égale à
tout le monde. On n'a jamais réussi ça bien qu'on ait
multiplié toutes sortes d'initiatives qui sont, à leur face, des
initiatives, encore une fois, que je ne veux pas juger, mais effectivement, je
les ai vécues, M. le Président, pendant des années. Vous
vous rencontrez, la tape dans le dos, ça va très bien; on fait un
accord, on le signe et, en dedans d'une semaine, l'accord est brisé par
d'autres.
Alors, vous savez, quand vous accumulez l'expérience
d'années et d'années de ce genre de choses, vous êtes
obligé de conclure. Le commerce, comme on dit dans le métier,
c'est "wild", c'est sauvage. Il n'y a rien qui tient devant ça, pas une
diplomatie qui tient devant ça sur le plan international, encore plus
dans le cadre de la confédération canadienne.
C'est une course, on s'arrache les marchés. Comme je l'ai dit
tout à l'heure, l'embêtement je vais vous dire le fond de
ma pensée c'est que la population du Québec devrait
être consciente de la force qu'elle détient encore comme
consommateur au lieu de brailler tout le temps contre les autres. Nous avons le
plus gros marché de consommation du Canada, par la géographie,
à Montréal. Nous avons une population qui, à cause de
notre culture, de notre propension à bien manger, mange des choses et en
quantité que d'autres mangent moins. Quand on pense que des entreprises
qui sont à Lethbridge ou à Calgary se tuent pour prendre leur
place sur le marché de Montréal, et n'ont même pas le coeur
de donner de l'emploi à dix personnes en ouvrant un entrepôt, on
se retourne et on dit: Si seulement la population du Québec était
consciente de la force qu'elle détient comme consommateur, vous
changeriez l'image du tout au tout.
Pour ça, ce consommateur, au lieu de le chauffer à blanc
avec de la démagogie, on devrait l'informer et l'éduquer en y
mettant le paquet.
M. Léger: Vous parlez de marchés communs, où
des Etats peuvent ensemble faire des ententes. Je donnerai un exemple
peut-être absolument loufoque mais qui va illustrer ma pensée. Je
prends la France avec l'Allemagne, dans un marché commun, deux Etats
autonomes. La France peut produire et vendre des produits agricoles à
l'Allemagne, qui va lui vendre des produits industriels. Mais prenons l'exemple
d'un Etat qui veut vendre un habit en disant à l'autre Etat: Nous, nous
allons vous acheter des bottines. Mais l'Etat qui veut vendre des habits, son
habit il ne peut pas le vendre au complet parce que c'est un autre gouvernement
qui est responsable des manches. Et les manches de son habit, il ne pourra pas
s'entendre à moins qu'il fasse des concessions sur les boutons avec une
autre partie de l'Etat qui veut vendre des boutons. Il ne peut pas vendre cet
habit complet pour avoir un marché avec l'autre parce qu'il y a une
partie de son produit, qu'il veut vendre, qui ne dépend pas de lui.
Est-ce qu'il n'y a pas quand même un obstacle majeur en cela? Là,
je prends l'exemple d'une politique provinciale, d'une province qui veut vendre
soit à une autre province, soit à un autre pays. Mais il y a un
autre gouvernement qui a d'autres intérêts à
défendre, qui a une partie du contrôle de ce produit qu'on veut
vendre et qui nous empêche réellement de négocier avec
l'autre.
M. Roy (Léonard): M. le Président, M. le
député, moi, je ne vous réponds pas, encore une fois, sur
le plan politique. Mais, sur le plan économique, je vais
vous dire seulement une chose. Il y a une grande province du Canada qui
a réussi à être la plus grosse province au point de vue
économique au Canada, qui a pratiqué ce dont chez nous, on a
honte. On rougit quand on parle d'achat chez nous; ailleurs, on l'a fait. S'ils
l'ont fait sans briser les murs, sans casser de vitres, sans faire de discours
et aux bons moments et aux bons endroits, toujours en vivant dans le
régime confédératif que nous connaissons, je me demande
pourquoi les Québécois seraient moins intelligents et auraient
moins de ressources pour faire exactement, dans le même cadre
constitutionnel, ce qu'une autre province très prospère a
réussi à faire au pays. Alors, je vous réponds comme
économiste parce que, encore une fois, je me refuse de répondre
sur le plan politique.
M. Léger: Malgré que les lignes de force
étaient aussi politiques qu'économiques.
M. Roy (Léonard): Oui, admettons. M. Léger:
D'accord.
M. Roy (Léonard): Alors, si d'autres l'ont fait, qu'est-ce
qu'on attend, nous, pour le faire? On a déjà perdu un temps
précieux. C'est pour ça que nous, comme industrie, on voit
poindre là on ne fait pas de politique, on ne fait pas de
forfanterie envers un homme en particulier au ministère de
l'Agriculture du Québec une conception qu'on n'a jamais connue avant,
sans discréditer les autres partis, une conception qui s'élargit
à la grandeur du problème, au lieu d'être
étriquée ou constipée rien que dans une optique d'un seul
secteur. Alors, c'est ça qui nous redonne confiance et c'est ça
qui nous fait dire: On prévoit, nous, d'ici cinq ans, que notre valeur
ajoutée, la valeur de nos ventes d'un prod uit pourrait augmenter d'un
autre milliard de dollars dans la province de Québec, pour le
moindrement qu'on se sente épaulé, étayé par ceux
qui sont capables de donner le coup. Nous, individuellement, pris un par un, on
n'est pas capable de le faire.
M. Léger: Vous avez dit quand même juste une
dernière question tantôt que les Québécois,
actuellement, dépensaient à peu près 24% de leurs revenus
dans le domaine alimentaire...
M. Roy (Léonard): Oui.
M. Léger: ... que d'autres pays, plus vieux que nous, en
sont venus jusqu'à 29% et 32% de leurs revenus.
M. Roy (Léonard): C'est ça.
M. Léger: Vous dites que, pour protéger, pour
amener ce contrôle de l'agro-alimentaire au Québec, il faudrait
peut-être aller jusque-là. Cela voudrait quand même dire...
Est-ce qu'il n'y aurait pas le danger que, si on fait payer par le consommateur
le prix d'une meilleure agriculture aux Québécois, il y ait des
produits étrangers qui viendraient prendre la place de notre produit,
qui coûterait plus cher?
M. Roy (Léonard): C'est là qu'on dit qu'il faut
absolument, à ce moment-là, accepter que l'Etat a un rôle
à jouer et qu'il doit intervenir par des subventions. C'est l'argent de
notre poche quand même. Vous allez atteindre vos 28% quand même qui
sont consacrés à l'alimentation. Mais, au lieu que cela affecte
la concurrence sur l'étiq uette de prix, cela va passer par le montant
d'impôt que vous payez.
Mais je crois, personnellement là je ne veux pas engager
certains secteurs que je représente parce que je ne serais pas à
la hauteur de ma responsabilité si je vous disais que toutes ces
questions ont été discutées et que j'ai un mandat de
parler sur cette question du transfertdu revenu et fermement qu'on s'en
va vers ça, qu'on ne peut pas y échapper. C'est pour cela que je
demande de la franchise, je demande du courage. Au lieu de laisser entendre aux
consommateurs je vous demande ça après vous avoir dit:
Faites le nécessaire pour voir à ce qu'il n'y ait pas d'abus dans
les secteurs intermédiaires.
Après vous avoir dit ça, je dis: Cessez de faire croire au
consommateur que réellement il est pressuré dans le contexte
économique. Faites-lui plutôt comprendre pourquoi cela arrive et
prenez les moyens pour que, par un transfert de revenus normal, logique, on
puisse garder d'abord sur la terre les cultivateurs dont on a besoin et garder
en activité les entreprises de transformation qui sont aussi
essentielles pour l'avenir de l'agriculture.
Le Président ( M. Houde, Limoilou): La commission suspend ses
travaux jusqu'à quinze heures trente.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
Reprise de la séance à 15 h 52
M. Houde, Limoilou (président de la commission permanente de
l'agriculture et de la colonisation): A l'ordre, messieurs!
M. Giasson (Montmagny-L'Islet), cet après-midi, remplace, M.
Assad (Papineau).
L'honorable député de Lafontaine.
M. Léger: Je voulais simplement demander au ministre s'il
était allé faire son train,
M. Toupin: Non, je ne suis pas allé faire mon train, je
suis allé discuter avec des gars pour savoir combien on doit payer
d'autres gars pour faire le train.
M. Léger: De toute façon, d'abord que vous ne
manquez pas le train.
M. Toupin: Non, non, on est sur la bonne voie.
M. Léger: J'avais terminé, je pense. J'aimerais
laisser continuer le député de Beauce, s'il a des questions.
Peut-être une dernière. Est-ce que je peux demander à M.
Roy si, devant le projet de loi la question que je vous pose, c'est une
question très générale est-ce que vous ne pensez
pas qu'il aurait été préférable d'avoir aussi les
règlements qui vont illustrer réellement, dans l'action, les
intentions d'une loi-cadre?
M. Roy (Léonard): M. le Président, nous avons
précisément, dans le cadre de notre mémoire,
souligné ce fait et nous avons déposé, à la fin, un
projet de modification à l'article 36 qui aurait pour but de retarder la
sanction de la loi jusqu'à ce qu'on puisse avoir en même temps la
promulgation des règlements, c'est-à-dire que cela donnerait
l'occasion aux parties d'étudier les règlements qui vont
découler de cette loi.
C'est entendu, nous ne voulons pas ici nous en prendre aux principes des
lois-cadres. Seulement, c'est un fait qu'actuellement, cette loi, qu'on a
devant nous, est une loi qui décrit très bien le mécanisme
de fonctionnement d'une caisse de compensation. Tout y est là-dedans, il
n'y a pas d'erreur là-dessus. Il reste cependant que les choses
importantes qui vont découler de cette loi, à notre sens, vont
être précisées dans des règlements, et on ne les
connaît pas, les règlements. C'est pour cela.
M. Léger: Est-ce qu'on pourrait demander au ministre s'il
a l'intention, la bonne intention, de faire comme certains ministres, de
convoquer la commission parlementaire avant que les règlements soient
adoptés, promulgués ou présentés dans la Gazette
officielle?
M. Toupin: Je pense que ce serait prématuré de
répondre à cette question. Tout ce que je peux vous dire, c'est
que, présentement, par exemple, la Loi sur les aliments prévoyait
des règlements en application. Alors, on les a portés devant la
commission parlementaire pour qu'on les discute on va les discuter
tantôt, probablement.
Sur cette question de la loi-cadre, pour l'assurance des revenus
agricoles, il ne faut pas oublier que cela va se faire par négociation
avec les producteurs. A ce moment-là, je ne sais pas s'il est possible
d'amener les producteurs à négocier en commission parlementaire,
avec le gouvernement, sur le degré d'intervention du producteur, le
degré d'intervention du gouvernement. Cela peut être
différent, selon les productions.
Pour le poulet, par exemple, on pourra peut-être parler de telle
chose; dans les oeufs, d'autre chose; dans le bovin, d'autre chose, mais ce que
je suis prêt à examiner... On le verra, il y a des suggestions qui
sont faites.
Le conseil d'alimentation en a fait quelques-unes. D'autres groupes vont
sans doute aussi en faire. A la suite de ces suggestions, on verra les
amendements à apporter à la loi. Lorsqu'on reviendra à
l'Assemblée nationale, je n'ai pas d'inconvénient, à ce
moment, à regarder le problème à nouveau.
M. Léger: D'accord.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Beauce-Sud.
M. Roy (Beauce-Sud): M. le Président, j'aurais quelques
questions à poser à M. Roy, mais, tout d'abord, j'aimerais tout
simplement rappeler aux membres de la commission et à tous ceux qui sont
ici que si j'ai parlé de placotages ce matin, ce n'était pas pour
rien et ce n'était pas pour rire, parce que, depuis cinq ans, je pense
qu'il n'y a jamais eu autant de commissions parlementaires de l'agriculture que
nous en avons eu. Jamais il n'y a eu plus de colloques, de réunions
partout et jamais cela n'a été aussi mal dans l'agriculture.
C'est dans un esprit très positif que j'ai voulu parler de
placotages ce matin, en ce sens que je ne voudrais pas je pense que nous
serions tous là pour le regretter qu'il ne se fasse pas quelque
chose de pratique, de réaliste à la suite des travaux de cette
commission parlementaire. Si cette commission débouche sur des
résultats pratiques qui permettront d'améliorer le sort des
agriculteurs du Québec, croyez-moi, j'en serai le plus heureux, M. le
Président.
M. Roy, ce n'est pas la première fois que vous venez devant la
commission parlementaire; ce n'est pas la première fois que vous nous
présentez des mémoires excessivement intéressants, fort
documentés dans lesquels vous nous apportez beaucoup de suggestions et
dans lesquels vous nous faites justement part du point de vue des mouvements
que vous représentez. Vous vous intéressez de près au sort
de l'agriculture et surtout à la question agro-alimentaire du
Québec. Je pense que vous êtes le pionnier de cette question et de
cette formule de l'agro-alimentaire au Québec et je tiens en toute
justice à vous le dire et à vous le répéter.
Le ministre...
M. Toupin: Vous êtes chanceux, je ne me suis jamais fait
dire cela.
M. Roy (Beauce-Sud): On rend le mérite à ceux qui
en ont, M. le Président. Lorsque le ministre...
M. Toupin: Selon les circonstances.
M. Roy (Beauce-Sud): Et selon les circonstances. Si le ministre
se décide à faire quelque chose de concret et de pratique dans le
domaine agricole, je ne serai certainement pas le dernier à le
féliciter.
M. Toupin: Je voulais vous faire rire un peu.
M. Roy (Beauce-Sud): Oui, d'ailleurs, je pense que la situation
agricole au Québec, actuellement, nous limite quand même dans nos
rires.
A la page 3, M. Roy, dans votre mémoire, le dernier paragraphe,
vous avez mentionné le fait suivant: Vous faites référence
aux documents officiels. Vous soulignez que le revenu national de l'ensemble de
la population progresse lentement et régulièrement. Le revenu
agricole s'élève par saccades, avec des reculs et des reprises
pour aboutir à un progrès moyen, sensiblement inférieur au
progrès du revenu national. Je pense qu'on est tous d'accord sur cela.
J'aimerais que vous nous donniez un peu plus d'explications à ce sujet
et que vous disiez à la commission parlementaire quelles sont les
causes, les premières causes ou les grandes causes, du fait que,
justement, dans les revenus de l'agriculture, nous avons des hauts et des bas
de cette nature.
Quelles sont les causes fondamentales de cette situation de fait?
M. Roy (Léonard): Voici, je dois d'abord faire remarquer
à la commission parlementaire qu'il est évident, au texte
même, que je redis avec d'autres mots exactement ce que les experts du
ministère ont étudié. Nous acceptons d'emblée ce
fait économique que la production agricole en soi il faut
l'accepter c'est une production qui n'est pas une production
mécanique. C'est une production qui dépend des aléas de la
température, pour une chose, qui dépend également de
l'organisation même à la ferme. Il y a des facteurs à la
ferme qui sont des facteurs humains qu'on ne rencontre pas dans les autres
genres d'opérations industrielles. Il y en a plusieurs autres facteurs
de ce genre qui font que, précisément, la production à la
ferme n'est pas toujours régulière, ne peut pas toujours
rencontrer la demande au bon moment. C'est évident qu'à ce
moment, dans un marché qui, lui, est un marché libre, un
marché d'offres et de demandes, de grande concurrence, c'est
évident que, dès que la production agricole est
déficitaire ou tire de l'arrière ou n'arrive pas au bon moment,
pour le cultivateur c'est entendu que c'est parfois catastrophique. C'est cela
qu'on veut dire. On le reconnaît. On reconnaît qu'il y a un genre
de production agricole qui ne peut pas se traiter de la même
manière que quand on fait des automobiles. C'est aussi clair que
cela.
On se dit, nous, d'un autre côté, il faut accepter que
cette production agricole, avec la meilleure volonté de tous ceux qui
veulent développer l'agro-alimentaire, il faut qu'elle affronte une
économie qui est totalement ouverte. Alors, comment faire pour ajuster
cela? On dit que, pour avoir des paliers raisonnables à un moment
donné, il va falloir avoir une stabilisation. La loi qu'on
présente, semble-t-il, vise à cela. On est totalement
d'accord.
M. Roy (Beauce-Sud): La loi, en somme, vise, en quelque sorte,
à organiser une caisse de stabilisation. Autrement dit, je me
réfère un peu aux propos que vous avez tenus. C'est beaucoup plus
une caisse de stabilisation qu'un régime de revenu minimum garanti.
M. Roy (Léonard): Non, c'est justement. On dit que...
M. Roy (Beauce-Sud): C'est là, je pense qu'il y a une
distinction qui s'impose pour tout le monde. Il ne faudrait pas, à un
moment donné, qu'on ait l'impression, si ce projet de loi est
adopté, même avec des amendements, qu'il s'agit de
l'établissement d'un revenu minimum garanti pour les agriculteurs du
Québec. C'est une caisse de sécurité, autrement dit une
soupape qui permet de faire face à des périodes creuses. C'est
dans ce sens que...
M. Roy (Léonard): C'est cela.
D'ailleurs, en lisant les documents qui accompagnent le projet de loi,
comme le document sur la problématique qui a amené ce projet de
loi, à notre sens, ils ont très clairement établi qu'il y
avait une différence entre stabilisation et assurance d'un niveau de
revenus garantis. Il y a une différence entre cela, et c'est dans le
texte. Ce n'est pas dans le texte de loi, dans le texte explicatif.
M. Roy (Beauce-Sud): Maintenant, on sait que, dans la production
agricole, il y a des périodes où la mise en marché se
fait, à cause de notre climat et à cause du genre de notre
production agricole, sur des périodes de temps durant l'année,
alors que la consommation est répartie sur une période de douze
mois, et que cette loi de l'offre et de la demande a toujours joué
à rencontre des producteurs. A titre d'exemple, on peut prendre les
productions spécialisées comme le sucre et le sirop
d'érable. On ne produit pas sur une période de douze mois, c'est
une production de six semaines. Pour les pommes de terre, c'est la même
chose. Dans les cultures spécialisées, c'est la même
chose.
Mais derrière tout cela, il y a quelqu'un, quelque part, qui fixe
à un certain moment. Est-ce qu'au niveau du Conseil de l'alimentation,
vous avez fait des recherches, des études pour essayer de
découvrir qui, comment et en vertu de quoi les prix sont fixés,
à un certain moment, pour l'écoulement d'une production agricole?
Non pas pour l'écoulement d'une production, mais pour payer aux
producteurs agricoles. On a eu le cas du porc, on pourrait prendre le cas des
oeufs... Les oeufs, abstraction faite de Fedco, maintenant. Mais on pourrait
prendre le cas du boeuf, par exemple. Il y a quelqu'un quelque part qui fixe
les prix. Je pense que c'est là qu'est le fond du problème. Qui
fixe les prix, quand et en vertu de quoi?
M. Roy (Léonard): D'abord, dans le régime dans
lequel on vit encore une fois, parce qu'on en a hérité. Ce
n'est pas nous qui l'avons bâti, ce régime. Nous sommes nés
avec, nous vivons avec. Normalement, la stabilisation du prix,
l'égalité entre l'offre et la demande se fait au moment où
il y a un acheteur qui veut avoir quelque chose et qui veut l'avoir en telle
quantité et à tel endroit.
Mais, dans toute la chaîne, même à partir de la
production agricole jusqu'aux consommateurs, il y a des produits qui peuvent se
prêter à une plus longue conservation ou à une
spéculation, et je m'explique: Au niveau de la production agricole, la
technique nous permet aujourd'hui, comme vous le disiez pour les productions
qui sont très saisonnières, de les récolter en temps voulu
et de les conserver dans un état de fraîcheur comme si on venait
de les cueillir jusqu'à six et huit mois après et de les mettre
sur le marché. A ce moment, c'est un moyen de fixer des prix. C'est un
moyen d'empêcher une dégringolade de prix. On retient de la
marchandise. On la retient en très bon état, grâce à
la technique, encore une fois.
Tout le monde est heureux de ça, pensez aux pommes, pensez
à bien d'autres produits, alors on fait à ce moment-là, un
geste. On fait exactement ce que d'autres entreprises, dans d'autres domaines,
plus loin dans la chaîne alimentaire, peuvent faire pour des produits qui
se prêtent à la spéculation.
Il y a certains genres de produits qui peuvent être
entreposés qui ne suscitent pas de problèmes de conservation par
exemple, alors c'est évident qu'il peut arriver, dans toute la
chaîne alimentaire, qu'il y ait un secteur qui puisse conserver, durant
un certain temps, de la marchandise, dans l'espoir d'un gain. Mais même
là, l'abus dont on parle, il faudrait être bien sûr qu'on
est capable de le prouver. Il y a bien des fois que c'est conservé
précisément pour garder une stabilité dans le
marché, ça aussi.
Pour les mêmes raisons qu'au niveau précédent,
à la ferme, on a bâti des entreprôts pour garder nos
produits en bon état, six et huit mois après leur récolte;
pour la même raison dans les autres circuits et surtout les circuits de
distribution, il peut arriver qu'on conserve des aliments en entrepôt
pourstabi-liser le marché, pour éviter de tout jeter en
même temps sur le marché et de faire faire une dégringolade
de prix.
