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(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de l'aménagement et des équipements
entreprend maintenant ses travaux pour procéder à
l'interpellation adressée au ministre de l'Environnement par le
député de Verchères sur le sujet suivant: l'environnement.
Est-ce qu'il y a des remplaçants, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y aucun
remplacement.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
secrétaire. Avant de commencer, j'aimerais rappeler les modalités
de notre interpellation aujourd'hui. Dans un premier bloc de 20 minutes, je
reconnaîtrai M. le ministre et M. le député interpellant
pour une période égale. Dans un deuxième temps, nous
aurons un bloc de 80 minutes réparties de la façon suivante: un
député de l'Opposition, M. le ministre et un député
ministériel en alternance pour 80 minutes et une conclusion de 20
minutes réparties à parts égales entre M. le ministre et
M. le député Interpellant. Sur ceci, s'il n'y a pas d'autres
commentaires, je vais maintenant reconnaître M. le député
de Verchères.
Exposé du sujet M. Jean-Pierre
Charbonneau
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Quand j'ai vu hier
et ce matin le ministre de l'Environnement rendre public le premier bilan
environnemental, mon premier réflexe a été de dire: C'est
un truc de la part du ministre pour encore une fois, comme lui et plusieurs de
ses collègues le font habilement depuis deux ans et demi, prendre toute
Texposure" publique. J'ai pensé: Bon, finalement, ce que l'Opposition va
amener dans le débat n'aura pas tellement d'importance, ce qui va encore
ressortir ce sera l'opinion du gouvernement. Après, je me suis dit,
à la réflexion: Non, voyons cela plutôt avec une approche
positive et, au contraire, je suis finalement fort heureux que ce soit
arrivé comme cela et qu'on ait devant nous aujourd'hui le bilan
gouvernemental que le ministre nous a présenté.
Ce bilan est important, significatif, mérite qu'on s'y attarde et
surtout qu'on s'y attaque. Si on veut simplifier, finalement, on se rend compte
que la pollution nous coûte entre 3 000 000 000 $ et 5 000 000 000 $ par
année au Québec et que, dans presque tous les domaines, il y a
une détérioration de la situation. C'est évident que je ne
veux pas imputer au ministre qui est devant moi ou au gouvernement la
détérioration de la situation. Ce n'est pas vrai que la
détérioration a commencé il y a deux ans et demi. Sauf
qu'au Québec on est affecté par une détérioration
dans le domaine atmosphérique, même s'il y a eu des
améliorations, on est beaucoup affecté en ce qui concerne nos
sols et nos ressources fauniques, on est beaucoup affecté aussi, et
probablement d'une façon fort dramatique, dans le secteur de l'eau. Je
ne referai pas le bilan. Je ne sais pas si le ministre va profiter de sa
première intervention et de certaines de ses interventions pour en
parler. Peut-être et tant mieux d'une certaine façon, mais je lui
laisse la responsabilité de reprendre des éléments du
bilan gouvernemental.
Moi, ce qui m'a intéressé outre le bilan qui mérite
une attention particulière de nos concitoyens, c'est la
déclaration du ministre que j'ai entendue au téléjournal
hier et que, ce matin, j'ai revue dans certains journaux, a savoir que le
gouvernement maintenant allait se montrer beaucoup plus sévère
à l'endroit des gros pollueurs. C'est une affirmation que le ministre
nous a faite récemment à l'occasion de l'étude des
crédits. À ce moment-là, j'avais mis beaucoup d'insistance
et d'attention sur ce qui, à mon avis, est actuellement le
problème crucial à l'égard de ce qui doit être fait
au Québec dans le domaine de l'environnement. Il ne suffit pas d'avoir
des règlements adéquats ou des lois adéquates, ni des
énoncés de politiques adéquates, comme on en a eu un, il y
a quelques mois, quand le ministre a publié Un nouveau cap
environnemental. Ce qu'il faut aussi, c'est avoir les moyens de corriger
les situations. C'est avoir la volonté politique de corriger les
situations et que cette volonté politique se traduise dans des actions
et dans des instruments qui soient à la disposition du gouvernement, qui
soient effectivement efficaces et qui donnent des résultats.
À mon avis, il y a trois critères qui nous permettent
d'évaluer la volonté politique et la façon dont le
gouvernement peut se comporter à l'égard de ce
problème-là, la fermeté qu'il doit avoir et qu'on annonce
maintenant comme devant être encore plus vigoureuse au cours des
années qui viennent à l'égard des pollueurs. Il y a les
moyens et les ressources que le gouvernement a pour son appareil de
surveillance, de contrôle, de répression et de poursuite.
Deuxièmement, il y a les messages que le gouvernement donne, par
l'intermédiaire du ministre de l'Environnement, d'autres ministres, le
premier ministre et le ministre de la Justice, à l'appareil judiciaire.
Troisièmement, il y a l'attitude du gouvernement, bien sûr, celle
du ministre de l'Environnement, mais celle d'autres personnes en
autorité dans l'appareil gouvernemental, envers les pollueurs
privés et publics.
D'une certaine façon, ce que je veux faire ce matin, c'est
démontrer, imparfaitement parce que le temps est limité... En
effet, s'il fallait
prendre en détail chacun des dossiers, les multiplier, c'est
évident qu'on pourrait en ajouter plusieurs et qu'on pourrait aussi
faire des nuances qui s'imposent. Il ne s'agit pas, et je n'en ai pas le
goût ce matin, de faire une opération de démagogie qui va
nous amener à dire: II y a du noir et il y a du blanc. Mais entre ne pas
faire de démagogie et donner l'impression que tout est correct, que,
maintenant, les choses vont bon train et que le gouvernement agit comme il
devrait agir, il y a une marge.
Je vais, d'abord, commencer par les moyens de contrôle, de
surveillance et de répression que le gouvernement a à sa
disposition. En fait, on a abordé cette question à l'étude
des crédits. Malheureusement, et je pense que le ministre en conviendra
les médias ne se sont pas tellement intéressés au travail
qu'on a fait à ce moment-là. D'une certaine façon, ce
qu'on a dit n'a pas eu de résonance. Alors, je le reprends aujourd'hui
parce qu'à mon avis c'est important.
À ce moment-là, on avait demandé au ministre:
Est-ce que vous avez assez d'inspecteurs pour faire tout le travail de
contrôle et de surveillance que nécessite le nombre de lois et de
règlements que nous avons à faire appliquer au Québec dans
le secteur de l'environnement? Le ministre avait reconnu que non, il n'avait
pas assez d'inspecteurs. Il nous a dit: On a fait des améliorations
substantielles. Il reconnaissait qu'il n'y avait pas assez de personnes en
action pour faire ce travail de contrôle et de surveillance.
En fait, quand on reprend les chiffres, le ministre nous a dit à
l'étude des crédits qu'il y avait 57 personnes à l'emploi
du ministère comme inspecteurs en hygiène publique, 151 comme
techniciens en eau et en assainissement et 134 autres comme techniciens ou
inspecteurs dans différentes disciplines. Cela fait 342 personnes ayant
le titre de technicien ou d'inspecteur. A priori, c'est beaucoup au premier
coup d'oeil. Mais quand on regarde les éléments additionnels qui
nous ont été communiqués à ce moment-là, on
se rend compte qu'il y a seulement 20 % du temps de ces personnes qui sont
consacrés exclusivement à l'inspection. En fait, quand on
ramène cela en personnes-années qui ont une tâche
complète d'inspection, on se rend compte que c'est à peu
près 68,4 personnes-années qui sont affectées à des
tâches d'inspection. Ce n'est pas beaucoup. Non seulement le ministre
reconnaît que ce n'est pas beaucoup, mais, en plus, il y a le
problème de la déficience de formation de ces gens auquel il a
commencé à s'attaquer. Je pense qu'on n'a pas à lui faire
de reproches à cet égard. Il a engagé des
spécialistes d'enquête et d'investigation pour amener les
inspecteurs à être plus efficaces.
Mais le problème en est un de moyens. Ce problème de
moyens est le même pour les inspecteurs que pour une autre
catégorie de fonctionnaires importants sur le plan stratégique si
on veut que la déclaration que le ministre a faite hier soit prise au
sérieux, c'est-à-dire les gens qui sont chargés d'analyser
les dossiers sur le plan juridique et de poursuivre les contrevenants, les
pollueurs, d'autoriser les poursuites et de faire la preuve devant les
tribunaux.
M. le Président, on est dans une situation catastrophique. Il n'y
a pas beaucoup d'avocats au ministère de l'Environnement. À ma
connaissance, il n'y en a pas une dizaine. En fait, il y en a treize qui
existent. Mais, ce qui est le plus dramatique et le plus significatif, c'est
que le ministre nous a dit, à l'étude des crédits et
auparavant lorsqu'on l'avait interrogé à l'Assemblée
nationale: J'ai demandé au ministère de la Justice - parce que ce
sont eux qui sont responsables d'affecter des procureurs - qu'on me donne des
procureurs additionnels et j'attends la réponse. J'espère que je
vais en avoir, mais je n'en ai pas encore eu. En fait, il reconnaissait que
pour les effectifs au plan de l'inspection c'était peu comparable
à ce qui se fait en Ontario, par exemple. Quand il nous a parlé
des effectifs additionnels qu'il avait demandés, il nous a dit: C'est
une question budgétaire. Jusqu'à maintenant, je n'ai pas eu les
effectifs additionnels que j'ai demandés, mais j'espère que cela
va suivre. C'était avant le discours sur le budget. C'était avant
que le ministre nous fasse sa déclaration d'hier après-midi,
à l'égard de son attitude face aux pollueurs,
dorénavant.
Mais, alors que le ministre des Finances est venu nous indiquer dans son
budget que le gouvernement s'attaquerait maintenant d'une façon
prioritaire aux problèmes environnementaux, on s'est rendu compte qu'H
n'y avait dans le discours sur le budget rien de neuf par rapport à ce
qui était connu. En fait, on n'a été capable de
dégager aucun moyen financier substantiel pour permettre au ministre de
l'Environnement d'avoir une équipe juridique efficace.
Le ministre va nous dire: On a engagé récemment un
procureur qui va s'occuper de réorganiser notre service juridique. On
lui a dit qu'on était bien d'accord avec cela, bien content de cela.
Mais ce n'est pas suffisant, M. le Président. Ce n'est pas suffisant,
parce que si on n'a pas les avocats en nombre suffisant, si on n'a pas les
inspecteurs en nombre suffisant, la déclaration qu'on a entendue hier et
qui est reprise dans les journaux aujourd'hui ne veut rien dire. On ne peut pas
prendre le gouvernement au sérieux. Personne ne va le prendre au
sérieux. Les pollueurs !e savent très bien. On verra tantôt
quelle est leur attitude, à ces gens-là? Ils ne se sentent pas
menacés. Ils ne sont pas insécurisés par l'attitude du
gouvernement face à eux parce qu'ils savent très bien que le
gouvernement n'a pas les moyens de ses fanfaronnades. Le gouvernement n'est pas
en mesure actuellement d'être ce qu'il nous a dit qu'il serait à
partir de maintenant, soit beaucoup plus ferme, beaucoup plus vigoureux,
beaucoup plus viril à l'endroit des pollueurs industriels en
particulier. Ce sont eux les plus dangereux si on prend juste en
considération les conclusions du bilan environnemental qui nous a
été présenté hier. Voilà, M. le
Président, pour le moment.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Verchères. Je vais maintenant reconnaître
M. le ministre.
Réponse du ministre M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, tout d'abord, je comprends
très bien la situation du député de Verchères. Je
pense qu'il est tout à fait normal pour l'Opposition de trouver des
failles dans la machine. Il y en aura toujours, il y en a beaucoup, je le
conçois très sincèrement. Je n'ai jamais dit qu'on allait
tout faire en un jour. Il y a beaucoup de failles dans la machine. C'est
vraiment un témoignage de franchise de la part du gouvernement que de
produire un bilan environnemental qui dit les choses comme elles sont, qui
démontre que l'environnement ne se porte pas bien au Québec,
qu'il y a beaucoup de choses à faire dans plusieurs domaines. Je pense
que notre gouvernement et tous les gouvernements ont des défis tellement
complexes, tellement immenses dans le domaine de l'environnement qu'on ne va
pas solutionner tous ces problèmes en un jour. Mais peut-être
qu'il faut voir les progrès qui ont été faits depuis deux
ans. Il faut voir où nous étions et où nous sommes
aujourd'hui. Je pense que la seule façon de mesurer les choses, c'est de
se demander si on fait des pas en avant, si on reste en place ou même si
on fait des pas en arrière.
Lorsque ce gouvernement a gagné les élections, a pris le
pouvoir, et que nous sommes arrivés moi et le nouveau sous-ministre qui
est arrivé presque en même temps que moi, nous avons
demandé: Combien de priorités a-t-on au ministère. On a
dit quelque chose comme 141 priorités. On s'en allait comme Don
Quichotte face aux moulins à vent: dans toutes les directions à
la fois. On n'avait aucun objectif central, aucune priorité
précise, pas de champ d'action précis. La première chose
qu'il fallait faire, c'était donner au ministère une politique,
des objectifs précis, des grands principes d'action, privilégier
certains champs d'action précis. On a réussi à
réduire nos priorités à 17 priorités bien
précises.
On a produit un bilan de l'environnement qui constitue une
première parmi les provinces canadiennes. On est la première
province canadienne à avoir produit ce bilan de l'environnement. C'est
quelque chose qui va nous permettre de mesurer les actions futures du
ministère par rapport à des données de base. À
partir de l'automne, nous allons produire des bilans spécifiques dans
des domaines spécifiques. On va commencer par l'eau potable, on va aller
dans d'autres champs d'action. On va avoir des bilans beaucoup plus
précis afin que le public, d'année en année, puisse
mesurer les résultats qu'on aura obtenus par rapport à ces bilans
de départ.
Ce que je peux dire au député, c'est que je conçois
que Ses choses ne sont pas rosés au Québec, je conçois
qu'il y a beaucoup de choses à faire. Mais, en même temps, si on
est franc, il faut admettre que beaucoup de choses ont été
faites. Si on ajoute les réalisations que nous avons faites depuis le
début de 1986, en plus de la politique - et je suis d'accord qu'il
pourra dire: Une politique, ce sont des mots, mais je parle des
réalisations concrètes - je pense que cela prendrait plusieurs
minutes du temps de chacun pour les énumérer. On peut penser, par
exemple, à la loi sur les non-fumeurs, qui était là sur
les tablettes pendant des années. On a été la
première province canadienne à le faire. Je pense à la Loi
sur les pesticides. Le Québec est la seule juridiction
nord-américaine sans une Loi pour contrôler les pesticides, un
fléau chimique. Là, nous sommes arrivés avec une loi sur
les pesticides qui est une loi d'avant-garde aujourd'hui, au Canada, où
on a mis des moyens financiers pour nous appuyer. On a même une
équipe de 19 personnes, aujourd'hui, qui n'existait pas au
ministère hier et demain, ce sera une équipe de 26 personnes pour
contrôler le domaine des pesticides. On n'avait pas de politique pour
contrôler l'érosion des berges et des rives au Québec. On
faisait cela à la pièce. Pour la première fois, nous avons
une politique sur les rives. En ce qui concerne les réserves
écologiques, il y a eu seulement treize réserves
écologiques dans treize ans d'administration au Québec.
