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Commission permanente de l'agriculture
Avant-projet de loi sur
l'assurance-stabilisation
des revenus agricoles et règlement sur les
viandes
Séance du jeudi 27 février 1975
(Dix heures treize minutes)
M. Houde, Limoilou (président de la commission permanente de
l'agriculture et de la colonisation): A l'ordre, messieurs!
Les organismes convoqués ce matin sont les suivants: Association
professionnelle des meuniers du Québec et l'Union des producteurs
agricoles. Les membres de la commission seront les suivants: M. Bellemare
(Johnson), M. Burns (Maisonneuve), M. Lachance (Mille-Iles) remplace M.
Carpentier (Laviolette); M. Denis (Berthier), M. Pelletier
(Kamouraska-Témiscouata) remplace M. Dionne (Mégantic-Compton);
M. Faucher (Nicolet-Yamaska), M. Fraser (Huntingdon), M. Giasson
(Montmagny-L'Islet), M. Lessard (Saguenay), M. Massicotte (Lotbinière),
M. Ostiguy (Verchères), M. Roy (Beauce-Sud), M. Toupin (Champlain), M.
Tremblay (Iberville).
Tel que convenu hier, le député de Saguenay fera son
exposé.
Exposé de M. Lucien Lessard
M. Lessard: M. le Président, je dois d'abord m'excuser de
ne pas avoir été présent hier, étant donné
la situation qui existe au niveau des aéroports actuellement. La
grève des préposés à l'entretien empêchait
mon avion d'atterrir à Québec. Nous avons donc du atterrir
à Montréal. Comme le disait le ministre tout à l'heure,
j'étais dans les nuages. Cependant, je n'étais pas seul; je pense
que le ministre de l'Agriculture l'est quelquefois aussi.
M. le Président, j'ai l'intention ce matin d'essayer d'illustrer
ou de dire dans quelle perspective s'engage pour l'Opposition cette discussion
sur un projet de loi que nous considérons important mais qui doit se
greffer à l'intérieur d'une politique générale de
l'agriculture. Avant de passer à quelques observations et commentaires
sur l'avant-projet de loi qu'on a devant nous ce matin, je dois dire au
ministre que c'est avec un intérêt bien particulier que je
participe aux travaux de cette commission car je constate que le ministre
commence à écouter les gens directement impliqués dans ses
politiques.
Cependant, que le ministre soit assuré que les propos que je vais
tenir ce matin ne lui plairont certainement pas et j'espère justement
qu'au cours de l'étude de ce projet de loi, le ministre prendra
conscience que ce n'est pas seulement par une loi de stabilisation des revenus
agricoles que nous allons régler le problème de l'agriculture.
Mais il reste que le fait que cette commission puisse siéger nous donne
une certaine satisfaction.
Ce n'est pas, je pense, trop tôt pour que le ministre entende au
moins les parties directement impliquées.
Le ministre aurait-il été convaincu par les nombreuses
demandes en ce sens, formulées par les partis de l'Opposition, tant par
moi que par mon collègue, M. Fabien Roy? Ou plutôt, les
régiments motorisés de l'automne dernier ont-ils assez
traumatisé le cabinet pour que ce dernier s'aperçoive qu'il
existe encore une chose telle qu'une classe agricole au Québec?
Quoiqu'il en soit, la tenue de cette commission est un premier pas dans
la bonne voie et cette consultation auprès des intéressés,
sur un avant-projet de loi précis, est une mesure marquée du
simple bon sens.
Si le ministre, comme nous l'avions demandé, s'était
donné la peine de faire de même en ce qui concerne la Loi de
l'assurance-récolte, au lieu des simulacres de consultation tenus
dédaigneusement par la régie, il se serait évité
bien des embêtements et l'application de cette loi en eût
été probablement facilitée.
L'objet de la présente réunion étant d'entendre les
principaux intéressés en matière d'assurance-stabilisation
des revenus agricoles, à ce stade-ci, le parti d'Opposition se
contentera de faire quelques remarques générales sur
l'avant-projet de loi et le cadre général dans lequel il se
situe.
Nous avons bien l'intention de dire au ministre que ce n'est pas
exclusivement par un tel projet de loi que vont se régler les
problèmes agricoles. Il est d'ailleurs malheureux que le mandat de cette
commission ne soit pas plus étendu, ainsi que nous l'avions
demandé. C'est ainsi que nous ne pourrons aborder le contexte
général dans lequel s'inscrit ce projet de loi, qui n'est
pourtant qu'une partie d'un très ministériel
casse-tête.
Nous ne parlerons pas, par exemple, du problème du lait et de la
récente décision de la régie qui vient de nier, en fait,
la nouvelle politique censément adoptée à l'automne par un
gouvernement affolé par la menace des tracteurs, décision qui se
traduit par une baisse de la consommation de 4% en janvier 1975, affectant de
façon intolérable les familles à faible revenu.
Nous ne parlerons pas, non plus, M. le Président, dans cette
commission, de la situation dans le domaine du pain, où le gouvernement
Bourassa a assisté impassible devant un "dumping" américain et
à la main-mise des géants sur l'industrie
québécoise de la boulangerie par des groupes comme Norris Grain
Weston, industrie qui fait un chiffre d'affaires de $200 millions par
année.
Nous ne parlerons pas, M. le Président, au cours de cette
commission, de la situation dans le boeuf où les subsides promis, j
urés, crachés pour la période des fêtes arriveront
peut-être pour Pâques ou laTrinité, où les prix
payés aux producteurs sont au plus bas, où le
fédéral fait son frais face aux Etats-Unis, d'autant mieux que-ce
sont les producteurs québécois qui sont les plus
pénalisés.
Entre-temps, les agriculteurs peuvent toujours nourrir leurs animaux
avec des promesses et des plans à long terme. Nous passerons sous
silence, au cours de cette commission parlementaire, la spéculation
effrénée, sur nos rangs, de terres agricoles, 100,000 acres
gelées autour de Montréal seulement, et les achats de plus en
plus massifs de nos terres et
boisés par les étrangers, invasion contre laquelle ce qui
nous tient lieu de gouvernement est d'ailleurs parfaitement impuissant.
Notez qu'il s'agit de la dernière richesse naturelle entre les
mains des Québécois, tout le reste a été
concédé, pillé, volé, vendu, etc.
Nous ne pourrons aborder le scandale des encans de fermes, cinq fois
plus en 1974 qu'en 1972, avec une moyenne de vente de vaches laitières
de cinquante par encan, alors que la moyenne québécoise est de 35
vaches par troupeau. Ce sont les meilleurs qui démissionnent, ce sont
les meilleurs producteurs qui laissent le marché.
Nous ne parlerons pas, tel que nous l'avions demandé lorsque nous
avons insisté auprès du ministre pour convoquer une commission
parlementaire sur l'agriculture, de l'anarchie qui règne dans la mise en
marché des produits de l'érable qui fait que le
Québécois moyen, au pays du sirop d'érable, est incapable
d'en trouver à bon prix pour mettre dans son assiette tandis que les
producteurs sont pris avec des stocks invendus.
Nous ne pourrons aussi mettre en lumière le rôle
joué par notre gouvernement du Québec qui est partie liée
avec le cartel du sucre et qui en retire présentement de solides profits
par son entente avec Redpath et la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire.
Nous n'entendrons pas les producteurs de pommes de terre pour expliquer
que, grâce au gouvernement 'édéral, notre propre production
québécoise pourrira dans nos entrepôts ou sera
écoulée à perte tandis que nous sommes inondés de
tubercules "made in New Brunswick".
Nous ne pourrons aborder non plus ce grand trou noir qu'on retrouve dans
toutes les constellations statistiques du ministre qui, semble-t-il, est
incapable de nommer un seul des gros fournisseurs de produits de base des
intrants et encore plus incapable de parler de leurs profits.
En fait, je voudrais citer la réponse que faisait le ministre
vendredi le 17 janvier 1975, concernant les nombreuses questions que nous
avions soulevées en Chambre, en particulier concernant les
intermédiaires. Le ministre, encore une fois, répondait que face
au problème des hausses des prix pour les consommateurs, il se refusait
à blâmer les intermédiaires et les grosses compagnies
d'alimentation dont on n'a pas encore prouvé qu'elles faisaient des
profits excessifs.
M. le Président, le ministre a sans doute été
informé ou en tout cas, a dû lire les rapports financiers des
grandes compagnies de transformation et d'alimentation, particulièrement
Maple Leaf Mills, profits accrus de 49.5% en 1974 pendant que les agriculteurs
québécois ont vu leur revenu net diminuer de 20%;
Massey-Ferguson, profits accrus de 90% en 1974; Purina, profits accrus de 77%
en 1974; Canadian Industries Limited, profits accrus de 98% en 1974; Dominion
Stores, profits accrus de 36.4% en 1974. Je voudrais encore rappeler la
réponse du ministre: II ne semble pas que nous puissions blâmer
les intermédiaires et les grosses compagnies d'alimentation dont on n'a
pas encore prouvé qu'elles faisaient des profits exorbitants.
M. le Président, le ministre voudrait-il simplement cacher son
incapacité ou son impuissance en nous présentant un projet de loi
comme celui-là, ce matin? Stabiliser les revenus des agriculteurs, je
dis, d'accord. Avant de stabiliser les revenus des agriculteurs, il va falloir
avoir un contrôle sur ces grandes compagnies d'alimentation. Tant et
aussi longtemps que le ministre ne prendra pas ses responsabilité, on
stabilisera les déficits des agriculteurs, on stabilisera la faillite
des agriculteurs, mais on ne leur accordera pas ce qu'ils demandent depuis
plusieurs années, à savoir une reconnaissance de leur coût
de production.
Nous passerons aussi sous silence le fait que le ministre qui est devant
nous, malgré son air digne et sûr de lui, et malgré, je le
dis, sa gentilhommerie comme individu, n'est en réalité qu'un
sous-ministre. Le vrai ministre de l'Agriculture, il est à Ottawa. Il
s'appelle M. Whelan. D'ailleurs, c'est le ministre de l'Agriculture
lui-même qui, suite aux nombreuses questions que nous avons
soulevées en Chambre, nous répondait continuellement: Sur ces
problèmes, je ne peux pas intervenir, cela dépend du gouvernement
d'Ottawa. Lui seul, le ministre fédéral de l'Agriculture a les
véritables pouvoirs politiques et économiques dignes de son
titre. Dès lors, il n'est pas étonnant que notre ministre parle
et que l'autre agisse.
Pour ce qui concerne le projet de loi lui-même, j'ai tracé
ici un tour d'horizon.
J'aurais pu m'étendre beaucoup plus, mais je pense que depuis un
certain temps, les agriculteurs ont fait valoir auprès du ministre leurs
besoins, ce qu'ils désiraient et, malheureusement, le ministre semble
continuer de pelleter des nuages, le ministre semble continuellement se cacher
derrière son impuissance à répondre aux agriculteurs: Ce
n'est pas de ma faute si cela va mal. C'est de la faute du gouvernement
d'Ottawa. Quant au projet de loi proprement dit, vu l'absence des
règlements... Vous le direz. Vous avez un affrontement. Cela va venir
encore. Vous n'avez pas satisfait encore les revendications des agriculteurs.
Vous irez, à un certain moment, leur dire comme vous l'avez dit, le 8
octobre dernier, que vous n'êtes impuissant, que vous n'êtes
capable de rien faire.
M. Toupin: Continuez la lecture de votre évangile et on va
être bien content. Votre épître, envoyez, allez-y! Lisez vos
épîtres.
M. Lessard: Quant au projet de loi proprement dit, vu l'absence
des règlements devant l'accompagner, il se réduit, en fait,
à une ébauche de projet, vague à souhait et pleine de
bonnes intentions, comme cela était à prévoir et comme
nous l'avions prévu.
Nous tenons cependant à soulever quelques points qui,
pensons-nous, sont de nature à rendre plus difficile l'application
éventuelle d'une loi d'assurance-stabilisation des revenus des
agriculteurs.
Entre autres, M. le Président, s'agit-il de régulariser le
revenu agricole, en égalisant autant que possible les années de
vaches grasses et les années
de vaches maigres? Ou bien plutôt, sans l'avouer publiquement, ne
sommes-nous pas en présence d'un plan de revenu annuel garanti ou
d'assurance-revenu? Ce qui n'est pas la même chose du tout en ce qui
concerne les dépenses des fonds publics.
Quels sont les moyens que le ministre entend prendre pour assurer le
fonctionnement de son assurance? Nous n'avons rien, M. le Président,
dans le projet de loi qui puisse nous renseigner là-dessus. Quel
rôle exactement, jouera le gouvernement du Québec dans
l'administration de ce projet de loi complémentaire à celui du
fédéral qui, lui, est assez identique? Ne sera-t-il pas, encore
une fois, réduit, en fait, au rôle d'administrateur
régional d'un régime fédéral
d'assurance-stabilisation des revenus? Ceci n'est pas sans nous
inquiéter, quand on connaît la sollicitude avec laquelle le
gouvernement d'Ottawa a toujours veillé sur l'agriculture du
Québec. C'est le ministre lui-même, M. le Président, qui
nous confirmait, le 17 janvier 1975, que cela allait bien dans l'agriculture,
mais il nous confirmait qu'il y avait eu une diminution du revenu net de 20%,
sans calculer l'augmentation du coût de la vie.
M.Toupin: Je pense que j'ai le droit d'intervenir. Que le
député de Saguenay lise ses épîtres écrites
par les autres, cela ne me dérange pas, mais qu'il fasse dire au
ministre, par exemple, des choses qui ne sont pas vraies, je vais
intervenir.
Vous lirez les documents et la déclaration et c'est 9% qu'on a
déclaré, ce n'est rien de plus.
M. Lessard: 9%, M. le Président, mais vous n'avez pas
calculé l'augmentation du coût de la vie.
M. Toupin: Cela, c'est vous qui le dites.
M. Lessard: Vous n'avez pas calculé l'augmentation du
coût de la vie.
M. Toupin: Alors, citez-vous, ne citez pas les autres. Citez vos
chiffres...
M. Lessard: Non, non, vous avez bien parlé de 9%, sans
calculer...
M. Toupin: Vous avez parlé de 20%, alors, cela c'est de la
foutaise.
M. Lessard: ...l'augmentation du coût de la vie qui a
touché aussi les agriculteurs.
M. Toupin: Dites-le.
M. Lessard: ...Diminution du revenu net de l'agriculteur de 21%
en 1974.
M. Toupin: Cela, c'est de votre affaire que de le dire, nous, on
a dit 9%.
M. Lessard: 9%, mais, encore une fois, vous vous cachez
derrière les véritables réalités...
M. Toupin: Je vous dis de le dire, cela va suffire. M.
Lessard: ...Vous vous cachez derrière les faits. Vous essayez de
tromper encore une fois les agriculteurs.
M. Toupin: Cela devient vieux de se faire dire des choses qu'on
n'a pas dites.
M. Lessard: Vous allez, j'espère, en tout cas, vous en
faire dire au cours de cette commission parlementaire, et je le souhaite...
M. Toupin: Je suis prêt à part de cela.
M. Lessard: ...M. le Président, à un moment
donné, parce que le problème que nous avons à
étudier actuellement, cette loi, quoi qu'elle puisse être
importante, ne réglera aucunement les problèmes agricoles au
Québec.
M. Fraser: II pense qu'il parle...
M. Lessard: Vous avez le droit d'intervenir, M. le
député. Vous avez le droit d'intervenir. Il n'y a rien qui vous
empêchera de le faire tout à l'heure, si vous voulez me
répondre.
M. Fraser: J'aime parler...
M. Lessard: Vous devriez intervenir beaucoup plus souvent par
exemple à l'Assemblée nationale sur le problème des
agriculteurs de votre région.
M. Fraser: Je n'aime pas votre manière d'intervenir. Vous
n'êtes pas un gentleman quand vous intervenez de la manière que
vous le faites.
M. Lessard: Je ne vous ai pas entendu intervenir très
souvent à l'Assemblée nationale...
Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Fraser: C'est parce qu'il y a trop de placo-teurs comme
vous.
M. Lessard: Vous n'êtes jamais intervenu, jamais. Vous
n'êtes intervenu aucune fois...
M. Fraser: II y a trop de placoteux comme vous à
l'Assemblée nationale.
M. Lessard: ...Une chance que l'Opposition est là pour
intervenir, pour faire valoir justement les revendications des agriculteurs
à l'Assemblée nationale.
M. Fraser: Je suis agriculteur et vous, vous êtes un
gentleman agricole qui ne connaît pas grand-chose en agriculture.
M. Lessard: ...et si vous l'êtes agriculteur, montrez-le
à l'Assemblée nationale, intervenez...
Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre!
M. Lessard: ...à l'Assemblée nationale, on va le
voir que vous êtes agriculteur et que vous avez à coeur de
défendre les intérêts de la classe agricole.
Alors, est-ce que je peux continuer, M. le Président?
Le Président (M. Houde, Limoilou): Continuez, s'il vous
plaît.
M. Lessard: Sans l'intervention du ministre. Il est
évident que nous sommes a priori en faveur d'une loi qui jouerait en
matière de revenu agricole, le rôle de volant d'inertie dans une
mécanique quelconque. Les fluctuations trop rapides des revenus trop
souvent à la baisse doivent pouvoir être atténuées
autant que faire se peut. Il reste qu'une telle stabilisation devra se tenir
à un niveau jugé acceptable par les producteurs agricoles.
Or, depuis plusieurs années, le revenu agricole a
été loin d'atteindre une croissance moyenne comparable au revenu
des autres secteurs d'activité.
C'est dire qu'il ne faut pas penser simplement à stabiliser les
revenus, il faut d'abord voir, et les augmenter en premier lieu, et ce sont
d'ailleurs les demandes répétées qui furent faites par la
classe agricole, depuis quelques mois et quelques années, M. le
Président.
Si le revenu annuel de l'agriculteur québécois avait
progressé normalement, des variations annuelles, même assez
fortes, seraient encaissées plus facilement. Mais si le ministre,
justement, ne veille pas à augmenter d'abord les revenus agricoles, il
va tout simplement stabiliser, comme je le disais tout à l'heure, la
faillite des agriculteurs québécois. Si on ne fait que stabiliser
le revenu actuel de l'agriculteur québécois, celui-ci se
retrouvera très uniformément au-dessous de la ligne de
flottaison.
On note, cependant, que le document portant sur la problématique
parle, au contraire, d'une politique de revenu garanti au producteur agricole.
Il faudrait alors s'entendre, car on dépasse alors la simple caisse de
compensation. Si le ministre a dans l'esprit un plan d'assurance-stabilisation
analogue à celui du fédéral, les fonds publics y seront
généreusement investis de deux pour un, aux dernières
nouvelles, pour chaque dollar versé par l'agriculteur, le
fédéral verserait actuellement $2.
Comme l'écrivait, je pense, dans la Terre de chez nous,
l'économiste de l'Union des producteurs agricoles, à la question:
Pourquoi une caisse de compensation? le ministre répond que, pour
intervenir en période de crise et pour pouvoir obtenir des budgets, il
faut qu'il se situe à l'intérieur d'une loi et ainsi qu'il
respecte les lois naturelles du marché. Le ministre ne pouvant obtenir,
à l'intérieur des budgets, les crédits nécessaires,
veut tenter de légaliser, à l'intérieur d'une loi, la
nécessité de ces crédits.
On se demande parfois si, dans le domaine de l'agro-alimentaire, domaine
qui n'est pas exempt de ces cartels et de ces monopoles, il reste quelques-unes
des prétendues lois naturelles du marché. Si le ministre veut
avoir accès aux fonds publics plus facilement en période de
crise, fort bien, on peut se demander à quoi cela servira et si, tout
simplement, on ne prendra pas l'argent du public pour le transférer aux
compagnies qui gravitent autour de l'agriculteur, via l'agriculteur
lui-même.
Autrement dit, M. le Président, est-ce qu'il s'agit simplement de
subventionner indirectement, par l'entremise de l'agriculteur, les grandes
compagnies d'alimentation, comme d'ailleurs cela fut fait en novembre
dernier?
Cela ne garantira aucunement un revenu accru pour l'agriculteur puisque
ce sera encore les grandes compagnies d'alimentation et de transformation qui
prendront les subventions qui seront accordées par le ministre de
l'Agriculture. Il faudrait alors chercher qui profite en dernière
analyse des subventions de toutes sortes versées aux agriculteurs. Il
faut se demander aussi comment fonctionnera ce système. A cette
étape-ci on peut prévoir que la loi dont on étudie
l'avant-projet n'aura pas d'incidence marquée sur la jungle du commerce
interprovincial ou international, que les prix des intrants continueront leur
montée fulgurante, que l'invasion de notre marché
québécois par les produits agricoles venus d'ailleurs, souvent
à des prix de dumping continuera comme avant.
Comment le ministre peut-il espérer stabiliser quoi que ce soit
dans un environnement économique sur lequel il n'exerce à peu
près aucun contrôle sauf en faisant appel de plus en plus
généreusement aux fonds publics? A moins de ne voir que ce qu'il
veut voir ou de dire que ces fluctuations de revenus dont il veut diminuer les
dégâts s'expliquent par la nature biologique des productions
agricoles, par l'influence du climat, par l'irrégularité de
l'offre, etc., comme cela a été dit dans le communiqué du
ministère de l'Agriculture le 17 janvier dernier, mais ce n'est jamais
la responsabilité du gouvernement du Québec, c'est toujours la
responsabilité des autres.
Les procédés de dumping, le ministre ne connaît pas
cela. L'embargo américain, jamais entendu parler. L'absurdité de
diverses politiques agricoles provinciales ou fédérales, ce n'est
pas sa faute, l'agriculture n'est pas sa responsabilité au
Québec, cela dépend du gouvernement fédéral. De
plus, il serait nécessaire d'en arriver à un accord au niveau du
calcul des coûts de production et c'est d'ailleurs une demande qui a
été faite à de nombreuses reprises par les agriculteurs et
qui ne semble pas avoir été confirmée par la
décision de la Régie des marchés agricoles,
dernièrement. Etant donné la dernière décision de
la Régie des marchés agricoles, il semble y avoir quelques
difficultés de ce côté. Il faudra ensuite prévoir un
mécanisme permanent de contrôle des coûts dans chacune des
spécialités concernées, ceci afin que la caisse puisse
intervenir au moment opportun. Ces coûts de production seront-ils
calculés à l'échelle canadienne ou à
l'échelle québécoise? Il faut rappeler ici que ces accords
éventuels touchent en particulier la rémunération du
travail du producteur, la valeur de sa gestion ainsi que le taux
d'intérêt à prévoir sur l'actif net de sa ferme. Une
formule d'indexation doit ensuite couvrir le tout sans oublier par la suite la
nécessité de plans conjoints et la mise en marché
planifiée du produit.
Il me semble que sur ces différents points, la classe agricole
est tellement intervenue depuis quelques mois que le ministre aurait dû
en prendre conscience.
Concernant toutes ces modalités, l'avant-projet de loi est muet
et nous espérons bien que les travaux de cette commission nous en
apprendront davantage.
Terminons en parlant quelque peu des relations
fédérales-provinciales. Tout indique qu'au niveau
supérieur du gouvernement, on estime naturellement que la question de
stabilisation du revenu des agriculteurs revêt une importance nationale
dont la juridiction relève non moins naturellement d'Ottawa. Le
présent document qui nous est présenté par le ministre
comme complémentaire à la loi fédérale loi
dont on ignore encore les tenants et aboutissants alors que nous sommes en
train de discuter de son complément le ministre que nous avons
ici ce matin sera-t-il un simple délégué administratif aux
fins de l'application de la loi fédérale? Au fait, ne s'agit-il
pas, encore une fois, de dédoublement administratif inutile? Il n'est
pas prévu, à ce qu'on sache, que la loi fédérale ne
s'applique pas au Québec. Les agriculteurs québécois
auront-ils le choix entre deux systèmes d'assurance-stabilisation ou
encore pourront-ils participer aux deux en même temps?
On pourrait relever ici ce que disait le Conseil des hommes d'affaires
québécois à propos du fouillis de la juridiction sur le
commerce des oeufs et confirmé d'ailleurs par le ministre lorsqu'il a
fait sa conférence le 17 janvier 1975. L'échec même d'un
tel système est inscrit dans la constitution canadienne qui permet au
gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux d'avoir une
juridiction concurrente dans le domaine de l'agriculture. Cela a
été affirmé dans Le Meunier québécois,
janvier 1975.
On pourrait ajouter que dans ce domaine, une loi provinciale n'est
valide que tant et aussi longtemps qu'une loi fédérale ne vient
pas la contredire. Dans le cas qui nous occupe, ce pourrait ne pas être
très long.
Enfin, M. le Président, le Parti québécois donnera
son avis sur le fond de cette question lorsque les règlements qui
doivent découler de ce projet de loi seront disponibles. A l'heure
actuelle, l'état dans lequel on nous présente cet avant-projet ne
permet pas de se faire une idée exacte ni de son importance, ni de son
applicabilité. Le Parti québécois redemande encore une
fois que lesdits règlements soient disponibles au moment même de
la présentation du projet de loi en première lecture à
l'Assemblée nationale afin que la discussion puisse porter sur les vrais
enjeux.
Je conclus avec cette remarque d'un éleveur de la région
de Sherbrooke qui disait ceci: "Quant à nous, producteurs, nous ne
sommes pas trop intéressés aux subsides temporaires qui ne
règlent que temporairement la question. Qu'on nous donne un juste prix
pour nos viandes selon un classement juste et équitable. Ceci ne
constitue en somme qu'une petite partie de ce que le consommateur paie
présentement."
Il est dommage, M. le Président, qu'il ne semble pas y avoir
d'agriculteurs intéressés à l'Assemblée nationale
pour défendre justement l'agriculture au Québec. Comme je le
disais tout à l'heure aux députés libéraux, si ce
matin, comme à l'Assemblée na- tionale, ils ont des remarques
à faire concernant l'agriculture, je souhaite qu'ils fassent valoir
auprès de leur ministre de l'Agriculture tant qu'auprès de leur
gouvernement les revendications des agriculteurs et que nous ne soyons pas
seuls de ce côté-ci de cette table à défendre les
intérêts de la classe agricole.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre de
l'Agriculture.
M. Toupin: M. le Président, je vais être
relativement court parce que cette commission n'a pas été
convoquée pour entendre les députés de l'Opposition nous
raconter toujours les mêmes choses.
M. Lessard: Vous avez eu l'occasion hier de faire votre
exposé. Nous allons faire le nôtre.
M. Toupin: Le but de cette commission est d'entendre les parties
qui sont ici présentes et c'est cela, à mon point de vue, qui est
le plus intéressant à entendre, parce que c'est de là que
viennent les solutions.
Le député de Saguenay pourra, aujourd'hui, s'il le veut,
ouvrir toutes grandes ses lanternes, parce qu'il pourra toucher tous les points
sur lesquels il s'est penché, tous. Quand il disait: A l'exception de
ceci, à l'exception de cela, à l'exception de cela; cette loi est
tellement vague que cela va lui permettre de toucher tous les champs d'action
s'il le veut. Il posera toutes les questions qu'il voudra et il aura toutes les
réponses, je l'espère, tout au moins, aux questions qui
s'adresseront à ceux qui, aujourd'hui, auront des mémoires et des
opinions positives à émettre sur le développement de
l'agriculture québécoise.
M. le Président, je ne voudrais pas être plus long, je
voudrais seulement maintenant demander, si vous me le permettez, aux
représentants de donner leur mémoire, pour que nous puissions
entendre des choses autres que des choses politiques.
M. Lessard: Je savais, M. le Président, que cela ne ferait
pas plaisir au ministre, mais je ne suis pas ici pour faire plaisir au
ministre.
Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous
plaît! J'invite le représentant de l'Association professionnelle
des meuniers du Québec.
Au riez-vous l'amabilité de vous présenter et de
présenter ceux qui vous accompagnent, s'il vous plaît?
Association professionnelle des meuniers du
Québec
M. Blanchard (René): Oui, M. le Président, mon nom
est René Blanchard, je suis secrétaire de l'Association
professionnelle des meuniers. Je suis accompagné par M. Denis Camirand,
à ma droite, de Notre-Dame-du-Bon-Conseil, qui est directeur de
l'association, ainsi que de M. Gilles Quintin, qui est aussi directeur de
l'association et qui est domicilié à Windsor Mills.
Je dois excuser ici M. Benoît Giard, le président de
l'association, qui est retenu comme conférencier devant une association
d'éleveurs d'Holstein à Saint-Jean-Port-Joli, M. Roméo
Lalonde, qui est aussi conférencier à l'ACRA à
Montréal aujourd'hui, et M. André Breton, qui n'a pu se
présenter, suite à des activités professionnelles.
M. le Président, est-ce que nous devons donner lecture du texte
que nous vous avons fait parvenir et dans lequel je relève certaines
erreurs de frappe?
Le Président (M. Houde, Limoilou): Oui, allez-y!
M. Blanchard: M. le Président, messieurs, nous
désirons d'abord féliciter le législateur de tenter par
une mesure législative, d'assurer aux producteurs agricoles du
Québec un revenu stable et comparable au salaire moyen des techniciens
spécialisés des autres secteurs industriels. C'est une
préoccupation de justice et d'équité qui arrive à
son heure. L'expérience prouve qu'un tel résultat ne saurait
être atteint autrement que par législation.
Cette intervention directe de l'Etat épargnera sans doute
à l'économie agricole du Québec, déjà en
difficulté, les pénibles cheminements qu'un syndicalisme agricole
nouvellement structuré et rendu agressif par les conditions
présentes, pourrait imposer aux consommateurs lors des
éventuelles luttes qui l'opposeraient à l'Etat pour obtenir la
parité des revenus pour la classe agricole. Le législateur
pourrait, advenant l'adoption des mesures efficaces, gagner de vitesse les
affrontements qui se préparent actuellement dans le monde agricole pour
corriger très rapidement des situations que les institutions ont trop
longtemps laissé pourrir et que des lois malhabiles ont
aggravées.
Cependant, il est clair qu'une telle loi doit dépasser en
qualité les mesures adoptées ces dernières années.
Elle doit d'abord être conforme au contexte économique de
l'agriculture canadienne et québécoise, au cadre constitutionnel,
et au système libéral dans lequel elle est forcée
d'évoluer.
Les membres de l'Association professionnelle des meuniers du
Québec, qui sont ici aujourd'hui, étaient présents lors de
l'adoption de la loi 13, ainsi qu'à toutes les mesures
subséquentes qui, dans l'esprit de la révolution tranquille,
visaient à donner aux agriculteurs québécois un meilleur
partage des revenus, tirés des productions agricoles
québécoises.
Nous sommes forcés de constater, en relisant les mémoires
soumis alors, que nos appréhensions étaient fondées et que
l'avalanche de mesures prosyndicales et procoopératives ainsi que la
multiplication des structures, des plans conjoints, l'obtention pour la
régie de pouvoirs de plus en plus étendus, n'ont guère
amélioré la situation du producteur ni du consommateur. Nous
avons de moins en moins de fermes familiales, de moins en moins de villages
prospères et autosuffisants, de moins en moins de producteurs libres de
dettes, de moins en moins de coopératives agricoles qui soient de
véritables écoles d'économie appliquée.
Aucune de nos grandes productions n'offre aujourd'hui de garanties
satisfaisantes aux exploi- tants. Et cette insécurité nous
apparaît comme la cause profonde du malaise agricole actuel.
Les meuniers implantés en milieu rural sont les premiers à
souhaiter que l'on mette fin à l'insécurité chronique du
revenu agricole. Ils sont évidemment, avec les producteurs, les plus
touchés par les crises qui affectent en rotation les diverses
productions, surtout les productions sans sol.
Etroitement liés à la qualité de l'économie
rurale, ils sont aussi les plus durement touchés par les ricochets des
législations qui prétendent améliorer le sort du
producteur sans jamais pouvoir valoriser les productions.
N'est-il pas normal qu'ils plaident aujourd'hui pour le réalisme
économique des mesures qui s'orientent aujourd'hui vers un corporatisme
dangereux?
Sans prétendre faire une critique exhaustive et complète
de la législation de l'Etat, il ressort, je pense, de la
législation que l'Etat se propose maintenant d'adopter pour pallier des
problèmes pressants, sans oser même demander si, à court
terme, la nouvelle mesure proposée ne vise pas encore à contrer
les effets des mesures discutables, antérieurement adoptées. Sans
prétendre que la même philosophie, qui rendait illusoires les
législations antérieures, perce encore dans celle que l'on
propose aujourd'hui, les meuniers désirent, à titre de citoyens
engagés, jouer un rôle dans les structures de l'Etat en refusant
de créer une chambre agricole représentative qui les
empêche de jouer fonction-nellement, de concert avec tous les
intéressés de l'agro-alimentaire québécois.
Nous soutenons en passant qu'il serait plus logique, à notre
avis, que des projets législatifs, comme celui d'aujourd'hui, avant que
d'être soumis à une commission parlementaire, soient au
préalable soumis à la consultation des organismes
intéressés et touchés par leur éventuelle
application.
Ceci correspondrait à une nouvelle réalité qui veut
qu'il y a plus de citoyens engagés aujourd'hui dans tous les processus
de production, de transformation et de mise en marché de produits
agricoles qu'il y a de producteurs au sens de la loi au Québec et que le
moyen le plus sûr de valoriser équitablement la production
agricole québécoise est de favoriser un rapprochement harmonieux
avec l'ensemble des industriels en amont, du monde de la transformation, de la
mise en marché, en aval.
Il est évident, dans le même ordre d'idée, que, par
cette voie, on amorcerait une planification intelligente des juridictions
concurrentes d'Ottawa et de Québec en matière de prêts et
de crédits à la production agricole, d'implantation d'usines de
production d'intrants et de transformation. Le fouillis actuel, qui passe en
certains milieux pour un fédéralisme rentable, rend impraticable
toute planification à long terme des structures industrielles du
complexe agro-alimentaire.
Dans les notes explicatives de la Loi d'assurance-stabilisation des
revenus agricoles, nous trouvons un énoncé de principe excellent
en soi. Il rappelle celui qui annonce la Loi sur l'environnement. Mais la loi
elle-même, sans ses règlements, n'est pas précise et ouvre
la porte à l'arbi-
traire et au favoritisme. Les pouvoirs sont donnés à cinq
membres nommés par le lieutenant-gouverneur (art. 5) de statuer à
leur gré, par n'importe quel règlement qui, selon leur
philosophie ou leurs concepts, serait à l'avantage des producteurs. Au
point de vue constitutionnel, nous croyons qu'une telle loi est difficile
d'application sans qu'intervienne au préalable une loi-cadre
émanant conjointement d'Ottawa et des provinces. Une telle loi devrait
correspondre aux énoncés de principe du bill C-176, puisque, en
pratique, l'application de la présente loi présuppose l'aide
fédérale (art. 33).
Si on agit isolément au Québec dans l'idée de
protéger l'agriculture québécoise, on risque de laisser
une province plus forte, advenant le manque de ressources ou un refus d'aide de
la part d'Ottawa, s'emparer du marché québécois
grâce à une efficacité supérieure.
On a connu cette situation en plusieurs productions sans sol au
Québec depuis quelques années. Dans la mesure proposée,
les rédacteurs semblent vouloir donner aux plans conjoints tout le
crédit de la stabilisation des revenus des producteurs. Cette
philosophie peut être dangereuse tant pour le consommateur que pour la
production visée. Dans le même ordre d'idée, nous croyons
que le producteur ne devrait pas nécessairement être
dépendant d'un plan conjoint pour avoir un revenu suffisant. Cette
stabilisation incombe directement à l'Etat qui, à ce niveau, ne
peut se réfugier en arrière de l'efficacité ou de la
non-efficacité des responsables de plans conjoints.
Nous voyons aussi un danger au paragraphe D, à l'article 1, dans
la définition des producteurs attitrés. Un groupement de
producteurs peut, à toutes fins pratiques, se confondre avec une
coopérative qui, en pratique, ne se distingue pas d'une entreprise
commerciale de type privé. Les commissaires pourraient, pour
empêcher les pertes d'une coopérative, octroyer à ses
membres des montants compensatoires qui seraient refusés à
l'entreprise privée qui verrait ainsi ses clients se réfugier
dans les cadres coopératifs. Le discréminatoire peut aussi
s'exercer au niveau de la définition des régions; elles sont
imprécises. Nous croyons qu'une telle loi n'est valable que si elle
couvre tout le territoire québécois.
Tenant compte du difficile cheminement des plans conjoints qui peuvent
percevoir des cotisations aux fins de revenus (loi no 12), nous souhaiterions
qu'une telle loi puisse prévoir avec beaucoup de précision le
chevauchement des juridictions qui seront mises en cause.
Encore une fois, nous insistons sur le fait que, dans un pays de type
fédéral, il est souhaitable de voir de telles mesures provenir
d'une loi qui couvre le secteur au niveau national afin que les producteurs
agricoles du pays soient sur un même pied quant à leur statut et
à leur revenu. C'est l'esprit essentiel d'une
confédération respectable. Que les provinces par la suite soient
mandatées pour rendre effective une telle loi sur leur territoire, cela
nous semble normal, économique et socialement désirable. Que la
péréquation intervienne, le cas échéant, pour
équilibrer les revenus par province, voilà qui respecte aussi
l'esprit d'un vrai fédéralisme dit rentable.
