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(Onze heures vingt minutes)
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de l'aménagement et des équipements
reprend maintenant ses travaux pour poursuivre les consultations
particulières sur le document intitulé "Politique d'utilisation
des pesticides en milieu forestier".
Est-ce que nous avons des remplacements ce matin, M. le
secrétaire?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Camden
(Lotbinière) est remplacé par M. Khelfa (Richelieu) et Mme
Trépanier (Dorion) est remplacée par Mme Hovington (Matane).
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie M. le
secrétaire. Je réalise que les gens de l'Association des
manufacturiers de bois de sciage du Québec ont maintenant pris place. Je
demanderais au porte parole de bien vouloir s'identifier et de présenter
les gens qui l'accompagnent pour le bénéfice des membres de la
commission parlementaire.
AMBSQ
M. Tardif (Gilbert): M. le Président, mon nom est Gilbert
Tardif, président de l'Association des manufacturiers de bois de sciage
du Québec. Je vous présente les membres du groupe qui
présentent le mémoire ce matin. Immédiatement à ma
droite, M. Richard Laçasse, directeur général de
l'association et M. Gaston Déry, consultant. À ma gauche, M.
André Tremblay, membre du conseil d'administration et du comité
exécutif.
M. le Président, nous remercions MM. les ministres Clifford
Lincoln et Albert Côté de nous inviter ce matin à
présenter ce mémoire. L'AMBSQ représente 125 scieries
membres et l'ensemble de ces scieries produit environ 70 % des volumes de
sciage fabriqué au Québec. Aspect aussi important, ces 125
membres exploitent environ 72 % des volumes de bois en provenance des
forêts publiques du Québec. Nous sommes tous conscients aussi que
la forêt est une ressource extrêmement importante, sinon la plus
importante au Québec, non seulement à cause du bien-être
économique qu'elle procure et des emplois qu'elle crée -
peut-être plus de 250 000 au Québec - mais également comme
facteur important du milieu biologique. En somme, la forêt conditionne en
quelque sorte l'ensemble de toutes les autres ressources naturelles telles
l'eau, le sol, le paysage, les loisirs, de même que la chasse et la
pêche. Alors, c'est donc très conscients de ce rôle que la
forêt joue dans notre économie et dans notre milieu que nous nous
présentons ici aujourd'hui.
Facteur important aussi à considérer, c'est que depuis un
an déjà, il existe une nouvelle loi des forêts, la loi 150,
selon laquelle chacun des utilisateurs de la forêt devra signer un
contrat d'aménagement et d'approvisionnement appelé CAAF. Ce
contrat, en fin de compte, oblige les utilisateurs de la forêt à
l'exploiter sur une base de rendement soutenu et leur fait également la
stricte obligation de remettre la forêt en production dans un état
au moins égal à celui qu'elle avait au moment de l'exploitation.
Alors, l'exploitant est donc obligé de préparer des plans et est
lié, en quelque sorte, par une entente formelle avec les
ministères à respecter ce plan de remise en valeur de la
ressource. Notre mémoire aujourd'hui se situe en quelque sorte dans le
prolongement de ces obligations qui nous seront créées par la
signature d'un CAAF, et c'est dans le respect et l'esprit de la loi et de ce
contrat que nous vous présentons ce mémoire ce matin.
En fin de compte, nous sommes ici contraints par le temps et nous
n'aurons pas le temps de lire le mémoire en entier ici aujourd'hui, mais
j'en recommande tout de même la lecture à tous ceux qui le
recevront, parce qu'il forme un tout en soi. On vous lira aujourd'hui les
parties les plus importantes et le lecteur vous donnera la marche à
suivre pour vous indiquer quels sont les textes qui seront lus.
Je demanderais à M. Richard Lacasse, directeur
général de l'association, de commencer la lecture.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci M. Tardif. M.
Lacasse.
M. Lacasse (Richard): M. le Président. Nous allons sauter
immédiatement à la page 20, avec votre permission, où on
aborde le chapitre de l'utilisation des pesticides en foresterie et leurs
alternatives.
Les pesticides. D'une façon vulgarisée, on peut dire que
les pesticides se divisent en plusieurs grands groupes. On y retrouve, entre
autres, les produits utilisés pour combattre les insectes, soit les
insecticides, et les produits servant à combattre la
végétation envahissante, soit les phytocides. De nombreux
insectes peuvent infester les forêts du Québec. Cependant, la
tordeuse des bourgeons de l'épinette est de loin l'insecte qui a
causé les dommages les plus importants aux forêts au cours des
dernières années. Un large débat concernant l'utilisation
de pesticides s'est d'ailleurs déroulé sous forme d'audiences
publiques au cours des récentes années en rapport avec la lutte
contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Les produits chimiques
tels que le fénitrothion et l'aminocarbe ont alors fait l'objet de
sévères critiques, et il en est résulté que seul un
insecticide bactériolo-
gique, soit le B. t., serait autorisé pour la lutte contre la
tordeuse des bourgeons de l'épinette. Cet insecticide est efficace
contre les insectes de la famille des lépidoptères,
c'est-à-dire les papillons, et ne peut pas être utilisé
pour lutter contre les insectes des autres familles, telle la mouche à
scie du pin gris de Swaine. Il devient alors important de pouvoir utiliser les
insecticides efficaces contre les insectes qui représentent des menaces
importantes pour la forêt. Il y aurait lieu de considérer ce point
lors de l'adoption d'une politique d'utilisation des pesticides en milieu
forestier.
Le MER demeure actuellement responsable de l'utilisation des moyens de
répression dans le cas d'épidémies d'insectes et des
maladies, alors que les titulaires de CAAF exécuteront les travaux de
lutte contre la végétation concurrente. Ainsi, l'AMBSQ s'est
penchée de façon particulière sur l'analyse des phytocides
dans le cadre de ce mémoire.
En foresterie, il existe sur le marché une grande
variété de phytocides. Ils sont tous homologués selon la
Loi sur les produits antiparasitaires, administrée par Agriculture
Canada. Au Québec, on envisage de pulvériser les phytocides par
voie aérienne. Leur emploi aura pour but le dégagement de
conifères et un peu de préparation de terrain.
Vu la grande superficie à traiter, l'épandage devrait se
faire par avion. Toutefois, parmi la gamme des phytocides disponibles, seuls le
glyphosate et le 2-4-D ester peuvent être utilisés puisqu'ils sont
les seuls homologués pour ce genre de travail.
Par contre, à la suite des audiences publiques sur
l'environnement de 1983-1984, le 2-4-D fut mis au rancart. Le glyphosate
demeure donc le seul produit pouvant être utilisé à l'heure
actuelle.
On va sauter quelques paragraphes, où l'on décrit les
qualités et les caractéristiques du glyphosate. Si vous le voulez
bien, on va se rendre à la page 25, au deuxième paragraphe.
Il est reconnu que les effets sur l'organisme sont complètement
et rapidement réversibles. La majeure partie du phytocide absorbé
est éliminée tel quel après l'ingestion. Il ne provoque
aucune bioaccumulation, ne cause ni mutation, ni cancer, ni malformation
congénitale, ni problème nerveux et aucun effet adverse sur la
reproduction.
Le glyphosate s'avère donc un outil très adapté aux
besoins de l'aménagement forestier et son utilisation n'exerce aucun
effet indirect non souhaitable sur l'environnement, la vie animale ou sur
l'organisme humain.
Les alternatives. Des alternatives sont proposées pour remplacer
l'épandage aérien des phytocides chimiques. Ces alternatives sont
chimiques, biologiques, manuelles ou mécaniques.
Parlons des alternatives chimiques. Au niveau des alternatives
chimiques, le glyphosate semble difficile à remplacer, surtout lors
d'épan-dages aériens. Certains déclarent que
l'épandage terrestre pourrait remplacer l'épandage aérien.
La méthode terrestre offrirait un meilleur contrôle de
l'épandage, diminuant les risques de contamination des zones
écologiques fragiles par une diminution de la dérive.
Le coût de l'arrosage aérien est de 175 $ à 200 $
l'hectare, comparativement à 325 $ à 350 $ l'hectare pour
l'arrosage terrestre. Il faut aussi souligner que la méthode terrestre
implique un grand nombre de personnes en contact direct avec le produit lors de
la pulvérisation. Ceci augmente considérablement le travail de
supervision des travaux et amène un plus grand risque d'intoxication
face à des expositions prolongées. Il demeure que l'arrosage
aérien, soumis à des règles strictes, s'avère
sécuritaire et plus efficace.
Les alternatives biologiques. Les méthodes biologiques consistent
à introduire sur le site une ou plusieurs espèces
végétales ou animales afin de nuire, par compétition,
parasitisme ou allélopathie, aux espèces présentes.
Beaucoup de recherches se font dans ce domaine. Ainsi, au chapitre de
l'allélopathie, on est à tester des plantes qui inhiberaient la
croissance des végétaux qui colonisent les lignes de transport
d'Hydro-Québec et des composés qui élimineraient la
croissance de certaines plantes indésirables sur le site du reboisement,
tel le framboisier.
L'utilisation de pathogènes pour éliminer les plantes
indésirables semble aussi une alternative prometteuse. Mais rien ne
semble dire que la recherche donnera des résultats dans des
délais assez courts. D'autres recherches s'effectuent en
génétique par la création in vitro de plantes plus
résistantes aux compétiteurs par modification du code
génétique ou par endurcissement des graines. Ces recherches
laissent présager de bons résultats vis-à-vis de la
résistance des graines et des semis à la compétition, mais
ces résultats n'en sont qu'au stade expérimental.
Finalement, la mise en terre de plants de plus forte taille permettrait
à ces derniers de mieux résister à la compétition
de la végétation concurrente. Aucune des méthodes
biologiques n'est encore applicable pour le dégagement de grandes
superficies, car elles sont toutes au stade expérimental.
Dégagement manuel et mécanique. Lors des audiences
publiques de 1983-1984 sur les épanda-ges aériens de phytocides,
beaucoup d'intervenants s'opposant au projet évoquaient le
dégagement manuel ou mécanique comme alternative de remplacement
au dégagement chimique. Ce type de dégagement se fait à
l'aide de débroussailleuses ou de machettes. Le travail
qu'entraîne cette alternative est long, pénible, peu enrichissant
et comporte de grands risques de blessures pour les travailleurs. Il en
coûte, au Québec, entre 600 $ et 800 $ l'hectare pour un
dégagement mécanique, et le travail doit être repris entre
quatre et cinq fois avant que les plants atteignent une hauteur libre de
croissance.
Le coût total du dégagement mécanique
s'élève donc à environ 2400 $ l'hectare,
comparativement à environ 200 $ l'hectare pour la pulvérisation
aérienne de phytocides. La main-d'oeuvre est difficile à trouver
pour ce genre de travail dû au faible avantage social qu'elle pourra en
tirer, des dures conditions de travail et des risques élevés
d'accidents.
Mentionnons ici que les propriétaires de forêts
privées n'utilisent pas cette méthode et ils orientent leur choix
vers l'emploi du glyphosate. À titre indicatif, l'organisme RESAM,
c'est-à-dire le Regroupement des sociétés
d'aménagement du Québec, qui représente les
intérêts de nombreux groupements forestiers au Québec, a
prévu dans sa programmation quinquennale de traiter annuellement 12 000
hectares de forêts privées avec le glyphosate.
Nous sommes d'avis que cette attitude des propriétaires de
forêts privées est significative par rapport à
l'efficacité des méthodes utilisées pour combattre la
végétation concurrente. L'AMBSQ considère que cette
méthode de dégagement manuel ne doit pas être
envisagée comme alternative possible aux phytocides.
Le chapitre 5, on va l'abréger également. On y parle de la
politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier. Concernant la loi
et les règlements, l'AMBSQ reconnaît le bien-fondé d'une
loi sur la qualité de l'environnement et d'une loi sur les pesticides.
Toutefois, nous avons quelques réserves.
Je vous inviterais à passer à la page 32 au dernier
paragraphe, au bas de la page. L'AMBSQ est d'avis que certaines applications de
la Loi sur la qualité de l'environnement devraient être
révisées afin de s'adapter aux nouvelles situations
engendrées par les obligations d'aménagement et de protection des
forêts. En effet, le fait de devoir effectuer une étude d'impact
chaque fois que les travaux de pulvérisation aérienne de
pesticides se feront sur plus de 600 hectares devient tout à fait
impensable.
M. André Tremblay va continuer la lecture du document.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Lacasse. M.
Tremblay.
M. Tremblay (André): Abordons un principe directeur qu'on
devrait retrouver dans une semblable réglementation. Je vous renvoie
à la page 34, au deuxième paragraphe. Il est primordial de
prendre tous les moyens afin de protéger la santé humaine et
l'environnement. La population doit nécessairement connaître les
modalités d'utilisation des produits chimiques dans l'environnement en
connaissant bien les conditions d'utilisation.
L'AMBSQ est heureuse de constater que l'on reconnaît l'utilisation
des pesticides comme un outil d'aménagement forestier parmi d'autres.
Conséquemment, elle est d'accord sur la responsabilité
partagée à l'égard des pesticides en milieu forestier.
Finalement, l'AMBSQ est de celles qui pensent que l'utilisation des pesticides
s'avère un outil efficace, mais temporaire.
La recherche et le développement doivent s'intensifier afin d'en
arriver à être capable de remplacer graduellement les pesticides
par des méthodes alternatives tout aussi efficaces et abordables sur le
plan économique.
L'énoncé global de la politique d'utilisation des
pesticides en milieu forestier identifie, à notre avis, des objectifs
fort louables et remplis de défis. Mais il ne faut pas perdre de vue ie
côté réaliste et pragmatique des activités à
accomplir pour atteindre ces objectifs. C'est l'approche
entérinée par le gouvernement qui déterminera le
degré de faisabilité envers les objectifs poursuivis. Le
succès de cette aventure dépendra des moyens que les
autorités gouvernementales mettront à la disposition de ceux
à qui revient la responsabilité de protéger et
d'aménager les forêts.
Les solutions envisagées: une analyse pragmatique. En se
référant au document de support de la commission parlementaire,
on est à même de constater que deux scénarios sont
proposés comme politique d'utilisation des pesticides en milieu
forestier.
Examinons le premier scénario. Le programme de cinq ans
d'utilisation des pesticides oblige les utilisateurs, soit le MER et les
titulaires de CAAF, à produire une étude d'impact à tous
les cinq ans. L'AMBSQ est d'avis que cette façon de procéder
n'est pas réaliste et ne pourra se faire selon les conditions
énoncées dans le document. Ainsi, on précise que la
programmation couvrira les différents types d'intervention pour la
protection contre les insectes et les maladies et pour le dégagement des
aires de régénération. L'AMBSQ se demande comment il sera
possible pour l'industrie, et même pour le MER, de décrire la
situation potentielle concernant - et je cite le document - "les insectes
susceptibles de présenter des problèmes, les plantes nuisibles,
l'analyse des nuisances et les caractéristiques de la
végétation nécessitant une protection. "
C'est tout un arsenal d'activités de recherche qu'il faut mettre
en place pour satisfaire ces exigences. Ces obligations ne peuvent pas
être imposées à une industrie qui est responsable de
l'emploi de plus de 250 000 Québécois et
Québécoises. À titre indicatif, rappelons que la
dernière audience publique contre l'utilisation des pesticides pour
lutter contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette a
coûté à elle seule plus de 3 000 000 $. Les titulaires de
CAAF ne pourront pas absorber les coûts nécessaires aux
études d'impact selon les exigences décrites à ce
scénario et ce, même si les études d'impact sont
réalisées en collaboration avec le MER. Ce sont plus de 350
contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier qui seront
signés d'ici 1990. Il est évident que la majorité des
titulaires de CAAF ne possèdent pas l'expertise pour réaliser ce
travail. On se rend donc compte que ces directives sont illusoires et non
réalistes.
L'AMBSQ considère que cette approche n'est pas envisageable en
rapport avec les exigences d'aménagement et de protection que
l'industrie doit respecter. Cette proposition est à rejeter d'autant
plus qu'il existe actuellement des produits dont l'aspect sécuritaire a
largement été prouvé et démontré et dont
l'utilisation ne devrait pas faire systématiquement l'object d'une
étude d'impact.
Ce qui nous amène au scénario 2. L'utilisation du B.t. et
du glyphosate sans étude d'impact est le deuxième scénario
proposé dans le document de support à la commission
parlementaire. Il est actuellement reconnu que l'utilisation de ces deux
produits peut se faire de façon sécuritaire et selon le respect
de la Loi sur les pesticides. L'AMBSQ s'inscrit favorablement à
l'adoption de ce scénario, car il permet d'atteindre les objectifs
visés et à réagir rapidement à certaines situations
d'urgence dans le cas où les produits acceptés sont efficaces,
afin de protéger l'aménagement forestier et de pourvoir à
la protection des forêts. Nous sommes cependant d'avis que de nouveaux
produits, moins dispendieux quant à leur utilisation, doivent être
développés pour, éventuellement, être mis à
la disposition de ceux qui sont responsables de l'aménagement et de la
protection des forêts. Pour ce faire, il y aurait lieu d'accentuer la
recherche afin de mettre au point de nouveaux produits en voie
d'élaboration permettant de lutter efficacement contre les insectes et
les maladies représentant un danger potentiel pour les forêts.
À ce moment-là, ces produits pourront faire l'objet d'analyses
afin d'être homologués en vertu des conditions d'Agriculture
Canada.
L'AMBSQ est d'accord avec le MER et le MENVIQ pour que la
procédure d'évaluation et l'examen des impacts demeurent
applicables pour des nouveaux produits jugés nécessaires pour des
fins d'aménagement et de protection de forêts. Ainsi, ces
études et ces évaluations viseraient à évaluer les
risques pour l'environnement et la santé liés à l'usage de
ces produits en milieu forestier. Mais une fois approuvés, il faudrait
que ces produits soient considérés, par la suite, de la
même façon que le B.t. et le glyphosate et qu'ils puissent
être employés sans soumis à la procédure
d'étude d'impact. Cette approche permettrait la consultation du public
pour des nouveaux produits et respecterait les objets de la Loi sur les
pesticides.
En guise de conclusion, l'objet de cette commission parlementaire est
d'en arriver à définir une politique d'utilisation de pesticides
en milieu forestier. Ce débat revêt une importance capitale car il
permettra d'identifier les outils qui seront mis à la disposition de
ceux à qui incombe la responsabilité d'assurer la protection des
forêts du Québec et de voir à la pérennité de
l'écosystème forestier.
L'AMBSQ a déclaré plusieurs fois dans ce mémoire
que la protection et la conservation de l'environnement sont synonymes d'un
développe- ment durable car, ainsi, on assure la pérennité
de la ressource forestière. Cet énoncé rejoint I
d'ailleurs certains principes énoncés dans le document que le
MENVIQ a publié récemment et intitulé Vers un nouveau
cap environnemental.
L'AMBSQ est cependant d'avis que la protection et la conservation de
l'environnement ne doivent pas devenir des obstacles au développement et
que les outils essentiels à l'atteinte des objectifs poursuivis par la
Loi sur les forêts doivent être mis à la disposition de ceux
à qui revient la responsabilité de protéger et
d'aménager les forêts du Québec. Dans ce contexte, les
phytocides deviennent des outils prioritaires à utiliser.
Ceci ne signifie pas pour autant que l'utilisation des pesticides en
milieu forestier deviendra abusif et sans contrôle. Malgré le fait
que l'utilisation des pesticides en milieu forestier augmentera au cours des
prochaines années, il ressort que cette utilisation, qui
représentera environ 5 % de l'utilisation totale, demeure bien
inférieure à ce qui s'utilise en milieu agricole ou autre.
L'AMBSQ est d'avis qu'on doit intensifier les recherches
déjài amorcées afin de rendre opérationnels et
abordables sur le plan économique d'autres produits et d'autres
méthodes qui pourront remplacer à moyen terme les produits
chimiques. Dans ce contexte, l'utilisation des pesticides en milieu forestier
devient une arme temporaire. Mais cette arme temporaire demeure un outil
essentiel pour aménager et protéger adéquatement les
forêts du Québec.
L'AMBSQ s'interroge sur les répercussions qu'engendrerait un
refus d'utiliser les pesticides en milieu forestier. Il y a lieu d'ailleurs de
rappeler que parmi les traitements sylvicoles prévus au contrat
d'aménagement forestier que le MER est à signer avec les
industriels, l'utilisation des pesticides est considérée comme
l'un des moyens pour atteindre les rendements annuels fixés dans ces
contrats et pour garantir les volumes ligneux répondant aux besoins des
entreprises.
Le secteur forestier joue un rôle de première importance au
Québec et ce sont les bases mêmes de la structure sociale et
économique qui sont menacées si on ne permet pas à
l'industrie forestière de demeurer compétitive.
Il faudra concilier l'aspect environnemental avec le
développement forestier lors de l'adoption de la politique d'utilisation
des pesticides en milieu forestier.
Les propositions que l'AMBSQ soumet dans ce mémoire devraient
favoriser ce rapprochement qui constitue le seul moyen d'assurer une protection
adéquate à nos forêts et d'atteindre les objectifs
d'aménagement forestier et ce, au profit de toute la collectivité
québécoise. Merci de votre attention.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. M. le
ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, j'aurais voulu poser quelques
questions à nos interlocuteurs surtout par rapport à toute la
question de l'évaluation, des études d'impact et des audiences
publiques. Vous semblez dire, comme vos prédécesseurs de
l'industrie forestière - en fait c'est le même message que nous
recevons chaque fois - que vous êtes prêts à
considérer des audiences publiques pour de nouveaux produits, mais qu'il
faut que le B.t. et le glyphosate soient exempts des études d'impact.
Vous soulevez aussi le fait que les études d'impact sont très
coûteuses - elles ont coûté 3 000 000 $ la dernière
fois - et que c'est beaucoup trop coûteux pour l'industrie. Comment
pouvez-vous accepter des études d'impact pour de nouveaux produits,
malgré leurs coûts, alors que vous les refusez, en principe,
à cause de ces coûts?
M. Tardif (Gilbert): M. le Président, bien sûr, on
consent à ce qu'il y ait des études d'impact là où
elles sont utiles et nécessaires. Mais, s'il existe des produits comme
le glyphosate et le B.t. qui sont homologués, dont l'utilisation a
été faite et reconnue, et qui se sont
révélés non dommageables pour l'environnement, on se
demande pourquoi remettre toujours en question ces mêmes produits et
revenir sur la place publique. Bien sûr, on est bien d'accord que, par
souci démocratique, vous vouliez informer les gens, mais est-ce que les
études d'impact sont destinées à informer le public ou
est-ce qu'on veut impliquer le public dans un processus de décision? Je
pense que c'est l'essentiel de votre préoccupation. Pour nous, en fin de
compte, lorsqu'une chose est claire et nette, on se demande pourquoi la
remettre sans cesse en question et passer du temps, dépenser de l'argent
pour une telle orientation. (11 h 45)
M- Lincoln: Est-ce que vous êtes au courant du rapport de
l'économie et du travail où votre industrie a été
représentée au plus haut niveau? Un rapport a été
produit en septembre 1987. C'est un rapport sur l'économie et
l'environnement canadiens qui a été endossé par tous les
gens qui y ont servi, incluant les représentants de l'industrie
forestière, de l'industrie chimique, les universités, les
groupements environnementaux et le gouvernement canadien
représenté par plusieurs ministères de l'Environnement.
Dans ce rapport, on dit: "Les associations industrielles devraient, au nom de
leurs membres, accepter et appuyer les évaluations environnementales
comme partie intégrante de leur processus de prise de décision.
Elles devraient conjuguer tous les efforts possibles à ceux des
gouvernements, en vue d'harmoniser et rationaliser les mécanismes
d'évaluation environnementale dans l'ensemble du Canada."
Il me semble que le principe de l'évaluation environnementale
aujourd'hui, au lieu de disparaître, au lieu d'être réduit,
devient de plus en plus significatif et est accepté. Là, je peux
dire que c'était quatre ou cinq représentants de l'industrie,
incluant l'industrie forestière, au plus haut niveau qui y
siégeaient. Dans notre politique d'utilisation des pesticides en milieu
forestier, l'un des principes moteurs c'est justement d'informer le public,
d'avoir une communication avec le public. Je pense que c'est le deuxième
principe. Comment conciliez-vous cela avec l'idée de dire: Bon, on va
accepter une situation, on va accepter deux produits. Cela sera une
décision et le public n'aura pas voix au chapitre, non seulement par
rapport à ces produits, mais par rapport à leur implication dans
le milieu, à la façon dont ils touchent les
écosystèmes, à l'usage de ces produits et à la
dimension de leur usage. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a une marge pour
dire: le glyphosate comme tel est "secure", cela reste à être
prouvé dans le temps. Il y a plusieurs produits, comme le phosphamidon,
qui étaient "secures" à un moment donné et, après
cela, qui ont été retirés parce qu'ils n'étaient
pas "secures". Le DDT était "secure" à un moment donné,
puis il a été retiré. Plus récemment, le même
producteur du glyphosate Monsanto s'est fait retirer l'alachlore. À un
moment donné, on pensait que l'alachlore était "secure". Ce sont
des choses relatives. Est-ce qu'il n'y a pas une relation entre le produit
lui-même et son usage par rapport à l'environnement, aux
écosystèmes, à la santé humaine? Le
développement c'est une chose, mais toute la question de l'environnement
dans son sens le plus large: les êtres humains, la santé, etc.,
cela compte, il me semble! Alors, n'est-ce pas cela qu'on regarde, pas
tellement le produit comme le genre d'utilisation qu'on en fait? N'est-ce pas
raisonnable de demander que nous ayons une évaluation de toutes ces
choses pour que le public sache?
Le Président (M. Saint-Roch): Oui, M. Tardif.
M. Tardif (Gilbert): M. le ministre, bien sûr que nous
sommes conscients, disons, que le public doit être informé sur ces
divers produits qu'on utilise comme pesticides. Mais, là, c'est
différent! Qu'on l'informe sur les caractéristiques techniques de
chacun de ces produits, sur les méthodes d'utilisation, sur les
précautions à prendre; habituellement, toutes ces données
sont fournies par le fabricant. Nous sommes d'accord pour que le public soit
informé de tout ceci, mais informé, non pas nécessairement
par une commission parlementaire sur leur utilisation mais par d'autres moyens.
Cela se fait couramment. Le gouvernement connaît très bien les
moyens de renseigner le public, lorsqu'il veut le faire. Nous sommes d'accord
et les compagnies elles-mêmes seraient prêtes à collaborer
à une telle action visant à informer les gens sur l'utilisation
de ces produits. Là, nous parlons de produits reconnus et
homologués. Quand il s'agit de nouveaux produits qui peuvent
présenter certains risques,
nous sommes d'accord pour y mettre un peu plus d'emphase, k ce propos,
j'aimerais vous citer, M. le ministre, un texte tiré d'un mémoire
de la Commission mondiale sur l'environnement instituée par les
Nations-Unies en 1983 et qui vient de publier un rapport intitulé "Notre
avenir à tous". Je cite en fin de compte la revue Forces qui
s'adressait dernièrement à un commissaire de cette commission
mondiale et je cite: "On doit éliminer les études d'impact qui
sont basées sur les problèmes immédiats, les
problèmes à court terme et qui ne sont qu'une réaction au
moment où on atteint le seuil de l'intolérable. Il ne faut pas
que le développement soit freiné; il faut plutôt qu'il soit
maintenu et que l'environnement devienne un facteur de développement. Il
faut que l'environnement devienne une sorte d'investissement dans le
développement. Le rôle des ministres de l'Environnement est
à la fois de protéger l'environnement dans leur pays et d'inciter
les autres membres du gouvernement et l'appareil de l'État à
intégrer l'environnement dans leurs pratiques quotidiennes. Ces deux
fonctions ont la même importance et sont toutes deux essentielles." Le
développement tel qu'on le pratique provoque des effets qui ont pour
conséquence de limiter le développement lui-même en raison
du dommage qu'il fait à l'environnement.
M. Lincoln: Je suis entièrement d'accord avec cette
citation. Cela ne me choque pas du tout. En fait, le mot clé
là-dedans, qui ne vous a peut-être pas frappé autant que
moi, c'est à court terme, immmédiatement.
M. Tardif (Gilbert): Oui.
M. Lincoln: C'est cela qu'on veut dire. C'est l'idée qu'on
propose. On ne veut pas des audiences publiques qui vont se
répéter trois fois par an, à chaque fois que vous avez
besoin d'arroser 600 hectares. Ce n'est pas cela qu'on dit, mais c'est, je
pense, ce que la commission dit. Mais, comme je vous dis, notre rapport, le
rapport canadien sur l'environnement et l'économie est basé sur
le rapport mondial. En fait, le principe de l'évaluation
environnementale n'a jamais été rejeté par le rapport
mondial. Si vous me dites cela, je vais amener Mme Brundtland pour vous dire le
contraire. Je vais amener M. MacNeill pour vous dire le contraire, je vais
amener M. Strong pour vous dire le contraire, puisque je connais M. MacNeill et
M. Strong. J'ai rencontré les commissaires et ce n'est pas du tout dans
leur esprit. Ce qu'ils disent, c'est qu'ils ne veulent pas des
évaluations environnementales à la pièce, au pied
levé, en réaction à certains événements,
mais ils veulent des planifications. C'était le sens de notre approche,
en disant: On ne veut pas que l'industrie soit bloquée avec... Je
conçois cela.
M. Tardif (Gilbert): Oui.
M. Lincoln: Mais, sûrement qu'H faut une évaluation
de toute la problématique de l'usage. Si vous voulez un rapport, ce
serait intéressant de lire celui-là: "les pesticides au Canada:
étude de la législation et de la politique
fédérale" pour l'homologation. On ne va pas faire un débat
là-dessus, mais il y a beaucoup de sons de cloche là-dedans qui
démontrent que beaucoup de pesticides qui sont homologuées
aujourd'hui, pourront être retirés ou deviendront
problématiques demain, parce qu'on n'en connaît pas beaucoup les
composantes. Ce que nous voulons faire.
La différence entre votre position et la mienne, je pense, c'est
que vous dites: Le public doit être informé. Mais, le principe
moteur de notre politique ici, le numéro 2, dit: La population doit
être informée et doit pouvoir se faire entendre sur l'utilisation
des pesticides en milieu forestier. C'est la différence entre nous. Je
veux qu'ils se fassent informer, mais qu'ils aient aussi une chance de se faire
entendre. Si j'habite dans un endroit et que vous me dites: Je vais arroser 500
hectares avec du glyphosate ou du B.t., peut-être que je dirais:
D'accord. Mais, si vous me dites: Je vais arroser 3000, 4000 ou 5000 hectares
et que, je vais pêcher sur un bord de rivière ou que j'habite dans
les environs, c'est tout à fait différent. Parce qu'on a
démontré qu'au Nou-veau-Brunswick, en se servant, par exemple, du
fénitrothion, il y avait eu des impacts sur des palourdes à 50
kilomètres de là. C'est cela l'affaire. C'est l'étendue de
l'usage. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut que quelqu'un se penche
là-dessus. On ne peut: pas vous donner... Il y a sûrement une
différence entre dire: On va informer le public et vous donner carte
blanche, demain matin, pour l'usage du glyphosate et du B.t. On ne sait pas si
vous allez vous servir de cela sur 20 000 hectares ou comment. Sûrement
que le public a le droit de savoir.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Tardif.
M. Tardif (Gilbert): Non, j'admets peut-être... Bien
sûr que le gouvernement, et le ministère de l'Environnement en
particulier, se doit d'établir, pour ces divers produits, des balises
d'utilisation auxquelles se conformeront les utilisateurs. Mais, est-ce que,
chaque fois qu'il y aura une utilisation, parmi les nombreuses utilisations qui
vont se faire à l'avenir, on devra procéder à une
étude d'impact? Je pense que c'est là que le moyen
dépasse, en fin de compte, la fin. Que les gens; soient informés
qu'à l'avenir, certains produits comme le glyphosate sont permis et
tolérés, qu'on peut les employer, qu'on en définisse les
balises et les conditions d'application et que le public en
général en soit informé. Mais qu'à chaque fois
qu'on fait une application, on doive se réunir à Québec ou
dans une région pour mettre le monde au courant de ce que l'on fait, de
les appeler pour présenter des mémoires, je pense que c'est un
appareil, en
quelque sorte un canon qu'on emploie pour tuer > une souris.
M. Lincoln: C'est exactement le contraire de ce qu'on propose.
C'est exactement ce qu'on ne veut pas. On ne veut pas que vous veniez à
Québec tous les jours. Nous n'avons pas le temps, vous n'avez pas le
temps et c'est une dépense d'argent pour vous. Si, demain matin, il
fallait dépenser 3 000 000 $, qu'est le chiffre cité, pour
l'industrie forestière - ce n'est pas beaucoup d'argent pour vous, selon
moi - s'il fallait dépenser 3 000 000 $, 2 000 000 $, 4 000 000 $ et si
on pouvait entendre le public pour que le public sache à l'avance, dans
une programmation assez large de trois, quatre ou cinq ans... Après
tout, vous allez planifier votre forêt pour 25 ans avec les CAAF Pourquoi
ne pas planifier tout l'usage des pesticides qui sont des produits chimiques
dangereux aux cinq ans, quatre ans ou six ans? Cela m'est égal. On a
pensé cinq ans parce qu'il fallait faire cela en fonction de vos
programmes. C'est cela qu'on demande.
M. Tardif (Gilbert): Dans certains cas c'est possible de
prévoir mais dans d'autres cas, non. Dans le cas d'emploi de glyphosate
pour faire le dégagement de la végétation concurrente,
c'est peut-être possible parce qu'on sait...
M. Lincoln: D'accord.
M. Tardif (Gilbert): ...les coupes qu'on va faire, mais dans le
cas, disons, des épidémies d'insectes comme la tordeuse, c'est
impossible parce que cette tordeuse n'obéit pas en fonction d'un
calendrier précis, ne nous avertit pas d'avance quand elle va venir.
M. Lincoln: D'accord. Moi, j'ai fini mon temps. Je vais vous
interrompre très vite parce que cela, on l'a prévu dedans.
M. Tardif (Gilbert): Non.
M. Lincoln: On vous dit: D'accord, pour la
végétation, c'est cela qu'on veut examiner. Pour les urgences, on
va trouver une façon parce qu'on constate qu'on ne peut pas
prévoir les urgences.
Mais si on pouvait arriver à ce compromis-là, je vais vous
dire qu'on irait bien loin. Parce que les urgences, c'est différent de
la végétation. Mais nous, on ne veut pas vous donner carte
blanche pour la végétation, pour qu'on ne sache même pas...
On peut contrôler les épidémies parce qu'on sait quand cela
arrive et quand cela n'arrive pas. Quand cela arrive, il faut faire quelque
chose. Je suis d'accord avec vous. Peut-être qu'on peut se rejoindre sur
cela.
M. Tardif (Gilbert): Bon! Alors, M. le ministre, on connaît
bien votre point de vue et vous connaissez le nôtre. Je pense qu'il y
aura peut-être un compromis quelque part qu'il faudra trouver.
M. Lincoln: "Good".
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Tardif. M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: Je pense au prix du compromis. Donc, si je
comprends bien, votre association est consciente de la problématique
dans laquelle on se trouve et, quant à la recherche du compromis, vous
êtes prêts à y souscrire.
M. Tardif (Gilbert): Oui, on est certainement prêts
à s'asseoir avec toutes les personnes et les ministères
concernés. Notre secteur industriel pourra discuter de modalités
qui nous paraissent pratiques et applicables.
M. Charbonneau: Est-ce que, par exemple, vous
considéreriez exagéré le fait que, pour les situations
d'urgence, c'est-à-dire qu'entre maintenant jusqu'à ce qu'on ait
tenu des audiences publiques et fait les évaluations d'impact
nécessaires, if y ait un mécanisme qui vous permette, dans les
cas d'urgence, d'intervenir sans utiliser cette procédure-là qui
est lourde et que, par la suite, une fois l'étude d'impact
réalisée et l'audience publique faite, vous puissiez, en fonction
de la programmation que vous nous avez présentée, utiliser
là aussi les outils que vous demandez d'utiliser et qui auraient
été autorisés, sans nécessairement revenir à
chaque fois? Est-ce que vous considérez que ce serait quelque chose
de...
M. Tardif (Gilbert): II faut distinguer deux choses dans votre
question. D'une part, il y a ce qu'on appelle les produits qui sont
homologués, dont l'utilisation est reconnue et qu'on peut employer, en
fin de compte, qui sont tolérés. Dans ce cas-là, ce qu'on
dit, nous, c'est qu'il y a un processus, peut-être, d'information aux
gens sur l'application possible qui sera faite dans leur territoire, sans, par
ailleurs, qu'on en fasse une étude d'impact ou formelle. En ce qui
regarde les nouveaux produits...
M. Charbonneau: Ah! bien. Je connais votre position sur cela mais
là...
M. Tardif (Gilbert): Oui.
M. Charbonneau: ...je ne veux pas que vous redisiez votre
position, je la connais.
M. Tardif (Gilbert): Oui.
M. Charbonneau: Ce que j'essaie de voir, c'est jusqu'où
vous êtes prêts à aller au niveau du compromis et
jusqu'où vous pouvez considérer qu'une proposition alternative
pourrait être
effectivement...
M. Tardif (Gilbert): À ce moment-ci, il est assez
difficile de dire jusqu'où on est prêts à aller dans le
compromis. Cela dépend un peu de la proposition qui va nous être
faite, de la part du ministère de l'Environnement, à savoir ce
qu'ils proposent et nous, par ailleurs, on pourra discuter sur place. Mais,
vous dire déjà jusqu'où on est prêts à aller,
je pense que...
M. Charbonneau: Autrement dit...
M. Tardif (Gilbert): ...tout ce qu'on vise, c'est une
action...
M. Charbonneau: ...publiquement, maintenant, vous ne voulez pas
ouvrir votre jeu trop vite...
M. Tardif (Gilbert): Bien...
M. Charbonneau: Vous seriez prêts à accepter un
compromis, s'il est acceptable...
M. Tardif (Gilbert): Oui.
M. Charbonneau: ...mais ce n'est pas aujourd'hui que vous
allez...
M. Tardif (Gilbert): Non.
M. Charbonneau: ...l'accepter.
M. Tardif (Gilbert): Parfait.
M. Charbonneau: Dans une dynamique de négociation, vous ne
voulez pas en donner plus que le client n'en demande.
M. Tardif (Gilbert): M. Tremblay, mon collègue, me dit
qu'il a une observation à faire.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Tremblay.
M. Tremblay (André): Oui. J'aimerais simplement
compléter, si vous me le permettez. Si on parle des glyphosates ou des
produits employés pour le dégagement, il faut se rendre compte
que si jamais on était tenus de soumettre cela à une étude
d'impact quinquennale, cela pourrait avoir un effet sur les obligations qu'on a
contractées dans notre contrat d'aménagement, et cela peut avoir
une répercussion sur la possibilité forestière. Donc, le
jour...
M. Charbonneau: Dans quel sens, dans quel sens? D'ailleurs, cet
argument-là est revenu souvent. Expliquez-nous donc cela un peu.
M. Tremblay (André): C'est-à-dire que si on ne nous
permet pas d'utiliser, tel qu'on l'avait prévu au contrat
d'aménagement, ces produits-là pour faire du dégagement,
la possibilité est d'autant diminuée. F'arce que c'est un
traitement sylvicole qui a pour effet d'augmenter la pos- I sibilité
forestière.
M. Charbonneau: Oui, mais il n'a jamais été
question de vous empêcher d'utiliser un outil, surtout si les
alternatives se montrent trop coûteuses ou qu'elles occasionnent
également des problèmes au niveau de l'environnement. La question
c'est qu on veut, avant que vous utilisiez certains outils, pouvoir
évaluer l'impact environnemental dans lesdits territoires où vous
entendez, ou prévoyez, où il est possible que vous puissiez les
utiliser. C'est différent. (12 heures)
M. Tremblay (André): Oui, parce que le problème se
pose sur deux niveaux: le premier niveau, c'est la sécurité des
produits qui sont utilisés, qui sont homologués. On parle du
glyphosate comme étant un produit pouvant être utilisé de
façon utilitaire. On a soulevé tout à l'heure certains
doutes sur ces produits qui étaient antérieurement
considérés comme sécuritaires et qui, par la; suite, se
sont révélés moins sécuritaires. C'est un
problème d'évaluation de la sécurité des produits.
Mais à partir de là, de savoir sur quelle superficie on va les
utiliser et quelles seront leurs répercussions dans le domaine des
possibilités forestières, c'est un deuxième
problème. Dans la mesure où on nous dit: Vous ne pouvez pas les
utiliser de la façon dont vous avez prévu le faire au contrat
d'aménagement, c'est-à-dire: Vous ne pouvez pas traiter le nombre
d'hectares que vous avez prévu traiter, nécessairement cela a une
répercussion, dans l'ensemble du Québec, sur la...
M. Charbonneau: Est-ce qu'on a des données, des
statistiques, sur l'ampleur des zones affectées quand on découvre
une infestation?
M. Tremblay (André): Ici, est-ce qu'on parle...
M. Charbonneau: Généralement, l'infestation
d'insectes - parce que c'est cela qui cause les urgences, les problèmes
les plus dramatiques - quand on fait la découverte d'une situation comme
celle-là, quelle est l'étendue des dégâts,
généralement, au moment où on fait la
découverte?
M. Tardif (Gilbert): Je demanderais à notre consultant de
répondre à cette question.
M. Déry (Gaston): II est difficile de répondre
à cette question là parce qu'il y a une chose qu'il faut bien
considérer, c'est qu'on parle de la forêt; c'est un
écosystème, un organisme vivant. Il est très difficile
d'émettre des principes comme cela.
M. Charbonneau: Bien oui, mais ce n'est pas cela...
M. Déry: Oui, mais ce que vous demandez, c'est quelles
sont les superficies qui sont affectées quand il y a un cas
d'urgence.
M. Charbonneau: Non, non, ce n'est pas cela que je demande. Je
vous demande si vous avez des données, des statistiques... Au cours des
dernières années, vous avez découvert des zones
infestées. Quand vous avez fait ces découvertes, au moment
où on vous signalait qu'il y avait une urgence ou une situation
dramatique... Quelle était l'ampleur des dégâts au moment
où vous le constatiez? Est-ce qu'il y a une différence? À
moins que vous ne trouviez tout de suite ou que vous ne soyez en mesure, mais
j'imagine que vous n'êtes pas encore en mesure, par exemple dans des
incendies de forêt, de repérer ou même de prévoir et
d'être quasiment capables d'arroser la forêt avant que
l'éclair tombe ou bien avant que le campeur l'allume, on n'est pas
encore rendus là, mais quand vous le constatez, est-ce que,
généralement, ce sont des zones de plus ou moins de 600 hectares
qui sont déjà affectées?
M. Déry: Je ne peux pas répondre à cette
question-là parce que ce n'est jamais la même chose.
M. Charbonneau: D'accord, mais...
M. Déry: Bon. Mais il y une chose qui est importante, par
exemple - et j'apprécie beaucoup votre question - c'est que si on n'a
pas les outils pour intervenir au moment où on le découvre, quand
on va intervenir, on va avoir à utiliser beaucoup plus de produits.
Cela, c'est une chose importante.
M. Charbonneau: Très bien, mais ce que je veux savoir,
c'est que si, par exemple - et je ne comprends pas que vous ne soyez pas
capables de le faire, vous ou ceux qui sont venus hier, j'aurais
peut-être dû le demander hier - sur 50 constats au cours des - je
fais des chiffres hypothétiques - quatre ou cinq dernières
années, vous avez fait 50, 60 ou 100 constats de zones
particulièrement infestées et que, en moyenne, quand vous avez
fait ces constats, les zones affectées étaient d'environ 2
kilomètres carrés... Il y a une différence entre un arbre
infesté et un boisé de 2 kilomètres carrés.
J'imagine que vous êtes capables de dire: Quand on en a fait la
découverte, dans chacun de ces endroits, en moyenne, on a
constaté... Si hier, on a été capables de nous faire des
cartes pour nous dire: en telle année, il y avait cela qui était
affecté au Québec et cinq ans après, il y avait cela et
dix ans après, il y avait la moitié du Québec. J'imagine
qu'on doit être capables de dire, quand on fait tes constats, qu'il y a
une espèce d'étendue qui... Autrement dit,
généralement, quand on fait des constats, l'état
d'avancement dépasse-t-il les 600 hectares ou si c'est en
deçà? Est-ce seulement un arbre? Chaque fois, est-ce qu'on
réussit à "spotter" seulement le premier arbre qui est...
M. Déry: Je comprends très bien le sens de votre
question et elle est très appropriée. Mais on ne peut pas y
répondre parce que notre association regroupe des industriels
forestiers.
M. Charbonneau: D'accord.
M. Déry: Cette question devrait être adressée
à l'organisme dont la responsabilité est d'assurer la gestion de
la forêt, soit le ministère de l'Énergie et des Ressources.
Il y a ici des représentants du ministère et je suis certain
qu'ils vont pouvoir vous satisfaire au plus haut point dans les statistiques,
mais ce n'est pas le rôle d'une association comme la nôtre.
M. Charbonneau: D'accord, je comprends.
M. Déry: Maintenant, il y a une chose que j'aimerais
ajouter par rapport à votre question. On parle d'impact environnemental
par rapport à l'utilisation de produits chimiques, mais il y a aussi un
autre impact environnemental qu'il faut évaluer et c'est le suivant: il
y a de l'exploitation forestière au Québec et on ne s'en sort pas
parce que c'est une domaine qui est très important. Si on n'a pas les
outils pour remettre en état de fonctionnement
l'écosystème forestier, à la suite de situations X; cela
en est un impact environnemental qu'il faut évaluer. Alors, on ne
demande pas d'utiliser les produits d'une façon démesurée,
ce qu'on demande c'est d'être capable de remettre cet
écosystème forestier en état d'opération.
M. Charbonneau: Moi, la question que je vous posais et je
comprends que vous ne puissiez pas y répondre, mais je pense que le
ministre délégué aux Forêts qui travaille avec les
gens du ministère de l'Énergie et des Ressources pourrait
être en mesure de dire, écoutez, si généralement -
je fais une hypothèse - lorsqu'on fait les découvertes de zones
infestées... L'avez-vous la réponse?
Le Président (M. Saint-Roch): Allez-y, M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, la première fois qu'on a détecté
l'épidémie de la tordeuse, cela couvrait une superficie de 5000
hectares.
M. Charbonneau: Cela, c'est la première fois.
M. Côté (Rivière-du-Loup): La mouche à
scie du pin gris, en 1981... La tordeuse, c'était 5000 hectares en 1967
et cela a traversé tout le Québec par après parce qu'on
n'est pas inter-
venu.
M. Charbonneau: D'accord.
M. Côté (Rivière-du-Loup): La mouche à
scie, en 1981, cela couvrait 2000 hectares. Donc, c'est plus grand que les 600
hectares.
M. Charbonneau: Oui, d'accord. Cela veut dire que,
généralement, quand on fait des découvertes, cela a
déjà atteint cet ordre de grandeur. J'imagine que, sans savoir
où cela va se produire, dorénavant ou dans les prochaines
années, on devrait être en mesure de dire, de soumettre d'une
audience publique que, chaque fois qu'une intervention sera signalée et
nécessaire et qu'elle aura tel niveau d'ampleur on sera en mesure
d'intervenir de telle façon. Si c'est en deçà de tel
niveau d'ampleur, on pourrait intervenir d'une autre façon. Si, au
contraire, cela atteint un niveau dangereux, on pourrait même avoir une
procédure d'urgence plus rapide qui ferait que, là, on pourrait
déclencher l'alerte rouge - cela va vous faire plaisir - et qu'on
pourrait avoir une intervention encore plus rapide avec des mécanismes
encore plus souples. Autrement dit, il me semble que ce n'est pas si sorcier
que cela finalement. L'ensemble de la forêt ou des territoires qui sont
en cause ne sont pas complètement affectés parce qu'on ne
tiendrait pas le genre de discussion qu'on tient aujourd'hui.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Tardif.
M. Tardif (Gilbert): Disons que l'histoire de la dernière
épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette a
permis d'aborder certaines études sur le dynamisme des populations,
l'évolution des populations. Je pense qu'ici, au laboratoire forestier
du gouvernement fédéral à Québec, ils se sont
appliqués, en collaboration avec les États du Maine et du New
Hamsphire, à étudier un peu l'évolution et le dynamisme du
développement de ces populations. Je pense qu'il y a eu certaines
leçons qui en ont été tirées. Également, les
moyens de détection, en fin de compte, s'améliorent et
évoluent aussi. On a, par exemple, le piège à
phéromone qui est un outil important pour déceler à des
endroits précis la naissance d'une épidémie ou de
provocations de certaines populations d'insectes et, de là, nous permet
de faire des interventions rapides. Je pense que l'interface entre le domaine
scientifique de la recherche sur les positions des populations et les moyens de
détection de ces populations et le lien qu'on doit y faire ensuite avec
les moyens de représailles, tout cela se développe et c'est en
constante évolution, comme le domaine technologique. Je pense qu'en ce
sens, on marche vers un progrès plus grand, on va avoir des moyens de
plus en plus précis pour intervenir rapidement. C'est là
l'utilité d'être renseignés, de décider rapidement
et d'agir.
M. Charbonneau: Je pense qu'on en arrive à [ cerner un peu
la question. Les ministres disaient hier qu'ils seraient même prêts
à envisager un réseau plus étendu de systèmes, de
stations de détection. Si on améliore et si on se donne les
moyens d'améliorer la détection, pour faire en sorte que les
détecter plus rapidement, on devrait être en mesure aussi... et
c'est là que, finalement, le scénario 1, mais
amélioré, comme on en discute depuis hier, pourrait être
pris en considération. C'est-à-dire que, dans une étude
d'impact, une entreprise... et vous pariez à la page 37 que tout le
monde n'a pas les moyens de réaliser des études d'impact. Moi,
j'ai suggéré hier qu'on puisse fonctionner soit par
régions, soit par regroupements d'entreprises, soit par grandes
entreprises, mais il y a des façons de faire en sorte que cela ne soit
pas nécessairement 350 intervenants différents ou signataires
différents qui soumettent 350 études d'impact différentes.
Il y a comme moyen de peut-être regrouper cela en une vingtaine
d'intervenants principaux ou selon des territoires donnés et on aurait
finalement, par exemple, une vingtaine d'études d'impact qui nous
permettraient d'analyser, pour les prochaines années, comment on va
intervenir. Ces études d'impact pourraient faire en sorte que
l'industrie nous dise: Quand on détecte un foyer d'infestation qui a
atteint tel niveau, on va intervenir de telle façon. Si jamais on le
détecte trop itard et que c'est rendu à un niveau plus
élevé d'infestation, on utilisera un deuxième
procédé ou une batterie, un arsenal d'armes différent et
si cela atteint vraiment un autre niveau, etc.
Donc, moi, j'ai l'impression qu'il n'y a personne qui peut vraiment nous
faire la démonstration que céda va les empêcher
d'être opérationnels, parce que une fois qu'on aura fait cette
démonstration et que le public saura que ce qui est important et que,
c'est d'intervenir rapidement, si on intervient rapidement, mieux vaut
intervenir sur une petite surface avec un instrument puissant que d'attendre
trop tard, une fois que cette étape est franchie, vous allez avoir la
latitude d'utiliser l'arsenal que vous nous aurez présenté, que
vous aurez présenté, en fait, lors de l'étude d'impact. Je
ne vois pourquoi vous auriez un problème! maintenant quant à
l'efficacité et à la rapidité de l'intervention, surtout
si on ajoute à cela que, d'ici à ce que ce mécanisme soit
en place ou que ces études d'impact soient réalisées, le
gouvernement pourrait autoriser, sur une base transitoire, des
mécanismes ou des méthodes d'intervention qui seraient en
fonction de la gravité, par exemple. Franchement...
Le Président (M. Saint-Roch): M. Tardif.
M. Tardif (Gilbert): Monsieur, bien sûr que s'il s'agit
d'informer le public et d'obtenir, en quelque sorte, un consensus social sur
une base
régionale pour l'utilisation de ces moyens de répression,
on y est. Mais, évidemment, lorsqu'on discute de ces choses-là -
on s'en est rendu compte dans le passé - cela tourne, bien souvent, au
vinaigre, parce qu'il y a beaucoup d'émotivité qui se
dégage de tel... Il y a toujours quelqu'un qui a vu un enfant qui avait
absorbé de ces défoliants, de supposés défoliants
ou autres et cela a dégénéré dans les journaux dans
toutes sortes de nouvelles fausses ou plus ou moins fondées.
C'est un peu notre crainte. C'est pour cela qu'on dit qu'au
départ, pour avoir un avis et des réactions normales de la
population, il faut commencer à l'informer. Là-dessus, on est
d'accord. On n'a rien contre le fait que les gens soient informés.
Maintenant, dans le cadre d'une nouvelle politique forestière, il faut
protéger la forêt et il faut intervenir rapidement et de
façon efficace pour contraindre les épidémies. Que les
gens soient renseignés, d'accord, mais qu'ils participent aux
décisions effectives sur l'application, je pense que c'est là
qu'on s'entend moins bien, parce qu'on se dit: Est-ce qu'une masse de
population peut participer à un processus décisionnel de
façon rationnelle et ordonnée?
Peut-être qu'ils pourront le faire lorsqu'ils seront bien
renseigné et bien éduqués sur ces moyens de
répression. Cela peut prendre quelque temps, mais on est prêt
à collaborer à cela.
M. Charbonneau: Si on réduisait le nombre d'études
d'impact; entre une superétude d'impact qui n'est pas
opérationnelle et 350, il y a peut-être un juste milieu qui serait
raisonnable. Si, par exemple, on le fait sur une base régionale, si on
disait qu'on a 20 ou 25 études d'impact à soumettre pour
l'ensemble du territoire québécois et que dans ces territoires,
il y a d'abord une phase d'information de l'industrie et, après cela, il
y a une phase proprement dite où la population est consultée et
où elle peut réagir.
Autrement dit, le problème, ce n'est pas juste de donner de
l'information, il s'agit de permettre une rétroinformation ou une
réaction à l'information. L'étude d'impact, c'est
exactement cela. Autrement dit, si on ne voulait pas avoir de
rétroinformation et si on ne voulait pas permettre au public, aux
écologistes et à tous ceux qui se préoccupent de leur
milieu et de leur environnement immédiat de réagir, on aurait
juste à engager des relationnistes pour faire une campagne de
publicité. Mais, si on veut leur permettre de réagir, cela prend
un mécanisme où les gens peuvent se faire entendre. Une fois
qu'ils ont été entendus, une fois que l'organisme qui a à
donner le goût le donne...
Les gens ne participent pas tous les jours à des prises de
décision. Vous avez votre batterie. Dans le fond, vous avez la batterie
ou l'arsenal qui est autorisé, après cela, les gens n'ont plus
rien à dire lorsque l'arsenal est utilisé quand les situations se
présentent.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Tardif.
M. Tardif (Gilbert): Maintenant, si on se réfère
à l'utilisation de glyphosate, on sait qu'au Maine, on l'utilise. Ce
à quoi l'industrie est tenue, c'est de se conformer aux directives du
manufacturier, sans plus. D'ailleurs, il y en a également d'autres
endroits - au Nouveau-Bruns-wick, je pense, à moins d'erreur - où
on fait un peu la même chose. (12 h 15)
M. Charbonneau: Mais dans le domaine environnemental, les
États-Unis, ce n'est pas nécessairement le modèle à
suivre.
M. Tardif (Gilbert): Non, peut-être pas, mais on dit que
cela fonctionne, en fin de compte.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Tardif
et M. le député de Ver-chères. Je vais maintenant
reconnaître M. le ministre délégué aux
Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président.
J'ai indiqué tout à l'heure les superficies
détectées en 1967 et 1981, soit respectivement de 5000 hectares
et de 2000 hectares, superficies qui ont précédé
l'épidémie. Je dirais qu'en 1981, lorsqu'on a
détecté la mouche à scie qui infestait 2000 hectares, le
permis d'intervenir nous a été refusé. C'est de cette
façon, qu'en 1982, on a traité 62 000 hectares avec 80 fois plus
de produits. Il y a une question de confiance. Il ne faut pas que les permis
nous viennent de façon inconsidérée, n'importe quand,
n'importe comment. Il faut que ce soit sérieux. C'est beau de dire qu'on
interviendra rapidement s'il y a un risque d'épidémie avec des
produits appropriés, mais il faut au moins avoir la permission de le
faire aussi.
M. Charbonneau: Avec la proposition 1 modifiée, si M. le
ministre me le permet, vous pourriez avoir toutes les autorisations parce que,
finalement, un fois que le plan est approuvé, les gens n'ont pas besoin
de revenir chaque fois pour aller chercher une autre autorisation.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je voudrais aussi
qu'on soit bien conscients qu'il y a plus de 5000 produits qui ont
été homologués par le gouvernement fédéral.
Sur ce nombre, il est sûr qu'il est possible qu'il y ait eu des erreurs
qui ont été signalées par la compagnie IBT ou autres, mais
dans le cas des produits qui sont recommandés, soit le B.t. et le
glyphosate, le processus d'homologation a été suivi de nombreuses
expertises faites par les gouvernements, par les laboratoires
indépendants. Ces produits ont été recommandés par
le MENVIQ, par le ministère de l'Environnement et par le BAPE à
la suite des audiences de 1984. De plus, le BAPE, à la suite de ces
audien-
ces, reconnaissait que le fénitrothion ne présentait pas
de risque indu pour la santé. Là, il ne faut pas avoir peur
d'avoir peur, parce que cela a été examiné, cela a
été discuté et tout cela. Il ne faudrait pas dire, par
exemple: il ne se fera jamais d'erreur. La perfection... Je pense qu'il n'y a
personne dans cette salle qui va prétendre qu'il ne fera jamais
d'erreur. Il reste qu'on doit demeurer vigilant. L'AMBSQ, dans son rapport,
saute bien vite à l'information correcte de la population. Mais, je me
demande si, dans le document de support de la commission parlementaire, on
donne un processus de révision des produits, mais ce processus de
révision des produits pourrait peut-être être formé
de comités interministériels, de gens de l'industrie, de
représentants du public aussi. Ce serait moins lourd que ces audiences.
Ce serait une espèce de particularité à la foresterie et
à l'environnement en forêt. Ce comité pourrait
peut-être être présidé par le ministre de
l'Environnement et être dirigé et contrôlé de
façon que ce soit efficace sans que cela coûte des millions et
sans qu'on se fasse dire toutes sortes de choses de façon
émotionnelle et de façon incorrecte. Je pense qu'il y a des
façons de faire qui... Le compromis dont on parle, c'est qu'on peut
améliorer tout cela ensemble pour arriver à ce compromis et
s'assurer que nos arrosages se feront sur des petites surperficies
aussitôt qu'on détectera les infestations.
M. Charbonneau: Là où on ne s'entend pas...
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, là où on ne
s'entend pas, c'est que finalement, la détection... Je vous propose
quelque chose qui n'est pas compliqué. Jusqu'à ce que les
études d'impact soient faites, il pourrait y avoir une procédure
transitoire. Les études d'impact se font et, par la suite, vous avez les
autorisations pour utiliser les batteries, les moyens d'intervention, chaque
fois qu'une détection va se faire. De la façon dont vous
raisonnez, c'est comme si chaque fois qu'il y aurait une détection, il
faudrait retourner en audience publique et en étude d'impact.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Non.