Là, nous sommes en train de façonner 38 réserves
écologiques additionnelles.
On a fusionné le Conseil consultatif de l'environnement et le
Conseil consultatif sur les réserves écologiques pour en faire un
Conseil de la conservation et de l'environnement. On a travaillé avec
toutes les provinces canadiennes pour produire un rapport d'envergure, le
rapport sur l'économie et l'environnement, qui déjà voit
des réalisations concrètes. Le plan d'action Saint-Laurent, ce ne
sera pas seulement des paroles, cela va être des actions appuyées
financièrement. Nous allons aller chercher l'argent du
fédéral. Le député peut bien dire que ce sont de
belles paroles, on verra dans l'avenir. (10 h 30)
On va faire quelque chose, on va dépolluer le Saint-Laurent. On
est déjà devenu la première province à
établir une table ronde économie-environnement avec les ministres
du secteur économique: celui de l'Industrie et du Commerce, le ministre
délégué aux Forêts et moi-même, avec des
intervenants du monde syndical, des intervenants du monde écologique et
des universités. Tout ce monde qui va travailler ensemble afin de faire
changer l'environnement, cela n'existait pas avant. Pour la première
fois aujourd'hui, on se dirige vers une consultation
publique dans sept régions du Québec pour établir
une stratégie de la conservation au Québec. Et j'en passe et j'en
passe!
Il y a des réalisations qui, depuis deux ans, ont changé
la face de l'environnement au Québec. Je ne veux pas me vanter ici,
nullement, mais, en même temps, il faut réaliser que des choses se
font. I! faut réaliser qu'à partir d'un point de départ
nous avons fait beaucoup de pas en avant. Pour l'assainissement industriel, on
pourra dire qu'on est très déficient ici. C'est très bien
de dire: Bon, vous n'avez que 68,4 inspecteurs; il faudrait savoir combien
d'inspecteurs on avait avant.
Nous allons produire, dans les semaines qui suivent, aussitôt
qu'on aura du temps pour la produire, une stratégie d'assainissement
industriel. Le député, a priori, a comme principe et comme
théorie que la seule façon de contrôler les effluents
d'entreprises polluantes, comme les grosses industries, c'est d'avoir des
équipes qui vont aller surveiller d'une industrie à l'autre. Mais
je vais lui dire, pour avoir vécu plusieurs systèmes, pour avoir
visité des organismes, des gouvernements qui ont des systèmes en
place, pour avoir parlé à beaucoup de gens, qu'il y a
différents types de contrôles qu'on peut envisager. Il ne perd
rien pour attendre. On va déposer notre politique d'assainissement
industriel. Cela a passé la première étape du Conseil des
ministres pour aller en consultation. Maintenant, c'est prêt pour
être officialisé. Pour la première fois, on va aller en
consultation là-dessus et on va revenir chercher des décisions
finales du Conseil des ministres après notre consultation. Cela va
définir des moyens très concrets pour le contrôle de la
pollution industrielle. Ces contrôles de la pollution industrielle vont
se faire de façon qu'il va trouver qu'ils sont intelligents; ils ont
été vérifiés dans plusieurs juridictions pendant
des années avec beaucoup de succès et ils vont aussi être
appuyés par des moyens financiers.
La première année où on va dévoiler la
politique d'assainissement industriel... Naturellement, nous sommes presque
déjà rendus maintenant à la moitié de
l'année fiscale qui a commencé le 1er avril. Mais, là, il
va y avoir des sommes d'argent qui vont être prévues
d'année en année, et, lorsque ce programme prendra de l'ampleur -
c'est un programme de dix ans qui va cibler le gros des industries polluantes
dans quatre secteurs prioritaires, 5 % des industries qui produisent 80 % de ia
pollution au Québec - nous allons atteindre un chiffre de
dépollution dans dix ans de 75 %.
Ce ne seront pas seulement des mots. Tout est défini dans ce
document de travail qu'on a déjà testé auprès des
associations industrielles qui, naturellement, ne sont pas contentes de
beaucoup de ces dispositions, mais qui vont avoir à vivre avec elles
parce que les temps ont changé au Québec et il faut que
l'économie et l'environnement commencent à marcher de pair.
Si on ne peut pas le faire de façon coopérative pour
certaines industries qui vont continuer à polluer, on va le faire de
façon coercitive et sans aucun problème.
Le député dit que, dans le budget, il n'y avait rien pour
l'environnement. Excusez-moi, je ne veux pas manquer de respect mais, je trouve
cela un peu démagogique, parce qu'il y a deux façons de faire des
choses. Il y a une façon qui est de mettre cela dans le budget, mais il
y a également une façon d'annoncer des programmes hors du
budget.
Prenez le programme d'assainissement agricole. On l'a annoncé un
mois avant le budget. Pourquoi aurait-on attendu le budget, puisqu'on avait
l'argent? C'est 388 000 000 $ de nouvel argent que le Québec a mis
là-dedans. Cette année-ci, seulement 12 000 000 $; l'année
prochaine, 25 000 000 $; l'année d'après, 40 000 000 $ et ainsi
de suite, jusqu'à ce qu'on arrive à 388 000 000 $. Les
agriculteurs vont mettre 156 000 000 $ de leur propre argent. C'est un
programme nouveau. C'est un programme dont on avait besoin. C'est pourquoi il
faut à tout prix que nous nous concentrions sur ces champs prioritaires
que nous avons choisis dans le "cap environnemental". Qu'on se concentre
là-dessus et qu'on fasse des pas en avant petit à petit. On ne va
pas changer les choses d'un jour à l'autre, on ne va pas promettre le
ciel pé-quiste, mais on va faire des choses, on va réaliser des
choses concrètement, systématiquement, avec un objectif bien
précis et dans des champs d'action prioritaires
sélectionnés avec soin et, je pense, avec raison.
Le Président (M. Sairrt-Roch): Je vous remercie, M. le
ministre. Je reconnais maintenant M. le député de
Verchères.
Argumentation M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: M. le Président, la couleur des cieux
varie selon la couleur des partis qui se retrouvent au pouvoir, mais, comme le
temps est limité, je ne m'étendrai pas trop longtemps sur la
couleur du ciel. Je voudrais simplement dire au ministre que je ne disconviens
pas que des choses ont été faites dans la même mesure
où je sais qu'il va reconnaître, et il l'a déjà
fait, que nous aussi, lorsqu'on était là, on a fait des choses
importantes. On a créé le ministère de l'Environnement qui
n'existait pas, on a mis sur pied le programme d'assainissement des eaux qui
n'existait pas. C'est nous qui avons mis en place le programme d'assainissement
du secteur des pâtes et papiers, le règlement sur les
déchets dangereux et je pourrais vous en faire un catalogue.
Je conviendrai avec vous que, lorsque vous êtes arrivés au
pouvoir, il y avait des lacunes. L'une des principales lacunes, M. le
Président,
c'est celle dont je parle ce matin: le problème d'avoir un
appareil de contrôle et de surveillance efficace, problème qu'on
n'avait pas réglé quand on était là,
problème que le ministre n'a pas encore réglé et qu'il
n'est pas en mesure de régler parce qu'il n'a réussi à
convaincre ni le premier ministre, ni le ministre des Finances, ni ie
président du Conseil du trésor, ni l'ensemble du cabinet, de lui
donner les ressources nécessaires. Il l'a reconnu lui-même aux
crédits. Aujourd'hui, il ne le redira peut-être pas parce qu'on
sait que l'interpellation est plus suivie, mais c'est cela, la
réalité! Vous avez vous-même reconnu que vous aviez besoin
de plusieurs avocats. Vous avez dit tantôt: S'il le faut, on sera plus
sévères. Mais, vous ne pourrez pas être plus
sévères si vous n'avez pas les moyens de l'être.
Il y a un autre problème qui est iié à cela, M. le
Président, c'est le message que le gouvernement doit envoyer à
l'appareil judiciaire. Je veux bien comprendre que l'appareil judiciaire dans
notre société, c'est un pouvoir indépendant du pouvoir
politique et du pouvoir législatif, il n'en demeure pas moins que
l'appareil judiciaire doit, à un moment donné, s'enligner.
Combien a-t-on eu de poursuites? Le nombre de poursuites est une indication de
la capacité du gouvernement de surveiller et de poursuivre: 50
poursuites seulement ont été intentées l'an dernier en
vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement et il y a eu 25
condamnations. Et quand on a seulement une demi-efficacité, c'est
probablement - le ministre le sait très bien - parce qu'on n'est pas
capable de présenter des dossiers suffisamment étoffés en
cour et que la moitié de ces dossiers sont rejetés faute de
preuves, faute d'un dossier suffisamment étoffé à la
cour.
Mais qu'est-ce que tout cela donne? Cela donne des condamnations
ridicules, M. le Président. La plus grosse condamnation au Québec
date de 1975. C'était 45 000 $ contre une carrière à
Sainte-Thérèse. Après cela, les autres condamnations
importantes: en 1979, une entreprise qui a fait un déversement de
mercure a été condamnée à 15 000 $ d'amende et une
autre entreprise a été condamnée à 7500 $ en 1984.
En comparaison, en Ontario, certaines entreprises ont été
condamnées; par exemple, Imperial Oil, pour des déversements
d'essence a été condamnée à au-delà de 100
000 $, d'amende soit à 108 000 $, en mars 1988, il n'y a pas longtemps.
Hydro-Ontario a été condamnée à 171 000 $ pour un
entreposage inadéquat de BPC. Il y a une prise de conscience plus grande
chez nos voisins par rapport à l'appareil judiciaire, ce que nous
n'avons pas ici. On est en droit de s'attendre du ministre de l'Environnement,
du ministre de la Justice, du Procureur général et du premier
ministre à des signaux clairs à l'appareil judiciaire. Cela n'a
pas de bon sens qu'on se retrouve au Québec avec des juges qui n'ont pas
la sensibilité que les concitoyens ont maintenant à
l'égard de l'environnement. Ce n'est pas un blâme que j'adresse
nécessairement au ministre, parce qu'il n'est pas le seul responsable,
mais il a une responsabilité à cet égard parce que, comme
ministre de l'Environnement, il doit s'assurer que le gouvernement dans son
ensemble fasse en sorte que l'appareil judiciaire ait compris les messages,
soit adapté à la situation moderne.
Quand on regarde tous les sondages, on se rend compte que, pour nos
concitoyens, l'une des principales préoccupations, c'est l'environnement
et voyez les sentences ridicules qui sont données par les magistrats!
Les magistrats ne peuvent pas se réfugier dans le fait qu'il n'y a pas
de jurisprudence, c'est eux qui la font. Ils ne peuvent pas se réfugier
dans le fait que les lois ne sont pas assez sévères et qu'elles
ne prévoient pas des amendes suffisantes, ils ne donnent jamais le
maximum d'amende nécessaire. C'est cela, la réalité.
Comment voulez-vous qu'on puisse arriver à être pris au
sérieux auprès des gens qui polluent? Comment les gens vont-ils
pouvoir se sentir menacés et, d'une certaine façon, se sentir
dans l'obligation d'utiliser les autres avenues que le ministre dit vouloir
leur proposer, des avenues de négociation, des avenues d'attitudes
positives de la part des entreprises, s'ils ne se sentent pas
menacés?
Il faut qu'à un moment donné les entreprises polluantes,
les pollueurs n'aient pas le choix: ou bien ils sont poursuivis et ils sont
menacés de condamnations importantes ou bien ils s'engagent dans des
voies de correction suffisamment significatives, efficaces et musclées
qui vont satisfaire le gouvernement et l'ensemble des citoyens. Mais, s'il n'y
a pas de menace efficace au bout du compte, comment va-t-on être pris au
sérieux? Ce problème, on l'avait avant que le ministre arrive en
fonctions et on l'a encore maintenant; c'est cela, la situation, M. le
Président.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Verchères. M. le ministre.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, on l'a peut-être, mais
on l'a bien moins et il est en voie d'être résolu. C'est cela, la
grande différence. Le député a admis qu'on l'avait avant,
mais aujourd'hui on l'a bien moins. Il faudra qu'il me croie, il faudra qu'il
attende une semaine, deux semaines et qu'on ait une conférence de presse
où on va lancer notre document de stratégie industrielle.
À ce moment, il pourra critiquer. Tous les moyens vont être
explicités dans cela. Il y aura 30 nouveaux inspecteurs industriels qui
vont être prévus dans ie secteur de la stratégie
industrielle, ce qu'on n'avait pas auparavant. Alors, quand on dit qu'on n'a
pas de moyens, en voici des moyens.
Pour réorganiser le service juridique du
ministère, comme je l'ai expliqué au cours de
l'étude des crédits - je sais que j'ai dit qu'on n'avait pas
assez d'outils juridiques au ministère; il n'y a que treize avocats,
c'est sûr qu'il n'y en a pas assez - d'abord, il fallait commencer par le
commencement. On ne peut pas amener toutes sortes d'avocats sans une
stratégie. Ce que j'ai fait, j'ai demandé au sous-ministre de
créer un groupe de travail spécial qui est composé de
lui-même et du nouveau directeur du service juridique. Il fallait en
avoir un; on est allé chercher un directeur du service juridique que
nous considérons comme l'un des plus compétents au Québec.
Il fallait quelqu'un pour commencer, pour faire le tri, pour savoir ce qui
allait mal et comment réorganiser le système. Avant d'aller
à l'aventure demander trois avocats ici et quatre avocats là, il
faut avoir une politique, il faut avoir une vision, il faut savoir où
l'on s'en va dans l'avenir, pas seulement demain et après-demain, mais
pour les dix prochaines années, afin que cela se marie avec les
stratégies du ministère dans les domaines industriel, agricole et
autres. Alors, on a embauché maintenant le directeur du service
juridique. Aussitôt qu'il est arrivé en place, j'ai
créé un groupe de travail. Le sous-ministre, le directeur et
quatre ou cinq personnes du ministère qui vont travailler à
définir justement quels seront les besoins exacts dans le domaine
juridique en tenant compte de toutes nos priorités et surtout de la
priorité de la stratégie industrielle. À ce
moment-là, nous irons chercher les avocats. Nous aurons des avocats; ils
vont s'ajouter aux 30 nouveaux inspecteurs de la stratégie
industrielle.
On n'a même pas attendu cela. On a déjà
commencé à envoyer des signaux à la grande entreprise.
C'est la première fois au Québec qu'une grosse industrie
multinationale est poursuivie, M. le député. Vous devriez lire le
livre de Logel... Qu'est-ce que vous avez fait, vous, pendant dix années
par rapport à Noranda qui se foutait de nous? Où a-t-on
amené Noranda, nous? En cour de justice. Il n'y avait pas d'avocat au
ministère; on est allé chercher un avocat à
l'extérieur, Me Chadley, qui est un des plus grands avocats du
Québec, pour montrer qu'on est sérieux.
