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Commission permanente de l'agriculture
Etude des crédits du ministère de
l'Agriculture
Séance du mardi 15 avril 1975
(Dix sept heures trois minutes)
M. Lafrance (président de la commission permanente de
l'agriculture): A l'ordre, messieurs!
Nous commençons aujourd'hui l'étude des crédits du
ministère de l'Agriculture.
Je pense bien, sans plus de préambule, que les membres de la
commission présents...
Une Voix: Y a-t-il des modifications?
Le Président (M. Lafrance): Non, pas pour le moment.
M. le ministre, si vous avez...
Remarques préliminaires
M. Toupin: M. le Président, à l'ouverture de
l'étude des crédits du ministère de l'Agriculture, je
voudrais simplement faire quelques commentaires sur ce qui s'est produit en
1974, dans le secteur agricole, et sur ce que nous entrevoyons comme situation
agricole pour l'année 1975, et ce que contiennent, en gros, le budget et
le programme législatif pour tenter de pallier, d'une part, les
situations que nous prévoyons et continuer à développer le
secteur agricole québécois.
On a dit beaucoup de choses, M. le Président, sur le budget du
ministère de l'Agriculture depuis quelques années. L'an dernier,
on avait dit que ce budget était insuffisant. J'avais d'ailleurs fait un
certain nombre de déclarations, et j'avais soutenu qu'effectivement,
vis-à-vis de certains programmes, le budget de l'an dernier était
insuffisant et il a fallu faire appel à des budgets
supplémentaires.
Cette année, ce budget est de beaucoup supérieur à
celui de l'an dernier, mais il est inférieur aux dépenses que le
gouvernement a autorisé le ministère à faire,
c'est-à-dire les budgets supplémentaires que le ministère
a eus au cours de l'année, additionnés au budget de base qu'il
avait eu au début de l'année, cela donnait quelque chose comme
$177 millions, et le budget actuel donne $169 millions, je pense, quelque
$100,000.
Je continue encore à soutenir, M. le Président, qu'en ce
qui concerne les programmes de base du ministère, les budgets que nous
obtenons sont suffisants, toujours conditionnés, bien sûr,
à un certain nombre d'éléments qui ne sont pas faciles
à contrôler dans le secteur agricole, mais les programmes de base
seront largement pourvus en termes de budget. Quant aux inconnues, notamment en
ce qui concerne les prix, j'y reviendrai tantôt, au cours de mon
intervention, et ce secteur pourra probablement commander des budgets
additonnnels, des budgets particuliers.
En 1974, par rapport à 1973, les revenus nets agricoles au
Québec ont diminué de 9%. On a dit, dans certains cas, que
c'était de 21% et de 22%, parce que le coût de la vie avait
augmenté et qu'il fallait ajouter à cette baisse de revenus
l'augmentation du coût de la vie.
Je suis bien prêt à soutenir que l'augmentation du
coût de la vie s'est fait sentir également dans le secteur
agricole, mais à des titres moins grands que dans les autres secteurs de
l'économie.
Nous n'avons qu'à prendre, par exemple, le secteur de
l'habitation, le producteur agricole subit, à ce chapitre, des
poussées inflationnistes beaucoup moins grandes que dans le secteur
ouvrier, mais du reste, il est également victime de l'inflation et il
est obligé, comme les autres, d'en payer, sinon toute la note, tout au
moins une partie de la note.
Même s'il y eut diminution des revenus en I974, il y eut, par
ailleurs, augmentation de la production, peut-être pas au chapitre de
toutes les productions, mais au moins vis-à-vis d'un certain nombre
d'entre elles qui constitue l'économie de base en agriculture au
Québec.
Par exemple, nous avons assisté à une augmentation de la
production du porc. En I973, nous produisions environ 78% de notre production
porcine. En 1974, nous avions dépassé largement 80% et, au
début de 1975, les statistiques dénotent que nous avons
peut-être atteint le 100% de la production porcine au Québec.
C'est un élément essentiellement positif parce que cela fait
partie du plan agroalimentaire que nous avons déjà rendu public
et la production porcine prenait une large part parce que nous avions
visé une augmentation de cette production.
Au niveau de la chair de volaille, il y eut également certaines
augmentations de production, notamment vis-à-vis du poulet à
griller, comme tel, le poulet, moins, mais le dindon à griller, je
pense, et certaines autres catégories où il y eut augmentation
ainsi que dans la production des oeufs.
On en a parlé beaucoup au cours des dernières
années, mais le Québec, en dépit des problèmes
rencontrés, continue quand même à développer cette
production et à maintenir aux producteurs des prix qui soient
acceptables.
Il y eut augmentation dans les céréales. Il y eut
également augmentation dans certaines catégories de
légumes et il y eut augmentation peut-être, pi us
particulièrement, dans le secteur des pommes de terre, en ce qui
concerne les productions maraîchères.
Ce secteur des pommes de terres subit, présentement, des
problèmes assez sérieux au chapitre des prix, les marchés
sont très mauvais. Il y eut surproduction au Canada et une plus grande
production aux Etats-Unis, ce qui fait que les marchés sont
essentiellement encombrés et que les prix sont très bas.
Déjà, le gouvernement fédéral a
annoncé une mesure d'aide à ce chapitre et le Québec
étudie la possibilité d'intervenir. J'y reviendrai de
façon plus particulière au cours de cet exposé.
La production laitière s'est maintenue, a été
même augmentée légèrement, peut-être de 3%
à 4%. Ce n'est pas une augmentation très forte, mais le
Québec demeure, au Canada, la principale province productrice de lait et
elle entend, bien sûr, le
demeurer. On continue, à ce niveau, à demander aux
producteurs de maintenir une production stable.
En I974, évidemment, cette année fut marquée
surtout par une tombée des prix vis-à-vis de certaines
productions.
Les producteurs de bovins ont été les plus durement
touchés par cette tombée des prix, les producteurs de pommes de
terre aussi, mais un peu plus tard dans l'année. Le début de
l'année 1973/74 a été bon pour les producteurs de pommes
de terre. C'est la fin de l'année 1974 surtout qui a été
difficile pour ce groupe de producteurs. Les producteurs avicoles ont
également eu certains problèmes de marché. Quant au
marché laitier, ce dernier a subi, bien sûr, les pressions
inflationnistes, mais les prix se sont ajustés presque automatiquement.
Le prix du lait nature, par exemple, a augmenté de plus de $1.50 en 1974
par rapport à 1973. Les prix sont maintenant établis à
$12.26. C'est le prix le plus élevé de toutes les provinces du
pays à l'exception de la Colombie-Britannique où les prix sont
plus élevés, mais où également des conditions de
productivité posées sont très sévères, en
soi, et obligent le producteur à faire des efforts beaucoup plus grands
que les autres producteurs des autres provinces du pays pour atteindre un prix
plus élevé. C'est là, je pense, une situation normale que
des conditions de productivité soient posées; mais au
Québec, nous n'avons pas cru bon encore d'imposer ces conditions de
productivité et les prix établis sont, non pas comparables, mais
supérieurs aux prix payés dans toutes les autres provinces du
pays et de beaucoup supérieurs aux producteurs de lait nature des
Etats-Unis, qui, en moyenne, ne dépassent pas encore $7 ou $7.50.
Cette difficulté de marché a été
accompagnée par une stabilisation des prix dans le domaine du lait, mais
par des interventions gouvernementales dans les autres domaines. C'est ce qui a
fait qu'en 1974, le gouvernement a dû intervenir au chapitre de cinq
productions, le bovin, ce fut la première où il y eut
intervention et la province de Québec a été la seule de
toutes les provinces du pays, encore une fois, à intervenir à ce
niveau. Nous sommes intervenus également au niveau de deux productions
avicoles, soit les oeufs et le dindon. Nous nous apprêtons à
intervenir probablement dans le secteur des pommes de terre si, à la
suite d'une étude d'un comité technique qui a servi d'ailleurs
à toutes les autres productions, il est démontré que les
coûts de production sont supérieurs au prix obtenu sur le
marché. Nous avons également fait porter une intervention
particulière au chapitre du sirop d'érable, sachant que ces
producteurs étaient aux prises, non seulement avec un marché
déficient, mais avec des surplus de production que nous n'avons pas
trouvés au cours des années précédentes.
Ces surplus de production étaient surtout attri-buables à
une trop grande quantité de ce produit de qualité
inférieure. Le produit de qualité supérieure n'a pas de
problèmes. Les marchés sont stables, les prix sont bons et fermes
et les producteurs parviennent, à ce niveau, à tirer facilement
leur épingle du jeu. A la suite des contacts que nous avons eus avec les
producteurs en 1974 ces contacts se sont faits sous plusieurs formes,
notamment au niveau d'une manifestation à la suite de l'ensemble
de ces contacts, à la suite aussi d'études que le
ministère avait entreprises en 1971/72 sur la stabilisation des prix, il
était convenu que le gouvernement accepte le principe d'intervenir au
niveau des producteurs agricoles chaque fois que leurs revenus seraient
inférieurs aux revenus du travailleur spécialisé.
Je n'apprends rien à personne lorsque je dis que nous ne nous
entendons pas exactement sur la définition du revenu du travailleur
spécialisé. Les producteurs agricoles soutiennent que nous devons
quantifier ce principe en termes de revenu horaire et le ministère
soutient qu'il s'agit, bien sûr, dans ce principe, de voir comment, au
cours d'une année, un travailleur spécialisé a pu gagner
en termes de revenus.
Le rôle du ministère de l'Agriculture, à ce
chapitre, n'est pas de subventionner un travailleur agricole, mais d'assurer un
revenu aux producteurs agricoles et c'est la raison qui nous a amenés
à croire que nous devons penser en termes de revenus et non pas en
termes de salaire horaire.
Le ministère avait déjà, évidemment,
jeté un coup d'oeil sur une loi de stabilisation des prix agricoles, ce
qu'on appelle la Loi d'assurance-stabilisation des revenus des producteurs
agricoles. Cette loi a été préparée au cours de
l'année 1972/73 et elle a trouvé ses principes fondamentaux dans
les déclarations que le gouvernement a faites à l'occasion de la
rencontre avec les producteurs. Cette loi a déjà
été déposée sous forme d'avant-projet, elle a fait
l'objet d'une étude en commission parlementaire, elle fera probablement
l'objet encore d'une étude à la commission parlementaire, si tel
est le désir des parties impliquées, quoique je n'en fasse pas
une condition. Je préférerais que nous discutions cette loi en
Chambre ou en commission plé-nière pour que nous puissions, le
plus rapidement possible, la mettre à la disposition des
producteurs.
Cette loi sera donc déposée bientôt à
l'Assemblée nationale et elle fait partie des grands objectifs du
ministère, en matière de stabilisation ou, tout au moins,
d'assurace des revenus des producteurs agricoles.
Nous avons discuté aussi, dans ce cadre, avec nos
collègues des autres provinces du pays. Nous sommes bien conscients que,
si le Québec met de l'avant une telle législation, de tels
programmes, cela aura de l'influence sur le comportement de l'agriculture des
autres provinces du pays.
La Colombie-Britannique, par exemple, a déjà des
programmes similaires à ceux que nous sommes en voie de préparer.
Une des provinces maritimes a un programme pour une production qu'elle exploite
depuis déjà quelques années. Il ne se révèle
donc pas possible de faire fonctionner de telles lois qui soient très
différentes dans chacune des provinces du pays. Il faut trouver un
"pattern" général pour que nous puissions éviter ainsi des
heurts trop grands sur le marché et voir les producteurs s'affronter en
ce qui concerne notamment la libre circulation des produits à
l'intérieur du pays.
A la suite de ces discussions avec les collègues
des autres provinces et le gouvernement fédéral, des lois
similaires, tout au moins probablement au niveau du gouvernement
fédéral sont attendues. D'ailleurs, le ministre de l'Agriculture
fédéral a déjà déposé une loi de
stabilisation des prix qui ressemble, en termes de principe, aux lois que nous
avons déjà préparées, mais qui mériteraient
certains ajustements, pour que nous puissions agir en même temps sur un
même produit. Cette loi sera bientôt déposée, et elle
fait partie des grands objectifs que le ministère s'est fixés, en
ce qui concerne les revenus des producteurs agricoles.
En 1974, nous avons, en outre, agi de façon assez
particulière au chapitre de la recherche de marchés et de la
promotion des produits agricoles. On a dit très souvent, au
Québec, que les Québécois connaissaient mal les produits
agricoles et, par conséquent, étaient portés à
acheter de ces produits provenant des autres provinces du pays. Nous n'avons pu
malheureusement, le faire partout non pas seulement à cause des budgets
disponibles, mais surtout à cause des organismes de mise en
marché, qui n'étaient peut-être pas toujours en place, mais
nous sommes parvenus, au moins au chapitre de deux ou trois productions,
à promouvoir le produit et ainsi à créer des
marchés plus intéressants pour les producteurs.
Nous l'avons fait notamment au chapitre de la pomme, où nous
faisons des campagnes de publicité sur la pomme à
atmosphère contrôlée; nous le faisons présentement
au niveau du sirop d'érable et nous l'avons fait de façon assez
large au niveau des produits laitiers, en collaboration avec les producteurs
laitiers et en collaboration également avec les organismes nationaux qui
s'occupent de ce genre d'activités, au niveau des produits de
l'agriculture canadienne et par conséquent québécoise,
lorsqu'il s'agit surtout de la production laitière.
Un dernier point qui mériterait d'être souligné en
1974 est celui du drainage souterrain. Malheureusement, à cause
peut-être du mauvais temps qui a influencé un peu, et surtout
à cause de l'inflation et de l'incertitude des producteurs, même
si nous avons ajusté notre politique d'aide, nous avons posé
moins de drains en 1974 que nous en avions posés en 1973, quelques
millions de pieds de moins.
L'objectif du ministère, à ce niveau, n'a pas
été atteint. Nous avions visé, au moins, ce que nous
avions posé en 1973, soit 42 millions de pieds, je pense. Cette
année, nous terminerons avec 32 millions ou 33 millions au maximum, soit
8 millions ou 9 millions de moins de pied drainés que l'an dernier.
Nous avons ajusté notre politique. De $0.10 de subvention qui
étaient versés par pied linéaire posé, nous avons
porté cette subvention à $0.15. Le budget prévoit plus que
cela. Pour l'année 1975, le budget prévoit que nous
dépenserons les $0.15, voire même peut-être les $0.20 pour
que nous puissions atteindre de nouveau les objectifs que nous nous
étions fixés pour 1974, quoique tout ce secteur du drainage, tant
de surface que de drainage souterrain, fasse l'objet présentement d'une
étude conjointe avec les producteurs dans le cadre d'un nouveau
programme global de productivité qui s'inscrira, sinon dès le
début de l'année, tout au moins au milieu de l'année, dans
le cadre des priorités du ministère de l'Agriculture.
Nous cherchons des objectifs plus audacieux que ceux que nous avons
atteints à venir jusqu'à maintenant. Mais, si nous voulons
atteindre ces objectifs plus grands, il nous faudra amender nos programmes et
inciter davantage les producteurs à s'en prévaloir. Il est
malheureux de constater, très souvent, que les producteurs ne se
prévalent pas suffisamment des mesures que le gouvernement met à
leur disposition.
Nous disons très souvent l'année 1974 a
également été l'objet de ces affirmations que le
secteur agricole diminue en nombre au niveau des producteurs. Il est vrai,
encore en 1974, qu'un certain nombre de petits producteurs ont dû quitter
l'agriculture soit pour s'occuper d'une autre activité ou soit pour
fusionner leur ferme avec d'autres agriculteurs qui détenaient une
petite ferme. Mais le nombre de jeunes, de nouveaux agriculteurs, au
Québec, augmente d'année en année.
En 1972, je pense, l'Office du crédit agricole versait environ
600 à 700 subventions pour des établissements de jeunes en
agriculture. En 1973/74, nous avions augmenté ce nombre de quelques
centaines. En 1974/75, nous l'avons augmenté de 264 ou 265 par rapport
à celui de l'année précédente. C'est-à-dire
que de 600 à 700 jeunes qui s'établissaient en agriculture, en
1970/71, cette année, les statistiques démontrent, et ce sont
seulement ceux qui reçoivent des subventions à part ceux
qui n'en ont pas, mais ce sont des cas exceptionnels elles
démontrent que 1,265 nouveaux établissements se sont
concrétisés au Québec. Il y a donc, bien sûr, en
dépit des problèmes que l'agriculture peut affronter ce
n'est pas le seul secteur qui a des problèmes un
intérêt bien marqué de la part des jeunes à
s'intéresser à l'agriculture québécoise.
Plus les fermes se regroupent, plus nous nous orientons vers des
politiques de sécurité, notamment, au chapitre du lait et
d'autres productions qui viendront plus tard, plus les jeunes
s'intéressent au secteur de l'économie qu'est l'agriculture. Un
certain nombre de producteurs décideront de quitter l'agriculture au
cours des prochaines années, j'en suis convaincu. Peut-être que
6,000 ou 7,000 quitteront encore le secteur agricole. Ce sont des fermes, pour
la plupart d'entre elles, à moins qu'elles soient remises à
d'autres producteurs, qui sont trop petites ou qui ne peuvent procurer aux
producteurs, aux propriétaires les revenus qu'ils cherchent.
Par conséquent, ils voient ailleurs comment ils peuvent tirer un
revenu plus substantiel. L'Office du crédit agricole en 1974 a consenti
des prêts qui ont dépassé $50 millions. C'est le double de
ce qui se prêtait en 1971/72, alors qu'on avait à peine atteint
$22 millions. $50 millions, évidemment, vous me direz que c'est de
l'endettement. C'est vrai que c'est de l'endettement, mais c'est de
l'endettement à bon marché. Les premiers $15,000 pour un
producteur, c'est 2.5% et la différence est de 7%, ce qui fait un taux
moyen qui ne dépasse pas 5% d'intérêt pour les producteurs
agricoles du Québec.
Je pense que peu d'agriculteurs au pays peuvent se vanter d'avoir des
politiques aussi appro-
priées, en ce qui concerne tout au moins le coût de
l'argent, que, les producteurs québécois ont présentement.
Le gouvernement fédéral adestaux plus élevés, je
pense qu'ils sont de 8%, par rapport à 7% au Québec, pour tout ce
qui dépasse $15,000. Pendant que le gouvernement du Québec
empruntait sur le marché des obligations à 8.5%, à 9% et
à 10% même, on prêtait aux producteurs agricoles à 5%
et à 4.8%. Donc, ce sont véritablement des taux
d'intérêt préférentiel. C'est ce qui indique,
d'ailleurs, que les prêts agricoles sont plus populaires qu'ils ne
l'étaient auparavant. S'il y a augmentation dans les prêts, cela
correspond à l'augmentation des jeunes agriculteurs. Ce sont surtout des
jeunes qui font appel aux prêts agricoles. Des lois ont été
déposées. Cela fait partie du programme.
L'an dernier, lorsque nous discutions les crédits on y
reviendra sur ce chapitre, en particulier, du crédit agricole
j'avais soutenu qu'il était nécessaire que nous portions de
$60,000 à $200,000, pour une corporation, les prêts agricoles et
de $40,000 à $100,000, pour les individus. Ces lois sont
déjà déposées. On se pose maintenant la question
s'il ne serait pas avantageux que nous regardions pour un individu plus de
$100,000. Cette question fait l'objet d'études présentement de la
part de l'Office du crédit agricole. Si, toutefois, il s'avère
nécessaire que nous le fassions, c'est-à-dire que nous prenions
le prêt à $100,000 pour le porter à $110,000 ou $115,000 ou
$120,000, nous le ferons selon, évidemment les conditions que
l'agriculture exigera, pour que ce geste soit posé.
Même si l'année 1974 a été un peu difficile
pour les producteurs québécois, avec les interventions
gouvernementales, je pense qu'ils ont touché, à quelques millions
près, ce qu'ils ont touché en I973. Nous sommes intervenus
déjà au niveau de la stabilisation des revenus. Nous travaillons
sur les coûts de production, les uns après les autres, et nous
intervenons quand nous nous rendons compte que les prix tirés du
marché sont inférieurs aux coûts de production. C'est ce
qui a fait que nous sommes intervenus, notamment au niveau de deux productions
le dindon en particulier et les oeufs, et nous nous apprêtons à
intervenir au niveau des pommes de terre.
Quant à l'intervention que nous avons faite vis-à-vis des
bovins, elle a fait, bien sûr, l'objet d'études, mais ces
études ne sont pas suffisamment poussées, et il deviendra
difficile, au cours des années à venir, de porter une
intervention vis-à-vis de la viande bovine si nous n'arrivons pas
à doter ce groupe de producteurs d'organismes de commercialisation qui
nous permettront vraiment de poser des gestes positifs à ce niveau.
D'ailleurs, ce sont des conditions que nous poserons dans l'avenir. Chaque fois
que la Loi de stabilisation des revenus agricoles s'appliquera, elle devra
être accompagnée d'un mécanisme de mise en marché
quelconque, de quelque nature que ce soit. Il n'est pas nécessaire que
nous allions jusqu'à contingenter les productions, mais il est
probablement nécessaire que nous allions jusqu'à trouver des
moyens pour mettre en place de nouveaux mécanismes de commercialisation,
notamment au niveau de la production bovine au Québec.
Cette situation peut probablement se prolonger en I975,
c'est-à-dire cette difficulté pour les producteurs agricoles de
trouver les prix qu'ils cherchent sur les marchés. Déjà,
nous sentons, vis-à-vis de certaines productions, que les marchés
cèdent, notamment au niveau de la pomme de terre. Les oeufs aussi sont
présentement l'objet de spéculation assez forte sur le
marché. C'est la fin de l'année qui nous dira jusqu'où le
gouvernement devra intervenir dans le cadre de sa loi d'assurance de
stabilisation des revenus agricoles québécois.
Donc, le budget, pour l'année 1975, sera de $169 millions et
quelque $100,000. Je n'ai pas les résidus en tête, mais c'est $169
millions et plus. Les programmes réguliers seront maintenus, sans aucune
difficulté, avec le budget que nous avons, et il est possible que nous
ayons à faire appel à des budgets nouveaux, notamment en ce qui
concerne l'assurance-revenu. Lorsque nous déposerons cette loi, il y
sera inscrit que,chaque fois que pour l'année I975 il y aura
matière à intervention, nous prendrons l'argent à
même le fonds consolidé de la province de Québec pour ainsi
satisfaire les exigences de cette loi et les besoins des producteurs.
