L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente de l'agriculture

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente de l'agriculture

Version finale

30e législature, 3e session
(18 mars 1975 au 19 décembre 1975)

Le jeudi 27 février 1975 - Vol. 16 N° 19

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Avant-projet de loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles et règlement sur les viandes


Journal des débats

 

Commission permanente de l'agriculture

Avant-projet de loi sur l'assurance-stabilisation

des revenus agricoles et règlement sur les viandes

Séance du jeudi 27 février 1975

(Dix heures treize minutes)

M. Houde, Limoilou (président de la commission permanente de l'agriculture et de la colonisation): A l'ordre, messieurs!

Les organismes convoqués ce matin sont les suivants: Association professionnelle des meuniers du Québec et l'Union des producteurs agricoles. Les membres de la commission seront les suivants: M. Bellemare (Johnson), M. Burns (Maisonneuve), M. Lachance (Mille-Iles) remplace M. Carpentier (Laviolette); M. Denis (Berthier), M. Pelletier (Kamouraska-Témiscouata) remplace M. Dionne (Mégantic-Compton); M. Faucher (Nicolet-Yamaska), M. Fraser (Huntingdon), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Lessard (Saguenay), M. Massicotte (Lotbinière), M. Ostiguy (Verchères), M. Roy (Beauce-Sud), M. Toupin (Champlain), M. Tremblay (Iberville).

Tel que convenu hier, le député de Saguenay fera son exposé.

Exposé de M. Lucien Lessard

M. Lessard: M. le Président, je dois d'abord m'excuser de ne pas avoir été présent hier, étant donné la situation qui existe au niveau des aéroports actuellement. La grève des préposés à l'entretien empêchait mon avion d'atterrir à Québec. Nous avons donc du atterrir à Montréal. Comme le disait le ministre tout à l'heure, j'étais dans les nuages. Cependant, je n'étais pas seul; je pense que le ministre de l'Agriculture l'est quelquefois aussi.

M. le Président, j'ai l'intention ce matin d'essayer d'illustrer ou de dire dans quelle perspective s'engage pour l'Opposition cette discussion sur un projet de loi que nous considérons important mais qui doit se greffer à l'intérieur d'une politique générale de l'agriculture. Avant de passer à quelques observations et commentaires sur l'avant-projet de loi qu'on a devant nous ce matin, je dois dire au ministre que c'est avec un intérêt bien particulier que je participe aux travaux de cette commission car je constate que le ministre commence à écouter les gens directement impliqués dans ses politiques.

Cependant, que le ministre soit assuré que les propos que je vais tenir ce matin ne lui plairont certainement pas et j'espère justement qu'au cours de l'étude de ce projet de loi, le ministre prendra conscience que ce n'est pas seulement par une loi de stabilisation des revenus agricoles que nous allons régler le problème de l'agriculture. Mais il reste que le fait que cette commission puisse siéger nous donne une certaine satisfaction.

Ce n'est pas, je pense, trop tôt pour que le ministre entende au moins les parties directement impliquées.

Le ministre aurait-il été convaincu par les nombreuses demandes en ce sens, formulées par les partis de l'Opposition, tant par moi que par mon collègue, M. Fabien Roy? Ou plutôt, les régiments motorisés de l'automne dernier ont-ils assez traumatisé le cabinet pour que ce dernier s'aperçoive qu'il existe encore une chose telle qu'une classe agricole au Québec?

Quoiqu'il en soit, la tenue de cette commission est un premier pas dans la bonne voie et cette consultation auprès des intéressés, sur un avant-projet de loi précis, est une mesure marquée du simple bon sens.

Si le ministre, comme nous l'avions demandé, s'était donné la peine de faire de même en ce qui concerne la Loi de l'assurance-récolte, au lieu des simulacres de consultation tenus dédaigneusement par la régie, il se serait évité bien des embêtements et l'application de cette loi en eût été probablement facilitée.

L'objet de la présente réunion étant d'entendre les principaux intéressés en matière d'assurance-stabilisation des revenus agricoles, à ce stade-ci, le parti d'Opposition se contentera de faire quelques remarques générales sur l'avant-projet de loi et le cadre général dans lequel il se situe.

Nous avons bien l'intention de dire au ministre que ce n'est pas exclusivement par un tel projet de loi que vont se régler les problèmes agricoles. Il est d'ailleurs malheureux que le mandat de cette commission ne soit pas plus étendu, ainsi que nous l'avions demandé. C'est ainsi que nous ne pourrons aborder le contexte général dans lequel s'inscrit ce projet de loi, qui n'est pourtant qu'une partie d'un très ministériel casse-tête.

Nous ne parlerons pas, par exemple, du problème du lait et de la récente décision de la régie qui vient de nier, en fait, la nouvelle politique censément adoptée à l'automne par un gouvernement affolé par la menace des tracteurs, décision qui se traduit par une baisse de la consommation de 4% en janvier 1975, affectant de façon intolérable les familles à faible revenu.

Nous ne parlerons pas, non plus, M. le Président, dans cette commission, de la situation dans le domaine du pain, où le gouvernement Bourassa a assisté impassible devant un "dumping" américain et à la main-mise des géants sur l'industrie québécoise de la boulangerie par des groupes comme Norris Grain Weston, industrie qui fait un chiffre d'affaires de $200 millions par année.

Nous ne parlerons pas, M. le Président, au cours de cette commission, de la situation dans le boeuf où les subsides promis, j urés, crachés pour la période des fêtes arriveront peut-être pour Pâques ou laTrinité, où les prix payés aux producteurs sont au plus bas, où le fédéral fait son frais face aux Etats-Unis, d'autant mieux que-ce sont les producteurs québécois qui sont les plus pénalisés.

Entre-temps, les agriculteurs peuvent toujours nourrir leurs animaux avec des promesses et des plans à long terme. Nous passerons sous silence, au cours de cette commission parlementaire, la spéculation effrénée, sur nos rangs, de terres agricoles, 100,000 acres gelées autour de Montréal seulement, et les achats de plus en plus massifs de nos terres et

boisés par les étrangers, invasion contre laquelle ce qui nous tient lieu de gouvernement est d'ailleurs parfaitement impuissant.

Notez qu'il s'agit de la dernière richesse naturelle entre les mains des Québécois, tout le reste a été concédé, pillé, volé, vendu, etc.

Nous ne pourrons aborder le scandale des encans de fermes, cinq fois plus en 1974 qu'en 1972, avec une moyenne de vente de vaches laitières de cinquante par encan, alors que la moyenne québécoise est de 35 vaches par troupeau. Ce sont les meilleurs qui démissionnent, ce sont les meilleurs producteurs qui laissent le marché.

Nous ne parlerons pas, tel que nous l'avions demandé lorsque nous avons insisté auprès du ministre pour convoquer une commission parlementaire sur l'agriculture, de l'anarchie qui règne dans la mise en marché des produits de l'érable qui fait que le Québécois moyen, au pays du sirop d'érable, est incapable d'en trouver à bon prix pour mettre dans son assiette tandis que les producteurs sont pris avec des stocks invendus.

Nous ne pourrons aussi mettre en lumière le rôle joué par notre gouvernement du Québec qui est partie liée avec le cartel du sucre et qui en retire présentement de solides profits par son entente avec Redpath et la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire.

Nous n'entendrons pas les producteurs de pommes de terre pour expliquer que, grâce au gouvernement 'édéral, notre propre production québécoise pourrira dans nos entrepôts ou sera écoulée à perte tandis que nous sommes inondés de tubercules "made in New Brunswick".

Nous ne pourrons aborder non plus ce grand trou noir qu'on retrouve dans toutes les constellations statistiques du ministre qui, semble-t-il, est incapable de nommer un seul des gros fournisseurs de produits de base des intrants et encore plus incapable de parler de leurs profits.

En fait, je voudrais citer la réponse que faisait le ministre vendredi le 17 janvier 1975, concernant les nombreuses questions que nous avions soulevées en Chambre, en particulier concernant les intermédiaires. Le ministre, encore une fois, répondait que face au problème des hausses des prix pour les consommateurs, il se refusait à blâmer les intermédiaires et les grosses compagnies d'alimentation dont on n'a pas encore prouvé qu'elles faisaient des profits excessifs.

M. le Président, le ministre a sans doute été informé ou en tout cas, a dû lire les rapports financiers des grandes compagnies de transformation et d'alimentation, particulièrement Maple Leaf Mills, profits accrus de 49.5% en 1974 pendant que les agriculteurs québécois ont vu leur revenu net diminuer de 20%; Massey-Ferguson, profits accrus de 90% en 1974; Purina, profits accrus de 77% en 1974; Canadian Industries Limited, profits accrus de 98% en 1974; Dominion Stores, profits accrus de 36.4% en 1974. Je voudrais encore rappeler la réponse du ministre: II ne semble pas que nous puissions blâmer les intermédiaires et les grosses compagnies d'alimentation dont on n'a pas encore prouvé qu'elles faisaient des profits exorbitants.

M. le Président, le ministre voudrait-il simplement cacher son incapacité ou son impuissance en nous présentant un projet de loi comme celui-là, ce matin? Stabiliser les revenus des agriculteurs, je dis, d'accord. Avant de stabiliser les revenus des agriculteurs, il va falloir avoir un contrôle sur ces grandes compagnies d'alimentation. Tant et aussi longtemps que le ministre ne prendra pas ses responsabilité, on stabilisera les déficits des agriculteurs, on stabilisera la faillite des agriculteurs, mais on ne leur accordera pas ce qu'ils demandent depuis plusieurs années, à savoir une reconnaissance de leur coût de production.

Nous passerons aussi sous silence le fait que le ministre qui est devant nous, malgré son air digne et sûr de lui, et malgré, je le dis, sa gentilhommerie comme individu, n'est en réalité qu'un sous-ministre. Le vrai ministre de l'Agriculture, il est à Ottawa. Il s'appelle M. Whelan. D'ailleurs, c'est le ministre de l'Agriculture lui-même qui, suite aux nombreuses questions que nous avons soulevées en Chambre, nous répondait continuellement: Sur ces problèmes, je ne peux pas intervenir, cela dépend du gouvernement d'Ottawa. Lui seul, le ministre fédéral de l'Agriculture a les véritables pouvoirs politiques et économiques dignes de son titre. Dès lors, il n'est pas étonnant que notre ministre parle et que l'autre agisse.

Pour ce qui concerne le projet de loi lui-même, j'ai tracé ici un tour d'horizon.

J'aurais pu m'étendre beaucoup plus, mais je pense que depuis un certain temps, les agriculteurs ont fait valoir auprès du ministre leurs besoins, ce qu'ils désiraient et, malheureusement, le ministre semble continuer de pelleter des nuages, le ministre semble continuellement se cacher derrière son impuissance à répondre aux agriculteurs: Ce n'est pas de ma faute si cela va mal. C'est de la faute du gouvernement d'Ottawa. Quant au projet de loi proprement dit, vu l'absence des règlements... Vous le direz. Vous avez un affrontement. Cela va venir encore. Vous n'avez pas satisfait encore les revendications des agriculteurs. Vous irez, à un certain moment, leur dire comme vous l'avez dit, le 8 octobre dernier, que vous n'êtes impuissant, que vous n'êtes capable de rien faire.

M. Toupin: Continuez la lecture de votre évangile et on va être bien content. Votre épître, envoyez, allez-y! Lisez vos épîtres.

M. Lessard: Quant au projet de loi proprement dit, vu l'absence des règlements devant l'accompagner, il se réduit, en fait, à une ébauche de projet, vague à souhait et pleine de bonnes intentions, comme cela était à prévoir et comme nous l'avions prévu.

Nous tenons cependant à soulever quelques points qui, pensons-nous, sont de nature à rendre plus difficile l'application éventuelle d'une loi d'assurance-stabilisation des revenus des agriculteurs.

Entre autres, M. le Président, s'agit-il de régulariser le revenu agricole, en égalisant autant que possible les années de vaches grasses et les années

de vaches maigres? Ou bien plutôt, sans l'avouer publiquement, ne sommes-nous pas en présence d'un plan de revenu annuel garanti ou d'assurance-revenu? Ce qui n'est pas la même chose du tout en ce qui concerne les dépenses des fonds publics.

Quels sont les moyens que le ministre entend prendre pour assurer le fonctionnement de son assurance? Nous n'avons rien, M. le Président, dans le projet de loi qui puisse nous renseigner là-dessus. Quel rôle exactement, jouera le gouvernement du Québec dans l'administration de ce projet de loi complémentaire à celui du fédéral qui, lui, est assez identique? Ne sera-t-il pas, encore une fois, réduit, en fait, au rôle d'administrateur régional d'un régime fédéral d'assurance-stabilisation des revenus? Ceci n'est pas sans nous inquiéter, quand on connaît la sollicitude avec laquelle le gouvernement d'Ottawa a toujours veillé sur l'agriculture du Québec. C'est le ministre lui-même, M. le Président, qui nous confirmait, le 17 janvier 1975, que cela allait bien dans l'agriculture, mais il nous confirmait qu'il y avait eu une diminution du revenu net de 20%, sans calculer l'augmentation du coût de la vie.

M.Toupin: Je pense que j'ai le droit d'intervenir. Que le député de Saguenay lise ses épîtres écrites par les autres, cela ne me dérange pas, mais qu'il fasse dire au ministre, par exemple, des choses qui ne sont pas vraies, je vais intervenir.

Vous lirez les documents et la déclaration et c'est 9% qu'on a déclaré, ce n'est rien de plus.

M. Lessard: 9%, M. le Président, mais vous n'avez pas calculé l'augmentation du coût de la vie.

M. Toupin: Cela, c'est vous qui le dites.

M. Lessard: Vous n'avez pas calculé l'augmentation du coût de la vie.

M. Toupin: Alors, citez-vous, ne citez pas les autres. Citez vos chiffres...

M. Lessard: Non, non, vous avez bien parlé de 9%, sans calculer...

M. Toupin: Vous avez parlé de 20%, alors, cela c'est de la foutaise.

M. Lessard: ...l'augmentation du coût de la vie qui a touché aussi les agriculteurs.

M. Toupin: Dites-le.

M. Lessard: ...Diminution du revenu net de l'agriculteur de 21% en 1974.

M. Toupin: Cela, c'est de votre affaire que de le dire, nous, on a dit 9%.

M. Lessard: 9%, mais, encore une fois, vous vous cachez derrière les véritables réalités...

M. Toupin: Je vous dis de le dire, cela va suffire. M. Lessard: ...Vous vous cachez derrière les faits. Vous essayez de tromper encore une fois les agriculteurs.

M. Toupin: Cela devient vieux de se faire dire des choses qu'on n'a pas dites.

M. Lessard: Vous allez, j'espère, en tout cas, vous en faire dire au cours de cette commission parlementaire, et je le souhaite...

M. Toupin: Je suis prêt à part de cela.

M. Lessard: ...M. le Président, à un moment donné, parce que le problème que nous avons à étudier actuellement, cette loi, quoi qu'elle puisse être importante, ne réglera aucunement les problèmes agricoles au Québec.

M. Fraser: II pense qu'il parle...

M. Lessard: Vous avez le droit d'intervenir, M. le député. Vous avez le droit d'intervenir. Il n'y a rien qui vous empêchera de le faire tout à l'heure, si vous voulez me répondre.

M. Fraser: J'aime parler...

M. Lessard: Vous devriez intervenir beaucoup plus souvent par exemple à l'Assemblée nationale sur le problème des agriculteurs de votre région.

M. Fraser: Je n'aime pas votre manière d'intervenir. Vous n'êtes pas un gentleman quand vous intervenez de la manière que vous le faites.

M. Lessard: Je ne vous ai pas entendu intervenir très souvent à l'Assemblée nationale...

Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Fraser: C'est parce qu'il y a trop de placo-teurs comme vous.

M. Lessard: Vous n'êtes jamais intervenu, jamais. Vous n'êtes intervenu aucune fois...

M. Fraser: II y a trop de placoteux comme vous à l'Assemblée nationale.

M. Lessard: ...Une chance que l'Opposition est là pour intervenir, pour faire valoir justement les revendications des agriculteurs à l'Assemblée nationale.

M. Fraser: Je suis agriculteur et vous, vous êtes un gentleman agricole qui ne connaît pas grand-chose en agriculture.

M. Lessard: ...et si vous l'êtes agriculteur, montrez-le à l'Assemblée nationale, intervenez...

Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre!

M. Lessard: ...à l'Assemblée nationale, on va le voir que vous êtes agriculteur et que vous avez à coeur de défendre les intérêts de la classe agricole.

Alors, est-ce que je peux continuer, M. le Président?

Le Président (M. Houde, Limoilou): Continuez, s'il vous plaît.

M. Lessard: Sans l'intervention du ministre. Il est évident que nous sommes a priori en faveur d'une loi qui jouerait en matière de revenu agricole, le rôle de volant d'inertie dans une mécanique quelconque. Les fluctuations trop rapides des revenus trop souvent à la baisse doivent pouvoir être atténuées autant que faire se peut. Il reste qu'une telle stabilisation devra se tenir à un niveau jugé acceptable par les producteurs agricoles.

Or, depuis plusieurs années, le revenu agricole a été loin d'atteindre une croissance moyenne comparable au revenu des autres secteurs d'activité.

C'est dire qu'il ne faut pas penser simplement à stabiliser les revenus, il faut d'abord voir, et les augmenter en premier lieu, et ce sont d'ailleurs les demandes répétées qui furent faites par la classe agricole, depuis quelques mois et quelques années, M. le Président.

Si le revenu annuel de l'agriculteur québécois avait progressé normalement, des variations annuelles, même assez fortes, seraient encaissées plus facilement. Mais si le ministre, justement, ne veille pas à augmenter d'abord les revenus agricoles, il va tout simplement stabiliser, comme je le disais tout à l'heure, la faillite des agriculteurs québécois. Si on ne fait que stabiliser le revenu actuel de l'agriculteur québécois, celui-ci se retrouvera très uniformément au-dessous de la ligne de flottaison.

On note, cependant, que le document portant sur la problématique parle, au contraire, d'une politique de revenu garanti au producteur agricole. Il faudrait alors s'entendre, car on dépasse alors la simple caisse de compensation. Si le ministre a dans l'esprit un plan d'assurance-stabilisation analogue à celui du fédéral, les fonds publics y seront généreusement investis de deux pour un, aux dernières nouvelles, pour chaque dollar versé par l'agriculteur, le fédéral verserait actuellement $2.

Comme l'écrivait, je pense, dans la Terre de chez nous, l'économiste de l'Union des producteurs agricoles, à la question: Pourquoi une caisse de compensation? le ministre répond que, pour intervenir en période de crise et pour pouvoir obtenir des budgets, il faut qu'il se situe à l'intérieur d'une loi et ainsi qu'il respecte les lois naturelles du marché. Le ministre ne pouvant obtenir, à l'intérieur des budgets, les crédits nécessaires, veut tenter de légaliser, à l'intérieur d'une loi, la nécessité de ces crédits.

On se demande parfois si, dans le domaine de l'agro-alimentaire, domaine qui n'est pas exempt de ces cartels et de ces monopoles, il reste quelques-unes des prétendues lois naturelles du marché. Si le ministre veut avoir accès aux fonds publics plus facilement en période de crise, fort bien, on peut se demander à quoi cela servira et si, tout simplement, on ne prendra pas l'argent du public pour le transférer aux compagnies qui gravitent autour de l'agriculteur, via l'agriculteur lui-même.

Autrement dit, M. le Président, est-ce qu'il s'agit simplement de subventionner indirectement, par l'entremise de l'agriculteur, les grandes compagnies d'alimentation, comme d'ailleurs cela fut fait en novembre dernier?

Cela ne garantira aucunement un revenu accru pour l'agriculteur puisque ce sera encore les grandes compagnies d'alimentation et de transformation qui prendront les subventions qui seront accordées par le ministre de l'Agriculture. Il faudrait alors chercher qui profite en dernière analyse des subventions de toutes sortes versées aux agriculteurs. Il faut se demander aussi comment fonctionnera ce système. A cette étape-ci on peut prévoir que la loi dont on étudie l'avant-projet n'aura pas d'incidence marquée sur la jungle du commerce interprovincial ou international, que les prix des intrants continueront leur montée fulgurante, que l'invasion de notre marché québécois par les produits agricoles venus d'ailleurs, souvent à des prix de dumping continuera comme avant.

Comment le ministre peut-il espérer stabiliser quoi que ce soit dans un environnement économique sur lequel il n'exerce à peu près aucun contrôle sauf en faisant appel de plus en plus généreusement aux fonds publics? A moins de ne voir que ce qu'il veut voir ou de dire que ces fluctuations de revenus dont il veut diminuer les dégâts s'expliquent par la nature biologique des productions agricoles, par l'influence du climat, par l'irrégularité de l'offre, etc., comme cela a été dit dans le communiqué du ministère de l'Agriculture le 17 janvier dernier, mais ce n'est jamais la responsabilité du gouvernement du Québec, c'est toujours la responsabilité des autres.

Les procédés de dumping, le ministre ne connaît pas cela. L'embargo américain, jamais entendu parler. L'absurdité de diverses politiques agricoles provinciales ou fédérales, ce n'est pas sa faute, l'agriculture n'est pas sa responsabilité au Québec, cela dépend du gouvernement fédéral. De plus, il serait nécessaire d'en arriver à un accord au niveau du calcul des coûts de production et c'est d'ailleurs une demande qui a été faite à de nombreuses reprises par les agriculteurs et qui ne semble pas avoir été confirmée par la décision de la Régie des marchés agricoles, dernièrement. Etant donné la dernière décision de la Régie des marchés agricoles, il semble y avoir quelques difficultés de ce côté. Il faudra ensuite prévoir un mécanisme permanent de contrôle des coûts dans chacune des spécialités concernées, ceci afin que la caisse puisse intervenir au moment opportun. Ces coûts de production seront-ils calculés à l'échelle canadienne ou à l'échelle québécoise? Il faut rappeler ici que ces accords éventuels touchent en particulier la rémunération du travail du producteur, la valeur de sa gestion ainsi que le taux d'intérêt à prévoir sur l'actif net de sa ferme. Une formule d'indexation doit ensuite couvrir le tout sans oublier par la suite la nécessité de plans conjoints et la mise en marché planifiée du produit.

Il me semble que sur ces différents points, la classe agricole est tellement intervenue depuis quelques mois que le ministre aurait dû en prendre conscience.

Concernant toutes ces modalités, l'avant-projet de loi est muet et nous espérons bien que les travaux de cette commission nous en apprendront davantage.

Terminons en parlant quelque peu des relations fédérales-provinciales. Tout indique qu'au niveau supérieur du gouvernement, on estime naturellement que la question de stabilisation du revenu des agriculteurs revêt une importance nationale dont la juridiction relève non moins naturellement d'Ottawa. Le présent document qui nous est présenté par le ministre comme complémentaire à la loi fédérale — loi dont on ignore encore les tenants et aboutissants alors que nous sommes en train de discuter de son complément — le ministre que nous avons ici ce matin sera-t-il un simple délégué administratif aux fins de l'application de la loi fédérale? Au fait, ne s'agit-il pas, encore une fois, de dédoublement administratif inutile? Il n'est pas prévu, à ce qu'on sache, que la loi fédérale ne s'applique pas au Québec. Les agriculteurs québécois auront-ils le choix entre deux systèmes d'assurance-stabilisation ou encore pourront-ils participer aux deux en même temps?

On pourrait relever ici ce que disait le Conseil des hommes d'affaires québécois à propos du fouillis de la juridiction sur le commerce des oeufs et confirmé d'ailleurs par le ministre lorsqu'il a fait sa conférence le 17 janvier 1975. L'échec même d'un tel système est inscrit dans la constitution canadienne qui permet au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux d'avoir une juridiction concurrente dans le domaine de l'agriculture. Cela a été affirmé dans Le Meunier québécois, janvier 1975.

On pourrait ajouter que dans ce domaine, une loi provinciale n'est valide que tant et aussi longtemps qu'une loi fédérale ne vient pas la contredire. Dans le cas qui nous occupe, ce pourrait ne pas être très long.

Enfin, M. le Président, le Parti québécois donnera son avis sur le fond de cette question lorsque les règlements qui doivent découler de ce projet de loi seront disponibles. A l'heure actuelle, l'état dans lequel on nous présente cet avant-projet ne permet pas de se faire une idée exacte ni de son importance, ni de son applicabilité. Le Parti québécois redemande encore une fois que lesdits règlements soient disponibles au moment même de la présentation du projet de loi en première lecture à l'Assemblée nationale afin que la discussion puisse porter sur les vrais enjeux.

Je conclus avec cette remarque d'un éleveur de la région de Sherbrooke qui disait ceci: "Quant à nous, producteurs, nous ne sommes pas trop intéressés aux subsides temporaires qui ne règlent que temporairement la question. Qu'on nous donne un juste prix pour nos viandes selon un classement juste et équitable. Ceci ne constitue en somme qu'une petite partie de ce que le consommateur paie présentement."

Il est dommage, M. le Président, qu'il ne semble pas y avoir d'agriculteurs intéressés à l'Assemblée nationale pour défendre justement l'agriculture au Québec. Comme je le disais tout à l'heure aux députés libéraux, si ce matin, comme à l'Assemblée na- tionale, ils ont des remarques à faire concernant l'agriculture, je souhaite qu'ils fassent valoir auprès de leur ministre de l'Agriculture tant qu'auprès de leur gouvernement les revendications des agriculteurs et que nous ne soyons pas seuls de ce côté-ci de cette table à défendre les intérêts de la classe agricole.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre de l'Agriculture.

M. Toupin: M. le Président, je vais être relativement court parce que cette commission n'a pas été convoquée pour entendre les députés de l'Opposition nous raconter toujours les mêmes choses.

M. Lessard: Vous avez eu l'occasion hier de faire votre exposé. Nous allons faire le nôtre.

M. Toupin: Le but de cette commission est d'entendre les parties qui sont ici présentes et c'est cela, à mon point de vue, qui est le plus intéressant à entendre, parce que c'est de là que viennent les solutions.

Le député de Saguenay pourra, aujourd'hui, s'il le veut, ouvrir toutes grandes ses lanternes, parce qu'il pourra toucher tous les points sur lesquels il s'est penché, tous. Quand il disait: A l'exception de ceci, à l'exception de cela, à l'exception de cela; cette loi est tellement vague que cela va lui permettre de toucher tous les champs d'action s'il le veut. Il posera toutes les questions qu'il voudra et il aura toutes les réponses, je l'espère, tout au moins, aux questions qui s'adresseront à ceux qui, aujourd'hui, auront des mémoires et des opinions positives à émettre sur le développement de l'agriculture québécoise.

M. le Président, je ne voudrais pas être plus long, je voudrais seulement maintenant demander, si vous me le permettez, aux représentants de donner leur mémoire, pour que nous puissions entendre des choses autres que des choses politiques.

M. Lessard: Je savais, M. le Président, que cela ne ferait pas plaisir au ministre, mais je ne suis pas ici pour faire plaisir au ministre.

Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît! J'invite le représentant de l'Association professionnelle des meuniers du Québec.

Au riez-vous l'amabilité de vous présenter et de présenter ceux qui vous accompagnent, s'il vous plaît?

Association professionnelle des meuniers du Québec

M. Blanchard (René): Oui, M. le Président, mon nom est René Blanchard, je suis secrétaire de l'Association professionnelle des meuniers. Je suis accompagné par M. Denis Camirand, à ma droite, de Notre-Dame-du-Bon-Conseil, qui est directeur de l'association, ainsi que de M. Gilles Quintin, qui est aussi directeur de l'association et qui est domicilié à Windsor Mills.

Je dois excuser ici M. Benoît Giard, le président de l'association, qui est retenu comme conférencier devant une association d'éleveurs d'Holstein à Saint-Jean-Port-Joli, M. Roméo Lalonde, qui est aussi conférencier à l'ACRA à Montréal aujourd'hui, et M. André Breton, qui n'a pu se présenter, suite à des activités professionnelles.

M. le Président, est-ce que nous devons donner lecture du texte que nous vous avons fait parvenir et dans lequel je relève certaines erreurs de frappe?

Le Président (M. Houde, Limoilou): Oui, allez-y!

M. Blanchard: M. le Président, messieurs, nous désirons d'abord féliciter le législateur de tenter par une mesure législative, d'assurer aux producteurs agricoles du Québec un revenu stable et comparable au salaire moyen des techniciens spécialisés des autres secteurs industriels. C'est une préoccupation de justice et d'équité qui arrive à son heure. L'expérience prouve qu'un tel résultat ne saurait être atteint autrement que par législation.

Cette intervention directe de l'Etat épargnera sans doute à l'économie agricole du Québec, déjà en difficulté, les pénibles cheminements qu'un syndicalisme agricole nouvellement structuré et rendu agressif par les conditions présentes, pourrait imposer aux consommateurs lors des éventuelles luttes qui l'opposeraient à l'Etat pour obtenir la parité des revenus pour la classe agricole. Le législateur pourrait, advenant l'adoption des mesures efficaces, gagner de vitesse les affrontements qui se préparent actuellement dans le monde agricole pour corriger très rapidement des situations que les institutions ont trop longtemps laissé pourrir et que des lois malhabiles ont aggravées.

Cependant, il est clair qu'une telle loi doit dépasser en qualité les mesures adoptées ces dernières années. Elle doit d'abord être conforme au contexte économique de l'agriculture canadienne et québécoise, au cadre constitutionnel, et au système libéral dans lequel elle est forcée d'évoluer.

Les membres de l'Association professionnelle des meuniers du Québec, qui sont ici aujourd'hui, étaient présents lors de l'adoption de la loi 13, ainsi qu'à toutes les mesures subséquentes qui, dans l'esprit de la révolution tranquille, visaient à donner aux agriculteurs québécois un meilleur partage des revenus, tirés des productions agricoles québécoises.

Nous sommes forcés de constater, en relisant les mémoires soumis alors, que nos appréhensions étaient fondées et que l'avalanche de mesures prosyndicales et procoopératives ainsi que la multiplication des structures, des plans conjoints, l'obtention pour la régie de pouvoirs de plus en plus étendus, n'ont guère amélioré la situation du producteur ni du consommateur. Nous avons de moins en moins de fermes familiales, de moins en moins de villages prospères et autosuffisants, de moins en moins de producteurs libres de dettes, de moins en moins de coopératives agricoles qui soient de véritables écoles d'économie appliquée.

Aucune de nos grandes productions n'offre aujourd'hui de garanties satisfaisantes aux exploi- tants. Et cette insécurité nous apparaît comme la cause profonde du malaise agricole actuel.

Les meuniers implantés en milieu rural sont les premiers à souhaiter que l'on mette fin à l'insécurité chronique du revenu agricole. Ils sont évidemment, avec les producteurs, les plus touchés par les crises qui affectent en rotation les diverses productions, surtout les productions sans sol.

Etroitement liés à la qualité de l'économie rurale, ils sont aussi les plus durement touchés par les ricochets des législations qui prétendent améliorer le sort du producteur sans jamais pouvoir valoriser les productions.

N'est-il pas normal qu'ils plaident aujourd'hui pour le réalisme économique des mesures qui s'orientent aujourd'hui vers un corporatisme dangereux?

Sans prétendre faire une critique exhaustive et complète de la législation de l'Etat, il ressort, je pense, de la législation que l'Etat se propose maintenant d'adopter pour pallier des problèmes pressants, sans oser même demander si, à court terme, la nouvelle mesure proposée ne vise pas encore à contrer les effets des mesures discutables, antérieurement adoptées. Sans prétendre que la même philosophie, qui rendait illusoires les législations antérieures, perce encore dans celle que l'on propose aujourd'hui, les meuniers désirent, à titre de citoyens engagés, jouer un rôle dans les structures de l'Etat en refusant de créer une chambre agricole représentative qui les empêche de jouer fonction-nellement, de concert avec tous les intéressés de l'agro-alimentaire québécois.

Nous soutenons en passant qu'il serait plus logique, à notre avis, que des projets législatifs, comme celui d'aujourd'hui, avant que d'être soumis à une commission parlementaire, soient au préalable soumis à la consultation des organismes intéressés et touchés par leur éventuelle application.

Ceci correspondrait à une nouvelle réalité qui veut qu'il y a plus de citoyens engagés aujourd'hui dans tous les processus de production, de transformation et de mise en marché de produits agricoles qu'il y a de producteurs au sens de la loi au Québec et que le moyen le plus sûr de valoriser équitablement la production agricole québécoise est de favoriser un rapprochement harmonieux avec l'ensemble des industriels en amont, du monde de la transformation, de la mise en marché, en aval.

Il est évident, dans le même ordre d'idée, que, par cette voie, on amorcerait une planification intelligente des juridictions concurrentes d'Ottawa et de Québec en matière de prêts et de crédits à la production agricole, d'implantation d'usines de production d'intrants et de transformation. Le fouillis actuel, qui passe en certains milieux pour un fédéralisme rentable, rend impraticable toute planification à long terme des structures industrielles du complexe agro-alimentaire.

Dans les notes explicatives de la Loi d'assurance-stabilisation des revenus agricoles, nous trouvons un énoncé de principe excellent en soi. Il rappelle celui qui annonce la Loi sur l'environnement. Mais la loi elle-même, sans ses règlements, n'est pas précise et ouvre la porte à l'arbi-

traire et au favoritisme. Les pouvoirs sont donnés à cinq membres nommés par le lieutenant-gouverneur (art. 5) de statuer à leur gré, par n'importe quel règlement qui, selon leur philosophie ou leurs concepts, serait à l'avantage des producteurs. Au point de vue constitutionnel, nous croyons qu'une telle loi est difficile d'application sans qu'intervienne au préalable une loi-cadre émanant conjointement d'Ottawa et des provinces. Une telle loi devrait correspondre aux énoncés de principe du bill C-176, puisque, en pratique, l'application de la présente loi présuppose l'aide fédérale (art. 33).

Si on agit isolément au Québec dans l'idée de protéger l'agriculture québécoise, on risque de laisser une province plus forte, advenant le manque de ressources ou un refus d'aide de la part d'Ottawa, s'emparer du marché québécois grâce à une efficacité supérieure.

On a connu cette situation en plusieurs productions sans sol au Québec depuis quelques années. Dans la mesure proposée, les rédacteurs semblent vouloir donner aux plans conjoints tout le crédit de la stabilisation des revenus des producteurs. Cette philosophie peut être dangereuse tant pour le consommateur que pour la production visée. Dans le même ordre d'idée, nous croyons que le producteur ne devrait pas nécessairement être dépendant d'un plan conjoint pour avoir un revenu suffisant. Cette stabilisation incombe directement à l'Etat qui, à ce niveau, ne peut se réfugier en arrière de l'efficacité ou de la non-efficacité des responsables de plans conjoints.

Nous voyons aussi un danger au paragraphe D, à l'article 1, dans la définition des producteurs attitrés. Un groupement de producteurs peut, à toutes fins pratiques, se confondre avec une coopérative qui, en pratique, ne se distingue pas d'une entreprise commerciale de type privé. Les commissaires pourraient, pour empêcher les pertes d'une coopérative, octroyer à ses membres des montants compensatoires qui seraient refusés à l'entreprise privée qui verrait ainsi ses clients se réfugier dans les cadres coopératifs. Le discréminatoire peut aussi s'exercer au niveau de la définition des régions; elles sont imprécises. Nous croyons qu'une telle loi n'est valable que si elle couvre tout le territoire québécois.

Tenant compte du difficile cheminement des plans conjoints qui peuvent percevoir des cotisations aux fins de revenus (loi no 12), nous souhaiterions qu'une telle loi puisse prévoir avec beaucoup de précision le chevauchement des juridictions qui seront mises en cause.

Encore une fois, nous insistons sur le fait que, dans un pays de type fédéral, il est souhaitable de voir de telles mesures provenir d'une loi qui couvre le secteur au niveau national afin que les producteurs agricoles du pays soient sur un même pied quant à leur statut et à leur revenu. C'est l'esprit essentiel d'une confédération respectable. Que les provinces par la suite soient mandatées pour rendre effective une telle loi sur leur territoire, cela nous semble normal, économique et socialement désirable. Que la péréquation intervienne, le cas échéant, pour équilibrer les revenus par province, voilà qui respecte aussi l'esprit d'un vrai fédéralisme dit rentable.

