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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mercredi 1 juin 1988 - Vol. 30 N° 25

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur le document intitulé 'Politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier'


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Parent, Bertrand): À l'ordre, s'il vous plaît!

La séance de la commission de l'aménagement et des équipements est maintenant ouverte. Je rappelle donc le mandat de la commission. Il s'agit de procéder à des consultations particulières sur le document intitulé "Politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier".

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Middlemiss (Pontiac) est remplacé par M. Parent (Sauvé) et Mme Trépanier (Dorion) est remplacée par M. Polak (Sainte-Anne).

Organisation des travaux

Le Président (M. Parent, Bertrand): Merci, M. le secrétaire. Alors, à l'ordre du jour aujourd'hui, je rappellerai, d'abord, que c'est pour les trois prochains jours que la commission de l'aménagement et des équipements tiendra ces consultations particulières, soit aujourd'hui, le 1er juin, demain et vendredi, le 3. On a un horaire assez chargé. Alors, dans ce sens-là on demande la collaboration de tout le monde afin d'être le plus respectueux possible de l'agenda.

En ce qui concerne l'ordre du jour d'aujourd'hui, nous avons, d'abord, ce matin les représentants d'Hydro-Québec, qui, me dit-on, ne sont pas encore arrivés, mais qui devraient être ici d'une minute à l'autre, car ils doivent comparaître ce matin pour présenter leur mémoire qui porte le numéro 16M. Il y aura, par la suite, à midi, le Regroupement pour un Québec vert qui n'a pas encore remis au secrétaire son document que l'on doit avoir au cours des prochaines minutes.

Voici la façon dont on va fonctionner pour la première heure: il y aura quatre intervenants. Il s'agit du ministre de l'Environnement qui interviendra d'abord, suivi du critique de l'Opposition en matière d'environnement, le député de Vèrchères. Nous aurons, par la suite, le ministre délégué aux Forêts qui interviendra et, enfin, quinze minutes seront accordées au député de Dubuc. Alors, les quatre intervenants ont quinze minutes chacun, ce qui complétera la première heure. Par la suite, nous entendrons Hydro-Québec. Hydro-Québec a une heure, soit 20 minutes pour la présentation de son mémoire et les 40 autres minutes sont partagées à 50-50 entre le parti ministériel et l'Opposition.

Sans plus tarder et en demandant la collaboration de tout le monde, afin que l'on puisse entendre les gens, je demanderais au ministre de l'Environnement d'ouvrir ces consultations particulières avec cette première période de quinze minutes.

M. Lincoln: M. le Président, juste avant l'ouverture des travaux, j'aurais voulu négocier quelque chose avec les parties intéressées et le critique de l'Opposition. Il y a des raisons, que je vais expliquer au critique de l'Opposition, qui m'amènent peut-être à suggérer quelques changements dans l'ordre des auditions pour vendredi; c'est pour des raisons que je n'expliquerai pas officiellement, mais dont je vais discuter avec lui. Si c'était permis dans le mécanisme et si les intervenants étaient d'accord, je voudrais changer l'ordre des auditions dans certains cas, entre jeudi et vendredi, si c'était possible. Je n'ai pas envie d'aller plus loin. Cela peut prendre du temps.

Le Président (M. Parent, Bertrand): Ce que je suggérerais, c'est qu'à la suspension, à l'heure du dîner, vous puissiez vous entendre. L'important, c'est que vous puissiez vous entendre le plus rapidement possible, parce que les convocations ont déjà été faites. Vous parlez particulièrement de la journée de vendredi. Alors, j'imagine que l'Opposition sera prête à discuter et qu'un terrain d'entente pourra être trouvé en dehors des heures où la commission siège.

Je vous remercie, M. le ministre. La parole est à vous.

Déclarations d'ouverture M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, la loi 27, la Loi sur les pesticides, a été adoptée il y a quelque temps seulement. Elle a été adoptée le 16 juin 1987. Cette loi a été le fruit d'un consensus entre les intervenants qui se sont présentés à la commission parlementaire et qui ont proposé plusieurs améliorations fondamentales au projet de loi initial qui était un avant-projet de loi. La loi 27 a aussi été le résultat d'un consensus, d'une prise de vue commune entre les deux partis représentés à l'Assemblée nationale de Québec. En fait, je dois dire, et je le dis en toute sincérité, que le critique de l'Opposition d'alors avait formulé certaines suggestions importantes par rapport aux objectifs de la loi qui ont été retenues.

Je voudrais passer brièvement en revue les objectifs de la Loi sur les pesticides. D'abord, elle donne au ministre de l'Environnement la confirmation de son rôle comme gérant de tout ce domaine des pesticides au Québec. C'est lui qui doit élaborer et proposer des programmes. Ces programmes par rapport aux pesticides

doivent favoriser la réduction et la rationalisation de l'usage des pesticides dans le milieu; ils doivent avoir pour objet d'éviter toute incidence qui pourrait être une atteinte quelconque à la vie et à la santé de l'être humain et des autres espèces vivantes, et d'éviter aussi les impacts sur l'environnement et les biens. Parmi ces objectifs, il y a l'objectif central de contribuer au développement d'alternatives à l'utilisation des pesticides, par exemple les méthodes de lutte biologique ou intégrée, et d'en encourager l'usage.

Dans l'exercice de cette fonction, le ministre a pour objectif de faire des recherches, de les coordonner, de stimuler et de faire exécuter ces recherches d'élaborer et de favoriser la réalisation de plans et de programmes de formation, d'éducation, d'information et de sensibilisation dans le domaine des pesticides.

Donc, c'est dans le sens de cette loi que mon collègue des Forêts, qui avait d'abord inclus le domaine des pesticides dans la Loi sur les forêts, avait accepté, dans le principe même, de consacrer la rconnaissance du ministère de l'Environnement comme gérant du domaine des pesticides et accepté que nous proposions ensemble une politique conjointe qui serait entérinée éventuellement comme la politique des pesticides du gouvernement dans le domaine forestier.

Nous avons préparé, à la suite de cela, une esquisse de politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier comme document de support à la commission parlementaire. Je sais qu'il y a certains intervenants qui disent: Cette commission parlementaire présente deux hypothèses de travail qui, dans un certain sens, ont l'air contradictoires. Il y en a une qui demande des études d'impact, l'autre qui dit: Non, utilisons deux types de pesticides sans étude d'impact. Je me rends compte également qu'une de ces hypothèses de travail qui dit: Allons-y avec l'utilisation de deux pesticides, dans un certain sens, va en contradiction avec les principes fondamentaux de la politique qui est avancée.

En même temps, je voudrais être clair, afin d'éviter toute interprétation à savoir que les dés sont pipés dans cette chose ou qu'il y a déjà eu des décisions prises au plus haut niveau; c'est tout le contraire qui s'est passé. Nous avons voulu présenter deux hypothèses de travail: une hypothèse - il faut être tout à fait ouvert là-dessus - qui est favorisée par mon collègue des Forêts qui voudrait que les deux types de pesticides qui sont nommés, incluant le B.t. et un autre, soient acceptés comme pesticides utilisés dans le milieu forestier et que s'il y avait d'autres pesticides à utiliser, à ce moment-là, on ferait des études d'impact.

Je le dis de façon très convaincue et je le répète ici, parce que c'est la position que j'ai toujours véhiculée et qui est tout à fait bien connue de mon collègue et des millieux forestiers: Pour nous, au ministère de l'Environne- ment, le principe d'une consultation publique impliquant les citoyens et le public est un élément essentiel à toute politique environnementale.

Pour nous, toute la question de l'autonomie du système de consultation et d'audiences publiques sur l'environnement est fondamentale. En fait, il faut voir la raison pour laquelle nous avons suggéré un programme sur cinq ans plutôt que les audiences publiques qui sont prévues aujourd'hui dans la loi, d'audiences publiques répétées à la pièce, selon un système individuel où les lots de plus de 600 hectares sont soumis chaque fois, en principe, aux audiences publiques.

En fait, comme on l'a découvert - vu que nous, au ministère, nous avons étudié la question depuis un bout de temps déjà - depuis 1983, au Québec, il se fait que, en utilisant les strictes dispositions de la loi, il y a des promoteurs individuels qui réussissent à faire, selon le mécanisme actuel, des arrosages qui couvrent moins de 600 hectares, mais qui, ajoutés l'un à l'autre, font beaucoup plus que les 600 hectares qui sont prévus dans la loi. Il y a aussi une autre faille dans notre loi, car les programmes d'expérimentation peuvent éviter les études d'impact. Ainsi, il se fait que, depuis plusieurs années déjà au Québec, quelque chose comme cinq ans maintenant, ces failles ont ouvert une porte que le législateur ne prévoyait pas dans l'esprit de la loi.

Le système que nous préconisons est un mécanisme d'audiences publiques globales qui feraient en sorte que, lorsqu'un programme d'arrosage de pesticides est considéré essentiel, nécessaire pour que le programme forestier qui est mis en place par le ministère des Forêts aboutisse, les compagnies forestières devraient pouvoir convaincre, par une programmation de cinq ans, tous les intervenants du milieu, les citoyens qui sont représentés par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement et qui ont droit à ce témoignage, que ce programme est tout à fait justifié.

Un programme de cinq ans éviterait, justement, les failles que nous retrouvons où les promoteurs individuels se servent des dispositions de la loi aujourd'hui pour l'éviter. Cela éviterait la question de l'expérimentation. Les programmes seraient étalés au grand jour pour une période de cinq ans. Ce serait une analyse prévisionnelle d'envergure de la part des compagnies. Cela permettrait une intervention, au départ, du public qui saurait à l'avance ce que les compagnies prévoient dans un avenir prochain au lieu de ne le savoir qu'à la pièce. Comment suivre une problématique large à la pièce, par lots de 600 hectares? Selon la logique des choses, il me semble qu'on serait bien plus avisé de faire un programme sur une période où on prévoierait des interventions que le public pourrait suivre à l'avance.

Sur la question de la prévention, il serait essentiel que, dans un programme de cinq ans,

des mesures de prévention soient incluses, par exemple, tout le dispositif, aujourd'hui, de dépistage des épidémies potentielles. Il y a maintenant 500 stations que l'on pourrait agrandir. Si une compagnie devait prévoir un programme de cinq ans, elle devrait prévoir aussi un dispositif préventif. Elle devrait prévoir et nous dire quelles méthodes alternatives éventuelles elle va inclure dans ce programme de cinq ans. Pendant cette période de cinq ans, nous avons embarqué, mon collègue, le ministre de l'Agriculture, et moi-même, dans un programme de recherche qui est déjà entamé où nous essayons de trouver des alternatives naturelles aux produits chimiques dans les domaines agricole, urbain et forestier. Puisqu'on évalue qu'il faudra de trois à cinq ans pour trouver des solutions efficaces, cela nous donnera le temps de passer d'une étape à l'autre.

Une autre raison essentielle, c'est qu'on va prévoir un échéancier pour les compagnies forestières qui vont se retrouver avec un programme de cinq ans étalé au grand jour et qui devra être discuté. Elles auront un échéancier et cet échéancier sera pour nous un moment important au sein duquel il faudra, nous, trouver des méthodes alternatives selon l'un des objectifs centraux de la loi. Dans ce programme de cinq ans, il va falloir aussi qu'on étale toute la question des bonnes pratiques sylvicoles qui vont permettre que, de moins en moins, on utilise des pesticides.

Je sais, malheureusement, et je le note, que beaucoup de groupements environnementaux qui avaient été invités ici ne se sont pas présentés. Certains ont dit: C'est parce que les compagnies sentent que les décisions sont déjà prises. Personnellement, je le regrette. Je pense qu'en toute démocratie, si on tient une commission parlementaire, il faut avoir la bonne foi de dire: Une commission parlementaire, c'est, justement, fondé sur l'idée d'écouter les gens. Si on propose des hypothèses de travail, cela ne veut pas dire que ces hypothèses sont les seules qu'on va considérer. On propose des hypothèses de travail qui sont des scénarios, mais ce ne sont pas nécessairement les scénarios qui seront retenus.

Comme ministre de l'Environnement, je pense avec beaucoup de conviction et de sincérité que la question de l'environnement est trop fondamentale dans tout le domaine des pesticides, par rapport à notre écosystème, à l'environnement, à la santé, à l'être humain et aux espèces vivantes, pour qu'on n'en tienne pas compte. Je sais qu'il y en a certains qui diront: Dans le domaine forestier, on utilise seulement 5 % des pesticides tandis que, dans le domaine agricole, on en utilise 85 %. En même temps, toutes les statistiques et tout ce que je lis par rapport aux résultats de l'usage des pesticides dans le monde démontrent que, dans le domaine des pesticides, peu, c'est déjà trop, qu'il faut en utiliser de moins en moins et pas du tout si des alternatives sont présentes.

Je vais lutter de la façon la plus convaincue possible pour être rationnel, pour être raisonnable, pour réaliser qu'il faut, malgré tout, ne pas nous fermer les yeux sur la réalité, tout en réalisant en même temps qu'il nous faudra de la façon la plus convaincue possible, chercher des moyens alternatifs et un système de réduction basé sur un programme d'envergure qu'on pourra connaître à l'avance pour certaines années.

Finalement, je sais que plusieurs compagnies forestières seront représentées ici; cinq seront représentées, en plus de l'association qui les représente. Là, je m'étais entendu avec mon collègue pour que deux compagnies soient représentées comme compagnies types parce qu'en fait, toutes véhiculent le même message. L'Opposition a tenu à les entendre toutes et le critique de l'Opposition m'a dit: Moi, je préfère entendre toutes ces compagnies pour savoir vraiment ce qu'elles ont en vue. De toute façon, si les compagnies présentent le même message - et je pense qu'elles le feront - il faudra qu'elles réalisent que la question environnementale est la trame même de toute la survie du principe de la conservation des ressources au Québec.

Je pense que nous pouvons travailler ensemble pour, justement, développer ce principe de la conservation des ressources naturelles passant par les citoyens parce qu'ils sont la clé même du système. C'est pour eux que nous faisons tout ce que nous faisons, surtout pour ceux qui vivent en milieu forestier, qui ont droit à une voix au chapitre, qui ont le droit de savoir, d'être informés à l'avance. Ce que nous voulons, nous, c'est dire qu'il y a une marge immense entre l'utilisation des pesticides visant à une réduction éventuelle et à des moyens alternatifs et une carte blanche qui serait donnée pour une utilisation sans information préalable et sans consultation. C'est la position que je compte défendre.

Le Président (M. Parent, Bertrand): Merci beaucoup, M. le ministre. La parole est maintenant au député de Verchères qui est le porte-parole de l'Opposition en matière d'environnement. M. le député de Verchères, vous avez 15 minutes. (10 h 30)

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Au début de cette commission, je pense qu'il faudrait camper les principes fondamentaux qui vont nous guider. Je suis heureux d'entendre le ministre de l'Environnement - et je présume que c'est la même chose pour son collègue - nous dire que les dés ne sont pas pipés d'avance et que les décisions ne sont pas arrêtées. On a devant nous, dans le fond, un bon test de l'équation qui doit être résolue, qui n'est jamais

facile à résoudre entre les enjeux et les intérêts socio-économiques, d'une part, et les intérêts environnementaux, d'autre part. Il s'agit, en l'occurrence, non seulement de protéger et d'accroître éventuellement le rendement d'une ressource particulière qui est la ressource forêt, mais également de se rendre compte aussi qu'il y a d'autres ressources en cause qui sont affectées par l'utilisation de ces produits, sans compter la santé humaine. À cet égard, il faut que les positions soient claires et qu'il y ait une espèce d'ordre de priorités, une échelle de valeurs qui doit être clairement comprise et affichée. En ce qui nous concerne, c'est évident que l'ordre des valeurs favorise, d'abord et avant tout, la protection des ressources et l'ensemble des considérations qui sont liées à l'environnement, mais aussi à la santé des personnes.

À cet égard, il faut peut-être le rappeler, il y a deux articles importants dans la Loi sur les pesticides qui sont, d'une certaine façon, des articles fondamentaux. Le ministre les a rappelés brièvement tantôt, mais il faut peut-être les avoir clairement à l'esprit parce qu'ils situent un peu l'ordre dans lequel on va fonctionner. Il y a l'article 5 qui dit: "Les droits et obligations résultant de l'application de la présente loi prévalent sur ceux résultant de l'application de la Loi sur les forêts ou sur toute disposition inconciliable d'un plan ou d'un programme élaboré en application de cette loi." Si on veut que cet article ait un sens, il va falloir s'en souvenir tout au long de nos travaux et éventuellement lorsque les ministres auront à s'arbitrer entre eux et à arbitrer le choix d'une solution.

Il y a l'article 8 qui dit, par ailleurs: "Le ministre de l'Environnement élabore et propose au gouvernement des programmes favorisant la réduction et la rationalisation de l'usage des pesticides; il en dirige et en coordonne l'exécution." Ce n'est pas deux ministres, il y a un ordre de priorités. À cet égard, nous, on est d'accord. C'est ce qu'on avait dit au ministre lorsqu'on a discuté de la fusion des organismes-conseils du ministère de l'Environnement. On pense qu'effectivement le ministre de l'Environnement a une responsabilité particulière et importante. On doit se rappeler aussi que l'objectif, c'est la réduction de l'usage et pas uniquement une harmonisation ou un usage contrôlé. L'objectif est de réduire l'usage en utilisant des méthodes alternatives pour en arriver à contrer les problèmes qui nous amènent à utiliser ces produits.

Les programmes dont on parle ont, notamment, comme objet: "1° de promouvoir l'analyse, l'évaluation et la maîtrise des incidences de l'utilisation des pesticides sur l'être humain, les autres espèces vivantes, ainsi que sur l'environnement et les biens; 2° de contribuer au développement d'alternatives à l'utilisation des pesticides, telles que les méthodes de lutte biologique ou intégrée et d'en encourager l'usage." C'est important de se rappeler cela parce que, lorsqu'on lit en particulier le scénario 2, on a l'impression qu'on a un peu oublié, d'une certaine façon, ces deux articles de la Loi sur les pesticides. Je pense que, dans l'optique où on vise à camper les choses en fonction d'une échelle de valeurs et d'un ordre de priorités, on doit continuellement les avoir à l'esprit.

Il y a peut-être aussi quelques repères historiques qu'il est bon d'avoir à l'esprit et des repères réglementaires aussi. On a un arsenal réglementaire et législatif. D'abord, on a le "Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement". Ce règlement assujettit à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement, tout programme ou projet de pulvérisation aérienne de pesticides à des fins non agricoles, sur une superficie de 600 hectares ou plus. Quand on sait, le ministre nous l'a confirmé ce matin et Le Devoir en a fait état ce matin à la une... Je sais bien que le ministre m'accuse souvent d'être le porte-parole ou le perroquet de mon ancien collègue du Devoir, mais, néanmoins, il reconnaît que souvent il frappe dans le mille. Ce matin, encore une fois, il est obligé de reconnaître que celui-ci avait raison. Quand on se rend compte que, finalement, il y a toute sortes de contournements de la loi actuelle qui font que, dans les faits, on réussit à se libérer de la contrainte de la production de l'évaluation des impacts environnementaux, on se dit: Ce rappel est important. Il y a le règlement relatif à l'administration de la Loi sur la qualité de l'environnement; pour tous les autres épandages en milieu forestier, des certifications d'autorisation sont exigées et délivrées en vertu de ce règlement.

Il y a la Loi sur la qualité de l'environnement, la Loi sur les pesticides, dont on vient de parler des deux articles fondamentaux, et aussi la Loi sur les forêts, qui a également été adoptée à la même période, en juin 1987, qui fait du rendement soutenu des forêts publiques une obligation légale que les ministères et les industriels sont tenus de respecter et autour duquel, d'ailleurs, l'industrie forestière greffe son argumentation. Sauf qu'il n'y a pas uniquement le rendement soutenu de cette ressource. Il y a également le rendement soutenu des autres ressources qui vivent dans le milieu forestier. La forêt, ce n'est pas seulement des arbres.

Repères historiques également. Je pense qu'il y a deux événements qu'on doit avoir à l'esprit quand on va faire cette consultation: d'abord, l'abandon du programme de pulvérisation aérienne de phytocides en milieu forestier en 1983-1984 par le ministère de l'Énergie et des Ressources. À ce moment-là, on se rappelle qu'il y avait eu un tollé dans l'opinion publique, qu'il y avait eu des audiences publiques et que, finalement, le ministère, après ces audiences, avait accepté de retirer son projet. Depuis ce temps-là, il y a une espèce de moratoire implicite. Par ailleurs, il y a eu le programme de

pulvérisation aérienne contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette en 1985. Alors qu'on avait trouvé une alternative et qu'on pensait que ce programme serait satisfaisant, tout à coup on s'est rendu compte, en mai 1986, qu'aux seules fins d'écouler un stock de produits chimiques qui restait au ministère de l'Énergie et des Ressources le gouvernement a modifié le décret et a fait en sorte que, pour la campagne d'arrosage de 1986, on utilise un insecticide chimique dans une proportion considérable par rapport à ce qui devait être fait et à ce qui était prévu dans le programme.

Donc, on se rend compte que, finalement, même s'il y a des lois et des règlements, on en arrive parfois et souvent à les contourner d'une façon ou d'une autre pour toutes sortes de bons objectifs ou d'objectifs qui peuvent être louables à première vue. Donc, il y a une certaine méfiance, en ce qui nous concerne, quant à une espèce d'abdication de principe ou à un abandon de certains acquis qu'on a en particulier à l'égard des droits des citoyens de participer à l'évaluation des impacts environnementaux et d'avoir une connaissance publique des impacts.

Sur les propositions qui sont présentées par le gouvernement, ce qu'on peut dire, c'est que, à l'instar de la Fédération québécoise de la faune, qui le souligne avec justesse dans son mémoire, nous avons pensé que nous étions consultés au départ sur une stratégie d'intervention. En fait, ce qu'on a constaté, c'est qu'on était plutôt consultés sur des modalités, mais que la stratégie semblait déjà arrêtée. Le ministre de l'Environnement nous a indiqué tantôt que les choses n'étaient pas arrêtées, sauf qu'il est clair qu'il a pu y avoir des négociations entre les deux ministères concernés et qu'on a dû arrêter une certaine forme de stratégie et une certaine forme de balises pour en arriver déjà au scénario en question. Ce qui est un peu regrettable, c'est que dans les deux cas, dont l'un est pire que l'autre, il y a une espèce d'approche qui, finalement, réduit la production des études d'impact et la tenue des audiences publiques. Dans le fond, on a une espèce de recul dans chacun des deux cas face à la préservation des droits des citoyens de connaître les impacts environnementaux et de participer à leur évaluation publiquement.

On pourrait aussi déplorer le fait que le code de gestion sur les règles d'usage, de manipulation et les conditions d'utilisation des pesticides ne soit pas encore prêt et disponible. On en parle dans le document de présentation du ministère, sauf qu'on constate que ce code ne nous est pas disponible actuellement. Il aurait été important, à notre avis, qu'on connaisse les considérations ou le contenu de ce code parce que cela pourrait éventuellement conditionner des réactions qu'on pourrait avoir ou que des intervenants pourraient avoir en regard des scénarios proposés.

On ne fait pas, non plus, nôtre l'argument de l'industrie forestière à savoir que les travaux sylvicoles auxquels elle est tenue lui occasionnent des déboursés tels que les coûts supplémentaires attribués à la procédure d'évaluation et d'examen des impact sur l'environnement ne peuvent être ainsi supportés et risquent d'hypothéquer les premiers investissements. Il faut se rappeler que l'industrie omet une précision fondamentale qui fait en sorte que, en vertu de l'article 89 de la Loi sur les forêts, les droits que doit payer un titulaire de CAAF "sont payables en argent ou en traitements sylvicoles". Par l'arrêté en conseil 00183, du 1er avril 1988, on avait édicté ainsi le règlement sur la valeur de ces traitements sylvicoles admis à titre de paiement des droits prescrits par le ministre responsable de l'application de la Loi sur les forêts.

En fait, si on veut être très clair, a priori on rejette carrément le scénario 2 parce qu'à notre avis, d'abord, on évite les débats publics dans ce scénario-là; on fait fi des droits acquis de la population; d'une certaine façon, on refuse l'imputabilité à l'industrie forestière et on ne fait pas la nuance fondamentale entre les propriétés d'un produit et les usages qui en sont faits. Les produits, c'est une chose, mais l'impact de ces produits-là varie en fonction des usages qu'on en fait. Également, on fait en sorte de réserver une portion congrue à l'importance et à l'ampleur des rares études d'impact qu'il permet. Celles-ci ne devront supporter que sur les seuls aspects environnementaux, laissant ainsi en plan les volets sociaux, biophysiques ceux de la sécurité et de la santé.

De plus, les situations d'urgence, les épidémies déclarées, dont parle l'industrie, pourraient très bien être prises en considération d'une autre façon. On pourrait très bien avoir des dispositions spéciales dans la politique qui feraient en sorte qu'on puisse réagir efficacement, un peu comme dans le cas des incendies de forêts dont on parle, d'ailleurs, dans le mémoire de l'Association des industries forestières, sans nécessairement avoir une attitude qui fasse en sorte qu'on ait une espèce de chèque en blanc à donner.

Le scénario 1 est moins pire, d'une certaine façon. On le rejette dans sa forme actuelle, tout au moins, parce qu'il ne fait pas la nécessaire distinction entre les phytocides et les insecticides utilisés. On ne fait pas, non plus, la nécessaire distinction entre les fins auxquelles sont utilisés les insecticides et pesticides, soit la lutte à la végétation concurrente, aux insecticides et aux maladies. On favorise aussi la production d'une superétude d'impact d'une ampleur telle qu'elle se révélera, craint-on - et on n'est pas les seuls à le craindre - tout à fait irréalisable ou encore incompréhensible aux fins d'une efficace consultation publique. Il y a sans doute moyen de trouver un modus vivendi qui fasse en sorte qu'on élimine des problèmes de faisabilité que présenterait cette option 1 qui ferait qu'on aurait une espèce de superétude

d'impact qui prendrait beaucoup de temps, qui coûterait beaucoup d'argent et dans laquelle personne ne se retrouverait, finalement.

M. le Président, en guise de conclusion, de façon générale, on a l'impression que tout est conçu comme si l'utilisation massive des pesticides était inéluctable, c'est un peu le plaidoyer que nous font plusieurs intervenants. Les propositions de solutions alternatives, au titre des contrôles mécaniques, des contrôles manuels, de l'épandage terrestre ou autre, sont ignorées ou rejetées du revers de la main. Je comprends que, dans un certain nombre de cas, ces alternatives causent, elles aussi, des problèmes, mais je pense que, idéalement, dans une optique où l'environnement est pris en considération et mis au coeur du débat, en termes de priorité, il serait important qu'on évalue les avantages et les inconvénients de chacun des moyens mis à notre disposition pour lutter contre les maux qui affectent la forêt québécoise.

On veut rappeler de nouveau au ministre de l'Environnement ses responsabilités et je pense que celui-ci, avant de proposer d'une façon peut-être pas pompeuse, mais un peu prétentieuse, la création d'une espèce de fonds forestier mondial, devrait s'assurer du développement écologique de la forêt québécoise. À cet égard, on croit possible de tenir compte à la fois des impératifs et des exigences du développement économique et de l'industrie, et on sait très bien qu'il y a des emplois créés; donc, ce ne sont pas seulement les intérêts financiers des compagnies qui sont en cause et dont on a à se préoccuper, mais ce sont aussi les intérêts socio-économiques d'une partie de la population du Québec qui vit de cette industrie-là.

Par ailleurs, il y a aussi des exigences pour la protection des humains et des écosystèmes. On est convaincu - c'est un peu cela la conclusion, M. le Président - qu'il y a moyen de trouver un troisième scénario qui tiendrait compte des intérêts d'efficacité à l'égard de la protection d'une ressource particulière qui est la forêt, du rendement de cette ressource-là et qui serait également plus opérationnelle en termes de protection de l'environnement, du droit des citoyens à participer à cette protection de l'environnement et à l'évaluation des impacts environnementaux. Je crois qu'il y a moyen de trouver, à travers les audiences qu'on va tenir dans les trois prochains jours, les pistes de solutions qui pourraient nous permettre d'avoir un troisième scénario qui serait plus cohérent par rapport aux principes directeurs qui sont énoncés dans le document de consultation que nous soumettent les deux ministres, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Bertrand): Alors, je vous remercie beaucoup, M. le député de Verchères. Je vais maintenant laisser la parole au ministre délégué aux Forêts pour une période de quinze minutes. M. le ministre.

(10 h 45)

M. Albert Côté

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. Mon collègue et MM. les membres de la commission, si on arrive aujourd'hui à discuter d'une politique d'utilisation des pesticides en forêt, c'est parce qu'on cherche une façon de faire les choses correctement, une façon de protéger la santé, une façon aussi de s'assurer qu'on va protéger notre environnement et qu'on va atteindre les objectifs prévus dans la loi. Pour moi, si on ne trouve pas une façon, je dirais, correcte et juste de le faire, j'aurai l'impression d'avoir trompé toute l'industrie forestière, les ouvriers forestiers et moi-même dans ce dossier. Pour nous c'est vital pour le Québec. Il y a des moyens pour faire les choses correctement en respectant tous les utilisateurs de la forêt, en protégeant la santé et nos emplois.

Se risquer à parler des pesticides, c'est accepter, M. le Président, de se faire insulter, que l'on soit d'un côté de la table ou de l'autre. Ces propos sont du professeur Stewart Hill, entomologiste au Collège Macdonald, de l'Université McGill. Ces propos auraient pu servir d'introduction à un débat stérile sur l'utilisation des pesticides au Québec, mais, en les replaçant dans le contexte d'aujourd'hui, j'ose espérer que les débats de la commission parlementaire de l'aménagement et des équipements seront l'occasion de développer un consensus sur cette question délicate et souvent émotionnelle alors que cela ne devrait pas l'être.

Pour le ministère de l'Énergie et des Ressources et, en particulier, pour le secteur forestier, les enjeux, comme je l'ai mentionné au début, sont de taille. En effet, l'utilisation des pesticides en milieu forestier constitue un des outils essentiels - à moins qu'on n'en trouve d'autres et, si on veut en trouver d'autres, il faudra faire des expérimentations, c'est bien évident; il faut faire de la recherche, puis, quand on fait de la recherche, on fait des expériences; si on critique les expérimentations qui sont faites de ce côté-là, évidemment, c'est parce qu'on ne veut pas trouver d'autres moyens - qui nous permettront d'atteindre les objectifs que la nouvelle Loi sur les forêts a proposés à la société québécoise.

En guise d'introduction, j'aimerais rappeler les deux principes directeurs de cette loi qui a été adoptée de façon unanime par l'Assemblée nationale. Le premier élément de cette loi, qui en constitue le fondement même, c'est le respect du rendement soutenu. Le respect du rendement soutenu, cela veut dire conserver une forêt verte et en santé. Cela ne veut pas dire conserver une forêt mangée par les insectes et dévastée par d'autres maladies. C'est le respect du rendement soutenu afin de perpétuer le couvert forestier et l'activité économique générée par l'utilisation de cette ressource. Ce principe nous amène à rendre

obligatoire la régénération des aires de coupe et nous amène, également, à exiger l'atteinte de rendement par unité de surface de façon à obtenir un volume de matière ligneuse suffisant pour garantir l'approvisionnement à long terme de l'industrie. D'autres principes m'apparaissent également fondamentaux, bien que dans le débat d'aujourd'hui ils puissent être considérés comme accessoires. Je fais référence ici au fait que la forêt publique constitue désormais une source résiduelle d'approvisionnement, que le bois provenant des forêts publiques est vendu par l'État en fonction de sa valeur marchande et, enfin, en ce qui concerne la responsabilité des travaux d'aménagement, que l'État transfère à l'industrie une grande partie des obligations reliées à cet aménagement étant donné que nous en sommes les propriétaires.

En fait, il s'agit d'un changement de cap fondamental en ce qui concerne la gestion des forêts du Québec et ces principes, avant d'être adoptés par l'Assemblée nationale, ont fait l'objet de deux consultations qui se sont étendues sur une période de deux ou trois ans et qui ont impliqué les différents intervenants oeuvrant dans le milieu forestier. Cette longue période de réflexion - on dit deux ou trois ans, mais je dirais durant toute ma carrière, une quarantaine d'années - de discussions et d'échanges de vues a montré notre volonté de concertation avec les différents intervenants en milieu forestier et les résultats obtenus représentent un consensus qui, à mon sens, reflète véritablement les aspirations des Québécois en ce qui concerne la gestion d'une de leurs ressources les plus importantes, la forêt.

Concrètement, comme vous avez pu le constater dans les différents médias d'information récemment, ces principes se traduisent par la signature de contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier entre le gouvernement et l'industrie forestière qui est devenue notre partenaire. J'ai eu, à ce sujet, l'honneur et le plaisir de signer les trois premiers lors d'une cérémonie officielle la semaine dernière et j'hésiterai à en signer d'autres si on ne trouve pas une politique d'utilisation adéquate.

C'est ici que je rejoins le débat de fond suscité par le document préparé conjointement avec mon collègue, M. Lincoln, le ministre de l'Environnement. Ce document concerne l'obligation qu'a désormais tout industriel qui s'approvisionne dans les forêts publiques d'atteindre un rendement fixé dans son contrat et le gouvernement prend une certaine responsabilité pour corriger les erreurs du passé. Globalement, cette obligation ramenée à la dimension du Québec signifie des investissements annuels de 150 000 000 $ à 200 000 000 $, non seulement pour protéger le couvert forestier sur l'ensemble du territoire québécois, mais surtout pour garantir le pérennité de cette activité économique essentielle au Québec, puisqu'elle engendre des retombées économiques de l'ordre de 10 000 000 000 $ par année, dont 2 000 000 000 $ en salaires.

Comment, concrètement, atteindre ce rendement? Trois types de techniques sylvicoles peuvent être utilisées par l'industrie. Premièrement, des techniques permettant d'assurer la régénération naturelle immédiatement après la coupe à un niveau au moins équivalent à ce qui existait avant la récolte. Il s'agit de coupes de protection de la régénération, de coupes par bandes, d'abattage dirigé, d'entretien de régénération et d'autres activités. Deuxièmement, des techniques permettant d'implanter de nouveaux peuplements adaptés aux sites visés et dont le rendement est supérieur à celui d'un peuplement naturel. Il s'agit ici de toutes les opérations de reboisement, de la récolte de cônes à l'entretien de plantations en passant par le traitement des semences, la production des plants, la préparation de terrain, la mise en terre ou l'ensemencement. Troisièmement, des techniques permettant d'accroître la production de peuplements existants, naturels ou artificiels, tant en volume qu'en qualité. Il s'agit d'éclaircies précommerciales ou commerciales, de coupes jardinatoires, d'élagage, de fertilisation, etc.

Le recours à l'une ou l'autre de ces techniques, ou même à une conjugaison des trois, dépend de la nature du territoire à traiter et du rendement qui est fixé dans le contrat pour ce territoire. Toutes ces activités doivent, cependant, être conduites de façon à assurer la protection de l'ensemble des ressources du milieu forestier, ce qui implique l'obligation de recourir à des techniques particulières qui sont définies dans le "Guide des modalités d'intervention en milieu forestier", qui a été conçu par le ministère des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche, le ministère de l'Environnement et le ministère de l'Énergie et des Ressources, et dans le règlement qui en découle.

Il demeure, cependant, un prérequis essentiel à l'utilisation de ces techniques sylvicoles; c'est notre capacité à assurer l'existence d'un couvert forestier, qu'il soit naturel et constitué de peuplements mûrs ou qu'il soit le fruit d'une régénération naturelle ou artificielle. Dans ce contexte, la protection des forêts contre ce que nous appelons les agents nuisibles constitue la première étape de l'aménagement forestier. Et la panoplie d'outils disponibles pour nous permettre d'assurer cette protection est relativement restreinte, bien que les recherches nous permettent d'ajouter certains outils au fur et à mesure des développements dans ce domaine, à condition qu'on fasse des recherches et des expériences. Mais parmi ces outils se retrouvent les pesticides dont l'utilisation doit être régie par des règles de gestion acceptables tant du point de vue de la santé que du point de vue environnemental ou forestier.

Le document préparé conjointement par nos deux ministères et qui fait l'objet des travaux de cette commission fait référence à un consensus

ministériel sur une série de principes et il propose à la population une politique gouvernementale en matière d'utilisation des pesticides en milieu forestier. Je vous dirai que, si nous avons une politique gouvernementale, nous serons deux à la surveiller plutôt qu'un.

Qu'il me soit permis de vous rappeler le texte de cet énoncé de politique: Les pesticides en milieu forestier constituent des outils permettant de réaliser la protection et l'aménagement forestiers. Le gouvernement du Québec doit s'assurer que l'utilisation de ces outils ne mettra pas en danger la santé humaine et que les impacts environnementaux, sur le milieu forestier seront minimisés. Il doit en limiter l'usage - c'est sûr qu'il faut en limiter l'usage - aux seuls cas nécessaires et pour lesquels il n'existe pas de mesures équivalentes de remplacement. Il doit aussi veiller à en contrôler l'utilisation en regard d'objectifs gouvernementaux de protection de l'environnement, tout en permettant la réalisation des objectifs de production forestière.

Nous sommes donc ici, M. le Président, pour examiner les moyens de concrétiser cet énoncé de politique et les deux scénarios d'intervention qui vous sont proposés s'inscrivent dans cette démarche. Nous sommes conscients que l'usage des pesticides ne rencontre pas la faveur populaire puisque les études récentes sur les perceptions de la population face aux produits ayant un potentiel de risque pour la santé humaine montrent que les pesticides se classent généralement au neuvième rang, après l'énergie nucléaire, les véhicules à moteur, les armes à feu, la dynamite, les remèdes, etc.

Cependant, en milieu forestier, leur contexte d'utilisation est tout à fait particulier. Ainsi, dans le cas des épidémies d'insectes, nous faisons affaire à des phénomènes biologiques difficilement prévisibles, sinon impossibles à prévoir, malgré les prétentions de certains, et difficilement contrôlables a priori. Le recours aux insecticides s'avère essentiel, bien que limité dans le temps.

En ce qui concerne la protection de la régénération naturelle ou artificielle, l'utilisation des phytocides est non seulement limitée dans le temps - puisqu'on n'a recours aux pesticides qu'une fois dans la vie d'un peuplement - mais elle est généralement très limitée dans l'espace puisqu'elle ne vise que les endroits où la régénération naturelle ou artificielle subit une compétition trop forte. De plus, il faut noter qu'elle s'effectue surtout loin des zones habitées puisque réservée à la grande forêt publique.

Le deuxième scénario s'appuie, en fait, sur ces constats, mais il tient également compte des efforts de recherche qui nous permettront non seulement d'utiliser les pesticides de la façon la plus sécuritaire possible, mais qui nous permettront surtout de trouver des moyens alternatifs à l'utilisation de ces produits dans l'environnement. Cette solution constitue, et pour le ministère dont j'assume la gestion et pour l'industrie forestière, une approche logique, compte tenu de nos connaissances actuelles. Elle constitue également une règle de gestion souple, mais capable d'assurer, d'une part, le respect des modalités d'intervention garantes de la protection de notre environnement forestier et de notre qualité de vie et, d'autre part, l'atteinte des objectifs de production fixés dans chaque contrat.

Là-dessus, M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Bertrand): Merci beaucoup, M. le ministre. On a un dernier intervenant dans les déclarations d'ouverture, soit le député de Dubuc qui a la parole maintenant pour quinze minutes. Par la suite, nous entendrons le premier intervenant, soit HydroQuébec.

M. le député de Dubuc, la parole est à vous pour quinze minutes.

M. Hubert Desbiens

M. Desbiens: Merci, M. le Président. Je n'utiliserai sans doute pas le temps qui m'est imparti. Mon collègue responsable de l'environnement pour l'Opposition a très bien campé, je crois, l'attitude que l'Opposition entend avoir aussi bien au plan environnemental proprement dit qu'en ce qui touche un des éléments de la forêt publique, c'est-à-dire la matière ligneuse qui sert à cette industrie éminemment importante au Québec, celle de la transformation et de l'utilisation du bois sous toutes ses formes.

Cependant, le sujet même de cette commission parlementaire nous indique assez clairement, M. le Président, que le gouvernement, d'une certaine façon, a fait son choix puisque le sujet même de notre commission parlementaire est relatif à la politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier.

C'est donc que les moyens alternatifs - comme on les mentionne, d'ailleurs, à l'article 8 que nous a rappelé le ministre de l'Environnement - ne constituent pas encore véritablement, du moins pour le gouvernement actuel, l'objectif fondamental. En faisant de l'utilisation des pesticides en milieu forestier le sujet de cette commission, d'une façon, on admet qu'on peut les utiliser encore ou qu'il faut les utiliser encore. (11 heures)

Maintenant, l'utilisation forestière. Aujourd'hui, tout le monde en convient, la forêt est une ressource économique non seulement pour ce qui est de la matière ligneuse, mais aussi pour ce qui est de la faune, de l'utilisation que peuvent en faire les citoyens pour le plein air et de la ressource fourrure. Dans une civilisation qui est davantage axée maintenant vers le loisir, c'est de plus en plus l'endroit privilégié pour pratiquement au-delà de la moitié de la population du Québec. Il est donc important de tenir compte de

cette réalité. Je constate que le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, responsable particulièrement de la protection des écosystèmes, avec qui le ministre de l'Énergie et des Ressources et le ministre de l'Environnement travaillent présentement sur le "Guide des modalités d'intervention en milieu forestier", est absent de cette commission. Le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, en sa qualité de protecteur de la faune, de conservateur, de ministre responsable de la mise en valeur de cette ressource faunique aurait dû aussi se retrouver ici avec ses deux collègues pour participer aux travaux de cette commission.

M. le Président, il y aurait un autre point sur lequel je voudrais apporter un complément ou peut-être attirer davantage l'attention des ministres, c'est sur la nécessité, une fois qu'une réglementation ou qu'une loi existe... Il y a les révélations de l'article du Devoir ce matin. De même, on a la modification au décret qui avait été passé en 1985 concernant la disparition progressive de l'usage du fénithrotion, remplacé par le B.t. Le décret de 1985 fixait comme objectif l'élimination en 1987 du fénithrotion et l'usage à 100 % de B.t. Mon collègue l'a souligné, ce décret a été modifié pour permettre, selon un ministre, d'écouler des stocks existant déjà au ministère de l'Énergie et des Ressources, mais il reste que ce n'est pas le phénomène en soi. Ce que je veux souligner, c'est qu'il est important que tous prennent bien conscience que les règlements ou que les lois sont là pour s'assurer qu'il y a un message de transmis à une population ou à des utilisateurs de modifier leur comportement s'ils ne veulent pas transgresser des lois ou des règlements. Alors, ces messages sont de diverses natures et il est important que le gouvernement et les ministres en tiennent compte.

Ce sont les remarques supplémentaires que je voulais faire, M. le Président, et, puisqu'on est ici pour entendre les intervenants et discuter avec eux, ils pourront procéder. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Bertrand): Merci, M. le député de Dubuc. Cela complète donc les déclarations d'ouverture de deux intervenants chaque côté.

Auditions

On va passer maintenant à la présentation des mémoires. Le premier groupe intéressé doit s'avancer, soit les gens d'Hydro-Québec qui sont représentés par M. Daniel Dubeau, entre autres, et par Mme Stella Leney. Je demanderais que chacun des intervenants puisse s'identifier avec ses fonctions pour que tous les membres de la commission puissent bien savoir à qui ils ont affaire.

Je vous rappellerais que vous avez une période de 20 minutes pour présenter votre mémoire et que, par la suite, il y a 40 minutes qui sont réparties 50-50, c'est-à-dire 20 minutes de chaque côté, pour une période de questions et d'échanges de propos particulièrement. M. Dubeau, j'imagine?

Hydro-Québec

M. Dubeau (Daniel): Oui. Bonjour. M. le Président, MM. les ministres, Mmes et MM. les membres de la commission, mon nom est Daniel Dubeau. Je suis vice-président de l'environnement à Hydro-Québec. Je suis accompagné ce matin de M. André Boily, à ma droite, directeur de l'appareillage, de M. Yvon Lebeau, chargé de l'entretien d'emprises, de la même direction, et de M. François Gauthier, à ma gauche, qui est conseiller en ressources forestières à la vice-présidence de l'environnement.

Je tiens, tout d'abord, à vous remercier d'avoir invité Hydro-Québec à participer à ces consultations particulières sur la "Politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier". Mon exposé vise à passer en revue les grandes lignes tracées dans le mémoire déjà déposé par Hydro-Québec, tout en expliquant plus amplement certains des commentaires qui y sont contenus.

Hydro-Québec appuie le gouvernement du Québec dans sa démarche en vue d'établir une politique visant l'utilisation judicieuse des pesticides en milieu forestier, ainsi que des moyens pour sa mise en oeuvre. Hydro-Québec suggère que soient pris en considération certains autres éléments importants de la problématique des pesticides en milieu forestier liés à ses activités d'exploitation.

Nous comprenons de la politique que le terme "pesticides", est utilisé dans son sens large et qu'en conséquence il comprend le sous-ensemble que constituent les phytocides. Ce sont ces derniers produits, les phytocides, qu'Hydro-Québec utilise pour l'entretien de certaines de ses propriétés et emprises de transport d'électricité. Le type d'utilisation de phytocides propre à Hydro-Québec vise des objectifs différents du type d'utilisation des pesticides des autres intervenants en milieu forestier, mais demeure une activité assujettie à la loi concernant leur application en milieu forestier. Nous décrirons, d'abord, l'utilisation des phytocides que fait Hydro-Québec. Dans un second temps, nous ferons des commentaires sur la politique et les scénarios proposés.

Les distances couvertes par les emprises du réseau de transport d'énergie d'Hydro-Québec sont évaluées à 28 000 kilomètres, soit une superficie d'environ 150 000 hectares dont 100 000 sont boisés. Afin d'assurer le bon fonctionnement des équipements de transport d'énergie, la sécurité du public et celle des travailleurs et pour éviter les pannes d'électricité, Hydro-Québec doit effectuer certains travaux de contrôle de la végétation. Ces travaux sont nécessaires afin d'assurer de façon cons-

tante l'accès aux lignes électriques pour leur entretien, le maintien des dégagements des conducteurs, la prévention des incendies dans les emprises de lignes et les postes. À titre d'exemple, en 1986, nous avons répertorié huit mises hors tension de lignes de transport dues à des feux de forêt.

Les différentes techniques de contrôle de la végétation utilisées par Hydro-Québec sont effectuées selon les principes prévus dans le document intitulé "Modes d'intervention sur la végétation - méthodologie de sélection". Ce document est révisé et mis à jour annuellement depuis 1982. Il a été soumis, au fil des années, au ministère de l'Environnement du Québec à l'appui des demandes de certificats d'autorisation pour l'épandage terrestre de phytocides. Ce document justifie les interventions d'Hydro-Québec sur la végétation, décrit le dynamisme de la végétation dans nos emprises de lignes, les modes de traitement et les produits disponibles, la gestion des programmes annuels d'entretien et les coûts inhérents à chacun d'eux, le suivi des travaux, ainsi que les mesures d'urgence en cas de déversements accidentels.

Les principes sur lesquels s'appuie cette méthodologie sont les suivants: "Hydro-Québec effectue la répression de la végétation incompatible avec le fonctionnement des installations de son réseau par des interventions rationnelles qui tiennent compte: de ses obligations envers les propriétaires et les autres utilisateurs du milieu, de la santé et de la sécurité du public et des travailleurs, de la protection de l'environnement et de la mise en valeur de ses propriétés, tout en maintenant les coûts à un niveau acceptable."

Ces principes permettent d'identifier le meilleur mode d'intervention sur la végétation: aménagement, intervention chimique ou intervention mécanique en fonction du milieu humain, rural, dans la forêt du domaine public et en minimisant les impacts par des mesures d'atténuation. Par exemple, lorsque l'application de phytocides est envisagée, une étude des milieux est réalisée, des périmètres autour des zones à protéger sont identifiés et un suivi environnemental est également prévu. De façon générale, on peut dire que le contrôle de la végétation en milieu urbain s'effectue par élagage, en milieu rural par coupes mécaniques, en milieu forestier par coupes mécaniques et par l'épandage de phytocides. Les épandages aériens de phytocides ne sont envisagés, en vertu de la méthodologie d'Hydro-Québec, que pour les territoires éloignés, accidentés et peu accessibles. L'utilisation des phytocides par Hydro-Québec est fonction de ses différentes activités. En principe, lors de la construction, il n'y a pas d'application de phytocides. Toutefois, à titre d'exemple, dans le cadre du projet Radisson-Nicolet-des Cantons, dans la région de Rapide Blanc, sur une superficie d'environ 100 hectares, un traitement expérimental des souches est effectué. Il s'agit là d'un effort d'intégration des méthodes de contrôle de la végétation dès la phase de construction afin de réduire la fréquence des interventions dans les années à venir.

Lors de l'exploitation de lignes de transport d'énergie, Hydro-Québec utilise, dans certains cas bien définis, des phytocides, mais selon des proportions qu'il serait bon de mettre en lumière. Ces phytocides peuvent être appliqués soit par voie terrestre, soit par voie aérienne. Rappelons que la superficie totale des emprises boisées couvre environ 100 000 hectares, que les trois quarts de cette superficie sont situés en milieu forestier du domaine public, que le traitement annuel total par phytocides varie entre 5000 à 15 000 hectares et que la fréquence d'application de ces phytocides varie de cinq à sept ans. Selon notre planification, 2000 à 4000 hectares de cette superficie seront traités par voie aérienne.

Je tiens à signaler que le traitement de nos emprises de lignes de transport d'énergie par phytocides par rapport à l'intervention mécanique est passée de 100 % en 1971 à moins de 50 % en 1987. Ceci apparaît de façon plus détaillée dans les tableaux à l'annexe A du mémoire d'Hydro-Québec. C'est pour tenir compte de la sensibilité des milieux que l'entreprise a réduit l'utilisation des phytocides et ce, malgré les coûts plus élevés que cela entraîne.

Les produits répertoriés aux annexes B et C du mémoire représentent la liste exhaustive des produits homologués par Agriculture Canada, qui sont utilisables pour les fins envisagées par Hydro-Québec. Il ne faut pas croire que tous ces produits sont effectivement utilisés par nous. Hydro-Québec a procédé à sa propre validation qualitative des matières actives des produits disponibles en tenant compte de l'utilisation qu'elle compte en faire. L'entreprise a informé le ministère de l'Environnement de chacun des programmes de recherche et lui en a également communiqué les résultats. Actuellement, HydroQuébec n'utilise qu'une seule matière active de type granulaire pour ses épandages terrestres, soit le tébuthiuron. C'est également ce produit qu'elle compte utiliser pour d'éventuels épandages aériens.

Nous envisageons d'évaluer six autres matières actives de type liquide afin de choisir parmi ces matières la plus appropriée pour Hydro-Québec, eu égard à ses applications aériennes. Ces produits ont, cependant, été validés par Hydro-Québec pour les épandages terrestres. Tous les travaux d'épandage de phytocides dans les emprises de lignes de transport d'énergie sont assujettis à la Loi sur la qualité de l'environnement. Dans le cas d'épanda-ges terrestres pour toute superficie et d'épanda-ges par voie aérienne sur une superficie de moins de 600 hectares, Hydro-Québec doit obtenir un certificat d'autorisation du sous-ministre de l'Environnement, émis par les directions régionales du ministère. Pour les épandages par voie aérienne sur plus de 600 hectares,

l'entreprise doit obtenir un certificat d'autorisation émis par le Conseil des ministres.

Une étude d'impact visant les épandages aériens pour les cinq prochaines années dans le territoire de la région de Manicouagan a été déposée auprès du ministre de l'Environnement au mois de décembre 1986. Les superficies totalisant 11 000 hectares visées par ce programme représentent, je tiens à le signaler, la totalité de ce type d'activité pour Hydro-Québec au cours des cinq prochaines années. Elles représentent donc environ 5 % de la superficie totale de toutes les emprises de lignes de transport et de répartition de notre réseau. (11 h 15)

En 1988, dans le cadre de cette demande de certificat au gouvernement, Hydro-Québec a entrepris des pourparlers avec le ministère de l'Environnement en vue d'effectuer un programme expérimental d'arrosage par voie aérienne des six phytocides liquides dont nous vous avons parlé précédemment et ce, dans les mêmes emprises de lignes ayant fait l'objet de notre étude d'impact.

Voici maintenant les principaux commentaires d'Hydro-Québec sur la politique proposée par le gouvernement. La définition de la politique prévoit que le gouvernement du Québec doit limiter l'usage des pesticides "aux seuls cas nécessaires et pour lesquels il n'existe pas de mesures équivalentes de remplacement". Il y aurait lieu, à notre point de vue, pour plus de précision, de définir les cas dits "nécessaires" et de déterminer les mesures "équivalentes". Nous pensons que la notion d'équivalence devrait pouvoir s'apprécier en regard de certains points plus précis, tels le résultat attendu, la performance environnementale, la sécurité des travailleurs et les coûts.

D'autre part, la politique se fonde sur l'hypothèse suivante: les impacts sur l'environnement de la coupe manuelle sont nécessairement plus faibles que ceux dus à l'application des pesticides. Nous soutenons que certains désavantages et impacts environnementaux inhérents à ce mode d'intervention ne sont pas cités dans le texte de la politique et mériteraient, à notre point de vue, d'être identifiés et pris en considération. Nous sommes d'avis qu'il faudrait tenir compte, en regard de la coupe manuelle, de certains des impacts suivants: les risques inhérents à la sécurité des travailleurs dans des endroits accidentés, les nuisances en termes de santé et de sécurité imposées aux travailleurs qui sont exposés à des travaux en milieu éloigné et accidenté, l'état des lieux à la suite du passage des équipes de travailleurs, l'impact des campements temporaires, des routes d'accès et autres infrastructures, l'augmentation des risques de feux de forêt due à la présence même des équipes de travailleurs, le risque accru de propagation des incendies de forêt dû à la présence des débris de coupe laissés sur place et, finalement, la nécessité de répéter de plus en plus fréquemment ces travaux. Nous pensons que les études sur les effets de la coupe manuelle devraient être accrues.

La vice-présidence à l'environnement d'Hydro-Québec a entrepris des recherches concernant la coupe manuelle portant, notamment, sur la pollution dégagée par les moteurs à essence des scies mécaniques, les bruits, les odeurs, la pollution de l'air, la contamination de l'environnement par l'huile perdue lors de la coupe.

Nous croyons également que l'établissement d'une telle politique est une occasion privilégiée pour encourager la mise sur pied de programmes de recherche visant à élargir la liste des solutions alternatives à l'application de pesticides chimiques.

Pour sa part, Hydro-Québec a, depuis trois ans, investi au-delà de 300 000 $ dans des programmes de recherche sur les méthodes biologiques de contrôle de la végétation, en ayant recours à l'expertise de l'Université Laval, de l'Université de Montréal, du Fonds de recherches et de développement forestier, ainsi que de plusieurs firmes de consultants. Conjointement avec l'Institut de recherche d'Hydro-Québec, nous sommes à mettre au point des unités de contrôle informatisées (UCI) qui permettront l'application par voie aérienne des phytocides tant liquides que granulaires, en respectant précisément les périmètres de protection autour des zones sensibles. Un montant de 150 000 $ est consacré cette année à la mise au point de ce programme.

Par ailleurs, depuis trois ans, Hydro-Québec, avec la collaboration du Fonds de recherches et de développement forestier, tente de résoudre le problème des rejets de souches lors de la coupe manuelle de façon à diminuer les cycles d'intervention. À ce jour, plus de 100 000 $ ont été investis dans ce programme de recherche. Hydro-Québec à investi plus de 3 500 000 $ depuis cinq ans dans des études environnementales et techniques reliées aux phytocides.

Voici maintenant les commentaires d'Hydro-Québec sur les scénarios proposés pour la mise en oeuvre de la politique. Le premier scénario prévoit la préparation et la présentation conjointe par le ministère de l'Énergie et des Ressources et les titulaires de contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier d'une étude d'impact incluant une programmation quinquennale d'épandage des pesticides. Toutefois, les interventions subséquentes auraient à faire l'objet d'une autorisation annuelle du sous-ministre de l'Environnement. Ce scénario éviterait des procédures répétitives dont la tenue de plusieurs audiences publiques pour des projets similaires avec des produits identiques par des promoteurs différents.

Hydro-Québec recommande qu'elle soit également considérée dans ce scénario puisque ses activités auront lieu dans les forêts du domaine public et qu'elles peuvent également

faire l'objet d'un programme de cinq ans. Nous tenons à souligner que, si Hydro-Québec n'est pas partie à ce scénario, elle sera, à notre connaissance, le seul organisme dont les activités d'épandage de phytocides en milieu forestier feront l'objet d'une étude d'impact et d'une audience publique distinctes.