M. Charbonneau: Ce n'est pas cela. Je suis obligé de
défendre votre collègue. Ce n'est pas cela qu'il a dit.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Ha, ha, ha! Avec
l'AMBSQ, les manufacturiers de bois de sciage, je mise beaucoup sur la
recherche et le développement pour diminuer l'utilisation de ces
produits comme on souhaite, évidemment, diminuer l'utilisation de la
dynamite, des canons et ces affaires-là. C'est bien important de faire
cela et de continuer à faire de la recherche. Hier, on a demandé
à une autre association quelle était la part qu'elle était
prête à faire pour poursuivre des recherches dans ce domaine.
Évidemment, cela se fait en collaboration avec le gouvernement, les
universités. On en fait beaucoup et on va continuer à en faire.
On va continuer à en faire aussi pour essayer de détecter
aussitôt que possible les foyers d'infestation. Actuellement, ce sont les
pièges aux hormones qui sont faits pour mesurer les fluctuations dans la
population des insectes sauf qu'il se développera peut-être, avec
la recherche, des pièges qui vont contrôler les populations
d'insectes. Ça, c'est du côté insectes. L'AMBSQ ne parle
pas beaucoup du côté insectes parce que vous semblez nous refiler
la responsabilité, en entier, au ministère sauf que, je pense que
vous devriez, parce qu'on est devenus partenaires, trouver, par exemple, une
façon de collaborer pour la détection et le contrôle des
insectes. Cela va bien du côté du contrôle de la
végétation, mais du côté des insectes vous n'en
parlez pas beaucoup en disant: C'est la responsabilité du
ministère. Est-ce que je peux avoir votre réaction
là-dessu?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Tardif.
M. Tardif (Gilbert): Bien sûr, en ce qui regarde les
insectes, on dit que cela demande des moyens tellement importants et des
connaissances techniques si poussées et que cela touche en fin de compte
des territoires immenses, dans toute la province, qu'on pense que, c'est pour
cela qu'on se réfère... Et je pense que c'était l'esprit
des discussions qu'on avait eues au cours des travaux préparatoires
à la loi 150, c'est-à-dire que cette partie-là de la
recherche, de la maîtrise et du combat devrait demeurer la
responsabilité du ministère, mais qu'en ce qui regarde les
initiatives concernant toute la recherche, le développement, dans ce
sens-là, pour la détection, le contrôle,
l'élimination et les méthodes de combattre ces... On est
prêt à collaborer, certainement, avec le ministère pour...
Mais on dit que ce n'est peut-être pas possible pour chaque industriel de
s'impliquer à titre individuel dans une telle recherche qui demande de
tels moyens, une batterie de connaissances et des laboratoires de recherche. On
n'est pas en mesure de s'offrir cela, mais on est prêt à
collaborer avec le ministère pour que les recherches soient faites.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je voudrais
terminer avec l'AMBSQ en disant qu'avec le nouveau régime forestier, on
n'a pas le droit de manquer notre coup comme on l'a manqué dans le cas
de la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Si on manque notre coup
cette fois-ci, les conséquences vont être tellement importantes
que je ne sais pas si on s'en sortira de façon honorable. On a
manqué notre coup avec la tordeuse des bourgeons de l'épinette,
parce que cela a commencé avec 5000 hectares et cela a
traversé tout le Québec et les États
américains du nord-est. Je ne voudrais pas qu'on manque notre coup
actuellement parce que, pour la première fois, on
réfléchit avant d'aller en forêt; on ne va pas en
forêt seulement pour couper du bois, on pense aux autres utilisateurs,
comme les chasseurs, les pêcheurs, on pense à protéger la
qualité de l'eau, etc. Je pense qu'on doit, ensemble, trouver des
solutions pour ne pas manquer notre coup cette fois-ci.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci M. le ministre
délégué aux Forêts. En conclusion, M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: En conclusion, M. le Président, je
voudrais... Combien me reste-t-il de temps? Il ne me reste plus de temps. Ah
bon! Je me reprendrai avec l'autre groupe, de toute façon... Je passerai
un autre message tantôt.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie M. le
député de Verchères. Je tiens à remercier
l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec pour son
apport aux travaux de cette commission.
Sur ce, je demanderais maintenant au Centre multirégional de
recherche en sciences et technologies forestières de bien vouloir
prendre place, s'il vous plaît.
À l'ordre, s'il vous plaît!
Permettez-moi, dans un premier temps, de souhaiter la bienvenue au
Centre multirégional de recherche en sciences et technologies
forestières. Je demanderais maintenant au porte-parole de bien vouloir
s'identifier ainsi que la personne qui l'accompagne.
À l'ordre, s'il vous plaît!
Centre multirégional de recherche en foresterie
de l'Université du Québec
M. Frisque (Gilles): Mon nom est Gilles Frisque. Je suis
directeur du Centre multirégional de recherche en foresterie de
l'Université du Québec. À ma droite, le Dr Maximilien
Arella, professeur et chercheur en virologie à l'Institut
Armand-Frappier de l'Université du Québec.
Le Centre multirégional de recherche en foresterie de
l'Université du Québec tient à remercier le ministre
délégué aux Forêts, le ministre de l'Environnement
et les membres de la commission de l'aménagement et des
équipements de l'invitation qui lui a été faite de
présenter un mémoire.
Le Centre multirégional de recherche en foresterie regroupe
quelques 35 professeurs et chercheurs du réseau de l'Université
du Québec, actifs dans diverses disciplines scientifiques reliées
au secteur forestier et environnemental et répartis dans sept
établissements rattachés au réseau, dont l'Institut
Armand-Frappier.
Dans un contexte d'harmonisation entre des besoins et des attentes
variés de la population et étant donné l'importance
économique et sociale du secteur forestier au Québec et le besoin
urgent d'assurer le renouvellement de la ressource forestière afin de
permettre le maintien des activités économiques et
récréatives et des emplois qui en découlent, nous croyons
qu'il est nécessaire et opportun d'avoir recours aux pesticides dans le
secteur forestier lorsque les conditions l'exigent. Le Québec ne peut
pas se permettre, en 1988, d'abandonner presque la moitié de son
territoire aux aléas d'épidémies d'insectes, d'infestation
d'organismes pathogènes et de successions végétales
incontrôlées. Nous sommes cependant conscients que ceci doit se
faire dans le respect de la Loi sur la qualité de l'environnement et de
la Loi sur les pesticides tout en préservant les multiples ressources
reliées à l'existence de la forêt. 235 000 000 de
mètres cubes d'essences résineuses, soit l'équivalent de
dix années de récolte sur l'ensemble des forêts publiques
du Québec ont été détruits par la tordeuse des
bourgeons de l'épinette. Rappelons que c'est la troisième fois
qu'une telle épidémie ravage les forêts du Québec,
depuis le début du siècle. En dehors de la valeur
pécuniaire de ces pertes, les impacts sont considérables sur les
autres ressources du milieu forestier, soit les ressources hydriques, fauniques
et récréatives. Si la tordeuse des bourgeons de l'épinette
est l'élément le plus destructeur parmi l'ensemble des ravageurs
d'origine entomologique ou pathologique, n'oublions pas que 27 autres
organismes sont identifiés dans le Relevé des insectes et des
maladies affectant les forêts du Québec. Certains de ces
organismes risquent, proportionnellement, de prendre une très grande
ampleur dans les prochaines années, à la suite des modifications
des pratiques d'aménagement forestier. Ceci est particulièrement
le cas pour les insectes et les maladies qui s'attaquent principalement aux
plantations. Déjà, la tordeuse de l'épinette, qui est
différente de la tordeuse des bourgeons de l'épinette, s'implante
dangereusement dans les plantations d'épinettes blanches du
Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie. Le charançon du pin blanc se
retrouve dans une plantation sur cinq, dans l'ensemble du Québec, et
sévit particulièrement dans l'ouest de la province.
Au niveau pathologique, rappelons que l'absence de moyens de
contrôle pour certains pathogènes tels que la rouille
vésiculeuse du pin a interdit toute plantation de pins blancs, une
espèce de haute valeur, caractéristique de la forêt
québécoise au siècle dernier, et dont l'ère de
distribution s'est considérablement rétrécie au cours des
ans. Le chancre scléroderrien, dont la variété
européenne est particulièrement virulente, continue de menacer
l'ensemble des plantations de pins rouges au Québec. Dans certaines
régions administratives de la province, la présence de ce
pathogène a même entraîné l'établissement
de
zones de quarantaine, limitant le transport de matériel ligneux
d'une région à l'autre. (12 h 30)
Ce rapide survol nous indique le sérieux de la situation et la
nécessité de disposer des moyens requis pour pouvoir appliquer
des méthodes de contrôle et de lutte efficaces dès qu'un
ravageur susceptible de prendre des proportions épidémiques fait
son apparition. Refuser cette possibilité équivaut à se
résoudre à voir le paysage forestier du Québec
s'altérer ou disparaître d'une façon irréversible.
L'état de la forêt québécoise est déjà
sérieux, tel que cela a été souligné dans le
récent bilan environnemental du Québec présenté par
le ministre de l'Environnement.
Quant au contrôle de la végétation, ce dernier
constitue une étape indispensable dans l'éducation des
peuplements forestiers. Cette démarche s'insère non seulement
dans toute la problématique des successions et des
chronosé-quences végétales, directement reliée
à la dynamique des populations, mais implique également les
phénomènes de compétition entre espèces qui
régissent, dès le plus jeune âge, la composition future des
peuplements. Il va sans dire qu'il est utopique de prétendre
aménager intensivement un peuplement forestier sans possibilité
d'intervention sur les jeunes individus.
Comme universitaires membres de la communauté scientifique, nous
ne pouvons qu'appuyer la volonté manifestée par les deux
ministères concernés d'augmenter le budget consacré
à la recherche et au développement relié à la
problématique de l'utilisation des pesticides en milieu forestier. Nous
sommes fermement convaincus qu'un des meilleurs moyens de diminuer le recours
aux pesticides consiste à parfaire nos connaissances du cycle biologique
des organismes en cause, des relations hôtes-prédateurs, de
l'épidémiologie et enfin, de la dynamique des
écosystèmes.
Comme illustration du potentiel de la recherche dans la lutte contre les
ravageurs forestiers du Québec et en vue toujours de diminuer
l'utilisation des pesticides, la mise en place récente d'un
réseau de pièges à phéromone ceci, afin de
détecter les variations des populations de tordeuses a été
mentionnée à plusieurs occasions, lors de cette commission. Il
s'agit là d'un outil indispensable à une saine gestion.
Concurremment, les recherches actuellement en cours à l'Institut
Armand-Frappier et qui visent la mise au point de trousses de diagnostic des
pathogènes de la tordeuse des bourgeons de l'épinette, doivent,
à notre avis, être poursuivies. Ces recherches utilisent des
techniques sophistiquées, mais accessibles, telles que les sondes
moléculaires, et permettent d'évaluer avec précision
l'état de santé d'un ravageur et donc de réduire d'autant
le recours aux insecticides. De tels outils à haute teneur
biotechnologique peuvent être développés à un
coût relativement bas pour la majorité des ravageurs actuels des
forêts. Ils sont efficaces, non dommageables pour l'environnement, et ne
présentent aucun risque pour la santé humaine ou animale.
La nécessité d'une augmentation de la recherche
reliée à la protection des forêts est d'ailleurs amplement
illustrée dans le document de base qui a été fourni
à la commission, lorsque les auteurs signalent avec exactitude que, sur
19 des 27 problèmes entomologiques et pathologiques susceptibles
d'affecter la forêt, il n'existe pas de produits homologués
perrmettant le contrôle.
Historiquement, la majorité des nouvelles méthodes de
lutte biologique ont été conçues et
développées expérimentalement dans des milieux de
recherche non directement rattachés aux deux ministères
concernés. Il est en effet assez rare qu'un organisme promoteur d'un
projet soit de plus chargé de développer lui-même des
méthodes alternatives à celles qu'il utilise couramment ou que
cette recherche, si elle a lieu, se fasse avec un grand désir de trouver
d'autres solutions à celles déjà utilisées avec
profit. Par contre, l'expertise et la structure opérationnelle des
ministères permettent à ces derniers d'effectuer une mise a
l'échelle rapide des nouvelles méthodes de lutte aux
ravageurs.
Le document de base souligne que si le gouvernement du Québec
veut se donner une politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier,
il doit s'assurer de fournir les efforts requis en recherche et
développement. Un montant total de 4 000 000 $, tel que mentionné
à la page 36 du document, ne représenterait que 15 % de l'effort
canadien, chiffre nettement inférieur à la quote-part des
problèmes phytosa-nitaires qui affectent l'Est du Canada et le
Québec en particulier. D'un point de vue strictement de
péréquation, le Québec y serait nettement gagnant.
Nous nous permettons de plus de suggérer qu'une part importante
de ces recherches soit effectuée à l'extérieur des
ministères concernés. Nous voyons trois avantages à cette
approche. Premièrement, elle met à la disposition des
ministères et du gouvernement un bassin de chercheurs
spécialisés, dont les ministères ne disposent par
nécessairement à l'heure actuelle. Deuxièmement, et dans
le cas des universités, elle assure en même temps la formation de
la relève scientifique et des compétences requises dans des
domaines de recherche innovateurs. Troisièmement enfin, plusieurs
enquêtes indiquent que l'opinion publique accorde plus de
crédibilité, en cas de conflits, aux recherches effectuées
par les organismes universitaires qu'à celles qui sont conduites par le
promoteur d'un projet, qu'il soit gouvernemental ou industriel.
En conclusion, tout en favorisant le second scénario
proposé par les deux ministères impliqués, soit
l'utilisation du bacillus thuringiensis et du glyphosate, sans étude
d'impact, pour les raisons que nous avons invoquées dans le
mémoire, nous insistons pour qu'au-delà des préoccupations
nécessaires, les différents corps législatifs
concernés tiennent compte de la nécessité de
permettre le développement et l'expérimentation de nouveaux
produits et de nouvelles méthodes, qui seraient issus de travaux de
recherches et de développement. Il serait en effet superflu de
réviser périodiquement l'état des connaissances et des
lacunes en termes de recherche, tel que proposé dans le second
scénario, si concurremment tout essai de nouvelle formulation ou de
nouveau produit était sévèrement limité par des
contraintes légales ou réglementaires.
La recommandation formulée dans le rapport de base
rédigé par le ministère de l'Énergie et des
Ressources et le ministère de l'Environnement du Québec, et qui
se lit comme suit: "Le gouvermement doit encourager les recherches permettant
le développement de méthodes, de connaissances et de
stratégies d'aménagement du milieu forestier en vue de minimiser
l'usage des pesticides" - fin de la citation - constitue un corollaire
indispensable à toute politique d'utilisation des pesticides en
forêt. L'engagement de ces deux ministères d'accroître de
façon importante les budgets alloués à la recherche et au
développement reliés aux pesticides constitue une démarche
positive et essentielle.
Nous désirons réitérer notre conviction qu'une
grande partie de ces recherches, pour les raisons évoquées
ailleurs dans le mémoire que nous vous avons soumis, devrait être
effectuée en dehors des ministères concernés. Nous
espérons, en terminant, que l'adoption d'une politique d'utilisation des
pesticides en milieu forestier permettra au législateur de mettre
à profit l'accumulation des connaissances scientifiques qui sont
déjà disponibles et de se donner les moyens d'acquérir
celles qui lui manquent encore. Nous pouvons l'assurer que l'expertise et
l'intérêt des professeurs et chercheurs du Centre
multirégional de recherche en foresterie de l'Université du
Québec sont à la disposition de tous les intervenants, qu'ils
soient gouvernementaux, privés ou industriels.
Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie M. Frisque.
M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, j'aurais voulu toucher
à toute la question, parce qu'on a des intervenants, justement du milieu
universitaire, de la recherche, des méthodes alternatives dans le sens
le plus large, parce que je pense qu'il y a une question fondamentale, qui a du
reste été soulevée par le groupe qui a passé juste
avant vous, l'Association des manufacturiers de bois de sciage. J'ai entendu un
des représentants, celui qui était à votre gauche, parler
de la sauvegarde de l'écosystème forestier en correspondance avec
l'utilisation de pesticides, et cela m'a fait un peu sursauter. En fait, je
crois que quelque part dans leur mémoire, si je ne me trompe, ils
disent: Une des seules avenues envisageables et possibles à court terme
pour assurer la pérennité de la forêt et de
l'écosystème forestier pris dans son ensemble.
Il me semble que les pesticides sont étrangers à
l'écosystème forestier, que c'est une mesure d'intervention pour
prévoir un aménagement faute d'avoir fait de la
prévention. Le professeur Vézina, de l'Université Laval,
est un de ceux - je pense du reste qu'il a écrit un tome
là-dessus - qui a dit que si on préparait mieux les sols et si on
avait une diversité de culture plutôt qu'une monoculture,
peut-être que cela serait la meilleure prévention. Je sais que
c'est tard pour faire ça parce qu'on ne l'a pas fait, mais à cet
égard est-ce que dans votre esprit, dans un avenir prévisible,
cinq, dix, quinze ans, je ne sais pas combien de temps, il serait possible de
renverser un peu la vapeur par de meilleures pratiques qui feraient qu'on ne
serait pas obligé d'utiliser des agents étrangers tels que le
"chimique" pour préserver la pérennité des
écosystèmes et la forêt?
M. Frisque: Oui, sans aucun doute. Je voudrais rapporter une
précision sur l'intervention de la personne de la MBSQ qui nous
précédait. Malgré votre étonnement, M. le ministre,
je crois qu'effectivement l'absence d'utilisation de pesticides en milieu
forestier peut entraîner une dégradation complète des
écosystèmes. Vous avez certainement, comme moi, eu plusieurs fois
l'occasion de parcourir une forêt qui avait été
dévastée par la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Je
peux vous assurer qu'au point de vue strictement écologique, il s'agit
là d'un écosystème qui est très loin d'un
écosystème idéal, puis on y rencontre peu de faune. La vie
biologique, à toutes fins utiles, est terriblement réduite
lorsque le couvert forestier, qui est la base essentielle de la vie biologique
en forêt, a disparu à la suite d'une attaque de la tordeuse des
bourgeons de l'épinette.
Vous avez complètement raison quand vous signalez que
l'utilisation de pesticides ajoute à un écosystème un
élément qui lui est étranger au départ, mais
constatons également que la tordeuse des bourgeons de l'épinette,
pour prendre cet exemple, n'est pas partie intégrante de
l'écosystème forestier, en tout cas pas à l'état
épidémique normalement. Alors, dans ce cas-là, c'est
malheureusement une situation où on se trouve en position
défensive. Mais je crois qu'une petite infestation de la tordeuse des
bourgeons de l'épinette à son départ, lorsqu'elle est
à l'état endémique, peut être
considérée comme une composante naturelle de
l'écosystème. Si on la laisse aller, si vous voulez, c'est une
petite bombe à retardement. Si on n'intervient pas immédiatement,
cette petite population prend très rapidement une ampleur énorme
qui fait qu'à ce moment-là, l'écosystème forestier
est profondément altéré.
En ce qui concerne les suggestions qui ont été faites par
certains universitaires, lorsqu'ils
prônent une diversification de l'environnement forestier et entre
autres des essences forestières que l'on y retrouve, c'est tout à
fait exact au point de vue livresque et théorique et dans certains
conditions cela se retrouve à l'état naturel. Malheureusement, la
forêt boréale qui couvre l'ensemble de la province de
Québec et de la zone boréale mondiale, que ce soit au Canada ou
en Union soviétique ou dans les pays Scandinaves, est constituée
naturellement de peuplements résineux qui, très souvent, sont
monospécifiques. Cela prendrait des fortunes au point de vue temps,
énergie et ressources financières pour aller à rencontre
d'un climax qui est profondément naturel. Si on laisse aller la nature,
elle revient naturellement à des peuplements qui sont effectivement
très souvent monospécifiques et je ne connais pas de situations
dans le monde où on a pu changer radicalement pour des longues
périodes de temps une tendance vers l'évolution, vers un stade
climatique.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Frisque. M. le
ministre.
M. Lincoln: En tout cas, est-ce qu'on n'est pas dans un cercle
vicieux à savoir que la tordeuse des bourgeons de l'épinette a
commencé à devenir une épidémie parce que,
justement, la forêt était affaiblie? Est-ce que ce n'est pas un
cycle naturel; plus on affaiblit la forêt, plus on coupe à blanc,
plus on néglige les espèces et on fait une espèce de
surcoupe pendant des années, à un moment donné la
forêt s'affaiblit comme une maladie s'attaque à une personne qui
est beaucoup plus faible de constitution plutôt qu'à celle qui est
en santé? Est-ce que ça peut être cela en premier lieu?
M. Frisque: L'expression que vous utilisez est adéquate.
Lorsque vous dites que la tordeuse nous amène dans un cercle vicieux,
c'est tout à fait exact et le cercle est profondément vicieux,
à mon avis, pour deux raisons. La première, c'est un manque de
connaissances fondamentales sur l'épidémiologie de la tordeuse
des bourgeons de l'épinette. L'État a consacré
énormément d'argent à intervenir et à lutter contre
la tordeuse et c'était une étape indispensable, l'étape
d'urgence. Comparativement, énormément peu de fonds ont
été consacrés à comprendre pourquoi une
épidémie débutait, pourquoi elle se prolongeait dans le
temps et surtout, comme c'est le cas actuellement, pourquoi elle
déclinait naturellement. (12 h 45)
Je crois que si on acceptait de consentir une plus grande partie des
fonds à étudier véritablement quelles sont les causes
naturelles qui régissent l'évolution des épidémies
on ne serait pas obligé d'arroser comme on le fait actuellement sur des
superficies qui sont énormes, qui sont tellement énormes qu'on ne
peut jamais arroser suffisamment. Pour des raisons de logistique on doit se
contenter de parer au plus urgent. L'intervention humaine, dans le cas de la
tordeuse, est vraiment celle d'un pompier qui va éteindre les feux qui
sont les plus violents. Il est évident que, biologiquement, la seule
façon d'intervenir en cas d'épidémie c'est d'arroser
l'ensemble de la forêt québécoise et d'essayer de
réduire à zéro les populations de tordeuses. Ce n'est pas
réalisable.
Le Président (M. Saint-Roch): Je m'excuse, M. Firsque, je
me vois dans l'obligation de vous interrompre. Comme vous le remarquez, les
cloches sonnent maintenant pour appeler les parlementaires à
procéder à un vote. Vu que nous sommes prêts de l'heure du
dîner, la commission ajournera ses travaux jusqu'à 15 heures cet
après-midi pour poursuivre l'audition de votre mémoire.
(Suspension de la séance à 12 h 46)
(Reprise à 15 h 7)
Le Président (M. Parent, Bertrand): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission de l'aménagement et des équipements est
maintenant ouverte et reprend ses travaux. Je rappelle le mandat de la
commission qui est de procéder à une consultation
particulière sur le document intitulé "Politique d'utilisation
des pesticides en milieu forestier".
Je rappelle donc aux membres de cette commission qu'un léger
retard s'est accumulé d'environ une demi-heure sur l'horaire. Alors, on
va procéder sans plus tarder. Nous étions avec le groupe
représentant du Centre multirégional de recherche en sciences et
technologies forestières. La parole était à M. le ministre
de l'Environnement.
Il vous reste treize minutes, M. le ministre, et par la suite il y a un
bloc de 20 minutes qui restera à l'Opposition pour conclure
l'échange de propos avec le groupe du centre multirégional.
La parole est à vous, M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Très brièvement, pour reprendre notre
conversation, vous parliez de la forêt boréale qui est en
monoculture par sa qualité même, mais il y a tout le
côté de la forêt du Saint-Laurent, la forêt sud qui
était une forêt mixte. N'est-il pas vrai que, comme beaucoup
d'intervenants le disent, si l'on avait pu préserver un caractère
plus diversifié à la forêt, on n'aurait pas le
problème justement de plus on coupe, plus les sapins poussent et
ça provoque presque des épidémies et qu'il faudrait
peut-être renverser la vapeur?
M. Frisque: C'est exact, M. le ministre. Il y a cependant une
théorie scientifique qui est actuellement généralement
acceptée et qui concerne ce que l'on appelle en termes techni-
ques les epicentres des épidémies de la tordeuse des
bourgeons de l'épinette. On a constaté que ces epicentres en
général prenaient naissance dans les forêts mixtes ou
mélangées. Ce sont précisément les endroits dans la
forêt québécoise où on rencontre des associations
importantes d'essences résineuses et d'essences feuillues ce qui va un
peu à rencontre de la théorie qui voudrait qu'en évitant
les monocultures et en mélangeant beaucoup plus le type d'arbres qu'on
met en culture, on supprimerait les épidémies. Il semble que les
épidémies au contraire démarrent dans les endroits
où on a des forêts mélangées et ne démarrent
pas dans la zone monospécifique de la forêt boréale.
À ce sujet-là, mon collègue, le professeur Arella, aurait
peut-être une courte précision à ajouter sur la
problématique importante que vous souleviez tantôt de trouver des
méthodes alternatives qui éviteraient l'introduction
d'éléments étrangers dans l'écosystème.
Le Président (M. Parent, Bertrand): M.
Arella, oui.
M. Arelia (Maximilien): M. le ministre, je pourrais
peut-être ajouter que dans l'écosystème il y a des
pathogènes naturels, si on parle de la tordeuse, par exemple, qui
contrôlent déjà un certain niveau de population.
Évidemment, quand ces pathogènes ne sont plus efficaces, la
tordeuse devient épidémique, endémique, donc envahit la
forêt en général. Il y a déjà des
pathogènes naturels qui contrôlent, mais ces contrôles ne
sont pas toujours assez efficaces pour empêcher les dommages que l'on
connaît.
M. Lincoln: Avant de passer la parole à mon
collègue ou à mes collègues, je voudrais
référer à la page 19 où vous dites être
d'accord avec l'énoncé global de politique d'utilisation des
pesticides en milieu forestier et cite entre autres: "Le gouvernement du
Québec doit s'assurer que l'utilisation de ces outils ne mettra pas en
danger la santé humaine et que les impacts environnementaux sur le
milieu forestier seront minimisés." En même temps vous dites: Nous
ne sommes pas d'accord. On prend le scénario 2, parce que cela
évite justement de faire des études d'impact. Est-ce que vous ne
pensez pas que la meilleure façon de minimiser les impacts
environnementaux et de les mesurer c'est vraiment de faire des
évaluations environnementales selon le cadre du système qui est
en place au Québec, mis à part la question d'urgence? Il y a deux
questions. Il y a la question d'urgence pour la tordeuse des bourgeons de
l'épinette où il faut bouger tout de suite et toute la
programmation du contrôle et la gestion de la végétation.
C'est de cela que je veux vous parler.
M. Frisque: Oui. Je veux d'abord établir très
clairement que nous respectons très fortement les soucis et les craintes
des groupes environnementalistes concernant un usage abusif ou
incontrôlé des pesticides en milieu forestier. Le principe de base
sur lequel nous nous appuyons, c'est que tous les produits qu'on utilise
actuellement sont des produits qui ont été officiellement
homologués par Agriculture Canada dans un complexe assez long, que vous
connaissez beaucoup mieux que moi, qui a certaines failles, mais on ne peut pas
rejeter du revers de la main les contrôles qui sont exigés avant
qu'un produit soit homologué.
La réaction que nous avons c'est que par rapport aux montants
importants qui vont être nécessaires pour financer et pour rendre
efficaces des études d'impact ou des audiences publiques, nous verrions
de façon beaucoup plus efficace qu'une partie de cet argent soit
utilisée pour développer des méthodes alternatives. Je
crois qu'on peut multiplier pendant vingt ans les études d'impact, on
aura toujours des éléments de réponse qui vont être
fort inquiétants. Ce qu'on risque, c'est que toute la machine
s'immobilise. Je crois que la meilleure façon, si on est insatisfait des
produits qu'on utilise actuellement, c'est d'en trouver d'autres. Pour en
trouver d'autres, forcément, il faut passer à un stade de
recherche fondamentale au départ, qui aboutit le plus rapidement
à une recherche appliquée et éventuellement à une
mise à l'échelle en pratique. Je crois que c'est la meilleure
façon. Si on se contente de se chicaner pendant des années avec
des études d'impact sur les quelques produits qu'on utilise
actuellement, on fait de l'immobilisme. Si on veut avancer, il faut trouver de
nouveaux produits. Les nouveaux produits découleront d'un effort de
recherche plus important.
M. Lincoln: Je pense qu'il n'y a pas de contradiction dans ce que
vous dites et la réalité qui veut, pas qu'on se chamaille, mais
que le public ait une voix au chapitre dans cette décision et qu'il
sache à l'avance, sur un programme étendu - on ne demande pas
à vingt, trente-cinq ou cinquante études d'impact à la
fois, on en demande une sur une programmation - qui va aussi nous donner de
l'information sur l'étendue de l'usage du produit. Le produit peut
être sécuritaire, mais lorsqu'il tombe dans les rivières,
peut-être qu'il n'est pas aussi sécuritaire qu'il le devrait. Il
me semble qu'on peut faire les deux, qu'une industrie aussi puissante que
l'industrie des forêts et des pâtes et papiers peut faire de la
recherche. Après tout, notre ministère en fait sur les
pathogènes naturels en ce moment. Mon collègue et moi avons
accordé 500 000 $ l'année dernière pour étudier les
pathogènes naturels en foresterie. Je ne vois pas pourquoi l'industrie
forestière ne pourrait pas faire cela et se payer la
nécessité d'une étude d'impact, ou trois ou quatre, qu'on
demanderait dans un temps très étendu.
M. Frisque: Vous me demandez, comme représentant d'une
université, de vous énoncer
une décision que l'industrie forestière devrait prendre.
Je me sens assez mal placé pour dire: Oui, ils devraient financer ou pas
des études d'impact. Vous avez eu l'occasion, vous l'aurez encore de
leur poser la question. Je crois qu'ils sont mieux placés que moi pour y
répondre.
M. Lincoln: Je vous demandais cela parce que c'était un
peu le sujet de votre mémoire. Après tout vous avez réagi
à notre proposition. Vous avez présenté un mémoire
qui dit qu'on ne voulait pas les études d'impact. Il me semble que toute
la question est tout à fait pertinente.
M. Frisque: Non. Votre question est pertinente, M. le ministre.
On ne dit pas aussi catégoriquement qu'on ne veut pas de mesures
d'impact. On préfère voir une partie des fonds publics ou des
fonds privés qui seront utilisés pour financer les études
d'impact dirigées de préférence vers le secteur de la
recherche et du développement. (15 h 15)
Le Président (M. Parent, Bertrand): Oui, M. le ministre
délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. Frisque, je
reconnais votre expertise en forêts et j'ai bien aimé votre
commentaire sur les monocultures et les mises en garde qu'on nous sert à
gauche et à droite, et tout cela; par contre, cela se fait d'une
façon scientifique. Quand on parcourt, comme je l'ai fait, les
forêts du Québec dans toutes les régions, on
s'aperçoit que c'est de la monoforêt, dans le fond. On nous dit de
ne pas le répéter mais cela a été naturel, et la
nature fait en sorte qu'on revient à cette unité dans les
peuplements. Je pense que les mises en garde sont bonnes, mais il faut
être réaliste et dire qu'on répète ce que la nature
fait, en somme. C'est ce qu'on fait dans nos reboisements, c'est ce qu'on tente
de faire dans la remise en production des chantiers des opérations
forestières que l'industrie est obligée de faire depuis le 1 er
avril. C'est ce qu'on fait.
Dans votre mémoire, vous parlez beaucoup de recherche - et j'y
crois beaucoup à la recherche - mais vous parlez d'un montant de 4 000
000 $. Quelle en serait la répartition? Vous dites hors
ministère. Supposons que c'est hors ministère. Quelle serait la
répartition entre la santé, parce qu'on se préoccupe de la
santé humaine, l'environnement, car on se préoccupe
également de la santé animale, de la pollution des cours d'eau,
etc., et entre la production en forêt? Votre montant de 4 000 000 $, de
quelle façon le répartiriez-vous entre ces trois secteurs
principaux qui sont directement concernés par le sujet dont on discute
aujourd'hui?
Le Président (M. Parent, Bertrand): M.
Frisque.
M. Frisque: Je pourrais difficilement, M. le ministre, mettre
immédiatement des pourcentages aux trois éléments que vous
mentionnez, l'aspect environnemental, l'aspect santé publique et
l'aspect opérationnel ou appliqué des recherches. Je crois que la
première chose à faire, avant d'étudier les impacts!
éventuels sur la santé ou bien sur l'environnement d'un nouveau
produit ou d'une alternative qu'on envisage, il faudrait d'abord que ce produit
ou cette alternative soit bien au point. A ce moment-là, je donnerais
priorité dans une première étape, sans aucun doute,
à la recherche et au développement, avec une très forte
dominance d'applicabilité la plus rapide possible. Et avant de passer du
stade expérimental à un stade opérationnel, c'est
évident qu'il faudra vérifier si les impacts sur la santé
ou sur l'environnement sont d'une importance telle qu'on doive renoncer au
projet.
Par contre, il faut que je précise que les chercheurs
universitaires, qu'ils soient spécialisés en foresterie, en
environnement ou en n'importe quoi, ont un minimum d'éthique personnelle
aussi. À ma connaissance, il n'y a pas un chercheur assez fou pour
proposer une solution qui soit tout à fait inadéquate au point de
vue santé humaine ou au point de vue impact sur l'environnement.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que vous
considérez aujourd'hui qu'il est temps d'intervenir en forêt d'une
façon, je dirais, scientifique et calculée, en prenant tous les
moyens d'aménagement connus, incluant l'usage des phytocides, ou si on a
retardé depuis 20 ans, ou si on peut se permettre d'attendre encore 20
ans avant d'intervenir puis dire qu'on verra dans 20 ans, c'est-à-dire
se croiser les bras et écouter un peu tout ce qui se passe?
M. Frisque: Non, vous avez entièrement raison. Ce serait
aberrant de se dire: Bon, on attend encore 20 ans avant de se brancher sur une
solution ou une autre. L'approche sectorielle selon laquelle on va mettre un
financement énorme uniquement sur les pesticides serait, à mon
avis, une approche inadéquate parce que le problème est global.
L'écosystème forestier, et cela inclut la composante de
production de matières ligneuses industrielles, fait partie d'un
écosystème global qui intéresse autant, j'imagine, le
ministère de l'Environnement que le ministère des Forêts.
Il faut évidemment s'attaquer au problème dans sa
totalité. C'est évident qu'on a un certain retard qui a
été accumulé. On ne pourra pas du jour au lendemain faire
des miracles et trouver des solutions à tout. Mais je suis
persuadé qu'aul:ant au point de vue d'un aménagement forestier
rationnel qu'au point de vue d'une gestion polyvalente de l'environnement de
l'écosystème forestier, il faut avant tout avoir des
connaissances écologiques fondamentales qui nous manquent encore dans de
très nombreux cas. Il y a des efforts importants qui sont faits
actuellement au Québec qui, peu à peu, nous
aident à avoir toutes les pièces nécessaires pour
assembler le puzzle mais c'est évident qu'avoir une approche
fragmentaire ou sectorielle est excessivement nocive.
Le Président (M. Parent, Bertrand): II vous reste juste
une minute.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui. Est-ce que
les efforts que nous faisons actuellement au Québec peuvent nous
permettre de rattraper le retard? Car je me fais dire, de temps en temps: Vous
auriez dû faire cela il y a vingt ans. Mais, il y a vingt ans, je
n'étais pas là, hein?
M. Frisque: Moi non plus.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Ha, ha, ha! Mais
ce qu'on fait aujourd'hui, si on débouche sur une politique
d'utilisation des phytocides et des pesticides qui a du bon sens, qui est
acceptable, qui est opérationnelle, qui est sécuritaire pour la
santé humaine, la santé animale et l'environnement, est-ce qu'on
peut rattraper le retard, puis dire: D'accord, il était temps qu'on
fasse des choses?
M. Frisque: Oui, je !e crois, je suis persuadé qu'on peut
rattraper le retard très rapidement. Permettez-moi de repasser mon petit
commercial, entre guillemets encore une fois. Je suis persuadé que si le
ou les ministères concernés augmentaient la part de recherche
qu'ils font à l'extérieur, entre autres, dans les
universités, ils auraient des progrès excessivement rapides, en
plus d'assurer la relève scientifique. La relève scientifique,
c'est très important. En dehors des compétences
diversifiées qu'on retrouve dans le milieu universitaire, ces
compétences sont automatiquement transférées à des
étudiants. Ces étudiants seront les diplômés de
demain et seront les opérateurs d'après-demain. Cela rejoint
très fortement le souci du ministre de l'Environnement de ne pas
seulement agir pour les problèmes immédiats mais d'agir à
long terme. Et je crois que cette notion de préparation de la
relève scientifique est excessivement importante.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, en terminant,
déjà pour les résultats de recherche, on calcule, au
ministère, que cela nous donne un rendement de 25 %, si on veut le
concrétiser, et on met sur une base industrielle des résultats de
recherche qui viennent d'arriver, en ce qui concerne la culture des plants, les
centres de production de plants, bouturages, etc. Merci.
Le Président (M. Parent, Bertrand): Alors, merci M. le
ministre. Maintenant, la parole est à l'Opposition, au critique en
matière d'environnement, M. le député de Verchères.
Je rappelle à l'Opposition qu'elle a 20 minutes.
M. Charbonneau: Je vous remercie. M. le Président.
J'aimerais d'abord dire au ministre délégué aux
Forêts qu'il n'a jamais été question, en tout cas en ce qui
me concerne, et je n'ai pas l'impression que son collègue ait
proposé cela non plus, de présenter un scénario ou une
approche qui ferait en sorte qu'on attendrait encore vingt ans. C'est un peu
"charrié", finalement, que de laisser croire que tous ceux qui ne sont
pas d'accord avec le scénario 2, que c'est du monde qui, finalement,
veut retarder le processus et veut éviter, volontairement ou
involontairement... Ce n'est pas cela la question. La question, c'est: Est-ce
qu'il y a moyen d'avoir un mécanisme qui nous permette d'agir
efficacement, rapidement et qui préserverait en même temps
l'acquis que l'on a dans la Loi sur la protection de l'environnement ou la Loi
sur les audiences publiques, les études d'impact, qui est un acquis
important et qui permet à des citoyens et à des organismes aussi
de faire valoir des points de vue différents de ceux qui sont
avancés parfois par des entreprises et des scientifiques et qui ont
souvent porté fruit? C'est cela, finalement, l'enjeu de la commission,
ce n'est rien d'autre. Il y a bien des gens qui sont venus nous faire des
démonstrations pour nous convaincre que les pesticides n'étaient
pas la fin du monde et que, utilisés dans des contextes particuliers,
certains produits pouvaient être efficaces et peu dommageables.
Le problème, c'est le suivant: Comment peut-on concilier une
lutte, une réaction rapide, efficace, qui fasse en sorte qu'on ne
répète pas les erreurs du passé, mais qui en même
temps préserve un acquis important à l'égard de la gestion
des questions environnementales, une gestion particulière qu'on a
développée, un modèle particulier qu'on a
développé au Québec depuis quelques années? Dans ce
contexte, j'aimerais que vous puissiez nous expliquer quand vous dites dans
votre mémoire: "Le caractère aléatoire et illusoire d'une
programmation quinquennale d'utilisation de pesticide, telle que
proposée dans le premier scénario. Nous ne disposons pas
actuellement de méthodes suffisamment précises pour
prévoir, cinq ans à l'avance, les besoins d'interventions
phytosani-taires d'une façon réaliste."
Est-ce que, néanmoins, vous ne reconnaissez pas que les
entreprises, dans la mesure où elles ont carte blanche pour utiliser
certains produits, de toute façon savent un peu d'avance ce qu'elles
vont faire dans les années qui viennent et, s'il survient des situations
d'urgence, elles savent aussi très bien quels produits elles vont
utiliser? Ce n'est pas tout aléatoire, cela, finalement.
M. Frisque: J'ai utilisé le mot "aléatoire" parce
que je suis fermement persuadé qu'actuellement, on ne possède pas
effectivement tous les outils de prédiction nécessaires pour
faire une planification de cinq ans pour l'utilisation de pesticides en milieu
forestier. Et je crois d'ail-
leurs qu'on ne la possède pas plus en milieu agricole.
D'après ce que vous dites - vous reprenez un peu votre idée de ce
matin, M. le député - vous avez l'air de tenir pour acquis que si
on donne à un intervenant, qu'il soit gouvernemental ou industriel, la
possibilité de réagir rapidement en cas d'urgence, on solutionne
le problème. J'ai l'impression que ce n'est pas tout à fait
exact. Il y a des problèmes opérationnels qui sont très
importants, et j'imagine mal le gouvernement ou un industriel ou un groupe
d'industriels capable d'avoir à sa disposition suffisamment rapidement
les quantités nécessaires qui sont requises lors d'interventions
"massives", entre guillemets, en milieu forestier. On n'est pas dans un
contexte d'un ou de deux lopins de terre ou dans un contexte urbain. Même
si les quantités sont excessivement faibles lorsqu'on les
pulvérise en forêt, cela prend un minimum de planification
opérationelle; ne fut-ce qu'au point de vue logistique, pour s'assurer
qu'un fabricant pourra mettre à la disposition en temps voulu les
quantités nécessaires pour faire la planification des
opérations, réserver les avions, ou les appareils
d'épandage si c'est nécessaire; ne fut-ce que pour avertir la
population. Et c'est ce que le ministère de l'Énergie et des
Ressources fait d'une façon que je trouve absolument extraordinaire. Les
précautions prises en milieu forestier, si on les compare aux
interventions équivalentes en milieu rural ou en milieu urbain, sont
beaucoup plus importantes dans le cas d'interventions en forêt.
Et ne fut-ce que ce processus de mise en place, les avertissements
nécessaires à la population et aux gens qui pourraient être
concernés, demande des temps de réaction relativement importants.
Vous connaissez mieux que moi les exigences de fonctionnement d'un
gouvernement.
M. Charbonneau: Oui, mais justement, il y a des choses qui sont
prévisibles. On s'entend sur un éventail de maladies potentielles
qui est limité; il y en a une trentaine que vous avez
identifiées. Il y a le nombre de produits utilisables qui est aussi
connu et limité, et troisièmement, la fréquence probable
d'infestation. On peut la prévoir, compte tenu de ce qui s'est
déjà passé. On peut être en mesure de dire: Bon, il
risque de se produire un certain nombre d'infes-tations de telle nature dans
les prochaines années. Même si on a de la difficulté
à prévoir cela, le fait qu'on sache, qu'on connaisse les
maladies, qu'on connaisse les produits, et qu'on connaisse aussi les
territoires où on va opérer, déjà cela, ces trois
facteurs, soumis à une évaluation publique à l'occasion
d'une étude d'impact et d'une évaluation publique des impacts
environnementaux, ce sont des éléments qui, une fois qu'ils sont
balisés, connus et présentés, amènent une
autorisation par la suite. Je ne vois pas quel serait le problème pour
l'entreprise, après cela, de réagir à temps. Elle aurait
eu les autorisations nécessaires parce qu'on aurait identifié les
maladies potentielles, les produits qu'elle pourrait utiliser, les secteurs
où elle pourrait intervenir, où l'entreprise ou les entreprises
dans une région pourraient intervenir. Écoutez, de toute
façon, les entreprises le font déjà. Elles ont
déjà une certaine planification. Alors, dans le fond, de quoi
s'agit-il? Il s'agit de faire connaître leur planification au grand
public à l'occasion d'une étude d'impact, et il s'agit de
permettre à des gens de réagir. Où est le
problème?
M. Frisque: Bien, si vous me le permettez, je ne suis pas tout
à fait d'accord avec vos hypothèses de départ. Vous tenez
pour acquis qu'on peut connaître les territoires d'intervention, les
organismes cibles sur lesquels il faudra intervenir et la rapidité
éventuelle avec laquelle ils vont s'étendre. Je ne crois pas que
ce soit exact.
M. Charbonneau: Non, ce n'est pas cela que j'ai dit. Ce que j'ai
dit, c'est que le territoire, lui, on le connaît. Les entreprises ont des
territoires où elles sont en relations contractuelles avec les
ministères, parce que ce sont des terres publiques, donc elles savent
dans quelles zones elles ont à opérer pour les 25 prochaines
années. On connaît les maladies, on connaît les produits. Ce
qu'on ne sait pas, c'est quand la maladie va se déclarer, quel en sera
le rythme de progression. L'objectif qu'on a, c'est de la détecter le
plus rapidement possible, avant qu'elle atteigne un rythme de progression trop
dramatique, pour qu'on puisse la contrer. L'important, c'est d'avoir la
capacité de la contrer rapidement. (15 h 30)
M. Frisque: Si je vous suis bien, cela signifierait qu'un
ministère ou un organisme constitue des stocks importants de produits
antiparasitaires au cas où une épidémie se
déclarerait du jour au lendemain. Cela va entraîner un autre
paquet de problèmes. J'imagine que votre collègue du Conseil du
trésor va être étonné, si on lui dit: Cela nous
prend x milliers de gallons de tel et tel produit, parce que d'ici cinq ans,
telle épidémie va peut-être apparaître.
Si on fait une comparaison avec le domaine biomédical - et mon
collègue de l'Institut Armand-Frappier pourrait vous en parler amplement
- on sait que tous les ans à peu près, il y a un nouveau virus de
grippe qui va apparaître au Québec, au printemps. On a beau le
savoir, on connaît très bien la population, on connaît la
grippe, cela fait longtemps. Chaque fois, on est pris - excusez-moi
l'expression - les culottes à terre, parce que c'est une nouvelle
variété de virus grippal qui apparaît. On peut imaginer la
même chose pour les micro-organismes ou les éléments
pathogènes en forêt. La tordeuse. On peut avoir différentes
sortes de tordeuses. On peut avoir différentes sortes d'insectes. On
peut avoir un pathogène qui, une année devient très
virulent, à la suite d'un ensemble de conditions microclimatiques qu'on
ne peut pas toujours
connaître à l'avance. Le nombre d'inconnues est i assez
important. Ce que vous dites est très vrai, mais étant
donné cet élément d'incertitude sur la cible exacte contre
laquelle il faudra intervenir, cela supposerait qu'on ait à notre
disposition des stocks de produits absolument énormes.
M. Charbonneau: Non, pas nécessairement. Quelle est la
différence entre une entreprise qui va soumettre ses projections ou ses
plans à une audience publique et une entreprise qui ne le fera pas?
Quelle est la différence dans les deux cas? De deux choses l'une: ou ils
vont avoir besoin de stocker, ou ils ne stockeront pas pour les raisons que
vous dites. Mais cela ne change rien par rapport au mécanisme
d'audiences publiques. Je ne vois pas le rapport entre ce que vous dites et le
fait qu'une audience publique mettrait des bâtons dans les roues aux
entreprises qui font l'exploitation de la forêt. C'est là que ne
je ne vois pas le lien.
M. Frisque: Vous connaissez beaucoup mieux que moi le processus,
la dynamique interne des audiences publiques. On peut difficilement, de
façon réaliste, en étant honnête, dire: Notre besoin
se situe à tel niveau, sur un horizon de cinq ans. C'est-à-dire
qu'on doit présenter une gamme. Nos besoins vont se situer entre x et x,
plus une autre quantité.
M. Charbonneau: Au lieu de parler en termes de besoins, je n'ai
pas l'impression que ce que les gens veulent nécessairement savoir, ce
soit le stock. C'est plutôt comment les gens entendent intervenir s'il se
produit un certain nombre de situations. Ce qu'ils veulent savoir, c'est
comment les entreprises vont réagir selon les situations qui pourraient
survenir. L'entreprise peut très bien dire: Voici, on a une
variété de produits à notre disposition, et il y a un
certain nombre de maladies connues. Selon la façon dont cela va se
développer, voici l'arsenal qu'on a à notre disposition, quelles
seront les conséquences de l'utilisation qu'on en fera, selon les
dosages et la nature du terrain où on a à intervenir.
M. Frisque: L'intervention en forêt contre les
problèmes entomologiques ou pathologiques coûte cher. J'imagine
qu'il n'y a pas un seul industriel ou un seul ministère qui va dire: On
a du stock, tant qu'à faire, on va arroser. Comme ceia leur coûte
de l'argent, ils interviennent uniquement quand c'est absolument
nécessaire. On a déjà là une garantie que ce n'est
pas un chèque en bianc qu'on signe aux intervenants en forêt en
leur disant: Allez-y les petits gars et arrosez tant que vous voulez. Cela ne
les amuse pas, cela leur coûte de l'argent. On est assuré qu'il y
aura un usage minimal.
Quand on dit au départ qu'il y a deux produits qu'on juge
admissibles, le B.t. et le glyphosate, c'est qu'on a au minimum certaines
vérifications qui ont été faites qui nous permet- tent
d'être quasiment affirmatifs en disant: II n'y a pas d'impact
négatif, ni pour la santé humaine, ni pour l'environnement.
À ce moment-là, je ne vois pas que les audiences publiques
apportent comme éléments supplémentaires. Vous venez de me
dire: Ce n'est pas une question de quantité qui est le problème.
Vous avez l'air de sous-entendre que la réponse des audiences publiques,
cela va être tout à fait oui ou tout à fait non
vis-à-vis de tel produit, sans tenir compte des quantités
impliquées ni des besoins.
Je crains aussi l'aspect très émotif des audiences
publiques. Les forestiers, en général, ont un examen de
conscience à faire. Ils n'ont pas su transmettre un message acceptable
par l'ensemble de la population. Il est évident qu'il y a beaucoup de
réactions émotives qui souvent ne sont pas basées sur des
faits. Le monde forestier a comme devoir de présenter la
réalité avec des situations beaucoup plus claires, beaucoup plus
précises et d'expliquer aux gens qu'il y a des nécessités
auquelles il faut répondre. Ce serait absolument aberrant de la part
d'un gouvernement comme le gouvernement du Québec de consacrer des fonds
importants au reboisement, ce qui est indispensable pour la forêt et pour
l'économie de la province, et de dire ensuite: Bon. On a mis notre
argent en terre, et on le laisse étouffer. On le laisse mourir parce
qu'on ne veut pas se donner les moyens de contrôler notre investissement
et de le faire fructifier.
M. Charbonneau: Est-ce que vous ne trouvez pas néammoins
raisonnable le fait que sur une base de 5 ou 6 ans, on puisse vérifier,
au-delà du processus d'homologation, les impacts environnementaux de
l'utilisation d'un certain nombre de produits, parce que dans le processus
d'homologation, ce ne sont pas nécessairement les impacts
environnementaux qui sont évalués, d'une part,* et d'autre part,
parce qu'on a appris hier, au sujet des processus d'homologation et de
vérification par des entreprises, qu'il y avait une entreprise
américaine, entre autres, qui en avait falsifié pour 100
produits... Vous êtes citoyen d'un secteur et vous voyez une entreprise
qui vient déverser des produits chimiques. Il me semble que vous avez le
droit d'en savoir un peu plus, et pas uniquement par une campagne de relations
publiques, donc, le droit d'avoir la capacité de réagir et de
poser des questions.
Encore une fois, est-ce que vous ne reconnaissez pas que, dans le
passé, les audiences publiques ont permis de connaître des choses
qu'on avait mal évaluées ou sous-évaluées, y
compris de la part de scientifiques? Si les audiences publiques avaient
été si mauvaises que cela, pourquoi le ministère de
l'Énergie et des Ressources, il y a 4 ou 5 ans, aurait-il stoppé
son programme d'arrosage? Parce qu'on avait dénoncé l'utilisation
d'un produit pour finalement opter pour un autre produit. C'est parce qu'il y a
eu des audiences publiques qui, à un moment donné, ont
amené un débat. Il y avait sûrement
de I'emotrvrte, mais il devait y avoir suffisamment d'arguments valables
dans ce qui a été présenté pour en arriver à
la conclusion que le produit qui était mis au pilori ou attaqué
par la populace était suffisamment dangereux pour qu'on
reconsidère finalement l'option de l'utiliser.
M. Frisque: Je voudrais peut-être clarifier ma position,
enfin la position des universitaires que je représente en partie. Nous
ne sommes certainement pas des ennemis inconditionnels des audiences publiques,
loin de là. C'est évident qu'il faut avertir la population et,
comme vous l'avez mentionné tantôt, c'est très important de
s'assurer qu'à chacune des étapes, des moyens de contrôle
efficaces soient prévisibles. Dans le mémoire que nous avons
soumis, nous allons même plus loin que le gouvernement. À un
certain moment, le projet qui est sur la table dit: "Le promoteur demeure
responsable de l'évaluation et du suivi de l'application de pesticides."
Textuellement, c'est ce qui est dans le texte, qui est proposé par les
deux ministères. Puis nous ajoutons, je vous lis le texte: Nous croyons
utile qu'un éventuel règlement précise que les
contrôles de qualité des produits soient obligatoirement
effectués par, au minimum, un laboratoire indépendant du
promoteur et du manufacturier." Donc, nous sommes tout à fait conscients
des dangers de laisser à un seul organisme la tâche de
contrôler le produit et d'en assurer l'utilisation. C'est pour cela que
nous insistons pour qu'un organisme indépendant fasse des
vérifications. Alors, au point de vue sécuritaire, je crois que
toutes les sécurités vont être prises. Le
phénomène des audiences publiques, si on a certaines
réticences dans le dossier qu'on traite aujourd'hui, c'est parce qu'on a
pu constater dans le passé qu'il y avait énormément
d'émotion, et je crois que ce n'est pas la façon la plus efficace
de s'assurer que les meilleures décisions soient prises. Si on veut
faire un processus d'éducation de la population, des scientifiques, des
députés, de tout le monde, faisons-le d'une façon
rationnelle et non dans un contexte d'audience publique où il y a un
brassage d'idées et d'opinions qui, parfois, sont basées sur des
faits extrêmement, enfin, généralement mal
établis.
Mon collègue, si vous le permettez, aurait un mot à
ajouter.
Le Président (M. Parent, Bertrand): Oui, M. Arella.
M. Arella: M. le Président, si vous le permettez, je
pourrais peut-être ajouter que pour le processus d'homologation des
biopesticides, entre autres, il n'y a pas de règles bien précises
à ma connaisance au Canada. Il serait important aussi d'établir
ces règles, tout en sachant qu'à long terme, il faudra les
modifier par rapport aux connaissances qu'on aura acquises avec
l'expérience. C'est un peu absurde ce dire cela, mais c'est un fait. On
a mentionné ce matin l'utilisation de DDT dans les forêts il y a
quelques années, produit qui a ensuite été enlevé.
C'est un fait que plus nos connaissances avancent, plus on peut établir
des règles bien précises, pour être très sûr
d'un niveau de biosécurité maximal.
M. Charbonneau: D'une certaine façon, ce que vous venez de
nous dire, c'est qu'il faut se méfier un peu de Ici valeur du processus
d'homologation parce que, justement, les connaissances scientifiques
évoluant au rythme que l'on connaît en ce siècle, ce qui
était vrai il y a dix ans est moins vrai cinq ans ou sept ans
après.
M. Arella: Non. C'est un fait, mais maintenant, on a quand
même des moyens techniques, des moyens moléculaires tellement
précis qu'on peut être à peu près sûrs
d'être proches de la réalité en homotoguant un produit,
à savoir qu'il ne sera pas dangereux pour l'environnement. Mais, il faut
toujours laisser une porte ouverte au doute, en tant que scientifique. C'est un
fait indéniable. C'est pour cela qu'il est tellement important que la
recherche dans le domaine des biopesticides et dans le domaine des pesticides
tout court, soit poursuivie, justement pour établir des barrières
assez précises qui peuvent quand même changer dans le temps, comme
je l'ai déjà mentionné.
Le Président (M. Parent, Bertrand): II reste une minute.
Avec l'accord de l'Opposition, M. le député de Drummond a une
dernière question.
M. Saint-Roch: À la page 12 de votre mémoire vous
mentionnez, et avec raison, qu'il y a 19 des 27 problèmes entomologiques
et pathologiques pour lesquels il n'existe aucun produit homologué. Vous
insistez aussi sur l'augmentation de la recherche. Mes questions seraient
celles-ci: À combien estimez-vous le montant d'argent nécessaire
annuellement pour rattraper le retard, s'il y a lieu? Quel devrait être
le mode de financement de cette recherche? Vous avez expliqué un peu
plus loin que vous préconisez que la recherche ait lieu dans les milieux
universitaires et à l'extérieur des ministères
concernés. Alors, quel devrait être ce montant annuel et quel
devrait être le mode de financement?
M. Frisque: Le montant annuel, ce sont les deux ministères
qui l'ont suggéré eux-mêmes. Ils parlent dans le document
d'une somme additionnelle de 3 000 000 $ par année. Donc, je fais
confiance à la planification financière du gouvernement. S'ils
proposent 3 000 000 $, probablement que c'est basé sur des
éléments extrêmement sérieux. En ce qui concerne la
répartition entre les dépenses qui sont effectuées
à l'interne et à l'externe, la seule chose que je peux vous
mentionner, c'est qu'actuellement, au ministère
de l'Énergie et des Ressources, le budget qui sert à
financer la recherche dans les universités est équivalent
à 5 % du budget de la recherche de ce ministère. Nous croyons que
c'est trop peu et que ces 5 % devraient être augmentés d'une
façon substantielle.
Le Président (M. Parent, Bertrand): Je vous remercie
beaucoup, M. Frisque. Cela écoule tout le temps qu'on avait. Au nom des
membres de la commission, M. Frisque et M. Arella, on vous remercie. Merci et
bon voyage de retour, messieurs.
On inviterait maintenant le Groupe de travail sur les pesticides, qui
doit nous faire la présentation de son mémoire, à
s'avancer. J'aimerais que le porte-parole du Groupe de travail sur les
pesticides s'identifie et présente les gens qui l'accompagnent.
M. Anderson (Perry): M. le Président, je m'appelle Perry
Anderson. Je suis accompagné de la présidente de notre groupe,
Mme Esther Goldenberg, et de mes collègues, immédiatement
à ma gauche, M. Bertin Trottier et, au bout de la table, M. Pierre
Lajoie.
Le Président (M. Parent, Bertrand): M.
Anderson, Mme Goldenberg, M. Trottier, M. Lajoie, on vous souhaite la
bienvenue.
On a un bloc d'une heure qui est mis à votre disposition. Vous
avez normalement une période de 20 minutes pour présenter votre
mémoire et, par la suite, il y a 40 minutes partagées entre les
deux formations politiques pour des échanges et des questions. On vous
écoute. (15 h 45)
Groupe de travail sur les pesticides
M. Anderson: Je vous remercie. Mr President, we realize that the
political paper on the use of pesticides in forestry management has profound
implications for many years to come not only on forestry management but also on
the environment. Unfortunately, our group did not have a great deal of time,
collectively, to consider all the implications of this political paper. So, we
felt that we would focus on the principles that will be used by the Department
of Environment to guide its rationale in the use of pesticides.
M. Trottier présentera le mémoire sur les principes.
Après la présentation de M. Trottier, M. Pierre Lajoie viendra
donner les impressions en général sur cette politique. Merci.
Le Président (M. Parent, Bertrand): Alors, je vous
remercie beaucoup, M. Anderson. Je demanderais maintenant à M. Bertin
Trottier de nous présenter le mémoire.