Une autre loi probablement nécessitera des budgets additionnels,
que nous retrouverons dans cette loi aussi, c'est la loi qui créera
bientôt une société d'initiative agricole, alors que nous
entendons investir soit au chapitre des grains de provende, soit au chapitre de
toute autre activité commerciale; cette loi nécessitera des
déboursés nouveaux soit sous forme de commercialisation ou sous
forme de participation à du capital-actions ou autrement. Nous aurons
l'occasion d'en discuter lorsque cette loi sera déposée.
Une autre loi qui commandera, bien sûr, des dépenses
additionnelles et qui sont prévues également dans cette loi,
c'est la loi d'aménagement du territoire agricole et de la protection
des terres arables au Québec. Cette loi sera également
déposée bientôt et elle commandera, sans doute, des budgets
additionnels qui sont prévus, déjà, dans cette loi.
Quant aux autres programmes réguliers, le budget actuel,
d'après nous bien sûr, suffit pour satisfai re les besoins, mais
encore là, tout dépendra de la clientèle.
Si les producteurs agricoles s'en prévalent une fois ou deux fois
plus que l'an dernier, il est possible que vis-à-vis de certains
programmes, nous soyons obligés de faire comme d'autres
ministères le font et comme nous l'avons fait au cours des années
passées, obligés dis-je,de faire appel à des budgets
supplémentaires.
Le budget que nous allons commencer à étudier
bientôt, soit aujourd'hui ou demain, reflète nécessairement
le désir du ministère de doter le secteur agricole, comme nous
avons commencé à le faire, de structures, de commercialisation,
de prix, de stabilisation des revenus agricoles, de découvertes de
nouveaux marchés, le désir du ministère d'aller plus loin
dans ces différents secteurs et de mettre en place des structures
nouvelles et des programmes nouveaux pour que ces objectifs soient
atteints.
Nous avons toujours, bien sûr, à l'esprit,
comme nous l'avons préconisé dès le début,
cette sorte d'auto-approvisionnement au Québec en matière de
céréales; cette sorte de désir, également, du
ministère de satisfaire le plus possible les besoins des consommateurs
québécois.
Nous sommes, bien sûr, conscients, en même temps que cela
serait rêver en couleur que de penser qu'on peut mettre sur la table du
consommateur québécois tous les besoins que ce dernier a, toutes
les denrées qu'il consomme. Un certain nombre de ces denrées ne
peuvent être produites au Québec et un certain nombre d'autres
denrées, même si elles peuvent être produites au
Québec, parce que cela fait peu d'années qu'elles sont
implantées, ne peuvent encore, au cours des deux ou trois prochaines
années, atteindre l'objectif que nous nous étions fixé.
Mais, du reste, un certain nombre de ces productions ont déjà
atteint le but visé.
J'espère, M. le Président, que nous discuterons comme
d'habitude, avec objectivité, chacun des programmes que le
ministère propose dans le livre du budget. Je n'ai pas
d'inconvénient à ce que des critiques soient faites, c'est tout
à fait normal. C'est le rôle de l'Opposition de critiquer les
politiques gouvernementales, mais c'est aussi son rôle d'amener des
propositions qui ont un caractère positif de telle sorte que le
gouvernement soit plus éclairé et ainsi, puisse, de temps en
temps, amender ses programmes pour satisfaire, non pas au désir de
l'Opposition, mais aux besoins du milieu.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Pilote): Avant de céder la parole
aux représentants de l'Opposition, je voudrais vous mentionner les
changements suivants: M. Bé-rard (Saint-Maurice) remplace M. Carpentier
(Laviolette). Le rapporteur de cette commission est M. Faucher
(Nicolet-Yamaska).
La parole est au député de Saguenay.
Commentaires de l'Opposition
M. Lessard: J'ai l'intention de prendre vingt minutes pour faire,
en tout cas, le début de mon intervention préliminaire, quitte
à permettre au député de Beauce-Sud d'avoir dix minutes
avant le souper, étant donné qu'il n'est pas assuré
d'être capable d'être ici ce soir.
Cependant, je pense que même si les députés voudront
faire des interventions, si mon intervention n'était pas terminée
à l'intérieur des vingt minutes, j'espère qu'on pourra me
permettre de terminer à la reprise de la séance à 8 h
15.
Le Président (M. Pilote): Tous les membres sont d'accord
sur cette suggestion? D'accord.
M. Lessard: J'ai écouté le ministre et je n'ai pas
constaté de modifications par rapport à la situation qu'il nous
décrivait l'an dernier, sinon encore une situation peut-être plus
déplorable dans le secteur agricole.
Le ministre me faisait remarquer tout à l'heure que je semblais
être moins agressif dans mes interventions concernant le secteur
agricole. Ce n'est pas, M. le Président, que je sois moins agressif,
c'est que je commence à être passablement découragé
de voir le ministre, continuellement, se cacher les vrais problèmes
agricoles. Le ministre est un médecin qui fait desdiagnostics, mais qui
ne veut prendre aucun remède pour résoudre les problèmes
les plus graves.
Qu'on le veuille ou pas, M. le Président, l'agriculture est de
plus en plus, dans certains secteurs, dans une situation désastreuse et,
malgré tout ce que pourra nous dire le ministre, tant et aussi longtemps
qu'il ne prendra pas les mesures concrètes et les mesures
nécessaires pour protéger efficacement ce secteur, l'agriculture,
quelles que soient les subventions que voudra bien accorder à ce secteur
le ministre de l'Agriculture, sera toujours un secteur sans fonds, un secteur
où il sera pratiquement impossible qu'il devienne dynamique, un secteur,
M. le Président, où on perdra toujours de plus en plus de force,
un secteur où ce sera toujours l'Ouest qui sera favorisé, parce
que le "fédéralisme rentable" va à l'encontre des
intérêts du Québec, dans ce secteur.
Le ministre tente, à chaque reprise des crédits,
d'analyser secteur par secteur, et nous dire: Voici, on constate dans tel ou
tel secteur qu'il y a une baisse; mais jamais le ministre ne s'interroge
véritablement sur la cause fondamentale qui fait qu'au Québec on
ne contrôle pas notre agriculture. Au Québec, on ne contrôle
pas nos marchés. Au Québec, nous sommes devenus la poubelle de
l'Amérique du Nord comme du Canada en ce qui concerne les produits
agricoles. Il me semble que le ministre, chaque fois qu'il y a une crise, que
ce soit en ce qui concerne la contestation de l'importation du poulet volaille
en provenance des Etats-Unis, que ce soit en ce qui concerne la situation
déplorable du boeuf que nous avons vécue en octobre et novembre
dernier, tout cela revient toujours à la même chose.
Le Québec ne peut pas assureraux producteurs
québécois un marché qui lui appartienne. Le marché
québécois, dans le secteur agricole, appartient aux autres. Le
marché québécois dans le secteur des oeufs, dans le
secteur de la volaille, dans le secteur du boeuf appartient aux autres,
appartient aux Australiens, aux Américains, aux Canadiens anglais comme
aux provinces de l'ouest, mais n'appartient pas aux Québécois. Le
problème fondamental est là, M. le Président.
Le ministre devrait arrêter de faire comme une autruche et
constamment se cacher la tête dans le sable et de continuer de
prôner le fédéralisme rentable quand, chaque fois qu'on a
un problème agricole, qu'on soulève des questions à
l'Assemblée nationale, le ministre nous dit tout le temps: Je n'y puis
rien, ce n'est pas ma faute, c'est toujours la faute du gouvernement d'Ottawa.
Le 18 janvier dernier, lors de sa conférence de presse, le ministre
disait, en ce qui concerne le surplus des oeufs au Québec, alors qu'on
produit autour de 60% de notre consommation: Ce sont les producteurs canadiens
qui n'ont pas respecté leur quota.
Le ministre nous dit encore: Je n'ai pas de pouvoirs pour faire
respecter ces quotas. Ce qu'on dit au ministre de l'Agriculture, et on l'a dit
depuis 1970,
on va le lui répéter, on va discuter des politiques
sectorielles comme telles, on va discuter de certaines politiques
concrètes qui ont été faites par le ministre. Mais le
problème global de l'agriculture, il va être encore en dehors de
cette commission parlementaire. Le problème global de l'agriculture, le
ministre va encore se le cacher. Le problème global de l'agriculture, le
ministre ne veut pas en prendre conscience. Et pourtant, ça lui arrive
quelquefois d'avoir quelques remords et de dire: C'est vrai que je n'ai pas
tous les pouvoirs en agriculture.
On le verra tout à l'heure quand on parlera d'un article qui a
été publié ce matin dans le journal Le Devoir où,
encore là, on démontre concrètement, clairement, que
l'agriculture au Québec appartient aux autres, au gouvernement
fédéral; ça ne nous appartient pas. Parce que le
problème fondamental est une question de mise en marché. Le
problème fondamental est aussi une question de contrôle du
marché. Malgré le fait que le ministre de l'Agriculture va
continuer de subventionner les producteurs de boeuf, jamais le ministre de
l'Agriculture ne pourra empêcher l'importation du boeuf américain;
jamais le ministre de l'Agriculture ne pourra empêcher l'importation du
boeuf de l'Australie ou l'importation du boeuf de l'Ouest.
Il va faire quelques démarches auprès de son homologue,
comme dirait un de ses collègues, de son "monologue" au Parlement
fédéral. Mais ça ne changera pas grand-chose. Parce que la
politique agricole du gouvernement fédéral n'est pas faite pour
l'Est, c'est fait pour l'Ouest. Cela me paraît être le
problème fondamental et il me semble que le ministre, après tant
d'échecs, en particulier dans le secteur du boeuf, alors qu'il y a eu
des investissements considérables de l'Etat qui ont été
mis là-dedans, tout ce secteur s'est écroulé, du jour au
lendemain, par suite du fait qu'on ne contrôle par nos
marchés...
En octobre et novembre dernier, pendant que des agriculteurs sortaient
dans la rue pourcontester les prix qui leur étaient offerts en ce qui
concerne le boeuf, il y avait des bateaux de l'Australie, il y avait des wagons
en provenance des Etats-Unis qui étaient remplis de boeuf et qui
entraient sur le marché québécois. Le ministre de
l'Agriculture nous disait: Ce n'est pas ma faute, je ne contrôle pas le
commerce, tant interprovincial que le commerce en provenance des autres
pays.
Ce que je dis au ministre, c'est qu'il n'y a pas un pays du monde, que
ce soit au niveau du marché commun il y a des négociations
qui peuvent se faire, il y a des ententes qui peuvent se faire mais il
n'y a pas un pays du monde qui accepte d'être, en ce qui concerne les
produits agricoles, la poubelle des autres pays. Au moins, dans le
marché commun, les pays européens ont un mot à dire. C'est
une véritable négociation qui se fait, au niveau de ce
marché commun, en ce qui concerne les produits agricoles.
Mais le ministre ne négocie pas avec le gouvernement
fédéral, le ministre n'a pas le pouvoir de négocier avec
le gouvernement fédéral parce que l'agriculture ne relève
pas du ministre provincial.
Une véritable politique agricole ne relève pas de ce
ministre provincial ou de ce ministre régional, pourrais-je dire, mais,
en vertu de la constitution canadienne, cela relève d'abord du ministre
à Ottawa. Nous allons continuer de dire cela. Malheureusement, c'est
dans ce secteur agricole que l'on se fait le plus organiser, que l'on se fait
le plus "fourrer", et le ministre ne semble pas en prendre conscience.
Il n'est pas question, M. le Président, que les producteurs
québécois se mettent à produire des bananes, une fois
qu'on contrôlerait nos frontières. Non, on ne se mettra pas
à produire des bananes et des cocos de singe du jour au lendemain.
Cependant, il y aurait moyen, là où nous avons des avantages
comparatifs, de s'assurer que la production québécoise soit
d'abord vendue prioritairement aux Québécois. Quand vous pensez
que, dans le secteur des oeufs, par exemple, on ne produit que 55% à 60%
de notre consommation et que nos producteurs ne sont même pas capables
d'avoir la priorité sur leurs marchés. Dans ce secteur, comme
dans celui de la production des patates, nos producteurs subissent la
concurrence des autres. Le ministre nous dit: Je n'ai pas de contrôle.
Les producteurs canadiens n'ont pas respecté leur quota. En ce qui
concerne la pomme de terre, on sait, depuis nombre d'années, que,
grâce aux subventions de transport du gouvernement fédéral,
c'est rendu qu'il en coûte moins cher de payer une poche de patates en
provenance du Nouveau-Brunswick, à Montréal, que de payer une
poche de patates de nos producteurs québécois.
Le ministre nous dit: Ce n'est pas ma faute. Je n'ai pas de
contrôle sur les frontières du Québec, en matière
agricole. M. le Président, que le ministre nous dise donc une fois pour
toutes qu'il n'a pas le contrôle de l'agriculture
québécoise. Que l'agriculture, à un moment donné,
est la responsabilité d'un autre. Que le ministre nous le dise donc, une
fois pour toutes, franchement, honnêtement et qu'il arrête de nous
planifier de vastes programmes. Que le ministre nous dise donc qu'il est
incompétent dans le système actuel, non pas à cause de son
incompétence individuelle, mais de l'incompétence, comme telle,
en vertu du système.
Même si le ministre subventionne le producteur
québécois à coup de millions de dollars, il ne pourra
jamais assurer une agriculture vivable, une agriculture rentable, comme une
agriculture dynamique, tant et aussi longtemps qu'il n'aura pas le
contrôle de ses frontières. Que le ministre ne vienne pas me dire
que je veux établir un mur de Chine autour du Québec. Du tout,
mais, par exemple, il y a une chose. Quand on pourra négocier
d'égal à égal et avoir des pouvoirs en matière
agricole, on pourra facilement dire, comme cela se fait dant la Marché
commun: D'accord, nous allons avoir des ententes avec vous, mais vous allez les
respecter. Si, par exemple, notre quota, en ce qui concerne les oeufs, notre
possibilité de production est 55% de notre consommation, d'accord, nous
allons importer de chez vous 45% de notre consommation, mais, par ailleurs,
vous allez acheter notre poulet de gril.
Nous pouvons ainsi faire des échanges, mais ces
négociations sont absolument impossibles. Le ministre est toujours
à genoux devant le gouvernement fédéral. Ce n'est pas sa
faute, c'est le système qui le veut. Malgré tous les grands
programmes de planification, nous arriverons toujours au même
résultat. Nous pourrons avoir une agriculture de survivance, mais nous
ne pourrons jamais avoir une véritable agriculture au Québec.
En ce qui concerne le budget, maintenant, on dirait qu'il n'y a que le
ministre qui a le pas au Québec.
C'est comme la mère qui voyait son garçon dans
l'armée. A un moment donné, il ne suivait pas les autres du tout
et il n'avait pas la même façon de marcher que les autres. Elle a
dit: Regarde donc, tous les autres se sont trompés. Les autres se sont
tous trompés, il n'y avait que son fils qui avait le pas. Le ministre,
depuis plusieurs années, est seul à avoir le pas. C'est
drôle, à un moment donné, quand on lit des commentaires de
différents journaux, au Québec, on constate que l'agriculture va
mal et que le budget agricole au Québec a diminué. Mais le
ministre de l'Agriculture n'a pas de problème, comme il nous l'a dit
l'an dernier. L'an dernier, il nous disait exactement la même chose. Il
va être capable de faire face à la situation en ce qui concerne
les programmes normaux du ministère. Il n'avait pas besoin, l'an
dernier, de budgets supplemental res. Cela allait bien. Il était
satisfait du budget qu'on lui accordait en ce qui concerne l'agriculture. Cette
année, il l'est encore, parce qu'il s'y est soumis.
Depuis ce temps, sa menace de démission, il l'a retirée.
Cette année encore, le ministre de l'Agriculture nous dit: Je suis
satisfait, malgré le fait, M. le Président à moins
qu'il n'y ait que le ministre qui ait le pas que tous les
éditoriaux des différents journalistes au Québec,
malgré le fait que quantité de journaux, tant régionaux
que provinciaux, aient remarqué une diminution, à un moment
donné, du budget de l'Agriculture. Le ministre continue de nous dire: II
n'y a pas de problème. On va arranger cela avec les budgets
supplémentaires qui viendront.
Ce qu'on a à juger aujourd'hui en commission parlementaire, ce ne
sont pas les budgets qui vont venir dans trois mois, dans quatre mois et dans
six mois, les budgets qui vont être acquis de peine et de misère
en sortant dans la rue, en contestant et en forçant la main du ministre,
et, quand on ne sera pas capable d'avoir la main du ministre, on sautera
pardessus le ministre et on ira voir le gouvernement Bourassa, on ira voir le
premier ministre Bourassa. C'est comme cela que les $15 millions, sur les $22
millions, à un moment donné, on les a obtenus.
Ce qu'on a à discuter des crédits, ce sont les
crédits qui sont prévus en vertu du budget. Or, les
crédits prévus en vertu du budget, c'est quoi?
Voici ce qu'on nous dit: je n'ai pas tout sorti, ce sont quelques
journaux "L'agriculture reste le parent pauvre de la Belle Province";
c'est dans La Voix de l'Est du mercredi 26 mars 1975. Dans Le Journal de
Québec, le mercredi 26 mars 1975 aussi: "L'agriculture y goûte
encore". A la même date, dans le journal Le Jour, qui est un journal
indépen- dant, comme vous le savez: "Les producteurs
québécois n'ont pas à se réjouir". Dans le journal
Le Devoir: "Agriculture, culture et immigration n'obtiennent pas les
crédits espérés". Dans Le Droit, même à
Ottawa, on nous souligne que l'Agriculture n'a pas les crédits
nécessaires: "Baisse de près de 5% au chapitre agricole". Dans Le
Nouvelliste, le mardi 1er avril 1975: "Les agriculteurs n'ont jamais
été choyés par le Conseil du trésor."
Le ministre de l'Agriculture nous dit: Je suis satisfait. C'est moi qui
suis responsable de l'agriculture au niveau du Conseil du trésor,
malgré le fait j'y reviendrai après le souper qu'il
nous explique qu'il est obligé de prendre trois fois plus de temps pour
expliquer l'économie agricole au Conseil du trésor. Le ministre
nous dit: Je suis satisfait.
C'est la satisfaction éternelle du ministre qui est poigné
avec ses problèmes, qui sait qu'il n'est pas capable d'y trouver de
solution, qui sait que le système va à rencontre de toutes nos
politiques d'insuffisance, mais, encore là, comme on le verra et comme
je continuerai d'intervenir après, le ministre ne bouge pas, le ministre
ne prend pas ses responsabilités vis-à-vis des agriculteurs. On
en reparlera encore après le souper.
Le Président (M. Pilote): Le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. Je veux remercier mon
collègue de Saguenay de m'avoir accordé une partie de son droit
de parole avant le souper pour me permettre d'intervenir brièvement,
parce que je n'ai que dix minutes à ma disposition pour faire des
commentaires généraux concernant l'agriculture.
J'ai écouté le ministre tout à l'heure et je me
suis demandé si j'entendais de mes oreilles le premier ministre
pas le premier ministre, je pourrais dire le dernier, si on regarde le budget
le ministre de l'Agriculture du Québec. Je me suis demandé
réellement si j'étais bien à l'étude des
crédits du budget du ministère de l'Agriculture de la province de
Québec, tellement le ministre me semblait complètement à
côté et complètement ingorant des problèmes
réels qui confondent les agriculteurs québécois. J'aurais
été porté à conclure après avoir entendu le
ministre que ce n'était pas le ministre de l'Agriculture, mais
plutôt le ministre des théories agricoles.
Le ministre a une théorie sur les patates, le ministre a une
théorie dans les légumes, le ministre a une théorie dans
les grains de provende, le ministre a une théorie dans les oeufs de
consommation, le ministre a une théorie dans les bovins de boucherie, le
ministre a une théorie dans tous les domaines. Le ministre a des
théories. Des théories, nous en entendons depuis 1970, toujours
des théories et, à entendre les théories, je me demande
sincèrement si le ministre est au courant de ce qui se passe dans la
province de Québec, parce qu'il nous donne l'impression d'avoir l'air
convaincu. Cela est assez étonnant pour quelqu'un comme lui qui a
oeuvré dans le milieu agricole, qui a oeuvré dans le syndica-
lisme agricole pendant de très nombreuses années puisqu'il
a failli en faire carrière. C'est là qu'on peut se poser de
très sérieuses questions.
Lorsque le ministre arrive et nous dit qu'il y a des jeunes qui se sont
établis dans l'agriculture la semaine dernière...
M. Toupin: L'année dernière, pas seulement une
semaine.
M. Roy: L'année dernière, je m'excuse, il y a un
an. Si on fait l'inventaire du nombre d'agriculteurs qu'il y avait au
début de l'année et qu'on le compare avec les chiffres de la fin
de l'année, on constate que cela n'a pas été un
progrès. Cela n'a jamais été un progrès depuis
1970. Le ministre vient de me dire encore qu'il va en partir encore. Le
ministre dit cela avec le sourire, avec une certaine satisfaction comme si ces
choses étaient normales. Est-ce que le ministre se rend compte
actuellement du mal et du tort qu'il est en train de faire au Québec?
L'économie rurale, rien ne va plus dans ce domaine. Il y a plusieurs
localités, plusieurs régions de la province actuellement qui
connaissent de multiples difficultés parce que, dans l'industrie
agricole, cela ne fonctionne pas. On a éloigné le plus possible
les points de transformation des produits agricoles des producteurs. Nous
sommes intervenus, mon collègue de Saguenay et moi, encore l'automne
dernier dans le cas d'un groupe de producteurs du comté de Dorchester,
du comté de Bellechasse et du comté de Montmagny pour
tâcher d'inciter le ministère de l'Agriculture à intervenir
il n'a pas besoin d'aller demander de permission là-dessus
auprès des industriels laitiers du Québec pas les
industriels laitiers du Manitoba, pas les industriels laitiers de l'Ontario,
les industriels laitiers du Québec pour tâcherque ceux-ci
continuent à recevoir la production des petits et des moyens
agriculteurs.
Ce qu'on est en train de faire au Québec actuellement? Je serais
curieux de voir justement les statistiques et avoir les données du
ministre de l'Agriculture, concernant l'établissement des jeunes
agriculteurs, pour découvrir combien il y ade jeunes qui justement sont
venus à l'agriculture sans prendre le bien ancestral ou le bien
familial, parce que, pour avoir travaillé dans le domaine de
l'établissement agricole, j'ai été en mesure de me rendre
compte qu'aujourd'hui, si quelqu'un veut s'établir dans l'agriculture et
veut s'acheter un établissement autre que l'établissement
familial, il n'a pas les moyens, il n'a pas les capitaux voulus pour être
en mesure de faire les achats nécessaires, être capable de
s'installer et s'organiser pour respecter seulement les normes exigées
par ce même ministère de l'Agriculture, afin d'avoir droit aux
subventions gouvernementales.