Enfin, supprimer les compétitions désastreuses, dont
Québec fait plus souvent qu'à son tour les frais, serait le but
souhaitable d'une loi votée selon les données que nous venons de
mentionner rapidement. Tout autre cheminement nous semble voué à
l'échec.
Nous nousengageonsàsouscrireàtoute loiqui respecterait une
telle orientation et qui pourrait, le cas échéant, assurer
à tout agriculteur canadien un revenu équitable tout en
stabilisant les productions à l'échelon national. Nous vous
remercions de votre bonne attention, messieurs.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre de
l'Agriculture.
M. Toupin: M. le Président, j'ai un certain nombre de
questions à poser à l'Association professionnelle des meuniers du
Québec. La première que j'aimerais poser, qu'est-ce que
l'association entend par des lois malhabiles?
M. Blanchard: Des lois malhabiles, ce sont des lois qui nous ont
conduits, par exemple, dans certains secteurs comme celui des oeufs, à
se faire enlever une bonne part de notre production et à rendre
périlleuse l'exploitation d'un certain nombre de producteurs. Je n'ai
qu'à mentionner le fait que, depuis quelques années, on a vu les
producteurs québécois en nombre diminuer substantiellement. Il y
en avait 2,500 pratiquement lors de la passation du plan conjoint, dit FEDCO.
Aujourd'hui, nous en trouvons à peu près 424. Je pense bien que,
sans pousser l'argumentation très loin dans ce domaine, il faudrait au
préalable s'assurer que toutes les provinces canadiennes respectent les
normes fédérales et que, préalablement, les normes
fédérales soient, non seulement édictées, mais
qu'on ait des organismes prévus pour rendre effectives certaines
pénalités prévues dans les lois. Or, on déplore
qu'actuellement, après tous les efforts faits pour implanter FEDCO, on
n'en soit pas arrivé à conserver au Québec
là, les meuniers sont durement touchés une plus grande
partie du marché québécois.
M. Toupin: M. Blanchard, puisque vous affirmez des choses,
puisque vous dites que la production des oeufs au Québec a
diminué, avez-vous des statistiques à l'appui de cela?
M. Blanchard: Ah oui! Des statistiques précises qui ne
sont pas celles du ministère, mais celles que l'on tire nous-mêmes
du simple fait que nous alimentons pratiquement tous les producteurs d'oeufs au
Québec. Il y a un décalage marqué nous devons le
déplorer entre les statistiques du gouvernement et,
effectivement, les statistiques que nous avons.
M. Toupin: Que pensez-vous des statistiques de la
Fédération des producteurs d'oeufs du Québec? Ce sont de
celles-là qu'on se sert.
M. Blanchard: Nous pensons qu'il y aurait des correctifs à
apporter à ces statistiques. Par exemple, nous aimerions voir exactement
quel est le pourcentage d'oeufs qui proviennent d'autres provinces.
M. Toupin: Ce sont des choses que vous ne savez pas.
M. Blanchard: Ce sont des choses...
M. Toupin: Avez-vous regardé dans Statistique Canada?
M. Blanchard: Nous avons regardé dans Statistique Canada
et il nous apparaît difficile de découvrir ce qui entre par les
frontières et même ce qui vient de l'Ontario et qui ne semble pas
déclaré.
M. Toupin: Cela voudrait dire, au fond, que vous croyez à
vos seules statistiques à vous?
M. Blanchard: Non, on ne croit pas à nos statistiques. On
croit à la pratique qui nous permet de constater que, par exemple,
disparaît constamment une part importante de la production des oeufs au
Québec.
M. Toupin: Une autre question que j'aimerais poser:
Qu'entendez-vous... Vous faites des affirmations qui, au fond, sont
probablement valables en soi, mais qui méritent d'être
discutées. Qu'entendez-vous par l'autosuffisance de village?
M.Blanchard: L'autosuffisance de village, c'est ce qu'on entend
tout simplement... Parce qu'on trouve maintenant, dans certains villages,
l'absence complète de services. Cette absence de services vient tout
simplement du fait qu'une population diminue en qualité et en revenu.
Quand on sait qu'il y a des villages qui vivent du bien-être social, on
sait très bien que, pertinemment, on ne trouve pas, à courte
échéance, un garage, un magasin, un médecin, un
médecin vétérinaire, un agronome, si vous voulez, tous les
services qui rendent l'environnement souhaitable et humain. Par exemple, je
citerai certains villages que je connais bien, qui ne sont pas tellement loin
de celui que j'habite, soit Saint-Germain, des gens qui sont obligés de
faire une dizaine de milles pour trouver quelques: boulons, ce qui rend la vie
rurale extrêmement pénible et extrêmement coûteuse, et
ce qui permet, en faisant un peu de sociologie, de prévoir qu'à
long terme, la qualité de la vie diminuant dans les villages où
il n'y a plus de services, les villages seront désertés par les
jeunes en particulier.
M. Toupin: Vous faites plus appel, à ce moment, à
une infrastructure générale, industrielle, et également
à une programmation de régionalisation, ce qui pourrait permettre
certains regroupements de municipalités, ce qui pourrait permettre de
donner aux gens un minimum de services. C'est surtout à cela que vous
faites appel.
M. Blanchard: C'est surtout cela, je pense... On déplore
que la qualité de la vie diminue dans les zones rurales, justement parce
que les services s'en vont.
M. Toupin: D'après vous, c'est relié directement
à une politique de revenu agricole?
M. Blanchard: Ce n'est peut-être pas relié à
une politique de revenu agricole, maison ne voit pas, par exemple, comment
certaines politiques du gouvernement, dans le bas du fleuve en particulier, ont
favorisé l'exploitation de fermes localisées, évidemment,
autour des villages, en obligeant ces gens à s'approvisionner à
30 ou à 40 milles.
M. Toupin: Evidemment, vous faites référence,
à ce moment, au plan d'application du BAEQ du Bas Saint-Laurent.
M. Blanchard: C'est cela. On est bien d'accord sur les fusions,
je pense, mais il faudrait tout de même que les fusions soient
étudiées un peu plus longtemps à l'avance pour savoir si
ces fusions n'occasionnent pas une baisse de qualité dramatique de
l'environnement pour les fermiers.
M. Toupin: Remarquez bien que je n'ai rien contre le fait que
vous ayez affirmé ces choses, mais je voulais avoir des explications,
parce qu'à ce moment, on se réfère à beaucoup
d'autres choses qu'à une politique de revenu agricole. Il s'agit
purement et simplement, je pense, de regarder comment, dans l'ensemble d'un
territoire, on peut trouver les moyens de maintenir en place des
populations.
C'est un peu l'objectif que vous visiez lorsque vous avez parlé
d'autosuffisance de village. D'autant plus que cela m'a surpris, parce que,
depuis un bout de temps, j'entends beaucoup parler d'auto-suffisance, mais
jamais d'autosuffisance de village.
M. Blanchard: C'est normal qu'on parle d'autosuffisance des
groupes, maintenant, et que ces groupes, occupant le territoire, soient
possiblement gardés en place par la qualité des services qu'ils y
trouvent.
M. Toupin: II y a une autre question que j'aimerais poser.
Evidemment, ce sont seulement des explications. Qu'entendez-vous lorsque vous
parlez de corporatisme dangereux?
M. Blanchard: Un corporatisme dangereux, c'est un corporatisme
qui ne sait pas, évidemment, exactement sur quel plan évoluer. Je
pense qu'au Québec c'est d'ailleurs connu le corporatisme
est le meilleur cheminement vers le capitalisme. Je ne peux pas parler, par
exemple, des médecins ou d'autres groupes qui, bien
protégés par les cadres législatifs, sont,
évidemment, les mieux rémunérés.
Mais il y a aussi le corporatisme qui, comme système, veut par
exemple que l'on trouve à l'intérieur d'un groupe humain,
lesdroitsexclusifsd'opérer dans un secteur. Or, si, par exemple, on
continue à dire que seul le cultivateur au sens de la loi, au sens
où vous l'inscrivez dans la loi à titre de produc-
teur, a le droit de profiter des subventions ou d'autres choses, on
arrive évidemment à chasser ceux qui ne sont pas inscrits dans la
loi de l'exploitation rationnelle et rentable d'un secteur.
Si, par exemple, un meunier a le droit d'élever des porcs, on
arrive à nier même ce que vous affirmez, vous, dans un
récent exposé, à savoir que la technique la plus dynamique
et que la rentabilité la plus avancée doivent être
aujourd'hui les critères d'évolution de l'agriculture
québécoise. Je laisserai à M. Roy le soin de vous rappeler
cet énoncé que vous avez fait dernièrement à
l'industrie laitière par exemple.
M. Toupin: M. Roy, hier, s'est référé
largement d'ailleurs à mes textes.
M. Blanchard: C'est un peu dans ce sens-là. Je ne voudrais
pas qu'on emprisonne un secteur commercial dans un corporatisme, pour ensuite
chasser tout le monde qui s'actualise dans le contexte
nord-américain.
M. Toupin: Je ne comprends pas encore l'idée du
corporatisme dans votre esprit.
M. Blanchard: C'est un corporatisme dangereux que celui qui vise
à faire d'une production commerciale, une chasse gardée à
l'usage d'une classe.
M. Toupin: Vous vous référez à ce
moment-là aux plans conjoints, aux coopératives.
M. Blanchard: Je me réfère à certains plans
conjoints. Je me réfère aussi à certaines
définitions du producteur qui nous reviennent constamment lorsqu'il est
question par exemple de subventions, de paiements de compensation, etc.
M. Toupin: Est-ce que vous êtes d'accord sur l'idée
que lorsque le gouvernement, par exemple, pense à une politique de
revenu ou d'aide aux agriculteurs, il doit d'abord regarder l'agriculture
professionnelle?
M. Blanchard: L'agriculture professionnelle, évidemment,
cela existe, mais je pense qu'au moment où on a à décider
d'adopter le syndicalisme agricole, il faudrait une étude très
poussée pour nous dire exactement à quel moment l'agriculture est
professionnelle, à quel moment une agriculture est salariée et
à quel moment ces agricultures deviennent habilitées à
être encouragées, subventionnées par l'Etat. Voyez-vous, le
professionnalisme et le corporatisme ont des barrières assez minces et
on peut, par un texte de loi, les déplacer singulièrement
à son gré.
M. Toupin: J'aurais une dernière question, j'en aurai
peut-être quelques autres tantôt, mais j'en ai une tout au moins
pour l'instant parce que je veux donner aussi la chance aux autres membres de
la commission de vous poser des questions. Vous soutenez, au fond, à la
fin de votre mémoire, qu'il n'est pas possible de penser au
Québec, à une législation de revenu, à moins
qu'elle soit non seulement complémentaire, mais à moins qu'elle
vienne du gouvernement fédéral et que les provinces soient
chargées de l'appliquer.
M. Blanchard: Cela ne veut pas dire qu'elle viendrait du
gouvernement fédéral, mais il nous semble souhaitable que, dans
le contexte politique actuel, les ministres de l'Agriculture des provinces
s'entendent avec le ministre fédéral de l'Agriculture d'abord
pour une loi-cadre et que cette loi-cadre ensuite adoptée et
acceptée dans un "package deal", si l'on veut me permettre l'expression,
soit appliquée par les provinces.
Je pensais au programme d'assurance-santé, par exemple, que le
ministre Lalonde veut continuer dans ce sens. Je ne vois pas comment on
évitera le boycottage que les Ontariens nous ont fait subir en certaines
productions, si, d'abord, on ne s'assure pas que le fédéral soit
le chien de garde d'un vaste programme collectif auquel toutes les provinces
ont adhéré, qu'il y aura des pénalisations de
prévues et qu'effectivement, on arrivera par cette voie à assurer
à un producteur de porcs du Manitoba comme à un producteur de
porcs du Québec des revenus égaux.
On voudrait ainsi peut-être pousser un peu l'idée qu'un
bonhomme qui élève des porcs au Canada, qui a accès aux
trois grands marchés, Montréal, Toronto, Winnipeg, devrait
normalement avoir des revenus équivalents. On est contre le fait que le
Manitoba, par exemple, s'en vienne, alors que, vous le savez, l'an dernier on
était en période difficile, avec une prime de $5 par porc et
ensuite avec des subventions à l'acheminement des porcs sur les
marchés de l'Est, qui déséquilibrent complètement
la productivité québécoise, quand on sait que, de plus, la
Commission canadienne du blé ne contrôle pas tous les surplus de
grain qui sont dans l'Ouest disponibles à ces éleveurs.
C'est un peu dans cet esprit-là aussi qu'on souhaiterait que les
ministres provinciaux en arrivent à dire leur mot quant aux structures
de la Commission canadienne du blé et aux structures d'exploitation des
grains de provende au Canada.
M. Toupin: Mais quand vous parlez de législation
fédérale, vous avez pris connaissance de la loi que M. Whelan
vient de déposer, le bill C-150, je pense, vous en avez pris
connaissance?
M. Blanchard: Oui.
M. Toupin: Est-ce que vous croyez qu'entre cette loi et celle-ci
il peut y avoir un certain joint possible?
M. Blanchard: C'est ce qu'on croit, que les deux doivent cheminer
conjointement.
Je pense que vous avez dans votre esprit, vous-même, l'idée
que ces deux choses devraient arriver à maturité ensemble.
M. Toupin: Au fond, on croit les mêmes choses.
M. Blanchard: On croit les mêmes choses, à la
condition que cela s'actualise enfin. Ce qui nous étonne c'est que vous
n'y avez pas cru plus tôt.
M. Toupin: Oui, évidemment, c'est une autre affaire. Mais
pour le moment, dans le contexte actuel, on parle de loi fédérale
ou de loi provinciale, l'intervention possible des deux gouvernements, comment
cela peut être complémentaire tout en laissant à chacun des
gouvernements, et provinciaux et fédéral, les champs d'action qui
lui sont propres et à l'intérieur desquels il peut travailler.
C'est simplement dans cet esprit que je voulais poser les questions.
Maintenant, si d'autres députés ont des questions à
poser, j'en aurai peut-être quelques autres ensuite.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Saguenay.
M. Lessard: M. le Président, pour la dernière
question du ministre, en ce qui concerne le rôle que désirerait
faire jouer l'Association professionnelle des meuniers du Québec par le
gouvernement du Québec, j'aimerais que M. Blanchard nous explicite un
peu ce qu'il affirme à la page 6, lorsqu'il dit que les provinces, par
la suite, soient mandatées pour rendre effective une telle loi sur leur
territoire. Je comprends que vous insistez toujours dans le système
actuel, mais est-ce que cela ne serait pas simplement, dans les circonstances,
de réduire encore considérablement le rôle du
Québec, à savoir qu'il ne serait qu'un mandataire pour appliquer
les lois du gouvernement fédéral?
M. Blanchard: Vous avez raison, M. le député, ce
que nous craignons toujours, nous, c'est qu'au fédéral, les plus
puissants pour charpenter et structurer les lois, ce ne sont pas les gars du
Québec. Nous avons évidemment l'impression que, très
souvent, les lois fédérales font d'abord l'affaire d'autres
producteurs, notamment ceux de l'Ontario dans des secteurs comme celui des
oeufs, par exemple, et ceux des provinces de l'Ouest dans le secteur des
grains.
Maintenant, ce que nous nous posons, c'est une problématique
assez dangereuse, je pense; nous nous posons la question: Est-ce que les
provinces, quand les provinces vont négocier pour une loi-cadre, vont
avoir les mêmes droits au chapitre et est-ce que les provinces, à
cause même de l'agriculture particulière qui, sur leur territoire,
constamment, s'achemine vers, par exemple, tel genre de production, vont
être capables de s'inscrire en conformité avec les particularismes
de leurs productions? Ce qu'on a peur, nous, c'est que dans ces lois-cadres, le
Québec n'ait pas toujours la possibilité d'inscrire le
particularisme de ses productions. C'est un peu là qu'est notre crainte,
mais le ministre nous dit qu'en même temps que chemine cette loi que nous
avons sous les yeux, il y en a une autre à peu près de même
essence qui, actuellement, préoccupe le gouvernement central. Le bill
C-176 a été pour nous une déception. Nous l'avons
combattu, parce que nous trouvions qu'il y avait danger pour certaines
productions du Québec. Le bill a été adopté quand
même. Malheureusement, à la suite de ce bill C-176, on a vu nos
productions, loin d'être avantagées, décliner en certains
secteurs.
M. Lessard: Autrement dit, vous ne croyez pas au "French Power"
à Ottawa.
M. Blanchard: Non, je crois à une discussion au
mérite, mais je crois aussi que si, par exemple, Ottawa devait
négocier, ce ne serait pas nécessairement sur la base d'une
province. Il faudrait tout de même que ce soit au mérite des
productions. S'il y a un millier de producteurs de porcs au Québec, je
ne vois pas pourquoi l'Ile-du-Prince-Edouard aurait le même droit
d'influencer la législation.
M. Lessard: Mais il reste que ce principe me paraît
dangereux, ou cette affirmation me paraît dangereuse dans le sens que
vous semblez limiter considérablement le pouvoir du Québec,
puisque vous dites: Que le fédéral fasse les lois
générales et le gouvernement du Québec les appliquera.
M. Blanchard: C'est-à-dire que les provinces entre elles
participent à la confection des lois-cadres et qu'ensuite, la
délégation de pouvoirs pour l'application de ces lois-cadre
relève des provinces. Que la péréquation vienne par la
suite, permette aux provinces, dans certains domaines, par exemple, d'obtenir
du fédéral des compensations qui seront distribuées
ensuite aux productions. Autrement dit, si on fait de l'argent avec le porc au
Manitoba, on en fait beaucoup, il existe des chambres de compensations, or que
cette compensation s'en vienne aux provinces qui sont
dévalorisées par certains, par exemple, par le coût des
intrants. Cela, à mon avis, serait valable.
M. Lessard: Maintenant, je reviens au corporatisme dangereux dont
vous parlez.
Actuellement, on sait que les agriculteurs, pour défendre leurs
intérêts, ont dû se regrouper sous différentes
formes, d'abord à l'intérieur du syndicalisme agricole et au
niveau des productions à l'intérieur de plans conjoints.
Tantôt, vous avez donné des explications au ministre. Ce que je
voudrais vous demander, étant donné qu'actuellement c'est
peut-être le seul moyen que peut avoir la classe agricole de pouvoir
défendre ses intérêts puisqu'elle ne peut faire confiance
à ce gouvernement, pourriez-vous me dire ou m'expliciter comment on peut
empêcher ce corporatisme dangereux ou comment on peut remplacer ces
différents organismes qui ont été constitués, par
autre chose qui ne serait pas un corporatisme dangereux?
M. Blanchard: Si on parle des coopératives et si on
interprète le mot corporatisme comme l'a fait le ministre tout à
l'heure de ce côté, nous déplorons, nous l'entreprise
privée, que très souvent, au nom d'un corporatisme plus ou moins
bien vécu, on ait
avantagé des secteurs qui sont exactement sur le même pied,
c'est-à-dire que ce sont des entreprises commerciales qui effectivement,
à leurs racines, ne fonctionnent pas de la même façon que
des compagnies limitées. On dit, par exemple: Les coopératives
ont de grands avantages humains parce que c'est un homme, un vote. Mais dans le
contexte économique que nous connaissons, nous devons souligner que les
coopératives, la Fédérée en particulier, soient
aujourd'hui exactement des entreprises de type capitaliste et que, si on
continue au gouvernement à favoriser ce secteur, il est fort probable
qu'on va désaxer quelque chose. Parce que, tout de même, le
libéralisme économique, au Canada, c'est quelque chose qui se
vit. Les entreprises privées au Québec sont des entreprises qui
ont tout de même, parce qu'elles existent, donné quelques preuves
de solvabilité et de viabilité. Or, est-ce que l'on ferait
quelque chose de valable en transformant, par exemple, en faisant passer
l'entreprise privée, dans certains coins de la province, sous la tutelle
coopérative? Est-ce que ce serait véritablement un échange
valable que de faire cette opération, ce transfert de clientèle,
cette fusion massive avec des deniers de l'Etat? On se pose la question parce
qu'on n'a pas trouvé que, actuellement, la coopérative ou la
coopération évolue autrement, arrivée à une
espèce de gigantisme, qu'elle évolue autrement que l'entreprise
capitaliste. On peut faire la preuve que très souvent les services
qu'offrent les coopératives sont à tout le moins aussi
dispendieux que ceux qu'offre l'entreprise privée.
M. Lessard: Autrement dit, vous seriez d'accord pour que les
agriculteurs se regroupent sous forme de coopérative, plans conjoints,
etc., mais sans que l'Etat donne des avantages particuliers à ces
organismes.
M. Blanchard: Oui. On voudrait effectivement que dans un
gouvernement d'une démocratie, qui tout de même a aujourd'hui
l'aspect même d'une démocratie, tous les gens soient sur un
même pied dans des secteurs déterminés de production. On ne
veut pas, par exemple, qu'on avantage des gens parce qu'ils sont producteurs
avec $2,500 de production par année, au détriment d'un bonhomme
qui est techniquement plus avancé et qui possède peut-être
4,000 ou 5,000 porcs.
M. Lessard: II reste que la seule possibilité pour ces
producteurs, bien souvent, de pouvoir se développer, c'est de tenter de
se regrouper.
M. Blanchard: Cela peut être de tenter de se regrouper,
cela peut être aussi d'être plus valable techniquement, cela peut
être aussi de ne pas être sécurisé par une aide
éventuelle de l'Etat.
M. Lessard: Toujours à la page 2, en citant les
mémoires que vous aviez présentés lors du
dépôt du bill 13, vous dites: "Nous sommes forcés de
constater en relisant les mémoires soumis alors, que nos
appréhensions étaient fondées et que l'avalanche de
mesures prosyndicales et procoopératives ainsi que la multiplication des
structures, de plans conjoints, l'obtention pour la régie de pouvoirs de
plus en plus étendus, n'ont guère amélioré la
situation du producteur ni du consommateur."
J'aimerais que vous m'explicitiez cela un peu en me disant en quoi ces
mesures ont pu être nuisibles aux agriculteurs ou ont pu ne pas permettre
que l'agriculteur puisse se développer ou puisse en profiter?
M. Blanchard: C'est assez simple. La situation de fait que nous
constatons aujourd'hui est une réponse.
M. Lessard: Une situation de fait, mais si on n'avait pas eu ces
mesures, peut-être que la situation de fait serait pire aujourd'hui.
M. Blanchard: II faudrait se poser la question. C'est une autre
problématique de dire que si...
M. Lessard: C'est hypothétique.
M. Blanchard: ... on avait laissé l'agriculture
évoluer dans un libéralisme économique plus vaste, comme
aux Etats-Unis, on ne se retrouverait pas dans une meilleure situation, plus
compétitive.
M. Lessard: Mais vous croyez que le libéralisme
économique au niveau des producteurs et la loi de l'offre et de la
demande, cela peut fonctionner et qu'on peut laisser faire cela?
M. Blanchard: Cela ne peut pas fonctionner sans qu'il y ait un
cadre d'Etat qui assure un certain dirigisme, mais il est sûr qu'au fond
on est obligé de fonctionner avec ce système. Si on est
obligé, maintenant, de fermer les frontières du Québec, je
suis d'accord que dans un autre système on pourrait peut-être plus
efficacement valoriser la production québécoise.
Mais je suis à peu près certain que, dans le contexte
actuel, tenant compte d u fait qu'il n'y a pas de frontière entre les
provinces et que le fédéral ouvre largement ses
frontières, par exemple aux productions américaines, sans tenir
compte de ce qui se passe au Québec, je suis à peu près
certain que, si on est obligé de continuer dans le même
système, il faudra ajuster notre tir.
M. Lessard: A la page 3, vous dites que: " ... il ressort de la
législation que l'Etat se propose maintenant d'adopter pour pallier des
problèmes pressants, sans oser même demander si, à court
terme, la nouvelle mesure proposée ne vise pas encore à contrer
les effets des mesures discutables antérieurement adoptées." Vous
faites appel aux quantités de mesures dont vous parlez à la page
2, c'est-à-dire les mesures prosyndicales, procoopératives,
etc.
M. Blanchard: Cela nous semble un cheminement qui est presque
irréversible. Si on vient constamment demander aux mêmes
inspirateurs des lois de mettre en cause leurs concepts ou leur philosophie, il
est certain que ça ne chemine pas
comme ça. Les gens qui codifient les lois au gouvernement sont
toujours ceux-là qui tâchent, par de nouvelles mesures, de
valoriser les lois antérieures. On ne se dénie pas,
humainement.
Si, par exemple, un type a aidé à la codification du bill
13, il s'est aperçu que les plans conjoints n'étaient pas des
succès. Il va continuer, s'il est toujours en poste, à
édicter ou à concevoir des lois qui vont finalement lui donner
raison. C'est pour ça que nous, lors du bill 13, on a demandé au
gouvernement, depuis 1960 d'ailleurs, qu'une chambre agricole soit
créée, de façon que les antagonistes, s'il y en a, ou les
partenaires... On souhaiterait qu'il y ait plus de partenaires; on souhaiterait
que l'UPA, par exemple, la Fédérée de Granby,
l'Association des meuniers, le Conseil de l'alimentation puissent s'asseoir
à une même table. Et avant qu'une loi soit codifiée par un
bonhomme qui a un concept très particulier dans le ministère,
avant qu'une telle loi soit codifiée, on préférerait faire
des oppositions valables et les commissions parlementaires pourraient cheminer
beaucoup plus vite.
M. Lessard: Vous dites que les plans conjoints n'ont pas toujours
été un succès, mais je me demande de quelle façon,
pour vous, l'Association professionnelle des meuniers du Québec, dans ce
système capitaliste, on pourrait si on veut remplacer des plans
conjoints par autre chose, permettre aux producteurs québécois de
se regrouper pour avoir une certaine force de négociation auprès
des grandes chaînes d'alimentation ou de distribution ou d'achat.
M. Blanchard: II y a les offices de mise en marché qui,
à notre avis, seraient tout aussi efficaces et beaucoup moins
coûteux. On ne voit pas pourquoi les producteurs refuseraient de faire
partie d'offices de commercialisation. Il y a même des systèmes
coopératifs en certains pays qui acheminent les produits avec
énormément de compétence. On ne voit pas pourquoi il faut
créer constamment des plans conjoints où on trouve des
techniciens qui sont constamment...
M. Lessard: Des plans conjoints, ce n'est pas un certain office
de mise en marché? Allez-y.
M. Blanchard: Ce n'est pas tout à fait la même
chose. Dans un office de mise en marché, vous pouvez trouver tous les
secteurs intéressés au point de départ de la production et
au point d'arrivée sur le marché tandis que, dans les plans
conjoints, vous ne trouvez que des producteurs qui cherchent à avoir les
meilleurs prix pour leurs produits, sans tenir compte, parfois, des conditions
de mise en marché, sans tenir compte de la compétition et de la
concurrence. A notre avis, très souvent, un office de mise en
marché composé, on n'appelle pas ça d'experts, mais de
gens intéressés, à tous les paliers, serait tout aussi
efficace. D'ailleurs, c'est ce qu'on voitfaire maintenant dans les oeufs. Il ne
faut passe cacher que le plan conjoint des oeufs fonctionne maintenant comme le
plan conjoint de la chair de volaille, fonctionne maintenant avec des
ententes.
On ne lance pas n'importe quelle production sur le marché
à n'importe quel prix. Je dois vous signaler, en passant, que j'ai vu
des factures d'oeufs qui sont venues de l'Ontario, qui ont coûté
$0.29 en Ontario, et qui ont été vendus ici à des prix
élevés par des chaînes de magasins.
Je pense que le consommateur québécois n'a pas
profité, à ce moment-là, des surplus d'oeufs qui
s'emmagasinaient dans les postes de mirage et dans les entrepôts de
pomiculteurs. Il faut faire attention à tous ces mécanismes.
M. Lessard: Vous parlez, à la page 3, et là, je
vous rejoins, du fouillis actuel qui passe dans certains milieux pour un
fédéralisme rentable. Pourriez-vous expliciter
concrètement ce que vous entendez par le fouillis actuel, au niveau de
l'agriculture?
M. Blanchard: Le fouillis actuel, c'est le fait que certains
groupes, par exemple, je parlais tout à l'heure des grains, le groupe
qui est protégé par la Commission canadienne du blé, qui a
étendu ses pouvoirs en 1942, à l'avoine, au seigle et à
l'orge, je parlais de ces groupes qui, depuis très longtemps, depuis
1931 en particulier, gèrent effectivement l'agriculture canadienne. Vous
connaissez l'article de la loi, c'est 91 ou 93, je pense, qui détermine
que l'agriculture, en fin de compte, est du ressort fédéral.
Si l'agriculture doit continuer d'être du ressort
fédéral, il faudrait bien que, dans les provinces, on s'ajuste ou
qu'on change de système. Si on a constamment la preuve que, dans ce
cadre, dans ce contexte, on n'est pas capable de faire valoir les droits du
Québec, de l'agriculture québécoise, de valoriser les
productions au Québec, il faudra changer le contexte ou simplement
abandonner notre agriculture.
Nous, les meuniers, dans les productions sans sol, nous nous sommes
lancés là-dedans au moment où le gouvernement n'avait pas
de programme de prêts agricoles, n'avait rien, nous avons bâti
à pied-d'oeuvre l'économie du "broiler", dans le Québec,
nous avons permis, par exemple, la création de multiples emplois. Nous
avons été évidemment obligés d'intégrer la
production du porc, à tel point qu'aujourd'hui, 80% des porcs sont
gérés effectivement par les meuneries; c'est parce que nous
l'avons voulu.
Je me demande ce qui resterait de la production du porc si les meuneries
n'avaient pas apporté leur contribution et n'avaient pas assumé
les risques. C'est tout ce contexte-là, ou on s'en va dans un sens ou on
s'en va dans l'autre. Il faut arrêter d'être sur la clôture
et de constamment pénaliser le contribuable québécois,
parce que, évidemment, le contexte nous oblige à payer les pots
cassés.
M. Lessard: C'est l'article 95 de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique qui dit que le fédéral et le provincial ont des
pouvoirs conjoints, mais cependant, les lois provinciales ne doivent pas aller
à rencontre des lois fédérales.
M. Blanchard: II y a plus que cela. Il y a des
études qui se publient constamment à Ottawa. La
dernière en importance a été publiée en 1964. En
1964, un groupe d'experts, qui n'étaient pas même des Canadiens,
ont déterminé que l'agriculture devait nettement s'orienter vers
la production des viandes là où se situe la production des
grains.
Nous avons combattu cette loi, mais nous sommes, à titre
d'association, assez faibles à Ottawa et nous n'avons pu alerter le
gouvernement québécois d'alors de la nocivité de ces
textes qui, par la suite, ont peu à peu inspiré la politique
fédérale.
M. Lessard: M. Blanchard, une dernière question. De ce
temps-ci, on critique passablement les intermédiaires dans
l'agriculture. Est-ce que vous pensez, en particulier concernant certains
profits assez élevés qu'il ferait et qui empêcheraient
l'agriculteur d'avoir une meilleure part au niveau de sa production, que ces
critiques sont valables? Ou, quant à vous, est-ce que vous croyez que
l'intermédiaire fait actuellement des profits normaux? Selon votre
réponse négative ou positive, est-ce que vous seriez favorable
à ce qu'une enquête puisse se faire sur les intermédiaires
dans l'agriculture?
M. Blanchard: M. le député, il faut bien comprendre
ce que l'on entend par intermédiaires. La plupart du temps, nous
déplorons, nous, les meuniers, qu'on nous classe avec de grandes
sociétés multinationales. C'est absolument ridicule. Nous sommes
de petits hommes d'affaires québécois, localisés dans les
municipalités qui couvrent tout le territoire. Nous avons au-delà
de 250 membres et ces gens-là se désespèrent d'être
protégés un jour sur le même pied, par exemple, que
d'autres associations commerciales, qu'on les appelle coopératives ou
autres.
Nous sommes de petits hommes d'affaires québécois et
très souvent, on nous envoie avec ce lot de chiens galeux qu'on appelle
les compagnies multinationales. Je suis prêt à prétendre,
devant vous, que nous sommes très ouverts, nous sommes prêts
à vous donner toutes nos comptabilités. Je sais que la plupart
des meuniers, cette année, encourent des pertes, dans la plupart des
productions qu'ils ont soutenues.
Personnellement, j'ai des pertes, dans mon bilan qui vient de sortir, de
l'ordre de $26,000, pour avoir encouragé des gens à maintenir
leur production d'oeufs, par exemple. Je sais que le gouvernement se propose de
venir en aide aux producteurs d'oeufs.
Je me pose la question: Est-ce que, moi, je serai
récompensé pour avoir maintenu des familles en production ou si
ce sont simplement des producteurs qui vont pouvoir avaler les subsides et
ensuite faire faillite, parce que cela ne couvre pas les pertes encourues? Je
pense que plusieurs de mes collègues sont dans le même cas.
Quand on parle d'intermédiaires, il faut distinguer. Nous sommes
au niveau des intrants. Les grains que nous achetons de la commission
canadienne, nous les payons au niveau fixé par la commission canadienne.
Je vous signale, en passant, que, malheureusement, ce ne sont pas les ni- veaux
situés par La Terre de chez nous, ces articles sur les grains. Il y a
beaucoup d'autres frais qu'il incombe de payer avant d'être capable
d'alimenter un producteur qui vous paiera dans 90 jours, 120 jours ou qui ne
vous paiera jamais.
Il faut bien distinguer entre l'entreprise québécoise et
les intermédiaires que vous avez signalés dans votre
exposé au début des séances de la commission. Les profits
de l'intermédiaire, de tout temps, ne sont pas exagérés
quant à ceux qui sont à notre niveau.
M. Lessard: Donc, selon votre interprétation...
M. Blanchard: Selon mon interprétation, je ne sais pas si
mes collègues vont infirmer ou confirmer ce que j'ai dit. Je leur laisse
la parole là-dessus. M. Quintin.
M. Quintin (Gilles): En ce qui concerne les autres productions,
non pas les autres productions, mais les autres intrants, je ne suis pas en
mesure d'affirmer ou de contredire, si on veut, parce que je n'ai pas de
chiffres là-dedans. Si vous voulez faire une enquête à ce
sujet ou avoir une commission parlementaire qui étudierait les profits
exagérés de certains intermédiaires, s'il faut les appeler
comme cela, je n'ai aucune objection si cela peut aider la classe agricole.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Lotbinière.
M. Massicotte: M. le Président, j'aimerais demander
à M. Blanchard, vu qu'il disait tantôt que des meuneries
s'étaient lancées dans la production des porcs et de choses comme
cela... On a aussi vu que les compagnies l'avaient fait, que les
coopératives s'étaient aussi embarquées dans ce genre de
production. J'aimerais avoir vos commentai res, à savoir si la situation
se stabilise.
Vous avez aussi parlé de la définition du producteur qui
serait affectée. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
M. Blanchard: La situation se stabilise, on peut dire qu'elle va
se stabiliser à long terme, mais au détriment des producteurs.
C'est-à-dire que ce que je mentionnais pour les producteurs d'oeufs, par
exemple, les incidencesdu plan conjoint FEDCO, va fatalement se produire lors
de l'adoption d'un plan conjoint du porc.
Si on vise qu'actuellement, l'économie du Québec
opère avec une certaine quantité de porcs et si on
transfère ces porcs, si on les enlève aux intégrateurs et
si on les remet aux producteurs au sens de la loi, ils sont, évidemment,
habilités à profiter des mesures que l'on veut mettre en
place.
A ce moment, je me demande quel est le profit pour l'économie du
Québec. Est-ce le profit des personnes que l'on cherche? Est-ce le
profit du syndicalisme? Est-ce le profit du corporatisme ou si c'est le profit
de l'économie?
En matière économique, je pense que ce qui arrive, dans un
contexte comme le nôtre, c'est que les plus valables finissent par
s'imposer.
M. Toupin: Comment expliquez-vous, M. Blanchard, avec tous les
problèmes que vous nous avez décrits tantôt, de pertes
d'argent, de pertes de profits, qu'il y a eu une augmentation de 19%du porc au
Québec cette année, dans le domaine des abattages, et que vous
êtes à 80% des intégrateurs? Comment expliquez-vous que
vous auriez tenu le coup dans ce domaine en augmentant vos déficits et,
en conséquence, parce que vous augmentez la production?
M. Blanchard: On n'augmente pas les déficits. Seulement,
on se maintient au-delà des cycles que peuvent supporter un producteur.
Si vous avez, par exemple, quinze producteurs qui sont sous votre tutelle, il y
a des compensations. En venant en automobile ici, on causait des
expériences qu'on avait vécues. Sur dix producteurs, par exemple,
il y en a deux ou trois qui vont perdre $2,000; il y en a deux ou trois autres
qui vont gagner $2,000, mais, si vous n'avez pas cette intégration
la coopérative l'a bien compris vous ne pouvez pas
maintenir les volumes d'opération des meuneries.
Il arrive que vous aurez deux producteurs qui vont débarquer et
il n'est pas sûr, à ce moment, que vous allez trouver, chez les
deux producteurs qui vont rester, les possibilités physiques de
compenser pour la perte de production.
M. Toupin: Cela ne donne pas réponse à ma question
quand même.