Le second scénario prévoit que, pour des travaux d'épandage aérien sur 600 hectares et plus, certains pesticides homologués et en usage actuellement, soit le B.t. et le glyphosate, pourront être appliqués sans être soumis à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts. Les critères mis de l'avant dans la politique pour exclure ces deux pesticides sont: leur faible toxicité, leur faible persistance dans l'environnement et leur épandage en milieu éloigné. Nous tenons à signaler que, selon ce scénario, l'obligation de préparer des études d'impact distinctes par des promoteurs différents demeurerait dans le cas des autres pesticides. Hydro-Québec est d'avis que les phytocides qu'elle utilise ou compte utiliser en forêt publique devraient être considérés au même titre que le glyphosate et cela, parce qu'ils répondent aux mêmes critères énoncés dans la politique quant à leurs effets sur l'environnement.

La politique propose donc un choix entre deux scénarios pour sa mise en oeuvre. Ces deux scénarios, tels que conçus, comportent des avantages différents et leur mise en application conduit à des résultats différents. Les deux scénarios sont, pensons-nous, facilement conci-liables au sein d'un troisième scénario, lequel permettrait, selon nous, l'exclusion d'un certain nombre de produits de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement et la possibilité de la préparation et de la présentation conjointe par le ministère de l'Énergie et des Ressources et les promoteurs d'une programmation de cinq ans des interventions projetées impliquant l'usage de pesticides non inclus dans la liste. Les effets combinés des deux premiers scénarios fondus dans ce troisième permettraient également d'atteindre les objectifs de la politique.

Toutefois, le scénario proposé par HydroQuébec, tel que décrit dans le mémoire présenté, pourrait également prévoir que la liste des produits soustraits soit préparée à la suite d'une étude d'impact et de la tenue d'une audience publique. L'étude d'impact serait préparée conjointement par le ministère de l'Énergie et des Ressources et les intervenants désireux d'obtenir une approbation générale pour l'utilisation éventuelle de produits déterminés. Ces produits, une fois le processus complété, pourraient être soustraits à l'application du "Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement" et, en conséquence, être utilisés à la suite de l'obtention d'un certificat d'autorisation annuel du sous-ministre de l'Environnement. De plus, l'utilisation pourrait être assujettie à un guide prévoyant une série de mesures d'atténuation tenant compte des zones sensibles en milieu forestier.

En conclusion, Hydro-Québec réitère que l'utilisation des pesticides en vue de contrôler la végétation dans les emprises de ses lignes de transport d'énergie, quoique réalisée dans une autre optique et de moins grande envergure que celle des exploitants forestiers, devrait être considérée par la politique. Nous prétendons que la politique couvrirait ainsi la totalité des utilisateurs de pesticides dans les forêts du domaine public. Hydro-Québec est d'avis que l'utilisation des pesticides est un sujet qui suscite de plus en plus d'intérêt de la part de la population.

En conséquence, la population devrait être largement informée des objectifs de cette politique, ainsi que des implications du scénario qui sera retenu par le gouvernement du Québec.

M. le Président, nous sommes prêts à répondre aux questions des membres de la commission.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Dubeau. M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: J'ai quelques questions pour M. Dubeau. La première question, M. Dubeau, afin qu'on comprenne bien ce que vous avez dit, porte sur le nombre d'hectares que vous arrosez en moyenne chaque année. Vous avez dit que la politique d'arrosage et de contrôle d'Hydro-Québec est de 5000 à 15 000 hectares par an et que les hectares que vous arrosez avec des phytocides vont de 2000 à 3000 par an. Ai-je bien compris?

M. Dubeau: M. Gauthier va répondre, M. le ministre.

M. Gauthier (François): M. le ministre, nous traitons annuellement 5000 à 15 000 hectares de façon terrestre ou possiblement aérienne et 5000 à 15 000 hectares sont traités de façon mécanique. Durant les cinq prochaines années, HydroQuébec prévoit traiter 1200 à 4000 kilomètres de lignes par voie aérienne, comme cela a été soumis dans notre étude d'impact qui a été déposée en 1986.

M. Lincoln: C'est 1200 à 4000 kilomètres. Je me référais au bilan de l'environnement que nous avons publié d'après les statistiques officielles. Je voulais savoir exactement, afin qu'on ne se trompe pas entre les kilomètres et les hectares, de quoi on parle vraiment. Dans le bilan de l'environnement, à la page 73, on dit que des phytocides sont utilisés chaque année par HydroQuébec sur plus de 10 000 hectares d'emprises. Est-ce que c'est correct de dire que c'est sur 10 000 hectares d'emprises qu'on utilise des phytocides?

M. Gauthier: Effectivement, annuellement, on traite avec des phytocides 5000 à 15 000 hectares.

M. Lincoln: Alors, on peut dire en moyenne 10 000 hectares. C'est ce que je voulais savoir.

Lorsque vous parlez de vous faire incorporer dans la suggestion de faire un programme de cinq ans qui serait soumis à l'étude d'impact et que vous dites: On devrait être inclus au même titre que les compagnies forestières, est-ce qu'il n'y a pas une contradiction flagrante là-dedans? Il me semble que les objectifs poursuivis par vous et les compagnies forestières sont nettement contradictoires. N'est-il pas vrai que, dans le cas d'Hydro-Québec, vous utilisez des phytocides dans le but de détruire toute la végétation sous les emprises? C'est sûr que votre but n'est pas de favoriser la végétation. Votre but est l'absence de végétation pour protéger les emprises tandis que, dans le secteur des forêts, 11 me semble que logiquement la problématique est tout autre. L'objectif c'est de favoriser l'épanouissement de la forêt tout en stoppant, pour une période qu'elles ont établie, les arbustes et les plants qui pourraient être nuisibles aux pousses à l'état embryonnaire ou à l'état de départ. Chez vous, n'est-ce pas un objectif tout à fait différent, celui de stopper toute végétation sous les emprises?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dubeau.

M. Oubeau: Peut-être, M. le ministre. L'objectif n'est pas de stopper toute végétation. Nous tentons de limiter la croissance de ce qui peut être permis en dessous de nos lignes pour conserver un dégagement suffisant entre les conducteurs et ce qui pousse dans les emprises de lignes. On ne vise pas à raser le terrain, si vous voulez. On vise la croissance de petits arbustes dans nos emprises. C'est tout à fait compatible avec l'exploitation du réseau électrique. Mais, bien sûr, si on nous compare aux compagnies forestières, elles visent de grands arbres et, pour nous, les grands arbres ne sont pas compatibles avec la sécurité du réseau.

M. Lincoln: C'est exactement ce que je voulais dire. Nous sommes d'accord. En fait, vous favorisez les plus petits arbres et vous voulez détruire les grands arbres, tandis qu'elles, c'est exactement le contraire: elles veulent laisser pousser les grands arbres et détruire les petits arbres. Alors, il me semble que, lorsqu'on présente cela de cette façon, ce sont deux objectifs qui sont exactement opposés l'un à l'autre et dire que les compagnies forestières et Hydro-Québec poursuivent le même objectif central, c'est un petit peu illusoire. C'est ma perspective, en tout cas.

Non, je vais finir avec mes questions et, après cela, on pourra y revenir. La troisième question est celle-ci: Comme vous le savez, au ministère de l'Environnement, vous avez demandé depuis plusieurs années des autorisations pour faire des expérimentations. Cela avait commencé par 29 et 30 hectares, cela a augmenté et cela a été dans les 200, dans les 300. Récemment, vous avez fait une demande, qui n'a pas été autorisée, pour 1400 hectares pour une expérimentation par avion. N'êtes-vous pas d'accord avec nous que le fait même de faire ces expérimentations, comme la dernière par avion spécial, est une indication qu'Hydro-Québec favorise surtout l'application de phytocides comme principe premier de son action?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dubeau.

M. Dubeau: M. le ministre, notre intention, je la répète et nous l'avons dite dans notre mémoire. Si nous regardons l'évolution de nos activités au cours des 20 dernières années, nous étions à 100 % d'intervention chimique, il y a une vingtaine d'années et nous sommes à peu près à 50 % actuellement. Nous visons à réduire au minimum les interventions chimiques. En ce qui a trait aux essais que nous avons l'intention d'effectuer, effectivement, nous sommes en discussion avec les gens de votre ministère pour que les essais envisagés cette année dans la région de Manicouagan soient réalisés dans les mêmes emprises qui ont fait l'objet de notre étude d'impact et d'une demande de certificat que nous vous avons adressée en décembre 1986. (11 h 30) _

Maintenant, pour nous, il est tout à fait pensable - et c'est là l'objet de la discussion avec le ministère - de s'assurer que les superficies qui seront traitées pour essayer les six phytocides liquides envisagés soient vraiment compatibles avec la façon de faire du ministère. Nous sommes à préparer actuellement un scénario de rechange qui permettrait d'atteindre les objectifs de notre recherche qui vise, d'une part, à vérifier la qualité de ces produits. Nous les avons déjà vérifiés au niveau terrestre, mais nous voulons maintenant voir leur efficacité s'ils sont utilisés par voie aérienne et vérifier aussi le nouveau système d'épandage par voie aérienne que nous sommes à mettre au point avec l'Institut de recherche d'Hydro-Québec. Donc, nous sommes à discuter avec les gens de votre ministère, M. le ministre, pour que ces essais soient respectueux de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.

M. Lincoln: Est-ce que vous ne pensez pas, comme moi, qu'on a abusé de ce mécanisme d'expérimentation, qui avait été prévu par le législateur dans un objectif très précis, par les demandes répétées que l'on fait de l'utiliser pour faire des choses qui sont peut-être des expérimentations, mais qui, en même temps, semblent

être un genre de court-circuit face à l'esprit de la loi?

M. Dubeau: Enfin, à Hydro-Québec - et je pense que corporativement l'entreprise ne voudrait pas donner l'impression d'aucune façon qu'elle s'amuse à faire des épandages de phyto-cides - nous sommes extrêmement désireux de faire des recherches pour que nous puissions, avec compétence par la suite, faire des études d'impact de qualité. C'est dans ce sens que nous avons fait nos interventions jusqu'à maintenant. Je tiens à signaler que le ministère de l'Environnement, depuis six ans, a toujours été informé de nos intentions, de nos programmes de recherche, des objectifs visés et également de tous les résultats. Donc, nous ne l'avons pas fait en catimini. Nous l'avons, quand même, fait en prenant bien soin que le ministère soit dans le dossier. Maintenant, en ce qui a trait...

M. Lincoln: Je n'ai pas suggéré du tout que c'était en catimini, remarquez, mais voici ce que je veux dire. Par exemple, la dernière demande était pour 1400 hectares. Est-ce qu'il faut 1400 hectares pour faire une expérimentation?

M. Dubeau: Je vais demander à M. Gauthier de compléter, mais, étant donné l'ensemble des questions que nous nous posons en fonction de ces six produits, effectivement, et la validation du système qui va servir à épandre les phytoci-des par voie aérienne, nous croyons que ce sont des superficies significatives qui doivent être utilisées pour être capable de mesurer cela. Maintenant, dans les scénarios que nous envisageons avec le ministère de l'Environnement actuellement, on veut réduire de beaucoup les superficies qui seraient traitées spécifiquement avec les phytocides visés, mais, d'autre part tester le système mécanique avec des produits qui, en termes de texture, si vous voulez, ou de qualité, en vue de mesurer leur dispersion dans l'environnement, pourraient être comparables, mais ne seraient pas des phytocides de la catégorie de ceux que nous voulons utiliser. Donc, il y a moyen d'atteindre des objectifs dans notre programme de recherche, mais en évitant d'épandre sur 1400 hectares l'ensemble des six phytocides que nous prévoyons tester. Donc, c'est ce que nous sommes à discuter.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.

M. Lincoln: Écoutez, j'ai deux autres questions. Je n'ai pas envie de prendre le temps des uns et des autres, mais j'ai envie de couvrir ce qui est important pour moi. Vous pariez, justement, de la recherche. Vous avez fait de la recherche pour essayer de produire de petits arbustes, des arbres de petite taille qui poussent et deviennent touffus sous les lignes pour empêcher, justement, qu'on n'ait à les recouper, etc. Tout d'abord, pouvez-vous nous dire si vous voyez ces recherches aboutir dans un échéancier précis et prochain? Vous avez parlé de 300 000 $ pour trois ans pour certaines recherches de ce côté. Ne pensez-vous pas que c'est un peu faible considérant l'envergure d'Hydro-Québec, quand le ministère de l'Environnement, l'année dernière, a mis 500 000 $ dans la recherche de méthodes alternatives? Il me semble que c'est vraiment de la recherche qui va prendre du temps, si on n'y consacre pas des moyens substantiels. Est-ce que vous pourriez nous parler brièvement de votre programme de recherche de méthodes alternatives? Est-ce qu'on ne peut pas le faire aboutir plus vite?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dubeau.

M. Dubeau: M. le ministre, M. Gauthier va répondre à cette question.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Gauthier.

M. Gauthier: M. le ministre, tout d'abord, dans le domaine de la lutte biologique, on n'est pas seulement à l'étape expérimentale actuellement. On procède à des travaux d'envergure d'ensemencement de graminées, c'est-à-dire de plantes basses qui vont, justement, permettre de livrer une lutte aux arbres qu'on considère comme indésirables dans nos emprises. Donc, dans ce domaine, on n'est pas actuellement au stade expérimental, mais bien à la réalisation de travaux pour ce qu'on appelle la lutte biologique.

Maintenant, notre programme de recherche vise aussi à développer une stratégie de lutte qui permettrait, comme vous le disiez auparavant, d'introduire des espèces qui pourraient par les toxines qu'elles émettent tuer les autres arbres que l'on considère comme indésirables. Donc, ce programme-là est actuellement à l'étape de la recherche, mais vous comprendrez, que, étant donné la grande problématique de ce qu'on appelle l'allélopathie dans ce domaine-là, il faut être très prudent quant aux toxines qui pourraient être émises par ces plantes-là et, par exemple, faire très attention pour ne pas envahir des milieux en culture ou d'autres superficies de ce genre.

En résumé, la lutte biologique à HydroQuébec, nous l'appliquons sur une grande échelle dans la construction des nouvelles lignes par des ensemencements de graminées et, dans le domaine de la recherche, nous travaillons actuellement à des stratégies qui visent, justement, la lutte allélopathique de certaines espèces.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Gauthier. M. le ministre.

M. Lincoln: Moi, j'aurais une dernière question. Je sais que des collègues ont besoin de temps. Je m'excuse si j'ai pris trop de temps, mais une dernière question et j'ai fini. C'est

toute la question de la lutte manuelle dans les emprises. Vous avez réduit l'usage des phytocides de 100 % à 50 %, selon ce que M. Dubeau nous a dit. Il en reste 50 %. En même temps, vous faites des recherches sur la lutte biologique que vous nous dites vous-même, M. Gauthier, être très avancées. M. Dubeau a mentionné comme raisons pour lesquelles la lutte manuelle n'est peut-être pas favorisée: les accidents de terrain, les incendies, la pollution par les scies mécaniques. Alors que vous êtes en train d'arriver à une étape de vos recherches où vous allez découvrir, d'après votre propre constatation, peut-être dans un stade prochain, des alternatives biologiques, ne faudrait-il pas, comme objectif, aller encore plus loin dans la lutte manuelle, considérant que les accidents de terrain, vous les avez, après tout, avec vos techniciens qui vont réparer et installer les lignes, en fait, à un degré beaucoup plus sérieux? Quant aux incendies et à la pollution, admettons qu'il faille peut-être comparer les risques, mais, dans une comparaison des risques, moi, je choisirais la pollution pour les scies mécaniques plutôt que les pesticides n'importe quand. Est-ce qu'il ne faudrait pas, considérant que vous arrivez à un stade où vous allez découvrir des méthodes alternatives, pousser encore un peu plus sur la lutte manuelle qui va donner de l'emploi à des gens, qui ne touche pas à l'environnement et peut-être y recourir à 75 %, 80 % et plus encore, afin que, justement, cette période transitoire soit plus manuelle pour arriver au stade, peut-être dans trois à cinq ans, où vous aurez des méthodes biologiques à fournir?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dubeau. M. Dubeau: M. Lebeau va commenter.

M. Lebeau (Yvon): M. le ministre, le réseau d'Hydro-Québec a ceci de particulier, si vous me le permettez comparé aux autres services publics canadiens ou américains, que les centres de production sont très éloignés des centres d'utilisation. Ceci a pour effet d'avoir des lignes de transport, je ne dirais pas d'une longueur incroyable, mais assez longues en territoire boisé. Évidemment, il y a tout le sud de la province ou presque qui se fait d'une façon quasi manuelle présentement, parce qu'il y a de l'accès, il y a des infrastructures, il y a des routes; on peut se rendre dans ces endroits-là. Le traitement chimique est employé sur ce qu'on appelle les terrains de la couronne, en grand terrain boisé.

Maintenant, au sujet de la coupe manuelle, je pense que tout le monde comprend le principe de base que la coupe manuelle ou mécanique active le phénomène des rejets de souche, c'est-à-dire que plus on coupe, plus cela pousse une fois que les racines sont implantées. Or, au lieu d'aller vers une stratégie de contrôle de la végétation, on s'en va vers une stratégie inverse présentement, lorsqu'on fait uniquement de ta coupe mécanique. Mais, Hydro-Québec accepte le fait de passer plus souvent dans toutes les zones sensibles où l'on ne met pas de produits de toute façon: le sud du Québec et tout cela.

On a mentionné dans le mémoire que, en plus de cela, certains indices nous permettaient de croire, ou certaines études qui sont commencées aux États-Unis, qu'il y avait peut-être d'autres moyens ou d'autres moments dans l'année pour réaliser la coupe mécanique de façon à réduire ce phénomène des rejets de souche. Par exemple, on coupe une tige à un mètre de hauteur; quelques heures après, on la recoupe au sol et il n'y a plus de rejets. C'est un phénomène qui est techniquement peu ou pas applicable aux grandes superficies, par contre. Mais c'est pour vous dire qu'il y a des éléments de solution, là.

Hydro-Québec fait des recherches présentement avec le Fonds de recherches et de développement forestier à divers endroits dans les emprises. Ce qu'il faut comprendre, c'est que la saison de végétation est du mois de juin au mois d'août. Donc, les expérimentations se font d'année en année et cela prend un certain temps avant d'avoir des résultats qu'on peut normaliser et changer à la grandeur d'une entreprise comme Hydro-Québec. Ces recherches-là se font présentement. Il y a des éléments de solution et il s'agit de pousser plus loin ces éléments de réponse pour être capables d'inverser le processus ou, a tout le moins, d'en faire des techniques d'application viables pour l'entreprise.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Lebeau. M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Charbonneau: Je pense que ce devrait être l'alternance. Je pense que cela serait plus correct. Si le ministre est d'accord, c'est le principe qu'on pourrait utiliser.

Le Président (M. Saint-Roch): On a le consentement? M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Merci. À Hydro-Québec, vous utilisez encore le phytocide 2, 4-D, n'est-ce-pas? Or, le rapport du BAPE sur les pulvérisations aériennes de phytocides en milieu forestier, en 1983-1984, concluait que l'utilisation de ce produit en foresterie au Québec ne devrait pas être autorisée et ce, entre autres, parce qu'il comporte un certain risque pour la santé humaine et pour les autres organismes vivants. Aussi, le rapport rappelait que l'homologation de ce produit datait d'une époque où les méthodes étaient moins évoluées et sa révision se fonde sur une approche corrective plutôt que préventive.

Compte tenu de ces recommandations du BAPE qui datent déjà de quelques années, qu'est-ce qui fait que vous continuez d'utiliser ce produit?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Gauthier ou Dubeau?

M. Dubeau: M. Gauthier.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Gauthier.

M. Gauthier: M. le député de Verchères, comme le disait M. Dubeau précédemment, HydroQuébec, avant d'utiliser un phytocide dans ses emprises ne se fie pas seulement sur le fait que ce produit soit homologué par Agriculture Canada, mais désire elle-même réaliser une étude bibliographique sur le sujet. En fait, elle a effectué une revue de la documentation sur tout le sujet. On a tout récemment, si on veut parler du 2, 4-D, refait une validation de la documentation à ce sujet. Les résultats auxquels on arrive montrent qu'aucune étude n'a prouvé que ce produit était cancérogène et on considère qu'il est actuellement acceptable pour une application du type que fait Hydro-Québec dans ses emprises de lignes.

En résumé, pour nos propres utilisations dans les emprises de lignes, nous considérons que ce produit est environnementalement acceptable, et on n'aurait aucune objection à discuter de ce sujet.

M. Charbonneau: Autrement dit, vous n'êtes pas d'accord avec les conclusions du BAPE.

M. Gauthier: Oui. Il faut aussi se mettre dans le contexte que ce rapport a été émis en 1983 et qu'on est cinq ans plus tard. De nouvelles études sont maintenant disponibles et, tout récemment, comme je le disais, on a tiré nos propres conclusions. On considère que ce produit-là est acceptable dans nos emprises de lignes.

M. Charbonneau: Est-ce que vous ne considérez pas, justement, compte tenu de cette évolution des opinions, que ce que vous venez de me dire milite en faveur du maintien des processus d'évaluation et d'examen public? Si, par exemple, un organisme comme le BAPE recommande l'abolition ou la suppression d'un produit pour un certain nombre de raisons et qu'une entreprise aussi grosse que la vôtre décide, elle, que le BAPE n'avait pas raison parce que vous avez fait des études complémentaires, le minimum qu'on pourrait faire, c'est de faire en sorte que publiquement on connaisse les raisons qui militent en faveur de la thèse d'Hydro-Québec avant qu'Hydro-Québec puisse continuer à utiliser ce genre de produit. Dans ce sens-là, cela milite aussi un peu à l'encontre de la thèse que vous soutenez à savoir que vous êtes prêts à accepter le scénario 1 qui propose d'avoir un plan d'ensemble de cinq ans. Si on prend l'exemple, cela ne fait pas cinq ans que le BAPE a tiré ces conclusions-là. Cela voudrait dire de deux choses l'une: ou bien qu'Hydro-Québec devrait attendre avant de l'utiliser ou bien elle devrait pouvoir intervenir dans le délai de cinq ans, comme d'autres entreprises aussi, pour qu'on puisse en arriver à un choix judicieux. Autrement dit, en cinq ans, il peut se passer bien des choses, d'un côté ou de l'autre, qui invalident des conclusions.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dubeau. (11 h 45)

M. Dubeau: Je pense que c'est tout à fait l'esprit dans lequel on a préparé et fait la suggestion d'un troisième scénario. Le premier scénario, s'il était retenu, pour l'instant, exclut Hydro-Québec de tous les intervenants du milieu forestier. Tantôt, M. le ministre signalait que nos interventions sont peut-être différentes de celles des forestiers, mais il reste que cela se passe dans le même milieu. C'est là qu'on se dit: Si le gouvernement est pour retenir le scénario 1, on veut absolument qu'Hydro-Québec soit considérée comme faisant partie du scénario. Notre commentaire sur le scénario 1, était dans ce sens-là. Le troisième scénario que nous proposons, où à la fois il y a l'exercice d'une étude d'impact et l'existence d'une liste, c'est, justement, pour s'assurer que tout le monde va utiliser des produits et que tout le monde aura eu la chance de commenter et de savoir pourquoi on les utilise, et les conséquences qu'il y a à les utiliser.

M. Charbonneau: Remarquez que je fais la distinction entre le fait qu'Hydro-Québec soit incluse dans la politique et les scénarios que l'on retient. Moi, a priori, je n'ai pas d'objection. Ma première réaction, c'est de dire qu'effectivement Hydro-Québec, si c'est un utilisateur important, devrait être incluse dans la politique, comme les autres. D'ailleurs, c'est nous qui avons fait le nécessaire pour que vous soyez invités à la commission parce qu'on avait un peu cette conception-là. Mais, au-delà de cela, ce que je conclus un peu, c'est que, quel que soit le scénario qu'on propose, si on a un scénario qui fait qu'on est gelé dans le ciment pour un certain nombre d'années, et qu'entre temps il se développe des connaissances qui font en sorte qu'à un moment donné on avait donné des autorisations sur des produits et qu'on se rend compte qu'on n'aurait jamais dû le faire parce qu'il y a des nouvelles connaissances, on va être pris avec cela.

Est-ce que vous ne considérez pas aussi que vous avez beaucoup de produits? Je regarde les listes que vous avez dans vos annexes B et C. En fait, il y a une liste de 38 produits et, dans l'autre cas, de 59. Le nombre de produits en question suscite suffisamment d'inquiétude et d'interrogations dans la population pour qu'on soit justifié d'avoir un mécanisme plus constant et plus mobile d'évaluation des impacts, qui permette aussi au public, plus qu'une fois tous les cinq ans, de regarder ce qui se passe.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dubeau.

M. Dubeau: Dans notre présentation de ce matin, vous avez sans doute compris que, dans toutes ces listes de produits, il y a un granulaire que nous utilisons et six liquides qu'il nous intéresse d'étudier en vue d'une éventuelle utilisation par voie aérienne. Donc, ce n'est pas l'ensemble de ces produits. Nous disons que ces produits-là existent sur le marché et que, théoriquement, ils seraient compatibles avec nos activités. Mais, dans tout cela, on tient à faire un choix, justement pour savoir pourquoi on utilise un produit, afin qu'on puisse bien, en soi, le manipuler, donc être sûrs de nos applications et du résultat qu'on va obtenir. Dans ce sens-là, ce n'est pas acheter la gamme pour répandre la gamme.

M. Charbonneau: Non, non, je comprends mais...

M. Dubeau: On se veut très sélectifs.

M. Charbonneau: Même si vous vous voulez sélectifs, c'est clair que, pour les gens qui s'intéressent à cette question-là ou qui se préoccupent de cette question, le nombre considérable de produits les amène à vouloir être plus prudents que moins prudents, et à avoir plus de poignées de sécurité que moins de poignées de sécurité.

M. Dubeau: Nous réitérons que nous sommes d'accord avec la prudence.

M. Charbonneau: Si vous êtes d'accord avec la prudence, qu'est-ce qui fait que vous n'avez pas demandé d'autorisation au ministère de l'Environnement pour vos lignes de Manicouagan pour procéder au défoliage l'an dernier?

M. Dubeau: Ce que nous avons fait au cours des trois dernières années c'est une question d'interprétation du règlement. Nous avons, quand même, informé le ministère de notre intention de le faire et nous avons fourni les résultats de nos essais.

Maintenant, pour ce qui est des détails techniques, il y a eu un débat et, encore la semaine dernière, nous avons eu des discussions avec le sous-ministre de l'Environnement pour savoir si, oui ou non, selon l'article 2o ou 2m de la loi, Hydro-Québec devait, lorsqu'elle fait des essais et une expérience, demander un certificat. Maintenant, tenant compte, justement, de la sensibilité pour tout le monde, l'orientation que nous allons donner dans l'entreprise est très claire: dorénavant, y compris pour les essais, on va demander des certificats. Mais je réitère que le ministère a suivi depuis le début l'ensemble de nos essais, y compris sa programmation et les résultats. Donc, si c'est juste la technique d'obtenir un certificat, cela ne nous dérange pas d'en demander un.

M. Charbonneau: Sauf que cela vous dérangeait jusqu'à récemment.

M. Dubeau: Dans un sens si on regarde l'ensemble de la mécanique que cela suppose, parce qu'il y a, quand même, une certaine lourdeur administrative dans l'application du règlement. Chose certaine, par rapport au moment où on conçoit nos programmes, où on est prêt à les réaliser, quand on veut travailler strictement en termes d'essais, bien, c'est sûr que c'est très engageant de s'embarquer dans l'ensemble de la procédure. Maintenant, étant donné les réactions que cela provoque, on ne veut pas, justement, être pointés du doigt. Dans ce sens-là, l'orientation va être donnée que même les programmes d'essais vont faire l'objet d'un certificat.

M. Charbonneau: Quand vous dites que vous favorisez l'épandage aérien, en particulier dans les zones éloignées, est-ce que cela veut dire que vous excluez ce type d'utilisation dans les zones plus proches des habitations?

M. Dubeau: C'est ce que M. Lebeau vous signalait tantôt. Effectivement, là où on prévoit utiliser des phytocides par voie aérienne, c'est strictement dans les zones fortement accidentées, difficilement accessibles et très éloignées. Ce sont les critères. Entre autres, les lignes qui sont visées actuellement par l'étude d'impact que nous avons soumise au ministre de l'Environnement sont des lignes venant de Manie-Churchill. Vous connaissez sans doute cette partie du territoire québécois. C'est loin du monde.

M. Charbonneau: Est-ce que vous utilisez d'autres produits, comme le 2, 4-D, qui ont déjà fait l'objet de dénonciations par des organismes publics ou de recherche, mais que vous utilisez maintenant parce que vos propres recherches ou vos propres analyses vous ont amenés à des conclusions différentes? Est-ce que c'est le seul produit dans ce cas?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Gauthier.

M. Gauthier: M. le député, je n'ai aucune idée de ce que vous entendez par "dénoncer".

M. Charbonneau: Si on prend l'exemple du produit dont on parlait tantôt, le 2, 4-D, on s'est dit clairement tantôt que le BAPE recommandait sa non-utilisation. Vous, vous dites: On l'utilise encore parce qu'on en arrive à des conclusions différentes de celles du BAPE. On a fait des recherches additionnelles et une revue de la documentation supplémentaire, etc. Très bien, mais est-ce le seul cas ou s'il y a d'autres produits que vous utilisez qui auraient fait l'objet d'avis de non-utilisation par le BAPE ou

par d'autres organismes quelconques, par des instituts de recherche?

M. Gauthier: Par le BAPE, je ne le croirais pas, parce que c'est le seul qui était en cause lors de ces audiences publiques. Comme je le disais tout à l'heure, tous les produits qu'on utilise sont, d'une part, homologués par Agriculture Canada et, d'autre part, on a fait notre propre validation. Peut-être que dans ces produits, il y en a qui ont déjà été contestés.

M. Charbonneau: Mais en moyenne, à votre connaissance, ces produits ont été homologués à quelle époque?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Gauthier.

M. Gauthier: Ces produits ont été homologués, dépendamment des matières actives qu'on considère, à différentes époques. Cependant, ils sont soumis à un processus de réévaluation périodique. Pour être plus certains encore, on fait un "updating" de tous les articles scientifiques sur chacun de ces produits afin qu'ils soient acceptables dans nos emprises de lignes de transport.

M. Charbonneau: Je vais laisser parler le ministre parce que moi...

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Verchères. M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): J'aimerais vous demander quel est le suivi de vos interventions d'arrosage. J'imagine que vous nous demandez d'utiliser plus de produits qu'on ne le propose dans le deuxième scénario. Comme l'a mentionné mon collègue, vous avez des objectifs différents des forêts. Je voudrais bien que vos petits arbres restent dans les lignes de transmission et qu'ils ne viennent pas dans la forêt. Si vous utilisez des produits différents, c'est aussi à cause des objectifs différents.

M. Dubeau: Pour l'instant, dans l'étude d'impact que nous avons soumise en décembre 1986, il y a un produit que nous envisageons d'utiliser qui est un granulaire, le tébuthiuron. Il est validé et, pour l'usage que nous voulons en faire, en termes de contrôle comme tel de la façon dont on va pouvoir répandre et s'assurer qu'il va être dans l'emprise, les études sont suffisamment avancées pour qu'on soit assurés qu'on peut avoir une très bonne performance avec ce produit, en fonction du type de contrôle de la végétation que nous voulons faire.

En ce qui a trait aux six autres produits, nous les avons utilisés au niveau terrestre. Nous voulons également les tester au niveau aérien. Il faut dire qu'il y a eu beaucoup de questions du ministère de l'Environnement a savoir pourquoi on tenait absolument à utiliser un granulaire vs un liquide pour l'épandage aérien dans nos emprises.

Lorsque nous avons confectionné notre étude d'impact, nous n'étions pas aussi avancés que nous le sommes présentement au sujet des méthodes d'épandage aérien, avec un contrôle électronique qui va nous permettre de nous assurer du bon débit des liquides en tenant compte des zones sensibles. Donc, si vous le voulez, actuellement, on envisage un granulaire en milieu forestier par voie aérienne. Nous voulons étudier six liquides pour en retenir, si possible, au moins un si la performance, est correcte. Si cela ne donne rien, si le résultat est négatif, il est évident qu'on ne va s'en tenir qu'au granulaire.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous ne pourriez pas vous contenter du glyphosate qu'on propose dans le deuxième scénario?

M. Dubeau: Non, parce que le glyphosate - M. Gauthier va pouvoir vous expliquer cela - n'a pas tout à fait le même résultat sur la végétation que les produits que nous utilisons. M. Gauthier.

M. Gauthier: Non, cela va.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Gauthier. Cela va?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela va, oui. Mais une question rapide, parce que le temps passe. Quel est, chez vous, le suivi de tout cela, les mesures de sécurité vis-à-vis des travailleurs, les plans d'urgence, etc? Parce que, évidemment, que vous soyez éloignés ou que vous soyez près, ce sont des travaux manuels. Quand on pense à tous les maux de dos et à tout ce que cela génère aussi, parce qu'il y en a qui sont malheureux longtemps à la suite d'accidents de débroussaillage, il y en a qui sont peut-être malheureux plus longtemps que d'autres, quel est le suivi vis-à-vis des travailleurs?

Vous avez certainement un plan d'urgence, même éloignés ou près, parce qu'il y va de la sécurité des travailleurs. Ce sont les personnes qui sont les plus exposées à ces produits. Est-ce que vous avez un bon suivi de sorte que vos travailleurs n'ont pas subi de préjudices tellement importants de ce côté-là à comparer aux préjudices que peuvent subir vos travailleurs en faisant des travaux manuels?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Lebeau.

M. Lebeau: Oui. M. le ministre, les endroits où Hydro-Québec compte utiliser l'arrosage aérien, ce sont des régions accidentées. Tous ces

travaux sont donnés à contrat, en général. Hydro-Québec ne les réalise pas elle-même, mais elle fait le suivi des activités. Dans le document "Méthodologie de sélection" qui est déposé au ministère de l'Environnement - c'est le document d'appui à nos demandes annuelles - il y a un peu le suivi du côté environnemental, du côté des déversements accidentels, avec les mesures qui doivent être prises, et tout cela.

Du côté des coupes manuelles, on demande, dans le mémoire qu'Hydro-Québec a déposé, que des études plus suivies soient faites sur les aléas de la coupe mécanique, parce que c'est fait en milieu très éloigné. Bien souvent, c'est fait en campements temporaires que j'appellerais aléatoires. La seule mesure dont on peut s'assurer, c'est d'avoir un hélicoptère à la disposition en cas d'accident.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais est-ce que vos entrepreneurs ont un suivi médical sur les ouvriers qui manipulent ces produits-là? Parce qu'il est évident que, si vos entrepreneurs n'ont pas de suivi médical, vous ne pouvez pas comparer les deux méthodes. On peut les comparer au point de vue des coûts. On sait que, chez nous, cela coûte de 1500 $ à 1600 $ l'hectare, parce qu'on est obligé de faire trois fois le dégagement manuel pour dégager la végétation concurrente, alors qu'on le fait seulement une fois avec des phytocides.

Mais, au point de vue du suivi médical, si vous voulez comparer les accidents, les inconvénients sur la santé de chacune des deux méthodes, est-ce que vous avez quelque chose?

M. Lebeau: Je ne dirais pas qu'Hydro-Québec a présentement ces documents-là entre les mains: les entrepreneurs probablement, parce qu'ils sont soumis à la loi de la CSST, au régime des établissements. Mais, pour Hydro-Québec, on cherche présentement à obtenir plus d'information à ce niveau.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Une dernière question. J'ai formé un Conseil de la recherche forestière, justement, pour coordonner un peu les recherches qui se font en forêt et pour atteindre les objectifs. Mais je pense qu'Hydro-Québec devrait peut-être s'y intéresser aussi pour coordonner les recherches, parce que mon collègue, M. Lincoln, le ministre de l'Environnement, fait beaucoup de recherches du côté biologique, concernant les phytocides biologiques qui pourraient peut-être vous intéresser à HydroQuébec. M. Lincoln nous a quasiment demandé le budget tout à l'heure. S'il y avait une coordination entre les deux, je pense qu'on arriverait plus vite à des résultats qui nous avantageraient.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dubeau.

M. Dubeau: Je crois, M. le ministre, que votre proposition est tout à fait sage. C'est pour cela que nous nous sentons très concernés par le projet de politique, même si les superficies visées par nos activités sont d'une ampleur vraiment très petite à comparer à l'ensemble des autres intervenants. J'espère que la décision ne portera pas strictement sur le volume, mais sur le fait d'être présent dans le milieu et d'avoir une activité qui utilise des produits chimiques. Je pense que la base de la population devrait bien comprendre cela. C'est assez simple à comprendre.

D'autre part, quant à optimiser nos activités de recherche en fonction de vos préoccupations et de celles du ministre de l'Environnement, je pense que la collaboration d'Hydro-Québec vous est acquise.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Dubeau. M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Merci, M. le Président. J'ai des précisions supplémentaires sur les coûts engendrés. Le ministre délégué aux Forêts vient de mentionner qu'il en coûte 1600 $ l'hectare pour le déblayage mécanique, si j'ai bien compris. Mais il n'a pas mentionné - c'est peut-être lui qui peut me répondre aussi bien que vous -l'évaluation des coûts à l'hectare pour une application, puisqu'une application suffit... (12 heures)

Une voix: Trois manuelles.

M. Desbiens: Trois manuelles pour une aux phytocides. Quel est le coût pour les phytocides?

Une voix: 200 $.

M. Desbiens: 200 $ l'hectare. À la page 5 de votre mémoire, vous dites ne prévoir effectuer des épandages aériens sur plus de 600 hectares que sur les territoires éloignés. Évidemment, il y a des concentrations urbaines et je pense immédiatement aux êtres humains, mais vous reconnaissez quand même, de toute façon, qu'il y a là un danger d'utilisation de ces épandages. Est-ce à dire que vous considérez que l'épandage peut être fait en dehors des agglomérations urbaines ou que ces territoires éloignés constituent des zones moins sensibles ou insensibles aux effets néfastes de l'utilisation des phytocides?

M. Dubeau: M. Gauthier va répondre à cette question.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Gauthier.

M. Gauthier: M. le député de Dubuc, d'abord, ce n'est pas parce qu'on est en terrain éloigné, c'est-à-dire sur la Côte-Nord, qu'on considère ces zones comme moins sensibles. Au contraire, ces zones ont beaucoup de ressources. Justement, nos méthodes visent à soustraire à toute application ce qu'on appelle les zones

sensibles. Évidemment, quand on fait nos épanda-ges, il n'est pas question d'épandre le produit dans les cours d'eau, les ruisseaux, les rivières et les lacs. On maintient, de part et d'autre autant des cours d'eau, des ruisseaux, des rivières, des lacs que de toute autre zone jugée sensible à l'application des phytocides, des périmètres de protection qui visent à protéger ces milieux.

Donc, la seule raison pour laquelle on applique ces phytocides parv°ie aérienne, c'est parce qu'ils sont en milieu éloigné. Il est très difficile pour les travailleurs d'accéder à ces milieux pour y intervenir de façon terrestre ou encore par la coupe.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Oui, sauf que les autres l'ont soulevé et je le répète. Est-ce que cela fait vraiment le poids de dire qu'il y a des dangers d'accidents pour les travailleurs, bien sûr, qui sont en situation éloignée, sur des terrains accidentés avec des scies mécaniques? Si on suivait ce raisonnement, vous ne pourriez pas construire de lignes ou presque, vu qu'il y a aussi, pendant ces périodes de construction, des terrains accidentés, les mêmes terrains exactement, parce que c'est là que le déboisement se fait.

Je reviendrais plutôt avec une demande de précisions. Lorsque vous avez soulevé la question du traitement des souches de la phase de déboisement, j'aurais aimé que vous alliez plus loin dans vos explications là-dessus.

M. Dubeau: M. Gauthier.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Gauthier.

M. Gauthier: M. le député de Dubuc, lors du déboisement initial, évidemment, les équipes de travailleurs vont couper les arbres. Pour diminuer, justement, nos fréquences d'intervention dans le milieu, on désire traiter ces souches très localement, sur la coupe de la souche, avec un phytocide pour empêcher tout rejet de souche. Parce qu'on a réalisé dans nos emprises de lignes qu'un des gros problèmes ne provenait pas uniquement des semences d'arbres, c'est-à-dire des jeunes semis, mais bien des rejets de souche produits par la coupe. En fait, la coupe stimule ces rejets de souche. Donc, en les traitant de façon très locale avec des quantités très minimes de phytocides, on peut diminuer de beaucoup la densité de la végétation des feuillus dans nos emprises de lignes et, ainsi, avoir une fréquence d'intervention réduite. On revient beaucoup moins souvent dans le milieu pour traiter.

M. Desbiens: Mais c'est toujours en milieux urbain, semi-urbain, rural et non en territoires éloignés.

M. Gauthier: On parle du milieu forestier uniquement.

M. Desbiens: Du milieu forestier.

M. Dubeau: Dans ma présentation ce matin, je disais que ces travaux, ces essais sont faits dans la région de Rapides Blancs. On n'est donc pas près des populations.

M. Desbiens: D'accord.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Sur les annexes B et C de votre mémoire. À la page 9 de votre texte, vous faites référence aux phytocides utilisés par Hydro-Québec. Vous renvoyez le lecteur aux annexes B et C; l'une des ces annexes contient une liste de 38 produits; l'autre, c'est 59 produits. Avec une telle variété et un tel choix de produits, vous ne croyez pas qu'il y a là de quoi inquiéter la population?

M. Dubeau: Oui, effectivement, c'est l'image que cela peut donner. Je crois bien que vous avez raison. Cependant, si le président de la commission l'acceptait, on pourrait déposer la liste des phytocides utilisés par Hydro-Québec puisque la liste qui est en annexe est la gamme de ce qui est accessible, de ce qui est sur le marché, mais ce n'est pas tout cela que nous utilisons. Donc, on a produit un autre document qui résume ceux que nous utilisons et à quelles fins, pour quelle utilisation aérienne et terrestre. Donc, si vous le voulez, on peut le déposer.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vais accepter le dépôt de votre document.

M. Dubeau: Pour le bénéfice du député, je rappelle qu'il y a un phytocide granulaire et six phytocides liquides qui sont actuellement utilisés par Hydro-Québec pour des épandages terrestres, mais nous avons l'intention d'étudier les six liquides pour voir lequel ou lesquels d'entre eux pourraient être utilisés par voie aérienne. Mais notre intention, pour l'instant, pour la voie aérienne, c'est d'utiliser le granulaire.

M. Desbiens: Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Dubeau. Je tiens à vous remercier, vous et vos collègues, pour la qualité de votre présentation.

M. Dubeau: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): Sur ceci, je demanderais aux représentants du Regroupement pour un Québec vert de prendre place, s'il vous plaît. Permettez-moi, dans un premier temps, de

vous souhaiter la bienvenue à la commission de l'aménagement et des équipements. Je demanderais maintenant au porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que les gens qui l'accompagnent, pour le bénéficie des membres de la commission.

Regroupement pour un Québec vert

M. L'Italien (Gérald): D'accord. Mon nom est Gérald L'Italien, secrétaire général du Regroupement pour un Québec vert. À ma gauche, M. Michel Lauzon, biologiste de la SAIDSB; à ma droite immédiate, M. Pierre Auger, médecin en santé au travail; à l'extrême droite, M. Gaétan Malenfant du CLSC Rivières-et-Marées.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. L'Italien. Vous avez maintenant 20 minutes pour déposer votre mémoire.

M. L'Italien: D'accord. M. le Président, c'est avec un intérêt manifeste que le Regroupement pour un Québec vert vient exprimer aujourd'hui son opinion quant à l'usage de pesticides en milieu forestier. Le regroupement vient ici défendre les positions de ses membres, qu'ils soient des amateurs de plein air, des travailleurs forestiers ou de la santé, des chercheurs et la population en général.

D'après le document conjoint MER-MENVIQ, le phytocide glyphosate est "employé opération-nellement depuis 1985", tel que mentionné en page 70. Le gouvernement actuel se propose donc d'officialiser l'utilisation de phytocides en forêt après le coup. On se souviendra que le gouvernement Lévesque avait décrété un moratoire sur l'utilisation des phytocides en milieu forestier en 1984, à la suite des audiences publiques menées par le BAPE et du désistement du promoteur, le MER. Ce décret ou cette décision gouvernementale obligeait le ministère de l'Énergie et des Ressources à rechercher des alternatives aux phytocides jugés trop dangereux, tant pour l'environnement et la ressource faunique, les travailleurs affectés aux pulvérisations que pour la population en général. Déjà cinq ans de passés et rien de neuf sous le soleil, sinon un vieux discours du ministère qu'il faut préserver les investissements que constitue le reboisement.

Pourtant, nombre d'experts ont souligné à l'époque que la monoculture en résineux doublée de mauvaises méthodes de coupe pouvait entraîner les problèmes d'épidémie d'insectes et d'appauvrissement de l'ensemble des écosystèmes ainsi exploités.

Au-delà de cette question fondamentale sur l'utilisation des pesticides, il y a tout un choix de type de développement que la société doit faire et qu'elle peut se permettre en supputant les différentes avenues de développement, toujours en ayant comme optique finale la pérennité et l'économie, au sens large, des ressources à exploiter.

M est tout aussi important de maintenir la croissance de l'industrie forestière dans des limites raisonnables qu'il l'est de maintenir la pérennité de cette importante ressource qu'est la forêt. Or, les pratiques forestières actuelles et passées sont dévastatrices et ne permettent pas une régénération naturelle qui, elle seule, réduira à son coût minimal le renouvellement de la matière ligneuse. Maintenir la croissance de l'industrie papetière au rythme où elle l'entend et penser maintenir la pérennité de la ressource, c'est carrément une utopie.

Que l'industrie reconnaisse péniblement à mots couverts que l'état caduc et détérioré de la forêt lui est imputable, cela ne fait plus aucun doute. Que l'industrie qui cumule des profits à même cette ressource reconnaisse qu'elle doit la régénérer, c'est bien la moindre des politesses. La responsabilisation de ses actes, c'est une des premières règles de fonctionnement en société qu'on inculque à nos enfants.

Mardi dernier, des industriels de Québec soulignaient que l'usage des phytocides était essentiel pour l'aménagement forestier qu'ils doivent faire pour respecter les nouveaux contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier, les CAAF. Que l'industrie fasse du chantage encore aujourd'hui c'est inadmissible; la moindre modestie d'un bon citoyen corporatiste, ce serait d'écouter, et non d'entendre comme c'est le cas depuis des décennies, les récriminations et les observations de la population québécoise qui sait depuis longtemps que le patrimoine, ou le matrimoine c'est selon, est en péril.

MM. les ministres de l'Environnement et des Forêts, nous tenons à vous manifester aujourd'hui notre désaccord le plus total quant au scénario 2 que contient la politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier. Ce scénario dit, entre autres, qu'il faudra amender la Loi sur la qualité de l'environnement pour soustraire les pesticides B.t. et glyphosate à une étude d'impact et à l'examen par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. De plus, le fait de soustraire les phytocides d'une analyse critique coûts-bénéfices nous amène à penser que le gouvernement se fie entièrement à des calculs sommaires qui disent que le dégagement manuel n'est pas rentable par rapport aux pesticides. Disons tout simplement que le dégagement manuel encourage l'embauche de travailleurs québécois, que le gouvernement y récupère des impôts, que les économies régionales en profitent. De plus, le dégagement mécanique protège l'environnement, peut permettre la récupération de matière ligneuse et nous empêche d'acheter des phytocides tel le glyphosate ou "Round-Up" d'une compagnie ontarienne; donc, c'est peu avantageux pour l'économie québécoise.

Les arguments invoqués sont puérils et dangereux pour la démocratie; on va même jusqu'à affirmer que le contexte des audiences publiques est émotif. Ce document de soutien qui vise l'arrosage presque mur à mur des forêts

québécoises, le MER, le MENVIQ et l'industrie nous l'ont concocté sous la forme d'un beau scénario, le no 2, qui situe la perspective environnementale et la santé publique à la case B. Les ministères concernés nous proposent de considérer que l'insecticide Bacillus thuringiensis B.t. et le phytocide glyphosate sont des acquis, donc qu'ils n'ont pas a être scrutés à la loupe par une étude d'impact et des audiences publiques. D'un côté, le gouvernement se donne des lois pour respecter la qualité de l'environnement et, de l'autre, il se permet quelques vénales tractations en nous proposant qu'on doit passer sous silence deux pesticides homologués. Comme si l'homologation était une garantie d'innocuité. Rappelons que la compagnie américaine IBT qui effectue des tests d'innocuité en laboratoire s'est fait prendre pour malversation et fabrication de fausses analyses pour quelque 100 produits chimiques toxiques. Mentionnons que la seule compagnie qui a analysé le glyphosate est IBT. Il y a des inquiétudes sérieuses qui nous préoccupent et nous entendons vous les faire valoir. Ainsi, le présent mémoire abordera d'abord les lois relatives au territoire forestier que le présent gouvernement a votées, soit les lois 150, 102 et 27, respectivement sur les forêts, l'aménagement du territoire et les pesticides.

Le deuxième chapitre donnera un aperçu critique du document soumis pour consultation. En troisième chapitre, nous réitérons les options déjà préconisées par le regroupement en ce qui concerne le contrôle des ravageurs forestiers et de la végétation dite concurrente. Ensuite, nous donnons quelques aperçus de la toxicologie du phytocide glyphosate et un questionnement sur le B.t. Nous aborderons également l'aspect santé publique versus les pesticides en question. Finalement, nous conclurons en rappelant certaines données élémentaires quant à l'exploitation des ressources et à leur pérennité. Je laisse la parole à Michel Lauzon qui va poursuivre.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Lauzon.

M. Lauzon (Michel): M. le Président, membres de la commission, en ce qui concerne le premier chapitre je n'en ferai pas la lecture compte tenu du peu de temps que nous avons, mais cela situe les lois antérieures dont le gouvernement et l'Opposition officielle sont au courant. Ce sont des lois qui ont été votées à l'Assemblée nationale. Cela situe un peu la perspective qui nous amène aussi aujourd'hui sur une politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier.

Passons au mémoire, à la page 9, chapitre II: Critique sommaire de la politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier. Alors, le Regroupement pour un Québec vert s'inscrit en faux à l'égard de la politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier telle qu'énoncée dans le document de support à la commission parlementaire puisqu'elle va à rencontre d'une gestion rationnelle des ressources forestières qui impliquerait, entre autres, un usage restreint des pesticides. (12 h 15)

Les modalités d'intervention prévues en milieu forestier, à la suite de l'adoption de la Loi sur les forêts, loi 150, compte tenu des outils d'entretien souhaités par l'industrie, sont de nature à augmenter l'utilisation des pesticides malgré l'adoption de la Loi sur les pesticides, loi 27, qui vise plutôt à réduire leur utilisation.

Dans la présente section, nous allons commenter les principaux éléments de cette politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier qui nie les fonctions écologiques et le rôle polyvalent de la forêt.

La dégradation de nos forêts est bien connue de tous. Malgré ce constat, le laisser-faire du gouvernement en matière d'exploitation forestière se métamorphose encore aujourd'hui en pseudo-correctifs coûteux et non respectueux de l'environnement. Au lieu de s'attaquer aux causes principales de dégradation du territoire forestier, le ministère de l'Énergie et des Ressources favorise l'usage des pesticides pour honorer son objectif de rendement soutenu.

Dans le cas de la régénération des parterres de coupe, la notion de rendement soutenu implique l'élimination des peuplements de transition pour favoriser l'établissement immédiat d'un peuplement qu'on appelle climatique. Prétextant que le volume de pesticides utilisés en forêt ne représente qu'une faible fraction de celui utilisé en agriculture, le MER prévoit dorénavant utiliser des phytocides sur environ 100 000 hectares annuellement afin de tuer la végétation dite compétitrice.

Les auteurs de cet énoncé de politique préconisent de cultiver la forêt en empruntant les façons de faire à l'agriculture. On ne peut pourtant pas aborder l'arboriculture, c'est-à-dire la culture des arbres, avec une approche calquée sur celle de l'agriculture. La nature des végétaux, la dynamique des écosystèmes forestiers et l'horizon des récoltes distinguent l'arboriculture de l'agriculture. Ainsi, lorsque des arbres sont plantés sur un site ou qu'un parterre de coupe se régénère, il n'y a pas lieu d'éliminer la végétation dite compétitrice à l'aide de phytocides comme si cette végétation était une nuisance. Au contraire, cette végétation est composée de plantes compagnes qui, dans des proportions convenables, aident le peuplement à s'établir. Les plantes herbacées, par leur important taux de renouvellement et leur cycle annuel, permettent d'enrichir le sol en matière organique. Les feuillus, pour leur part, remplaçant une partie des herbacées au fur et à mesure que le peuplement vieillit, fournissent de la matière organique par les feuilles qu'ils perdent annuellement. Alors, court-circuiter ce processus en éliminant ces végétaux dans un peuplement en régénération ou dans une plantation équivaut à hypothéquer la production de ces sites.

Concevoir les feuillus ou les plantes herbacées comme des mauvaises herbes relève du charlatanisme. Les pertes en matières nutritives et la dégradation de la microfaune des sols forestiers à la suite de l'application de phytoci-des obligeront fort probablement les détenteurs de contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier d'user, encore une fois, de pseudo-correctifs délétères pour l'environnement, tels des engrais, afin de répondre aux exigences de rendement soutenu. Nous ne pouvons donner notre aval au principe de rendement soutenu s'il implique l'usage de pesticides et autres produits délétères pour l'environnement.

Cultivons la forêt, nous dit-on! Pourtant, l'agriculture ne s'est-elle pas, pour sa part, embarquée dans le cercle vicieux de l'industrie chimique, de la monoculture et de la surutilisation du potentiel des sols? Nous ne voyons aucun avantage à calquer ce scénario dont les fondements sont de plus en plus remis en question.

En ce qui concerne la protection des forêts, le MER manque de bonne foi lorsqu'il affirme que l'utilisation des pesticides est essentielle puisque les méthodes sylvicoles ne sont jamais parvenues à elles seules à contrer les infestations de ravageurs. C'est vite passer du revers de la main les réflexions portant sur l'épidémio-logie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette par Blais, en 1984. Selon cet auteur, les raisons pour lesquelles la fréquence, l'étendue et la sévérité des invasions de la tordeuse des bourgeons de l'épinette ont augmenté semblent attribuables principalement aux changements de l'écosystème forestier occasionnés par l'action de l'homme. La coupe à blanc, la protection contre les feux et l'usage d'insecticides contre la TBE ont grandement favorisé la préservation et l'implantation de peuplements de sapins-épinettes, ce qui a eu pour résultat de rendre la forêt plus susceptible aux attaques par la tordeuse, toujours selon ce même auteur.

Malgré toutes ces mises en garde, le gestionnaire n'envisage aucune approche préventive quant à l'exploitation forestière. Les solutions simples à des problèmes complexes refont surface malgré les recommandations émanant de commissions d'enquête ou de décrets ministériels invitant le gestionnaire à changer ses pratiques.

Avec la nouvelle complicité de son collègue de l'Environnement, le ministre de l'Énergie et des Ressources tente de nous persuader, cette fois-ci, que les objectifs de réduction d'utilisation des pesticides par la loi 27 et les objectifs de rendement soutenu de la loi 150 ne sont qu'en opposition apparente. Pourtant, selon l'aveu du promoteur, nous sommes loin d'une situation adéquate permettant une utilisation minimale des pesticides. Cette position ne nous surprend pas, puisque les moyens de rechange doivent être aussi efficaces que les pesticides et économiquement viables (document de support de la commission parlementaire, page 57). Les raisons sociales et environnementales prônant l'emploi de métho- des alternatives sont encore laissées pour compte alors que l'état d'avancement de la recherche ne permet pas de certifier que les autres moyens disponibles sont dans tous les cas parfaitement applicables, toujours selon le document de support de la commission parlementaire.

Alors, Québécois et Québécoises, tenons-nous-le pour dit: "...dans un cadre réglementé, les pesticides doivent faire partie de la panoplie des outils d'aménagement forestier respectueux du milieu forestier." Mais sur quelle échelle de valeurs retrouve-t-on le respect du milieu forestier lorsqu'on tue impunément plantes et animaux?

Le gouvernement du Québec veut, par sa politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier, veiller aux objectifs de protection de l'environnement tout en permettant la réalisation d'objectifs de production forestière. Selon le gestionnaire, il faut utiliser les pesticides pour qu'une utilisation durable de l'écosystème forestier soit possible, corollaire que le RQV ne partage pas. Selon nous, la pérennité de la forêt et son usage à de multiples fins ne seront assurés que par l'arrêt immédiat de la surexploitation et par l'abandon de l'usage de pesticides.