M. Trottier (Bertin): Merci, M. le Président.
Commentaires du Groupe de travail sur les pesticides sur la "Politique
d'utilisation des pesticides dans le milieu forestier". Première partie:
Introduction. Le document intitulé "Politique d'utilisation des
pesticides en milieu forestier" définit les préoccupations
environnementales du gouvernement du Québec et illustre
l'évolution qui s'est faite en matière de gestion des ressources
renouvelables depuis le début des années soixante-dix.
On doit, tout d'abord, féliciter le ministère de
l'Environnement et celui de l'Énergie et des Ressources de cette
initiative qui a donné lieu à cette politique. Le Groupe de
travail sur les pesticides tient aussi à remercier la commission de
l'aménagement et des équipements pour avoir sollicité son
opinion sur le document mentionné en titre, lui fournissant ainsi une
occasion de faire connaître certaines de ses préoccupations sur le
sujet.
Tout d'abord, le groupe de travail tient à préciser qu'il
souscrit au double objectif que l'on retrouve en leitmotiv tout au long du
document sur la "Politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier",
à savoir, premièrement, un souci d'assurer la santé
économique de l'industrie forestière, d'une part, et,
deuxièmement, un égal souci de préserver la santé
écologique, d'autre part. C'est l'opinion ferme du groupe de travail que
ces deux objectifs fondamentaux doivent être envisagés non
seulement comme étant d'importance égale, mais aussi comme
étant compatibles l'un avec l'autre et, en fait, complémentaires
l'un par rapport à l'autre. La recherche de l'atteinte de ces deux
objectifs devrait se faire selon une approche équilibrée,
favorisant ainsi une attitude de sensibilisation profonde aux problèmes
de l'environnement, une discussion constructive entre les intervenants et une
gestion saine des ressources forestières.
Deuxième partie: Observations et recommandations concernant les
six principes directeurs de la politique. Premier principe directeur:
l'utilisation des pesticides ne doit pas nuire à la santé humaine
ni aux écosystèmes. Le Groupe de travail sur les pesticides
reconnaît que ce premier principe est tout à fait louable au plan
théorique et qu'en tant qu'énoncé de base il a de fortes
chances d'être endossé par tous les intervenants. De même,
les divers objectifs qui en dérivent dans le cadre des deux grands
facteurs à considérer, l'humain et les écosystèmes,
offrent une cohérence tout aussi louable. Néanmoins, le groupe
estime que, malgré sa validité au plan théorique, ce
principe n'a que peu de valeur au plan opérationnel. Or, c'est
précisément sur le plan opérationnel que le groupe
souhaite que des résultats positifs soient obtenus et ceci, avec
efficacité.
Pourquoi ce principe risque-t-il d'être non opérationnel?
Premièrement, parce qu'en cas de litige on ne pourrait que difficilement
parvenir à le défendre réellement et efficacement. Dans
notre système juridique, le fardeau de la preuve
incombe à celui qui porte l'accusation. Or, compte tenu du temps
de latence qui s'écoule entre le moment de l'agression et celui de
l'apparition des effets nocifs, compte tenu également de la
multiplicité des facteurs d'agression (chimiques et autres) que l'on
rencontre dans un écosystème forestier, compte tenu, enfin, de la
complexité des interactions propres à ce même
écosystème, comment pourrait-on jamais arriver à prouver,
hors de tout doute raisonnable, que tel agent est la cause de tel dommage?
Une seconde raison qui rend ce principe non opérationnel vient du
fait que la polarisation qu'il suscite, c'est-à-dire nuire versus ne pas
nuire, devient elle-même génératrice de confrontation.
Face à cela, le groupe estime qu'il serait beaucoup plus
réaliste et profitable d'utiliser comme principe de base un
énoncé très proche de celui que l'on retrouve
effectivement au bas de la page 54 du document intitulé: "Politique
d'utilisation des pesticides en milieu forestier". À titre provisoire,
ce principe pourrait s'énoncer de la façon suivante: le
gouvernement et les intervenants s'entendent pour prévenir et
réduire au strict minimum les risques associés aux pesticides,
tant envers les humains qu'envers les écosystèmes, et pour
prendre des mesures efficaces à cet effet.
Examinons quelques-uns des avantages du principe que nous
suggérons. Premièrement, la concertation entre les intervenants
remplace la confrontation: au lieu de gaspiller leurs énergies dans des
directions opposées, les divers intervenants (ministères,
industries, consultants, représentants du public) doivent se rencontrer,
examiner toutes les facettes d'un problème et aboutir à un
consensus, ce qui est beaucoup plus productif que d'interminables poursuites
judiciaires. Deuxièmement, la nécessité de minimiser les
risques des pesticides oblige à une évaluation périodique
des risques à partir d'informations scientifiques (littérature
scientifique récente, données d'échantillonnage,
modélisation, etc.). Troisièmement, l'obligation de prendre des
mesures efficaces favorise une démarche positive et active qui implique
que seront mis en place divers mécanismes destinés à
assurer la représentativité et la participation active des
intervenants.
Pour assurer la mise à exécution de ce principe de risque
minimum, le groupe de travail suggère que son adoption soit assortie de
la formation d'un comité consultatif composé de
représentants des principaux ministères impliqués
(Énergie et Ressources et Environnement), de l'industrie, ainsi que du
public, dont la représentation serait assurée par des membres
éclairés et disposant d'une expertise en matière de
gestion des forêts, d'écologie, de techniques sylvicoles et de
pesticides. Le groupe suggère que ces divers représentants soient
nommés par le gouvernement sur recommandation des ministres titulaires
de ces deux ministères.
Deuxième principe directeur de la politique: le droit du public
à être informé et à se faire entendre. Le groupe de
travail est fondamentalement d'accord avec ce principe, ainsi qu'avec les
justifications apportées et les modalités concrètes dans
lesquelles il se traduira. Le groupe estime, cependant, que le rôle du
public devrait dépasser cette sorte d'attentisme en vertu duquel les
citoyens ne font, finalement, que réagir à des décisions
déjà prises. En effet, le public, estimons-nous, a aussi le droit
et le devoir de participer de façon éclairée et
responsable à la prise des décisions. Voilà pourquoi, en
guise de deuxième principe directeur, nous préférons
l'énoncé suivant: la gestion des forêts et leur utilisation
impliquent des décisions à court et à long terme,
decisions à la formulation desquelles le public doit participer.
Conscients de la lourdeur et du coût du processus d'audiences
publiques, le Groupe de travail sur les pesticides estime que la
présence des représentants du public au sein du comité
consultatif dont nous avons parlé plus haut permettrait d'assurer, en
partie, à la fois un rôle de participant et de surveillant.
Étant donné que ce comité consultatif serait normalement
astreint à la production d'un rapport annuel, la divulgation et la
justification de ses décisions deviendraient par le fait même
accessibles au public. Des mécanismes de dialogue entre le comité
consultatif et les groupes intéressés devraient être
prévus et fixés selon une périodicité telle que
l'on puisse concilier à la fois efficacité (décisions
prises à l'intérieur d'un cadre temporel raisonnable) et prudence
(évitement de situations progressivement irréversibles).
Troisième principe directeur de la politique: la forêt
publique constitue une ressource collective renouvelable à
protéger et à mettre en valeur; les pesticides homologués
font partie des outils utilisés à cette fin. Le groupe appuie
l'énoncé initial selon lequel "le nouveau régime forestier
fait du respect intégral de la capacité de produire des
forêts publiques une obligation légale"; il se réjouit
aussi du fait qu'il soit "dorénavant exclu que la satisfaction des
besoins industriels altère la capacité de produire de ces
forêts sur une base soutenue et permanente".
Toutefois, plus loin dans le texte, la façon dont on explicite et
justifie ce troisième principe nous entraîne dans une
dérive qui suscite des inquiétudes. En effet, le texte de la
politique propose, tout d'abord, un partage des tâches qui semble assez
équitable: "l'État fixe les objectifs et effectue le
contrôle alors que les industriels développent les
stratégies sylvicoles et mettent en oeuvre les moyens permettant
d'atteindre les objectifs de production qui leur sont fixés," (page 57).
Notons tout de suite un élément clé: on ne définit
pas en quoi consistera ce contrôle, comment ni à quelle
fréquence il sera effectué. On omet aussi de mentionner par qui
les résultats seront évalués afin d'en tirer les
renseigne-
ments pertinents, quel mécanisme en assurera des retombées
optimales et comment toute personne soucieuse du maintien de la qualité
de l'environnement aura accès à cette information.
De ce partage des tâches entre le gouvernement et les industriels,
on passe à l'affirmation que "ces responsabilités ne peuvent
être assumées qu'en permettant aux intervenants d'utiliser toute
la gamme des outils nécessaires à l'aménagement forestier.
Les pesticides font partie de ces outils". De là on arrive à une
sorte de constat d'échec* à savoir qu'il existe des moyens de
rechange aux pesticides, mais qu'ils ne sont pas encore "économiquement
viables". Et on arrive tout naturellement à la conclusion que "les
pesticides doivent faire partie de la panoplie des outils d'aménagement
forestier".
Là où nous voyons une dérive, c'est dans le fait
que l'on passe imperceptiblement de la nécessité de disposer de
moyens d'action à l'exclusion des alternatives aux pesticides,
auxquelles on refuse de reconnaître une viabilité
économique, pour terminer avec une soi-disant panoplie de moyens qui, en
fait, se limite à la panoplie des pesticides!
Là où cette dérive nous amène dans un
cul-de-sac, c'est dans le fait que pour protéger leurs investissements,
les utilisateurs auront toute liberté de n'utiliser que des pesticides
et ne seront astreints à aucune obligation de développer et
éventuellement d'adopter d'autres stratégies. Or, l'occasion
eût été ici, justement, très favorable pour
n'accepter de repli temporaire sur les pesticides que dans la mesure où
de sérieux efforts soient faits, soit pour développer de
nouvelles méthodes de lutte biologique, soit pour recourir à des
alternatives déjà à l'essai dans différents pays,
dont le nôtre, par exemple la lutte intégrée.
Conformément aux principes que nous avons énoncés
ci-haut, le groupe ne considère le repli temporaire sur les pesticides
comme acceptable que s'il est assorti de l'obligation non seulement
d'envisager, mais de promouvoir l'essai, dans les plus brefs délais, de
sérieuses tentatives d'alternatives aux pesticides et de soumettre les
résultats de l'approche alternative à une critique publique et
scientifique destinée à l'améliorer et à la rendre
opérationnelle le plus rapidement possible. En somme, le groupe estime
que, si l'on a pu définir de façon aussi précise le volume
des approvisionnements à assurer, il n'y aucune excuse pour s'abstenir
de la même rigueur scientifique lorsqu'il s'agit de protéger
l'environnement. Le principe de protéger l'environnement est au moins
aussi valable que celui de protéger les investissements.
Quatrième principe directeur: l'État et les utilisateurs
de pesticides en milieu forestier sont responsables du suivi et de l'incidence
environnementale des produits utilisés. Le groupe ne peut qu'être
d'accord avec un tel principe. Nous tenons, cependant, à souligner que
l'État et, par son entremise, le public font déjà un
très substantiel cadeau à l'industrie en assumant "l'entretien de
sections forestières non régénérées avant la
signature des CAAF" et la responsabilité "des superficies coupées
et mal régénérées avant 1987 ("back log").
Par ailleurs, nous sommes sceptiques en ce qui concerne la mission
confiée aux titulaires de CAAF d'"assurer le suivi adéquat de
leurs travaux", tant en raison de la faiblesse de leur expertise en ce domaine
que du caractère très vague de la mission elle-même:
"vérifier l'efficacité (...) et les incidences sur la
santé et l'environnement prévues ou non."
Ayant déjà acquiescé au principe de l'octroi d'un
permis de cinq ans pour des raisons d'efficacité, le groupe
désire exprimer énergiquement les conditions qui y sont
attachées: que les intervenants bénéficiaires prennent un
engagement formel et clairement défini quant à: 1° la mise
sur pied d'un programme de surveillance biologique et environnementale par la
mesure des impacts par des échantillonnages appropriés; 2° la
conduite de recherches en vue de mettre à jour des méthodes de
mesure d'exposition qui soient spécifiques, sensibles et fiables; 3°
la conduite de recherches sur des alternatives équivalentes ou
meilleures du point de vue environnemental et, enfin, 4° la conduite d'une
recherche environnementale adéquate, c'est-à-dire comportant un
inventaire systématique effectué sur une base annuelle et la
caractérisation des peuplements, l'étude de la biologie
fondamentale des déprédateurs et de leurs ennemis naturels, y
compris le facteur de résistance naturelle des plantes, le tout en ayant
recours à la télédétection et à la
modalisation informatique. (16 heures)
Quant aux cinquième et sixième principes directeurs, nous
sommes d'accord.
En résumé, en dépit de délais très
courts, le Groupe de travail sur les pesticides a tenu à soumettre son
point de vue sur la "Politique d'utilisation des pesticides en milieu
forestier". Dans l'ensemble, le groupe endosse l'esprit de ce document et tout
particulièrement ses deux objectifs majeurs, soit celui d'assurer la
santé économique de l'industrie forestière et celui de
préserver la santé écologique de l'environnement.
Face aux six grands principes sur lesquels s'appuie l'action
envisagée, le groupe de travail favorise une approche réaliste et
opérationnelle plutôt qu'une approche théorique et de
confrontation.
Premièrement, le groupe de travail rappelle aux
législateurs que toute intervention en matière d'utilisation des
pesticides en milieu forestier doit s'appuyer sur une évaluation
continue du risque et se donner comme objectif d'identifier les solutions et
les pratiques qui réduisent au minimum les dangers associés aux
pesticides tant envers les humains qu'envers les écosystèmes.
L'évaluation du risque doit se faire à partir des connaissances
scientifiques les plus récentes. L'intervention doit être
empreinte d'un
degré considérable de souplesse, de façon que les
solutions et pratiques retenues s'adaptent, en un processus continu, aux
conclusions de l'évaluation du risque.
Deuxièmement, dans la recherche de solutions aux problèmes
soulevés par l'évaluation du risque, le groupe de travail
favorise nettement la concertation entre les intervenants représentant
le secteur privé, le milieu gouvernemental et le public
québécois. À cette fin, le groupe de travail recommande la
création d'un comité d'experts représentant chacune des
principales catégories d'intervenants. Ces experts seront choisis en
raison de leur compétence en matière de gestion des forêts,
de techniques sylvicoles, d'écologie, de moyens de lutte contre les
nuisances, y compris ceux faisant appel aux pesticides chimiques et aux
méthodes alternatives.
Troisièmement, pour le groupe de travail, la gestion
forestière doit se faire selon une approche écologique et non
selon une approche agricole. À cette dernière, essentiellement
tournée vers la monoculture ou, à tout le moins, la culture
spécialisée, le groupe de travail reproche de fournir un terrain
propice au développement de déprédateurs et,
éventuellement, a l'utilisation de plus grandes quantités de
pesticides. De façon plus positive, le groupe de travail rappelle qu'une
gestion forestière s'ap-puyant sur des principes écologiques
permet d'exploiter les facteurs naturels de résistance aux
déprédateurs.
Quatrièmement, le groupe de travail recommande que soit mis en
place un programme permanent de surveillance environnementale et sanitaire dont
les données seraient disponibles au comité consultatif et,
à travers celui-ci, aux intervenants.
Cinquièmement, le groupe de travail recommande aux
législateurs de mettre en place un solide programme de recherche
fondamentale et appliquée en matière de gestion des forêts,
d'écologie forestière, de biologie des déprédateurs
et de leurs ennemis naturels, de toxicologie des pesticides et de
développement d'alternatives aux pesticides traditionnels.
En terminant, le Groupe de travail sur les pesticides veut faire
remarquer qu'en dépit du court délai qui lui était imparti
il a tenu à partager son expertise avec le législateur. Nous
serons heureux de répondre à toute demande d'information
additionnelle ou de collaboration.
Le Président (M. Parent, Bertrand): Merci, M. Trottier. Je
pense que M. Lajoie voulait intervenir à cette étape-ci. Il vous
reste trois minutes dans votre bloc de présentation.
M. Lajoie (Pierre): Je voulais souligner peut-être quelques
préoccupations particulières concernant la santé humaine.
Je voulais, tout d'abord, rappeler un certain nombre de faits. La relation
pesticides-santé humaine est assez bien établie et je ne
reviendrai pas sur la question puisque ce domaine a été
étudié, je pense, à fond lors du dépôt du
projet de loi sur les pesticides, l'année dernière. On sait que
l'exposition humaine à des pesticides dans certaines circonstances peut
causer un certain nombre de problèmes de santé, soit aigus, soit
chroniques; donc, il y a un risque potentiel à ce niveau. Un autre fait,
je pense, et plus particulièrement au Québec, c'est que
d'après l'analyse qu'on peut faire, en ce qui concerne la santé
humaine pour le moins, les études d'impact sur l'environnement ont
été loin d'être inutiles. Cela a été un moyen
très efficace d'avoir un meilleur éclairage sur l'utilisation des
pesticides comme telle, sur les impacts potentiels et cela a aussi forcé
les scientifiques, notamment ceux de la santé, à se documenter
davantage sur certains impacts possibles sur la santé humaine.
Actuellement, on propose deux scénarios qui sont assez distincts
basés, d'une part, sur l'utilisation assez intensive du B.t. qui
découle des études d'impact qui ont eu lieu sur la tordeuse des
bourgeons de l'épinette. Il y a des faits que je voudrais rappeler, en
ce qui concerne la santé humaines. Ce matin, je consultais un volume
récent de toxicologie humaine écrit par deux auteurs
renommés internationalement et il n'y avait pas un mot sur les
insecticides biologiques. Cela veut dire que, même en regardant partout,
cela n'existe pas, en tout cas, dans nos "text books", la toxicologie
reliée aux insecticides biologiques. Sur le glyphosate, il y avait
quelques lignes, tout au plus. D'emblée, on peut reconnaître que
le B.t. et le glyphosate sont deux insecticides qui, à cause de leur
structure même, représentent certainement des risques moindres que
beaucoup de produits chimiques qui ont été utilisés
précédemment. Un autre constat qu'on doit faire, c'est que les
connaissances sont assez limitées concernant l'évaluation des
impacts de ces divers produits sur la santé. Puis, même lors des
études d'impact ou des audiences publiques sur les arrosages contre la
tordeuse, les gens qui ont été mêlés à
l'évaluation des différentes solutions ont eu l'occasion, de
s'apercevoir qu'à l'homologation tous les produits biologiques
étaient traités assez différemment et qu'on était
très peu outillé, en général, pour se prononcer de
façon certaine sur les impacts. Donc, il y a vraiment un manque de
connaissance à ce chapitre-là. Cela ne veut pas dire que le B.t.
soit nécessairement dangereux. Je pense que les gens de la santé
sont convainvus que c'est plus sécuritaire que beaucoup d'autres
pesticides chimiques.
Le Président (M. Parent, Bertrand): Si vous le permettez,
votre temps est écoulé. Vous aurez la chance, dans les
réponses et dans les discussions, de continuer à passer vos
messages. On est obligé de se restreindre de cette
façon-là. Alors...
M. Lincoln: S'il veut prendre plus de temps,
on pourrait lui donner le consentement pour terminer.
Le Président (M. Parent, Bertrand): Oui. Est-ce que vous
en aviez encore pour quelques minutes?
M. Lajoie: J'en avais pour deux ou trois minutes au maximum.
Le Président (M. Parent, Bertrand): Bon, allez-y avec le
consentement. Oui, cela va? On va prendre cela sur leur temps.
M. Lajoie: En fait, ce qu'on peut conclure par rapport aux
études d'impact, c'est qu'elles ont une utilité certaine. Cela a
été mentionné par plusieurs personnes qu'il y avait un
besoin de faire de la recherche, de réviser les connaissances
scientifiques concernant l'utilisation des pesticides. Les études
d'impact sont un bon moyen de forcer périodiquement la révision
des connaissances scientifiques sur une question. Cela force aussi la mise en
place de programmes de surveillance autant environnementaux que sur la
santé humaine et c'est un très bon moyen de forcer la recherche
aussi. C'est-à-dire que cela force de nouvelles solutions et le B.t. en
est un très bel exemple.
Du point de vue de la santé humaine, pour conclure, il nous
semble assez clair que le scénario 1 doit être
privilégié. C'est une solution qui tient compte de ce qui s'est
fait Jusqu'à maintenant et qui propose, par contre, des assouplissements
à la formule d'étude d'impact et d'audiences publiques.
Notamment, il y a certaines suggestions qui pourraient être
apportées. Jusqu'à maintenant, les études d'impact et les
audiences publiques plaçaient les différents interlocuteurs
souvent après le fait, c'est-à-dire que, en vase clos, on avait
étudié le projet et cela arrivait nécessairement à
une polarisation et à une controverse devant le public. Le public et les
scientifiques devraient peut-être être associés davantage au
cours de l'élaboration des études d'impact. Cela
améliorerait sûrement l'efficacité par un processus qui est
certainement connu au ministère de l'Environnement, qui s'appelle le
"scoping". Si le B.t. et le glyphosate sont si peu dangereux, à ce
moment-là, on devrait passer à travers ce processus-là
d'une façon assez facile et assez aisée, et d'une façon
assez légère.
Le Président (M. Parent, Bertrand): Alors, merci beaucoup,
M. Lajoie. La parole est maintenant au ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Tout d'abord, M. le Président, je voudrais
remercier tout particulièrement le Groupe de travail sur les pesticides
et souligner qu'il a peut-être été un des groupes les plus
importants lors de l'élaboration du projet de loi 27 sur les
pesticides.
Je voudrais, encore une fois, dire officiel- lement en public tous mes
remerciements à Mme Goldenberg et à son groupe de consultants qui
sont vraiment une brochette de spécialistes les plus éminents
dans ce domaine, qui ont toujours utilisé une approche constructive - et
toujours comme bénévoles, ce qui a ajouté encore à
l'impact de leur travail - en essayant de chercher des moyens de solution
plutôt que de confrontation. En fait, ce mémoire qu'ils
présentent aujourd'hui témoigne, encore une fois, d'un objectif
d'essayer de chercher des solutions à des problèmes, tout en
maintenant des principes de base. Ces principes-là et tout ce que vous
avez décrit là-dedans me réjouissent beaucoup, parce que
cela traduit vraiment la pensée que j'ai. C'est bien vrai. Il y a
beaucoup de choses que vous dites où je retrouve vraiment mes
préoccupations, par exemple, lorsque vous dites: On doit tenir compte
autant du volume des approvisionnements que du souci de protéger
l'environnement. Cela doit être aussi important que le volume.
Peut-être qu'on ne s'est pas rattaché assez fort à toute
l'idée de la lutte intégrée contre les pesticides et des
moyens alternatifs.
Tout à l'heure, j'ai posé une question au groupe qui vous
a précédés et je faisais valoir que peut-être on n'a
pas pensé, non plus, à toute la problématique, au sens le
plus large, du type de forêt et du type d'aménagement de
forêt qu'on voudrait. Vous dites, par exemple: À cette approche
qui a été "essentiellement tournée vers la monoculture ou,
à tout le moins, la culture spécialisée, le groupe de
travail reproche de fournir un terrain propice au développement de
déprédateurs et éventuellement à l'utilisation de
plus grandes quantités de pesticides." Il croit que l'on devrait
s'appuyer beaucoup plus sur des principes écologiques que sur des
principes de simple gestion pour produire de plus en plus, parce que les
pesticides vont nous aider d'un jour à l'autre.
J'aurais voulu que vous vous expliquiez davantage parce qu'un groupe
d'intervenants m'a dit exactement le contraire, que vraiment la monoculture
n'avait rien à faire, que, de toute façon, les
déprédateurs se seraient situés dans le décor. Je
n'ai pas envie de dresser un groupe de scientifiques contre l'autre et ce n'est
pas du tout le sens de ma question. J'ai toujours cru qu'il y avait une
interrelation entre le type de forêt et la façon dont on
aménage la forêt. J'ai rencontré M. De Coulon, un des
grands spécialistes de la forêt suisse, qui m'avait convaincu de
ça, qui m'a montré une forêt suisse. J'en avais même
parlé à mon collègue en revenant parce que j'étais
tellement impressionné par cette idée quand il me disait: On n'a
pas de tordeuse à cause de la façon dont on gère notre
forêt. J'aimerais connaître votre appréciation. Je ne sais
pas à qui on le demande si c'est au Dr Anderson "or somebody else". Je
parle de ça parce que vous y faites spécifiquement
référence. Quelqu'un a dû écrire ça.
Le Président (M. Parent, Bertrand): M.
Trottier.
M. Trottier: Merci. Si j'ai bien compris l'intervention
précédente, quelqu'un a mentionné qu'il n'y a pas de lien
entre l'origine d'une infestation et la monoculture, mais il demeure
indéniable que, lorsqu'on a une grande superficie d'une espèce
végétale donnée, l'on crée par le fait même
un excellent garde-manger pour un ou x prédateurs. Si j'ai bien compris,
intervention précédente était relative à l'origine
de l'infesta-tion. Oui, elle peut provenir d'un endroit où il y a
monoculture tout comme, semble-t-il, on nous l'a dit, cela peut provenir
d'endroits où il y a de l'hétéroculture.
M. Lincoln: Est-ce que toute la question de l'étude
d'impact et des audiences publiques est venue sur le tapis? Le Dr Lajoie a
apporté spécifiquement l'addition à votre mémoire.
En fait, vous dites quelque part - et cela m'a réjoui parce que je le
pense fondamentalement - que "le groupe estime que le rôle du public
devrait dépasser cette sorte d'attentisme en vertu duquel les citoyens
ne font finalement que réagir à des décisions
déjà prises". Alors, vous dites: II faudrait que le public puisse
participer. (16 h 15)
Vous dites quelque part dans votre mémoire que vous pensez que le
mécanisme d'audiences publiques est peut-être lourd et
coûteux et vous suggérez un comité consultatif où le
public serait participant. Moi, je veux vous demander, à vous, Dr
Lajoie, si vous voyez une contradiction entre les deux. Pourquoi n'aurait-on
pas un comité consultatif où il y aurait des représentants
du monde scientifique, des ministères, etc., qui pourrait faire une
surveillance et qui pourrait être une espèce de chien de garde,
mais en ayant, en même temps, au départ, une étude d'impact
et des audiences publiques, pour toutes les raisons que le Dr Lajoie a
soulignées? Est-ce que ce serait quelque chose qui serait envisageable,
à votre point de vue?
Le Président (M. Parent, Bertrand): M.
Lajoie.
M. Lajoie: Je pense que ce sont, en fait, deux propositions, deux
suggestions tout à fait compatibles. Personnellement, pour avoir
vécu un certain nombre d'études d'impact et d'audiences
publiques, cela s'avère souvent un processus qui est pénible
autant pour les scientifiques que pour les promoteurs et cela aboutit souvent
à une confrontation où il y a des accusateurs et des
accusés. Ce processus-là pourrait sûrement être
amélioré en intégrant les opinions avant d'en arriver
à des études d'impact coulées dans le béton, qui
ont été bâties par des experts qui ont a défendre
leurs prises de position sur papier.
Ce processus-là pourrait être facilité par des
regroupements. Ce pourrait être un comité consultatif, par
exemple, qui participe à l'élaboration, qui est consulté
à différentes étapes de la formulation et de
l'évaluation de l'étude d'impact.
M. Lincoln: D'accord, Dr Lajoie. Ma dernière question,
parce que j'ai envie de laisser du temps à mon collègue.
Peut-être que vous pourrez le convaincre, on a des positions un petit peu
qui se... On essaie de se rejoindre et de trouver un territoire commun. Moi, je
crois qu'on a quelque chose, là. Par exemple, moi, je suis d'accord avec
vous que tout le problème des études d'impact, bien souvent,
vient de la directive pour les études d'impact, qui est parfois
très très rigide. Alors, l'étude d'impact suit la
directive. À ce moment-là, vous connaissez le système. Je
pense, Dr Trottier, que vous avez déjà siégé comme
membre d'un comité du BAPE. Mais si, par exemple, votre comité
consultatif venait au départ et qu'il pouvait s'associer aux deux
ministères pour préparer une directive précise, claire,
qui irait dans le sens d'aller débrouiller ce terrain-là à
l'avance, et que l'étude d'impact... Nous, on a suggéré
cinq ans parce que je pense, moi, qu'une programmation à long terme,
c'est quelque chose de valable. Mon collègue a suggéré ou
bien un système régional ou bien un système compagnie par
compagnie. Moi, je ne suis pas d'accord avec le système compagnie par
compagnie; cette solution amènerait une pléthore d'études
d'impact. Mais la suggestion de le faire région par région, je
suis prêt à m'associer à cela, s'il y avait quatre grandes
régions, ou cinq grandes régions au Québec, je trouve cela
très valable. Il faudrait qu'à ce moment-là on fasse les
deux. On a un comité consultatif qui travaille peut-être avec des
membres du public, comme vous le suggérez, avec les spécialistes,
avec les ministères pour préparer une directive qui aboutirait
à une étude d'impact, ce qui, à ce moment-là
rendrait l'audience publique beaucoup plus simple.
M. Lajoie: Cela aurait sûrement des chances d'arriver
à une étude d'impact qui est beaucoup plus facilement
acceptée par la majorité. Il y a certaines études d'impact
et certaines audiences publiques, mais très peu ici au Québec,
qui ont été faites dans ce sens-là. On a même eu des
réunions d'un groupe de travail avec le public, avec certains
représentants du public qu'on savait intéressés à
la question et qui n'étaient pas nécessairement de l'opinion du
promoteur. Et souvent, tout simpilement en s'entendant au départ sur les
modèles utilisés, cela élimine beaucoup de controverses
lors des audiences publiques parce que, si d'emblée on arrive à
des audiences et que les gens d'opinion contraire n'acceptent pas du tout le
modèle utilisé...
M. Lincoln: Cela crée de la confrontation.
M. Lajoie: ...le modèle mathématique, c'est
foutu.
M. Lincoln: D'accord, moi, c'est tout ce que j'avais comme
questions.
Le Président (M. Parent, Bertrand): M. le ministre
délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est vrai que mon
collègue m'a mentionné un voyage en Suisse que je n'ai pas fait,
que je n'ai pas l'intention de faire, non plus, parce que je n'ai pas d'argent
à mettre à la banque. C'est le pays des banquiers.
M. Charbonneau: On est dans une période de vaches grasses.
Le ministre des Finances peut vous organiser cela. Cela vous ferait du
bien.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous parlez de
monoculture. Moi, quand j'ai commencé ma carrière de forestier,
je travaillais pour une compagnie forestière, il y a de cela pas loin de
40 ans, et dans ces années-là, on n'utilisait pas de phytocides,
de pesticides, etc. On travaillait, justement, pour faire exploiter et
récupérer du bois affecté par la tordeuse des bourgeons de
l'épinette. Aujourd'hui, on nous menace, on dit: Bien, si vous faites
des choses semblables, il y aura encore des épidémies de la
tordeuse des bourgeons de l'épinette. Je ne comprends pas. Je n'ai pas
le goût de dire que ce sont des affirmations gratuites, mais ce sont des
appréhensions. On dit: Ne faites pas cela, juste pour dire: Bien, ne
faites rien, attendez un petit peu. Cela m'agace un peu.
Dans votre mémoire, on nous dit que l'hypothèse 1 qui est
proposée n'est pas opérationnelle en référant aux
audiences publiques qui dégénèrent en confrontation et,
après, vous venez me dire: Bien, voyons, oui, cela le serait. Cela l'est
ou cela ne l'est pas. M. Trottier n'en parle pas, mais vous, vous en parlez, M.
Lajoie, vous dites: Dans le comité consultatif, c'est important, la
santé. C'est primordial pour moi, la santé et il faudrait que,
dans le comité consultatif, le secteur de la santé soit
représenté. Je ne sais pas si M. Trottier veut corriger son
texte, mais c'est cela.
M. Trottier: M. le Président, j'aimerais bien
préciser, d'abord, qu'il ne s'agit pas de mon texte, bien qu'on ait
peut-être deviné par le style que j'y avais mis la main de
façon assez active. C'est le texte qui est endossé par le groupe.
Maintenant, notre groupe de travail n'est pas le Parti communiste de l'URSS. Le
droit à la dissidence existe même au sein de notre groupe.
D'ailleurs, je pense que vous avez eu un mémoire allant dans une autre
direction, qui a été appuyé ici par un des membres du
groupe. Mais, dans l'ensemble, ce mémoire reflète certainement
l'opinion de la forte majorité du groupe. Maintenant, qu'il y ait des
nuances ici ou là et des divergences sur certains points, c'est tout
à fait possible.
J'aimerais juste revenir - un petit commentaire - sur la question qui a
été posée au préalable, à savoir si la
suggestion de former un comité consultatif pourrait se subsituer au
processus d'audiences publiques. Pas du tout, pas du tout, c'est en surplus. Et
une des raisons, c'est que, parce que plusieurs membres du groupe de travail
ont déjà touché de près aux audiences publiques,
soit comme participants, soit comme proches auditeurs, nous savons combien
c'est lourd, combien c'est coûteux et nous ne sommes pas tellement
convaincus que cela fait beaucoup avancer un problème. Donc, nous nous
disons: il faut qu'il y ait des balises, il faut qu'il y ait des moments
où on rend compte de ses actions. Et on se dit: Bon, tous les cinq ans,
ce n'est pas excessif, même si cela coûte assez cher.
Par ailleurs, on ne veut pas, comme groupe de travail, imposer pour
chaque situation, pour chaque pesticide, une étude d'impact
complète, parce que c'est trop lourd et trop coûteux. Le
comité consultatif, en ce sens, permet d'exercer une surveillance, oui,
d'avoir un rôle de chien de garde sur une base soutenue. Il permet la
présence du public, il permet au public non seulement de savoir ce qui
se passe, parce qu'il y a des rapports annuels, donc le public est
informé, mais il permet aussi au public de dire son mot. Ce sont toutes
des choses qui nous tiennent à coeur et, là-dessus, je ne pense
pas qu'il y ait de divergences au sein de groupe de travail. Mais c'est vrai
qu'il peut y avoir des points où nos opinions, individuellement, ne sont
' pas toutes unanimes sur tel ou tel point.
M. Côté (Rivière-du-Loup): On nous dit, on
nous propose même de faire des bilans avec des objectifs annuellement et,
dans la Loi sur les forêts, on oblige les industriels à faire des
plans quinquennaux, des plans généraux. Ces plans-là
pourraient être rendus publics, parce que le droit à l'information
du public et la réaction du public j'y crois, à cela aussi. De
cette façon, on connaîtrait tous les genres de travaux
d'aménagement qui sont prévus pour atteindre les objectifs
fixés par le ministère. Cette information
privilégiée de la part de chacun des promoteurs, de chacun des
intervenants forestiers, est-ce que ce ne serait pas suffisant pour permettre
au public de réagir? Et nous, avant de l'approuver au ministère,
nous pourrions faire en sorte, en collaboration avec l'Environnement et le
comité consultatif dont vous parlez, que les corrections soient faites
dans les plans d'exploitation prévus, c'est-à-dire les plans
quinquennaux et les plans généraux.
M. Trottier: Ce que nous revendiquons essentiellement, c'est que
l'information arrive suffisamment tôt pour que - encore une fois,
nous l'avons souligné dans le texte - des gens
éclairés et des gens qui ont des connaissances dans le domaine de
l'écologie, dans le domaine des forêts, comme vous l'avez
mentionné, et dans les domaines pertinents, soient informés
suffisamment tôt pour pouvoir faire valoir leur point de vue avant que
les décisions soient prises. Mais nous ne nous contentons pas de nous
faire dire: Eh bien, tenez-vous tranquilles, nous allons vous faire un rapport
annuel, ainsi qu'un rapport tous les cinq ans; c'est nous qui menons le bateau
et c'est nous qui décidons. Nous trouvons que traiter le public et des
groupes d'experts de cette façon, ce n'est pas les respecter et ce n'est
pas acceptable.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Où sont
localisés les experts? Est-ce que les industriels, les compagnies ou le
gouvernement n'ont pas d'experts dans cela?
M. Trottier: Ils en ont, mais, comme ils risquent parfois, sous
l'influence de certaines pressions économiques ou autres, d'être
un peu influencés dans leur jugement dans une direction donnée,
il est bon, au sein du même comité consultatif, qu'il y ait aussi
des gens d'autres allégeances, ce qui permet d'avoir un comité
avec une certaine objectivité. Certainement que les grands intervenants
de ce comité consultatif seraient les deux principaux ministères
ici au Québec, Environnement et Énergie et Ressources.
M. Côté (Rivière-du-Loup):
C'est-à-dire que certains groupes sont au-dessus de toutes les
contingences, de toutes les incidences, pressions, etc? Il y a des groupes qui
planent au-dessus de cela? C'est ce que vous voulez me dire?
M. Trottier: Non pas qu'ils soient au-dessus, mais qu'ils soient
formés de gens qui ont des points de vue différents et qui
viennent enrichir la discussion, qui viennent faire valoir des points de vue
qui, autrement, pourraient être éventuellement et malheureusement
oubliés, c'est-à-dire mener à des désastres.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, non.
Le Président (M. Saint-Roch): La dernière question,
M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Dans les facteurs
écologiques, si on n'intervient pas, parce qu'on fait une culture
écologique, avec des phytocides - on mentionne cela dans votre
mémoire - les feux de forêt, cela fait partie de
l'écologie, est-ce qu'on doit arrêter de les combattre?
M. Trottier: Je pense que le groupe de travail va se rallier au
public là-dessus et au simple bon sens et n'attachera pas d'importance
démesurée à cela.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie M.
Trottier, je vous remercie M. le ministre. M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, quand je regarde
l'attitude du ministre délégué aux Forêts, je me dis
une chose: J'ai eu raison, au cours des dernières semaines et des
derniers mois, de me demander jusqu'où le virage environnemental pris
officiellement par le gouvernement est partagé par l'ensemble des
membres du cabinet. Seulement la façon dont vous réagissez face
à un groupe comme celui-ci, qui amène une thèse
différente de celle qu'on a entendue depuis des heures et des heures,
est une indication qu'il ne faudrait pas qu'il y en ait beaucoup comme vous
dans le cabinet pour que le virage environnemental ne veuille pas dire grand
chose.
On a devant nous un groupe de gens qui, a priori, ne sont pas des
"flyés". On ne peut pas les cataloguer comme étant des farfelus.
Ils font la démonstration par leur façon d'être, par leurs
propos et par l'argumentation qu'ils développent, non seulement de
l'importance des audiences publiques, mais de la façon dont on peut en
tirer profit.
C'est notre conviction profonde de ce côté qu'on a souvent
tendance à s'imaginer que les audiences publiques, c'est seulement
l'affaire de fauteurs de troubles ou de gens qui ne connaissent rien, qui se
laissent influencer et embarquer dans une dynamique de panique ou
d'émotivité et qui ne sont pas capables d'apporter des
explications raisonnées, des arguments ou des contre-arguments, qui vont
finalement embêter tout le monde et ralentir tous les processus. J'aurais
aimé entendre le ministre réagir aux arguments du Dr Lajoie
tantôt, lorsqu'il a énoncé les avantages des études
d'impact. Je les rappelle: 1° la capacité de mettre à jour et
au point les connaissances scientifiques - j'ai de la misère à
lire son écriture - 2° forcer la mise en place de contrôles,
3° l'utilisation de ce mécanisme pour amener le développement
d'alternatives.
Une des questions que j'avais, que le ministre finalement posée
et à laquelle on a répondu, c'était: Est-ce que le
comité en question, vous le voyez comme une alternative ou comme un
remplacement aux audiences publiques et aux mécanismes d'étude
d'impact? Vous avez dit non à ça et cela me rassure. (16 h
30)
Je voudrais peut-être profiter de votre expertise pour vous
demander ce que vous pensez du processus d'homologation des produits chimiques
actuels, ceux actuellement privilégiés par l'industrie ou
d'autres qui pourraient l'être éventuellement. Doit-on tenir cela
pour un acquis scientifique, une garantie mur à mur, sans
problème et une garantie suffisante pour donner carte blanche à
l'industrie pour les 25 prochaines années? Une fois qu'elles auront
signé un contrat avec le ministre délégué aux
Forêts, il n'y a plus de problème, c'est homologué, alors
donnons-leur
la permission. Certains sont même venus nous dire hier que tout
produit homologué devrait être utilisé sans aucun autre
moyen de contrôle, sans audience publique ou autre, par les entreprises.
Avez-vous une opinion particulière sur le processus d'homologation, sur
sa validité et sur la confiance qu'on doit avoir dans cette
étape?
Le Président (M. Saint-Roch): Dr Trottier.
M. Trottier: Merci, M. le Président. Le processus
d'homologation du Québec et, finalement, celui du Canada sont en
réalité un processus d'homologation américain. C'est un
outil et un outil qui a ses limites. Ce n'est pas la fin de l'histoire;
l'homologation n'est qu'une étape. À un moment donné dans
le temps, avec la meilleure information disponible à ce
moment-là, on statue, on se prononce. Cela ne veut pas dire qu'on soit
sûr qu'il n'y a pas de danger ou qu'il y a du danger. C'est le meilleur
jugement que l'on peut poser à ce moment-là avec l'information
scientifique qu'on a à ce moment-là. On a bien vu dans l'histoire
- je n'apprends rien à personne ici - des exemples comme la thalidomide,
le DDT et d'autres où, malgré des jugements qu'on pensait bien
fondés pendant toute une période de temps, on s'était,
malheureusement, trompé.
Donc, l'homologation est un processus humain fait avec les connaissances
qu'on a à un moment donné et c'est le meilleur outil qu'on a; il
n'y en a pas d'autres. Si on ne fait pas l'homologation, quelle est
l'alternative? C'est, excusez l'expression anglaise, le "free for all". Cela
veut dire que quelqu'un décide de fabriquer quelque chose et de
l'employer où il veut, quand il veut, sur ce qu'il veut, et on n'aurait
pas de contrôle légal pour empêcher la chose.
Là-dessus, le Québec n'est pas du tout un cas unique. On est
simplement une partie dans un immense ensemble mondial où on se donne
des règles du jeu avec l'homologation et on dit: Voilà, tel
produit peut servir à telle fin et on met des règles
d'utilisation. Personnellement, comme toxicologue, je me dis: Jusqu'à ce
qu'on ait plus d'informations scientifiques, si le produit est utilisé
dans ces conditions-là, j'endosse son utilisation. Dans bien des cas, un
calcul des risques pour les humains a été fait et on estime
habituellement qu'on doit se situer en deçà de une partie par
million et ainsi de suite. Et voilà! On l'utilise jusqu'à ce
qu'on ait un meilleur outil ou de meilleures informations.
M. Charbonneau: À votre connaissance, est-ce qu'on tient
compte dans ce processus des impacts environnementaux, de la nature des
écosystèmes où ces produits peuvent être
utilisés? Est-ce que les considérations environnementales entrent
en ligne de compte?
M. Trottier: Une partie d'étude a certaine- ment
été faite sur des espèces animales, mais des études
d'impact complètes, non; sinon, le coût de production deviendrait
tellement élevé qu'aucune compagnie ne serait capable de le
produire de façon rentable. Mais il y a certainement des études
animales qui sont faites, ainsi que des études de conjonction de deux
substances en même temps dans une même espèce. Il y en a qui
sont faites dans le processus d'homologation, oui.
M. Charbonneau: Dans le fond, vous nous dites que - et là,
vous m'arrêterez si vous trouvez que je charrie un peu - d'une certaine
façon, on a un processus de vérification et de contrôle,
mais qui n'est pas à ce point parfait, notamment parce que cela
coûterait trop cher de le perfectionner à un degré
suffisant, de sorte que, dans le fond, on utilise des produits et c'est l'usage
qui tient lieu d'expérimentation.
M. Trottier: Ce n'est pas tout à fait ça. M.
Charbonneau: Là, j'exagère.
M. Trottier: La toute dernière phrase est, justement, ce
que vous disiez, excusez l'expression, un peu du charriage.
M. Charbonneau: D'accord.
M. Trottier: La toute dernière. Pour le reste, je suis
d'accord avec vous.
M. Charbonneau: Alors, je retire la dernière.
M. Trottier: On est d'accord.
M. Charbonneau: Vous avez dit, à un moment donné,
dans votre mémoire: "L'État fixe les objectifs et effectue le
contrôle, alors que les industriels développent les
stratégies sylvicoles. Notons tout de suite un élément
clé: on ne définit pas en quoi consistera ce contrôle, ni
à quelle fréquence il sera effectué. " J'aimerais que vous
expliquiez un peu cette problématique des contrôles que vous avez
essayé d'apporter dans votre mémoire.
M. Trottier: L'idée de faire des contrôles est
présente dans la politique et nous l'endossons. Ce que nous lui
reprochons, c'est de ne pas être assez explicite, de ne pas fixer les
balises de fréquence dans le temps et de ne pas quantifier ou
préciser l'importance qu'on mettra à cette chose et ce qu'on
devra faire pour les faire, ces contrôles, comment.
M. Charbonneau: Comment verriez-vous cela, vous?
M. Trottier: Des contrôles de l'effet sur la faune, qu'elle
soit terrestre ou qu'elle soit aquatique, des effets sur les espèces
végétales,
sur les espèces concurrentes, etc. Qu'on aille vérifier in
situ, dans la forêt, les effets des opérations d'arrosage qu'on y
fait. En somme, du "monitoring". On ne définit pas
l'échantillonnage, le "monitoring".
M. Charbonneau: Dr Lajoie, tantôt vous avez apporté
un certain nombre de suggestions, en ce qui concerne les études d'impact
pour, peut-être, améliorer le processus. J'aimerais que vous
alliez un peu plus loin dans l'explication où vous avez introduit des
éléments de participation, a priori, d'un certain nombre
d'intervenants qui ne sont pas nécessairement associés au
départ à l'étude d'impact. Vous avez indiqué qu'il
y a des intervenants, qui ne sont pas normalement associés aux
études d'impact actuellement, qui devraient l'être dès le
départ. Éventuellement, iriez-vous jusqu'à suggérer
des modifications au règlement sur les études d'impact ou si,
à votre avis, ce que vous avez indiqué, ne devrait ou ne pourrait
s'appliquer que dans le cas de la politique d'utilisation des pesticides en
milieu forestier?
M. Lajoie: M. le Président, ce que j'ai dit peut
s'appliquer à l'ensemble du processus qui est utilisé pour les
études d'impact. Les études sont un peu controversées
selon ma perception à moi. Elles sont souvent beaucoup
controversées parce qu'il y a nettement une polarisation qui devient
évidente lors des audiences publiques. Les positions sont intangibles
parce que ce sont des positions qui ont été bâties à
travers des recherches pendant des mois et qui sont confinées dans des
documents. L'étude d'impact et les audiences publiques sur la tordeuse
ont été un exemple de cela. Mais il y a eu plusieurs autres
études d'impact qui ont été faites sur des dossiers
différents. J'ai eu l'occasion de voir un certain nombre de documents
qui ont été produits, entre autres, aux États-Unis,
où on faisait un peu le bilan du processus des études d'impact et
des audiences publiques. On arrivait à ce genre de conclusion.
Si on a un processus qui est complètement cloisonné,
c'est-à-dire où il y a un ministère qui donne des
directives à un promoteur et que le promoteur a recours à une
firme qui bâtit une étude d'impact avec des experts très
compétents, mais qui n'ont pas tellement de liens avec des gens qui vont
être appelés à critiquer l'étude d'impact, il y a
des gros dangers, surtout quand ce sont de grosses études d'impact,
d'arriver à des confrontations. Dans le fond, le processus qu'on semble
proposer, c'est qu'au niveau de la directive, à l'intérieur du
processus d'élaboration des études d'impact, on trouve des moyens
pour consulter les gens qui vont être amenés à critiquer
ces études d'impact. Le résultat net, c'est qu'il y a un plus
grand consensus et que c'est plus facilement accepté.
M. Charbonneau: C'est intéressant parce que, finalement,
ce que vous dites, c'est que l'industrie se plaint en fait, du climat qui
prévaut souvent dans ces audiences publiques et en arrive à
conclure qu'on devrait éloigner d'elle le plus vite possible et le plus
souvent possible ce calice. Autrement dit, eux autres, ils veulent le boire le
moins souvent possible. Vous, ce que vous dites, c'est qu'il s'agirait
peut-être de modifier un peu la façon de faire et qu'on pourrait
conserver à la fois l'acquis et le principe qui est derrière cet
acquis, mais, en même temps, éviter un peu les écueils que
représente le processus actuel. Je pense que le comité que le
ministre a mis sur pied à cet égard est à propos. Il est
peut-être temps de faire une évaluation après un certain
nombre d'années d'utilisation de cet outil pour voir comment on pourrait
l'améliorer.
M. Lajoie: II faut bien se rendre compte que notamment,
l'étude d'impact sur la tordeuse a vraiment été une
soupape, c'était vraiment la première étude d'impact
d'importance. J'ai l'impression que tout est un peu caricatural, autant les
positions du public, que celles des experts et du promoteur. Ce n'est pas
nécessairement une situation qui va se reproduire au cours des
prochaines.
M. Charbonneau: Autrement dit, on a été tellement
traumatisé par cette expérience que, finalement, on anticipe que,
dans l'avenir, cela va continuer d'être ce modèle, alors que ce ne
sera pas nécessairement le cas. Cela pourrait ne pas être le cas,
surtout si on apporte des modifications.
M. Lajoie: Personnellement, c'est mon opinion, mais c'est
purement du domaine de l'opinion.
M. Charbonneau: Est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose,
monsieur?
M. Trottier: Non, j'aurais aimé poser une question, mais
peut-être sur une autre partie. Elle serait adressée à M.
le ministre de l'Énergie et des Ressources, mais je ne sais pas si c'est
conforme au règlement, M. le Président.
M. Charbonneau: Consentement de notre côté.
Le Président (M. Saint-Roch): Consentement. Vous pouvez
procéder, M. Trottier.
M. Trottier: Merci, M. le Président. Il s'agit d'une
question qui vient de moi, purement et simplement. Vous m'excuserez, M. le
ministre, de ne pas pouvoir vous dire à quelle page, mais je pense que
vous trouverez très bien où cela se trouve dans le texte.
À un endroit, on suggère que les programmes de
pulvérisation pourraient être confiés à des
sociétés. Vous voyez l'idée,
peu importe la page dans le texte. Ce que j'aimerais bien savoir, c'est:
Est-ce que cette suggestion est évoquée juste à titre
d'hypothèse, purement gratuite comme cela, ou si c'est assez
sérieux que l'on envisage au Québec de confier les programmes de
pulvérisation à des sociétés privées? Si
oui, j'aurais une remarque à faire.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est une
proposition qui a été avancée un peu dans le cadre de la
performance des sociétés de conservation. À la suite de
l'expérience et de la performance des sociétés de
conservation qui ont pris naissance il y a une vingtaine d'années on se
dit: Nous sommes partenaires avec l'industrie. C'est une proposition qui vient
de l'industrie et qui vient du gouvernement parce qu'on partage un peu les
responsabilités de la remise en production de la forêt et de la
protection de l'environnement, à 50-50, avec le Guide des
modalités d'intervention, etc. On le fait pour le fou et on se dit: Si
on protège la forêt contre le feu, pourquoi ne pas examiner la
possibilité de confier les arrosages à une société
de conservation ou de protection? C'est une proposition qui n'a pas
été retenue au ministère lors de l'étude de la loi
parce qu'on s'est dit: L'expertise et tout l'appareil pour détecter les
épidémies d'insectes, etc., sont concentrés au
ministère. C'est ce qui nous a fait hésiter et on hésite
encore avant d'aller plus loin dans cette orientation. C'est une proposition
qui a été avancée, oui.
M. Charbonneau: Allez-y. Vous y allez sur mon temps.
Le Président (M. Parent, Bertrand): Votre temps est
écoulé, de toute façon. Le député de
Verchères est très généreux, il n'a plus de
temps.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est toujours
comme cela.
M. Trottier: Est-ce que je pourrais ajouter un mot, M. le
Président?
Le Président (M. Parent, Bertrand): Oui, très
brièvement pour ne pas trop retarder.
M. Trottier: Ce serait simplement pour dire que, bien que,
peut-être en apparence, le groupe ait paru un peu considérer le
ministère de l'Énergie et des Ressources comme un mouton noir, ce
n'est certainement pas notre vraie perception, loin de là. Au contraire,
il y a des expertises très importantes que nous avons identifiées
et que nous reconnaissons au ministère de l'Énergie et des
Ressources du côté de l'échantillonnage, du
côté des mesures de trace, de l'évaluation dans
l'environnement. Ce sont là des expertises réelles que nous
reconnaissons volontiers.
Par ailleurs, s'il fallait que le Québec s'achemine vers la
création de sociétés privées pour la
pulvérisation des forêts du type de Forest Protection Ilimited du
Nouveau-Brunswick, je pense que le groupe de travail réagirait
très vivement parce qu'une société privée
contrairement à des ministres, n'est pas responsable devant
l'autorité d'une province. Une société privée
pourrait se permettre des abus à un moment donné et, voyant la
soupe trop chaude, pourrait simplement déclarer faillite, tandis que,
lorsqu'il y a vraiment une responsabilité ministérielle, on
demeure responsable devant l'Assemblée nationale et devant le peuple
québécois. Merci. (16 h 45)
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est une des
considérations qui font qu'on n'a pas donné suite à cette
proposition-là. On en a discuté au point de vue de l'expertise,
au point de vue des responsabilités. Il faudrait, comme vous le dites,
que le gouvernement, qui est propriétaire à 85 % de la
forêt au Québec, soit, évidemment, majoritaire partout de
façon à éviter ce que vous craignez si on allait plus
loin.
Le Président (M. Parent, Bertrand): Je vous remercie
beaucoup et je rappelle toujours aux intervenants qu'il est possible de se
parler en dehors des commissions parlementaires, sur le temps du
président. Alors, Mme Goldenberg, M. Anderson, M. Trottier et Dr Lajoie,
je vous remercie, au nom des membres de la commission, pour cette
présentation et on vous souhaite un bon retour.
Sans trop tarder, puisqu'on est en retard, je demanderais aux gens de la
Fédération des producteurs de bois du Québec de
s'approcher de la table des témoins. Mme Gauthier et M. Dallaire, je
crois. Alors, comme dans le cas des autres mémoires, il y a un bloc
d'une heure qui vous est réservé. Si on peut gagner quelques
minutes, tant mieux, sinon, vous avez droit à votre heure. Il y a 20
minutes pour la présentation de votre mémoire et les 40 minutes
qui restent sont partagées également entre les
ministériels et l'Opposition. Alors, je vous demanderais peut-être
de faire les présentations plus officielles et de procéder
à la lecture de votre mémoire.
M. Dallaire (Antonio): Merci, M. le Président. Je vous
présente ma compagne, pour la circonstance, Mme Johanne Gauthier,
ingénieur forestier, responsable des pépinières et du
reboisement à la Fédération des producteurs de bois et
moi-même, Antonio Dallaire, président de la
Fédération des producteurs de bois du Québec.
On est prêt à débuter?
Le Président (M. Parent, Bertrand): La parole est à
vous.
M. Dallaire: Merci.
Le Président (M. Parent, Bertrand): Allez-y, M.
Dallaire.
Fédération des producteurs de bois du
Québec
M. Dallaire: Alors, la Fédération des producteurs
de bois du Québec est engagée dans l'aménagement des
forêts privées depuis plus de quinze ans. Nous avons
contribué à mettre en place les organismes de gestion en commun
qu'on appelle communément OGC, organismes reconnus par le
ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec pour
appliquer le premier programme d'aménagement en forêt
privée. Par la suite, nous avons réclamé des programmes
accessibles aussi pour les propriétaires dont les lots ne sont pas sous
convention d'aménagement avec un OGC. Depuis 1986, le ministère
de l'Énergie et des Ressources a mis en place le programme d'aide
individuelle répondant ainsi aux nombreuses représentations de la
fédération et permettant aux propriétaires de
boisés privés d'obtenir de l'aide technique et monétaire
pour mettre en valeur leurs boisés.
Les propriétaires que nous représentons sont soucieux
d'assurer la pérennité de notre forêt pour les
générations futures. Pour y arriver, ils doivent utiliser tous
les outils disponibles et, parmi eux, on retrouve l'utilisation rationnelle des
pesticides autant pour protéger les boisés que pour assurer la
croissance optimale de leurs plantations.
Le gouvernement du Québec votait en décembre 1986 la Loi
sur les forêts qui change à partir d'avril 1987 les
modalités d'intervention en forêt. Ainsi les industriels
forestiers devront suivre les nouvelles règles de gestion sur les
territoires qui leur sont alloués et devront en assurer le
renouvellement en harmonie avec les divers autres utilisateurs. Le plan
quinquennal et le plan annuel d'intervention permettront aux
bénéficiaires des contrats d'approvisionnement et
d'aménagement forestier de présenter, pour approbation du
ministre, les activités d'aménagement forestier qu'ils entendent
réaliser sur les territoires qui leur sont alloués.
L'intensification de l'aménagement forestier, autant en
forêt privée que publique, représente des investissements
majeurs en forêt, investissements qui devront être
protégés contre les ravageurs tels que les insectes, les maladies
et le feu sans oublier la végétation compétitive qui
menace le succès de nos plantations. L'utilisation des pesticides en
foresterie demeure un outil d'aménagement essentiel pour les
sylviculteurs qui travaillent pour le renouvellement des forêts du
Québec. En passant, on pourrait qualifier cela de mal nécessaire,
mais qu'on doit utiliser tant qu'on n'aura pas de solutions alternatives.
La fédération remercie la commission de l'avoir
invitée à participer aux discussions en présentant ses
positions sur l'utilisation des pesticides en milieu forestier.
Considérations sur la forêt privée du
Québec. La forêt commerciale privée du Québec
totalise 112 500 kilomètres carrés, soit environ 15 % de la
superficie totale de la forêt commerciale du Québec. La
forêt commerciale privée prédomine en termes de contenance
totale dans trois régions du Québec, soit l'Estrie pour 96 %,
Montréal 66 % et Québec 63 %. Dans l'ensemble, la petite
forêt privée, celle regroupant des superficies de 800 hectares et
moins d'un seul tenant, est détenue par environ 120 000
propriétaires représentant près de 90 % de la superficie
totale des forêts privées du Québec, grandes et petites. La
superficie moyenne de la propriété forestière
détenue par un individu est de l'ordre de 40 hectares environ.
La Fédération des producteurs de bois et ses syndicats
régionaux affiliés représentent ces propriétaires
qui, à eux seuls, alimentent l'industrie forestière pour plus de
20 % de ses besoins en bois. D'ailleurs, nos objectifs visent principalement la
mise en marché du bois et l'aménagement de la forêt
privée du Québec. La fédération est aussi
impliquée depuis 1980 dans l'inventaire et la définition des
plans de mise en valeur des forêts privées. De plus, dans le cadre
du programme de reboisement du Québec, nous produisons près de 40
000 000 de plants annuellement pour le ministère de l'Énergie et
des Ressources. Nous nous impliquons également dans le domaine de la
recherche forestière. On vous fait grâce des tableaux.