On va continuer. Il y a un autre dossier d'une grande multinationale qui
est à l'étude en ce moment au ministère. On va faire des
causes symboliques. On ne pourra pas poursuivre toutes les grandes
multinationales. En attendant d'avoir réorganisé notre
système, on va prendre de plus en plus de causes exemplaires qu'on va
mettre devant le public. Je peux vous garantir qu'on ne reculera devant rien,
mais, pour ce faire, il fallait, d'abord, une stratégie de base. On ne
peut pas dire à l'industrie: Je vais vous poursuivre ici; je vais
poursuivre là, quand nous-mêmes, et vous l'avez vous-mêmes
reconnu, nous n'avions pas de système établi. Là, nous
aurons un système établi qui sera connu par les Industries.
On va cibler quatre secteurs industriels principaux. On aura 30 nouveaux
inspecteurs qui vont travailler là-dessus. On aura un système de
contrôle efficace testé dans d'autres juridictions. À ce
moment-là, il n'y aura aucune excuse pour les industries qui vont
polluer. On va trouver les moyens pour agir avec nos inspecteurs, avec notre
service juridique réorganisé et on aura d'autres outils de
travail, parce qu'il y a d'autres outils de travail. Sur les routes
aujourd'hui, les policiers ne poursuivent pas tous les contrevenants qui font
de la vitesse, mais ils en poursuivent certains. Ils ne peuvent pas tous les
attraper, mais cela fait un exemple pour les autres. C'est cela, la politique
qu'on veut suivre. C'est une politique qui est établie au Michigan.
C'est une politique qui est établie dans l'État de New York, au
Wisconsin. On est allé chercher des modèles. On ne veut pas
réinventer la roue, mais les moyens, nous les avons de plus en plus.
Je vous al donné l'exemple de l'assainissement agricole. Je vous
ai donné l'exemple des pesticides où on est allé chercher
6 000 000 $ pour organiser la première phase du contrôle des
pesticides. Et, encore, 6 400 000 $ pour l'éducation dans le domaine des
pesticides afin de faire aussi de la prévention. L'argent pour le
domaine industriel a été voté cette année-ci; c'est
environ 2 400 000 $ pour commencer. L'année prochaine, ce sera beaucoup
plus. Ce sera voté, ça aussi. On aura l'argent nécessaire.
(10 h 45)
Pour l'aide juridique, les avocats, cela vient du ministère de la
Justice, comme je vous l'ai dit. On va présenter bientôt,
moi-même, le sous-ministre et le chef du service juridique, un programme
complet au ministère de la Justice pour demander des avocats
additionnels. C'est complètement insensé qu'un ministère
de notre taille n'ait même pas un avocat à Montréal. Il n'y
en a jamais eu. Nous, on va créer un service juridique à
Montréal et dans les régions qui en ont besoin.
Mais, pour ce faire, il faut une politique et c'est ce à quoi on
est en train de travailler maintenant. On ne veut pas faire les choses à
la pièce. On ne veut pas faire des choses trop vite qu'on va regretter
demain. On veut préparer le terrain de façon intelligente,
travailler à long terme avec des outils de travail pour que tout le
monde puisse comprendre et que les gens qui travaillent autour de nous aussi
puissent comprendre. C'est cela qu'on est en train de faire de plus en plus au
ministère.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre.
Je vais maintenant reconnaître M. le député de
Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Ce que le ministre
nous dit, c'est que, dans le fond,
il confirme ce que j'ai dit et, d'une certaine façon, on va finir
par s'entendre. Qu'il nous dise qu'il va y avoir plus d'inspecteurs pour sa
politique industrielle, très bien! Il nous l'avait annoncé
à l'étude des crédits. Le problème, c'est qu'il n'y
a pas juste ce secteur industriel. Mais faisons l'hypothèse que ces
inspecteurs qui vont entrer en fonctions vont améliorer la situation. Le
problème, il le reconnaît eî je suis surpris de l'entendre
dire ce matin qu'il va demander un programme spécial au ministère
de la Justice parce qu'il nous avait déjà dit, il y a plusieurs
semaines et plusieurs mois, qu'il avait déjà demandé des
avocats au ministère de la Justice. C'est là-dessus que je veux
insister.
Quand le ministre de l'Environnement, qui, pour toutes sortes de
raisons, a beaucoup plus de crédibilité maintenant dans l'opinion
publique, n'arrive pas à convaincre, après des mois et des mois,
le ministre de la Justice, le ministre des Finances, le président du
Conseil du trésor et le premier ministre qu'il est urgent d'avoir un
appareil de répression, un contentieux solide et efficace, il y a
quelque chose qui témoigne d'une insensibilité encore assez
profonde d'une bonne partie des décideurs politiques quant à la
signification du véritable virage environnemental. On ne peut pas avoir
un virage environnemental quand seul le ministre de l'Environnement a la
conviction d'un certain nombre de choses et qu'il n'arrive pas à faire
le nécessaire.
Je veux bien que le ministre reprenne l'argument du programme
d'assainissement des eaux. Il nous dit: On a obtenu 388 000 000 $. Mais c'est
sur une période de dix ans! Et vous aviez demandé 640 000 000 $
au Conseil du trésor, vous le savez très bien. Donc, on vous a
coupé des moyens financiers et on vous l'a étalé. C'est
évident qu'on ne peut pas faire tout cela la même
année.
Ce qui est clair aussi, c'est qu'il faut, à un moment
donné, avoir les moyens, à chaque année, d'être
efficaces. On peut bien me dire qu'on est rendu à la moitié de
l'année financière. Écoutez, cela fait un mois que
l'année financière est commencée. On n'est pas rendu
à la moitié de l'année. C'est drôle qu'on avait
prévu, semble-t-il, des crédits pour les inspecteurs, mais qu'on
n'a pas prévu, par exemple, de crédits additionnels pour les
avocats. Vous pourriez avoir doublé le nombre d'inspecteurs demain
matin, si vous n'avez pas les avocats pour analyser les dossiers, pour dire aux
inspecteurs: "Écoutez, cela me prend tel ou tel élément de
preuve dans le dossier pour pouvoir poursuivre telle ou telle entreprise, vous
ne serez même pas capable de faire vos causes symboliques.
C'est évident qu'on ne poursuivra pas tout le monde, mais il
faut, au moins, poursuivre un certain nombre de personnes pour qu'on soit pris
au sérieux. Pour être pris au sérieux, il faut avoir les
ressources pour le faire. C'est cela qui est important. À cet
égard, il faut aussi poursuivre les bonnes personnes. Je regarde des
gens qu'on a poursuivis jusqu'à maintenant et je me rends compte
généralement que ce sont les petits pollueurs qu'on a poursuivis.
On s'est plutôt attaqué aux petits et non pas aux gros. Et on n'a
pas fait un aussi grand nombre de poursuites qu'on aurait dû et qu'on
aurait pu même avec les effectifs qu'on avait.
Donc, qu'on nous fasse l'aveu qu'il y avait des corrections à
faire et qu'on a engagé du personnel plus compétent, plus
efficace, plus expérimenté, très bien! Mais ce qu'il faut
maintenant, ce sont les ressources pour qu'on soit crédibles et qu'on
n'attende pas encore des années avant que cet appareil de
contrôle, de surveillance et de répression soit pris au
sérieux et soit efficace.
M. le Président, il faut aussi que le message que le gouvernement
donne aux entreprises ou aux pollueurs soit clair. Je regardais cette semaine
dans Le Devoir: "Québec donne le feu vert à un promoteur
déjà dans l'illégalité." On va me dire que, dans ce
cas, le promoteur avait déjà fait des choses illégales,
s'était déjà comporté d'une façon
illégale II y a plusieurs années, et que c'était sous
notre gouvernement. C'est vrai. Mais le problème, c'est pourquoi
aujourd'hui le récompenser et lui donner les permis qu'il aurait
dû avoir lorsqu'il a adopté ces comportements illégaux, il
y a quelques années? Quel est le message que les gens vont comprendre?
Quel est le message qu'on va retenir de cette attitude du ministre de
l'Environnement ou d'un de ses collègues qui, finalement, donnent
l'autorisation à un promoteur de construire des résidences dans
une frayère alors qu'il avait remblayé cette frayère
illégalement, il y a quelques années? Le minimum auquel on se
serait attendu, c'est que le gouvernement dise: Écoutez, vous avez
contrevenu à la loi et aux règlements, il y a quelques
années, n'attendez pas de nous qu'aujourd'hui on vous fasse un cadeau,
qu'on vous dise merci beaucoup, qu'on vous absolve et qu'on vous donne
l'autorisation de faire ce que vous n'auriez pas dû faire.
Tous les constructeurs d'habitations vont comprendre avec un exemple
comme celui-là qu'il n'y a pas de danger, qu'il n'y a pas de
problème, qu'on peut continuer à avoir des attitudes
inacceptables par rapport au respect des conditions environnementales et au
respect des écosystèmes, parce que le gouvernement non seulement
n'a pas les moyens de poursuivre efficacement, mais n'a pas, non plus, la
volonté, à certains moments, de passer des messages et des
signaux clairs. C'est un cas mineur, mais c'est un cas symbolique. Le ministre
nous parlait de symboles tantôt. Le problème, c'est qu'il ne
faudrait pas qu'il y en ait des tonnes d'articles de journaux et de titres
comme celui-là pour qu'à un moment donné, symboliquement,
il se crée ou se consolide dans l'opinion publique ce qui est
déjà accrédité, c'est-à-dire qu'il n'y a pas
de fermeté, il n'y a pas de problème pour les pollueurs.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Verchères. M. le ministre.
M. Clifford Uncoln
M. Lincoln: Oui, je suis d'accord avec le député.
Je crois qu'il faudrait moins d'en-têtes trompeuses dans certains
journaux. Par exemple, dans le cas de Noranda, trois gros en-têtes qui
sont complètement erronées. Le cas de la frayère de la
rivière Godefroy, je suis très content que le
député l'ait soulevé. J'attendais une question en Chambre,
hier, à ce sujet pour rectifier des faits qui sont complètement
faux dans cet article. Mais on dirait que le député de
Ver-chères lui ne fait pas son propre travail. Dans le cas de Godefroy,
il aurait pu aller chercher les copies des documents officiels au gouvernement
pour s'en enquérir lui-même. Il est un peu devenu le perroquet du
Devoir. Comme un petit bébé qui tète le sein de sa
mère, II faut qu'il se raccroche à tous les articles
récents de Louis-Gilles Francoeur, seulement les plus
controversés. Hier, je me disais: II y a un article controversé,
il va me poser une question, mais il ne m'en a pas posé. Peut-être
qu'il n'a pas eu sa place à la période de questions.
Je vais lui dire, mol, que, pour Godefroy, tout ce qui est
là-dedans est complètement détourné de la
réalité. Le cas de Godefroy est un cas de remblayage qui date de
1978. On ne peut plus départager les remblais pour savoir qui a fait
quel remblai. Moi, je suis allé inspecter cela personnellement. Je suis
allé là. Je suis allé m'enquérir. Les
spécialistes du ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche y sont allés. Les spécialistes du gouvernement
fédéral, Environnement Canada, Pêches et Océans y
sont allés. Au BAPE, on a eu des audiences publiques là-dessus.
On a arrêté tous les remblais sous votre gouvernement.
Il y a eu des audiences publiques. Dans les recommandations du BAPE, on
dit: II se pourrait que détruire les remblais, fasse plus de dommages
à l'environnement que de les laisser en place. Ce que vous ne dites pas,
c'est qu'il y a eu des mesures de mitigation importantes qui ont
été imposées aux promoteurs, que maintenant, au lieu de 60
maisons, il y en a seulement 12 qui ont été permises et que
là le ministère de l'Environnement n'avait aucune façon de
pouvoir défendre les maisons qui relevaient du zonage municipal. Vous ne
dites pas, non plus, qu'on a réinstauré une frayère, on a
fait un canal, on a fait enlever un haut-fond; c'étaient les conditions
expresses qui avaient été imposées par le BAPE. Donc, il y
a eu des mesures de mitigation importantes qui ont été
imposées aux promoteurs, des délais importants, des audiences
publiques. Tout a été mis au jour. On a travaillé selon
des recommandations, avec l'appui des ministères concernés:
Loisir, Chasse et Pêche; Pêches et Océans et Environnement
Canada.
Moi, je n'ai rien à me reprocher sur le dossier Godefroy. Je suis
prêt à le mettre au jour n'importe quand. Si vous me posez une
question en Chambre, je vais déposer tous les documents, parce que je
crois que toutes les mesures de mitigation, de punition qui ont
été prises envers celui qui avait créé les remblais
et qu'on pouvait identifier n'ont pas été réellement
clairement explicitées. Il y a quatre conditions environnementales dans
ce décret. Il y a quelque chose comme huit conditions en tout dans le
décret, je crois. Je suis prêt à le déposer à
n'importe quel moment et à le défendre en public.
Pour ce qui est de toute la question de l'aide juridique, je vous dis:
On met 30 nouveaux inspecteurs d'assainissement industriel qu'on n'avait pas
avant. Vous dites: Ah, non, ce n'est pas assez. Vous avez parié d'aide
juridique, à ce moment-là en ce qui concerne l'aide juridique,
comme je vous l'ai déjà expliqué, j'ai déjà
demandé des avocats additionnels au ministère de la Justice.
C'est clair que je l'ai déjà demandé parce que tout cela
dépend de son budget. Cela ne dépend pas de notre budget. Cela
sort de son budget. Quand je lui ai demandé des avocats additionnels, il
m'a dit: Combien? Un, deux, trois, quatre? De combien en avez-vous besoin,
20?
Je reçois des demandes de partout. J'ai donc décidé
qu'il fallait une stratégie beaucoup plus intelligente, qu'il fallait
définir beaucoup plus précisément nos moyens. C'est cela
que nous sommes en train de faire maintenant. Nous allons les rencontrer, nous
allons obtenir les avocats qu'il faut. Je ne vous dis pas qu'on les aura demain
ou après-demain. Je sais qu'il y a un besoin d'avocats, mais il y a
certainement aussi des progrès. S'il y a 30 inspecteurs de
l'environnement, s'il y a une structure où on va pouvoir les
défendre, il nous faudra des avocats.