M. Blanchard: Oui, c'est cela.
M. Toupin: Vous dites que cette année vous perdez de
l'argent. Donc, plus vous en faites, vous autres je ne parle pas des
producteurs, je parle des meuneries de porcs, plus vous perdez de
l'argent. Pourquoi augmentez-vous la production?
M. Blanchard: Non, on n'a pas augmenté la production. Si
vous remarquez que nos productions ont été augmentées,
c'est qu'il y a des intermédiaires.
M. Toupin: Encore là, ce sont vos statistiques qui
comptent.
M. Blanchard: Remarquez bien ceci, je vais vous le dire. Il y a
des intermédiaires qui se sont lancés à perte je
peux vous en nommer dans la production.
M. Toupin: D'accord.
M. Blanchard: Si vous voulez que je vous donne des chiffres, il y
a des coopératives, par exemple, qui ont fait des pertes importantes,
mais qui se sont lancées quand même a fonds perdu dans
l'accaparement des productions.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Kamouraska-Témiscouata.
M. Pelletier: M. le Président, est-ce que vous êtes
conscient, si vous faites une perte avec un producteur, que vous
répartissez cette perte sur les autres producteurs pour vendre? Le
coût de votre moulée, par exemple, augmente, si vous voulez, de
10% ou de 15%. Là, il y a des plaintes au niveau des producteurs que la
moulée est trop dispendieuse. Tout à l'heure, vous avez dit que
vous aviez fait une perte de $26,000 dans votre bilan. Elle est reprise, si
vous voulez, sur le producteur. C'est là qu'aujourd'hui on voit que le
producteur se plaint que la moulée est trop chère, qu'il n'arrive
plus entre la différence des deux. J'ai vécu cela dans la
région de chez nous.
M. Blanchard: Oui, M. le député, je pense que ce
n'est pas le cas que je citais. Quand nous perdons chez un producteur, nous
assurons quand même le salaire du producteur qui est à perte,
parce que ces producteurs sont à forfait. Mon ami Quintin...
M. Pelletier: Disons que peut-être...
M. Blanchard: ... on garantit à un producteur, qu'il soit
en opération ou non, alors qu'il a une porcherie, un salaire à
forfait par porc, un minimum et un maximum, qu'il en ait ou non dans sa
porcherie.
M. Pelletier: Quand c'est fait à forfait? On parle
des...
M. Blanchard: Les autres, la concurrence ne nous permet pas de
faire ce que vous signalez; autrement on perdrait le client
immédiatement. On ne peut pas, pour un type qui est libre en production,
majorer le prix de sa moulée de $0.50 ou $0.60 et espérer qu'il
va rester chez nous.
M. Pelletier: Non, sans varier jusqu'à $0.60, disons qu'il
y a quand même une marge de $0.20 supplémentaires les 100 livres
qui est ajoutée, ce qui devient assez onéreux pour le
producteur.
M. Blanchard: Je n'ai jamais fait cela. Les prix sont les
mêmes pour tout le monde.
M. Pelletier: Peut-être pas vous, mais on voit cela dans
nos régions, je veux dire chez nous, dans le bas du fleuve.
M. Blanchard: Cela peut arriver. Est-ce qu'il s'agit
d'entreprises privées ou d'entreprises coopératives?
M. Pelletier: Des entreprises privées. M. Blanchard: Des
entreprises privées.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Lotbinière.
M. Massicotte: M. le Président, j'aimerais encore avoir
certaines précisions. Lorsque les producteurs travaillent pour une
meunerie ou encore une coopérative ou une compagnie pour la production
de porcs ou de poulets, est-ce que vous aimeriez
voir une distinction ou une nouvelle définition concernant la
personne qui les produit elle-même, qui les rend sur le marché par
les canaux qui sont reconnus ou une nouvelle définition pour celui qui
produit pour une meunerie?
M. Blanchard: On aimerait bien, en fait, avoir une
définition qui soit économique. Effectivement, un bonhomme qui
s'inscrit dans la production devrait être un producteur à quelque
niveau que ce soit. Evidemment, il faut poser des limites à l'intrusion
des multinationales. Si je pense à certaines compagnies qui, parce
qu'elles font de l'argent dans d'autres secteurs, secteur de la bière
par exemple, vont s'emparer d'une production au Québec, je ne suis pas
d'accord. Le législateur doit intervenir. C'est peut-être ce qu'on
déplore le plus parce qu'à ce moment ce soit une chasse ouverte
et non pas une chasse gardée. Seulement, il me semble qu'entre
l'inflexibilité de la loi actuelle et un réalisme valable quant
à l'intégration qui est faite au niveau des paroisses, il devrait
y avoir un moyen terme. Je pense qu'il y a assez d'experts au ministère
pour découvrir à quel moment un type est un intermédiaire
dangereux, multinational ou un type est un producteur
québécois.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Saguenay.
M. Lessard: M. le Président, je reviens justement sur une
question qui a été posée tout à l'heure. Lorsque
vous avez affirmé que, dans votre cas, c'est une perte de $26,000,
est-ce que c'est une perte de $26,000 sur le commerce des grains?
M. Blanchard: Oui.
M. Lessard: Exclusivement ou en tenant compte de l'ensemble de
vos productions?
M. Blanchard: C'est en tenant compte de l'ensemble. J'ai toujours
été partisan de la ferme familiale. L'Association des meuniers a
écrit dans notre journal Le Meunier québécois plusieurs
articles disant et signalant aux législateurs que ce qu'il fallait
maintenir dans le Québec et ce qui était la cellule productive la
plus économique, c'était la ferme familiale. J'ai toujours
été partisan de la décentralisation et de la ferme
familiale. Chaque fois que je soutenais une production, je visais toujours
à la remettre aux producteurs aussitôt qu'ils pouvaient l'assumer.
Or, dans certains cas, cela n'a pas été possible. Les gens n'en
ont pas voulu. Ils ont abandonné la culture. Ils sont allés
travailler dans des usines pas tellement loin d'une ville. Ils ont
abandonné l'élevage et ils ont laissé là les pertes
des exploitations.
M. Lessard: Alors, c'est sur l'ensemble de la production?
M. Blanchard: C'est l'ensemble. Je peux dire aussi qu'en
même temps...
M. Lessard: Est-ce que vous ne faites pas subir à ce
moment d'autres productions que vous faites, ces pertes aux producteurs lorsque
vous lui vendez le grain?
M. Blanchard: Non, je dois dire, si vous voulez un exemple
typique, dans mon coin il y a une coopérative qui vend actuellement de
la moulée laitière à $8.15 et je la vends $7.65. Je ne
fais subir à personne le poids de ma structure. Si je dois me retirer
des affaires, je le ferai, lorsque je concevrai que ce n'est plus possible
d'opérer sainement un commerce qui tâche de valoriser la ferme
familiale.
M. Lessard: Etant donné que vous nous avez parlé de
cette perte, est-ce que, sur le commerce des grains, vous avez des pertes?
M. Blanchard: Sur le commerce des grains, nous avons eu des
pertes l'an dernier et nous en aurons cette année, parce qu'il y a des
acheteurs de grains qui ont fait des pressions sur des meuniers,
coopératifs ou non, et qui ont placé des grains à haut
prix, à prix fixe et qui devront maintenant, alors que le marché
est à la baisse, assumer ces pertes.
M. Lessard: Une dernière question qui rejoint encore un
peu la compagnie multinationale. Cette question, je vous la pose comme je la
poserai probablement à d'autres, parce qu'il s'agit d'un exemple qui
frappe assez l'esprit, concernant l'augmentation considérable des
intrants pour l'agriculteur.
Etant donné que vous êtes là-dedans, même si
vous n'êtes pas dans le commerce de la corde de balle comme tel, comment
expliquer que, en ce qui concerne un produit spécifique, la corde de
balle, cela puisse passer, en l'espace de deux ans, je pense, de $7, même
dans des régions, à $40, $42? Est-ce que c'est vraiment une
pénurie qu'il y avait à ce moment?
M. Blanchard: Voici ce qui est arrivé: Sur le commerce
international, le sisal est devenu très rare, parce que justement...
M. Lessard: Mais comment cela se fait-il qu'il n'était
plus rare à $42?
M. Blanchard: Voici: II s'est fait là-dedans, cornme dans
d'autres choses, comme dans le sucre, comme dans le soya... Vous savez que les
boursiers jouent maintenant sur l'alimentation, et cela, en période de
crise, c'est un indice qui est toujours probant. Qu'est-ce qui est
arrivé avec le sisal? On a découvert de nouvelles utilisations du
sisal. Le sisal est utilisé maintenant dans la fabrication du
vêtement, et les techniciens qui étaient dans ce secteur se sont
rapidement orientés vers ce secteur, parce qu'on annonçait,
surtout aux Etats-Unis, la création d'une corde à base de nylon.
Quand le pétrole est devenu plus rare et plus cher, à ce moment,
on a abandonné ce principe de fabriquer de la corde à presse, par
exemple, avec du nylon, et le sisal, à ce moment, était devenu
très rare. La compagnie Brantford, par exemple, en Ontario, qui assumait
la production de la corde à presse, avait cessé ses
opérations. On s'est trouvé à la merci de
l'importation, et les importateurs ne sont pas plus bêtes. Quand ils
voient un marché facilement pénétrable, à n'importe
quel prix, alors qu'il y a des besoins, les prix ont monté
graduellement, et il y a certaines grandes entreprises
québécoises, qu'on ne nommera pas, qui ont tablé sur de
forts stocks et qui ont fait d'excellentes affaires.
M. Lessard: Autrement dit, cela ne s'explique pas seulement par
la pénurie.
M. Blanchard: Pas seulement par la pénurie. Il y a eu
spéculation.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre de
l'Agriculture.
M. Toupin: Je finirai avec seulement quelques questions.
La première, c'est que vous avez critiqué un peu la
formule des plans conjoints, et vous avez proposé comme solution une
chambre agricole pour tenter de faire se réunir les parties.
L'Association des meuniers n'est-elle pas invitée à faire partie
de chacun des comités qui discutent les projets de plans conjoints avant
que la régie les approuve?
M. Blanchard: Oui, nous sommes invités, l'un après
l'autre. Nous aimerions être invités à une table ronde,
ensemble.
M. Toupin: Tous ensemble.
La deuxième: Vous critiquez un peu la politique des grains. Vous
n'êtes pas le seul. Si ma mémoire est bonne, je pense qu'on avait
aussi demandé à chacun des organismes impliqués en 1972 de
participer à une politique globale, provinciale, pour une sorte de
présentation commune. Cela vous convient-il des formes d'action comme
cela?
M. Blanchard: Je pense que c'est ce que nous avons demandé
depuis longtemps. On est heureux de voir que le ministère nous accueille
maintenant comme interlocuteurs valables à ces niveaux.
Dans la politique des grains, nous avons été un peu
déçus de voir que cela nous a pris dix ans pour amener l'UPA
à se préoccuper sérieusement de ce problème, parce
que, pour nous, c'est le problème majeur au Québec.
M. Toupin: Vous poserez la question tantôt à l'UPA,
lorsque ses représentants prendront la parole.
M. le Président, c'étaient seulement les quelques
questions que je voulais poser en terminant.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Merci, monsieur.
J'invite les représentants de l'Union des producteurs
agricoles.
M. Couture (Paul): M. le Président, M. le ministre...
Le Président (M. Houde, Limoilou): Nous vous ferons la
même demande, celle de vous présenter et de présenter ceux
qui vous accompagnent, s'il vous plaît.
Union des producteurs agricoles
M. Couture: Je vous remercie d'abord d'accorder l'occasion au
groupe le plus intéressé par la loi de la stabilisation de faire
valoir son point de vue. Je suis beaucoup moins inquiet, parce que je
m'aperçois que beaucoup de gens s'intéressent à
l'agriculture.
Je veux présenter ici M. Kirouac, le secrétaire
général; M. Paul-André Guillotte, qui est avocat et
travaille à la mise en marché chez nous; le
vice-président, M. Armand Guérard; MM. François Da-genais
et François Côté, économistes au service
d'étude et recherche.
Nous avons préparé un court mémoire, M. le
Président, et, si vous me permettez, je demanderais au secrétaire
général d'en donner la lecture.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Un instant!
Pourriez-vous parler un peu plus fort, s'il vous plaît, pour
l'enregistrement?
M. Couture: Oui, je peux monter d'un ton.
M. le Président, comme nous avons préparé un court
mémoire, si vous permettez, je demanderais au secrétaire
général d'en donner la lecture.
M. Kirouac.
M. Kirouac (Jean-Marc): Avant-projet de loi
d'assurance-stabilisation des revenus agricoles.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Un instant, s'il vous
plaît! Votre nom? Je pense qu'on ne l'a pas compris tout à
l'heure.
M. Kirouac: Jean-Marc Kirouac, secrétaire
général de l'UPA. Mémoire présenté à
la commission parlementaire, Québec le 27 février 1975.
La rencontre que nous avons aujourd'hui, marque une autre étape
dans la démarche entreprise par les agriculteurs du Québec,
autrefois dans le cadre de l'UCC, maintenant dans le cadre de l'UPA, dans le
but d'atteindre un niveau et une stabilité de revenus comparables
à ceux des autres classes de la société.
Souvent, par le passé, les progrès enregistrés sont
venus à la suite de pressions et de discussions avec le gouvernement du
Québec. Qu'on pense à la première loi des marchés
agricoles en 1956 et à la Loi des producteurs agricoles de 1972 et le
reste.
Nous ne considérons pas que la classe agricole obtenait des
faveurs de l'Etat à ces moments-là. Nous croyons plutôt que
dans le développement d'une agriculture de type familial, l'Etat a
nécessairement un rôle à jouer. Certaines fonctions
absolument vitales au progrès de l'agriculture ne peuvent être
remplies adéquatement par 50,000 agriculteurs isolés. Il est de
plus évident, que la dispersion de la décision de produire ou de
ne pas produire en autant de centres de décision qu'il y a de fermes
familiales implique une très grande instabilité des prix, donc de
revenus agricoles. La dispersion implique aussi une tendance à des prix
très bas, donc à un
niveau de revenus très bas pour la moyenne des agriculteurs.
Cette situation ne se présente pas dans la plupart des autres secteurs
économiques où le nombre limité d'unités de
production, la concentration permettent de régulariser la production et
le maintien des prix.
Les agriculteurs d'aujourd'hui sont plus conscients de ce piège
que ne l'ont été leurs prédécesseurs. C'est
pourquoi ils ont accepté de sacrifier une partie de leur économie
traditionnelle, pour créer des plans conjoints de mise en
marché.
C'est pourquoi également ils n'acceptent plus qu'on tente
d'expliquer les faibles revenus des agriculteurs par un manque de
productivité. Car ils savent que la croissance de la productivité
a été plus rapide en agriculture que dans tous les autres
secteurs de l'économie, et pourtant la classe agricole est parmi les
plus mal rémunérées. Les agriculteurs considèrent
plutôt que leur faible niveau de revenu tient à la structure, au
système dans lequel ils opèrent. Ils sont conscients, pour
prendre un exemple, que si la production du boeuf était
concentrée comme le sont l'industrie de l'acier ou l'industrie chimique,
il n'y aurait pas de surproduction de boeuf et les consommateurs paieraient en
tout temps, le plein coût de production et un peu plus encore. Le
système actuel implique la mort à petit feu des agriculteurs et
de l'agriculture.
C'est ce que les agriculteurs ont voulu signifier à la population
du Québec et à son gouvernement, lors des manifestations de
l'automne dernier. Les revendications des producteurs ont d'ailleurs
été confirmées par les statistiques de fin d'année.
Le revenu net agricole a diminué de 8.9% en termes monétaires,
donc de 21.3% si l'on tient compte de l'augmentation du coût de la vie.
De plus, la production agricole réelle, physique a diminué de 3%
entre 1971 et 1973 au Québec. Ce sont des chiffres lourds de
signification pour quiconque est intéressé au maintien d'une
agriculture dans l'ensemble québécois.
L'engagement pris par le gouvernement lors de la rencontre du conseil
général de l'UPA avec le conseil des ministres constitue pour
nous une reconnaissance de la part de l'Etat québécois, du
rôle qu'il a à jouer pour le maintien d'une agriculture viable.
Cet engagement, un grand nombre d'agriculteurs le connaissent par coeur.
Le gouvernement reconnaît le principe que le revenu des
agriculteurs moyens doit être équivalent à celui d'un
ouvrier spécialisé et convient de déterminer avec l'UPA,
le moyen de réaliser cet objectif pour chaque producteur. Le
gouvernement accepte le principe d'indexation des prix des produits agricoles
à leurs coûts de production.
Il y a donc dans cet engagement, la reconnaissance que le gouvernement
doit intervenir sur le niveau des revenus agricoles et sur la stabilité
des normes agricoles. Et pour nous, les deux sont inséparables. La
stabilité à des revenus insatisfaisants ne règlerait rien.
Et de bons revenus menacés constamment par les aléas de
marché dans le genre de ceux que nous connaissons présentement
dans le boeuf et dans la pomme de terre ne satisferaient personne. Les
agriculteurs veulent des revenus décents et stables.
C'est dans cet esprit que l'UPA a abordé l'étude de
l'avant-projet de loi de l'assurance-stabilisation des revenus agricoles et
qu'elle entend le discuter aujourd'hui avec vous.
Les principes de fond. La pensée de fond de cet avant-projet doit
être révisée, puisqu'elle ne correspond pas à ce
qu'attendent les producteurs agricoles du Québec. La Loi
d'assurance-stabilisation des revenus agricoles se voudrait un correctif aux
fluctuations périodiques de prix des produits agricoles, alors que les
producteurs voudraient que cette loi soit véritablement une assurance
garantissant la protection des coûts de production réels des
produits agricoles, établis selon les réalités
économiques de l'entreprise agricole au Québec.
En conséquence, l'article 1 doit être modifié et la
définition du revenu stabilisé être la suivante:
Le revenu stabilisé: Pour chaque unité du produit, le
montant établi conformément aux modalités prévues
au régime, après consultation des producteurs
intéressés, et compte tenu des déboursés
monétaires encourus périodiquement, dans la production et la mise
en marché du produit, plus les frais de dépréciation
inhérents à l'entreprise, ainsi que d'un revenu annuel net
incluant la rémunération du travail de l'exploitant et du travail
familial, la rémunération du capital investi et la
rémunération pour la gestion de l'entreprise
déterminée par le régime.
Autres modifications suggérées. L'administration du
régime. Il serait utile de spécifier plus clairement dans le
présent texte que tous les frais d'administration du régime sont
à la charge du gouvernement et qu'aucun des montants
déposés dans le fonds ne peut être utilisé à
cette fin. Voilà les premiers commentaires suscités par cet
avant-projet de loi chez les administrateurs de l'Union des producteurs
agricoles. Une fois faites, les modifications que nous vous suggérons,
nous serons en position pour consulter nos membres et discuter avec eux des
implications d'une telle loi, dans les différentes productions, car il
est clair qu'un tel projet, vu son importance, ne peut être mis en
vigueur sans un appui de la grande majorité des producteurs, de l'union
des producteurs.
M. Lessard: M. le Président, avant que le ministre
intervienne, étant donné qu'on résume la position du
gouvernement, à la page 3: Le gouvernement reconnaît, ainsi de
suite... j'aimerais bien que le ministre nous précise si c'est exact que
le gouvernement a reconnu ces principes.
M. Toupin: M. le Président... M. Lessard: Tels que
rédigés.
M. Toupin: Je ne voudrais pas engager de discussion sur ces
questions.
M. Lessard: Bien, c'est important, c'est la base même.
M. Toupin: Le texte sur lequel on s'est entendu n'est pas
totalement conforme à ce qui est écrit, mais je pense que
l'esprit y est. Ce qui est important pour moi, actuellement, c'est de discuter
dans le
cadre de l'esprit et non pas dans le cadre du texte, parce qu'on peut
toujours, sur des textes, s'engueuler. Je n'ai pas cette intention,
aujourd'hui, de discuter...
M. Lessard: Mais, vous êtes d'accord sur l'esprit je
ne veux pas faire de sémantique sur les termes comme tels mais
l'esprit du texte, tel que résumé par l'Union des producteurs
agricoles, cela correspond, en fait, à l'esprit de votre texte sur
lequel vous vous étiez entendus et vous n'avez rien à retirer de
ce qui est indiqué à la page 3?
M. Toupin: Avec une restriction, c'est qu'il n'y a pas eu
d'entente sur l'indexation.
M. Lessard: Le dernier paragraphe, à savoir: Le
gouvernement accepte le principe d'indexation des prix des produits agricoles
à leur coût de production, il n'y a pas eu d'entente sur cela?
M. Toupin: Cela ne fait pas partie de l'entente qui a eu lieu
entre les producteurs et le gouvernement. Néanmoins, dans les
discussions qu'on a menées jusqu à maintenant, on tient compte de
l'inflation, on tient compte de l'indexation.
M. Lessard: Autrement dit, cela correspond en fait à la
politiq ue qui a été acceptée par le ministère?
M. Toupin: Je vais vous dire que cela correspond à
l'esprit dans lequel le ministère envisage de discuter avec les
producteurs. C'est cela...
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre de
l'Agriculture.
M. Toupin: M. le Président, je n'ai pas tellement de
questions à poser tout de suite. J'aimerais que les autres membres de la
commission parlementaire puissent en poser, sauf qu'il y en a une qui me vient
à l'esprit. Lorsque vous parlez de revenu stabilisé et que vous
ne semblez pas tout à fait d'accord sur l'idée de corriger
d'abord les courbes, et après, intervenir, vous êtes d'accord
quand même pour qu'il y ait une caisse de compensation et que les
producteurs contribuent au moment où les prix du marché
dépassent ce qu'on retrouvera dans nos ententes?
M. Couture: Oui, M. le ministre. Je pense bien que, dans notre
compréhension du problème, quand on parle de stabilisation des
revenus au lieu de stabilisation des coûts, c'est que dans notre esprit,
les prix des produits agricoles, dans le passé, ont toujours
été aux prix de plancher. Ce qu'on veut, ce que les agriculteurs
veulent, c'est une sécurité de revenu. Dans notre raisonnement,
on dit: II y a des coûts de production qu'on peut vérifier, qu'on
peut étudier, qui permettent un revenu aux agriculteurs sur tant. Et
ensuite, si, à cause de conditions spéciales de marché, de
"dumping", on est à la merci d'une foule de choses, le commerce
international, le commerce interprovincial, ce qu'on veut assurer, c'est un
revenu aux agriculteurs. Et à partir du coût de production, si on
se tourne vers la réalité du marché, et si le
marché, pour diverses circonstances, la possibilité de payer du
consommateur, et le reste, ne peut pas donner le prix, c'est là qu'on
voyait intervenir la Loi de stabilisation des prix lorsqu'il y aurait des
baisses et des hausses. C'est dans cet esprit que nous intervenons.
M. Toupin: D'accord. C'était la première question.
Maintenant, si d'autres membres de la commission ont d'autres questions
à poser, j'y reviendrai un peu plus tard.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Saguenay.
M. Lessard: M. le Président, je reviens à la page 3
du mémoire de l'Union des producteurs agricoles où on affirme
explicitement: "Le gouvernement reconnaît le principe que le revenu des
agriculteurs moyens doit être équivalent à celui d'un
ouvrier spécialisé et qu'on vient de déterminer avec l'UPA
le moyen de réaliser cet objectif pour chaque producteur."
M. Kirouac: C'est chaque production.
M. Lessard: Chaque production. Le gouvernement accepte le
principe d'indexation des prix des produits agricoles à leur coût
de production. Disons que même si on excepte ja dernière phrase,
on peut discuter sur la phrase précédente puisqu'il
m'apparaît que c'est là le point essentiel de toute la Loi de
stabilisation des revenus agricoles. Tant et aussi longtemps... Oui,
écoutez. Est-ce que les revenus, la Loi de stabilisation des revenus
agricoles...
M. Toupin: Je voudrais que vous posiez vos questions aux gens qui
ont des mémoires à présenter. Ce n'est pas moi.
M. Lessard: D'accord, mais je pense que le ministre a une
responsabilité. Vous me dites non quand j'affirme cela. Alors, je vais
peut-être poser une question au ministre.
M. Toupin: Là, on est rendu à discuter avec eux,
pas avec moi. Tantôt on discutera.
M. Lessard: Est-ce que cette loi qu'on nous présente ce
matin peut s'appliquer, peut être instaurée ou peut en fait
réussir à satisfaire les agriculteurs si au préalable on
ne s'est pas entendu sur le principe même de base de la Loi de
stabilisation des revenus agricoles, à savoir ce qu'on va mettre dans ce
revenu?
M. Couture: Je pense que c'est l'essentiel du mémoire. On
dit: C'est ce qu'on veut couvrir. Donc, selon notre compréhension, une
Loi de stabilisation des revenus agricoles implique qu'on s'entende sur les
éléments qui entrent dans le coût de production.
M. Lessard: Est-ce que jusqu'ici vous pouvez dire que vous vous
êtes entendus sur ce point qui m'apparaît essentiel, même
sine qua non? Sans
cela, cela ne sert à rien d'être en commission
parlementaire pour discuter d'une loi de stabilisation des revenus qui ne sont
pas...
M. Couture: Au niveau de nos négociations, c'est le point.
Sur les autres éléments, on s'est entendu. C'est le point
où on diffère de compréhension, on diffère
d'interprétation de l'entente. Nous avons une interprétation, le
ministère a la sienne et c'est là que nous sommes rendus
aujourd'hui dans nos négociations.
M. Lessard: Mais, M. Couture, qu'est-ce qui va arriver à
un moment donné si on décide d'appliquer la loi si, au
préalable, vous n'avez pas d'entente avec le ministère sur cela?
Est-ce que la stabilisation des revenus va s'établir selon l'offre et la
demande sans reconnaître les principes pour lesquels vous vous êtes
battus en octobre et novembre derniers?
M. Couture: Nous conservons nos principes. Au niveau du
ministère, on est en négociation et hier après-midi, on
s'est entendu sur un moyen d'avancer là-dedans pour en venir à
une compréhension. Je pense que cette compréhension et cette
entente sont nécessaires pour donner suite à la loi parce que
c'est le fond, c'est la base de la Loi de stabilisation des revenus, selon
notre compréhension personnelle.
M. Lessard: Donc, M. Couture, d'après votre
compréhension, si on n'a pas d'entente sur cela ou si l'entente
postérieure à la loi ne vient pas, autrement dit, on aura
discuté pour rien?
M. Couture: Je n'irais pas jusque là, parce que le niveau
de compréhension protège un minimum, mais l'efficacité de
la loi est conditionnée par cette entente. Dans l'acceptation au niveau
du ministère de l'Agriculture, on accepte un minimum, et c'est la
différence entre le minimum accepté et le minimum de nos
demandes. Je pense que c'est là qu'est le point d'achoppement, ce qui
veut dire que si la loi était appliquée, selon la
compréhension qu'on a, elle protégerait un minimum, qui est la
compréhension du ministère. Mais je pense que ce qui est
important à ce moment-ei, au niveau de la négociation avec le
ministère...
M. Lessard: Mais cela ne pourrait pas empêcher la faillite.
Cela ne ferait que stabiliser la situation actuelle.
M. Couture: Cela protège des catastrophes. C'est une
protection contre les catastrophes, mais notre compréhension est une
protection d'un minimum de revenu pour un agriculteur. Donc, c'est la
différence où nous en sommes.
M. Lessard: Vous avez parlé d'un début d'entente
hier, est-ce que...
M. Couture: Grosso modo, nous disons: Le revenu d'un travailleur,
d'un exploitant agricole devrait être de l'ordre de $15,000, et dans la
compré- hension de l'entente, on dit: C'est environ quelque $1,000 de
revenu. C'est là la différence, comme dans toute
négociation, quand on est rendu aux revenus, c'est comme quand on est
rendu aux salaires et qu'on a réglé les autres clauses, c'est
là que c'est le plus long.
M. Lessard: Ce n'est pas la même chose que les salaires des
députés, ça se négocie plus vite, les salaires des
députés.
M. Couture: Je comprends la situation, je comprends beaucoup
mieux que le salaire d'un autre est suffisant, plus que le mien.
M. Lessard: Je comprends, M. Couture. Il reste que ce principe
que vous énoncez à la page 3 m'apparaît le principe
essentiel, même sine qua non, d'une véritable application d'une
loi de stabilisation des revenus parce que si tu stabilises au niveau actuel,
à un moment donné, tu fais seulement maintenir ou permettre
à des agriculteurs de survivre mais pas plus.
M. Couture: C'est notre compréhension. Tout de même,
je n'irais pas jusqu'à dire qu'on ne peut pas évoluer avec la
loi, progresser dans cette loi, quitte à régler en même
temps l'autre problème. Parce que la loi couvre déjà des
choses.
M. Lessard: Cela stabilise les faillites. M. Couture:
Oui.
M. Lessard: Vous dites, à la fin de votre mémoire,
que voilà les premiers commentaires pour le moment, vous énoncez
votre principe essentiel pour lequel les agriculteurs se sont battus depuis
plusieurs années, nous en particulier au cours des mois d'octobre et
novembre. Mais, une fois faites les modifications que vous proposez, qui sont
conformes à l'esprit des négociations que vous faites, vous
dites: "Une fois faites les modifications que nous suggérons, nous
serons en position pour consulter nos membres et discuter avec eux des
implications d'une telle loi dans les différentes productions. Autrement
dit, actuellement, le fait que vous vous prononcez sur le principe essentiel de
la loi, vous dites: On ne peut pas aller plus loin, on ne peut pas discuter des
modalités, on ne peut pas discuter des règlements, on ne les a
pas comme d'habitude on ne peut pas aller plus loin parce qu'il
faudrait que le gouvernement, une fois qu'on se sera accordé sur ce
principe, nous permette maintenant ou nous laisse un délai pour aller
consulter les différentes fédérations agricoles.
M. Couture: Oui, je pense que ça peut être assez
rapide quand même. Mais notre objection est dans la philosophie. On dit
que la loi protège les coûts. Je pense que notre
compréhension de l'article...
M. Lessard: C'est ça.
M. Couture: ...1, c'est que ça protège les
coûts
et nous, on dit que ça doit protéger aussi un revenu.
C'est la condition qu'on y met, qu'au lieu de protéger seulement le
coût, ça protège un revenu pour le producteur.
M. Lessard: Pensez-vous que les producteurs agricoles vont
s'embarquer dans cette loi? Quel est le nombre de producteurs que vous
prévoyez qui accepteraient de participer à cette loi?
M. Couture: Je pense que si, dans la loi...
M. Lessard: Si ça fait comme l'assurance-récolte,
commencer à $19,000...
M. Couture: C'est pour ça qu'on dit que la philosophie va
protéger quoi? Si, dans la loi, on protège le revenu des
agriculteurs, les agriculteurs vont embarquer dans cette loi. Mais si elle ne
protège pas le revenu des agriculteurs, ça va faire comme
l'assurance-récolte, si elle n'est pas adaptée aux conditions de
l'agriculture.
M. Lessard: Dans vos négociations, parce que vous avez
sans doute discuté avec le ministre sur ce projet de loi, est-ce qu'il a
été discuté à un moment donné de la
participation financière de l'agriculteur?
M. Couture: On y tient. C'est parce que, comme agriculteurs, on
ne veut pas être des dépendants continuellement et on ne veut pas
être accusés continuellement de vivre de la société.
Mais si on y participe, on est des partenaires et cela nous justifie de
demander des compensations, mais il faut, au préalable, dans la loi,
qu'on soit couverts, qu'on sache qui va être payé, et de quelle
manière. C'est ça l'essentiel.
M. Lessard: En fait de participation, vous voulez parler de la
participation à la caisse de compensation et non pas au niveau de
l'administration.
M. Couture: On le dit dans notre mémoire, on dit...
M. Lessard: J'ai bien compris.
M. Couture: ...qu'il faudrait que ce soit complètement
dégagé parce qu'on n'a pas beaucoup de contrôle.
M. Lessard: Actuellement, selon vos informations, d'après
la loi ça va être probablement précisé dans
des règlements il n'y a pas eu de discussion entre l'UPA et le
ministre de l'Agriculture sur la participation financière de
l'agriculteur à la caisse de compensation.
M. Couture: Nous, comme on l'a interprété, c'est un
avant-projet qui sera précisé dans l'avenir. Mais, sur
l'avant-projet, on est d'accord parce qu'on dit que c'est peut-être le
seul moyen d'assurer une stabilité de revenu aux agriculteurs.
M. Lessard: Mais vous êtes d'accord, tel qu'il est
là, sur les modifications que vous proposez, mais est-ce que vous seriez
d'accord, si le ministre n'accepte pas vos propositions?
M. Couture: Non, je pense que c'est préalable. C'est une
loi qui est faite pour les agriculteurs, je pense donc qu'il faut qu'il y ait
ces conditions.
M. Lessard: Autrement dit, on met la charrue devant les
boeufs.
M. Couture: II faut la mettre quelque part. M. Lessard: J'aime
mieux la mettre en arrière.
M. Couture: C'est plus facile de déplacer les boeufs que
la charrue. C'est dans cet esprit, on ne s'interroge pas trop, mais, dans la
pratique, il y a encore des discussions à faire. Il y a la
réglementation et il y a aussi, avant que cela devienne...
M. Lessard: C'est certainement plus facile de déplacer un
boeuf qu'un gouvernement.
M. Couture: Cela dépend qui vous identifiez par la charrue
et par le boeuf.
M. Lessard: Alors, vous n'êtes pas d'accord, tel qu'il est
là; vous demandez au moins que les modifications que vous proposez
soient acceptées?
M. Couture: D'accord.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Lotbinière.
M. Massicotte: M. le Président, j'aimerais faire un
pendant aux questions que j'ai posées tantôt à M.
Blanchard, concernant l'intégration par les compagnies, les meuneries,
les coopératives, avoir votre réaction sur ce que vous en pensez.
Encore là, on se pose des questions en ce qui concerne le producteur
agricole, mais il y a peut-être aussi la question du travailleur agricole
qui se trouve à travailler à gages pour ces compagnies. Comment
cela cadre-t-il dans vos exigences pour appartenir à l'UPA?
M. Couture: Votre question est assez large, je pense. Si,
à un moment donné, les gens peuvent dire qu'il y a un niveau
d'intégration à 75% ou 80%, qui peut se discuter, parce que
chacun a ses statistiques, pourquoi cela en est-il rendu là, je pense
que c'est important. C'est parce que, vu les aléas du marché, il
y a une foule de choses, en dehors de nos contrôles. Les agriculteurs
sont arrivés à une situation où ils ne pouvaient plus
prendre ces risques. S'il y avait eu un minimum de stabilité, la
production, dans ces secteurs, serait restée dans les mains des
producteurs, je le pense, peut-être pas complètement, mais pour
une grande partie. Je pense que c'est important.
On a essayé de sauver tout le monde, cela a joué un
rôle. M. Blanchard nous disait que sauver l'agri-
culture, dans l'esprit, pour la remettre aux agriculteurs, c'est
rarement arrivé. L'organisation qui a financé les agriculteurs
s'est permis de franchir cette étape, parce qu'elle a presque
mangé le capital du producteur. A un moment donné, c'est
arrivé à l'autre bout que le gars était tellement pris
que, pour se réchapper, il est devenu un salarié.
Je n'accuse pas les gens, mais c'est dû à un contexte
où le gars n'était plus capable de supporter ces risques. Je
pense que c'est anormal. En agriculture, on parle souvent de droits acquis, on
parle d'agriculture familiale, c'est parce que c'est la famille qui a fait
l'agriculture jusqu'à présent. Il y a des droits acquis, un
précédent et une expérience qui sont valables. Cela ne
veut pas dire qu'on ne doit pas évoluer et qu'on ne doit pas s'adapter
à l'agriculture moderne. Nos gars sont prêts à le
faire.
Dans les productions où il y a eu le plus de protection,
où on a été un peu mieux organisé, dans le domaine
du lait, par exemple, la production est restée entre les mains des
agriculteurs, parce qu'il y a eu une certaine stabilité, un minimum de
stabilité. Mais dans d'autres productions, c'est devenu presque une
spéculation. L'élevage du porc, du poulet à gril, parce
qu'on faisait jouer le marché de toutes sortes de façons et par
différentes influences étrangères souvent au contexte
économique, est devenu un jeu de bourse. Or, l'agriculteur
n'était pas capable de faire ce jeu de bourse, et ce qu'on attend d'une
loi de stabilisation, c'est de protéger un minimum de
sécurité pour que les agriculteurs puissent, eux, demeurer dans
l'agriculture et la développer.
L'agriculture, qu'on l'appelle familiale ou autre, implique des capitaux
considérables, or, personne n'est intéressé à
investir des capitaux s'il n'y a pas un minimum de sécurité. Si
je n'ai pas de capitaux, les banques, les institutions financières ne me
prêteront pas parce que mon secteur n'est pas rentable. Donc, on a
intérêt à rentabiliser le secteur de l'agriculture et en le
rentabilisant, ce qui est nécessaire, automatiquement, vous allez
rentabiliser l'agriculteur, et vous allez laisser la production dans les mains
des agriculteurs; je pense que c'est important. Je ne défends pas le
petit agriculteur qui est resté avec ses six vaches, ce n'est plus cela
l'agriculture.
Prenez la production laitière et n'importe quelle production, ce
sont des capitalisations au-delà de $100,000, aujourd'hui. Donc,
à partir de là, cela nous prend un minimum de
sécurité et le minimum de sécurité, c'est par une
loi semblable qu'on veut l'avoir.