Enfin, supprimer les compétitions désastreuses, dont Québec fait plus souvent qu'à son tour les frais, serait le but souhaitable d'une loi votée selon les données que nous venons de mentionner rapidement. Tout autre cheminement nous semble voué à l'échec.

Nous nousengageonsàsouscrireàtoute loiqui respecterait une telle orientation et qui pourrait, le cas échéant, assurer à tout agriculteur canadien un revenu équitable tout en stabilisant les productions à l'échelon national. Nous vous remercions de votre bonne attention, messieurs.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre de l'Agriculture.

M. Toupin: M. le Président, j'ai un certain nombre de questions à poser à l'Association professionnelle des meuniers du Québec. La première que j'aimerais poser, qu'est-ce que l'association entend par des lois malhabiles?

M. Blanchard: Des lois malhabiles, ce sont des lois qui nous ont conduits, par exemple, dans certains secteurs comme celui des oeufs, à se faire enlever une bonne part de notre production et à rendre périlleuse l'exploitation d'un certain nombre de producteurs. Je n'ai qu'à mentionner le fait que, depuis quelques années, on a vu les producteurs québécois en nombre diminuer substantiellement. Il y en avait 2,500 pratiquement lors de la passation du plan conjoint, dit FEDCO. Aujourd'hui, nous en trouvons à peu près 424. Je pense bien que, sans pousser l'argumentation très loin dans ce domaine, il faudrait au préalable s'assurer que toutes les provinces canadiennes respectent les normes fédérales et que, préalablement, les normes fédérales soient, non seulement édictées, mais qu'on ait des organismes prévus pour rendre effectives certaines pénalités prévues dans les lois. Or, on déplore qu'actuellement, après tous les efforts faits pour implanter FEDCO, on n'en soit pas arrivé à conserver au Québec — là, les meuniers sont durement touchés — une plus grande partie du marché québécois.

M. Toupin: M. Blanchard, puisque vous affirmez des choses, puisque vous dites que la production des oeufs au Québec a diminué, avez-vous des statistiques à l'appui de cela?

M. Blanchard: Ah oui! Des statistiques précises qui ne sont pas celles du ministère, mais celles que l'on tire nous-mêmes du simple fait que nous alimentons pratiquement tous les producteurs d'oeufs au Québec. Il y a un décalage marqué — nous devons le déplorer — entre les statistiques du gouvernement et, effectivement, les statistiques que nous avons.

M. Toupin: Que pensez-vous des statistiques de la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec? Ce sont de celles-là qu'on se sert.

M. Blanchard: Nous pensons qu'il y aurait des correctifs à apporter à ces statistiques. Par exemple, nous aimerions voir exactement quel est le pourcentage d'oeufs qui proviennent d'autres provinces.

M. Toupin: Ce sont des choses que vous ne savez pas.

M. Blanchard: Ce sont des choses...

M. Toupin: Avez-vous regardé dans Statistique Canada?

M. Blanchard: Nous avons regardé dans Statistique Canada et il nous apparaît difficile de découvrir ce qui entre par les frontières et même ce qui vient de l'Ontario et qui ne semble pas déclaré.

M. Toupin: Cela voudrait dire, au fond, que vous croyez à vos seules statistiques à vous?

M. Blanchard: Non, on ne croit pas à nos statistiques. On croit à la pratique qui nous permet de constater que, par exemple, disparaît constamment une part importante de la production des oeufs au Québec.

M. Toupin: Une autre question que j'aimerais poser: Qu'entendez-vous... Vous faites des affirmations qui, au fond, sont probablement valables en soi, mais qui méritent d'être discutées. Qu'entendez-vous par l'autosuffisance de village?

M.Blanchard: L'autosuffisance de village, c'est ce qu'on entend tout simplement... Parce qu'on trouve maintenant, dans certains villages, l'absence complète de services. Cette absence de services vient tout simplement du fait qu'une population diminue en qualité et en revenu. Quand on sait qu'il y a des villages qui vivent du bien-être social, on sait très bien que, pertinemment, on ne trouve pas, à courte échéance, un garage, un magasin, un médecin, un médecin vétérinaire, un agronome, si vous voulez, tous les services qui rendent l'environnement souhaitable et humain. Par exemple, je citerai certains villages que je connais bien, qui ne sont pas tellement loin de celui que j'habite, soit Saint-Germain, des gens qui sont obligés de faire une dizaine de milles pour trouver quelques: boulons, ce qui rend la vie rurale extrêmement pénible et extrêmement coûteuse, et ce qui permet, en faisant un peu de sociologie, de prévoir qu'à long terme, la qualité de la vie diminuant dans les villages où il n'y a plus de services, les villages seront désertés par les jeunes en particulier.

M. Toupin: Vous faites plus appel, à ce moment, à une infrastructure générale, industrielle, et également à une programmation de régionalisation, ce qui pourrait permettre certains regroupements de municipalités, ce qui pourrait permettre de donner aux gens un minimum de services. C'est surtout à cela que vous faites appel.

M. Blanchard: C'est surtout cela, je pense... On déplore que la qualité de la vie diminue dans les zones rurales, justement parce que les services s'en vont.

M. Toupin: D'après vous, c'est relié directement à une politique de revenu agricole?

M. Blanchard: Ce n'est peut-être pas relié à une politique de revenu agricole, maison ne voit pas, par exemple, comment certaines politiques du gouvernement, dans le bas du fleuve en particulier, ont favorisé l'exploitation de fermes localisées, évidemment, autour des villages, en obligeant ces gens à s'approvisionner à 30 ou à 40 milles.

M. Toupin: Evidemment, vous faites référence, à ce moment, au plan d'application du BAEQ du Bas Saint-Laurent.

M. Blanchard: C'est cela. On est bien d'accord sur les fusions, je pense, mais il faudrait tout de même que les fusions soient étudiées un peu plus longtemps à l'avance pour savoir si ces fusions n'occasionnent pas une baisse de qualité dramatique de l'environnement pour les fermiers.

M. Toupin: Remarquez bien que je n'ai rien contre le fait que vous ayez affirmé ces choses, mais je voulais avoir des explications, parce qu'à ce moment, on se réfère à beaucoup d'autres choses qu'à une politique de revenu agricole. Il s'agit purement et simplement, je pense, de regarder comment, dans l'ensemble d'un territoire, on peut trouver les moyens de maintenir en place des populations.

C'est un peu l'objectif que vous visiez lorsque vous avez parlé d'autosuffisance de village. D'autant plus que cela m'a surpris, parce que, depuis un bout de temps, j'entends beaucoup parler d'auto-suffisance, mais jamais d'autosuffisance de village.

M. Blanchard: C'est normal qu'on parle d'autosuffisance des groupes, maintenant, et que ces groupes, occupant le territoire, soient possiblement gardés en place par la qualité des services qu'ils y trouvent.

M. Toupin: II y a une autre question que j'aimerais poser. Evidemment, ce sont seulement des explications. Qu'entendez-vous lorsque vous parlez de corporatisme dangereux?

M. Blanchard: Un corporatisme dangereux, c'est un corporatisme qui ne sait pas, évidemment, exactement sur quel plan évoluer. Je pense qu'au Québec — c'est d'ailleurs connu — le corporatisme est le meilleur cheminement vers le capitalisme. Je ne peux pas parler, par exemple, des médecins ou d'autres groupes qui, bien protégés par les cadres législatifs, sont, évidemment, les mieux rémunérés.

Mais il y a aussi le corporatisme qui, comme système, veut par exemple que l'on trouve à l'intérieur d'un groupe humain, lesdroitsexclusifsd'opérer dans un secteur. Or, si, par exemple, on continue à dire que seul le cultivateur au sens de la loi, au sens où vous l'inscrivez dans la loi à titre de produc-

teur, a le droit de profiter des subventions ou d'autres choses, on arrive évidemment à chasser ceux qui ne sont pas inscrits dans la loi de l'exploitation rationnelle et rentable d'un secteur.

Si, par exemple, un meunier a le droit d'élever des porcs, on arrive à nier même ce que vous affirmez, vous, dans un récent exposé, à savoir que la technique la plus dynamique et que la rentabilité la plus avancée doivent être aujourd'hui les critères d'évolution de l'agriculture québécoise. Je laisserai à M. Roy le soin de vous rappeler cet énoncé que vous avez fait dernièrement à l'industrie laitière par exemple.

M. Toupin: M. Roy, hier, s'est référé largement d'ailleurs à mes textes.

M. Blanchard: C'est un peu dans ce sens-là. Je ne voudrais pas qu'on emprisonne un secteur commercial dans un corporatisme, pour ensuite chasser tout le monde qui s'actualise dans le contexte nord-américain.

M. Toupin: Je ne comprends pas encore l'idée du corporatisme dans votre esprit.

M. Blanchard: C'est un corporatisme dangereux que celui qui vise à faire d'une production commerciale, une chasse gardée à l'usage d'une classe.

M. Toupin: Vous vous référez à ce moment-là aux plans conjoints, aux coopératives.

M. Blanchard: Je me réfère à certains plans conjoints. Je me réfère aussi à certaines définitions du producteur qui nous reviennent constamment lorsqu'il est question par exemple de subventions, de paiements de compensation, etc.

M. Toupin: Est-ce que vous êtes d'accord sur l'idée que lorsque le gouvernement, par exemple, pense à une politique de revenu ou d'aide aux agriculteurs, il doit d'abord regarder l'agriculture professionnelle?

M. Blanchard: L'agriculture professionnelle, évidemment, cela existe, mais je pense qu'au moment où on a à décider d'adopter le syndicalisme agricole, il faudrait une étude très poussée pour nous dire exactement à quel moment l'agriculture est professionnelle, à quel moment une agriculture est salariée et à quel moment ces agricultures deviennent habilitées à être encouragées, subventionnées par l'Etat. Voyez-vous, le professionnalisme et le corporatisme ont des barrières assez minces et on peut, par un texte de loi, les déplacer singulièrement à son gré.

M. Toupin: J'aurais une dernière question, j'en aurai peut-être quelques autres tantôt, mais j'en ai une tout au moins pour l'instant parce que je veux donner aussi la chance aux autres membres de la commission de vous poser des questions. Vous soutenez, au fond, à la fin de votre mémoire, qu'il n'est pas possible de penser au Québec, à une législation de revenu, à moins qu'elle soit non seulement complémentaire, mais à moins qu'elle vienne du gouvernement fédéral et que les provinces soient chargées de l'appliquer.

M. Blanchard: Cela ne veut pas dire qu'elle viendrait du gouvernement fédéral, mais il nous semble souhaitable que, dans le contexte politique actuel, les ministres de l'Agriculture des provinces s'entendent avec le ministre fédéral de l'Agriculture d'abord pour une loi-cadre et que cette loi-cadre ensuite adoptée et acceptée dans un "package deal", si l'on veut me permettre l'expression, soit appliquée par les provinces.

Je pensais au programme d'assurance-santé, par exemple, que le ministre Lalonde veut continuer dans ce sens. Je ne vois pas comment on évitera le boycottage que les Ontariens nous ont fait subir en certaines productions, si, d'abord, on ne s'assure pas que le fédéral soit le chien de garde d'un vaste programme collectif auquel toutes les provinces ont adhéré, qu'il y aura des pénalisations de prévues et qu'effectivement, on arrivera par cette voie à assurer à un producteur de porcs du Manitoba comme à un producteur de porcs du Québec des revenus égaux.

On voudrait ainsi peut-être pousser un peu l'idée qu'un bonhomme qui élève des porcs au Canada, qui a accès aux trois grands marchés, Montréal, Toronto, Winnipeg, devrait normalement avoir des revenus équivalents. On est contre le fait que le Manitoba, par exemple, s'en vienne, alors que, vous le savez, l'an dernier on était en période difficile, avec une prime de $5 par porc et ensuite avec des subventions à l'acheminement des porcs sur les marchés de l'Est, qui déséquilibrent complètement la productivité québécoise, quand on sait que, de plus, la Commission canadienne du blé ne contrôle pas tous les surplus de grain qui sont dans l'Ouest disponibles à ces éleveurs.

C'est un peu dans cet esprit-là aussi qu'on souhaiterait que les ministres provinciaux en arrivent à dire leur mot quant aux structures de la Commission canadienne du blé et aux structures d'exploitation des grains de provende au Canada.

M. Toupin: Mais quand vous parlez de législation fédérale, vous avez pris connaissance de la loi que M. Whelan vient de déposer, le bill C-150, je pense, vous en avez pris connaissance?

M. Blanchard: Oui.

M. Toupin: Est-ce que vous croyez qu'entre cette loi et celle-ci il peut y avoir un certain joint possible?

M. Blanchard: C'est ce qu'on croit, que les deux doivent cheminer conjointement.

Je pense que vous avez dans votre esprit, vous-même, l'idée que ces deux choses devraient arriver à maturité ensemble.

M. Toupin: Au fond, on croit les mêmes choses.

M. Blanchard: On croit les mêmes choses, à la condition que cela s'actualise enfin. Ce qui nous étonne c'est que vous n'y avez pas cru plus tôt.

M. Toupin: Oui, évidemment, c'est une autre affaire. Mais pour le moment, dans le contexte actuel, on parle de loi fédérale ou de loi provinciale, l'intervention possible des deux gouvernements, comment cela peut être complémentaire tout en laissant à chacun des gouvernements, et provinciaux et fédéral, les champs d'action qui lui sont propres et à l'intérieur desquels il peut travailler. C'est simplement dans cet esprit que je voulais poser les questions.

Maintenant, si d'autres députés ont des questions à poser, j'en aurai peut-être quelques autres ensuite.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Saguenay.

M. Lessard: M. le Président, pour la dernière question du ministre, en ce qui concerne le rôle que désirerait faire jouer l'Association professionnelle des meuniers du Québec par le gouvernement du Québec, j'aimerais que M. Blanchard nous explicite un peu ce qu'il affirme à la page 6, lorsqu'il dit que les provinces, par la suite, soient mandatées pour rendre effective une telle loi sur leur territoire. Je comprends que vous insistez toujours dans le système actuel, mais est-ce que cela ne serait pas simplement, dans les circonstances, de réduire encore considérablement le rôle du Québec, à savoir qu'il ne serait qu'un mandataire pour appliquer les lois du gouvernement fédéral?

M. Blanchard: Vous avez raison, M. le député, ce que nous craignons toujours, nous, c'est qu'au fédéral, les plus puissants pour charpenter et structurer les lois, ce ne sont pas les gars du Québec. Nous avons évidemment l'impression que, très souvent, les lois fédérales font d'abord l'affaire d'autres producteurs, notamment ceux de l'Ontario dans des secteurs comme celui des oeufs, par exemple, et ceux des provinces de l'Ouest dans le secteur des grains.

Maintenant, ce que nous nous posons, c'est une problématique assez dangereuse, je pense; nous nous posons la question: Est-ce que les provinces, quand les provinces vont négocier pour une loi-cadre, vont avoir les mêmes droits au chapitre et est-ce que les provinces, à cause même de l'agriculture particulière qui, sur leur territoire, constamment, s'achemine vers, par exemple, tel genre de production, vont être capables de s'inscrire en conformité avec les particularismes de leurs productions? Ce qu'on a peur, nous, c'est que dans ces lois-cadres, le Québec n'ait pas toujours la possibilité d'inscrire le particularisme de ses productions. C'est un peu là qu'est notre crainte, mais le ministre nous dit qu'en même temps que chemine cette loi que nous avons sous les yeux, il y en a une autre à peu près de même essence qui, actuellement, préoccupe le gouvernement central. Le bill C-176 a été pour nous une déception. Nous l'avons combattu, parce que nous trouvions qu'il y avait danger pour certaines productions du Québec. Le bill a été adopté quand même. Malheureusement, à la suite de ce bill C-176, on a vu nos productions, loin d'être avantagées, décliner en certains secteurs.

M. Lessard: Autrement dit, vous ne croyez pas au "French Power" à Ottawa.

M. Blanchard: Non, je crois à une discussion au mérite, mais je crois aussi que si, par exemple, Ottawa devait négocier, ce ne serait pas nécessairement sur la base d'une province. Il faudrait tout de même que ce soit au mérite des productions. S'il y a un millier de producteurs de porcs au Québec, je ne vois pas pourquoi l'Ile-du-Prince-Edouard aurait le même droit d'influencer la législation.

M. Lessard: Mais il reste que ce principe me paraît dangereux, ou cette affirmation me paraît dangereuse dans le sens que vous semblez limiter considérablement le pouvoir du Québec, puisque vous dites: Que le fédéral fasse les lois générales et le gouvernement du Québec les appliquera.

M. Blanchard: C'est-à-dire que les provinces entre elles participent à la confection des lois-cadres et qu'ensuite, la délégation de pouvoirs pour l'application de ces lois-cadre relève des provinces. Que la péréquation vienne par la suite, permette aux provinces, dans certains domaines, par exemple, d'obtenir du fédéral des compensations qui seront distribuées ensuite aux productions. Autrement dit, si on fait de l'argent avec le porc au Manitoba, on en fait beaucoup, il existe des chambres de compensations, or que cette compensation s'en vienne aux provinces qui sont dévalorisées par certains, par exemple, par le coût des intrants. Cela, à mon avis, serait valable.

M. Lessard: Maintenant, je reviens au corporatisme dangereux dont vous parlez.

Actuellement, on sait que les agriculteurs, pour défendre leurs intérêts, ont dû se regrouper sous différentes formes, d'abord à l'intérieur du syndicalisme agricole et au niveau des productions à l'intérieur de plans conjoints. Tantôt, vous avez donné des explications au ministre. Ce que je voudrais vous demander, étant donné qu'actuellement c'est peut-être le seul moyen que peut avoir la classe agricole de pouvoir défendre ses intérêts puisqu'elle ne peut faire confiance à ce gouvernement, pourriez-vous me dire ou m'expliciter comment on peut empêcher ce corporatisme dangereux ou comment on peut remplacer ces différents organismes qui ont été constitués, par autre chose qui ne serait pas un corporatisme dangereux?

M. Blanchard: Si on parle des coopératives et si on interprète le mot corporatisme comme l'a fait le ministre tout à l'heure de ce côté, nous déplorons, nous l'entreprise privée, que très souvent, au nom d'un corporatisme plus ou moins bien vécu, on ait

avantagé des secteurs qui sont exactement sur le même pied, c'est-à-dire que ce sont des entreprises commerciales qui effectivement, à leurs racines, ne fonctionnent pas de la même façon que des compagnies limitées. On dit, par exemple: Les coopératives ont de grands avantages humains parce que c'est un homme, un vote. Mais dans le contexte économique que nous connaissons, nous devons souligner que les coopératives, la Fédérée en particulier, soient aujourd'hui exactement des entreprises de type capitaliste et que, si on continue au gouvernement à favoriser ce secteur, il est fort probable qu'on va désaxer quelque chose. Parce que, tout de même, le libéralisme économique, au Canada, c'est quelque chose qui se vit. Les entreprises privées au Québec sont des entreprises qui ont tout de même, parce qu'elles existent, donné quelques preuves de solvabilité et de viabilité. Or, est-ce que l'on ferait quelque chose de valable en transformant, par exemple, en faisant passer l'entreprise privée, dans certains coins de la province, sous la tutelle coopérative? Est-ce que ce serait véritablement un échange valable que de faire cette opération, ce transfert de clientèle, cette fusion massive avec des deniers de l'Etat? On se pose la question parce qu'on n'a pas trouvé que, actuellement, la coopérative ou la coopération évolue autrement, arrivée à une espèce de gigantisme, qu'elle évolue autrement que l'entreprise capitaliste. On peut faire la preuve que très souvent les services qu'offrent les coopératives sont à tout le moins aussi dispendieux que ceux qu'offre l'entreprise privée.

M. Lessard: Autrement dit, vous seriez d'accord pour que les agriculteurs se regroupent sous forme de coopérative, plans conjoints, etc., mais sans que l'Etat donne des avantages particuliers à ces organismes.

M. Blanchard: Oui. On voudrait effectivement que dans un gouvernement d'une démocratie, qui tout de même a aujourd'hui l'aspect même d'une démocratie, tous les gens soient sur un même pied dans des secteurs déterminés de production. On ne veut pas, par exemple, qu'on avantage des gens parce qu'ils sont producteurs avec $2,500 de production par année, au détriment d'un bonhomme qui est techniquement plus avancé et qui possède peut-être 4,000 ou 5,000 porcs.

M. Lessard: II reste que la seule possibilité pour ces producteurs, bien souvent, de pouvoir se développer, c'est de tenter de se regrouper.

M. Blanchard: Cela peut être de tenter de se regrouper, cela peut être aussi d'être plus valable techniquement, cela peut être aussi de ne pas être sécurisé par une aide éventuelle de l'Etat.

M. Lessard: Toujours à la page 2, en citant les mémoires que vous aviez présentés lors du dépôt du bill 13, vous dites: "Nous sommes forcés de constater en relisant les mémoires soumis alors, que nos appréhensions étaient fondées et que l'avalanche de mesures prosyndicales et procoopératives ainsi que la multiplication des structures, de plans conjoints, l'obtention pour la régie de pouvoirs de plus en plus étendus, n'ont guère amélioré la situation du producteur ni du consommateur."

J'aimerais que vous m'explicitiez cela un peu en me disant en quoi ces mesures ont pu être nuisibles aux agriculteurs ou ont pu ne pas permettre que l'agriculteur puisse se développer ou puisse en profiter?

M. Blanchard: C'est assez simple. La situation de fait que nous constatons aujourd'hui est une réponse.

M. Lessard: Une situation de fait, mais si on n'avait pas eu ces mesures, peut-être que la situation de fait serait pire aujourd'hui.

M. Blanchard: II faudrait se poser la question. C'est une autre problématique de dire que si...

M. Lessard: C'est hypothétique.

M. Blanchard: ... on avait laissé l'agriculture évoluer dans un libéralisme économique plus vaste, comme aux Etats-Unis, on ne se retrouverait pas dans une meilleure situation, plus compétitive.

M. Lessard: Mais vous croyez que le libéralisme économique au niveau des producteurs et la loi de l'offre et de la demande, cela peut fonctionner et qu'on peut laisser faire cela?

M. Blanchard: Cela ne peut pas fonctionner sans qu'il y ait un cadre d'Etat qui assure un certain dirigisme, mais il est sûr qu'au fond on est obligé de fonctionner avec ce système. Si on est obligé, maintenant, de fermer les frontières du Québec, je suis d'accord que dans un autre système on pourrait peut-être plus efficacement valoriser la production québécoise.

Mais je suis à peu près certain que, dans le contexte actuel, tenant compte d u fait qu'il n'y a pas de frontière entre les provinces et que le fédéral ouvre largement ses frontières, par exemple aux productions américaines, sans tenir compte de ce qui se passe au Québec, je suis à peu près certain que, si on est obligé de continuer dans le même système, il faudra ajuster notre tir.

M. Lessard: A la page 3, vous dites que: " ... il ressort de la législation que l'Etat se propose maintenant d'adopter pour pallier des problèmes pressants, sans oser même demander si, à court terme, la nouvelle mesure proposée ne vise pas encore à contrer les effets des mesures discutables antérieurement adoptées." Vous faites appel aux quantités de mesures dont vous parlez à la page 2, c'est-à-dire les mesures prosyndicales, procoopératives, etc.

M. Blanchard: Cela nous semble un cheminement qui est presque irréversible. Si on vient constamment demander aux mêmes inspirateurs des lois de mettre en cause leurs concepts ou leur philosophie, il est certain que ça ne chemine pas

comme ça. Les gens qui codifient les lois au gouvernement sont toujours ceux-là qui tâchent, par de nouvelles mesures, de valoriser les lois antérieures. On ne se dénie pas, humainement.

Si, par exemple, un type a aidé à la codification du bill 13, il s'est aperçu que les plans conjoints n'étaient pas des succès. Il va continuer, s'il est toujours en poste, à édicter ou à concevoir des lois qui vont finalement lui donner raison. C'est pour ça que nous, lors du bill 13, on a demandé au gouvernement, depuis 1960 d'ailleurs, qu'une chambre agricole soit créée, de façon que les antagonistes, s'il y en a, ou les partenaires... On souhaiterait qu'il y ait plus de partenaires; on souhaiterait que l'UPA, par exemple, la Fédérée de Granby, l'Association des meuniers, le Conseil de l'alimentation puissent s'asseoir à une même table. Et avant qu'une loi soit codifiée par un bonhomme qui a un concept très particulier dans le ministère, avant qu'une telle loi soit codifiée, on préférerait faire des oppositions valables et les commissions parlementaires pourraient cheminer beaucoup plus vite.

M. Lessard: Vous dites que les plans conjoints n'ont pas toujours été un succès, mais je me demande de quelle façon, pour vous, l'Association professionnelle des meuniers du Québec, dans ce système capitaliste, on pourrait si on veut remplacer des plans conjoints par autre chose, permettre aux producteurs québécois de se regrouper pour avoir une certaine force de négociation auprès des grandes chaînes d'alimentation ou de distribution ou d'achat.

M. Blanchard: II y a les offices de mise en marché qui, à notre avis, seraient tout aussi efficaces et beaucoup moins coûteux. On ne voit pas pourquoi les producteurs refuseraient de faire partie d'offices de commercialisation. Il y a même des systèmes coopératifs en certains pays qui acheminent les produits avec énormément de compétence. On ne voit pas pourquoi il faut créer constamment des plans conjoints où on trouve des techniciens qui sont constamment...

M. Lessard: Des plans conjoints, ce n'est pas un certain office de mise en marché? Allez-y.

M. Blanchard: Ce n'est pas tout à fait la même chose. Dans un office de mise en marché, vous pouvez trouver tous les secteurs intéressés au point de départ de la production et au point d'arrivée sur le marché tandis que, dans les plans conjoints, vous ne trouvez que des producteurs qui cherchent à avoir les meilleurs prix pour leurs produits, sans tenir compte, parfois, des conditions de mise en marché, sans tenir compte de la compétition et de la concurrence. A notre avis, très souvent, un office de mise en marché composé, on n'appelle pas ça d'experts, mais de gens intéressés, à tous les paliers, serait tout aussi efficace. D'ailleurs, c'est ce qu'on voitfaire maintenant dans les oeufs. Il ne faut passe cacher que le plan conjoint des oeufs fonctionne maintenant comme le plan conjoint de la chair de volaille, fonctionne maintenant avec des ententes.

On ne lance pas n'importe quelle production sur le marché à n'importe quel prix. Je dois vous signaler, en passant, que j'ai vu des factures d'oeufs qui sont venues de l'Ontario, qui ont coûté $0.29 en Ontario, et qui ont été vendus ici à des prix élevés par des chaînes de magasins.

Je pense que le consommateur québécois n'a pas profité, à ce moment-là, des surplus d'oeufs qui s'emmagasinaient dans les postes de mirage et dans les entrepôts de pomiculteurs. Il faut faire attention à tous ces mécanismes.

M. Lessard: Vous parlez, à la page 3, et là, je vous rejoins, du fouillis actuel qui passe dans certains milieux pour un fédéralisme rentable. Pourriez-vous expliciter concrètement ce que vous entendez par le fouillis actuel, au niveau de l'agriculture?

M. Blanchard: Le fouillis actuel, c'est le fait que certains groupes, par exemple, je parlais tout à l'heure des grains, le groupe qui est protégé par la Commission canadienne du blé, qui a étendu ses pouvoirs en 1942, à l'avoine, au seigle et à l'orge, je parlais de ces groupes qui, depuis très longtemps, depuis 1931 en particulier, gèrent effectivement l'agriculture canadienne. Vous connaissez l'article de la loi, c'est 91 ou 93, je pense, qui détermine que l'agriculture, en fin de compte, est du ressort fédéral.

Si l'agriculture doit continuer d'être du ressort fédéral, il faudrait bien que, dans les provinces, on s'ajuste ou qu'on change de système. Si on a constamment la preuve que, dans ce cadre, dans ce contexte, on n'est pas capable de faire valoir les droits du Québec, de l'agriculture québécoise, de valoriser les productions au Québec, il faudra changer le contexte ou simplement abandonner notre agriculture.

Nous, les meuniers, dans les productions sans sol, nous nous sommes lancés là-dedans au moment où le gouvernement n'avait pas de programme de prêts agricoles, n'avait rien, nous avons bâti à pied-d'oeuvre l'économie du "broiler", dans le Québec, nous avons permis, par exemple, la création de multiples emplois. Nous avons été évidemment obligés d'intégrer la production du porc, à tel point qu'aujourd'hui, 80% des porcs sont gérés effectivement par les meuneries; c'est parce que nous l'avons voulu.

Je me demande ce qui resterait de la production du porc si les meuneries n'avaient pas apporté leur contribution et n'avaient pas assumé les risques. C'est tout ce contexte-là, ou on s'en va dans un sens ou on s'en va dans l'autre. Il faut arrêter d'être sur la clôture et de constamment pénaliser le contribuable québécois, parce que, évidemment, le contexte nous oblige à payer les pots cassés.

M. Lessard: C'est l'article 95 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui dit que le fédéral et le provincial ont des pouvoirs conjoints, mais cependant, les lois provinciales ne doivent pas aller à rencontre des lois fédérales.

M. Blanchard: II y a plus que cela. Il y a des

études qui se publient constamment à Ottawa. La dernière en importance a été publiée en 1964. En 1964, un groupe d'experts, qui n'étaient pas même des Canadiens, ont déterminé que l'agriculture devait nettement s'orienter vers la production des viandes là où se situe la production des grains.

Nous avons combattu cette loi, mais nous sommes, à titre d'association, assez faibles à Ottawa et nous n'avons pu alerter le gouvernement québécois d'alors de la nocivité de ces textes qui, par la suite, ont peu à peu inspiré la politique fédérale.

M. Lessard: M. Blanchard, une dernière question. De ce temps-ci, on critique passablement les intermédiaires dans l'agriculture. Est-ce que vous pensez, en particulier concernant certains profits assez élevés qu'il ferait et qui empêcheraient l'agriculteur d'avoir une meilleure part au niveau de sa production, que ces critiques sont valables? Ou, quant à vous, est-ce que vous croyez que l'intermédiaire fait actuellement des profits normaux? Selon votre réponse négative ou positive, est-ce que vous seriez favorable à ce qu'une enquête puisse se faire sur les intermédiaires dans l'agriculture?

M. Blanchard: M. le député, il faut bien comprendre ce que l'on entend par intermédiaires. La plupart du temps, nous déplorons, nous, les meuniers, qu'on nous classe avec de grandes sociétés multinationales. C'est absolument ridicule. Nous sommes de petits hommes d'affaires québécois, localisés dans les municipalités qui couvrent tout le territoire. Nous avons au-delà de 250 membres et ces gens-là se désespèrent d'être protégés un jour sur le même pied, par exemple, que d'autres associations commerciales, qu'on les appelle coopératives ou autres.

Nous sommes de petits hommes d'affaires québécois et très souvent, on nous envoie avec ce lot de chiens galeux qu'on appelle les compagnies multinationales. Je suis prêt à prétendre, devant vous, que nous sommes très ouverts, nous sommes prêts à vous donner toutes nos comptabilités. Je sais que la plupart des meuniers, cette année, encourent des pertes, dans la plupart des productions qu'ils ont soutenues.

Personnellement, j'ai des pertes, dans mon bilan qui vient de sortir, de l'ordre de $26,000, pour avoir encouragé des gens à maintenir leur production d'oeufs, par exemple. Je sais que le gouvernement se propose de venir en aide aux producteurs d'oeufs.

Je me pose la question: Est-ce que, moi, je serai récompensé pour avoir maintenu des familles en production ou si ce sont simplement des producteurs qui vont pouvoir avaler les subsides et ensuite faire faillite, parce que cela ne couvre pas les pertes encourues? Je pense que plusieurs de mes collègues sont dans le même cas.

Quand on parle d'intermédiaires, il faut distinguer. Nous sommes au niveau des intrants. Les grains que nous achetons de la commission canadienne, nous les payons au niveau fixé par la commission canadienne. Je vous signale, en passant, que, malheureusement, ce ne sont pas les ni- veaux situés par La Terre de chez nous, ces articles sur les grains. Il y a beaucoup d'autres frais qu'il incombe de payer avant d'être capable d'alimenter un producteur qui vous paiera dans 90 jours, 120 jours ou qui ne vous paiera jamais.

Il faut bien distinguer entre l'entreprise québécoise et les intermédiaires que vous avez signalés dans votre exposé au début des séances de la commission. Les profits de l'intermédiaire, de tout temps, ne sont pas exagérés quant à ceux qui sont à notre niveau.

M. Lessard: Donc, selon votre interprétation...

M. Blanchard: Selon mon interprétation, je ne sais pas si mes collègues vont infirmer ou confirmer ce que j'ai dit. Je leur laisse la parole là-dessus. M. Quintin.

M. Quintin (Gilles): En ce qui concerne les autres productions, non pas les autres productions, mais les autres intrants, je ne suis pas en mesure d'affirmer ou de contredire, si on veut, parce que je n'ai pas de chiffres là-dedans. Si vous voulez faire une enquête à ce sujet ou avoir une commission parlementaire qui étudierait les profits exagérés de certains intermédiaires, s'il faut les appeler comme cela, je n'ai aucune objection si cela peut aider la classe agricole.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Lotbinière.

M. Massicotte: M. le Président, j'aimerais demander à M. Blanchard, vu qu'il disait tantôt que des meuneries s'étaient lancées dans la production des porcs et de choses comme cela... On a aussi vu que les compagnies l'avaient fait, que les coopératives s'étaient aussi embarquées dans ce genre de production. J'aimerais avoir vos commentai res, à savoir si la situation se stabilise.

Vous avez aussi parlé de la définition du producteur qui serait affectée. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

M. Blanchard: La situation se stabilise, on peut dire qu'elle va se stabiliser à long terme, mais au détriment des producteurs. C'est-à-dire que ce que je mentionnais pour les producteurs d'oeufs, par exemple, les incidencesdu plan conjoint FEDCO, va fatalement se produire lors de l'adoption d'un plan conjoint du porc.

Si on vise qu'actuellement, l'économie du Québec opère avec une certaine quantité de porcs et si on transfère ces porcs, si on les enlève aux intégrateurs et si on les remet aux producteurs au sens de la loi, ils sont, évidemment, habilités à profiter des mesures que l'on veut mettre en place.

A ce moment, je me demande quel est le profit pour l'économie du Québec. Est-ce le profit des personnes que l'on cherche? Est-ce le profit du syndicalisme? Est-ce le profit du corporatisme ou si c'est le profit de l'économie?

En matière économique, je pense que ce qui arrive, dans un contexte comme le nôtre, c'est que les plus valables finissent par s'imposer.

M. Toupin: Comment expliquez-vous, M. Blanchard, avec tous les problèmes que vous nous avez décrits tantôt, de pertes d'argent, de pertes de profits, qu'il y a eu une augmentation de 19%du porc au Québec cette année, dans le domaine des abattages, et que vous êtes à 80% des intégrateurs? Comment expliquez-vous que vous auriez tenu le coup dans ce domaine en augmentant vos déficits et, en conséquence, parce que vous augmentez la production?

M. Blanchard: On n'augmente pas les déficits. Seulement, on se maintient au-delà des cycles que peuvent supporter un producteur. Si vous avez, par exemple, quinze producteurs qui sont sous votre tutelle, il y a des compensations. En venant en automobile ici, on causait des expériences qu'on avait vécues. Sur dix producteurs, par exemple, il y en a deux ou trois qui vont perdre $2,000; il y en a deux ou trois autres qui vont gagner $2,000, mais, si vous n'avez pas cette intégration — la coopérative l'a bien compris — vous ne pouvez pas maintenir les volumes d'opération des meuneries.

Il arrive que vous aurez deux producteurs qui vont débarquer et il n'est pas sûr, à ce moment, que vous allez trouver, chez les deux producteurs qui vont rester, les possibilités physiques de compenser pour la perte de production.

