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Version finale

30e législature, 3e session
(18 mars 1975 au 19 décembre 1975)

Le mardi 15 avril 1975 - Vol. 16 N° 39

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Etude des crédits du ministère de l'Agriculture


Journal des débats

 

Commission permanente de l'agriculture

Etude des crédits du ministère de l'Agriculture

Séance du mardi 15 avril 1975

(Dix sept heures trois minutes)

M. Lafrance (président de la commission permanente de l'agriculture): A l'ordre, messieurs!

Nous commençons aujourd'hui l'étude des crédits du ministère de l'Agriculture.

Je pense bien, sans plus de préambule, que les membres de la commission présents...

Une Voix: Y a-t-il des modifications?

Le Président (M. Lafrance): Non, pas pour le moment.

M. le ministre, si vous avez...

Remarques préliminaires

M. Toupin: M. le Président, à l'ouverture de l'étude des crédits du ministère de l'Agriculture, je voudrais simplement faire quelques commentaires sur ce qui s'est produit en 1974, dans le secteur agricole, et sur ce que nous entrevoyons comme situation agricole pour l'année 1975, et ce que contiennent, en gros, le budget et le programme législatif pour tenter de pallier, d'une part, les situations que nous prévoyons et continuer à développer le secteur agricole québécois.

On a dit beaucoup de choses, M. le Président, sur le budget du ministère de l'Agriculture depuis quelques années. L'an dernier, on avait dit que ce budget était insuffisant. J'avais d'ailleurs fait un certain nombre de déclarations, et j'avais soutenu qu'effectivement, vis-à-vis de certains programmes, le budget de l'an dernier était insuffisant et il a fallu faire appel à des budgets supplémentaires.

Cette année, ce budget est de beaucoup supérieur à celui de l'an dernier, mais il est inférieur aux dépenses que le gouvernement a autorisé le ministère à faire, c'est-à-dire les budgets supplémentaires que le ministère a eus au cours de l'année, additionnés au budget de base qu'il avait eu au début de l'année, cela donnait quelque chose comme $177 millions, et le budget actuel donne $169 millions, je pense, quelque $100,000.

Je continue encore à soutenir, M. le Président, qu'en ce qui concerne les programmes de base du ministère, les budgets que nous obtenons sont suffisants, toujours conditionnés, bien sûr, à un certain nombre d'éléments qui ne sont pas faciles à contrôler dans le secteur agricole, mais les programmes de base seront largement pourvus en termes de budget. Quant aux inconnues, notamment en ce qui concerne les prix, j'y reviendrai tantôt, au cours de mon intervention, et ce secteur pourra probablement commander des budgets additonnnels, des budgets particuliers.

En 1974, par rapport à 1973, les revenus nets agricoles au Québec ont diminué de 9%. On a dit, dans certains cas, que c'était de 21% et de 22%, parce que le coût de la vie avait augmenté et qu'il fallait ajouter à cette baisse de revenus l'augmentation du coût de la vie.

Je suis bien prêt à soutenir que l'augmentation du coût de la vie s'est fait sentir également dans le secteur agricole, mais à des titres moins grands que dans les autres secteurs de l'économie.

Nous n'avons qu'à prendre, par exemple, le secteur de l'habitation, le producteur agricole subit, à ce chapitre, des poussées inflationnistes beaucoup moins grandes que dans le secteur ouvrier, mais du reste, il est également victime de l'inflation et il est obligé, comme les autres, d'en payer, sinon toute la note, tout au moins une partie de la note.

Même s'il y eut diminution des revenus en I974, il y eut, par ailleurs, augmentation de la production, peut-être pas au chapitre de toutes les productions, mais au moins vis-à-vis d'un certain nombre d'entre elles qui constitue l'économie de base en agriculture au Québec.

Par exemple, nous avons assisté à une augmentation de la production du porc. En I973, nous produisions environ 78% de notre production porcine. En 1974, nous avions dépassé largement 80% et, au début de 1975, les statistiques dénotent que nous avons peut-être atteint le 100% de la production porcine au Québec. C'est un élément essentiellement positif parce que cela fait partie du plan agroalimentaire que nous avons déjà rendu public et la production porcine prenait une large part parce que nous avions visé une augmentation de cette production.

Au niveau de la chair de volaille, il y eut également certaines augmentations de production, notamment vis-à-vis du poulet à griller, comme tel, le poulet, moins, mais le dindon à griller, je pense, et certaines autres catégories où il y eut augmentation ainsi que dans la production des oeufs.

On en a parlé beaucoup au cours des dernières années, mais le Québec, en dépit des problèmes rencontrés, continue quand même à développer cette production et à maintenir aux producteurs des prix qui soient acceptables.

Il y eut augmentation dans les céréales. Il y eut également augmentation dans certaines catégories de légumes et il y eut augmentation peut-être, pi us particulièrement, dans le secteur des pommes de terre, en ce qui concerne les productions maraîchères.

Ce secteur des pommes de terres subit, présentement, des problèmes assez sérieux au chapitre des prix, les marchés sont très mauvais. Il y eut surproduction au Canada et une plus grande production aux Etats-Unis, ce qui fait que les marchés sont essentiellement encombrés et que les prix sont très bas.

Déjà, le gouvernement fédéral a annoncé une mesure d'aide à ce chapitre et le Québec étudie la possibilité d'intervenir. J'y reviendrai de façon plus particulière au cours de cet exposé.

La production laitière s'est maintenue, a été même augmentée légèrement, peut-être de 3% à 4%. Ce n'est pas une augmentation très forte, mais le Québec demeure, au Canada, la principale province productrice de lait et elle entend, bien sûr, le

demeurer. On continue, à ce niveau, à demander aux producteurs de maintenir une production stable.

En I974, évidemment, cette année fut marquée surtout par une tombée des prix vis-à-vis de certaines productions.

Les producteurs de bovins ont été les plus durement touchés par cette tombée des prix, les producteurs de pommes de terre aussi, mais un peu plus tard dans l'année. Le début de l'année 1973/74 a été bon pour les producteurs de pommes de terre. C'est la fin de l'année 1974 surtout qui a été difficile pour ce groupe de producteurs. Les producteurs avicoles ont également eu certains problèmes de marché. Quant au marché laitier, ce dernier a subi, bien sûr, les pressions inflationnistes, mais les prix se sont ajustés presque automatiquement. Le prix du lait nature, par exemple, a augmenté de plus de $1.50 en 1974 par rapport à 1973. Les prix sont maintenant établis à $12.26. C'est le prix le plus élevé de toutes les provinces du pays à l'exception de la Colombie-Britannique où les prix sont plus élevés, mais où également des conditions de productivité posées sont très sévères, en soi, et obligent le producteur à faire des efforts beaucoup plus grands que les autres producteurs des autres provinces du pays pour atteindre un prix plus élevé. C'est là, je pense, une situation normale que des conditions de productivité soient posées; mais au Québec, nous n'avons pas cru bon encore d'imposer ces conditions de productivité et les prix établis sont, non pas comparables, mais supérieurs aux prix payés dans toutes les autres provinces du pays et de beaucoup supérieurs aux producteurs de lait nature des Etats-Unis, qui, en moyenne, ne dépassent pas encore $7 ou $7.50.

Cette difficulté de marché a été accompagnée par une stabilisation des prix dans le domaine du lait, mais par des interventions gouvernementales dans les autres domaines. C'est ce qui a fait qu'en 1974, le gouvernement a dû intervenir au chapitre de cinq productions, le bovin, ce fut la première où il y eut intervention et la province de Québec a été la seule de toutes les provinces du pays, encore une fois, à intervenir à ce niveau. Nous sommes intervenus également au niveau de deux productions avicoles, soit les oeufs et le dindon. Nous nous apprêtons à intervenir probablement dans le secteur des pommes de terre si, à la suite d'une étude d'un comité technique qui a servi d'ailleurs à toutes les autres productions, il est démontré que les coûts de production sont supérieurs au prix obtenu sur le marché. Nous avons également fait porter une intervention particulière au chapitre du sirop d'érable, sachant que ces producteurs étaient aux prises, non seulement avec un marché déficient, mais avec des surplus de production que nous n'avons pas trouvés au cours des années précédentes.

Ces surplus de production étaient surtout attri-buables à une trop grande quantité de ce produit de qualité inférieure. Le produit de qualité supérieure n'a pas de problèmes. Les marchés sont stables, les prix sont bons et fermes et les producteurs parviennent, à ce niveau, à tirer facilement leur épingle du jeu. A la suite des contacts que nous avons eus avec les producteurs en 1974 — ces contacts se sont faits sous plusieurs formes, notamment au niveau d'une manifestation — à la suite de l'ensemble de ces contacts, à la suite aussi d'études que le ministère avait entreprises en 1971/72 sur la stabilisation des prix, il était convenu que le gouvernement accepte le principe d'intervenir au niveau des producteurs agricoles chaque fois que leurs revenus seraient inférieurs aux revenus du travailleur spécialisé.

Je n'apprends rien à personne lorsque je dis que nous ne nous entendons pas exactement sur la définition du revenu du travailleur spécialisé. Les producteurs agricoles soutiennent que nous devons quantifier ce principe en termes de revenu horaire et le ministère soutient qu'il s'agit, bien sûr, dans ce principe, de voir comment, au cours d'une année, un travailleur spécialisé a pu gagner en termes de revenus.

Le rôle du ministère de l'Agriculture, à ce chapitre, n'est pas de subventionner un travailleur agricole, mais d'assurer un revenu aux producteurs agricoles et c'est la raison qui nous a amenés à croire que nous devons penser en termes de revenus et non pas en termes de salaire horaire.

Le ministère avait déjà, évidemment, jeté un coup d'oeil sur une loi de stabilisation des prix agricoles, ce qu'on appelle la Loi d'assurance-stabilisation des revenus des producteurs agricoles. Cette loi a été préparée au cours de l'année 1972/73 et elle a trouvé ses principes fondamentaux dans les déclarations que le gouvernement a faites à l'occasion de la rencontre avec les producteurs. Cette loi a déjà été déposée sous forme d'avant-projet, elle a fait l'objet d'une étude en commission parlementaire, elle fera probablement l'objet encore d'une étude à la commission parlementaire, si tel est le désir des parties impliquées, quoique je n'en fasse pas une condition. Je préférerais que nous discutions cette loi en Chambre ou en commission plé-nière pour que nous puissions, le plus rapidement possible, la mettre à la disposition des producteurs.

Cette loi sera donc déposée bientôt à l'Assemblée nationale et elle fait partie des grands objectifs du ministère, en matière de stabilisation ou, tout au moins, d'assurace des revenus des producteurs agricoles.

Nous avons discuté aussi, dans ce cadre, avec nos collègues des autres provinces du pays. Nous sommes bien conscients que, si le Québec met de l'avant une telle législation, de tels programmes, cela aura de l'influence sur le comportement de l'agriculture des autres provinces du pays.

La Colombie-Britannique, par exemple, a déjà des programmes similaires à ceux que nous sommes en voie de préparer. Une des provinces maritimes a un programme pour une production qu'elle exploite depuis déjà quelques années. Il ne se révèle donc pas possible de faire fonctionner de telles lois qui soient très différentes dans chacune des provinces du pays. Il faut trouver un "pattern" général pour que nous puissions éviter ainsi des heurts trop grands sur le marché et voir les producteurs s'affronter en ce qui concerne notamment la libre circulation des produits à l'intérieur du pays.

A la suite de ces discussions avec les collègues

des autres provinces et le gouvernement fédéral, des lois similaires, tout au moins probablement au niveau du gouvernement fédéral sont attendues. D'ailleurs, le ministre de l'Agriculture fédéral a déjà déposé une loi de stabilisation des prix qui ressemble, en termes de principe, aux lois que nous avons déjà préparées, mais qui mériteraient certains ajustements, pour que nous puissions agir en même temps sur un même produit. Cette loi sera bientôt déposée, et elle fait partie des grands objectifs que le ministère s'est fixés, en ce qui concerne les revenus des producteurs agricoles.

En 1974, nous avons, en outre, agi de façon assez particulière au chapitre de la recherche de marchés et de la promotion des produits agricoles. On a dit très souvent, au Québec, que les Québécois connaissaient mal les produits agricoles et, par conséquent, étaient portés à acheter de ces produits provenant des autres provinces du pays. Nous n'avons pu malheureusement, le faire partout non pas seulement à cause des budgets disponibles, mais surtout à cause des organismes de mise en marché, qui n'étaient peut-être pas toujours en place, mais nous sommes parvenus, au moins au chapitre de deux ou trois productions, à promouvoir le produit et ainsi à créer des marchés plus intéressants pour les producteurs.

Nous l'avons fait notamment au chapitre de la pomme, où nous faisons des campagnes de publicité sur la pomme à atmosphère contrôlée; nous le faisons présentement au niveau du sirop d'érable et nous l'avons fait de façon assez large au niveau des produits laitiers, en collaboration avec les producteurs laitiers et en collaboration également avec les organismes nationaux qui s'occupent de ce genre d'activités, au niveau des produits de l'agriculture canadienne et par conséquent québécoise, lorsqu'il s'agit surtout de la production laitière.

Un dernier point qui mériterait d'être souligné en 1974 est celui du drainage souterrain. Malheureusement, à cause peut-être du mauvais temps qui a influencé un peu, et surtout à cause de l'inflation et de l'incertitude des producteurs, même si nous avons ajusté notre politique d'aide, nous avons posé moins de drains en 1974 que nous en avions posés en 1973, quelques millions de pieds de moins.

L'objectif du ministère, à ce niveau, n'a pas été atteint. Nous avions visé, au moins, ce que nous avions posé en 1973, soit 42 millions de pieds, je pense. Cette année, nous terminerons avec 32 millions ou 33 millions au maximum, soit 8 millions ou 9 millions de moins de pied drainés que l'an dernier.

Nous avons ajusté notre politique. De $0.10 de subvention qui étaient versés par pied linéaire posé, nous avons porté cette subvention à $0.15. Le budget prévoit plus que cela. Pour l'année 1975, le budget prévoit que nous dépenserons les $0.15, voire même peut-être les $0.20 pour que nous puissions atteindre de nouveau les objectifs que nous nous étions fixés pour 1974, quoique tout ce secteur du drainage, tant de surface que de drainage souterrain, fasse l'objet présentement d'une étude conjointe avec les producteurs dans le cadre d'un nouveau programme global de productivité qui s'inscrira, sinon dès le début de l'année, tout au moins au milieu de l'année, dans le cadre des priorités du ministère de l'Agriculture.

Nous cherchons des objectifs plus audacieux que ceux que nous avons atteints à venir jusqu'à maintenant. Mais, si nous voulons atteindre ces objectifs plus grands, il nous faudra amender nos programmes et inciter davantage les producteurs à s'en prévaloir. Il est malheureux de constater, très souvent, que les producteurs ne se prévalent pas suffisamment des mesures que le gouvernement met à leur disposition.

Nous disons très souvent — l'année 1974 a également été l'objet de ces affirmations — que le secteur agricole diminue en nombre au niveau des producteurs. Il est vrai, encore en 1974, qu'un certain nombre de petits producteurs ont dû quitter l'agriculture soit pour s'occuper d'une autre activité ou soit pour fusionner leur ferme avec d'autres agriculteurs qui détenaient une petite ferme. Mais le nombre de jeunes, de nouveaux agriculteurs, au Québec, augmente d'année en année.

En 1972, je pense, l'Office du crédit agricole versait environ 600 à 700 subventions pour des établissements de jeunes en agriculture. En 1973/74, nous avions augmenté ce nombre de quelques centaines. En 1974/75, nous l'avons augmenté de 264 ou 265 par rapport à celui de l'année précédente. C'est-à-dire que de 600 à 700 jeunes qui s'établissaient en agriculture, en 1970/71, cette année, les statistiques démontrent, et ce sont seulement ceux qui reçoivent des subventions — à part ceux qui n'en ont pas, mais ce sont des cas exceptionnels — elles démontrent que 1,265 nouveaux établissements se sont concrétisés au Québec. Il y a donc, bien sûr, en dépit des problèmes que l'agriculture peut affronter — ce n'est pas le seul secteur qui a des problèmes — un intérêt bien marqué de la part des jeunes à s'intéresser à l'agriculture québécoise.

Plus les fermes se regroupent, plus nous nous orientons vers des politiques de sécurité, notamment, au chapitre du lait et d'autres productions qui viendront plus tard, plus les jeunes s'intéressent au secteur de l'économie qu'est l'agriculture. Un certain nombre de producteurs décideront de quitter l'agriculture au cours des prochaines années, j'en suis convaincu. Peut-être que 6,000 ou 7,000 quitteront encore le secteur agricole. Ce sont des fermes, pour la plupart d'entre elles, à moins qu'elles soient remises à d'autres producteurs, qui sont trop petites ou qui ne peuvent procurer aux producteurs, aux propriétaires les revenus qu'ils cherchent.

Par conséquent, ils voient ailleurs comment ils peuvent tirer un revenu plus substantiel. L'Office du crédit agricole en 1974 a consenti des prêts qui ont dépassé $50 millions. C'est le double de ce qui se prêtait en 1971/72, alors qu'on avait à peine atteint $22 millions. $50 millions, évidemment, vous me direz que c'est de l'endettement. C'est vrai que c'est de l'endettement, mais c'est de l'endettement à bon marché. Les premiers $15,000 pour un producteur, c'est 2.5% et la différence est de 7%, ce qui fait un taux moyen qui ne dépasse pas 5% d'intérêt pour les producteurs agricoles du Québec.

Je pense que peu d'agriculteurs au pays peuvent se vanter d'avoir des politiques aussi appro-

priées, en ce qui concerne tout au moins le coût de l'argent, que, les producteurs québécois ont présentement. Le gouvernement fédéral adestaux plus élevés, je pense qu'ils sont de 8%, par rapport à 7% au Québec, pour tout ce qui dépasse $15,000. Pendant que le gouvernement du Québec empruntait sur le marché des obligations à 8.5%, à 9% et à 10% même, on prêtait aux producteurs agricoles à 5% et à 4.8%. Donc, ce sont véritablement des taux d'intérêt préférentiel. C'est ce qui indique, d'ailleurs, que les prêts agricoles sont plus populaires qu'ils ne l'étaient auparavant. S'il y a augmentation dans les prêts, cela correspond à l'augmentation des jeunes agriculteurs. Ce sont surtout des jeunes qui font appel aux prêts agricoles. Des lois ont été déposées. Cela fait partie du programme.

L'an dernier, lorsque nous discutions les crédits — on y reviendra sur ce chapitre, en particulier, du crédit agricole — j'avais soutenu qu'il était nécessaire que nous portions de $60,000 à $200,000, pour une corporation, les prêts agricoles et de $40,000 à $100,000, pour les individus. Ces lois sont déjà déposées. On se pose maintenant la question s'il ne serait pas avantageux que nous regardions pour un individu plus de $100,000. Cette question fait l'objet d'études présentement de la part de l'Office du crédit agricole. Si, toutefois, il s'avère nécessaire que nous le fassions, c'est-à-dire que nous prenions le prêt à $100,000 pour le porter à $110,000 ou $115,000 ou $120,000, nous le ferons selon, évidemment les conditions que l'agriculture exigera, pour que ce geste soit posé.

Même si l'année 1974 a été un peu difficile pour les producteurs québécois, avec les interventions gouvernementales, je pense qu'ils ont touché, à quelques millions près, ce qu'ils ont touché en I973. Nous sommes intervenus déjà au niveau de la stabilisation des revenus. Nous travaillons sur les coûts de production, les uns après les autres, et nous intervenons quand nous nous rendons compte que les prix tirés du marché sont inférieurs aux coûts de production. C'est ce qui a fait que nous sommes intervenus, notamment au niveau de deux productions le dindon en particulier et les oeufs, et nous nous apprêtons à intervenir au niveau des pommes de terre.

Quant à l'intervention que nous avons faite vis-à-vis des bovins, elle a fait, bien sûr, l'objet d'études, mais ces études ne sont pas suffisamment poussées, et il deviendra difficile, au cours des années à venir, de porter une intervention vis-à-vis de la viande bovine si nous n'arrivons pas à doter ce groupe de producteurs d'organismes de commercialisation qui nous permettront vraiment de poser des gestes positifs à ce niveau. D'ailleurs, ce sont des conditions que nous poserons dans l'avenir. Chaque fois que la Loi de stabilisation des revenus agricoles s'appliquera, elle devra être accompagnée d'un mécanisme de mise en marché quelconque, de quelque nature que ce soit. Il n'est pas nécessaire que nous allions jusqu'à contingenter les productions, mais il est probablement nécessaire que nous allions jusqu'à trouver des moyens pour mettre en place de nouveaux mécanismes de commercialisation, notamment au niveau de la production bovine au Québec.

Cette situation peut probablement se prolonger en I975, c'est-à-dire cette difficulté pour les producteurs agricoles de trouver les prix qu'ils cherchent sur les marchés. Déjà, nous sentons, vis-à-vis de certaines productions, que les marchés cèdent, notamment au niveau de la pomme de terre. Les oeufs aussi sont présentement l'objet de spéculation assez forte sur le marché. C'est la fin de l'année qui nous dira jusqu'où le gouvernement devra intervenir dans le cadre de sa loi d'assurance de stabilisation des revenus agricoles québécois.

Donc, le budget, pour l'année 1975, sera de $169 millions et quelque $100,000. Je n'ai pas les résidus en tête, mais c'est $169 millions et plus. Les programmes réguliers seront maintenus, sans aucune difficulté, avec le budget que nous avons, et il est possible que nous ayons à faire appel à des budgets nouveaux, notamment en ce qui concerne l'assurance-revenu. Lorsque nous déposerons cette loi, il y sera inscrit que,chaque fois que pour l'année I975 il y aura matière à intervention, nous prendrons l'argent à même le fonds consolidé de la province de Québec pour ainsi satisfaire les exigences de cette loi et les besoins des producteurs.