Les pesticides en forêt privée. Les pertes de volume dues
à l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de
l'épinette. La fédération a rendu publique
récemment la mise à jour des prélèvements
admissibles sur le territoire de la forêt privée effectuées
en 1987-1988 en collaboration avec le ministère de l'Énergie et
des Ressources. Ces chiffres démontrent qu'un volume de près de 9
000 000 de mètres cubes solides de bois résineux a
été détruit lors de la récente
épidémie de la tordeuse, auquel s'ajoutent près de 13 000
000 de mètres cubes ayant été
récupérés alors. Au total, 21 500 000 mètres cubes
solides ont été retranchés du capital ligneux
résineux de la forêt privée québécoise, ce
qui représente un potentiel annuel de coupe de 605 000 mètres
cubes solides, soit environ 10 % du prélèvement admissible total.
Ce plus, on constate que l'épidémie de la tordeuse a aussi
affecté l'accroissement de la forêt se traduisant par une perte de
volume supplémentaire, mais très difficile à quantifier
présentement.
Les autres insectes. D'autres insectes peuvent aussi causer des dommages
importants à nos forêts et à nos plantations. Il ne
faudrait pas en négliger les conséquences. Je vous fais
grâce des noms scientifiques, mais on pourrait nommer le diprion, la
livrée des forêts, l'arpen-teuse de Bruce, qui sont parmi les plus
connus.
Le programme de reboisement. Nos pépinières. La
fédération et ses pépinières associées
produisent annuellement quelque 40 000 000 de
plants, principalement d'essences résineuses, destinés au
reboisement de la forêt privée.
La culture intensive de semis nécessite l'utilisation
d'herbicides, d'insecticides, de fongicides, de mématocides, de
répulsifs et de fertilisants dans le but de produire des plants dont la
qualité assurera le succès des plantations futures.
Depuis le 1er avril 1987, date d'entrée en vigueur de la Loi sur
les forêts, un certificat phytosanitaire est requis avant la livraison
des plants produits par toutes les pépinières du Québec
dans le but d'éviter la propagation d'insectes ou de maladies dans nos
forêts. L'application d'un tel contrôle exige des producteurs de
plants un suivi rigoureux de leur production.
La culture intensive de semis nécessite des traitements
préventifs. De plus, certaines interventions peuvent être
nécessaires afin d'éliminer les ravageurs qui menaceraient notre
production. L'utilisation de produits antiparasitaires est alors essentielle
pour les pépiniéristes soucieux d'assurer la qualité de
plants recherchée.
Nos plantations. Les propriétaires de boisés privés
reboiseront à compter de 1988 plus de 70 000 000 de plants annuellement.
Afin d'assurer le succès de ces plantations, l'utilisation d'herbicides
et de sylvicides demeure actuellement les seuls outils économiquement
valables pour permettre à nos jeunes arbres de se dégager de la
compétition. Tout d'abord, il peut s'avérer judicieux
d'intervenir sur les sites à reboiser afin d'éliminer la
végétation pouvant concurrencer les jeunes semis qui seront mis
en terre. D'autre part, il deviendra nécessaire de revenir visiter le
site de la plantation afin de voir si un entretien est requis. Bien souvent,
une et parfois deux interventions seront nécessaires. Sans ces outils
d'aménagement essentiels, nous ne pourrons assurer la reconstitution de
notre forêt dévastée par la tordeuse. Les principaux
produits utilisés sont présentement le glyphosate et la simazine,
tous deux homologués pour usage en foresterie.
Les jeunes peuplements. Plus de 50 % des superficies productives
accessibles en forêt privée sont constitués de peuplements
jeunes. Ils pourraient, éventuellement, bénéficier d'un
traitement de fertilisation afin de favoriser une meilleure croissance.
L'application de fertilisants constitue une technique sylvicole reconnue et
pouvant faire énormément bénéficier nos peuplements
forestiers en termes d'accroissement et de rendement.
Vers une politique d'utilisation raisonnable des pesticides en milieu
forestier. La forêt québécoise. Le document de support
proposé à la commission parlementaire sur la politique
d'utilisation des pesticides en milieu forestier fait ressortir l'importance du
secteur forestier au Québec, autant au niveau des aspects
écologiques que socio-économiques. De plus, on y présente
la nouvelle Loi sur les forêts dont le point central est le rendement
soutenu des forêts publiques que devront, dorénavant, respecter
les industriels et le ministère de l'Énergie et des Ressources.
Par la suite, on y détaille les stratégies d'aménagement
forestier qui devront être mises en oeuvre pour atteindre les objectifs
visés et dont fait partie l'utilisation judicieuse de pesticides en
milieu forestier.
La protection contre les forêts. La Fédération des
producteurs de bois du Québec entérine cet énoncé
de la problématique forestière québécoise et est en
faveur de l'approche intégrée développée par le
ministère pour la protection des forêts contre les insectes et
maladies, pour autant qu'on y inclue les forêts privées
québécoises. La situation vécue en forêt
privée lors de la récente épidémie de la tordeuse a
contribué à mieux faire comprendre aux propriétaires
forestiers l'importance des interventions du ministère en forêt
publique. On n'a qu'à se référer aux chiffres qu'on
dénonçait tout à l'heure.
Ils demeurent - on parle ici toujours des propriétaires -
toutefois conscients que seule l'urgence de la situation permet de justifier le
recours aux pulvérisations. Les propriétaires forestiers
souhaitent que des scénarios d'intervention en forêt privée
et publique soient mis en place afin d'assurer qu'on ne revivra pas la
situation dramatique du début des années quatre-vingt. À
cet effet, nous croyons essentiel qu'un système de protection contre les
ravageurs forestiers soit instauré en tenant compte davantage de la
forêt privée, complétant ainsi celui décrit dans le
document de support concernant les forêts publiques. D'ailleurs, nous
avions formulé le même voeu dans notre mémoire
présenté au Bureau des audiences publiques sur l'environnement,
en 1984. Ce système de protection devrait tenir compte de la nature
même de la forêt privée qui est beaucoup plus
morcelée que la grande forêt publique. Nous croyons que le
système de protection contre les ravageurs forestiers devrait s'inspirer
de celui développé pour la lutte contre les feux de forêts.
On sait que le Québec est d'ailleurs, présentement, la province
canadienne possédant la meilleure protection contre les incendies en
milieu forestier. Son système de gestion en matière de feux de
forêts est exporté dans le monde entier. Il permet de
protéger efficacement à la fois les forêts publiques et
privées du Québec.
Trois composantes nous semblent donc essentielles dans
l'élaboration d'un système de protection des forêts
privées contre les ravageurs, soit la détection, l'information et
le contrôle.
La détection. La nature variée des peuplements forestiers
de la forêt privée demande une plus grande intensité
d'échantillonnage afin d'y suivre l'évolution des insectes et
maladies pouvant les affecter. Il nous apparaît important qu'un suivi
aérien sur la défoliation de la tordeuse se réalise
régulièrement sur nos territoires, en tenant compte des
réalités de la
forêt privée. (17 heures)
Nos membres soulignent que la détection hâtive des
problèmes d'insectes et de maladies avertirait de la progression des
épidémies et permettrait ainsi une intervention hâtive. Si
vous me permettez, M. le Président, de sortir de mon texte pour vous
faire une suggestion qui fera l'objet d'une résolution lors de notre
assemblée générale annuelle des 9 et 10 juin prochains
dans la région du Saguenay. Comme moyen de détection, on
mentionne la multiplication des pièges à insectes au
phéromone qui sont très peu coûteux et qui, semble-t-il,
sont très efficaces. Nous souhaiterions que le ministère de
l'Énergie et des Ressources privilégie ce moyen. Ces
pièges pourraient être installés en bordure des
forêts habitées, et surveillés par des propriétaires
choisis qui seraient très heureux, semble-t-il, de coopérer
à la surveillance de ces pièges.
Le Président (M. Parent, Bertrand): M.
Dallaire, je veux juste vous rappeler qu'il vous reste cinq minutes et
vous avez encore beaucoup de matériel à livrer. Alors, si...
M. Dallaire: On va accélérer.
Le Président (M. Parent, Bertrand): Merci.
M. Dallaire: Ou on coupera sur la période de
questions.
M. Charbonneau: Là, vous allez couper sur notre temps.
Le Président (M. Parent, Bertrand): S'il vous
plaît!
M. Dallaire: On va faire cela vite. Alors, l'information.
L'augmentation en forêt privée d'un réseau
d'échantillonnage afin de dépister hâtivement les insectes
et maladies demeure une division structurée de l'information. Nous avons
constaté à maintes reprises que le manque d'information retarde
les réactions des gens du milieu. Ceci a pour effet d'amoindrir les
chances de lutte efficace, étant donné qu'en matière
d'insectes et de maladies le temps est l'élément principal pour
minimiser les pertes. Nous soulignons également que l'information est
toujours mieux diffusée lorsque celle-ci est réalisée par
l'intermédiaire des organismes concernés. Pour cela, nous
disposons d'un moyen comme l'hebdomadaire La terre de chez nous, nos
propres moyens de communication interne, sans compter ceux dont disposent nos
syndicats affiliés.
Le contrôle. L'ampleur des dommages provoqués par la
tordeuse des bourgeons de lépinette a conduit les propriétaires
forestiers à reconnaître l'importance de faire appel aux
pulvérisations afin de ralentir l'évolution des dommages en
forêt privée, et tenter ainsi d'en réduire les pertes. En
1985-1986, la fédération et ses syndicats affiliés ont
procédé à des pulvérisations aériennes avec
l'insecticide biologique qu'on appelle communément B.t. Les
propriétaires forestiers, dont la très grande majorité des
boisés se situe en régions habitées, souhaitent que des
interventions comme celles-là n'aient pas lieu au détriment de la
santé publique. Pour les propriétaires forestiers, l'utilisation
d'un insecticide biologique démontre une volonté de minimiser les
impacts des arrosages. C'est pour ça qu'on privilégie grandement
ce moyen.
Toutefois, devant l'importance des pertes encourues lors de la
dernière épidémie, et advenant la détection d'une
nouvelle infestation possible, la fédération juge essentiel que
les autorités gouvernementales réagissent de façon
très rapide afin de circonscrire le problème à la source.
Ainsi, si par le biais des inventaires annuels de population d'insectes, le
ministère détectait la présence de foyers d'infestation
sur les forêt privées ou publiques, laissant présager un
danger d'épidémie, la fédération serait d'accord
pour que le ministère intervienne immédiatement et avec les
moyens les plus efficaces qui soient. Nous savons que les insectes ne tiennent
pas compte des frontières entre les modes de tenure, et nous sommes
conscients qu'un foyer d'infestation pourrait être détecté
sur nos terrains privés. Dans ce cas, et dans ce cas seulement, la
fédération sanctionnerait l'utilisation sur des surfaces
restreintes (moins de 600 hectares) d'insecticides chimiques tels que le
fénitrothion - je m'excuse, j'ai toujours eu de la misère
à le prononcer - reconnus pour leur rapidité d'action et leur
efficacité. Il va sans dire que toutes les précautions
nécessaires devront être prises pour assurer la
sécurité du public. De même, il est essentiel de respecter
les zones tampons près des cours d'eau, des lacs, des chemins principaux
et des habitations.
Le contrôle de la végétation compétitive. La
fédération souscrit aussi aux besoins énoncés dans
le document de support relativement au contrôle de la
végétation compétitive. Les besoins de dégager les
plantations et les peuplements en voie de régénération de
la compétition qui les menace sont tout aussi pressants sur les
forêts publiques que sur les forêts privées; l'utilisation
d'herbicides et de sylvicides devient alors un outil d'aménagement
essentiel dans une politique de rendement soutenu.
Si on est pressés, on pourrait peut-être passer un peu...
On parlait de la recherche et du développement. C'est bien sûr
qu'on veut que le ministère accentue les moyens sur la recherche.
Les lois. Le document de support met ensuite en évidence les
nombreuses lois. Je pense qu'on est d'accord, en principe, avec toutes ces
lois-là aussi. Puis on parle de la Loi sur les pesticides qui propose
plusieurs règlements dont les objectifs sont la classification des
pesticides, de s'assurer de la sensibilisation et de la compétence des
personnes vendant et utilisant des
pesticides, de connaître les interventions et la circulation des
produits sur le terrain, de construire un code de gestion des pesticides.
La fédération est en accord avec les objectifs poursuivis
par cette loi et ses règlements, et croit que ceux-ci permettront une
utilisation plus rationnelle des pesticides en milieu forestier. Cela, toujours
avec le souci, bien sûr, de mieux protéger l'environnement.
À cet effet, les propriétaires aménagistes forestiers
utilisant des pesticides de classe 3, d'usage commercial, agricole ou
industriel, seront tenus d'obtenir un certificat attestant de leur
réussite à un examen prescrit ou reconnu par le ministère
de l'Environnement. La fédération a déjà
mentionné son accord pour ce nouveau règlement de la Loi sur les
pesticides.
On va aller à la page 16, les solutions envisagées.
À notre avis, cette solution est très difficilement
réalisable. On parle des premiers programmes, des solutions
envisagées. À notre avis, cette solution est très
difficilement réalisable car il est pratiquement impossible de
déterminer les interventions de protection à effectuer sur une
période aussi longue que cinq ans. On pourra, au plus, indiquer les
travaux susceptibles d'intervenir. Selon notre expérience en forêt
privée, la planification des travaux de cette nature est impensable sur
une période de plus de deux ans et ce, malgré le fait que nous
travaillions avec des surfaces beaucoup plus restreintes que sur les
forêts publiques. D'ailleurs, il s'avère très hasardeux de
prévoir quelles seraient les aires qui auront besoin d'une protection,
puisque beaucoup de variables que nous ne contrôlons pas interviennent.
Donc, rien ne permet d'assurer que les plans d'intervention proposés
pour une étude d'impact seront suivis à la lettre. Les forestiers
doivent s'attendre à s'ajuster aux éléments qui les
entourent.
Le Président (M. Parent, Bertrand): M.
Dallaire...
M. Dallaire: Oui.
Le Président (M. Parent, Bertrand): ...votre temps est
écoulé. Peut-être pouvez-vous juste nous lire la
conclusion? Je vous rappelle que tous les membres de la commission ont pris
connaissance déjà du...
M. Dallaire: D'accord.
Le Président (M. Parent, Bertrand): ...rapport et vous
pourrez, dans les questions qui vous seront posées, passer vos
messages.
M. Dallaire: On complétera dans les questions. D'accord.
On passe à la conclusion.
L'ampleur des dommages subis lors de l'épidémie de la
tordeuse des bourgeons de l'épinette et notre implication dans
l'aménagement des forêts nous incitent à croire que
l'avenir se prépare dès aujourd'hui. La solution à de tels
problèmes réside dans la mise en place d'un système de
protection des forêts contre les ravageurs, incluant les terrains
boisés privés et l'utilisation sensée d'outils comme les
herbicides et les sylvicides pour assurer la survie et la pleine croissance de
nos futures forêts. Devant l'avènement d'un aménagement
forestier intensif, il convient, selon nous, de protéger pour
récolter. La fédération, à cet effet, appuie la
deuxième solution proposée dans le document de support en
spécifiant, toutefois, que la lutte intégrée nous
réfère à plusieurs problèmes, donc, à
plusieurs solutions qui peuvent parfois nécessiter l'utilisation de
produits autres que le B.t. et le glyphosate.
Enfin, la fédération demeure convaincue que seules la
poursuite et l'intensification de la recherche et du développement
permettront d'améliorer nos méthodes de protection et d'assurer
la pérennité de nos forêts.
Nous remercions la commission de l'attention qu'elle porte à la
forêt privée du Québec. Merci.
Le Président (M. Parent, Bertrand): Je vous remercie
beaucoup de votre collaboration, M. Dallaire, et on s'excuse de vous bousculer,
mais...
Alors, sans plus tarder, je laisserais la parole au ministre de
l'Environnement.
M. Lincoln: M. Dallaire, tout d'abord, en vous remerciant pour
votre mémoire, je pense qu'il y a certaines choses très
constructives dedans qui rejoignent des suggestions faites par beaucoup
d'intervenants à l'effet de mettre l'accent sur l'intensification de la
recherche et le développement pour les méthodes et les
façons de faire alternatives. Vous avez aussi parlé des
pièges du phéromone dont on a discuté déjà.
Mon collègue et moi avons parlé de cela l'autre jour et, si on
pouvait ajouter aux 500 stations à peu près qu'on a maintenant,
sans doute que ce serait un grand pas en avant.
Pour ce qui est de la section de votre mémoire qui touche aux
recommandations du mémoire de base de la commission, de la politique de
la commission, je voulais vous poser une ou deux questions. Je vois que votre
intervention, si je peux la résumer, c'est de dire qu'il serait
impossible pour nous de faire des études d'impact pour cinq ans, au
maximum on ne pourrait pas aller plus loin que deux ans, et vous dites que vous
appuyez le scénario numéro 2, en fait, que vous voulez aller plus
loin, vous servir du fénitrothion pour les surfaces de moins de 600
hectares, et mêmes d'autres produits, si nécessaire, dans
certaines circonstances.
Je voulais vous demander ceci: Vous allez prévoir un programme
d'aménagement forestier, que vous allez soumettre au ministre
délégué aux Forêts pour cinq ans. En fait, c'est un
programme de cinq ans. L'idée de cinq ans nous est
venue de cela, pour harmoniser les deux. Comment est-ce possible de
produire un plan d'aménagement forestier de cinq ans, pour tous vos
membres? Ce sont des surfaces immenses, malgré tout. Malgré que
ce ne soit pas aussi grand que les forêts publiques, c'est quelque chose
comme, je ne sais pas, 169 000 kilomètres carrés. Et que vous
puissiez faire cela et que, malgré tout, vous trouviez en même
temps trop difficile de préparer un schéma ou une esquisse de
travail de protection de la forêt par les pesticides que vous recommandez
ou autres, pour la même période... L'un et l'autre ne vont-ils pas
ensemble, puisque vous-mêmes nous dites que les pesticides sont un outil
essentiel pour votre travail?
M. Dallaire: D'abord, je me permets une petite correction: ce
n'est pas nous qui proposons des plans de cinq ans; je pense que c'est
l'industrie qui est obligée de produire cela conformément
à la loi 150, si j'ai bien compris.
M. Lincoln: Ah bon, je comprends, oui.
M. Dallaire: En forêt privée, ce n'est pas tout
à fait le même scénario. C'est sûr que l'on produit
aussi des plans. On a ce qu'on appelle l'obligation un peu, si on veut par
exemple se prévaloir de la carte de producteur forestier, d'avoir des
plans simples de gestion, des choses de ce genre, mais on n'a pas tout à
fait la même obligation présentement que l'industrie sur la
forêt publique.
À nous, en tout cas, parce qu'on a cru détecter à
la lecture de ces propositions-là, la deuxième alternative nous
paraît quand même plus possible que la première parce que
c'est un petit... Par exemple, si on veut intervenir rapidement pour
réprimer une épidémie dès son début, si on
doit attendre un an ou deux ans et passer aux audiences publiques,
peut-être que l'épidémie aura le temps de prendre de
l'ampleur, et là on sera obligés de déverser des
quantités beaucoup plus grandes d'insecticide biologique ou chimique
pour contrer cette épidémie-là que si on a des moyens
efficaces de détection et qu'on peut intervenir dès le tout
début de l'épidémie. On va jusqu'à dire qu'on
pourrait peut-être autoriser l'emploi d'herbicides chimiques s'il est
reconnu que c'est beaucoup plus rapide, mais dans des cas très
extrêmes parce qu'en principe je pense qu'on est beaucoup en
désaccord avec l'emploi massif de produits chimiques. On dit que, si
c'est le dernier moyen, on pourrait l'autoriser, mais sur de petites
superficies et dans des cas spécifiques, justement quand il n'y a pas
d'autres moyens de contrer la propagation d'une épidémie à
son tout début.
M. Lincoln: M. Dallaire, je suis d'accord avec vous. Si vous
regardez la page 69 de notre politique d'utilisation des pesticides qui a
formé fa base de... Si vous avez le document, regardez le haut de la
page 69. Si vous lisez avec moi, on a prévu un mécanisme qui
permet de réagir à toute situation d'urgence, compte tenu que les
I interventions prévisibles seront analysées et qu'une approche
sera acceptée pour les cas imprévus. Ce qu'on suggère, et
c'est là qu'il y a peut-être un malentendu entre nous, c'est un
programme qui puisse être examiné pour le processus de
végétation des pesticides, en attendant qu'on trouve quelque
chose de mieux, puisqu'on est obligés de les utiliser malheureusement
pour un bout de temps. Pour le programme de végétation on dit:
Planifiez afin qu'on sache combien de territoires vous allez arroser, quels
sont les impacts sur l'environnement. Une chose dans cela: on prévoirait
un mécanisme qui, justement, vous donnerait des outils pour agir
d'urgence sur des petites surfaces avec des pesticides, puisqu'on saurait ce
que vous allez faire et quel pesticide vous allez utiliser. Si on faisait ces
deux choses, qu'est-ce que vous trouvez impossible là-dedans? C'est cela
que je voulais savoir. Peut-être avez-vous compris que, dans
l'alternative numéro 1, on ne permettait pas ce mécanisme. Mais,
en fait, on le prévoit ici.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dallaire (17 h 15)
M. Dallaire: Si des moyens peuvent nous assurer qu'il y aurait
peut-être un moyen d'intervention rapide qui nous permettrait de
poursuivre l'objectif premier qui est de contrer, dès son tout
début, la propagation d'une épidémie quelconque mais en
tout cas nous, à ce qu'on avait vu à la lecture du document et
quand on a étudié les deux alternatives, la deuxième nous
semblait beaucoup plus facile d'application que la première. Cela ne
veut pas dire, non plus, qu'on ne le souhaite pas. D'ailleurs, on mentionne
aussi dans notre mémoire que, même si un produit qui est
homologué présentement est employé et qu'on pense qu'il
peut être très peu néfaste pour l'environnement, on ne veut
pas qu'il n'y ait pas de suivi. Un produit peut être homologué
aujourd'hui et, dans deux ou trois ans, ne plus l'être. On doit quand
même continuer le suivi de tous les produits qu'on emploie quand on est
vraiment obligés de les employer, mais toujours en s'as-surant qu'il y
ait le moins d'impact possible sur l'environnement.
M. Lincoln: Je conçois avec vous que le scénario 2
est plus facile. Est-ce que c'est meilleur pour l'environnement, pour la
santé des gens, pour les citoyens? C'est la grosse question. C'est
peut-être meilleur à court terme pour la production parce que cela
ne vous donne pas d'embarras. Vous en avez deux qui sont homologués, qui
sont reconnus. Est-ce que l'autre mécanisme, ne serait pas mieux pour
tout le monde? Les citoyens qui ne sont pas impliqués dans la foresterie
sont aussi impliqués parce qu'ils vont subir les conséquences,
bonnes ou mauvaises, de tout cela. Si on pouvait les impliquer dans le
processus par une audience
publique qui serait ouverte, où on pourrait discuter de la chose,
à ce moment-là, au lieu de vous donner deux possibilités,
peut-être que vous suggéreriez comme vous le faites ici qu'il y
ait d'autres façons pour les urgences. Au moins, on saurait ce que vous
allez faire. Tandis que là, on vous donne comme une espèce de
carte blanche, ne sachant pas à l'avance comment vous allez vous en
servir. Je crois à votre bonne foi à 100 %, que vous allez vous
en servir de façon écologique, mais peut-être que votre
voisin ou le propriétaire d'à côté ne le fera pas.
C'est ce qui nous fait peur.
La dernière question que je veux vous poser. À la page 17,
vous dites: "Avec la première solution envisagée dans le document
de support, les industriels devraient prévoir jusqu'à huit ans
à l'avance des travaux." Est-ce que vous voulez parler de tout le
mécanisme de préparation des études d'impact? Est-ce que
c'est ce que vous voulez dire, que cela prendra huit ans?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dallaire. M. Dallaire:
Cela veut un peu dire cela. M. Lincoln: D'accord.
Mme Gauthier (Johanne): Est-ce que je peux...
M. Lincoln: Oui.
Le Président (M. Saint-Roch): Mme Gauthier.
Mme Gauthier: Je voudrais apporter une précision à
M. Lincoln. Dans le mémoire, on dit bien qu'on n'est pas contre les
études d'impact. On a étudié les deux solutions que le
document de support nous proposait en tant qu'organisme professionnel, et on a
conclu que la deuxième solution était plus abordable pour
l'instant. On n'est pas contre les études d'impact. Dans la
deuxième solution, de toute façon, on prévoit un
mécanisme d'étude d'impact pour tout nouveau produit qui pourrait
être homologué ou qui pourrait éventuellement devenir
intéressant d'utilisation en milieu forestier. Les études
d'impact ne sont donc pas mises de côté.
M. Lincoln: Ce n'est pas une critique. Vous avez deux choix. Vous
avez choisi ce qui vous paraît le meilleur. Je vous pose cette question
en dernier: S'il y avait un mécanisme - peut-être avez-vous
écouté les gens qui ont parlé avant - un comité
quelconque qui rejoindrait vous, le ministère, les groupes
d'intervenants représentant les citoyens ou des experts, un
comité consultatif quelconque qui pourrait déblayer le terrain au
départ afin que tout le monde sache où on s'en va pour qu'il n'y
ait pas cette procédure massive qui tienne le pavé pendant des
années, que tout cela soit mis au clair afin qu'on sache à
l'avance où on s'en va tous ensemble, à ce moment-là, s'il
y avait une étude d'impact et une audience publique qui seraient un
mécanisme rapide et efficace, est-ce que cela vous gênerait
d'avoir cela?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dallaire.
M. Dallaire: On n'a pas fait de consultation à ce sujet
parmi nos membres, mais mon opinion personnelle, c'est que je serais en faveur
d'un comité consultatif, pour autant qu'on aurait la possibilité
de se prononcer sur les gens qui composeraient ce comité. Dans notre
document, on a vu qu'on représente au-delà de 20 % de l'ensemble
de l'industrie. C'est peut-être dans vos préoccupations aussi de
nous inclure dans ce comité, comme représentants de la
forêt privée. Ce qui est important, c'est que les gens qui vont
composer ce comité consultatif proviennent de toutes les couches de la
société qui sont directement intéressées.
M. Lincoln: Je vais faire un petit "deal" avec vous. Si vous
êtes pour les études d'impact et les audiences publiques, pour ma
part je vous recommanderai sûrement pour le comité. Si vous pouvez
persuader vos collègues au sujet des études d'impact et des
audiences publiques, on va vous mettre dans le comité.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, comme dans cette
commission je me retrouve plus souvent du côté du ministre de
l'Environnement que du côté du ministre
délégué aux Forêts, je me trouve dans la situation
où, parfois, les questions que j'avais ont été un peu
éclaircies par les réponses apportées
précédemment.
Je voudrais revenir finalement... J'ai l'impression qu'il y a un
problème de compréhension qui est à l'origine de votre
jugement, de votre opinion sur le scénario 1. Quand on lit cela, on a
l'impression que vous voyez cela comme un lourd mécanisme qui ferait en
sorte que vous n'auriez pas la capacité de réagir rapidement
alors que ce que tous ceux qui sont plus en faveur du scénario 1... Moi,
j'ai dit clairement hier que, même le scénario 1, je trouvais
qu'il était trop lourd. Il faudrait l'alléger de telle sorte
qu'il soit plus opérationnel.
Disons qu'un scénario 1 amélioré, à notre
point de vue, permettrait à la fois une bonne rapidité
d'intervention et, en même temps, la capacité pour les citoyens
d'intervenir dans le processus pour préserver leurs acquis. À
cause de la Loi sur la protection de l'environnement, ils ont la
possibilité de participer au processus d'évaluation des impacts
environnementaux.
Est-ce qu'on peut considérer que votre fédération
serait favorable à la recherche d'un compromis ou d'un troisième
scénario qui vous
donnerait à la fois les garanties dont vous avez besoin,
c'est-à-dire capacité de réaction rapide et
adéquate aussi - parce que ce n'est pas seulement de réagir
rapidement, il s'agit aussi de réagir adéquatement aux
problèmes que vous rencontrez - et, en même temps, le maintien de
l'acquis qui constitue le droit des gens, des citoyens, des organismes qui sont
intéressés à participer à l'évaluation des
impacts environnementaux?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Dallaire.
M. Dallaire: Je pense que, à la lumière des
connaissances qu'on avait quand on a écrit ce document, c'est justement
le point que vous touchez, la lourdeur de l'application qui nous a fait porter
notre choix sur le deuxième scénario. L'option que vous
suggérez, comme le comité consultatif, dans ce temps-là,
on ne l'avait pas analysée. C'est pour cela qu'on n'en a pas tenu compte
dans notre document. En principe, on n'a rien contre. C'est sûr que, s'il
y a deux alternatives, il peut y en avoir une troisième qui peut
être aussi valable que les deux autres. Par contre, quand on a
écrit notre document, à la lumière de ce qu'on
connaissait, notre choix s'est plutôt porté sur la deuxième
solution, qui nous apparaissait beaucoup plus souple d'application.
M. Charbonneau: Vous n'aviez pas le mandat et vous ne vous
êtes pas cru obligés d'élaborer un troisième
scénario.
M. Dallaire: Non.
M. Charbonneau: Dans la mesure où les interventions et le
travail de la commission parlementaire en arrivent à identifier la
solution pour trouver un scénario qui serait acceptable aux uns et aux
autres, vous n'êtes pas fermés à cela.
M. Dallaire: Non, on n'est pas allés jusque-là.
Le Président (M. Saint-Roch): Mme Gauthier.
Mme Gauthier: En fait, ce qu'on dit dans le mémoire, c'est
que les insectes ne connaissent pas les modes de tenure, les limites entre les
deux modes de tenure privée ou publique. Ce qu'on veut, c'est que, s'il
y a des problèmes au niveau de la forêt publique, le
ministère de l'Énergie et des Ressources et les industries
forestières aient le loisir de pouvoir intervenir pour ne pas que cela
vienne finalement affecter nos forêts privées, et vice versa. Il
peut très bien y avoir des foyers d'infestation qui peuvent se retrouver
dans nos forêts privées, et on ne voudrait pas être
responsables d'une épidémie généralisée pour
le Québec.
Ce qu'on veut, c'est avoir les moyens d'intervenir en temps requis avec
les outils qui sont disponibles à l'heure actuelle. |
M. Charbonneau: J'ai l'impression que personne n'a le goût
de faire une muraille entre la forêt privée et la forêt
publique.
Mme Gauthier: C'est impossible.
M. Charbonneau: Premièrement, c'est impossible;
deuxièmement, je pense que tout cela pris dans sa globalité, et
la politique de l'usage des pesticides en milieu forestier, c'est l'ensemble du
milieu forestier, pas seulement le milieu forestier public. À cet
égard, c'est clair que les solutions qui seraient...
Vous étiez ici, juste avant vous il y avait le groupe de travail
sur les pesticides. Vous avez entendu les arguments en faveur des audiences
publiques. Je pourrais vous demander: Comment réagissez-vous,
finalement, à l'argumentation qui est militée en faveur du
maintien de ce mécanisme plutôt que de l'abandon?
Mme Gauthier: Excusez, mais on ne parle pas d'abandon du
mécanisme des audiences publiques, comme je l'ai expliqué
tantôt. Dans la deuxième solution, on préconise quand
même des audiences publiques sur d'autres produits,
éventuellement. Si on parle du B.t., il a déjà
passé par la procédure d'audiences publiques.
M. Charbonneau: Non, non, non.
Mme Gauthier: Bien oui. Si on assure un suivi adéquat de
l'utilisation de ce pesticide sur l'environnement, je pense qu'on devrait
continuer à l'utiliser. S'il y a d'autres produits qui pouvaient
éventuellement devenir intéressants pour utilisation en milieu
forestier et qu'on voulait en faire l'utilisation, on ne serait pas contre les
audiences publiques, au contraire. Le produit passerait par le processus
complet d'audiences publiques et l'étude d'impact et à ce
moment-là on pourrait l'utiliser, toujours en assumant qu'il y a un
suivi très rigoureux sur l'environnement qui se fait par la suite.
J'imagine que le ministre de l'Environnement va avoir cette
tâche-là par la suite.
M. Charbonneau: II a déjà cette
tâche-là en vertu de la Loi sur les pesticides.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Verchères. M. le ministre
délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président. Je connais l'importance de la forêt privée,
parce que vous avez perdu aussi - cela compte pour beaucoup dans le bilan
forestier du Québec - lors de lia dernière épidémie
de la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Vous avez perdu quoi? 22 000
000 de mètres cubes de bois,
à 30 $ le mètre cube? Cela fait pas mal d'argent. Tout
cela, ce sont les propriétaires privés qui l'ont perdu. On n'a
pas pu réagir assez rapidement. C'est venu de l'Ouest et cela a
traversé tout le Québec. C'est ce qu'on veut éviter, tout
en respectant l'environnement. Je ne crois pas que le scénario 2, le
scénario 2 modifié ou le scénario 1 modifié soient
irrespectueux de l'environnement, malgré ce qu'on veut laisser croire
des fois. C'est primordial de protéger la santé de
l'environnement. Mais je sais que vous avez souvent fait des sondages
auprès de vos membres. Vous avez fait des sondages auprès de vos
membres en ce qui concerne le dépérissement des
érablières. Vous savez que vous avez perdu 2 700 000 entailles ou
quelque chose de ce genre-là. Mais est-ce que vous avez fait des
sondages auprès de vos membres sur l'utilisation des produits chimiques
ou des produits biologiques pour protéger la forêt?
M. Dallaire: Disons qu'il n'y a peut-être pas eu de
sondages scientifiques comme tels, sauf qu'on sait depuis quand même
quelques années qu'on préconise de beaucoup l'utilisation des
produits écologiques. Comme je le mentionnais dans le mémoire,
personne n'emploie des produits chimiques de gaieté de coeur. On dit que
c'est un mal nécessaire auquel on doit recourir quand on n'a pas d'autre
solution alternative. C'est pour cela qu'on attache beaucoup d'importance
à la poursuite des recherches pour essayer de trouver le plus rapidement
possible des produits écologiques qui remplaceraient
éventuellement les produits chimiques qu'on est quand même un peu
obligés d'employer.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Dans la gamme de
travaux que le ministère préconise comme mesure incitative pour
faire les travaux d'aménagement en forêt privée, est-ce
qu'il y en a qui pourraient vous aider à éliminer l'usage des
phytocides et des insecticides? Je sais que, dans le cas du plant de l'Est,
tous les producteurs qui ont été contactés par le
gouvernement fédéral pour faire arroser leurs terrains au B.t.
ont dit oui.
M. Dallaire: Ah, oui.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Ils ont tous dit
oui, à 100 %. Et ma deuxième question: Est-ce que vous avez fait
des études pour comparer l'efficacité des produits chimiques et
celle des produits mécaniques pour combattre la végétation
concurrente? S'il ne poussait pas cinq rejets de souche pour combattre la
végétation lorsqu'on le fait de façon mécanique, si
on le faisait une fois seulement, cela aurait peut-être un peu d'allure,
mais il faut retourner souvent. Est-ce que vous avez fait des études
dans ce sens-là?
M. Dallaire: Je vais demander à Mme Gauthier de
répondre, c'est plus dans son domaine.
Le Président (M. Saint-Roch): Mme Gauthier.
Mme Gauthier: Pour répondre à votre première
question, M. Côté, comme le disait M. Dallaire, on n'a pas fait de
sondages très exhaustifs, sauf que la fédération a
procédé, en 1985 et en 1986, à des arrosages au B.t., un
peu comme il se fait dans le plant de l'Est cette année et,
effectivement, la réponse des producteurs a été
très bonne dans les zones qui étaient infestées et
où on avait déjà eu de lourdes pertes. Alors, en
1985-1986, on était déjà dans une période où
on essayait plutôt d'amoindrir les dommages. On a eu une très
bonne réponse et cela a donné de très bons
résultats parce que, les années subséquentes, les
populations d'insectes avaient déjà diminué. Alors, pour
ce qui est de l'intérêt des producteurs pour les produits
biologiques, je pense que cela a été clair dans les années
1985-1986.
Pour répondre à votre... (17 h 30)
M. Côté (Rivière-du-Loup): Traitements
chimiques, traitements mécaniques.
Mme Gauthier: Ah oui, les traitements mécaniques. À
la fédération ou même dans les syndicats de producteurs de
bois, à l'heure actuelle, il n'y a pas eu d'expérience comme
telle. Il y a eu certains travaux qui ont été faits par le biais
de programmes, de sociétés sylvicoles ou des programmes de
création d'emplois. On s'est rendu compte que les coûts
étaient très élevés et que, par la suite, la
végétation compétitive revenait de façon aussi
agressive. Alors, pour nous, pour l'instant, des méthodes alternatives,
on n'en connaît pas et on souhaite bien que la recherche fasse son bout
de chemin de ce côté-là.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Très bien.
Je veux vous informer que des pièges au phéromone, nous en aurons
1200 au Québec en 1989. Ceci nous aidera peut-être à
détecter des foyers d'infestation. J'apprécie votre offre de
faire faire les lectures par des propriétaires. J'espère bien
qu'on pourra aménager cette proposition. Je vous remercie.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre.
Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de
Dubuc.
M. Desbiens: Est-ce que votre groupe, la
fédération, a rencontré le comité Audet?
Mme Gauthier: À la fin du mois de juin.
M. Desbîens: C'est un comité qui a été
mis sur pied par le ministre de l'Énergie et des Ressources. Est-ce que
vous avez eu une ren-
contre avec eux?
M. Dallaire: Non, pas encore.
M. Desbiens: Déjà? Pas encore.
M. Dallaire: C'est prévu pour la fin juin.
Mme Gauthier: Fin juin.
M. Desbiens: Est-ce que vous entendez...
M. Dallaire: Présenter un mémoire?
M. Desbiens: ...faire de la politique concernant les pesticides
ou l'utilisation des pesticides en général un des sujets de
discussions.
M. Dallaire: On veut présenter un mémoire qui va
contenir à peu près tous ces éléments. C'est
sûr qu'on est très intéressé à faire
connaître la position de la Fédération des producteurs de
bois. Je sais aussi que la plupart de nos syndicats affiliés vont
également être invités à présenter des
mémoires et, à ce que je sache, la plupart de ceux-ci vont en
présenter.
M. Desbiens: Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Dubuc. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Sur
ceci, j'aimerais remercier les représentants de la
Fédération des producteurs de bois du Québec pour leur
participation aux travaux de cette commission.
Maintenant, je demanderais aux représentants de l'Union des
producteurs agricoles du Québec de bien vouloir prendre place.
Union des producteurs agricoles du
Québec
M. Couillard (Jean-Yves): Alors, merci, M. le
Président.
Le Président (M. Saint-Roch): Permettez-moi, dans un
premier...
M. Couillard: Oui.
Le Président (M. Saint-Roch): ...temps, de vous souhaiter
la bienvenue aux travaux de cette commission. Maintenant, je demanderais au
porte-parole de bien vouloir s'identifier, ainsi que la personne qui
l'accompagne, pour le bénéfice des membres de cette
commission.
M. Couillard: Jean-Yves Couillard. D'abord, je suis un producteur
agricole, bien sûr, et j'ai une partie de forêt, évidemment.
Je suis vice-président de l'Union des producteurs agricoles.
M. Ménard (Louis): Louis Ménard, je travaille pour
le Service d'études et de recher- ches de l'UPA.
Le Président (M. Saint-Roch): M Couillard, je vous
cède la parole.
M. Couillard: Dans un premier temps, M. le Président, on
vous remercie bien d'avoir accepté que l'on puisse venir. On avait
décidé, au départ, d'envoyer une lettre d'appui. Comme
nous avons trouvé qu'il était important qu'on donne la position
de l'Union des producteurs agricoles peut-être en personne, nous avons
demandé de paraître devant votre commission et vous avez
accepté, nous allons le faire très brièvement.
On va reprendre la lettre d'appui, mais on va plutôt mettre de
l'emphase sur les choses qu'on veut faire ressortir à l'intérieur
de cette lettre. Bien sûr, c'est pour que le grand public ne soit pas
inquiet de la position de l'Union des producteurs agricoles face à la
Fédération des producteurs de bois. On va lire la lettre, au
départ, et on va revenir avec les choses sur lesquelles on veut mettre
de l'emphase. "L'Union des producteurs agricoles a pris connaissance du
mémoire de la Fédération des producteurs de bois du
Québec qui sera présenté - on le faisait par lettre, bien
sûr - à la commission parlementaire sur l'utilisation des
pesticides en milieu forestier. L'UPA appuie les positions défendues par
la Fédération des producteurs de bois du Québec concernant
l'utilisation des pesticides en milieu forestier." Cela ne veut pas dire de
n'importe quelle façon. Je pense que la fédération a bien
souligné tout à l'heure de quelle façon l'union apportait
cet appui. "Le contexte actuel de la production nécessite l'utilisation
des pesticides en forêt, particulièrement dans le secteur de la
production des plantes destinées au reboisement, ainsi que pour garantir
une rentabilité accrue dans les programmes de plantation et
d'aménagement forestier. Nous pensons que les demandes formulées
par la fédération d'intégrer la protection de la
forêt publique et privée dans l'élaboration de la politique
d'utilisation des pesticides sont justifiées et méritent
considération. Aussi, les grandes lignes de la politique d'utilisation
des pesticides en milieu forestier doivent être axées sur la
détection - je pense qu'ici ce serait bon de s'arrêter parce que
nous l'avons déjà fait dans le secteur agricole, lorsqu'on parle
des réseaux de dépistages. Bien sûr, j'ai
écouté tout à l'heure, lorsque le ministre disait: Nous
avons beaucoup de stations. M. le ministre délégué aux
Forêts disait: Nous allons avoir des pièges, mais il faut aussi
avoir des personnes qui soient vraiment habilitées, qui soient capables
de détecter le plus rapidement possible ces places infestées. Des
fois, cela peut être circonscrit. Si on le fait rapidement, les
problèmes seront d'autant plus minimes que l'intervention est rapide.
À ce moment-là, un petit feu, des fois, on peut l'éteindre
avec un extincteur et, si on attend cinq minutes, cela prend les pompiers
et,
dix minutes, tout y passe. À un moment donné, on dit que,
dans la forêt, c'est aussi important que cela et il faut vraiment
être capable et en mesure de le faire rapidement.
Dans la diffusion de l'information et les moyens d'intervention rapides
et efficaces qui tiennent compte des risques pour l'environnement et la
santé du public. "En outre, l'UPA est d'accord avec la
Fédération des producteurs de bois lorsqu'elle recommande
l'établissement de programmes de recherche." À toutes les fois,
on dit: II faut mettre en place des programmes de recherche. Ce dont on
s'aperçoit, c'est qu'après l'avoir dit on l'oublie. Alors, si on
vient à cette table, c'est pour mettre l'accent et essayer de rappeler
que souvent ces programmes de recherche qu'on demande sont une
nécessité. Ce n'est pas seulement une demande. Ce sont des choses
qui devraient être vraiment axées et c'est bien sûr qu'on va
revenir souvent, à l'avenir, vous le rappeler, sur le
développement et les moyens de rechange aux pesticides pour lutter
contre les agents nuisibles de la forêt. "En terminant, l'UPA remercie la
commission de l'avoir invitée à s'exprimer sur l'utilisation des
pesticides en milieu forestier."
Je voulais quand même vous dire que vous aviez deux solutions, les
scénarios 1 et 2. Il est bien sûr que la fédération
a appuyé davantage le deuxième. C'est l'utilisation sans
étude d'impact, avec des produits connus, évidemment, et les
meilleurs, surtout lorsqu'on parle - il faudrait demander cela à
l'agronome, à côté - des biopesticides. C'est comme cela
maintenant, c'est le nouveau nom. Alors, c'est bien sûr que nous,
certains agriculteurs et également les producteurs forestiers, on veut
que ce soit ces produits-là qui soient utilisés et qu'il y ait de
la recherche pour pouvoir vraiment avoir des produits qui sont
compétitifs dans ce domaine. Si la solution 2 a été plus
recommandée, c'est parce que pour nous c'est plus rapide et c'est plus
adapté. Dans notre pensée ces choses-là ne traînent
pas. On se revire de bord ce matin, il y a un petit réseau qui est
là, on y va tout de suite et on prend les moyens nécessaires.
Bien sûr, ce qu'on voudrait aussi mentionner, c'est que les
commissions parlementaires sont peut-être bien le "fun". Le grand public,
dans ce temps-là, est aussi bien content. Souvent, on dit: Ils font des
choses. Mais pour nous, ce qui est important, ce n'est peut-être pas de
dire que cela paraît bien, mais que cela se fasse vraiment. C'est pour
cela qu'on dit qu'en ce qui concerne la solution 2 on fait des choses et cela
donne des résultats.
C'est un peu cela qu'on voulait vous dire. C'est bien sûr que,
pour ce qui est de la recherche, comme je vous l'ai mentionné tout
à l'heure, il faut mettre de l'argent. C'est aussi simple que cela. Ce
n'est pas plus compliqué que cela, c'est l'argent. Que voulez-vous que
je vous dise? C'est ce qui est le nerf de la guerre. C'est ce qui est le nerf
de la guerre un peu partout.
Pour le comité consultatif, nous avons écouté quand
même les recommandations qui ont été faites tout à
l'heure avant qu'on passe ici. On pense que c'est une bonne chose, mais avant
de vous dire oui à tout cela, il faudrait vraiment connaître
l'ampleur de ce que cela peut apporter, les avantages et les
désavantages aussi. Pour nous autres, c'est toujours quelque chose de
plus concret. Vous allez comprendre qu'on est dans un domaine où on aime
que les choses se fassent rapidement et de façon terre à
terre.
C'est un peu cela que je voulais vous exprimer aujourd'hui. Je vous
remercie.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Couillard. M. le ministre délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
président, je vous souhaite le bonjour parce que je vous ai
manqué lors de la commission parlementaire sur la Loi sur les
forêts. Je m'en excuse. Du côté des arrosages de pesticides,
on dit que dans la forêt, on n'en met pas beaucoup une fois, disons, en
50 ans en ce qui concerne l'élimination de la végétation
concurrente; on arrose en cas d'épidémies d'insectes ou on essaie
de prévenir les épidémies. C'est pourquoi on a des
pièges et on essaie de détecter ces foyers d'infestation le plus
rapidement possible pour en utiliser le moins possible. Personne n'aime cela
puis ce n'est pas de gaieté de coeur, comme vous l'avez
mentionné, ou comme M. Dallaire l'a mentionné, qu'on utilise ces
produits-là ou qu'on dépense des efforts et des sommes d'argent
pour protéger notre bien ou notre investissement. Mais, du
côté de l'agriculture, on dit: Les agriculteurs utilisent beaucoup
de ces produits-là, les produits homologués, évidemment,
comparativement à ce qu'on fait en forêt. Et, aujourd'hui, on fait
une commission parlementaire, on fait des audiences sur ces produits-là
alors que du côté agricole on semble accepter tout ce qui se
passe. Est-ce que c'est parce que vous manutentionnez ces produits-là
avec beaucoup plus d'expertise que les forestiers?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Couillard.
M. Couillard: Écoutez, pour vous dire qu'on est meilleur
en agriculture qu'on ne l'est en forêt... Bien sûr, il y a des
spécialistes en forêt et également en agriculture. Je ne
voudrais pas dire que les uns sont meilleurs que les autres. Mais ce que je
voudrais dire, c'est qu'à l'heure actuelle, dans la loi qui a
été votée sur les pesticides, il y a un
élément très important qui fait défaut un peu; en
tout cas, je l'exprime de même. Cet élément-là,
c'est que les agriculteurs vont suivre des cours pour l'utilisation, pour
tâcher d'en utiliser le moins possible; la prévention,
l'utilisation, vous mettez toutes les choses. Mais l'élément qui
est vraiment essentiel, ce sont
les réseaux de dépistage, pour nous autres. C'est cela qui
va permettre, en tout cas, de réduire au minimum l'utilisation des
pesticides. Quand on parle d'un réseau de dépistage, pour donner
des exemples qui ont eu lieu dans le sud de Montréal où on
faisait des arrosages conventionnels, cela veut dire qu'on sait que les
insectes arrivent à telle date, on fait des arrosages, on fait des
affaires de prévention. Cela veut dire qu'avec des réseaux de
dépistage où il y avait trois ou quatre arrosages il y a un
arrosage et il y a beaucoup moins d'utilisation de pesticides mais cela veut
dire également qu'il y a beaucoup moins d'argent qui sort de notre
poche, puis tout le monde est content. C'est pour vous dire pourquoi, en
forêt, on devrait mettre l'accent de ce côté-là
aussi. Cela ne veut pas dire que c'est moins faible ou plus faible en
forêt parce qu'un moment donné on a eu des arrosages faits par
Hydro-Québec qui ont contaminé les puits d'arrosage des
producteurs maraîchers. Des fois je me pose la question, à savoir
si c'est moins faible ou plus faible. Je ne voudrais pas me prononcer sur cela,
mais on sait par contre que ces problèmes-là sont arrivés.
Cela veut dire que c'est pas mal fort, des bouts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): J'ai fait
sursauter mon collègue de l'Environnement hier en parlant du Killex que
j'utilisais chez nous pour les pissenlits. Mais, s'il y avait une politique
d'utilisation de ces produits-là, comme vous avez en agriculture avec
des stations de repérage, de piégeage ou de détection pour
prévenir avant que cela ne s'étende trop peut-être que j'en
aurais mis moins. Du côté de la santé, on a souvent brandi
le... Mon collègue de Verchères disait que le public a la
chienne. À la fin des audiences des commissions parlementaires sur ces
produits-là, je me demande si on ne contribue pas à faire peur au
monde. Tout de même, il faut que la population soit très bien
informée et qu'elle puisse intervenir, mais il ne faut pas contribuer,
par exemple, à la faire... Et du côté santé, suivant
les sondages, la question des pesticides vient au 28e rang dans la
réalité mais du côté quasiment psychologique, elle
passe au 4e ou au 9e rang selon les groupes. Qu'est-ce qu'on va faire pour
ramener cela à sa juste réalité? Le comité
consultatif, est-ce que ce serait son rôle de ramener cela à sa
réalité puis dans le contexte réel des choses? (17 h
45)
M. Couillard: Au comité consultatif, je comprends que ce
sont des docteurs, des experts, je comprends qu'on a besoin de ces
personnes-là, mais dans toute chose il ne s'agit pas non plus de grossir
et de mettre des flambées pour tâcher que cela s'en aille en
grossissant. Je pense qu'en ce qui concerne le comité consultatif il y a
sûrement des bons côtés qu'il faudrait vraiment analyser et
après cela on serait plus en mesure... C'est une chose nouvelle qui nous
est arrivée aujourd'hui. C'est difficile pour moi de vous dire oui mais
je comprends par contre qu'il y a sûrement des côtés
très positifs. Tout à l'heure j'ai jasé un peu avec ces
personnes-là qui étaient ici à la table et c'est sûr
que pour nous, à l'UPA, ce sont des personnes qui pourraient nous rendre
service lorsqu'on a des mémoires à écrire, parce que ce
sont des personnes compétentes et qui ont des expertises qu'on n'a pas.
C'est surtout qu'on a des expertises pratiques; eux connaissent vraiment le
fond des produits. Alors, ce ne sont pas des personnes à
délaisser; au contraire, ce sont des personnes avec qui on devrait
s'associer.
M. Côté (Rivière-du-Loup): II faudrait que le
comité consultatif, à mon sens, soit dirigé par
l'environnement et par des toxicologues pour protéger ces
secteurs-là, à la suite de propositions que les producteurs ou
les forestiers pourraient faire pour, évidemment, protéger
l'environnement et la santé humaine. Ce sont ces personnes-là qui
devraient avoir le leadership du comité.
M. Couillard: Quand on parle de leadership, je ne sais pas s'il y
en a un ou plusieurs qui devraient avoir un leadership, mais je pense
plutôt que, lorsque c'est une chose de travail, les personnes qui sont
à l'intérieur ont chacune des choses à apporter. C'est de
même qu'on atteint le meilleur résultat. Cela ne veut pas dire
pour moi... Et remarquez que je suis même allé à Ottawa
quand on a voulu interdire l'alachlore qui est un produit dangereux pour les
utilisateurs, mais qui par contre n'est pas nocif pour les plantes, qui a un
contrôle parfait et qui est le moins dommageable de tous ceux qu'on a.
Mais, parce que c'est dangereux pour nous, on nous dit: Vous ne pouvez plus
l'utiliser. Quand on arrive avec des choses comme celle-là, je
m'interroge. C'est pour cela qu'à un moment donné, à
l'intérieur de chacun des comités, cela prend des personnes qui
sont capables d'avoir des pensées différentes pour bien faire les
choses. C'est pour ça que je veux vous dire que, même si ce sont
des docteurs, cela ne veut pas dire que les agriculteurs qui sont là
aussi, qui ont le côté pratique, ce n'est pas bon à
l'intérieur de ça. Je pense que c'est bon si tout le monde
apporte des choses concrètes.
M. Côté (Rivière-du-Loup): On peut appuyer le
scénario 2, mais pas à n'importe quel prix. Vous dites que vous
le favorisez pour des raisons d'efficacité; c'est cela?
M. Couillard: Des choses rapides et efficaces.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, je veux saluer, entre
autres, M. Couillard et son collègue, M. Couillard, parce que c'est un
de mes bons concitoyens, on se connaît depuis des années. On est
très sensible de ce côté-ci aussi à l'importance
d'avoir une réponse rapide et efficace quand il se produit des
problèmes, des maladies ou des situations infectueuses en milieu
forestier. Dans le fond, ce qu'on a essayé de faire, c'est de
démontrer au cours des deux derniers jours que, contrairement à
ce que le ministre délégué aux Forêts
prétend, le scénario 1, amélioré par ailleurs,
parce que c'est clair que, dans le contexte actuel ou de la façon qu'il
est présenté, il peut donner l'impression d'être trop lourd
ou de ne pas permettre une rapidité d'intervention suffisamment grande,
mais dans la mesure où il serait amélioré, l'objectif que
l'on doit avoir et qu'on a, c'est, d'une part, de permettre l'utilisation la
plus réduite des pesticides, mais que, quand il faut les utiliser, on
puisse les utiliser pour répondre efficacement aux problèmes que
l'on veut régler et rapidement. Mais, par ailleurs, on conserve l'acquis
qui est important. On a un mode de gestion des questions environnementales au
Québec qu'on a mis au point au cours des dernières années
à travers le fait que les gens peuvent participer à
l'évaluation des impacts environnementaux. C'est un acquis
important.
Dans le fond, vous dites que vous avez assisté à la
présentation, entre autres, du Groupe de travail sur les pesticides.
Vous avez vu comme nous que ce ne sont pas des gens farfelus qui sont là
juste pour créer le trouble, mais qu'ils ont une argumentation et qu'ils
ont indiqué ou démontré que, dans un certain nombre de
situations, les études d'impact amènent à resserrer les
vis et à agir avec plus de précaution, à trouver des
alternatives que souvent on n'est pas enclin à trouver parce qu'on a une
autorisation, une espèce de chèque en blanc pour utiliser
certains produits. Pourquoi on se forcerait pour utiliser des alternatives?
C'est cela aussi qui est un peu à craindre. Des entreprises vont dire:
On a deux produits homologués, on ne se cassera plus la tête. Cela
ne sert à rien d'en chercher d'autres. On se cassera la tête quand
quelqu'un nous indiquera et nous fera la démonstration que ces
produits-là sont nocifs, mais, pour le moment, on aurait un
chèque en blanc, puis on pourrait fonctionner. On ne se cassera pas la
tête, non plus, pour chercher des alternatives qui seraient
peut-être moins coûteuses ou, en tout cas, moins nocives à
l'environnement.
Puis, je reprends l'exemple que vous avez donné tantôt, M.
Couillard. Vous-mêmes, vous êtes rendu compte qu'il y avait des
arrosages qui devaient être relativement inoffensifs qui
l'étaient, en réalité, beaucoup moins. Or, si les
producteurs agricoles sont eux-mêmes des victimes de certains de ces
types d'arrosage, à des moments donnés, ils peuvent très
bien comprendre que des citoyens qui sont encore moins familiers avec l'usage
des ces produits-là, parce qu'ils ne les utilisent pas sauf pour leurs
pissenlits, puis, je suis convaincu que ce n'est pas le ministre qui a fait
l'arrosage sur son terrain...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.
M. Charbonneau: Dans votre cas, peut-être, un
ingénieur forestier.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Charbonneau: Je vais vous dire que, dans mon cas, je ne
toucherai pas à cela. Donc, les gens qui sont moins familiers ont besoin
d'être non seulement rassurés, mais bien informés, puis
éventuellement de pouvoir contribuer, comme les gens qu'on a vu
tantôt peuvent apporter une contribution. Dans ce sens-là, je me
dis, un peu comme votre Fédération des producteurs de bois
tantôt l'a dit: Est-ce qu'on peut considérer que l'UPA dans son
ensemble est ouverte à la recherche d'une troisième solution qui
serait peut-être plus acceptable aux uns et aux autres? Là, il y
en a un qui est absent, il a dû s'absenter je ne sais pas pourquoi, on ne
le blâmera pas parce que je pense qu'il a été
présent, mais il ne dit pas toujours la même chose que son
collègue. Le ministre de l'Environnement n'a pas du tout tenu le
même discours que le ministre délégué aux
Forêts. Nous autres, on veut aider le ministre de l'Environnement parce
qu'on trouve qu'il n'est pas...
Une voix: Ha, ha, ha! Des voix: Oh!
M. Charbonneau: ...très écologiste, le ministre
délégué aux Forêts. C'est drôle, quand il
était là, il n'y en a pas un qui chialait, hein? Ha, ha, ha!
On prend sa défense, puis vous chialez encore. Oui, oui, oui.
C'est cela. Je vais vous ressayer, ce soir, quand il va être là,
pour voir si vous aurez la même réaction.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Charbonneau: J'espère qu'il va vous rappeler à
l'ordre, lui.
Donc, ce que je voulais dire, c'est: Est-ce qu'on peut considérer
que l'UPA est ouverte à l'idée de rechercher une solution qui,
finalement, essaierait de garder les acquis au plan du mode de gestion des
problèmes environnementaux qu'on a développé au
Québec et de l'usage, en fait, d'une formule qui permettrait en
même temps aux utilisateurs, aux exploiteurs de la forêt
privée ou publique d'avoir des outils d'intervention, de gestion et de
lutte contre les problèmes efficaces et d'utilisation rapide quand il
faut les utiliser rapidement?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Couillard.
M. Couillard: M. Charbonneau met cela pas mai long, toutes ces
questions-là.
M. Charbonneau: Ha, ha, ha!
M. Couillard: II est en train de me coincer un petit peu à
l'intérieur de cela, parce qu'il faut dire que c'est mon
député aussi. Mais cela ne fait rien, cela ne veut pas dire que
je lui donne raison partout.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Couillard: Mais je n'ai pas dit...
M. Charbonneau: Pour moi, l'essentiel, c'est d'avoir raison de
temps en temps.
M. Couillard: J'ai dit tout simplement que c'était mon
député. C'est lui qui a été élu dans le
comté, tu sais ce que je veux dire?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Couillard: Aïe, que j'ai de la misère à te
faire comprendre, Jean-Pierre! Arrête!