M. Toupin: Cela ne donne pas réponse à ma question quand même.

M. Blanchard: Oui, c'est cela.

M. Toupin: Vous dites que cette année vous perdez de l'argent. Donc, plus vous en faites, vous autres — je ne parle pas des producteurs, je parle des meuneries — de porcs, plus vous perdez de l'argent. Pourquoi augmentez-vous la production?

M. Blanchard: Non, on n'a pas augmenté la production. Si vous remarquez que nos productions ont été augmentées, c'est qu'il y a des intermédiaires.

M. Toupin: Encore là, ce sont vos statistiques qui comptent.

M. Blanchard: Remarquez bien ceci, je vais vous le dire. Il y a des intermédiaires qui se sont lancés à perte — je peux vous en nommer — dans la production.

M. Toupin: D'accord.

M. Blanchard: Si vous voulez que je vous donne des chiffres, il y a des coopératives, par exemple, qui ont fait des pertes importantes, mais qui se sont lancées quand même a fonds perdu dans l'accaparement des productions.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Pelletier: M. le Président, est-ce que vous êtes conscient, si vous faites une perte avec un producteur, que vous répartissez cette perte sur les autres producteurs pour vendre? Le coût de votre moulée, par exemple, augmente, si vous voulez, de 10% ou de 15%. Là, il y a des plaintes au niveau des producteurs que la moulée est trop dispendieuse. Tout à l'heure, vous avez dit que vous aviez fait une perte de $26,000 dans votre bilan. Elle est reprise, si vous voulez, sur le producteur. C'est là qu'aujourd'hui on voit que le producteur se plaint que la moulée est trop chère, qu'il n'arrive plus entre la différence des deux. J'ai vécu cela dans la région de chez nous.

M. Blanchard: Oui, M. le député, je pense que ce n'est pas le cas que je citais. Quand nous perdons chez un producteur, nous assurons quand même le salaire du producteur qui est à perte, parce que ces producteurs sont à forfait. Mon ami Quintin...

M. Pelletier: Disons que peut-être...

M. Blanchard: ... on garantit à un producteur, qu'il soit en opération ou non, alors qu'il a une porcherie, un salaire à forfait par porc, un minimum et un maximum, qu'il en ait ou non dans sa porcherie.

M. Pelletier: Quand c'est fait à forfait? On parle des...

M. Blanchard: Les autres, la concurrence ne nous permet pas de faire ce que vous signalez; autrement on perdrait le client immédiatement. On ne peut pas, pour un type qui est libre en production, majorer le prix de sa moulée de $0.50 ou $0.60 et espérer qu'il va rester chez nous.

M. Pelletier: Non, sans varier jusqu'à $0.60, disons qu'il y a quand même une marge de $0.20 supplémentaires les 100 livres qui est ajoutée, ce qui devient assez onéreux pour le producteur.

M. Blanchard: Je n'ai jamais fait cela. Les prix sont les mêmes pour tout le monde.

M. Pelletier: Peut-être pas vous, mais on voit cela dans nos régions, je veux dire chez nous, dans le bas du fleuve.

M. Blanchard: Cela peut arriver. Est-ce qu'il s'agit d'entreprises privées ou d'entreprises coopératives?

M. Pelletier: Des entreprises privées. M. Blanchard: Des entreprises privées.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Lotbinière.

M. Massicotte: M. le Président, j'aimerais encore avoir certaines précisions. Lorsque les producteurs travaillent pour une meunerie ou encore une coopérative ou une compagnie pour la production de porcs ou de poulets, est-ce que vous aimeriez

voir une distinction ou une nouvelle définition concernant la personne qui les produit elle-même, qui les rend sur le marché par les canaux qui sont reconnus ou une nouvelle définition pour celui qui produit pour une meunerie?

M. Blanchard: On aimerait bien, en fait, avoir une définition qui soit économique. Effectivement, un bonhomme qui s'inscrit dans la production devrait être un producteur à quelque niveau que ce soit. Evidemment, il faut poser des limites à l'intrusion des multinationales. Si je pense à certaines compagnies qui, parce qu'elles font de l'argent dans d'autres secteurs, secteur de la bière par exemple, vont s'emparer d'une production au Québec, je ne suis pas d'accord. Le législateur doit intervenir. C'est peut-être ce qu'on déplore le plus parce qu'à ce moment ce soit une chasse ouverte et non pas une chasse gardée. Seulement, il me semble qu'entre l'inflexibilité de la loi actuelle et un réalisme valable quant à l'intégration qui est faite au niveau des paroisses, il devrait y avoir un moyen terme. Je pense qu'il y a assez d'experts au ministère pour découvrir à quel moment un type est un intermédiaire dangereux, multinational ou un type est un producteur québécois.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Saguenay.

M. Lessard: M. le Président, je reviens justement sur une question qui a été posée tout à l'heure. Lorsque vous avez affirmé que, dans votre cas, c'est une perte de $26,000, est-ce que c'est une perte de $26,000 sur le commerce des grains?

M. Blanchard: Oui.

M. Lessard: Exclusivement ou en tenant compte de l'ensemble de vos productions?

M. Blanchard: C'est en tenant compte de l'ensemble. J'ai toujours été partisan de la ferme familiale. L'Association des meuniers a écrit dans notre journal Le Meunier québécois plusieurs articles disant et signalant aux législateurs que ce qu'il fallait maintenir dans le Québec et ce qui était la cellule productive la plus économique, c'était la ferme familiale. J'ai toujours été partisan de la décentralisation et de la ferme familiale. Chaque fois que je soutenais une production, je visais toujours à la remettre aux producteurs aussitôt qu'ils pouvaient l'assumer. Or, dans certains cas, cela n'a pas été possible. Les gens n'en ont pas voulu. Ils ont abandonné la culture. Ils sont allés travailler dans des usines pas tellement loin d'une ville. Ils ont abandonné l'élevage et ils ont laissé là les pertes des exploitations.

M. Lessard: Alors, c'est sur l'ensemble de la production?

M. Blanchard: C'est l'ensemble. Je peux dire aussi qu'en même temps...

M. Lessard: Est-ce que vous ne faites pas subir à ce moment d'autres productions que vous faites, ces pertes aux producteurs lorsque vous lui vendez le grain?

M. Blanchard: Non, je dois dire, si vous voulez un exemple typique, dans mon coin il y a une coopérative qui vend actuellement de la moulée laitière à $8.15 et je la vends $7.65. Je ne fais subir à personne le poids de ma structure. Si je dois me retirer des affaires, je le ferai, lorsque je concevrai que ce n'est plus possible d'opérer sainement un commerce qui tâche de valoriser la ferme familiale.

M. Lessard: Etant donné que vous nous avez parlé de cette perte, est-ce que, sur le commerce des grains, vous avez des pertes?

M. Blanchard: Sur le commerce des grains, nous avons eu des pertes l'an dernier et nous en aurons cette année, parce qu'il y a des acheteurs de grains qui ont fait des pressions sur des meuniers, coopératifs ou non, et qui ont placé des grains à haut prix, à prix fixe et qui devront maintenant, alors que le marché est à la baisse, assumer ces pertes.

M. Lessard: Une dernière question qui rejoint encore un peu la compagnie multinationale. Cette question, je vous la pose comme je la poserai probablement à d'autres, parce qu'il s'agit d'un exemple qui frappe assez l'esprit, concernant l'augmentation considérable des intrants pour l'agriculteur.

Etant donné que vous êtes là-dedans, même si vous n'êtes pas dans le commerce de la corde de balle comme tel, comment expliquer que, en ce qui concerne un produit spécifique, la corde de balle, cela puisse passer, en l'espace de deux ans, je pense, de $7, même dans des régions, à $40, $42? Est-ce que c'est vraiment une pénurie qu'il y avait à ce moment?

M. Blanchard: Voici ce qui est arrivé: Sur le commerce international, le sisal est devenu très rare, parce que justement...

M. Lessard: Mais comment cela se fait-il qu'il n'était plus rare à $42?

M. Blanchard: Voici: II s'est fait là-dedans, cornme dans d'autres choses, comme dans le sucre, comme dans le soya... Vous savez que les boursiers jouent maintenant sur l'alimentation, et cela, en période de crise, c'est un indice qui est toujours probant. Qu'est-ce qui est arrivé avec le sisal? On a découvert de nouvelles utilisations du sisal. Le sisal est utilisé maintenant dans la fabrication du vêtement, et les techniciens qui étaient dans ce secteur se sont rapidement orientés vers ce secteur, parce qu'on annonçait, surtout aux Etats-Unis, la création d'une corde à base de nylon. Quand le pétrole est devenu plus rare et plus cher, à ce moment, on a abandonné ce principe de fabriquer de la corde à presse, par exemple, avec du nylon, et le sisal, à ce moment, était devenu très rare. La compagnie Brantford, par exemple, en Ontario, qui assumait la production de la corde à presse, avait cessé ses

opérations. On s'est trouvé à la merci de l'importation, et les importateurs ne sont pas plus bêtes. Quand ils voient un marché facilement pénétrable, à n'importe quel prix, alors qu'il y a des besoins, les prix ont monté graduellement, et il y a certaines grandes entreprises québécoises, qu'on ne nommera pas, qui ont tablé sur de forts stocks et qui ont fait d'excellentes affaires.

M. Lessard: Autrement dit, cela ne s'explique pas seulement par la pénurie.

M. Blanchard: Pas seulement par la pénurie. Il y a eu spéculation.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. Toupin: Je finirai avec seulement quelques questions.

La première, c'est que vous avez critiqué un peu la formule des plans conjoints, et vous avez proposé comme solution une chambre agricole pour tenter de faire se réunir les parties. L'Association des meuniers n'est-elle pas invitée à faire partie de chacun des comités qui discutent les projets de plans conjoints avant que la régie les approuve?

M. Blanchard: Oui, nous sommes invités, l'un après l'autre. Nous aimerions être invités à une table ronde, ensemble.

M. Toupin: Tous ensemble.

La deuxième: Vous critiquez un peu la politique des grains. Vous n'êtes pas le seul. Si ma mémoire est bonne, je pense qu'on avait aussi demandé à chacun des organismes impliqués en 1972 de participer à une politique globale, provinciale, pour une sorte de présentation commune. Cela vous convient-il des formes d'action comme cela?

M. Blanchard: Je pense que c'est ce que nous avons demandé depuis longtemps. On est heureux de voir que le ministère nous accueille maintenant comme interlocuteurs valables à ces niveaux.

Dans la politique des grains, nous avons été un peu déçus de voir que cela nous a pris dix ans pour amener l'UPA à se préoccuper sérieusement de ce problème, parce que, pour nous, c'est le problème majeur au Québec.

M. Toupin: Vous poserez la question tantôt à l'UPA, lorsque ses représentants prendront la parole.

M. le Président, c'étaient seulement les quelques questions que je voulais poser en terminant.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Merci, monsieur.

J'invite les représentants de l'Union des producteurs agricoles.

M. Couture (Paul): M. le Président, M. le ministre...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Nous vous ferons la même demande, celle de vous présenter et de présenter ceux qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Union des producteurs agricoles

M. Couture: Je vous remercie d'abord d'accorder l'occasion au groupe le plus intéressé par la loi de la stabilisation de faire valoir son point de vue. Je suis beaucoup moins inquiet, parce que je m'aperçois que beaucoup de gens s'intéressent à l'agriculture.

Je veux présenter ici M. Kirouac, le secrétaire général; M. Paul-André Guillotte, qui est avocat et travaille à la mise en marché chez nous; le vice-président, M. Armand Guérard; MM. François Da-genais et François Côté, économistes au service d'étude et recherche.

Nous avons préparé un court mémoire, M. le Président, et, si vous me permettez, je demanderais au secrétaire général d'en donner la lecture.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Un instant! Pourriez-vous parler un peu plus fort, s'il vous plaît, pour l'enregistrement?

M. Couture: Oui, je peux monter d'un ton.

M. le Président, comme nous avons préparé un court mémoire, si vous permettez, je demanderais au secrétaire général d'en donner la lecture.

M. Kirouac.

M. Kirouac (Jean-Marc): Avant-projet de loi d'assurance-stabilisation des revenus agricoles.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Un instant, s'il vous plaît! Votre nom? Je pense qu'on ne l'a pas compris tout à l'heure.

M. Kirouac: Jean-Marc Kirouac, secrétaire général de l'UPA. Mémoire présenté à la commission parlementaire, Québec le 27 février 1975.

La rencontre que nous avons aujourd'hui, marque une autre étape dans la démarche entreprise par les agriculteurs du Québec, autrefois dans le cadre de l'UCC, maintenant dans le cadre de l'UPA, dans le but d'atteindre un niveau et une stabilité de revenus comparables à ceux des autres classes de la société.

Souvent, par le passé, les progrès enregistrés sont venus à la suite de pressions et de discussions avec le gouvernement du Québec. Qu'on pense à la première loi des marchés agricoles en 1956 et à la Loi des producteurs agricoles de 1972 et le reste.

Nous ne considérons pas que la classe agricole obtenait des faveurs de l'Etat à ces moments-là. Nous croyons plutôt que dans le développement d'une agriculture de type familial, l'Etat a nécessairement un rôle à jouer. Certaines fonctions absolument vitales au progrès de l'agriculture ne peuvent être remplies adéquatement par 50,000 agriculteurs isolés. Il est de plus évident, que la dispersion de la décision de produire ou de ne pas produire en autant de centres de décision qu'il y a de fermes familiales implique une très grande instabilité des prix, donc de revenus agricoles. La dispersion implique aussi une tendance à des prix très bas, donc à un

niveau de revenus très bas pour la moyenne des agriculteurs. Cette situation ne se présente pas dans la plupart des autres secteurs économiques où le nombre limité d'unités de production, la concentration permettent de régulariser la production et le maintien des prix.

Les agriculteurs d'aujourd'hui sont plus conscients de ce piège que ne l'ont été leurs prédécesseurs. C'est pourquoi ils ont accepté de sacrifier une partie de leur économie traditionnelle, pour créer des plans conjoints de mise en marché.

C'est pourquoi également ils n'acceptent plus qu'on tente d'expliquer les faibles revenus des agriculteurs par un manque de productivité. Car ils savent que la croissance de la productivité a été plus rapide en agriculture que dans tous les autres secteurs de l'économie, et pourtant la classe agricole est parmi les plus mal rémunérées. Les agriculteurs considèrent plutôt que leur faible niveau de revenu tient à la structure, au système dans lequel ils opèrent. Ils sont conscients, pour prendre un exemple, que si la production du boeuf était concentrée comme le sont l'industrie de l'acier ou l'industrie chimique, il n'y aurait pas de surproduction de boeuf et les consommateurs paieraient en tout temps, le plein coût de production et un peu plus encore. Le système actuel implique la mort à petit feu des agriculteurs et de l'agriculture.

C'est ce que les agriculteurs ont voulu signifier à la population du Québec et à son gouvernement, lors des manifestations de l'automne dernier. Les revendications des producteurs ont d'ailleurs été confirmées par les statistiques de fin d'année. Le revenu net agricole a diminué de 8.9% en termes monétaires, donc de 21.3% si l'on tient compte de l'augmentation du coût de la vie. De plus, la production agricole réelle, physique a diminué de 3% entre 1971 et 1973 au Québec. Ce sont des chiffres lourds de signification pour quiconque est intéressé au maintien d'une agriculture dans l'ensemble québécois.

L'engagement pris par le gouvernement lors de la rencontre du conseil général de l'UPA avec le conseil des ministres constitue pour nous une reconnaissance de la part de l'Etat québécois, du rôle qu'il a à jouer pour le maintien d'une agriculture viable. Cet engagement, un grand nombre d'agriculteurs le connaissent par coeur.

Le gouvernement reconnaît le principe que le revenu des agriculteurs moyens doit être équivalent à celui d'un ouvrier spécialisé et convient de déterminer avec l'UPA, le moyen de réaliser cet objectif pour chaque producteur. Le gouvernement accepte le principe d'indexation des prix des produits agricoles à leurs coûts de production.

Il y a donc dans cet engagement, la reconnaissance que le gouvernement doit intervenir sur le niveau des revenus agricoles et sur la stabilité des normes agricoles. Et pour nous, les deux sont inséparables. La stabilité à des revenus insatisfaisants ne règlerait rien. Et de bons revenus menacés constamment par les aléas de marché dans le genre de ceux que nous connaissons présentement dans le boeuf et dans la pomme de terre ne satisferaient personne. Les agriculteurs veulent des revenus décents et stables.

C'est dans cet esprit que l'UPA a abordé l'étude de l'avant-projet de loi de l'assurance-stabilisation des revenus agricoles et qu'elle entend le discuter aujourd'hui avec vous.

Les principes de fond. La pensée de fond de cet avant-projet doit être révisée, puisqu'elle ne correspond pas à ce qu'attendent les producteurs agricoles du Québec. La Loi d'assurance-stabilisation des revenus agricoles se voudrait un correctif aux fluctuations périodiques de prix des produits agricoles, alors que les producteurs voudraient que cette loi soit véritablement une assurance garantissant la protection des coûts de production réels des produits agricoles, établis selon les réalités économiques de l'entreprise agricole au Québec.

En conséquence, l'article 1 doit être modifié et la définition du revenu stabilisé être la suivante:

Le revenu stabilisé: Pour chaque unité du produit, le montant établi conformément aux modalités prévues au régime, après consultation des producteurs intéressés, et compte tenu des déboursés monétaires encourus périodiquement, dans la production et la mise en marché du produit, plus les frais de dépréciation inhérents à l'entreprise, ainsi que d'un revenu annuel net incluant la rémunération du travail de l'exploitant et du travail familial, la rémunération du capital investi et la rémunération pour la gestion de l'entreprise déterminée par le régime.

Autres modifications suggérées. L'administration du régime. Il serait utile de spécifier plus clairement dans le présent texte que tous les frais d'administration du régime sont à la charge du gouvernement et qu'aucun des montants déposés dans le fonds ne peut être utilisé à cette fin. Voilà les premiers commentaires suscités par cet avant-projet de loi chez les administrateurs de l'Union des producteurs agricoles. Une fois faites, les modifications que nous vous suggérons, nous serons en position pour consulter nos membres et discuter avec eux des implications d'une telle loi, dans les différentes productions, car il est clair qu'un tel projet, vu son importance, ne peut être mis en vigueur sans un appui de la grande majorité des producteurs, de l'union des producteurs.

M. Lessard: M. le Président, avant que le ministre intervienne, étant donné qu'on résume la position du gouvernement, à la page 3: Le gouvernement reconnaît, ainsi de suite... j'aimerais bien que le ministre nous précise si c'est exact que le gouvernement a reconnu ces principes.

M. Toupin: M. le Président... M. Lessard: Tels que rédigés.

M. Toupin: Je ne voudrais pas engager de discussion sur ces questions.

M. Lessard: Bien, c'est important, c'est la base même.

M. Toupin: Le texte sur lequel on s'est entendu n'est pas totalement conforme à ce qui est écrit, mais je pense que l'esprit y est. Ce qui est important pour moi, actuellement, c'est de discuter dans le

cadre de l'esprit et non pas dans le cadre du texte, parce qu'on peut toujours, sur des textes, s'engueuler. Je n'ai pas cette intention, aujourd'hui, de discuter...

M. Lessard: Mais, vous êtes d'accord sur l'esprit — je ne veux pas faire de sémantique sur les termes comme tels — mais l'esprit du texte, tel que résumé par l'Union des producteurs agricoles, cela correspond, en fait, à l'esprit de votre texte sur lequel vous vous étiez entendus et vous n'avez rien à retirer de ce qui est indiqué à la page 3?

M. Toupin: Avec une restriction, c'est qu'il n'y a pas eu d'entente sur l'indexation.

M. Lessard: Le dernier paragraphe, à savoir: Le gouvernement accepte le principe d'indexation des prix des produits agricoles à leur coût de production, il n'y a pas eu d'entente sur cela?

M. Toupin: Cela ne fait pas partie de l'entente qui a eu lieu entre les producteurs et le gouvernement. Néanmoins, dans les discussions qu'on a menées jusqu à maintenant, on tient compte de l'inflation, on tient compte de l'indexation.

M. Lessard: Autrement dit, cela correspond en fait à la politiq ue qui a été acceptée par le ministère?

M. Toupin: Je vais vous dire que cela correspond à l'esprit dans lequel le ministère envisage de discuter avec les producteurs. C'est cela...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre de l'Agriculture.

M. Toupin: M. le Président, je n'ai pas tellement de questions à poser tout de suite. J'aimerais que les autres membres de la commission parlementaire puissent en poser, sauf qu'il y en a une qui me vient à l'esprit. Lorsque vous parlez de revenu stabilisé et que vous ne semblez pas tout à fait d'accord sur l'idée de corriger d'abord les courbes, et après, intervenir, vous êtes d'accord quand même pour qu'il y ait une caisse de compensation et que les producteurs contribuent au moment où les prix du marché dépassent ce qu'on retrouvera dans nos ententes?

M. Couture: Oui, M. le ministre. Je pense bien que, dans notre compréhension du problème, quand on parle de stabilisation des revenus au lieu de stabilisation des coûts, c'est que dans notre esprit, les prix des produits agricoles, dans le passé, ont toujours été aux prix de plancher. Ce qu'on veut, ce que les agriculteurs veulent, c'est une sécurité de revenu. Dans notre raisonnement, on dit: II y a des coûts de production qu'on peut vérifier, qu'on peut étudier, qui permettent un revenu aux agriculteurs sur tant. Et ensuite, si, à cause de conditions spéciales de marché, de "dumping", on est à la merci d'une foule de choses, le commerce international, le commerce interprovincial, ce qu'on veut assurer, c'est un revenu aux agriculteurs. Et à partir du coût de production, si on se tourne vers la réalité du marché, et si le marché, pour diverses circonstances, la possibilité de payer du consommateur, et le reste, ne peut pas donner le prix, c'est là qu'on voyait intervenir la Loi de stabilisation des prix lorsqu'il y aurait des baisses et des hausses. C'est dans cet esprit que nous intervenons.

M. Toupin: D'accord. C'était la première question. Maintenant, si d'autres membres de la commission ont d'autres questions à poser, j'y reviendrai un peu plus tard.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Saguenay.

M. Lessard: M. le Président, je reviens à la page 3 du mémoire de l'Union des producteurs agricoles où on affirme explicitement: "Le gouvernement reconnaît le principe que le revenu des agriculteurs moyens doit être équivalent à celui d'un ouvrier spécialisé et qu'on vient de déterminer avec l'UPA le moyen de réaliser cet objectif pour chaque producteur."

M. Kirouac: C'est chaque production.

M. Lessard: Chaque production. Le gouvernement accepte le principe d'indexation des prix des produits agricoles à leur coût de production. Disons que même si on excepte ja dernière phrase, on peut discuter sur la phrase précédente puisqu'il m'apparaît que c'est là le point essentiel de toute la Loi de stabilisation des revenus agricoles. Tant et aussi longtemps... Oui, écoutez. Est-ce que les revenus, la Loi de stabilisation des revenus agricoles...

M. Toupin: Je voudrais que vous posiez vos questions aux gens qui ont des mémoires à présenter. Ce n'est pas moi.

M. Lessard: D'accord, mais je pense que le ministre a une responsabilité. Vous me dites non quand j'affirme cela. Alors, je vais peut-être poser une question au ministre.

M. Toupin: Là, on est rendu à discuter avec eux, pas avec moi. Tantôt on discutera.

M. Lessard: Est-ce que cette loi qu'on nous présente ce matin peut s'appliquer, peut être instaurée ou peut en fait réussir à satisfaire les agriculteurs si au préalable on ne s'est pas entendu sur le principe même de base de la Loi de stabilisation des revenus agricoles, à savoir ce qu'on va mettre dans ce revenu?

M. Couture: Je pense que c'est l'essentiel du mémoire. On dit: C'est ce qu'on veut couvrir. Donc, selon notre compréhension, une Loi de stabilisation des revenus agricoles implique qu'on s'entende sur les éléments qui entrent dans le coût de production.

M. Lessard: Est-ce que jusqu'ici vous pouvez dire que vous vous êtes entendus sur ce point qui m'apparaît essentiel, même sine qua non? Sans

cela, cela ne sert à rien d'être en commission parlementaire pour discuter d'une loi de stabilisation des revenus qui ne sont pas...

M. Couture: Au niveau de nos négociations, c'est le point. Sur les autres éléments, on s'est entendu. C'est le point où on diffère de compréhension, on diffère d'interprétation de l'entente. Nous avons une interprétation, le ministère a la sienne et c'est là que nous sommes rendus aujourd'hui dans nos négociations.

M. Lessard: Mais, M. Couture, qu'est-ce qui va arriver à un moment donné si on décide d'appliquer la loi si, au préalable, vous n'avez pas d'entente avec le ministère sur cela? Est-ce que la stabilisation des revenus va s'établir selon l'offre et la demande sans reconnaître les principes pour lesquels vous vous êtes battus en octobre et novembre derniers?

M. Couture: Nous conservons nos principes. Au niveau du ministère, on est en négociation et hier après-midi, on s'est entendu sur un moyen d'avancer là-dedans pour en venir à une compréhension. Je pense que cette compréhension et cette entente sont nécessaires pour donner suite à la loi parce que c'est le fond, c'est la base de la Loi de stabilisation des revenus, selon notre compréhension personnelle.

M. Lessard: Donc, M. Couture, d'après votre compréhension, si on n'a pas d'entente sur cela ou si l'entente postérieure à la loi ne vient pas, autrement dit, on aura discuté pour rien?

M. Couture: Je n'irais pas jusque là, parce que le niveau de compréhension protège un minimum, mais l'efficacité de la loi est conditionnée par cette entente. Dans l'acceptation au niveau du ministère de l'Agriculture, on accepte un minimum, et c'est la différence entre le minimum accepté et le minimum de nos demandes. Je pense que c'est là qu'est le point d'achoppement, ce qui veut dire que si la loi était appliquée, selon la compréhension qu'on a, elle protégerait un minimum, qui est la compréhension du ministère. Mais je pense que ce qui est important à ce moment-ei, au niveau de la négociation avec le ministère...

M. Lessard: Mais cela ne pourrait pas empêcher la faillite. Cela ne ferait que stabiliser la situation actuelle.

M. Couture: Cela protège des catastrophes. C'est une protection contre les catastrophes, mais notre compréhension est une protection d'un minimum de revenu pour un agriculteur. Donc, c'est la différence où nous en sommes.

M. Lessard: Vous avez parlé d'un début d'entente hier, est-ce que...

M. Couture: Grosso modo, nous disons: Le revenu d'un travailleur, d'un exploitant agricole devrait être de l'ordre de $15,000, et dans la compré- hension de l'entente, on dit: C'est environ quelque $1,000 de revenu. C'est là la différence, comme dans toute négociation, quand on est rendu aux revenus, c'est comme quand on est rendu aux salaires et qu'on a réglé les autres clauses, c'est là que c'est le plus long.

M. Lessard: Ce n'est pas la même chose que les salaires des députés, ça se négocie plus vite, les salaires des députés.

M. Couture: Je comprends la situation, je comprends beaucoup mieux que le salaire d'un autre est suffisant, plus que le mien.

M. Lessard: Je comprends, M. Couture. Il reste que ce principe que vous énoncez à la page 3 m'apparaît le principe essentiel, même sine qua non, d'une véritable application d'une loi de stabilisation des revenus parce que si tu stabilises au niveau actuel, à un moment donné, tu fais seulement maintenir ou permettre à des agriculteurs de survivre mais pas plus.

M. Couture: C'est notre compréhension. Tout de même, je n'irais pas jusqu'à dire qu'on ne peut pas évoluer avec la loi, progresser dans cette loi, quitte à régler en même temps l'autre problème. Parce que la loi couvre déjà des choses.

M. Lessard: Cela stabilise les faillites. M. Couture: Oui.

M. Lessard: Vous dites, à la fin de votre mémoire, que voilà les premiers commentaires pour le moment, vous énoncez votre principe essentiel pour lequel les agriculteurs se sont battus depuis plusieurs années, nous en particulier au cours des mois d'octobre et novembre. Mais, une fois faites les modifications que vous proposez, qui sont conformes à l'esprit des négociations que vous faites, vous dites: "Une fois faites les modifications que nous suggérons, nous serons en position pour consulter nos membres et discuter avec eux des implications d'une telle loi dans les différentes productions. Autrement dit, actuellement, le fait que vous vous prononcez sur le principe essentiel de la loi, vous dites: On ne peut pas aller plus loin, on ne peut pas discuter des modalités, on ne peut pas discuter des règlements, on ne les a pas — comme d'habitude — on ne peut pas aller plus loin parce qu'il faudrait que le gouvernement, une fois qu'on se sera accordé sur ce principe, nous permette maintenant ou nous laisse un délai pour aller consulter les différentes fédérations agricoles.

M. Couture: Oui, je pense que ça peut être assez rapide quand même. Mais notre objection est dans la philosophie. On dit que la loi protège les coûts. Je pense que notre compréhension de l'article...

M. Lessard: C'est ça.

M. Couture: ...1, c'est que ça protège les coûts

et nous, on dit que ça doit protéger aussi un revenu. C'est la condition qu'on y met, qu'au lieu de protéger seulement le coût, ça protège un revenu pour le producteur.

M. Lessard: Pensez-vous que les producteurs agricoles vont s'embarquer dans cette loi? Quel est le nombre de producteurs que vous prévoyez qui accepteraient de participer à cette loi?

M. Couture: Je pense que si, dans la loi...

M. Lessard: Si ça fait comme l'assurance-récolte, commencer à $19,000...

M. Couture: C'est pour ça qu'on dit que la philosophie va protéger quoi? Si, dans la loi, on protège le revenu des agriculteurs, les agriculteurs vont embarquer dans cette loi. Mais si elle ne protège pas le revenu des agriculteurs, ça va faire comme l'assurance-récolte, si elle n'est pas adaptée aux conditions de l'agriculture.

M. Lessard: Dans vos négociations, parce que vous avez sans doute discuté avec le ministre sur ce projet de loi, est-ce qu'il a été discuté à un moment donné de la participation financière de l'agriculteur?

M. Couture: On y tient. C'est parce que, comme agriculteurs, on ne veut pas être des dépendants continuellement et on ne veut pas être accusés continuellement de vivre de la société. Mais si on y participe, on est des partenaires et cela nous justifie de demander des compensations, mais il faut, au préalable, dans la loi, qu'on soit couverts, qu'on sache qui va être payé, et de quelle manière. C'est ça l'essentiel.

M. Lessard: En fait de participation, vous voulez parler de la participation à la caisse de compensation et non pas au niveau de l'administration.

M. Couture: On le dit dans notre mémoire, on dit...

M. Lessard: J'ai bien compris.

M. Couture: ...qu'il faudrait que ce soit complètement dégagé parce qu'on n'a pas beaucoup de contrôle.

M. Lessard: Actuellement, selon vos informations, d'après la loi — ça va être probablement précisé dans des règlements — il n'y a pas eu de discussion entre l'UPA et le ministre de l'Agriculture sur la participation financière de l'agriculteur à la caisse de compensation.

M. Couture: Nous, comme on l'a interprété, c'est un avant-projet qui sera précisé dans l'avenir. Mais, sur l'avant-projet, on est d'accord parce qu'on dit que c'est peut-être le seul moyen d'assurer une stabilité de revenu aux agriculteurs.

M. Lessard: Mais vous êtes d'accord, tel qu'il est là, sur les modifications que vous proposez, mais est-ce que vous seriez d'accord, si le ministre n'accepte pas vos propositions?

M. Couture: Non, je pense que c'est préalable. C'est une loi qui est faite pour les agriculteurs, je pense donc qu'il faut qu'il y ait ces conditions.

M. Lessard: Autrement dit, on met la charrue devant les boeufs.

M. Couture: II faut la mettre quelque part. M. Lessard: J'aime mieux la mettre en arrière.

M. Couture: C'est plus facile de déplacer les boeufs que la charrue. C'est dans cet esprit, on ne s'interroge pas trop, mais, dans la pratique, il y a encore des discussions à faire. Il y a la réglementation et il y a aussi, avant que cela devienne...

M. Lessard: C'est certainement plus facile de déplacer un boeuf qu'un gouvernement.

M. Couture: Cela dépend qui vous identifiez par la charrue et par le boeuf.

M. Lessard: Alors, vous n'êtes pas d'accord, tel qu'il est là; vous demandez au moins que les modifications que vous proposez soient acceptées?

M. Couture: D'accord.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Lotbinière.

M. Massicotte: M. le Président, j'aimerais faire un pendant aux questions que j'ai posées tantôt à M. Blanchard, concernant l'intégration par les compagnies, les meuneries, les coopératives, avoir votre réaction sur ce que vous en pensez. Encore là, on se pose des questions en ce qui concerne le producteur agricole, mais il y a peut-être aussi la question du travailleur agricole qui se trouve à travailler à gages pour ces compagnies. Comment cela cadre-t-il dans vos exigences pour appartenir à l'UPA?

M. Couture: Votre question est assez large, je pense. Si, à un moment donné, les gens peuvent dire qu'il y a un niveau d'intégration à 75% ou 80%, qui peut se discuter, parce que chacun a ses statistiques, pourquoi cela en est-il rendu là, je pense que c'est important. C'est parce que, vu les aléas du marché, il y a une foule de choses, en dehors de nos contrôles. Les agriculteurs sont arrivés à une situation où ils ne pouvaient plus prendre ces risques. S'il y avait eu un minimum de stabilité, la production, dans ces secteurs, serait restée dans les mains des producteurs, je le pense, peut-être pas complètement, mais pour une grande partie. Je pense que c'est important.

On a essayé de sauver tout le monde, cela a joué un rôle. M. Blanchard nous disait que sauver l'agri-

culture, dans l'esprit, pour la remettre aux agriculteurs, c'est rarement arrivé. L'organisation qui a financé les agriculteurs s'est permis de franchir cette étape, parce qu'elle a presque mangé le capital du producteur. A un moment donné, c'est arrivé à l'autre bout que le gars était tellement pris que, pour se réchapper, il est devenu un salarié.

Je n'accuse pas les gens, mais c'est dû à un contexte où le gars n'était plus capable de supporter ces risques. Je pense que c'est anormal. En agriculture, on parle souvent de droits acquis, on parle d'agriculture familiale, c'est parce que c'est la famille qui a fait l'agriculture jusqu'à présent. Il y a des droits acquis, un précédent et une expérience qui sont valables. Cela ne veut pas dire qu'on ne doit pas évoluer et qu'on ne doit pas s'adapter à l'agriculture moderne. Nos gars sont prêts à le faire.

Dans les productions où il y a eu le plus de protection, où on a été un peu mieux organisé, dans le domaine du lait, par exemple, la production est restée entre les mains des agriculteurs, parce qu'il y a eu une certaine stabilité, un minimum de stabilité. Mais dans d'autres productions, c'est devenu presque une spéculation. L'élevage du porc, du poulet à gril, parce qu'on faisait jouer le marché de toutes sortes de façons et par différentes influences étrangères souvent au contexte économique, est devenu un jeu de bourse. Or, l'agriculteur n'était pas capable de faire ce jeu de bourse, et ce qu'on attend d'une loi de stabilisation, c'est de protéger un minimum de sécurité pour que les agriculteurs puissent, eux, demeurer dans l'agriculture et la développer.

L'agriculture, qu'on l'appelle familiale ou autre, implique des capitaux considérables, or, personne n'est intéressé à investir des capitaux s'il n'y a pas un minimum de sécurité. Si je n'ai pas de capitaux, les banques, les institutions financières ne me prêteront pas parce que mon secteur n'est pas rentable. Donc, on a intérêt à rentabiliser le secteur de l'agriculture et en le rentabilisant, ce qui est nécessaire, automatiquement, vous allez rentabiliser l'agriculteur, et vous allez laisser la production dans les mains des agriculteurs; je pense que c'est important. Je ne défends pas le petit agriculteur qui est resté avec ses six vaches, ce n'est plus cela l'agriculture.

Prenez la production laitière et n'importe quelle production, ce sont des capitalisations au-delà de $100,000, aujourd'hui. Donc, à partir de là, cela nous prend un minimum de sécurité et le minimum de sécurité, c'est par une loi semblable qu'on veut l'avoir.

