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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Parent, Bertrand): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La séance de la commission de l'aménagement et des
équipements est maintenant ouverte. Je rappelle donc le mandat de la
commission. Il s'agit de procéder à des consultations
particulières sur le document intitulé "Politique d'utilisation
des pesticides en milieu forestier".
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Middlemiss
(Pontiac) est remplacé par M. Parent (Sauvé) et Mme
Trépanier (Dorion) est remplacée par M. Polak (Sainte-Anne).
Organisation des travaux
Le Président (M. Parent, Bertrand): Merci, M. le
secrétaire. Alors, à l'ordre du jour aujourd'hui, je rappellerai,
d'abord, que c'est pour les trois prochains jours que la commission de
l'aménagement et des équipements tiendra ces consultations
particulières, soit aujourd'hui, le 1er juin, demain et vendredi, le 3.
On a un horaire assez chargé. Alors, dans ce sens-là on demande
la collaboration de tout le monde afin d'être le plus respectueux
possible de l'agenda.
En ce qui concerne l'ordre du jour d'aujourd'hui, nous avons, d'abord,
ce matin les représentants d'Hydro-Québec, qui, me dit-on, ne
sont pas encore arrivés, mais qui devraient être ici d'une minute
à l'autre, car ils doivent comparaître ce matin pour
présenter leur mémoire qui porte le numéro 16M. Il y aura,
par la suite, à midi, le Regroupement pour un Québec vert qui n'a
pas encore remis au secrétaire son document que l'on doit avoir au cours
des prochaines minutes.
Voici la façon dont on va fonctionner pour la première
heure: il y aura quatre intervenants. Il s'agit du ministre de l'Environnement
qui interviendra d'abord, suivi du critique de l'Opposition en matière
d'environnement, le député de Vèrchères. Nous
aurons, par la suite, le ministre délégué aux Forêts
qui interviendra et, enfin, quinze minutes seront accordées au
député de Dubuc. Alors, les quatre intervenants ont quinze
minutes chacun, ce qui complétera la première heure. Par la
suite, nous entendrons Hydro-Québec. Hydro-Québec a une heure,
soit 20 minutes pour la présentation de son mémoire et les 40
autres minutes sont partagées à 50-50 entre le parti
ministériel et l'Opposition.
Sans plus tarder et en demandant la collaboration de tout le monde, afin
que l'on puisse entendre les gens, je demanderais au ministre de
l'Environnement d'ouvrir ces consultations particulières avec cette
première période de quinze minutes.
M. Lincoln: M. le Président, juste avant l'ouverture des
travaux, j'aurais voulu négocier quelque chose avec les parties
intéressées et le critique de l'Opposition. Il y a des raisons,
que je vais expliquer au critique de l'Opposition, qui m'amènent
peut-être à suggérer quelques changements dans l'ordre des
auditions pour vendredi; c'est pour des raisons que je n'expliquerai pas
officiellement, mais dont je vais discuter avec lui. Si c'était permis
dans le mécanisme et si les intervenants étaient d'accord, je
voudrais changer l'ordre des auditions dans certains cas, entre jeudi et
vendredi, si c'était possible. Je n'ai pas envie d'aller plus loin. Cela
peut prendre du temps.
Le Président (M. Parent, Bertrand): Ce que je
suggérerais, c'est qu'à la suspension, à l'heure du
dîner, vous puissiez vous entendre. L'important, c'est que vous puissiez
vous entendre le plus rapidement possible, parce que les convocations ont
déjà été faites. Vous parlez
particulièrement de la journée de vendredi. Alors, j'imagine que
l'Opposition sera prête à discuter et qu'un terrain d'entente
pourra être trouvé en dehors des heures où la commission
siège.
Je vous remercie, M. le ministre. La parole est à vous.
Déclarations d'ouverture M. Clifford
Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, la loi 27, la Loi sur les
pesticides, a été adoptée il y a quelque temps seulement.
Elle a été adoptée le 16 juin 1987. Cette loi a
été le fruit d'un consensus entre les intervenants qui se sont
présentés à la commission parlementaire et qui ont
proposé plusieurs améliorations fondamentales au projet de loi
initial qui était un avant-projet de loi. La loi 27 a aussi
été le résultat d'un consensus, d'une prise de vue commune
entre les deux partis représentés à l'Assemblée
nationale de Québec. En fait, je dois dire, et je le dis en toute
sincérité, que le critique de l'Opposition d'alors avait
formulé certaines suggestions importantes par rapport aux objectifs de
la loi qui ont été retenues.
Je voudrais passer brièvement en revue les objectifs de la Loi
sur les pesticides. D'abord, elle donne au ministre de l'Environnement la
confirmation de son rôle comme gérant de tout ce domaine des
pesticides au Québec. C'est lui qui doit élaborer et proposer des
programmes. Ces programmes par rapport aux pesticides
doivent favoriser la réduction et la rationalisation de l'usage
des pesticides dans le milieu; ils doivent avoir pour objet d'éviter
toute incidence qui pourrait être une atteinte quelconque à la vie
et à la santé de l'être humain et des autres espèces
vivantes, et d'éviter aussi les impacts sur l'environnement et les
biens. Parmi ces objectifs, il y a l'objectif central de contribuer au
développement d'alternatives à l'utilisation des pesticides, par
exemple les méthodes de lutte biologique ou intégrée, et
d'en encourager l'usage.
Dans l'exercice de cette fonction, le ministre a pour objectif de faire
des recherches, de les coordonner, de stimuler et de faire exécuter ces
recherches d'élaborer et de favoriser la réalisation de plans et
de programmes de formation, d'éducation, d'information et de
sensibilisation dans le domaine des pesticides.
Donc, c'est dans le sens de cette loi que mon collègue des
Forêts, qui avait d'abord inclus le domaine des pesticides dans la Loi
sur les forêts, avait accepté, dans le principe même, de
consacrer la rconnaissance du ministère de l'Environnement comme
gérant du domaine des pesticides et accepté que nous proposions
ensemble une politique conjointe qui serait entérinée
éventuellement comme la politique des pesticides du gouvernement dans le
domaine forestier.
Nous avons préparé, à la suite de cela, une
esquisse de politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier comme
document de support à la commission parlementaire. Je sais qu'il y a
certains intervenants qui disent: Cette commission parlementaire
présente deux hypothèses de travail qui, dans un certain sens,
ont l'air contradictoires. Il y en a une qui demande des études
d'impact, l'autre qui dit: Non, utilisons deux types de pesticides sans
étude d'impact. Je me rends compte également qu'une de ces
hypothèses de travail qui dit: Allons-y avec l'utilisation de deux
pesticides, dans un certain sens, va en contradiction avec les principes
fondamentaux de la politique qui est avancée.
En même temps, je voudrais être clair, afin d'éviter
toute interprétation à savoir que les dés sont
pipés dans cette chose ou qu'il y a déjà eu des
décisions prises au plus haut niveau; c'est tout le contraire qui s'est
passé. Nous avons voulu présenter deux hypothèses de
travail: une hypothèse - il faut être tout à fait ouvert
là-dessus - qui est favorisée par mon collègue des
Forêts qui voudrait que les deux types de pesticides qui sont
nommés, incluant le B.t. et un autre, soient acceptés comme
pesticides utilisés dans le milieu forestier et que s'il y avait
d'autres pesticides à utiliser, à ce moment-là, on ferait
des études d'impact.
Je le dis de façon très convaincue et je le
répète ici, parce que c'est la position que j'ai toujours
véhiculée et qui est tout à fait bien connue de mon
collègue et des millieux forestiers: Pour nous, au ministère de
l'Environne- ment, le principe d'une consultation publique impliquant les
citoyens et le public est un élément essentiel à toute
politique environnementale.
Pour nous, toute la question de l'autonomie du système de
consultation et d'audiences publiques sur l'environnement est fondamentale. En
fait, il faut voir la raison pour laquelle nous avons suggéré un
programme sur cinq ans plutôt que les audiences publiques qui sont
prévues aujourd'hui dans la loi, d'audiences publiques
répétées à la pièce, selon un système
individuel où les lots de plus de 600 hectares sont soumis chaque fois,
en principe, aux audiences publiques.
En fait, comme on l'a découvert - vu que nous, au
ministère, nous avons étudié la question depuis un bout de
temps déjà - depuis 1983, au Québec, il se fait que, en
utilisant les strictes dispositions de la loi, il y a des promoteurs
individuels qui réussissent à faire, selon le mécanisme
actuel, des arrosages qui couvrent moins de 600 hectares, mais qui,
ajoutés l'un à l'autre, font beaucoup plus que les 600 hectares
qui sont prévus dans la loi. Il y a aussi une autre faille dans notre
loi, car les programmes d'expérimentation peuvent éviter les
études d'impact. Ainsi, il se fait que, depuis plusieurs années
déjà au Québec, quelque chose comme cinq ans maintenant,
ces failles ont ouvert une porte que le législateur ne prévoyait
pas dans l'esprit de la loi.
Le système que nous préconisons est un mécanisme
d'audiences publiques globales qui feraient en sorte que, lorsqu'un programme
d'arrosage de pesticides est considéré essentiel,
nécessaire pour que le programme forestier qui est mis en place par le
ministère des Forêts aboutisse, les compagnies forestières
devraient pouvoir convaincre, par une programmation de cinq ans, tous les
intervenants du milieu, les citoyens qui sont représentés par le
Bureau d'audiences publiques sur l'environnement et qui ont droit à ce
témoignage, que ce programme est tout à fait justifié.
Un programme de cinq ans éviterait, justement, les failles que
nous retrouvons où les promoteurs individuels se servent des
dispositions de la loi aujourd'hui pour l'éviter. Cela éviterait
la question de l'expérimentation. Les programmes seraient
étalés au grand jour pour une période de cinq ans. Ce
serait une analyse prévisionnelle d'envergure de la part des compagnies.
Cela permettrait une intervention, au départ, du public qui saurait
à l'avance ce que les compagnies prévoient dans un avenir
prochain au lieu de ne le savoir qu'à la pièce. Comment suivre
une problématique large à la pièce, par lots de 600
hectares? Selon la logique des choses, il me semble qu'on serait bien plus
avisé de faire un programme sur une période où on
prévoierait des interventions que le public pourrait suivre à
l'avance.
Sur la question de la prévention, il serait essentiel que, dans
un programme de cinq ans,
des mesures de prévention soient incluses, par exemple, tout le
dispositif, aujourd'hui, de dépistage des épidémies
potentielles. Il y a maintenant 500 stations que l'on pourrait agrandir. Si une
compagnie devait prévoir un programme de cinq ans, elle devrait
prévoir aussi un dispositif préventif. Elle devrait
prévoir et nous dire quelles méthodes alternatives
éventuelles elle va inclure dans ce programme de cinq ans. Pendant cette
période de cinq ans, nous avons embarqué, mon collègue, le
ministre de l'Agriculture, et moi-même, dans un programme de recherche
qui est déjà entamé où nous essayons de trouver des
alternatives naturelles aux produits chimiques dans les domaines agricole,
urbain et forestier. Puisqu'on évalue qu'il faudra de trois à
cinq ans pour trouver des solutions efficaces, cela nous donnera le temps de
passer d'une étape à l'autre.
Une autre raison essentielle, c'est qu'on va prévoir un
échéancier pour les compagnies forestières qui vont se
retrouver avec un programme de cinq ans étalé au grand jour et
qui devra être discuté. Elles auront un échéancier
et cet échéancier sera pour nous un moment important au sein
duquel il faudra, nous, trouver des méthodes alternatives selon l'un des
objectifs centraux de la loi. Dans ce programme de cinq ans, il va falloir
aussi qu'on étale toute la question des bonnes pratiques sylvicoles qui
vont permettre que, de moins en moins, on utilise des pesticides.
Je sais, malheureusement, et je le note, que beaucoup de groupements
environnementaux qui avaient été invités ici ne se sont
pas présentés. Certains ont dit: C'est parce que les compagnies
sentent que les décisions sont déjà prises.
Personnellement, je le regrette. Je pense qu'en toute démocratie, si on
tient une commission parlementaire, il faut avoir la bonne foi de dire: Une
commission parlementaire, c'est, justement, fondé sur l'idée
d'écouter les gens. Si on propose des hypothèses de travail, cela
ne veut pas dire que ces hypothèses sont les seules qu'on va
considérer. On propose des hypothèses de travail qui sont des
scénarios, mais ce ne sont pas nécessairement les
scénarios qui seront retenus.
Comme ministre de l'Environnement, je pense avec beaucoup de conviction
et de sincérité que la question de l'environnement est trop
fondamentale dans tout le domaine des pesticides, par rapport à notre
écosystème, à l'environnement, à la santé,
à l'être humain et aux espèces vivantes, pour qu'on n'en
tienne pas compte. Je sais qu'il y en a certains qui diront: Dans le domaine
forestier, on utilise seulement 5 % des pesticides tandis que, dans le domaine
agricole, on en utilise 85 %. En même temps, toutes les statistiques et
tout ce que je lis par rapport aux résultats de l'usage des pesticides
dans le monde démontrent que, dans le domaine des pesticides, peu, c'est
déjà trop, qu'il faut en utiliser de moins en moins et pas du
tout si des alternatives sont présentes.
Je vais lutter de la façon la plus convaincue possible pour
être rationnel, pour être raisonnable, pour réaliser qu'il
faut, malgré tout, ne pas nous fermer les yeux sur la
réalité, tout en réalisant en même temps qu'il nous
faudra de la façon la plus convaincue possible, chercher des moyens
alternatifs et un système de réduction basé sur un
programme d'envergure qu'on pourra connaître à l'avance pour
certaines années.
Finalement, je sais que plusieurs compagnies forestières seront
représentées ici; cinq seront représentées, en plus
de l'association qui les représente. Là, je m'étais
entendu avec mon collègue pour que deux compagnies soient
représentées comme compagnies types parce qu'en fait, toutes
véhiculent le même message. L'Opposition a tenu à les
entendre toutes et le critique de l'Opposition m'a dit: Moi, je
préfère entendre toutes ces compagnies pour savoir vraiment ce
qu'elles ont en vue. De toute façon, si les compagnies présentent
le même message - et je pense qu'elles le feront - il faudra qu'elles
réalisent que la question environnementale est la trame même de
toute la survie du principe de la conservation des ressources au
Québec.
Je pense que nous pouvons travailler ensemble pour, justement,
développer ce principe de la conservation des ressources naturelles
passant par les citoyens parce qu'ils sont la clé même du
système. C'est pour eux que nous faisons tout ce que nous faisons,
surtout pour ceux qui vivent en milieu forestier, qui ont droit à une
voix au chapitre, qui ont le droit de savoir, d'être informés
à l'avance. Ce que nous voulons, nous, c'est dire qu'il y a une marge
immense entre l'utilisation des pesticides visant à une réduction
éventuelle et à des moyens alternatifs et une carte blanche qui
serait donnée pour une utilisation sans information préalable et
sans consultation. C'est la position que je compte défendre.
Le Président (M. Parent, Bertrand): Merci beaucoup, M. le
ministre. La parole est maintenant au député de Verchères
qui est le porte-parole de l'Opposition en matière d'environnement. M.
le député de Verchères, vous avez 15 minutes. (10 h
30)
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Au début de
cette commission, je pense qu'il faudrait camper les principes fondamentaux qui
vont nous guider. Je suis heureux d'entendre le ministre de l'Environnement -
et je présume que c'est la même chose pour son collègue -
nous dire que les dés ne sont pas pipés d'avance et que les
décisions ne sont pas arrêtées. On a devant nous, dans le
fond, un bon test de l'équation qui doit être résolue, qui
n'est jamais
facile à résoudre entre les enjeux et les
intérêts socio-économiques, d'une part, et les
intérêts environnementaux, d'autre part. Il s'agit, en
l'occurrence, non seulement de protéger et d'accroître
éventuellement le rendement d'une ressource particulière qui est
la ressource forêt, mais également de se rendre compte aussi qu'il
y a d'autres ressources en cause qui sont affectées par l'utilisation de
ces produits, sans compter la santé humaine. À cet égard,
il faut que les positions soient claires et qu'il y ait une espèce
d'ordre de priorités, une échelle de valeurs qui doit être
clairement comprise et affichée. En ce qui nous concerne, c'est
évident que l'ordre des valeurs favorise, d'abord et avant tout, la
protection des ressources et l'ensemble des considérations qui sont
liées à l'environnement, mais aussi à la santé des
personnes.
À cet égard, il faut peut-être le rappeler, il y a
deux articles importants dans la Loi sur les pesticides qui sont, d'une
certaine façon, des articles fondamentaux. Le ministre les a
rappelés brièvement tantôt, mais il faut peut-être
les avoir clairement à l'esprit parce qu'ils situent un peu l'ordre dans
lequel on va fonctionner. Il y a l'article 5 qui dit: "Les droits et
obligations résultant de l'application de la présente loi
prévalent sur ceux résultant de l'application de la Loi sur les
forêts ou sur toute disposition inconciliable d'un plan ou d'un programme
élaboré en application de cette loi." Si on veut que cet article
ait un sens, il va falloir s'en souvenir tout au long de nos travaux et
éventuellement lorsque les ministres auront à s'arbitrer entre
eux et à arbitrer le choix d'une solution.
Il y a l'article 8 qui dit, par ailleurs: "Le ministre de
l'Environnement élabore et propose au gouvernement des programmes
favorisant la réduction et la rationalisation de l'usage des pesticides;
il en dirige et en coordonne l'exécution." Ce n'est pas deux ministres,
il y a un ordre de priorités. À cet égard, nous, on est
d'accord. C'est ce qu'on avait dit au ministre lorsqu'on a discuté de la
fusion des organismes-conseils du ministère de l'Environnement. On pense
qu'effectivement le ministre de l'Environnement a une responsabilité
particulière et importante. On doit se rappeler aussi que l'objectif,
c'est la réduction de l'usage et pas uniquement une harmonisation ou un
usage contrôlé. L'objectif est de réduire l'usage en
utilisant des méthodes alternatives pour en arriver à contrer les
problèmes qui nous amènent à utiliser ces produits.
Les programmes dont on parle ont, notamment, comme objet: "1° de
promouvoir l'analyse, l'évaluation et la maîtrise des incidences
de l'utilisation des pesticides sur l'être humain, les autres
espèces vivantes, ainsi que sur l'environnement et les biens; 2° de
contribuer au développement d'alternatives à l'utilisation des
pesticides, telles que les méthodes de lutte biologique ou
intégrée et d'en encourager l'usage." C'est important de se
rappeler cela parce que, lorsqu'on lit en particulier le scénario 2, on
a l'impression qu'on a un peu oublié, d'une certaine façon, ces
deux articles de la Loi sur les pesticides. Je pense que, dans l'optique
où on vise à camper les choses en fonction d'une échelle
de valeurs et d'un ordre de priorités, on doit continuellement les avoir
à l'esprit.
Il y a peut-être aussi quelques repères historiques qu'il
est bon d'avoir à l'esprit et des repères réglementaires
aussi. On a un arsenal réglementaire et législatif. D'abord, on a
le "Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur
l'environnement". Ce règlement assujettit à la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement, tout programme
ou projet de pulvérisation aérienne de pesticides à des
fins non agricoles, sur une superficie de 600 hectares ou plus. Quand on sait,
le ministre nous l'a confirmé ce matin et Le Devoir en a fait
état ce matin à la une... Je sais bien que le ministre m'accuse
souvent d'être le porte-parole ou le perroquet de mon ancien
collègue du Devoir, mais, néanmoins, il reconnaît
que souvent il frappe dans le mille. Ce matin, encore une fois, il est
obligé de reconnaître que celui-ci avait raison. Quand on se rend
compte que, finalement, il y a toute sortes de contournements de la loi
actuelle qui font que, dans les faits, on réussit à se
libérer de la contrainte de la production de l'évaluation des
impacts environnementaux, on se dit: Ce rappel est important. Il y a le
règlement relatif à l'administration de la Loi sur la
qualité de l'environnement; pour tous les autres épandages en
milieu forestier, des certifications d'autorisation sont exigées et
délivrées en vertu de ce règlement.
Il y a la Loi sur la qualité de l'environnement, la Loi sur les
pesticides, dont on vient de parler des deux articles fondamentaux, et aussi la
Loi sur les forêts, qui a également été
adoptée à la même période, en juin 1987, qui fait du
rendement soutenu des forêts publiques une obligation légale que
les ministères et les industriels sont tenus de respecter et autour
duquel, d'ailleurs, l'industrie forestière greffe son argumentation.
Sauf qu'il n'y a pas uniquement le rendement soutenu de cette ressource. Il y a
également le rendement soutenu des autres ressources qui vivent dans le
milieu forestier. La forêt, ce n'est pas seulement des arbres.
Repères historiques également. Je pense qu'il y a deux
événements qu'on doit avoir à l'esprit quand on va faire
cette consultation: d'abord, l'abandon du programme de pulvérisation
aérienne de phytocides en milieu forestier en 1983-1984 par le
ministère de l'Énergie et des Ressources. À ce
moment-là, on se rappelle qu'il y avait eu un tollé dans
l'opinion publique, qu'il y avait eu des audiences publiques et que,
finalement, le ministère, après ces audiences, avait
accepté de retirer son projet. Depuis ce temps-là, il y a une
espèce de moratoire implicite. Par ailleurs, il y a eu le programme
de
pulvérisation aérienne contre la tordeuse des bourgeons de
l'épinette en 1985. Alors qu'on avait trouvé une alternative et
qu'on pensait que ce programme serait satisfaisant, tout à coup on s'est
rendu compte, en mai 1986, qu'aux seules fins d'écouler un stock de
produits chimiques qui restait au ministère de l'Énergie et des
Ressources le gouvernement a modifié le décret et a fait en sorte
que, pour la campagne d'arrosage de 1986, on utilise un insecticide chimique
dans une proportion considérable par rapport à ce qui devait
être fait et à ce qui était prévu dans le
programme.
Donc, on se rend compte que, finalement, même s'il y a des lois et
des règlements, on en arrive parfois et souvent à les contourner
d'une façon ou d'une autre pour toutes sortes de bons objectifs ou
d'objectifs qui peuvent être louables à première vue. Donc,
il y a une certaine méfiance, en ce qui nous concerne, quant à
une espèce d'abdication de principe ou à un abandon de certains
acquis qu'on a en particulier à l'égard des droits des citoyens
de participer à l'évaluation des impacts environnementaux et
d'avoir une connaissance publique des impacts.
Sur les propositions qui sont présentées par le
gouvernement, ce qu'on peut dire, c'est que, à l'instar de la
Fédération québécoise de la faune, qui le souligne
avec justesse dans son mémoire, nous avons pensé que nous
étions consultés au départ sur une stratégie
d'intervention. En fait, ce qu'on a constaté, c'est qu'on était
plutôt consultés sur des modalités, mais que la
stratégie semblait déjà arrêtée. Le ministre
de l'Environnement nous a indiqué tantôt que les choses
n'étaient pas arrêtées, sauf qu'il est clair qu'il a pu y
avoir des négociations entre les deux ministères concernés
et qu'on a dû arrêter une certaine forme de stratégie et une
certaine forme de balises pour en arriver déjà au scénario
en question. Ce qui est un peu regrettable, c'est que dans les deux cas, dont
l'un est pire que l'autre, il y a une espèce d'approche qui, finalement,
réduit la production des études d'impact et la tenue des
audiences publiques. Dans le fond, on a une espèce de recul dans chacun
des deux cas face à la préservation des droits des citoyens de
connaître les impacts environnementaux et de participer à leur
évaluation publiquement.
On pourrait aussi déplorer le fait que le code de gestion sur les
règles d'usage, de manipulation et les conditions d'utilisation des
pesticides ne soit pas encore prêt et disponible. On en parle dans le
document de présentation du ministère, sauf qu'on constate que ce
code ne nous est pas disponible actuellement. Il aurait été
important, à notre avis, qu'on connaisse les considérations ou le
contenu de ce code parce que cela pourrait éventuellement conditionner
des réactions qu'on pourrait avoir ou que des intervenants pourraient
avoir en regard des scénarios proposés.
On ne fait pas, non plus, nôtre l'argument de l'industrie
forestière à savoir que les travaux sylvicoles auxquels elle est
tenue lui occasionnent des déboursés tels que les coûts
supplémentaires attribués à la procédure
d'évaluation et d'examen des impact sur l'environnement ne peuvent
être ainsi supportés et risquent d'hypothéquer les premiers
investissements. Il faut se rappeler que l'industrie omet une précision
fondamentale qui fait en sorte que, en vertu de l'article 89 de la Loi sur les
forêts, les droits que doit payer un titulaire de CAAF "sont payables en
argent ou en traitements sylvicoles". Par l'arrêté en conseil
00183, du 1er avril 1988, on avait édicté ainsi le
règlement sur la valeur de ces traitements sylvicoles admis à
titre de paiement des droits prescrits par le ministre responsable de
l'application de la Loi sur les forêts.
En fait, si on veut être très clair, a priori on rejette
carrément le scénario 2 parce qu'à notre avis, d'abord, on
évite les débats publics dans ce scénario-là; on
fait fi des droits acquis de la population; d'une certaine façon, on
refuse l'imputabilité à l'industrie forestière et on ne
fait pas la nuance fondamentale entre les propriétés d'un produit
et les usages qui en sont faits. Les produits, c'est une chose, mais l'impact
de ces produits-là varie en fonction des usages qu'on en fait.
Également, on fait en sorte de réserver une portion congrue
à l'importance et à l'ampleur des rares études d'impact
qu'il permet. Celles-ci ne devront supporter que sur les seuls aspects
environnementaux, laissant ainsi en plan les volets sociaux, biophysiques ceux
de la sécurité et de la santé.
De plus, les situations d'urgence, les épidémies
déclarées, dont parle l'industrie, pourraient très bien
être prises en considération d'une autre façon. On pourrait
très bien avoir des dispositions spéciales dans la politique qui
feraient en sorte qu'on puisse réagir efficacement, un peu comme dans le
cas des incendies de forêts dont on parle, d'ailleurs, dans le
mémoire de l'Association des industries forestières, sans
nécessairement avoir une attitude qui fasse en sorte qu'on ait une
espèce de chèque en blanc à donner.
Le scénario 1 est moins pire, d'une certaine façon. On le
rejette dans sa forme actuelle, tout au moins, parce qu'il ne fait pas la
nécessaire distinction entre les phytocides et les insecticides
utilisés. On ne fait pas, non plus, la nécessaire distinction
entre les fins auxquelles sont utilisés les insecticides et pesticides,
soit la lutte à la végétation concurrente, aux
insecticides et aux maladies. On favorise aussi la production d'une
superétude d'impact d'une ampleur telle qu'elle se
révélera, craint-on - et on n'est pas les seuls à le
craindre - tout à fait irréalisable ou encore
incompréhensible aux fins d'une efficace consultation publique. Il y a
sans doute moyen de trouver un modus vivendi qui fasse en sorte qu'on
élimine des problèmes de faisabilité que
présenterait cette option 1 qui ferait qu'on aurait une espèce de
superétude
d'impact qui prendrait beaucoup de temps, qui coûterait beaucoup
d'argent et dans laquelle personne ne se retrouverait, finalement.
M. le Président, en guise de conclusion, de façon
générale, on a l'impression que tout est conçu comme si
l'utilisation massive des pesticides était inéluctable, c'est un
peu le plaidoyer que nous font plusieurs intervenants. Les propositions de
solutions alternatives, au titre des contrôles mécaniques, des
contrôles manuels, de l'épandage terrestre ou autre, sont
ignorées ou rejetées du revers de la main. Je comprends que, dans
un certain nombre de cas, ces alternatives causent, elles aussi, des
problèmes, mais je pense que, idéalement, dans une optique
où l'environnement est pris en considération et mis au coeur du
débat, en termes de priorité, il serait important qu'on
évalue les avantages et les inconvénients de chacun des moyens
mis à notre disposition pour lutter contre les maux qui affectent la
forêt québécoise.
On veut rappeler de nouveau au ministre de l'Environnement ses
responsabilités et je pense que celui-ci, avant de proposer d'une
façon peut-être pas pompeuse, mais un peu prétentieuse, la
création d'une espèce de fonds forestier mondial, devrait
s'assurer du développement écologique de la forêt
québécoise. À cet égard, on croit possible de tenir
compte à la fois des impératifs et des exigences du
développement économique et de l'industrie, et on sait
très bien qu'il y a des emplois créés; donc, ce ne sont
pas seulement les intérêts financiers des compagnies qui sont en
cause et dont on a à se préoccuper, mais ce sont aussi les
intérêts socio-économiques d'une partie de la population du
Québec qui vit de cette industrie-là.
Par ailleurs, il y a aussi des exigences pour la protection des humains
et des écosystèmes. On est convaincu - c'est un peu cela la
conclusion, M. le Président - qu'il y a moyen de trouver un
troisième scénario qui tiendrait compte des intérêts
d'efficacité à l'égard de la protection d'une ressource
particulière qui est la forêt, du rendement de cette
ressource-là et qui serait également plus opérationnelle
en termes de protection de l'environnement, du droit des citoyens à
participer à cette protection de l'environnement et à
l'évaluation des impacts environnementaux. Je crois qu'il y a moyen de
trouver, à travers les audiences qu'on va tenir dans les trois prochains
jours, les pistes de solutions qui pourraient nous permettre d'avoir un
troisième scénario qui serait plus cohérent par rapport
aux principes directeurs qui sont énoncés dans le document de
consultation que nous soumettent les deux ministres, M. le
Président.
Le Président (M. Parent, Bertrand): Alors, je vous
remercie beaucoup, M. le député de Verchères. Je vais
maintenant laisser la parole au ministre délégué aux
Forêts pour une période de quinze minutes. M. le ministre.
(10 h 45)
M. Albert Côté
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président. Mon collègue et MM. les membres de la commission, si
on arrive aujourd'hui à discuter d'une politique d'utilisation des
pesticides en forêt, c'est parce qu'on cherche une façon de faire
les choses correctement, une façon de protéger la santé,
une façon aussi de s'assurer qu'on va protéger notre
environnement et qu'on va atteindre les objectifs prévus dans la loi.
Pour moi, si on ne trouve pas une façon, je dirais, correcte et juste de
le faire, j'aurai l'impression d'avoir trompé toute l'industrie
forestière, les ouvriers forestiers et moi-même dans ce dossier.
Pour nous c'est vital pour le Québec. Il y a des moyens pour faire les
choses correctement en respectant tous les utilisateurs de la forêt, en
protégeant la santé et nos emplois.
Se risquer à parler des pesticides, c'est accepter, M. le
Président, de se faire insulter, que l'on soit d'un côté de
la table ou de l'autre. Ces propos sont du professeur Stewart Hill,
entomologiste au Collège Macdonald, de l'Université McGill. Ces
propos auraient pu servir d'introduction à un débat
stérile sur l'utilisation des pesticides au Québec, mais, en les
replaçant dans le contexte d'aujourd'hui, j'ose espérer que les
débats de la commission parlementaire de l'aménagement et des
équipements seront l'occasion de développer un consensus sur
cette question délicate et souvent émotionnelle alors que cela ne
devrait pas l'être.
Pour le ministère de l'Énergie et des Ressources et, en
particulier, pour le secteur forestier, les enjeux, comme je l'ai
mentionné au début, sont de taille. En effet, l'utilisation des
pesticides en milieu forestier constitue un des outils essentiels - à
moins qu'on n'en trouve d'autres et, si on veut en trouver d'autres, il faudra
faire des expérimentations, c'est bien évident; il faut faire de
la recherche, puis, quand on fait de la recherche, on fait des
expériences; si on critique les expérimentations qui sont faites
de ce côté-là, évidemment, c'est parce qu'on ne veut
pas trouver d'autres moyens - qui nous permettront d'atteindre les objectifs
que la nouvelle Loi sur les forêts a proposés à la
société québécoise.
En guise d'introduction, j'aimerais rappeler les deux principes
directeurs de cette loi qui a été adoptée de façon
unanime par l'Assemblée nationale. Le premier élément de
cette loi, qui en constitue le fondement même, c'est le respect du
rendement soutenu. Le respect du rendement soutenu, cela veut dire conserver
une forêt verte et en santé. Cela ne veut pas dire conserver une
forêt mangée par les insectes et dévastée par
d'autres maladies. C'est le respect du rendement soutenu afin de
perpétuer le couvert forestier et l'activité économique
générée par l'utilisation de cette ressource. Ce principe
nous amène à rendre
obligatoire la régénération des aires de coupe et
nous amène, également, à exiger l'atteinte de rendement
par unité de surface de façon à obtenir un volume de
matière ligneuse suffisant pour garantir l'approvisionnement à
long terme de l'industrie. D'autres principes m'apparaissent également
fondamentaux, bien que dans le débat d'aujourd'hui ils puissent
être considérés comme accessoires. Je fais
référence ici au fait que la forêt publique constitue
désormais une source résiduelle d'approvisionnement, que le bois
provenant des forêts publiques est vendu par l'État en fonction de
sa valeur marchande et, enfin, en ce qui concerne la responsabilité des
travaux d'aménagement, que l'État transfère à
l'industrie une grande partie des obligations reliées à cet
aménagement étant donné que nous en sommes les
propriétaires.
En fait, il s'agit d'un changement de cap fondamental en ce qui concerne
la gestion des forêts du Québec et ces principes, avant
d'être adoptés par l'Assemblée nationale, ont fait l'objet
de deux consultations qui se sont étendues sur une période de
deux ou trois ans et qui ont impliqué les différents intervenants
oeuvrant dans le milieu forestier. Cette longue période de
réflexion - on dit deux ou trois ans, mais je dirais durant toute ma
carrière, une quarantaine d'années - de discussions et
d'échanges de vues a montré notre volonté de concertation
avec les différents intervenants en milieu forestier et les
résultats obtenus représentent un consensus qui, à mon
sens, reflète véritablement les aspirations des
Québécois en ce qui concerne la gestion d'une de leurs ressources
les plus importantes, la forêt.
Concrètement, comme vous avez pu le constater dans les
différents médias d'information récemment, ces principes
se traduisent par la signature de contrats d'approvisionnement et
d'aménagement forestier entre le gouvernement et l'industrie
forestière qui est devenue notre partenaire. J'ai eu, à ce sujet,
l'honneur et le plaisir de signer les trois premiers lors d'une
cérémonie officielle la semaine dernière et
j'hésiterai à en signer d'autres si on ne trouve pas une
politique d'utilisation adéquate.
C'est ici que je rejoins le débat de fond suscité par le
document préparé conjointement avec mon collègue, M.
Lincoln, le ministre de l'Environnement. Ce document concerne l'obligation qu'a
désormais tout industriel qui s'approvisionne dans les forêts
publiques d'atteindre un rendement fixé dans son contrat et le
gouvernement prend une certaine responsabilité pour corriger les erreurs
du passé. Globalement, cette obligation ramenée à la
dimension du Québec signifie des investissements annuels de 150 000 000
$ à 200 000 000 $, non seulement pour protéger le couvert
forestier sur l'ensemble du territoire québécois, mais surtout
pour garantir le pérennité de cette activité
économique essentielle au Québec, puisqu'elle engendre des
retombées économiques de l'ordre de 10 000 000 000 $ par
année, dont 2 000 000 000 $ en salaires.
Comment, concrètement, atteindre ce rendement? Trois types de
techniques sylvicoles peuvent être utilisées par l'industrie.
Premièrement, des techniques permettant d'assurer la
régénération naturelle immédiatement après
la coupe à un niveau au moins équivalent à ce qui existait
avant la récolte. Il s'agit de coupes de protection de la
régénération, de coupes par bandes, d'abattage
dirigé, d'entretien de régénération et d'autres
activités. Deuxièmement, des techniques permettant d'implanter de
nouveaux peuplements adaptés aux sites visés et dont le rendement
est supérieur à celui d'un peuplement naturel. Il s'agit ici de
toutes les opérations de reboisement, de la récolte de
cônes à l'entretien de plantations en passant par le traitement
des semences, la production des plants, la préparation de terrain, la
mise en terre ou l'ensemencement. Troisièmement, des techniques
permettant d'accroître la production de peuplements existants, naturels
ou artificiels, tant en volume qu'en qualité. Il s'agit
d'éclaircies précommerciales ou commerciales, de coupes
jardinatoires, d'élagage, de fertilisation, etc.
Le recours à l'une ou l'autre de ces techniques, ou même
à une conjugaison des trois, dépend de la nature du territoire
à traiter et du rendement qui est fixé dans le contrat pour ce
territoire. Toutes ces activités doivent, cependant, être
conduites de façon à assurer la protection de l'ensemble des
ressources du milieu forestier, ce qui implique l'obligation de recourir
à des techniques particulières qui sont définies dans le
"Guide des modalités d'intervention en milieu forestier", qui a
été conçu par le ministère des Loisirs, de la
Chasse et de la Pêche, le ministère de l'Environnement et le
ministère de l'Énergie et des Ressources, et dans le
règlement qui en découle.
Il demeure, cependant, un prérequis essentiel à
l'utilisation de ces techniques sylvicoles; c'est notre capacité
à assurer l'existence d'un couvert forestier, qu'il soit naturel et
constitué de peuplements mûrs ou qu'il soit le fruit d'une
régénération naturelle ou artificielle. Dans ce contexte,
la protection des forêts contre ce que nous appelons les agents nuisibles
constitue la première étape de l'aménagement forestier. Et
la panoplie d'outils disponibles pour nous permettre d'assurer cette protection
est relativement restreinte, bien que les recherches nous permettent d'ajouter
certains outils au fur et à mesure des développements dans ce
domaine, à condition qu'on fasse des recherches et des
expériences. Mais parmi ces outils se retrouvent les pesticides dont
l'utilisation doit être régie par des règles de gestion
acceptables tant du point de vue de la santé que du point de vue
environnemental ou forestier.
Le document préparé conjointement par nos deux
ministères et qui fait l'objet des travaux de cette commission fait
référence à un consensus
ministériel sur une série de principes et il propose
à la population une politique gouvernementale en matière
d'utilisation des pesticides en milieu forestier. Je vous dirai que, si nous
avons une politique gouvernementale, nous serons deux à la surveiller
plutôt qu'un.
Qu'il me soit permis de vous rappeler le texte de cet
énoncé de politique: Les pesticides en milieu forestier
constituent des outils permettant de réaliser la protection et
l'aménagement forestiers. Le gouvernement du Québec doit
s'assurer que l'utilisation de ces outils ne mettra pas en danger la
santé humaine et que les impacts environnementaux, sur le milieu
forestier seront minimisés. Il doit en limiter l'usage - c'est sûr
qu'il faut en limiter l'usage - aux seuls cas nécessaires et pour
lesquels il n'existe pas de mesures équivalentes de remplacement. Il
doit aussi veiller à en contrôler l'utilisation en regard
d'objectifs gouvernementaux de protection de l'environnement, tout en
permettant la réalisation des objectifs de production
forestière.
Nous sommes donc ici, M. le Président, pour examiner les moyens
de concrétiser cet énoncé de politique et les deux
scénarios d'intervention qui vous sont proposés s'inscrivent dans
cette démarche. Nous sommes conscients que l'usage des pesticides ne
rencontre pas la faveur populaire puisque les études récentes sur
les perceptions de la population face aux produits ayant un potentiel de risque
pour la santé humaine montrent que les pesticides se classent
généralement au neuvième rang, après
l'énergie nucléaire, les véhicules à moteur, les
armes à feu, la dynamite, les remèdes, etc.
Cependant, en milieu forestier, leur contexte d'utilisation est tout
à fait particulier. Ainsi, dans le cas des épidémies
d'insectes, nous faisons affaire à des phénomènes
biologiques difficilement prévisibles, sinon impossibles à
prévoir, malgré les prétentions de certains, et
difficilement contrôlables a priori. Le recours aux insecticides
s'avère essentiel, bien que limité dans le temps.
En ce qui concerne la protection de la régénération
naturelle ou artificielle, l'utilisation des phytocides est non seulement
limitée dans le temps - puisqu'on n'a recours aux pesticides qu'une fois
dans la vie d'un peuplement - mais elle est généralement
très limitée dans l'espace puisqu'elle ne vise que les endroits
où la régénération naturelle ou artificielle subit
une compétition trop forte. De plus, il faut noter qu'elle s'effectue
surtout loin des zones habitées puisque réservée à
la grande forêt publique.
Le deuxième scénario s'appuie, en fait, sur ces constats,
mais il tient également compte des efforts de recherche qui nous
permettront non seulement d'utiliser les pesticides de la façon la plus
sécuritaire possible, mais qui nous permettront surtout de trouver des
moyens alternatifs à l'utilisation de ces produits dans l'environnement.
Cette solution constitue, et pour le ministère dont j'assume la gestion
et pour l'industrie forestière, une approche logique, compte tenu de nos
connaissances actuelles. Elle constitue également une règle de
gestion souple, mais capable d'assurer, d'une part, le respect des
modalités d'intervention garantes de la protection de notre
environnement forestier et de notre qualité de vie et, d'autre part,
l'atteinte des objectifs de production fixés dans chaque contrat.
Là-dessus, M. le Président, je vous remercie.
Le Président (M. Parent, Bertrand): Merci beaucoup, M. le
ministre. On a un dernier intervenant dans les déclarations d'ouverture,
soit le député de Dubuc qui a la parole maintenant pour quinze
minutes. Par la suite, nous entendrons le premier intervenant, soit
HydroQuébec.
M. le député de Dubuc, la parole est à vous pour
quinze minutes.
M. Hubert Desbiens
M. Desbiens: Merci, M. le Président. Je n'utiliserai sans
doute pas le temps qui m'est imparti. Mon collègue responsable de
l'environnement pour l'Opposition a très bien campé, je crois,
l'attitude que l'Opposition entend avoir aussi bien au plan environnemental
proprement dit qu'en ce qui touche un des éléments de la
forêt publique, c'est-à-dire la matière ligneuse qui sert
à cette industrie éminemment importante au Québec, celle
de la transformation et de l'utilisation du bois sous toutes ses formes.
Cependant, le sujet même de cette commission parlementaire nous
indique assez clairement, M. le Président, que le gouvernement, d'une
certaine façon, a fait son choix puisque le sujet même de notre
commission parlementaire est relatif à la politique d'utilisation des
pesticides en milieu forestier.
C'est donc que les moyens alternatifs - comme on les mentionne,
d'ailleurs, à l'article 8 que nous a rappelé le ministre de
l'Environnement - ne constituent pas encore véritablement, du moins pour
le gouvernement actuel, l'objectif fondamental. En faisant de l'utilisation des
pesticides en milieu forestier le sujet de cette commission, d'une
façon, on admet qu'on peut les utiliser encore ou qu'il faut les
utiliser encore. (11 heures)
Maintenant, l'utilisation forestière. Aujourd'hui, tout le monde
en convient, la forêt est une ressource économique non seulement
pour ce qui est de la matière ligneuse, mais aussi pour ce qui est de la
faune, de l'utilisation que peuvent en faire les citoyens pour le plein air et
de la ressource fourrure. Dans une civilisation qui est davantage axée
maintenant vers le loisir, c'est de plus en plus l'endroit
privilégié pour pratiquement au-delà de la moitié
de la population du Québec. Il est donc important de tenir compte de
cette réalité. Je constate que le ministre du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche, responsable particulièrement de la
protection des écosystèmes, avec qui le ministre de
l'Énergie et des Ressources et le ministre de l'Environnement
travaillent présentement sur le "Guide des modalités
d'intervention en milieu forestier", est absent de cette commission. Le
ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, en sa qualité de
protecteur de la faune, de conservateur, de ministre responsable de la mise en
valeur de cette ressource faunique aurait dû aussi se retrouver ici avec
ses deux collègues pour participer aux travaux de cette commission.
M. le Président, il y aurait un autre point sur lequel je
voudrais apporter un complément ou peut-être attirer davantage
l'attention des ministres, c'est sur la nécessité, une fois
qu'une réglementation ou qu'une loi existe... Il y a les
révélations de l'article du Devoir ce matin. De
même, on a la modification au décret qui avait été
passé en 1985 concernant la disparition progressive de l'usage du
fénithrotion, remplacé par le B.t. Le décret de 1985
fixait comme objectif l'élimination en 1987 du fénithrotion et
l'usage à 100 % de B.t. Mon collègue l'a souligné, ce
décret a été modifié pour permettre, selon un
ministre, d'écouler des stocks existant déjà au
ministère de l'Énergie et des Ressources, mais il reste que ce
n'est pas le phénomène en soi. Ce que je veux souligner, c'est
qu'il est important que tous prennent bien conscience que les règlements
ou que les lois sont là pour s'assurer qu'il y a un message de transmis
à une population ou à des utilisateurs de modifier leur
comportement s'ils ne veulent pas transgresser des lois ou des
règlements. Alors, ces messages sont de diverses natures et il est
important que le gouvernement et les ministres en tiennent compte.
Ce sont les remarques supplémentaires que je voulais faire, M. le
Président, et, puisqu'on est ici pour entendre les intervenants et
discuter avec eux, ils pourront procéder. Je vous remercie.
Le Président (M. Parent, Bertrand): Merci, M. le
député de Dubuc. Cela complète donc les
déclarations d'ouverture de deux intervenants chaque
côté.
Auditions
On va passer maintenant à la présentation des
mémoires. Le premier groupe intéressé doit s'avancer, soit
les gens d'Hydro-Québec qui sont représentés par M. Daniel
Dubeau, entre autres, et par Mme Stella Leney. Je demanderais que chacun des
intervenants puisse s'identifier avec ses fonctions pour que tous les membres
de la commission puissent bien savoir à qui ils ont affaire.
Je vous rappellerais que vous avez une période de 20 minutes pour
présenter votre mémoire et que, par la suite, il y a 40 minutes
qui sont réparties 50-50, c'est-à-dire 20 minutes de chaque
côté, pour une période de questions et d'échanges de
propos particulièrement. M. Dubeau, j'imagine?
Hydro-Québec
M. Dubeau (Daniel): Oui. Bonjour. M. le Président, MM. les
ministres, Mmes et MM. les membres de la commission, mon nom est Daniel Dubeau.
Je suis vice-président de l'environnement à Hydro-Québec.
Je suis accompagné ce matin de M. André Boily, à ma
droite, directeur de l'appareillage, de M. Yvon Lebeau, chargé de
l'entretien d'emprises, de la même direction, et de M. François
Gauthier, à ma gauche, qui est conseiller en ressources
forestières à la vice-présidence de l'environnement.
Je tiens, tout d'abord, à vous remercier d'avoir invité
Hydro-Québec à participer à ces consultations
particulières sur la "Politique d'utilisation des pesticides en milieu
forestier". Mon exposé vise à passer en revue les grandes lignes
tracées dans le mémoire déjà déposé
par Hydro-Québec, tout en expliquant plus amplement certains des
commentaires qui y sont contenus.
Hydro-Québec appuie le gouvernement du Québec dans sa
démarche en vue d'établir une politique visant l'utilisation
judicieuse des pesticides en milieu forestier, ainsi que des moyens pour sa
mise en oeuvre. Hydro-Québec suggère que soient pris en
considération certains autres éléments importants de la
problématique des pesticides en milieu forestier liés à
ses activités d'exploitation.
Nous comprenons de la politique que le terme "pesticides", est
utilisé dans son sens large et qu'en conséquence il comprend le
sous-ensemble que constituent les phytocides. Ce sont ces derniers produits,
les phytocides, qu'Hydro-Québec utilise pour l'entretien de certaines de
ses propriétés et emprises de transport
d'électricité. Le type d'utilisation de phytocides propre
à Hydro-Québec vise des objectifs différents du type
d'utilisation des pesticides des autres intervenants en milieu forestier, mais
demeure une activité assujettie à la loi concernant leur
application en milieu forestier. Nous décrirons, d'abord, l'utilisation
des phytocides que fait Hydro-Québec. Dans un second temps, nous ferons
des commentaires sur la politique et les scénarios proposés.
Les distances couvertes par les emprises du réseau de transport
d'énergie d'Hydro-Québec sont évaluées à 28
000 kilomètres, soit une superficie d'environ 150 000 hectares dont 100
000 sont boisés. Afin d'assurer le bon fonctionnement des
équipements de transport d'énergie, la sécurité du
public et celle des travailleurs et pour éviter les pannes
d'électricité, Hydro-Québec doit effectuer certains
travaux de contrôle de la végétation. Ces travaux sont
nécessaires afin d'assurer de façon cons-
tante l'accès aux lignes électriques pour leur entretien,
le maintien des dégagements des conducteurs, la prévention des
incendies dans les emprises de lignes et les postes. À titre d'exemple,
en 1986, nous avons répertorié huit mises hors tension de lignes
de transport dues à des feux de forêt.
Les différentes techniques de contrôle de la
végétation utilisées par Hydro-Québec sont
effectuées selon les principes prévus dans le document
intitulé "Modes d'intervention sur la végétation -
méthodologie de sélection". Ce document est révisé
et mis à jour annuellement depuis 1982. Il a été soumis,
au fil des années, au ministère de l'Environnement du
Québec à l'appui des demandes de certificats d'autorisation pour
l'épandage terrestre de phytocides. Ce document justifie les
interventions d'Hydro-Québec sur la végétation,
décrit le dynamisme de la végétation dans nos emprises de
lignes, les modes de traitement et les produits disponibles, la gestion des
programmes annuels d'entretien et les coûts inhérents à
chacun d'eux, le suivi des travaux, ainsi que les mesures d'urgence en cas de
déversements accidentels.
Les principes sur lesquels s'appuie cette méthodologie sont les
suivants: "Hydro-Québec effectue la répression de la
végétation incompatible avec le fonctionnement des installations
de son réseau par des interventions rationnelles qui tiennent compte: de
ses obligations envers les propriétaires et les autres utilisateurs du
milieu, de la santé et de la sécurité du public et des
travailleurs, de la protection de l'environnement et de la mise en valeur de
ses propriétés, tout en maintenant les coûts à un
niveau acceptable."
Ces principes permettent d'identifier le meilleur mode d'intervention
sur la végétation: aménagement, intervention chimique ou
intervention mécanique en fonction du milieu humain, rural, dans la
forêt du domaine public et en minimisant les impacts par des mesures
d'atténuation. Par exemple, lorsque l'application de phytocides est
envisagée, une étude des milieux est réalisée, des
périmètres autour des zones à protéger sont
identifiés et un suivi environnemental est également
prévu. De façon générale, on peut dire que le
contrôle de la végétation en milieu urbain s'effectue par
élagage, en milieu rural par coupes mécaniques, en milieu
forestier par coupes mécaniques et par l'épandage de phytocides.
Les épandages aériens de phytocides ne sont envisagés, en
vertu de la méthodologie d'Hydro-Québec, que pour les territoires
éloignés, accidentés et peu accessibles. L'utilisation des
phytocides par Hydro-Québec est fonction de ses différentes
activités. En principe, lors de la construction, il n'y a pas
d'application de phytocides. Toutefois, à titre d'exemple, dans le cadre
du projet Radisson-Nicolet-des Cantons, dans la région de Rapide Blanc,
sur une superficie d'environ 100 hectares, un traitement expérimental
des souches est effectué. Il s'agit là d'un effort
d'intégration des méthodes de contrôle de la
végétation dès la phase de construction afin de
réduire la fréquence des interventions dans les années
à venir.
Lors de l'exploitation de lignes de transport d'énergie,
Hydro-Québec utilise, dans certains cas bien définis, des
phytocides, mais selon des proportions qu'il serait bon de mettre en
lumière. Ces phytocides peuvent être appliqués soit par
voie terrestre, soit par voie aérienne. Rappelons que la superficie
totale des emprises boisées couvre environ 100 000 hectares, que les
trois quarts de cette superficie sont situés en milieu forestier du
domaine public, que le traitement annuel total par phytocides varie entre 5000
à 15 000 hectares et que la fréquence d'application de ces
phytocides varie de cinq à sept ans. Selon notre planification, 2000
à 4000 hectares de cette superficie seront traités par voie
aérienne.
Je tiens à signaler que le traitement de nos emprises de lignes
de transport d'énergie par phytocides par rapport à
l'intervention mécanique est passée de 100 % en 1971 à
moins de 50 % en 1987. Ceci apparaît de façon plus
détaillée dans les tableaux à l'annexe A du mémoire
d'Hydro-Québec. C'est pour tenir compte de la sensibilité des
milieux que l'entreprise a réduit l'utilisation des phytocides et ce,
malgré les coûts plus élevés que cela
entraîne.
Les produits répertoriés aux annexes B et C du
mémoire représentent la liste exhaustive des produits
homologués par Agriculture Canada, qui sont utilisables pour les fins
envisagées par Hydro-Québec. Il ne faut pas croire que tous ces
produits sont effectivement utilisés par nous. Hydro-Québec a
procédé à sa propre validation qualitative des
matières actives des produits disponibles en tenant compte de
l'utilisation qu'elle compte en faire. L'entreprise a informé le
ministère de l'Environnement de chacun des programmes de recherche et
lui en a également communiqué les résultats. Actuellement,
HydroQuébec n'utilise qu'une seule matière active de type
granulaire pour ses épandages terrestres, soit le tébuthiuron.
C'est également ce produit qu'elle compte utiliser pour
d'éventuels épandages aériens.
Nous envisageons d'évaluer six autres matières actives de
type liquide afin de choisir parmi ces matières la plus
appropriée pour Hydro-Québec, eu égard à ses
applications aériennes. Ces produits ont, cependant, été
validés par Hydro-Québec pour les épandages terrestres.
Tous les travaux d'épandage de phytocides dans les emprises de lignes de
transport d'énergie sont assujettis à la Loi sur la
qualité de l'environnement. Dans le cas d'épanda-ges terrestres
pour toute superficie et d'épanda-ges par voie aérienne sur une
superficie de moins de 600 hectares, Hydro-Québec doit obtenir un
certificat d'autorisation du sous-ministre de l'Environnement, émis par
les directions régionales du ministère. Pour les épandages
par voie aérienne sur plus de 600 hectares,
l'entreprise doit obtenir un certificat d'autorisation émis par
le Conseil des ministres.
Une étude d'impact visant les épandages aériens
pour les cinq prochaines années dans le territoire de la région
de Manicouagan a été déposée auprès du
ministre de l'Environnement au mois de décembre 1986. Les superficies
totalisant 11 000 hectares visées par ce programme représentent,
je tiens à le signaler, la totalité de ce type d'activité
pour Hydro-Québec au cours des cinq prochaines années. Elles
représentent donc environ 5 % de la superficie totale de toutes les
emprises de lignes de transport et de répartition de notre
réseau. (11 h 15)
En 1988, dans le cadre de cette demande de certificat au gouvernement,
Hydro-Québec a entrepris des pourparlers avec le ministère de
l'Environnement en vue d'effectuer un programme expérimental d'arrosage
par voie aérienne des six phytocides liquides dont nous vous avons
parlé précédemment et ce, dans les mêmes emprises de
lignes ayant fait l'objet de notre étude d'impact.
Voici maintenant les principaux commentaires d'Hydro-Québec sur
la politique proposée par le gouvernement. La définition de la
politique prévoit que le gouvernement du Québec doit limiter
l'usage des pesticides "aux seuls cas nécessaires et pour lesquels il
n'existe pas de mesures équivalentes de remplacement". Il y aurait lieu,
à notre point de vue, pour plus de précision, de définir
les cas dits "nécessaires" et de déterminer les mesures
"équivalentes". Nous pensons que la notion d'équivalence devrait
pouvoir s'apprécier en regard de certains points plus précis,
tels le résultat attendu, la performance environnementale, la
sécurité des travailleurs et les coûts.
D'autre part, la politique se fonde sur l'hypothèse suivante: les
impacts sur l'environnement de la coupe manuelle sont nécessairement
plus faibles que ceux dus à l'application des pesticides. Nous soutenons
que certains désavantages et impacts environnementaux inhérents
à ce mode d'intervention ne sont pas cités dans le texte de la
politique et mériteraient, à notre point de vue, d'être
identifiés et pris en considération. Nous sommes d'avis qu'il
faudrait tenir compte, en regard de la coupe manuelle, de certains des impacts
suivants: les risques inhérents à la sécurité des
travailleurs dans des endroits accidentés, les nuisances en termes de
santé et de sécurité imposées aux travailleurs qui
sont exposés à des travaux en milieu éloigné et
accidenté, l'état des lieux à la suite du passage des
équipes de travailleurs, l'impact des campements temporaires, des routes
d'accès et autres infrastructures, l'augmentation des risques de feux de
forêt due à la présence même des équipes de
travailleurs, le risque accru de propagation des incendies de forêt
dû à la présence des débris de coupe laissés
sur place et, finalement, la nécessité de répéter
de plus en plus fréquemment ces travaux. Nous pensons que les
études sur les effets de la coupe manuelle devraient être
accrues.
La vice-présidence à l'environnement d'Hydro-Québec
a entrepris des recherches concernant la coupe manuelle portant, notamment, sur
la pollution dégagée par les moteurs à essence des scies
mécaniques, les bruits, les odeurs, la pollution de l'air, la
contamination de l'environnement par l'huile perdue lors de la coupe.
Nous croyons également que l'établissement d'une telle
politique est une occasion privilégiée pour encourager la mise
sur pied de programmes de recherche visant à élargir la liste des
solutions alternatives à l'application de pesticides chimiques.
Pour sa part, Hydro-Québec a, depuis trois ans, investi
au-delà de 300 000 $ dans des programmes de recherche sur les
méthodes biologiques de contrôle de la végétation,
en ayant recours à l'expertise de l'Université Laval, de
l'Université de Montréal, du Fonds de recherches et de
développement forestier, ainsi que de plusieurs firmes de consultants.
Conjointement avec l'Institut de recherche d'Hydro-Québec, nous sommes
à mettre au point des unités de contrôle
informatisées (UCI) qui permettront l'application par voie
aérienne des phytocides tant liquides que granulaires, en respectant
précisément les périmètres de protection autour des
zones sensibles. Un montant de 150 000 $ est consacré cette année
à la mise au point de ce programme.
Par ailleurs, depuis trois ans, Hydro-Québec, avec la
collaboration du Fonds de recherches et de développement forestier,
tente de résoudre le problème des rejets de souches lors de la
coupe manuelle de façon à diminuer les cycles d'intervention.
À ce jour, plus de 100 000 $ ont été investis dans ce
programme de recherche. Hydro-Québec à investi plus de 3 500 000
$ depuis cinq ans dans des études environnementales et techniques
reliées aux phytocides.
Voici maintenant les commentaires d'Hydro-Québec sur les
scénarios proposés pour la mise en oeuvre de la politique. Le
premier scénario prévoit la préparation et la
présentation conjointe par le ministère de l'Énergie et
des Ressources et les titulaires de contrats d'approvisionnement et
d'aménagement forestier d'une étude d'impact incluant une
programmation quinquennale d'épandage des pesticides. Toutefois, les
interventions subséquentes auraient à faire l'objet d'une
autorisation annuelle du sous-ministre de l'Environnement. Ce scénario
éviterait des procédures répétitives dont la tenue
de plusieurs audiences publiques pour des projets similaires avec des produits
identiques par des promoteurs différents.
Hydro-Québec recommande qu'elle soit également
considérée dans ce scénario puisque ses activités
auront lieu dans les forêts du domaine public et qu'elles peuvent
également
faire l'objet d'un programme de cinq ans. Nous tenons à souligner
que, si Hydro-Québec n'est pas partie à ce scénario, elle
sera, à notre connaissance, le seul organisme dont les activités
d'épandage de phytocides en milieu forestier feront l'objet d'une
étude d'impact et d'une audience publique distinctes.
