L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de l'aménagement et des équipements

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'aménagement et des équipements

Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le vendredi 27 mai 1988 - Vol. 30 N° 24

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Interpellation: L'environnement


Journal des débats

 

(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'aménagement et des équipements entreprend maintenant ses travaux pour procéder à l'interpellation adressée au ministre de l'Environnement par le député de Verchères sur le sujet suivant: l'environnement. Est-ce qu'il y a des remplaçants, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y aucun remplacement.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le secrétaire. Avant de commencer, j'aimerais rappeler les modalités de notre interpellation aujourd'hui. Dans un premier bloc de 20 minutes, je reconnaîtrai M. le ministre et M. le député interpellant pour une période égale. Dans un deuxième temps, nous aurons un bloc de 80 minutes réparties de la façon suivante: un député de l'Opposition, M. le ministre et un député ministériel en alternance pour 80 minutes et une conclusion de 20 minutes réparties à parts égales entre M. le ministre et M. le député Interpellant. Sur ceci, s'il n'y a pas d'autres commentaires, je vais maintenant reconnaître M. le député de Verchères.

Exposé du sujet M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Quand j'ai vu hier et ce matin le ministre de l'Environnement rendre public le premier bilan environnemental, mon premier réflexe a été de dire: C'est un truc de la part du ministre pour encore une fois, comme lui et plusieurs de ses collègues le font habilement depuis deux ans et demi, prendre toute Texposure" publique. J'ai pensé: Bon, finalement, ce que l'Opposition va amener dans le débat n'aura pas tellement d'importance, ce qui va encore ressortir ce sera l'opinion du gouvernement. Après, je me suis dit, à la réflexion: Non, voyons cela plutôt avec une approche positive et, au contraire, je suis finalement fort heureux que ce soit arrivé comme cela et qu'on ait devant nous aujourd'hui le bilan gouvernemental que le ministre nous a présenté.

Ce bilan est important, significatif, mérite qu'on s'y attarde et surtout qu'on s'y attaque. Si on veut simplifier, finalement, on se rend compte que la pollution nous coûte entre 3 000 000 000 $ et 5 000 000 000 $ par année au Québec et que, dans presque tous les domaines, il y a une détérioration de la situation. C'est évident que je ne veux pas imputer au ministre qui est devant moi ou au gouvernement la détérioration de la situation. Ce n'est pas vrai que la détérioration a commencé il y a deux ans et demi. Sauf qu'au Québec on est affecté par une détérioration dans le domaine atmosphérique, même s'il y a eu des améliorations, on est beaucoup affecté en ce qui concerne nos sols et nos ressources fauniques, on est beaucoup affecté aussi, et probablement d'une façon fort dramatique, dans le secteur de l'eau. Je ne referai pas le bilan. Je ne sais pas si le ministre va profiter de sa première intervention et de certaines de ses interventions pour en parler. Peut-être et tant mieux d'une certaine façon, mais je lui laisse la responsabilité de reprendre des éléments du bilan gouvernemental.

Moi, ce qui m'a intéressé outre le bilan qui mérite une attention particulière de nos concitoyens, c'est la déclaration du ministre que j'ai entendue au téléjournal hier et que, ce matin, j'ai revue dans certains journaux, a savoir que le gouvernement maintenant allait se montrer beaucoup plus sévère à l'endroit des gros pollueurs. C'est une affirmation que le ministre nous a faite récemment à l'occasion de l'étude des crédits. À ce moment-là, j'avais mis beaucoup d'insistance et d'attention sur ce qui, à mon avis, est actuellement le problème crucial à l'égard de ce qui doit être fait au Québec dans le domaine de l'environnement. Il ne suffit pas d'avoir des règlements adéquats ou des lois adéquates, ni des énoncés de politiques adéquates, comme on en a eu un, il y a quelques mois, quand le ministre a publié Un nouveau cap environnemental. Ce qu'il faut aussi, c'est avoir les moyens de corriger les situations. C'est avoir la volonté politique de corriger les situations et que cette volonté politique se traduise dans des actions et dans des instruments qui soient à la disposition du gouvernement, qui soient effectivement efficaces et qui donnent des résultats.

À mon avis, il y a trois critères qui nous permettent d'évaluer la volonté politique et la façon dont le gouvernement peut se comporter à l'égard de ce problème-là, la fermeté qu'il doit avoir et qu'on annonce maintenant comme devant être encore plus vigoureuse au cours des années qui viennent à l'égard des pollueurs. Il y a les moyens et les ressources que le gouvernement a pour son appareil de surveillance, de contrôle, de répression et de poursuite. Deuxièmement, il y a les messages que le gouvernement donne, par l'intermédiaire du ministre de l'Environnement, d'autres ministres, le premier ministre et le ministre de la Justice, à l'appareil judiciaire. Troisièmement, il y a l'attitude du gouvernement, bien sûr, celle du ministre de l'Environnement, mais celle d'autres personnes en autorité dans l'appareil gouvernemental, envers les pollueurs privés et publics.

D'une certaine façon, ce que je veux faire ce matin, c'est démontrer, imparfaitement parce que le temps est limité... En effet, s'il fallait

prendre en détail chacun des dossiers, les multiplier, c'est évident qu'on pourrait en ajouter plusieurs et qu'on pourrait aussi faire des nuances qui s'imposent. Il ne s'agit pas, et je n'en ai pas le goût ce matin, de faire une opération de démagogie qui va nous amener à dire: II y a du noir et il y a du blanc. Mais entre ne pas faire de démagogie et donner l'impression que tout est correct, que, maintenant, les choses vont bon train et que le gouvernement agit comme il devrait agir, il y a une marge.

Je vais, d'abord, commencer par les moyens de contrôle, de surveillance et de répression que le gouvernement a à sa disposition. En fait, on a abordé cette question à l'étude des crédits. Malheureusement, et je pense que le ministre en conviendra les médias ne se sont pas tellement intéressés au travail qu'on a fait à ce moment-là. D'une certaine façon, ce qu'on a dit n'a pas eu de résonance. Alors, je le reprends aujourd'hui parce qu'à mon avis c'est important.

À ce moment-là, on avait demandé au ministre: Est-ce que vous avez assez d'inspecteurs pour faire tout le travail de contrôle et de surveillance que nécessite le nombre de lois et de règlements que nous avons à faire appliquer au Québec dans le secteur de l'environnement? Le ministre avait reconnu que non, il n'avait pas assez d'inspecteurs. Il nous a dit: On a fait des améliorations substantielles. Il reconnaissait qu'il n'y avait pas assez de personnes en action pour faire ce travail de contrôle et de surveillance.

En fait, quand on reprend les chiffres, le ministre nous a dit à l'étude des crédits qu'il y avait 57 personnes à l'emploi du ministère comme inspecteurs en hygiène publique, 151 comme techniciens en eau et en assainissement et 134 autres comme techniciens ou inspecteurs dans différentes disciplines. Cela fait 342 personnes ayant le titre de technicien ou d'inspecteur. A priori, c'est beaucoup au premier coup d'oeil. Mais quand on regarde les éléments additionnels qui nous ont été communiqués à ce moment-là, on se rend compte qu'il y a seulement 20 % du temps de ces personnes qui sont consacrés exclusivement à l'inspection. En fait, quand on ramène cela en personnes-années qui ont une tâche complète d'inspection, on se rend compte que c'est à peu près 68,4 personnes-années qui sont affectées à des tâches d'inspection. Ce n'est pas beaucoup. Non seulement le ministre reconnaît que ce n'est pas beaucoup, mais, en plus, il y a le problème de la déficience de formation de ces gens auquel il a commencé à s'attaquer. Je pense qu'on n'a pas à lui faire de reproches à cet égard. Il a engagé des spécialistes d'enquête et d'investigation pour amener les inspecteurs à être plus efficaces.

Mais le problème en est un de moyens. Ce problème de moyens est le même pour les inspecteurs que pour une autre catégorie de fonctionnaires importants sur le plan stratégique si on veut que la déclaration que le ministre a faite hier soit prise au sérieux, c'est-à-dire les gens qui sont chargés d'analyser les dossiers sur le plan juridique et de poursuivre les contrevenants, les pollueurs, d'autoriser les poursuites et de faire la preuve devant les tribunaux.

M. le Président, on est dans une situation catastrophique. Il n'y a pas beaucoup d'avocats au ministère de l'Environnement. À ma connaissance, il n'y en a pas une dizaine. En fait, il y en a treize qui existent. Mais, ce qui est le plus dramatique et le plus significatif, c'est que le ministre nous a dit, à l'étude des crédits et auparavant lorsqu'on l'avait interrogé à l'Assemblée nationale: J'ai demandé au ministère de la Justice - parce que ce sont eux qui sont responsables d'affecter des procureurs - qu'on me donne des procureurs additionnels et j'attends la réponse. J'espère que je vais en avoir, mais je n'en ai pas encore eu. En fait, il reconnaissait que pour les effectifs au plan de l'inspection c'était peu comparable à ce qui se fait en Ontario, par exemple. Quand il nous a parlé des effectifs additionnels qu'il avait demandés, il nous a dit: C'est une question budgétaire. Jusqu'à maintenant, je n'ai pas eu les effectifs additionnels que j'ai demandés, mais j'espère que cela va suivre. C'était avant le discours sur le budget. C'était avant que le ministre nous fasse sa déclaration d'hier après-midi, à l'égard de son attitude face aux pollueurs, dorénavant.

Mais, alors que le ministre des Finances est venu nous indiquer dans son budget que le gouvernement s'attaquerait maintenant d'une façon prioritaire aux problèmes environnementaux, on s'est rendu compte qu'H n'y avait dans le discours sur le budget rien de neuf par rapport à ce qui était connu. En fait, on n'a été capable de dégager aucun moyen financier substantiel pour permettre au ministre de l'Environnement d'avoir une équipe juridique efficace.

Le ministre va nous dire: On a engagé récemment un procureur qui va s'occuper de réorganiser notre service juridique. On lui a dit qu'on était bien d'accord avec cela, bien content de cela. Mais ce n'est pas suffisant, M. le Président. Ce n'est pas suffisant, parce que si on n'a pas les avocats en nombre suffisant, si on n'a pas les inspecteurs en nombre suffisant, la déclaration qu'on a entendue hier et qui est reprise dans les journaux aujourd'hui ne veut rien dire. On ne peut pas prendre le gouvernement au sérieux. Personne ne va le prendre au sérieux. Les pollueurs !e savent très bien. On verra tantôt quelle est leur attitude, à ces gens-là? Ils ne se sentent pas menacés. Ils ne sont pas insécurisés par l'attitude du gouvernement face à eux parce qu'ils savent très bien que le gouvernement n'a pas les moyens de ses fanfaronnades. Le gouvernement n'est pas en mesure actuellement d'être ce qu'il nous a dit qu'il serait à partir de maintenant, soit beaucoup plus ferme, beaucoup plus vigoureux, beaucoup plus viril à l'endroit des pollueurs industriels en

particulier. Ce sont eux les plus dangereux si on prend juste en considération les conclusions du bilan environnemental qui nous a été présenté hier. Voilà, M. le Président, pour le moment.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Verchères. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre.

Réponse du ministre M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, tout d'abord, je comprends très bien la situation du député de Verchères. Je pense qu'il est tout à fait normal pour l'Opposition de trouver des failles dans la machine. Il y en aura toujours, il y en a beaucoup, je le conçois très sincèrement. Je n'ai jamais dit qu'on allait tout faire en un jour. Il y a beaucoup de failles dans la machine. C'est vraiment un témoignage de franchise de la part du gouvernement que de produire un bilan environnemental qui dit les choses comme elles sont, qui démontre que l'environnement ne se porte pas bien au Québec, qu'il y a beaucoup de choses à faire dans plusieurs domaines. Je pense que notre gouvernement et tous les gouvernements ont des défis tellement complexes, tellement immenses dans le domaine de l'environnement qu'on ne va pas solutionner tous ces problèmes en un jour. Mais peut-être qu'il faut voir les progrès qui ont été faits depuis deux ans. Il faut voir où nous étions et où nous sommes aujourd'hui. Je pense que la seule façon de mesurer les choses, c'est de se demander si on fait des pas en avant, si on reste en place ou même si on fait des pas en arrière.

Lorsque ce gouvernement a gagné les élections, a pris le pouvoir, et que nous sommes arrivés moi et le nouveau sous-ministre qui est arrivé presque en même temps que moi, nous avons demandé: Combien de priorités a-t-on au ministère. On a dit quelque chose comme 141 priorités. On s'en allait comme Don Quichotte face aux moulins à vent: dans toutes les directions à la fois. On n'avait aucun objectif central, aucune priorité précise, pas de champ d'action précis. La première chose qu'il fallait faire, c'était donner au ministère une politique, des objectifs précis, des grands principes d'action, privilégier certains champs d'action précis. On a réussi à réduire nos priorités à 17 priorités bien précises.

On a produit un bilan de l'environnement qui constitue une première parmi les provinces canadiennes. On est la première province canadienne à avoir produit ce bilan de l'environnement. C'est quelque chose qui va nous permettre de mesurer les actions futures du ministère par rapport à des données de base. À partir de l'automne, nous allons produire des bilans spécifiques dans des domaines spécifiques. On va commencer par l'eau potable, on va aller dans d'autres champs d'action. On va avoir des bilans beaucoup plus précis afin que le public, d'année en année, puisse mesurer les résultats qu'on aura obtenus par rapport à ces bilans de départ.

Ce que je peux dire au député, c'est que je conçois que Ses choses ne sont pas rosés au Québec, je conçois qu'il y a beaucoup de choses à faire. Mais, en même temps, si on est franc, il faut admettre que beaucoup de choses ont été faites. Si on ajoute les réalisations que nous avons faites depuis le début de 1986, en plus de la politique - et je suis d'accord qu'il pourra dire: Une politique, ce sont des mots, mais je parle des réalisations concrètes - je pense que cela prendrait plusieurs minutes du temps de chacun pour les énumérer. On peut penser, par exemple, à la loi sur les non-fumeurs, qui était là sur les tablettes pendant des années. On a été la première province canadienne à le faire. Je pense à la Loi sur les pesticides. Le Québec est la seule juridiction nord-américaine sans une Loi pour contrôler les pesticides, un fléau chimique. Là, nous sommes arrivés avec une loi sur les pesticides qui est une loi d'avant-garde aujourd'hui, au Canada, où on a mis des moyens financiers pour nous appuyer. On a même une équipe de 19 personnes, aujourd'hui, qui n'existait pas au ministère hier et demain, ce sera une équipe de 26 personnes pour contrôler le domaine des pesticides. On n'avait pas de politique pour contrôler l'érosion des berges et des rives au Québec. On faisait cela à la pièce. Pour la première fois, nous avons une politique sur les rives. En ce qui concerne les réserves écologiques, il y a eu seulement treize réserves écologiques dans treize ans d'administration au Québec. Là, nous sommes en train de façonner 38 réserves écologiques additionnelles.