Une autre loi probablement nécessitera des budgets additionnels, que nous retrouverons dans cette loi aussi, c'est la loi qui créera bientôt une société d'initiative agricole, alors que nous entendons investir soit au chapitre des grains de provende, soit au chapitre de toute autre activité commerciale; cette loi nécessitera des déboursés nouveaux soit sous forme de commercialisation ou sous forme de participation à du capital-actions ou autrement. Nous aurons l'occasion d'en discuter lorsque cette loi sera déposée.

Une autre loi qui commandera, bien sûr, des dépenses additionnelles et qui sont prévues également dans cette loi, c'est la loi d'aménagement du territoire agricole et de la protection des terres arables au Québec. Cette loi sera également déposée bientôt et elle commandera, sans doute, des budgets additionnels qui sont prévus, déjà, dans cette loi.

Quant aux autres programmes réguliers, le budget actuel, d'après nous bien sûr, suffit pour satisfai re les besoins, mais encore là, tout dépendra de la clientèle.

Si les producteurs agricoles s'en prévalent une fois ou deux fois plus que l'an dernier, il est possible que vis-à-vis de certains programmes, nous soyons obligés de faire comme d'autres ministères le font et comme nous l'avons fait au cours des années passées, obligés dis-je,de faire appel à des budgets supplémentaires.

Le budget que nous allons commencer à étudier bientôt, soit aujourd'hui ou demain, reflète nécessairement le désir du ministère de doter le secteur agricole, comme nous avons commencé à le faire, de structures, de commercialisation, de prix, de stabilisation des revenus agricoles, de découvertes de nouveaux marchés, le désir du ministère d'aller plus loin dans ces différents secteurs et de mettre en place des structures nouvelles et des programmes nouveaux pour que ces objectifs soient atteints.

Nous avons toujours, bien sûr, à l'esprit,

comme nous l'avons préconisé dès le début, cette sorte d'auto-approvisionnement au Québec en matière de céréales; cette sorte de désir, également, du ministère de satisfaire le plus possible les besoins des consommateurs québécois.

Nous sommes, bien sûr, conscients, en même temps que cela serait rêver en couleur que de penser qu'on peut mettre sur la table du consommateur québécois tous les besoins que ce dernier a, toutes les denrées qu'il consomme. Un certain nombre de ces denrées ne peuvent être produites au Québec et un certain nombre d'autres denrées, même si elles peuvent être produites au Québec, parce que cela fait peu d'années qu'elles sont implantées, ne peuvent encore, au cours des deux ou trois prochaines années, atteindre l'objectif que nous nous étions fixé. Mais, du reste, un certain nombre de ces productions ont déjà atteint le but visé.

J'espère, M. le Président, que nous discuterons comme d'habitude, avec objectivité, chacun des programmes que le ministère propose dans le livre du budget. Je n'ai pas d'inconvénient à ce que des critiques soient faites, c'est tout à fait normal. C'est le rôle de l'Opposition de critiquer les politiques gouvernementales, mais c'est aussi son rôle d'amener des propositions qui ont un caractère positif de telle sorte que le gouvernement soit plus éclairé et ainsi, puisse, de temps en temps, amender ses programmes pour satisfaire, non pas au désir de l'Opposition, mais aux besoins du milieu.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pilote): Avant de céder la parole aux représentants de l'Opposition, je voudrais vous mentionner les changements suivants: M. Bé-rard (Saint-Maurice) remplace M. Carpentier (Laviolette). Le rapporteur de cette commission est M. Faucher (Nicolet-Yamaska).

La parole est au député de Saguenay.

Commentaires de l'Opposition

M. Lessard: J'ai l'intention de prendre vingt minutes pour faire, en tout cas, le début de mon intervention préliminaire, quitte à permettre au député de Beauce-Sud d'avoir dix minutes avant le souper, étant donné qu'il n'est pas assuré d'être capable d'être ici ce soir.

Cependant, je pense que même si les députés voudront faire des interventions, si mon intervention n'était pas terminée à l'intérieur des vingt minutes, j'espère qu'on pourra me permettre de terminer à la reprise de la séance à 8 h 15.

Le Président (M. Pilote): Tous les membres sont d'accord sur cette suggestion? D'accord.

M. Lessard: J'ai écouté le ministre et je n'ai pas constaté de modifications par rapport à la situation qu'il nous décrivait l'an dernier, sinon encore une situation peut-être plus déplorable dans le secteur agricole.

Le ministre me faisait remarquer tout à l'heure que je semblais être moins agressif dans mes interventions concernant le secteur agricole. Ce n'est pas, M. le Président, que je sois moins agressif, c'est que je commence à être passablement découragé de voir le ministre, continuellement, se cacher les vrais problèmes agricoles. Le ministre est un médecin qui fait desdiagnostics, mais qui ne veut prendre aucun remède pour résoudre les problèmes les plus graves.

Qu'on le veuille ou pas, M. le Président, l'agriculture est de plus en plus, dans certains secteurs, dans une situation désastreuse et, malgré tout ce que pourra nous dire le ministre, tant et aussi longtemps qu'il ne prendra pas les mesures concrètes et les mesures nécessaires pour protéger efficacement ce secteur, l'agriculture, quelles que soient les subventions que voudra bien accorder à ce secteur le ministre de l'Agriculture, sera toujours un secteur sans fonds, un secteur où il sera pratiquement impossible qu'il devienne dynamique, un secteur, M. le Président, où on perdra toujours de plus en plus de force, un secteur où ce sera toujours l'Ouest qui sera favorisé, parce que le "fédéralisme rentable" va à l'encontre des intérêts du Québec, dans ce secteur.

Le ministre tente, à chaque reprise des crédits, d'analyser secteur par secteur, et nous dire: Voici, on constate dans tel ou tel secteur qu'il y a une baisse; mais jamais le ministre ne s'interroge véritablement sur la cause fondamentale qui fait qu'au Québec on ne contrôle pas notre agriculture. Au Québec, on ne contrôle pas nos marchés. Au Québec, nous sommes devenus la poubelle de l'Amérique du Nord comme du Canada en ce qui concerne les produits agricoles. Il me semble que le ministre, chaque fois qu'il y a une crise, que ce soit en ce qui concerne la contestation de l'importation du poulet volaille en provenance des Etats-Unis, que ce soit en ce qui concerne la situation déplorable du boeuf que nous avons vécue en octobre et novembre dernier, tout cela revient toujours à la même chose.

Le Québec ne peut pas assureraux producteurs québécois un marché qui lui appartienne. Le marché québécois, dans le secteur agricole, appartient aux autres. Le marché québécois dans le secteur des oeufs, dans le secteur de la volaille, dans le secteur du boeuf appartient aux autres, appartient aux Australiens, aux Américains, aux Canadiens anglais comme aux provinces de l'ouest, mais n'appartient pas aux Québécois. Le problème fondamental est là, M. le Président.

Le ministre devrait arrêter de faire comme une autruche et constamment se cacher la tête dans le sable et de continuer de prôner le fédéralisme rentable quand, chaque fois qu'on a un problème agricole, qu'on soulève des questions à l'Assemblée nationale, le ministre nous dit tout le temps: Je n'y puis rien, ce n'est pas ma faute, c'est toujours la faute du gouvernement d'Ottawa. Le 18 janvier dernier, lors de sa conférence de presse, le ministre disait, en ce qui concerne le surplus des oeufs au Québec, alors qu'on produit autour de 60% de notre consommation: Ce sont les producteurs canadiens qui n'ont pas respecté leur quota.

Le ministre nous dit encore: Je n'ai pas de pouvoirs pour faire respecter ces quotas. Ce qu'on dit au ministre de l'Agriculture, et on l'a dit depuis 1970,

on va le lui répéter, on va discuter des politiques sectorielles comme telles, on va discuter de certaines politiques concrètes qui ont été faites par le ministre. Mais le problème global de l'agriculture, il va être encore en dehors de cette commission parlementaire. Le problème global de l'agriculture, le ministre va encore se le cacher. Le problème global de l'agriculture, le ministre ne veut pas en prendre conscience. Et pourtant, ça lui arrive quelquefois d'avoir quelques remords et de dire: C'est vrai que je n'ai pas tous les pouvoirs en agriculture.

On le verra tout à l'heure quand on parlera d'un article qui a été publié ce matin dans le journal Le Devoir où, encore là, on démontre concrètement, clairement, que l'agriculture au Québec appartient aux autres, au gouvernement fédéral; ça ne nous appartient pas. Parce que le problème fondamental est une question de mise en marché. Le problème fondamental est aussi une question de contrôle du marché. Malgré le fait que le ministre de l'Agriculture va continuer de subventionner les producteurs de boeuf, jamais le ministre de l'Agriculture ne pourra empêcher l'importation du boeuf américain; jamais le ministre de l'Agriculture ne pourra empêcher l'importation du boeuf de l'Australie ou l'importation du boeuf de l'Ouest.

Il va faire quelques démarches auprès de son homologue, comme dirait un de ses collègues, de son "monologue" au Parlement fédéral. Mais ça ne changera pas grand-chose. Parce que la politique agricole du gouvernement fédéral n'est pas faite pour l'Est, c'est fait pour l'Ouest. Cela me paraît être le problème fondamental et il me semble que le ministre, après tant d'échecs, en particulier dans le secteur du boeuf, alors qu'il y a eu des investissements considérables de l'Etat qui ont été mis là-dedans, tout ce secteur s'est écroulé, du jour au lendemain, par suite du fait qu'on ne contrôle par nos marchés...

En octobre et novembre dernier, pendant que des agriculteurs sortaient dans la rue pourcontester les prix qui leur étaient offerts en ce qui concerne le boeuf, il y avait des bateaux de l'Australie, il y avait des wagons en provenance des Etats-Unis qui étaient remplis de boeuf et qui entraient sur le marché québécois. Le ministre de l'Agriculture nous disait: Ce n'est pas ma faute, je ne contrôle pas le commerce, tant interprovincial que le commerce en provenance des autres pays.

Ce que je dis au ministre, c'est qu'il n'y a pas un pays du monde, que ce soit au niveau du marché commun — il y a des négociations qui peuvent se faire, il y a des ententes qui peuvent se faire — mais il n'y a pas un pays du monde qui accepte d'être, en ce qui concerne les produits agricoles, la poubelle des autres pays. Au moins, dans le marché commun, les pays européens ont un mot à dire. C'est une véritable négociation qui se fait, au niveau de ce marché commun, en ce qui concerne les produits agricoles.

Mais le ministre ne négocie pas avec le gouvernement fédéral, le ministre n'a pas le pouvoir de négocier avec le gouvernement fédéral parce que l'agriculture ne relève pas du ministre provincial.

Une véritable politique agricole ne relève pas de ce ministre provincial ou de ce ministre régional, pourrais-je dire, mais, en vertu de la constitution canadienne, cela relève d'abord du ministre à Ottawa. Nous allons continuer de dire cela. Malheureusement, c'est dans ce secteur agricole que l'on se fait le plus organiser, que l'on se fait le plus "fourrer", et le ministre ne semble pas en prendre conscience.

Il n'est pas question, M. le Président, que les producteurs québécois se mettent à produire des bananes, une fois qu'on contrôlerait nos frontières. Non, on ne se mettra pas à produire des bananes et des cocos de singe du jour au lendemain. Cependant, il y aurait moyen, là où nous avons des avantages comparatifs, de s'assurer que la production québécoise soit d'abord vendue prioritairement aux Québécois. Quand vous pensez que, dans le secteur des oeufs, par exemple, on ne produit que 55% à 60% de notre consommation et que nos producteurs ne sont même pas capables d'avoir la priorité sur leurs marchés. Dans ce secteur, comme dans celui de la production des patates, nos producteurs subissent la concurrence des autres. Le ministre nous dit: Je n'ai pas de contrôle. Les producteurs canadiens n'ont pas respecté leur quota. En ce qui concerne la pomme de terre, on sait, depuis nombre d'années, que, grâce aux subventions de transport du gouvernement fédéral, c'est rendu qu'il en coûte moins cher de payer une poche de patates en provenance du Nouveau-Brunswick, à Montréal, que de payer une poche de patates de nos producteurs québécois.

Le ministre nous dit: Ce n'est pas ma faute. Je n'ai pas de contrôle sur les frontières du Québec, en matière agricole. M. le Président, que le ministre nous dise donc une fois pour toutes qu'il n'a pas le contrôle de l'agriculture québécoise. Que l'agriculture, à un moment donné, est la responsabilité d'un autre. Que le ministre nous le dise donc, une fois pour toutes, franchement, honnêtement et qu'il arrête de nous planifier de vastes programmes. Que le ministre nous dise donc qu'il est incompétent dans le système actuel, non pas à cause de son incompétence individuelle, mais de l'incompétence, comme telle, en vertu du système.

Même si le ministre subventionne le producteur québécois à coup de millions de dollars, il ne pourra jamais assurer une agriculture vivable, une agriculture rentable, comme une agriculture dynamique, tant et aussi longtemps qu'il n'aura pas le contrôle de ses frontières. Que le ministre ne vienne pas me dire que je veux établir un mur de Chine autour du Québec. Du tout, mais, par exemple, il y a une chose. Quand on pourra négocier d'égal à égal et avoir des pouvoirs en matière agricole, on pourra facilement dire, comme cela se fait dant la Marché commun: D'accord, nous allons avoir des ententes avec vous, mais vous allez les respecter. Si, par exemple, notre quota, en ce qui concerne les oeufs, notre possibilité de production est 55% de notre consommation, d'accord, nous allons importer de chez vous 45% de notre consommation, mais, par ailleurs, vous allez acheter notre poulet de gril.

Nous pouvons ainsi faire des échanges, mais ces négociations sont absolument impossibles. Le ministre est toujours à genoux devant le gouvernement fédéral. Ce n'est pas sa faute, c'est le système qui le veut. Malgré tous les grands programmes de planification, nous arriverons toujours au même résultat. Nous pourrons avoir une agriculture de survivance, mais nous ne pourrons jamais avoir une véritable agriculture au Québec.

En ce qui concerne le budget, maintenant, on dirait qu'il n'y a que le ministre qui a le pas au Québec.

C'est comme la mère qui voyait son garçon dans l'armée. A un moment donné, il ne suivait pas les autres du tout et il n'avait pas la même façon de marcher que les autres. Elle a dit: Regarde donc, tous les autres se sont trompés. Les autres se sont tous trompés, il n'y avait que son fils qui avait le pas. Le ministre, depuis plusieurs années, est seul à avoir le pas. C'est drôle, à un moment donné, quand on lit des commentaires de différents journaux, au Québec, on constate que l'agriculture va mal et que le budget agricole au Québec a diminué. Mais le ministre de l'Agriculture n'a pas de problème, comme il nous l'a dit l'an dernier. L'an dernier, il nous disait exactement la même chose. Il va être capable de faire face à la situation en ce qui concerne les programmes normaux du ministère. Il n'avait pas besoin, l'an dernier, de budgets supplemental res. Cela allait bien. Il était satisfait du budget qu'on lui accordait en ce qui concerne l'agriculture. Cette année, il l'est encore, parce qu'il s'y est soumis.

Depuis ce temps, sa menace de démission, il l'a retirée. Cette année encore, le ministre de l'Agriculture nous dit: Je suis satisfait, malgré le fait, M. le Président — à moins qu'il n'y ait que le ministre qui ait le pas — que tous les éditoriaux des différents journalistes au Québec, malgré le fait que quantité de journaux, tant régionaux que provinciaux, aient remarqué une diminution, à un moment donné, du budget de l'Agriculture. Le ministre continue de nous dire: II n'y a pas de problème. On va arranger cela avec les budgets supplémentaires qui viendront.

Ce qu'on a à juger aujourd'hui en commission parlementaire, ce ne sont pas les budgets qui vont venir dans trois mois, dans quatre mois et dans six mois, les budgets qui vont être acquis de peine et de misère en sortant dans la rue, en contestant et en forçant la main du ministre, et, quand on ne sera pas capable d'avoir la main du ministre, on sautera pardessus le ministre et on ira voir le gouvernement Bourassa, on ira voir le premier ministre Bourassa. C'est comme cela que les $15 millions, sur les $22 millions, à un moment donné, on les a obtenus.

Ce qu'on a à discuter des crédits, ce sont les crédits qui sont prévus en vertu du budget. Or, les crédits prévus en vertu du budget, c'est quoi?

Voici ce qu'on nous dit: — je n'ai pas tout sorti, ce sont quelques journaux — "L'agriculture reste le parent pauvre de la Belle Province"; c'est dans La Voix de l'Est du mercredi 26 mars 1975. Dans Le Journal de Québec, le mercredi 26 mars 1975 aussi: "L'agriculture y goûte encore". A la même date, dans le journal Le Jour, qui est un journal indépen- dant, comme vous le savez: "Les producteurs québécois n'ont pas à se réjouir". Dans le journal Le Devoir: "Agriculture, culture et immigration n'obtiennent pas les crédits espérés". Dans Le Droit, même à Ottawa, on nous souligne que l'Agriculture n'a pas les crédits nécessaires: "Baisse de près de 5% au chapitre agricole". Dans Le Nouvelliste, le mardi 1er avril 1975: "Les agriculteurs n'ont jamais été choyés par le Conseil du trésor."

Le ministre de l'Agriculture nous dit: Je suis satisfait. C'est moi qui suis responsable de l'agriculture au niveau du Conseil du trésor, malgré le fait — j'y reviendrai après le souper — qu'il nous explique qu'il est obligé de prendre trois fois plus de temps pour expliquer l'économie agricole au Conseil du trésor. Le ministre nous dit: Je suis satisfait.

C'est la satisfaction éternelle du ministre qui est poigné avec ses problèmes, qui sait qu'il n'est pas capable d'y trouver de solution, qui sait que le système va à rencontre de toutes nos politiques d'insuffisance, mais, encore là, comme on le verra et comme je continuerai d'intervenir après, le ministre ne bouge pas, le ministre ne prend pas ses responsabilités vis-à-vis des agriculteurs. On en reparlera encore après le souper.

Le Président (M. Pilote): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. Je veux remercier mon collègue de Saguenay de m'avoir accordé une partie de son droit de parole avant le souper pour me permettre d'intervenir brièvement, parce que je n'ai que dix minutes à ma disposition pour faire des commentaires généraux concernant l'agriculture.

J'ai écouté le ministre tout à l'heure et je me suis demandé si j'entendais de mes oreilles le premier ministre — pas le premier ministre, je pourrais dire le dernier, si on regarde le budget — le ministre de l'Agriculture du Québec. Je me suis demandé réellement si j'étais bien à l'étude des crédits du budget du ministère de l'Agriculture de la province de Québec, tellement le ministre me semblait complètement à côté et complètement ingorant des problèmes réels qui confondent les agriculteurs québécois. J'aurais été porté à conclure après avoir entendu le ministre que ce n'était pas le ministre de l'Agriculture, mais plutôt le ministre des théories agricoles.

Le ministre a une théorie sur les patates, le ministre a une théorie dans les légumes, le ministre a une théorie dans les grains de provende, le ministre a une théorie dans les oeufs de consommation, le ministre a une théorie dans les bovins de boucherie, le ministre a une théorie dans tous les domaines. Le ministre a des théories. Des théories, nous en entendons depuis 1970, toujours des théories et, à entendre les théories, je me demande sincèrement si le ministre est au courant de ce qui se passe dans la province de Québec, parce qu'il nous donne l'impression d'avoir l'air convaincu. Cela est assez étonnant pour quelqu'un comme lui qui a oeuvré dans le milieu agricole, qui a oeuvré dans le syndica-

lisme agricole pendant de très nombreuses années puisqu'il a failli en faire carrière. C'est là qu'on peut se poser de très sérieuses questions.

Lorsque le ministre arrive et nous dit qu'il y a des jeunes qui se sont établis dans l'agriculture la semaine dernière...

M. Toupin: L'année dernière, pas seulement une semaine.

M. Roy: L'année dernière, je m'excuse, il y a un an. Si on fait l'inventaire du nombre d'agriculteurs qu'il y avait au début de l'année et qu'on le compare avec les chiffres de la fin de l'année, on constate que cela n'a pas été un progrès. Cela n'a jamais été un progrès depuis 1970. Le ministre vient de me dire encore qu'il va en partir encore. Le ministre dit cela avec le sourire, avec une certaine satisfaction comme si ces choses étaient normales. Est-ce que le ministre se rend compte actuellement du mal et du tort qu'il est en train de faire au Québec? L'économie rurale, rien ne va plus dans ce domaine. Il y a plusieurs localités, plusieurs régions de la province actuellement qui connaissent de multiples difficultés parce que, dans l'industrie agricole, cela ne fonctionne pas. On a éloigné le plus possible les points de transformation des produits agricoles des producteurs. Nous sommes intervenus, mon collègue de Saguenay et moi, encore l'automne dernier dans le cas d'un groupe de producteurs du comté de Dorchester, du comté de Bellechasse et du comté de Montmagny pour tâcher d'inciter le ministère de l'Agriculture à intervenir — il n'a pas besoin d'aller demander de permission là-dessus — auprès des industriels laitiers du Québec — pas les industriels laitiers du Manitoba, pas les industriels laitiers de l'Ontario, les industriels laitiers du Québec — pour tâcherque ceux-ci continuent à recevoir la production des petits et des moyens agriculteurs.