Les auteurs de cette politique et ceux qui l'endossent ajoutent l'insulte à l'arrogance lorsqu'ils tentent de discréditer les intervenants qui s'interrogent et/ou s'expriment quant à l'utilisation de pesticides en milieu forestier. Ce discours réducteur, utilisé tant par l'industrie forestière que par le MER, a pour objet d'évacuer la population du débat de la gestion forestière pour que ce rôle revienne, comme dans le passé, à la seule paroisse de l'industrie et des ingénieurs forestiers. Il y a trop longtemps déjà que ces intervenants massacrent la forêt au nom de la sacro-sainte libre entreprise et poursuivent leur objectif de maximisation des profits à court terme pour qu'on les laisse faire encore. On conçoit facilement la place que le MER veut donner à la population par l'affirmation suivante: "Lorsqu'une infestation est observée sur les forêts publiques, le MER élabore un plan annuel d'intervention conformément aux attentes signifiées aux plans d'aménagement, soumet ce dernier aux industriels impliqués pour approbation et réalise le plan accepté."

Cette politique réductrice se concrétise, d'une part, par la proposition d'exclure le B.t. et le glyphosate du processus d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement et, d'autre part, en limitant les études d'impact ainsi que la consultation publique aux seuls aspects de risques pour l'environnement liés à l'usage de tout autre produit en milieu forestier. Le RQV s'oppose à l'adoption d'un tel scénario.

Les promoteurs justifient l'exclusion du B.t. et du glyphosate du processus ci-haut mentionné à partir d'arguments qui s'appuient sur: 1. la sécurité et l'efficacité du B.t. employé contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette; 2. la faible toxicité et le peu de persistance du glyphosate

employé pour éliminer la végétation concurrente.

Les critères inhérents à l'application du B. t. ainsi que son mode d'action chez l'insecte cible font en sorte que l'efficacité du produit est incertaine, selon Lavalin en 1984. On cherche à obtenir un B. t. plus efficace en ajoutant des substances chimiques telles que la chitinase ou le xylène, ce qui augmente sa toxicité et touche ainsi davantage d'espèces non cibles.

Alors, jamais n'a-t-on pu démontrer sa rentabilité économique, pas plus qu'en usant d'insecticides chimiques pour lutter contre la tordeuse du bourgeon de l'épinette. C'est ce qui sort des conclusions des travaux de Lavalin en 1984. Il n'a jamais été utilisé opérationnellement sur les grandes superficies, ce qui ajoute aux inquiétudes quant à la garantie d'efficacité.

Dans le cas du glyphosate, sa toxicité est telle qu'il tue plus efficacement un plus grand nombre d'espèces végétales qu'en utilisant le 2, 4-D ou le 2, 4, 5-T. Alors, on va traiter tantôt des aspects liés à la toxicologie de ces produits.

De toute évidence, MM. de l'Environnement et de l'Énergie et des Ressources, vous ne pouvez pas nous convaincre du bien-fondé de votre politique des pesticides en milieu forestier.

II est clair, par le libellé de cette politique, que vous pliez l'échine encore une fois face au lobby de l'industrie forestière.

Avec le peu de temps qu'on a, M. le Président et les membres de la commission, je vais résumer le chapitre III. Une partie des énoncés de principe que nous avons au Regroupement pour un Québec vert, quant à l'utilisation de pesticides en milieu forestier, est un document qui a déjà été déposé ici, en commission parlementaire, en septembre 1986, dans le cadre du projet de loi 150. Alors, nous autres, ce qu'on dit, pour résumer le chapitre III: Réduisons le gaspillage de la matière ligneuse sur les territoires forestiers du Québec, tant au niveau de l'exploitation, de sa transformation que de son utilisation. Et ensuite, un coup qu'on aura baissé cette forte demande de bois, bien, les insectes qui tuent un petit peu et les rotations de peuplement qu'on veut court-circuiter, on n'en aura plus besoin. On n'aura plus besoin de faire d'investissements en forêt parce qu'on va réduire le gaspillage. Si jamais on en a besoin, parce qu'il arrive malencontreusement un insecte contre lequel il faut lutter, in extremis, après avoir appliqué les principes de lutte biologique en forêt - ce qui est expliqué dans le chapitre

III - peut-être y aura-t-il moyen de penser à l'utilisation de pesticides. Mais vous lirez le contexte à l'intérieur duquel nous avons fait le débat sur l'utilisation des pesticides en milieu forestier.

Alors, je voudrais porter à l'attention de la commission aussi qu'on va vous remettre un autre document parce qu'il manque un bout de texte à la page 20, au chapitre 3. 2. 3, c'est la suite de la page 20. On vous fera parvenir le feuillet manquant.

Alors, je laisse la parole à M. Auger qui va vous parler brièvement de la santé publique et de la politique d'utilisation des pesticides.

Le Président (M. Saint-Roch): Alors, en conclusion.

M. Auger (Pierre): Oui, très rapidement. L'utilisation des pesticides en santé publique, c'est une approche globale, quand on nous dit par exemple qu'on cesse d'utiliser un produit qui est considéré dangereux pour le remplacer par un autre; d'après moi, ce n'est pas une approche de prévention adéquate, c'est plutôt la masse globale de pesticides qui sont utilisés dans un environnement. Ici, ce qui m'a surtout chicoté, c'est le fait qu'on écarte des études d'impact sur le glyphosate et le B. t., sous prétexte qu'ils sont déjà utilisés et qu'ils sont déjà homologués.

Alors, je voulais tout simplement attirer l'attention sur un document qui a été publié en 1987 par la Commission de réforme du droit du Canada qui a révisé, justement, le processus d'homologation. Il s'agit d'un document d'étude, mais je pense que le document d'étude était suffisamment étoffé pour que la Commission de réforme du droit le distribue à la population. Ce document-là critique sévèrement le processus d'homologation et la loi antiparasitaire. Entre autres, pour eux, un des points importants c'est que les tests sont faits par les compagnies vendeuses. Entre autres, on revient avec le fameux scandale d'IBT, biotest, où ces tests-là ne satisfaisaient pas aux normes de l'EPA et où les produits étaient déjà utilisés à grande échelle aux États-Unis et au Canada. Nous critiquons aussi fortement le processus selon lequel, même quand on trouve que les tests sont mal faits et ne sont pas réglementaires, on continue à distribuer, à vendre ces produits-là. De sorte que le fait que ces produits-là soient utilisés et homologués, pour nous, cela ne constitue pas une sécurité pour la santé publique.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Auger.

M. L'Italien: On va conclure rapidement, là.

Le Président (M. Saint-Roch): Très rapidement, si vous voulez.

M. L'Italien: Je pense qu'il nous reste encore deux minutes, d'après les calculs que j'ai pu faire.

Le Président (M. Saint-Roch): Non, le temps est écoulé, mais je vais vous permettre brièvement de conclure.

M. L'Italien: Oui, ce sont quelques phrases, en fait.

À notre avis, il faut un moratoire d'au moins deux ans sur la croissance de l'exploitation

de l'industrie forestière papetière et du sciage et en conséquence maintenir, sinon réduire, son rythme actuel. Il faut multiplier la plantation de feuillus et orienter la recherche pour accélérer l'intégration de feuillus à la pâte à papier. Au moindre mal, nous privilégions le scénario numéro 1 et qu'une étude d'impact fasse l'objet dune audience publique sur l'environnement menée par le BAPE permettra une analyse complète des facettes environnementales santé publique, économiques et écologiques. En dernier lieu, nous ne pouvions nous empêcher de souligner les apparentes contradictions des ministères impliqués actuellement.

Ce printemps, le ministère de l'Environnement nous promettait un cap environnemental axé sur la conservation, agent de progrès. Par la suite, des règlements applicables de la loi 27 sur les pesticides, lesquels complètent mal la loi, tout en laissant la porte ouverte aux pesticides en foresterie et en agriculture. La semaine dernière, le même ministère publiait son premier bilan environnemental qui caractérise on ne peut mieux la surexploitation actuelle des forêts. On a donc l'impression que le ministre court plusieurs lièvres à la fois, qu'il connaît très peu son gibier et que des pressions de l'industrie l'incitent à "braconner" l'environnement. Serait-ce le troc américano-canadien ou libre-échange qui se résume à dire: Moi, exploitant, je mets en valeur tes ressources à ma convenance, de la manière que je le veux et dans la perspective que je le vois, même au prix de catastrophes écologiques et économiques qu'on pourrait appréhender? C'est ce qu'on appelle le développement accéléré à tout prix, loin du mariage tant souhaité de l'écologie et de l'économie. (12 h 30)

Le ministère de l'Énergie et des Ressources, après quelques timides expertises et recherches en alternatives aux pesticides, nous déçoit sincèrement. La décision du gouvernement, il y a déjà cinq ans, devait les obliger à ne plus privilégier l'option chimique pour aménager les milieux forestiers. Le document soumis à la consultation avance encore des hypothèses et nous promet une quelconque étude sur le dégagement mécanique. Nous ne pouvons, non plus, faire confiance à un obscur comité interministériel qui contrôlerait et régirait l'utilisation des pesticides en forêt.

Rappelons au présent gouvernement qui s'est targué récemment, via son premier ministre, qu'il y aurait un virage écologique, qu'il a adhéré aux recommandations de la Commission mondiale sur l'environnement, la Commission Bruthland et qui recommandait en priorité: de maintenir les processus écologiques essentiels incompatibles avec la coupe à blanc sur les centaines d'hectares; de maintenir et encourager la diversité génétique - où sont les pins d'antan et les chênes? - de favoriser l'utilisation durable des ressources ou, comme on dit, viser la pérennité des ressources et des humains - leur santé - qui composent avec ce développement.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. L'Italien. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Bonjour, M. L'Italien, ainsi que votre équipe. Vous ne vous doutez pas que je ne suis pas tellement d'accord avec votre approche, à savoir qu'il faut tout bannir et ne rien faire. Parce que, si on veut améliorer notre environnement et notre qualité de vie, il va falloir poursuivre les recherches, il va falloir faire des choses et retourner en arrière, retourner à l'âge de la colonie, je pense que ce n'est pas une solution au problème actuel. Evidemment, c'est un peu ce que je comprends de votre propos que je ne partage pas parce que je me dis: Cherchons ensemble - et c'est le but de la commission parlementaire - les meilleures solutions pour atteindre les objectifs qui feront en sorte qu'on va protéger notre environnement, notre qualité de vie et nos emplois. S'il y a des emplois, cela fait vivre bien du monde et, si on vit correctement, si on a une bonne qualité de vie, un bon standard de vie, bien tant mieux! Mais ce que vous proposez actuellement, je pense bien que c'est un retour en arrière, quasiment à l'âge de la colonie, évidemment.

Comme je dois m'absenter, j'aurais quelques questions rapides à vous poser. Vous proposez un moratoire sur la croissance de l'industrie forestière. Quelle industrie avez-vous choisie?

Le Président (M. Saint-Roch): M. L'Italien.

M. L'Italien: Toutes. Il y a aussi... On parle aussi dans la partie du mémoire qu'on n'a pas pu lire de l'allocation des bois, par exemple, où on fait des copeaux de bois avec du bois rond; alors, le bois est mal alloué. Vous savez très bien tous les problèmes, en fait, de la gestion de la ressource.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je ne prétends pas avoir la perfection et j'espère que vous ne le prétendez pas vous non plus. Du côté forestier, du côté des opérations forestières, du côté de l'aménagement, je pense que je n'ai pas de leçon à recevoir de... Il se produit, du côté des opérations forestières, des erreurs. Il ne faut pas les monter en épingle et les prendre comme une généralité. Cela arrive, ça; on les pointe du doigt et on essaie de se corriger. Quand on pointe seulement que cela, qu'on met cela en évidence, c'est comme si tout était croche dans la société. Mais tout n'est pas croche, au contraire.

L'autre question que je veux vous poser: Vous dites que vous privilégiez, comme moindre mal, le scénario 1, mais à votre avis, c'est quoi, c'est de retourner en arrière?

M. L'Italien: Je vais laisser Michel répondre là-dessus.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je vous invite à aller voir dans le parc des Laurentides, les endroits comme la forêt Montmorency; c'est vert, il y a du gibier et cela vit là. Allez voir à côté où il n'y a pas eu d'intervention, c'est tout mort, il n'y a pas de gibier. Allez-y voir dans le parc des Laurentides, au camp Mercier. Allez faire du ski de fond, vous allez voir si c'est agréable de faire du ski de fond à travers tout ce qui est mort. Tandis que si vous en faire dans la forêt Montmorency où il n'y a eu que des interventions humaines, vous allez trouver cela agréable. Évidemment, il faut que cela soit fait de façon à protéger, en premier lieu, la sécurité et la santé des personnes. On commence par nous; après cela, ce seront les autres espèces vivantes en forêt et les arbres.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Lauzon.

M. Lauzon: Oui, mais écoutez, M. le ministre, votre discours, là... C'est sûr qu'il y a des endroits, des parcs aménagés, cela existe. Il y a moyen de faire de la coupe jardinatoire et de faire des coupes sanitaires qui font qu'on a des beaux parcs, mais vous nous citez des cas et cela ne représente même pas un millionième du pourcentage du Québec. Où il y a eu intervention humaine en milieu forestier, allez voir, ce sont des sites qui ne repoussent pas, ce sont des sites érodés, c'est la nappe phréatique qui a remonté, ce sont des peuplements forestiers qui ne s'établissent plus.

C'est de cette intervention-là que nous autres, on parle. On ne parle pas de l'aménagement des parcs et des haltes routières, là, M. le ministre, on parle d'exploitation forestière. On dit que, sur ces sites, ce qu'on a fait - ce qu'on a constaté - c'est une intervention qui ne permet pas une régénération naturelle. C'est pour cela que le gouvernement a mis de l'avant un programme de reboisement des terrains, ce que vous appelez le "backlog", je crois, en français, ce qui n'a pas poussé et qu'il faudrait remettre en production.

Alors, ne venez pas nous dire qu'il existe des forêts à Montmorency ou à Oka qui sont aménagées et qui sont belles. On sait bien que les humains sont capables de bien traiter la nature et de, entre guillemets, l'améliorer en fonction d'une notion de paysage qu'on recherche, d'un bien-être de ce qui est la forêt. Mais la forêt en tant que telle peut rester là sans nécessairement qu'on l'exploite ou qu'on rentre dedans. C'est cela qu'il faut concevoir, c'est que, si on veut rentrer dans la forêt pour l'exploiter, il ne faut pas qu'on ait comme prérequis l'usage des pesticides. Il faut exploiter la forêt en utilisant d'autres méthodes. C'est cela qu'on est venu dire ici. On n'a pas dit de retourner en arrière et de revenir à l'âge de la colonie et pourquoi pas à l'âge de pierre, M. le ministre? Ce qu'on est venu dire ici, c'est qu'il y a des façons différentes de faire où on peut utiliser un minimum de produits toxiques dans l'environnement, ce qui est justement le libellé de la loi 21 de M. le ministre de l'Environnement.

Mais le MER arrive encore par la bande et il veut, à partir de son objectif de rendement soutenu de la loi 150, favoriser l'utilisation des pesticides dans le milieu forestier pour finalement arriver à un objectif de rendement soutenu. Dans ce contexte-là, le RQV dit non au rendement soutenu; c'est juste cela qu'on a dit, M. le ministre.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous savez bien qu'on ne s'entendra pas, c'est certain. On est diamétralement opposés sur ces questions-là. C'est qu'on ne veut pas voir ce qui existe, dans le fond. Quand je vous parle de la forêt Montmorency, je vous parle également des ravages de la tordeuse des bourgeons de l'épinette à côté, où on a regardé passer la parade. Et allez voir dans les parcs - pour cela, la question des parcs - où il n'y a aucune intervention humaine, supposons l'exploitation, allez voir dans le parc du Mont-Tremblant, il y a du chablis, il y a des peuplements attaqués par la tordeuse, et cela a l'air de quoi? On ne peut pas faire des musées avec des espèces vivantes, avec des vivants. La comparaison est là. Il y a des belles interventions - allez voir au bois de Belle-Rivière - où la forêt a été aménagée par les hommes, et cela a du bon sens. On a utilisé les produits qu'on voulait et les méthodes qu'on voulait, tout en respectant la sécurité et la santé des personnes. C'est cela qui est important, dans le fond, c'est de faire les choses correctement, plutôt que de ne rien faire, comme vous le proposez.

Moi, je ne vois pas pourquoi les glyphosa-tes...

M. Lauzon: Nous dire que nous ne voulons rien faire, c'est nous taxer de choses qui ne sont pas vraies. Alors, écoutez. Nous en avons, des propositions. Vous n'avez pas lu le document qu'on vous a déposé en 1986 sur nos énoncés de principe pour une politique forestière; un document qui a une centaine de pages. Les principes, ils sont là-dedans, et ce n'est pas vrai qu'on préconise de se croiser les deux bras et de regarder le train passer. Ce qu'on veut. On veut des modifications dans l'exploitation forestière. On veut consolider notre industrie forestière, mais pas de la façon dont elle est partie là.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Moi, je ne vois pas cela de la façon dont vous le proposez.

M. L'Italien: M. le Président, M. Gaétan Malenfant a quelque chose à ajouter par rapport aux derniers propos de M. Côté.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Malenfant.

M. Malenfant (Gaétan): Bon, je pense que ce qu'il faut bien comprendre, c'est que nos interventions sont basées sur le fait de dire qu'il y a eu des erreurs importantes dans le passé en termes de gestion forestière. Et maintenant...

Une voix:...

M. Malenfant: Non, mais il reste que ce dont on discute maintenant, c'est le résultat de cela. Et ce qu'on dit, c'est qu'il ne faudrait quand même pas surajouter encore une intervention humaine mal à propos, qui perpétue, finalement, le problème. On se contente de cultiver la forêt un peu comme en agriculture, alors qu'on sait très bien qu'en agriculture il y a des chiffres assez éloquents qui disent que, malgré tout l'usage d'insecticides et d'herbicides, on n'est guère plus avancés qu'il y a 30 ans, avant qu'on utilise tous ces produits-là. Je veux dire ceci: on n'économise pas plus et on ne perd pas plus qu'avant, en termes de ravages par les insectes et les mauvaises herbes. Et les insectes et les mauvaises herbes sont de plus en plus résistants. Donc, on monte une marche à chaque fois, mais où va-t-on se ramasser? C'est là-dessus qu'est notre propos. Ce qu'on dit, finalement, c'est qu'il faudrait arrêter cette escalade-là et tenter de freiner peut-être un peu le développement actuel de l'industrie forestière pour éviter de manquer de bois avant longtemps.

Alors, c'est cette perte de matière ligneuse qui nous fait dire qu'on va manquer de bois et qu'il faut faire quelque chose. C'est bien beau. Mais, comme on est partis là, il va toujours nous manquer quelque chose parce qu'on ne freine pas le développement. On veut utiliser mur à mur ce qui existe. C'est ce qu'on dit.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Malenfant. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Dans la même foulée, vous dites qu'il faut freiner le développement, d'une part, et, d'autre part, on est conscients des impacts socio-économiques de cette industrie au Québec. Est-ce que vous évaluez à un rythme de croissance quelconque l'utilisation qu'on devrait faire de la forêt? Entre ne plus faire de coupe, ne plus utiliser la ressource et avoir un rythme de développement ou de croissance effréné, est-ce que vous avez évalué quel serait le rythme acceptable qui permettrait de protéger la ressource, de la régénérer et de l'utiliser aussi à des fins économiques?

Le Président (M. Saint-Roch): M. L'Italien.

M. L'Italien: M. le Président, M. Lauzon va répondre.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Lauzon.

M. Lauzon: II ne faut pas ramener cela uniquement à une question de volume de coupe. On se rend compte qu'on la surexploite. D'après le constat qu'on a eu, on la surexploite. Est-ce qu'il y a moyen de garder la même vigueur économique avec la forêt en l'exploitant un peu moins pour éviter qu'on la surexploite? Aussitôt qu'on perd un arbre qui meurt de vieillesse, c'est donc terrible, on a perdu un arbre. Est-ce qu'il y a moyen de réajuster notre industrie?

C'est sûr que cela prend des capitaux. Cela prend soit les industriels qui sont là et qui réinvestissent autrement - cela, je ne suis pas sûr qu'ils soient intéressés - soit le gouvernement qui injecte des sommes dans des petites compagnies, des PME, qui vont faire autre chose que de la pâte à papier ou du 2" X 8" avec notre bois. On n'entrera pas dans la panoplie des différents produits ou sous-dérivés du bois, mais on peut faire, par exemple, du méthanol, qu'on va mettre selon une proportion convenable dans notre essence d'automobile, pour se promener avec 1 000 000 de barils de méthanol par année au Québec dans nos autos qu'on n'achèterait pas des Arabes.

Il y a toutes sortes de façons de diversifier l'utilisation de la ressource bois sans nécessairement couper un autre billot. C'est d'utiliser les cimes des arbres qui ne sont pas utilisés, les souches, les feuillus qui sont laissés pour compte ou les arbres qui sont croches et qui ne peuvent pas passer au sciage, qui sont culbutés. Tout ce massacre quand on exploite la forêt, qu'on appelle les déchets de coupe, cela représente entre 25 % et 50 % en volume de bois. Si on pouvait faire quelque chose avec cela, on augmenterait notre p.n.p. par rapport à l'utilisation de la forêt sans couper un arbre de plus. Les sous-produits dérivés, tout le papier qu'on jette-On en jette des tas, tout le monde le sait, ce n'est pas la seule commission parlementaire où on l'a dit, le ministère de l'Environnement est au courant. Il y a des données là-dessus.

On est incapable d'avoir des infrastructures pour recycler ce papier, pour en incorporer une partie dans la fabrication de la pâte et papier, mais c'est faisable. Les feuillus qu'on n'utilise pas, le peuplier faux-tremble, le bouleau, des trucs comme cela, qu'on n'utilise pas, qu'on culbute sur les parterres de coupe ou qu'on veut arroser avec des phytocides parce qu'on n'a pas de structures industrielles qui permettent de les accueillir et de les transformer; c'est ce qu'il faut changer.

Quand on aura changé les structures des industries en fonction de la nature des fibres qu'on a, c'est-à-dire plus de feuillus, des déchets de coupe et du papier recyclé, le jour où on aura fait cela, c'est là qu'on dit qu'on pourra réduire les superficies de bois exploitées au Québec. Mais on va rester tout aussi vigoureux

et on va probablement produire plus de produits dérivés du bois. On va couper moins. C'est ce qu'il faut, garder des arbres, avoir des parcs, avoir du tourisme, que nos enfants voient encore une forêt demain et pas seulement une plantation d'épinettes comme du blé d'Inde dans les champs. C'est ça, le discours qu'on vient vous tenir.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: À la page 4, vous avez soulevé un point Important à l'égard de l'homologation de certains produits en disant, entre autres, que l'un des produits dont on demande l'utilisation sans étude d'impact - en fait, une espèce de chèque en blanc - est un des produits qui aurait été analysé par l'entreprise et qui aurait été impliqué dans un scandale de faux test ou de manipulation des tests scientifiques. Est-ce que vous avez des informations disant que, parmi la centaine de produits qui auraient fait l'objet de malversations et de fabrication de fausses analyses, ce produit est inclus dans cette liste?

Le Président (M. Saint-Roch): M. L'Italien.

M. L'Italien: On ne peut pas confirmer que le glyphosate est inclus dans cette liste. Pierre pourrait ajouter quelque chose par rapport au glyphosate. Ce qu'on peut dire entre autres à l'heure actuelle, c'est que le fénitrothion était dans cette liste. Il a déjà été utilisé contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette.

M. Charbonneau: Mais est-ce qu'on pourrait être en mesure de le savoir?

M. Auger: Ce qu'on peut vous dire là-dessus, c'est que "Round-Up" est un produit fait par la compagnie Monsanto. Monsanto était un très gros client d'IBT. De façon précise, est-ce que le glyphosate a passé à travers IBT? Je ne sais pas. Mais Monsanto est un gros client d'IBT. Mais, même malgré IBT, je vous recommande la lecture du document publié par la Commission de réforme du droit du Canada où il révise... (12 h 45)

Une voix: C'est là-dedans.

M. Auger: Oui, ce que j'ai mis en référence. Il révise justement le processus d'homologation et pas seulement le processus d'homologation, mais tout le processus de surveillance, après, de la nocivité de ces produits, c'est-à-dire qu'une fois que cela a passé le processus d'homologation c'est parti dans la nature et, qu'il se passe n'importe quoi après, cela continue dans la nature. Entre autres, à partir du scandale d'IBT, ce qu'ils critiquent, ce n'est pas tellement le scandale IBT en soi, c'est bon, ils ont trouvé qu'il y avait des tests anormaux, mais c'est le fait que ces produits continuaient à être distribués et vendus quand même, même si les tests n'avaient pas été refaits et que Agriculture Canada disait: Cela va être refait, cela va être refait. Ce n'est pas grave. Comprenez-vous? Le glyphosate, c'est un des produits... Les tests ont été faits. Cela n'a pas été fait par IBT ou par un autre, cela a été fait par la compagnie vendeuse et ces gens critiquent fortement ce processus. Ils font même une recommandation au gouvernement canadien que ce processus, que les tests ne soient pas faits par les compagnies, mais par un laboratoire indépendant, subventionné à partir des royautés de vente des redevances et que ce soit le gouvernement qui soit en charge de ce laboratoire.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Faisons l'hypothèse qu'il y ait des mécanismes de contrôle ou de vérification plus adéquats des produits comme vous le suggérez et comme l'organisme en question le suggère. Est-ce qu'à ce moment-là vous seriez prêts à accepter le scénario 2, néanmoins, ou si, malgré cela, vous considérez que c'est inacceptable d'avoir des produits, une fois testés, même si les tests sont améliorés, qu'on peut utiliser sans étude d'impact, sans évaluation publique?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Auger.

M. Auger: Pour nous, là où on est contre, c'est quand ils nous arrivent et nous disent: On peut utiliser ce produit, il n'est pas dangereux selon les tests. Ce n'est pas cela, notre principe. Notre principe, c'est qu'on ne doit utiliser les pesticides vraiment qu'en dernier ressort. D'accord? Là, il faut s'attaquer aux pesticides non seulement en forêt, mais partout. Il y a, entre autres, en agriculture où il y a 90 % des pesticides qui viennent de là. Mais, depuis dix ans, il y a un mouvement qui s'appelle le Mouvement pour l'agriculture biologique. Il y a dix ans, tous les gens qui s'occupaient de cela passaient pour des malades mentaux. Aujourd'hui, on lit dans le journal que le gros Potager Côté se met à en vendre. Ce n'était pas rentable économiquement il y a dix ans et cela n'était pas faisable et là, maintenant, le Potager Côté est en train d'en vendre. Ce qu'on veut proposer dans une approche en forêt, c'est exactement le même genre de situation. Le ministre Côté a dit tantôt qu'on veut retourner en arrière. Ce n'est pas vrai. Au contraire, c'est le futur qu'on vous propose. Il y a déjà des pays en Europe qui commencent à proposer ces choses. Nous autres, on est toujours en arrière. Il y a des pays Scandinaves comme le Danemark qui commencent à proposer et qui subventionnent, entre autres, l'agriculture biologique. C'est le futur, ce n'est pas le passé. On ne retourne pas au temps des Iroquois.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Vous n'avez pas tellement parlé du scénario 1. C'est comme si, dans la présentation que vous avez faite tantôt, vous avez dit à un moment donné: À la limite, on pourrait l'accepter. Est-ce que cela veut dire que, finalement, vous choisissez le moindre des maux et que vous êtes prêts à accepter le scénario 1 ou si même le scénario 1, à votre point de vue, tel qu'il est libellé, présente des problèmes? Si oui, quels sont-ils ou, encore, est-ce qu'à votre avis il est suffisamment acceptable pour qu'on puisse l'avaliser?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Lauzon.

M. Lauzon: Si on n'a pas parlé du scénario 1, c'est qu'il est carrément inacceptable. En fonction de tout ce qu'on vous a dit avant, premièrement, la loi 150 met dans le décor un rendement soutenu et on se donne des moyens qu'on dit économiques qui sont les pesticides. Donc, à partir de ce principe, le scénario 1 ou le scénario 2, on n'est pas d'accord. On dit qu'on veut aménager la forêt sans ou avec très peu d'utilisation de pesticides, avec le moins possible, quand, d'un autre côté, on dit: À cause de cela, il faut en utiliser plus, à cause du rendement soutenu et de la loi 150. Il est évident qu'on n'est pas d'accord avec les scénarios 1 ou 2. On n'est même pas d'accord avec la politique, avec les 100 pages de la politique et, tout d'un coup, à la fin, on serait d'accord avec le scénario 1. Cela ne tient pas debout. Mais, c'est sûr, par exemple, que si jamais il y a des gens qui veulent arroser en forêt, ils sont tenus par la Loi sur la qualité de l'environnement, par l'article 22, s'ils font un arrosage aérien sur plus que 600 hectares, de déposer une étude d'impact auprès du ministre de l'Environnement et de se présenter en audience publique. C'est bien sûr qu'on n'est pas contre cela. On n'est pas contre la Loi sur la qualité de l'environnement. Le promoteur devra s'y soumettre. Cela bégaie un peu. C'est un peu ce que le promoteur est supposé faire avec le scénario 1, indépendamment de cela. Comme tel, on n'est ni d'accord avec un scénario 1 ou un quelconque scénario à l'Intérieur de la politique parce qu'on rejette la politique d'emblée. On ne peut pas être en accord avec la page 12 et en désaccord avec la page 13.

Par rapport à...

Le Président (M. Saint-Roch): Cela complète, M. le député de Verchères?

M. L'Italien: Gaétan Malenfant voudrait ajouter quelque chose en réponse à M. Charbonneau.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Malenfant.

M. Malenfant: Ce ne sera pas tellement long. En fin de compte, on ne peut nécessairement pas être d'accord avec l'usage des pesticides en forêt d'une manière ou d'une autre. Ce sont les principes de base de la gestion forestière qu'on remet en question. On nous promet évidemment que cela va changer maintenant que les industries sont responsables de leur territoire, en termes d'aménagement. On a bien hâte de voir. Mais, à venir jusqu'à ce jour en tout cas, il est bien évident pour nous que c'est la façon dont on exploite la forêt qui fait en sorte que maintenant on se sent obligé d'utiliser des pesticides. Évidemment, on ne peut pas être d'accord avec l'usage des pesticides en forêt.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Malenfant. M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. le Président, quelques remarques pour commencer. Je pense que c'est un rapport intéressant qui va aider nos délibérations. Nous sommes venus ici pour écouter plusieurs sons de cloche. Je suis très heureux que le Regroupement pour un Québec vert ait donné son point de vue. Si j'ai un petit regret - et je le dis de façon très sincère - c'est que je pense que le mémoire aurait aidé davantage s'il avait été un peu moins virulent. On parle de charlatanisme, d'insulte à l'arrogance, de plier l'échiné, ou de vénales tractations. Il faut prendre comme point de départ que, si vous êtes des gens de bonne foi, je pense que les gens qui agissent en politique ou ailleurs sont aussi des gens de bonne foi et que la pureté et la moralité ne sont pas exclusives à une personne ou à une autre. Je pense que chacun a son point de vue. Mais, de toute façon, du point de vue du mémoire lui-même, je trouve beaucoup de choses dans son contenu qui rejoignent mes préoccupations, je dois le dire. Pour moi, l'utilisation des pesticides... Et je regrette que vous n'ayez pas été là quand mon collègue de Ver-chères et moi avons fait des déclarations de départ, car pour nous, c'est une utilisation en dernier recours. Il faut toujours en chercher la réduction. Je suis aussi d'accord avec vous sur le fait qu'à un moment donné, en forêt, il faudra un mouvement de foresterie biologique. Je suis sûr qu'à un moment donné la contrepartie va se faire dans ce domaine aussi. Mais il faudrait...

Dans votre mémoire, il y a quelques contradictions que je ne peux pas comprendre. Vous dites, par exemple, dans votre dernière intervention, qu'il ne faudrait pas soustraire cela au BAPE et je suis entièrement d'accord avec vous. On a donné deux hypothèses de travail. Vous avez travaillé à une hypothèse, pensant que cette hypothèse était figée dans le ciment; alors, autant ne pas avoir de commission parlementaire. Il me semble que le sens d'une commission parlementaire, c'est de faire tout cela, ce n'est pas un show. C'est vraiment pour essayer de détacher ce que les gens pensent. Vous pensez

cela très fortement et je suis d'accord avec vous. Je crois qu'il faut à tout prix maintenir le système d'audiences publiques et le système du BAPE. Je suis fortement de cet avis et j'en suis convaincu de façon inébranlable.

En même temps, à la dernière question de mon collègue, alors que vous n'avez pas parlé du scénario 1, vous dites, à un moment donné, que vous pourriez l'accepter comme un moindre mal, qu'entre deux maux vous accepteriez celui-là. Vous n'acceptez pas le premier, vous êtes contre toute utilisation des pesticides, c'est-à-dire que, d'après ce que je comprends, vous n'acceptez même pas la loi actuelle comme elle est, ce que la loi actuelle permet.

M. Lauzon: Laquelle, M. le ministre?

M. Lincoln: La loi de l'environnement, la Loi sur la qualité de l'environnement et les études d'impact. Aujourd'hui, la loi...

M. Lauzon: Quand je lis des choses comme cela le matin, M. le ministre, je me rends compte qu'on peut contourner les règlements d'une loi n'importe quand.

M. Lincoln: D'accord.

M. Lauzon: Si elle est appliquée, peut-être, si elle a encore plus de mordant, peut-être encore plus, mais, compte tenu de ce qui se passe actuellement, non, c'est trop faible.

M. Lincoln: Non, ' non, mais même si elle était appliquée... Excusez-moi, si on gardait un ton gentil, ce serait mieux. Même si elle était appliquée de façon tout à fait étanche dans le système actuel - oublions que la loi laisse passer des courts-circuits, oublions cela, disons qu'elle est complètement étanche, comme elle devrait l'être aujourd'hui - le principe de base que vous défendez ne se réconcilie pas à n'importe quel système de loi, parce que vous dites au départ: II ne faut pas de pesticides. Point à la ligne. Donc, il n'y a même pas besoin... Dans la loi actuelle, il faudrait dire: II n'y a plus de possibilité de pesticides du tout, même d'une façon réduite et même en état temporaire. Est-ce que c'est cela, votre position? C'est ce que j'ai envie de savoir.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Lauzon.

M. Lauzon: Hé oui! M. le ministre. C'est cela qu'on dit, M. le ministre.

M. Lincoln: D'accord.

M. Lauzon: Sauf dans le cas de catastrophe appréhendée ou vraiment si, par exemple, tout le monde attrape la malaria au Québec, on ne dit pas qu'on ne pourra pas le faire. On va user de l'intervention des pompiers pour tuer un marin- gouin qui serait vecteur de malaria au Québec, ce qui est possible en passant. C'est évident qu'on n'abolirait pas absolument tout, mais je pense qu'il faut mettre ces produits-là de côté, et tout de suite, se retrousser les manches et penser autrement pour la gestion forestière, la gestion de notre agriculture. Parce que si on ne fait pas l'exercice là...

M. Lincoln: Écoutez, on est d'accord sur les principes...

M. Lauzon: ...d'après moi, on ne le fera pas. On va le faire dans dix ans, dans quinze ans, dans vingt ans, peut-être, tranquillement. Ce dont on a besoin, c'est de changer rapidement. On n'a pas le temps d'attendre après des études qui vont démontrer qu'effectivement le glyphosa-te, le 2,4,5 T ou le 2,4,5 D, après des dizaines de millions de dollars d'étude sur les effets de ces produits-là, c'est vrai que ce n'est pas bon, puis là, l'industrie nous en "plogue" un autre tout de suite après.

Nous autres, on dit: Prenons ces millions-là et mettons-les sur des modes alternatifs de gestion de nos ressources naturelles tout de suite, et non pas sur les effets de ces produits-là qui sont délétères pour l'environnement, et cela, on le sait déjà, c'est marqué poison sur les bouteilles, cela tue.

M. Lincoln: D'accord, mais si on se donnait un peu plus de temps pour poser des questions brèves et pour avoir des réponses brèves, on pourrait peut-être avancer.

Moi, ce que je voulais savoir, c'est, d'abord, si vous étiez complètement contre les pesticides, point à la ligne, donc, la loi actuelle et même toute modification. Alors, j'ai compris que c'est oui. Deuxièmement, si vous étiez même contre une application temporaire d'un régime, et c'était cela le sens de notre proposition d'un programme de cinq ans parce que, peut-être le savez-vous, le ministre de l'Environnement, le ministre délégué aux Forêts et celui de l'Agriculture ont un programme de recherche, maintenant, pour des produits naturels. Je dis des produits naturels, qui sont, à l'étude, maintenant, dans le seul centre de confinement qu'il y a au Canada ou l'un des seuls, qui sont donc à l'étude, maintenant, sur une période de trois à cinq ans. On a déjà découvert des pathogènes naturels en agriculture qu'on essaie et qui sont appuyés par les mouvements biologiques, entre autres. On pensait que si, par exemple, il y avait un modèle avec un objectif temporaire de réduction systématique, jusqu'à ce qu'on trouve avec un échéancier précis et appuyé par les études du BAPE on pourrait faire une étape... Est-ce que cela vous paraît raisonnable?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Lauzon.

M. Lauzon: Oui, cela nous paraît raison-

nable, pour autant que les libellés soient clairs et que les objectifs que vous venez de dire là soient aussi clairs, sinon plus, pour qu'on ne porte pas à interprétation les propos que vous pourriez mettre dans un éventuel décret ou une éventuelle politique d'utilisation vers un sens de réduction d'utilisation des pesticides.

M. Lincoln: Malheureusement, je n'ai pas le temps. J'aurais voulu vous poser beaucoup de questions, parce que beaucoup de choses importantes se détachent de votre mémoire. Mais je voudrais vous demander ceci. Moi, je suis d'accord avec vous, par exemple, lorsqu'on dit: Allons réajuster notre tir, pensons à la récupération et au recyclage et en passant, là, nous allons obtenir au moins une usine additionnelle de 100 000 tonnes de recyclage ...

M. Lauzon: Oui.

M. Lincoln: ...qu'une compagnie s'est engagée à nous obtenir.

Moi, je suis d'accord sur tous les objectifs que vous poursuivez, mais, en même temps, j'aurais voulu savoir ceci. Lorsque vous parlez des règlements, vous dites que les règlements en foresterie, en agriculture... Vous avez fait référence aux règlements pour dire: Nous ne sommes pas d'accord sur les règlements en forêt. Je me demandais quelle était votre objection sur les règlements par rapport à la loi 27 à laquelle vous faites référence dans votre mémoire et, si vous aviez ces objections, pendant que les mémoires étaient en consultation, cela a paru dans la Gazette officielle, vous aviez 45 jours, on vous a même écrit pour vous demander votre son de cloche. Qu'est-ce que vous avez contre le règlement et pourquoi n'avez-vous pas pensé que cela valait la peine de nous faire valoir votre point de vue, qui est très valable?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Lauzon.

M. Lauzon: Je peux répondre à la question, là. On n'a pas discuté du règlement comme tel, parce qu'on ne l'a pas cru bon; puisque le débat était sur la politique, on a cru bon de parler de la politique.

Ce dont on se rend compte, au niveau des règlements, par rapport à la loi c'est que l'esprit de la loi est de réduire l'utilisation des pesticides, la loi 27. Mais le règlement, en tout cas, à la lumière de ce qu'on a pu comprendre, et on l'a demandé à des contentieux du ministère, mais on n'a pas eu encore les réponses, cela nous donne l'impression que cela ouvre la porte à des gens qui n'ont jamais utilisé de pesticides de les utiliser. Tout ce que cela prend, c'est que la personne doit avoir un certificat, c'est-à-dire qu'elle a suivi un cours de manipulation, et la personne qui l'engage, elle, a besoin d'un permis. À part de la notion de permis d'utilisation en fonction de la classe de pesticides et de certificats, pour la personne qui peut avoir l'autorisation d'utiliser ces pesticides-là, on ne voit pas en quoi ces règlements-là peuvent arriver à réduire l'utilisation des pesticides. On ne voyait pas le lien entre les règlements, les fuites potentielles qu'il y avait là et l'objectif principal de la loi.

M. Lincoln: Enfin, sans prolonger, je vais vous dire que le règlement prévoit un code de gestion qui est peut-être plus dur que partout ailleurs en Amérique du Nord et que l'objectif de tout cela, c'est justement la réduction à travers l'éducation...

M. Lauzon: D'accord.

M. Lincoln: ...à travers la formation. Il va y avoir 6 400 000 $ qui seront mis seulement dans l'éducation, et la réduction, comme objectif, va apparaître dans le code de gestion.

Mais c'est là le genre de choses dont on devrait discuter.

M. Lauzon: Oui.

M. Lincoln: Moi, ce que je veux vous dire là, c'est: Discutons-en. Avant que le règlement ne devienne final, discutons-en. Si on peut l'améliorer, on l'améliorera. Il faut le faire ensemble. On n'a pas d'objectifs contradictoires. L'affaire, c'est de réunir tout ce monde-là. Il y a un objectif économique, on ne peut pas le nier. Il y a un objectif environnemental, c'est sûr qu'il est capital. Il faut, qu'on travaille ensemble. En tous les cas, je vous remercie. Je trouve que vous avez travaillé très dur à un mémoire qui, certainement, nous donne à réfléchir. (13 heures)

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le ministre. M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: J'aurais une question, M. le Président, qui a été déjà soulevée, mais...

Le Président (M. Saint-Roch): Question d'ordre technique, M. le député de Dubuc, est-ce qu'il y a consentement pour que nous puissions terminer l'intervention avec ces gens-là?

M. Lincoln: Oui, d'accord.

Le Président (M. Saint-Roch): Avec consentement, M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Je n'ai pas retracé l'endroit dans votre mémoire, mais vous parlez des moyens biologiques, bien sûr, à utiliser pour combattre, par exemple, les insectes ravageurs comme la tordeuse. Est-ce qu'il y a, à votre connaissance, des études probantes qui nous indiquent, par exemple, quels peuvent être les résultats de laisser, d'une part, la tordeuse épuiser son cycle de façon naturelle ou d'utiliser, d'autre part,

des procédés chimiques ou même le B.t.? Est-ce qu'il y a eu des études aux États-Unis ou ici qui vous permettent de vous prononcer là-dessus?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Lauzon.

M. Lauzon: II est évident qu'on ne dit pas... Ce qu'il faut c'est je ne pas lutter contre l'insecte. Vous avez deux questions, je vais répondre à la deuxième après. Concernant l'établissement de la lutte biologique, cela fait recours à plusieurs méthodes d'intervention dont, admettons, la pierre angulaire est la prévention. Au lieu d'avoir des méthodes curatives, on aurait des méthodes préventives, c'est-à-dire qu'il ne faut pas favoriser les peuplements "surâgés" de sapins et d'épinettes, par exemple. Toutes les méthodes qui vont favoriser cela, il faut les éviter parce que la tordeuse, elle, aime les peuplements de sapins et d'épinettes "surâgés". Donc, un coup qu'on a établi ces méthodes préventives qui peuvent être à différents niveaux - on ne rentrera pas dans les détails - un coup qu'on a appliqué cela, peut-être qu'il y a lieu de favoriser des populations naturelles qui, déjà, contrôlent les tordeuses des bourgeons de l'épinette. Si on a un bon moyen de dépistage, aux cas limites, quand on voit qu'il y a une infestation qui part, il y a peut-être moyen, là, de faire une intervention avec des pesticides, mais sur des petites superficies pour essayer d'enrayer l'épidémie au moment même où elle pourrait commencer. On ne l'a jamais essayé, mais il y a peut-être moyen d'y arriver. Cela fait partie des outils de ce qu'on appelle la lutte biologique, mais c'est passé très rapidement; vous lirez le document, c'est plus complet.

En ce qui concerne la perte de bois, je n'en ai pas parlé tout à l'heure. On dirait que, lorsqu'il y a un insecte ravageur qui passe, cela stérilise la forêt; il n'y a plus d'arbres. Bien, c'est la troisième épidémie qu'on a dans le siècle présent et on a encore de la forêt et on la coupe, hein! Ce dont je me rends compte, c'est que la stérilisation du sol se fait quand les hommes rentrent dans la forêt et la coupent sur de grandes étendues; cela ne repousse pas en arrière. Selon Flanagan, en 1976, après le passage d'une épidémie de tordeuses des bourgeons de l'épinette, dans une forêt naturelle où on n'a pas eu d'interventions chimiques ou biologiques contre elles, où on n'a pas lutté contre elles, quinze ans après le passage de la tordeuse, vous avez en termes de biomasse, c'est-à-dire de masse de matière ligneuse dans la forêt, la même quantité qu'avant. Et lui préconisait ou supposait dans cette perspective que la tordeuse des bourgeons de l'épinette était, à la limite, un superaménagiste. Tout ce qu'elle faisait, c'est qu'elle tuait les peuplements "surâgés" pour permettre aux peuplements qui sont en dessous, les jeunes, de pousser. Donc, si la forêt n'était pas coupée, elles, ce qu'elles faisaient, c'est qu'elles tuaient les peuplements "surâgés" et cela donnait une chance aux jeunes peuplements qui étaient en sous-bois de reprendre. Mais là, la régénération naturelle est là. On n'est pas rentré avec de la grosse machinerie pour couper et que les nappes phréatiques remontent et que cela ne repousse plus.

Le délai dont vous parliez entre le passage et le non-passage de la tordeuse, l'effet se voit à peu près sur quinze ans. Quand on a dit qu'on a perdu 50 000 000 de cordes de bois, comme si c'était une perte absolue, ce n'est pas vrai, ça. La forêt en a encore cette année. Cet été, elle va reproduire, elle va recroître. Elle n'est pas morte ad vitam aeternam. Il y a eu une perte, évidemment, factuelle sur le coup, mais cette perte a été absorbée dans le temps, ce n'est pas une perte absolue. C'est cela, la nuance qu'il faut avoir.

Et, lorsqu'on parle de carence d'approvisionnement - je n'en ai pas parlé tantôt - de manque de bois, lorsqu'on dit qu'on va manquer de bois, je pense qu'il faut faire une dichotomie et, cela, le ministère de l'Énergie et des Ressources ne l'a jamais fait. On va manquer de bois, oui, pour le sciage; pour la pâte et le papier, il ne manque pas de bois. La pâte et le papier pourraient prendre des jeunes peuplements, des peuplements de transition. Par exemple, un peuplement qui a 30 ans dans une sapinière, c'est un jeune peuplement. Une pépinière mature, cela a 50, 60, 70 ans. Vous avez la même biomasse, vous avez la même quantité de fibres ligneuses dans un peuplement de 30 ans que dans un peuplement mature. Cela veut dire qu'on a deux fois plus de bois, théoriquement pariant, juste en considérant l'âge des forêts; on a deux fois plus de bois que ce qu'on estime par rapport à nos ruptures de stock. La rupture de stock, elle est vraie, concrète; il y a déjà des gens qui ont ce problème-là dans différentes régions du Québec pour le sciage. Et ce n'est pas parce qu'on replante 250 millions d'arbres cette année qu'on va faire du 2" X 8" dans quinze ans. Dans quinze ans, le sciage, il va être à terre. Ce qui fait que le programme d'aménagement forestier qu'on fait actuellement en reboisant partout, comme cela, ce sont des arbres qui vont se retrouver dans la déchique-teuse pour la pâte et le papier dans 30 ans. C'est ridicule!

Si on fait ces plantations-là pour consolider notre sciage dans 70 ans, peut-être que cela vaut la peine; sinon, cela ne vaut même pas la peine de faire ce qu'on fait là, parce qu'on va la perdre, l'industrie du sciage, de toute façon, on n'a pas le choix. Les arbres diminuent en diamètre, on a trop coupé et, finalement, les arbres à fort diamètre, il y en a de moins en moins. L'industrie du sciage va baisser, en tout cas, va être en perte de vitesse énormément, d'ici à l'an 2000 ou 2005.

Si on veut faire de l'aménagement, on en fait pour l'un ou pour l'autre, mais on ne fait pas un aménagement global parce qu'on a besoin

de volume de bois, comme si tout le bois était utilisé de la même façon. Il faut vraiment séparer ces deux paramètres-là en termes d'allocation: sciage et pâte et papier, et on va voir que la problématique de l'allocation des bois deviendra plus claire, et que les carences d'approvisionnement s'estomperont en mosus. Sauf qu'on se rend compte que le sciage, il n'y en aura plus.

Il y avait un détail, M. le Président, sur lequel on voulait parler. C'est sur les contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier. Quand on en a discuté au Regroupement pour un Québec vert, on se disait: Voyons, qu'est-ce que l'unité de superficie? Est-ce 500 hectares ou 550 hectares? Si jamais un CAAF c'est comme cela, cela va passer outre aux exemptions de la Loi sur la qualité de l'environnement en ce qui concerne les arrosages. On se rend compte que la loi 150, par l'octroi de CAAF, qui sont des contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier... Nous autres, nous nous interrogeons beaucoup sur la superficie de ces unités territoriales. Parce que, sinon, on va morceler le territoire en petites superficies inférieures à 600 hectares et à ce moment-là on pourra s'exclure du processus d'audiences publiques et d'études d'impact. On se disait cela, mais on ne l'a pas inséré dans le mémoire parce qu'on pensait que c'était juste une utopie. Mais quand on lit, comme dans Le Devoir de ce matin, que, déjà, les compagnies le faisaient en ne prenant que 595 hectares pour passer outre à la loi, on se dit que peut-être on aurait dû le mettre dans le mémoire et qu'on avait raison. Merci, M. le Président.

M. Charbonneau: Juste pour remercier, M. le président..

Le Président (M. Saint-Roch): Très brièvement, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: À l'instar du ministre de l'Environnement, je voudrais également, en tant que membre de l'Opposition, remercier les représentants du Regroupement pour un Québec vert de leur mémoire, d'autant plus méritoire qu'il est fait à partir de ressources bénévoles, qui ne sont pas faciles à organiser et à orchestrer, surtout quand ces ressources-là viennent de différents coins du Québec et que... Ce que j'ai a déplorer d'une certaine façon, c'est encore l'espèce de clivage, de manque de crédibilité qu'on sent, peut-être pas de la part du ministre de l'Environnement, mais de la part de son collègue et peut-être de certaines personnes qui vont revenir par la suite devant nous, cet après-midi. Juste à voir certains sourires tantôt lors de votre présentation, cela me dit qu'il y a encore une marge énorme entre les tenants de la thèse que vous défendez et les tenants de la thèse qui est défendue actuellement par l'industrie forestière en général. Et ce qu'on peut souhaiter, c'est qu'on trouve le moyen de faire en sorte que, dans ce domaine-là, dans le secteur forestier, comme on l'a trouvé peut-être dans d'autres domaines à l'égard de l'environnement, des gens acceptent de s'asseoir ensemble et de réviser des approches en tenant compte de perceptions ou de points de vue qui sont peut-être moins "flyés" qu'ils ne paraissent l'être en réalité.

Continuez votre travail et comptez sur nous pour considérer avec attention les points de vue que vous allez véhiculer.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Verchères. M. le ministre, de brèves remarques en conclusion.

M. Lincoln: Oui, merci beaucoup au Regroupement pour un Québec vert, c'est un mémoire étoffé qui va nous donner beaucoup à réfléchir. Je pense que je vous l'ai déjà dit, donc, je ne vais pas vous le réitérer. Pour ma part, au contraire, je vais m'associer à toutes les paroles du député de Verchères, excepté celles par rapport à mon collègue. On partage des points de vue différents sur certaines choses. C'est pour cela qu'il y a des collègues, autrement, il y aurait un seul ministre dans le gouvernement et il y aurait un genre de dictature où une personne aurait des idées qui vont dominer.

Moi, je pense qu'il est bon dans la société d'avoir des points de vue divergents et différents sur beaucoup de choses. C'est ainsi que le consensus se fait et qu'il représente un consensus de société. Parce que mon collègue et moi, mes collègues ici, là-bas, on représente la société au sens large. Ce n'est pas une société uniforme, ce n'est pas une société à une seule vue. Moi, je partage de beaucoup le point de vue de l'environnement dans toutes ces questions-là naturellement. C'est ma préoccupation constante, parce que j'y crois fermement.

Mais d'autres aussi le partagent de façon différente. Il faut essayer de se convaincre chacun, l'un et l'autre. Par rapport à mon collègue, par exemple, c'est lui qui m'a cédé une grosse partie de ce qui va venir, la réserve Matamic, qui va être une des plus grosses réserves écologiques au monde. C'est grâce à son intervention parmi les compagnies papetières qu'on a réussi cela.

Dans toutes ces choses, je pense que c'est l'idée d'une commission parlementaire, qu'on vienne se parler franchement, échanger des idées afin que, comme l'a souligné le député de Verchères, le consensus se fasse le mieux possible pour la société. Merci beaucoup d'être venus.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. Je tiens à remercier le Regroupement pour un Québec vert de l'éclairage apporté aux travaux de cette commission.

Sur ce, la commission de l'aménagement et

des équipements suspend ses travaux jusqu'à 16 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 11)

(Reprise à 16 h 55)

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'aménagement et des équipements reprend maintenant ses travaux pour poursuivre sa consultation particulière sur le document intitulé "Politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier". Je m'aperçois que les gens de l'Association des industries forestières du Québec ont pris place. Je demanderais maintenant au porte-parole de bien vouloir s'identifier, ainsi que les membres qui l'accompagnent, pour le bénéfice des membres de la commission.

Association des industries forestières du Québec

M. Duchesne (André): Mon nom est André Duchesne. Je suis président et directeur général de l'Association des industries forestières du Québec. L'association est représentée cet après-midi par le président du conseil d'administration, M. Bill Martin, vice-président des ressources naturelles chez CIP inc., et par un des vice-présidents du conseil d'administration, M. Guy Dufresne, premier vice-président du Groupe pâtes et papiers - Amérique du Nord - Consolidated-Bathurst inc. Il y a deux autres personnes à la table avec nous: le Dr Donald J. Ecobichon, toxicologue au département de pharmacologie de l'Université McGill, à l'extrême gauche, et M. Gilles Shooner, biologiste, de Gilles Schooner et associés.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. Vous disposez maintenant de vingt minutes pour présenter votre mémoire à la commission.

M. Duchesne: Merci, M. le Président. MM. les ministres et MM. les membres de la commission, les membres de l'Association des industries forestières du Québec sont heureux de l'occasion qui leur est offerte de présenter à la commission leur point de vue sur l'utilisation des pesticides dans le milieu forestier.

L'Association des industries forestières du Québec représente la presque totalité de l'industrie des pâtes et papiers et près du tiers de l'industrie du sciage au Québec. Ses membres comptent pour plus des deux tiers du chiffre d'affaires global et pour près des quatre cinquièmes des exportations de l'ensemble des industries forestières du Québec. De plus, l'industrie papetière, comme vous le savez, a une grande importance pour le développement régional, puisqu'elle réalise chaque année la moitié de tout l'investissement manufacturier au Québec en dehors de la région de Montréal. C'est donc une industrie colossale, mais aussi une industrie vulnérable. Elle devra dépenser chaque dollar avec beaucoup de sagesse. Comme vous le voyez, son rendement n'atteint pas celui de l'ensemble des industries manufacturières, malgré deux cycles à la hausse dans la période des dix dernières années qui est couverte par ce graphique. Nous croyons donc qu'une protection adéquate des forêts est essentielle pour l'industrie, non seulement pour protéger les investissements en sylviculture qui sont faits sous le coup du nouveau régime forestier, mais aussi pour protéger ceux, réalisés en usine, qui sont encore plus importants. Du même coup, ce sont tous les autres usages de la forêt, comme la faune et la récréation, qui se trouveront aussi sauvegardés.

Ce qu'on vous dit, c'est qu'il n'y a aucun doute, M. le Président, que tout le Québec préfère ceci à ceci. Il ne s'agit donc pas de protéger seulement des valeurs économiques, c'est l'écologie, la faune, la flore, la beauté de la forêt qui ont besoin d'une protection adéquate. Pour faire cela, il n'est pas nécessaire d'arroser de tout bord tout côté, à tort et à travers, comme on tente de caricaturer la position de l'industrie quelquefois.

L'Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers a évalué à seulement 2 % de l'utilisation totale la quantité de pesticides utilisés en foresterie au Canada. De telles applications sont presque toujours réalisées par des experts. D'ailleurs, l'AIFQ appuie les exigences de compétence qui sont prévues dans la Loi sur les pesticides qui a été présentée et adoptée sous l'instigation du ministre Clifford Lincoln.