On a fusionné le Conseil consultatif de l'environnement et le Conseil consultatif sur les réserves écologiques pour en faire un Conseil de la conservation et de l'environnement. On a travaillé avec toutes les provinces canadiennes pour produire un rapport d'envergure, le rapport sur l'économie et l'environnement, qui déjà voit des réalisations concrètes. Le plan d'action Saint-Laurent, ce ne sera pas seulement des paroles, cela va être des actions appuyées financièrement. Nous allons aller chercher l'argent du fédéral. Le député peut bien dire que ce sont de belles paroles, on verra dans l'avenir. (10 h 30)

On va faire quelque chose, on va dépolluer le Saint-Laurent. On est déjà devenu la première province à établir une table ronde économie-environnement avec les ministres du secteur économique: celui de l'Industrie et du Commerce, le ministre délégué aux Forêts et moi-même, avec des intervenants du monde syndical, des intervenants du monde écologique et des universités. Tout ce monde qui va travailler ensemble afin de faire changer l'environnement, cela n'existait pas avant. Pour la première fois aujourd'hui, on se dirige vers une consultation

publique dans sept régions du Québec pour établir une stratégie de la conservation au Québec. Et j'en passe et j'en passe!

Il y a des réalisations qui, depuis deux ans, ont changé la face de l'environnement au Québec. Je ne veux pas me vanter ici, nullement, mais, en même temps, il faut réaliser que des choses se font. I! faut réaliser qu'à partir d'un point de départ nous avons fait beaucoup de pas en avant. Pour l'assainissement industriel, on pourra dire qu'on est très déficient ici. C'est très bien de dire: Bon, vous n'avez que 68,4 inspecteurs; il faudrait savoir combien d'inspecteurs on avait avant.

Nous allons produire, dans les semaines qui suivent, aussitôt qu'on aura du temps pour la produire, une stratégie d'assainissement industriel. Le député, a priori, a comme principe et comme théorie que la seule façon de contrôler les effluents d'entreprises polluantes, comme les grosses industries, c'est d'avoir des équipes qui vont aller surveiller d'une industrie à l'autre. Mais je vais lui dire, pour avoir vécu plusieurs systèmes, pour avoir visité des organismes, des gouvernements qui ont des systèmes en place, pour avoir parlé à beaucoup de gens, qu'il y a différents types de contrôles qu'on peut envisager. Il ne perd rien pour attendre. On va déposer notre politique d'assainissement industriel. Cela a passé la première étape du Conseil des ministres pour aller en consultation. Maintenant, c'est prêt pour être officialisé. Pour la première fois, on va aller en consultation là-dessus et on va revenir chercher des décisions finales du Conseil des ministres après notre consultation. Cela va définir des moyens très concrets pour le contrôle de la pollution industrielle. Ces contrôles de la pollution industrielle vont se faire de façon qu'il va trouver qu'ils sont intelligents; ils ont été vérifiés dans plusieurs juridictions pendant des années avec beaucoup de succès et ils vont aussi être appuyés par des moyens financiers.

La première année où on va dévoiler la politique d'assainissement industriel... Naturellement, nous sommes presque déjà rendus maintenant à la moitié de l'année fiscale qui a commencé le 1er avril. Mais, là, il va y avoir des sommes d'argent qui vont être prévues d'année en année, et, lorsque ce programme prendra de l'ampleur - c'est un programme de dix ans qui va cibler le gros des industries polluantes dans quatre secteurs prioritaires, 5 % des industries qui produisent 80 % de ia pollution au Québec - nous allons atteindre un chiffre de dépollution dans dix ans de 75 %.

Ce ne seront pas seulement des mots. Tout est défini dans ce document de travail qu'on a déjà testé auprès des associations industrielles qui, naturellement, ne sont pas contentes de beaucoup de ces dispositions, mais qui vont avoir à vivre avec elles parce que les temps ont changé au Québec et il faut que l'économie et l'environnement commencent à marcher de pair.

Si on ne peut pas le faire de façon coopérative pour certaines industries qui vont continuer à polluer, on va le faire de façon coercitive et sans aucun problème.

Le député dit que, dans le budget, il n'y avait rien pour l'environnement. Excusez-moi, je ne veux pas manquer de respect mais, je trouve cela un peu démagogique, parce qu'il y a deux façons de faire des choses. Il y a une façon qui est de mettre cela dans le budget, mais il y a également une façon d'annoncer des programmes hors du budget.

Prenez le programme d'assainissement agricole. On l'a annoncé un mois avant le budget. Pourquoi aurait-on attendu le budget, puisqu'on avait l'argent? C'est 388 000 000 $ de nouvel argent que le Québec a mis là-dedans. Cette année-ci, seulement 12 000 000 $; l'année prochaine, 25 000 000 $; l'année d'après, 40 000 000 $ et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'on arrive à 388 000 000 $. Les agriculteurs vont mettre 156 000 000 $ de leur propre argent. C'est un programme nouveau. C'est un programme dont on avait besoin. C'est pourquoi il faut à tout prix que nous nous concentrions sur ces champs prioritaires que nous avons choisis dans le "cap environnemental". Qu'on se concentre là-dessus et qu'on fasse des pas en avant petit à petit. On ne va pas changer les choses d'un jour à l'autre, on ne va pas promettre le ciel pé-quiste, mais on va faire des choses, on va réaliser des choses concrètement, systématiquement, avec un objectif bien précis et dans des champs d'action prioritaires sélectionnés avec soin et, je pense, avec raison.

Le Président (M. Sairrt-Roch): Je vous remercie, M. le ministre. Je reconnais maintenant M. le député de Verchères.

Argumentation M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: M. le Président, la couleur des cieux varie selon la couleur des partis qui se retrouvent au pouvoir, mais, comme le temps est limité, je ne m'étendrai pas trop longtemps sur la couleur du ciel. Je voudrais simplement dire au ministre que je ne disconviens pas que des choses ont été faites dans la même mesure où je sais qu'il va reconnaître, et il l'a déjà fait, que nous aussi, lorsqu'on était là, on a fait des choses importantes. On a créé le ministère de l'Environnement qui n'existait pas, on a mis sur pied le programme d'assainissement des eaux qui n'existait pas. C'est nous qui avons mis en place le programme d'assainissement du secteur des pâtes et papiers, le règlement sur les déchets dangereux et je pourrais vous en faire un catalogue.

Je conviendrai avec vous que, lorsque vous êtes arrivés au pouvoir, il y avait des lacunes. L'une des principales lacunes, M. le Président,

c'est celle dont je parle ce matin: le problème d'avoir un appareil de contrôle et de surveillance efficace, problème qu'on n'avait pas réglé quand on était là, problème que le ministre n'a pas encore réglé et qu'il n'est pas en mesure de régler parce qu'il n'a réussi à convaincre ni le premier ministre, ni le ministre des Finances, ni ie président du Conseil du trésor, ni l'ensemble du cabinet, de lui donner les ressources nécessaires. Il l'a reconnu lui-même aux crédits. Aujourd'hui, il ne le redira peut-être pas parce qu'on sait que l'interpellation est plus suivie, mais c'est cela, la réalité! Vous avez vous-même reconnu que vous aviez besoin de plusieurs avocats. Vous avez dit tantôt: S'il le faut, on sera plus sévères. Mais, vous ne pourrez pas être plus sévères si vous n'avez pas les moyens de l'être.

Il y a un autre problème qui est iié à cela, M. le Président, c'est le message que le gouvernement doit envoyer à l'appareil judiciaire. Je veux bien comprendre que l'appareil judiciaire dans notre société, c'est un pouvoir indépendant du pouvoir politique et du pouvoir législatif, il n'en demeure pas moins que l'appareil judiciaire doit, à un moment donné, s'enligner. Combien a-t-on eu de poursuites? Le nombre de poursuites est une indication de la capacité du gouvernement de surveiller et de poursuivre: 50 poursuites seulement ont été intentées l'an dernier en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement et il y a eu 25 condamnations. Et quand on a seulement une demi-efficacité, c'est probablement - le ministre le sait très bien - parce qu'on n'est pas capable de présenter des dossiers suffisamment étoffés en cour et que la moitié de ces dossiers sont rejetés faute de preuves, faute d'un dossier suffisamment étoffé à la cour.

Mais qu'est-ce que tout cela donne? Cela donne des condamnations ridicules, M. le Président. La plus grosse condamnation au Québec date de 1975. C'était 45 000 $ contre une carrière à Sainte-Thérèse. Après cela, les autres condamnations importantes: en 1979, une entreprise qui a fait un déversement de mercure a été condamnée à 15 000 $ d'amende et une autre entreprise a été condamnée à 7500 $ en 1984. En comparaison, en Ontario, certaines entreprises ont été condamnées; par exemple, Imperial Oil, pour des déversements d'essence a été condamnée à au-delà de 100 000 $, d'amende soit à 108 000 $, en mars 1988, il n'y a pas longtemps. Hydro-Ontario a été condamnée à 171 000 $ pour un entreposage inadéquat de BPC. Il y a une prise de conscience plus grande chez nos voisins par rapport à l'appareil judiciaire, ce que nous n'avons pas ici. On est en droit de s'attendre du ministre de l'Environnement, du ministre de la Justice, du Procureur général et du premier ministre à des signaux clairs à l'appareil judiciaire. Cela n'a pas de bon sens qu'on se retrouve au Québec avec des juges qui n'ont pas la sensibilité que les concitoyens ont maintenant à l'égard de l'environnement. Ce n'est pas un blâme que j'adresse nécessairement au ministre, parce qu'il n'est pas le seul responsable, mais il a une responsabilité à cet égard parce que, comme ministre de l'Environnement, il doit s'assurer que le gouvernement dans son ensemble fasse en sorte que l'appareil judiciaire ait compris les messages, soit adapté à la situation moderne.

Quand on regarde tous les sondages, on se rend compte que, pour nos concitoyens, l'une des principales préoccupations, c'est l'environnement et voyez les sentences ridicules qui sont données par les magistrats! Les magistrats ne peuvent pas se réfugier dans le fait qu'il n'y a pas de jurisprudence, c'est eux qui la font. Ils ne peuvent pas se réfugier dans le fait que les lois ne sont pas assez sévères et qu'elles ne prévoient pas des amendes suffisantes, ils ne donnent jamais le maximum d'amende nécessaire. C'est cela, la réalité. Comment voulez-vous qu'on puisse arriver à être pris au sérieux auprès des gens qui polluent? Comment les gens vont-ils pouvoir se sentir menacés et, d'une certaine façon, se sentir dans l'obligation d'utiliser les autres avenues que le ministre dit vouloir leur proposer, des avenues de négociation, des avenues d'attitudes positives de la part des entreprises, s'ils ne se sentent pas menacés?

Il faut qu'à un moment donné les entreprises polluantes, les pollueurs n'aient pas le choix: ou bien ils sont poursuivis et ils sont menacés de condamnations importantes ou bien ils s'engagent dans des voies de correction suffisamment significatives, efficaces et musclées qui vont satisfaire le gouvernement et l'ensemble des citoyens. Mais, s'il n'y a pas de menace efficace au bout du compte, comment va-t-on être pris au sérieux? Ce problème, on l'avait avant que le ministre arrive en fonctions et on l'a encore maintenant; c'est cela, la situation, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Verchères. M. le ministre.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, on l'a peut-être, mais on l'a bien moins et il est en voie d'être résolu. C'est cela, la grande différence. Le député a admis qu'on l'avait avant, mais aujourd'hui on l'a bien moins. Il faudra qu'il me croie, il faudra qu'il attende une semaine, deux semaines et qu'on ait une conférence de presse où on va lancer notre document de stratégie industrielle. À ce moment, il pourra critiquer. Tous les moyens vont être explicités dans cela. Il y aura 30 nouveaux inspecteurs industriels qui vont être prévus dans ie secteur de la stratégie industrielle, ce qu'on n'avait pas auparavant. Alors, quand on dit qu'on n'a pas de moyens, en voici des moyens.

Pour réorganiser le service juridique du

ministère, comme je l'ai expliqué au cours de l'étude des crédits - je sais que j'ai dit qu'on n'avait pas assez d'outils juridiques au ministère; il n'y a que treize avocats, c'est sûr qu'il n'y en a pas assez - d'abord, il fallait commencer par le commencement. On ne peut pas amener toutes sortes d'avocats sans une stratégie. Ce que j'ai fait, j'ai demandé au sous-ministre de créer un groupe de travail spécial qui est composé de lui-même et du nouveau directeur du service juridique. Il fallait en avoir un; on est allé chercher un directeur du service juridique que nous considérons comme l'un des plus compétents au Québec. Il fallait quelqu'un pour commencer, pour faire le tri, pour savoir ce qui allait mal et comment réorganiser le système. Avant d'aller à l'aventure demander trois avocats ici et quatre avocats là, il faut avoir une politique, il faut avoir une vision, il faut savoir où l'on s'en va dans l'avenir, pas seulement demain et après-demain, mais pour les dix prochaines années, afin que cela se marie avec les stratégies du ministère dans les domaines industriel, agricole et autres. Alors, on a embauché maintenant le directeur du service juridique. Aussitôt qu'il est arrivé en place, j'ai créé un groupe de travail. Le sous-ministre, le directeur et quatre ou cinq personnes du ministère qui vont travailler à définir justement quels seront les besoins exacts dans le domaine juridique en tenant compte de toutes nos priorités et surtout de la priorité de la stratégie industrielle. À ce moment-là, nous irons chercher les avocats. Nous aurons des avocats; ils vont s'ajouter aux 30 nouveaux inspecteurs de la stratégie industrielle.

On n'a même pas attendu cela. On a déjà commencé à envoyer des signaux à la grande entreprise. C'est la première fois au Québec qu'une grosse industrie multinationale est poursuivie, M. le député. Vous devriez lire le livre de Logel... Qu'est-ce que vous avez fait, vous, pendant dix années par rapport à Noranda qui se foutait de nous? Où a-t-on amené Noranda, nous? En cour de justice. Il n'y avait pas d'avocat au ministère; on est allé chercher un avocat à l'extérieur, Me Chadley, qui est un des plus grands avocats du Québec, pour montrer qu'on est sérieux.

