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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le jeudi 2 juin 1988 - Vol. 30 N° 26

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur le document intitulé 'Politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier'


Journal des débats

 

(Onze heures vingt minutes)

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'aménagement et des équipements reprend maintenant ses travaux pour poursuivre les consultations particulières sur le document intitulé "Politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier".

Est-ce que nous avons des remplacements ce matin, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Camden (Lotbinière) est remplacé par M. Khelfa (Richelieu) et Mme Trépanier (Dorion) est remplacée par Mme Hovington (Matane).

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie M. le secrétaire. Je réalise que les gens de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec ont maintenant pris place. Je demanderais au porte parole de bien vouloir s'identifier et de présenter les gens qui l'accompagnent pour le bénéfice des membres de la commission parlementaire.

AMBSQ

M. Tardif (Gilbert): M. le Président, mon nom est Gilbert Tardif, président de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec. Je vous présente les membres du groupe qui présentent le mémoire ce matin. Immédiatement à ma droite, M. Richard Laçasse, directeur général de l'association et M. Gaston Déry, consultant. À ma gauche, M. André Tremblay, membre du conseil d'administration et du comité exécutif.

M. le Président, nous remercions MM. les ministres Clifford Lincoln et Albert Côté de nous inviter ce matin à présenter ce mémoire. L'AMBSQ représente 125 scieries membres et l'ensemble de ces scieries produit environ 70 % des volumes de sciage fabriqué au Québec. Aspect aussi important, ces 125 membres exploitent environ 72 % des volumes de bois en provenance des forêts publiques du Québec. Nous sommes tous conscients aussi que la forêt est une ressource extrêmement importante, sinon la plus importante au Québec, non seulement à cause du bien-être économique qu'elle procure et des emplois qu'elle crée - peut-être plus de 250 000 au Québec - mais également comme facteur important du milieu biologique. En somme, la forêt conditionne en quelque sorte l'ensemble de toutes les autres ressources naturelles telles l'eau, le sol, le paysage, les loisirs, de même que la chasse et la pêche. Alors, c'est donc très conscients de ce rôle que la forêt joue dans notre économie et dans notre milieu que nous nous présentons ici aujourd'hui.

Facteur important aussi à considérer, c'est que depuis un an déjà, il existe une nouvelle loi des forêts, la loi 150, selon laquelle chacun des utilisateurs de la forêt devra signer un contrat d'aménagement et d'approvisionnement appelé CAAF. Ce contrat, en fin de compte, oblige les utilisateurs de la forêt à l'exploiter sur une base de rendement soutenu et leur fait également la stricte obligation de remettre la forêt en production dans un état au moins égal à celui qu'elle avait au moment de l'exploitation. Alors, l'exploitant est donc obligé de préparer des plans et est lié, en quelque sorte, par une entente formelle avec les ministères à respecter ce plan de remise en valeur de la ressource. Notre mémoire aujourd'hui se situe en quelque sorte dans le prolongement de ces obligations qui nous seront créées par la signature d'un CAAF, et c'est dans le respect et l'esprit de la loi et de ce contrat que nous vous présentons ce mémoire ce matin.

En fin de compte, nous sommes ici contraints par le temps et nous n'aurons pas le temps de lire le mémoire en entier ici aujourd'hui, mais j'en recommande tout de même la lecture à tous ceux qui le recevront, parce qu'il forme un tout en soi. On vous lira aujourd'hui les parties les plus importantes et le lecteur vous donnera la marche à suivre pour vous indiquer quels sont les textes qui seront lus.

Je demanderais à M. Richard Lacasse, directeur général de l'association, de commencer la lecture.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci M. Tardif. M. Lacasse.

M. Lacasse (Richard): M. le Président. Nous allons sauter immédiatement à la page 20, avec votre permission, où on aborde le chapitre de l'utilisation des pesticides en foresterie et leurs alternatives.