Alors, c'est pour ça qu'il est toujours très dangereux,
d'essayer d'identifier des méchants quelque part dans le portrait. Je ne
dis pas qu'il n'y a pas des gens qui peuvent profiter à un moment
donné des circonstances. Je ne l'affirme pas. Seulement je vous dis
qu'il faudrait éviter de généraliser dans ce domaine et
qu'il faudrait penser qu'il y a bien des phases qu'on peut identifier à
de la spéculation réellement malhonnête qui n'en sont pas.
Ce sont tout simplement des procédés pour conserver le produit,
de manière à stabiliser le marché, de manière
encore une fois à éviter des chutes de prix trop radicales.
Je ne sais pas si ça répond à votre question quand
vous dites qu'il doit y avoir quelqu'un quelque part qui fixe des prix.
M. Roy (Beauce-Sud): Oui, d'ailleurs ça répond,
mais ça répond en partie, M. Roy. C'est que si on se
réfère à titre d'exemple, à la situation qui a
prévalu, depuis une vingtaine de mois, dans le domaine du boeuf, on se
souvient que les prix ont commencé à augmenter de façon
démesurée alors qu'il n'y a eu de rareté nulle part. Je me
suis chargé, j'ai chargé quelqu'un de suivre ce dossier de
très près, pour essayer de savoir qui était
derrière tout cela, alors qu'il n'y a pas eu de rareté d'aucune
façon et le prix du boeuf augmentait de façon pyramidale, pour
employer un terme populaire, presqu'à chaque semaine, une escalade de
prix extraordinaire; alors que pour des raisons que tout le monde ignore, les
prix ont commencé à baisser par la suite et il a
été plus difficile dans certains milieux de s'approvisionner,
pendant que les prix étaient à la baisse, que pendant que les
prix étaient à la hausse.
Ceci fait en sorte que beaucoup de gens se posent des questions. Et si
je pose cette question, c'est parce que je fais référence
à un fait dont probablement vous vous souvenez.
Je pense q ue c'est en 1963, je travaillais dans un secteur qui
était très près de l'activité agricole, à ce
moment, il y avait eu une enquête qui avait été faite et il
avait été découvert que deux personnes fixaient les prix
du porc, le mardi, àtelle heure, de façon que ce soit
annoncé dans tous les journaux de mercredi. On avait même
nommé les personnes. Il y avait un homme, un industriel de
Montréal, spécialisé dans ce domaine, avec un haut
officier du ministère fédéral de l'Agriculture. Je me
souviens des noms, les noms étaient publics, je ne porte pas
d'accusation contre les personnes, je me réfère à des
articles qui ont paru dans des journaux, c'est un nommé Pizar-ski et M.
Bélanger qui y travaillaient et c'étaient eux qui fixaient les
prix.
C'est le point sur lequel j'accroche présentement. Je ne veux pas
partir en guerre contre les nationales, les provinciales, les
régionales, les multinationales, mais il y a quelqu'un quelque part qui
fixe des prix. Je le demande, dans une société moderne comme la
nôtre, même si c'est une société à
économie libérale, est-ce qu'on doit continuer à permettre
à des individus anonymes, mais bien organisés, de pouvoir jouer
avec des conséquences aussi graves sur l'activité
économique, les producteurs, d'une part, qui sont les victimes, et les
consommateurs, de l'autre, qui paient toujours pour les frais? Est-ce qu'on
peut continuer, logiquement, parce que vous en avez fait
référence un peu dans votre mémoire, à la page 17,
lorsque vous dites: Que l'on s'ouvre les yeux, qu'on se hâte de tirer les
conclusions qui découlent du fait que les centres de décision,
dans notre économie de marchés, ne sont plus au niveau de
l'agriculture, ni au niveau de l'industrie, mais au niveau des grands
réseaux de distribution. Vous avez ajouté ce matin que personne
ne peut changer cela. Mais si on ne peut pas changer cela, n'avez-vous pas
l'impression, à ce moment-ci vous allez me dire peut-être
que je pose deux ou trois questions dans la même qu'on continue de
légiférer sur les conséquences sans s'attaquer aux
causes?
M. Roy (Léonard): D'abord, je vous ai dit, ce matin, c'est
au texte, que le ministère de l'Agriculture du Québec a entrepris
un travail qui est très considérable et qui va avoir aussi des
effets très considérables sur la détermination des centres
de décision. Ce travail est très avancé dans le moment. Et
on peut, actuellement, savoir que, dans tel et tel domaine, c'est tel genre
d'entreprises qui, définitivement, décide du sort du
marché. Nous en avons encore passablement ici au Québec de ce
genre d'entreprises, mais malheureusement, il y en a un bon nombre dont le
contrôle nous échappe au Québec, qui sont à
l'extérieur du Québec ou même aux Etats-Unis. Quand, les
deux fois, à la fin de notre mémoire, on prie le ministre de
l'Agriculture, dans les structures à venir, de s'organiser de
manière à mettre en jeu, à impliquer ces centres de
décision que l'on connaît et q ui opèrent au Québec
et qui font de l'argent avec les gens du Québec.
C'est cela que nous avons dans l'esprit. Exactement un peu ce que vous
avez. Nous sommes sûrs qu'à ce moment-là, si
l'autorité gouvernementale du Québec les implique, on a beaucoup
de chance que ces décisions tournent à notre avantage, mais quand
je dis: Le régime des décisions qui se prennent à des
niveaux supérieurs qui nous échappent, c'est un régime
dans lequel aussi on est pris, cela fait partie du système.
M. le Président, M. le député, vous connaissez la
Bourse de Winnipeg, vous connaissez la Bourse de Chicago, vous savez
qu'à ces bourses on achète sur le système "futur", vous
connaissez cela. Vous êtes capables d'identifier ce qu'on achète
par le système "futur" à Chicago et à Winnipeg. Alors, ces
biens agricoles que l'on achète, que ce soit du blé ou que ce
soit du boeuf, qu'on achète même avant que l'ensemencement soit
fait, ne croyez-vous pas qu'à ce moment-là les gens qui jouent ce
jeu qui est très honnête ce sont des gens qui ont de
l'argent, qui prennent un risque en bourse, ils risquent d'acheter une
récolte qui n'est même pas encore mise dans la terre et de
l'acheter à tel prix. Cela se fait au vu et au su de tout le monde.
C'est légal à la bourse. Alors, quand vous vous demandez: Est-ce
qu'il y a quelqu'un qui contrôle ces choses? Je crois qu'il faut aller
jusque-là et voir que, dans le système économique normal,
légal dans lequel nous vivons, il y a toutes sortes de genres
d'opérations commerciales ou financières qui font que nous sommes
rendus à cela aujourd'hui. On achète et on spécule sur des
récoltes qui ne sont même pas encore ensemencées. Si cela
existe légalement dans notre pays et aux Etats-Unis, ne doit-on pas,
comme vous le dites si bien, se mettre à pleurer sur les
conséquences? Je ne dirais pas que ce sont les causes, mais c'est le
mécanisme qui est comme cela. Je ne sais pas si cela répond
à votre question à savoir où sont situés les...
M. Roy (Beauce-Sud): Oui, je comprends les éléments
et les réponses que vous me donnez. Si on parle du marché de
Chicago et si on parle du marché de Winnipeg, je pense qu'on parle un
peu de façon différente parce qu'au marché de Winnipeg,
c'est canadien...
M. Roy (Léonard): Oui.
M. Roy (Beauce-Sud):... il n'y a pas de frontières entre
les provinces qui sont surveillées. Alors, si on parle du marché
de Chicago, il y a quand même les douanes et les barrières. Je
pense que, sur le marché de Chicago, on a quand même un peu plus
de mots à dire qu'on peut en avoir sur le marché de Winnipeg. Je
pense que tout le monde va être d'accord là-dessus. La question
des grains de l'Ouest, ce n'est pas là-dessus surtout que je voulais
m'attarder parce qu'il y a d'autres questions qui se rattachent à cela
et cela pourrait faire l'objet d'une autre étude, parce qu'on
étudie le problème actuellement au niveau des producteurs, mais
comme nous ne produisons pas de céréales pour en faire une mise
en marché, voire même nationale, voire même sur le plan
international, c'est pour cela que je n'ai pas touché ce domaine en
particulier.
Je me suis attaqué surtout aux productions
québécoises. Prenons le domaine du lait, où il y a la
Régie des marchés agricoles actuellement, qui a fixé les
prix, je pense que personne ne s'en plaint trop. Sauf que, jusqu'à
maintenant, il y a le problème avec les associations de consommateurs
à cause du coût des intrants et ce n'est pas le débat
où je veux en venir. Il y a la Régie des marchés
agricoles, qui a quand même son mot à dire dans les prix. Si on
prend les services d'utilité publique, prenons le domaine des
transports, il n'y a pas un transporteur routier actuellement, au
Québec, qui peut fixer arbitrairement des prix sans soumettre ses prix
à une régie gouvernementale. Je ne veux pas prêcher un
dirigisme économique absolu, totalitaire.
Mais on a quand même la responsabilité de voir à
prendre les moyens qui s'imposent de façon à protéger la
population du Québec si de petits intérêts particuliers et
privés s'arrogent des pouvoirs et le droit, autrement dit, d'exploiter
ces populations.
C'est pour ça que j'étais un peu déçu quand
vous avez dit dans votre mémoire ce matin qu'on ne peut rien faire pour
ça. Ne croyez-vous pas plutôt, au contraire, qu'on devrait
s'attarder à étudier des mécanismes, des moyens, essayer
de trouver une formule par laquelle ceux qui fixent les prix actuellement
devraient être dans l'obligation de rendre des comptes à
quelqu'un. Ces gens ne rendent de comptes à personne. Je n'apprends rien
à personne en disant ça. Ces gens ne rendent de comptes à
personne et tout le monde est pris.
M. Roy (Léonard): Dans les secteurs que vous avez
nommés, précisément les secteurs laitiers, c'est du
dirigisme qui se fait dans le moment. Il se fait par Québec pour ce qui
est du lait de consommation, il se fait par Ottawa pour ce qui est du lait
industriel. Il y a eu un certain équilibre qui a été
établi et je ne crois pas qu'actuellement vous ayez personne devant
vous, dans les milieux industriels, qui se plaigne de cette situation, loin de
là, parce qu'il y a de la stabilité. Dans les autres domaines,
j'ai l'impression que la force des circonstances nous conduit, il y a un
cheminement vers une plus grande réglementation dans les oeufs et dans
la volaille qui se fait grâce aux plans conjoints, mais nous, c'est
ce
que nous avons dit ce matin, au lieu de régir l'offre, on
voudrait qu'on aille plus loin que l'offre et qu'ensemble, on puisse
développer des marchés pour ces produits ou des produits
dérivés de ces produits de base.
C'est ainsi qu'on voit que la question de contrôler les prix est
une manière de parler parce que, souvent, je le dis à mes gens,
on est déjà dedans jusqu'au cou. Mais il s'agit tout de
même de ne pas stériliser les efforts, de ne pas faire mourir
l'ambition qui est donnée par l'appât du gain dans tous les
secteurs, que ce soit la production agricole, la transformation, ne pas
stériliser cet appât du gain qui nous permettrait de
développer les marchés.
Je ne sais pas si on peut dire: II y a telle et telle personne, dans la
province de Québec, qui, actuellement, jettent la population agricole
dans le marasme. Je crois que ce serait peut-être trop simplifier le
problème, M. le ministre. D'un autre côté, je vous dis que
nous sommes très rassurés de voir que le ministère de
l'Agriculture, par ses études sur les centres de décision, est en
train de nous montrer où ils sont et, une fois que nous allons les
connaître, nous allons essayer de les mettre en jeu, convaincus que,
lorsqu'on est en dedans, c'est encore bien mieux que de les laisser, en dehors,
faire ce qu'ils veulent. Au moins, avec nous, tous ensemble, on pourra
peut-être faire quelque chose de valable.
M. Roy (Beauce-Sud): Maintenant, comment verriez-vous une
politique gouvernementale qui verrait à garantir des prix minimaux
à certaines productions agricoles? Je fais référence,
à ce moment-là, au salaire minimum. Il y a une loi, dans le monde
du travail, qui a déterminé un salaire minimum, auquel tous les
employeurs, quels qu'ils soient et où qu'ils soient, doivent se
soumettre, de façon que, dans des périodes de chômage, des
périodes creuses comme nous en avons là, les travailleurs ne
soient pas exploités indûment et que tout le monde soit tenu de
leur payer un'salaire minimum.
Ne verriez-vous pas qu'il y ait possibilité, à un moment
donné, dans le domaine agricole, dans certaines productions
particulières, qu'il y ait des prix minimaux fixés? Est-ce que ce
serait une chose possible, selon vous?
M. Roy (Léonard): D'ailleurs, vous le faites
déjà, je le répète, dans tout le domaine laitier.
Cela se fait déjà. Dans les autres domaines, qui sont aujourd'hui
des domaines non régis, évidemment, vous êtes en plein
marché ouvert, c'est assez difficile de dire: On va fixer un prix
minimum, parce que vous ne connaissez pas les conjonctures six mois d'avance.
Il peut arriver que le niveau que vous allez fixer ce soir, dans trois ou
quatre mois, soit un niveau qui tue l'agriculture du Québec ou des
secteurs comme la volaille ou n'importe quel autre genre de production.
C'est tellement erratique. C'est pour cela que le gouvernement veut une
loi de stabilisation. Nous, on croit que le plus loin qu'on puisse aller dans
le moment, c'est de combler, par des coussins, ces pointes et ces creux, de
tâcher d'avoir une stabilité relative dans les revenus des
producteurs, quitte à ce que, concomitamment à cela, on
s'organise tous ensemble pour tâcher de développer des
marchés progressifs pour nos produits agricoles. C'est comme cela que
nous voyons cela.
M. Roy (Beauce-Sud): Je suis bien d'accord sur tout cela. Je vous
remercie des réponses que vous nous avez données, mais, M. le
Président, on me permettra quand même une réflexion
à ce moment-ci. Si on ne fait pas en sorte de déranger quelque
peu les lois du marché ou les habitudes actuelles des grandes
chaînes d'alimentation... D'ailleurs, nous en avons parlé à
maintes et maintes reprises. Quand j'écoute des émissions de
télévision françaises, qui sont diffusées dans tout
le territoire du Québec, et qu'on recommande, que certaines personnes
qui sont spécialisées dans l'art culinaire recommandent: Allez
à votre magasin et achetez du boeuf de l'Ouest! On commence par leur
dire cela à nos émissions de télévision.
Je pense, M. le Président, que c'est tout le problème dans
son ensemble qu'on devrait examiner. On devrait l'examiner dans tous les
secteurs. Il y a un autre secteur et je veux attirer l'attention du
ministre là-dessus, parce que la Chambre ne siégeant pas
actuellement, je ne le peux pas; avec la permission du président
tout un secteur, le secteur des produits de l'érable.
Il y a 2.5 millions de livres de sirop d'érable dans la
région de l'amiante, dans la région des Bois-Francs, dans la
région de la Beauce qui ne sont pas vendus, et la récolte va
commencer dans deux semaines. On ne peut pas en trouver sur le marché,
ou à peu près pas. On me dit qu'il y en a plus de 2.5
millions.
On a justement un point et il n'est pas question de frontière. Il
n'est même pas question de province, de conflit interprovincial, mais il
n'y en a pas sur le marché. Qu'on aille dans certaines grandes
chaînes d'alimentation, on n'en trouvera même pas une livre.
M. Toupin: J'espère que les producteurs ne refusent pas de
vendre leur sirop?
M. Roy (Beauce-Sud): Non, mais c'est le mécanisme qu'ils
demandent. Je dis qu'il y a une action gouvernementale qui s'impose. Si je me
réfère et je vois qu'il y a un député qui a
voulu me rappeler à l'ordre on prend la Loi de stabilisation des
prix des produits agricoles. Dans le cas des productions qui ne sont pas
vendues, que les agriculteurs ont sur les bras, qu'est-ce qui se produit?
M. Toupin: Je pense qu'il faut distinguer les problèmes.
Il faut distinguer un problème de revenu agricole et un problème
de marché.
M. Roy (Beauce-Sud): Cela va tout ensemble.
M. Toupin: Non, il faut les distinguer, parce que ce sont des
solutions bien différentes qui peuvent s'appliquer.
M. Roy (Beauce-Sud): D'accord.
M. Toupin: Parce que, dans le domaine des marchés, je ne
peux pas forcer un consommateur à manger du siropd 'érable s'il
ne veut pas en manger.
M. Roy (Léonard): C'est exactement cela.
M. Toupin: C'est très simple. Il faut bien que je joue
avec les lois du marché. Dans le domaine des revenus, c'est une autre
chose. C'est que la question que vous posiez tantôt à M. Roy
trouve sa réponse dans les discussions d'aujourd'hui. Vous avez, devant
vous, une sorte de projet de loi qui pourrait s'appeler la loi de
l'assurance-chômage des producteurs jusqu'à un certain point. Il y
a une sécurité de revenu minimal, c'est-à-dire celle qui
va garantir au moins les coûts de production. C'est cela que
prévoit le projet de loi.
M. Roy (Beauce-Sud): Mais qui ne dérange personne.
M. Toupin: Ecoutez, est-ce que c'est nécessaire de
déranger tout le monde pour régler un problème?
M. Roy (Beauce-Sud): Je pense qu'il y a des agents en
économie qui ont des responsabilités, qui n'ont pas seulement que
des droits...
M. Toupin: Oui.
M. Roy (Beauce-Sud): ... mais qui ont des devoirs. Je pense qu'il
y a une action dynamique, énergique de la part d'un gouvernement...
M. Toupin: Oui, mais il ne faut pas se...
M. Roy (Beauce-Sud):... qui voit à prendre ses
responsabilités dans ce secteur de façon, justement, à
s'organiser pour que, dans la loi, comme sur tous les plans, dans tous les
secteurs, les agents de l'activité économique jouent leur
rôle. Il y a probablement, non seulement probablement, mais il y a des
politiques gouvernementales qui deviennent nécessaires à ce
moment.
Si on prend, par exemple, le cas du boeuf. Je n'irai pas engager ici un
dialogue avec le ministre à ce niveau, mais rencontrons les
propriétaires des abattoirs au Québec pour savoir le
problème majeur qu'ils rencontrent. Même si on double, si on
triple, si on quadruple la réglementation actuelle, qu'est-ce que vous
voulez? Vous avez de grandes chaînes d'alimentation qui ont 65% ou 70% du
marché québécois et le marché est fermé.
Qu'on ait des assurances de stabilisation ou autres, qui va acheter les animaux
du Québec?
M. Toupin: II faut faire une distinction entre un problème
de revenu agricole et un problème de marché. Je pense que M. Roy,
tantôt, a donné une précision assez claire
là-dessus. Il y a actuellement des centres de décisions au Canada
et au Québec.
M. Roy (Beauce-Sud): Et ailleurs.
M. Toupin: Ailleurs aussi.
M. Roy (Beauce-Sud): C'est ailleurs qui mène.
M. Toupin: Ce sont des centres de décisions qu'il faut
influencer. Quand le député de Beauce-Sud veut influencer quelque
part, il prend les moyens pour le faire. C'est la même chose.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Verchères.
M. Roy (Beauce-Sud): Merci, M. Roy!
M. Ostiguy: M. Roy, j'ai seulement une courte question. J'ai
remarqué, tout au long de votre mémoire et de votre exposé
que vous semblez jeter plutôt le blâme sur le réseau de
distribution vis-à-vis de l'augmentation des coûts de
l'alimentation plutôt qu'entre le producteur et l'intermédiaire.
Vous nous avez, à plusieurs reprises, parlé du réseau de
distribution qui semble profiter, si vous voulez, d'un certain coût qui
serait trop élevé.
La question que je me pose et que je vous pose, c'est que vous ne pensez
pas, vous autres, en tant que représentants des manufactures, que tous
ces mets cuisinés, ces "TV. dinner", tout cet empaquetage moderne, ce
qui est un attrape-l'oeil pour le consommateur, cela a fait augmenter aussi les
coûts de production qui se situent, bien sûr, entre le producteur
et le consommateur?
M. Roy (Léonard): M. le Président, M. le
député, je suis très heureux que vous souleviez ce point.
D'abord, je serais très malheureux si le texte portait à croire
que nous mettons un blâme sur les réseaux de distribution. Ce
n'est pas cela, nous sommes loin de mettre un blâme. Notre souci a
été d essayer de voir avec vous autres les faits. On vous a dit,
à la lumière de ce qu'on sait maintenant en provenance des
études qui ont été faites par le gouvernement: Ne cherchez
plus les centres de décisions à l'Agriculture, ne les cherchez
plus à l'UPA, ne les cherchez plus à la Coopérative
fédérée, ne les cherchez plus dans les grandes
corporations, ils ne sont pas là, les centres de décision, ils
sont dans les chaînes de distribution. On ne vous a pas dit qu'on les
blâmait. Par l'économie, par le jeu normal de l'économie,
il est arrivé que ce sont eux qui décident pour tout le monde en
descendant. C'est ma première remarque.