M. Charbonneau: Ha, ha, ha!
M. Couillard: Alors, pour répondre à ta question,
Jean-Pierre, on n'est pas contre les études d'impact. On est contre le
fait qu'à un moment donné on s'appuie sur des études
d'impact pour dire: Tant qu'elles ne sont pas faites, on ne fera pas d'autres
choses. Pour nous, ce n'est pas cela qui est important. L'important, c'est de
faire des corrections quand c'est le temps. Les études d'impact, cela
n'empêche pas de continuer à le faire. Cela ne veut pas dire non
plus, qu'il faut faire des études d'impact sur toutes les petites choses
qu'il y a à faire. Parce que là, on n'en finira plus, puis, au
Québec, on va rester dans les études d'impact et on n'avancera
plus, non plus. Alors, pour moi, là, il y a des choses...
M. Charbonneau: II n'est pas question de cela. Faut qu'on se dise
qu'il n'est pas question de cela.
M. Couillard: Non, c'est cela que je veux dire. Je te mets cela
bien clair. En tout cas, moi, je pense que je te mets cela clair, Jean-Pierre.
Excusez, M. Charbonneau.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Charbonneau: Cela va.
M. Couillard: Ce n'est pas plus grave que cela, c'est parce que
je le connais bien.
M. Charbonneau: Vas-y Jean-Yves.
M. Couillard: J'en connais d'autres, aussi, à
l'intérieur de cela. Mais moi, ce que je veux vous dire, c'est que les
études d'impact, c'est important, c'est nécessaire. Il ne
faudrait pas, non plus, qu'on prenne juste des études d'impact pour dire
que c'est cela qui va nous faire faire des recherches. Tu sais ce que je veux
dire? Quand même vous nous diriez aujourd'hui que, parce qu'on va faire
des études d'impact, cela va nous démontrer qu'il y a des choses
moins bonnes, qu'on va en trouver d'autres meilleures, bon, puis ces
choses-là, pour moi, ce n'est pas cela qui est important. L'important,
c'est de s'en aller tout le temps vers l'excellence, c'est-à-dire qu'il
y a tout le temps des choses à améliorer. Puis, pour moi, on
n'est pas obligé de faire des études d'impact pour les
améliorer.
M. Charbonneau: Non, mais cela veut dire que l'UPA est
préoccupée de cohérence. Si l'UPA est engagée dans
la lutte contre les pluies acides...
M. Couillard: Oui.
M. Charbonneau:... et que vous êtes
préoccupés, donc, des émissions chimiques dans l'air, sur
les milieux forestiers...
M. Couillard: Exact, exact.
M. Charbonneau:... vous devez l'être également
pour...
M. Couillard: M. le député, c'est pour cela qu'on
vous dit qu'on est d'accord pour s'en aller vers les biopesticides, des choses
qui "maganent" beaucoup moins l'environnement; de ce
côté-là, en "maganant" moins l'environnement, nous aussi,
on y trouve notre profit, c'est clair. Ce n'est pas juste en forêt, c'est
partout. De ce côté-là, on attend après cela. Je
pense qu'il faudrait convaincre les compagnies qui font de ces pecticides
chimiques qu'elles feraient autant d'argent si elles axaient leurs recherches
vers des biopesticides. C'est ce qu'elles font, mais cela leur prend pas mal de
temps. Il faudrait les convaincre.
Peut-être, M. le ministre, faudrait-il vous convaincre si vous
laissiez pousser les pissenlits sur votre pelouse, que vous auriez la plus
belle pelouse avec les plus belles fleurs. Vous n'auriez même pas eu la
peine d'arroser. Si tout le monde était convaincu de cela, on ferait des
villes et villages fleuris avec des... Je ne sais pas, si on laisse aller son
imagination, on peut aller aussi loin que cela.
M. Charbonneau: II n'aime pas les pissenlits parce que ce ne sont
pas des fleurs rouges.
M. Couillard: Moi, les pissenlits je me
dépêche à les couper et je ne mets rien sur la
pelouse. À la minute où ils fleurissent, on passe le moulin
à faucher.
M. Charbonneau: Sur cette réponse, M. Couillard,
Jean-Yves, on va se revoir bientôt. Il faut aller voter.
Le Président (M. Saint-Roch): Je remercie l'Union des
producteurs agricoles du Québec de son intervention auprès de
cette commission.
Les exigences de la vie parlementaire appellent maintenant les
députés pour un vote. Alors, la commission de
l'aménagement et des équipements suspend ses travaux
jusqu'à 20 heures ce soir.
Je rappelle aux gens de l'Ordre des ingénieurs forestiers qu'ils
seront les premiers à être entendus.
(Suspension de la séance à 17 h 57)
(Reprise à 20 h 5)
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
La commission de l'aménagement et des équipements reprend
maintenant ses travaux pour poursuivre sa consultation particulière sur
le document intitulé "Politique d'utilisation des pesticides en milieu
forestier". Je demanderais maintenant à l'Ordre des ingénieurs
forestiers du Québec de prendre place. Permettez-moi, dans un premier
temps, de vous souhaiter la bienvenue aux travaux de la commission de
l'aménagement et des équipements. Je demanderais au porte-parole
de s'identifier, ainsi que les gens qui l'accompagnent, pour le
bénéfice des membres de la commission.
Ordre des ingénieurs forestiers du
Québec
M. Charbonneau (Carl): Carl Charbonneau, président de
l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec. À mon
extrême droite, M. Denis Gingras, membre de la cellule régionale
de Montréal-Estrie et membre du comité qui a
élaboré le mémoire; à ma droite ici, M. Marc
Côté, directeur général et secrétaire de
l'Ordre des ingénieurs forestiers; et à ma gauche, M. Germain
Paré, vice-président de l'Ordre des ingénieurs forestiers
du Québec.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Charbonneau. Je vous cède maintenant la parole pour la
présentation de votre mémoire.
M. Charbonneau (Carl): M. le ministre de l'Environnement, MM. les
députés, l'Ordre des ingénieurs forestiers du
Québec est une corporation professionnelle d'exercice exclusif
régie par le Code des professions et regroupant 1650 ingénieurs
forestiers exerçant au Québec et à l'étranger dans
tous les domaines reliés aux sciences forestières.
L'utilisation des pesticides en milieu forestier figure parmi ses plus
importantes préoccupations, en raison même de sa mission
fondamentale de protection du public en matière d'aménagement et
d'utilisation des ressources forestières. D'ailleurs, les
problèmes environnementaux reliés aux épandages
d'insecticides et de phytocides en milieu forestier ont déjà fait
l'objet d'un mémoire que l'ordre a soumis lors d'audiences
antérieures.
L'ordre apprécie l'occasion qui lui est à nouveau offerte
de présenter devant cette commission le point de vue des
ingénieurs forestiers du Québec qui ont te devoir de s'assurer
que les objectifs de rendement soutenu de la forêt, clairement
énoncés dans la Loi sur les forêts, seront atteints tout en
respectant la qualité de l'environnement.
Les principes fondamentaux. L'Ordre des ingénieurs forestiers du
Québec endosse l'énoncé global de la politique
gouvernementale en matière d'utilisation des pesticides en milieu
forestier, public ou privé. Cette politique s'appuie sur six principes
directeurs qui rejoignent les principales recommandations formulées par
l'ordre dans sa précédente intervention. Aussi, nous
apparaît-il opportun de relever ici les grandes lignes des positions
antérieures que l'ordre a défendues et continue à
défendre aujourd'hui.
L'ordre soutient qu'il est nécessaire d'intervenir par divers
types de traitements appropriés pour protéger et mettre en valeur
les ressources forestières du Québec. Ces interventions visent,
d'une part, à protéger la forêt principalement contre
l'invasion des insectes défoliateurs et, d'autre part, à
contrôler la végétation concurrente qui envahit les jeunes
plantations. Or, parmi les outils d'intervention actuellement reconnus pour
leur efficacité figurent les pesticides homologués.
L'utilisation de ces produits doit cependant être entourée
de la plus grande prudence et leur application doit être
accompagnée de mesures de contrôle sévères afin de
protéger les écosystèmes forestiers et de réduire
au minimum les risques d'affecter la santé humaine.
L'ordre a maintes fois répété que l'utilisation de
pesticides en milieu forestier doit être considérée comme
une solution de dernier recours, lorsqu'il est impératif d'intervenir et
que toutes les autres options d'intervention s'avèrent
irréalisables. Il importe donc que les efforts de recherche soient
intensifiés pour développer des techniques permettant
l'intégration progressive de solutions sylvicoles, mécaniques,
biologiques ou autres, réduisant ainsi l'utilisation de pesticides
à des fins d'aménagement forestier.
Les scénarios proposés. Le projet de politique
d'utilisation des pesticides en milieu forestier propose deux scénarios
visant chacun à
concilier les objectifs de la Loi sur les forêts, qui marque un
tournant vers un aménagement intensif des forêts basé sur
le rendement soutenu et ceux des lois et règlements en matière de
protection de l'environnement. Le premier scénario prévoit
l'élaboration d'un programme d'intervention de cinq ans comportant
l'usage de pesticides en milieu forestier, soumis au mécanisme de
l'évaluation des impacts sur l'environnement et la santé
humaine.
Quant au second scénario, il propose une modification au
règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur
l'environnement, pour permettre l'utilisation en milieu forestier, sans
étude d'impact, de deux pesticides homologués actuellement en
usage, le Bacillus thuringiensis (B. t. ) et le glyphosate.
L'ordre tient d'abord à souligner qu'il soutient le principe
fondamental que l'ingénieur forestier, dans l'exercice d'une profession
qui lui demande souvent d'intervenir avec diligence pour sauvegarder nos
ressources forestières, doit pouvoir compter sur certains pesticides
homologués dont l'efficacité et la sécurité pour la
santé humaine et l'environnement ont été
démontrées de façon satisfaisante. Conséquemment,
l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec se prononce en faveur
du deuxième scénario qui préconise l'utilisation du B. t.
et du glyphosate sans étude d'impact.
Des études ont en effet démontré que la formulation
améliorée de l'insecticide biologique B. t. est très
sécuritaire et très spécifique à l'égard des
seuls lépidoptères défoliateurs. Il n'est efficace que
s'il est ingéré par ce type d'insectes, et ne possède donc
aucun effet de contact sur quelque organisme que ce soit.
On présente, par ailleurs, le glyphosate comme étant un
phytocide très peu toxique, non sélectif, efficace et peu
persistant. On souligne que sa dégradation est d'origine microbienne et
ne laisse aucun résidu chimique dans l'environnement.
L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec
considère donc que l'utilisation de ces deux pesticides, avec toutes les
précautions qui s'imposent, apparaît sécuritaire et
avantageuse. De plus, ces produits présentent l'avantage
indéniable d'être spécifiques et efficaces.
Leur exclusion éventuelle du mécanisme des études
d'impact est privilégiée par l'ordre parce qu'elle permettrait
une utilisation de produits sécuritaires et efficaces dans un
délai raisonnable lorsque se présente une situation d'urgence
favoriserait un aménagement plus intensif de la forêt par des
interventions respectant les écosystèmes forestiers;
éviterait la longue et coûteuse procédure des études
d'impact et la répétition de celles-ci sur des produits
déjà soumis au mécanisme d'évaluation des
impacts.
En conséquence, l'Ordre des ingénieurs forestiers du
Québec recommande que l'utilisation de l'Insecticide biologique B. t. et
du glyphosate soit permise, sans étude d'impact, avec toutes les
précautions qui s'imposent pour protéger la santé \
humaine et l'environnement.
La recommandation de l'ordre à l'égard de ce
scénario n'exclut pas la nécessité d'assujettir
l'utilisation de ces deux pesticides aux autorisations annuelles prévues
dans la Loi sur la qualité de l'environnement et la Loi sur les
pesticides. De même, l'ordre considère qu'une procédure de
révision périodique de ces produits est indispensable pour
assurer une protection optimale à la population et aux
écosystèmes forestiers.
Les avenues à explorer. L'utilisation de certains pesticides
sécuritaires demeure une nécessité en aménagement
forestier puisqu'il faut intervenir si l'on veut respecter les objectifs de
rendement soutenu et de remise en production préconisés dans la
Loi sur les forêts. L'ordre maintient que l'utilisation de ces produits
doit être limitée aux seules situations où il est
impératif d'intervenir et où aucune autre option n'est disponible
et économiquement réalisable. Pour l'ordre, la véritable
solution aux problèmes environnementaux reliés aux
épidémies d'insectes et à l'établissement d'une
végétation concurrente agressive dans les jeunes plantations,
réside dans une approche où l'on intégrerait
progressivement des méthodes sylvicofes, biologiques et
mécaniques, et où l'on modifierait nos méthodes de
récolte de la matière ligneuse.
Compte tenu que l'intensification de l'aménagement forestier
amènera des interventions encore plus fréquentes en milieu
forestier, l'ordre ne saurait assez insister pour qu'un important effort de
recherche soit consenti afin de développer de nouvelles techniques
sylvicoles favorisant la régénération naturelle
désirée, évitant ainsi, du moins dans certaines portions
du territoire forestier, d'avoir trop largement recours au reboisement
artificiel.
Ces mêmes efforts de recherche devraient permettre d'orienter les
programmes de reboisement vers des espèces plus résistantes aux
grandes épidémies d'insectes que le Québec a connues ces
dernières années. La recherche s'impose encore pour confirmer les
résultats prometteurs de certains types de coupes qui,
réalisées adéquatement, non seulement protègent la
régénération naturelle établie, mais assurent en
même temps une diminution notable de la compétition.
En conséquence, l'Ordre des ingénieurs forestiers du
Québec recommande que de sérieux efforts de recherche soient
consentis afin de développer des solutions de rechange
d'efficacité comparable aux pesticides actuellement utilisés en
milieu forestier. (20 h 15)
L'ordre croit aussi que le Québec devrait s'inspirer de l'exemple
d'autres pays forestiers où la recherche s'intensifie en vue de
développer des machines adaptées au dégagement
mécanique des plantations. Il ne faudrait pas non plus ignorer la
possibilité de développer de nouveaux produits et de nouvelles
techniques, dont cer-
taines pourraient même permettre d'utiliser l'abondante biomasse
forestière disponible sur les parterres de coupe, dans le but de contrer
l'émergence d'une végétation compétitive
indésirable en plantations.
L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec
considère que l'aménagement intensif de nos forêts exige
des interventions sur les écosystèmes forestiers et que, dans
cette perspective, l'utilisation de certains pesticides spécifiques est
indispensable dans certaines circonstances. Il recommande que l'utilisation du
B.t. et du glyphosate soit permise, sans étude d'impact, à la
condition d'être soumise à des normes sévères et
à une réglementation stricte.
Il est toutefois d'avis que de sérieux efforts de recherche et de
développement doivent être immédiatement entrepris pour
assurer au secteur forestier des solutions de rechange valables et
réalistes à l'usage des pesticides en milieu forestier.
L'ordre est conscient qu'il faut accorder à la dimension sociale
et environnementale de l'utilisation des pesticides en milieu forestier toute
la considération qu'elle mérite. Dans ce sens, la recherche de
toute solution à nos grands problèmes forestiers doit être
fondée sur la perpétuation du bien-être économique
des populations concernées, sur la protection de leur santé et
sur le maintien de la qualité de leur milieu de vie.
Je vous remercie.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Charbonneau. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre de
l'Environnement.
M. Lincoln: Votre mémoire préconise le
scénario numéro 2, c'est-à-dire l'utilisation du B.t. et
du glyphosate sans étude d'impact et en même temps, votre ordre
reconnaît le mérite des six principes directeurs. Un de ces
principes directeurs reconnaît le droit du public de se faire entendre
par rapport à l'utilisation des pesticides. Comme vous dites
vous-même dans votre mémoire que votre mission fondamentale est la
protection du public, comment pouvez-vous concilier le principe de demander
d'accepter que le public se fasse entendre avec l'idée d'utiliser deux
produits dont un, le glyphosate, n'a jamais été examiné
par le public? Il n'y a jamais eu d'audience publique ou de consultation
publique. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a une contradiction? Comment le
public fait-il entendre sa voix par rapport à l'utilisation du
glyphosate sans consultation publique?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Charbonneau.
M. Charbonneau (Carl): Oui. La position de l'ordre, en ce sens,
est basée sur le principe que nous croyons tout de même que le
mécanisme d'homologation, actuellement en vigueur au sein du
gouvernement fédéral, démontre que ces produits ne causent
pas de préjudice important à la population. Nous croyons que
toutes les étapes par lesquelles un produit devient homologué,
actuellement, sont le seul mécanisme qui nous permet de dire qu'un
produit est valable ou non. Nous considérons que ce mécanisme
assure à la population la sécurité dont on fait mention
dans les six principes directeurs. Dans le mémoire que nous avons
présenté, nous mentionnons aussi qu'il est important d'informer
la population des mécanismes de contrôle qui seront maintenus ou
élaborés. On ne retire pas ces produits du mécanisme de la
Loi sur la qualité de l'environnement, où on doit demander des
permis d'utilisation annuels.
M. Lincoln: Comme beaucoup d'intervenants du milieu forestier,
vous semblez traiter comme une espèce de garantie le fait que le produit
soit homologué. Or, on a cité des exemples de produits, qui
étaient homologués hier, mais qui ne le sont plus aujourd'hui
parce qu'ils se sont avérés déficients ou dangereux. En
plus de quoi, il y a le témoignage de Dr Trottier, toxicologue, qui
disait que le processus d'homologation est relativement satisfaisant pour un
temps donné, par rapport à des données de base qu'on
connaît à ce moment-là, basées sur des
modèles. Le docteur Anderson, de l'Université Concord ia, qui
était là un peu plus tôt, m'a dit tout à l'heure que
l'homologation se base sur des modèles qui sont souvent des
modèles théoriques d'après des données qui sont
connues par Agriculture Canada, mais qui sont testées sur le terrain
ensuite, parce que la plupart du temps, ii n'y a pas de façon de faire
des expériences actuelles dans le processus d'homologation.
Est-ce qu'on ne se fie pas beaucoup trop sur un processus d'homologation
qui, bien des fois... Je pourrais vous citer des exemples où c'est
prouvé déficient. Si on pense que la protection du public est la
cause numéro un, après tout, est-ce que vous ne mettez pas trop
l'accent là-dessus?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Charbonneau.
M. Charbonneau (Carl): Je voudrais céder la parole
à M. Paré, à ma gauche.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Paré.
M. Paré (Germain): M. le Président et M. le
ministre, je pense qu'un des intervenants a parlé, au cours de
l'après-midi, de ce qui se passait si on n'avait pas le processus
d'homologation en question. Tout le monde s'est rendu compte que le principe de
l'homologation des produits qui doivent être dispersés dans la
nature doit exister. Le principe de l'homologation doit exister. Personne ne
revient sur cela.
M. Lincoln: Non.
M. Paré (Germain): On ne revient pas non plus sur
l'idée qu'il peut y avoir des failles au processus actuel et que des
améliorations peuvent être apportées au processus
d'homologation des produits actuellement, qu'il y a des produits qui peuvent
passer un test et qui peuvent, pour une raison ou pour une autre, se voir
retirer cette homologation quelques années plus tard, à la
lumière d'informations supplémentaires.
Cependant, les ingénieurs forestiers croient que l'homologation
des produits est une activité très technique qui fait appel
à des toxicologues, a des spécialistes en biologie, etc., et que
cette homologation relève de ces spécialistes, de ces
professionnels. Les ingénieurs forestiers veulent pouvoir disposer d'un
outil. C'est tout simplement l'objectif pour lequel on voudrait que
l'homologation soit reconnue.
C'est bien évident également qu'il n'y a rien qui
empêche de réviser périodiquement un produit
homologué. On peut se fixer deux ans, trois ans, cinq ans pour
réviser une homologation ou une permission qui est accordée sur
un produit. De toute façon, dans le processus d'homologation actuel,
dès qu'un problème quelconque est noté, soit par le
public, soit par l'opérateur, tout redevient devant le processus
d'homologation qui a aussi des procédures d'audiences publiques et de
diffusion de l'information auprès du public.
Donc, sans s'accrocher absolument au procesus d'homologation, les
ingénieurs forestiers croient que c'est leur rôle, peut-être
pas directement de choisir les produits chimiques à mettre en
forêt, mais d'obtenir des accords, autrement dit "Canada approved", sur
un produit à un moment donné.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.
M. Uncoln: En principe, est-ce que vous êtes contre le
système actuel d'études d'impact et d'audiences publiques,
à part la question du délai que cela peut évoquer ou
provoquer?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Charbon-neau.
M. Charbonneau (Carl): Je pense que le principal problème
sur les études d'impact qui a été amené par les
différents intervenants qui originait du secteur forestier depuis le
début des travaux de la commission parlementaire était axé
sur les délais. Je suis convaincu que, si on éliminait une bonne
partie des délais imposés par les études d'impact,
plusieurs intervenants auraient peut-être changé un peu leur
approche et, nous, en tant que professionnels, on ne serait pas contre le fait
qu'en excluant les délais on puisse procéder à des
études d'impact.
Je pense qu'il faut être conscients que, lorsqu'on travaille avec
un milieu vivant qu'est la forêt, avec des insectes qui sont aussi
des êtres I vivants, des êtres biologiques, ce sont des êtres
qui se multiplient de façon exponentielle. Il ne faut pas non plus avoir
des délais qui pourraient changer un petit point d'infestation d'une
épidémie avant qu'on puisse intervenir. Je pense que c'est
surtout cela.
M. Lincoln: II y a deux choses: le B.t. pour les insectes et le
glyphosate pour la végétation, n'est-ce pas?
M. Charbonneau (Carl): Oui.
M. Lincoln: Parlons d'un à la fois. Pour le B.t.,
admettons que nous reconnaissons tous, de chaque côté de la salle
ici, que, s'il y a une urgence, on ne peui: pas attendre que le feu soit
éteint ou que les insectes aient fini de dévorer avant de bouger.
Nous sommes d'accord là-dessus. Nous acceptons ce principe. S'il y a un
mécanisme d'intervention, comme il y a aujourd'hui le décret qui
permet l'utilisation du B.t. jusqu'en 1989, pour 700 000 hectares ou quelque
chose comme cela, parce qu'il y avait une épidémie, justement...
Mais, pour le glyphosate, qui n'a pas été suggéré
à l'étude d'impact, il n'y a pas de degré d'urgence. Il ne
s'agit pas d'une épidémie à contrer demain matin. Mais
laissons le B.t. de côté pour le moment et parlons du glyphosate.
Est-ce que vous seriez disposés à vous soumettre à une
étude d'impact, à une audience publique afin que le public
connaisse exactement l'étendue de l'usage du glyphosate?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Charbonneau.
M. Charbonneau (Carl): Concernant l'utilisation de glyphosate, on
croit que ce produit est utilisé pour combattre la compétition
d'essences indésirables par rapport à une forêt qu'on veut
avoir. Théoriquement, on peut facilement accepter le principe que
l'utilisation du glyphosate est peut-être, dans la majorité des
cas, un élément qui est moins urgent que le combat des insectes.
Il y a peut-être moyen de planifier, en tout cas avec un peu plus de
précision, l'utilisation des glyphosates dans les plantations, par
exemple.
D'ailleurs, dans notre mémoire, on suggère aussi qu'on
devrait travailler très fort à la recherche de nouveaux
traitements sylvicoles pour permettre l'installation de la
régénération naturelle pour avoir moins de plantations qui
pourraient peut-être nous amener à moins de compétition ou
à une utilisation moindre de glyphosate.
Par contre, l'ordre s'est prononcé sur les deux hypothèses
qui lui étaient présentées et nous avons actuellement pris
position pour la deuxième qui semblait répondre mieux à ce
que l'on désirait.
M. Lincoln: Oui. Je comprends très bien ce que vous dites.
Mais, justement, je voulais en arriver à la troisième notion que
vous avez apportée, celle où vous dites qu'on voudrait prendre
l'exemple d'autres pays forestiers où la recherche s'intensifie en vue
de développer des machines adaptées au dégagement
mécanique des plantations. De plus, vous dites: On pourrait même
permettre l'utilisation de l'abondante masse forestière disponible chez
les partenaires de coupe, dans le but de contrer l'émergence d'une
végétation compétitive indésirable en
plantations.
Je me réjouis de cela parce que vous êtes un des premiers
groupes à avoir apporté un exemple de méthodes
alternatives concrètes. Un autre groupe nous a dit, au point de vue du
système mécanique, que la végétation repoussait
bien vite. Là, vous nous dites que c'est quelque chose qui pourrait
être une alternative.
M. Charbonneau (Carl): Cela peut être une alternative dans
la mesure où, par des recherches qui seront effectuées, on sera
en mesure de démontrer que c'est aussi valable que l'utilisation des
produits chimiques. Je crois que le message que l'on veut passer, lorsqu'on
parle de mécanisation, de recherche et d'utilisation de biomasse, ce
sont des exemples de sujets qu'on devrait favoriser dans la recherche et dans
le développement actuellement. Nous croyons qu'une bonne partie des
problèmes qui sont soulevés par l'utilisation de produits
chimiques pourrait être résolue par des investissements un peu
plus importants en recherche appliquée en forêt.
M. Lincoln: En d'autres mots, si on avait un système de
détection des insectes ravageurs beaucoup plus poussé, comme plus
de pièges qu'actuellement, si on avait aussi d'autres méthodes
comme celles préconisées par vous en plus peut-être des
biopesticides ou des pesticides pathogènes naturels ou quelque chose
comme cela, peut-être alors que l'utilisation des pesticides serait
purement une affaire transitoire. On pourrait voir le jour où, dans
quelques années, on n'en aura plus besoin. Est-ce que vous
prévoyez cela?
M. Charbonneau (Carl): C'est un rêve que nous avons.
M. Lincoln: Ce n'est pas plus qu'un rêve?
M. Charbonneau (Carl): Non. Je crois qu'avec des efforts de
recherche relativement importants on peut, dans un délai relativement
court, trouver des méthodes qui vont nous permettre de diminuer de
beaucoup l'utilisation de produits chimiques en milieu forestier.
M. Lincoln: Est-ce que vous êtes prêts à
recommander à l'industrie forestière, qui est très riche,
d'investir "du gros argent" dans la recherche afin que ces choses se fassent
plus vite?
(20 h 30)
M. Charbonneau (Carl): Je ne crois pas que l'industrie travaille
pour l'Ordre des ingénieurs forestiers.
M. Lincoln: Non, non, pas pour l'ordre, mais après tout,
l'Ordre des ingénieurs forestiers est un élément important
de l'industrie.
Une voix: Ah!
M. Lincoln: C'est un élément professionnel
important. Enfin, je ne sais pas si c'est vrai ou non, mais il me semble que
vous êtes l'un des éléments de l'industrie et que vous avez
une voix au chapitre.
Une voix: L'industrie et les autres, pas seulement
l'industrie.
M. Lincoln: Oui, l'industrie et tout le monde.
M. Charbonneau (Carl): Écoutez, je crois que l'Ordre des
ingénieurs forestiers a une mission de protection du public. Tous les
gens sont au courant de notre position; nous la défendons. Nous croyons
que l'industrie peut prendre les décisions qu'elle jugera opportunes,
mais la position de l'ordre sera connue de tout le monde. Je pense que c'est de
cette façon-là qu'un ordre professionnel joue son rôle. Je
ne crois pas que demain matin je puisse aller rencontrer les présidents
des différentes industries forestières...
M. Lincoln: II faudrait résumer parce que mon temps
achève. Ce que je voulais vous dire, d'après ce que je comprends
de vous, c'est que, en principe, vous n'êtes pas contre les études
d'impact ou les audiences publiques. De deux scénarios, vous avez choisi
celui qui vous paraissait le plus adaptable, le plus facile de prime abord.
Mais, en principe, si on pouvait trouver un mécanisme d'étude
d'impact et d'audiences publiques qui soit plus rapide, plus efficace, vous
n'êtes pas contre cela, selon ce que vous avez dit.
M. Charbonneau (Carl): De prime abord, comme je l'ai
mentionné tanôt, ce qui a guidé beaucoup notre choix pour
la proposition 2, ce sont tous les délais et tous les mécanismes
émotionnels qui entourent une étude d'impact et les audiences
publiques. Nous croyons que, s'il est possible de trouver des mécanismes
qui pourraient diminuer de beaucoup les délais pour qu'on puisse
utiliser les produits qu'il faut pour aménager nos forêts de
façon correcte, on pourrait regarder cette solution. Maintenant, nous ne
l'avons pas devant nous. C'est difficile de dire oui ou non actuellement.
M. Paré pourrait peut-être terminer.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Paré.
M. Paré (Germain): Un simple mot. Je pense que tous les
forestiers qu'on représente désirent faire de la foresterie avec
des outils forestiers, non pas du chimique ou du biologique. Ils
dési-sirent utiliser des outils forestiers et des méthodes
reconnues au niveau de la forêt pour manipuler ou travailler avec
l'écosystème forestier, avec les avantages et les variantes qui
existent dans l'écosystème forestier, plutôt que d'y
introduire du chimique ou des produits qui n'y sont pas.
M. Lincoln: D'accord.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Paré.
Merci, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le
député de Dubuc. Je respecte l'alternance, M. le
député de Dubuc.
M. Desbiens: Bon. C'est revenu plusieurs fois depuis deux jours,
lorsqu'il a été question des audiences publiques et du bureau des
audiences, de l'étude d'impact, de cette notion d'émotion,
d'émotionnelle, d'émotive, et des délais et des
coûts, bien sûr, sauf que j'arrive mal à saisir quelle est
cette crainte de réaction émotionnelle que plusieurs intervenants
ont mentionnée. Quelle est la crainte de réaction
émotionnelle? Qu'est-ce que c'est que ces émotions dont on a si
peur, qu'on craint tant de la part de la population?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Charbon-neau.
M. Charbonneau (Carl): Lorsqu'on est en période
d'audiences publiques, il est sûr qu'il y a des groupes industriels, des
groupes professionnels qui présentent différentes positions.
À ce moment-là, nous sommes en présence de
différents spécialistes qui exposent leurs vues. Il arrive un
moment où la tension, dans ces réunions ou dans ces rencontres,
devient tellement forte que c'est un affrontement perpétuel. Les
discussions ne sont peut-être plus dirigées sur l'objectif premier
de protection du public, l'utilisation au maximum, par exemple, du potentiel
forestier pour le bien-être de la population. On déborde sur des
chicanes. On n'a pas regardé les différents scénarios,
mais on pense qu'il y aurait peut-être des façons
différentes d'atteindre le même objectif d'informer la population,
de faire en sorte que la population sera entendue sans passer par tout ce
processus où tous les intervenants que nous avons rencontrés et
entendus lors de ces audiences ont parlé de cette émotion
présente lors d'audiences publiques sur l'utilisation de produits
chimiques. C'est sûr que cela fait peur lorsqu'on parle de ces
choses.
M. Desbiens: M. le Président, ce qui fait peur très
souvent, c'est précisément une mécon- naissance ou une
absence de connaissances. Est-ce que l'occasion d'audiences publiques n'est pas
justement le moment choisi d'éclairer correctement la population sur ses
craintes fondées ou non fondées, surtout non fondées,
selon vous, donc, en la faisant prendre conscience de la vérité,
en faisant disparaître ses craintes?
M. Charbonneau (Carl): Nous croyons que c'est peut-être une
des façons par lesquelles la population peut, à un certain
pourcentage, être informée, mais il y en a beaucoup d'autres qui
pourraient être utilisées sans dépenser tout l'arsenal
d'énergie et de confrontation qui est présent lors d'audiences
publiques. On peut informer la population par des médias et par des
dossiers qui lui sont présentés et vulgarisés. Je pense
qu'il y a des éléments de vulgarisation qui sont très
importants dans des dossiers de cette envergure, et qui ne sont pas
présentés, justement, avec les mots qui feraient que la
population comprendrait exactement le bien-fondé ou non la position d'un
organisme.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Dubuc.
M. Desbiens: Une campagne de relationnis-tes, c'est cela que vous
suggérez, comme cela l'a déjà été, une
information à sens unique. On sait que cela ne satisfait pas la
population. La population veut être là, elle veut elle-même
questionner directement les promoteurs de projets. La loi sur l'environnement
et la coutume maintenant établie au Québec, c'est via les
études d'impact et les audiences publiques. Je sais que l'industrie
pourrait très bien faire de l'information d'une manière
réussie. Ce n'est pas ainsi. Selon ce que l'on voit au Québec
depuis quelques années, la population veut elle-même questionner
et veut aussi faire connaître son point de vue. Des spécialistes
en différentes matières ne se retrouvent pas toujours uniquement
et nécessairement, si l'on prend le cas de l'industrie
forestière, à l'intérieur de cette industrie. Il y a des
spécialistes qui vivent à l'extérieur de l'industrie
forestière et qui sont en mesure d'apporter des éclairages
différents. C'est l'occasion aussi, justement pour ces
spécialistes et pour le public, de pouvoir confronter, au moins de voir
se confronter - se confronter ne veut pas dire nécessairement se
chicaner - différentes hypothèses et avenues offertes par des
spécialistes qui ont des idées parfois opposées, on le
sait, sur des sujets. S'il n'y a pas cette possibilité de contacts
directs face au public, un peu comme ici en commission parlementaire,
finalement... Il y a des émotions qui s'expriment aussi. Il y a des
émotions qui s'expriment même assez vigoureusement parfois. On a
déjà vu un président d'assemblée se faire retenir
en otage au moment d'une audience. Il y a des émotions qui s'expriment
et c'est le risque à prendre dans les occasions, dans ces cas-là
où ce débor-
dement d'émotion peut se produire. Est-ce qu'on va empêcher
que le public puisse véritablement participer, ayant conscience d'avoir
exprimé et d'avoir épuisé le sujet, et qu'il sente que la
décision qui va être prise ensuite... Ce n'est pas le public qui
prend la décision à ce moment-là, il reste qu'il y a des
gens qui font les audiences et qui ont un jugement à porter par la
suite, ce n'est pas le public qui prend la décision, c'est ce groupe qui
a, jusqu'à présent en tout cas, manifesté sa
capacité de le faire de façon objective, je pense. Malgré
tout cela et puisqu'on vise... Tous les intervenants ont exprimé le
même souhait, la même volonté, c'est-à-dire d'assurer
le développement harmonieux de la forêt, non seulement de la
forêt matière ligneuse, mais de la forêt pour ce qu'elle
peut représenter pour ses habitants, la faune, mais aussi sa
possibilité de beauté, donc, d'attrait pour les citoyens et les
touristes, etc. Est-ce que donner à ces mêmes citoyens la
possibilité de s'exprimer sur ces sujets... C'est cela. Je n'arrive pas
à comprendre pourquoi. C'est un peu ce qu'a exprimé mon
collègue tout au long de...
M. Charbonneau (Carl): Si vous le permettez...
M. Desbiens: Oui.
M. Charbonneau (Carl):... M. Paré pourrait
éclaircir un peu la position de l'ordre.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Paré.
M. Paré (Germain): II est bien évident que la
position de l'ordre n'est pas contre les audiences publiques. L'Ordre des
ingénieurs forestiers du Québec est d'accord avec la tenue
d'audiences publiques sur des sujets tels que les pesticides, à un
moment donné, lorsque cela sera nécessaire, lorsqu'il y aura un
nouveau pesticide à entrer dans le circuit, etc. Donc, le
mécanisme des audiences publiques est reconnu par les ingénieurs
forestiers; il est reconnu comme un bon mécanisme pour informer le
public, pour permettre aussi au public d'intervenir, de dire son mot et de
mieux comprendre.
Il faut aussi bien comprendre qu'on travaille dans le monde forestier.
Le monde forestier est un monde vivant. C'est un monde où souvent il y a
plusieurs vérités. Ce n'est souvent ni blanc ni noir, cela joue
dans le gris et les niveaux d'interprétation, à un moment
donné, deviennent assez subtils, assez difficiles, de la même
façon que, lorsque vous avez un conflit de nature juridique, vous pouvez
avoir deux notaires des deux côtés de la barricade qui sont
entièrement logiques et professionnels. De la même façon,
en foresterie, vous pouvez avoir deux forestiers qui sont entièrement
logiques, qui sont de chaque côté et qui luttent de bonne foi pour
obtenir la meilleure solution possible pour la forêt. C'est toujours le
bien de la forêt que le forestier vise.
Le dernier point qui vient peut-être compléter l'image
d'émotion qu'on attache aux audiences publiques, c'est qu'il ne faut pas
se le cacher, les audiences publiques qu'on a faftes jusqu'à ce jour ont
été sur des produits chimiques, dans un contexte de danger, parce
qu'on a fait référence à d'autres sortes de produits
chimiques et à des mauvaises expériences que l'homme a connues
dans divers domaines avec divers produits chimiques. Qu'on le veuille ou pas,
dire produit "chimique" implique souvent panique dans l'esprit de certaines
personnes, panique parfois irraisonnée. C'est basé sur des
expériences dans d'autres domaines. Ce n'est pas rattaché, ce
n'est pas prouvé, mais il y a un grelot de panique qui s'y attache tout
de suite, parce qu'on dit "chimique". Les forestiers ne sont peut-être
pas d'assez bons communicateurs. On n'est pas encore tous des ermites qui
vivent dans des cabanes en bois rond, loin de là, on vit en ville quand
même. Mais les forestiers n'ont peut-être pas encore acquis le
langage facile qui va vendre à des gens, qui va vendre à une
population un message clair, compréhensible. D'autres groupes ont
peut-être plus de facilité à vendre ce message. C'est de
là que l'affrontement naît souvent, lors d'audiences publiques. Je
tiens à le répéter, l'ordre n'est pas contre des audiences
publiques, comme principe pour informer la population et pour permettre a
celle-ci de dire son mot, de dire ce qu'elle a à dire concernant un
projet. (20 h 45)
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Dubuc.
M. Desbiens: Je vais reprendre cette proposition que mon
collègue, le critique de l'environnement, a développée
depuis deux jours. Si je l'interprète mal, il est à mes
côtés, il pourra me le dire. Il a essayé de
démontrer, à mon point de vue, de distinguer la
possibilité de reconnaître qu'il y a des situations d'urgence qui
nécessitent une action rapide car, autrement, on atteint des
désastres du genre de ceux qu'on a connus avec la tordeuse ces
dernières années. Reconnaissant cela, on dit: II faut absolument
vous permettre à vous et à l'industrie forestière de
pouvoir réagir rapidement. Donc, en attendant que des audiencces
publiques sur d'autres produits ou un ensemble de produits aient lieu, il
pourrait y avoir, dans un premier temps, possibilité de permettre
à l'industrie d'utiliser certains produits qui sont déjà,
comme vous dites, homologués. J'ouvre une parenthèse. Vous disiez
tantôt: C'est homologué, c'est sûr. Il y a toujours des
doutes. On sait que c'était "Canada approved", mais on a mangé de
la viande avariée un bout de temps. C'était marqué dessus:
"Canada approved". Il y a toujours des doutes aussi, mais en tout cas!
Entre-temps, la proposition est la suivante: Pour répondre aux urgences,
le ministre ou le gouvernement autoriserait donc, dans l'immédiat,
l'utilisation de certains produits con-
tre des épidémies possibles en attendant que des audiences
publiques puissent se tenir, soit par régions ou par bandes de
forêts. Cela peut être cinq ou dix, je ne sais. Cela n'a pas
d'importance, mais évidemment pas autant d'audiences publiques qu'il y a
de CAAF. Mais par régions, cela pourrait être possible, plus
facile, moins long et moins dispendieux, puisqu'il y aurait à
l'intérieur d'une région géographique plusieurs
compagnies, plusieurs entreprises et plusieurs groupes qui pourraient faire
préparer ou faire exécuter les études d'impact. Cela
enlèverait une partie des coûts pour tout le monde. En attendant
que ces audiences se tiennent, premièrement, le gouvernement autorise.
Après cela, il y a ces études d'impact et ces audiences publiques
qui permettent ensuite d'établir pour un nombre X d'années le
résultat de ces consultations, de ces audiences, qui assurerait à
l'entreprise la tranquillité ou la possibilité d'exercer pour X
années à partir des éléments qui auraient
été retenus lors de ces consultations. C'est la proposition qu'il
a développée depuis deux jours. C'est bien ça? Qu'est-ce
que vous en pensez?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Charbon-neau.
M. Charbonneau (Carl): On a le même nom, mais je ne pense
pas qu'on soit parents.
M. Charbonneau (Verchères): Les mêmes origines!
M. Charbonneau (Carl): Probablement. Nous sommes heureux de
constater qu'en ce qui concerne l'urgence d'intervention cela semble être
un élément acquis. L'Ordre des ingénieurs forestiers dans
son mémoire privilégiait l'option 2 en affirmant que, pour
l'utilisation du B. t. et des glyphosates, on ne considérait pas
l'obligation d'avoir d'études d'impact sur ces deux produits. On n'a
jamais affirmé que, pour de nouveaux produits, nous étions contre
des études d'impact ou des audiences publiques. On pense que les
nouveaux produits devraient passer par un processus où on devrait
informer la population et avoir une idée de ce qu'elle pense avant de
prendre une décision. Dans notre mémoire, on a aussi
mentionné que, même pour les produits actuellement qui sont
homologués ou qui ont déjà fait l'objet d'études
d'impact, nous considérions qu'il faudrait établir un
mécanisme périodique de révision de ces autorisations. Il
s'agira de connaître la période.
En tout cas, je pense qu'on a démontré, à partir
des options que l'on avait, qui étaient l'option 1 versus l'option 2,
c'est-à-dire études d'impact ou études d'impact sur
d'autres choses que les glyphosates et le B. t., que l'on a choisi la
deuxième. S'il y a des alternatives, soit 1a, 2, 5 ou 3b, je pense qu'il
faudra regarder les avantages et les désavantages de ces alternatives.
Mais j'imagine qu'après avoir analysé comme il faut ces
alternatives, il y aura peut-être moyen de trouver une solution mitoyenne
ou qui présente des avantages; qu'actuellement l'option 1 et l'option 2
n'ont pas. Mais c'est difficile pour nous, aujourd'hui, de nous prononcer sur
une troisième hypothèse.
M. Desbiens: Merci, cela va pour l'instant.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Dubuc. Je vais maintenant reconnaître M. le
ministre délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président. Ici, à cette commission, il n'est pas question de
soustraire l'utilisation des pesticides à la Loi sur la qualité
de l'environnement, à la Loi sur les pesticides, aux autorisations
requises. Il n'est pas question de cela du tout. Il est question d'avoir une
politique d'utilisation qui va être sécuritaire.
On parte beaucoup des faiblesses de l'homologation. Mais, pour les
produits utilisés en forêt, vous mentionnez que tous les produits
sont en plus testés par l'Institut de répression des ravageurs
forestiers, sur les plans de l'efficacité, des impacts environnementaux,
du comportement des produits sur le terrain. Il s'agit également d'un
organisme d'experts du gouvernement fédéral.
Évidemment, cest facile de dire: Je ne connais pas cela, mais ce
n'est pas bon. On entend cela des fois, mais ce n'est pas drôle. Il n'est
pas question de se soustraire à la Loi sur la qualité de
l'environnement, à la Loi sur les pesticides, aux autorisations requises
pour faire des choses.
Vous choisissez le scénario 2. Mais, en même temps, vous
dites: "Québec devrait s'inspirer de l'exemple d'autres pays forestiers
où la recherche s'intensifie en vue de développer des machines
adaptées au dégagement mécanique des plantations. " Quand
on parle de dégagement mécanique, on peut peut-être avoir
des outils dangereux. Dans la réalité de la vie, dans la
réalité des faits concernant la santé, les pesticides
viennent au vingt-huitième rang, tandis que les motocyclettes viennent
au troisième ou au quatrième rang. Mais on ne fait pas
d'études d'impact sur les motos et on ne fait pas de... C'est cela, dans
le fond.
Mais quels sont les pays? Pouvez-vous être plus explicite sur les
travaux qui se font dans les pays pour le dégagement manuel? J'en suis,
mais avec des moteurs à essence et tout cela, il y aura d'autres
inconvénients qu'il faudra mesurer dans ces cas-là, n'est-ce
pas?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Charbonneau.
M. Charbonneau (Carl): Les pays qu'on voulait mentionner,
c'étaient surtout les pays Scandinaves. On n'a pas affirmé qu'ils
avaient
trouvé la machine qu'il fallait utiliser sans aucun
problème pour la sécurité des gens, etc. On dit qu'ils
font continuellement des recherches pour trouver de meilleurs outils et qu'on
devrait faire des recherches ici aussi. C'est le message que l'on voulait
passer. Je pense qu'il ne faut pas s'en tenir à la scie mécanique
et à la hache lorsqu'on veut dégager les plantations.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. Charbonneau, on
fait également de la recherche pour l'utilisation de la biomasse
forestière pour éliminer la végétation
indésirable sur le terrain et pour favoriser le reboisement artificiel
dans certains cas. Là, on fait de la recherche également. On fait
de la recherche sur la génétique des plants, pour qu'ils puissent
traverser la végétation concurrente plus rapidement. On fait
également des expériences pour planter des plants plus gros pour
éviter d'utiliser les phytocides. On en a fait beaucoup de ce
côté-là.
On met des pièges, ici et là au Québec, pour
essayer de détecter les foyers d'infestation. Ce sont des produits qui
ont été examinés lors des audiences publiques, soit le
B.t. et le féni-trothion. Mais lors de ces audiences publiques, le BAPE
a recommandé le glyphosate. J'imagine que c'est pour cela que vous
arrivez également avec le glyphosate aujourd'hui, parce que, pour les
deux autres produits, le B.t. et le fénitrothion, le BAPE a dit:
D'accord, ce sont des produits utilisables. Il y a moyen de les utiliser
sécuritai-rement.
Votre idée, c'est d'arriver avec le glyphosate, comme on le
proposait dans le deuxième scénario, et de dire "exempt
d'études d'impact". Mais des études d'impact ou des audiences
publiques, il faut en faire pour d'autres cas. Je pense bien que c'est ce que
vous nous dites. C'est cela?
M. Charbonneau (Carl): C'est la position qui a été
présentée par l'ordre aujourd'hui, effectivement.
M. Côté (Rivière-du-Loup): J'écoute
les intervenants et je suis en train d'essayer d'élaborer un
troisième scénario, comme vous dites, avec les gens de la
commission et avec mon collègue, qui ferait qu'on aurait une
méthode efficace pour intervenir à temps, pour éviter
d'utiliser de grandes quantités de ces produits et pour les utiliser de
façon professionnelle et sécuritaire également.
M. Charbonneau (Carl): C'est en ce sens que nous parions
d'effectuer des recherches...
M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Cela
va.
M. Charbonneau (Carl): ...pour essayer de trouver des nouvelles
méthodes de travail.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Charbonneau.
Merci, M. le ministre. Je tiens, au nom des membres de la commission, à
remercier l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec pour son
apport aux travaux de la commission sur l'étude des pesticides.
Je demanderais maintenant aux représentants de l'Association des
biologistes du Québec de prendre place, s'il vous plaît.
Une voix: Ils ne sont pas encore arrivés, M. le
Président.
Le Président (M. Saint-Roch): Comme les membres de
l'Association des biologistes du Québec ne sont pas encore
arrivés, je demanderais aux représentants du Centre
d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy de bien vouloir
prendre place, s'il vous plaît. Pour les membres de la commission, ce
sera le mémoire 14.
M. Paradis (Matapédia): Merci, M. le Président.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Matapédia.
Permettez-moi, dans un premier temps, de vous souhaiter la bienvenue aux
travaux de la. commission. Je demanderais au porte-parole de bien vouloir
s'identifier et de présenter les gens qui l'accompagnent, pour le
bénéfice des membres de la commission.
Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de
Sainte-Foy
M. Tremblay (Jacques): Merci, M. le Président. Mon nom est
Jacques Tremblay. Je suis responsable de la recherche et du
développement dans notre boîte. À ma gauche, M. Bernard
Comtois, ingénieur forestier, également, qui est responsable des
opérations. À mon extrême gauche, notre
vénérable membre du conseil d'administration, M. Henri Leblanc,
ingénieur forestier également.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci de ce
préambule. Je vous cède maintenant la parole pour la
présentation de votre mémoire, en rappelant que vous avez 20
minutes au maximum pour ce faire.
M. Tremblay (Jacques): Merci, M. le Président. M. le
ministre de l'Environnement, M. le ministre délégué aux
Forêts, MM. les députés, M. le Président, la
présentation de notre mémoire prendrait, si on le lisait de
façon intégrale, au-delà de 35 minutes. De façon
à respecter le temps qui nous est imparti, vous nous permettrez de
sauter diverses sections du mémoire. Nous
prendrons soin alors de vous le préciser.
Le Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy
(CERFO), est un organisme à but non lucratif reconnu par le
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science en mai
1985 comme centre spécialisé en foresterie au Québec. En
collaboration avec cinq des sept collèges qui dispensent les programmes
de technologie forestière, les interventions du centre se situent dans
les domaines de l'information, de l'aide technique, de la recherche
appliquée et de la formation sur mesure. Par l'entremise de son
personnel et de ses réalisations, CERFO travaille en étroite
collaboration avec le Département des techniques forestières du
cégep de Sainte-Foy. À l'intérieur de ce programme, il
existe des cours sur la protection des forêts, la sylviculture, le
reboisement, où l'on aborde divers aspects de l'utilisation des
pesticides en milieu forestier.
En plus de réagir récemment par écrit au projet de
règlement sur les pesticides, CERFO a présenté deux
mémoires en commission parlementaire, l'un sur la Loi sur les
forêts, la loi 150, et l'autre, sur la Loi sur les pesticides, la loi 27.
Enfin, notre centre est impliqué par ses travaux dans tous les domaines
de la foresterie. Il suffit de mentionner par exemple la préparation
d'un "Guide pratique de reboisement" pour le MER. Dans un contexte d'approche
préventive en protection des forêts, ce guide s'avère un
outil de planification utile. (21 heures)
Suite à la page 5, M. le Président. Le nouveau
régime forestier. La Loi sur les forêts fait du rendement soutenu
des forêts publiques une obligation légale que le MER et les
industriels titulaires de CAAF sont tenus de respecter. D'une part, le MER fixe
les objectifs de protection ligneuse à l'intérieur de toute
unité territoriale sous contrat d'aménagement. D'autre part, les
détenteurs d'un CAAF ont la responsabilité de prendre les moyens
permettant d'atteindre ces objectifs de production. Pour y parvenir, ils
doivent, primo, maintenir la productivité des peuplements
évoluant vers leur maturité économique et augmenter la
production des terrains soumis aux régimes des coupes, en favorisant,
bien sûr, la régénération préétablie.
Secundo, ils doivent reboiser les aires non
régénérées ainsi que celles qui tardent à se
regarnir naturellement. Ce faisant, les deux producteurs de matière
ligneuse veulent recourir à l'usage modéré et
sécuritaire de pesticides homologués pour atteindre leurs fins
d'aménagement.
Il faut donner à la régénération
forestière toutes les chances d'occuper à nouveau les parterres
de coupe et de se développer sans le retard occasionné par la
concurrence d'une végétation agressive qui profite de l'effet de
coupe, entre autres, par l'apport de lumière abondante.
Malgré la quantité de méthodes manuelles
disponibles pour freiner la compétition parmi les plantes, l'usage de
phytocides reconnus et homologués demeure un outil économique sur
de grandes superficies. Sans l'emploi de pesticides, l'esprit de la nouvelle
Loi sur les forêts nous semble vulnérable dès le
départ et pour cause. En effet, la nouvelle Loi sur les pesticides, un
complément à la Loi sur la qualité de l'environnement,
freine dans son esprit le recours aux pesticides en milieu forestier et les
tolère en milieu agricole, jusqu'à un certain point. Dans le
document de soutien à cette commission, on limite l'emploi des
pesticides à deux produits - pour le premier, il s'agit du B. t. et,
dans le second cas, du glyphosate - reconnus tant au Canada qu'aux
État-Unis d'Amérique.
Suite à la page 7, troisième paragraphe. À sa
dernière réunion de novembre 1987, le Conseil canadien des
ministres des Forêts mettait la touche finale à la
présentation d'une nouvelle stratégie nationale pour le secteur
forestier canadien. Au sujet (de la forêt et de son aménagement,
le CCMF présentait 17 recommandations dont quatre plus
particulièrement se rattachant au débat de ce mémoire,
soit les recommandations 9, 10, 11 et 17. Dans ces recommandations, les
pesticides sont reconnus comme des outils légitimes dans la gestion des
ressources forestières, et l'on précise bien dans quel contexte
on doit s'en servir. La sylviculture se voit attribuer un nouveau rôle et
devient un instrument de recherche pour que les traitements sylvicoles soient
efficaces, rentables et inoffensifs pour l'environnement.
La recommandation 17 encourage la participation du public à la
détermination des objectifs d'aménagement forestier. Nous mettons
en exergue ces quelques recommandations parce qu'elles vont de pair avec
l'esprit du document de support sur la politique de l'utilisation des
pesticides en milieu forestier, et, nous sommes d'accord avec cette
stratégie.
Mise en valeur de la forêt. En assurant un équilibre
optimal entre la récolte des peuplements mûrs et surannés
et les efforts de régénération artificielle et par des
méthodes d'exploitation assurant une plus grande protection de la
régénération préétablie, le MER, comme
gestionnaire de la forêt publique, se propose d'accroître la
possibilité de 19 000 000 à 26 000 000 de mètres cubes
dès 1990 et cela, tout au long du prochain demi-siècle pour
atteindre les 30 000 000 de mètres cubes après cette
période. Cette possibilité ne s'applique qu'à trois
groupes d'essences résineuses privilégiées: les
épinettes, le sapin et le pin gris. Pour atteindre ces objectifs de
production, le MER et les détenteurs de CAAF devront recourir à
toutes les techniques sylvicoles connues, voire même en créer de
nouvelles. L'usage des pesticides fait partie de ces techniques. Il y a quatre
grands moyens reconnus à l'échelle canadienne pour augmenter le
rendement en bois des forêts, comme le
recommande le Service canadien des forêts. D'abord, une
utilisation plus complète de toute la fibre disponible à
l'unité de surface, l'exploitation des peuplements plus
éloignés, parfois plus coûteux, la réduction des
pertes de volume dues aux incendies, aux insectes et aux maladies et la
pratique d'une sylviculture dynamique dans les jeunes peuplements.
Dans ces deux derniers moyens, nous retrouvons l'usage plus
fréquent de pesticides et ce, à deux niveaux: primo, pour lutter
contre les insectes et les maladies et, secundo, pour limiter l'effet de
suppression et de compétition de la végétation naturelle.
Ces derniers moyens doivent être utilisés aussi pour
protéger les investissements consentis pour fins de reboisement et pour
travaux sylvicoles de toute nature.
Selon le Service canadien des forêts, les quatre moyens
donnés plus haut peuvent contribuer chacun à leur façon
à augmenter les volumes de bois produits. Les trois premiers moyens
peuvent entraîner une augmentation de l'ordre de 10 % à 15 %
à court terme. Par contre, l'aménagement intensif peut donner des
accroissements de volume variant de 50 % à 100 %, selon le degré
d'adaptation des essences choisies aux qualités des sites. Bien
sûr, ces résultats n'apparaîtront qu'à plus long
terme. C'est donc vraiment au début de leur établissement que les
peuplements ont le plus besoin du sylviculteur pour favoriser pleinement leur
installation et permettre la croissance des semis en hauteur, pourvu qu'un
espace biologique leur soit accordé et que la lumière directe les
atteigne.
Suite à la page 12. L'effet de possibilité. Comme
mentionné précédemment, la possibilité naturelle de
la forêt québécoise est évaluée à 18
000 000 ou 19 000 000 de mètres cubes annuellement. Cette
possibilité naturelle correspond à un volume ligneux
récoltable annuellement par le principe du rendement soutenu et ce, sans
aucune forme d'aménagement. C'est ce qu'on appelle le retour des
peuplements sans aucune intervention. On doit préciser à ce
niveau que cette possibilité naturelle a été
estimée sans égard aux divers agents naturels, tels le feu, les
insectes ou les autres agents perturbateurs. Cette évaluation de la
possibilité naturelle peut être qualifiée, au point de
départ comme étant optimiste.
D'autre part, à cette possibilité naturelle doivent
être juxtaposés les besoins de l'industrie,
génératrice de l'activité économique. La demande
annuelle de matière ligneuse est dorénavant fixée à
quelque 26 000 000 de mètres cubes de bois résineux pour les 50
prochaines années. À noter que cette demande, qui était de
31 000 000 de mètres cubes avant l'adoption de la loi 150, a
été rabattue de quelque 5 000 000 de mètres cubes
après l'adoption de cette même loi. Ainsi, à une offre
naturelle optimiste peut être juxtaposée une demande de
matière ligneuse pessimiste. Le déficit entre la
possibilité de nos forêts et les besoins de l'industrie est donc
de 8 000 000 de mètres cubes, ce qui correspond environ à un
volume dépassant de 44 % la possibilité naturelle.
Afin de pallier à cette carence, la loi 150 établit le
concept d'effet maximal de possibilité. En effet, ce concept se
résume par la capitalisation actuelle des revenus anticipés. Par
ce concept, on se permet de récolter dès aujourd'hui les volumes
supplémentaires générés par l'effort accru
d'aménagement. Afin d'atteindre ce haut niveau de performance, le
rendement annuel naturel estimé à 0,85 mètre cube par
hectare annuel devra être porté à 1,25, équivalant
à un accroissement de rendement de 0,4 mètre cube annuel, ce qui
représente une production moyenne de 47 %. Pour rendre cet objectif
réalisable, la loi 150 prévoit, à l'article 60, que chaque
bénéficiaire de CAAF devra s'engager à réaliser
chaque année, à ses frais, les traitements sylvicoles
nécessaires pour atteindre le rendement annuel prévu et ce,
conformément au plan annuel d'intervention. À notre avis, il nous
apparaît utopique de croire que le niveau de performance anticipé
pourra être atteint si tous les outils de base nécessaires
à leur réalisation ne peuvent être disponibles, incluant
l'usage rationnel d'insecticides chimiques et de phytoci-des.
La description des peuplements. Page 16, dernière ligne. Il
semble donc sage, dans une politique forestière de rendement soutenu, de
bien connaître les forces en présence qui peuvent limiter, pour
des périodes plus ou moins longues, le développement des
espèces privilégiées qui sont souvent déjà
en place avant la coupe ou qu'on introduira artificiellement après la
coupe, généralement à la suite de travaux de
préparation de terrain. La végétation concurrente peut
aussi être considérée comme un ravageur forestier.
À la recherche d'éléments stables dans
l'évaluation des peuplements. La végétation sur place
après coupe du peuplement est l'élément le plus instable
du peuplement résiduel. Il est difficile de prédire à
l'oeil ce qui va se passer sur le parterre des coupes ou de préciser
l'évolution de la végétation sur place, encore moins le
taux d'invasion de ce même parterre par d'autres plantes venues
d'ailleurs. La classification écologique des peuplements, incluant la
description des dépôts de surface, la texture et le drainage,
semble un prérequis pour bien administrer cette politique nouvelle de
gestion de la végétation concurrentielle. Pour satisfaire aux
exigences de ce prérequis, les aménagistes forestiers devront
découvrir l'écologie végétale. Elle leur sera un
outil indispensable pour prévoir les aires qu'il faudra traiter pour
atteindre les objectifs du MER. À partir d'une classification
écologique des peuplements, il deviendra, croyons-nous, plus facile et
enrichissant de mesurer l'efficacité des produits disponibles et des
techniques sylvicoles utilisées. Une telle pratique faciliterait la
recherche de nouvelles techniques capables de mieux répondre aux
attentes du sylviculteur qui se veut et qui se dit aussi protecteur de
l'écosystème forêt.