On me dira peut-être que dans certaines régions du
Québec, ce n'est pas le cas. C'est possible, c'est non seulement
possible, mais plus que probable; la région du Richelieu, la
région de Nicolet, la région de Joliette représentent des
caractères particuliers. Qu'on aille dans les autres régions du
Québec, par exemple, et qu'on aille voir le problème réel
auquel les agriculteurs ont eu à faire face. Le minis- tère de
l'Agriculture du Québec a refusé systématiquement de
prendre ses responsabilités lorsqu'il s'agit de protéger les
intérêts d'une classe de moyens et de petits agriculteurs qui
n'avaient pas les moyens, qui ne pouvaient pas, à cause,
premièrement, du nombre d'années qu'il leur restait, pour vivre
et pour continuer à exploiter une exploitation agricole ou encore,
compte tenu de la situation dans laquelle ils se trouvaient, par rapport au
contexte économique de leur milieu. On les a obligés, ces gens,
à fermer boutique tout simplement, à abandonner la production
laitière. Ces gens se sont lancés dans l'élevage du bovin
de boucherie, étant donné la grande publicité que le
gouvernement a faite.
L'automne dernier, lorsqu'ils sont arrivés pour mettre leurs
bovins sur le marché, que s'est-il produit? Les cultivateurs ont
été obligés de manifester, les prix étaient
à plat, et pendant ce temps, il y avait la journée de la grande
manifestation agricole. Il y avait quatre navires dans le port de
Montréal en provenance de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie
qui arrivaient avec des chargements de viande et qui livraient de la viande
dans le port de Montréal, pendant que les agriculteurs du Québec
manifestaient.
Si le ministre est intéressé et, au cas où il ne
serait pas au courant, je pourrais lui faire parvenir, demain ou
après-demain, le nom des navires, les dates, le tonnage, et je pourrais
lui faire parvenir énormément de documentation
là-dessus.
M. le Président, je m'inquiète du fait que le ministre
semble très intéressé à avoir les informations. Je
m'inquiète, parce que cela aurait été son travail et sa
responsabilité de faire ces recherches. Mais non, on ne veut pas
déranger les règles du jeu. Ces mêmes producteurs, qui
n'ont pas été capables de vendre leurs bovins de boucherie,
l'automne dernier, se sont résignés à les garder en
attendant de meilleurs prix. Comme c'étaient de petits et de moyens
producteurs...
M. Toupin: Qui vous a dit qu'on ne les avait pas, ces
statistiques? Je vous ai regardé. Je pensais que vous alliez les
apporter. C'est pour cela que j'ai dit: Peut-être qu'elles ne
correspondent pas aux nôtres.
M. Roy: Bon! On prendra le temps d'examiner cela quand on viendra
à l'étude de chacun des chapitres...
M. Toupin: D'accord!
M. Roy: ... qui sont......sur ce point.
M. Toupin: ... apportez-m'en.
M. Roy: Je voulais dire ceci au ministre: Ces petits et moyens
producteurs du Québec qui s'étaient lancés dans
l'élevage du bovin de boucherie, en s'organisant ou en planifiant un
programme de deux, trois, quatre ans en vue de venir à avoir un troupeau
suffisant, n'ont même pas été admissibles ou en partie
admissibles aux politiques de subventions qui ont été
annoncées pour venir en aide aux éleveurs de bovins de
boucherie.
Cela a justement été un des problèmes auxquels nous
avons eu à faire face. Mais ce qui est le plus grave, c'est que, pendant
le temps qu'on n'a rien fait pour les petits et les moyens producteurs laitiers
du Québec, le Québec achetait, au grand plaisir des importateurs,
de plus en plus de beurre en provenance des autres pays. Je me permettrai de
citer à l'attention du ministre quelques chiffres et je vais les citer
également à l'attention des membres de la commission.
Le Canada a importé, pour la période du 1er avril 1974 au
31 décembre 1974 pour une période de neuf mois
41,716,000 livres de beurre, et ce sont les statistiques officielles du
gouvernement fédéral, données par le journal des
Débats de la Chambre des communes du 24 mars 1974, page 4403. Si le
ministre veut des documents, je vais lui en donner, je vais lui en citer.
Nous avons importé au pays 41,716,000 livres de beurre, et, ce
qui est intéressant, surtout, c'est de voir les prix, à une
moyenne de $0.59 la livre, alors qu'on a augmenté les prix de
façon considérable pour les consommateurs du Québec.
Pour résumer, on peut se poser de sérieuses questions et
se demander si le ministère de l'Agriculture, consciemment ou
inconsciemment ne fait pas actuellement le jeu du grand capital, des grandes
sociétés pour détruire l'agriculture du Québec afin
de leur laisser une place libre, la place exclusive, pour permettre aux
multinationales d'exploiter les consommateurs québécois.
Si on regarde l'évolution de l'agriculture du Québec, qui
n'a cessé de régresser depuis 1970, on ne peut que conclure que,
dans tous les domaines de la production agricole actuellement au
Québec...
M. Lessard: Par rapport au Canada.
M. Roy:... par rapport au Canada et par rapport aussi à
l'augmentation de la consommation dans la province de Québec, nous avons
régressé, dans tous les domaines.
M. Toupin: Ce n'est pas vrai.
M. Roy: Et inutile de vous dire que, si les importateurs, qui ont
importé 41,716,000 livres de beurre à un prix moyen de $0.59 la
livre, quand on regarde les prix actuels qu'on demande aux consommateurs du
Québec, et qu'on fait un chiffre pour découvrir quelles sont les
dizaines et dizaines de millions que ces sociétés encaissent en
exploitant le consommateur du Québec, c'est là que je dis que le
ministère de l'Agriculture du Québec fait preuve d'une
inconscience épouvantable, d'une irresponsabilité
épouvantable. C'est en effet que le premier secteur
éco-nomiqued'une nation qui veut vraiment progresser, d'une nation qui
veut vraiment être elle-même, d'une nation qui ne veut pas
être à la merci des autres je dis bien, à la merci
des autres et ne pas ramper devant les exigences de certaines grandes
sociétés multinationales, c'est d'abord de faire en sorte
d'utiliser son territoire, son sol et d'organiser sa production nationale comme
telle.
Or, la province de Québec, M. le Président, a toujours
été une province qui, dans bien des secteurs, dans bien des
domaines, a toujours organisé une certaine autosuffisance. Dans ces
domaines, compte tenu des politiques, des contingentements, on nous parle de
formules, on nous parle de cas spécialisés. Je n'ai rien contre
cela, au contraire. On nous parle d'office de producteurs, je n'ai rien contre
cela, au contraire, mais le gouvernement semble vouloir reporter sur le dos des
producteurs en leur disant: Organisez-vous. Il y a des formules, Servez-vous de
ces formules. Avec ces formules, vous allez réussir. C'est
évident qu'il y a une nécessité d'utiliser certaines
formules comme les plans conjoints. Il y a une nécessité
d'organiser les offices de producteurs, de créer certains organismes de
mise en marché, mais jamais ces organismes, à eux seuls, ne
réussiront à régler le problème des agriculteurs du
Québec. Il faut l'action du gouvernement provincial et cette action du
gouvernement provincial, je la résume en deux points particuliers: Tant
et aussi longtemps qu'on n'aura pas pris les moyens pour garantir des prix
minimaux aux producteurs du Québec en premier lieu et, dans certaines
productions, entre autres, si on n'a pas pris le soin de nous organiser ou
d'utiliser un certain réseau d'entrepôts pour être capables
d'entreposer les surplus en période d'abondance ou les productions
très saisonnières, être capables d'entreposer le produit
des agriculteurs et leur donner des avances et leur donner des paiements
d'appoint pour ensuite être capables d'organiser la mise en
marché, je dis, M. le Président, que nous n'en sortirons pas.
Qu'on parle de la mise en marché, j'en suis. Il y a un problème
de mise en marché, mais avant la mise en marché, il y a des
choses essentielles à faire.
Il faut d'abord garantir une sécurité aux producteurs et
jamais on ne leur garantira cette sécurité s'il n'y a pas des
prix minimaux garantis, d'établis et, dans un deuxième temps, si
on ne permet pas aux agriculteurs d'être capables de livrer leurs
produits surtout dans le cas des productions saisonnières. Le ministre
nous a dit aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, que, dans le cas
des pommes, cela avait très bien fonctionné. Nous sommes d'accord
que cela a bien fonctionné dans ce domaine et qu'il y a eu quelque chose
de tangible de fait au niveau des producteurs de pommes. Il y a eu une amorce
de faire au niveau du sirop d'érable. Je ne suis pas d'accord avec le
prix de $0.35 la livre parce qu'on aurait pu se rendre à $0.40, cela
n'aurait pas été exagéré et personne en aurait
souffert dans la province de Québec. Mais n'eût été
cette mesure, il y aurait encore eu un plus grand pourcentage d'agriculteurs
cette année qui n'auraient pas entaillé leur
érablière. C'est une mesure qui est arrivée à la
dernière minute. Seulement le principe a été
accepté. Je dis que, si le gouvernement a réussi cette
année, à la suite de pressions et combien de fois avons-nous
dû en parler, avons-nous dû intervenir à l'Assemblée
nationale, lors de l'étude des crédits ou ailleurs, pour inciter
le gouvernement à se décider d'entreposer la production du sirop
d'érable qui n'était pas vendue, le gouvernement s'est
décidé à
la dernière minute et déjà, cela a eu des effets
bienfaisants.
Le principe qui vient d'être d'adopté dans ce domaine
devrait se propager et se continuer ailleurs. Pour cela, le gouvernement aura
besoin d'un autre budget que d'un budget qui a diminué par rapport au
budget de l'an dernier. Je ne sais pas si c'est le manque de leadership du
ministre, je ne sais pas si le ministre n'a pas les arguments
nécessaires pour convaincre ses collègues de la trésorerie
ou au cabinet des ministres, maison peut quand même se poser des
questions sur le fait que les agriculteurs du Québec, dans le premier
secteur de l'activité économique, sont toujours aux prises avec
les mêmes problèmes.
M. Toupin: M. le Président, avant de suspendre nos
travaux, si la commission est d'accord, je sais que le député de
Beauce-Sud ne pourra pas revenir ce soir, et comme il est coutume en commission
parlementaire que le ministre ait toujours le droit de réplique, si la
commission est d'accord, je prendrais seulement deux ou trois minutes, pas
beaucoup, seulement pour commenter le discours du député de
Beauce-Sud. J'aurai l'occasion de commenter celui du député de
Saguenay ce soir, quoiqu'il se résume à peu de chose, le discours
du député de Saguenay.
M. Lessard: Je n'ai pas fini, vous allez voir, on va vous
parler...
M. Toupin: J'aimerais commenter le discours du
député de Beauce-Sud.
Le Président (M. Pilote): Est-ce que la commission est
d'accord?
Des Voix: D'accord, d'accord!
Le Président (M. Pilote): Le ministre de
l'Agriculture.
M. Lessard: C'est peut-être peu de choses, mais ce sont les
plus importantes.
M. Toupin: Le député de Beauce-Sud, dans son
intervention, m'accuse d'être un théoricien. C'est possible qu'on
élabore des théories vis-à-vis de chacune des productions,
cela m'apparaît tout à fait normal. Nous prenons les secteurs les
uns après les autres, nous analysons les marchés, nous analysons
les conditions de production, nous élaborons une politique qui peut
s'appeler un régime théorique. Par la suite, nous appliquons
concrètement nos programmes. Vous avez donné l'exemple le plus
concret avec le sirop d'érable, avec la pomme, et vous avez donné
l'exemple le plus malvenu avec le beurre et je vais le commenter.
Les producteurs du lait du Canada, notamment ceux du Québec
parce qu'ils sont les principaux producteurs de lait du Canada
ont produit 60% à peu près de la production du Canada, en
matière de fromage, non pas en matière de lait, c'est 40% de la
production laitière du Canada, la plus grosse province, en tout cas.
Il est vrai qu'on importe du beurre. On n'a pas à se scandialiser
de ça, absolument pas, parce que les producteurs ont
préféré, en 1970,1971,1972, orienter leur production
laitière vers le fromage Cheddar. On a augmenté notre production
de Cheddar de 167%, donc on ne produit pas de beurre, on produit moins de
beurre.
M. Roy: Une augmentation de quoi?
M. Toupin: On a des marchés pour le fromage, cela a
représenté pour les producteurs une augmentation de prix de
probablement $0.20 à $0.22 les cent livres de lait. Le producteur est un
gars sérieux, il sait compter, et voici qu'il s'est rendu compte qu'il y
avait plus d'argent dans le fromage que dans le beurre et il a dit: Peu importe
ce qu'en pense le député de Beauce-Sud, moi, je fais du fromage.
Il a fait du fromage et cela l'a payé d'en faire.
Je ne lui reproche pas d'avoir fait du fromage. On en vend sur tous les
marchés internationaux, partout; on rediscute actuellement avec la
Communauté économique européenne pour entrer à
nouveau sur le marché, parce qu'on avait le marché anglais, et on
en a perdu une partie lorsque la Grande-Bretagne est entrée dans le
Marché commun.
Maintenant qu'elle est entrée, on reprend nos discussions pour
tenter de reprendre une partie de notre marché dans la Communauté
économique européenne. On bat les Etats-Unis très
largement avec notre fromage, et les producteurs québécois
seraient malheureux si les Américains disaient demain matin: Votre
fromage, gardez-le chez vous. Ils seraient malheureux les producteurs
québécois. Vous pouvez être sûrs qu'ils le seraient.
On échange. Evidemment il y a du bovin américain qui vient sur
notre marché et il y a du fromage canadien qui va sur le marché
américain. Il y a du porc québécois qui va sur le
marché américain. Il y a du bovin américain qui vient sur
le marché canadien et sur le marché québécois.
C'est tout à fait normal.
Je ne vois pas d'inconvénient à ce que vous m'accusiez
d'être théoricien, mais je pourrais en dire autant de votre
côté sauf que les théories que vous avancez, quant à
moi, sont déjà dépassées. Je vais vous donner un
exemple. Je suis bien d'accord que l'agriculture soit un élément
dynamique pour sauver le milieu rural. Les anciens politiciens ont
prôné cela, vous savez, ceux qui étaient dans les
campagnes...
M. Roy: Ce n'est pas de cela qu'on parle. Ne changez pas les
termes.
M. Toupin: Sauvez les paroisses rurales. Sauvez nos petites
fermes, etc.
M. Roy: Ce n'est pas de cela qu'on parle. Le ministre est en
train de fausser...
M. Toupin: C'est simplement en termes de théorie, c'est
simplement pour vous le rappeler.
M. Roy: Demeurez sur une voie de logique.
Le Président (M. Pilote): Je voudrais inviter le
député de BeauceSud à écouter...
M. Lessard: Ce n'est pas de la culture de roches.
Le Président (M. Pilote): A l'ordre! Comme l'a fait le
ministre, tantôt...
M. Ostiguy: ...vous dites que cela va bien dans certaines
régions...
M.Toupin: M. le Président, je voudrais terminer par ceci :
Je suis d'accord que la théorie que soutient le député de
Beauce-Sud qui peut peut-être être un peu plus moderne si on met de
côté les petits agriculteurs, et exactement ce que vient de dire
le député de Saguenay, des terres de roches. Evidemment, c'est
normal, il y en avait des terres de roches chez les agriculteurs et ils ont
décidé de s'en aller. Je ne leur reprocherai pas de se casser les
orteils ailleurs que sur les roches. Ce n'est pas moi qui vais le leur
reprocher. Je ne pense pas que vous le leur reprochiez non plus. C'est tout
à fait normal. Il y en a encore quelques-uns qui vont partir parce qu'il
reste encore quelques terres de roches au Québec et les gars ne sont pas
intéressés à cultiver sur des terres de roche.
M. Lessard: Ce n'est pas là...
M.Toupin: Laissez-moi aller! La théorie qui veut que nous
cherchions à consolider les structures du milieu rural, je suis d'accord
sur celle-là. Je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'on
cherche à consolider l'infrastructure du milieu rural, parce qu'on
cherche à garder des entreprises dans le milieu rural, à
promouvoir le développement des entreprises dans le milieu rural, pour
conserver une structure rurale qui soit valable et viable en soi. Tous,
évidemment, tant que nous sommes, cela nous fait plaisir, de temps en
temps de dire à nos amis, maintenant, alors qu'autrefois c'était
moins vrai: Je me suis acheté une petite terre en milieu rural, je suis
bien content d'être dessus; cela devient une sorte de loisir un peu
sophistiqué, mais c'est déjà fait, c'est entré dans
la mentalité et même il y a des députés du Parti
québécois qui me demandent s'il y a des terres à vendre
parce qu'ils seraient intéressés à en acheter.
M. Roy: Le ministre a quand même... Me permettez-vous une
question?
Le Président (M. Pilote): II est six heures sept minutes,
la commission suspend ses travaux.
M. Toupin: Une minute seulement. Je voudrais terminer par ceci,
M. le Président, les propos du député de Beauce-Sud ont
été teintés de trois éléments fondamentaux,
un élément positif, je l'avoue, lorsqu'il a parlé des
pommes et du sirop d'érable, un élément négatif
lorsqu'il s'est mis à charrier un peu et un élément qui
mériterait d'être révisé lorsqu'il parle de ses
théories de "revivance" du milieu rural.
M. Roy: C'est très faible comme...
Le Président (M. Pilote): La commission suspend ses
travaux à vingt heures quinze, ce soir.
(Suspension de la séance à 18 h 8)
Reprise de la séance à 20 h 24
M. Lafrance (président de la commission permanente de
l'agriculture): A l'ordre, messieurs!
A la suite de la suspension des travaux pour le dîner, la parole
est au député de Saguenay.
M. Lessard: Merci, M. le Président. A la fin de la
séance de cet après-midi, le ministre, dans un début de
réponse à mon intervention qui n'en était qu'à ses
étapes préliminaires, disait que, en fait, le discours du
député de Saguenay se résume à peu de chose. C'est
vrai que le discours que j'ai pu faire avant le souper, avant le dîner,
si vous voulez, se résumait à peu de chose, à savoir le
contrôle des marchés, mais c'est ce peu de chose qui est essentiel
à l'agriculture québécoise.
Avant d'entreprendre mes remarques particulières sur le budget
précis que nous avons étudié, je voudrais encore essayer
de démontrer au ministre que ce peu de chose est le problème
fondamental. Il est vrai qu'il s'agit d'un article d'un professeur de droit
constitutionnel à la faculté de droit de l'université
Laval qui a paru, ce matin, dans le journal Le Devoir, dont on connaît
quelquefois les allégeances, qui est rédigé par Gilles
Rémillard. Je voudrais illustrer l'intervention que j'ai pu faire au
début de cet après-midi par certaines affirmations de ce
professeur de droit constitutionnel, qui démontrent que ce peu de chose
est justement l'essentiel de la politique agricole et que, tant et aussi
longtemps que le ministre se refusera à voir la réalité en
face, le problème agricole sera très difficilement
réglé au Québec et continuera d'être un tonneau sans
fond auquel on donne des subventions continuelles, mais qui ne nous permettra
jamais d'avoir une agriculture dynamique au Québec.
Pour illustrer ce phénomène, le professeur
Rémillard commence par la fameuse subvention du boeuf. On dit: "Cette
subvention semble avoir satisfait tout le monde." Je suis plus ou moins
d'accord avec lui. "Elle n'a cependant pas réglé le
problème du boeuf au Québec, pas plus d'ailleurs que les nouveaux
projets ne résoudront le problème de l'agriculture
québécoise. Ces mesures ne sont que des cataplasmes qui cachent
une plaie de plus en plus profonde. C'est un secret de polichinelle que les
difficultés de mise en marché des produits de la ferme sont la
cause première de la situation difficile de l'agriculture
québécoise actuellement.
Cependant, on ne peut reprocher au gouvernement québécois
de ne pas proposer de véritables solutions aux problèmes,
puisqu'à toutes fins utiles, la mise en marché des produits
naturels relève de la compétence d'Ottawa. C'est vrai qu'on ne
peut pas reprocher au gouvernement actuel le fait qu'il ne propose pas de
politique de mise en marché parce qu'il n'a pas de pouvoir, il n'a pas
de contrôle. Cependant, ce qu'on peut reprocher au ministre de
l'Agriculture actuel, c'est de refuser à le dire aux agriculteurs, parce
que continue le professeur Rémillard je n'ai pas
l'intention de citer complètement l'article 95, c'est que l'agriculture
relève d'abord du gouvernement d'Ottawa et non pas du gouvernement du
Québec.
D'ailleurs, le ministre a eu déjà une réponse
à ses tentatives d'affirmation d'une certaine autonomie administrative
en ce qui concerne certains secteurs ou un secteur plus particulièrement
agricole, lorsque le ministre a lancé FEDCO. Le professeur de droit
constitutionnel rappelle que la cour Suprême du Canada avait
déjà déclaré inconstitutionnel le fait pour une
province de fixer par un organisme de mise en marché le prix d'un
produit de la ferme. On se rappelle que FEDCO et ce n'est pas le seul
cas a été tout simplement reconnue comme étant
anticonstitutionnelle. Le professeur continue: C'est ce qui explique que M.
Toupin, l'automne dernier, ne pouvait qu'accorder une subvention aux
producteurs de boeuf. Il n'a pas la compétence nécessaire pour
régler la véritable cause du problème. Le professeur
Rémillard, dans le fond, ne s'attaque pas comme tel au ministre. Disons
que je ne suis pas aussi tolérant. Je continue à croire qu'il
appartient, qu'il est de la responsabilité du ministre de
préciser exactement pourquoi l'agriculture québécoise ne
peut pas fonctionner et pourquoi malgré toutes les subventions qu'on
pourra verser, il serait extrêmement difficile d'en faire une agriculture
dynamique. Toujours le professeur Rémillard dit: Les efforts fournis
jusqu'à présent par le ministre de l'Agriculture, M. Toupin, pour
donner au Québec une véritable politique agricole, sont
impressionnants, mais malheureusement ne peuvent être efficaces. Ils sont
fondamentalement en complète contradiction avec la politique agricole
fédérale. C'est cela.