Deuxième remarque: Si, demain matin, devant le problème de
la Beauce, le problème du sucre d'érable, du sirop
d'érable, on avait la chance, si les responsables disaient: Cela n'a pas
marché, la vente du sirop d'érable, avec le régime des
plans conjoints, nous allons essayer une autre formule et si on avait la
chance, à ce moment, de dire: La nouvelle formule, on se met ensemble,
tous ceux qui sont intéressés dans la commercialisation du sirop
d'érable, c'est un produit de chez nous, on est bien bête de ne
pas en tirer tout le profit possible, on se met ensemble pour la production et
la transformation, qu'est-ce qu'on va faire, M. le député, en
premier lieu?
Je fais appel à votre expérience parce que vous avez
oeuvré dans le domaine du cidre de pomme, par exemple. Quelle est la
première chose qu'on va faire? On va essayer de trouver comment le
vendre, comment le présenter d'abord.
On va regarder la qualité intrinsèque de ce sirop. On va
voir s'il n'y a pas d'autres moyens de le présenter que sous la forme
ordinaire du sirop ou du sucre. On va trouver des produits
dérivés de cela. Ensuite, on va dire: II faut l'habiller.
Probablement qu'il ne se vend pas parce qu'il est mal habillé, ce
produit, il est mal présenté. Il est en trop grosse
quantité. Ce serait peut-être mieux d'avoir un autre genre de
portion pour le faire entrer dans les "snack-food" excusez l'expression
anglaise, mais cela dit cela plutôt que de le faire entrer pour
faire des repas d'hôtel. Il y a toutes sortes d'avenues qu'on va explorer
pour pouvoir lancer le produit qui s'appelle le sirop d'érable. A ce
moment, on est obligé de prendre les formules de marketing qui, sur le
marché nord-américain, s'avèrent les plus efficaces.
En passant, je vous fais remarquer qu'au ministère de
l'Agriculture, il y a une équipe formidable de ce côté qui,
à coeur de semaine, essaie de trouver des moyens nouveaux pour stimuler
la vente, la mise sur le marché de nos produits du Québec. Or,
qu'est-ce qu'elle fait après tout? Elle essaie d'emprunter ailleurs les
formules qui ont donné le meilleur résultat. On essaie de mettre
cela au service de nos produits.Alors, au bout d'un an, qu'est-cequ'on va avoir
fait? On va s'être embarqué probablement dans quelques
procédés de commercialisation un peu plus coûteux. On va
avoir peut-être un empaquetage qui va être un peu plus dispendieux.
Pourquoi va-t-on avoir cela? Parce qu'il a fallu, à un moment
donné, prendre place sur le marché. Vous savez, il ne faut pas
rêver en couleur. Excusez, si je vous fais cette remarque. Penser qu'on
va faire du commerce comme on le faisait il y a 50 ans, c'est impensable
aujourd'hui. Qu'il y ait de l'exagération dans la manière de
faire la commercialisation, d'accord. Il s'agit d'écouter une heure la
télévision et la radio pour s'en rendre compte. C'est un fait, on
nous le dit de plus en plus, chez ceux qui mettent la main à la
pâte et qui veulent vendre ces produits. Encore une fois, cela me fait
plaisir que cela vienne de vous. Pensez à ce que j'appelle
l'épopée du cidre de pomme dans la province de Québec.
Qu'est-ce qu'il afallu faire pour pouvoir le lancer et le stabiliser? Il a
fallu emprunter des formules qui sont coûteuses.
M. Ostiguy: II fallait d'abord produire un cidre de
qualité.
M. Roy (Léonard): De qualité, oui. Après
cela, il fallait le rendre à la portée du consommateur. Cela se
traduit par des contenants. Cela se traduit par de la publicité. Cela se
traduit par différentes méthodes. Or, j'ai pris l'exemple du
sirop d'érable précisément, à l'intention du
député de Beauce. S'il se posait la question: Pourquoi ce sirop
ne se vend-il pas? Peut-être qu'il aurait une réponse
lui-même. Je n'ai pas besoin de la lui donner.
M. Roy (Beauce-Sud): II y a bien des raisons.
D'ailleurs, si vous me demandez de vous donner une réponse, si le
président me le permet, il y a le fait...
Le Président (M. Houde, Limoilou): Une courte
réponse.
M. Roy (Beauce-Sud): Une courte réponse. Je pense que
c'est la plus grande réponse qu'on peut donner actuellement pour
l'examiner dans son ensemble, parce que c'est un marché qui allait vers
les Etats-Unis. Il y a eu des années d'abondance et il y a eu des
difficultés de vente. Les producteurs ont dû garder leurs produits
chez eux pendant un certain nombre de mois. L'année suivante, ces gens
n'ont pas entaillé leurs érablières. L'année
suivante, il y a eu des périodes de rareté de produits. Les
organisations, les commerces américains qui achetaient le sirop
d'érable ont été obligés de se présenter
devant le gouvernement américain pour faire modifier la Loi des aliments
pour tâcher de pouvoir augmenter le pourcentage de
succédanés dans le sirop d'érable.
M. Roy (Léonard): C'est cela l'affaire.
M. Roy (Beauce-Sud): Chaque fois que la loi a été
amendée à cause d'une rareté, lorsque la période
d'abondance est revenue l'année suivante ou deux ans après,
jamais la loi n'est revenue à son point de départ. Or, s'il y
avait eu au Québec des entrepôts pour entreposer les surplus
pendant que nous avions des surplus, nous aurions été en mesure
d'alimenter régulièrement chaque année les marchés
que nous avions aux Etats-Unis. A ce moment, il aurait fallu l'intervention
gouvernementale, parce que les producteurs et les coopératives n'avaient
pas les moyens de supporter seuls ce fardeau. Cela en est un exemple. On m'a
demandé une réponse, c'en est une réponse que je donne.
Actuellement, vous avez le même phénomène qui se
présente vis-à-vis de certains marchés internationaux qui
pourraient être développés, parce qu'il n'y a pas de
garantie d'approvisionnement, Alors, ceux qui ont des capitaux n'osent pas les
risquer. Il faut l'intervention du gouvernement à ce sujet. S'il y avait
des entrepôts pour entreposer les surplus, à ce moment, les
industriels, les nommes d'affaires, l'entreprise privée pourraient avoir
la certitude de pouvoir s'entreposer et pouvoir faire en sorte au niveau des
dépenses, de l'amortissement de capital et autres, d'être capables
d'organiser une mise en marché rationnelle sur une base annuelle. Si on
prend la production du sirop d'érable, entre autres, et qu'on fait une
comparaison entre la production annuelle pour chaque période de cinq
ans, il n'y a pas de différence entre cinq années par rapport
à cinq autres années.
Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre!
M. Roy (Beauce-Sud): Vous avez des différences d'une
année par rapport à une autre.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Une courte
réponse.
M. Roy (Beauce-Sud): On m'avait demandé une réponse
et je vous ai donné une réponse complète, M. le
Président. Merci, j'avais fini.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Verchères.
M. Ostiguy: C'est une grande réponse, mon cher
collègue.
M. Roy (Beauce-Sud): Quand même, je pense que c'est
important pour tout le monde que cela se sache.
M. Ostiguy: De toute façon, pour revenir à mon
réseau de distribution, bien sûr M. Roy, vous nous parlez du
sirop, du sucre, du cidre, des oeufs, mais les oeufs se vendent aujourd'hui
comme ils se vendaient il y a 15, 20 ans. Mais là où je trouve
qu'il y a une différence et où il y a vraiment une augmentation
dans le coût vis-à-vis des aliments, c'est dans le boeuf, par
exemple, et le poulet, qui eux, subissent un empaquetage bien spécial,
et je me plais, si vous voulez, personnellement, à aller dans des
grandes chaînes de magasins ou même dans des petits magasins, de
petites épiceries ou des petites boucheries, à voir de quelle
façon l'empaquetage des aliments est fait. C'est bien sûr que cela
a eu pour but de faire augmenter, vous l'avez mentionné vous-même
tout à l'heure. Je me demande, vis-à-vis de la situation qu'on
connaît actuellement dans le monde entier presque, il y a de l'inflation
partout, si on ne devrait pas songer à revenir à un
système plus économique vis-à-vis de la distribution,
surtout du boeuf, du poulet. Je pourrais en nommer d'autres. Il y a tellement
de catégories d'aliments. Revenir peut-être à la formule
des oeufs. Les oeufs, c'est toujours dans une boîte de carton, une
douzaine d'oeufs. Vous parliez du cidre tout à l'heure. Bien sûr,
j'ai mentionné que d'abord il fallait faire de la qualité, avoir
une présentation dans une bouteille, mais c'était la
qualité d'abord. Le boeuf, je ne dis pas parce qu'il est
empaqueté dans un empaquetage individuel que la qualité n'est pas
aussi bonne, elle est peut-être même supérieure; c'est
peut-être une question de salubrité. Mais il reste quand
même que cela coûte de l'argent. Cela fait augmenter les
coûts. Il y a le producteur, qui est le cultivateur et il y a le
consommateur, et lui...
M. Roy (Léonard): Etes-vous prêt, comme
législateur, à intervenirsur les habitudes alimentaires de la
population?
M. Ostiguy: Ce n'est pas au législateur à faire
cela. C'est plutôt au manufacturieret aux centres de distribution, je
pense.
M. Roy (Léonard): Bon! Je vais vous donner un exemple
précisément dans le sens de celui que vous venez de soulever.
Vous parlez de la viande. D'accord! Vous parlez aussi de la volaille.
M. le député, vous êtes conscient, chez vous
même, dans votre patelin, à une heure et demie de la nuit,
après avoir passé une soirée à jouer aux cartes,
n'importe quoi, on appelle Saint-Hubert Bar-B-Q. Vous connaissez ce
phénomène? Bon! On se fait livrer, à la maison, du poulet
dodu, tout prêt à manger. Vous savez quel prix vous le payez. Vous
savez aussi quel prix ce poulet a donné au cultivateur, le premier dans
la chaîne d'alimentation. La différence, M. le
député, c'est vous qui l'avez créée.
M. Ostiguy: D'accord, M. Roy! Là-dessus, d'accord!
Attention, je ne touche pas... M. Roy, cela ne touche pas le panier du
consommateur, par exemple. Cela est un luxe. Si je veux me faire venir un
poulet...
M. Roy (Léonard): Non.
M. Ostiguy:... après avoir joué une bonne partie de
carte, une veillée avec des amis, c'est un luxe.
M. Roy (Léonard): Oui.
M. Ostiguy: Je pense toujours au panier...
M. Roy (Léonard): D'accord!
M. Ostiguy: ... du consommateur.
M. Roy (Léonard): J'ai voulu faire une blague.
M. Ostiguy: D'accord!
M. Roy (Léonard): Mais il y a des millions d'individus, ce
soir, dans la province de Québec...
M. Ostiguy: D'accord!
M. Roy (Léonard): ... ou après une partie de
hockey, vont faire la même chose que j'ai dite. Ces gens ne seront pas
conscients, à ce moment, que par une attitude, un caprice absolument
exagéré de la population, de notre manière de vivre, de
notre art de bien manger quand on veut et tout ce qu'on veut, on suscite un
ensemble d'opération je n'ai pas besoin de faire le dessin
entre le petit poulet qui a été livré à telle heure
par un grossiste, vous avez eu les cuisiniers qui sont derrière le
fourneau 24 heures par jour obligatoirement; vous avez les séries de
camionnettes à la porte qui attendent; il y a de l'essence
là-dedans; il y a la dépréciation et des salaires de gars
qui travaillent aux heures anormales. Vous savez ce que cela veut dire. A part
de cela, tout cela pour attendre votre téléphone qui peut aller
jusqu'à trois heures dans la nuit.
M. Ostiguy: M. Roy, encore une fois...
M. Roy (Léonard): Alors, vous savez qu'on a beau... Moi,
c'est la question que je pose à tous ceux qui veulent faire des lois ou
réglementer les habitudes de nos gens. Si on vous disait, demain matin,
dans un autre domaine: Les dépenses qu'on fait pour le sport, le sport
assis, le sport sur son derrière, c'est inoui, et pour une raison de
bien-être social, vous décideriez demain matin que c'est fini,
cette folie. On va arrêter cela. Allez-vous réellement avoir le
courage d'aller au bout?
M. Ostiguy: M. Roy, vous vous êtes éloigné un
peu...
M. Roy (Léonard): Non, non. Je ne m'éloigne pas du
tout...
M. Ostiguy: ... du panier de nos consommateurs.
M. Roy (Léonard):... parce que c'est notre attitude. C'est
notre mode de vie. Le poulet Bar-B-Q et le Forum et la manière dont vous
rentrez vos provisions à la maison, la caisse de bière, tout cela
va dans le même genre de choses. Mais quand j'entends des gens qui
veulent laisser entend re qu'on va changer les habitudes alimentaires des
individus, vous savez, je ne veux pas dire que je vais m'esclaffer de rire,
parce que ce ne serait pas poli, mais il y a toujours des limites de vouloir
penser... D'ailleurs, cela ne s'adresse pas surtout à vous autres, les
députés. Loin de là. Cela s'adresse surtout aux activistes
qui, dans certains champs actuellement, veulent faire croire qu'on peut faire
cela. Ils prétendent parlerau nom de 100,000, 500,000, un million
d'individus.
Je ne sais pas s'il y en a 125 qui les suivent. Je me permets de glisser
cela en passant, parce que c'est justement cette affaire-là. On se pose
comme les réformateurs qui ont décidé que les gens vont
finir d'aller au Forum, vont finir de manger du poulet de gril,
n'achèteront plus leur bière. Regardons donc notre cheptel dans
la province de Québec. Il veut cela, puis je n'ai pas encore vu le gars
qui est né pour changer cela. C'est bien de valeur, mais...
M. Ostiguy: Encore une fois, M. Roy, lorsqu'on fait le calcul des
statistiques du coût d'un panier au consommateur, ce n'est pas
calculé, ce n'est pas entré.
M. Roy (Léonard): Non.
M. Ostiguy: Lorsqu'on calcule le coût du panier d'un
consommateur, c'est ce qu'il achète à la boucherie ou à
l'épicerie ou à la chaîne, en tout cas peu importe
l'empaquetage dispendieux. C'est à se demander quand même
et peut-être que vous devriez être les instigateurs de ce projet
si on ne devrait pas tenter de changer justement nos coutumes.
En Europe, par exemple vous parlez de livraison si vous
allez en France, à Paris, il n'y en a pas de livraison, vous essayez de
vous faire venir un poulet de gril à Paris, il n'en est pas
question.
M. Roy (Léonard): Permettez que je vous apporte un exemple
bien pratique. Au moment où l'on parle, dans le secteur laitier, on est
en train de changer tous nos contenants au système métrique, de
manière à être prêt, le 1er juillet 1976, au
système métrique. Savez-vous qu'à ce moment-là, on
s'est rendu compte que, dans des quantités qui sont en bas de 10 onces,
on a recensé des quantités qui étaient des
fractions 27 grandeurs de contenants dans les inventaires, soit dans les
fromages qu'on vend dans n'importe quelle quantité, des portions de
fromage. Je vous mets au défi. Regardez, chez vous, ce soir dans le
garde-manger, du fromage importé, du fromage qu'on fait ici en petites
portions, puis regardez les quantités. C'est inouï.
Dans les fromages, les portions de crème glacée, les
yogourts, il y avait 27 quantités différentes, on change cela
pour sept. On profite du changement au système métrique pour
vider les inventaires qui sont trop coûteux, qui finissent par être
des coûts qu'on impose en plus aux consommateurs. On va laisser tomber
une quantité de contenants qui sont devenus de la folie furieuse
après tout, parce que c'est le résultat de quoi cela? C'est le
résultat de la concurrence. Quelqu'un pour avoir un contrat arrive et
dit: Moi, je vais vous fournir la même matière, mais dans un
contenant d'une once de moins. Vous savez, c'est ça l'affaire.
Alors on arrive avec une législation, avec des ordonnances du
gouvernement, on va avoir un nombre très limité de contenants, de
manière que ce soit économiq ue dans nos opérations et
dans nos inventaires. Cela est un exemple qui vous montre que nous sommes
conscients de cela. Mais, nous aussi, il faut se défendre d'un
système dans lequel on a été pris comme dans un engrenage
et, là, on le fait de notre mieux.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
d'Iberville.
M. Tremblay: M. le Président, j'allais enchaîner en
disant qu'ils avaient procédé de la même façon pour
les tubes de pâte à dent, il y a deux ou trois ans. Trois
questions bien courtes. Tout d'abord, M. Roy, quelle est la proportion, en
pourcentage, des produits importés vendus au Québec par
l'ensemble des membres de votre conseil? Est-ce que c'est une question qui
demande trop de...
M. Roy (Léonard): Non.
M. Tremblay: Vous avez huit associations différentes de
fournisseurs, de grossistes, détaillants, manufacturiers. Vous avez deux
conseils, un de salaison et l'autre d'industrie laitière.
M. Roy (Léonard): Je vais vous répondre à
cela très vite aussi. Si vous regardez un panier de provisions dans
l'allée d'un magasin cet après-midi. Dans ce panier, il y a
environ 50% de produits qui sont faits avec des matières
premières agricoles provenant du Québec, 50%.
M. Tremblay: 50%.
M. Roy (Léonard): Mais, si vous prenez les produits, par
exemple, qui sont manufacturés au Québec, qui donnent de l'emploi
au Québec, mais manufacturés avec de la matière
première agricole venant de l'extérieur, vous n'arrivez
même pas à 40%, je dirais, moi, en bas de 40% de produits
provenant réellement du Québec. Alors, votre question, à
savoir ce qu'on importe, je vous la donne sous une image qui est beaucoup plus
frappante, parce
qu'encore une fois, il y a le chiffre exact, le gouvernement du
Québec parle toujours qu'on est autosuffisant en moyenne à 60%.
Moi, je fais cette distinction, 50/50 lorsque ce sont des produits dont la
matière première vient du Québec, mais lorsque la
matière première vient de l'extérieur, mais
manufacturée au Québec à mon sens, moi, vous n'avez
même pas les 40%.
M. Tremblay : Comme Conseil de l'alimentation, votre
préoccupation première sans doute cela en est une de
celles-là du moins est de voir à ce que cette situation se
corrige davantage et finisse par arriver, par exemple, à ce que, dans le
même panier de provisions, un bon jour, nous aurions réellement
75% de produits...
M. Roy (Léonard): 75%, 78%, selon nous.
M. Tremblay:... dont la matière première est le
produit fini...
M. Roy (Léonard): Québec.
M. Tremblay: Bon. Afin d'arriver à cet objectif, vous nous
avez parlé beaucoup aujourd'hui, cela a été fort
intéressant, personnellement, je vous en remercie, vous nous avez
donné beaucoup de choses pour nous instruire sur la matière, mais
en plus de tout ce que vous avez élaboré devant nous en
suggestions bien constructives, évidemment, il n'y a pas de formule
magique, mais il y a certainement moyen d'améliorer la situation avec,
non seulement les moyens du bord, mais les moyens rationnels dont vous
disposez, ainsi que l'UPA, l'Association des consommateurs, et le
ministère de l'Agriculture. Tout cela peut se coordonner comment? Cela
m'amène à vous poser la question: Quel est le genre de relations
et de consultations qui existent entre votre conseil qui est extrêmement
important au Québec... je n'aurais jamais pensé, que cela avait
une valeur telle que celle que vous avez mentionnée ce matin, en chiffre
d'affaires, $3.2 milliards, alors cela veut dire que vous détenez une
clé importante de l'économie québécoise... Alors,
il est primordial que le Conseil de l'alimentation du Québec travaille
peut-être beaucoup dans le moment, mais en fasse davantage.
La question, je vous la pose de nouveau. Quel est le genre de
consultations et de relations que vous avez avez l'UPA. le ministère et
les consommateurs?
M. Roy (Léonard): Nous rencontrons d'une façon
régulière, statutaire, l'UPA dans plusieurs comités
consultatifs rattachés au gouvernement, au ministère de
l'Agriculture et aussi dans certaines sociétés, comme par
exemple, le Centre de promotion de l'industrie agricole alimentaire, dans
lesquelles le conseil d'alimentation et l'UPA sont partenaires à part
entière avec le ministère de l'Agriculture, dans une entreprise
de promotion pour la vente des produits agricoles du Québec, les
produits agro-alimentaires du Québec. Au point de vue relations
humaines, vous savez que, personnelle- ment, je crois compter que de bons amis
à l'UPA. Evidemment, nous avons chacun à défendre des
points de vue. Moi, je dis qu'en autant qu'on le fait honnêtement, il n'y
a rien qui puisse briser notre amitié là-dessus. De ce
côté, nous sommes loin d'être des gens
séparés, nous nous rencontrons pour échanger, simplement,
mais pas suffisamment, premièrement.
Avec le ministère de l'Agriculture, je l'ai dit tout le long de
notre texte, ce matin, et même au risque de passer pour faire de la
forfanterie, il reste que de fait, nous nous sentons, actuellement, comme des
partenaires très bien reçus par ceux qui orientent l'agriculture
du Québec. Nous sommes consultés, nous sommes dans des
comités. Nous avons accès à certains documents pour
tâcher de travailler ensemble, développer, apporter une
collaboration pratique. Nous ne faisons pas de politique, nous ne courons pas
les conférences de presse, nous travaillons, dans l'ombre, mais à
bâtir quelque chose. Avec le ministère de l'Agriculture, dans le
moment, nous avons l'impression, de ce côté, que nous avons fait
beaucoup plus que l'an passé. Nous en sommes très satisfaits.