Le second scénario prévoit que, pour des travaux
d'épandage aérien sur 600 hectares et plus, certains pesticides
homologués et en usage actuellement, soit le B.t. et le glyphosate,
pourront être appliqués sans être soumis à la
procédure d'évaluation et d'examen des impacts. Les
critères mis de l'avant dans la politique pour exclure ces deux
pesticides sont: leur faible toxicité, leur faible persistance dans
l'environnement et leur épandage en milieu éloigné. Nous
tenons à signaler que, selon ce scénario, l'obligation de
préparer des études d'impact distinctes par des promoteurs
différents demeurerait dans le cas des autres pesticides.
Hydro-Québec est d'avis que les phytocides qu'elle utilise ou compte
utiliser en forêt publique devraient être considérés
au même titre que le glyphosate et cela, parce qu'ils répondent
aux mêmes critères énoncés dans la politique quant
à leurs effets sur l'environnement.
La politique propose donc un choix entre deux scénarios pour sa
mise en oeuvre. Ces deux scénarios, tels que conçus, comportent
des avantages différents et leur mise en application conduit à
des résultats différents. Les deux scénarios sont,
pensons-nous, facilement conci-liables au sein d'un troisième
scénario, lequel permettrait, selon nous, l'exclusion d'un certain
nombre de produits de la procédure d'évaluation et d'examen des
impacts sur l'environnement et la possibilité de la préparation
et de la présentation conjointe par le ministère de
l'Énergie et des Ressources et les promoteurs d'une programmation de
cinq ans des interventions projetées impliquant l'usage de pesticides
non inclus dans la liste. Les effets combinés des deux premiers
scénarios fondus dans ce troisième permettraient également
d'atteindre les objectifs de la politique.
Toutefois, le scénario proposé par HydroQuébec, tel
que décrit dans le mémoire présenté, pourrait
également prévoir que la liste des produits soustraits soit
préparée à la suite d'une étude d'impact et de la
tenue d'une audience publique. L'étude d'impact serait
préparée conjointement par le ministère de
l'Énergie et des Ressources et les intervenants désireux
d'obtenir une approbation générale pour l'utilisation
éventuelle de produits déterminés. Ces produits, une fois
le processus complété, pourraient être soustraits à
l'application du "Règlement sur l'évaluation et l'examen des
impacts sur l'environnement" et, en conséquence, être
utilisés à la suite de l'obtention d'un certificat d'autorisation
annuel du sous-ministre de l'Environnement. De plus, l'utilisation pourrait
être assujettie à un guide prévoyant une série de
mesures d'atténuation tenant compte des zones sensibles en milieu
forestier.
En conclusion, Hydro-Québec réitère que
l'utilisation des pesticides en vue de contrôler la
végétation dans les emprises de ses lignes de transport
d'énergie, quoique réalisée dans une autre optique et de
moins grande envergure que celle des exploitants forestiers, devrait être
considérée par la politique. Nous prétendons que la
politique couvrirait ainsi la totalité des utilisateurs de pesticides
dans les forêts du domaine public. Hydro-Québec est d'avis que
l'utilisation des pesticides est un sujet qui suscite de plus en plus
d'intérêt de la part de la population.
En conséquence, la population devrait être largement
informée des objectifs de cette politique, ainsi que des implications du
scénario qui sera retenu par le gouvernement du Québec.
M. le Président, nous sommes prêts à répondre
aux questions des membres de la commission.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Dubeau.
M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: J'ai quelques questions pour M. Dubeau. La
première question, M. Dubeau, afin qu'on comprenne bien ce que vous avez
dit, porte sur le nombre d'hectares que vous arrosez en moyenne chaque
année. Vous avez dit que la politique d'arrosage et de contrôle
d'Hydro-Québec est de 5000 à 15 000 hectares par an et que les
hectares que vous arrosez avec des phytocides vont de 2000 à 3000 par
an. Ai-je bien compris?
M. Dubeau: M. Gauthier va répondre, M. le ministre.
M. Gauthier (François): M. le ministre, nous traitons
annuellement 5000 à 15 000 hectares de façon terrestre ou
possiblement aérienne et 5000 à 15 000 hectares sont
traités de façon mécanique. Durant les cinq prochaines
années, HydroQuébec prévoit traiter 1200 à 4000
kilomètres de lignes par voie aérienne, comme cela a
été soumis dans notre étude d'impact qui a
été déposée en 1986.
M. Lincoln: C'est 1200 à 4000 kilomètres. Je me
référais au bilan de l'environnement que nous avons publié
d'après les statistiques officielles. Je voulais savoir exactement, afin
qu'on ne se trompe pas entre les kilomètres et les hectares, de quoi on
parle vraiment. Dans le bilan de l'environnement, à la page 73, on dit
que des phytocides sont utilisés chaque année par
HydroQuébec sur plus de 10 000 hectares d'emprises. Est-ce que c'est
correct de dire que c'est sur 10 000 hectares d'emprises qu'on utilise des
phytocides?
M. Gauthier: Effectivement, annuellement, on traite avec des
phytocides 5000 à 15 000 hectares.
M. Lincoln: Alors, on peut dire en moyenne 10 000 hectares. C'est
ce que je voulais savoir.
Lorsque vous parlez de vous faire incorporer dans la suggestion de faire
un programme de cinq ans qui serait soumis à l'étude d'impact et
que vous dites: On devrait être inclus au même titre que les
compagnies forestières, est-ce qu'il n'y a pas une contradiction
flagrante là-dedans? Il me semble que les objectifs poursuivis par vous
et les compagnies forestières sont nettement contradictoires. N'est-il
pas vrai que, dans le cas d'Hydro-Québec, vous utilisez des phytocides
dans le but de détruire toute la végétation sous les
emprises? C'est sûr que votre but n'est pas de favoriser la
végétation. Votre but est l'absence de végétation
pour protéger les emprises tandis que, dans le secteur des forêts,
11 me semble que logiquement la problématique est tout autre. L'objectif
c'est de favoriser l'épanouissement de la forêt tout en stoppant,
pour une période qu'elles ont établie, les arbustes et les plants
qui pourraient être nuisibles aux pousses à l'état
embryonnaire ou à l'état de départ. Chez vous, n'est-ce
pas un objectif tout à fait différent, celui de stopper toute
végétation sous les emprises?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dubeau.
M. Oubeau: Peut-être, M. le ministre. L'objectif n'est pas
de stopper toute végétation. Nous tentons de limiter la
croissance de ce qui peut être permis en dessous de nos lignes pour
conserver un dégagement suffisant entre les conducteurs et ce qui pousse
dans les emprises de lignes. On ne vise pas à raser le terrain, si vous
voulez. On vise la croissance de petits arbustes dans nos emprises. C'est tout
à fait compatible avec l'exploitation du réseau
électrique. Mais, bien sûr, si on nous compare aux compagnies
forestières, elles visent de grands arbres et, pour nous, les grands
arbres ne sont pas compatibles avec la sécurité du
réseau.
M. Lincoln: C'est exactement ce que je voulais dire. Nous sommes
d'accord. En fait, vous favorisez les plus petits arbres et vous voulez
détruire les grands arbres, tandis qu'elles, c'est exactement le
contraire: elles veulent laisser pousser les grands arbres et détruire
les petits arbres. Alors, il me semble que, lorsqu'on présente cela de
cette façon, ce sont deux objectifs qui sont exactement opposés
l'un à l'autre et dire que les compagnies forestières et
Hydro-Québec poursuivent le même objectif central, c'est un petit
peu illusoire. C'est ma perspective, en tout cas.
Non, je vais finir avec mes questions et, après cela, on pourra y
revenir. La troisième question est celle-ci: Comme vous le savez, au
ministère de l'Environnement, vous avez demandé depuis plusieurs
années des autorisations pour faire des expérimentations. Cela
avait commencé par 29 et 30 hectares, cela a augmenté et cela a
été dans les 200, dans les 300. Récemment, vous avez fait
une demande, qui n'a pas été autorisée, pour 1400 hectares
pour une expérimentation par avion. N'êtes-vous pas d'accord avec
nous que le fait même de faire ces expérimentations, comme la
dernière par avion spécial, est une indication
qu'Hydro-Québec favorise surtout l'application de phytocides comme
principe premier de son action?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dubeau.
M. Dubeau: M. le ministre, notre intention, je la
répète et nous l'avons dite dans notre mémoire. Si nous
regardons l'évolution de nos activités au cours des 20
dernières années, nous étions à 100 %
d'intervention chimique, il y a une vingtaine d'années et nous sommes
à peu près à 50 % actuellement. Nous visons à
réduire au minimum les interventions chimiques. En ce qui a trait aux
essais que nous avons l'intention d'effectuer, effectivement, nous sommes en
discussion avec les gens de votre ministère pour que les essais
envisagés cette année dans la région de Manicouagan soient
réalisés dans les mêmes emprises qui ont fait l'objet de
notre étude d'impact et d'une demande de certificat que nous vous avons
adressée en décembre 1986. (11 h 30) _
Maintenant, pour nous, il est tout à fait pensable - et c'est
là l'objet de la discussion avec le ministère - de s'assurer que
les superficies qui seront traitées pour essayer les six phytocides
liquides envisagés soient vraiment compatibles avec la façon de
faire du ministère. Nous sommes à préparer actuellement un
scénario de rechange qui permettrait d'atteindre les objectifs de notre
recherche qui vise, d'une part, à vérifier la qualité de
ces produits. Nous les avons déjà vérifiés au
niveau terrestre, mais nous voulons maintenant voir leur efficacité
s'ils sont utilisés par voie aérienne et vérifier aussi le
nouveau système d'épandage par voie aérienne que nous
sommes à mettre au point avec l'Institut de recherche
d'Hydro-Québec. Donc, nous sommes à discuter avec les gens de
votre ministère, M. le ministre, pour que ces essais soient respectueux
de la Loi sur la qualité de l'environnement.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.
M. Lincoln: Est-ce que vous ne pensez pas, comme moi, qu'on a
abusé de ce mécanisme d'expérimentation, qui avait
été prévu par le législateur dans un objectif
très précis, par les demandes répétées que
l'on fait de l'utiliser pour faire des choses qui sont peut-être des
expérimentations, mais qui, en même temps, semblent
être un genre de court-circuit face à l'esprit de la
loi?
M. Dubeau: Enfin, à Hydro-Québec - et je pense que
corporativement l'entreprise ne voudrait pas donner l'impression d'aucune
façon qu'elle s'amuse à faire des épandages de phyto-cides
- nous sommes extrêmement désireux de faire des recherches pour
que nous puissions, avec compétence par la suite, faire des
études d'impact de qualité. C'est dans ce sens que nous avons
fait nos interventions jusqu'à maintenant. Je tiens à signaler
que le ministère de l'Environnement, depuis six ans, a toujours
été informé de nos intentions, de nos programmes de
recherche, des objectifs visés et également de tous les
résultats. Donc, nous ne l'avons pas fait en catimini. Nous l'avons,
quand même, fait en prenant bien soin que le ministère soit dans
le dossier. Maintenant, en ce qui a trait...
M. Lincoln: Je n'ai pas suggéré du tout que
c'était en catimini, remarquez, mais voici ce que je veux dire. Par
exemple, la dernière demande était pour 1400 hectares. Est-ce
qu'il faut 1400 hectares pour faire une expérimentation?
M. Dubeau: Je vais demander à M. Gauthier de
compléter, mais, étant donné l'ensemble des questions que
nous nous posons en fonction de ces six produits, effectivement, et la
validation du système qui va servir à épandre les
phytoci-des par voie aérienne, nous croyons que ce sont des superficies
significatives qui doivent être utilisées pour être capable
de mesurer cela. Maintenant, dans les scénarios que nous envisageons
avec le ministère de l'Environnement actuellement, on veut
réduire de beaucoup les superficies qui seraient traitées
spécifiquement avec les phytocides visés, mais, d'autre part
tester le système mécanique avec des produits qui, en termes de
texture, si vous voulez, ou de qualité, en vue de mesurer leur
dispersion dans l'environnement, pourraient être comparables, mais ne
seraient pas des phytocides de la catégorie de ceux que nous voulons
utiliser. Donc, il y a moyen d'atteindre des objectifs dans notre programme de
recherche, mais en évitant d'épandre sur 1400 hectares l'ensemble
des six phytocides que nous prévoyons tester. Donc, c'est ce que nous
sommes à discuter.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.
M. Lincoln: Écoutez, j'ai deux autres questions. Je n'ai
pas envie de prendre le temps des uns et des autres, mais j'ai envie de couvrir
ce qui est important pour moi. Vous pariez, justement, de la recherche. Vous
avez fait de la recherche pour essayer de produire de petits arbustes, des
arbres de petite taille qui poussent et deviennent touffus sous les lignes pour
empêcher, justement, qu'on n'ait à les recouper, etc. Tout
d'abord, pouvez-vous nous dire si vous voyez ces recherches aboutir dans un
échéancier précis et prochain? Vous avez parlé de
300 000 $ pour trois ans pour certaines recherches de ce côté. Ne
pensez-vous pas que c'est un peu faible considérant l'envergure
d'Hydro-Québec, quand le ministère de l'Environnement,
l'année dernière, a mis 500 000 $ dans la recherche de
méthodes alternatives? Il me semble que c'est vraiment de la recherche
qui va prendre du temps, si on n'y consacre pas des moyens substantiels. Est-ce
que vous pourriez nous parler brièvement de votre programme de recherche
de méthodes alternatives? Est-ce qu'on ne peut pas le faire aboutir plus
vite?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dubeau.
M. Dubeau: M. le ministre, M. Gauthier va répondre
à cette question.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Gauthier.
M. Gauthier: M. le ministre, tout d'abord, dans le domaine de la
lutte biologique, on n'est pas seulement à l'étape
expérimentale actuellement. On procède à des travaux
d'envergure d'ensemencement de graminées, c'est-à-dire de plantes
basses qui vont, justement, permettre de livrer une lutte aux arbres qu'on
considère comme indésirables dans nos emprises. Donc, dans ce
domaine, on n'est pas actuellement au stade expérimental, mais bien
à la réalisation de travaux pour ce qu'on appelle la lutte
biologique.
Maintenant, notre programme de recherche vise aussi à
développer une stratégie de lutte qui permettrait, comme vous le
disiez auparavant, d'introduire des espèces qui pourraient par les
toxines qu'elles émettent tuer les autres arbres que l'on
considère comme indésirables. Donc, ce programme-là est
actuellement à l'étape de la recherche, mais vous comprendrez,
que, étant donné la grande problématique de ce qu'on
appelle l'allélopathie dans ce domaine-là, il faut être
très prudent quant aux toxines qui pourraient être émises
par ces plantes-là et, par exemple, faire très attention pour ne
pas envahir des milieux en culture ou d'autres superficies de ce genre.
En résumé, la lutte biologique à
HydroQuébec, nous l'appliquons sur une grande échelle dans la
construction des nouvelles lignes par des ensemencements de graminées
et, dans le domaine de la recherche, nous travaillons actuellement à des
stratégies qui visent, justement, la lutte allélopathique de
certaines espèces.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Gauthier. M. le
ministre.
M. Lincoln: Moi, j'aurais une dernière question. Je sais
que des collègues ont besoin de temps. Je m'excuse si j'ai pris trop de
temps, mais une dernière question et j'ai fini. C'est
toute la question de la lutte manuelle dans les emprises. Vous avez
réduit l'usage des phytocides de 100 % à 50 %, selon ce que M.
Dubeau nous a dit. Il en reste 50 %. En même temps, vous faites des
recherches sur la lutte biologique que vous nous dites vous-même, M.
Gauthier, être très avancées. M. Dubeau a mentionné
comme raisons pour lesquelles la lutte manuelle n'est peut-être pas
favorisée: les accidents de terrain, les incendies, la pollution par les
scies mécaniques. Alors que vous êtes en train d'arriver à
une étape de vos recherches où vous allez découvrir,
d'après votre propre constatation, peut-être dans un stade
prochain, des alternatives biologiques, ne faudrait-il pas, comme objectif,
aller encore plus loin dans la lutte manuelle, considérant que les
accidents de terrain, vous les avez, après tout, avec vos techniciens
qui vont réparer et installer les lignes, en fait, à un
degré beaucoup plus sérieux? Quant aux incendies et à la
pollution, admettons qu'il faille peut-être comparer les risques, mais,
dans une comparaison des risques, moi, je choisirais la pollution pour les
scies mécaniques plutôt que les pesticides n'importe quand. Est-ce
qu'il ne faudrait pas, considérant que vous arrivez à un stade
où vous allez découvrir des méthodes alternatives, pousser
encore un peu plus sur la lutte manuelle qui va donner de l'emploi à des
gens, qui ne touche pas à l'environnement et peut-être y recourir
à 75 %, 80 % et plus encore, afin que, justement, cette période
transitoire soit plus manuelle pour arriver au stade, peut-être dans
trois à cinq ans, où vous aurez des méthodes biologiques
à fournir?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dubeau. M. Dubeau:
M. Lebeau va commenter.
M. Lebeau (Yvon): M. le ministre, le réseau
d'Hydro-Québec a ceci de particulier, si vous me le permettez
comparé aux autres services publics canadiens ou américains, que
les centres de production sont très éloignés des centres
d'utilisation. Ceci a pour effet d'avoir des lignes de transport, je ne dirais
pas d'une longueur incroyable, mais assez longues en territoire boisé.
Évidemment, il y a tout le sud de la province ou presque qui se fait
d'une façon quasi manuelle présentement, parce qu'il y a de
l'accès, il y a des infrastructures, il y a des routes; on peut se
rendre dans ces endroits-là. Le traitement chimique est employé
sur ce qu'on appelle les terrains de la couronne, en grand terrain
boisé.
Maintenant, au sujet de la coupe manuelle, je pense que tout le monde
comprend le principe de base que la coupe manuelle ou mécanique active
le phénomène des rejets de souche, c'est-à-dire que plus
on coupe, plus cela pousse une fois que les racines sont implantées. Or,
au lieu d'aller vers une stratégie de contrôle de la
végétation, on s'en va vers une stratégie inverse
présentement, lorsqu'on fait uniquement de ta coupe mécanique.
Mais, Hydro-Québec accepte le fait de passer plus souvent dans toutes
les zones sensibles où l'on ne met pas de produits de toute
façon: le sud du Québec et tout cela.
On a mentionné dans le mémoire que, en plus de cela,
certains indices nous permettaient de croire, ou certaines études qui
sont commencées aux États-Unis, qu'il y avait peut-être
d'autres moyens ou d'autres moments dans l'année pour réaliser la
coupe mécanique de façon à réduire ce
phénomène des rejets de souche. Par exemple, on coupe une tige
à un mètre de hauteur; quelques heures après, on la
recoupe au sol et il n'y a plus de rejets. C'est un phénomène qui
est techniquement peu ou pas applicable aux grandes superficies, par contre.
Mais c'est pour vous dire qu'il y a des éléments de solution,
là.
Hydro-Québec fait des recherches présentement avec le
Fonds de recherches et de développement forestier à divers
endroits dans les emprises. Ce qu'il faut comprendre, c'est que la saison de
végétation est du mois de juin au mois d'août. Donc, les
expérimentations se font d'année en année et cela prend un
certain temps avant d'avoir des résultats qu'on peut normaliser et
changer à la grandeur d'une entreprise comme Hydro-Québec. Ces
recherches-là se font présentement. Il y a des
éléments de solution et il s'agit de pousser plus loin ces
éléments de réponse pour être capables d'inverser le
processus ou, a tout le moins, d'en faire des techniques d'application viables
pour l'entreprise.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Lebeau. M. le
ministre délégué aux Forêts.
M. Charbonneau: Je pense que ce devrait être l'alternance.
Je pense que cela serait plus correct. Si le ministre est d'accord, c'est le
principe qu'on pourrait utiliser.
Le Président (M. Saint-Roch): On a le consentement? M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: Merci. À Hydro-Québec, vous
utilisez encore le phytocide 2, 4-D, n'est-ce-pas? Or, le rapport du BAPE sur
les pulvérisations aériennes de phytocides en milieu forestier,
en 1983-1984, concluait que l'utilisation de ce produit en foresterie au
Québec ne devrait pas être autorisée et ce, entre autres,
parce qu'il comporte un certain risque pour la santé humaine et pour les
autres organismes vivants. Aussi, le rapport rappelait que l'homologation de ce
produit datait d'une époque où les méthodes étaient
moins évoluées et sa révision se fonde sur une approche
corrective plutôt que préventive.
Compte tenu de ces recommandations du BAPE qui datent déjà
de quelques années, qu'est-ce qui fait que vous continuez d'utiliser ce
produit?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Gauthier ou Dubeau?
M. Dubeau: M. Gauthier.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Gauthier.
M. Gauthier: M. le député de Verchères,
comme le disait M. Dubeau précédemment, HydroQuébec, avant
d'utiliser un phytocide dans ses emprises ne se fie pas seulement sur le fait
que ce produit soit homologué par Agriculture Canada, mais désire
elle-même réaliser une étude bibliographique sur le sujet.
En fait, elle a effectué une revue de la documentation sur tout le
sujet. On a tout récemment, si on veut parler du 2, 4-D, refait une
validation de la documentation à ce sujet. Les résultats auxquels
on arrive montrent qu'aucune étude n'a prouvé que ce produit
était cancérogène et on considère qu'il est
actuellement acceptable pour une application du type que fait
Hydro-Québec dans ses emprises de lignes.
En résumé, pour nos propres utilisations dans les emprises
de lignes, nous considérons que ce produit est environnementalement
acceptable, et on n'aurait aucune objection à discuter de ce sujet.
M. Charbonneau: Autrement dit, vous n'êtes pas d'accord
avec les conclusions du BAPE.
M. Gauthier: Oui. Il faut aussi se mettre dans le contexte que ce
rapport a été émis en 1983 et qu'on est cinq ans plus
tard. De nouvelles études sont maintenant disponibles et, tout
récemment, comme je le disais, on a tiré nos propres conclusions.
On considère que ce produit-là est acceptable dans nos emprises
de lignes.
M. Charbonneau: Est-ce que vous ne considérez pas,
justement, compte tenu de cette évolution des opinions, que ce que vous
venez de me dire milite en faveur du maintien des processus d'évaluation
et d'examen public? Si, par exemple, un organisme comme le BAPE recommande
l'abolition ou la suppression d'un produit pour un certain nombre de raisons et
qu'une entreprise aussi grosse que la vôtre décide, elle, que le
BAPE n'avait pas raison parce que vous avez fait des études
complémentaires, le minimum qu'on pourrait faire, c'est de faire en
sorte que publiquement on connaisse les raisons qui militent en faveur de la
thèse d'Hydro-Québec avant qu'Hydro-Québec puisse
continuer à utiliser ce genre de produit. Dans ce sens-là, cela
milite aussi un peu à l'encontre de la thèse que vous soutenez
à savoir que vous êtes prêts à accepter le
scénario 1 qui propose d'avoir un plan d'ensemble de cinq ans. Si on
prend l'exemple, cela ne fait pas cinq ans que le BAPE a tiré ces
conclusions-là. Cela voudrait dire de deux choses l'une: ou bien
qu'Hydro-Québec devrait attendre avant de l'utiliser ou bien elle
devrait pouvoir intervenir dans le délai de cinq ans, comme d'autres
entreprises aussi, pour qu'on puisse en arriver à un choix judicieux.
Autrement dit, en cinq ans, il peut se passer bien des choses, d'un
côté ou de l'autre, qui invalident des conclusions.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dubeau. (11 h 45)
M. Dubeau: Je pense que c'est tout à fait l'esprit dans
lequel on a préparé et fait la suggestion d'un troisième
scénario. Le premier scénario, s'il était retenu, pour
l'instant, exclut Hydro-Québec de tous les intervenants du milieu
forestier. Tantôt, M. le ministre signalait que nos interventions sont
peut-être différentes de celles des forestiers, mais il reste que
cela se passe dans le même milieu. C'est là qu'on se dit: Si le
gouvernement est pour retenir le scénario 1, on veut absolument
qu'Hydro-Québec soit considérée comme faisant partie du
scénario. Notre commentaire sur le scénario 1, était dans
ce sens-là. Le troisième scénario que nous proposons,
où à la fois il y a l'exercice d'une étude d'impact et
l'existence d'une liste, c'est, justement, pour s'assurer que tout le monde va
utiliser des produits et que tout le monde aura eu la chance de commenter et de
savoir pourquoi on les utilise, et les conséquences qu'il y a à
les utiliser.
M. Charbonneau: Remarquez que je fais la distinction entre le
fait qu'Hydro-Québec soit incluse dans la politique et les
scénarios que l'on retient. Moi, a priori, je n'ai pas d'objection. Ma
première réaction, c'est de dire qu'effectivement
Hydro-Québec, si c'est un utilisateur important, devrait être
incluse dans la politique, comme les autres. D'ailleurs, c'est nous qui avons
fait le nécessaire pour que vous soyez invités à la
commission parce qu'on avait un peu cette conception-là. Mais,
au-delà de cela, ce que je conclus un peu, c'est que, quel que soit le
scénario qu'on propose, si on a un scénario qui fait qu'on est
gelé dans le ciment pour un certain nombre d'années, et qu'entre
temps il se développe des connaissances qui font en sorte qu'à un
moment donné on avait donné des autorisations sur des produits et
qu'on se rend compte qu'on n'aurait jamais dû le faire parce qu'il y a
des nouvelles connaissances, on va être pris avec cela.
Est-ce que vous ne considérez pas aussi que vous avez beaucoup de
produits? Je regarde les listes que vous avez dans vos annexes B et C. En fait,
il y a une liste de 38 produits et, dans l'autre cas, de 59. Le nombre de
produits en question suscite suffisamment d'inquiétude et
d'interrogations dans la population pour qu'on soit justifié d'avoir un
mécanisme plus constant et plus mobile d'évaluation des impacts,
qui permette aussi au public, plus qu'une fois tous les cinq ans, de regarder
ce qui se passe.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dubeau.
M. Dubeau: Dans notre présentation de ce matin, vous avez
sans doute compris que, dans toutes ces listes de produits, il y a un
granulaire que nous utilisons et six liquides qu'il nous intéresse
d'étudier en vue d'une éventuelle utilisation par voie
aérienne. Donc, ce n'est pas l'ensemble de ces produits. Nous disons que
ces produits-là existent sur le marché et que,
théoriquement, ils seraient compatibles avec nos activités. Mais,
dans tout cela, on tient à faire un choix, justement pour savoir
pourquoi on utilise un produit, afin qu'on puisse bien, en soi, le manipuler,
donc être sûrs de nos applications et du résultat qu'on va
obtenir. Dans ce sens-là, ce n'est pas acheter la gamme pour
répandre la gamme.
M. Charbonneau: Non, non, je comprends mais...
M. Dubeau: On se veut très sélectifs.
M. Charbonneau: Même si vous vous voulez sélectifs,
c'est clair que, pour les gens qui s'intéressent à cette
question-là ou qui se préoccupent de cette question, le nombre
considérable de produits les amène à vouloir être
plus prudents que moins prudents, et à avoir plus de poignées de
sécurité que moins de poignées de
sécurité.
M. Dubeau: Nous réitérons que nous sommes d'accord
avec la prudence.
M. Charbonneau: Si vous êtes d'accord avec la prudence,
qu'est-ce qui fait que vous n'avez pas demandé d'autorisation au
ministère de l'Environnement pour vos lignes de Manicouagan pour
procéder au défoliage l'an dernier?
M. Dubeau: Ce que nous avons fait au cours des trois
dernières années c'est une question d'interprétation du
règlement. Nous avons, quand même, informé le
ministère de notre intention de le faire et nous avons fourni les
résultats de nos essais.
Maintenant, pour ce qui est des détails techniques, il y a eu un
débat et, encore la semaine dernière, nous avons eu des
discussions avec le sous-ministre de l'Environnement pour savoir si, oui ou
non, selon l'article 2o ou 2m de la loi, Hydro-Québec devait,
lorsqu'elle fait des essais et une expérience, demander un certificat.
Maintenant, tenant compte, justement, de la sensibilité pour tout le
monde, l'orientation que nous allons donner dans l'entreprise est très
claire: dorénavant, y compris pour les essais, on va demander des
certificats. Mais je réitère que le ministère a suivi
depuis le début l'ensemble de nos essais, y compris sa programmation et
les résultats. Donc, si c'est juste la technique d'obtenir un
certificat, cela ne nous dérange pas d'en demander un.
M. Charbonneau: Sauf que cela vous dérangeait
jusqu'à récemment.
M. Dubeau: Dans un sens si on regarde l'ensemble de la
mécanique que cela suppose, parce qu'il y a, quand même, une
certaine lourdeur administrative dans l'application du règlement. Chose
certaine, par rapport au moment où on conçoit nos programmes,
où on est prêt à les réaliser, quand on veut
travailler strictement en termes d'essais, bien, c'est sûr que c'est
très engageant de s'embarquer dans l'ensemble de la procédure.
Maintenant, étant donné les réactions que cela provoque,
on ne veut pas, justement, être pointés du doigt. Dans ce
sens-là, l'orientation va être donnée que même les
programmes d'essais vont faire l'objet d'un certificat.
M. Charbonneau: Quand vous dites que vous favorisez
l'épandage aérien, en particulier dans les zones
éloignées, est-ce que cela veut dire que vous excluez ce type
d'utilisation dans les zones plus proches des habitations?
M. Dubeau: C'est ce que M. Lebeau vous signalait tantôt.
Effectivement, là où on prévoit utiliser des phytocides
par voie aérienne, c'est strictement dans les zones fortement
accidentées, difficilement accessibles et très
éloignées. Ce sont les critères. Entre autres, les lignes
qui sont visées actuellement par l'étude d'impact que nous avons
soumise au ministre de l'Environnement sont des lignes venant de
Manie-Churchill. Vous connaissez sans doute cette partie du territoire
québécois. C'est loin du monde.
M. Charbonneau: Est-ce que vous utilisez d'autres produits, comme
le 2, 4-D, qui ont déjà fait l'objet de dénonciations par
des organismes publics ou de recherche, mais que vous utilisez maintenant parce
que vos propres recherches ou vos propres analyses vous ont amenés
à des conclusions différentes? Est-ce que c'est le seul produit
dans ce cas?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Gauthier.
M. Gauthier: M. le député, je n'ai aucune
idée de ce que vous entendez par "dénoncer".
M. Charbonneau: Si on prend l'exemple du produit dont on parlait
tantôt, le 2, 4-D, on s'est dit clairement tantôt que le BAPE
recommandait sa non-utilisation. Vous, vous dites: On l'utilise encore parce
qu'on en arrive à des conclusions différentes de celles du BAPE.
On a fait des recherches additionnelles et une revue de la documentation
supplémentaire, etc. Très bien, mais est-ce le seul cas ou s'il y
a d'autres produits que vous utilisez qui auraient fait l'objet d'avis de
non-utilisation par le BAPE ou
par d'autres organismes quelconques, par des instituts de recherche?
M. Gauthier: Par le BAPE, je ne le croirais pas, parce que c'est
le seul qui était en cause lors de ces audiences publiques. Comme je le
disais tout à l'heure, tous les produits qu'on utilise sont, d'une part,
homologués par Agriculture Canada et, d'autre part, on a fait notre
propre validation. Peut-être que dans ces produits, il y en a qui ont
déjà été contestés.
M. Charbonneau: Mais en moyenne, à votre connaissance, ces
produits ont été homologués à quelle
époque?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Gauthier.
M. Gauthier: Ces produits ont été
homologués, dépendamment des matières actives qu'on
considère, à différentes époques. Cependant, ils
sont soumis à un processus de réévaluation
périodique. Pour être plus certains encore, on fait un "updating"
de tous les articles scientifiques sur chacun de ces produits afin qu'ils
soient acceptables dans nos emprises de lignes de transport.
M. Charbonneau: Je vais laisser parler le ministre parce que
moi...
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Verchères. M. le ministre
délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): J'aimerais vous
demander quel est le suivi de vos interventions d'arrosage. J'imagine que vous
nous demandez d'utiliser plus de produits qu'on ne le propose dans le
deuxième scénario. Comme l'a mentionné mon
collègue, vous avez des objectifs différents des forêts. Je
voudrais bien que vos petits arbres restent dans les lignes de transmission et
qu'ils ne viennent pas dans la forêt. Si vous utilisez des produits
différents, c'est aussi à cause des objectifs
différents.
M. Dubeau: Pour l'instant, dans l'étude d'impact que nous
avons soumise en décembre 1986, il y a un produit que nous envisageons
d'utiliser qui est un granulaire, le tébuthiuron. Il est validé
et, pour l'usage que nous voulons en faire, en termes de contrôle comme
tel de la façon dont on va pouvoir répandre et s'assurer qu'il va
être dans l'emprise, les études sont suffisamment avancées
pour qu'on soit assurés qu'on peut avoir une très bonne
performance avec ce produit, en fonction du type de contrôle de la
végétation que nous voulons faire.
En ce qui a trait aux six autres produits, nous les avons
utilisés au niveau terrestre. Nous voulons également les tester
au niveau aérien. Il faut dire qu'il y a eu beaucoup de questions du
ministère de l'Environnement a savoir pourquoi on tenait absolument
à utiliser un granulaire vs un liquide pour l'épandage
aérien dans nos emprises.
Lorsque nous avons confectionné notre étude d'impact, nous
n'étions pas aussi avancés que nous le sommes présentement
au sujet des méthodes d'épandage aérien, avec un
contrôle électronique qui va nous permettre de nous assurer du bon
débit des liquides en tenant compte des zones sensibles. Donc, si vous
le voulez, actuellement, on envisage un granulaire en milieu forestier par voie
aérienne. Nous voulons étudier six liquides pour en retenir, si
possible, au moins un si la performance, est correcte. Si cela ne donne rien,
si le résultat est négatif, il est évident qu'on ne va
s'en tenir qu'au granulaire.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous ne pourriez
pas vous contenter du glyphosate qu'on propose dans le deuxième
scénario?
M. Dubeau: Non, parce que le glyphosate - M. Gauthier va pouvoir
vous expliquer cela - n'a pas tout à fait le même résultat
sur la végétation que les produits que nous utilisons. M.
Gauthier.
M. Gauthier: Non, cela va.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Gauthier. Cela va?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela va, oui. Mais
une question rapide, parce que le temps passe. Quel est, chez vous, le suivi de
tout cela, les mesures de sécurité vis-à-vis des
travailleurs, les plans d'urgence, etc? Parce que, évidemment, que vous
soyez éloignés ou que vous soyez près, ce sont des travaux
manuels. Quand on pense à tous les maux de dos et à tout ce que
cela génère aussi, parce qu'il y en a qui sont malheureux
longtemps à la suite d'accidents de débroussaillage, il y en a
qui sont peut-être malheureux plus longtemps que d'autres, quel est le
suivi vis-à-vis des travailleurs?
Vous avez certainement un plan d'urgence, même
éloignés ou près, parce qu'il y va de la
sécurité des travailleurs. Ce sont les personnes qui sont les
plus exposées à ces produits. Est-ce que vous avez un bon suivi
de sorte que vos travailleurs n'ont pas subi de préjudices tellement
importants de ce côté-là à comparer aux
préjudices que peuvent subir vos travailleurs en faisant des travaux
manuels?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Lebeau.
M. Lebeau: Oui. M. le ministre, les endroits où
Hydro-Québec compte utiliser l'arrosage aérien, ce sont des
régions accidentées. Tous ces
travaux sont donnés à contrat, en général.
Hydro-Québec ne les réalise pas elle-même, mais elle fait
le suivi des activités. Dans le document "Méthodologie de
sélection" qui est déposé au ministère de
l'Environnement - c'est le document d'appui à nos demandes annuelles -
il y a un peu le suivi du côté environnemental, du
côté des déversements accidentels, avec les mesures qui
doivent être prises, et tout cela.
Du côté des coupes manuelles, on demande, dans le
mémoire qu'Hydro-Québec a déposé, que des
études plus suivies soient faites sur les aléas de la coupe
mécanique, parce que c'est fait en milieu très
éloigné. Bien souvent, c'est fait en campements temporaires que
j'appellerais aléatoires. La seule mesure dont on peut s'assurer, c'est
d'avoir un hélicoptère à la disposition en cas
d'accident.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais est-ce que
vos entrepreneurs ont un suivi médical sur les ouvriers qui manipulent
ces produits-là? Parce qu'il est évident que, si vos
entrepreneurs n'ont pas de suivi médical, vous ne pouvez pas comparer
les deux méthodes. On peut les comparer au point de vue des coûts.
On sait que, chez nous, cela coûte de 1500 $ à 1600 $ l'hectare,
parce qu'on est obligé de faire trois fois le dégagement manuel
pour dégager la végétation concurrente, alors qu'on le
fait seulement une fois avec des phytocides.
Mais, au point de vue du suivi médical, si vous voulez comparer
les accidents, les inconvénients sur la santé de chacune des deux
méthodes, est-ce que vous avez quelque chose?
M. Lebeau: Je ne dirais pas qu'Hydro-Québec a
présentement ces documents-là entre les mains: les entrepreneurs
probablement, parce qu'ils sont soumis à la loi de la CSST, au
régime des établissements. Mais, pour Hydro-Québec, on
cherche présentement à obtenir plus d'information à ce
niveau.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Une
dernière question. J'ai formé un Conseil de la recherche
forestière, justement, pour coordonner un peu les recherches qui se font
en forêt et pour atteindre les objectifs. Mais je pense
qu'Hydro-Québec devrait peut-être s'y intéresser aussi pour
coordonner les recherches, parce que mon collègue, M. Lincoln, le
ministre de l'Environnement, fait beaucoup de recherches du côté
biologique, concernant les phytocides biologiques qui pourraient
peut-être vous intéresser à HydroQuébec. M. Lincoln
nous a quasiment demandé le budget tout à l'heure. S'il y avait
une coordination entre les deux, je pense qu'on arriverait plus vite à
des résultats qui nous avantageraient.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dubeau.
M. Dubeau: Je crois, M. le ministre, que votre proposition est
tout à fait sage. C'est pour cela que nous nous sentons très
concernés par le projet de politique, même si les superficies
visées par nos activités sont d'une ampleur vraiment très
petite à comparer à l'ensemble des autres intervenants.
J'espère que la décision ne portera pas strictement sur le
volume, mais sur le fait d'être présent dans le milieu et d'avoir
une activité qui utilise des produits chimiques. Je pense que la base de
la population devrait bien comprendre cela. C'est assez simple à
comprendre.
D'autre part, quant à optimiser nos activités de recherche
en fonction de vos préoccupations et de celles du ministre de
l'Environnement, je pense que la collaboration d'Hydro-Québec vous est
acquise.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Dubeau. M. le
député de Dubuc.
M. Desbiens: Merci, M. le Président. J'ai des
précisions supplémentaires sur les coûts engendrés.
Le ministre délégué aux Forêts vient de mentionner
qu'il en coûte 1600 $ l'hectare pour le déblayage
mécanique, si j'ai bien compris. Mais il n'a pas mentionné -
c'est peut-être lui qui peut me répondre aussi bien que vous
-l'évaluation des coûts à l'hectare pour une application,
puisqu'une application suffit... (12 heures)
Une voix: Trois manuelles.
M. Desbiens: Trois manuelles pour une aux phytocides. Quel est le
coût pour les phytocides?
Une voix: 200 $.
M. Desbiens: 200 $ l'hectare. À la page 5 de votre
mémoire, vous dites ne prévoir effectuer des épandages
aériens sur plus de 600 hectares que sur les territoires
éloignés. Évidemment, il y a des concentrations urbaines
et je pense immédiatement aux êtres humains, mais vous
reconnaissez quand même, de toute façon, qu'il y a là un
danger d'utilisation de ces épandages. Est-ce à dire que vous
considérez que l'épandage peut être fait en dehors des
agglomérations urbaines ou que ces territoires éloignés
constituent des zones moins sensibles ou insensibles aux effets néfastes
de l'utilisation des phytocides?
M. Dubeau: M. Gauthier va répondre à cette
question.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Gauthier.
M. Gauthier: M. le député de Dubuc, d'abord, ce
n'est pas parce qu'on est en terrain éloigné, c'est-à-dire
sur la Côte-Nord, qu'on considère ces zones comme moins sensibles.
Au contraire, ces zones ont beaucoup de ressources. Justement, nos
méthodes visent à soustraire à toute application ce qu'on
appelle les zones
sensibles. Évidemment, quand on fait nos épanda-ges, il
n'est pas question d'épandre le produit dans les cours d'eau, les
ruisseaux, les rivières et les lacs. On maintient, de part et d'autre
autant des cours d'eau, des ruisseaux, des rivières, des lacs que de
toute autre zone jugée sensible à l'application des phytocides,
des périmètres de protection qui visent à protéger
ces milieux.
Donc, la seule raison pour laquelle on applique ces phytocides
parv°ie aérienne, c'est parce qu'ils sont en
milieu éloigné. Il est très difficile pour les
travailleurs d'accéder à ces milieux pour y intervenir de
façon terrestre ou encore par la coupe.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Dubuc.
M. Desbiens: Oui, sauf que les autres l'ont soulevé et je
le répète. Est-ce que cela fait vraiment le poids de dire qu'il y
a des dangers d'accidents pour les travailleurs, bien sûr, qui sont en
situation éloignée, sur des terrains accidentés avec des
scies mécaniques? Si on suivait ce raisonnement, vous ne pourriez pas
construire de lignes ou presque, vu qu'il y a aussi, pendant ces
périodes de construction, des terrains accidentés, les
mêmes terrains exactement, parce que c'est là que le
déboisement se fait.
Je reviendrais plutôt avec une demande de précisions.
Lorsque vous avez soulevé la question du traitement des souches de la
phase de déboisement, j'aurais aimé que vous alliez plus loin
dans vos explications là-dessus.
M. Dubeau: M. Gauthier.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Gauthier.
M. Gauthier: M. le député de Dubuc, lors du
déboisement initial, évidemment, les équipes de
travailleurs vont couper les arbres. Pour diminuer, justement, nos
fréquences d'intervention dans le milieu, on désire traiter ces
souches très localement, sur la coupe de la souche, avec un phytocide
pour empêcher tout rejet de souche. Parce qu'on a réalisé
dans nos emprises de lignes qu'un des gros problèmes ne provenait pas
uniquement des semences d'arbres, c'est-à-dire des jeunes semis, mais
bien des rejets de souche produits par la coupe. En fait, la coupe stimule ces
rejets de souche. Donc, en les traitant de façon très locale avec
des quantités très minimes de phytocides, on peut diminuer de
beaucoup la densité de la végétation des feuillus dans nos
emprises de lignes et, ainsi, avoir une fréquence d'intervention
réduite. On revient beaucoup moins souvent dans le milieu pour
traiter.
M. Desbiens: Mais c'est toujours en milieux urbain, semi-urbain,
rural et non en territoires éloignés.
M. Gauthier: On parle du milieu forestier uniquement.
M. Desbiens: Du milieu forestier.
M. Dubeau: Dans ma présentation ce matin, je disais que
ces travaux, ces essais sont faits dans la région de Rapides Blancs. On
n'est donc pas près des populations.
M. Desbiens: D'accord.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Dubuc.
M. Desbiens: Sur les annexes B et C de votre mémoire.
À la page 9 de votre texte, vous faites référence aux
phytocides utilisés par Hydro-Québec. Vous renvoyez le lecteur
aux annexes B et C; l'une des ces annexes contient une liste de 38 produits;
l'autre, c'est 59 produits. Avec une telle variété et un tel
choix de produits, vous ne croyez pas qu'il y a là de quoi
inquiéter la population?
M. Dubeau: Oui, effectivement, c'est l'image que cela peut
donner. Je crois bien que vous avez raison. Cependant, si le président
de la commission l'acceptait, on pourrait déposer la liste des
phytocides utilisés par Hydro-Québec puisque la liste qui est en
annexe est la gamme de ce qui est accessible, de ce qui est sur le
marché, mais ce n'est pas tout cela que nous utilisons. Donc, on a
produit un autre document qui résume ceux que nous utilisons et à
quelles fins, pour quelle utilisation aérienne et terrestre. Donc, si
vous le voulez, on peut le déposer.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vais accepter le
dépôt de votre document.
M. Dubeau: Pour le bénéfice du
député, je rappelle qu'il y a un phytocide granulaire et six
phytocides liquides qui sont actuellement utilisés par
Hydro-Québec pour des épandages terrestres, mais nous avons
l'intention d'étudier les six liquides pour voir lequel ou lesquels
d'entre eux pourraient être utilisés par voie aérienne.
Mais notre intention, pour l'instant, pour la voie aérienne, c'est
d'utiliser le granulaire.
M. Desbiens: Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Dubeau. Je tiens
à vous remercier, vous et vos collègues, pour la qualité
de votre présentation.
M. Dubeau: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Saint-Roch): Sur ceci, je demanderais aux
représentants du Regroupement pour un Québec vert de prendre
place, s'il vous plaît. Permettez-moi, dans un premier temps, de
vous souhaiter la bienvenue à la commission de
l'aménagement et des équipements. Je demanderais maintenant au
porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que les gens qui
l'accompagnent, pour le bénéficie des membres de la
commission.
Regroupement pour un Québec vert
M. L'Italien (Gérald): D'accord. Mon nom est Gérald
L'Italien, secrétaire général du Regroupement pour un
Québec vert. À ma gauche, M. Michel Lauzon, biologiste de la
SAIDSB; à ma droite immédiate, M. Pierre Auger, médecin en
santé au travail; à l'extrême droite, M. Gaétan
Malenfant du CLSC Rivières-et-Marées.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
L'Italien. Vous avez maintenant 20 minutes pour déposer votre
mémoire.
M. L'Italien: D'accord. M. le Président, c'est avec un
intérêt manifeste que le Regroupement pour un Québec vert
vient exprimer aujourd'hui son opinion quant à l'usage de pesticides en
milieu forestier. Le regroupement vient ici défendre les positions de
ses membres, qu'ils soient des amateurs de plein air, des travailleurs
forestiers ou de la santé, des chercheurs et la population en
général.
D'après le document conjoint MER-MENVIQ, le phytocide glyphosate
est "employé opération-nellement depuis 1985", tel que
mentionné en page 70. Le gouvernement actuel se propose donc
d'officialiser l'utilisation de phytocides en forêt après le coup.
On se souviendra que le gouvernement Lévesque avait
décrété un moratoire sur l'utilisation des phytocides en
milieu forestier en 1984, à la suite des audiences publiques
menées par le BAPE et du désistement du promoteur, le MER. Ce
décret ou cette décision gouvernementale obligeait le
ministère de l'Énergie et des Ressources à rechercher des
alternatives aux phytocides jugés trop dangereux, tant pour
l'environnement et la ressource faunique, les travailleurs affectés aux
pulvérisations que pour la population en général.
Déjà cinq ans de passés et rien de neuf sous le soleil,
sinon un vieux discours du ministère qu'il faut préserver les
investissements que constitue le reboisement.
Pourtant, nombre d'experts ont souligné à l'époque
que la monoculture en résineux doublée de mauvaises
méthodes de coupe pouvait entraîner les problèmes
d'épidémie d'insectes et d'appauvrissement de l'ensemble des
écosystèmes ainsi exploités.
Au-delà de cette question fondamentale sur l'utilisation des
pesticides, il y a tout un choix de type de développement que la
société doit faire et qu'elle peut se permettre en supputant les
différentes avenues de développement, toujours en ayant comme
optique finale la pérennité et l'économie, au sens large,
des ressources à exploiter.
M est tout aussi important de maintenir la croissance de l'industrie
forestière dans des limites raisonnables qu'il l'est de maintenir la
pérennité de cette importante ressource qu'est la forêt.
Or, les pratiques forestières actuelles et passées sont
dévastatrices et ne permettent pas une régénération
naturelle qui, elle seule, réduira à son coût minimal le
renouvellement de la matière ligneuse. Maintenir la croissance de
l'industrie papetière au rythme où elle l'entend et penser
maintenir la pérennité de la ressource, c'est carrément
une utopie.
Que l'industrie reconnaisse péniblement à mots couverts
que l'état caduc et détérioré de la forêt lui
est imputable, cela ne fait plus aucun doute. Que l'industrie qui cumule des
profits à même cette ressource reconnaisse qu'elle doit la
régénérer, c'est bien la moindre des politesses. La
responsabilisation de ses actes, c'est une des premières règles
de fonctionnement en société qu'on inculque à nos
enfants.
Mardi dernier, des industriels de Québec soulignaient que l'usage
des phytocides était essentiel pour l'aménagement forestier
qu'ils doivent faire pour respecter les nouveaux contrats d'approvisionnement
et d'aménagement forestier, les CAAF. Que l'industrie fasse du chantage
encore aujourd'hui c'est inadmissible; la moindre modestie d'un bon citoyen
corporatiste, ce serait d'écouter, et non d'entendre comme c'est le cas
depuis des décennies, les récriminations et les observations de
la population québécoise qui sait depuis longtemps que le
patrimoine, ou le matrimoine c'est selon, est en péril.
MM. les ministres de l'Environnement et des Forêts, nous tenons
à vous manifester aujourd'hui notre désaccord le plus total quant
au scénario 2 que contient la politique d'utilisation des pesticides en
milieu forestier. Ce scénario dit, entre autres, qu'il faudra amender la
Loi sur la qualité de l'environnement pour soustraire les pesticides
B.t. et glyphosate à une étude d'impact et à l'examen par
le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. De plus, le fait de
soustraire les phytocides d'une analyse critique
coûts-bénéfices nous amène à penser que le
gouvernement se fie entièrement à des calculs sommaires qui
disent que le dégagement manuel n'est pas rentable par rapport aux
pesticides. Disons tout simplement que le dégagement manuel encourage
l'embauche de travailleurs québécois, que le gouvernement y
récupère des impôts, que les économies
régionales en profitent. De plus, le dégagement mécanique
protège l'environnement, peut permettre la récupération de
matière ligneuse et nous empêche d'acheter des phytocides tel le
glyphosate ou "Round-Up" d'une compagnie ontarienne; donc, c'est peu avantageux
pour l'économie québécoise.
Les arguments invoqués sont puérils et dangereux pour la
démocratie; on va même jusqu'à affirmer que le contexte des
audiences publiques est émotif. Ce document de soutien qui vise
l'arrosage presque mur à mur des forêts
québécoises, le MER, le MENVIQ et l'industrie nous l'ont
concocté sous la forme d'un beau scénario, le no 2, qui situe la
perspective environnementale et la santé publique à la case B.
Les ministères concernés nous proposent de considérer que
l'insecticide Bacillus thuringiensis B.t. et le phytocide glyphosate sont des
acquis, donc qu'ils n'ont pas a être scrutés à la loupe par
une étude d'impact et des audiences publiques. D'un côté,
le gouvernement se donne des lois pour respecter la qualité de
l'environnement et, de l'autre, il se permet quelques vénales
tractations en nous proposant qu'on doit passer sous silence deux pesticides
homologués. Comme si l'homologation était une garantie
d'innocuité. Rappelons que la compagnie américaine IBT qui
effectue des tests d'innocuité en laboratoire s'est fait prendre pour
malversation et fabrication de fausses analyses pour quelque 100 produits
chimiques toxiques. Mentionnons que la seule compagnie qui a analysé le
glyphosate est IBT. Il y a des inquiétudes sérieuses qui nous
préoccupent et nous entendons vous les faire valoir. Ainsi, le
présent mémoire abordera d'abord les lois relatives au territoire
forestier que le présent gouvernement a votées, soit les lois
150, 102 et 27, respectivement sur les forêts, l'aménagement du
territoire et les pesticides.
Le deuxième chapitre donnera un aperçu critique du
document soumis pour consultation. En troisième chapitre, nous
réitérons les options déjà
préconisées par le regroupement en ce qui concerne le
contrôle des ravageurs forestiers et de la végétation dite
concurrente. Ensuite, nous donnons quelques aperçus de la toxicologie du
phytocide glyphosate et un questionnement sur le B.t. Nous aborderons
également l'aspect santé publique versus les pesticides en
question. Finalement, nous conclurons en rappelant certaines données
élémentaires quant à l'exploitation des ressources et
à leur pérennité. Je laisse la parole à Michel
Lauzon qui va poursuivre.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Lauzon.
M. Lauzon (Michel): M. le Président, membres de la
commission, en ce qui concerne le premier chapitre je n'en ferai pas la lecture
compte tenu du peu de temps que nous avons, mais cela situe les lois
antérieures dont le gouvernement et l'Opposition officielle sont au
courant. Ce sont des lois qui ont été votées à
l'Assemblée nationale. Cela situe un peu la perspective qui nous
amène aussi aujourd'hui sur une politique d'utilisation des pesticides
en milieu forestier.
Passons au mémoire, à la page 9, chapitre II: Critique
sommaire de la politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier.
Alors, le Regroupement pour un Québec vert s'inscrit en faux à
l'égard de la politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier
telle qu'énoncée dans le document de support à la
commission parlementaire puisqu'elle va à rencontre d'une gestion
rationnelle des ressources forestières qui impliquerait, entre autres,
un usage restreint des pesticides. (12 h 15)
Les modalités d'intervention prévues en milieu forestier,
à la suite de l'adoption de la Loi sur les forêts, loi 150, compte
tenu des outils d'entretien souhaités par l'industrie, sont de nature
à augmenter l'utilisation des pesticides malgré l'adoption de la
Loi sur les pesticides, loi 27, qui vise plutôt à réduire
leur utilisation.
Dans la présente section, nous allons commenter les principaux
éléments de cette politique d'utilisation des pesticides en
milieu forestier qui nie les fonctions écologiques et le rôle
polyvalent de la forêt.
La dégradation de nos forêts est bien connue de tous.
Malgré ce constat, le laisser-faire du gouvernement en matière
d'exploitation forestière se métamorphose encore aujourd'hui en
pseudo-correctifs coûteux et non respectueux de l'environnement. Au lieu
de s'attaquer aux causes principales de dégradation du territoire
forestier, le ministère de l'Énergie et des Ressources favorise
l'usage des pesticides pour honorer son objectif de rendement soutenu.
Dans le cas de la régénération des parterres de
coupe, la notion de rendement soutenu implique l'élimination des
peuplements de transition pour favoriser l'établissement immédiat
d'un peuplement qu'on appelle climatique. Prétextant que le volume de
pesticides utilisés en forêt ne représente qu'une faible
fraction de celui utilisé en agriculture, le MER prévoit
dorénavant utiliser des phytocides sur environ 100 000 hectares
annuellement afin de tuer la végétation dite
compétitrice.
Les auteurs de cet énoncé de politique préconisent
de cultiver la forêt en empruntant les façons de faire à
l'agriculture. On ne peut pourtant pas aborder l'arboriculture,
c'est-à-dire la culture des arbres, avec une approche calquée sur
celle de l'agriculture. La nature des végétaux, la dynamique des
écosystèmes forestiers et l'horizon des récoltes
distinguent l'arboriculture de l'agriculture. Ainsi, lorsque des arbres sont
plantés sur un site ou qu'un parterre de coupe se
régénère, il n'y a pas lieu d'éliminer la
végétation dite compétitrice à l'aide de phytocides
comme si cette végétation était une nuisance. Au
contraire, cette végétation est composée de plantes
compagnes qui, dans des proportions convenables, aident le peuplement à
s'établir. Les plantes herbacées, par leur important taux de
renouvellement et leur cycle annuel, permettent d'enrichir le sol en
matière organique. Les feuillus, pour leur part, remplaçant une
partie des herbacées au fur et à mesure que le peuplement
vieillit, fournissent de la matière organique par les feuilles qu'ils
perdent annuellement. Alors, court-circuiter ce processus en éliminant
ces végétaux dans un peuplement en
régénération ou dans une plantation équivaut
à hypothéquer la production de ces sites.
Concevoir les feuillus ou les plantes herbacées comme des
mauvaises herbes relève du charlatanisme. Les pertes en matières
nutritives et la dégradation de la microfaune des sols forestiers
à la suite de l'application de phytoci-des obligeront fort probablement
les détenteurs de contrats d'approvisionnement et d'aménagement
forestier d'user, encore une fois, de pseudo-correctifs
délétères pour l'environnement, tels des engrais, afin de
répondre aux exigences de rendement soutenu. Nous ne pouvons donner
notre aval au principe de rendement soutenu s'il implique l'usage de pesticides
et autres produits délétères pour l'environnement.
Cultivons la forêt, nous dit-on! Pourtant, l'agriculture ne
s'est-elle pas, pour sa part, embarquée dans le cercle vicieux de
l'industrie chimique, de la monoculture et de la surutilisation du potentiel
des sols? Nous ne voyons aucun avantage à calquer ce scénario
dont les fondements sont de plus en plus remis en question.
En ce qui concerne la protection des forêts, le MER manque de
bonne foi lorsqu'il affirme que l'utilisation des pesticides est essentielle
puisque les méthodes sylvicoles ne sont jamais parvenues à elles
seules à contrer les infestations de ravageurs. C'est vite passer du
revers de la main les réflexions portant sur
l'épidémio-logie de la tordeuse des bourgeons de
l'épinette par Blais, en 1984. Selon cet auteur, les raisons pour
lesquelles la fréquence, l'étendue et la
sévérité des invasions de la tordeuse des bourgeons de
l'épinette ont augmenté semblent attribuables principalement aux
changements de l'écosystème forestier occasionnés par
l'action de l'homme. La coupe à blanc, la protection contre les feux et
l'usage d'insecticides contre la TBE ont grandement favorisé la
préservation et l'implantation de peuplements de
sapins-épinettes, ce qui a eu pour résultat de rendre la
forêt plus susceptible aux attaques par la tordeuse, toujours selon ce
même auteur.
Malgré toutes ces mises en garde, le gestionnaire n'envisage
aucune approche préventive quant à l'exploitation
forestière. Les solutions simples à des problèmes
complexes refont surface malgré les recommandations émanant de
commissions d'enquête ou de décrets ministériels invitant
le gestionnaire à changer ses pratiques.
Avec la nouvelle complicité de son collègue de
l'Environnement, le ministre de l'Énergie et des Ressources tente de
nous persuader, cette fois-ci, que les objectifs de réduction
d'utilisation des pesticides par la loi 27 et les objectifs de rendement
soutenu de la loi 150 ne sont qu'en opposition apparente. Pourtant, selon
l'aveu du promoteur, nous sommes loin d'une situation adéquate
permettant une utilisation minimale des pesticides. Cette position ne nous
surprend pas, puisque les moyens de rechange doivent être aussi efficaces
que les pesticides et économiquement viables (document de support de la
commission parlementaire, page 57). Les raisons sociales et environnementales
prônant l'emploi de métho- des alternatives sont encore
laissées pour compte alors que l'état d'avancement de la
recherche ne permet pas de certifier que les autres moyens disponibles sont
dans tous les cas parfaitement applicables, toujours selon le document de
support de la commission parlementaire.
Alors, Québécois et Québécoises,
tenons-nous-le pour dit: "...dans un cadre réglementé, les
pesticides doivent faire partie de la panoplie des outils d'aménagement
forestier respectueux du milieu forestier." Mais sur quelle échelle de
valeurs retrouve-t-on le respect du milieu forestier lorsqu'on tue
impunément plantes et animaux?