C'est vital pour l'agriculture, parce que, aujourd'hui, c'est devenu une
question d'affaires, une question de mode de vie. Donc, pour répondre
à ces exigences, je pense que...
M. Pelletier: Dans le même ordre d'idée, c'est
peut-être pour cette raison, M. le Président, que les producteurs
d'oeufs, par exemple, ont déjà compté 2,500 producteurs au
Québec et qu'ils ont baissé à 420 comme le monsieur le
disait tout à l'heure.
M. Couture: Oui.
M. Pelletier: Cela veut dire qu'à moins de 5,000 pondeuses
par producteur...
M. Couture: Non pas 5,000, on dit, aujourd'hui, que, pour
utiliser un homme, on a besoin d'un minimum de 10,000 à 12,000
pondeuses. Vous avez eu le même phénomène sans
intégration dans les autres productions, peut-être pas aussi... Si
vous comptiez, à ce moment, 500 pondeuses, il n'y en a plus de gars de
500 pondeuses, mais quand vous faites disparaître 100 producteurs de 500
pondeuses, vous n'avez pas fait disparaître un producteur à ce
moment.
M. Pelletier: D'accord. Une ferme familiale peut comprendre des
pondeuses, du "broiler", du porc, etc.
M. Couture: Oui, mais de moins en moins, parce qu'on est venu
avec des productions spécialisées. On est devenu des
spécialistes. Quand vous êtes des spécialistes, vous avez
une capitalisation à faire. Vous devez être efficace au maximum
dans cette spécialité. Aujourd'hui, les producteurs agricoles
achètent des biens de consommation quasiment comme n'importe qui de vous
autres.
Chez nous, j'ai une ferme qui est assez grande, mais j'achète mon
lait, j'achète mes oeufs et j'achète mes produits autant que vous
autres, parce que j'ai spécialisé mon affaire et je ne me "badre"
pas de 25 poules dans un coin de ma grange...
M. Pelletier: Mais c'est quand même une ferme
familiale?
M. Couture: C'est une ferme familiale aussi... M. Pelletier:
Spécialisée.
M. Couture: ...adaptée aux exigences de 1975, que
voulez-vous?
M. Lessard: Une unité familiale.
M. Couture: C'est une unité familiale qui contrôle
son entreprise. Autrement, on défend de l'artisanat et ce n'est pas cela
qu'on défend. Une ferme qui est capable de s'adapter, d'avoir une
certaine économie d'échelle suit un peu les principes de
l'industrie, parce que le système nous amène à cela.
M. Massicotte: M. le Président, j'aimerais poser la
question. C'était le pendant. Ma question était assez longue et
c'était assez difficile de tout défricher cela, mais quand je
demandais aussi quelles sont les exigences pour être membre de l'UPA...
parce que vous avez là-dedans aussi des travail leurs agricoles, des
agriculteurs, à plein temps...
M. Couture: II y a une définition qui a été
mise dans la loi, qui n'a pas été mise, à ce moment, par
les agriculteurs. Cela a été une des conditions qu'on veut
réviser et qu'on étudie, parce que la loi 64
disait: C'est $1,000 de revenus. On est conscient du véritable
agriculteur. A la période où cela a été
adopté, on avait des agriculteurs qui étaient appelés
à partir de l'agriculture qui disaient: On a, nous autres, à
défendre des conditions de départ; on a à défendre
des législations qui nous permettent de partir honorablement. Ensuite,
vous aviez des régions. Si on pense à la région du coeur
du Québec, à Saint-Hyacinthe, on disait $1,000, cela n'a pas de
bon sens. Mais quand je m'en vais en Gaspésie et qu'on dit que ces
bonshommes ont nécessairement besoin d'un minimum de services, d'un
minimum d'organisation, tu as des bonshommes pour qui $1,000 est important,
parce qu'ils vont faire un peu de bois, un peu de pêche et le reste.
C'est dans ce contexte qu'on a regardé, parce qu'on regardait
pour l'ensemble des agriculteurs. Depuis ce temps, cela a évolué.
Il y a eu aussi des choses, certaines concentrations des fermes, une certaine
planification faite. On va les questionner continuellement. Mais la loi est
assez neuve qu'on n'a pas jugé à propos jusqu'à maintenant
d'amener des modifications majeures à ce niveau.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
d'Iberville.
M. Tremblay: M. le Président, M. Couture, quel est le
nombre de membres de l'Union des producteurs agricoles au Québec?
M. Couture: Les membres qui ont signé une carte
d'adhésion volontaire à l'UPA sont au nombre de 48,000.
M. Tremblay: Est-ce que ce sont tous des propriétaires de
ferme?
M. Couture: Oui.
M. Tremblay: Quelle est la valeur active globale en dollars de
ces 48,000 propriétaires de ferme qui sont membres de votre...
M. Couture: C'est une question technique... Je vais me
référer à mes deux économistes et ils vont faire un
calcul rapide.
M. Tremblay: Sans doute que vous devez avoir consigné dans
vos livres... parce que cela doit certainement représenter pour le
Québec une valeur en dollars assez impressionnante.
M. Lessard: En mettant deux économistes, vous allez avoir
des problèmes...
M. Couture: D'accord, c'est un ordre de grandeur. On dit que ce
sont des investissements de près de $3 milliards.
M. Tremblay: De $3 milliards qui représentent un tournant
d'argent de combien dans une année?
M. Couture: On dit que les revenus agricoles ont
été près de $1 milliard cette année. Les
statistiques... Ce sont les revenus bruts, non pas les revenus nets.
M. Tremblay: Vous évaluez à combien, M. Da-genais,
grosso modo la valeur globale des investissements représentés par
vos 48,000 membres?
M. Dagenais (François): Environ $50,000 par agriculteur.
Si on calcule 50,000 membres, pour aller bien vite, cela fait
$2,501,000,000.
M. Tremblay: D'accord.
M. Dagenais: En fait, c'est un peu plus, parce que, sur le groupe
de têtes, c'est plus élevé. Le revenu net des agriculteurs
a été de $290 millions et, de cela, il y a $104 millions de
revenus en nature. Ce qui reste, un revenu net, extérieur à la
ferme, en argent, qui serait d'environ $290 millions moins $104 millions, ce
qui laisserait $186 millions.
M. Tremblay: Le revenu net en nature, qu'est-ce que c'est?
M. Dagenais: Le revenu net en nature, c'est ce que le
fédéral considère comme l'allocation de la terre, les
produits qui sont autoconsommés pour allocation. Il faut remarquer que,
sur les statistiques utilisées par le fédéral, nous ne
sommes pas tout à fait d'accord.
M. Tremblay: Ces produits autoconsommés, cela veut dire
les produits que l'agriculteur prend à même sa ferme pour nourrir
sa famille?
M. Dagenais: Oui, qu'il prendrait à même sa ferme
pour nourrir sa famille. C'est cela.
M. Tremblay: Bon. Maintenant, dans toute cette masse importante
de l'économie du Québec, en argent investi par les agriculteurs
du Québec, quel est, en dollars, le montant de prêt agricole en
vigueur là-dessus; grosso modo?
M. Dagenais: II faudrait demander au gouvernement. Je ne suis pas
au courant des prêts.
M. Tremblay: Vous n'êtes pas au courant, l'UPA, de ce que
vos membres doivent au gouvernement en hypothèque de prêts
agricoles sur leurs terres? Certainement, que vous avez cela.
M. Couture: On a cela chez nous, mais dans notre...
M. Dagenais: Avec ce que le fédéral prête,
cela ferait autour de $1 milliard. J'ai l'impression que...
M. Tremblay: Avec le Québec, je parle, ce que le
gouvernement du Québec consent en prêts agricoles à cette
masse monétaire de $40 millions d'investissements.
M. Dagenais: Je veux dire qu'on ne fait pas tellement de
distinction quand on étudie l'endettement des agriculteurs. On ne fait
pas de distinction entre ce que le fédéral prête, les
banques prêtent et le crédit agricole du Québec prête
ou les caisses populaires. On sait que l'endettement moyen des agriculteurs est
à peu près de 45% à 50%.
M. Tremblay: Qu'est-ce que l'agriculteur doit au prêt
agricole d u Québec? Je pose cette question.
M. Dagenais: On n'a pas les chiffres ici. On pourrait prendre le
rapport annuel et on va vous les donner.
M. Tremblay: Est-ce que c'est supérieur à ce que
les agriculteurs doivent aux banques, aux caisses populaires ou au
fédéral?
M. Dagenais: Je ne le sais vraiment pas.
M. Tremblay: Autrement dit, est-ce que le prêt agricole,
chez nous, au Québec, est une façon bien utilisée par
l'agriculteur du Québec?
M. Couture: Si vous demandez... D'accord, M. le ministre.
M.Toupin: Les deux ensemble, si on prend l'Office du
crédit agricole du Québec, il est rendu à peu près
à$400 millions et le fédéral doit être à peu
près dans les mêmes normes. Cela doit faire à peu
près $800 millions de prêts que les agriculteurs ont. Evidemment,
les prêts du crédit, c'est fondamental. Il y a, à part
cela, toutes les banques, les caisses qui financent les fermes à long
terme. Si vous parlez à court terme, c'est un peu moins.
M. Tremblay: Quel est le taux d'intérêt moyen que
l'on exige?
M. Couture : Les premiers $15,000 sont à 2.5% et le reste
à 7% présentement. Il y a une remise pour le prêt à
court terme de 3%, mais à partir du taux normal des prêts aux
banques, pas pour tous les emprunts des agriculteurs, pour ce qui peut entrer
dans la question du développement d'une agriculture.
M. Tremblay: Maintenant, la ristourne du gouvernement du
Québec sur les taxes scolaires payées par les agriculteurs est
évaluée à combien en dollars, dans une année?
M. Couture: On parlait de $10 millions à $12 millions.
M. Tremblay: Pour terminer avec une question peut-être
moins technique, à la page 4 de votre mémoire, vous nous dites
que la stabilité à des revenus insatisfaisants ne
réglerait rien. Et de bons revenus menacés constamment par les
aléas de marché dans le genre de ceux que nous connaissons
présentement dans le boeuf et dans la pomme de terre, ne satisferaient
personne. Les agriculteurs veulent des revenus décents et stables.
Pourriez-vous, M. Couture, expliciter davantage ces deux situations du boeuf et
de la pomme de terre dans un langage qu'un député profane peut
mieux comprendre?
M. Couture: Je pense que ce qu'on veut dire là-dedans,
c'est qu'on n'est pas intéressé à des hausses
énormes de prix suivies de chutes qui mettent en cause les
organisations. Prenez du boeuf, c'est bien important le boeuf. Il y a un type
qui me demandait hier comment cela prend de boeufs pour que cela soit rentable.
L'année passée, c'était celui qui en avait moins qu'un,
qu'il mangeait de l'argent sur toutes les unités. Plus le nombre
était considérable, s'il en avait un grand nombre, il
était certain de faire faillite. Ce sont ces situations... Les
années d'avant, on a eu un prix qui était raisonnable pour le
boeuf, suivi d'une chute qui n'avait pas de bon sens. On a été
obligé... L'année dernière, les gens étaient
scandalisés de voir abattre des veaux. C'était bien plus payant.
Ce n'était pas un gros sacrifice pour nous autres, dans l'état
actuel. C'était plus payant de les tuer que de les nourrir, et
c'était beaucoup moins d'ouvrage. On va parler des pommes de terre.
Il y a beaucoup de production de pommes de terre. C'est d'environ $0.05
à $0.06 la livre. Les gars ne les vendent pas et on leur offre $1, $1.25
pour 50 livres.
Ce sont des situations intolérables qui mettent en cause toute la
structure, parce que vous avez des gars dans la production des pommes de terre,
comme dans n'importe quelle production, qui sont des spécialistes
aujourd'hui, qui ont dix, quinze, vingt ans d'expérience, mais qui, s'il
n'y a rien de fait présentement, vont faire faillite. C'est une perte
énorme même pour le peuple québécois, parce qu'en pi
us de capitaux qui vont se perdre, vous avez un capital humain qui va
être dans une situation épouvantable et qui va arrêter de
produire. Donc, par une loi de stabilisation, on pourra permettre une
continuité pour éviter des catastrophes semblables.
M. Tremblay: A l'aide de l'exemple que vous venez de nous donner,
on voit très bien l'illustration des bienfaits, par exemple, que
pourrait apporter une loi, peut-être revisée, comme vous dites, au
niveau de la philosophie. Dans le cas de la pomme de terre, par exemple, dans
le moment, celui qui a une ferme et qui se voit devant un déficit pour
sa saison d'opération, disons de $10,000, par exemple, en raison de ses
coûts de production et de sa perte des produits, ainsi que de la vente
qu'il ne fera pas de ses produits, le fonds d'indemnisation prévu
par
la nouvelle loi viendrait intervenir, ici, pour éviter que cet
homme perde...
M. Couture: Cela implique...
M. Tremblay: ...complètement son commerce.
M. Couture: ...que les producteurs, tout de même, se sont
donné une organisation, une structure afin qu'il y ait certains
contrôles, parce que le problème de la pomme de terre aussi...
L'année dernière, les gars ont fait un peu d'argent. Cette
année, on a augmenté la production peut-être un peu trop,
donc, cela crée des fluctuations.
Cela implique que le gars s'organise malgré les
inconvénients que cela cause... Quand je parle de s'organiser, cela ne
veut pas dire de les empêcher de produire, mais de planifier leur
production en regard des besoins du marché. Je pense que c'est
important, parce que souvent on nous fait voir les plans conjoints comme
l'organisme qui empêche même de produire et qui empêche
l'efficacité. La formule de mise en marché qu'on a
adoptée, c'est une planification de la production vis-à-vis des
besoins de consommation. Je pense que c'est aussi simple que cela et qu'on doit
s'ajuster à l'intérieur de cela, de la même façon
que toute organisation a à s'ajuster. Il y a un rodage à
faire.
M. Tremblay: Une dernière question, M. le
Président.
Dans les ententes que vous avez conclues avec le ministère, ou
peut-être qui sont en voie d'être finalement conclues au sujet des
indemnisations des pertes sur le boeuf, cela a été un sujet qui a
été discuté à maintes reprises, quelle est la norme
qui a été entendue entre l'UPA et le ministère de
l'Agriculture sur le nombre de têtes? Est-ce que c'est 25 ou 15 ou
10?
M. Couture: Le dernier mot là-dessus, je pense bien que ce
n'est pas à nous, parce que c'est le gouvernement qui... Dans notre
discussion, nous, ce qu'on a essayé de protéger et qui n'est pas
facile, parce que... Ce qu'on essaie de protéger là-dedans, c'est
que cet argent aille le plus possible aux agriculteurs. Parce que j'ai
rencontré, avant-hier, un avocat qui s'est acheté une terre. Il
dit: Si je n'ai pas droit à la subvention du gouvernement, je vends ma
terre aux Arabes. Je ne suis pas tellement sympathique à l'avocat qui a
acheté une terre avec l'intention de la vendre pour spéculation.
Ce qu'on a essayé, un peu avec le ministère, cela a
été de protéger les agriculteurs.
Le professeur qui s'est acheté une terre proche d'une ville pour
faire un peu de peinture et écouter de la musique, pour compléter
un peu sa formation...
M. Tremblay: Meubler son...
M. Couture: Je dis que ce n'est pas un drame pour lui, parce que
sa vie, lui, ce n'est pas de l'agriculture. Donc, nous, ce qu'on veut, c'est
que les budgets qui sont disponibles... On sait que ce n'est pas facile d'avoir
des budgets. On dit que les budgets qui sont disponibles pour les agriculteurs,
devraient servir le plus possible aux agriculteurs, comme on ne voudrait pas
que le gars qui est un commerçant et qui achète aux encans, parce
qu'il a manipulé beaucoup de boeuf et que même cette année
cela a peut-être été payant et qu'il a eu de la chance, lui
aussi, bénéficie des octrois. Ce n'est pas simple quand on arrive
en pratique, et c'est cela qu'on essaie de travailler. Je pense qu'on travaille
en collaboration avec le ministère pour essayer de régler ces
cas.
L'entente qu'on a, c'est qu'on règle les cas...
M. Tremblay: Les vrais.
M. Couture: ...où il n'y a pas de problème.
Après cela, ça devient des cas spéciaux ; p uis on
essaie de trouver une formule pour les faire collaborer dans ce sens.
M. Tremblay: Les cas au mérite de producteurs qui ont, par
exemple, dix bêtes ou enfin, qui n'en ont pas 25 et qui ne sont pas
réellement, comme vous dites, des professeurs ou des avocats, mais qui
sont... J'ai, dans ma région, un gars, par exemple, qui a dix ou quinze
bêtes, un semblant de petite ferme si vous voulez, mais en plus, il
travaille à l'extérieur, parce qu'il a sept enfants, et, le
revenu de tout cela lui permet de faire vivre sa famille.
Est-ce qu'au mérite, ce cas va être étudié
par exemple en particulier?
M. Couture: Moi, quand on parle de cas d'espèce, des cas
spéciaux, si le bonhomme est dans une région un peu
particulière, puis on dit: Lui, il est obligé, il fait un peu de
bois avec cela, puis il complétait...
M. Tremblay: C'est la combinaison de toutes ses activités
qui fait vivre sa famille.
M. Couture: Je pense que ce sont des cas qui doivent être
étudiés au mérite.
M. Tremblay: Est-ce que c'est prévu dans vos tractations
avec le ministère? Parce que nous avons beaucoup de demandes de gens, et
ce ne sont pas ceux qui sont heureux qui viennent nous voir.
M. Couture: Nous aussi.
M. Tremblay: Ce sont les gens qui ne sont pas heureux, puis dans
le moment, ce sont les petits, et ils ont tendance à vous lancer la
pierre un petit peu.
M. Couture: Pour vous consoler...
M. Tremblay: Cela, vous en avez eu connaissance probablement,
parce qu'il y en a un qui est allé vous voir.
M. Couture: ...ceux qui viennent chez nous, ce ne sont pas les
heureux non plus.
M. Tremblay: Non, mais je parle de la catégorie de ceux
qui n'ont pas 25 bêtes.
M. Couture: C'est parce que dans tout cela...
M. Tremblay: Ils pensent qu'ils vont être
oubliés.
M. Couture: ...dans ce cas-là, nous disons à nos
producteurs de remplir leurs formules puis elles seront étudiées
au mérite. On essaiera d'étudier au mérite, puis on va
essayer de trouver une formule pour trouver une solution à des cas
réellement valables là-dedans. Les cas valables là-dedans,
comme vous dites... je vous parlais du bonhomme lui, il a 24 bêtes, mais
il est dans l'agriculture, puis il ne va pas chercher son revenu à
l'extérieur, je pense que...
M. Tremblay: Est-ce qu'il y en a plusieurs, M. Couture, comme
cela?
M. Couture: C'est assez difficile, c'est parce que depuis la
subvention, on a découvert un paquet de producteurs. Enfin, cela va
être à voir. Mais c'est là-dedans qu'il va falloir essayer
de voir ce qui est vrai, puis ce qui n'est pas vrai, mais là-dedans, je
pense bien qu'il ne faut pas fausser, les gens sont portés... puis
même il y a des employés du bureau du ministère qui sont
portés à dire, allez voir l'UPA. Ce n'est pas l'UPA, on est
prêt à travailler en collaboration avec le ministère
là-dessus, pour que le ministère ne se fasse pas jouer; parce que
les gars, dans le champ, ils se connaissent entre eux.
M. Tremblay: D'accord.
M. Couture: Alors on est ouvert soit à un comité
qui étudierait ces cas spéciaux avec des gens de la
région, puis là les gens se connaissent et c'est assez facile de
voir si le bonhomme est agriculteur ou pas.
M. Tremblay: Mais vous êtes d'accord pour me dire, dire
devant la commission, que personne à l'UPA n'a rejeté du revers
de la main, la demande même du plus petit.
M. Couture: Non, on n'avait pas à la rejeter, la demande
ne venait pas chez nous. La demande est remplie au bureau des agronomes des
régions, donc nous on n'avait rien à dire. La seule chose qu'on a
dite, c'est: Remplissez votre demande et si vous ne rentrez pas dans les cas,
dans les critères généraux, cela devient des cas
d'espèce et on les regarde. Mais cela, c'est notre optique, mais
maintenant commencer... après cela ça va aussi avec la souplesse,
la disponibilité des budgets au gouvernement.
M. Tremblay: Ils sont membres de l'UPA quand même, ces
gens?
M. Couture: Oui, ils sont membres puis on les défend.
M. Tremblay: Alors vous devez tenter de les protéger
autant que vous pouvez protéger les plus gros chez vous.
M. Couture: On va essayer de les protéger.
M. Tremblay: Travaillez-vous aussi fort pour protéger
ceux-là, que pour protéger les gros? C'est cela que je veux vous
faire dire.
M. Couture: C'est assez difficile à...
M. Tremblay: Dites-le donc! Cela ne coûte pas cher de le
dire.
M. Couture: Ecoutez, c'est assez difficile à mesurer.
M. Tremblay: Est-ce qu'ils sont membres à part
entière de l'UPA ou non?
M. Couture: Je vais vous retourner une question. Vous, dans votre
comté, défendez-vous les plus gros, les moyens ou les plus
petits, lesquels?
M. Tremblay: Je défends tout le monde. Je défends
tout le monde, mais j'ai eu l'occasion, et vous le savez, Dieu merci! de
prendre à partie le gouvernement et mon ministre l'automne dernier dans
mon comté, moi; mais là, arrive le problème de ces petits
qui se sentent oubliés et puis je leur donne le bénéfice
du doute jusqu'à preuve du contraire.
M. Couture: Moi, je suis comme vous, je travaille pour les
petits, les moyens puis les gros et ceux qui amènent leurs
problèmes; on essaye de trouver une solution et on est disponible pour
les défendre au meilleur de notre connaissance.
M. Tremblay: Alors je vais vous faire confiance, M. Couture, et
je vais dire cela à mes gens lorsqu'ils viendront me voir. Je vous
remercie infiniment.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre de
l'Agriculture.
M. Lessard: II faudrait que le député intervienne
pour défendre leurs intérêts, aux agriculteurs.
Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! Le ministre
de l'Agriculture.
M. Toupin: M. le Président, il y a deux ou trois points
sur lesquels j'aimerais discuter. Je vais d'abord en prendre un premier.
Le député de Saguenay a soulevé, au départ,
une question fondamentale, bien sûr, il a tenté,
évidemment, de démontrer dans sa philosophie que cette loi aurait
une seule fonction ; ce serait de stabiliser les faillites. Je voudrais avoir
un peu plus d'éclaircissement là-dessus. Quand vous regardez le
projet de loi, à l'article 1, au sous-paragraphe e) et qu'il est dit,
par exemple, que revenu stabilisé veut dire pour chaque unité de
produit le montant établi conformément aux modalités
prévues par le ré-
gime cela est de la négociation qui doit intervenir entre
les producteurs et le ministère après consultation du
groupement de producteurs intéressées et compte tenu des
déboursés, les déboursés, dans mon esprit, à
moins que je n'aie plus notion exacte, c'est tout ce que comprend votre
article, c'est-à-dire les dépréciations, les coûts
de production. Ce sont là les déboursés de la part d'un
producteur, qu'il doit faire pour assurer sa ferme et, en plus de cela, on
parle d'un revenu annuel net déterminé par le régime,
c'est-à-dire, après négociation avec les producteurs.
Est-ce que cela correspond un peu à la philosophie que vous vous
faites d'une loi qui pourrait intervenir?
M. Couture: C'est pour cela qu'on interroge, on veut que ce soit
cela que ça veuille dire.
M. Toupin: L'article le dit tout au moins un peu, cela ne dit pas
tout.
M. Kirouac: Le nôtre le dit mieux. M. Couture: C'est
parce...
M. Toupin: Oui, je suis d'accord que le vôtre le dise
mieux, mais l'article le dit quand même un peu.
M. Couture: Non, mais d'accord, c'est pour cela...
M. Lessard: II y a des changements à faire, il s'agit de
remplacer votre article par...
Une Voix: C'est aussi simple que cela.
M. Toupin: Tout ce que je voudrais faire, c'est que je ne
voudrais pas que le député de Saguenay vous fasse dire des choses
que vous ne croyez pas.
M. Couture: D'accord. M. Toupin: Alors...
M. Couture: C'est parce que cela m'a inquiété quand
vous parliez de philosophie, parce que, sur le plan de la philosophie, on ne
règle pas beaucoup de problèmes.
M. Toupin: Une autre question. Au fond, ce n'était pas une
question, je voulais apporter une précision. Dans le cadre d'une
politique de stabilisation des revenus je pense que vous avez ouvert un
peu les portes de ce côté j'aimerais en discuter un peu
plus longuement. Est-ce que vous êtes d'accord que nous devons tenir
compte de la dimension de la ferme, lorsque nous parlons d'un revenu
stabilisé dans le cadre d'un objectif à poursuivre?
M. Couture: Toujours dans notre discussion, on a dit que nos
coûts de production, on ne devait pas les baser sur les plus petits
agriculteurs. Ce qui a servi à nos coûts de production, cela a
été des gens avec une efficacité qui dépasse la
moyenne. On est conscient de cela, on veut qu'il y ait de la place pour une
meilleure efficacité, on ne nie pas cela. Mais on dit: On ne peut pas
toujours tabler sur le meilleur, comme on ne peut pas compter sur le plus
petit. On a été assez large là-dedans, quand on a pris des
gens un peu au-dessus de la moyenne.
M. Toupin: Au fond, vous seriez d'accord que, lorsque nous
discutons, on définisse une unité de production qui corresponde
à la moyenne la plus proche possible de l'efficacité
recherchée?
M. Couture: D'accord. Je n'irai pas vous demander, pour un
producteur qui a sept vaches, de lui donner un revenu de $15,000 par
année, parce qu'il n'y aura pas de prix. Il y a des règles
élémentaires là-dedans.
Une Voix: S'il y a assez de vaches.
M. Couture: Pour moi, c'est élémentaire.
M. Toupin: Vous ne demanderez pas aux producteurs de 200,000
livres de lait d'avoir le même revenu que celui qui en a 300,000?
M. Couture: Non.
M. Toupin: Quant à l'autre question que je voulais poser,
cela m'intrigue un peu, parce que cela a fait l'objet de discussions, lorsque
vous dites que le producteur agricole je ne sais pas exactement à
quel endroit, mais je l'ai à l'esprit ne peut plus compter sur la
productivité.
M. Couture: C'est qu'un moment donné, je pense qu'on n'a
pas besoin de faire d'image, là, dans le passé, on dit:
L'agriculteur n'a pas de problème, tu n'as pas cher pour ton produit,
mais sois de plus en plus efficace, mais on dit, à un moment
donné: L'efficacité a un certain facteur limite et selon notre
compréhension, dans le monde où on a vécu, une
période d'industrialisation, c'est peut-être l'agriculteur qui a
le plus augmenté sa productivité. Si vous voyez les rapports, on
a doublé notre productivité tous les dix ans. Il y a peu de
secteurs qui peuvent se vanter de la même chose. Donc on dit: En
efficacité, il y a encore des possibilités comme il en aura
toujours, parce qu'on est en évolution. Mais vu qu'on a fait notre
effort d'efficacité, on ne peut plus compter seulement sur
l'efficacité pour augmenter notre niveau de vie.
Donc, il faudra partir de l'état actuel, partir d'une bonne
moyenne et, ensuite, cela nous permettra d'évoluer, parce que le revenu
de l'agriculteur, il ne faut pas se le cacher, c'est un élément.
Des fois, on dit: On ne mettra pas les prix trop hauts, cela va empêcher
l'efficacité; ce n'est pas vrai. Dans notre nature d'entrepreneurs,
l'argent que nous faisons... Que je fasse $50,000 cette année, ces
dollars vont tous entrer dans la terre parce que nous sommes des
propriétaires et nous investissons. Mais si j'ai un revenu qui ne me
permet même pas de vivre, je vais hésiter beaucoup avant de faire
du drainage souterrain et mettre des engrais chimiques et le reste. Donc, cela
prend un minimum de revenus pour être
capable d'atteindre l'efficacité. Je pense que c'est important.
Il y a un autre point qui est important, c'est le plan humain. Aujourd'hui, nos
agriculteurs vont s'engager dans l'agriculture parce qu'ils ont de la
capitalisation, parce qu'ils ont des choses et ils ont des risques. Cela ne
prend pas n'importe qui. Ce n'est pas vrai que n'importe qui peut être
agriculteur. J'ai donné un exemple l'autre jour. J'ai un de mes amis qui
a engagé un professeur de mathématiques pour ti rer ses vaches et
cela ne fait pas un bon homme.
Donc, pour intéresser nos meilleurs éléments...
M. Toupin: Cela ne vous empêche pas d'avoir quand
même vos économistes.
M. Couture: D'accord. On y croit aux économistes parce que
beaucoup de gens travaillent avec des économistes...
M. Lessard: Pas pour tirer les vaches.
M. Couture: ...c'est notre contrepartie. Mais si on veut
intéresser nos meilleurs éléments, il faut qu'ils soient
assurés d'un revenu qui a du bon sens. M. Whelan avait
déjà fait le raisonnement: Si vous voulez avoir des... La
question avait été posée: Pourquoi avez-vous
augmenté le salaire des députés? Il a dit: Si vous voulez
avoir de bons députés, vous allez devoir les payer. Si vous
voulez avoir de bons agriculteurs il parlait des professeurs, des
avocats, des juges mais si vous voulez avoir de bons agriculteurs, il va
falloir qu'il y ait une rémunération et c'est logique parce que
nos jeunes, aujourd'hui... Je ne prendrais pas mes jeunes pour leur dire: Vous
allez faire des agriculteurs. Ils vont aller en agriculture. Ils vont y aller
si c'est intéressant, et, si la collectivité a besoin
d'agriculteurs, elle va permettre que l'agriculture intéresse ces bons
éléments.
M. Toupin: Un problème qui confronte, non seulement les
agriculteurs, mais qui confronte tous ceux qui sont engagés dans le
secteur agricole je pense autant aux industriels qu'au ministère,
au gouvernement et aux associations de producteurs c'est toujours celui
d'en arriver à une sorte d'indice de productivité qui soit
satisfaisant pour atteindre les objectifs recherchés. C'est bien
sûr que la productivité est reliée à bien des
éléments, notamment elle est reliée au climat, cela va de
soi. Cela peut être relié aussi à la dimension de la ferme,
cela peut être relié aussi à une génétique
qui fait défaut sur la ferme en matière laitière, etc.
Mais, même si vous avez des restrictions sur la question de la
productivité, est-ce qu'on peut, maintenant, commencer à penser
que l'amélioration de la productivité est un
élément aussi dynamique que les prix pour améliorer les
revenus agricoles?
M. Couture: Non. Quand vous dites: Vous avez objection à
la productivité. Aucune objection à la productivité, au
contraire.
M. Toupin: Les restrictions que je voulais...
M. Couture: Les restrictions... Quand vous faites le
parallèle au niveau des valeurs, si on dit: La productivité face
aux prix, au stade où on est rendu, on dit: Les prix et la
productivité. Parce que, par les prix, tu vas avoir de la
productivité. Si je veux être plus productif, s'il faut que je
mette $100,000 dans le drainage, il faut que je sois assuré que je vais
être capable de rembourser mon capital et qu'il y ait une
rémunération. Je pense que c'est logique. Vous parlez souvent de
la génétique. Je vous ai entendu des fois dire: Nos vaches ont
monté de tant de mille livres de lait à cause des centres
d'insémination. Cela me choquait un peu parce que ce n'est pas seulement
à cause des boeufs du centre d'insémination, c'est aussi à
cause de la gestion de l'agriculteur. C'est peut-être aussi important
parce que, si le gars n'a pas le jugement de s'en servir, cela fait une
différence, mais pas pour dire qu'on est... Dans la nature de nos
organisations, la productivité est un facteur important, c'est un
facteur primordial et on n'aurait pas pris cette profession si on n'avait pas
pensé cela, parce qu'il y a des défis à relever. Ce que
nous voulons, c'est un minimum de sécurité et c'est une des
conditions pour la productivité.
M. Toupin: Je vais enchaîner maintenant avec des
discussions que nous avons eues hier avec le Conseil de l'alimentation qui
était représenté par M. Roy. Je ne sais pas toutefois si
la commission peut avoir objection à ce que des précisions soient
apportées de part et d'autre, si toutefois cela devient
nécessaire. M. Roy, hier, soutenait avec raison, discutait avec nous de
l'idée suivante.
Je pense que c'est M. Roy, c'est la question de transfert des revenus.
Au fond, est-ce qu'on va, dans le temps, d'après vous, continuer
à penser que le producteur va aller chercher ses revenus dans les prix,
c'est-à-dire dans la poche du consommateur directement ou si on devrait
trouver une autre formule qui permettrait, d'une part, de faire porter par le
consommateur une partie des transferts de revenus mais de les faire porter
également par l'Etat, sous forme de subsides ou autrement, lesquels sont
pris encore une fois dans la poche des consommateurs, mais sur une
échelle beaucoup plus large, parce que les compagnies participent? Quel
est votre point de vue là-dessus? Hier, le conseil d'alimentation a
semblé plutôt pencher du côté du transfert des
revenus à compter du prix ajouté au produit.
M. Couture: Je pense qu'il y a une décision qui est
politique à ce niveau. On dit que le produit, normalement, devrait
porter son prix. C'est, règle normale, comme dans toute chose. Mais si,
à un moment donné, politiquement parce qu'il y a une
influence politique, vous connaissez ça les gouvernements, vous
vous dites: La pinte de lait ne doit pas atteindre son coût de production
chez le producteur, nous, on dit: Ce n'est pas à nous à alimenter
le consommateur à bon marché. On est prêt à
contribuer à toutes les oeuvres, à payer des taxes, mais ce n'est
pas à nous à nourrir la collectivité à bon
marché. Je pense que c'est ça. Mais si, politiquement, on dit que
le prix de l'alimentation ne doit pas dépasser tel niveau, il y a un
rôle complémentaire de l'Etat. C'est un peu dans ce sens pour
moi.
Normalement, c'est par produit, vous avez des produits qu'ils peuvent
aller chercher. Mais le gros problème dans tout ça, pour nous,
avec ce qu'on connaît, c'est qu'à un moment donné, on va se
faire une structure de prix que le consommateur est capable d'acheter. Mais
c'est perturbé par l'entrée de produits américains, c'est
perturbé par une foule de choses qui sont hors de notre contrôle.
Nous, on dit: Indéfiniment, on ne peut pas, parce qu'il y a des
règles à établir, et plus le gouvernement va être
impliqué dedans, plus il est impliqué dans le respect du commerce
interprovincial et international. Je pense que c'est dû à toute
l'expérience du passé; on a mis des choses en place à un
moment donné et ce qui a le plus affaibli les organisations qu'on a
mises en place, ce qui a le plus déséquilibré la
situation, ce sont les entrées de produits d'autres pays, soit du
"dumping" ou des ententes entre provinces qu'on a de la difficulté
à faire respecter.
Je pense que, vis-à-vis de tout ça, aujourd'hui, on essaie
d'exiger un minimum de sécurité, à partir de la
nécessité d'une agriculture au Québec, parce que si on
avait décidé de ne plus garder une agriculture, je parlerais
autrement.
M. Toupin: Quand vous pensez en termes de producteur, je pose la
question aussi, parce que j'avais vu dans le journal Le Jour je ne sais
plus quel numéro qu'il y avait eu une déclaration faite
disant que le prix de la pinte de lait n'était pas un problème,
les producteurs verront en temps et lieu comment régler leur
problème de ce côté. C'est pour ça que je posais la
question. Ce qui m'amène, au fond, à poser la suivante, au point
de vue du producteur comme tel, vous verriez que le prix soit pris d'abord chez
le consommateur et, stratégiquement, vous verriez que le gouvernement
soit impliqué dedans et joue son rôle politique?
M. Couture: C'est sa responsabilité à ce
moment-là. Parce que, dans le prix du produit, ce qui arrive et ce qui
est toujours la question, c'est que ce qui nous affecte grandement, quand on
parle de porter le risque de l'entreprise, ce n'est pas facile de porter le
risque de l'entreprise comme agriculteur. Prenons comme exemple le lait de
consommation. On demande à la régie le lait de consommation et il
y a une pression.
Tout le monde, jusqu'aux revenus du producteur, tous les intrants, il
n'y a personne qui questionne cela. Je ne suis pas demagogique sur l'affaire
des multinationales, mais il n'y a personne qui s'interroge sur les hausses
à ce niveau-là.
Quand on arrive au niveau de l'établissement du prix, c'est la
part du producteur et qu'on le veuille ou non, c'est le producteur qui fait sa
demande, celui à qui on demande des comptes. A l'intérieur de
cela, tout le monde absorbe les hausses, elles ne sont pas discutées et
sont souvent beaucoup plus fortes que la part du producteur.
C'est toute cette chose-là qui nous fait dire à un moment
donné que ce n'est plus tenable dans l'agriculture. Donc, si on veut se
garder une agriculture, si on pense que c'est nécessaire et que ce n'est
pas un luxe je pense que ce n'est pas un luxe, l'agriculture dans une
province comme la nôtre il va falloir faire une condition aux
agriculteurs pour qu'ils aient un minimum de sécurité.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre...
l'honorable député de Saguenay.