On va continuer. Il y a un autre dossier d'une grande multinationale qui est à l'étude en ce moment au ministère. On va faire des causes symboliques. On ne pourra pas poursuivre toutes les grandes multinationales. En attendant d'avoir réorganisé notre système, on va prendre de plus en plus de causes exemplaires qu'on va mettre devant le public. Je peux vous garantir qu'on ne reculera devant rien, mais, pour ce faire, il fallait, d'abord, une stratégie de base. On ne peut pas dire à l'industrie: Je vais vous poursuivre ici; je vais poursuivre là, quand nous-mêmes, et vous l'avez vous-mêmes reconnu, nous n'avions pas de système établi. Là, nous aurons un système établi qui sera connu par les Industries.

On va cibler quatre secteurs industriels principaux. On aura 30 nouveaux inspecteurs qui vont travailler là-dessus. On aura un système de contrôle efficace testé dans d'autres juridictions. À ce moment-là, il n'y aura aucune excuse pour les industries qui vont polluer. On va trouver les moyens pour agir avec nos inspecteurs, avec notre service juridique réorganisé et on aura d'autres outils de travail, parce qu'il y a d'autres outils de travail. Sur les routes aujourd'hui, les policiers ne poursuivent pas tous les contrevenants qui font de la vitesse, mais ils en poursuivent certains. Ils ne peuvent pas tous les attraper, mais cela fait un exemple pour les autres. C'est cela, la politique qu'on veut suivre. C'est une politique qui est établie au Michigan. C'est une politique qui est établie dans l'État de New York, au Wisconsin. On est allé chercher des modèles. On ne veut pas réinventer la roue, mais les moyens, nous les avons de plus en plus.

Je vous al donné l'exemple de l'assainissement agricole. Je vous ai donné l'exemple des pesticides où on est allé chercher 6 000 000 $ pour organiser la première phase du contrôle des pesticides. Et, encore, 6 400 000 $ pour l'éducation dans le domaine des pesticides afin de faire aussi de la prévention. L'argent pour le domaine industriel a été voté cette année-ci; c'est environ 2 400 000 $ pour commencer. L'année prochaine, ce sera beaucoup plus. Ce sera voté, ça aussi. On aura l'argent nécessaire. (10 h 45)

Pour l'aide juridique, les avocats, cela vient du ministère de la Justice, comme je vous l'ai dit. On va présenter bientôt, moi-même, le sous-ministre et le chef du service juridique, un programme complet au ministère de la Justice pour demander des avocats additionnels. C'est complètement insensé qu'un ministère de notre taille n'ait même pas un avocat à Montréal. Il n'y en a jamais eu. Nous, on va créer un service juridique à Montréal et dans les régions qui en ont besoin.

Mais, pour ce faire, il faut une politique et c'est ce à quoi on est en train de travailler maintenant. On ne veut pas faire les choses à la pièce. On ne veut pas faire des choses trop vite qu'on va regretter demain. On veut préparer le terrain de façon intelligente, travailler à long terme avec des outils de travail pour que tout le monde puisse comprendre et que les gens qui travaillent autour de nous aussi puissent comprendre. C'est cela qu'on est en train de faire de plus en plus au ministère.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre.

Je vais maintenant reconnaître M. le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Ce que le ministre nous dit, c'est que, dans le fond,

il confirme ce que j'ai dit et, d'une certaine façon, on va finir par s'entendre. Qu'il nous dise qu'il va y avoir plus d'inspecteurs pour sa politique industrielle, très bien! Il nous l'avait annoncé à l'étude des crédits. Le problème, c'est qu'il n'y a pas juste ce secteur industriel. Mais faisons l'hypothèse que ces inspecteurs qui vont entrer en fonctions vont améliorer la situation. Le problème, il le reconnaît eî je suis surpris de l'entendre dire ce matin qu'il va demander un programme spécial au ministère de la Justice parce qu'il nous avait déjà dit, il y a plusieurs semaines et plusieurs mois, qu'il avait déjà demandé des avocats au ministère de la Justice. C'est là-dessus que je veux insister.

Quand le ministre de l'Environnement, qui, pour toutes sortes de raisons, a beaucoup plus de crédibilité maintenant dans l'opinion publique, n'arrive pas à convaincre, après des mois et des mois, le ministre de la Justice, le ministre des Finances, le président du Conseil du trésor et le premier ministre qu'il est urgent d'avoir un appareil de répression, un contentieux solide et efficace, il y a quelque chose qui témoigne d'une insensibilité encore assez profonde d'une bonne partie des décideurs politiques quant à la signification du véritable virage environnemental. On ne peut pas avoir un virage environnemental quand seul le ministre de l'Environnement a la conviction d'un certain nombre de choses et qu'il n'arrive pas à faire le nécessaire.

Je veux bien que le ministre reprenne l'argument du programme d'assainissement des eaux. Il nous dit: On a obtenu 388 000 000 $. Mais c'est sur une période de dix ans! Et vous aviez demandé 640 000 000 $ au Conseil du trésor, vous le savez très bien. Donc, on vous a coupé des moyens financiers et on vous l'a étalé. C'est évident qu'on ne peut pas faire tout cela la même année.

Ce qui est clair aussi, c'est qu'il faut, à un moment donné, avoir les moyens, à chaque année, d'être efficaces. On peut bien me dire qu'on est rendu à la moitié de l'année financière. Écoutez, cela fait un mois que l'année financière est commencée. On n'est pas rendu à la moitié de l'année. C'est drôle qu'on avait prévu, semble-t-il, des crédits pour les inspecteurs, mais qu'on n'a pas prévu, par exemple, de crédits additionnels pour les avocats. Vous pourriez avoir doublé le nombre d'inspecteurs demain matin, si vous n'avez pas les avocats pour analyser les dossiers, pour dire aux inspecteurs: "Écoutez, cela me prend tel ou tel élément de preuve dans le dossier pour pouvoir poursuivre telle ou telle entreprise, vous ne serez même pas capable de faire vos causes symboliques.

C'est évident qu'on ne poursuivra pas tout le monde, mais il faut, au moins, poursuivre un certain nombre de personnes pour qu'on soit pris au sérieux. Pour être pris au sérieux, il faut avoir les ressources pour le faire. C'est cela qui est important. À cet égard, il faut aussi poursuivre les bonnes personnes. Je regarde des gens qu'on a poursuivis jusqu'à maintenant et je me rends compte généralement que ce sont les petits pollueurs qu'on a poursuivis. On s'est plutôt attaqué aux petits et non pas aux gros. Et on n'a pas fait un aussi grand nombre de poursuites qu'on aurait dû et qu'on aurait pu même avec les effectifs qu'on avait.

Donc, qu'on nous fasse l'aveu qu'il y avait des corrections à faire et qu'on a engagé du personnel plus compétent, plus efficace, plus expérimenté, très bien! Mais ce qu'il faut maintenant, ce sont les ressources pour qu'on soit crédibles et qu'on n'attende pas encore des années avant que cet appareil de contrôle, de surveillance et de répression soit pris au sérieux et soit efficace.

M. le Président, il faut aussi que le message que le gouvernement donne aux entreprises ou aux pollueurs soit clair. Je regardais cette semaine dans Le Devoir: "Québec donne le feu vert à un promoteur déjà dans l'illégalité." On va me dire que, dans ce cas, le promoteur avait déjà fait des choses illégales, s'était déjà comporté d'une façon illégale II y a plusieurs années, et que c'était sous notre gouvernement. C'est vrai. Mais le problème, c'est pourquoi aujourd'hui le récompenser et lui donner les permis qu'il aurait dû avoir lorsqu'il a adopté ces comportements illégaux, il y a quelques années? Quel est le message que les gens vont comprendre? Quel est le message qu'on va retenir de cette attitude du ministre de l'Environnement ou d'un de ses collègues qui, finalement, donnent l'autorisation à un promoteur de construire des résidences dans une frayère alors qu'il avait remblayé cette frayère illégalement, il y a quelques années? Le minimum auquel on se serait attendu, c'est que le gouvernement dise: Écoutez, vous avez contrevenu à la loi et aux règlements, il y a quelques années, n'attendez pas de nous qu'aujourd'hui on vous fasse un cadeau, qu'on vous dise merci beaucoup, qu'on vous absolve et qu'on vous donne l'autorisation de faire ce que vous n'auriez pas dû faire.

Tous les constructeurs d'habitations vont comprendre avec un exemple comme celui-là qu'il n'y a pas de danger, qu'il n'y a pas de problème, qu'on peut continuer à avoir des attitudes inacceptables par rapport au respect des conditions environnementales et au respect des écosystèmes, parce que le gouvernement non seulement n'a pas les moyens de poursuivre efficacement, mais n'a pas, non plus, la volonté, à certains moments, de passer des messages et des signaux clairs. C'est un cas mineur, mais c'est un cas symbolique. Le ministre nous parlait de symboles tantôt. Le problème, c'est qu'il ne faudrait pas qu'il y en ait des tonnes d'articles de journaux et de titres comme celui-là pour qu'à un moment donné, symboliquement, il se crée ou se consolide dans l'opinion publique ce qui est déjà accrédité, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de fermeté, il n'y a pas de problème pour les pollueurs.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Verchères. M. le ministre.

M. Clifford Uncoln

M. Lincoln: Oui, je suis d'accord avec le député. Je crois qu'il faudrait moins d'en-têtes trompeuses dans certains journaux. Par exemple, dans le cas de Noranda, trois gros en-têtes qui sont complètement erronées. Le cas de la frayère de la rivière Godefroy, je suis très content que le député l'ait soulevé. J'attendais une question en Chambre, hier, à ce sujet pour rectifier des faits qui sont complètement faux dans cet article. Mais on dirait que le député de Ver-chères lui ne fait pas son propre travail. Dans le cas de Godefroy, il aurait pu aller chercher les copies des documents officiels au gouvernement pour s'en enquérir lui-même. Il est un peu devenu le perroquet du Devoir. Comme un petit bébé qui tète le sein de sa mère, II faut qu'il se raccroche à tous les articles récents de Louis-Gilles Francoeur, seulement les plus controversés. Hier, je me disais: II y a un article controversé, il va me poser une question, mais il ne m'en a pas posé. Peut-être qu'il n'a pas eu sa place à la période de questions.

Je vais lui dire, mol, que, pour Godefroy, tout ce qui est là-dedans est complètement détourné de la réalité. Le cas de Godefroy est un cas de remblayage qui date de 1978. On ne peut plus départager les remblais pour savoir qui a fait quel remblai. Moi, je suis allé inspecter cela personnellement. Je suis allé là. Je suis allé m'enquérir. Les spécialistes du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche y sont allés. Les spécialistes du gouvernement fédéral, Environnement Canada, Pêches et Océans y sont allés. Au BAPE, on a eu des audiences publiques là-dessus. On a arrêté tous les remblais sous votre gouvernement.

Il y a eu des audiences publiques. Dans les recommandations du BAPE, on dit: II se pourrait que détruire les remblais, fasse plus de dommages à l'environnement que de les laisser en place. Ce que vous ne dites pas, c'est qu'il y a eu des mesures de mitigation importantes qui ont été imposées aux promoteurs, que maintenant, au lieu de 60 maisons, il y en a seulement 12 qui ont été permises et que là le ministère de l'Environnement n'avait aucune façon de pouvoir défendre les maisons qui relevaient du zonage municipal. Vous ne dites pas, non plus, qu'on a réinstauré une frayère, on a fait un canal, on a fait enlever un haut-fond; c'étaient les conditions expresses qui avaient été imposées par le BAPE. Donc, il y a eu des mesures de mitigation importantes qui ont été imposées aux promoteurs, des délais importants, des audiences publiques. Tout a été mis au jour. On a travaillé selon des recommandations, avec l'appui des ministères concernés: Loisir, Chasse et Pêche; Pêches et Océans et Environnement Canada.

Moi, je n'ai rien à me reprocher sur le dossier Godefroy. Je suis prêt à le mettre au jour n'importe quand. Si vous me posez une question en Chambre, je vais déposer tous les documents, parce que je crois que toutes les mesures de mitigation, de punition qui ont été prises envers celui qui avait créé les remblais et qu'on pouvait identifier n'ont pas été réellement clairement explicitées. Il y a quatre conditions environnementales dans ce décret. Il y a quelque chose comme huit conditions en tout dans le décret, je crois. Je suis prêt à le déposer à n'importe quel moment et à le défendre en public.

Pour ce qui est de toute la question de l'aide juridique, je vous dis: On met 30 nouveaux inspecteurs d'assainissement industriel qu'on n'avait pas avant. Vous dites: Ah, non, ce n'est pas assez. Vous avez parié d'aide juridique, à ce moment-là en ce qui concerne l'aide juridique, comme je vous l'ai déjà expliqué, j'ai déjà demandé des avocats additionnels au ministère de la Justice. C'est clair que je l'ai déjà demandé parce que tout cela dépend de son budget. Cela ne dépend pas de notre budget. Cela sort de son budget. Quand je lui ai demandé des avocats additionnels, il m'a dit: Combien? Un, deux, trois, quatre? De combien en avez-vous besoin, 20?

Je reçois des demandes de partout. J'ai donc décidé qu'il fallait une stratégie beaucoup plus intelligente, qu'il fallait définir beaucoup plus précisément nos moyens. C'est cela que nous sommes en train de faire maintenant. Nous allons les rencontrer, nous allons obtenir les avocats qu'il faut. Je ne vous dis pas qu'on les aura demain ou après-demain. Je sais qu'il y a un besoin d'avocats, mais il y a certainement aussi des progrès. S'il y a 30 inspecteurs de l'environnement, s'il y a une structure où on va pouvoir les défendre, il nous faudra des avocats.