Vous dites que le Conseil des ministres, le premier ministre, le
président du Conseil du trésor, le ministre des Finances ne
reconnaissent pas l'environnement. C'est complètement faux. Où
croyez-vous qu'on est allé chercher l'argent, par exemple, pour le
programme Noranda, une somme de 41 000 000 $? Où croyez-vous qu'on est
allé chercher l'argent pour le programme des pesticides, le programme
d'assainissement agricole pour lequel vous dites qu'on a demandé 640 000
000 $ et qu'on n'a eu que 388 000 000 $? Mais c'est 388 000 000 $ de plus que
ce que vous êtes allés chercher vous-mêmes et que vous avez
produit. Pour l'assainissement industriel, où croyez-vous qu'on est
allé chercher l'argent? Pour le plan d'action du Saint-Laurent, on va
mettre de l'argent pour créer la structure de base. Où
croyez-vous qu'on est allé chercher cela? Si vous ajoutez les montants
qu'on est allé chercher en développement, par exemple, on a
multiplié l'argent qu'il y avait dans le domaine de la recherche, qui
était un montant infime. Seulement, dans le domaine des pesticides on
a
mis 500 000 $ cette année. On est en train de faire un programme
de recherche d'avant-garde dans le domaine des pesticides. Je pourrais vous
citer toutes sortes de programmes de recherche Termonic, le programme
d'épuration des boues à l'usine de la Communauté urbaine
de l'Outaouais, etc. Dans toutes sortes de domaines, on est allé
chercher de l'argent neuf. Ce n'est peut-être pas de l'argent pour le
travail routinier du ministère, mais de l'argent pour le
développement de programmes neufs, de programmes additionnels que nous
sommes en train de créer, toujours dans la perspective de suivre la
politique d'ensemble du ministère dans des champs d'action
précis.
Donc, si on veut parler d'assainissement industriel, c'est certain qu'on
ne peut pas le faire sans un outil de travail de base. Ce qu'il faut se
demander, c'est comment il se fait qu'au cours des dix années
antérieures H n'y a pas eu de travail de fait. Comment se fait-il qu'on
n'a pas eu de stratégie d'assainissement industriel au Québec?
Comment a-t-on pu penser à faire seulement l'assainissement urbain sans
faire l'assainissement industriel et agricole? C'est cela, la grande question.
Nous, on va solutionner ce problème parce qu'on aura une ligne de
conduite, on aura des "guide-lines", on aura tout le cadre pour faire ce dont
vous parlez.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le
député de Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: M. le Président, encore une fois, je ne
voudrais pas refaire le débat, à savoir si vous en avez fait plus
ou moins que nous. Je pense que, si on mettait notre bilan environnemental face
à ce que vous nous aviez légué en 1976, je pourrais faire
le même genre de discours que celui que le ministre tient aujourd'hui. Je
pourrais lui parler des pâtes et papiers, je pourrais lui parler du
programme d'assainissement des eaux où il n'y avait rien de fait ou
à peu près. Je pourrais lui dire qu'il n'y avait même pas
de ministère de l'Environnement lorsqu'on est entré en fonctions.
Je n'ai pas envie de réécrire l'histoire. Ce qui
m'intéresse maintenant, comme critique de l'Opposition en matière
d'environnement, c'est que, sur le gouvernement - et c'est ma
responsabilité - qui est très habile à l'égard des
communications et de l'impression qu'il peut donner à l'opinion publique
d'être un gouvernement écologique, un gouvernement qui a
viré au vert, qui a pris le virage environnemental, au bout du compte,
les citoyens qui ont à porter un jugement le fassent en ne regardant pas
juste le tape-à-l'oeil que le gouvernement fait, mais en regardant aussi
ce que cela donne efficacement sur le terrain. Est-ce qu'on se donne les
moyens?
Je regarde l'analyse que le Protecteur du citoyen avait faite et qui
disait: "L'approche éducative amène donc le ministère
à user de persuasion et, à notre point de vue, d'une trop grande
tolérance. La moindre manifestation de bonne volonté suffit
à faire reculer le ministère qui abdique ainsi sa première
responsabilité qui est de protéger ceux qui sont victimes de
pollution. Il nous semble qu'on ménage trop le bâton pour l'usage
excessif qu'on fait de la carotte. " Devant des manifestations évidentes
de tergiversation et de mauvaise foi, il serait impératif pour la
protection de la qualité de la vie des citoyens que le ministère
ne craigne pas de montrer les dents. Plus loin, on disait: "Nous devons
déplorer les lenteurs vraiment excessives auxquelles donne lieu ie
traitement des dossiers au service juridique. " "At best, disait The
Gazette, au mois de mai 1987, this voluntary approach to polluters could
lead to reduce pollution emissions only several years from now". Je veux bien
être le perroquet du Devoir, mais j'ai l'impression d'être
aussi le perroquet de bien d'autres personnes au Québec, y compris de
The Gazette qui, récemment, titrait: "No more Mr. Nice Guy" - Mr
Lincoln et These fines are a joke". Cela ne date pas d'il y a cinq ans, mais
d'à peine quelques semaines, en mai 1988. Ce n'est pas Le Devoir, mais
The Gazette. Moi, je me dis qu'à un moment donné il faut
être pris au sérieux. (11 heures)
On a pris l'exemple de Noranda. Parlons-en, de l'exemple de Noranda.
C'est une entreprise qui s'est plainte au gouvernement que, si on l'obligeait
à faire des opérations de dépollution, elle accuserait un
déficit à son usine, mais elle a encaissé des profits de
343 000 000 $ en 1987, par exemple. Elle vient nous faire brailler et elle
utilise le chantage habilement auprès des gouvernements. Le gouvernement
s'est laissé attendrir et il a accepté des subventions, en les
présentant sous forme d'aide gouvernementale, comme des prêts
remboursables. Quand on a regardé la réalité, on s'est
rendu compte que c'étaient des prêts qui ne seraient pas
remboursés en argent sonnant, mais en investissements qui auraient sans
doute été faits de toute façon. On regarde ce que fait la
compagnie Inco, en Ontario; elle nous a dit, quand elle a appris ce que Noranda
avait eu comme avantages que le gouvernement avait gardés secrets: Nous,
en Ontario, on respecte le principe pollueur-payeur, on n'a pas demandé
de subvention et on fait le travail. Peut-être que là, maintenant,
on devrait se demander ce qu'on pourrait demander au gouvernement.
Le gouvernement, qui n'est pas satisfait de cette attitude-là, va
aussi donner des avantages fiscaux dont il ne veut pas parler et dont il ne
veut pas donner de détail, en nous disant: Écoutez, cela va nuire
à la concurrence, à la position concurrentielle de Noranda. Ce
que je dis, c'est que le message qu'on a donné à Noranda, c'est
un message encore une fois de bon gars, de sympathie. Je reprends seulement
ce
qu'on retrouvait cette semaine. Dans une note interne qui a
été rendue publique - je ne sais pas si le ministre l'avait fait
couler, parce qu'une partie de la note pouvait être à son
avantage, mais je n'en suis pas certain, cela venait du ministère de
l'Énergie et des Ressources et non pas du ministère de
l'Environnement - on disait: Rappelons, d'abord, que le principe du
pollueur-payeur ne pouvait pas être appliqué en totalité au
cas de Noranda. C'est un peu contraire à ce que le ministre nous a dit,
alors qu'en Chambre il a dit: Le principe pollueur-payeur est appliqué
totalement dans le cas de Noranda. Premièrement, ce n'est pas exact;
deuxièmement, Noranda a eu des avantages; troisièmement, c'est
une entreprise qui n'avait pas besoin d'une aide aussi importante que celle que
le gouvernement a consentie.
Encore une fois, quel est le message psychologique qu'on donne? Les
commentateurs - ce n'est pas seulement le député de
Verchères et critique de l'Opposition - et les journalistes, pas
seulement au Devoir, mais aussi dans The Gazette et d'autres
médias d'information, Le Soleil et La Presse, qui ont
regardé cela constatent qu'effectivement il y a un problème
d'éthique, de message que le gouvernement envoie dans le cas de Noranda,
qui est compris d'une façon particulière par les entreprises. Je
veux bien que le ministre me dise: Écoutez, on a fait un bon coup parce
qu'on a permis à la fois de sauver des emplois dans l'industrie du
cuivre et de réduire les pluies acides, mais ce qu'on peut comprendre
aussi, à l'envers de la médaille, c'est qu'on a favorisé
une entreprise qui n'avait peut-être pas tant besoin d'être
favorisée qu'elle l'a été. Encore une fois, c'est non pas
un message de fermeté, mais un message de tendresse, de compassion et
d'indulgence, d'une certaine façon, que le gouvernement a
adressé, par le cas de Noranda, aux entreprises.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Verchères. M. le ministre.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: Je suis content que le député ait
abordé la question de Noranda parce que j'ai envie de mettre quelques
questions au clair. D'abord, très vite, parce que le temps va passer
bien vite. Il parle encore de toutes sortes de dégrèvements
fiscaux qu'on a donnés à Noranda. Les trois articles du Devoir en
question, les trois en-têtes en question étaient faux. Je le
répète: faux. La première disait qu'on avait donné
des "bonanzas" de 140 000 000 $, cela s'est révélé faux;
je cite très brièvement le ministre du Revenu, qui n'est pas un
imbécile, qui est reconnu comme un des plus grands fiscalistes au
Québec et qui dit: "Ce que je dis, c'est que la présentation
fiscale qui est faite dans cet article et que mon collègue rapporte
n'est pas exacte. C'est non conforme à la technique fiscale et je pense
que n'importe qui, qui a la moindre connaissance en matière fiscale, est
très conscient que la façon dont ce chapitre sur l'amortissement
est présenté est complètement erronée. Je peux vous
le dire, j'invite mon collègue à vérifier de nouveau cette
information auprès d'autres experts. Ils vont lui dire que ce n'est pas
exact de présenter une déduction pour amortissement de cette
façon. " Je lui dirai qu'à l'article 101 de la loi sur la taxe au
Québec et l'article 12. 1X de la loi fédérale, il est
impossible pour Noranda d'aller réclamer des avantages sur les
amortissements fiscaux sur l'argent que lui a prêté le
gouvernement du Québec. Donc, cela met de côté la
première histoire fausse qui a été
véhiculée.
Deuxièmement, pour ce qui est des investissements, c'est un petit
peu étonnant que le consultant qui a travaillé la chose parle de
crédits d'investissement que Noranda pourrait trouver, de 83 000 000 $
par an, ce qui est complètement faux. Il se base... Il a dit "par
an".
M. Charbonneau: Non, non, non.
M. Lincoln: Et les investissements effectués en 1987 sont
probablement à eux seuls suffisants pour effacer la majeure partie de la
dette théorique de 83 000 000 $ due à l'État. Il se base
sur des investissements totaux de 125 000 000 $ et de 150 000 000 $, sans avoir
vérifié quels sont les investissements totaux de Noranda dans
tout le Canada, dont 100 000 000 $ par an ont été versés
à une mine en Ontario, la mine Hemlo qu'ils sont en train de mettre en
place, que le chiffre d'investissements au Québec représente une
fraction de cela.
Comment quelqu'un peut-il être crédible lorsqu'il ne parle
même pas de déductibles qui sont dans l'entente? Les
déductibles ne sont même pas... M. le journaliste parle de 4 000
000 $ de déductibles sans parler de l'accumulation des
déductibles qui pourrait monter à 50 000 000 $ ou à 75 000
000 $. Donc, tous ces articles-là sont faux. Après cela, on est
allé découvrir une entente secrète entre nous et Noranda
qui est encore une affaire fausse.
Ce qui m'étonne là-dedans, c'est que personne du journal
en question n'ait eu même la décence de vérifier un peu
avec nous s'il y avait eu une entente secrète. Je leur ai dit que
c'était de la "folichonnerie". Mais ce qui est le plus
intéressant dans le cas de Noranda... Je veux le rapporter, M. le
député, s'il me reste du temps. Est-ce que vous savez ce qui est
arrivé dans l'histoire de Noranda? Est-ce que vous le savez? Je vais
vous raconter le gros scandale de Noranda.
Mais, avant d'y passer, je vais vous citer quelques documents pour vous
faire comprendre que toute cette décision sur Noranda ne vient pas de
moi. Le principe de l'aide financière à Noranda a
été accepté par votre gouvernement, par le ministre
Ouellette, oui, c'est cela; c'est
bien cela. Je vais vous citer quelque chose. Je vais vous citer un
rapport du Conseil des ministres que je peux citer, le mémoire du
Conseil des ministres du 30 mai 1984; cela va vous faire dresser un peu les
cheveux sur la tête quand vous lirez cela: Des négociations ont eu
lieu pendant près d'une décennie sans résultat. Les normes
envisagées en 1975 n'ont cependant jamais été
adoptées par votre gouvernement, bien qu'elles représentaient un
compromis entre la position de l'entreprise à l'époque et celle
des services de protection. Comme les négociations avec Mines Noranda
n'aboutissaient pas, le sous-ministre de l'Environnement lui demanda
formellement, le 28 janvier 1981, de lui soumettre un programme
d'assainissement des rejets d'anhydride sulfureux. Le programme ne fut jamais
soumis. Qu'est-ce que vous avez fait ensuite? Je vais vous le dire, moi. Pour
le financement, vous me dites que c'est nous qui avons donné de l'argent
au gouvernement.
Savez-vous ce qu'on dit dans le rapport du Conseil des ministres? Ces
coûts ou une partie de ceux-ci devront sans doute faire l'objet d'un
programme de financement de la part des ministères à vocation
économique. L'importance du financement gouvernemental et la nature de
celui-ci: en "subventions". Nous, on n'a pas donné de subvention. On a
accordé un prêt remboursable. Subventions, prêts, garanties
de prêts ou autres? Cela reste encore à déterminer.
Partout, dans tous ces documents officiels du gouvernement, c'est farci de
références à l'argent qu'on allait donner à Mines
Noranda.
Vous voulez en savoir encore? Vous savez que, par exemple, Noranda...
Vous saviez que votre gouvernement qui, supposément, n'est pas
censé respecter les pollueurs, avait donné - un autre document
officiel - 1 500 000 $ de subventions directes à Noranda? Savez-vous
pourquoi? Pour produire des plans pour l'usine d'acide sulfurique, 1 500 000 $.
Est-ce que vous saviez cela? Est-ce que vous savez que les documents officiels
par M. Ouellette et autres, signés par M. Landry sont farcis de
références disant qu'il n'y a pas de programme de Noranda qui va
se faire sans aide directe de l'État?
Est-ce que vous saviez cela? Vous ne le saviez pas; ce n'est pas un
problème. Nous, tout ce qu'on a fait, c'est qu'on a suivi exactement ce
que vous, vous aviez dessiné. En fait, dans certaines
références des mémoires gouvernementaux, vous parlez de
subventions. Nous, on a tenu... Vous parlez du principe pollueur-payeur comme
si c'était une religion. Est-ce que vous avez appliqué le
principe pollueur-payeur pour les industries de pâtes et papiers?
Vous m'avez demandé en Chambre de citer un autre exemple. Je n'en
ai pas eu le temps. Les pâtes et papiers, n'est-ce pas un exemple?
L'assainissement agricole, n'est-ce pas un autre exemple? Est-ce que le
principe pollueur-payeur est une religion? Est-ce que c'est coulé dans
le béton? Même votre gouvernement, dans tous ses mémoires
officiels, reconnaît que, dans certains domaines, on ne peut pas faire
une religion du principe pollueur-payeur.
Ce que j'ai dit en Chambre, c'est que le principe pollueur-payeur est
respecté, parce qu'on a demandé un remboursement à
Noranda. Mais il n'est pas respecté de façon étanche comme
II n'est pas respecté dans le cas de la pollution agricole. On donne des
aides dans des circonstances spéciales. Vous voulez que je vous cite,
par exemple, un document de l'OCDE?