M. Lessard: Cela va venir, M. le Président. D'après
vos explications...
M. Toupin: M. le Président, ne lui donnez pas trop
d'illusions, il en a assez comme cela.
M. Lessard: D'après vos explications, M. Couture, nous
sommes comme un chien qui court après sa queue. On va prendre l'exemple
du boeuf, par exemple. La subvention de $22 millions. Est-ce qu'elle a
été versée, cette subvention?
M. Couture: Oui, les chèques sont rendus dans certains
cas. Il y en a de rendus. Je vais être bien objectif, il y en a de rendus
et il y en a qui ne le sont pas. On a hâte qu'ils soient tous rendus.
M. Lessard: Dans ce montant de $22 millions, est-ce que vous
pensez que le montant complet va aller chez les vrais agriculteurs?
M. Couture: La question de la perfection, vous ne demanderez pas
cela à moi, peut-être au secrétaire général,
mais il y aura certainement, par le nombre de producteurs, des cas, mais je ne
m'illusionne pas. Il faudrait autant que possible que ce soit la grande
majorité. Je pense que c'est l'objectif.
M. Lessard: Si on prend l'exemple des $22 millions qui ont
été versés, à un moment donné, à
différents producteurs. Vous avez affirmé tout à l'heure
qu'on se pose des questions au niveau des revenus des agriculteurs, mais on ne
se pose pas des questions au niveau des différentes compagnies qui
fournissent les intrants. C'est dans ce sens-là que je dis que nous
sommes comme un chien qui court après sa queue, c'est-à-dire
qu'on ne trouvera jamais le fond, dans ce sens qu'on subventionne le producteur
et on n'empêche pas le responsable ou le fournisseur des matières
premières à l'agriculteur d'augmenter ses prix comme il le
veut.
Donc, à un moment donné, cela va être le
contribuable québécois qui va, comme c'est bien souvent
l'agriculteur, subventionner le producteur. Indirectement, est-ce qu'on ne
subventionne pas les grandes entreprises?
M. Couture: Ma réaction là-dessus et, si vous avez
vu l'action des agriculteurs, dans le sens qu'elle a été
portée, pourquoi demandons-nous des prix? C'est parce qu'on a fini de
courir après notre queue, on a fini de courir en rond. On dit: Je ne me
leurrerai pas avec ces contrôles. Ce n'est pas moi qui vais les changer,
c'est la collectivité. Donc, moi seul, je ne peux pas les changer. On a
dit: On les entre dans les coûts de production et cela donne x au bout.
Mais, s'il y a quelque chose à changer au niveau de ces gens-là
qui opèrent, s'il y a des règles
à établir et s'il y a des enquêtes à faire,
vous ne pouvez pas demander à l'UPA de les faire.
C'est un geste collectif, maisje ne peux pas être
pénalisé et je n'accepte plus d'être pénalisé
parce que cela existe. Si, au bout, cela coûte X au consommateur, parce
que ces gens abusent dans le système, cela n'est pas ma
responsabilité. Ce que je veux, c'est une sécurité et une
marge pour vivre.
M. Lessard: M. Couture, à votre connaissance, est-ce qu'il
y a déjà eu des études faites par des gouvernements sur
les compagnies multinationales ou non, en fait les compagnies qui fournissent
des intrants aux producteurs agricoles?
M. Couture: Ma première réaction est
spontanée. C'est que cela semble difficile pour les gouvernements
d'aller à ces niveaux. Il y a eu une...
M. Lessard: Votre réponse est spontanée, mais
comment expliquez-vous cela?
M. Couture: Je ne le sais pas, on se questionne. Il y a eu,
à un niveau, une commission Barber sur la machinerie agricole. Elle a
fait un rapport. A la fin du compte, cela n'a pas donné bien de quoi.
Dans ces cas-là, ces commissions, on les arrête au moment
où elles devraient continuer.
M. Lessard: Comme la commission Cliche. En Ontario, il n'y a pas
eu une étude sur les profits des compagnies multinationales qui a
été faite?
M. Couture: Cela n'a pas été des études
poussées. La Fédération de l'agriculture de l'Ontario a
fait... Une agence d'achat de machinerie a essayé de... A un moment
donné, elle devient compétitive. La Fédération
ontarienne de l'agriculture a fait venir de la machinerie en dehors des
compagnies, mais ce n'est pas le fond du problème. C'est que, à
un moment donné, il faut essuyer une concurrence ou arriver avec les
mêmes objectifs.
M. Lessard: M. Couture, je posais la question, en relation avec
ces compagnies, à M. Blanchard tout à l'heure sur l'explication
de l'augmentation considérable de la corde de balle. Je prends cela
comme exemple, on l'a eu d'ailleurs dans les produits chimiques, etc. Est-ce
que, comme président de l'UPA, vous avez des explications à
donner qui seraient semblables à cela? Est-ce qu'il y avait
véritablement une pénurie?
M. Couture: Je suis bien plus acheteur de corde à balle
que producteur de corde de balle. On a essayé de voir ce qui peut aller
dans cela. C'est bien difficile. On nous a dit: C'est l'offre et la demande. On
n'en apas beaucoup, il ya rareté, c'est l'augmentation de la
main-d'oeuvre.
Tout à l'heure, vous parliez de commissions gouvernementales, il
y en a eu des commissions gouvernementales. Cela me revient. Au
fédéral, il y a eu la commission Plumptre. Il y a eu une
commission pour le boeuf. Le président est un gars
intéressé dans la manipulation du boeuf. Il y a un autre membre
qui était de chez Steinberg.
On s'interroge, à un moment donné, en voyant des
nominations qui sont purement politiques à ce niveau, où les gens
sont engagés dans un système qu'ils n'ont pas à
défaire.
M. Lessard: Ils ne sont pas pour se détruire.
M. Couture: Ils ne sont pas pour se détruire. La
commission Plumptre, ce qu'elle a fait, à venir jusqu'ici, elle s'est
attaquée aux organismes de producteurs, parce que ce sont les
producteurs qui abusaient le plus, ces organismes de producteurs.
Dans ses rapports, elle a essayé de justifier toutes les marges
des multinationales. Ce n'était pas des...
M. Lessard: Pour l'UPA, étant donné les
informations que vous avez, je comprends que ce soit une décision
politique, croyez-vous que le gouvernement du Québec, qui est
responsable de l'administration des deniers publics et qui doit, pour faire
survivre l'agriculture, donner des subventions... est-ce que vous croyez qu'il
devient actuellement nécessaire, en considérant les profits des
grandes compagnies en 1974, d'établir une telle enquête?
M. Couture: Je pense que nous autres, lorsqu'on a vu notre
incompétence aller beaucoup plus loin, on a dit: Nos revenus garantis
avec l'indexation. L'année dernière, lors de la rencontre avec le
cabinet des ministres, M. Bourassa a dit: II est peut-être temps qu'on
transfère... On a essayé de développer d'autres secteurs,
mais qu'on transfère des capitaux à l'agriculture. Il n'y a pas
d'autres choses que cela. C'est une question que...
M. Lessard: Là, on transfère des capitaux via
l'agriculture à des intermédiaires.
M. Couture: Cette partie, même si dans l'agriculture on
essayait de les changer, c'est général. Cela dépasse notre
compétence.
M. Lessard: C'est une décision politique. M. Couture:
Je pense.
M.Lessard: Est-ce que vous êtes d'accord pour que cette
décision politique se fasse?
M. Couture: Oui, on est d'accord. On la demande, voyons! N'allez
pas jusqu'à me faire dire si je crois plus à un parti qu'à
un autre.
M. Lessard: Non, ce n'est pas cela que je veux vous faire dire.
Mais sans croire à un parti ou à l'autre, nous croyons aux
agriculteurs. Justement, c'est qu'à un moment donné, il reste que
si on veut avoir un certain contrôle sur l'agriculture et si on veut
empêcher qu'on donne des subventions dans un tonneau sans fond, il va
falloir qu'on contrôle aussi en aval.
M. Couture: M. Lessard, nous autres, notre réaction, on se
dit: On est dans ce bateau. On veut avoir une marge pour vivre. Pratiquement,
c'est cela
qu'on veut. On dit: L'agriculture, vous en avez besoin, comme n'importe
qui dit: II y a un coût de la vie tel, et vous allez mettre mon salaire
à tel niveau. C'est un peu cela notre réaction. Vous le
comprenez, vous l'avez fait récemment. Vous avez dit: Nous autres,
dû à toute l'inflation, on a besoin... Nous autres, c'est le
même raisonnement. S'il y a des correctifs à faire, on est bien
d'accord. On ne les dénoncera pas. On va être d'accord sur
cela.
M. Toupin: Le député de Saguenay a donné ses
revenus aux oeuvres de charité, je pense.
M. Lessard: Non, je n'ai jamais annoncé... Oui, j'en ai
des oeuvres de charité dans mon comté. Il n'y a pas de
problème. Depuis ce temps, à un moment donné, ils doublent
leur demande.
M. Couture: Je m'aperçois qu'il y a bien des
manières de faire le bien.
M. Lessard: Une dernière question, étant
donné que le ministre de l'Agriculture semble vouloir que je la pose.
Elle concerne la dernière décision de la Régie des
marchés agricoles sur le lait.
Est-ce que cette dernière décision correspond au principe
que vous énumérez à la page 3 de votre mémoire,
à savoir la reconnaissance des coûts de production?
M. Couture: La réponse est assez simple. Notre
interprétation, c'est non, parce que la partie... On ne s'entend pas sur
ce qui constitue le revenu de l'agriculteur. On sait où on accroche. On
aeu une rencontre hier avec le ministre et ses officiers. Si cela avait bien
été... C'est comme on disait tout à l'heure: Quand cela va
bien, on n'en parle pas trop. Si on en parle, c'est parce qu'on ne s'entend
pas.
M. Lessard: Donc, vous accrochez justement sur
l'interprétation...
M. Couture: Oui.
M. Lessard: ...des coûts de production.
M. Couture: Oui.
M. Lessard: Alors, on va accrocher...
M. Couture: Les coûts de production... On s'entend sur une
foule de facteurs, mais sur ce qui constitue le revenu de l'agriculteur, de
l'exploitant, ils ont dit: C'est $9,000; nous, on dit que c'est $15,000.
M. Lessard: Cela va être difficile d'appliquer une loi de
stabilisation des revenus de l'agriculteur si on ne s'entend pas sur...
M. Couture: Cela ne veut pas dire que, si on ne s'entend pas
aujourd'hui, on ne se comprendra pas demain. Nous, comme agriculteurs, on a une
mentalité assez "tough". On dit: Ce qui n'arrive pas aujourd'hui peut
arriver demain. On n'est pas décou- ragé de cela. On sait que la
compréhension vis-à-vis de chaque individu est
limitée.
M. Lessard: Depuis quelques mois, vous avez
démontré que vous n'étiez pas prêts à
attendre éternellement.
M. Couture: Là-dessus, ce n'est pas moi qui vais vous
donner la réponse. C'est parce que, chez nous, c'est
démocratique. On croit encore à la démocratie. On va
informer nos producteurs. Dès la semaine prochaine, on rencontre nos
producteurs. Je pense que c'est important... Nous, chez nous, ce n'est pas le
président qui fait faire les démonstrations, ce sont les
agriculteurs qui les font et on essaie de les coordonner le mieux possible et
de les guider le mieux possible pour en tirer le plus possible, pas
méchamment, mais pour en tirer le plus possible.
M. Lessard: Une demière question, M. Couture, comme
explication. Vous avez entendu tout à l'heure M. Blanchard parler de
corporatisme dangereux. J'aimerais que vous nous donniez, à un certain
moment...
M. Couture: Si on adresse cela aux agriculteurs... Moi, je ne
suis pas inquiet. Je suis dans l'agriculture, mais on vit avec beaucoup
d'autres corporatismes qui sont peut-être beaucoup plus dangereux et dont
on ne discute pas souvent. On peut d'abord commencer par les professionnels,
certaines catégories où les niveaux sont rendus assez hauts, et
on voit qu'ils ont des exigences. Le corporatisme agricole, avec tous les
aléas de l'agriculture, je pense que ce n'est pas trop
inquiétant. Dans tous les cas, cela n'a pas fait grands dommages
jusqu'à ce jour.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
d'Iberville.
M. Tremblay: M. le Président, M. Roy, hier, du Conseil sur
l'alimentation, disait que la consommation du lait a baissé de 10%
du lait de consommation depuis un an.
M. Couture: C'est parce qu'il y a eu, suite... M. Tremblay:
Depuis octobre 1974?
M. Couture: Oui c'est parce qu'ils n'ont pas mis le point
à la bonne place, c'est 1. et quelque... C'est que si tu mets, tu as
1.1%...
M. Tremblay: Est-ce que c'est 10% ou 1. quelque?
M. Couture: C'est 1.2%.
M. Dagenais: Pour le mois de janvier 1974, c'était 1.2%,
avant cela, il y aeu une diminution un peu plus prononcée qui variait
entre 3% et 4% et c'est tout ce qui est arrivé. Depuis janvier, c'est
descendu à 1.2% pour le mois de janvier, de diminution par rapport au
mois de janvier 1974, janvier 1975 par rapport à janvier 1974, il y a
1.2%.
M. Tremblay: En tout cas, ce n'est pas alarmant.
M. Couture: Non, c'est la différence selon l'endroit
où tu mets le point.
M. Tremblay: Maintenant, la pinte de lait, le samedi matin 1er
mars sera à $0.52 livrée à domicile, pour le lait de
consommation. Cela m'intéresserait, M. Couture, moi, pour mon
information en tout cas, si d'autres veulent s'en servir, cette pinte de lait
qui va coûter $0.52 au consommateur, quelle est la part d'abord du
producteur, ensuite des intermédiaires, qui sont ces
intermédiaires entre vous et le consommateur par exemple, qui touche au
lait de consommation entre le producteur et la ménagère qui prend
sa pinte de lait le matin?
M. Couture: II y aurait peut-être, quand on parle d'essayer
de mettre le lait plus à la disposition de tous, d'abord pendant qu'on
fait le calcul, ce que ça donne la pinte au...
M. Tremblay: Parce que vous disiez tout à l'heure, vous,
que chacun y prend sa part de l'augmentation, alors, moi, j'aimerais bien que
les producteurs...
M. Couture: II y a un mode de distribution dans le lait de
consommation qui est assez onéreux, c'est que la ménagère
veut avoir son fournisseur, puis tel fournisseur, puis dans la même rue
il va passer trois distributeurs de lait. Cela, c'est dispendieux. On pourrait
peut-être regarder les moyens, les modes de distribution; moi, je pense
que le mode de distribution est un facteur, peut-être le facteur
où il y aurait plus de possibilité de faire des
économies.
M. Tremblay: II y a la présentation aussi du produit. On
en a parlé pas mal hier.
M. Couture: Puis la présentation il y a une foule de
choses là-dessus. Oui, je pense que M. Roy est assez ouvert
là-dessus.
M. Tremblay: Est-ce que vous travaillez ensemble
là-dessus, le conseil d'alimentation et l'UPA?
M. Couture: Aujourd'hui, on travaille beaucoup avec...
M. Tremblay: Sur ces formules...
M. Couture: ...tous les agents qui oeuvrent dans le domaine de
l'agriculture, parce qu'il y a une interdépendance entre nos groupes. On
en est de plus en plus conscient et je pense que ces rencontres sont valables,
parce qu'elles nous apportent un point de vue que souvent on n'a pas mais
ça complète notre organisation.
C'est pour cette raison, à un moment donné, que M.
Blanchard a parlé des comités consultatifs. Dans les
comités consultatifs d'un produit, tout le monde est là et en
même temps, puis ce sont des représentants de chaque secteur des
activités de l'agriculture. Donc, de plus en plus, on a des rencontres,
on travaille ensemble et je pense que, dans l'avenir, on va travailler encore
davantage, parce que, qu'on le veuille ou non, il y a une
interdépendance entre...
M. Tremblay: Nous sentons que le gouvernement a de plus en plus
de bons collaborateurs.
Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! Comme il
passe une heure, la commission suspend ses travaux à quinze heures.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
Reprise de la séance à 15 11
M. Houde, Limoilou (président de la commission permanente de
l'agriculture et de la colonisation): A l'ordre, messieurs!
Est-ce que le député d'Iberville a terminé ses
questions?
M. Tremblay: Laissez-moi faire mon apprentissage, M. le
député de Verchères. Je trouve que les gens de I'llPA sont
devenus j'avais terminé là-dessus avant que le
président ajourne ce matin on découvre tous les jours
à mieux connaître les gens...
M. Couture: On les aime.
M. Tremblay: Je ne voulais pas le dire, mais je suis content de
vous l'entendre dire, que vous nous aimez bien. Alors, M. Couture, ma fameuse
pinte de lait, en vue de l'augmentation qui entre en vigueur demain, elle
coûtera $0.52, pour le lait de consommation. Alors, que comprennent les
$0.52 pour le producteur et pour les intermédiaires
impliqués?
M. Couture: Les $12.21 divisés par 38 pintes de lait dans
100 livres de lait donneront $0.32 la pinte qui vont au producteur, brut. Sur
les $0.32, $0.16, la moitié, vont dans le coût des intrants, ce
qui veut dire qu'il y a $0.16 environ qui vont comme revenu au producteur,
$0.16 dans le coût des intrants et la différence va dans la
transformation, la distribution et le reste.
M. Tremblay: Les intrants, c'est naturellement...
M. Couture: Les engrais, les grains, l'alimentation, etc.
M. Tremblay: Cela nous ramène toujours au problème
des grains de provende. Si cela coûtait meilleur marché...
M. Couture: Celui-là et d'autres, oui.
M. Tremblay: ...cela influerait sur le prix du lait, ainsi de
suite.
M. Couture: Oui, les grains, les engrais chimiques, toutes les
utilités professionnelles.
M. Tremblay: J'ai terminé, je vous remercie.
M. Couture: II y avait un point aussi dont on a parlé tout
à l'heure, au niveau de la consommation. Les chiffres donnent en 1974
une augmentation de la consommation de 1.3% par rapport à 1973 et en
janvier, la diminution est de 1.2% pour l'année 1975.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Verchères.
M. Ostiguy: M. le Président, je m'adresse au
président de l'UPA. Depuis le début des audiences de cette
commission, nous avons entendu parler de plus en plus des intrants. Mon
collègue d'Iberville vient justement d'en toucher quelques mots. Les
intrants, d'après vous, M. le président, qu'est-ce que c'est
exactement? Est-ce que c'est l'engrais chimique? Est-ce que c'est la corde
à presse dont vous avez parlé ce matin? Est-ce que c'est la
main-d'oeuvre? Est-ce que c'est la machinerie agricole? Qu'est-ce que c'est
exactement?
M. Couture: C'est tout cela.
M. Ostiguy: Un instant. Connaissant les services efficaces des
économistes que vous aviez au sein de votre association, je m'imagine
que vous pouvez facilement nous donner une réponse autre que nous dire:
C'est tout cela.
Pour une commission parlementaire, pour des gens comme nous, qui sommes
un peu en-dehors de l'agriculture, si vous voulez, on n'est pas cultivateur,
quand même, on est très près. Mais qu'est-ce que c'est
exactement des intrants? Je voudrais avoir une autre réponse que celle
que c'est tout ça, pour moi...
M. Couture: C'est parce que vous aviez
énu-méré. Je peux vous les
réénumérer. Chez nous, sur ma ferme, les intrants...
M. Ostiguy: C'est ma première question, M. le
Président.
M. Couture: ...ce sont les engrais chimiques, c'est la semence,
c'est la corde à balle, ce sont les instruments, c'est le carburant.
M. Ostiguy: La main-d'oeuvre aussi? M. Couture: La
main-d'oeuvre aussi.
M. Ostiguy: Dans une deuxième question, M. le
Président, vis-à-vis des engrais chimiques, par exemple, je pense
qu'ils ont été, avec la corde à presse, les intrants,
comme on les appelle, qui ont le plus augmenté au Québec, au
Canada depuis un ou deux ans. Vis-à-vis de ce que je mentionnais tout
à l'heure, l'efficacité de votre service d'économistes
chez vous, j'imagine que vous avez pu faire des recherches et nous dire
à quoi sont dues ces augmentations? J'ai une idée, mais je
voudrais avoir la vôtre avant. C'est dû à quoi, par exemple,
l'augmentation de la corde à presse, c'est dû à quoi
l'augmentation des engrais chimiques qui sont les intrants, d'après moi,
qui ont augmenté quand même le plus depuis un an ou deux ans?
M. Couture: Nous, aller jusqu'à l'origine de toutes les
causes, ce sont les mêmes grandes causes, on dit que le pétrole
est une cause bien importante. Il y a certainement aussi un effet de
spéculation, j'en suis convaincu. Prenez la corde à balle, s'il
n'y a pas un peu de spéculation dans la corde à balle, je pense
qu'il n'y en n'a pas nulle part. Mais ce sont des facteurs d'ensemble de
l'économie qui amènent l'augmentation. Au niveau des
raretés, on crée des
prix qui sont souvent artificiels. Au niveau de la machinerie agricole,
c'est un domaine que vous connaissez. Pour la machinerie agricole, il fut un
temps où je négociais le prix de mon tracteur, maintenant, on me
dit: Tu veux un tracteur dans six mois, on ne fixe pas de prix, ce sera celui
d'alors. Donc, c'est un facteur dû à une rareté et dû
à tout ce qui se passe à travers ça.
M. Ostiguy : Vous m'avez expliqué votre pensée; la
mienne, pour la corde à presse, d'après l'expérience d'il
y a cinq ou six ans, c'est que nos cultivateurs je ne veux pas jeter le
blâme sur eux, loin de là avaient le choix d'acheter de la
corde à presse pour ne pas la nommer, qui s'appelle Brantford, qui
était une compagnie canadienne ou d'une compagnie mexicaine. Brantford,
par exemple, vendait sa corde à presse $7, les vendeurs de la corde
à presse mexicaine la vendait $6.
Alors, nos cultivateurs, à ce moment-là, disaient: On va
acheter de la corde importée, de la corde à $6. Ce qui nous est
arrivé, c'est qu'aujourd'hui, la compagnie Brantford, à ce que je
sache, a été vendue aux Mexicains. Comment voulez-vous, mon cher
Président, que le gouvernement du Québec et que le gouvernement
du Canada contrôlent la main-d'oeuvre au Mexique?
Quand je parle d'augmentation, vous me parliez tout à l'heure de
spéculation, je voudrais quand même vous parler du foin que nous
produisons, qui se vendait $15 ou $16 la tonne il y a deux ou trois ans et
aujourd'hui, on m'a rapporté à mon bureau lundi dernier, que le
foin était à $100 la tonne.
Est-ce qu'il n'y a pas une manière de spéculation
là aussi, de la part de nos agriculteurs québécois? Je
veux bien croire, M. le Président, que pour les intrants vous
nous dites qu'il y a une spéculation mais la spéculation,
c'est où, c'est quoi, c'est quand et comment peut-on
l'arrêter?
Vous parlez des tracteurs. Mon collègue de Saguenay, ce matin,
disait: Massey-Ferguson a fait des profits de 98%. Je voudrais rappeler
à mon collègue de Saguenay que Massey-Ferguson, en 1970, a eu des
pertes de 75%. Mais comment voulez-vous dire à Massey-Ferguson ou toutes
les autres compagnies, John Deere, ou n'importe quelle autre: Vous ne paierez
pas vos ouvriers $5. l'heure, vous allez les payer $3. l'heure. Comment
voulez-vous que mon collègue, le ministre de l'Agriculture du
Québec, s'en aille négocier à Détroit,
àToronto ou à Akran le taux des salaires des ouvriers qui
travaillent pour ces manufactures? Je pense qu'il y a eu inflation, M. le
Président. Il y a eu inflation aussi, vis-à-vis de la
spéculation de nos propres agriculteurs. Comme je vous le mentionnais
tout à l'heure, le foin autrefois à $16 la tonne se vend
aujourd'hui $100 la tonne.
Je voudrais aussi rappeler à mon collègue de Saguenay qui
nous parlait de la betterave à sucre, qui nous parlait de nos
transactions avec la compagnie Redpath, que je suis touché d'assez
près par les raffineries de sucre, vous le savez fort bien. Les
producteurs de betterave sucrière ont retiré l'an dernier $20 la
tonne. Cette année, les derniers chiffres ne sont pas sortis, mais ce
sera à peu près au moins $40 la tonne pour la betterave
sucrière.
Je pense bien que si on nous a blâmés ou si on a
tenté de nous blâmer ce matin, pour cette transaction que nous
avions faite avec la compagnie Redpath, elle est profitable à nos
agriculteurs du Québec. Le premier devoir que nous avons en tant que
législateurs, c'est d'abord de protéger nos agriculteurs. Je
pense bien que lorsque nous avons fait cela, attention les consommateurs, nous
produisons seulement 6% de la consommation du sucre au Québec. Alors on
ne peut pas contrôler le prix du sucre avec 6%, c'est impossible, c'est
impensable.
M. Lessard: Vous ne pouvez pas...
M. Ostiguy: C'est impensable. Je m'adresse à M. le
Président.
M. Lessard: Oui, certain...
M. Couture: Vous en avez envoyé pas mal un bon paquet.
M. Ostiguy: Oui, j'en ai mis.
M. Couture: On va prendre la corde. La corde à balle, vous
nous dites qu'on a choisi.
Je pense bien que le producteur, pris comme centre de décision,
ce n'est pas lui qui a choisi d'acheter sa corde de Brantford ou du
Brésil. Mais si l'augmentation est de...
M. Ostiguy: M. le Président, je voulais seulement vous
rappeler qu'on dit toujours qu'on bâtit la société qu'on
veut être. C'est un vieux proverbe que ma mère m'a
enseigné.
M. Couture: D'accord. Quant à la question de
contrôler les conditions de travail au Brésil, je serais quasiment
heureux si la différence entre les $7 et les $32 avait été
aux ouvriers du Brésil. Je serais quasiment heureux si cela avait eu cet
impact.
M. Ostiguy: Vous ne pouvez pas non plus nous l'affirmer...
M. Couture: Non, mais... M. Ostiguy: ...moi non plus.
M. Couture: ...nous sommes d'égal à
égal.
Nous autres, ce qu'on dit surtout là-dedans, c'est qu'on constate
des choses que nous sommes impuissants à régeler, comme vous
dites, vous autres, que le ministre n'est pas capable d'aller négocier
pour les tracteurs à Brantford.
Pour ce qui est du foin, la spéculation qui se fait sur le foin,
pourquoi le foin est-il à ce prix? C'est parce qu'il n'y en a pas de
foin. Le cultivateur est pris là-dedans. Il n'en bénéficie
pas. Il aurait un besoin, mais il ne peut pas le combler. Je pense qu'au lieu
d'être une spéculation pour l'agriculteur, c'est plutôt un
drame. Cela place le gars devant un drame. Il n'y a pas de prix, on ne peut pas
dire qu'il s'établit un prix dans le foin, car il n'y a pas de foin. Je
pense qu'il va falloir essayer de trouver quelque chose,
parce que je pense que cela va être assez dramatique. Qu'est-ce
qu'on peut momentanément trouver, non pas à long terme mais,
à court terme qui peut remplacer le foin pour empêcher des
situations difficiles?
M. Ostiguy: Oui, vous me dites que c'est parce que le foin est
rare. C'est la même chose pour la corde à presse qu'on mentionnait
tout à l'heure. Si la corde à presse a augmenté, que ce
soit la corde mexicaine ou la corde brésilienne, on nous dit, en tout
cas, que les récoltes de matières premières pour cette
corde ont été moindres l'an demier qu'elles ne l'ont
été il y a deux ou trois ans. C'est la même chose aussi
pour le sucre. Je suis pertinemment bien au courant que les récoltes de
betterave su-crière, en Europe, plus précisément en France
et en Belgique, ont été de 50% de ce qu'elles étaient les
années antérieures.
Le Français et le Belge, bien sûr, ont quand même
besoin de sucre pour s'alimenter. Qu'est-ce qu'ils ont fait? Ils sont
allés sur le marché de la canne à sucre et ils ont
acheté de la canne à sucre. Cela a, bien sûr, eu comme
effet de créer une rareté. Cela a fait augmenter le prix du
sucre. Qui en a profité? Les producteurs.
Dans le foin, il faut quand même admettre que ceux de nos
cultivateurs québécois qui produisent du foin, ceux qui se
spécialisent dans le foin, changent de presse à foin et ils en
achètent une plus grosse.
M. Couture: Présentement, M. Ostiguy, je ne veux pas
soulever une polémique là-dessus. Je comprends votre
intervention. Le producteur qui avait du foin à vendre, il est vendu
présentement. Présentement, le foin qui se vend, c'est un
agriculteur qui fait encan et qui vend son troupeau et qui a 1,000 à
1,500 balles. C'est la majorité. Les transactions du foin dont on a eu
connaissance, c'était du foin qui aété vendu à
l'occasion d'encans de ferme.
Comme vous dites, sur le terrain où vous m'amenez, on n'a pas
tellement dit ce matin: Le sucre a été trop cher. Que les gars
fassent leur affaire dans le sucre, on est bien content. S'il y a moyen de
développer la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire, on est
intéressé. Si vous avez de la place à en développer
d'autres, dans ma région on serait intéressé à en
produire. On a les terres pour cela.
La question est, et c'est là qu'on a fait notre raisonnement ce
matin quand on a dit: Comme on n'est pas capable de contrôler ces choses,
on le rentre dans notre coût de production. La seule chose qu'on discute
pour nous autres présentement, je pense bien qu'on a assez de
compréhension avec le ministère, c'est la marge, le revenu; c'est
cela qui est en discussion. Parce que pour les autres éléments,
on s'est dit: Comme on ne peut pas avoir de contrôle, on peut
améliorer des choses peut-être en se donnant certains pouvoirs
d'achat, en se donnant un pouvoir de négociation un peu plus grand. Mais
le fond, on n'est pas capable de le changer. Donc, on dit: Le fond de notre
discussion aujourd'hui, assurez-nous une marge sécuritaire de
revenus.
M. Ostiguy: Je vous comprends et je comprends l'attitude des
cultivateurs. Par contre, depuis un an, on discute de l'augmentation des
intrants qui joue, bien sûr, sur le coût de production du
cultivateur et qui joue aussi sur le coût d'achat à la table du
consommateur. Par contre, je pense que vous, et nous en tant que gouvernement,
c'est là qu'il faut vraiment trouver où est la lacune, si lacune
il y a. Il faut regarderquand même ce que le gouvernement du
Québec, ce que le gouvernement du Canada peuvent faire vis-à-vis
de ce phénomène que je voudrais quasiment qualifier de
phénomène mondial vis-à-vis de l'augmentation des
coûts, l'inflation des coûts. On parlait du lait aussi ce matin.
Mon collègue d'Iberville en a parlé tout à l'heure.
Peut-être qu'il va se vendre $0.51 la pinte à l'épicerie.
J'arrive des Etats-Unis je n'ai pas besoin de vous dire que comme tout le
monde j'arrive de l'Etat de la Floride le lait est à $0.52 ou
$0.53...
M. Couture: A la couleur de la peau, on voit bien.
M. Ostiguy: ... la pinte quand même. Il est à $0.52
ou $0.53 la pinte aux Etats-Unis. Je pense bien que notre consommateur
québécois, il ne faudrait pas qu'il s'alarme plus qu'il ne le
faut. Aux Etats-Unis, on paie le lait $0.52 ou $0.53. Je n'ai pas
vérifié dans d'autres pays du monde. Ecoutez, si on paie le lait
$0.51 la pinte, ici, je pense qu'il ne faudrait pas s'alarmer non plus. Cela
m'apparaît quand même encore normal.
M. Couture: Là-dessus, vous n'avez pas trop de
difficulté à nous convaincre que le prix du produit, si on le
compare à sa valeur, et comparé aux autres utilités, je
pense qu'il n'y a pas de scandale. Si on compare aussi la part du revenu de
l'individu, la part qu'il met pour son alimentation au Canada, le gars se situe
encore bien par rapport avec tous les autres pays.
M. Ostiguy: Oui, par contre là où il faudra
peut-être être extrêmement prudent, autant de votre part que
de la nôtre, c'est de ne pas trop augmenter, non plus, le coût des
produits à la table du consommateur, parce que je pense que M. Roy nous
mentionnait une baisse dans le lait, peut-être y a-t-il eu erreur dans
les chiffres, en tout cas, il y a quand même eu une baisse. On sait fort
bien qu'il y a eu une baisse d'au-delà de 10%, par exemple, dans la
consommation du sucre au Canada, parce que le prix du sucre était
très élevé. Il faut quand même... Je dis souvent aux
agriculteurs de mon comté: Faites bien attention, les gars. Si on
augmente trop la vente de votre produit à la table du consommateur,
est-ce que le consommateur, à un certain moment, ne cherchera pas un
palliatif à sa consommation?
M. Couture: Si on augmente trop pour ce que la consommation peut
absorber, ce ne sera pas parce qu'on n'aura pas été averti. On
nous amène sur ce terrain, et je pense q u'on est conscient de cela. Si
on compare l'augmentation du sucre avec celle du lait, je pense que les
proportions ne sont pas tout à fait les mêmes pour influencer la
consommation. C'est
même surprenant que la consommation n'ait pas baissé plus
par l'écart qu'il y a eu entre le prix du sucre, qui a été
de $0.10, $0.12, $0.25, à $0.60 comme on l'a vu.
M. Ostiguy: En terminant, M. le Président, la seule chose
que je voudrais dire, c'est que je pense bien qu'il faut quand même
être réaliste. Quant aux intrants, comme on se plaît
à les appeler depuis un an, qu'est-ce qu'on peut y faire, vous, en tant
que UPA et nous, en tant que gouvernement? Il y a quand même...
M. Couture: Vous arrivez...
M. Ostiguy: Dans les intrants, j'inclus le foin aussi et une
quantité de facteurs. C'est là la question qu'il faut se
poser.
M. Couture: ...à notre raisonnement. Si on ne peut rien
faire dans le coût des intrants, il faut qu'il se répercute dans
le prix. Ce n'est pas parce que les intrants sont trop dispendieux que
l'agriculteur ne doit pas avoir sa part de revenus. Je pense que le
raisonnement, on se...
M. Ostiguy: Attention! Je ne dis pas qu'il ne faut pas trouver
une solution. Il y a un problème. Il y a une solution à
trouver.
M. Couture: On est d'accord pour trouver une solution.
M. Ostiguy: Mais il faut quand même ne pas trop charrier
non plus sur la solution à trouver. Il faut quand même être
prudent.
M. Couture: Je n'ai pas l'impression qu'on charrie
là-dessus. On essaie de faire des coûts qui sont réalistes,
qui assurent un revenu à l'agriculteur. Je pense bien que la
collectivité veut que les agriculteurs vivent, c'est normal. Ensuite,
s'il y a des correctifs à apporter, on est prêt à
collaborer, à trouver des solutions.
M. Ostiguy: Hier, M. le Président, je parlais avec M. Roy
du Conseil de l'alimentation de cet empaquetage, de cette distribution, des
autres distributions.
Alors, c'est à se demander aussi si, chez nos agriculteurs, il ne
faudrait pas qu'on leur suggère peut-être de changer leur
méthode de culture. Là, on me dit qu'il y a de nouvelles presses
à foin qui sont sorties, qui n'ont plus besoin de corde. Peut-être
que ça éliminera une certaine portion des intrants...
M. Couture: Oui, je connais cela, j'en ai une. M. Ostiguy: Je ne
connais pas cela.
M. Couture: Je connais cela, j'en ai une, c'est pour vous dire
qu'on évolue. Mais ça ne peut pas s'adapter du jour au lendemain
à tous nos genres de production, peut-être, parce que c'est un
volume, des balles, des meules de 6,000 livres ou 12,000 livres. C'est la
manipulation, l'entreposage, l'alimentation, ce qui amène à
changer souvent toute l'organisation de celui qui ne peut pas le faire tout
d'un coup. Ce sont des moyens pratiques, mais je pense surtout, au point de vue
du lait de consommation, qu'il s'est fait une planification que les
agriculteurs ont réussie, que, je pense, d'autres secteurs n'ont pas
réussie.
Le lait n'est plus vendu individuellement, le producteur ne vend pas
individuellement son lait à une laiterie propre, mais il est
"poolé" puis il est dirigé vers les laiteries. Cela évite
un paquet de transport inutile, deux ou trois camions, pour des laiteries
différentes, qui ramassent dans le même secteur. Donc, je pense
qu'au point de vue agricole, on a fait un bon bout là-dessus, mais il y
aurait certainement des choses à faire au niveau de la distribution.
Moi je suis conscient que, quand on arrive au niveau de la distribution,
quand trois laiteries différentes distribuent du lait dans la même
rue, ce sont des coûts qui sont élevés puis il y aurait des
choses à voir là-dessus.
On voit beaucoup mieux les correctifs à apporter dans les autres
secteurs que dans les nôtres souvent, c'est pour cela qu'on est toujours
mieux d'en parler.