Ce qu'on est en train de faire au Québec actuellement? Je serais curieux de voir justement les statistiques et avoir les données du ministre de l'Agriculture, concernant l'établissement des jeunes agriculteurs, pour découvrir combien il y ade jeunes qui justement sont venus à l'agriculture sans prendre le bien ancestral ou le bien familial, parce que, pour avoir travaillé dans le domaine de l'établissement agricole, j'ai été en mesure de me rendre compte qu'aujourd'hui, si quelqu'un veut s'établir dans l'agriculture et veut s'acheter un établissement autre que l'établissement familial, il n'a pas les moyens, il n'a pas les capitaux voulus pour être en mesure de faire les achats nécessaires, être capable de s'installer et s'organiser pour respecter seulement les normes exigées par ce même ministère de l'Agriculture, afin d'avoir droit aux subventions gouvernementales.

On me dira peut-être que dans certaines régions du Québec, ce n'est pas le cas. C'est possible, c'est non seulement possible, mais plus que probable; la région du Richelieu, la région de Nicolet, la région de Joliette représentent des caractères particuliers. Qu'on aille dans les autres régions du Québec, par exemple, et qu'on aille voir le problème réel auquel les agriculteurs ont eu à faire face. Le minis- tère de l'Agriculture du Québec a refusé systématiquement de prendre ses responsabilités lorsqu'il s'agit de protéger les intérêts d'une classe de moyens et de petits agriculteurs qui n'avaient pas les moyens, qui ne pouvaient pas, à cause, premièrement, du nombre d'années qu'il leur restait, pour vivre et pour continuer à exploiter une exploitation agricole ou encore, compte tenu de la situation dans laquelle ils se trouvaient, par rapport au contexte économique de leur milieu. On les a obligés, ces gens, à fermer boutique tout simplement, à abandonner la production laitière. Ces gens se sont lancés dans l'élevage du bovin de boucherie, étant donné la grande publicité que le gouvernement a faite.

L'automne dernier, lorsqu'ils sont arrivés pour mettre leurs bovins sur le marché, que s'est-il produit? Les cultivateurs ont été obligés de manifester, les prix étaient à plat, et pendant ce temps, il y avait la journée de la grande manifestation agricole. Il y avait quatre navires dans le port de Montréal en provenance de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie qui arrivaient avec des chargements de viande et qui livraient de la viande dans le port de Montréal, pendant que les agriculteurs du Québec manifestaient.

Si le ministre est intéressé et, au cas où il ne serait pas au courant, je pourrais lui faire parvenir, demain ou après-demain, le nom des navires, les dates, le tonnage, et je pourrais lui faire parvenir énormément de documentation là-dessus.

M. le Président, je m'inquiète du fait que le ministre semble très intéressé à avoir les informations. Je m'inquiète, parce que cela aurait été son travail et sa responsabilité de faire ces recherches. Mais non, on ne veut pas déranger les règles du jeu. Ces mêmes producteurs, qui n'ont pas été capables de vendre leurs bovins de boucherie, l'automne dernier, se sont résignés à les garder en attendant de meilleurs prix. Comme c'étaient de petits et de moyens producteurs...

M. Toupin: Qui vous a dit qu'on ne les avait pas, ces statistiques? Je vous ai regardé. Je pensais que vous alliez les apporter. C'est pour cela que j'ai dit: Peut-être qu'elles ne correspondent pas aux nôtres.

M. Roy: Bon! On prendra le temps d'examiner cela quand on viendra à l'étude de chacun des chapitres...

M. Toupin: D'accord!

M. Roy: ... qui sont......sur ce point.

M. Toupin: ... apportez-m'en.

M. Roy: Je voulais dire ceci au ministre: Ces petits et moyens producteurs du Québec qui s'étaient lancés dans l'élevage du bovin de boucherie, en s'organisant ou en planifiant un programme de deux, trois, quatre ans en vue de venir à avoir un troupeau suffisant, n'ont même pas été admissibles ou en partie admissibles aux politiques de subventions qui ont été annoncées pour venir en aide aux éleveurs de bovins de boucherie.

Cela a justement été un des problèmes auxquels nous avons eu à faire face. Mais ce qui est le plus grave, c'est que, pendant le temps qu'on n'a rien fait pour les petits et les moyens producteurs laitiers du Québec, le Québec achetait, au grand plaisir des importateurs, de plus en plus de beurre en provenance des autres pays. Je me permettrai de citer à l'attention du ministre quelques chiffres et je vais les citer également à l'attention des membres de la commission.

Le Canada a importé, pour la période du 1er avril 1974 au 31 décembre 1974 — pour une période de neuf mois — 41,716,000 livres de beurre, et ce sont les statistiques officielles du gouvernement fédéral, données par le journal des Débats de la Chambre des communes du 24 mars 1974, page 4403. Si le ministre veut des documents, je vais lui en donner, je vais lui en citer.

Nous avons importé au pays 41,716,000 livres de beurre, et, ce qui est intéressant, surtout, c'est de voir les prix, à une moyenne de $0.59 la livre, alors qu'on a augmenté les prix de façon considérable pour les consommateurs du Québec.

Pour résumer, on peut se poser de sérieuses questions et se demander si le ministère de l'Agriculture, consciemment ou inconsciemment ne fait pas actuellement le jeu du grand capital, des grandes sociétés pour détruire l'agriculture du Québec afin de leur laisser une place libre, la place exclusive, pour permettre aux multinationales d'exploiter les consommateurs québécois.

Si on regarde l'évolution de l'agriculture du Québec, qui n'a cessé de régresser depuis 1970, on ne peut que conclure que, dans tous les domaines de la production agricole actuellement au Québec...

M. Lessard: Par rapport au Canada.

M. Roy:... par rapport au Canada et par rapport aussi à l'augmentation de la consommation dans la province de Québec, nous avons régressé, dans tous les domaines.

M. Toupin: Ce n'est pas vrai.

M. Roy: Et inutile de vous dire que, si les importateurs, qui ont importé 41,716,000 livres de beurre à un prix moyen de $0.59 la livre, quand on regarde les prix actuels qu'on demande aux consommateurs du Québec, et qu'on fait un chiffre pour découvrir quelles sont les dizaines et dizaines de millions que ces sociétés encaissent en exploitant le consommateur du Québec, c'est là que je dis que le ministère de l'Agriculture du Québec fait preuve d'une inconscience épouvantable, d'une irresponsabilité épouvantable. C'est en effet que le premier secteur éco-nomiqued'une nation qui veut vraiment progresser, d'une nation qui veut vraiment être elle-même, d'une nation qui ne veut pas être à la merci des autres — je dis bien, à la merci des autres — et ne pas ramper devant les exigences de certaines grandes sociétés multinationales, c'est d'abord de faire en sorte d'utiliser son territoire, son sol et d'organiser sa production nationale comme telle.

Or, la province de Québec, M. le Président, a toujours été une province qui, dans bien des secteurs, dans bien des domaines, a toujours organisé une certaine autosuffisance. Dans ces domaines, compte tenu des politiques, des contingentements, on nous parle de formules, on nous parle de cas spécialisés. Je n'ai rien contre cela, au contraire. On nous parle d'office de producteurs, je n'ai rien contre cela, au contraire, mais le gouvernement semble vouloir reporter sur le dos des producteurs en leur disant: Organisez-vous. Il y a des formules, Servez-vous de ces formules. Avec ces formules, vous allez réussir. C'est évident qu'il y a une nécessité d'utiliser certaines formules comme les plans conjoints. Il y a une nécessité d'organiser les offices de producteurs, de créer certains organismes de mise en marché, mais jamais ces organismes, à eux seuls, ne réussiront à régler le problème des agriculteurs du Québec. Il faut l'action du gouvernement provincial et cette action du gouvernement provincial, je la résume en deux points particuliers: Tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas pris les moyens pour garantir des prix minimaux aux producteurs du Québec en premier lieu et, dans certaines productions, entre autres, si on n'a pas pris le soin de nous organiser ou d'utiliser un certain réseau d'entrepôts pour être capables d'entreposer les surplus en période d'abondance ou les productions très saisonnières, être capables d'entreposer le produit des agriculteurs et leur donner des avances et leur donner des paiements d'appoint pour ensuite être capables d'organiser la mise en marché, je dis, M. le Président, que nous n'en sortirons pas. Qu'on parle de la mise en marché, j'en suis. Il y a un problème de mise en marché, mais avant la mise en marché, il y a des choses essentielles à faire.

Il faut d'abord garantir une sécurité aux producteurs et jamais on ne leur garantira cette sécurité s'il n'y a pas des prix minimaux garantis, d'établis et, dans un deuxième temps, si on ne permet pas aux agriculteurs d'être capables de livrer leurs produits surtout dans le cas des productions saisonnières. Le ministre nous a dit aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, que, dans le cas des pommes, cela avait très bien fonctionné. Nous sommes d'accord que cela a bien fonctionné dans ce domaine et qu'il y a eu quelque chose de tangible de fait au niveau des producteurs de pommes. Il y a eu une amorce de faire au niveau du sirop d'érable. Je ne suis pas d'accord avec le prix de $0.35 la livre parce qu'on aurait pu se rendre à $0.40, cela n'aurait pas été exagéré et personne en aurait souffert dans la province de Québec. Mais n'eût été cette mesure, il y aurait encore eu un plus grand pourcentage d'agriculteurs cette année qui n'auraient pas entaillé leur érablière. C'est une mesure qui est arrivée à la dernière minute. Seulement le principe a été accepté. Je dis que, si le gouvernement a réussi cette année, à la suite de pressions et combien de fois avons-nous dû en parler, avons-nous dû intervenir à l'Assemblée nationale, lors de l'étude des crédits ou ailleurs, pour inciter le gouvernement à se décider d'entreposer la production du sirop d'érable qui n'était pas vendue, le gouvernement s'est décidé à

la dernière minute et déjà, cela a eu des effets bienfaisants.

Le principe qui vient d'être d'adopté dans ce domaine devrait se propager et se continuer ailleurs. Pour cela, le gouvernement aura besoin d'un autre budget que d'un budget qui a diminué par rapport au budget de l'an dernier. Je ne sais pas si c'est le manque de leadership du ministre, je ne sais pas si le ministre n'a pas les arguments nécessaires pour convaincre ses collègues de la trésorerie ou au cabinet des ministres, maison peut quand même se poser des questions sur le fait que les agriculteurs du Québec, dans le premier secteur de l'activité économique, sont toujours aux prises avec les mêmes problèmes.

M. Toupin: M. le Président, avant de suspendre nos travaux, si la commission est d'accord, je sais que le député de Beauce-Sud ne pourra pas revenir ce soir, et comme il est coutume en commission parlementaire que le ministre ait toujours le droit de réplique, si la commission est d'accord, je prendrais seulement deux ou trois minutes, pas beaucoup, seulement pour commenter le discours du député de Beauce-Sud. J'aurai l'occasion de commenter celui du député de Saguenay ce soir, quoiqu'il se résume à peu de chose, le discours du député de Saguenay.

M. Lessard: Je n'ai pas fini, vous allez voir, on va vous parler...

M. Toupin: J'aimerais commenter le discours du député de Beauce-Sud.

Le Président (M. Pilote): Est-ce que la commission est d'accord?

Des Voix: D'accord, d'accord!

Le Président (M. Pilote): Le ministre de l'Agriculture.

M. Lessard: C'est peut-être peu de choses, mais ce sont les plus importantes.

M. Toupin: Le député de Beauce-Sud, dans son intervention, m'accuse d'être un théoricien. C'est possible qu'on élabore des théories vis-à-vis de chacune des productions, cela m'apparaît tout à fait normal. Nous prenons les secteurs les uns après les autres, nous analysons les marchés, nous analysons les conditions de production, nous élaborons une politique qui peut s'appeler un régime théorique. Par la suite, nous appliquons concrètement nos programmes. Vous avez donné l'exemple le plus concret avec le sirop d'érable, avec la pomme, et vous avez donné l'exemple le plus malvenu avec le beurre et je vais le commenter.

Les producteurs du lait du Canada, notamment ceux du Québec — parce qu'ils sont les principaux producteurs de lait du Canada — ont produit 60% à peu près de la production du Canada, en matière de fromage, non pas en matière de lait, c'est 40% de la production laitière du Canada, la plus grosse province, en tout cas.

Il est vrai qu'on importe du beurre. On n'a pas à se scandialiser de ça, absolument pas, parce que les producteurs ont préféré, en 1970,1971,1972, orienter leur production laitière vers le fromage Cheddar. On a augmenté notre production de Cheddar de 167%, donc on ne produit pas de beurre, on produit moins de beurre.

M. Roy: Une augmentation de quoi?

M. Toupin: On a des marchés pour le fromage, cela a représenté pour les producteurs une augmentation de prix de probablement $0.20 à $0.22 les cent livres de lait. Le producteur est un gars sérieux, il sait compter, et voici qu'il s'est rendu compte qu'il y avait plus d'argent dans le fromage que dans le beurre et il a dit: Peu importe ce qu'en pense le député de Beauce-Sud, moi, je fais du fromage. Il a fait du fromage et cela l'a payé d'en faire.

Je ne lui reproche pas d'avoir fait du fromage. On en vend sur tous les marchés internationaux, partout; on rediscute actuellement avec la Communauté économique européenne pour entrer à nouveau sur le marché, parce qu'on avait le marché anglais, et on en a perdu une partie lorsque la Grande-Bretagne est entrée dans le Marché commun.

Maintenant qu'elle est entrée, on reprend nos discussions pour tenter de reprendre une partie de notre marché dans la Communauté économique européenne. On bat les Etats-Unis très largement avec notre fromage, et les producteurs québécois seraient malheureux si les Américains disaient demain matin: Votre fromage, gardez-le chez vous. Ils seraient malheureux les producteurs québécois. Vous pouvez être sûrs qu'ils le seraient. On échange. Evidemment il y a du bovin américain qui vient sur notre marché et il y a du fromage canadien qui va sur le marché américain. Il y a du porc québécois qui va sur le marché américain. Il y a du bovin américain qui vient sur le marché canadien et sur le marché québécois. C'est tout à fait normal.

Je ne vois pas d'inconvénient à ce que vous m'accusiez d'être théoricien, mais je pourrais en dire autant de votre côté sauf que les théories que vous avancez, quant à moi, sont déjà dépassées. Je vais vous donner un exemple. Je suis bien d'accord que l'agriculture soit un élément dynamique pour sauver le milieu rural. Les anciens politiciens ont prôné cela, vous savez, ceux qui étaient dans les campagnes...

M. Roy: Ce n'est pas de cela qu'on parle. Ne changez pas les termes.

M. Toupin: Sauvez les paroisses rurales. Sauvez nos petites fermes, etc.

M. Roy: Ce n'est pas de cela qu'on parle. Le ministre est en train de fausser...

M. Toupin: C'est simplement en termes de théorie, c'est simplement pour vous le rappeler.

M. Roy: Demeurez sur une voie de logique.

Le Président (M. Pilote): Je voudrais inviter le député de BeauceSud à écouter...

M. Lessard: Ce n'est pas de la culture de roches.

Le Président (M. Pilote): A l'ordre! Comme l'a fait le ministre, tantôt...

M. Ostiguy: ...vous dites que cela va bien dans certaines régions...

M.Toupin: M. le Président, je voudrais terminer par ceci : Je suis d'accord que la théorie que soutient le député de Beauce-Sud qui peut peut-être être un peu plus moderne si on met de côté les petits agriculteurs, et exactement ce que vient de dire le député de Saguenay, des terres de roches. Evidemment, c'est normal, il y en avait des terres de roches chez les agriculteurs et ils ont décidé de s'en aller. Je ne leur reprocherai pas de se casser les orteils ailleurs que sur les roches. Ce n'est pas moi qui vais le leur reprocher. Je ne pense pas que vous le leur reprochiez non plus. C'est tout à fait normal. Il y en a encore quelques-uns qui vont partir parce qu'il reste encore quelques terres de roches au Québec et les gars ne sont pas intéressés à cultiver sur des terres de roche.

M. Lessard: Ce n'est pas là...

M.Toupin: Laissez-moi aller! La théorie qui veut que nous cherchions à consolider les structures du milieu rural, je suis d'accord sur celle-là. Je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'on cherche à consolider l'infrastructure du milieu rural, parce qu'on cherche à garder des entreprises dans le milieu rural, à promouvoir le développement des entreprises dans le milieu rural, pour conserver une structure rurale qui soit valable et viable en soi. Tous, évidemment, tant que nous sommes, cela nous fait plaisir, de temps en temps de dire à nos amis, maintenant, alors qu'autrefois c'était moins vrai: Je me suis acheté une petite terre en milieu rural, je suis bien content d'être dessus; cela devient une sorte de loisir un peu sophistiqué, mais c'est déjà fait, c'est entré dans la mentalité et même il y a des députés du Parti québécois qui me demandent s'il y a des terres à vendre parce qu'ils seraient intéressés à en acheter.

M. Roy: Le ministre a quand même... Me permettez-vous une question?

Le Président (M. Pilote): II est six heures sept minutes, la commission suspend ses travaux.

M. Toupin: Une minute seulement. Je voudrais terminer par ceci, M. le Président, les propos du député de Beauce-Sud ont été teintés de trois éléments fondamentaux, un élément positif, je l'avoue, lorsqu'il a parlé des pommes et du sirop d'érable, un élément négatif lorsqu'il s'est mis à charrier un peu et un élément qui mériterait d'être révisé lorsqu'il parle de ses théories de "revivance" du milieu rural.

M. Roy: C'est très faible comme...

Le Président (M. Pilote): La commission suspend ses travaux à vingt heures quinze, ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 8)

Reprise de la séance à 20 h 24

M. Lafrance (président de la commission permanente de l'agriculture): A l'ordre, messieurs!

A la suite de la suspension des travaux pour le dîner, la parole est au député de Saguenay.

M. Lessard: Merci, M. le Président. A la fin de la séance de cet après-midi, le ministre, dans un début de réponse à mon intervention qui n'en était qu'à ses étapes préliminaires, disait que, en fait, le discours du député de Saguenay se résume à peu de chose. C'est vrai que le discours que j'ai pu faire avant le souper, avant le dîner, si vous voulez, se résumait à peu de chose, à savoir le contrôle des marchés, mais c'est ce peu de chose qui est essentiel à l'agriculture québécoise.

Avant d'entreprendre mes remarques particulières sur le budget précis que nous avons étudié, je voudrais encore essayer de démontrer au ministre que ce peu de chose est le problème fondamental. Il est vrai qu'il s'agit d'un article d'un professeur de droit constitutionnel à la faculté de droit de l'université Laval qui a paru, ce matin, dans le journal Le Devoir, dont on connaît quelquefois les allégeances, qui est rédigé par Gilles Rémillard. Je voudrais illustrer l'intervention que j'ai pu faire au début de cet après-midi par certaines affirmations de ce professeur de droit constitutionnel, qui démontrent que ce peu de chose est justement l'essentiel de la politique agricole et que, tant et aussi longtemps que le ministre se refusera à voir la réalité en face, le problème agricole sera très difficilement réglé au Québec et continuera d'être un tonneau sans fond auquel on donne des subventions continuelles, mais qui ne nous permettra jamais d'avoir une agriculture dynamique au Québec.

Pour illustrer ce phénomène, le professeur Rémillard commence par la fameuse subvention du boeuf. On dit: "Cette subvention semble avoir satisfait tout le monde." Je suis plus ou moins d'accord avec lui. "Elle n'a cependant pas réglé le problème du boeuf au Québec, pas plus d'ailleurs que les nouveaux projets ne résoudront le problème de l'agriculture québécoise. Ces mesures ne sont que des cataplasmes qui cachent une plaie de plus en plus profonde. C'est un secret de polichinelle que les difficultés de mise en marché des produits de la ferme sont la cause première de la situation difficile de l'agriculture québécoise actuellement.

Cependant, on ne peut reprocher au gouvernement québécois de ne pas proposer de véritables solutions aux problèmes, puisqu'à toutes fins utiles, la mise en marché des produits naturels relève de la compétence d'Ottawa. C'est vrai qu'on ne peut pas reprocher au gouvernement actuel le fait qu'il ne propose pas de politique de mise en marché parce qu'il n'a pas de pouvoir, il n'a pas de contrôle. Cependant, ce qu'on peut reprocher au ministre de l'Agriculture actuel, c'est de refuser à le dire aux agriculteurs, parce que — continue le professeur Rémillard — je n'ai pas l'intention de citer complètement l'article 95, c'est que l'agriculture relève d'abord du gouvernement d'Ottawa et non pas du gouvernement du Québec.

D'ailleurs, le ministre a eu déjà une réponse à ses tentatives d'affirmation d'une certaine autonomie administrative en ce qui concerne certains secteurs ou un secteur plus particulièrement agricole, lorsque le ministre a lancé FEDCO. Le professeur de droit constitutionnel rappelle que la cour Suprême du Canada avait déjà déclaré inconstitutionnel le fait pour une province de fixer par un organisme de mise en marché le prix d'un produit de la ferme. On se rappelle que FEDCO — et ce n'est pas le seul cas — a été tout simplement reconnue comme étant anticonstitutionnelle. Le professeur continue: C'est ce qui explique que M. Toupin, l'automne dernier, ne pouvait qu'accorder une subvention aux producteurs de boeuf. Il n'a pas la compétence nécessaire pour régler la véritable cause du problème. Le professeur Rémillard, dans le fond, ne s'attaque pas comme tel au ministre. Disons que je ne suis pas aussi tolérant. Je continue à croire qu'il appartient, qu'il est de la responsabilité du ministre de préciser exactement pourquoi l'agriculture québécoise ne peut pas fonctionner et pourquoi malgré toutes les subventions qu'on pourra verser, il serait extrêmement difficile d'en faire une agriculture dynamique. Toujours le professeur Rémillard dit: Les efforts fournis jusqu'à présent par le ministre de l'Agriculture, M. Toupin, pour donner au Québec une véritable politique agricole, sont impressionnants, mais malheureusement ne peuvent être efficaces. Ils sont fondamentalement en complète contradiction avec la politique agricole fédérale. C'est cela.