Les pesticides sont donc pour nous des outils nécessaires et essentiels pour lutter efficacement contre les ennemis d'un sain aménagement forestier comme la tordeuse des bourgeons de l'épinette et comme la végétation qui étouffe la régénération désirée. Quelque part en dessous, il y a un plan de résineux.

Ce que l'AIFQ propose donc à cette commission, c'est une approche rationnelle et efficace qui tienne compte de la réalité actuelle et intègre la protection de l'environnement et de la santé. C'est une proposition qui est conforme à la stratégie nationale pour le secteur forestier canadien, qui a été adoptée par le Conseil canadien des ministres des forêts en juillet 1987. Pour rédiger cette position, l'association a consulté le Dr D. J. Ecobichon, toxicologue, et M. Gilles Shooner, biologiste. Le premier a développé une grande expertise dans le dossier des pesticides, notamment au Nouveau-Brunswick et ailleurs au Québec. Le second a aussi une longue expertise en environnement.

Pour bien saisir l'importance cruciale d'une protection efficace de la forêt, II est utile de rappeler la situation qui prévalait au moment de l'adoption de la Loi sur les forêts. L'allocation

de près de 34 000 000 de mètres cubes excédait carrément la possibilité de 18 600 000 en sapins, épinettes, pins gris. On a alors décidé de hausser la possibilité à 25 400 000 mètres cubes grâce à des travaux sylvicoles dont le coût total annuel excède 150 000 000 $. Mais la partie n'est pas gagnée pour autant. En effet, la récolte qui est en moyenne de 21 000 000 de mètres cubes depuis 1979 a, vous vous en doutez bien, tendance à augmenter. Le Québec se voit donc déjà forcé de refuser des projets d'investissement et les emplois qui en découlent, faute de bois pour approvisionner à long terme les usines nouvelles ou agrandies. Or, le contrôle des épidémies permet de protéger la forêt à un coût très faible par rapport au coût de la sylviculture nécessaire pour remplacer la forêt détruite, et à un coût encore plus faible par rapport à la valeur ajoutée par la transformation. Une bonne protection, c'est une stratégie gagnante pour le Québec. Le gouvernement a reconnu ces faits puisque nous sommes ici aujourd'hui. Reste à voir si l'une des deux options proposées à la présente commission parlementaire est susceptible de régler notre problème.

L'option recherchée doit permettre à chacun des trois principaux intervenants dans ce dossier de remplir efficacement son rôle. Personne ne conteste le rôle du ministère de l'Environnement. Mais celui-ci ne doit pas empêcher le ministère de l'Énergie et des Ressources d'accomplir le sien ni l'industrie de remplir sa fonction dans le système. C'est pourquoi l'Association des industries forestières du Québec s'oppose formellement à la première option proposée, c'est-à-dire le programme de cinq ans d'utilisation des pesticides dans le cadre de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement. Cette option est incompatible avec les articles 51 et 52 de la Loi sur les forêts, à moins que le ministre de l'Environnement ne soit aussi chargé de l'application de cette loi, ce qui n'est pas le cas, à notre connaissance. De plus, cette option conduirait à des coûts importants, tant pour le gouvernement que pour l'industrie, et elle se heurterait au problème, qui est encore sans solution, de la prédiction des épidémies. La Loi sur les forêts, il faut le rappeler, prévoit déjà les mécanismes nécessaires pour élaborer une stratégie d'aménagement forestier qui tienne compte, à long terme, de l'ensemble des sujets que veut discuter la première option.

La loi prévoit aussi la présentation par l'industrie et l'approbation par le ministère de l'Énergie et des Ressources de plans quiquennaux pour chaque contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier qu'on appelle les CAAF dans notre jargon. La loi prévoit enfin l'émission de permis d'intervention par le MER avant que l'industrie n'applique son plan annuel d'intervention. Tous ces documents sont publics. Le mécanisme qui est déjà en place permet la consultation ministérielle à tous les niveaux et permet notamment l'émission des permis qui relève de l'autorité du ministère de l'Environnement. La mise en place de la première option rendrait donc inapplicable la partie de la Loi sur les forêts en question, en lui substituant la procédure de l'étude d'impact.

Si on se place au strict point de vue de la production de matière ligneuse, les interventions qu'on pourrait retrouver dans les plans d'aménagement font partie d'un cycle continu dont la protection constitue un élément vital. L'utilisation de pesticides à cet effet, loin d'être une fin en soi, est donc simplement un outil qui ne touche qu'un petit nombre des activités susceptibles de faire partie de la stratégie d'aménagement qui sera retenue pour chacun des contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier en vertu de l'article 51 de la Loi sur les forêts. Ces rares activités, je les ai soulignées d'un point rouge dans une revue non exhaustive des interventions possibles que je vais faire avec vous. Lors de la récolte, évidemment, il n'y a pas de point rouge, il n'y a pas de pesticide.

Si on est obligés de recourir à de la régénération artificielle, pesticides dans le cas de débroussaillage sur certains sites, la production de plants en pépinière - c'est un cas particulier - se fait dans un endroit très restreint en superficie et, évidemment, on en utilise. Au niveau de l'entretien et de la culture des peuplements, un cas: le contrôle de la compétition après l'établissement des jeunes peuplements, soit naturel, soit artificiel; cela n'est pas nécessaire partout. Par contre, la protection, elle, est nécessaire, comme on l'a vu tantôt, sur l'ensemble du cycle, mais elle n'est nécessaire qu'à l'occasion. Encore faut-il souligner que la protection des arbres contre les maladies, en dehors des pépinières, cela ne fera vraisemblablement pas partie de la première vague de plans quinquennaux. On n'est pas rendus là, loin delà.

Alors, c'est dans ce contexte-là, M. le Président, que l'Association des industries forestières du Québec recommande le choix de la seconde option proposée, c'est-à-dire l'usage du B.t. et du glyphosate sans nouvelle étude d'impact, et suggère du même coup d'améliorer cette option. D'abord, à notre avis, il est très important d'y ajouter une stratégie visant à réduire les superficies à traiter pour lutter contre les insectes ravageurs. Cela va réduire d'autant les quantités d'insecticide utilisées. Ensuite, il faut laisser aux producteurs de pesticides la possibilité d'améliorer leurs produits en limitant aux seuls aspects environnementaux les études d'impact sur les nouveaux produits.

Pour réduire les quantités d'insecticide à utiliser, l'AIFQ recommande d'appliquer, pour la lutte contre les insectes, la même stratégie gagnante qui a été développée au Québec pour contrôler les incendies forestiers: une prévention soutenue, une détection précoce puis une intervention prompte et efficace. Ces mêmes principes peuvent être appliqués avec succès dans la lutte

aux insectes ravageurs. En fait, plusieurs éléments d'une telle stratégie sont déjà en voie d'être mis en place. Le nouveau régime forestier, en incitant les entreprises à maintenir la forêt en santé par une sylviculture appropriée, en mettant en vigueur les nouvelles modalités d'intervention, constitue un mécanisme de prévention dont l'efficacité ne peut qu'aller en s'accroissant.

Le réseau de pièges à phéromones, la cartographie des peuplements les plus susceptibles d'être attaqués par les insectes, la surveillance accrue des entreprises et du gouvernement, tout cela nous garantit une détection précoce des épidémies. Reste l'intervention, qui doit être prompte et efficace comme pour le feu. À cet effet, l'AIFQ propose une action à trois volets. D'abord, contre les insectes qui sont insensibles au B.t. - il y en a deux sur les quatre qui nous préoccupent - et contre les foyers d'infestation de moins de 600 hectares des lépidoptères, comme de la tordeuse des bourgeons de l'épi-nette, l'AJFQ recommande un arrosage initial unique au fénitrothion. Ensuite, contre les épidémies établies de tordeuses des bourgeons de l'épinette, qui, malheureusement, pour le proche avenir, risquent fort de constituer encore les seules superficies importantes à traiter, l'AIFQ recommande l'arrosage au B.t. dans l'objectif qui a été utilisé jusqu'à maintenant, c'est-à-dire de garder la forêt verte. Finalement, contre les épidémies en régression et pour essayer d'empêcher qu'elles ne reprennent du poil de la bête après s'être presque complètement éteintes, l'AIFQ recommande, dès que cela sera possible, par des techniques opérationnelles - on est à la veille de cela - l'usage des phéromones. Les membres de l'AIFQ sont convaincus qu'une stratégie comme celle-là permettra d'éviter de répéter le désastre qu'a constitué la dernière épidémie de tordeuses des bourgeons de l'épi-nette. Je vous rappelle que, peu après sa découverte, l'épidémie occupait, en 1969, quelques milliers d'hectares dans l'Outaouais. En 1972, on avait environ le tiers de la forêt productive du Québec qui était infesté; en 1975, jugez par vous-mêmes.

Le contrôle de la végétation concurrente, c'est un tout autre contexte. Il ne s'impose que dans le cas où l'établissement de la régénération est menacé par la végétation concurrente. C'est un problème qui ne se présente évidemment qu'une seule fois par rotation, c'est-à-dire une fois tous les 50 ou 100 ans sur un site donné. L'intervention peut être planifiée par l'industrie jusqu'à un certain point. Elle peut être contrôlée par le ministère de l'Énergie et des Ressources dans le cadre des articles 51, 52 et 57 de la Loi sur les forêts. C'est le grand plan général, le plan quinquennal et le plan annuel d'intervention.

Dans tous les cas, la décision devra être prise sur le terrain en fonction des particularités de chacun des sites régénérés. Un guide de décisions, qui fixe les normes à respecter et qui est relié au manuel d'aménagement - ce guide d'aménagement est une partie intégrante de chacun des contrats, donc c'est coercitif - constitue une approche pratique que nous recommandons à l'usage des phytocides. Évidemment, le MENVIQ pourrait participer très utilement à la préparation de ce guide.

Tant pour les insecticides que pour les phytocides, le rôle du ministère de l'Environnement demeure essentiel. Il demeure efficace même s'il est intégré aux dispositions de la Loi sur les forêts. D'ailleurs, le ministère de l'Environnement et d'autres ministères travaillent déjà en collaboration avec le ministère de l'Énergie et des Ressources dans les champs de leur compétence commune. À notre avis, c'est le rôle du MENVIQ que d'assurer la compétence des utilisateurs, tel que prévu dans la Loi sur les pesticides, de contrôler l'utilisation des pesticides en forêt, de permettre une attaque prompte contre les insectes avec l'insecticide approprié parce que cela minimise les quantités utilisées, de fournir au ministère de l'Énergie et des Ressources une critique de la planification quinquennale en ce qui a trait aux pesticides et de faire modifier ces plans quinquennaux si c'est nécessaire pour la protection de l'environnement, d'émettre les permis d'intervention annuels requis, après s'être assuré de leur conformité au guide d'utilisation, et, évidemment, de contribuer au développement de meilleurs produits.

Ce que l'on cherche à faire, M. le Président, sous le nouveau régime forestier, c'est d'accroître la production de nos forêts d'au-delà de 40 %; sans cela, la forêt québécoise ne peut même pas suffire aux besoins actuels des usines. Il serait naïf de croire que planter 250 000 000 ou 300 000 000 d'arbres par année réglera tous ces problèmes d'approvisionnement. Il nous faut dorénavant cultiver la forêt du Québec et la protéger contre les fléaux naturels pour qu'elle continue de nous offrir tous ses bienfaits qui vont de la matière ligneuse à une faune abondante, une eau pure et des paysages merveilleux.

M. le Président, au nom des membres de l'Association de l'industrie forestière du Québec, je remercie la commission de nous avoir entendus. Nous sommes maintenant disposés à répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Duchesne. M. le ministre.

M. Lincoln: M. Duchesne et MM. les membres de votre association, tout d'abord, je voudrais m'excuser, et je pense que mon collègue de l'Opposition vous dira la même chose. Nous avions une motion en Chambre et, après, on a été pris dans une ou deux urgences. Je m'excuse du retard et de vous avoir fait attendre. Je voudrais vous remercier de votre mémoire. Il est clair que votre association représente l'industrie forestière dans son sens le plus large et que votre mémoire est indicatif de la pensée de

l'industrie dans ce domaine qui est critique pour vous comme pour nous, et que les décisions que l'on prendra affecteront chacun d'entre nous, dans la mesure où on ira aussi loin que vous, de façon différente, et dans une perspective qui veut concilier les préoccupations environnementales et les préoccupations économiques qui sont très clairement exprimées dans votre présentation. (17 h 15)

Je réalise que le sens de votre mémoire est de dire: Toute option qui prévoira une étude d'impact de l'environnement et des audiences publiques, vous ne trouvez pas cela acceptable. Vous préférez l'option qui suggère d'utiliser le B.t. et le glyphosate. Vous allez même plus loin et vous dites: Certains autres produits devraient être acceptés selon certaines balises. Je voulais vous demander en premier lieu si l'un des facteurs qui vous fait refuser le système d'audiences publiques, de consultation publique et d'étude d'impact pour un programme de cinq ans, c'est de dire: D'abord, cela ne se concilie pas avec certaines dispositions clés. Je pense aux articles 52 et 53 de la Loi sur les forêts. Deuxièmement, cela poserait des problèmes immenses par rapport aux urgences. Ce serait très difficile d'aller en étude d'impact. Ce serait très coûteux pour un programme de cinq ans.

En premier lieu, brièvement, le programme que vous présentez au ministère des Forêts, n'est-ce pas un programme de cinq ans? Est-ce que tout n'est pas agencé selon une programmation quinquennale par rapport à l'aménagement de la forêt et à tout le programme forestier?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.

M. Duchesne: II ne faudrait pas se mêler, M. le Président. Moi, c'est Duchesne.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Duchesne, je m'excuse.

M. Duchesne: M. Dufresne est à côté. Ce sont deux bois durs, mais ils sont différents.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Duchesne: M. le ministre, ce que prévoit l'article 51...

M. Lincoln: L'article 52.

M. Duchesne: ...de la Loi sur les forêts, c'est bien un plan général d'aménagement forestier pour chacune des unités d'aménagement, c'est-à-dire pour chacun des contrats qui seront signés, qui ont commencé à être signés en fait, par l'industrie avec le ministère de l'Énergie et des Ressources. Je ne veux pas vous relire le texte de l'article 51...

M. Lincoln: Non, non, non.

M. Duchesne: ...mais ce que vous retrouvez dans les obligations à préparer comme stratégie générale d'aménagement, c'est exactement la description de la stratégie générale d'aménagement qui est dans le document de support pour cette commission parlementaire. Ce document est déjà demandé par la Loi sur les forêts. Il va être réalisé pour chacun des contrats avec des délais qui sont prévus par cette loi dès le moment où le contrat est signé. C'est un document qui va devenir automatiquement public puisque la loi prévoit que tout le contrat et tout ce qui va avec, c'est public. C'est un document auquel vous-mêmes avez accès au moment de la rédaction. La discussion de la stratégie se fait à ce moment-là, mais ne se fait pas en même temps pour tout le monde parce que les contrats se signent, comme vous le savez, sur une période initiale de trois ans. Cela va continuer à se disperser dans le temps. Alors, si toute cette stratégie, qui sera éventuellement validée par le ministre de l'Énergie et des Ressources et le ministre délégué aux Forêts, est remise en question par l'étude d'impact quinquennale que propose l'option 1, on va passer notre temps à essayer de faire coïncider l'un avec l'autre. Il va falloir choisir de quelle façon on va fonctionner. Nous ne voyons pas d'avantages à essayer de mêler toutes les cartes en faisant un grand plan qui essaierait d'englober tout le système et qui essaierait de prévoir l'imprévisible quand on a des dispositions de la loi qui existent pour tout l'aspect prévisible et qui permettent que vous exerciez ou que votre ministère exerce son mandat de protection de l'environnement.

La Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.

M. Lincoln: Mais pour revenir aux études d'impact, nous avions mis cinq ans comme barème par rapport, je pense, à l'article 52 de la Loi sur les forêts. Mais laissons la question de trois ans, quatre ans, cinq ans, six ans. Le principe même de la chose, le principe de l'étude d'impact... Vous avez apporté différentes raisons pour dire que l'étude d'impact serait impossible, mais par rapport à l'urgence, par exemple, qui a été une des raisons que mon collègue des Forêts m'a citées, dans le document de politique, nous avions fait une prévision pour dire qu'il faudrait prendre en compte, si nous élaborions un système de présentation d'un programme global pour être soumis à une étude d'impact, il est évident qu'il faudrait, au sein de ce programme, prévoir des mécanismes pour les urgences. Je pense qu'en page 69 de notre document de politique, il y a une mention de cela. Si, par exemple, on pouvait prévoir un mécanisme pour tenir compte des urgences, si on pouvait concevoir une politique d'étude d'impact et que le public pouvait savoir, sur une base de trois, quatre ou cinq ans, quels sont vos programmes par rapport à leurs impacts

environnementaux, au sens de la Loi sur la qualité de l'environnement, et qu'au lieu du mécanisme actuel, selon lequel chaque fois que vous avez besoin d'arroser plus de 600 hectares, vous êtes obligés d'aller aux études d'Impact, il y ait un programme de détection des tordeuses et autres insectes ravageurs qui peuvent provoquer des épidémies - mon collègue délégué aux Forêts me dit qu'il y a maintenant 500 stations, que ce n'est pas assez, que c'est minimal et qu'il faudrait beaucoup plus de stations de détection et de prévention - est-ce que ce serait possible de concevoir un programme d'ensemble qui serait présenté à une audience pour consultation, allié à un programme de détection beaucoup plus poussé dans le milieu forestier pour prévenir les épidémies et un mécanisme qui permette en même temps, en cas d'épidémie imprévisible, de réagir? Je prévois qu'il faudra avoir cela. Est-ce que, dans ces circonstances, vous iriez toujours à rencontre du principe des études d'impact et des audiences publiques?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.

M. Dufresne (Guy): Je pense, M. le ministre, qu'on peut regarder cela dans un certain contexte. Le principe d'une étude d'impact, je comparerais cela un peu, si vous voulez, à la médecine. Toute comparaison est boiteuse, mais je pense qu'elle illustre le point. Quand il y a un cancer, c'est toujours mieux de le traiter tout de suite de façon intense pour essayer de l'enlever. L'étude d'impact qui se fait sur les médicaments est semblable à ce qui se fait sur les produits qu'on utilise pour en connaître l'impact sur la santé et les effets sur cela. Sur ce genre de choses, sur l'application ou l'usage d'un tel produit, que ce soit en médecine, en agriculture ou en foresterie, je pense qu'il va de soi que ce principe doit continuer. C'est déjà fait, cela fait déjà partie des lois ici au Canada et c'est fait de façon très rigoureuse. Mais là où il y a urgence, c'est qu'une fois qu'on a détecté la maladie, une fois qu'on a détecté, dans notre cas, l'infestation; elle est en toute petite quantité. J'ouvrirais une parenthèse ici pour dire qu'on a besoin de plus de centres de détection, c'est l'essence même de notre mémoire. Le Québec est champion dans le domaine du feu. Il y a en moyenne cinq pays qui viennent voir ce qu'on fait au Québec pour détecter le feu, parce qu'on attaque le feu aussitôt qu'il commence. On ne se demande pas si on doit, on sait qu'il faut l'attaquer. C'est la même chose du côté de la médecine. Cela limite la quantité de médicaments à prendre par le patient. On pense que c'est le même genre de stratégie qu'on doit utiliser pour protéger la forêt, c'est-à-dire qu'aussitôt qu'on voit quelque chose, on doit y aller de façon, comme on dit, concentrée sur ce petit noyau, de façon qu'on puisse éventuellement éviter l'application d'insecticides à la grandeur et non pas se demander si cela va avoir un impact. On sait que tel genre d'application a normalement les mêmes effets, qu'on l'applique à un endroit ou à un autre. C'est de cette urgence-là qu'on essaie de vous parier et on pense qu'on a trouvé un mécanisme qui va nous permettre d'être dans la protection des forêts les champions comme on l'est dans la protection contre le feu.

M. Lincoln: Mais si, par exemple, aux raisons pour lesquelles vous vous opposez à un système d'étude d'impacts et d'audiences publiques, aux trois raisons fondamentales que vous avez données, on vous donnait des réponses qui éliminaient ces raisons, que vous resterait-il pour ne pas vouloir vous soumettre aux études d'impact sur l'environnement? C'est ce que j'ai envie de savoir.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.

M. Dufresne: Si on se fonde sur l'expérience passée, et là je vais caricaturer, la première année, on s'apercevait qu'il y avait des insectes. On regardait pour voir si, la deuxième année, il y en avait plus. La troisième année, on prenait les moyens, les dispositions. Tout ce mécanisme-là faisait que, quand on arrivait, les arbres ou la forêt étaient assez avancés. On a besoin, c'est cela l'urgence, M. le ministre, de le faire dans une période très courte. Et c'est cette urgence-là qui fait qu'en pratique, dans la plupart des cas, il faut aller très vite. Ce n'est pas comme lorsqu'on fait un plan quinquennal pour enlever la végétation compétitive. On peut prévoir dans ces cas-là.

M. Lincoln: Non, mais c'est exactement là où on a une mauvaise compréhension l'un de l'autre. Je fais une distinction entre deux choses. Je parle d'un plan quinquennal pour l'arrosage des forêts, pour justement permettre à des arbres de pousser à l'état embryonnaire. Cela est une chose. Là, on parle de plan quinquennal. Après cela, il y a l'urgence qui est causée par l'épidémie. Vous dites que l'urgence qui est causée par l'épidémie est une des raisons pour laquelle vous ne voulez pas vous soumettre à une étude d'impact quinquennale pour votre programme d'arrosage de pesticides. Si, par exemple, on pouvait régler d'une façon ou d'une autre la question des urgences afin qu'on ait un mécanisme qui nous permette d'intervenir vite, vous opposeriez-vous à ce moment-là à un plan quinquennal d'études d'impact pour le programme général?

M. Duchesne: M. le ministre, je ne sais pas si vous avez constaté l'inefficacité des mécanismes d'urgence qui ont existé jusqu'à maintenant. Vous aurez un exemple plus tard aujourd'hui; il y a une des compagnies membres de l'AIFQ qui va vous donner un exemple précis. Mais il y a eu une épidémie où vous avez fini par autoriser, par intervention spéciale, un arrosage d'urgence. Si

cela avait été fait d'urgence, on aurait arrosé quelques milliers d'hectares. Au bout de trois ans, quand on a finalement eu l'autorisation d'arroser d'urgence, on a arrosé 60 000 hectares. On dit qu'avec une procédure comme celle-là qui prévoit l'étude d'impact et des cas d'exception... Dans ce cas-là, on a répandu plusieurs dizaines de fois plus de pesticides dans l'environnement pour contrôler le même problème. C'est pour cela qu'on a beaucoup de réticence à aller sur l'étude d'impact dans le style de ce qui est présenté à la commission parlementaire. Ce n'est pas sur la notion d'étude d'impact qu'on en a, c'est sur la façon de l'utiliser pour regarder plus que le problème concret qui nous préoccupe. L'étude d'impact pour l'utilisation d'autres produits que ceux qui sont utilisés au départ, qui est recommandée dans l'option 2, on n'a rien à dire contre cela. Au contraire, on pense que c'est comme cela qu'il faut procéder. Mais il faut partir quelque part et, à ce moment-ci, ce qu'on propose à la commission parlementaire, c'est ce qui nous paraît être le strict minimum pour être capable de protéger nos forêts adéquatement dans les années qui viennent.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.

M. Lincoln: Je vais laisser la parole à mon collègue qui a des questions à poser; je ne veux pas prendre tout le temps. Enfin, de ma perspective à moi, je vous donne mon point de vue, pour moi, il est essentiel que nous ayons une approche où le public ait une chance d'avoir son mot à dire, qui soit acceptée par le public, qui représente un consensus. (17 h 30)

Je réalise que, de part et d'autre, il y a des choses à corriger dans le processus, que dans la question d'intervention, peut-être qu'on n'a pas agi assez vite parfois et qu'on est allé trop loin une autre fois. Mais c'est justement la raison fondamentale dans mon esprit, qui me pousse à dire: Raison de plus pour faire une étude d'impact - les gens savent où ils s'en vont exactement, au moins dans les grandes lignes, dans les principes - afin qu'on sache ce qui est permis, ce qui n'est pas permis.

Ma dernière question a trait à l'homologation. Vous touchez beaucoup dans votre rapport à l'homologation, comme si c'était une garantie de sûreté des produits. À travers le Conseil canadien des ministres de l'Environnement et des Ressources, nous avons fait une étude de l'homologation et pour la première fois - en janvier 1987, je pense - les trois ministres fédéraux, celui de l'Agriculture, qui est le ministre responsable, et ceux de l'Environnement et la Santé, se rencontraient officiellement pour discuter de l'homologation. Tous les ministres provinciaux qui étaient là, sans exception, ont critiqué la politique de l'homologation, ont dit qu'il y avait des trous immenses par rapport au suivi de l'homologation et que les provinces, qui étaient obligées d'administrer les pesticides sur leur territoire, les opérations, n'avaient même pas voix au chapitre, n'avaient aucune information au stade de l'homologation, à tel point que le ministre fédéral de l'Agriculture, dans une longue lettre de plusieurs pages, a admis plusieurs carences qu'il veut corriger maintenant à travers le bureau fédérai de la gestion des pesticides, qui travaille avec nous pour justement essayer d'améliorer le processus de l'homologation parce qu'il y a tellement de failles dedans. Il y a tellement de pesticides qui ont passé à travers le filet et qui, maintenant, s'avèrent dangereux, mais qu'à ce moment-là on prenait comme des pesticides sûrs. C'est cela qui nous donne ces réticences. Si l'homologation était quelque chose de tellement sûr et certain... Je sais qu'on dit qu'au Canada on a une meilleure homologation qu'ailleurs, mais tout ça est relatif, parce que je sais, pour avoir participé à ces débats-là, que même les ministres fédéraux admettaient la faille. Ceux de l'Environnement et de la Santé avaient plusieurs questions à poser et c'est pourquoi tout ce processus s'est enchaîné parce que l'homologation était tellement déficiente au départ.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.

M. Dufresne: M. le ministre, je pense que l'homologation est probablement l'endroit, comme mon exemple en médecine, où il faut concentrer nos choses et voir. De ce côté-là, on est d'accord avec vous qu'il faut essayer d'améliorer le plus possible l'homologation tout en permettant quelque chose de pratique pour qu'on ait des produits dans tous les secteurs qui soient les plus sûrs possible, tout en aidant les industries, forestières ou agricoles, à avoir des produits qui les aident à être plus productives. Je pense que vos préoccupations rejoignent les nôtres et celles de l'association pour qu'il y ait des progrès de ce côté-là. Si on a un produit plus sûr et qu'on en contrôle bien l'application, à mon avis, on va être capable d'en mettre moins et on va être capable d'avoir des forêts plus en santé ou des récoltes plus en santé, quelles qu'elles soient.

M. Lincoln: Mon temps est expiré, je pense. Alors, je vais passer à mon collègue.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Je voudrais remercier les représentants de l'association pour le mémoire et la présentation très claire qu'il nous ont faite. Je suis assez sensible, et mon collègue aussi, à toute la question des problèmes qui sont posés par l'urgence d'intervenir - l'exemple avec la médecine n'était peut-être pas mauvais - et l'efficacité des interventions de protection. Il ne s'agit pas juste d'agir d'une façon urgente, rapide, il s'agit d'être efficace. Par ailleurs, il

faut être conscient qu'il y a des problèmes qui sont liés aux conséquences de l'utilisation des produits que vous utilisez ou que vous pourriez utiliser, et je pense que le ministre avait raison, le Regroupement pour un Québec vert en a parlé ce matin et on en a discuté avec eux, le problème de la garantie de ces produits n'est pas un problème simple. Ce n'est pas un problème qu'on peut élucider, qu'on peut écarter du revers de la main facilement.

Par ailleurs, je crois qu'on a des acquis qui doivent être protégés à l'égard de la participation des citoyens dans le processus d'évaluation. D'abord, il y a des études d'impact, puis après cela, il y a un mécanisme qui fait en sorte que les citoyens sont en mesure de connaître ce qu'on va faire sur leur territoire, sur leurs ressources, parce que, finalement ce sont des ressources publiques, et les impacts que cela va créer à court et à moyen terme.

Je me demande s'il n'y aurait pas une espèce de compromis qui pourrait être élaboré entre les deux scénarios. C'est clair que le scénario 1 parle d'un programme de cinq ans où l'on aurait une superétude d'impact qui engloberait un peu tout, mais qui, selon plusieurs, pourrait être difficilement opérationnelle et lourde, d'une certaine façon, sans compter qu'elle serait coûteuse. Je me demande si on ne pourrait pas garder le principe d'une programmation quinquennale qui éviterait la répétition des études d'impact - parce que c'était un peu cela l'objectif d'avoir une programmation - mais plutôt qu'elle englobe l'ensemble de l'industrie, pourquoi ne procéderait-on pas sur une base territoriale ou encore sur une base d'entreprises ou de groupes d'entreprises qui pourraient soumettre leurs possibilités d'intervention sur une période de quelques années? J'imagine qu'une fois qu'on aurait évalué le fonctionnement sur une base territoriale ou encore les prévisions d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises, on pourrait être en mesure d'agir d'une façon urgente, parce qu'on aurait eu, une fois les autorisations données, la capacité de ne pas revenir avec des audiences ponctuelles, mais d'utiliser les produits pour faire le travail.

Je me demande comment vous réagissez à cela et quelle serait votre réaction si on englobait dans la réglementation non seulement les arrosages aériens, mais l'ensemble des arrosages terrestres. Je me rends compte d'une chose, c'est qu'on vise les arrosages aériens ou l'utilisation des pesticides par voie aérienne, sauf qu'on peut les utiliser autrement et que c'est parfois aussi dangereux ou aussi lourd de conséquences. Je pense qu'on devrait couvrir l'ensemble des produits et pas uniquement certains produits. Dans quelle mesure aussi ne devrait-on pas distinguer - vous l'avez fait dans votre présentation et je me demande si on ne devrait pas le faire également pour les études d'impact - les objets? C'est différent, les produits et les actions qu'on doit mener à l'égard des insectes ou des maladies et celles qu'on doit mener à l'égard de la végétation compétitive. Plutôt que de tout mettre cela dans une espèce de superétude d'impact, si on ciblait, si on disait: Sur une période de cinq ans, toute entreprise ou tout groupe d'entreprises qu'on pourra identifier... ou sur une base régionale - cela pourrait être une alternative - une région aurait à soumettre un plan d'intervention particulier et différent, selon qu'on s'intéresse aux insectes et aux maladies qui peuvent amener des situations d'urgence ou à la végétation et qu'on couvre l'ensemble des produits qu'on utiliserait, je me demande si on n'aurait pas là une espèce de moyen d'intervention qui concilierait vos besoins d'agir rapidement et l'intérêt d'agir rapidement. Ce n'est pas seulement pour vos besoins, je pense que c'est pour les besoins de l'ensemble de la société que l'on puisse agir rapidement et qu'on ne laisse pas une épidémie se prolonger. Mais, en même temps, qu'on ait une évaluation. Là, on vous dit: D'accord, vous allez pouvoir agir rapidement dans les prochaines années, mais vous allez nous dire, avant de partir, comment vous allez vous comportez quand cela sera la situation à l'égard des insectes et des maladies, puis comment vous allez vous comporter à l'égard de la végétation compétitive, quels sont les produits que vous allez utiliser. Finalement, que ce soit par voie aérienne ou par voie terrestre ou par différents types d'intervention, on va savoir qu'il n'y aura pas certains types d'intervention qui ne seront pas soumis à un contrôle particulier. Dans le fond, on aurait un contrôle sur l'ensemble de l'intervention et en même temps vous auriez, je pense, la capacité, une fois qu'on aura fait la première évaluation, que la première étude et que le premier "O.K." seront donnés, une fois que cela sera fait... Je présume que, dans la mesure où cela se ferait, s'il se développait des situations d'urgence durant les années couvertes par la programmation ou l'autorisation, vous auriez la capacité d'agir rapidement, parce que vous nous auriez expliqué que si, dans les cinq ans qui viennent, il se produit des situations d'urgence, vous allez intervenir de telle ou telle façon, en utilisant tel ou tel produit et, quelle que soit la façon dont vous allez les utiliser, vous allez nous expliquer et nous donner les garanties que l'utilisation que vous allez en faire et que les produits que vous allez utiliser vont permettre que les conséquences soient contrôlées.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.

M. Dufresne: II faut diviser en deux parties. Vous avez la partie qui permet à la forêt de croître; celle-là se planifie dans les cinq ans. Je pense que M. Duchesne l'a mentionné, c'est un genre d'intervention. La deuxième est difficile. Vous dites par secteur, par compagnie. Demandez donc à un médecin dans votre quartier de prédire combien il va y avoir de cancers, de jambes cassées et autres, et quel va être... Il peut vous

dire comment il va traiter un cancer, mais il faut qu'il le voie en premier et qu'il y aille tout de suite. Il va pouvoir vous dire comment il va traiter la jambe cassée ou comment il va donner la pénicilline, quelles vont être les conséquences, mais il ne peut pas vous dire combien de cas de cancers il va y avoir dans un quartier donné. Il peut le dire en général, mais il ne peut pas vous dire quand ils vont arriver, à quel moment. C'est un peu le même genre de parallèle; ce n'est pas exactement le même, mais c'est pas mal près de cela.

M. Charbonneau: Je pense...

M. Dufresne: On fait la même chose avec le feu. On sait à peu près où il va être. On a développé un système pour prédire ces choses et on le fait de la meilleure façon au monde. C'est ce genre d'intervention qu'on a essayé de rendre de façon pratique pour minimiser les interventions; minimiser les doses, comme en médecine. Le moins on prend de pénicilline, le mieux c'est, c'est prouvé. Il s'agit d'essayer de le faire avec de la prévention et de l'agissement rapide. Là où il faut porter notre attention, c'est sur l'homologation, savoir que le médicament qu'on emploie et que la méthode sont bons. C'est là qu'il y a intervention. Une fois que c'est donné, il faut y aller quand c'est prêt.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Les maladies dont on parle, de deux choses l'une: ou bien ce sont des problèmes que vous connaissez déjà et pour lesquels vous avez déjà identifié des produits pour les contrer, ou bien ce sont des maladies nouvelles, que vous ne connaissez pas, et pour lesquelles il va falloir élaborer des produits. Je présume, juste à votre réaction, que les maladies dans le domaine forestier, vous les connaissez.

M. Dufresne: II reste des maladies et je ne suis pas forestier. Le gros, c'est la tordeuse des bourgeons. Il y en a quelques autres. Les compagnies vont vous donner des exemples très concrets, très pratiques au cours de cette audience. Vous allez voir comment cela été traité.

M. Charbonneau: On comprend. Disons que c'est la principale et qu'il y en quelques autres. Mais une fois qu'on sait cela, qu'est-ce qui vous empêche, sur une base prévisionnelle, de dire: Dans tel territoire ou pour telle entreprise, voici la situation au moment où on vous présente un plan? Il y a une détérioration dans telle ou telle zone, c'est en progression, d'une part, et cela supposerait des actions rapides pour l'éviter. Il y a des choses qui peuvent se produire dans cette période. Dans le fond, il y a deux choses. Si on met une ligne à partir d'aujourd'hui, il y a déjà des zones contaminées, attaquées. Il y a des zones qui ne sont pas encore attaquées et qui pourraient l'être éventuellement. Il s'agit à la fois d'intervenir maintenant, le plus vite possible, dans les zones qui sont déjà attaquées, comment on va le faire avec quels produits et selon quelles méthodes, et de savoir comment on va se comporter dans les années qui viennent, dans les zones qui ne sont pas attaquées.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.

M. Dufresne: C'est une question de temps. Je comprends votre souci, mais, une fois qu'on a découvert le cancer, il ne faut pas essayer de faire un plan quinquennal pour attaquer le... Je caricature, mais il ne faut pas trouver un plan quinquennal pour attaquer le cancer. Si on le voit, c'est demain matin qu'il faut entrer à l'hôpital et s'organiser. C'est la même chose si on voit qu'il y a une zone infestée. Au lieu d'attendre que le cancer soit généralisé dans une partie du corps ou dans tout le corps, pourquoi ne pas l'attaquer et essayer de l'enlever dès qu'on le voit, si minuscule sort-il? C'est ce principe qu'on essaie de faire comprendre.

M. Charbonneau: Si minuscule soit-il... Si je comprends bien la loi actuelle, quand c'est bien minuscule, vous n'avez pas besoin d'étude d'impact.

M. Dufresne: C'est pour cela qu'on se limite à 600. C'est tout un défi pour l'industrie de se limiter à 600 hectares. Cela veut dire qu'on a un système de détection très bon. Je reviens à mon cancer. Si on était capable de le trouver humainement dans une petite zone, cela serait pas mal mieux. C'est la même chose.

M. Charbonneau: Vous vouliez ajouter... (17 h 45)

M. Duchesne: Oui, je voudrais ajouter quelque chose, M. le Président. Le minuscule, M. Charbonneau, c'est effectivement ce qu'on vise à atteindre. Dans ce cas-là, si on parle de la tordeuse, à part le fait que c'est imprévisible de savoir qu'elle va apparaître à un endroit donné, le produit présentement autorisé, le B. t., n'est pas le produit idéal pour la contrôler dans des superficies minuscules. C'est pour cela qu'on a préconisé le fénitrothion, pour garder cette superficie petite dès le moment de la détection.

Évidemment, quand on parle des phytocides, on parle d'une tout autre façon de planifier. Autant on est totalement incapable de prévoir les infestations d'insectes à ce stade-ci - je dis bien à ce stade-ci parce que, dans le cas des feux, on a développé des techniques qui sont presque de la prédiction - et on peut espérer pouvoir faire la même chose pour les insectes bientôt - autant il y a moyen de faire une certaine planification des herbicides. Là, vous

nous partez du plan quinquennal. Effectivement, on peut mettre quelque chose dans le plan quinquennal. Toutefois, il est impensable qu'on soit capable de déterminer les sites particuliers dans le plan quinquennal. On sera en mesure de vous dire: bien sûr, la superficie qu'on prévoit traiter pendant le plan quinquennal - il y en a x %, par exemple, dont on est sûr de ne pas avoir besoin et x % dont on pense avoir besoin à coup sûr - et il va rester une grande zone où on ne saura pas. Ce qu'on préconise, c'eât l'élaboration d'un guide de décisions qui permettrait de dire: Oui, c'est le temps d'en utiliser et, non, ce n'est pas le temps. Ce guide-là, encore une fois, ne serait pas élaboré en secret.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Ce qui est un peu agaçant dans ça, c'est que, dans le fond, pour reprendre l'exemple de la maladie, cela dépend de la dose que vous injectez. Dans le fond, les gens sont craintifs et nous le sommes aussi parce qu'on n'a pas toujours la garantie que ce sera une petite dose. Les conséquences varient donc selon l'importance de la dose que vous administrez, d'une part, et, d'autre part, le lieu ou le territoire où vous administrez le remède a des particularités.

Le problème qu'on rencontre dans ces territoires-là, c'est que les particularités du territoire ne sont pas seulement liées aux besoins de l'industrie forestière et aux arbres. Il y a la faune, il y a les cours d'eau et toutes sortes de situations particulières qui font qu'on peut être d'accord avec vous si on prend juste l'intérêt des arbres, de l'industrie forestière et des travailleurs forestiers, sauf que, quand vous arrosez en avion et que vous mettez une grosse dose, parce qu'à un moment donné il y a une grosse infection, et que cela se retrouve dans les cours d'eau, c'est une situation à laquelle on est confronté et qui suscite beaucoup d'inquiétude dans la population. Les gens n'acceptent pas facilement de dire: Tout cela pourra se faire sans qu'on le sache; on le saura après, quand l'industrie aura fait un arrosage intensif dans telle région où il y avait telle sorte de cours d'eau, tel type de faune, tel type de flore.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.

M. Dufresne: Je pense que c'est se méprendre sur le système qu'on propose. Il est certain que le dosage doit être contrôlé comme l'application, de la même manière que pour les médicaments. Si vous prenez la bouteille d'aspirines, vous allez mourir. Si vous en prenez une, c'est pour guérir quelque chose. Il est certain qu'il faut un contrôle du dosage et que cela peut se faire avant...

M. Charbonneau: Qui va le faire? Vous ou le ministère?

M. Dufresne: Non, c'est quelque chose qui est déterminé sur le dosage. L'homologation décrit tout ce que cela prend, comme pour les médicaments. Ce n'est pas quelque chose qui sera déterminé à ce moment-là. Et le contrôle doit être sévère.

M. Charbonneau: C'est ça. On revient au problème que le ministre soulignait tantôt, celui de l'homologation et de la qualité des produits.

M. Dufresne: Oui.

M. Charbonneau: On se rend compte que-Ce matin, on avait l'exemple d'un des produits que le BAPE avait condamné, le 2,4-D, et HydroQuébec vient nous dire par la suite qu'elle a fait des études et que ce n'est pas si pire que ça. Les conclusions auraient pu être à l'inverse aussi. Pour d'autres produits, on peut se rendre compte que c'est bien pire qu'on pensait.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.

M. Dufresne: Oui, mais je pense que si on ne se fie pas du tout... Il ne faut tout de même pas charrier au point de dire que rien n'a été fait au Canada. Je pense que, dans l'homologation, il y a des parties à améliorer, comme en médecine, mais il y a bien des bonnes choses de ce côté-là. Le dosage est déterminé d'avance et ce n'est pas cela une étude d'impact. Ce n'est pas sur le dosage. Ce qui est important, c'est de toujours contrôler le dosage, comme en médecine, et nous sommes très fermes là-dessus.

M. Charbonneau: II y a un collègue qui voudrait poser une question. Je reviendrai après.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Chauveau.

M. Poulin: Je pense que c'est davantage une appréhension. J'écoute le débat. Je vais abonder un peu dans le même sens que le député de Verchères. Lorsqu'on parle d'impact et de délais attaqués, comme vous le dites si bien, par la médecine, que vaut mieux avoir un problème auquel on s'attaque au début, souvenez-vous d'une chose cependant, c'est que dans un cas de cancer, quand on s'y attaque, au début ou au milieu, cela n'empêche pas la chute des cheveux, entre autres. C'est un exemple que je veux vous donner.

On va tantôt voir sur les bords des cours d'eau... La faune aquatique, entre autres. Depuis ce matin que je suis ici et personne n'a encore parlé de la faune aquatique. Quand on parle d'environnement, je pense que les lacs et la faune sont parmi les principaux incitatifs économiques pour le Québec. Je me vois mal m'atta-quer à un problème... Au moment où on va s'y

attaquer pour sauver un peu, comme vous le dites - je comprends cela - mais, quand on va être près des cours d'eau, la température ne sera pas contrôlable à cause des vents, du climat, etc. Et que fait-on avec la faune? On s'attaque fortement à un secteur pour protéger tout le reste du secteur. Cela veut dire qu'on va toucher à tout. Souvenez-vous que la médecine protège les cancers, mais je peux dire...

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.

M. Dufresne: M. le Président, je ne peux pas laisser passer la remarque. Il y en a qui perdent leurs cheveux sans même passer par là.

M. Poulin: II y a deux sortes de choses. Il y a le stress, n'est-ce pas? Le stress fait tomber les cheveux ou les fait blanchir.

M. Dufresne: Oui, c'est cela. Mais pour revenir sérieusement à votre question, je pense qu'il faut minimiser - c'est une question de choix - il faut garder les effets au minimum. Mais c'est mieux de sauver l'individu, même s'il y a de petits inconvénients, quitte même, quand la gangrène est là, à couper la jambe, que de laisser tout perdre. C'est ce qui est arrivé dans le cas de la forêt. On va le voir dans d'autres présentations. Au Cap-Breton, ils ont essayé cela. Ils ont dit que cela allait protéger les lacs, etc. Puis tout est devenu brun. Les verts, je pense que c'est nous. Nous voulons garder la forêt verte. On ne veut pas tuer toutes les bébites dans la forêt. Au contraire, je pense qu'en gardant la forêt verte, on a une meilleure faune, une meilleure récréation, une meilleure esthétique.

L'objectif que vous visez est aussi le nôtre. Il coïncide avec le nôtre sur ce point. Mais vous avez raison, il faut faire attention au dosage pour les lacs, pour l'épandage; c'est un aspect clé, et on est d'accord avec cela.

M. Poulin: Juste pour terminer, parce que je ne veux pas prendre trop de temps. Comme le ministre et comme le député de Verchères, il va falloir que vous fassiez comprendre - et ensemble, je pense bien - une chose à la population. Vous savez, quand on parle de faune, on parle à 1 200 000 pêcheurs et à 700 000 chasseurs, et quand on parle de dosage pour protéger la forêt, ces gens sont conscientisés, mais pas pour leur bien-être. L'important pour eux, c'est d'avoir de la truite dans le lac, et du chevreuil et de l'orignal dans le bois. On vit un peu avec cela et quand on arrive avec ce qu'on vit - je suis allé à la pêche en fin de semaine et on a eu l'occasion d'en parler un peu parce qu'on avait le projet - on a une crainte de ce côté aussi. On a la crainte que, quand un secteur est attaqué, parce qu'on veut le protéger... Je suis d'accord aussi avec vous qu'il faut peut-être en sacrifier des bouts, mais je ne suis pas sûr que la population va embarquer dans cela, surtout quand on touche à la faune aquatique.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Duchesne.

M. Duchesne: D'abord, ce n'est pas exact qu'on n'a pas traité ce sujet. Dans notre mémoire, notamment aux pages 39 et 44, on parle spécifiquement du problème.

M. Poulin: J'ai dit que c'était la première fois qu'on en parlait aujourd'hui. Je n'ai pas dit que vous n'en aviez pas parlé.

M. Duchesne: D'accord. Là-dessus, il y a deux approches concurrentes qui permettent de sécuriser l'impact sur les autres productions de la forêt. C'est comme cela que la loi 150 a considéré cela. D'abord, les produits mêmes qu'on vous recommande sont des produits très sécuritaires à ce point de vue. On a justement procédé à des vérifications sur ce dossier. Ensuite, des mesures de mitigation sont possibles pour s'assurer de marges de manoeuvre, de zones tampons, et la caricature d'un arrosage qui couvre n'importe quoi, je pense que c'est démodé. Il faut revenir un peu à ce qu'on est capable de faire aujourd'hui. On est capable de procéder de façon, certains m'ont dit chirurgicale - je pense qu'il y avait un peu d'exagération à cet égard - on est capable de procéder de façon très précise. On a des modèles - par exemple, de la dispersion du nuage d'insecticides - qui sont extrêmement efficaces aujourd'hui, et on a découvert beaucoup de choses. On a une compétence très supérieure à ce qu'elle était il y a dix ans dans ce domaine.

Donc, tout cela fait qu'on a, je pense, une protection adéquate possible avec ce qu'on vous propose pour les autres ressources de la forêt. Maintenant, ce genre de question, on l'a regardé sur une base technique, si vous voulez, avec le Dr Ecobichon pour les produits utilisés, et on a demandé à M. Shooner, sur la base du gros bon sens, d'un biologiste pratique, de nous conseiller là-dessus. Je pense qu'il voudrait vous en parler.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Shooner, malheureusement, je suis obligé de vous dire: D'une façon brève, s'il vous plaît.

M. Shooner (Gilles): M. le Président, en réponse à l'appréhension du député de Chauveau, M. Poulin, c'est vrai que la question des pesticides a toujours fait peur aux gens. Ce dont il est question ici, c'est un pesticide en particulier. Ce n'est pas n'importe quoi. Il s'agit du fénitro-thion. Concernant spécifiquement la faune, il y a déjà beaucoup d'études qui ont été faites, dont, entre autres, une étude récente faite en 1987 par le ministère de l'Énergie et des Ressources et qui a porté justement sur les arrosages de fénitrothion qui ont été effectués successivement sur un même territoire en 1978, 1979, 1980, 1981,

1982 et 1983. Donc, sur une bonne fourchette de conditions.

Les réponses sont directes. C'est évident qu'il n'y a pas eu d'effet remarquable sur la faune. Il n'y a pas eu d'effet, de taux observé sur la grande faune, si on pense à l'orignal, au chevreuil. Chez les amphibiens, par exemple, le fénitrothion a été perçu sous forme de traces seulement. Il n'y a pas eu de metabolite ni même de résidu observé. Cette notion de metabolite est importante. Des concentrations de résidus de fénitrothion ont été détectées dans les organismes vivants comme les ombles de fontaine, le lièvre, la gelinotte, les invertébrés aquatiques. Mais après toutes ces pulvérisations, elles sont relativement faibles et ne persistent pas dans le milieu. Elles ne persistent dans le milieu que quelques jours, voire quelques heures.

Si vous le permettez, M. le Président, j'ajouterai que cette question des pesticides et les problèmes que l'industrie forestière rencontre - c'est vrai qu'il y a des problèmes - c'est un peu aussi un choix de société qui nous pousse actuellement à une production de 40 % supplémentaire pour répondre à une demande et être capable de garantir cette production. Je pense que, devant une situation comme celle-là, il faut trouver la solution qui soit la plus efficace et la moins pénalisante pour la société. Celle que l'Association des industries forestières propose, elle m'est apparue logique et non gourmande parce que c'est le seul insecticide qui soit homologué - évidemment, je mets cela entre guillemets parce qu'on remet en cause l'homologation - mais il est quand même homologué. C'est le seul insectide, il n'y en a pas une tonne, et c'est le fénitrothion. Au fond, pour résumer ce que tout le monde dit, c'est que l'association propose un mode d'attaque massive, dans un espace restreint, pour éviter, par mesure d'exception et par mesure d'urgence, ce que de toute façon permet la loi sur l'environnement, pour éviter d'utiliser une plus grande quantité sur un plus grand territoire. C'est essentiellement ce que l'on retient. (18 heures)

Le Président (M. Saint-Roch): En conclusion, s'il vous plaît, M. Shooner.

M. Shooner: Oui. Je dis tout simplement que l'association forestière ne ferme pas la porte à la recherche et appuie largement les propos du gouvernement en matière de recherche et de développement. S'il y a éventuellement d'autres choses meilleures que le fénitrothion pour en arriver à une action massive, qu'on le dise. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, je voudrais revenir sur une chose. Quand on parlait de remède tantôt et qu'on disait qu'il y avait des milieux particuliers, je voudrais simplement revenir sur le fait que, dans le fond, le remède en question ne réagit pas de la même façon selon les différents écosystèmes. C'est comme si, quand on vous écoute, tout le milieu forestier, le milieu naturel était homogène, de la même façon, qu'il n'y avait pas d'écosystèmes différents dans une région ou dans des milieux. Je pense qu'il faut faire attention. Dans ce sens, je n'ai pas l'impression que la procédure que vous nous présentez nous donne la garantie qu'on va tenir compte des différents écosystèmes qu'il y a dans les régions et dans les milieux. À cet égard, je serais plutôt porté à dire, compte tenu des arguments que vous avez invoqués, qu'entre laisser tomber complètement le mécanisme d'étude d'impact et d'évaluation publique et le mécanisme actuel, il y a moyen d'adapter le mécanisme d'étude d'impact et d'évaluation pour qu'il soit moins lourd, plus opérationnel, plus rapide, pour qu'il réponde à la nécessité de l'urgence et de l'intervention. À cet égard, je crois qu'il y a moyen de trouver un mécanisme. Si on s'entend sur l'objectif qu'on doit avoir à l'égard de l'urgence et de l'efficacité de l'intervention, mais qu'en même temps on se donne des mécanismes de contrôle suffisamment importants des produits, de l'utilisation et des conséquences, je pense qu'il y a moyen de trouver un terrain d'entente, mais je n'en suis pas sûr. Je suis loin d'être convaincu, en tout cas, que l'option 2, que vous favorisez, va nous donner les garanties. Je suis plutôt convaincu qu'il y a moyen d'améliorer l'option 1, de sorte que ce sera peut-être moins lourd, plus opérationnel, et on pourra agir rapidement et avec l'intensité voulue dans une réaction de contre-attaque à des épidémies en particulier.

Le Président (ML Saint-Roch): M. Duchesne.

M. Duchesne: Je pense, M. Charbonneau, qu'au contraire notre approche est celle qui a le plus le respect des écosystèmes et qui va le plus dans l'écosystème localisé. Distinguons encore les insectes des herbicides. Pour les insectes, en cas d'urgence, c'est ce qu'on vous a expliqué et je pense que M. Shooner vous l'a dit aussi, on a une stratégie qui vise à réduire les quantités et à protéger l'ensemble de la ressource. C'est une chose. Quant à la question de la végétation concurrente, ce que nous vous proposons, c'est une analyse site par site, en fonction d'un guide d'intervention, donc en tenant compte des particularités intimes de chaque site pour savoir si on va employer le phytocide sur ce site ou si on va procéder autrement, pour éviter d'avoir recours à des phytocides. On vous dit que cette approche doit se faire dans le temps, qu'on peut la planifier, grosso modo, mais qu'on doit la vérifier sur chaque site au moment de l'émission du permis d'intervention, parce que c'est à ce moment-là que l'ingénieur responsable de l'action sur le

terrain dit: Moi, je recommande de faire cela, et qu'il obtient ses permissions du ministère de l'Environnement et du ministère de l'Énergie et des Ressources. C'est l'approche la plus respectueuse, à notre avis, de l'écologie de chaque site.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Dubuc, s'il vous plaît? Je reconnais M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Baril: Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Brièvement, s'il vous plaît!

M. Baril: J'ai quelques brèves questions. J'aimerais poser une question à M. Ecobichon. Est-ce que M. Ecobichon parle français? No?

M. Duchesne: II comprend le français, mais si vous lui permettez de répondre en anglais, je pourrais traduire. C'est votre choix.

M. Baril: II n'y a pas de problème. En ce qui me concerne, je peux aussi lui poser la question en anglais.

Mr. Ecobichon, you have mentioned that all the products must be used safely and efficiently and all that, what I approve of totally. But from what we have heard this morning, I would like to know if this product that we call Roundup is a safe one. In a few words.

M. Ecobichon (Donald J. ): Yes, simply. There had been concerns with Roundup. I think most of these concerns have been addressed in the past two or three years with new studies. There were concerns about toxicity to fish which have been disproven because glyphosate is usually not found dissolved in water which is the way fish studies are done. It is found attached to the soil particules which are not absorbed. There were some concerns about the carcinoge-nicity, the cancer producing effects of glyphosate. These have been disproven by the studies being examined by experts. I would say that of any of these herbicides in use today, glyphosate probably has the best toxicity data base of any chemical at all. And it is widely, of course, used in agriculture all over the world.

M. Baril: Une autre rapide.

Le Président (M. Saint-Roch): Très rapidement, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Baril: On sait que vous voulez que le sapin, l'épinette et le pin gris soient régénérés rapidement. Ce sont naturellement les essences que vous utilisez le plus souvent. Je me demandais si, à plus ou moins long terme, votre industrie pense utiliser les feuillus, dans le futur.

M. Dufresne: On les utilise déjà, monsieur, en grande quantité. Cela dépend du procédé et du produit que l'on fait. Il y a des usines qui ne fonctionnent qu'aux feuillus. Alors, ce n'est pas l'un ou l'autre. Cela dépend du produit final.

M. Baril: Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Desbiens: M. le Président, j'aurai d'autres occasions.

Le Président (M. Saint-Roch): Ça va, M. le député de Dubuc? Alors, je tiens à remercier, au nom des membres de la commission, l'Association des industries forestières du Québec pour leur participation aux travaux de la commission.

M. le ministre, je peux autoriser toutes les remarques, mais j'aimerais attirer l'attention des membres de la commission sur le fait que nous sommes deux heures en retard. Avant de conclure pour la période du dîner, j'aimerais avoir l'avis des deux côtés pour faire le réalignement de nos travaux. M. le ministre, brièvement.

M. Lincoln: En remerciant les membres de l'association, j'aurais voulu situer ma position bien clairement, afin qu'il n'y ait aucun malentendu. On se connaît bien. On se dit les choses bien simplement. Après avoir écouté tout ce qui s'est dit ici, je dois vous dire que je suis toujours convaincu - plus que jamais, en fait - que le principe d'une consultation publique, d'une audience publique, d'une étude d'impact doit demeurer. C'est ma position très ferme. Je pense que là où peut-être nos vues divergent, c'est lorsqu'on parle... Par exemple, M. Dufresne a parlé de cancer. Je pense que, si on parle de santé, il y a toute la question de la prévention, des sports, du cardio-vasculaire. Avant, on ne connaissait même pas cela. On ne se servait que de médicaments. On ne faisait pas de prévention. Aujourd'hui, il y a une évolution. On se sert de moyens de prévention afin de ne pas se servir des hôpitaux. C'est-à-dire que maintenant on a développé les sports et les exercices cardio-vasculaires pour, justement, éviter d'aller à l'hôpital. Mais même s'il faut aller à l'hôpital, avant d'arriver au stade du cancer, on prépare l'hôpital. On prépare l'hôpital afin que, lorsque le cancéreux arrive, on soit en mesure de le traiter. Je pense que ce que l'on cherche, c'est un système qui soit préventif, des mesures sylvicoles préventives et un programme pour les cas où nous devons nous servir de substances artificielles, chimiques ou autres. Je suis d'accord sur la nécessité d'un programme d'urgence. Il faut essayer de concilier ces choses. Mais il me semble qu'au sein d'un tel système, il doit y avoir des audiences publiques. Je dois dire, au sujet de l'addition du fénitrothion, à la sugges-

tion du ministre délégué aux Forêts, que je ne peux pas concevoir que nous puissions accepter cela, en plus des deux autres, sans étude préalable en audience publique.