Dans le fond, peut-être que c'est vrai. Je le reconnais. On a
peut-être un des ministres dans l'agriculture actuellement qui est
probablement le plus conscient des réalités
québécoises. Je ne le cache pas.
C'est un gars qui a travaillé au niveau du syndicalisme agricole.
C'est un gars qui connaît les problèmes des agriculteurs. C'est un
gars en qui l'UPA a eu une certaine confiance pendant un certain temps.
M. Giasson: C'est un gars formidable.
M. Lessard: Mais, M. le Président, c'est justement
pourquoi le ministre est encore bien plus responsable. C'est pourquoi le
ministre, actuellement, ne fait que conserver une image au gouvernement
Bourassa. C'est pourquoi il est plus facile pour ce ministre, qui a
déjà travaillé dans le milieu agricole, qui, je pense,
connaît les problèmes agricoles. Ce ministre, M. le
Président, lorsque les gens vont s'en apercevoir, va être d'autant
plus blâmé, parce qu'il ne veut pas prendre conscience des
réalités. En ce qui concerne les politiques contradictoires entre
le fédéral et le gouvernement du Québec, on dit: Ainsi,
dans le programme fédéral, il est établi que l'Ouest
produit du boeuf et des céréales, tandis que le Québec
produit du lait. Toutes les politiques fédérales en
matière d'agriculture sont faites en ce sens.
Le ministre a dû prendre connaissance, ce matin, d'un article paru
dans le journal Le Soleil, mardi le 15 avril, justement sur la commission
d'enquête qui étudie la commercialisation du boeuf, où on
dit: Tout indique, pour le moment, que l'élevage du bo-
vin de boucherie va demeurer une industrie marginale au Québec.
Malgré le fait, M. le Président, que le ministre puisse
intéresser les agriculteurs ou les producteurs, par des subventions,
à se lancer dans ce projet, l'élevage du boeuf continuera de
demeurer un secteur très marginal dans l'agriculture
québécoise, parce que, comme je le disais cet après-midi,
le Québec continue d'être la poubelle de l'Amérique du Nord
dans ce secteur comme dans d'autres secteurs.
Je termine cette partie d'intervention par la conclusion du professeur
Rémillard, où on dit: Le plan de développement
intégré qui vise à l'autosuf-fisance du Québec, en
matière agricole qu'a présenté M. Toupin en août
dernier, doit être réalisé à tout prix, même
au prix de l'indépendance.C'est de cela, M. le Président, que le
ministre devrait prendre conscience lorsque je lui demande de prendre
conscience de la réalité québécoise et de la
réalité dans le système actuel.
C'étaient, M. le Président, mes remarques
préliminaires à l'introduction de mes remarques
particulières.
L'an dernier, le budget du ministère de l'Agriculture
diminuait...
Le Président (M. Lafrance): L'honorable
député de Saguenay, si je comprends bien, on s'oriente vers une
étude des crédits qui va faire un plan d'ensemble, si vous
voulez, un éventail de tout le programme au lieu d'adopter cela
programme par programme.
M. Lessard: On va l'adopter programme par programme, mais
cependant j'ai des remarques générales à faire. Je fais
ces remarques générales et il est entendu qu'une fois que ces
remarques générales sont terminées, cela va normalement
beaucoup plus vite en ce qui concerne les programmes particuliers.
Le Président (M. Lafrance): D'accord. Cela va.
M. Lessard: Alors, l'an dernier, le budget du ministère de
l'Agriculture diminuait en valeur réelle en comparaison avec celui de
l'année précédente, ceci, compte tenu de l'inflation. Dans
un sursaut de dignité qui, d'ailleurs, devait être son dernier, le
ministre déclarait alors à des étudiants de polytechnique:
" Si je n'ai pas assez d'argent pour mes programmes, je prendrai mes
responsabilités. Je prendrai ma décision, disait-il. Je ne sais
pas laquelle, mais j'en prendrai une."
Depuis, on sait que le ministre a pris une décision, ou d'autres
l'ont-ils prise pour lui? Celle de garder sa "job". Il faut dire que son
gouvernement l'estime à peu près irremplaçable pour
conserver, un tant soit peu, son image agricole.
Donc, le ministre dut s'occuper de son secteur avec son budget
diminué. On sait ce qui se passait par la suite. Pris à la gorge,
les producteurs agricoles décidèrent d'employer la méthode
forte. Pris de panique, le gouvernement devint subitement conscient des besoins
de l'agriculture québécoise, selon les termes mêmes du
premier ministre, et l'on s'empressa de débloquer artificiellement une
subvention spéciale, non prévue par le ministre, destinée
à apaiser momentanément la classe agricole, mais qui n'a
absolument rien réglé, comme j'ai eu l'occasion de le
démontrer quelque peu lors des remarques générales.
Le pauvre ministre, l'an passé, expliquait comment il se faisait
que son budget était si maigre. Au cabinet, disait-il, lorsque je viens
défendre un programme agricole, il me faut prendre deux fois plus de
temps pour un projet, deux fois moins coûteux que les autres projets
présentés par un autre ministre. Chaque fois, je dois donner un
cours d'économie agricole pour convaincre. On comprend le ministre.
C'est normal, car le cabinet s'aligne tout simplement sur la politique de ses
véritables maîtres à Ottawa pour lesquels il n'existe pas
une chose telle qu'une politique agricole québécoise.
En octobre 1974, les agriculteurs se chargèrent de donner
eux-mêmes le cours d'économie agricole au ministre. Il faut croire
qu'ils furent plus convaincants que le ministre auprès du cabinet. Le
plus incroyable fut qu'ensuite ce dernier eut le culot de se féliciter
de la tenue de manifestations qui parvenaient à débloquer les
crédits qu'il était bien incapable d'obtenir lui-même. On
connaît la suite. Arrivèrent les bilans annuels. A écouter
le ministre, malgré deux ou trois ombres au tableau, tout allait
relativement bien. C'est d'ailleurs de cela qu'il a tenté de nous
convaincre au cours de la période de la séance de cet
après-midi, encore une fois en répétant les statistiques
qu'il avait citées à sa conférence annuelle en janvier
dernier.
Le bilan agricole québécois est pourtant clair. La base
agricole de ce pays qu'on appelle le Canada se déplace vers l'ouest. Du
point de vue fédéral, ceci est normal, naturel, désirable
et rentable, politiquement et économiquement. Le résultat en
agriculture c'est le ministre qui nous le confirme ici, c'est le
marasme, là-bas, c'est l'abondance. Baisse de 9% du revenu net ici,
hausse de 36% dans les prairies.
Quoi qu'en pense le ministre, si on ajoute l'augmentation du coût
de la vie qui touche l'agriculteur comme les autres secteurs de la population
québécoise, on arrive à une baisse de 21.4% du pouvoir
d'achat de nos agriculteurs, baisse continue de la part
québécoise dans les recettes agricoles du Canada. C'est
d'ailleurs ce qu'affirmait, avant la fin de la séance de cet
après-midi, le député de Beauce-Sud, en tenant compte,
naturellement, de la production canadienne. Notre pourcentage dans la
production canadienne même les chiffres du ministre de janvier
dernier le confirment diminue constamment.
En 1970, 15.7% de la production canadienne. Autrement dit, les
agriculteurs québécois produisaient 15.7% de la production
canadienne. En 1971, 15.1%, donc diminution de six dixièmes de 1%. En
1972, 14.3%, en 1971, 14.1%, 1974, autour de 13%. Donc, la place de
l'agriculture québécoise dans la situation globale de
l'agriculture canadienne diminue constamment et, dans ce secteur comme dans
d'autres secteurs de l'activité québécoise, on se
"maritimise", on s'appauvrit constamment. On perd du terrain et cela
continue de bien aller pour le ministre de l'Agriculture dans ce secteur. Les
revenus agricoles per capita les plus faibles sont au Québec, ils sont
en dessous de toutes les provinces, même les Maritimes.
En plus de tout ça, on prévoit que le revenu net des
agriculteurs au Canada devrait diminuer de 8% au cours de I975. En tenant
compte de l'inflation prévue aux alentours de 10%, on arrive à un
pouvoir d'achat moyen pour le cultivateur québécois en I975,
à peu près égal aux deux tiers de ce qu'il était en
I973. Evidemment, tout le monde, à commencer par les agriculteurs
s'attendait cette année à une hausse substantielle du budget du
ministère de l'Agriculture, surtout après les leçons
qu'avait reçues, ou la claque magistrale qu'avait reçue le
ministre de l'Agriculture en octobre et en novembre dernier, au moment
où les agriculteurs avaient décidé de passer, suite
surtout à l'assemblée du 10 octobre I974, par-dessus la
tête du ministre et de s'adresser directement au cabinet.
Cette hausse de budget apparaissait comme essentielle pour redresser la
situation. Il faut croire que le ministre est de moins en moins convaincant ou
pire, de moins en moins lourd au conseil des ministres puisqu'il nous arrive
encore avec son optimisme de commande et un autre budget de famine.
En fait, c'est une autosuffisance béate, si vous voulez. A moins
que le ministre n'ait déjà prévu le facteur manifestation
aux crédits que nous sommes présentement chargés
d'étudier. Comme je le disais cette après-midi, ce n'est pas le
budget de l'an 2000 qu'on a à étudier ou le budget dans six mois,
mais c'est le budget que nous propose le ministre actuel de l'Agriculture,
à ce moment-ci, le 15 avril I975.
Le ministre, même s'il ne le reconnaît pas tout à
fait, a bel et bien vu les crédits budgétaires accordés
à son ministère baisser cette année de 5% et il a
déclaré dernièrement, à l'occasion d'une rencontre
avec des producteurs, que ces crédits correspondent néanmoins,
comme il le disait cette après-midi, au programme que le
ministère entend mettre de l'avant au cours de la prochaine année
financière. A moins que le ministre manque d'imagination et qu'il n'ait
pas d'autres programmes à proposer et que le ministre dise encore, comme
il nous le disait en janvier dernier: II n'y a pas de problème,
ça va bien en agriculture.
Par exemple, dans le drainage, au rythme où le ministère
de l'Agriculture fonctionne, ça va prendre 87 ans avant de pouvoir
drainer les terres agricoles au Québec, tel que le recommandait la
commission royale d'enquête en I966. Cela va bien en agriculture, il n'y
a pas de problème. Il aurait été plus franc de la part du
ministre de dire: Les programmes que le ministère pourra, cette
année, mettre de l'avant, correspondent aux crédits
alloués et bien d'autres programmes, tout aussi urgents, seront mis de
côté, jusqu'à ce qu'un vrai ministre de l'Agriculture soit
capable de sortir les crédits qu'il faudrait.
S'il faut aller chercher le ministre des Finances, même s'il ne
connaît pas grand chose dans l'agriculture, peut-être que ce serait
plus efficace pour les agriculteurs.
Remarquons que le budget de cette année équivaut à
2.06% du budget total du Québec. Si l'on tient compte des crédits
supplémentaires qui pourraient porter comme le disait le ministre
le total de cette année aux alentours de $185 millions, on arrive
à 2.26% du budget total. Depuis 16 ans je le rappelle au ministre
il y eut seulement 5 années où le pourcentage fut plus
faible, et ces 5 années coïncident avec le gouvernement de M.
Bourassa, donc avec l'administration de M. Toupin. Ce gouvernement, comme le
disait M. Bourassa, tellement conscient des besoins de l'agriculture
québécoise.
Mais, encore une fois, le ministre est satisfait de son budget. Je suis
de plus en plus convaincu qu'on lui couperait les crédits de
moitié qu'il serait encore satisfait. Il continue de prétendre,
contre toute évidence, que tout va relativement bien à
l'agriculture, que lui-même dispose de tous les pouvoirs et de tout
l'argent dont il peut concevoir l'utilisation.
Somme toute, s'il en avait davantage, on peut supposer qu'il ne saurait
pas quoi en faire. C'est pourquoi je comprends le ministre des Finances de ne
pas accorder de crédits supérieurs au ministre de l'Agriculture,
parce que, si on lui accorde des montants supplémentaires, cela va
retourner probablement au fonds consolidé du Québec.
Compte tenu de la situation très critique dans laquelle se trouve
notre agriculture, il faut se demander pourquoi, de plus en plus, le ministre
s'empêtre dans des contradictions et des absurdités aussi
manifestes.
C'est que le ministre est à demi aveugle. Depuis à peu
près deux ans, le ministre ne voit que la moitié de la
réalité que perçoit normalement tout homme de bon sens. Il
y eut une époque où le gouvernement, dont fait partie le
ministre, et le ministre lui-même s'efforçaient d'y voir clair
dans tous les domaines. On n'avait pas peur et on se rappelle l'époque
de I960, 1966, où on avait des ministres qui se tenaient debout et qui
allaient négocier à Ottawa et qui lançaient même des
ultimatums au gouvernement d'Ottawa. On n'avait pas peur, alors, de se poser
des questions, de regarder des problèmes en face et de tenter de les
résoudre. Mais là, on a tellement peur de revendiquer et d'avoir
une réponse négative que nous sommes rendus qu'on ne revendique
plus. Et on est toujours content, béatement heureux de revenir d'Ottawa
avec quelques montants qui, à un moment donné, ne correspondent
pas à ce qu'on souhaiterait, mais, en tout cas, ce n'est pas une
défaite, ce n'est pas une victoire, mais par rapport à ce qu'on a
affirmé, on n'a rien demandé et on a eu quelque chose. Cela
devient un peu une victoire à un moment donné.
Encore en 1973, un document qui était prétendument un
projet de politique globale en agriculture, intitulé: Plan directeur du
développement du secteur agricole aboutissait naturellement le
ministre devrait relire son projet à la conclusion suivante: Que
le dédoublement des efforts et le chevauchement des compétences
entre le fédéral et le Québec rendaient impossible
l'application d'une politique globale en agriculture.
C'était la deuxième fois que le ministre nous disait cela.
Il nous l'avait dit dans un document qu'il
avait déposé au Conseil des ministres, en 1971, et il
continue de nous le répéter en 1973, mais c'est seulement pour
consommation intérieure à l'Assemblée nationale. On ne va
pas dire cela aux agriculteurs, parce que les agriculteurs pourraient
peut-être prendre conscience que c'est vrai que le
fédéralisme rentable, c'est à l'encontre des
intérêts des agriculteurs au Québec. Même M. Bourassa
se permettait encore, à l'époque, de déclarer que, sur le
plan canadien, dans le domaine agricole, certaines situations sont
préjudiciables au développement d'une agriculture
québécoise dynamique. M. Bourassa devrait peut-être relire
je comprends qu'il oublie baucoup de ce temps-ci le Devoir du 9
février1973. Il pourrait au moins reprendre connaissance ou reprendre
conscience de sa déclaration. Mais, de ce temps-ci, on aime beaucoup
mieux oublier que de voir les faits dans la réalité.
Cette époque de relative franchise est révolue.
Maintenant, c'est très simple, on a décidé de ne voir que
ce qu'on veut voir. D'ailleurs, dans un aveu fort révélateur qui,
semble-t-il, a échappé aux media d'information, le ministre
déclarait ceci, l'an dernier, précisément lors de
l'ouverture de l'étude des crédits du ministère de
l'Agriculture: "On a toujours soutenu que c'était difficile de
séparer le politique de l'économique, mais moi, je veux le
séparer, en ce qui concerne le secteur agricole". Plus loin, il devait
préciser: "Comme je vous le disais tantôt, je mets de
côté le problème politique, mais je l'envisage dans une
perspective économique". Encore là, le ministre s'aperçoit
qu'il n'y a pas de contrôle politique et qu'il n'y a pas de pouvoir. Il
dit: On va essayer d'agir comme cela et on va se fermer les yeux sur le fait
qu'on n'a pas de pouvoir politique et on va essayer de régler nos
problèmes économiques. Toute cette réalité
fondamentale, à savoir qu'il est difficile d'agir dans le secteur
économique si on n'a pas de pouvoir politique, dans cela, le ministre se
cache la réalité. Le ministre vient nous dire: Je ne veux pas
faire de la politique autour de cette table, comme si on était ici pour
faire de la catéchèse. On ne pourrait mieux décrire la
politique de l'autruche.
M. Toupin: Ce ne serait pas mauvais d'en faire un peu.
M. Lessard: Refuser de voir en face une réalité qui
dérange, se voiler la face en s'imaginant que le danger qu'on ne voit
pas n'existe plus, oublier le proverbe qui dit que la difficulté qu'on
refuse de regarder en face ne manque jamais de venir nous poignarder dans le
dos.
Je pense, M. le Président, que le ministre possède cette
expérience. Le problème, c'est que son "monologue" au
fédéral, son homologue dis-je, au fédéral, pour ne
pas utiliser une expression d'un de ses collègues, mais, vraiment, qui
caractérisait la réalité, le ministre Whelan, lui, est un
vrai ministre. Comme tout vrai ministre, il tient compte de la
réalité politique. Cette réalité politique lui dit
que, si son gouvernement en veut au pétrole de l'Ouest, il vaut mieux
soigner les fermiers des Prairies aux petits oignons.
Autrement dit, si on va récupérer de l'argent du
côté de l'ouest en ce qui concerne le pétrole, il va
falloir compenser en leur donnant des subventions considérables
concernant le secteur agricole. Cette année, les revenus des producteurs
de grains sont les meilleurs depuis 30 ans. Drôle de coïncidence,
par ailleurs, dans l'est du Québec, ce sont à peu près les
prix les plus élevés qu'on n'avait jamais payés pendans le
même temps.
M. Fraser: Je n'ai jamais...
M. Lessard: Le député pourra intervenir tout
à l'heure, il aura toujours la possibilité de le faire, comme il
est député d'une région agricole...
M. Fraser: Vous dites des demi-vérités et ne lisez
jamais les journaux pour savoir que c'est le prix mondial de blé qui
contrôle le prix du lait.
M. Lessard: D'ailleurs, le député de Huntingdon
intervient tout le temps de cette façon. Quand c'est le temps de
défendre les intérêts de ses électeurs, le
député semble silencieux.
M. Fraser: Je n'aime pas les demi-mensonges, ni les
demi-vérités.
M. Lessard: Le député reste silencieux, le
député n'intervient pas. C'est le temps de prendre vos
responsabilités. C'est le temps de le dire, on discute des
crédits.
M. Fraser: C'est cela que je veux faire, ne pas laisser passer
les demi-vérités ou les demi-mensonges comme...
M. Lessard: Vous me le direz si je suis menteur, vous me le direz
et je serai heureux de le savoir. Vous me le direz si c'est faux, par exemple,
que le revenu net de l'agriculteur québécois a diminué de
9% en 1975. Dites-le moi donc si je suis menteur.
M. Fraser: Vous n'êtes pas menteur, maisest-ce à
cause de ce que M. Toupin a fait ou est-ce à cause du prix
mondial...
M. Lessard: Quand ce n'est pas le fédéral,
maintenant c'est devenu la pénurie mondiale.
M. Fraser: Est-ce que le prix du boeuf a baissé encore
ou...
M. Lessard: On va voir tantôt, pour illustrer, je vais
donner un exemple et des chiffres. Pendant que l'agriculteur
québécois voit son revenu moyen diminuer de 9%, dans l'Ouest,
c'est donc drôle que cela augmente considérablement. On va voir
tantôt...
M. Fraser: Dans l'Ouest, il y a le blé, vous ne le savez
pas?
M. Lessard: Oui, on va voir tantôt ce que cela a
donné le fédéralisme rentable de M. Bourassa dans
l'agriculture. On va le voir. Pendant le même temps, les chiffres
avancés par l'Union des producteurs agricoles, chiffres que le ministre
n'a jamais démentis, établissaient à $8,000 ie revenu
moyen des producteurs québécois. Est-ce que le
député de Huntingdon pourrait me dire que j'ai menti en ce qui
concerne cette affirmation, compte tenu des coûts de gestion,
immobilisation des salaires, il l'a restreinte, $2,000 à $3,000 de
revenu annuel, soit en bas de $l l'heure au taux de $0.70 approximativement. Ce
n'est pas exactement le salaire minimum. J'ai d'ailleurs préparé
un graphique de ce fait qui illustre pas mal mieux que des mots la situation de
l'agriculture au Québec, comparativement à l'agriculture de
l'Ouest. Cela me fait plaisir pour la connaissance du député de
Huntingdon de le déposeren commission parlementaire. Probablement que
cela va faire du bien. Regardez ce que cela donne à un moment
donné, la courbe que cela peut donner, l'augmentation du revenu de
l'agriculteur québécois, par rapport à l'augmentation du
revenu de l'agriculteur de l'Ouest. Vous allez venir me parler encore du
fédéralisme rentable.
M. Fraser: Voyons, mon cher ami...
M. Lessard: Le fédéralisme rentable pour les
anglophones...
M. Fraser: Voyons, mon cher ami...
M. Lessard:... mais pas le fédéralisme rentable
dans l'intérêt des Québécois, par exemple.
M. Fraser:... s'il y avait famine en Chine et s'il y avait famine
en Russie, ce serait la faute de M. Tou-pin sans doute? Si les cultivateurs
dans l'Ouest vendent leur blé...
M. Lessard: Oui, c'est la faute de M. Toupin. C'est surtout la
faute du gouvernement libéral actuel qui ne prend pas ses
responsabilités et qui est soumis à des minorités comme la
vôtre...
M. Fraser: ... rêve en couleur.
M. Lessard: ...qui tentez de nous imposer unilatéralement
vos décisions. C'est là le problème qui est fondamental
dans le secteur agricole comme dans d'autres secteurs. Il est normal que le
ministre refuse de voir en face tout l'aspect politique, car il serait
obligé d'admettre qu'aussi bien du point de vue de la répartition
des pouvoirs que de leur mise en application, le peu de contrôle que le
Québec possédait sur son agriculture, est en train de passer en
d'autres mains.
Pour reprendre un exemple récent, alors que notre sous-ministre
assistait impuissant à l'effondrement des prix de la pomme de terre,
quand je parle du sous-ministre, je parle du ministre régional actuel de
l'Agriculture, qui assistait impuissant à l'effondrement des prix de la
pomme de terre, c'est par télex qu'Ottawa aurait notifié le
ministre il nous en parlait cet après-midi des grandes
lignes de sa subvention spéciale destinée aux producteurs de
pommes de terre. Ce télex a été adressé, pour
l'information du député de Huntingdon, le 27 mars 1975, dans
l'après-midi, et c'est sans aucune consultation que le
fédéral annonçait une prétendue politique pour la
pomme de terre...
M. Fraser: Quelle est votre solution pour les pommes de terre?
Donnez-nous-la tout de suite.