Dans le fond, peut-être que c'est vrai. Je le reconnais. On a peut-être un des ministres dans l'agriculture actuellement qui est probablement le plus conscient des réalités québécoises. Je ne le cache pas.

C'est un gars qui a travaillé au niveau du syndicalisme agricole. C'est un gars qui connaît les problèmes des agriculteurs. C'est un gars en qui l'UPA a eu une certaine confiance pendant un certain temps.

M. Giasson: C'est un gars formidable.

M. Lessard: Mais, M. le Président, c'est justement pourquoi le ministre est encore bien plus responsable. C'est pourquoi le ministre, actuellement, ne fait que conserver une image au gouvernement Bourassa. C'est pourquoi il est plus facile pour ce ministre, qui a déjà travaillé dans le milieu agricole, qui, je pense, connaît les problèmes agricoles. Ce ministre, M. le Président, lorsque les gens vont s'en apercevoir, va être d'autant plus blâmé, parce qu'il ne veut pas prendre conscience des réalités. En ce qui concerne les politiques contradictoires entre le fédéral et le gouvernement du Québec, on dit: Ainsi, dans le programme fédéral, il est établi que l'Ouest produit du boeuf et des céréales, tandis que le Québec produit du lait. Toutes les politiques fédérales en matière d'agriculture sont faites en ce sens.

Le ministre a dû prendre connaissance, ce matin, d'un article paru dans le journal Le Soleil, mardi le 15 avril, justement sur la commission d'enquête qui étudie la commercialisation du boeuf, où on dit: Tout indique, pour le moment, que l'élevage du bo-

vin de boucherie va demeurer une industrie marginale au Québec. Malgré le fait, M. le Président, que le ministre puisse intéresser les agriculteurs ou les producteurs, par des subventions, à se lancer dans ce projet, l'élevage du boeuf continuera de demeurer un secteur très marginal dans l'agriculture québécoise, parce que, comme je le disais cet après-midi, le Québec continue d'être la poubelle de l'Amérique du Nord dans ce secteur comme dans d'autres secteurs.

Je termine cette partie d'intervention par la conclusion du professeur Rémillard, où on dit: Le plan de développement intégré qui vise à l'autosuf-fisance du Québec, en matière agricole qu'a présenté M. Toupin en août dernier, doit être réalisé à tout prix, même au prix de l'indépendance.C'est de cela, M. le Président, que le ministre devrait prendre conscience lorsque je lui demande de prendre conscience de la réalité québécoise et de la réalité dans le système actuel.

C'étaient, M. le Président, mes remarques préliminaires à l'introduction de mes remarques particulières.

L'an dernier, le budget du ministère de l'Agriculture diminuait...

Le Président (M. Lafrance): L'honorable député de Saguenay, si je comprends bien, on s'oriente vers une étude des crédits qui va faire un plan d'ensemble, si vous voulez, un éventail de tout le programme au lieu d'adopter cela programme par programme.

M. Lessard: On va l'adopter programme par programme, mais cependant j'ai des remarques générales à faire. Je fais ces remarques générales et il est entendu qu'une fois que ces remarques générales sont terminées, cela va normalement beaucoup plus vite en ce qui concerne les programmes particuliers.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. Cela va.

M. Lessard: Alors, l'an dernier, le budget du ministère de l'Agriculture diminuait en valeur réelle en comparaison avec celui de l'année précédente, ceci, compte tenu de l'inflation. Dans un sursaut de dignité qui, d'ailleurs, devait être son dernier, le ministre déclarait alors à des étudiants de polytechnique: " Si je n'ai pas assez d'argent pour mes programmes, je prendrai mes responsabilités. Je prendrai ma décision, disait-il. Je ne sais pas laquelle, mais j'en prendrai une."

Depuis, on sait que le ministre a pris une décision, ou d'autres l'ont-ils prise pour lui? Celle de garder sa "job". Il faut dire que son gouvernement l'estime à peu près irremplaçable pour conserver, un tant soit peu, son image agricole.

Donc, le ministre dut s'occuper de son secteur avec son budget diminué. On sait ce qui se passait par la suite. Pris à la gorge, les producteurs agricoles décidèrent d'employer la méthode forte. Pris de panique, le gouvernement devint subitement conscient des besoins de l'agriculture québécoise, selon les termes mêmes du premier ministre, et l'on s'empressa de débloquer artificiellement une subvention spéciale, non prévue par le ministre, destinée à apaiser momentanément la classe agricole, mais qui n'a absolument rien réglé, comme j'ai eu l'occasion de le démontrer quelque peu lors des remarques générales.

Le pauvre ministre, l'an passé, expliquait comment il se faisait que son budget était si maigre. Au cabinet, disait-il, lorsque je viens défendre un programme agricole, il me faut prendre deux fois plus de temps pour un projet, deux fois moins coûteux que les autres projets présentés par un autre ministre. Chaque fois, je dois donner un cours d'économie agricole pour convaincre. On comprend le ministre. C'est normal, car le cabinet s'aligne tout simplement sur la politique de ses véritables maîtres à Ottawa pour lesquels il n'existe pas une chose telle qu'une politique agricole québécoise.

En octobre 1974, les agriculteurs se chargèrent de donner eux-mêmes le cours d'économie agricole au ministre. Il faut croire qu'ils furent plus convaincants que le ministre auprès du cabinet. Le plus incroyable fut qu'ensuite ce dernier eut le culot de se féliciter de la tenue de manifestations qui parvenaient à débloquer les crédits qu'il était bien incapable d'obtenir lui-même. On connaît la suite. Arrivèrent les bilans annuels. A écouter le ministre, malgré deux ou trois ombres au tableau, tout allait relativement bien. C'est d'ailleurs de cela qu'il a tenté de nous convaincre au cours de la période de la séance de cet après-midi, encore une fois en répétant les statistiques qu'il avait citées à sa conférence annuelle en janvier dernier.

Le bilan agricole québécois est pourtant clair. La base agricole de ce pays qu'on appelle le Canada se déplace vers l'ouest. Du point de vue fédéral, ceci est normal, naturel, désirable et rentable, politiquement et économiquement. Le résultat en agriculture — c'est le ministre qui nous le confirme — ici, c'est le marasme, là-bas, c'est l'abondance. Baisse de 9% du revenu net ici, hausse de 36% dans les prairies.

Quoi qu'en pense le ministre, si on ajoute l'augmentation du coût de la vie qui touche l'agriculteur comme les autres secteurs de la population québécoise, on arrive à une baisse de 21.4% du pouvoir d'achat de nos agriculteurs, baisse continue de la part québécoise dans les recettes agricoles du Canada. C'est d'ailleurs ce qu'affirmait, avant la fin de la séance de cet après-midi, le député de Beauce-Sud, en tenant compte, naturellement, de la production canadienne. Notre pourcentage dans la production canadienne — même les chiffres du ministre de janvier dernier le confirment — diminue constamment.

En 1970, 15.7% de la production canadienne. Autrement dit, les agriculteurs québécois produisaient 15.7% de la production canadienne. En 1971, 15.1%, donc diminution de six dixièmes de 1%. En 1972, 14.3%, en 1971, 14.1%, 1974, autour de 13%. Donc, la place de l'agriculture québécoise dans la situation globale de l'agriculture canadienne diminue constamment et, dans ce secteur comme dans d'autres secteurs de l'activité québécoise, on se

"maritimise", on s'appauvrit constamment. On perd du terrain et cela continue de bien aller pour le ministre de l'Agriculture dans ce secteur. Les revenus agricoles per capita les plus faibles sont au Québec, ils sont en dessous de toutes les provinces, même les Maritimes.

En plus de tout ça, on prévoit que le revenu net des agriculteurs au Canada devrait diminuer de 8% au cours de I975. En tenant compte de l'inflation prévue aux alentours de 10%, on arrive à un pouvoir d'achat moyen pour le cultivateur québécois en I975, à peu près égal aux deux tiers de ce qu'il était en I973. Evidemment, tout le monde, à commencer par les agriculteurs s'attendait cette année à une hausse substantielle du budget du ministère de l'Agriculture, surtout après les leçons qu'avait reçues, ou la claque magistrale qu'avait reçue le ministre de l'Agriculture en octobre et en novembre dernier, au moment où les agriculteurs avaient décidé de passer, suite surtout à l'assemblée du 10 octobre I974, par-dessus la tête du ministre et de s'adresser directement au cabinet.

Cette hausse de budget apparaissait comme essentielle pour redresser la situation. Il faut croire que le ministre est de moins en moins convaincant ou pire, de moins en moins lourd au conseil des ministres puisqu'il nous arrive encore avec son optimisme de commande et un autre budget de famine.

En fait, c'est une autosuffisance béate, si vous voulez. A moins que le ministre n'ait déjà prévu le facteur manifestation aux crédits que nous sommes présentement chargés d'étudier. Comme je le disais cette après-midi, ce n'est pas le budget de l'an 2000 qu'on a à étudier ou le budget dans six mois, mais c'est le budget que nous propose le ministre actuel de l'Agriculture, à ce moment-ci, le 15 avril I975.

Le ministre, même s'il ne le reconnaît pas tout à fait, a bel et bien vu les crédits budgétaires accordés à son ministère baisser cette année de 5% et il a déclaré dernièrement, à l'occasion d'une rencontre avec des producteurs, que ces crédits correspondent néanmoins, comme il le disait cette après-midi, au programme que le ministère entend mettre de l'avant au cours de la prochaine année financière. A moins que le ministre manque d'imagination et qu'il n'ait pas d'autres programmes à proposer et que le ministre dise encore, comme il nous le disait en janvier dernier: II n'y a pas de problème, ça va bien en agriculture.

Par exemple, dans le drainage, au rythme où le ministère de l'Agriculture fonctionne, ça va prendre 87 ans avant de pouvoir drainer les terres agricoles au Québec, tel que le recommandait la commission royale d'enquête en I966. Cela va bien en agriculture, il n'y a pas de problème. Il aurait été plus franc de la part du ministre de dire: Les programmes que le ministère pourra, cette année, mettre de l'avant, correspondent aux crédits alloués et bien d'autres programmes, tout aussi urgents, seront mis de côté, jusqu'à ce qu'un vrai ministre de l'Agriculture soit capable de sortir les crédits qu'il faudrait.

S'il faut aller chercher le ministre des Finances, même s'il ne connaît pas grand chose dans l'agriculture, peut-être que ce serait plus efficace pour les agriculteurs.

Remarquons que le budget de cette année équivaut à 2.06% du budget total du Québec. Si l'on tient compte des crédits supplémentaires qui pourraient porter — comme le disait le ministre — le total de cette année aux alentours de $185 millions, on arrive à 2.26% du budget total. Depuis 16 ans— je le rappelle au ministre — il y eut seulement 5 années où le pourcentage fut plus faible, et ces 5 années coïncident avec le gouvernement de M. Bourassa, donc avec l'administration de M. Toupin. Ce gouvernement, comme le disait M. Bourassa, tellement conscient des besoins de l'agriculture québécoise.

Mais, encore une fois, le ministre est satisfait de son budget. Je suis de plus en plus convaincu qu'on lui couperait les crédits de moitié qu'il serait encore satisfait. Il continue de prétendre, contre toute évidence, que tout va relativement bien à l'agriculture, que lui-même dispose de tous les pouvoirs et de tout l'argent dont il peut concevoir l'utilisation.

Somme toute, s'il en avait davantage, on peut supposer qu'il ne saurait pas quoi en faire. C'est pourquoi je comprends le ministre des Finances de ne pas accorder de crédits supérieurs au ministre de l'Agriculture, parce que, si on lui accorde des montants supplémentaires, cela va retourner probablement au fonds consolidé du Québec.

Compte tenu de la situation très critique dans laquelle se trouve notre agriculture, il faut se demander pourquoi, de plus en plus, le ministre s'empêtre dans des contradictions et des absurdités aussi manifestes.

C'est que le ministre est à demi aveugle. Depuis à peu près deux ans, le ministre ne voit que la moitié de la réalité que perçoit normalement tout homme de bon sens. Il y eut une époque où le gouvernement, dont fait partie le ministre, et le ministre lui-même s'efforçaient d'y voir clair dans tous les domaines. On n'avait pas peur et on se rappelle l'époque de I960, 1966, où on avait des ministres qui se tenaient debout et qui allaient négocier à Ottawa et qui lançaient même des ultimatums au gouvernement d'Ottawa. On n'avait pas peur, alors, de se poser des questions, de regarder des problèmes en face et de tenter de les résoudre. Mais là, on a tellement peur de revendiquer et d'avoir une réponse négative que nous sommes rendus qu'on ne revendique plus. Et on est toujours content, béatement heureux de revenir d'Ottawa avec quelques montants qui, à un moment donné, ne correspondent pas à ce qu'on souhaiterait, mais, en tout cas, ce n'est pas une défaite, ce n'est pas une victoire, mais par rapport à ce qu'on a affirmé, on n'a rien demandé et on a eu quelque chose. Cela devient un peu une victoire à un moment donné.

Encore en 1973, un document qui était prétendument un projet de politique globale en agriculture, intitulé: Plan directeur du développement du secteur agricole aboutissait naturellement — le ministre devrait relire son projet — à la conclusion suivante: Que le dédoublement des efforts et le chevauchement des compétences entre le fédéral et le Québec rendaient impossible l'application d'une politique globale en agriculture.

C'était la deuxième fois que le ministre nous disait cela. Il nous l'avait dit dans un document qu'il

avait déposé au Conseil des ministres, en 1971, et il continue de nous le répéter en 1973, mais c'est seulement pour consommation intérieure à l'Assemblée nationale. On ne va pas dire cela aux agriculteurs, parce que les agriculteurs pourraient peut-être prendre conscience que c'est vrai que le fédéralisme rentable, c'est à l'encontre des intérêts des agriculteurs au Québec. Même M. Bourassa se permettait encore, à l'époque, de déclarer que, sur le plan canadien, dans le domaine agricole, certaines situations sont préjudiciables au développement d'une agriculture québécoise dynamique. M. Bourassa devrait peut-être relire — je comprends qu'il oublie baucoup de ce temps-ci — le Devoir du 9 février1973. Il pourrait au moins reprendre connaissance ou reprendre conscience de sa déclaration. Mais, de ce temps-ci, on aime beaucoup mieux oublier que de voir les faits dans la réalité.

Cette époque de relative franchise est révolue. Maintenant, c'est très simple, on a décidé de ne voir que ce qu'on veut voir. D'ailleurs, dans un aveu fort révélateur qui, semble-t-il, a échappé aux media d'information, le ministre déclarait ceci, l'an dernier, précisément lors de l'ouverture de l'étude des crédits du ministère de l'Agriculture: "On a toujours soutenu que c'était difficile de séparer le politique de l'économique, mais moi, je veux le séparer, en ce qui concerne le secteur agricole". Plus loin, il devait préciser: "Comme je vous le disais tantôt, je mets de côté le problème politique, mais je l'envisage dans une perspective économique". Encore là, le ministre s'aperçoit qu'il n'y a pas de contrôle politique et qu'il n'y a pas de pouvoir. Il dit: On va essayer d'agir comme cela et on va se fermer les yeux sur le fait qu'on n'a pas de pouvoir politique et on va essayer de régler nos problèmes économiques. Toute cette réalité fondamentale, à savoir qu'il est difficile d'agir dans le secteur économique si on n'a pas de pouvoir politique, dans cela, le ministre se cache la réalité. Le ministre vient nous dire: Je ne veux pas faire de la politique autour de cette table, comme si on était ici pour faire de la catéchèse. On ne pourrait mieux décrire la politique de l'autruche.

M. Toupin: Ce ne serait pas mauvais d'en faire un peu.

M. Lessard: Refuser de voir en face une réalité qui dérange, se voiler la face en s'imaginant que le danger qu'on ne voit pas n'existe plus, oublier le proverbe qui dit que la difficulté qu'on refuse de regarder en face ne manque jamais de venir nous poignarder dans le dos.

Je pense, M. le Président, que le ministre possède cette expérience. Le problème, c'est que son "monologue" au fédéral, son homologue dis-je, au fédéral, pour ne pas utiliser une expression d'un de ses collègues, mais, vraiment, qui caractérisait la réalité, le ministre Whelan, lui, est un vrai ministre. Comme tout vrai ministre, il tient compte de la réalité politique. Cette réalité politique lui dit que, si son gouvernement en veut au pétrole de l'Ouest, il vaut mieux soigner les fermiers des Prairies aux petits oignons.

Autrement dit, si on va récupérer de l'argent du côté de l'ouest en ce qui concerne le pétrole, il va falloir compenser en leur donnant des subventions considérables concernant le secteur agricole. Cette année, les revenus des producteurs de grains sont les meilleurs depuis 30 ans. Drôle de coïncidence, par ailleurs, dans l'est du Québec, ce sont à peu près les prix les plus élevés qu'on n'avait jamais payés pendans le même temps.

M. Fraser: Je n'ai jamais...

M. Lessard: Le député pourra intervenir tout à l'heure, il aura toujours la possibilité de le faire, comme il est député d'une région agricole...

M. Fraser: Vous dites des demi-vérités et ne lisez jamais les journaux pour savoir que c'est le prix mondial de blé qui contrôle le prix du lait.

M. Lessard: D'ailleurs, le député de Huntingdon intervient tout le temps de cette façon. Quand c'est le temps de défendre les intérêts de ses électeurs, le député semble silencieux.

M. Fraser: Je n'aime pas les demi-mensonges, ni les demi-vérités.

M. Lessard: Le député reste silencieux, le député n'intervient pas. C'est le temps de prendre vos responsabilités. C'est le temps de le dire, on discute des crédits.

M. Fraser: C'est cela que je veux faire, ne pas laisser passer les demi-vérités ou les demi-mensonges comme...

M. Lessard: Vous me le direz si je suis menteur, vous me le direz et je serai heureux de le savoir. Vous me le direz si c'est faux, par exemple, que le revenu net de l'agriculteur québécois a diminué de 9% en 1975. Dites-le moi donc si je suis menteur.

M. Fraser: Vous n'êtes pas menteur, maisest-ce à cause de ce que M. Toupin a fait ou est-ce à cause du prix mondial...

M. Lessard: Quand ce n'est pas le fédéral, maintenant c'est devenu la pénurie mondiale.

M. Fraser: Est-ce que le prix du boeuf a baissé encore ou...

M. Lessard: On va voir tantôt, pour illustrer, je vais donner un exemple et des chiffres. Pendant que l'agriculteur québécois voit son revenu moyen diminuer de 9%, dans l'Ouest, c'est donc drôle que cela augmente considérablement. On va voir tantôt...

M. Fraser: Dans l'Ouest, il y a le blé, vous ne le savez pas?

M. Lessard: Oui, on va voir tantôt ce que cela a

donné le fédéralisme rentable de M. Bourassa dans l'agriculture. On va le voir. Pendant le même temps, les chiffres avancés par l'Union des producteurs agricoles, chiffres que le ministre n'a jamais démentis, établissaient à $8,000 ie revenu moyen des producteurs québécois. Est-ce que le député de Huntingdon pourrait me dire que j'ai menti en ce qui concerne cette affirmation, compte tenu des coûts de gestion, immobilisation des salaires, il l'a restreinte, $2,000 à $3,000 de revenu annuel, soit en bas de $l l'heure au taux de $0.70 approximativement. Ce n'est pas exactement le salaire minimum. J'ai d'ailleurs préparé un graphique de ce fait qui illustre pas mal mieux que des mots la situation de l'agriculture au Québec, comparativement à l'agriculture de l'Ouest. Cela me fait plaisir pour la connaissance du député de Huntingdon de le déposeren commission parlementaire. Probablement que cela va faire du bien. Regardez ce que cela donne à un moment donné, la courbe que cela peut donner, l'augmentation du revenu de l'agriculteur québécois, par rapport à l'augmentation du revenu de l'agriculteur de l'Ouest. Vous allez venir me parler encore du fédéralisme rentable.

M. Fraser: Voyons, mon cher ami...

M. Lessard: Le fédéralisme rentable pour les anglophones...

M. Fraser: Voyons, mon cher ami...

M. Lessard:... mais pas le fédéralisme rentable dans l'intérêt des Québécois, par exemple.

M. Fraser:... s'il y avait famine en Chine et s'il y avait famine en Russie, ce serait la faute de M. Tou-pin sans doute? Si les cultivateurs dans l'Ouest vendent leur blé...

M. Lessard: Oui, c'est la faute de M. Toupin. C'est surtout la faute du gouvernement libéral actuel qui ne prend pas ses responsabilités et qui est soumis à des minorités comme la vôtre...

M. Fraser: ... rêve en couleur.

M. Lessard: ...qui tentez de nous imposer unilatéralement vos décisions. C'est là le problème qui est fondamental dans le secteur agricole comme dans d'autres secteurs. Il est normal que le ministre refuse de voir en face tout l'aspect politique, car il serait obligé d'admettre qu'aussi bien du point de vue de la répartition des pouvoirs que de leur mise en application, le peu de contrôle que le Québec possédait sur son agriculture, est en train de passer en d'autres mains.

Pour reprendre un exemple récent, alors que notre sous-ministre assistait impuissant à l'effondrement des prix de la pomme de terre, quand je parle du sous-ministre, je parle du ministre régional actuel de l'Agriculture, qui assistait impuissant à l'effondrement des prix de la pomme de terre, c'est par télex qu'Ottawa aurait notifié le ministre — il nous en parlait cet après-midi — des grandes lignes de sa subvention spéciale destinée aux producteurs de pommes de terre. Ce télex a été adressé, pour l'information du député de Huntingdon, le 27 mars 1975, dans l'après-midi, et c'est sans aucune consultation que le fédéral annonçait une prétendue politique pour la pomme de terre...