Nous disons, cependant, qu'il faudrait, encore une fois, conserver le
mécanisme qui fait que les cultivateurs, à un moment
donné, doivent faire un arrêt et faire un effort pour avoir ce
qu'ils ont besoin d'avoir. On accepte tout cela, cela veut dire par la formule
syndicaliste, l'épreuve de force, la négociation, il faut faire
cela. Mais une fois qu'on l'a fait, on voudrait qu'on prenne le reste de
l'année, avec le ministère de l'Agriculture, pour bâtir
ensemble. C'est cela, quand je dis dans le texte: Impliquez donc au plus
tôt impliquer, cela veut dire les compromettre, les mettre dans le
bain les entreprises alimentaires du Québec dans toute grande
politique. C'est cela qu'on veut dire. On est prêt, on veut travailler,
mais on veut travailler sur des choses qui débouchent vers quelque
chose, pas travailler pour des choses qui restent dans l'air.
M. Tremblay: Est-ce que c'est, en somme, la synthèse de la
réflexion de votre collègue après la session de ce matin
qui disait: Cela prend une commission? Voulez-vous élaborer un peu
là-dessus?
M. Roy (Léonard): II faudrait préciser ici,
peut-être, ce que mon collègue, M. Berthiaume, avait dans la
tête. Il vous parlait des mécanismes qui, en plus des plans
conjoints, pourraient être des mécanismes valables pour faire de
la mise en marché, il référait à des gens, par
exemple, des commissions mixtes de vente, comme il y en a en Ontario, dans les
autres provinces, aux Etats-Unis et dans le marché commun, ou des
sociétés d'intérêts mixtes, entre autres, comme il y
en a en France, qui s'adaptent très bien à toutes sortes de
modalités de mise en marché par produit. C'est cela qu'il avait
à l'esprit, avoir des commissions où vous mettez dans le bain
tous ceux qui ont intérêt à essayer de développer un
marché, depuis le producteur jusque... Moi, je n'ai aucune objection
même à inclure là-dedans les consommateurs, pour autant
qu'on puisse trouver des consommateurs qui représentent des corps
représentatifs. Vous savez, c'est notre problème dans le
moment, cela aussi.
Il faut dire les choses telles qu'elles sont. Je crois même que le
gouvernement actuel fait des travaux là-dessus parce qu'il arrive que je
siège à certaines commissions où il en est question. Le
problème est de trouver actuellement à établir le
caractère représentatif des organismes qui se disent
défenseurs des intérêts des consommateurs, pour
précisément qu'ils deviennent des interlocuteurs valables envers
les organismes du gouvernement et les autres secteurs de la
société. Nous n'avons aucune objection que, dans les organismes
comme ceux-là, le consommateur comme tel, bien représenté,
bien structuré, fasse partie à part entière d'organismes
de ce genre-là.
M. Tremblay: Je vous remercie, M. Roy.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Lafontaine.
M. Léger: M. le Président, je voulais seulement
poser une question au ministre. A la suite de plusieurs affirmations de M. Roy
qui parlait souvent d'une étude sérieuse du ministère qui
se faisait sur les centres de décision, est-ce que le ministre peut nous
dire si cette étude est en cours, si on peut avoir des "progress
reports" ou des rapports intérimaires? Comment sont faites ces
études sur les centres de décision?
M. Toupin: Non seulement on a des "progress reports", mais si
vous avez suivi un peu les documents que le ministère de l'Agriculture a
rendu publics depuis à peu près six mois, vous avez trouvé
un document à peu près ça d'épais qui s'appelle:
Plan intégré agro-alimentaire. Vous allez trouver cela
là-dedans.
M. Léger: C'est là-dedans que vous avez les
réponses aux études que vous avez faites, mais qui ne sont pas
terminées?
M. Toupin: C'est-à-dire que vous avez là
l'esquisse. On détermine les principaux centres là-dedans, les
principaux endroits, là où on doit agir. Il reste maintenant
à appliquer cela programme par programme, dans les différents
secteurs, comment on peut agir. Si on prend le secteur routier, on a agi avec
une politique de regroupement, on a agi également au niveau... La
régie agit également avec les industriels en diminuant le nombre
de contenants.
M. Roy (Léonard): C'est cela.
M. Toupin: Tantôt on aura à discuter du
règlement des abattoirs. Vous allez trouver là-dedans encore des
idées qu'on a émises dans le plan agroalimentaire et on
débouchera peut-être aussi dans ce domaine avec des politiques de
regroupement, des politiques d'amélioration pour qu'on puisse
présenter un meilleur marché, surtout autour de pôles de
croissance. Vous allez trouver aussi dans ce document des centres de
décision dont parlait M.
Roy et vous allez vous rendre compte très facilement, en lisant
le document, qu'on ne peut pas vendre du sirop d'érable quand les
consommateurs ne veulent pas en manger. Si on veutqu'ilsen mangent, il faut
changer le produit, il faut changer la forme de présentation.
M. Léger: II faut dire que le consommateur accepte ou
acquière des habitudes très souvent...
M. Toupin: Qu'on veut bien lui vendre.
M. Léger:... imposées par le fait q ue la
publicité ou les gens qui veulent vendre créent des besoins qui
n'existent pas nécessairement, en revenant au poulet de gril de
tantôt. Ce sont des habitudes qui se créent parce que, justement,
on crée chez des gens des habitudes et on laisse chez eux une impression
de choses nécessaires pour des choses qui sont souvent des luxes. Mais
quand on parle des centres de décision, M. Roy a parlé
tantôt de centres de décision économiques et des centres de
décision politiques, dans les centres de décision politiques,
prenons l'exemple des pommes de terre, un ministre de l'Agriculture du
Québec peut-il réellement contrecarrer des décisions
politiques de subventions de transport pour les pommes de terre du
Nouveau-Brunswick qui arrivent dans le territoire du Québec, qui sont
vendues à un prix inférieur, parce qu'il y a des subventions de
transport, au prix réel des pommes de terre qui seraient
cultivées au Québec? Le ministre peut-il réellement, au
Québec, avoir une politique et des moyens d'écouler nos pommes de
terre, les nôtres avant celles du Nouveau-Brunswick?
M. Toupin: C'est tout un mécanisme qui entre en ligne de
compte. C'est le mécanisme d'abord du producteur qui met en
marché un bon produit, un produit de qualité, c'est par la suite
un mécanisme d'entreposage, c'est par la suite un mécanisme de
sélection et d'emballage, et après c'est le mécanisme des
dépositaires et des chaînes qui vont distribuer le produit. Ce que
le ministère fait actuellement à ce niveau, il cherche d'abord
à identifier les catégories de pomme de terre, les bonnes et les
moins bonnes, et il met en contact les principaux producteurs avec les
principaux acheteurs, et les principaux acheteurs avec les principaux
distributeurs.
M. Léger: Oui, mais, à qualité égale,
les deux sortes de pommes de terre, celles du Nouveau-Brunswick et celles du
Québec, si la différence dans le coût provient en gros
d'une subvention pour le transport, à ce moment-là, c'est au
détriment du Québec et c'est un centre de décision
politique qui est étranger à la décision ou aux
possibilités du ministère du Québec.
M. Toupin: II peut y avoir une certaine discrimination si on
prend certaines régions du Québec, mais, de façon
générale, ces taux ont été pensés en tenant
compte de la différence qu'il pouvait y avoir pour le transport entre
les Maritimes et les principaux marchés du Québec parce que le
Québec ne
produisait pas 100% de ses besoins en pommes de terre. On produit quoi?
Peut-être 50% ou 55%.
M. Léger: Oui, mais pour arriver à produire la
quantité qu'il nous faut, est-ce qu'au Québec on n'aurait pas
réellement les moyens de le faire si le marché acceptait
d'acheter le produit du Québec?
M. Toupin: Evidemment, si les consommateurs et les chaînes
de magasins du Québec disaient: On va d'abord acheter tout le produit du
Québec, on l'écoulerait en entier. On est bien d'accord sur cela,
mais cela ne veut pas dire qu'on l'écoulerait au prix qu'on le
voudrait.
Quand tu es dans le marché de la distribution, si tu es capable
d'avoir des pommes de terre aux Maritimes à $0.05, $0.10 ou $0.20
meilleur marché qu'au Québec, tenant compte des coûts de
transport, on risque de manquer le bateau.
M. Léger: La subvention gouvernementale
fédérale est quand même un obstacle auquel le ministre du
Québec a à faire face.
M. Toupin: Je ne dirai pas que c'est un obstacle, mais je dirai
que c'est un avantage que les producteurs du Nouveau-Brunswick ont et qui peut
leur être très utile dans des circonstances particulières.
Quand les marchés de pommes de terre sont à l'état rare,
ça se vend bien autant au Québec qu'ailleurs. L'an dernier,
ça se vendait combien les pommes de terre, pour 100 livres, pour 50
livres? Je ne sais pas, entre $4 et $6; cela ne s'était jamais vu depuis
dix ans. Voici que, cette année, tout s'est effrondré. Parce que
c'était payant l'année dernière, tout le monde s'est mis
à en produire. Mais ce n'est pas parce que les consommateurs du
Québec vont acheter toutes les pommes de terre du Québec qu'on va
régler le problème des revenus des agriculteurs.
M. Léger: Pour devenir autosuffisant, ce qui est un
objectif quand même valable au point de vue politique du
Québec...
M. Toupin: Oui.
M. Léger:... comment êtes-vous capable, étant
donné que les centres de décision fédéraux et
provinciaux s'affrontent, qu'est-ce que vous pouvez faire?
M. Toupin: II y a trois moyens de procéder
là-dedans. L'Europe a pris, il y a une vingtaine d'années et,
avant ça, depuis des décennies, la technique de fermer les
frontières, et ils se sont rendu compte que, plus on fermait les
frontières, plus on se créait de problèmes. Là, ils
ont ouvert les frontières, avec le marché commun, et on laisse
circuler plus librement les produits avec certaines ententes, bien sûr,
entre pays. Donc, un des moyens qu'un gouvernement peut avoir, c'est celui de
fermer les frontières. Mais le gouvernement du Québec n'a pas les
moyens légaux de fermer les frontières.
Mais il reste quand même que l'expérience dé-
montre... D'ailleurs, les Etats-Unis sont l'exemple le plus typique de tout
ça. Je me demande vraiment ce que ferait l'Etat du Maine
décroché de l'ensemble des 49 autres Etats. Ce serait vraiment
fantastique de voir comment ça pourrait se maîtriser sur le plan
économique.
L'autre moyen dont le Québec dispose et dont tous les
gouvernements provinciaux disposent, c'est l'organisation de mise en
marché, c'est la concurrence dans les prix, c'est de travailler avec les
centres de décision.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Merci bien, M. Roy.
J'invite immédiatement le Conseil des salaisons du Canada.
Conseil des salaisons du Canada
M. Roy (Léonard): M. le Président, j'enchaîne
parce que c'est précisément nous qui présentons
l'introduction au sujet du règlement des aliments et M. Soucy
présentera exactement ce qu'il a à dire sur le secteur de la
viande.
Le Conseil de l'alimentation du Québec a pris connaissance du
projet de refonte du règlement des aliments du Québec et a
consulté ses secteurs sur cette refonte.
D'une façon générale, l'industrie alimentaire du
Québec accepte l'ensemble de cette nouvelle présentation,
d'autant plus que nous y retrouvons reproduite la plus grande partie de
l'actuel règlement sur les aliments du Québec que nous avons
déjà eu l'occasion de réviser avec les officiers du
ministère de l'Agriculture du Québec. Nous continuons à
recommander que ce règlement soit un règlement-cadre qui coiffe,
dans un seul code, tous les règlements particuliers ou sectoriaux
s'appliquant à la mise en marché de nos divers produits
agroalimentaires.
Dans le document que vous avez devant vous, il y a une partie qui est de
portée -générale et qui constitue réellement ce
qu'on pourrait appeler un règlement-cadre et vous avez la plus grande
partie de ce document qui est consacrée à la volaille, aux oeufs
et à la viande. Nous souhaitons qu'on continue dans cette voie et que ce
règlement devienne, en quelque sorte, le code qui contiendra tous les
règlements de secteurs qui ont trait à la mise en marché
de tous les produits agricoles du Québec.
Considérant les recommandations que l'industrie alimentaire
québécoise a faites depuis avril 1967, surtout quant à la
forme et quant à certaines expressions utilisées, nous regrettons
que le ministère n'ait pas profité de cette refonte pour corriger
le texte en employant les expressions plus réalistes, plus pratiques que
nous avions déjà recommandées. Juste pour vous donner une
idée, ça va prendre une minute. D'abord, le règlement des
aliments du Québec relève d'une loi, laquelle loi du
Québec couvre à la fois les aliments pour les humains et les
aliments pour les animaux, contrairement à la loi fédérale
du même genre qui couvre, elle, exclusivement les aliments pour les
humains.
Nous continuons à affirmer que ça cause des
ambiguités; il y aurait avantage à changer ça, que ce
soit un règlement des aliments pour les humains. Nous avons
relevé des choses, par exemple quand on demande à quelqu'un
d'avoir des conditions de propreté et d'hygiène
irréprochables.
Nous trouvons que c'est demander la perfection, au point de vue
pratique, qui est difficile à obtenir. Ensuite, on dit par exemple:
L'atelier doit assurer une protection parfaite contre les insectes, les
rongeurs et autres animaux et contre toute cause de pollution, de
contamination. Encore-là, c'est évident qu'il y a toutes sortes
de règlements qui nous prennent de ce côté-là, pour
avoir à surveiller cet aspect qui est essentiel chez nous.
On nous demande si, dans le moment, le règlement s'applique aux
produits pour consommation humaine et consommation des animaux. Voyez-vous un
article comme celui-là qui dit: "II doit assurer une protection parfaite
contre les insectes, rongeurs et autres animaux dans les granges, sur les
fermes, dans les établissements de ferme"? C'est cela, lorsqu'on vous
illustre par cet article-là que, franchement, il y a des incidences de
concordance qu'on devrait changer, pour éviter d'avoir des choses
cocasses comme par exemple, quand on nous dit, à un endroit: "Les
véhiculesqui transportent des aliments devraient indiquer dans des
lettres de trois pouces de hauteur, sur les faces latérales, la nature
du produit, l'identité du vendeur". Quand vous pensez que les vendeurs,
les rouliers indépendants, aujourd'hui, transportent pour toutes sortes
de compagnies, en dedans d'une semaine, est-ce que c'est pensable, logique,
d'avoir sur les camions de Bellechasse Transport ou des entreprises du genre
des panneaux qui, le mercredi, vont dire: Là-dedans, il y a des fruits
ce jour-ci et un autre panneau pour le lendemain qui va dire: Ce sont des
produits laitiers que l'on transporte aujourd'hui, ce sont des choses de ce
genre-là, tous les véhicules affectés à la vente,
à la livraison à domicile, etc.? Il y a des choses qui doivent
servir uniquement à cette fin. On ne voit pas aujourd'hui des
véhicules qui servent uniquement à transporter, surtout sur les
grands rouliers, de la nourriture. Au point de vue économique, on va
transporter de la nourriture de Montréal à Québec et on va
tâcher de trouver des produits secs, de Québec à
Montréal, pour retourner avec une cargaison, pour abaisser le coût
d'exploitation.
Il y a toutes sortes de choses comme celles-là qui sont, à
notre sens, des défauts de forme, ce ne sont pas des défauts de
base. Cela fait longtemps qu'on demande cela, on aimerait, encore une fois,
avoir l'avantage de revenir là-dessus. C'est d'autant plus surprenant
que, dans la partie nouvelle, en ce qui a trait à la viande, au poulet,
les rédacteurs du règlement ont employé
précisément les termes que nous recommandions.
Dans les circonstances, nous recommandons que les représentants
de l'industrie aient de nouveau l'occasion de rencontrer les officiers du
ministère pour reviser les expressions mises en cause, ne serait-ce que
pour des fins de concordance avec des expressions utilisées dans la
seconde partie du règlement qui a trait à la viande.
Nous sommes heureux aussi de retrouver à l'ar- ticle 3.3.1, les
mêmes exigences de l'ancien règlement relatives aux indications et
marques, et en particulier à la langue de l'étiquetage.
Compte tenu des efforts considérables faits par l'industrie dans
le passé pour concilier les exigences fondamentales de la communication
avec le client dans le commerce avec les droits de la langue française,
nous sommes satisfaits que le ministère de l'Agriculture conserve, dans
ce règlement, un ensemble de prérogatives touchant la langue
d'étiquetage, qui doivent demeurer à ce ministère pour des
raisons d'ordre pratique.
D'abord, l'industrie préfère de beaucoup la clarté,
la précision de l'article 3.3.1 du projet de règlement que nous
avons devant nous aux principes directeurs relatifs à la langue de
l'étiquetage des produits que le ministre responsable de la Régie
de la langue française fait circuler actuellement dans les milieux de
l'industrie. Nous regrettons que l'on noie un principe universel aussi simple
que celui du service à la clientèle dans la langue de la
collectivité, dans une confusion inextricable en faisant intervenir des
considérations relatives à la collectivité locale
je me réfère à ce document le produit local, le
produit spécial, le produit importé, le produit d'essai, etc.
On veut satisfaire, dans cela comme dans tout le reste, tout le monde,
mais on ne satisfera personne. Là encore, on semble vouloir tenir compte
d'un ensemble de situations qui ne sont vraiment pas des problèmes. On
crée des problèmes en procédant de cette manière.
Et, nous n'avons pas l'intention, comme industrie, de recommencer le travail
que nous avons fait avec le ministère de l'Agriculture, depuis bien
avant 1967, pour arriver à la situation claire et nette que traduit
l'article 3.3.1 du règlement devant nous.
Pour des considérations d'équité pour toutes les
entreprises alimentaires opérant au Québec, qui n'ont pas attendu
la Loi sur la langue officielle pour servir leurs clients dans leur langue,
nous tenons à ce qu'en matière d'étiquetage alimentaire,
nos entreprises aient à se référer exclusivement aux
exigences de l'article 3.3.1 du règlement des aliments du Québec
appliqué par le ministère de l'Agriculture.
Ici, M. le Président, je veux faire remarquer encore une fois que
nous avons été, nous, à la base de ces travaux qu'on a
faits avec le ministère de l'Agriculture pour l'ancien règlement
des aliments, pour cette question de l'étiquetage bilingue, pas pour des
considérations de langue, c'étaient des considérations de
gros bon sens.
Avant d'investir dans des étiquetages, on voulait être
sûr que tout le monde serait sur un pied d'égalité.
Dans le moment, pensez-vous, par exemple, que cela a de l'allure qu'on
se prépare encore par ces règlements, à vouloir faire des
passe-droits ici pour les gens qui vont mettre sur le marché des
produits dans la Beauce, qui sont sûr que ces produits ne sortiront pas
de la Beauce? Où va-t-on en arriver? On va en arriver que nos
entreprises qui ont assumé leurs responsabilités, qui ont investi
beau-
coup d'argent dans l'étiquetage bilingue... En passant, des
produits manufacturés au Québec se vendent dans toutes les
provinces du Canada avec des étiquetages bilingues, M. le
Président.
Je ne veux pas nommer les compagnies, mais de grandes compagnies que
vous connaissez vendent actuellement à Vancouver de la crème
glacée dans des étiquetages bilingues. Elles ont subi, il y a un
an, un boycottage de la part de la population de la Colombie-Britannique, parce
qu'elles affichaient de l'étiquetage bilingue. Elles ne l'ont pas
retiré.
Devant cela, M. le Président, nous autres, c'est pour cela qu'on
est piqué quelque part. Quand on arrive, pour vouloir plaire à
Pierre, Jean, Jacques, à toute la famille, avec des distinctions qui,
à notre sens, n'ont pas d'allure, qui sont surtout injustes pour ceux
qui se sont déjà soumis à la loi et qui ont investi
là-dedans, c'est pourquoi on demande, pour que ce soit plus simple,
qu'au niveau du gouvernement et au niveau du cabinet des ministres, il soit
clairement établi... Nous autres, on veut trancher en matière
d'étiquetage avec le ministère de l'Agriculture du
Québec.
Il y a une autre raison qui nous fait insister sur le rôle que le
ministère de l'Agriculture doit jouer en matière
d'étiquetage des aliments. Nous nous référons aux cas qui
se présentent assez souvent, par suite de rareté de certains
produits alimentaires, où il nous faut importer temporairement, de
sources avec lesquelles nous ne transigeons pas régulièrement,
des produits qui ne sont pas libellés en français. Il faut
qu'à ce moment une autorité compétente puisse
décréter qu'il s'agit bien d'un état exceptionnel du
marché justifiant la suspension temporaire de la réglementation
relative à la langue d'étiquetage.
Qui mieux que le ministère de l'Agriculture est mieux
placé pour assumer de telles responsabilités? Voilà
l'attitude du Conseil de l'alimentation du Québec quant à
l'ensemble du projet de refonte du règlement des aliments.
Pour ce qui est des dispositions spéciales relatives aux viandes,
le Conseil de l'alimentation du Québec endosse les
représentations que le Conseil des salaisons du Canada, division de
Québec, entend faire à votre commission incessamment.