C'est vital pour l'agriculture, parce que, aujourd'hui, c'est devenu une question d'affaires, une question de mode de vie. Donc, pour répondre à ces exigences, je pense que...

M. Pelletier: Dans le même ordre d'idée, c'est peut-être pour cette raison, M. le Président, que les producteurs d'oeufs, par exemple, ont déjà compté 2,500 producteurs au Québec et qu'ils ont baissé à 420 comme le monsieur le disait tout à l'heure.

M. Couture: Oui.

M. Pelletier: Cela veut dire qu'à moins de 5,000 pondeuses par producteur...

M. Couture: Non pas 5,000, on dit, aujourd'hui, que, pour utiliser un homme, on a besoin d'un minimum de 10,000 à 12,000 pondeuses. Vous avez eu le même phénomène sans intégration dans les autres productions, peut-être pas aussi... Si vous comptiez, à ce moment, 500 pondeuses, il n'y en a plus de gars de 500 pondeuses, mais quand vous faites disparaître 100 producteurs de 500 pondeuses, vous n'avez pas fait disparaître un producteur à ce moment.

M. Pelletier: D'accord. Une ferme familiale peut comprendre des pondeuses, du "broiler", du porc, etc.

M. Couture: Oui, mais de moins en moins, parce qu'on est venu avec des productions spécialisées. On est devenu des spécialistes. Quand vous êtes des spécialistes, vous avez une capitalisation à faire. Vous devez être efficace au maximum dans cette spécialité. Aujourd'hui, les producteurs agricoles achètent des biens de consommation quasiment comme n'importe qui de vous autres.

Chez nous, j'ai une ferme qui est assez grande, mais j'achète mon lait, j'achète mes oeufs et j'achète mes produits autant que vous autres, parce que j'ai spécialisé mon affaire et je ne me "badre" pas de 25 poules dans un coin de ma grange...

M. Pelletier: Mais c'est quand même une ferme familiale?

M. Couture: C'est une ferme familiale aussi... M. Pelletier: Spécialisée.

M. Couture: ...adaptée aux exigences de 1975, que voulez-vous?

M. Lessard: Une unité familiale.

M. Couture: C'est une unité familiale qui contrôle son entreprise. Autrement, on défend de l'artisanat et ce n'est pas cela qu'on défend. Une ferme qui est capable de s'adapter, d'avoir une certaine économie d'échelle suit un peu les principes de l'industrie, parce que le système nous amène à cela.

M. Massicotte: M. le Président, j'aimerais poser la question. C'était le pendant. Ma question était assez longue et c'était assez difficile de tout défricher cela, mais quand je demandais aussi quelles sont les exigences pour être membre de l'UPA... parce que vous avez là-dedans aussi des travail leurs agricoles, des agriculteurs, à plein temps...

M. Couture: II y a une définition qui a été mise dans la loi, qui n'a pas été mise, à ce moment, par les agriculteurs. Cela a été une des conditions qu'on veut réviser et qu'on étudie, parce que la loi 64

disait: C'est $1,000 de revenus. On est conscient du véritable agriculteur. A la période où cela a été adopté, on avait des agriculteurs qui étaient appelés à partir de l'agriculture qui disaient: On a, nous autres, à défendre des conditions de départ; on a à défendre des législations qui nous permettent de partir honorablement. Ensuite, vous aviez des régions. Si on pense à la région du coeur du Québec, à Saint-Hyacinthe, on disait $1,000, cela n'a pas de bon sens. Mais quand je m'en vais en Gaspésie et qu'on dit que ces bonshommes ont nécessairement besoin d'un minimum de services, d'un minimum d'organisation, tu as des bonshommes pour qui $1,000 est important, parce qu'ils vont faire un peu de bois, un peu de pêche et le reste.

C'est dans ce contexte qu'on a regardé, parce qu'on regardait pour l'ensemble des agriculteurs. Depuis ce temps, cela a évolué. Il y a eu aussi des choses, certaines concentrations des fermes, une certaine planification faite. On va les questionner continuellement. Mais la loi est assez neuve qu'on n'a pas jugé à propos jusqu'à maintenant d'amener des modifications majeures à ce niveau.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député d'Iberville.

M. Tremblay: M. le Président, M. Couture, quel est le nombre de membres de l'Union des producteurs agricoles au Québec?

M. Couture: Les membres qui ont signé une carte d'adhésion volontaire à l'UPA sont au nombre de 48,000.

M. Tremblay: Est-ce que ce sont tous des propriétaires de ferme?

M. Couture: Oui.

M. Tremblay: Quelle est la valeur active globale en dollars de ces 48,000 propriétaires de ferme qui sont membres de votre...

M. Couture: C'est une question technique... Je vais me référer à mes deux économistes et ils vont faire un calcul rapide.

M. Tremblay: Sans doute que vous devez avoir consigné dans vos livres... parce que cela doit certainement représenter pour le Québec une valeur en dollars assez impressionnante.

M. Lessard: En mettant deux économistes, vous allez avoir des problèmes...

M. Couture: D'accord, c'est un ordre de grandeur. On dit que ce sont des investissements de près de $3 milliards.

M. Tremblay: De $3 milliards qui représentent un tournant d'argent de combien dans une année?

M. Couture: On dit que les revenus agricoles ont été près de $1 milliard cette année. Les statistiques... Ce sont les revenus bruts, non pas les revenus nets.

M. Tremblay: Vous évaluez à combien, M. Da-genais, grosso modo la valeur globale des investissements représentés par vos 48,000 membres?

M. Dagenais (François): Environ $50,000 par agriculteur. Si on calcule 50,000 membres, pour aller bien vite, cela fait $2,501,000,000.

M. Tremblay: D'accord.

M. Dagenais: En fait, c'est un peu plus, parce que, sur le groupe de têtes, c'est plus élevé. Le revenu net des agriculteurs a été de $290 millions et, de cela, il y a $104 millions de revenus en nature. Ce qui reste, un revenu net, extérieur à la ferme, en argent, qui serait d'environ $290 millions moins $104 millions, ce qui laisserait $186 millions.

M. Tremblay: Le revenu net en nature, qu'est-ce que c'est?

M. Dagenais: Le revenu net en nature, c'est ce que le fédéral considère comme l'allocation de la terre, les produits qui sont autoconsommés pour allocation. Il faut remarquer que, sur les statistiques utilisées par le fédéral, nous ne sommes pas tout à fait d'accord.

M. Tremblay: Ces produits autoconsommés, cela veut dire les produits que l'agriculteur prend à même sa ferme pour nourrir sa famille?

M. Dagenais: Oui, qu'il prendrait à même sa ferme pour nourrir sa famille. C'est cela.

M. Tremblay: Bon. Maintenant, dans toute cette masse importante de l'économie du Québec, en argent investi par les agriculteurs du Québec, quel est, en dollars, le montant de prêt agricole en vigueur là-dessus; grosso modo?

M. Dagenais: II faudrait demander au gouvernement. Je ne suis pas au courant des prêts.

M. Tremblay: Vous n'êtes pas au courant, l'UPA, de ce que vos membres doivent au gouvernement en hypothèque de prêts agricoles sur leurs terres? Certainement, que vous avez cela.

M. Couture: On a cela chez nous, mais dans notre...

M. Dagenais: Avec ce que le fédéral prête, cela ferait autour de $1 milliard. J'ai l'impression que...

M. Tremblay: Avec le Québec, je parle, ce que le gouvernement du Québec consent en prêts agricoles à cette masse monétaire de $40 millions d'investissements.

M. Dagenais: Je veux dire qu'on ne fait pas tellement de distinction quand on étudie l'endettement des agriculteurs. On ne fait pas de distinction entre ce que le fédéral prête, les banques prêtent et le crédit agricole du Québec prête ou les caisses populaires. On sait que l'endettement moyen des agriculteurs est à peu près de 45% à 50%.

M. Tremblay: Qu'est-ce que l'agriculteur doit au prêt agricole d u Québec? Je pose cette question.

M. Dagenais: On n'a pas les chiffres ici. On pourrait prendre le rapport annuel et on va vous les donner.

M. Tremblay: Est-ce que c'est supérieur à ce que les agriculteurs doivent aux banques, aux caisses populaires ou au fédéral?

M. Dagenais: Je ne le sais vraiment pas.

M. Tremblay: Autrement dit, est-ce que le prêt agricole, chez nous, au Québec, est une façon bien utilisée par l'agriculteur du Québec?

M. Couture: Si vous demandez... D'accord, M. le ministre.

M.Toupin: Les deux ensemble, si on prend l'Office du crédit agricole du Québec, il est rendu à peu près à$400 millions et le fédéral doit être à peu près dans les mêmes normes. Cela doit faire à peu près $800 millions de prêts que les agriculteurs ont. Evidemment, les prêts du crédit, c'est fondamental. Il y a, à part cela, toutes les banques, les caisses qui financent les fermes à long terme. Si vous parlez à court terme, c'est un peu moins.

M. Tremblay: Quel est le taux d'intérêt moyen que l'on exige?

M. Couture : Les premiers $15,000 sont à 2.5% et le reste à 7% présentement. Il y a une remise pour le prêt à court terme de 3%, mais à partir du taux normal des prêts aux banques, pas pour tous les emprunts des agriculteurs, pour ce qui peut entrer dans la question du développement d'une agriculture.

M. Tremblay: Maintenant, la ristourne du gouvernement du Québec sur les taxes scolaires payées par les agriculteurs est évaluée à combien en dollars, dans une année?

M. Couture: On parlait de $10 millions à $12 millions.

M. Tremblay: Pour terminer avec une question peut-être moins technique, à la page 4 de votre mémoire, vous nous dites que la stabilité à des revenus insatisfaisants ne réglerait rien. Et de bons revenus menacés constamment par les aléas de marché dans le genre de ceux que nous connaissons présentement dans le boeuf et dans la pomme de terre, ne satisferaient personne. Les agriculteurs veulent des revenus décents et stables. Pourriez-vous, M. Couture, expliciter davantage ces deux situations du boeuf et de la pomme de terre dans un langage qu'un député profane peut mieux comprendre?

M. Couture: Je pense que ce qu'on veut dire là-dedans, c'est qu'on n'est pas intéressé à des hausses énormes de prix suivies de chutes qui mettent en cause les organisations. Prenez du boeuf, c'est bien important le boeuf. Il y a un type qui me demandait hier comment cela prend de boeufs pour que cela soit rentable. L'année passée, c'était celui qui en avait moins qu'un, qu'il mangeait de l'argent sur toutes les unités. Plus le nombre était considérable, s'il en avait un grand nombre, il était certain de faire faillite. Ce sont ces situations... Les années d'avant, on a eu un prix qui était raisonnable pour le boeuf, suivi d'une chute qui n'avait pas de bon sens. On a été obligé... L'année dernière, les gens étaient scandalisés de voir abattre des veaux. C'était bien plus payant. Ce n'était pas un gros sacrifice pour nous autres, dans l'état actuel. C'était plus payant de les tuer que de les nourrir, et c'était beaucoup moins d'ouvrage. On va parler des pommes de terre.

Il y a beaucoup de production de pommes de terre. C'est d'environ $0.05 à $0.06 la livre. Les gars ne les vendent pas et on leur offre $1, $1.25 pour 50 livres.

Ce sont des situations intolérables qui mettent en cause toute la structure, parce que vous avez des gars dans la production des pommes de terre, comme dans n'importe quelle production, qui sont des spécialistes aujourd'hui, qui ont dix, quinze, vingt ans d'expérience, mais qui, s'il n'y a rien de fait présentement, vont faire faillite. C'est une perte énorme même pour le peuple québécois, parce qu'en pi us de capitaux qui vont se perdre, vous avez un capital humain qui va être dans une situation épouvantable et qui va arrêter de produire. Donc, par une loi de stabilisation, on pourra permettre une continuité pour éviter des catastrophes semblables.

M. Tremblay: A l'aide de l'exemple que vous venez de nous donner, on voit très bien l'illustration des bienfaits, par exemple, que pourrait apporter une loi, peut-être revisée, comme vous dites, au niveau de la philosophie. Dans le cas de la pomme de terre, par exemple, dans le moment, celui qui a une ferme et qui se voit devant un déficit pour sa saison d'opération, disons de $10,000, par exemple, en raison de ses coûts de production et de sa perte des produits, ainsi que de la vente qu'il ne fera pas de ses produits, le fonds d'indemnisation prévu par

la nouvelle loi viendrait intervenir, ici, pour éviter que cet homme perde...

M. Couture: Cela implique...

M. Tremblay: ...complètement son commerce.

M. Couture: ...que les producteurs, tout de même, se sont donné une organisation, une structure afin qu'il y ait certains contrôles, parce que le problème de la pomme de terre aussi... L'année dernière, les gars ont fait un peu d'argent. Cette année, on a augmenté la production peut-être un peu trop, donc, cela crée des fluctuations.

Cela implique que le gars s'organise malgré les inconvénients que cela cause... Quand je parle de s'organiser, cela ne veut pas dire de les empêcher de produire, mais de planifier leur production en regard des besoins du marché. Je pense que c'est important, parce que souvent on nous fait voir les plans conjoints comme l'organisme qui empêche même de produire et qui empêche l'efficacité. La formule de mise en marché qu'on a adoptée, c'est une planification de la production vis-à-vis des besoins de consommation. Je pense que c'est aussi simple que cela et qu'on doit s'ajuster à l'intérieur de cela, de la même façon que toute organisation a à s'ajuster. Il y a un rodage à faire.

M. Tremblay: Une dernière question, M. le Président.

Dans les ententes que vous avez conclues avec le ministère, ou peut-être qui sont en voie d'être finalement conclues au sujet des indemnisations des pertes sur le boeuf, cela a été un sujet qui a été discuté à maintes reprises, quelle est la norme qui a été entendue entre l'UPA et le ministère de l'Agriculture sur le nombre de têtes? Est-ce que c'est 25 ou 15 ou 10?

M. Couture: Le dernier mot là-dessus, je pense bien que ce n'est pas à nous, parce que c'est le gouvernement qui... Dans notre discussion, nous, ce qu'on a essayé de protéger et qui n'est pas facile, parce que... Ce qu'on essaie de protéger là-dedans, c'est que cet argent aille le plus possible aux agriculteurs. Parce que j'ai rencontré, avant-hier, un avocat qui s'est acheté une terre. Il dit: Si je n'ai pas droit à la subvention du gouvernement, je vends ma terre aux Arabes. Je ne suis pas tellement sympathique à l'avocat qui a acheté une terre avec l'intention de la vendre pour spéculation. Ce qu'on a essayé, un peu avec le ministère, cela a été de protéger les agriculteurs.

Le professeur qui s'est acheté une terre proche d'une ville pour faire un peu de peinture et écouter de la musique, pour compléter un peu sa formation...

M. Tremblay: Meubler son...

M. Couture: Je dis que ce n'est pas un drame pour lui, parce que sa vie, lui, ce n'est pas de l'agriculture. Donc, nous, ce qu'on veut, c'est que les budgets qui sont disponibles... On sait que ce n'est pas facile d'avoir des budgets. On dit que les budgets qui sont disponibles pour les agriculteurs, devraient servir le plus possible aux agriculteurs, comme on ne voudrait pas que le gars qui est un commerçant et qui achète aux encans, parce qu'il a manipulé beaucoup de boeuf et que même cette année cela a peut-être été payant et qu'il a eu de la chance, lui aussi, bénéficie des octrois. Ce n'est pas simple quand on arrive en pratique, et c'est cela qu'on essaie de travailler. Je pense qu'on travaille en collaboration avec le ministère pour essayer de régler ces cas.

L'entente qu'on a, c'est qu'on règle les cas...

M. Tremblay: Les vrais.

M. Couture: ...où il n'y a pas de problème.

Après cela, ça devient des cas spéciaux ; p uis on essaie de trouver une formule pour les faire collaborer dans ce sens.

M. Tremblay: Les cas au mérite de producteurs qui ont, par exemple, dix bêtes ou enfin, qui n'en ont pas 25 et qui ne sont pas réellement, comme vous dites, des professeurs ou des avocats, mais qui sont... J'ai, dans ma région, un gars, par exemple, qui a dix ou quinze bêtes, un semblant de petite ferme si vous voulez, mais en plus, il travaille à l'extérieur, parce qu'il a sept enfants, et, le revenu de tout cela lui permet de faire vivre sa famille.

Est-ce qu'au mérite, ce cas va être étudié par exemple en particulier?

M. Couture: Moi, quand on parle de cas d'espèce, des cas spéciaux, si le bonhomme est dans une région un peu particulière, puis on dit: Lui, il est obligé, il fait un peu de bois avec cela, puis il complétait...

M. Tremblay: C'est la combinaison de toutes ses activités qui fait vivre sa famille.

M. Couture: Je pense que ce sont des cas qui doivent être étudiés au mérite.

M. Tremblay: Est-ce que c'est prévu dans vos tractations avec le ministère? Parce que nous avons beaucoup de demandes de gens, et ce ne sont pas ceux qui sont heureux qui viennent nous voir.

M. Couture: Nous aussi.

M. Tremblay: Ce sont les gens qui ne sont pas heureux, puis dans le moment, ce sont les petits, et ils ont tendance à vous lancer la pierre un petit peu.

M. Couture: Pour vous consoler...

M. Tremblay: Cela, vous en avez eu connaissance probablement, parce qu'il y en a un qui est allé vous voir.

M. Couture: ...ceux qui viennent chez nous, ce ne sont pas les heureux non plus.

M. Tremblay: Non, mais je parle de la catégorie de ceux qui n'ont pas 25 bêtes.

M. Couture: C'est parce que dans tout cela...

M. Tremblay: Ils pensent qu'ils vont être oubliés.

M. Couture: ...dans ce cas-là, nous disons à nos producteurs de remplir leurs formules puis elles seront étudiées au mérite. On essaiera d'étudier au mérite, puis on va essayer de trouver une formule pour trouver une solution à des cas réellement valables là-dedans. Les cas valables là-dedans, comme vous dites... je vous parlais du bonhomme lui, il a 24 bêtes, mais il est dans l'agriculture, puis il ne va pas chercher son revenu à l'extérieur, je pense que...

M. Tremblay: Est-ce qu'il y en a plusieurs, M. Couture, comme cela?

M. Couture: C'est assez difficile, c'est parce que depuis la subvention, on a découvert un paquet de producteurs. Enfin, cela va être à voir. Mais c'est là-dedans qu'il va falloir essayer de voir ce qui est vrai, puis ce qui n'est pas vrai, mais là-dedans, je pense bien qu'il ne faut pas fausser, les gens sont portés... puis même il y a des employés du bureau du ministère qui sont portés à dire, allez voir l'UPA. Ce n'est pas l'UPA, on est prêt à travailler en collaboration avec le ministère là-dessus, pour que le ministère ne se fasse pas jouer; parce que les gars, dans le champ, ils se connaissent entre eux.

M. Tremblay: D'accord.

M. Couture: Alors on est ouvert soit à un comité qui étudierait ces cas spéciaux avec des gens de la région, puis là les gens se connaissent et c'est assez facile de voir si le bonhomme est agriculteur ou pas.

M. Tremblay: Mais vous êtes d'accord pour me dire, dire devant la commission, que personne à l'UPA n'a rejeté du revers de la main, la demande même du plus petit.

M. Couture: Non, on n'avait pas à la rejeter, la demande ne venait pas chez nous. La demande est remplie au bureau des agronomes des régions, donc nous on n'avait rien à dire. La seule chose qu'on a dite, c'est: Remplissez votre demande et si vous ne rentrez pas dans les cas, dans les critères généraux, cela devient des cas d'espèce et on les regarde. Mais cela, c'est notre optique, mais maintenant commencer... après cela ça va aussi avec la souplesse, la disponibilité des budgets au gouvernement.

M. Tremblay: Ils sont membres de l'UPA quand même, ces gens?

M. Couture: Oui, ils sont membres puis on les défend.

M. Tremblay: Alors vous devez tenter de les protéger autant que vous pouvez protéger les plus gros chez vous.

M. Couture: On va essayer de les protéger.

M. Tremblay: Travaillez-vous aussi fort pour protéger ceux-là, que pour protéger les gros? C'est cela que je veux vous faire dire.

M. Couture: C'est assez difficile à...

M. Tremblay: Dites-le donc! Cela ne coûte pas cher de le dire.

M. Couture: Ecoutez, c'est assez difficile à mesurer.

M. Tremblay: Est-ce qu'ils sont membres à part entière de l'UPA ou non?

M. Couture: Je vais vous retourner une question. Vous, dans votre comté, défendez-vous les plus gros, les moyens ou les plus petits, lesquels?

M. Tremblay: Je défends tout le monde. Je défends tout le monde, mais j'ai eu l'occasion, et vous le savez, Dieu merci! de prendre à partie le gouvernement et mon ministre l'automne dernier dans mon comté, moi; mais là, arrive le problème de ces petits qui se sentent oubliés et puis je leur donne le bénéfice du doute jusqu'à preuve du contraire.

M. Couture: Moi, je suis comme vous, je travaille pour les petits, les moyens puis les gros et ceux qui amènent leurs problèmes; on essaye de trouver une solution et on est disponible pour les défendre au meilleur de notre connaissance.

M. Tremblay: Alors je vais vous faire confiance, M. Couture, et je vais dire cela à mes gens lorsqu'ils viendront me voir. Je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre de l'Agriculture.

M. Lessard: II faudrait que le député intervienne pour défendre leurs intérêts, aux agriculteurs.

Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! Le ministre de l'Agriculture.

M. Toupin: M. le Président, il y a deux ou trois points sur lesquels j'aimerais discuter. Je vais d'abord en prendre un premier.

Le député de Saguenay a soulevé, au départ, une question fondamentale, bien sûr, il a tenté, évidemment, de démontrer dans sa philosophie que cette loi aurait une seule fonction ; ce serait de stabiliser les faillites. Je voudrais avoir un peu plus d'éclaircissement là-dessus. Quand vous regardez le projet de loi, à l'article 1, au sous-paragraphe e) et qu'il est dit, par exemple, que revenu stabilisé veut dire pour chaque unité de produit le montant établi conformément aux modalités prévues par le ré-

gime — cela est de la négociation qui doit intervenir entre les producteurs et le ministère — après consultation du groupement de producteurs intéressées et compte tenu des déboursés, les déboursés, dans mon esprit, à moins que je n'aie plus notion exacte, c'est tout ce que comprend votre article, c'est-à-dire les dépréciations, les coûts de production. Ce sont là les déboursés de la part d'un producteur, qu'il doit faire pour assurer sa ferme et, en plus de cela, on parle d'un revenu annuel net déterminé par le régime, c'est-à-dire, après négociation avec les producteurs.

Est-ce que cela correspond un peu à la philosophie que vous vous faites d'une loi qui pourrait intervenir?

M. Couture: C'est pour cela qu'on interroge, on veut que ce soit cela que ça veuille dire.

M. Toupin: L'article le dit tout au moins un peu, cela ne dit pas tout.

M. Kirouac: Le nôtre le dit mieux. M. Couture: C'est parce...

M. Toupin: Oui, je suis d'accord que le vôtre le dise mieux, mais l'article le dit quand même un peu.

M. Couture: Non, mais d'accord, c'est pour cela...

M. Lessard: II y a des changements à faire, il s'agit de remplacer votre article par...

Une Voix: C'est aussi simple que cela.

M. Toupin: Tout ce que je voudrais faire, c'est que je ne voudrais pas que le député de Saguenay vous fasse dire des choses que vous ne croyez pas.

M. Couture: D'accord. M. Toupin: Alors...

M. Couture: C'est parce que cela m'a inquiété quand vous parliez de philosophie, parce que, sur le plan de la philosophie, on ne règle pas beaucoup de problèmes.

M. Toupin: Une autre question. Au fond, ce n'était pas une question, je voulais apporter une précision. Dans le cadre d'une politique de stabilisation des revenus — je pense que vous avez ouvert un peu les portes de ce côté — j'aimerais en discuter un peu plus longuement. Est-ce que vous êtes d'accord que nous devons tenir compte de la dimension de la ferme, lorsque nous parlons d'un revenu stabilisé dans le cadre d'un objectif à poursuivre?

M. Couture: Toujours dans notre discussion, on a dit que nos coûts de production, on ne devait pas les baser sur les plus petits agriculteurs. Ce qui a servi à nos coûts de production, cela a été des gens avec une efficacité qui dépasse la moyenne. On est conscient de cela, on veut qu'il y ait de la place pour une meilleure efficacité, on ne nie pas cela. Mais on dit: On ne peut pas toujours tabler sur le meilleur, comme on ne peut pas compter sur le plus petit. On a été assez large là-dedans, quand on a pris des gens un peu au-dessus de la moyenne.

M. Toupin: Au fond, vous seriez d'accord que, lorsque nous discutons, on définisse une unité de production qui corresponde à la moyenne la plus proche possible de l'efficacité recherchée?

M. Couture: D'accord. Je n'irai pas vous demander, pour un producteur qui a sept vaches, de lui donner un revenu de $15,000 par année, parce qu'il n'y aura pas de prix. Il y a des règles élémentaires là-dedans.

Une Voix: S'il y a assez de vaches.

M. Couture: Pour moi, c'est élémentaire.

M. Toupin: Vous ne demanderez pas aux producteurs de 200,000 livres de lait d'avoir le même revenu que celui qui en a 300,000?

M. Couture: Non.

M. Toupin: Quant à l'autre question que je voulais poser, cela m'intrigue un peu, parce que cela a fait l'objet de discussions, lorsque vous dites que le producteur agricole — je ne sais pas exactement à quel endroit, mais je l'ai à l'esprit — ne peut plus compter sur la productivité.

M. Couture: C'est qu'un moment donné, je pense qu'on n'a pas besoin de faire d'image, là, dans le passé, on dit: L'agriculteur n'a pas de problème, tu n'as pas cher pour ton produit, mais sois de plus en plus efficace, mais on dit, à un moment donné: L'efficacité a un certain facteur limite et selon notre compréhension, dans le monde où on a vécu, une période d'industrialisation, c'est peut-être l'agriculteur qui a le plus augmenté sa productivité. Si vous voyez les rapports, on a doublé notre productivité tous les dix ans. Il y a peu de secteurs qui peuvent se vanter de la même chose. Donc on dit: En efficacité, il y a encore des possibilités comme il en aura toujours, parce qu'on est en évolution. Mais vu qu'on a fait notre effort d'efficacité, on ne peut plus compter seulement sur l'efficacité pour augmenter notre niveau de vie.

Donc, il faudra partir de l'état actuel, partir d'une bonne moyenne et, ensuite, cela nous permettra d'évoluer, parce que le revenu de l'agriculteur, il ne faut pas se le cacher, c'est un élément. Des fois, on dit: On ne mettra pas les prix trop hauts, cela va empêcher l'efficacité; ce n'est pas vrai. Dans notre nature d'entrepreneurs, l'argent que nous faisons... Que je fasse $50,000 cette année, ces dollars vont tous entrer dans la terre parce que nous sommes des propriétaires et nous investissons. Mais si j'ai un revenu qui ne me permet même pas de vivre, je vais hésiter beaucoup avant de faire du drainage souterrain et mettre des engrais chimiques et le reste. Donc, cela prend un minimum de revenus pour être

capable d'atteindre l'efficacité. Je pense que c'est important. Il y a un autre point qui est important, c'est le plan humain. Aujourd'hui, nos agriculteurs vont s'engager dans l'agriculture parce qu'ils ont de la capitalisation, parce qu'ils ont des choses et ils ont des risques. Cela ne prend pas n'importe qui. Ce n'est pas vrai que n'importe qui peut être agriculteur. J'ai donné un exemple l'autre jour. J'ai un de mes amis qui a engagé un professeur de mathématiques pour ti rer ses vaches et cela ne fait pas un bon homme.

Donc, pour intéresser nos meilleurs éléments...

M. Toupin: Cela ne vous empêche pas d'avoir quand même vos économistes.

M. Couture: D'accord. On y croit aux économistes parce que beaucoup de gens travaillent avec des économistes...

M. Lessard: Pas pour tirer les vaches.

M. Couture: ...c'est notre contrepartie. Mais si on veut intéresser nos meilleurs éléments, il faut qu'ils soient assurés d'un revenu qui a du bon sens. M. Whelan avait déjà fait le raisonnement: Si vous voulez avoir des... La question avait été posée: Pourquoi avez-vous augmenté le salaire des députés? Il a dit: Si vous voulez avoir de bons députés, vous allez devoir les payer. Si vous voulez avoir de bons agriculteurs — il parlait des professeurs, des avocats, des juges — mais si vous voulez avoir de bons agriculteurs, il va falloir qu'il y ait une rémunération et c'est logique parce que nos jeunes, aujourd'hui... Je ne prendrais pas mes jeunes pour leur dire: Vous allez faire des agriculteurs. Ils vont aller en agriculture. Ils vont y aller si c'est intéressant, et, si la collectivité a besoin d'agriculteurs, elle va permettre que l'agriculture intéresse ces bons éléments.

M. Toupin: Un problème qui confronte, non seulement les agriculteurs, mais qui confronte tous ceux qui sont engagés dans le secteur agricole — je pense autant aux industriels qu'au ministère, au gouvernement et aux associations de producteurs — c'est toujours celui d'en arriver à une sorte d'indice de productivité qui soit satisfaisant pour atteindre les objectifs recherchés. C'est bien sûr que la productivité est reliée à bien des éléments, notamment elle est reliée au climat, cela va de soi. Cela peut être relié aussi à la dimension de la ferme, cela peut être relié aussi à une génétique qui fait défaut sur la ferme en matière laitière, etc. Mais, même si vous avez des restrictions sur la question de la productivité, est-ce qu'on peut, maintenant, commencer à penser que l'amélioration de la productivité est un élément aussi dynamique que les prix pour améliorer les revenus agricoles?

M. Couture: Non. Quand vous dites: Vous avez objection à la productivité. Aucune objection à la productivité, au contraire.

M. Toupin: Les restrictions que je voulais...

M. Couture: Les restrictions... Quand vous faites le parallèle au niveau des valeurs, si on dit: La productivité face aux prix, au stade où on est rendu, on dit: Les prix et la productivité. Parce que, par les prix, tu vas avoir de la productivité. Si je veux être plus productif, s'il faut que je mette $100,000 dans le drainage, il faut que je sois assuré que je vais être capable de rembourser mon capital et qu'il y ait une rémunération. Je pense que c'est logique. Vous parlez souvent de la génétique. Je vous ai entendu des fois dire: Nos vaches ont monté de tant de mille livres de lait à cause des centres d'insémination. Cela me choquait un peu parce que ce n'est pas seulement à cause des boeufs du centre d'insémination, c'est aussi à cause de la gestion de l'agriculteur. C'est peut-être aussi important parce que, si le gars n'a pas le jugement de s'en servir, cela fait une différence, mais pas pour dire qu'on est... Dans la nature de nos organisations, la productivité est un facteur important, c'est un facteur primordial et on n'aurait pas pris cette profession si on n'avait pas pensé cela, parce qu'il y a des défis à relever. Ce que nous voulons, c'est un minimum de sécurité et c'est une des conditions pour la productivité.

M. Toupin: Je vais enchaîner maintenant avec des discussions que nous avons eues hier avec le Conseil de l'alimentation qui était représenté par M. Roy. Je ne sais pas toutefois si la commission peut avoir objection à ce que des précisions soient apportées de part et d'autre, si toutefois cela devient nécessaire. M. Roy, hier, soutenait avec raison, discutait avec nous de l'idée suivante.

Je pense que c'est M. Roy, c'est la question de transfert des revenus. Au fond, est-ce qu'on va, dans le temps, d'après vous, continuer à penser que le producteur va aller chercher ses revenus dans les prix, c'est-à-dire dans la poche du consommateur directement ou si on devrait trouver une autre formule qui permettrait, d'une part, de faire porter par le consommateur une partie des transferts de revenus mais de les faire porter également par l'Etat, sous forme de subsides ou autrement, lesquels sont pris encore une fois dans la poche des consommateurs, mais sur une échelle beaucoup plus large, parce que les compagnies participent? Quel est votre point de vue là-dessus? Hier, le conseil d'alimentation a semblé plutôt pencher du côté du transfert des revenus à compter du prix ajouté au produit.

M. Couture: Je pense qu'il y a une décision qui est politique à ce niveau. On dit que le produit, normalement, devrait porter son prix. C'est, règle normale, comme dans toute chose. Mais si, à un moment donné, politiquement — parce qu'il y a une influence politique, vous connaissez ça les gouvernements, vous — vous dites: La pinte de lait ne doit pas atteindre son coût de production chez le producteur, nous, on dit: Ce n'est pas à nous à alimenter le consommateur à bon marché. On est prêt à contribuer à toutes les oeuvres, à payer des taxes, mais ce n'est pas à nous à nourrir la collectivité à bon marché. Je pense que c'est ça. Mais si, politiquement, on dit que le prix de l'alimentation ne doit pas dépasser tel niveau, il y a un rôle complémentaire de l'Etat. C'est un peu dans ce sens pour moi.

Normalement, c'est par produit, vous avez des produits qu'ils peuvent aller chercher. Mais le gros problème dans tout ça, pour nous, avec ce qu'on connaît, c'est qu'à un moment donné, on va se faire une structure de prix que le consommateur est capable d'acheter. Mais c'est perturbé par l'entrée de produits américains, c'est perturbé par une foule de choses qui sont hors de notre contrôle. Nous, on dit: Indéfiniment, on ne peut pas, parce qu'il y a des règles à établir, et plus le gouvernement va être impliqué dedans, plus il est impliqué dans le respect du commerce interprovincial et international. Je pense que c'est dû à toute l'expérience du passé; on a mis des choses en place à un moment donné et ce qui a le plus affaibli les organisations qu'on a mises en place, ce qui a le plus déséquilibré la situation, ce sont les entrées de produits d'autres pays, soit du "dumping" ou des ententes entre provinces qu'on a de la difficulté à faire respecter.

Je pense que, vis-à-vis de tout ça, aujourd'hui, on essaie d'exiger un minimum de sécurité, à partir de la nécessité d'une agriculture au Québec, parce que si on avait décidé de ne plus garder une agriculture, je parlerais autrement.

M. Toupin: Quand vous pensez en termes de producteur, je pose la question aussi, parce que j'avais vu dans le journal Le Jour — je ne sais plus quel numéro — qu'il y avait eu une déclaration faite disant que le prix de la pinte de lait n'était pas un problème, les producteurs verront en temps et lieu comment régler leur problème de ce côté. C'est pour ça que je posais la question. Ce qui m'amène, au fond, à poser la suivante, au point de vue du producteur comme tel, vous verriez que le prix soit pris d'abord chez le consommateur et, stratégiquement, vous verriez que le gouvernement soit impliqué dedans et joue son rôle politique?

M. Couture: C'est sa responsabilité à ce moment-là. Parce que, dans le prix du produit, ce qui arrive et ce qui est toujours la question, c'est que ce qui nous affecte grandement, quand on parle de porter le risque de l'entreprise, ce n'est pas facile de porter le risque de l'entreprise comme agriculteur. Prenons comme exemple le lait de consommation. On demande à la régie le lait de consommation et il y a une pression.

Tout le monde, jusqu'aux revenus du producteur, tous les intrants, il n'y a personne qui questionne cela. Je ne suis pas demagogique sur l'affaire des multinationales, mais il n'y a personne qui s'interroge sur les hausses à ce niveau-là.

Quand on arrive au niveau de l'établissement du prix, c'est la part du producteur et qu'on le veuille ou non, c'est le producteur qui fait sa demande, celui à qui on demande des comptes. A l'intérieur de cela, tout le monde absorbe les hausses, elles ne sont pas discutées et sont souvent beaucoup plus fortes que la part du producteur.

C'est toute cette chose-là qui nous fait dire à un moment donné que ce n'est plus tenable dans l'agriculture. Donc, si on veut se garder une agriculture, si on pense que c'est nécessaire et que ce n'est pas un luxe — je pense que ce n'est pas un luxe, l'agriculture dans une province comme la nôtre — il va falloir faire une condition aux agriculteurs pour qu'ils aient un minimum de sécurité.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre... l'honorable député de Saguenay.