M. Fraser: Quelle est votre solution pour les pommes de terre? Donnez-nous-la tout de suite.

M. Lessard: Je pense, M. le Président...

Le Président (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous plaît! Un instant, M. le député de Saguenay, si vous me permettez, je demanderais à tous les membres de la commission de réserver leurs interventions, et on pourra accorder le droit de parole à chacun en particulier et à tour de rôle. Si vous voulez tous parler, on vous laissera tous parler, sur les sujets que vous voudrez aborder. On demanderait à celui qui a la parole de la garder, de ne pas poser de questions à n'importe quel autre membre de la commission, et on demanderait aux autres membres de la commission de respecter le droit de parole de celui qui l'a déjà.

L'honorable député de Saguenay.

M. Lessard: Je suis complètement d'accord avec vous, M. le Président, mais comme il n'y a pas d'autre député de l'Opposition, il faut bien, à un moment donné, qu'on puisse mettre de l'activité un peu à l'intérieur de cette commission parlementaire. Je ne reproche aucunement au député de Huntingdon comme je le fais d'ailleurs assez souvent, d'intervenir au moment où je prends position sur des problèmes. On peut comprendre que je ne suis pas là pour, à un certain moment, féliciter le ministre. Je suis là pour essayer de lui ouvrir les yeux sur certains problèmes qui m'apparaissent importants.

M. le Président, les observateurs les plus avertis de cette érosion des capacités québécoises sont sans contredit les syndicats agricoles eux-mêmes et l'Union des producteurs agricoles particulièrement. Lors d'assises tenues récemment a Drummondville, au début de mars, un consensus se dégagea comme suit: On constate, disait-on, que le gouvernement provincial n'a jamais eu de politique complète et intégrée dans le secteur agricole. Or, on en a une sur papier, maison n'a pas les instruments nécessaires pour l'appliquer. Je continue, M. le Président: II faut donc l'inciter à développer une véritable politique québécoise qui n'hésiterait pas à innover et à faire preuve d'originalité. Du côté fédéral, l'Union des producteurs agricoles doit collaborer avec le gouvernement du Québec pour que celui-ci défende nos intérêts lorsque nécessaire.

De même, l'UPA devra tenir compte davantage du contexte fédéral dans lequel nous nous situons pour assurer une présence régulière du côté d'Ottawa. La corrélation des marchés interprovinciaux, le rôle évident du fédéral en matière de correction des inéquités entre provinces ou régions constituent autant de bonnes raisons pour assurer cette présence. On s'inquiète, entre autres, du fait que la part du revenu agricole québécois, à comparer à

l'ensemble du pays, ait diminué considérablement au cours des dernières années. A cela, probablement que le ministre va me répondre, comme cela a été le cas l'an dernier. Le seul pouvoir, disait-il, que le Québec n'a pas là-dedans, il est très simple. C'est qu'il n'a le pouvoir d'empêcher ni les entrées ni les sorties des produits. C'est le seul pouvoir qu'il n'a pas. Mais c'est malheureusement le pouvoir essentiel, qui ferait qu'on pourrait avoir une politique agricole. D'abord, ceci est complètement faux. Il y a bien d'autres pouvoirs que le Québec n'a pas, notamment dans le secteur où le fédéral a déjà légiféré.

Or, on sait que l'agriculture est aussi fédérale que l'immigration et qu'une loi n'a d'effets qu'aussi longtemps et autant qu'elle n'est pas incompatible avec une loi du Parlement d'Ottawa et, sur cela, le ministre pourrait lire l'article 95 de la BNA Act.

Sur cette question, M. Joron, actuellement à l'emploi de la direction générale de la commercialisation au ministère de l'Agriculture du Québec, écrivait, l'an dernier, dans La Terre de chez nous, le 10 juillet 1974, ce qui suit: "Dans tous les pays du monde, la politique tarifaire joue et continuera de jouer un rôle primordial dans le développement de l'agriculture. Si diverses interventions, notamment en matière de soutien des prix, contribuent à protéger de l'intérieur la stabilisation et le développement du secteur agricole, la politique tarifaire dans son sens le plus large constitue l'instrument de politiq ue économique privilégié de protection contre l'extérieur."

C'est un fonctionnaire du ministère de l'Agriculture qui l'affirmait, et quelles que soient toutes les lois concernant la stabilisation des revenus agricoles au Québec, le ministre sera toujours aux prises avec ce problème de contrôle des marchés. Or, je concl us en disant que le Québec ne possède pas cet instrument, et il ne l'aura jamais sous le régime actuel. Le ministre continuera sa politique de subventions et de lois de l'endettement agricole, faisant payer par les contribuables son absence de pouvoirs et conséquemment de politique tarifaire.

Bien souvent, pendant que le ministre subventionne les agriculteurs, à même les deniers du contribuable québécois, il subventionne indirectement les intermédiaires qui continuent à faire des profits excessifs. Encore là, le ministre nous disait, le 18 janvier dernier, lors de sa conférence annuelle, que, selon ses informations, il ne pouvait pas en conclure que c'était la faute des intermédiaires et que les intermédiaires faisaient des profits excessifs.

Il continuera à nous raconter, ce ministre, des absurdités sur une planification globale quand Ottawa accapare, en fait, le plus gros de la juridiction, tout l'aspect de la mise en marché dans l'intérêt national des "Canadians".

Allez en parler aux meuniers de cette politique globale, les meuniers qui, lorsque nous avons eu l'occasion de discuter de l'avant-projet concernant la Loi de la stabilisation des produits agricoles, nous déclaraient — c'est le 26 février dernier — ce qui suit: "II est évident, dans le même ordre d'idées, que, par cette voie, on amorcerait une planification intelligente des juridictions concurrentes d'Ottawa et de Québec en matière de prêt et de crédit à la production agricole, d'inflation, d'usines de production, d'intrants ou de transformation. Mais, continuait l'Association des meuniers du Québec, le fouillis actuel qui passe en certains milieux pour un fédéralisme rentable rend toute planification à long terme des structures industrielles du complexe agro-alimentaire impraticable."

D'ailleurs, dans son programme, c'est ce que le ministre nous affirmait.

Voilà, M. le Président. On peut maintenant aborder l'étude des sous-crédits et de sous-ministère dirigé par ce sous-ministre qui, en fait, en public, se prend pour un vrai ministre, mais dont le maître est ailleurs, c'est-à-dire à Ottawa.

M. Toupin: Amen.

M. Lessard: Amen, M. le Président. Lors des prochaines manifestations et lors des prochaines contestations des agriculteurs, vous irez leur dire amen comme vous avez dit amen le 10 octobre I974 quand vous n'avez pas été capable de prendre vos responsabilités pour leur dire exactement ce qui en était en ce qui concerne l'agriculture.

M. Toupin: M. le Président, j'ai dit un seul mot et regardez ce que cela a provoqué. Alors, je vais y aller plus lentement à l'avenir.

M. Lessard: Ah oui!

M. Toupin: En ce qui concerne les producteurs et les citoyens c'est en I977 qu'on saura, d'ici ce temps-là on va continuer à discuter.

Le député de Saguenay s'est référé, M. le Président, à l'étude de M. Rémillard. Il a dit, dans cette étude, tout ce qui faisait son affaire à lui, mais il n'a pas dit tout ce que M. Rémillard a dit de l'agriculture québécoise, tout ce que M. Rémillard a sorti de positif dans l'agriculture québécoise.

M. Lessard: Je l'ai cité.

M. Toupin: Bien sûr. Par chance que vous pouvez citer. Je me demande ce qui resterait, mais vous citez quand même seulement ce qui fait votre affaire. Alors, vous vous en êtes tenu à cette seule petite théorie qui commence vraiment à être petite pour moi tout au moins, dans mon esprit, parce que j'ai une opinion beaucoup plus objective des problèmes et québécois et canadiens et mondiaux. Je ne crois pas qu'on puisse vivre dans sa petite maison éloignée. Il faut regarder, il faut ouvrir ses yeux sur le monde. Si vous vous êtes référé à M. Rémillard, moi je vais me référer à Félix Leclerc. Il y a une chanson de Félix Leclerc qui porte le nom de L'agité.

M. Lessard: Oui.

M. Toupin: L'agité c'est un bonhomme qui s'adapte mal dans une société, qui a de la difficulté à la comprendre, qui a de la difficulté à la saisir et qui se sent très malheureux. On dit à l'agité: II pleut

dans ta chambre et tu prends pas garde. L'agité répond : Mon toit comme ma tête, les deux sont bien malades.

M. Lessard: Cela pourrait s'appliquer au ministre.

M. Toupin: Alors, on se réfère à des auteurs différents.

Je suis, M. le Président, convaincu que l'agriculture québécoise n'a pas encore atteint les niveaux qu'on voudrait bien sûr lui faire atteindre, ni en termes de revenu, ni en termes de production, ni en termes de productivité. Je ne crois pas qu'il y ait actuellement au Canada une province qui puisse se vanter d'avoir atteint tous ces éléments. Il y a des provinces, par ailleurs, qui profitent actuellement d'un certain nombre de productions qui sont typiques des provinces, notamment les céréales. Les céréales, pour les provinces de l'Ouest, c'est un peu le pétrole pour les pays arabes. C'est un peu le pétrole aussi pour une des provinces du pays, en particulier une autre de façon moins particulière. Alors, les marchés sont bons, la demande mondiale est forte et les productions sont présentes, donc on profite de situations et on fait des gains très rapides surtout à compter de I972. Quand vous prenez les statistiques d'avant I972, alors que les provinces de l'Ouest étaient aux prises avec des problèmes très larges, très grands et très profonds de commercialisation de leur provende, alors que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont été obligés d'imposer aux producteurs des restrictions au chapitre de la production, ce sont des périodes que les producteurs de l'Ouest ont vécues difficilement. Je ne sais pas jusqu'à quelle année va tenir cette montée du prix des céréales sur le plan mondial. Il est possible qu'un jour ou l'autre il y ait, de ce côté, effondrement des marchés comme on l'a connu au chapitre du bovin cette année, comme on l'a connu également au chapitre du sirop d'érable cette année à cause des surplus de production et à cause d'une demande mondiale qui est restrictive.

On a beau crier sur tous les toits que le prix du bovin est peu élevé. C'est vrai qu'il est peu élevé! Mais il n'est pas peu élevé seulement au Canada, il n'est pas peu élevé seulement au Québec, il est peu élevé partout dans le monde. Quand on discute des politiques provinciales, je suis bien conscient qu'il faut regarder ce qui se fait ailleurs. Ce n'est pas parce qu'on reste au Québec et qu'on s'appelle des Québécois qu'on est capable de faire des miracles. On peut rêver à des miracles, on peut penser qu'un jour ou l'autre, un miracle peut se faire, on peut penser ça. C'est chacun son choix dans ce domaine. Mais se limiter seulement à ça ne m'apparaît pas suffisant. Il faut vivre avec les réalités, et les réalités économiques, agricoles, sont celles que nous vivons tous les jours. Des correctifs sont apportés.

Nous ne sommes pas les seuls, au Québec, à verser des subventions aux producteurs agricoles, toutes les provinces du pays le font et tous les pays du monde le font. La France est probablement le pays au monde qui subventionne le plus l'agricul- ture. Les Etats-Unis mettent de l'argent en agriculture, non pas en termes de millions, mais en termes de milliards de dollars pour maintenir cette industrie qu'ils considèrent comme étant une industrie de base, comme le Québec considère l'agriculture comme étant une industrie de base.

C'est pour ça que nous y mettons des subventions quand le temps venu s'avère bon pour verser des subventions. On ne verse pas des subventions pour le plaisir de la chose. On verse des subventions quand les besoins sont là. Vous parlez de pression. Je peux bien parler des pressions. Nous avons versé des subventions aux producteurs de porc l'an dernier, il n'y a pas eu de pression. Nous avons senti un besoin...

M. Lessard: Vous avez versé... Le programme était de $4,500,000, vous avez versé $1,500,000.

M. Toupin: Si ma mémoire est bonne, je ne me rappelle pas avoir interrompu le député de Saguenay dans ses propos, nous lui avons laissé la parole près d'une heure. Je me suis contenu, je n'ai pas dit un mot, en dépit de tout ce qu'il a pu dire. Ce qui me fait rire, au fond, c'est qu'il ne croit probablement pas à 10% de ce qu'il a dit cet après-midi, à l'exclusion de l'affirmation d'un fédéralisme non rentable et à l'exclusion d'un rêve pour le Québec de s'entourer d'une belle clôture et de tenter de s'en sortir tout seul.

M. Lessard: Je regrette, mais...

M. Toupin: A l'exclusion de cela, il ne croit probablement pas au reste.

M. Lessard: Je pourrais dire que, dans des conversations privées, le ministre...

M. Toupin: C'est du texte.

M. Lessard:... m'a déjà dit que j'étais beaucoup plus près de lui qu'il ne le pensait lui-même.

M. Toupin: C'est vrai.

M. Lessard: II était beaucoup plus proche de moi.

M. Toupin: Je dois vous dire que, dans vos conversations particulières, vous n'êtes pas du tout le même.

M. Lessard: Non, dans mes conversations, je continue à croire ce que j'ai affirmé.

M. Toupin: Vous avez des propos qui sont plus réalistes. Je dois dire ça au député de Saguenay, très honnêtement, dans des conversations particulières, les propos sont plus réalistes.

Donc, c'est comme ça que le problème se pose, en termes de revenus, quand vous les comparez avec ceux des provinces de l'Ouest. Les provinces maritimes, l'an dernier... On le comprend, c'est la première année, je pense, que les producteurs des

provinces maritimes avaient des revenus plus élevés que ceux du Québec. C'est la première année. Pourquoi? Les pommes de terre se sont vendues à des prix de fou. On vendait des pommes de terre $5, $5.50 les cent livres, et voire même $6, alors que, cette année, les gars du Nouveau-Brunswick les donnent. Ils les donnent, on charge des trains à 500 sacs et on en facture 700, pour tenter de se libérer de tout ce qu'on a de trop sur le marché. Vous allez voi r, l'an prochain, que ça ne se posera pas de la même façon, les revenus des provinces maritimes.

Je suis personnellement très touché par ces problèmes que vivent présentement les producteurs des provinces maritimes. C'est malheureux pour eux, parce que c'est la principale production des Maritimes. L'an prochain, l'économie agricole des maritimes va tomber de près de 40% ou 45%. Au Québec, au moins, il existe une production qui est stable, la principale, la production laitière. Vous ne parlez pas de la production laitière, vous n'osez pas en dire un mot, la stabilité des prix dans cette production, la stabilité des marchés dans la production laitière, vous n'en dites pas un mot, mais c'est le principal revenu des producteurs québécois. Sur 42,000 producteurs, près de 30,000 vivent de l'ind us-trie laitière. C'est "fichument" important pour nous, l'industrie laitière. C'est la base actuelle de notre économie. Cela ne nous empêche pas de regarder ce qu'on peut faire ailleurs. On va dire un mot du bovin tantôt. C'est discutable, une politique bovine au Québec.

Je ne me rebellerai pas contre une déclaration faite ici par la Commission d'enquête sur la commercialisation du boeuf au Canada. La commission d'enquête dit une bonne part de vérité dans ce qu'elle affirme, il y a une très bonne part de vérité. Je ne le contesterai pas. Ecoutez, on ne peut quand même pas se battre constamment contre la vérité avec des théories. Je suis prêt à accepter la réalité, à composer avec et à tenter de l'améliorer. Il n'y a pas beaucoup d'autres moyens, d'ailleurs, d'améliorer les conditions économiques, les conditions sociales et les conditions humaines des individus. On peut tenter de faire croire à l'individu qu'il est malheureux. On peut tenter de lui faire croire que, s'il était dans un autre pays que celui-là, il serait plus heureux. On peut tenter de lui faire accroire ça, c'est chacun ses théories. Là-dessus, j'en conviens.

Mais on peut tenter aussi de lui dire: Si on s'y prenait de cette façon-là, on pourrait probablement rire, de telle sorte qu'on serait aussi bien placé que n'importe quel autre dans le pays; c'est l'option que j'ai choisie, l'option qui me paraît être plus réaliste que celle de prôner une théorie politique qui, peut-être, dans son fondement, pour ceux qui la prônent a de la valeur, mais qui, pour moi, constitue tout un autre champ d'action dans lequel j'hésite très largement à embarquer.

Donc, pour la production bovine au Québec, mise à part la question des revenus sur laquelle j'ai donné des explications, le Québec a 6 millions d'acres de terre. Il produit 40% de la production laitière canadienne et la production laitière se fait à base d'herbages, un peu à base de céréales et un peu à base de pâturages.

Pendant que nous prenons les pâturages pour faire de la production laitière, il n'est pas possible de prendre les mêmes pâturages pour faire de la production bovine. C'est évident. La seule alternative que le Québec a de faire de la production bovine, c'est à compter de l'industrie laitière, c'est de tenter de faire d'un veau qui naît d'une vache un bovin qui peut être mis en marché à un poids plus lourd que celui qui prévaut présentement sur les marchés.

Mais chaque fois que le prix du lait augmente, il devient de moins en moins intéressant pour un producteur laitier de faire du bovin laitier, parce que ses coûts de production deviennent tellement élevés que cela n'est pas payant pour lui d'y penser.

Quand le lait est rend u à $12.26 les 100 livres, ce n'est pas payant de donner 100 livres de lait à un veau pour le faire grossir. Ce n'est pas payant de faire cela. Les gars préfèrent faire du lait, et on essaie de se débarrasser du veau. Cela crée un problème très sérieux, parce qu'il y aurait là un revenu d'appoint très important pour les producteurs. Mais ils ne sont pas encore motivés à le faire. Comment pourrons-nous arriver à inciter les producteurs à faire de la production bovine?

Les producteurs de bovins de la province de l'Ontario et ceux des provinces de l'Ouest — pour ceux qui suivent un peu l'activité nationale, notamment dans les émissions de télévision et les principaux journaux agricoles du Canada — pour ceux qui suivent un peu cette réalité agricole canadienne, notamment au chapitre de la production bovine, se sont rendu compte que les producteurs de bovins des provinces de l'Ouest, ont perdu l'an dernier, beaucoup d'argent, énormément d'argent, et ils vont en perdre encore cette année. Ils en ont beaucoup fait, par exemple, en 1973, tout comme les producteurs de bovins du Québec ont fait beaucoup d'argent en 1973. Les prix étaient bons, les marchés étaient fermes et la demande était grande. C'est le principe de l'économie.

On a tenté, entre le Canada et les Etats-Unis, de régler le problème en fermant les frontières. M. Whelan a dit: II va arrêter d'entrer du boeuf américain dans le Canada. On a trouvé le prétexte d'une drogue quelconque, d'une hormone.

Evidemment, cela s'est fait. On a fermé les frontières.

M. Lessard: Un prétexte, hein?

M. Toupin: Oui, parce qu'on voulait fermer les frontières et on a pris ce prétexte-là pour les fermer.

M. Lessard: Pour ne pas nuire aux producteurs de l'Ouest?

M. Toupin: Non. Pour tenter de répondre à la demande d'un certain nombre de producteurs de l'Ouest qui disaient: Fermez les frontières et on va vendre notre bovin. C'est ce que disaient les gars de l'Ouest.

Ce n'est pas cela qui est arrivé. Les Etats-Unis se sont retournés et ont dit stop à cette manoeuvre. Si vous nous empêchez de vendre notre bovin chez vous, gardez le vôtre chez vous. Ce qui fut dit fut fait.

M. Lessard: Cela a donné quoi pour les producteurs québécois?

M. Toupin: Cela a donné que les producteurs québécois ont perdu $20 millions. C'est ce que cela a donné. Cela n'a donné rien d'autres chose que cela.

M. Lessard: Politique fédérale rentable.

M. Toupin: Oui. Placez-vous dans le contexte, tel que vous l'avez discuté toute la soirée, avec vos pouvoirs de commercialisation que vous pensez que le Québec n'a pas. Qu'auriez-vous fait dans cette situation? Vous seriez tombés dans le même caprice que les autres et vous auriez fait payer la note par les producteurs.

M. Lessard: On aurait discuté selon nos intérêts à nous.

M. Toupin: L'expérience économique des échanges entre pays est maintenant assez connue du monde. Ce n'est quand même pas pour rien que tous les pays de l'Europe ont créé une Communauté économique, ont laissé tomber les frontières et ont arrêté de penser qu'un Français, c'était plus fin qu'un Allemand et qu'un Allemand, c'était plus intelligent qu'un Anglais.

Ils ont dit: Le marché est européen...

M. Lessard: Ils sont demeurés indépendants.

M. Toupin: II est européen, le marché. Oui, l'Europe est demeurée indépendante et elle aussi, elle est entourée. Mais, si l'Europe n'ouvre pas ses frontières sur le plan agricole d'ici peu d'années, elle va affronter le même problème, parce que le Canada n'achètera pas des produits agricoles des pays d'Europe, pas plus que le Québec, s'il n'est pas possible pour le Canada et le Québec de vendre des produits a l'Europe. Ecoutez, c'est tout à fait normal. On vit dans une économie d'échanges et on accepte que la libre circulation des produits fasse les marchés et conditionne les prix.

Cela crée des problèmes au cours d'un certain nombre d'années, mais, par ailleurs, les producteurs en profitent. Sur cinq années, les études qu'on a faites au ministère, il y a trois bonnes années. Il y en a une qui est neutre et il y en a une qui est mauvaise. Cela se fait dans un contexte de libre échange au Canada. Il arrive des années où les producteurs québécois sont perdants, selon les productions dans lesquelles ils se sont spécialisés.

Par ailleurs, il arrive que les autres provinces du pays sont perdantes à cause de leur production et à cause des marchés. Evidemment, ce sont les explications qui méritent d'être dites, d'être données, ce qui ne nous empêche pas, par ailleurs, de mettre de l'avant des politiques parfois nécessaires dans l'immédiat.