M. Lessard: Je pense, M. le Président...
Le Président (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous
plaît! Un instant, M. le député de Saguenay, si vous me
permettez, je demanderais à tous les membres de la commission de
réserver leurs interventions, et on pourra accorder le droit de parole
à chacun en particulier et à tour de rôle. Si vous voulez
tous parler, on vous laissera tous parler, sur les sujets que vous voudrez
aborder. On demanderait à celui qui a la parole de la garder, de ne pas
poser de questions à n'importe quel autre membre de la commission, et on
demanderait aux autres membres de la commission de respecter le droit de parole
de celui qui l'a déjà.
L'honorable député de Saguenay.
M. Lessard: Je suis complètement d'accord avec vous, M. le
Président, mais comme il n'y a pas d'autre député de
l'Opposition, il faut bien, à un moment donné, qu'on puisse
mettre de l'activité un peu à l'intérieur de cette
commission parlementaire. Je ne reproche aucunement au député de
Huntingdon comme je le fais d'ailleurs assez souvent, d'intervenir au moment
où je prends position sur des problèmes. On peut comprendre que
je ne suis pas là pour, à un certain moment, féliciter le
ministre. Je suis là pour essayer de lui ouvrir les yeux sur certains
problèmes qui m'apparaissent importants.
M. le Président, les observateurs les plus avertis de cette
érosion des capacités québécoises sont sans
contredit les syndicats agricoles eux-mêmes et l'Union des producteurs
agricoles particulièrement. Lors d'assises tenues récemment a
Drummondville, au début de mars, un consensus se dégagea comme
suit: On constate, disait-on, que le gouvernement provincial n'a jamais eu de
politique complète et intégrée dans le secteur agricole.
Or, on en a une sur papier, maison n'a pas les instruments nécessaires
pour l'appliquer. Je continue, M. le Président: II faut donc l'inciter
à développer une véritable politique
québécoise qui n'hésiterait pas à innover et
à faire preuve d'originalité. Du côté
fédéral, l'Union des producteurs agricoles doit collaborer avec
le gouvernement du Québec pour que celui-ci défende nos
intérêts lorsque nécessaire.
De même, l'UPA devra tenir compte davantage du contexte
fédéral dans lequel nous nous situons pour assurer une
présence régulière du côté d'Ottawa. La
corrélation des marchés interprovinciaux, le rôle
évident du fédéral en matière de correction des
inéquités entre provinces ou régions constituent autant de
bonnes raisons pour assurer cette présence. On s'inquiète, entre
autres, du fait que la part du revenu agricole québécois,
à comparer à
l'ensemble du pays, ait diminué considérablement au cours
des dernières années. A cela, probablement que le ministre va me
répondre, comme cela a été le cas l'an dernier. Le seul
pouvoir, disait-il, que le Québec n'a pas là-dedans, il est
très simple. C'est qu'il n'a le pouvoir d'empêcher ni les
entrées ni les sorties des produits. C'est le seul pouvoir qu'il n'a
pas. Mais c'est malheureusement le pouvoir essentiel, qui ferait qu'on pourrait
avoir une politique agricole. D'abord, ceci est complètement faux. Il y
a bien d'autres pouvoirs que le Québec n'a pas, notamment dans le
secteur où le fédéral a déjà
légiféré.
Or, on sait que l'agriculture est aussi fédérale que
l'immigration et qu'une loi n'a d'effets qu'aussi longtemps et autant qu'elle
n'est pas incompatible avec une loi du Parlement d'Ottawa et, sur cela, le
ministre pourrait lire l'article 95 de la BNA Act.
Sur cette question, M. Joron, actuellement à l'emploi de la
direction générale de la commercialisation au ministère de
l'Agriculture du Québec, écrivait, l'an dernier, dans La Terre de
chez nous, le 10 juillet 1974, ce qui suit: "Dans tous les pays du monde, la
politique tarifaire joue et continuera de jouer un rôle primordial dans
le développement de l'agriculture. Si diverses interventions, notamment
en matière de soutien des prix, contribuent à protéger de
l'intérieur la stabilisation et le développement du secteur
agricole, la politique tarifaire dans son sens le plus large constitue
l'instrument de politiq ue économique privilégié de
protection contre l'extérieur."
C'est un fonctionnaire du ministère de l'Agriculture qui
l'affirmait, et quelles que soient toutes les lois concernant la stabilisation
des revenus agricoles au Québec, le ministre sera toujours aux prises
avec ce problème de contrôle des marchés. Or, je concl us
en disant que le Québec ne possède pas cet instrument, et il ne
l'aura jamais sous le régime actuel. Le ministre continuera sa politique
de subventions et de lois de l'endettement agricole, faisant payer par les
contribuables son absence de pouvoirs et conséquemment de politique
tarifaire.
Bien souvent, pendant que le ministre subventionne les agriculteurs,
à même les deniers du contribuable québécois, il
subventionne indirectement les intermédiaires qui continuent à
faire des profits excessifs. Encore là, le ministre nous disait, le 18
janvier dernier, lors de sa conférence annuelle, que, selon ses
informations, il ne pouvait pas en conclure que c'était la faute des
intermédiaires et que les intermédiaires faisaient des profits
excessifs.
Il continuera à nous raconter, ce ministre, des absurdités
sur une planification globale quand Ottawa accapare, en fait, le plus gros de
la juridiction, tout l'aspect de la mise en marché dans
l'intérêt national des "Canadians".
Allez en parler aux meuniers de cette politique globale, les meuniers
qui, lorsque nous avons eu l'occasion de discuter de l'avant-projet concernant
la Loi de la stabilisation des produits agricoles, nous déclaraient
c'est le 26 février dernier ce qui suit: "II est
évident, dans le même ordre d'idées, que, par cette voie,
on amorcerait une planification intelligente des juridictions concurrentes
d'Ottawa et de Québec en matière de prêt et de
crédit à la production agricole, d'inflation, d'usines de
production, d'intrants ou de transformation. Mais, continuait l'Association des
meuniers du Québec, le fouillis actuel qui passe en certains milieux
pour un fédéralisme rentable rend toute planification à
long terme des structures industrielles du complexe agro-alimentaire
impraticable."
D'ailleurs, dans son programme, c'est ce que le ministre nous
affirmait.
Voilà, M. le Président. On peut maintenant aborder
l'étude des sous-crédits et de sous-ministère
dirigé par ce sous-ministre qui, en fait, en public, se prend pour un
vrai ministre, mais dont le maître est ailleurs, c'est-à-dire
à Ottawa.
M. Toupin: Amen.
M. Lessard: Amen, M. le Président. Lors des prochaines
manifestations et lors des prochaines contestations des agriculteurs, vous irez
leur dire amen comme vous avez dit amen le 10 octobre I974 quand vous n'avez
pas été capable de prendre vos responsabilités pour leur
dire exactement ce qui en était en ce qui concerne l'agriculture.
M. Toupin: M. le Président, j'ai dit un seul mot et
regardez ce que cela a provoqué. Alors, je vais y aller plus lentement
à l'avenir.
M. Lessard: Ah oui!
M. Toupin: En ce qui concerne les producteurs et les citoyens
c'est en I977 qu'on saura, d'ici ce temps-là on va continuer à
discuter.
Le député de Saguenay s'est référé,
M. le Président, à l'étude de M. Rémillard. Il a
dit, dans cette étude, tout ce qui faisait son affaire à lui,
mais il n'a pas dit tout ce que M. Rémillard a dit de l'agriculture
québécoise, tout ce que M. Rémillard a sorti de positif
dans l'agriculture québécoise.
M. Lessard: Je l'ai cité.
M. Toupin: Bien sûr. Par chance que vous pouvez citer. Je
me demande ce qui resterait, mais vous citez quand même seulement ce qui
fait votre affaire. Alors, vous vous en êtes tenu à cette seule
petite théorie qui commence vraiment à être petite pour moi
tout au moins, dans mon esprit, parce que j'ai une opinion beaucoup plus
objective des problèmes et québécois et canadiens et
mondiaux. Je ne crois pas qu'on puisse vivre dans sa petite maison
éloignée. Il faut regarder, il faut ouvrir ses yeux sur le monde.
Si vous vous êtes référé à M.
Rémillard, moi je vais me référer à Félix
Leclerc. Il y a une chanson de Félix Leclerc qui porte le nom de
L'agité.
M. Lessard: Oui.
M. Toupin: L'agité c'est un bonhomme qui s'adapte mal dans
une société, qui a de la difficulté à la
comprendre, qui a de la difficulté à la saisir et qui se sent
très malheureux. On dit à l'agité: II pleut
dans ta chambre et tu prends pas garde. L'agité répond :
Mon toit comme ma tête, les deux sont bien malades.
M. Lessard: Cela pourrait s'appliquer au ministre.
M. Toupin: Alors, on se réfère à des auteurs
différents.
Je suis, M. le Président, convaincu que l'agriculture
québécoise n'a pas encore atteint les niveaux qu'on voudrait bien
sûr lui faire atteindre, ni en termes de revenu, ni en termes de
production, ni en termes de productivité. Je ne crois pas qu'il y ait
actuellement au Canada une province qui puisse se vanter d'avoir atteint tous
ces éléments. Il y a des provinces, par ailleurs, qui profitent
actuellement d'un certain nombre de productions qui sont typiques des
provinces, notamment les céréales. Les céréales,
pour les provinces de l'Ouest, c'est un peu le pétrole pour les pays
arabes. C'est un peu le pétrole aussi pour une des provinces du pays, en
particulier une autre de façon moins particulière. Alors, les
marchés sont bons, la demande mondiale est forte et les productions sont
présentes, donc on profite de situations et on fait des gains
très rapides surtout à compter de I972. Quand vous prenez les
statistiques d'avant I972, alors que les provinces de l'Ouest étaient
aux prises avec des problèmes très larges, très grands et
très profonds de commercialisation de leur provende, alors que le
gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont
été obligés d'imposer aux producteurs des restrictions au
chapitre de la production, ce sont des périodes que les producteurs de
l'Ouest ont vécues difficilement. Je ne sais pas jusqu'à quelle
année va tenir cette montée du prix des céréales
sur le plan mondial. Il est possible qu'un jour ou l'autre il y ait, de ce
côté, effondrement des marchés comme on l'a connu au
chapitre du bovin cette année, comme on l'a connu également au
chapitre du sirop d'érable cette année à cause des surplus
de production et à cause d'une demande mondiale qui est restrictive.
On a beau crier sur tous les toits que le prix du bovin est peu
élevé. C'est vrai qu'il est peu élevé! Mais il
n'est pas peu élevé seulement au Canada, il n'est pas peu
élevé seulement au Québec, il est peu élevé
partout dans le monde. Quand on discute des politiques provinciales, je suis
bien conscient qu'il faut regarder ce qui se fait ailleurs. Ce n'est pas parce
qu'on reste au Québec et qu'on s'appelle des Québécois
qu'on est capable de faire des miracles. On peut rêver à des
miracles, on peut penser qu'un jour ou l'autre, un miracle peut se faire, on
peut penser ça. C'est chacun son choix dans ce domaine. Mais se limiter
seulement à ça ne m'apparaît pas suffisant. Il faut vivre
avec les réalités, et les réalités
économiques, agricoles, sont celles que nous vivons tous les jours. Des
correctifs sont apportés.
Nous ne sommes pas les seuls, au Québec, à verser des
subventions aux producteurs agricoles, toutes les provinces du pays le font et
tous les pays du monde le font. La France est probablement le pays au monde qui
subventionne le plus l'agricul- ture. Les Etats-Unis mettent de l'argent en
agriculture, non pas en termes de millions, mais en termes de milliards de
dollars pour maintenir cette industrie qu'ils considèrent comme
étant une industrie de base, comme le Québec considère
l'agriculture comme étant une industrie de base.
C'est pour ça que nous y mettons des subventions quand le temps
venu s'avère bon pour verser des subventions. On ne verse pas des
subventions pour le plaisir de la chose. On verse des subventions quand les
besoins sont là. Vous parlez de pression. Je peux bien parler des
pressions. Nous avons versé des subventions aux producteurs de porc l'an
dernier, il n'y a pas eu de pression. Nous avons senti un besoin...
M. Lessard: Vous avez versé... Le programme était
de $4,500,000, vous avez versé $1,500,000.
M. Toupin: Si ma mémoire est bonne, je ne me rappelle pas
avoir interrompu le député de Saguenay dans ses propos, nous lui
avons laissé la parole près d'une heure. Je me suis contenu, je
n'ai pas dit un mot, en dépit de tout ce qu'il a pu dire. Ce qui me fait
rire, au fond, c'est qu'il ne croit probablement pas à 10% de ce qu'il a
dit cet après-midi, à l'exclusion de l'affirmation d'un
fédéralisme non rentable et à l'exclusion d'un rêve
pour le Québec de s'entourer d'une belle clôture et de tenter de
s'en sortir tout seul.
M. Lessard: Je regrette, mais...
M. Toupin: A l'exclusion de cela, il ne croit probablement pas au
reste.
M. Lessard: Je pourrais dire que, dans des conversations
privées, le ministre...
M. Toupin: C'est du texte.
M. Lessard:... m'a déjà dit que j'étais
beaucoup plus près de lui qu'il ne le pensait lui-même.
M. Toupin: C'est vrai.
M. Lessard: II était beaucoup plus proche de moi.
M. Toupin: Je dois vous dire que, dans vos conversations
particulières, vous n'êtes pas du tout le même.
M. Lessard: Non, dans mes conversations, je continue à
croire ce que j'ai affirmé.
M. Toupin: Vous avez des propos qui sont plus réalistes.
Je dois dire ça au député de Saguenay, très
honnêtement, dans des conversations particulières, les propos sont
plus réalistes.
Donc, c'est comme ça que le problème se pose, en termes de
revenus, quand vous les comparez avec ceux des provinces de l'Ouest. Les
provinces maritimes, l'an dernier... On le comprend, c'est la première
année, je pense, que les producteurs des
provinces maritimes avaient des revenus plus élevés que
ceux du Québec. C'est la première année. Pourquoi? Les
pommes de terre se sont vendues à des prix de fou. On vendait des pommes
de terre $5, $5.50 les cent livres, et voire même $6, alors que, cette
année, les gars du Nouveau-Brunswick les donnent. Ils les donnent, on
charge des trains à 500 sacs et on en facture 700, pour tenter de se
libérer de tout ce qu'on a de trop sur le marché. Vous allez voi
r, l'an prochain, que ça ne se posera pas de la même façon,
les revenus des provinces maritimes.
Je suis personnellement très touché par ces
problèmes que vivent présentement les producteurs des provinces
maritimes. C'est malheureux pour eux, parce que c'est la principale production
des Maritimes. L'an prochain, l'économie agricole des maritimes va
tomber de près de 40% ou 45%. Au Québec, au moins, il existe une
production qui est stable, la principale, la production laitière. Vous
ne parlez pas de la production laitière, vous n'osez pas en dire un mot,
la stabilité des prix dans cette production, la stabilité des
marchés dans la production laitière, vous n'en dites pas un mot,
mais c'est le principal revenu des producteurs québécois. Sur
42,000 producteurs, près de 30,000 vivent de l'ind us-trie
laitière. C'est "fichument" important pour nous, l'industrie
laitière. C'est la base actuelle de notre économie. Cela ne nous
empêche pas de regarder ce qu'on peut faire ailleurs. On va dire un mot
du bovin tantôt. C'est discutable, une politique bovine au
Québec.
Je ne me rebellerai pas contre une déclaration faite ici par la
Commission d'enquête sur la commercialisation du boeuf au Canada. La
commission d'enquête dit une bonne part de vérité dans ce
qu'elle affirme, il y a une très bonne part de vérité. Je
ne le contesterai pas. Ecoutez, on ne peut quand même pas se battre
constamment contre la vérité avec des théories. Je suis
prêt à accepter la réalité, à composer avec
et à tenter de l'améliorer. Il n'y a pas beaucoup d'autres
moyens, d'ailleurs, d'améliorer les conditions économiques, les
conditions sociales et les conditions humaines des individus. On peut tenter de
faire croire à l'individu qu'il est malheureux. On peut tenter de lui
faire croire que, s'il était dans un autre pays que celui-là, il
serait plus heureux. On peut tenter de lui faire accroire ça, c'est
chacun ses théories. Là-dessus, j'en conviens.
Mais on peut tenter aussi de lui dire: Si on s'y prenait de cette
façon-là, on pourrait probablement rire, de telle sorte qu'on
serait aussi bien placé que n'importe quel autre dans le pays; c'est
l'option que j'ai choisie, l'option qui me paraît être plus
réaliste que celle de prôner une théorie politique qui,
peut-être, dans son fondement, pour ceux qui la prônent a de la
valeur, mais qui, pour moi, constitue tout un autre champ d'action dans lequel
j'hésite très largement à embarquer.
Donc, pour la production bovine au Québec, mise à part la
question des revenus sur laquelle j'ai donné des explications, le
Québec a 6 millions d'acres de terre. Il produit 40% de la production
laitière canadienne et la production laitière se fait à
base d'herbages, un peu à base de céréales et un peu
à base de pâturages.
Pendant que nous prenons les pâturages pour faire de la production
laitière, il n'est pas possible de prendre les mêmes
pâturages pour faire de la production bovine. C'est évident. La
seule alternative que le Québec a de faire de la production bovine,
c'est à compter de l'industrie laitière, c'est de tenter de faire
d'un veau qui naît d'une vache un bovin qui peut être mis en
marché à un poids plus lourd que celui qui prévaut
présentement sur les marchés.
Mais chaque fois que le prix du lait augmente, il devient de moins en
moins intéressant pour un producteur laitier de faire du bovin laitier,
parce que ses coûts de production deviennent tellement
élevés que cela n'est pas payant pour lui d'y penser.
Quand le lait est rend u à $12.26 les 100 livres, ce n'est pas
payant de donner 100 livres de lait à un veau pour le faire grossir. Ce
n'est pas payant de faire cela. Les gars préfèrent faire du lait,
et on essaie de se débarrasser du veau. Cela crée un
problème très sérieux, parce qu'il y aurait là un
revenu d'appoint très important pour les producteurs. Mais ils ne sont
pas encore motivés à le faire. Comment pourrons-nous arriver
à inciter les producteurs à faire de la production bovine?
Les producteurs de bovins de la province de l'Ontario et ceux des
provinces de l'Ouest pour ceux qui suivent un peu l'activité
nationale, notamment dans les émissions de télévision et
les principaux journaux agricoles du Canada pour ceux qui suivent un peu
cette réalité agricole canadienne, notamment au chapitre de la
production bovine, se sont rendu compte que les producteurs de bovins des
provinces de l'Ouest, ont perdu l'an dernier, beaucoup d'argent,
énormément d'argent, et ils vont en perdre encore cette
année. Ils en ont beaucoup fait, par exemple, en 1973, tout comme les
producteurs de bovins du Québec ont fait beaucoup d'argent en 1973. Les
prix étaient bons, les marchés étaient fermes et la
demande était grande. C'est le principe de l'économie.
On a tenté, entre le Canada et les Etats-Unis, de régler
le problème en fermant les frontières. M. Whelan a dit: II va
arrêter d'entrer du boeuf américain dans le Canada. On a
trouvé le prétexte d'une drogue quelconque, d'une hormone.
Evidemment, cela s'est fait. On a fermé les
frontières.
M. Lessard: Un prétexte, hein?
M. Toupin: Oui, parce qu'on voulait fermer les frontières
et on a pris ce prétexte-là pour les fermer.
M. Lessard: Pour ne pas nuire aux producteurs de l'Ouest?
M. Toupin: Non. Pour tenter de répondre à la
demande d'un certain nombre de producteurs de l'Ouest qui disaient: Fermez les
frontières et on va vendre notre bovin. C'est ce que disaient les gars
de l'Ouest.
Ce n'est pas cela qui est arrivé. Les Etats-Unis se sont
retournés et ont dit stop à cette manoeuvre. Si vous nous
empêchez de vendre notre bovin chez vous, gardez le vôtre chez
vous. Ce qui fut dit fut fait.
M. Lessard: Cela a donné quoi pour les producteurs
québécois?
M. Toupin: Cela a donné que les producteurs
québécois ont perdu $20 millions. C'est ce que cela a
donné. Cela n'a donné rien d'autres chose que cela.
M. Lessard: Politique fédérale rentable.
M. Toupin: Oui. Placez-vous dans le contexte, tel que vous l'avez
discuté toute la soirée, avec vos pouvoirs de commercialisation
que vous pensez que le Québec n'a pas. Qu'auriez-vous fait dans cette
situation? Vous seriez tombés dans le même caprice que les autres
et vous auriez fait payer la note par les producteurs.
M. Lessard: On aurait discuté selon nos
intérêts à nous.
M. Toupin: L'expérience économique des
échanges entre pays est maintenant assez connue du monde. Ce n'est quand
même pas pour rien que tous les pays de l'Europe ont créé
une Communauté économique, ont laissé tomber les
frontières et ont arrêté de penser qu'un Français,
c'était plus fin qu'un Allemand et qu'un Allemand, c'était plus
intelligent qu'un Anglais.
Ils ont dit: Le marché est européen...
M. Lessard: Ils sont demeurés indépendants.
M. Toupin: II est européen, le marché. Oui,
l'Europe est demeurée indépendante et elle aussi, elle est
entourée. Mais, si l'Europe n'ouvre pas ses frontières sur le
plan agricole d'ici peu d'années, elle va affronter le même
problème, parce que le Canada n'achètera pas des produits
agricoles des pays d'Europe, pas plus que le Québec, s'il n'est pas
possible pour le Canada et le Québec de vendre des produits a l'Europe.
Ecoutez, c'est tout à fait normal. On vit dans une économie
d'échanges et on accepte que la libre circulation des produits fasse les
marchés et conditionne les prix.
Cela crée des problèmes au cours d'un certain nombre
d'années, mais, par ailleurs, les producteurs en profitent. Sur cinq
années, les études qu'on a faites au ministère, il y a
trois bonnes années. Il y en a une qui est neutre et il y en a une qui
est mauvaise. Cela se fait dans un contexte de libre échange au Canada.
Il arrive des années où les producteurs québécois
sont perdants, selon les productions dans lesquelles ils se sont
spécialisés.
Par ailleurs, il arrive que les autres provinces du pays sont perdantes
à cause de leur production et à cause des marchés.
Evidemment, ce sont les explications qui méritent d'être dites,
d'être données, ce qui ne nous empêche pas, par ailleurs, de
mettre de l'avant des politiques parfois nécessaires dans
l'immédiat.