Il me fait plaisir de vous présenter, M. Soucy, le
secrétaire de la division du Québec du Conseil des salaisons du
Canada.
Le Président: (M. Houde, Limoilou): M. Soucy.
M. Soucy (Roland): M. le Président, MM. les membres de la
commission parlementaire, mesdames, messieurs, il nous fait plaisir, au nom du
Conseil des salaisons du Canada, de vous présenter les commentaires du
secteur de la transformation des viandes en marge du projet de règlement
sur l'inspection des viandes.
Selon les objectifs que le Conseil des salaisons a toujours poursuivis,
l'industrie que nous représentons s'intéresse directement
à toute législation se rapportant aux viandes. Nous sommes
heureux que l'occasion nous soit donnée d'offrir aux législateurs
le point de vue de l'industrie et notre collaboration.
Pour plus de références, nous avons présenté
les objectifs du conseil, en annexe 1.
Un mot maintenant sur ce qu'est le Conseil des salaisons du Canada.
C'est d'abord une association nationale des abattoirs et des charcuteries dont
les établissements sont soumis aux règlements de l'inspection
fédérale des viandes, tel que requis pour le commerce
interprovincial et international. Cette association fut fondée il y a 55
ans.
Nous avons aussi ajouté la liste des membres du Québec, en
annexe 2.
Dans la province de Québec, il y a 25 compagnies et
coopératives qui en sont membres. Elles administrent 27
établissements. Les membres abattent ou transforment ou manipulent d'une
certaine façon environ les trois quarts des bestiaux et de la viande
vendus dans la province. Encore pour plus de renseignements, nous
présentons quelques statistiques sur l'abattage et le commerce des
viandes en annexe 3.
Comme M. Roy vous l'a dit tout à l'heure, le Conseil des
salaisonsdu Canada, parson comité du Québec, est aussi membre du
Conseil de l'alimentation et il souscrit entièrement aux vues que le
Conseil d'alimentation a présentées devant la commission sur
l'avant-projet de loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles.
Nous pouvons compter sur l'appui du Conseil de l'alimentation de tout le
secteur représenté par le Conseil de l'alimentation quant
à notre représentation touchant le règlement sur les
viandes.
Entrons, maintenant, directement dans le sujet. Quelques
considérations sur l'importance de l'inspection. Tel que nous l'avons
souvent manifesté aux autorités en place, c'est-à-dire au
ministère de l'Agriculture, nous sommes entièrement d'avis qu'il
est essentiel pour la protection du public, la protection du consommateur que
la viande soit soumise à une inspection obligatoire. C'est pourquoi nous
nous réjouissions de l'initiative du gouvernement du Québec de
présenter un règlement sur l'inspection des viandes auquel notre
conseil donne son appui entier.
Une inspection rigoureuse devient encore plus importante de nos jours
avec les achats de masse, les grandes populations des villes, les touristes et
les déplacements rapides des produits, puisque les conséquences
pourraient être plus graves en cas d'absence de contrôle et les
torts causés pourraient se propager plus rapidement. Le consommateur
doit être assuré d'acheter un produit sain, en tout temps, et peu
importe l'endroit où il se trouve.
Inspection uniforme: Notre conseil s'est toujours prononcé en
faveur d'une inspection avec des normes de salubrité
sévère et uniformes, incluant l'examen ante-mortem et post-mortem
des animaux et des viandes. Nous soutenons encore ce principe. En
général, les normes établies dans le présent projet
de règlement nous apparaissent à peu près
équivalentes à celles de l'inspection fédérale.
Alors que les normes, quant à nous, soient appliquées par l'un ou
l'autre des gouvernements, par le gouvernement provincial ou
fédéral, le tout résidera dans la fermeté de
l'application.
Inspection obligatoire: II est très important de
contrôler sévèrement la salubrité au niveau
des abattoirs, mais il faut encore que ce contrôle se continue
àtous les niveaux de la commercialisation, soit durant l'abattage, la
transformation, l'emballage, l'entreposage, le transport, la vente au
détail, et le reste, de sorte que la viande qui était saine au
départ puisse se retrouver dans un produit sain au niveau de la
consommation. Même si le règlement prévoit des normes
rigoureuses, nous nous inquiétons sur la possibilité d'en faire
respecter l'application dans son ensemble. Pour se faire adéquatement,
il faudra nécessairement un nombre suffisant d'inspecteurs à tous
les niveaux.
Le règlement tel que présenté ne semble pas, du
moins à nous, indiquer clairement que tout produit de viande
retrouvé dans un établissement commercial doive porter
l'estampille "Québec approuvé" ou l'estampille "Canada". Nous
croyons que c'est bien là l'intention. Si c'est bien cela l'intention
visée, nous en sommes entièrement d'accord. Nous croyons que
c'est une des conditions essentielles pour le bon fonctionnement de cette loi
aussi bien que la mise en vigueur et le respect rigoureux par tous les
intéressés dans toutes les parties de la province.
A l'article 6.2.2, dérogation à la règle,
l'exemption accordée à l'agriculteur, pour lui permettre
d'abattre sans permis et vendre en carcasse à un acheteur qui en prend
livraison lui-même à la ferme, laisse une porte ouverte à
une possibilité de commerce clandestin qui, de plus, il nous semble,
sera très difficile à surveiller. A cet effet, nous recommandons
que cette dérogation ne soit accordée que pour l'usage personnel
de l'agriculteur et celui de sa famille.
Au sujet du regroupement des abattoirs dont le ministre et les
autorités du ministère de l'Agriculture ont fait état
à plusieurs reprises, on sait que la capacité d'abattage actuelle
dépasse largement les sources d'approvisionnement.
Nous recommandons que l'aide se fasse de façon judicieuse,
après étude des capacités du commerce et de la
rentabilité des entreprises concernées.
Les viandes impropres à la consommation humaine. Nous attendons
encore avec impatience le chapitre réglementant le commerce de la viande
impropre à la consommation humaine qui n'apparaît pas dans le
présent projet de règlements. Nous croyons fermement que, tant
que le commerce des ateliers d'équarrissage et du ramassage des animaux
morts ne sera pas surveillé et contrôlé
sévèrement, la présente législation sera d'autant
plus difficile d'application.
Voilà, M. le Président, messieurs les membres de la
commission, les quelques commentaires que nous avions à vous soumettre.
Maintenant, à l'aide de mes collègues qui sont ici, nous serons
heureux de répondre à vos questions ou de clarifier certains
points qui ne semblent pas clairs.
Avant de terminer, j'aimerais remercier les autorités du
ministère de l'Agriculture qui nous ont permis, ainsi qu'à
d'autres groupes, de discuter à quelques reprises les premières
ébauches de ce projet de règlement et d'y apporter certaines sug-
gestions constructives dont on a d'ailleurs déjà tenu compte.
Nous voulons aussi remercier votre commission parlementaire et l'assurer
de notre plus cordiale collaboration dans la poursuite de ses travaux. Nous
espérons que ce règlement sur l'inspection des viandes sera
adopté et mis en vigueur le plus rapidement possible.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre de
l'Agriculture.
M. Toupin: M. le Président, j'aurais seulement une
première question, tout au moins, à poser. Quand vous voulez
qu'on ramène les règlements à l'idée d'abattre sur
des fermes seulement les animaux susceptibles d'être consommés sur
la ferme au fond, c'est cela que vous soutenez ne croyez-vous pas
qu'à ce moment, vous enlevez au producteur agricole l'occasion de
prendre un contact direct avec un consommateur, lequel consommateur prendra le
risque qu'il veut bien prendre en achetant directement chez un producteur? Ne
croyez-vous pas que vous empêchez, vous enlevez peut-être d'entre
les mains des producteurs une source de revenus additionnels qu'ils ne
pourraient pas trouver si on ne leur offrait pas cette occasion?
M. Soucy: Peut-être, M. le ministre, mais ce qui nous
semble important, c'est de contôler d'une façon uniforme et
sévère pour tout le monde, avoir une inspection obligatoire dans
la province. Si l'agriculteur continue à vendre son produit,
c'est-à-dire la viande, son animal, directement de la ferme, on croit
que cela va être assez difficile de contrôler le volume. S'il vend
seulement un animal par semaine, c'est peut-être pas trop pire, mais s'il
en vend dix par jour, cela devient un commerce à ce moment. C'est
là que cela va être dur de voir la différence. Cela va
être dur pour les autorités aussi de mettre un horaire.
M. Toupin: Mais je pense que le règlement dit ses propres
animaux, pas les animaux qu'il peut commercer, ses propres animaux.
M. Soucy: Oui, mais ses propres animaux. Justement, encore
là, si le producteur a 2,000 têtes à l'engraissement dans
son parc, cela va être ses propres animaux et il pourra, à ce
moment, les commercialiser en raison d'une dizaine ou peut-être plus par
jour ou par semaine. C'est là qu'on voit le danger. Si c'est
contrôlé pour tout le monde, cela devrait l'être aussi
à ce niveau. On n'empêche pas, évidemment... Le producteur
est libre pour sa famille, c'est sûr qu'on doit lui laisser ce droit.
Nous croyons que le paragraphe devrait se terminer après les mots
"pour lui et sa famille " pour les raisons que je vous ai données.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Lafontaine.
M. Léger: Etant donné que vous représentez
le
Conseil des salaisons du Canada, il y a eu une affirmation qui est
passée, au début de novembre 1974, qui n'a jamais
été démentie, une affirmation de M. Guy Gauvin,
président du Syndicat des producteurs de boeuf de l'Estrie ainsi que
directeur national des producteurs de boeuf du Canada. M. Gauvin avait
déclaré qu'il était temps que le grand public apprenne
certaines choses qui lui étaient cachées jusqu'à
maintenant et une de ces choses était l'emprise exercée par la
pègre montréalaise, sur la manipulation, à quelque
degré que ce soit, de toute la viande qui passe par la métropole
et, selon M. Gauvin, la pègre toucherait $0.10 sur chaque livre de
viande fraîche et $0.05 sur chaque livre de viande congelée qui
passe par Montréal, réalisant ainsi des bénéfices
extraordinaires compte tenu des millions de livres de viande passant dans la
métropole chaque année.
Etes-vous en mesure soit d'infirmer, confirmer ou de ne pas être
au courant de cette affirmation qui n'a pas été
réfutée à nulle part depuis?
M. Soucy: Je regrette, M. le Président, je ne suis
absolument pas au courant de ce dont vous parlez. Je n'ai rien à
répondre là-dessus, je ne suis absolument pas au courant.
M. Léger: Comme de raison, dans les intermédiaires,
entre le producteur de bovins et l'acheteur, il y a toute une gamme de phases
dans laquelle passe cette viande et chacun prend une part de profit. Vous
n'avez aucunement été au courant d'indices, cette affirmation n'a
jamais été réfutée et, selon vous, vous
n'êtes pas au courant de cette chose du tout. Il n'y a rien qui vous dit
que ça peut être vrai?
M. Soucy: Pas du tout. Pour autant qu'on est concerné,
nous, les intermédiaires, entre le producteur et le consommateur, se
situent à deux niveaux, c'est-à-dire qu'il y a la salaison, si on
parle dans le gros, il y en a des petits, il y a d'autres
intermédiaires, mais en général, c'est la salaison,
l'abattoir qui a aussi sa salaison et qui achète du producteur et qui
revend à un détaillant et, ensuite, il y a le détaillant.
Alors, ce sont deux stades, si vous voulez, de la commercialisation. Nos
membres sont des salaisons et abattoirs également. Ils achètent
directement des producteurs et ils revendent aux détaillants et les
détaillants directement aux consommateurs.
M. Léger: Parce que je voyais dans l'annexe, Conseil des
salaisons du Canada, membres du Québec, que le nom de Willie O'Bront
n'est pas là-dedans du tout. Il n'est pas membre de votre conseil?
M. Soucy: II n'est pas membre de notre conseil.
M. Léger: Alors, étant donné que vous
n'êtes pas au courant, je vais passer à une autre question. Dans
la même affirmation, dans un même geste, M. Gauvin disait qu'une
des principales causes de la chute du marché du boeuf était
imputée à une poli- tique fédérale qui permettait
l'entrée du boeuf de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande qui
serait une viande de deuxième qualité et qui serait
achetée par des grandes chaînes alimentaires qui revendent cette
viande comme étant de première qualité, après avoir
ajouté parfois du gras, parfois du sang, parfois des additifs chimiques.
Etes-vous au courant de ces choses?
M. Soucy: D'ailleurs, c'est interdit d'ajouter du sang ou
d'ajouter des additifs chimiques. C'est vrai qu'il y a la possibilité
qu'il entre du boeuf de l'Australie, de l'extérieur, et c'est vrai que
c'est probablement une des causes de la baisse des prix de la viande
commerciale. Depuis un an ou depuis que le niveau des prix a baissé dans
le boeuf surtout on est toujours dans la question du boeuf
l'écart de prix entre le boeuf de marque rouge et la viande commerciale
a élargi et ceci surtout à cause du fait qu'on peut se procurer
du boeuf de l'extérieur, de la viande de boeuf désossée
à meilleur marché. Alors cette viande passe aussi dans le
même canal, si vous voulez, que la majorité de la viande du
Québec qui vient surtout de vaches laitières. C'est une viande de
boeuf qui est désossée, qui ne se vend pas
généralement à l'état naturel, à cause de la
qualité de la viande qui est plus dure et moins grasse. Alors on se sert
de cette viande comme viande désossée et cette viande
désossée entre dans les produits de charcuterie et aussi peut
servir à faire du boeuf haché, lorsqu'on rajoute du gras qui
provient d'animal de catégorie supérieure. C'est un peu ça
la situation.
M. Léger: Maintenant, je voyais tantôt à
quelque part, je ne sais pas où, qu'il y a à peu près 25%
de la consommation québécoise qui provient de notre propre
élevage, est-ce que vous voyez des moyens d'augmenter cela?
Tantôt, je voyais le député de Beauce-Sud parler de
cette publicité qu'on faisait et qui entrait dans l'esprit des gens,
cela est du boeuf de l'Ouest, c'est meilleur. Est-ce que vous voyez des moyens
de contrecarrer cette habitude ou cette attitude des gens de croire que le
boeuf de l'Ouest est absolument supérieur au nôtre?
M. Soucy: Le seul moyen, je pense, c'est d'en produire plus au
Québec. On produit à peu près 25% du boeuf qu'on consomme
au Québec. Il faut dire que ces 25% sont en majorité de la viande
de vache qui est désossée et qui entre dans les produits de
charcuterie. On exporte même de cette viande. Le boeuf de consommation de
marque rouge, ce qu'on appelle le boeuf de l'Ouest, il faut faire attention aux
termes aussi, à ce qu'on appelle "boeuf de l'Ouest". Parce que c'est du
boeuf de marque rouge ou du boeuf qui provient d'animaux de boucherie, on a
l'habitude d'appeler cela du boeuf de l'Ouest. Mais des fois il a
été élevé à l'ouest de Montréal ou
à l'ouest de Québec. Dans le boeuf de marque rouge,
catégorie A, qu'on consomme dans la province de Québec, il y en a
95%, au moins, qui vient de l'extérieur, qui vient de l'Ouest et 5%,
à peine je pense, mes chiffres sont peut-être forts
qui vient du Québec.
M. Léger: Mais vous affirmez que...
M. Soucy: Si on dit aux consommateurs de ne pas manger de boeuf
de l'Ouest, qu'est-ce qu'ils vont manger?
M. Léger: Quel est le problème majeur pour
permettre une industrie beaucoup plus autosuffisante ou du moins approchant
l'autosuffisance, au niveau du boeuf au Québec? Vous avez dit: II faut
en vendre plus. Quel moyen voyez-vous...
M. Soucy: D'en produire plus, peut-être en engraisser plus
aussi. C'est surtout au niveau de la finition et au niveau des races aussi.
Parce que le boeuf qu'on produit au Québec, il ne faut pas se le cacher,
c'est un sous-produit de l'industrie laitière. En fait, ce sont les
vaches, il y a même des croisements qui sont faits avec des races
laitières, mais qui ne sont pas vraiment faites pour faire de la viande
de boeuf de première qualité, tel qu'un élevage bien
établi avec des races de boucherie et qui va donner la catégorie
A. Je pense que le consommateur veut encore, surtout depuis qu'on a
changé la classification, manger un boeuf de catégorie A. Du
moins, il en demande. Il y a 70% du boeuf vendu au Canada qui est dans la
catégorie A. Cela est le boeuf de marque rouge.
M. Léger: Quelle solution voyez-vous pour que
l'élevage au Québec soit augmenté? Il y a un marché
quand même puisqu'on l'achète de l'extérieur, comment
voyez-vous une solution à cela? Est-ce un problème de
politique...
M. Soucy: Je pense que c'est une étude à faire avec
le ministère de l'Agriculture. D'ailleurs, elle n'est pas à
faire, elle est déjà faite ou entreprise. C'est de faire
peut-être plus d'engraissement, plus de parcs d'engraissement. Tout
repose sur les aliments qu'on peut donner à ces animaux, assez de
fourrage pour les engraisser, du maïs à ensilage, toutes ces
choses. C'est là, je pense, que le changement va se faire.
M. Léger: Maintenant, il y a, actuellement, il semble, au
Québec, environ 430 abattoirs qui ne sont inspectés ni par les
services sanitaires fédéraux, ni provinciaux. Il semble qu'il y
en aurait seulement 40 qui sont contrôlés soit par le
fédéral ou le provincial. Avec les nouveaux règlements,
pour réellement faire une surveillance de tous ces abattoirs, est-ce que
le ministre a déjà pensé combien d'inspecteurs cela va lui
prendre pour réaliser cet objectif? Jusqu'à ce jour, les gens que
j'ai rencontrés, qui s'occupaient de ce domaine me disaient qu'il y
avait beaucoup de laisser-aller, que c'est une surveillance même un peu
organisée, qu'il y aurait du favoritisme dans certains abattoirs pour
dire: L'inspecteur on va dire qu'il est passé, pas de problème.
De quelle façon le ministre entend-il faire respecter les
règlements de cette surveillance sanitaire des abattoirs, surtout les
nouveaux? Combien d'inspecteurs cela va-t-il vous prendre?
M. Toupin: Avant de parler du nombre d'inspec- teurs, on va
essayer de définir ce qu'est un abattoir. C'est bien important. Je pense
que M. Soucy disait tantôt que ce qui est "approuvé Canada" et
"approuvé Québec", actuellement, cela représente à
peu près 75% ou 78% de toutes les viandes consommées au
Québec. Il y a donc 22% à 25% de viandes qui sont mises en
marché au Québec et qui ne sont pas inspectées.
On le retrouve peut-être un peu plus dans les régions
périphériques où il n'y a pas d'abattoir ou peu
d'abattoirs de taille suffisante pour correspondre aux normes de classification
établies par les règlements sur les aliments et la qualité
des viandes. Donc, le premier problème que nous avons à
régler n'est pas un problème d'inspecteur pour tout de suite.
Cela va en prendre plus, c'est bien sûr, mais c'est d'abord un
problème d'abattoir. Définir ce que c'est qu'un abattoir et
construire des abattoirs ou faire agrandir des abattoirs ou regrouper des
abattoirs qui vont correspondre aux normes qui sont définies dans les
règlements. Peut-être qu'à ce moment-là, on
ramènera le nombre d'abattoirs au Québec à 100 ou 125.
Cela va créer un problème, j'en suis conscient, mais cela va
aussi régler un problème, celui d'une quantité de viande
vendue au Québec qui n'est pas sous inspection. Actuellement, même
si nous avions une armée d'inspecteurs, cela deviendrait très
difficile d'essayer de suivre tous ces petits abattoirs dont certains abattent
peut-être une centaine de têtes par mois ou même
peut-être six ou sept têtes par semaine. Certains abattent le
lundi, d'autres le mardi, d'autres le mercredi, d'autres le dimanche soir,
d'autres le vendredi, je ne le sais pas. Alors, c'est presque pas possible de
suivre cela de près. C'est donc d'abord et avant tout un problème
de réorganisation du secteur des abattoirs de ce secteur. Il en reste
379. Donc, cela veut dire qu'il y en a à peu près 300 qui ne sont
pas inspectés actuellement. Il y en a déjà un bon nombre
de partis. Seulement, parce qu'on a commencé à parler de rendre
obligatoire l'inspection partout, avant et après abattage. Une fois que
ce problème sera réglé, la fusion ou le regroupement des
abattoirs, il s'agira d'ajuster le personnel.
M. Léger: Ce sont les paroles du ministre ou de son
sous-ministre qui avait dit qu'il y avait 430 abattoirs qui n'étaient
pas inspectés, lors d'une rencontre ou d'une réunion du Conseil
des salaisons du Canada?
M. Toupin: Oui.
M. Léger: Les 78% de la viande qui est inspectée,
cela équivaudrait aux 40 abattoirs et 22% équivaudraient aux 430
abattoirs.