Alors, je voulais vous faire part de ma position bien clairement, afin qu'il n'y ait pas de malentendu. C'est là que je me situe. Une commission parlementaire est obligée d'entendre les points de vue. Je vous donne, comme ministre de l'Environnement, mon point de vue. Je voulais vous dire cela bien simplement.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le député de Verchères, en conclusion.

M. Charbonneau: Je voudrais également remercier les membres, ainsi que mon collègue, de l'Association des industries forestières. Je voudrais leur dire et peut-être dire au ministre, en guise de conclusion, qu'à mon avis, II y a deux sortes d'urgence. Il y a les urgences qui n'existent pas encore, mais qu'on peut déjà prévoir pour les prochaines années. Il n'y a personne qui va me convaincre qu'on ne peut pas avoir, maintenant, dans les mois ou les années qui viennent, assez rapidement, une planification et, éventuellement, une participation des citoyens à la façon dont on prévoit intervenir sur une base urgente ou non dans l'avenir.

Il y a les urgences actuelles. Il y a peut-être moyen de trouver une formule, pour ce qui existe déjà, c'est-à-dire les situations qui méritent maintenant une attaque rapide, dans les mois ou dans l'année qui vient, pour qu'on puisse intervenir sur une base urgente avec une attitude peut-être différente de celle qu'on pourrait avoir. Essayer de tout mettre dans le même paquet de sorte qu'on n'aura plus jamais la possibilité d'avoir un contrôle, je vais vous dire que je suis plus de l'avis du ministre de l'Environnement, même si l'option qu'il privilégie, on la trouve par ailleurs passablement perfectible.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Verchères. Je remercie les membres de l'Association des industries forestières du Québec.

Est-ce que j'ai le consentement, pour le bénéfice de tous les intervenants, d'aviser les gens que nous reporterons à la fin l'heure qui nous manque, c'est-à-dire que nous terminerons nos travaux cette nuit à 1 h 30 et que nous commencerons à 20 heures avec les Produits forestiers Domtar? J'aimerais demander à tous les intervenants, lors de la période de questions et de réponses, dans le but d'accélérer et d'avoir le maximum d'information, de donner des réponses brèves, s'il vous plaît.

Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 13)

(Reprise à 20 h 15)

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît!

Avant de reprendre nos travaux, M. le député de Dubuc, j'aurais besoin d'un consentement pour...

À l'ordre, s'il vous plaît!

J'aurais besoin d'un consentement pour que M. le député de Viger remplace M. le député de Montmagny-L'Islet. Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Sur ce, je demanderais maintenant aux représentants des Produits forestiers Domtar de prendre place. Je demanderais également au porte-parole de bien vouloir s'identifier et de présenter les membres qui l'accompagnent, pour le bénéfice des membres de la commission.

Produits forestiers Domtar

M. Hilliker (Richard-G.) Mon nom est Richard Hilliker, directeur général de la foresterie et des services pour Produits forestiers Domtar. À ma droite, Jacques Larue, chef de notre service forestier central à Québec; à ma gauche, François Julien, chef de l'aménagement aux Produits forestiers Domtar; son voisin, Pierre Desrochers, chef forestier résident pour la division sud-est du Québec, et, à l'extrême gauche, Denis Gingras, superviseur de la sylviculture de la division sud-est du Québec.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Hilliker.

J'aimerais rappeler à tous les participants que ce soir nous avons un ordre du jour des plus serrés. J'aimerais rappeler qu'à compter de maintenant vous aurez dix minutes pour présenter votre mémoire, suivi d'une intervention de dix minutes de M. le ministre et de dix minutes du critique officiel de l'Opposition. Je me ferai un devoir de vous avertir lorsqu'il restera seulement deux minutes. Sur ce, je cède la parole à M. Hilliker. Vous avez maintenant dix minutes pour présenter votre mémoire.

M. Hilliker: M. le ministre, membres de la commission, Domtar inc. est une entreprise très diversifiée qui oeuvre dans les domaines suivants: les pâtes et papiers, les matériaux de construction, les matériaux d'emballage, les produits chimiques, le gaz naturel et le pétrole.

En 1986, 15 000 personnes oeuvraient au sein de Domtar inc. Elles ont reçu en traitements, salaires et avantages sociaux plus de 600 000 000 $. Produits forestiers Domtar, qui est une division du groupe des pâtes et papiers, s'occupe de la gestion des forêts publiques et privées de Domtar inc. dans le sud-est du Québec, dans l'Abitibi-Témiscamingue et au Lac-Saint-Jean. Produits forestiers Domtar s'implique très activement dans le développement des forêts.

Elle souscrit à la nouvelle politique forestière du Québec et désire accroître son implication dans la remise en production du territoire et la protection du milieu, autant sur forêts publiques que privées, où déjà, depuis plusieurs années, des opérations forestières se font sur une base de rendement soutenu.

Cette implication au niveau de l'aménagement des ressources forestières doit se faire, mais pas à n'importe quel prix. L'industrie forestière doit demeurer compétitive et, pour ce faire, il faut lui donner les outils nécessaires à la réalisation d'un bon aménagement. Parmi ces outils, l'utilisation des pesticides en milieu forestier est indispensable, à court et moyen terme, à l'atteinte des objectifs déterminés par les contrats d'aménagement et d'approvisionnement forestier et par les plans de gestion de nos forêts privées. Produits forestiers Domtar remercie la commission parlementaire de lui permettre d'exprimer son point de vue sur le sujet.

Les utilisations des pesticides par Produits forestiers Domtar. Au cours de la dernière décennie, le ministère de l'Énergie et des Ressources a été responsable de la gestion et de l'aménagement des terres forestières publiques, sur lesquelles l'utilisation des pesticides fut limitée à la lutte contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Sur ses terres privées, depuis 1982, Produits forestiers Domtar a utilisé des phytocides sur quelque 210 hectares de forêt par année en moyenne, afin de protéger les investissements par le dégagement de certaines plantations résineuses envahies par les framboisiers, les cerisiers, les érables à épis, etc., qui sont des essences très agressives dans le Sud du Québec.

Dans les années à venir, à la suite de la signature des CAAF et afin d'être en mesure de réduire le délai de regénération, on prévoit planter annuellement quelque 15 000 000 d'arbres afin d'assurer la remise en production d'environ 6000 hectares par année de terrains forestiers publics et privés. L'utilisation des phytocides par voie aérienne s'avérera alors un outil indispensable.

Les alternatives. Produits forestiers Domtar préconise l'utilisation des pesticides par voie aérienne comme moyen indispensable à l'aménagement des forêts. Basée sur l'expérience des travaux exécutés sur nos terrains privés, l'utilisation aérienne des pesticides s'est avérée la solution la plus sécuritaire, efficace et économique.

Parmi les alternatives au contrôle de la végétation concurrente, on retrouve, premièrement, aucune intervention. L'absence d'intervention, tant au point de vue de l'utilisation des insecticides que des phytocides, résulterait en des pertes de volumes marchands, des délais de regénération très longs et des pertes de territoires productifs. Le tout se traduirait par une baisse de la possibilité et une diminution marquée de la récolte annuelle.

Le dégagement manuel ou mécanique. Le dégagement des plantations résineuses peut se faire manuellement ou mécaniquement. Tel que réalisé à plusieurs occasions, les coûts sont prohibitifs: 500 $ à 800 $ par hectare par traitement et, en maintes occasions, le traitement doit être répété deux et même trois fois avant que les jeunes arbres soient libres de croître.

Les phytocides. Produits forestiers Domtar préconise l'utilisation aérienne des phytocides car ils sont efficaces, sécuritaires et économiques. Généralement, un seul traitement suffit et les coûts de 120 $ à 135 $ l'hectare sont acceptables.

Le développement. Produits forestiers Domtar est conscient de la recherche et du développement qui se font présentement dans ce domaine. Nous croyons cependant que les résultats actuels ne permettent pas encore une protection adéquate sur le plan industriel.

L'utilisation sécuritaire des pesticides. Même si nous préconisons l'utilisation par voie aérienne des pesticides pour la protection des forêts comme outil d'aménagement, nous sommes d'avis que la manipulation et l'utilisation de ces produits doivent être soumises à des normes gouvernementales sévères. L'application de ces produits doit être faite par du personnel compétent connaissant les risques inhérents à cette utilisation.

Des commentaires sur la nouvelle politique gouvernementale. Produits forestiers Domtar est d'accord avec les six principes directeurs énoncés dans le document de support présenté à la commission parlementaire. Cependant, permettez-nous d'y apporter quelques précisions. Consultation de la population: nous sommes d'avis que la population doit être informée et doit pouvoir se faire entendre sur l'utilisation des pesticides en milieu forestier. Cependant, les coûts de telles consultations ne devraient pas se traduire en millions de dollars pour le gouvernement et l'industrie et ce, de façon répétitive. Responsabilités partagées à l'égard des pesticides en milieu forestier: en cas d'effets négatifs imprévus reliés à l'utilisation des pesticides, l'utilisateur ne peut être tenu responsable de ces événements s'il a utilisé les produits selon les normes prescrites par le gouvernement et le fabricant. Moyens de rechange, recherche et développement: nous réitérons notre appui aux efforts de recherche et de développement qui se font présentement afin de trouver des solutions de rechange à l'utilisation des pesticides. Cependant, nous croyons qu'il faut immédiatement protéger nos forêts à maturité et permettre à la jeune forêt de croître rapidement. Pour ce faire, il faut se donner dès aujourd'hui les outils adéquats pour réaliser un bon aménagement forestier.

Les solutions envisagées. Parmi les solutions envisagées dans le document de support, Produits forestiers Domtar appuie le deuxième scénario, lequel permet d'agir immédiatement à l'aide d'insecticides biologiques et de glyphosates sans étude d'impact. La première solution proposée

suggère une étude d'impact valable pour les cinq prochaines années. En plus d'être très coûteuse, cette solution demande également aux utilisateurs de prévoir au-delà de cinq ans à l'avance les utilisations de pesticides. Ceci nous semble difficilement acceptable.

La deuxième solution proposée devrait être élargie, afin de permettre l'utilisation de produits chimiques pour combattre les graves foyers d'infestation par les insectes et pour combattre les insectes qui ne sont pas affectés par le B.t.

En conclusion, les Produits forestiers Domtar recommandent: l'utilisation par voie aérienne des pesticides pour assurer la protection des forêts et permettre aux utilisateurs d'atteindre leurs objectifs d'aménagement; l'utilisation de ces produits doit être subordonnée à des normes gouvernementales et sous la responsabilité de personnes compétentes; la recherche et le développement doivent continuer et s'intensifier, afin de permettre à moyen ou à long terme de minimiser l'utilisation des pesticides en milieu forestier.

L'utilisation contrôlée des pesticides en milieu forestier permettrait d'avoir une forêt verte, vigoureuse et en santé, ce qui ferait la joie de tous les utilisateurs de ce vaste territoire. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Hilliker. M. le ministre.

M. Lincoln: Très brièvement, parce que je réalise que nous avons dix minutes et je voudrais passer la parole à mon collègue qui n'était pas là pendant le témoignage de l'Association des industries forestières. J'ai une seule question, parce que votre mémoire cadre avec l'intervention de l'association qui disait qu'elle préférait l'option 2 en ajoutant ' le fénitrothion. Votre mémoire est axé dans le même sens et, comme j'ai fait mes remarques à l'association, je ne veux pas les répéter ici.

La seule chose que je voudrais vous demander, c'est à la page 5 de votre mémoire, commentaires sur la nouvelle politique environnementale. Au paragraphe 2, Responsabilités partagées à l'égard des pesticides en milieu forestier, vous dites: "En cas d'effets négatifs imprévus reliés à l'utilisation des pesticides, l'utilisateur ne peut être tenu responsable de ces événements s'il a utilisé les produits selon les normes prescrites par le gouvernement et le fabricant." N'est-ce pas là une justification importante pour avoir des études d'impact et des audiences, quand vous dites que l'utilisateur ne peut pas être tenu responsable s'il a utilisé les produits selon les normes prescrites par le gouvernement et le fabricant? Or, l'histoire a démontré que plusieurs de ces produits ont été homologués qui, ensuite, se sont montrés déficients ou plus dangereux qu'on ne le prévoyait. Je pourrais vous donner des exemples, mais ne pensez-vous pas que cela même démontre que, peut-être, il faut un sys- tème dans lequel il y ait de plus grandes garanties pour le public, lorsque vous-mêmes, comme utilisateurs, vous ne voulez pas accepter la responsabilité d'un produit? Si, par exemple, les normes et les dosages avaient été indiqués d'une façon quelconque par le gouvernement et que cela se révélerait erroné, alors, qui devrait accepter la responsabilité selon vous?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Hilliker.

M. Hilliker: Est-ce que le produit dont on se servirait serait un produit homologué avec des normes et des dosages très précis? On s'attend de suivre les doses et les normes qui ont été établies.

M. Lincoln: Ma dernière question est celle-ci. J'ai discuté pour savoir quelque chose de l'homologation et j'ai participé à des discussions avec le gouvernement fédéral. On sait que l'homologation est un système qui demande beaucoup d'améliorations. J'ai pas mal de correspondance à mon bureau là-dessus. Qu'arrive-t-il si le processus d'homologation est déficient? Voulez-vous dire qui à ce moment-là est responsable? Est-ce que le public... Vous vous êtes servis d'un produit, vous avez fait un arrosage sur plusieurs centaines d'hectares et vous dites que vous n'êtes pas responsables si vous avez observé l'homologation, mais qui est responsable? (20 h 30)

Le Président (M. Saint-Roch): M. Hilliker.

M. Hilliker: Je vais répéter ce que je disais tout à l'heure. S'il est homologué, c'est comme l'aspirine. Vous prenez de l'aspirine, vous en prenez deux comprimés pour un mal de tête, c'est un produit homologué.

M. Lincoln: Oui, mais il y a beaucoup de produits comme, je ne veux pas vous citer de noms, mais plusieurs médicaments ont été homologués à faux et ont eu des conséquences néfastes. On s'en aperçoit seulement après coup. C'est pourquoi nous voulons nous assurer qu'il y ait une consultation publique afin que les gens acceptent, qu'ils sachent à l'avance ce qu'on va utiliser. C'est cela qu'on demande.

M. Hilliker: Mais si un produit, M. le ministre, vous le croyez déficient ou s'il est prouvé qu'il est déficient et qu'il est homologué, il devrait être "déshomologué", banni ou on devrait le faire étudier à nouveau.

M. Lincoln: C'est cela le problème. Pour beaucoup de ces produits, c'est après coup, lorsque le dommage a été causé, qu'on s'en aperçoit. Enfin, c'est la seule question que j'avais, je vais laisser la parole à mon collègue. Cela m'avait frappé un peu.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le

ministre de l'Environnement.

M. Hilliker: Dans une audience publique, est-ce que ce sera déterminé si un produit...

M. Lincoln: Non, tout ce qu'on voudrait faire, c'est d'avoir d'avance un plan qui ait été discuté en public et qu'on sache exactement quelles sont les densités, les étendues de forêts que vous allez traiter avec des pesticides, quels sont exactement les programmes que vous allez utiliser. Au moins, le public saura à l'avance vraiment ce que c'est. Il y aura eu des études d'impact et, à ce moment-là, on saura exactement où on s'en va avec cela. Comme cela, il n'y aura pas de surprises. Tout le monde sera sur le même bateau. A ce moment-là, s'il y a une déficience, au moins vous pourrez dire: Mais, écoutez, cela a été ouvert à l'étude d'impact, cela a été ouvert aux audiences publiques. S'il y a des pépins, au moins tout le monde aura su qu'on aura fait la lumière là-dessus. S'il y a un pépin, à ce moment-là, on aura usé de la plus grande prudence possible. Mais là vous dites: Bon, nous allons nous servir de tel ou tel produit, mais s'il y a des conséquences, à ce moment-là, nous ne sommes pas responsables si nous avons suivi l'homologation. Mais, si l'homologation est trompeuse, je trouve que c'est un peu une surprise à laisser au public.

C'était le seul commentaire que j'avais.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre de l'Environnement. M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. J'aurais beaucoup à dire là-dessus. Je pense que les compagnies doivent nécessairement, obligatoirement, partager l'obligation d'informer le public, parce que la compagnie a également des responsabilités vis-à-vis de son environnement, de ses employés et des familles qui vivent dans les alentours. Je pense bien qu'on ne peut pas se dégager de cette responsabilité et dire qu'on va utiliser des produits et que, parce qu'ils sont homologués, on ne s'en préoccupe pas.

J'ai confiance et je ne sais pas qui dans cette salle qui est venu ici aujourd'hui et qui viendra après va être capable de mettre en doute le processus d'homologation du gouvernement fédéral concernant les produits à être utilisés soit en agriculture, soit en forêt. C'est beau de jouer à l'expert et de dire qu'il ne nous arrivera rien parce que... Par contre, ce processus d'acceptation de produits, l'homologation des produits, est laborieux et long et je ne pense pas qu'on puisse demander cela dans une audience publique comme celle qu'on a vécue. C'était absolument hors de question, parce qu'on mettait en relief l'administration forestière et l'administration gouvernementale de la forêt, l'administration de tout, là. Mais qui est plus connaissant, qui est plus expert que tout ce monde-là qui passe des années et des années à examiner les répercussions, la valeur d'un produit? C'est une question que je me pose. Il n'y a personne qui y réponde. C'est facile de dire: On ne prendra pas de chances... Si on ne suit pas les prescriptions, eh bien, tant pis pour eux. Ce n'est pas cela. Je me dis qu'on doit suivre les prescriptions. On doit également utiliser tous les produits, ces produits-là. On doit utiliser ies remèdes, on doit utiliser la dynamite ou n'importe quel produit dangereux qui est utile, mais avec des prescriptions. Puis, je me demande, je vous pose la question: Pensez-vous que l'homologation du fédéral concernant les produits est fiable ou non?

M. Hilliker: C'est une question...

Le Président (M. Saint-Roch): M. Hilliker.

M. Hilliker: C'est une question à laquelle je ne peux pas répondre, parce que je ne suis pas expert en cette matière-là. Par contre, si on ne peut pas se fier aux experts qui font ces choses-là, on ne peut pas se fier à personne, selon moi. Vous ne pouvez pas vous fier à votre médecin ou au pharmacien ou à une compagnie pharmaceutique. C'est la même chose à mon point de vue.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je sais que votre compagnie a contribué à des plans d'aménagement pour l'aménagement de ravages de chevreuil et tout cela. Je sais que votre compagnie a fait des efforts, a fait son possible et aurait peut-être dû faire plus. Mais, par contre, est-ce qu'on peut mettre de côté tous les moyens qui nous sont, supposons, proposés et acceptés par des experts et dire: Bien, on ne prendra pas de chances, on ne fera rien, on va retourner à l'âge de la colonie, aux premiers temps de la colonie, et on va attendre que d'autres fassent des choses? Je me demande quoi faire dans ces cas-là. Je me demande quoi faire.

Qu'est-ce qu'on propose? Je regarde les questions. Vous, vous proposez de faire des choses, vous en demandez peut-être un petit peu trop, parce que vous allez plus loin. Mais le glyphosate? On parle du B.t., le B.t. a subi le test, supposons, des audiences publiques, test qui n'était pas tout à fait correct. Le B.t. a subi ce test-là, déjà, en audience publique? Oui. On a débordé sur l'administration forestière, sur la compétence des forestiers. Évidemment, les forestiers ne sont pas tous d'accord, comme tous les médecins, comme n'importe quelle profession, mais on a débordé de beaucoup.

C'est pour cela que je dis que ces audiences-là ont apporté des choses. Mais est-ce que, parce qu'on doute que l'utilisation de certaines méthodes soit correcte, on va arrêter de vivre, on va arrêter de faire des choses? Ce n'est pas ce que vous proposez, mais je pense qu'on devrait faire en sorte d'utiliser les moyens les

plus sécuritaires pour protéger la santé des personnes, pour protéger l'écosystème forestier. Je me demande quoi faire.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Hilliker?

M. Hilliker: Bien, on propose... Dans les commentaires sur la politique gouvernementale, on dit qu'on est d'accord avec les six principes directeurs énoncés, mais qu'on veut y apporter quelques précisions. Consulter la population, on n'est pas contre cela. On n'est pas contre le fait de consulter la population. Le but d'une consultation de la population serait de l'informer de ce qui se passe, de ce qui se passera, au meilleur de notre connaissance, de quel pesticide ou phyto-cide on va se servir.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Hilliker. Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant le connaître M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Merci, M. le Président. On est dans la suite du mémoire de l'association de cet après-midi dont vous êtes membre. Lors de la conférence de presse, lorsqu'il y a eu signature d'un CAAF à la Reed, le président de l'AIFQ prétendait qu'une autonomie plus grande à l'endroit du BAPE pourrait signifier une possibilité forestière accrue de 10 % à 15 %. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela? Comment expliquez-vous cela?

M. Hilliker: Je n'ai pas compris votre question.

M. Desbiens: Le président de votre association...

M. Hilliker: Oui.

M. Desbiens: ...déclarait qu'une plus grande autonomie, en n'ayant pas, autrement dit, à se présenter devant le BAPE...

M. Hilliker: Oui.

M. Desbiens: ...permettrait une possibilité forestière accrue de 10 % à 15 %.

M. Hilliker: De ne pas se présenter devant le BAPE?

M. Desbiens: Oui, de ne pas avoir à subir l'opération des audiences publiques.

M. Hilliker: La forêt produirait de 10 % à 15 % de plus?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Desbiens: Cela permettrait, selon lui, selon votre président, une augmentation ou une possibilité accrue de 10 % à 15 %. Alors, vous semblez bien vous poser la même question que moi: Qu'est-ce que cela voulait dire?

M. Hilliker: Je ne comprends pas le sens de votre question et je ne peux pas... Je vous demanderais de poser la question au président de l'AIFQ, à la personne qui a fait ce commentaire-là.

M. Desbiens: Vous êtes membres de l'AIFQ?

M. Hilliker: On est membre de l'AIFQ, mais ce n'est pas moi qui ai fait le commentaire. Je n'étais pas là quand cela a été fait. Peut-être, est-il ici, le président de l'AIFQ?

M. Desbiens: Dans votre mémoire à la page 12, vous ne prévoyez qu'une seule exception qui permettrait la tenue des programmes d'information ou de consultation, soit - je cite le mémoire à la page 12: "le cas où des événements fondés et vérifiables surviennent, jetant ainsi des doutes sérieux quant à l'utilisation sécuritaire d'un produit." Quels sont ces événements auxquels vous faites allusion et qu'est-ce que ce serait, un doute sérieux?

M. Julien (François): M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): Oui, M. Julien.

M. Julien: Je crois qu'il y a des risques inhérents à l'utilisation de tout produit, de tout pesticide. Je ne crois pas qu'on puisse, un jour, utiliser un insecticide ou un pesticide quelconque sans tenir compte des risques, sans tenir compte de la possibilité qu'il survienne des événements imprévus. Même dans l'éventualité qu'on ait ou non une étude d'impact, comment pouvez-vous savoir qu'il n'y aura pas d'événements imprévus pouvant avoir des effets malheureux sur la faune?

Par contre, il faut être capable de mesurer les risques par rapport aux bénéfices. Les bénéfices sont que, pour effectuer notre travail, pour satisfaire la demande future en fibres, il faut être capable d'utiliser des produits de contrôle des insectes et de la végétation. À ce moment-là, si on nous demande de faire de l'aménagement forestier, il faut avoir les outils nécessaires. Cela veut dire, du côté sylviculture, l'utilisation de méthodes. (20 h 45)

Dans ce cas-ci, on parle de l'utilisation de méthodes, de pesticides. Si on nous demande aussi, pour pouvoir utiliser ces pesticides, de préparer des études d'impact, on est bien d'accord, mais il va falloir que ce soit dans un contexte très flexible et qu'on puisse le faire sans avoir à faire face à des contraintes de temps ou d'argent qui sont vraiment inacceptables.

Quel mécanisme serait le meilleur? Nous pensons que c'est l'option 2, parce qu'en fait, si on regarde l'option 2, on y suggère l'utilisation du B.t. pour contrôler les insectes comme la tordeuse. C'est un seul insecticide, mais qui a déjà fait ses preuves et qui a subi de sérieuses études d'impact. Concernant la végétation concurrente, on suggère l'utilisation des glypho-sates. Encore une fois, c'est un seul type de pesticide, mais on pense que ces deux pesticides pourraient satisfaire à la grande majorité de nos besoins. On ne demande pas l'utilisation de pesticides sans aucun contrôle. Au contraire, on est pour un meilleur contrôle, de meilleures normes d'utilisation.

Encore une fois, je voudrais revenir sur le point que, si on doit utiliser un produit, il va falloir l'utiliser tôt ou tard. Je le crois, parce qu'il n'y a pas vraiment de méthodes alternatives. À l'heure actuelle, il n'y en a pas. Peut-être plus tard. On espère qu'avec le développement de la recherche on va avoir des méthodes alternatives qui ne nécessiteront pas l'utilisation de pesticides chimiques. Si on en vient là, tant mieux. On est tous d'accord, mais, jusqu'à nouvel ordre, on n'a pas vraiment le choix.

Aussi, je pense que tout le travail est à faire du côté homologation, s'il y a quelque chose à faire. Si ce travail est bien fait, on évitera ainsi de sérieux problèmes du côté des études d'impact, pour autant qu'on soit concerné.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Charbonneau: Seulement une, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: L'option 1 privilégie une espèce de programmation en cinq ans avec une superétude d'impact pour tout le monde. Si, au contraire, on proposait une programmation quinquennale qui ferait que chaque entreprise, sur une base régionale, aurait à soumettre pour une période de cinq ans les objectifs ou les intentions qu'elle peut avoir pour un territoire donné, où pour l'ensemble de ses propriétés, de ses installations, plutôt que d'avoir quelque chose de global, est-ce que vous pourriez trouver que ce serait une modification de l'option 1 qui pourrait assouplir la procédure, dans la mesure où on introduirait dans ce mécanisme un élément qui tienne compte de la possibilité d'intervenir sur une base d'urgence lorsque les situations nécessitent qu'on intervienne sur une base d'urgence? Est-ce que vous seriez enclin à être moins réticent envers l'option 1 si elle était modifiée dans ce sens?

M. Hilliker: On ne peut pas déterminer à l'avance si on est pour avoir des épidémies d'insectes dans trois ans ou dans cinq ans. L'usage des phytocides, c'est plus facile d'après les terrains, mais surtout dans...

M. Charbonneau: Non, je comprends que vous ne puissiez le déterminer à l'avance, mais est-ce que vous seriez d'accord pour soumettre, par exemple, vos plans d'intervention pour les cinq prochaines années? Si, pour toutes vos installations dans les territoires pour lesquels vous avez des contrats ou des concessions, je ne sais plus trop, vous étiez en mesure de dire à l'occasion d'une audience publique ou d'une évaluation d'impact que, durant ces années-là, vous comptez des connaissances, utiliser tel type de produit et intervenir de telle façon à chaque fois que cela se produira, on se dirait que, déjà, dans la mesure où on aurait une idée de ce que vous allez faire pendant les cinq prochaines années, ce serait mieux que de ne pas en avoir du tout et de vous laisser aller sans aucun contrôle, avec le seul fait que vous utilisez un produit homologué. Je veux bien que... Il faut bien que vous vous fiiez à quelqu'un, sauf qu'on se rend compte qu'il y a des organismes sérieux qui ont mis en cause le processus d'homologation. On est obligé de tenir compte aussi de leur avis.

M. Hiiliker: Le processus d'homologation et les études d'impact mettent en cause une...

L'étude d'impact n'est pas pour régler ce problème-là.

M. Charbonneau: Non, mais une étude d'impact...

Le Président (M. Saint-Roch): En conclusion, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, une étude d'impact nous permettrait de savoir ce que vous entendez utiliser comme produit sur un territoire et de mettre en évidence, à l'occasion de cette évaluation des impacts et de l'utilisation que vous entendez faire, les problèmes qui pourraient se produire et aussi le type d'écosystème sur lequel vous intervenez. J'imagine que votre compagnie n'intervient pas nécessairement dans les mêmes territoires que d'autres et que la situation que vous rencontrez dans certains territoires n'est pas nécessairement la même que celle d'autres territoires.

M. Hilliker: Mais, en réponse à votre question, on ne veut pas être libre et ne pas être contrôlé du tout. Les produits qu'on entend utiliser sont le B.t., les glyphosates et, si on a besoin d'autres produits, là il va falloir... Mais ce sont des produits qui sont homologués, qui sont sécuritaires, pour autant qu'ils aient été déterminés comme sécuritaires, qu'ils soient employés de la bonne manière et selon les normes, et c'est ce qu'on entend faire.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Hilliker. Permettez-moi de remercier les représentants des Produits forestiers Domtar pour leur apport aux travaux de cette commission. Je vous remercie, messieurs. Je demanderais maintenant aux représentants de la Papeterie Reed Itée de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Permettez-moi, messieurs les représentants de la Papeterie Reed Itée, de vous souhaiter la bienvenue aux travaux de cette commission. Je demanderais maintenant au porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que ceux qui l'accompagnent, pour le bénéfice des membres de la commission.

Papeterie Reed Itée

M. Bray (Jacques): Mon nom est Jacques Bray. Je suis directeur de la foresterie à la Papeterie Reed Itée; à ma droite, M. Jacques Bégin, surintendant à l'aménagement forestier. Je demanderais à M. Bégin de faire la présentation du mémoire.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous rappelle, M. Bégin, que vous avez dix minutes à votre disposition pour présenter votre mémoire. Lorsqu'il restera seulement deux minutes, je vous ferai signe. Je vous cède maintenant la parole.

M. Bégin (Jacques): Je vous remercie, monsieur. La Papeterie Reed Itée désire remercier le ministre de l'Environnement, le ministre délégué aux Forêts et la commission de l'aménagement et des équipements d'avoir accepté la présentation de ce mémoire. Nous désirons, par la présente, témoigner de notre appréhension face au climat d'incertitude entourant l'utilisation des pesticides en milieu forestier et contribuer, dans la mesure de nos moyens, à l'élaboration d'une politique viable sur les outils sylvicoles que sont les pesticides.

Notre compagnie est implantée au Québec depuis 1927. Ses activités industrielles sont axées sur la fabrication de papier journal, de produits connexes et de bois de sciage. Avec la collaboration de ses 2100 employés, la société affiche des ventes annuelles de 420 000 000 $.

Au chapitre des approvisionnements, environ la moitié de la matière ligneuse utilisée par l'usine de Québec vient des forêts de la Côte-Nord, soit les unités de gestion 91, 12 et 23, le reste étant acheté à des forêts privées ou venant de diverses usines de sciage. Notre autre installation, la scierie de Saint-Emile, quant à elle, reçoit ses approvisionnements de forêts publiques et de terrains privés de la région de Québec. Incidemment, nous avons déjà signé, pour notre division du sciage, un contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier, communément appelé CAAF, portant sur 1287 kilomètres carrés de forêts résineuses situées dans l'unité de gestion 32 des Laurentides.

Parlons maintenant un peu du nouveau régime forestier. Sanctionnée au terme de 1986, la nouvelle Loi sur les forêts confie un rôle de gestionnaire à l'industrie forestière qui devra veiller au maintien, voire à l'augmentation de la possibilité à rendement soutenu. Ce lourd mandat, la Papeterie Reed Itée l'endosse déjà par un engagement marqué dans la sylviculture, même au cours de la période de transition. Déjà, des efforts considérables sont déployés en vue de protéger la regénération naturelle, de dégager les taillis de résineux denses et de regarnir certains parterres de coupe.

Parlons un peu de la forêt maintenant et, d'abord, de la forêt mature. La partie sud de notre territoire d'approvisionnement historique regroupe des forêts où prédomine le sapin et elles sont très vulnérables aux attaques de la tordeuse des bourgeons de l'épinette. La partie nord, par contre, regroupe le domaine de la pessière à épinette noire et de la sapinière à épinette noire et mousse. Ces forêts comportent une grande proportion d'épinettes noires dans leur stade de maturité et résistent mieux à la tordeuse. Dans la réserve des Laurentides où se trouve l'approvisionnement de la scierie Leduc, une partie importante du territoire en est à sa deuxième coupe. La tordeuse y a laissé aussi les traces de son passage et on estime à plus de 500 000 mètres cubes le volume de bois perdu dans le territoire couvert par le CAAF que nous venons de signer.

Parlons maintenant un peu des forêts en régénération. La récolte des peuplements matures tend à maintenir le couvert dans un stade de transition où domine le sapin baumier. Cette tendance ira en s'accentuant à mesure que s'intensifiera la coupe avec protection de la régénération établie. On sait, bien sûr, que c'est le sapin qui y prédomine. Il faudra donc composer avec des forêts d'une vulnérabilité accrue vis-à-vis de la tordeuse. D'autre part, l'inventaire des coupes de la dernière décennie révèle une quasi-omniprésence de feuillus intolérants qui ont une distribution chez nous variant de 20 % à 60 % sur les parterres de coupe âgés de cinq à onze ans. Donc, une présence assez importante.

Quels sont les outils que nous avons pour respecter les engagements du CAAF? La gestion forestière subit présentement une métamorphose importante. Nouveau gestionnaire de la forêt, l'industrie forestière n'est pas sans savoir le coût de cet engagement. En effet, le maintien et l'augmentation du potentiel industriel des forêts, la planification et l'exécution des travaux prévus au contrat se traduiront par des dépenses d'au moins 3 750 000 $ par année pour notre compagnie. Hélas, même cet investissement important ne constitue pas en soi une garantie de disponibilité de la ressource, si les bons outils de l'aménagement ne sont pas mis à notre disposition.

Le gestionnaire de forêts industrielles doit, en effet, composer avec les essences pionnières comme le frambroisier, le bouleau et le peuplier faux-tremble qui cherchent, comme lui, à s'approprier les nouveaux parterres libérés par la coupe. Une fois qu'il a établi un peuplement d'essences désirées, le gestionnaire se voit encore opposer les forces biotiques du milieu: rongeurs, insectes, organismes pathogènes qui lui disputent l'utilisation des produits forestiers.

Les outils traditionnels du forestier lui permettent de contrôler la naissance et l'évolution des peuplements forestiers pour leur faire produire, de façon soutenue, les biens et les services désirés. Les mêmes outils permettent de prévenir, dans une certaine mesure, quelques-uns des écueils auxquels pourrait se heurter le développement harmonieux de la forêt. C'est le cas entre autres des coupes phytosanitaires qui ont déjà été amplement exploitées. Par contre, les phénomènes comme les épidémies d'insectes, de la tordeuse entre autres, et la compétition des feuillus se développent de façon si rapide qu'il faut pour les contrer recourir à des actions ponctuelles et énergiques comme l'application de phytocides. Au même titre que la coupe et le reboisement, les pesticides font partie des outils qu'a le gestionnaire pour diriger l'évolution de la forêt. (21 heures)

Parlons un peu des phytocides maintenant, si vous voulez. Le maintien de la possibilité à rendement soutenu suppose au départ la remise en production des parterres de coupe. Dans cette course pour l'occupation du sol forestier, les espèces feuillues partent avec une longueur d'avance. Pour favoriser l'installation d'un couvert forestier résineux, naturel ou artificiel, le sylviculteur doit donc être en mesure de retarder la progression des essences nuisibles. Il n'est pas question d'éradication pour ces essences, mais bien de contrôler leur développement. Par ailleurs, l'application de phytocides n'est requise que sur les meilleures stations et souvent une seule intervention suffira à libérer le peuplement. On sait, d'autre part, que le dégagement mécanique, sur lequel le FRDF a fait des tests amplement élaborés, amène fréquemment une prolifération de nouvelles tiges feuillues et constitue par surcroît une menace pour les jeunes semis de résineux. De plus, son coût le rend inabordable, compte tenu des résultats obtenus. Face à tout cela, le dégagement chimique est pour nous l'option à privilégier pour atteindre vraiment les objectifs de production inscrits au CAAF.

Si on parle maintenant des insecticides, il ne suffira pas de remettre en production les parterres de coupe pour s'assurer d'un rendement soutenu. Pour vraiment aménager la forêt, il faudra encore diriger son évolution en appliquant des traitements appropriés à chaque peuplement. C'est du moins la théorie que soutient le Dr Gordon Baskerville. Pour ce faire, l'industrie devra avoir le contrôle non seulement de son appareil de production, mais aussi des forces biotiques qui le menacent. Pourtant, la possibilité forestière calculée pour un CAAF ne tient en aucun temps compte des phénomènes comme la tordeuse dans l'évolution de la forêt. Le bénéficiaire d'un CAAF devra donc estimer les risques et prévoir les actions nécessaires dans son plan général d'aménagement. En cas d'épidémie, il pourra toujours diriger la récolte vers les peuplements les plus vulnérables. Mais, à défaut de pouvoir récupérer tout le volume menacé, il lui faudra recourir aux insecticides pour tenir en échec les organismes capables de réduire à néant les efforts d'aménagement déployés sur toute une vie d'homme. Oui, monsieur.

Autorisation de traiter. Quand des fléaux comme une épidémie de tordeuse apparaissent, l'heure ne devrait pas être aux discussions. À l'instar de la lutte aux incendies, il faut se donner les moyens pour combattre avec diligence les organismes biotiques qui menacent la forêt. Dans ce sens, le second scénario proposé dans la politique sur les pesticides permettant l'usage du glyphosate et du B.t. convient le mieux, selon nous, aux objectifs à atteindre. Nous ne pouvons que déplorer, cependant, le peu d'éléments que comporte notre arsenal face aux nombreux agents biotiques qui menacent la forêt.

En guise de conclusion, pour Papeterie Reed comme pour les autres industriels, la signature d'un CAAF comporte des obligations importantes, notamment en matière de sylviculture. Le maintien de la possibilité à rendement soutenu demandera une mise de fonds importante dont les intérêts ne seront perçus qu'à très long terme. Avec les outils qui lui sont traditionnellement dévolus, l'industrie pourra, dans une certaine mesure, prévenir certains des dangers qui menacent la forêt. Cependant, face à des phénomènes comme la tordeuse, l'industrie, en tant que gestionnaire de la forêt, doit pouvoir compter sur les outils indispensables que sont les pesticides pour préserver les efforts consacrés au renouvellement et à l'éducation des forêts. À défaut de pouvoir utiliser ces outils, elle devra faire face à une rupture de stock qui se traduira inévitablement par des pertes d'emplois.

En ce sens, Papeterie Reed favorise une utilisation efficace et raisonnée de tous les outils d'aménagement forestier, incluant les pesticides en milieu forestier.

Là-dessus, je vous remercie.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Bégin. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: J'ai deux questions, M. Bégin. Vous dites que vous êtes d'accord avec les principes directeurs de la politique. Un des principes directeurs est le droit de la population d'être informée et de se faire entendre sur l'utilisation des pesticides en milieu forestier.

Dans le cas du deuxième scénario, si on retenait le deuxième scénario, comment, selon vous, la population serait-elle informée par rapport à ce principe directeur de base?

M. Bégin: Si vous permettez, tel que nous l'avions prévu, je vais passer la parole à mon patron, M. Bray.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Bray.

M. Bray: Je crois que le processus d'information du public pour le traitement et l'utilisation des pesticides est en soi déjà reconnu, parce que les utilisations des pesticides que l'on veut utiliser sont déjà largement "publicisées" et il faudra encore continuer à insister sur la "publicisation" de ces utilisations.

Ces pesticides doivent être utilisés en ce sens-là, dans cette avenue-là, avec toute l'insistance qui est déjà mise sur l'utilisation de ces pesticides. Je pense entre autres aux homologations qui reviennent constamment dans les questions. C'est une question d'information, il faut continuer à informer le public, sans aller dans des processus très lourds de consultations publiques. Ce n'est pas là le problème. Le problème consiste à faire connaître davantage ces produits par les voies déjà connues que sont l'homologation au fédérai et les moyens qu'on aura au provincial de faire connaître le bien-fondé de l'utilisation de ces choses-là.

M. Lincoln: D'après ce que vous décrivez, est-ce que selon vous l'homologation est... Vous avez l'air de faire une équivalence ou une correspondance entre l'homologation et l'information du public. Est-ce que vous croyez que le public est avisé sur les pesticides et leur comportement par l'homologation fédérale?

M. Bray: II peut l'être davantage. C'est peut-être ce qui manque. Il faut faire les efforts nécessaires pour poursuivre. Tout le processus d'homologation est déjà reconnu et efficace. Il reste peut-être à poursuivre les efforts pour informer davantage le public sans aller dans de grandes considérations publiques.

M. Lincoln: Mais comment allez-vous faire? C'est ce que je ne peux pas comprendre. Comment faites-vous? Si on a un processus de consultation publique, c'est justement parce qu'il fallait un mécanisme. Comment le faites-vous autrement si, demain matin, vous allez dans tout le territoire du Québec, en forêt publique, qui est un territoire immense... Comment le public saura si vous vous fiez purement à l'homologation et aussi à une information que vous ne m'avez pas encore tout à fait expliquée? Comment cette information-là rejoint-elle le public qui veut savoir? Si, demain matin, j'ai envie de savoir exactement ce qu'est le glyphosate ou un autre pesticide que vous allez utiliser, sur quelle étendue, combien de fois, quel est votre programme, comment vais-je savoir ça pour votre compagnie, si je suis un membre du public?

M. Bray: Au terme de tout l'ensemble du processus de la loi 150, nous avons préparé des plans d'aménagement de cinq ans et même généraux de 25 ans qui doivent être acceptés par les autorités gouvernementales. Le processus d'information peut être établi globalement au sujet de ces plans d'aménagement, aviser et informer la population qui sera au fait de ces plans d'aménagement. L'information peut être obtenue et, appelons ça ainsi, la connaissance de l'utilisation de ces produits peut être obtenue via l'ensemble de tous les programmes qui seront établis au niveau des CAAF. Cela peut être reconnu et diffusé à ce niveau-là avec les instances gouvernementales.

M. Bégin: II est certain que, lorsque l'on va préparer des programmes d'épandage de phytoci-des, d'insecticides contre la tordeuse, ce ne sera pas en catimini. On sait bien que les instances qui existent actuellement pour exécuter ces travaux informent abondamment le public. De toute façon, les médias s'en chargent abondamment et ce sont des programmes qui doivent être votés. Donc, cela répond à tout un processus normal de maturation qui sera basé sur les planifications qui ont été faites par les bénéficiaires de CAAF. Donc, il n'y a rien de nouveau, il n'y a pas de secret et rien de sorcier là-dedans. Il va y avoir un programme qui sera proposé, on dira que, pour la province de Québec cette année, on arrose un certain nombre d'hectares et le public sera abondamment informé.

Pour ce qui est de l'information du public sur les produits qui seront utilisés, il y a déjà pour les insectes visés ou les organismes nuisibles visés un certain nombre de produits dont on a déjà fait la preuve, qui ont passé à travers les dernières audiences publiques sur les phytocides et sur les insecticides et qui sont déjà dans le système. Ils roulent dans le système et, généralement, on vit avec eux assez confortablement. Alors, dans un premier temps, on n'ira pas nécessairement se lancer et utiliser d'autres produits que cela La preuve pourra être faite; qu'on aura besoin d'autres produits, mais, dans un premier temps, on devra utiliser les outils qu'on a déjà en main.

Donc, pour le public, il n'y a rien de sorcier. On a dépensé des millions de dollars à lui faire connaître la matière. La radio en a été inondée pendant des semaines et des semaines. Il n'y a rien de nouveau, il n'y a rien de sorcier. Il s'agit de lui dire: À tel endroit, il y aura telle application qui va être faite, et puis voilà. Les produits ont été acceptés par ces gens en général. Cela a été accepté dans toute la province. Il s'agit de leur dire ce qu'on fait, un point, c'est tout.

M. Lincoln: Écoutez, ce sera ma dernière question. Est-ce que le problème n'est pas là, dans la façon que vous le posez: II faudra dire cela au public, un point, c'est tout? Mais, si le public n'est pas tout à fait d'accord avec vous - même s'il est d'accord avec le produit - disons, sur la façon dont vous allez l'appliquer et là où vous allez l'appliquer qu'il n'est pas d'accord, peut-être, dit-il: On ne veut pas de cela dans notre région, alors comment va-t-il pouvoir vous passer ce message, si vous dites: II n'y a rien de sorcier, on va l'informer? Est-ce qu'il n'y a pas une différence entre de l'information et une communication où le public a voix au chapitre d'une certaine façon? C'est cela que j'ai envie de savoir.

M. Bray: Déjà, au risque de se répéter, le processus a déjà été reconnu pour une grande partie de la population, sinon toute la population, à la fin des années soixante-dix début des années quatre-vingt, pour l'ensemble des produits qu'on utilise déjà. On n'a pas à refaire cet exercice-là.

Je dois revenir un peu sur des explications qui ont déjà été fournies pour quand même sensibiliser davantage la commission. Il nous faut absolument éviter au Québec de revenir avec l'expérience qu'on a vécue dans ces années-là. On a mentionné dans notre mémoire que notre compagnie - je ne voudrais pas aller ailleurs ou dans l'ensemble de la province - a perdu pour un seul secteur en l'espace de trois ans 1 500 000 mètres cubes. L'aspect économique important de cette perte, juste à ce niveau, justifie une action rapide pour éviter d'aller dans de grands processus déjà établis, déjà connus et déjà acceptés par une très grande majorité de la population. Il nous suffira d'aller plus loin, d'y aller avec une autre étape, lorsque nous aurons à utiliser d'autres produits qui nous seront connus un peu plus tard. Mais, dans le moment, donnons-nous les outils nécessaires.

On vient de signer une convention, un nouveau contrat, récemment, le 24 mai. Il y a une clause d'attachée à cette convention qui dit que, si la politique d'utilisation des pesticides ne nous permet pas d'atteindre les rendements, cela remet en question la signature de cette convention, de ce contrat. Il nous faut absolument obtenir des moyens de nous assurer que les investissements mis... Même si on mettait 3 075 000 000 $ par année ou davantage dans le futur pour simplement planter ou aménager la forêt, si on n'a pas la possibilité de protéger cet investissement, on s'en va absolument nulle part. On va manquer tout simplement... On va aller vers la rupture de stock. Il faut absolument avoir des moyens concrets de ce genre pour protéger nos investissements.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Bray. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, à la suite de ce que demande le ministre de l'Environnement, je vais vous dire que j'ai l'impression que vous en mettez pas mal. Ce n'est pas... Je n'arrive pas à voir comment un mécanisme qu'on voudrait d'ailleurs peut-être même un peu plus souple, plus adapté aux besoins d'urgence, d'intervention rapide, mais qui permettrait une fois tous les cinq ans, six ans, en tout cas à des étapes régulières, d'évaluer pour l'ensemble - j'ai proposé que ce soit pour toute une compagnie ou même une région - comment on veut intervenir, avec quels produits et de quelle façon... Il me semble qu'une fois qu'on se sera entendu, cela ne vous empêchera pas d'agir efficacement et rapidement et cela va protéger vos investissements. (21 h 15)

Ne convient-on pas que, dans le fond, il y a deux sortes d'urgences? Il y a les urgences actuelles pour lesquelles on pourrait peut-être s'entendre sur quelque chose de particulier. Vous avez à faire, par exemple, dans l'année qui vient, un certain nombre d'interventions, mais les interventions que vous allez faire dans un an, dans deux ans, dans trois ans, les situations d'urgence qui vont se présenter, à ce moment-là, si on peut établir, à l'occasion d'un mécanisme d'évaluation et d'examen, que, dans les prochaines années, lorsque vont se produire un certain nombre de ces situations-là, vous allez agir de telle ou telle façon, je ne vois pas comment vous pourriez soutenir, à ce moment-là, une fois que vous auriez eu le O.K. après ce processus-là, que vous n'auriez pas la capacité d'agir rapidement.

M. Bray: Je comprends mal votre allusion aux urgences actuelles. D'après moi, l'urgence actuelle, c'est d'avoir une politique d'utilisation des pesticides pertinente à la loi 150. Cela, pour moi, c'est une urgence actuelle.

Qu'est-ce qui va arriver avec l'utilisation des pesticides dans trois, quatre ou cinq ans? Il n'y a personne ici, aucun spécialiste qui puisse dire ce que sera l'urgence de l'utilisation de cela. Mais l'urgence, aujourd'hui, c'est de s'entendre sur le fait que cela nous prend des moyens d'action. Cela, c'est une chose.

M. Charbonneau: On est tous d'accord avec le fait que cela vous prend des moyens d'action. On est tous d'accord avec le fait qu'il faut que vous puissiez réagir rapidement. Pour prendre l'exemple dont on parlait plus tôt cet après-midi, on n'attendra pas que le cancer devienne gros comme cela. Si on peut l'attaquer à l'origine rapidement, efficacement et avec une contre-attaque suffisamment vigoureuse pour stopper ou enrayer le mal, eh bien, tant mieux! Sauf qu'il y a moyen de vous permettre d'avoir ces mécanismes ou cette souplesse d'intervention tout en conservant un mécanisme qui fasse qu'on puisse évaluer les impacts environnementaux et les

impacts sur la santé publique, qui peuvent varier d'un coin à l'autre selon l'utilisation que vous allez faire.

M. Bray: Je suis obligé de vous ramener à la comparaison de la protection contre le feu. S'il fallait, parce qu'un feu se déclare, qu'on laisse aller le feu pour savoir jusqu'où il va aller, pour savoir quel impact il va avoir sur l'ensemble de la population...

M. Charbonneau: D'accord. Mais, là, attendez une minute!

M. Bray: Mais c'est cela. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau: Non, non, non. Ce n'est pas cela.

M. Bray: Mais, c'est cela.

M. Charbonneau: Non, non, non. Ne "charriez" pas, là. Ce n'est pas ce qu'on dit.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Même l'option 1 ne prévoit pas cela. Actuellement, si c'est plus de six ans, vous êtes obligé de vous soumettre à une étude d'impact. On pourrait dire que cela, c'est l'exemple du feu, à condition que ce soit déjà un gros feu. Mais, là, ce n'est pas cela. On fait une évaluation pour les cinq ou six prochaines années et, une fois que cela est fait, vous avez la marge de manoeuvre qui vous permet d'intervenir quand le feu va se déclarer dans deux ans. Et là, dans deux ans, on ne vous imposera pas d'avoir une nouvelle audience publique et d'attendre que l'incendie affecte les trois quarts du territoire en question. On se comprend bien, la?

Il me semble qu'il y a une nuance.

M. Bray: II faut se répéter, parce que... M. Charbonneau: Oui, oui.

M. Bray: ...l'urgence de la situation ne se prévoit pas. L'urgence de la situation survient au moment où l'on constate par toutes les observations qu'on fait en forêt qu'il y a...

M. Charbonneau: D'accord.

M. Bray: ...urgence de procéder immédiatement.

M. Charbonneau: Très bien.

M. Bray: On ne peut pas faire...

M. Charbonneau: Attendez! Si vous dites cela, ce que vous dites, c'est, avec l'option 2, que vous ne pouvez pas prévoir l'urgence. On est bien d'accord. Mais vous dites: Quand l'urgence va arriver, avec l'option 2, on sait d'avance qu'on va pouvoir utiliser tel ou tel produit, parce qu'on va avoir un O.K.

La différence, c'est que l'option 1, modifiée selon les suggestions qu'on propose, vous permettrait de faire la même chose mais, au préalable, il y aurait eu approbation des plans d'intervention que vous entendez suivre à cet égard-là et le public aurait pu réagir aussi.

M. Bray: Nous ne croyons pas que l'option

I nous permettrait d'agir de cette façon-là avec autant de diligence qu'on peut agir dans d'autres circonstances, comme le feu. Ce n'est pas...

M. Charbonneau: Bien, écoutez. Moi, la seule chose que je...

M. Bray: L'expérience le démontre dans tous les cas. Écoutez! dans le cas, surtout, précisément de la tordeuse.

M. Charbonneau: Faisons l'hypothèse que, dans trois mois ou dans six mois, on ait une audience publique qui concerne votre entreprise. Vous nous soumettez la façon dont vous entendez intervenir dans les cinq prochaines années, et qu'à l'issue...

M. Bray: Non, le problème est imméditat, monsieur, il est immédiat. Il faut agir maintenant.

M. Charbonneau: II faut agir maintenant pour des...

M. Bray: Dans trois mois, on découvre cela.

IIfaut agir maintenant.

M. Charbonneau: C'est ce que je vous disais tantôt. Il y a donc deux types d'urgences. Il y a celles qui vont se produire dans deux ans, dans trois ans, dans quatre ans, et il y a celles qui existent actuellement. Moi, je dis: À la limite, pour les mois ou l'année qui viennent, avant, autrement dit, que l'audience publique, que l'évaluation de l'étude d'impact ait été faite, il pourrait y avoir une clause particulière qui permettrait une utilisation ou une intervention pour atteindre l'objectif de l'efficacité. Pour le reste, il y aurait ce processus d'évaluation. Une fois que ce processus aurait été accompli, vous seriez dans la situation de pouvoir, là aussi, réagir rapidement parce que vous auriez les autorisations pour les cinq ou six prochaines années.

M. Bray: M. Charbonneau, on doit se référer aux expériences déjà vécues dans ce sens-là au Québec, alors que nous avions besoin

d'interventions rapides, et le processus que vous mentionnez n'a pas permis de faire cela. Au moment où on a voulu faire ces choses-là, on s'est ramassé... trop tard.

M. Charbonneau: D'accord, je comprends ce que vous dites. Mais, ce que j'essaie de vous faire remarquer, c'est que si on distinguait entre la situation actuelle, les besoins actuels que vous avez et les besoins futurs, mais dans un avenir pas tellement lointain, dans les prochaines années, et qu'entre les deux on mettait un mécanisme qui serait une évaluation pour ce qui va se faire dans l'avenir, il me semble que ce serait un compromis acceptable. Cela veut dire que dans l'année qui vient, avant l'étude d'impact et l'évaluation publique, l'entreprise pourra être autorisée à utiliser tel type de mécanisme d'intervention et, pour ce qui viendrait après, finalement, vous auriez eu l'autorisation à la suite de l'étude d'impact. Il me semble que ce serait un compromis qui vous permettrait d'agir maintenant, d'agir rapidement après aussi et entre-temps nous aurions préservé l'acquis que constituent pour le public l'étude d'impact et les évaluations. Mon collègue me fait remarquer que, finalement, la forêt est une forêt publique. Cela leur appartient aussi.

M. Bray: Bon. Ce processus ne nous garantit d'aucune façon que nous pourrions vraiment utiliser des moyens concrets d'action rapide.

M. Charbonneau: Pourquoi? M. Bray: Pour une chose. M. Charbonneau: Pourquoi?

M. Bray: II faut être garant du passé d'une certaine façon.

M. Charbonneau: Mais, là, on ne vous propose pas ce qui se faisait dans le passé.

M. Bray: Ce dont on a besoin, dans l'immédiat, pour signer des conventions et pour signer des contrats d'approvisionnement, c'est d'avoir ces outils immédiatement et non pas dans un processus qui, peut-être, nous les donnera au cours de l'exécution du contrat. Si ce moyen-là n'existe pas à la signature, nous sommes totalement dans l'inconnu quant à l'atteinte des objectifs d'aménagement. Votre système, votre proposition veut que nous nous présentions à nouveau au cours de l'exécution du contrat. Alors, c'est comme signer une espèce de contrat...

M. Charbonneau: Mais vous les signez pour combien de temps, vos contrats? Vous les signez pour combien de temps, vos contrats?

M. Bray: 25 ans.

M. Charbonneau: Bon.

M. Bray: Avec renouvellement aux cinq ans.

M. Charbonneau: Mais, une fois à chaque renouvellement, est-ce que c'est trop demander que de présenter...

M. Bray: Oui, c'est trop. Oui, c'est trop.

M. Charbonneau: Cela veut dire que vous devriez avoir le "go" pour les 25 prochaines années et qu'on ne vous pose pas de question.