M. Lessard: Cela va venir, M. le Président. D'après vos explications...

M. Toupin: M. le Président, ne lui donnez pas trop d'illusions, il en a assez comme cela.

M. Lessard: D'après vos explications, M. Couture, nous sommes comme un chien qui court après sa queue. On va prendre l'exemple du boeuf, par exemple. La subvention de $22 millions. Est-ce qu'elle a été versée, cette subvention?

M. Couture: Oui, les chèques sont rendus dans certains cas. Il y en a de rendus. Je vais être bien objectif, il y en a de rendus et il y en a qui ne le sont pas. On a hâte qu'ils soient tous rendus.

M. Lessard: Dans ce montant de $22 millions, est-ce que vous pensez que le montant complet va aller chez les vrais agriculteurs?

M. Couture: La question de la perfection, vous ne demanderez pas cela à moi, peut-être au secrétaire général, mais il y aura certainement, par le nombre de producteurs, des cas, mais je ne m'illusionne pas. Il faudrait autant que possible que ce soit la grande majorité. Je pense que c'est l'objectif.

M. Lessard: Si on prend l'exemple des $22 millions qui ont été versés, à un moment donné, à différents producteurs. Vous avez affirmé tout à l'heure qu'on se pose des questions au niveau des revenus des agriculteurs, mais on ne se pose pas des questions au niveau des différentes compagnies qui fournissent les intrants. C'est dans ce sens-là que je dis que nous sommes comme un chien qui court après sa queue, c'est-à-dire qu'on ne trouvera jamais le fond, dans ce sens qu'on subventionne le producteur et on n'empêche pas le responsable ou le fournisseur des matières premières à l'agriculteur d'augmenter ses prix comme il le veut.

Donc, à un moment donné, cela va être le contribuable québécois qui va, comme c'est bien souvent l'agriculteur, subventionner le producteur. Indirectement, est-ce qu'on ne subventionne pas les grandes entreprises?

M. Couture: Ma réaction là-dessus et, si vous avez vu l'action des agriculteurs, dans le sens qu'elle a été portée, pourquoi demandons-nous des prix? C'est parce qu'on a fini de courir après notre queue, on a fini de courir en rond. On dit: Je ne me leurrerai pas avec ces contrôles. Ce n'est pas moi qui vais les changer, c'est la collectivité. Donc, moi seul, je ne peux pas les changer. On a dit: On les entre dans les coûts de production et cela donne x au bout. Mais, s'il y a quelque chose à changer au niveau de ces gens-là qui opèrent, s'il y a des règles

à établir et s'il y a des enquêtes à faire, vous ne pouvez pas demander à l'UPA de les faire.

C'est un geste collectif, maisje ne peux pas être pénalisé et je n'accepte plus d'être pénalisé parce que cela existe. Si, au bout, cela coûte X au consommateur, parce que ces gens abusent dans le système, cela n'est pas ma responsabilité. Ce que je veux, c'est une sécurité et une marge pour vivre.

M. Lessard: M. Couture, à votre connaissance, est-ce qu'il y a déjà eu des études faites par des gouvernements sur les compagnies multinationales ou non, en fait les compagnies qui fournissent des intrants aux producteurs agricoles?

M. Couture: Ma première réaction est spontanée. C'est que cela semble difficile pour les gouvernements d'aller à ces niveaux. Il y a eu une...

M. Lessard: Votre réponse est spontanée, mais comment expliquez-vous cela?

M. Couture: Je ne le sais pas, on se questionne. Il y a eu, à un niveau, une commission Barber sur la machinerie agricole. Elle a fait un rapport. A la fin du compte, cela n'a pas donné bien de quoi. Dans ces cas-là, ces commissions, on les arrête au moment où elles devraient continuer.

M. Lessard: Comme la commission Cliche. En Ontario, il n'y a pas eu une étude sur les profits des compagnies multinationales qui a été faite?

M. Couture: Cela n'a pas été des études poussées. La Fédération de l'agriculture de l'Ontario a fait... Une agence d'achat de machinerie a essayé de... A un moment donné, elle devient compétitive. La Fédération ontarienne de l'agriculture a fait venir de la machinerie en dehors des compagnies, mais ce n'est pas le fond du problème. C'est que, à un moment donné, il faut essuyer une concurrence ou arriver avec les mêmes objectifs.

M. Lessard: M. Couture, je posais la question, en relation avec ces compagnies, à M. Blanchard tout à l'heure sur l'explication de l'augmentation considérable de la corde de balle. Je prends cela comme exemple, on l'a eu d'ailleurs dans les produits chimiques, etc. Est-ce que, comme président de l'UPA, vous avez des explications à donner qui seraient semblables à cela? Est-ce qu'il y avait véritablement une pénurie?

M. Couture: Je suis bien plus acheteur de corde à balle que producteur de corde de balle. On a essayé de voir ce qui peut aller dans cela. C'est bien difficile. On nous a dit: C'est l'offre et la demande. On n'en apas beaucoup, il ya rareté, c'est l'augmentation de la main-d'oeuvre.

Tout à l'heure, vous parliez de commissions gouvernementales, il y en a eu des commissions gouvernementales. Cela me revient. Au fédéral, il y a eu la commission Plumptre. Il y a eu une commission pour le boeuf. Le président est un gars intéressé dans la manipulation du boeuf. Il y a un autre membre qui était de chez Steinberg.

On s'interroge, à un moment donné, en voyant des nominations qui sont purement politiques à ce niveau, où les gens sont engagés dans un système qu'ils n'ont pas à défaire.

M. Lessard: Ils ne sont pas pour se détruire.

M. Couture: Ils ne sont pas pour se détruire. La commission Plumptre, ce qu'elle a fait, à venir jusqu'ici, elle s'est attaquée aux organismes de producteurs, parce que ce sont les producteurs qui abusaient le plus, ces organismes de producteurs.

Dans ses rapports, elle a essayé de justifier toutes les marges des multinationales. Ce n'était pas des...

M. Lessard: Pour l'UPA, étant donné les informations que vous avez, je comprends que ce soit une décision politique, croyez-vous que le gouvernement du Québec, qui est responsable de l'administration des deniers publics et qui doit, pour faire survivre l'agriculture, donner des subventions... est-ce que vous croyez qu'il devient actuellement nécessaire, en considérant les profits des grandes compagnies en 1974, d'établir une telle enquête?

M. Couture: Je pense que nous autres, lorsqu'on a vu notre incompétence aller beaucoup plus loin, on a dit: Nos revenus garantis avec l'indexation. L'année dernière, lors de la rencontre avec le cabinet des ministres, M. Bourassa a dit: II est peut-être temps qu'on transfère... On a essayé de développer d'autres secteurs, mais qu'on transfère des capitaux à l'agriculture. Il n'y a pas d'autres choses que cela. C'est une question que...

M. Lessard: Là, on transfère des capitaux via l'agriculture à des intermédiaires.

M. Couture: Cette partie, même si dans l'agriculture on essayait de les changer, c'est général. Cela dépasse notre compétence.

M. Lessard: C'est une décision politique. M. Couture: Je pense.

M.Lessard: Est-ce que vous êtes d'accord pour que cette décision politique se fasse?

M. Couture: Oui, on est d'accord. On la demande, voyons! N'allez pas jusqu'à me faire dire si je crois plus à un parti qu'à un autre.

M. Lessard: Non, ce n'est pas cela que je veux vous faire dire. Mais sans croire à un parti ou à l'autre, nous croyons aux agriculteurs. Justement, c'est qu'à un moment donné, il reste que si on veut avoir un certain contrôle sur l'agriculture et si on veut empêcher qu'on donne des subventions dans un tonneau sans fond, il va falloir qu'on contrôle aussi en aval.

M. Couture: M. Lessard, nous autres, notre réaction, on se dit: On est dans ce bateau. On veut avoir une marge pour vivre. Pratiquement, c'est cela

qu'on veut. On dit: L'agriculture, vous en avez besoin, comme n'importe qui dit: II y a un coût de la vie tel, et vous allez mettre mon salaire à tel niveau. C'est un peu cela notre réaction. Vous le comprenez, vous l'avez fait récemment. Vous avez dit: Nous autres, dû à toute l'inflation, on a besoin... Nous autres, c'est le même raisonnement. S'il y a des correctifs à faire, on est bien d'accord. On ne les dénoncera pas. On va être d'accord sur cela.

M. Toupin: Le député de Saguenay a donné ses revenus aux oeuvres de charité, je pense.

M. Lessard: Non, je n'ai jamais annoncé... Oui, j'en ai des oeuvres de charité dans mon comté. Il n'y a pas de problème. Depuis ce temps, à un moment donné, ils doublent leur demande.

M. Couture: Je m'aperçois qu'il y a bien des manières de faire le bien.

M. Lessard: Une dernière question, étant donné que le ministre de l'Agriculture semble vouloir que je la pose. Elle concerne la dernière décision de la Régie des marchés agricoles sur le lait.

Est-ce que cette dernière décision correspond au principe que vous énumérez à la page 3 de votre mémoire, à savoir la reconnaissance des coûts de production?

M. Couture: La réponse est assez simple. Notre interprétation, c'est non, parce que la partie... On ne s'entend pas sur ce qui constitue le revenu de l'agriculteur. On sait où on accroche. On aeu une rencontre hier avec le ministre et ses officiers. Si cela avait bien été... C'est comme on disait tout à l'heure: Quand cela va bien, on n'en parle pas trop. Si on en parle, c'est parce qu'on ne s'entend pas.

M. Lessard: Donc, vous accrochez justement sur l'interprétation...

M. Couture: Oui.

M. Lessard: ...des coûts de production.

M. Couture: Oui.

M. Lessard: Alors, on va accrocher...

M. Couture: Les coûts de production... On s'entend sur une foule de facteurs, mais sur ce qui constitue le revenu de l'agriculteur, de l'exploitant, ils ont dit: C'est $9,000; nous, on dit que c'est $15,000.

M. Lessard: Cela va être difficile d'appliquer une loi de stabilisation des revenus de l'agriculteur si on ne s'entend pas sur...

M. Couture: Cela ne veut pas dire que, si on ne s'entend pas aujourd'hui, on ne se comprendra pas demain. Nous, comme agriculteurs, on a une mentalité assez "tough". On dit: Ce qui n'arrive pas aujourd'hui peut arriver demain. On n'est pas décou- ragé de cela. On sait que la compréhension vis-à-vis de chaque individu est limitée.

M. Lessard: Depuis quelques mois, vous avez démontré que vous n'étiez pas prêts à attendre éternellement.

M. Couture: Là-dessus, ce n'est pas moi qui vais vous donner la réponse. C'est parce que, chez nous, c'est démocratique. On croit encore à la démocratie. On va informer nos producteurs. Dès la semaine prochaine, on rencontre nos producteurs. Je pense que c'est important... Nous, chez nous, ce n'est pas le président qui fait faire les démonstrations, ce sont les agriculteurs qui les font et on essaie de les coordonner le mieux possible et de les guider le mieux possible pour en tirer le plus possible, pas méchamment, mais pour en tirer le plus possible.

M. Lessard: Une demière question, M. Couture, comme explication. Vous avez entendu tout à l'heure M. Blanchard parler de corporatisme dangereux. J'aimerais que vous nous donniez, à un certain moment...

M. Couture: Si on adresse cela aux agriculteurs... Moi, je ne suis pas inquiet. Je suis dans l'agriculture, mais on vit avec beaucoup d'autres corporatismes qui sont peut-être beaucoup plus dangereux et dont on ne discute pas souvent. On peut d'abord commencer par les professionnels, certaines catégories où les niveaux sont rendus assez hauts, et on voit qu'ils ont des exigences. Le corporatisme agricole, avec tous les aléas de l'agriculture, je pense que ce n'est pas trop inquiétant. Dans tous les cas, cela n'a pas fait grands dommages jusqu'à ce jour.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député d'Iberville.

M. Tremblay: M. le Président, M. Roy, hier, du Conseil sur l'alimentation, disait que la consommation du lait a baissé de 10% — du lait de consommation — depuis un an.

M. Couture: C'est parce qu'il y a eu, suite... M. Tremblay: Depuis octobre 1974?

M. Couture: Oui c'est parce qu'ils n'ont pas mis le point à la bonne place, c'est 1. et quelque... C'est que si tu mets, tu as 1.1%...

M. Tremblay: Est-ce que c'est 10% ou 1. quelque?

M. Couture: C'est 1.2%.

M. Dagenais: Pour le mois de janvier 1974, c'était 1.2%, avant cela, il y aeu une diminution un peu plus prononcée qui variait entre 3% et 4% et c'est tout ce qui est arrivé. Depuis janvier, c'est descendu à 1.2% pour le mois de janvier, de diminution par rapport au mois de janvier 1974, janvier 1975 par rapport à janvier 1974, il y a 1.2%.

M. Tremblay: En tout cas, ce n'est pas alarmant.

M. Couture: Non, c'est la différence selon l'endroit où tu mets le point.

M. Tremblay: Maintenant, la pinte de lait, le samedi matin 1er mars sera à $0.52 livrée à domicile, pour le lait de consommation. Cela m'intéresserait, M. Couture, moi, pour mon information en tout cas, si d'autres veulent s'en servir, cette pinte de lait qui va coûter $0.52 au consommateur, quelle est la part d'abord du producteur, ensuite des intermédiaires, qui sont ces intermédiaires entre vous et le consommateur par exemple, qui touche au lait de consommation entre le producteur et la ménagère qui prend sa pinte de lait le matin?

M. Couture: II y aurait peut-être, quand on parle d'essayer de mettre le lait plus à la disposition de tous, d'abord pendant qu'on fait le calcul, ce que ça donne la pinte au...

M. Tremblay: Parce que vous disiez tout à l'heure, vous, que chacun y prend sa part de l'augmentation, alors, moi, j'aimerais bien que les producteurs...

M. Couture: II y a un mode de distribution dans le lait de consommation qui est assez onéreux, c'est que la ménagère veut avoir son fournisseur, puis tel fournisseur, puis dans la même rue il va passer trois distributeurs de lait. Cela, c'est dispendieux. On pourrait peut-être regarder les moyens, les modes de distribution; moi, je pense que le mode de distribution est un facteur, peut-être le facteur où il y aurait plus de possibilité de faire des économies.

M. Tremblay: II y a la présentation aussi du produit. On en a parlé pas mal hier.

M. Couture: Puis la présentation il y a une foule de choses là-dessus. Oui, je pense que M. Roy est assez ouvert là-dessus.

M. Tremblay: Est-ce que vous travaillez ensemble là-dessus, le conseil d'alimentation et l'UPA?

M. Couture: Aujourd'hui, on travaille beaucoup avec...

M. Tremblay: Sur ces formules...

M. Couture: ...tous les agents qui oeuvrent dans le domaine de l'agriculture, parce qu'il y a une interdépendance entre nos groupes. On en est de plus en plus conscient et je pense que ces rencontres sont valables, parce qu'elles nous apportent un point de vue que souvent on n'a pas mais ça complète notre organisation.

C'est pour cette raison, à un moment donné, que M. Blanchard a parlé des comités consultatifs. Dans les comités consultatifs d'un produit, tout le monde est là et en même temps, puis ce sont des représentants de chaque secteur des activités de l'agriculture. Donc, de plus en plus, on a des rencontres, on travaille ensemble et je pense que, dans l'avenir, on va travailler encore davantage, parce que, qu'on le veuille ou non, il y a une interdépendance entre...

M. Tremblay: Nous sentons que le gouvernement a de plus en plus de bons collaborateurs.

Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! Comme il passe une heure, la commission suspend ses travaux à quinze heures.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

Reprise de la séance à 15 11

M. Houde, Limoilou (président de la commission permanente de l'agriculture et de la colonisation): A l'ordre, messieurs!

Est-ce que le député d'Iberville a terminé ses questions?

M. Tremblay: Laissez-moi faire mon apprentissage, M. le député de Verchères. Je trouve que les gens de I'llPA sont devenus — j'avais terminé là-dessus avant que le président ajourne ce matin — on découvre tous les jours à mieux connaître les gens...

M. Couture: On les aime.

M. Tremblay: Je ne voulais pas le dire, mais je suis content de vous l'entendre dire, que vous nous aimez bien. Alors, M. Couture, ma fameuse pinte de lait, en vue de l'augmentation qui entre en vigueur demain, elle coûtera $0.52, pour le lait de consommation. Alors, que comprennent les $0.52 pour le producteur et pour les intermédiaires impliqués?

M. Couture: Les $12.21 divisés par 38 pintes de lait dans 100 livres de lait donneront $0.32 la pinte qui vont au producteur, brut. Sur les $0.32, $0.16, la moitié, vont dans le coût des intrants, ce qui veut dire qu'il y a $0.16 environ qui vont comme revenu au producteur, $0.16 dans le coût des intrants et la différence va dans la transformation, la distribution et le reste.

M. Tremblay: Les intrants, c'est naturellement...

M. Couture: Les engrais, les grains, l'alimentation, etc.

M. Tremblay: Cela nous ramène toujours au problème des grains de provende. Si cela coûtait meilleur marché...

M. Couture: Celui-là et d'autres, oui.

M. Tremblay: ...cela influerait sur le prix du lait, ainsi de suite.

M. Couture: Oui, les grains, les engrais chimiques, toutes les utilités professionnelles.

M. Tremblay: J'ai terminé, je vous remercie.

M. Couture: II y avait un point aussi dont on a parlé tout à l'heure, au niveau de la consommation. Les chiffres donnent en 1974 une augmentation de la consommation de 1.3% par rapport à 1973 et en janvier, la diminution est de 1.2% pour l'année 1975.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Verchères.

M. Ostiguy: M. le Président, je m'adresse au président de l'UPA. Depuis le début des audiences de cette commission, nous avons entendu parler de plus en plus des intrants. Mon collègue d'Iberville vient justement d'en toucher quelques mots. Les intrants, d'après vous, M. le président, qu'est-ce que c'est exactement? Est-ce que c'est l'engrais chimique? Est-ce que c'est la corde à presse dont vous avez parlé ce matin? Est-ce que c'est la main-d'oeuvre? Est-ce que c'est la machinerie agricole? Qu'est-ce que c'est exactement?

M. Couture: C'est tout cela.

M. Ostiguy: Un instant. Connaissant les services efficaces des économistes que vous aviez au sein de votre association, je m'imagine que vous pouvez facilement nous donner une réponse autre que nous dire: C'est tout cela.

Pour une commission parlementaire, pour des gens comme nous, qui sommes un peu en-dehors de l'agriculture, si vous voulez, on n'est pas cultivateur, quand même, on est très près. Mais qu'est-ce que c'est exactement des intrants? Je voudrais avoir une autre réponse que celle que c'est tout ça, pour moi...

M. Couture: C'est parce que vous aviez énu-méré. Je peux vous les réénumérer. Chez nous, sur ma ferme, les intrants...

M. Ostiguy: C'est ma première question, M. le Président.

M. Couture: ...ce sont les engrais chimiques, c'est la semence, c'est la corde à balle, ce sont les instruments, c'est le carburant.

M. Ostiguy: La main-d'oeuvre aussi? M. Couture: La main-d'oeuvre aussi.

M. Ostiguy: Dans une deuxième question, M. le Président, vis-à-vis des engrais chimiques, par exemple, je pense qu'ils ont été, avec la corde à presse, les intrants, comme on les appelle, qui ont le plus augmenté au Québec, au Canada depuis un ou deux ans. Vis-à-vis de ce que je mentionnais tout à l'heure, l'efficacité de votre service d'économistes chez vous, j'imagine que vous avez pu faire des recherches et nous dire à quoi sont dues ces augmentations? J'ai une idée, mais je voudrais avoir la vôtre avant. C'est dû à quoi, par exemple, l'augmentation de la corde à presse, c'est dû à quoi l'augmentation des engrais chimiques qui sont les intrants, d'après moi, qui ont augmenté quand même le plus depuis un an ou deux ans?

M. Couture: Nous, aller jusqu'à l'origine de toutes les causes, ce sont les mêmes grandes causes, on dit que le pétrole est une cause bien importante. Il y a certainement aussi un effet de spéculation, j'en suis convaincu. Prenez la corde à balle, s'il n'y a pas un peu de spéculation dans la corde à balle, je pense qu'il n'y en n'a pas nulle part. Mais ce sont des facteurs d'ensemble de l'économie qui amènent l'augmentation. Au niveau des raretés, on crée des

prix qui sont souvent artificiels. Au niveau de la machinerie agricole, c'est un domaine que vous connaissez. Pour la machinerie agricole, il fut un temps où je négociais le prix de mon tracteur, maintenant, on me dit: Tu veux un tracteur dans six mois, on ne fixe pas de prix, ce sera celui d'alors. Donc, c'est un facteur dû à une rareté et dû à tout ce qui se passe à travers ça.

M. Ostiguy : Vous m'avez expliqué votre pensée; la mienne, pour la corde à presse, d'après l'expérience d'il y a cinq ou six ans, c'est que nos cultivateurs — je ne veux pas jeter le blâme sur eux, loin de là — avaient le choix d'acheter de la corde à presse pour ne pas la nommer, qui s'appelle Brantford, qui était une compagnie canadienne ou d'une compagnie mexicaine. Brantford, par exemple, vendait sa corde à presse $7, les vendeurs de la corde à presse mexicaine la vendait $6.

Alors, nos cultivateurs, à ce moment-là, disaient: On va acheter de la corde importée, de la corde à $6. Ce qui nous est arrivé, c'est qu'aujourd'hui, la compagnie Brantford, à ce que je sache, a été vendue aux Mexicains. Comment voulez-vous, mon cher Président, que le gouvernement du Québec et que le gouvernement du Canada contrôlent la main-d'oeuvre au Mexique?

Quand je parle d'augmentation, vous me parliez tout à l'heure de spéculation, je voudrais quand même vous parler du foin que nous produisons, qui se vendait $15 ou $16 la tonne il y a deux ou trois ans et aujourd'hui, on m'a rapporté à mon bureau lundi dernier, que le foin était à $100 la tonne.

Est-ce qu'il n'y a pas une manière de spéculation là aussi, de la part de nos agriculteurs québécois? Je veux bien croire, M. le Président, que pour les intrants — vous nous dites qu'il y a une spéculation — mais la spéculation, c'est où, c'est quoi, c'est quand et comment peut-on l'arrêter?

Vous parlez des tracteurs. Mon collègue de Saguenay, ce matin, disait: Massey-Ferguson a fait des profits de 98%. Je voudrais rappeler à mon collègue de Saguenay que Massey-Ferguson, en 1970, a eu des pertes de 75%. Mais comment voulez-vous dire à Massey-Ferguson ou toutes les autres compagnies, John Deere, ou n'importe quelle autre: Vous ne paierez pas vos ouvriers $5. l'heure, vous allez les payer $3. l'heure. Comment voulez-vous que mon collègue, le ministre de l'Agriculture du Québec, s'en aille négocier à Détroit, àToronto ou à Akran le taux des salaires des ouvriers qui travaillent pour ces manufactures? Je pense qu'il y a eu inflation, M. le Président. Il y a eu inflation aussi, vis-à-vis de la spéculation de nos propres agriculteurs. Comme je vous le mentionnais tout à l'heure, le foin autrefois à $16 la tonne se vend aujourd'hui $100 la tonne.

Je voudrais aussi rappeler à mon collègue de Saguenay qui nous parlait de la betterave à sucre, qui nous parlait de nos transactions avec la compagnie Redpath, que je suis touché d'assez près par les raffineries de sucre, vous le savez fort bien. Les producteurs de betterave sucrière ont retiré l'an dernier $20 la tonne. Cette année, les derniers chiffres ne sont pas sortis, mais ce sera à peu près au moins $40 la tonne pour la betterave sucrière.

Je pense bien que si on nous a blâmés ou si on a tenté de nous blâmer ce matin, pour cette transaction que nous avions faite avec la compagnie Redpath, elle est profitable à nos agriculteurs du Québec. Le premier devoir que nous avons en tant que législateurs, c'est d'abord de protéger nos agriculteurs. Je pense bien que lorsque nous avons fait cela, attention les consommateurs, nous produisons seulement 6% de la consommation du sucre au Québec. Alors on ne peut pas contrôler le prix du sucre avec 6%, c'est impossible, c'est impensable.

M. Lessard: Vous ne pouvez pas...

M. Ostiguy: C'est impensable. Je m'adresse à M. le Président.

M. Lessard: Oui, certain...

M. Couture: Vous en avez envoyé pas mal un bon paquet.

M. Ostiguy: Oui, j'en ai mis.

M. Couture: On va prendre la corde. La corde à balle, vous nous dites qu'on a choisi.

Je pense bien que le producteur, pris comme centre de décision, ce n'est pas lui qui a choisi d'acheter sa corde de Brantford ou du Brésil. Mais si l'augmentation est de...

M. Ostiguy: M. le Président, je voulais seulement vous rappeler qu'on dit toujours qu'on bâtit la société qu'on veut être. C'est un vieux proverbe que ma mère m'a enseigné.

M. Couture: D'accord. Quant à la question de contrôler les conditions de travail au Brésil, je serais quasiment heureux si la différence entre les $7 et les $32 avait été aux ouvriers du Brésil. Je serais quasiment heureux si cela avait eu cet impact.

M. Ostiguy: Vous ne pouvez pas non plus nous l'affirmer...

M. Couture: Non, mais... M. Ostiguy: ...moi non plus.

M. Couture: ...nous sommes d'égal à égal.

Nous autres, ce qu'on dit surtout là-dedans, c'est qu'on constate des choses que nous sommes impuissants à régeler, comme vous dites, vous autres, que le ministre n'est pas capable d'aller négocier pour les tracteurs à Brantford.

Pour ce qui est du foin, la spéculation qui se fait sur le foin, pourquoi le foin est-il à ce prix? C'est parce qu'il n'y en a pas de foin. Le cultivateur est pris là-dedans. Il n'en bénéficie pas. Il aurait un besoin, mais il ne peut pas le combler. Je pense qu'au lieu d'être une spéculation pour l'agriculteur, c'est plutôt un drame. Cela place le gars devant un drame. Il n'y a pas de prix, on ne peut pas dire qu'il s'établit un prix dans le foin, car il n'y a pas de foin. Je pense qu'il va falloir essayer de trouver quelque chose,

parce que je pense que cela va être assez dramatique. Qu'est-ce qu'on peut momentanément trouver, non pas à long terme mais, à court terme qui peut remplacer le foin pour empêcher des situations difficiles?

M. Ostiguy: Oui, vous me dites que c'est parce que le foin est rare. C'est la même chose pour la corde à presse qu'on mentionnait tout à l'heure. Si la corde à presse a augmenté, que ce soit la corde mexicaine ou la corde brésilienne, on nous dit, en tout cas, que les récoltes de matières premières pour cette corde ont été moindres l'an demier qu'elles ne l'ont été il y a deux ou trois ans. C'est la même chose aussi pour le sucre. Je suis pertinemment bien au courant que les récoltes de betterave su-crière, en Europe, plus précisément en France et en Belgique, ont été de 50% de ce qu'elles étaient les années antérieures.

Le Français et le Belge, bien sûr, ont quand même besoin de sucre pour s'alimenter. Qu'est-ce qu'ils ont fait? Ils sont allés sur le marché de la canne à sucre et ils ont acheté de la canne à sucre. Cela a, bien sûr, eu comme effet de créer une rareté. Cela a fait augmenter le prix du sucre. Qui en a profité? Les producteurs.

Dans le foin, il faut quand même admettre que ceux de nos cultivateurs québécois qui produisent du foin, ceux qui se spécialisent dans le foin, changent de presse à foin et ils en achètent une plus grosse.

M. Couture: Présentement, M. Ostiguy, je ne veux pas soulever une polémique là-dessus. Je comprends votre intervention. Le producteur qui avait du foin à vendre, il est vendu présentement. Présentement, le foin qui se vend, c'est un agriculteur qui fait encan et qui vend son troupeau et qui a 1,000 à 1,500 balles. C'est la majorité. Les transactions du foin dont on a eu connaissance, c'était du foin qui aété vendu à l'occasion d'encans de ferme.

Comme vous dites, sur le terrain où vous m'amenez, on n'a pas tellement dit ce matin: Le sucre a été trop cher. Que les gars fassent leur affaire dans le sucre, on est bien content. S'il y a moyen de développer la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire, on est intéressé. Si vous avez de la place à en développer d'autres, dans ma région on serait intéressé à en produire. On a les terres pour cela.

La question est, et c'est là qu'on a fait notre raisonnement ce matin quand on a dit: Comme on n'est pas capable de contrôler ces choses, on le rentre dans notre coût de production. La seule chose qu'on discute pour nous autres présentement, je pense bien qu'on a assez de compréhension avec le ministère, c'est la marge, le revenu; c'est cela qui est en discussion. Parce que pour les autres éléments, on s'est dit: Comme on ne peut pas avoir de contrôle, on peut améliorer des choses peut-être en se donnant certains pouvoirs d'achat, en se donnant un pouvoir de négociation un peu plus grand. Mais le fond, on n'est pas capable de le changer. Donc, on dit: Le fond de notre discussion aujourd'hui, assurez-nous une marge sécuritaire de revenus.

M. Ostiguy: Je vous comprends et je comprends l'attitude des cultivateurs. Par contre, depuis un an, on discute de l'augmentation des intrants qui joue, bien sûr, sur le coût de production du cultivateur et qui joue aussi sur le coût d'achat à la table du consommateur. Par contre, je pense que vous, et nous en tant que gouvernement, c'est là qu'il faut vraiment trouver où est la lacune, si lacune il y a. Il faut regarderquand même ce que le gouvernement du Québec, ce que le gouvernement du Canada peuvent faire vis-à-vis de ce phénomène que je voudrais quasiment qualifier de phénomène mondial vis-à-vis de l'augmentation des coûts, l'inflation des coûts. On parlait du lait aussi ce matin. Mon collègue d'Iberville en a parlé tout à l'heure. Peut-être qu'il va se vendre $0.51 la pinte à l'épicerie. J'arrive des Etats-Unis —je n'ai pas besoin de vous dire que comme tout le monde j'arrive de l'Etat de la Floride — le lait est à $0.52 ou $0.53...

M. Couture: A la couleur de la peau, on voit bien.

M. Ostiguy: ... la pinte quand même. Il est à $0.52 ou $0.53 la pinte aux Etats-Unis. Je pense bien que notre consommateur québécois, il ne faudrait pas qu'il s'alarme plus qu'il ne le faut. Aux Etats-Unis, on paie le lait $0.52 ou $0.53. Je n'ai pas vérifié dans d'autres pays du monde. Ecoutez, si on paie le lait $0.51 la pinte, ici, je pense qu'il ne faudrait pas s'alarmer non plus. Cela m'apparaît quand même encore normal.

M. Couture: Là-dessus, vous n'avez pas trop de difficulté à nous convaincre que le prix du produit, si on le compare à sa valeur, et comparé aux autres utilités, je pense qu'il n'y a pas de scandale. Si on compare aussi la part du revenu de l'individu, la part qu'il met pour son alimentation au Canada, le gars se situe encore bien par rapport avec tous les autres pays.

M. Ostiguy: Oui, par contre là où il faudra peut-être être extrêmement prudent, autant de votre part que de la nôtre, c'est de ne pas trop augmenter, non plus, le coût des produits à la table du consommateur, parce que je pense que M. Roy nous mentionnait une baisse dans le lait, peut-être y a-t-il eu erreur dans les chiffres, en tout cas, il y a quand même eu une baisse. On sait fort bien qu'il y a eu une baisse d'au-delà de 10%, par exemple, dans la consommation du sucre au Canada, parce que le prix du sucre était très élevé. Il faut quand même... Je dis souvent aux agriculteurs de mon comté: Faites bien attention, les gars. Si on augmente trop la vente de votre produit à la table du consommateur, est-ce que le consommateur, à un certain moment, ne cherchera pas un palliatif à sa consommation?

M. Couture: Si on augmente trop pour ce que la consommation peut absorber, ce ne sera pas parce qu'on n'aura pas été averti. On nous amène sur ce terrain, et je pense q u'on est conscient de cela. Si on compare l'augmentation du sucre avec celle du lait, je pense que les proportions ne sont pas tout à fait les mêmes pour influencer la consommation. C'est

même surprenant que la consommation n'ait pas baissé plus par l'écart qu'il y a eu entre le prix du sucre, qui a été de $0.10, $0.12, $0.25, à $0.60 comme on l'a vu.

M. Ostiguy: En terminant, M. le Président, la seule chose que je voudrais dire, c'est que je pense bien qu'il faut quand même être réaliste. Quant aux intrants, comme on se plaît à les appeler depuis un an, qu'est-ce qu'on peut y faire, vous, en tant que UPA et nous, en tant que gouvernement? Il y a quand même...

M. Couture: Vous arrivez...

M. Ostiguy: Dans les intrants, j'inclus le foin aussi et une quantité de facteurs. C'est là la question qu'il faut se poser.

M. Couture: ...à notre raisonnement. Si on ne peut rien faire dans le coût des intrants, il faut qu'il se répercute dans le prix. Ce n'est pas parce que les intrants sont trop dispendieux que l'agriculteur ne doit pas avoir sa part de revenus. Je pense que le raisonnement, on se...

M. Ostiguy: Attention! Je ne dis pas qu'il ne faut pas trouver une solution. Il y a un problème. Il y a une solution à trouver.

M. Couture: On est d'accord pour trouver une solution.

M. Ostiguy: Mais il faut quand même ne pas trop charrier non plus sur la solution à trouver. Il faut quand même être prudent.

M. Couture: Je n'ai pas l'impression qu'on charrie là-dessus. On essaie de faire des coûts qui sont réalistes, qui assurent un revenu à l'agriculteur. Je pense bien que la collectivité veut que les agriculteurs vivent, c'est normal. Ensuite, s'il y a des correctifs à apporter, on est prêt à collaborer, à trouver des solutions.

M. Ostiguy: Hier, M. le Président, je parlais avec M. Roy du Conseil de l'alimentation de cet empaquetage, de cette distribution, des autres distributions.

Alors, c'est à se demander aussi si, chez nos agriculteurs, il ne faudrait pas qu'on leur suggère peut-être de changer leur méthode de culture. Là, on me dit qu'il y a de nouvelles presses à foin qui sont sorties, qui n'ont plus besoin de corde. Peut-être que ça éliminera une certaine portion des intrants...

M. Couture: Oui, je connais cela, j'en ai une. M. Ostiguy: Je ne connais pas cela.

M. Couture: Je connais cela, j'en ai une, c'est pour vous dire qu'on évolue. Mais ça ne peut pas s'adapter du jour au lendemain à tous nos genres de production, peut-être, parce que c'est un volume, des balles, des meules de 6,000 livres ou 12,000 livres. C'est la manipulation, l'entreposage, l'alimentation, ce qui amène à changer souvent toute l'organisation de celui qui ne peut pas le faire tout d'un coup. Ce sont des moyens pratiques, mais je pense surtout, au point de vue du lait de consommation, qu'il s'est fait une planification que les agriculteurs ont réussie, que, je pense, d'autres secteurs n'ont pas réussie.

Le lait n'est plus vendu individuellement, le producteur ne vend pas individuellement son lait à une laiterie propre, mais il est "poolé" puis il est dirigé vers les laiteries. Cela évite un paquet de transport inutile, deux ou trois camions, pour des laiteries différentes, qui ramassent dans le même secteur. Donc, je pense qu'au point de vue agricole, on a fait un bon bout là-dessus, mais il y aurait certainement des choses à faire au niveau de la distribution.

Moi je suis conscient que, quand on arrive au niveau de la distribution, quand trois laiteries différentes distribuent du lait dans la même rue, ce sont des coûts qui sont élevés puis il y aurait des choses à voir là-dessus.

On voit beaucoup mieux les correctifs à apporter dans les autres secteurs que dans les nôtres souvent, c'est pour cela qu'on est toujours mieux d'en parler.