Vous dites que le Conseil des ministres, le premier ministre, le président du Conseil du trésor, le ministre des Finances ne reconnaissent pas l'environnement. C'est complètement faux. Où croyez-vous qu'on est allé chercher l'argent, par exemple, pour le programme Noranda, une somme de 41 000 000 $? Où croyez-vous qu'on est allé chercher l'argent pour le programme des pesticides, le programme d'assainissement agricole pour lequel vous dites qu'on a demandé 640 000 000 $ et qu'on n'a eu que 388 000 000 $? Mais c'est 388 000 000 $ de plus que ce que vous êtes allés chercher vous-mêmes et que vous avez produit. Pour l'assainissement industriel, où croyez-vous qu'on est allé chercher l'argent? Pour le plan d'action du Saint-Laurent, on va mettre de l'argent pour créer la structure de base. Où croyez-vous qu'on est allé chercher cela? Si vous ajoutez les montants qu'on est allé chercher en développement, par exemple, on a multiplié l'argent qu'il y avait dans le domaine de la recherche, qui était un montant infime. Seulement, dans le domaine des pesticides on a

mis 500 000 $ cette année. On est en train de faire un programme de recherche d'avant-garde dans le domaine des pesticides. Je pourrais vous citer toutes sortes de programmes de recherche Termonic, le programme d'épuration des boues à l'usine de la Communauté urbaine de l'Outaouais, etc. Dans toutes sortes de domaines, on est allé chercher de l'argent neuf. Ce n'est peut-être pas de l'argent pour le travail routinier du ministère, mais de l'argent pour le développement de programmes neufs, de programmes additionnels que nous sommes en train de créer, toujours dans la perspective de suivre la politique d'ensemble du ministère dans des champs d'action précis.

Donc, si on veut parler d'assainissement industriel, c'est certain qu'on ne peut pas le faire sans un outil de travail de base. Ce qu'il faut se demander, c'est comment il se fait qu'au cours des dix années antérieures H n'y a pas eu de travail de fait. Comment se fait-il qu'on n'a pas eu de stratégie d'assainissement industriel au Québec? Comment a-t-on pu penser à faire seulement l'assainissement urbain sans faire l'assainissement industriel et agricole? C'est cela, la grande question. Nous, on va solutionner ce problème parce qu'on aura une ligne de conduite, on aura des "guide-lines", on aura tout le cadre pour faire ce dont vous parlez.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: M. le Président, encore une fois, je ne voudrais pas refaire le débat, à savoir si vous en avez fait plus ou moins que nous. Je pense que, si on mettait notre bilan environnemental face à ce que vous nous aviez légué en 1976, je pourrais faire le même genre de discours que celui que le ministre tient aujourd'hui. Je pourrais lui parler des pâtes et papiers, je pourrais lui parler du programme d'assainissement des eaux où il n'y avait rien de fait ou à peu près. Je pourrais lui dire qu'il n'y avait même pas de ministère de l'Environnement lorsqu'on est entré en fonctions. Je n'ai pas envie de réécrire l'histoire. Ce qui m'intéresse maintenant, comme critique de l'Opposition en matière d'environnement, c'est que, sur le gouvernement - et c'est ma responsabilité - qui est très habile à l'égard des communications et de l'impression qu'il peut donner à l'opinion publique d'être un gouvernement écologique, un gouvernement qui a viré au vert, qui a pris le virage environnemental, au bout du compte, les citoyens qui ont à porter un jugement le fassent en ne regardant pas juste le tape-à-l'oeil que le gouvernement fait, mais en regardant aussi ce que cela donne efficacement sur le terrain. Est-ce qu'on se donne les moyens?

Je regarde l'analyse que le Protecteur du citoyen avait faite et qui disait: "L'approche éducative amène donc le ministère à user de persuasion et, à notre point de vue, d'une trop grande tolérance. La moindre manifestation de bonne volonté suffit à faire reculer le ministère qui abdique ainsi sa première responsabilité qui est de protéger ceux qui sont victimes de pollution. Il nous semble qu'on ménage trop le bâton pour l'usage excessif qu'on fait de la carotte. " Devant des manifestations évidentes de tergiversation et de mauvaise foi, il serait impératif pour la protection de la qualité de la vie des citoyens que le ministère ne craigne pas de montrer les dents. Plus loin, on disait: "Nous devons déplorer les lenteurs vraiment excessives auxquelles donne lieu ie traitement des dossiers au service juridique. " "At best, disait The Gazette, au mois de mai 1987, this voluntary approach to polluters could lead to reduce pollution emissions only several years from now". Je veux bien être le perroquet du Devoir, mais j'ai l'impression d'être aussi le perroquet de bien d'autres personnes au Québec, y compris de The Gazette qui, récemment, titrait: "No more Mr. Nice Guy" - Mr Lincoln et These fines are a joke". Cela ne date pas d'il y a cinq ans, mais d'à peine quelques semaines, en mai 1988. Ce n'est pas Le Devoir, mais The Gazette. Moi, je me dis qu'à un moment donné il faut être pris au sérieux. (11 heures)

On a pris l'exemple de Noranda. Parlons-en, de l'exemple de Noranda. C'est une entreprise qui s'est plainte au gouvernement que, si on l'obligeait à faire des opérations de dépollution, elle accuserait un déficit à son usine, mais elle a encaissé des profits de 343 000 000 $ en 1987, par exemple. Elle vient nous faire brailler et elle utilise le chantage habilement auprès des gouvernements. Le gouvernement s'est laissé attendrir et il a accepté des subventions, en les présentant sous forme d'aide gouvernementale, comme des prêts remboursables. Quand on a regardé la réalité, on s'est rendu compte que c'étaient des prêts qui ne seraient pas remboursés en argent sonnant, mais en investissements qui auraient sans doute été faits de toute façon. On regarde ce que fait la compagnie Inco, en Ontario; elle nous a dit, quand elle a appris ce que Noranda avait eu comme avantages que le gouvernement avait gardés secrets: Nous, en Ontario, on respecte le principe pollueur-payeur, on n'a pas demandé de subvention et on fait le travail. Peut-être que là, maintenant, on devrait se demander ce qu'on pourrait demander au gouvernement.

Le gouvernement, qui n'est pas satisfait de cette attitude-là, va aussi donner des avantages fiscaux dont il ne veut pas parler et dont il ne veut pas donner de détail, en nous disant: Écoutez, cela va nuire à la concurrence, à la position concurrentielle de Noranda. Ce que je dis, c'est que le message qu'on a donné à Noranda, c'est un message encore une fois de bon gars, de sympathie. Je reprends seulement ce

qu'on retrouvait cette semaine. Dans une note interne qui a été rendue publique - je ne sais pas si le ministre l'avait fait couler, parce qu'une partie de la note pouvait être à son avantage, mais je n'en suis pas certain, cela venait du ministère de l'Énergie et des Ressources et non pas du ministère de l'Environnement - on disait: Rappelons, d'abord, que le principe du pollueur-payeur ne pouvait pas être appliqué en totalité au cas de Noranda. C'est un peu contraire à ce que le ministre nous a dit, alors qu'en Chambre il a dit: Le principe pollueur-payeur est appliqué totalement dans le cas de Noranda. Premièrement, ce n'est pas exact; deuxièmement, Noranda a eu des avantages; troisièmement, c'est une entreprise qui n'avait pas besoin d'une aide aussi importante que celle que le gouvernement a consentie.

Encore une fois, quel est le message psychologique qu'on donne? Les commentateurs - ce n'est pas seulement le député de Verchères et critique de l'Opposition - et les journalistes, pas seulement au Devoir, mais aussi dans The Gazette et d'autres médias d'information, Le Soleil et La Presse, qui ont regardé cela constatent qu'effectivement il y a un problème d'éthique, de message que le gouvernement envoie dans le cas de Noranda, qui est compris d'une façon particulière par les entreprises. Je veux bien que le ministre me dise: Écoutez, on a fait un bon coup parce qu'on a permis à la fois de sauver des emplois dans l'industrie du cuivre et de réduire les pluies acides, mais ce qu'on peut comprendre aussi, à l'envers de la médaille, c'est qu'on a favorisé une entreprise qui n'avait peut-être pas tant besoin d'être favorisée qu'elle l'a été. Encore une fois, c'est non pas un message de fermeté, mais un message de tendresse, de compassion et d'indulgence, d'une certaine façon, que le gouvernement a adressé, par le cas de Noranda, aux entreprises.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Verchères. M. le ministre.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: Je suis content que le député ait abordé la question de Noranda parce que j'ai envie de mettre quelques questions au clair. D'abord, très vite, parce que le temps va passer bien vite. Il parle encore de toutes sortes de dégrèvements fiscaux qu'on a donnés à Noranda. Les trois articles du Devoir en question, les trois en-têtes en question étaient faux. Je le répète: faux. La première disait qu'on avait donné des "bonanzas" de 140 000 000 $, cela s'est révélé faux; je cite très brièvement le ministre du Revenu, qui n'est pas un imbécile, qui est reconnu comme un des plus grands fiscalistes au Québec et qui dit: "Ce que je dis, c'est que la présentation fiscale qui est faite dans cet article et que mon collègue rapporte n'est pas exacte. C'est non conforme à la technique fiscale et je pense que n'importe qui, qui a la moindre connaissance en matière fiscale, est très conscient que la façon dont ce chapitre sur l'amortissement est présenté est complètement erronée. Je peux vous le dire, j'invite mon collègue à vérifier de nouveau cette information auprès d'autres experts. Ils vont lui dire que ce n'est pas exact de présenter une déduction pour amortissement de cette façon. " Je lui dirai qu'à l'article 101 de la loi sur la taxe au Québec et l'article 12. 1X de la loi fédérale, il est impossible pour Noranda d'aller réclamer des avantages sur les amortissements fiscaux sur l'argent que lui a prêté le gouvernement du Québec. Donc, cela met de côté la première histoire fausse qui a été véhiculée.

Deuxièmement, pour ce qui est des investissements, c'est un petit peu étonnant que le consultant qui a travaillé la chose parle de crédits d'investissement que Noranda pourrait trouver, de 83 000 000 $ par an, ce qui est complètement faux. Il se base... Il a dit "par an".

M. Charbonneau: Non, non, non.

M. Lincoln: Et les investissements effectués en 1987 sont probablement à eux seuls suffisants pour effacer la majeure partie de la dette théorique de 83 000 000 $ due à l'État. Il se base sur des investissements totaux de 125 000 000 $ et de 150 000 000 $, sans avoir vérifié quels sont les investissements totaux de Noranda dans tout le Canada, dont 100 000 000 $ par an ont été versés à une mine en Ontario, la mine Hemlo qu'ils sont en train de mettre en place, que le chiffre d'investissements au Québec représente une fraction de cela.

Comment quelqu'un peut-il être crédible lorsqu'il ne parle même pas de déductibles qui sont dans l'entente? Les déductibles ne sont même pas... M. le journaliste parle de 4 000 000 $ de déductibles sans parler de l'accumulation des déductibles qui pourrait monter à 50 000 000 $ ou à 75 000 000 $. Donc, tous ces articles-là sont faux. Après cela, on est allé découvrir une entente secrète entre nous et Noranda qui est encore une affaire fausse.

Ce qui m'étonne là-dedans, c'est que personne du journal en question n'ait eu même la décence de vérifier un peu avec nous s'il y avait eu une entente secrète. Je leur ai dit que c'était de la "folichonnerie". Mais ce qui est le plus intéressant dans le cas de Noranda... Je veux le rapporter, M. le député, s'il me reste du temps. Est-ce que vous savez ce qui est arrivé dans l'histoire de Noranda? Est-ce que vous le savez? Je vais vous raconter le gros scandale de Noranda.

Mais, avant d'y passer, je vais vous citer quelques documents pour vous faire comprendre que toute cette décision sur Noranda ne vient pas de moi. Le principe de l'aide financière à Noranda a été accepté par votre gouvernement, par le ministre Ouellette, oui, c'est cela; c'est

bien cela. Je vais vous citer quelque chose. Je vais vous citer un rapport du Conseil des ministres que je peux citer, le mémoire du Conseil des ministres du 30 mai 1984; cela va vous faire dresser un peu les cheveux sur la tête quand vous lirez cela: Des négociations ont eu lieu pendant près d'une décennie sans résultat. Les normes envisagées en 1975 n'ont cependant jamais été adoptées par votre gouvernement, bien qu'elles représentaient un compromis entre la position de l'entreprise à l'époque et celle des services de protection. Comme les négociations avec Mines Noranda n'aboutissaient pas, le sous-ministre de l'Environnement lui demanda formellement, le 28 janvier 1981, de lui soumettre un programme d'assainissement des rejets d'anhydride sulfureux. Le programme ne fut jamais soumis. Qu'est-ce que vous avez fait ensuite? Je vais vous le dire, moi. Pour le financement, vous me dites que c'est nous qui avons donné de l'argent au gouvernement.

Savez-vous ce qu'on dit dans le rapport du Conseil des ministres? Ces coûts ou une partie de ceux-ci devront sans doute faire l'objet d'un programme de financement de la part des ministères à vocation économique. L'importance du financement gouvernemental et la nature de celui-ci: en "subventions". Nous, on n'a pas donné de subvention. On a accordé un prêt remboursable. Subventions, prêts, garanties de prêts ou autres? Cela reste encore à déterminer. Partout, dans tous ces documents officiels du gouvernement, c'est farci de références à l'argent qu'on allait donner à Mines Noranda.

Vous voulez en savoir encore? Vous savez que, par exemple, Noranda... Vous saviez que votre gouvernement qui, supposément, n'est pas censé respecter les pollueurs, avait donné - un autre document officiel - 1 500 000 $ de subventions directes à Noranda? Savez-vous pourquoi? Pour produire des plans pour l'usine d'acide sulfurique, 1 500 000 $. Est-ce que vous saviez cela? Est-ce que vous savez que les documents officiels par M. Ouellette et autres, signés par M. Landry sont farcis de références disant qu'il n'y a pas de programme de Noranda qui va se faire sans aide directe de l'État?

Est-ce que vous saviez cela? Vous ne le saviez pas; ce n'est pas un problème. Nous, tout ce qu'on a fait, c'est qu'on a suivi exactement ce que vous, vous aviez dessiné. En fait, dans certaines références des mémoires gouvernementaux, vous parlez de subventions. Nous, on a tenu... Vous parlez du principe pollueur-payeur comme si c'était une religion. Est-ce que vous avez appliqué le principe pollueur-payeur pour les industries de pâtes et papiers?

Vous m'avez demandé en Chambre de citer un autre exemple. Je n'en ai pas eu le temps. Les pâtes et papiers, n'est-ce pas un exemple? L'assainissement agricole, n'est-ce pas un autre exemple? Est-ce que le principe pollueur-payeur est une religion? Est-ce que c'est coulé dans le béton? Même votre gouvernement, dans tous ses mémoires officiels, reconnaît que, dans certains domaines, on ne peut pas faire une religion du principe pollueur-payeur.

Ce que j'ai dit en Chambre, c'est que le principe pollueur-payeur est respecté, parce qu'on a demandé un remboursement à Noranda. Mais il n'est pas respecté de façon étanche comme II n'est pas respecté dans le cas de la pollution agricole. On donne des aides dans des circonstances spéciales. Vous voulez que je vous cite, par exemple, un document de l'OCDE?