Le Président (M. Saint-Roch): En conclusion, M. le
ministre.
M. Lincoln: Je m'excuse. J'aurais voulu continuer
là-dessus parce que, vraiment, toute l'affaire commence à me
tanner.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
ministre. M. le député de Ver-chères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Ce qui commence à me tanner, moi aussi,
c'est l'attitude que le ministre prend de se draper de !a vertu et de faire en
sorte que ceux qui étaient là avant étaient tous des gens
qui... Le règlement sur les émissions d'acide sulfurique, c'est
l'ancien gouvernement qui l'a mis en place. L'échéancier dont
vous vous vantez aujourd'hui, c'est nous qui l'avons mis en place. Le document
dont vous parlez, le mémoire dont vous parlez... On parlait d'une
contribution gouvernementale de l'ordre de 25 %. Dans votre cas, c'est
monté au tiers. Noranda devait payer 50 % de la facture et nous ne nous
sommes jamais vantés du principe pollueur-payeur. C'est vous qui, depuis
deux ans et demi, vous promenez en disant partout: Nous, ce sera le principe
pollueur-payeur.
Je peux vous dire une chose, c'est qu'il faut que les messages soient
clairs. Qu'on n'essaie pas de tromper la population. Je vais vous dire que le
principe pollueur-payeur n'est pas une religion pour moi, sauf que, si ce n'est
pas une religion, qu'on le dise franchement aux concitoyens, qu'on dise
qu'effectivement, compte tenu de la situation, ce principe-là ne peut
pas être appliqué totalement dans bien des domaines et qu'il faut
que l'État, et donc les citoyens par leurs taxes et leur impôt,
paie une partie de la note. Mais qu'on n'essaie pas non plus de leur faire
croire que les prêts sont en réalité des subventions
déguisées. Je pense qu'à un moment donné il faut
donner l'heure juste. Ce n'est pas le problème... Ce qu'on a
reproché à l'attitude de Noranda, ce sont des messages
contradictoires, ce sont des trucs en catimini. Ce n'est pas le fait
qu'à un moment donné on se rende compte qu'il faut qu'on donne de
l'aide par le Trésor public, mais qu'on ne laisse pas croire aux
gens
que, de toute façon, ils n'ont pas d'aide à payer et que
les contribuables n'ont rien à débourser. Dans cela, les citoyens
vont avoir à débourser. Disons-leur donc franchement plutôt
que d'essayer de se draper d'une image de vertu. Cela serait peut-être
bien moins compliqué et on n'aurait pas à se polgner aux cheveux
dans le dossier de Noranda.
L'autre chose, M. le Président. Il y a tout le problème
des entreprises polluantes de cours d'eau qui sont aussi symptomatiques dans la
façon dont les messages sont faits. On ne sent pas beaucoup de pression
de la part du gouvernement. À l'étude des crédits, on
avait regardé le rythme de progression et de pression qui est
exercé sur ces entreprises et on s'était rendu compte que
finalement, en 1987-1988, seulement 20 entreprises avaient vu leur programme
d'assainissement des eaux approuvé par le ministère.
L'année précédente, en fait pour la même
année, cinq entreprises avaient soumis un programme d'assainissement des
eaux usées pour fins d'approbation.
Quand on regarde la situation de cette année, 1987-1988, par
rapport à 1986-1987, on se rend compte que peu d'entreprises ont
terminé leurs travaux d'assainissement par rapport à celles qui
avaient déjà terminé en 1987: 762 par rapport à 738
auparavant. Le nombre de celles qui sont à réaliser des travaux
est presque identique. Les pourparlers pour effectuer des travaux sont moindres
que... Et le nombre d'entreprises qui ont été approchées,
c'est un peu le même nombre qu'auparavant, c'est-à-dire 1200.
Donc, on ne progresse pas à un rythme suffisant.
Je prends un exemple additionnel qui est un autre message. Quand la
société, pour vaincre la pollution, a interpellé le
ministre sur le dossier de GM et des BPC à Masena, la première
chose que le ministre s'est empressé de faire a été de
dire que ce n'était pas grave, qu'il n'y avait pas de problème et
que c'était une exagération de voir que les BPC se promenaient,
alors qu'on a trouvé des sédiments contaminés bien plus
loin.
La politique d'assainissement qui est promise depuis l'automne 1986,
dont !e ministre nous a parlé encore tantôt, je veux bien qu'elle
arrive mais, comme on le disait tantôt, elle est attendue depuis
longtemps. Elle va, nous a dit le ministre, faire i'objet d'une consultation.
Cela veut dire qu'elle ne sera pas encore en vigueur et que les inspecteurs
qu'on va engager ne seront pas engagés maintenant. On va d'abord
attendre de faire une vaste consultation et, si on se retrouve comme dans le
cas de l'aide sociale, on va se retrouver dans deux ans et la politique ne sera
pas encore en application.
Je prends un exemple, M. le Président, le rapport Dagenais
qui disait et qui citait le ministère de l'Environnement: "Selon les
informations obtenues par le groupe de travail, les industries ne seraient pas
assez impliquées dans le processus d'établissement des normes."
Le groupe de travail disait plus loin: "Le groupe a aussi entendu les
commentaires du ministère de l'Environnement qui estime - et cela est un
rapport qui a été commandé par le ministre, donc, fait
sous son autorité à l'époque où il était en
fonction - que, pour sa part, les industries occasionnent bien souvent
volontairement de longs délais dans le processus de signature d'ententes
avec le ministère afin de retarder le moment où elles doivent
investir dans le projet d'assainissement." Le ministre sait cela; il sait
également que l'article 116.2 fait en sorte qu'il y a une
interprétation qui donne une ouverture aux entreprises pour retarder.
Une opinion juridique d'un avocat réputé, Me Lorne Giroux qu'il
connaît bien, disait que, finalement, quand on regarde le libellé
de l'article, on se rend compte qu'il y a une passoire. Qu'est-ce que le
ministre a fait, depuis deux ans et demi, pour corriger cette passoire qui fait
en sorte que, dans le fond, une fois que les entreprises ont soumis leur
programme d'assainissement, une fois qu'il a été approuvé
par le ministère... (11 h 15)
De toute façon, il n'y a pas de problème dans la mesure
où il respecte fidèlement... D'abord, l'avocat signale que, dans
le fond, le ministère n'est pas en mesure de faire respecter cela parce
que, premièrement, il n'y a pas assez d'inspecteurs et,
deuxièmement, au plan juridique une entreprise peut toujours trouver des
trucs pour établir qu'elle respecte fidèlement les contrats et
les ententes alors qu'ils sont vagues. C'est toute cette approche aussi qui
fait en sorte que le message qui est donné à des entreprises
et... Quand on fait l'analyse de cette situation des entreprises polluantes
dans fe secteur de l'assainissement des eaux, on se rend compte que ces
entreprises ne sont pas pressées d'agir; elles ne sentent pas ia
pression du gouvernement. Aussi, le ministère ne s'est pas donné
les moyens d'accélérer cela au cours des deux dernières
années. Je veux bien qu'il dise qu'il est meilleur que nous, mais, s'il
le dit, il faut qu'il le soit; il faut qu'il le prouve et il faut qu'il fasse
en sorte que le résultat soit au bout de la ligne. Être meilleur
que nous, ce n'est pas seulement publier des politiques. On nous a
reproché d'avoir publié des tonnes de livres blancs sur toutes
sortes de politiques. Lui, il en a publié une. D'ailleurs, il est un des
seuls ministres du gouvernement qui a eu le courage de publier une politique
gouvernementale dans son secteur et, sur cela, ce n'est pas moi qui vais le
blâmer. Mais, maintenant, il faut livrer la marchandise. Il faut que les
messages aux entreprises soient clairs que, dorénavant, le
ministère de l'Environnement est sérieux.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Verchères. M. le ministre.
M. Clifford Uncoln
M. Lincoln: Comment faire un débat avec le
député qui saute du coq à l'âne et qui embrouille
tout? On a fait un débat sur l'assainissement industriel. Pour lui
donner la réponse par rapport à Me Lorne Giroux, je lui ai dit
qu'on a publié une politique d'assainissement industriel et d'attendre
une semaine ou dix jours. Il aura toutes les réponses et tout cela sera
corrigé. Il aura des réponses là-dedans. Je ne veux pas
reprendre encore le débat. Il mélange le coq et l'âne. Il
mélange les pommes et les oranges. Il parle de Masena et de GM qui est
une usine outre frontières aux États-Unis où on a
été le premier gouvernement à avertir l'État de New
York. Pourquoi ai-je été un peu déçu de la
situation? Parce qu'on n'a jamais reconnu que nous avons été les
premiers, nous, dès janvier ou mars 1986, à avertir le
commissaire de New York. J'ai eu je ne sais combien de rencontres par rapport
à Masena. Je suis celui qui ai pris l'initiative d'englober le
ministère de l'Environnement fédéral pour qu'il contacte
l'EPA à Washington. Bientôt, on va avoir une rencontre, le
ministre de l'Environnement fédéral, le ministre de l'Ontario et
moi-même, avec le directeur de l'EPA. On travaille sur Masena sans
arrêt depuis bien longtemps. Si vous voulez faire un débat sur
Masena, demandez-le-moi n'importe quand; je serai enchanté de le faire.
Je ne veux pas revenir sur l'assainissement industriel, je vous ai dit qu'il y
a des choses qui vont arriver. Attendez à ce moment, vous pourrez
critiquer.
Moi, j'aurais voulu revenir à cette affaire du principe
pollueur-payeur. Je n'ai pas envie de vous laisser vous échapper. Vous
avez posé trois questions sur six en Chambre là-dessus. Vous avez
été endormi pendant toute la session, Noranda vous a
réveillé. Vous avez dit toutes sortes de conneries sur cela. Moi,
j'ai envie d'y revenir. Je n'ai pas accepté la façon dont nous
avons été traités dans Noranda parce que je suis
très fier de ce qui est arrivé chez Noranda. Vous parlez du
principe pollueur-payeur; je suis entièrement d'accord que ce n'est pas
respecté à 100%. Ce que j'ai dit, c'est que le principe du
pollueur-payeur est respecté. Est-ce que vous savez combien Noranda va
payer comptant dans cela? 51 700 000 $. Ils vont avoir à payer les
déficits d'opération annuels de cette usine qui vont atteindre,
dans une décennie seulement, 70 000 000 $. D'ici à l'an 2010, on
a estimé que ces déficits vont atteindre 140 000 000 $. Ce n'est
pas nous qui allons payer cela, c'est eux.
Est-ce que vous savez qu'une usine d'acide sulfurique se corrode en
peut-être cinq à dix ans? Dans cinq à dix ans, quinze ans,
peut-être vingt ans au maximum, ils auront à remplacer l'usine de
125 000 000 $ ou 150 000 000 $. C'est eux aussi qui vont payer ces pollueurs.
Est-ce que vous savez qu'ils auront à rembourser en argent comptant,
s'ils n'investissent pas suf- fisamment dans !e circuit de cuivre, ce qui a
été votre principe même, 73 300 000 $? Est-ce que ce n'est
pas cela, le principe pollueur-payeur? Si vous regardez le document des gens de
l'OCDE par exemple, eux aussi disent que le principe pollueur-payeur n'est pas
intangible, il n'est pas coulé dans le ciment. On admet toutefois que
certaines circonstances peuvent justifier les aides, à la condition
qu'elles soient limitées dans le temps. C'est ce qu'on a fait. Elles
sont limitées dans le temps et s'il y a des impératifs d'emplois
et de développement régional. C'est cela qui apparaît dans
tous les documents. Mais il ne faut pas fausser les choses. Ce que je dis,
c'est que le principe pollueur-payeur n'est pas incompatible avec une situation
de développement régional.
J'aurais voulu revenir à cette même question. Quand vous
prenez les règlements de Noranda, est-ce que vous savez qu'en 1975 il y
avait un règlement de Noranda qui déjà citait que Noranda
devait réduire ses émissions de 35 % et que cela comportait une
usine d'acide sulfurique dont les fondations étaient déjà
lancées? Est-ce que vous le saviez? Est-ce que vous savez ce qui est
arrivé après? Il y a eu une commission parlementaire en 1976,
mais le gouvernement a été défait. Là, votre
gouvernement est arrivé. Vous savez ce qui est arrivé avec le
règlement de 1975 qui avait déjà été
publié à la Gazette officielle? Rien. Vous savez ce qui
est arrivé ensuite? Le premier règlement que vous avez
émis, c'était en 1979, quatre ans après. Quatre ans
à ne rien faire pendant que Noranda polluait. Qu'est-ce qui est
arrivé en 1979? Vous avez retiré du règlement la seule
section qui allait faire en sorte que Noranda allait réduire ses
émissions de 35%. Cette section-là a été
enlevée par votre fameux gouvernement. C'est cela que vous avez fait et,
là, vous avez le culot de venir nous reprocher quelque chose par rapport
à Noranda.
Depuis 1979, avec votre règlement bâtard, Noranda s'est
fichue de vous. Savez-vous ce que vous avez deviné comme raison
formidable à donner à Noranda? Vous avez envoyé une
ordonnance avec un telbec du ministre Léger qui disait: D'ici à
1985 - dans un telbec aux citoyens de Noranda - on va réduire nos
émissions de 40%; je vous en donne l'engagement formel. Il a offert
à Noranda deux options: une usine d'acide sulfurique qui n'était
pas dans le règlement ou bien un projet SNA. Le projet SNA, dont M.
Léger disait qu'il allait réduire les émissions
jusqu'à 100 %, s'est révélé un projet tout à
fait avorté qui ne réduisait même pas 10 % de la pollution.
Noranda a gagné encore deux ou trois ans. En fin de compte, ce n'est pas
avant 1985 que le règlement original de 1975 a été
instauré.
On a perdu dix ans dans le cas de Noranda, dix ans de tergiversations
à accepter que le pollueur se foute de nous et, pendant tout ce temps,
vous n'avez même pas pris ta moindre
petite poursuite judiciaire. Demandez aux citoyens de Noranda ce qu'ils
croient de votre gouvernement. J'ai fait des débats avec M.
Léger. Allez lire les débats de 1982. Allez lire les
débats de 1983 avec M. Ouellette. Allez lire les articles de 1984. Mme
Bacon et moi-même leur avons demandé: Comment avez-vous pu avoir
bonne conscience après avoir "scrappé" le règlement 75 du
Dr Goldbloom qui incluait une usine d'acide sulfurique pour donner à
Noranda dix ans de sursis? Et là, vous avez le culot de venir me faire
la morale sur le pollueur-payeur et me dire qu'on est des gens croches. Je vous
dis que l'affaire Noranda m'exaspère parce que je pense que c'est une
des plus grandes réalisations de ce gouvernement-ci. On est fiers, nous,
qu'en 1989 les citoyens de Noranda pourront avoir 50 % d'émissions de
moins qu'il n'y en avait. Ils auraient eu cela bien avant n'eût
été votre gouvernement qui n'a rien foutu là-dedans.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
ministre.