M. Ostiguy: Parceque, lorsque je raisonne, moi, lorsque je raisonne tout bas sur les problèmes que vous nous soulevez, par exemple, je me demande toujours si l'agriculteur, on doit le comparer à un ouvrier spécialisé ou si on ne doit pas piutôt le comparer à un homme industriel, un gars qui a un commerce, dans l'alimentation, on pourrait ouvrir une polémique là-dessus, mais moi, je vois quand même, M. Couture, l'agriculteur comme un industriel, un gars qui doit se faire un revenu selon la capitalisation qu'il a faite sur sa ferme.

M. Couture: C'est parce que l'agriculteur est devenu un entrepreneur qui exige que, dans le prix de son produit, on lui assure un salaire, parce que l'industriel...

M. Ostiguy: Je n'aime pas trop le mot "salaire", en tout cas.

M. Couture: Un revenu, d'abord. M. Ostiguy: Oui.

M. Couture: Parce que l'industriel, quand il fait ses prévisions budgétaires, il a un poste qui inclut la rémunération, un minimum de rémunération pour l'entrepreneur, pour sa propre entreprise. Donc, c'est parce qu'on est devenu un peu des entrepreneurs.

M. Ostiguy: Parce que je sais pertinemment que, si j'avais une petite industrie, disons avec une dizaine d'employés et si j'avais investi ce que la plupart des cultivateurs, de nos bons agriculteurs ont investi, au moins un minimum de $100,000 pour avoir une ferme rentable, je dirais:

Mes $100,000 doivent me rapporter tel montant d'argent en revenu, tenant compte de mon investissement. Lorsque vous nous parlez du salaire d'un ouvrier spécialisé, je suis personnellement, en tout cas, un peu réticent vis-à-vis de cette phrase.

M. Couture: C'est parce qu'on veut s'assurer une marge, c'est clair. Comme l'entreprise, il s'assure une marge vitale comme individu et ensuite il y a le profit de l'entreprise. C'est un peu dans cette optique qu'on évolue. Lorsqu'on aura franchi cette étape, peut-être qu'on regardera réellement le statut de l'entrepreneur, je ne sais si cela correspondra et si cela scandalisera moins les gens. Tout de même, on part d'une situation et pour la bonne raison que c'est difficile pour nous autres de faire répercuter cela dans le prix du produit, parce qu'il y a un paquet d'incidences qui nous amènent à établir les prix des produits au prix de plancher, c'est un peu cette expérience qui nous amène à...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de...

M. Ostiguy: Je veux quand même vous souligner en terminant — je termine là-dessus, M. le Président — que je comprends que l'agriculteur peut avoir certaines difficultés vis-à-vis de l'augmentation des coûts, ce q u'on a appelé, ce matin, ce qu'on appelle depuis longtemps des intrants, il reste quand même que l'industriel a à faire face, lui aussi, à une certaine inflation. C'est pour cela que je voulais vous faire dire que l'agriculteur, on ne doit pas le comparer à un ouvrier spécialisé, mais plutôt à un industriel qui investit un montant d'argent.

M. Couture: Oui, mais vous acceptez que, dans ce contexte, quand même, il faut que le gars ait un revenu. C'est cela qu'on veut protéger.

M. Ostiguy: Oui, mais c'est un revenu selon son investissement?

M. Couture: Oui, c'est selon son travail. C'est cela qu'on demande. Comme l'agriculteur travaille, ça lui prend un revenu pour son travail et aussi cela lui prend une rentabilité pour son capital investi.

M. Ostiguy: M. Couture, j'ai regardé les nouvelles et je lisais dans les journaux, vous nous parliez hier d'un revenu de $15,000, le ministère avait un revenu de $9,000, enfin je pense que là, on glisse un peu vers toujours ce salaire de l'ouvrier spécialisé.

M. Couture: Je pense qu'on pourra peut-être prolonger la discussion, un moment donné pour aller plus loin.

M. Ostiguy: D'accord.

M. Couture: Mais le Président d'une compagnie limitée s'inclut un salaire dans cela. Tous les budgets que j'ai vus et les états financiers...

M. Ostiguy: Massey-Ferguson...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Saguenay.

M. Lessard: M. Couture, j'aurais une autre question que j'aurais pu poser lorsque vous avez présenté votre deuxième mémoire, mais je viens d'être informé, en fait, par le ministre, que nous n'avons que sept mémoires qui sont présentés à cette commission parlementaire. Pourtant, d'après ce que nous voyons extérieurement et ce que nous avons vu particulièrement en octobre et novembre, il existerait un malaise en agriculture.

Cette loi présentée me paraît être un avant-projet de loi très important pour la classe agricole et ses conséquences peuvent être extrêmement importantes pour l'avenir de l'agriculture. Le ministre m'informait tout à l'heure que plus de 50 organismes auraient reçu des convocations pour venir présenter des mémoires à cette commission parlementaire. Nous avons actuellement deux mémoires de l'Union des producteurs agricoles. L'un des mémoires qui a été présenté ce matin est assez bref puisque le principe essentiel dont vous discutez dans ce mémoire, c'est la question des coûts de production, mais ce projet de loi est beaucoup plus large que cela, il s'agit de la façon que cela va être appliqué, ce que cela va coûter aux producteurs, ainsi de suite. Je ne trouve rien, à part la question du revenu comme tel et le calcul du revenu, dans le mémoire que vous avez présenté ce matin, sur les modalités d'application. Je sais qu'une fois que cette commission parlementaire va être terminée, il appartiendra au ministre, par la suite, de préparer un projet de loi qui devra être présenté à l'Assemblée nationale et je ne prévois pas que le ministre convoque une nouvelle commission parlementaire pour entendre différents organismes sur le nouveau projet de loi.

Devant ces faits, je vous avoue que je suis inquiet, dans le sens que nous, comme parlementaires, en ce qui concerne en particulier les modalités d'application du projet de loi, nous n'aurons pas reçu beaucoup d'information. Je sais que, dans les régions, ce projet de loi soulève un certain nombre de questions. Je sais, par exemple, lorsque est arrivée la question de l'assurance-récolte, que les fédérations de producteurs, au niveau des régions, se sont réunies et ont pris position vis-à-vis de l'assurance-récolte. Ce que je me demande, c'est qu'étant donné le malaise que nous semblons vivre dans l'agriculture, comment se fait-il qu'à une commission qui m'apparaît extrêmement importante — c'est l'unedes commissions parlementaires qui nous auraient permis de vider ou de discuter, de façon très large, toute la question agricole — j'aurais souhaité que la Coopérative fédérée ou que différentes coopératives des producteurs viennent se faire entendre à cette commission parlementaire. Comment expliquer cette situation, étant donné ce malaise, que nous n'ayons que sept mémoires et qu'en l'espace de deux jours, nous passions à travers une loi qui est extrêmement importante, alors que nous demandons à l'Assemblée nationale, depuis plusieurs mois, la convocation d'une commission parlementaire pour discuter des problèmes agricoles et pour discuter des revenus des agricul-

teurs, pour discuter aussi du problème des intrants et des problèmes des grandes compagnies multinationales, et, devant ce fait, qu'on ait aussi peu de matériel qui nous parvienne? Est-ce que, du côté de l'UPA, vous avez communiqué avec les différents organismes afin qu'ils se présentent à cette commission parlementaire? Les individus avaient aussi la possibilité de se faire entendre, ainsi de suite. Je vous avoue que cela me déçoit.

M. Couture: Notre compréhension, c'est d'abord que c'est un avant-projet qui implique des principes, et notre représentation est sur ces principes. Je pense que, comme pour tout autre projet de loi, il y aura une première et une deuxième lectures et, à partir de là, on sera plus précis, on pourra peut-être discuter, aller plus loin.

Pour ce qui est de l'Union des producteurs agricoles, nous, on représente toutes nos fédérations spécialisées des producteurs de telle ou telle production. Parce qu'on a eu une réunion sur l'avant-projet, toutes ces fédérations ensemble. Mais notre position est celle que vous connaissez parce que c'est l'implication du principe. Après ça, comment ça va fonctionner? Il y aura certainement les règlements qui viendront après, il y aura aussi certainement des discussions. On fait allusion aussi, dans l'avant-projet, à des discussions avec les producteurs.

C'est dans ce contexte qu'on l'a vu, on dit que c'est un avant-projet; nous, on se prononce sur la philosophie de l'avant-projet et, après ça, ce sont des choses qui vont se préciser dans l'avant-projet et après la présentation en première lecture, on sera en mesure de discuter plus à fond. On dit dans le projet qu'une fois ces principes clarifiés, on sera en mesure d'étudier le projet de loi tel quel. On l'a pris réellement comme un avant-projet.

M. Lessard: Je suis d'accord, M. Couture, que c'est un avant-projet. Mais on sait, par ailleurs, que l'avant-projet a pour but de discuter généralement d'un principe qui est très vaste, très large et vous avez la possibilité, on avait, en tout cas, la possibilité ici d'avoir une discussion très vaste sur l'ensemble des problèmes agricoles au Québec. Parce qu'on sait qu'en vertu de notre économie parlementaire, après la deuxième lecture, le principe est déjà adopté. A ce moment-là, on est obligé de se limiter à l'étude des articles. Le ministre devra se baser sur les sept mémoires que nous avons pour expliciter son projet de deuxième lecture. Si ce projet ne donne pas véritablement satisfaction aux producteurs, à ce moment-là, le principe aura été accepté. Je comprends qu'on peut modifier différentes modalités, etc. Mais, quant à moi, j'espérais qu'étant donné que le ministre présentait, non pas un projet de loi comme tel et qu'après la première lecture, on l'envoie en commission parlementaire, mais un avant-projet de loi démontrant la possibilité pour les agriculteurs de venir discuter de l'ensemble de la politique agricole... Là, malheureusement, je dis que c'est presque un échec.

M. Couture: Je ne sais pas, selon notre compré- hension, peut-être qu'on est plutôt bien pratique, on a été convoqué pour discuter de l'avant-projet de loi.

M. Lessard: M. Couture, d'accord. Mais on me dit, justement, de l'autre côté de la table que ça va bien en agriculture et c'est pour ça que les agriculteurs ne se font pas entendre.

M. Couture: On a d'autres moyens de dire que ça ne va pas bien et on s'en sert.

M. Lessard: D'accord, mais à ce moment-là, vous négociez tout seul avec le ministre, vous le dites seul avec le ministre.

M. Couture: Oh! non...

M. Lessard: A une commission parlementaire, c'est important parce qu'on est là pour vous interroger.

M. Couture: Ce que je pensais, c'est qu'on aurait pu élargir le débat à toute la situation de l'agriculture. Nous, on a vu l'avant-projet comme une réponse. Donc, on est venu ici donner notre point de vue sur l'avant-projet, parce qu'on aurait pu élargir le débat, présenter un mémoire qui n'aurait pas traité spécifiquement de ce qu'on veut. Nous, comme mentalité, ce qu'on pense, c'est de toucher principalement le point qu'on veut toucher; à partir de là, ça fait une philosophie et, après ça, on pourra avancer. C'est un peu dans cette optique. Mais c'est clair qu'on aurait pu élargir le débat. Mais on ne voyait pas, à une commission parlementaire, la nécessité de prendre le problème global de l'agriculture, on a dit: II y a un avant-projet présenté et on se prononce dessus.

M. Lessard: Le titre du projet de loi est; Avant-projet de loi d'assurance-stabilisation des revenus agricoles. Je vous dis que c'est large.

Mais là, je vais me tourner vers le ministre, étant donné que nous avons eu cette commission parlementaire, pour lui demander si, après la deuxième lecture du projet de loi qui sera présenté, il a l'intention de convoquer une commission parlementaire?

M. Toupin: La commission parlementaire va étudier le projet de loi.

M. Lessard: Convoquer une commission parlementaire, d'accord, c'est automatique, les députés sont immédiatement convoqués pour étudier le projet de loi article par article, mais est-ce que vous avez l'intention de faire des auditions publiques?

M. Toupin: Non, je pense que, sur certains points, il n'arrive pas souvent, évidemment, que l'Opposition et le gouvernement puissent penser toujours ensemble, mais quand c'est raisonnable, c'est possible de penser dans le même sens. Je suis porté à abonder un peu dans le même sens que le député de Saguenay. J'aurais préféré, moi aussi,

que des mémoires viennent d'autres associations que celles qui se sont présentées, qu'il y en ait plus sur la table ici, avec plus de chiffres, avec plus de données. Actuellement, dans la formule des prix que nous discutons, il y a des contestations. Il y a des contestations de la part des producteurs d'abord. Ces contestations, les commissions parlementai res sont convoquées spécialement pour cela, pourque les groupements puissent démontrer à l'Assemblée nationale, aux gens élus, les problèmes qu'on affronte, les points sur lesquels on a certaines mésententes.

J'aurais préféré également que plus de mémoires soient présentés. Maintenant, je pense qu'avec les mémoires que nous avons, nous sommes quand même capables d'aller un peu plus au fond des choses. Un des problèmes du député de Saguenay, c'est peut-être précisément qu'il ne va pas aux bonnes sources quelquefois. Il pourrait peut-être poser des questions — je ne dirais pas plus pertinentes, mais en poser pi us — sur l'ensemble des problèmes de l'agriculture, s'il avait l'occasion de prendre connaissance d'un tas de documents que le ministère rend publics.

Hier, j'ai trouvé un peu déconcertant que le député qui représentait l'Opposition officielle, n'ait même pas vu le plan agro-alimentaire qu'on a rendu public il y a presque trois mois de cela. ll y a un tas de documents qu'on fait circuler dans le public actuellement, précisément pour donner l'occasion aux gens de s'informer de ce qui se passe dans le secteur agricole.

M. Lessard: II faudrait dire que le député qui m'a remplacé hier m'a remplacé à pied levé, étant donné que je ne pouvais me rendre ici.

M. Toupin: Mais, encore là, cela peut s'appliquer de ce côté-là également.

M. Lessard: A six, on ne peut pas être spécialistes dans tous les domaines. Le ministre s'occupe d'un seul ministère avec toute sa série de fonctionnaires compétents alors que chacun des députés du Parti québécois doit s'occuper de quatre ministères avec quelques fonctionnaires compétents.

M. Toupin: Là-dessus, je vous comprends. De ce côté-là, je suis bien d'accord avec vous. Evidemment, le nombre y est pour quelque chose là-dedans, mais il y a un certain nombre de points sur lesquels je voudrais discuter, en terminant, sur cette question des revenus, il y a un certain nombre de points qu'on a regardés cet avant-midi, notamment sur la productivité, sur les revenus, mais il y en a un certain nombre d'autres aussi, que j'aimerais aborder avec les producteurs. Nous les avons touchés un peu hier, lors de notre rencontre, par le biais.

Parexemple, dans les formules qu'on a utilisées jusqu'à maintenant, notamment dans le domaine du lait — le lait, c'est la formule type, à venir jusqu'à maintenant tout au moins, dans l'ordre des principes, dans l'ordre de l'application, cela peut se tourner autrement — dans la formule qu'on a présentée en ce qui concerne le lait, tout ce qui se fait à l'exté- rieur du lait, par exemple, on présume qu'il y a 10%, 12% ou 15% des ventes d'une ferme laitière qui sont faites à côté de la production laitière.

La formule actuelle du ministère— la Régie des marchés agricoles du Québec a accepté ce principe aussi— c'est qu'on ne prend aucun profit là-dessus. Le prix de vente est le coût de production, de telle sorte que, en 1974, à cause du prix du veau ou de la vache laitière et tout cela, c'est possible que les producteurs n'aient pas pris de revenus nets dans ce secteur, mais, en 1973, ils ont pris des revenus nets.

Lorsqu'on est appelé, nous, du gouvernement, à prendre une position sur l'indexation, comment est-ce possible, pour nous, de ne pas toujours tenir compte de toutes les sources de revenus? Par exemple, encore en termes d'indexation, quand on fixe un prix comme celui que la Régie des marchés agricoles du Québec fixe et que les intrants sont à un tel prix, si, dans huit mois, dans dix mois, dans un an ou dans deux ans, le prix des intrants tombe, est-ce qu'on va faire tomber le prix du lait aux producteurs? On sait fort bien que le prix des intrants fluctue.

Lorsque vous parlez, dans votre mémoire, d'une formule d'indexation, j'aimerais l'approfondir beaucoup plus, parce qu'il y a très souvent ces inquiétudes dans mon esprit. Je me dis: Est-ce possible, pour un ministre de l'Agriculture ou pour une Régie des marchés agricoles du Québec, d'informer les producteurs, à un moment donné, et de leur dire: Les intrants ont diminué de 10%, les moulées ont diminué, l'engrais chimique est moins élevé, l'intérêt sur le capital, l'intérêt sur l'argent que vous empruntez est moins élevé, est-ce que vous acceptez de diminuer votre revenu pour vous ajuster à l'indexation? C'est fondamental dans une législation comme celle-là.

M. Couture: Je pense qu'il faut prendre ces risques. On dit: On veut protéger un revenu, mais quand les intrants baissent, il y a tout un contexte qui fait que le produit baisse.

M. Toupin: Mais, dans le cas du lait, ce n'est plus pareil. Les formules qu'on étudie actuellement, ce sont des prix fixés, des prix arrêtés qui vont tenir, peu importe les conditions dans lesquelles se trouvera le marché des intrants. Ce sont des prix fixés.

M. Couture: Ce qu'on veut, nous autres... On est conscient que cela comporte des risques, mais c'est parce que, dans ces fluctuations, on a pratiquement toujours été perdant. On dit: Qu'on nous assure un revenu et, si les coûts de production baissent... Je pense que la formule est assez souple pour ce qui est des ajustements. Il y aura possibilité de regarder si les coûts baissent et de les faire varier.

M. Toupin: Au fond, c'est tout le principe de l'indexation...

M. Couture: Oui.

M. Toupin: ...que nous n'avons pas encore tou-

ché et dont vous faites mention dans votre mémoire, indexer. Dans le domaine de l'économie, indexer veut dire cela. Cela veut dire cela également, probablement, au niveau de l'indexation dont on parle de plus en plus dans les autres secteurs de l'économie. Si jamais les coûts de vie diminuent, est-ce qu'on va accepter de diminuer les salaires? Ce n'est pas certain. C'est la même chose lorsque nous arrivons dans le secteur agricole, et c'est encore plus vrai, parce que vous êtes beaucoup plus vulnérables vis-à-vis de la fluctuation, à cause des intrants qui entrent dans votre revenu, parce que le revenu est conditionné, d'une part, par les intrants, et, d'autre part, par le prix que vous recevez de vos produits.

M. Lessard: Est-ce que le ministre a l'intention de faire aussi la même chose pour le salaire des députés, lorsque le coût de la vie diminuera?

M. Toupin: Je n'ai pas d'inconvénient à cela du tout. Si on accepte le principe de l'indexation, je suis prêt à m'ajuster à cela.

M. Lessard: Indexer par en bas et par en haut.

M. Toupin: C'est cela. Si vous avez suivi ma conversation, je n'ai pas dit que j'étais d'accord sur l'indexation. Je pose des questions à ceux qui la demandent.

M. Lessard: II y a des fonctionnaires qui sourient. Est-ce qu'on va faire la même chose pour les fonctionnaires?

M. Toupin: Je pose la question à ceux qui le demandent. Je ne dis pas que l'idée n'est pas fondée, mais si on ne veut pas...

M. Lessard: Ils ont perdu leur sourire.

M. Toupin: Si on n'avait pas profité des avantages de l'inflation, il faudrait par conséquent en accepter les désavantages.

M. Couture: Je pense que c'est le pendant, à un moment donné, à l'indexation. Comme vous dites, il va falloir regarder ce que cela veut dire. Normalement, dans la mentalité qu'on a, vu la situation qui a existé, ce q u'on veut, c'est protéger une marge. Cela ne veut pas dire que, le matin où cela va baisser... Il y aura des périodes à regarder sur un laps de temps, mais on est prêt à l'envisager dans ce sens.

M. Toupin: M. le Président, c'était seulement les quelques informations que je voulais apporter. Je serais prêt à passer à l'autre secteur maintenant...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Lotbinière.

M. Massicotte: J'aurais simplement une question. C'est pour faire pendant à la question qui avait été posée par mon collègue, quand vous avez parlé des $0.32 la pinte qui vous était donnés. J'ai remarqué un peu M. Roy... Si vous me permettez, j'aime- rais que M. Roy me donne aussi ses commentaires pour compléter.

M. Roy (Léonard): Est-ce que M. le Président me permet d'intervenir?

M. Massicotte: Tantôt, cela avait été implicitement compris que M. Roy pouvait parler, je pense.

M. Roy (Léonard): M. le Président, en premier lieu, je dois, en toute honnêteté, pour l'information objective de la commission parlementaire, rectifier une affirmation que j'ai faite hier. Evidemment, je n'ai aucune honte à le faire. Je pense bien qu'il n'y a que les imbéciles qui ne se trompent jamais. Hier, à une question impromptue qui m'a été posée, j'ai fait un calcul mental au sujet du niveau de consommation du lait dans la province de Québec et je me suis rappelé que j'avais devant moi à ma disposition les chiffres de la Fédération des producteurs de lait nature. Ceux-ci m'indiquaient que, depuis le mois d'octobre, 90% du lait était payé en classe 1. La classe 1 veut dire le lait ordinaire, le lait entier plus tous les laits écrémés qu'ils soient à 2%, 1.5% ou totalement écrémé. J'avais ce tableau dans la tête, 90% qui était passé à 79.7% en novembre, 74% en décembre et 70.3% en janvier, pour le pourcentage d'utilisation en classe 1. Ceci tenait compte également de l'augmentation du volume de la production dans la même période. J'avais répondu très vite que cela représentait 20% à ce moment d'après le tableau. Je me suis dit que c'était à peu près la moitié qui était la diminution réelle. J'avais oublié qu'à ce moment, en octobre, novembre, décembre, il y avait eu, par l'ouverture des quotas, une stimulation de production dont on doit tenir compte là-dedans. Alors, en rajustant en regard du volume d'augmentation de production laitière et de l'utilisation payée en classe 1 en regard de cette augmentation de volume évidemment, ce n'est plus 10%. Par contre, je tiens tout de même à mettre devant les membres du comité que nous, quand il s'agit de nos ventes, depuis quatre ans au moins, depuis 1971, année après année, au total de l'année, on a toujours réussi à enregistrer une augmentation dans les ventes du lait, classe 1 encore, d'en moyenne 3.56% par année, et ce, en dépit de sept augmentations consécutives, de changements consécutifs dans le prix du lait.

Rendu au mois de septembre, on s'en allait encore au même rythme comparant mois par mois, mais des mois corrigés. On compare le même nombre de jours par mois. S'il y a un dimanche de plus ou un dimanche de moins, cela peut affecter quand on fait ces calculs, pondérés.

C'est à partir de novembre, alors que l'année précédente, on avait vendu 105,300,000 livres de lait, on en a vendu seulement 101,065,000 livres. En décembre, alors qu'on avait vendu 103,649,000, on a vendu 103,133,000. Nos baisses, à ce moment, qui étaient pratiquement cumulatives à peu près 5% vers la fin de l'année, ont totalement mangé le rythme d'augmentation qu'on avait à 3.56%, alors qu'on finit l'année, effectivement, avec 1.1/3% d'augmentation pour l'ensemble de l'année; 1.1/3%

d'augmentation de consommation du lait en l'année 1974, alors qu'on allait sur un rythme, jusqu'en septembre, d'une augmentation qui aurait été sûrement dans l'ordre de 3.56% et peut-être un peu plus.

Je veux dire par là, et je le dis avec beaucoup de discrétion, parce qu'hier vous êtes témoins que j'ai pris précaution de dire en débutant: Je hais énormément de parler publiquement, devant les media d'information, de baisse dans la consommation, parce que plus vous allez en parler, plus elle va exister. C'est comme le phénomène de la bourse. Si vous commencez à parler de crise, vous allez entrer dans la crise. Pas plus que les cultivateurs, nous avons intérêt à dire que notre organisation de vente, ensemble, conjointement, est en train de prendre le trou. On n'a pas intérêt à dire cela. C'est pour cela que devant cette situation, je tiens à rétablir les faits. J'en suis fort aise, d'ailleurs. Je suis très heureux de voir qu'actuellement, nous avons, pour l'ensemble de l'année, une augmentation de 1.1/3%, alors par exemple, qu'on aurait certainement eu de 3% à 4% d'augmentation si on tient compte des années précédentes. Ceci, non pas pour blâmerqui que ce soit. Seulement, ce que j'ai développé hier devant vous, M. le Président... moi, je crois foncièrement au transfert du revenu, et les tableaux des chiffres officiels du ministère et de la Fédération des producteurs nous prouvent que depuis 1951, quand vous pensez à l'importance de l'augmentation qu'il y a eue, au total, seulement depuis 1968, l'augmentation globale aux producteurs a été de 71.4% dans les prix, et qu'on a tout fait passer cela sans affecter le niveau de consommation, même il a continué à garder son rythme de croissance à 3.4% et qu'il a fallu attendre aux mois d'octobre, novembre, décembre 1974 pour avoir cette réaction de résistance du consommateur, moi, je vois, là-dedans, si vous me permettez cette remarque personnelle et qui veut être la plus constructive au monde, l'indice que, probablement, on a peut-être voulu prendre trop vite et trop à la fois. Si on avait, sur une période un peu plus longue, continué à prendre les augmentations qu'il faut prendre pour faire le transfert du revenu pour le rattrapage au point de vue du cultivateur, on n'aurait probablement pas connu cela. Vous allez me dire: C'est très facile de dire cela après. C'est vrai. Mais tout de même, il y a quelque chose là-dedans à l'appui de la théorie que je vous ai exposée que, encore une fois, si on veut aider l'agro-alimentaire du Québec, on n'a pas le choix, d'une façon ou d'une autre, le consommateur va payer pour. ll va payer soit à cause du prixqui va continuer à augmenter, ou par les subventions que l'Etat va être obligé de faire, et on va le payer par nos taxes. Cela revient à la même chose.

Ceci, encore une fois, premièrement, pour vous expliquer que nous sommes conscients, nous, dans l'industrie, qu'il faut manoeuvrer dans ce domaine avec beaucoup de délicatesse, puis que c'est l'intérêt de personne, ni des producteurs, ni de nous, de dire des choses ou d'exploiter des situations qui tournent vite à la démagogie. Je le regrette énormément. On fait trop de démagogie. Ce ne sont pas les gens responsables qui font cela. Ce sont ceux qui n'ont rien à perdre, qui entrent dans un domaine et ne savent même pas le prix du lait. J'entendais un de ces activistes, il y a deux ou trois jours, qui parlait du prix du lait à $0.56 la pinte. En soi, seulement énoncer cela au début d'une émission de télévision, que le lait est à $0.56 la pinte, alors qu'effectivement, légalement il va l'être à $0.52, c'est...

M. Lessard: Légalement, mais dans certaines régions du Québec, il est à $0.62 actuellement.

M. Roy (Léonard): Oui.

M. Lessard: Chez nous, il va être à $0.56.

M. Roy (Léonard): Cela, c'est comme toute chose...

M. Lessard: C'est entre $0.52 et $0.56 et quelquefois plus élevé encore.

M. Roy (Léonard): Oui, parce qu'il y a trois ordonnances dans la province de Québec, parce que la province est divisée en trois secteurs suivant les secteurs géographiques. C'est évident que le coût de la vie àSept-lles, par exemple, n'est pas tout à fait le même, je comprends bien, où surtout pour livrer du lait à Sept-lles, ce n'est évidemment pas les mêmes conditions que de livrer du lait à Montréal à partir de Chambly. On va admettre cela. C'est pour cela que les ordonnances de la province de Québec sont en trois secteurs. Il faut tenir compte de cela.

M. Lessard: On peut même parler entre $0.52 et $0.62.

M. Roy (Léonard): ...suivant la géographie. M. Lessard: Oui.

M. Roy (Léonard): Oui, disons, alors moi, je n'ai pas ici, évidemment, à faire le procès des gens que j appelle des activistes. Dans mon esprit, les activistes ce sont des gens non informés, qui lancent n'importe quoi, n'importe comment, au plus mauvais moment et qui sans le vouloir, je l'espère, nuisent à ceux qu'ils voudraient aider. Maintenant, puisqu'on a parlé tout à l'heure du prix du lait, nous, on a dit, M. Couture l'a dit d'une façon très claire: II y a le partage du dollar du consommateur; à partir du 1er mars, il va se faire à peu près dans l'ordre, grosso modo, de $0.60 au producteur agricole et $0.40 à la distribution, à la manipulation du lait.

M vous a expliqué où allait les $0.60. Permettez-moi de prendre une minute pour vous dire où vont nos $0.20. C'était $0.52 et $0.32 pour nous, alors, il y a une différence de $0.20, $0.52 pour le consommateur; $0.32 pour le producteur et $0.20 pour nous. Alors, nous, dans nos $0.20, il faudrait bien penser que — je reprends encore le chiffre officiel pour la région centrale de $0.52, ce qui va être le prix légal — vous avez là-dessus... Aucune laiterie ne reçoit $0.52 d'abord, parce que la partie du lait... Il y a une bonne partie du lait, dans l'ordre de 62%, qui est vendue par l'entremise des magasins.

Alors, le prix qui va être à $0.51 au magasin, si

vous voulez, que les laiteries vendent $0.01 de moins au magasin, c'est déjà en bas du prix qui est fixé. Beaucoup de lait est vendu, à très fort pourcentage, surtout dans la région de Montréal, par des "jobbers" qu'on appelle, des revendeurs qui vendent à leur compte, alors, ces gens commandent en moyenne $0.04. Il reste que la moyenne qui reste à la laiterie — ses frais d'intermédiaire étant de $0.0388 — est exactement de $0.16, $0.12, $0.06. $0.16.126, si vous voulez, pour la pinte de lait sur les $0.52 en question. Et voici comment sont repartis ces $0.16. Il y a $0.06 qui vont dans le coût d'usinage, il y a $0.07 2/3 qui vont dans le coût de distribution quand c'est une laiterie qui rend son lait directement à domicile...

M. Lessard: Est-ce qu'il est moins cher, le lait? Etant donné que vous n'avez pas tous les intermédiaires dont vous avez parlé tout à l'heure, est-ce que le lait est moins cher?

M. Roy (Léonard): Non, vous avez à ce moment-là... Justement, il y a...

M. Lessard: Vous n'avez pas les "jobbers" puis vous n'avez pas...

M. Roy (Léonard): Alors, justement, il y a $0.07 qui vont, à ce moment-là, dans les coûts de distribution et vous avez 2/3 de cent qui vont dans les frais de vente et $0.01 1/3, dans les frais d'administration.

M. Lessard: Alors, les $0.07 que la laiterie prend, en fait, c'est que, si vous n'avez pas les intermédiaires, les $0.07 vont à la laiterie. Puis, quand vous avez les intermédiaires, cela va aux intermédiaires.

M. Roy (Léonard): Oui. Attendez là.

M. Lessard: Parce que là, on va doubler. Oui, d'accord, le coût de distribution, mais quand vous avez dit tout à l'heure que, dans certaines régions, c'étaient des "jobbers"...

M. Roy (Léonard): Oui.

M. Lessard: Donc, ils prennent leur profit...

M. Roy (Léonard): C'est ça.

M. Lessard: Quand c'est directement la laiterie, à ce moment-là, vous prenez $0.07. Quand ce n'est pas la laiterie, vous laissez les $0.07...

M. Roy (Léonard): Sur les $0.20, la différence de $0.0388, c'est ça que j'ai ici, va exactement... c'est pour le magasin. Ce sont les frais de manutention pour la livraison, dans les succursales ou dans les magasins ordinaires. C'est ça qui laisse exactement, après ça, à une laiterie $0.16.1266,les 2/3, pour ces opérations...

M. Lessard: D'accord.

M. Roy (Léonard): Alors, sur ces $0.16, vous avez $0.06 et une fraction pour les frais d'usinage, $0.07 et une fraction pour les coûts de distribution...

M. Lessard: Quelle que soit la façon dont c'est distribué.

M. Roy (Léonard): Oui.

M. Lessard:Très bien. Parce que vous aviez dit: Lorsque la laiterie distribue...

M. Roy (Léonard): Non, sur ça je m'étais trompé, les $0.0388, c'était pour les frais de distribution aux magasins. Alors, nous...

M. Lessard: D'accord.

M. Roy (Léonard): ...étant donné que nous avons ces chiffres, on se demande, encore une fois, s'il est encore possible de parler d'exploitation d'intermédiaires dans ce secteur, parce qu'après tout, il est difficile, pour une entreprise, de faire plus que ça au point de vue du rendement normal sur le capital investi dans ce secteur. N'oubliez pas, maintenant, que depuis 1973, la situation, la répartition du dollar du consommateur s'est renversée totalement.

En 1973, il y avait 57% qui allaient au producteur sur le dollar et 43%, à la laiterie. Aujourd'hui, exactement, 60% s'en vont aux cultivateurs et 40% s'en vont à ce qu'on appelle le secteur de la distribution.

Je crois que, pour l'industrie, cela vaut la peine que nous prenions les moyens nécessaires de faire savoir qu'il se fait aussi un effort chez nous pour laisser à la production, au secteur primaire, la plus grande part possible du dollar du consommateur. Ceci se fait par des efforts d'efficacité dans les opérations. On le doit aussi beaucoup au phénomène du regroupement qui se fait dans notre secteur. Vous savez que notre secteur, depuis sept ans, est passé de 181 laiteries à 45 ou 44, si je ne me trompe pas, dans le moment, et au rythme actuel, d'ici cinq ans, s'il reste sept ou huit laiteries dans la province de Québec, ce sera probablement le maximum. Tout cela pour dire qu'il se fait chez nous, dans notre secteur, un effort, pour tâcher, tout en rendant le service qu'il faut rendre, de rester dans les justes limites du profit qu'on peut rechercher. Je tenais à souligner cela, M. le Président.

M. Lessard: M. Roy, parmi les quelques 40 laiteries qu'il reste, quel est le pourcentage de distribution qui revient à Dominion Dairies, Borden et Québec-Lait? Est-ce qu'on pourrait savoir la distribution, quel est le pourcentage de l'ensemble de la distribution du lait qui revient à chacune de ces entreprises?

M. Roy (Léonard): II y a cinq laiteries dans la province de Québec qui distribuent 80% du lait.

M. Lessard: Cinq laiteries, lesquelles?

M. Roy (Léonard): M. le Président, je me demande si je peux aller jusque-là, les nommer.

M. Lessard: Voici, M. le Président, vous parlez de 46 laiteries.

M. Roy (Léonard): Oui, il n'y a pas d'inconvénient, mais là, si je les énumère...

M. Lessard: C'est quel pourcentage du marché?

M. Roy (Léonard): Pardon?

M. Lessard: Quel pourcentage du marché pour chacune de ces laiteries?

M. Roy (Léonard): Je vous dis, moi, cinq laiteries...

M. Lessard: 80% du marché. M. Roy (Léonard): Oui...

M. Lessard: Comment cela se divise, 80% du marché entre les laiteries, entre les cinq laiteries?

M. Roy (Léonard): Cela, M. le Président, j'invoque même les lois des statistiques...

M. Lessard: C'est le secret professionnel.

M. Roy (Léonard): Oui. Ecoutez, je ne voudrais pas non plus que, par des genres de questions comme cela, j'aie l'air de ne pas vouloir répondre...

M. Lessard: D'un activiste.

M. Roy (Léonard): Je ne pensais pas vous avoir visé.

M. Lessard: Non, mais en fait... D'accord, vous répondez aux activistes, mais maintenant, je vous pose une question.

M. Roy (Léonard): Oui.

M. Lessard: Vous dites qu'il y a cinq laiteries actuellement qui contrôlent 80% du marché.

M. Roy (Léonard): Oui.

M. Lessard: J'aimerais bien savoir, puisqu'on parle d'organisation du marché, comment se distribue le pourcentage pour chacune de ces laiteries de distribution. On va voir aussi de quelle façon fonctionne le système de concurrence.

M. Roy (Léonard): Le plus loin que je puisse aller, c'est de vous dire que les entreprises à capital québécois...

M. Lessard: Québec-Lait?

M. Roy (Léonard): II n'y a pas seulement Québec-Lait.

M. Lessard: Les autres? Je vous ai demandé quelles sont les cinq? Vous avez Dominion Dairies, Borden, Québec-Lait, puis les deux autres?