M. Ostiguy: Parceque, lorsque je raisonne, moi, lorsque je
raisonne tout bas sur les problèmes que vous nous soulevez, par exemple,
je me demande toujours si l'agriculteur, on doit le comparer à un
ouvrier spécialisé ou si on ne doit pas piutôt le comparer
à un homme industriel, un gars qui a un commerce, dans l'alimentation,
on pourrait ouvrir une polémique là-dessus, mais moi, je vois
quand même, M. Couture, l'agriculteur comme un industriel, un gars qui
doit se faire un revenu selon la capitalisation qu'il a faite sur sa ferme.
M. Couture: C'est parce que l'agriculteur est devenu un
entrepreneur qui exige que, dans le prix de son produit, on lui assure un
salaire, parce que l'industriel...
M. Ostiguy: Je n'aime pas trop le mot "salaire", en tout cas.
M. Couture: Un revenu, d'abord. M. Ostiguy: Oui.
M. Couture: Parce que l'industriel, quand il fait ses
prévisions budgétaires, il a un poste qui inclut la
rémunération, un minimum de rémunération pour
l'entrepreneur, pour sa propre entreprise. Donc, c'est parce qu'on est devenu
un peu des entrepreneurs.
M. Ostiguy: Parce que je sais pertinemment que, si j'avais une
petite industrie, disons avec une dizaine d'employés et si j'avais
investi ce que la plupart des cultivateurs, de nos bons agriculteurs ont
investi, au moins un minimum de $100,000 pour avoir une ferme rentable, je
dirais:
Mes $100,000 doivent me rapporter tel montant d'argent en revenu, tenant
compte de mon investissement. Lorsque vous nous parlez du salaire d'un ouvrier
spécialisé, je suis personnellement, en tout cas, un peu
réticent vis-à-vis de cette phrase.
M. Couture: C'est parce qu'on veut s'assurer une marge, c'est
clair. Comme l'entreprise, il s'assure une marge vitale comme individu et
ensuite il y a le profit de l'entreprise. C'est un peu dans cette optique qu'on
évolue. Lorsqu'on aura franchi cette étape, peut-être qu'on
regardera réellement le statut de l'entrepreneur, je ne sais si cela
correspondra et si cela scandalisera moins les gens. Tout de même, on
part d'une situation et pour la bonne raison que c'est difficile pour nous
autres de faire répercuter cela dans le prix du produit, parce qu'il y a
un paquet d'incidences qui nous amènent à établir les prix
des produits au prix de plancher, c'est un peu cette expérience qui nous
amène à...
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de...
M. Ostiguy: Je veux quand même vous souligner en terminant
je termine là-dessus, M. le Président que je
comprends que l'agriculteur peut avoir certaines difficultés
vis-à-vis de l'augmentation des coûts, ce q u'on a appelé,
ce matin, ce qu'on appelle depuis longtemps des intrants, il reste quand
même que l'industriel a à faire face, lui aussi, à une
certaine inflation. C'est pour cela que je voulais vous faire dire que
l'agriculteur, on ne doit pas le comparer à un ouvrier
spécialisé, mais plutôt à un industriel qui investit
un montant d'argent.
M. Couture: Oui, mais vous acceptez que, dans ce contexte, quand
même, il faut que le gars ait un revenu. C'est cela qu'on veut
protéger.
M. Ostiguy: Oui, mais c'est un revenu selon son
investissement?
M. Couture: Oui, c'est selon son travail. C'est cela qu'on
demande. Comme l'agriculteur travaille, ça lui prend un revenu pour son
travail et aussi cela lui prend une rentabilité pour son capital
investi.
M. Ostiguy: M. Couture, j'ai regardé les nouvelles et je
lisais dans les journaux, vous nous parliez hier d'un revenu de $15,000, le
ministère avait un revenu de $9,000, enfin je pense que là, on
glisse un peu vers toujours ce salaire de l'ouvrier
spécialisé.
M. Couture: Je pense qu'on pourra peut-être prolonger la
discussion, un moment donné pour aller plus loin.
M. Ostiguy: D'accord.
M. Couture: Mais le Président d'une compagnie
limitée s'inclut un salaire dans cela. Tous les budgets que j'ai vus et
les états financiers...
M. Ostiguy: Massey-Ferguson...
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Saguenay.
M. Lessard: M. Couture, j'aurais une autre question que j'aurais
pu poser lorsque vous avez présenté votre deuxième
mémoire, mais je viens d'être informé, en fait, par le
ministre, que nous n'avons que sept mémoires qui sont
présentés à cette commission parlementaire. Pourtant,
d'après ce que nous voyons extérieurement et ce que nous avons vu
particulièrement en octobre et novembre, il existerait un malaise en
agriculture.
Cette loi présentée me paraît être un
avant-projet de loi très important pour la classe agricole et ses
conséquences peuvent être extrêmement importantes pour
l'avenir de l'agriculture. Le ministre m'informait tout à l'heure que
plus de 50 organismes auraient reçu des convocations pour venir
présenter des mémoires à cette commission parlementaire.
Nous avons actuellement deux mémoires de l'Union des producteurs
agricoles. L'un des mémoires qui a été
présenté ce matin est assez bref puisque le principe essentiel
dont vous discutez dans ce mémoire, c'est la question des coûts de
production, mais ce projet de loi est beaucoup plus large que cela, il s'agit
de la façon que cela va être appliqué, ce que cela va
coûter aux producteurs, ainsi de suite. Je ne trouve rien, à part
la question du revenu comme tel et le calcul du revenu, dans le mémoire
que vous avez présenté ce matin, sur les modalités
d'application. Je sais qu'une fois que cette commission parlementaire va
être terminée, il appartiendra au ministre, par la suite, de
préparer un projet de loi qui devra être présenté
à l'Assemblée nationale et je ne prévois pas que le
ministre convoque une nouvelle commission parlementaire pour entendre
différents organismes sur le nouveau projet de loi.
Devant ces faits, je vous avoue que je suis inquiet, dans le sens que
nous, comme parlementaires, en ce qui concerne en particulier les
modalités d'application du projet de loi, nous n'aurons pas reçu
beaucoup d'information. Je sais que, dans les régions, ce projet de loi
soulève un certain nombre de questions. Je sais, par exemple, lorsque
est arrivée la question de l'assurance-récolte, que les
fédérations de producteurs, au niveau des régions, se sont
réunies et ont pris position vis-à-vis de
l'assurance-récolte. Ce que je me demande, c'est qu'étant
donné le malaise que nous semblons vivre dans l'agriculture, comment se
fait-il qu'à une commission qui m'apparaît extrêmement
importante c'est l'unedes commissions parlementaires qui nous auraient
permis de vider ou de discuter, de façon très large, toute la
question agricole j'aurais souhaité que la Coopérative
fédérée ou que différentes coopératives des
producteurs viennent se faire entendre à cette commission parlementaire.
Comment expliquer cette situation, étant donné ce malaise, que
nous n'ayons que sept mémoires et qu'en l'espace de deux jours, nous
passions à travers une loi qui est extrêmement importante, alors
que nous demandons à l'Assemblée nationale, depuis plusieurs
mois, la convocation d'une commission parlementaire pour discuter des
problèmes agricoles et pour discuter des revenus des agricul-
teurs, pour discuter aussi du problème des intrants et des
problèmes des grandes compagnies multinationales, et, devant ce fait,
qu'on ait aussi peu de matériel qui nous parvienne? Est-ce que, du
côté de l'UPA, vous avez communiqué avec les
différents organismes afin qu'ils se présentent à cette
commission parlementaire? Les individus avaient aussi la possibilité de
se faire entendre, ainsi de suite. Je vous avoue que cela me
déçoit.
M. Couture: Notre compréhension, c'est d'abord que c'est
un avant-projet qui implique des principes, et notre représentation est
sur ces principes. Je pense que, comme pour tout autre projet de loi, il y aura
une première et une deuxième lectures et, à partir de
là, on sera plus précis, on pourra peut-être discuter,
aller plus loin.
Pour ce qui est de l'Union des producteurs agricoles, nous, on
représente toutes nos fédérations
spécialisées des producteurs de telle ou telle production. Parce
qu'on a eu une réunion sur l'avant-projet, toutes ces
fédérations ensemble. Mais notre position est celle que vous
connaissez parce que c'est l'implication du principe. Après ça,
comment ça va fonctionner? Il y aura certainement les règlements
qui viendront après, il y aura aussi certainement des discussions. On
fait allusion aussi, dans l'avant-projet, à des discussions avec les
producteurs.
C'est dans ce contexte qu'on l'a vu, on dit que c'est un avant-projet;
nous, on se prononce sur la philosophie de l'avant-projet et, après
ça, ce sont des choses qui vont se préciser dans l'avant-projet
et après la présentation en première lecture, on sera en
mesure de discuter plus à fond. On dit dans le projet qu'une fois ces
principes clarifiés, on sera en mesure d'étudier le projet de loi
tel quel. On l'a pris réellement comme un avant-projet.
M. Lessard: Je suis d'accord, M. Couture, que c'est un
avant-projet. Mais on sait, par ailleurs, que l'avant-projet a pour but de
discuter généralement d'un principe qui est très vaste,
très large et vous avez la possibilité, on avait, en tout cas, la
possibilité ici d'avoir une discussion très vaste sur l'ensemble
des problèmes agricoles au Québec. Parce qu'on sait qu'en vertu
de notre économie parlementaire, après la deuxième
lecture, le principe est déjà adopté. A ce
moment-là, on est obligé de se limiter à l'étude
des articles. Le ministre devra se baser sur les sept mémoires que nous
avons pour expliciter son projet de deuxième lecture. Si ce projet ne
donne pas véritablement satisfaction aux producteurs, à ce
moment-là, le principe aura été accepté. Je
comprends qu'on peut modifier différentes modalités, etc. Mais,
quant à moi, j'espérais qu'étant donné que le
ministre présentait, non pas un projet de loi comme tel et
qu'après la première lecture, on l'envoie en commission
parlementaire, mais un avant-projet de loi démontrant la
possibilité pour les agriculteurs de venir discuter de l'ensemble de la
politique agricole... Là, malheureusement, je dis que c'est presque un
échec.
M. Couture: Je ne sais pas, selon notre compré- hension,
peut-être qu'on est plutôt bien pratique, on a été
convoqué pour discuter de l'avant-projet de loi.
M. Lessard: M. Couture, d'accord. Mais on me dit, justement, de
l'autre côté de la table que ça va bien en agriculture et
c'est pour ça que les agriculteurs ne se font pas entendre.
M. Couture: On a d'autres moyens de dire que ça ne va pas
bien et on s'en sert.
M. Lessard: D'accord, mais à ce moment-là, vous
négociez tout seul avec le ministre, vous le dites seul avec le
ministre.
M. Couture: Oh! non...
M. Lessard: A une commission parlementaire, c'est important parce
qu'on est là pour vous interroger.
M. Couture: Ce que je pensais, c'est qu'on aurait pu
élargir le débat à toute la situation de l'agriculture.
Nous, on a vu l'avant-projet comme une réponse. Donc, on est venu ici
donner notre point de vue sur l'avant-projet, parce qu'on aurait pu
élargir le débat, présenter un mémoire qui n'aurait
pas traité spécifiquement de ce qu'on veut. Nous, comme
mentalité, ce qu'on pense, c'est de toucher principalement le point
qu'on veut toucher; à partir de là, ça fait une
philosophie et, après ça, on pourra avancer. C'est un peu dans
cette optique. Mais c'est clair qu'on aurait pu élargir le débat.
Mais on ne voyait pas, à une commission parlementaire, la
nécessité de prendre le problème global de l'agriculture,
on a dit: II y a un avant-projet présenté et on se prononce
dessus.
M. Lessard: Le titre du projet de loi est; Avant-projet de loi
d'assurance-stabilisation des revenus agricoles. Je vous dis que c'est
large.
Mais là, je vais me tourner vers le ministre, étant
donné que nous avons eu cette commission parlementaire, pour lui
demander si, après la deuxième lecture du projet de loi qui sera
présenté, il a l'intention de convoquer une commission
parlementaire?
M. Toupin: La commission parlementaire va étudier le
projet de loi.
M. Lessard: Convoquer une commission parlementaire, d'accord,
c'est automatique, les députés sont immédiatement
convoqués pour étudier le projet de loi article par article, mais
est-ce que vous avez l'intention de faire des auditions publiques?
M. Toupin: Non, je pense que, sur certains points, il n'arrive
pas souvent, évidemment, que l'Opposition et le gouvernement puissent
penser toujours ensemble, mais quand c'est raisonnable, c'est possible de
penser dans le même sens. Je suis porté à abonder un peu
dans le même sens que le député de Saguenay. J'aurais
préféré, moi aussi,
que des mémoires viennent d'autres associations que celles qui se
sont présentées, qu'il y en ait plus sur la table ici, avec plus
de chiffres, avec plus de données. Actuellement, dans la formule des
prix que nous discutons, il y a des contestations. Il y a des contestations de
la part des producteurs d'abord. Ces contestations, les commissions parlementai
res sont convoquées spécialement pour cela, pourque les
groupements puissent démontrer à l'Assemblée nationale,
aux gens élus, les problèmes qu'on affronte, les points sur
lesquels on a certaines mésententes.
J'aurais préféré également que plus de
mémoires soient présentés. Maintenant, je pense qu'avec
les mémoires que nous avons, nous sommes quand même capables
d'aller un peu plus au fond des choses. Un des problèmes du
député de Saguenay, c'est peut-être
précisément qu'il ne va pas aux bonnes sources quelquefois. Il
pourrait peut-être poser des questions je ne dirais pas plus
pertinentes, mais en poser pi us sur l'ensemble des problèmes de
l'agriculture, s'il avait l'occasion de prendre connaissance d'un tas de
documents que le ministère rend publics.
Hier, j'ai trouvé un peu déconcertant que le
député qui représentait l'Opposition officielle, n'ait
même pas vu le plan agro-alimentaire qu'on a rendu public il y a presque
trois mois de cela. ll y a un tas de documents qu'on fait circuler dans le
public actuellement, précisément pour donner l'occasion aux gens
de s'informer de ce qui se passe dans le secteur agricole.
M. Lessard: II faudrait dire que le député qui m'a
remplacé hier m'a remplacé à pied levé,
étant donné que je ne pouvais me rendre ici.
M. Toupin: Mais, encore là, cela peut s'appliquer de ce
côté-là également.
M. Lessard: A six, on ne peut pas être spécialistes
dans tous les domaines. Le ministre s'occupe d'un seul ministère avec
toute sa série de fonctionnaires compétents alors que chacun des
députés du Parti québécois doit s'occuper de quatre
ministères avec quelques fonctionnaires compétents.
M. Toupin: Là-dessus, je vous comprends. De ce
côté-là, je suis bien d'accord avec vous. Evidemment, le
nombre y est pour quelque chose là-dedans, mais il y a un certain nombre
de points sur lesquels je voudrais discuter, en terminant, sur cette question
des revenus, il y a un certain nombre de points qu'on a regardés cet
avant-midi, notamment sur la productivité, sur les revenus, mais il y en
a un certain nombre d'autres aussi, que j'aimerais aborder avec les
producteurs. Nous les avons touchés un peu hier, lors de notre
rencontre, par le biais.
Parexemple, dans les formules qu'on a utilisées jusqu'à
maintenant, notamment dans le domaine du lait le lait, c'est la formule
type, à venir jusqu'à maintenant tout au moins, dans l'ordre des
principes, dans l'ordre de l'application, cela peut se tourner autrement
dans la formule qu'on a présentée en ce qui concerne le lait,
tout ce qui se fait à l'exté- rieur du lait, par exemple, on
présume qu'il y a 10%, 12% ou 15% des ventes d'une ferme laitière
qui sont faites à côté de la production
laitière.
La formule actuelle du ministère la Régie des
marchés agricoles du Québec a accepté ce principe
aussi c'est qu'on ne prend aucun profit là-dessus. Le prix de
vente est le coût de production, de telle sorte que, en 1974, à
cause du prix du veau ou de la vache laitière et tout cela, c'est
possible que les producteurs n'aient pas pris de revenus nets dans ce secteur,
mais, en 1973, ils ont pris des revenus nets.
Lorsqu'on est appelé, nous, du gouvernement, à prendre une
position sur l'indexation, comment est-ce possible, pour nous, de ne pas
toujours tenir compte de toutes les sources de revenus? Par exemple, encore en
termes d'indexation, quand on fixe un prix comme celui que la Régie des
marchés agricoles du Québec fixe et que les intrants sont
à un tel prix, si, dans huit mois, dans dix mois, dans un an ou dans
deux ans, le prix des intrants tombe, est-ce qu'on va faire tomber le prix du
lait aux producteurs? On sait fort bien que le prix des intrants fluctue.
Lorsque vous parlez, dans votre mémoire, d'une formule
d'indexation, j'aimerais l'approfondir beaucoup plus, parce qu'il y a
très souvent ces inquiétudes dans mon esprit. Je me dis: Est-ce
possible, pour un ministre de l'Agriculture ou pour une Régie des
marchés agricoles du Québec, d'informer les producteurs, à
un moment donné, et de leur dire: Les intrants ont diminué de
10%, les moulées ont diminué, l'engrais chimique est moins
élevé, l'intérêt sur le capital,
l'intérêt sur l'argent que vous empruntez est moins
élevé, est-ce que vous acceptez de diminuer votre revenu pour
vous ajuster à l'indexation? C'est fondamental dans une
législation comme celle-là.
M. Couture: Je pense qu'il faut prendre ces risques. On dit: On
veut protéger un revenu, mais quand les intrants baissent, il y a tout
un contexte qui fait que le produit baisse.
M. Toupin: Mais, dans le cas du lait, ce n'est plus pareil. Les
formules qu'on étudie actuellement, ce sont des prix fixés, des
prix arrêtés qui vont tenir, peu importe les conditions dans
lesquelles se trouvera le marché des intrants. Ce sont des prix
fixés.
M. Couture: Ce qu'on veut, nous autres... On est conscient que
cela comporte des risques, mais c'est parce que, dans ces fluctuations, on a
pratiquement toujours été perdant. On dit: Qu'on nous assure un
revenu et, si les coûts de production baissent... Je pense que la formule
est assez souple pour ce qui est des ajustements. Il y aura possibilité
de regarder si les coûts baissent et de les faire varier.
M. Toupin: Au fond, c'est tout le principe de l'indexation...
M. Couture: Oui.
M. Toupin: ...que nous n'avons pas encore tou-
ché et dont vous faites mention dans votre mémoire,
indexer. Dans le domaine de l'économie, indexer veut dire cela. Cela
veut dire cela également, probablement, au niveau de l'indexation dont
on parle de plus en plus dans les autres secteurs de l'économie. Si
jamais les coûts de vie diminuent, est-ce qu'on va accepter de diminuer
les salaires? Ce n'est pas certain. C'est la même chose lorsque nous
arrivons dans le secteur agricole, et c'est encore plus vrai, parce que vous
êtes beaucoup plus vulnérables vis-à-vis de la fluctuation,
à cause des intrants qui entrent dans votre revenu, parce que le revenu
est conditionné, d'une part, par les intrants, et, d'autre part, par le
prix que vous recevez de vos produits.
M. Lessard: Est-ce que le ministre a l'intention de faire aussi
la même chose pour le salaire des députés, lorsque le
coût de la vie diminuera?
M. Toupin: Je n'ai pas d'inconvénient à cela du
tout. Si on accepte le principe de l'indexation, je suis prêt à
m'ajuster à cela.
M. Lessard: Indexer par en bas et par en haut.
M. Toupin: C'est cela. Si vous avez suivi ma conversation, je
n'ai pas dit que j'étais d'accord sur l'indexation. Je pose des
questions à ceux qui la demandent.
M. Lessard: II y a des fonctionnaires qui sourient. Est-ce qu'on
va faire la même chose pour les fonctionnaires?
M. Toupin: Je pose la question à ceux qui le demandent. Je
ne dis pas que l'idée n'est pas fondée, mais si on ne veut
pas...
M. Lessard: Ils ont perdu leur sourire.
M. Toupin: Si on n'avait pas profité des avantages de
l'inflation, il faudrait par conséquent en accepter les
désavantages.
M. Couture: Je pense que c'est le pendant, à un moment
donné, à l'indexation. Comme vous dites, il va falloir regarder
ce que cela veut dire. Normalement, dans la mentalité qu'on a, vu la
situation qui a existé, ce q u'on veut, c'est protéger une marge.
Cela ne veut pas dire que, le matin où cela va baisser... Il y aura des
périodes à regarder sur un laps de temps, mais on est prêt
à l'envisager dans ce sens.
M. Toupin: M. le Président, c'était seulement les
quelques informations que je voulais apporter. Je serais prêt à
passer à l'autre secteur maintenant...
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Lotbinière.
M. Massicotte: J'aurais simplement une question. C'est pour faire
pendant à la question qui avait été posée par mon
collègue, quand vous avez parlé des $0.32 la pinte qui vous
était donnés. J'ai remarqué un peu M. Roy... Si vous me
permettez, j'aime- rais que M. Roy me donne aussi ses commentaires pour
compléter.
M. Roy (Léonard): Est-ce que M. le Président me
permet d'intervenir?
M. Massicotte: Tantôt, cela avait été
implicitement compris que M. Roy pouvait parler, je pense.
M. Roy (Léonard): M. le Président, en premier lieu,
je dois, en toute honnêteté, pour l'information objective de la
commission parlementaire, rectifier une affirmation que j'ai faite hier.
Evidemment, je n'ai aucune honte à le faire. Je pense bien qu'il n'y a
que les imbéciles qui ne se trompent jamais. Hier, à une question
impromptue qui m'a été posée, j'ai fait un calcul mental
au sujet du niveau de consommation du lait dans la province de Québec et
je me suis rappelé que j'avais devant moi à ma disposition les
chiffres de la Fédération des producteurs de lait nature. Ceux-ci
m'indiquaient que, depuis le mois d'octobre, 90% du lait était
payé en classe 1. La classe 1 veut dire le lait ordinaire, le lait
entier plus tous les laits écrémés qu'ils soient à
2%, 1.5% ou totalement écrémé. J'avais ce tableau dans la
tête, 90% qui était passé à 79.7% en novembre, 74%
en décembre et 70.3% en janvier, pour le pourcentage d'utilisation en
classe 1. Ceci tenait compte également de l'augmentation du volume de la
production dans la même période. J'avais répondu
très vite que cela représentait 20% à ce moment
d'après le tableau. Je me suis dit que c'était à peu
près la moitié qui était la diminution réelle.
J'avais oublié qu'à ce moment, en octobre, novembre,
décembre, il y avait eu, par l'ouverture des quotas, une stimulation de
production dont on doit tenir compte là-dedans. Alors, en rajustant en
regard du volume d'augmentation de production laitière et de
l'utilisation payée en classe 1 en regard de cette augmentation de
volume évidemment, ce n'est plus 10%. Par contre, je tiens tout de
même à mettre devant les membres du comité que nous, quand
il s'agit de nos ventes, depuis quatre ans au moins, depuis 1971, année
après année, au total de l'année, on a toujours
réussi à enregistrer une augmentation dans les ventes du lait,
classe 1 encore, d'en moyenne 3.56% par année, et ce, en dépit de
sept augmentations consécutives, de changements consécutifs dans
le prix du lait.
Rendu au mois de septembre, on s'en allait encore au même rythme
comparant mois par mois, mais des mois corrigés. On compare le
même nombre de jours par mois. S'il y a un dimanche de plus ou un
dimanche de moins, cela peut affecter quand on fait ces calculs,
pondérés.
C'est à partir de novembre, alors que l'année
précédente, on avait vendu 105,300,000 livres de lait, on en a
vendu seulement 101,065,000 livres. En décembre, alors qu'on avait vendu
103,649,000, on a vendu 103,133,000. Nos baisses, à ce moment, qui
étaient pratiquement cumulatives à peu près 5% vers la fin
de l'année, ont totalement mangé le rythme d'augmentation qu'on
avait à 3.56%, alors qu'on finit l'année, effectivement, avec
1.1/3% d'augmentation pour l'ensemble de l'année; 1.1/3%
d'augmentation de consommation du lait en l'année 1974, alors
qu'on allait sur un rythme, jusqu'en septembre, d'une augmentation qui aurait
été sûrement dans l'ordre de 3.56% et peut-être un
peu plus.
Je veux dire par là, et je le dis avec beaucoup de
discrétion, parce qu'hier vous êtes témoins que j'ai pris
précaution de dire en débutant: Je hais énormément
de parler publiquement, devant les media d'information, de baisse dans la
consommation, parce que plus vous allez en parler, plus elle va exister. C'est
comme le phénomène de la bourse. Si vous commencez à
parler de crise, vous allez entrer dans la crise. Pas plus que les
cultivateurs, nous avons intérêt à dire que notre
organisation de vente, ensemble, conjointement, est en train de prendre le
trou. On n'a pas intérêt à dire cela. C'est pour cela que
devant cette situation, je tiens à rétablir les faits. J'en suis
fort aise, d'ailleurs. Je suis très heureux de voir qu'actuellement,
nous avons, pour l'ensemble de l'année, une augmentation de 1.1/3%,
alors par exemple, qu'on aurait certainement eu de 3% à 4%
d'augmentation si on tient compte des années précédentes.
Ceci, non pas pour blâmerqui que ce soit. Seulement, ce que j'ai
développé hier devant vous, M. le Président... moi, je
crois foncièrement au transfert du revenu, et les tableaux des chiffres
officiels du ministère et de la Fédération des producteurs
nous prouvent que depuis 1951, quand vous pensez à l'importance de
l'augmentation qu'il y a eue, au total, seulement depuis 1968, l'augmentation
globale aux producteurs a été de 71.4% dans les prix, et qu'on a
tout fait passer cela sans affecter le niveau de consommation, même il a
continué à garder son rythme de croissance à 3.4% et qu'il
a fallu attendre aux mois d'octobre, novembre, décembre 1974 pour avoir
cette réaction de résistance du consommateur, moi, je vois,
là-dedans, si vous me permettez cette remarque personnelle et qui veut
être la plus constructive au monde, l'indice que, probablement, on a
peut-être voulu prendre trop vite et trop à la fois. Si on avait,
sur une période un peu plus longue, continué à prendre les
augmentations qu'il faut prendre pour faire le transfert du revenu pour le
rattrapage au point de vue du cultivateur, on n'aurait probablement pas connu
cela. Vous allez me dire: C'est très facile de dire cela après.
C'est vrai. Mais tout de même, il y a quelque chose là-dedans
à l'appui de la théorie que je vous ai exposée que, encore
une fois, si on veut aider l'agro-alimentaire du Québec, on n'a pas le
choix, d'une façon ou d'une autre, le consommateur va payer pour. ll va
payer soit à cause du prixqui va continuer à augmenter, ou par
les subventions que l'Etat va être obligé de faire, et on va le
payer par nos taxes. Cela revient à la même chose.
Ceci, encore une fois, premièrement, pour vous expliquer que nous
sommes conscients, nous, dans l'industrie, qu'il faut manoeuvrer dans ce
domaine avec beaucoup de délicatesse, puis que c'est
l'intérêt de personne, ni des producteurs, ni de nous, de dire des
choses ou d'exploiter des situations qui tournent vite à la
démagogie. Je le regrette énormément. On fait trop de
démagogie. Ce ne sont pas les gens responsables qui font cela. Ce sont
ceux qui n'ont rien à perdre, qui entrent dans un domaine et ne savent
même pas le prix du lait. J'entendais un de ces activistes, il y a deux
ou trois jours, qui parlait du prix du lait à $0.56 la pinte. En soi,
seulement énoncer cela au début d'une émission de
télévision, que le lait est à $0.56 la pinte, alors
qu'effectivement, légalement il va l'être à $0.52,
c'est...
M. Lessard: Légalement, mais dans certaines régions
du Québec, il est à $0.62 actuellement.
M. Roy (Léonard): Oui.
M. Lessard: Chez nous, il va être à $0.56.
M. Roy (Léonard): Cela, c'est comme toute chose...
M. Lessard: C'est entre $0.52 et $0.56 et quelquefois plus
élevé encore.
M. Roy (Léonard): Oui, parce qu'il y a trois ordonnances
dans la province de Québec, parce que la province est divisée en
trois secteurs suivant les secteurs géographiques. C'est évident
que le coût de la vie àSept-lles, par exemple, n'est pas tout
à fait le même, je comprends bien, où surtout pour livrer
du lait à Sept-lles, ce n'est évidemment pas les mêmes
conditions que de livrer du lait à Montréal à partir de
Chambly. On va admettre cela. C'est pour cela que les ordonnances de la
province de Québec sont en trois secteurs. Il faut tenir compte de
cela.
M. Lessard: On peut même parler entre $0.52 et $0.62.
M. Roy (Léonard): ...suivant la géographie. M.
Lessard: Oui.
M. Roy (Léonard): Oui, disons, alors moi, je n'ai pas ici,
évidemment, à faire le procès des gens que j appelle des
activistes. Dans mon esprit, les activistes ce sont des gens non
informés, qui lancent n'importe quoi, n'importe comment, au plus mauvais
moment et qui sans le vouloir, je l'espère, nuisent à ceux qu'ils
voudraient aider. Maintenant, puisqu'on a parlé tout à l'heure du
prix du lait, nous, on a dit, M. Couture l'a dit d'une façon très
claire: II y a le partage du dollar du consommateur; à partir du 1er
mars, il va se faire à peu près dans l'ordre, grosso modo, de
$0.60 au producteur agricole et $0.40 à la distribution, à la
manipulation du lait.
M vous a expliqué où allait les $0.60. Permettez-moi de
prendre une minute pour vous dire où vont nos $0.20. C'était
$0.52 et $0.32 pour nous, alors, il y a une différence de $0.20, $0.52
pour le consommateur; $0.32 pour le producteur et $0.20 pour nous. Alors, nous,
dans nos $0.20, il faudrait bien penser que je reprends encore le
chiffre officiel pour la région centrale de $0.52, ce qui va être
le prix légal vous avez là-dessus... Aucune laiterie ne
reçoit $0.52 d'abord, parce que la partie du lait... Il y a une bonne
partie du lait, dans l'ordre de 62%, qui est vendue par l'entremise des
magasins.
Alors, le prix qui va être à $0.51 au magasin, si
vous voulez, que les laiteries vendent $0.01 de moins au magasin, c'est
déjà en bas du prix qui est fixé. Beaucoup de lait est
vendu, à très fort pourcentage, surtout dans la région de
Montréal, par des "jobbers" qu'on appelle, des revendeurs qui vendent
à leur compte, alors, ces gens commandent en moyenne $0.04. Il reste que
la moyenne qui reste à la laiterie ses frais
d'intermédiaire étant de $0.0388 est exactement de $0.16,
$0.12, $0.06. $0.16.126, si vous voulez, pour la pinte de lait sur les $0.52 en
question. Et voici comment sont repartis ces $0.16. Il y a $0.06 qui vont dans
le coût d'usinage, il y a $0.07 2/3 qui vont dans le coût de
distribution quand c'est une laiterie qui rend son lait directement à
domicile...
M. Lessard: Est-ce qu'il est moins cher, le lait? Etant
donné que vous n'avez pas tous les intermédiaires dont vous avez
parlé tout à l'heure, est-ce que le lait est moins cher?
M. Roy (Léonard): Non, vous avez à ce
moment-là... Justement, il y a...
M. Lessard: Vous n'avez pas les "jobbers" puis vous n'avez
pas...
M. Roy (Léonard): Alors, justement, il y a $0.07 qui vont,
à ce moment-là, dans les coûts de distribution et vous avez
2/3 de cent qui vont dans les frais de vente et $0.01 1/3, dans les frais
d'administration.
M. Lessard: Alors, les $0.07 que la laiterie prend, en fait,
c'est que, si vous n'avez pas les intermédiaires, les $0.07 vont
à la laiterie. Puis, quand vous avez les intermédiaires, cela va
aux intermédiaires.
M. Roy (Léonard): Oui. Attendez là.
M. Lessard: Parce que là, on va doubler. Oui, d'accord, le
coût de distribution, mais quand vous avez dit tout à l'heure que,
dans certaines régions, c'étaient des "jobbers"...
M. Roy (Léonard): Oui.
M. Lessard: Donc, ils prennent leur profit...
M. Roy (Léonard): C'est ça.
M. Lessard: Quand c'est directement la laiterie, à ce
moment-là, vous prenez $0.07. Quand ce n'est pas la laiterie, vous
laissez les $0.07...
M. Roy (Léonard): Sur les $0.20, la différence de
$0.0388, c'est ça que j'ai ici, va exactement... c'est pour le magasin.
Ce sont les frais de manutention pour la livraison, dans les succursales ou
dans les magasins ordinaires. C'est ça qui laisse exactement,
après ça, à une laiterie $0.16.1266,les 2/3, pour ces
opérations...
M. Lessard: D'accord.
M. Roy (Léonard): Alors, sur ces $0.16, vous avez $0.06 et
une fraction pour les frais d'usinage, $0.07 et une fraction pour les
coûts de distribution...
M. Lessard: Quelle que soit la façon dont c'est
distribué.
M. Roy (Léonard): Oui.
M. Lessard:Très bien. Parce que vous aviez dit: Lorsque la
laiterie distribue...
M. Roy (Léonard): Non, sur ça je m'étais
trompé, les $0.0388, c'était pour les frais de distribution aux
magasins. Alors, nous...
M. Lessard: D'accord.
M. Roy (Léonard): ...étant donné que nous
avons ces chiffres, on se demande, encore une fois, s'il est encore possible de
parler d'exploitation d'intermédiaires dans ce secteur, parce
qu'après tout, il est difficile, pour une entreprise, de faire plus que
ça au point de vue du rendement normal sur le capital investi dans ce
secteur. N'oubliez pas, maintenant, que depuis 1973, la situation, la
répartition du dollar du consommateur s'est renversée
totalement.
En 1973, il y avait 57% qui allaient au producteur sur le dollar et 43%,
à la laiterie. Aujourd'hui, exactement, 60% s'en vont aux cultivateurs
et 40% s'en vont à ce qu'on appelle le secteur de la distribution.
Je crois que, pour l'industrie, cela vaut la peine que nous prenions les
moyens nécessaires de faire savoir qu'il se fait aussi un effort chez
nous pour laisser à la production, au secteur primaire, la plus grande
part possible du dollar du consommateur. Ceci se fait par des efforts
d'efficacité dans les opérations. On le doit aussi beaucoup au
phénomène du regroupement qui se fait dans notre secteur. Vous
savez que notre secteur, depuis sept ans, est passé de 181 laiteries
à 45 ou 44, si je ne me trompe pas, dans le moment, et au rythme actuel,
d'ici cinq ans, s'il reste sept ou huit laiteries dans la province de
Québec, ce sera probablement le maximum. Tout cela pour dire qu'il se
fait chez nous, dans notre secteur, un effort, pour tâcher, tout en
rendant le service qu'il faut rendre, de rester dans les justes limites du
profit qu'on peut rechercher. Je tenais à souligner cela, M. le
Président.
M. Lessard: M. Roy, parmi les quelques 40 laiteries qu'il reste,
quel est le pourcentage de distribution qui revient à Dominion Dairies,
Borden et Québec-Lait? Est-ce qu'on pourrait savoir la distribution,
quel est le pourcentage de l'ensemble de la distribution du lait qui revient
à chacune de ces entreprises?
M. Roy (Léonard): II y a cinq laiteries dans la province
de Québec qui distribuent 80% du lait.
M. Lessard: Cinq laiteries, lesquelles?
M. Roy (Léonard): M. le Président, je me demande si
je peux aller jusque-là, les nommer.
M. Lessard: Voici, M. le Président, vous parlez de 46
laiteries.
M. Roy (Léonard): Oui, il n'y a pas d'inconvénient,
mais là, si je les énumère...
M. Lessard: C'est quel pourcentage du marché?
M. Roy (Léonard): Pardon?
M. Lessard: Quel pourcentage du marché pour chacune de ces
laiteries?
M. Roy (Léonard): Je vous dis, moi, cinq laiteries...
M. Lessard: 80% du marché. M. Roy (Léonard):
Oui...
M. Lessard: Comment cela se divise, 80% du marché entre
les laiteries, entre les cinq laiteries?
M. Roy (Léonard): Cela, M. le Président, j'invoque
même les lois des statistiques...
M. Lessard: C'est le secret professionnel.
M. Roy (Léonard): Oui. Ecoutez, je ne voudrais pas non
plus que, par des genres de questions comme cela, j'aie l'air de ne pas vouloir
répondre...
M. Lessard: D'un activiste.
M. Roy (Léonard): Je ne pensais pas vous avoir
visé.
M. Lessard: Non, mais en fait... D'accord, vous répondez
aux activistes, mais maintenant, je vous pose une question.
M. Roy (Léonard): Oui.
M. Lessard: Vous dites qu'il y a cinq laiteries actuellement qui
contrôlent 80% du marché.
M. Roy (Léonard): Oui.
M. Lessard: J'aimerais bien savoir, puisqu'on parle
d'organisation du marché, comment se distribue le pourcentage pour
chacune de ces laiteries de distribution. On va voir aussi de quelle
façon fonctionne le système de concurrence.
M. Roy (Léonard): Le plus loin que je puisse aller, c'est
de vous dire que les entreprises à capital
québécois...
M. Lessard: Québec-Lait?
M. Roy (Léonard): II n'y a pas seulement
Québec-Lait.
M. Lessard: Les autres? Je vous ai demandé quelles sont
les cinq? Vous avez Dominion Dairies, Borden, Québec-Lait, puis les deux
autres?