Même si nous ne disposons pas, à l'heure actuelle, d'une
classification écologique faisant ressortir tous les multiples
peuplements qui constituent la forêt québécoise à
l'échelle de l'unité d'aménagement, toute action visant le
contrôle de la végétation concurrentielle devrait se faire
dans un cadre de référence de la classification écologique
du territoire.
Je saute un paragraphe. À l'intérieur d'une même
région écologique, la structure des peuplements naturels au seuil
de la maturité a de bonnes chances d'être rapprochée, donc
comparable, sinon similaire, au point de vue floristi-que. Par contre, le
nombre de titulaires de CAAF peut être élevé. En se
regroupant, les titulaires réduiraient le nombre d'études
d'impact à préparer lorsque l'emploi de phytocides apparaît
comme le seul moyen efficace pour limiter la concurrence d'une
végétation jugée indésirable pendant la
période d'établissement de la regénération.
Suite à la page 21, deuxième paragraphe. Protection des
forêts: l'approche intégrée. Nous souscrivons à
l'approche intégrée proposée par le MER dans les
documents de support à la consultation. Cette approche est basée
sur les trois niveaux de la protection, soit la prévention, la
détection et la lutte. Le but de la prévention est de
réduire la susceptibilité des peuplements aux
épidémies d'insectes ou d'atténuer l'impact des dommages
causés. Un des moyens pour réduire la susceptibilité des
forêts aux infestations d'insectes consiste à planter des essences
mieux adaptées et moins vulnérables. Dans cet esprit, notre
centre a préparé pour le MER un guide de sélection
d'essences à reboiser en fonction des sites qui devrait être
disponible bientôt. Basé sur les exigences écologiques des
essences, ce guide s'inscrit donc comme un outil de prévention en regard
des insectes forestiers ravageurs.
Page 22, troisième paragraphe. Reste le dernier volet de la
protection, mais non le moindre, celui de la lutte. Nous pensons, à
l'instar du ministère, que nous devons envisager celle-ci dans une
optique intégrée, c'est-à-dire qu'un éventail des
moyens doit être disponible pour l'aménagiste. Les
stratégies d'intervention doivent être basées sur divers
critères, tels que la virulence de l'infestation, la valeur des
peuplements à protéger, le coût des interventions et les
seuils de tolérance économique. Ces stratégies ne pourront
être établies qu'à la suite d'une connaissance approfondie
des systèmes biologiques en cause, c'est-à-dire les populations
d'insectes et les peuplements forestiers.
Nous croyons cependant que nous ne devons pas éliminer
d'emblée les insecticides chimiques. En effet, même si le B.t. a
prouvé son efficacité contre certaines espèces nuisibles,
comme la tordeuse des bourgeons de l'épinette, la livrée des
forêts, la spongieuse, il ne faut pas oublier que la
variété de B.t. utilisée en foresterie n'est efficace,
à l'heure actuelle, que pour certains lépidoptères. Dans
le cas d'autres insectes nuisibles, comme le diprion de Swaine sur le pin gris
ou le charançon du pin blanc, l'aménagiste doit pouvoir compter
sur d'autres outils de répression. Ainsi donc, s'il n'existe pas
d'autres insecticides biologiques commercialement utilisables, on devrait
pouvoir recourir, lorsque nécessaire, à un insecticide chimique
homologué reconnu pour son efficacité. Signalons aussi
qu'à tous les stades d'évolution d'un peuplement forestier
correspond une cohorte d'insectes phytophages dont les espèces changent
au cours des ans, justifiant d'autant plus la disponibilité de plusieurs
produits.
Les obligations et responsabilités du MER et des titulaires de
CAAF. La nouvelle Loi sur les forêts amène un nouveau partage des
coûts de la protection contre les insectes. Dorénavant, la
moitié des frais de lutte seront payés par les titulaires de
CAAF. Le MER sera responsable du dépistage des infestations, de la
confection du plan d'intervention, lorsque jugé nécessaire, et de
sa réalisation. La loi 150 oblige cependant les titulaires de CAAF
à identifier, pour ce qui est du plan général
d'aménagement, les problèmes entomologiques et pathologiques
susceptibles de les affecter, ainsi que les moyens proposés pour en
réduire les impacts. Comme nous pensons que les industriels ne pourront
s'acquitter de cette obligation sans une bonne connaissance de ces deux
spécialités de la foresterie, nous proposons aux titulaires de
CAAF, pour leur permettre d'atteindre ces objectifs, des sessions de formation
dont vous trouverez les détails en annexe à la fin du
présent mémoire.
Suite, page 26. Le contrôle de la végétation
compétitive. L'utilisation de phytocides en milieu forestier
s'avère un outil indispensable pour que nos forêts supportent une
industrie viable à long terme. Plusieurs pays et les autres provinces
canadiennes l'ont déjà compris et en font largement usage. Un
document publié en juin 1986 pour le Conseil canadien des ministres des
Forêts, préparé par l'Université Carleton, nous
donne les quantités de phytocides utilisées dans certains pays.
Ce même document nous indique qu'en 1984 le Québec se classait bon
dernier dans l'utilisation des phytocides par rapport aux autres provinces
canadiennes. L'Ontario occupait le premier rang, avec près de 52 000
hectares traités, le Nouveau-Brunswick, le second avec 27 000 hectares,
suivi de la Colombie britannique avec 10 000, de la Nouvelle-Ecosse avec 6100,
du Manitoba avec 2000 et des autres provinces avec des superficies variant de
264 à 600 hectares.
Le contrôle manuel de la végétation
compétitive, en plus d'être inefficace en une seule
opération et de contribuer à la prolifération des tiges
nuisibles, représente le moyen le plus dispendieux. En 1985-1986, les
travaux de déga-
gement manuel de la regénération artificielle
coûtaient en moyenne 593 $ l'hectare, selon le MER. Les opérations
terrestres et aériennes d'épandage de phytocides coûtaient
respectivement, en 1987, 340 $ et 223 $. Dans plusieurs cas, les
opérations terrestres sont plus que justifiées. Cependant,
certaines machineries endommagent les plants et sont susceptibles de compacter
le sol.
Le dégagement des conifères avec le glyphosate ne
s'effectue qu'au cours d'une période très restreinte au cours de
l'année, c'est-à-dire après l'aoûtement des
conifères, lorsque les essences feuillues sont encore réceptives.
L'épandage de phytocides avec un hélicoptère est dix fois
plus rapide qu'avec un appareil terrestre. Notons aussi que bien souvent les
arrosages chimiques s'effectuent sur des superficies plus ou moins accessibles
ou visibles pour le grand public, contrairement au domaine de l'agriculture.
Ces épandages ne sont de plus réalisés
généralement qu'une ou deux fois sur une même superficie,
au cours de plusieurs décennies. Nous demeurons très soucieux de
l'environnement. Il faut toutefois se rappeler que le glyphosate et la simazine
sont classifiés comme étant moins toxiques que le sel de table et
l'aspirine, d'après l'ACPPP. (21 h 15)
Les pesticides et la protection de l'environnement. J'aimerais tout
simplement mentionner à ce sujet qu'à l'heure actuelle, au
Québec et au Canada, nous croyons que l'on dispose de tous les outils
législatifs pour permettre d'exercer un contrôle sérieux
sur l'utilisation des pesticides en milieu forestier, de même que ces
législations nous permettent de nous renseigner sur les dangers que
représentent les pesticides sur l'environnement. Nous croyons qu'il n'y
a pas lieu d'être encore plus sévère pour les utilisateurs
de ces produits en forêt.
J'aimerais terminer la présentation de ce mémoire avec les
recommandations que l'on trouve en page 36. Compte tenu de la difficulté
de prévoir plus d'un an à l'avance les infestations d'insectes et
de la lourdeur des consultations publiques, nous rejetons le scénario 1,
tel qu'il nous a été présenté, et favorisons le
scénario 2. Cependant, nous aimerions soumettre à cette
commission les recommandations suivantes. 1) Que l'on prévoie
l'élaboration d'un nouveau mécanisme de consultation sur les
risques environnementaux des pesticides, plus rapide et moins coûteux que
celui en place. 2) Que certains insecticides chimiques dûment
homologués soient disponibles pour l'aménagiste forestier. 3) Que
l'on explicite la signification de "mesures équivalentes de
remplacement", à la page 61 du document de support à la
consultation. 4) Que des budgets supplémentaires soient alloués
en recherche et développement dans le domaine des pesticides. 5) Que des
études soient entreprises dans les domaines suivants: l'impact des
coupes sur la végétation concurrente, les causes
d'épidémie, le développement d'outils de prévision
des infestations d'insectes, la mise au point de méthodes de lutte
alternatives, les relations sites-peuplement-insectes, et l'implantation de
systèmes d'information géographique en protection des
forêts. Finalement, notre dernière recommandation. 6) Que le
ministère de l'Énergie et des Ressources poursuive ses efforts de
recherche entrepris en entomologie forestière sur les
épidémies. Merci de votre attention.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Tremblay. Je vais maintenant reconnaître M. le...
M. Lincoln: Un instant, je vais passer la parole à M. le
député de Matapédia pour un moment.
Le Président (M. Saint-Roch): Pour une question? Je vais
reconnaître M. le député de Matapédia.
M. Paradis (Matapédia): Merci, M. le Président. Je
vais aller immédiatement à votre recommandation principale - cela
fait finalement deux jours qu'on en discute ici - c'est-à-dire,
évidemment, les consultations.
Vous dites que l'on prévoit l'élaboration d'un nouveau
mécanisme de consultation; est-ce que vous pourriez élaborer?
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Matapédia. M. Tremblay.
M. Tremblay (Jacques): Merci, M. le Président. Oui, nous y
avons pensé un peu, mais vous êtes les spécialistes, bien
sûr, de ces choses, à notre avis. Alors, je voudrais que la
recommandation ou l'élaboration que je vais faire soit accueillie comme
étant celle d'un profane.
On a pensé qu'un comité décisionnel, comprenant
à la fois le ministère de l'Énergie et des Ressources, le
ministère de l'Environnement et des représentants
régionaux du public - de façon à permetttre effectivement
l'"input" du public, pas simplement son information, mais son "input" - soit
constitué pour examiner les cas qui devront se présenter. On
croit qu'il serait souhaitable, quelles que soient les décisions qui
seront prises par ce comité décisionnel, que celui-ci s'assure,
par la suite, de rendre public, auprès des journaux locaux,
régionaux et dans toutes les routes d'accès, à la fois la
date, la localisation, la superficie, le type de produit utilisé et les
résultats que l'on escompte.
M. Paradis (Matapédia): Cela pourrait être une
consultation régionale, si je comprends bien vos propos?
M. Tremblay (Jacques): Je dois vous avouer que, dans ce domaine,
on est dans des sables mouvants, et j'imagine qu'une consultation
régionale puisse faire l'affaire, en effet. Je ne sais pas si
d'autres membres désirent ajouter des commentaires.
M. Paradis (Matapédia): Croyez-vous qu'une consultation de
la population sur les pians d'aménagement, en vertu de la Loi sur les
forêts, soit une bonne alternative au processus actuel de
consultation?
M. Tremblay (Jacques): Une consultation de la population sur les
plans d'aménagement?
M. Paradis (Matapédia): Oui.
M. Tremblay (Jacques): Effectivement, c'est une voie...
M. Paradis (Matapédia): Sur les plans d'aménagement
en vertu de la Loi sur les forêts, les CAAF.
M. Tremblay (Jacques): Sur les CAAF? M. Paradis
(Matapédia): Oui.
M. Tremblay (Jacques): Oui. On n'a pas envisagé cette
alternative, bien sûr. Je crois savoir qu'en Ontario on a
procédé à des "public audit" sur les
procédés d'aménagement. Pour autant que je puisse voir,
évaluer ce type d'intervention, il semble que cela ait produit des
résultats assez remarquables, assez intéressants en termes de
mobilisation de la population et de prise de conscience des enjeux. Tous ceux
qui sont ici, malgré les échanges qui peuvent être parfois
émotifs, comme on l'a précisé antérieurement avec
le groupe précédent, nous croyons que la population, en
général, avec son gros bon sens peut émettre des jugements
intelligents.
M. Paradis (Matapédia): Et cela serait moins émotif
d'après vous que de discuter seulement sur un produit, un pesticide.
M. Tremblay (Jacques): J'avoue que l'aspect émotif ne me
fatigue pas plus que cela. J'estime que l'amour, c'est une émotion,
alors il n'y a rien là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paradis (Matapédia): II y a des gens avant vous qui ont
dit que, lorsqu'on vivait une étude d'impact, il y avait beaucoup
d'émotivité, qu'il y avait des accusateurs et des accusés
et que cela dégénérait souventefois.
M. Tremblay (Jacques): Oui, ah ça!, quand on n'est pas
habitués à se faire critiquer, c'est toujours difficile à
prendre.
M. Paradis (Matapédia): Je ne dis pas que je ne suis pas
habitué à cela, je suis en poli- tique, mon ami.
M. Tremblay (Jacques): Oui.
M. Paradis (Matapédia): Je laisse la parole au ministre.
Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Matapédia. Pour respecter l'alternance, M. le
député de Ver-chères.
M. Charbonneau: Si je reprenais l'idée du
député de MatapkJia, vous dites que vous trouveriez cela
intéressant que des gens, sur une base régionale, puissent
discuter des plans d'aménagement et dans ce sens-là on pourrait
très bien inclure les données des entreprises ou des exploiteurs
sur les...
M. Tremblay (Jacques): Exploitants.
M. Charbonneau: Exploitants.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Jacques): C'est moins...
M. Charbonneau: Remarquez que dans le passé cela a parfois
été des exploiteurs. Mais, correction faite, on pourrait aussi
avoir les éléments de prévision que les exploitants
entrevoient à l'égard des outils de gestion et des outils
d'intervention qu'ils comptent utiliser lorsqu'un certain nombre de
problèmes surviennent ou risquent de survenir dans les années qui
suivraient la présentation.
M. Tremblay (Jacques): Cela ne m'apparaît pas
impensable.
M. Charbonneau: Bien, très intéressant. Ce que je
remarque, c'est que vous reprenez en fait quelque chose qu'on a avancé
depuis deux jours, c'est que, dans le fond, la base opérationnelle
pourrait être la région. Autrement dit, plutôt que d'avoir
une superétude d'impact qui couvrirait l'ensemble du territoire
québécois, on pourrait fonctionner sur des; bases
régionales ou territoriales où il y aurait une certaine
homogénéité de situations végétales ou
d'écosystèmes. C'est un peu cela que vous dites finalement.
M. Tremblay (Jacques): Entre autres, oui.
Effectivement, c'est une alternative qui nous semble
intéressante. Je ne sais pas si M. Leblanc, ici, qui manifeste, voudrait
compléter.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Leblanc.
M. Leblanc (Henri): Merci. J'aimerais ajouter un mot en partie
sur votre réflexion de région. C'est un terme géographique
qu'on connaît, mais en écologie cela prend un autre
sens. Nous avons des documents cartographiques qui ont été
préparés et qui mettent en évidence un certain nombre
d'écorégions qui sont caractérisées par des
données qui s'affirment pour un domaine en particulier. C'est à
l'intérieur d'un domaine climatique comme cela qu'on devrait travailler.
À partir de cela, on pourrait bâtir toutes sortes de
théories, on pourrait accumuler des mesures et juger de
l'efficacité des moyens pris.
M. Charbonneau: Vous dites qu'on a identifié des
écorégions, c'est intéressant comme concept, mais est-ce
qu'on a une idée de combien il y en aurait au Québec, par
exemple?
M. Leblanc: Oui, dans les documents cartographiques auxquels je
fais allusion, nous en comptons 70. N'oubliez pas que nous avons 42
unités de gestion. Cela fait, disons, deux fois plus, mais cela permet
d'avoir une base plus écologique que géographique. Les
régions administratives du MER ainsi que les unités de gestion
que nous retrouvons à l'intérieur de ces régions
répondaient à des besoins administratifs. Aujourd'hui, nous
parlons de besoins écologiques et, dans ce mémoire, on a fait
allusion au fait que l'avenir, la forêt de demain, doit reposer
essentiellement sur une base écologique, sans quoi nous n'irons pas
très loin. Nous allons nous perdre dans un jargon qui pourrait devenir
la tour de Babel.
M. Charbonneau: Est-ce que cela veut dire que, lorsque vous
avancez ce concept d'écoré-gion - c'est plus qu'un concept, mais
c'est pour les fins de la discussion - vous dites dans le fond: Les impacts des
produits qu'on a à utiliser devraient être évalués
en fonction des écorégions? Et, si on pousse plus loin, la
conséquence de cela c'est que des produits, ou des remèdes, ou
des médicaments à base de produits chimiques ou biologiques
peuvent réagir différemment ou apporter des conséquences
différentes pour le même produit, selon qu'on l'administre
à des patients différents, à des écorégions
différentes?
M. Leblanc: Pour vous aider à comprendre ma pensée,
on va parler de régions écologiques. À l'intérieur
de ces régions, il est fort probable qu'on va retrouver un ensemble de
peuplements qui se rapprochent. En appliquant différents traitements
sylvicoles, on pourra plus facilement mesurer leur efficacité en
accumulant des données qu'on pourra réutiliser à
l'intérieur de cette région au fur et à mesure que nos
travaux progresseront et qu'on sera en mesure d'évaluer les
résultats de cela. La dynamique vers laquelle le nouveau régime
forestier nous amène, c'est faire pousser du bois pour répondre
à des besoins plus qu'urgents. Si on veut faire pousser du bois, il faut
être capable de le mesurer et de bien jauger la direction que le
développement prend parce qu'on va avoir besoin, bientôt, de plus
de bois que la forêt en produit à l'heure actuelle.
Il y a deux façons: en faire croître, en cultiver et le
protéger.
M. Charbonneau: À l'égard du sujet qui nous
préoccupe, c'est-à-dire une politique d'utilisation des
pesticides en milieu forestier, est-ce que vous considérez que,
justement, il y a lieu d'avoir des mécanismes ou une procédure de
gestion qui fasse en sorte qu'on puisse avoir des études d'impact
différentes et multiples - plus d'une - pour tenir compte des situations
écologiques et des écosystèmes différents qui
existent?
Dans le fond, si vous dites qu'il existe plusieurs
écorégions, la conséquence est qu'il y a des comportements
végétaux différents dans chacune de ces
régions.
M. Leblanc: Voilà.
M. Charbonneau: Donc, il y a des réactions à un
même produit qui peuvent être différentes aussi.
M. Tremblay (Jacques): Est-ce que je peux me permettre?
Le Président (M. Saint-Roch): Oui, M. Tremblay.
M. Tremblay (Jacques): Merci. Effectivement, il y a plusieurs
régions écologiques dans la province, une bonne quantité.
Nous pensons que, dans plusieurs de ces régions écologiques, il
n'y aura jamais de produits tels que le glyphosate qui seront utilisés,
parce que la régénération naturelle se fait soit en sapin
baumier ou en essences désirables avec une grande abondance. Le
dégagement qui doit être fait devra être mécanique,
tout simplement.
Si on prend l'exemple de la sapinière, quand cela revient
à 20 000 tiges à l'hectare dans ce qu'on appelle du saint-michel,
il n'y a pas utilité d'utiliser du glyphosate là-dedans parce
qu'il faut intervenir de façon mécanique pour dégager ces
semis qui sont tous des essences désirables et très
tassées. À partir du moment où on aura une meilleure
connaissance des régions, on va pouvoir focaliser et mettre des efforts
équivalents dans les régions où il y a des...
M. Charbonneau: J'ai l'impression que vous nous apportez un
argument important qui justifie les études d'impact. Les compagnies nous
ont dit que c'était trop compliqué et trop coûteux.
M. Tremblay (Jacques): Qu'est-ce qui est trop
compliqué?
M. Charbonneau: Ce dégagement mécanique. Dans le
fond... (21 h 30)
M. Côté (Rivière-du-Loup): Ce n'est pas
dans le même cas. M. Tremblay parle des saint-michel, où la
regénération est très abondante. Quand on parte d'utiliser
les glyphosates, c'est dans le cas où on fait du reboisement ou pour
permettre à la régénération naturelle de passer au
travers d'autres végétations. C'est différent.
M. Charbonneau: Je comprends, mais ce que je veux dire, c'est que
l'étude d'impact permet de savoir. À un moment donné, une
entreprise, pour des raisons de facilité, peut dire: Nous, on va
utiliser le phytocide qui est autorisé parce qu'on a carte blanche.
Alors que, dans le fond, si on avait eu une étude d'impact et une
évaluation des impacts environnementaux, on aurait pu se rendre compte
que, dans cette région, on devrait plutôt utiliser autre chose.
S'il n'y a personne qui les contredit, ou s'il n'y a personne qui conteste les
outils utilisés dans les différentes régions, on risque de
se retrouver souvent avec l'utilisation de solutions de facilité. C'est
bien moins compliqué pour des exploitants, finalement, de dire:
Écoutez, on a deux produits pour lesquels on a carte blanche. Pourquoi
se casserait-on la tête pour aller chercher d'autres solutions?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Tremblay.
M. Tremblay (Jacques): La seule réflexion que je pourrais
faire c'est que par expérience, d'après les contacts que j'ai eus
avec les gens de l'industrie, ils savent compter ces gens-là. Ce sont
des arguments économiques qu'ils font valoir principalement. Maintenant,
est-ce que c'est un outil de facilité? D'abord, je ne crois pas qu'ils
aient carte blanche d'une façon ou de l'autre.
M. Charbonneau: Si on adoptait le scénario 2, il y aurait
carte blanche pour deux produits. Il y en a qui voudraient avoir carte blanche
pour tous les produits homologués. C'est cela qu'ils nous ont dit.
M. Tremblay (Jacques): L'impression que j'en avais, c'est que,
malgré le fait que le scénario 2 qui nous était
présenté donnait la possibilité d'utiliser ces produits
avec plus de facilité et plus de célérité, il
demeure, néanmoins, que ces produits devaient tout de même faire
l'objet d'audiences publiques lors de révisions périodiques,
selon le scénario 2 qui nous a été présenté.
Disons que c'est une carte grise, si on veut faire des compromis. Quoi qu'il en
soit..
M. Charbonneau: Si c'était le cas, on serait
peut-être déjà moins contre, mais il n'est pas question de
révisions périodiques avec des études d'impact dans le
scénario 2.
M. Tremblay (Jacques): Ce que j'ai cru comprendre à la
page 72 du document de présentation... Là, je ne voudrais pas
faire perdre du temps à la commission avec des détails
semblables. Je m'excuse, c'est plutôt à la page 71. Dans le
processus de révision des produits exclus de la procédure, on
précise bien ceci à la fin du premier paragraphe: "Ce processus
de révision pourrait inclure une phase d'information (diffusion de
documents) et de consultation (mémoires et commentaires) du public.
Cette analyse devrait porter sur les aspects suivants", et ils sont
énumérés. C'est peut être une mésentente de
notre part.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vais maintenant
reconnaître M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Par rapport à votre intervention sur les
écorégions si vous regardez le document de politique auquel vous
vous référez à la page 65, au dernier paragraphe...
M: Tremblay (Jacques): Le document de consultation.
M. Lincoln: Oui, le document de consultation. Lorsqu'on parle de
la programmation de cinq ans, en fait, si vous regardez au dernier paragraphe,
on dit: "À titre d'exemple, l'on devrait inscrire les facteurs du
milieu, les types de coupes, les essences en présence et leur dynamisme,
tes techniques sylvicoies, les formes et les essences de reboisement, etc., par
région administrative ou par unité d'aménagement. " Est-ce
que vous voyez une difficulté à faire une programmation de cinq
ans, que l'industrie forestière est obligée de présenter
dans le CAAF de toute façon, et à allier une programmation qui
tiendra compte de ce que vous disiez avant, soit que, dans certaines
unités ou certaines régions, vous allez utiliser des pesticides,
alors que, dans d'autres, il y aurai des systèmes de contrôle
mécanique et il n'y aura pas besoin de pesticide et, dans d'autres
encore, il n'y en aura peut-être pas besoin non plus, parce que ce sera
du sapin baumier ou des espèces désirables, comme vous les avez
décrites? Donc, est-ce qu'on ne pourrait pas faire un plan de travail -
appelez-cela comme vous le voulez, vous avez le CAAF pour faire les deux choses
en même temps?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Tremblay.
M. Tremblay (Jacques): Merci, M. le Président, cela ne me
semble pas impensable, sauf qu'il y a la notion de région administrative
qui est difficile à gérer. On aimerait mieux... Mais,
enfin...
M. Lincoln: Non, mais on a dit cela à titre d'exemple.
M. Tremblay (Jacques): D'accord.
M. Lincoln: Ce que je veux vous demander,
c'est: Qu'est-ce qui semble faire obstacle, dans la tête de
beaucoup des intervenants, à dire: Ah oui, on est prêt à
préparer un programme de cinq ans pour le ministre
délégué aux Forêts, le CAAF, mais lorsqu'on dit:
Faites-nous une programmation, en mettant de côté les urgences et
le B.t. - on va laisser le B.t. de côté - pour les pesticides qui
contrôlent la végétation... Qu'est-ce qui serait tellement
difficile pour les compagnies forestières de présenter un plan de
cinq ans qui tiendrait compte des choses que je citais: les facteurs du milieu,
les types de coupe, les essences en présence, etc., afin de faire un
plan qui s'axerait là-dessus par rapport à l'usage du glyphosate,
ou d'autres pesticides, ou d'autres moyens, mécaniques ou autres?
M. Tremblay (Jacques): Je ne voudrais pas me transformer en
porte-parole de l'industrie...
M. Lincoln: Non, j'ai envie de...
M. Tremblay (Jacques): ...ce que je ne suis pas. Qu'est-ce qui
fait obstacle à l'industrie?
M. Lincoln: Non.
M. Tremblay (Jacques): Je ne peux pas le dire. À mon avis,
ce qui fait obstacle, c'est le Bureau d'audiences publiques. Ha, ha, ha!
M. Lincoln: Ah oui, d'accord. C'est bon que vous me disiez cela.
D'accord.
M. Tremblay (Jacques): C'est mon avis, enfin.
M. Lincoln: Cela ne me fait pas rire; cela me fait pleurer. Vous
voyez, ce qui arrive, c'est cela que je voulais vous faire dire, c'est que ce
n'est vraiment pas... Tout le monde nous a dit: Ah, on ne veut pas faire
d'études d'impact. C'est cinq ans et on ne peut pas présenter un
programme. Ce que vous avez l'air de dire c'est que ce n'est pas le programme
de cinq ans qui est compliqué, c'est réellement le Bureau
d'audiences publiques. C'est cela, le toup-garou dans toute l'affaire.
M. Tremblay (Jacques): Bon, il me semble que vous le savez autant
que moi. C'est clair, cela.
M. Lincoln: Pardon?
M. Charbonneau: C'est la première fois qu'on nous le dit
clairement.
M. Linicoln: C'est la première fois que les gens
l'admettent. Tout le monde...
M. Tremblay (Jacques): On va arrêter de se conter des
peurs. C'est vrai.
M. Lincoln: J'admire votre franchise, parce que tout le monde, je
sens que c'est ce qu'ils veulent dire. Mais ils nous racontent par toutes
sortes de chemins que ce n'est pas cela qu'ils veulent dire. Ah non, ils sont
pour le Bureau d'audiences publiques, ils trouvent cela un peu émotif,
mais c'est surtout le programme de cinq ans! Mais, enfin, vous avez le courage
de dire exactement ce que vous pensez. Je trouve cela bien mieux. Au moins, on
sait quel est le remède.
M. Tremblay (Jacques): Ah oui.
M. Lincoln." D'accord. Enfin, je voulais vous dire - je le dis
bien franchement depuis le début, je ne m'en suis jamais caché -
que, pour moi, le Bureau d'audiences publiques, c'est un intouchable.
Aujourd'hui, dans la société qu'on a, dans n'importe quel pays
qui se respecte, que ce soit la Suède, la France, la Hollande ou les
États-Unis, le système d'audiences publiques devient de plus en
prononcé. Ce n'est pas l'inverse qui se passe.
De penser, aujourd'hui, qu'on pourra faire un système pour
l'industrie forestière en dehors des audiences publiques, cela voudra
dire qu'on le fera pour les transports, parce qu'ils n'aiment pas les audiences
publiques; qu'il faudra le faire pour l'énergie, parce qu'ils n'aiment
pas les audiences publiques; qu'il faudra le faire pour la santé, parce
qu'eux non plus ils n'aiment pas les audiences publiques. On va avoir de petits
comités qui vont remplacer les audiences publiques.
M. Tremblay (Jacques): On est dans le coeur du débat.
M. Lincoln: D'accord. C'est pourquoi j'ai envie de faire ce
débat, parce que c'est cela, la clé de cette commission. Le
système d'audiences publiques, on dit: C'est trop contraignant, c'est
trop ennuyant, c'est trop émotif; les gens se cassent la gueule
là-dedans. Mais qu'est-ce qui va les remplacer? On va les remplacer par
le comité consultatif des forestiers; on va les remplacer par le
comité consultatif des transports, le comité consultatif de
l'énergie, le comité consultatif de ceci et de cela.
En fin de compte, ces comités consultatifs, pourquoi les
substitue-t-on aux audiences publiques? N'est-ce pas parce que les audiences
publiques, c'est bien achalant? Je l'avoue, j'en suis sûr. C'est achalant
pour Hydro-Québec, qui préférerait un comité
consultatif; c'est achalant pour les promoteurs de construction; c'est achalant
pour tous ces gars qui sont soumis à cela; c'est achalant pour un gars
qui bâtit une marina.
Mais, en même temps, lorsqu'on aura substitué quelque chose
de plus souple et de moins achalant, est-ce que vous croyez sincèrement
que ce sera mieux pour le public? C'est ce que je vous demande.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Tremblay.
M. Tremblay (Jacques): Merci, M. le Président. Est-ce que
c'est mieux pour le public?
Une voix: On est dans le coeur du débat.
M. Tremblay (Jacques): Dans le coeur du débat, dedans.
Personnellement... Là, je n'ai pas consulté mes collègues
à ce sujet.
M. Lincoln: Non, écoutez, on fait cela bien franchement.
Je ne vais pas aller vous citer à tous les coins de chemin.
Une voix: Cela va être écrit.
M. Tremblay (Jacques): Tout est écrit, oui. Peu importe!
Personnellement, je vois de grands avantages au Bureau d'audiences publiques.
J'ai participé de façon intense et suivi les
délibérations au dernier Bureau d'audiences publiques sur fa
tordeuse des bourgeons de l'épinette. Honnêtement et très
franchement, je dois dire que le régime forestier, tel qu'il nous est
présenté aujourd'hui par la loi 150, est né un petit peu
au Bureau d'audiences publiques. Il y a donc eu des effets éminemment
positifs au Bureau d'audiences publiques. Il y a eu, bien sûr, des plaies
vives qui ont été créées auprès des
professionnels. Est-ce que le public a été bien servi? Je crois
qu'il a été bien servi. Il a eu l'occasion de prendre la parole,
d'exprimer son pouls. Il l'a fait abondamment. Est-ce que la
représentativité de ces gens était adéquate?
Probablement que oui. Certainement, en tout cas, qu'il y a eu une forte
représentativité des forestiers, des groupes écolos et
autres. En tout cas, il y a eu un débat sain, viril qui s'est fait.
Finalement, il en sorti du positif parce qu'on est tous des gens intelligents
et qu'on a l'art de s'écouter parfois. Il en est sorti quelque chose
finalement. Les commissaires qui l'ont fait ont fait un travail remarquable.
C'est ce que j'ai perçu au bureau.
Votre question était: S'il n'y avait pas cela, qu'y aurait-il
d'autre? Il serait probablement souhaitable, à mon avis, qu'il y ait une
solution intermédiaire qui puisse ne pas nécessairement
dégénérer en procès d'intention, parce qu'il est
vrai que le Bureau des audiences publiques a débordé. Il a pris
tout ce qui lui tombait dans les mains et je répète que je trouve
qu'il a fait du bon travail finalement. Il y a peut-être lieu de
l'encadrer un petit peu mieux ou de trouver des mécanismes qui
permettraient d'avoir peut-être un petit peu plus de
célérité à l'autre bout. Mise à part la
célérité, il n'y a pas grand reproche à lui
faire.
M. Lincoln: Je suis content de vous entendre dire cela, parce que
je lisais dans votre mémoire: "Ce processus est souvent long et
coûteux, mais il permet de bien informer le public des risques
environnementaux et des enjeux en cause."
M. Tremblay (Jacques): On le pense, oui.
M. Lincoln: En fait, si vous prenez ce processus-ci, c'est un
processus long et coûteux, c'est sûr. Vous, autant que nous,
préféreriez être chez vous ce soir.
M. Tremblay (Jacques): Sûrement.
M. Lincoln: Moi aussi, je crois, enfin, malgré le plaisir
de dialoguer avec vous. Il est sûr que cela aurait été
moins coûteux et beaucoup plus expéditif si moi ou mon
collègue... Moi, je suis responsable de la Loi sur les pesticides,
juridiquement, tant que je suis là, à moins qu'on me change ou
qu'on m'envoie ailleurs, j'aurais pu dire: C'est cela, selon mon idée,
mais on passe par ce processus parce que c'est plus démocratique. La
démocratie, c'est long et coûteux; c'est tes deux. Ce que je veux
dire, c'est que si nous arrivions à mi-chemin, par exemple, et qu'on
reconnaisse que les audiences publiques, comme vous l'avez reconnu, servent
à bien informer le public des risques environnementaux et des enjeux en
cause... Cela provoque des choses. Si ce n'est pas là, s'il n'y a pas
cette espèce d'appareil qui pousse, qui ne représente personne,
qui est responsable à lui-même, en ce sens qu'il défend les
intérêts du public, s'il était plus rapide dans son
évolution afin qu'on n'ait pas ce long processus... Par exemple, on a
discuté avec des groupes aujourd'hui qui ont suggéré un
comité consultatif comme vous suggérez également. Mais, au
lieu de l'avoir à la fin, si vous l'aviez au début et que ce
comité consultatif représente vous-mêmes, l'industrie
forestière, les ministères concernés, pourquoi pas
l'Opposition également, les citoyens qui seraient représentatifs
d'une société, et qu'à ce moment-là - ce
comité consultatif aide au processus de préparation des
directives qui vont aller au Bureau d'audiences publiques, afin qu'il y ait un
déblayage au départ, que l'on retire le plus de motions possible
au départ, que cela ne devienne pas une confrontation quand cela passe
devant le Bureau d'audiences publiques, est-ce que vous ne pensez pas que cela
aurait été la solution idéale du point de vue du
public?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Leblanc. M. Tremblay
(Jacques): S'il vous plaît, oui.
M. Leblanc: J'aimerais rappeler que la Loi sur la qualité
de l'environnement est une fillette d'une douzaine d'années. C'est tout
nouveau. Elle vient d'arriver. On la connaît à peine. Des
études d'impact, on en fait depuis 1975 ou 1976. Cela fait douze ans,
cela aussi. C'est du neuf. Nos gens ne sont pas accoutumés à
cela. Ce sont des grands débats qui permettent d'aller au fond
des choses. Nous ne sommes pas contre les études d'impact. Elles
ont leur place. C'est un outil d'aménagement. Il s'agit de bien vendre
sa marchandise au public. (21 h 45)
Moi, je sais comme forestier que, si j'avais été un bon
vendeur de foresterie, la foresterie d'aujourd'hui ne serait pas ce qu'elle
est. On serait en avant. Mais j'étais un pauvre vendeur. On n'avait pas,
quand j'étais jeune, les outils que nous avons aujourd'hui pour cerner
les problèmes en profondeur, mieux les décrire et mieux les
débattre. Nous croyons que plus le public participera aux
décisions de la gestion de notre ressource principale, mieux ce sera, et
pour le public et pour la ressource. Cela sera plus facile pour nos
administrateurs, se sentant supportés par le public, d'avoir des
crédits pour pousser le développement de la forêt.
M. Lincoln: Mais est-ce que ce n'est pas cela l'outil que cela
vous donne? À un moment donné, vous avez deux versions. Une
version qui veut faire la chose peut-être plus rapidement, avec moins
d'"input" du public, c'est-à-dire que vous informez le public mais il ne
se fait pas entendre, il n'a pas de voix décisionnelle ou partiellement
décisionnelle. Dans l'autre voie, l'audience publique avec étude
d'impact, qui est plus lourde, j'en suis sûr, il se sent comme s'il
était dans le processus. Lorsque la décision arrive, c'est plus
difficile, je suis d'accord avec vous, vais ne pensez-vous pas qu'à ce
moment-là cela donne beaucoup plus de puissance à la
décision ultime si, par exemple, toutes les cartes ont été
mises sur la table? Qu'est-ce qui arrive de cela? Au lieu que l'industrie soit
vue avec suspicion - je ne sais pas si c'est un mot...
Une voix: Oui, c'est correct.
M. Lincoln: ...elle est vue comme un partenaire ou comme
quelqu'un qui a mis les cartes sur la table et qui a fait un jeu ouvert.
À ce moment-là, le public est bien moins réticent à
appuyer ces mesures, que ce soit le glyphosate ou quoi que ce soit. Vous ne
croyez pas que c'est un élément essentiel?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Leblanc.
M. Leblanc: Je laisse s'essouffler mon coeur. Sans aucun doute,
M. le Président, je crois que les études d'impact sont
bénéfiques à tout le monde. Je vous rapporte seulement une
petite expérience personnelle que j'ai vécue il y a 15 jours
à Montréal. Un promoteur s'en vient et il projette un
développement domiciliaire résidentiel et commercial, utilisant
une partie d'un parc pour réaliser son projet. 72 personnes ont
présenté des mémoires, forçant le promoteur
à réfléchir sur l'action qu'il allait poser. Et une bonne
partie de ces gens s'opposaient à la réalisation d'un tel projet.
Voici une population qui a été sensibilisée à un
projet et qui a pris une décision. Ce que nous voulons, c'est que le
public profite davantage de ses représentants les plus légitimes.
Les élus, qu'ils soient au gouvernement provincial ou au gouvernement
fédéral, sont ceux qui doivent informer la population, leur
population, leurs commettants, de ce qui se passe et de ce qui va se passer.
Cela vous donne un rôle éminemment précieux. C'est pour
cela que nous voulions vous associer, vous d'abord, à cette suggestion
que nous avons faite dans notre première recommandation. Vous êtes
les élus du peuple, les gens vous connaissent; vous êtes
crédibles.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Tremblay.
M. Tremblay (Jacques): Oui, simplement pour revenir à la
question initiale du ministre de l'Environnement. Oui, je crois que tout le
processus de consultation donnera éventuellement une puissance
supérieure, une puissance plus grande. Cependant, il faut avoir
conscience que la crainte, probablement, du monde forestier et notamment des
industriels semble résider dans l'aspect continuité de tout ce
système. Il faut avoir conscience de cela. Je suis persuadé que
tous les forestiers veulent faire l'aménagement forestier, faire
produire la forêt à 100 %. La difficulté qu'ils
éprouvent outre les affaires d'émotion et les détails,
c'est l'aspect continuité. Ces gens-là s'imaginent mal, et moi
aussi, à quel point on peut faire un investissement de X centaines de
milliers de dollars et, après trois, quatre ou cinq ans, là, tu
ne peux plus rien faire, c'est trop tard, alors tu laisses pourrir cela. Alors,
il y a tout l'aspect continuité - dans les modèles, on parle de
cinq ans - je pense que c'est un aspect important.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Lincoln: Avant de quitter, j'ai envie de vous dire, M.
Tremblay, que je vous félicite pour votre candeur, votre franchise.
J'aime les débats de ce genre. Je pense que cela a beaucoup aidé
la commission de pouvoir discuter comme on l'a fait aujourd'hui. Au moins, on
sait exactement où vous vous tenez, je trouve cela formidable!
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: Je voudrais ajouter à ce que le ministre
vient de dire qu'il aurait été utile de vous avoir dans le milieu
lors d'un certain nombre de présentations audiovisuelles hier. Cela
aurait peut-être équilibré un peu et fait en sorte que le
débat soit un peu plus éclairant. Je ne sais pas si vous
étiez ici cet après-midi lorsque le Groupe de travail sur les
pesticides a fait sa présentation. Dans le fond, il a fait des
suggestions à la fois sur le comité
dont le ministre parlait, mais aussi sur des modifications au processus
de fonctionnement du Bureau d'audiences publiques qui feraient en sorte que,
pour les questions et les problèmes forestiers entre autres, on aurait
un mécanisme qui serait peut-être moins lourd, plus
opérationnel et qui ferait en sorte que, lorsque les questions arrivent
en audiences publiques, il y ait déjà eu un travail de
préparation et d'intégration d'un certain nombre de
données et d'association des différentes personnes
intéressées, y compris les gens dans une région. Le
discours ou les discussions en audiences publiques auraient peut-être
ainsi une allure différente et on pourrait corriger un certain nombre de
choses qu'on aurait pu déplorer par le passé.
M. Tremblay (Jacques): Le fameux scénario 3?
M. Charbonneau: Oui, c'est cela.
M. Tremblay (Jacques): C'est cela, oui. Bien sûr, on n'a
pas pu se prononcer sur le scénario 3, il ne nous était pas
présenté.
M. Charbonneau: Non, c'est cela.
M. Tremblay (Jacques): Cependant, si je peux me permettre un
dernier commentaire.
M. Charbonneau: Oui, allez-y.
M. Tremblay (Jacques): On ne nous a pas posé la
traditionnelle question des processus d'homologation. On doit vous avouer qu'on
a confiance dans le processus d'homologation, malheureusement. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Jacques): On était censé
présenter nos choses hier. Ayant pu bénéficier de quelques
heures supplémentaires de préparation, parce que le délai
a quand même été court, on s'est amusé aujourd'hui
à relever quelle a été l'histoire de l'homologation du
Roundup, le fameux glyphosate. Cette affaire a pris onze ans. C'est assez
remarquable. Quand on dit que le système d'homologation
fédéral est le meilleur au monde, j'aurais tendance à
croire que oui. Il est assez bon qu'il détecte les gens qui essayent de
le frauder. Ils ont réussi à détecter qu'une fameuse
compagnie, la Industrial Biotest Labs, avait trafiqué des
données. Ils ont réussi à détecter cela. C'est
assez bon.
M. Lincoln: Après 113...
M. Charbonneau: C'est cela.
M. Lincoln: Et on ne dit pas que c'est après 113 produits,
qu'on a découvert cela après coup. Mais ces produits-là
étaient en service.
C'est cela le danger. Les produits étaient en service. Je parle
de 113.
M. Tremblay (Jacques): Le véritable danger est qu'on ne
s'en rende jamais compte, allons.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Verchères.
M. Charbonneau: J'ai seulement une dernière question
peut-être. Est-ce que vous considérez que dans une période
transitoire, par exemple jusqu'à ce que le mécanisme
d'étude d'impact intervienne et que les comités soient mis en
place et fassent aussi leur travail, il y aurait lieu, sur une base
transitoire, que te gouvernement permette aux exploitants d'utiliser un certain
nombre de produits pour des situations d'urgence?
M. Tremblay (Jacques): Oui, assurément.
D'ailleurs, on le recommande. On parle de l'utilisation, et je voudrais
céder la parole à Bernard sur ce sujet.
M. Comtois (Bernard): Particulièrement si on regarde les
insectes forestiers, à l'heure actuelle, dans le domaine de
l'entomologie forestière au Québec, on sait que le B. t. est
accepté d'emblée dans la population. Il est reconnu aussi pour
son efficacité. Malheureusement, à l'heure actuelle, le B. t.
n'agit que contre certains lépidoptères. Hier, nous étions
ici et on a écouté la compagnie Consolidated Bathurst qui a fait
une présentation sur un problème concernant la mouche à
scie du pin gris, qui est un hyménoptère. Donc, cet insecte ne
réagit pas au B. t. Dans les cas comme cela, on est obligé
d'employer des produits chimiques, malheureusement, comme le
fénitro-thion plutôt que des perdre des centaines d'hectares de
forêt, par exemple, le pin gris. Présentement, on sait qu'on
investit des milliers de dollars dans le reboisement au Québec et le
reboisement en épinette blanche est menacé dans l'Est par la
tordeuse de l'épinette, qui n'est pas la tordeuse des bourgeons de
l'épinette. C'est un autre insecte. En plus de cela, vous avez le
charançon du pin blanc qui menace le reboisement de l'épinette do
Norvège au Québec et celui du pin blanc. Ce sont deux insectes
qui ne sont pas contrôlés à l'heure actuelle par le B.
t.
Alors, dans les situations d'urgence dans certaines régions, on
n'a pas le choix à l'heure actuelle. On doit se tourner vers les
produits comme le fénitrothion, le dimilin, qui sont testés par
l'Institut de répression des ravageurs forestiers. Ces produits sont des
produits chimiques. Mais nous, évidemment, sommes pour l'utilisation de
produits biologiques lorsque ces produits sont disponibles. Mais c'est aussi un
peu cela le message de l'industrie. C'est qu'elle voudrait avoir à sa
disposition, dans des cas d'urgence, des produits qui existent actuellement,
mais qui ne sont malheureusement pas homologués pour
usage en foresterie de façon opérationnelle, mais
seulement expérimentale.
M. Charbonneau: D'accord. Merci beaucoup.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Verchères. M. le ministre des Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Ha, ha! Je suis
à la veille de grimper dans un arbre, comme le dit mon
collègue.
Une voix: Ha, ha! M. Côté
(Rivière-du-Loup): Non... Une voix: ...grimper dans les
rideaux. Une voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Rivière-du-Loup): Juste une
remarque, parce que je n'ai pas le temps, mon collègue a tout
pris...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'était
intéressant. Ce que je voulais dire, c'est que, quand le Conseil des
ministres des Forêts du Canada a proposé une stratégie
nationale dans le secteur forestier, cela a été un long
processus, cela a été élaboré dans tout le pays et
il y a eu une réunion où tous les scientifiques étaient
là, les industriels y étaient et, évidemment, les
gouvernements étaient représentés. On a dit, lors de cette
stratégie nationale qu'on applique dans tout le Québec, qui a
été approuvée également par le gouvernement du
Québec, que l'utilisation des pesticides en milieu forestier
s'avérait un outil indispensable. Cela ne veut pas dire qu'on ne prendra
pas les précautions et qu'on ne s'en remettra pas aux lois existantes,
Loi sur la qualité de l'environnement, Loi sur les pesticides, aux
autorisations requises quant à l'utilisation sécuritaire de ces
produits-là. Cela veut dire que c'est un outil indispensable. Puis je
pense que cela a été fait avec des connaissances qu'on a mises
à contribution dans tout le pays. Moi je ne suis pas prêt à
le contester.
Quand on parle des audiences publiques, vous l'avez dit, M. Tremblay,
cela fait peur, hein? Vous avez dit qu'il y avait des côtés
positifs. Bien oui, il y a toujours un côté positif à tout
ce qui se passe, au fond. À tout malheur, il y a un bonheur, hein? On
n'a pas parlé des malheurs, par exemple, de ces audiences-là,
mais il y en a eu. Il y en a eu beaucoup et c'est pourquoi les gens sont
réticents à cela; ils sont traumatisés. Évidemment,
vous citez la tordeuse de l'épinette, la tordeuse de l'épinette
qui ne réagit pas au B.t., puis on devrait utiliser des produits
chimiques. On devrait. On pourrait faire un test. On va demander la permission,
ce soir, au ministre de l'Environnement pour savoir s'il va nous la donner.
C'est urgent; avant que le dommage ne soit trop grand, on devrait le faire.
Une voix: II a dit demain.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Hein? C'est tout
ce que j'avais à dire.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci. Merci, M. le ministre
déléqué aux Forêts. Alors, je tiendrais à
remercier le Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy
pour sa contribution aux travaux de cette commission.
Je demanderais maintenant à la Fédération des
sociétés de conservation du Québec de bien vouloir prendre
place, s'il vous plaît. Alors, permettez-moi de souhaiter la bienvenue
aux représentants de la Fédération des
sociétés de conservation du Québec. Je demanderais, s'il
vous plaît, au porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que la
personne qui l'accompagne, pour le bénéfice des membres de la
commission.
Fédération des sociétés de
conservation du Québec
M. Palmer (Luc): D'accord. Alors, à ma gauche, le
secrétaire exécutif de la fédération, M.
François Lefebvre, et je me présente, Luc Palmer,
président de la Fédération des sociétés de
conservation du Québec.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous cède
maintenant la parole pour vingt minutes, M. Palmer.
M. Palmer: D'accord. Alors, je vais faire une brève
présentation et, après cela, je vais passer la parole à M.
Lefebvre.
M. le Président, les présentes consultations portent sur
la mise en place d'une politique d'utilisation des pesticides en milieu
forestier. Or, à la lecture du document qui nous a été
soumis, on constate très vite qu'il n'y a présentement que
très peu de produits touchés par cette politique. Mais que
ferons-nous, M. le Président, dans quelques années, lorsque
plusieurs autres produits se seront ajoutés à la liste, tout
comme cela s'est produit dans le monde médical? Sont-ce les audiences
publiques permanentes que nous voulons mettre en place aujourd'hui? Les
sociétés de conservation du Québec auront peut-être
à vivre ce problème dans les prochains mois et c'est dans ce
contexte que nous vous soumettons notre opinion, même si elle n'est pas
directement reliée aux pesticides touchés, laquelle je
demanderais à M. Lefebvre de vous lire. François.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Lefebvre. (22 heures)
M. Lefebvre (François): Opinion concernant la politique
d'utilisation des pesticides en milieu
forestier du gouvernement du Québec, présentée par
la Fédération des sociétés de conservation du
Québec à ta commission de l'aménagement et des
équipements.
Nous désirons remercier la commission de l'aménagement et
des équipements de l'occasion qui nous est offerte de participer aux
consultations particulières sur le document intitulé "Politique
d'utilisation des pesticides en milieu forestier". Dès le tout
début du siècle, le législateur québécois a
confié la protection contre le feu à l'entreprise privée
sur de très vastes étendues forestières. Par la
création des sociétés de conservation en 1972, le
Québec se donnait une nouvelle structure responsable de la protection
des forêts contre le feu. Au nombre de sept, ces sociétés
privées se sont vu confier le mandat pour toutes les forêts du
Québec, tant publiques que privées, d'élaborer,
d'établir et de mettre en oeuvre selon la loi les meilleurs
systèmes possible de conservation et de protection des forêts
publiques et privées, indépendamment de leur étendue et du
fait qu'elles appartiennent ou non aux membres de la corporation. Les
sociétés de conservation sont conscientes de la
nécessité d'utiliser des pesticides, mais leur compétence
et leur intérêt portent essentiellement sur la protection contre
le feu.
Les membres actuels des sociétés sont,
premièrement, des membres propriétaires qui contribuent selon la
superficie qu'ils détiennent; deuxièmement, des membres
bénéficiaires qui contribuent selon les volumes alloués;
et, troisièmement, le ministre responsable de l'application de la Loi
sur les forêts pour les territoires de forêts publiques non
alloués et les petites forêts privées. Dès la
formation des sociétés, le besoin d'une coordination provinciale
se faisait sentir et, en janvier 1973, le ministre des Institutions
financières octroyait des lettres patentes à la
Fédération des sociétés de conservation du
Québec pour, notamment, faire la liaison entre les
sociétés, aider les sociétés dans
l'élaboration, rétablissement et la mise en oeuvre, selon la loi,
des meilleurs systèmes possible de conservation et de protection des
forêts, aider les sociétés dans la promotion de mesures
législatives, etc. Les membres de la fédération sont les
sept sociétés de conservation existantes sur le territoire de la
province de Québec. L'ampleur des activités des
sociétés de conservation au Québec se traduit comme suit:
protection d'un territoire couvrant 920 000 kilomètres carrés
dont plus de la moitié sous protection intensive; elles emploient
près de 600 employés dont 200 réguliers; le budget
d'opération actuel s'élève à 28 500 000 $; de plus,
les frais d'extinction des incendies sont en moyenne depuis 10 ans de 4 000 000
$ et la flotte d'avions-citernes se compose de 17 CL-215 et de 4 Canso.
Dans le cadre de l'utilisation des pesticides en milieu forestier, notre
organisme désire profiter de l'occasion pour exprimer son point de vue
à ce sujet afin de rendre possible et sans contrainte l'utilisation de
certains produits qui pourraient aider à conserver la ressource
forestière, spécialement en ce qui concerne la protection contre
le feu. Nous pensons ici à des produits qui pourraient, dans des
circonstances particulières, aider à combattre activement des
incendies forestiers pour protéger les forêts actuelles et les
investissements massifs qui seront faits dans l'avenir.
En moyenne, le Québec combat annuellement plus de 1000 incendies
forestiers qui détruisent au-delà de 36 000 hectares. Certaines
conditions climatiques très favorables à la propagation de
l'incendie ou l'éloiginement de l'incendie de la source
d'approvisionnement en eau pour les avions-citernes représentent des
situations où l'utilisation de ressources additionnelles serait un atout
indispensable lors de l'attaque initiale pour permettre un contrôle
très rapide et ainsi limiter le plus possible les pertes ligneuses, les
dommages à l'environnement, les coûts d'extinction, etc. Certains
produits, telles les mousses extinctrices, sont actuellement utilisés
par d'autres provinces canadiennes et d'autres pays pour améliorer les
qualités mouillantes de l'eau afin de diminuer au maximum les pertes
occasionnées par les feux de forêt. La mousse extinctrice est
créée par la combinaison avec l'eau d'un agent moussant
synthétique, sous forme de concentré liquide, suivie de
l'aération du mélange. Les avantages de la mousse extinctrice par
rapport à l'eau ordinaire sont que la mousse adhère au
combustible et forme ainsi une barrière physique qui bloque
l'alimentation en oxygène et ralentit le drainage et
l'évapora-tion de l'eau qu'elle contient; la mousse possède un
effet refroidissant supérieur à l'eau en raison du volume d'air
qu'elle emprisonne; les qualités mouillantes et surfactantes de la
mousse assurent une meilleure pénétration de l'humidité
dans le combustible, tant aérien que terrestre et souterrain;
l'opacité et la teinte blanche de la mousse facilitent le
repérage du lieu sur lequel a été effectué un
largage aérien, d'où une utilisation plus rationnelle et une
optimisation de l'utilisation des avions-citernes.
À titre d'exemple, la Sécurité civile
française a décidé d'intégrer l'utilisation de la
mousse extinctrice à son système d'attaques aériennes des
feux de forêt. L'Alberta a réalisé, en 1987, des essais
opérationnels qui ont prouvé l'augmentation de la durée de
vie des largages de 15 à 20 minutes en période
d'inflammabilité élevée, accroissant ainsi
l'efficacité des avions-citernes dans leur travail de suppression. De
façon plus globale, les essais ont aussi démontré que
l'usage de la mousse extinctrice, qu'elle soit répandue au sol au par
voie aérienne, contribue réellement à
accélérer la prise de contrôle des incendies, à
réduire la superficie brûlée, à diminuer les
coûts totaux de suppression et à diminuer les dommages à
l'environnement. D'autres substances pourront un jour être
développées afin d'agir dans le même sens.
Dans cet esprit, les sociétés de conservation, en
collaboration avec le service de la protection contre le feu et le service des
études environnementales du ministère de l'Énergie et des
Ressources feront l'essai, au cours de l'été 1988, de mousses
extinctrices afin de vérifier la valeur de ce produit pour aider
à combattre les incendies forestiers. L'expérimentation
prévue pour 1988 vise à estimer l'effet de la mousse extinctrice
sur l'environnement, c'est-à-dire sur la végétation, la
faune et la qualité de l'eau, ainsi que l'impact visuel possible de la
présence de mousse à la surface du plan d'eau d'écopage;
à évaluer la supériorité à l'eau de la
mousse extinctrice en tant qu'agent d'extinction; à observer les
qualités du produit en tant que retardant à court terme, et
à déterminer la nécessité et la nature des
précautions à prendre lors de l'usage du produit sous ses trois
formes: concentrée, solution diluée et vapeur, afin de
protéger les individus qui y sont exposés. Si les
résultats de cette expérimentation s'avèrent concluants et
si l'utilisation de ce produit est approuvée par les différentes
instances gouvernementales, la législation devra permettre leur
utilisation lorsque requis.
Danger d'incendie accru. La non-utilisation de pesticides, tels les
insecticides, peut évidemment conduire à la mort de peuplements
forestiers, ce qui résulte en un danger de feu accru. Le comportement du
feu dans les peuplements affectés par la tordeuse des bourgeons de
l'épinette a été étudié par le Dr B.J.
Stocks, du Centre de recherche forestière des Grands Lacs, du service
canadien des forêts. Voici le résumé de sa recherche sur le
sujet: "Un programme de feux expérimentaux a été
réalisé en Ontario entre 1978 et 1982 afin d'obtenir des
données quantitatives sur le comportement des incendies dans les sapins
baumiers tués par l'infestation de la tordeuse des bourgeons de
l'épinette. Le risque d'incendie dans les peuplements tués par la
tordeuse s'est révélé beaucoup plus élevé
pendant un certain nombre d'années après la mort des peuplements.
Les bris de cimes et les chablis, qui modifient l'agencement des combustibles
et augmentent les combustibles à la surface, ont atteint un sommet 5
à 8 ans après la mort. Le risque de feu a été le
plus élevé au cours de cette période, puis a
diminué graduellement quand les débris de sapins baumiers
à la surface du sol ont commencé à se décomposer et
la végétation du sous-étage à proliférer.
Les feux allumés avant le débourrement au printemps ont
présenté un comportement explosif se traduisant par une
propagation de cimes en cimes, des vitesses élevées de
propagation et de graves problèmes de dissémination de l'incendie
du côté sous le vent. En été, les incendies dans les
peuplements de ce type ne se sont pas propagés du tout les
premières années, mais 4 ou 5 ans après la mort il y avait
une accumulation suffisante de combustibles ligneux à la surface pour
permettre la propagation."
Cette situation s'est produite au cours des dernières
années, au Québec, alors que des peuplements forestiers
attaqués par la tordeuse des bourgeons de l'épinette ont
été détruits par les flammes. Ces feux ont souvent
détruit de grandes superficies, occasionné des frais d'extinction
importants, mobilisé des ressources qui n'étaient donc plus
disponibles pour le combat d'autres incendies et, finalement, occasionné
des dommages à l'environnement. De tels incendies peuvent occasionner
des dommages importants à l'environnement, notamment lorsque le feu est
intense sur des sites constitués de sols organiques minces. Plusieurs
décennies seront souvent requises pour reconstituer ces sites.
Soucieuses d'améliorer l'efficacité du système de
protection des forêts contre le feu au Québec, les
sociétés de conservation et la Fédération des
sociétés de conservation désirent pouvoir
bénéficier des meilleurs outils disponibles afin de s'acquitter
de cette tâche. Dans cette optique, l'utilisation de certains produits,
comme la mousse extinctrice, permettra d'améliorer l'efficacité
de la suppression en diminuant les superficies détruites, les pertes de
matière ligneuse, les coûts d'extinction et les dommages à
l'environnement causés par le feu. L'utilisation de ces produits devra
toutefois être conforme aux exigences environnementales.