Nous sommes intervenus au niveau du bovin, parce que c'était
nécessaire. Pour le lait, il y a maintenant une politique permanente.
Dans les productions agricoles, à l'exception d'une, je pense, les
autres productions agricoles sont maintenant atta- chées à des
politiques permanentes du ministère. Quant au niveau des
négociations, au chapitre des plans conjoints, comme au niveau d'une
intervention gouvernementale, quand cela est nécessaire, les producteurs
ont manifesté, l'an dernier, je suis d'accord et ce n'est pas la
première fois qu'ils manifestent et j'espère que ce ne sera pas
la dernière non plus. Ils font valoir leur point de vue.
Regardez les grèves qui se font au Québec, actuellement,
un peu partout. Comment appelle-t-on cela une grève, si ce n'est pas une
manifestation pour tenter de convaincre les citoyens du bien-fondé de
nos théories et de notre position? C'est ce qui se fait actuellement au
niveau des grèves dans l'ensemble du Québec. Parfois, cela prend,
et parfois, cela ne prend pas. Parfois, on va chercher une partie de ce qu'on a
demandé; parfois, on va chercher peu de ce qu'on a demandé et,
parfois, on obtient une partie de ce qu'on a demandé. On vit dans un
contexte comme celui-là et le gouvernement actuel accepte cela.
Le gouvernement actuel ne bâillonne personne. Il laisse les gens
manifester et donner leur point de vue en disant, sur la place publique, ce
qu'ils ont à dire. Je ne pense pas qu'on soit plus libre qu'ici au
Québec. On fait ce qu'on veut et on dit ce qu'on veut. Bien des fois, on
laisse dire des choses qu'on ne devrait peut-être pas laisser dire. On
les laisse dire, parce qu'on vit dans un contexte de liberté et on
espère que les gens n'en abuseront pas, y compris ceux qui sont en
politique, sans aucun doute.
Donc, les problèmes, tout compte fait, se posent de cette
façon. Nous avons des lois nouvelles. Vous m'avez dit et vous me dites
souvent: La ministre de l'Agriculture a une façon de voir en Chambre et
il a une façon de voir à l'extérieur. Vous autres, vous
avez une façon de me citer. Quand je dis, en Chambre, des choses qui
font votre affaire, vous les citez et, quand je dis, en dehors, des choses qui
font votre affaire, vous les citez. Mais ce qui ne fait pas votre affaire de ce
que je dis en Chambre, vous ne le citez pas et, de ce que je dis en dehors qui
ne fait pas votre affaire, vous ne le citez pas. Je suis bien d'accord sur
cela. Je ne vous reprocherai pas cela, c'est normal. Mais le ministère
que je dirige n'a pas deux figures, il n'en a rien qu'une. Il a une figure d'un
ministère qui cherche à développer l'agriculture
québécoise. Il en a donné des preuves.
La production agricole québécoise a augmenté
à un rythme peut-être moins accéléré. Dans
les provinces de l'Ouest, on a augmenté à un rythme plus
accéléré. On a augmenté notre production d'oeufs.
On a augmenté notre production de poulets. On a augmenté notre
production de porcs. On a augmenté nos productions de légumes,
nos productions de pommes, la production laitière et un bon nombre de
productions maraîchères.
M. Lessard: Les revenus ont baissé.
M. Toupin: Les revenus totaux de l'agriculture
québécoise ont augmenté. Le revenu net de l'agriculteur,
depuis 1970... Regardez votre tableau. C'est vous-même qui nous l'avez
donné. Quoique vous ne nous citez pas les sources, on va vous faire
confiance. Regardez, regardez vos mêmes sources.
M. Lessard: Sources fédérales.
M. Toupin: II faudrait le mentionner si ce sont les sources
fédérales. Avez-vous peur de le mentionner? Nous autres, on le
mentionne, en tout cas. Quand ce sont les nôtres, c'est pareil, on le
mentionne.
M. Lessard: Ce sont les seules statistiques que vous avez.
M. Toupin: C'est normal. On a les statistiques
québécoises là-dessus. Les 9% de diminution du revenu des
producteurs agricoles québécois, on n'a pas entendu que les
autres le disent, c'est nous, du ministère de l'Agriculture, qui avons
publié cette statistique et qui avons dit au public que les producteurs
québécois, cette année, perdaient 9% de revenu net, par
rapport à 1973.
M. Lessard: Statistique Canada.
M. Toupin: On n'a pas attendu que les autres nous le disent. Non,
on a pris les statistiques qu'on avait. Ici, c'est Statistique Canada. Il
faudrait l'écrire. Je vous crois, parce que j'espère que vous
dites, au moins là-dedans, la vérité.
M. Lessard: J'espère que vous vous fiez aux statistiques
du gouvernement fédéral.
M. Toupin: Regardez la courbe. Regardez les revenus des
producteurs québécois qui sont partis de $5,000 et qui,
actuellement, approchent les $10,000. Ce sont des revenus nets des producteurs
québécois. C'est depuis 1971.
Vous pouvez dire que les producteurs de l'Ouest ont augmenté; la
courbe monte tout droit. Avez-vous regardé les autres provinces du pays?
Vous vous servez des provinces de l'Ouest, c'est sûr. Mais avez-vous
regardé l'Ontario? Avez-vous regardé les provinces maritimes?
M. Lessard: Elles ont augmenté.
M. Toupin: Elles ont augmenté. Pourquoi est-ce que vous
n'avez pas mis...
M. Lessard: C'est nous autres qui avons baissé
considérablement.
M. Toupin: Pourquoi n'avez-vous pas mis les courbes des provinces
maritimes et de la province de l'Ontario? C'est parce que vous avez
manqué de papier?
M. Lessard: On ne peut pas faire les recherches... On peut vous
en faire d'autres.
M. Toupin: On vous donne $100,000 de budget pour vous, les
recherches...
M. Lessard: Je regrette, le ministre charrie. M. Toupin:
Non, je ne charrie pas...
M. Lessard: Je n'ai pas, derrière moi, la série de
fonctionnaires que le ministre peut avoir.
M. Toupin: Mais vous avez quand même l'argent qu'il faut
pour faire de la recherche.
M. Lessard: Si le ministre, à un moment donné, veut
d'autres statistiques, on peut lui préparer d'autres courbes.
M. Toupin: Si vous êtes capables, faites-en.
M. Lessard: M. le Président, ce n'est pas $100,000 que le
ministre nous donne, c'est $65,000 pour l'Opposition. Il semble que le
gouvernement actuel semble le regretter.
M. Toupin: Etant donné que le député de
Saguenay a dit ce qu'il avait à dire...
Le Président (M. Lafrance): A l'ordre! A l'ordre!
M. Lessard: Ne mentez pas à cette commission parlementaire
comme vous le faites aux agriculteurs.
Le Président (M. Lafrance): A l'ordre! A l'ordre!
M. Toupin: Le député de Saguenay ne s'est jamais
gêné pour dire ce qu'il pense et j'ai le droit de dire ce que je
pense.
M. Lessard: Ce n'est pas $100,000. C'est $65,000.
Le Président (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Toupin: J'ai dit que vous avez un budget de recherche que le
gouvernement...
M. Lessard: De $65,000.
Le Président (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Toupin: Oui, c'est un fait. Vous en avez un budget de
recherche et on ne le regrette pas, au contraire.
Le Président (M. Lafrance): Je m'excuse, il peut y avoir
des budgets de recherche un peu partout, mais nous sommes à discuter du
programme du ministère de l'Agriculture. Alors, on devrait parler de
l'agriculture québécoise et non pas des budgets de recherche des
différents partis politiques. Je demanderais tout simplement aux membres
de la commission de demander la parole si on veut intervenir. Pour le moment,
c'est le ministre de l'Agriculture qui a la parole.
M. Toupin: M. le Président, laissons de côté
le budget de recherche. La seule chose que je constate, c'est que s'il y en
avait peut-être plus, on devrait peut-être avoir plus que deux
provinces. Je
sais que vous avez pris la province de Québec et vous avez pris
les provinces de l'Ouest. Mettez toutes les courbes, les provinces maritimes,
et la province de l'Ontario, vous allez trouver l'équilibre de
l'agriculture canadienne. Vous allez trouver des revenus plus substantiels pour
les provinces maritimes en I974. Vous allez trouver des revenus plus
substantiels dans l'agriculture québécoise en I973 et en I972.
Vous allez toujours trouver une petite différence avec l'Ontario, parce
que cette différence a toujours existé, pour une raison simple
aussi de ce côté, c'est que l'Ontario a des fruits que nous ne
produisons pas au Québec où les marchés sont bons. Ne
demandez pas au Québec de produire des fruits, ce n'est pas possible
d'en produire. Vous-même l'avez dit au début que vous ne vouliez
pas faire du Québec une république de bananes. Je l'espère
bien aussi. C'est comme cela que la réalité économique se
pose au Canada et c'est comme cela qu'elle se pose au Québec. On peut
dire beaucoup de choses là-dessus. Je n'ai pas d'inconvénient
à cela.
Donc, sur la question des revenus des agriculteurs
québécois et des agriculteurs canadiens, je pense que non
seulement cela s'explique, mais il faut l'expliquer. Je ne pense pas que
là-dessus on doive induire le public en erreur. Quant au programme du
ministère, je n'ai jamais eu peur, personnellement, de démontrer
à quiconque les programmes que nous avons mis de l'avant depuis I970. Il
y a un certain nombre de lois qu'on a votées, qui étaient
demandées depuis longtemps par les producteurs. Il y a un certain nombre
d'autres lois qui s'en viennent et qui sont demandées depuis longtemps
par les producteurs. Nous avons refait la loi de mise en marché, nous
avons refait deux fois les lois de crédit agricole. Nous avons
regardé tous les programmes d'insémination artificielle, tous les
programmes d'aide à la santé animale. Nous avons
révisé toute la politique du drainage souterrain, qui a
donné de bons résultats en 1973, de moins bons en 1974. Nous
allons la regarder à nouveau en 1974 pour l'ajuster aux besoins. Il y a
un nombre, soit, sept ou huit nouvelles lois que nous allons voter
bientôt et qui sont des lois fondamentales pour le développement
de l'agriculture québécoise; notamment la protection de sol
arable, notamment toute la question du développement de son industrie
agro-alimentaire, également toute la révision des lois de
crédit agricole. Il y a une loi qui s'avère, bien sûr,
fondamentale, celle d'une assurance du revenu des agriculteurs.
C'étaient les objectifs que nous nous étions fixés en
1972, je pense, dans le premier plan que nous avions rendu public, que nous
avons concrétisé dans le plan agro-alimentaire et qui maintenant
se concrétise dans des lois bien pratiques.
Quant au budget, l'an dernier, j'avais soutenu que, si le budget actuel
n'était pas suffisant et que s'il ne m'était pas possible d'avoir
davantage, que je prendrais alors des décisions. J'en ai pris des
décisions. J'ai pris la décision d'aller chercher l'argent dont
les agriculteurs avaient besoin pour maintenir l'industrie agricole. Cette
année, le budget est de $169 millions. En 1970, on avait $70 millions.
Cela fait plus de 100% d'augmentation du budget depuis 1970. Il est possible
que l'année 1975 se termine avec $180 millions ou $185 millions. Je ne
sais pas. Tout ce que je puis dire, c'est que la Loi d'assurance-revenu va
commander $10 millions de plus. Les deux autres lois que nous allons
déposer, les financements y sont prévus, elles vont commander
elles aussi, quelque chose comme $2 millions ou $3 millions chacune. On verra,
évidemment, à la fin de l'année comment le budget du
ministère se sera comporté et comment l'agriculture
québécoise se sera comportée en 1975. Voilà,
c'étaient les quelques propos que je voulais tenir.
Maintenant, je serais disposé à regarder le budget,
article par article, pour voir comment ces choses peuvent être
discutables.
Le Président (M. Lafrance): Si les membres de la
commission n'ont pas d'objection, nous pourrons aborder le programme I:
Recherche et enseignement...
M. Lessard: M. le Président, je voudrais simplement dire
que peut-être le député de Huntingdon a quelques remarques
à faire, quelques remarques générales. Je serais heureux
de l'entendre.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Huntingdon.
M. Fraser: M. le Président, c'est moi qui suis payé
par le peuple pour venir ici étudier des lois, étudier les
crédits il est agaçant de voir un autre député
montrer son ignorance de l'agriculture et de l'économie et des choses
mondiales, en faisant un discours comme le député de Saguenay a
fait.
Il travaille sa petite patente de séparatisme avec des
demi-vérités, des demi-mensonges et des choses
incomplètes. Il accuse le ministre sur un ton agaçant. Il
l'accuse d'être un sous-ministre, d'être un petit ci et un petit
ça. Ce n'est pas la manière d'un homme digne d'être
député d'un comté ou digne d'être un
représentant du peuple.
C'est la manière des péquistes de toujours travailler leur
petite patente, d'essayer de convaincre la population que tout va mal, que tout
est la faute du ministre, et que si on était séparé, ce
serait la gloire et le ciel. La gloire et le ciel, mon cher ami, s'obtiennent
par le travail dur et la perspicacité et si on tient toujours à
un objectif. C'est cela que tu fais. Tu tiens toujours à un objectif,
mais tu ne sais pas ce qui se passe à côté. C'est cela que
je trouve agaçant. J'aime un homme honnête qui admet que l'autre
gars fait son possible, qu'il affronte des difficultés, mais qu'il fait
de son mieux. Il faut que je félicite le ministre. Je crois que ce
ministre-ci a fait plus pour les cultivateurs de notre pays, de notre province
que n'importe quel ministre d'un autre gouvernement. Je crois personnellement,
honnêtement, que c'est le premier gouvernement de la province de
Québec qui a eu à coeur le souci de la vie des cultivateurs. Pour
moi, j'aimerais féliciter M. Toupin. Chez nous, je vois qu'il se fait
plus pour l'agriculture qu'il ne s'en est jamais fait avant. On a plus de
programmes pour aider l'agriculteur qu'il n'y en a jamais eu
avant. Ils sont à point, si je puis dire. Ils aident où on
a besoin d'aide.
C'est tout ce que j'ai à dire. Je n'aime pas les
demi-vérités ni les demi-mensonges, comme je l'ai dit.
Merci, M. le Président.
M. Lessard: Je remercie le député de Huntingdon
d'avoir fait une intervention aussi remarquable, et je prends ses propos
moralisateurs avec toute l'importance que cela peut comporter. Cependant, je
dois lui souligner que, comme député de l'Opposition, je suis ici
pour dire au ministre ce qu'il devrait faire et ce qu'il ne fait pas, et
lorsque le député de Huntingdon affirme que ce
gouvernement...
M. Massicotte: M. le Président, n'est-on pas censé
étudier les crédits?
M. Lessard: Oh non, M. le Président! L'article 1 aux
crédits, je peux en discuter toute la soirée, si vous voulez.
M. Massicotte : Pour ne rien dire, vous êtes bon.
Le Président (M. Lafrance): On est encore à
l'article 1.
M. Lessard: Oui, on est en discussion générale. Je
peux revenir, M. le Président, en vertu des articles, en commission
parlementaire, autant de fois que je le veux.
Lorsque le député de Huntingdon dit que ce gouvernement a
fait plus que n'importe quel autre gouvernement au Québec dans le
secteur agricole, pourrait-il m'expliquer comment il se fait que, depuis cinq
ans, le budget agricole, par rapport à l'ensemble du budget du
Québec, pendant les cinq années d'administration du gouvernement,
est en pourcentage de budget, plus faible que celui de toutes les autres
administrations québécoises? Est-ce que c'est ce que le
député de Huntingdon veut dire lorsqu'il...
M. Fraser: Voulez-vous que je vous réponde?
M. Lessard: ... dit que le gouvernement Bourassa a fait plus que
n'importe quel autre gouvernement au Québec pour l'agriculture? Est-ce
que c'est cela que le député veut dire?
M. Fraser: Non, ce n'est pas cela. Le budget de l'agriculture, ce
n'est pas pour financer l'agriculture. C'est pour apporter une aide technique
afin d'aider les autres à progresser. Il ne s'agit pas uniquement de
distribuer de l'argent. On fait cela dans beaucoup de cas. Le budget du
ministère desTerres et Forêts est petit lui aussi, mais même
s'il est petit, il amène des milliards de dollars à
l'économie de la province de Québec. Il administre l'affaire.
Cela ne prend pas des milliards pour administrer. Le ministre de l'Agriculture
n'est pas là pour faire les travaux de tout le monde en agriculture. Il
est là pour aider, aviser, pour aider en temps de crise avec l'argent du
gouvernement.
M. Toupin: Je remercie le député de Huntingdon,
mais, très honnêtement, je trouve un peu démagogue que nous
cherchions toujours a tourner autour du problème du budget. C'est comme
si l'Opposition n'était pas capable de voir autre chose que trois ou
quatre chiffres alignés les uns devant les autres. Ah oui! C'est bien
sûr. On est bien d'accord sur cela. Ecoutez. Les journaux, la
télévision, on est tout à fait d'accord sur cela. Je l'ai
dit au début. Le budget du ministère de l'Agriculture, cette
année, est de 4% inférieur à celui de l'an dernier. Cette
année, on a eu $41 millions de budget supplémentaire. Le
ministère de la Voirie a eu $150 millions de budget
supplémentaire et les autres ministères ont eu des budget
supplémentaires. Cela s'est adonné, cette année, que le
ministère de l'Agriculture, à cause de ses programmes, à
cause des projets de loi qui doivent être discutés à
l'Assemblée nationale et non pas au cours de l'étude d'un budget,
a $8 millions ou $9 millions de moins. Nous avons retourné au fonds
consolidé, je ne sais combien; peut-être $5 millions.
Que voulez-vous? On peut discuter longuement du budget, mais quand il ne
reste que cela comme argument pour tenter de bâtir une agriculture
québécoise qui soit le moindrement viable, je me demande vraiment
où cela peut nous mener.
En 1970, par exemple, le budget était l'équivalent de
$1,450 par producteur et en 1975, il dépassera $3,000 par producteur. Le
budget du ministère, quand on le ramène à l'unité
de producteur québécois, on a plus que doublé ce qui peut
être versé en termes, non pas de subvention, mais de programmes
qu'on met à leur disposition.
Je ne vois pas d'inconvénient qu'on entreprenne une
polémique sur la question du budget depuis que le ministère de
l'Agriculture existe, mais on va faire certaines phases.
Quand je suis arrivé au ministère de l'Agriculture, il y
avait $5 millions en budget qui servaient pour faire des chemins. Je me suis
dit que ce n'est pas le rôle du ministère de l'Agriculture de
faire des chemins. On a pris le budget pour les chemins et on l'a donné
au ministère de la Voirie et on s'est occupé de
l'agriculture.
Ce sont $5 millions qui existaient au ministère de l'Agriculture
alors qu'il était responsable de la colonisation. La colonisation est
disparue maintenant au Québec et on a transféré ce budget
à un autre ministère parce qu'on croyait que cela était
plus raisonnable.
Quand vous regardez le budget du ministère de l'Agriculture dans
son contexte historique, vous pouvez lui faire dire n'importe quoi si vous
évitez de dire ce qui doit être dit. Vous pouvez lui faire dire
n'importe quoi, tout comme vous pouvez faire dire n'importe quoi à ce
pourcentage de 4% de diminution du budget actuel du ministère de
l'Agriculture. Vous pouvez lui faire dire n'importe quoi à ce
pourcentage de 4%. Ce qui est important pour nous, c'est que nous avons un
certain nombre de programmes que nous avons préparés, qui ont
été acceptés et qui totalisent $169 millions, près
de $170 millions et l'an prochain, je ne sais pas, cela sera peut-être
$180 millions.
J'ai déjà dit en I97I ou en I972 que le budget du
ministère de l'Agriculture en 1975/76 ou au plus tard, en I977, devrait
approcher les $200 millions. On va être proche des $200 millions en
1976/77 à cause des lois qu'on apporte et à cause des programmes
nouveaux qu'on met de l'avant et tout cela a des reflets. Cela se
reflète sur les revenus nets des producteurs agricoles. De $3,000, on
approche les $8,000 maintenant. Ce sont $10,000 qu'on devrait viser. C'est ce
que nous recherchons aussi avec l'amélioration des programmes, le
développement de la mise en marché et le développement de
nouvelles productions.
Je trouve, personnellement et ce n'est pas parce que je cherche
à défendre mon budget ou le budget du ministère de
façon inconditionnelle -enfantin qu'on attache autant d'importance
à une diminution de 4% d'un budget du ministère de l'Agriculture,
alors que ce qui est important, ce sont les résultats au bout du compte
des programmes qu'on met de l'avant.
M. Lessard: Ce n'est pas ce que laissait entrevoir le ministre
lorsqu'il nous disait que les budgets semblent être
l'élément secondaire dans le développement de
l'agriculture. Ce n'est certainement pas ce qu'il laissait entendre aux
étudiants de polytechnique il y a quelque temps. Je pense qu'il est
quand même très important de considérer l'investissement
qu'un gouvernement veut faire dans un secteur particulier par rapport à
l'ensemble des secteurs de l'activité humaine ou de l'activité
économique. Quand le ministre nous dit, à un certain moment, que
les budgets ont augmenté par rapport au producteur individuel, je dis:
C'est vrai parce qu'il y a quantité de producteurs qui sont sortis du
secteur agricole.
Mais, M. le Président, cela ne nous prouve pas pour autant que ce
gouvernement a décidé, comme le demandaient les agriculteurs en
octobre et novembre dernier, d'accorder ou d'affirmer simplement ou de
répondre positivement à la question suivante: Est-ce que nous
voulons une agriculture au Québec ou est-ce qu'on n'en veut pas? Si on
veut continuerd'avoir une agriculture marginale, on restera avec un pourcentage
par rapport à l'ensemble du budget du Québec qui sera
marginal.
C'est assez curieux que, dans certains ministères, on se glorifie
et le premier ministre le fait constamment constamment d'une
augmentation des budgets et maintenant on est rendu qu'au ministère de
l'Agriculture on se glorifie de la diminution du budget. De toute façon,
M, le Président, le ministre de l'Agriculture, comme il l'avait fait
l'an dernier, a fait son nid en ce qui concerne le budget. Le ministre de
l'Agriculture nous adémontré qu'il n'était pas capable
d'aller chercher les budgets qui semblaient nécessaires pour le
développement de l'agriculture. On sait que l'an dernier, l'UPA
espérait que cette année le budget de l'agriculture serait
équivalent à peu près à $200 millions. C'est
l'estimation de l'Union des producteurs agricoles et cela, sans tenir compte,
probablement, de l'inflation considérable que nous avons vécue
depuis un an. Le ministre de l'Agriculture répond qu'il est
entièrement satisfait et non seulement qu'il est satisfait, mais que,
l'an dernier, il a retourné $5 millions au fonds consolidé du
Québec. Cela confirme ce que je disais lors de mes remarques
préliminaires. Même si on lui en donnait plus, il ne saurait pas
quoi en faire. M. le Président, je suis prêt à passer au
programme I, élément I.