Nous sommes intervenus au niveau du bovin, parce que c'était nécessaire. Pour le lait, il y a maintenant une politique permanente. Dans les productions agricoles, à l'exception d'une, je pense, les autres productions agricoles sont maintenant atta- chées à des politiques permanentes du ministère. Quant au niveau des négociations, au chapitre des plans conjoints, comme au niveau d'une intervention gouvernementale, quand cela est nécessaire, les producteurs ont manifesté, l'an dernier, je suis d'accord et ce n'est pas la première fois qu'ils manifestent et j'espère que ce ne sera pas la dernière non plus. Ils font valoir leur point de vue.

Regardez les grèves qui se font au Québec, actuellement, un peu partout. Comment appelle-t-on cela une grève, si ce n'est pas une manifestation pour tenter de convaincre les citoyens du bien-fondé de nos théories et de notre position? C'est ce qui se fait actuellement au niveau des grèves dans l'ensemble du Québec. Parfois, cela prend, et parfois, cela ne prend pas. Parfois, on va chercher une partie de ce qu'on a demandé; parfois, on va chercher peu de ce qu'on a demandé et, parfois, on obtient une partie de ce qu'on a demandé. On vit dans un contexte comme celui-là et le gouvernement actuel accepte cela.

Le gouvernement actuel ne bâillonne personne. Il laisse les gens manifester et donner leur point de vue en disant, sur la place publique, ce qu'ils ont à dire. Je ne pense pas qu'on soit plus libre qu'ici au Québec. On fait ce qu'on veut et on dit ce qu'on veut. Bien des fois, on laisse dire des choses qu'on ne devrait peut-être pas laisser dire. On les laisse dire, parce qu'on vit dans un contexte de liberté et on espère que les gens n'en abuseront pas, y compris ceux qui sont en politique, sans aucun doute.

Donc, les problèmes, tout compte fait, se posent de cette façon. Nous avons des lois nouvelles. Vous m'avez dit et vous me dites souvent: La ministre de l'Agriculture a une façon de voir en Chambre et il a une façon de voir à l'extérieur. Vous autres, vous avez une façon de me citer. Quand je dis, en Chambre, des choses qui font votre affaire, vous les citez et, quand je dis, en dehors, des choses qui font votre affaire, vous les citez. Mais ce qui ne fait pas votre affaire de ce que je dis en Chambre, vous ne le citez pas et, de ce que je dis en dehors qui ne fait pas votre affaire, vous ne le citez pas. Je suis bien d'accord sur cela. Je ne vous reprocherai pas cela, c'est normal. Mais le ministère que je dirige n'a pas deux figures, il n'en a rien qu'une. Il a une figure d'un ministère qui cherche à développer l'agriculture québécoise. Il en a donné des preuves.

La production agricole québécoise a augmenté à un rythme peut-être moins accéléré. Dans les provinces de l'Ouest, on a augmenté à un rythme plus accéléré. On a augmenté notre production d'oeufs. On a augmenté notre production de poulets. On a augmenté notre production de porcs. On a augmenté nos productions de légumes, nos productions de pommes, la production laitière et un bon nombre de productions maraîchères.

M. Lessard: Les revenus ont baissé.

M. Toupin: Les revenus totaux de l'agriculture québécoise ont augmenté. Le revenu net de l'agriculteur, depuis 1970... Regardez votre tableau. C'est vous-même qui nous l'avez donné. Quoique vous ne nous citez pas les sources, on va vous faire confiance. Regardez, regardez vos mêmes sources.

M. Lessard: Sources fédérales.

M. Toupin: II faudrait le mentionner si ce sont les sources fédérales. Avez-vous peur de le mentionner? Nous autres, on le mentionne, en tout cas. Quand ce sont les nôtres, c'est pareil, on le mentionne.

M. Lessard: Ce sont les seules statistiques que vous avez.

M. Toupin: C'est normal. On a les statistiques québécoises là-dessus. Les 9% de diminution du revenu des producteurs agricoles québécois, on n'a pas entendu que les autres le disent, c'est nous, du ministère de l'Agriculture, qui avons publié cette statistique et qui avons dit au public que les producteurs québécois, cette année, perdaient 9% de revenu net, par rapport à 1973.

M. Lessard: Statistique Canada.

M. Toupin: On n'a pas attendu que les autres nous le disent. Non, on a pris les statistiques qu'on avait. Ici, c'est Statistique Canada. Il faudrait l'écrire. Je vous crois, parce que j'espère que vous dites, au moins là-dedans, la vérité.

M. Lessard: J'espère que vous vous fiez aux statistiques du gouvernement fédéral.

M. Toupin: Regardez la courbe. Regardez les revenus des producteurs québécois qui sont partis de $5,000 et qui, actuellement, approchent les $10,000. Ce sont des revenus nets des producteurs québécois. C'est depuis 1971.

Vous pouvez dire que les producteurs de l'Ouest ont augmenté; la courbe monte tout droit. Avez-vous regardé les autres provinces du pays? Vous vous servez des provinces de l'Ouest, c'est sûr. Mais avez-vous regardé l'Ontario? Avez-vous regardé les provinces maritimes?

M. Lessard: Elles ont augmenté.

M. Toupin: Elles ont augmenté. Pourquoi est-ce que vous n'avez pas mis...

M. Lessard: C'est nous autres qui avons baissé considérablement.

M. Toupin: Pourquoi n'avez-vous pas mis les courbes des provinces maritimes et de la province de l'Ontario? C'est parce que vous avez manqué de papier?

M. Lessard: On ne peut pas faire les recherches... On peut vous en faire d'autres.

M. Toupin: On vous donne $100,000 de budget pour vous, les recherches...

M. Lessard: Je regrette, le ministre charrie. M. Toupin: Non, je ne charrie pas...

M. Lessard: Je n'ai pas, derrière moi, la série de fonctionnaires que le ministre peut avoir.

M. Toupin: Mais vous avez quand même l'argent qu'il faut pour faire de la recherche.

M. Lessard: Si le ministre, à un moment donné, veut d'autres statistiques, on peut lui préparer d'autres courbes.

M. Toupin: Si vous êtes capables, faites-en.

M. Lessard: M. le Président, ce n'est pas $100,000 que le ministre nous donne, c'est $65,000 pour l'Opposition. Il semble que le gouvernement actuel semble le regretter.

M. Toupin: Etant donné que le député de Saguenay a dit ce qu'il avait à dire...

Le Président (M. Lafrance): A l'ordre! A l'ordre!

M. Lessard: Ne mentez pas à cette commission parlementaire comme vous le faites aux agriculteurs.

Le Président (M. Lafrance): A l'ordre! A l'ordre!

M. Toupin: Le député de Saguenay ne s'est jamais gêné pour dire ce qu'il pense et j'ai le droit de dire ce que je pense.

M. Lessard: Ce n'est pas $100,000. C'est $65,000.

Le Président (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Toupin: J'ai dit que vous avez un budget de recherche que le gouvernement...

M. Lessard: De $65,000.

Le Président (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Toupin: Oui, c'est un fait. Vous en avez un budget de recherche et on ne le regrette pas, au contraire.

Le Président (M. Lafrance): Je m'excuse, il peut y avoir des budgets de recherche un peu partout, mais nous sommes à discuter du programme du ministère de l'Agriculture. Alors, on devrait parler de l'agriculture québécoise et non pas des budgets de recherche des différents partis politiques. Je demanderais tout simplement aux membres de la commission de demander la parole si on veut intervenir. Pour le moment, c'est le ministre de l'Agriculture qui a la parole.

M. Toupin: M. le Président, laissons de côté le budget de recherche. La seule chose que je constate, c'est que s'il y en avait peut-être plus, on devrait peut-être avoir plus que deux provinces. Je

sais que vous avez pris la province de Québec et vous avez pris les provinces de l'Ouest. Mettez toutes les courbes, les provinces maritimes, et la province de l'Ontario, vous allez trouver l'équilibre de l'agriculture canadienne. Vous allez trouver des revenus plus substantiels pour les provinces maritimes en I974. Vous allez trouver des revenus plus substantiels dans l'agriculture québécoise en I973 et en I972. Vous allez toujours trouver une petite différence avec l'Ontario, parce que cette différence a toujours existé, pour une raison simple aussi de ce côté, c'est que l'Ontario a des fruits que nous ne produisons pas au Québec où les marchés sont bons. Ne demandez pas au Québec de produire des fruits, ce n'est pas possible d'en produire. Vous-même l'avez dit au début que vous ne vouliez pas faire du Québec une république de bananes. Je l'espère bien aussi. C'est comme cela que la réalité économique se pose au Canada et c'est comme cela qu'elle se pose au Québec. On peut dire beaucoup de choses là-dessus. Je n'ai pas d'inconvénient à cela.

Donc, sur la question des revenus des agriculteurs québécois et des agriculteurs canadiens, je pense que non seulement cela s'explique, mais il faut l'expliquer. Je ne pense pas que là-dessus on doive induire le public en erreur. Quant au programme du ministère, je n'ai jamais eu peur, personnellement, de démontrer à quiconque les programmes que nous avons mis de l'avant depuis I970. Il y a un certain nombre de lois qu'on a votées, qui étaient demandées depuis longtemps par les producteurs. Il y a un certain nombre d'autres lois qui s'en viennent et qui sont demandées depuis longtemps par les producteurs. Nous avons refait la loi de mise en marché, nous avons refait deux fois les lois de crédit agricole. Nous avons regardé tous les programmes d'insémination artificielle, tous les programmes d'aide à la santé animale. Nous avons révisé toute la politique du drainage souterrain, qui a donné de bons résultats en 1973, de moins bons en 1974. Nous allons la regarder à nouveau en 1974 pour l'ajuster aux besoins. Il y a un nombre, soit, sept ou huit nouvelles lois que nous allons voter bientôt et qui sont des lois fondamentales pour le développement de l'agriculture québécoise; notamment la protection de sol arable, notamment toute la question du développement de son industrie agro-alimentaire, également toute la révision des lois de crédit agricole. Il y a une loi qui s'avère, bien sûr, fondamentale, celle d'une assurance du revenu des agriculteurs. C'étaient les objectifs que nous nous étions fixés en 1972, je pense, dans le premier plan que nous avions rendu public, que nous avons concrétisé dans le plan agro-alimentaire et qui maintenant se concrétise dans des lois bien pratiques.

Quant au budget, l'an dernier, j'avais soutenu que, si le budget actuel n'était pas suffisant et que s'il ne m'était pas possible d'avoir davantage, que je prendrais alors des décisions. J'en ai pris des décisions. J'ai pris la décision d'aller chercher l'argent dont les agriculteurs avaient besoin pour maintenir l'industrie agricole. Cette année, le budget est de $169 millions. En 1970, on avait $70 millions. Cela fait plus de 100% d'augmentation du budget depuis 1970. Il est possible que l'année 1975 se termine avec $180 millions ou $185 millions. Je ne sais pas. Tout ce que je puis dire, c'est que la Loi d'assurance-revenu va commander $10 millions de plus. Les deux autres lois que nous allons déposer, les financements y sont prévus, elles vont commander elles aussi, quelque chose comme $2 millions ou $3 millions chacune. On verra, évidemment, à la fin de l'année comment le budget du ministère se sera comporté et comment l'agriculture québécoise se sera comportée en 1975. Voilà, c'étaient les quelques propos que je voulais tenir.

Maintenant, je serais disposé à regarder le budget, article par article, pour voir comment ces choses peuvent être discutables.

Le Président (M. Lafrance): Si les membres de la commission n'ont pas d'objection, nous pourrons aborder le programme I: Recherche et enseignement...

M. Lessard: M. le Président, je voudrais simplement dire que peut-être le député de Huntingdon a quelques remarques à faire, quelques remarques générales. Je serais heureux de l'entendre.

Le Président (M. Lafrance): Le député de Huntingdon.

M. Fraser: M. le Président, c'est moi qui suis payé par le peuple pour venir ici étudier des lois, étudier les crédits il est agaçant de voir un autre député montrer son ignorance de l'agriculture et de l'économie et des choses mondiales, en faisant un discours comme le député de Saguenay a fait.

Il travaille sa petite patente de séparatisme avec des demi-vérités, des demi-mensonges et des choses incomplètes. Il accuse le ministre sur un ton agaçant. Il l'accuse d'être un sous-ministre, d'être un petit ci et un petit ça. Ce n'est pas la manière d'un homme digne d'être député d'un comté ou digne d'être un représentant du peuple.

C'est la manière des péquistes de toujours travailler leur petite patente, d'essayer de convaincre la population que tout va mal, que tout est la faute du ministre, et que si on était séparé, ce serait la gloire et le ciel. La gloire et le ciel, mon cher ami, s'obtiennent par le travail dur et la perspicacité et si on tient toujours à un objectif. C'est cela que tu fais. Tu tiens toujours à un objectif, mais tu ne sais pas ce qui se passe à côté. C'est cela que je trouve agaçant. J'aime un homme honnête qui admet que l'autre gars fait son possible, qu'il affronte des difficultés, mais qu'il fait de son mieux. Il faut que je félicite le ministre. Je crois que ce ministre-ci a fait plus pour les cultivateurs de notre pays, de notre province que n'importe quel ministre d'un autre gouvernement. Je crois personnellement, honnêtement, que c'est le premier gouvernement de la province de Québec qui a eu à coeur le souci de la vie des cultivateurs. Pour moi, j'aimerais féliciter M. Toupin. Chez nous, je vois qu'il se fait plus pour l'agriculture qu'il ne s'en est jamais fait avant. On a plus de programmes pour aider l'agriculteur qu'il n'y en a jamais eu

avant. Ils sont à point, si je puis dire. Ils aident où on a besoin d'aide.

C'est tout ce que j'ai à dire. Je n'aime pas les demi-vérités ni les demi-mensonges, comme je l'ai dit.

Merci, M. le Président.

M. Lessard: Je remercie le député de Huntingdon d'avoir fait une intervention aussi remarquable, et je prends ses propos moralisateurs avec toute l'importance que cela peut comporter. Cependant, je dois lui souligner que, comme député de l'Opposition, je suis ici pour dire au ministre ce qu'il devrait faire et ce qu'il ne fait pas, et lorsque le député de Huntingdon affirme que ce gouvernement...

M. Massicotte: M. le Président, n'est-on pas censé étudier les crédits?

M. Lessard: Oh non, M. le Président! L'article 1 aux crédits, je peux en discuter toute la soirée, si vous voulez.

M. Massicotte : Pour ne rien dire, vous êtes bon.

Le Président (M. Lafrance): On est encore à l'article 1.

M. Lessard: Oui, on est en discussion générale. Je peux revenir, M. le Président, en vertu des articles, en commission parlementaire, autant de fois que je le veux.

Lorsque le député de Huntingdon dit que ce gouvernement a fait plus que n'importe quel autre gouvernement au Québec dans le secteur agricole, pourrait-il m'expliquer comment il se fait que, depuis cinq ans, le budget agricole, par rapport à l'ensemble du budget du Québec, pendant les cinq années d'administration du gouvernement, est en pourcentage de budget, plus faible que celui de toutes les autres administrations québécoises? Est-ce que c'est ce que le député de Huntingdon veut dire lorsqu'il...

M. Fraser: Voulez-vous que je vous réponde?

M. Lessard: ... dit que le gouvernement Bourassa a fait plus que n'importe quel autre gouvernement au Québec pour l'agriculture? Est-ce que c'est cela que le député veut dire?

M. Fraser: Non, ce n'est pas cela. Le budget de l'agriculture, ce n'est pas pour financer l'agriculture. C'est pour apporter une aide technique afin d'aider les autres à progresser. Il ne s'agit pas uniquement de distribuer de l'argent. On fait cela dans beaucoup de cas. Le budget du ministère desTerres et Forêts est petit lui aussi, mais même s'il est petit, il amène des milliards de dollars à l'économie de la province de Québec. Il administre l'affaire. Cela ne prend pas des milliards pour administrer. Le ministre de l'Agriculture n'est pas là pour faire les travaux de tout le monde en agriculture. Il est là pour aider, aviser, pour aider en temps de crise avec l'argent du gouvernement.

M. Toupin: Je remercie le député de Huntingdon, mais, très honnêtement, je trouve un peu démagogue que nous cherchions toujours a tourner autour du problème du budget. C'est comme si l'Opposition n'était pas capable de voir autre chose que trois ou quatre chiffres alignés les uns devant les autres. Ah oui! C'est bien sûr. On est bien d'accord sur cela. Ecoutez. Les journaux, la télévision, on est tout à fait d'accord sur cela. Je l'ai dit au début. Le budget du ministère de l'Agriculture, cette année, est de 4% inférieur à celui de l'an dernier. Cette année, on a eu $41 millions de budget supplémentaire. Le ministère de la Voirie a eu $150 millions de budget supplémentaire et les autres ministères ont eu des budget supplémentaires. Cela s'est adonné, cette année, que le ministère de l'Agriculture, à cause de ses programmes, à cause des projets de loi qui doivent être discutés à l'Assemblée nationale et non pas au cours de l'étude d'un budget, a $8 millions ou $9 millions de moins. Nous avons retourné au fonds consolidé, je ne sais combien; peut-être $5 millions.

Que voulez-vous? On peut discuter longuement du budget, mais quand il ne reste que cela comme argument pour tenter de bâtir une agriculture québécoise qui soit le moindrement viable, je me demande vraiment où cela peut nous mener.

En 1970, par exemple, le budget était l'équivalent de $1,450 par producteur et en 1975, il dépassera $3,000 par producteur. Le budget du ministère, quand on le ramène à l'unité de producteur québécois, on a plus que doublé ce qui peut être versé en termes, non pas de subvention, mais de programmes qu'on met à leur disposition.

Je ne vois pas d'inconvénient qu'on entreprenne une polémique sur la question du budget depuis que le ministère de l'Agriculture existe, mais on va faire certaines phases.

Quand je suis arrivé au ministère de l'Agriculture, il y avait $5 millions en budget qui servaient pour faire des chemins. Je me suis dit que ce n'est pas le rôle du ministère de l'Agriculture de faire des chemins. On a pris le budget pour les chemins et on l'a donné au ministère de la Voirie et on s'est occupé de l'agriculture.

Ce sont $5 millions qui existaient au ministère de l'Agriculture alors qu'il était responsable de la colonisation. La colonisation est disparue maintenant au Québec et on a transféré ce budget à un autre ministère parce qu'on croyait que cela était plus raisonnable.

Quand vous regardez le budget du ministère de l'Agriculture dans son contexte historique, vous pouvez lui faire dire n'importe quoi si vous évitez de dire ce qui doit être dit. Vous pouvez lui faire dire n'importe quoi, tout comme vous pouvez faire dire n'importe quoi à ce pourcentage de 4% de diminution du budget actuel du ministère de l'Agriculture. Vous pouvez lui faire dire n'importe quoi à ce pourcentage de 4%. Ce qui est important pour nous, c'est que nous avons un certain nombre de programmes que nous avons préparés, qui ont été acceptés et qui totalisent $169 millions, près de $170 millions et l'an prochain, je ne sais pas, cela sera peut-être $180 millions.

J'ai déjà dit en I97I ou en I972 que le budget du ministère de l'Agriculture en 1975/76 ou au plus tard, en I977, devrait approcher les $200 millions. On va être proche des $200 millions en 1976/77 à cause des lois qu'on apporte et à cause des programmes nouveaux qu'on met de l'avant et tout cela a des reflets. Cela se reflète sur les revenus nets des producteurs agricoles. De $3,000, on approche les $8,000 maintenant. Ce sont $10,000 qu'on devrait viser. C'est ce que nous recherchons aussi avec l'amélioration des programmes, le développement de la mise en marché et le développement de nouvelles productions.

Je trouve, personnellement — et ce n'est pas parce que je cherche à défendre mon budget ou le budget du ministère de façon inconditionnelle —-enfantin qu'on attache autant d'importance à une diminution de 4% d'un budget du ministère de l'Agriculture, alors que ce qui est important, ce sont les résultats au bout du compte des programmes qu'on met de l'avant.

M. Lessard: Ce n'est pas ce que laissait entrevoir le ministre lorsqu'il nous disait que les budgets semblent être l'élément secondaire dans le développement de l'agriculture. Ce n'est certainement pas ce qu'il laissait entendre aux étudiants de polytechnique il y a quelque temps. Je pense qu'il est quand même très important de considérer l'investissement qu'un gouvernement veut faire dans un secteur particulier par rapport à l'ensemble des secteurs de l'activité humaine ou de l'activité économique. Quand le ministre nous dit, à un certain moment, que les budgets ont augmenté par rapport au producteur individuel, je dis: C'est vrai parce qu'il y a quantité de producteurs qui sont sortis du secteur agricole.

Mais, M. le Président, cela ne nous prouve pas pour autant que ce gouvernement a décidé, comme le demandaient les agriculteurs en octobre et novembre dernier, d'accorder ou d'affirmer simplement ou de répondre positivement à la question suivante: Est-ce que nous voulons une agriculture au Québec ou est-ce qu'on n'en veut pas? Si on veut continuerd'avoir une agriculture marginale, on restera avec un pourcentage par rapport à l'ensemble du budget du Québec qui sera marginal.