Le gouvernement du Québec veut, par sa politique d'utilisation
des pesticides en milieu forestier, veiller aux objectifs de protection de
l'environnement tout en permettant la réalisation d'objectifs de
production forestière. Selon le gestionnaire, il faut utiliser les
pesticides pour qu'une utilisation durable de l'écosystème
forestier soit possible, corollaire que le RQV ne partage pas. Selon nous, la
pérennité de la forêt et son usage à de multiples
fins ne seront assurés que par l'arrêt immédiat de la
surexploitation et par l'abandon de l'usage de pesticides.
Les auteurs de cette politique et ceux qui l'endossent ajoutent
l'insulte à l'arrogance lorsqu'ils tentent de discréditer les
intervenants qui s'interrogent et/ou s'expriment quant à l'utilisation
de pesticides en milieu forestier. Ce discours réducteur, utilisé
tant par l'industrie forestière que par le MER, a pour objet
d'évacuer la population du débat de la gestion forestière
pour que ce rôle revienne, comme dans le passé, à la seule
paroisse de l'industrie et des ingénieurs forestiers. Il y a trop
longtemps déjà que ces intervenants massacrent la forêt au
nom de la sacro-sainte libre entreprise et poursuivent leur objectif de
maximisation des profits à court terme pour qu'on les laisse faire
encore. On conçoit facilement la place que le MER veut donner à
la population par l'affirmation suivante: "Lorsqu'une infestation est
observée sur les forêts publiques, le MER élabore un plan
annuel d'intervention conformément aux attentes signifiées aux
plans d'aménagement, soumet ce dernier aux industriels impliqués
pour approbation et réalise le plan accepté."
Cette politique réductrice se concrétise, d'une part, par
la proposition d'exclure le B.t. et le glyphosate du processus
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement et, d'autre
part, en limitant les études d'impact ainsi que la consultation publique
aux seuls aspects de risques pour l'environnement liés à l'usage
de tout autre produit en milieu forestier. Le RQV s'oppose à l'adoption
d'un tel scénario.
Les promoteurs justifient l'exclusion du B.t. et du glyphosate du
processus ci-haut mentionné à partir d'arguments qui s'appuient
sur: 1. la sécurité et l'efficacité du B.t. employé
contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette; 2. la faible
toxicité et le peu de persistance du glyphosate
employé pour éliminer la végétation
concurrente.
Les critères inhérents à l'application du B. t.
ainsi que son mode d'action chez l'insecte cible font en sorte que
l'efficacité du produit est incertaine, selon Lavalin en 1984. On
cherche à obtenir un B. t. plus efficace en ajoutant des substances
chimiques telles que la chitinase ou le xylène, ce qui augmente sa
toxicité et touche ainsi davantage d'espèces non cibles.
Alors, jamais n'a-t-on pu démontrer sa rentabilité
économique, pas plus qu'en usant d'insecticides chimiques pour lutter
contre la tordeuse du bourgeon de l'épinette. C'est ce qui sort des
conclusions des travaux de Lavalin en 1984. Il n'a jamais été
utilisé opérationnellement sur les grandes superficies, ce qui
ajoute aux inquiétudes quant à la garantie
d'efficacité.
Dans le cas du glyphosate, sa toxicité est telle qu'il tue plus
efficacement un plus grand nombre d'espèces végétales
qu'en utilisant le 2, 4-D ou le 2, 4, 5-T. Alors, on va traiter tantôt
des aspects liés à la toxicologie de ces produits.
De toute évidence, MM. de l'Environnement et de l'Énergie
et des Ressources, vous ne pouvez pas nous convaincre du bien-fondé de
votre politique des pesticides en milieu forestier.
II est clair, par le libellé de cette politique, que vous pliez
l'échine encore une fois face au lobby de l'industrie
forestière.
Avec le peu de temps qu'on a, M. le Président et les membres de
la commission, je vais résumer le chapitre III. Une partie des
énoncés de principe que nous avons au Regroupement pour un
Québec vert, quant à l'utilisation de pesticides en milieu
forestier, est un document qui a déjà été
déposé ici, en commission parlementaire, en septembre 1986, dans
le cadre du projet de loi 150. Alors, nous autres, ce qu'on dit, pour
résumer le chapitre III: Réduisons le gaspillage de la
matière ligneuse sur les territoires forestiers du Québec, tant
au niveau de l'exploitation, de sa transformation que de son utilisation. Et
ensuite, un coup qu'on aura baissé cette forte demande de bois, bien,
les insectes qui tuent un petit peu et les rotations de peuplement qu'on veut
court-circuiter, on n'en aura plus besoin. On n'aura plus besoin de faire
d'investissements en forêt parce qu'on va réduire le gaspillage.
Si jamais on en a besoin, parce qu'il arrive malencontreusement un insecte
contre lequel il faut lutter, in extremis, après avoir appliqué
les principes de lutte biologique en forêt - ce qui est expliqué
dans le chapitre
III - peut-être y aura-t-il moyen de penser à l'utilisation
de pesticides. Mais vous lirez le contexte à l'intérieur duquel
nous avons fait le débat sur l'utilisation des pesticides en milieu
forestier.
Alors, je voudrais porter à l'attention de la commission aussi
qu'on va vous remettre un autre document parce qu'il manque un bout de texte
à la page 20, au chapitre 3. 2. 3, c'est la suite de la page 20. On vous
fera parvenir le feuillet manquant.
Alors, je laisse la parole à M. Auger qui va vous parler
brièvement de la santé publique et de la politique d'utilisation
des pesticides.
Le Président (M. Saint-Roch): Alors, en conclusion.
M. Auger (Pierre): Oui, très rapidement. L'utilisation des
pesticides en santé publique, c'est une approche globale, quand on nous
dit par exemple qu'on cesse d'utiliser un produit qui est
considéré dangereux pour le remplacer par un autre;
d'après moi, ce n'est pas une approche de prévention
adéquate, c'est plutôt la masse globale de pesticides qui sont
utilisés dans un environnement. Ici, ce qui m'a surtout chicoté,
c'est le fait qu'on écarte des études d'impact sur le glyphosate
et le B. t., sous prétexte qu'ils sont déjà
utilisés et qu'ils sont déjà homologués.
Alors, je voulais tout simplement attirer l'attention sur un document
qui a été publié en 1987 par la Commission de
réforme du droit du Canada qui a révisé, justement, le
processus d'homologation. Il s'agit d'un document d'étude, mais je pense
que le document d'étude était suffisamment étoffé
pour que la Commission de réforme du droit le distribue à la
population. Ce document-là critique sévèrement le
processus d'homologation et la loi antiparasitaire. Entre autres, pour eux, un
des points importants c'est que les tests sont faits par les compagnies
vendeuses. Entre autres, on revient avec le fameux scandale d'IBT, biotest,
où ces tests-là ne satisfaisaient pas aux normes de l'EPA et
où les produits étaient déjà utilisés
à grande échelle aux États-Unis et au Canada. Nous
critiquons aussi fortement le processus selon lequel, même quand on
trouve que les tests sont mal faits et ne sont pas réglementaires, on
continue à distribuer, à vendre ces produits-là. De sorte
que le fait que ces produits-là soient utilisés et
homologués, pour nous, cela ne constitue pas une sécurité
pour la santé publique.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Auger.
M. L'Italien: On va conclure rapidement, là.
Le Président (M. Saint-Roch): Très rapidement, si
vous voulez.
M. L'Italien: Je pense qu'il nous reste encore deux minutes,
d'après les calculs que j'ai pu faire.
Le Président (M. Saint-Roch): Non, le temps est
écoulé, mais je vais vous permettre brièvement de
conclure.
M. L'Italien: Oui, ce sont quelques phrases, en fait.
À notre avis, il faut un moratoire d'au moins deux ans sur la
croissance de l'exploitation
de l'industrie forestière papetière et du sciage et en
conséquence maintenir, sinon réduire, son rythme actuel. Il faut
multiplier la plantation de feuillus et orienter la recherche pour
accélérer l'intégration de feuillus à la pâte
à papier. Au moindre mal, nous privilégions le scénario
numéro 1 et qu'une étude d'impact fasse l'objet dune audience
publique sur l'environnement menée par le BAPE permettra une analyse
complète des facettes environnementales santé publique,
économiques et écologiques. En dernier lieu, nous ne pouvions
nous empêcher de souligner les apparentes contradictions des
ministères impliqués actuellement.
Ce printemps, le ministère de l'Environnement nous promettait un
cap environnemental axé sur la conservation, agent de progrès.
Par la suite, des règlements applicables de la loi 27 sur les
pesticides, lesquels complètent mal la loi, tout en laissant la porte
ouverte aux pesticides en foresterie et en agriculture. La semaine
dernière, le même ministère publiait son premier bilan
environnemental qui caractérise on ne peut mieux la surexploitation
actuelle des forêts. On a donc l'impression que le ministre court
plusieurs lièvres à la fois, qu'il connaît très peu
son gibier et que des pressions de l'industrie l'incitent à "braconner"
l'environnement. Serait-ce le troc américano-canadien ou
libre-échange qui se résume à dire: Moi, exploitant, je
mets en valeur tes ressources à ma convenance, de la manière que
je le veux et dans la perspective que je le vois, même au prix de
catastrophes écologiques et économiques qu'on pourrait
appréhender? C'est ce qu'on appelle le développement
accéléré à tout prix, loin du mariage tant
souhaité de l'écologie et de l'économie. (12 h 30)
Le ministère de l'Énergie et des Ressources, après
quelques timides expertises et recherches en alternatives aux pesticides, nous
déçoit sincèrement. La décision du gouvernement, il
y a déjà cinq ans, devait les obliger à ne plus
privilégier l'option chimique pour aménager les milieux
forestiers. Le document soumis à la consultation avance encore des
hypothèses et nous promet une quelconque étude sur le
dégagement mécanique. Nous ne pouvons, non plus, faire confiance
à un obscur comité interministériel qui contrôlerait
et régirait l'utilisation des pesticides en forêt.
Rappelons au présent gouvernement qui s'est targué
récemment, via son premier ministre, qu'il y aurait un virage
écologique, qu'il a adhéré aux recommandations de la
Commission mondiale sur l'environnement, la Commission Bruthland et qui
recommandait en priorité: de maintenir les processus écologiques
essentiels incompatibles avec la coupe à blanc sur les centaines
d'hectares; de maintenir et encourager la diversité
génétique - où sont les pins d'antan et les chênes?
- de favoriser l'utilisation durable des ressources ou, comme on dit, viser la
pérennité des ressources et des humains - leur santé - qui
composent avec ce développement.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. L'Italien. Je vais
maintenant reconnaître M. le ministre délégué aux
Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Bonjour, M.
L'Italien, ainsi que votre équipe. Vous ne vous doutez pas que je ne
suis pas tellement d'accord avec votre approche, à savoir qu'il faut
tout bannir et ne rien faire. Parce que, si on veut améliorer notre
environnement et notre qualité de vie, il va falloir poursuivre les
recherches, il va falloir faire des choses et retourner en arrière,
retourner à l'âge de la colonie, je pense que ce n'est pas une
solution au problème actuel. Evidemment, c'est un peu ce que je
comprends de votre propos que je ne partage pas parce que je me dis: Cherchons
ensemble - et c'est le but de la commission parlementaire - les meilleures
solutions pour atteindre les objectifs qui feront en sorte qu'on va
protéger notre environnement, notre qualité de vie et nos
emplois. S'il y a des emplois, cela fait vivre bien du monde et, si on vit
correctement, si on a une bonne qualité de vie, un bon standard de vie,
bien tant mieux! Mais ce que vous proposez actuellement, je pense bien que
c'est un retour en arrière, quasiment à l'âge de la
colonie, évidemment.
Comme je dois m'absenter, j'aurais quelques questions rapides à
vous poser. Vous proposez un moratoire sur la croissance de l'industrie
forestière. Quelle industrie avez-vous choisie?
Le Président (M. Saint-Roch): M. L'Italien.
M. L'Italien: Toutes. Il y a aussi... On parle aussi dans la
partie du mémoire qu'on n'a pas pu lire de l'allocation des bois, par
exemple, où on fait des copeaux de bois avec du bois rond; alors, le
bois est mal alloué. Vous savez très bien tous les
problèmes, en fait, de la gestion de la ressource.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je ne
prétends pas avoir la perfection et j'espère que vous ne le
prétendez pas vous non plus. Du côté forestier, du
côté des opérations forestières, du
côté de l'aménagement, je pense que je n'ai pas de
leçon à recevoir de... Il se produit, du côté des
opérations forestières, des erreurs. Il ne faut pas les monter en
épingle et les prendre comme une généralité. Cela
arrive, ça; on les pointe du doigt et on essaie de se corriger. Quand on
pointe seulement que cela, qu'on met cela en évidence, c'est comme si
tout était croche dans la société. Mais tout n'est pas
croche, au contraire.
L'autre question que je veux vous poser: Vous dites que vous
privilégiez, comme moindre mal, le scénario 1, mais à
votre avis, c'est quoi, c'est de retourner en arrière?
M. L'Italien: Je vais laisser Michel répondre
là-dessus.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je vous invite
à aller voir dans le parc des Laurentides, les endroits comme la
forêt Montmorency; c'est vert, il y a du gibier et cela vit là.
Allez voir à côté où il n'y a pas eu d'intervention,
c'est tout mort, il n'y a pas de gibier. Allez-y voir dans le parc des
Laurentides, au camp Mercier. Allez faire du ski de fond, vous allez voir si
c'est agréable de faire du ski de fond à travers tout ce qui est
mort. Tandis que si vous en faire dans la forêt Montmorency où il
n'y a eu que des interventions humaines, vous allez trouver cela
agréable. Évidemment, il faut que cela soit fait de façon
à protéger, en premier lieu, la sécurité et la
santé des personnes. On commence par nous; après cela, ce seront
les autres espèces vivantes en forêt et les arbres.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Lauzon.
M. Lauzon: Oui, mais écoutez, M. le ministre, votre
discours, là... C'est sûr qu'il y a des endroits, des parcs
aménagés, cela existe. Il y a moyen de faire de la coupe
jardinatoire et de faire des coupes sanitaires qui font qu'on a des beaux
parcs, mais vous nous citez des cas et cela ne représente même pas
un millionième du pourcentage du Québec. Où il y a eu
intervention humaine en milieu forestier, allez voir, ce sont des sites qui ne
repoussent pas, ce sont des sites érodés, c'est la nappe
phréatique qui a remonté, ce sont des peuplements forestiers qui
ne s'établissent plus.
C'est de cette intervention-là que nous autres, on parle. On ne
parle pas de l'aménagement des parcs et des haltes routières,
là, M. le ministre, on parle d'exploitation forestière. On dit
que, sur ces sites, ce qu'on a fait - ce qu'on a constaté - c'est une
intervention qui ne permet pas une régénération naturelle.
C'est pour cela que le gouvernement a mis de l'avant un programme de
reboisement des terrains, ce que vous appelez le "backlog", je crois, en
français, ce qui n'a pas poussé et qu'il faudrait remettre en
production.
Alors, ne venez pas nous dire qu'il existe des forêts à
Montmorency ou à Oka qui sont aménagées et qui sont
belles. On sait bien que les humains sont capables de bien traiter la nature et
de, entre guillemets, l'améliorer en fonction d'une notion de paysage
qu'on recherche, d'un bien-être de ce qui est la forêt. Mais la
forêt en tant que telle peut rester là sans nécessairement
qu'on l'exploite ou qu'on rentre dedans. C'est cela qu'il faut concevoir, c'est
que, si on veut rentrer dans la forêt pour l'exploiter, il ne faut pas
qu'on ait comme prérequis l'usage des pesticides. Il faut exploiter la
forêt en utilisant d'autres méthodes. C'est cela qu'on est venu
dire ici. On n'a pas dit de retourner en arrière et de revenir à
l'âge de la colonie et pourquoi pas à l'âge de pierre, M. le
ministre? Ce qu'on est venu dire ici, c'est qu'il y a des façons
différentes de faire où on peut utiliser un minimum de produits
toxiques dans l'environnement, ce qui est justement le libellé de la loi
21 de M. le ministre de l'Environnement.
Mais le MER arrive encore par la bande et il veut, à partir de
son objectif de rendement soutenu de la loi 150, favoriser l'utilisation des
pesticides dans le milieu forestier pour finalement arriver à un
objectif de rendement soutenu. Dans ce contexte-là, le RQV dit non au
rendement soutenu; c'est juste cela qu'on a dit, M. le ministre.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous savez bien
qu'on ne s'entendra pas, c'est certain. On est diamétralement
opposés sur ces questions-là. C'est qu'on ne veut pas voir ce qui
existe, dans le fond. Quand je vous parle de la forêt Montmorency, je
vous parle également des ravages de la tordeuse des bourgeons de
l'épinette à côté, où on a regardé
passer la parade. Et allez voir dans les parcs - pour cela, la question des
parcs - où il n'y a aucune intervention humaine, supposons
l'exploitation, allez voir dans le parc du Mont-Tremblant, il y a du chablis,
il y a des peuplements attaqués par la tordeuse, et cela a l'air de
quoi? On ne peut pas faire des musées avec des espèces vivantes,
avec des vivants. La comparaison est là. Il y a des belles interventions
- allez voir au bois de Belle-Rivière - où la forêt a
été aménagée par les hommes, et cela a du bon sens.
On a utilisé les produits qu'on voulait et les méthodes qu'on
voulait, tout en respectant la sécurité et la santé des
personnes. C'est cela qui est important, dans le fond, c'est de faire les
choses correctement, plutôt que de ne rien faire, comme vous le
proposez.
Moi, je ne vois pas pourquoi les glyphosa-tes...
M. Lauzon: Nous dire que nous ne voulons rien faire, c'est nous
taxer de choses qui ne sont pas vraies. Alors, écoutez. Nous en avons,
des propositions. Vous n'avez pas lu le document qu'on vous a
déposé en 1986 sur nos énoncés de principe pour une
politique forestière; un document qui a une centaine de pages. Les
principes, ils sont là-dedans, et ce n'est pas vrai qu'on
préconise de se croiser les deux bras et de regarder le train passer. Ce
qu'on veut. On veut des modifications dans l'exploitation forestière. On
veut consolider notre industrie forestière, mais pas de la façon
dont elle est partie là.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Moi, je ne vois
pas cela de la façon dont vous le proposez.
M. L'Italien: M. le Président, M. Gaétan Malenfant
a quelque chose à ajouter par rapport aux derniers propos de M.
Côté.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Malenfant.
M. Malenfant (Gaétan): Bon, je pense que ce qu'il faut
bien comprendre, c'est que nos interventions sont basées sur le fait de
dire qu'il y a eu des erreurs importantes dans le passé en termes de
gestion forestière. Et maintenant...
Une voix:...
M. Malenfant: Non, mais il reste que ce dont on discute
maintenant, c'est le résultat de cela. Et ce qu'on dit, c'est qu'il ne
faudrait quand même pas surajouter encore une intervention humaine mal
à propos, qui perpétue, finalement, le problème. On se
contente de cultiver la forêt un peu comme en agriculture, alors qu'on
sait très bien qu'en agriculture il y a des chiffres assez
éloquents qui disent que, malgré tout l'usage d'insecticides et
d'herbicides, on n'est guère plus avancés qu'il y a 30 ans, avant
qu'on utilise tous ces produits-là. Je veux dire ceci: on
n'économise pas plus et on ne perd pas plus qu'avant, en termes de
ravages par les insectes et les mauvaises herbes. Et les insectes et les
mauvaises herbes sont de plus en plus résistants. Donc, on monte une
marche à chaque fois, mais où va-t-on se ramasser? C'est
là-dessus qu'est notre propos. Ce qu'on dit, finalement, c'est qu'il
faudrait arrêter cette escalade-là et tenter de freiner
peut-être un peu le développement actuel de l'industrie
forestière pour éviter de manquer de bois avant longtemps.
Alors, c'est cette perte de matière ligneuse qui nous fait dire
qu'on va manquer de bois et qu'il faut faire quelque chose. C'est bien beau.
Mais, comme on est partis là, il va toujours nous manquer quelque chose
parce qu'on ne freine pas le développement. On veut utiliser mur
à mur ce qui existe. C'est ce qu'on dit.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Malenfant. Je vais
maintenant reconnaître M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Dans la même foulée, vous dites
qu'il faut freiner le développement, d'une part, et, d'autre part, on
est conscients des impacts socio-économiques de cette industrie au
Québec. Est-ce que vous évaluez à un rythme de croissance
quelconque l'utilisation qu'on devrait faire de la forêt? Entre ne plus
faire de coupe, ne plus utiliser la ressource et avoir un rythme de
développement ou de croissance effréné, est-ce que vous
avez évalué quel serait le rythme acceptable qui permettrait de
protéger la ressource, de la régénérer et de
l'utiliser aussi à des fins économiques?
Le Président (M. Saint-Roch): M. L'Italien.
M. L'Italien: M. le Président, M. Lauzon va
répondre.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Lauzon.
M. Lauzon: II ne faut pas ramener cela uniquement à une
question de volume de coupe. On se rend compte qu'on la surexploite.
D'après le constat qu'on a eu, on la surexploite. Est-ce qu'il y a moyen
de garder la même vigueur économique avec la forêt en
l'exploitant un peu moins pour éviter qu'on la surexploite?
Aussitôt qu'on perd un arbre qui meurt de vieillesse, c'est donc
terrible, on a perdu un arbre. Est-ce qu'il y a moyen de réajuster notre
industrie?
C'est sûr que cela prend des capitaux. Cela prend soit les
industriels qui sont là et qui réinvestissent autrement - cela,
je ne suis pas sûr qu'ils soient intéressés - soit le
gouvernement qui injecte des sommes dans des petites compagnies, des PME, qui
vont faire autre chose que de la pâte à papier ou du 2" X 8" avec
notre bois. On n'entrera pas dans la panoplie des différents produits ou
sous-dérivés du bois, mais on peut faire, par exemple, du
méthanol, qu'on va mettre selon une proportion convenable dans notre
essence d'automobile, pour se promener avec 1 000 000 de barils de
méthanol par année au Québec dans nos autos qu'on
n'achèterait pas des Arabes.
Il y a toutes sortes de façons de diversifier l'utilisation de la
ressource bois sans nécessairement couper un autre billot. C'est
d'utiliser les cimes des arbres qui ne sont pas utilisés, les souches,
les feuillus qui sont laissés pour compte ou les arbres qui sont croches
et qui ne peuvent pas passer au sciage, qui sont culbutés. Tout ce
massacre quand on exploite la forêt, qu'on appelle les déchets de
coupe, cela représente entre 25 % et 50 % en volume de bois. Si on
pouvait faire quelque chose avec cela, on augmenterait notre p.n.p. par rapport
à l'utilisation de la forêt sans couper un arbre de plus. Les
sous-produits dérivés, tout le papier qu'on jette-On en jette des
tas, tout le monde le sait, ce n'est pas la seule commission parlementaire
où on l'a dit, le ministère de l'Environnement est au courant. Il
y a des données là-dessus.
On est incapable d'avoir des infrastructures pour recycler ce papier,
pour en incorporer une partie dans la fabrication de la pâte et papier,
mais c'est faisable. Les feuillus qu'on n'utilise pas, le peuplier
faux-tremble, le bouleau, des trucs comme cela, qu'on n'utilise pas, qu'on
culbute sur les parterres de coupe ou qu'on veut arroser avec des phytocides
parce qu'on n'a pas de structures industrielles qui permettent de les
accueillir et de les transformer; c'est ce qu'il faut changer.
Quand on aura changé les structures des industries en fonction de
la nature des fibres qu'on a, c'est-à-dire plus de feuillus, des
déchets de coupe et du papier recyclé, le jour où on aura
fait cela, c'est là qu'on dit qu'on pourra réduire les
superficies de bois exploitées au Québec. Mais on va rester tout
aussi vigoureux
et on va probablement produire plus de produits dérivés du
bois. On va couper moins. C'est ce qu'il faut, garder des arbres, avoir des
parcs, avoir du tourisme, que nos enfants voient encore une forêt demain
et pas seulement une plantation d'épinettes comme du blé d'Inde
dans les champs. C'est ça, le discours qu'on vient vous tenir.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Verchères.
M. Charbonneau: À la page 4, vous avez soulevé un
point Important à l'égard de l'homologation de certains produits
en disant, entre autres, que l'un des produits dont on demande l'utilisation
sans étude d'impact - en fait, une espèce de chèque en
blanc - est un des produits qui aurait été analysé par
l'entreprise et qui aurait été impliqué dans un scandale
de faux test ou de manipulation des tests scientifiques. Est-ce que vous avez
des informations disant que, parmi la centaine de produits qui auraient fait
l'objet de malversations et de fabrication de fausses analyses, ce produit est
inclus dans cette liste?
Le Président (M. Saint-Roch): M. L'Italien.
M. L'Italien: On ne peut pas confirmer que le glyphosate est
inclus dans cette liste. Pierre pourrait ajouter quelque chose par rapport au
glyphosate. Ce qu'on peut dire entre autres à l'heure actuelle, c'est
que le fénitrothion était dans cette liste. Il a
déjà été utilisé contre la tordeuse des
bourgeons de l'épinette.
M. Charbonneau: Mais est-ce qu'on pourrait être en mesure
de le savoir?
M. Auger: Ce qu'on peut vous dire là-dessus, c'est que
"Round-Up" est un produit fait par la compagnie Monsanto. Monsanto était
un très gros client d'IBT. De façon précise, est-ce que le
glyphosate a passé à travers IBT? Je ne sais pas. Mais Monsanto
est un gros client d'IBT. Mais, même malgré IBT, je vous
recommande la lecture du document publié par la Commission de
réforme du droit du Canada où il révise... (12 h 45)
Une voix: C'est là-dedans.
M. Auger: Oui, ce que j'ai mis en référence. Il
révise justement le processus d'homologation et pas seulement le
processus d'homologation, mais tout le processus de surveillance, après,
de la nocivité de ces produits, c'est-à-dire qu'une fois que cela
a passé le processus d'homologation c'est parti dans la nature et, qu'il
se passe n'importe quoi après, cela continue dans la nature. Entre
autres, à partir du scandale d'IBT, ce qu'ils critiquent, ce n'est pas
tellement le scandale IBT en soi, c'est bon, ils ont trouvé qu'il y
avait des tests anormaux, mais c'est le fait que ces produits continuaient
à être distribués et vendus quand même, même si
les tests n'avaient pas été refaits et que Agriculture Canada
disait: Cela va être refait, cela va être refait. Ce n'est pas
grave. Comprenez-vous? Le glyphosate, c'est un des produits... Les tests ont
été faits. Cela n'a pas été fait par IBT ou par un
autre, cela a été fait par la compagnie vendeuse et ces gens
critiquent fortement ce processus. Ils font même une recommandation au
gouvernement canadien que ce processus, que les tests ne soient pas faits par
les compagnies, mais par un laboratoire indépendant, subventionné
à partir des royautés de vente des redevances et que ce soit le
gouvernement qui soit en charge de ce laboratoire.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Verchères.
M. Charbonneau: Faisons l'hypothèse qu'il y ait des
mécanismes de contrôle ou de vérification plus
adéquats des produits comme vous le suggérez et comme l'organisme
en question le suggère. Est-ce qu'à ce moment-là vous
seriez prêts à accepter le scénario 2, néanmoins, ou
si, malgré cela, vous considérez que c'est inacceptable d'avoir
des produits, une fois testés, même si les tests sont
améliorés, qu'on peut utiliser sans étude d'impact, sans
évaluation publique?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Auger.
M. Auger: Pour nous, là où on est contre, c'est
quand ils nous arrivent et nous disent: On peut utiliser ce produit, il n'est
pas dangereux selon les tests. Ce n'est pas cela, notre principe. Notre
principe, c'est qu'on ne doit utiliser les pesticides vraiment qu'en dernier
ressort. D'accord? Là, il faut s'attaquer aux pesticides non seulement
en forêt, mais partout. Il y a, entre autres, en agriculture où il
y a 90 % des pesticides qui viennent de là. Mais, depuis dix ans, il y a
un mouvement qui s'appelle le Mouvement pour l'agriculture biologique. Il y a
dix ans, tous les gens qui s'occupaient de cela passaient pour des malades
mentaux. Aujourd'hui, on lit dans le journal que le gros Potager
Côté se met à en vendre. Ce n'était pas rentable
économiquement il y a dix ans et cela n'était pas faisable et
là, maintenant, le Potager Côté est en train d'en vendre.
Ce qu'on veut proposer dans une approche en forêt, c'est exactement le
même genre de situation. Le ministre Côté a dit tantôt
qu'on veut retourner en arrière. Ce n'est pas vrai. Au contraire, c'est
le futur qu'on vous propose. Il y a déjà des pays en Europe qui
commencent à proposer ces choses. Nous autres, on est toujours en
arrière. Il y a des pays Scandinaves comme le Danemark qui commencent
à proposer et qui subventionnent, entre autres, l'agriculture
biologique. C'est le futur, ce n'est pas le passé. On ne retourne pas au
temps des Iroquois.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Verchères.
M. Charbonneau: Vous n'avez pas tellement parlé du
scénario 1. C'est comme si, dans la présentation que vous avez
faite tantôt, vous avez dit à un moment donné: À la
limite, on pourrait l'accepter. Est-ce que cela veut dire que, finalement, vous
choisissez le moindre des maux et que vous êtes prêts à
accepter le scénario 1 ou si même le scénario 1, à
votre point de vue, tel qu'il est libellé, présente des
problèmes? Si oui, quels sont-ils ou, encore, est-ce qu'à votre
avis il est suffisamment acceptable pour qu'on puisse l'avaliser?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Lauzon.
M. Lauzon: Si on n'a pas parlé du scénario 1, c'est
qu'il est carrément inacceptable. En fonction de tout ce qu'on vous a
dit avant, premièrement, la loi 150 met dans le décor un
rendement soutenu et on se donne des moyens qu'on dit économiques qui
sont les pesticides. Donc, à partir de ce principe, le scénario 1
ou le scénario 2, on n'est pas d'accord. On dit qu'on veut
aménager la forêt sans ou avec très peu d'utilisation de
pesticides, avec le moins possible, quand, d'un autre côté, on
dit: À cause de cela, il faut en utiliser plus, à cause du
rendement soutenu et de la loi 150. Il est évident qu'on n'est pas
d'accord avec les scénarios 1 ou 2. On n'est même pas d'accord
avec la politique, avec les 100 pages de la politique et, tout d'un coup,
à la fin, on serait d'accord avec le scénario 1. Cela ne tient
pas debout. Mais, c'est sûr, par exemple, que si jamais il y a des gens
qui veulent arroser en forêt, ils sont tenus par la Loi sur la
qualité de l'environnement, par l'article 22, s'ils font un arrosage
aérien sur plus que 600 hectares, de déposer une étude
d'impact auprès du ministre de l'Environnement et de se présenter
en audience publique. C'est bien sûr qu'on n'est pas contre cela. On
n'est pas contre la Loi sur la qualité de l'environnement. Le promoteur
devra s'y soumettre. Cela bégaie un peu. C'est un peu ce que le
promoteur est supposé faire avec le scénario 1,
indépendamment de cela. Comme tel, on n'est ni d'accord avec un
scénario 1 ou un quelconque scénario à l'Intérieur
de la politique parce qu'on rejette la politique d'emblée. On ne peut
pas être en accord avec la page 12 et en désaccord avec la page
13.
Par rapport à...
Le Président (M. Saint-Roch): Cela complète, M. le
député de Verchères?
M. L'Italien: Gaétan Malenfant voudrait ajouter quelque
chose en réponse à M. Charbonneau.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Malenfant.
M. Malenfant: Ce ne sera pas tellement long. En fin de compte, on
ne peut nécessairement pas être d'accord avec l'usage des
pesticides en forêt d'une manière ou d'une autre. Ce sont les
principes de base de la gestion forestière qu'on remet en question. On
nous promet évidemment que cela va changer maintenant que les industries
sont responsables de leur territoire, en termes d'aménagement. On a bien
hâte de voir. Mais, à venir jusqu'à ce jour en tout cas, il
est bien évident pour nous que c'est la façon dont on exploite la
forêt qui fait en sorte que maintenant on se sent obligé
d'utiliser des pesticides. Évidemment, on ne peut pas être
d'accord avec l'usage des pesticides en forêt.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Malenfant. M. le
ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, quelques remarques pour
commencer. Je pense que c'est un rapport intéressant qui va aider nos
délibérations. Nous sommes venus ici pour écouter
plusieurs sons de cloche. Je suis très heureux que le Regroupement pour
un Québec vert ait donné son point de vue. Si j'ai un petit
regret - et je le dis de façon très sincère - c'est que je
pense que le mémoire aurait aidé davantage s'il avait
été un peu moins virulent. On parle de charlatanisme, d'insulte
à l'arrogance, de plier l'échiné, ou de vénales
tractations. Il faut prendre comme point de départ que, si vous
êtes des gens de bonne foi, je pense que les gens qui agissent en
politique ou ailleurs sont aussi des gens de bonne foi et que la pureté
et la moralité ne sont pas exclusives à une personne ou à
une autre. Je pense que chacun a son point de vue. Mais, de toute façon,
du point de vue du mémoire lui-même, je trouve beaucoup de choses
dans son contenu qui rejoignent mes préoccupations, je dois le dire.
Pour moi, l'utilisation des pesticides... Et je regrette que vous n'ayez pas
été là quand mon collègue de Ver-chères et
moi avons fait des déclarations de départ, car pour nous, c'est
une utilisation en dernier recours. Il faut toujours en chercher la
réduction. Je suis aussi d'accord avec vous sur le fait qu'à un
moment donné, en forêt, il faudra un mouvement de foresterie
biologique. Je suis sûr qu'à un moment donné la
contrepartie va se faire dans ce domaine aussi. Mais il faudrait...
Dans votre mémoire, il y a quelques contradictions que je ne peux
pas comprendre. Vous dites, par exemple, dans votre dernière
intervention, qu'il ne faudrait pas soustraire cela au BAPE et je suis
entièrement d'accord avec vous. On a donné deux hypothèses
de travail. Vous avez travaillé à une hypothèse, pensant
que cette hypothèse était figée dans le ciment; alors,
autant ne pas avoir de commission parlementaire. Il me semble que le sens d'une
commission parlementaire, c'est de faire tout cela, ce n'est pas un show. C'est
vraiment pour essayer de détacher ce que les gens pensent. Vous
pensez
cela très fortement et je suis d'accord avec vous. Je crois qu'il
faut à tout prix maintenir le système d'audiences publiques et le
système du BAPE. Je suis fortement de cet avis et j'en suis convaincu de
façon inébranlable.
En même temps, à la dernière question de mon
collègue, alors que vous n'avez pas parlé du scénario 1,
vous dites, à un moment donné, que vous pourriez l'accepter comme
un moindre mal, qu'entre deux maux vous accepteriez celui-là. Vous
n'acceptez pas le premier, vous êtes contre toute utilisation des
pesticides, c'est-à-dire que, d'après ce que je comprends, vous
n'acceptez même pas la loi actuelle comme elle est, ce que la loi
actuelle permet.
M. Lauzon: Laquelle, M. le ministre?
M. Lincoln: La loi de l'environnement, la Loi sur la
qualité de l'environnement et les études d'impact. Aujourd'hui,
la loi...
M. Lauzon: Quand je lis des choses comme cela le matin, M. le
ministre, je me rends compte qu'on peut contourner les règlements d'une
loi n'importe quand.
M. Lincoln: D'accord.
M. Lauzon: Si elle est appliquée, peut-être, si elle
a encore plus de mordant, peut-être encore plus, mais, compte tenu de ce
qui se passe actuellement, non, c'est trop faible.
M. Lincoln: Non, ' non, mais même si elle était
appliquée... Excusez-moi, si on gardait un ton gentil, ce serait mieux.
Même si elle était appliquée de façon tout à
fait étanche dans le système actuel - oublions que la loi laisse
passer des courts-circuits, oublions cela, disons qu'elle est
complètement étanche, comme elle devrait l'être aujourd'hui
- le principe de base que vous défendez ne se réconcilie pas
à n'importe quel système de loi, parce que vous dites au
départ: II ne faut pas de pesticides. Point à la ligne. Donc, il
n'y a même pas besoin... Dans la loi actuelle, il faudrait dire: II n'y a
plus de possibilité de pesticides du tout, même d'une façon
réduite et même en état temporaire. Est-ce que c'est cela,
votre position? C'est ce que j'ai envie de savoir.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Lauzon.
M. Lauzon: Hé oui! M. le ministre. C'est cela qu'on dit,
M. le ministre.
M. Lincoln: D'accord.
M. Lauzon: Sauf dans le cas de catastrophe
appréhendée ou vraiment si, par exemple, tout le monde attrape la
malaria au Québec, on ne dit pas qu'on ne pourra pas le faire. On va
user de l'intervention des pompiers pour tuer un marin- gouin qui serait
vecteur de malaria au Québec, ce qui est possible en passant. C'est
évident qu'on n'abolirait pas absolument tout, mais je pense qu'il faut
mettre ces produits-là de côté, et tout de suite, se
retrousser les manches et penser autrement pour la gestion forestière,
la gestion de notre agriculture. Parce que si on ne fait pas l'exercice
là...
M. Lincoln: Écoutez, on est d'accord sur les
principes...
M. Lauzon: ...d'après moi, on ne le fera pas. On va le
faire dans dix ans, dans quinze ans, dans vingt ans, peut-être,
tranquillement. Ce dont on a besoin, c'est de changer rapidement. On n'a pas le
temps d'attendre après des études qui vont démontrer
qu'effectivement le glyphosa-te, le 2,4,5 T ou le 2,4,5 D, après des
dizaines de millions de dollars d'étude sur les effets de ces
produits-là, c'est vrai que ce n'est pas bon, puis là,
l'industrie nous en "plogue" un autre tout de suite après.
Nous autres, on dit: Prenons ces millions-là et mettons-les sur
des modes alternatifs de gestion de nos ressources naturelles tout de suite, et
non pas sur les effets de ces produits-là qui sont
délétères pour l'environnement, et cela, on le sait
déjà, c'est marqué poison sur les bouteilles, cela
tue.
M. Lincoln: D'accord, mais si on se donnait un peu plus de temps
pour poser des questions brèves et pour avoir des réponses
brèves, on pourrait peut-être avancer.
Moi, ce que je voulais savoir, c'est, d'abord, si vous étiez
complètement contre les pesticides, point à la ligne, donc, la
loi actuelle et même toute modification. Alors, j'ai compris que c'est
oui. Deuxièmement, si vous étiez même contre une
application temporaire d'un régime, et c'était cela le sens de
notre proposition d'un programme de cinq ans parce que, peut-être le
savez-vous, le ministre de l'Environnement, le ministre
délégué aux Forêts et celui de l'Agriculture ont un
programme de recherche, maintenant, pour des produits naturels. Je dis des
produits naturels, qui sont, à l'étude, maintenant, dans le seul
centre de confinement qu'il y a au Canada ou l'un des seuls, qui sont donc
à l'étude, maintenant, sur une période de trois à
cinq ans. On a déjà découvert des pathogènes
naturels en agriculture qu'on essaie et qui sont appuyés par les
mouvements biologiques, entre autres. On pensait que si, par exemple, il y
avait un modèle avec un objectif temporaire de réduction
systématique, jusqu'à ce qu'on trouve avec un
échéancier précis et appuyé par les études
du BAPE on pourrait faire une étape... Est-ce que cela vous paraît
raisonnable?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Lauzon.
M. Lauzon: Oui, cela nous paraît raison-
nable, pour autant que les libellés soient clairs et que les
objectifs que vous venez de dire là soient aussi clairs, sinon plus,
pour qu'on ne porte pas à interprétation les propos que vous
pourriez mettre dans un éventuel décret ou une éventuelle
politique d'utilisation vers un sens de réduction d'utilisation des
pesticides.
M. Lincoln: Malheureusement, je n'ai pas le temps. J'aurais voulu
vous poser beaucoup de questions, parce que beaucoup de choses importantes se
détachent de votre mémoire. Mais je voudrais vous demander ceci.
Moi, je suis d'accord avec vous, par exemple, lorsqu'on dit: Allons
réajuster notre tir, pensons à la récupération et
au recyclage et en passant, là, nous allons obtenir au moins une usine
additionnelle de 100 000 tonnes de recyclage ...
M. Lauzon: Oui.
M. Lincoln: ...qu'une compagnie s'est engagée à
nous obtenir.
Moi, je suis d'accord sur tous les objectifs que vous poursuivez, mais,
en même temps, j'aurais voulu savoir ceci. Lorsque vous parlez des
règlements, vous dites que les règlements en foresterie, en
agriculture... Vous avez fait référence aux règlements
pour dire: Nous ne sommes pas d'accord sur les règlements en
forêt. Je me demandais quelle était votre objection sur les
règlements par rapport à la loi 27 à laquelle vous faites
référence dans votre mémoire et, si vous aviez ces
objections, pendant que les mémoires étaient en consultation,
cela a paru dans la Gazette officielle, vous aviez 45 jours, on vous a
même écrit pour vous demander votre son de cloche. Qu'est-ce que
vous avez contre le règlement et pourquoi n'avez-vous pas pensé
que cela valait la peine de nous faire valoir votre point de vue, qui est
très valable?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Lauzon.
M. Lauzon: Je peux répondre à la question,
là. On n'a pas discuté du règlement comme tel, parce qu'on
ne l'a pas cru bon; puisque le débat était sur la politique, on a
cru bon de parler de la politique.
Ce dont on se rend compte, au niveau des règlements, par rapport
à la loi c'est que l'esprit de la loi est de réduire
l'utilisation des pesticides, la loi 27. Mais le règlement, en tout cas,
à la lumière de ce qu'on a pu comprendre, et on l'a
demandé à des contentieux du ministère, mais on n'a pas eu
encore les réponses, cela nous donne l'impression que cela ouvre la
porte à des gens qui n'ont jamais utilisé de pesticides de les
utiliser. Tout ce que cela prend, c'est que la personne doit avoir un
certificat, c'est-à-dire qu'elle a suivi un cours de manipulation, et la
personne qui l'engage, elle, a besoin d'un permis. À part de la notion
de permis d'utilisation en fonction de la classe de pesticides et de
certificats, pour la personne qui peut avoir l'autorisation d'utiliser ces
pesticides-là, on ne voit pas en quoi ces règlements-là
peuvent arriver à réduire l'utilisation des pesticides. On ne
voyait pas le lien entre les règlements, les fuites potentielles qu'il y
avait là et l'objectif principal de la loi.
M. Lincoln: Enfin, sans prolonger, je vais vous dire que le
règlement prévoit un code de gestion qui est peut-être plus
dur que partout ailleurs en Amérique du Nord et que l'objectif de tout
cela, c'est justement la réduction à travers
l'éducation...
M. Lauzon: D'accord.
M. Lincoln: ...à travers la formation. Il va y avoir 6 400
000 $ qui seront mis seulement dans l'éducation, et la réduction,
comme objectif, va apparaître dans le code de gestion.
Mais c'est là le genre de choses dont on devrait discuter.
M. Lauzon: Oui.
M. Lincoln: Moi, ce que je veux vous dire là, c'est:
Discutons-en. Avant que le règlement ne devienne final, discutons-en. Si
on peut l'améliorer, on l'améliorera. Il faut le faire ensemble.
On n'a pas d'objectifs contradictoires. L'affaire, c'est de réunir tout
ce monde-là. Il y a un objectif économique, on ne peut pas le
nier. Il y a un objectif environnemental, c'est sûr qu'il est capital. Il
faut, qu'on travaille ensemble. En tous les cas, je vous remercie. Je trouve
que vous avez travaillé très dur à un mémoire qui,
certainement, nous donne à réfléchir. (13 heures)
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
ministre. M. le député de Dubuc.
M. Desbiens: J'aurais une question, M. le Président, qui a
été déjà soulevée, mais...
Le Président (M. Saint-Roch): Question d'ordre technique,
M. le député de Dubuc, est-ce qu'il y a consentement pour que
nous puissions terminer l'intervention avec ces gens-là?
M. Lincoln: Oui, d'accord.
Le Président (M. Saint-Roch): Avec consentement, M. le
député de Dubuc.
M. Desbiens: Je n'ai pas retracé l'endroit dans votre
mémoire, mais vous parlez des moyens biologiques, bien sûr,
à utiliser pour combattre, par exemple, les insectes ravageurs comme la
tordeuse. Est-ce qu'il y a, à votre connaissance, des études
probantes qui nous indiquent, par exemple, quels peuvent être les
résultats de laisser, d'une part, la tordeuse épuiser son cycle
de façon naturelle ou d'utiliser, d'autre part,
des procédés chimiques ou même le B.t.? Est-ce qu'il
y a eu des études aux États-Unis ou ici qui vous permettent de
vous prononcer là-dessus?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Lauzon.
M. Lauzon: II est évident qu'on ne dit pas... Ce qu'il
faut c'est je ne pas lutter contre l'insecte. Vous avez deux questions, je vais
répondre à la deuxième après. Concernant
l'établissement de la lutte biologique, cela fait recours à
plusieurs méthodes d'intervention dont, admettons, la pierre angulaire
est la prévention. Au lieu d'avoir des méthodes curatives, on
aurait des méthodes préventives, c'est-à-dire qu'il ne
faut pas favoriser les peuplements "surâgés" de sapins et
d'épinettes, par exemple. Toutes les méthodes qui vont favoriser
cela, il faut les éviter parce que la tordeuse, elle, aime les
peuplements de sapins et d'épinettes "surâgés". Donc, un
coup qu'on a établi ces méthodes préventives qui peuvent
être à différents niveaux - on ne rentrera pas dans les
détails - un coup qu'on a appliqué cela, peut-être qu'il y
a lieu de favoriser des populations naturelles qui, déjà,
contrôlent les tordeuses des bourgeons de l'épinette. Si on a un
bon moyen de dépistage, aux cas limites, quand on voit qu'il y a une
infestation qui part, il y a peut-être moyen, là, de faire une
intervention avec des pesticides, mais sur des petites superficies pour essayer
d'enrayer l'épidémie au moment même où elle pourrait
commencer. On ne l'a jamais essayé, mais il y a peut-être moyen
d'y arriver. Cela fait partie des outils de ce qu'on appelle la lutte
biologique, mais c'est passé très rapidement; vous lirez le
document, c'est plus complet.
En ce qui concerne la perte de bois, je n'en ai pas parlé tout
à l'heure. On dirait que, lorsqu'il y a un insecte ravageur qui passe,
cela stérilise la forêt; il n'y a plus d'arbres. Bien, c'est la
troisième épidémie qu'on a dans le siècle
présent et on a encore de la forêt et on la coupe, hein! Ce dont
je me rends compte, c'est que la stérilisation du sol se fait quand les
hommes rentrent dans la forêt et la coupent sur de grandes
étendues; cela ne repousse pas en arrière. Selon Flanagan, en
1976, après le passage d'une épidémie de tordeuses des
bourgeons de l'épinette, dans une forêt naturelle où on n'a
pas eu d'interventions chimiques ou biologiques contre elles, où on n'a
pas lutté contre elles, quinze ans après le passage de la
tordeuse, vous avez en termes de biomasse, c'est-à-dire de masse de
matière ligneuse dans la forêt, la même quantité
qu'avant. Et lui préconisait ou supposait dans cette perspective que la
tordeuse des bourgeons de l'épinette était, à la limite,
un superaménagiste. Tout ce qu'elle faisait, c'est qu'elle tuait les
peuplements "surâgés" pour permettre aux peuplements qui sont en
dessous, les jeunes, de pousser. Donc, si la forêt n'était pas
coupée, elles, ce qu'elles faisaient, c'est qu'elles tuaient les
peuplements "surâgés" et cela donnait une chance aux jeunes
peuplements qui étaient en sous-bois de reprendre. Mais là, la
régénération naturelle est là. On n'est pas
rentré avec de la grosse machinerie pour couper et que les nappes
phréatiques remontent et que cela ne repousse plus.
Le délai dont vous parliez entre le passage et le non-passage de
la tordeuse, l'effet se voit à peu près sur quinze ans. Quand on
a dit qu'on a perdu 50 000 000 de cordes de bois, comme si c'était une
perte absolue, ce n'est pas vrai, ça. La forêt en a encore cette
année. Cet été, elle va reproduire, elle va
recroître. Elle n'est pas morte ad vitam aeternam. Il y a eu une perte,
évidemment, factuelle sur le coup, mais cette perte a été
absorbée dans le temps, ce n'est pas une perte absolue. C'est cela, la
nuance qu'il faut avoir.
Et, lorsqu'on parle de carence d'approvisionnement - je n'en ai pas
parlé tantôt - de manque de bois, lorsqu'on dit qu'on va manquer
de bois, je pense qu'il faut faire une dichotomie et, cela, le ministère
de l'Énergie et des Ressources ne l'a jamais fait. On va manquer de
bois, oui, pour le sciage; pour la pâte et le papier, il ne manque pas de
bois. La pâte et le papier pourraient prendre des jeunes peuplements, des
peuplements de transition. Par exemple, un peuplement qui a 30 ans dans une
sapinière, c'est un jeune peuplement. Une pépinière
mature, cela a 50, 60, 70 ans. Vous avez la même biomasse, vous avez la
même quantité de fibres ligneuses dans un peuplement de 30 ans que
dans un peuplement mature. Cela veut dire qu'on a deux fois plus de bois,
théoriquement pariant, juste en considérant l'âge des
forêts; on a deux fois plus de bois que ce qu'on estime par rapport
à nos ruptures de stock. La rupture de stock, elle est vraie,
concrète; il y a déjà des gens qui ont ce
problème-là dans différentes régions du
Québec pour le sciage. Et ce n'est pas parce qu'on replante 250 millions
d'arbres cette année qu'on va faire du 2" X 8" dans quinze ans. Dans
quinze ans, le sciage, il va être à terre. Ce qui fait que le
programme d'aménagement forestier qu'on fait actuellement en reboisant
partout, comme cela, ce sont des arbres qui vont se retrouver dans la
déchique-teuse pour la pâte et le papier dans 30 ans. C'est
ridicule!
Si on fait ces plantations-là pour consolider notre sciage dans
70 ans, peut-être que cela vaut la peine; sinon, cela ne vaut même
pas la peine de faire ce qu'on fait là, parce qu'on va la perdre,
l'industrie du sciage, de toute façon, on n'a pas le choix. Les arbres
diminuent en diamètre, on a trop coupé et, finalement, les arbres
à fort diamètre, il y en a de moins en moins. L'industrie du
sciage va baisser, en tout cas, va être en perte de vitesse
énormément, d'ici à l'an 2000 ou 2005.
Si on veut faire de l'aménagement, on en fait pour l'un ou pour
l'autre, mais on ne fait pas un aménagement global parce qu'on a
besoin
de volume de bois, comme si tout le bois était utilisé de
la même façon. Il faut vraiment séparer ces deux
paramètres-là en termes d'allocation: sciage et pâte et
papier, et on va voir que la problématique de l'allocation des bois
deviendra plus claire, et que les carences d'approvisionnement s'estomperont en
mosus. Sauf qu'on se rend compte que le sciage, il n'y en aura plus.
Il y avait un détail, M. le Président, sur lequel on
voulait parler. C'est sur les contrats d'approvisionnement et
d'aménagement forestier. Quand on en a discuté au Regroupement
pour un Québec vert, on se disait: Voyons, qu'est-ce que l'unité
de superficie? Est-ce 500 hectares ou 550 hectares? Si jamais un CAAF c'est
comme cela, cela va passer outre aux exemptions de la Loi sur la qualité
de l'environnement en ce qui concerne les arrosages. On se rend compte que la
loi 150, par l'octroi de CAAF, qui sont des contrats d'approvisionnement et
d'aménagement forestier... Nous autres, nous nous interrogeons beaucoup
sur la superficie de ces unités territoriales. Parce que, sinon, on va
morceler le territoire en petites superficies inférieures à 600
hectares et à ce moment-là on pourra s'exclure du processus
d'audiences publiques et d'études d'impact. On se disait cela, mais on
ne l'a pas inséré dans le mémoire parce qu'on pensait que
c'était juste une utopie. Mais quand on lit, comme dans Le Devoir
de ce matin, que, déjà, les compagnies le faisaient en ne
prenant que 595 hectares pour passer outre à la loi, on se dit que
peut-être on aurait dû le mettre dans le mémoire et qu'on
avait raison. Merci, M. le Président.
M. Charbonneau: Juste pour remercier, M. le
président..
Le Président (M. Saint-Roch): Très
brièvement, M. le député de Verchères.
M. Charbonneau: À l'instar du ministre de l'Environnement,
je voudrais également, en tant que membre de l'Opposition, remercier les
représentants du Regroupement pour un Québec vert de leur
mémoire, d'autant plus méritoire qu'il est fait à partir
de ressources bénévoles, qui ne sont pas faciles à
organiser et à orchestrer, surtout quand ces ressources-là
viennent de différents coins du Québec et que... Ce que j'ai a
déplorer d'une certaine façon, c'est encore l'espèce de
clivage, de manque de crédibilité qu'on sent, peut-être pas
de la part du ministre de l'Environnement, mais de la part de son
collègue et peut-être de certaines personnes qui vont revenir par
la suite devant nous, cet après-midi. Juste à voir certains
sourires tantôt lors de votre présentation, cela me dit qu'il y a
encore une marge énorme entre les tenants de la thèse que vous
défendez et les tenants de la thèse qui est défendue
actuellement par l'industrie forestière en général. Et ce
qu'on peut souhaiter, c'est qu'on trouve le moyen de faire en sorte que, dans
ce domaine-là, dans le secteur forestier, comme on l'a trouvé
peut-être dans d'autres domaines à l'égard de
l'environnement, des gens acceptent de s'asseoir ensemble et de réviser
des approches en tenant compte de perceptions ou de points de vue qui sont
peut-être moins "flyés" qu'ils ne paraissent l'être en
réalité.
Continuez votre travail et comptez sur nous pour considérer avec
attention les points de vue que vous allez véhiculer.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Verchères. M. le ministre, de brèves
remarques en conclusion.
M. Lincoln: Oui, merci beaucoup au Regroupement pour un
Québec vert, c'est un mémoire étoffé qui va nous
donner beaucoup à réfléchir. Je pense que je vous l'ai
déjà dit, donc, je ne vais pas vous le réitérer.
Pour ma part, au contraire, je vais m'associer à toutes les paroles du
député de Verchères, excepté celles par rapport
à mon collègue. On partage des points de vue différents
sur certaines choses. C'est pour cela qu'il y a des collègues,
autrement, il y aurait un seul ministre dans le gouvernement et il y aurait un
genre de dictature où une personne aurait des idées qui vont
dominer.
Moi, je pense qu'il est bon dans la société d'avoir des
points de vue divergents et différents sur beaucoup de choses. C'est
ainsi que le consensus se fait et qu'il représente un consensus de
société. Parce que mon collègue et moi, mes
collègues ici, là-bas, on représente la
société au sens large. Ce n'est pas une société
uniforme, ce n'est pas une société à une seule vue. Moi,
je partage de beaucoup le point de vue de l'environnement dans toutes ces
questions-là naturellement. C'est ma préoccupation constante,
parce que j'y crois fermement.
Mais d'autres aussi le partagent de façon différente. Il
faut essayer de se convaincre chacun, l'un et l'autre. Par rapport à mon
collègue, par exemple, c'est lui qui m'a cédé une grosse
partie de ce qui va venir, la réserve Matamic, qui va être une des
plus grosses réserves écologiques au monde. C'est grâce
à son intervention parmi les compagnies papetières qu'on a
réussi cela.
Dans toutes ces choses, je pense que c'est l'idée d'une
commission parlementaire, qu'on vienne se parler franchement, échanger
des idées afin que, comme l'a souligné le député de
Verchères, le consensus se fasse le mieux possible pour la
société. Merci beaucoup d'être venus.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. Je
tiens à remercier le Regroupement pour un Québec vert de
l'éclairage apporté aux travaux de cette commission.
Sur ce, la commission de l'aménagement et
des équipements suspend ses travaux jusqu'à 16 heures, cet
après-midi.
(Suspension de la séance à 13 h 11)
(Reprise à 16 h 55)
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de l'aménagement et des équipements
reprend maintenant ses travaux pour poursuivre sa consultation
particulière sur le document intitulé "Politique d'utilisation
des pesticides en milieu forestier". Je m'aperçois que les gens de
l'Association des industries forestières du Québec ont pris
place. Je demanderais maintenant au porte-parole de bien vouloir s'identifier,
ainsi que les membres qui l'accompagnent, pour le bénéfice des
membres de la commission.
Association des industries forestières du
Québec
M. Duchesne (André): Mon nom est André Duchesne. Je
suis président et directeur général de l'Association des
industries forestières du Québec. L'association est
représentée cet après-midi par le président du
conseil d'administration, M. Bill Martin, vice-président des ressources
naturelles chez CIP inc., et par un des vice-présidents du conseil
d'administration, M. Guy Dufresne, premier vice-président du Groupe
pâtes et papiers - Amérique du Nord - Consolidated-Bathurst inc.
Il y a deux autres personnes à la table avec nous: le Dr Donald J.
Ecobichon, toxicologue au département de pharmacologie de
l'Université McGill, à l'extrême gauche, et M. Gilles
Shooner, biologiste, de Gilles Schooner et associés.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. Vous
disposez maintenant de vingt minutes pour présenter votre mémoire
à la commission.
M. Duchesne: Merci, M. le Président. MM. les ministres et
MM. les membres de la commission, les membres de l'Association des industries
forestières du Québec sont heureux de l'occasion qui leur est
offerte de présenter à la commission leur point de vue sur
l'utilisation des pesticides dans le milieu forestier.
L'Association des industries forestières du Québec
représente la presque totalité de l'industrie des pâtes et
papiers et près du tiers de l'industrie du sciage au Québec. Ses
membres comptent pour plus des deux tiers du chiffre d'affaires global et pour
près des quatre cinquièmes des exportations de l'ensemble des
industries forestières du Québec. De plus, l'industrie
papetière, comme vous le savez, a une grande importance pour le
développement régional, puisqu'elle réalise chaque
année la moitié de tout l'investissement manufacturier au
Québec en dehors de la région de Montréal. C'est donc une
industrie colossale, mais aussi une industrie vulnérable. Elle devra
dépenser chaque dollar avec beaucoup de sagesse. Comme vous le voyez,
son rendement n'atteint pas celui de l'ensemble des industries
manufacturières, malgré deux cycles à la hausse dans la
période des dix dernières années qui est couverte par ce
graphique. Nous croyons donc qu'une protection adéquate des forêts
est essentielle pour l'industrie, non seulement pour protéger les
investissements en sylviculture qui sont faits sous le coup du nouveau
régime forestier, mais aussi pour protéger ceux,
réalisés en usine, qui sont encore plus importants. Du même
coup, ce sont tous les autres usages de la forêt, comme la faune et la
récréation, qui se trouveront aussi sauvegardés.
Ce qu'on vous dit, c'est qu'il n'y a aucun doute, M. le
Président, que tout le Québec préfère ceci à
ceci. Il ne s'agit donc pas de protéger seulement des valeurs
économiques, c'est l'écologie, la faune, la flore, la
beauté de la forêt qui ont besoin d'une protection
adéquate. Pour faire cela, il n'est pas nécessaire d'arroser de
tout bord tout côté, à tort et à travers, comme on
tente de caricaturer la position de l'industrie quelquefois.