M. Toupin: M. le Président, je tiens vraiment à
vider cette question du budget. Je le répèteencore, je trouve
enfantin qu'on y attache tant d'importance, mais je suis prêt à
soutenir la thèse du ministère là-dessus et je vais la
soutenir jusqu'au bout. Il est constant que tous les ministères ou
à peu près tous les ministères retournent de l'argent au
fonds consolidé de la province. Le ministère de l'Agriculture
n'est pas le seul à le faire et le ministère de l'Agriculture,
l'an dernier, a dépensé tout le budget qu'on lui avait
attribué plus $41 millions de budget supplémentaire. Il est
possible, cette année, que nous ayons encore besoin de certains budgets
supplémentaires, tenant compte des réalités
économiques avec lesquelles l'agriculture aura à évoluer
au cours de l'année. Je continue à soutenir, M. le
Président, que tout ce qu'il y a comme programmes dans ce livre et qui
totalise $169 millions par rapport à $122 millions l'an dernier, comme
budget de base, c'est déjà une augmentation qui dépasse
les $50 millions, je continue à soutenir que ces $50 millions de plus,
nous allons les retrouver dans les programmes qui sont dans ce livre, le livre
des budgets. Vous allez retrouver là-dedans des programmes qui ont
été refaits et qui ont été améliorés.
Vous allez retrouverde nouveaux programmes. Je continue à soutenir, M.
le Président, que, avec les lois que nous allons déposer au
ministère, même si on ne retrouve pas les budgets requis pour ces
différentes lois qui seront appliquées au cours de
l'année, nous retrouverons les budgets requis dans les lois que nous
déposerons et ce ne sont pas ce que l'on pourrait appeler de petites
lois ou des lois de moindre importance, ce sont des lois fondamentales, des
lois que peu de provinces au pays actuellement se sont données, la
protection du territoire arable au Québec, l'assurance-stabilisation des
revenus, la Société d'initiative agricole, les lois de
crédit agricole. En passant, nous sommes une des seules provinces au
pays où on est capable d'agir sur le crédit agricole et les
juridictions agricoles au Canada sont des juridictions conjointes. Je suis
prêt à admettre que, dans certains domaines, la juridiction
fédérale est prépondérante et que, dans certains
autres domaines, la juridiction provinciale est prépondérante, et
nous nousdotonsdes lois qui correspondent à la constitution
québécoise et qui nous donnent véritablement des moyens
d'action et des moyens d'agir.
M. le Président, on ne juge pas, à mon point de vue, le
développement d'un secteur économique à compter d'un
budget qui peut être mis à la disposition d'un ministère
dont la responsabilité lui est confiée dans ce secteur
économique. C'est un élément fondamental, mais qui se
trouve accroché à des programmes et à des lois. C'est avec
des programmes de développement et avec des lois que nous parvenons
à développer le secteur économique, ce n'est pas seulement
avec des discours. Je continue à
soutenir cette thèse u'il est plus facile, dans certains
ministères, de statuer sur des budgets qui évoluent
defaçon stable et de façon permanente, parce que ce sont des lois
statutaires. La loi du ministère de l'Education est une loi statutaire.
Les lois du ministère des Affaires sociales sont des loiss tatutaires,
alors que la loi du ministère de l'Agriculture est une loi
essentiellement de développement économique et qui ressemble
beaucoup aux lois du ministère de l'Industrie et du Commerce, mais il va
plus loin même que le ministère de l'Industrie et du Commerce
parce que ce ministère agit directement sur le développement de
l'économie agricole québécoise, il agit directement sur
son développement.
Je ne cherche pas à me glorifier d'un budget. Je pense que celui
qui pense trouver la gloire dans le budget trouve peu de chose; ce qu'on
retrouve dans un budget, ce sont des éléments d'action qui nous
permettent d'atteindre les fins visées. Ce qui compte, pour moi, c'est
d'avoir des objectifs, des programmes, des lois tout au moins.
Quant au budget, le temps est toujours là pour donner des budgets
quand les programmes sont présents.
Coûts de production
M. Lessard: Avant de discuter du programme 1,
élément 1, j'aimerais poser une question, suite à son
intervention de cet après-midi, au ministre de l'Agriculture, concernant
le problème fondamental de l'estimation des coûts de production.
On sait qu'il y a deux thèses qui se confrontent en ce qui concerne
l'estimation de ces coûts de production, la thèse du ministre de
l'Agriculture et la thèse des agriculteurs.
Le ministre nous indiquait, cet après-midi, sa thèse,
à savoir que ce n'était pas tant sur le salaire horaire qu'il
fallait se baser pour établir les coûts de production, mais sur le
revenu des travailleurs spécialisés. On sait qu'en ce qui
concerne les travailleurs spécialisés, étant donné
qu'ils ne travaillent pas complètement toute l'année, selon des
heures normales, un salaire, qui serait basé sur le salaire horaire,
démontrerait peut-être un revenu, en fait, qui semble être
l'objectif du ministre, alors que les agriculteurs affirment que, pour
évaluer leur coût de production, il ne s'agit pas de se baser sur
le revenu moyen du travailleur spécialisé, mais bien sur le
revenu horaire, de telle façon que, si on établit la moyenne du
salaire du travailleur spécialisé à $4.83 l'heure, je
pense que c'est maintenant rendu à une moyenne de $5 l'heure, les
agriculteurs veulent avoir la reconnaissance de ce salaire horaire.
C'est-à-dire que, s'ils travaillent, au cours de la semaine, 60 heures,
on devra alors calculer 60 heures multipliées par le salaire horaire et
cela, sur une période de douze mois.
En fait, on en est là dans la négociation, dans la
discussion et, dans la loi que nous aurons à étudier à
l'Assemblée nationale, le ministre, dans la Loi de stabilisation des
revenus agricoles, a probablement comme objectif de se baser sur son
interprétation. Est-ce qu'on peut penser que le ministre a une opi-n ion
absolue sur cette estimation ou sur cet objectif, ou est-ce qu'on peut penser
que des rapproche- ments sont possibles entre la classe agricole et le
ministère de l'Agriculture, ou encore est-ce qu'on en est arrivé
à une impasse et qu'il serait extrêmement difficile de s'entendre?
Est-ce qu'on pourrait avoir les commentaires du ministre à ce sujet?
Le Président (M. Lafrance): Le ministre de
l'Agriculture.
M.Toupin: M. le Président, nous ne sommes pas dans un
état d'impasse, nous sommes dans un état de discussions intenses
entre les différents groupements de producteurs et le ministère,
en ce qui concerne les interventions gouvernementales au chapitre des revenus
des agriculteurs.
Il faut établir au départ un certain nombre de principes
lorsque nous parlons de revenus dans les entreprises. Il n'est pas du ressort
du gouvernement de financer le profit des entreprises. Le gouvernement met
à la disposition desentreprisesdes moyens pour que ces dernières
puissent atteindre le maximum de profit possible, tout au moins en ce qui
concerne le secteur agricole. Une ferme est une entreprise et le travailleur
agricole est un entrepreneur. Le travailleur agricole n'est pas un
salarié au sens des lois du travail, il n'est pas un salarié au
sens de la Loi du salaire minimum. Il est un entrepreneur.
La plus belle preuve qu'il est entrepreneur, c'est que, lorsque vous
prenez une production en particulier, notamment celle du lait nature, et que
vous analysez le comportement d'un ensemble d'entrepreneurs, d'un ensemble de
producteurs, vous allez trouver une différence aussi grande que $7 les
100 livres pour produire du lait, jusqu'à $11.10 ou $11.20 les 100
livres. Il y a là une différence de $4 les 100 livres.
M. Lessard: L'UPA établit une moyenne basée sur un
minimum de vaches laitières, c'est sur cela que la négociation se
fait et non pas sur le plus bas et le plus haut.
M. Toupln: C'est exact. C'est que la même moyenne que nous
prenons pour établir les coûts, cette moyenne démontre
qu'on retrouve des coûts de production de $7 à $11.
Lorsque nous cherchons à prendre la moyenne dans ce secteur,
c'est-à-dire du plus bas au plus élevé, qu'est-ce que cela
a comme conséquence, si vous cherchez à trouver le salaire de la
moyenne, le revenu de la moyenne?
Vous allez enrichir ceux qui font déjà beaucoup et vous
n'allez pas nécessairement aider ceux qui sont en bas. C'est donc dire
que, si on veut régler le problème du revenu agricole, ce n'est
pas parce qu'on va mettre$4.50 ou $5 l'heure qu'on va le régler, avec
les prod ucteurs. Il faut regarder ce que cela veut dire, la
productivité.
Quand une ferme produit 12,000 livres de lait en moyenne, par
unité de production, et que l'autre en produit 8,000, cela fait 4,000
livres de différence. 4,000 livres, à $12 les 100 livres, combien
cela fait-il? C'est là qu'est le revenu de l'agriculteur. C'est lui qui
va chercher plus que le salaire horaire déterminé par l'UPA. Ce
producteur va se faire $8 ou $9 l'heure.
Mais, il y atous les éléments qui convergent dans le sens
d'un profit recherché et d'un revenu recherché. Il est
évident qu'on ne peut pas demanderà tous les producteurs
agricoles d'être aussi efficaces les uns que les autres, mais il est
évident que le gouvernement ne peut pas, sous prétexte de trouver
un revenu horaire pourtous les agriculteurs, dans cette politique, enrichir, le
mot est fort, parce qu'on ne peut pas dire qu'il y a des gens riches en
agriculture, mais augmentersubstantiellement le revenude ceux qui ont
déjà un bon revenu et ne pas corriger nécessairement le
revenu de celui qui n'a pas un bon revenu.
Il faut donc trouver là l'équilibre. Nous avons pris une
ferme type de 329,000 livres de lait. Nous lui avons fait produire une moyenne
de 10,500 livres de lait par unité de production, c'est-à-dire la
moyenne de production au Québec, pour cette catégorie. Nous avons
ajouté à cela un prix de $12.26, nous avons enlevé de tout
cela les intrants et nous avons ajouté le salaire du travailleur
spécialisé.
C'est celui qui fait 10,500 livres en moyenne. Cela lui fait un revenu
cette année. On le calcule à $9,200, à peu près,
son revenu à lui. On ne parle pas du coût de la vie qui est plus
bas sur la ferme et on ne lui donne aucun sou de revenu pour tout ce qui est
à côté du lait, pour tout ce qu'il peut prendre à
côté du lait.
M. Lessard: La rentabilité de son investissement?
M. Toupin: Tout est compris dedans.
M. Lessard : Tout est corn pris dedans et cela I ui donne
$9,000.
M. Toupin: A 7%. Seulement son revenu à $9,200. Tout le
reste, ajoutez-le. Cela va lui donner quelque chose comme près de
$13,500 de revenu. Ce n'est pas encore $4 ou $5 l'heure, 60 heures par semaine.
Ce n'est pas encore cela. Mais le gars qui a une production de 12,500 livres en
moyenne et qui a trente vaches laitières, cela lui fait combien de
livres de lait de plus à la fin de l'année? Cela va lui faire
50,000 ou 60,000 livres de lait de plus; à $12, cela lui fait $5,000 ou
$6,000 de plus. Lui, c'est $20,000 qu'il va toucher. Même avec notre
formule, on dépasse déjà largement, pour bon nombre de
producteurs, la formule proposée par les producteurs.
C'est sur cette formule qu'on se base. Je ne crois pas que cette formule
soit discriminatoire à l'endroit des producteurs. Elle incite celui qui
a déjà une bonne productivité à la garder et elle
oblige celui qui veut se faire un meilleur revenu à améliorer sa
productivité. C'est le phénomène des entreprises.
Quand vous regardez d'autres productions, des productions plus
spécialisées, où la productivité a atteint, je ne
dirai pas son maximum, peut-être 80% de sa potentialité, on
raisonne autrement. On met un revenu, bien sûr, égal à
celui du travailleur spécialisé, comme on le fait pour le lait
nature, et, encore là, celui qui parvient à être plus
efficace au pied carré, s'il s'agitd'un producteurde poulet, ou au pied
carré ou à la pondeuse, s'il s'agit d'un gars qui est dans la
production des oeufs, toutes les productions avicoles sont traitées sur
ce pied d'égalité.
C'est sûr qu'on n'arrivera jarnais à s'entendre sur un
salaire horaire, parce que ce n'est pas le fait que cela va à rencontre
d'une philosophie normale en termes de revenus, mais cela va à rencontre
d'une philosophie de développement économique d'une entreprise.
On ne subventionne pas les profits d'une entreprise; on subventionne un revenu
minimum à un travailleur et, si ce travailleur fait partie d'une
entreprise, s'il veut plus que cela, il va le chercher dans son entreprise, il
ne va pas le chercher ailleurs.
C'est dans cette seule perspective que nous parviendronsà trouver
l'équilibre cherché au niveau des revenus agricoles. C'est
possible que, l'an prochain, on trouve en agriculture, au Québec, des
revenus, parlons de... Il y a eu une diminution de 9%, l'an passé.
D'accord, ce sont les producteurs de bovins qui en ont subi bien plus que 9%;
ils en ont subi 12%, 15% et 20%. Les producteurs laitiers, l'an dernier, n'ont
pas perdu d'argent. Les producteurs laitiers, l'an dernier, par rapport
à 1973, s'ils n'ont pas augmenté, ils se sont maintenus, au
moins, à ce qu'ils étaient en 1973. Mais, on présume
qu'ils ont augmenté. On n'a pas fait les recherches
séparées production par production, parce qu'il y a, dans le
secteur laitier, une politique pour se fixer des prix et des revenus, tout
comme on la trouve dans le secteur des céréales, avec la
différence que la demande de céréales est plus forte que
la demande des produits laitiers sur le plan mondial.
M. Lessard: Le ministre parle énormément de
productivité, très souvent de productivité du producteur
québécois. C'est devenu un peu sa marotte pour se
déprendre des situations difficiles. C'est ce qu'il faisait lors du
dernier congrès de l'UPA.
J'aimerais, d'abord je lui poserai une autre question tout
à l'heure savoir il l'a affirmé cet
après-midi combien il y a de producteurs au Québec
actuellement, à part les gens qui vivent de l'agriculture comme telle,
mais de producteurs, d'unités familiales qui produisent. Autour de
40,000?
M. Toupin: II y a 20,000 producteurs québécois qui
produisent 80% de la production.
M. Lessard: Globalement, combien y a-t-il de producteurs?
M. Toupin: II y en a 45,000 sur les listes, actuellement. Il
reste encore plus de 10,000 producteurs dont la vente annuelle est
inférieure à $3,000 par année.
M. Lessard: Pour 40,000 ou 45,000 producteurs...
M. Toupin: Si on veut parler de producteurs agricoles, je ne
pense pas, actuellement, qu'on puisse parler de beaucoup plus de 30,000.
M. Lesdard: D'accord. Le ministre parle... M. Toupin: De
producteurs professionnels.
M. Lessard:... de 30,000 producteurs agricoles. M. Toupin:
Professionnels.
M. Lessard: ... professionnels.
M. Toupin: Je veux bien, M. le Président, faire la
distinction, parce que, quand on regarde ceux qui sont propriétaires de
fermes et ceux qui mettent en marché des produits agricoles, on les
évalue à 45,000. Il y en a quelques-uns de plus. Mais ceux qui
vendent pour moins de $1,000, on ne les compte plus maintenant. Mais si on
regarde ceux qui vivent de l'agriculture, essentiellement de l'agriculture, et
qui vont chercher très peu à l'extérieur, je ne pense pas
qu'on puisse dépasser, présentement, 30,000.
M. Lessard: Je constate le total des employés permanents
au ministère de l'Agriculture, 3,746, soit plus d'un employé par
dix producteurs.
M. Toupin: Non pas par dix, c'est par cent, je pense.
M. Lessard: Non, vous me parlez par cent producteurs.
M. Toupin: Allez en France et c'est deux fois plus que cela.
M. Lessard: Je regrette, M. le Président, par dix
producteurs.
M. Toupin: Par dix, 3,000; pour 30,000, dix fois.
M. Lessard: Par dix, 3,000. Multipliez par dix, celafait 37,460.
J'aurais envie de poser une question au ministre sur la productivité d u
ministère de l'Agriculture.
M. Toupin: Je vais céder à vos envies, c'est bon de
temps en temps. Je ne veux pas vous ennuyer. De tout le "staff" administratif,
je vais vous enlever toutes les secrétaires, etc., tous ceux qui sont
dans l'administration. Mais si vous regardez seulement ceux qui travaillent
pour les agriculteurs, c'est-à-dire les agronomes, ce sont ceux qui sont
les principaux conseillers des agriculteurs, et tous ceux qui sont
véritablement les conseillers agricoles, cela veut dire 1,500
peut-être, la moitié. De 1,000 à 1,200. Ce sont ceux qui
sont les véritables agents de développement économique du
secteur agricole.
Non, je ne me scandalise pas du fait qu'il y ait autant
d'employés au ministère de l'Agriculture pour administrerces
programmes. D'ailleurs, ce n'est pas typique au Québec.
M. Lessard: Avec augmentation assez considérable au cours
de l'année 1975/76.
M. Toupin: On s'est adjoint du personnel au ministère pour
faire de la recherche économique. Cela n'existait pas auparavant, ainsi
qu'un certain nombre de spécialistes. Toute la recherche qui se fait,
par exemple, au ministère de l'Agriculture, a des implications directes
sur le développement agricole. On pourrait tout aussi bien trouver cette
équipe de travailleurs dans un autre milieu de recherche et on aurait
exactement... On pourrait la trouver au minis- tère de l'Education, par
exemple, rattachée aux universités.
Recherche agricole
M. Lessard: M. le Président, puisque le ministre nous
parle de recherche, je suis prêt à attaquer le programme I.
J'aimerais d'abord que le ministre nous fasse une rétrospective, je
pense, de ce qui s'est fait au cours de l'année I974 dans ce secteur et
dise ce qu'on entrevoit au cours de l'année l975/76 et quels sont
lesprogrammesde recherchequi pourront être concrétisés et
qui pourront peut-être apporter des politiques concrètes pour le
développement agricole.
M. Toupin: M. le Président, je vais demander avant au
sous-ministre qu'il donne grosso modo les principaux programmes, c'est
technique. Ce qu'il dira, évidemment, pourra être
enregistré au nom du ministre de l'Agriculture.
Le Président (M. Lafrance): Au nom du ministre
lui-même.
M.Toupin: Avant, j'aimerais seulement apporter une petite
précision. Lorsque nous pensons, en termes économiques, je ne
pense pas qu'on puisse mettre de côté la productivité,
c'est-à-dire l'effort de productivité, parce que, chaque fois que
vous mettez de côté l'effort de productivité dans le
domaine du développement économique, vous venez d'accepter que
les gens, en matière économique, ne sont faits que pour
travailler. Vous savez, cela devient des sortes de machines à travail.
Les gens sont capables aussi de réfléchir et de raisonner. Les
agriculteurs ont donné la preuve très souvent qu'ils
étaient capables de raisonner et d'améliorer leur
productivité. C'est pour cela qu'on les invite simplement à le
faire.
M. Lessard: II n'y a pas...
M. Toupin: Ce n'est pas une marotte, c'est purement et simplement
un élément fondamental relié à une politique de
développement agricole.
M. Lessard: ...un agriculteur qui n'accepte pas, à un
moment donné, la nécessité d'augmenter sa
productivité. Au contraire, je pense que l'Union des producteurs
agricoles a démontré que le secteur agricole avait
été l'un des secteurs où la productivité a le plus
augmenté par rapport à d'autres secteurs de la
société québécoise...
M.Toupin: Par homme. Cela ne veut pas direque la
productivité par unité de...
M. Lessard: Ce n'est jamais au maximum. M. Toupin:
Par...
Le Président (M. Lafrance): Alors, on est tous d'accord
sur la productivité.
M.Lessard: Nous écoutons le sous-ministre qui parlera au
nom du ministre.
Le Président (M.Lafrance): Programme I. Recherche et
enseignement.
M. Toupin: Le programme I, recherche et enseignement
relève, au niveau de l'organigramme du ministèrede l'Agriculture,
de la direction générale de la recherche et de l'enseignement
agricole. Je pense bien que nous sommes tous conscients que la recherche, de
même que l'enseignement en matière agricole, occupent
assurément une place prépondérante parmi les facteurs
essentiels à l'édification d'une agriculture de plus en plus
rentable. La production agricole totale augmente chaque année et a
augmenté considérablement au Québec...
M. Lessard: Vous reprenez le discours du ministre? Je vais vous
donner une réponse.
M. Toupin:... au cours des dernières années. Il est
bien clair que nous n'avons pas encore atteint dans tous les domaines de la
diversification de l'agriculture ce que nous aurions espéré
atteindre et ce qu'avec le potentiel dont le Québec dispose, on peut
véritablement atteindre. Donc, il y a là, au niveau de cette
expansion de l'agriculture québécoise, un défi qui est
posé, bien sûr, à l'agriculture et que la recherche dans
son ensemble doit contribuer à relever. C'est donc dans ce cadre
d'objectif général que se situent la recherche effectuée
et l'enseignement au ministèrede l'Agriculture. Nous essayons de trouver
des moyens d'augmenter toujours de mieux en mieux la productivité et
l'efficacité de l'agriculture, et cela par l'étude de divers
problèmes, qu'ils soient tant au niveau de la production que de la
transformation des produits agricoles,et de même aussi de former par
l'enseignement des technologistes agricoles compétents, de même
aussi que, depuis l'an dernier, nous donnons un cours de futurs exploitants
tant à Saint-Hyacinthe qu'à La Pocatière. C'est afin, bien
sûr, de fournir à l'ensemble de l'industrie agricole
québécoise des connaissances et des renseignements essentiels qui
sont nécessaires au milieu agricole.