C'est assez curieux que, dans certains ministères, on se glorifie — et le premier ministre le fait constamment — constamment d'une augmentation des budgets et maintenant on est rendu qu'au ministère de l'Agriculture on se glorifie de la diminution du budget. De toute façon, M, le Président, le ministre de l'Agriculture, comme il l'avait fait l'an dernier, a fait son nid en ce qui concerne le budget. Le ministre de l'Agriculture nous adémontré qu'il n'était pas capable d'aller chercher les budgets qui semblaient nécessaires pour le développement de l'agriculture. On sait que l'an dernier, l'UPA espérait que cette année le budget de l'agriculture serait équivalent à peu près à $200 millions. C'est l'estimation de l'Union des producteurs agricoles et cela, sans tenir compte, probablement, de l'inflation considérable que nous avons vécue depuis un an. Le ministre de l'Agriculture répond qu'il est entièrement satisfait et non seulement qu'il est satisfait, mais que, l'an dernier, il a retourné $5 millions au fonds consolidé du Québec. Cela confirme ce que je disais lors de mes remarques préliminaires. Même si on lui en donnait plus, il ne saurait pas quoi en faire. M. le Président, je suis prêt à passer au programme I, élément I.

M. Toupin: M. le Président, je tiens vraiment à vider cette question du budget. Je le répèteencore, je trouve enfantin qu'on y attache tant d'importance, mais je suis prêt à soutenir la thèse du ministère là-dessus et je vais la soutenir jusqu'au bout. Il est constant que tous les ministères ou à peu près tous les ministères retournent de l'argent au fonds consolidé de la province. Le ministère de l'Agriculture n'est pas le seul à le faire et le ministère de l'Agriculture, l'an dernier, a dépensé tout le budget qu'on lui avait attribué plus $41 millions de budget supplémentaire. Il est possible, cette année, que nous ayons encore besoin de certains budgets supplémentaires, tenant compte des réalités économiques avec lesquelles l'agriculture aura à évoluer au cours de l'année. Je continue à soutenir, M. le Président, que tout ce qu'il y a comme programmes dans ce livre et qui totalise $169 millions par rapport à $122 millions l'an dernier, comme budget de base, c'est déjà une augmentation qui dépasse les $50 millions, je continue à soutenir que ces $50 millions de plus, nous allons les retrouver dans les programmes qui sont dans ce livre, le livre des budgets. Vous allez retrouver là-dedans des programmes qui ont été refaits et qui ont été améliorés. Vous allez retrouverde nouveaux programmes. Je continue à soutenir, M. le Président, que, avec les lois que nous allons déposer au ministère, même si on ne retrouve pas les budgets requis pour ces différentes lois qui seront appliquées au cours de l'année, nous retrouverons les budgets requis dans les lois que nous déposerons et ce ne sont pas ce que l'on pourrait appeler de petites lois ou des lois de moindre importance, ce sont des lois fondamentales, des lois que peu de provinces au pays actuellement se sont données, la protection du territoire arable au Québec, l'assurance-stabilisation des revenus, la Société d'initiative agricole, les lois de crédit agricole. En passant, nous sommes une des seules provinces au pays où on est capable d'agir sur le crédit agricole et les juridictions agricoles au Canada sont des juridictions conjointes. Je suis prêt à admettre que, dans certains domaines, la juridiction fédérale est prépondérante et que, dans certains autres domaines, la juridiction provinciale est prépondérante, et nous nousdotonsdes lois qui correspondent à la constitution québécoise et qui nous donnent véritablement des moyens d'action et des moyens d'agir.

M. le Président, on ne juge pas, à mon point de vue, le développement d'un secteur économique à compter d'un budget qui peut être mis à la disposition d'un ministère dont la responsabilité lui est confiée dans ce secteur économique. C'est un élément fondamental, mais qui se trouve accroché à des programmes et à des lois. C'est avec des programmes de développement et avec des lois que nous parvenons à développer le secteur économique, ce n'est pas seulement avec des discours. Je continue à

soutenir cette thèse u'il est plus facile, dans certains ministères, de statuer sur des budgets qui évoluent defaçon stable et de façon permanente, parce que ce sont des lois statutaires. La loi du ministère de l'Education est une loi statutaire. Les lois du ministère des Affaires sociales sont des loiss tatutaires, alors que la loi du ministère de l'Agriculture est une loi essentiellement de développement économique et qui ressemble beaucoup aux lois du ministère de l'Industrie et du Commerce, mais il va plus loin même que le ministère de l'Industrie et du Commerce parce que ce ministère agit directement sur le développement de l'économie agricole québécoise, il agit directement sur son développement.

Je ne cherche pas à me glorifier d'un budget. Je pense que celui qui pense trouver la gloire dans le budget trouve peu de chose; ce qu'on retrouve dans un budget, ce sont des éléments d'action qui nous permettent d'atteindre les fins visées. Ce qui compte, pour moi, c'est d'avoir des objectifs, des programmes, des lois tout au moins.

Quant au budget, le temps est toujours là pour donner des budgets quand les programmes sont présents.

Coûts de production

M. Lessard: Avant de discuter du programme 1, élément 1, j'aimerais poser une question, suite à son intervention de cet après-midi, au ministre de l'Agriculture, concernant le problème fondamental de l'estimation des coûts de production. On sait qu'il y a deux thèses qui se confrontent en ce qui concerne l'estimation de ces coûts de production, la thèse du ministre de l'Agriculture et la thèse des agriculteurs.

Le ministre nous indiquait, cet après-midi, sa thèse, à savoir que ce n'était pas tant sur le salaire horaire qu'il fallait se baser pour établir les coûts de production, mais sur le revenu des travailleurs spécialisés. On sait qu'en ce qui concerne les travailleurs spécialisés, étant donné qu'ils ne travaillent pas complètement toute l'année, selon des heures normales, un salaire, qui serait basé sur le salaire horaire, démontrerait peut-être un revenu, en fait, qui semble être l'objectif du ministre, alors que les agriculteurs affirment que, pour évaluer leur coût de production, il ne s'agit pas de se baser sur le revenu moyen du travailleur spécialisé, mais bien sur le revenu horaire, de telle façon que, si on établit la moyenne du salaire du travailleur spécialisé à $4.83 l'heure, je pense que c'est maintenant rendu à une moyenne de $5 l'heure, les agriculteurs veulent avoir la reconnaissance de ce salaire horaire. C'est-à-dire que, s'ils travaillent, au cours de la semaine, 60 heures, on devra alors calculer 60 heures multipliées par le salaire horaire et cela, sur une période de douze mois.

En fait, on en est là dans la négociation, dans la discussion et, dans la loi que nous aurons à étudier à l'Assemblée nationale, le ministre, dans la Loi de stabilisation des revenus agricoles, a probablement comme objectif de se baser sur son interprétation. Est-ce qu'on peut penser que le ministre a une opi-n ion absolue sur cette estimation ou sur cet objectif, ou est-ce qu'on peut penser que des rapproche- ments sont possibles entre la classe agricole et le ministère de l'Agriculture, ou encore est-ce qu'on en est arrivé à une impasse et qu'il serait extrêmement difficile de s'entendre? Est-ce qu'on pourrait avoir les commentaires du ministre à ce sujet?

Le Président (M. Lafrance): Le ministre de l'Agriculture.

M.Toupin: M. le Président, nous ne sommes pas dans un état d'impasse, nous sommes dans un état de discussions intenses entre les différents groupements de producteurs et le ministère, en ce qui concerne les interventions gouvernementales au chapitre des revenus des agriculteurs.

Il faut établir au départ un certain nombre de principes lorsque nous parlons de revenus dans les entreprises. Il n'est pas du ressort du gouvernement de financer le profit des entreprises. Le gouvernement met à la disposition desentreprisesdes moyens pour que ces dernières puissent atteindre le maximum de profit possible, tout au moins en ce qui concerne le secteur agricole. Une ferme est une entreprise et le travailleur agricole est un entrepreneur. Le travailleur agricole n'est pas un salarié au sens des lois du travail, il n'est pas un salarié au sens de la Loi du salaire minimum. Il est un entrepreneur.

La plus belle preuve qu'il est entrepreneur, c'est que, lorsque vous prenez une production en particulier, notamment celle du lait nature, et que vous analysez le comportement d'un ensemble d'entrepreneurs, d'un ensemble de producteurs, vous allez trouver une différence aussi grande que $7 les 100 livres pour produire du lait, jusqu'à $11.10 ou $11.20 les 100 livres. Il y a là une différence de $4 les 100 livres.

M. Lessard: L'UPA établit une moyenne basée sur un minimum de vaches laitières, c'est sur cela que la négociation se fait et non pas sur le plus bas et le plus haut.

M. Toupln: C'est exact. C'est que la même moyenne que nous prenons pour établir les coûts, cette moyenne démontre qu'on retrouve des coûts de production de $7 à $11.

Lorsque nous cherchons à prendre la moyenne dans ce secteur, c'est-à-dire du plus bas au plus élevé, qu'est-ce que cela a comme conséquence, si vous cherchez à trouver le salaire de la moyenne, le revenu de la moyenne?

Vous allez enrichir ceux qui font déjà beaucoup et vous n'allez pas nécessairement aider ceux qui sont en bas. C'est donc dire que, si on veut régler le problème du revenu agricole, ce n'est pas parce qu'on va mettre$4.50 ou $5 l'heure qu'on va le régler, avec les prod ucteurs. Il faut regarder ce que cela veut dire, la productivité.

Quand une ferme produit 12,000 livres de lait en moyenne, par unité de production, et que l'autre en produit 8,000, cela fait 4,000 livres de différence. 4,000 livres, à $12 les 100 livres, combien cela fait-il? C'est là qu'est le revenu de l'agriculteur. C'est lui qui va chercher plus que le salaire horaire déterminé par l'UPA. Ce producteur va se faire $8 ou $9 l'heure.

Mais, il y atous les éléments qui convergent dans le sens d'un profit recherché et d'un revenu recherché. Il est évident qu'on ne peut pas demanderà tous les producteurs agricoles d'être aussi efficaces les uns que les autres, mais il est évident que le gouvernement ne peut pas, sous prétexte de trouver un revenu horaire pourtous les agriculteurs, dans cette politique, enrichir, le mot est fort, parce qu'on ne peut pas dire qu'il y a des gens riches en agriculture, mais augmentersubstantiellement le revenude ceux qui ont déjà un bon revenu et ne pas corriger nécessairement le revenu de celui qui n'a pas un bon revenu.

Il faut donc trouver là l'équilibre. Nous avons pris une ferme type de 329,000 livres de lait. Nous lui avons fait produire une moyenne de 10,500 livres de lait par unité de production, c'est-à-dire la moyenne de production au Québec, pour cette catégorie. Nous avons ajouté à cela un prix de $12.26, nous avons enlevé de tout cela les intrants et nous avons ajouté le salaire du travailleur spécialisé.

C'est celui qui fait 10,500 livres en moyenne. Cela lui fait un revenu cette année. On le calcule à $9,200, à peu près, son revenu à lui. On ne parle pas du coût de la vie qui est plus bas sur la ferme et on ne lui donne aucun sou de revenu pour tout ce qui est à côté du lait, pour tout ce qu'il peut prendre à côté du lait.

M. Lessard: La rentabilité de son investissement?

M. Toupin: Tout est compris dedans.

M. Lessard : Tout est corn pris dedans et cela I ui donne $9,000.

M. Toupin: A 7%. Seulement son revenu à $9,200. Tout le reste, ajoutez-le. Cela va lui donner quelque chose comme près de $13,500 de revenu. Ce n'est pas encore $4 ou $5 l'heure, 60 heures par semaine. Ce n'est pas encore cela. Mais le gars qui a une production de 12,500 livres en moyenne et qui a trente vaches laitières, cela lui fait combien de livres de lait de plus à la fin de l'année? Cela va lui faire 50,000 ou 60,000 livres de lait de plus; à $12, cela lui fait $5,000 ou $6,000 de plus. Lui, c'est $20,000 qu'il va toucher. Même avec notre formule, on dépasse déjà largement, pour bon nombre de producteurs, la formule proposée par les producteurs.

C'est sur cette formule qu'on se base. Je ne crois pas que cette formule soit discriminatoire à l'endroit des producteurs. Elle incite celui qui a déjà une bonne productivité à la garder et elle oblige celui qui veut se faire un meilleur revenu à améliorer sa productivité. C'est le phénomène des entreprises.

Quand vous regardez d'autres productions, des productions plus spécialisées, où la productivité a atteint, je ne dirai pas son maximum, peut-être 80% de sa potentialité, on raisonne autrement. On met un revenu, bien sûr, égal à celui du travailleur spécialisé, comme on le fait pour le lait nature, et, encore là, celui qui parvient à être plus efficace au pied carré, s'il s'agitd'un producteurde poulet, ou au pied carré ou à la pondeuse, s'il s'agit d'un gars qui est dans la production des oeufs, toutes les productions avicoles sont traitées sur ce pied d'égalité.

C'est sûr qu'on n'arrivera jarnais à s'entendre sur un salaire horaire, parce que ce n'est pas le fait que cela va à rencontre d'une philosophie normale en termes de revenus, mais cela va à rencontre d'une philosophie de développement économique d'une entreprise. On ne subventionne pas les profits d'une entreprise; on subventionne un revenu minimum à un travailleur et, si ce travailleur fait partie d'une entreprise, s'il veut plus que cela, il va le chercher dans son entreprise, il ne va pas le chercher ailleurs.

C'est dans cette seule perspective que nous parviendronsà trouver l'équilibre cherché au niveau des revenus agricoles. C'est possible que, l'an prochain, on trouve en agriculture, au Québec, des revenus, parlons de... Il y a eu une diminution de 9%, l'an passé. D'accord, ce sont les producteurs de bovins qui en ont subi bien plus que 9%; ils en ont subi 12%, 15% et 20%. Les producteurs laitiers, l'an dernier, n'ont pas perdu d'argent. Les producteurs laitiers, l'an dernier, par rapport à 1973, s'ils n'ont pas augmenté, ils se sont maintenus, au moins, à ce qu'ils étaient en 1973. Mais, on présume qu'ils ont augmenté. On n'a pas fait les recherches séparées production par production, parce qu'il y a, dans le secteur laitier, une politique pour se fixer des prix et des revenus, tout comme on la trouve dans le secteur des céréales, avec la différence que la demande de céréales est plus forte que la demande des produits laitiers sur le plan mondial.

M. Lessard: Le ministre parle énormément de productivité, très souvent de productivité du producteur québécois. C'est devenu un peu sa marotte pour se déprendre des situations difficiles. C'est ce qu'il faisait lors du dernier congrès de l'UPA.

J'aimerais, d'abord — je lui poserai une autre question tout à l'heure — savoir — il l'a affirmé cet après-midi — combien il y a de producteurs au Québec actuellement, à part les gens qui vivent de l'agriculture comme telle, mais de producteurs, d'unités familiales qui produisent. Autour de 40,000?

M. Toupin: II y a 20,000 producteurs québécois qui produisent 80% de la production.

M. Lessard: Globalement, combien y a-t-il de producteurs?

M. Toupin: II y en a 45,000 sur les listes, actuellement. Il reste encore plus de 10,000 producteurs dont la vente annuelle est inférieure à $3,000 par année.

M. Lessard: Pour 40,000 ou 45,000 producteurs...

M. Toupin: Si on veut parler de producteurs agricoles, je ne pense pas, actuellement, qu'on puisse parler de beaucoup plus de 30,000.

M. Lesdard: D'accord. Le ministre parle... M. Toupin: De producteurs professionnels.

M. Lessard:... de 30,000 producteurs agricoles. M. Toupin: Professionnels.

M. Lessard: ... professionnels.

M. Toupin: Je veux bien, M. le Président, faire la distinction, parce que, quand on regarde ceux qui sont propriétaires de fermes et ceux qui mettent en marché des produits agricoles, on les évalue à 45,000. Il y en a quelques-uns de plus. Mais ceux qui vendent pour moins de $1,000, on ne les compte plus maintenant. Mais si on regarde ceux qui vivent de l'agriculture, essentiellement de l'agriculture, et qui vont chercher très peu à l'extérieur, je ne pense pas qu'on puisse dépasser, présentement, 30,000.

M. Lessard: Je constate le total des employés permanents au ministère de l'Agriculture, 3,746, soit plus d'un employé par dix producteurs.

M. Toupin: Non pas par dix, c'est par cent, je pense.

M. Lessard: Non, vous me parlez par cent producteurs.

M. Toupin: Allez en France et c'est deux fois plus que cela.

M. Lessard: Je regrette, M. le Président, par dix producteurs.

M. Toupin: Par dix, 3,000; pour 30,000, dix fois.

M. Lessard: Par dix, 3,000. Multipliez par dix, celafait 37,460. J'aurais envie de poser une question au ministre sur la productivité d u ministère de l'Agriculture.

M. Toupin: Je vais céder à vos envies, c'est bon de temps en temps. Je ne veux pas vous ennuyer. De tout le "staff" administratif, je vais vous enlever toutes les secrétaires, etc., tous ceux qui sont dans l'administration. Mais si vous regardez seulement ceux qui travaillent pour les agriculteurs, c'est-à-dire les agronomes, ce sont ceux qui sont les principaux conseillers des agriculteurs, et tous ceux qui sont véritablement les conseillers agricoles, cela veut dire 1,500 peut-être, la moitié. De 1,000 à 1,200. Ce sont ceux qui sont les véritables agents de développement économique du secteur agricole.

Non, je ne me scandalise pas du fait qu'il y ait autant d'employés au ministère de l'Agriculture pour administrerces programmes. D'ailleurs, ce n'est pas typique au Québec.

M. Lessard: Avec augmentation assez considérable au cours de l'année 1975/76.

M. Toupin: On s'est adjoint du personnel au ministère pour faire de la recherche économique. Cela n'existait pas auparavant, ainsi qu'un certain nombre de spécialistes. Toute la recherche qui se fait, par exemple, au ministère de l'Agriculture, a des implications directes sur le développement agricole. On pourrait tout aussi bien trouver cette équipe de travailleurs dans un autre milieu de recherche et on aurait exactement... On pourrait la trouver au minis- tère de l'Education, par exemple, rattachée aux universités.

Recherche agricole

M. Lessard: M. le Président, puisque le ministre nous parle de recherche, je suis prêt à attaquer le programme I. J'aimerais d'abord que le ministre nous fasse une rétrospective, je pense, de ce qui s'est fait au cours de l'année I974 dans ce secteur et dise ce qu'on entrevoit au cours de l'année l975/76 et quels sont lesprogrammesde recherchequi pourront être concrétisés et qui pourront peut-être apporter des politiques concrètes pour le développement agricole.

M. Toupin: M. le Président, je vais demander avant au sous-ministre qu'il donne grosso modo les principaux programmes, c'est technique. Ce qu'il dira, évidemment, pourra être enregistré au nom du ministre de l'Agriculture.

Le Président (M. Lafrance): Au nom du ministre lui-même.

M.Toupin: Avant, j'aimerais seulement apporter une petite précision. Lorsque nous pensons, en termes économiques, je ne pense pas qu'on puisse mettre de côté la productivité, c'est-à-dire l'effort de productivité, parce que, chaque fois que vous mettez de côté l'effort de productivité dans le domaine du développement économique, vous venez d'accepter que les gens, en matière économique, ne sont faits que pour travailler. Vous savez, cela devient des sortes de machines à travail. Les gens sont capables aussi de réfléchir et de raisonner. Les agriculteurs ont donné la preuve très souvent qu'ils étaient capables de raisonner et d'améliorer leur productivité. C'est pour cela qu'on les invite simplement à le faire.

M. Lessard: II n'y a pas...

M. Toupin: Ce n'est pas une marotte, c'est purement et simplement un élément fondamental relié à une politique de développement agricole.

M. Lessard: ...un agriculteur qui n'accepte pas, à un moment donné, la nécessité d'augmenter sa productivité. Au contraire, je pense que l'Union des producteurs agricoles a démontré que le secteur agricole avait été l'un des secteurs où la productivité a le plus augmenté par rapport à d'autres secteurs de la société québécoise...

M.Toupin: Par homme. Cela ne veut pas direque la productivité par unité de...

M. Lessard: Ce n'est jamais au maximum. M. Toupin: Par...

Le Président (M. Lafrance): Alors, on est tous d'accord sur la productivité.

M.Lessard: Nous écoutons le sous-ministre qui parlera au nom du ministre.

Le Président (M.Lafrance): Programme I. Recherche et enseignement.

M. Toupin: Le programme I, recherche et enseignement relève, au niveau de l'organigramme du ministèrede l'Agriculture, de la direction générale de la recherche et de l'enseignement agricole. Je pense bien que nous sommes tous conscients que la recherche, de même que l'enseignement en matière agricole, occupent assurément une place prépondérante parmi les facteurs essentiels à l'édification d'une agriculture de plus en plus rentable. La production agricole totale augmente chaque année et a augmenté considérablement au Québec...

M. Lessard: Vous reprenez le discours du ministre? Je vais vous donner une réponse.

M. Toupin:... au cours des dernières années. Il est bien clair que nous n'avons pas encore atteint dans tous les domaines de la diversification de l'agriculture ce que nous aurions espéré atteindre et ce qu'avec le potentiel dont le Québec dispose, on peut véritablement atteindre. Donc, il y a là, au niveau de cette expansion de l'agriculture québécoise, un défi qui est posé, bien sûr, à l'agriculture et que la recherche dans son ensemble doit contribuer à relever. C'est donc dans ce cadre d'objectif général que se situent la recherche effectuée et l'enseignement au ministèrede l'Agriculture. Nous essayons de trouver des moyens d'augmenter toujours de mieux en mieux la productivité et l'efficacité de l'agriculture, et cela par l'étude de divers problèmes, qu'ils soient tant au niveau de la production que de la transformation des produits agricoles,et de même aussi de former par l'enseignement des technologistes agricoles compétents, de même aussi que, depuis l'an dernier, nous donnons un cours de futurs exploitants tant à Saint-Hyacinthe qu'à La Pocatière. C'est afin, bien sûr, de fournir à l'ensemble de l'industrie agricole québécoise des connaissances et des renseignements essentiels qui sont nécessaires au milieu agricole.