L'Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers a
évalué à seulement 2 % de l'utilisation totale la
quantité de pesticides utilisés en foresterie au Canada. De
telles applications sont presque toujours réalisées par des
experts. D'ailleurs, l'AIFQ appuie les exigences de compétence qui sont
prévues dans la Loi sur les pesticides qui a été
présentée et adoptée sous l'instigation du ministre
Clifford Lincoln.
Les pesticides sont donc pour nous des outils nécessaires et
essentiels pour lutter efficacement contre les ennemis d'un sain
aménagement forestier comme la tordeuse des bourgeons de
l'épinette et comme la végétation qui étouffe la
régénération désirée. Quelque part en
dessous, il y a un plan de résineux.
Ce que l'AIFQ propose donc à cette commission, c'est une approche
rationnelle et efficace qui tienne compte de la réalité actuelle
et intègre la protection de l'environnement et de la santé. C'est
une proposition qui est conforme à la stratégie nationale pour le
secteur forestier canadien, qui a été adoptée par le
Conseil canadien des ministres des forêts en juillet 1987. Pour
rédiger cette position, l'association a consulté le Dr D. J.
Ecobichon, toxicologue, et M. Gilles Shooner, biologiste. Le premier a
développé une grande expertise dans le dossier des pesticides,
notamment au Nouveau-Brunswick et ailleurs au Québec. Le second a aussi
une longue expertise en environnement.
Pour bien saisir l'importance cruciale d'une protection efficace de la
forêt, II est utile de rappeler la situation qui prévalait au
moment de l'adoption de la Loi sur les forêts. L'allocation
de près de 34 000 000 de mètres cubes excédait
carrément la possibilité de 18 600 000 en sapins,
épinettes, pins gris. On a alors décidé de hausser la
possibilité à 25 400 000 mètres cubes grâce à
des travaux sylvicoles dont le coût total annuel excède 150 000
000 $. Mais la partie n'est pas gagnée pour autant. En effet, la
récolte qui est en moyenne de 21 000 000 de mètres cubes depuis
1979 a, vous vous en doutez bien, tendance à augmenter. Le Québec
se voit donc déjà forcé de refuser des projets
d'investissement et les emplois qui en découlent, faute de bois pour
approvisionner à long terme les usines nouvelles ou agrandies. Or, le
contrôle des épidémies permet de protéger la
forêt à un coût très faible par rapport au coût
de la sylviculture nécessaire pour remplacer la forêt
détruite, et à un coût encore plus faible par rapport
à la valeur ajoutée par la transformation. Une bonne protection,
c'est une stratégie gagnante pour le Québec. Le gouvernement a
reconnu ces faits puisque nous sommes ici aujourd'hui. Reste à voir si
l'une des deux options proposées à la présente commission
parlementaire est susceptible de régler notre problème.
L'option recherchée doit permettre à chacun des trois
principaux intervenants dans ce dossier de remplir efficacement son rôle.
Personne ne conteste le rôle du ministère de l'Environnement. Mais
celui-ci ne doit pas empêcher le ministère de l'Énergie et
des Ressources d'accomplir le sien ni l'industrie de remplir sa fonction dans
le système. C'est pourquoi l'Association des industries
forestières du Québec s'oppose formellement à la
première option proposée, c'est-à-dire le programme de
cinq ans d'utilisation des pesticides dans le cadre de la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement. Cette option
est incompatible avec les articles 51 et 52 de la Loi sur les forêts,
à moins que le ministre de l'Environnement ne soit aussi chargé
de l'application de cette loi, ce qui n'est pas le cas, à notre
connaissance. De plus, cette option conduirait à des coûts
importants, tant pour le gouvernement que pour l'industrie, et elle se
heurterait au problème, qui est encore sans solution, de la
prédiction des épidémies. La Loi sur les forêts, il
faut le rappeler, prévoit déjà les mécanismes
nécessaires pour élaborer une stratégie
d'aménagement forestier qui tienne compte, à long terme, de
l'ensemble des sujets que veut discuter la première option.
La loi prévoit aussi la présentation par l'industrie et
l'approbation par le ministère de l'Énergie et des Ressources de
plans quiquennaux pour chaque contrat d'approvisionnement et
d'aménagement forestier qu'on appelle les CAAF dans notre jargon. La loi
prévoit enfin l'émission de permis d'intervention par le MER
avant que l'industrie n'applique son plan annuel d'intervention. Tous ces
documents sont publics. Le mécanisme qui est déjà en place
permet la consultation ministérielle à tous les niveaux et permet
notamment l'émission des permis qui relève de l'autorité
du ministère de l'Environnement. La mise en place de la première
option rendrait donc inapplicable la partie de la Loi sur les forêts en
question, en lui substituant la procédure de l'étude
d'impact.
Si on se place au strict point de vue de la production de matière
ligneuse, les interventions qu'on pourrait retrouver dans les plans
d'aménagement font partie d'un cycle continu dont la protection
constitue un élément vital. L'utilisation de pesticides à
cet effet, loin d'être une fin en soi, est donc simplement un outil qui
ne touche qu'un petit nombre des activités susceptibles de faire partie
de la stratégie d'aménagement qui sera retenue pour chacun des
contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier en vertu de
l'article 51 de la Loi sur les forêts. Ces rares activités, je les
ai soulignées d'un point rouge dans une revue non exhaustive des
interventions possibles que je vais faire avec vous. Lors de la récolte,
évidemment, il n'y a pas de point rouge, il n'y a pas de pesticide.
Si on est obligés de recourir à de la
régénération artificielle, pesticides dans le cas de
débroussaillage sur certains sites, la production de plants en
pépinière - c'est un cas particulier - se fait dans un endroit
très restreint en superficie et, évidemment, on en utilise. Au
niveau de l'entretien et de la culture des peuplements, un cas: le
contrôle de la compétition après l'établissement des
jeunes peuplements, soit naturel, soit artificiel; cela n'est pas
nécessaire partout. Par contre, la protection, elle, est
nécessaire, comme on l'a vu tantôt, sur l'ensemble du cycle, mais
elle n'est nécessaire qu'à l'occasion. Encore faut-il souligner
que la protection des arbres contre les maladies, en dehors des
pépinières, cela ne fera vraisemblablement pas partie de la
première vague de plans quinquennaux. On n'est pas rendus là,
loin delà.
Alors, c'est dans ce contexte-là, M. le Président, que
l'Association des industries forestières du Québec recommande le
choix de la seconde option proposée, c'est-à-dire l'usage du B.t.
et du glyphosate sans nouvelle étude d'impact, et suggère du
même coup d'améliorer cette option. D'abord, à notre avis,
il est très important d'y ajouter une stratégie visant à
réduire les superficies à traiter pour lutter contre les insectes
ravageurs. Cela va réduire d'autant les quantités d'insecticide
utilisées. Ensuite, il faut laisser aux producteurs de pesticides la
possibilité d'améliorer leurs produits en limitant aux seuls
aspects environnementaux les études d'impact sur les nouveaux
produits.
Pour réduire les quantités d'insecticide à
utiliser, l'AIFQ recommande d'appliquer, pour la lutte contre les insectes, la
même stratégie gagnante qui a été
développée au Québec pour contrôler les incendies
forestiers: une prévention soutenue, une détection précoce
puis une intervention prompte et efficace. Ces mêmes principes peuvent
être appliqués avec succès dans la lutte
aux insectes ravageurs. En fait, plusieurs éléments d'une
telle stratégie sont déjà en voie d'être mis en
place. Le nouveau régime forestier, en incitant les entreprises à
maintenir la forêt en santé par une sylviculture
appropriée, en mettant en vigueur les nouvelles modalités
d'intervention, constitue un mécanisme de prévention dont
l'efficacité ne peut qu'aller en s'accroissant.
Le réseau de pièges à phéromones, la
cartographie des peuplements les plus susceptibles d'être attaqués
par les insectes, la surveillance accrue des entreprises et du gouvernement,
tout cela nous garantit une détection précoce des
épidémies. Reste l'intervention, qui doit être prompte et
efficace comme pour le feu. À cet effet, l'AIFQ propose une action
à trois volets. D'abord, contre les insectes qui sont insensibles au
B.t. - il y en a deux sur les quatre qui nous préoccupent - et contre
les foyers d'infestation de moins de 600 hectares des
lépidoptères, comme de la tordeuse des bourgeons de
l'épi-nette, l'AJFQ recommande un arrosage initial unique au
fénitrothion. Ensuite, contre les épidémies
établies de tordeuses des bourgeons de l'épinette, qui,
malheureusement, pour le proche avenir, risquent fort de constituer encore les
seules superficies importantes à traiter, l'AIFQ recommande l'arrosage
au B.t. dans l'objectif qui a été utilisé jusqu'à
maintenant, c'est-à-dire de garder la forêt verte. Finalement,
contre les épidémies en régression et pour essayer
d'empêcher qu'elles ne reprennent du poil de la bête après
s'être presque complètement éteintes, l'AIFQ recommande,
dès que cela sera possible, par des techniques opérationnelles -
on est à la veille de cela - l'usage des phéromones. Les membres
de l'AIFQ sont convaincus qu'une stratégie comme celle-là
permettra d'éviter de répéter le désastre qu'a
constitué la dernière épidémie de tordeuses des
bourgeons de l'épi-nette. Je vous rappelle que, peu après sa
découverte, l'épidémie occupait, en 1969, quelques
milliers d'hectares dans l'Outaouais. En 1972, on avait environ le tiers de la
forêt productive du Québec qui était infesté; en
1975, jugez par vous-mêmes.
Le contrôle de la végétation concurrente, c'est un
tout autre contexte. Il ne s'impose que dans le cas où
l'établissement de la régénération est
menacé par la végétation concurrente. C'est un
problème qui ne se présente évidemment qu'une seule fois
par rotation, c'est-à-dire une fois tous les 50 ou 100 ans sur un site
donné. L'intervention peut être planifiée par l'industrie
jusqu'à un certain point. Elle peut être contrôlée
par le ministère de l'Énergie et des Ressources dans le cadre des
articles 51, 52 et 57 de la Loi sur les forêts. C'est le grand plan
général, le plan quinquennal et le plan annuel
d'intervention.
Dans tous les cas, la décision devra être prise sur le
terrain en fonction des particularités de chacun des sites
régénérés. Un guide de décisions, qui fixe
les normes à respecter et qui est relié au manuel
d'aménagement - ce guide d'aménagement est une partie
intégrante de chacun des contrats, donc c'est coercitif - constitue une
approche pratique que nous recommandons à l'usage des phytocides.
Évidemment, le MENVIQ pourrait participer très utilement à
la préparation de ce guide.
Tant pour les insecticides que pour les phytocides, le rôle du
ministère de l'Environnement demeure essentiel. Il demeure efficace
même s'il est intégré aux dispositions de la Loi sur les
forêts. D'ailleurs, le ministère de l'Environnement et d'autres
ministères travaillent déjà en collaboration avec le
ministère de l'Énergie et des Ressources dans les champs de leur
compétence commune. À notre avis, c'est le rôle du MENVIQ
que d'assurer la compétence des utilisateurs, tel que prévu dans
la Loi sur les pesticides, de contrôler l'utilisation des pesticides en
forêt, de permettre une attaque prompte contre les insectes avec
l'insecticide approprié parce que cela minimise les quantités
utilisées, de fournir au ministère de l'Énergie et des
Ressources une critique de la planification quinquennale en ce qui a trait aux
pesticides et de faire modifier ces plans quinquennaux si c'est
nécessaire pour la protection de l'environnement, d'émettre les
permis d'intervention annuels requis, après s'être assuré
de leur conformité au guide d'utilisation, et, évidemment, de
contribuer au développement de meilleurs produits.
Ce que l'on cherche à faire, M. le Président, sous le
nouveau régime forestier, c'est d'accroître la production de nos
forêts d'au-delà de 40 %; sans cela, la forêt
québécoise ne peut même pas suffire aux besoins actuels des
usines. Il serait naïf de croire que planter 250 000 000 ou 300 000 000
d'arbres par année réglera tous ces problèmes
d'approvisionnement. Il nous faut dorénavant cultiver la forêt du
Québec et la protéger contre les fléaux naturels pour
qu'elle continue de nous offrir tous ses bienfaits qui vont de la
matière ligneuse à une faune abondante, une eau pure et des
paysages merveilleux.
M. le Président, au nom des membres de l'Association de
l'industrie forestière du Québec, je remercie la commission de
nous avoir entendus. Nous sommes maintenant disposés à
répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Duchesne. M. le
ministre.
M. Lincoln: M. Duchesne et MM. les membres de votre association,
tout d'abord, je voudrais m'excuser, et je pense que mon collègue de
l'Opposition vous dira la même chose. Nous avions une motion en Chambre
et, après, on a été pris dans une ou deux urgences. Je
m'excuse du retard et de vous avoir fait attendre. Je voudrais vous remercier
de votre mémoire. Il est clair que votre association représente
l'industrie forestière dans son sens le plus large et que votre
mémoire est indicatif de la pensée de
l'industrie dans ce domaine qui est critique pour vous comme pour nous,
et que les décisions que l'on prendra affecteront chacun d'entre nous,
dans la mesure où on ira aussi loin que vous, de façon
différente, et dans une perspective qui veut concilier les
préoccupations environnementales et les préoccupations
économiques qui sont très clairement exprimées dans votre
présentation. (17 h 15)
Je réalise que le sens de votre mémoire est de dire: Toute
option qui prévoira une étude d'impact de l'environnement et des
audiences publiques, vous ne trouvez pas cela acceptable. Vous
préférez l'option qui suggère d'utiliser le B.t. et le
glyphosate. Vous allez même plus loin et vous dites: Certains autres
produits devraient être acceptés selon certaines balises. Je
voulais vous demander en premier lieu si l'un des facteurs qui vous fait
refuser le système d'audiences publiques, de consultation publique et
d'étude d'impact pour un programme de cinq ans, c'est de dire: D'abord,
cela ne se concilie pas avec certaines dispositions clés. Je pense aux
articles 52 et 53 de la Loi sur les forêts. Deuxièmement, cela
poserait des problèmes immenses par rapport aux urgences. Ce serait
très difficile d'aller en étude d'impact. Ce serait très
coûteux pour un programme de cinq ans.
En premier lieu, brièvement, le programme que vous
présentez au ministère des Forêts, n'est-ce pas un
programme de cinq ans? Est-ce que tout n'est pas agencé selon une
programmation quinquennale par rapport à l'aménagement de la
forêt et à tout le programme forestier?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.
M. Duchesne: II ne faudrait pas se mêler, M. le
Président. Moi, c'est Duchesne.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Duchesne, je
m'excuse.
M. Duchesne: M. Dufresne est à côté. Ce sont
deux bois durs, mais ils sont différents.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Duchesne: M. le ministre, ce que prévoit l'article
51...
M. Lincoln: L'article 52.
M. Duchesne: ...de la Loi sur les forêts, c'est bien un
plan général d'aménagement forestier pour chacune des
unités d'aménagement, c'est-à-dire pour chacun des
contrats qui seront signés, qui ont commencé à être
signés en fait, par l'industrie avec le ministère de
l'Énergie et des Ressources. Je ne veux pas vous relire le texte de
l'article 51...
M. Lincoln: Non, non, non.
M. Duchesne: ...mais ce que vous retrouvez dans les obligations
à préparer comme stratégie générale
d'aménagement, c'est exactement la description de la stratégie
générale d'aménagement qui est dans le document de support
pour cette commission parlementaire. Ce document est déjà
demandé par la Loi sur les forêts. Il va être
réalisé pour chacun des contrats avec des délais qui sont
prévus par cette loi dès le moment où le contrat est
signé. C'est un document qui va devenir automatiquement public puisque
la loi prévoit que tout le contrat et tout ce qui va avec, c'est public.
C'est un document auquel vous-mêmes avez accès au moment de la
rédaction. La discussion de la stratégie se fait à ce
moment-là, mais ne se fait pas en même temps pour tout le monde
parce que les contrats se signent, comme vous le savez, sur une période
initiale de trois ans. Cela va continuer à se disperser dans le temps.
Alors, si toute cette stratégie, qui sera éventuellement
validée par le ministre de l'Énergie et des Ressources et le
ministre délégué aux Forêts, est remise en question
par l'étude d'impact quinquennale que propose l'option 1, on va passer
notre temps à essayer de faire coïncider l'un avec l'autre. Il va
falloir choisir de quelle façon on va fonctionner. Nous ne voyons pas
d'avantages à essayer de mêler toutes les cartes en faisant un
grand plan qui essaierait d'englober tout le système et qui essaierait
de prévoir l'imprévisible quand on a des dispositions de la loi
qui existent pour tout l'aspect prévisible et qui permettent que vous
exerciez ou que votre ministère exerce son mandat de protection de
l'environnement.
La Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.
M. Lincoln: Mais pour revenir aux études d'impact, nous
avions mis cinq ans comme barème par rapport, je pense, à
l'article 52 de la Loi sur les forêts. Mais laissons la question de trois
ans, quatre ans, cinq ans, six ans. Le principe même de la chose, le
principe de l'étude d'impact... Vous avez apporté
différentes raisons pour dire que l'étude d'impact serait
impossible, mais par rapport à l'urgence, par exemple, qui a
été une des raisons que mon collègue des Forêts m'a
citées, dans le document de politique, nous avions fait une
prévision pour dire qu'il faudrait prendre en compte, si nous
élaborions un système de présentation d'un programme
global pour être soumis à une étude d'impact, il est
évident qu'il faudrait, au sein de ce programme, prévoir des
mécanismes pour les urgences. Je pense qu'en page 69 de notre document
de politique, il y a une mention de cela. Si, par exemple, on pouvait
prévoir un mécanisme pour tenir compte des urgences, si on
pouvait concevoir une politique d'étude d'impact et que le public
pouvait savoir, sur une base de trois, quatre ou cinq ans, quels sont vos
programmes par rapport à leurs impacts
environnementaux, au sens de la Loi sur la qualité de
l'environnement, et qu'au lieu du mécanisme actuel, selon lequel chaque
fois que vous avez besoin d'arroser plus de 600 hectares, vous êtes
obligés d'aller aux études d'Impact, il y ait un programme de
détection des tordeuses et autres insectes ravageurs qui peuvent
provoquer des épidémies - mon collègue
délégué aux Forêts me dit qu'il y a maintenant 500
stations, que ce n'est pas assez, que c'est minimal et qu'il faudrait beaucoup
plus de stations de détection et de prévention - est-ce que ce
serait possible de concevoir un programme d'ensemble qui serait
présenté à une audience pour consultation, allié
à un programme de détection beaucoup plus poussé dans le
milieu forestier pour prévenir les épidémies et un
mécanisme qui permette en même temps, en cas
d'épidémie imprévisible, de réagir? Je
prévois qu'il faudra avoir cela. Est-ce que, dans ces circonstances,
vous iriez toujours à rencontre du principe des études d'impact
et des audiences publiques?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.
M. Dufresne (Guy): Je pense, M. le ministre, qu'on peut regarder
cela dans un certain contexte. Le principe d'une étude d'impact, je
comparerais cela un peu, si vous voulez, à la médecine. Toute
comparaison est boiteuse, mais je pense qu'elle illustre le point. Quand il y a
un cancer, c'est toujours mieux de le traiter tout de suite de façon
intense pour essayer de l'enlever. L'étude d'impact qui se fait sur les
médicaments est semblable à ce qui se fait sur les produits qu'on
utilise pour en connaître l'impact sur la santé et les effets sur
cela. Sur ce genre de choses, sur l'application ou l'usage d'un tel produit,
que ce soit en médecine, en agriculture ou en foresterie, je pense qu'il
va de soi que ce principe doit continuer. C'est déjà fait, cela
fait déjà partie des lois ici au Canada et c'est fait de
façon très rigoureuse. Mais là où il y a urgence,
c'est qu'une fois qu'on a détecté la maladie, une fois qu'on a
détecté, dans notre cas, l'infestation; elle est en toute petite
quantité. J'ouvrirais une parenthèse ici pour dire qu'on a besoin
de plus de centres de détection, c'est l'essence même de notre
mémoire. Le Québec est champion dans le domaine du feu. Il y a en
moyenne cinq pays qui viennent voir ce qu'on fait au Québec pour
détecter le feu, parce qu'on attaque le feu aussitôt qu'il
commence. On ne se demande pas si on doit, on sait qu'il faut l'attaquer. C'est
la même chose du côté de la médecine. Cela limite la
quantité de médicaments à prendre par le patient. On pense
que c'est le même genre de stratégie qu'on doit utiliser pour
protéger la forêt, c'est-à-dire qu'aussitôt qu'on
voit quelque chose, on doit y aller de façon, comme on dit,
concentrée sur ce petit noyau, de façon qu'on puisse
éventuellement éviter l'application d'insecticides à la
grandeur et non pas se demander si cela va avoir un impact. On sait que tel
genre d'application a normalement les mêmes effets, qu'on l'applique
à un endroit ou à un autre. C'est de cette urgence-là
qu'on essaie de vous parier et on pense qu'on a trouvé un
mécanisme qui va nous permettre d'être dans la protection des
forêts les champions comme on l'est dans la protection contre le feu.
M. Lincoln: Mais si, par exemple, aux raisons pour lesquelles
vous vous opposez à un système d'étude d'impacts et
d'audiences publiques, aux trois raisons fondamentales que vous avez
données, on vous donnait des réponses qui éliminaient ces
raisons, que vous resterait-il pour ne pas vouloir vous soumettre aux
études d'impact sur l'environnement? C'est ce que j'ai envie de
savoir.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.
M. Dufresne: Si on se fonde sur l'expérience
passée, et là je vais caricaturer, la première
année, on s'apercevait qu'il y avait des insectes. On regardait pour
voir si, la deuxième année, il y en avait plus. La
troisième année, on prenait les moyens, les dispositions. Tout ce
mécanisme-là faisait que, quand on arrivait, les arbres ou la
forêt étaient assez avancés. On a besoin, c'est cela
l'urgence, M. le ministre, de le faire dans une période très
courte. Et c'est cette urgence-là qui fait qu'en pratique, dans la
plupart des cas, il faut aller très vite. Ce n'est pas comme lorsqu'on
fait un plan quinquennal pour enlever la végétation
compétitive. On peut prévoir dans ces cas-là.
M. Lincoln: Non, mais c'est exactement là où on a
une mauvaise compréhension l'un de l'autre. Je fais une distinction
entre deux choses. Je parle d'un plan quinquennal pour l'arrosage des
forêts, pour justement permettre à des arbres de pousser à
l'état embryonnaire. Cela est une chose. Là, on parle de plan
quinquennal. Après cela, il y a l'urgence qui est causée par
l'épidémie. Vous dites que l'urgence qui est causée par
l'épidémie est une des raisons pour laquelle vous ne voulez pas
vous soumettre à une étude d'impact quinquennale pour votre
programme d'arrosage de pesticides. Si, par exemple, on pouvait régler
d'une façon ou d'une autre la question des urgences afin qu'on ait un
mécanisme qui nous permette d'intervenir vite, vous opposeriez-vous
à ce moment-là à un plan quinquennal d'études
d'impact pour le programme général?
M. Duchesne: M. le ministre, je ne sais pas si vous avez
constaté l'inefficacité des mécanismes d'urgence qui ont
existé jusqu'à maintenant. Vous aurez un exemple plus tard
aujourd'hui; il y a une des compagnies membres de l'AIFQ qui va vous donner un
exemple précis. Mais il y a eu une épidémie où vous
avez fini par autoriser, par intervention spéciale, un arrosage
d'urgence. Si
cela avait été fait d'urgence, on aurait arrosé
quelques milliers d'hectares. Au bout de trois ans, quand on a finalement eu
l'autorisation d'arroser d'urgence, on a arrosé 60 000 hectares. On dit
qu'avec une procédure comme celle-là qui prévoit
l'étude d'impact et des cas d'exception... Dans ce cas-là, on a
répandu plusieurs dizaines de fois plus de pesticides dans
l'environnement pour contrôler le même problème. C'est pour
cela qu'on a beaucoup de réticence à aller sur l'étude
d'impact dans le style de ce qui est présenté à la
commission parlementaire. Ce n'est pas sur la notion d'étude d'impact
qu'on en a, c'est sur la façon de l'utiliser pour regarder plus que le
problème concret qui nous préoccupe. L'étude d'impact pour
l'utilisation d'autres produits que ceux qui sont utilisés au
départ, qui est recommandée dans l'option 2, on n'a rien à
dire contre cela. Au contraire, on pense que c'est comme cela qu'il faut
procéder. Mais il faut partir quelque part et, à ce moment-ci, ce
qu'on propose à la commission parlementaire, c'est ce qui nous
paraît être le strict minimum pour être capable de
protéger nos forêts adéquatement dans les années qui
viennent.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.
M. Lincoln: Je vais laisser la parole à mon
collègue qui a des questions à poser; je ne veux pas prendre tout
le temps. Enfin, de ma perspective à moi, je vous donne mon point de
vue, pour moi, il est essentiel que nous ayons une approche où le public
ait une chance d'avoir son mot à dire, qui soit acceptée par le
public, qui représente un consensus. (17 h 30)
Je réalise que, de part et d'autre, il y a des choses à
corriger dans le processus, que dans la question d'intervention,
peut-être qu'on n'a pas agi assez vite parfois et qu'on est allé
trop loin une autre fois. Mais c'est justement la raison fondamentale dans mon
esprit, qui me pousse à dire: Raison de plus pour faire une étude
d'impact - les gens savent où ils s'en vont exactement, au moins dans
les grandes lignes, dans les principes - afin qu'on sache ce qui est permis, ce
qui n'est pas permis.
Ma dernière question a trait à l'homologation. Vous
touchez beaucoup dans votre rapport à l'homologation, comme si
c'était une garantie de sûreté des produits. À
travers le Conseil canadien des ministres de l'Environnement et des Ressources,
nous avons fait une étude de l'homologation et pour la première
fois - en janvier 1987, je pense - les trois ministres fédéraux,
celui de l'Agriculture, qui est le ministre responsable, et ceux de
l'Environnement et la Santé, se rencontraient officiellement pour
discuter de l'homologation. Tous les ministres provinciaux qui étaient
là, sans exception, ont critiqué la politique de l'homologation,
ont dit qu'il y avait des trous immenses par rapport au suivi de l'homologation
et que les provinces, qui étaient obligées d'administrer les
pesticides sur leur territoire, les opérations, n'avaient même pas
voix au chapitre, n'avaient aucune information au stade de l'homologation,
à tel point que le ministre fédéral de l'Agriculture, dans
une longue lettre de plusieurs pages, a admis plusieurs carences qu'il veut
corriger maintenant à travers le bureau fédérai de la
gestion des pesticides, qui travaille avec nous pour justement essayer
d'améliorer le processus de l'homologation parce qu'il y a tellement de
failles dedans. Il y a tellement de pesticides qui ont passé à
travers le filet et qui, maintenant, s'avèrent dangereux, mais
qu'à ce moment-là on prenait comme des pesticides sûrs.
C'est cela qui nous donne ces réticences. Si l'homologation était
quelque chose de tellement sûr et certain... Je sais qu'on dit qu'au
Canada on a une meilleure homologation qu'ailleurs, mais tout ça est
relatif, parce que je sais, pour avoir participé à ces
débats-là, que même les ministres fédéraux
admettaient la faille. Ceux de l'Environnement et de la Santé avaient
plusieurs questions à poser et c'est pourquoi tout ce processus s'est
enchaîné parce que l'homologation était tellement
déficiente au départ.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.
M. Dufresne: M. le ministre, je pense que l'homologation est
probablement l'endroit, comme mon exemple en médecine, où il faut
concentrer nos choses et voir. De ce côté-là, on est
d'accord avec vous qu'il faut essayer d'améliorer le plus possible
l'homologation tout en permettant quelque chose de pratique pour qu'on ait des
produits dans tous les secteurs qui soient les plus sûrs possible, tout
en aidant les industries, forestières ou agricoles, à avoir des
produits qui les aident à être plus productives. Je pense que vos
préoccupations rejoignent les nôtres et celles de l'association
pour qu'il y ait des progrès de ce côté-là. Si on a
un produit plus sûr et qu'on en contrôle bien l'application,
à mon avis, on va être capable d'en mettre moins et on va
être capable d'avoir des forêts plus en santé ou des
récoltes plus en santé, quelles qu'elles soient.
M. Lincoln: Mon temps est expiré, je pense. Alors, je vais
passer à mon collègue.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Verchères.
M. Charbonneau: Je voudrais remercier les représentants de
l'association pour le mémoire et la présentation très
claire qu'il nous ont faite. Je suis assez sensible, et mon collègue
aussi, à toute la question des problèmes qui sont posés
par l'urgence d'intervenir - l'exemple avec la médecine n'était
peut-être pas mauvais - et l'efficacité des interventions de
protection. Il ne s'agit pas juste d'agir d'une façon urgente, rapide,
il s'agit d'être efficace. Par ailleurs, il
faut être conscient qu'il y a des problèmes qui sont
liés aux conséquences de l'utilisation des produits que vous
utilisez ou que vous pourriez utiliser, et je pense que le ministre avait
raison, le Regroupement pour un Québec vert en a parlé ce matin
et on en a discuté avec eux, le problème de la garantie de ces
produits n'est pas un problème simple. Ce n'est pas un problème
qu'on peut élucider, qu'on peut écarter du revers de la main
facilement.
Par ailleurs, je crois qu'on a des acquis qui doivent être
protégés à l'égard de la participation des citoyens
dans le processus d'évaluation. D'abord, il y a des études
d'impact, puis après cela, il y a un mécanisme qui fait en sorte
que les citoyens sont en mesure de connaître ce qu'on va faire sur leur
territoire, sur leurs ressources, parce que, finalement ce sont des ressources
publiques, et les impacts que cela va créer à court et à
moyen terme.
Je me demande s'il n'y aurait pas une espèce de compromis qui
pourrait être élaboré entre les deux scénarios.
C'est clair que le scénario 1 parle d'un programme de cinq ans où
l'on aurait une superétude d'impact qui engloberait un peu tout, mais
qui, selon plusieurs, pourrait être difficilement opérationnelle
et lourde, d'une certaine façon, sans compter qu'elle serait
coûteuse. Je me demande si on ne pourrait pas garder le principe d'une
programmation quinquennale qui éviterait la répétition des
études d'impact - parce que c'était un peu cela l'objectif
d'avoir une programmation - mais plutôt qu'elle englobe l'ensemble de
l'industrie, pourquoi ne procéderait-on pas sur une base territoriale ou
encore sur une base d'entreprises ou de groupes d'entreprises qui pourraient
soumettre leurs possibilités d'intervention sur une période de
quelques années? J'imagine qu'une fois qu'on aurait évalué
le fonctionnement sur une base territoriale ou encore les prévisions
d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises, on pourrait être en mesure
d'agir d'une façon urgente, parce qu'on aurait eu, une fois les
autorisations données, la capacité de ne pas revenir avec des
audiences ponctuelles, mais d'utiliser les produits pour faire le travail.
Je me demande comment vous réagissez à cela et quelle
serait votre réaction si on englobait dans la réglementation non
seulement les arrosages aériens, mais l'ensemble des arrosages
terrestres. Je me rends compte d'une chose, c'est qu'on vise les arrosages
aériens ou l'utilisation des pesticides par voie aérienne, sauf
qu'on peut les utiliser autrement et que c'est parfois aussi dangereux ou aussi
lourd de conséquences. Je pense qu'on devrait couvrir l'ensemble des
produits et pas uniquement certains produits. Dans quelle mesure aussi ne
devrait-on pas distinguer - vous l'avez fait dans votre présentation et
je me demande si on ne devrait pas le faire également pour les
études d'impact - les objets? C'est différent, les produits et
les actions qu'on doit mener à l'égard des insectes ou des
maladies et celles qu'on doit mener à l'égard de la
végétation compétitive. Plutôt que de tout mettre
cela dans une espèce de superétude d'impact, si on ciblait, si on
disait: Sur une période de cinq ans, toute entreprise ou tout groupe
d'entreprises qu'on pourra identifier... ou sur une base régionale -
cela pourrait être une alternative - une région aurait à
soumettre un plan d'intervention particulier et différent, selon qu'on
s'intéresse aux insectes et aux maladies qui peuvent amener des
situations d'urgence ou à la végétation et qu'on couvre
l'ensemble des produits qu'on utiliserait, je me demande si on n'aurait pas
là une espèce de moyen d'intervention qui concilierait vos
besoins d'agir rapidement et l'intérêt d'agir rapidement. Ce n'est
pas seulement pour vos besoins, je pense que c'est pour les besoins de
l'ensemble de la société que l'on puisse agir rapidement et qu'on
ne laisse pas une épidémie se prolonger. Mais, en même
temps, qu'on ait une évaluation. Là, on vous dit: D'accord, vous
allez pouvoir agir rapidement dans les prochaines années, mais vous
allez nous dire, avant de partir, comment vous allez vous comportez quand cela
sera la situation à l'égard des insectes et des maladies, puis
comment vous allez vous comporter à l'égard de la
végétation compétitive, quels sont les produits que vous
allez utiliser. Finalement, que ce soit par voie aérienne ou par voie
terrestre ou par différents types d'intervention, on va savoir qu'il n'y
aura pas certains types d'intervention qui ne seront pas soumis à un
contrôle particulier. Dans le fond, on aurait un contrôle sur
l'ensemble de l'intervention et en même temps vous auriez, je pense, la
capacité, une fois qu'on aura fait la première évaluation,
que la première étude et que le premier "O.K." seront
donnés, une fois que cela sera fait... Je présume que, dans la
mesure où cela se ferait, s'il se développait des situations
d'urgence durant les années couvertes par la programmation ou
l'autorisation, vous auriez la capacité d'agir rapidement, parce que
vous nous auriez expliqué que si, dans les cinq ans qui viennent, il se
produit des situations d'urgence, vous allez intervenir de telle ou telle
façon, en utilisant tel ou tel produit et, quelle que soit la
façon dont vous allez les utiliser, vous allez nous expliquer et nous
donner les garanties que l'utilisation que vous allez en faire et que les
produits que vous allez utiliser vont permettre que les conséquences
soient contrôlées.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.
M. Dufresne: II faut diviser en deux parties. Vous avez la partie
qui permet à la forêt de croître; celle-là se
planifie dans les cinq ans. Je pense que M. Duchesne l'a mentionné,
c'est un genre d'intervention. La deuxième est difficile. Vous dites par
secteur, par compagnie. Demandez donc à un médecin dans votre
quartier de prédire combien il va y avoir de cancers, de jambes
cassées et autres, et quel va être... Il peut vous
dire comment il va traiter un cancer, mais il faut qu'il le voie en
premier et qu'il y aille tout de suite. Il va pouvoir vous dire comment il va
traiter la jambe cassée ou comment il va donner la pénicilline,
quelles vont être les conséquences, mais il ne peut pas vous dire
combien de cas de cancers il va y avoir dans un quartier donné. Il peut
le dire en général, mais il ne peut pas vous dire quand ils vont
arriver, à quel moment. C'est un peu le même genre de
parallèle; ce n'est pas exactement le même, mais c'est pas mal
près de cela.
M. Charbonneau: Je pense...
M. Dufresne: On fait la même chose avec le feu. On sait
à peu près où il va être. On a
développé un système pour prédire ces choses et on
le fait de la meilleure façon au monde. C'est ce genre d'intervention
qu'on a essayé de rendre de façon pratique pour minimiser les
interventions; minimiser les doses, comme en médecine. Le moins on prend
de pénicilline, le mieux c'est, c'est prouvé. Il s'agit d'essayer
de le faire avec de la prévention et de l'agissement rapide. Là
où il faut porter notre attention, c'est sur l'homologation, savoir que
le médicament qu'on emploie et que la méthode sont bons. C'est
là qu'il y a intervention. Une fois que c'est donné, il faut y
aller quand c'est prêt.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Verchères.
M. Charbonneau: Les maladies dont on parle, de deux choses l'une:
ou bien ce sont des problèmes que vous connaissez déjà et
pour lesquels vous avez déjà identifié des produits pour
les contrer, ou bien ce sont des maladies nouvelles, que vous ne connaissez
pas, et pour lesquelles il va falloir élaborer des produits. Je
présume, juste à votre réaction, que les maladies dans le
domaine forestier, vous les connaissez.
M. Dufresne: II reste des maladies et je ne suis pas forestier.
Le gros, c'est la tordeuse des bourgeons. Il y en a quelques autres. Les
compagnies vont vous donner des exemples très concrets, très
pratiques au cours de cette audience. Vous allez voir comment cela
été traité.
M. Charbonneau: On comprend. Disons que c'est la principale et
qu'il y en quelques autres. Mais une fois qu'on sait cela, qu'est-ce qui vous
empêche, sur une base prévisionnelle, de dire: Dans tel territoire
ou pour telle entreprise, voici la situation au moment où on vous
présente un plan? Il y a une détérioration dans telle ou
telle zone, c'est en progression, d'une part, et cela supposerait des actions
rapides pour l'éviter. Il y a des choses qui peuvent se produire dans
cette période. Dans le fond, il y a deux choses. Si on met une ligne
à partir d'aujourd'hui, il y a déjà des zones
contaminées, attaquées. Il y a des zones qui ne sont pas encore
attaquées et qui pourraient l'être éventuellement. Il
s'agit à la fois d'intervenir maintenant, le plus vite possible, dans
les zones qui sont déjà attaquées, comment on va le faire
avec quels produits et selon quelles méthodes, et de savoir comment on
va se comporter dans les années qui viennent, dans les zones qui ne sont
pas attaquées.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.
M. Dufresne: C'est une question de temps. Je comprends votre
souci, mais, une fois qu'on a découvert le cancer, il ne faut pas
essayer de faire un plan quinquennal pour attaquer le... Je caricature, mais il
ne faut pas trouver un plan quinquennal pour attaquer le cancer. Si on le voit,
c'est demain matin qu'il faut entrer à l'hôpital et s'organiser.
C'est la même chose si on voit qu'il y a une zone infestée. Au
lieu d'attendre que le cancer soit généralisé dans une
partie du corps ou dans tout le corps, pourquoi ne pas l'attaquer et essayer de
l'enlever dès qu'on le voit, si minuscule sort-il? C'est ce principe
qu'on essaie de faire comprendre.
M. Charbonneau: Si minuscule soit-il... Si je comprends bien la
loi actuelle, quand c'est bien minuscule, vous n'avez pas besoin d'étude
d'impact.
M. Dufresne: C'est pour cela qu'on se limite à 600. C'est
tout un défi pour l'industrie de se limiter à 600 hectares. Cela
veut dire qu'on a un système de détection très bon. Je
reviens à mon cancer. Si on était capable de le trouver
humainement dans une petite zone, cela serait pas mal mieux. C'est la
même chose.
M. Charbonneau: Vous vouliez ajouter... (17 h 45)
M. Duchesne: Oui, je voudrais ajouter quelque chose, M. le
Président. Le minuscule, M. Charbonneau, c'est effectivement ce qu'on
vise à atteindre. Dans ce cas-là, si on parle de la tordeuse,
à part le fait que c'est imprévisible de savoir qu'elle va
apparaître à un endroit donné, le produit
présentement autorisé, le B. t., n'est pas le produit
idéal pour la contrôler dans des superficies minuscules. C'est
pour cela qu'on a préconisé le fénitrothion, pour garder
cette superficie petite dès le moment de la détection.
Évidemment, quand on parle des phytocides, on parle d'une tout
autre façon de planifier. Autant on est totalement incapable de
prévoir les infestations d'insectes à ce stade-ci - je dis bien
à ce stade-ci parce que, dans le cas des feux, on a
développé des techniques qui sont presque de la prédiction
- et on peut espérer pouvoir faire la même chose pour les insectes
bientôt - autant il y a moyen de faire une certaine planification des
herbicides. Là, vous
nous partez du plan quinquennal. Effectivement, on peut mettre quelque
chose dans le plan quinquennal. Toutefois, il est impensable qu'on soit capable
de déterminer les sites particuliers dans le plan quinquennal. On sera
en mesure de vous dire: bien sûr, la superficie qu'on prévoit
traiter pendant le plan quinquennal - il y en a x %, par exemple, dont on est
sûr de ne pas avoir besoin et x % dont on pense avoir besoin à
coup sûr - et il va rester une grande zone où on ne saura pas. Ce
qu'on préconise, c'eât l'élaboration d'un guide de
décisions qui permettrait de dire: Oui, c'est le temps d'en utiliser et,
non, ce n'est pas le temps. Ce guide-là, encore une fois, ne serait pas
élaboré en secret.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Verchères.
M. Charbonneau: Ce qui est un peu agaçant dans ça,
c'est que, dans le fond, pour reprendre l'exemple de la maladie, cela
dépend de la dose que vous injectez. Dans le fond, les gens sont
craintifs et nous le sommes aussi parce qu'on n'a pas toujours la garantie que
ce sera une petite dose. Les conséquences varient donc selon
l'importance de la dose que vous administrez, d'une part, et, d'autre part, le
lieu ou le territoire où vous administrez le remède a des
particularités.
Le problème qu'on rencontre dans ces territoires-là, c'est
que les particularités du territoire ne sont pas seulement liées
aux besoins de l'industrie forestière et aux arbres. Il y a la faune, il
y a les cours d'eau et toutes sortes de situations particulières qui
font qu'on peut être d'accord avec vous si on prend juste
l'intérêt des arbres, de l'industrie forestière et des
travailleurs forestiers, sauf que, quand vous arrosez en avion et que vous
mettez une grosse dose, parce qu'à un moment donné il y a une
grosse infection, et que cela se retrouve dans les cours d'eau, c'est une
situation à laquelle on est confronté et qui suscite beaucoup
d'inquiétude dans la population. Les gens n'acceptent pas facilement de
dire: Tout cela pourra se faire sans qu'on le sache; on le saura après,
quand l'industrie aura fait un arrosage intensif dans telle région
où il y avait telle sorte de cours d'eau, tel type de faune, tel type de
flore.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.
M. Dufresne: Je pense que c'est se méprendre sur le
système qu'on propose. Il est certain que le dosage doit être
contrôlé comme l'application, de la même manière que
pour les médicaments. Si vous prenez la bouteille d'aspirines, vous
allez mourir. Si vous en prenez une, c'est pour guérir quelque chose. Il
est certain qu'il faut un contrôle du dosage et que cela peut se faire
avant...
M. Charbonneau: Qui va le faire? Vous ou le ministère?
M. Dufresne: Non, c'est quelque chose qui est
déterminé sur le dosage. L'homologation décrit tout ce que
cela prend, comme pour les médicaments. Ce n'est pas quelque chose qui
sera déterminé à ce moment-là. Et le contrôle
doit être sévère.
M. Charbonneau: C'est ça. On revient au problème
que le ministre soulignait tantôt, celui de l'homologation et de la
qualité des produits.
M. Dufresne: Oui.
M. Charbonneau: On se rend compte que-Ce matin, on avait
l'exemple d'un des produits que le BAPE avait condamné, le 2,4-D, et
HydroQuébec vient nous dire par la suite qu'elle a fait des
études et que ce n'est pas si pire que ça. Les conclusions
auraient pu être à l'inverse aussi. Pour d'autres produits, on
peut se rendre compte que c'est bien pire qu'on pensait.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.
M. Dufresne: Oui, mais je pense que si on ne se fie pas du
tout... Il ne faut tout de même pas charrier au point de dire que rien
n'a été fait au Canada. Je pense que, dans l'homologation, il y a
des parties à améliorer, comme en médecine, mais il y a
bien des bonnes choses de ce côté-là. Le dosage est
déterminé d'avance et ce n'est pas cela une étude
d'impact. Ce n'est pas sur le dosage. Ce qui est important, c'est de toujours
contrôler le dosage, comme en médecine, et nous sommes très
fermes là-dessus.
M. Charbonneau: II y a un collègue qui voudrait poser une
question. Je reviendrai après.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Chauveau.
M. Poulin: Je pense que c'est davantage une appréhension.
J'écoute le débat. Je vais abonder un peu dans le même sens
que le député de Verchères. Lorsqu'on parle d'impact et de
délais attaqués, comme vous le dites si bien, par la
médecine, que vaut mieux avoir un problème auquel on s'attaque au
début, souvenez-vous d'une chose cependant, c'est que dans un cas de
cancer, quand on s'y attaque, au début ou au milieu, cela
n'empêche pas la chute des cheveux, entre autres. C'est un exemple que je
veux vous donner.
On va tantôt voir sur les bords des cours d'eau... La faune
aquatique, entre autres. Depuis ce matin que je suis ici et personne n'a encore
parlé de la faune aquatique. Quand on parle d'environnement, je pense
que les lacs et la faune sont parmi les principaux incitatifs
économiques pour le Québec. Je me vois mal m'atta-quer à
un problème... Au moment où on va s'y
attaquer pour sauver un peu, comme vous le dites - je comprends cela -
mais, quand on va être près des cours d'eau, la température
ne sera pas contrôlable à cause des vents, du climat, etc. Et que
fait-on avec la faune? On s'attaque fortement à un secteur pour
protéger tout le reste du secteur. Cela veut dire qu'on va toucher
à tout. Souvenez-vous que la médecine protège les cancers,
mais je peux dire...
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.
M. Dufresne: M. le Président, je ne peux pas laisser
passer la remarque. Il y en a qui perdent leurs cheveux sans même passer
par là.
M. Poulin: II y a deux sortes de choses. Il y a le stress,
n'est-ce pas? Le stress fait tomber les cheveux ou les fait blanchir.
M. Dufresne: Oui, c'est cela. Mais pour revenir
sérieusement à votre question, je pense qu'il faut minimiser -
c'est une question de choix - il faut garder les effets au minimum. Mais c'est
mieux de sauver l'individu, même s'il y a de petits inconvénients,
quitte même, quand la gangrène est là, à couper la
jambe, que de laisser tout perdre. C'est ce qui est arrivé dans le cas
de la forêt. On va le voir dans d'autres présentations. Au
Cap-Breton, ils ont essayé cela. Ils ont dit que cela allait
protéger les lacs, etc. Puis tout est devenu brun. Les verts, je pense
que c'est nous. Nous voulons garder la forêt verte. On ne veut pas tuer
toutes les bébites dans la forêt. Au contraire, je pense qu'en
gardant la forêt verte, on a une meilleure faune, une meilleure
récréation, une meilleure esthétique.
L'objectif que vous visez est aussi le nôtre. Il coïncide
avec le nôtre sur ce point. Mais vous avez raison, il faut faire
attention au dosage pour les lacs, pour l'épandage; c'est un aspect
clé, et on est d'accord avec cela.
M. Poulin: Juste pour terminer, parce que je ne veux pas prendre
trop de temps. Comme le ministre et comme le député de
Verchères, il va falloir que vous fassiez comprendre - et ensemble, je
pense bien - une chose à la population. Vous savez, quand on parle de
faune, on parle à 1 200 000 pêcheurs et à 700 000
chasseurs, et quand on parle de dosage pour protéger la forêt, ces
gens sont conscientisés, mais pas pour leur bien-être. L'important
pour eux, c'est d'avoir de la truite dans le lac, et du chevreuil et de
l'orignal dans le bois. On vit un peu avec cela et quand on arrive avec ce
qu'on vit - je suis allé à la pêche en fin de semaine et on
a eu l'occasion d'en parler un peu parce qu'on avait le projet - on a une
crainte de ce côté aussi. On a la crainte que, quand un secteur
est attaqué, parce qu'on veut le protéger... Je suis d'accord
aussi avec vous qu'il faut peut-être en sacrifier des bouts, mais je ne
suis pas sûr que la population va embarquer dans cela, surtout quand on
touche à la faune aquatique.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Duchesne.
M. Duchesne: D'abord, ce n'est pas exact qu'on n'a pas
traité ce sujet. Dans notre mémoire, notamment aux pages 39 et
44, on parle spécifiquement du problème.
M. Poulin: J'ai dit que c'était la première fois
qu'on en parlait aujourd'hui. Je n'ai pas dit que vous n'en aviez pas
parlé.
M. Duchesne: D'accord. Là-dessus, il y a deux approches
concurrentes qui permettent de sécuriser l'impact sur les autres
productions de la forêt. C'est comme cela que la loi 150 a
considéré cela. D'abord, les produits mêmes qu'on vous
recommande sont des produits très sécuritaires à ce point
de vue. On a justement procédé à des vérifications
sur ce dossier. Ensuite, des mesures de mitigation sont possibles pour
s'assurer de marges de manoeuvre, de zones tampons, et la caricature d'un
arrosage qui couvre n'importe quoi, je pense que c'est démodé. Il
faut revenir un peu à ce qu'on est capable de faire aujourd'hui. On est
capable de procéder de façon, certains m'ont dit chirurgicale -
je pense qu'il y avait un peu d'exagération à cet égard -
on est capable de procéder de façon très précise.
On a des modèles - par exemple, de la dispersion du nuage d'insecticides
- qui sont extrêmement efficaces aujourd'hui, et on a découvert
beaucoup de choses. On a une compétence très supérieure
à ce qu'elle était il y a dix ans dans ce domaine.
Donc, tout cela fait qu'on a, je pense, une protection adéquate
possible avec ce qu'on vous propose pour les autres ressources de la
forêt. Maintenant, ce genre de question, on l'a regardé sur une
base technique, si vous voulez, avec le Dr Ecobichon pour les produits
utilisés, et on a demandé à M. Shooner, sur la base du
gros bon sens, d'un biologiste pratique, de nous conseiller là-dessus.
Je pense qu'il voudrait vous en parler.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Shooner, malheureusement,
je suis obligé de vous dire: D'une façon brève, s'il vous
plaît.
M. Shooner (Gilles): M. le Président, en réponse
à l'appréhension du député de Chauveau, M. Poulin,
c'est vrai que la question des pesticides a toujours fait peur aux gens. Ce
dont il est question ici, c'est un pesticide en particulier. Ce n'est pas
n'importe quoi. Il s'agit du fénitro-thion. Concernant
spécifiquement la faune, il y a déjà beaucoup
d'études qui ont été faites, dont, entre autres, une
étude récente faite en 1987 par le ministère de
l'Énergie et des Ressources et qui a porté justement sur les
arrosages de fénitrothion qui ont été effectués
successivement sur un même territoire en 1978, 1979, 1980, 1981,
1982 et 1983. Donc, sur une bonne fourchette de conditions.
Les réponses sont directes. C'est évident qu'il n'y a pas
eu d'effet remarquable sur la faune. Il n'y a pas eu d'effet, de taux
observé sur la grande faune, si on pense à l'orignal, au
chevreuil. Chez les amphibiens, par exemple, le fénitrothion a
été perçu sous forme de traces seulement. Il n'y a pas eu
de metabolite ni même de résidu observé. Cette notion de
metabolite est importante. Des concentrations de résidus de
fénitrothion ont été détectées dans les
organismes vivants comme les ombles de fontaine, le lièvre, la
gelinotte, les invertébrés aquatiques. Mais après toutes
ces pulvérisations, elles sont relativement faibles et ne persistent pas
dans le milieu. Elles ne persistent dans le milieu que quelques jours, voire
quelques heures.
Si vous le permettez, M. le Président, j'ajouterai que cette
question des pesticides et les problèmes que l'industrie
forestière rencontre - c'est vrai qu'il y a des problèmes - c'est
un peu aussi un choix de société qui nous pousse actuellement
à une production de 40 % supplémentaire pour répondre
à une demande et être capable de garantir cette production. Je
pense que, devant une situation comme celle-là, il faut trouver la
solution qui soit la plus efficace et la moins pénalisante pour la
société. Celle que l'Association des industries
forestières propose, elle m'est apparue logique et non gourmande parce
que c'est le seul insecticide qui soit homologué - évidemment, je
mets cela entre guillemets parce qu'on remet en cause l'homologation - mais il
est quand même homologué. C'est le seul insectide, il n'y en a pas
une tonne, et c'est le fénitrothion. Au fond, pour résumer ce que
tout le monde dit, c'est que l'association propose un mode d'attaque massive,
dans un espace restreint, pour éviter, par mesure d'exception et par
mesure d'urgence, ce que de toute façon permet la loi sur
l'environnement, pour éviter d'utiliser une plus grande quantité
sur un plus grand territoire. C'est essentiellement ce que l'on retient. (18
heures)
Le Président (M. Saint-Roch): En conclusion, s'il vous
plaît, M. Shooner.
M. Shooner: Oui. Je dis tout simplement que l'association
forestière ne ferme pas la porte à la recherche et appuie
largement les propos du gouvernement en matière de recherche et de
développement. S'il y a éventuellement d'autres choses meilleures
que le fénitrothion pour en arriver à une action massive, qu'on
le dise. Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, je voudrais revenir sur
une chose. Quand on parlait de remède tantôt et qu'on disait qu'il
y avait des milieux particuliers, je voudrais simplement revenir sur le fait
que, dans le fond, le remède en question ne réagit pas de la
même façon selon les différents écosystèmes.
C'est comme si, quand on vous écoute, tout le milieu forestier, le
milieu naturel était homogène, de la même façon,
qu'il n'y avait pas d'écosystèmes différents dans une
région ou dans des milieux. Je pense qu'il faut faire attention. Dans ce
sens, je n'ai pas l'impression que la procédure que vous nous
présentez nous donne la garantie qu'on va tenir compte des
différents écosystèmes qu'il y a dans les régions
et dans les milieux. À cet égard, je serais plutôt
porté à dire, compte tenu des arguments que vous avez
invoqués, qu'entre laisser tomber complètement le
mécanisme d'étude d'impact et d'évaluation publique et le
mécanisme actuel, il y a moyen d'adapter le mécanisme
d'étude d'impact et d'évaluation pour qu'il soit moins lourd,
plus opérationnel, plus rapide, pour qu'il réponde à la
nécessité de l'urgence et de l'intervention. À cet
égard, je crois qu'il y a moyen de trouver un mécanisme. Si on
s'entend sur l'objectif qu'on doit avoir à l'égard de l'urgence
et de l'efficacité de l'intervention, mais qu'en même temps on se
donne des mécanismes de contrôle suffisamment importants des
produits, de l'utilisation et des conséquences, je pense qu'il y a moyen
de trouver un terrain d'entente, mais je n'en suis pas sûr. Je suis loin
d'être convaincu, en tout cas, que l'option 2, que vous favorisez, va
nous donner les garanties. Je suis plutôt convaincu qu'il y a moyen
d'améliorer l'option 1, de sorte que ce sera peut-être moins
lourd, plus opérationnel, et on pourra agir rapidement et avec
l'intensité voulue dans une réaction de contre-attaque à
des épidémies en particulier.
Le Président (ML Saint-Roch): M. Duchesne.
M. Duchesne: Je pense, M. Charbonneau, qu'au contraire notre
approche est celle qui a le plus le respect des écosystèmes et
qui va le plus dans l'écosystème localisé. Distinguons
encore les insectes des herbicides. Pour les insectes, en cas d'urgence, c'est
ce qu'on vous a expliqué et je pense que M. Shooner vous l'a dit aussi,
on a une stratégie qui vise à réduire les quantités
et à protéger l'ensemble de la ressource. C'est une chose. Quant
à la question de la végétation concurrente, ce que nous
vous proposons, c'est une analyse site par site, en fonction d'un guide
d'intervention, donc en tenant compte des particularités intimes de
chaque site pour savoir si on va employer le phytocide sur ce site ou si on va
procéder autrement, pour éviter d'avoir recours à des
phytocides. On vous dit que cette approche doit se faire dans le temps, qu'on
peut la planifier, grosso modo, mais qu'on doit la vérifier sur chaque
site au moment de l'émission du permis d'intervention, parce que c'est
à ce moment-là que l'ingénieur responsable de l'action sur
le
terrain dit: Moi, je recommande de faire cela, et qu'il obtient ses
permissions du ministère de l'Environnement et du ministère de
l'Énergie et des Ressources. C'est l'approche la plus respectueuse,
à notre avis, de l'écologie de chaque site.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Dubuc, s'il vous plaît? Je reconnais M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Baril: Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): Brièvement, s'il vous
plaît!
M. Baril: J'ai quelques brèves questions. J'aimerais poser
une question à M. Ecobichon. Est-ce que M. Ecobichon parle
français? No?
M. Duchesne: II comprend le français, mais si vous lui
permettez de répondre en anglais, je pourrais traduire. C'est votre
choix.
M. Baril: II n'y a pas de problème. En ce qui me concerne,
je peux aussi lui poser la question en anglais.
Mr. Ecobichon, you have mentioned that all the products must be used
safely and efficiently and all that, what I approve of totally. But from what
we have heard this morning, I would like to know if this product that we call
Roundup is a safe one. In a few words.
M. Ecobichon (Donald J. ): Yes, simply. There had been concerns
with Roundup. I think most of these concerns have been addressed in the past
two or three years with new studies. There were concerns about toxicity to fish
which have been disproven because glyphosate is usually not found dissolved in
water which is the way fish studies are done. It is found attached to the soil
particules which are not absorbed. There were some concerns about the
carcinoge-nicity, the cancer producing effects of glyphosate. These have been
disproven by the studies being examined by experts. I would say that of any of
these herbicides in use today, glyphosate probably has the best toxicity data
base of any chemical at all. And it is widely, of course, used in agriculture
all over the world.
M. Baril: Une autre rapide.
Le Président (M. Saint-Roch): Très rapidement, M.
le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Baril: On sait que vous voulez que le sapin, l'épinette
et le pin gris soient régénérés rapidement. Ce sont
naturellement les essences que vous utilisez le plus souvent. Je me demandais
si, à plus ou moins long terme, votre industrie pense utiliser les
feuillus, dans le futur.
M. Dufresne: On les utilise déjà, monsieur, en
grande quantité. Cela dépend du procédé et du
produit que l'on fait. Il y a des usines qui ne fonctionnent qu'aux feuillus.
Alors, ce n'est pas l'un ou l'autre. Cela dépend du produit final.
M. Baril: Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Desbiens: M. le Président, j'aurai d'autres
occasions.
Le Président (M. Saint-Roch): Ça va, M. le
député de Dubuc? Alors, je tiens à remercier, au nom des
membres de la commission, l'Association des industries forestières du
Québec pour leur participation aux travaux de la commission.
M. le ministre, je peux autoriser toutes les remarques, mais j'aimerais
attirer l'attention des membres de la commission sur le fait que nous sommes
deux heures en retard. Avant de conclure pour la période du dîner,
j'aimerais avoir l'avis des deux côtés pour faire le
réalignement de nos travaux. M. le ministre, brièvement.
M. Lincoln: En remerciant les membres de l'association, j'aurais
voulu situer ma position bien clairement, afin qu'il n'y ait aucun malentendu.
On se connaît bien. On se dit les choses bien simplement. Après
avoir écouté tout ce qui s'est dit ici, je dois vous dire que je
suis toujours convaincu - plus que jamais, en fait - que le principe d'une
consultation publique, d'une audience publique, d'une étude d'impact
doit demeurer. C'est ma position très ferme. Je pense que là
où peut-être nos vues divergent, c'est lorsqu'on parle... Par
exemple, M. Dufresne a parlé de cancer. Je pense que, si on parle de
santé, il y a toute la question de la prévention, des sports, du
cardio-vasculaire. Avant, on ne connaissait même pas cela. On ne se
servait que de médicaments. On ne faisait pas de prévention.
Aujourd'hui, il y a une évolution. On se sert de moyens de
prévention afin de ne pas se servir des hôpitaux.