Le Président (M. Saint-Roch): En conclusion, M. le ministre.

M. Lincoln: Je m'excuse. J'aurais voulu continuer là-dessus parce que, vraiment, toute l'affaire commence à me tanner.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le ministre. M. le député de Ver-chères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Ce qui commence à me tanner, moi aussi, c'est l'attitude que le ministre prend de se draper de !a vertu et de faire en sorte que ceux qui étaient là avant étaient tous des gens qui... Le règlement sur les émissions d'acide sulfurique, c'est l'ancien gouvernement qui l'a mis en place. L'échéancier dont vous vous vantez aujourd'hui, c'est nous qui l'avons mis en place. Le document dont vous parlez, le mémoire dont vous parlez... On parlait d'une contribution gouvernementale de l'ordre de 25 %. Dans votre cas, c'est monté au tiers. Noranda devait payer 50 % de la facture et nous ne nous sommes jamais vantés du principe pollueur-payeur. C'est vous qui, depuis deux ans et demi, vous promenez en disant partout: Nous, ce sera le principe pollueur-payeur.

Je peux vous dire une chose, c'est qu'il faut que les messages soient clairs. Qu'on n'essaie pas de tromper la population. Je vais vous dire que le principe pollueur-payeur n'est pas une religion pour moi, sauf que, si ce n'est pas une religion, qu'on le dise franchement aux concitoyens, qu'on dise qu'effectivement, compte tenu de la situation, ce principe-là ne peut pas être appliqué totalement dans bien des domaines et qu'il faut que l'État, et donc les citoyens par leurs taxes et leur impôt, paie une partie de la note. Mais qu'on n'essaie pas non plus de leur faire croire que les prêts sont en réalité des subventions déguisées. Je pense qu'à un moment donné il faut donner l'heure juste. Ce n'est pas le problème... Ce qu'on a reproché à l'attitude de Noranda, ce sont des messages contradictoires, ce sont des trucs en catimini. Ce n'est pas le fait qu'à un moment donné on se rende compte qu'il faut qu'on donne de l'aide par le Trésor public, mais qu'on ne laisse pas croire aux gens

que, de toute façon, ils n'ont pas d'aide à payer et que les contribuables n'ont rien à débourser. Dans cela, les citoyens vont avoir à débourser. Disons-leur donc franchement plutôt que d'essayer de se draper d'une image de vertu. Cela serait peut-être bien moins compliqué et on n'aurait pas à se polgner aux cheveux dans le dossier de Noranda.

L'autre chose, M. le Président. Il y a tout le problème des entreprises polluantes de cours d'eau qui sont aussi symptomatiques dans la façon dont les messages sont faits. On ne sent pas beaucoup de pression de la part du gouvernement. À l'étude des crédits, on avait regardé le rythme de progression et de pression qui est exercé sur ces entreprises et on s'était rendu compte que finalement, en 1987-1988, seulement 20 entreprises avaient vu leur programme d'assainissement des eaux approuvé par le ministère. L'année précédente, en fait pour la même année, cinq entreprises avaient soumis un programme d'assainissement des eaux usées pour fins d'approbation.

Quand on regarde la situation de cette année, 1987-1988, par rapport à 1986-1987, on se rend compte que peu d'entreprises ont terminé leurs travaux d'assainissement par rapport à celles qui avaient déjà terminé en 1987: 762 par rapport à 738 auparavant. Le nombre de celles qui sont à réaliser des travaux est presque identique. Les pourparlers pour effectuer des travaux sont moindres que... Et le nombre d'entreprises qui ont été approchées, c'est un peu le même nombre qu'auparavant, c'est-à-dire 1200. Donc, on ne progresse pas à un rythme suffisant.

Je prends un exemple additionnel qui est un autre message. Quand la société, pour vaincre la pollution, a interpellé le ministre sur le dossier de GM et des BPC à Masena, la première chose que le ministre s'est empressé de faire a été de dire que ce n'était pas grave, qu'il n'y avait pas de problème et que c'était une exagération de voir que les BPC se promenaient, alors qu'on a trouvé des sédiments contaminés bien plus loin.

La politique d'assainissement qui est promise depuis l'automne 1986, dont !e ministre nous a parlé encore tantôt, je veux bien qu'elle arrive mais, comme on le disait tantôt, elle est attendue depuis longtemps. Elle va, nous a dit le ministre, faire i'objet d'une consultation. Cela veut dire qu'elle ne sera pas encore en vigueur et que les inspecteurs qu'on va engager ne seront pas engagés maintenant. On va d'abord attendre de faire une vaste consultation et, si on se retrouve comme dans le cas de l'aide sociale, on va se retrouver dans deux ans et la politique ne sera pas encore en application.

Je prends un exemple, M. le Président, le rapport Dagenais qui disait et qui citait le ministère de l'Environnement: "Selon les informations obtenues par le groupe de travail, les industries ne seraient pas assez impliquées dans le processus d'établissement des normes." Le groupe de travail disait plus loin: "Le groupe a aussi entendu les commentaires du ministère de l'Environnement qui estime - et cela est un rapport qui a été commandé par le ministre, donc, fait sous son autorité à l'époque où il était en fonction - que, pour sa part, les industries occasionnent bien souvent volontairement de longs délais dans le processus de signature d'ententes avec le ministère afin de retarder le moment où elles doivent investir dans le projet d'assainissement." Le ministre sait cela; il sait également que l'article 116.2 fait en sorte qu'il y a une interprétation qui donne une ouverture aux entreprises pour retarder. Une opinion juridique d'un avocat réputé, Me Lorne Giroux qu'il connaît bien, disait que, finalement, quand on regarde le libellé de l'article, on se rend compte qu'il y a une passoire. Qu'est-ce que le ministre a fait, depuis deux ans et demi, pour corriger cette passoire qui fait en sorte que, dans le fond, une fois que les entreprises ont soumis leur programme d'assainissement, une fois qu'il a été approuvé par le ministère... (11 h 15)

De toute façon, il n'y a pas de problème dans la mesure où il respecte fidèlement... D'abord, l'avocat signale que, dans le fond, le ministère n'est pas en mesure de faire respecter cela parce que, premièrement, il n'y a pas assez d'inspecteurs et, deuxièmement, au plan juridique une entreprise peut toujours trouver des trucs pour établir qu'elle respecte fidèlement les contrats et les ententes alors qu'ils sont vagues. C'est toute cette approche aussi qui fait en sorte que le message qui est donné à des entreprises et... Quand on fait l'analyse de cette situation des entreprises polluantes dans fe secteur de l'assainissement des eaux, on se rend compte que ces entreprises ne sont pas pressées d'agir; elles ne sentent pas ia pression du gouvernement. Aussi, le ministère ne s'est pas donné les moyens d'accélérer cela au cours des deux dernières années. Je veux bien qu'il dise qu'il est meilleur que nous, mais, s'il le dit, il faut qu'il le soit; il faut qu'il le prouve et il faut qu'il fasse en sorte que le résultat soit au bout de la ligne. Être meilleur que nous, ce n'est pas seulement publier des politiques. On nous a reproché d'avoir publié des tonnes de livres blancs sur toutes sortes de politiques. Lui, il en a publié une. D'ailleurs, il est un des seuls ministres du gouvernement qui a eu le courage de publier une politique gouvernementale dans son secteur et, sur cela, ce n'est pas moi qui vais le blâmer. Mais, maintenant, il faut livrer la marchandise. Il faut que les messages aux entreprises soient clairs que, dorénavant, le ministère de l'Environnement est sérieux.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Verchères. M. le ministre.

M. Clifford Uncoln

M. Lincoln: Comment faire un débat avec le député qui saute du coq à l'âne et qui embrouille tout? On a fait un débat sur l'assainissement industriel. Pour lui donner la réponse par rapport à Me Lorne Giroux, je lui ai dit qu'on a publié une politique d'assainissement industriel et d'attendre une semaine ou dix jours. Il aura toutes les réponses et tout cela sera corrigé. Il aura des réponses là-dedans. Je ne veux pas reprendre encore le débat. Il mélange le coq et l'âne. Il mélange les pommes et les oranges. Il parle de Masena et de GM qui est une usine outre frontières aux États-Unis où on a été le premier gouvernement à avertir l'État de New York. Pourquoi ai-je été un peu déçu de la situation? Parce qu'on n'a jamais reconnu que nous avons été les premiers, nous, dès janvier ou mars 1986, à avertir le commissaire de New York. J'ai eu je ne sais combien de rencontres par rapport à Masena. Je suis celui qui ai pris l'initiative d'englober le ministère de l'Environnement fédéral pour qu'il contacte l'EPA à Washington. Bientôt, on va avoir une rencontre, le ministre de l'Environnement fédéral, le ministre de l'Ontario et moi-même, avec le directeur de l'EPA. On travaille sur Masena sans arrêt depuis bien longtemps. Si vous voulez faire un débat sur Masena, demandez-le-moi n'importe quand; je serai enchanté de le faire. Je ne veux pas revenir sur l'assainissement industriel, je vous ai dit qu'il y a des choses qui vont arriver. Attendez à ce moment, vous pourrez critiquer.

Moi, j'aurais voulu revenir à cette affaire du principe pollueur-payeur. Je n'ai pas envie de vous laisser vous échapper. Vous avez posé trois questions sur six en Chambre là-dessus. Vous avez été endormi pendant toute la session, Noranda vous a réveillé. Vous avez dit toutes sortes de conneries sur cela. Moi, j'ai envie d'y revenir. Je n'ai pas accepté la façon dont nous avons été traités dans Noranda parce que je suis très fier de ce qui est arrivé chez Noranda. Vous parlez du principe pollueur-payeur; je suis entièrement d'accord que ce n'est pas respecté à 100%. Ce que j'ai dit, c'est que le principe du pollueur-payeur est respecté. Est-ce que vous savez combien Noranda va payer comptant dans cela? 51 700 000 $. Ils vont avoir à payer les déficits d'opération annuels de cette usine qui vont atteindre, dans une décennie seulement, 70 000 000 $. D'ici à l'an 2010, on a estimé que ces déficits vont atteindre 140 000 000 $. Ce n'est pas nous qui allons payer cela, c'est eux.

Est-ce que vous savez qu'une usine d'acide sulfurique se corrode en peut-être cinq à dix ans? Dans cinq à dix ans, quinze ans, peut-être vingt ans au maximum, ils auront à remplacer l'usine de 125 000 000 $ ou 150 000 000 $. C'est eux aussi qui vont payer ces pollueurs. Est-ce que vous savez qu'ils auront à rembourser en argent comptant, s'ils n'investissent pas suf- fisamment dans !e circuit de cuivre, ce qui a été votre principe même, 73 300 000 $? Est-ce que ce n'est pas cela, le principe pollueur-payeur? Si vous regardez le document des gens de l'OCDE par exemple, eux aussi disent que le principe pollueur-payeur n'est pas intangible, il n'est pas coulé dans le ciment. On admet toutefois que certaines circonstances peuvent justifier les aides, à la condition qu'elles soient limitées dans le temps. C'est ce qu'on a fait. Elles sont limitées dans le temps et s'il y a des impératifs d'emplois et de développement régional. C'est cela qui apparaît dans tous les documents. Mais il ne faut pas fausser les choses. Ce que je dis, c'est que le principe pollueur-payeur n'est pas incompatible avec une situation de développement régional.

J'aurais voulu revenir à cette même question. Quand vous prenez les règlements de Noranda, est-ce que vous savez qu'en 1975 il y avait un règlement de Noranda qui déjà citait que Noranda devait réduire ses émissions de 35 % et que cela comportait une usine d'acide sulfurique dont les fondations étaient déjà lancées? Est-ce que vous le saviez? Est-ce que vous savez ce qui est arrivé après? Il y a eu une commission parlementaire en 1976, mais le gouvernement a été défait. Là, votre gouvernement est arrivé. Vous savez ce qui est arrivé avec le règlement de 1975 qui avait déjà été publié à la Gazette officielle? Rien. Vous savez ce qui est arrivé ensuite? Le premier règlement que vous avez émis, c'était en 1979, quatre ans après. Quatre ans à ne rien faire pendant que Noranda polluait. Qu'est-ce qui est arrivé en 1979? Vous avez retiré du règlement la seule section qui allait faire en sorte que Noranda allait réduire ses émissions de 35%. Cette section-là a été enlevée par votre fameux gouvernement. C'est cela que vous avez fait et, là, vous avez le culot de venir nous reprocher quelque chose par rapport à Noranda.

Depuis 1979, avec votre règlement bâtard, Noranda s'est fichue de vous. Savez-vous ce que vous avez deviné comme raison formidable à donner à Noranda? Vous avez envoyé une ordonnance avec un telbec du ministre Léger qui disait: D'ici à 1985 - dans un telbec aux citoyens de Noranda - on va réduire nos émissions de 40%; je vous en donne l'engagement formel. Il a offert à Noranda deux options: une usine d'acide sulfurique qui n'était pas dans le règlement ou bien un projet SNA. Le projet SNA, dont M. Léger disait qu'il allait réduire les émissions jusqu'à 100 %, s'est révélé un projet tout à fait avorté qui ne réduisait même pas 10 % de la pollution. Noranda a gagné encore deux ou trois ans. En fin de compte, ce n'est pas avant 1985 que le règlement original de 1975 a été instauré.

On a perdu dix ans dans le cas de Noranda, dix ans de tergiversations à accepter que le pollueur se foute de nous et, pendant tout ce temps, vous n'avez même pas pris ta moindre

petite poursuite judiciaire. Demandez aux citoyens de Noranda ce qu'ils croient de votre gouvernement. J'ai fait des débats avec M. Léger. Allez lire les débats de 1982. Allez lire les débats de 1983 avec M. Ouellette. Allez lire les articles de 1984. Mme Bacon et moi-même leur avons demandé: Comment avez-vous pu avoir bonne conscience après avoir "scrappé" le règlement 75 du Dr Goldbloom qui incluait une usine d'acide sulfurique pour donner à Noranda dix ans de sursis? Et là, vous avez le culot de venir me faire la morale sur le pollueur-payeur et me dire qu'on est des gens croches. Je vous dis que l'affaire Noranda m'exaspère parce que je pense que c'est une des plus grandes réalisations de ce gouvernement-ci. On est fiers, nous, qu'en 1989 les citoyens de Noranda pourront avoir 50 % d'émissions de moins qu'il n'y en avait. Ils auraient eu cela bien avant n'eût été votre gouvernement qui n'a rien foutu là-dedans.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le ministre.