M. Roy (Léonard): Non, réellement, je me refuse à les nommer pour des questions de sens commun que...

M. Lessard: Ecoutez, moi je proteste, M. le Président. Monsieur Roy, du Conseil d'alimentation, vient nous donner des explications sur la distribution du marché et il vient nous donner des explications sur la façon dont se répartit les $0.16 126, moi, je vous pose, comme parlementaire — on est ici pour étudier un problème — suite à ce que vous dites, suite à la déclaration que vous avez faite et vous avez le droit de faire — je comprends que vous n'êtes pas accusé du tout...

M. Roy (Léonard): Non, non.

M. Lessard: ...mais, comme parlementaire, je vous pose la question: Quelle est la répartition du marché de distribution pour chacune de ces laiteries? Je viens de nommer trois laiteries qui sont connues de tous. Les deux autres qui participent aux 80%, parce que vous avez dit que c'était 80%, les deux autres, ce sont lesquelles? De quelle façon cela se répartit-il entre les laiteries?

M. Roy (Léonard): Alors, les deux autres ce sont des entreprises québécoises, purement et simplement.

M. Lessard: Lesquelles? Steinberg? M. Roy (Léonard): Non, non. M. Lessard: Non.

M. Roy (Léonard): Ce n'est pas une laiterie, Steinberg.

M. Lessard: Ils distribuent quand même.

M. Roy (Léonard): Non, alors, écoutez, je regrette beaucoup. Il faudrait s'entendre sur...

M. Lessard: Sealtest?

M. Roy (Léonard): Moi, je vous parle des entreprises qui transforment le lait. Précisément, si vous m'apportez le nom de Steinberg, cela n'a rien à voir avec ce que nous discutons.

M. Lessard: Pour que je ne dise pas des noms qui ne correspondraient pas à la réalité, dites-moi les deux autres. Cela va régler le problème, j'en connais déjà trois.

M. Roy (Léonard): Alors, les plus grosses laiteries de la province de Québec sont Québec-Lait, Ferme Saint-Laurent, Dominion Dairies, Borden Company, Laiterie Laval, Guaranteed Pure Milk, Crémerie des Trois-Rivières.

M. Lessard: Cela va. Maintenant, comment, en s'en tenant aux cinq — parce que si vous me nom-

mez les 46, cela ne règlera pas mon problème, je ne tomberai pas dans le panneau, je vous vois venir, les cinq dont vous avez parlé qui se partagent les 80% du marché, ce sont lesquelles? Je n'en veux pas sept.

M. Roy (Léonard): Je les ai nommées.

M. Lessard: Je suis rendu à six. En tout cas. Comment se répartit, maintenant, le marché entre ces laiteries?

M. Roy (Léonard): Cela je ne peux le dire pour aucune considération. Vous me citerez devant le tribunal, ce que vous voudrez, mais je ne le...

M. Lessard: Mais vous le savez. M. Roy (Léonard): Oui, je le sais.

M. Lessard: C'est là qu'on va être obligé d'établir une enquête à un moment donné sur les grandes compagnies d'alimentation pour obtenir ces chiffres pour savoir ce qui se passe dans ce marché. Je ne les blâme pas, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! Cela ne relève pas de la commission. L'enquête ne relève pas de notre commission.

M. Lessard: Non, M. le Président, mais je peux le dire. On discute des revenus d'une loi concernant la stabilisation des revenus.

M. Toupin: Ce n'est pas parce qu'on a 40% d'un marché qu'on abuse du marché.

M. Lessard: Ce n'est pas ce que je veux dire, M. le Président, mais, à ce moment-là, ce n'est aucunement gênant de dire à la commission parlementaire quel est le pourcentage du marché pour chacune, de ces laiteries. Ce n'est pas parce que Québec-Lait peut avoir 30% du marché que je vais blâmer Québec-Lait de l'avoir, mais c'est justement pourquoi je trouve extrêmement curieux que M. Roy refuse de me donner ces chiffres.

M. Toupin: C'est parce que cela n'a rien à voir.

M. Ostiguy : Si le député de Saguenay se référait à Statistique globale, Statistique Québec ou Statistique Canada, il aurait les chiffres.

M. Lessard: M. Roy les connaît. M. Ostiguy: Oui, mais...

M. Lessard: Si M. Roy n'a pas d'autres commentaires, j'aurais des commentaires àfaire au ministre, parce que tout à l'heure je n'avais pas terminé.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Alors, merci, M. Roy.

M. Roy (Léonard): Merci.

M. Lessard: Tout à l'heure, j'avais commencé à poser des questions sur le fait que les différents groupements agricoles ou autres ne s'étaient pas rendus à cette commission parlementaire et je n'avais aucunement l'intention de blâmer les groupements. C'est pour cela, par la suite, que je me suis retourné vers le ministre de l'Agriculture. Ce qu'on connaît de cette loi, à partir de l'avant-projet, c'est que le lieutenant-gouverneur en conseil va constituer un organisme sous le nom de Commission administrative des régimes d'assurance-stabilisation des revenus agricoles. On sait cela. Tout le monde est pour la vertu, pas de problème, on est d'accord. Le ministre, à la suite d'une question que je soulevais tout à l'heure, s'il a l'intention de convoquer une commission parlementaire où on pourra entendre les témoins après la deuxième lecture me répondait non. Tout le reste du projet de loi ou à peu près, si on excepte les quelques derniers articles où on parle des offices de producteurs, tout le reste du projet de loi, à part l'article 2, c'est la façon dont la commission va fonctionner. Alors, c'est à peu près une réglementation interne. L'article 2 comme tel, c'est là l'essentiel du projet de loi, dit ceci: Le lieutenant-gouverneur en conseil peut adopter tout règlement qu'il juge nécessaire aux fins de l'établissement, de l'application, du fonctionnement, de l'administration de tout régime d'assurance-stabilisation des revenus agricoles et il peut notamment, a), b), c), d). Autrement dit, ici, aujourd'hui, on a à discuter si on est d'accord sur le principe d'un projet de loi de stabilisation des revenus et, une fois qu'on a dit: Oui, on estd'accord — et je comprends les producteurs — on remet tout cela au lieutenant-gouverneur et on dit au lieutenant-gouverneur: Maintenant, faites ce que vous voulez avec cela. C'est le pouvoir de la fameuse loi déléguée. En fait, il est certain qu'à l'Assemblée nationale, quant à nous, nous dirons, comme les producteurs nous l'ont dit ce matin, l'Union des producteurs agricoles, en autant qu'on puisse garantir que le revenu sera basé sur les coûts de production, on sera d'accord sur ce projet de loi. Cependant, ce qu'il y a de plus important dans le projet de loi, toute la réglementation, on ne l'a pas.

Cela est un problème extrêmement important pour nous les législateurs, comme pour les personnes impliquées par un projet de loi. On est rendu à un point où on dit: Nous, on va accepter le principe, le lieutenant-gouverneur s'organisera avec le reste. On se rappelle que lors de la discussion du projet de loi 31... oui, c'est une question que je veux vous poser, je vais revenir à la question tout à l'heure. Ce n'est pas la première fois qu'on discute de ce fameux pouvoir de réglementation qu'on donne au lieutenant-gouverneur en conseil, de telle façon que dans ce projet de loi, ça devient presque scandaleux. En fait, on est pour le principe, pour la vertu et le reste, attendez le lieutenant-gouverneur qui est bien vertueux, il va régler le problème. On se rappelle que lors de la discussion du projet de loi 31, il y avait le député du Parti créditiste, M. Fabien Roy,

député de Beauce-Sud, je pense, et moi-même, qui avions protesté contre ce fameux pouvoir de réglementation. Mais ce qui avait surtout surpris le ministre, c'est qu'on se rappelle que le whip en chef du Parti libéral était intervenu à ce moment-là pour protester à son tour contre ce fameux pouvoir de réglementation qui est en train d'enlever aux parlementaires tout pouvoir sur la législation comme telle parce qu'elle devient la responsabilité du lieutenant-gouverneur. Je cite ce que le député des Iles-de-la-Madeleine disait à ce moment-là, je pense que c'est le 10 juillet 1974 à l'Assemblée nationale.

On dit dans le journal Le Devoir, qui rapporte les propos du député des Iles-de-la-Madeleine: "C'est alors que le whip en chef éclate" — cela lui arrive souvent d'éclater, il n'y a pas de problème — "il y a, dit-il, au moins 101 députés qui sont à côté du ministre. S'il les avait consultés, peut-être qu'on aurait pu améliorer ce projet de loi. Moi, je n'accepte pas que des fonctionnaires préparent des projets de loi, que le ministre vienne défendre des projets de loi qui ne correspondent pas aux réalités régionales. Je n'accepterai jamais qu'on nous présente un projet de loi aussi imparfait, préparé aussi finement par des fonctionnaires qui n'ont jamais tenu compte d'aucune intervention ni qu'on ait refusé automatiquement de nous consulter."

Pour ce qui concerne la question des fonctionnaires, je laisse ça à M. Lacroix, il reste que les fonctionnaires ont un travail à faire, à savoir préparer le projet de loi, préparer la réglementation. Mais nous, comme députés, on a aussi un travail à faire, à savoir, faire l'analyse du projet de loi, mais pas seulement sur le principe du projet de loi, pas pour analyser strictement la vertu, mais être capable de savoir ce qu'il va y avoir dans ce projet de loi. Je comprends que les organismes n'aient pu se présenter comme tels aussi nombreux à la commission parlementaire parce que tout le monde est d'accord sur la vertu et vous venez nous dire aujourd'hui que vous êtes d'accord sur une loi concernant la stabilisation des revenus. Cela, je pense que c'est tout à fait normal. Mais ce qui va être le plus important M. le Président, ça va être l'article 2, ça va être la réglementation.

Et je reviens à ma question, parce qu'on commence à avoir — pas seulement les députés de l'Opposition — mais les députés ministériels commencent aussi à avoir leur voyage de voter des projets de loi sans avoir au préalable obtenu la réglementation, de telle façon que le lieutenant-gouverneur est rendu qu'il peut tout faire. C'est de la dictature de l'exécutif qu'on a actuellement.

La question que je pose au ministre, suite à ces pouvoirs considérables qu'on donne au lieutenant-gouverneur: Est-ce qu'il a l'intention de convoquer une commission parlementaire, non seulement des élus, mais pour que les partis, les personnes directement impliquées aient la possibilité de se faire entendre, même si vous dites dans votre projet "suite à une consultation avec les producteurs"? On sait ce que sont ces genres de consultation. Pour les consultations, je pense qu'on a, comme parlementaires, un rôle important à jouer et on doit être capable de discuter de ces règlements.

Est-ce que le ministre a l'intention de convoquer une commission parlementaire avec auditions publiques pour permettre non seulement aux parlementaires de se faire entendre, mais permettre aussi aux représentants qui auront à subir ou à profiter des conséquences néfastes ou positives de ce projet de loi pour qu'ils viennent nous dire en quoi ces règlements devraient être modifiés?

Ce qui n'empêche pas pour autant, même si le ministre me répond oui, qu'on est en train et ça... la chambre de commerce, qui n'est pas considérée comme mouvement de gauche tellement, est déjà venue protester ici en nous présentant un mémoire contre ce fameux pouvoir délégué.

M. le Président, encore là, suite au projet de loi 31, suite à cet avant-projet de loi, encore là, on constate que les parlementaires n'ont presque plus rien à dire, à un moment donné, dans la législation. Tout devient la responsabilité du lieutenant-gouverneur en conseil.

Au moins, est-ce qu'on peut être assuré que le ministre va convoquer la commission parlementaire avec auditions publiques?

M. Toupin: Ecoutez, la théorie que vous soutenez concernant ce que la Chambre de commerce de Montréal a appelé l'érosion du pouvoir législatif...

M. Lessard: C'en est de l'érosion, c'est incroyable.

M. Toupin: Cela mériterait sans aucun doute une étude beaucoup plus approfondie que le court discours que vous venez de faire, d'autant plus que vous n'êtes pas le premier à le faire, plusieurs autres avant vous l'ont fait.

M. Lessard: II faudrait que le ministre en prenne conscience. J'ai pris la peine de citer un de ses députés importants dans le Parti libéral.

M. Toupin: Plusieurs autres avant vous l'ont fait...

M. Lessard: La conscience du Parti libéral.

M. Toupin: Je vais reprendre. Plusieurs autres avant vous l'ont fait, ce discours. Ce qui est important pour nous, maintenant, et pour les parlementaires, ce n'est pas simplement de répéter les mêmes discours.

M. Lessard: II faut répéter, le ministre ne comprend pas.

M. Toupin: C'est de faire de temps à autre des suggestions concrètes.

M. Lessard: C'est cela que...

M. Toupin: Si vous avez des suggestions à faire pour améliorer ce projet de loi, dans le sens que vous voulez que nous le fassions, alors, préparez des amendements, apportez-nous les et on va les regarder.

M. Lessard: Est-ce que les règlements sont prêts?

M. Toupin: Ne changez pas la discussion de place.

M. Lessard: L'article deux. Le reste, la commission, la façon dont cela va fonctionner...

M. Toupin: M. le Président, on m'a posé une question, je veux y répondre. Si vous voulez, ne changez pas la discussion de place. Restons dans le coeur de la discussion. Il est possible, et quand on a préparé le projet de loi, j'ai été le premier à le dire à ceux avec lesquels j'ai eu à travailler pour le préparer, j'ai été le premier à faire des suggestions concrètes pour qu'on amende certains articles qui m'avaient été proposés, pour que ce soit plus précis, plus clair. Il y en a un certain nombre encore qu'il faudra amender, pour préciser davantage.

Mais il faut tenir compte également de la nature des projets de loi que l'on présente. Je vais vous faire un parallèle, bien rapidement. Dans la loi C-150, que vient de déposer le ministre fédéral de l'Agriculture à la Chambre des communes, lui, il définit ce que l'agriculteur va recevoir. Il dit: Tu vas être payé 90% ou 95% des cinq dernières années. Si elles ne sont pas bonnes ces cinq dernières années, qu'est-ce que cela règle dans le problème qu'ils ont soulevé, eux?

M. Lessard: Au moins...

M. Toupin: Je vous apporte un parallèle. Notre problème à nous, ce n'est pas cela. Notre problème à nous, c'est d'assurer un revenu aux agriculteurs. Il ne peut pas le prendre dans le prix, son revenu. Comment voulez-vous que je mette dans une loi un montant à donner aux producteurs? Comment voulez-vous que je dise:Le producteur agricole sera assuré d'un salaire équivalent à tel secteur, etc.? On ne peut pas faire cela dans une loi comme cela.

Chaque fois que le gouvernement est appelé à aller un petit peu plus loin qu'àfaire des lois qui vont régir les municipalités ou des lois qui vont régir de temps à autre les relations de travail de façon bien précises, chaque fois qu'il est obligé de déborder cela, d'entrer dans des négociations avec les autres, il est obligé d'être souple, malgré lui.

Les règlements dont vous parlez, c'est très simple en soi, dans cette loi. C'est simplement une discussion que je veux avoir avec les producteurs agricoles pour déterminer ce qu'ils veulent avoir et ce qu'on peut donner, production par production.

Si les producteurs agricoles sont d'accord pour venir négocier avec une commission parlementaire, je ne vois pas d'inconvénient à cela. On négociera avec la commission parlementaire de la part que le gouvernement devra mettre et de la part que le producteur devra mettre. C'est une négociation.

M. Lessard: Non.

M. Toupin: C'est une loi-cadre qui vient apporter, qui vient mettre à la disposition du gouverne- ment des moyens de négociation pour que les producteurs puissent recevoir plus que ce qu'ils reçoivent présentement, en termes de revenus. Cela n'infirme pas l'idée que vous avez émise d'un pouvoir législatif qui était un peu moins grand qu'il l'était auparavant. Cela n'infirme pas cette idée-là.

Mais si on veut vraiment entrer dans cette idée, il faudra que vous nous indiquiez clairement, en tant qu'Opposition, ce que vous avez à suggérer, vous autres, aux producteurs qui font des demandes légitimes, pour aider à régler ce problème, quelles sont vos suggestions concrètes.

M. Roy, dans son mémoire, a fait des sugges-tjons. L'UPA, dans son mémoire, a fait des suggestions et quelques amendements. Certains autres ont émis des opinions là-dessus. Là, j'ai en mains au moins deux ou trois éléments qui vont me permettre d'apporter plus de précision à la loi.

La loi, je ne la fais pas pour moi, les gars qui y travaillent ne la font pas pour eux. Ils la font pour ceux à qui cette loi s'adresse, en l'occurrence, dans ce cas, les producteurs agricoles. On va prendre production par production et on va les négocier. C'est cela que prévoit la loi. Mais je reste convaincu qu'en ce qui concerne, par exemple, l'administration du fonds, ce n'est pas assez précis. Il faudrait aller plus loin que cela. Là-dessus, je suis d'accord. Il faudrait que l'Assemblée nationale ait à se prononcer là-dessus parce que l'Assemblée nationale est gardienne, comme le gouvernement bien sûr, parce que c'est là qu'on discute de nos choses, de l'ensemble des intérêts des citoyens. Je suis d'accord sur cela, savoir, qu'on cherche certains amendements là-dessus. On va les chercher au ministère et on va faire des propositions à l'Assemblée nationale.

On aimerait, à ce moment, si vous n'êtes pas d'accord sur cela, que vous nous en fassiez aussi.

M. Lessard: On a l'habitude de le faire.

M. Toupin: D'ailleurs, vous en faites, comme vous en faites de temps en temps. Dans ce cadre, dans cette loi, c'est comme cela que cela va se dérouler. On va prendre production par production, le poulet, les oeufs, le porc et on va s'entendre sur un revenu pour un producteur, on va regarder le prix du marché et on va établir des barèmes. Si le prix est plus élevé que le revenu sur lequel on s'est entendu, on prendra de l'argent dans le revenu et on le mettra dans le pot, et quand cela ira en bas, on prendra le pot et on le mettra dans le revenu. Ce sont des ententes qui vont intervenir entre les deux groupes.

M. Lessard: M. le Président, je pense que, pour ce qui concerne la réglementation, le ministre simplifie considérablement.

M. Toupin: C'est cela que vous avez dans les règlements.

M. Lessard: Quand on a, par exemple, adopté, en 1968, je pense, la Loi de l'assurance-récolte, il y avait un principe de la loi et des règlements. Dans les dernières années, en tout cas, la réglementation,

telle qu'elle a été faite, a soulevé quantité de contestations de la part des agriculteurs, parce qu'il y a plus qu'un pouvoir de négociation avec les producteurs. Il y a la façon dont l'argent va être versé. Il y a la façon dont les cotisations seront déterminées. Je comprends qu'il y a un pouvoir de négociation, mais je pense que la réglementation dans ce projet de loi est extrêmement importante. A la question que j'ai posée au ministre, j'ai reçu une réponse partielle mais, est-ce que cette réglementation... Il est d'ailleurs très souvent arrivé que le ministre comme d'autres ministres, entre autres le ministre de l'environnement, a soumis à l'Assemblée nationale, en commission parlementaire, sa réglementation.

Comme ce projet de loi est actuellement basé presque exclusivement à l'importance, en acceptant le principe... L'importance de l'application de ce projet de loi est basée sur la réglementation, il devient, à mon sens, extrêmement important que la commission parlementaire, comme les producteurs, puisse se faire entendre sur cette réglementation.

M. Toupin: On vous l'a dit tantôt. D'ailleurs, ce n'est pas un gros problème. Vous voulez savoir ce qu'est une réglementation, c'en est une pour les viandes. Je ne sais pas si vous l'avez regardée.

M. Lessard: On en a étudié une sur la période qui était aussi importante que cela.

M. Toupin: Vous voyez des lois comme cela en plus de celles qui existent déjà à l'Assemblée nationale.

M. Lessard: Je n'ai pas dit de tout placer, par exemple, à l'intérieur de la loi, mais il reste qu'il y a des choses, à un moment donné... Actuellement, on n'a rien dans la loi, sinon le principe de stabilisation des revenus.

M. Toupin: II y a plus que cela dans la loi. M. Lessard: La commission.

M. Toupin: Ce que je veux vous dire, c'est ceci: Ces règlements sur les viandes, on les discute en commission parlementaire. Les gens viennent donner leur opinion là-dessus. Il y a déjà eu des mémoires. Il va y en avoir une couple tantôt qui vont venir là-dessus. On voulait, avant de les adopter, que les citoyens en prennent connaissance et que les partis de l'Opposition en prennent également connaissance pour qu'ils nous fassent des suggestions en vue d'amender ces règlements si toutefois on trouve des abus dans le domaine de la réglementation.

Le problème soulevé par la chambre de commerce était le suivant. Elle disait: Cela devient presque impossible de se retrouver à compter d'une loi, dans son application, alors qu'il y a eu une réglementation amendée, suramendée et suramendée. Cela devient un dédale de règlements qui est difficile, à un moment donné, à suivre, et à percevoir, ce sur quoi, bien sûr, sur un certain point, personnellement, je n'ai pas d'objection et je suis d'accord pour qu'on soit plus ferme. Je vous l'ai dit tantôt dans le secteur de l'administration du fonds. Je vous ai dit qu'il y a des amendements qui devraient être apportés.

M. Lessard: La réglementation, est-ce que vous avez l'intention de la soumettre à la commission parlementaire?

M. Toupin: Ce que je suis prêt à faire c'est ceci, grosso modo: On va négocier avec les producteurs et si on ne s'entend pas sur la réglementation finale, si on n'est pas capable de trouver une formule au niveau des revenus ou d'un versement de la part des producteurs ou autres, je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'on revienne en commission parlementaire et qu'on en discute avec les producteurs.

M. Lessard: Je vais plus loin que cela, M. le Président. Etant donné son importance, je pense que cette réglementation devrait être discutée en commission parlementaire.

M. Toupin: Vous allez aussi en discuter dans le budget. Dans les budgets vous allez avoir à discuter de la participation gouvernementale.

Je ne vois pas d'inconvénient, dans le cadre dont je viens de vous parler, parce que je ne vois pas la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec ou la Fédération des producteurs de poulets du Québec s'asseoir ici pendant trois ou quatre jours pour négocier ce qu'on va mettre dans la réglementation.

M. Lessard: Ce n'est pas une question. Ils négocient, c'est avant.

M. Toupin: D'accord, on va négocier. Si on ne s'entend pas, on viend ra. Si on s'entend, on la déposera.

M. Lessard: Après, il y a une importance. L'article 2 m'apparaît très important. A l'article 2, on ne vote que des principes actuellement. On peut être d'accord sur le principe du projet de loi. Si la réglementation est telle que cela ne corresponde pas au principe!

M. Toupin: Ecoutez, il faut quand même être conséquent avec nous-mêmes. Vous êtes en train d'accuser le gouvernement de voter des lois pour la forme.

M. Lessard: M. le Président, on a des règlements actuellement qui ont été faits, concernant le projet de loi 34, je pense. L'ex-député de Yamaska, il était ici dans le temps...

Une Voix: Nicolet, dans ce temps.

M. Lessard: De Nicolet-Yamaska, on en a des projets de loi où la réglementation est faite de telle façon que cela ne corresponde plus à rien. On va adopter un beau principe, mais, dans l'application, cela ne correspond plus au beau principe. C'est

pour cela que je vous dis que c'est important que la réglementation soit là.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Alors, j'invite l'Union des producteurs agricoles à présenter son mémoire concernant la réglementation des postes d'abattage au Québec.

M. Couture: M. le Président, si vous permettez, c'est que je ne voudrais pas laisser la commission avec l'impression que, de notre côté, on n'a rien fait. Présentement, il y a un pendant à cela. On met en place des organisations de producteurs qui sont des plans conjoints, qui sont nécessaires pour l'efficacité de la loi. Donc, de notre côté, pratiquement, on amis des choses en place. Je pense que c'est important. Pour ce qui est de l'autre mémoire, je demanderais à M. Kirouac d'en faire la lecture, il est très court.

M. Kirouac (Jean-Marc): Mémoire de l'Union des producteurs agricoles concernant la réglementation des postes d'abattage au Québec, Montréal, 27 février 1975.

Nous remercions le gouvernement de nous donner l'occasion de présenter notre point de vue sur un secteur de la transformation des produits alimentaires. L'agriculture fait partie du système agro-alimentaire et il ne faut pas l'oublier. Il faut donc que les gouvernements pensent leurs réglementations en fonction d'un seul objectif : Nourrir la population. A l'intérieur de ce vaste objectif, le gouvernement doit protéger l'intérêt de chacun des groupes qui contribuent à rendre les produits agricoles sur la table de la ménagère. C'est dans cette perspective que nous désirons présenter ce mémoire. Le ministère de l'Agriculture voudrait, en présentant une réglementation sur les abattoirs, que le secteur de la transformation de la viande soit mieux contrôlé et plus conforme aux normes de salubrité demandées par les citoyens.

Cependant, toute cette réglementation doit respecter certains principes dont les plus importants sont de maintenir une saine concurrence et maintenir des usines là où il y a des producteurs désireux de poursuivre leur production. L'UPA est consciente du fait qu'un certain nombre d'abattoirs sont superflus, non rentables et difficiles à inspecter. Mais il ne faudrait pas aller dans un autre extrême et faire des règlements tels que la grande majorité des abattoirs devraient fermer leur porte et que l'on se retrouve avec un secteur oligopolistique dans la transformation de la viande.

Il faut absolument conserver le principe des abattoirs régionaux. Le développement de ce type d'abattoir relié à la prod uction et à la consommation locale a permis une saine concurrence au niveau de l'achat du boeuf chez les agriculteurs. Ces mêmes abattoirs sont en mesure d'acheter la production locale au lieu de faire jouer la concurrence entre les Etats-Unis et le Canada comme le font les grandes salaisons, q uand on sait que ce type de concurrence est basé en grande partie sur une politique de "dumping". Le gouvernement, avant d'appliquer la réglementation, devrait entreprendre une étude sur la dimension optimum d'un abattoir, aussi bien dans le boeuf que dans le porc, étudier les possibilités de regroupement des petits abattoirs locaux en des ensembles de plus grande importance et aider, lorsque cela sera possible, le regroupement des abattoirs locaux en apportant l'aide technique nécessaire.

La politique de régionalisation devra tenir compte du fait que les coûts de transport augmentent sans cesse. Il pourrait arriver un jour où la disparition d'un abattoir entraîne l'abandon d'une ou de plusieurs productions animales dans certaines régions. Si, pour un abattoir centralisé, il devient trop onéreux de transporter du boeuf sur une longue distance, les producteurs ne pourraient plus continuer à produire dans les régions éloignées des grands centres, alors que la consommation, elle, se poursuivra. Si le prix du pétrole continue à augmenter, il faudra que les régions s'autosuffisent. Dans un tel cas, les abattoirs que l'on ferait disparaître à l'aide d'une réglementation trop sévère, devraient être remis sur pied avec un coût beaucoup plus élevé, tout en nécessitant un redémarrage de l'agriculture locale avec les coûts sociaux inhérents.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre de l'Agriculture.

M. Toupin: Je vais poser la question directement. J'aimerais savoir si vous êtes pour ou contre l'inspection des viandes obligatoire.

M. Couture: Je pense, M. le ministre, qu'on est pour qu'il y ait des règlements de salubrité et que cela s'applique, je pense qu'il va de soi.

Ce qu'on veut éviter, c'est que l'abattage tombe dans des mains trop restreintes, pourcréerun genre de monopole. On laisse une possibilité aux gens d'avoir des services assez à proximité de leur production, et on voudrait éviter que des régions, souvent à cause de grandes concentrations, n'aient plus de services. Il y a aussi une chose qui n'est pas dans le mémoire, mais qu'on a dans notre mentalité et qu'on voudrait essayer soit dans la loi ou soit dans les règlements. On a aujourd'hui des producteurs qui se spécialisent dans l'élevage du boeuf présentement, et qui ont développé un marché pour le congélateur, etc., pour avoir la possibilité, avec des exigences acceptables, de vendre leurs propres produits et éliminer souvent des intermédiaires, pour permettre à ces organisations une production de boeuf, par exemple, adaptée chez nous, au Québec, à ce marché de semi-détail qui puisse permettre une organisation viable. Je pense que c'est l'essentiel de notre point de vue.

M. Toupin: Mais vous êtes d'accord, par exemple, sur l'idée qu'il y ait un minimum de normes pour ces produits, évidemment, sauf peut-être celui qui sera mis en marché directement par un producteur. Personnellement — je ne sais pas ce que vous en pensez — je crois que lorsqu'un consommateur se met en contact directement avec un producteur agricole, le consommateur prend le risque, bien sûr, et le producteur prend la responsabilité. Alors, il s'agit pour lui...

M. Couture: D'accord!

M. Toupin: ...de déterminer...

M. Couture: C'est un peu comme la vente du détail, à un certain moment, de la ferme directement aux producteurs, on a des normes un peu spéciales. Je pense que c'est cela qu'on veut dire, que l'acheteur vient chez nous et dit: Tu abats tel animal pour moi, même si je suis équipé normalement, et à certaines conditions, pas n'importe comment, pasdans une grange et de telles choses, mais avec un équipement...

M. Toupin: Le minimum...

M. Couture: ...sanitaire qui a du bon sens.

M. Lessard: M. le Président...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Saguenay.

M. Lessard: ...voici un cas qui illustre très bien, je pense, ce que je disais tout à l'heure. L'UPA, l'Union des producteurs agricoles, profite de cette commission parlementaire pour venir nous parler de la réglementation du projet de loi 31 qui avait été adopté le 10 juillet 1974. Or, c'est justement lors de la discussion de ce projet de loi que nous avions insisté — c'est cela, Loi sur les produits agricoles et les aliments — c'est justement lors de la discussion sur ce projet de loi que nous dvions insisté sur la nécessité de connaître la réglementation, c'est-à-dire les conséquences économiq ues et sociales que cela peut comporter pour les gens qui vont être directement impliqués. Et quand on ne connaît pas... Oui, on n'est d'accord sur l'inspection, et nous avions été d'accord sur le projet de loi 31, avec des réserves cependant, comme le whip en chef du Parti libéral, et même que... Oui, le député de...

M. Pelletier: Kamouraska.

M. Lessard: ...Kamouraska avait lui-même protesté contre le fait qu'il ne connaissait pas les implications du projet. Il avait même soulevé la question disant: Est-ce que ce projet de loi ne ferait pas disparaître de petits abattoirs au niveau des régions? Je me rappelle très bien qu'à un certain moment, le député est intervenu sur ce point. Cela illustre très bien ma prétention et je pense que je suis assuré, d'après les renseignements que j'ai, que toute l'Opposition est d'accord sur cela. Si M. Bellemare était ici, il dirait la même chose, et si le député de Beauce-Sud était ici, il affirmerait exactement la même chose. Et même si le whip en chef du Parti libéral y était, il affirmerait exactement la même chose. Avant de donner un coup de hache, il faut savoir, à un certain moment, sur quelle personne on va frapper.

M. Toupin: Je dirais que c'est peut-être des poings, mais pas des haches.

M. Lessard: Si, à un certain moment, M. le Pré- sident, on avait permis, comme nous l'avions demandé, à l'Union des producteurs agricoles de se faire entendre, l'UPA aurait fait des remarques concernant cette réglementation.

M. Toupin: Mais...

M. Lessard: Non, je comprends.

M. Toupin: ...M. le Président, je n'accepterai pas cela. Le député de Saguenay peut dire beaucoup de choses là-dessus. Il y a eu une loi-cadre qui a été votée. A l'Assemblée nationale, on s'est entendu que la réglementation ne serait pas adoptée avant d'avoir été discutée en commission parlementaire.

M. Lessard: Après de nombreuses discussions.

M. Toupin: Peu importe le nombre de discussions qu'on a eues. Je vous ai dit que cela a été accepté, ce principe, qu'on a respecté notre engagement, nous.

On vous a envoyé les règlements déjà depuis longtemps, pour que vous puissiez les analyser à tête reposée, non pas à l'Assemblée nationale, mais dans vos bureaux, puis nous dire: Bien, si vous appliquez telle réglementation, ça va faire mal. C'est ça qu'on voudrait entendre cet après-midi, pas une théorie sur le pouvoir de réglementation.

M. Lessard: Cet après-midi, l'UPA profite de la circonstance pour déposer un mémoire, invitée probablement par le ministre, d'accord, mais pour déposer un mémoire concernant la réglementation qui touche le projet de loi no 31.

M. Toupin: Oui.

M. Lessard: Je pense, M. le Président, tel que nous l'avions demandé lorsque nous avions discuté du principe de ce projet de loi, si notre mémoire est bonne, que cette réglementation devrait faire l'objet d'une commission parlementaire avec auditions.

M. Toupin: Elle en fait l'objet actuellement.

M. Lessard: Oui, on verra, mais est-ce avec les auditions ou encore est-ce seulement avec les parlementaires?

M. Toupin: C'est quoi, si ce ne sont pas des auditions? Les gens viennent se faire entendre. C'est quoi, si ce ne sont pas des auditions?

M. Lessard: Comment se fait-il, à ce moment-là, que, sur la loi de stabilisation des revenus agricoles, on discute à la fois de la réglementation de l'élevage et de la réglementation sur les produits agricoles, puis à la fois d'une loi des revenus de stabilisation des revenus?

M. Toupin: La convocation que vous avez eue était pour ça. Si vous avez lu votre convocation, c'est ça que ça voulait dire.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Lessard: Je regrette, quant à moi, je n'avais pasdutout l'idéeque nousdiscutionsde l'ensemble de cette réglementation et je trouve qu'on mêle pas mal les cartes.

M. Toupin: On ne mêle pas les cartes, c'est une convocation de commission parlementaire qui est très nette.

M. Pelletier: M. le Président, pour intervenir un peu sur la discussion du député de Saguenay...

M. Lessard: Sur un avant-projet de loi. D'accord, peut-être que la deuxième partie était...

M. Pelletier: ...suite au projet de loi 31, le ministre nous avait consultés par la suite sur la réglementation. On a peut-être discuté, disons qu'on adonné notre point de vue là-dessus, on voulait être consulté, mais je pense que le ministre nous a consultés...

M. Lessard: ...les députés libéraux.

M. Pelletier: Dans l'ensemble, on a été consulté.

M. Toupin: II y a un comité de députés qui existe chez nous.

M. Lessard: Suite à l'intervention du député des Iles-de-la-Madeleine.

M. Pelletier: J'ai l'impression, M. le Président, que le ministre ne me consulte pas pour me retrouver dans la même veine d'idée...

M. Toupin: Je suis convaincu que les bonnes idées ne sont pas toujours dans la tête du député de Saguenay.

M. Lessard: Cela, j'en suis convaincu.

M. Pelletier: ...de ce côté-là avant d'adopter une réglementation.

M. Toupin: Pas plus que dans la mienne.

M. Lessard: C'est ça que je vous dis. Vous avez précédé ma conclusion.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Lotbinière.

M. Massicotte: M. le Président, comme on vient d'avoir une bonne démonstration comment on perd notre temps en Chambre, j'aimerais poser des questions à ceux qui nous présentent des mémoires. Hier, justement, on a eu une représentation. On nous a dit, par exemple qu'il y avait 27 établissements qui étaient inspectés par le Canada, qu'il y en avait d'autres inspectés par le Québec, puis une grosse majorité d'abattoirs de petits bouchers de nos régions.

J'aimerais avoir vos remarques là-dessus, ce que vous pensez jusqu'ici de la salubrité, des services que vous en obtenez et différents commentaires que vous jugerez à propos.

M. Couture: Votre question est sur ce qu'on pense des petits bouchers. Je pense que les petits bouchers au point de vue de la salubrité, chez les petits bouchers, je ne pense pas qu'il se soit passé beaucoup de... Le petit boucher est très près de sa clientèle et dans nos petits abattoirs de campagne, le gars se protège, parce qu'il n'acceptera pas d'abattre un animal malade. J'ai même vu de petits bouchers ne pas abattre un animal avec une patte cassée, parce qu'ils sont proches de leur clientèle. De là à dire, par exemple, qu'il n'y aurait pas d'avantages à trouver un moyen pour voir si, en dehors de leur contrôle, en dehors de leurs connaissances, il n'y aurait pas des animaux à un moment donné qui auraient des... Moi, je pense qu'on est capable de remédier à cela. Pour nous, ceci a été établi jusqu'à maintenant, c'est clair aujourd'hui, économiquement, sur le volume nécessaire pour que ça devienne rentable, qu'on peut se poser des questions, comme sur la rentabilité de l'entreprise, sur la façon de faire l'inspection à l'intérieur de cela.