Donc, sous l'aspectde la recherche plus spécifiquement, nous poursuivons effectivement les travaux de recherche et de développement expérimental dans le domaine des sols, des plantes, des animaux, de la technologie des produits agricoles, en plus, comme je le disais tout à l'heure, de dispenser un enseignement de niveau collégial spécialisé, de même aussi qu'une formation de futurs exploitants, afin de leur permettre d'acquérir une compétence technique et administrative. Est-il besoin de rappeler qu'en ce qui regarde pi us particulièrement la recherche, il y a plusieurs divisions qui s'y rattachent.

Si vous voulez, on peut en mentionner quelques unes, celle de la défense des cultures, qui est chargée, à travers, justement, divers aspects reliés au contrôle des mauvaises herbes, entre autres. C'est un problème spécifique au Québec, et qui a énormément d'influence sur les rendements qu'on peut obtenir avec diverses productions. Donc là, nous avons une équipe qui est répartie un peu partout dans tout le Québec, notamment au complexe scientifique et dans les diverses stations de recherche que nous avons, que ce soit à La Pocatière, Saint-

Hyacinthe, Sainte-Martine, L'Assomption et autres, qui touche divers problèmes qui sont reliés tant à la phytopathologie, c'est-à-dire le contrôle des maladies, de même aussi que des problèmes reliés aux insectes. C'est à titre d'exemple, que l'on parle des recherches qui se font au niveau de contrôle, tant des mauvaises herbes que des insectes, reliées au développement de la production du maïs-grain au Québec.

Dans une autre division, pour faire très rapidement, qui est celle de la division des sols, nos pédolo-gues continuent à compléter les inventaires pédologiques et la classification des divers sols des divers comtés agricoles du Québec. C'est un travail entrepris depuis quelques années et qui est un travail de longue haleine pour vraiment réussir à cartographier adéquatement tous les sols et les catégories de sol du Québec, justement pour mieux en évaluer leur potentialité et le rôle qu'ils peuvent jouer dans le cadre d'une diversification rationnelle de l'agriculture québécoise.

Plus particulièrement au niveau des stations de recherche, nous avons essayé, au cours de la dernière année, de spécialiser encore davantage les diverses stations de recherche agricole du ministère de l'Agriculture. Prenons l'exemple de la pomme de terre, que ce soit au niveau de la pathologie ou du développement de nouvelles variétés, c'est un territoire qui est connu sur la Côte-Nord où nous faisons, d'une façon très active, énormément de travail, tant au niveau du contrôle des maladies, qu'au niveau de la prod uction de semencesélites. De même aussi, un secteur fort important dans le développement de la productivité améliorée au niveau des plantes fourragères et céréalières, et relié à la station de recherche, tant de Saint-Hyacinthe que de Sainte-Martine où, sous une équipe de généticiens et une équipe multidisciplinaire, nous procédons à la création et à la recherche de création de nouvelles variétés, tant de céréales que de plantes fourragères adaptées aux conditions du Québec. Nous avons là, à travers les plantes céréalières et fourragères, plus particulièrement du côté céréalier, déjà travaillé à la création de nouvelles variétés, et nous avons espoir que, très prochainement, d'autres variétés d'orge, d'avoine et de blé prendront place sur le marché québécois, à partir d'une évaluation génétique de leur potentiel, adaptées aux conditions climatologiques québécoises et aux conditions, aussi, de nos sols québécois.

C'est donc là un secteur fort important sur lequel nous consacrons de plus en plus d'attention et de plus en plus d'efforts, tant sur le plan des techniciens qui y sont impliqués que sur le plan des budgets affectés à cette question.

Au niveau des plantes horticoles aussi, au niveau plus particulièrement de la station de L'Assomption, nous faisons...

M. Lessard: Le ministre est heureux avec un sous-ministre comme cela. Le ministre parle comme un grand livre, cela va bien, pas de problème.

Le Président (M. Lafrance): Laissons-le aller. M. Lessard: Le ministre se repose.

M. Toupin:... du travail au niveau de l'amélioration génétique, parexemple, au niveau de la tomate, certains aspects au niveau de l'asperge, de certaines productions horticoles, pas autant, parexemple, que pour la région du sud ou sud-ouest de Montréal. Vous savez pertinemment bien que nous avons encore des terres organiques, des terres noires qui méritent d'être exploitées, et qui pourraient l'être avec un apport supplémentaire de certaines productions horticoles qui viendraient prendre place sur le marché québécois sans perturber une situation, et permettre, encore une fois, de diversifier notre agriculture. Donc, sur le plan horticole aussi, se fait une recherche très intensive, davantage axée sur le côté de la génétique, sur le côté de création de variétés. Il en est de même aussi des recherches intenses qui se font, par exemple, au niveau de la fève soya, de création de variétés, d'essais de nouvelles variétés qui permettraient, à ce moment, de développer plus adéquatement ces productions au Québec. Il en est de même aussi, au niveau de certaines productions dites de plantes industrielles, où encore là, une équipe de techniciens est affectée douze mois par année à ces travaux de recherche, tant en plein champ qu'en serre maintenant. Nous allons plus loin.

Je parlais tout à l'heure des céréales. Il serait peut-être intéressant ici de savoir que nous essayons de faire le travail de deux années dans une, en utilisant certaines parties de terrains situées à l'extérieur du Canada, qui nous permettent d'accélérer le processus de recherche de ce côté.

Au niveau des bovins laitiers et au niveau de l'industrie laitière, nous avons spécialisé la station de recherche de Deschambault, qui devient ainsi le pôle de développement de toute la recherche que le ministère de l'Agriculture du Québec exerce au niveau des bovins laitiers. De même aussi exerçons-nous à cette station de Deschambault des travaux de recherche reliés à l'amélioration de la race chevaline afin de l'adapter aux conditions de l'évolution de la société dans cette civilisation de loisirs. De même aussi effectuons-nous à cette même station de Descham bault de la recherche ayant trait à la production de la volaille, que cela soit la création d'une variété de nouveau dindon ou encore que cela soit de la recherche sur certaines poules pondeuses.

C'est donc essayer très rapidement de résumer en grands traits de crayon les divers objectifs que le ministère de l'Agriculture poursuit par sa direction générale de la recherche sur le plan de la recherche et des essais qui doivent être faits pour les mieux adapter aux conditions du Québec, de même aussi qu'un autre volet et qui termine la responsabilité de cette direction générale, qui est celle du Conseil des recherches agricoles du Québec qui, lui, voit, à travers des budgets, à diriger, coordonner, établir les priorités de recherche qui doivent être effectuées au Québec par tous les organismes qui sont chargés de faire de la recherche au Québec, que ce soient les universités, que ce soient les stations de recherche du ministère fédéral de l'Agriculture ou du ministère provincial de l'Agriculture. A travers ce Conseil des recherches agricoles, où nous retrouvons ces divers éléments, les priorités de recherche y sont établies, de même aussi qu'à partirde là, les budgets afférents à cette même recherche sont déterminés suivant les priorités sur lesquelles le Québec doit se pencher pour faire évoluer pi us rapidement l'agriculture québécoise.

M. Pelletier: M. le Président, puis-je me permettre de poser une question au ministre ou au sous-ministre?

Le Président (M. Ostiguy): Oui. Le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Pelletier: J'aimerais savoir, par exemple, le budget de ITTA de La Pocatière dans la recherche agricole. Combien? C'est global: $6,470,000. C'est inscrit pour la province. J'aimerais savoir le montant dans la recherche et l'enseignement agricole.

M. Toupin: Oui. Si nous parlons au niveau de l'enseignement, donc, le programme 1 .élément 2, La Pocatière, le budget global est de $1,971,000; et si nous allons au niveau de la station de recherche de La Pocatière, ce sont deux entités différentes, je crois que — un instant, je vais vous donner le montant exact — cela doit être aux alentours de $500,000. Je vais vous le donner. C'est un montant de $464,300.

M. Pelletier: Y compris les inspecteurs dans la région...

M. Toupin: Non.

M. Pelletier: ... qui relèvent de l'ITA?

M. Toupin: Ceux-là relèvent d'un autre poste budgétaire qui est le programme 3: Bureaux et laboratoires régionaux. Ce que je vous donne actuellement, c'est relié strictement pour La Pocatière, premièrement à l'enseignement, soit technologique ou de formation de futurs exploitants d'une part et, d'autre part, à la recherche effectuée à la station de recherche de La Pocatière.

M. Lessard: Le ministre nous tracé un magnifique tableau de la recherche dans le secteur agricole. D'ailleurs, ce n'est pas le ministre, mais le sous-ministre — en tout cas, le ministre par l'intermédiaire de son sous-ministre. On sait d'ailleurs que le sous-ministre a de très grandes possibilités d'élocu-tion et peut nous tracer de très beaux tableaux, mais j'aimerais particulièrement lui poser une question concernant la recherche sur les bovins laitiers.

Le sous-ministre pourrait-il nous dire où on en est rendu à ce sujet? Quelles sont les concl usions de rapports, s'il y a lieu, concernant cette recherche, étant donné que le ministre nous a parlé de l'importance du revenu agricole qui provenait de la vente du lait?

On sait que ce revenu est estimé à près de 33%du revenu agricole des Québécois. Est-ce que du côté des bovins laitiers il y a une recherche qui se fait? Est-ce qu'il peut y avoir des "concrétisations" prochaines à cette recherche?

M. Toupin: II se fait, bien sûr, de la recherche sur les bovins, comme on l'expliquait tantôt. Cette re-

cherche est assez large. Elle touche d'une part la génétique, elle touche d'autre part l'alimentation, elle touche en troisième partie, toute la question de la gestion des fermes et elle touche également les espaces à l'intérieur desquels on peut faire évoluer un certain nombre d'unités en vue de trouver le maximum de rentabilité, tant au chapitre de la gestion qu'au chapitre de la génétique qu'au chapitre administratif.

M. Lessard: Est-ce que le ministre aété informé, ou est-ce que le ministre acollaboré, ou est-ce que le ministre a réalisé ce qu'on appelle le rapport final du comité d'orientation de la recherche sur les bovins laitiers qui aété présenté au Conseil de la production animale du Québec? Est-ce que le ministre a pris connaissance de ce rapport et est-ce que le ministre a collaboré à ce rapport?

M. Toupin: Evidemment, il y a plusieurs études qui se font sur l'élevage bovin, tant les bovins laitiers que les bovins spécialisés. Par exemple, le Dr Ouellet a fait une étude là-dessus déjà. Certaines autres personnes, tant de l'université que du ministère, ont également fait de la recherche, desétudesà ce chapitre; chaque fois qu'une étude est préparée, on la soumet au Conseil de la production animale pour savoir ce que ses membres en pensent, parce que ce sont là les spécialistes de la production. C'est à compter, très souvent, des propositions que ses membres nous font, que nous élaborons des politiques au ministère.

M. Lessard: Dans ce rapport qui a été déposé le 21 octobre 1974, auquel je ne sais pas si le ministère de l'Agriculture a collaboré, on précise qu'environ 12.3% de tout l'argent versé pour la recherche agricole au Québec sont affectés à la production laitière ou aux bovins laitiers. Ces montants, dit-on, représentent l'argent alloué aux recherches en génétique, nutrition, physiologie, maladies bovines, économie. Cependant, comme le ministre a parlé de l'impor-tancedu secteur laitier dans l'ensemble de la production québécoise, on trouve que ce montant de 12.3% n'est pas proportionnel à la force du secteur laitier dans la production québécoise. On peut difficilement établir une corrélation étroite entre, d'un côté, les revenus de la production laitière et, de l'autre côté, les montants dépensés en recherche, mais il m'apparaît qu'il y a un certain déséquilibre. On propose même dans ce rapport et on suggère, on recommande à l'unanimité, la création d'un institut de recherche des bovins laitiers au Québec. Est-ce que le ministre a pris connaissance de ce rapport et est-ce que le ministre aeu l'occasion d'étudier la possibilité de la création d'un tel institut afin de regrouper les recherches qui sont faites non seulement par le ministère de l'Agriculture, mais qui sont faites à l'extérieur par des organismes privés ou par l'Union des producteurs?

M. Toupin: On va diviser les problèmes. Vous en soulevez plusieurs. On va prendre d'abord sur le plan de la centralisation, du regroupement de la recherche. Ce fut fait l'an dernier. L'an dernier, si vous relisez les Débats sur les crédits de l'Agriculture, nous avons pris le temps de vous donner toutes les explications sur le nouveau conseil de recherche que nous avons mis de l'avant au gouvernement du Québec, de telle sorte que tous les chercheurs, où qu'ils soient, sont intégrésdans ce conseil de recherche. Il est actuellement sous la responsabilité d'un des sous-ministres du ministère pour que nous puissions faire passer, parce conseil de recherche, les priorités que le ministère juge à propos d'établir pour la recherche.

C'est M. Claude Simoneau qui est responsable de la recherche et, en même temps, président de ce conseil de recherche.

Quant au secteur bovin, il est difficile d'établir un pourcentage direct. Je n'ai pas lu le rapport, parlons du conseil...

M. Lessard: Est-ce que vous connaissez le rapport?

M. Toupin: Je n'ai pas lu le rapport.

M. Lessard: Est-ce que vous le connaissez?

M. Toupin: Je ne le connais pas, parce que je ne l'ai pas lu.

M. Lessard: Cela arrive que je connaisse des volumes et que je ne les aie pas lus. Vous auriez pu le connaître.

M. Toupin: Quand je connais des choses, c'est parce que je les lis, je les vois, je ne les rêve pas.

M. Lessard: C'est-à-dire que je peux connaître des titres.

M. Toupin: A ce moment, au niveau des titres, ça ne mène pas loin. Le Conseil...

M. Lessard: Ce serait important que le ministre connaisse le rapport.

M. Toupin:... de la production animale du Québec a créé un sous-comité auquel il a confié l'étude d'un document de travail sur la recherche en production animale. Le sous-comité a remis son rapport au Conseil de la production animale, le Conseil de la production animale le scrute. Par la suite, ce n'est pas le sous-comité qui fait des recommandations au ministère, mais c'est le conseil qui fait des recommandations au ministère. Donc, j'attends les propositions que me fera là-dessus le Conseil de la production animale.

Quant à la recherche, 12% ou 15%, c'est de la recherche directe. On ne regarde pas tout ce qui est indirect dans ce secteur, comme, par exemple, beaucoup de recherche sur l'alimentation, sur les fourrages, sur les silos, etc., étendent leurs tentacules beaucoup plus qu'au simple niveau de la production bovine. Et la recherche qui se fait par ailleurs, même si on ne la retrouve pas directement dans la partie qui va à la recherche de la production bovine ou des bovins laitiers, est faite par ailleurs et cela est pris à même le budget d u ministère. Il est, parcontre, difficile de dire que telle part va dans tel secteur et

que telle autre part va dans tel autre secteur dans la production bovine.

M. Lessard: Mais le ministre n'entend pas...

M. Toupin: J'attends la recommandation du Conseil de la production animale qui la fera au Conseil de recherche et je prendrai ensuite une décision à ce rapport.

M. Lessard: Vous avez probablement encore à l'intérieur de votre ministère un dénommé Clément Plante, qui travaille au niveau de la recherche?

M. Toupin: II travaille au niveau du Service de la production animale.

M. Lessard: Au Service de la production animale et qui était membre du comité ad hoc, qui a eu l'occasion, Ie 21 octobre 1974, de déposer ce rapport. Le ministre n'a donc pas pris connaissance, pour le moment, de ce rapport qui aété déposé le 21 octobre 1974. Il attend, avant de prendre une décision concernant l'Institut de recherche de bovins laitiers qui est proposé dans ce rapport...

M. Toupin: Une recommandation du Conseil de la production animale et du Conseil de recherche.

M. Lessard: II se fait énormément de recherche. J'ai l'intention de passer cet élément et on pourrait peut-être ajourner nos travaux. Il semble que le président soit d'accord, je ne sais pas si les autres membres le sont. En tout cas, j'ai quelques questions encore. Il se fait de la recherche de la part du ministère de l'Agriculture du Québec comme de la part des différentes stations fédérales. Est-ce qu'il y a une certaine collaboration entre les deux? Je pense qu'à l'intérieur du Conseil de la recherche, comme l'a indiqué l'an dernier le ministre.il y aurait une certaine collaboration qui se fait.

M. Toupin: II y a beaucoup plus qu'une collaboration; en équipe avec les chercheurs du gouvernement fédéral, les chercheurs des universités, de toutes les universités du Québec qui sont intéressées, nous avons créé une structure qui permet non seulement la collaboration mais toute la coordination de la recherche au Québec de telle sorte qu'il n'y a pas double emploi.

M. Lessard:... entre les universités fédérales et provinciales.

M. Toupin: ... actuellement, les priorités sont établies par le ministère de l'Agriculture...

M. Lessard: Québécois?

M. Toupin: Québécois, oui, et après, le Conseil de la recherche répartit aux chercheurs les différents secteurs sur lesquels les uns et les autres doivent travailler.

M. Lessard: Même les priorités des stations fé- dérales sont soumises à l'accord ou à la discussion du ministre de l'Agriculture?

M. Toupin: C'est exact. On discute en totalité tout ce qui concerne la recherche au Québec. Cela a été discuté l'an dernier; on a discuté exactement de ça l'an dernier, on a donné les mêmes réponses aux mêmes questions que vous nous posez.

M.Lessard: D'accord, je saisqu'on en a discuté l'an dernier, mais est-ce que c'est par l'intermédiaire du ministère de l'Agriculture que le gouvernement fédéral s'y prend pour faire bénéficier les agriculteurs du Québec de sa recherche?

M. Toupin: Cela veut dire que le gouvernement fédéral a ses budgets de recherche personnels répartis à travers le Québec...

M. Lessard :... dont les priorités sont établies en collaboration avec...

M. Toupin: En collaboration avec le Québec. C'est-à-dire que le Conseil de recherche du Québec est formé, comme je vous le disais tantôt, de différents chercheurs, y compris ceux du gouvernement fédéral.

Nous établissons, avec ce conseil de recherche, les priorités. Ces priorités descendent un peu partout, ce qui n'empêche pas le gouvernement fédéral d'avoir certains programmes précis ou particuliers sur des recherches à plus long terme, par exemple, dans certains domaines un peu plus fondamentaux où l'intérêt pour le Québec, présentement, n'est pas aussi marqué. Peut-être que, avec le temps, cela le deviend ra. Ce qui compte pour nous, c'est surtout la recherche pratique, celle qui va nous amener le plus rapidement possible à des résultats concrets au niveau de la gestion, de la production et de la productivité.

Mais il ne se pose aucun problème dans l'ordre de la recherche, depuis deux ans, depuis que nous avons créé cet organisme. Il ne se pose absolument aucun problème.

Le sous-ministre me dit que, même les guides sont rédigés en collaboration entre le fédéral et le provincial, pour qu'il n'y ait pas, là non plus, répétition dans les publications et que le producteur ne soit pas pris pour chercher, une fois dans un volume, et une autre fois, dans un autre volume.

M. Lessard: Alors, M. le Président, j'aurai l'occasion de revenir, lors des prochains crédits, sur le rapport final du comité d'orientation de la recherche sur les bovins laitiers présenté au conseil des productions animales du Québec et de savoir ce que le ministre entend faire pour concrétiser ses propositions.

Mais je constate, en tout cas, que, d'après ce rapport, on déplore le fait que le nombre de chercheurs, de spécialistes affectés à la production laitière au Québec soit assez faible et on demande une augmentation. Alors, M. le Président...

M. Toupin: On n'a pas beaucoup de chercheurs non plus, dans ce domaine.

M. Lessard: Justement. On parle, par exemple, de la possibilité d'accroître les effectifs humains et augmenter la qualité et la quantité des travaux de recherche dans ce domaine, à savoir la formation de scientifiques, recrutement de scientifiques, même en dehors du Québec, engagement des chercheurs pour les universités, à partirde subventions gouvernementales, regroupement des ressources actuelles, travail en collaboration, intéresser des chercheurs au problème de recherche avec les bovins laitiers. Autrement dit, il semble y avoir des problèmes et, l'an prochain, je garde la réponse du ministre, j'espère avoir une réponse pour ce que le ministère entend faire pour concrétiser les recommandations de ce comité.

M. Toupin: J'espère bien que vous ne me poserez pas de questions sur le Conseil de recherche, par exemple. Celui-là, on vous l'a bien expliqué.

M. Lessard: C'est pour cela ue vous remarquez que je n'ai pas insisté, cette année, aussi longtemps que je l'ai fait l'an dernier.

M. Toupin: Merci, M. le Président.

M. Lessard: II reste qu'il est assez facile pour le ministre de faire des réponses en nous parlant de collaboration, de coordination, mais, dans les faits, quelquefois, c'est différent.

En tout cas, M. le Président, quant à moi, je suis prêt à adopter le programme I, élément I, quitte cependant à suspendre les travaux jusqu'à demain, 10 heures, pour commencer la discussion sur l'enseignement.

C'est bien compréhensible. Personnellement, la Soirée du hockey, je n'ai pas le temps.

M. Tremblay: C'est terminé.

M. Lessard: II faut bien dire une chose. On commence à dix heures le matin...

M. Toupin: Oui, je suis d'accord avec vous.

M. Lessard: Rendu à 10 h 30 du soir, cela commence déjà à être passablement lourd.

Le Président (M. Lafrance): Alors, les éléments 1l et 2...

M. Lessard: 1.

Le Président (M. Lafrance): 1 est adopté?

M. Lessard: M. le Président, 1.

M. Toupin: 1 est adopté; 2. Le programme 1 ou l'élément...

M. Lessard: L'élément 1 est adopté. J'ai quelques questions sur l'élément 2, enseignement.

Le Président (M. Lafrance): La commission ajourne...

M. Lessard: On va revenir sur des questions de l'an dernier.

Le Président (M. Lafrance): La commission ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures, à la salle 9I-A.

(Fin de la séance à 20 h 25)

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