M. Toupin: C'est cela. C'est exact. Depuis ce temps-là, on
commence à parler d'appliquer des règlements à tout centre
d'abattage, mais déjà un bon nombre a décidé de
laisser l'abattage, de faire abattre dans un abattoir approuvé et, par
la suite, de faire la distribution qui peut se faire dans les centres de
distribution que l'on retrouve dans les villes, dans les petites villes. Il y a
des marchés publics aussi, mais il y a inspection dans les
marchés publics. La
plupart des villes ont des règlements d'inspection, donc on
inspecte les viandes sur les marchés publics. Ce qui n'est pas
inspecté, ce sont les viandes qui sont abattues dans les abattoirs qu'on
appelle, nous, clandestins. Le mot est fort, mais des abattoirs de petite
taille qui n'ont pas ce qu'il faut à l'intérieur et qui sont
situés un peu partout dans la province de Québec, très
souvent difficiles à localiser.
M. Léger: Les abattoirs parallèles. Je fais
allusion aux écoles clandestines.
M. Toupin: II y a une certaine similitude. En ajoutant un peu de
viande aux écoles, on pourrait peut-être trouver de la
similitude.
M. Léger: D'accord, j'ai terminé, M. le
Président.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Beauce-Sud.
M. Roy (Beauce-Sud): M. le Président, j'aimerais avoir un
peu de détails concernant votre association. Est-ce que votre
association regroupe seulement des entreprises qui opèrent des abattoirs
ou si elle regroupe également des organismes ou des entreprises qui font
le commerce des viandes?
M. Soucy (Rolland): Des abattoirs et charcuteries. Les abattoirs
ou ceux qui font de la transformation de la viande au niveau de la charcuterie
ou salaison, si vous voulez, pas de vente en gros ou commerce de
détail.
M. Roy (Beauce-Sud): Cela veut dire que quelqu'un qui serait dans
le domaine je prends un exemple en particulier de l'importation
des viandes, qui s'occuperait d'avoir un réseau de mise en marché
ou de vente, ne pouvait pas être membre de votre organisme?
M. Soucy: Non, il ne peut pas être membre de notre
organisme. Pour être membre du Conseil de salaison, il faut qu'il ait un
établissement qui opère sous inspection fédérale et
une place physique qui transforme de la viande d'une certaine façon.
M. Roy (Beauce-Sud): Voulez-vous dire, quand vous dites:
D'inspection fédérale, que tous les membres de votre association
sont des organismes qui sont soumis à l'inspection
fédérale?
M. Soucy: Oui, c'est cela.
M. Roy (Beauce-Sud): "Canada Approved ".
M. Soucy: C'est cela.
M. Roy (Beauce-Sud): II n'y a aucune de ces entreprises qui est
"Quebec Approved"?
M. Soucy: Non. Pour être membres de l'association, il faut
qu'elles soient soumises à l'inspection fédérale, "Canada
Approved".
M. Roy (Beauce-Sud): C'est parce que dans l'annexe vous nous
parlez...
M. Soucy: Dans la liste des membres que vous avez
là...
M. Roy (Beauce-Sud): Dans la liste des membres, ils sont tous
soumis à l'inspection fédérale, "Canada Approved".
M. Soucy: Exactement.
M. Roy (Beauce-Sud): Dans la liste que vous nous avez
donnée, des statistiques annuelles de 1974, on parle d'abattage
estimatif, "Approuvé Québec", sans inspection au Québec.
Alors, cela comprend les deux. "Approuvé Québec" ou sans
exception. Maintenant, dans le projet de règlement qui nous est soumis
actuellement, c'est un règlement d'inspection provincial, en vertu
duquel les viandes qui seront inspectées devront porter l'estampille
"Québec approved", "Approuvé Québec' , à la suite
de cette inspection.
M. Léger: "Approuvé Québec".
M. Roy: "Quebec Approved" ou "Approuvé Québec", je
pense qu'on se comprend, je ne m "en-fargerai" pas dans les virgules, ni dans
les apostrophes. Actuellement, je m'adresse surtout au ministre, vous
m'excuserez, est-ce l'intention du gouvernement d'obliger tous les abattoirs
à être estampillés "Approuvé Québec"
même s'ils ont déjà l'inspection fédérale ou
si c'est un ou l'autre?
M. Toupin: Les règlements qu'on présente
actuellement, je pense que M. Soucy l'a dit tantôt, les normes que vous
retrouvez dans ces règlements sont à peu près les
mêmes, à quelques points près, et ça ne semble pas
être quelque chose de bénin en soi, aux normes
fédérales. C'est donc dire que dorénavant, dans le cas de
celui qui sera "Approuvé Québec" et qui voudra vendre des viandes
sur le marché du Québec, le consommateur ou l'acheteur sera
assuré que ces viandes recevront la même inspection et auront, en
termes de qualité, l'équivalent de "Federal Approved", etc.
Néanmoins, si le gars ou l'abattoir veut faire du commerce
interprovincial ou international, il devra devenir "Approuvé Canada"
parce que les viandes "Approuvé Québec" peuvent, bien sûr,
se vendre sur le marché international à cause d'une bonne
qualité, mais parce que le problème de l'importation et de
l'exportation est un problème interprovincial et relève du
gouvernement fédéral; c'est préférable qu'il soit
"Approuvé Canada" plutôt que "Approuvé Québec";il
pourrait être les deux, d'ailleurs, aussi.
M. Roy: Est-ce l'intention du gouvernement provincial, à
la suite de cette réglementation, de faire que ceux qui font le commerce
des viandes uniquement au Québec soient obligés d'être
"Approuvé Québec"?
M. Toupin: A l'avenir, tout abattoir qui voudra
commercialiser des viandes, qui achète des viandes des
producteurs, qui les transforme, et, par la suite, les revend aux
détaillants, tous ceux-là devront dorénavant correspondre
aux normes des règlements et recevoir l'étampe "Quebec Approved",
sauf le producteur qui met en marché son propre produit.
M. Roy: Si je pose ces questions, M. le Président, c'est
que nous avons devant nous actuellement, ici, à la commission
parlementaire, deux projets qui nous seront soumis. Il y a l'avant-projet de
loi concernant l'assurance-stabilisation des produits agricoles, or, on touche
évidemment la mise en marché en quelque sorte par voie de
conséquence et c'est inévitable, ça ne peut pas être
autrement, mais on touche la question d'inspection des viandes.
Si je pose ces questions au gouvernement, c'est que j'aimerais savoir et
j'aimerais que quelqu'un puisse me dire aujourd'hui si le fait d'avoir deux
sortes d'étampes au Québec "Canada Approved" et "Approuvé
Québec" ne fait pas en sorte qu'il y ait une discrimination sur les
grands marchés d'alimentation et je m'explique. Dans l'esprit du
consommateur, je dis bien dans l'esprit des consommateurs
québécois, lorsque l'estampille "Canada Approved" est mise, ils
ont l'impression d'avoir une viande de qualité supérieure, plus
que lorsque la viande est estampillée "Approuvé Québec".
Je ne sais pas si le gouvernement est conscient du problème, mais on n'a
seulement qu'à regarder, j'ai fait référence cet
après-midi à certaines annonces à la
télévision et un peu partout, j'ai rencontré des
propriétaires d'abattoirs qui sont "Approuvé Québec"
jusqu'à maintenant et qui se plaignent justement de cette situation, qui
ne peuvent pas avoir accès à certains marchés parce qu'ils
n'ont pas "Canada Approved". S'ils avaient "Canada Approved", ils pourraient
avoir accès à certains marchés dans leur région
dans le territoire du Québec. Je pense que nous avons là un des
éléments de base qui a constitué la crise que les
éleveurs de bovins de boucherie du Québec ont connue cet
automne.
C'est un des éléments de base. J'ai rencontré des
dirigeants d'abattoirs, des propriétaires d'abattoirs. Ils sont
limités au niveau du marché et ils sont concurrencés par
des organismes qui font venir de la viande, qui en importent ou encore qui
mettent sur le marché du boeuf de l'Ouest dans nos municipalités
rurales. Je pourrais parler du milieu urbain mais je pense que dans le milieu
urbain, c'est peut-être plus facile, tout le monde en conviendra, les
organismes sont plus gros. Dans les régions semi-rurales, semi-urbaines,
dans les régions rurales du Québec, c'est une situation qui
existe. J'aimerais avoir l'avis du ministre, étant donné qu'on
parle de règlements, j'aimerais également avoir l'opinion du
Conseil des salaisons du Canada à ce sujet pour savoir s'il n'y a pas
lieu de corriger cette situation.
Cette façon pourrait permettre aux éleveurs du
Québec, qui ont des viandes d'aussi bonne qualité que les viandes
qui sont importées, d'avoir la même chance au niveau de la mise en
marché.
M. Toupin: Je pense, M. le Président, que ce sont des
questions qui ne se posent pas.
M. Roy: Non, ce sont des questions qui se posent.
M. Toupin: Je ne vous dis pas que vous n'avez pas raison de la
poser, je vous dis qu'en soi, c'est une question qui ne se pose pas dans notre
esprit, parce que, si on a décidé d'améliorer les
règlements sur la qualité des viandes, si on a
décidé de les rendre plus rigides et conformes à ceux
qu'on retrouve dans l'ensemble des autres provinces du pays, c'est parce qu'on
veut créer, dans l'esprit des détaillants, l'idée d'une
qualité de viande "Approuvé Québec" égale à
la qualité de viande "Canada Approved".
Il va s'agir, maintenant, d'amener les acheteurs à prendre
conscience que les viandes produites au Québec, en vertu des abattoirs
"Approuvé Québec", sont d'aussi grande qualité que celles
qui proviennent des abattoirs "Approuvé Canada". C'est évident
que cela fait partie de la stratégie et du développement. M. Roy
a touché à ces problèmes cet après-midi, par
exemple, lorsqu'il disait: II faudra maintenant agir sur les centres de
distribution, sur les centres de décision.
La concurrence va se mettre à jouer également. L'abattoir
"Approuvé Canada" va vouloir vendre autant que possible dans les centres
et l'abattoir "Approuvé Québec" devra en faire autant. Donc, on
devra être aussi dynamique d'un côté que de l'autre.
M. Soucy: M. le Président, M. le député,
pour autant que nous sommes concernés, on croit que cela ne change
absolument rien dans le commerce actuel pour ceux qui sont sous inspection
fédérale, qui ont l'estampille "Canada". Cela va simplement
déranger ceux qui n'ont pas d'inspection du tout. Vous avez
déjà une inspection qui existe, "Québec approved" ou
"Approuvé Québec". Je pense que tous les éleveurs du
Québec ont accès à tous les marchés, que ce soit le
marché de l'inspection fédérale ou le marché de
l'inspection provinciale, et ils vont l'avoir encore davantage.
Dans l'esprit du consommateur, c'est sûr que tout va
résider, comme on l'a dit dans notre mémoire, sur la
fermeté de l'application. Je pense que c'est là qu'est tout le
point. Je suis peut-être d'accord sur les commentaires que vous avez
faits tout à l'heure. Il y en a qui croient que l'estampille "Canada"
est de plus haute valeur que l'autre, actuellement.
C'est peut-être l'application, au point de vue de la
rigidité de l'application parfois, qu'on peut peut-être être
moins sévère ou plus tolérant un peu, si vous voulez, dans
l'inspection provinciale.
Si la nouvelle inspection provinciale "Approuvé Québec"
devient appliquée d'une façon aussi rigide, je crois qu'il n'y
aura plus de problème du tout. Ceux qui ont une inspection
fédérale, j'espère qu'ils vont pouvoir continuer leur
commerce dans la province.
M. Roy: Dans la liste des 25 membres que vous
nous avez fournie en annexe 2, est-ce que ces organismes, ces
entreprises ont été "Approuvé Québec" avant
d'être "Canada Approved"?
M. Soucy: Presque la moitié de ceux-là ont
été "Approuvé Québec" avant d'être
"Canada".
M. Roy: Maintenant, est-ce qu'il y a une raison
particulière, pourquoi ont-ils commencé à demander
à être "Approuvé Québec" avant l'autre?
M. Soucy: Avant l'autre, je ne le sais pas. J'aurais voulu que
vous me posiez la question: Pourquoi ont-ils demandé à être
"Approuvé Canada".
M. Roy: Non, ce n'est pas celle-là que je veux vous poser,
c'est l'autre. C'est l'autre que je veux vous poser.
M. Soucy: Ils n'étaient pas membres de notre conseil dans
ce temps-là, alors on n'avait pas accès à leur
information.
M. Roy: Cela veut dire que, pour être membres de votre
conseil, il faut qu'ils soient exclusivement "Canada Approved"?
M. Soucy: Oui, c'est cela que j'ai dit tout à l'heure et
je le répète encore. Il faut qu'ils soient exclusivement
"Approuvé Canada".
M. Roy: Donc, aucun organisme, aucun abattoir "Approuvé
Québec" ne peut faire partie de votre organisme?
M. Soucy: Pas selon notre constitution dans le moment.
M. Léger: Pour quelle raison que ce qui est
"Approuvé Québec", étant donné que cela va
être le même système, ne pourrait pas servir uniquement?
Pourquoi doubler un système parallèle? Je demande cela au
ministre. Pour quelle raison, entre autres... Si les deux systèmes
s'équivalent au point de vue du sérieux, de la
sécurité, pour quelle raison "Approuvé Québec" ne
servirait-il pas non seulement pour ce qui se vend au Québec, mais pour
ce qui se vend en Ontario? Est-ce que le gouvernement fédéral n'a
pas confiance aux inspecteurs du gouvernement provincial?
Quand bien même que ce ne serait pas "Approuvé
Québec". Si cela l'est, il n'a pas d'affaire à doubler.
M. Toupin: C'est une uniformisation des normes de qualité
dans tout le pays. Pourquoi un système d'inspection des viandes au
Québec? Je pense que la question ne se pose pas, parce qu'il y a environ
300 abattoirs qui n'ont pas d'inspection et qui ne peuvent pas s'organiser
actuellement pour devenir "Federal Approved".
Evidemment, notre rôle, maintenant, avec nos règlements va
être d'amener ces abattoirs, dans le plus bref délai, à
s'organiser pour qu'il y ait des viandes "Québec Approved" sur le
marché québé- cois. Je ne pense pas que le
député de Lafontaine s'oppose à retrouver sur des viandes
l'estampille "Québec Approved".
M. Léger: "Approuvé Québec" plutôt,
oui.
M. Toupin: Ou "Approuvé Québec ". Ce que je veux
dire par là, c'est que si vous avez un inspecteur d'un gouvernement
responsable, qui est celui du Québec, qui vérifie et qui met son
estampille "Approuvé Québec", donc cette viande a
été inspectée. Pour quelle raison faudrait-il qu'elle soit
inspectée à nouveau par les représentants du Canada pour
qu'elle soit acceptée dans d'autres provinces? Est-ce que c'est
illégal? C'est une entente fédérale-provinciale?
M. Toupin: Je l'ai dit tantôt. Le commerce interprovincial
relève du gouvernement fédéral et tout produit qui circule
d'une province à l'autre doit, dans le domaine des viandes, recevoir
l'approbation des inspecteurs du gouvernement fédéral,
c'est-à-dire "Ottawa Approved", à cause de ('intercommunication
rapide de ces produits dans tout le pays. C'est pour cela d'ailleurs que cela
fonctionne ainsi. Comme je le disais tantôt, cela n'empêchera pas
un acheteur de l'Ontario de décider d'acheter des viandes du
Québec, s'il veut bien en acheter, à condition, bien sûr,
que les règlements de l'Ontario le prévoient. Si les
règlements de la province d'Ontario disent: Nous, nos règlements,
c'est "Canada Approved". Toute viande entre chez nous à condition
qu'elle ait l'estampille "Canada Approved". Si c'est là ses
règlements, je ne vois pas comment je pourrais aller trouver le
gouvernement de l'Ontario et lui dire: Ecoute, à compter de demain
matin, cela va être "Québec Approved". Si ce n'est pas
"Québec Approved", on ne vend pas de viande. On ne règlera pas
notre problème de ce côté.
M. Léger: Je trouve cela un peu ridicule. Dans un
fédéralisme rentable, on essaie de dire que...
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Nicolet-Yamaska.
M. Léger: Je n'ai pas terminé. ... l'approbation
d'un gouvernement responsable au point de vue de la qualité de la
viande, qu'un autre gouvernement provincial dise: Nous autres, c'est "Canada
Approved". C'est approuvé par les inspecteurs du Québec, mais ce
n'est pas suffisant.
M. Toupin: M. le Président, est-ce que c'est ridicule
qu'un gouvernement prenne ses responsabilités dans le domaine de
l'inspection des viandes? Il n'y a rien de ridicule là-dedans.
M. Léger: Si le Québec l'afait, c'est une
délégation de pouvoirs.
M. Toupin: Ce n'est pas une délégation de pouvoirs.
Le Québec a le pouvoir d'inspecter ses viandes sur son territoire et il
le fait. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Pourquoi me demandez-vous
maintenant...
M. Léger: C'est le fédéral, je ne vous
blâme pas.
M. Toupin: ... de pouvoir les vendre partout au pays? S'il y a
d'autres normes qui existent dans d'autres provinces, je suis bien
obligé de les respecter.
M. Léger: C'est ce que je trouve ridicule, d'avoir une
double inspection.
M. Toupin: Que l'Ontario soit ridicule, qu'elle n'achète
pas nos viandes, je n'ai rien contre cela.
M. Roy (Beauce-Sud): M. le Président, j'avais encore deux
questions à poser. Je n'avais pas fini. J'ai permis une question
additionnelle à mon collègue de Lafontaine. J'ai une question
bien indiscrète à vous poser. Soyez bien à votre aise pour
me répondre. Est-il exact que, pour pouvoir faire le commerce,
c'est-à-dire faire des ventes avec les grandes chaînes
d'alimentation, il est absolument nécessaire d'être "Canada
Approved", autrement dit qu'un abattoir "Approuvé Québec" ne peut
pas faire affaires avec les grandes chaînes d'alimentation?
M. Soucy: Je crois qu'il est exact dans le moment q u'il y a des
chaînes de magasins qui, c'est une politique de leur chaîne, de
leur compagnie, demandent que toute viande qu'ils achètent soit soumise
à l'inspection fédérale. C'est exact.
M. Roy (Beauce-Sud): Merci. Deuxième question, au
ministre. En ce moment, qu'est-ce que le ministre de l'Agriculture entend faire
à ce niveau?
M. Toupin: Le commerce de tout produit alimentaire dans notre
système actuel ne s'impose pas. Ceux qui sont engagés dans le
domaine de la transformation des viandes ont au moins, pour première
responsabilité, d'essayer de conquérir les marchés. C'est
là une de leurs premières responsabilités. Par exemple,
dans le domaine des oeufs, l'organisation qui a été mise en place
au Québec, a fait des ententes avec les chaînes. Les oeufs du
Québec se vendent par l'intermédiaire des chaînes.
M. Roy: Je n'aimerais pas aborder un débat d'envergure sur
la question des oeufs, parce qu'il y aurait certainement quelque chose...
M. Toupin: Oui, je sais.
M. Roy:... qui ferait une omelette qui ne serait pas très
bonne à manger.
M. Toupin: Dieu sait que celles que vous faites ne sont pas
bonnes à manger non plus.
M. Roy: Non, je n'en ai pas fait, je n'ai pas eu la
responsabilité, moi.
M. Toupin: Qu'est-ce que vous avez fait au juste?
M. Roy: Je n'ai pas eu la responsabilité et je ne jouerai
pas à la petite politique.
M. Toupin: Qu'est-ce que vous avez fait de plus?
M. Roy: Je me tiens uniquement sur des questions administratives
des décisions gouvernementales.
M. Toupin: Alors, je vous apporte un exemple.
M. Roy: Je ne veux pas cela comme exemple. Il n'est pas bon.
Présentez m'en un autre.
M. Toupin: Ecoutez, ce que vous ne trouvez pas bon, cela ne veut
pas nécessairement dire que c'est faux. Dans le domaine des oeufs, on a
réglé le problème de cette façon. Dans le domaine
des viandes, je n'ai absolument pas d'inconvénient au niveau du
ministère de faire avec les abattoirs "Approuvé Québec" la
même chose qu'on a faite avec d'autres produits. Je n'ai pas
d'inconvénient non plus à faire dans le domaine des viandes la
même chose qu'on a faite avec les pommes AC, "Atmosphère
contrôlée" qui, maintenant, vont sur les chaînes de magasins
québécoises. Elles y vont très largement, avant celles des
autres provinces, cette fois. C'est possible de le faire aussi dans le domaine
des viandes, mais on n'était pas rendu là. On a les
règlements et on va demander aux abattoirs "Québec approved" de
se donner des structures similaires et une inspection égale à
"Canada approved". A ce moment, on pourra travailler au niveau de ces centres
de décision, ces centres d'achat q ui sont importants pour le
développement de l'économie du Québec.
M. Roy: Jusqu'à maintenant, il y en a des abattoirs qui
sont "Québec approved"?
M. Toupin: Oui, il y a des problèmes.
M. Roy: Est-ce que le ministère de l'Agriculture comme tel
a fait des démarches jusqu'à maintenant à ce niveau ou
s'il attend que tout cela soit adopté?