C'est-à-dire que maintenant on a développé les sports et
les exercices cardio-vasculaires pour, justement, éviter d'aller
à l'hôpital. Mais même s'il faut aller à
l'hôpital, avant d'arriver au stade du cancer, on prépare
l'hôpital. On prépare l'hôpital afin que, lorsque le
cancéreux arrive, on soit en mesure de le traiter. Je pense que ce que
l'on cherche, c'est un système qui soit préventif, des mesures
sylvicoles préventives et un programme pour les cas où nous
devons nous servir de substances artificielles, chimiques ou autres. Je suis
d'accord sur la nécessité d'un programme d'urgence. Il faut
essayer de concilier ces choses. Mais il me semble qu'au sein d'un tel
système, il doit y avoir des audiences publiques. Je dois dire, au sujet
de l'addition du fénitrothion, à la sugges-
tion du ministre délégué aux Forêts, que je
ne peux pas concevoir que nous puissions accepter cela, en plus des deux
autres, sans étude préalable en audience publique.
Alors, je voulais vous faire part de ma position bien clairement, afin
qu'il n'y ait pas de malentendu. C'est là que je me situe. Une
commission parlementaire est obligée d'entendre les points de vue. Je
vous donne, comme ministre de l'Environnement, mon point de vue. Je voulais
vous dire cela bien simplement.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le
député de Verchères, en conclusion.
M. Charbonneau: Je voudrais également remercier les
membres, ainsi que mon collègue, de l'Association des industries
forestières. Je voudrais leur dire et peut-être dire au ministre,
en guise de conclusion, qu'à mon avis, II y a deux sortes d'urgence. Il
y a les urgences qui n'existent pas encore, mais qu'on peut déjà
prévoir pour les prochaines années. Il n'y a personne qui va me
convaincre qu'on ne peut pas avoir, maintenant, dans les mois ou les
années qui viennent, assez rapidement, une planification et,
éventuellement, une participation des citoyens à la façon
dont on prévoit intervenir sur une base urgente ou non dans
l'avenir.
Il y a les urgences actuelles. Il y a peut-être moyen de trouver
une formule, pour ce qui existe déjà, c'est-à-dire les
situations qui méritent maintenant une attaque rapide, dans les mois ou
dans l'année qui vient, pour qu'on puisse intervenir sur une base
urgente avec une attitude peut-être différente de celle qu'on
pourrait avoir. Essayer de tout mettre dans le même paquet de sorte qu'on
n'aura plus jamais la possibilité d'avoir un contrôle, je vais
vous dire que je suis plus de l'avis du ministre de l'Environnement, même
si l'option qu'il privilégie, on la trouve par ailleurs passablement
perfectible.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Verchères. Je remercie les membres de
l'Association des industries forestières du Québec.
Est-ce que j'ai le consentement, pour le bénéfice de tous
les intervenants, d'aviser les gens que nous reporterons à la fin
l'heure qui nous manque, c'est-à-dire que nous terminerons nos travaux
cette nuit à 1 h 30 et que nous commencerons à 20 heures avec les
Produits forestiers Domtar? J'aimerais demander à tous les intervenants,
lors de la période de questions et de réponses, dans le but
d'accélérer et d'avoir le maximum d'information, de donner des
réponses brèves, s'il vous plaît.
Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 13)
(Reprise à 20 h 15)
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Avant de reprendre nos travaux, M. le député de Dubuc,
j'aurais besoin d'un consentement pour...
À l'ordre, s'il vous plaît!
J'aurais besoin d'un consentement pour que M. le député de
Viger remplace M. le député de Montmagny-L'Islet. Est-ce qu'il y
a consentement? Consentement. Sur ce, je demanderais maintenant aux
représentants des Produits forestiers Domtar de prendre place. Je
demanderais également au porte-parole de bien vouloir s'identifier et de
présenter les membres qui l'accompagnent, pour le bénéfice
des membres de la commission.
Produits forestiers Domtar
M. Hilliker (Richard-G.) Mon nom est Richard Hilliker, directeur
général de la foresterie et des services pour Produits forestiers
Domtar. À ma droite, Jacques Larue, chef de notre service forestier
central à Québec; à ma gauche, François Julien,
chef de l'aménagement aux Produits forestiers Domtar; son voisin, Pierre
Desrochers, chef forestier résident pour la division sud-est du
Québec, et, à l'extrême gauche, Denis Gingras, superviseur
de la sylviculture de la division sud-est du Québec.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Hilliker.
J'aimerais rappeler à tous les participants que ce soir nous
avons un ordre du jour des plus serrés. J'aimerais rappeler qu'à
compter de maintenant vous aurez dix minutes pour présenter votre
mémoire, suivi d'une intervention de dix minutes de M. le ministre et de
dix minutes du critique officiel de l'Opposition. Je me ferai un devoir de vous
avertir lorsqu'il restera seulement deux minutes. Sur ce, je cède la
parole à M. Hilliker. Vous avez maintenant dix minutes pour
présenter votre mémoire.
M. Hilliker: M. le ministre, membres de la commission, Domtar
inc. est une entreprise très diversifiée qui oeuvre dans les
domaines suivants: les pâtes et papiers, les matériaux de
construction, les matériaux d'emballage, les produits chimiques, le gaz
naturel et le pétrole.
En 1986, 15 000 personnes oeuvraient au sein de Domtar inc. Elles ont
reçu en traitements, salaires et avantages sociaux plus de 600 000 000
$. Produits forestiers Domtar, qui est une division du groupe des pâtes
et papiers, s'occupe de la gestion des forêts publiques et privées
de Domtar inc. dans le sud-est du Québec, dans
l'Abitibi-Témiscamingue et au Lac-Saint-Jean. Produits forestiers Domtar
s'implique très activement dans le développement des
forêts.
Elle souscrit à la nouvelle politique forestière du
Québec et désire accroître son implication dans la remise
en production du territoire et la protection du milieu, autant sur forêts
publiques que privées, où déjà, depuis plusieurs
années, des opérations forestières se font sur une base de
rendement soutenu.
Cette implication au niveau de l'aménagement des ressources
forestières doit se faire, mais pas à n'importe quel prix.
L'industrie forestière doit demeurer compétitive et, pour ce
faire, il faut lui donner les outils nécessaires à la
réalisation d'un bon aménagement. Parmi ces outils, l'utilisation
des pesticides en milieu forestier est indispensable, à court et moyen
terme, à l'atteinte des objectifs déterminés par les
contrats d'aménagement et d'approvisionnement forestier et par les plans
de gestion de nos forêts privées. Produits forestiers Domtar
remercie la commission parlementaire de lui permettre d'exprimer son point de
vue sur le sujet.
Les utilisations des pesticides par Produits forestiers Domtar. Au cours
de la dernière décennie, le ministère de l'Énergie
et des Ressources a été responsable de la gestion et de
l'aménagement des terres forestières publiques, sur lesquelles
l'utilisation des pesticides fut limitée à la lutte contre la
tordeuse des bourgeons de l'épinette. Sur ses terres privées,
depuis 1982, Produits forestiers Domtar a utilisé des phytocides sur
quelque 210 hectares de forêt par année en moyenne, afin de
protéger les investissements par le dégagement de certaines
plantations résineuses envahies par les framboisiers, les cerisiers, les
érables à épis, etc., qui sont des essences très
agressives dans le Sud du Québec.
Dans les années à venir, à la suite de la signature
des CAAF et afin d'être en mesure de réduire le délai de
regénération, on prévoit planter annuellement quelque 15
000 000 d'arbres afin d'assurer la remise en production d'environ 6000 hectares
par année de terrains forestiers publics et privés. L'utilisation
des phytocides par voie aérienne s'avérera alors un outil
indispensable.
Les alternatives. Produits forestiers Domtar préconise
l'utilisation des pesticides par voie aérienne comme moyen indispensable
à l'aménagement des forêts. Basée sur
l'expérience des travaux exécutés sur nos terrains
privés, l'utilisation aérienne des pesticides s'est
avérée la solution la plus sécuritaire, efficace et
économique.
Parmi les alternatives au contrôle de la végétation
concurrente, on retrouve, premièrement, aucune intervention. L'absence
d'intervention, tant au point de vue de l'utilisation des insecticides que des
phytocides, résulterait en des pertes de volumes marchands, des
délais de regénération très longs et des pertes de
territoires productifs. Le tout se traduirait par une baisse de la
possibilité et une diminution marquée de la récolte
annuelle.
Le dégagement manuel ou mécanique. Le dégagement
des plantations résineuses peut se faire manuellement ou
mécaniquement. Tel que réalisé à plusieurs
occasions, les coûts sont prohibitifs: 500 $ à 800 $ par hectare
par traitement et, en maintes occasions, le traitement doit être
répété deux et même trois fois avant que les jeunes
arbres soient libres de croître.
Les phytocides. Produits forestiers Domtar préconise
l'utilisation aérienne des phytocides car ils sont efficaces,
sécuritaires et économiques. Généralement, un seul
traitement suffit et les coûts de 120 $ à 135 $ l'hectare sont
acceptables.
Le développement. Produits forestiers Domtar est conscient de la
recherche et du développement qui se font présentement dans ce
domaine. Nous croyons cependant que les résultats actuels ne permettent
pas encore une protection adéquate sur le plan industriel.
L'utilisation sécuritaire des pesticides. Même si nous
préconisons l'utilisation par voie aérienne des pesticides pour
la protection des forêts comme outil d'aménagement, nous sommes
d'avis que la manipulation et l'utilisation de ces produits doivent être
soumises à des normes gouvernementales sévères.
L'application de ces produits doit être faite par du personnel
compétent connaissant les risques inhérents à cette
utilisation.
Des commentaires sur la nouvelle politique gouvernementale. Produits
forestiers Domtar est d'accord avec les six principes directeurs
énoncés dans le document de support présenté
à la commission parlementaire. Cependant, permettez-nous d'y apporter
quelques précisions. Consultation de la population: nous sommes d'avis
que la population doit être informée et doit pouvoir se faire
entendre sur l'utilisation des pesticides en milieu forestier. Cependant, les
coûts de telles consultations ne devraient pas se traduire en millions de
dollars pour le gouvernement et l'industrie et ce, de façon
répétitive. Responsabilités partagées à
l'égard des pesticides en milieu forestier: en cas d'effets
négatifs imprévus reliés à l'utilisation des
pesticides, l'utilisateur ne peut être tenu responsable de ces
événements s'il a utilisé les produits selon les normes
prescrites par le gouvernement et le fabricant. Moyens de rechange, recherche
et développement: nous réitérons notre appui aux efforts
de recherche et de développement qui se font présentement afin de
trouver des solutions de rechange à l'utilisation des pesticides.
Cependant, nous croyons qu'il faut immédiatement protéger nos
forêts à maturité et permettre à la jeune
forêt de croître rapidement. Pour ce faire, il faut se donner
dès aujourd'hui les outils adéquats pour réaliser un bon
aménagement forestier.
Les solutions envisagées. Parmi les solutions envisagées
dans le document de support, Produits forestiers Domtar appuie le
deuxième scénario, lequel permet d'agir immédiatement
à l'aide d'insecticides biologiques et de glyphosates sans étude
d'impact. La première solution proposée
suggère une étude d'impact valable pour les cinq
prochaines années. En plus d'être très coûteuse,
cette solution demande également aux utilisateurs de prévoir
au-delà de cinq ans à l'avance les utilisations de pesticides.
Ceci nous semble difficilement acceptable.
La deuxième solution proposée devrait être
élargie, afin de permettre l'utilisation de produits chimiques pour
combattre les graves foyers d'infestation par les insectes et pour combattre
les insectes qui ne sont pas affectés par le B.t.
En conclusion, les Produits forestiers Domtar recommandent:
l'utilisation par voie aérienne des pesticides pour assurer la
protection des forêts et permettre aux utilisateurs d'atteindre leurs
objectifs d'aménagement; l'utilisation de ces produits doit être
subordonnée à des normes gouvernementales et sous la
responsabilité de personnes compétentes; la recherche et le
développement doivent continuer et s'intensifier, afin de permettre
à moyen ou à long terme de minimiser l'utilisation des pesticides
en milieu forestier.
L'utilisation contrôlée des pesticides en milieu forestier
permettrait d'avoir une forêt verte, vigoureuse et en santé, ce
qui ferait la joie de tous les utilisateurs de ce vaste territoire. Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Hilliker. M. le ministre.
M. Lincoln: Très brièvement, parce que je
réalise que nous avons dix minutes et je voudrais passer la parole
à mon collègue qui n'était pas là pendant le
témoignage de l'Association des industries forestières. J'ai une
seule question, parce que votre mémoire cadre avec l'intervention de
l'association qui disait qu'elle préférait l'option 2 en ajoutant
' le fénitrothion. Votre mémoire est axé dans le
même sens et, comme j'ai fait mes remarques à l'association, je ne
veux pas les répéter ici.
La seule chose que je voudrais vous demander, c'est à la page 5
de votre mémoire, commentaires sur la nouvelle politique
environnementale. Au paragraphe 2, Responsabilités partagées
à l'égard des pesticides en milieu forestier, vous dites: "En cas
d'effets négatifs imprévus reliés à l'utilisation
des pesticides, l'utilisateur ne peut être tenu responsable de ces
événements s'il a utilisé les produits selon les normes
prescrites par le gouvernement et le fabricant." N'est-ce pas là une
justification importante pour avoir des études d'impact et des
audiences, quand vous dites que l'utilisateur ne peut pas être tenu
responsable s'il a utilisé les produits selon les normes prescrites par
le gouvernement et le fabricant? Or, l'histoire a démontré que
plusieurs de ces produits ont été homologués qui, ensuite,
se sont montrés déficients ou plus dangereux qu'on ne le
prévoyait. Je pourrais vous donner des exemples, mais ne pensez-vous pas
que cela même démontre que, peut-être, il faut un sys-
tème dans lequel il y ait de plus grandes garanties pour le public,
lorsque vous-mêmes, comme utilisateurs, vous ne voulez pas accepter la
responsabilité d'un produit? Si, par exemple, les normes et les dosages
avaient été indiqués d'une façon quelconque par le
gouvernement et que cela se révélerait erroné, alors, qui
devrait accepter la responsabilité selon vous?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Hilliker.
M. Hilliker: Est-ce que le produit dont on se servirait serait un
produit homologué avec des normes et des dosages très
précis? On s'attend de suivre les doses et les normes qui ont
été établies.
M. Lincoln: Ma dernière question est celle-ci. J'ai
discuté pour savoir quelque chose de l'homologation et j'ai
participé à des discussions avec le gouvernement
fédéral. On sait que l'homologation est un système qui
demande beaucoup d'améliorations. J'ai pas mal de correspondance
à mon bureau là-dessus. Qu'arrive-t-il si le processus
d'homologation est déficient? Voulez-vous dire qui à ce
moment-là est responsable? Est-ce que le public... Vous vous êtes
servis d'un produit, vous avez fait un arrosage sur plusieurs centaines
d'hectares et vous dites que vous n'êtes pas responsables si vous avez
observé l'homologation, mais qui est responsable? (20 h 30)
Le Président (M. Saint-Roch): M. Hilliker.
M. Hilliker: Je vais répéter ce que je disais tout
à l'heure. S'il est homologué, c'est comme l'aspirine. Vous
prenez de l'aspirine, vous en prenez deux comprimés pour un mal de
tête, c'est un produit homologué.
M. Lincoln: Oui, mais il y a beaucoup de produits comme, je ne
veux pas vous citer de noms, mais plusieurs médicaments ont
été homologués à faux et ont eu des
conséquences néfastes. On s'en aperçoit seulement
après coup. C'est pourquoi nous voulons nous assurer qu'il y ait une
consultation publique afin que les gens acceptent, qu'ils sachent à
l'avance ce qu'on va utiliser. C'est cela qu'on demande.
M. Hilliker: Mais si un produit, M. le ministre, vous le croyez
déficient ou s'il est prouvé qu'il est déficient et qu'il
est homologué, il devrait être "déshomologué", banni
ou on devrait le faire étudier à nouveau.
M. Lincoln: C'est cela le problème. Pour beaucoup de ces
produits, c'est après coup, lorsque le dommage a été
causé, qu'on s'en aperçoit. Enfin, c'est la seule question que
j'avais, je vais laisser la parole à mon collègue. Cela m'avait
frappé un peu.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
ministre de l'Environnement.
M. Hilliker: Dans une audience publique, est-ce que ce sera
déterminé si un produit...
M. Lincoln: Non, tout ce qu'on voudrait faire, c'est d'avoir
d'avance un plan qui ait été discuté en public et qu'on
sache exactement quelles sont les densités, les étendues de
forêts que vous allez traiter avec des pesticides, quels sont exactement
les programmes que vous allez utiliser. Au moins, le public saura à
l'avance vraiment ce que c'est. Il y aura eu des études d'impact et,
à ce moment-là, on saura exactement où on s'en va avec
cela. Comme cela, il n'y aura pas de surprises. Tout le monde sera sur le
même bateau. A ce moment-là, s'il y a une déficience, au
moins vous pourrez dire: Mais, écoutez, cela a été ouvert
à l'étude d'impact, cela a été ouvert aux audiences
publiques. S'il y a des pépins, au moins tout le monde aura su qu'on
aura fait la lumière là-dessus. S'il y a un pépin,
à ce moment-là, on aura usé de la plus grande prudence
possible. Mais là vous dites: Bon, nous allons nous servir de tel ou tel
produit, mais s'il y a des conséquences, à ce moment-là,
nous ne sommes pas responsables si nous avons suivi l'homologation. Mais, si
l'homologation est trompeuse, je trouve que c'est un peu une surprise à
laisser au public.
C'était le seul commentaire que j'avais.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre de
l'Environnement. M. le ministre délégué aux
Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président. J'aurais beaucoup à dire là-dessus. Je pense
que les compagnies doivent nécessairement, obligatoirement, partager
l'obligation d'informer le public, parce que la compagnie a également
des responsabilités vis-à-vis de son environnement, de ses
employés et des familles qui vivent dans les alentours. Je pense bien
qu'on ne peut pas se dégager de cette responsabilité et dire
qu'on va utiliser des produits et que, parce qu'ils sont homologués, on
ne s'en préoccupe pas.
J'ai confiance et je ne sais pas qui dans cette salle qui est venu ici
aujourd'hui et qui viendra après va être capable de mettre en
doute le processus d'homologation du gouvernement fédéral
concernant les produits à être utilisés soit en
agriculture, soit en forêt. C'est beau de jouer à l'expert et de
dire qu'il ne nous arrivera rien parce que... Par contre, ce processus
d'acceptation de produits, l'homologation des produits, est laborieux et long
et je ne pense pas qu'on puisse demander cela dans une audience publique comme
celle qu'on a vécue. C'était absolument hors de question, parce
qu'on mettait en relief l'administration forestière et l'administration
gouvernementale de la forêt, l'administration de tout, là. Mais
qui est plus connaissant, qui est plus expert que tout ce monde-là qui
passe des années et des années à examiner les
répercussions, la valeur d'un produit? C'est une question que je me
pose. Il n'y a personne qui y réponde. C'est facile de dire: On ne
prendra pas de chances... Si on ne suit pas les prescriptions, eh bien, tant
pis pour eux. Ce n'est pas cela. Je me dis qu'on doit suivre les prescriptions.
On doit également utiliser tous les produits, ces produits-là. On
doit utiliser ies remèdes, on doit utiliser la dynamite ou n'importe
quel produit dangereux qui est utile, mais avec des prescriptions. Puis, je me
demande, je vous pose la question: Pensez-vous que l'homologation du
fédéral concernant les produits est fiable ou non?
M. Hilliker: C'est une question...
Le Président (M. Saint-Roch): M. Hilliker.
M. Hilliker: C'est une question à laquelle je ne peux pas
répondre, parce que je ne suis pas expert en cette
matière-là. Par contre, si on ne peut pas se fier aux experts qui
font ces choses-là, on ne peut pas se fier à personne, selon moi.
Vous ne pouvez pas vous fier à votre médecin ou au pharmacien ou
à une compagnie pharmaceutique. C'est la même chose à mon
point de vue.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je sais que votre
compagnie a contribué à des plans d'aménagement pour
l'aménagement de ravages de chevreuil et tout cela. Je sais que votre
compagnie a fait des efforts, a fait son possible et aurait peut-être
dû faire plus. Mais, par contre, est-ce qu'on peut mettre de
côté tous les moyens qui nous sont, supposons, proposés et
acceptés par des experts et dire: Bien, on ne prendra pas de chances, on
ne fera rien, on va retourner à l'âge de la colonie, aux premiers
temps de la colonie, et on va attendre que d'autres fassent des choses? Je me
demande quoi faire dans ces cas-là. Je me demande quoi faire.
Qu'est-ce qu'on propose? Je regarde les questions. Vous, vous proposez
de faire des choses, vous en demandez peut-être un petit peu trop, parce
que vous allez plus loin. Mais le glyphosate? On parle du B.t., le B.t. a subi
le test, supposons, des audiences publiques, test qui n'était pas tout
à fait correct. Le B.t. a subi ce test-là, déjà, en
audience publique? Oui. On a débordé sur l'administration
forestière, sur la compétence des forestiers. Évidemment,
les forestiers ne sont pas tous d'accord, comme tous les médecins, comme
n'importe quelle profession, mais on a débordé de beaucoup.
C'est pour cela que je dis que ces audiences-là ont
apporté des choses. Mais est-ce que, parce qu'on doute que l'utilisation
de certaines méthodes soit correcte, on va arrêter de vivre, on va
arrêter de faire des choses? Ce n'est pas ce que vous proposez, mais je
pense qu'on devrait faire en sorte d'utiliser les moyens les
plus sécuritaires pour protéger la santé des
personnes, pour protéger l'écosystème forestier. Je me
demande quoi faire.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Hilliker?
M. Hilliker: Bien, on propose... Dans les commentaires sur la
politique gouvernementale, on dit qu'on est d'accord avec les six principes
directeurs énoncés, mais qu'on veut y apporter quelques
précisions. Consulter la population, on n'est pas contre cela. On n'est
pas contre le fait de consulter la population. Le but d'une consultation de la
population serait de l'informer de ce qui se passe, de ce qui se passera, au
meilleur de notre connaissance, de quel pesticide ou phyto-cide on va se
servir.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Hilliker. Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant le
connaître M. le député de Dubuc.
M. Desbiens: Merci, M. le Président. On est dans la suite
du mémoire de l'association de cet après-midi dont vous
êtes membre. Lors de la conférence de presse, lorsqu'il y a eu
signature d'un CAAF à la Reed, le président de l'AIFQ
prétendait qu'une autonomie plus grande à l'endroit du BAPE
pourrait signifier une possibilité forestière accrue de 10 %
à 15 %. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela? Comment
expliquez-vous cela?
M. Hilliker: Je n'ai pas compris votre question.
M. Desbiens: Le président de votre association...
M. Hilliker: Oui.
M. Desbiens: ...déclarait qu'une plus grande autonomie, en
n'ayant pas, autrement dit, à se présenter devant le BAPE...
M. Hilliker: Oui.
M. Desbiens: ...permettrait une possibilité
forestière accrue de 10 % à 15 %.
M. Hilliker: De ne pas se présenter devant le BAPE?
M. Desbiens: Oui, de ne pas avoir à subir
l'opération des audiences publiques.
M. Hilliker: La forêt produirait de 10 % à 15 % de
plus?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Desbiens: Cela permettrait, selon lui, selon votre
président, une augmentation ou une possibilité accrue de 10 %
à 15 %. Alors, vous semblez bien vous poser la même question que
moi: Qu'est-ce que cela voulait dire?
M. Hilliker: Je ne comprends pas le sens de votre question et je
ne peux pas... Je vous demanderais de poser la question au président de
l'AIFQ, à la personne qui a fait ce commentaire-là.
M. Desbiens: Vous êtes membres de l'AIFQ?
M. Hilliker: On est membre de l'AIFQ, mais ce n'est pas moi qui
ai fait le commentaire. Je n'étais pas là quand cela a
été fait. Peut-être, est-il ici, le président de
l'AIFQ?
M. Desbiens: Dans votre mémoire à la page 12, vous
ne prévoyez qu'une seule exception qui permettrait la tenue des
programmes d'information ou de consultation, soit - je cite le mémoire
à la page 12: "le cas où des événements
fondés et vérifiables surviennent, jetant ainsi des doutes
sérieux quant à l'utilisation sécuritaire d'un produit."
Quels sont ces événements auxquels vous faites allusion et
qu'est-ce que ce serait, un doute sérieux?
M. Julien (François): M. le Président.
Le Président (M. Saint-Roch): Oui, M. Julien.
M. Julien: Je crois qu'il y a des risques inhérents
à l'utilisation de tout produit, de tout pesticide. Je ne crois pas
qu'on puisse, un jour, utiliser un insecticide ou un pesticide quelconque sans
tenir compte des risques, sans tenir compte de la possibilité qu'il
survienne des événements imprévus. Même dans
l'éventualité qu'on ait ou non une étude d'impact, comment
pouvez-vous savoir qu'il n'y aura pas d'événements
imprévus pouvant avoir des effets malheureux sur la faune?
Par contre, il faut être capable de mesurer les risques par
rapport aux bénéfices. Les bénéfices sont que, pour
effectuer notre travail, pour satisfaire la demande future en fibres, il faut
être capable d'utiliser des produits de contrôle des insectes et de
la végétation. À ce moment-là, si on nous demande
de faire de l'aménagement forestier, il faut avoir les outils
nécessaires. Cela veut dire, du côté sylviculture,
l'utilisation de méthodes. (20 h 45)
Dans ce cas-ci, on parle de l'utilisation de méthodes, de
pesticides. Si on nous demande aussi, pour pouvoir utiliser ces pesticides, de
préparer des études d'impact, on est bien d'accord, mais il va
falloir que ce soit dans un contexte très flexible et qu'on puisse le
faire sans avoir à faire face à des contraintes de temps ou
d'argent qui sont vraiment inacceptables.
Quel mécanisme serait le meilleur? Nous pensons que c'est
l'option 2, parce qu'en fait, si on regarde l'option 2, on y suggère
l'utilisation du B.t. pour contrôler les insectes comme la tordeuse.
C'est un seul insecticide, mais qui a déjà fait ses preuves et
qui a subi de sérieuses études d'impact. Concernant la
végétation concurrente, on suggère l'utilisation des
glypho-sates. Encore une fois, c'est un seul type de pesticide, mais on pense
que ces deux pesticides pourraient satisfaire à la grande
majorité de nos besoins. On ne demande pas l'utilisation de pesticides
sans aucun contrôle. Au contraire, on est pour un meilleur
contrôle, de meilleures normes d'utilisation.
Encore une fois, je voudrais revenir sur le point que, si on doit
utiliser un produit, il va falloir l'utiliser tôt ou tard. Je le crois,
parce qu'il n'y a pas vraiment de méthodes alternatives. À
l'heure actuelle, il n'y en a pas. Peut-être plus tard. On espère
qu'avec le développement de la recherche on va avoir des méthodes
alternatives qui ne nécessiteront pas l'utilisation de pesticides
chimiques. Si on en vient là, tant mieux. On est tous d'accord, mais,
jusqu'à nouvel ordre, on n'a pas vraiment le choix.
Aussi, je pense que tout le travail est à faire du
côté homologation, s'il y a quelque chose à faire. Si ce
travail est bien fait, on évitera ainsi de sérieux
problèmes du côté des études d'impact, pour autant
qu'on soit concerné.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. Est-ce
qu'il y a d'autres interventions?
M. Charbonneau: Seulement une, M. le Président.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Verchères.
M. Charbonneau: L'option 1 privilégie une espèce de
programmation en cinq ans avec une superétude d'impact pour tout le
monde. Si, au contraire, on proposait une programmation quinquennale qui ferait
que chaque entreprise, sur une base régionale, aurait à soumettre
pour une période de cinq ans les objectifs ou les intentions qu'elle
peut avoir pour un territoire donné, où pour l'ensemble de ses
propriétés, de ses installations, plutôt que d'avoir
quelque chose de global, est-ce que vous pourriez trouver que ce serait une
modification de l'option 1 qui pourrait assouplir la procédure, dans la
mesure où on introduirait dans ce mécanisme un
élément qui tienne compte de la possibilité d'intervenir
sur une base d'urgence lorsque les situations nécessitent qu'on
intervienne sur une base d'urgence? Est-ce que vous seriez enclin à
être moins réticent envers l'option 1 si elle était
modifiée dans ce sens?
M. Hilliker: On ne peut pas déterminer à l'avance
si on est pour avoir des épidémies d'insectes dans trois ans ou
dans cinq ans. L'usage des phytocides, c'est plus facile d'après les
terrains, mais surtout dans...
M. Charbonneau: Non, je comprends que vous ne puissiez le
déterminer à l'avance, mais est-ce que vous seriez d'accord pour
soumettre, par exemple, vos plans d'intervention pour les cinq prochaines
années? Si, pour toutes vos installations dans les territoires pour
lesquels vous avez des contrats ou des concessions, je ne sais plus trop, vous
étiez en mesure de dire à l'occasion d'une audience publique ou
d'une évaluation d'impact que, durant ces années-là, vous
comptez des connaissances, utiliser tel type de produit et intervenir de telle
façon à chaque fois que cela se produira, on se dirait que,
déjà, dans la mesure où on aurait une idée de ce
que vous allez faire pendant les cinq prochaines années, ce serait mieux
que de ne pas en avoir du tout et de vous laisser aller sans aucun
contrôle, avec le seul fait que vous utilisez un produit
homologué. Je veux bien que... Il faut bien que vous vous fiiez à
quelqu'un, sauf qu'on se rend compte qu'il y a des organismes sérieux
qui ont mis en cause le processus d'homologation. On est obligé de tenir
compte aussi de leur avis.
M. Hiiliker: Le processus d'homologation et les études
d'impact mettent en cause une...
L'étude d'impact n'est pas pour régler ce
problème-là.
M. Charbonneau: Non, mais une étude d'impact...
Le Président (M. Saint-Roch): En conclusion, M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, une étude d'impact
nous permettrait de savoir ce que vous entendez utiliser comme produit sur un
territoire et de mettre en évidence, à l'occasion de cette
évaluation des impacts et de l'utilisation que vous entendez faire, les
problèmes qui pourraient se produire et aussi le type
d'écosystème sur lequel vous intervenez. J'imagine que votre
compagnie n'intervient pas nécessairement dans les mêmes
territoires que d'autres et que la situation que vous rencontrez dans certains
territoires n'est pas nécessairement la même que celle d'autres
territoires.
M. Hilliker: Mais, en réponse à votre question, on
ne veut pas être libre et ne pas être contrôlé du
tout. Les produits qu'on entend utiliser sont le B.t., les glyphosates et, si
on a besoin d'autres produits, là il va falloir... Mais ce sont des
produits qui sont homologués, qui sont sécuritaires, pour autant
qu'ils aient été déterminés comme
sécuritaires, qu'ils soient employés de la bonne manière
et selon les normes, et c'est ce qu'on entend faire.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Hilliker. Permettez-moi de remercier les représentants des Produits
forestiers Domtar pour leur apport aux travaux de cette commission. Je vous
remercie, messieurs. Je demanderais maintenant aux représentants de la
Papeterie Reed Itée de bien vouloir prendre place, s'il vous
plaît.
Permettez-moi, messieurs les représentants de la Papeterie Reed
Itée, de vous souhaiter la bienvenue aux travaux de cette commission. Je
demanderais maintenant au porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que
ceux qui l'accompagnent, pour le bénéfice des membres de la
commission.
Papeterie Reed Itée
M. Bray (Jacques): Mon nom est Jacques Bray. Je suis directeur de
la foresterie à la Papeterie Reed Itée; à ma droite, M.
Jacques Bégin, surintendant à l'aménagement forestier. Je
demanderais à M. Bégin de faire la présentation du
mémoire.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous rappelle, M.
Bégin, que vous avez dix minutes à votre disposition pour
présenter votre mémoire. Lorsqu'il restera seulement deux
minutes, je vous ferai signe. Je vous cède maintenant la parole.
M. Bégin (Jacques): Je vous remercie, monsieur. La
Papeterie Reed Itée désire remercier le ministre de
l'Environnement, le ministre délégué aux Forêts et
la commission de l'aménagement et des équipements d'avoir
accepté la présentation de ce mémoire. Nous
désirons, par la présente, témoigner de notre
appréhension face au climat d'incertitude entourant l'utilisation des
pesticides en milieu forestier et contribuer, dans la mesure de nos moyens,
à l'élaboration d'une politique viable sur les outils sylvicoles
que sont les pesticides.
Notre compagnie est implantée au Québec depuis 1927. Ses
activités industrielles sont axées sur la fabrication de papier
journal, de produits connexes et de bois de sciage. Avec la collaboration de
ses 2100 employés, la société affiche des ventes annuelles
de 420 000 000 $.
Au chapitre des approvisionnements, environ la moitié de la
matière ligneuse utilisée par l'usine de Québec vient des
forêts de la Côte-Nord, soit les unités de gestion 91, 12 et
23, le reste étant acheté à des forêts
privées ou venant de diverses usines de sciage. Notre autre
installation, la scierie de Saint-Emile, quant à elle, reçoit ses
approvisionnements de forêts publiques et de terrains privés de la
région de Québec. Incidemment, nous avons déjà
signé, pour notre division du sciage, un contrat d'approvisionnement et
d'aménagement forestier, communément appelé CAAF, portant
sur 1287 kilomètres carrés de forêts résineuses
situées dans l'unité de gestion 32 des Laurentides.
Parlons maintenant un peu du nouveau régime forestier.
Sanctionnée au terme de 1986, la nouvelle Loi sur les forêts
confie un rôle de gestionnaire à l'industrie forestière qui
devra veiller au maintien, voire à l'augmentation de la
possibilité à rendement soutenu. Ce lourd mandat, la Papeterie
Reed Itée l'endosse déjà par un engagement marqué
dans la sylviculture, même au cours de la période de transition.
Déjà, des efforts considérables sont
déployés en vue de protéger la regénération
naturelle, de dégager les taillis de résineux denses et de
regarnir certains parterres de coupe.
Parlons un peu de la forêt maintenant et, d'abord, de la
forêt mature. La partie sud de notre territoire d'approvisionnement
historique regroupe des forêts où prédomine le sapin et
elles sont très vulnérables aux attaques de la tordeuse des
bourgeons de l'épinette. La partie nord, par contre, regroupe le domaine
de la pessière à épinette noire et de la sapinière
à épinette noire et mousse. Ces forêts comportent une
grande proportion d'épinettes noires dans leur stade de maturité
et résistent mieux à la tordeuse. Dans la réserve des
Laurentides où se trouve l'approvisionnement de la scierie Leduc, une
partie importante du territoire en est à sa deuxième coupe. La
tordeuse y a laissé aussi les traces de son passage et on estime
à plus de 500 000 mètres cubes le volume de bois perdu dans le
territoire couvert par le CAAF que nous venons de signer.
Parlons maintenant un peu des forêts en
régénération. La récolte des peuplements matures
tend à maintenir le couvert dans un stade de transition où domine
le sapin baumier. Cette tendance ira en s'accentuant à mesure que
s'intensifiera la coupe avec protection de la régénération
établie. On sait, bien sûr, que c'est le sapin qui y
prédomine. Il faudra donc composer avec des forêts d'une
vulnérabilité accrue vis-à-vis de la tordeuse. D'autre
part, l'inventaire des coupes de la dernière décennie
révèle une quasi-omniprésence de feuillus
intolérants qui ont une distribution chez nous variant de 20 % à
60 % sur les parterres de coupe âgés de cinq à onze ans.
Donc, une présence assez importante.
Quels sont les outils que nous avons pour respecter les engagements du
CAAF? La gestion forestière subit présentement une
métamorphose importante. Nouveau gestionnaire de la forêt,
l'industrie forestière n'est pas sans savoir le coût de cet
engagement. En effet, le maintien et l'augmentation du potentiel industriel des
forêts, la planification et l'exécution des travaux prévus
au contrat se traduiront par des dépenses d'au moins 3 750 000 $ par
année pour notre compagnie. Hélas, même cet investissement
important ne constitue pas en soi une garantie de disponibilité de la
ressource, si les bons outils de l'aménagement ne sont pas mis à
notre disposition.
Le gestionnaire de forêts industrielles doit, en effet, composer
avec les essences pionnières comme le frambroisier, le bouleau et le
peuplier faux-tremble qui cherchent, comme lui, à s'approprier les
nouveaux parterres libérés par la coupe. Une fois qu'il a
établi un peuplement d'essences désirées, le gestionnaire
se voit encore opposer les forces biotiques du milieu: rongeurs, insectes,
organismes pathogènes qui lui disputent l'utilisation des produits
forestiers.
Les outils traditionnels du forestier lui permettent de contrôler
la naissance et l'évolution des peuplements forestiers pour leur faire
produire, de façon soutenue, les biens et les services
désirés. Les mêmes outils permettent de prévenir,
dans une certaine mesure, quelques-uns des écueils auxquels pourrait se
heurter le développement harmonieux de la forêt. C'est le cas
entre autres des coupes phytosanitaires qui ont déjà
été amplement exploitées. Par contre, les
phénomènes comme les épidémies d'insectes, de la
tordeuse entre autres, et la compétition des feuillus se
développent de façon si rapide qu'il faut pour les contrer
recourir à des actions ponctuelles et énergiques comme
l'application de phytocides. Au même titre que la coupe et le
reboisement, les pesticides font partie des outils qu'a le gestionnaire pour
diriger l'évolution de la forêt. (21 heures)
Parlons un peu des phytocides maintenant, si vous voulez. Le maintien de
la possibilité à rendement soutenu suppose au départ la
remise en production des parterres de coupe. Dans cette course pour
l'occupation du sol forestier, les espèces feuillues partent avec une
longueur d'avance. Pour favoriser l'installation d'un couvert forestier
résineux, naturel ou artificiel, le sylviculteur doit donc être en
mesure de retarder la progression des essences nuisibles. Il n'est pas question
d'éradication pour ces essences, mais bien de contrôler leur
développement. Par ailleurs, l'application de phytocides n'est requise
que sur les meilleures stations et souvent une seule intervention suffira
à libérer le peuplement. On sait, d'autre part, que le
dégagement mécanique, sur lequel le FRDF a fait des tests
amplement élaborés, amène fréquemment une
prolifération de nouvelles tiges feuillues et constitue par
surcroît une menace pour les jeunes semis de résineux. De plus,
son coût le rend inabordable, compte tenu des résultats obtenus.
Face à tout cela, le dégagement chimique est pour nous l'option
à privilégier pour atteindre vraiment les objectifs de production
inscrits au CAAF.
Si on parle maintenant des insecticides, il ne suffira pas de remettre
en production les parterres de coupe pour s'assurer d'un rendement soutenu.
Pour vraiment aménager la forêt, il faudra encore diriger son
évolution en appliquant des traitements appropriés à
chaque peuplement. C'est du moins la théorie que soutient le Dr Gordon
Baskerville. Pour ce faire, l'industrie devra avoir le contrôle non
seulement de son appareil de production, mais aussi des forces biotiques qui le
menacent. Pourtant, la possibilité forestière calculée
pour un CAAF ne tient en aucun temps compte des phénomènes comme
la tordeuse dans l'évolution de la forêt. Le
bénéficiaire d'un CAAF devra donc estimer les risques et
prévoir les actions nécessaires dans son plan
général d'aménagement. En cas d'épidémie, il
pourra toujours diriger la récolte vers les peuplements les plus
vulnérables. Mais, à défaut de pouvoir
récupérer tout le volume menacé, il lui faudra recourir
aux insecticides pour tenir en échec les organismes capables de
réduire à néant les efforts d'aménagement
déployés sur toute une vie d'homme. Oui, monsieur.
Autorisation de traiter. Quand des fléaux comme une
épidémie de tordeuse apparaissent, l'heure ne devrait pas
être aux discussions. À l'instar de la lutte aux incendies, il
faut se donner les moyens pour combattre avec diligence les organismes
biotiques qui menacent la forêt. Dans ce sens, le second scénario
proposé dans la politique sur les pesticides permettant l'usage du
glyphosate et du B.t. convient le mieux, selon nous, aux objectifs à
atteindre. Nous ne pouvons que déplorer, cependant, le peu
d'éléments que comporte notre arsenal face aux nombreux agents
biotiques qui menacent la forêt.
En guise de conclusion, pour Papeterie Reed comme pour les autres
industriels, la signature d'un CAAF comporte des obligations importantes,
notamment en matière de sylviculture. Le maintien de la
possibilité à rendement soutenu demandera une mise de fonds
importante dont les intérêts ne seront perçus qu'à
très long terme. Avec les outils qui lui sont traditionnellement
dévolus, l'industrie pourra, dans une certaine mesure, prévenir
certains des dangers qui menacent la forêt. Cependant, face à des
phénomènes comme la tordeuse, l'industrie, en tant que
gestionnaire de la forêt, doit pouvoir compter sur les outils
indispensables que sont les pesticides pour préserver les efforts
consacrés au renouvellement et à l'éducation des
forêts. À défaut de pouvoir utiliser ces outils, elle devra
faire face à une rupture de stock qui se traduira inévitablement
par des pertes d'emplois.
En ce sens, Papeterie Reed favorise une utilisation efficace et
raisonnée de tous les outils d'aménagement forestier, incluant
les pesticides en milieu forestier.
Là-dessus, je vous remercie.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Bégin. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre de
l'Environnement.
M. Lincoln: J'ai deux questions, M. Bégin. Vous dites que
vous êtes d'accord avec les principes directeurs de la politique. Un des
principes directeurs est le droit de la population d'être informée
et de se faire entendre sur l'utilisation des pesticides en milieu
forestier.
Dans le cas du deuxième scénario, si on retenait le
deuxième scénario, comment, selon vous, la population serait-elle
informée par rapport à ce principe directeur de base?
M. Bégin: Si vous permettez, tel que nous l'avions
prévu, je vais passer la parole à mon patron, M. Bray.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Bray.
M. Bray: Je crois que le processus d'information du public pour
le traitement et l'utilisation des pesticides est en soi déjà
reconnu, parce que les utilisations des pesticides que l'on veut utiliser sont
déjà largement "publicisées" et il faudra encore continuer
à insister sur la "publicisation" de ces utilisations.
Ces pesticides doivent être utilisés en ce sens-là,
dans cette avenue-là, avec toute l'insistance qui est déjà
mise sur l'utilisation de ces pesticides. Je pense entre autres aux
homologations qui reviennent constamment dans les questions. C'est une question
d'information, il faut continuer à informer le public, sans aller dans
des processus très lourds de consultations publiques. Ce n'est pas
là le problème. Le problème consiste à faire
connaître davantage ces produits par les voies déjà connues
que sont l'homologation au fédérai et les moyens qu'on aura au
provincial de faire connaître le bien-fondé de l'utilisation de
ces choses-là.
M. Lincoln: D'après ce que vous décrivez, est-ce
que selon vous l'homologation est... Vous avez l'air de faire une
équivalence ou une correspondance entre l'homologation et l'information
du public. Est-ce que vous croyez que le public est avisé sur les
pesticides et leur comportement par l'homologation fédérale?
M. Bray: II peut l'être davantage. C'est peut-être ce
qui manque. Il faut faire les efforts nécessaires pour poursuivre. Tout
le processus d'homologation est déjà reconnu et efficace. Il
reste peut-être à poursuivre les efforts pour informer davantage
le public sans aller dans de grandes considérations publiques.
M. Lincoln: Mais comment allez-vous faire? C'est ce que je ne
peux pas comprendre. Comment faites-vous? Si on a un processus de consultation
publique, c'est justement parce qu'il fallait un mécanisme. Comment le
faites-vous autrement si, demain matin, vous allez dans tout le territoire du
Québec, en forêt publique, qui est un territoire immense...
Comment le public saura si vous vous fiez purement à l'homologation et
aussi à une information que vous ne m'avez pas encore tout à fait
expliquée? Comment cette information-là rejoint-elle le public
qui veut savoir? Si, demain matin, j'ai envie de savoir exactement ce qu'est le
glyphosate ou un autre pesticide que vous allez utiliser, sur quelle
étendue, combien de fois, quel est votre programme, comment vais-je
savoir ça pour votre compagnie, si je suis un membre du public?
M. Bray: Au terme de tout l'ensemble du processus de la loi 150,
nous avons préparé des plans d'aménagement de cinq ans et
même généraux de 25 ans qui doivent être
acceptés par les autorités gouvernementales. Le processus
d'information peut être établi globalement au sujet de ces plans
d'aménagement, aviser et informer la population qui sera au fait de ces
plans d'aménagement. L'information peut être obtenue et, appelons
ça ainsi, la connaissance de l'utilisation de ces produits peut
être obtenue via l'ensemble de tous les programmes qui seront
établis au niveau des CAAF. Cela peut être reconnu et
diffusé à ce niveau-là avec les instances
gouvernementales.
M. Bégin: II est certain que, lorsque l'on va
préparer des programmes d'épandage de phytoci-des, d'insecticides
contre la tordeuse, ce ne sera pas en catimini. On sait bien que les instances
qui existent actuellement pour exécuter ces travaux informent
abondamment le public. De toute façon, les médias s'en chargent
abondamment et ce sont des programmes qui doivent être votés.
Donc, cela répond à tout un processus normal de maturation qui
sera basé sur les planifications qui ont été faites par
les bénéficiaires de CAAF. Donc, il n'y a rien de nouveau, il n'y
a pas de secret et rien de sorcier là-dedans. Il va y avoir un programme
qui sera proposé, on dira que, pour la province de Québec cette
année, on arrose un certain nombre d'hectares et le public sera
abondamment informé.
Pour ce qui est de l'information du public sur les produits qui seront
utilisés, il y a déjà pour les insectes visés ou
les organismes nuisibles visés un certain nombre de produits dont on a
déjà fait la preuve, qui ont passé à travers les
dernières audiences publiques sur les phytocides et sur les insecticides
et qui sont déjà dans le système. Ils roulent dans le
système et, généralement, on vit avec eux assez
confortablement. Alors, dans un premier temps, on n'ira pas
nécessairement se lancer et utiliser d'autres produits que cela La
preuve pourra être faite; qu'on aura besoin d'autres produits, mais, dans
un premier temps, on devra utiliser les outils qu'on a déjà en
main.
Donc, pour le public, il n'y a rien de sorcier. On a
dépensé des millions de dollars à lui faire
connaître la matière. La radio en a été
inondée pendant des semaines et des semaines. Il n'y a rien de nouveau,
il n'y a rien de sorcier. Il s'agit de lui dire: À tel endroit, il y
aura telle application qui va être faite, et puis voilà. Les
produits ont été acceptés par ces gens en
général. Cela a été accepté dans toute la
province. Il s'agit de leur dire ce qu'on fait, un point, c'est tout.
M. Lincoln: Écoutez, ce sera ma dernière question.
Est-ce que le problème n'est pas là, dans la façon que
vous le posez: II faudra dire cela au public, un point, c'est tout? Mais, si le
public n'est pas tout à fait d'accord avec vous - même s'il est
d'accord avec le produit - disons, sur la façon dont vous allez
l'appliquer et là où vous allez l'appliquer qu'il n'est pas
d'accord, peut-être, dit-il: On ne veut pas de cela dans notre
région, alors comment va-t-il pouvoir vous passer ce message, si vous
dites: II n'y a rien de sorcier, on va l'informer? Est-ce qu'il n'y a pas une
différence entre de l'information et une communication où le
public a voix au chapitre d'une certaine façon? C'est cela que j'ai
envie de savoir.
M. Bray: Déjà, au risque de se
répéter, le processus a déjà été
reconnu pour une grande partie de la population, sinon toute la population,
à la fin des années soixante-dix début des années
quatre-vingt, pour l'ensemble des produits qu'on utilise déjà. On
n'a pas à refaire cet exercice-là.
Je dois revenir un peu sur des explications qui ont déjà
été fournies pour quand même sensibiliser davantage la
commission. Il nous faut absolument éviter au Québec de revenir
avec l'expérience qu'on a vécue dans ces années-là.
On a mentionné dans notre mémoire que notre compagnie - je ne
voudrais pas aller ailleurs ou dans l'ensemble de la province - a perdu pour un
seul secteur en l'espace de trois ans 1 500 000 mètres cubes. L'aspect
économique important de cette perte, juste à ce niveau, justifie
une action rapide pour éviter d'aller dans de grands processus
déjà établis, déjà connus et
déjà acceptés par une très grande majorité
de la population. Il nous suffira d'aller plus loin, d'y aller avec une autre
étape, lorsque nous aurons à utiliser d'autres produits qui nous
seront connus un peu plus tard. Mais, dans le moment, donnons-nous les outils
nécessaires.
On vient de signer une convention, un nouveau contrat, récemment,
le 24 mai. Il y a une clause d'attachée à cette convention qui
dit que, si la politique d'utilisation des pesticides ne nous permet pas
d'atteindre les rendements, cela remet en question la signature de cette
convention, de ce contrat. Il nous faut absolument obtenir des moyens de nous
assurer que les investissements mis... Même si on mettait 3 075 000 000 $
par année ou davantage dans le futur pour simplement planter ou
aménager la forêt, si on n'a pas la possibilité de
protéger cet investissement, on s'en va absolument nulle part. On va
manquer tout simplement... On va aller vers la rupture de stock. Il faut
absolument avoir des moyens concrets de ce genre pour protéger nos
investissements.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Bray.
Je vais maintenant reconnaître M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, à la suite de ce
que demande le ministre de l'Environnement, je vais vous dire que j'ai
l'impression que vous en mettez pas mal. Ce n'est pas... Je n'arrive pas
à voir comment un mécanisme qu'on voudrait d'ailleurs
peut-être même un peu plus souple, plus adapté aux besoins
d'urgence, d'intervention rapide, mais qui permettrait une fois tous les cinq
ans, six ans, en tout cas à des étapes régulières,
d'évaluer pour l'ensemble - j'ai proposé que ce soit pour toute
une compagnie ou même une région - comment on veut intervenir,
avec quels produits et de quelle façon... Il me semble qu'une fois qu'on
se sera entendu, cela ne vous empêchera pas d'agir efficacement et
rapidement et cela va protéger vos investissements. (21 h 15)
Ne convient-on pas que, dans le fond, il y a deux sortes d'urgences? Il
y a les urgences actuelles pour lesquelles on pourrait peut-être
s'entendre sur quelque chose de particulier. Vous avez à faire, par
exemple, dans l'année qui vient, un certain nombre d'interventions, mais
les interventions que vous allez faire dans un an, dans deux ans, dans trois
ans, les situations d'urgence qui vont se présenter, à ce
moment-là, si on peut établir, à l'occasion d'un
mécanisme d'évaluation et d'examen, que, dans les prochaines
années, lorsque vont se produire un certain nombre de ces
situations-là, vous allez agir de telle ou telle façon, je ne
vois pas comment vous pourriez soutenir, à ce moment-là, une fois
que vous auriez eu le O.K. après ce processus-là, que vous
n'auriez pas la capacité d'agir rapidement.
M. Bray: Je comprends mal votre allusion aux urgences actuelles.
D'après moi, l'urgence actuelle, c'est d'avoir une politique
d'utilisation des pesticides pertinente à la loi 150. Cela, pour moi,
c'est une urgence actuelle.
Qu'est-ce qui va arriver avec l'utilisation des pesticides dans trois,
quatre ou cinq ans? Il n'y a personne ici, aucun spécialiste qui puisse
dire ce que sera l'urgence de l'utilisation de cela. Mais l'urgence,
aujourd'hui, c'est de s'entendre sur le fait que cela nous prend des moyens
d'action. Cela, c'est une chose.
M. Charbonneau: On est tous d'accord avec le fait que cela vous
prend des moyens d'action. On est tous d'accord avec le fait qu'il faut que
vous puissiez réagir rapidement. Pour prendre l'exemple dont on parlait
plus tôt cet après-midi, on n'attendra pas que le cancer devienne
gros comme cela. Si on peut l'attaquer à l'origine rapidement,
efficacement et avec une contre-attaque suffisamment vigoureuse pour stopper ou
enrayer le mal, eh bien, tant mieux! Sauf qu'il y a moyen de vous permettre
d'avoir ces mécanismes ou cette souplesse d'intervention tout en
conservant un mécanisme qui fasse qu'on puisse évaluer les
impacts environnementaux et les
impacts sur la santé publique, qui peuvent varier d'un coin
à l'autre selon l'utilisation que vous allez faire.
M. Bray: Je suis obligé de vous ramener à la
comparaison de la protection contre le feu. S'il fallait, parce qu'un feu se
déclare, qu'on laisse aller le feu pour savoir jusqu'où il va
aller, pour savoir quel impact il va avoir sur l'ensemble de la
population...
M. Charbonneau: D'accord. Mais, là, attendez une
minute!
M. Bray: Mais c'est cela. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Charbonneau: Non, non, non. Ce n'est pas cela.
M. Bray: Mais, c'est cela.
M. Charbonneau: Non, non, non. Ne "charriez" pas, là. Ce
n'est pas ce qu'on dit.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Verchères.
M. Charbonneau: Même l'option 1 ne prévoit pas cela.
Actuellement, si c'est plus de six ans, vous êtes obligé de vous
soumettre à une étude d'impact. On pourrait dire que cela, c'est
l'exemple du feu, à condition que ce soit déjà un gros
feu. Mais, là, ce n'est pas cela. On fait une évaluation pour les
cinq ou six prochaines années et, une fois que cela est fait, vous avez
la marge de manoeuvre qui vous permet d'intervenir quand le feu va se
déclarer dans deux ans. Et là, dans deux ans, on ne vous imposera
pas d'avoir une nouvelle audience publique et d'attendre que l'incendie affecte
les trois quarts du territoire en question. On se comprend bien, la?
Il me semble qu'il y a une nuance.
M. Bray: II faut se répéter, parce que... M.
Charbonneau: Oui, oui.
M. Bray: ...l'urgence de la situation ne se prévoit pas.
L'urgence de la situation survient au moment où l'on constate par toutes
les observations qu'on fait en forêt qu'il y a...
M. Charbonneau: D'accord.
M. Bray: ...urgence de procéder immédiatement.
M. Charbonneau: Très bien.
M. Bray: On ne peut pas faire...
M. Charbonneau: Attendez! Si vous dites cela, ce que vous dites,
c'est, avec l'option 2, que vous ne pouvez pas prévoir l'urgence. On est
bien d'accord. Mais vous dites: Quand l'urgence va arriver, avec l'option 2, on
sait d'avance qu'on va pouvoir utiliser tel ou tel produit, parce qu'on va
avoir un O.K.
La différence, c'est que l'option 1, modifiée selon les
suggestions qu'on propose, vous permettrait de faire la même chose mais,
au préalable, il y aurait eu approbation des plans d'intervention que
vous entendez suivre à cet égard-là et le public aurait pu
réagir aussi.
M. Bray: Nous ne croyons pas que l'option
I nous permettrait d'agir de cette façon-là avec autant de
diligence qu'on peut agir dans d'autres circonstances, comme le feu. Ce n'est
pas...
M. Charbonneau: Bien, écoutez. Moi, la seule chose que
je...
M. Bray: L'expérience le démontre dans tous les
cas. Écoutez! dans le cas, surtout, précisément de la
tordeuse.
M. Charbonneau: Faisons l'hypothèse que, dans trois mois
ou dans six mois, on ait une audience publique qui concerne votre entreprise.
Vous nous soumettez la façon dont vous entendez intervenir dans les cinq
prochaines années, et qu'à l'issue...
M. Bray: Non, le problème est imméditat, monsieur,
il est immédiat. Il faut agir maintenant.
M. Charbonneau: II faut agir maintenant pour des...
M. Bray: Dans trois mois, on découvre cela.
IIfaut agir maintenant.
M. Charbonneau: C'est ce que je vous disais tantôt. Il y a
donc deux types d'urgences. Il y a celles qui vont se produire dans deux ans,
dans trois ans, dans quatre ans, et il y a celles qui existent actuellement.
Moi, je dis: À la limite, pour les mois ou l'année qui viennent,
avant, autrement dit, que l'audience publique, que l'évaluation de
l'étude d'impact ait été faite, il pourrait y avoir une
clause particulière qui permettrait une utilisation ou une intervention
pour atteindre l'objectif de l'efficacité. Pour le reste, il y aurait ce
processus d'évaluation. Une fois que ce processus aurait
été accompli, vous seriez dans la situation de pouvoir, là
aussi, réagir rapidement parce que vous auriez les autorisations pour
les cinq ou six prochaines années.
M. Bray: M. Charbonneau, on doit se référer aux
expériences déjà vécues dans ce sens-là au
Québec, alors que nous avions besoin
d'interventions rapides, et le processus que vous mentionnez n'a pas
permis de faire cela. Au moment où on a voulu faire ces
choses-là, on s'est ramassé... trop tard.
M. Charbonneau: D'accord, je comprends ce que vous dites. Mais,
ce que j'essaie de vous faire remarquer, c'est que si on distinguait entre la
situation actuelle, les besoins actuels que vous avez et les besoins futurs,
mais dans un avenir pas tellement lointain, dans les prochaines années,
et qu'entre les deux on mettait un mécanisme qui serait une
évaluation pour ce qui va se faire dans l'avenir, il me semble que ce
serait un compromis acceptable. Cela veut dire que dans l'année qui
vient, avant l'étude d'impact et l'évaluation publique,
l'entreprise pourra être autorisée à utiliser tel type de
mécanisme d'intervention et, pour ce qui viendrait après,
finalement, vous auriez eu l'autorisation à la suite de l'étude
d'impact. Il me semble que ce serait un compromis qui vous permettrait d'agir
maintenant, d'agir rapidement après aussi et entre-temps nous aurions
préservé l'acquis que constituent pour le public l'étude
d'impact et les évaluations. Mon collègue me fait remarquer que,
finalement, la forêt est une forêt publique. Cela leur appartient
aussi.
M. Bray: Bon. Ce processus ne nous garantit d'aucune façon
que nous pourrions vraiment utiliser des moyens concrets d'action rapide.
M. Charbonneau: Pourquoi? M. Bray: Pour une chose. M.
Charbonneau: Pourquoi?
M. Bray: II faut être garant du passé d'une certaine
façon.
M. Charbonneau: Mais, là, on ne vous propose pas ce qui se
faisait dans le passé.
M. Bray: Ce dont on a besoin, dans l'immédiat, pour signer
des conventions et pour signer des contrats d'approvisionnement, c'est d'avoir
ces outils immédiatement et non pas dans un processus qui,
peut-être, nous les donnera au cours de l'exécution du contrat. Si
ce moyen-là n'existe pas à la signature, nous sommes totalement
dans l'inconnu quant à l'atteinte des objectifs d'aménagement.
Votre système, votre proposition veut que nous nous présentions
à nouveau au cours de l'exécution du contrat. Alors, c'est comme
signer une espèce de contrat...
M. Charbonneau: Mais vous les signez pour combien de temps, vos
contrats? Vous les signez pour combien de temps, vos contrats?
M. Bray: 25 ans.
M. Charbonneau: Bon.
M. Bray: Avec renouvellement aux cinq ans.
M. Charbonneau: Mais, une fois à chaque renouvellement,
est-ce que c'est trop demander que de présenter...
M. Bray: Oui, c'est trop. Oui, c'est trop.
M. Charbonneau: Cela veut dire que vous devriez avoir le "go"
pour les 25 prochaines années et qu'on ne vous pose pas de question.