L'utilisation rationnelle des pesticides devrait également
permettre de diminuer les dangers d'incendie que peuvent représenter les
peuplements forestiers morts à la suite d'épidémies
d'insectes ou de maladies. En ce qui nous concerne, nous croyons que
l'utilisation des pesticides est nécessaire dans certaines circonstances
et nous sommes également conscients que leur utilisation doit être
légiférée et bien contrôlée, afin qu'il n'y
ait pas d'impacts négatifs sur l'environnement et la santé des
gens.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Lefebvre. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre
délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président. Quand vous parlez de mousse extinctrice, je sais que vous
allez conduire des expériences cette année. Est-ce que vous avez
obtenu ou requis la permission du ministère de l'Environnement?
M. Lefebvre (François): Les demandes ont été
formulées au ministère de l'Environnement. Aux dernières
nouvelles que j'ai eues, en date d'aujourd'hui, on ne l'avait pas encore
reçue, mais nous devrions la recevoir bientôt. De toute
façon, on attend l'autorisation pour procéder à
l'expérimentation.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela a
été demandé quand? Cela fait longtemps?
M. Lefebvre (François): Cela fait longtemps.
Le projet existe depuis le mois de février. Les demandes ont
été formulées. Je ne pourrais pas vous donner la date
exacte, mais cela fait déjà un certain temps que les demandes ont
été formulées.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que vous
vous attendez à faire une étude d'impact pour étudier la
mousse extinctrice sur une base autre qu'expérimentale?
M. Lefebvre (François): Vous voulez dire une étude
d'impact à long terme?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.
M. Lefebvre (François): Ce qu'on veut faire, c'est
procéder à l'expérimentation et suivre les peuplements ou
les endroits qui ont été arrosés pour voir ce qui pourrait
en résulter. D'ailleurs, dans l'expérimentation, il y a des
largages sur des peuplements naturels pour voir comment les peuplements
naturels vont réagir à la mousse s'il n'y a pas de feu. Alors, on
veut suivre cela pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'impact négatif.
M. Côté (Rivière-du-Loup): L'an passé,
l'incendie le plus important qu'on a eu au Québec s'est produit dans un
peuplement attaqué par la tordeuse des bourgeons de l'épinette,
dans la vallée de la Matapédia. Cela s'est propagé
très rapidement, comme vous le signalez dans votre rapport.
Évidemment, quand cela se produit sur des sols organiques minces, vous
êtes généreux, à mon avis, parce que vous dites
quelques dizaines d'années. Mais si je regarde le feu qu'il y a eu
à Forestville, sur les montagnes en allant vers Forestville, cela fait
une trentaine d'années et c'est tout juste si la
végétation est là.
M. Lefebvre (François): Une étude a
été faite en Gaspésie sur le feu de la rivière
York, en 1941. L'étude stipule que 2 % du territoire est tout simplement
perdu, qu'il y en a 15 % qui vont prendre au moins une centaine d'années
avant de revenir à l'état forestier et que la balance se
régénère, sauf que c'est en essences autres que les
essences commerciales qui nous intéressent. Donc, on peut être
optimiste en disant quelques décennies. Cela peut être plus long
que ça, effectivement.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais vos indices
de feu, de danger d'incendie, vous pouvez les mesurer en fonction de
l'humidité et de tous les critères. Mais vos indices de feu dans
les ravages, c'est-à-dire dans les peuplements d'épinettes et de
sapins morts en raison de la tordeuse sont toujours plus élevés.
Vous les calculez tous les jours?
M. Lefebvre (François): Ils sont calculés, mais ils
ne sont pas calculés sur de petites superficies comme un peuplement de
tordeuses ou un peuplement qui va avoir été attaqué par
une maladie. Les indices sont calculés sur des échelles beaucoup
plus grandes. Localement, on peut estimer ou on peut savoir par instinct que
cela va être plus; dangereux là. Mais l'indice n'est pas
calculé avec cette précision pour dire que tel peuplement va
avoir un indice plus élevé que le peuplement voisin qui n'a pas
été attaqué.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que vous
comparez la lutte à l'infestation des insectes comme une lutte aux
incendies forestiers? Est-ce que le système de détection, la
vitesse d'intervention, les moyens pour le faire, pour vous, seraient analogues
dans les deux cas?
M. Lefebvre (François): Les besoins sont similaires, sauf
que les systèmes de détection ne sont pas les mêmes.
À mon avis, les besoins sont similaires et il faut pouvoir
détecter assez rapidement pour être capable d'intervenir
rapidement. (22 h 15)
M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais c'est ce
à quoi vous êtes arrivé avec le temps. Vous avez
amélioré vos moyens de détection, vos moyens de
prévision, parce qu'on parle de prévision. C'est difficile de
prévoir les épidémies d'insectes, mais c'est assez facile
de prévoir les endroits où on i va utiliser du glyphosate pour la
végétation concurrente à la suite d'exploitations
forestières qui sont planifiées dans le plan
d'aménagement. Il faudrait développer ces moyens. J'ai
l'impression qu'ils se développeront avec de la recherche, ce que vous
avez fait.
M. Lefebvre (François): Oui. Effectivement, on a
développé et amélioré les moyens de
détection parce qu'on est conscient que le plus rapidement est
détecté autant un incendie qu'une épidémie de
maladie, le plus rapidement on peut intervenir pour diminuer les
dégâts, les coûts et le temps d'intervention minimum. Il y a
une similitude entre les deux.
M. Côté (Rivière-du-Loup): On a
discuté de la participation d'une société de conservation
d'un genre spécial justement pour faire effectuer les arrosages pour
combattre les insectes. Est-ce que cette idée a progressé chez
vous?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Palmer.
M. Palmer: Effectivement, il y a eu des discussions à cet
effet. Je pense qu'il ne faudrait pas que ce soit mêlé au feu.
Même si, comme le disait M. Lefebvre, il y a des similitudes au chapitre
de l'attaque et de la réaction, il reste quand même qu'il ne
faudrait pas mêler les deux organismes ensemble. On risquerait ainsi de
se retrouver avec une mauvaise définition des objectifs. Mais on pense
que, si on regarde la façon dont les sociétés de
conservation fonctionnent, on se retrouve quand même avec des
organismes où on a comme intervenants des propriétaires,
le ministère et de grosses compagnies. Tout le monde a
intérêt à ce que cela fonctionne. Je pense qu'on peut dire
qu'on a de bons résultats. Si on y allait de cette façon, le
temps qu'on perd souvent au ministère à se préparer pour
avoir les autorisations, on gagnerait de ce côté-là parce
qu'on aurait un organisme autonome qui pourrait réagir rapidement
à ce moment-là.
M. Côté (Rivière-du-Loup): II est
évident, quand vous intervenez sur un feu, que vous ne demandez pas la
permission. C'est prévu et vous y allez, n'est-ce pas?
M. Palmer: C'est cela.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est rapide.
C'est évidemment fait par des professionnels qui respectent les
règles de l'art.
Le modèle des sociétés de conservation pourrait-il
être adapté à un modèle de société
efficace pour effectuer les arrosages d'insectes, par exemple?
M. Palmer: Avec l'étude qu'on a faite, parce que cela fait
quand même au-dessus d'un an qu'on a analysé cet aspect, on pense
que oui, mais pas sur la même base, non pas sur une base
régionale, plutôt sur une base centralisée où il y
aurait une société ou un organisme central, indépendant,
qui regrouperait les intérêts de la province pour être
certain que tout le monde puisse défendre ses intérêts. On
pense alors qu'on pourrait avoir quelque chose de très efficace.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que vous
voyez le gouvernement comme un partenaire majoritaire, étant
donné que le gouvernement ou que la population du Québec est
propriétaire à 85 % des forêts?
M. Palmer: Nous voyons quelque chose du même ordre de ce
qu'on retrouve dans les sociétés. À l'heure actuelle,
quand on regarde les sociétés, le gouvernement est présent
dans chacune des sociétés. On pense que cela pourrait être
quelque chose de similaire. Est-ce que ce doit être 85 %? Là, il
s'agirait de voir, parce que, si on met 85 %, vous ne laissez plus grand place
aux petits propriétaires, aux différentes compagnies, etc., mais
certainement 50 % ou 60 %.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Parce qu'il est
prévu qu'on paie 50 % des frais?
M. Palmer: C'est cela. Alors, je pense que cela ne peut pas
être moins de 50 % à ce compte-là.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Sauf que c'est le
ministère qui s'occupe de la détection, de fournir l'expertise
pour les arrosages des insectes...
M. Palmer: C'est pourquoi je dis que cela ne pourrait pas
être moins de 50 %.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Bien non.
M. Palmer: Sûrement. Mais est-ce que 85 % serait un chiffre
valable? Cela me paraît élevé.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, si vous me permettiez de
poser une question au ministre, actuellement, le système de
détection se fait par les entreprises, les exploitants ou le
ministère?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Pour les
insectes?
M. Charbonneau: Pour les insectes.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est le
ministère.
M. Charbonneau: C'est le ministère. Combien de personnes
sont affectées au travail de détection?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je ne peux pas le
dire, mais dans les régions, je crois qu'il y a 1300 employés
réguliers, 2000 occasionnels, ce qui fait que l'été il y a
plusieurs employés occasionnels qui courent ces pièges pour en
mesurer le degré d'infestation, et des échantillons sont pris
dans tout le Québec. Je ne peux pas le dire, mais il y a certainement
quelque 200 personnes pendant l'été. Ce n'est pas le piège
qui est dispendieux, c'est le suivi de tout cela.
M. Charbonneau: Considérez-vous que vous avez assez de
personnel, assez de ressources pour avoir un système de détection
efficace? Autrement dit, si, avec le système que vous avez en place,
vous n'êtes pas capables de faire une véritable
détection... À partir de ce qu'on a dit depuis hier, j'ai
l'impression que, si on avait un système de détection
ultrasophistiqué, suffisamment sophistiqué ou efficace, on
réduirait de beaucoup l'usage des pesticides parce qu'on pourrait
investir dans la détection. On pourrait économiser dans les
coûts d'utilisation des produits quels qu'ils soient, biologiques ou
chimiques, et dans les coûts écologiques ou environnementaux.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous savez, mon
cher collègue, que la prévention est toujours difficile à
vendre et que c'est l'objectif du ministère d'augmenter les
pièges, d'améliorer le
système de détection. C'est pourquoi, en 1989, on aura
1200...
M. Charbonneau: Sauf que...
M. Côté (Rivière-du-Loup):... pièges
de phéromone.
M. Charbonneau: Je suis familier avec d'autres types de
problèmes. Je prends, par exemple, le domaine de la prévention de
la criminalité. C'est toujours difficile statistiquement...
M. Côté (Rivière-du-Loup):... à
vendre... M. Charbonneau:... à vendre... M. Côté
(Rivière-du-Loup): Ah oui!
M. Charbonneau:... parce que les statistiques... Le chiffre noir
de la criminalité, on ne le connaît pas et on a beaucoup de
difficulté à savoir si, finalement, la criminalité a
diminué parce qu'on a fait des efforts de prévention.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela est
pareil.
M. Charbonneau: Mais j'ai l'impression que c'est différent
dans le domaine forestier parce que dans la mesure où on aurait un bon
système de prévention ou de détection, on serait capables
d'intervenir rapidement. Donc, au lieu d'intervenir dans des situations comme
celles que vous nous avez décrites où, déjà, les
foyers d'infestation sont plus ou moins étendus, on pourrait se
retrouver avec des interventions ponctuelles, limitées, circonscrites
dans des territoires plus petits.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je souhaiterais
être capable de vendre cela. Comme l'a dit M. Leblanc, vous savez, on
n'est pas toujours bons vendeurs. Mais la Loi...
M. Charbonneau: On peut vous aider, vous savez.
M. Côté (Rivière-du-Loup):... sur les
forêts, contrairement à ce que les représentants du CERFO
ont dit, ce ne sont pas les audiences publiques qui ont
généré cela, mais à cause de la perte de 300 000
000 de mètres cubes de bois en raison de la tordeuse, les gens se sont
dit: Qu'est-ce qui nous arrive? C'est une ressource qui est devenue plus rare.
Dans ce temps-là, on fait des efforts. Dans ce temps-là, c'est
plus facile à vendre. Et il ne faut pas attendre les catastrophes avant
de vendre des choses. C'est pourquoi nous demandons une politique d'utilisation
rapide, efficace, mais aussi sécuritaire qui va protéger
l'écologie, l'environnement et la santé.
M. Charbonneau: Sauf que j'ai l'impression que ce qui manque dans
le document ou dans la politique, c'est un système de détection
sophistiqué. Autrement dit, si vous mettez des ressources additionnelles
et importantes dans la détection, on aura tous à assumer des
coûts moins grands tant au plan financier qu'au plan
écologique.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui. Dans quelques
années, si rien n'arrive, on va dire. Ce n'est pas nécessaire, on
va couper cela.
M. Charbonneau: Oui, mais entre-temps on... M.
Côté (Rivière-du-Loup): Bien, c'est cela.
M. Charbonneau:... aura fait un sacré bout de chemin.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.
M. Charbonneau: J'ai l'impression que si on réussissait
cela, et je me demande même si au coeur de la politique que vous aurez
à finaliser avec le ministre de l'Environnement, ce
problème...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela a
déjà été proposé.
M. Charbonneau:... le système de détection ne
devrait pas être au coeur... Un gouvernement qui vit dans une
période de vaches grasses devrait être capable d'engager des
sommes suffisantes. Ah! mais c'est cela! C'est cela le coeur du
problème, néanmoins. Plutôt que de diminuer les taxes et
les impôts, les gens seraient peut-être prêts à avoir
moins de diminution pour être capables de se donner des services qui
règlent les problèmes fondamentaux.
M. Côté (Rivière-du-Loup): On propose cela
aussi dans la... On propose d'augmenter la recherche de 1 000 000 $ à 3
000 000 $. On propose cela, mais il va falloir le vendre.
M. Charbonneau: Si vous avez des problèmes de vente, on va
vous aider.
M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. M.
Charbonneau: Mais...
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Verchères.
M. Charbonneau:... en attendant, pour ne pas laisser nos
invités en plan assister à notre discussion, vous avez
commencé votre présentation en disant: On entrevoit un
problème, ce sont les autres produits qui risquent d'arriver sur le
marché. En ce qui concerne les autres produits, êtes-vous... Par
ailleurs, vous avez dit aussi, en terminanl:, que vous accordiez de
l'importance à la prise en considération des impacts
environnementaux. Si on refait la jonction entre le début et la fin de
votre présentation, êtes-vous d'accord avec le principe que les
nouveaux produits qui vont arriver sur le marché devront, avant
d'être utilisés d'une façon quelconque, avoir passé
par le filtre des évaluations au niveau des impacts
environnementaux?
M. Palmer: II va devoir y avoir beaucoup d'expertise de prise. Il
va devoir y avoir homologation et nous sommes très favorables. On vous
parlait tout à l'heure de mousse extinctrice. On veut faire des essais
et de l'expérimentation pour être capables de voir les
problèmes tant au niveau de la faune, de l'eau que de l'environnement.
Par contre, ce qui nous fait peur, c'est que, si on devait, chaque fois qu'il
arrive un nouveau produit, être obligés, avec ce nouveau
produit-là... Au départ, qu'on ait à démontrer
qu'il n'y a pas de danger, je pense que c'est tout à fait normal, mais,
une fois que cela est fait, que tous les cinq ans ou que de façon
continuelle on soit obligés d'en faire la preuve, là, on se pose
des questions parce qu'on risque de se retrouver en audience de façon
continuelle.
M. Charbonneau: Entre se retrouver en audience de façon
continuelle et se retrouver en audience sur une base périodique, qui
serait acceptable et qui permettrait en même temps de faire une
évaluation de l'utilisation qu'on a faite durant les années en
question, et une espèce de bilan périodique, surtout parce que ce
genre de produits-là, chimique en particulier, nous
révèle, dans ce domaine-là comme dans tous les autres
domaines, que les connaissances nous amènent, avec les années,
à nous rendre compte de conséquences qui avaient
été sous-estimées au départ... Il n'y a pas un
produit... Si on faisait la liste de tous les produits qui ont
été inventés ou mis au point et par la suite
homologués et dont on a découvert plus tard dans l'utilisation
qu'on en avait sous-estimé les conséquences, on se rendrait
compte qu'il n'y a peut-être pas beaucoup de produits dont l'analyse et
l'utilisation ne nous ont pas amenés à changer nos jugements et
nos opinions.
M. Palmer: On ne met pas en cause qu'il faut réviser
à l'occasion certaines positions, mais on n'est peut-être pas
d'accord avec le moyen. If reste que dans notre cas, par exemple, si on regarde
la question des feux, habituellement, lorsqu'on a à réagir, c'est
en situation d'urgence, en situation de catastrophe. Alors, s'il fallait
demander chaque fois la permission à Pierre, Jean, Jacques, j'ai
l'impression qu'on ne ferait pas grand chose, puis que la province y passerait.
Il faut qu'on ait, à un moment donné, les mains libres pour
pouvoir réagir à temps.
Tout à l'heure, vous parliez de prévention, je pense que
cela est un domaine aussi. Si on prend une épidémie, si on la
laisse croître, on va avoir de plus en plus de problèmes à
la résorber et on va avoir de plus en plus de dommages, alors que si on
est capables d'avoir un système de prévention adéquat qui
nous permet de réagir rapidement, je pense qu'on devrait à ce
moment-là avoir beaucoup plus d'efficacité et de meilleurs
résultats pour tout le monde.
M. Charbonneau: Remarquez que je pense qu'il y a consensus qu'il
faut, un, agir rapidement, deux, agir efficacement et que, à cet
égard, il doit y avoir des modalités particulières dans la
politique qui permettent cela. Mais est-ce que votre expérience dans le
domaine des incendies de forêt, par rapport à la discussion que
j'ai eue avec le ministre, vous amène à être d'accord avec
ce que je disais, que si on avait une priorité à accorder on
devrait l'accorder à un système de détection
sophistiqué?
M. Palmer: On ne peut pas être contre la vertu. Je pense
que c'est évident que, plus on va faire de la prévention, moins
on va être sujet à des désastres comme on en a connus ces
dernières années.
M. Charbonneau: Et moins on va être sujet à utiliser
des produits qu'on n'aime pas particulièrement.
M. Palmer: Je suis bien d'accord sur cela.
M. Charbonneau: Moi, en tout cas, je vais vous dire une chose en
terminant. Je pense que la politique éventuelle devrait être
fondée, entre autres, sur des investissements substantiels qui vont
permettre qu'on ait un système de détection sophistiqué.
Je me dis que, si ce n'est pas le cas, je pense qu'il y a quelque chose qui va
être tout croche en partant.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est l'objectif
poursuivi. On poursuit cet objectif-là et c'est sûr qu'il y a une
similitude entre le combat des incendies forestiers et le combat de l'arrosage
des insectes parce qu'il faut commencer par la prévention, la
détection puis la lutte après. La prévention, cela se fait
par des cartes de vulnérabilité; on sait à quels endroits
c'est vulnérable. On sait que dans des peuplements l'indice de
vulnérabilité est plus élevé qu'ailleurs, compte
tenu des sécheresses, des pluies, des vents, etc. Et, évidemment,
cela prend des pièges de phéromone pour être capables de
détecter les foyers d'infestation. Cela prend du monde pour surveiller
le cours, pour faire cela. Cela prend de l'argent. On parle dans le document de
3 000 000 $ plutôt que de 1 000 000 $ actuellement. Il faut lutter avec
des outils et des moyens efficaces. Si on était obligés de
demander la permission pour aller au feu, on n'aurait pas le meilleur
système de protection et de combat d'incendies au monde comme celui
qu'on a au Québec.
M. Charbonneau: D'accord, mais...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela n'a pas
été fait au détriment de l'environnement, ni au
détriment de la santé. (22 h 30)
M. Charbonneau: Je vais vous dire honnêtement, compte tenu
de l'importance de la ressource forêts et de l'industrie
forestière au Québec, au lieu de dire On va demander 2 000 000 $
de plus cette année, je pense que le ministère devrait être
en mesure de dire, pour être efficace sur le territoire
québécois, combien cela nous prendrait pour avoir un
système sophistiqué. Plutôt que de dire: On va avoir un
système et, chaque année, on va essayer de l'augmenter... Un
système qui fonctionnerait coûterait combien? S'il coûte 15
000 000 $ à la société québécoise
annuellement, sur le budget d'une trentaine de milliards qu'on a, compte tenu
des coûts environnementaux qu'on épargnerait, des coûts
sociaux et des avantages économiques, je vais vous dire que ce serait
peut-être un sacré bon investissement, plutôt que
d'être timide et de demander 3 000 000 $, alors qu'on a
déjà 1 000 000 $. Je ne dis pas que 15 000 000 $ est I©
chiffre, mais je pense que, si on doit faire une action efficace, on devrait
être en mesure de développer le système de
détection.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Tous les
forestiers qui se sont présentés ici parlent comme cela. C'est ce
qu'ils veulent. Par contre, il y a eu un côté positif, mais on les
a peut-être entravés dans leurs moyens de travailler pour
différentes raisons, mais il y a un côté positif à
toute chose. Quand quelqu'un décède, l'entrepreneur est bien
heureux aussi, c'est sûr.
M. Charbonneau: Oui, mais en tout cas...
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Verchères. Je vais maintenant reconnaître
M. le député de Lotbinière.
M. Camden: Merci, M. le Président. Vous devez
sûrement avoir une espèce d'échelle quant à l'indice
de risque d'incendie en forêt, plus particulièrement après
le passage de la tordeuse. Est-ce que vous avez une échelle de
risque?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Lefebvre.
M. Lefebvre (François): Il y a une échelle de
risque, mais elle est en fonction des peuplements forestiers, comme je vous le
disais tantôt, des grandes superficies. Les dangers de feu sont
calculés avec les éléments que sont la
précipitation, la température, l'humidité relative, mais
c'est en fonction des peuplements types qu'on va rencontrer sur le terrain.
Sauf que dans ces échelles on ne fait pas le calcul point par point
parce qu'il y a un peuplement qui a été attaqué et qu'un
autre ne l'a pas été. C'est sur de grandes superficies. Donc, on
ne détermine pas que ce peuplement, dans une journée
précise, a un danger de feu accru. On ne l'a pas calculé sur
papier, sauf que par expérience les gens savent que cela va être
supérieur à ce qui est calculé pour le peuplement sain,
mais le calcul ne se fait pas point par point, que ce soit un peuplement mort
ou un peuplement vivant.
M. Camden: Quelle est la superficie minimale pour que vous
procédiez à une évaluation assez juste et
réaliste?
M. Lefebvre (François): Ce sont des superficies
utilisées par le ministère de l'Environnement du Canada qui
calcule les prévisions météorologiques. Ce sont des
unités météorologiques. Pour ce qui est de la superficie,
cela va être de l'ordre de 5000 ou 6000 kilomètres carrés.
Ce sont les unités qui sont utilisées pour faire les
prévisions et les calculs en même temps. Les stations vont
rapporter les humidités, mais c'est sur de grandes superficies qu'on
fait les calculs.
M. Camden: Est-ce que vous avez une échelle? Est-ce que
vous êtes capable de nous évaluer sommairement, selon
l'échelle d'inflam-mabilité, quel est le niveau moyen
après le passage, par exemple, de la tordeuse, après trois ou
quatre ans? Est-ce que vous avez un niveau ou une échelle de 1 à
10 qui nous permette de dire si on est à 4, 5 ou 8?
M. Lefebvre (François): Non, les échelles ne sont
pas bâties dans ce sens-là. Les échelles vont être
basées sur la vitesse de propagation du feu, mais, encore une fois,
c'est dans les peuplements naturels, les peuplements typiques qu'on va
rencontrer. On ne calcule pas spécifiquement les peuplements
attaqués par la tordeuse. Les échelles sont pour les grandes
superficies. Mais, pour la vitesse de propagation des incendies ou la
profondeur que l'incendie va brûler, ce n'est pas spécifique,
comme vous me le demandez, à ce point sur les peuplements
attaqués par la tordeuse ou les maladies qu'on va rencontrer.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Palmer.
M. Palmer: J'aimerais seulement ajouter une chose, parce que vous
voulez savoir ce qui arrive du côté de la tordeuse. Du
côté pratique, comme on dit, on n'a pas d'échelle pour les
peuplements affectés par la tordeuse. Ce à quoi on se
référait dans l'opinion présentée, c'est à
une étude qui a été faite par M. Stocks dans des
peuplements affectés par la tordeuse. On le constatait de visu, mais
c'était empirique, il n'y avait pas d'étude. Mais, d'après
l'étude, ce monsieur a réalisé qu'après quelques
années cela devenait dangereux pour une période de quatre ou cinq
ans parce que le combustible était plus sec et
qu'aussitôt que cela prenait, cela s'étendait beaucoup plus
rapidement.
M. Camden: À la suite de l'épandage de pesticides
sur des superficies permettant l'émergence des plants, est-ce que
l'indice d'inflam-mabilité est également augmenté, compte
tenu que le couvert végétal est moins présent? J'ai pu
remarquer hier que cela semblait plutôt jaune et brun. Cela
m'apparaissait, d'après mon expérience - je n'ai pas la
vôtre - mais celle que j'ai semblait m'indiquer qu'il devait y avoir un
indice de propagation sûrement plus élevé qu'avant
l'épandage des pesticides.
M. Lefebvre (François): Vous parlez d'herbicides?
M. Camden: D'herbicides, de pesticides.
M. Lefebvre (François): Si on parle de l'épandage
de pesticides ou d'insecticides, cela n'aura pas d'influence. Si on parle de
l'épandage d'herbicides pour détruire la végétation
concurrente, la végétation qui est détruite pourra
représenter un risque accru minime parce que c'est au niveau du sol et
que c'est du petit combustible. Mais la végétation qui va
ressortir à travers cela va être verte et aura un certain taux
d'humidité à l'intérieur. Ce n'est pas, à notre
sens, un danger accru, notable ou important, si on parle de détruire la
végétation concurrente au niveau du sol.
M. Camden: Si je vous demandais d'y aller d'une évaluation
subjective et de me dire, sur une échelle qu'on fixerait de 1 à
10, par exemple, ce qu'il en est après le passage de la tordeuse et
après l'application d'herbicide?
M. Lefebvre (François): Je ne suis pas sûr de
comprendre votre question. Vous parlez de l'application d'herbicide pour...
M. Camden: Je ne sais pas. Dans une forêt qui est
affectée par la tordeuse, trois ou quatre ans après, à
combien évalueriez-vous, sur une échelle de 1 à 10,
l'indice d'inflammabilité?
M. Lefebvre (François): C'est une question très
hypothétique. Évidemment, on n'a pas de valeur à ce
niveau. Le peuplement qui est attaqué par la tordeuse par rapport au
peuplement qui est arrosé d'herbicides, celui de la tordeuse serait
à 5 ou 6 et l'autre serait à 1.
M. Camden: Pourriez-vous également m'indiquer combien
d'appels vous avez au cours d'une année, concernant des débuts de
feu de forêt provenant de sites sous des lignes de transmission, de
transport d'énergie, de la société
Hydro-Québec?
M. Lefebvre (François): Combien d'appels?
M. Camden: Oui, combien d'appels vous pouvez avoir par
année de feux qui prennent leur source sous une ligne de transmission de
la société Hydro-Québec.
M. Lefebvre (François): Je ne pourrais pas vous donner
cette information. On l'a en dossier, mais je ne pourrais pas vous la donner
à brûle-pourpoint.
M. Camden: Dans une proportion...
Le Président (M. Saint-Roch): En conclusion, M. le
député de Lotbinière.
M. Camden: Ce n'est pas tellement loin, M. le Président.
Il y a des réponses que j'attends. Est-ce que vous avez également
des données en fonction des coupes d'éclaircie qui sont faites
manuellement?
M. Lefebvre (François): Non.
M. Camden: Non plus. Vous n'avez pas de données
comparatives?
M. Lefebvre (François): Non.
M. Camden: Vous n'en avez pas plus, j'imagine, concernant la
construction des lignes?
M. Lefebvre (François): Oui, si ce sont des travaux de
construction de lignes, on aura ces données statistiquement en fichier
pour ce qui est des incendies.
M. Camden: Pour ce qui est des incendies par rapport à
l'ensemble?
M. Lefebvre (François): Oui.
M. Camden: Est-ce que ce serait possible de nous faire parvenir,
à titre d'information, ces données comparatives?
M. Lefebvre (François): On peut vous faire parvenir
cela.
M. Camden: Je l'apprécierais beaucoup.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Lotbinière. Je tiens à remercier les
membres de la Fédération des sociétés de
conservation du Québec pour leur apport aux travaux de cette
commission.
Je demande maintenant à l'Association des biologistes du
Québec de bien vouloir prendre place.
Permettez-moi, dans un premier temps, de vous souhaiter la bienvenue aux
travaux de la commission. Je demanderais maintenant au porte-parole de bien
vouloir s'identifier, ainsi que les gens qui l'accompagnent, s'il vous
plaît, pour le
bénéfice des membres de la commission.
M. Beaumont (Jean-Pierre): Bonsoir, M. le Président.
Jean-Pierre Beaumont, président de l'Association des biologistes, M.
Michel Tardif, vice-président et M. Roger Lemire, secrétaire.
Le Président (M. Saint-Roch): Oui, allez-y, M. le
président, je vous cède la parole.
Association des biologistes du Québec
M. Beaumont: Parfait. M. le Président, MM. les ministres,
mesdames et messieurs, je dois m'excuser du retard qu'on a eu. On devait passer
un peu plus tôt, mais j'espère que vous serez
compréhensifs.
L'Association des biologistes du Québec regroupe plus de 400
professionnels oeuvrant dans diverses spécialisations de la biologie
comme la biologie végétale, l'écologie forestière,
l'éco-toxicologie, la biotechnologie et la santé
environnementale. Voilà maintenant quinze ans que, tout en promouvant
les intérêts de la biologie, l'ABQ se prononce sur des
problèmes sociaux à caractère scientifique dans le
meilleur intérêt du public.
Notre association s'est impliquée à maintes reprises dans
le domaine de l'utilisation des pesticides. Lors de sa participation à
la consultation sur l'avant-projet de loi sur les pesticides en février
1987, elle considérait ce projet de loi comme un pas dans la bonne
direction et insistait sur la nécessité de réduire
substantiellement et de contrôler efficacement l'usage des pesticides,
tout en conservant l'application de la Loi sur la qualité de
l'environnement à l'égard des pesticides.
L'ABQ est aussi intervenue lors des consultations publiques sur les
programmes de pulvérisation aérienne préparés par
le ministère de l'Énergie et des Ressources. Soulignons aussi que
l'ABQ a organisé, en 1985, son congrès annuel sur le
thème: "Les substances toxiques, de l'environnement à l'homme" et
qu'en 1987, en collaboration avec l'Université de Montréal, elle
offrait à ses membres et à la communauté scientifique un
cours-colloque en écotoxicologie.
Quant à la gestion forestière plus spécifiquement,
elle est intervenue en 1986 devant la commission de l'économie et du
travail, qui discutait de l'avant-projet de loi sur les forêts, en
insistant sur le rôle polyvalent des forêts sur la totalité
du territoire forestier et sur l'implication dynamique des autres utilisateurs
dans sa gestion. Depuis juin 1987, elle fait aussi partie du groupe de
consultation sur le nouveau régime forestier mis sur pied par le
MER.
L'Association des biologistes du Québec tient donc, dès
maintenant, à remercier les deux ministres concernés par la
publication de cette "Politique d'utilisation des pesticides en milieu
forestier", le ministre de l'Environnement, M. Clifford Lincoln, et le ministre
délégué aux
Forêts, M. Albert Côté, pour l'avoir invitée
à faire part de son opinion sur ce sujet. Quoique l'ABQ ait
trouvé fort brève la période précédant cette
commission, elle a, quand même, tenu à présenter son
opinion sur l'utilisation durable des forêts en commentant cette
contrainte qu'est l'utilisation des pesticides.
C'est par une question que débute l'avant-propos du document de
support à la présente commission parlementaire: "Comment
concilier la production soutenue des forêts et la protection de
l'environnement?" Ce questionnement était pourtant inhérent
à chacun des projets de loi dont on va parler. En effet, la Loi sur la
qualité de l'environnement, par sa réglementation sur
l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement, assujettit
tout programme ou projet de pulvérisation aérienne de pesticides
à des fins non agricoles, sur une superficie de 600 hectares ou plus.
Lors de lai présentation de son mémoire "Pour une forêt
polyvalente, garantie d'avenir" présenté en 1986, l'ABQ faisait
part d'une certaine inquiétude: "Le nouveau régime forestier - je
cite une partie du texte qu'on présentait - poursuit l'objectif de
régénérer toutes les superficies des parterres de coupe en
essences désirées tout en minimisant les délais de
régénération. Cet objectif implique-t-il
systématiquement une utilisation à grande échelle de
phyto-cides pour favoriser la régénération des
espèces désirées et par la suite une utilisation à
grande échelle d'insecticides pour protéger ces peuplements et
sauvegarder le capital investi dans la régénération
naturelle ou artificielle? (22 h 45) "L'ABQ voudrait savoir si les modes
d'exploitation et de régénération forestières qui
sont privilégiés par le MER favorisent la limitation ou
l'élimination de cette pratique. Ou bien si nous évoluons
plutôt vers la culture des forêts, où l'on favorisera la
production de peuplements purs en essences désirées et
équien-nes sur de grandes superficies. L'ABQ n'a pas encore en main
l'information nécessaire pour se faire une opinion juste et
précise sur cet aspect." La réponse est maintenant claire; elle
se trouve dans le document: "Le MER et de nombreux titulaires de contrats
d'approvisionnement et d'aménagement considèrent essentiel
d'utiliser annuellement des pesticides pour rencontrer les objectifs de
protection et de rendement soutenu de la forêt."
Quant à la Loi sur les pesticides, l'ABQ avait demandé au
ministre de l'Environnement, lors de la commission parlementaire sur
l'avant-projet de loi, de soumettre les agriculteurs et les sylviculteurs aux
dispositions de la loi, sinon, elle n'aurait plus qu'une faible valeur
intrinsèque. De plus, elle voulait être rassurée sur la
position de cette pièce législative par rapport à la Loi
sur la qualité de I environnement. Les assurances du ministre à
cet égard ont été confirmées dans le projet de loi
sur les pesticides et ressortent bien dans le document de support.
Mais des points de vue divergents sur ces aspects se cristallisent,
amenant une controverse qui se poursuit. Julian Dunster écrit en 1987 -
je suis obligé de vous dire cela en anglais - "With the higher priority
that Canadians are now placing on environmental issues, the political
significance of these controversies will increase and the chemical controversy
will remain a dominant forestry issue in the next decade."
À cet égard, parmi les 25 problèmes majeurs
d'environnement relevés par Jacques Theys, plusieurs concernent cette
problématique: les risques liés aux biotechnologies; la baisse de
la diversité génétique des espèces; la pollution
diffuse généralisée des sols, de l'eau et des nappes
phréatiques par les engrais et les insecticides; les interactions entre
polluants chimiques et la multiplication des controverses sur leurs effets.
Tout cela n'oblige t-il pas à prendre des précautions pour
que notre gestion de l'environnement mène à une utilisation
durable de nos ressources?
L'Association des biologistes du Québec est consciente des
efforts de concertation effectués par les deux ministères
concernés, le MER et le MENVIQ. D'ailleurs, elle est, dans l'ensemble,
d'accord avec les principes directeurs énoncés dans le document
de support. Certaines modalités pourraient cependant être
discutées. Par exemple, l'énoncé suivant: "La forêt
publique constitue une ressource collective renouvelable à
protéger et à mettre en valeur" représente un constat
général qui suscite notre adhésion. Par contre, la seconde
partie de l'énoncé: "les pesticides homologués font partie
des outils utilisés à cette fin", met l'emphase seulement sur une
partie du coffre à outils et, d'ailleurs, sur celle dont on veut
minimiser l'usage.
À maintes reprises, l'Association des biologistes du
Québec a souligné l'importance de réduire
substantiellement et de contrôler efficacement l'usage des pesticides.
Cet aspect ressort des principes directeurs retenus lorsque sont
discutés l'examen des moyens de rechange ainsi que la
recherche-développement. La mise en valeur de ces principes directeurs
est, selon nous, essentielle.
L'emphase sur la prépondérance de l'outil pesticides est
soulignée dès le début de l'énoncé global:
"Les pesticides en milieu forestier constituent des outils permettant de
réaliser la protection et l'aménagement forestier." Il aurait
été pertinent de sentir encore plus, dans cet
énoncé global, l'approche de la Commission mondiale sur
l'environnement et le développement qui s'exprime en ces termes sur
l'utilisation durable de la ressource forestière: "De manière
générale, les ressources renouvelables telles les forêts ou
les bancs de pêche peuvent ne pas s'épuiser, à condition
que le rythme auquel on puise dedans ne dépasse pas les limites de la
reconstitution et de l'accroissement naturel. Cela dit, la plupart des
ressources renouvelables font partie d'un écosystème fort
complexe et il faut définir un seuil maximal d'exploitation, compte tenu
des effets de l'exploitation sur l'ensemble du système."
Les solutions proposées. Parmi les deux choix offerts dans le
document de support: programme de cinq ans d'utilisation de pesticides avec
étude d'impact ou l'utilisation du Bacillus thuringiensis et du
glyphosate sans étude d'impact, l'ABQ opte pour la première
puisqu'elle prévoit un examen public des projets sur une programmation
de cinq ans. Cela nous apparaît raisonnable et justifié compte
tenu de la durée du processus d'évaluation des impacts, de
l'envergure de l'étude requise et des coûts inhérents
à la procédure.
Comme l'ABQ tient à s'assurer que les promoteurs prennent des
moyens concrets pour doter le Québec d'une solution qui intègre
différentes techniques d'aménagement et d'exploitation visant a
diminuer à court terme la dépendance du Québec à
l'égard des pulvérisations aériennes d'insecticides, la
détermination d'une solution de moindre impact environnemental
résultant de l'étude d'impact permet alors à la population
concernée d'établir son choix.
N'oublions pas, comme c'est écrit à la section 2, qu'il y
a encore controverse dans l'utilisation des pesticides et qu'il vaut mieux
adopter une approche préventive que correctionnelle.
Cette étude d'impact devrait évaluer les effets
cumulatifs, car parmi les cas ou phénomènes ayant
déjà des effets cumulatifs importants ou qui en auront à
la fin de la présente décennie, il y a les effets des produits
chimiques utilisés en agriculture, en sylviculture et en
horticulture.
L'association du MER et des détenteurs de contrats
d'approvisionnement et d'aménagement forestier aux fins de
présenter un projet conjoint sur l'ensemble du territoire
québécois nous apparaît une suggestion intéressante
qui permettrait d'éviter la multiplication et la
répétition de projets comparables. Cependant, il nous
apparaît qu'une étude d'impact portant à la fois sur des
projets d'utilisation d'insecticides et de phyto-cides pourrait comporter des
volets distincts, car l'usage d'insecticides et de phytocides origine d'une
problématique tout à fait différente.
Cette solution ne nous paraît valide que de façon
intérimaire, soit d'ici à ce que des approches sylvicoles
nouvelles et adaptées soient développées. Cela implique
nécessairement l'implantation d'un suivi environnemental et de
programmes de recherche et de développement qui seront discutés
dans la section suivante.
La seconde solution nous paraît inacceptable, car il s'agit d'une
démarche qui réduit la participation des populations
concernées quant aux prises de décisions portant sur leur
environnement. La population québécoise est et demeure fortement
préoccupée par la question des pulvérisations, il serait
ainsi inconcevable de limiter
l'accès à l'information et à la consultation,
d'autant plus que l'utilisation du glyphosate n'a jamais été
discutée lors d'audiences du Bureau d'audiences publiques sur
l'environnement, le BAPE.
La modification du "Règlement sur l'évaluation et l'examen
des impacts sur l'environnement, qui vise à permettre l'utilisation en
milieu forestier du B. t. et du glyphosate sans étude d'impact, serait
une porte d'entrée qui pourrait aussi faciliter l'exclusion d'autres
pesticides. De plus, sous réserve d'une certaine innocuité des
produits, peut-on esquiver la procédure d'évaluation des impacts?
Une telle approche, si elle se généralisait, rendrait souvent
inopérante la Loi sur la qualité de l'environnement. Le
gouvernement pointe-t-il vraiment "vers le nouveau cap de la prévention
et de la conservation"?
Bien que ce ne soit développé explicitement dans aucune
des deux solutions proposées, il est important que l'étude
d'impact sur l'environnement comporte un volet suivi environnemental. Un tel
suivi appliqué dans différentes régions écologiques
du Québec pourrait augmenter nos connaissances sur l'état des
milieux avant, pendant et après toutes les phases des opérations
de pulvérisation. Cet engagement des promoteurs faciliterait aussi
à moyen terme la préparation des études d'impact puisque,
en plus des recherches bibliographiques, il y aurait aussi du "vécu
environnemental". Le BAPE, dans son rapport d'enquête sur le dernier
programme de pulvérisation aérienne contre la tordeuse des
bourgeons de l'épinette, mentionne, d'ailleurs, la surveillance
environnementale par le MENVIQ et le MLCP.
Le Conseil des ministres, en 1984, avait, semble-t-il, d'ailleurs,
accompagné le programme de pulvérisation de 1985-1989 d'un
programme de suivi et de recherche coordonné par un comité
interministériel. L'ABQ se demande si un tel comité est
prévu dans le cadre de la nouvelle politique d'utilisation des
pesticides en milieu forestier.
Il est aussi important de savoir s'il y a des effets cumulatifs et, si
oui, quelle en est l'importance. De telles données sont essentielles
dans le cadre d'études d'impact, ainsi que pour prévoir de
façon rationnelle la gestion forestière. Par exemple, certaines
suggestions de suivi émises par Peterson et al nous semblent
intéressantes et applicables dans le cadre de programmes de
pulvérisation aérienne de pesticides. Je peux vous les lire:
"Determine the frequency of application and dosage of pesticides and herbicides
used on a district basis over a period of years to give some idea of the extent
of the problem; at present, such data are not available or not accessible,
examine residues in soil and biota for evidence of accumulation and
bioac-cumulation; this would require a long-term monitoring program similar to
some now in progress; and undertake an ecosystem monitoring system to determine
the effect of repeated spraying, regardless of accumulation. "
Comme toute politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier
doit tendre à réduire et à rationaliser l'emploi de ces
produits, il nous semble primordial que les gouvernements, en collaboration
avec leurs partenaires, établissent ou consolident des programmes de
recherche. Cela ne fait cependant pas partie d'un échange donnant,
donnant, comme cela pourrait être compris dans le document de
support.
Déjà, des travaux sont prometteurs pour trouver une
alternative valable à l'usage des phytocides, entre autres, les travaux
concernant l'allélopathie (résidus de végétaux
ayant une activité phytotoxique) ou de phytopathologie
(possibilité d'utiliser des bioherbicides). L'ABQ pense que ces
recherches doivent être soutenues et développées.
Il est aussi important de faire en sorte qu'une partie des budgets
accordés aux recherches concernant la lutte contre les insectes
ravageurs soit utilisée pour rentabiliser l'emploi de
procédés de lutte biologique qui sont utilisables au point de vue
opérationnel, par exemple l'usage du B. t. En outre, l'ABQ se demande
pourquoi cet insecticide biologique rendu encore plus sécuritaire et
plus efficace du point de vue opérationnel ne serait pas produit au
Québec.
L'ABQ profite, d'ailleurs, de l'occasion pour rappeler au gouvernement
du Québec que les biologistes sont des professionnels dont la
présence est souhaitable et nécessaire, que ce soit en recherche
fondamentale, en recherche appliquée, tant en équipe
multidisciplinaire qu'en chercheur individuel.
En conclusion, l'Association des biologistes du Québec insiste
sur les points suivants: la nécessité de réduire
substantiellement et de contrôler efficacement l'usage des pesticides; le
rôle polyvalent des forêts sur la totalité du territoire
québécois et sur l'implication dynamique des autres utilisateurs
dans sa gestion.
Elle considère alors parmi les solutions proposées que
l'établissement d'un programme de cinq ans d'utilisation de pesticides
avec étude d'impact est plus avantageux tant pour la population
québécoise que pour l'environnement. Elle respecte la Loi sur la
qualité de l'environnement et ne fait pas d'exception quant à
certains pesticides. Toutefois, l'ABQ voudrait qu'il y ait un suivi
environnemental et que l'aspect recherche et développement soit encore
amplifié et consolidé. Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Beaumont. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre de
l'Environnement.
M. Lincoln: M. Beaumont, j'ai eu l'occasion, au cours de
plusieurs rencontres officielles avec vous, de vous exprimer mon respect pour
votre association; j'ai failli dire votre ordre, je suis sûr que cela va
venir. Je pense que votre mémoire confirme ce respect parce qu'il
exprime
beaucoup de mes préoccupations les plus convaincues. En fait, je
suis loin de vouloir vous poser des questions parce que, vraiment, je suis
tellement d'accord avec vous que je n'ai pas de questions à vous poser.
Je trouve que cela exprime exactement ce que je pense sur le sujet.
Je pense qu'il vaudrait la peine de souligner certaines choses que vous
avez dites qui peut-être n'ont pas été amplifiées ou
soulignées déjà dans les autres mémoires et qui
sont certainement, pour moi, des questions de grande importance. D'abord,
à la page 8, lorsque vous parlez, en citant Theys, "de la pollution
diffuse généralisée des sols et de l'eau et des nappes
phréatiques par les engrais et les insecticides", je pense que quoique
ce soit, une chose qui a existé depuis fort longtemps et qui se voit de
plus en plus dans nos écosystèmes, cela n'a pas été
assez souligné, dans cette commission parlementaire, jusqu'ici, que les
pesticides ne sont pas seulement ce avec quoi on arrose, mais aussi ce qui
coule dans les cours d'eau et pénètre la nappe phréatique.
Ensuite, la deuxième chose, les interactions entre les polluants
chimiques et la multiplication des controverses sur leurs effets, les pluies
acides et tout le reste, et toute l'évaporation des polluants chimiques.
Je pense que cela demande à être souligné aussi. (23
heures)
Je pense qu'il y a des choses intéressantes aussi que vous dites
par rapport aux études d'impact. Moi, je retiens votre suggestion avec
beaucoup de sérieux. Dans les études d'impact, on devrait
certainement prendre comme un des éléments principaux
l'évaluation des effets cumulatifs. Justement, on a tendance à
dire: Bon, on va arroser 500, 600 ou 1000 hectares, mais, si on le fait cette
année-ci, l'année prochaine et l'année d'après,
quel sera l'effet cumulatif de tous ces pesticides dans l'atmosphère et
surtout quel est l'effet cumulatif lorsqu'on ajoute à cela la grande
proportion qui est utilisée dans le monde agricole et aussi en
horticulture, comme vous l'avez souligné?
D'après ce que je comprends, là vous êtes d'accord
avec l'étude d'impact sur une période de cinq ans qui ferait un
ensemble de la problématique, mais vous dites en même temps - et
moi, je trouve que c'est aussi une suggestion très | valable - que
peut-être on aurait dû souligner que c'est quelque chose
d'intérimaire, 'ce qui nous forcerait à trouver des
méthodes alternatives. C'est pourquoi vous dites, sans doute, que le
maximum serait de dix à quinze ans.
Vous soulignez aussi, ce que certains d'entre nous ont
déjà aussi souligné, que le \ glyphosate n'a pas
passé par les études d'impact et n'a pas passé par le
Bureau d'audiences publiques, contrairement au B.t..
Une voix: Le fénitrothion aussi.
M. Lincoln: II y a une chose qui a été
soulignée tout à l'heure, lorsqu'on a discuté avec le
Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy; on a eu une
discussion par rapport à la loi du BAPE et là, vous arrivez
à la même constatation que j'avais faite tout à l'heure,
soit que, si demain matin on soustrait quelque chose par rapport à la
foresterie ou à un domaine quelconque de la Loi sur la qualité de
l'environnement, en fait, on la rend inopérante parce que, si la logique
suit son cours, il faudra le faire dans tous les autres domaines et, à
ce moment-là, il ne restera plus rien. Je suis d'accord là-dessus
aussi. Donc, je suis très conscient du cap de la prévention et de
la conservation, je peux vous l'assurer.
Il y a un autre volet que vous apportez, qui est bien important, je
pense, et c'est le suivi environnemental qui devrait être inclus dans
toute la question des études d'impact. Pour ce qui est du comité
interministériel, je dois vous dire qu'il a été
formé, enfin, cela existe et il est présidé par M.
L'Heureux qui est maintenant le directeur général de la
conservation au ministère de l'Environnement. Il a émis deux
rapports jusqu'à présent. Le rapport de 1986 a été
émis en 1987, mais le rapport de 1988 n'est pas encore sorti parce qu'il
touchera les activités de 1987 et sera sans doute émis cette
année-ci. Alors, il y a déjà eu deux rapports et ce
comité interministériel est présent. Je dois aussi vous
dire que le comité consultatif - je pense que vous êtes l'un des
groupes qui avaient suggéré un comité consultatif sur les
pesticides par rapport à la loi 27 - est aussi en voie de formation en
ce moment.
Une voix: Tu es satisfait?
M. Lincoln: Bien, il faut demander ta permission?
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Tu semblés satisfait.
M. Lincoln: Oui, moi, je suis très satisfait, je dois le
dire franchement. Mais il est temps que je sois satisfait.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Lincoln: II y en a eu 25 qui ne m'ont pas satisfait. Alors, je
suis content d'en voir un qui me satisfait.
Par rapport à la recherche, vous parlez de certaines recherches
alternatives. Là, je veux vous mentionner que mon collègue et
moi, nous avons une recherche qui se fait sur un programme de pathogènes
au collège Macdonald où on espère, peut-être avant
cinq ans, trouver quelque chose. À ce moment-là, on n'aura pas
besoin d'études d'impact, d'audiences publiques; on aura trouvé
quelque chose de valable qui va remplacer les pesticides.
En tout cas, moi, c'est cela que je voulais vous dire, que je suis
très satisfait de votre mémoire. Je vais le lire, cela en vaut
beaucoup d'autres pour moi. J'espère que cela va peser bien lourd dans
la balance, M. Beaumont.
M. Beaumont: Le relire, oui.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre.
M. Lincoln: Je vais le relire. Un beau mémoire, cela en
vaut plusieurs autres, vous savez.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. Je
vais maintenant reconnaître M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Encore une fois, M. le Président, je veux
m'associer aux remarques du ministre de l'Environnement. Dans cette commission,
finalement, c'est deux contre un, mais le ministre délégué
aux Forêts ne fait pas pitié parce qu'il a eu à peu
près toute l'industrie en sa faveur. Mais, moi aussi, je pense que
finalement, avec quelques autres mémoires qu'on a eus aujourd'hui, vous
ajoutez un certain nombre d'éléments qui finissent par montrer
l'envers de la médaille et par dédramatiser un peu le portrait
qui nous avait été fait hier de l'usage du processus d'audiences
publiques et d'évaluations des impacts environnementaux. À cet
égard, je voudrais vous demander ce que vous pensez de l'argument de
l'ensemble des porte-parole de l'industrie forestière qui dit que les
études d'impact, c'est trop lourd et trop compliqué, que cela ne
leur permet pas d'intervenir rapidement, efficacement et que l'idéal
pour eux, ce serait d'avoir à peu près carte blanche sur tous les
produits qui sont homologués. Parce que c'est cela qu'on nous a dit
d'une façon ou d'une autre depuis hier.
M. Beaumont: Souvent, pour les promoteurs, l'étude
d'impact, premièrement, puis, s'il y a lieu, l'audience publique, c'est
quelque chose qui apparaît très lourd et c'est sûrement
quelque chose qu'on essaie d'éviter. Je trouve que, dans la situation
actuelle, la meilleure façon d'éviter une procédure qui
soit longue ou lourde, c'est de faire une étude d'impact qui soit
très bien réussie, qui montre les alternatives et qui arrive
finalement à justifier la solution retenue pour ce qui est du moindre
impact écologique. Lorsqu'on est capable de faire cela, il pourrait
même arriver, peut-être pas la première fois, mais à
long terme, que des études soient proposées comme cela se fait,
de toute façon, dans certains cas. Le public prend connaissance de
l'étude d'impact et en est déjà satisfait. Il trouve qu'il
a réponse à toutes ses questions et la procédure se
termine là. Alors, pas de demande d'audience publique et tout cela.
Donc, je me dis: Une bonne préparation d'étude d'impact, cela
peut être déjà un bon point. S'il y a lieu, à
l'audience publique, lorsqu'on est bien préparé et qu'on a une
bonne étude d'impact, on a probablement les spécialistes pour
répondre aux questions. Je pense que l'intérêt de
l'audience publique, à ce moment-là, est encore de pousser,
d'informer les intéressés et je ne vois pas cela comme
étant mauvais, au contraire.
M. Charbonneau: On nous a parlé beaucoup de
l'homologation. D'abord, on a vanté le système canadien comme
étant le meilleur au monde, puis on a dit qu'une fois que l'homologation
canadienne est intervenue il n'y a plus de problème, on peut utiliser
les produits. C'est comme si, finalement, une fois cette étape-là
franchie, il n'y avait plus lieu de s'inquiéter qu'on pouvait y aller
à coeur ouvert et en toute sécurité. Est-ce que vous
partagez cette opinion-là?
M. Beaumont: Si je ne me trompe pas, dans la liste des produits
homologués, il y a des produits qui ont des effets avec des gradations
différentes et puis, dans la récente Loi sur les pesticides, il y
a effectivement des classes qui ont été émises pour
certains types de produits qui ont des effets qui vont de simples à
dangereux ou risqués et pour lesquels il faut prendre des
précautions. Donc, l'homologation assure une certaine qualité et
que des tests ont été faits pour permettre la vente de ces
produits-là. Mais cela ne veut pas dire, parce que le produit est
homologué, qu'il est inoffensif ou qu'il a une innocuité
parfaite, loin de là.
M. Charbonneau: Vous avez parlé des régions
écologiques et il y a un groupe avant vous qui en a parlé
également.
M. Beaumont: Oui.
M. Charbonneau: C'est intéressant. Est-ce que vous
considérez que les écosystèmes différents qui
existent peuvent réagir différemment avec le même produit?
Autrement dit, c'est un peu comme un médicament; des malades
différents avec le même produit peuvent avoir des effets
secondaires.
M. Beaumont: Disons que, si on utilise le même produit dans
des régions différentes, ce qui peut se passer, c'est
qu'effectivement il y a des essences végétales
différentes. Il se pourrait effectivement que, par la composition de la
forêt, par les conditions de drainage, le type de sol et tout cela, il y
ait peut-être des différen ces. Des problèmes de lessivage,
à ce qu'on me dit.
M. Charbonneau: L'argument principal que
l'industrie nous a servi pour l'usage des pesticides, c'est que, dans le
fond, il n'y a pas d'alternative efficace. Est-ce que c'est exact,
d'après vous?
M. Beaumont: Moi comme vous probablement, quand on lit le
document, on voit qu'il y a des alternatives, sauf qu'elles ne sont
peut-être pas considérées comme économiquement
rentables. Si, plutôt que d'utiliser le glyphosate, on enlève,
manuellement ou mécaniquement, les mauvaises herbes, qui ne sont pas
nécessairement mauvaises, on n'a plus effectivement besoin de
pesticides. C'est un exemple, mais il y a d'autres possibilités qui
pourraient survenir - on a parlé d'allélopathie et de choses de
ce genre-là - qui peuvent avoir un effet plus direct sur les individus,
et qui ne nécessitent pas, non plus, un épandage
généralisé sur toute la superficie. Mais, ce qu'on dit,
c'est qu'il faut effectivement aller de l'avant avec les recherches. Comme je
viens de le dire, si on prend seulement l'allélopathie, c'est
récent. Il y a quelque chose à faire. Cela existe, mais il y a
encore des étapes à passer pour que ce soit rendu au niveau
commercial.
Une voix: ...écouter vos niaiseries.
M. Charbonneau: Écoutez, ce n'est pas vous qui parlez.
C'est vous qui avez besoin de les écouter.
Vous avez cité, à un moment donné, le rapport de la
Commission mondiale sur l'environnement, et vous avez parlé qu'on
devrait définir des seuils maximums d'exploitation. Est-ce que vous
considérez que les seuils d'exploitation que le gouvernement
définit sont actuellement acceptables ou trop élevés?
Autrement dit, les industries, hier, nous ont dit: Écoutez, le
gouvernement nous a dit qu'il fallait atteindre tel niveau. C'est pour cela
qu'on a besoin des pesticides.
Une voix: Ah, oui.
M. Charbonneau: Donc, pour être bien performant, pour
répondre aux voeux du gouvernement, il faut avoir l'usage de ces
pesticides. Est-ce qu'on a raison de vouloir ce niveau d'exploitation?
M. Beaumont: Dans la situation du Québec actuellement - tu
me corrigeras - effectivement, il peut y avoir un problème de rupture de
stock. À ce moment-là, effectivement, il faut peut-être
faire des efforts accrus, parce qu'on n'en a jamais fait avant, pour faire du
reboisement, de la plantation. C'est évident que c'est un effort nouveau
et peut-être difficile.
M. Charbonneau: Ce que je veux dire, c'est: Est-ce que vous
considérez que le seuil qu'on vise est trop élevé, compte
tenu de ce que vous avez cité? Si on parlait d'un seuil maximal
d'exploitation, c'est qu'à un moment donné il y a un seuil et
qu'après le seuil, c'est trop.
Une voix: Oui, oui.
M. Charbonneau: Là, on a établi une limite ou un
niveau à atteindre. Est-ce que ce niveau est encore acceptable ou s'il
est trop élevé?
Vous pouvez parler, vous aussi.
M. Lemire (Roger): Je pense que, si le ministère
considère qu'on est en rupture de stock et on l'a déjà
entendu - on ne doit pas être loin d'un seuil maximal d'exploitation dans
certains cas ou bien il y a eu tellement de tordeuse et les pertes sont trop
élevées. (23 h 15)
M. Tardif (Michel): Ce qui arrive présentement, c'est que,
dans le type de gestion forestière qu'on fait, on est face à une
rupture de stock. Mais je crois que le taux qui serait mis en vigueur pour le
futur, avec une nouvelle gestion de la forêt, est probablement un taux
très acceptable; avec une nouvelle gestion forestière, pas avec
la gestion qu'on en fait actuellement.
M. Charbonneau: À la page 12 de votre mémoire, vous
distinguez les études d'impact sur les phytocides et les études
d'impact sur les insecticides. Est-ce que vous considérez que cela
devrait être une des caractéristiques ou un des axes de la
politique éventuellement de distinguer ces deux types d'utilisation de
produits et d'études à faire, de ne pas faire une espèce
d'étude où on mêle tout?
M. Beaumont: Ce qu'on a réalisé, c'est que, si
jamais il y a étude d'impact, ce serait sûrement une bonne chose
pour faciliter la compréhension de tous les intervenants d'essayer de
bien différencier ces deux grands groupes.
Est-ce qu'il faut aller très loin dans cette séparation et
faire deux audiences publiques et tout cela? Ce n'est pas évident. Pour
l'information des gens, il y aurait sûrement intérêt
à bien différencier ces deux types de pesticides. Ce serait
sûrement bon. À un moment donné, cela pourrait se faire:
insecticides, phytocides, et voir, effectivement, s'il y a des interactions ou
des alternatives.