M. Toupin: C'est-à-dire qu'on fait des démarches
à peu près sur toutes les productions actuellement
vis-à-vis des chaînes, vis-à-vis des distributeurs en
général. On parle des chaînes, parce que là on est
parti avec cela ce matin. Vis-à-vis de l'ensemble des distributeurs,
quand un problème se pose, je peux apporter un tas d'exemples, le
problème des tomates qui s'est posé, le problème des
concombres qui s'est posé, le problème des carottes, des salades,
on entre en communication avec les distributeurs et on leur demande d'accorder
priorité au Québec. On finit toujours... D'ailleurs, vous n'avez
pas de problème dans les produits maraîchers. On finit toujours
par les écouler.
M. Roy: Rien n'empêche que si vous avez... M. Toupin:
Dans ces secteurs aussi, on travaille. M. Roy: Vous avez une immense
béquille dans
les mains en partant. La dernière question que j'ai à
poser... Non, une grosse béquille.
M. Toupin: ...
M. Roy: Viande impropre à la consommation humaine, vous
avez touché cet aspect. J aimerais pour ma propre gouverne avoir des
informations. C'est que nous attendons encore avec instance le chapitre
réglementant le commerce de la viande impropre à la consommation
humaine qui n'apparaît pas avec le projet de règlement. Nous
croyons fermement que tant que le commerce des ateliers d'équarissage et
des animaux morts ne sera pas surveillé et contrôlé
sévèrement, la présente loi sera d'autant plus difficile
d'application.
Pourriez-vous nous dire, de votre côté, si, actuellement,
il y a quelque chose, il y a une inspection ou si ces gens sont soumis à
certaines règles ou à certaines normes de la part du
gouvernement, ou s'ils sont laissés entièrement libres d'agir
comme bon leur semble?
M. Soucy: Je crois qu'ils sont laissés assez
entièrement libres, à part de... Peut-être que mes
collègues peuvent m'aider. Il y en a un ou deux, je crois, qui ont une
inspection. En tout cas, quelques maisons ont une certaine forme d'inspection,
mais il n'y a absolument aucun règlement dans le moment qui régit
le commerce des animaux morts. C'est ce qu'on nous a dit, que le
règlement s'en vient, c'est-à-dire que ce sera une tranche de ce
règlement, je crois, du moins. Peut-être que je pourrais demander
à M. le ministre si c'est bien cela l'intention. Cela sera une tranche
du règlement sur les aliments qui va régir les animaux morts.
M. Toupin: II existe déjà une réglementation
en vertu du chapitre 21 des règlements provinciaux d'hygiène. Il
y a déjà de l'inspection, mais il y a d'autres problèmes,
évidemment, qui ne pouvaient être réglés en vertu de
ces règlements déjà en vigueur. C'est pour cela qu'on
intégrera dans ces règlements sous peu la partie qui a trait aux
animaux morts. C'est simplement un problème de santé qui nous a
empêchés de les présenter, parce que celui qui les
rédigait a dû être hospitalisé depuis trois semaines,
un mois et on n'a pas pu, évidemment, lui trouver un remplaçant.
C'est tellement technique. Il faut que le gars connaisse vraiment son domaine
pour être capable de bien les rédiger.
M. Roy: Dernière question, M. le Président. Un
abattoir "Approuvé Québec" peut-il vendre des viandes à un
abattoir "Canada Approved"?
M. Soucy: Pas dans le moment, non. M. Roy: Quelles sont les
raisons?
M. Soucy: C'est que c'est un accord ou un règlement de
l'inspection fédérale dans tout le pays que seule entre dans un
établissement sous inspection fédérale une viande qui
provient d'un autre éta- blissement sous inspection
fédérale avec le cachet "Canada Approved". C'est le
règlement sous inspection fédérale.
M. Roy: L'inverse peut se faire? M. Soucy: L'inverse peut se
faire.
M. Roy: "Canada Approved" peut vendre à "Québec
Approved".
M. Soucy: Oui.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Nicolet-Yamaska.
M. Faucher: J'aimerais apporter quelques précisions
concernant tout le domaine de l'inspection des viandes, car si nous faisons
l'historique ici, au Québec, de l'inspection des viandes, nous devons
admettre qu'il y a eu énormément de progrès depuis
quelques années.
Nous avons ici inauguré, au Québec, "Québec
Approved", nous avons quelques plans qui fonctionnent dans le moment. Je pense
que cela a aidé énormément à la population du
Québec, pour la bonne raison que plusieurs propriétaires de
"Québec Approved" sont passés à "Canada Approved ", ce qui
prouve que les normes que nous avons observées au Québec
étaient les mêmes normes qui s'observent au fédéral.
Actuellement, toutes les normes qui sont appliquées dans nos abattoirs
sont les mêmes normes qu'au fédéral. Si des abattoirs sont
passés au fédéral, c'est une bonne chose. Cela veut dire
que le travail a été bien accompli, et, d'un autre
côté, je pense que, pour l'avantage de notre commerce, c'est bon
qu'on ait "Québec Approved ' et "Canada Approved".
Il est question de publicité quand on dit que les viandes "Canada
Approved" semblent préférées à "Québec
Approved", c'est tout un problème de publicité ensemble et de
concurrence, peut-être bonne, peut-être mauvaise. Je laisse
à vous d'en juger.
Tout à l'heure, on a discuté ici d'un article concernant
le propriétaire qui peut abattre ses animaux sur sa ferme. On a fait
quelques remarques. On a dit qu'il y a un danger réel pour la bonne
raison que le type doit commencer par abattre les siens, il va en acheter
d'autres, il va abattre ceux du voisin et il va en avoir encore. Cela s'est
présenté dans le passé; cela peut se présenter dans
l'avenir.
Je verrais ici une solution quelconque pour que le cultivateur qui abat
ses propres animaux ait une certaine protection, parce que le cultivateur
lui-même ne peut pas juger de la valeur de la viande de son animal qu'il
abat. Je pense qu'il y aurait peut-être une solution à trouver,
pour qu'on puisse l'aider, à ce moment, soit pour aller faire une
inspection sur place. Je ne sais pas.
Ce sont quelques remarques que je voulais apporter. S'il y avait quelque
chose d'autre à ajouter, il me fera plaisir de l'entendre.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Lotbinière.
M. Massicotte: Merci, M. le Président. M. Soucy, quand
vous parlez du regroupement des abattoirs, vous dites qu'il y a une
capacité d'abattage actuelle qui dépasse largement les sources
d'approvisionnement. J'aimerais savoir quelle est cette proportion. Puis,
avez-vous aussi vécu des expériences, soit
québécoises ou à travers le Canada, concernant le
regroupement de certains abattoirs municipaux où on a nos bouchers, en
fait, qui accomplissent quand même un certain travail, qui donnent des
revenus que certains de nos agriculteurs apprécient beaucoup? Cela n'a
pas été publié trop trop actuellement. J'aimerais savoir
si cela a eu lieu. Quelles ont été les réactions des
agriculteurs, des salaisons et les répercussions enfin sur le
consommateur?
M. Soucy: A la première partie de la question, si... Je
m'excuse, j'étais...
M. Massicotte: On dit que la capacité d'abattage
dépasse largement les sources d'approvisionnement.
M. Soucy: C'est difficile de donner un chiffre exact
là-dessus, mais il y a trois ou quatre ans, on disait que nos abattoirs
fonctionnaient à peu près à 80% de leur capacité.
Aujourd'hui, je pense qu'on pourrait dire peut-être 85% ou 80%. C'est
encore dans les 80%, ils fonctionnent à 80% de leur capacité,
dépendant évidemment du temps de la saison. Il y a, à
certains moments de l'année, où ils vont peut-être
fonctionner seulement à 75% ou à 70%, peut-être 60%.
Alors, il y a une concurrence très forte dans ce domaine.
Maintenant, ce qui s'est fait dans les autres provinces, dans le regroupement,
je n'ai pas d'expérience à vous apporter de façon
concrète. Ce qu'on voulait dire là-dedans, c'est surtout offrir
notre collaboration dans ce domaine au ministère de l'Agriculture qui en
fera probablement l'étude et qu'avant de décider quel genre
d'aide au regroupement le ministère va apporter, on aimerait offrir
notre collaboration là-dedans et qu'il y ait une étude de faite
pour voir d'abord la rentabilité de l'établissement. Même
cela, ça vaut pour l'usine qui n'a pas d'inspection dans le moment et
qui veut peut-être se regrouper avec d'autres ou se lancer dans
l'inspection "Québec approuvé" et si, après étude,
plutôt que de lui faire faire une catastrophe, s'il n'y a pas de
rentabilité possible c'est pour prévenir une catastrophe,
si vous voulez ou s'il y a moyen d'avoir une rentabilité, on peut
y aller. Et la même chose, quel genre de regroupement? Est-ce qu'on doit
donner une aide à la fermeture des abattoirs, à l'achat par un
autre d'une usine ou regrouper plusieurs usines ensemble.
Je pense qu'il va falloir que le gouvernement aide d'une certaine
façon.
M. Massicotte: Est-ce que vous croyez que les abattoirs actuels,
ceux qui appartiennent à votre association, sont stratégiquement
placés pour répondre actuellement aux besoins?
M. Soucy: Je le penserais. Mais il n'est pas question de faire de
la discrimination envers qui que ce soit. Il y a de la place pour un tel
commerce, mais la concurrence est très très forte. Quant au
nombre d'abattoirs qui existent, surtout dans le domaine du porc, dans le
moment, il y a un grand nombre d'abattoirs, il y a 35 abattoirs qui sont, soit
"Québec Approuvé" ou "Canada Approved", qui abattent du porc dans
le moment, alors qu'en Ontario, on abat plus de porcs q u'au Québec et
il n'y en a que douze.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Beauce-Sud.
M. Roy: M. le Président, deux dernières questions.
Est-ce qu'il est assez facile pour un abattoir d'être accepté pour
l'inspection canadienne, pour pouvoir utiliser l'estampille "Canada
Approved"?
M. Soucy: C'est assez facile, s'il répond aux normes
d'établissement, aux normes de construction, d'abord qui sont, comme je
l'ai dit tout à l'heure, à peu près les mêmes. En
fait, les exigences devraient être la même chose. Je crois que
c'est assez facile. Il est peut-être aussi facile de joindre les rangs de
l'inspection fédérale que de joindre les rangs de l'inspection
provinciale, si les deux inspections sont au même niveau.
M. Roy: Si les deux inspections sont au même niveau, mais
à ce moment-ci?
M. Soucy: Je pense, selon l'expérience du passé,
pour les quelques abattoirs qui ont passé par le "Québec
Approuvé" et qui sont venus à l'inspection fédérale
après, qu'ils ont peut-être été obligés de
débourser un peu, peut-être à cause de la
sévérité de l'application des normes, surtout. Il y avait
peut-être un peu plus de tolérance au niveau provincial. Mais si
le nouveau document est appliqué intégralement, tel qu'on l'a vu,
il ne devrait pas avoir de différence.
M. Roy: Quand vous dites: Débourser un peu, cela peut
représenter quoi proportionnellement aux investissements?
M. Soucy: Cela dépend, je ne sais pas si on peut
même donner une proportion, cela dépend de la grosseur de
l'établissement.
M. Roy: Je comprends que je ne vous pose pas des questions
faciles, parce qu'en somme, c'est difficile à évaluer quand
même.
M. Soucy: De toute façon, je n'ai pas de
réponse...
M. Roy: Mais je pense qu'il y a certains points où on peut
donner un aperçu général. C'est au niveau de
l'aperçu général que j'aimerais savoir, par exemple, si un
abattoir qui est "Approuvé Québec"... Ceux de vos membres qui ont
déjà été "Approuvé Québec" et ont
demandé d'être "Approuvé Canada", comme vous venez de le
dire vous-même, ont été obligés de faire des
déboursés additionnels.
Est-ce que, dans l'ensemble, selon votre connaissance, ces
déboursés ont été de 5%, 10% ou 20% de leur
investissement?
M. Soucy: Je ne sais pas. Il y en a qui ont peut-être fait
5% de déboursés, d'autres en ont peut-être fait 10% et
d'autres, presque pas, peut-être seulement 1% additionnel. Je suis
très mal placé pour vous donner un chiffre. Je ne sais pas.
D'ailleurs, je vous dis ce que j'ai entendu dire, certains abattoirs ont
été obligés de débourser un peu. Cela devrait
varier entre 0% et 10%.
M. Roy: Si je vous pose la question, c'est que j'ai eu
personnellement des témoignages à ce sujet et les personnes nous
ont dit: On n'a pas les moyens de le faire. Cela nous coûterait encore
$50,000 à $75,000 d'investissements additionnels et on n'est pas capable
de le faire. Ce sont les témoignages que j'ai eus de la part de
propriétaires d'abattoirs modernes. J'aimerais savoir, en guise de
dernière question, M. le Président, combien de nouveaux membres,
combien d'abattoirs au Québec ont reçu l'approbation "Canada
Approved" au cours des deux dernières années?
M. Soucy: Je suis assez embêté de vous le dire. S'il
y avait quelqu'un de l'inspection fédérale ici, il serait plus en
mesure que moi de vous le dire. Au cours des deux dernières
années, je vous donne une approximation, peut-être seulement
quatre ou cinq dans la province. Il n'y en a pas beaucoup au cours des deux
dernières années. Il y en a eu beaucoup au cours des trois ou
quatre années passées. ll y en a eu en 1970.
M. Roy: Est-ce que c'est à l'occasion d'Expo 67 qu'il y en
a eu plusieurs?
M. Soucy: Non. Après cela, cela a été
surtout 1971...
M. Roy: Je ne vous demande pas de détail. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Merci, M. Soucy.
J'invite le représentant de la compagnie J. Demers Inc., M. Jean-Paul
Lussier.
Compagnie J. Demers Inc.
M. Demers: MM. les membres de la commission parlementaire,
prendre la parole à la suite d'un Roi ou d'un Soucy, ce n'est pas une
sinécure en soi, vous l'admettrez. Je n'ai ni leur talent ni leur
compétence. Par contre, je compte d'avance sur votre indulgence
étant donné que le temps et les circonstances ne m'ont pas permis
d'apporter avec moi une présentation, une documentation qui soit
à l'échelle des membres de la commission parlementaire. Ma
présentation se voudra forcément improvisée et elle aura
pour mérite d'être brève.
Notre compagnie, J. Demers Incorporée, est localisée
à Gentilly, ville de Bécancour. Nous admi- nistrons depuis vingt
ans, et même au-delà, un abattoir chevalin sous juridiction
fédérale. Malheureusement, à cause de
préjugés, à cause de circonstances, nous sommes
forcés d'expédier la grande majorité de notre production
vers les marchés européens. La population du Québec, entre
autres, vit de préjugés qu'on semble, avec la
réglementation actuelle, vouloir renforcer ou lui donner justice de se
propager constamment d'une génération à l'autre. La
réglementation force les propriétaires d'abattoir chevalin
à restreindre ou a limiter leur distribution à des
établissements désignés. En soi, immédiatement, on
semble jeter un sort à la viande chevaline, on semble vouloir la
catégoriser immédiatement, que la viande chevaline est une viande
d'une qualité inférieure qui ne se compare pas à celle du
boeuf ni à celle du porc ou à toute autre viande qu'on retrouve
sur le marché libre.
Le but de notre présentation est d'inviter votre étude et
votre considération sur le fait que nous aimerions voir une distribution
plus libérale, sans jeu de mots, de la viande chevaline. On
espérerait pouvoir offrir au public, un public de plus en plus grand,
parce qu'on a quand même ici au Québec un pourcentage assez
considérable d'Européens qui recherchent les avantages, les
bienfaits, ou les mérites de la viande chevaline, on devrait ici dans un
pays libre, dans une société qui se veut libre, donner au public
un libre choix d'acheter la viande de son choix. Là, on le force
nécessairement ici dans tout le Québec à aller rechercher
sa viande chevaline dans 20 établissements ici au Canada.
C'est un non-sens qui est évidemment beaucoup plus
accentué dans les autres parties du Canada que cela l'est ici, au
Québec. Dans tout le Canada, dans les autres provinces, on retrouve un
seul établissement où la viande chevaline est permise. Ici, si on
ne demeure pas à Québec, à Montréal, à
Trois-Rivières, à Sherbrooke ou dans quelques autres
arrondissements, polir les gens qui aimeraient avoir la viande chevaline, cela
ne leur est pas possible à moins de parcourir une centaine de milles, si
on est par exemple dans la région du Lac-Saint-Jean, où, pour
donner un exemple, on ne peut pas se procurer de viande chevaline, parce qu'il
n'y a n'y a pas d'établissement désigné.
Ce que notre compagnie propose ou aimerait off rir à votre
considération, ce serait d'avoir le privilège de présenter
une excellente viande chevaline. Je ne sais pas si vous êtes au courant
des mérites de la viande chevaline. C'est une viande qui a beaucoup
moins de cholestérol que celle du boeuf, par exemple. A ceux qui ont le
malheur de souffrir d'insuffisance cardiaque, étant donné la
faible teneur de sodium de la viande chevaline, les médecins
européens recommandent fortement la viande chevaline; à ceux qui
souffrent d'anémie, surtout en France, en Suisse, en Belgique, en
Hollande, les médecins recommandent fortement la viande chevaline. Il y
en a qui la recherchent aussi par goût. Je ne sais pas lesquels d'entre
vous, messieurs, aiment à l'occasion, surtout durant la période
de chasse, déguster un bon steak de chevreuil. Il y en a à qui
cela plaît, il y en a d'autres à qui cela ne plaît pas. La
viande de cheval est une viande plus douce
que celle du boeuf, mais il y a quand même 20
établissements à Montréal qui progressent et qui
progressent pourquoi, parce qu'i ly a des avantages, soit de goût, soit
de préférence soit d'économie, parce que, heureusement, la
viande chevaline pourrait permettre à un grand nombre de familles de se
procurer une saine alimentation à des prix beaucoup plus convenables que
ceux qu'elles sont obligées de payer actuellement pour d'autres viandes
que la viande chevaline.
Ce que nous préconisons, si nous pouvons obtenir la permission
par permission, j'entends un changement aux règlements actuels,
de vendre, en vente libre, dans tous les établissements commerciaux de
la province de Québec, c'est une viande chevaline préparée
sous inspection fédérale, avec toute la réglementation que
le ministère de l'Agriculture voudrait donner à cette
préparation, une viance qui serait préparée à
l'avance, qui serait présentée malheureusement dans des
emballages dont il à été question plus tôt cet
après-midi, où il n'y aurait aucune confusion pour le public
à identifier une viande chevaline.
Comme je vous l'ai dit au début, ou le temps, les circonstances,
la poste on peut facilement blâmer le courrier aujourd'hui
je n'ai pas ma documentation. J'aurais voulu me présenter ici, devant
vous, avec une esquisse ou une maquette de l'emballage qu'on prévoit.
Vous pouvez facilement visualiser, j'en suis sûr, un empaquetage qui
ressemblerait, par exemple, à une boîte de margarine ou je
regrette d'avoir à dire le nom un TV Dinner, où on
pourrait facilement acheter une viande chevaline qui serait
présentée soit sous forme de steak, soit
délicatisée, ou sous forme de hamburger steak. Je ne sais pas
pourquoi on appelle cela hamburger steak, mais ce serait de la viande
hachée de cheval qui aurait le mérite, au moins, d'être
offerte à 95% de maigre.
Il n'y aurait aucune confusion pour le public que se présenterait
dans une grande chaîne d'alimentation ou dans une boucherie du coin,
à se procurer, sous forme congelée, une viande chevaline qui
serait présentée et offerte au public avec toutes les
restrictions qui satisferaient le ministère de l'Agriculture pour que le
public en ait réellement pour son argent.
En résumé, c'est ce que je voulais laisser à votre
considération en formulant au moins l'espoir qu'une révision de
la réglementation actuelle est une chose possible et que le public
pourra se procurer avant longtemps de la viande chevaline dans d'autres
établissements que ceux qui sont spécifiquement
désignés à cet effet.
Je vous remercie infiniment, M. le Président.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Des questions des
membres de la commission? Le député d'Iberville.
M. Faucher: A quelle place prenez-vous vos matières
premières, les chevaux pour l'abattage?
M. Lussier: Nous nous procurons les chevaux dans le moment
partout dans la province de Qué- bec, dans les provinces maritimes. Nous
allons jusqu'en Louisiane. Nous allons jusqu'au Nebraska et au sud de la
Virginie.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
d'Iberville.
M. Tremblay: M. Demers, est-ce que vous êtes au courant
dans combien d'Etats...
M. Lussier: M. Demers, malheureusement, je n'ai pas son compte de
banque.
M. Tremblay: M. Lussier, je vous demande pardon.
M. Lussier: Ce n'est rien.
M. Tremblay: M. Lussier, dans combien d'Etats américains
la viande chevaline est-elle vendue sur le marché libre?
M. Lussier: Aucun, je crois. Il y a quelques
établissements aux Etats-Unis, surtout aux environs de Boston, il y a
une couple d'établissements que je connais en Floride, surtout à
cause de la présence d'un grand nombre d'Européens et de
Canadiens français qui sont là, qui encouragent des
établissements de viande chevaline. Je peux vous dire qu'en France
surtout, qui est le plus grand pays consommateur de viande chevaline, on a
aussi des établissements désignés. Il faut que ce soit un
abattoir chevalin, mais, depuis deux ans, on a permis la vente libre,
proprement identifiée, de la viande chevaline dans toutes les grandes
boucheries parisiennes.