M. Bray: Pas nécessairement. On dit que tout cela est
quand même géré par le biais des permis d'intervention
prévus par la loi 150. On n'agit pas en forêt à qui mieux
mieux. On agit selon les permis d'intervention. Alors, la politique de
l'utilisation de pesticides viendrait par le biais de l'émission des
permis d'intervention. Tout cela serait contrôlé par le processus
de la loi 150 et en collaboration avec les gens du ministère de
l'Environnement.
M. Charbonneau: II me semble que le temps est
écoulé. On continuera avec vos collègues de la prochaine
entreprise.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Verchères.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, vous lui avez donné trop de temps.
Le Président (M. Saint-Roch): Non, j'ai respecté le
temps de chacune des formations, M. le ministre, avec 10 minutes pour chacun
des côtés, tel que l'entente a été
établie.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. Lincoln a pris
tout le temps? M. Lincoln a pris tout le temps? Ah! non, cela ne marche
pas.
M. Lincoln: Moi, je te donnerai tout le temps
après.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, oui. Tout le
temps après, il n'en reste plus. Voyons donc!
M. Charbonneau: II fait pitié, M. le Président,
vous pourriez lui donner cinq minutes?
Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre, je vais vous
reconnaître pour une question.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Comment, une
question? Je veux seulement dire des choses. Je remercie l'Opposition.
L'Opposition semble vouloir
nous diriger sur une forme améliorée de la ormule 1 du
scénario 2, n'est-ce pas, sur les deux scénarios. Puisse cette
commission faire en sorte qu'on arrive avec une proposition qui nous fera
atteindre les objectifs prévus.
Je dois informer l'assemblée de ce soir que je me suis
engagé, à l'intérieur des contrats, à modifier la
teneur des contrats si le scénario adopté, mettons, à la
suite de la présente commission parlementaire, empêche l'atteinte
des objectifs prévus pour la production et l'atteinte du rendement
soutenu prévu aux contrats. J'aimerais rappeler qu'il n'est pas question
d'éliminer l'évaluation des incidences environnementales ou de
santé, la recherche et le développement de même que
l'information. L'information à la population c'est important. Il n'est
pas question d'éliminer cela. J'aimerais aussi qu'on cerne le
débat correctement. Tout ce qu'on demande c'est d'alléger un peu
la structure d'accueil des divers projets en matière d'utilisation des
pesticides, en permettant aussi l'utilisation des pesticides qui ont
été homologués. J'ai confiance et je ne pense pas qu'il y
ait quelqu'un dans cette salle qui puisse mettre en doute le travail qui a
été fait par les responsables de l'homologation des produits au
fédéral. S'il y a quelqu'un qui a l'expertise en cette salle pour
faire cela, qu'il se lève et qu'il me le dise. C'est facile d'affirmer
des choses semblables, mais de là à les prouver c'est autre
chose. Quand on parle de recherche scientifique, quand on parle de ces
questions, c'est important qu'on s'y arrête. En plus, j'aimerais signaler
que toutes les autres mesures contenues dans la Loi sur les pesticides et dans
la Loi sur la qualité de l'environnement demeurent dans la planification
des projets de pulvérisation des phytocides en milieu forestier et cette
pulvérisation est effectuée de façon très
rigoureuse. C'est pourquoi nous demandons une politique d'utilisation des
pesticides pour que ce soit rigoureux, pour que ce soit sécuritaire,
pour que ce soit fait de façon correcte. C'est le but de
l'assemblée de ce soir, de la commission. Si on veut s'en aller
n'importe comment, on va écouter n'importe qui, n'importe comment,
n'importe quand. Il faut s'en remettre aux chercheurs, il faut s'en remettre
aux gens qui connaissent la question. Je vous dis que les forestiers sont
très sensibilisés aux questions environnementales, et j'en suis
un. Je vous demande quand les B.t., les glyphosates ont été
homologués par le gouvernement fédéral pour usage en
forêt. Des évaluations périodiques ont été
faites. Pourquoi remet-on tout cela en question d'un coup sec? Le droit
à l'information, je suis pour, le respect de la Loi sur les pesticides,
le respect de la qualité de l'environnement, de la santé, je suis
pour complètement. Mais on ne peut affirmer gratuitement n'importe quoi,
n'importe quand. Ce sont les commentaires que je voulais faire, M. le
Président.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
ministre.
M. Charbonneau: Je voudrais juste réagir
brièvement.
Le Président (M. Saint-Roch): Très
brièvement, M. le député de Verchères.
M. Charbonneau: Très brièvement parce qu'on lui a
donné un petit "break" syndical, mais il faudrait peut-être qu'il
comprenne que ses commentaires s'adressent autant a nous qu'à son
collègue de l'Environnement, avec lequel on partage plusieurs points de
vue. Je n'aimerais pas qu'on nous place dans la situation de chantage qui fart
que, si on n'achète pas l'option 2, on ne sera pas capable de signer
avec toutes les compagnies. On est prêt à faire un bout de chemin,
on vous a suggéré des améliorations à l'option 1
qui rendraient l'affaire plus opérationnelle. Si le résultat de
la commission fait en sorte que le gouvernement arrive à trouver une
solution qui soit plus acceptable au ministre de l'Environnement et
satisfaisante aussi pour les entreprises, je pense que tout le monde va
être satisfait. C'est l'objectif de l'exercice, sauf que c'est clair
qu'il y a les produits, mais il y a leur usage. Le problème c'est que
leur usage varie d'un endroit à l'autre. On ne les utilise pas toujours
de la même façon.
L'homologation dont on a fait part - je sais que le ministre
n'était pas toujours là, ce n'est pas un reproche que je lui fais
- depuis ce matin on a vu qu'il y a des organismes sérieux qui mettent
en cause la façon dont l'homologation des produits est faite. Je ne suis
pas un expert mais il peut demander à son collègue qui a
cité des organismes sérieux...
Le Président (M. Saint-Roch): En conclusion, M. le
député de Verchères. Je vous remercie, M. le
député de Verchères. Je tiendrais à remercier les
représentants de la Papeterie Reed Itée pour leur apport aux
travaux de cette commission. Je vous remercie, messieurs. Je demanderais
maintenant aux représentants de la compagnie Consolidated-Bathurst inc.
de prendre place, s'il vous plaît.
Pendant que ces représentants prennent place, j'aimerais rappeler
aux membres de la commission que les intervenants ont dix minutes pour
présenter leur mémoire et qu'il y a dix minutes de chaque
côté de cette table pour les interventions. (21 h 30)
À l'ordre, s'il vous plaît!
Dans un premier temps, permettez-moi de souhaiter la bienvenue aux
représentants de la Consolidated-Bathurst inc. Pendant qu'on s'installe,
pour essayer d'épargner quelques instants, je demanderais au
représentant, au porte-parole de bien vouloir s'identifier et
d'identifier aussi les membres qui l'accompagnent, pour le
bénéfice des membres de la commission.
Consolidated-Bathurst inc.
M. Dufresne (Guy): M. le Président, mon nom est Guy
Dufresne. Je suis le premier vice-président de Groupe pâtes et
papiers en Amérique du Nord pour Consolidated-Bathurst. À ma
gauche, c'est Jean Paquet, notre chef forestier, et à sa gauche, Max
Cater, en charge de notre division maritime dont une partie est au
Québec et une partie au Nouveau-Brunswick.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Dufresne.
M. Dufresne: M. le Président, on nous a dit que tout cela
allait s'installer très rapidement.
Une voix: Qui a dit cela?
M. Dufresne: Les membres de la commission. On ne se place pas le
doigt entre l'arbre et l'écorce. Alors, M. le Président...
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne, je vous
cède maintenant la parole.
M. Dufresne: ...pour compléter et éviter les
duplications, nous avons pensé comme compagnie vous présenter des
exemples concrets de ce dont on a discuté avec l'Association des
industries forestières et illustrer des points qui ont été
mentionnés cet après-midi. Alors, je demanderais à M. Jean
Paquet de faire la présentation de ces points-là.
M. Paquet (Jean): Merci, M. Dufresne.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Dufresne. M.
Paquet.
M. Paquet: M. le Président, M. le ministre, membres de
cette commission, nous voudrions aujourd'hui par la présentation de ce
mémoire appuyer la position défendue par l'Association des
industries forestières du Québec ainsi que celle qui vous sera
plus tard présentée par l'ACPPP.
Nous croyons en effet que l'utilisation des pesticides en milieu
forestier est essentielle si le Québec désire que l'industrie
atteigne les objectifs de production forestière requis pour maintenir
l'activité économique de ce secteur. Étant donné le
peu de temps alloué à cette présentation, vous nous
permettrez de ne retenir présentement que trois points sur lesquels nous
désirons attirer tout particulièrement votre attention.
En premier, nous aimerions souligner l'impact économique de la
dernière épidémie de la tordeuse des bourgeons de
l'épinette dans un territoire d'approvisionnement, soit le territoire de
notre usine de sciage de Saint-Fulgence. C'est le territoire avec le petit
point noir au centre dans le Saguenay. Ce territoire situé au Saguenay,
d'une superficie de 241 000 hectares, a été fortement
dévasté. Ainsi, dans sa portion sud, la mortalité varie de
50 % à 100 %, alors que dans sa portion nord la mortalité, un peu
plus faible, a atteint parfois 50 %. Dans ce territoire, une très faible
superficie a été protégée.
La politique de protection approuvée par le Bureau des audiences
publiques sur l'environnement ayant été appliquée,
seulement les aires pouvant faire l'objet d'une récolte à moyen
terme ont été protégées. Malgré nos efforts
de récupération des bois affectés, des simulations
récentes sur la base des meilleures données disponibles
démontrent que les pertes dans ce territoire sont de l'ordre de 1 600
000 mètres cubes de bois sur pied. Une telle perte équivaut
à une baisse de possibilité de près de 50 000
mètres cubes par an. Nos estimations nous permettent de conclure que
malgré l'envergure des travaux sylvicoles prévus, nous ne pouvons
plus satisfaire aux besoins de notre usine, soit les besoins de 300 000
mètres cubes par an. Nous subirons donc à la fois une
augmentation des coûts sylvicoles et une diminution importante de
l'activité économique de cette usine, à moins d'un
agrandissement de la base territoriale.
Notre point 2 touche l'infestation de la mouche à scie du pin
gris. Lors des inventaires des dommages aériens causés par la
tordeuse des bourgeons de l'épinette durant l'été 1981, le
MER identifia un peuplement de pin gris infesté par la mouche à
scie dans le secteur du lac Cousacouta dans le Saint-Maurice. En même
temps, le Service canadien des forêts notait une infestation au
Lac-aux-lroquois dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Un relevé des populations de l'insecte et des dommages
causés, réalisé à l'été 1982,
révéla une progression rapide de l'épidémie. Dans
le Saint-Maurice, région qui nous intéressait
particulièrement, les aires infestées de modérément
à sévèrement totalisaient 2300 hectares. Au Saguenay,
l'épidémie affectait quelque 550 hectares.
Nos forestiers ayant visité ces secteurs rapportèrent
aussi cette infestation et nous demandions dès lors au MER de traiter
ces superficies afin de limiter les dommages qui risquaient de s'étendre
à l'ensemble des peuplements de pin gris, soit 2900 hectares au
Saint-Maurice et 28 000 hectares au Lac-Saint-Jean.
Le B.t. ne pouvant pas être utilisé, un programme
expérimental par le MER à l'aide du fénitrothion fut
développé sur 2900 hectares. Un permis fut aussi demandé
pour le Lac-Saint-Jean. Le MENVIQ refusa toutefois vu l'ampleur des terrains
à protéger. L'arrosage ne fut donc fait que dans l'aire
expérimentale et il permit un contrôle total, la mortalité
larvaire atteignit 100 %.
Dès 1983, les superficies totales endommagées dans le
secteur du Lac-Saint-Jean passèrent à 47 000 hectares
démontrant une
sous-estimation de la vigueur de l'infestation et des dommages
anticipés.
Finalement, en août 1983, vu les pertes subites et la situation de
catastrophe appréhendée, le MENVIQ accorda au MER un permis
d'arrosage pour l'ensemble des territoires, tant dans le Saint-Maurice qu'au
Lac-Saint-Jean. Le traitement fut une réussite totale permettant de
contrôler l'ensemble de l'infestation.
Une voix: M. Dufresne.
M. Dufresne: Je voudrais seulement interrompre la
présentation pour 30 secondes pour dire qu'ici on a utilisé 80
fois plus de pesticides parce que le programme, le temps qu'on fasse tout le
cheminement... Et c'est le point qu'on essayait de prouver, l'importance de
traiter un cancer quand il est petit. On revient à la
présentation.
M. Paquet: Pour nous, une stratégie de lutte contre
l'insecte ravageur des forêts doit comporter quatre
éléments principaux: la localisation des peuplements
vulnérables aux insectes, ce qui se fera dans le cadre des plans
d'aménagement; l'utilisation de tous les moyens requis pour une
détectation rapide des foyers d'infestation; une attaque rapide avec le
produit jugé le plus efficace et, finalement, le suivi continu de
l'évolution des populations lors des infestations.
Notre troisième point concerne l'utilisation des herbicides. Au
Nouveau-Brunswick, nous sommes responsables de la gestion forestière
d'un territoire forestier depuis 1983. Le modèle de gestion y est
très similaire à celui que nous appliquerons bientôt dans
nos forêts au Québec. Pour protéger la
régénération ou les plantations contre la
végétation compétitrice, nous localisons chaque
année les aires propres à être arrosées. C'est la
compagnie Forest Protection Limited qui fait l'arrosage en respectant des
normes concernant les critères climatiques et environnementaux.
Depuis 1983, comme l'indiquent nos statistiques, moins d'un demi de 1 %
sous aménagement a été traité annuellement. Bon an
mal an, cela représente environ le tiers des superficies
récoltées annuellement. Les besoins au Québec, nous le
croyons, seront probablement du même ordre. Il est donc certain que les
herbicides sont essentiels au Québec. Ainsi, une analyse récente
de la régénération naturelle dans le Saint-Maurice
démontre que le stocking en résineux après coupe est
satisfaisant tant dans les pinèdes, les pessières que les
sapinières. Toutefois, la compétition naturelle est si forte
qu'en moins de cinq ans, le stocking libre de croître ne suffit
même pas à maintenir le couvert, condition prérequise
à toute récolte dans le nouveau régime forestier.
Pour augmenter le rendement de nos forêts, nous devrons faire
mieux que cela, maintenir un stocking à au moins 60 % en moyenne.
À notre avis, cela ne sera possible que si on peut combattre la
compétition par des moyens chimiques efficaces. Nos expériences
mécaniques, tant à la scie circulaire qu'à l'Hydro-Axe,
démontrent l'inefficacité de tels traitements.
Ici, je retourne directement à notre document, où vous
avez les photographies qui montrent différents aspects entre le
traitement mécanique et le traitement chimique. Je voudrais rappeler
deux principes. Dans l'aménagement de nos terrains en face des maisons,
on nous dit: Coupez vos haies si vous voulez qu'elles soient fortes. En
agriculture, on nous dit: Coupez le framboisier si vous voulez avoir des belles
framboises. Notre stratégie de lutte contre la végétation
compétitrice est donc assez simple: un choix adéquat sur une base
biophysique des aires où l'on peut augmenter le rendement; assurer un
suivi continu de l'évolution de la végétation
compétitrice à la suite de l'établissement d'une
plantation de peuplement naturel; dès que la compétition
dépasse un seuil tolerable, décider des moyens appropriés
de lutte, considérant les contraintes environnementales pour finalement
lutter contre la compétition.
En conclusion, nous désirons réaffirmer que nous sommes
convaincus que les pesticides sont essentiels pour maintenir les forêts
dans un état phytosanitaire adéquat, mais qu'ils doivent
être utilisés avec précaution; que le B.t. est un bon
insecticide, mais insuffisant pour lutter contre certains insectes sur lesquels
il n'a aucun effet; que, pour les deux produits jugés
sécuritaires, soit le B.t. et le glyphosate, le permis d'épandage
soit délivré sans minima sur l'étendue des superficies;
que l'on définisse des règles précises mais simples pour
l'utilisation, règles auxquelles nous serons heureux d'adhérer;
que l'on permette l'attaque d'une infestation dès sa détection,
sans attendre des dégâts sévères, avec le produit le
plus efficace; enfin, que l'on favorise la recherche et le développement
de techniques, de méthodes ou de nouveaux produits qui pourraient
être plus efficaces.
Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. M. le
ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Non, en équité, j'ai pris le temps de
mon collègue tout à l'heure, je vais lui laisser la chance de
poser des questions.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre
délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est gentil,
merci à mon collègue. M. le Président, il faut distinguer
des choses dans tout le processus d'utilisation des phytocides et des
insecticides, c'est sûr. Il faut distinguer aussi une bonne information
de la population, une information qui ne cache rien, qui dit exactement ce qui
va se passer et de quelle façon cela va se faire et
quelles sont les précautions à prendre. Je crois à
une politique d'utilisation qui va inclure toutes ces données,
également pour les opérateurs comme pour la population. Vous avez
une expérience un peu spéciale au Nouveau-Brunswick. Quelle est
la procédure au Nouveau-Brunswick pour vous autoriser à utiliser
des phytocides? Est-ce qu'au Nouveau-Brunswick vous avez des problèmes
à utiliser le glyphosate et le B.t., que des experts considèrent
ici comme des produits sécuritaires lorsque bien utilisés? La
dynamite est un produit sécuritaire lorsqu'elle est bien
utilisée, c'est bien sûr. Il y a d'autres produits comme cela. Je
ne passerais pas de dynamite à un enfant de dix ou douze ans qui ne
connaît pas cela, qui jouerait avec cela et qui s'en irait. Mais, quand
c'est bien fait, je pense qu'il n'y a pas de problème à le faire.
On utilise cela pour le mieux-être, pour essayer de bâtir, de faire
des choses, pour essayer de protéger notre avenir. Mais, au
Nouveau-Brunswick, comment procédez-vous, étant donné que
vous avez une vaste expérience dans cette province?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Cater. (21 h 45)
M. Cater (Max): Merci, M. le ministre M. le Président, au
Nouveau-Brunswick, en 1988, on va arroser quelque chose comme 450 000 hectares.
50 % vont être arrosés avec le fénitrothion et les autres
50 % avec le B.t. Comme vous êtes au courant, au Nouveau-Brunswick,
depuis plusieurs années on a arrosé avec les produits chimiques
comme matacil, fénitrothion. On avait des études de faites sur
plusieurs années par les experts distingués d'Halifax, de
l'Université Dalhousie, et aussi de Montréal, pour essayer de
faire un lien, si vous voulez, avec les maladies "arise", et d'autres maladies.
Le mythe a été détruit complètement par les
experts. La population du Nouveau-Brunswick est probablement plus
concernée par le choix que nous avons fait au Nouveau-Brunswick, parce
que 47 % de tout l'argent généré dans la province du
Nouveau-Brunswick vient de l'industrie des pâtes et papiers et des
scieries. En ce qui concerne la sécurité des produits chimiques,
par exemple, les aires d'arrosage des phytocides et des insecticides sont
annoncées dans les journaux presque à chaque jour, à
chaque fois qu'il y a un arrosage. Même un arrosage de B.t. ou de
fénitrothion est affiché dans les journaux. Les insecticides B.t.
sont arrosés sur les terrains privés en particulier et les
produits chimiques sont arrosés dans certaines provinces loin des
populations.
Je peux dire aussi que, dans nos plans quinquennaux, les applications de
phytocides sont prévues, sont bien planifiées. Il y a un
comité composé de représentants de chaque concession
forestière, du gouvernement, des Ressources naturelles et du CFS. C'est
un comité qui se réunit plusieurs fois par année. En
hiver, ils prennent des sondages concernant la tordeuse et une planification de
l'arrosage de la tordeuse des bourgeons de l'épinette est faite l'hiver
précédent. Ce n'est pas mentionné dans le plan
quinquennal.
Je peux dire aussi, en terminant, qu'en 1982 on a commencé la
politique forestière au Nouveau-Brunswick, pas en 1983 comme Jean l'a
mentionné. Les politiciens, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a fait
un "commitment" que les forêts résineuses du Nouveau-Brunswick
seraient protégées. Le gouvernement libéral a
confirmé le même "commitment" dernièrement. Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Cater.
M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous nous dites
que, du côté des arrosages concernant les insectes,
l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette,
vous ne pouvez pas prévoir cela, tandis que, du côté des
phytocides pour éliminer la végétation concurrente, vous
pouvez le faire. C'est ce que vous faites dans vos plans d'aménagement
qui sont soumis au gouvernement.
Une voix: Oui.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Parce que vous
prévoyez que vous allez faire du reboisement, vous prévoyez que
vous allez protéger la régénération naturelle, sauf
que, quand arrivent les insectes, c'est difficile à prévoir.
Qu'est-ce que vous faites?
M. Cater: On a le comité qui fait des études
régulièrement pendant l'année et les décisions sont
prises durant l'hiver pour l'arrosage l'année qui vient.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que vos
interventions ont donné les résultats escomptés, ou
avez-vous tout simplement manqué votre coup, ou avez-vous atteint vos
objectifs, quant à la protection de la forêt, de la garder verte
pour plusieurs raisons? Est-ce que vos objectifs ont été atteints
de cette façon-là ou si vous auriez pu les retarder pour faire
une espèce d'audience, de consultation, mais sans négliger pour
cela l'information qui est absolument nécessaire, à mon avis?
M. Cater: On avait des audiences publiques, probablement à
chaque deux ou trois ans, mais aujourd'hui, il y a de moins en moins de
personnes qui assistent à ces audiences. Les résultats de nos
efforts au Nouveau-Brunswick... Comme vous êtes au courant, la province
du Nouveau-Brunswick a dix usines de pâtes et papiers et une centaine de
scieries et l'approvisionnement, la disponibilité de bois
résineux est très serrée. On doit suivre les
règlements dans les manuels d'aménagement ou...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que vos
manuels d'aménagement sont connus du public également?
M. Cater: Oui, ce sont des documents publics.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Qui peuvent
être consultés et, avant qu'ils soient approuvés par le
gouvernement, le public peut faire des commentaires ou des suggestions?
M. Cater: Oui.
M. Côté (Rivière-du-Loup): II me reste deux
minutes, je vais passer la parole à mon collègue.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, concernant le
problème de l'information, je pense que le ministre de l'Environnement
l'a bien dit tantôt, l'information c'est une chose. La capacité du
public d'utiliser cette information, de l'évaluer, de la contester et de
réagir face à elle, c'en est une autre. On ne règle pas le
problème en disant aux gens: On vous donne toute l'information que vous
voulez, on vous avertit etc. Sauf que, si les gens ne sont pas en mesure
d'influencer les agissements, les comportements ou les décisions, c'est
bien gentil de les informer, mais cela ne change rien.
Je voudrais revenir sur une question, sur un point qu'on a
déjà abordé avec d'autres associations, en fait, puis
d'autres entreprises. Vos territoires d'opération, vous les connaissez,
ils sont connus. Les produits que vous voulez utiliser, ils sont connus. Les
maladies et les insectes qui sont menaçants sont connus. C'est quoi, le
problème de faire le point une fois tous les cinq ou six ans,
publiquement, sur comment vous allez utiliser ces produits-là s'il
survient des situations dans les territoires que vous contrôlez et que
vous connaissez déjà?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.
M. Dufresne: Je pense que la question est un peu
différente des présentations précédentes. Comment
on va les utiliser, on en a parlé. Ce sont des méthodes qu'on
veut pouvoir utiliser. On vous a dit comment on allait les utiliser. Le dosage,
c'est connu, un peu comme les médicaments. Aller au public, informer le
public, on n'est pas contre cela. Au contraire, je pense que c'est bon et cela
permet de contrôler et de garder tout le monde, disons, dans la bonne
voie. On peut le faire, mais l'importance c'est de le faire dans le bon temps.
On vous a donné des exemples concrets qu'en prenant tout ce
temps-là on utilise 80 fois plus d'insecticides pour réduire une
épidémie. Ce qu'on vous dit, ce n'est pas qu'on ne veut pas aller
au public, c'est qu'il faut faire cette urgence-là. Qu'on fasse le bilan
après, puis d'année en année. Comme l'expérience
qui a été mentionnée par M. Cater, au Nouveau-Brunswick,
les gens vont avoir confiance, ils vont savoir ce qu'on fait. Comme on fait le
bilan des compagnies avec nos actionnaires, on le fait tous les ans.
M. Charbonneau: Je vous arrête parce que...
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Verchères.
M. Charbonneau: Le faire dans le bon temps, on ne se comprend
pas. Je suis bien conscient qu'il ne faut pas aller en audiences publiques
à tous les six mois, à chaque fois que vous allez faire un
arrosage. Mais, entre cela puis ne pas faire d'audiences publiques du tout, il
me semble qu'il y a une marge. La solution 1 qui est proposée, c'est de
faire, à tous les cinq ans, une espèce de superévaluation
pour tout le Québec de tout ce qui va se faire en termes d'utilisation
des pesticides. Le problème, c'est que cela fait gros pas mal puis on ne
s'y retrouvera peut-être pas. Mais, sur la base d'une compagnie à
la fois ou sur la base d'un territoire ou d'une région, jamais je ne
croirai que, si on fait le point une fois par la suite, vous n'aurez pas toute
la latitude d'intervenir parce que vous allez avoir eu les autorisations et les
garanties. Quel est le problème?
M. Dufresne: On ne veut pas avoir toute la latitude pour faire
n'importe quoi. Ce n'est pas cela, le problème. Le problème,
c'est qu'on définit un certain cadre. On veut augmenter la
récolte de 40 % dans la province parce qu'on manque de bois. On signe
des engagements de ce côté et on veut avoir les outils
nécessaires. Ce ne sont pas des outils en catimini qu'on veut utiliser.
On veut les utiliser selon les prescriptions dans un plan qui est public...
M. Charbonneau: Bon, le plan...
M. Dufresne: ...quitte à aller faire un bilan. Je ne vois
pas où est le problème.
M. Charbonneau: Moi non plus. Je ne vois pas pourquoi le fait de
soumettre le plan à la discussion publique une fois tous les cinq ou six
ans vous créerait les embêtements dont vous nous parlez, surtout
si on ajoutait à cette hypothèse de travail ou à cette
solution la capacité d'intervenir maintenant jusqu'à ce que
l'audience publique ait amené des conclusions. Autrement dit, il y
aurait deux espèces de mécanismes, un mécanisme à
partir de maintenant jusqu'à ce que l'audience publique intervienne pour
des utilisations d'urgence, en fonction de ce
qu'on parlait et, entre-temps, il y a le mécanisme d'intervention
d'analyse publique du plan que vous avez en tête et que vous
prévoyez faire. Une fois que cela est fait, vous avez la latitude de
faire, pas tout ce que vous voulez, mais ce que vous avez indiqué que
vous feriez et qui a été autorisé dans le plan. Je vais
vous dire une affaire: Je ne trouve pas cela tellement dramatique et je ne vois
pas pourquoi cela vous empêcherait d'avoir toutes les garanties et la
marge de manoeuvre dont vous avez besoin.
M. Dufresne: M. le Président, si je peux poser une
question: Qu'est-ce qu'ils vont faire avec l'audience publique? Qu'est-ce
qu'ils vont décider? Remettre en question la loi 150 que les deux partis
ont votée unanimement? On veut avoir une forêt et on veut en avoir
40 % de plus.
M. Charbonneau: C'est-à-dire que si... Je vais vous
répondre, on va jouer le jeu. Si, à l'occasion de ces audiences
publiques, l'organisme chargé de faire des audiences publiques en arrive
à la conclusion que les prévisions ou les plans d'intervention
que vous avez pour les années qui viennent comportent des failles, des
oublis ou des lacunes, ou encore comportent des risques particuliers, il sera
en mesure de vous faire un certain nombre de recommandations qui vous
amèneraient à adapter, à modifier le plan en question pour
tenir compte de ces problèmes.
M. Dufresne: C'est le rôle du ministre
délégué aux Forêts et du ministre de l'Environnement
de regarder à ce que la loi 150 soit bien appliquée. C'est au
ministre de l'Environnement. On a cité aussi le ministre
délégué aux Forêts. On a vu aussi que le ministre de
l'Environnement a un rôle très important à jouer. On ne nie
pas ces choses. Mais est-ce qu'on va remettre en question, tous les cinq ans,
le plan d'ensemble? Cela se fait une fois tous les 75 ans dans toutes les
provinces, où on s'en va, où on veut aller. Cela prend 50 ans
avant de faire pousser un arbre. Alors, il ne faut pas changer le plan tous les
cinq ans parce qu'à ce moment-là on ne peut pas planifier.
M. Charbonneau: Attendez...
M. Dufresne: Mais c'est ce que vous venez de me dire. Si cela ne
marche pas, on va l'améliorer.
M. Charbonneau: Non, non. Il y a une différence entre
changer le plan d'intervention d'une entreprise forestière et changer
à des moments donnés parce que les connaissances ont
été modifiées, parce que les évaluations d'impact
sur l'environnement nous ont amenés à tenir compte d'un certain
nombre de choses dont on n'avait pas tenu compte quelques années
auparavant.
M. Dufresne: Oui, mais on va...
M. Charbonneau: II ne faut pas confondre entre le plan de coupe
et la stratégie de planification forestière et d'exploitation
pour les 50 prochaines années et, finalement, la planification de
l'utilisation d'un certain nombre de produits chimiques qui, il y a quelques
années, ne s'avéraient pas dangereux et dont, à des
moments donnés, on découvre qu'ils sont plus dangereux.
M. Dufresne: Mais là, vous ne parlez pas de la même
chose.
M. Charbonneau: Oui, on parle de cela. Écoutez, c'est
seulement de cela qu'on parle.
M. Dufresne: Non, vous pariez de l'homologation et, s'il y a des
changements de ce côté, on l'a dit, comme compagnie, comme
industrie, si on juge - et cela n'a pas été prouvé parce
qu'on a le meilleur système d'homologation au monde - si on trouve qu'un
produit est dangereux, à ce moment-là, vous avez des faits
nouveaux. Mais c'est l'exception et cela n'a pas encore été
prouvé.
M. Charbonneau: On est revenu à plusieurs reprises sur
cela. Ce n'est pas juste le produit. D'ailleurs, si on prend le 2,4-D, il
était homologué et finalement, le BAPE en est arrivé
à la conclusion qu'il était dangereux. Remarquez
qu'Hydro-Québec dit qu'il ne l'est pas, mais vous avez un organisme qui
a conclu que...
M. Dufresne: Mais qui vous a donné... On va revenir sur ce
produit. D'où sont vos sources que le 2,4-D n'est pas bon? J'aimerais
avoir les sources scientifiques.
M. Charbonneau: II y a eu un rapport du Bureau d'audiences
publiques sur l'environnement. Ce n'est pas moi qui l'ai sorti. C'est le BAPE.
À moins que vous ne me disiez que le BAPE s'est complètement
trompé, ce que d'ailleurs HydroQuébec a dit ce matin. Mais,
chacun a le droit à sa théorie, sauf que vous vous rendez compte
que, quand organisme comme le BAPE, dans l'opinion publique, dit que tel
produit est dangereux et qu'une entreprise publique ou privée ou qu'une
société d'État, dit que ses recherches à elle en
arrivent à des conclusions différentes, le public dans cela dit:
Qui a raison? (22 heures)
M. Dufresne: Qu'un organisme fédéral qui a
tout...
M. Charbonneau: Ce n'est pas une garantie parce qu'il est
fédéral.
M. Dufresne: Non, non. Ce n'est pas une garantie, mais, s'il a la
réputation d'être un des meilleurs au monde, s'il a quand
même fait
plusieurs expertises, je pense qu'on peut au moins se fier à
cela. Sans cela, on peut tout remettre en question. On a un système qui
semble fonctionner, qui est bon, qui est reconnu à travers le monde
comme étant un des meilleurs, et vous me dites: Celui-là n'est
pas là. À ce moment, on joue sur un autre terrain.
M. Charbonneau: Ce n'est pas cela que je dis. Vous êtes pas
mal habile. Mais moi aussi, par exemple. Malheureusement, on n'a pas grand
temps. Heureusement qu'on a fait le nécessaire pour que les cinq
compagnies puissent venir. C'est une "p'tite vite" en passant.
Des voix:...
M. Charbonneau: C'est vrai. Cela vous a aidé. Je reviens
à l'idée parce que j'ai l'impression qu'il y a quelque chose que
vous n'arrivez pas à saisir. J'ai beaucoup de difficulté à
comprendre comment vous pensez que cela va vous créer des
problèmes si on arrivait avec un mécanisme qui vous permettrait,
jusqu'à ce qu'une audience publique et une étude d'impact aient
été faites, d'intervenir rapidement dans des cas d'urgence et
que, par la suite, vous puissiez faire le point publiquement sur vos intentions
d'utilisation. Considérant aussi que ce n'est pas tout que les produits
soient homologués. L'usage qu'on fait de ces produits varie d'un endroit
à un autre. Les terrains où on les utilise...
M. Dufresne: Non. Cela ne varie pas d'un endroit à
l'autre. Quand un médecin donne de la pénicilline, il y a une
prescription sur la bouteille, le dosage est fait pour les enfants de cinq
à sept, après cela, de sept à neuf. C'est la même
chose dans les produits chimiques. Il y a tel dosage pour tel secteur.
M. Charbonneau: Venez-vous de me dire que, dans ce cas, quand les
études d'homologation sont faites, on tient compte de toutes les
particularités des différents écosystèmes où
ces médecines, où ces remèdes chimiques sont
appliqués, dans le milieu naturel?
M. Dufresne: C'est certain que le dosage est reconnu et
spécifié et c'est là qu'on dit que, comme industrie, il
faudrait que ce soit bien surveillé, que les utilisateurs et les
épandeurs de ces produits devraient être contrôlés de
façon très stricte, comme on le fait en médecine, de
façon à protéger l'ensemble de la société.
Oui, de ce côté, on vous appuie à 300 %. Il faut le
faire.
M. Charbonneau: Juste en conclusion, M. le Président.
Le Président (M. Saint-Roch): Très
brièvement, M. le député de Verchères.
M. Charbonneau: En tout cas, il doit y avoir quelques
problèmes avec le processus d'homologation pour que le Conseil canadien
des ministres des Ressources et de l'Environnement décide de se pencher
sur le problème et convienne que tout n'est pas aussi simple et aussi
clair que cela dans ce processus. Je vais vous dire: Quand ils nous disent
cela, nous autres, on est en droit aussi de se poser des questions.
M. Dufresne: M. Charbonneau, quand on a le meilleur
système au monde et qu'on vise l'excellence, qu'on essaie encore de
l'améliorer, je suis d'accord avec vous. Mais cela ne change pas que
c'est un des meilleurs, sinon le meilleur, systèmes reconnus au monde.
Pas par moi. Par des gens, des experts de ce côté.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Verchères. Je vais maintenant reconnaître
M. le député de Viger.
M. Maciocia: J'aurais seulement une question. Vous avez dit
tantôt que vous n'étiez pas contre la consultation publique. Tout
de suite après vous avez dit: Les consultations publiques, que
vont-elles apporter de nouveau? Je ne vois pas la corrélation entre les
deux. Dans un deuxième temps, une autre question, je vais vous la poser
tout de suite, comme cela vous allez pouvoir répondre. Vous avez
parlé aussi, à un moment donné, du bon temps. Cela veut
dire quand?
M. Dufresne: On dit deux choses. La consultation du public peut
se faire à plusieurs endroits, le temps de l'homologation pour voir ce
qui se passe; le temps où on met nos plans de cinq ans pour
aménager la forêt, c'est un autre temps. Le public a le droit
d'avoir l'information aussi sur ce qu'on fait avec l'utilisation des
herbicides, des insecticides, de savoir quand on fait un bilan. Je pense que
c'est la meilleure façon de rendre compte au public de ce qu'on fait et
on sera jugés, on est prêts à être jugés par
cela. C'est quelque chose. Comme on le fait dans l'entreprise privée,
à la fin on est jugé par les actionnaires d'après le
bilan. Alors, c'est ce genre de point... On ne nie pas que le public ait droit
à l'information, mais on ne veut pas remettre... On veut savoir les
règles du jeu pour les prochains... La croissance d'un arbre
s'étend sur 50, 75 ans. On nous dit qu'il faut dépenser au
Québec 150 000 000 $. Cela va être plus près de 180 000 000
$ par année et on ne saura pas si la protection va se faire dans la
forêt. Comment voulez-vous qu'on puisse continuer à faire vivre
tous ces gens-là au Québec et à investir pour être
compétitifs? Parce qu'il ne faut jamais arrêter d'investir pour
être compétitif. Il faut qu'on sache les règles du jeu
claires et nettes. Ne pas jouer avec la santé du public. Ne pas jouer
avec l'information du public. Ce sont des acquis. Il faut le faire dans un
système qui fonctionne et de façon rationnelle. On vous a
donné des exemples très clairs où cela ne s'était
pas produit, pas par mauvaise volonté des gens, juste parce que le
système ne permettait pas cela.
On arrive, comme l'industrie la plus grande au Québec et la plus
grande au Canada, avec un plan rationnel qui a démontré, dans le
cas du feu, des résultats que tous les pays du monde viennent voir.
Là, on vous propose un plan comme cela, ici, et vous nous dites: Bien,
peut-être que cela ne marchera pas. Faites donc confiance à une
industrie qui est établie ici depuis au moins une centaine
d'années, qui est très sérieuse et qui investit des
centaines de millions pour montrer ce qu'elle veut. On n'a pas joué le
public. On n'y a pas d'intérêt.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Dufresne. Je vous remercie, M. le député de Viger. Je remercie
les représentants de la Consolidated-Bathurst inc. pour leur
présentation à la commission de l'aménagement et des
équipements.
Je demanderai maintenant aux représentants de la compagnie
Abitibi-Price inc. de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.
À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais maintenant au
représentant de la compagnie Abitibi-Price ainsi qu'aux gens qui
l'accompagnent de bien vouloir s'identifier, s'il vous plaît, pour le
bénéfice des membres de la commission.
Abitibi-Price Itée
M. Caron (Jean-Louis): Alors, mon nom est Jean-Louis Caron. Je
suis direteur de la foresterie pour la compagnie Price Itée. À ma
droite, M. Robert Haché, directeur général de
l'exploitation forestière pour la compagnie Price et, à ma
gauche, M. David Dallain, forestier divisionnaire pour la division de
Beaupré.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Caron.
Vous avez maintenant dix minutes pour présenter votre mémoire aux
membres de la commission.
M. Caron: Alors, MM. les ministres, M. le Président et MM.
les députés, nous remercions les membres de la commission de nous
donner l'occasion de présenter la position adoptée par la
compagnie Abitibi-Price en regard du projet de politique d'utilisation des
pesticides en milieu forestier.
Abitibi-Price est une importante société canadienne de
produits forestiers qui exploite 34 installations de fabrication au Canada, aux
États-Unis et bientôt au Venezuela. Premier fabricant de papier
journal au monde, Abitibi-Price est aussi un important producteur de papiers de
pâte mécanique, de papiers couchés, de matériaux de
construction, d'enveloppes, de papiers à usage industriel et domestique.
De plus, notre société est un important distributeur de papiers
impression, de produits pour le bureau et de fourniture en papier. Elle emploie
plus de 16 000 personnes et son chiffre d'affaires a atteint
dernièrement les 3 000 000 000 $.
Au Canada, les opérations forestières de la compagnie sont
réparties dans quatre provinces, soit le Manitoba, l'Ontario, le
Québec et Terre-Neuve. Au Québec, Abitibi-Price opère,
outre les usines de fabrication de produits spécialisés, toutes
localisées en périphérie de Montréal, quatre usines
de pâtes et papiers et une scierie, soit l'usine de pâtes et
papiers d'Alma, l'usine de Kénogami, l'usine de Beaupré, l'usine
de Chandler et, finalement, la scierie de Péribonka.
Concernant l'approvisionnement en fibres de ses usines au Canada,
Abitibi-Price gère plus de 75 700 kilomètres carrés de
territoire forestier dont 20 700 kilomètres carrés au
Québec et ce, avant la mise en place du nouveau régime forestier.
Presque la totalité de ses territoires au Canada est du domaine public.
Cela, à notre avis, démontre l'importance de l'impact des
politiques provinciales d'utilisation des pesticides sur l'atteinte des
objectifs d'aménagement forestier de la compagnie dans quatre provinces
canadiennes. Par exemple, Abitibi-Price traite annuellement, en Ontario
surtout, près de 20 000 hectares de forêt avec des phytocides. Au
Québec, notre société a des besoins en fibres de l'ordre
de 2 700 000 mètres cubes, dont 1 900 000 en provenance des forêts
publiques.
Le nouveau régime forestier et la signature de cinq contrats
d'approvisionnement et d'aménagement forestiers obligera notre compagnie
à assumer des responsabilités accrues en matière
d'aménagement forestier. Nous estimons que l'effort sylvicole
s'étendra sur une superficie approximative de 18 000 hectares et
pourrait représenter un investissement annuel de près de 5 000
000 $. Il est probable que l'on devra faire usage de phytocides chaque
année sur une superficie approximative de 2500 hectares. On tient pour
acquis que les secteurs aménagés seront en totalité
protégés efficacement contre les insectes, advenant une
épidémie.
Quels sont les outils indispensables en foresterie pour protéger
efficacement les investissements en aménagement? À notre avis,
les forestiers doivent posséder tous les outils disponibles pour pouvoir
agir rapidement et efficacement lors de fléaux naturels tels le feu, les
épidémies d'insectes, les maladies et pour contrer la
végétation concurrente en plantation ou dans la
régénération naturelle. Ces outils indispensables sont,
d'une part, des moyens mécaniques utilisables en certaines circonstances
et, d'autre part, des produits biologiques et chimiques homologués par
les organismes fédéraux. Toutefois, pour être efficaces,
ces produits doivent pouvoir être utilisés de façon
sécuritaire, avec un maximum de flexibilité, tant par voie
aérienne que terrestre.
Pour respecter ses engagements contractuels
envers le MER, pour atteindre ses objectifs de production et pour
protéger ses investissements annuels en aménagement, chaque
industriel forestier, dont Abitibi-Price, devra s'appuyer sur une politique
d'utilisation des pesticides répondant totalement à ses besoins,
sans entrave ni limitation injustifiée. En regard de l'usage des
pesticides, la position d'Abitibi-Price est précisée dans sa
politique d'aménagement forestier applicable au Canada. Je cite: "La
protection de nos forêts contre les incendies, les insectes et la
maladies est une condition préalable à l'élaboration d'un
programme d'aménagement forestier efficace. Il est illogique d'investir
dans l'avenir sans assurer cette protection. Abitibi-Price, conjointement avec
les gouvernements provinciaux et les organismes de protection, accepte
d'assumer la principale responsabilité de la prévention et de la
lutte contre les incendies en forêt. Les pertes attribuables aux attaques
massives d'insectes sont parfois plus importantes que celles
qu'entraînerait un très grave incendie. L'entreprise appuie
l'utilisation rationnelle d'insecticides autorisés par le gouvernement
quand leur usage est essentiel. "L'entreprise estime que l'utilisation
sécuritaire des herbicides autorisés par le gouvernement doit
faire partie intégrante de l'aménagement forestier afin
d'éliminer temporairement les feuillus pour favoriser la croissance des
conifères et de contrôler la végétation concurrente
dans les plantations." (22 h 15)
Abitibi-Price entend investir près de 15 000 000 $ par
année en aménagement forestier au Canada, dont près de 5
000 000 $ au Québec. Pour la protection de la forêt contre le feu,
Abitibi-Price considère efficace le système de protection en
vigueur au Québec. Pour la protection contre les insectes, Abitibi-Price
considère que le programme de protection mis en place à ce jour
ne répondra pas nécessairement aux besoins dans l'avenir. Enfin,
Abitibi-Price con-considère prioritaire que le système de
protection contre les épidémies d'insectes soit conçu en
vue de protéger rapidement et efficacement tous les secteurs forestiers
où des investissements auront été consentis en
aménagement. Ceci suppose une organisation qui puisse intervenir tant
à l'échelle d'une région qu'à l'échelle
d'une plantation, par exemple.
Abitibi-Price ne peut concevoir la protection des forêts sans une
politique d'utilisation des pesticides qui autorise le maximum de produits
homologués pour la foresterie. Ainsi, Abitibi-Price juge prioritaire que
la protection contre les insectes soit aussi efficace que celle contre le feu
lors de l'attaque initiale. Pour ce faire, par exemple, l'on dort pouvoir
utiliser le fénitrothion sur les foyers d'infestation les plus intenses
de la tordeuse en raison de son efficacité contre cet insecte, d'autant
plus que ce produit est homologué et utilisé depuis plus de 20
ans et que son usage est considéré sans impact inacceptable sur
l'environnement.
Concernant la lutte contre la végétation concurrente,
Abitibi-Price doit pouvoir s'appuyer sur une politique d'utilisation des
pesticides qui donnera à l'aménagiste le choix de procéder
aux pulvérisations tant par voie aérienne que par voie terrestre
en vue d'un maximum d'efficacité et de rentabilité. Notre
compagnie, bien qu'elle exige un maximum de flexibilité dans l'usage des
pesticides en foresterie, a pour politique d'utiliser rationnellement les
pesticides autorisés en vue de minimiser l'impact de ces produits sur
l'environnement, sur la santé et la sécurité du public et
de ses employés en forêt. Abitibi-Price appuie la recherche de
moyens alternatifs et entend privilégier ces nouvelles avenues lorsque
celles-ci seront suffisamment efficaces et économiquement rentables
à l'usage.
En conclusion, nous soumettons les éléments suivants
à votre réflexion. Premièrement, Abitibi-Price accorde un
appui inconditionnel à la position adoptée par l'Association des
industries forestières du Québec et contenue dans un
mémoire déjà porté à votre attention.
Deuxièmement, Abitibi-Price privilégie le deuxième
scénario proposé dans le document de support, soit l'autorisation
d'utiliser le B.t. et le glyphosate sans étude d'impact.
Troisièmement, Abitibi-Price reconnaît la compétence et
l'expertise des services fédéraux quant à l'homologation
des pesticides utilisés en forêt. Tout produit homologué
devrait être approuvé et permis au Québec sans le recours
aux audiences publiques. Quatrièmement et finalement, Abitibi-Price
considère que les produits chimiques sont essentiels à la
foresterie moderne. A défaut de les utiliser pour protéger
efficacement la forêt contre les prédateurs de toutes sortes,
l'aménagement forestier serait voué à l'échec et
les investissements consentis auraient grand mal à trouver leur
justification. Messieurs, je vous remercie.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. M. le
ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, je voudrais vous poser une ou
deux questions au sujet de l'homologation. Je vois que quelque chose revient
tout le temps, c'est le principe de l'homologation comme agent de garantie que
tout va être sécuritaire.
Je voulais vous demander si vous connaissiez le cas d'un pesticide qui
avait été homologué en 1969 par Environnement Canada, je
pense qu'il s'appelait leptophos. Ce pesticide employé au Canada avait
été homologué. Il avait été exporté
dans 50 pays, dont le Canada. Il n'avait pas encore été
homologué aux États-Unis. En ' 1977, presque huit ans
après, la firme qui avait produit tous les éléments de ce
pesticide, je pense qu'elle s'appelait Industrial Biotest Labs, une firme
américaine, a été découverte par l'EPA
américain en 1977 ou 1976 pour avoir falsifié des documents par
rapport à quelque chose comme
une centaine de pesticides, ou 140 pesticides, incluant le leptophos. Le
Canada et l'Amérique, les deux services d'homologation, ont eu à
refaire toute l'évaluation des pesticides qui avaient déjà
été homologués parce que tous les documents, ou plusieurs
documents, qu'avait validés l'homologation avaient été
falsifiés par IBT. Est-ce que vous êtes au courant de ce cas?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Caron.
M. Caron: M. Lincoln, j'ai entendu parler de ce cas sans pouvoir
en discuter aujourd'hui. Toutefois, il est évident que dans tout
processus d'évaluation, peu importe l'organisme, des failles peuvent se
produire. Cela n'empêche pas Abitibi-Price d'avoir pleine confiance dans
le processus d'homologation qui était en vigueur au Canada. Si,
éventuellement, il y avait lieu d'améliorer le système, je
crois qu'Abitibi-Price y concourrait en totalité.
M. Lincoln: Là, on va parier du fénitro-thion. Je
peux vous citer un document que j'ai, un rapport d'Environnement Canada, du
service de la protection de l'environnement de la région de
l'Atlantique. C'est une étude de 1981 qui dit: "Les études
effectuées en 1980 ont indiqué que le fénitrothion
était susceptible de contaminer à l'état de traces
différents coquillages tels que les palourdes, les moules et les
huîtres sur une superficie assez étendue des Maritimes - par
rapport justement à l'arrosage. On a découvert des coquillages
contaminés jusqu'à 50 kilomètres des régions
arrosées. À proximité des zones arrosées, le niveau
de contamination des coquillages était considérable quoique de
courte durée."
Ce que je veux vous souligner, c'est que je pense qu'il y a une
différence entre le produit et la façon dont il est
utilisé, la superficie... Il y a sûrement un impact quelconque. Je
lis, par exemple, le rapport de la commission du droit où il y a quelque
chose comme des centaines de références à des
études et qui finit par dire: "En outre, la découverte de
données falsifiées ou scientifiquement invalides concernant la
vérification de pesticides est venue mettre en doute l'innocuité
d'un bon nombre de produits antiparasitaires se trouvant actuellement sur le
marché canadien. Qui plus est, ces difficultés se posent à
toutes les étapes du processus de réglementation, y compris
l'homologation, l'utilisation et l'élimination. "
Ce que je voulais vous dire, c'est que j'ai participé à
tout un dialogue là-dessus avec les ministres canadiens
fédéraux et tous les ministres provinciaux. Cinq constatations se
faisaient sentir relativement au processus d'homologation. Premièrement,
les produits temporairement homologués ou licenciés et qui
restent temporairement homologués aussi longtemps que les études
ne sont pas terminées, c'est là un problème.
Deuxièmement, pour les produits déjà homologués
depuis quelques années, et surtout dans les années où on
n'en savait pas assez sur les produits, il n'y a pas de système de
"re-testing". Troisièmement, les provinces impliquées dans
l'application de ces produits n'ont aucunement voix au chapitre en ce qui
concerne l'homologation.
Cinq facteurs différents faisaient que toutes les provinces,
incluant l'Ontario, incluant le Québec, incluant les Maritimes, incluant
le Manitoba et incluant PAIberta, ont demandé au gouvernement
fédéral d'être impliquées de beaucoup plus
près au stade de l'homologation et que le ministre de la Santé et
du Bien-être fédéral lui-même - il a parlé
à cette rencontre, je l'ai écouté - est arrivé avec
une page de notes suggérant des améliorations draconiennes
à apporter au processus d'homologation.
Qui plus est, le ministre fédéral de l'Agriculture, qui
est en charge de l'homologation, a demandé à son
comité-conseil, le Pest Management Advisory Board, de faire une
étude sur toute l'affaire, de nous consulter - on a eu des rencontres
avec lui par la suite - parce que le processus n'est pas assez complet. C'est
pourquoi je vous dis que c'est peut-être le meilleur processus du monde
comparativement à d'autres. C'est cela qu'on dit. C'est sûr qu'il
y a des failles puisque le procès de IBT le démontre bien. Il y a
eu toutes sortes de causes. Je peux vous dire qu'il y a des produits qui ont
été homologués et qui ont été retirés
par la suite parce qu'on a examiné les produits après cinq ou six
ans et qu'on a trouvé qu'ils étaient dangereux.
S'il y a même un petit doute... Qu'est-ce que cela ferait si, par
exemple, on donnait une chance au public? Au moins, le public serait
assuré qu'il savait exactement ce qui se passait. C'est pourquoi le
système d'audiences est ouvert. On va là et on dit quelque chose.
Au moins, si quelque chose arrive par la suite, tout le monde est conscient de
ce qu'on a accepté. Ne pensez-vous pas que c'est un système plus
équitable pour tout le monde plutôt que de se baser sur un
système d'homologation qui s'avère fautif? Je vous suggère
de lire cette étude, "Les pesticides au Canada, étude de la
législation et de la politique fédérale." Je vais vous
dire que la politique doit être améliorée parce que je suis
partie prenante aujourd'hui là-dedans et je sais que le
fédéral lui-même admet qu'il y a des failles. L'Ontario, le
Manitoba et la Colombie britannique l'admettent aussi. Si, par exemple, le
processus d'homologation sur lequel vous basez toute votre argumentation
s'avérait faux, que feriez-vous? Admettons que vous décidiez
d'utiliser un produit, disons le glyphosate. Il n'y a pas eu d'étude
d'impact sur ce produit, il n'y a pas eu d'audiences publiques. Pour le B.t.,
oui, je suis d'accord avec vous, on est passé par des études
d'impact. Pour le glyphosate, on n'est jamais passé par des
études d'impact. Qu'arriverait-il si l'homologation s'était
trompée? On ne s'est penché que sur cela. Pourquoi ne pourait-on
pas tenir une audience publique plus large?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Caron.
M. Caron: Juste quelques mots pour répondre à votre
question et je céderai la parole à mon confrère.
Je crois que la meilleure façon de rassurer le public n'est pas
de tenir des audiences publiques ou de faire des études d'impact qui
permettent au public d'intervenir; je dirais que c'est probablement
d'améliorer le système d'homologation s'il contient des failles.
Vous parliez des provinces qui sont intervenues auprès du
fédéral. Je verrais que tout le monde participe à
améliorer le système d'homologation; c'est quelque chose de
réalisable. Mais laissons aux spécialistes l'occasion
d'améliorer leur système et non pas au public qui, bien
qu'informé, n'est pas nécessairement en mesure de comprendre et
de juger de la pertinence de l'usage d'un pesticide.
Je vais céder la parole à...
M. Lincoln: Ne pensez-vous pas que, si le public n'a pas voix au
chapitre, il y a pas quelque chose de non équitable, si c'est lui qui en
subit les conséquences? C'est cela l'affaire. Si j'habite dans une
région que vous allez arroser, n'ai-je pas le droit d'aller vous poser
des questions? Je ne parle pas de moi, je ne serai pas dans votre
région. Mais si je fais partie du public qui habite là ou dans
les 50 kilomètres de l'endroit où vous faites votre arrosage,
est-ce que ce membre du public n'a pas le droit de savoir ou d'aller vous poser
des questions? C'est ce qu'on veut savoir.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Caron.
M. Caron: Le public a le droit d'être informé, bien
sûr, et il a le droit d'avoir voix au chapitre. Mais le public a aussi le
droit d'être éduqué sur les pesticides pour qu'il soit
informé et renseigné d'une façon adéquate sur la
nature des produits, leur toxicité, et que cela soit fait de
façon que des passions ne soient pas soulevées et qu'il n'y ait
pas de charriage non plus. C'est un peu ce que je déplore au sujet des
audiences publiques précédentes qu'on a connues.
Je cède la parole à mon confrère.
Le Président (M. Saint-Roch): Brièvement, s'il vous
plaît, M. Haché.
M. Haché (Robert): Ce que j'aimerais dire à M. le
ministre, en somme, c'est que, de votre côté, vous avez
peut-être de la difficulté à nous comprendre, mais moi
aussi j'ai un peu de difficulté à saisir ce que vous dites. D'un
côté, vous dites: On remet en question le système
d'homologation, on est prêt à tenir des audiences publiques pour
vous permettre d'arroser pour un certain temps, mais on n'est pas certain et on
ne veut pas le fixer pour une période trop longue. On aimerait que vous
alliez vous confesser tous les cinq ans, disons. Si on a des doutes sur les
produits, pour nous le prouver... Si j'étais à votre place, je ne
les permettrais pas, mais si on n'a pas de doutes sur les produits,
laissez-nous les utiliser.
M. le ministre, je sais aussi que, même si vous nous donnez un
droit aujourd'hui, cela ne vous gênera pas dans le temps de changer,
d'ajuster ou de "questionner" ce droit. Je suis certain que vous ne serez pas
gêné là-dessus. Même si vous nous dites aujourd'hui:
Écoutez, même sans audiences publiques, allez-y et utilisez ces
produits-là, d'ici deux ans, bonté! si on a mal fait et qu'on
veut s'ajuster, je suis certain que cela ne vous gênera pas de dire:
Écoutez, les gars, on va se reprendre. S'il faut tout le temps que ce
soit un système vraiment dans le ciment et qu'il faut aller se confesser
tous les cinq ans, je ne vois pas la logique là-dedans et j'ai de la
misère à comprendre. (22 h 30)
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Haché. Je vous remercie, M. le ministre. M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: M. Haché, le système de confession,
c'est dur à supporter tous les jours, mais tous les cinq ans, ce n'est
pas si pire que cela.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Haché: Je vais vous dire, M. le député,
que, dans la religion on avait un système de confession, on allait se
faire confesser par une personne, mais, là, faire des confessions
communautaires, c'est...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Charbonneau: Oui, mais si vous êtes sûr d'aller au
ciel avec cela...
M. Haché: C'est peut-être parce que, comme Canadiens
français, on est timides et qu'on aime encore...
M. Charbonneau: Cela a changé un peu, attention
là!
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Verchères.
M. Charbonneau: D'abord, je regarde votre conclusion. Vous dites:
On est en faveur du scénario 2, mais vous ajoutez: Tous les produits
homologués, on devrait être capable de les utiliser sans audiences
publiques. Vous allez pas mal plus loin que le scénario 2. Autrement
dit, tout ce qui est homologué, pas juste les deux produits qui sont
prévus au scénario 2, mais n'importe quoi, vous pourriez
l'utiliser sans problème. Je vais vous dire, j'ai déjà des
réti-
cences face au scénario 2, je ne m'embarquerai pas dans une
patente où vous allez avoir un chèque en blanc sur à peu
près tous les produits, surtout après ce que le ministre de
l'Environnement vient de nous dire et ce qu'on a déjà entendu un
peu plus tôt aujourd'hui sur le processus d'homologation.
Je vais vous dire une chose, je pense qu'il y a deux sortes de publics
qui peuvent être intéressées par les audiences publiques:
II y a le public général de gens qui, peut-être, ne sont
pas très informés du fait et qui tombent parfois dans la passion
ou le charriage. Il y a un autre type de public, qui est un public plus
spécialisé de gens qui, justement, s'intéressent à
ces questions, qui ont des points de vue, qui fouillent les dossiers. Il y a
des organismes d'envi-ronnementalistes qui ont développé avec les
années une expertise intéressante et qui, finalement, peuvent
amener à des questionnements que des scientifiques n'ont pas jugé
bon de faire ou que des gens n'ont pas fait parce que, finalement, ils se sont
fait acheter ou ils ont embarqué dans une patente de corruption. Ce dont
le ministre a parlé tantôt, cela nous a été
rapporté, entre autres ce matin, par le Regroupement pour un
Québec vert.
Je pense qu'il y aurait moyen d'avoir un système... Et c'est
là où je n'arrive pas à comprendre votre argumentation:
entre une obligation actuelle qui vous est faite, pour des superficies
d'au-delà de 600 hectares, si je ne me trompe pas, d'aller en audiences
publiques sur chaque arrosage et un mécanisme qu'on pourrait même
assouplir ou rendre cela plus opérationnel et en sorte qu'une fois tous
les cinq ou six ans - cela pourrait être sept ans, mais à
période fixe - vous auriez à faire le point publiquement sur
l'utilisation que vous faites d'un certain nombre de produits, de ce que vous
allez en faire et de ce qui est possible ou prévisible qu'il survienne,
je n'arrive pas à comprendre comment cela va vous embêter à
ce point-là. Je comprends que dans une dynamique de négociations
vous allez avoir l'attitude la plus fine devant nous autres pour essayer
d'aller en chercher le plus possible. Mais, au bout du compte, j'ai de la
misère à comprendre pourquoi vous ne seriez pas capables de
fonctionner avec un mécanisme qui ferait en sorte qu'une fois de temps
à autre vous seriez appelés à vous confesser publiquement
et à revoir... Je ne vous saisis pas, là.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Haché.