Si vous me demandez mon jugement sur ce que les petits bouchers ont été dans nos campagnes, j'ai l'impression il n'y a pas plus respectueux que ces gens, parce qu'ils sont proches de leur clientèle et avec leur clientèle, ils ne prendront pas de risque. Ce qui se passe dans un petit abattoir d'une paroisse, tout le monde le sait. S'il y entre un animal malade, je pense que... Pour les animaux impropres à la consommation, ils viennent bien plus de gens qui font comme les gens engagées dans du "bootlegging", qui sont des contrebandiers. On en a là-dedans qui vont se spécialiser dans les animaux malades. Ils vont les abattre sans aucune condition, ils ne les abattent pas, souvent, ils sont morts, c'est cela qui est grave, moi, je trouve cela très grave. Mais comment arriver à appliquer une réglementation à ces gens? Pour eux, ce n'est pas facile, parce que ce sont eux qui sont toujours en marge.

Mais je pense, en règle générale, que le jugement que j'ai à porter honnêtement, sur les petits bouchers, dans nos paroisses, c'est que je n'ai aucune critique à faire, là-dessus. Ils ont rendu aussi un service parce que souvent, l'agriculteur, au lieu d'abattre chez lui un animal, il fait abattre chez son petit boucher, il rend un service dans le milieu.

Ce qui m'inquiète le plus, c'est pour cela qu'il faudrait conserver un minimum... dans les régions plus éloignées, périphériques, le problème que cela peut poser... Je regarde dans certaines régions, pour ne pas les nommer, les régions périphériques, ce n'est pas la faute de personne, où il y a un potentiel limité, comment on peut desservir ces régions avec une réglementation qui va être très difficile, très onéreuse d'application par les investissements. S'il y a un moyen de conserver un minimum de ces organismes, avec une inspection adaptée à la réalité, je pense que cela rend service.

M. Massicotte: M. le Président, j'aurais une question additionnelle. En vous basant, par exemple, sur certaines études que vous avez dû faire, est-ce que les abattoirs qui sont inspectés, soit par le Québec ou le Canada, suffiraient à répondre à la demande d'abattage, si jamais il y avait quelque chose qui se faisait dans ce sens?

M. Couture: Oui, les abattoirs inspectés présentement, "Canada approved" ou "Quebec approved", souvent sont concentrés dans des régions, mais le service est assez loin. Si je suis un cultivateur et que j'élève des animaux laitiers, je veux me faire abattre un animal, il faut que j'aille à 50 milles pour avoir le service, cela va causer des problèmes. S'il y a une trop grande concentration, mais si la réglementation est appliquée avec bon sens, avec discernement, il doit avoir moyen de... Parce qu'on ne peut pas être contre des choses qui protègent la santé des gens et certaines exigences de salubrité, je pense que c'est normal. Mais comment arriver à avoir le juste milieu, là-dedans? Ce n'est peut-être pas si facile.

M. Massicotte: J'aurais peut-être une question additionnelle, la dernière, M. le Président. Actuellement, on a, naturellement, un réseau de vétérinaires qui donnent des services à nos fermiers, est-ce que vous croyez que ce réseau pourrait être habilité à faire l'inspection générale des viandes chez des fermiers, par exemple, dans des cas particuliers, ou dans certaines boucheries locales qui devraient quand même exister, selon votre point de vue?

M. Couture: Je pense que si la disponibilité de ces gens, dans les bureaux d'agronomes, il y a un vétérinaire dans chaque bureau, la disponibilité, je ne suis pas en mesure de la connaître, mais peut certainement jouer un rôle, parce que dans une région il n'y a pas tellement d'institutions quand même avec une cédule d'abattage qui serait appropriée. Il y aurait certainement des possibilités.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Nicolet-Yamaska.

M. Faucher: M. Couture, est-ce que vous obtenez un meilleur prix pour vos bêtes chez les bouchers locaux que chez les grandes entreprises?

M. Couture: Ce qui nous inquiète, nous, cela peut être juste une inquiétude, mais je vous la donne comme je la vois, c'est qu'aujourd'hui, il y a beaucoup d'animaux qui passent par les encans publics. Si vous avez cinq, six, huit, ou dix acheteurs, l'offre et la demande jouent davantage. Mais si vous avez une concentration d'abattoirs et que vous débouchez avec cinq ou six abattoirs, c'est facile, à ce moment, de se grouper les cinq ou six acheteurs puis mettre un acheteur. Donc, la concurrence ne joue plus. C'est une de nos grandes inquiétudes, parce que s'il y a une concentration assez grande et qu'il se crée des liens entre eux, au lieu de mettre chacun un acheteur pour acheter aux encans publics, ils en mettront un pour les cinq ou six. Là, il n'y a plus d'offre et de demande, ils paient le prix qu'ils veulent. C'est l'inquiétude qu'on a. On peut peut-être compenser sur une période par un mode de mise en marché qui sera différent, mais je pense que, présentement, avec ce qui existe, c'est notre inquiétude.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Saguenay.

M. Lessard: M. Couture, puisque nous avions été convoqués pour étudier la réglementation concernant les viandes, en même temps, quant à moi, j'avais vu plutôt l'étude de l'avant-projet du projet de loi, j'estime donc que vous avez pris connaissance des règlements? Vous avez étudié les règlements?

M. Couture: Je vais être honnête avec vous, vous avez vu l'épaisseur? Si je vous disais qu'on les a étudiés un par un, ce ne serait pas vrai. Je ne suis pas ici pour vous conter des peurs.

On ne les a pas tous scrutés un par un, mais on vous donne nos inquiétudes là-dessus. On ne peut pas être contre une réglementation dans les aliments. En principe on est d'accord, mais on essaie de sensibiliser la commission sur nos inquiétudes. Je pense que c'est dans ce...

M. Lessard: Dans votre mémoire, vousénoncez un certain nombre de principes. Vous dites que vous soulevez des inquiétudes, mais je voudrais aussi savoir si ces inquiétudes sont réelles, en relation avec les règlements qui nous sont soumis par le ministre. Vous dites: Cependant, toute cette réglementation doit respecter certains principes dont les plus importants sont de maintenir une saine concurrence et maintenir des usines là où il y a des producteurs désireux de poursuivre leur production. A votre connaissance, selon l'étude que vous avez faite des règlements, ces deux principes sont-ils respectés?

M. Couture: Cela dépend comment on appliquera la réglementation. Je pense que c'est là qu'est la réponse. On ne voudrait pas que des régions comme l'Abitibi, la Gaspésie et le reste, tombent sans service, des services assez proches. Dans des régions assez fermées, comme le Saguenay-Lac-Saint-Jean, ce n'est pas inquiétant, il y a des organisations qui sont valables, mais tout de même garder le minimum de services au niveau des producteurs. Parce qu'autrement, par exemple en Gaspésie, pour la consommation locale, on serait obligé de faire abattre des animaux à Rimouski ou ailleurs et les retourner. C'est cela que nous demandons de regarder dans la réglementation, voir comment on peut répondre à ces besoins, parce que cela créera une situation qui va être difficile pour les agriculteurs. L'autre question, comme je vous le disais tout à l'heure, c'est: Comment fait-on jouer l'offre et la demande là-dedans? Parce qu'il peut y avoir une concentration d'acheteurs.

M. Lessard: A la page 2 de votre mémoire, vous

affirmez, à la suite de vos commentaires, qu'il vous est impossible actuellement — vous n'avez pas fait une étude exhaustive des règlement — de nous confirmer combien d'abattoirs, tel que vous le dites, les abattoirs superflus, non rentables, difficiles à inspecter, vont disparaître à la suite de l'application de cette réglementation.

M. Couture : Cela dépend de la manière qu'on va appliquer les règlements, qu'on va appliquer les normes.

M. Lessard: Mais la manière de l'appliquer... C'est le règlement qui va être appliqué.

M. Couture: Mais cela dépend comment tu l'appliques, pour tenir compte de certaines conditions. Peut-être que les exigences ne seront pas les mêmes, au point de vue du volume, à Gaspé, qu'elles le seront ici à Québec.

M. Lessard: Est-ce que, dans les règlements, les exigences sont les mêmes?

M. Couture: Si on appliquait les règlements...

M. Lessard: Est-ce qu'on détermine des secteurs d'activités?

M. Couture: C'est un peu comme tous les règlements. Si on les appliquait sans discernement, cela créerait des problèmes.

M. Lessard: Est-ce qu'on tient compte, dans la réglementation, d'un certain nombre de secteurs? Vous dites: Dans des régions comme le Saguenay-Lac-Saint-Jean, il faudra tenir compte de la grandeur ou de l'importance de l'abattoir par rapport à des régions dont la grandeur peut être différente, par rapport à des régions comme celle de Montréal. Est-ce que la réglementation fait une différence?

M. Couture: Dans la réglementation qui s'applique, si on l'applique judicieusement, telle qu'elle est, sans discernement, je pense qu'elle peut causer des problèmes. Mais si on l'applique, elle peut obliger à fermer plusieurs abattoirs. Je pense qu'il faudrait tenir compte de ces contingences.

M. Lessard: II reste que l'application d'un règlement...

M. Couture: Ou donner aussi... Une chose importante...

M. Lessard:... ne peut pas avoir deux mesures ou trois mesures.

M. Couture: Une chose qui est importante, c'est aussi donner assez de temps pour s'ajuster à cela. Si tu dis que tu appliques cela demain matin, là, tu crées un problème. Mais donner assez de temps pour s'ajuster à la réglementation, permettre à deux ou trois abattoirs de faire un "pool", se mettre ensemble et s'équiper adéquatement. Mais il y a une transition qui doit être faite avec assez de discernement parce qu'elle va créer des problèmes.

M. Lessard: A la page 2, vous affirmez: Le gouvernement, avant d'appliquer la réglementation, devrait entreprendre une étude sur la dimension optimale d'un abattoir aussi bien dans le boeuf que dans le porc, étudier les possibilités de regroupement des petits abattoirs locaux en des ensembles de plus grande importance et aider, lorsque cela sera possible, le regroupement des abattoirs locaux en apportant l'aide technique nécessaire.

Je me retourne vers le ministre. D'abord, la première question que soulève l'Union des producteurs agricoles: Est-ce que vous avez fait une étude concernant la dimension optimale d'un abattoir et est-ce que, dans cette dimension ou dans cette étude, vous tenez compte de différentes régions du Québec?

M. Toupin: M. le Président, non seulement on a fait une étude, mais, si vous lisez les règlements, vous allez y trouver exactement tout ce que ça prend pour faire un abattoir.

M. Lessard: Est-ce que la réglementation est unique pour l'ensemble du Québec?

M. Toupin: Toute la province de Québec.

M. Lessard: Donc, on ne peut pas appliquer les règlements de telle façon ou de telle autre?

M. Toupin: Non. Les règlements pour les abattoirs qui auront "Approuvé Québec" devront correspondre aux normes qui sont définies dans ces règlements; tous les abattoirs, à l'exclusion — vous allez trouver dans la section 6 du règlement, page 50, les dérogations — d'un agriculteur qui veut abattre pour vendre n'a pas besoin de permis. Cela veut dire qu'il n'est pas soumis à l'inspection. Tout abattoir, à l'avenir, dont les normes de construction répondront à ce que vous retrouverez dans les règlements, devra obtenir un permis et une fois que le permis sera obtenu, il devra accepter l'inspection obligatoire, avant et après l'abattage. Sauf à l'article 6.2.2.

M. Lessard: Est-ce qu'avant... D'abord, je reviens à ma première question, vous avez établi un certain nombre de critères...

M. Toupin: C'est ça.

M. Lessard: ... et à partir de ces critères, vous avez établi la dimension optimale d'un abattoir à la dimension minimale d'un abattoir.

M. Toupin: C'est relatif. Il y a des chambres où on a déterminé les espaces, mais il y a d'autres planchers où on n'a pas déterminé les espaces. Le gars peut bien avoir 25 pieds de plancher pour entreposer ses viances, une fois abattues, mais, si le règlement exige un minimum de dix pieds, il devra avoir un minimum de dix pieds. Si on exige telle autre chose, etc.

M. Lessard: Vous avez un minimum. Suite à cette réglementation, est-ce que vous pourriez me dire combien d'abattoirs seront soumis à cette réglementation?

M. Toupin: Tous ceux qui vont demander d'être approuvés, qui vont demander un permis.

M. Lessard: Actuellement, on dit, je pense, que c'est au tour de 400 à 450 abattoirs...

M. Toupin: II y en a 379 qui restent actuellement. Il y en avait 437, mais là, il y en a 379.

M. Lessard: Actuellement, vous avez reçu des demandes pour 379?

M. Toupin: On n'a pas reçu de demandes parce que le règlement n'est pas encore appliqué.

M. Lessard: Vous prévoyez en avoir 379. Suite à l'application de cette réglementation, est-ce que le ministère a étudié les conséquences, par exemple, économiques que ça peut comporter et puisque vous avez vous-même affirmé, comme l'a fait l'UPA, qu'il y a certain nombre d'abattoirs qui ne correspondent pas aus besoins des régions ou de la population, parce qu'on parle d'un monopole...

M. Toupin: Un "olistigopole". M. Couture: Oligopolistique. M. Toupin: Oligopolistique.

M. Couture: Oligopolistique, c'est moi qui ai trouvé ça.

M. Lessard: En fait, un oligopole. M. Toupin: C'est plus subtil que ça.

M. Lessard: C'est encore pire, un monooligopole.

M.Ostiguy: II ne faudrait pas s'embarquer dans un système oliprigus, non plus.

M. Lessard: En vue de ne pas le répéter, de ne pas constituer un tel système, est-ce que le ministre a étudié les conséquences que ça peut comporter, l'application de cette réglementation, sur le nombre d'abattoirs qui devront disparaître, combien d'abattoirs devraient continuer d'exister à travers le Québec et aussi, est-ce qu'en tenant compte de cette réglementation, les régions, comme le demande l'Union des Producteurs agricoles, auront l'assurance, en particulier des régions comme le Lac Saint-Jean ou des régions comme la Gaspésie, de conserver un abattoir régional?

M. Toupin: Evidemment, encore là, on est dans un secteur économique. Je suis bien prêt à parler de régionalisation, à parler de mettre le plus de services le pi us proche possible des gens, mais il faut q ue quelqu'un en paie la note. Un abattoir, d'abord, doit être au moins rentable. Le gouvernement va aider au regroupement des abattoirs; je ne vous dirai pas quel budget on va mettre là-dedans, on aura l'occasion d'en discuter bientôt, lors de l'étude des crédits budgétaires des ministères et vous verrez comment on entend procéder. Il y a une programmation de regroupement qui se prépare, premièrement; deuxièmement, il y a une programmation de régionalisation qui se prépare, des programmes de régionalisation qui se prépare.

On a commencé d'ailleurs la régionalisation, on regarde en Abitibi ce qu'on va faire avec un centre d'abattage, inclus dans le cadre d'un agrocentre. On va faire cela pour toutes les régions du Québec, mais on est certain que sur les 337 abattoirs, il yen a au moins 150 qui seront appelés à disparaître, 100 ou 150, cela, c'est évident.

Il ne faut pas là-dessus faire de trop gros débats, parce que, en moyenne, ces gens-là abattent six têtes et demie par semaine.

M. Lessard: Les 150 dont vous parlez?

M. Toupin: Oui, les 367, à l'exclusion, bien sûr de ceux qui sont "Approuvé Québec " et "Approuvé Canada", eux, abattent en moyenne six têtes et demie par semaine. Il est certain qu'il n'y a pas de rentabilité dans cela. C'est donc un revenu complémentaire. C'est le gars qui fait autre chose que cela, de façon générale. Il y en a qui font peut-être seulement cela, en faisant d'autres commerces d'animaux, les acheter et les revendre, mais pour ceux qui abattent et qui mettent en marché, tu vas retrouver cela en moyenne, six. Tu vas en retrouver trente, quarante ou cinquante, mais tu vas en trouver deux ou trois aussi, par semaine.

M. Fraser: Ces abattoirs rendent service à des centaines de cultivateurs qui envoient des animaux là pour les tuer...

M. Toupin: C'est cela. C'est exact. Ces abattoirs répondent actuellement à des besoins. Ils répondent essentiellement à des besoins, il n'y a pas de doute possible là-dessus.

M. Fraser: S'ils n'avaient pas été là...

M. Toupin: S'ils ne répondaient pas à des besoins, ils ne seraient pas restés là. Mais la réglementation, telle qu'elle est, prévoit une dérogation. On dit qu'un producteur agricole pourra abattre ses viandes, s'il le veut et les vendre, s'il le veut, c'est-à-dire un gars qui produit des viandes pourra avoir son abattoir à lui.

M. Fraser:... le gars à dix ou vingt milles de chez nous, il envoie le boeuf là, ils l'abattent et ramènent le boeuf chez nous. C'est facile.

M. Toupin: Oui, on prévoit cette dérogation. Dans notre réglementation, on prévoit aussi ce que vous venez de dire. C'est qu'il n'est pas impossible pour le gouvernement de penser à des politiques

d'aide au transport. Ce n'est pas impossible pour le gouvernement de dire: Si un abattoir, dans tel coin, n'est pas rentable en soi, puisque nous voulons inspecter les viandes, pourquoi pas subventionner les producteurs qui distribuent là leur viande, leurs animaux?

Au fond, c'est dans ce contexte que la réglementation a été préparée.

M. Lessard: Donc, on peut avoir l'assurance qu'au moins, il va y avoir des abattoirs régionaux et si ce n'était pas le cas, le ministre devra analyser la possibilité de subventionner, à un moment donné, le transport?

M. Toupin: Comme on le fait pour l'Abitibi, le Saguenay-Lac-Saint-Jean et le Bas Saint-Laurent. Pour le Saguenay, le fait-on? Oui, on le fait pour le Saguenay aussi. On paie le transport des animaux de l'Abitibi à Montréal pour les grands abattoirs.

M. Lessard: L'application de cette réglementation, de quelle façon va-t-elle se faire? Quand cela va-t-il se faire et est-ce que vous allez le faire lors d'une journée déterminée pour l'ensemble des régions du Québec?

M. Toupin: Non, il y a toujours les délais qui sont là-dedans. D'abord, il faudra que chacun des abattoirs demande un permis. C'est bien sûr qu'avant que chacun d'entre eux ait demandé un permis, il y a une étude du dossier qui va se faire, etc. Ce qui est important pour le moment, pour nous, c'est qu'il y a un certain nombre d'abattoirs de taille moyenne ou semi-moyenne qui abattent beaucoup plus que six têtes par semaine, mais qui ne sont pas ni "Approuvé Québec" ni "Approuvé Canada"; pour nous, ce qui est important, c'est de régulariser la situation avec ceux-là dans le plus bref délai. Il y en a peut-être une trentaine ou une quarantaine au Québec; c'est de régulariser la situation avec eux. S'il faut investir quelques milliers de dollars de plus pour correspondre aux normes et accepter l'inspection, nous faire connaître les jours d'abattage et être capables d'être présents au moment où l'abattage se fait, tout cela pour protéger le consommateur vis-à-vis des 25% de viande abattue au Québec qui n'est pas inspectée.

Si on parvenait à atteindre ces 30 ou 40 dès le départ, j'ai l'impression qu'on réglerait le problème à 90%. Il resterait peut-être 6% ou 7% des viandes qui sont abattues dans de petits abattoirs qui, très souvent, appartiennent à des groupes de producteurs.

M. Lessard: Quel délai prévoyez-vous, pour l'application de cette réglementation?

M. Toupin: Une réglementation, nos objectifs, c'est toujours de l'appliquer dans le plus bref délai possible. Nos programmes de regroupement...

M. Lessard: Vous avez étudié...

M. Toupin: Notre politique de regroupement est prête.

M. Lessard: Votre politique de regroupement est prête.

M. Toupin: C'est cela. Il va rester maintenant la régionalisation, où ce n'est pas tout à fait à point.

M. Lessard: Vous avez votre politique, mais vous n'avez pas commencé à négocier avec les...

M. Toupin: Non. La réglementation n'étant pas appliquée, on ne peut pas négocier. C'est dans ce contexte que se pose la réglementation.

L'ouverture qu'on fait pour un producteur agricole, c'est précisément pour répondre en bonne partie à la question soulevée par M. Couture et aux questions soulevées par le député de Huntingdon et par certains autres députés qui ont aussi fait valoir certains points.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Verchères.

M. Ostiguy: Peut-être une question au ministre. J'ai pris connaissanoe aussi des règlements. Aux sections 6.2.1 et 6.2.2, section 6.2 Prohibitions. Prohibition d'abattage et dérogation à la règle. Dans ma tête, ce n'est pas encore clair, quand on lit les deux articles. La première, 6.2.1 : "Nul ne peut abattre un animal dont la chair est destinée à l'alimentation humaine ailleurs que dans un atelier d'abattage conforme aux normes fixées dans le présent règlement, dont l'exploitant détient un permis en vigueur et se conforme aux normes d'exploitation prescrites par le présent règlement. 6.2.2. Dérogation à la règle. L'agriculteur — c'est là — qui élève des animaux sur sa ferme peut y abattre sans permis un animal sain de son troupeau pour son usage personnel et celui de sa famille ou pour le vendre en carcasse et non découpé, mais seulement à un acheteur qui l'achète et en prend livraison lui-même à la ferme de l'agriculteur pour sa consommation personnelle et celle de sa famille."

Cela veut dire que, si je me mets dans le portrait, je suis le consommateur, je m'en vais chez un cultivateur, j'achète une bête, il peut l'abattre pour moi, mais il n'a pas le droit de la dépecer ou de la découper.

M. Lessard: Vous allez chez le boucher. M. Toupin: C'est assez exceptionnel.

M. Ostiguy: Si je le prends et que je m'en vais chez le boucher, est-ce que je suis obligé de la faire passer à l'estampe?

M. Toupin: C'est-à-dire que le boucher devrait...

M. Ostiguy: Est-ce que le boucher va être inspecté?

M. Lessard: Vous allez être obligé de l'acheter au complet.

M. Toupin: Evidemment, les viandes qui vont

chez le boucher y arrivent inspectées. Si ce n'est pas inspecté...

M. Lessard: Etes-vous capable d'acheter un quartier?

M. Ostiguy: Je m'excuse. Vous nous dites, M. le ministre, que le boucher n'a pas le droit...

M. Toupin: Cela dépend des bouchers, c'est un autre problème que nous avons.

M. Ostiguy: II est là.

M. Toupin: Oui, il est chez lui, mais il va beaucoup plus loin que cela. Je vais prendre un système actuellement, qui se répand de plus en plus. Qu'est-ce qu'on va faire avec les congélateurs dans le temps?

M. Ostiguy: C'est justement.

M. Toupin: C'est tout le problème des congélateurs que vous soulevez. Actuellement, on n'a pas de réglementation sur les congélateurs dans les maisons privées. Je ne sais pas où cela peut nous mener, dans le temps, au niveau de la congélation des viandes dans les maisons privées si on n'a pas tout au moins de normes minimales pour ceux qui vont abattre ces viandes.

Pour le moment, on n'a pas touché le problème, parce que ce n'est pas tellement répandu. Cet article donne la dérogation. Avec les propos que vient de tenir le président de l'UPA et les quelques opinions émises ici — le comité des députés aura l'occasion de revenir là-dessus — je ne vois pas d'inconvénient à regarder cet article, comment on peut y donner un minimum de souplesse. Je ne vois pas d'inconvénient.

M. Fraser: Les animaux seront envoyés au centre d'abattage local pour être tués, et le gars...

M. Toupin: L'idéal, c'est ce que dit le député de Huntingdon. C'est qu'on dit au gars: Achète ta bête et va au centre d'abattage la faire abattre. C'est peut-être cela qui serait l'idéal.

M. Lessard: Ce n'est pas un cadeau, il faut que je promène ma vache.

M. Toupin: Comment donc!

M. Couture: Je pense que ce que vous soulignez est important, M. le ministre, parce que je peux abattre, si je suis un producteur. Si je ne peux pas la dépecer, il n'y a pas un gars qui va venir acheter un quartier de boeuf chez nous pas dépecé, si je ne peux pas la débiter en quartiers.

M. Lessard: On va être obligé de former des plans conjoints entre les acheteurs.

M. Couture: Je pense que c'est important de trouver une réponse à cela.

M. Ostiguy: J'aimerais apporter un exemple qui va nous éclairer. Il existe actuellement de petits bouchers dans nos campagnes qui vont chez un agriculteur et achètent une bête. Ils vont dans un petit abattoir qui ne détient pas actuellement de permis. Bien sûr il devrait en détenir un, mais il n'y a pas de contrôle. Je suis d'accord là-dessus. Ils font abattre leur bétail. Ils amènent la bête à la boucherie. Ils la découpent en morceaux. Vous pouvez acheter la moitié de la bête, je peux en acheter la moitié et on s'en va chez nous avec chacun notre quartier, autrement dit. Qu'est-ce qui arrivera, demain matin, lorsque cette réglementation sera en vigueur? Est-ce que le même petit boucher de campagne peut aller acheter sa bête chez le cultivateur, aller à un abattoir qui détient un permis et la dépecer chez lui quand même?

M. Lessard: Lui, il peut le faire.

M. Ostiguy: L'ex-député de Nicolet dit non.

M. Toupin: Au fond, c'est toute l'idée que le producteur agricole a le droit d'abattre ses viandes pour lui et en vendre pour des clients qui vont chez eux. On a parlé de famille. L'acheteur devra acheter ses viandes seulement pour ses fins familiales. Evidemment, on sait une chose par ailleurs q ue ce n'est pas comme cela dans le concret qu'assurément cela va se passer. Ce n'est pas comme cela. Qui va être capable de déterminer un bon matin la grandeur de la famille de monsieur et le nombre d'animaux que le gars aura à sa ferme? Ce n'est pas une réglementation comme celle-là qui va empêcher Jos d'acheter les vaches de Y. Jos peut bien dire: Les vaches de Y sont à moi maintenant. Tout le problème se situe à ce niveau. On sait que cela représente peu de choses en termes d'abattage. Cela représente peu de choses. Le citoyen maintenant qui va acheter des viandes: On retrouve de plus en plus dans les villages, dans les petites villes des centres de dépeçage de viandes. On retrouve des bouchers qui font cela. Vous allez prendre un quartier de boeuf acheté, vous allez l'apporter là et vous allez le dépecer.

Il y a plusieurs producteurs aussi qui ne prennent pas le temps de dépecer la viande, ils sont des exceptions ceux qui le font. Il y en a quelques-uns qui se spécialisent. S'ils se spécialisent, à ce moment, on verra avec eux ce qu'on pourra faire dans le cadre d'une réglementation possible pour protéger le consommateur. Pour le moment, vis-à-vis de cela, c'est le statu quo. Le producteur peut faire affaires avec un consommateur n'importe quand. C'est le statu quo.

M. Lessard: Si je veux acheter une vache, par exemple, je suis obligé de l'acheter au complet? Je n'ai pas le choix.

M. Toupin: Pas nécessairement.

M. Lessard: Oui, à moins de former un plan conjoint de consommateurs, de prendre quatre consommateurs et. de se regrouper ensemble et acheter la vache ensemble et aller chez le boucher. La question que posait...

M. Toupin: J'espère bien que le gars qui va abattre une vache, cela va être pour la vendre.

M. Lessard: Oui, pour la vendre, mais s'il arrive à un moment donné, que certains agriculteurs...

M. Toupin: Ils ont besoin seulement d'un morceau.

M. Lessard: ... certains producteurs.

M. Toupin:Tu penses que le producteur va abattre sa vache seulement pour un morceau?

M. Lessard: Non. Voici, c'est qu'un producteur abat sa vache à un moment donné. Il est assuré, il prend des commandes avant. Lorsqu'il a ses commandes, il abat sa vache et vient nous porter chez nous notre quartier de viande qu'on a acheté. La réponse à la question que posait tout à l'heure le député de Verchères est non. Le boucher ne peut pas acheter de la viande du producteur, puis ensuite la vendre au consommateur.

M. Toupin: Si je prends votre raisonnement, c'est le suivant...

M. Lessard: Parce que c'est pour sa consommation personnelle exclusivement.

M. Toupin: Oui. Vous voulez acheter des viandes pour votre consommation personnelle. Vous allez voir Paul Couture, de Saint-Prosper, qui fait du bon bovin — en passant — pour en acheter. Vous allez dire à M. Couture: Je veux avoir un morceau de bovin. C'est bien sûr que si M. Couture est intéressé à vendre du bovin, il va s'organiser pour vous en vendre un morceau. Une fois que M. Couture aura décidé de vous vendre un morceau de viande, vous prenez votre morceau de viande et vous le payez à M. Couture. Vous partez avec et vous allez le faire dépecer.

M. Lessard: Mon morceau de vache?

M. Toupin: Ton morceau de vache ou ton morceau de boeuf. Tu t'en vas le faire dépecer ou bien tu le dépèces toi-même.

M. Lessard: II peut me vendre un quartier.

M. Toupin: C'est bien sûr. J'espère que vous n'interpréterez pas cela comme étant un consommateur qui va acheter une vache vivante et qui va la remettre dans sa cour.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Merci, MM. les représentants de l'UPA. MM. les membres de la commission, j'ai une demande... A l'ordre, s'il vous plaît! J'ai une demande de MM. Gérard Legendre et Jacques Bates qui administrent un abattoir "Approuvé Québec" dont ils sont propriétaires. Ils veulent être entendus sur la réglementation des viandes. Est-ce que la commission est consentante?

M. Lessard: Pas de problème quant à moi.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Alors, j'invite immédiatement MM. Legendre et Bates. Le temps qu'on vous alloue, sera d'environ cinq à dix minutes. Voulez-vous vous identifier?

Abattoir G. Legendre & Fils Inc.

M. Legendre (Gérard): Gérard Legendre qui administre l'abattoir G. Legendre et Fils, Inc., à Saint-Apollinaire sur l'étiquette "Approuvé Québec".

M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, au nom des propriétaires des abattoirs "Québec approved", nous appuyons le conseil des salaisons du Canada, à savoir, la dérogation à la règle 622. Nous désirons que le mot qui apparaît, à la toute fin de ce paragraphe, "acheteur" soit éliminé et remplacé par les mots suivants "pour sa propre consommation".

Deuxièmement, nous demandons à M. le ministre de faire des pressions auprès du gouvernement fédéral, au ministère de l'Agriculture, afin que la commercialisation des viandes "Québec approuvé" soit admise dans tous les locaux, dans toute la province de Québec, comme cela se produit pour les viandes "Canada approved".

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. Toupin: D'abord, le premier point que vous soulevez, vous venez exactement de donner la réponse contraire aux discussions qu'on tenait tantôt, c'est-à-dire que les producteurs disent: Nous, on devrait avoir l'opportunité, en temps que producteurs, d'abattre et de vendre directement à un consommateur. Vous autres, vous soutenez, "pour sa consommation personnelle". Donc, vous enlevez la possibilité, pour un producteur agricole, de vendre des viandes à d'autres qu'à sa femme et à ses enfants.

M. Legendre: Pas nécessairement, parce qu'à ce moment, si le producteur passe à l'abattoir pour faire abattre son boeuf, il peut le vendre non seulement à son voisin ou à sa famille, il peut le vendre dans toute la province de Québec.

M. Toupin: L'idée serait la suivante: Dans votre cas, il peut abattre chez lui la viande qu'il consomme chez lui, mais, chaque fois qu'il veut vendre à ses amis ou à quiconque, il irait chez vous, dans un abattoir "Approuvé Québec", vous lui abattriez le bovin, vous pourriez le dépecer, l'empaqueter si nécessaire et vous diriez: Maintenant, va distribuer cela à tes amis et à tes acheteurs éventuels.

M. Legendre: Evidemment, parce qu'à ce moment, le cultivateur serait certain que sa viande a été inspectée et qu'elle est propre à la consommation humaine.

M. Toupin: On a essayé, en tout cas, dans les règlements, de marier les deux. C'est difficile pour

nous, actuellement, d'empêcher un producteur de vendre son produit directement à un consommateur, maison peut, bien sûr, mettre des restrictions. On peut, par exemple, dire: Pour les viandes que vous vendrez à d'autres, faites abattre dans un abattoir régional, quitte à payer le transport ou de telles choses, et vous autres, cela pourrait augmenter vos activités, augmenter vos chiffres d'affaires, et ainsi, rendre plus rentables vos entreprises.

M. Legendre: Oui, du fait qu'on nous oblige d'avoir des abattoirs qui nous coûtent énormément cher pour se conformer à la loi de la salubrité et des aliments qu'on peut mettre sur le marché.

M. Toupin: Quant à votre deuxième point, je ne pense pas, M. Legendre, que la réglementation du gouvernement fédéral n'oblige aucun acheteur à acheter "Canada approved". J'apporte un exemple. Si Steinberg, pour ses succursales de magasins qui sont situées à Québec, ou Jato, si ces gens veulent acheter des viandes "Approuvé Québec", ils n'ont pas besoin de l'approbation du gouvernement fédéral.

M. Legendre: Dans le moment, on nous interdit de vendre de la viande "Québec approuvé" ou "Approuvé Québec", dans les établissements comme les Steinberg, les Dominion et autres.

M. Toupin: Oui, mais ce sont les magasins qui vous interdisent, c'est-à-dire que ce sont les magasins qui ne veulent pas en acheter.

M. Lessard: Ce n'est pas la loi.

M. Toupin: Les règlements ne vous interdisent pas cela.

M. Legendre: Je ne suis pas prêt à dire qu'ils nous l'interdisent. Je ne peux pas avoir les renseignements. A ce moment, il faudrait que je me documente davantage.

M. Lessard: Ce doit être les grandes compagnies...

M. Toupin: C'est cela.

M. Lessard:... d'alimentation comme Steinberg qui refusent, comme telles, de s'alimenter aux abat- toirs qui sont "Québec approved", et s'alimentent plutôt aux abattoirs "Canada approved ".

M. Legendre: C'est à peu près, oui...

M. Lessard: Mais le jour où Steinberg, par exemple, les grandes compagnies d'alimentation vont avoir l'assurance que, étant donné la surveillance de la viande, cette viande est bonne et salubre, etc., je ne vois pas pourquoi elles refuseraient "Québec approved". Pour le moment, on n'approuve pas "Québec approved".

M. Legendre: Je crois qu'à ce moment, cela déboucherait un nouveau marché, justement, pour la viande abattue dans les alentours de la ville de Québec, par exemple.

M. Toupin: Là-dessus, je pense que... On en a discuté hier d'ailleurs, avec le Conseil des salaisons. On est déjà, nous, du ministère, intervenu au sujet de certains problèmes. On est intervenu, par exemple, dans le secteur des oeufs, dans le secteur du poulet, dans le secteur des pommes, des produits horticoles, pour inciter les acheteurs du Québec à acheter les produits du Québec venant d'entreprises, propriétés des Québécois.

On a réussi dans bien des secteurs, bien sûr, mais, dans certains autres secteurs, notre action n'a pasété aussi dynamique, parce que là on n'avait pas tous les éléments en main. Avec une réglementation comme celle-là, je pense qu'on va être beaucoup plus en mesure de démontrer que le produit "Approuvé Québec" est aussi bon que le produit "Approuvé Canada".

M. Legendre: Je remercie l'assemblée, ainsi que M. le président, les députés, monsieur le ministre et tous les membres des Abattoirs "Approuvé Québec" de m'avoir permis de m'expliquer.

M. Toupin: Cela nous afait plaisir, monsieur, de vous entendre.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Merci, monsieur. Je remercie les membres de la commission parlementaire de leur belle coopération. La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 21)

Document(s) associé(s) à la séance