M. le député de Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: II y a une seule chose que je veux dire au
ministre qui se drape tellement du manteau du vertueux. On lui a offert une
chose, lui qui me dit que je fais de la démagogie et que je l'accuse
à tort. Je lui ai proposé une chose très raisonnable qui
avait à la fois l'avantage de lui permettre de sauver la face, de donner
toutes les explications et, en plus, M. le Président, de faire en sorte
que l'institution parlementaire soit valorisée et joue un rôle
efficace. On le lui a proposé à lui et on l'a proposé au
premier ministre, même quand il a été parti par la suite.
On a proposé une commission parlementaire pour étudier le
contrat, à huis clos si nécessaire, pour éviter les
problèmes dont le ministre nous a parlé à quelques
reprises à l'Assemblée nationale.
Pourquoi ne pas avoir accepté cette offre raisonnable qui aurait
permis et qui permettrait encore aux parlementaires d'exercer leur rôle?
Vous ne viendrez pas me reprocher, à moi, aujourd'hui, de faire "ma job"
d'Opposition. Je ne suis pas là pour vous permettre de faire ce que vous
voulez sans qu'on pose aucune question. Quand on met des fonds publics comme
vous en avez mis dans Noranda, !a responsabilité des parlementaires et
des députés de l'Opposition, c'est de poser des questions et de
demander des comptes au gouvernement. La responsabilité du gouvernement,
c'est de mettre les cartes sur la table et, s'il est si bon que cela, le
gouvernement, et s'il est si vertueux que cela, qu'il vienne se défendre
en commission parlementaire et le prouver.
Si le ministre avait raison, j'aurais été le premier
à dire: Effectivement, le contrat aurait été correct. Il y
aurait eu au moins une chose qu'on aurait sauvée dans cette
affaire-là. On aurait sauvé le fait que, quand on met 40 000 000
$ et 50 000 000 $ de fonds publics, où on a essayé de faire
accroire au départ par des communiqués de presse que les gens
n'avaient rien à payer et qu'on reconnaît aujourd'hui que le
principe pollueur-payeur est un peu égratigné, au moins on aurait
pu faire une vérification correcte de cette affaire-là. Si, en
fin de compte, ce sont des félicitations que vous méritiez, on
vous les aurait faites. Mais au moins l'Assemblée nationale aurait
joué son rôle et aurait exercé sa responsabilité de
surveillance. Ce n'est pas vrai qu'un gouvernement pourra mettre des fonds
publics à la tonne comme vous en avez mis dans Noranda, qu'on ne vous
posera aucune question et qu'on va se laisser traiter de n'importe quoi parce
qu'on fait notre job d'Opposition. Il y a toujours bien une limite!
Par ailleurs, M. le Président, il y a aussi le cas des
entreprises qui produisent des déchets dangereux. Il a fallu, au mois de
décembre, une intervention de la société pour vaincre la
pollution pour que le ministre de l'Environnement, tout à coup,
réalise que, là aussi, il y avait une faille qu'il a
corrigée en partie depuis, mais qui est une autre illustration, à
notre point de vue, du problème dont on parle depuis le début,
c'est-à-dire un problème de fermeté de moyens pour
correspondre au discours de fermeté qu'on nous tient. Quand on se rend
compte qu'une majorité d'entreprises qui devaient remettre des rapports
à l'égard des contrôles sur les déchets dangereux ne
l'avaient pas fait à la fin de l'année, que le ministre a
finalement choisi, au mois de janvier, de poursuivre quelques-unes d'entre
elles et que, par la suite, il a expédié 1250 autres lettres au
mois de janvier aux entreprises pour leur rappeler leur devoir, cela est
significatif. Cela veut dire que, finalement, les entreprises ne prennent pas
suffisamment au sérieux le ministère de l'Environnement. Elles ne
se sentent pas menacées. Elles peuvent laisser traîner les choses
en longueur, attendre un deuxième et un troisième avis du
ministre. C'est cela, la situation.
M. le Président, on aura peut-être l'occasion, la semaine
prochaine, de revenir sur un dossier, mais je prends un exemple qui a
été porté à la connaissance du ministre
récemment et qui est aussi une autre illustration qu'il y a une
mentalité qui n'est pas encore enracinée dans l'appareil public
de décisions. Il y a quelques jours, on a appris qu'Hydro-Québec
savait depuis 1986, parce qu'elle avait effectué un bilan
environnemental sur ses centrales diésel de la Basse-Côte-Nord,
qu'à La Tabatière il y avait un entrepôt de BPC, qu'il y a
quatre catégories de contamination, de très faiblement
contaminé à très fortement contaminé, et que
l'endroit en question est classé très fortement contaminé.
Je ne sais pas si le ministre a vu ce bilan d'Hydro-Québec.
Une société d'État comme Hydro-Québec le
savait depuis 1986 et n'avait pas averti les gens qui eux, sont
alimentés en eau potable par la nappe phréatique qui est dans ce
secteur. N'est-on pas en droit comme député, comme responsable
d'un dossier, comme membre de l'Opposition et comme responsable aussi de
i'intérêt public, de poser des questions au gouvernement? C'est
clair que ce n'est pas le ministre de l'Environnement qui est le ministre
responsable, mais il devra reconnaître que le niveau de
sensibilité de l'appareil gouvernemental n'est pas nécessairement
le sien ou à tout le moins celui qu'il affiche. Ce n'est pas normal que,
dans une société comme la nôtre, une société
d'État de l'importance d'Hydro-Québec qui connaît les
états de dangerosité ne fasse rien pour avertir les gens. Quand
on sait que les employés d'Hydro-Québec s'en vont au restaurant
à La Tabatière et emportent leur bouteille d'eau. Ils n'ont pas
averti les citoyens ni la municipalité de l'endroit que leur risque est
grand parce qu'ils sont alimentés en eau potable par une nappe
phréatique et des puits. C'est pour cela que les gens demandent une
solution de l'aqueduc.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Verchères. M. le ministre.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, je suis bien d'accord avec le
député. Il devrait faire son travail et me poser des questions.
C'est un peu étonnant qu'il revendique ce droit qui est tout à
fait légitime pendant que, comme député de l'Opposition,
il n'avait posé avant l'affaire de Noranda, qu'il a fait téter au
sein du Devoir comme un petit bébé, que trois questions en
Chambre. Avant cela, il y avait eu seulement trois questions en Chambre: deux
sur les sols contaminés où il a complètement mal compris
la différence entre les sols contaminés et l'acide des
déchets dangereux, une question en sixième position sur
SIDBEC-Dosco, et trois autres questions sur Noranda. Cela a été
toutes ses questions en Chambre depuis mars. Et il fait tout un laïus sur
les revendications. J'en suis bien aise. Mais pourquoi ne me pose-t-il pas plus
de questions? Pourquoi, si le Parti québécois croit tellement
dans l'environnement, son chef ne le laisse-t-il pas poser plus de questions?
Je serais très à l'aise de l'entendre poser des questions en
Chambre sur Hydro-Québec et autres. Mais il n'a jamais
l'intérêt pour poser des questions. Ou il n'est pas
intéressé ou son parti ne considère pas cela très
important. Jamais cela n'arrive. Je m'assieds là tous les jours, je
viens à la période de questions. À moins d'une affaire
sensationnelle comme celle de Noranda avec des en-têtes ronflants qui
sont erronés, il est presque endormi sur sa chaise. Jamais il ne pose de
questions. Et il vient me dire: Ah! On a raison, il faut poser des questions.
Mais posez-les! Pourquoi ne m'a-t-il pas posé une question sur
Hydro-Québec hier?
Il avait le journal avec lui. Les journalistes m'ont posé des
questions, ce sont eux qui font le travail de l'Opposition.
Je vais vous dire ce que je fais avec La Tabatière. J'ai
envoyé des gens à La Tabatière. Des gens sont ailés
tester l'eau potable, les sols. Des analyses sont faites continuellement. Il
n'y a pas de contamination aussi grave là-dedans. On est allé
tester les sols et, en même temps, le directeur régional est
allé et va retourner à La Tabatière. On avait
envoyé des équipes pour aller surveiller. On va prendre toutes
les mesures qui s'imposent devant HydroQuébec. Je peux vous dire que
c'est nous qui avons tenu tête à Hydro-Québec et c'est nous
qui avons fait qu'Hydro-Québec passe sous le fleuve plutôt que
là-haut comme elle le voulait. Cela ne me fait pas peur. Et
Hydro-Québec a envoyé des BPC en Angleterre. J'ai eu des
négociations avec Hydro-Québec pour le dire. Il faudra que cette
affaire cesse. Il faudra qu'on règle cela ensemble avant que cela
n'arrive sur une grosse échelle. Je n'ai pas peur d'Hydro-Québec
ou de n'importe qui. Je n'ai pas peur d'aucune entreprise ici. Mais, en
même temps, il faudra faire un travail systématique
sérieux. (11 h 30)
II y a une chose que je vais toucher pendant qu'on parle de
l'environnement, que le député n'a pas touchée avec de
bonnes raisons. Quand je suis arrivé au ministère de
l'Environnement, les ministres que moi j'ai connus dans l'Opposition et les
ministères ne se parlaient même pas. Le ministre de
l'Environnement, M. Ouellette, et M. Garon étaient toujours à
couteaux tirés. Le ministre industriel et le ministre de l'Environnement
ne faisaient jamais rien ensemble. L'Agriculture et l'Environnement,
c'était toujours à couteaux tirés. Ils étaient
toujours dans des conflits. C'est pourquoi tellement de dossiers
n'avançaient pas au Québec. Pour la première fois, nous
avons un protocole avec le ministère de la Santé et des Services
sociaux, nous avons un protocole inofficiel avec le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, nos équipes
travaillent ensemble, avec le ministère des Forêts, avec le
ministère de l'Industrie et du Commerce. Pour la première fois,
nous avons une cohésion dans l'appareil gouvernemental où
l'environnement, cela compte pour les autres ministres. Graduellement, c'est en
train de gagner du terrain.
Vous revenez toujours sur la question des industries qu'on ne poursuit
pas. Au moins, nous sommes en train de faire du travail pour essayer de
rectifier la chose. J'admets qu'on ne fait pas assez. Je l'admets enfin, 20 000
fois, qu'on ne fait pas assez. Mais, au moins, on fait des efforts
tangibles. Vous brandissez cela pour dire qu'il ne faudrait pas que ce soient
seulement des mots. Moi, je laisse le public juger. Je reçois beaucoup
de lettres du public. Je crois que le public n'est pas fou. Je crois que le
public croit qu'on fait beaucoup plus que des mots. Je vois
par les gens qui m'invitent quelque part, je vois par les gens qui me
parlent, que le public commence à réaliser qu'on est en train de
faire des choses, qu'on est seulement mortels. On n'est pas des "bon Dieu". On
ne va pas changer le monde d'un jour à l'autre, mais, graduellement, les
choses sont en train de s'améliorer.
Le public sait aussi qu'on lui dit les choses franchement. Vous avez
beau dire qu'on essaie de louper le public, qu'on essaie d'emberlificoter les
choses, moi, je ne le crois pas. Je circule dans le public. Je crois qu'on a
une crédibilité environnementale. J'écoute de plus en plus
ce que le public dit et je m'associe à lui, je m'associe aux groupements
environnementaux, je m'associe aux citoyens. Je réalise qu'aujourd'hui
notre gouvernement a une pensée environnementale qui commence à
pénétrer de plus en plus dans les ministères, au sein du
gouvernement et qui va jusqu'au premier ministre lui-même. Moi, je crois,
M. le député, que justement vous devriez peut-être
être beaucoup plus impliqué dans votre rôle. Ne pas
seulement le dire et faire une espèce de fanfaronnade ici, mais me poser
plus de questions en Chambre. Moi, je crois que c'est un scandale dans une
époque où l'environnement compte comme la préoccupation no
1. Il y a 70 % des citoyens au Québec qui disent que l'environnement,
cela compte et vous m'avez posé seulement trois questions pour l'affaire
Noranda, deux sur un même sujet, l'autre en sixième position.
Vous vous dites: Pourquoi s'offusque-t-il? Je serais enchanté si
vous me posiez des questions. Posez-moi des questions à tous les jours.
Posez-moi des questions sur Hydro-Québec à La Tabatière.
Posez-moi des questions sur les déchets dangereux. Posez-moi des
questions sur tout ce qui est arrivé depuis mars. Il y a des
quantités de choses qui sont arrivées dans l'environnement. Je
suis arrive, j'ai des quantités de dossiers dans mon pupitre qui
attendent que vous posiez des questions. Jamais vous ne m'en posez. Parfois le
jeudi vous n'êtes même pas ici. Là vous me passez la
culpabilité de cela. Faites des débats, l'interpellation tous les
jours, sur Hydro-Québec, sur n'importe quoi, sur les compagnies
polluantes, sur Noranda pendant toute la session. Faites des interpellations.
Je serai ici tous les vendredis. Je serais enchanté de faire un
débat là-dessus.
Au contraire, je crois que c'est bon pour l'environnement qu'on fasse
des débats. Je ne veux pas vous empêcher, moi, de parler comme
député de l'Opposition. Bien loin de là. Ce que je vous
dis, c'est que cela me fait mal, la façon que ce dossier de Noranda a
été mené. On est allé laver notre linge sale par
démagogie pendant que l'ennemi no 1, ce sont les Américains de
l'autre côté qui sont en train de rire de nous par la façon
dont on a traité ce dossier. C'est cela qui m'a bien fait mal et qui me
fait toujours bien mal.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. Je
vais reconnaître M. le député de
Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: M. le Président, si on fait un
débat ce matin, c'est parce que l'Opposition trouve que c'est important
de le faire, justement. Je voudrais juste lui rappeler qu'encore hier il y
avait une question qu'on a posée sur Senneterre et on pourrait y revenir
la semaine prochaine. Peut-être que je peux lui donner une indication.
Peut-être que le ministre de l'Environnement qui est si
préoccupé, qui est si vertueux, pourrait nous expliquer comment
ii se fait que l'entrepôt qu'il a autorisé est situé dans
une région marécageuse. Quand on regarde le bilan
environnemental, on se rend compte qu'un des problèmes c'est justement
la détérioration des marais. Le fait que ce soit situé
dans une région marécageuse... Ces marais, c'étaient des
filtres naturels pour le lac qui est la source d'alimentation en eau potable
des gens de Senneterre. Cela aussi, ce sont des cas qui pourraient amener
l'intérêt du ministre. Parce qu'il y a toujours un bout, à
un moment donné, d'être le champion de la vertu et de faire passer
les autres pour un gang de crétins!
Je ne dis pas que tout ce que le gouvernement a fait est mauvais. Ce que
je dis au ministre, c'est que, lorsqu'il est arrivé en fonction, il y a
bien des choses qui avaient été faites. Si on veut faire le
même petit jeu qu'il essaie de faire, on pourrait montrer que le
gouvernement libéral sous Bourassa no 1 ne s'était pas tellement
préoccupé de l'environnement; il n'y avait même pas de
ministère de l'Environnement. Ce n'est pas lui qui a créé
le ministère de l'Environnement. Quand il est arrivé, il
était créé et il avait des moyens. C'étaient des
moyens insuffisants, mais il n'y en avait pas avant. Il y a eu une
progression.