M. Haché: J'ai dit tantôt que des fois on a de la
difficulté à se comprendre.
M. Charbonneau: Oui, mais qu'est-ce que vous voulez!
M. Haché: Mais ça, c'est tout à fait normal,
c'est pour cela qu'on est ici.
M. Charbonneau: On n'est pas loin, il y a une ligne,
là.
M. Haché: Ce que je ne comprends pas dans ce que vous nous
présentez, c'est que vous dites: Écoutez, tous les cinq ans, ce
serait le "fun" d'avoir 350 réunions publiques, parce qu'il y a 350 CAAF
dans la province.
M. Charbonneau: D'accord, attendez une...
M. Haché: Laissez-moi juste finir. 350 réunions,
c'est le "fun". On est aujourd'hui dans l'ère de la communication et
c'est bien intéressant. Des réunions pour entendre dire par 350
personnes: Écoutez, les gars, le B.t. et le glypho-sate, on veut s'en
servir, et que d'autres gens vont venir nous dire: Bien, c'est peut-être
dangereux... Tous les cinq ans, on va répéter cela. On vous le
dit, nous autres, en tant qu'industries: Si c'est dangereux, si vous pouvez
nous prouver que c'est dangereux, enlevez-le du marché! Mais vous
voudriez qu'on s'explique comme ça tous les cinq ans. J'aime bien
ça avoir des réunions, mais en avoir pour répéter
la même chose...
M. Charbonneau: Mais si on réduisait le nombre de
réunions, si on passait de 350 à une quinzaine ou à une
dizaine, soit par nombre de compagnies ou par grande région
d'exploitation, ce serait déjà moins pire. Cela vous ferait moins
de réunions et, si on vous disait en plus qu'il y a le produit, mais
qu'il y a aussi les usages du produit, le dosage... Si je prenais l'exemple
qu'on a utilisé avec d'autres, par exemple, le médicament, on le
connaît, mais il y a le dosage et les patients. Le même
médicament n'a pas les mêmes effets pour tout le monde. La preuve
est que les pharmaciens et les entreprises pharmaceutiques développent
différents types de médicaments qui se ressemblent tous les uns
les autres, mais, quand vous allez voir un médecin, il vous dit: Je ne
peux pas te prescrire celui-ci, je vais te prescrire celui-là, parce
que, dans ta situation particulière, il aura des effets secondaires
qu'un autre n'aura pas. Ce n'est pas indiqué dans l'homologation, parce
qu'on ne me fera pas accroire, à moins qu'on vienne me dire, et personne
ne me l'a dit jusqu'à maintenant, qu'elle est faite de façon
telle que l'on tient compte des particularités propres aux
différents lieux d'utilisation, à l'ensemble des
écosystèmes qui existent dans les régions où on les
utilise. Juste cet argument, il me semble qu'il milite en faveur d'une certaine
précaution.
M. Haché: Avez-vous pensé comme ce serait
intéressant de s'asseoir là, tous les cinq ans, pour parler d'un
territoire et du travail qu'on y fera pendant les cinq prochaines
années? On fera des petites "patches" ici et là, un petit peu de
travail ici et tel travail sylvicole là. Il me semble que, si le public
était si intéressé que ça,
on pourrait les lui donner encore bien plus facilement que ça. On
pourrait dire: On a nos plans annuels qui sont déposés au
gouvernement. Si vous voulez les voir, allez les voir. L'information est
là. La seule chose sur laquelle on argumente ici, j'en suis certain,
c'est sur l'utilisation du produit comme tel. C'est de ça que vous
voulez qu'on discute. Nous, on dit: Si c'est un produit homologué et qui
est accepté, utilisons-le et arrêtons d'en parler. Mais commencer
à expliquer tout un plan d'aménagement pour les cinq prochaines
années, on en perd notre latin juste à en parler pour un an, ce
sera quelque chose à expliquer.
M. Charbonneau: II y a deux affaires, il y a les produits et un
droit acquis des citoyens qui existe depuis quelques années, qui a
été d'ailleurs plus ou moins contourné à bien des
occasions, qui est le droit que les gens ont maintenant d'intervenir dans
l'évaluation des impacts environnementaux. Non seulement qu'ils soient
informés, mais qu'ils puissent intervenir dans la discussion et dans
l'analyse qu'on fait, et qu'ils puissent la remettre en cause et,
éventuellement, faire entendre des points de vue qui ont
été mal évalués. S'il n'y avait pas eu d'exemple,
si, jusqu'à maintenant, toute l'expérience des audiences
publiques nous amenait à la conclusion que tout ça, c'est juste
pour la galerie et que ça ne sert pas à grand-chose, je pourrais
vous dire aujourd'hui: Je pense que vous avez raison. Mais on constate que,
dans bien des cas, on pourrait prendre le relevé, le bilan de l'action
du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement pour se rendre compte que,
dans bien des domaines, y compris dans des interventions de ministères
du gouvernement, s'il n'y avait pas eu le Bureau d'audiences publiques, on
aurait fait les choses toutes croches. Heureusement qu'il y a eu des
mécanismes d'audience publique, on a évité des
bêtises monumentales.
Vous ne trouvez pas que ce droit acquis est suffisamment important pour
que l'on prenne les précautions nécessaires pour ne pas
l'altérer? Entre un droit acquis qui consacre un processus un peu lourd,
un peu complexe, et sa suppression totale, il y a peut-être un juste
milieu que l'on peut trouver, c'est-à-dire que l'on pourrait
alléger le mécanisme, le rendre plus opérationnel et faire
en sorte qu'il n'empêche pas une intervention rapide, une contre-attaque
rapide lorsque les problèmes surviennent, mais qu'en même temps on
puisse maintenir cet acquis qui a fait ses preuves?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Haché. M.
Haché: C'est fini? M. Charbonneau: II peut répondre.
M. Haché: Je peux répondre.
Le Président (M. Saint-Roch): Oui. C'est pour ça
que j'ai mentionné M. Haché.
M. Haché: Ah! Excusez-moi. Pour répondre à
votre question - j'y ai répondu tantôt - je ne vois pas ce que
cela donnerait de plus d'aller discuter de cela à tous les cinq ans. Je
vous dis qu'on parle de deux produits - on peut en ajouter d'autres par
exemple, mais on parle de deux principalement - et si ce sont ces deux
produits-là qui sont mis en cause et qu'on les accepte comme bons, cela
ne prend pas des audiences publiques à tous les cinq ans ou à
tous les deux ans ou quoi que ce soit pour questionner cela à chaque
fois. Vous n'avez pas besoin de cela, vous savez, d'après moi.
Le Président (M. Saint-Roch): Je veux remercier M.
Haché, je veux également remercier M. le député de
Verchères. Je remercie les gens de la compagnie Abitibi-Price
Itée pour leur présentation aux membres de la commission de
l'aménagement et des équipements. Je demanderais maintenant aux
représentants de la compagnie CIP inc., s'il vous plaît, de
prendre place.
Permettez-moi dans un premier temps de vous souhaiter la bienvenue
à la commission de l'aménagement et des équipements. Je
demanderais maintenant au porte-parole de la compagnie CIP inc. de bien vouloir
s'identifier, ainsi que les membres qui l'accompagnent, pour le
bénéfice des membres de la commission.
CIP inc.
M. Martin (Bill): Merci, M. le Président. Je suis Bill
Martin, vice-président de la compagnie CIP et je suis assisté,
à ma droite, par Marcel Pinard, l'ingénieur forestier en chef de
la compagnie et, à ma gauche, par Michel Auclair, l'assistant de M.
Pinard. Je demanderais à M. Pinard de présenter le sommaire de
notre mémoire; cela va durer dix minutes.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Martin.
Je demanderais maintenant à M. Pinard de procéder à la
présentation de ce mémoire. Vous avez dix minutes pour le
présenter.
M. Pinard (Marcel): Merci, M. le Président. M. le
Président, M. le ministre, messieurs, nous remercions les membres de
cette commission de nous donner l'occasion d'exposer notre point de vue sur un
sujet aussi important pour notre industrie. Notre mémoire s'inspire
principalement du document de support de la commission parlementaire, en date
d'avril 1988, intitulé "Politique d'utilisation des pesticides en milieu
forestier". Il se veut une critique positive des concepts et des propositions
contenues dans ledit document. Pour l'ensemble, l'approche retenue par le
ministre délégué aux Forêts et le ministre de
l'Environnement est rassurante pour l'in-
dustrie qui aura, suivant le nouveau régime forestier, à
investir d'importantes sommes en aménagement forestier.
CIP fournit de l'emploi à 6100 personnes au Québec, dans
ses quatre usines primaires, dans ses quatre usines de transformation et dans
ses trois divisions forestières. Notre compagnie injecte annuellement au
Québec près de 600 000 000 $ en salaires, en biens et services et
en achats de toutes sortes. Pour satisfaire l'approvisionnement en bois de ses
usines, CIP devra couper au Québec quelque 2 700 000 mètres cubes
de bois annuellement. Dans le contexte du nouveau régime forestier, ces
exploitations entraîneront un important programme d'aménagement
forestier intensif sur plusieurs milliers d'hectares. Les investissements de
CIP dans cette sylviculture industrielle dépasseront annuellement 10 600
000 $.
Afin de protéger adéquatement ces investissements et de
permettre du même coup de relever le défi présenté
par la nouvelle Loi sur les forêts, une politique claire, souple et
fonctionnelle concernant l'utilisation des pesticides en milieu forestier
s'avère absolument nécessaire.
Les moyens de protection. Toutes les avenues possibles pour combattre
les agents nuisibles de la forêt par des moyens autres que les pesticides
doivent continuer d'être explorées dans les programmes de
recherche et de développement. Lorsque sûres, les mesures
d'aménagement doivent, elles aussi, donner priorité aux produits
chimiques ou biologiques. Le document de support fait bien ressortir cette
approche et nous l'endossons.
Mis à part les pesticides, il faut par contre reconnaître
qu'actuellement la gamme des moyens est très limitée. Les moyens
proposés sont souvent inefficaces ou encore trop dispendieux compte tenu
de l'objectif visé. (22 h 45)
La détection. En protection contre les feux de forêt, la
détection est l'élément clé des succès que
connaissent nos sociétés de protection et de conservation. Le
système est bien structuré, adéquat et, surtout,
prêt à réagir prompte-ment et efficacement. On doit
s'inspirer de ce modèle pour développer la détection, du
moins pour la lutte contre les insectes et les maladies. Ainsi, les mesures de
lutte seront minimisées et les résultats efficients.
La protection contre les insectes. En période
d'épidémie comme celle de la tordeuse des bourgeons de
l'épinette ou encore lors de l'apparition de nouveaux foyers
d'infestation, tels que la mouche à scie du pin gris, la tordeuse du pin
gris, le seul et unique moyen de lutte est l'arrosage d'insecticides par voie
aérienne.
La protection contre la végétation compétitive.
L'étude du Fonds de recherche et de développement forestier faite
pour le compte du MER semble démontrer que les moyens mécaniques
pour combattre la végétation compétitive sont, dans la
plupart des cas, inefficaces et très dispendieux. On rapporte la
nécessité de plusieurs traitements à plus de 600 $
l'hectare chacun, comparativement à un coût de 200 $ l'hectare
pour l'épandage aérien de phytocides.
Dans les endroits les plus accessibles, là où la
végétation est moins agressive et que l'opération peut
s'effectuer à un coût comparable au traitement par phytocides, il
sera probablement possible d'utiliser les moyens mécaniques. Par
ailleurs, comme le laisse sous-entendre le document de support, le
contrôle de ces plantes indésirables, autant dans les plantations
qu'en peuplement naturel, s'effectuera d'une façon efficace et à
un coût acceptable, principalement au moyen d'épandage de
phytocides par voie aérienne.
Les pesticides, une nécessité. Le nouveau régime
forestier amène une dimension de l'aménagement forestier tout
à fait nouvelle: pérennité de la forêt, objectif de
rendement de matière ligneuse, responsabilités et obligations des
bénéficiaires de contrat, protection du milieu forestier, et j'en
passe-Dans cette nouvelle perspective, la protection de la forêt
actuellement et celle de l'avenir est au coeur des objectifs poursuivis. Cette
protection ne saurait se faire sans des moyens efficaces et
économiquement abordables. Les pesticides par voie aérienne
deviennent donc, à notre avis, une nécessité.
Par ailleurs, les pesticides, qu'ils soient biologiques ou chimiques,
sont des agents qu'il faut utiliser avec précaution et d'une
façon rationnelle. En ce sens, la Loi sur les pesticides, reconnue comme
un complément de la Loi sur la qualité de l'environnement, vient
encadrer les intervenants faisant usage des pesticides. La mise en place de
tout système de contrôle doit cependant se faire avec
discernement, simplicité et surtout avec la compréhension des
objectifs visés, de manière à éviter
l'exagération dans son application.
Les solutions envisagées. Nous recommandons de retenir le
deuxième scénario, c'est-à-dire l'usage aérien du
B.t. et du glyphosate, sans l'application de la procédure d'étude
d'impact et d'audience publique. Par ailleurs, compte tenu que l'utilisation
des pesticides en milieu forestier représente moins de 5 % de
l'utilisation totale des pesticides au Québec, compte tenu que la
quantité des produits approuvés est relativement restreinte, que
les pesticides homologués en foresterie sont employés à de
faibles taux et à des fréquences faibles, que les risques
d'exposition humaine et de contamination environnementale sont peu
élevés, que la Loi sur les pesticides régira et
contrôlera adéquatement leur usage, certaines modifications et
certains ajouts doivent être inclus dans le contenu du deuxième
scénario: 1° Le fénitrothion devrait être ajouté
à la liste, c'est-à-dire au B.t. et au glyphosate, des pesticides
exclus de la procédure d'étude d'impact et d'audience publique
lorsqu'ils sont
appliqués par voie aérienne. 2° Des dispositions
devraient être entreprises afin que le Velpar soit permis pour
épandage aérien en milieu forestier. 3° Comme le
reconnaît le document de support, si, à la suite d'une
étude d'impact et d'audience publique, un pesticide est jugé
sécuritaire, qu'il soit automatiquement inscrit dans la liste des
pesticides exclus de la procédure d'étude d'impact et d'audience
publique. 4° Les pesticides homologués applicables par voie
aérienne, de même que la norme minimale de 600 hectares pour
l'épandage aérien doivent continuer d'être autorisés
sans l'application de la procédure d'étude d'impact et d'audience
publique. 5° La procédure d'approbation, c'est-à-dire les
demandes de permis, l'émission de l'autorisation, les rapports de
suivis, autant pour les programmes de pulvérisation aérienne que
pour l'épandage terrestre, doit être souple et fonctionnelle.
Enfin, M. le Président, nos recommandations devant l'importance
évidente de l'utilisation des pesticides en forêt et devant la
nécessité d'en régulariser les usages et les
contrôles par une politique claire, rationnelle et souple. Nous formulons
bien respectueusement aux membres de la commission les recommandations
suivantes: 1. Qu'il soit accepté que les pesticides fassent partie de la
panoplie des outils d'aménagement respectueux du milieu forestier. 2.
Que la politique reconnaisse qu'en forêt la lutte contre les insectes,
les maladies et la végétation compétitive doit se faire au
moyen d'épandage aérien de pesticides homologués, à
moins que d'autres moyens ne puissent le faire adéquatement et à
un coût comparable. 3. Que la politique accepte l'épandage
aérien en milieu forestier au-delà de 600 hectares du B.t. du
fénitrothion et du glyphosate sans l'application de la procédure
d'étude d'impact et de consultation populaire. 4. Que la
détection en vue de la lutte contre les insectes et les maladies soit
une priorité et davantage développée et qu'il soit
possible, dès l'apparition d'un foyer d'infestation, de réagir
promptement et avec les moyens efficaces. 5. Que la politique précise
clairement les conditions obligeant l'application du processus d'étude
d'impact et d'audience publique lors de l'épandage aérien de
pesticides en milieu forestier. 6. Que le gouvernement, par
l'intermédiaire du ministère de l'Énergie et des
Ressources et du ministère de l'Environnement, soit responsable des
rapports d'impact et des consultations populaires. 7. Que la politique favorise
la concertation entre l'État et les bénéficiaires de CAAF
afin de rendre fonctionnel et efficace un mécanisme d'information
publique. 8. Que la politique reconnaisse la nécessité d'une
recherche de plus grande envergure en ce qui a trait à la protection des
forêts contre les insectes, les maladies et la végétation
compétitive, qu'elle trouve les moyens pour financer les programmes de
recherche et de développement et qu'une orientation particulière
soit donnée à la détection. 9. Que la politique
reconnaisse que les systèmes de contrôle pour l'utilisation
aérienne des phytocides en forêt doivent être mis en place
avec discernement, souplesse et compréhension des objectifs
visés.
En terminant, M. le Président, permettez-nous de préciser
que ce désir de voir inscrit dans la politique d'utilisation des
pesticides en milieu forestier un partage clair et équitable des
responsabilités d'exécution et de financement n'est pas un signe
de désintéressement de la part de CIP. Au contraire, notre
compagnie suivra de près, comme nous l'avons fait dans le passé,
chaque dossier et principalement ceux qui seront acheminés à la
procédure de l'examen des impacts et de la consultation populaire. Elle
est prête aussi à y collaborer dans la mesure de son expertise, de
ses connaissances techniques et de son personnel de soutien. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Lincoln: Je vais passer mon... M. Côté
(Rivière-du-Loup): Oui.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre
délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président. Dans toutes les discussions concernant la Loi sur les
forêts, les commissions parlementaires et depuis plusieurs années,
cela n'est pas d'aujourd'hui, on est devenus, le gouvernement, les
ministères, et les industriels, des partenaires à part
entière pour aménager la forêt, chose qu'on n'avait pas
faite dans le passé. Si le gouvernement, ou si vous avez accepté
des responsabilités, je pense bien qu'on doit ensemble... On a
accepté tous les deux, comme gouvernement et comme compagnie, des
responsabilités. Je pense bien que ce n'est pas le temps de les retirer
parce qu'on a décidé d'être partenaires dans
l'aménagement de la forêt. Je suis d'accord avec vous. Il faut
trouver les meilleurs moyens d'agir, les meilleurs moyens de protéger
l'environnement et la santé des personnes. Mais est-ce que la compagnie
est prête à assumer, comme partenaire aussi, certaines
responsabilités quant au suivi de l'incidence environnementale des
produits utilisés? Et vous en demandez peut-être un peu plus qu'on
n'en propose là; vous demandez d'ajouter des produits. Mais seulement,
disons, sur les produits comme le glyphosate et le B.t., est-ce que la
compagnie est prête à assumer son rôle de partenaire dans le
suivi des
incidences environnementales de l'utilisation de ces produits?
M. Martin: Sans hésitation.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Sans
hésitation? Si je comprends bien, mes collègues d'en face
semblent percevoir les audiences publiques comme un moyen de remettre en
question la gestion des forêts, plutôt que comme un moyen
d'examiner les produits utilisés. C'est pour cela qu'il y a un peu
d'opposition, mais il faut bien situer le problème. Aujourd'hui on a une
commission parlementaire pour examiner une politique d'utilisation des
phytocides et des insecticides, mais on remet un peu en question la gestion
forestière.
Comme je l'ai mentionné dans mon discours d'ouverture, la Loi sur
les forêts a déjà fait l'objet de consultations pendant
plusieurs années, pendant plus de trois ans. Pensez-vous que les
audiences publiques pourraient permettre de remédier aux points faibles
du processus d'homologation que M. Lincoln, mon collègue, a
soulevé, processus d'homologation fait par des experts? J'admets qu'il
peut y avoir des erreurs et qu'il y a toujours place à
amélioration, mais est-ce que l'on peut trouver des points faibles et
corriger tout cela, pour s'assurer que jamais personne ne ferait une erreur
dans sa vie? Y a-t-il moyen de faire cela?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Martin.
M. Martin: Certainement. On est toujours prêts à
communiquer avec le public. J'ai franchement des doutes sur les
résultats des audiences publiques concernant l'homologation des
produits. Je préfère entendre les experts associés et, en
particulier, ceux qui sont concernés par l'approbation de ces produits.
Mais, pour répondre à votre question, en principe, on est
prêts à communiquer avec le public, mais le moyen me concerne.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Ne pensez-vous
pas, M. Martin, que les experts doivent être surveillés de
très près, sans pour cela que le public joue à
l'expert?
M. Martin: Vous posez la question: Qui va juger les juges? En
effet, il y a une certaine responsabilité de la part du gouvernement, en
particulier de la part des ministres responsables. Ce sont ces ministres qui
emploient les experts et qui peuvent demander le conseil des tierces parties
qui sont aussi les experts. Dans un autre sens, je vais faire mention de
l'étude d'impact qui n'est pas un moyen d'informer le public, à
mon point de vue. L'audience publique n'est peut-être pas la forme, comme
le BAPE, d'informer le public. Je préfère au contraire mettre ma
confiance dans les experts et laisser les tierces parties juger le contenu des
conclusions de ces experts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous dites qu'il
faut faire confiance aux experts pour autant que les ministres responsables et
les gouvernements responsables de la santé publique et également
de la santé de la forêt fassent leur devoir?
M. Martin: C'est cela.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est cela.
M. Martin: M. Pinard pourrait peut-être ajouter quelques
mots à ce sujet. (23 heures)
Le Président (M. Saint-Roch): M. Pinard.
M. Pinard: M. le ministre, dans les principes directeurs du
document de support, j'ai trouvé quelque chose de très
intéressant en ce qui a trait à l'emphase qui est mise concernant
votre préoccupation de l'information publique. Pour avoir vécu
deux audiences publiques sur la tordeuse et les avoir suivies pas mal, pour
avoir suivi la dernière commission parlementaire sur la loi 150, pour
avoir suivi d'autres audiences concernant d'autres dossiers, je pense que la
base de cet exercice d'audiences publiques, c'est d'abord de l'information au
public. J'ai l'impression que le processus de rapport d'impact et tout ce grand
tralala, cette grande noce-la que sont les audiences publiques telles qu'on les
a connues et qui coûtent extrêmement cher... On a rapporté
que, lors de la dernière audience, c'était quelque chose comme 3
000 000 $ ou 4 000 000 $. Je ne sais pas si on atteint réellement notre
objectif. Moi, je préconise... Nous suggérons que
réellement cet aspect de l'information publique est important. Il
devrait y avoir concertation entre l'État et les
bénéficiaires de contrat de manière à
établir un système de communication au public, concernant ces
utilisations de pesticides en milieu forestier, très très
fonctionnel, efficace et opérationnel.
Maintenant, dans le document de support, vous faites aussi état,
et on n'a pas encore signalé cela depuis cet après-midi, de la
formation d'un comité interministériel pour suivre
révolution du dossier de l'épandàge des pesticides, la
formation d'un comité interministériel auquel nous
suggérons d'ajouter des experts et des représentants des
intervenants.
Prenons l'hypothèse que le deuxième scénario est
retenu et que l'information fournie au public est claire, honnête,
complète et qu'à un moment donné il y a encore des
appréhensions du public. Je dirigerais les gens - ma suggestion - vers
le comité interministériel pour discuter avec les experts, avec
les intervenants et, s'il y a lieu...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Comité
interministériel formé par qui?
M. Pinard: Le comité interministériel prévu
dans votre document de support pour suivre l'évolution de
l'épandage des pesticides. Moi, je dirigerais ces plaintes ou ces
remarques vers le comité interministériel, remarquez bien, auquel
sont ajoutés des experts et des représentants des intervenants,
et c'est étudié au mérite. Et si, comme votre
collègue, M. Lincoln, et d'autres l'ont mentionné, il y a des
aspects réellement fondés et que cela nécessite de
déclencher cette grande noce que sont les audiences, bien,
écoutez, la Loi sur la qualité de l'environnement est là
et le processus des audiences est là. Alors...
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Pinard.
Je vais maintenant reconnaître M. le député de Dubuc.
M. Desbiens: Merci, M. le Président. À la page 14
de votre document, vous reconnaissez le bien-fondé de l'usage
prioritaire du B.t. dans la lutte contre la TBE, tordeuse des bourgeons de
l'épinette. Toutefois, vous souhaitez quand même la
réintroduction du fénitrothion qui a été exclu
depuis 1987 du programme d'arrosage. Je ne suis pas sûr de bien
comprendre puisque vous acceptez que le B.t. a démontré son
efficacité. Pourquoi réintroduire maintenant le
fénitrothion?
M. Martin: C'était pour les raisons mentionnées cet
après-midi par l'AIFQ. S'il arrive une infestation sévère,
limitée, le seul produit avec lequel on peut attaquer cette infestation
dans une forme comme telle, c'est le fénitrothion. Il est le seul.
M. Desbiens: C'est une arme tactique, quoi? M. Martin:
Pardon?
M. Desbiens: Vous voulez en faire une arme tactique?
M. Martin: C'est cela. C'est exactement le parallèle avec
le feu. Il faut qu'on attaque rapidement, avec force, pour éliminer le
problème tout de suite.
M. Desbiens: À la page 23. Je vais poser une couple de
questions, parce que je veux laisser mon collègue poursuivre sur sa
lancée. Vous souhaitez que la procédure complexe d'étude
d'impact ne soit appliquée que lorsque les principales composantes
techniques, scientifiques et opérationnelles - vous en avez
reparlé un petit peu tantôt - le commandent. J'aimerais que vous
explicitiez davantage cette phrase.
M. Martin: Je le demanderai à mon collègue, M.
Pinard.
M. Pinard: M. le député, cela se marie un peu avec
ce que je vous ai dit tout à l'heure. Si un aspect préoccupe une
partie de la population ou le public ou un citoyen, et que ce citoyen fait une
plainte simplement pour le plaisir de faire une plainte, cela ne devrait pas
déclencher tout le processus des audiences publiques. Il faudrait quand
même avoir l'assurance du sérieux de la plainte, qu'il y ait une
certaine technique ou une certaine valeur technique sur la plainte en question.
Je peux bien faire une plainte demain contre n'importe quelle compagnie. Si
quelqu'un a le pouvoir de déclencher un processus lourd qui bloque une
opération qui est absolument essentielle, comme l'usage des pesticides,
dans les prochaines mesures d'aménagement, cela peut nous embêter
grandement. Si notre suggestion était retenue, l'espèce de
comité interministériel qui serait le chien de garde, selon ce
qui était expliqué dans le document de support, auquel on
ajouterait des experts et des représentants des intervenants et si cette
plainte était documentée d'une façon scientifique,
technique, elle serait analysée au mérite.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Dubuc.
M. Desbiens: Je vais remettre la parole à mon
collègue, le député de Verchères.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Dubuc. M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Combien reste-t-il de temps?
Le Président (M. Saint-Roch): Cinq minutes, M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: Je présume que vous allez nous dire la
même chose que les autres, mais je vais vous essayer quand
même.
M. Pinard: C'est la même question?
M. Charbonneau: Cela pourrait quasiment m'éviter de la
poser. Est-ce que vous accepteriez, finalement, une espèce de solution
intermédiaire entre les deux scénarios proposés
actuellement, qui tiendrait compte des problèmes des exigences de
rapidité d'intervention que vous et d'autres de l'industrie nous avez
signalés, mais qui permettrait néanmoins de conserver un
mécanisme d'évaluation des impacts environnementaux et
d'audiences publiques par le bureau d'audiences publiques? Plutôt que
d'avoir une super étude d'impact pour l'ensemble de l'industrie pour
tout ce qui se fait au Québec, accepteriez-vous qu'on puisse fonctionner
soit sur base régionale, soit sur la base d'entreprises, quitte à
ce que soit même regroupé et qu'on n'ait pas nécessairement
350 audiences, mais qu'on puisse avoir quelque chose de plus
opérationnel et qui, en même temps, pourrait également
introduire le fait que, jusqu'à ce que ce
mécanisme soit mis en place, il y ait une procédure vous
permettant d'agir entre-temps dans les mois qui viennent lorsque la situation
l'exigerait?
M. Martin: Nous avons exprimé notre appui pour la
deuxième option pour des raisons valables, je crois. Nous croyons que
c'est une option efficace, applicable et qui résoudrait les
problèmes. On continue d'exprimer notre appui à cette
deuxième option.
M. Charbonneau: Je comprends que vous faites cela. Il n'y en a
pas un dans l'industrie qui s'est désolidarisé de cette position.
Ils font tous front commun. C'est très bien.
M. Martin: J'ai répondu à votre question.
M. Charbonneau: Je comprends, mais le gouvernement a un
problème et on sympathise avec lui parce que peut-être aurait-on
le même problème si on était à sa place. Le ministre
de l'Environnement favorise une option, qui n'est pas la vôtre,
d'ailleurs, et son collègue en favorise une autre. Nous voulons les
aider et nous voulons vous aider. On se dit...
M. Martin: Je remarque, monsieur, que...
M. Charbonneau: ...que, si c'est le ministre de l'Environnement
qui a gain de cause sur toute la ligne, son collègue va être en
beau maudit. Et vous autres aussi.
M. Martin: Je remarque, monsieur, que les deux ministres sont en
discussion.
M. Charbonneau: Non, non. Il y en a seulement un, l'autre n'est
pas encore ministre.
M. Martin: D'accord. Je pensais qu'il était... M.
Charbonneau: II n'est même pas député.
M. Martin: Je pensais qu'ils étaient en train de
solutionner le problème.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Charbonneau: N'anticipons pas, monsieur. N'anticipons pas.
Mais, blague à part, est-ce que... Vous ne plierez pas bagage demain
matin parce que vous ne gagnez pas sur toute la ligne. Est-ce qu'on se
comprend? Si, finalement, on en arrive à une solution qui n'est pas
nécessairement la solution 2, j'imagine que vous êtes d'accord
pour vivre avec cela quand même.
M. Martin: C'est une hypothèse. Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Charbonneau: Vous êtes un bon négociateur.
M. Martin: J'aimerais ajouter une chose. Vous avez vu les
diapositives de l'AIFQ cet après-midi, les trois diapositives qui ont
donné l'illustration de l'épidémie qui avait
commencé en 1969 et qui avait duré jusqu'en 1976. C'était
dans toute la province, comme vous avez vu. Durant cette période,
à notre usine de Gatineau, à cause de l'épidémie,
à cause du manque de politique d'application de pesticides, dans ce cas,
les insecticides, à cause du manque de décision, pour toutes
sortes de raisons, notre compagnie a perdu presque tous les sapins. Ils
étaient morts à cause de cela. La moitié des
épinettes blanches étaient perdues. Tout cela, c'était
l'équivalent de l'approvisionnement de notre usine de Gatineau pour une
période de 25 ans. On n'acceptera jamais la répétition de
telles circonstances.
M. Charbonneau: Mais on s'entend... M. Martin: Pas du
tout.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Martin, je vous remercie.
M. le député de Verchères.
M. Charbonneau: En conclusion, M. le Président, pour le
mot de la fin, je veux juste dire qu'on est bien conscients de ce que vous
dites et je ne pense pas qu'il y ait personne qui veuille que cela se
répète. Je pense par ailleurs qu'il y a moyen de préserver
les acquis à l'égard des audiences publiques et de ce que la
population a comme droits dans la Loi sur la protection de l'environnement et
la Loi sur l'évaluation des impacts environnementaux, tout en vous
donnant les moyens d'intervenir rapidement à temps. Vous ne me ferez pas
accroire, ni vous ni personne d'autre aujourd'hui, qu'il n'y a pas moyen de
concilier ces objectifs. Il y a moyen de faire en sorte que les industries
forestières puissent réagir rapidement, efficacement et que,
néanmoins, on ait un mécanisme qui puisse au moins faire en
sorte, même s'il était plus léger que celui qui existe
actuellement, qu'il y ait une évaluation publique quelconque.
M. Martin: Peut-être, monsieur...
Le Président (M. Saint-Roch): M. Martin.
M. Martin: Si vous m'excusez, on est d'accord sur un seul point.
Il faut qu'il y ait un moyen de répondre à une situation
d'urgence. (23 h 15)
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Martin.
Je remercie la compagnie CIP inc. pour la qualité de sa
présentation.
Je demande maintenant à l'Association forestière
québécoise inc. de bien vouloir prendre place.
Permettez-moi, dans un premier temps, de souhaiter la bienvenue à
l'Association forestière
québécoise inc. Je demanderais maintenant à son
porte-parole de bien vouloir s'identifier et présenter les gens qui
l'accompagnent, pour le bénéfice des membres de la
commission.
Association forestière québécoise
inc.
M. Boily (Gilles): Gilles Boily, président de
l'Association forestière québécoise. À ma droite,
M. Serge Leblanc, qui est membre du comité exécutif de
l'Association forestière québécoise, et à ma gauche
Pierre Deschênes, qui est membre de l'Association forestière
québécoise et vice-président de l'Association
forestière Québec Métropolitain inc. Ces deux personnes
ont travaillé très fort sur les commentaires qu'on vous
offre.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Boily.
Je vous cède la parole pour la présentation de votre
mémoire.
M. Boily: Merci, M. le Président. Messieurs les ministres,
messieurs les députés et autres membres du comité,
l'Association forestière québécoise est heureuse de vous
offrir ses commentaires. Elle vous remercie de lui en donner l'occasion. On
appelle cela des commentaires sur la politique d'utilisation des pesticides en
milieu forestier.
Le but premier de l'Association forestière
québécoise est de faire l'éducation du public sur
l'entretien et la conservation de nos forêts. Elle prône donc une
utilisation rationnelle de la matière ligneuse et des autres ressources
de la forêt. L'Association forestière québécoise
fait également la promotion du respect de l'arbre et de la
qualité de l'environnement. Elle favorise l'utilisation intelligente de
la faune, de l'eau, de l'air, des paysages et des autres biens collectifs
associés à nos forêts. Par sa revue Forêt
Conservation, l'Association forestière québécoise a
pour mandat d'informer ses membres et le grand public sur les
réalités écologiques, économiques et sociales de la
forêt, d'oeuvrer à l'éducation populaire et de promouvoir
la conservation de l'arbre, du milieu forestier et de l'environnement.
Le nouveau régime forestier. Il importe de garder à
l'esprit deux grands éléments de ce nouveau régime. Le
premier est d'assurer la remise en production des aires exploitées pour
maintenir l'approvisionnement des usines, le niveau des emplois et toute cette
activité économique, pour maintenir également en
opération les sites à potentiel récréatif
élevé et pour maintenir un couvert forestier adéquat
à la faune qui l'habite.
Le deuxième est d'assurer la protection de l'ensemble des
ressources du milieu forestier et le respect de la vocation des
différents sites pour la récolte de la matière ligneuse,
des sites naturels et des 2ones à susceptibilité environnementale
élevée et des sites à potentiel fauni- que
élevé. De plus, selon la Stratégie forestière du
Canada, le principe du rendement soutenu implique la mise en oeuvre de
techniques d'aménagement en vue d'assurer la continuité des
approvisionnements de la matière ligneuse. Il s'applique aussi à
la gestion d'autres ressources comme l'eau, la faune et le potentiel
récréatif. Ce principe implique également l'obligation
d'aménager la ressource. Ceci signifie que les travaux
d'aménagement doivent être réalisés en fonction
d'objectifs exprimés en termes concrets et mesurables. Si l'on veut
assurer le développement soutenu de la forêt et continuer à
en retirer des bénéfices multiples, il faut que la structure et
l'état de nos peuplements forestiers rejoignent les objectifs de notre
société.
La Loi sur les pesticides. Il est vrai que les projets de
pulvérisation de pesticides demeurent impopulaires et comportent des
éléments d'incertitude qui jouent continuellement contre les
promoteurs. Avec sa nouvelle loi, le législateur tente de
démystifier l'utilisation des pesticides en présentant un
ensemble de mesures qui visent à assurer une gestion sécuritaire
des pesticides. L'Association forestière québécoise estime
important que l'on réglemente et contrôle les activités
liées à l'usage des pesticides en vue d'éviter ou
d'atténuer les atteintes à la santé des êtres
humains, des autres espèces vivantes ainsi que les dommages à
l'environnement. Une réglementation s'impose également afin de
classifier les pesticides, de s'assurer de la compétence des
utilisateurs et d'élaborer un code de gestion. Il importe aussi de mieux
renseigner les utilisateurs de la forêt sur le rôle des pesticides
dans l'aménagement forestier, de les sensibiliser aux mesures de
protection de la ressource forestière et d'obtenir leur appui. Il serait
peu raisonnable de dépenser efforts et argent dans l'aménagement
forestier si nous n'utilisons pas les outils connus pour protéger ces
investissements.
Commentaires de l'AFQ. La ressource forestière est une source de
bénéfices énormes pour l'industrie touristique,
récréative et manufacturière. Elle amène des
retombées économiques appréciables qui se chiffrent
à 10 000 000 000 $ et plus. L'Association forestière
québécoise est consciente que les pesticides sont aujourd'hui les
outils indispensables pour diminuer l'envahissement de la
végétation concurrentielle dans les aires
régénérées naturellement ou artificiellement et
pour lutter contre les agents destructeurs des forêts. En ce sens, nous
rejoignons la Stratégie mondiale de conservation qui est une
série de principes universellement reconnus pour la conservation de
toutes les ressources vivantes, forêts incluses, à des fins
sociales et économiques où la conservation implique une
protection adéquate.
Toutefois, l'Association forestière québécoise
recommande fortement que les pesticides homologués, tels le B.t. et le
glyphosate, soient utilisés avec une grande prudence selon les
règles de l'art et seulement lorsque aucune alternative dans les
moyens de lutte ou de répression n'est réputée efficace.
Par contre, l'utilisation des pesticides ne doit pas faire oublier la
nécessité de rechercher d'autres méthodes alternatives
d'aménagement susceptibles de réduire leur utilisation. Les
insectes et la végétation concurrente peuvent être
ennuyeux, mais ils peuvent aussi détruire. Les insectes causent
d'énormes ravages dans les forêts, retardent la croissance et
endommagent ou tuent les arbres. La végétation concurrente
accapare la lumière, l'espace et les éléments nutritifs
dont les jeunes plants ont besoin pour s'établir.
Pour combattre ces fléaux, les forestiers disposent actuellement
de pesticides chimiques ou biologiques homologués, soit des insecticides
pour freiner (es infestations d'insectes ou des phytocides pour contrôler
la végétation indésirable. Une forêt ravagée
par les insectes ou une régénération
étouffée par la végétation envahissante
n'intéresse personne. Ceci est vrai tant pour le touriste que pour le
travailleur forestier. Les jeunes forêts issues d'une
régénération naturelle ou artificielle doivent être
aidées pour combattre cette végétation envahissante afin
d'accélérer le processus de croissance, ceci, afin d'en faire
profiter le plus rapidement possible les autres utilisateurs.
Considérant la période de réaction du milieu
forestier, nul ne peut justifier les sommes investies en aménagement
forestier et touristique sans une protection adéquate de nos
forêts. Cette protection doit s'étendre non seulement aux feux,
mais aussi aux insectes, aux maladies ainsi qu'à la lutte contre les
plantes susceptibles de nuire à la régénération
souhaitée.
En rapport avec tout ce qui a été dit, l'Association
forestière québécoise est d'accord sur la
nécessité de chercher prioritairement et dès maintenant
des moyens de contrôler la situation de façon efficace, et de
connaître et maîtriser les options qui s'offrent à elles ou
à nous en général. Dans ce contexte, le public doit aussi
être informé de ces options qui s'offrent à
l'aménagiste forestier afin qu'il comprenne l'importance et la nature
des interventions effectuées en forêt, et c'est là un des
mandats de l'Association forestière québécoise. Merci
bien.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Boily.
M. le ministre délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, merci. Cela serait peut-être au tour de mon
collègue, mais tout de même... J'aimerais demander aux
représentants de l'Association forestière
québécoise, qui est également un organisme de conservation
comme nous en avons rencontré un ce matin et qui souhaite avoir un
Québec vert - moi aussi, je le souhaite beaucoup - puisque vous parlez
beaucoup d'information à la population et je ne pense pas qu'il y ait
quiconque ici dans cette salle qui veuille faire des choses en catimini, en
cachette, à votre avis - je vous demande seulement votre avis
là-dessus - est-ce que les études d'impact sont un bon moyen
d'informer la population?
M. Boily: Dans certains cas, cela peut être un bon moyen;
dans d'autres cas, cela dépend qui fait partie des audiences ou qui est
présent aux audiences. Maintenant, quand on parle d'information du
public, ce n'est peut-être pas d'aller aussi loin que des audiences
publiques sur des produits qui sont déjà homologués ou
connus, tels le B,t. ou le glyphosate. C'est peut-être sur d'autres
produits qui seraient mal connus ou qui pourraient causer des problèmes
à notre environnement. Mais, actuellement, je pense que les produits
qu'on utilise, soit le B.t. et le glyphosate, ne sont pas trop dangereux pour
l'être humain, ni pour le milieu faunique ou aquatique.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je ne crois pas
qu'il y ait quelqu'un dans cette salle qui s'oppose à des audiences
publiques à l'opposition d'un nouveau produit ou lors de l'homologation
d'un produit. Serait-il recommandé, lorsqu'on propose un nouveau
produit, lorsqu'il est homologué, de tenir une audience publique sur ce
produit?
M. Boily: Je pense que oui, parce que la population verrait
vraiment jusqu'où ce produit-là peut être certifié
ou reconnu, jusqu'à un certain point.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Lors de ces
audiences, on s'en remet aux études des experts qui ont examiné
le produit et ses conséquences environnementales et sur la santé.
Les différents experts viennent exposer, par l'entremise de corps
intermédiaires comme le vôtre ou d'autres, leur point de vue sur
le produit. C'est une occasion en or de faire une audience publique sur un
nouveau produit qui doit être homologué.
M. Boily: Oui. On est d'accord avec cela, sauf que pour ceux que
l'on connaît il n'est pas nécessaire d'élaborer un tel
processus.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Boily. M. le
ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Si, d'après vous, on devait accepter le
glyphosate sans étude d'impact, parce que, dites-vous, c'est connu, cela
veut dire en toute logique qu'il faudrait accepter n'importe quel produit qui a
la même toxicité ou non-toxicité que le glyphosate, au
même niveau. Si c'est un produit... Je vois quelqu'un qui secoue la
tête derrière, mais c'est à vous que je demande cela. Si
vous dites que le gfyphosate, à un certain niveau de contenu chimique,
parce qu'il est connu on l'accepte sans étude d'impact, sans processus
quelconque... Vous l'acceptez parce que
tout le monde est content et convaincu dans votre industrie que c'est
raisonnable et sécuritaire. Est-ce que vous dites que n'importe quel
produit similaire ou moins nocif devrait pour la même raison être
accepté automatiquement? Pourquoi est-ce juste le glyphosate? Pourquoi
pas un autre?
M. Boily: Parce qu'on le connaît bien tout simplement. On
le connaît parce qu'on l'a utilisé peut-être plus que les
autres. Un nouveau produit qui nous arrive sur le marché, que l'on
connaît peu ou pas du tout, il faut voir son impact. Cela prend
peut-être une étude d'impact.
M. Lincoln: Est-ce que vous êtes au courant d'un produit
appelé phosphamidon qui avait été utilisé pendant
un bout de temps, pendant quelques années au Nouveau-Brunswick, entre
autres?
M. Boily: Je ne le connais pas personnellement.
M. Lincoln: Dans les études, je voyais qu'un produit
appelé phosphamidon avait été utilisé avant le
fénitrothion et qu'après l'avoir utilisé pendant plusieurs
années on a découvert qu'il était trop dangereux. On a
changé, on a dit: Plus de phosphamidon. Est-il possible que, dans trois
à cinq ans, on décide que le glyphosate est plus dangereux qu'on
ne le pense?
M. Boily: C'est possible, mais ce sont vraiment des points
techniques du produit. Le glyphosate, on peut en boire une certaine
quantité. L'être humain peut en boire une certaine quantité
avant que cela ne devienne nocif pour lui. Je ne me rappelle pas le nombre de
litres qu'il peut boire, non pas pur, mais à l'état prescrit pour
l'épandage, comme le B.t. d'ailleurs. Le Dr Smirnoff en a bu des
quantités appréciables...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boily: II n'est pas mort, il est en pleine forme et il est
même prêt à revenir à la recherche au Service
canadien de la forêt. Je ne sais pas, mais si on demande des
études d'impact sur tout ce que l'on utilise, sur ces deux produits,
combien cela prendra-t-il de temps, premièrement? Ensuite, quel outil
aurons-nous pour travailler sur la forêt? On dit que la forêt, on
la cultive; on parle de culture de la forêt. Je suis toujours
estomaqué de voir qu'on s'acharne sur le milieu forestier, mais qu'on
s'acharne beaucoup moins sur le milieu agricole. En agriculture, on utilise une
quantité énorme de pesticides. Ce sont des produits que l'on
mange. Personne n'est mort encore de ça, au Québec; on ne l'a pas
prouvé d'ailleurs. Je vais dire comme M. Jean-Pierre Landry: Les
épinettes, on ne les mange pas, les sapins non plus. Alors, pour
l'être humain, c'est peut-être moins dangereux que ce que l'on peut
utiliser à d'autres niveaux et à des quantités beaucoup
moindres également. Mais cela dépend toujours de ce que le
gouvernement veut décider, tout simplement. S'il veut décider des
études d'impact sur tous les produits, à ce moment-là, on
aura des études d'impact sur tous les produits. Mais si on ne se donne
pas d'outil, si on va voir un mécanicien et qu'il n'a pas de coffre
d'outils, même si on lui dit: Répare-moi telle affaire, il sera
bien mal venu de la réparer. C'est un peu la même chose pour
l'ingénieur forestier ou l'aménagiste forestier. Si on ne lui
donne pas d'outils pour aménager notre forêt, ne lui demandons pas
de miracles, il ne sera pas capable d'en faire. (23 h 30)
M. Lincoln: Je pense qu'il y a toute une marge entre dire: On ne
vous donne pas d'outils et... En fait, la loi prévoit pour plus de 600
hectares, ce qui est une assez grande superficie. Là, on va beaucoup
plus loin, on dit: Si vous présentiez . un programme sur cinq ans, vous
pourriez le faire sur n'importe quelle superficie, de la grandeur que vous
voulez, pourvu qu'on ait une façon d'être informés à
l'avance, que le public soit informé à l'avance. Est-ce que vous
ne pensez pas que c'est tout à fait équitable pour le public
lui-même qui va subir les conséquences de tout geste? Si, dans le
domaine agricole, il y a une faille, cela ne veut pas dire qu'on ne devrait pas
essayer de changer les choses lorsqu'on en a la chance. Si on peut le faire
dans le domaine agricole, certainement qu'on va essayer. Je suis d'accord avec
vous que, dans le domaine agricole, on doit changer des choses. Je suis
entièrement d'accord avec cela.
M. Boily: Changeons-les partout.
M. Lincoln: Est-ce que vous ne pensez pas que le public a le
droit d'être informé d'une façon ou d'une autre?
M. Boily: II a le droit et c'est important de l'informer.
Maintenant, je pense qu'on a... Le ministère a donné beaucoup
d'information au public dans la région du Bas-Saint-Laurent et de la
Gaspésie. Depuis ce temps-là, le public accepte qu'il y ait des
arrosages aériens, qu'il y ait des arrosages de certains produits comme
le glyphosate et tout cela parce qu'il est informé et qu'il sait un peu
à quoi s'en tenir, chose qu'il ne savait pas avant. Les hantises des
gens viennent bien souvent du manque d'information. Mais est-ce que cela prend
des audiences publiques pour les informer? La question est là. Est-ce
qu'on ne peut pas les informer d'une autre façon...
M. Lincoln: Ah oui...
M. Boily: ...avec des mécanismes beaucoup plus souples,
beaucoup moins lourds et beaucoup plus rapides d'exécution?
M. Lincoln: Je suis d'accord avec vous, mais, en fait, je
pourrais vous poser la question: Est-ce que vous êtes d'accord, oui ou
non, avec le système que les élus du Québec ont
accepté? C'est un système d'audiences publiques qui, après
tout, est dans nos lois, qui a été voté par cette
Assemblée et qui est en place maintenant. C'est le système. Si on
veut le changer, c'est de cela qu'on devrait discuter. Est-ce qu'on doit le
changer? Si vous n'êtes pas d'accord avec ce système, au lieu de
glisser dans toutes sortes de sujets, c'est cela qu'il faut dire. Si on n'est
pas d'accord avec le système, il faudrait le changer.
M. Boily: Je pense qu'au Québec on n'est pas dans un
gouvernement totalitaire, on est justement dans un pays démocratique et
les gens ont droit à l'information. Mais il s'agit de voir
jusqu'où va l'information. Informer pour informer...
M. Lincoln: Est-ce que... M. Boily: ...jusqu'où on
doit...
M. Lincoln: ...vous laissez entendre que le BAPE n'est pas
démocratique, qu'il est totalitaire...
M. Boily: Ce n'est pas cela que je veux dire.
M. Lincoln: ...qu'il représente...
M. Boily: Non, je dis justement que le BAPE, les commissions
parlementaires et tout cela, c'est très démocratique. C'est un
processus qui doit être maintenu. Je crois à cela. Mais est-ce
qu'on va le faire dans tous les cas, pour tout? C'est ça l'affaire.
Jusqu'où doit-on utiliser ce processus? Dans quel cas doit-on
l'utiliser? C'est un peu ça. La question est là, je crois,
jusqu'où on doit aller dans l'information du public et dans
l'utilisation des audiences publiques.
M. Charbonneau: Maintenant, je vais reprendre là où
le ministre...
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Verchères.
M. Charbonneau: ...a laissé le débat. Il y a une
sacrée différence entre le fait de juste informer et de permettre
au public de savoir et le fait de permettre au public d'intervenir, de
réagir, d'influencer et de vous obliger, vous et n'importe qui qui
êtes obligés de vous soumettre au processus d'audiences publiques,
à justifier des choses et, éventuellement, à être en
mesure de tenir compte de points de vue, d'évaluations ou de
considérations qui ont été sous-estimés. Dans ce
sens, je reprends ce que j'ai dit tantôt: si on pouvait déduire de
l'expérience du BAPE jusqu'à maintenant que cela n'a jamais
été utile, ou que cela a été rarement utile, et que
cela a rarement empêché des actions à l'égard de
l'environnement qui seraient inacceptables, sauf que cela n'est pas le cas. La
réalité est que souvent... Heureusement que le BAPE existait et
heureusement qu'il est intervenu. On s'est souvent rendu compte que ce que des
gens, qui, normalement, devraient être des ignorants parce que ce sont
des gens du grand public et qu'ils ne sont pas des experts, ont amené
comme information a changé drôlement la tournure d'un certain
nombre de situations.
Dans ce sens, est-ce que vous ne reconnaissez pas qu'il y a une marge
entre soumettre tous les cas, tous les produits, et peut-être toutes les
compagnies, à un mécanisme plus souple qui ferait en sorte que,
sur une base régulière, tous les quatre, cinq ou six ans, on
pourrait avoir, soit sur une base territoriale, soit sur une base
d'entreprises, des gens qui viennent justifier un peu en public l'utilisation
des produits qu'ils entendent utiliser, lorsqu'il y a des situations qui le
nécessitent, et qui viennent aussi nous expliquer quelle est la nature
des écosystèmes dans lesquels ils sont appelés à
intervenir et quelles sont les conséquences de l'utilisation des
produits qu'ils entendent utiliser sur... Est-ce que vous trouvez cela
exagéré, vous?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Boily.
M. Boily: Non, on ne trouve pas cela exagéré.
M. Charbonneau: Bien, nous autres non plus.
M. Boily: Tout dépend des mécanismes qui seront mis
en place et du temps que cela prendra tout simplement pour la réaction.
Il ne faut pas s'encarcaner. C'est à peu près cela l'affaire. Il
ne faut pas se mettre des carcans qui nous ficellent ou qui nous
empêchent de fonctionner. Il s'agit de trouver des solutions.
Probablement que vous avez de bonnes solutions à nous soumettre. Moi, je
n'en ai pas. Ce serait peut-être intéressant d'avoir une solution
ou quelques solutions concrètes sur lesquelles les gens pourraient
s'asseoir et discuter autour de la table. Mais ce seraient des solutions qui
auraient beaucoup de souplesse et qui permettraient aux gens de réagir
efficacement dans des situations d'urgence. Je pense que c'est cela
l'idée à travers tout cela.
M. Charbonneau: Bien, écoutez, on est d'accord... Je pense
que tout le monde convient qu'il ne faut plus que se répètent des
situations comme celles dont on nous a parlé aujourd'hui où,
finalement, on a attendu que l'épidémie soit
généralisée pour intervenir. Mais il y a sûrement
moyen d'avoir un mécanisme qui permette
d'intervenir dans les situations d'urgence. Moi, je fais la distinction
entre à partir d'aujourd'hui jusqu'à ce qu'il y ait des
conclusions d'une étude d'impact et après l'étude
d'impact. Il me semble qu'à partir de maintenant jusqu'à ce qu'il
y ait des conclusions, on doit permettre à des gens d'utiliser certains
produits dans certaines circonstances. Une fois qu'on aura franchi
l'étape d'une étude, on aura la contrainte de se soumettre
à ce mécanisme-là. Mais une fois que ce
mécanisme-là aura été franchi, on aura encore la
latitude d'agir avec rapidité. Donc, dans le fond, il s'agit de fixer un
moment où on va convenir que le processus d'évaluation entre en
ligne de compte et c'est évident que, dans une semaine, ce n'est pas le
cas. Moi, je pense qu'on pourrait s'entendre sur une période qui aurait
cours entre maintenant et le moment où les entreprises ou les
régions, quelle que soit la façon dont on pourrait organiser
cela, auraient à se soumettre à la procédure. Une fois que
les gens s'y seraient soumis, bien, là, il y aurait les conclusions. Il
faut aussi se rappeler qu'il y a quelques années le BAPE, dans une
audience publique qui concernait justement l'usage des pesticides, a
amené le ministère de l'Énergie et des Ressources à
réviser son programme d'arrosage. Et j'ai l'impression que le ministre
délégué aux Forêts le sait très bien, le
ministère de l'Énergie et des Ressources se soumet à la
procédure, à ma connaissance. Il essaie de la contourner lui
aussi de temps en temps, comme on l'a vu ce matin dans Le Devoir, mais
néanmoins...
Une voix: Cela vient du Devoir.
M. Charbonneau: Cela vient du Devoir, ne
répétez pas ce que votre collègue dit, pour une fois, vous
allez...
Une voix: On pourrait sortir la Gazette.
M. Charbonneau: On pourrait sortir la Gazette, vous allez
être mal pris. Néanmoins, indépendamment du fait que, dans
certains cas, le MER contourne, le ministère se soumet aux études
d'impact et, jusqu'à maintenant, cela n'a pas empêché
l'efficacité.
M. Boily: Je ne le sais pas. Je ne sais pas jusqu'à quel
point cela n'a pas empêché l'efficacité. Dans certains
coins, cela a causé de graves problèmes. Cela a
coûté très cher à la population du Québec
et...
M. Charbonneau: Est-ce que vous attribuez les problèmes -
je vais faire un lien de cause à effet - entre les audiences publiques
d'il y a quelques années et les problèmes qu'on a
identifiés aujourd'hui?
M. Boily: Le problème n'est peut-être pas en ce qui
concerne les audiences publiques, le problème concerne les restrictions.
600 hectares pour un ministère dans toute la province de Québec
pour un arrosage aérien, c'est un non-sens.
M. Charbonneau: D'accord. Est-ce que vous êtes conscient
que les deux solutions, en particulier la solution qui est proposée ou
qui est privilégiée par le ministère de l'Environnement,
vous enlèverait cette contrainte?
M. Boily: Pour le ministère peut-être. Je ne suis
pas le ministère, je ne peux pas répondre à sa place.
M. Charbonneau: Vous vous plaignez de la contrainte des 600
hectares.
M. Boily: Je dis ce que j'ai vu et ce qui existe.
M. Charbonneau: C'est cela, vous dites que c'est une
contrainte...
M. Boily: C'est une contrainte. Si elle est levée, en ce
qui concerne l'arrosage aérien, cela aiderait énormément,
c'est officiel. C'est un moyen d'intervenir efficacement et à des
coûts moindres. Il y a beaucoup moins de dégâts
écologiques, si on veut parler d'écologie et d'environnement, par
arrosage aérien - il y en un quand l'avion tombe, à part cela il
n'y en a pas - que par voie terrestre. Quand les transporteurs transportent un
bidon avec eux et qu'il est retourné sur le côté, tout se
déverse. Là, il y a des dégâts écologiques,
il y en a souvent beaucoup plus que par voie aérienne. C'est pour cela
qu'il y a des choses qui sont difficiles à comprendre et à saisir
dans les décisions qui ont été prises. Nous ne voulons pas
retourner à cette situation. Que des décisions soient prises,
mais qu'elles fassent l'affaire tant du gouvernement que des intervenants. Ce
sont les intervenants qui vont devoir appliquer ces modalités à
l'avenir. Notre industrie forestière, je pense que c'est important au
Québec, il faut y voir. Les décideurs publics sont là pour
cela. Il y en a qui sont bien sensibilisés. C'est votre problème,
messieurs les députés et les ministres, de voir à ce que
notre industrie forestière soit efficace au Québec et puisse
avoir les outils pour travailler. Si on s'entend là-dessus, tout le
monde va être heureux.
Le Président (M. Saint-Roch): Voulez-vous parler, M. le
ministre?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Le phosphamidon a
été remis en question, pour votre information, après des
études sur le terrain. J'ai demandé à l'intervenant qui
vous a précédés s'il était prêt à
faire des efforts comme partenaire avec le gouvernement pour le suivi
environnemental et toutes ces questions. C'est important. Je suis convaincu que
l'étude d'impact ne pourra rien
changer dans la décision d'homologuer ou non le phosphamidon. Je
suis convaincu de cela. Sauf que, s'il y a un suivi environnemental de tous les
produits, on a des chances de s'améliorer et de se corriger, s'il y a
lieu, afin de se sécuriser.
M. le député de Verchères me demandait si on
faisait notre devoir. Oui, on le fait sur le suivi environnemental. On fait
également l'analyse des produits qu'on reçoit. L'an passé,
on a fait l'analyse du B.t. et on a découvert des choses. On le fait
maintenant. C'est peut-être grâce aux audiences publiques si,
aujourd'hui, le ministère est si prudent et fait les choses
correctement. Cela a au moins donné ce résultat positif. On ne
parlera pas du négatif, on va parler du positif.
Une voix: C'est un bon morceau.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est un bon
morceau. On fait aussi la surveillance de tout cela: la dérive, le
calibrage des avions; on fait tout cela. On donne des manuels
d'intervention.
On fait le contrôle médical des travailleurs, de ceux qui
manipulent les produits. Cela a été bon. Cette intervention est
positive.