M. Bray: Pas nécessairement. On dit que tout cela est quand même géré par le biais des permis d'intervention prévus par la loi 150. On n'agit pas en forêt à qui mieux mieux. On agit selon les permis d'intervention. Alors, la politique de l'utilisation de pesticides viendrait par le biais de l'émission des permis d'intervention. Tout cela serait contrôlé par le processus de la loi 150 et en collaboration avec les gens du ministère de l'Environnement.

M. Charbonneau: II me semble que le temps est écoulé. On continuera avec vos collègues de la prochaine entreprise.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Verchères.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, vous lui avez donné trop de temps.

Le Président (M. Saint-Roch): Non, j'ai respecté le temps de chacune des formations, M. le ministre, avec 10 minutes pour chacun des côtés, tel que l'entente a été établie.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. Lincoln a pris tout le temps? M. Lincoln a pris tout le temps? Ah! non, cela ne marche pas.

M. Lincoln: Moi, je te donnerai tout le temps après.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, oui. Tout le temps après, il n'en reste plus. Voyons donc!

M. Charbonneau: II fait pitié, M. le Président, vous pourriez lui donner cinq minutes?

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre, je vais vous reconnaître pour une question.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Comment, une question? Je veux seulement dire des choses. Je remercie l'Opposition. L'Opposition semble vouloir

nous diriger sur une forme améliorée de la ormule 1 du scénario 2, n'est-ce pas, sur les deux scénarios. Puisse cette commission faire en sorte qu'on arrive avec une proposition qui nous fera atteindre les objectifs prévus.

Je dois informer l'assemblée de ce soir que je me suis engagé, à l'intérieur des contrats, à modifier la teneur des contrats si le scénario adopté, mettons, à la suite de la présente commission parlementaire, empêche l'atteinte des objectifs prévus pour la production et l'atteinte du rendement soutenu prévu aux contrats. J'aimerais rappeler qu'il n'est pas question d'éliminer l'évaluation des incidences environnementales ou de santé, la recherche et le développement de même que l'information. L'information à la population c'est important. Il n'est pas question d'éliminer cela. J'aimerais aussi qu'on cerne le débat correctement. Tout ce qu'on demande c'est d'alléger un peu la structure d'accueil des divers projets en matière d'utilisation des pesticides, en permettant aussi l'utilisation des pesticides qui ont été homologués. J'ai confiance et je ne pense pas qu'il y ait quelqu'un dans cette salle qui puisse mettre en doute le travail qui a été fait par les responsables de l'homologation des produits au fédéral. S'il y a quelqu'un qui a l'expertise en cette salle pour faire cela, qu'il se lève et qu'il me le dise. C'est facile d'affirmer des choses semblables, mais de là à les prouver c'est autre chose. Quand on parle de recherche scientifique, quand on parle de ces questions, c'est important qu'on s'y arrête. En plus, j'aimerais signaler que toutes les autres mesures contenues dans la Loi sur les pesticides et dans la Loi sur la qualité de l'environnement demeurent dans la planification des projets de pulvérisation des phytocides en milieu forestier et cette pulvérisation est effectuée de façon très rigoureuse. C'est pourquoi nous demandons une politique d'utilisation des pesticides pour que ce soit rigoureux, pour que ce soit sécuritaire, pour que ce soit fait de façon correcte. C'est le but de l'assemblée de ce soir, de la commission. Si on veut s'en aller n'importe comment, on va écouter n'importe qui, n'importe comment, n'importe quand. Il faut s'en remettre aux chercheurs, il faut s'en remettre aux gens qui connaissent la question. Je vous dis que les forestiers sont très sensibilisés aux questions environnementales, et j'en suis un. Je vous demande quand les B.t., les glyphosates ont été homologués par le gouvernement fédéral pour usage en forêt. Des évaluations périodiques ont été faites. Pourquoi remet-on tout cela en question d'un coup sec? Le droit à l'information, je suis pour, le respect de la Loi sur les pesticides, le respect de la qualité de l'environnement, de la santé, je suis pour complètement. Mais on ne peut affirmer gratuitement n'importe quoi, n'importe quand. Ce sont les commentaires que je voulais faire, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le ministre.

M. Charbonneau: Je voudrais juste réagir brièvement.

Le Président (M. Saint-Roch): Très brièvement, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Très brièvement parce qu'on lui a donné un petit "break" syndical, mais il faudrait peut-être qu'il comprenne que ses commentaires s'adressent autant a nous qu'à son collègue de l'Environnement, avec lequel on partage plusieurs points de vue. Je n'aimerais pas qu'on nous place dans la situation de chantage qui fart que, si on n'achète pas l'option 2, on ne sera pas capable de signer avec toutes les compagnies. On est prêt à faire un bout de chemin, on vous a suggéré des améliorations à l'option 1 qui rendraient l'affaire plus opérationnelle. Si le résultat de la commission fait en sorte que le gouvernement arrive à trouver une solution qui soit plus acceptable au ministre de l'Environnement et satisfaisante aussi pour les entreprises, je pense que tout le monde va être satisfait. C'est l'objectif de l'exercice, sauf que c'est clair qu'il y a les produits, mais il y a leur usage. Le problème c'est que leur usage varie d'un endroit à l'autre. On ne les utilise pas toujours de la même façon.

L'homologation dont on a fait part - je sais que le ministre n'était pas toujours là, ce n'est pas un reproche que je lui fais - depuis ce matin on a vu qu'il y a des organismes sérieux qui mettent en cause la façon dont l'homologation des produits est faite. Je ne suis pas un expert mais il peut demander à son collègue qui a cité des organismes sérieux...

Le Président (M. Saint-Roch): En conclusion, M. le député de Verchères. Je vous remercie, M. le député de Verchères. Je tiendrais à remercier les représentants de la Papeterie Reed Itée pour leur apport aux travaux de cette commission. Je vous remercie, messieurs. Je demanderais maintenant aux représentants de la compagnie Consolidated-Bathurst inc. de prendre place, s'il vous plaît.

Pendant que ces représentants prennent place, j'aimerais rappeler aux membres de la commission que les intervenants ont dix minutes pour présenter leur mémoire et qu'il y a dix minutes de chaque côté de cette table pour les interventions. (21 h 30)

À l'ordre, s'il vous plaît!

Dans un premier temps, permettez-moi de souhaiter la bienvenue aux représentants de la Consolidated-Bathurst inc. Pendant qu'on s'installe, pour essayer d'épargner quelques instants, je demanderais au représentant, au porte-parole de bien vouloir s'identifier et d'identifier aussi les membres qui l'accompagnent, pour le bénéfice des membres de la commission.

Consolidated-Bathurst inc.

M. Dufresne (Guy): M. le Président, mon nom est Guy Dufresne. Je suis le premier vice-président de Groupe pâtes et papiers en Amérique du Nord pour Consolidated-Bathurst. À ma gauche, c'est Jean Paquet, notre chef forestier, et à sa gauche, Max Cater, en charge de notre division maritime dont une partie est au Québec et une partie au Nouveau-Brunswick.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Dufresne.

M. Dufresne: M. le Président, on nous a dit que tout cela allait s'installer très rapidement.

Une voix: Qui a dit cela?

M. Dufresne: Les membres de la commission. On ne se place pas le doigt entre l'arbre et l'écorce. Alors, M. le Président...

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne, je vous cède maintenant la parole.

M. Dufresne: ...pour compléter et éviter les duplications, nous avons pensé comme compagnie vous présenter des exemples concrets de ce dont on a discuté avec l'Association des industries forestières et illustrer des points qui ont été mentionnés cet après-midi. Alors, je demanderais à M. Jean Paquet de faire la présentation de ces points-là.

M. Paquet (Jean): Merci, M. Dufresne.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Dufresne. M. Paquet.

M. Paquet: M. le Président, M. le ministre, membres de cette commission, nous voudrions aujourd'hui par la présentation de ce mémoire appuyer la position défendue par l'Association des industries forestières du Québec ainsi que celle qui vous sera plus tard présentée par l'ACPPP.

Nous croyons en effet que l'utilisation des pesticides en milieu forestier est essentielle si le Québec désire que l'industrie atteigne les objectifs de production forestière requis pour maintenir l'activité économique de ce secteur. Étant donné le peu de temps alloué à cette présentation, vous nous permettrez de ne retenir présentement que trois points sur lesquels nous désirons attirer tout particulièrement votre attention.

En premier, nous aimerions souligner l'impact économique de la dernière épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette dans un territoire d'approvisionnement, soit le territoire de notre usine de sciage de Saint-Fulgence. C'est le territoire avec le petit point noir au centre dans le Saguenay. Ce territoire situé au Saguenay, d'une superficie de 241 000 hectares, a été fortement dévasté. Ainsi, dans sa portion sud, la mortalité varie de 50 % à 100 %, alors que dans sa portion nord la mortalité, un peu plus faible, a atteint parfois 50 %. Dans ce territoire, une très faible superficie a été protégée.

La politique de protection approuvée par le Bureau des audiences publiques sur l'environnement ayant été appliquée, seulement les aires pouvant faire l'objet d'une récolte à moyen terme ont été protégées. Malgré nos efforts de récupération des bois affectés, des simulations récentes sur la base des meilleures données disponibles démontrent que les pertes dans ce territoire sont de l'ordre de 1 600 000 mètres cubes de bois sur pied. Une telle perte équivaut à une baisse de possibilité de près de 50 000 mètres cubes par an. Nos estimations nous permettent de conclure que malgré l'envergure des travaux sylvicoles prévus, nous ne pouvons plus satisfaire aux besoins de notre usine, soit les besoins de 300 000 mètres cubes par an. Nous subirons donc à la fois une augmentation des coûts sylvicoles et une diminution importante de l'activité économique de cette usine, à moins d'un agrandissement de la base territoriale.

Notre point 2 touche l'infestation de la mouche à scie du pin gris. Lors des inventaires des dommages aériens causés par la tordeuse des bourgeons de l'épinette durant l'été 1981, le MER identifia un peuplement de pin gris infesté par la mouche à scie dans le secteur du lac Cousacouta dans le Saint-Maurice. En même temps, le Service canadien des forêts notait une infestation au Lac-aux-lroquois dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Un relevé des populations de l'insecte et des dommages causés, réalisé à l'été 1982, révéla une progression rapide de l'épidémie. Dans le Saint-Maurice, région qui nous intéressait particulièrement, les aires infestées de modérément à sévèrement totalisaient 2300 hectares. Au Saguenay, l'épidémie affectait quelque 550 hectares.

Nos forestiers ayant visité ces secteurs rapportèrent aussi cette infestation et nous demandions dès lors au MER de traiter ces superficies afin de limiter les dommages qui risquaient de s'étendre à l'ensemble des peuplements de pin gris, soit 2900 hectares au Saint-Maurice et 28 000 hectares au Lac-Saint-Jean.

Le B.t. ne pouvant pas être utilisé, un programme expérimental par le MER à l'aide du fénitrothion fut développé sur 2900 hectares. Un permis fut aussi demandé pour le Lac-Saint-Jean. Le MENVIQ refusa toutefois vu l'ampleur des terrains à protéger. L'arrosage ne fut donc fait que dans l'aire expérimentale et il permit un contrôle total, la mortalité larvaire atteignit 100 %.

Dès 1983, les superficies totales endommagées dans le secteur du Lac-Saint-Jean passèrent à 47 000 hectares démontrant une

sous-estimation de la vigueur de l'infestation et des dommages anticipés.

Finalement, en août 1983, vu les pertes subites et la situation de catastrophe appréhendée, le MENVIQ accorda au MER un permis d'arrosage pour l'ensemble des territoires, tant dans le Saint-Maurice qu'au Lac-Saint-Jean. Le traitement fut une réussite totale permettant de contrôler l'ensemble de l'infestation.

Une voix: M. Dufresne.

M. Dufresne: Je voudrais seulement interrompre la présentation pour 30 secondes pour dire qu'ici on a utilisé 80 fois plus de pesticides parce que le programme, le temps qu'on fasse tout le cheminement... Et c'est le point qu'on essayait de prouver, l'importance de traiter un cancer quand il est petit. On revient à la présentation.

M. Paquet: Pour nous, une stratégie de lutte contre l'insecte ravageur des forêts doit comporter quatre éléments principaux: la localisation des peuplements vulnérables aux insectes, ce qui se fera dans le cadre des plans d'aménagement; l'utilisation de tous les moyens requis pour une détectation rapide des foyers d'infestation; une attaque rapide avec le produit jugé le plus efficace et, finalement, le suivi continu de l'évolution des populations lors des infestations.

Notre troisième point concerne l'utilisation des herbicides. Au Nouveau-Brunswick, nous sommes responsables de la gestion forestière d'un territoire forestier depuis 1983. Le modèle de gestion y est très similaire à celui que nous appliquerons bientôt dans nos forêts au Québec. Pour protéger la régénération ou les plantations contre la végétation compétitrice, nous localisons chaque année les aires propres à être arrosées. C'est la compagnie Forest Protection Limited qui fait l'arrosage en respectant des normes concernant les critères climatiques et environnementaux.

Depuis 1983, comme l'indiquent nos statistiques, moins d'un demi de 1 % sous aménagement a été traité annuellement. Bon an mal an, cela représente environ le tiers des superficies récoltées annuellement. Les besoins au Québec, nous le croyons, seront probablement du même ordre. Il est donc certain que les herbicides sont essentiels au Québec. Ainsi, une analyse récente de la régénération naturelle dans le Saint-Maurice démontre que le stocking en résineux après coupe est satisfaisant tant dans les pinèdes, les pessières que les sapinières. Toutefois, la compétition naturelle est si forte qu'en moins de cinq ans, le stocking libre de croître ne suffit même pas à maintenir le couvert, condition prérequise à toute récolte dans le nouveau régime forestier.

Pour augmenter le rendement de nos forêts, nous devrons faire mieux que cela, maintenir un stocking à au moins 60 % en moyenne. À notre avis, cela ne sera possible que si on peut combattre la compétition par des moyens chimiques efficaces. Nos expériences mécaniques, tant à la scie circulaire qu'à l'Hydro-Axe, démontrent l'inefficacité de tels traitements.

Ici, je retourne directement à notre document, où vous avez les photographies qui montrent différents aspects entre le traitement mécanique et le traitement chimique. Je voudrais rappeler deux principes. Dans l'aménagement de nos terrains en face des maisons, on nous dit: Coupez vos haies si vous voulez qu'elles soient fortes. En agriculture, on nous dit: Coupez le framboisier si vous voulez avoir des belles framboises. Notre stratégie de lutte contre la végétation compétitrice est donc assez simple: un choix adéquat sur une base biophysique des aires où l'on peut augmenter le rendement; assurer un suivi continu de l'évolution de la végétation compétitrice à la suite de l'établissement d'une plantation de peuplement naturel; dès que la compétition dépasse un seuil tolerable, décider des moyens appropriés de lutte, considérant les contraintes environnementales pour finalement lutter contre la compétition.

En conclusion, nous désirons réaffirmer que nous sommes convaincus que les pesticides sont essentiels pour maintenir les forêts dans un état phytosanitaire adéquat, mais qu'ils doivent être utilisés avec précaution; que le B.t. est un bon insecticide, mais insuffisant pour lutter contre certains insectes sur lesquels il n'a aucun effet; que, pour les deux produits jugés sécuritaires, soit le B.t. et le glyphosate, le permis d'épandage soit délivré sans minima sur l'étendue des superficies; que l'on définisse des règles précises mais simples pour l'utilisation, règles auxquelles nous serons heureux d'adhérer; que l'on permette l'attaque d'une infestation dès sa détection, sans attendre des dégâts sévères, avec le produit le plus efficace; enfin, que l'on favorise la recherche et le développement de techniques, de méthodes ou de nouveaux produits qui pourraient être plus efficaces.

Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: Non, en équité, j'ai pris le temps de mon collègue tout à l'heure, je vais lui laisser la chance de poser des questions.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est gentil, merci à mon collègue. M. le Président, il faut distinguer des choses dans tout le processus d'utilisation des phytocides et des insecticides, c'est sûr. Il faut distinguer aussi une bonne information de la population, une information qui ne cache rien, qui dit exactement ce qui va se passer et de quelle façon cela va se faire et

quelles sont les précautions à prendre. Je crois à une politique d'utilisation qui va inclure toutes ces données, également pour les opérateurs comme pour la population. Vous avez une expérience un peu spéciale au Nouveau-Brunswick. Quelle est la procédure au Nouveau-Brunswick pour vous autoriser à utiliser des phytocides? Est-ce qu'au Nouveau-Brunswick vous avez des problèmes à utiliser le glyphosate et le B.t., que des experts considèrent ici comme des produits sécuritaires lorsque bien utilisés? La dynamite est un produit sécuritaire lorsqu'elle est bien utilisée, c'est bien sûr. Il y a d'autres produits comme cela. Je ne passerais pas de dynamite à un enfant de dix ou douze ans qui ne connaît pas cela, qui jouerait avec cela et qui s'en irait. Mais, quand c'est bien fait, je pense qu'il n'y a pas de problème à le faire. On utilise cela pour le mieux-être, pour essayer de bâtir, de faire des choses, pour essayer de protéger notre avenir. Mais, au Nouveau-Brunswick, comment procédez-vous, étant donné que vous avez une vaste expérience dans cette province?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Cater. (21 h 45)

M. Cater (Max): Merci, M. le ministre M. le Président, au Nouveau-Brunswick, en 1988, on va arroser quelque chose comme 450 000 hectares. 50 % vont être arrosés avec le fénitrothion et les autres 50 % avec le B.t. Comme vous êtes au courant, au Nouveau-Brunswick, depuis plusieurs années on a arrosé avec les produits chimiques comme matacil, fénitrothion. On avait des études de faites sur plusieurs années par les experts distingués d'Halifax, de l'Université Dalhousie, et aussi de Montréal, pour essayer de faire un lien, si vous voulez, avec les maladies "arise", et d'autres maladies. Le mythe a été détruit complètement par les experts. La population du Nouveau-Brunswick est probablement plus concernée par le choix que nous avons fait au Nouveau-Brunswick, parce que 47 % de tout l'argent généré dans la province du Nouveau-Brunswick vient de l'industrie des pâtes et papiers et des scieries. En ce qui concerne la sécurité des produits chimiques, par exemple, les aires d'arrosage des phytocides et des insecticides sont annoncées dans les journaux presque à chaque jour, à chaque fois qu'il y a un arrosage. Même un arrosage de B.t. ou de fénitrothion est affiché dans les journaux. Les insecticides B.t. sont arrosés sur les terrains privés en particulier et les produits chimiques sont arrosés dans certaines provinces loin des populations.

Je peux dire aussi que, dans nos plans quinquennaux, les applications de phytocides sont prévues, sont bien planifiées. Il y a un comité composé de représentants de chaque concession forestière, du gouvernement, des Ressources naturelles et du CFS. C'est un comité qui se réunit plusieurs fois par année. En hiver, ils prennent des sondages concernant la tordeuse et une planification de l'arrosage de la tordeuse des bourgeons de l'épinette est faite l'hiver précédent. Ce n'est pas mentionné dans le plan quinquennal.

Je peux dire aussi, en terminant, qu'en 1982 on a commencé la politique forestière au Nouveau-Brunswick, pas en 1983 comme Jean l'a mentionné. Les politiciens, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a fait un "commitment" que les forêts résineuses du Nouveau-Brunswick seraient protégées. Le gouvernement libéral a confirmé le même "commitment" dernièrement. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Cater.

M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous nous dites que, du côté des arrosages concernant les insectes, l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette, vous ne pouvez pas prévoir cela, tandis que, du côté des phytocides pour éliminer la végétation concurrente, vous pouvez le faire. C'est ce que vous faites dans vos plans d'aménagement qui sont soumis au gouvernement.

Une voix: Oui.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Parce que vous prévoyez que vous allez faire du reboisement, vous prévoyez que vous allez protéger la régénération naturelle, sauf que, quand arrivent les insectes, c'est difficile à prévoir. Qu'est-ce que vous faites?

M. Cater: On a le comité qui fait des études régulièrement pendant l'année et les décisions sont prises durant l'hiver pour l'arrosage l'année qui vient.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que vos interventions ont donné les résultats escomptés, ou avez-vous tout simplement manqué votre coup, ou avez-vous atteint vos objectifs, quant à la protection de la forêt, de la garder verte pour plusieurs raisons? Est-ce que vos objectifs ont été atteints de cette façon-là ou si vous auriez pu les retarder pour faire une espèce d'audience, de consultation, mais sans négliger pour cela l'information qui est absolument nécessaire, à mon avis?

M. Cater: On avait des audiences publiques, probablement à chaque deux ou trois ans, mais aujourd'hui, il y a de moins en moins de personnes qui assistent à ces audiences. Les résultats de nos efforts au Nouveau-Brunswick... Comme vous êtes au courant, la province du Nouveau-Brunswick a dix usines de pâtes et papiers et une centaine de scieries et l'approvisionnement, la disponibilité de bois résineux est très serrée. On doit suivre les règlements dans les manuels d'aménagement ou...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que vos manuels d'aménagement sont connus du public également?

M. Cater: Oui, ce sont des documents publics.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Qui peuvent être consultés et, avant qu'ils soient approuvés par le gouvernement, le public peut faire des commentaires ou des suggestions?

M. Cater: Oui.

M. Côté (Rivière-du-Loup): II me reste deux minutes, je vais passer la parole à mon collègue.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, concernant le problème de l'information, je pense que le ministre de l'Environnement l'a bien dit tantôt, l'information c'est une chose. La capacité du public d'utiliser cette information, de l'évaluer, de la contester et de réagir face à elle, c'en est une autre. On ne règle pas le problème en disant aux gens: On vous donne toute l'information que vous voulez, on vous avertit etc. Sauf que, si les gens ne sont pas en mesure d'influencer les agissements, les comportements ou les décisions, c'est bien gentil de les informer, mais cela ne change rien.

Je voudrais revenir sur une question, sur un point qu'on a déjà abordé avec d'autres associations, en fait, puis d'autres entreprises. Vos territoires d'opération, vous les connaissez, ils sont connus. Les produits que vous voulez utiliser, ils sont connus. Les maladies et les insectes qui sont menaçants sont connus. C'est quoi, le problème de faire le point une fois tous les cinq ou six ans, publiquement, sur comment vous allez utiliser ces produits-là s'il survient des situations dans les territoires que vous contrôlez et que vous connaissez déjà?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.

M. Dufresne: Je pense que la question est un peu différente des présentations précédentes. Comment on va les utiliser, on en a parlé. Ce sont des méthodes qu'on veut pouvoir utiliser. On vous a dit comment on allait les utiliser. Le dosage, c'est connu, un peu comme les médicaments. Aller au public, informer le public, on n'est pas contre cela. Au contraire, je pense que c'est bon et cela permet de contrôler et de garder tout le monde, disons, dans la bonne voie. On peut le faire, mais l'importance c'est de le faire dans le bon temps. On vous a donné des exemples concrets qu'en prenant tout ce temps-là on utilise 80 fois plus d'insecticides pour réduire une épidémie. Ce qu'on vous dit, ce n'est pas qu'on ne veut pas aller au public, c'est qu'il faut faire cette urgence-là. Qu'on fasse le bilan après, puis d'année en année. Comme l'expérience qui a été mentionnée par M. Cater, au Nouveau-Brunswick, les gens vont avoir confiance, ils vont savoir ce qu'on fait. Comme on fait le bilan des compagnies avec nos actionnaires, on le fait tous les ans.

M. Charbonneau: Je vous arrête parce que...

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Le faire dans le bon temps, on ne se comprend pas. Je suis bien conscient qu'il ne faut pas aller en audiences publiques à tous les six mois, à chaque fois que vous allez faire un arrosage. Mais, entre cela puis ne pas faire d'audiences publiques du tout, il me semble qu'il y a une marge. La solution 1 qui est proposée, c'est de faire, à tous les cinq ans, une espèce de superévaluation pour tout le Québec de tout ce qui va se faire en termes d'utilisation des pesticides. Le problème, c'est que cela fait gros pas mal puis on ne s'y retrouvera peut-être pas. Mais, sur la base d'une compagnie à la fois ou sur la base d'un territoire ou d'une région, jamais je ne croirai que, si on fait le point une fois par la suite, vous n'aurez pas toute la latitude d'intervenir parce que vous allez avoir eu les autorisations et les garanties. Quel est le problème?

M. Dufresne: On ne veut pas avoir toute la latitude pour faire n'importe quoi. Ce n'est pas cela, le problème. Le problème, c'est qu'on définit un certain cadre. On veut augmenter la récolte de 40 % dans la province parce qu'on manque de bois. On signe des engagements de ce côté et on veut avoir les outils nécessaires. Ce ne sont pas des outils en catimini qu'on veut utiliser. On veut les utiliser selon les prescriptions dans un plan qui est public...

M. Charbonneau: Bon, le plan...

M. Dufresne: ...quitte à aller faire un bilan. Je ne vois pas où est le problème.

M. Charbonneau: Moi non plus. Je ne vois pas pourquoi le fait de soumettre le plan à la discussion publique une fois tous les cinq ou six ans vous créerait les embêtements dont vous nous parlez, surtout si on ajoutait à cette hypothèse de travail ou à cette solution la capacité d'intervenir maintenant jusqu'à ce que l'audience publique ait amené des conclusions. Autrement dit, il y aurait deux espèces de mécanismes, un mécanisme à partir de maintenant jusqu'à ce que l'audience publique intervienne pour des utilisations d'urgence, en fonction de ce

qu'on parlait et, entre-temps, il y a le mécanisme d'intervention d'analyse publique du plan que vous avez en tête et que vous prévoyez faire. Une fois que cela est fait, vous avez la latitude de faire, pas tout ce que vous voulez, mais ce que vous avez indiqué que vous feriez et qui a été autorisé dans le plan. Je vais vous dire une affaire: Je ne trouve pas cela tellement dramatique et je ne vois pas pourquoi cela vous empêcherait d'avoir toutes les garanties et la marge de manoeuvre dont vous avez besoin.

M. Dufresne: M. le Président, si je peux poser une question: Qu'est-ce qu'ils vont faire avec l'audience publique? Qu'est-ce qu'ils vont décider? Remettre en question la loi 150 que les deux partis ont votée unanimement? On veut avoir une forêt et on veut en avoir 40 % de plus.

M. Charbonneau: C'est-à-dire que si... Je vais vous répondre, on va jouer le jeu. Si, à l'occasion de ces audiences publiques, l'organisme chargé de faire des audiences publiques en arrive à la conclusion que les prévisions ou les plans d'intervention que vous avez pour les années qui viennent comportent des failles, des oublis ou des lacunes, ou encore comportent des risques particuliers, il sera en mesure de vous faire un certain nombre de recommandations qui vous amèneraient à adapter, à modifier le plan en question pour tenir compte de ces problèmes.

M. Dufresne: C'est le rôle du ministre délégué aux Forêts et du ministre de l'Environnement de regarder à ce que la loi 150 soit bien appliquée. C'est au ministre de l'Environnement. On a cité aussi le ministre délégué aux Forêts. On a vu aussi que le ministre de l'Environnement a un rôle très important à jouer. On ne nie pas ces choses. Mais est-ce qu'on va remettre en question, tous les cinq ans, le plan d'ensemble? Cela se fait une fois tous les 75 ans dans toutes les provinces, où on s'en va, où on veut aller. Cela prend 50 ans avant de faire pousser un arbre. Alors, il ne faut pas changer le plan tous les cinq ans parce qu'à ce moment-là on ne peut pas planifier.

M. Charbonneau: Attendez...

M. Dufresne: Mais c'est ce que vous venez de me dire. Si cela ne marche pas, on va l'améliorer.

M. Charbonneau: Non, non. Il y a une différence entre changer le plan d'intervention d'une entreprise forestière et changer à des moments donnés parce que les connaissances ont été modifiées, parce que les évaluations d'impact sur l'environnement nous ont amenés à tenir compte d'un certain nombre de choses dont on n'avait pas tenu compte quelques années auparavant.

M. Dufresne: Oui, mais on va...

M. Charbonneau: II ne faut pas confondre entre le plan de coupe et la stratégie de planification forestière et d'exploitation pour les 50 prochaines années et, finalement, la planification de l'utilisation d'un certain nombre de produits chimiques qui, il y a quelques années, ne s'avéraient pas dangereux et dont, à des moments donnés, on découvre qu'ils sont plus dangereux.

M. Dufresne: Mais là, vous ne parlez pas de la même chose.

M. Charbonneau: Oui, on parle de cela. Écoutez, c'est seulement de cela qu'on parle.

M. Dufresne: Non, vous pariez de l'homologation et, s'il y a des changements de ce côté, on l'a dit, comme compagnie, comme industrie, si on juge - et cela n'a pas été prouvé parce qu'on a le meilleur système d'homologation au monde - si on trouve qu'un produit est dangereux, à ce moment-là, vous avez des faits nouveaux. Mais c'est l'exception et cela n'a pas encore été prouvé.

M. Charbonneau: On est revenu à plusieurs reprises sur cela. Ce n'est pas juste le produit. D'ailleurs, si on prend le 2,4-D, il était homologué et finalement, le BAPE en est arrivé à la conclusion qu'il était dangereux. Remarquez qu'Hydro-Québec dit qu'il ne l'est pas, mais vous avez un organisme qui a conclu que...

M. Dufresne: Mais qui vous a donné... On va revenir sur ce produit. D'où sont vos sources que le 2,4-D n'est pas bon? J'aimerais avoir les sources scientifiques.

M. Charbonneau: II y a eu un rapport du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Ce n'est pas moi qui l'ai sorti. C'est le BAPE. À moins que vous ne me disiez que le BAPE s'est complètement trompé, ce que d'ailleurs HydroQuébec a dit ce matin. Mais, chacun a le droit à sa théorie, sauf que vous vous rendez compte que, quand organisme comme le BAPE, dans l'opinion publique, dit que tel produit est dangereux et qu'une entreprise publique ou privée ou qu'une société d'État, dit que ses recherches à elle en arrivent à des conclusions différentes, le public dans cela dit: Qui a raison? (22 heures)

M. Dufresne: Qu'un organisme fédéral qui a tout...

M. Charbonneau: Ce n'est pas une garantie parce qu'il est fédéral.

M. Dufresne: Non, non. Ce n'est pas une garantie, mais, s'il a la réputation d'être un des meilleurs au monde, s'il a quand même fait

plusieurs expertises, je pense qu'on peut au moins se fier à cela. Sans cela, on peut tout remettre en question. On a un système qui semble fonctionner, qui est bon, qui est reconnu à travers le monde comme étant un des meilleurs, et vous me dites: Celui-là n'est pas là. À ce moment, on joue sur un autre terrain.

M. Charbonneau: Ce n'est pas cela que je dis. Vous êtes pas mal habile. Mais moi aussi, par exemple. Malheureusement, on n'a pas grand temps. Heureusement qu'on a fait le nécessaire pour que les cinq compagnies puissent venir. C'est une "p'tite vite" en passant.

Des voix:...

M. Charbonneau: C'est vrai. Cela vous a aidé. Je reviens à l'idée parce que j'ai l'impression qu'il y a quelque chose que vous n'arrivez pas à saisir. J'ai beaucoup de difficulté à comprendre comment vous pensez que cela va vous créer des problèmes si on arrivait avec un mécanisme qui vous permettrait, jusqu'à ce qu'une audience publique et une étude d'impact aient été faites, d'intervenir rapidement dans des cas d'urgence et que, par la suite, vous puissiez faire le point publiquement sur vos intentions d'utilisation. Considérant aussi que ce n'est pas tout que les produits soient homologués. L'usage qu'on fait de ces produits varie d'un endroit à un autre. Les terrains où on les utilise...

M. Dufresne: Non. Cela ne varie pas d'un endroit à l'autre. Quand un médecin donne de la pénicilline, il y a une prescription sur la bouteille, le dosage est fait pour les enfants de cinq à sept, après cela, de sept à neuf. C'est la même chose dans les produits chimiques. Il y a tel dosage pour tel secteur.

M. Charbonneau: Venez-vous de me dire que, dans ce cas, quand les études d'homologation sont faites, on tient compte de toutes les particularités des différents écosystèmes où ces médecines, où ces remèdes chimiques sont appliqués, dans le milieu naturel?

M. Dufresne: C'est certain que le dosage est reconnu et spécifié et c'est là qu'on dit que, comme industrie, il faudrait que ce soit bien surveillé, que les utilisateurs et les épandeurs de ces produits devraient être contrôlés de façon très stricte, comme on le fait en médecine, de façon à protéger l'ensemble de la société. Oui, de ce côté, on vous appuie à 300 %. Il faut le faire.

M. Charbonneau: Juste en conclusion, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): Très brièvement, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: En tout cas, il doit y avoir quelques problèmes avec le processus d'homologation pour que le Conseil canadien des ministres des Ressources et de l'Environnement décide de se pencher sur le problème et convienne que tout n'est pas aussi simple et aussi clair que cela dans ce processus. Je vais vous dire: Quand ils nous disent cela, nous autres, on est en droit aussi de se poser des questions.

M. Dufresne: M. Charbonneau, quand on a le meilleur système au monde et qu'on vise l'excellence, qu'on essaie encore de l'améliorer, je suis d'accord avec vous. Mais cela ne change pas que c'est un des meilleurs, sinon le meilleur, systèmes reconnus au monde. Pas par moi. Par des gens, des experts de ce côté.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Verchères. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Viger.

M. Maciocia: J'aurais seulement une question. Vous avez dit tantôt que vous n'étiez pas contre la consultation publique. Tout de suite après vous avez dit: Les consultations publiques, que vont-elles apporter de nouveau? Je ne vois pas la corrélation entre les deux. Dans un deuxième temps, une autre question, je vais vous la poser tout de suite, comme cela vous allez pouvoir répondre. Vous avez parlé aussi, à un moment donné, du bon temps. Cela veut dire quand?

M. Dufresne: On dit deux choses. La consultation du public peut se faire à plusieurs endroits, le temps de l'homologation pour voir ce qui se passe; le temps où on met nos plans de cinq ans pour aménager la forêt, c'est un autre temps. Le public a le droit d'avoir l'information aussi sur ce qu'on fait avec l'utilisation des herbicides, des insecticides, de savoir quand on fait un bilan. Je pense que c'est la meilleure façon de rendre compte au public de ce qu'on fait et on sera jugés, on est prêts à être jugés par cela. C'est quelque chose. Comme on le fait dans l'entreprise privée, à la fin on est jugé par les actionnaires d'après le bilan. Alors, c'est ce genre de point... On ne nie pas que le public ait droit à l'information, mais on ne veut pas remettre... On veut savoir les règles du jeu pour les prochains... La croissance d'un arbre s'étend sur 50, 75 ans. On nous dit qu'il faut dépenser au Québec 150 000 000 $. Cela va être plus près de 180 000 000 $ par année et on ne saura pas si la protection va se faire dans la forêt. Comment voulez-vous qu'on puisse continuer à faire vivre tous ces gens-là au Québec et à investir pour être compétitifs? Parce qu'il ne faut jamais arrêter d'investir pour être compétitif. Il faut qu'on sache les règles du jeu claires et nettes. Ne pas jouer avec la santé du public. Ne pas jouer avec l'information du public. Ce sont des acquis. Il faut le faire dans un

système qui fonctionne et de façon rationnelle. On vous a donné des exemples très clairs où cela ne s'était pas produit, pas par mauvaise volonté des gens, juste parce que le système ne permettait pas cela.

On arrive, comme l'industrie la plus grande au Québec et la plus grande au Canada, avec un plan rationnel qui a démontré, dans le cas du feu, des résultats que tous les pays du monde viennent voir. Là, on vous propose un plan comme cela, ici, et vous nous dites: Bien, peut-être que cela ne marchera pas. Faites donc confiance à une industrie qui est établie ici depuis au moins une centaine d'années, qui est très sérieuse et qui investit des centaines de millions pour montrer ce qu'elle veut. On n'a pas joué le public. On n'y a pas d'intérêt.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Dufresne. Je vous remercie, M. le député de Viger. Je remercie les représentants de la Consolidated-Bathurst inc. pour leur présentation à la commission de l'aménagement et des équipements.

Je demanderai maintenant aux représentants de la compagnie Abitibi-Price inc. de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais maintenant au représentant de la compagnie Abitibi-Price ainsi qu'aux gens qui l'accompagnent de bien vouloir s'identifier, s'il vous plaît, pour le bénéfice des membres de la commission.

Abitibi-Price Itée

M. Caron (Jean-Louis): Alors, mon nom est Jean-Louis Caron. Je suis direteur de la foresterie pour la compagnie Price Itée. À ma droite, M. Robert Haché, directeur général de l'exploitation forestière pour la compagnie Price et, à ma gauche, M. David Dallain, forestier divisionnaire pour la division de Beaupré.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Caron. Vous avez maintenant dix minutes pour présenter votre mémoire aux membres de la commission.

M. Caron: Alors, MM. les ministres, M. le Président et MM. les députés, nous remercions les membres de la commission de nous donner l'occasion de présenter la position adoptée par la compagnie Abitibi-Price en regard du projet de politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier.

Abitibi-Price est une importante société canadienne de produits forestiers qui exploite 34 installations de fabrication au Canada, aux États-Unis et bientôt au Venezuela. Premier fabricant de papier journal au monde, Abitibi-Price est aussi un important producteur de papiers de pâte mécanique, de papiers couchés, de matériaux de construction, d'enveloppes, de papiers à usage industriel et domestique. De plus, notre société est un important distributeur de papiers impression, de produits pour le bureau et de fourniture en papier. Elle emploie plus de 16 000 personnes et son chiffre d'affaires a atteint dernièrement les 3 000 000 000 $.

Au Canada, les opérations forestières de la compagnie sont réparties dans quatre provinces, soit le Manitoba, l'Ontario, le Québec et Terre-Neuve. Au Québec, Abitibi-Price opère, outre les usines de fabrication de produits spécialisés, toutes localisées en périphérie de Montréal, quatre usines de pâtes et papiers et une scierie, soit l'usine de pâtes et papiers d'Alma, l'usine de Kénogami, l'usine de Beaupré, l'usine de Chandler et, finalement, la scierie de Péribonka.

Concernant l'approvisionnement en fibres de ses usines au Canada, Abitibi-Price gère plus de 75 700 kilomètres carrés de territoire forestier dont 20 700 kilomètres carrés au Québec et ce, avant la mise en place du nouveau régime forestier. Presque la totalité de ses territoires au Canada est du domaine public. Cela, à notre avis, démontre l'importance de l'impact des politiques provinciales d'utilisation des pesticides sur l'atteinte des objectifs d'aménagement forestier de la compagnie dans quatre provinces canadiennes. Par exemple, Abitibi-Price traite annuellement, en Ontario surtout, près de 20 000 hectares de forêt avec des phytocides. Au Québec, notre société a des besoins en fibres de l'ordre de 2 700 000 mètres cubes, dont 1 900 000 en provenance des forêts publiques.

Le nouveau régime forestier et la signature de cinq contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestiers obligera notre compagnie à assumer des responsabilités accrues en matière d'aménagement forestier. Nous estimons que l'effort sylvicole s'étendra sur une superficie approximative de 18 000 hectares et pourrait représenter un investissement annuel de près de 5 000 000 $. Il est probable que l'on devra faire usage de phytocides chaque année sur une superficie approximative de 2500 hectares. On tient pour acquis que les secteurs aménagés seront en totalité protégés efficacement contre les insectes, advenant une épidémie.

Quels sont les outils indispensables en foresterie pour protéger efficacement les investissements en aménagement? À notre avis, les forestiers doivent posséder tous les outils disponibles pour pouvoir agir rapidement et efficacement lors de fléaux naturels tels le feu, les épidémies d'insectes, les maladies et pour contrer la végétation concurrente en plantation ou dans la régénération naturelle. Ces outils indispensables sont, d'une part, des moyens mécaniques utilisables en certaines circonstances et, d'autre part, des produits biologiques et chimiques homologués par les organismes fédéraux. Toutefois, pour être efficaces, ces produits doivent pouvoir être utilisés de façon sécuritaire, avec un maximum de flexibilité, tant par voie aérienne que terrestre.

Pour respecter ses engagements contractuels

envers le MER, pour atteindre ses objectifs de production et pour protéger ses investissements annuels en aménagement, chaque industriel forestier, dont Abitibi-Price, devra s'appuyer sur une politique d'utilisation des pesticides répondant totalement à ses besoins, sans entrave ni limitation injustifiée. En regard de l'usage des pesticides, la position d'Abitibi-Price est précisée dans sa politique d'aménagement forestier applicable au Canada. Je cite: "La protection de nos forêts contre les incendies, les insectes et la maladies est une condition préalable à l'élaboration d'un programme d'aménagement forestier efficace. Il est illogique d'investir dans l'avenir sans assurer cette protection. Abitibi-Price, conjointement avec les gouvernements provinciaux et les organismes de protection, accepte d'assumer la principale responsabilité de la prévention et de la lutte contre les incendies en forêt. Les pertes attribuables aux attaques massives d'insectes sont parfois plus importantes que celles qu'entraînerait un très grave incendie. L'entreprise appuie l'utilisation rationnelle d'insecticides autorisés par le gouvernement quand leur usage est essentiel. "L'entreprise estime que l'utilisation sécuritaire des herbicides autorisés par le gouvernement doit faire partie intégrante de l'aménagement forestier afin d'éliminer temporairement les feuillus pour favoriser la croissance des conifères et de contrôler la végétation concurrente dans les plantations." (22 h 15)

Abitibi-Price entend investir près de 15 000 000 $ par année en aménagement forestier au Canada, dont près de 5 000 000 $ au Québec. Pour la protection de la forêt contre le feu, Abitibi-Price considère efficace le système de protection en vigueur au Québec. Pour la protection contre les insectes, Abitibi-Price considère que le programme de protection mis en place à ce jour ne répondra pas nécessairement aux besoins dans l'avenir. Enfin, Abitibi-Price con-considère prioritaire que le système de protection contre les épidémies d'insectes soit conçu en vue de protéger rapidement et efficacement tous les secteurs forestiers où des investissements auront été consentis en aménagement. Ceci suppose une organisation qui puisse intervenir tant à l'échelle d'une région qu'à l'échelle d'une plantation, par exemple.

Abitibi-Price ne peut concevoir la protection des forêts sans une politique d'utilisation des pesticides qui autorise le maximum de produits homologués pour la foresterie. Ainsi, Abitibi-Price juge prioritaire que la protection contre les insectes soit aussi efficace que celle contre le feu lors de l'attaque initiale. Pour ce faire, par exemple, l'on dort pouvoir utiliser le fénitrothion sur les foyers d'infestation les plus intenses de la tordeuse en raison de son efficacité contre cet insecte, d'autant plus que ce produit est homologué et utilisé depuis plus de 20 ans et que son usage est considéré sans impact inacceptable sur l'environnement.

Concernant la lutte contre la végétation concurrente, Abitibi-Price doit pouvoir s'appuyer sur une politique d'utilisation des pesticides qui donnera à l'aménagiste le choix de procéder aux pulvérisations tant par voie aérienne que par voie terrestre en vue d'un maximum d'efficacité et de rentabilité. Notre compagnie, bien qu'elle exige un maximum de flexibilité dans l'usage des pesticides en foresterie, a pour politique d'utiliser rationnellement les pesticides autorisés en vue de minimiser l'impact de ces produits sur l'environnement, sur la santé et la sécurité du public et de ses employés en forêt. Abitibi-Price appuie la recherche de moyens alternatifs et entend privilégier ces nouvelles avenues lorsque celles-ci seront suffisamment efficaces et économiquement rentables à l'usage.

En conclusion, nous soumettons les éléments suivants à votre réflexion. Premièrement, Abitibi-Price accorde un appui inconditionnel à la position adoptée par l'Association des industries forestières du Québec et contenue dans un mémoire déjà porté à votre attention. Deuxièmement, Abitibi-Price privilégie le deuxième scénario proposé dans le document de support, soit l'autorisation d'utiliser le B.t. et le glyphosate sans étude d'impact. Troisièmement, Abitibi-Price reconnaît la compétence et l'expertise des services fédéraux quant à l'homologation des pesticides utilisés en forêt. Tout produit homologué devrait être approuvé et permis au Québec sans le recours aux audiences publiques. Quatrièmement et finalement, Abitibi-Price considère que les produits chimiques sont essentiels à la foresterie moderne. A défaut de les utiliser pour protéger efficacement la forêt contre les prédateurs de toutes sortes, l'aménagement forestier serait voué à l'échec et les investissements consentis auraient grand mal à trouver leur justification. Messieurs, je vous remercie.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. le Président, je voudrais vous poser une ou deux questions au sujet de l'homologation. Je vois que quelque chose revient tout le temps, c'est le principe de l'homologation comme agent de garantie que tout va être sécuritaire.

Je voulais vous demander si vous connaissiez le cas d'un pesticide qui avait été homologué en 1969 par Environnement Canada, je pense qu'il s'appelait leptophos. Ce pesticide employé au Canada avait été homologué. Il avait été exporté dans 50 pays, dont le Canada. Il n'avait pas encore été homologué aux États-Unis. En ' 1977, presque huit ans après, la firme qui avait produit tous les éléments de ce pesticide, je pense qu'elle s'appelait Industrial Biotest Labs, une firme américaine, a été découverte par l'EPA américain en 1977 ou 1976 pour avoir falsifié des documents par rapport à quelque chose comme

une centaine de pesticides, ou 140 pesticides, incluant le leptophos. Le Canada et l'Amérique, les deux services d'homologation, ont eu à refaire toute l'évaluation des pesticides qui avaient déjà été homologués parce que tous les documents, ou plusieurs documents, qu'avait validés l'homologation avaient été falsifiés par IBT. Est-ce que vous êtes au courant de ce cas?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Caron.

M. Caron: M. Lincoln, j'ai entendu parler de ce cas sans pouvoir en discuter aujourd'hui. Toutefois, il est évident que dans tout processus d'évaluation, peu importe l'organisme, des failles peuvent se produire. Cela n'empêche pas Abitibi-Price d'avoir pleine confiance dans le processus d'homologation qui était en vigueur au Canada. Si, éventuellement, il y avait lieu d'améliorer le système, je crois qu'Abitibi-Price y concourrait en totalité.

M. Lincoln: Là, on va parier du fénitro-thion. Je peux vous citer un document que j'ai, un rapport d'Environnement Canada, du service de la protection de l'environnement de la région de l'Atlantique. C'est une étude de 1981 qui dit: "Les études effectuées en 1980 ont indiqué que le fénitrothion était susceptible de contaminer à l'état de traces différents coquillages tels que les palourdes, les moules et les huîtres sur une superficie assez étendue des Maritimes - par rapport justement à l'arrosage. On a découvert des coquillages contaminés jusqu'à 50 kilomètres des régions arrosées. À proximité des zones arrosées, le niveau de contamination des coquillages était considérable quoique de courte durée."

Ce que je veux vous souligner, c'est que je pense qu'il y a une différence entre le produit et la façon dont il est utilisé, la superficie... Il y a sûrement un impact quelconque. Je lis, par exemple, le rapport de la commission du droit où il y a quelque chose comme des centaines de références à des études et qui finit par dire: "En outre, la découverte de données falsifiées ou scientifiquement invalides concernant la vérification de pesticides est venue mettre en doute l'innocuité d'un bon nombre de produits antiparasitaires se trouvant actuellement sur le marché canadien. Qui plus est, ces difficultés se posent à toutes les étapes du processus de réglementation, y compris l'homologation, l'utilisation et l'élimination. "

Ce que je voulais vous dire, c'est que j'ai participé à tout un dialogue là-dessus avec les ministres canadiens fédéraux et tous les ministres provinciaux. Cinq constatations se faisaient sentir relativement au processus d'homologation. Premièrement, les produits temporairement homologués ou licenciés et qui restent temporairement homologués aussi longtemps que les études ne sont pas terminées, c'est là un problème. Deuxièmement, pour les produits déjà homologués depuis quelques années, et surtout dans les années où on n'en savait pas assez sur les produits, il n'y a pas de système de "re-testing". Troisièmement, les provinces impliquées dans l'application de ces produits n'ont aucunement voix au chapitre en ce qui concerne l'homologation.

Cinq facteurs différents faisaient que toutes les provinces, incluant l'Ontario, incluant le Québec, incluant les Maritimes, incluant le Manitoba et incluant PAIberta, ont demandé au gouvernement fédéral d'être impliquées de beaucoup plus près au stade de l'homologation et que le ministre de la Santé et du Bien-être fédéral lui-même - il a parlé à cette rencontre, je l'ai écouté - est arrivé avec une page de notes suggérant des améliorations draconiennes à apporter au processus d'homologation.

Qui plus est, le ministre fédéral de l'Agriculture, qui est en charge de l'homologation, a demandé à son comité-conseil, le Pest Management Advisory Board, de faire une étude sur toute l'affaire, de nous consulter - on a eu des rencontres avec lui par la suite - parce que le processus n'est pas assez complet. C'est pourquoi je vous dis que c'est peut-être le meilleur processus du monde comparativement à d'autres. C'est cela qu'on dit. C'est sûr qu'il y a des failles puisque le procès de IBT le démontre bien. Il y a eu toutes sortes de causes. Je peux vous dire qu'il y a des produits qui ont été homologués et qui ont été retirés par la suite parce qu'on a examiné les produits après cinq ou six ans et qu'on a trouvé qu'ils étaient dangereux.

S'il y a même un petit doute... Qu'est-ce que cela ferait si, par exemple, on donnait une chance au public? Au moins, le public serait assuré qu'il savait exactement ce qui se passait. C'est pourquoi le système d'audiences est ouvert. On va là et on dit quelque chose. Au moins, si quelque chose arrive par la suite, tout le monde est conscient de ce qu'on a accepté. Ne pensez-vous pas que c'est un système plus équitable pour tout le monde plutôt que de se baser sur un système d'homologation qui s'avère fautif? Je vous suggère de lire cette étude, "Les pesticides au Canada, étude de la législation et de la politique fédérale." Je vais vous dire que la politique doit être améliorée parce que je suis partie prenante aujourd'hui là-dedans et je sais que le fédéral lui-même admet qu'il y a des failles. L'Ontario, le Manitoba et la Colombie britannique l'admettent aussi. Si, par exemple, le processus d'homologation sur lequel vous basez toute votre argumentation s'avérait faux, que feriez-vous? Admettons que vous décidiez d'utiliser un produit, disons le glyphosate. Il n'y a pas eu d'étude d'impact sur ce produit, il n'y a pas eu d'audiences publiques. Pour le B.t., oui, je suis d'accord avec vous, on est passé par des études d'impact. Pour le glyphosate, on n'est jamais passé par des études d'impact. Qu'arriverait-il si l'homologation s'était trompée? On ne s'est penché que sur cela. Pourquoi ne pourait-on pas tenir une audience publique plus large?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Caron.

M. Caron: Juste quelques mots pour répondre à votre question et je céderai la parole à mon confrère.

Je crois que la meilleure façon de rassurer le public n'est pas de tenir des audiences publiques ou de faire des études d'impact qui permettent au public d'intervenir; je dirais que c'est probablement d'améliorer le système d'homologation s'il contient des failles. Vous parliez des provinces qui sont intervenues auprès du fédéral. Je verrais que tout le monde participe à améliorer le système d'homologation; c'est quelque chose de réalisable. Mais laissons aux spécialistes l'occasion d'améliorer leur système et non pas au public qui, bien qu'informé, n'est pas nécessairement en mesure de comprendre et de juger de la pertinence de l'usage d'un pesticide.

Je vais céder la parole à...

M. Lincoln: Ne pensez-vous pas que, si le public n'a pas voix au chapitre, il y a pas quelque chose de non équitable, si c'est lui qui en subit les conséquences? C'est cela l'affaire. Si j'habite dans une région que vous allez arroser, n'ai-je pas le droit d'aller vous poser des questions? Je ne parle pas de moi, je ne serai pas dans votre région. Mais si je fais partie du public qui habite là ou dans les 50 kilomètres de l'endroit où vous faites votre arrosage, est-ce que ce membre du public n'a pas le droit de savoir ou d'aller vous poser des questions? C'est ce qu'on veut savoir.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Caron.

M. Caron: Le public a le droit d'être informé, bien sûr, et il a le droit d'avoir voix au chapitre. Mais le public a aussi le droit d'être éduqué sur les pesticides pour qu'il soit informé et renseigné d'une façon adéquate sur la nature des produits, leur toxicité, et que cela soit fait de façon que des passions ne soient pas soulevées et qu'il n'y ait pas de charriage non plus. C'est un peu ce que je déplore au sujet des audiences publiques précédentes qu'on a connues.

Je cède la parole à mon confrère.

Le Président (M. Saint-Roch): Brièvement, s'il vous plaît, M. Haché.

M. Haché (Robert): Ce que j'aimerais dire à M. le ministre, en somme, c'est que, de votre côté, vous avez peut-être de la difficulté à nous comprendre, mais moi aussi j'ai un peu de difficulté à saisir ce que vous dites. D'un côté, vous dites: On remet en question le système d'homologation, on est prêt à tenir des audiences publiques pour vous permettre d'arroser pour un certain temps, mais on n'est pas certain et on ne veut pas le fixer pour une période trop longue. On aimerait que vous alliez vous confesser tous les cinq ans, disons. Si on a des doutes sur les produits, pour nous le prouver... Si j'étais à votre place, je ne les permettrais pas, mais si on n'a pas de doutes sur les produits, laissez-nous les utiliser.

M. le ministre, je sais aussi que, même si vous nous donnez un droit aujourd'hui, cela ne vous gênera pas dans le temps de changer, d'ajuster ou de "questionner" ce droit. Je suis certain que vous ne serez pas gêné là-dessus. Même si vous nous dites aujourd'hui: Écoutez, même sans audiences publiques, allez-y et utilisez ces produits-là, d'ici deux ans, bonté! si on a mal fait et qu'on veut s'ajuster, je suis certain que cela ne vous gênera pas de dire: Écoutez, les gars, on va se reprendre. S'il faut tout le temps que ce soit un système vraiment dans le ciment et qu'il faut aller se confesser tous les cinq ans, je ne vois pas la logique là-dedans et j'ai de la misère à comprendre. (22 h 30)

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Haché. Je vous remercie, M. le ministre. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. Haché, le système de confession, c'est dur à supporter tous les jours, mais tous les cinq ans, ce n'est pas si pire que cela.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Haché: Je vais vous dire, M. le député, que, dans la religion on avait un système de confession, on allait se faire confesser par une personne, mais, là, faire des confessions communautaires, c'est...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau: Oui, mais si vous êtes sûr d'aller au ciel avec cela...

M. Haché: C'est peut-être parce que, comme Canadiens français, on est timides et qu'on aime encore...

M. Charbonneau: Cela a changé un peu, attention là!

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: D'abord, je regarde votre conclusion. Vous dites: On est en faveur du scénario 2, mais vous ajoutez: Tous les produits homologués, on devrait être capable de les utiliser sans audiences publiques. Vous allez pas mal plus loin que le scénario 2. Autrement dit, tout ce qui est homologué, pas juste les deux produits qui sont prévus au scénario 2, mais n'importe quoi, vous pourriez l'utiliser sans problème. Je vais vous dire, j'ai déjà des réti-

cences face au scénario 2, je ne m'embarquerai pas dans une patente où vous allez avoir un chèque en blanc sur à peu près tous les produits, surtout après ce que le ministre de l'Environnement vient de nous dire et ce qu'on a déjà entendu un peu plus tôt aujourd'hui sur le processus d'homologation.

Je vais vous dire une chose, je pense qu'il y a deux sortes de publics qui peuvent être intéressées par les audiences publiques: II y a le public général de gens qui, peut-être, ne sont pas très informés du fait et qui tombent parfois dans la passion ou le charriage. Il y a un autre type de public, qui est un public plus spécialisé de gens qui, justement, s'intéressent à ces questions, qui ont des points de vue, qui fouillent les dossiers. Il y a des organismes d'envi-ronnementalistes qui ont développé avec les années une expertise intéressante et qui, finalement, peuvent amener à des questionnements que des scientifiques n'ont pas jugé bon de faire ou que des gens n'ont pas fait parce que, finalement, ils se sont fait acheter ou ils ont embarqué dans une patente de corruption. Ce dont le ministre a parlé tantôt, cela nous a été rapporté, entre autres ce matin, par le Regroupement pour un Québec vert.