M. Roy (Léonard): Non, réellement, je me refuse
à les nommer pour des questions de sens commun que...
M. Lessard: Ecoutez, moi je proteste, M. le Président.
Monsieur Roy, du Conseil d'alimentation, vient nous donner des explications sur
la distribution du marché et il vient nous donner des explications sur
la façon dont se répartit les $0.16 126, moi, je vous pose, comme
parlementaire on est ici pour étudier un problème
suite à ce que vous dites, suite à la déclaration que vous
avez faite et vous avez le droit de faire je comprends que vous
n'êtes pas accusé du tout...
M. Roy (Léonard): Non, non.
M. Lessard: ...mais, comme parlementaire, je vous pose la
question: Quelle est la répartition du marché de distribution
pour chacune de ces laiteries? Je viens de nommer trois laiteries qui sont
connues de tous. Les deux autres qui participent aux 80%, parce que vous avez
dit que c'était 80%, les deux autres, ce sont lesquelles? De quelle
façon cela se répartit-il entre les laiteries?
M. Roy (Léonard): Alors, les deux autres ce sont des
entreprises québécoises, purement et simplement.
M. Lessard: Lesquelles? Steinberg? M. Roy (Léonard): Non,
non. M. Lessard: Non.
M. Roy (Léonard): Ce n'est pas une laiterie,
Steinberg.
M. Lessard: Ils distribuent quand même.
M. Roy (Léonard): Non, alors, écoutez, je regrette
beaucoup. Il faudrait s'entendre sur...
M. Lessard: Sealtest?
M. Roy (Léonard): Moi, je vous parle des entreprises qui
transforment le lait. Précisément, si vous m'apportez le nom de
Steinberg, cela n'a rien à voir avec ce que nous discutons.
M. Lessard: Pour que je ne dise pas des noms qui ne
correspondraient pas à la réalité, dites-moi les deux
autres. Cela va régler le problème, j'en connais
déjà trois.
M. Roy (Léonard): Alors, les plus grosses laiteries de la
province de Québec sont Québec-Lait, Ferme Saint-Laurent,
Dominion Dairies, Borden Company, Laiterie Laval, Guaranteed Pure Milk,
Crémerie des Trois-Rivières.
M. Lessard: Cela va. Maintenant, comment, en s'en tenant aux cinq
parce que si vous me nom-
mez les 46, cela ne règlera pas mon problème, je ne
tomberai pas dans le panneau, je vous vois venir, les cinq dont vous avez
parlé qui se partagent les 80% du marché, ce sont lesquelles? Je
n'en veux pas sept.
M. Roy (Léonard): Je les ai nommées.
M. Lessard: Je suis rendu à six. En tout cas. Comment se
répartit, maintenant, le marché entre ces laiteries?
M. Roy (Léonard): Cela je ne peux le dire pour aucune
considération. Vous me citerez devant le tribunal, ce que vous voudrez,
mais je ne le...
M. Lessard: Mais vous le savez. M. Roy (Léonard): Oui, je
le sais.
M. Lessard: C'est là qu'on va être obligé
d'établir une enquête à un moment donné sur les
grandes compagnies d'alimentation pour obtenir ces chiffres pour savoir ce qui
se passe dans ce marché. Je ne les blâme pas, M. le
Président.
Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! Cela ne
relève pas de la commission. L'enquête ne relève pas de
notre commission.
M. Lessard: Non, M. le Président, mais je peux le dire. On
discute des revenus d'une loi concernant la stabilisation des revenus.
M. Toupin: Ce n'est pas parce qu'on a 40% d'un marché
qu'on abuse du marché.
M. Lessard: Ce n'est pas ce que je veux dire, M. le
Président, mais, à ce moment-là, ce n'est aucunement
gênant de dire à la commission parlementaire quel est le
pourcentage du marché pour chacune, de ces laiteries. Ce n'est pas parce
que Québec-Lait peut avoir 30% du marché que je vais blâmer
Québec-Lait de l'avoir, mais c'est justement pourquoi je trouve
extrêmement curieux que M. Roy refuse de me donner ces chiffres.
M. Toupin: C'est parce que cela n'a rien à voir.
M. Ostiguy : Si le député de Saguenay se
référait à Statistique globale, Statistique Québec
ou Statistique Canada, il aurait les chiffres.
M. Lessard: M. Roy les connaît. M. Ostiguy: Oui,
mais...
M. Lessard: Si M. Roy n'a pas d'autres commentaires, j'aurais des
commentaires àfaire au ministre, parce que tout à l'heure je
n'avais pas terminé.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Alors, merci, M.
Roy.
M. Roy (Léonard): Merci.
M. Lessard: Tout à l'heure, j'avais commencé
à poser des questions sur le fait que les différents groupements
agricoles ou autres ne s'étaient pas rendus à cette commission
parlementaire et je n'avais aucunement l'intention de blâmer les
groupements. C'est pour cela, par la suite, que je me suis retourné vers
le ministre de l'Agriculture. Ce qu'on connaît de cette loi, à
partir de l'avant-projet, c'est que le lieutenant-gouverneur en conseil va
constituer un organisme sous le nom de Commission administrative des
régimes d'assurance-stabilisation des revenus agricoles. On sait cela.
Tout le monde est pour la vertu, pas de problème, on est d'accord. Le
ministre, à la suite d'une question que je soulevais tout à
l'heure, s'il a l'intention de convoquer une commission parlementaire où
on pourra entendre les témoins après la deuxième lecture
me répondait non. Tout le reste du projet de loi ou à peu
près, si on excepte les quelques derniers articles où on parle
des offices de producteurs, tout le reste du projet de loi, à part
l'article 2, c'est la façon dont la commission va fonctionner. Alors,
c'est à peu près une réglementation interne. L'article 2
comme tel, c'est là l'essentiel du projet de loi, dit ceci: Le
lieutenant-gouverneur en conseil peut adopter tout règlement qu'il juge
nécessaire aux fins de l'établissement, de l'application, du
fonctionnement, de l'administration de tout régime
d'assurance-stabilisation des revenus agricoles et il peut notamment, a), b),
c), d). Autrement dit, ici, aujourd'hui, on a à discuter si on est
d'accord sur le principe d'un projet de loi de stabilisation des revenus et,
une fois qu'on a dit: Oui, on estd'accord et je comprends les
producteurs on remet tout cela au lieutenant-gouverneur et on dit au
lieutenant-gouverneur: Maintenant, faites ce que vous voulez avec cela. C'est
le pouvoir de la fameuse loi déléguée. En fait, il est
certain qu'à l'Assemblée nationale, quant à nous, nous
dirons, comme les producteurs nous l'ont dit ce matin, l'Union des producteurs
agricoles, en autant qu'on puisse garantir que le revenu sera basé sur
les coûts de production, on sera d'accord sur ce projet de loi.
Cependant, ce qu'il y a de plus important dans le projet de loi, toute la
réglementation, on ne l'a pas.
Cela est un problème extrêmement important pour nous les
législateurs, comme pour les personnes impliquées par un projet
de loi. On est rendu à un point où on dit: Nous, on va accepter
le principe, le lieutenant-gouverneur s'organisera avec le reste. On se
rappelle que lors de la discussion du projet de loi 31... oui, c'est une
question que je veux vous poser, je vais revenir à la question tout
à l'heure. Ce n'est pas la première fois qu'on discute de ce
fameux pouvoir de réglementation qu'on donne au lieutenant-gouverneur en
conseil, de telle façon que dans ce projet de loi, ça devient
presque scandaleux. En fait, on est pour le principe, pour la vertu et le
reste, attendez le lieutenant-gouverneur qui est bien vertueux, il va
régler le problème. On se rappelle que lors de la discussion du
projet de loi 31, il y avait le député du Parti
créditiste, M. Fabien Roy,
député de Beauce-Sud, je pense, et moi-même, qui
avions protesté contre ce fameux pouvoir de réglementation. Mais
ce qui avait surtout surpris le ministre, c'est qu'on se rappelle que le whip
en chef du Parti libéral était intervenu à ce
moment-là pour protester à son tour contre ce fameux pouvoir de
réglementation qui est en train d'enlever aux parlementaires tout
pouvoir sur la législation comme telle parce qu'elle devient la
responsabilité du lieutenant-gouverneur. Je cite ce que le
député des Iles-de-la-Madeleine disait à ce
moment-là, je pense que c'est le 10 juillet 1974 à
l'Assemblée nationale.
On dit dans le journal Le Devoir, qui rapporte les propos du
député des Iles-de-la-Madeleine: "C'est alors que le whip en chef
éclate" cela lui arrive souvent d'éclater, il n'y a pas de
problème "il y a, dit-il, au moins 101 députés qui
sont à côté du ministre. S'il les avait consultés,
peut-être qu'on aurait pu améliorer ce projet de loi. Moi, je
n'accepte pas que des fonctionnaires préparent des projets de loi, que
le ministre vienne défendre des projets de loi qui ne correspondent pas
aux réalités régionales. Je n'accepterai jamais qu'on nous
présente un projet de loi aussi imparfait, préparé aussi
finement par des fonctionnaires qui n'ont jamais tenu compte d'aucune
intervention ni qu'on ait refusé automatiquement de nous consulter."
Pour ce qui concerne la question des fonctionnaires, je laisse ça
à M. Lacroix, il reste que les fonctionnaires ont un travail à
faire, à savoir préparer le projet de loi, préparer la
réglementation. Mais nous, comme députés, on a aussi un
travail à faire, à savoir, faire l'analyse du projet de loi, mais
pas seulement sur le principe du projet de loi, pas pour analyser strictement
la vertu, mais être capable de savoir ce qu'il va y avoir dans ce projet
de loi. Je comprends que les organismes n'aient pu se présenter comme
tels aussi nombreux à la commission parlementaire parce que tout le
monde est d'accord sur la vertu et vous venez nous dire aujourd'hui que vous
êtes d'accord sur une loi concernant la stabilisation des revenus. Cela,
je pense que c'est tout à fait normal. Mais ce qui va être le plus
important M. le Président, ça va être l'article 2,
ça va être la réglementation.
Et je reviens à ma question, parce qu'on commence à avoir
pas seulement les députés de l'Opposition mais les
députés ministériels commencent aussi à avoir leur
voyage de voter des projets de loi sans avoir au préalable obtenu la
réglementation, de telle façon que le lieutenant-gouverneur est
rendu qu'il peut tout faire. C'est de la dictature de l'exécutif qu'on a
actuellement.
La question que je pose au ministre, suite à ces pouvoirs
considérables qu'on donne au lieutenant-gouverneur: Est-ce qu'il a
l'intention de convoquer une commission parlementaire, non seulement des
élus, mais pour que les partis, les personnes directement
impliquées aient la possibilité de se faire entendre, même
si vous dites dans votre projet "suite à une consultation avec les
producteurs"? On sait ce que sont ces genres de consultation. Pour les
consultations, je pense qu'on a, comme parlementaires, un rôle important
à jouer et on doit être capable de discuter de ces
règlements.
Est-ce que le ministre a l'intention de convoquer une commission
parlementaire avec auditions publiques pour permettre non seulement aux
parlementaires de se faire entendre, mais permettre aussi aux
représentants qui auront à subir ou à profiter des
conséquences néfastes ou positives de ce projet de loi pour
qu'ils viennent nous dire en quoi ces règlements devraient être
modifiés?
Ce qui n'empêche pas pour autant, même si le ministre me
répond oui, qu'on est en train et ça... la chambre de commerce,
qui n'est pas considérée comme mouvement de gauche tellement, est
déjà venue protester ici en nous présentant un
mémoire contre ce fameux pouvoir délégué.
M. le Président, encore là, suite au projet de loi 31,
suite à cet avant-projet de loi, encore là, on constate que les
parlementaires n'ont presque plus rien à dire, à un moment
donné, dans la législation. Tout devient la responsabilité
du lieutenant-gouverneur en conseil.
Au moins, est-ce qu'on peut être assuré que le ministre va
convoquer la commission parlementaire avec auditions publiques?
M. Toupin: Ecoutez, la théorie que vous soutenez
concernant ce que la Chambre de commerce de Montréal a appelé
l'érosion du pouvoir législatif...
M. Lessard: C'en est de l'érosion, c'est incroyable.
M. Toupin: Cela mériterait sans aucun doute une
étude beaucoup plus approfondie que le court discours que vous venez de
faire, d'autant plus que vous n'êtes pas le premier à le faire,
plusieurs autres avant vous l'ont fait.
M. Lessard: II faudrait que le ministre en prenne conscience.
J'ai pris la peine de citer un de ses députés importants dans le
Parti libéral.
M. Toupin: Plusieurs autres avant vous l'ont fait...
M. Lessard: La conscience du Parti libéral.
M. Toupin: Je vais reprendre. Plusieurs autres avant vous l'ont
fait, ce discours. Ce qui est important pour nous, maintenant, et pour les
parlementaires, ce n'est pas simplement de répéter les
mêmes discours.
M. Lessard: II faut répéter, le ministre ne
comprend pas.
M. Toupin: C'est de faire de temps à autre des suggestions
concrètes.
M. Lessard: C'est cela que...
M. Toupin: Si vous avez des suggestions à faire pour
améliorer ce projet de loi, dans le sens que vous voulez que nous le
fassions, alors, préparez des amendements, apportez-nous les et on va
les regarder.
M. Lessard: Est-ce que les règlements sont
prêts?
M. Toupin: Ne changez pas la discussion de place.
M. Lessard: L'article deux. Le reste, la commission, la
façon dont cela va fonctionner...
M. Toupin: M. le Président, on m'a posé une
question, je veux y répondre. Si vous voulez, ne changez pas la
discussion de place. Restons dans le coeur de la discussion. Il est possible,
et quand on a préparé le projet de loi, j'ai été le
premier à le dire à ceux avec lesquels j'ai eu à
travailler pour le préparer, j'ai été le premier à
faire des suggestions concrètes pour qu'on amende certains articles qui
m'avaient été proposés, pour que ce soit plus
précis, plus clair. Il y en a un certain nombre encore qu'il faudra
amender, pour préciser davantage.
Mais il faut tenir compte également de la nature des projets de
loi que l'on présente. Je vais vous faire un parallèle, bien
rapidement. Dans la loi C-150, que vient de déposer le ministre
fédéral de l'Agriculture à la Chambre des communes, lui,
il définit ce que l'agriculteur va recevoir. Il dit: Tu vas être
payé 90% ou 95% des cinq dernières années. Si elles ne
sont pas bonnes ces cinq dernières années, qu'est-ce que cela
règle dans le problème qu'ils ont soulevé, eux?
M. Lessard: Au moins...
M. Toupin: Je vous apporte un parallèle. Notre
problème à nous, ce n'est pas cela. Notre problème
à nous, c'est d'assurer un revenu aux agriculteurs. Il ne peut pas le
prendre dans le prix, son revenu. Comment voulez-vous que je mette dans une loi
un montant à donner aux producteurs? Comment voulez-vous que je dise:Le
producteur agricole sera assuré d'un salaire équivalent à
tel secteur, etc.? On ne peut pas faire cela dans une loi comme cela.
Chaque fois que le gouvernement est appelé à aller un
petit peu plus loin qu'àfaire des lois qui vont régir les
municipalités ou des lois qui vont régir de temps à autre
les relations de travail de façon bien précises, chaque fois
qu'il est obligé de déborder cela, d'entrer dans des
négociations avec les autres, il est obligé d'être souple,
malgré lui.
Les règlements dont vous parlez, c'est très simple en soi,
dans cette loi. C'est simplement une discussion que je veux avoir avec les
producteurs agricoles pour déterminer ce qu'ils veulent avoir et ce
qu'on peut donner, production par production.
Si les producteurs agricoles sont d'accord pour venir négocier
avec une commission parlementaire, je ne vois pas d'inconvénient
à cela. On négociera avec la commission parlementaire de la part
que le gouvernement devra mettre et de la part que le producteur devra mettre.
C'est une négociation.
M. Lessard: Non.
M. Toupin: C'est une loi-cadre qui vient apporter, qui vient
mettre à la disposition du gouverne- ment des moyens de
négociation pour que les producteurs puissent recevoir plus que ce
qu'ils reçoivent présentement, en termes de revenus. Cela
n'infirme pas l'idée que vous avez émise d'un pouvoir
législatif qui était un peu moins grand qu'il l'était
auparavant. Cela n'infirme pas cette idée-là.
Mais si on veut vraiment entrer dans cette idée, il faudra que
vous nous indiquiez clairement, en tant qu'Opposition, ce que vous avez
à suggérer, vous autres, aux producteurs qui font des demandes
légitimes, pour aider à régler ce problème, quelles
sont vos suggestions concrètes.
M. Roy, dans son mémoire, a fait des sugges-tjons. L'UPA, dans
son mémoire, a fait des suggestions et quelques amendements. Certains
autres ont émis des opinions là-dessus. Là, j'ai en mains
au moins deux ou trois éléments qui vont me permettre d'apporter
plus de précision à la loi.
La loi, je ne la fais pas pour moi, les gars qui y travaillent ne la
font pas pour eux. Ils la font pour ceux à qui cette loi s'adresse, en
l'occurrence, dans ce cas, les producteurs agricoles. On va prendre production
par production et on va les négocier. C'est cela que prévoit la
loi. Mais je reste convaincu qu'en ce qui concerne, par exemple,
l'administration du fonds, ce n'est pas assez précis. Il faudrait aller
plus loin que cela. Là-dessus, je suis d'accord. Il faudrait que
l'Assemblée nationale ait à se prononcer là-dessus parce
que l'Assemblée nationale est gardienne, comme le gouvernement bien
sûr, parce que c'est là qu'on discute de nos choses, de l'ensemble
des intérêts des citoyens. Je suis d'accord sur cela, savoir,
qu'on cherche certains amendements là-dessus. On va les chercher au
ministère et on va faire des propositions à l'Assemblée
nationale.
On aimerait, à ce moment, si vous n'êtes pas d'accord sur
cela, que vous nous en fassiez aussi.
M. Lessard: On a l'habitude de le faire.
M. Toupin: D'ailleurs, vous en faites, comme vous en faites de
temps en temps. Dans ce cadre, dans cette loi, c'est comme cela que cela va se
dérouler. On va prendre production par production, le poulet, les oeufs,
le porc et on va s'entendre sur un revenu pour un producteur, on va regarder le
prix du marché et on va établir des barèmes. Si le prix
est plus élevé que le revenu sur lequel on s'est entendu, on
prendra de l'argent dans le revenu et on le mettra dans le pot, et quand cela
ira en bas, on prendra le pot et on le mettra dans le revenu. Ce sont des
ententes qui vont intervenir entre les deux groupes.
M. Lessard: M. le Président, je pense que, pour ce qui
concerne la réglementation, le ministre simplifie
considérablement.
M. Toupin: C'est cela que vous avez dans les
règlements.
M. Lessard: Quand on a, par exemple, adopté, en 1968, je
pense, la Loi de l'assurance-récolte, il y avait un principe de la loi
et des règlements. Dans les dernières années, en tout cas,
la réglementation,
telle qu'elle a été faite, a soulevé
quantité de contestations de la part des agriculteurs, parce qu'il y a
plus qu'un pouvoir de négociation avec les producteurs. Il y a la
façon dont l'argent va être versé. Il y a la façon
dont les cotisations seront déterminées. Je comprends qu'il y a
un pouvoir de négociation, mais je pense que la réglementation
dans ce projet de loi est extrêmement importante. A la question que j'ai
posée au ministre, j'ai reçu une réponse partielle mais,
est-ce que cette réglementation... Il est d'ailleurs très souvent
arrivé que le ministre comme d'autres ministres, entre autres le
ministre de l'environnement, a soumis à l'Assemblée nationale, en
commission parlementaire, sa réglementation.
Comme ce projet de loi est actuellement basé presque
exclusivement à l'importance, en acceptant le principe... L'importance
de l'application de ce projet de loi est basée sur la
réglementation, il devient, à mon sens, extrêmement
important que la commission parlementaire, comme les producteurs, puisse se
faire entendre sur cette réglementation.
M. Toupin: On vous l'a dit tantôt. D'ailleurs, ce n'est pas
un gros problème. Vous voulez savoir ce qu'est une
réglementation, c'en est une pour les viandes. Je ne sais pas si vous
l'avez regardée.
M. Lessard: On en a étudié une sur la
période qui était aussi importante que cela.
M. Toupin: Vous voyez des lois comme cela en plus de celles qui
existent déjà à l'Assemblée nationale.
M. Lessard: Je n'ai pas dit de tout placer, par exemple, à
l'intérieur de la loi, mais il reste qu'il y a des choses, à un
moment donné... Actuellement, on n'a rien dans la loi, sinon le principe
de stabilisation des revenus.
M. Toupin: II y a plus que cela dans la loi. M. Lessard: La
commission.
M. Toupin: Ce que je veux vous dire, c'est ceci: Ces
règlements sur les viandes, on les discute en commission parlementaire.
Les gens viennent donner leur opinion là-dessus. Il y a
déjà eu des mémoires. Il va y en avoir une couple
tantôt qui vont venir là-dessus. On voulait, avant de les adopter,
que les citoyens en prennent connaissance et que les partis de l'Opposition en
prennent également connaissance pour qu'ils nous fassent des suggestions
en vue d'amender ces règlements si toutefois on trouve des abus dans le
domaine de la réglementation.
Le problème soulevé par la chambre de commerce
était le suivant. Elle disait: Cela devient presque impossible de se
retrouver à compter d'une loi, dans son application, alors qu'il y a eu
une réglementation amendée, suramendée et
suramendée. Cela devient un dédale de règlements qui est
difficile, à un moment donné, à suivre, et à
percevoir, ce sur quoi, bien sûr, sur un certain point, personnellement,
je n'ai pas d'objection et je suis d'accord pour qu'on soit plus ferme. Je vous
l'ai dit tantôt dans le secteur de l'administration du fonds. Je vous ai
dit qu'il y a des amendements qui devraient être apportés.
M. Lessard: La réglementation, est-ce que vous avez
l'intention de la soumettre à la commission parlementaire?
M. Toupin: Ce que je suis prêt à faire c'est ceci,
grosso modo: On va négocier avec les producteurs et si on ne s'entend
pas sur la réglementation finale, si on n'est pas capable de trouver une
formule au niveau des revenus ou d'un versement de la part des producteurs ou
autres, je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'on revienne en
commission parlementaire et qu'on en discute avec les producteurs.
M. Lessard: Je vais plus loin que cela, M. le Président.
Etant donné son importance, je pense que cette réglementation
devrait être discutée en commission parlementaire.
M. Toupin: Vous allez aussi en discuter dans le budget. Dans les
budgets vous allez avoir à discuter de la participation
gouvernementale.
Je ne vois pas d'inconvénient, dans le cadre dont je viens de
vous parler, parce que je ne vois pas la Fédération des
producteurs d'oeufs du Québec ou la Fédération des
producteurs de poulets du Québec s'asseoir ici pendant trois ou quatre
jours pour négocier ce qu'on va mettre dans la
réglementation.
M. Lessard: Ce n'est pas une question. Ils négocient,
c'est avant.
M. Toupin: D'accord, on va négocier. Si on ne s'entend
pas, on viend ra. Si on s'entend, on la déposera.
M. Lessard: Après, il y a une importance. L'article 2
m'apparaît très important. A l'article 2, on ne vote que des
principes actuellement. On peut être d'accord sur le principe du projet
de loi. Si la réglementation est telle que cela ne corresponde pas au
principe!
M. Toupin: Ecoutez, il faut quand même être
conséquent avec nous-mêmes. Vous êtes en train d'accuser le
gouvernement de voter des lois pour la forme.
M. Lessard: M. le Président, on a des règlements
actuellement qui ont été faits, concernant le projet de loi 34,
je pense. L'ex-député de Yamaska, il était ici dans le
temps...
Une Voix: Nicolet, dans ce temps.
M. Lessard: De Nicolet-Yamaska, on en a des projets de loi
où la réglementation est faite de telle façon que cela ne
corresponde plus à rien. On va adopter un beau principe, mais, dans
l'application, cela ne correspond plus au beau principe. C'est
pour cela que je vous dis que c'est important que la
réglementation soit là.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Alors, j'invite l'Union
des producteurs agricoles à présenter son mémoire
concernant la réglementation des postes d'abattage au Québec.
M. Couture: M. le Président, si vous permettez, c'est que
je ne voudrais pas laisser la commission avec l'impression que, de notre
côté, on n'a rien fait. Présentement, il y a un pendant
à cela. On met en place des organisations de producteurs qui sont des
plans conjoints, qui sont nécessaires pour l'efficacité de la
loi. Donc, de notre côté, pratiquement, on amis des choses en
place. Je pense que c'est important. Pour ce qui est de l'autre mémoire,
je demanderais à M. Kirouac d'en faire la lecture, il est très
court.
M. Kirouac (Jean-Marc): Mémoire de l'Union des producteurs
agricoles concernant la réglementation des postes d'abattage au
Québec, Montréal, 27 février 1975.
Nous remercions le gouvernement de nous donner l'occasion de
présenter notre point de vue sur un secteur de la transformation des
produits alimentaires. L'agriculture fait partie du système
agro-alimentaire et il ne faut pas l'oublier. Il faut donc que les
gouvernements pensent leurs réglementations en fonction d'un seul
objectif : Nourrir la population. A l'intérieur de ce vaste objectif, le
gouvernement doit protéger l'intérêt de chacun des groupes
qui contribuent à rendre les produits agricoles sur la table de la
ménagère. C'est dans cette perspective que nous désirons
présenter ce mémoire. Le ministère de l'Agriculture
voudrait, en présentant une réglementation sur les abattoirs, que
le secteur de la transformation de la viande soit mieux contrôlé
et plus conforme aux normes de salubrité demandées par les
citoyens.
Cependant, toute cette réglementation doit respecter certains
principes dont les plus importants sont de maintenir une saine concurrence et
maintenir des usines là où il y a des producteurs désireux
de poursuivre leur production. L'UPA est consciente du fait qu'un certain
nombre d'abattoirs sont superflus, non rentables et difficiles à
inspecter. Mais il ne faudrait pas aller dans un autre extrême et faire
des règlements tels que la grande majorité des abattoirs
devraient fermer leur porte et que l'on se retrouve avec un secteur
oligopolistique dans la transformation de la viande.
Il faut absolument conserver le principe des abattoirs régionaux.
Le développement de ce type d'abattoir relié à la prod
uction et à la consommation locale a permis une saine concurrence au
niveau de l'achat du boeuf chez les agriculteurs. Ces mêmes abattoirs
sont en mesure d'acheter la production locale au lieu de faire jouer la
concurrence entre les Etats-Unis et le Canada comme le font les grandes
salaisons, q uand on sait que ce type de concurrence est basé en grande
partie sur une politique de "dumping". Le gouvernement, avant d'appliquer la
réglementation, devrait entreprendre une étude sur la dimension
optimum d'un abattoir, aussi bien dans le boeuf que dans le porc,
étudier les possibilités de regroupement des petits abattoirs
locaux en des ensembles de plus grande importance et aider, lorsque cela sera
possible, le regroupement des abattoirs locaux en apportant l'aide technique
nécessaire.
La politique de régionalisation devra tenir compte du fait que
les coûts de transport augmentent sans cesse. Il pourrait arriver un jour
où la disparition d'un abattoir entraîne l'abandon d'une ou de
plusieurs productions animales dans certaines régions. Si, pour un
abattoir centralisé, il devient trop onéreux de transporter du
boeuf sur une longue distance, les producteurs ne pourraient plus continuer
à produire dans les régions éloignées des grands
centres, alors que la consommation, elle, se poursuivra. Si le prix du
pétrole continue à augmenter, il faudra que les régions
s'autosuffisent. Dans un tel cas, les abattoirs que l'on ferait
disparaître à l'aide d'une réglementation trop
sévère, devraient être remis sur pied avec un coût
beaucoup plus élevé, tout en nécessitant un
redémarrage de l'agriculture locale avec les coûts sociaux
inhérents.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre de
l'Agriculture.
M. Toupin: Je vais poser la question directement. J'aimerais
savoir si vous êtes pour ou contre l'inspection des viandes
obligatoire.
M. Couture: Je pense, M. le ministre, qu'on est pour qu'il y ait
des règlements de salubrité et que cela s'applique, je pense
qu'il va de soi.
Ce qu'on veut éviter, c'est que l'abattage tombe dans des mains
trop restreintes, pourcréerun genre de monopole. On laisse une
possibilité aux gens d'avoir des services assez à
proximité de leur production, et on voudrait éviter que des
régions, souvent à cause de grandes concentrations, n'aient plus
de services. Il y a aussi une chose qui n'est pas dans le mémoire, mais
qu'on a dans notre mentalité et qu'on voudrait essayer soit dans la loi
ou soit dans les règlements. On a aujourd'hui des producteurs qui se
spécialisent dans l'élevage du boeuf présentement, et qui
ont développé un marché pour le congélateur, etc.,
pour avoir la possibilité, avec des exigences acceptables, de vendre
leurs propres produits et éliminer souvent des intermédiaires,
pour permettre à ces organisations une production de boeuf, par exemple,
adaptée chez nous, au Québec, à ce marché de
semi-détail qui puisse permettre une organisation viable. Je pense que
c'est l'essentiel de notre point de vue.
M. Toupin: Mais vous êtes d'accord, par exemple, sur
l'idée qu'il y ait un minimum de normes pour ces produits,
évidemment, sauf peut-être celui qui sera mis en marché
directement par un producteur. Personnellement je ne sais pas ce que
vous en pensez je crois que lorsqu'un consommateur se met en contact
directement avec un producteur agricole, le consommateur prend le risque, bien
sûr, et le producteur prend la responsabilité. Alors, il s'agit
pour lui...
M. Couture: D'accord!
M. Toupin: ...de déterminer...
M. Couture: C'est un peu comme la vente du détail,
à un certain moment, de la ferme directement aux producteurs, on a des
normes un peu spéciales. Je pense que c'est cela qu'on veut dire, que
l'acheteur vient chez nous et dit: Tu abats tel animal pour moi, même si
je suis équipé normalement, et à certaines conditions, pas
n'importe comment, pasdans une grange et de telles choses, mais avec un
équipement...
M. Toupin: Le minimum...
M. Couture: ...sanitaire qui a du bon sens.
M. Lessard: M. le Président...
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Saguenay.
M. Lessard: ...voici un cas qui illustre très bien, je
pense, ce que je disais tout à l'heure. L'UPA, l'Union des producteurs
agricoles, profite de cette commission parlementaire pour venir nous parler de
la réglementation du projet de loi 31 qui avait été
adopté le 10 juillet 1974. Or, c'est justement lors de la discussion de
ce projet de loi que nous avions insisté c'est cela, Loi sur les
produits agricoles et les aliments c'est justement lors de la discussion
sur ce projet de loi que nous dvions insisté sur la
nécessité de connaître la réglementation,
c'est-à-dire les conséquences économiq ues et sociales que
cela peut comporter pour les gens qui vont être directement
impliqués. Et quand on ne connaît pas... Oui, on n'est d'accord
sur l'inspection, et nous avions été d'accord sur le projet de
loi 31, avec des réserves cependant, comme le whip en chef du Parti
libéral, et même que... Oui, le député de...
M. Pelletier: Kamouraska.
M. Lessard: ...Kamouraska avait lui-même protesté
contre le fait qu'il ne connaissait pas les implications du projet. Il avait
même soulevé la question disant: Est-ce que ce projet de loi ne
ferait pas disparaître de petits abattoirs au niveau des régions?
Je me rappelle très bien qu'à un certain moment, le
député est intervenu sur ce point. Cela illustre très bien
ma prétention et je pense que je suis assuré, d'après les
renseignements que j'ai, que toute l'Opposition est d'accord sur cela. Si M.
Bellemare était ici, il dirait la même chose, et si le
député de Beauce-Sud était ici, il affirmerait exactement
la même chose. Et même si le whip en chef du Parti libéral y
était, il affirmerait exactement la même chose. Avant de donner un
coup de hache, il faut savoir, à un certain moment, sur quelle personne
on va frapper.
M. Toupin: Je dirais que c'est peut-être des poings, mais
pas des haches.
M. Lessard: Si, à un certain moment, M. le Pré-
sident, on avait permis, comme nous l'avions demandé, à l'Union
des producteurs agricoles de se faire entendre, l'UPA aurait fait des remarques
concernant cette réglementation.
M. Toupin: Mais...
M. Lessard: Non, je comprends.
M. Toupin: ...M. le Président, je n'accepterai pas cela.
Le député de Saguenay peut dire beaucoup de choses
là-dessus. Il y a eu une loi-cadre qui a été votée.
A l'Assemblée nationale, on s'est entendu que la réglementation
ne serait pas adoptée avant d'avoir été discutée en
commission parlementaire.
M. Lessard: Après de nombreuses discussions.
M. Toupin: Peu importe le nombre de discussions qu'on a eues. Je
vous ai dit que cela a été accepté, ce principe, qu'on a
respecté notre engagement, nous.
On vous a envoyé les règlements déjà depuis
longtemps, pour que vous puissiez les analyser à tête
reposée, non pas à l'Assemblée nationale, mais dans vos
bureaux, puis nous dire: Bien, si vous appliquez telle réglementation,
ça va faire mal. C'est ça qu'on voudrait entendre cet
après-midi, pas une théorie sur le pouvoir de
réglementation.
M. Lessard: Cet après-midi, l'UPA profite de la
circonstance pour déposer un mémoire, invitée probablement
par le ministre, d'accord, mais pour déposer un mémoire
concernant la réglementation qui touche le projet de loi no 31.
M. Toupin: Oui.
M. Lessard: Je pense, M. le Président, tel que nous
l'avions demandé lorsque nous avions discuté du principe de ce
projet de loi, si notre mémoire est bonne, que cette
réglementation devrait faire l'objet d'une commission parlementaire avec
auditions.
M. Toupin: Elle en fait l'objet actuellement.
M. Lessard: Oui, on verra, mais est-ce avec les auditions ou
encore est-ce seulement avec les parlementaires?
M. Toupin: C'est quoi, si ce ne sont pas des auditions? Les gens
viennent se faire entendre. C'est quoi, si ce ne sont pas des auditions?
M. Lessard: Comment se fait-il, à ce moment-là,
que, sur la loi de stabilisation des revenus agricoles, on discute à la
fois de la réglementation de l'élevage et de la
réglementation sur les produits agricoles, puis à la fois d'une
loi des revenus de stabilisation des revenus?
M. Toupin: La convocation que vous avez eue était pour
ça. Si vous avez lu votre convocation, c'est ça que ça
voulait dire.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Kamouraska-Témiscouata.
M. Lessard: Je regrette, quant à moi, je n'avais pasdutout
l'idéeque nousdiscutionsde l'ensemble de cette réglementation et
je trouve qu'on mêle pas mal les cartes.
M. Toupin: On ne mêle pas les cartes, c'est une convocation
de commission parlementaire qui est très nette.
M. Pelletier: M. le Président, pour intervenir un peu sur
la discussion du député de Saguenay...
M. Lessard: Sur un avant-projet de loi. D'accord, peut-être
que la deuxième partie était...
M. Pelletier: ...suite au projet de loi 31, le ministre nous
avait consultés par la suite sur la réglementation. On a
peut-être discuté, disons qu'on adonné notre point de vue
là-dessus, on voulait être consulté, mais je pense que le
ministre nous a consultés...
M. Lessard: ...les députés libéraux.
M. Pelletier: Dans l'ensemble, on a été
consulté.
M. Toupin: II y a un comité de députés qui
existe chez nous.
M. Lessard: Suite à l'intervention du député
des Iles-de-la-Madeleine.
M. Pelletier: J'ai l'impression, M. le Président, que le
ministre ne me consulte pas pour me retrouver dans la même veine
d'idée...
M. Toupin: Je suis convaincu que les bonnes idées ne sont
pas toujours dans la tête du député de Saguenay.
M. Lessard: Cela, j'en suis convaincu.
M. Pelletier: ...de ce côté-là avant
d'adopter une réglementation.
M. Toupin: Pas plus que dans la mienne.
M. Lessard: C'est ça que je vous dis. Vous avez
précédé ma conclusion.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Lotbinière.
M. Massicotte: M. le Président, comme on vient d'avoir une
bonne démonstration comment on perd notre temps en Chambre, j'aimerais
poser des questions à ceux qui nous présentent des
mémoires. Hier, justement, on a eu une représentation. On nous a
dit, par exemple qu'il y avait 27 établissements qui étaient
inspectés par le Canada, qu'il y en avait d'autres inspectés par
le Québec, puis une grosse majorité d'abattoirs de petits
bouchers de nos régions.
J'aimerais avoir vos remarques là-dessus, ce que vous pensez
jusqu'ici de la salubrité, des services que vous en obtenez et
différents commentaires que vous jugerez à propos.
M. Couture: Votre question est sur ce qu'on pense des petits
bouchers. Je pense que les petits bouchers au point de vue de la
salubrité, chez les petits bouchers, je ne pense pas qu'il se soit
passé beaucoup de... Le petit boucher est très près de sa
clientèle et dans nos petits abattoirs de campagne, le gars se
protège, parce qu'il n'acceptera pas d'abattre un animal malade. J'ai
même vu de petits bouchers ne pas abattre un animal avec une patte
cassée, parce qu'ils sont proches de leur clientèle. De là
à dire, par exemple, qu'il n'y aurait pas d'avantages à trouver
un moyen pour voir si, en dehors de leur contrôle, en dehors de leurs
connaissances, il n'y aurait pas des animaux à un moment donné
qui auraient des... Moi, je pense qu'on est capable de remédier à
cela. Pour nous, ceci a été établi jusqu'à
maintenant, c'est clair aujourd'hui, économiquement, sur le volume
nécessaire pour que ça devienne rentable, qu'on peut se poser des
questions, comme sur la rentabilité de l'entreprise, sur la façon
de faire l'inspection à l'intérieur de cela.