Moi, ma responsabilité, c'est d'aller plus loin, c'est d'amener
le gouvernement à aller plus loin. Ma responsabilité n'est pas de
permettre au ministre d'avoir toute la glace et de dire ce qu'il veut dans
l'opinion publique sans que des questions lui soient posées. Par
exemple, il reproche aux députés de l'Opposition de poser un
certain nombre de questions. Je lui ai cité des organismes ce matin
comme la Société pour vaincre la pollution qui a fait un certain
nombre de dénonciations, même s'il est si bon et si bien
perçu. La Fédération de la faune, cette semaine, vous
accusait de menacer les droits acquis de la population à l'égard
des consultations publiques qu'il y aura la semaine prochaine sur le
contrôle des pesticides, alors que vous entendez limiter le
contrôle public des insecticides et des défoliants. On va en
parler Sa semaine prochaine lors d'une consultation. Moi, je vais être
là durant les trois jours de la consultation, les compagnies aussi. Il a
fallu se battre hier, et finalement vous avez reconnu qu'on avait raison, pour
que les entreprises en question puissent être entendues. Il
GAE-865 n'était pas question de favoriser les entreprises, mais
de vous permettre à vous, de même qu'à moi, de poser des
questions à ceux qui utilisent des pesticides et des
défoliants.
La situation est la suivante quant à ce qu'on a essayé de
démontrer, et j'y reviendrai un peu plus tard: dans !e domaine des
déchets dangereux, il y a, comme dans le secteur de l'assainissement
industriel, des comportements de la part d'entreprises qui sont inacceptables.
Ces comportements ne vont être corrigés que dans la mesure
où on se donne les moyens de le faire. Or, les messages que
reçoivent les entreprises ne sont pas suffisamment clairs et vigoureux.
La fermeté politique et la fermeté en paroles du ministre de
l'Environnement n'est pas assez grande et c'est ce que j'ai essayé de
démontrer ce matin. Je n'ai pas voulu démontrer que rien n'avait
été fait, je n'ai pas essayé de démontrer que la
situation était idéale ou encore que le ministre était
responsable de tous les problèmes, mais dans le cas des déchets
dangereux, c'est cela la situation. Je prends l'exemple d'Hydro-Québec.
On peut parler de la sixième ligne, mais il y a d'autres cas qui font
que, même dans cette situation, une société d'État
de l'ampleur de celle d'Hydro-Québec ne se sent pas suffisamment
menacée, interpellée par le gouvernement. Une entreprise comme
Sanivan qui se croit à l'abri parce qu'elle a eu un permis pour
construire un entrepôt ne se sent pas suffisamment menacée par le
ministre de l'Environnement et elle est à l'aise pour commencer les
travaux de ia deuxième phase. Hier, lors de ia période de
questions, le ministre m'a répondu: Écoutez, si elles ont fait
des choses illégales, on va les amener à défaire leurs
travaux. Ce n'est pas cela, ce n'est pas de défaire leurs travaux, c'est
que les entreprises se sentent suffisamment surveillées et qu'elles
sentent que le gouvernement est suffisamment sérieux quand il dit qu'il
va être ferme pour qu'elles n'osent même pas adopter des attitudes
inacceptables. Quand les entreprises peuvent ignorer des avis, avoir des
comportements répétés, que des récidives peuvent
être enregistrées à l'égard d'attitudes
inacceptables, cela témoigne d'une attitude... C'est celle-là
qu'on a voulu mettre en évidence au cours de cette interpellation.
Je crois que d'avoir choisi ce sujet montre, au contraire, que
l'Opposition - j'y reviendrai dans ma conclusion - prend son rôle au
sérieux à cet égard. On aurait pu prendre des petits cas
mineurs, un cas plus un autre et passer le temps de l'interpellation sur cela.
Non, là, il y a un problème de fond relié à la
crédibilité de l'action gouvernementale à l'égard
du respect des normes et des lois par les pollueurs, parce que ce n'est pas
tout d'avoir une politique qu'on va annoncer dans une semaine en disant:
Attendez donc cette politique. Cela fait deux ans que vous nous dites
d'attendre cette politique. Ce matin, vous nous dites: Attendez encore et vous
verrez. On verra une consultation, mais le ministre a reconnu tantôt que
cette consultation et même cette politique ne seront pas suffisantes.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Verchères. Nous en sommes maintenant à la
période de conclusion. Dans un premier temps, je reconnaîtrai M.
ie ministre pour un droit de parole de dix minutes et, dans un deuxième
temps, M. le député de Verchères pour dix minutes. M. le
ministre.
Conclusions M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. ie Président, j'espère que le public
a mieux compris que moi parce que c'était une espèce de
"smorgasbord" de toutes sortes de matières qu'on a empilées les
unes sur les autres. J'ai reconnu avec le député qu'il fallait
certainement faire plus par rapport à l'industrie. J'ai reconnu avec le
député qu'il fallait être plus ferme envers les
industriels. Je l'ai dit, on a commencé. Au moins, on a fait un petit
pas en avant. On a poursuivi une grosse multinationale de façon
exemplaire. On est en train de prendre une autre procédure qu'on est
à examiner. On va le faire, on va réorganiser notre service
juridique, notre service d'inspection.
Qu'est-ce qu'il veut qu'on en fasse dans deux ans? On a fait tout ce
qu'on a pu pour essayer d'accélérer les choses, mais H fallait
voir le point de départ, faire la morale aux autres. Cela est facile de
faire la morale aux autres et de dire: Pourquoi n'avez-vous pas fait ceci,
pourquoi n'avez-vous pas fait cela? Je le faisais aussi dans l'Opposition. Mais
les choses que j'ai dites lorsque j'étais dans l'Opposition, je suis en
train d'essayer de les corriger. Il y a plusieurs choses que j'ai
corrigées depuis que je suis là. Je faisais la guerre à M.
Léger contre la loi sur les non-fumeurs, contre les pesticides et contre
Noranda à plusieurs occasions. Mais j'ai fait quelque chose.
Je vais montrer au député, parce que je suis tanné
de cette affaire et de me faire dire: C'est nous qui avons la moralité,
vous n'en faites pas assez. Je vais lui montrer un peu ce qui s'est
passé, les menaces aux grosses corporations. Je vais lui montrer cela et
le montrer au public aussi, l'affaire de Noranda, parce que cela m'a
réellement rendu malade.
En 1975, sous le gouvernement du Dr Goldbloom, il y avait un
règlement qui prévoyait une usine d'acide sulfurique. Pendant
toutes ces années du gouvernement péquiste, après la
session parlementaire, rien ne s'est fait. En 1979, un nouveau gouvernement qui
annule l'usine d'acide sulfurique. Là, on s'en va vers une espèce
de procédé bâtard SNA qui s'avère
complètement ridicule. Noranda devait avoir deux ans pour le travailler,
elle prend un an de plus sans que le fameux gouvernement, qui est censé
menacer tout le monde, fasse quoi que ce soit.
En fin de compte, ce n'est qu'à la fin de 1985, dix ans
après, qu'on revient à la formule du Dr Goldbloom pour un
règlement qui va prévoir une usine d'acide sulfurique. La
décision arrive sous notre gouvernement. C'est moi qui commence à
négocier dès janvier 1986. Là, on va avoir une usine
d'acide sulfurique qui va commencer à réduire les
émissions de Noranda dès 1989.
Voyons ce qui serait arrivé si, par exemple, on avait
gardé le règlement du Dr Goldbloom. On aurait eu une usine
d'acide sulfurique en 1979. Depuis 1979, jusqu'à ce que la nouvelle
usine entre en fonction, en 1989, on aurait réduit les émissions
de Noranda de 193 000 tonnes par an d'anhydride sulfureux, ce qui veut dire un
total de 2 000 000 de tonnes d'anhydride sulfureux qui n'auraient pas
coulé sur le Québec pendant ces dix ans. Il a le culot de venir
me dire qu'on ne menace pas assez les entreprises. Est-ce qu'ils ont
menacé Noranda? Est-ce qu'il ne faisait pas partie de cette formation
politique? Regardez un peu les chiffres des profits. Il me citait les profits
de Noranda en 1987. Quand j'ai négocié avec Noranda en 1986, je
peux au moins dire qu'en 1986 il y avait des pertes de 253 000 000 $. C'est en
1987, bien après, parce que les chiffres de 1987 ont été
connus en 1988, qu'il y a eu des déficits cumulatifs de plus de 300 000
000 $. Mais, en 1979, quand son gouvernement a éliminé l'usine
d'acide sulfurique, les profits de Noranda étaient de 400 000 000 $.
L'année d'après, ils ont fait 415 000 000 $. Quand ils ont
commencé le procédé SNA que le gouvernement a
subventionné, ils faisaient des profits de 169 000 000 $.
J'accuse ce gouvernement, j'accuse le gouvernement antérieur qui
vient me faire la morale sur Noranda, qui vient me prêcher: Vous ne
menacez pas assez Hydro-Québec et les entreprises, qui a laissé
une des plus grosses multinationales et peut-être symboliquement la plus
polluante au Québec déverser pendant dix ans 2 000 000 de tonnes
d'anhydride sulfureux qu'on aurait pu éliminer si vous aviez suivi le
règlement de 1975. Il faut aussi que vous soyez responsables de vos
actes. Il faut aussi, comme membres de l'Opposition, que vous veniez me
prêcher la morale tous les jours et que vous veniez me dire: Ah oui! Sur
Noranda, le principe pollueur a été égratigné. Vous
n'êtes pas assez franc. Le public ne veut pas accepter cela, parce que
vous n'êtes pas assez franc. Vous me citez Louis-Gilles Francoeur, vous
me citez un éditorialiste du journal The Gazette et un autre, mais le
public va comprendre, parce que le public comprend qu'il faut des actions pour
dépolluer. Le public va comprendre cela. Il va comprendre que c'est moi
qui ai fait ce bout-là et que, jusqu'à présent, rien ne
s'était fait à Noranda. Les gens de Noranda vont comprendre
qu'ils se sont fait polluer pendant dix ans à cause de votre
Inaction.
Quel droit avez-vous de venir nous prêcher la morale, de venir me
dire: Vous ne menacez pas assez les entreprises, vous ne faites rien? Combien
de causes pénales avez-vous faites contre Noranda pendant ces
années-là? Combien quand elle ne respectait pas l'ordonnance que
vous aviez émise en 1981? Selon les documents officiels que je vous ai
lus, elle ne répondait même pas à vos ordonnances et vous
envoyait dinguer. Combien de poursuites avez-vous faites, vous? Combien de
poursuites avez-vous faites quand le procédé SNA ne s'est pas
avéré... Ils ont même retardé, avant de vous rendre
un rapport, jusqu'en 1983. (11 h 45)
Combien de poursuites avez-vous intentées? Qu'est-ce que vous
avez fait? Comment avez-vous pu la laisser polluer pour 2 000 000 de tonnes de
SO2 pendant dix ans? Après cela, vous arrivez et vous nous faites la
morale: Pollueur-payeur, vous n'êtes pas assez forts auprès des
entreprises, vous ne les menacez pas. Mais, en tout cas, je peux vous dire que
j'ai eu le courage, M. le député, de prendre des poursuites
contre eux. J'ai eu le courage de m'asseoir avec eux pendant seize mois. Je
suis allé à Toronto négocier avec des chefs d'entreprises.
Si je ne peux pas dévoiler les documents, c'est que je suis un homme de
parole - on a fait une entente, le gouvernement du Québec, le
gouvernement fédéral et Noranda - qui, selon cette entente, ne
peuvent être dévoilés certains documents pour des raisons
tout à fait logiques. Par exemple, le coût de l'usine se trouve
dans cette entente et, si on dévoilait le coût de l'usine, les
soumissions pourraient être affectées.
Il y a des négociations qui vont se faire en Ontario avec
Falconbridge et Algoma. Naturellement, le gouvernement fédéral
nous dit: Ne dévoilez pas la chose. Ce n'est pas par cachotterie que je
n'ai pas dévoilé la chose, mais ce qui m'a réellement
irrité dans cette question, c'est que, pour la première fois, le
Québec est à l'avant-garde dans la lutte contre les pluies
acides. Là, je dois reconnaître une chose au ministre Ouellet: Au
moins, il a eu le courage de faire le règlement en 1985. Cela, je
l'admets bien franchement et je l'en félicite. Mais tout ce qui s'est
passé avant, c'est un scandale et c'est cela le vrai scandale de
Noranda. C'est un scandale qui s'est passé. Dix ans d'inaction où
on a produit 2 000 000 tonnes de S0. Si vous voulez le voir et si vous
croyez... Vous citez beaucoup d'éditorialistes. Lisez le livre de Rogel,
Un paradis de la pollution, et cela va vous confirmer toutes les choses.
Regardez les deux règlements. Regardez le règlement de 1975 du Dr
Goldbloom et le règlement de 1979 du ministre Léger où on
a soustrait l'usine d'acide sulfurique. Et vous dites que je ne menace pas
assez les entreprises? C'est facile de dire cela quand on est de l'autre
côté et qu'on n'a rien à faire. Au moins, j'ai fait des
choses, M. le député. Je suis content, je suis fier du dossier de
Noranda. J'ai envie de le dire publiquement très fort et je suis
prêt à vous faire un débat là-dessus. Si vous voulez
parler
rien que de cela, je serai prêt à faire un débat
là-dessus. Je suis fier de ce qu'on a fait contre Hydro-Québec
qui est la plus grosse corporation. Vous dites: C'est seulement la
sixième ligne. Mais en tout cas, on est intervenu pour les BPC. On fera
un débat sur Senneterre. Posez-moi des questions sur Senneterre. Je vous
ai dit qu'il faudra des audiences publiques pour Senneterre par rapport
à l'usine des BPC. Il faudra des audiences publiques. Les audiences
publiques les situeront comme elles seront. Je n'ai peur d'aucune entreprise au
Québec.
Je livre un message à ceux qui sont bons pour l'environnement
comme à ceux qui sont mauvais pour l'environnement. J'ai
rencontré toutes les grosses associations industrielles. Je leur ai
livré le même message que je livre aux autres. Je ne pense pas
qu'on livre un message croche. Je crois que, de plus en plus, le public
commence à réaliser que l'environnement, ça bouge au
Québec. En tout cas, ce qui me frappe, c'est que, parmi les jeunes de
notre parti, on croit de plus en plus à l'environnement et notre parti
est maintenant engagé vers l'environnement. Ce qui m'a frappé
chez vous, c'est que j'ai entendu Mme Isabelle - j'oublie le nom de famille -
qui a quitté vos rangs, faire une interview a la
télévision dans laquelle elle disait: Une des raisons pour
lesquelles je quitte, c'est que les préoccupations importantes tel
l'environnement passe en seconde place par rapport aux bagarres stériles
de constitution et de langue de 1970. C'était Isabelle Courville. Je
pense qu'aujourd'hui il y a une conscience environnementale de plus en plus
grande au Québec. Je pense qu'on commence à répondre
à cela et que les gens voient clairs dans tous ces dossiers.