Je pense qu'il y aurait moyen d'avoir un système... Et c'est là où je n'arrive pas à comprendre votre argumentation: entre une obligation actuelle qui vous est faite, pour des superficies d'au-delà de 600 hectares, si je ne me trompe pas, d'aller en audiences publiques sur chaque arrosage et un mécanisme qu'on pourrait même assouplir ou rendre cela plus opérationnel et en sorte qu'une fois tous les cinq ou six ans - cela pourrait être sept ans, mais à période fixe - vous auriez à faire le point publiquement sur l'utilisation que vous faites d'un certain nombre de produits, de ce que vous allez en faire et de ce qui est possible ou prévisible qu'il survienne, je n'arrive pas à comprendre comment cela va vous embêter à ce point-là. Je comprends que dans une dynamique de négociations vous allez avoir l'attitude la plus fine devant nous autres pour essayer d'aller en chercher le plus possible. Mais, au bout du compte, j'ai de la misère à comprendre pourquoi vous ne seriez pas capables de fonctionner avec un mécanisme qui ferait en sorte qu'une fois de temps à autre vous seriez appelés à vous confesser publiquement et à revoir... Je ne vous saisis pas, là.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Haché.

M. Haché: J'ai dit tantôt que des fois on a de la difficulté à se comprendre.

M. Charbonneau: Oui, mais qu'est-ce que vous voulez!

M. Haché: Mais ça, c'est tout à fait normal, c'est pour cela qu'on est ici.

M. Charbonneau: On n'est pas loin, il y a une ligne, là.

M. Haché: Ce que je ne comprends pas dans ce que vous nous présentez, c'est que vous dites: Écoutez, tous les cinq ans, ce serait le "fun" d'avoir 350 réunions publiques, parce qu'il y a 350 CAAF dans la province.

M. Charbonneau: D'accord, attendez une...

M. Haché: Laissez-moi juste finir. 350 réunions, c'est le "fun". On est aujourd'hui dans l'ère de la communication et c'est bien intéressant. Des réunions pour entendre dire par 350 personnes: Écoutez, les gars, le B.t. et le glypho-sate, on veut s'en servir, et que d'autres gens vont venir nous dire: Bien, c'est peut-être dangereux... Tous les cinq ans, on va répéter cela. On vous le dit, nous autres, en tant qu'industries: Si c'est dangereux, si vous pouvez nous prouver que c'est dangereux, enlevez-le du marché! Mais vous voudriez qu'on s'explique comme ça tous les cinq ans. J'aime bien ça avoir des réunions, mais en avoir pour répéter la même chose...

M. Charbonneau: Mais si on réduisait le nombre de réunions, si on passait de 350 à une quinzaine ou à une dizaine, soit par nombre de compagnies ou par grande région d'exploitation, ce serait déjà moins pire. Cela vous ferait moins de réunions et, si on vous disait en plus qu'il y a le produit, mais qu'il y a aussi les usages du produit, le dosage... Si je prenais l'exemple qu'on a utilisé avec d'autres, par exemple, le médicament, on le connaît, mais il y a le dosage et les patients. Le même médicament n'a pas les mêmes effets pour tout le monde. La preuve est que les pharmaciens et les entreprises pharmaceutiques développent différents types de médicaments qui se ressemblent tous les uns les autres, mais, quand vous allez voir un médecin, il vous dit: Je ne peux pas te prescrire celui-ci, je vais te prescrire celui-là, parce que, dans ta situation particulière, il aura des effets secondaires qu'un autre n'aura pas. Ce n'est pas indiqué dans l'homologation, parce qu'on ne me fera pas accroire, à moins qu'on vienne me dire, et personne ne me l'a dit jusqu'à maintenant, qu'elle est faite de façon telle que l'on tient compte des particularités propres aux différents lieux d'utilisation, à l'ensemble des écosystèmes qui existent dans les régions où on les utilise. Juste cet argument, il me semble qu'il milite en faveur d'une certaine précaution.

M. Haché: Avez-vous pensé comme ce serait intéressant de s'asseoir là, tous les cinq ans, pour parler d'un territoire et du travail qu'on y fera pendant les cinq prochaines années? On fera des petites "patches" ici et là, un petit peu de travail ici et tel travail sylvicole là. Il me semble que, si le public était si intéressé que ça,

on pourrait les lui donner encore bien plus facilement que ça. On pourrait dire: On a nos plans annuels qui sont déposés au gouvernement. Si vous voulez les voir, allez les voir. L'information est là. La seule chose sur laquelle on argumente ici, j'en suis certain, c'est sur l'utilisation du produit comme tel. C'est de ça que vous voulez qu'on discute. Nous, on dit: Si c'est un produit homologué et qui est accepté, utilisons-le et arrêtons d'en parler. Mais commencer à expliquer tout un plan d'aménagement pour les cinq prochaines années, on en perd notre latin juste à en parler pour un an, ce sera quelque chose à expliquer.

M. Charbonneau: II y a deux affaires, il y a les produits et un droit acquis des citoyens qui existe depuis quelques années, qui a été d'ailleurs plus ou moins contourné à bien des occasions, qui est le droit que les gens ont maintenant d'intervenir dans l'évaluation des impacts environnementaux. Non seulement qu'ils soient informés, mais qu'ils puissent intervenir dans la discussion et dans l'analyse qu'on fait, et qu'ils puissent la remettre en cause et, éventuellement, faire entendre des points de vue qui ont été mal évalués. S'il n'y avait pas eu d'exemple, si, jusqu'à maintenant, toute l'expérience des audiences publiques nous amenait à la conclusion que tout ça, c'est juste pour la galerie et que ça ne sert pas à grand-chose, je pourrais vous dire aujourd'hui: Je pense que vous avez raison. Mais on constate que, dans bien des cas, on pourrait prendre le relevé, le bilan de l'action du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement pour se rendre compte que, dans bien des domaines, y compris dans des interventions de ministères du gouvernement, s'il n'y avait pas eu le Bureau d'audiences publiques, on aurait fait les choses toutes croches. Heureusement qu'il y a eu des mécanismes d'audience publique, on a évité des bêtises monumentales.

Vous ne trouvez pas que ce droit acquis est suffisamment important pour que l'on prenne les précautions nécessaires pour ne pas l'altérer? Entre un droit acquis qui consacre un processus un peu lourd, un peu complexe, et sa suppression totale, il y a peut-être un juste milieu que l'on peut trouver, c'est-à-dire que l'on pourrait alléger le mécanisme, le rendre plus opérationnel et faire en sorte qu'il n'empêche pas une intervention rapide, une contre-attaque rapide lorsque les problèmes surviennent, mais qu'en même temps on puisse maintenir cet acquis qui a fait ses preuves?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Haché. M. Haché: C'est fini? M. Charbonneau: II peut répondre. M. Haché: Je peux répondre.

Le Président (M. Saint-Roch): Oui. C'est pour ça que j'ai mentionné M. Haché.

M. Haché: Ah! Excusez-moi. Pour répondre à votre question - j'y ai répondu tantôt - je ne vois pas ce que cela donnerait de plus d'aller discuter de cela à tous les cinq ans. Je vous dis qu'on parle de deux produits - on peut en ajouter d'autres par exemple, mais on parle de deux principalement - et si ce sont ces deux produits-là qui sont mis en cause et qu'on les accepte comme bons, cela ne prend pas des audiences publiques à tous les cinq ans ou à tous les deux ans ou quoi que ce soit pour questionner cela à chaque fois. Vous n'avez pas besoin de cela, vous savez, d'après moi.

Le Président (M. Saint-Roch): Je veux remercier M. Haché, je veux également remercier M. le député de Verchères. Je remercie les gens de la compagnie Abitibi-Price Itée pour leur présentation aux membres de la commission de l'aménagement et des équipements. Je demanderais maintenant aux représentants de la compagnie CIP inc., s'il vous plaît, de prendre place.

Permettez-moi dans un premier temps de vous souhaiter la bienvenue à la commission de l'aménagement et des équipements. Je demanderais maintenant au porte-parole de la compagnie CIP inc. de bien vouloir s'identifier, ainsi que les membres qui l'accompagnent, pour le bénéfice des membres de la commission.

CIP inc.

M. Martin (Bill): Merci, M. le Président. Je suis Bill Martin, vice-président de la compagnie CIP et je suis assisté, à ma droite, par Marcel Pinard, l'ingénieur forestier en chef de la compagnie et, à ma gauche, par Michel Auclair, l'assistant de M. Pinard. Je demanderais à M. Pinard de présenter le sommaire de notre mémoire; cela va durer dix minutes.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Martin. Je demanderais maintenant à M. Pinard de procéder à la présentation de ce mémoire. Vous avez dix minutes pour le présenter.

M. Pinard (Marcel): Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre, messieurs, nous remercions les membres de cette commission de nous donner l'occasion d'exposer notre point de vue sur un sujet aussi important pour notre industrie. Notre mémoire s'inspire principalement du document de support de la commission parlementaire, en date d'avril 1988, intitulé "Politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier". Il se veut une critique positive des concepts et des propositions contenues dans ledit document. Pour l'ensemble, l'approche retenue par le ministre délégué aux Forêts et le ministre de l'Environnement est rassurante pour l'in-

dustrie qui aura, suivant le nouveau régime forestier, à investir d'importantes sommes en aménagement forestier.

CIP fournit de l'emploi à 6100 personnes au Québec, dans ses quatre usines primaires, dans ses quatre usines de transformation et dans ses trois divisions forestières. Notre compagnie injecte annuellement au Québec près de 600 000 000 $ en salaires, en biens et services et en achats de toutes sortes. Pour satisfaire l'approvisionnement en bois de ses usines, CIP devra couper au Québec quelque 2 700 000 mètres cubes de bois annuellement. Dans le contexte du nouveau régime forestier, ces exploitations entraîneront un important programme d'aménagement forestier intensif sur plusieurs milliers d'hectares. Les investissements de CIP dans cette sylviculture industrielle dépasseront annuellement 10 600 000 $.

Afin de protéger adéquatement ces investissements et de permettre du même coup de relever le défi présenté par la nouvelle Loi sur les forêts, une politique claire, souple et fonctionnelle concernant l'utilisation des pesticides en milieu forestier s'avère absolument nécessaire.

Les moyens de protection. Toutes les avenues possibles pour combattre les agents nuisibles de la forêt par des moyens autres que les pesticides doivent continuer d'être explorées dans les programmes de recherche et de développement. Lorsque sûres, les mesures d'aménagement doivent, elles aussi, donner priorité aux produits chimiques ou biologiques. Le document de support fait bien ressortir cette approche et nous l'endossons.

Mis à part les pesticides, il faut par contre reconnaître qu'actuellement la gamme des moyens est très limitée. Les moyens proposés sont souvent inefficaces ou encore trop dispendieux compte tenu de l'objectif visé. (22 h 45)

La détection. En protection contre les feux de forêt, la détection est l'élément clé des succès que connaissent nos sociétés de protection et de conservation. Le système est bien structuré, adéquat et, surtout, prêt à réagir prompte-ment et efficacement. On doit s'inspirer de ce modèle pour développer la détection, du moins pour la lutte contre les insectes et les maladies. Ainsi, les mesures de lutte seront minimisées et les résultats efficients.

La protection contre les insectes. En période d'épidémie comme celle de la tordeuse des bourgeons de l'épinette ou encore lors de l'apparition de nouveaux foyers d'infestation, tels que la mouche à scie du pin gris, la tordeuse du pin gris, le seul et unique moyen de lutte est l'arrosage d'insecticides par voie aérienne.

La protection contre la végétation compétitive. L'étude du Fonds de recherche et de développement forestier faite pour le compte du MER semble démontrer que les moyens mécaniques pour combattre la végétation compétitive sont, dans la plupart des cas, inefficaces et très dispendieux. On rapporte la nécessité de plusieurs traitements à plus de 600 $ l'hectare chacun, comparativement à un coût de 200 $ l'hectare pour l'épandage aérien de phytocides.

Dans les endroits les plus accessibles, là où la végétation est moins agressive et que l'opération peut s'effectuer à un coût comparable au traitement par phytocides, il sera probablement possible d'utiliser les moyens mécaniques. Par ailleurs, comme le laisse sous-entendre le document de support, le contrôle de ces plantes indésirables, autant dans les plantations qu'en peuplement naturel, s'effectuera d'une façon efficace et à un coût acceptable, principalement au moyen d'épandage de phytocides par voie aérienne.

Les pesticides, une nécessité. Le nouveau régime forestier amène une dimension de l'aménagement forestier tout à fait nouvelle: pérennité de la forêt, objectif de rendement de matière ligneuse, responsabilités et obligations des bénéficiaires de contrat, protection du milieu forestier, et j'en passe-Dans cette nouvelle perspective, la protection de la forêt actuellement et celle de l'avenir est au coeur des objectifs poursuivis. Cette protection ne saurait se faire sans des moyens efficaces et économiquement abordables. Les pesticides par voie aérienne deviennent donc, à notre avis, une nécessité.

Par ailleurs, les pesticides, qu'ils soient biologiques ou chimiques, sont des agents qu'il faut utiliser avec précaution et d'une façon rationnelle. En ce sens, la Loi sur les pesticides, reconnue comme un complément de la Loi sur la qualité de l'environnement, vient encadrer les intervenants faisant usage des pesticides. La mise en place de tout système de contrôle doit cependant se faire avec discernement, simplicité et surtout avec la compréhension des objectifs visés, de manière à éviter l'exagération dans son application.

Les solutions envisagées. Nous recommandons de retenir le deuxième scénario, c'est-à-dire l'usage aérien du B.t. et du glyphosate, sans l'application de la procédure d'étude d'impact et d'audience publique. Par ailleurs, compte tenu que l'utilisation des pesticides en milieu forestier représente moins de 5 % de l'utilisation totale des pesticides au Québec, compte tenu que la quantité des produits approuvés est relativement restreinte, que les pesticides homologués en foresterie sont employés à de faibles taux et à des fréquences faibles, que les risques d'exposition humaine et de contamination environnementale sont peu élevés, que la Loi sur les pesticides régira et contrôlera adéquatement leur usage, certaines modifications et certains ajouts doivent être inclus dans le contenu du deuxième scénario: 1° Le fénitrothion devrait être ajouté à la liste, c'est-à-dire au B.t. et au glyphosate, des pesticides exclus de la procédure d'étude d'impact et d'audience publique lorsqu'ils sont

appliqués par voie aérienne. 2° Des dispositions devraient être entreprises afin que le Velpar soit permis pour épandage aérien en milieu forestier. 3° Comme le reconnaît le document de support, si, à la suite d'une étude d'impact et d'audience publique, un pesticide est jugé sécuritaire, qu'il soit automatiquement inscrit dans la liste des pesticides exclus de la procédure d'étude d'impact et d'audience publique. 4° Les pesticides homologués applicables par voie aérienne, de même que la norme minimale de 600 hectares pour l'épandage aérien doivent continuer d'être autorisés sans l'application de la procédure d'étude d'impact et d'audience publique. 5° La procédure d'approbation, c'est-à-dire les demandes de permis, l'émission de l'autorisation, les rapports de suivis, autant pour les programmes de pulvérisation aérienne que pour l'épandage terrestre, doit être souple et fonctionnelle.

Enfin, M. le Président, nos recommandations devant l'importance évidente de l'utilisation des pesticides en forêt et devant la nécessité d'en régulariser les usages et les contrôles par une politique claire, rationnelle et souple. Nous formulons bien respectueusement aux membres de la commission les recommandations suivantes: 1. Qu'il soit accepté que les pesticides fassent partie de la panoplie des outils d'aménagement respectueux du milieu forestier. 2. Que la politique reconnaisse qu'en forêt la lutte contre les insectes, les maladies et la végétation compétitive doit se faire au moyen d'épandage aérien de pesticides homologués, à moins que d'autres moyens ne puissent le faire adéquatement et à un coût comparable. 3. Que la politique accepte l'épandage aérien en milieu forestier au-delà de 600 hectares du B.t. du fénitrothion et du glyphosate sans l'application de la procédure d'étude d'impact et de consultation populaire. 4. Que la détection en vue de la lutte contre les insectes et les maladies soit une priorité et davantage développée et qu'il soit possible, dès l'apparition d'un foyer d'infestation, de réagir promptement et avec les moyens efficaces. 5. Que la politique précise clairement les conditions obligeant l'application du processus d'étude d'impact et d'audience publique lors de l'épandage aérien de pesticides en milieu forestier. 6. Que le gouvernement, par l'intermédiaire du ministère de l'Énergie et des Ressources et du ministère de l'Environnement, soit responsable des rapports d'impact et des consultations populaires. 7. Que la politique favorise la concertation entre l'État et les bénéficiaires de CAAF afin de rendre fonctionnel et efficace un mécanisme d'information publique. 8. Que la politique reconnaisse la nécessité d'une recherche de plus grande envergure en ce qui a trait à la protection des forêts contre les insectes, les maladies et la végétation compétitive, qu'elle trouve les moyens pour financer les programmes de recherche et de développement et qu'une orientation particulière soit donnée à la détection. 9. Que la politique reconnaisse que les systèmes de contrôle pour l'utilisation aérienne des phytocides en forêt doivent être mis en place avec discernement, souplesse et compréhension des objectifs visés.

En terminant, M. le Président, permettez-nous de préciser que ce désir de voir inscrit dans la politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier un partage clair et équitable des responsabilités d'exécution et de financement n'est pas un signe de désintéressement de la part de CIP. Au contraire, notre compagnie suivra de près, comme nous l'avons fait dans le passé, chaque dossier et principalement ceux qui seront acheminés à la procédure de l'examen des impacts et de la consultation populaire. Elle est prête aussi à y collaborer dans la mesure de son expertise, de ses connaissances techniques et de son personnel de soutien. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Lincoln: Je vais passer mon... M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. Dans toutes les discussions concernant la Loi sur les forêts, les commissions parlementaires et depuis plusieurs années, cela n'est pas d'aujourd'hui, on est devenus, le gouvernement, les ministères, et les industriels, des partenaires à part entière pour aménager la forêt, chose qu'on n'avait pas faite dans le passé. Si le gouvernement, ou si vous avez accepté des responsabilités, je pense bien qu'on doit ensemble... On a accepté tous les deux, comme gouvernement et comme compagnie, des responsabilités. Je pense bien que ce n'est pas le temps de les retirer parce qu'on a décidé d'être partenaires dans l'aménagement de la forêt. Je suis d'accord avec vous. Il faut trouver les meilleurs moyens d'agir, les meilleurs moyens de protéger l'environnement et la santé des personnes. Mais est-ce que la compagnie est prête à assumer, comme partenaire aussi, certaines responsabilités quant au suivi de l'incidence environnementale des produits utilisés? Et vous en demandez peut-être un peu plus qu'on n'en propose là; vous demandez d'ajouter des produits. Mais seulement, disons, sur les produits comme le glyphosate et le B.t., est-ce que la compagnie est prête à assumer son rôle de partenaire dans le suivi des

incidences environnementales de l'utilisation de ces produits?

M. Martin: Sans hésitation.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Sans hésitation? Si je comprends bien, mes collègues d'en face semblent percevoir les audiences publiques comme un moyen de remettre en question la gestion des forêts, plutôt que comme un moyen d'examiner les produits utilisés. C'est pour cela qu'il y a un peu d'opposition, mais il faut bien situer le problème. Aujourd'hui on a une commission parlementaire pour examiner une politique d'utilisation des phytocides et des insecticides, mais on remet un peu en question la gestion forestière.

Comme je l'ai mentionné dans mon discours d'ouverture, la Loi sur les forêts a déjà fait l'objet de consultations pendant plusieurs années, pendant plus de trois ans. Pensez-vous que les audiences publiques pourraient permettre de remédier aux points faibles du processus d'homologation que M. Lincoln, mon collègue, a soulevé, processus d'homologation fait par des experts? J'admets qu'il peut y avoir des erreurs et qu'il y a toujours place à amélioration, mais est-ce que l'on peut trouver des points faibles et corriger tout cela, pour s'assurer que jamais personne ne ferait une erreur dans sa vie? Y a-t-il moyen de faire cela?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Martin.

M. Martin: Certainement. On est toujours prêts à communiquer avec le public. J'ai franchement des doutes sur les résultats des audiences publiques concernant l'homologation des produits. Je préfère entendre les experts associés et, en particulier, ceux qui sont concernés par l'approbation de ces produits. Mais, pour répondre à votre question, en principe, on est prêts à communiquer avec le public, mais le moyen me concerne.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Ne pensez-vous pas, M. Martin, que les experts doivent être surveillés de très près, sans pour cela que le public joue à l'expert?

M. Martin: Vous posez la question: Qui va juger les juges? En effet, il y a une certaine responsabilité de la part du gouvernement, en particulier de la part des ministres responsables. Ce sont ces ministres qui emploient les experts et qui peuvent demander le conseil des tierces parties qui sont aussi les experts. Dans un autre sens, je vais faire mention de l'étude d'impact qui n'est pas un moyen d'informer le public, à mon point de vue. L'audience publique n'est peut-être pas la forme, comme le BAPE, d'informer le public. Je préfère au contraire mettre ma confiance dans les experts et laisser les tierces parties juger le contenu des conclusions de ces experts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous dites qu'il faut faire confiance aux experts pour autant que les ministres responsables et les gouvernements responsables de la santé publique et également de la santé de la forêt fassent leur devoir?

M. Martin: C'est cela.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est cela.

M. Martin: M. Pinard pourrait peut-être ajouter quelques mots à ce sujet. (23 heures)

Le Président (M. Saint-Roch): M. Pinard.

M. Pinard: M. le ministre, dans les principes directeurs du document de support, j'ai trouvé quelque chose de très intéressant en ce qui a trait à l'emphase qui est mise concernant votre préoccupation de l'information publique. Pour avoir vécu deux audiences publiques sur la tordeuse et les avoir suivies pas mal, pour avoir suivi la dernière commission parlementaire sur la loi 150, pour avoir suivi d'autres audiences concernant d'autres dossiers, je pense que la base de cet exercice d'audiences publiques, c'est d'abord de l'information au public. J'ai l'impression que le processus de rapport d'impact et tout ce grand tralala, cette grande noce-la que sont les audiences publiques telles qu'on les a connues et qui coûtent extrêmement cher... On a rapporté que, lors de la dernière audience, c'était quelque chose comme 3 000 000 $ ou 4 000 000 $. Je ne sais pas si on atteint réellement notre objectif. Moi, je préconise... Nous suggérons que réellement cet aspect de l'information publique est important. Il devrait y avoir concertation entre l'État et les bénéficiaires de contrat de manière à établir un système de communication au public, concernant ces utilisations de pesticides en milieu forestier, très très fonctionnel, efficace et opérationnel.

Maintenant, dans le document de support, vous faites aussi état, et on n'a pas encore signalé cela depuis cet après-midi, de la formation d'un comité interministériel pour suivre révolution du dossier de l'épandàge des pesticides, la formation d'un comité interministériel auquel nous suggérons d'ajouter des experts et des représentants des intervenants.

Prenons l'hypothèse que le deuxième scénario est retenu et que l'information fournie au public est claire, honnête, complète et qu'à un moment donné il y a encore des appréhensions du public. Je dirigerais les gens - ma suggestion - vers le comité interministériel pour discuter avec les experts, avec les intervenants et, s'il y a lieu...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Comité interministériel formé par qui?

M. Pinard: Le comité interministériel prévu dans votre document de support pour suivre l'évolution de l'épandage des pesticides. Moi, je dirigerais ces plaintes ou ces remarques vers le comité interministériel, remarquez bien, auquel sont ajoutés des experts et des représentants des intervenants, et c'est étudié au mérite. Et si, comme votre collègue, M. Lincoln, et d'autres l'ont mentionné, il y a des aspects réellement fondés et que cela nécessite de déclencher cette grande noce que sont les audiences, bien, écoutez, la Loi sur la qualité de l'environnement est là et le processus des audiences est là. Alors...

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Pinard. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Merci, M. le Président. À la page 14 de votre document, vous reconnaissez le bien-fondé de l'usage prioritaire du B.t. dans la lutte contre la TBE, tordeuse des bourgeons de l'épinette. Toutefois, vous souhaitez quand même la réintroduction du fénitrothion qui a été exclu depuis 1987 du programme d'arrosage. Je ne suis pas sûr de bien comprendre puisque vous acceptez que le B.t. a démontré son efficacité. Pourquoi réintroduire maintenant le fénitrothion?

M. Martin: C'était pour les raisons mentionnées cet après-midi par l'AIFQ. S'il arrive une infestation sévère, limitée, le seul produit avec lequel on peut attaquer cette infestation dans une forme comme telle, c'est le fénitrothion. Il est le seul.

M. Desbiens: C'est une arme tactique, quoi? M. Martin: Pardon?

M. Desbiens: Vous voulez en faire une arme tactique?

M. Martin: C'est cela. C'est exactement le parallèle avec le feu. Il faut qu'on attaque rapidement, avec force, pour éliminer le problème tout de suite.

M. Desbiens: À la page 23. Je vais poser une couple de questions, parce que je veux laisser mon collègue poursuivre sur sa lancée. Vous souhaitez que la procédure complexe d'étude d'impact ne soit appliquée que lorsque les principales composantes techniques, scientifiques et opérationnelles - vous en avez reparlé un petit peu tantôt - le commandent. J'aimerais que vous explicitiez davantage cette phrase.

M. Martin: Je le demanderai à mon collègue, M. Pinard.

M. Pinard: M. le député, cela se marie un peu avec ce que je vous ai dit tout à l'heure. Si un aspect préoccupe une partie de la population ou le public ou un citoyen, et que ce citoyen fait une plainte simplement pour le plaisir de faire une plainte, cela ne devrait pas déclencher tout le processus des audiences publiques. Il faudrait quand même avoir l'assurance du sérieux de la plainte, qu'il y ait une certaine technique ou une certaine valeur technique sur la plainte en question. Je peux bien faire une plainte demain contre n'importe quelle compagnie. Si quelqu'un a le pouvoir de déclencher un processus lourd qui bloque une opération qui est absolument essentielle, comme l'usage des pesticides, dans les prochaines mesures d'aménagement, cela peut nous embêter grandement. Si notre suggestion était retenue, l'espèce de comité interministériel qui serait le chien de garde, selon ce qui était expliqué dans le document de support, auquel on ajouterait des experts et des représentants des intervenants et si cette plainte était documentée d'une façon scientifique, technique, elle serait analysée au mérite.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Je vais remettre la parole à mon collègue, le député de Verchères.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Dubuc. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Combien reste-t-il de temps?

Le Président (M. Saint-Roch): Cinq minutes, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Je présume que vous allez nous dire la même chose que les autres, mais je vais vous essayer quand même.

M. Pinard: C'est la même question?

M. Charbonneau: Cela pourrait quasiment m'éviter de la poser. Est-ce que vous accepteriez, finalement, une espèce de solution intermédiaire entre les deux scénarios proposés actuellement, qui tiendrait compte des problèmes des exigences de rapidité d'intervention que vous et d'autres de l'industrie nous avez signalés, mais qui permettrait néanmoins de conserver un mécanisme d'évaluation des impacts environnementaux et d'audiences publiques par le bureau d'audiences publiques? Plutôt que d'avoir une super étude d'impact pour l'ensemble de l'industrie pour tout ce qui se fait au Québec, accepteriez-vous qu'on puisse fonctionner soit sur base régionale, soit sur la base d'entreprises, quitte à ce que soit même regroupé et qu'on n'ait pas nécessairement 350 audiences, mais qu'on puisse avoir quelque chose de plus opérationnel et qui, en même temps, pourrait également introduire le fait que, jusqu'à ce que ce

mécanisme soit mis en place, il y ait une procédure vous permettant d'agir entre-temps dans les mois qui viennent lorsque la situation l'exigerait?

M. Martin: Nous avons exprimé notre appui pour la deuxième option pour des raisons valables, je crois. Nous croyons que c'est une option efficace, applicable et qui résoudrait les problèmes. On continue d'exprimer notre appui à cette deuxième option.

M. Charbonneau: Je comprends que vous faites cela. Il n'y en a pas un dans l'industrie qui s'est désolidarisé de cette position. Ils font tous front commun. C'est très bien.

M. Martin: J'ai répondu à votre question.

M. Charbonneau: Je comprends, mais le gouvernement a un problème et on sympathise avec lui parce que peut-être aurait-on le même problème si on était à sa place. Le ministre de l'Environnement favorise une option, qui n'est pas la vôtre, d'ailleurs, et son collègue en favorise une autre. Nous voulons les aider et nous voulons vous aider. On se dit...

M. Martin: Je remarque, monsieur, que...

M. Charbonneau: ...que, si c'est le ministre de l'Environnement qui a gain de cause sur toute la ligne, son collègue va être en beau maudit. Et vous autres aussi.

M. Martin: Je remarque, monsieur, que les deux ministres sont en discussion.

M. Charbonneau: Non, non. Il y en a seulement un, l'autre n'est pas encore ministre.

M. Martin: D'accord. Je pensais qu'il était... M. Charbonneau: II n'est même pas député.

M. Martin: Je pensais qu'ils étaient en train de solutionner le problème.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau: N'anticipons pas, monsieur. N'anticipons pas. Mais, blague à part, est-ce que... Vous ne plierez pas bagage demain matin parce que vous ne gagnez pas sur toute la ligne. Est-ce qu'on se comprend? Si, finalement, on en arrive à une solution qui n'est pas nécessairement la solution 2, j'imagine que vous êtes d'accord pour vivre avec cela quand même.

M. Martin: C'est une hypothèse. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau: Vous êtes un bon négociateur.

M. Martin: J'aimerais ajouter une chose. Vous avez vu les diapositives de l'AIFQ cet après-midi, les trois diapositives qui ont donné l'illustration de l'épidémie qui avait commencé en 1969 et qui avait duré jusqu'en 1976. C'était dans toute la province, comme vous avez vu. Durant cette période, à notre usine de Gatineau, à cause de l'épidémie, à cause du manque de politique d'application de pesticides, dans ce cas, les insecticides, à cause du manque de décision, pour toutes sortes de raisons, notre compagnie a perdu presque tous les sapins. Ils étaient morts à cause de cela. La moitié des épinettes blanches étaient perdues. Tout cela, c'était l'équivalent de l'approvisionnement de notre usine de Gatineau pour une période de 25 ans. On n'acceptera jamais la répétition de telles circonstances.

M. Charbonneau: Mais on s'entend... M. Martin: Pas du tout.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Martin, je vous remercie. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: En conclusion, M. le Président, pour le mot de la fin, je veux juste dire qu'on est bien conscients de ce que vous dites et je ne pense pas qu'il y ait personne qui veuille que cela se répète. Je pense par ailleurs qu'il y a moyen de préserver les acquis à l'égard des audiences publiques et de ce que la population a comme droits dans la Loi sur la protection de l'environnement et la Loi sur l'évaluation des impacts environnementaux, tout en vous donnant les moyens d'intervenir rapidement à temps. Vous ne me ferez pas accroire, ni vous ni personne d'autre aujourd'hui, qu'il n'y a pas moyen de concilier ces objectifs. Il y a moyen de faire en sorte que les industries forestières puissent réagir rapidement, efficacement et que, néanmoins, on ait un mécanisme qui puisse au moins faire en sorte, même s'il était plus léger que celui qui existe actuellement, qu'il y ait une évaluation publique quelconque.

M. Martin: Peut-être, monsieur...

Le Président (M. Saint-Roch): M. Martin.

M. Martin: Si vous m'excusez, on est d'accord sur un seul point. Il faut qu'il y ait un moyen de répondre à une situation d'urgence. (23 h 15)

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Martin. Je remercie la compagnie CIP inc. pour la qualité de sa présentation.

Je demande maintenant à l'Association forestière québécoise inc. de bien vouloir prendre place.

Permettez-moi, dans un premier temps, de souhaiter la bienvenue à l'Association forestière

québécoise inc. Je demanderais maintenant à son porte-parole de bien vouloir s'identifier et présenter les gens qui l'accompagnent, pour le bénéfice des membres de la commission.

Association forestière québécoise inc.

M. Boily (Gilles): Gilles Boily, président de l'Association forestière québécoise. À ma droite, M. Serge Leblanc, qui est membre du comité exécutif de l'Association forestière québécoise, et à ma gauche Pierre Deschênes, qui est membre de l'Association forestière québécoise et vice-président de l'Association forestière Québec Métropolitain inc. Ces deux personnes ont travaillé très fort sur les commentaires qu'on vous offre.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Boily. Je vous cède la parole pour la présentation de votre mémoire.

M. Boily: Merci, M. le Président. Messieurs les ministres, messieurs les députés et autres membres du comité, l'Association forestière québécoise est heureuse de vous offrir ses commentaires. Elle vous remercie de lui en donner l'occasion. On appelle cela des commentaires sur la politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier.

Le but premier de l'Association forestière québécoise est de faire l'éducation du public sur l'entretien et la conservation de nos forêts. Elle prône donc une utilisation rationnelle de la matière ligneuse et des autres ressources de la forêt. L'Association forestière québécoise fait également la promotion du respect de l'arbre et de la qualité de l'environnement. Elle favorise l'utilisation intelligente de la faune, de l'eau, de l'air, des paysages et des autres biens collectifs associés à nos forêts. Par sa revue Forêt Conservation, l'Association forestière québécoise a pour mandat d'informer ses membres et le grand public sur les réalités écologiques, économiques et sociales de la forêt, d'oeuvrer à l'éducation populaire et de promouvoir la conservation de l'arbre, du milieu forestier et de l'environnement.

Le nouveau régime forestier. Il importe de garder à l'esprit deux grands éléments de ce nouveau régime. Le premier est d'assurer la remise en production des aires exploitées pour maintenir l'approvisionnement des usines, le niveau des emplois et toute cette activité économique, pour maintenir également en opération les sites à potentiel récréatif élevé et pour maintenir un couvert forestier adéquat à la faune qui l'habite.

Le deuxième est d'assurer la protection de l'ensemble des ressources du milieu forestier et le respect de la vocation des différents sites pour la récolte de la matière ligneuse, des sites naturels et des 2ones à susceptibilité environnementale élevée et des sites à potentiel fauni- que élevé. De plus, selon la Stratégie forestière du Canada, le principe du rendement soutenu implique la mise en oeuvre de techniques d'aménagement en vue d'assurer la continuité des approvisionnements de la matière ligneuse. Il s'applique aussi à la gestion d'autres ressources comme l'eau, la faune et le potentiel récréatif. Ce principe implique également l'obligation d'aménager la ressource. Ceci signifie que les travaux d'aménagement doivent être réalisés en fonction d'objectifs exprimés en termes concrets et mesurables. Si l'on veut assurer le développement soutenu de la forêt et continuer à en retirer des bénéfices multiples, il faut que la structure et l'état de nos peuplements forestiers rejoignent les objectifs de notre société.

La Loi sur les pesticides. Il est vrai que les projets de pulvérisation de pesticides demeurent impopulaires et comportent des éléments d'incertitude qui jouent continuellement contre les promoteurs. Avec sa nouvelle loi, le législateur tente de démystifier l'utilisation des pesticides en présentant un ensemble de mesures qui visent à assurer une gestion sécuritaire des pesticides. L'Association forestière québécoise estime important que l'on réglemente et contrôle les activités liées à l'usage des pesticides en vue d'éviter ou d'atténuer les atteintes à la santé des êtres humains, des autres espèces vivantes ainsi que les dommages à l'environnement. Une réglementation s'impose également afin de classifier les pesticides, de s'assurer de la compétence des utilisateurs et d'élaborer un code de gestion. Il importe aussi de mieux renseigner les utilisateurs de la forêt sur le rôle des pesticides dans l'aménagement forestier, de les sensibiliser aux mesures de protection de la ressource forestière et d'obtenir leur appui. Il serait peu raisonnable de dépenser efforts et argent dans l'aménagement forestier si nous n'utilisons pas les outils connus pour protéger ces investissements.

Commentaires de l'AFQ. La ressource forestière est une source de bénéfices énormes pour l'industrie touristique, récréative et manufacturière. Elle amène des retombées économiques appréciables qui se chiffrent à 10 000 000 000 $ et plus. L'Association forestière québécoise est consciente que les pesticides sont aujourd'hui les outils indispensables pour diminuer l'envahissement de la végétation concurrentielle dans les aires régénérées naturellement ou artificiellement et pour lutter contre les agents destructeurs des forêts. En ce sens, nous rejoignons la Stratégie mondiale de conservation qui est une série de principes universellement reconnus pour la conservation de toutes les ressources vivantes, forêts incluses, à des fins sociales et économiques où la conservation implique une protection adéquate.

Toutefois, l'Association forestière québécoise recommande fortement que les pesticides homologués, tels le B.t. et le glyphosate, soient utilisés avec une grande prudence selon les

règles de l'art et seulement lorsque aucune alternative dans les moyens de lutte ou de répression n'est réputée efficace. Par contre, l'utilisation des pesticides ne doit pas faire oublier la nécessité de rechercher d'autres méthodes alternatives d'aménagement susceptibles de réduire leur utilisation. Les insectes et la végétation concurrente peuvent être ennuyeux, mais ils peuvent aussi détruire. Les insectes causent d'énormes ravages dans les forêts, retardent la croissance et endommagent ou tuent les arbres. La végétation concurrente accapare la lumière, l'espace et les éléments nutritifs dont les jeunes plants ont besoin pour s'établir.

Pour combattre ces fléaux, les forestiers disposent actuellement de pesticides chimiques ou biologiques homologués, soit des insecticides pour freiner (es infestations d'insectes ou des phytocides pour contrôler la végétation indésirable. Une forêt ravagée par les insectes ou une régénération étouffée par la végétation envahissante n'intéresse personne. Ceci est vrai tant pour le touriste que pour le travailleur forestier. Les jeunes forêts issues d'une régénération naturelle ou artificielle doivent être aidées pour combattre cette végétation envahissante afin d'accélérer le processus de croissance, ceci, afin d'en faire profiter le plus rapidement possible les autres utilisateurs.

Considérant la période de réaction du milieu forestier, nul ne peut justifier les sommes investies en aménagement forestier et touristique sans une protection adéquate de nos forêts. Cette protection doit s'étendre non seulement aux feux, mais aussi aux insectes, aux maladies ainsi qu'à la lutte contre les plantes susceptibles de nuire à la régénération souhaitée.

En rapport avec tout ce qui a été dit, l'Association forestière québécoise est d'accord sur la nécessité de chercher prioritairement et dès maintenant des moyens de contrôler la situation de façon efficace, et de connaître et maîtriser les options qui s'offrent à elles ou à nous en général. Dans ce contexte, le public doit aussi être informé de ces options qui s'offrent à l'aménagiste forestier afin qu'il comprenne l'importance et la nature des interventions effectuées en forêt, et c'est là un des mandats de l'Association forestière québécoise. Merci bien.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Boily. M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, merci. Cela serait peut-être au tour de mon collègue, mais tout de même... J'aimerais demander aux représentants de l'Association forestière québécoise, qui est également un organisme de conservation comme nous en avons rencontré un ce matin et qui souhaite avoir un Québec vert - moi aussi, je le souhaite beaucoup - puisque vous parlez beaucoup d'information à la population et je ne pense pas qu'il y ait quiconque ici dans cette salle qui veuille faire des choses en catimini, en cachette, à votre avis - je vous demande seulement votre avis là-dessus - est-ce que les études d'impact sont un bon moyen d'informer la population?

M. Boily: Dans certains cas, cela peut être un bon moyen; dans d'autres cas, cela dépend qui fait partie des audiences ou qui est présent aux audiences. Maintenant, quand on parle d'information du public, ce n'est peut-être pas d'aller aussi loin que des audiences publiques sur des produits qui sont déjà homologués ou connus, tels le B,t. ou le glyphosate. C'est peut-être sur d'autres produits qui seraient mal connus ou qui pourraient causer des problèmes à notre environnement. Mais, actuellement, je pense que les produits qu'on utilise, soit le B.t. et le glyphosate, ne sont pas trop dangereux pour l'être humain, ni pour le milieu faunique ou aquatique.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je ne crois pas qu'il y ait quelqu'un dans cette salle qui s'oppose à des audiences publiques à l'opposition d'un nouveau produit ou lors de l'homologation d'un produit. Serait-il recommandé, lorsqu'on propose un nouveau produit, lorsqu'il est homologué, de tenir une audience publique sur ce produit?

M. Boily: Je pense que oui, parce que la population verrait vraiment jusqu'où ce produit-là peut être certifié ou reconnu, jusqu'à un certain point.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Lors de ces audiences, on s'en remet aux études des experts qui ont examiné le produit et ses conséquences environnementales et sur la santé. Les différents experts viennent exposer, par l'entremise de corps intermédiaires comme le vôtre ou d'autres, leur point de vue sur le produit. C'est une occasion en or de faire une audience publique sur un nouveau produit qui doit être homologué.

M. Boily: Oui. On est d'accord avec cela, sauf que pour ceux que l'on connaît il n'est pas nécessaire d'élaborer un tel processus.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Boily. M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: Si, d'après vous, on devait accepter le glyphosate sans étude d'impact, parce que, dites-vous, c'est connu, cela veut dire en toute logique qu'il faudrait accepter n'importe quel produit qui a la même toxicité ou non-toxicité que le glyphosate, au même niveau. Si c'est un produit... Je vois quelqu'un qui secoue la tête derrière, mais c'est à vous que je demande cela. Si vous dites que le gfyphosate, à un certain niveau de contenu chimique, parce qu'il est connu on l'accepte sans étude d'impact, sans processus quelconque... Vous l'acceptez parce que

tout le monde est content et convaincu dans votre industrie que c'est raisonnable et sécuritaire. Est-ce que vous dites que n'importe quel produit similaire ou moins nocif devrait pour la même raison être accepté automatiquement? Pourquoi est-ce juste le glyphosate? Pourquoi pas un autre?

M. Boily: Parce qu'on le connaît bien tout simplement. On le connaît parce qu'on l'a utilisé peut-être plus que les autres. Un nouveau produit qui nous arrive sur le marché, que l'on connaît peu ou pas du tout, il faut voir son impact. Cela prend peut-être une étude d'impact.

M. Lincoln: Est-ce que vous êtes au courant d'un produit appelé phosphamidon qui avait été utilisé pendant un bout de temps, pendant quelques années au Nouveau-Brunswick, entre autres?

M. Boily: Je ne le connais pas personnellement.

M. Lincoln: Dans les études, je voyais qu'un produit appelé phosphamidon avait été utilisé avant le fénitrothion et qu'après l'avoir utilisé pendant plusieurs années on a découvert qu'il était trop dangereux. On a changé, on a dit: Plus de phosphamidon. Est-il possible que, dans trois à cinq ans, on décide que le glyphosate est plus dangereux qu'on ne le pense?

M. Boily: C'est possible, mais ce sont vraiment des points techniques du produit. Le glyphosate, on peut en boire une certaine quantité. L'être humain peut en boire une certaine quantité avant que cela ne devienne nocif pour lui. Je ne me rappelle pas le nombre de litres qu'il peut boire, non pas pur, mais à l'état prescrit pour l'épandage, comme le B.t. d'ailleurs. Le Dr Smirnoff en a bu des quantités appréciables...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boily: II n'est pas mort, il est en pleine forme et il est même prêt à revenir à la recherche au Service canadien de la forêt. Je ne sais pas, mais si on demande des études d'impact sur tout ce que l'on utilise, sur ces deux produits, combien cela prendra-t-il de temps, premièrement? Ensuite, quel outil aurons-nous pour travailler sur la forêt? On dit que la forêt, on la cultive; on parle de culture de la forêt. Je suis toujours estomaqué de voir qu'on s'acharne sur le milieu forestier, mais qu'on s'acharne beaucoup moins sur le milieu agricole. En agriculture, on utilise une quantité énorme de pesticides. Ce sont des produits que l'on mange. Personne n'est mort encore de ça, au Québec; on ne l'a pas prouvé d'ailleurs. Je vais dire comme M. Jean-Pierre Landry: Les épinettes, on ne les mange pas, les sapins non plus. Alors, pour l'être humain, c'est peut-être moins dangereux que ce que l'on peut utiliser à d'autres niveaux et à des quantités beaucoup moindres également. Mais cela dépend toujours de ce que le gouvernement veut décider, tout simplement. S'il veut décider des études d'impact sur tous les produits, à ce moment-là, on aura des études d'impact sur tous les produits. Mais si on ne se donne pas d'outil, si on va voir un mécanicien et qu'il n'a pas de coffre d'outils, même si on lui dit: Répare-moi telle affaire, il sera bien mal venu de la réparer. C'est un peu la même chose pour l'ingénieur forestier ou l'aménagiste forestier. Si on ne lui donne pas d'outils pour aménager notre forêt, ne lui demandons pas de miracles, il ne sera pas capable d'en faire. (23 h 30)

M. Lincoln: Je pense qu'il y a toute une marge entre dire: On ne vous donne pas d'outils et... En fait, la loi prévoit pour plus de 600 hectares, ce qui est une assez grande superficie. Là, on va beaucoup plus loin, on dit: Si vous présentiez . un programme sur cinq ans, vous pourriez le faire sur n'importe quelle superficie, de la grandeur que vous voulez, pourvu qu'on ait une façon d'être informés à l'avance, que le public soit informé à l'avance. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est tout à fait équitable pour le public lui-même qui va subir les conséquences de tout geste? Si, dans le domaine agricole, il y a une faille, cela ne veut pas dire qu'on ne devrait pas essayer de changer les choses lorsqu'on en a la chance. Si on peut le faire dans le domaine agricole, certainement qu'on va essayer. Je suis d'accord avec vous que, dans le domaine agricole, on doit changer des choses. Je suis entièrement d'accord avec cela.

M. Boily: Changeons-les partout.

M. Lincoln: Est-ce que vous ne pensez pas que le public a le droit d'être informé d'une façon ou d'une autre?

M. Boily: II a le droit et c'est important de l'informer. Maintenant, je pense qu'on a... Le ministère a donné beaucoup d'information au public dans la région du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie. Depuis ce temps-là, le public accepte qu'il y ait des arrosages aériens, qu'il y ait des arrosages de certains produits comme le glyphosate et tout cela parce qu'il est informé et qu'il sait un peu à quoi s'en tenir, chose qu'il ne savait pas avant. Les hantises des gens viennent bien souvent du manque d'information. Mais est-ce que cela prend des audiences publiques pour les informer? La question est là. Est-ce qu'on ne peut pas les informer d'une autre façon...

M. Lincoln: Ah oui...

M. Boily: ...avec des mécanismes beaucoup plus souples, beaucoup moins lourds et beaucoup plus rapides d'exécution?

M. Lincoln: Je suis d'accord avec vous, mais, en fait, je pourrais vous poser la question: Est-ce que vous êtes d'accord, oui ou non, avec le système que les élus du Québec ont accepté? C'est un système d'audiences publiques qui, après tout, est dans nos lois, qui a été voté par cette Assemblée et qui est en place maintenant. C'est le système. Si on veut le changer, c'est de cela qu'on devrait discuter. Est-ce qu'on doit le changer? Si vous n'êtes pas d'accord avec ce système, au lieu de glisser dans toutes sortes de sujets, c'est cela qu'il faut dire. Si on n'est pas d'accord avec le système, il faudrait le changer.

M. Boily: Je pense qu'au Québec on n'est pas dans un gouvernement totalitaire, on est justement dans un pays démocratique et les gens ont droit à l'information. Mais il s'agit de voir jusqu'où va l'information. Informer pour informer...

M. Lincoln: Est-ce que... M. Boily: ...jusqu'où on doit...

M. Lincoln: ...vous laissez entendre que le BAPE n'est pas démocratique, qu'il est totalitaire...

M. Boily: Ce n'est pas cela que je veux dire.

M. Lincoln: ...qu'il représente...

M. Boily: Non, je dis justement que le BAPE, les commissions parlementaires et tout cela, c'est très démocratique. C'est un processus qui doit être maintenu. Je crois à cela. Mais est-ce qu'on va le faire dans tous les cas, pour tout? C'est ça l'affaire. Jusqu'où doit-on utiliser ce processus? Dans quel cas doit-on l'utiliser? C'est un peu ça. La question est là, je crois, jusqu'où on doit aller dans l'information du public et dans l'utilisation des audiences publiques.

M. Charbonneau: Maintenant, je vais reprendre là où le ministre...

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: ...a laissé le débat. Il y a une sacrée différence entre le fait de juste informer et de permettre au public de savoir et le fait de permettre au public d'intervenir, de réagir, d'influencer et de vous obliger, vous et n'importe qui qui êtes obligés de vous soumettre au processus d'audiences publiques, à justifier des choses et, éventuellement, à être en mesure de tenir compte de points de vue, d'évaluations ou de considérations qui ont été sous-estimés. Dans ce sens, je reprends ce que j'ai dit tantôt: si on pouvait déduire de l'expérience du BAPE jusqu'à maintenant que cela n'a jamais été utile, ou que cela a été rarement utile, et que cela a rarement empêché des actions à l'égard de l'environnement qui seraient inacceptables, sauf que cela n'est pas le cas. La réalité est que souvent... Heureusement que le BAPE existait et heureusement qu'il est intervenu. On s'est souvent rendu compte que ce que des gens, qui, normalement, devraient être des ignorants parce que ce sont des gens du grand public et qu'ils ne sont pas des experts, ont amené comme information a changé drôlement la tournure d'un certain nombre de situations.

Dans ce sens, est-ce que vous ne reconnaissez pas qu'il y a une marge entre soumettre tous les cas, tous les produits, et peut-être toutes les compagnies, à un mécanisme plus souple qui ferait en sorte que, sur une base régulière, tous les quatre, cinq ou six ans, on pourrait avoir, soit sur une base territoriale, soit sur une base d'entreprises, des gens qui viennent justifier un peu en public l'utilisation des produits qu'ils entendent utiliser, lorsqu'il y a des situations qui le nécessitent, et qui viennent aussi nous expliquer quelle est la nature des écosystèmes dans lesquels ils sont appelés à intervenir et quelles sont les conséquences de l'utilisation des produits qu'ils entendent utiliser sur... Est-ce que vous trouvez cela exagéré, vous?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Boily.

M. Boily: Non, on ne trouve pas cela exagéré.

M. Charbonneau: Bien, nous autres non plus.

M. Boily: Tout dépend des mécanismes qui seront mis en place et du temps que cela prendra tout simplement pour la réaction. Il ne faut pas s'encarcaner. C'est à peu près cela l'affaire. Il ne faut pas se mettre des carcans qui nous ficellent ou qui nous empêchent de fonctionner. Il s'agit de trouver des solutions. Probablement que vous avez de bonnes solutions à nous soumettre. Moi, je n'en ai pas. Ce serait peut-être intéressant d'avoir une solution ou quelques solutions concrètes sur lesquelles les gens pourraient s'asseoir et discuter autour de la table. Mais ce seraient des solutions qui auraient beaucoup de souplesse et qui permettraient aux gens de réagir efficacement dans des situations d'urgence. Je pense que c'est cela l'idée à travers tout cela.

M. Charbonneau: Bien, écoutez, on est d'accord... Je pense que tout le monde convient qu'il ne faut plus que se répètent des situations comme celles dont on nous a parlé aujourd'hui où, finalement, on a attendu que l'épidémie soit généralisée pour intervenir. Mais il y a sûrement moyen d'avoir un mécanisme qui permette

d'intervenir dans les situations d'urgence. Moi, je fais la distinction entre à partir d'aujourd'hui jusqu'à ce qu'il y ait des conclusions d'une étude d'impact et après l'étude d'impact. Il me semble qu'à partir de maintenant jusqu'à ce qu'il y ait des conclusions, on doit permettre à des gens d'utiliser certains produits dans certaines circonstances. Une fois qu'on aura franchi l'étape d'une étude, on aura la contrainte de se soumettre à ce mécanisme-là. Mais une fois que ce mécanisme-là aura été franchi, on aura encore la latitude d'agir avec rapidité. Donc, dans le fond, il s'agit de fixer un moment où on va convenir que le processus d'évaluation entre en ligne de compte et c'est évident que, dans une semaine, ce n'est pas le cas. Moi, je pense qu'on pourrait s'entendre sur une période qui aurait cours entre maintenant et le moment où les entreprises ou les régions, quelle que soit la façon dont on pourrait organiser cela, auraient à se soumettre à la procédure. Une fois que les gens s'y seraient soumis, bien, là, il y aurait les conclusions. Il faut aussi se rappeler qu'il y a quelques années le BAPE, dans une audience publique qui concernait justement l'usage des pesticides, a amené le ministère de l'Énergie et des Ressources à réviser son programme d'arrosage. Et j'ai l'impression que le ministre délégué aux Forêts le sait très bien, le ministère de l'Énergie et des Ressources se soumet à la procédure, à ma connaissance. Il essaie de la contourner lui aussi de temps en temps, comme on l'a vu ce matin dans Le Devoir, mais néanmoins...

Une voix: Cela vient du Devoir.

M. Charbonneau: Cela vient du Devoir, ne répétez pas ce que votre collègue dit, pour une fois, vous allez...

Une voix: On pourrait sortir la Gazette.

M. Charbonneau: On pourrait sortir la Gazette, vous allez être mal pris. Néanmoins, indépendamment du fait que, dans certains cas, le MER contourne, le ministère se soumet aux études d'impact et, jusqu'à maintenant, cela n'a pas empêché l'efficacité.

M. Boily: Je ne le sais pas. Je ne sais pas jusqu'à quel point cela n'a pas empêché l'efficacité. Dans certains coins, cela a causé de graves problèmes. Cela a coûté très cher à la population du Québec et...

M. Charbonneau: Est-ce que vous attribuez les problèmes - je vais faire un lien de cause à effet - entre les audiences publiques d'il y a quelques années et les problèmes qu'on a identifiés aujourd'hui?

M. Boily: Le problème n'est peut-être pas en ce qui concerne les audiences publiques, le problème concerne les restrictions. 600 hectares pour un ministère dans toute la province de Québec pour un arrosage aérien, c'est un non-sens.

M. Charbonneau: D'accord. Est-ce que vous êtes conscient que les deux solutions, en particulier la solution qui est proposée ou qui est privilégiée par le ministère de l'Environnement, vous enlèverait cette contrainte?

M. Boily: Pour le ministère peut-être. Je ne suis pas le ministère, je ne peux pas répondre à sa place.

M. Charbonneau: Vous vous plaignez de la contrainte des 600 hectares.

M. Boily: Je dis ce que j'ai vu et ce qui existe.

M. Charbonneau: C'est cela, vous dites que c'est une contrainte...

M. Boily: C'est une contrainte. Si elle est levée, en ce qui concerne l'arrosage aérien, cela aiderait énormément, c'est officiel. C'est un moyen d'intervenir efficacement et à des coûts moindres. Il y a beaucoup moins de dégâts écologiques, si on veut parler d'écologie et d'environnement, par arrosage aérien - il y en un quand l'avion tombe, à part cela il n'y en a pas - que par voie terrestre. Quand les transporteurs transportent un bidon avec eux et qu'il est retourné sur le côté, tout se déverse. Là, il y a des dégâts écologiques, il y en a souvent beaucoup plus que par voie aérienne. C'est pour cela qu'il y a des choses qui sont difficiles à comprendre et à saisir dans les décisions qui ont été prises. Nous ne voulons pas retourner à cette situation. Que des décisions soient prises, mais qu'elles fassent l'affaire tant du gouvernement que des intervenants. Ce sont les intervenants qui vont devoir appliquer ces modalités à l'avenir. Notre industrie forestière, je pense que c'est important au Québec, il faut y voir. Les décideurs publics sont là pour cela. Il y en a qui sont bien sensibilisés. C'est votre problème, messieurs les députés et les ministres, de voir à ce que notre industrie forestière soit efficace au Québec et puisse avoir les outils pour travailler. Si on s'entend là-dessus, tout le monde va être heureux.

Le Président (M. Saint-Roch): Voulez-vous parler, M. le ministre?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Le phosphamidon a été remis en question, pour votre information, après des études sur le terrain. J'ai demandé à l'intervenant qui vous a précédés s'il était prêt à faire des efforts comme partenaire avec le gouvernement pour le suivi environnemental et toutes ces questions. C'est important. Je suis convaincu que l'étude d'impact ne pourra rien

changer dans la décision d'homologuer ou non le phosphamidon. Je suis convaincu de cela. Sauf que, s'il y a un suivi environnemental de tous les produits, on a des chances de s'améliorer et de se corriger, s'il y a lieu, afin de se sécuriser.

M. le député de Verchères me demandait si on faisait notre devoir. Oui, on le fait sur le suivi environnemental. On fait également l'analyse des produits qu'on reçoit. L'an passé, on a fait l'analyse du B.t. et on a découvert des choses. On le fait maintenant. C'est peut-être grâce aux audiences publiques si, aujourd'hui, le ministère est si prudent et fait les choses correctement. Cela a au moins donné ce résultat positif. On ne parlera pas du négatif, on va parler du positif.

Une voix: C'est un bon morceau.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est un bon morceau. On fait aussi la surveillance de tout cela: la dérive, le calibrage des avions; on fait tout cela. On donne des manuels d'intervention.

On fait le contrôle médical des travailleurs, de ceux qui manipulent les produits. Cela a été bon. Cette intervention est positive.