M. le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: II y a une seule chose que je veux dire au ministre qui se drape tellement du manteau du vertueux. On lui a offert une chose, lui qui me dit que je fais de la démagogie et que je l'accuse à tort. Je lui ai proposé une chose très raisonnable qui avait à la fois l'avantage de lui permettre de sauver la face, de donner toutes les explications et, en plus, M. le Président, de faire en sorte que l'institution parlementaire soit valorisée et joue un rôle efficace. On le lui a proposé à lui et on l'a proposé au premier ministre, même quand il a été parti par la suite. On a proposé une commission parlementaire pour étudier le contrat, à huis clos si nécessaire, pour éviter les problèmes dont le ministre nous a parlé à quelques reprises à l'Assemblée nationale.

Pourquoi ne pas avoir accepté cette offre raisonnable qui aurait permis et qui permettrait encore aux parlementaires d'exercer leur rôle? Vous ne viendrez pas me reprocher, à moi, aujourd'hui, de faire "ma job" d'Opposition. Je ne suis pas là pour vous permettre de faire ce que vous voulez sans qu'on pose aucune question. Quand on met des fonds publics comme vous en avez mis dans Noranda, !a responsabilité des parlementaires et des députés de l'Opposition, c'est de poser des questions et de demander des comptes au gouvernement. La responsabilité du gouvernement, c'est de mettre les cartes sur la table et, s'il est si bon que cela, le gouvernement, et s'il est si vertueux que cela, qu'il vienne se défendre en commission parlementaire et le prouver.

Si le ministre avait raison, j'aurais été le premier à dire: Effectivement, le contrat aurait été correct. Il y aurait eu au moins une chose qu'on aurait sauvée dans cette affaire-là. On aurait sauvé le fait que, quand on met 40 000 000 $ et 50 000 000 $ de fonds publics, où on a essayé de faire accroire au départ par des communiqués de presse que les gens n'avaient rien à payer et qu'on reconnaît aujourd'hui que le principe pollueur-payeur est un peu égratigné, au moins on aurait pu faire une vérification correcte de cette affaire-là. Si, en fin de compte, ce sont des félicitations que vous méritiez, on vous les aurait faites. Mais au moins l'Assemblée nationale aurait joué son rôle et aurait exercé sa responsabilité de surveillance. Ce n'est pas vrai qu'un gouvernement pourra mettre des fonds publics à la tonne comme vous en avez mis dans Noranda, qu'on ne vous posera aucune question et qu'on va se laisser traiter de n'importe quoi parce qu'on fait notre job d'Opposition. Il y a toujours bien une limite!

Par ailleurs, M. le Président, il y a aussi le cas des entreprises qui produisent des déchets dangereux. Il a fallu, au mois de décembre, une intervention de la société pour vaincre la pollution pour que le ministre de l'Environnement, tout à coup, réalise que, là aussi, il y avait une faille qu'il a corrigée en partie depuis, mais qui est une autre illustration, à notre point de vue, du problème dont on parle depuis le début, c'est-à-dire un problème de fermeté de moyens pour correspondre au discours de fermeté qu'on nous tient. Quand on se rend compte qu'une majorité d'entreprises qui devaient remettre des rapports à l'égard des contrôles sur les déchets dangereux ne l'avaient pas fait à la fin de l'année, que le ministre a finalement choisi, au mois de janvier, de poursuivre quelques-unes d'entre elles et que, par la suite, il a expédié 1250 autres lettres au mois de janvier aux entreprises pour leur rappeler leur devoir, cela est significatif. Cela veut dire que, finalement, les entreprises ne prennent pas suffisamment au sérieux le ministère de l'Environnement. Elles ne se sentent pas menacées. Elles peuvent laisser traîner les choses en longueur, attendre un deuxième et un troisième avis du ministre. C'est cela, la situation.

M. le Président, on aura peut-être l'occasion, la semaine prochaine, de revenir sur un dossier, mais je prends un exemple qui a été porté à la connaissance du ministre récemment et qui est aussi une autre illustration qu'il y a une mentalité qui n'est pas encore enracinée dans l'appareil public de décisions. Il y a quelques jours, on a appris qu'Hydro-Québec savait depuis 1986, parce qu'elle avait effectué un bilan environnemental sur ses centrales diésel de la Basse-Côte-Nord, qu'à La Tabatière il y avait un entrepôt de BPC, qu'il y a quatre catégories de contamination, de très faiblement contaminé à très fortement contaminé, et que l'endroit en question est classé très fortement contaminé. Je ne sais pas si le ministre a vu ce bilan d'Hydro-Québec.

Une société d'État comme Hydro-Québec le

savait depuis 1986 et n'avait pas averti les gens qui eux, sont alimentés en eau potable par la nappe phréatique qui est dans ce secteur. N'est-on pas en droit comme député, comme responsable d'un dossier, comme membre de l'Opposition et comme responsable aussi de i'intérêt public, de poser des questions au gouvernement? C'est clair que ce n'est pas le ministre de l'Environnement qui est le ministre responsable, mais il devra reconnaître que le niveau de sensibilité de l'appareil gouvernemental n'est pas nécessairement le sien ou à tout le moins celui qu'il affiche. Ce n'est pas normal que, dans une société comme la nôtre, une société d'État de l'importance d'Hydro-Québec qui connaît les états de dangerosité ne fasse rien pour avertir les gens. Quand on sait que les employés d'Hydro-Québec s'en vont au restaurant à La Tabatière et emportent leur bouteille d'eau. Ils n'ont pas averti les citoyens ni la municipalité de l'endroit que leur risque est grand parce qu'ils sont alimentés en eau potable par une nappe phréatique et des puits. C'est pour cela que les gens demandent une solution de l'aqueduc.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Verchères. M. le ministre.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, je suis bien d'accord avec le député. Il devrait faire son travail et me poser des questions. C'est un peu étonnant qu'il revendique ce droit qui est tout à fait légitime pendant que, comme député de l'Opposition, il n'avait posé avant l'affaire de Noranda, qu'il a fait téter au sein du Devoir comme un petit bébé, que trois questions en Chambre. Avant cela, il y avait eu seulement trois questions en Chambre: deux sur les sols contaminés où il a complètement mal compris la différence entre les sols contaminés et l'acide des déchets dangereux, une question en sixième position sur SIDBEC-Dosco, et trois autres questions sur Noranda. Cela a été toutes ses questions en Chambre depuis mars. Et il fait tout un laïus sur les revendications. J'en suis bien aise. Mais pourquoi ne me pose-t-il pas plus de questions? Pourquoi, si le Parti québécois croit tellement dans l'environnement, son chef ne le laisse-t-il pas poser plus de questions? Je serais très à l'aise de l'entendre poser des questions en Chambre sur Hydro-Québec et autres. Mais il n'a jamais l'intérêt pour poser des questions. Ou il n'est pas intéressé ou son parti ne considère pas cela très important. Jamais cela n'arrive. Je m'assieds là tous les jours, je viens à la période de questions. À moins d'une affaire sensationnelle comme celle de Noranda avec des en-têtes ronflants qui sont erronés, il est presque endormi sur sa chaise. Jamais il ne pose de questions. Et il vient me dire: Ah! On a raison, il faut poser des questions. Mais posez-les! Pourquoi ne m'a-t-il pas posé une question sur Hydro-Québec hier?

Il avait le journal avec lui. Les journalistes m'ont posé des questions, ce sont eux qui font le travail de l'Opposition.

Je vais vous dire ce que je fais avec La Tabatière. J'ai envoyé des gens à La Tabatière. Des gens sont ailés tester l'eau potable, les sols. Des analyses sont faites continuellement. Il n'y a pas de contamination aussi grave là-dedans. On est allé tester les sols et, en même temps, le directeur régional est allé et va retourner à La Tabatière. On avait envoyé des équipes pour aller surveiller. On va prendre toutes les mesures qui s'imposent devant HydroQuébec. Je peux vous dire que c'est nous qui avons tenu tête à Hydro-Québec et c'est nous qui avons fait qu'Hydro-Québec passe sous le fleuve plutôt que là-haut comme elle le voulait. Cela ne me fait pas peur. Et Hydro-Québec a envoyé des BPC en Angleterre. J'ai eu des négociations avec Hydro-Québec pour le dire. Il faudra que cette affaire cesse. Il faudra qu'on règle cela ensemble avant que cela n'arrive sur une grosse échelle. Je n'ai pas peur d'Hydro-Québec ou de n'importe qui. Je n'ai pas peur d'aucune entreprise ici. Mais, en même temps, il faudra faire un travail systématique sérieux. (11 h 30)

II y a une chose que je vais toucher pendant qu'on parle de l'environnement, que le député n'a pas touchée avec de bonnes raisons. Quand je suis arrivé au ministère de l'Environnement, les ministres que moi j'ai connus dans l'Opposition et les ministères ne se parlaient même pas. Le ministre de l'Environnement, M. Ouellette, et M. Garon étaient toujours à couteaux tirés. Le ministre industriel et le ministre de l'Environnement ne faisaient jamais rien ensemble. L'Agriculture et l'Environnement, c'était toujours à couteaux tirés. Ils étaient toujours dans des conflits. C'est pourquoi tellement de dossiers n'avançaient pas au Québec. Pour la première fois, nous avons un protocole avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, nous avons un protocole inofficiel avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, nos équipes travaillent ensemble, avec le ministère des Forêts, avec le ministère de l'Industrie et du Commerce. Pour la première fois, nous avons une cohésion dans l'appareil gouvernemental où l'environnement, cela compte pour les autres ministres. Graduellement, c'est en train de gagner du terrain.

Vous revenez toujours sur la question des industries qu'on ne poursuit pas. Au moins, nous sommes en train de faire du travail pour essayer de rectifier la chose. J'admets qu'on ne fait pas assez. Je l'admets enfin, 20 000 fois, qu'on ne fait pas assez. Mais, au moins, on fait des efforts tangibles. Vous brandissez cela pour dire qu'il ne faudrait pas que ce soient seulement des mots. Moi, je laisse le public juger. Je reçois beaucoup de lettres du public. Je crois que le public n'est pas fou. Je crois que le public croit qu'on fait beaucoup plus que des mots. Je vois

par les gens qui m'invitent quelque part, je vois par les gens qui me parlent, que le public commence à réaliser qu'on est en train de faire des choses, qu'on est seulement mortels. On n'est pas des "bon Dieu". On ne va pas changer le monde d'un jour à l'autre, mais, graduellement, les choses sont en train de s'améliorer.

Le public sait aussi qu'on lui dit les choses franchement. Vous avez beau dire qu'on essaie de louper le public, qu'on essaie d'emberlificoter les choses, moi, je ne le crois pas. Je circule dans le public. Je crois qu'on a une crédibilité environnementale. J'écoute de plus en plus ce que le public dit et je m'associe à lui, je m'associe aux groupements environnementaux, je m'associe aux citoyens. Je réalise qu'aujourd'hui notre gouvernement a une pensée environnementale qui commence à pénétrer de plus en plus dans les ministères, au sein du gouvernement et qui va jusqu'au premier ministre lui-même. Moi, je crois, M. le député, que justement vous devriez peut-être être beaucoup plus impliqué dans votre rôle. Ne pas seulement le dire et faire une espèce de fanfaronnade ici, mais me poser plus de questions en Chambre. Moi, je crois que c'est un scandale dans une époque où l'environnement compte comme la préoccupation no 1. Il y a 70 % des citoyens au Québec qui disent que l'environnement, cela compte et vous m'avez posé seulement trois questions pour l'affaire Noranda, deux sur un même sujet, l'autre en sixième position.

Vous vous dites: Pourquoi s'offusque-t-il? Je serais enchanté si vous me posiez des questions. Posez-moi des questions à tous les jours. Posez-moi des questions sur Hydro-Québec à La Tabatière. Posez-moi des questions sur les déchets dangereux. Posez-moi des questions sur tout ce qui est arrivé depuis mars. Il y a des quantités de choses qui sont arrivées dans l'environnement. Je suis arrive, j'ai des quantités de dossiers dans mon pupitre qui attendent que vous posiez des questions. Jamais vous ne m'en posez. Parfois le jeudi vous n'êtes même pas ici. Là vous me passez la culpabilité de cela. Faites des débats, l'interpellation tous les jours, sur Hydro-Québec, sur n'importe quoi, sur les compagnies polluantes, sur Noranda pendant toute la session. Faites des interpellations. Je serai ici tous les vendredis. Je serais enchanté de faire un débat là-dessus.

Au contraire, je crois que c'est bon pour l'environnement qu'on fasse des débats. Je ne veux pas vous empêcher, moi, de parler comme député de l'Opposition. Bien loin de là. Ce que je vous dis, c'est que cela me fait mal, la façon que ce dossier de Noranda a été mené. On est allé laver notre linge sale par démagogie pendant que l'ennemi no 1, ce sont les Américains de l'autre côté qui sont en train de rire de nous par la façon dont on a traité ce dossier. C'est cela qui m'a bien fait mal et qui me fait toujours bien mal.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. Je vais reconnaître M. le député de

Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: M. le Président, si on fait un débat ce matin, c'est parce que l'Opposition trouve que c'est important de le faire, justement. Je voudrais juste lui rappeler qu'encore hier il y avait une question qu'on a posée sur Senneterre et on pourrait y revenir la semaine prochaine. Peut-être que je peux lui donner une indication. Peut-être que le ministre de l'Environnement qui est si préoccupé, qui est si vertueux, pourrait nous expliquer comment ii se fait que l'entrepôt qu'il a autorisé est situé dans une région marécageuse. Quand on regarde le bilan environnemental, on se rend compte qu'un des problèmes c'est justement la détérioration des marais. Le fait que ce soit situé dans une région marécageuse... Ces marais, c'étaient des filtres naturels pour le lac qui est la source d'alimentation en eau potable des gens de Senneterre. Cela aussi, ce sont des cas qui pourraient amener l'intérêt du ministre. Parce qu'il y a toujours un bout, à un moment donné, d'être le champion de la vertu et de faire passer les autres pour un gang de crétins!

Je ne dis pas que tout ce que le gouvernement a fait est mauvais. Ce que je dis au ministre, c'est que, lorsqu'il est arrivé en fonction, il y a bien des choses qui avaient été faites. Si on veut faire le même petit jeu qu'il essaie de faire, on pourrait montrer que le gouvernement libéral sous Bourassa no 1 ne s'était pas tellement préoccupé de l'environnement; il n'y avait même pas de ministère de l'Environnement. Ce n'est pas lui qui a créé le ministère de l'Environnement. Quand il est arrivé, il était créé et il avait des moyens. C'étaient des moyens insuffisants, mais il n'y en avait pas avant. Il y a eu une progression.