M. Charbonneau: Les biologistes au Québec - le ministre
disait qu'éventuellement vous pourriez être
considérés comme un ordre - jusqu'où votre influence
s'étend-elle dans l'industrie forestière? Jusqu'où vos
membres sont-ils présents dans cette industrie, impliqués,
engagés par des compagnies, à l'emploi de compagnies ou
sollicités par les entreprises ou par le ministère de
l'Énergie et des Ressources? Est-ce que, finalement, vous avez une
influence qui contrebalance celle de personnes qui sont plus de l'approche
chimiste?
M. Beaumont: Je pourrais peut-être vous dire, par
expérience personnelle, que, depuis la nouvelle loi, avec les
schémas d'aménagement et les caractérisations de milieux,
la présence des biologistes est peut-être plus apparente
quoiqu'elle se fait encore avec beaucoup de discernement. C'est un peu le
message qu'il y avait dans le texte. Je pense qu'il y a moyen que ce soit
encore plus visible que cela. Mais on a des biologistes, surtout dans le
domaine de l'écologie forestière, dans les universités,
dans des firmes de consultants, qui peuvent faire des travaux pour les
papetières, des choses dans ce genre-là.
M. Charbonneau: Si je comprends bien, on peut conclure que vous
n'êtes pas encore à un niveau désirable d'influence dans
l'industrie qui pourrait l'amener à changer des comportements, des
mentalités et à adopter d'autres approches.
M. Beaumont: Je ne le penserais pas. Franchement, il faudrait
peut-être le demander aux gens, mais je serais surpris qu'on ait une
telle influence.
M. Charbonneau: Je vais laisser la parole au ministre
délégué aux Forêts qui a besoin de vous parler
beaucoup.
Le Président (M. Saint-Roch): Allez-y donc.
M. Lemire: Je sais qu'au ministère de l'Énergie et
des Ressources, au secteur des forêts, ils ont toute une équipe.
Je connais des biologistes qui travaillent à la Direction de la
conservation et au service d'évaluation et qui font, justement, des
études de suivi, qui ont commencé. Il y a, quand même, une
équipe.
M. Charbonneau: Ce n'est pas encore un biologiste qui est
ministre délégué aux Forêts, par exemple.
M. Lemire: Non, pas encore.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Verchères. M. le ministre
délégué aux Forêts. M. Tardif.
M. Tardif (Michel): Juste un petit point complémentaire.
Ce serait pour souligner, comme le faisait remarquer M. Dubé
tantôt, le vice-président de l'Ordre des ingénieurs
forestiers du Québec, qu'on n'est peut-être pas directement dans
le milieu, mais qu'on gravite beaucoup autour. Car l'homologation des
pesticides relève beaucoup des biologistes. On n'est peut-être pas
impliqués de l'intérieur, mais on chapeaute le milieu.
M. Charbonneau: Oui mais entre deux ou trois ou quelques uns qui
s'occupent de l'homologation et avoir, finalement, une influence importante. En
tout cas, on n'a pas senti votre influence beaucoup hier, je vais vous le
dire.
M. Beaumont: Bien, on est là aujourd'hui.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Verchères. M. le ministre
délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je voudrais
commencer par dire qu'on apprécie grandement les services des
biologistes que nous avons au ministère. Ils ont certainement une
influence, même si ce n'est pas aussi évident que vous le
souhaiteriez, et on l'apprécie grandement dans les centres de production
de plants, de conservation et autres.
Pour répondre à mon collègue de Verchères,
vous avez vu hier sur des tableaux le portrait des exploitations
forestières. Si aujourd'hui on demande cet effort-là, l'effort de
40 % à peu près d'amélioration sur la production annuelle
à l'hectare, c'est parce que vous avez donné, depuis une dizaine
d'années, des autorisations de coupes supérieures à la
capacité de la forêt. Vous l'avez vu sur le tableau,
c'étaient 34 000 000 de mètre cube qu'avait autorisé
à couper le gouvernement. Heureusement, on en a coupé moins, on
en a coupé 22 000 000, 23 000 000, 24 000 000 de mètres cubes,
alors que la possibilité est de 18 000 000 de mètres cubes de
bois. C'est l'effort qu'on demande, 40 % à peu près pour se
rendre à 25 000 000 ou à 26 000 000 et pour essayer de sauver les
meubles.
L'effort qu'on demande n'est pas si exagéré que cela - et
cela a été confirmé par mes amis - parce qu'avec un climat
semblable au Lac-Saint-Jean à peu près la Suède et la
Finlande ont des rendements de 3 à 4 mètres cubes à
l'hectare, alors que nous, on demande aux industriels - et on va y participer
pour corriger les erreurs du passé qu'on a faites collectivement,
légalement - 1, 25 mètre cube à l'hectare plutôt que
3 mètres cubes à l'hectare. C'est un effort raisonnable à
demander, cela a été confirmé et accepté par
l'industrie. Mais on a autorisé, malheureusement, trop de coupe de bois,
ce qui fait qu'on essaie de rétablir les choses sans tout casser. Cest
cela qui est arrivé. Cela fait une dizaine d'années qu'on a
dépassé la capacité de la forêt.
Un commentaire, parce que vous semblez préoccupé: en
Suède, il y a cent ans que la loi exige la
régénération des forêts et on reboise avec deux
essences, deux seules essences. On reboise avec le pin sylvestre et
l'épinette de Norvège et cela n'a pas causé de
désastre écologique, épidémique et tout cela. On
fait beaucoup état de la monoculture, mais on le fait là-bas avec
deux essences. Nous, on en utilise à peu près neuf. Contrairement
à ce que le gouvernement précédent a voulu faire, il a
voulu éliminer complètement les efforts du côté
des
feuillus, depuis que je suis là, j'ai dit: On va,
évidemment, respecter les sols, le climat, les régions,
l'Outaouais, le nord de Montréal, où il pousse des feuillus
nobles, et puis on va mettre des efforts de ce côté-là.
C'est sûr que cela ne pousse pas dans deux ans ou trois ans. On le fait,
cela.
M. Beaumont: L'Association des biologistes, je pense, veut
effectivement que le maximum de variétés puissent être
implantées, justement pour éviter qu'il n'y ait perte de la
diversité génétique des espèces et qu'on ne se
retrouve, à un moment donné, avec peut-être seulement du
sapin ou de l'épinette à des endroits où il y avait
d'autres espèces. Donc, la tendance est positive.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Et, dans les
discussions avec les industriels, dans les contrats - il y en a six ou sept de
signés - on favorise la régénération naturelle. On
ne dérange pas trop les choses et, dans 70 % des cas, c'est ce qu'on
favorise.
M. Beaumont: Parfait.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Parce que le
reboisement artificiel, c'est ce qu'il y a de plus dispendieux, c'est ce qu'il
y a de plus difficile...
M. Beaumont: C'est cela.
M. Côté (Rivière-du-Loup):... c'est ce qui
nous cause des problèmes aussi pour utiliser des phytocides, n'est-ce
pas...
M. Beaumont: Oui, oui.
M. Côté (Rivière-du-Loup):... plus qu'avec la
regénération naturelle. Donc, de ce côté-là,
on s'accorde. Et le ministère, depuis 1974 dans le cas des insecticides
et depuis 1980 dans le cas des phytocides, effectue un suivi environnemental.
À mon avis, c'est très important. Même avec des produits
comme le B. t., le glyphosate et le fénitrothion qui ont
été... Pas le glyphosate, le glyphosate a été
recommandé par le BAPE lors des audiences publiques sur la tordeuse,
mais il n'a pas été remis en question. Les deux autres produits
ont été remis en question, puis ils ont été
acceptés. Mais le suivi environnemental est très important dans
nos programmes de pulvérisation. Actuellement, le comité
interministériel existe et il recherche les effets de tout cela. Il est
présidé par le ministère de l'Environnement. Cela, c'est
un des effets positifs des audiences publiques sur la tordeuse; à la
suite des audiences; il y a un décret qui a été
adopté. Il est question, pour nous, bien sûr, de poursuivre ces
activités là. Nos activités vont porter également
sur les interventions qui seront faites par les industriels avec qui on signera
des contrats, en plus.
M. Charbonneau: Au lieu de vendre votre salade, est-ce que vous
pourriez leur dire ce que vous pensez de leur mémoire? Êtes-vous
d'accord avec eux?
M. Côté (Rivière-du-Loup): J'arrive à
cela. M. Charbonneau: Ah, d'accord.
M. Côté (Rivière-du-Loup): J'arrive à
cela. Non, c'est que... Sauvé par la cloche.
M. Charbonneau: Oui. Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Saint-Roch): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions? J'ai besoin d'une directive de la part des membres de la
commission.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais je n'ai pas
fini.
Le Président (M. Saint-Roch): Nous sommes maintenant
appelés pour le vote. Est-ce que nous demandons a l'association de nous
attendre ou si nous allons compléter?
M. Charbonneau: Le ministre a besoin... Parce qu'entre le moment
où l'on vote et...
M. Lincoln: Si on a cinq minutes encore...
Le Président (M. Saint-Roch): Alors, M. le ministre.
M. Lincoln:... on va les retenir ici.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je vais faire
ça vite. Quand on parle de reboiser dans les essences
désirées, c'est dans les essences qui vont respecter le climat,
les sols et tout ça. Moi, je ne veux pas forcer la nature de ce
côté-là, comme vous, vous ne le voulez pas, n'est-ce pas?
C'est la même chose la protection de la régénération
naturelle et favoriser la régénération naturelle. Vous
dites: La seconde solution nous apparaît inacceptable. Pour moi, elle me
paraît acceptable, mais on peut différer d'opinion et se
respecter, comme je vous respecte et j'aime cela ainsi. Mais, vous disiez que
le glyphosate avait été recommandé lors des audiences
publiques. Ce n'est pas mon intention - dans la présentation du
mémoire, on s'est peut-être mal exprimé - de demander ou de
suggérer d'exclure ces deux produits-là, le glyphosate et le B.
t., pour faire une porte d'entrée à l'anarchie. Ce n'est pas
l'intention du tout, au contraire. Mais c'est peut-être mal
exprimé; cela donne peut-être l'impression, pour les essences
désirées, que c'est nous qui voulons tout cela. Mais ce n'est pas
cela, c'est le climat, c'est l'écosystème. Mais cela donne cette
impression-là. Puis, quand on dit
qu'on met l'emphase sur les pesticides, bien, qu'est-ce que vous voulez,
on a une commission parlementaire sur les pesticides, il faut bien en parler.
Si on avait une commission parlementaire sur l'éclaircie commerciale, on
parlerait de l'éclaircie commerciale. Ce sont des moyens de faire
produire la forêt. Les pesticides en sont un, c'est de celui-là
qu'on discute. Cela fait qu'on ne met pas l'emphase plus qu'il ne faut
là-dessus. C'est un des moyens. Ce n'est pas un des moyens qu'on
favorise, mais on dit que c'est un moyen essentiel. C'est tout ce que j'ai
à dire.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
ministre. Alors, je remercie l'Association des biologistes du Québec
d'avoir participé aux travaux de cette commission.
La commission va suspendre ses travaux pour la durée du vote, qui
devrait être d'environ une quinzaine de minutes, et reviendra pour
entendre, en conclusion, l'Institut canadien de protection des cultures.
Une voix: Pour le réveillon!
M. Charbonneau: On peut vous dire le résultat du vote tout
de suite.
Le Président (M. Saint-Roch): La commission suspend ses
travaux pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 23 h 29)
(Reprise à 23 h 44)
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission reprend maintenant ses travaux pour poursuivre sa
consultation particulière sur le document intitulé "Politique
d'utilisation des pesticides en milieu forestier".
Je demanderais maintenant au porte-parole de l'Institut canadien de
protection des cultures de bien vouloir prendre place, s'il vous plaft.
Permettez-moi, dans un premier temps, de vous souhaiter la bienvenue aux
travaux de cette commission. Je demanderais maintenant au porte-parole de bien
vouloir s'identifier, ainsi que les gens qui l'accompagnent, pour le
bénéfice des membres de cette commission.
Institut canadien de protection des cultures
M. Mercure (Charles): Mon nom est Charles Mercure,
président de l'ICPC, succursale de Québec, ou conseil
québécois, et j'ai avec moi Linda Porvin et le Dr Guy Paquet, qui
est docteur en chimie. Il nous manque le directeur exécutif de
l'association au chapitre national. On l'avait avec nous depuis deux jours et
on vient de le perdre à l'instant même.
Une voix: Au parlement, vous savez, H arrive toutes sortes de
choses.
M. Mercure: Cela doit être le trac.
Je vais commencer par une introduction et un résumé,
ensuite, j'irai en profondeur. Voici l'introduction.
L'Institut canadien de protection des cultures - un peu plus tard je
dirai l'ICPC - tient à exprimer sa reconnaissance à la commision
de l'aménagement et des équipements pour l'occasion qu'elle lui
offre d'exprimer son point de vue relativement à la politique
d'utilisation des pesticides en milieu forestier. En présentant ce
mémoire à la commission, l'institut veut s'assurer que les
objectifs de la Loi sur les forêts et de la Loi sur les pesticides sont
atteints, de telle sorte que les nouveaux produits pour la protection des
forêts puissent être introduits rapidement et avec succès
pour être utilisés dans les forêts
québécoises, tout en veillant à respecter et à
mettre en valeur les intérêts des divers éléments de
la société. Ce mémoire propose une approche logique de ces
objectifs et insiste, en particulier, sur le rôle important que peuvent
jouer les techniques de protection des forêts dans l'aménagement
des réserves forestières du Québec. J'ai l'impression
qu'il n'y a pas un chat qui m'écoute ici.
En résumé, l'ICPC est en faveur des points suivants.
L'ICPC est en faveur d'un processus d'homologation libre d'accès et
d'intervention pour tous les intervenants, que ce soient des groupes de
citoyens, des industries ou bien des compagnies de pâtes et papiers, dans
le but d'accélérer le transfert de technologie aux
intéressés, à condition que cette technologie
protège effectivement l'environnement. Nous favorisons aussi un
accès complet à l'information, avec des restrictions, sur
l'utilisation commerciale de ces données. Troisièmement, nous
favorisons aussi des standards vigoureux pour la fabrication, le transport,
l'entreposage, dans certains provinces, et l'utilisation des produits
agrochimiques et forestiers, incluant évidemment les systèmes
provinciaux régissant la vente et l'utilisation de ces produits.
Par contre, nous n'appuyons pas un dédoublement du processus
d'homologation du fédéral ou toute autre activité
provinciale qui dédoublerait tout processus déjà en place.
C'est pourquoi nous ne sommes pas en accord avec le processus des audiences
publiques. Les audiences publiques ne sont plus nécessaires pour
apporter plus d'information car l'industrie, actuellement, est en
négociations avec les agences fédérales pour fournir toute
l'information soumise pour fins d'homologation à toutes les parties
intéressées.
Enfin, je vais aller en profondeur. Pour élaborer cette position,
l'ICPC ou l'Institut canadien de protection des cultures souhaite faire
connaître sa philosophie globale quant à l'utilisation des
produits de protection des cultures, qu'il s'agisse d'agriculture ou de
foresterie. Premièrement, l'utilisation responsable des
pesticides ne doit pas mettre en danger la santé des être humains
ni menacer sérieusement le bien-être des organismes non
visés. Deuxièmement, l'ICPC appuie le principe selon lequel il
est souhaitable que le public soit mieux informé des risques, des
avantages et de l'élément de sécurité liés
à l'application des techniques de protection des cultures. Cette prise
de position rejoint les objectifs de la Loi sur la qualité de
l'environnement. Notre institut estime qu'un secteur forestier concurrentiel
devrait avoir accès, dans toutes les provinces, à tous les
produits efficaces de protection des cultures, homologués par les
autorités fédérales compétentes, en vertu de la loi
sur les produits antiparasitaires. On devrait tenir compte de ce principe
d'égalité d'accès dans toutes les procédures
administratives ou de réglementation qui feraient suite à ces
auditions. Le fait, pour l'industrie forestière, de pouvoir compter sur
de nouveaux produits assurera un meilleur élément de
compétitivité dans rétablissement des prix des produits
antiparasitaires et augmentera la compétitivité de l'industrie
forestière du Québec.
L'institut insiste fortement sur la nécessité d'une
collaboration totale entre le Québec et les autorités
fédérales, et ce, au tout premier stade du processus de la
réglementation. Cela aura pour effet de favoriser la coordination des
critères en matière de santé et d'environnement,
augmentant ainsi les possibilités de développement de toute
technologie nouvelle ou existante pour la protection des forêts. Par
exemple, les demandes spéciales de renseignement visant à faire
homologuer des produits à usage forestier devraient être
ajoutées, par voie de négociation, au processus d'homologation du
gouvernement fédéral de sorte qu'un titulaire puisse inclure les
études appropriées dans sa recherche commerciale,
préliminaire pour tout produit dont l'emploi en milieu forestier est
envisagé, bien avant que ne soit entreprise toute planification de mise
en marché auprès des utilisateurs finals. Une collaboration aussi
étroite permettrait d'éliminer des retards coûteux dans les
octrois d'homologation et de réduire le manque d'information dans les
documents d'appui.
Un point important et intéressant, c'est le transfert de
technologie. Les mémoires présentés par l'Association des
industries forestières du Québec et l'Association canadienne des
producteurs de pâtes et papiers soulignent la nécessité de
procéder à un transfert de technologie efficace, comme moyen de
garantir la compétitivité de l'industrie forestière du
Québec sur les marchés mondiaux, tout en ayant plein droit de
regard sur une utilisation responsable et sécuritaire. L'Institut
canadien pour la protection des cultures endosse la position de ces deux
associations.
Ouf! Cela fait du bien de reprendre son souffle.
Une voix: C'est un métier qui s'apprend vite.
M. Mercure: Oui. En mai 1988, dans un communiqué
adressé à l'ICPC, le docteur J.R. Carrow, qui est effectivement
maintenant doyen de la faculté de foresterie à Toronto,
déclarait: "La lutte contre les ravageurs dans le secteur forestier
s'effectue, d'une part, dans les vieilles forêts naturelles afin de
protéger l'approvisionnement en bois à court terme et, d'autre
part, dans les nouvelles et jeunes forêts, pour la plupart des
plantations, afin de préserver la croissance annuelle des arbres et de
protéger l'approvisionnement en bois à long terme. - Vous avez le
court et le long terme. - Dans le premier cas, l'élimination des
insectes est très souvent "essentielle", en ce sens que son
inexécution entraînera une perte irremplaçable de
l'approvisionnement en bois." Par exemple, au Cap-Breton, 500 000 acres de
vieille forêt ont été détruits par la tordeuse des
bourgeons de l'épinette et c'est cela.
Information requise pour la prise de décisions des provinces. La
division des renseignements sur les pesticides, de la Direction des pesticides
à Agriculture Canada, fournit maintenant des renseignements sur
l'homologation de nouveaux ingrédients actifs. Ces documents informatifs
sont distribués aux ministères des gouvernements provinciaux, aux
responsables de la réglementation des pesticides, y compris
l'Association canadienne des responsables du contrôle des pesticides,
l'ACRCP, ainsi qu'aux groupes d'intérêt et aux utilisateurs. Parmi
les documents qu'on peut avoir à Agriculture Canada, notons les
monographies des produits - ça c'est récent, c'est un scoop que
je vous donne, pour ceux qui écoutent, si cela vous intéresse -
les produits nouveaux, les notes de l'ACRCP, les articles de documentation, les
documents de travail et les documents de décision.
Les monographies des produits, c'est cela qui est le boeuf de notre
présentation. En 1983, le Conseil canadien des ministres des Ressources
et de l'Environnement demandait à l'Institut canadien pour la protection
des cultures que soient rédigées des monographies des produits.
L'institut a appuyé sans réserve la demande du CCMRE et
produisait au cours de 1984 un modèle de monographie d'un produit qui
allait contribuer sensiblement à la poursuite du projet. L'engagement de
l'industrie à établir des monographies de produits allait
être confirmé par la publication, en 1987, par Agriculture Canada
d'une circulaire à la profession, rendant obligatoire la soumission
d'ébauches de monographie pour faire homologuer un produit. Ces
documents comporteront des sommaires, des évaluations scientifiques, des
études sur la santé, la sécurité et l'environnement
réalisées pour fins d'homologation et devraient, en principe,
satisfaire les besoins de renseignement des agents de réglementation
provinciaux. Les groupes d'intérêt pourront
également obtenir ces documents sur demande.
Les compagnies de l'industrie ont convenu de fournir des ébauches
de monographie dans le cadre de demandes d'homologation de nouveaux
ingrédients actifs d'herbicides, d'insecticides et de fongicides, dans
les catégories d'usage commercial et agricole ou autres, d'usage
restreint. Elles se chargent également de l'impression et de la
distribution des monographies finales une fois que les organismes de
révision d'Agriculture Canada les auront préparées pour le
stade de l'approbation finale.
Le rôle des titulaires dans l'élaboration de ces documents
consiste simplement à en faciliter le traitement. Les organismes de
révision et Agriculture Canada ont toute la latitude quant à la
révision, aux ajouts et aux corrections à faire pour s'assurer
que ces documents reflètent leurs évaluations respectives des
données de soutien.
Les monographies des produits consistent en des sommaires de 30 à
50 pages sur toutes les données scientifiques soumises par un titulaire
pour appuyer l'homologation. Ainsi, la section "Répercussions sur
l'environnement", de toute monographie d'un nouvel ingrédient actif
à usage forestier contiendra toute l'information nécessaire au
ministre de l'Environnement et au ministre de l'Énergie et des
Ressources naturelles, pour en déterminer l'acceptabilité au
Québec. Ça, c'est un point qui est pas mal important, c'est
très nouveau, c'est la première fois que c'est publicise en
dehors de nos bureaux.
À la suite de toutes récentes négociations entre
l'ICPC et Agriculture Canada, une entente a été conclue en vertu
de laquelle une section "Avantages" sera ajoutée dans les monographies
de produits. Dans le cas de tout nouvel ingrédient actif à usage
forestier, on envisage la possibilité pour un titulaire de fournir une
analyse socio-économique devant être publiée dans cette
section.
Un autre truc qui est pas mal intéressant aussi, c'est
l'accès aux données d'homologation. Dans ses négociations
sur les monographies des produits avec l'Institut canadien pour la protection
des cultures et Agriculture Canada, un sous-comité du Conseil canadien
des ministres des Ressources et de l'Environnement a indiqué qu'il
s'attendait que les monographies répondent à plus de 90 % des
besoins en information sur les pesticides des organismes provinciaux de
réglementation. Néanmoins, les groupes d'intérêt ne
cessent d'exercer beaucoup de pression pour obtenir l'accès à
toutes les données concernant les répercussions sur la
santé, la sécurité et l'environnement. À titre de
membre du groupement international des associations nationales de fabricants de
produits agrochimiques, appelé GIFAP, l'ICPC appuie une
déclaration du GIFAP faite lors de la "Seconde consultation des
gouvernements sur la coordination internationale des exigences en
matière d'homologation des pesticides", organisée en 1982 par
l'Organisation des Nations Unies pour l'agriculture et l'alimen- tation,
déclaration que voici: "...nous n'émettons aucune objection quant
à l'accès public aux données de santé et de
sécurité soumises aux fins d'homologation des pesticides, dans la
mesure où cet accès public ne confère pas le droit de
copier ces données d'homologation".
Cette consultation des gouvernements a reconnu "qu'une telle divulgation
de renseignements donne la possibilité aux personnes sans scrupule de
violer les droits de propriété des titulaires" et a
recommandé "que les pays qui permettent cette divulgation publique ne le
fassent qu'en prenant les précautions voulues pour empêcher toute
utilisation non autorisée de ces données par des
concurrents."
L'ICPC a corroboré la position du GIFAP lors de la participation
au processus consultatif dirigé par le Comité de révision
sur la lutte contre les ravageurs du ministre fédéral de
l'Agriculture, portant sur "L'accès aux donnés de
l'homologation". Cette consultation a regroupé un nombre important de
groupes d'intérêt, notamment le Conseil canadien des ministres des
Ressources et de l'Environnement, dans deux ateliers d'une journée, le
dernier s'étant déroulé le 9 mai I988.
De très intéressants progrès ont été
accomplis, et notre institut s'attend qu'un accord intervienne d'ici peu
relativement à l'établissement d'un mécanisme permettant
désormais aux organismes provinciaux de réglementation et aux
représentants de groupes d'intérêt d'évaluer les
données en matière de santé, de sécurité et
d'environnement d'un ingrédient actif nouvellement homologué ou
en révision.
En résumé, grâce aux documents d'information sur les
monographies, ainsi qu'aux nouvelles règles de base concernant
l'accès à l'information, il serait désormais possible de
consulter les données de répercussion sur l'environnement et
l'analyse socio-économique au moment de l'homologation de chaque nouvel
ingrédient actif à usage forestier, issu du processus
d'homologation ou de révision du gouvernement fédéral. Les
organismes provinciaux de réglementation et les groupes
d'intérêt pourront obtenir cette information, ce qui devrait
éviter la nécessité d'audiences publiques coûteuses
et fastidieuses, tout au moins dans les cas où toutes les parties
conviennent que les données qui leur sont offertes sont conformes
à leurs deméindes.
L'ICPC est conscient des difficultés auxquelles font face les
gouvernements pour assurer le public qu'il a donné adéquatement
suite à ses préoccupations en matière de qualité de
l'environnement. C'est pourquoi notre industrie souhaite collaborer
étroitement avec les gouvernements pour résoudre ce
problème d'accès à l'information. Néanmoins, les
auditions publiques dans ces circonstances ne constituent pas le moyen le plus
efficace d'atteindre cet objectif et aurait pour effet de ressasser le travail
déjà fait, au prix d'une importante somme de temps et d'argent,
tout en étant inutiles et superflues.
(minuit)
Autre point dans le document de travail concernant la proposition de
délivrer un permis de cinq ans: il serait très difficile de
planifier avec certitude un programme de cinq ans. Pour l'élimination
des insectes, ce programme serait inutile car les populations d'insectes
évoluent; les besoins en matière de répression sont donc
imprévisibles au-delà d'une année. Quant au
désherbage, il est possible d'établir un programme de cinq ans
d'application d'herbicides dans les cultures, mais plusieurs d'entre elles
peuvent ne pas avoir besoin de traitement lorsqu'on procède à une
évaluation biologique tout juste avant l'application. D'autres peuvent
nécessiter plus d'une application à cause du mauvais temps au
moment du traitement ou pour d'autres raisons. Aussi, cette proposition n'a
qu'une certaine valeur pour les programmes d'herbicides et, encore là,
les avantages en sont limités.
Gestion responsable. L'ICPC souligne la nécessité
d'utiliser les produits de l'industrie avec soin. À cette fin, il a
collaboré étroitement avec plusieurs ministres
fédéraux et provinciaux de l'Agriculture, de la Santé et
de l'Environnement, pour mettre au point et promouvoir des programmes de
gestion responsable dans tous les domaines, c'est-à-dire fabrication,
transport, entreposage et utilisation. Ainsi, l'institut a établi, de
concert avec Santé et Bien-Être social Canada, un programme de
gestion responsable destiné à l'utilisateur, qui insiste sur
l'utilisation de gants de caoutchouc, de vêtements protecteurs, de
respirateurs et sur l'application de bonnes pratiques d'hygiène
personnelle. Le matériel de formation est offert aux ministères
provinciaux des Ressources et des Forêts, ainsi qu'aux
municipalités. Certains ministères de Ressources naturelles et de
l'Environnement ont déjà utilisé des
éléments de ce programme pour la formation des travailleurs en
milieu forestier.
En conclusion, l'ICPC appuie sans réserve la déclaration
unanime sur les pesticides formulée dans le document intitulé
"Une stratégie nationale pour le secteur forestier canadien", de 1987:
"II est recommandé que tous les intervenants du secteur forestier
reconnaissent que les pesticides sont des outils légitimes de la gestion
des ressources forestières dans certaines régions et que leur
utilisation soit réglementée; et que l'on s'assure que toutes les
opérations de lutte contre les ravageurs soient justifiées du
point de vue écologique et économique; que l'on favorise la mise
au point et l'utilisation de méthodes de remplacement pour lutter contre
les ravageurs, y compris la gestion intégrée des ravageurs; que
l'on accélère la recherche portant sur les effets des pesticides
sur l'environnement; que l'on s'assure que le processus d'enregistrement des
pesticides utilisés en milieu forestier ne soit pas
exagérément coûteux et que le public ait accès aux
dossiers."
Cet appui comprend l'endossement d'une gestion intégrée
des ravageurs qui accorde la priorité aux méthodes non chimiques
de répression des ravageurs, chaque fois qu'on peut appliquer des
méthodes de remplacement non chimiques économiquement
réalisables.
La participation active de notre institut, avec le Conseil canadien des
ministres des Ressources et de l'Environnement, à la mise au point de
monographies des produits et de règles de base mutuellement acceptables
en vue de l'accès du gouvernement provincial et du public aux
données sur la santé, la sécurité et
l'environnement, témoigne clairement de son désir de collaborer
à la mise en application de cette recommandation de la Stratégie
nationale pour le secteur forestier.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Mercure. M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. Mercure, d'après ce que je lis dans votre
mémoire et ce que vous nous avez maintenant lu, vous recommandez un
genre d'accès égalitaire à tous les produits
antiparasitaires, dans toutes les provinces canadiennes. Que veut dire
l'accès égalitaire à tous les produits? Est-ce que cela
veut dire que... Par exemple, ici, on parle des compagnies forestières.
Alors, selon vous, devraient-elles avoir accès à n'importe quel
produit homologué au Canada de façon tout à fait ouverte
et libre?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Mercure.
M. Mercure: Vu que, au Canada, on a le système le plus
rigoureux au monde pour l'homologation des produits, nous, on est très
près de cette homologation et on prétend qu'une fois que c'est
homologué au Canada le produit devrait être utilisé dans
toutes les provinces. Si une province limite l'utilisation d'un produit ou de
certains produits, on ne comprend pas tellement pourquoi, parce que les risques
ont déjà été évalués au
fédéral.
M. Lincoln: Lorsque vous dites, à la page 4 de votre
mémoire: "...ces nouvelles plantations n'atteindraient pas leur plein
potentiel à moins qu'une quantité accrue de produits
antiparisitai-res ne soit utilisée," antiparisitaires, cela se
réfère à tous les pesticides, insecticides et phytocides.
Dans les plantations, naturellement, on se sert de phytocides. Est-ce que vous
voulez dire qu'on aura besoin d'autres pesticides que ceux... Par exemple,
là, ils ont parlé du glypho-sate, de Round-Up. Est-ce que vous
suggérez que vous aurez besoin de plus de pesticides pour en rendre
l'application efficace? C'est cela que vous...
M. Mercure: Ce qu'on suggère présentement... Il y a
déjà un système d'homologation. Il y a peut-être
d'autres produits qui viennent, il y a déjà des produits qui sont
en travail à Ottawa.
Ce qu'on ne voudrait pas, c'est qu'il y ait un système
parallèle d'homologation qui se ferait au Québec pour homologuer
un produit, ce qui entraînerait des coûts énormes pour les
compagnies. Si vous avez des exigences spéciales en tant que province
pour faire homologuer un produit, les compagnies devraient savoir au
départ, en ce qui concerne le fédéral, que, dans la
province de Québec, lorsqu'on demande de faire homologuer un produit, on
a telle et telle exigence. Dans ces cas-là, on ferait la batterie tous
ensemble. Si dix tests pour l'homologation sont en marche et que le
Québec en demande un onzième, si on le fait à la suite des
dix en même temps qu'on fait notre processus d'homologation, je crois que
cela n'entraîne pas tellement de coûts. Mais, si vous demandez cela
en surcroît, par après, une fois que tout a été fait
et que le produit est accepté dans 9 provinces et 80 pays du monde, et
qu'au Québec on demande un articfe particulier, cela coûte des
cents et c'est plus difficile.
M. Lincoln: Non, mais ce n'était pas le sens de ma
question. Quelque part, vous dites: "...Ces nouvelles plantations
n'atteindraient pas leur plein potentiel à moins qu'une quantité
accrue de produits antiparasitaires soit utilisée." Ce que je veux vous
demander, c'est votre point de vue sur les produits antiparasitaires. Est-ce
que vous voulez dire qu'il y a d'autres pesticides que ceux-là qui,
selon vous, sont nécessaires à ces plantations pour les faire
évoluer de façon efficace? C'est ce que j'ai envie de savoir.
M. Berry (William): M. le ministre, nous voulons...
Le Président (M. Saint-Roch): Je m'excuse. M. Berry:
Pardon, monsieur.
Le Président (M. Saint-Roch): Pour le
bénéfice du Journal des débats, est-ce que je
pourrais avoir votre identification, s'il vous plaît?
M. Berry: Je m'excuse d'être en retard. J'ai attendu les
quinze minutes prévues, mais j'étais en retard. Mon nom est
William Berry et je suis le directeur exécutif de l'ICPC Canada. Je suis
ici ce soir pour les mêmes raisons que le président de
l'Association canadienne des pâtes et papiers, qui a comparu devant vous
hier soir. L'Institut canadien pour la protection des cultures est une
association d'envergure nationale. La section québécoise de
l'institut a été invitée à être le
représentant et le porte-parole principal de l'institut, dans cette
série d'audiences publiques. M. Mercure m'a demandé d'essayer de
répondre à la dernière question. Nous ne prônons pas
une utilisation accrue en termes de quantité de pesticides dans le
milieu forestier, mais l'accès à une plus vaste gamme de tech-
nologies pouvant être utilisées en milieu forestier, y inclus les
technologies biologiques qui sont en train d'être homologuées,
soit au Canada ou ailleurs dans le monde.
M. Lincoln: Oui, mais là, vous ne répondez pas
directement à ma question. Moi, ce que j'ai envie de savoir... On
demande ici dans cette commission parlementaire d'accepter le glypho-sate.
Vous, dans votre mémoire, vous dites que les plantations n'atteindraient
pas leur plein potentiel à moins qu'une quantité accrue de
produits antiparasitaires ne soit utilisée. Quelque part à la
page 4, il y a quelque chose qui fait référence à quelque
chose comme ça: Ce que je voulais savoir, c'est si vous pensez, à
part les produits biologiques, que du point de vue des produits chimiques
antiparasitaires l'industrie forestière devrait pouvoir profiter, pourvu
que les produits soient homologués, de produits additionnels au
glyphosate sans passer par les études d'impact.
M. Berry: Si d'autres produits protecteurs utilisables pour
l'industrie forestière deviennent disponibles après un processus
rigoureux d'homologation au Canada, nous promouvons l'accès à
cette technologie pour l'industrie forestière.
M. Lincoln: Si le conseil canadien, le ministre des Ressources et
le ministre de l'Environnement demandent des monographies, suggèrent
qu'il y ait des monographies additionnelles qui soient présentées
au système d'homologation fédéral, et qu'ils vous ont
demandé cela tout à fait récemment, est-ce que cela veut
dire que le système d'homologation avant cette demande n'était
pas complet?
M. Berry: Je ne peux pas répondre à cette question,
M. le ministre. Le système de monographies de produits n'est pas encore
tout à fait développé.
M. Lincoln: D'accord. Comment expliquez-vous, si vous dites que
toute votre argumentation se base sur l'homologation, qu'en 1977, par exemple,
il y ait eu quelque chose comme 100 produits? Il y a le système qu'on
appelle LMR - limite maximale de résidus - le produit captane, je crois,
pour lequel on avait situé des limites. Après 1977 on a
découvert quelque part, lorsque le scandale IBT est arrivé, que
pour captane la limite maximale de résidus était beaucoup plus
forte que prévue parce qu'elle avait été basée sur
des données complètement frauduleuses produites par IBT et qu'en
1983, six ans après, il y avait toujours huit produits qui n'avaient pas
été corrigés, malgré qu'on savait qu'ils venaient
de données frauduleuses de IBT.
Sans dénigrer le système d'homologation, je sais que tout
cela est relatif et je dois dire que le système d'homologation canadien
se tient sur de bonnes bases. Tout le monde dit qu'il est le
meilleur du monde. Mais vous ne croyez pas qu'avec toutes ces failles
qu'il y a eu, tous ces rappels de l'accord... Seulement l'année
dernière Agriculture Canada avait dit que l'accord était correct.
Là, ces gens ont décidé que ce n'était plus
sécuritaire. On nous a demandé au Québec: Est-ce que vous
voulez continuer d'accepter l'accord? On a dit: Non, on est contre l'accord. Il
y a eu une espèce d'arbitrage à Agriculture Canada qui a dit:
Non, on soustrait à l'accord... Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a
assez de doutes dans le système pour prévoir qu'il faudrait se
fier sur plus que le système d'homologation seulement?
M. Berry: Oui, il y en a plusieurs à l'industrie et
à Agriculture Canada qui s'inquiètent de la possibilité
qu'à l'avenir on trouve d'autres produits qui deviennent
identifiés et, en fin de compte, plus dangereux, qu'on avait
déterminé après un processus rigoureux d'homologation. La
même chose est arrivée aux États-Unis, principalement dans
le cas de IBT. Peut-être que je me trompe, si quelqu'un peut me corriger,
je l'apprécierais, mais à ma connaissance, il n'y a pas de
produits IBT actuellement homologués pour l'utilisation dans le domaine
forestier. Il y en a très peu. Je ne sais pas combien il en existe
encore qui sont homologués pour l'utilisation dans d'autres domaines
canadiens, mais concernant le statut de ces produits IBT qui pourraient
être encore homologués, vous devriez adresser cette question aux
gens du ministère d'Agriculture Canada. (Oh 15)
M. Lincoln: Je comprends très bien cela, mais je voulais
vous dire que, six ans après, dans le processus d'alimentation -
captane, c'est pour les aliments, les fruits - tant aux États-Unis qu'au
Canada on avait découvert qu'il y avait une centaine de produits qui
étaient basés sur des données frauduleuses. Concernant IBT
nous sommes d'accord, il n'en reste plus dans le domaine forestier. Je suis
prêt à admettre cela. Qu'est-ce qui vous dit qu'il n'y aura pas un
autre cas de IBT dans le décor? Comment peut-on en être sûr?
Il y a déjà eu ces précédents. J'ai cité le
précédent d'un produit chimique qui a
précédé - j'oublie le nom, je ne trouve pas ma
référence - le fénitrothion. On a découvert dans
les maritimes qu'il était trop dangereux et on l'a retiré
après coup. Ce que je veux vous dire, c'est que, après coup,
lorsqu'on découvre ces choses six ans après, c'est trop tard, les
gens l'ont absorbé, ou les poissons, ou les oiseaux ou les arbres.
Est-ce que vous ne pensez pas que, même si cela prend une
procédure très lente comme l'audience publique ou les
études d'impact que tout le monde déteste, c'est peut-être
une espèce d'assurance qui, du point de vue du public... Si je suis un
membre du public, que je lis tout cela sur IBT, les cent produits, le captane,
le LMR qui a été dépassé pendant plusieurs
années, cela me donne beaucoup à réfléchir. Si j'ai
à faire le choix, je vais dire: Soyons un peu plus prudents pour
être sûrs de notre affaire avant d'avoir à reculer. Une fois
qu'on recule, le dommage est déjà fait.
M. Berry: On ne peut jamais être trop prudent, mais,
personnellement, je ne me sens pas compétent pour répondre a
cette question. Cela relève plutôt d'Agriculture Canada.
M. Lincoln: Je suis d'accord, M. Berry, mais toute votre
argumentation était basée sur le fait de l'homologation. C'est
votre mémoire qui le dit. C'est pourquoi je suis en train d'essayer de
demander: Est-ce que, même si vous n'êtes pas "one hundred percent
certain" et que vous, me dites d'aller voir Agriculture Canada pour demander la
réponse... J'ai demandé à Agriculture Canada, je suis
allé là avec M. Wise, je suis allé avec M. McMillan, je
suis allé là avec le ministre de la Santé, M. Epp. Tous
les ministres des provinces, nous nous sommes assis ensemble. On a posé
des questions et M. Epp, le ministre de la Santé, posait autant de
questions que nous à M. Wise et M. Wise nous disait: Le système
d'homologation "it is o. k. as far as it goes. " Il y a beaucoup de choses. Il
y a beaucoup de failles. Le conseil canadien lui-même dit: On a besoin de
monographies additionnelles qui concernent cela. Vous venez nous dire: Ce
système est "the best in the world".
M. Berry: M. Lincoln, je partage vos craintes et j'espère
comme vous que les agents du ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation font leur grand possible pour nous assurer
que cela ne nous arrive jamais, dans la mesure du possible. C'est tout ce que
je peux répondre.
M. Lincoln: Dernière question, parce que j'ai pris trop de
temps. Vous dites que vous n'êtes pas d'accord avec notre scénario
1 qui demande l'étude d'impact et l'audience publique. Si, par exemple,
M. Berry, on dit: II y a un risque qu'Agriculture Canada se trompe, ces gens
sont faillibles, c'est un domaine très complexe où il y a des
centaines ou peut-être des milliers de produits à examiner tout le
temps, ils sont faillibles, ils n'ont qu'à faire une erreur et si c'est
le produit dont on se sert les conséquences sont graves, est-ce que vous
ne croyez pas que cela vaut la peine de passer cela au peigne fin, de passer
par les études d'impact, même si cela prend un an de plus?
Peut-être que c'est un an bien investi pour nous.
M. Berry: Nous partageons tous cette responsabilité
d'assurer que, dans la plus grande mesure du possible, nous évitions les
risques dont vous parlez. Si vous lisez le point 4 à la page 2 de notre
mémoire, vous remarquez que nous promouvons la notion d'une
collaboration étroite entre le Québec et toute autre province et
les
autorités fédérales, au tout début d'un
processus d'homologation, afin de minimiser les risques de trouver, plusieurs
années plus tard, qu'un produit est plus dangereux que prévu.
Nous partageons tous cette responsabilité, M. Lincoln.
M. Lincoln: Je vous remercie, M. Berry.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: L'Institut canadien pour la protection des
cultures, c'est quel organisme?
M. Berry: C'est une association industrielle fondée en
1952, composée de toutes les compagnies canadiennes qui s'occupent de
fabrication, de formulation et de distribution des produits chimiques et
d'autres produits utilisés pour la protection des cultures, soit pour
les denrées ou les fibres, dans ce cas-ci, les fibres de bois.
M. Charbonneau: Cela veut dire que vous avez un
intérêt à nous dire ce que vous dites.
M. Berry: Oui.
M. Charbonneau: Vous défendez vos produits et ce que vous
soutenez, dans le fond, c'est: Une fois que le processus d'homologation a
été effectué, vous devriez vous fier à nos produits
ou aux produits des entreprises qui constituent notre organisme. C'est ce que
vous dites.
M. Berry: Nous sommes une association industrielle comme tout
autre...
M. Charbonneau: Oui, oui.
M. Berry: ...même celles qui sont venues devant vous
hier.
M. Charbonneau: Je ne vous traite pas de "corporate bum", ce
n'est pas cela que je dis. Mais je dis que ce que vous dites aujourd'hui, c'est
que vous n'êtes pas un organisme scientifique indépendant.
M. Berry: Non, c'est un organisme commercial.
M. Charbonneau: D'accord. Vous dites à la page 5 de votre
mémoire: "Ainsi, la section "Répercussions sur l'environnement"
de toute monographie d'un nouvel ingrédient actif à usage
forestier contiendra toute l'information nécessaire au ministre de
l'Environnement et au ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles
pour en déterminer l'acceptabilité au Québec." Comment
pouvez-vous dire cela? Quel genre de vérification faites-vous des
produits et des répercussions sur l'environnement pour pouvoir dire au
ministre de l'Environnement du Québec: Écoutez, nous avons fait
tous les tests sur les conséquences environnementales et, quand c'est
homologué, vous pouvez vous fier sur nos produits? C'est ce que vous
dites, dans le fond. Quelle sorte de tests faites-vous sur l'impact
environnemental?
M. Berry: Les compagnies font plusieurs tests dans plusieurs
environnements agricoles. C'est le ministère de l'Agriculture du Canada
qui vérifie après un examen rigoureux des données de tous
ces tests. Les résultats de ces tests environnementaux sont inclus dans
ces monographies de produits. Mais j'insiste, M. le député:
toutes les provinces sont maintenant invitées à collaborer
dès le début avec les autorités fédérales et
les sociétés dans la production de ces monographies des produits,
y inclus l'élaboration des tests sur les impacts environnementaux. Nous
sommes tous impliqués dans cette affaire. Ce n'est pas un jeu avec deux
joueurs, nous et le gouvernement fédéral.
M. Charbonneau: Je comprends, mais vous allez plus loin dans
votre mémoire. Vous dites qu'à ce moment-ci vous êtes
déjà en mesure de pouvoir donner des garanties aux
différents ministres de l'Environnement à travers le Canada
indiquant que les produits ont été testés à
l'égard de leurs répercussions sur l'environnement. On a entendu
d'autres gens qui ne nous ont pas dit nécessairement la même
chose.
M. Berry: Contiendra toute information. C'est un projet dans son
enfance. La première monographie de produits n'est pas encore
prête.
M. Charbonneau: D'accord.
M. Berry: Ce n'est pas encore prêt. Nous demandons la
collaboration de toutes les parties intéressées pour nous aider
dans la production.
M. Charbonneau: Donc, ce n'est pas pour le moment. Actuellement,
on n'est pas en mesure de fournir des évaluations sur les impacts
environnementaux des produits qui sont homologués.
M. Berry: Pas pour plusieurs produits. Mais, à partir de
maintenant, pour chaque nouveau produit qui entre dans le processus d'homologa^
tion, une monographie de produits est exigée au tout début du
processus.
M. Charbonneau: D'accord, mais les produits que l'industrie
voudrait qu'on utilise actuellement et pour lesquels on donne un chèque
en blanc parce qu'ils ont déjà été
homologués ne sont pas dans cette catégorie.
M. Berry: Non, pas encore, M. le député. Mais c'est
une initiative de pionnier. C'est la première au monde.
M. Charbonneau: Je suis d'accord et je
trouve cela très louable comme initiative. Mais ce que je
constate, c'est qu'on n'en est pas rendu à bénéficier des
résultats de cette initiative.
M. Berry: Pas aujourd'hui, mais bientôt.
M. Charbonneau: Très bien. Dans ce sens-là, il faut
se méfier des produits qui sont homologués parce qu'on n'est pas
en mesure, à ce moment-ci, de pouvoir bénéficier des
avantages du programme que vous amorcez.
M. Berry: Justement.
M. Charbonneau: Très bien. Dans la conclusion, vous citez
"Une stratégie nationale pour le secteur forestier canadien - 1987". Je
comprends que "nationale", c'est de la stratégie canadienne puis le
texte dit, entre autres: "Que l'on s'assure que toutes les opérations de
lutte contre les ravageurs soient justifiées du point de vue
écologique et économique." Vous citez ce texte-là dans
votre conclusion, je présume, en l'endossant. Comment pouvez-vous citer
ce texte-là qui dit, entre autres, la phrase dont je viens de parler et
dire en même temps que vous n'êtes pas en faveur des audiences
publiques et du mécanisme qu'au Québec on s'est donné
depuis quelques années déjà, de gestion des questions
environnementales et d'évaluation des impacts environnementaux à
travers le mécanisme des audiences publiques? Parce que c'est
effectivement le moyen que nous, on a trouvé au Québec de faire
en sorte que toutes les opérations de lutte contre les ravageurs soient
justifiées. En fait, pas juste des opérations de lutte contre les
ravageurs, mais que l'ensemble des opérations qui affectent le milieu
naturel ou environnemental soit vérifié. Vous ne trouvez pas
qu'il y a une contradiction entre cette assertion-là du document
canadien que vous citez et votre conclusion indiquant qu'on devrait mettre de
côté, finalement, le mécanisme qu'on a actuellement et ne
se fier qu'au système d'homologation?
Mme Potvin (Linda): Je pense qu'on ne préconise pas de
minimiser les études en ce qui concerne l'environnement. C'est pour cela
qu'on dit qu'il y a besoin d'avoir une collaboration entre le
fédéral et le provincial au plan des études pour faire en
sorte que, quand le produit est homologué, il soit vraiment conforme aux
normes des deux secteurs.
L'audience publique, c'est quelque chose d'autre. En ce qui concerne
l'audience publique on trouve, comme c'est mentionné dans le document,
que c'est un processus qui est assez coûteux puis que par rapport
à ce qu'on va en retirer, ce n'est pas nécessairement... Je pense
que les études environnementales vont prouver quelque chose mais, pour
les audiences publiques, on est peut-être un peu plus douteux.
M. Charbonneau: Oui, mais cela dépend comment on les fait,
les audiences publiques. Est-ce qu'on convient que l'industrie est actuellement
craintive à cause de certaines expériences? On a eu une
série de témoignages aujourd'hui qui nous ont indiqué que,
dans le fond, on devrait les conserver, quitte a modifier un peu le
mécanisme de fonctionnement de cette procédure-là et qu'au
bout du compte cela oblige les entreprises à développer des
alternatives, cela oblige les entreprises à être plus rigoureuses
et, d'une certaine façon, tout le monde veut utiliser la solution de
facilité. Or, dans la mesure où les audiences publiques seraient
éliminées, il y a un gros problème
d'éliminé. Mais, si elles demeurent là, pour pouvoir d'une
certaine façon passer à travers ce filtre-là, il va
falloir que les fabricants de produits et les utilisateurs resserrent les
explications et les garanties qu'ils devront fournir.
Mme Potvin: Si on regarde les coûts d'homologation
canadienne, on dit que c'est de l'ordre de 7 000 000 $ à 10 000 000 $ et
je pense que, si au niveau provincial on a des doutes à ce chapitre, il
pourrait y avoir une collaboration puis une discussionn avec le
fédéral et, s'il y a d'autres tests que le provincial exige, on
pourrait les incorporer. Je pense qu'on n'essaie pas de dire qu'on peut passer
au travers. On a tous avantage à avoir une utilisation rationnelle des
pesticides. Je pense qu'on vit tous dans le même environnement et on est
les premiers à favoriser une approche biologique si c'est disponible et
si c'est économique. On est les premiers à favoriser aussi, comme
je le disais, une utilisation rationnelle des produits.
M. Charbonneau: Finalement, en guise de conclusion, je retiens
entre autres que le programme intéressant et innovateur que vous
êtes en train de mettre en place n'a pas affecté d'une
façon positive les produits que l'on nous demande actuellement
d'autoriser sans passer par le filtre des études d'impact et des
audiences publiques. Il y en a un, d'ailleurs, qui a passé par ce
filtre-là, je pense que c'est le B.t.?
Une voix: Et le fénitrothion. (0 h 30)
M. Charbonneau: Et le fénitrothion. Et il semble que ce
n'était pas à l'avantage de ce produit-là.
M. Côté (Rivière-du-Loup): ...avantage, ils
ont dit qu'il n'y avait pas de risques évidents pour la
santé.
M. Charbonneau: Ils l'ont éliminé.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Ils l'ont
éliminé quand même, sans le connaître.
M. Charbonneau: Écoutez, ils devaient le
connaître un peu s'ils ont suggéré de
l'éliminer. Tout compte fait, c'est un peu ce que je retiens de votre
mémoire. Je pense que néanmoins j'ai apprécié la
présentation que vous avez faite. Je vous remercie.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Et ils en ont
recommandé d'autres qu'on refuse.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Verchères. M. le ministre
délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je n'ai qu'une
petite question, alors, ce sera probablement une réponse bien courte.
Est-ce que, à votre avis, le processus d'études d'impact et
d'audiences publiques permettrait de déceler les erreurs potentielles
qui découleraient d'une erreur commise lors de l'homologation, parce que
je ne pense pas qu'on n'ait ni les moyens ni l'expertise d'Agriculture Canada
et de Santé et Bien-être social Canada, qui possèdent une
structure spécialisée dans ce domaine-là? Est-ce que le
processus des études d'impact et des audiences publiques peut
déceler les erreurs, ou si cela vient a la suite d'un suivi
environnemental?
M. Paquet (Guy): Si vous permettez, M. le ministre, il nous
semble difficile de concevoir qu'un processus d'audiences publiques à la
suite d'une étude d'impact améliore énormément les
conclusions d'un processus d'homologation qui, comme vous le savez, est
très long et très coûteux. Peut-être pour toucher un
peu à ce que M. le député de Verchères disait tout
à l'heure, c'est certain que les gens qui sont représentants des
manufacturiers ont des intérêts à défendre, mais
c'est aussi vrai que ce sont ces gens-là qui ont l'expérience de
première ligne du processus d'homologation canadien.
Pour le savoir de première main, on voit mal comment les
mêmes données, qui ont été présentées
au niveau fédéral pour homologation, puissent devenir tout
à fait différentes, indiquer des nouvelles avenues ou des
nouvelles possibilités à travers un processus qui est
répétitif. Je suis d'accord avec vous, si l'homologation a
été faite il y a quinze ans et qu'il n'y a pas eu de processus de
révision depuis, c'est certain qu'on va s'attendre qu'il y ait des
choses nouvelles qui aient été mises à jour sur les
produits en question. C'est pour cela qu'il existe un processus de
révision des produits homologués, à la fois au Canada et
aux États-Unis. Et ce processus de révision permet de mettre en
lumière les nouvelles données qui ont été mises, si
on veut, à la disponibilité du public depuis la première
homologation.
Alors, c'est ce qu'on dit. On voit mal comment un processus qui nous
semble être un dédoublement, surtout à partir de
données identiques, puisse mener à des conclusions qui soient de
beaucoup supérieures au premier processus, puisqu'il nous semble que la
concentration d'expertise se trouve présentement dans le processus
d'homologation fédéral.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.
Le Président (M. Saint-Roch): Allez-y, M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Un abus ou des
audiences publiques mal conduites peuvent-ils décourager des compagnies
de pesticides à produire des nouveaux produits sur le marché, qui
seraient meilleurs que ceux qu'on a actuellement, parce que cela va devenir
trop coûteux, trop laborieux et que les risques vont être trop
grands?
M. Paquet: II est certain que les compagnies regardent de
très près ce que cela peut représenter en investissements
monétaires et en temps passé à travers un processus
d'homologation. Et, s'il y a des barrières supplémentaires qui
sont ajoutées dans les provinces... On parle de plus en plus de
marchés qui sont plus petits, le marché du Québec, pour un
manufacturier, n'est pas le même que le marché canadien ou celui
des États-Unis. Alors, si un manufacturier voit l'impossibilité
de rentabiliser ses investissements en essayant de mettre sur le marché
un produit dans une province donnée, c'est certain qu'il va
hésiter ou y regarder à deux ou trois fois avant de s'embarquer
dans le processus. Parce que vous savez comme moi qu'une fois qu'on
démarre le processus d'homologation il n'est absolument pas certain que
le produit en question passe à travers et se ramasse sur le
marché. On a dit plus tôt ce soir, je ne me rappelle plus
l'organisme en particulier, mais il a dit avoir fait une recherche sur
l'homologation d'un produit qui est présentement homologué, et
que cette homologation avait pris onze ans avant de se terminer. Cette
période de temps représente un temps énorme durant lequel
la compagnie ne peut pas mettre le produit sur le marche et, donc, ne peut pas
rentabiliser ses investissements.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Si c'est trop
onéreux, trop long, on risque de ne pas avoir de produits
améliorés, admettons, d'avoir des meilleurs produits que ceux
qu'on a actuellement. C'est cela?
M. Paquet: Assurément. L'industrie regarde cela de
très près avant de se lancer dans un processus semblable.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est cela.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre
délégué aux Forêts. M. le ministre de
l'Environnement.
M. Lincoln: J'aurais une dernière question. Admettons
qu'un produit homologué soit tout à fait sécuritaire et
qu'on tienne pour acquis que le produit comme tel est un produit, s'il est
utilisé selon les normes d'usage, etc.. Est-ce que ce produit, par
rapport à l'usage qu'on en fait et à l'endroit où on
l'utilise, ne va pas avoir des impacts différents suivant la
qualité du sol, le climat, la région, la végétation
et les écosystèmes en place? Est-ce que ce n'est pas tout cela
qu'on va essayer de suivre dans une audience ou dans une étude d'impact?
C'est sûr que l'homologation est importante et le produit lui-même,
mais tout ce qu'on en fait de ce produit-là, est-ce que ce n'est pas
cela, la différence qu'il faut faire?
M. Paquet: Vous avez raison de dire qu'on peut s'attendre
à des différences. Ce qui n'est pas certain, c'est la grosseur,
si on veut, de la différence. Il ne faut pas oublier non plus qu'un
produit qui a été homologué pour utilisation en milieu
forestier est appelé un produit à utilisation restreinte. Il y a
donc déjà un certain nombre de normes qui régissent
l'utilisation de ce produit, évidemment, selon les bons usages. Si vous
prenez le taux, par exemple, d'utilisation d'un produit, cela ne varie pas en
général d'un ordre de grandeur. Cela va varier d'un facteur un
à deux, selon les conditions. Vous avez raison de dire qu'un produit
peut causer des effets différents, mais la quantité des
différences, je pense que c'est là la question et je vois mal
comment, encore une fois, les audiences publiques pourraient amener quelque
chose de plus à cela dans le sens qu'il n'est pas concevable, pour nous
en tout cas, de faire des audiences publiques dans chacune des
écorégions dont on a entendu parler ce soir. On parle de 70.
C'est absolument impossible, à la fois pour les producteurs forestiers,
je pense, et, si les manufacturiers sont impliqués, c'est aussi
impossible pour ces gens-là.
M. Lincoln: Oui, sur cela, je suis entièrement d'accord
avec vous. Mais, s'il y en avait quatre, cinq ou six, pour une période
de cinq ans, est-ce que... En tous les cas, le témoignage de cet
après-midi du Dr Lajoie qui est un expert assez connu dans ce domaine
était que justement les audiences publiques - et je pense qu'il y avait
le centre de recherche en foresterie de Sainte-Foy aussi qui a confirmé
la chose - avaient produit des résultats très très
positifs par rapport...
Une voix: ...négatif.
M. Lincoln: Je sais, négatifs aussi, c'est sûr, mais
certainement positifs à long terme. Par exemple, on ne se serait
peut-être pas servi de B.t. ici, s'il n'y avait pas eu les audiences
publiques. On se servirait toujours du fénitro-thion. Alors, c'est cela,
le message que je voulais passer.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre.
Est-ce qu'il y a d'autres interventions?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Juste...
Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre
délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Juste une
remarque. S'il n'y avait pas eu d'audiences publiques sur ta tordeuse des
bourgeons de l'épinette, probablement que la Loi sur les forêts
aurait été votée par votre gouvernement. Cela a
retardé la Loi sur les forêts.
M. Charbonneau: Oui, mais si la loi est meilleure, tant
mieux!
Le Président (M. Saint-Roch): Alors, je remercie
l'Institut canadien de protection des cultures pour sa participation aux
travaux de la commission de l'aménagement et des équipements.
Ayant épuisé son ordre du jour, la commission ajourne ses
travaux...
M. Lincoln: M. le Président, je voudrais vous dire que,
demain matin, j'ai avisé mon collègue, je ne serai pas ici. J'ai
quelque chose d'imprévu à Montréal, je vais être
remplacé par le député de Chauveau.
Le Président (M. Saint-Roch): Alors, je dois en
déduire que M. le ministre délégué aux Forêts
aura seize minutes, puis le côté environnement, quatre minutes, M.
le ministre?
M. Lincoln: Ah! Bien, cela sera égal, à ce
moment-là.
Le Président (M. Saint-Roch): D'accord, M. le ministre.
Alors, la commission ajourne ses travaux jusqu'à 11 heures demain
matin.
(Fin de la séance à 0 h 39)