Donc, sous l'aspectde la recherche plus spécifiquement, nous
poursuivons effectivement les travaux de recherche et de développement
expérimental dans le domaine des sols, des plantes, des animaux, de la
technologie des produits agricoles, en plus, comme je le disais tout à
l'heure, de dispenser un enseignement de niveau collégial
spécialisé, de même aussi qu'une formation de futurs
exploitants, afin de leur permettre d'acquérir une compétence
technique et administrative. Est-il besoin de rappeler qu'en ce qui regarde pi
us particulièrement la recherche, il y a plusieurs divisions qui s'y
rattachent.
Si vous voulez, on peut en mentionner quelques unes, celle de la
défense des cultures, qui est chargée, à travers,
justement, divers aspects reliés au contrôle des mauvaises herbes,
entre autres. C'est un problème spécifique au Québec, et
qui a énormément d'influence sur les rendements qu'on peut
obtenir avec diverses productions. Donc là, nous avons une équipe
qui est répartie un peu partout dans tout le Québec, notamment au
complexe scientifique et dans les diverses stations de recherche que nous
avons, que ce soit à La Pocatière, Saint-
Hyacinthe, Sainte-Martine, L'Assomption et autres, qui touche divers
problèmes qui sont reliés tant à la phytopathologie,
c'est-à-dire le contrôle des maladies, de même aussi que des
problèmes reliés aux insectes. C'est à titre d'exemple,
que l'on parle des recherches qui se font au niveau de contrôle, tant des
mauvaises herbes que des insectes, reliées au développement de la
production du maïs-grain au Québec.
Dans une autre division, pour faire très rapidement, qui est
celle de la division des sols, nos pédolo-gues continuent à
compléter les inventaires pédologiques et la classification des
divers sols des divers comtés agricoles du Québec. C'est un
travail entrepris depuis quelques années et qui est un travail de longue
haleine pour vraiment réussir à cartographier adéquatement
tous les sols et les catégories de sol du Québec, justement pour
mieux en évaluer leur potentialité et le rôle qu'ils
peuvent jouer dans le cadre d'une diversification rationnelle de l'agriculture
québécoise.
Plus particulièrement au niveau des stations de recherche, nous
avons essayé, au cours de la dernière année, de
spécialiser encore davantage les diverses stations de recherche agricole
du ministère de l'Agriculture. Prenons l'exemple de la pomme de terre,
que ce soit au niveau de la pathologie ou du développement de nouvelles
variétés, c'est un territoire qui est connu sur la
Côte-Nord où nous faisons, d'une façon très active,
énormément de travail, tant au niveau du contrôle des
maladies, qu'au niveau de la prod uction de semencesélites. De
même aussi, un secteur fort important dans le développement de la
productivité améliorée au niveau des plantes
fourragères et céréalières, et relié
à la station de recherche, tant de Saint-Hyacinthe que de Sainte-Martine
où, sous une équipe de généticiens et une
équipe multidisciplinaire, nous procédons à la
création et à la recherche de création de nouvelles
variétés, tant de céréales que de plantes
fourragères adaptées aux conditions du Québec. Nous avons
là, à travers les plantes céréalières et
fourragères, plus particulièrement du côté
céréalier, déjà travaillé à la
création de nouvelles variétés, et nous avons espoir que,
très prochainement, d'autres variétés d'orge, d'avoine et
de blé prendront place sur le marché québécois,
à partir d'une évaluation génétique de leur
potentiel, adaptées aux conditions climatologiques
québécoises et aux conditions, aussi, de nos sols
québécois.
C'est donc là un secteur fort important sur lequel nous
consacrons de plus en plus d'attention et de plus en plus d'efforts, tant sur
le plan des techniciens qui y sont impliqués que sur le plan des budgets
affectés à cette question.
Au niveau des plantes horticoles aussi, au niveau plus
particulièrement de la station de L'Assomption, nous faisons...
M. Lessard: Le ministre est heureux avec un sous-ministre comme
cela. Le ministre parle comme un grand livre, cela va bien, pas de
problème.
Le Président (M. Lafrance): Laissons-le aller. M.
Lessard: Le ministre se repose.
M. Toupin:... du travail au niveau de l'amélioration
génétique, parexemple, au niveau de la tomate, certains aspects
au niveau de l'asperge, de certaines productions horticoles, pas autant,
parexemple, que pour la région du sud ou sud-ouest de Montréal.
Vous savez pertinemment bien que nous avons encore des terres organiques, des
terres noires qui méritent d'être exploitées, et qui
pourraient l'être avec un apport supplémentaire de certaines
productions horticoles qui viendraient prendre place sur le marché
québécois sans perturber une situation, et permettre, encore une
fois, de diversifier notre agriculture. Donc, sur le plan horticole aussi, se
fait une recherche très intensive, davantage axée sur le
côté de la génétique, sur le côté de
création de variétés. Il en est de même aussi des
recherches intenses qui se font, par exemple, au niveau de la fève soya,
de création de variétés, d'essais de nouvelles
variétés qui permettraient, à ce moment, de
développer plus adéquatement ces productions au Québec. Il
en est de même aussi, au niveau de certaines productions dites de plantes
industrielles, où encore là, une équipe de techniciens est
affectée douze mois par année à ces travaux de recherche,
tant en plein champ qu'en serre maintenant. Nous allons plus loin.
Je parlais tout à l'heure des céréales. Il serait
peut-être intéressant ici de savoir que nous essayons de faire le
travail de deux années dans une, en utilisant certaines parties de
terrains situées à l'extérieur du Canada, qui nous
permettent d'accélérer le processus de recherche de ce
côté.
Au niveau des bovins laitiers et au niveau de l'industrie
laitière, nous avons spécialisé la station de recherche de
Deschambault, qui devient ainsi le pôle de développement de toute
la recherche que le ministère de l'Agriculture du Québec exerce
au niveau des bovins laitiers. De même aussi exerçons-nous
à cette station de Deschambault des travaux de recherche reliés
à l'amélioration de la race chevaline afin de l'adapter aux
conditions de l'évolution de la société dans cette
civilisation de loisirs. De même aussi effectuons-nous à cette
même station de Descham bault de la recherche ayant trait à la
production de la volaille, que cela soit la création d'une
variété de nouveau dindon ou encore que cela soit de la recherche
sur certaines poules pondeuses.
C'est donc essayer très rapidement de résumer en grands
traits de crayon les divers objectifs que le ministère de l'Agriculture
poursuit par sa direction générale de la recherche sur le plan de
la recherche et des essais qui doivent être faits pour les mieux adapter
aux conditions du Québec, de même aussi qu'un autre volet et qui
termine la responsabilité de cette direction générale, qui
est celle du Conseil des recherches agricoles du Québec qui, lui, voit,
à travers des budgets, à diriger, coordonner, établir les
priorités de recherche qui doivent être effectuées au
Québec par tous les organismes qui sont chargés de faire de la
recherche au Québec, que ce soient les universités, que ce soient
les stations de recherche du ministère fédéral de
l'Agriculture ou du ministère provincial de l'Agriculture. A travers ce
Conseil des recherches agricoles, où nous retrouvons ces divers
éléments, les priorités de recherche y sont
établies, de même aussi qu'à partirde là, les
budgets afférents à cette même recherche sont
déterminés suivant les priorités sur lesquelles le
Québec doit se pencher pour faire évoluer pi us rapidement
l'agriculture québécoise.
M. Pelletier: M. le Président, puis-je me permettre de
poser une question au ministre ou au sous-ministre?
Le Président (M. Ostiguy): Oui. Le député de
Kamouraska-Témiscouata.
M. Pelletier: J'aimerais savoir, par exemple, le budget de ITTA
de La Pocatière dans la recherche agricole. Combien? C'est global:
$6,470,000. C'est inscrit pour la province. J'aimerais savoir le montant dans
la recherche et l'enseignement agricole.
M. Toupin: Oui. Si nous parlons au niveau de l'enseignement,
donc, le programme 1 .élément 2, La Pocatière, le budget
global est de $1,971,000; et si nous allons au niveau de la station de
recherche de La Pocatière, ce sont deux entités
différentes, je crois que un instant, je vais vous donner le
montant exact cela doit être aux alentours de $500,000. Je vais
vous le donner. C'est un montant de $464,300.
M. Pelletier: Y compris les inspecteurs dans la
région...
M. Toupin: Non.
M. Pelletier: ... qui relèvent de l'ITA?
M. Toupin: Ceux-là relèvent d'un autre poste
budgétaire qui est le programme 3: Bureaux et laboratoires
régionaux. Ce que je vous donne actuellement, c'est relié
strictement pour La Pocatière, premièrement à
l'enseignement, soit technologique ou de formation de futurs exploitants d'une
part et, d'autre part, à la recherche effectuée à la
station de recherche de La Pocatière.
M. Lessard: Le ministre nous tracé un magnifique tableau
de la recherche dans le secteur agricole. D'ailleurs, ce n'est pas le ministre,
mais le sous-ministre en tout cas, le ministre par
l'intermédiaire de son sous-ministre. On sait d'ailleurs que le
sous-ministre a de très grandes possibilités d'élocu-tion
et peut nous tracer de très beaux tableaux, mais j'aimerais
particulièrement lui poser une question concernant la recherche sur les
bovins laitiers.
Le sous-ministre pourrait-il nous dire où on en est rendu
à ce sujet? Quelles sont les concl usions de rapports, s'il y a lieu,
concernant cette recherche, étant donné que le ministre nous a
parlé de l'importance du revenu agricole qui provenait de la vente du
lait?
On sait que ce revenu est estimé à près de 33%du
revenu agricole des Québécois. Est-ce que du côté
des bovins laitiers il y a une recherche qui se fait? Est-ce qu'il peut y avoir
des "concrétisations" prochaines à cette recherche?
M. Toupin: II se fait, bien sûr, de la recherche sur les
bovins, comme on l'expliquait tantôt. Cette re-
cherche est assez large. Elle touche d'une part la
génétique, elle touche d'autre part l'alimentation, elle touche
en troisième partie, toute la question de la gestion des fermes et elle
touche également les espaces à l'intérieur desquels on
peut faire évoluer un certain nombre d'unités en vue de trouver
le maximum de rentabilité, tant au chapitre de la gestion qu'au chapitre
de la génétique qu'au chapitre administratif.
M. Lessard: Est-ce que le ministre aété
informé, ou est-ce que le ministre acollaboré, ou est-ce que le
ministre a réalisé ce qu'on appelle le rapport final du
comité d'orientation de la recherche sur les bovins laitiers qui
aété présenté au Conseil de la production animale
du Québec? Est-ce que le ministre a pris connaissance de ce rapport et
est-ce que le ministre a collaboré à ce rapport?
M. Toupin: Evidemment, il y a plusieurs études qui se font
sur l'élevage bovin, tant les bovins laitiers que les bovins
spécialisés. Par exemple, le Dr Ouellet a fait une étude
là-dessus déjà. Certaines autres personnes, tant de
l'université que du ministère, ont également fait de la
recherche, desétudesà ce chapitre; chaque fois qu'une
étude est préparée, on la soumet au Conseil de la
production animale pour savoir ce que ses membres en pensent, parce que ce sont
là les spécialistes de la production. C'est à compter,
très souvent, des propositions que ses membres nous font, que nous
élaborons des politiques au ministère.
M. Lessard: Dans ce rapport qui a été
déposé le 21 octobre 1974, auquel je ne sais pas si le
ministère de l'Agriculture a collaboré, on précise
qu'environ 12.3% de tout l'argent versé pour la recherche agricole au
Québec sont affectés à la production laitière ou
aux bovins laitiers. Ces montants, dit-on, représentent l'argent
alloué aux recherches en génétique, nutrition,
physiologie, maladies bovines, économie. Cependant, comme le ministre a
parlé de l'impor-tancedu secteur laitier dans l'ensemble de la
production québécoise, on trouve que ce montant de 12.3% n'est
pas proportionnel à la force du secteur laitier dans la production
québécoise. On peut difficilement établir une
corrélation étroite entre, d'un côté, les revenus de
la production laitière et, de l'autre côté, les montants
dépensés en recherche, mais il m'apparaît qu'il y a un
certain déséquilibre. On propose même dans ce rapport et on
suggère, on recommande à l'unanimité, la création
d'un institut de recherche des bovins laitiers au Québec. Est-ce que le
ministre a pris connaissance de ce rapport et est-ce que le ministre aeu
l'occasion d'étudier la possibilité de la création d'un
tel institut afin de regrouper les recherches qui sont faites non seulement par
le ministère de l'Agriculture, mais qui sont faites à
l'extérieur par des organismes privés ou par l'Union des
producteurs?
M. Toupin: On va diviser les problèmes. Vous en soulevez
plusieurs. On va prendre d'abord sur le plan de la centralisation, du
regroupement de la recherche. Ce fut fait l'an dernier. L'an dernier, si vous
relisez les Débats sur les crédits de l'Agriculture, nous avons
pris le temps de vous donner toutes les explications sur le nouveau conseil de
recherche que nous avons mis de l'avant au gouvernement du Québec, de
telle sorte que tous les chercheurs, où qu'ils soient, sont
intégrésdans ce conseil de recherche. Il est actuellement sous la
responsabilité d'un des sous-ministres du ministère pour que nous
puissions faire passer, parce conseil de recherche, les priorités que le
ministère juge à propos d'établir pour la recherche.
C'est M. Claude Simoneau qui est responsable de la recherche et, en
même temps, président de ce conseil de recherche.
Quant au secteur bovin, il est difficile d'établir un pourcentage
direct. Je n'ai pas lu le rapport, parlons du conseil...
M. Lessard: Est-ce que vous connaissez le rapport?
M. Toupin: Je n'ai pas lu le rapport.
M. Lessard: Est-ce que vous le connaissez?
M. Toupin: Je ne le connais pas, parce que je ne l'ai pas lu.
M. Lessard: Cela arrive que je connaisse des volumes et que je ne
les aie pas lus. Vous auriez pu le connaître.
M. Toupin: Quand je connais des choses, c'est parce que je les
lis, je les vois, je ne les rêve pas.
M. Lessard: C'est-à-dire que je peux connaître des
titres.
M. Toupin: A ce moment, au niveau des titres, ça ne
mène pas loin. Le Conseil...
M. Lessard: Ce serait important que le ministre connaisse le
rapport.
M. Toupin:... de la production animale du Québec a
créé un sous-comité auquel il a confié
l'étude d'un document de travail sur la recherche en production animale.
Le sous-comité a remis son rapport au Conseil de la production animale,
le Conseil de la production animale le scrute. Par la suite, ce n'est pas le
sous-comité qui fait des recommandations au ministère, mais c'est
le conseil qui fait des recommandations au ministère. Donc, j'attends
les propositions que me fera là-dessus le Conseil de la production
animale.
Quant à la recherche, 12% ou 15%, c'est de la recherche directe.
On ne regarde pas tout ce qui est indirect dans ce secteur, comme, par exemple,
beaucoup de recherche sur l'alimentation, sur les fourrages, sur les silos,
etc., étendent leurs tentacules beaucoup plus qu'au simple niveau de la
production bovine. Et la recherche qui se fait par ailleurs, même si on
ne la retrouve pas directement dans la partie qui va à la recherche de
la production bovine ou des bovins laitiers, est faite par ailleurs et cela est
pris à même le budget d u ministère. Il est, parcontre,
difficile de dire que telle part va dans tel secteur et
que telle autre part va dans tel autre secteur dans la production
bovine.
M. Lessard: Mais le ministre n'entend pas...
M. Toupin: J'attends la recommandation du Conseil de la
production animale qui la fera au Conseil de recherche et je prendrai ensuite
une décision à ce rapport.
M. Lessard: Vous avez probablement encore à
l'intérieur de votre ministère un dénommé
Clément Plante, qui travaille au niveau de la recherche?
M. Toupin: II travaille au niveau du Service de la production
animale.
M. Lessard: Au Service de la production animale et qui
était membre du comité ad hoc, qui a eu l'occasion, Ie 21 octobre
1974, de déposer ce rapport. Le ministre n'a donc pas pris connaissance,
pour le moment, de ce rapport qui aété déposé le 21
octobre 1974. Il attend, avant de prendre une décision concernant
l'Institut de recherche de bovins laitiers qui est proposé dans ce
rapport...
M. Toupin: Une recommandation du Conseil de la production animale
et du Conseil de recherche.
M. Lessard: II se fait énormément de recherche.
J'ai l'intention de passer cet élément et on pourrait
peut-être ajourner nos travaux. Il semble que le président soit
d'accord, je ne sais pas si les autres membres le sont. En tout cas, j'ai
quelques questions encore. Il se fait de la recherche de la part du
ministère de l'Agriculture du Québec comme de la part des
différentes stations fédérales. Est-ce qu'il y a une
certaine collaboration entre les deux? Je pense qu'à l'intérieur
du Conseil de la recherche, comme l'a indiqué l'an dernier le
ministre.il y aurait une certaine collaboration qui se fait.
M. Toupin: II y a beaucoup plus qu'une collaboration; en
équipe avec les chercheurs du gouvernement fédéral, les
chercheurs des universités, de toutes les universités du
Québec qui sont intéressées, nous avons créé
une structure qui permet non seulement la collaboration mais toute la
coordination de la recherche au Québec de telle sorte qu'il n'y a pas
double emploi.
M. Lessard:... entre les universités
fédérales et provinciales.
M. Toupin: ... actuellement, les priorités sont
établies par le ministère de l'Agriculture...
M. Lessard: Québécois?
M. Toupin: Québécois, oui, et après, le
Conseil de la recherche répartit aux chercheurs les différents
secteurs sur lesquels les uns et les autres doivent travailler.
M. Lessard: Même les priorités des stations
fé- dérales sont soumises à l'accord ou à la
discussion du ministre de l'Agriculture?
M. Toupin: C'est exact. On discute en totalité tout ce qui
concerne la recherche au Québec. Cela a été discuté
l'an dernier; on a discuté exactement de ça l'an dernier, on a
donné les mêmes réponses aux mêmes questions que vous
nous posez.
M.Lessard: D'accord, je saisqu'on en a discuté l'an
dernier, mais est-ce que c'est par l'intermédiaire du ministère
de l'Agriculture que le gouvernement fédéral s'y prend pour faire
bénéficier les agriculteurs du Québec de sa recherche?
M. Toupin: Cela veut dire que le gouvernement
fédéral a ses budgets de recherche personnels répartis
à travers le Québec...
M. Lessard :... dont les priorités sont établies en
collaboration avec...
M. Toupin: En collaboration avec le Québec.
C'est-à-dire que le Conseil de recherche du Québec est
formé, comme je vous le disais tantôt, de différents
chercheurs, y compris ceux du gouvernement fédéral.
Nous établissons, avec ce conseil de recherche, les
priorités. Ces priorités descendent un peu partout, ce qui
n'empêche pas le gouvernement fédéral d'avoir certains
programmes précis ou particuliers sur des recherches à plus long
terme, par exemple, dans certains domaines un peu plus fondamentaux où
l'intérêt pour le Québec, présentement, n'est pas
aussi marqué. Peut-être que, avec le temps, cela le deviend ra. Ce
qui compte pour nous, c'est surtout la recherche pratique, celle qui va nous
amener le plus rapidement possible à des résultats concrets au
niveau de la gestion, de la production et de la productivité.
Mais il ne se pose aucun problème dans l'ordre de la recherche,
depuis deux ans, depuis que nous avons créé cet organisme. Il ne
se pose absolument aucun problème.
Le sous-ministre me dit que, même les guides sont
rédigés en collaboration entre le fédéral et le
provincial, pour qu'il n'y ait pas, là non plus,
répétition dans les publications et que le producteur ne soit pas
pris pour chercher, une fois dans un volume, et une autre fois, dans un autre
volume.
M. Lessard: Alors, M. le Président, j'aurai l'occasion de
revenir, lors des prochains crédits, sur le rapport final du
comité d'orientation de la recherche sur les bovins laitiers
présenté au conseil des productions animales du Québec et
de savoir ce que le ministre entend faire pour concrétiser ses
propositions.
Mais je constate, en tout cas, que, d'après ce rapport, on
déplore le fait que le nombre de chercheurs, de spécialistes
affectés à la production laitière au Québec soit
assez faible et on demande une augmentation. Alors, M. le
Président...
M. Toupin: On n'a pas beaucoup de chercheurs non plus, dans ce
domaine.
M. Lessard: Justement. On parle, par exemple, de la
possibilité d'accroître les effectifs humains et augmenter la
qualité et la quantité des travaux de recherche dans ce domaine,
à savoir la formation de scientifiques, recrutement de scientifiques,
même en dehors du Québec, engagement des chercheurs pour les
universités, à partirde subventions gouvernementales,
regroupement des ressources actuelles, travail en collaboration,
intéresser des chercheurs au problème de recherche avec les
bovins laitiers. Autrement dit, il semble y avoir des problèmes et, l'an
prochain, je garde la réponse du ministre, j'espère avoir une
réponse pour ce que le ministère entend faire pour
concrétiser les recommandations de ce comité.
M. Toupin: J'espère bien que vous ne me poserez pas de
questions sur le Conseil de recherche, par exemple. Celui-là, on vous
l'a bien expliqué.
M. Lessard: C'est pour cela ue vous remarquez que je n'ai pas
insisté, cette année, aussi longtemps que je l'ai fait l'an
dernier.
M. Toupin: Merci, M. le Président.
M. Lessard: II reste qu'il est assez facile pour le ministre de
faire des réponses en nous parlant de collaboration, de coordination,
mais, dans les faits, quelquefois, c'est différent.
En tout cas, M. le Président, quant à moi, je suis
prêt à adopter le programme I, élément I, quitte
cependant à suspendre les travaux jusqu'à demain, 10 heures, pour
commencer la discussion sur l'enseignement.
C'est bien compréhensible. Personnellement, la Soirée du
hockey, je n'ai pas le temps.
M. Tremblay: C'est terminé.
M. Lessard: II faut bien dire une chose. On commence à dix
heures le matin...
M. Toupin: Oui, je suis d'accord avec vous.
M. Lessard: Rendu à 10 h 30 du soir, cela commence
déjà à être passablement lourd.
Le Président (M. Lafrance): Alors, les
éléments 1l et 2...
M. Lessard: 1.
Le Président (M. Lafrance): 1 est adopté?
M. Lessard: M. le Président, 1.
M. Toupin: 1 est adopté; 2. Le programme 1 ou
l'élément...
M. Lessard: L'élément 1 est adopté. J'ai
quelques questions sur l'élément 2, enseignement.
Le Président (M. Lafrance): La commission ajourne...
M. Lessard: On va revenir sur des questions de l'an dernier.
Le Président (M. Lafrance): La commission ajourne ses
travaux à demain matin, 10 heures, à la salle 9I-A.
(Fin de la séance à 20 h 25)