M. Tremblay: Au Québec maintenant, à votre
connaissance, combien y a-t-il d'éleveurs de chevaux
intéressés précisément à alimenter votre
abattoir?
M. Lussier: Aucun, ce n'est pas rentable.
M. Tremblay: Est-ce que vous êtes le seul abattoir au
Québec?
M. Lussier: Non, nous sommes trois abattoirs ici dans la province
de Québec.
M. Tremblay: Le vôtre est-il des plus importants ou le plus
important? Dites-le modestement.
M. Lussier: Si vous parlez en fonction de volume, non, nous ne le
sommes pas. Si vous parlez de prestige ou de réputation, je crois que,
modestement, je peux vous répondre "oui".
M.Tremblay: II y a, pour détailler les produits de la
viande chevaline au Québec, une vingtaine de magasins, vous dites, qui
sont désignés?
M. Lussier: Environ.
NI. Tremblay: II y a trois abattoirs qui fournissent ces vingt magasins,
plus leurs exportations?
M. Lussier: C'est exact.
M. Tremblay: Quelle est la proportion, justement je
reviens à ma question du nombre d'éleveurs?
M. Lussier: Des éleveurs, M. le député, il
n'y en a aucun au Canada. Il n'y en a aucun que je connaisse dans le monde qui
fasse l'élevage proprement dit du cheval.
M. Tremblay: Quand vous achetez un cheval au Québec, vous
l'achetez...
M. Lussier: C'est parce qu'il a...
M. Tremblay: II est élevé pour la viande ou c'est
après avoir travaillé?
M. Lussier: Après avoir travaillé, ce sont des
chevaux d'équitation, des chevaux de selle, des chevaux de course, des
chevaux de travail, de trait qui ont vécu leur vie. La viande chevaline,
contrairement à celle du boeuf, plus elle est vieille, plus elle
provient d'un cheval âgé, meilleure elle est.
M. Tremblay: C'est ma dernière question. Maintenant, vous
qui êtes versé dans ce genre d'industrie en alimentation,
d'après vous quel est le préjugé principal attaché
à l'aspect généralement négatif de la consommation
de la viande chevaline?
M. Lussier: Je suis très heureux que vous me posiez la
question. Je pense que c'est dû à, on parle souvent de mère
patrie... Si nous n'étions que des Canadiens français au Canada,
je crois que la viande chevaline serait beaucoup plus populaire. C'est à
cause de notre ascendance ou de l'influence anglo-saxonne qui se percute aussi
aux Etats-Unis pour qui le cheval a des dimensions qui se comparent
peut-être à la vache en Inde. C'est un animal sacré.
M. Tremblay: C'est un ami.
M. Lussier: C'est un ami, cela ne se mange pas.
M. Tremblay: On ne mange pas de nos amis.
M. Lussier: Cela deviendrait de l'anthropophagie pour certaines
personnes.
M. Tremblay: On les mange, mais sans qu'ils ne s'en
aperçoivent.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Lotbinière.
M. Massicotte: M. Lussier, j'aimerais savoir, pour faire suite
aux questions de mon col lègue, quel serait votre pourcentage de vente
qui va à l'exportation européenne dans votre cas et concernant
aussi les trois abattoirs, si vous avez des statistiques?
M. Lussier: Les trois abattoirs du Québec ex- portent 90%
à 95% vers l'Europe. Il y a une compagnie parmi les trois dont je vous
parle, qui donne en transport aérien, $1.5 millions par année.
Nous sommes de beaucoup les plus importants clients des lignes
aériennes, de beaucoup; parce qu'en Europe, la presque totalité
de nos exportations se font sous forme de viande fraîche. La viande est
abattue le lundi, elle part le mercredi et est rendue à Paris le jeudi
matin. On paie des prix... on paie $0.25 de transport par livre pour la
recevoir fraîche.
M. Massicotte: Maintenant, quel pourcentage sert à la
fabrication de la nourriture pour les petits animaux, comme les chats et les
chiens?
M. Lussier: Une fraction, 0.5%. Il y en a très peu. Il y a
tout simplement les animaux qui peuvent mourir dans les champs et qui n'entrent
pas sur pattes. On a une petite usine d'équarrissage à
l'arrière de notre abattoir chevalin qui sert à alimenter
partiellement la conserverie de nourriture animale que nous exploitons,
adjacente à l'abattoirchevalin.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Beauce-Sud.
M. Roy: Vous avez dit qu'il y avait une vingtaine
d'établissements qui faisaient le commerce de la viande chevaline, qui
faisaient la vente...
M. Lussier: Oui. M. Roy: C'est cela? M. Lussier:
Exact.
M. Roy: Est-ce que ces établissements qui font la vente,
sont limités à vendre exclusivement de la viande chevaline ou
s'ils peuvent vendre d'autres catégories de viandes?
M. Lussier: Ils ne peuvent vendre ni porc, ni boeuf, ni veau. Je
crois que c'est limité. Je ne sais pas si le poulet leur est permis. Il
faut qu'ils s'en tiennent strictement à la viande chevaline.
C'est une discrimination vous l'admettrez, j'espère
qui est néfaste, autant pour le producteur que pour le consommateur, qui
recherche cette viande par goût ou par économie.
M. Roy: Suggérez-vous des modifications ou des changements
dans cet état de fait?
M. Lussier: Nous reconnaissons volontiers, M. Roy, que la
réglementation qui existe actuellement est faite à dessein pour
protéger certains manipulateurs de viande qui sont, disons-le, pas
tellement catholiques, et qui pourraient facilement mélanger la viande
de cheval, qui est meilleur marché, à celle du boeuf.
Personnellement, je n'y vois pas d'inconvénient. Il n'y aurait que des
avantages pour le consommateur, en autant que cette viande provienne d'un
abattoir sous inspection soit fédérale, soit provinciale.
M. Roy: II se vend, dans les institutions, dans des
hôpitaux... Est-ce qu'il s'en vend actuellement...
M. Lussier: II doit s'en vendre, mais nous ne connaissons pas,
nous n'avons pas de canaux de distribution comme cela. On pourrait vendre
à un abattoir chevalin qui, en retour, irait vendre à une prison
ou à un hôpital.
M. Roy: Vous n'êtes pas au courant.
M. Lussier: Nous ne vendons pas directement.
M. Roy: Vous ne pouvez pas nous donner de renseignements...
M. Lussier: Aucun, malheureusement. Je pourrai m'en procurer,
mais je n'en ai pas pour le moment.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
d'Iberville.
M. Tremblay: II y a, M. Lussier, aucun établissement de
restauration au Québec, d'après vous, où l'on peut voir
sur le menu une viande chevaline offerte aux clients?
M. Lussier: Je parlais de discrimination tantôt, M. le
député. Si vous tenez un restaurant... J'ai un de mes bons am is
je ne sais pas si je devrais le mentionner ici mais qui a
déjà tenu un restaurant de réputation fameuse. Je ne
l'identifierai pas davantage, parce que cela pourrait lui porter
préjudice. Il voulait vendre de la viande chevaline dans son restaurant,
qui était un des plus fameux à l'époque à
Montréal. Même s'il était une personne avec des
responsabilités, qui aurait pu faire le changement, la loi provinciale
lui défendait de mettre à son menu de la viande de cheval en
même temps que de la viande de boeuf. Il fallait qu'il indique à
la porte de son établissement: Ici, nous servons de la viande
chevaline.
M. Tremblay: Qu'est-ce qui lui est arrivé?
M. Lussier: II n'en a pas vendue. On ne lui en a pas vendue; il
n'en a pas offert à sa clientèle.
M. Tremblay: Parce que cela lui était défendu de
s'en procurer?
M. Lussier: II ne pouvait pas. Non, cela ne lui était pas
défendu, mais il ne pouvait pas avoir, dans ses glacières, de la
viande de boeuf et de la viande de cheval.
M. Tremblay: Ah bon!
Le Président (M. Houde, Limoilou): Autre question des
membres?
M. Toupin: J'aurais une seule question, M. le
Président.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre de
l'Agriculture.
M. Toupin: Une première, d'abord.
Ce serait une suggestion que je ferais à M. Lussier. Je serais
intéressé à le voir mettre sur papier ce qu'il nous a dit
cet après-midi, qu'il nous le fasse parvenir pour que nous puissions le
regarder plus en profondeur.
M. Roy: D'ailleurs, vous allez l'avoir au journal des
Débats.
M. Toupin: Oui, mais il disait tantôt qu'il pouvait
apporter des statistiques, certaines données à l'appui de ce
qu'il disait. Je serais intéressé, personnellement, en tout cas,
à ce qu'il nous fasse parvenir la documentation.
M. Lussier: Je n'y manquerai pas, M. le ministre.
M. Toupin: Parfait. C'est la première question. L'autre,
c'est que vous avez parlé de manipulateurs, tantôt. Je voudrais
que vous m'apportiez certaines précisions parce que les
règlements, au fond, sont là pour éviter qu'il y ait des
manipulations, dans le sens que vous l'avez décrit, tout au moins,
verbalement.
M. Lussier: C'est extrêmement délicat, tout
cela.
M. Toupin: Vous pouvez ne pas y répondre, si vous voulez.
C'est parce que je pensais que vous aviez...
M. Lussier: J'y répondrai privément, M. le
ministre, mais, en public, cela pourrait nous causer des préjudices
assez sérieux.
M. Toupin: D'accord.
M. Lussier: Je n'y vois pas d'inconvénient. C'était
simplement pour apporter une précision.
Le Président (Houde, Limoilou): Le député de
Lotbinière.
M. Massicotte: M. Lussier, j'aimerais savoir, par exemple, quel
est le chiffre d'affaires soit de Demers Inc. ou encore des trois abattoirs,
globalement, et le nombre d'emplois que cela a créés. En fait,
c'est réellement dans un milieu rural où on a besoin
d'emplois.
M. Lussier: Nous avons un chiffre d'affaires combiné qui
peut s'estimer entre $10 millions et $15 millions par année. Nous y
employons facilement 200 personnes.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
d'Iberville.
M. Massicotte: D'accord!
M. Tremblay: Je ne veux pas retarder la commission, ni nos
visiteurs, M. Lussier, mais je ne peux m'empêcher de vous faire une
suggestion. Avez-vous l'intention de reprendre vos représentations
auprès de la commission de l'agriculture d'une façon un peu plus
concrète, comme vous auriez aimé le faire, par exemple, avec un
échantillonnage de mémoires, peut-être même convier
les membres de la commission à un bon repas chevalin?
M. Lussier: C'est de trouver le restaurant qui va se permettre de
le faire.
M. Tremblay: On pourra peut-être demander au responsable du
restaurant Le Parlementaire, pour un midi, de faire une exception pour une
table spécifique pour la commission parlementaire de l'agriculture.
M. Lussier: Si cela peut s'arranger, je ferai le
nécessaire pour vous amener un cuisinier qui vous préparera un
repas dont vous parlerez longtemps.
M. Tremblay: Je vous suggérerais, dans vos approches
auprès du ministre et de la commission, et auprès de M. Pouliot,
le secrétaire de la commission, de le mentionner dans vos intentions. On
verra probablement que vous serez le bienvenu.
M. Lussier: Je vous remercie infiniment.
M. Tremblay: II ne faut pas que la discrimination parte d'ici,
n'est-ce pas?
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Beauce-Sud.
M. Roy: Je n'ai pas de question à poser à notre
invité, M. Lussier. C'est une question que je voulais poser au ministre
juste avant la fin de nos travaux de la commission parlementaire.
Si on me permet, M. le Président, je peux bien les poser tout de
suite, mais s'il y a d'autres personnes qui ont d'autres questions à
poser à M. Lussier...
Le Président (M. Houde, Limoilou): M. Lussier, j'aimerais
suggérer, étant donné qu'il a un mémoire, de le
transmettre au secrétaire de la commission parlementaire et ils feront
des photocopies et les transmettront à chacun des membres.
M. Lussier: Dans le plus bref délai possible. Je vous
remercie infiniment, messieurs.
M. Roy: A la suite du dépôt de ce volumineux
document contenant la réglementation concernant l'inspection des
viandes, j'aimerais demander au ministre quelles sont ses intentions, parce
qu'il y a quand même des gens qui sont directement concernés,
directement impliqués par ce règlement. C'est qu'il y a au
Québec des abattoirs plan A, "Approuvé Québec", il y a
aussi des abattoirs, plan B, qui ont été exigés par le
ministère et qui ont été construits selon les plans de
construction et d'égoût exigés par le ministère.
Face à cette réglementation qui arrive et comme ces gens ne
pourront probablement pas faire les dépenses nécessaires pour
satisfaire les exigences du gouvernement, est-ce que le ministre pourrait nous
dire, à ce moment-ci, quelles sont les intentions précises du
ministère? Parce qu'il y a quand même des droits acquis, ces gens
ont des clientèles, ces gens ont un marché, autrement dit ce sont
des entreprises qui existent, qui ont le droit d'exister, en somme, mais qui
pourront se retrouver demain dans des situations fort précaires.
J'aimerais savoir du ministre quelles sont ses intentions à ce sujet,
pour voir s'il peut rassurer ces gens?
M. Toupin: M. le Président, je pourrai donner
peut-être plus de précisions, peut-être à la fin de
la commission, après avoir entendu d'autres parties. J'ai seulement la
réaction suivante pour le moment. Si vous voulez que le ministère
soit capable de donner suite aux réponses que nous avons données
aux questions que vous nous avez posées, aujourd'hui, il faut
améliorer la situation. Il ne faudrait pas demander à un B de
concurrencer avec A fédéral. Il ne faudrait pas lui demander
cela, mais il ne faudrait pas non plus qu'il soit frustré, s'il n'est
pas capable de prendre ces marchés. La concurrence existe partout et
cela existe surtout au chapitre de la qualité. On va regarder, bien
sûr, les cas pris individuellement. On n'imposera à personne des
dépenses substantielles, mais on va indiquer clairement nos intentions
d'assainir très nettement ce secteur.
M. Roy: II y a la question de l'assainissement, mais il y a aussi
la question des capitaux qui ont été investis, jusqu'à ce
jour, par des gens qui sont suivi, jusqu'à ce jour, les exigences du
gouvernement, les recommandations du ministère de l'Agriculture.
M. Toupin: Oui.
M. Roy: Mais il faut tenir compte aussi des marchés
locaux, il faut tenir compte des régions.
Il y a des abattoirs dans certaines régions du Québec,
à cause de la densité de la population, à cause de
l'étendue du territoire et toutes ces choses qui sont des circonstances
particulières pour ceux qui sont près des grands centres. Alors,
il y a eu une loi qui a existé, par exemple dans le cas des meuneries.
Il y a eu des dédommagements qui ont été consentis en
vertu de la fusion de meuneries. Cela s'est fait dans les questions d'usines
laitières. J'aimerais bien savoir du ministre s'il peut nous donner la
garantie qu'il n'y a pas d'institutions ou d'abattoirs qui, demain matin,
devront fermer leurs portes et perdre tout ce qu'ils ont engagé.
M. Toupin: II faut bien comprendre une chose, c'est que le but
des règlements, ce n'est pas de sauver les abattoirs actuellement. Le
but des règlements, c'est de protéger le consommateur. C'est
cela, le but des règlements. Le deuxième but, c'est de rendre ces
abattoirs "Quebec Approved" aptes à concurrencer n'importe quel autre
abattoir qui se situe sur le territoire du Québec et qui utilise la
marque "Canada Approved". Dans les moyens
qu'on entend utiliser, j'en ai dit un mot cet après-midi et
j'aimerais, plus tard, en discuter plus longuement, nous avons un programme
d'aide de fusion ou d'agrandissement pour ceux qui voudront bien se conformer
à la réglementation actuelle. Là où il y aura des
droits acquis, si, toutefois, il y a vraiment des droits acquis, ce sont des
choses qui se discutent. On l'a fait dans le lait, par exemple, on l'a fait
dans les meuneries, quoique cela ait été beaucoup moins efficace.
On a presque arrêté le programme de ce côté. Cela
veut dire une régionalisation, cela veut dire une étude de la
production, cela veut dire tout cela. Mais les objectifs visés, ce n'est
pas de sauver tous les abattoirs à tout prix. C'est de mettre à
la disposition des consommateurs une viande de qualité.
M. Roy: Vous allez pouvoir nous donner de plus amples
informations...
M. Tospin: Sur le programme.
M. Roy: ...plus de détails et préciser davantage
avant la fin de nos travaux.
M. Toupin: Pas mal. Je ne dirais pas les détails complets
d'une programmation pour aider à la fusion, mais...
M. Roy: Au moins les grandes lignes.
M. Toupin: Oui, on peut vous donner pas mal de choses et,
d'ailleurs, dans le discours du budget, au moment de la discussion des
crédits du ministère, cela va venir d'ici trois semaines ou un
mois, deux mois, on va mettre deux semaines de plus, vous aurez
l'occasion...
M. Roy: D'ici la fin de nos travaux de la commission
parlementaire.
M. Toupin: Je peux vous donner les principes, pas les
budgets.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Merci, messieurs. La
commission ajourne ses travaux à demain, dix heures.
(Fin de la séance à 18 h 29)
ANNEXE
Commentaires de M. Maurice Bellemare,
député de Johnson et
chef de l'Union Nationale sur l'avant-projet de
loi
d'assurance-stabilisation des revenus
agricoles
Vu la nature et la portée restreinte de l'avant-projet de loi qui
nous est soumis aujourd'hui, mes commentaires préliminaires seront
brefs.
Il est clair que nous sommes ici d'abord pour entendre les observations
et les recommandations des individus et des divers organismes qui ont
demandé la permission de déposer un mémoire devant cette
Commission parlementaire. J'aimerais beaucoup que les personnes qui
témoigneront aujourd'hui et demain nous fassent connaître leurs
commentaires sur les points suivants: 1)Sur le principe même de
l'avant-projet de loi, soit l'assurance-stabilisation, j'ai nettement
l'impression que tout le monde est d'accord. D'ailleurs, c'est tout ce que nous
dit l'avant-projet de loi. Le gouvernement se prononce en faveur du principe
d'assurance-stabilisation et il met sur pied une structure administrative pour
en assurer le fonctionnement. Mais chose étrange il
s'arrête là! Comment voulez-vous qu'on s'objecte?Tout ce qui est
le moindrement important demeure inconnu c'est-à-dire que
ça se fera par règlementation. Encore une fois, ce seront les
technocrates qui légiféreront! Messieurs, dames, êtes-vous
d'accord avec cette manière cavalière de procéder?
Croyez-vous que c'est suffisant d'émettre un objectif valable en soi
sans nous donner les moyens qu'on entend prendre pour l'atteindre? N'avez-vous
pas l'impression que le gouvernement lui-même ne sait pas où il va
en réalité qu'au lieu de nous donner les lignes
directrices tel que l'exigerait un leadership véritable, il continue
à agir selon son habitude et fait faire son travail par les autres? Il
est permis de se le demander. Si le gouvernement prenait son travail de
législation au sérieux, il aurait eu la décence
élémentaire de nous présenter avec cet avant-projet de
loi, la règlementation qui s'y rattache. Là au moins, on aurait
une idée où l'on s'en va. Est-il normal que nous ne connaissions
pas à l'heure actuelle ce que le gouvernement entend par "revenu
stabilisé (article 29)? Est-il normal que nous ignorions
complètement en vertu de quels critères le gouvernement
déterminera "le revenu annuel net déterminé",
mentionné dans les notes explicatives lesquelles d'ailleurs ne
nous expliquent pas grand chose? Est-il normal que nous ne sachions pas
aujourd'hui quels secteurs de production agricole seront touchés par ce
projet de loi du moins les premiers secteurs? 2)Vous savez comme moi que
tout régime d'assurance-stabilisation est intimement relié
à la politique et aux mécanismes de mise en marché du
gouvernement car le "revenu stabilisé " de l'agriculteur auquel se
réfère l'avant-projet de loi sera affecté en premier lieu
par les prix du marché et la commercialisation de nos produits
agricoles. Or sur ce dernier point, je me permets de rappeler aux membres de
cette commission et aux personnes qui sont de l'autre côté de la
barre, que le 13 septembre 1973, lors de l'étude du projet de loi 24
Loi concernant la mise en marché des produits agricoles au
Québec, le porte-parole de l'Union Nationale à cette Commission
avait exposé la politique de l'Union Nationale en matière de mise
en marché des produits agricoles. Les mesures proposées par
l'Union Nationale à ce moment-là nous apparaissent de plus en
plus valables et dans le contexte d'un régime d'assurance-stabilisation,
elles deviennent, à notre avis, un complément essentiel. Nous
proposons, en somme que l'on modifie la structure juridique de la Régie
des Marchés Agricoles pour en faire un véritable tribunal pour
toutes les lois sur la mise en marché des produits agricoles et qu'on
crée un Office de commercialisation des produits agricoles du
Québec pour promouvoir sur tous les plans une saine commercialisation
des produits agricoles de manière à ouvrir le plus de
marchés possibles tant à l'intérieur qu'à
l'extérieur du Québec. Certes, cet Office de commercialisation
pourrait avoir beaucoup d'autres pouvoirs tant au niveau de plans conjoints
qu'au niveau de la planification à moyen terme et à long terme
des tendances des marchés des produits agricoles, mais il est encore
trop tôt pour entrer dans ces détails aujourd'hui.