Si vous me demandez mon jugement sur ce que les petits bouchers ont
été dans nos campagnes, j'ai l'impression il n'y a pas plus
respectueux que ces gens, parce qu'ils sont proches de leur clientèle et
avec leur clientèle, ils ne prendront pas de risque. Ce qui se passe
dans un petit abattoir d'une paroisse, tout le monde le sait. S'il y entre un
animal malade, je pense que... Pour les animaux impropres à la
consommation, ils viennent bien plus de gens qui font comme les gens
engagées dans du "bootlegging", qui sont des contrebandiers. On en a
là-dedans qui vont se spécialiser dans les animaux malades. Ils
vont les abattre sans aucune condition, ils ne les abattent pas, souvent, ils
sont morts, c'est cela qui est grave, moi, je trouve cela très grave.
Mais comment arriver à appliquer une réglementation à ces
gens? Pour eux, ce n'est pas facile, parce que ce sont eux qui sont toujours en
marge.
Mais je pense, en règle générale, que le jugement
que j'ai à porter honnêtement, sur les petits bouchers, dans nos
paroisses, c'est que je n'ai aucune critique à faire, là-dessus.
Ils ont rendu aussi un service parce que souvent, l'agriculteur, au lieu
d'abattre chez lui un animal, il fait abattre chez son petit boucher, il rend
un service dans le milieu.
Ce qui m'inquiète le plus, c'est pour cela qu'il faudrait
conserver un minimum... dans les régions plus éloignées,
périphériques, le problème que cela peut poser... Je
regarde dans certaines régions, pour ne pas les nommer, les
régions périphériques, ce n'est pas la faute de personne,
où il y a un potentiel limité, comment on peut desservir ces
régions avec une réglementation qui va être très
difficile, très onéreuse d'application par les investissements.
S'il y a un moyen de conserver un minimum de ces organismes, avec une
inspection adaptée à la réalité, je pense que cela
rend service.
M. Massicotte: M. le Président, j'aurais une question
additionnelle. En vous basant, par exemple, sur certaines études que
vous avez dû faire, est-ce que les abattoirs qui sont inspectés,
soit par le Québec ou le Canada, suffiraient à répondre
à la demande d'abattage, si jamais il y avait quelque chose qui se
faisait dans ce sens?
M. Couture: Oui, les abattoirs inspectés
présentement, "Canada approved" ou "Quebec approved", souvent sont
concentrés dans des régions, mais le service est assez loin. Si
je suis un cultivateur et que j'élève des animaux laitiers, je
veux me faire abattre un animal, il faut que j'aille à 50 milles pour
avoir le service, cela va causer des problèmes. S'il y a une trop grande
concentration, mais si la réglementation est appliquée avec bon
sens, avec discernement, il doit avoir moyen de... Parce qu'on ne peut pas
être contre des choses qui protègent la santé des gens et
certaines exigences de salubrité, je pense que c'est normal. Mais
comment arriver à avoir le juste milieu, là-dedans? Ce n'est
peut-être pas si facile.
M. Massicotte: J'aurais peut-être une question
additionnelle, la dernière, M. le Président. Actuellement, on a,
naturellement, un réseau de vétérinaires qui donnent des
services à nos fermiers, est-ce que vous croyez que ce réseau
pourrait être habilité à faire l'inspection
générale des viandes chez des fermiers, par exemple, dans des cas
particuliers, ou dans certaines boucheries locales qui devraient quand
même exister, selon votre point de vue?
M. Couture: Je pense que si la disponibilité de ces gens,
dans les bureaux d'agronomes, il y a un vétérinaire dans chaque
bureau, la disponibilité, je ne suis pas en mesure de la
connaître, mais peut certainement jouer un rôle, parce que dans une
région il n'y a pas tellement d'institutions quand même avec une
cédule d'abattage qui serait appropriée. Il y aurait certainement
des possibilités.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Nicolet-Yamaska.
M. Faucher: M. Couture, est-ce que vous obtenez un meilleur prix
pour vos bêtes chez les bouchers locaux que chez les grandes
entreprises?
M. Couture: Ce qui nous inquiète, nous, cela peut
être juste une inquiétude, mais je vous la donne comme je la vois,
c'est qu'aujourd'hui, il y a beaucoup d'animaux qui passent par les encans
publics. Si vous avez cinq, six, huit, ou dix acheteurs, l'offre et la demande
jouent davantage. Mais si vous avez une concentration d'abattoirs et que vous
débouchez avec cinq ou six abattoirs, c'est facile, à ce moment,
de se grouper les cinq ou six acheteurs puis mettre un acheteur. Donc, la
concurrence ne joue plus. C'est une de nos grandes inquiétudes, parce
que s'il y a une concentration assez grande et qu'il se crée des liens
entre eux, au lieu de mettre chacun un acheteur pour acheter aux encans
publics, ils en mettront un pour les cinq ou six. Là, il n'y a plus
d'offre et de demande, ils paient le prix qu'ils veulent. C'est
l'inquiétude qu'on a. On peut peut-être compenser sur une
période par un mode de mise en marché qui sera différent,
mais je pense que, présentement, avec ce qui existe, c'est notre
inquiétude.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Saguenay.
M. Lessard: M. Couture, puisque nous avions été
convoqués pour étudier la réglementation concernant les
viandes, en même temps, quant à moi, j'avais vu plutôt
l'étude de l'avant-projet du projet de loi, j'estime donc que vous avez
pris connaissance des règlements? Vous avez étudié les
règlements?
M. Couture: Je vais être honnête avec vous, vous avez
vu l'épaisseur? Si je vous disais qu'on les a étudiés un
par un, ce ne serait pas vrai. Je ne suis pas ici pour vous conter des
peurs.
On ne les a pas tous scrutés un par un, mais on vous donne nos
inquiétudes là-dessus. On ne peut pas être contre une
réglementation dans les aliments. En principe on est d'accord, mais on
essaie de sensibiliser la commission sur nos inquiétudes. Je pense que
c'est dans ce...
M. Lessard: Dans votre mémoire, vousénoncez un
certain nombre de principes. Vous dites que vous soulevez des
inquiétudes, mais je voudrais aussi savoir si ces inquiétudes
sont réelles, en relation avec les règlements qui nous sont
soumis par le ministre. Vous dites: Cependant, toute cette
réglementation doit respecter certains principes dont les plus
importants sont de maintenir une saine concurrence et maintenir des usines
là où il y a des producteurs désireux de poursuivre leur
production. A votre connaissance, selon l'étude que vous avez faite des
règlements, ces deux principes sont-ils respectés?
M. Couture: Cela dépend comment on appliquera la
réglementation. Je pense que c'est là qu'est la réponse.
On ne voudrait pas que des régions comme l'Abitibi, la Gaspésie
et le reste, tombent sans service, des services assez proches. Dans des
régions assez fermées, comme le Saguenay-Lac-Saint-Jean, ce n'est
pas inquiétant, il y a des organisations qui sont valables, mais tout de
même garder le minimum de services au niveau des producteurs. Parce
qu'autrement, par exemple en Gaspésie, pour la consommation locale, on
serait obligé de faire abattre des animaux à Rimouski ou ailleurs
et les retourner. C'est cela que nous demandons de regarder dans la
réglementation, voir comment on peut répondre à ces
besoins, parce que cela créera une situation qui va être difficile
pour les agriculteurs. L'autre question, comme je vous le disais tout à
l'heure, c'est: Comment fait-on jouer l'offre et la demande là-dedans?
Parce qu'il peut y avoir une concentration d'acheteurs.
M. Lessard: A la page 2 de votre mémoire, vous
affirmez, à la suite de vos commentaires, qu'il vous est
impossible actuellement vous n'avez pas fait une étude exhaustive
des règlement de nous confirmer combien d'abattoirs, tel que vous
le dites, les abattoirs superflus, non rentables, difficiles à
inspecter, vont disparaître à la suite de l'application de cette
réglementation.
M. Couture : Cela dépend de la manière qu'on va
appliquer les règlements, qu'on va appliquer les normes.
M. Lessard: Mais la manière de l'appliquer... C'est le
règlement qui va être appliqué.
M. Couture: Mais cela dépend comment tu l'appliques, pour
tenir compte de certaines conditions. Peut-être que les exigences ne
seront pas les mêmes, au point de vue du volume, à Gaspé,
qu'elles le seront ici à Québec.
M. Lessard: Est-ce que, dans les règlements, les exigences
sont les mêmes?
M. Couture: Si on appliquait les règlements...
M. Lessard: Est-ce qu'on détermine des secteurs
d'activités?
M. Couture: C'est un peu comme tous les règlements. Si on
les appliquait sans discernement, cela créerait des
problèmes.
M. Lessard: Est-ce qu'on tient compte, dans la
réglementation, d'un certain nombre de secteurs? Vous dites: Dans des
régions comme le Saguenay-Lac-Saint-Jean, il faudra tenir compte de la
grandeur ou de l'importance de l'abattoir par rapport à des
régions dont la grandeur peut être différente, par rapport
à des régions comme celle de Montréal. Est-ce que la
réglementation fait une différence?
M. Couture: Dans la réglementation qui s'applique, si on
l'applique judicieusement, telle qu'elle est, sans discernement, je pense
qu'elle peut causer des problèmes. Mais si on l'applique, elle peut
obliger à fermer plusieurs abattoirs. Je pense qu'il faudrait tenir
compte de ces contingences.
M. Lessard: II reste que l'application d'un
règlement...
M. Couture: Ou donner aussi... Une chose importante...
M. Lessard:... ne peut pas avoir deux mesures ou trois
mesures.
M. Couture: Une chose qui est importante, c'est aussi donner
assez de temps pour s'ajuster à cela. Si tu dis que tu appliques cela
demain matin, là, tu crées un problème. Mais donner assez
de temps pour s'ajuster à la réglementation, permettre à
deux ou trois abattoirs de faire un "pool", se mettre ensemble et
s'équiper adéquatement. Mais il y a une transition qui doit
être faite avec assez de discernement parce qu'elle va créer des
problèmes.
M. Lessard: A la page 2, vous affirmez: Le gouvernement, avant
d'appliquer la réglementation, devrait entreprendre une étude sur
la dimension optimale d'un abattoir aussi bien dans le boeuf que dans le porc,
étudier les possibilités de regroupement des petits abattoirs
locaux en des ensembles de plus grande importance et aider, lorsque cela sera
possible, le regroupement des abattoirs locaux en apportant l'aide technique
nécessaire.
Je me retourne vers le ministre. D'abord, la première question
que soulève l'Union des producteurs agricoles: Est-ce que vous avez fait
une étude concernant la dimension optimale d'un abattoir et est-ce que,
dans cette dimension ou dans cette étude, vous tenez compte de
différentes régions du Québec?
M. Toupin: M. le Président, non seulement on a fait une
étude, mais, si vous lisez les règlements, vous allez y trouver
exactement tout ce que ça prend pour faire un abattoir.
M. Lessard: Est-ce que la réglementation est unique pour
l'ensemble du Québec?
M. Toupin: Toute la province de Québec.
M. Lessard: Donc, on ne peut pas appliquer les règlements
de telle façon ou de telle autre?
M. Toupin: Non. Les règlements pour les abattoirs qui
auront "Approuvé Québec" devront correspondre aux normes qui sont
définies dans ces règlements; tous les abattoirs, à
l'exclusion vous allez trouver dans la section 6 du règlement,
page 50, les dérogations d'un agriculteur qui veut abattre pour
vendre n'a pas besoin de permis. Cela veut dire qu'il n'est pas soumis à
l'inspection. Tout abattoir, à l'avenir, dont les normes de construction
répondront à ce que vous retrouverez dans les règlements,
devra obtenir un permis et une fois que le permis sera obtenu, il devra
accepter l'inspection obligatoire, avant et après l'abattage. Sauf
à l'article 6.2.2.
M. Lessard: Est-ce qu'avant... D'abord, je reviens à ma
première question, vous avez établi un certain nombre de
critères...
M. Toupin: C'est ça.
M. Lessard: ... et à partir de ces critères, vous
avez établi la dimension optimale d'un abattoir à la dimension
minimale d'un abattoir.
M. Toupin: C'est relatif. Il y a des chambres où on a
déterminé les espaces, mais il y a d'autres planchers où
on n'a pas déterminé les espaces. Le gars peut bien avoir 25
pieds de plancher pour entreposer ses viances, une fois abattues, mais, si le
règlement exige un minimum de dix pieds, il devra avoir un minimum de
dix pieds. Si on exige telle autre chose, etc.
M. Lessard: Vous avez un minimum. Suite à cette
réglementation, est-ce que vous pourriez me dire combien d'abattoirs
seront soumis à cette réglementation?
M. Toupin: Tous ceux qui vont demander d'être
approuvés, qui vont demander un permis.
M. Lessard: Actuellement, on dit, je pense, que c'est au tour de
400 à 450 abattoirs...
M. Toupin: II y en a 379 qui restent actuellement. Il y en avait
437, mais là, il y en a 379.
M. Lessard: Actuellement, vous avez reçu des demandes pour
379?
M. Toupin: On n'a pas reçu de demandes parce que le
règlement n'est pas encore appliqué.
M. Lessard: Vous prévoyez en avoir 379. Suite à
l'application de cette réglementation, est-ce que le ministère a
étudié les conséquences, par exemple, économiques
que ça peut comporter et puisque vous avez vous-même
affirmé, comme l'a fait l'UPA, qu'il y a certain nombre d'abattoirs qui
ne correspondent pas aus besoins des régions ou de la population, parce
qu'on parle d'un monopole...
M. Toupin: Un "olistigopole". M. Couture: Oligopolistique. M.
Toupin: Oligopolistique.
M. Couture: Oligopolistique, c'est moi qui ai trouvé
ça.
M. Lessard: En fait, un oligopole. M. Toupin: C'est plus subtil
que ça.
M. Lessard: C'est encore pire, un monooligopole.
M.Ostiguy: II ne faudrait pas s'embarquer dans un système
oliprigus, non plus.
M. Lessard: En vue de ne pas le répéter, de ne pas
constituer un tel système, est-ce que le ministre a étudié
les conséquences que ça peut comporter, l'application de cette
réglementation, sur le nombre d'abattoirs qui devront disparaître,
combien d'abattoirs devraient continuer d'exister à travers le
Québec et aussi, est-ce qu'en tenant compte de cette
réglementation, les régions, comme le demande l'Union des
Producteurs agricoles, auront l'assurance, en particulier des régions
comme le Lac Saint-Jean ou des régions comme la Gaspésie, de
conserver un abattoir régional?
M. Toupin: Evidemment, encore là, on est dans un secteur
économique. Je suis bien prêt à parler de
régionalisation, à parler de mettre le plus de services le pi us
proche possible des gens, mais il faut q ue quelqu'un en paie la note. Un
abattoir, d'abord, doit être au moins rentable. Le gouvernement va aider
au regroupement des abattoirs; je ne vous dirai pas quel budget on va mettre
là-dedans, on aura l'occasion d'en discuter bientôt, lors de
l'étude des crédits budgétaires des ministères et
vous verrez comment on entend procéder. Il y a une programmation de
regroupement qui se prépare, premièrement; deuxièmement,
il y a une programmation de régionalisation qui se prépare, des
programmes de régionalisation qui se prépare.
On a commencé d'ailleurs la régionalisation, on regarde en
Abitibi ce qu'on va faire avec un centre d'abattage, inclus dans le cadre d'un
agrocentre. On va faire cela pour toutes les régions du Québec,
mais on est certain que sur les 337 abattoirs, il yen a au moins 150 qui seront
appelés à disparaître, 100 ou 150, cela, c'est
évident.
Il ne faut pas là-dessus faire de trop gros débats, parce
que, en moyenne, ces gens-là abattent six têtes et demie par
semaine.
M. Lessard: Les 150 dont vous parlez?
M. Toupin: Oui, les 367, à l'exclusion, bien sûr de
ceux qui sont "Approuvé Québec " et "Approuvé Canada",
eux, abattent en moyenne six têtes et demie par semaine. Il est certain
qu'il n'y a pas de rentabilité dans cela. C'est donc un revenu
complémentaire. C'est le gars qui fait autre chose que cela, de
façon générale. Il y en a qui font peut-être
seulement cela, en faisant d'autres commerces d'animaux, les acheter et les
revendre, mais pour ceux qui abattent et qui mettent en marché, tu vas
retrouver cela en moyenne, six. Tu vas en retrouver trente, quarante ou
cinquante, mais tu vas en trouver deux ou trois aussi, par semaine.
M. Fraser: Ces abattoirs rendent service à des centaines
de cultivateurs qui envoient des animaux là pour les tuer...
M. Toupin: C'est cela. C'est exact. Ces abattoirs
répondent actuellement à des besoins. Ils répondent
essentiellement à des besoins, il n'y a pas de doute possible
là-dessus.
M. Fraser: S'ils n'avaient pas été là...
M. Toupin: S'ils ne répondaient pas à des besoins,
ils ne seraient pas restés là. Mais la réglementation,
telle qu'elle est, prévoit une dérogation. On dit qu'un
producteur agricole pourra abattre ses viandes, s'il le veut et les vendre,
s'il le veut, c'est-à-dire un gars qui produit des viandes pourra avoir
son abattoir à lui.
M. Fraser:... le gars à dix ou vingt milles de chez nous,
il envoie le boeuf là, ils l'abattent et ramènent le boeuf chez
nous. C'est facile.
M. Toupin: Oui, on prévoit cette dérogation. Dans
notre réglementation, on prévoit aussi ce que vous venez de dire.
C'est qu'il n'est pas impossible pour le gouvernement de penser à des
politiques
d'aide au transport. Ce n'est pas impossible pour le gouvernement de
dire: Si un abattoir, dans tel coin, n'est pas rentable en soi, puisque nous
voulons inspecter les viandes, pourquoi pas subventionner les producteurs qui
distribuent là leur viande, leurs animaux?
Au fond, c'est dans ce contexte que la réglementation a
été préparée.
M. Lessard: Donc, on peut avoir l'assurance qu'au moins, il va y
avoir des abattoirs régionaux et si ce n'était pas le cas, le
ministre devra analyser la possibilité de subventionner, à un
moment donné, le transport?
M. Toupin: Comme on le fait pour l'Abitibi, le
Saguenay-Lac-Saint-Jean et le Bas Saint-Laurent. Pour le Saguenay, le fait-on?
Oui, on le fait pour le Saguenay aussi. On paie le transport des animaux de
l'Abitibi à Montréal pour les grands abattoirs.
M. Lessard: L'application de cette réglementation, de
quelle façon va-t-elle se faire? Quand cela va-t-il se faire et est-ce
que vous allez le faire lors d'une journée déterminée pour
l'ensemble des régions du Québec?
M. Toupin: Non, il y a toujours les délais qui sont
là-dedans. D'abord, il faudra que chacun des abattoirs demande un
permis. C'est bien sûr qu'avant que chacun d'entre eux ait demandé
un permis, il y a une étude du dossier qui va se faire, etc. Ce qui est
important pour le moment, pour nous, c'est qu'il y a un certain nombre
d'abattoirs de taille moyenne ou semi-moyenne qui abattent beaucoup plus que
six têtes par semaine, mais qui ne sont pas ni "Approuvé
Québec" ni "Approuvé Canada"; pour nous, ce qui est important,
c'est de régulariser la situation avec ceux-là dans le plus bref
délai. Il y en a peut-être une trentaine ou une quarantaine au
Québec; c'est de régulariser la situation avec eux. S'il faut
investir quelques milliers de dollars de plus pour correspondre aux normes et
accepter l'inspection, nous faire connaître les jours d'abattage et
être capables d'être présents au moment où l'abattage
se fait, tout cela pour protéger le consommateur vis-à-vis des
25% de viande abattue au Québec qui n'est pas inspectée.
Si on parvenait à atteindre ces 30 ou 40 dès le
départ, j'ai l'impression qu'on réglerait le problème
à 90%. Il resterait peut-être 6% ou 7% des viandes qui sont
abattues dans de petits abattoirs qui, très souvent, appartiennent
à des groupes de producteurs.
M. Lessard: Quel délai prévoyez-vous, pour
l'application de cette réglementation?
M. Toupin: Une réglementation, nos objectifs, c'est
toujours de l'appliquer dans le plus bref délai possible. Nos programmes
de regroupement...
M. Lessard: Vous avez étudié...
M. Toupin: Notre politique de regroupement est prête.
M. Lessard: Votre politique de regroupement est prête.
M. Toupin: C'est cela. Il va rester maintenant la
régionalisation, où ce n'est pas tout à fait à
point.
M. Lessard: Vous avez votre politique, mais vous n'avez pas
commencé à négocier avec les...
M. Toupin: Non. La réglementation n'étant pas
appliquée, on ne peut pas négocier. C'est dans ce contexte que se
pose la réglementation.
L'ouverture qu'on fait pour un producteur agricole, c'est
précisément pour répondre en bonne partie à la
question soulevée par M. Couture et aux questions soulevées par
le député de Huntingdon et par certains autres
députés qui ont aussi fait valoir certains points.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Verchères.
M. Ostiguy: Peut-être une question au ministre. J'ai pris
connaissanoe aussi des règlements. Aux sections 6.2.1 et 6.2.2, section
6.2 Prohibitions. Prohibition d'abattage et dérogation à la
règle. Dans ma tête, ce n'est pas encore clair, quand on lit les
deux articles. La première, 6.2.1 : "Nul ne peut abattre un animal dont
la chair est destinée à l'alimentation humaine ailleurs que dans
un atelier d'abattage conforme aux normes fixées dans le présent
règlement, dont l'exploitant détient un permis en vigueur et se
conforme aux normes d'exploitation prescrites par le présent
règlement. 6.2.2. Dérogation à la règle.
L'agriculteur c'est là qui élève des animaux
sur sa ferme peut y abattre sans permis un animal sain de son troupeau pour son
usage personnel et celui de sa famille ou pour le vendre en carcasse et non
découpé, mais seulement à un acheteur qui l'achète
et en prend livraison lui-même à la ferme de l'agriculteur pour sa
consommation personnelle et celle de sa famille."
Cela veut dire que, si je me mets dans le portrait, je suis le
consommateur, je m'en vais chez un cultivateur, j'achète une bête,
il peut l'abattre pour moi, mais il n'a pas le droit de la dépecer ou de
la découper.
M. Lessard: Vous allez chez le boucher. M. Toupin: C'est assez
exceptionnel.
M. Ostiguy: Si je le prends et que je m'en vais chez le boucher,
est-ce que je suis obligé de la faire passer à l'estampe?
M. Toupin: C'est-à-dire que le boucher devrait...
M. Ostiguy: Est-ce que le boucher va être
inspecté?
M. Lessard: Vous allez être obligé de l'acheter au
complet.
M. Toupin: Evidemment, les viandes qui vont
chez le boucher y arrivent inspectées. Si ce n'est pas
inspecté...
M. Lessard: Etes-vous capable d'acheter un quartier?
M. Ostiguy: Je m'excuse. Vous nous dites, M. le ministre, que le
boucher n'a pas le droit...
M. Toupin: Cela dépend des bouchers, c'est un autre
problème que nous avons.
M. Ostiguy: II est là.
M. Toupin: Oui, il est chez lui, mais il va beaucoup plus loin
que cela. Je vais prendre un système actuellement, qui se répand
de plus en plus. Qu'est-ce qu'on va faire avec les congélateurs dans le
temps?
M. Ostiguy: C'est justement.
M. Toupin: C'est tout le problème des congélateurs
que vous soulevez. Actuellement, on n'a pas de réglementation sur les
congélateurs dans les maisons privées. Je ne sais pas où
cela peut nous mener, dans le temps, au niveau de la congélation des
viandes dans les maisons privées si on n'a pas tout au moins de normes
minimales pour ceux qui vont abattre ces viandes.
Pour le moment, on n'a pas touché le problème, parce que
ce n'est pas tellement répandu. Cet article donne la dérogation.
Avec les propos que vient de tenir le président de l'UPA et les quelques
opinions émises ici le comité des députés
aura l'occasion de revenir là-dessus je ne vois pas
d'inconvénient à regarder cet article, comment on peut y donner
un minimum de souplesse. Je ne vois pas d'inconvénient.
M. Fraser: Les animaux seront envoyés au centre d'abattage
local pour être tués, et le gars...
M. Toupin: L'idéal, c'est ce que dit le
député de Huntingdon. C'est qu'on dit au gars: Achète ta
bête et va au centre d'abattage la faire abattre. C'est peut-être
cela qui serait l'idéal.
M. Lessard: Ce n'est pas un cadeau, il faut que je promène
ma vache.
M. Toupin: Comment donc!
M. Couture: Je pense que ce que vous soulignez est important, M.
le ministre, parce que je peux abattre, si je suis un producteur. Si je ne peux
pas la dépecer, il n'y a pas un gars qui va venir acheter un quartier de
boeuf chez nous pas dépecé, si je ne peux pas la débiter
en quartiers.
M. Lessard: On va être obligé de former des plans
conjoints entre les acheteurs.
M. Couture: Je pense que c'est important de trouver une
réponse à cela.
M. Ostiguy: J'aimerais apporter un exemple qui va nous
éclairer. Il existe actuellement de petits bouchers dans nos campagnes
qui vont chez un agriculteur et achètent une bête. Ils vont dans
un petit abattoir qui ne détient pas actuellement de permis. Bien
sûr il devrait en détenir un, mais il n'y a pas de contrôle.
Je suis d'accord là-dessus. Ils font abattre leur bétail. Ils
amènent la bête à la boucherie. Ils la découpent en
morceaux. Vous pouvez acheter la moitié de la bête, je peux en
acheter la moitié et on s'en va chez nous avec chacun notre quartier,
autrement dit. Qu'est-ce qui arrivera, demain matin, lorsque cette
réglementation sera en vigueur? Est-ce que le même petit boucher
de campagne peut aller acheter sa bête chez le cultivateur, aller
à un abattoir qui détient un permis et la dépecer chez lui
quand même?
M. Lessard: Lui, il peut le faire.
M. Ostiguy: L'ex-député de Nicolet dit non.
M. Toupin: Au fond, c'est toute l'idée que le producteur
agricole a le droit d'abattre ses viandes pour lui et en vendre pour des
clients qui vont chez eux. On a parlé de famille. L'acheteur devra
acheter ses viandes seulement pour ses fins familiales. Evidemment, on sait une
chose par ailleurs q ue ce n'est pas comme cela dans le concret
qu'assurément cela va se passer. Ce n'est pas comme cela. Qui va
être capable de déterminer un bon matin la grandeur de la famille
de monsieur et le nombre d'animaux que le gars aura à sa ferme? Ce n'est
pas une réglementation comme celle-là qui va empêcher Jos
d'acheter les vaches de Y. Jos peut bien dire: Les vaches de Y sont à
moi maintenant. Tout le problème se situe à ce niveau. On sait
que cela représente peu de choses en termes d'abattage. Cela
représente peu de choses. Le citoyen maintenant qui va acheter des
viandes: On retrouve de plus en plus dans les villages, dans les petites villes
des centres de dépeçage de viandes. On retrouve des bouchers qui
font cela. Vous allez prendre un quartier de boeuf acheté, vous allez
l'apporter là et vous allez le dépecer.
Il y a plusieurs producteurs aussi qui ne prennent pas le temps de
dépecer la viande, ils sont des exceptions ceux qui le font. Il y en a
quelques-uns qui se spécialisent. S'ils se spécialisent, à
ce moment, on verra avec eux ce qu'on pourra faire dans le cadre d'une
réglementation possible pour protéger le consommateur. Pour le
moment, vis-à-vis de cela, c'est le statu quo. Le producteur peut faire
affaires avec un consommateur n'importe quand. C'est le statu quo.
M. Lessard: Si je veux acheter une vache, par exemple, je suis
obligé de l'acheter au complet? Je n'ai pas le choix.
M. Toupin: Pas nécessairement.
M. Lessard: Oui, à moins de former un plan conjoint de
consommateurs, de prendre quatre consommateurs et. de se regrouper ensemble et
acheter la vache ensemble et aller chez le boucher. La question que
posait...
M. Toupin: J'espère bien que le gars qui va abattre une
vache, cela va être pour la vendre.
M. Lessard: Oui, pour la vendre, mais s'il arrive à un
moment donné, que certains agriculteurs...
M. Toupin: Ils ont besoin seulement d'un morceau.
M. Lessard: ... certains producteurs.
M. Toupin:Tu penses que le producteur va abattre sa vache
seulement pour un morceau?
M. Lessard: Non. Voici, c'est qu'un producteur abat sa vache
à un moment donné. Il est assuré, il prend des commandes
avant. Lorsqu'il a ses commandes, il abat sa vache et vient nous porter chez
nous notre quartier de viande qu'on a acheté. La réponse à
la question que posait tout à l'heure le député de
Verchères est non. Le boucher ne peut pas acheter de la viande du
producteur, puis ensuite la vendre au consommateur.
M. Toupin: Si je prends votre raisonnement, c'est le
suivant...
M. Lessard: Parce que c'est pour sa consommation personnelle
exclusivement.
M. Toupin: Oui. Vous voulez acheter des viandes pour votre
consommation personnelle. Vous allez voir Paul Couture, de Saint-Prosper, qui
fait du bon bovin en passant pour en acheter. Vous allez dire
à M. Couture: Je veux avoir un morceau de bovin. C'est bien sûr
que si M. Couture est intéressé à vendre du bovin, il va
s'organiser pour vous en vendre un morceau. Une fois que M. Couture aura
décidé de vous vendre un morceau de viande, vous prenez votre
morceau de viande et vous le payez à M. Couture. Vous partez avec et
vous allez le faire dépecer.
M. Lessard: Mon morceau de vache?
M. Toupin: Ton morceau de vache ou ton morceau de boeuf. Tu t'en
vas le faire dépecer ou bien tu le dépèces
toi-même.
M. Lessard: II peut me vendre un quartier.
M. Toupin: C'est bien sûr. J'espère que vous
n'interpréterez pas cela comme étant un consommateur qui va
acheter une vache vivante et qui va la remettre dans sa cour.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Merci, MM. les
représentants de l'UPA. MM. les membres de la commission, j'ai une
demande... A l'ordre, s'il vous plaît! J'ai une demande de MM.
Gérard Legendre et Jacques Bates qui administrent un abattoir
"Approuvé Québec" dont ils sont propriétaires. Ils veulent
être entendus sur la réglementation des viandes. Est-ce que la
commission est consentante?
M. Lessard: Pas de problème quant à moi.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Alors, j'invite
immédiatement MM. Legendre et Bates. Le temps qu'on vous alloue, sera
d'environ cinq à dix minutes. Voulez-vous vous identifier?
Abattoir G. Legendre & Fils Inc.
M. Legendre (Gérard): Gérard Legendre qui
administre l'abattoir G. Legendre et Fils, Inc., à Saint-Apollinaire sur
l'étiquette "Approuvé Québec".
M. le Président, M. le ministre, MM. les députés,
au nom des propriétaires des abattoirs "Québec approved", nous
appuyons le conseil des salaisons du Canada, à savoir, la
dérogation à la règle 622. Nous désirons que le mot
qui apparaît, à la toute fin de ce paragraphe, "acheteur" soit
éliminé et remplacé par les mots suivants "pour sa propre
consommation".
Deuxièmement, nous demandons à M. le ministre de faire des
pressions auprès du gouvernement fédéral, au
ministère de l'Agriculture, afin que la commercialisation des viandes
"Québec approuvé" soit admise dans tous les locaux, dans toute la
province de Québec, comme cela se produit pour les viandes "Canada
approved".
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre de
l'Agriculture.
M. Toupin: D'abord, le premier point que vous soulevez, vous
venez exactement de donner la réponse contraire aux discussions qu'on
tenait tantôt, c'est-à-dire que les producteurs disent: Nous, on
devrait avoir l'opportunité, en temps que producteurs, d'abattre et de
vendre directement à un consommateur. Vous autres, vous soutenez, "pour
sa consommation personnelle". Donc, vous enlevez la possibilité, pour un
producteur agricole, de vendre des viandes à d'autres qu'à sa
femme et à ses enfants.
M. Legendre: Pas nécessairement, parce qu'à ce
moment, si le producteur passe à l'abattoir pour faire abattre son
boeuf, il peut le vendre non seulement à son voisin ou à sa
famille, il peut le vendre dans toute la province de Québec.
M. Toupin: L'idée serait la suivante: Dans votre cas, il
peut abattre chez lui la viande qu'il consomme chez lui, mais, chaque fois
qu'il veut vendre à ses amis ou à quiconque, il irait chez vous,
dans un abattoir "Approuvé Québec", vous lui abattriez le bovin,
vous pourriez le dépecer, l'empaqueter si nécessaire et vous
diriez: Maintenant, va distribuer cela à tes amis et à tes
acheteurs éventuels.
M. Legendre: Evidemment, parce qu'à ce moment, le
cultivateur serait certain que sa viande a été inspectée
et qu'elle est propre à la consommation humaine.
M. Toupin: On a essayé, en tout cas, dans les
règlements, de marier les deux. C'est difficile pour
nous, actuellement, d'empêcher un producteur de vendre son produit
directement à un consommateur, maison peut, bien sûr, mettre des
restrictions. On peut, par exemple, dire: Pour les viandes que vous vendrez
à d'autres, faites abattre dans un abattoir régional, quitte
à payer le transport ou de telles choses, et vous autres, cela pourrait
augmenter vos activités, augmenter vos chiffres d'affaires, et ainsi,
rendre plus rentables vos entreprises.
M. Legendre: Oui, du fait qu'on nous oblige d'avoir des abattoirs
qui nous coûtent énormément cher pour se conformer à
la loi de la salubrité et des aliments qu'on peut mettre sur le
marché.
M. Toupin: Quant à votre deuxième point, je ne
pense pas, M. Legendre, que la réglementation du gouvernement
fédéral n'oblige aucun acheteur à acheter "Canada
approved". J'apporte un exemple. Si Steinberg, pour ses succursales de magasins
qui sont situées à Québec, ou Jato, si ces gens veulent
acheter des viandes "Approuvé Québec", ils n'ont pas besoin de
l'approbation du gouvernement fédéral.
M. Legendre: Dans le moment, on nous interdit de vendre de la
viande "Québec approuvé" ou "Approuvé Québec", dans
les établissements comme les Steinberg, les Dominion et autres.
M. Toupin: Oui, mais ce sont les magasins qui vous interdisent,
c'est-à-dire que ce sont les magasins qui ne veulent pas en acheter.
M. Lessard: Ce n'est pas la loi.
M. Toupin: Les règlements ne vous interdisent pas
cela.
M. Legendre: Je ne suis pas prêt à dire qu'ils nous
l'interdisent. Je ne peux pas avoir les renseignements. A ce moment, il
faudrait que je me documente davantage.
M. Lessard: Ce doit être les grandes compagnies...
M. Toupin: C'est cela.
M. Lessard:... d'alimentation comme Steinberg qui refusent, comme
telles, de s'alimenter aux abat- toirs qui sont "Québec approved", et
s'alimentent plutôt aux abattoirs "Canada approved ".
M. Legendre: C'est à peu près, oui...
M. Lessard: Mais le jour où Steinberg, par exemple, les
grandes compagnies d'alimentation vont avoir l'assurance que, étant
donné la surveillance de la viande, cette viande est bonne et salubre,
etc., je ne vois pas pourquoi elles refuseraient "Québec approved". Pour
le moment, on n'approuve pas "Québec approved".
M. Legendre: Je crois qu'à ce moment, cela
déboucherait un nouveau marché, justement, pour la viande abattue
dans les alentours de la ville de Québec, par exemple.
M. Toupin: Là-dessus, je pense que... On en a
discuté hier d'ailleurs, avec le Conseil des salaisons. On est
déjà, nous, du ministère, intervenu au sujet de certains
problèmes. On est intervenu, par exemple, dans le secteur des oeufs,
dans le secteur du poulet, dans le secteur des pommes, des produits horticoles,
pour inciter les acheteurs du Québec à acheter les produits du
Québec venant d'entreprises, propriétés des
Québécois.
On a réussi dans bien des secteurs, bien sûr, mais, dans
certains autres secteurs, notre action n'a pasété aussi
dynamique, parce que là on n'avait pas tous les éléments
en main. Avec une réglementation comme celle-là, je pense qu'on
va être beaucoup plus en mesure de démontrer que le produit
"Approuvé Québec" est aussi bon que le produit "Approuvé
Canada".
M. Legendre: Je remercie l'assemblée, ainsi que M. le
président, les députés, monsieur le ministre et tous les
membres des Abattoirs "Approuvé Québec" de m'avoir permis de
m'expliquer.
M. Toupin: Cela nous afait plaisir, monsieur, de vous
entendre.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Merci, monsieur. Je
remercie les membres de la commission parlementaire de leur belle
coopération. La commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 17 h 21)