Moi, ma responsabilité, c'est d'aller plus loin, c'est d'amener le gouvernement à aller plus loin. Ma responsabilité n'est pas de permettre au ministre d'avoir toute la glace et de dire ce qu'il veut dans l'opinion publique sans que des questions lui soient posées. Par exemple, il reproche aux députés de l'Opposition de poser un certain nombre de questions. Je lui ai cité des organismes ce matin comme la Société pour vaincre la pollution qui a fait un certain nombre de dénonciations, même s'il est si bon et si bien perçu. La Fédération de la faune, cette semaine, vous accusait de menacer les droits acquis de la population à l'égard des consultations publiques qu'il y aura la semaine prochaine sur le contrôle des pesticides, alors que vous entendez limiter le contrôle public des insecticides et des défoliants. On va en parler Sa semaine prochaine lors d'une consultation. Moi, je vais être là durant les trois jours de la consultation, les compagnies aussi. Il a fallu se battre hier, et finalement vous avez reconnu qu'on avait raison, pour que les entreprises en question puissent être entendues. Il

GAE-865 n'était pas question de favoriser les entreprises, mais de vous permettre à vous, de même qu'à moi, de poser des questions à ceux qui utilisent des pesticides et des défoliants.

La situation est la suivante quant à ce qu'on a essayé de démontrer, et j'y reviendrai un peu plus tard: dans !e domaine des déchets dangereux, il y a, comme dans le secteur de l'assainissement industriel, des comportements de la part d'entreprises qui sont inacceptables. Ces comportements ne vont être corrigés que dans la mesure où on se donne les moyens de le faire. Or, les messages que reçoivent les entreprises ne sont pas suffisamment clairs et vigoureux. La fermeté politique et la fermeté en paroles du ministre de l'Environnement n'est pas assez grande et c'est ce que j'ai essayé de démontrer ce matin. Je n'ai pas voulu démontrer que rien n'avait été fait, je n'ai pas essayé de démontrer que la situation était idéale ou encore que le ministre était responsable de tous les problèmes, mais dans le cas des déchets dangereux, c'est cela la situation. Je prends l'exemple d'Hydro-Québec. On peut parler de la sixième ligne, mais il y a d'autres cas qui font que, même dans cette situation, une société d'État de l'ampleur de celle d'Hydro-Québec ne se sent pas suffisamment menacée, interpellée par le gouvernement. Une entreprise comme Sanivan qui se croit à l'abri parce qu'elle a eu un permis pour construire un entrepôt ne se sent pas suffisamment menacée par le ministre de l'Environnement et elle est à l'aise pour commencer les travaux de ia deuxième phase. Hier, lors de ia période de questions, le ministre m'a répondu: Écoutez, si elles ont fait des choses illégales, on va les amener à défaire leurs travaux. Ce n'est pas cela, ce n'est pas de défaire leurs travaux, c'est que les entreprises se sentent suffisamment surveillées et qu'elles sentent que le gouvernement est suffisamment sérieux quand il dit qu'il va être ferme pour qu'elles n'osent même pas adopter des attitudes inacceptables. Quand les entreprises peuvent ignorer des avis, avoir des comportements répétés, que des récidives peuvent être enregistrées à l'égard d'attitudes inacceptables, cela témoigne d'une attitude... C'est celle-là qu'on a voulu mettre en évidence au cours de cette interpellation.

Je crois que d'avoir choisi ce sujet montre, au contraire, que l'Opposition - j'y reviendrai dans ma conclusion - prend son rôle au sérieux à cet égard. On aurait pu prendre des petits cas mineurs, un cas plus un autre et passer le temps de l'interpellation sur cela. Non, là, il y a un problème de fond relié à la crédibilité de l'action gouvernementale à l'égard du respect des normes et des lois par les pollueurs, parce que ce n'est pas tout d'avoir une politique qu'on va annoncer dans une semaine en disant: Attendez donc cette politique. Cela fait deux ans que vous nous dites d'attendre cette politique. Ce matin, vous nous dites: Attendez encore et vous verrez. On verra une consultation, mais le ministre a reconnu tantôt que cette consultation et même cette politique ne seront pas suffisantes.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Verchères. Nous en sommes maintenant à la période de conclusion. Dans un premier temps, je reconnaîtrai M. ie ministre pour un droit de parole de dix minutes et, dans un deuxième temps, M. le député de Verchères pour dix minutes. M. le ministre.

Conclusions M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. ie Président, j'espère que le public a mieux compris que moi parce que c'était une espèce de "smorgasbord" de toutes sortes de matières qu'on a empilées les unes sur les autres. J'ai reconnu avec le député qu'il fallait certainement faire plus par rapport à l'industrie. J'ai reconnu avec le député qu'il fallait être plus ferme envers les industriels. Je l'ai dit, on a commencé. Au moins, on a fait un petit pas en avant. On a poursuivi une grosse multinationale de façon exemplaire. On est en train de prendre une autre procédure qu'on est à examiner. On va le faire, on va réorganiser notre service juridique, notre service d'inspection.

Qu'est-ce qu'il veut qu'on en fasse dans deux ans? On a fait tout ce qu'on a pu pour essayer d'accélérer les choses, mais H fallait voir le point de départ, faire la morale aux autres. Cela est facile de faire la morale aux autres et de dire: Pourquoi n'avez-vous pas fait ceci, pourquoi n'avez-vous pas fait cela? Je le faisais aussi dans l'Opposition. Mais les choses que j'ai dites lorsque j'étais dans l'Opposition, je suis en train d'essayer de les corriger. Il y a plusieurs choses que j'ai corrigées depuis que je suis là. Je faisais la guerre à M. Léger contre la loi sur les non-fumeurs, contre les pesticides et contre Noranda à plusieurs occasions. Mais j'ai fait quelque chose.

Je vais montrer au député, parce que je suis tanné de cette affaire et de me faire dire: C'est nous qui avons la moralité, vous n'en faites pas assez. Je vais lui montrer un peu ce qui s'est passé, les menaces aux grosses corporations. Je vais lui montrer cela et le montrer au public aussi, l'affaire de Noranda, parce que cela m'a réellement rendu malade.

En 1975, sous le gouvernement du Dr Goldbloom, il y avait un règlement qui prévoyait une usine d'acide sulfurique. Pendant toutes ces années du gouvernement péquiste, après la session parlementaire, rien ne s'est fait. En 1979, un nouveau gouvernement qui annule l'usine d'acide sulfurique. Là, on s'en va vers une espèce de procédé bâtard SNA qui s'avère complètement ridicule. Noranda devait avoir deux ans pour le travailler, elle prend un an de plus sans que le fameux gouvernement, qui est censé menacer tout le monde, fasse quoi que ce soit.

En fin de compte, ce n'est qu'à la fin de 1985, dix ans après, qu'on revient à la formule du Dr Goldbloom pour un règlement qui va prévoir une usine d'acide sulfurique. La décision arrive sous notre gouvernement. C'est moi qui commence à négocier dès janvier 1986. Là, on va avoir une usine d'acide sulfurique qui va commencer à réduire les émissions de Noranda dès 1989.

Voyons ce qui serait arrivé si, par exemple, on avait gardé le règlement du Dr Goldbloom. On aurait eu une usine d'acide sulfurique en 1979. Depuis 1979, jusqu'à ce que la nouvelle usine entre en fonction, en 1989, on aurait réduit les émissions de Noranda de 193 000 tonnes par an d'anhydride sulfureux, ce qui veut dire un total de 2 000 000 de tonnes d'anhydride sulfureux qui n'auraient pas coulé sur le Québec pendant ces dix ans. Il a le culot de venir me dire qu'on ne menace pas assez les entreprises. Est-ce qu'ils ont menacé Noranda? Est-ce qu'il ne faisait pas partie de cette formation politique? Regardez un peu les chiffres des profits. Il me citait les profits de Noranda en 1987. Quand j'ai négocié avec Noranda en 1986, je peux au moins dire qu'en 1986 il y avait des pertes de 253 000 000 $. C'est en 1987, bien après, parce que les chiffres de 1987 ont été connus en 1988, qu'il y a eu des déficits cumulatifs de plus de 300 000 000 $. Mais, en 1979, quand son gouvernement a éliminé l'usine d'acide sulfurique, les profits de Noranda étaient de 400 000 000 $. L'année d'après, ils ont fait 415 000 000 $. Quand ils ont commencé le procédé SNA que le gouvernement a subventionné, ils faisaient des profits de 169 000 000 $.

J'accuse ce gouvernement, j'accuse le gouvernement antérieur qui vient me faire la morale sur Noranda, qui vient me prêcher: Vous ne menacez pas assez Hydro-Québec et les entreprises, qui a laissé une des plus grosses multinationales et peut-être symboliquement la plus polluante au Québec déverser pendant dix ans 2 000 000 de tonnes d'anhydride sulfureux qu'on aurait pu éliminer si vous aviez suivi le règlement de 1975. Il faut aussi que vous soyez responsables de vos actes. Il faut aussi, comme membres de l'Opposition, que vous veniez me prêcher la morale tous les jours et que vous veniez me dire: Ah oui! Sur Noranda, le principe pollueur a été égratigné. Vous n'êtes pas assez franc. Le public ne veut pas accepter cela, parce que vous n'êtes pas assez franc. Vous me citez Louis-Gilles Francoeur, vous me citez un éditorialiste du journal The Gazette et un autre, mais le public va comprendre, parce que le public comprend qu'il faut des actions pour dépolluer. Le public va comprendre cela. Il va comprendre que c'est moi qui ai fait ce bout-là et que, jusqu'à présent, rien ne s'était fait à Noranda. Les gens de Noranda vont comprendre qu'ils se sont fait polluer pendant dix ans à cause de votre Inaction.

Quel droit avez-vous de venir nous prêcher la morale, de venir me dire: Vous ne menacez pas assez les entreprises, vous ne faites rien? Combien de causes pénales avez-vous faites contre Noranda pendant ces années-là? Combien quand elle ne respectait pas l'ordonnance que vous aviez émise en 1981? Selon les documents officiels que je vous ai lus, elle ne répondait même pas à vos ordonnances et vous envoyait dinguer. Combien de poursuites avez-vous faites, vous? Combien de poursuites avez-vous faites quand le procédé SNA ne s'est pas avéré... Ils ont même retardé, avant de vous rendre un rapport, jusqu'en 1983. (11 h 45)

Combien de poursuites avez-vous intentées? Qu'est-ce que vous avez fait? Comment avez-vous pu la laisser polluer pour 2 000 000 de tonnes de SO2 pendant dix ans? Après cela, vous arrivez et vous nous faites la morale: Pollueur-payeur, vous n'êtes pas assez forts auprès des entreprises, vous ne les menacez pas. Mais, en tout cas, je peux vous dire que j'ai eu le courage, M. le député, de prendre des poursuites contre eux. J'ai eu le courage de m'asseoir avec eux pendant seize mois. Je suis allé à Toronto négocier avec des chefs d'entreprises. Si je ne peux pas dévoiler les documents, c'est que je suis un homme de parole - on a fait une entente, le gouvernement du Québec, le gouvernement fédéral et Noranda - qui, selon cette entente, ne peuvent être dévoilés certains documents pour des raisons tout à fait logiques. Par exemple, le coût de l'usine se trouve dans cette entente et, si on dévoilait le coût de l'usine, les soumissions pourraient être affectées.

Il y a des négociations qui vont se faire en Ontario avec Falconbridge et Algoma. Naturellement, le gouvernement fédéral nous dit: Ne dévoilez pas la chose. Ce n'est pas par cachotterie que je n'ai pas dévoilé la chose, mais ce qui m'a réellement irrité dans cette question, c'est que, pour la première fois, le Québec est à l'avant-garde dans la lutte contre les pluies acides. Là, je dois reconnaître une chose au ministre Ouellet: Au moins, il a eu le courage de faire le règlement en 1985. Cela, je l'admets bien franchement et je l'en félicite. Mais tout ce qui s'est passé avant, c'est un scandale et c'est cela le vrai scandale de Noranda. C'est un scandale qui s'est passé. Dix ans d'inaction où on a produit 2 000 000 tonnes de S0. Si vous voulez le voir et si vous croyez... Vous citez beaucoup d'éditorialistes. Lisez le livre de Rogel, Un paradis de la pollution, et cela va vous confirmer toutes les choses. Regardez les deux règlements. Regardez le règlement de 1975 du Dr Goldbloom et le règlement de 1979 du ministre Léger où on a soustrait l'usine d'acide sulfurique. Et vous dites que je ne menace pas assez les entreprises? C'est facile de dire cela quand on est de l'autre côté et qu'on n'a rien à faire. Au moins, j'ai fait des choses, M. le député. Je suis content, je suis fier du dossier de Noranda. J'ai envie de le dire publiquement très fort et je suis prêt à vous faire un débat là-dessus. Si vous voulez parler

rien que de cela, je serai prêt à faire un débat là-dessus. Je suis fier de ce qu'on a fait contre Hydro-Québec qui est la plus grosse corporation. Vous dites: C'est seulement la sixième ligne. Mais en tout cas, on est intervenu pour les BPC. On fera un débat sur Senneterre. Posez-moi des questions sur Senneterre. Je vous ai dit qu'il faudra des audiences publiques pour Senneterre par rapport à l'usine des BPC. Il faudra des audiences publiques. Les audiences publiques les situeront comme elles seront. Je n'ai peur d'aucune entreprise au Québec.

Je livre un message à ceux qui sont bons pour l'environnement comme à ceux qui sont mauvais pour l'environnement. J'ai rencontré toutes les grosses associations industrielles. Je leur ai livré le même message que je livre aux autres. Je ne pense pas qu'on livre un message croche. Je crois que, de plus en plus, le public commence à réaliser que l'environnement, ça bouge au Québec. En tout cas, ce qui me frappe, c'est que, parmi les jeunes de notre parti, on croit de plus en plus à l'environnement et notre parti est maintenant engagé vers l'environnement. Ce qui m'a frappé chez vous, c'est que j'ai entendu Mme Isabelle - j'oublie le nom de famille - qui a quitté vos rangs, faire une interview a la télévision dans laquelle elle disait: Une des raisons pour lesquelles je quitte, c'est que les préoccupations importantes tel l'environnement passe en seconde place par rapport aux bagarres stériles de constitution et de langue de 1970. C'était Isabelle Courville. Je pense qu'aujourd'hui il y a une conscience environnementale de plus en plus grande au Québec. Je pense qu'on commence à répondre à cela et que les gens voient clairs dans tous ces dossiers.