J'ai rencontré les groupements environnementaux chez Noranda
après cette chose. Après leur avoir expliqué notre
position, ils ont compris. Je crois que le public comprend parce que le public
veut des résultats tangibles. Il ne veut pas de grandes paroles comme
celles d'un de mes prédécesseurs à qui je demandais, par
exemple, dans le cas de Noranda: Comment avez-vous pu omettre l'usine d'acide
sulfurique de votre règlement de 1979? Il me disait: Cela ne pouvait pas
être mis dans la loi ou dans le règlement comme tel parce qu'il
aurait fallu avoir autant d'articles qu'il y avait d'entreprises, d'industries
et de municipalités au Québec. Cela aurait été un
peu trop gros. C'est pour cela que ce n'était pas comme tel dans la
loi.
Avant de venir nous faire la morale, nous dire qu'on a peur des
entreprises, qu'on ne fait pas assez pour l'assainissement industriel, il faut
certainement avoir une mesure de comparaison. Je ne dis pas qu'on a fait des
choses mirobolantes. Je ne dis pas que l'assainissement industriel au
Québec se porte le mieux possible. Je ne dis pas qu'on est aussi
sévères envers les industries qu'on le devrait. Je ne dis pas
qu'on a assez de ressources. Je conçois tout ce que vous dites. Ce que
je dis, c'est qu'on fait des pas substantiels et significatifs en avant, et de
façon intelligente, raisonnée, autour d'une politique qu'on suit,
de façon déterminée et même à la lettre dans
les champs d'action que nous nous sommes précisés.
Donc, je pense que le public commence à voir qu'il y a un
dessein, que tout cela forme un tout, que les ministères du gouvernement
collaborent pour changer l'environnement au Québec. Je réalise,
en visitant les groupements écologiques - ce soir, je vais aller
discuter avec l'un d'eux - qu'ils commencent à comprendre que les choses
changent au Québec. Je pense que l'environnement va se porter beaucoup
mieux dans quelques années d'ici. le Président (M. Saint-Roch):
Merci, M. le ministre. M. le député de Verchères.
M. J@an-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: M. le Président, le ministre a
utilisé avec beaucoup d'emphase le mot scandale pour essayer de
qualifier l'action du précédent gouvernement dans un dossier
particulier. Je pourrais lui renvoyer la balle et lui dire que c'était
un scandale, quand on est arrivés au pouvoir, de voir comment le
gouvernement libéral s'était comporté dans le domaine de
l'assainissement des eaux. Rien n'avait été fait de façon
significative dans le domaine de l'assainissement des eaux. C'est le
gouvernement du Parti québécois qui a mis le programme
d'assainissement des eaux en place, que vous continuez maintenant. C'est le
gouvernement du Parti québécois qui a créé le
ministère de l'Environnement. C'est le gouvernement du Parti
québécois qui a fait ie règlement sur les déchets
dangereux, que vous appliquez maintenant et qui doit être
amélioré. C'est le gouvernement du Parti québécois,
vous l'avez reconnu, qui a adopté le règlement sur les
émissions acides. Je pourrais continuer dans plusieurs domaines pour
démontrer que c'était un scandale, sous l'autorité du
même premier ministre, M. le Président, quand nous sommes
arrivés en fonction en 1976. Si le ministre veut que je Sui fasse un
aveu pour lui dire que pendant les années où on a
été en fonction - pour lesquelles, de toute façon, je
n'étais pas au gouvernement et donc pas au pouvoir - on n'a pas tout
fait, comme lui n'a pas tout fait, je vais lui faire cet aveu volontiers. Mais
une fois cet aveu fait, il ne viendra pas me reprocher aujourd'hui de faire mon
travail de député d'Opposition, de faire mon devoir. Mon devoir
c'est quoi? C'est de lui poser des questions, c'est de l'interpeller et c'est
de faire en sorte que les citoyens qui nous écoutent et qui suivent
l'action du gouvernement et du ministre de l'Environnement aient des points de
comparaison, pas uniquement par rapport à des gouvernements
précédents, pas uniquement par rapport à des situations
antérieures, mais par rapport à ce que ce gouvernement dit et
fait.
II y a un problème de distinction entre langage et action. Le
langage du ministre de l'Environnement actuel est parfait, extraordinaire; je
n'ai rien à lui reprocher à cet égard. Il tient un
discours environnementaliste, il est lui-même un écologiste de
conviction. Ce n'est pas cela le problème. Le problème, c'est:
Est-ce qu'on a les moyens de sa politique? Est-ce qu'on a les ressources
nécessaires? Et est-ce qu'on est pris au sérieux par les gens qui
doivent nous prendre au sérieux? C'est ma responsabilité
d'interpeller le ministre comme je le fais aujourd'hui. Le ministre me dit,
aveu bien candide, aveu bien tardif et aveu rapide: D'accord, c'est vrai qu'on
n'est peut-être pas assez sévères. C'est vrai qu'on n'a
peut-être pas assez de ressources. C'est aberrant, M. le
Président. On vient d'avoir un budget dans une période de vache
grasse. Et qu'est-ce que le ministre des Finances fait, qu'est-ce que le
gouvernement a fait et qu'est-ce que le ministre de l'Environnement
solidairement a accepté de faire? Ils ont accepté de faire du
tape-à-l'oeil aux concitoyens, lis ont accepté de préparer
les prochaines élections et donc de réduire les impôts. Ils
ont accepté, non pas de s'attaquer à des urgences et à des
priorités et mettre les ressources nécessaires en
conséquence, mais ils se sont plutôt intéressés
à faire du tape-à-l'oeil. Et ils voudraient aujourd'hui qu'on
leur donne la bénédiction et qu'on leur dise: Vous êtes
beaux, vous êtes parfaits, vous êtes extraordinaires, vous avez
fait cela mieux que n'importe qui avant vous. Si c'était si
extraordinaire que cela, peut-être que le ministre de l'Environnement
aurait réussi à convaincre son collègue du
ministère des Finances de lui donner les ressources nécessaires
pour embaucher les personnes qu'il faut pour faire le travail qui doit
être fait.
Le ministre me dit: On n'est peut-être pas assez
sévères et on n'a peut-être pas assez de ressources. Il
faut le faire. Il faut le faire après un budget comme celui qui nous a
été présenté, et pas dans une période de
crise économique. L'aveu du ministre de l'Environnement actuel, ce n'est
pas l'aveu d'un ministre qui arrive en fonction, qui est en fonction depuis
trois semaines. Ce n'est pas l'aveu d'un ministre qui nous dit ce qu'il nous
dit dans une période de situation économique difficile, dans une
période de crise économique. Ce n'est pas cela. Le ministre qui
est devant nous vit dans un contexte économique très favorable,
qui a amené des revenus inespérés au gouvernement. Il est
en fonction depuis près de trois ans maintenant. C'est cela la
situation. Il voudrait qu'on se comporte comme si on était en campagne
électorale. C'est lui qui essaie de faire le procès du
précédent gouvernement qui a été jugé par
les citoyens alors que notre responsabilité, c'est de l'interroger, lui,
et de l'interpeller, lui, pour les gestes que lui est en position de poser, est
en droit de poser, est en devoir de poser.
M. le Président, je ne me laisserai pas charrier par ie ministre
de l'Environnement comme il a essayé de le faire tantôt avec un
beau tableau quand le ministre des Finances, lui, réussit à duper
tout le monde au Québec et à faire croire qu'on s'attaque
à l'environnement, alors que, selon les aveux que le ministre nous fait
actuellement, on ne retrouve aucune ressource, dans le budget qui nous a
été présenté, pour s'y attaquer. C'est cela la
situation. Il y a toujours bien des limites à essayer de faire croire
aux gens qu'on s'occupe des urgences, alors qu'on n'a même pas les
ressources nécessaires. Ce n'est pas tout de publier un document qui
s'appelle Pour un nouveau cap environnemental, il faut qu'il y ait un
virage environnemental budgétaire et il ne s'est pas produit, M. le
Président, alors qu'il aurait dû se produire.
Par les questions que j'ai posées au ministre aujourd'hui, je ne
l'ai pas pris par surprise. Il y a un mois et demi, je lui en ai posé
à l'étude des crédits. Le ministre nous reproche de ne pas
toujours lui poser des questions en Chambre, mais il sait très bien, le
jeu parlementaire étant ce qu'il est, qu'il n'y a pas juste la
période de questions. On est 20 députés à vouloir
poser des questions sur toute une série de sujets. Mais il y a
l'étude des crédits qui est importante. Malheureusement, elle n'a
pas été couverte par les médias. Même les choses
qu'on lui a dites il y a un mois et demi, c'était bien avant le discours
sur le budget. S'il avait l'influence qu'il prétend avoir, si le premier
ministre était aussi conscient qu'il le dit des questions
environnementales, si le ministre des Finances était aussi conscient des
questions environnementales, si son collègue de la Justice était
aussi conscient, est-ce qu'il serait aujourd'hui en mesure de nous dire:
Écoutez, on n'a peut-être pas encore les ressources, je vais
encore aller demander au ministre de la Justice des avocats additionnels? Non,
il nous aurait annoncé des ressources additionnelles dans le discours
sur le budget et il s'en serait vanté. Ce n'est pas cela qu'on a fait.
On a préféré réduire les taxes et les impôts
des gens pour que ce soit efficace un peu cette année et surtout
l'année prochaine, alors qu'on sera peut-être en mesure de faire
des élections anticipées, surtout parce qu'on sera mal pris avec
le dossier de la langue. C'est comme s'il fallait choisir entre la langue, la
constitution et l'environnement. Non, on n'a pas à choisir parce que ces
dossiers sont tous aussi importants les uns que les autres. L'importance qu'un
gouvernement accorde à un dossier est en fonction des moyens financiers
qu'il met à la disposition de quelqu'un. Autrement, c'est du blabla, ce
sont des paroles en l'air. C'est ce que je dis aujourd'hui au ministre. Vous
n'avez pas les moyens de vos paroles. Vous n'avez pas les moyens de votre
fermeté verbale, vous n'êtes pas en mesure actuellement de faire
le jars devant les entreprises du Québec et devant les pollueurs. Vous
avez beau publier un bilan environnemental et avoir un beau titre dans le
Journal de Mont-
real d'aujourd'hui qui dit: Maintenant, le ministre va être viril.
Une action environnementale contre les gros pollueurs... Je regarde cela:
"Québec sera plus viril contre les gros pollueurs. " Ce journal est
distribué à environ 1 000 000 de lecteurs au Québec
aujourd'hui par le plus gros quotidien français d'Amérique. Vous
êtes chanceux, vous êtes content d'avoir votre manchette. Mais ce
que vous n'avez pas dit aux gens, c'est que vous n'avez pas les moyens de
répondre à votre déclaration. Vous n'avez pas les moyens
de livrer la marchandise et c'est ma responsabilité de le dire aux gens.
Vous n'avez pas assez d'avocats pour menacer les entreprises, vous n'avez pas
assez d'inspecteurs pour que ce soit efficace et vous ne mettez pas. assez de
ressources cette année. Vous n'en avez pas assez mis l'année
dernière et vous n'en mettrez pas assez dans les prochaines
années sur ce qui est déjà annoncé pour que ce soit
vraiment pris au sérieux. C'est cela la réalité.
Le ministre pourra faire tous les tableaux qu'il voudra, la
réalité, c'est que dans quelques années, si cela continue
sur l'erre d'aller actuelle, on sera dans la situation décrite par le
journal The Gazette il n'y a pas si longtemps. Pas par Le Devoir,
pas par le journaliste que le ministre a essayé de ridiculiser et
qui a pourtant gagné le prix Olivar-Asselin. C'est un des meilleurs
journalistes au Québec. On sera encore à attendre dans quelques
années des actions énergiques alors que nos voisins en sont
déjà à l'étape d'imposer des amendes
sévères, d'entreprendre des poursuites efficaces, de
débattre des causes qu'ils gagnent devant les tribunaux et d'obtenir des
condamnations exemplaires. Le ministre n'en est pas rendu là, n'a pas
les moyens de les poursuivre. Il n'a pas les moyens d'établir une preuve
suffisante et d'obtenir des condamnations. Il ne fait rien pour que l'appareil
judiciaire se branche sur la réalité des citoyens.
Je termine, M. le Président, parce que vous me faites signe que
mon temps est écoulé. Je rappellerai une chose au ministre, en
guise de conclusion. À l'étude des crédits, je lui avais
rappelé les résultats d'un sondage qui disait que les citoyens -
parce qu'il nous parlait des sondages tantôt et je lui en avait
parlé avant - qui considèrent l'environnement comme une des
choses les plus importantes - on est d'accord sur cela - se disaient
prêts, M. le Président, à voir augmenter leurs taxes et
leurs impôts pour que leur gouvernement s'attaque au dossier
environnemental, s'attaque aux pollueurs de sorte qu'on ait un assainissement
réel de notre milieu de vie. C'était l'opinion des citoyens et
des citoyennes. Et savez-vous ce que le ministre m'a répondu? Savez-vous
la première chose que j'ai faite? J'ai pris l'article et je l'ai
donné au ministre des Finances. C'était un mois et demi avant le
discours sur le budget. Quelle a été l'efficacité d'avoir
transmis l'article de journal en question au ministre des Finances? Ses
convictions n'ont pas été très fortes. Il n'y a rien eu
dans le discours sur le budget qui aurait permis au gouvernement de faire cela.
Il n'y a pas eu d'augmentation de taxes et d'impôts. On a diminué
les taxes et les impôts parce que c'est du tape-à-l'oeil. Je
demande aux citoyens qui nous écoutent ce qu'ils veulent. Qu'est-ce
qu'ils veulent, M. le Président?
M. Lincoln:... en plus, moi?
M. Charbonneau: Non, non, c'est mon droit de réplique.
C'est cela le jeu parlementaire.
M. Lincoln: C'est parlait à ce moment-là. Si j'ai
dix minutes, il a dix minutes. Autrement, donnez-moi deux minutes.
Le Président (M. Saint-Roch): Non. En conclusion, M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: Ma conclusion, M. le Président, c'est
cela. Je demande aux citoyens qui nous écoutent: Est-ce que c'est plus
important d'avoir une petite baisse de taxes et d'impôts qui, dans le
fond, n'est pas si significative que cela, surtout quand on l'étale sur
une année, ou d'avoir un gouvernement qui prend ses
responsabilités et qui donne les moyens au ministre de l'Environnement
de pouvoir se vanter d'avoir attaqué les gros pollueurs et d'être
pris au sérieux? Tant que le gouvernement n'aura pas donné au
ministre de l'Environnement les moyens de sa politique, on sera ici pour lui
poser des questions, que cela plaise ou non au ministre de l'Environnement.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Verchères. La commission de l'aménagement
et des équipements ayant maintenant accompli son mandat, soit de
procéder à l'interpellation adressée au ministre de
l'Environnement par le député de Verchères sur le sujet
suivant: l'environnement, ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 3)