M. Desbiens:...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Pardon?
M. Desbiens: Cela a été, c'est au passé.
Voulez-vous dire que cela ne l'est plus?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Non. Le suivi
environnemental, le suivi entomologique, c'est bien important qu'on le fasse.
Je voudrais que les compagnies le fassent avec nous comme partenaires, qu'on ne
nous renvoie pas toute la responsabilité de ce suivi. C'est ce que je
voulais dire. Une étude d'impact ne corrige pas cela. Avec une
étude d'impact, on se réfère à ce qui est connu,
à ce qui a été donné par les scientifiques. Tout le
monde vient nous dire ce qui a été fait là-dessus. C'est
comme une audience publique, sauf qu'une audience publique nous incite beaucoup
plus à la précaution. C'est bon.
M. Lincoln: Je voulais poser...
Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre de
l'Environnement.
M. Lincoln: ...une dernière question. Si on regarde tous
les points de vue, il est sûr que certains sont divergents. Votre
industrie voudrait que certains produits, qui sont homologués, soient
utilisés de façon complètement libre parce que ces
produits sont connus. Il y a l'autre thèse, qui est celle que je
propose, c'est-à-dire que l'on fasse une évaluation, une
étude d'impact suivie d'une audience publique sur une période de
cinq ans pour éviter, justement, les choses à la pièce,
sur 600 hectares, etc.
(23 h 45)
Entre ces deux théories - et c'est pourquoi on a mis ces deux
scénarios-là, deux scénarios qui étaient
complètement différents, en un certains sens - il y a des points
de rattachement. Je pense que le critique de l'Opposition a soulevé des
suggestions qui essayaient de rejoindre ce que M. Duchesne et les autres ont
dit, à savoir qu'on réalise qu'il y a des périodes
d'urgence où il y a des besoins et où on doit intervenir comme
s'il y avait un incendie; on conçoit cela. En même temps, il y a
aussi un désir tout à fait... Moi, je le constate tout le temps,
c'est pourquoi je suis à cheval dessus, le public veut un
mécanisme quelconque. Je sais que vous n'êtes pas d'accord et
peut-être que la formule de l'audience publique à tort ou à
raison... Mais c'est comme cela, le public veut quelque chose, un endroit
où il va s'asseoir, où il va pouvoir témoigner et
où il va pouvoir vous questionner. En fin de compte, peut-être
que, comme mon collègue le dit, cela ne va pas changer grand-chose, mais
peut-être que cela va changer certaines choses. Mais le fait est que,
lorsqu'on aura fini cet exercice... Je constate que c'est un exercice
contraignant pour vous comme pour nous. Nous aussi, on aurait
préféré qu'il n'y ait pas cet exercice-là, cela
aurait été plus facile. Mais, si on passe par là, on
sonde. À ce moment-là, on sait que personne ne va nous critiquer
après, parce qu'on aura fait notre travail, on aura ouvert les... C'est
psychologique beaucoup ces choses-là, mais c'est important.
Si, par exemple, on pouvait avoir un mécanisme qui rencontre vos
contraintes d'urgence, du fait que vous avez besoin d'outils jusqu'à ce
que la recherche trouve des moyens alternatifs, et si, en même temps,
vous ayez à passer par une étude d'impact et qu'on
réussisse à trouver le moyen de rendre cela le plus rapide et le
plus efficace possible, pour que cela ne soit pas une espèce d'affaire
qui traîne en longueur, est-ce qu'à ce moment-là on ne
pourrait pas se rejoindre quelque part? Il me semble, moi, qu'il faudra,
à un moment donné, en arriver à un compromis sur ces deux
positions. Vraiment, moi, je vais vous dire et j'ai dit cela à M.
Duchesne tout à l'heure, je suis à cheval sur les audiences
publiques et je l'ai dit aussi à mon collègue ici. Pour nous,
c'est un sine qua non pour l'environnement. On pense que c'est cela la pierre
de taille de tout notre travail. Mais sûrement qu'il y a une façon
de se rejoindre. On est prêt à regarder toutes... C'est pourquoi
on avait suggéré ces cinq ans, pour ne pas vous obliger, comme
industries, à revenir toutes les semaines, tous les six mois. C'est ce
qu'on est en train d'essayer de trouver entre nous. Peut-être que vous
allez nous aider.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Boily?
M. Boily: Peut-être, mais peut-être pas ce soir.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boily: Je trouve le commentaire de M. Côté
très pertinent et je pense que c'est à l'usage qu'on va voir si
un produit est vraiment efficace ou non, est toxique ou non.
Maintenant, il y a sûrement moyen d'en arriver à des
ententes pour faire le bonheur de tout le monde. Tantôt, on a
parlé d'un comité ministériel, interministériel
avec une partie des entreprises, avec Jos. Public, peut-être, à ce
comité-là, avec des gens impliqués dans ces domaines, qui
pourraient participer à ce comité pour certains problèmes
et pour d'autres problèmes plus épineux ou plus grands qui
demanderaient vraiment une vision de toute la population du Québec.
Peut-être qu'une audience publique serait intéressante à ce
moment-là. Mais, sur un produit, la faire partout dans la province ou la
faire... Quelle ampleur donner à cela? C'est un peu à tout cela
qu'if faut penser. Est-ce qu'on va le faire pour tous les produits, est-ce
qu'on va le faire à travers toute la province, est-ce qu'on va inviter
tout le monde, est-ce qu'on va... Jusqu'où va-t-on aller avec cela?
C'est un peu ce qu'il faut mettre dans la balance, de chaque côté,
pour jauger le tout.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Boily.
M. le député de Verchères.
M. Charbonneau: Est-ce que, à votre connaissance, il y a
déjà eu des rencontres ou des lieux où vous vous
êtes retrouvés à la même table, vous, de l'industrie,
ou des représentants de l'industrie, et, par exemple, des
représentants d'organismes comme le Regroupement pour un Québec
vert, l'association québécoise de la faune, de la protection de
la faune, je ne sais pas quel est le nom exact, la Fédération
québécoise de la faune? Est-ce qu'il y a déjà eu ou
existe-t-il un forum où les antagonistes, d'une certaine façon,
un peu comme le sont le ministre de l'Environnement et son collègue
délégué aux Forêts, est-ce qu'il existe un lieu de
concertation où vous pouvez, sur une base régulière ou
occasionnelle, échanger des points de vue et, de part et d'autre, avec
un minimum de bonne foi, remettre en cause des pratiques, ou des opinions
arrêtées, ou des...
M. Boily: Je n'ai pas siégé à de tels
comités, mais il y a sûrement eu des liens entre l'industrie et la
population concernant la faune. On parlait tout à l'heure de
l'aménagement de ravages de chevreuils que Domtar a fait. C'est un cas
où des gens du ministère de l'Énergie et des Ressources,
du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et des gens du
milieu se sont impliqués pour voir comment ils devaient aménager
un certain secteur de forêt pour le bénéfice de tout le
monde. Ils ont trouvé une solution pratico-pratique sur le terrain pour
les secteurs à aménager et c'est une solution qui fonctionne
très bien. Il faut donner à la population des régions du
Québec - ce sont des gens assez ingénieux et innovateurs - il
faut leur donner la chance, à certains niveaux, de s'entendre pour
réaliser des choses et permettre aux parties de s'informer mutuellement
de leurs actions.
M. Desbiens: M. le Président.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Dubuc.
M. Desbiens: L'exemple que vous venez de soulever sur les ravages
du cerf de Virginie, c'est dans la Beauce?
M. Boily: Beauce, Estrie, si on veut.
M. Desbiens: Cela a été réglé de
façon ponctuelle, il n'y a pas eu d'audiences. Il a fallu des pressions
considérables de la part de la population ou d'organismes de la faune
impliqués dans la protection du cerf pour réussir à faire
agir un ministère et trouver une solution avec la compagnie Domtar.
M. Boily: C'est possible que les pressions...
M. Desbiens: Est-ce que ce n'est pas, dans votre esprit, une
indication qu'il est préférable d'avoir un système
régulier? Des situations comme celles-là pourraient être
soumises à des rencontres...
M. Boily: On peut instituer des choses, selon les besoins, c'est
sûr.
M. Desbiens: ...de citoyens avec des organismes, des entreprises,
les gouvernements ou les ministères?
M. Boily: II y a certainement eu des pressions de certaines
personnes pour en arriver là, c'est sûr, parce que ça prend
toujours des instigateurs pour faire bouger certaines choses, c'est officiel.
Mais il y avait un niveau de conscience élevé dans l'industrie et
au ministère du Loisir, de la Chasse et Pêche pour en arriver
à un règlement et ils ont pris la solution pour y arriver.
M. Desbiens: Là, c'est pour une question bien
précise, mais pour une autre question environnementale dans le cas qui
nous préoccupe sur les pesticides, qui est ce forum... C'est un forum,
finalement, les audiences publiques. La population, les groupes peuvent se
rencontrer, discuter et soumettre à la face de tout le monde
l'argumentation qui, de part et d'autre, va permettre d'apporter un
éclairage et de trouver une solution heureuse pour tout le monde, au
lieu d'être obligés... Parce que ça demande beaucoup de
temps le genre de pressions que des citoyens ont été
obligés de faire dans le cas du
ravage d'Amstrong. Cela demande beaucoup de temps, beaucoup d'efforts,
mais s'il y avait eu un forum de cette nature concernant la faune, comme il y
en a un concernant l'environnement dans le cas du BAPE, il y aurait sans doute
eu plus facilement et plus rapidement une solution trouvée à ce
problème.
C'est dans ce sens-là que j'interviens pour vous demander si vous
ne trouveriez pas plus heureux, pourquoi vous ne trouveriez pas la
procédure... Selon certains aménagements, puisque, tout au cours
de la journée, on a pu se rendre compte de l'évolution de
certaines positions et qu'il est probablement possible d'arrriver à
trouver un moyen qui permette à la fois de satisfaire les exigences des
entreprises forestières, mais aussi de répondre à une
volonté de la population, parce que c'est une volonté de la
population et c'est à elle qu'appartient le territoire
québécois, c'est à toute la population. Cela n'appartient
pas aux entreprises forestières, cela n'appartient pas au monde de la
faune, cela n'appartient pas aux pêcheurs, cela n'appartient pas aux
chasseurs, cela appartient à tout le monde. Cette population a donc le
droit de s'exprimer du côté environnemental et le Bureau
d'audiences publiques est le moyen privilégié. Il n'y en a pas eu
de meilleur de trouvé jusqu'à ce jour. Comment insérer les
besoins, comment faire pour discuter des propositions de l'industrie
forestière? Comment régler cela, sinon par ce moyen, par la
population? C'est à cela qu'on travaille présentement.
M. Boily: Si vous pensez que c'est le seul, à ce
moment-là...
M. Desbiens: Oui.
M. Boily: ...je ne vois pas pourquoi on est ici.
M. Desbiens: Bien, je vous pose la question. M. Boily: On va
l'appliquer et...
M. Desbiens: C'est la question qui est posée...
M. Boily: On est ici pour voir s'il y a d'autres solutions.
M. Desbiens: Oui.
M. Boily: C'est cela que je veux dire. C'est un des moyens, mais
cela ne veut pas dire que c'est l'unique moyen. C'est cela qu'il faut regarder.
On est d'accord avec le moyen, mais on pense qu'il existe peut-être
d'autres moyens qu'on peut développer et qui peuvent faire l'affaire de
tout le monde aussi. Ils sont peut-être plus souples, moins rigides.
Le Président (M. Saint-Roch): Je remercie l'Association
forestière québécoise inc. pour sa présentation aux
membres de la commission de l'aménagement et des équipements.
Je demanderais maintenant à l'Association canadienne des
producteurs de pâtes et papiers de bien vouloir prendre place, s'il vous
plaît.
Je demanderais au porte-parole de l'Association canadienne de
producteurs de pâtes et papiers de bien vouloir s'identifier, ainsi que
les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.
Association canadienne des producteurs de pâtes
et papiers
M. Hart (Howard): M. le Président, permettez-moi de me
présenter. Mon nom est Howard Hart. Je suis président de
l'Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers. Je suis
accompagné, à ma gauche, de M. Denis Brière, de la
société Kruger, de M. Guy Dufresne, de la société
Consolidated-Bathurst, à ma droite... Je m'excuse, à ma
gauche.
Une voix: Ce n'est pas...
M. Hart: Vous êtes un gauchiste. À ma gauche, M.
Bill Martin de la société CIP inc.
Nous vous remercions de cette invitation à présenter notre
point de vue sur ce sujet d'importance primordiale pour la province de
Québec.
Vous devez vous demander pourquoi une association nationale fait une
présentation devant une commission provinciale. Nous reconnaissons tout
d'abord que la gestion des forêts est de juridiction provinciale, mais
nous reconnaissons aussi que les insectes et les maladies ne respectent pas les
frontières provinciales, fédérales et même
internationales. Il est, d'après nous, nécessaire de mobiliser
tous nos moyens afin de protéger notre ressource forestière des
dommages causés par les ravageurs forestiers. La forêt a un effet
profond sur notre société, (minuit)
Quelques points importants. L'industrie est la pierre d'assise du plus
important moteur économique du Québec et du Canada. Comme vous le
savez peut-être, le Canada est le plus grand exportateur de produits
forestiers du monde et les bénéfices de ce commerce aux
employés et aux citoyens de notre province sont énormes.
Deuxièmement, c'est également vrai que l'existence de cette
industrie à l'échelle mondiale dépend d'une ressource de
qualité économiquement accessible. Troisièmement, il est
insensé d'investir des sommes d'argent importantes dans
l'amélioration et l'aménagement des forêts s'il n'existe
pas de volonté de protéger la forêt et si tous les outils
ne sont pas disponibles aux forestiers. Quatrièmement, les pesticides
homologués sont sécuritaires lorsque utilisés selon des
règles rigoureuses et le Canada a la réputation d'avoir un des
meilleurs systèmes d'homologation. Les pesticides sont des outils
indispensables dans
la lutte contre les ravageurs forestiers. Par conséquent, nous
appuyons l'utilisation rationnelle des pesticides dans le cadre d'une approche
intégrée de contrôle des ravageurs. Voici, M. le
Président, en quelques mots le message que mes collègues vous
présenteront d'une façon plus détaillée et je passe
maintenant la parole à M. Dufresne.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.
M. Dufresne: Merci, M. le Président. L'utilisation des
pesticides en milieu forestier. Nous allons voir aujourd'hui, ce soir, cinq
aspects traitant de cela et nous commencerons par l'industrie. L'industrie des
pâtes et papiers est une industrie très vaste. Les
expéditions comptent pour 26 000 000 000 $, dont 8 200 000 000 $ sont au
Québec. Les exportations représentent à peu près 80
% de cela. Au Québec, cela représente 4 000 000 000 $ et 250 000
emplois. Et il y a 1366 usines et scieries au Québec, donc, une
industrie d'importance.
Quand on regarde la contribution nette des exportations en 1987, en
milliards de dollars, les produits forestiers représentent 18 200 000
000 $, dont 12 200 000 000 $ sont les pâtes et papiers et la balance, des
produits forestiers de scieries. C'est énorme comparativement à
toute autre industrie, comme vous pouvez le voir en jaune. Cela
représente même presque le double de la balance nette de paiement
du Canada.
Comme l'a dit M. Hart, on est une industrie d'exportation et très
grosse dans le monde quand on voit que, pour les produits forestiers, on
représente 22 % des exportations mondiales qui totalisent 68 000 000 000
$.
Du côté du coût, on s'aperçoit ici, en dollars
US par tonne métrique, que l'Est du Canada a un coût plus
élevé que l'intérieur de la Colombie britannique, que le
sud des États-Unis et que le Chili. Par contre, le taux de change fait
que la Suède à l'heure actuelle, en 1988, est très peu
compétitive en ce qui concerne la pâte blanchie. On
s'aperçoit là aussi que le coût du bois est un
élément très important dans nos coûts et qu'on ne
peut pas se permettre de les augmenter si on veut demeurer compétitifs
à long terme.
Le deuxième secteur, l'aménagement forestier. Si on
regarde ici cette diapositive, la partie du haut nous montre le cycle normal
d'une forêt, c'est-à-dire qu'elle pousse au tout début et
ensuite à la fin on voit qu'elle est détruite par le feu ou les
insectes et cela recommence.
Ce que le gouvernement du Québec a voté unanimement par
les deux partis, c'est de changer le cycle normal de la forêt par un
choix collectif et de l'utiliser comme récolte. On voit qu'on
accélère le cycle et au lieu de laisser la forêt se
détruire par le feu et les insectes, on la coupe, on l'utilise pour
créer au Québec 250 000 emplois et ainsi faire vivre une bonne
partie de la population.
Troisièmement, la ressource forestière. Les
possibilités de récolte de résineux au Canada ont
varié, au cours des années, et on s'aperçoit qu'on s'en
vient très près de la possibilité maximum de 165 000 000
de mètres cubes pour l'ensemble du Canada. Donc, on arrive au temps
où il faut faire de l'aménagement, il faut protéger plus
notre forêt et, en d'autres termes, il faut avoir tous les outils
nécessaires si on veut continuer de croître. Quand on regarde le
Québec, avec la ligne en jaune, on s'aperçoit que la
récolte, au cours des dernières années, a
été plus élevée que ce que la forêt produit
naturellement. En orange, la ligne du milieu, on voit ici que ce que le
gouvernement a fixé comme objectif, 25 400 000 mètres cubes, est
tout un défi. Pour cela aussi cela nous prend les outils
nécessaires. La troisième partie, allocation de 34 000 000 de
mètres cubes - entre la ligne orange et la ligne rouge - j'appelle cela
un rêve. On n'est pas capable d'avoir cela à l'heure actuelle. Ce
n'est pas possible de monter à ce niveau avec les outils que l'on a.
Comment augmenter la production forestière? On a cinq moyens ici,
et ce n'est pas l'un ou l'autre, tous sont nécessaires si on veut
atteindre les objectifs fixés par l'ensemble du gouvernement:
protéger d'abord la ressource actuelle, c'est ce qu'il y a de plus
économique et c'est nécessaire, maintenir le territoire
forestier, améliorer l'utilisation de la ressource, accroître
l'utilisation des feuillus et un aménagement intensif de la forêt.
Il y a accord sur tous ces points, sauf peut-être sur le premier qu'on
discute à l'heure actuelle.
Protection de la forêt. Regardons cela plus en détail. La
récolte versus les pertes. Dans la dernière
épidémie, au Canada, il s'est perdu autant d'arbres qu'on en a
récolté, par le feu, les maladies et les insectes. C'est
énorme. Ce ne sont pas des théories, ce sont des faits, durant la
période de 1977 à 1981.
Les épidémies d'insectes. Quand on regarde les pertes
annuelles dues à la tordeuse des bourgeons de l'épinette, dans
les provinces de l'Est, dans la même période, de 1977 à
1981 - et on aurait pu prendre d'autres périodes - la mortalité:
38 000 000 de mètres cubes. C'est déjà 50 % de plus qu'une
récolte annuelle. Perte de croissance parce que non seulement on perd
les arbres, mais on perd la croissance de ces arbres; perte totale seulement
due à la tordeuse: 48 000 000 de mètres cubes, comparativement
à une récolte de 60 000 000. Cela ne comprend pas le feu, cela ne
comprend pas les autres pertes dues aux autres sortes d'insectes.
L'expérience que nous avons au Canada, c'est l'expérience
du Cap-Breton. Au Cap-Breton on a décidé, pendant une
période, de ne pas arroser, de ne pas protéger la forêt.
C'est un désastre. C'est reconnu. Dans le rapport qu'on a fait parvenir
vous avez une étude qui nous démontre de façon
concrète tous les aspects de ce cas-là.
J'ai voulu montrer ici deux forêts, une que l'on protège et
l'autre que l'on ne protège pas. Si on regarde cela avec des chiffres,
voici ce que cela veut dire pour le Cap-Breton. C'est un cas vécu, il
n'y aura pas de récoltes pour 50 ans, au moins deux
générations. Il y a des pertes de 36 000 000 à ce petit
endroit, 50 % de plus que ce que toute la province de Québec
récolte par année. Il n'y a pas de projet d'expansion d'usine,
naturellement. Il y a moins d'emplois. Si on avait eu ces arbres, on aurait pu
avoir au moins 2000 emplois. On parle de 60 000 000 $ par année. On
parle de chiffres énormes.
L'environnement, un cycle naturel. On a redonné à la
forêt son cycle naturel. Les effets négatifs sur la faune ont
été étudiés là-dedans. Je ne veux pas
rentrer dans les détails aujourd'hui, mais c'est documenté. Il
n'y a pas d'arbres sur lesquels les oiseaux peuvent se percher. Il y a une
foule d'autres conséquences sur la faune. C'est un territoire
désolé. Les solutions: une approche intégrée de
contrôle biologique, chimique, sylvicole et de recherche. Ce n'est pas
simplement un aspect, c'est une multitude d'aspects. Cela, c'est pour les
insectes.
Maintenant, regardons du côté de la
végétation compétitive. On s'aperçoit ici, dans ces
broussailles, qu'il y a un sapin qui essaie de sortir. Quand on utilise les
produits, on permet à ce sapin-là de croître de
façon beaucoup plus rapide et ce n'est qu'une intervention dans la vie
de cet arbre-là qui est faite de façon à lui permettre de
croître et de produire du bois pour la récréation, pour
l'industrie, etc. Les solutions: là aussi, une approche
intégrée de contrôle, les phytocides, c'est-à-dire
les herbicides, la sylviculture et la recherche pour trouver des arbres qui
vont pouvoir pousser plus vite, etc., etc.
Maintenant, regardons le dernier aspect: les pesticides en foresterie.
L'utilisation des pesticides au Canada, quand on regarde à gauche, le
milieu agricole en utilise 85%, le milieu urbain, 10% et la forêt, 2%. Le
territoire est marqué en vert et est difficilement visible de loin, mais
c'est 7% pour le milieu agricole, 1% pour le milieu urbain et 35% pour la
forêt. Quand on pondère, quand on regarde l'intensité par
mètre carré d'utilisation de pesticides, pour une unité en
forêt, on en utilise 167 fois plus dans tous les jardins à travers
le Canada. Dans le milieu agricole, on utilise 200 fois plus de pesticides par
mètre carré qu'on n'en utilise en forêt. On propose comme
solution - cela ne veut pas dire qu'on ne doit pas essayer de faire une
meilleure utilisation, mais cela vous montre des proportions, ici, qui sont
quand même dans les ordres de grandeur très substantiels - par
mètre carré ou par kilomètre carré,
l'intensité d'utilisation.
La stratégie nationale. Le Conseil des ministres a
approuvé l'utilisation des pesticides comme un outil légitime de
gestion forestière. Les responsabilités interprovinciales. Les
bibites ne respectent pas les frontières, elles se promènent
d'une place à l'autre et cela a été démon-
tré: que cela soit entre les provinces ou entre le Canada et les
États-Unis, il n'y a pas de frontières pour elles. Il faut
appuyer l'homologation des pesticides. Il faut protéger ses voisins et
j'ajouterais un élément additionnel, il ne faut pas, dans chaque
secteur, recommencer la recherche. Il faut s'entraider entre provinces de
manière qu'on puisse profiter des recherches qui se font un peu partout.
L'homologation des pesticides, on en a parlé souvent, c'est une des plus
rigoureuses au monde, c'est complexe, long et coûteux. Nous
considérons qu'il n'y a pas assez de pesticides forestiers
homologués actuellement. C'est un marché limité. (0 h
15)
L'utilisation sécuritaire des pesticides est très
importante. Il faut de très hauts standards d'utilisation. Il faut du
personnel certifié. Il faut une supervision professionnelle. Ce sont les
mêmes critères que nous avons, auxquels j'ai fait allusion un peu
plus tôt cet après-midi, pour la médecine. Pour les
réglementations provinciales, il faut un contrôle très
sévère; pas de deuxième homologation. Je pense qu'on a un
processus qui, au Canada, n'est peut-être pas parfait, mais qui est ce
qu'il y a de meilleur. Si on peut trouver des moyens de l'améliorer,
très bien. Il faut des hauts standards d'utilisation, c'est ce que
l'industrie préconise.
Recherche et développement. De ce côté-là, il
faut essayer d'améliorer, de trouver des nouveaux pesticides, des
méthodes d'application qui sont encore meilleures, des alternatives
à cela. Cela demande des efforts de recherche et de développement
qui doivent être faits par l'industrie et les gouvernements de
façon qu'on puisse être compétitifs au niveau mondial. En
d'autres termes, c'est un choix collectif. Merci, M. le Président.
Une voix: Vous êtes un bon communicateur.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Dufresne. M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. Dufresne, je réalise qu'il est minuit et
quart et que l'inspiration se fait moindre, excepté pour vous, cela a
l'air, parce que vous avez l'air en grande forme.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lincoln: Dans toute cette discussion que nous avons eue sur
cette question, est-ce qu'il y a des points de rapprochement que vous voyez, du
point de vue de ces hypothèses qui ont été
avancées, pour essayer de réconcilier les points de vue que vous
avez exemplifies vous-même là, pour essayer de remplir deux
objectifs pour vous, l'objectif des urgences par rapport aux insectes et aussi
l'objectif de vos plantations comme telles avec l'objectif que nous poursuivons
de renseigner, d'informer le public, d'avoir un
mécanisme d'études d'impact de l'environnement, etc?
Est-ce que vous voyez quelque chose comme une solution de rapprochement entre
deux thèses qui ne sont pas tout à fait les mêmes?
M. Dufresne: M. le ministre, je pense que, si on regarde
l'ensemble du problème, pour 95 % des choses, tout le monde s'entend sur
la protection de la forêt. Tout le monde veut avoir une forêt
protégée, tout le monde veut protéger la santé,
tout le monde veut continuer l'économie, permettre à
l'économie de croître. Les compagnies l'ont dit chacune à
leur façon, le public doit être informé, il a le droit
à cette information, mais c'est le comment... Et si j'avais... Pour
répondre à votre question directement, du côté de
l'homologation, le public est peu ou pas impliqué et c'est au niveau
fédéral. Il ne faut pas recommencer cette chose-là
à chacun des niveaux provinciaux. Peut-être qu'un
mécanisme, une aide ou une implication à ce chapitre pourrait
aider.
Pour le deuxième point, nous avons mentionné que, dans les
plans de cinq ans, c'est public, comment on va aménager. On a
mentionné cinq facteurs qui sont importants, pas simplement la
protection de la forêt. Tout cela, c'est dans la loi 150, c'est public de
ce côté-là. À ce moment-là on peut être
informé. Où il y a un besoin d'information additionnelle de ce
côté-là du public, et je pense que c'est votre point, pour
le rassurer qu'on s'en va dans la bonne voie - on l'a vécu au
Nouveau-Brunswick, on vous en a donné des exemples - c'est
peut-être un bilan comme il se fait dans les compagnies, comme il se fait
dans à peu près tous les organismes. À la fin de chaque
année, si on avait un bilan et si on disait: Voici ce qui a
été fait, cela forcerait tout le monde parce que, quand on
installe des usines, nous sommes ici pour plus de 50 ans. Cela permettrait
d'une année à l'autre de toujours voir où on en est rendu,
tout en permettant l'urgence des mécanismes. Je pense que tout le monde
s'entend pour dire que cela prend des contrôles plus rigoureux.
L'industrie est d'accord avec tout le monde. Là-dessus aussi il y a
entente. On a proposé un plan d'urgence. Si vous me demandez ce que je
pense que j'ajouterais à la suite de la commission parlementaire, je
mettrais ce bilan qui forcerait tout le monde à regarder... Cela
n'empêche pas les audiences du BAPE s'il y a un nouveau produit ou s'il y
a d'autres changements, mais pas sur le mécanisme d'intervention, comme
on l'a cité dans la lutte contre le feu. Ce n'est pas parce qu'on ne
veut pas informer le public, c'est parce que, si on veut atteindre
l'excellence, il faut que le système nous permette d'atteindre cette
excellence.
Si on fait ça, M. le ministre, comme industrie on aura le
même succès qu'on a dans la lutte contre le feu pour laquelle tout
le monde vient voir au Québec comment on est capable d'avoir des
résultats avec ce moyen. On va améliorer nos moyens de
prévention, on va améliorer les moyens de détection. Ce
sont tous des domaines dans lesquels on pourra travailler, tout en informant le
public de ce qu'on fait et qu'on a fait du côté de la protection.
Ce ne sont pas des cachettes, ça va nous permettre d'être
très clairs et très responsables, de la part de l'industrie, pour
répondre à ce que je vois comme très important, pour
permettre au public de connaître et de pouvoir intervenir dans ce
domaine.
M. Lincoln: Pour ajouter à votre idée d'un bilan,
je ne suis pas du tout contre l'idée d'un bilan annuel ou
périodique, tous les deux ou trois ans, pour savoir ce qui se passe,
mais que di riez-vous... La seule divergence que nous aurions est que je suis
pour un bilan d'ouverture. Appelez ça comme vous voulez, mais j'aurais
voulu commencer par le commencement, pas après un an ou deux. Si on
pouvait commencer... Vous soumettez un plan de travail, un plan
d'aménagement au ministère des Forêts, c'est connu, je suis
d'accord. On ne remet pas ça en question. La loi 150 le prévoit.
Ce qu'on veut, c'est un mécanisme de regard anticipé sur les
impacts possibles sur l'environnement, dans le sens des
écosystèmes, etc., pour savoir exactement quelles seront la
portée des arrosages et l'étendue par rapport à votre plan
de travail.
M. Dufresne: Ce seraient toutes des hypothèses de base,
parce qu'on ne sait pas où la maladie, le cancer, va se
développer.
M. Lincoln: C'est là que l'on ne se rejoint pas. Je vois
deux choses là-dedans: le plan d'urgence où il faudra donner des
mécanismes d'intervention, c'est clair, mais aussi le plan plus
systématique par rapport à la plantation elle-même.
M. Dufresne: La végétation, c'est plus
prévisible, à ce moment-là cela peut faire partie du plan
que l'on soumet au ministre. On le fait... Ce plan est plus prévisible,
il n'est pas parfaitement prévisible, mais il est plus prévisible
de ce côté-là. C'est un domaine où je pense que ce
serait possible de regarder d'avance ce genre de chose, où on entend le
faire et, avec l'expérience, on s'apercevrait que les compagnies sont
responsables. Mais, d'un autre côté, comme vous dites, le plan
d'urgence, en fait, c'est la lutte contre les insectes. Pour la lutte contre
les insectes, on pourrait faire un bilan a posteriori, le montrer et on serait
jugé par le bilan. C'est très engageant de la part de l'industrie
d'avoir un bilan de ce côté-là. De l'autre
côté, faire des prévisions, quitte à faire le bilan
pour voir...
Je pense, M. le ministre, que, si vous faites confiance à
l'industrie de ce côté-là, vous serez agréablement
surpris des résultats. C'est une question de savoir... Je comprends que
l'on veuille savoir, mais si on s'engage comme industrie, on est quand
même la plus grosse au
Québec, les paroles que l'on tient aujourd'hui à cette
commission, ni vous, ni l'Opposition n'allez les oublier. On va certainement
être obligés de vivre avec. C'est ce qu'on dit, c'est un moyen
pratique d'en arriver à une solution qui fera du Québec une
province où l'excellence dans la protection de la forêt sera la
même que dans la protection du feu.
M. Lincoln: M. Dufresne, ce sera ma dernière question
parce qu'il se fait tard. Je peux voir que, dans le cas des plantations, il y a
possibilité sur une période quelconque de savoir quel genre de
prévisions vous allez avoir par rapport à l'utilisation de
pesticides ou d'herbicides. Mais je suis d'accord qu'on ne peut pas
prévoir de façon instantanée les urgences, qui sont une
autre affaire. Là où on ne se rejoint pas, c'est sur le
mécanisme de consultation et de discussion avec le public. Au
ministère de l'Environnement, à notre point de vue, ce qui
arrive, par les lettres et toute la documentation que je reçois du
public, c'est que la question des pesticides est très émotive
parce que les gens sont sidérés par toute cette question. Je peux
voir dans le domaine urbain qu'il y a des pétitions qui nous arrivent.
Il y a une pétition qui m'avait été envoyée,
soi-disant, par 13 000 personnes dans un secteur urbain, etc. Il y a beaucoup
d'émotivité parce que les gens ne savent pas la portée des
produits chimiques. S'il y avait un mécanisme comme on le suggère
- on est d'accord que vous pouvez présenter ce plan quinquennal, ou un
plan de trois ans, quatre ans ou cinq ans et qu'à ce moment-là le
public ait une chance de se faire dédouaner, de pouvoir poser des
questions en public afin que tout le monde soit satisfait - est-ce que cela
n'est pas possible de considérer qu'on ait un mécanisme
quelconque qui puisse satisfaire vos exigences et les exigences du public?
M. Dufresne: Je ne sais pas si je me trompe, mais est-ce que ce
n'est pas déjà dans la loi 150 avec tous les plans qu'on
dépose, où on s'en va? Je pense que le mécanisme est
là. Les deux parties l'ont choisi et on a été d'accord
avec ce mécanisme. Je pense que cela va vous donner tous les
éléments. Pourquoi ne pas essayer ce mécanisme? Il est
à peine amorcé. Pourquoi ne pas l'essayer? Il est en place. On
est d'accord pour faire tous les efforts pour l'utiliser. C'est public.
Essayons-le de ce côté, quitte à le perfectionner dans les
années futures. Lorsqu'on regarde la concentration de pesticides qu'on
met en forêt par superficie, quand j'ai fait faire ces chiffres, j'ai
été surpris de voir qu'on en utilisait par superficie 150
à 200 fois moins que toutes les maisons qui avaient un jardin. Alors, il
y a beaucoup de travail à faire dans l'autre domaine, mais il ne faut
pas négliger celui-ci. On serait prêt à être un
exemple de ce côté, M. le ministre, avec l'industrie. On veut
diminuer la quantité. On veut essayer d'en utiliser le moins possible,
même si on est à 150 fois moins.
M. Lincoln: Enfin, je ne veux pas monopoliser le temps. La seule
question qui me préoccupe, et pour moi c'est une question fondamentale,
c'est que la loi 150 est une chose, mais pourtant la gestion des pesticides est
prévue dans la Loi sur la qualité de l'environnement et la loi 27
sur les pesticides. Alors, cela donne une tout autre connotation qu'on ne peut
pas ignorer et on prévoit des mécanismes dans ces lois qu'on ne
peut pas ignorer parce que ce sont des lois motrices dans ce secteur. C'est
cela, la question.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Martel.
M. Martel (Jean-Pierre): On parlait tout à l'heure
d'études d'impact. J'aimerais revenir sur le problème de
l'homologation. Je ne suis pas un expert en homologation, mais j'aimerais
peut-être faire quelques ajustements. Je pense que tout le monde est
d'accord pour dire que tous les pesticides utilisés en foresterie
devraient être sécuritaires, premièrement, pour la
santé humaine et, deuxièmement, pour l'environnement. Je pense
que tout le monde dans la salle est d'accord pour s'entendre sur ce point. On
dit aussi que le système d'homologation canadien est un des plus
rigoureux au monde et j'aimerais ajouter que l'homologation d'un produit en
foresterie se fait à la suite de l'homologation d'un produit en
agriculture. Un exemple: le glyphosate qui a été
développé au cours des années soixante a été
homologué pour utilisation agricole en 1976 et pour utilisation en
foresterie seulement en 1984. Donc, vous voyez que l'homologation d'un produit
en foresterie ne se fait pas du jour au lendemain. C'est sur une très
longue période et cela comprend aussi des sommes d'argent très
considérables. On parle de 15 000 000 $ à 30 000 000 $ pour le
développement et l'homologation d'un produit. Donc, c'est sur une
très longue période. Il y a beaucoup d'études qui sont
comprises. (0 h 30)
Un autre point que j'aimerais souligner, c'est le suivi. Il existe
déjà dans certaines provinces différents suivis
environnementaux et, s'il y a des résultats de nouvelles études
ou de nouvelles études qui démontrent que ces produits ne sont
pas satisfaisants, je crois que l'homologation pourrait changer à ce
moment-là. Il existe aussi à l'intérieur d'Agriculture
Canada un système de réévaluation des produits. Je ne sais
pas si vous êtes au courant, mais, pour l'ensemble des produits
forestiers, leur priorité est très basse ou très faible
parce qu'on dit que, déjà, il y a beaucoup d'information en ce
qui concerne les produits forestiers. Donc, je voudrais émettre à
nouveau l'idée que l'homologation canadienne est très bonne et
très rigoureuse dans son ensemble. C'est sur cela qu'on doit se
baser,
c'est qu'on ne doit pas dédoubler le système
d'homologation déjà existant.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Martel.
M. le ministre délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je voudrais dire
pour le bénéfice de l'assemblée que la loi 150
prévoit des plans annuels, quinquennaux et de 25 ans. Ces plans peuvent
être connus des intéressés. Les intéressés
peuvent faire des commentaires avant que le ministre ne les approuve et il peut
y avoir des ajustements. Comme le dit mon collègue, il y a moyen de
prévoir assez facilement des interventions concernant les phytocides,
concernant la végétation concurrente.
Du côté des épidémies d'insectes, c'est plus
difficile. On a beaucoup de stations, de places échantillons pour
essayer de détecter les foyers d'infestation. Évidemment, je
souhaite que ces places échantillons donnent des résultats pour
qu'on utilise le moins d'insecticides possible en cas
d'épidémies. Cela est de la prévention; c'est de la
protection. Mais ce n'est pas prévisible, c'est pourquoi on a des places
échantillons comme celles-là. Faire cela coûte de l'argent,
et on le fait. On a 246 places échantillons à l'intérieur
du Québec pour essayer de détecter les foyers d'infestation, et
de façon à utiliser moins d'insecticides.
Je voudrais demander ceci aux intervenants: Pourquoi craindre - moi, je
vous donnerai la réponse en même temps - les audiences publiques
du BAPE? Est-ce que c'est parce qu'on n'a pas su, lors des dernières
audiences, garder le focus sur le sujet? Cela a dévié, à
mon sens, sur la gestion forestière. Cela a dévié sur
n'importe quoi, sauf sur le sujet dont il était question. Il y a des
gens qui se sont fait insulter à ces occasions-là. C'est pour
cela qu'aujourd'hui on est si réticents à aller là, en
plus du temps et de l'argent que cela exige. J'en suis pour que les gens
fassent connaître leur opinion sur des problèmes, mais qu'ils le
fassent en connaissance de cause, par exemple. On a accepté des choses,
n'importe quoi, n'importe quand, dans ces questions-là. On en a eu des
bonnes, on en a eu des pas bonnes. On parle d'utilisation de produits, de
phytocides ou d'herbicides. Moi, sur mon terrain - j'ai un petit terrain de
rien - j'ai déjà utilisé trois litres de Killex cette
année pour tuer les pissenlits. Je vais continuer à en
utiliser.
Des voix:...
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est pour faire
ressortir l'utilisation qu'on en fait de façon moins professionnelle que
d'autres qui ont les moyens de le faire. Quand l'industrie nous propose un
bilan, je voudrais que, dans ce bilan-là, par exemple, on mette des
objectifs. Je ne sais pas si l'industrie est prête à mettre des
objectifs à chaque bilan qu'elle va proposer, parce que ce sont des
bilans de recherche.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dufresne.
M. Dufresne: M. le Président, si je peux répondre
à la question qui est un peu multiple de ce côté-là,
je pense que l'industrie ne conteste pas le mécanisme des audiences
publiques. Elle dit que, dans ce cas-ci, le moyen suggéré est un
moyen déjà vécu pour le feu, déjà
vécu dans d'autres choses qui va nous permettre d'atteindre
l'excellence. Si on peut trouver des façons d'améliorer nos
techniques, il faut faire de la recherche. Si on doit doubler les stations pour
essayer de faire de la prévention, c'est beaucoup mieux que d'utiliser
des pesticides. C'est vers cette direction-là qu'on doit le faire, comme
on l'a fait pour le feu. Pour le feu, on prédit par ordinateur où
on pense que la foudre va tomber. Les avions sont déjà dans les
airs avant que les feux ne partent. C'est comme cela qu'on finit par les
éteindre. C'est une chose très sophistiquée et c'est ce
degré de sophitication-là qu'on doit appliquer aux insectes.
Quant à vos pissenlits, M. le ministre, vous savez qu'il y a d'autres
utilisations. C'est bon, une salade de pissenlits.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Rivière-du-Loup): Seulement une
petite, une dernière.
Le Président (M. Saint-Roch): En conclusion, M. le
ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous avez
parlé du Cap-Breton, de l'expérience du Cap-Breton, et vous dites
que c'est un désastre. Est-ce que la population reconnaît que
c'est un désastre également?
M. Dufresne: La population le reconnaît. Ils ont
demandé aux politiciens: Pourquoi ne nous avez-vous pas avertis
d'avance? Le ministre lui-même, lors de notre réunion du
Comité de protection de la forêt au niveau canadien, nous a dit:
cela a été une erreur. Ce n'est pas une erreur volontaire, pas
une erreur maligne, mais elle est là pour 50 ans. En passant, juste un
commercial, si on peut: Vous voyez là le Comité de protection de
la forêt. C'est le deuxième "set" d'affiches qu'on a. Le premier
"set", on l'a envoyé à tous nos employés, 140 000, avec
leur chèque de paie, plusieurs fois. On essaie de montrer ce qu'il faut
faire pour garder la forêt verte. Je pense que cette affiche dit vraiment
qui sont les verts dans la société. On a aussi des brochures qui
pourraient être utiles aux membres de cette commission, qu'on a
préparées, qu'on pourra vous distribuer après, des
vidéos qu'on a faits pour chacun de nos employés pour leur
montrer qu'on doit minimiser l'effet des pes-
ticides, qu'on doit essayer de protéger la forêt, pas
simplement la protéger, mais utiliser tous les moyens sylvicoles. Cela
ne s'est pas juste fait dans la province de Québec, cela s'est fait dans
tout le Canada.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Dufresne. Merci,
M. le ministre. M. le député de Verchères.
M. Charbonneau: Je n'ai pas encore arrosé mon gazon.
Le Président (M. Saint-Roch): À part ça,
vous n'avez pas de misère?
M. Charbonneau: Non, mais je le fais couper, par exemple. Je vous
écoute; je trouve que vous êtes un sacré bon vendeur, un
maudit bon communicateur, mais je trouve que, à un moment donné,
il y a une espèce d'exagération. Au-delà des insultes et
du fait que le monde n'a pas apprécié de se faire traiter d'une
façon cavalière dans les audiences, j'ai l'impression que
l'argumentation principale, c'est que la lourdeur du mécanisme ferait en
sorte que vous ne seriez pas en mesure d'attaquer rapidement quand il faut
attaquer. C'est ce que vous craignez. Autrement, l'argumentation ne tient pas.
Vous avez à faire face à des urgences et ce que vous voulez,
c'est avoir la mobilité de répondre à l'agression par une
contre-attaque rapide et efficace. Si on veut utiliser des termes guerriers et
passer de la médecine au vocabulaire militaire, c'est un peu cela.
M. Dufresne: M. Charbonneau, les faits qui sont donnés ici
par l'autre association ont été vérifiés.
M. Charbonneau: On ne se comprend pas.
M. Dufresne: Laissez-moi seulement finir. Les faits qui sont
là ont été vérifiés et
revérifiés, pour ne pas exagérer et même être
prudent. Le deuxième point, c'est que le mécanisme qu'on a pour
lutter contre le feu, ce n'est pas quelque chose qu'on a rêvé,
c'est quelque chose qu'on a développé ici même au
Québec. On se base sur quelque chose qui existe. On veut faire la
même approche.
M. Charbonneau: Ce n'est pas ce que je dis. On ne se comprend
pas. Avant qu'on aille trop loin, ce que je dis, c'est que, dans votre
argumentation contre l'option 1, contre des suggestions qu'on a faites pour
l'améliorer en vue de la rendre plus opérationnelle, plus
acceptable à vos yeux, vous demeurez réticents, parce que, si je
comprends bien, vous considérez que, chaque fois qu'on fait une audience
publique, on empêche une réaction rapide et efficace. Ce que je
pense, c'est qu'il y a moyen de mettre en place un mécanisme qui
permette aux entreprises et à l'industrie dans son ensemble de
réagir rapidement lorsque les urgences se présentent et,
néanmoins, de conserver un acquis important dans notre
société qui est le fait que des citoyens organisés ou
individuels, plus ou moins sensibilisés, puissent être non
seulement informés à l'occasion d'audiences publiques, mais
parfois apporter des contreparties. Si cela avait été si
inefficace que cela, peut-être que le ministère de
l'Énergie et des Ressources, il y a quelques années, n'aurait pas
abandonné un programme d'arrosage qu'il s'apprêtait à faire
à la suite des audiences publiques du BAPE.
M. Dufresne: Peut-être qu'on aurait pu bâtir un peu
plus de capacité si on avait éliminé les
épidémies de la tordeuse des bourgeons de l'epinette. Le
ministère des Forêts n'aurait pas toutes les difficultés
qu'il a à l'heure actuelle pour trouver du bois pour l'ensemble des
usines du Québec.
M. Charbonneau: Ne venez pas me dire, à moi, aujourd'hui,
que, si on a un problème, c'est à cause du BAPE.
M. Dufresne: Non, je n'ai pas dit cela. Vous essayez de me faire
dire des choses que je pourrais penser.
M. Charbonneau: Jamais je ne ferais cela, même à une
heure moins vingt la nuit.
M. Dufresne: Je vous l'ai dit très clairement. Je pense
qu'on a un mécanisme qui fonctionne. On a une loi 150 avec laquelle tout
le monde a été d'accord. Il y a de bonnes choses dedans;
essayons-la, mettons-la en pratique. M. Lincoln tantôt nous a dit: Bien,
peut-être qu'on devrait regarder d'avance où est la
végétation compétitive. Peut-être que ce serait une
bonne façon de regarder d'avance. Même si on ne peut pas le
prédire complètement, on peut être plus précis de ce
côté-là.
Du côté des épidémies, il faut agir
rapidement. Qu'on appelle cela un mécanisme d'urgence ou qu'on appelle
cela ce qu'on a mentionné comme industrie, on l'a, la façon. On
en a une façon qui a fait ses preuves. Pourquoi ne pas l'essayer,
celle-là? Pourquoi essayer de réinventer, encore une fois, le
bouton à quatre trous quand il existe déjà quelque chose
qui va bien?
M. Charbonneau: On n'invente pas la bouton à quatre trous.
Le mécanisme d'audiences publiques existe déjà depuis un
certain nombre d'années aussi.
M. Dufresne: Je ne parle pas d'éliminer le
mécanisme d'audiences publiques, pas du tout, on ne parle pas de cela.
On dit que, pour éteindre les feux, il faut aller vite. Pour enlever un
cancer, il faut aller vite aussi.
M. Charbonneau: Regardez bien là, on va se comprendre.
Là, le cancer est poigne à quelques endroits.
M. Dufresne: Oui.
M. Charbonneau: La suggestion qu'on faisait, c'est que,
jusqu'à ce qu'il y ait eu des audiences publiques ou des études
d'impact sur un programme d'une entreprise dans une région
particulière - ce sont des modifications qu'on proposait -
jusqu'à ce que cette étape ait été franchie, une
procédure spéciale, accélérée, transitoire
pourrait être autorisée. Il y aurait le mécanisme auquel
vous accepteriez de vous soumettre et, par la suite, une fois qu'on aurait
franchi l'étape, vous vous retrouveriez dans la position de pouvoir,
là aussi, réagir rapidement. En effet, contrairement à ce
que vous laissez entendre, une fois cette étape-là franchie et
l'évaluation complétée, ce n'est pas vrai que, chaque fois
que vous auriez besoin d'intervenir, vous seriez obligés d'aller en
audiences publiques; vous auriez la latitude de le faire. Franchement, c'est
quoi, le problème?
M. Dufresne: M. Charbonneau, on a fait un système. On a la
loi 150 qui...
M. Charbonneau: Un instant, il n'y a pas juste cette
loi-là. Il y a d'autres lois qui font en sorte, premièrement, que
les législateurs ont dit que l'objectif qu'on devait avoir,
c'était aussi de réduire les pesticides au Québec;
deuxièmement, que le ministre de l'Environnement a une
responsabilité à cet égard. Ce n'est pas le ministre
délégué aux Forêts qui a cette
responsabilité-là; c'est le ministre de l'Environnement qui a une
responsabilité particulière. Dans une des lois qu'il a à
gérer, il y a, entre autres, l'article sur les études d'impact et
les audiences publiques. La Loi sur les pesticides, ce n'est pas le ministre
délégué aux Forêts qui en est le responsable, c'est
le ministre de l'Environnement et elle est prépondérante sur les
autres. Elle est prépondérante sur la loi 150. Cela, on l'a
déjà décidé.
M. Dufresne: On ne le conteste pas. Le plan qu'on avance - puis,
on vous a donné des exemples concrets - c'est pour réduire
l'utilisation des pesticides au minimum. On vous a donné un exemple
concret qu'avec un mécanisme qui existait on a utilisé 80 fois
plus de pesticides que si on l'avait fait dès le début. On vous
propose ce mécanisme-là qui est éprouvé, puis vous
nous dites encore: Peut-être qu'on pourrait trouver un autre
mécanisme. Essayons-le donc, celui-là. Ils feront une autre
commission, si vous pensez que cela ne fonctionne pas, dans quelques
années. Mais nous autres, on prend le défi de voir... On veut
respecter les lois de l'Environnement, on l'a toujours mentionné depuis
le début, mais on veut avoir un mécanisme qui est prati- que. Je
comprends le ministre de l'Environnement qui veut informer le public et qui
veut demander une participation du public dans les domaines appropriés.
C'est pour cela qu'on essaie d'en tenir compte avec ce qu'on a dit du
côté de la végétation et un bilan de l'autre
côté. Je pense que ce sont des choses pratiques.
M. Charbonneau: Dans le fond, le seul petit bout qu'il vous reste
à franchir, c'est d'accepter d'en faire un au début,
c'est-à-dire de soumettre le plan, que, de toute façon, vous
préparez, à une évaluation d'impact et à une
audience publique. On n'est plus bien loin, là.
M. Dufresne: En avez-vous un plan pour le cancer, vous? Cela
existe-t-il dans les hôpitaux?
M. Charbonneau: Charriez-moi pas sur cela. On a dit,
premièrement, que les maladies et les insectes menaçants, vous
les connaissez. Donc, le cancer, vous le connaissez.
M. Dufresne: Oui, mais on ne sait pas où il va être.
(0 h 45)
M. Charbonneau: Ah! Vous ne savez pas où il va être.
Sur cela, on est bien d'accord...
M. Dufresne: On n'est pas pour lui couper une jambe juste au cas
où il aurait le cancer dans la jambe.
M. Charbonneau: ...sauf que moi, je sais une chose. Vous ne savez
pas où il sera, mais on sait une affaire: c'est que vous, vous ne faites
pas de la coupe en Afrique. Vous faites de la coupe ici, au Québec, et
votre compagnie, à vous, n'a pas 100 % du territoire
québécois; vous avez des territoires délimités.
Dans ce sens-là, on sait, premièrement, quels sont les
territoires où vous opérez. Deuxièmement, on connaît
les menaces qui peuvent peser sur ces territoires-là. Dans le fond,
qu'est-ce qu'il nous reste à faire? C'est voir comment vous allez vous
comporter dans les années qui viennent sur ces territoires-là,
avec les produits que vous connaissez et en fonction des menaces qui existent.
C'est ce qu'on veut établir.
Le cancer, c'est un exemple à double tranchant, cela, hein!
M. Dufresne: Ce n'est pas un exemple à double tranchant.
Mais, quand l'industrie a investi, quoi, 3 000 000 000 $, depuis quelques
années ici, pour continuer d'avoir une industrie profitable, on change
le système. Tout le monde s'entend sur le système et s'entend sur
le fait qu'il faut protéger la forêt, puis avoir les moyens
adéquats. Puis, là, vous nous dites: On va regarder cela. Non. Il
faut qu'on connaisse les règles du jeu pour les 50 ou 75 prochaines
années, jusqu'à ce qu'on les regarde encore. Cela ne veut pas
dire qu'on ne veut pas informer
le public, cela ne veut pas dire qu'on ne veut pas protéger
l'environnement, au contraire.
M. Charbonneau: Je vais vous dire que les 50 ou 75 prochaines
années, je trouve que c'est pas mal long. Moi, j'aime mieux avoir des
"check spots", pour utiliser une expression anglaise, de temps en temps.
M. Dufresne: M. Charbonneau, un arbre, cela prend 18
élections entre le temps où vous le plantez et le temps où
vous le récoltez.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dufresne: Cela, c'est cinquante ans.
M. Charbonneau: Cela prend peut-être 18
élections...
M. Dufresne: Cela nous prend des politiques à long
terme.
M. Charbonneau: ...mais, je vais vous dire, à la
prochaine, là, hein, lui, il a des comptes à rendre, puis moi
aussi. Vous, vous n'en avez pas. Cela fait que...
M. Dufresne: Je regrette.
M. Charbonneau: Puis, entre maintenant et les quelques
élections qui sont tenues au cours des dix dernières
années, il s'est passé bien des affaires. Entre autres, une chose
s'est passée, qui n'existait pas il y a dix ans, c'est qu'il y a un
niveau de sensibilisation du grand public, puis des Québécois en
particulier aux questions environnementales, qui fait qu'ils nous demandent des
comptes, à nous les élus, sur l'utilisation de ces produits
chimique-là. Ils ont la chienne, les gens, de ces produits-là.
Vous pouvez leur faire toutes les démonstrations à savoir que ce
n'est pas dangereux, ils ont la chienne. Puis, ils disent: On a un droit
acquis. On a le droit d'intervenir à des moments particuliers, puis de
dire ce qu'on en pense et de questionner. Puis, ce que vous ne pouvez pas nier,
c'est que ce mécanisme-là a fait ses preuves dans bien des cas,
depuis qu'il existe, et qu'il a empêché des situations aberrantes
de se produire ou qu'il a stoppé des situations aberrantes.
Je n'ai pas l'impression que l'industrie forestière peut dire
qu'elle est exempte de tout problème...
M. Dufresne: On n'a jamais dit cela.
M. Charbonneau: ...et qu'il n'y a pas de risque qu'il y ait,
à un moment donné, des exagérations ou des
contraventions.
M. Dufresne: On n'a jamais dit cela, au contraire, on demande des
contrôles plus rigoureux, des normes plus élevées pour,
justement, atteindre le niveau d'excellence sur lequel tout le monde s'entend.
On s'entend là-dessus. Puis, si vous pensez qu'on n'en a pas, nous
autres, on sent qu'on a un degré de responsabilité et à
très long terme, et cela, pour 250 000 Québécois qu'on
veut faire vivre pour encore des générations dans nos usines
qu'on veut compétitives. Pour cela, cela prend de la fibre. Si on veut
avoir de la fibre, bien, il faut protéger la forêt.
M. Charbonneau: Sur cela, on est d'accord. Mais là,
là, là - je finis avec cela, M. le Président - parce
qu'à un moment donné on vous obligerait ou on vous contraindrait
à soumettre des plans d'intervention sur une base
régulière, pas tous les six mois, pas toutes les trois semaines,
mais une fois tous les cinq ans puis on peut mettre tous les six ans, ne venez
pas nous faire accroire que cela vous empêcherait d'être
opérationnels, efficaces, et d'atteindre les objectifs que vous avez
identifiés.
Je pense que tout le monde s'entend sur la plupart des choses que vous
avez dites et que vous avez bien présentées, d'ailleurs, mais il
ne faut pas, non plus, dramatiser au point de laisser croire que ce serait la
fin du monde pour vous autres, pour l'industrie et pour les objectifs louables
que vous vous êtes fixés si on introduisait un mécanisme
qui vous amènerait, tous les cinq ou six ans, à faire le point
publiquement et à vous faire brasser la cage un peu par des gens qui
viendraient vous dire qu'ils ne sont pas d'accord ou que vous avez mal
évalué tel ou tel élément.
Cela étant dit...
M. Dufresne: Notre record est là sur la protection contre
le feu.
M. Charbonneau: Écoutez...
Le Président (M. Saint-Roch): J'ai une question à
poser. Je n'en ai pas posé. Je vous remercie, M. le député
de Verchères.
M. le ministre, si vous me le permettez, j'utilise rarement mon
privilège de membre de l'Assemblée nationale, mais j'en profite
vu que c'est la dernière association qui représente les
producteurs. Vous avez mentionné, M. Dufresne, 3 000 000 000 $
d'investissements. Vous avez mentionné le besoin d'avoir de la fibre,
mais, pour avoir tout cela et conserver tout cela, règle
générale, si on investit dans la recherche et le
développement pour trouver des moyens alternatifs de contrôle
à l'élimination des pesticides, soit sous forme biologique ou
autres, quel montant d'argent l'industrie que vous représentez est-elle
intéressée à mettre dans la recherche et le
développement de moyens alternatifs?
M. Dufresne: Je n'ai pas de montant exact.
Je ne peux pas parler au nom de tout le monde, mais l'industrie a dit
clairement, pas juste aujourd'hui, qu'il faudrait faire plus de recher-
che, qu'il faudrait s'arranger pour ne pas faire tous la même
recherche dans chacune des différentes provinces. On est un tout petit
pays, 25 000 000 de personnes, pour compétionner avec de grands pays
dans le monde. Il faut faire plus de recherche de façon à trouver
d'autres mécanismes. Quand on les aura trouvés, il y aura des
audiences publiques sur ces mécanismes de façon à voir
à ce qu'ils protègent l'environnement. Cela fait partie des
choses. Je pense que tout le monde s'entend là-dessus. Il faut faire des
pas dans cela.
Le Président (M. Saint-Roch): Mais la répartition
des coûts de la recherche entre les différents paliers de
gouvernement et l'industrie?
M. Dufresne: II faudrait qu'on reparle à l'industrie. Je
pense que l'industrie a mentionné au gouvernement ce qu'elle
était prête à faire de ce côté. Je ne me sens
pas qualifié ce soir pour parler au nom de l'industrie dans ce domaine,
non pas que je n'aie pas une opinion, mais...
M. Charbonneau: C'est bien le seul domaine où vous ne vous
sentez pas qualifié!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Saint-Roch): J'aurais aimé
connaître davantage votre opinion sur le domaine, mais je vais
céder la parole à M. le ministre délégué aux
Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Juste pour
répondre à mon collègue de Verchères, quand il dit
que la population a la chienne, d'accord, mais c'est peut-être
psychologique un peu. Mais dans l'échelle des risques pour la
santé humaine, suivant l'opinion des étudiants de plusieurs
collèges, les pesticides viennent au quatrième rang sur trente;
suivant l'opinion des membres d'associations féminines, les pesticides
viennent au neuvième rang; suivant l'opinion des gens d'affaires et des
professionnels, les pesticides viennent au quinzième rang. Mais dans la
situation réelle, les pesticides sont au vingt-huitième rang sur
trente. En premier, les risques sont le tabagisme, l'alcool, les
véhicules à moteur, les armes à feu,
l'électricité, les motocyclettes, etc; les pesticides viennent au
vingt-huitième rang dans la situation réelle.
M. Lincoln: Mais, est-ce qu'on le demande aux poissons et aux
oiseaux?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
ministre délégué aux Forêts. Je remercie
l'Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers de la
présentation de son mémoire.
Sur ce, la commission de l'aménagement et des équipements
ajourne ses travaux à demain matin, 11 heures, après les affaires
courantes.
(Fin de la séance à 0 h 53)