M. Desbiens:...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Pardon?

M. Desbiens: Cela a été, c'est au passé. Voulez-vous dire que cela ne l'est plus?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Non. Le suivi environnemental, le suivi entomologique, c'est bien important qu'on le fasse. Je voudrais que les compagnies le fassent avec nous comme partenaires, qu'on ne nous renvoie pas toute la responsabilité de ce suivi. C'est ce que je voulais dire. Une étude d'impact ne corrige pas cela. Avec une étude d'impact, on se réfère à ce qui est connu, à ce qui a été donné par les scientifiques. Tout le monde vient nous dire ce qui a été fait là-dessus. C'est comme une audience publique, sauf qu'une audience publique nous incite beaucoup plus à la précaution. C'est bon.

M. Lincoln: Je voulais poser...

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: ...une dernière question. Si on regarde tous les points de vue, il est sûr que certains sont divergents. Votre industrie voudrait que certains produits, qui sont homologués, soient utilisés de façon complètement libre parce que ces produits sont connus. Il y a l'autre thèse, qui est celle que je propose, c'est-à-dire que l'on fasse une évaluation, une étude d'impact suivie d'une audience publique sur une période de cinq ans pour éviter, justement, les choses à la pièce, sur 600 hectares, etc.

(23 h 45)

Entre ces deux théories - et c'est pourquoi on a mis ces deux scénarios-là, deux scénarios qui étaient complètement différents, en un certains sens - il y a des points de rattachement. Je pense que le critique de l'Opposition a soulevé des suggestions qui essayaient de rejoindre ce que M. Duchesne et les autres ont dit, à savoir qu'on réalise qu'il y a des périodes d'urgence où il y a des besoins et où on doit intervenir comme s'il y avait un incendie; on conçoit cela. En même temps, il y a aussi un désir tout à fait... Moi, je le constate tout le temps, c'est pourquoi je suis à cheval dessus, le public veut un mécanisme quelconque. Je sais que vous n'êtes pas d'accord et peut-être que la formule de l'audience publique à tort ou à raison... Mais c'est comme cela, le public veut quelque chose, un endroit où il va s'asseoir, où il va pouvoir témoigner et où il va pouvoir vous questionner. En fin de compte, peut-être que, comme mon collègue le dit, cela ne va pas changer grand-chose, mais peut-être que cela va changer certaines choses. Mais le fait est que, lorsqu'on aura fini cet exercice... Je constate que c'est un exercice contraignant pour vous comme pour nous. Nous aussi, on aurait préféré qu'il n'y ait pas cet exercice-là, cela aurait été plus facile. Mais, si on passe par là, on sonde. À ce moment-là, on sait que personne ne va nous critiquer après, parce qu'on aura fait notre travail, on aura ouvert les... C'est psychologique beaucoup ces choses-là, mais c'est important.

Si, par exemple, on pouvait avoir un mécanisme qui rencontre vos contraintes d'urgence, du fait que vous avez besoin d'outils jusqu'à ce que la recherche trouve des moyens alternatifs, et si, en même temps, vous ayez à passer par une étude d'impact et qu'on réussisse à trouver le moyen de rendre cela le plus rapide et le plus efficace possible, pour que cela ne soit pas une espèce d'affaire qui traîne en longueur, est-ce qu'à ce moment-là on ne pourrait pas se rejoindre quelque part? Il me semble, moi, qu'il faudra, à un moment donné, en arriver à un compromis sur ces deux positions. Vraiment, moi, je vais vous dire et j'ai dit cela à M. Duchesne tout à l'heure, je suis à cheval sur les audiences publiques et je l'ai dit aussi à mon collègue ici. Pour nous, c'est un sine qua non pour l'environnement. On pense que c'est cela la pierre de taille de tout notre travail. Mais sûrement qu'il y a une façon de se rejoindre. On est prêt à regarder toutes... C'est pourquoi on avait suggéré ces cinq ans, pour ne pas vous obliger, comme industries, à revenir toutes les semaines, tous les six mois. C'est ce qu'on est en train d'essayer de trouver entre nous. Peut-être que vous allez nous aider.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Boily?

M. Boily: Peut-être, mais peut-être pas ce soir.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boily: Je trouve le commentaire de M. Côté très pertinent et je pense que c'est à l'usage qu'on va voir si un produit est vraiment efficace ou non, est toxique ou non.

Maintenant, il y a sûrement moyen d'en arriver à des ententes pour faire le bonheur de tout le monde. Tantôt, on a parlé d'un comité ministériel, interministériel avec une partie des entreprises, avec Jos. Public, peut-être, à ce comité-là, avec des gens impliqués dans ces domaines, qui pourraient participer à ce comité pour certains problèmes et pour d'autres problèmes plus épineux ou plus grands qui demanderaient vraiment une vision de toute la population du Québec. Peut-être qu'une audience publique serait intéressante à ce moment-là. Mais, sur un produit, la faire partout dans la province ou la faire... Quelle ampleur donner à cela? C'est un peu à tout cela qu'if faut penser. Est-ce qu'on va le faire pour tous les produits, est-ce qu'on va le faire à travers toute la province, est-ce qu'on va inviter tout le monde, est-ce qu'on va... Jusqu'où va-t-on aller avec cela? C'est un peu ce qu'il faut mettre dans la balance, de chaque côté, pour jauger le tout.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Boily. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Est-ce que, à votre connaissance, il y a déjà eu des rencontres ou des lieux où vous vous êtes retrouvés à la même table, vous, de l'industrie, ou des représentants de l'industrie, et, par exemple, des représentants d'organismes comme le Regroupement pour un Québec vert, l'association québécoise de la faune, de la protection de la faune, je ne sais pas quel est le nom exact, la Fédération québécoise de la faune? Est-ce qu'il y a déjà eu ou existe-t-il un forum où les antagonistes, d'une certaine façon, un peu comme le sont le ministre de l'Environnement et son collègue délégué aux Forêts, est-ce qu'il existe un lieu de concertation où vous pouvez, sur une base régulière ou occasionnelle, échanger des points de vue et, de part et d'autre, avec un minimum de bonne foi, remettre en cause des pratiques, ou des opinions arrêtées, ou des...

M. Boily: Je n'ai pas siégé à de tels comités, mais il y a sûrement eu des liens entre l'industrie et la population concernant la faune. On parlait tout à l'heure de l'aménagement de ravages de chevreuils que Domtar a fait. C'est un cas où des gens du ministère de l'Énergie et des Ressources, du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et des gens du milieu se sont impliqués pour voir comment ils devaient aménager un certain secteur de forêt pour le bénéfice de tout le monde. Ils ont trouvé une solution pratico-pratique sur le terrain pour les secteurs à aménager et c'est une solution qui fonctionne très bien. Il faut donner à la population des régions du Québec - ce sont des gens assez ingénieux et innovateurs - il faut leur donner la chance, à certains niveaux, de s'entendre pour réaliser des choses et permettre aux parties de s'informer mutuellement de leurs actions.

M. Desbiens: M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: L'exemple que vous venez de soulever sur les ravages du cerf de Virginie, c'est dans la Beauce?

M. Boily: Beauce, Estrie, si on veut.

M. Desbiens: Cela a été réglé de façon ponctuelle, il n'y a pas eu d'audiences. Il a fallu des pressions considérables de la part de la population ou d'organismes de la faune impliqués dans la protection du cerf pour réussir à faire agir un ministère et trouver une solution avec la compagnie Domtar.

M. Boily: C'est possible que les pressions...

M. Desbiens: Est-ce que ce n'est pas, dans votre esprit, une indication qu'il est préférable d'avoir un système régulier? Des situations comme celles-là pourraient être soumises à des rencontres...

M. Boily: On peut instituer des choses, selon les besoins, c'est sûr.

M. Desbiens: ...de citoyens avec des organismes, des entreprises, les gouvernements ou les ministères?

M. Boily: II y a certainement eu des pressions de certaines personnes pour en arriver là, c'est sûr, parce que ça prend toujours des instigateurs pour faire bouger certaines choses, c'est officiel. Mais il y avait un niveau de conscience élevé dans l'industrie et au ministère du Loisir, de la Chasse et Pêche pour en arriver à un règlement et ils ont pris la solution pour y arriver.

M. Desbiens: Là, c'est pour une question bien précise, mais pour une autre question environnementale dans le cas qui nous préoccupe sur les pesticides, qui est ce forum... C'est un forum, finalement, les audiences publiques. La population, les groupes peuvent se rencontrer, discuter et soumettre à la face de tout le monde l'argumentation qui, de part et d'autre, va permettre d'apporter un éclairage et de trouver une solution heureuse pour tout le monde, au lieu d'être obligés... Parce que ça demande beaucoup de temps le genre de pressions que des citoyens ont été obligés de faire dans le cas du

ravage d'Amstrong. Cela demande beaucoup de temps, beaucoup d'efforts, mais s'il y avait eu un forum de cette nature concernant la faune, comme il y en a un concernant l'environnement dans le cas du BAPE, il y aurait sans doute eu plus facilement et plus rapidement une solution trouvée à ce problème.

C'est dans ce sens-là que j'interviens pour vous demander si vous ne trouveriez pas plus heureux, pourquoi vous ne trouveriez pas la procédure... Selon certains aménagements, puisque, tout au cours de la journée, on a pu se rendre compte de l'évolution de certaines positions et qu'il est probablement possible d'arrriver à trouver un moyen qui permette à la fois de satisfaire les exigences des entreprises forestières, mais aussi de répondre à une volonté de la population, parce que c'est une volonté de la population et c'est à elle qu'appartient le territoire québécois, c'est à toute la population. Cela n'appartient pas aux entreprises forestières, cela n'appartient pas au monde de la faune, cela n'appartient pas aux pêcheurs, cela n'appartient pas aux chasseurs, cela appartient à tout le monde. Cette population a donc le droit de s'exprimer du côté environnemental et le Bureau d'audiences publiques est le moyen privilégié. Il n'y en a pas eu de meilleur de trouvé jusqu'à ce jour. Comment insérer les besoins, comment faire pour discuter des propositions de l'industrie forestière? Comment régler cela, sinon par ce moyen, par la population? C'est à cela qu'on travaille présentement.

M. Boily: Si vous pensez que c'est le seul, à ce moment-là...

M. Desbiens: Oui.

M. Boily: ...je ne vois pas pourquoi on est ici.

M. Desbiens: Bien, je vous pose la question. M. Boily: On va l'appliquer et...

M. Desbiens: C'est la question qui est posée...

M. Boily: On est ici pour voir s'il y a d'autres solutions.

M. Desbiens: Oui.

M. Boily: C'est cela que je veux dire. C'est un des moyens, mais cela ne veut pas dire que c'est l'unique moyen. C'est cela qu'il faut regarder. On est d'accord avec le moyen, mais on pense qu'il existe peut-être d'autres moyens qu'on peut développer et qui peuvent faire l'affaire de tout le monde aussi. Ils sont peut-être plus souples, moins rigides.

Le Président (M. Saint-Roch): Je remercie l'Association forestière québécoise inc. pour sa présentation aux membres de la commission de l'aménagement et des équipements.

Je demanderais maintenant à l'Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Je demanderais au porte-parole de l'Association canadienne de producteurs de pâtes et papiers de bien vouloir s'identifier, ainsi que les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers

M. Hart (Howard): M. le Président, permettez-moi de me présenter. Mon nom est Howard Hart. Je suis président de l'Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers. Je suis accompagné, à ma gauche, de M. Denis Brière, de la société Kruger, de M. Guy Dufresne, de la société Consolidated-Bathurst, à ma droite... Je m'excuse, à ma gauche.

Une voix: Ce n'est pas...

M. Hart: Vous êtes un gauchiste. À ma gauche, M. Bill Martin de la société CIP inc.

Nous vous remercions de cette invitation à présenter notre point de vue sur ce sujet d'importance primordiale pour la province de Québec.

Vous devez vous demander pourquoi une association nationale fait une présentation devant une commission provinciale. Nous reconnaissons tout d'abord que la gestion des forêts est de juridiction provinciale, mais nous reconnaissons aussi que les insectes et les maladies ne respectent pas les frontières provinciales, fédérales et même internationales. Il est, d'après nous, nécessaire de mobiliser tous nos moyens afin de protéger notre ressource forestière des dommages causés par les ravageurs forestiers. La forêt a un effet profond sur notre société, (minuit)

Quelques points importants. L'industrie est la pierre d'assise du plus important moteur économique du Québec et du Canada. Comme vous le savez peut-être, le Canada est le plus grand exportateur de produits forestiers du monde et les bénéfices de ce commerce aux employés et aux citoyens de notre province sont énormes. Deuxièmement, c'est également vrai que l'existence de cette industrie à l'échelle mondiale dépend d'une ressource de qualité économiquement accessible. Troisièmement, il est insensé d'investir des sommes d'argent importantes dans l'amélioration et l'aménagement des forêts s'il n'existe pas de volonté de protéger la forêt et si tous les outils ne sont pas disponibles aux forestiers. Quatrièmement, les pesticides homologués sont sécuritaires lorsque utilisés selon des règles rigoureuses et le Canada a la réputation d'avoir un des meilleurs systèmes d'homologation. Les pesticides sont des outils indispensables dans

la lutte contre les ravageurs forestiers. Par conséquent, nous appuyons l'utilisation rationnelle des pesticides dans le cadre d'une approche intégrée de contrôle des ravageurs. Voici, M. le Président, en quelques mots le message que mes collègues vous présenteront d'une façon plus détaillée et je passe maintenant la parole à M. Dufresne.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.

M. Dufresne: Merci, M. le Président. L'utilisation des pesticides en milieu forestier. Nous allons voir aujourd'hui, ce soir, cinq aspects traitant de cela et nous commencerons par l'industrie. L'industrie des pâtes et papiers est une industrie très vaste. Les expéditions comptent pour 26 000 000 000 $, dont 8 200 000 000 $ sont au Québec. Les exportations représentent à peu près 80 % de cela. Au Québec, cela représente 4 000 000 000 $ et 250 000 emplois. Et il y a 1366 usines et scieries au Québec, donc, une industrie d'importance.

Quand on regarde la contribution nette des exportations en 1987, en milliards de dollars, les produits forestiers représentent 18 200 000 000 $, dont 12 200 000 000 $ sont les pâtes et papiers et la balance, des produits forestiers de scieries. C'est énorme comparativement à toute autre industrie, comme vous pouvez le voir en jaune. Cela représente même presque le double de la balance nette de paiement du Canada.

Comme l'a dit M. Hart, on est une industrie d'exportation et très grosse dans le monde quand on voit que, pour les produits forestiers, on représente 22 % des exportations mondiales qui totalisent 68 000 000 000 $.

Du côté du coût, on s'aperçoit ici, en dollars US par tonne métrique, que l'Est du Canada a un coût plus élevé que l'intérieur de la Colombie britannique, que le sud des États-Unis et que le Chili. Par contre, le taux de change fait que la Suède à l'heure actuelle, en 1988, est très peu compétitive en ce qui concerne la pâte blanchie. On s'aperçoit là aussi que le coût du bois est un élément très important dans nos coûts et qu'on ne peut pas se permettre de les augmenter si on veut demeurer compétitifs à long terme.

Le deuxième secteur, l'aménagement forestier. Si on regarde ici cette diapositive, la partie du haut nous montre le cycle normal d'une forêt, c'est-à-dire qu'elle pousse au tout début et ensuite à la fin on voit qu'elle est détruite par le feu ou les insectes et cela recommence.

Ce que le gouvernement du Québec a voté unanimement par les deux partis, c'est de changer le cycle normal de la forêt par un choix collectif et de l'utiliser comme récolte. On voit qu'on accélère le cycle et au lieu de laisser la forêt se détruire par le feu et les insectes, on la coupe, on l'utilise pour créer au Québec 250 000 emplois et ainsi faire vivre une bonne partie de la population.

Troisièmement, la ressource forestière. Les possibilités de récolte de résineux au Canada ont varié, au cours des années, et on s'aperçoit qu'on s'en vient très près de la possibilité maximum de 165 000 000 de mètres cubes pour l'ensemble du Canada. Donc, on arrive au temps où il faut faire de l'aménagement, il faut protéger plus notre forêt et, en d'autres termes, il faut avoir tous les outils nécessaires si on veut continuer de croître. Quand on regarde le Québec, avec la ligne en jaune, on s'aperçoit que la récolte, au cours des dernières années, a été plus élevée que ce que la forêt produit naturellement. En orange, la ligne du milieu, on voit ici que ce que le gouvernement a fixé comme objectif, 25 400 000 mètres cubes, est tout un défi. Pour cela aussi cela nous prend les outils nécessaires. La troisième partie, allocation de 34 000 000 de mètres cubes - entre la ligne orange et la ligne rouge - j'appelle cela un rêve. On n'est pas capable d'avoir cela à l'heure actuelle. Ce n'est pas possible de monter à ce niveau avec les outils que l'on a.

Comment augmenter la production forestière? On a cinq moyens ici, et ce n'est pas l'un ou l'autre, tous sont nécessaires si on veut atteindre les objectifs fixés par l'ensemble du gouvernement: protéger d'abord la ressource actuelle, c'est ce qu'il y a de plus économique et c'est nécessaire, maintenir le territoire forestier, améliorer l'utilisation de la ressource, accroître l'utilisation des feuillus et un aménagement intensif de la forêt. Il y a accord sur tous ces points, sauf peut-être sur le premier qu'on discute à l'heure actuelle.

Protection de la forêt. Regardons cela plus en détail. La récolte versus les pertes. Dans la dernière épidémie, au Canada, il s'est perdu autant d'arbres qu'on en a récolté, par le feu, les maladies et les insectes. C'est énorme. Ce ne sont pas des théories, ce sont des faits, durant la période de 1977 à 1981.

Les épidémies d'insectes. Quand on regarde les pertes annuelles dues à la tordeuse des bourgeons de l'épinette, dans les provinces de l'Est, dans la même période, de 1977 à 1981 - et on aurait pu prendre d'autres périodes - la mortalité: 38 000 000 de mètres cubes. C'est déjà 50 % de plus qu'une récolte annuelle. Perte de croissance parce que non seulement on perd les arbres, mais on perd la croissance de ces arbres; perte totale seulement due à la tordeuse: 48 000 000 de mètres cubes, comparativement à une récolte de 60 000 000. Cela ne comprend pas le feu, cela ne comprend pas les autres pertes dues aux autres sortes d'insectes.

L'expérience que nous avons au Canada, c'est l'expérience du Cap-Breton. Au Cap-Breton on a décidé, pendant une période, de ne pas arroser, de ne pas protéger la forêt. C'est un désastre. C'est reconnu. Dans le rapport qu'on a fait parvenir vous avez une étude qui nous démontre de façon concrète tous les aspects de ce cas-là.

J'ai voulu montrer ici deux forêts, une que l'on protège et l'autre que l'on ne protège pas. Si on regarde cela avec des chiffres, voici ce que cela veut dire pour le Cap-Breton. C'est un cas vécu, il n'y aura pas de récoltes pour 50 ans, au moins deux générations. Il y a des pertes de 36 000 000 à ce petit endroit, 50 % de plus que ce que toute la province de Québec récolte par année. Il n'y a pas de projet d'expansion d'usine, naturellement. Il y a moins d'emplois. Si on avait eu ces arbres, on aurait pu avoir au moins 2000 emplois. On parle de 60 000 000 $ par année. On parle de chiffres énormes.

L'environnement, un cycle naturel. On a redonné à la forêt son cycle naturel. Les effets négatifs sur la faune ont été étudiés là-dedans. Je ne veux pas rentrer dans les détails aujourd'hui, mais c'est documenté. Il n'y a pas d'arbres sur lesquels les oiseaux peuvent se percher. Il y a une foule d'autres conséquences sur la faune. C'est un territoire désolé. Les solutions: une approche intégrée de contrôle biologique, chimique, sylvicole et de recherche. Ce n'est pas simplement un aspect, c'est une multitude d'aspects. Cela, c'est pour les insectes.

Maintenant, regardons du côté de la végétation compétitive. On s'aperçoit ici, dans ces broussailles, qu'il y a un sapin qui essaie de sortir. Quand on utilise les produits, on permet à ce sapin-là de croître de façon beaucoup plus rapide et ce n'est qu'une intervention dans la vie de cet arbre-là qui est faite de façon à lui permettre de croître et de produire du bois pour la récréation, pour l'industrie, etc. Les solutions: là aussi, une approche intégrée de contrôle, les phytocides, c'est-à-dire les herbicides, la sylviculture et la recherche pour trouver des arbres qui vont pouvoir pousser plus vite, etc., etc.

Maintenant, regardons le dernier aspect: les pesticides en foresterie. L'utilisation des pesticides au Canada, quand on regarde à gauche, le milieu agricole en utilise 85%, le milieu urbain, 10% et la forêt, 2%. Le territoire est marqué en vert et est difficilement visible de loin, mais c'est 7% pour le milieu agricole, 1% pour le milieu urbain et 35% pour la forêt. Quand on pondère, quand on regarde l'intensité par mètre carré d'utilisation de pesticides, pour une unité en forêt, on en utilise 167 fois plus dans tous les jardins à travers le Canada. Dans le milieu agricole, on utilise 200 fois plus de pesticides par mètre carré qu'on n'en utilise en forêt. On propose comme solution - cela ne veut pas dire qu'on ne doit pas essayer de faire une meilleure utilisation, mais cela vous montre des proportions, ici, qui sont quand même dans les ordres de grandeur très substantiels - par mètre carré ou par kilomètre carré, l'intensité d'utilisation.

La stratégie nationale. Le Conseil des ministres a approuvé l'utilisation des pesticides comme un outil légitime de gestion forestière. Les responsabilités interprovinciales. Les bibites ne respectent pas les frontières, elles se promènent d'une place à l'autre et cela a été démon- tré: que cela soit entre les provinces ou entre le Canada et les États-Unis, il n'y a pas de frontières pour elles. Il faut appuyer l'homologation des pesticides. Il faut protéger ses voisins et j'ajouterais un élément additionnel, il ne faut pas, dans chaque secteur, recommencer la recherche. Il faut s'entraider entre provinces de manière qu'on puisse profiter des recherches qui se font un peu partout. L'homologation des pesticides, on en a parlé souvent, c'est une des plus rigoureuses au monde, c'est complexe, long et coûteux. Nous considérons qu'il n'y a pas assez de pesticides forestiers homologués actuellement. C'est un marché limité. (0 h 15)

L'utilisation sécuritaire des pesticides est très importante. Il faut de très hauts standards d'utilisation. Il faut du personnel certifié. Il faut une supervision professionnelle. Ce sont les mêmes critères que nous avons, auxquels j'ai fait allusion un peu plus tôt cet après-midi, pour la médecine. Pour les réglementations provinciales, il faut un contrôle très sévère; pas de deuxième homologation. Je pense qu'on a un processus qui, au Canada, n'est peut-être pas parfait, mais qui est ce qu'il y a de meilleur. Si on peut trouver des moyens de l'améliorer, très bien. Il faut des hauts standards d'utilisation, c'est ce que l'industrie préconise.

Recherche et développement. De ce côté-là, il faut essayer d'améliorer, de trouver des nouveaux pesticides, des méthodes d'application qui sont encore meilleures, des alternatives à cela. Cela demande des efforts de recherche et de développement qui doivent être faits par l'industrie et les gouvernements de façon qu'on puisse être compétitifs au niveau mondial. En d'autres termes, c'est un choix collectif. Merci, M. le Président.

Une voix: Vous êtes un bon communicateur.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Dufresne. M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. Dufresne, je réalise qu'il est minuit et quart et que l'inspiration se fait moindre, excepté pour vous, cela a l'air, parce que vous avez l'air en grande forme.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lincoln: Dans toute cette discussion que nous avons eue sur cette question, est-ce qu'il y a des points de rapprochement que vous voyez, du point de vue de ces hypothèses qui ont été avancées, pour essayer de réconcilier les points de vue que vous avez exemplifies vous-même là, pour essayer de remplir deux objectifs pour vous, l'objectif des urgences par rapport aux insectes et aussi l'objectif de vos plantations comme telles avec l'objectif que nous poursuivons de renseigner, d'informer le public, d'avoir un

mécanisme d'études d'impact de l'environnement, etc? Est-ce que vous voyez quelque chose comme une solution de rapprochement entre deux thèses qui ne sont pas tout à fait les mêmes?

M. Dufresne: M. le ministre, je pense que, si on regarde l'ensemble du problème, pour 95 % des choses, tout le monde s'entend sur la protection de la forêt. Tout le monde veut avoir une forêt protégée, tout le monde veut protéger la santé, tout le monde veut continuer l'économie, permettre à l'économie de croître. Les compagnies l'ont dit chacune à leur façon, le public doit être informé, il a le droit à cette information, mais c'est le comment... Et si j'avais... Pour répondre à votre question directement, du côté de l'homologation, le public est peu ou pas impliqué et c'est au niveau fédéral. Il ne faut pas recommencer cette chose-là à chacun des niveaux provinciaux. Peut-être qu'un mécanisme, une aide ou une implication à ce chapitre pourrait aider.

Pour le deuxième point, nous avons mentionné que, dans les plans de cinq ans, c'est public, comment on va aménager. On a mentionné cinq facteurs qui sont importants, pas simplement la protection de la forêt. Tout cela, c'est dans la loi 150, c'est public de ce côté-là. À ce moment-là on peut être informé. Où il y a un besoin d'information additionnelle de ce côté-là du public, et je pense que c'est votre point, pour le rassurer qu'on s'en va dans la bonne voie - on l'a vécu au Nouveau-Brunswick, on vous en a donné des exemples - c'est peut-être un bilan comme il se fait dans les compagnies, comme il se fait dans à peu près tous les organismes. À la fin de chaque année, si on avait un bilan et si on disait: Voici ce qui a été fait, cela forcerait tout le monde parce que, quand on installe des usines, nous sommes ici pour plus de 50 ans. Cela permettrait d'une année à l'autre de toujours voir où on en est rendu, tout en permettant l'urgence des mécanismes. Je pense que tout le monde s'entend pour dire que cela prend des contrôles plus rigoureux. L'industrie est d'accord avec tout le monde. Là-dessus aussi il y a entente. On a proposé un plan d'urgence. Si vous me demandez ce que je pense que j'ajouterais à la suite de la commission parlementaire, je mettrais ce bilan qui forcerait tout le monde à regarder... Cela n'empêche pas les audiences du BAPE s'il y a un nouveau produit ou s'il y a d'autres changements, mais pas sur le mécanisme d'intervention, comme on l'a cité dans la lutte contre le feu. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas informer le public, c'est parce que, si on veut atteindre l'excellence, il faut que le système nous permette d'atteindre cette excellence.

Si on fait ça, M. le ministre, comme industrie on aura le même succès qu'on a dans la lutte contre le feu pour laquelle tout le monde vient voir au Québec comment on est capable d'avoir des résultats avec ce moyen. On va améliorer nos moyens de prévention, on va améliorer les moyens de détection. Ce sont tous des domaines dans lesquels on pourra travailler, tout en informant le public de ce qu'on fait et qu'on a fait du côté de la protection. Ce ne sont pas des cachettes, ça va nous permettre d'être très clairs et très responsables, de la part de l'industrie, pour répondre à ce que je vois comme très important, pour permettre au public de connaître et de pouvoir intervenir dans ce domaine.

M. Lincoln: Pour ajouter à votre idée d'un bilan, je ne suis pas du tout contre l'idée d'un bilan annuel ou périodique, tous les deux ou trois ans, pour savoir ce qui se passe, mais que di riez-vous... La seule divergence que nous aurions est que je suis pour un bilan d'ouverture. Appelez ça comme vous voulez, mais j'aurais voulu commencer par le commencement, pas après un an ou deux. Si on pouvait commencer... Vous soumettez un plan de travail, un plan d'aménagement au ministère des Forêts, c'est connu, je suis d'accord. On ne remet pas ça en question. La loi 150 le prévoit. Ce qu'on veut, c'est un mécanisme de regard anticipé sur les impacts possibles sur l'environnement, dans le sens des écosystèmes, etc., pour savoir exactement quelles seront la portée des arrosages et l'étendue par rapport à votre plan de travail.

M. Dufresne: Ce seraient toutes des hypothèses de base, parce qu'on ne sait pas où la maladie, le cancer, va se développer.

M. Lincoln: C'est là que l'on ne se rejoint pas. Je vois deux choses là-dedans: le plan d'urgence où il faudra donner des mécanismes d'intervention, c'est clair, mais aussi le plan plus systématique par rapport à la plantation elle-même.

M. Dufresne: La végétation, c'est plus prévisible, à ce moment-là cela peut faire partie du plan que l'on soumet au ministre. On le fait... Ce plan est plus prévisible, il n'est pas parfaitement prévisible, mais il est plus prévisible de ce côté-là. C'est un domaine où je pense que ce serait possible de regarder d'avance ce genre de chose, où on entend le faire et, avec l'expérience, on s'apercevrait que les compagnies sont responsables. Mais, d'un autre côté, comme vous dites, le plan d'urgence, en fait, c'est la lutte contre les insectes. Pour la lutte contre les insectes, on pourrait faire un bilan a posteriori, le montrer et on serait jugé par le bilan. C'est très engageant de la part de l'industrie d'avoir un bilan de ce côté-là. De l'autre côté, faire des prévisions, quitte à faire le bilan pour voir...

Je pense, M. le ministre, que, si vous faites confiance à l'industrie de ce côté-là, vous serez agréablement surpris des résultats. C'est une question de savoir... Je comprends que l'on veuille savoir, mais si on s'engage comme industrie, on est quand même la plus grosse au

Québec, les paroles que l'on tient aujourd'hui à cette commission, ni vous, ni l'Opposition n'allez les oublier. On va certainement être obligés de vivre avec. C'est ce qu'on dit, c'est un moyen pratique d'en arriver à une solution qui fera du Québec une province où l'excellence dans la protection de la forêt sera la même que dans la protection du feu.

M. Lincoln: M. Dufresne, ce sera ma dernière question parce qu'il se fait tard. Je peux voir que, dans le cas des plantations, il y a possibilité sur une période quelconque de savoir quel genre de prévisions vous allez avoir par rapport à l'utilisation de pesticides ou d'herbicides. Mais je suis d'accord qu'on ne peut pas prévoir de façon instantanée les urgences, qui sont une autre affaire. Là où on ne se rejoint pas, c'est sur le mécanisme de consultation et de discussion avec le public. Au ministère de l'Environnement, à notre point de vue, ce qui arrive, par les lettres et toute la documentation que je reçois du public, c'est que la question des pesticides est très émotive parce que les gens sont sidérés par toute cette question. Je peux voir dans le domaine urbain qu'il y a des pétitions qui nous arrivent. Il y a une pétition qui m'avait été envoyée, soi-disant, par 13 000 personnes dans un secteur urbain, etc. Il y a beaucoup d'émotivité parce que les gens ne savent pas la portée des produits chimiques. S'il y avait un mécanisme comme on le suggère - on est d'accord que vous pouvez présenter ce plan quinquennal, ou un plan de trois ans, quatre ans ou cinq ans et qu'à ce moment-là le public ait une chance de se faire dédouaner, de pouvoir poser des questions en public afin que tout le monde soit satisfait - est-ce que cela n'est pas possible de considérer qu'on ait un mécanisme quelconque qui puisse satisfaire vos exigences et les exigences du public?

M. Dufresne: Je ne sais pas si je me trompe, mais est-ce que ce n'est pas déjà dans la loi 150 avec tous les plans qu'on dépose, où on s'en va? Je pense que le mécanisme est là. Les deux parties l'ont choisi et on a été d'accord avec ce mécanisme. Je pense que cela va vous donner tous les éléments. Pourquoi ne pas essayer ce mécanisme? Il est à peine amorcé. Pourquoi ne pas l'essayer? Il est en place. On est d'accord pour faire tous les efforts pour l'utiliser. C'est public. Essayons-le de ce côté, quitte à le perfectionner dans les années futures. Lorsqu'on regarde la concentration de pesticides qu'on met en forêt par superficie, quand j'ai fait faire ces chiffres, j'ai été surpris de voir qu'on en utilisait par superficie 150 à 200 fois moins que toutes les maisons qui avaient un jardin. Alors, il y a beaucoup de travail à faire dans l'autre domaine, mais il ne faut pas négliger celui-ci. On serait prêt à être un exemple de ce côté, M. le ministre, avec l'industrie. On veut diminuer la quantité. On veut essayer d'en utiliser le moins possible, même si on est à 150 fois moins.

M. Lincoln: Enfin, je ne veux pas monopoliser le temps. La seule question qui me préoccupe, et pour moi c'est une question fondamentale, c'est que la loi 150 est une chose, mais pourtant la gestion des pesticides est prévue dans la Loi sur la qualité de l'environnement et la loi 27 sur les pesticides. Alors, cela donne une tout autre connotation qu'on ne peut pas ignorer et on prévoit des mécanismes dans ces lois qu'on ne peut pas ignorer parce que ce sont des lois motrices dans ce secteur. C'est cela, la question.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Martel.

M. Martel (Jean-Pierre): On parlait tout à l'heure d'études d'impact. J'aimerais revenir sur le problème de l'homologation. Je ne suis pas un expert en homologation, mais j'aimerais peut-être faire quelques ajustements. Je pense que tout le monde est d'accord pour dire que tous les pesticides utilisés en foresterie devraient être sécuritaires, premièrement, pour la santé humaine et, deuxièmement, pour l'environnement. Je pense que tout le monde dans la salle est d'accord pour s'entendre sur ce point. On dit aussi que le système d'homologation canadien est un des plus rigoureux au monde et j'aimerais ajouter que l'homologation d'un produit en foresterie se fait à la suite de l'homologation d'un produit en agriculture. Un exemple: le glyphosate qui a été développé au cours des années soixante a été homologué pour utilisation agricole en 1976 et pour utilisation en foresterie seulement en 1984. Donc, vous voyez que l'homologation d'un produit en foresterie ne se fait pas du jour au lendemain. C'est sur une très longue période et cela comprend aussi des sommes d'argent très considérables. On parle de 15 000 000 $ à 30 000 000 $ pour le développement et l'homologation d'un produit. Donc, c'est sur une très longue période. Il y a beaucoup d'études qui sont comprises. (0 h 30)

Un autre point que j'aimerais souligner, c'est le suivi. Il existe déjà dans certaines provinces différents suivis environnementaux et, s'il y a des résultats de nouvelles études ou de nouvelles études qui démontrent que ces produits ne sont pas satisfaisants, je crois que l'homologation pourrait changer à ce moment-là. Il existe aussi à l'intérieur d'Agriculture Canada un système de réévaluation des produits. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais, pour l'ensemble des produits forestiers, leur priorité est très basse ou très faible parce qu'on dit que, déjà, il y a beaucoup d'information en ce qui concerne les produits forestiers. Donc, je voudrais émettre à nouveau l'idée que l'homologation canadienne est très bonne et très rigoureuse dans son ensemble. C'est sur cela qu'on doit se baser,

c'est qu'on ne doit pas dédoubler le système d'homologation déjà existant.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Martel. M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je voudrais dire pour le bénéfice de l'assemblée que la loi 150 prévoit des plans annuels, quinquennaux et de 25 ans. Ces plans peuvent être connus des intéressés. Les intéressés peuvent faire des commentaires avant que le ministre ne les approuve et il peut y avoir des ajustements. Comme le dit mon collègue, il y a moyen de prévoir assez facilement des interventions concernant les phytocides, concernant la végétation concurrente.

Du côté des épidémies d'insectes, c'est plus difficile. On a beaucoup de stations, de places échantillons pour essayer de détecter les foyers d'infestation. Évidemment, je souhaite que ces places échantillons donnent des résultats pour qu'on utilise le moins d'insecticides possible en cas d'épidémies. Cela est de la prévention; c'est de la protection. Mais ce n'est pas prévisible, c'est pourquoi on a des places échantillons comme celles-là. Faire cela coûte de l'argent, et on le fait. On a 246 places échantillons à l'intérieur du Québec pour essayer de détecter les foyers d'infestation, et de façon à utiliser moins d'insecticides.

Je voudrais demander ceci aux intervenants: Pourquoi craindre - moi, je vous donnerai la réponse en même temps - les audiences publiques du BAPE? Est-ce que c'est parce qu'on n'a pas su, lors des dernières audiences, garder le focus sur le sujet? Cela a dévié, à mon sens, sur la gestion forestière. Cela a dévié sur n'importe quoi, sauf sur le sujet dont il était question. Il y a des gens qui se sont fait insulter à ces occasions-là. C'est pour cela qu'aujourd'hui on est si réticents à aller là, en plus du temps et de l'argent que cela exige. J'en suis pour que les gens fassent connaître leur opinion sur des problèmes, mais qu'ils le fassent en connaissance de cause, par exemple. On a accepté des choses, n'importe quoi, n'importe quand, dans ces questions-là. On en a eu des bonnes, on en a eu des pas bonnes. On parle d'utilisation de produits, de phytocides ou d'herbicides. Moi, sur mon terrain - j'ai un petit terrain de rien - j'ai déjà utilisé trois litres de Killex cette année pour tuer les pissenlits. Je vais continuer à en utiliser.

Des voix:...

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est pour faire ressortir l'utilisation qu'on en fait de façon moins professionnelle que d'autres qui ont les moyens de le faire. Quand l'industrie nous propose un bilan, je voudrais que, dans ce bilan-là, par exemple, on mette des objectifs. Je ne sais pas si l'industrie est prête à mettre des objectifs à chaque bilan qu'elle va proposer, parce que ce sont des bilans de recherche.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.

M. Dufresne: M. le Président, si je peux répondre à la question qui est un peu multiple de ce côté-là, je pense que l'industrie ne conteste pas le mécanisme des audiences publiques. Elle dit que, dans ce cas-ci, le moyen suggéré est un moyen déjà vécu pour le feu, déjà vécu dans d'autres choses qui va nous permettre d'atteindre l'excellence. Si on peut trouver des façons d'améliorer nos techniques, il faut faire de la recherche. Si on doit doubler les stations pour essayer de faire de la prévention, c'est beaucoup mieux que d'utiliser des pesticides. C'est vers cette direction-là qu'on doit le faire, comme on l'a fait pour le feu. Pour le feu, on prédit par ordinateur où on pense que la foudre va tomber. Les avions sont déjà dans les airs avant que les feux ne partent. C'est comme cela qu'on finit par les éteindre. C'est une chose très sophistiquée et c'est ce degré de sophitication-là qu'on doit appliquer aux insectes. Quant à vos pissenlits, M. le ministre, vous savez qu'il y a d'autres utilisations. C'est bon, une salade de pissenlits.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Rivière-du-Loup): Seulement une petite, une dernière.

Le Président (M. Saint-Roch): En conclusion, M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous avez parlé du Cap-Breton, de l'expérience du Cap-Breton, et vous dites que c'est un désastre. Est-ce que la population reconnaît que c'est un désastre également?

M. Dufresne: La population le reconnaît. Ils ont demandé aux politiciens: Pourquoi ne nous avez-vous pas avertis d'avance? Le ministre lui-même, lors de notre réunion du Comité de protection de la forêt au niveau canadien, nous a dit: cela a été une erreur. Ce n'est pas une erreur volontaire, pas une erreur maligne, mais elle est là pour 50 ans. En passant, juste un commercial, si on peut: Vous voyez là le Comité de protection de la forêt. C'est le deuxième "set" d'affiches qu'on a. Le premier "set", on l'a envoyé à tous nos employés, 140 000, avec leur chèque de paie, plusieurs fois. On essaie de montrer ce qu'il faut faire pour garder la forêt verte. Je pense que cette affiche dit vraiment qui sont les verts dans la société. On a aussi des brochures qui pourraient être utiles aux membres de cette commission, qu'on a préparées, qu'on pourra vous distribuer après, des vidéos qu'on a faits pour chacun de nos employés pour leur montrer qu'on doit minimiser l'effet des pes-

ticides, qu'on doit essayer de protéger la forêt, pas simplement la protéger, mais utiliser tous les moyens sylvicoles. Cela ne s'est pas juste fait dans la province de Québec, cela s'est fait dans tout le Canada.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Dufresne. Merci, M. le ministre. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Je n'ai pas encore arrosé mon gazon.

Le Président (M. Saint-Roch): À part ça, vous n'avez pas de misère?

M. Charbonneau: Non, mais je le fais couper, par exemple. Je vous écoute; je trouve que vous êtes un sacré bon vendeur, un maudit bon communicateur, mais je trouve que, à un moment donné, il y a une espèce d'exagération. Au-delà des insultes et du fait que le monde n'a pas apprécié de se faire traiter d'une façon cavalière dans les audiences, j'ai l'impression que l'argumentation principale, c'est que la lourdeur du mécanisme ferait en sorte que vous ne seriez pas en mesure d'attaquer rapidement quand il faut attaquer. C'est ce que vous craignez. Autrement, l'argumentation ne tient pas. Vous avez à faire face à des urgences et ce que vous voulez, c'est avoir la mobilité de répondre à l'agression par une contre-attaque rapide et efficace. Si on veut utiliser des termes guerriers et passer de la médecine au vocabulaire militaire, c'est un peu cela.

M. Dufresne: M. Charbonneau, les faits qui sont donnés ici par l'autre association ont été vérifiés.

M. Charbonneau: On ne se comprend pas.

M. Dufresne: Laissez-moi seulement finir. Les faits qui sont là ont été vérifiés et revérifiés, pour ne pas exagérer et même être prudent. Le deuxième point, c'est que le mécanisme qu'on a pour lutter contre le feu, ce n'est pas quelque chose qu'on a rêvé, c'est quelque chose qu'on a développé ici même au Québec. On se base sur quelque chose qui existe. On veut faire la même approche.

M. Charbonneau: Ce n'est pas ce que je dis. On ne se comprend pas. Avant qu'on aille trop loin, ce que je dis, c'est que, dans votre argumentation contre l'option 1, contre des suggestions qu'on a faites pour l'améliorer en vue de la rendre plus opérationnelle, plus acceptable à vos yeux, vous demeurez réticents, parce que, si je comprends bien, vous considérez que, chaque fois qu'on fait une audience publique, on empêche une réaction rapide et efficace. Ce que je pense, c'est qu'il y a moyen de mettre en place un mécanisme qui permette aux entreprises et à l'industrie dans son ensemble de réagir rapidement lorsque les urgences se présentent et, néanmoins, de conserver un acquis important dans notre société qui est le fait que des citoyens organisés ou individuels, plus ou moins sensibilisés, puissent être non seulement informés à l'occasion d'audiences publiques, mais parfois apporter des contreparties. Si cela avait été si inefficace que cela, peut-être que le ministère de l'Énergie et des Ressources, il y a quelques années, n'aurait pas abandonné un programme d'arrosage qu'il s'apprêtait à faire à la suite des audiences publiques du BAPE.

M. Dufresne: Peut-être qu'on aurait pu bâtir un peu plus de capacité si on avait éliminé les épidémies de la tordeuse des bourgeons de l'epinette. Le ministère des Forêts n'aurait pas toutes les difficultés qu'il a à l'heure actuelle pour trouver du bois pour l'ensemble des usines du Québec.

M. Charbonneau: Ne venez pas me dire, à moi, aujourd'hui, que, si on a un problème, c'est à cause du BAPE.

M. Dufresne: Non, je n'ai pas dit cela. Vous essayez de me faire dire des choses que je pourrais penser.

M. Charbonneau: Jamais je ne ferais cela, même à une heure moins vingt la nuit.

M. Dufresne: Je vous l'ai dit très clairement. Je pense qu'on a un mécanisme qui fonctionne. On a une loi 150 avec laquelle tout le monde a été d'accord. Il y a de bonnes choses dedans; essayons-la, mettons-la en pratique. M. Lincoln tantôt nous a dit: Bien, peut-être qu'on devrait regarder d'avance où est la végétation compétitive. Peut-être que ce serait une bonne façon de regarder d'avance. Même si on ne peut pas le prédire complètement, on peut être plus précis de ce côté-là.

Du côté des épidémies, il faut agir rapidement. Qu'on appelle cela un mécanisme d'urgence ou qu'on appelle cela ce qu'on a mentionné comme industrie, on l'a, la façon. On en a une façon qui a fait ses preuves. Pourquoi ne pas l'essayer, celle-là? Pourquoi essayer de réinventer, encore une fois, le bouton à quatre trous quand il existe déjà quelque chose qui va bien?

M. Charbonneau: On n'invente pas la bouton à quatre trous. Le mécanisme d'audiences publiques existe déjà depuis un certain nombre d'années aussi.

M. Dufresne: Je ne parle pas d'éliminer le mécanisme d'audiences publiques, pas du tout, on ne parle pas de cela. On dit que, pour éteindre les feux, il faut aller vite. Pour enlever un cancer, il faut aller vite aussi.

M. Charbonneau: Regardez bien là, on va se comprendre. Là, le cancer est poigne à quelques endroits.

M. Dufresne: Oui.

M. Charbonneau: La suggestion qu'on faisait, c'est que, jusqu'à ce qu'il y ait eu des audiences publiques ou des études d'impact sur un programme d'une entreprise dans une région particulière - ce sont des modifications qu'on proposait - jusqu'à ce que cette étape ait été franchie, une procédure spéciale, accélérée, transitoire pourrait être autorisée. Il y aurait le mécanisme auquel vous accepteriez de vous soumettre et, par la suite, une fois qu'on aurait franchi l'étape, vous vous retrouveriez dans la position de pouvoir, là aussi, réagir rapidement. En effet, contrairement à ce que vous laissez entendre, une fois cette étape-là franchie et l'évaluation complétée, ce n'est pas vrai que, chaque fois que vous auriez besoin d'intervenir, vous seriez obligés d'aller en audiences publiques; vous auriez la latitude de le faire. Franchement, c'est quoi, le problème?

M. Dufresne: M. Charbonneau, on a fait un système. On a la loi 150 qui...

M. Charbonneau: Un instant, il n'y a pas juste cette loi-là. Il y a d'autres lois qui font en sorte, premièrement, que les législateurs ont dit que l'objectif qu'on devait avoir, c'était aussi de réduire les pesticides au Québec; deuxièmement, que le ministre de l'Environnement a une responsabilité à cet égard. Ce n'est pas le ministre délégué aux Forêts qui a cette responsabilité-là; c'est le ministre de l'Environnement qui a une responsabilité particulière. Dans une des lois qu'il a à gérer, il y a, entre autres, l'article sur les études d'impact et les audiences publiques. La Loi sur les pesticides, ce n'est pas le ministre délégué aux Forêts qui en est le responsable, c'est le ministre de l'Environnement et elle est prépondérante sur les autres. Elle est prépondérante sur la loi 150. Cela, on l'a déjà décidé.

M. Dufresne: On ne le conteste pas. Le plan qu'on avance - puis, on vous a donné des exemples concrets - c'est pour réduire l'utilisation des pesticides au minimum. On vous a donné un exemple concret qu'avec un mécanisme qui existait on a utilisé 80 fois plus de pesticides que si on l'avait fait dès le début. On vous propose ce mécanisme-là qui est éprouvé, puis vous nous dites encore: Peut-être qu'on pourrait trouver un autre mécanisme. Essayons-le donc, celui-là. Ils feront une autre commission, si vous pensez que cela ne fonctionne pas, dans quelques années. Mais nous autres, on prend le défi de voir... On veut respecter les lois de l'Environnement, on l'a toujours mentionné depuis le début, mais on veut avoir un mécanisme qui est prati- que. Je comprends le ministre de l'Environnement qui veut informer le public et qui veut demander une participation du public dans les domaines appropriés. C'est pour cela qu'on essaie d'en tenir compte avec ce qu'on a dit du côté de la végétation et un bilan de l'autre côté. Je pense que ce sont des choses pratiques.

M. Charbonneau: Dans le fond, le seul petit bout qu'il vous reste à franchir, c'est d'accepter d'en faire un au début, c'est-à-dire de soumettre le plan, que, de toute façon, vous préparez, à une évaluation d'impact et à une audience publique. On n'est plus bien loin, là.

M. Dufresne: En avez-vous un plan pour le cancer, vous? Cela existe-t-il dans les hôpitaux?

M. Charbonneau: Charriez-moi pas sur cela. On a dit, premièrement, que les maladies et les insectes menaçants, vous les connaissez. Donc, le cancer, vous le connaissez.

M. Dufresne: Oui, mais on ne sait pas où il va être. (0 h 45)

M. Charbonneau: Ah! Vous ne savez pas où il va être. Sur cela, on est bien d'accord...

M. Dufresne: On n'est pas pour lui couper une jambe juste au cas où il aurait le cancer dans la jambe.

M. Charbonneau: ...sauf que moi, je sais une chose. Vous ne savez pas où il sera, mais on sait une affaire: c'est que vous, vous ne faites pas de la coupe en Afrique. Vous faites de la coupe ici, au Québec, et votre compagnie, à vous, n'a pas 100 % du territoire québécois; vous avez des territoires délimités. Dans ce sens-là, on sait, premièrement, quels sont les territoires où vous opérez. Deuxièmement, on connaît les menaces qui peuvent peser sur ces territoires-là. Dans le fond, qu'est-ce qu'il nous reste à faire? C'est voir comment vous allez vous comporter dans les années qui viennent sur ces territoires-là, avec les produits que vous connaissez et en fonction des menaces qui existent. C'est ce qu'on veut établir.

Le cancer, c'est un exemple à double tranchant, cela, hein!

M. Dufresne: Ce n'est pas un exemple à double tranchant. Mais, quand l'industrie a investi, quoi, 3 000 000 000 $, depuis quelques années ici, pour continuer d'avoir une industrie profitable, on change le système. Tout le monde s'entend sur le système et s'entend sur le fait qu'il faut protéger la forêt, puis avoir les moyens adéquats. Puis, là, vous nous dites: On va regarder cela. Non. Il faut qu'on connaisse les règles du jeu pour les 50 ou 75 prochaines années, jusqu'à ce qu'on les regarde encore. Cela ne veut pas dire qu'on ne veut pas informer

le public, cela ne veut pas dire qu'on ne veut pas protéger l'environnement, au contraire.

M. Charbonneau: Je vais vous dire que les 50 ou 75 prochaines années, je trouve que c'est pas mal long. Moi, j'aime mieux avoir des "check spots", pour utiliser une expression anglaise, de temps en temps.

M. Dufresne: M. Charbonneau, un arbre, cela prend 18 élections entre le temps où vous le plantez et le temps où vous le récoltez.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dufresne: Cela, c'est cinquante ans.

M. Charbonneau: Cela prend peut-être 18 élections...

M. Dufresne: Cela nous prend des politiques à long terme.

M. Charbonneau: ...mais, je vais vous dire, à la prochaine, là, hein, lui, il a des comptes à rendre, puis moi aussi. Vous, vous n'en avez pas. Cela fait que...

M. Dufresne: Je regrette.

M. Charbonneau: Puis, entre maintenant et les quelques élections qui sont tenues au cours des dix dernières années, il s'est passé bien des affaires. Entre autres, une chose s'est passée, qui n'existait pas il y a dix ans, c'est qu'il y a un niveau de sensibilisation du grand public, puis des Québécois en particulier aux questions environnementales, qui fait qu'ils nous demandent des comptes, à nous les élus, sur l'utilisation de ces produits chimique-là. Ils ont la chienne, les gens, de ces produits-là. Vous pouvez leur faire toutes les démonstrations à savoir que ce n'est pas dangereux, ils ont la chienne. Puis, ils disent: On a un droit acquis. On a le droit d'intervenir à des moments particuliers, puis de dire ce qu'on en pense et de questionner. Puis, ce que vous ne pouvez pas nier, c'est que ce mécanisme-là a fait ses preuves dans bien des cas, depuis qu'il existe, et qu'il a empêché des situations aberrantes de se produire ou qu'il a stoppé des situations aberrantes.

Je n'ai pas l'impression que l'industrie forestière peut dire qu'elle est exempte de tout problème...

M. Dufresne: On n'a jamais dit cela.

M. Charbonneau: ...et qu'il n'y a pas de risque qu'il y ait, à un moment donné, des exagérations ou des contraventions.

M. Dufresne: On n'a jamais dit cela, au contraire, on demande des contrôles plus rigoureux, des normes plus élevées pour, justement, atteindre le niveau d'excellence sur lequel tout le monde s'entend. On s'entend là-dessus. Puis, si vous pensez qu'on n'en a pas, nous autres, on sent qu'on a un degré de responsabilité et à très long terme, et cela, pour 250 000 Québécois qu'on veut faire vivre pour encore des générations dans nos usines qu'on veut compétitives. Pour cela, cela prend de la fibre. Si on veut avoir de la fibre, bien, il faut protéger la forêt.

M. Charbonneau: Sur cela, on est d'accord. Mais là, là, là - je finis avec cela, M. le Président - parce qu'à un moment donné on vous obligerait ou on vous contraindrait à soumettre des plans d'intervention sur une base régulière, pas tous les six mois, pas toutes les trois semaines, mais une fois tous les cinq ans puis on peut mettre tous les six ans, ne venez pas nous faire accroire que cela vous empêcherait d'être opérationnels, efficaces, et d'atteindre les objectifs que vous avez identifiés.

Je pense que tout le monde s'entend sur la plupart des choses que vous avez dites et que vous avez bien présentées, d'ailleurs, mais il ne faut pas, non plus, dramatiser au point de laisser croire que ce serait la fin du monde pour vous autres, pour l'industrie et pour les objectifs louables que vous vous êtes fixés si on introduisait un mécanisme qui vous amènerait, tous les cinq ou six ans, à faire le point publiquement et à vous faire brasser la cage un peu par des gens qui viendraient vous dire qu'ils ne sont pas d'accord ou que vous avez mal évalué tel ou tel élément.

Cela étant dit...

M. Dufresne: Notre record est là sur la protection contre le feu.

M. Charbonneau: Écoutez...

Le Président (M. Saint-Roch): J'ai une question à poser. Je n'en ai pas posé. Je vous remercie, M. le député de Verchères.

M. le ministre, si vous me le permettez, j'utilise rarement mon privilège de membre de l'Assemblée nationale, mais j'en profite vu que c'est la dernière association qui représente les producteurs. Vous avez mentionné, M. Dufresne, 3 000 000 000 $ d'investissements. Vous avez mentionné le besoin d'avoir de la fibre, mais, pour avoir tout cela et conserver tout cela, règle générale, si on investit dans la recherche et le développement pour trouver des moyens alternatifs de contrôle à l'élimination des pesticides, soit sous forme biologique ou autres, quel montant d'argent l'industrie que vous représentez est-elle intéressée à mettre dans la recherche et le développement de moyens alternatifs?

M. Dufresne: Je n'ai pas de montant exact.

Je ne peux pas parler au nom de tout le monde, mais l'industrie a dit clairement, pas juste aujourd'hui, qu'il faudrait faire plus de recher-

che, qu'il faudrait s'arranger pour ne pas faire tous la même recherche dans chacune des différentes provinces. On est un tout petit pays, 25 000 000 de personnes, pour compétionner avec de grands pays dans le monde. Il faut faire plus de recherche de façon à trouver d'autres mécanismes. Quand on les aura trouvés, il y aura des audiences publiques sur ces mécanismes de façon à voir à ce qu'ils protègent l'environnement. Cela fait partie des choses. Je pense que tout le monde s'entend là-dessus. Il faut faire des pas dans cela.

Le Président (M. Saint-Roch): Mais la répartition des coûts de la recherche entre les différents paliers de gouvernement et l'industrie?

M. Dufresne: II faudrait qu'on reparle à l'industrie. Je pense que l'industrie a mentionné au gouvernement ce qu'elle était prête à faire de ce côté. Je ne me sens pas qualifié ce soir pour parler au nom de l'industrie dans ce domaine, non pas que je n'aie pas une opinion, mais...

M. Charbonneau: C'est bien le seul domaine où vous ne vous sentez pas qualifié!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Saint-Roch): J'aurais aimé connaître davantage votre opinion sur le domaine, mais je vais céder la parole à M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Juste pour répondre à mon collègue de Verchères, quand il dit que la population a la chienne, d'accord, mais c'est peut-être psychologique un peu. Mais dans l'échelle des risques pour la santé humaine, suivant l'opinion des étudiants de plusieurs collèges, les pesticides viennent au quatrième rang sur trente; suivant l'opinion des membres d'associations féminines, les pesticides viennent au neuvième rang; suivant l'opinion des gens d'affaires et des professionnels, les pesticides viennent au quinzième rang. Mais dans la situation réelle, les pesticides sont au vingt-huitième rang sur trente. En premier, les risques sont le tabagisme, l'alcool, les véhicules à moteur, les armes à feu, l'électricité, les motocyclettes, etc; les pesticides viennent au vingt-huitième rang dans la situation réelle.

M. Lincoln: Mais, est-ce qu'on le demande aux poissons et aux oiseaux?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le ministre délégué aux Forêts. Je remercie l'Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers de la présentation de son mémoire.

Sur ce, la commission de l'aménagement et des équipements ajourne ses travaux à demain matin, 11 heures, après les affaires courantes.

(Fin de la séance à 0 h 53)

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