J'ai rencontré les groupements environnementaux chez Noranda après cette chose. Après leur avoir expliqué notre position, ils ont compris. Je crois que le public comprend parce que le public veut des résultats tangibles. Il ne veut pas de grandes paroles comme celles d'un de mes prédécesseurs à qui je demandais, par exemple, dans le cas de Noranda: Comment avez-vous pu omettre l'usine d'acide sulfurique de votre règlement de 1979? Il me disait: Cela ne pouvait pas être mis dans la loi ou dans le règlement comme tel parce qu'il aurait fallu avoir autant d'articles qu'il y avait d'entreprises, d'industries et de municipalités au Québec. Cela aurait été un peu trop gros. C'est pour cela que ce n'était pas comme tel dans la loi.

Avant de venir nous faire la morale, nous dire qu'on a peur des entreprises, qu'on ne fait pas assez pour l'assainissement industriel, il faut certainement avoir une mesure de comparaison. Je ne dis pas qu'on a fait des choses mirobolantes. Je ne dis pas que l'assainissement industriel au Québec se porte le mieux possible. Je ne dis pas qu'on est aussi sévères envers les industries qu'on le devrait. Je ne dis pas qu'on a assez de ressources. Je conçois tout ce que vous dites. Ce que je dis, c'est qu'on fait des pas substantiels et significatifs en avant, et de façon intelligente, raisonnée, autour d'une politique qu'on suit, de façon déterminée et même à la lettre dans les champs d'action que nous nous sommes précisés.

Donc, je pense que le public commence à voir qu'il y a un dessein, que tout cela forme un tout, que les ministères du gouvernement collaborent pour changer l'environnement au Québec. Je réalise, en visitant les groupements écologiques - ce soir, je vais aller discuter avec l'un d'eux - qu'ils commencent à comprendre que les choses changent au Québec. Je pense que l'environnement va se porter beaucoup mieux dans quelques années d'ici. le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le député de Verchères.

M. J@an-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: M. le Président, le ministre a utilisé avec beaucoup d'emphase le mot scandale pour essayer de qualifier l'action du précédent gouvernement dans un dossier particulier. Je pourrais lui renvoyer la balle et lui dire que c'était un scandale, quand on est arrivés au pouvoir, de voir comment le gouvernement libéral s'était comporté dans le domaine de l'assainissement des eaux. Rien n'avait été fait de façon significative dans le domaine de l'assainissement des eaux. C'est le gouvernement du Parti québécois qui a mis le programme d'assainissement des eaux en place, que vous continuez maintenant. C'est le gouvernement du Parti québécois qui a créé le ministère de l'Environnement. C'est le gouvernement du Parti québécois qui a fait ie règlement sur les déchets dangereux, que vous appliquez maintenant et qui doit être amélioré. C'est le gouvernement du Parti québécois, vous l'avez reconnu, qui a adopté le règlement sur les émissions acides. Je pourrais continuer dans plusieurs domaines pour démontrer que c'était un scandale, sous l'autorité du même premier ministre, M. le Président, quand nous sommes arrivés en fonction en 1976. Si le ministre veut que je Sui fasse un aveu pour lui dire que pendant les années où on a été en fonction - pour lesquelles, de toute façon, je n'étais pas au gouvernement et donc pas au pouvoir - on n'a pas tout fait, comme lui n'a pas tout fait, je vais lui faire cet aveu volontiers. Mais une fois cet aveu fait, il ne viendra pas me reprocher aujourd'hui de faire mon travail de député d'Opposition, de faire mon devoir. Mon devoir c'est quoi? C'est de lui poser des questions, c'est de l'interpeller et c'est de faire en sorte que les citoyens qui nous écoutent et qui suivent l'action du gouvernement et du ministre de l'Environnement aient des points de comparaison, pas uniquement par rapport à des gouvernements précédents, pas uniquement par rapport à des situations antérieures, mais par rapport à ce que ce gouvernement dit et fait.

II y a un problème de distinction entre langage et action. Le langage du ministre de l'Environnement actuel est parfait, extraordinaire; je n'ai rien à lui reprocher à cet égard. Il tient un discours environnementaliste, il est lui-même un écologiste de conviction. Ce n'est pas cela le problème. Le problème, c'est: Est-ce qu'on a les moyens de sa politique? Est-ce qu'on a les ressources nécessaires? Et est-ce qu'on est pris au sérieux par les gens qui doivent nous prendre au sérieux? C'est ma responsabilité d'interpeller le ministre comme je le fais aujourd'hui. Le ministre me dit, aveu bien candide, aveu bien tardif et aveu rapide: D'accord, c'est vrai qu'on n'est peut-être pas assez sévères. C'est vrai qu'on n'a peut-être pas assez de ressources. C'est aberrant, M. le Président. On vient d'avoir un budget dans une période de vache grasse. Et qu'est-ce que le ministre des Finances fait, qu'est-ce que le gouvernement a fait et qu'est-ce que le ministre de l'Environnement solidairement a accepté de faire? Ils ont accepté de faire du tape-à-l'oeil aux concitoyens, lis ont accepté de préparer les prochaines élections et donc de réduire les impôts. Ils ont accepté, non pas de s'attaquer à des urgences et à des priorités et mettre les ressources nécessaires en conséquence, mais ils se sont plutôt intéressés à faire du tape-à-l'oeil. Et ils voudraient aujourd'hui qu'on leur donne la bénédiction et qu'on leur dise: Vous êtes beaux, vous êtes parfaits, vous êtes extraordinaires, vous avez fait cela mieux que n'importe qui avant vous. Si c'était si extraordinaire que cela, peut-être que le ministre de l'Environnement aurait réussi à convaincre son collègue du ministère des Finances de lui donner les ressources nécessaires pour embaucher les personnes qu'il faut pour faire le travail qui doit être fait.

Le ministre me dit: On n'est peut-être pas assez sévères et on n'a peut-être pas assez de ressources. Il faut le faire. Il faut le faire après un budget comme celui qui nous a été présenté, et pas dans une période de crise économique. L'aveu du ministre de l'Environnement actuel, ce n'est pas l'aveu d'un ministre qui arrive en fonction, qui est en fonction depuis trois semaines. Ce n'est pas l'aveu d'un ministre qui nous dit ce qu'il nous dit dans une période de situation économique difficile, dans une période de crise économique. Ce n'est pas cela. Le ministre qui est devant nous vit dans un contexte économique très favorable, qui a amené des revenus inespérés au gouvernement. Il est en fonction depuis près de trois ans maintenant. C'est cela la situation. Il voudrait qu'on se comporte comme si on était en campagne électorale. C'est lui qui essaie de faire le procès du précédent gouvernement qui a été jugé par les citoyens alors que notre responsabilité, c'est de l'interroger, lui, et de l'interpeller, lui, pour les gestes que lui est en position de poser, est en droit de poser, est en devoir de poser.

M. le Président, je ne me laisserai pas charrier par ie ministre de l'Environnement comme il a essayé de le faire tantôt avec un beau tableau quand le ministre des Finances, lui, réussit à duper tout le monde au Québec et à faire croire qu'on s'attaque à l'environnement, alors que, selon les aveux que le ministre nous fait actuellement, on ne retrouve aucune ressource, dans le budget qui nous a été présenté, pour s'y attaquer. C'est cela la situation. Il y a toujours bien des limites à essayer de faire croire aux gens qu'on s'occupe des urgences, alors qu'on n'a même pas les ressources nécessaires. Ce n'est pas tout de publier un document qui s'appelle Pour un nouveau cap environnemental, il faut qu'il y ait un virage environnemental budgétaire et il ne s'est pas produit, M. le Président, alors qu'il aurait dû se produire.

Par les questions que j'ai posées au ministre aujourd'hui, je ne l'ai pas pris par surprise. Il y a un mois et demi, je lui en ai posé à l'étude des crédits. Le ministre nous reproche de ne pas toujours lui poser des questions en Chambre, mais il sait très bien, le jeu parlementaire étant ce qu'il est, qu'il n'y a pas juste la période de questions. On est 20 députés à vouloir poser des questions sur toute une série de sujets. Mais il y a l'étude des crédits qui est importante. Malheureusement, elle n'a pas été couverte par les médias. Même les choses qu'on lui a dites il y a un mois et demi, c'était bien avant le discours sur le budget. S'il avait l'influence qu'il prétend avoir, si le premier ministre était aussi conscient qu'il le dit des questions environnementales, si le ministre des Finances était aussi conscient des questions environnementales, si son collègue de la Justice était aussi conscient, est-ce qu'il serait aujourd'hui en mesure de nous dire: Écoutez, on n'a peut-être pas encore les ressources, je vais encore aller demander au ministre de la Justice des avocats additionnels? Non, il nous aurait annoncé des ressources additionnelles dans le discours sur le budget et il s'en serait vanté. Ce n'est pas cela qu'on a fait. On a préféré réduire les taxes et les impôts des gens pour que ce soit efficace un peu cette année et surtout l'année prochaine, alors qu'on sera peut-être en mesure de faire des élections anticipées, surtout parce qu'on sera mal pris avec le dossier de la langue. C'est comme s'il fallait choisir entre la langue, la constitution et l'environnement. Non, on n'a pas à choisir parce que ces dossiers sont tous aussi importants les uns que les autres. L'importance qu'un gouvernement accorde à un dossier est en fonction des moyens financiers qu'il met à la disposition de quelqu'un. Autrement, c'est du blabla, ce sont des paroles en l'air. C'est ce que je dis aujourd'hui au ministre. Vous n'avez pas les moyens de vos paroles. Vous n'avez pas les moyens de votre fermeté verbale, vous n'êtes pas en mesure actuellement de faire le jars devant les entreprises du Québec et devant les pollueurs. Vous avez beau publier un bilan environnemental et avoir un beau titre dans le Journal de Mont-

real d'aujourd'hui qui dit: Maintenant, le ministre va être viril. Une action environnementale contre les gros pollueurs... Je regarde cela: "Québec sera plus viril contre les gros pollueurs. " Ce journal est distribué à environ 1 000 000 de lecteurs au Québec aujourd'hui par le plus gros quotidien français d'Amérique. Vous êtes chanceux, vous êtes content d'avoir votre manchette. Mais ce que vous n'avez pas dit aux gens, c'est que vous n'avez pas les moyens de répondre à votre déclaration. Vous n'avez pas les moyens de livrer la marchandise et c'est ma responsabilité de le dire aux gens. Vous n'avez pas assez d'avocats pour menacer les entreprises, vous n'avez pas assez d'inspecteurs pour que ce soit efficace et vous ne mettez pas. assez de ressources cette année. Vous n'en avez pas assez mis l'année dernière et vous n'en mettrez pas assez dans les prochaines années sur ce qui est déjà annoncé pour que ce soit vraiment pris au sérieux. C'est cela la réalité.

Le ministre pourra faire tous les tableaux qu'il voudra, la réalité, c'est que dans quelques années, si cela continue sur l'erre d'aller actuelle, on sera dans la situation décrite par le journal The Gazette il n'y a pas si longtemps. Pas par Le Devoir, pas par le journaliste que le ministre a essayé de ridiculiser et qui a pourtant gagné le prix Olivar-Asselin. C'est un des meilleurs journalistes au Québec. On sera encore à attendre dans quelques années des actions énergiques alors que nos voisins en sont déjà à l'étape d'imposer des amendes sévères, d'entreprendre des poursuites efficaces, de débattre des causes qu'ils gagnent devant les tribunaux et d'obtenir des condamnations exemplaires. Le ministre n'en est pas rendu là, n'a pas les moyens de les poursuivre. Il n'a pas les moyens d'établir une preuve suffisante et d'obtenir des condamnations. Il ne fait rien pour que l'appareil judiciaire se branche sur la réalité des citoyens.

Je termine, M. le Président, parce que vous me faites signe que mon temps est écoulé. Je rappellerai une chose au ministre, en guise de conclusion. À l'étude des crédits, je lui avais rappelé les résultats d'un sondage qui disait que les citoyens - parce qu'il nous parlait des sondages tantôt et je lui en avait parlé avant - qui considèrent l'environnement comme une des choses les plus importantes - on est d'accord sur cela - se disaient prêts, M. le Président, à voir augmenter leurs taxes et leurs impôts pour que leur gouvernement s'attaque au dossier environnemental, s'attaque aux pollueurs de sorte qu'on ait un assainissement réel de notre milieu de vie. C'était l'opinion des citoyens et des citoyennes. Et savez-vous ce que le ministre m'a répondu? Savez-vous la première chose que j'ai faite? J'ai pris l'article et je l'ai donné au ministre des Finances. C'était un mois et demi avant le discours sur le budget. Quelle a été l'efficacité d'avoir transmis l'article de journal en question au ministre des Finances? Ses convictions n'ont pas été très fortes. Il n'y a rien eu dans le discours sur le budget qui aurait permis au gouvernement de faire cela. Il n'y a pas eu d'augmentation de taxes et d'impôts. On a diminué les taxes et les impôts parce que c'est du tape-à-l'oeil. Je demande aux citoyens qui nous écoutent ce qu'ils veulent. Qu'est-ce qu'ils veulent, M. le Président?

M. Lincoln:... en plus, moi?

M. Charbonneau: Non, non, c'est mon droit de réplique. C'est cela le jeu parlementaire.

M. Lincoln: C'est parlait à ce moment-là. Si j'ai dix minutes, il a dix minutes. Autrement, donnez-moi deux minutes.

Le Président (M. Saint-Roch): Non. En conclusion, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Ma conclusion, M. le Président, c'est cela. Je demande aux citoyens qui nous écoutent: Est-ce que c'est plus important d'avoir une petite baisse de taxes et d'impôts qui, dans le fond, n'est pas si significative que cela, surtout quand on l'étale sur une année, ou d'avoir un gouvernement qui prend ses responsabilités et qui donne les moyens au ministre de l'Environnement de pouvoir se vanter d'avoir attaqué les gros pollueurs et d'être pris au sérieux? Tant que le gouvernement n'aura pas donné au ministre de l'Environnement les moyens de sa politique, on sera ici pour lui poser des questions, que cela plaise ou non au ministre de l'Environnement.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Verchères. La commission de l'aménagement et des équipements ayant maintenant accompli son mandat, soit de procéder à l'interpellation adressée au ministre de l'Environnement par le député de Verchères sur le sujet suivant: l'environnement, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 3)

Document(s) associé(s) à la séance