Les pesticides. D'une façon vulgarisée, on peut dire que les pesticides se divisent en plusieurs grands groupes. On y retrouve, entre autres, les produits utilisés pour combattre les insectes, soit les insecticides, et les produits servant à combattre la végétation envahissante, soit les phytocides. De nombreux insectes peuvent infester les forêts du Québec. Cependant, la tordeuse des bourgeons de l'épinette est de loin l'insecte qui a causé les dommages les plus importants aux forêts au cours des dernières années. Un large débat concernant l'utilisation de pesticides s'est d'ailleurs déroulé sous forme d'audiences publiques au cours des récentes années en rapport avec la lutte contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Les produits chimiques tels que le fénitrothion et l'aminocarbe ont alors fait l'objet de sévères critiques, et il en est résulté que seul un insecticide bactériolo-

gique, soit le B. t., serait autorisé pour la lutte contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Cet insecticide est efficace contre les insectes de la famille des lépidoptères, c'est-à-dire les papillons, et ne peut pas être utilisé pour lutter contre les insectes des autres familles, telle la mouche à scie du pin gris de Swaine. Il devient alors important de pouvoir utiliser les insecticides efficaces contre les insectes qui représentent des menaces importantes pour la forêt. Il y aurait lieu de considérer ce point lors de l'adoption d'une politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier.

Le MER demeure actuellement responsable de l'utilisation des moyens de répression dans le cas d'épidémies d'insectes et des maladies, alors que les titulaires de CAAF exécuteront les travaux de lutte contre la végétation concurrente. Ainsi, l'AMBSQ s'est penchée de façon particulière sur l'analyse des phytocides dans le cadre de ce mémoire.

En foresterie, il existe sur le marché une grande variété de phytocides. Ils sont tous homologués selon la Loi sur les produits antiparasitaires, administrée par Agriculture Canada. Au Québec, on envisage de pulvériser les phytocides par voie aérienne. Leur emploi aura pour but le dégagement de conifères et un peu de préparation de terrain.

Vu la grande superficie à traiter, l'épandage devrait se faire par avion. Toutefois, parmi la gamme des phytocides disponibles, seuls le glyphosate et le 2-4-D ester peuvent être utilisés puisqu'ils sont les seuls homologués pour ce genre de travail.

Par contre, à la suite des audiences publiques sur l'environnement de 1983-1984, le 2-4-D fut mis au rancart. Le glyphosate demeure donc le seul produit pouvant être utilisé à l'heure actuelle.

On va sauter quelques paragraphes, où l'on décrit les qualités et les caractéristiques du glyphosate. Si vous le voulez bien, on va se rendre à la page 25, au deuxième paragraphe.

Il est reconnu que les effets sur l'organisme sont complètement et rapidement réversibles. La majeure partie du phytocide absorbé est éliminée tel quel après l'ingestion. Il ne provoque aucune bioaccumulation, ne cause ni mutation, ni cancer, ni malformation congénitale, ni problème nerveux et aucun effet adverse sur la reproduction.

Le glyphosate s'avère donc un outil très adapté aux besoins de l'aménagement forestier et son utilisation n'exerce aucun effet indirect non souhaitable sur l'environnement, la vie animale ou sur l'organisme humain.

Les alternatives. Des alternatives sont proposées pour remplacer l'épandage aérien des phytocides chimiques. Ces alternatives sont chimiques, biologiques, manuelles ou mécaniques.

Parlons des alternatives chimiques. Au niveau des alternatives chimiques, le glyphosate semble difficile à remplacer, surtout lors d'épan-dages aériens. Certains déclarent que l'épandage terrestre pourrait remplacer l'épandage aérien. La méthode terrestre offrirait un meilleur contrôle de l'épandage, diminuant les risques de contamination des zones écologiques fragiles par une diminution de la dérive.

Le coût de l'arrosage aérien est de 175 $ à 200 $ l'hectare, comparativement à 325 $ à 350 $ l'hectare pour l'arrosage terrestre. Il faut aussi souligner que la méthode terrestre implique un grand nombre de personnes en contact direct avec le produit lors de la pulvérisation. Ceci augmente considérablement le travail de supervision des travaux et amène un plus grand risque d'intoxication face à des expositions prolongées. Il demeure que l'arrosage aérien, soumis à des règles strictes, s'avère sécuritaire et plus efficace.

Les alternatives biologiques. Les méthodes biologiques consistent à introduire sur le site une ou plusieurs espèces végétales ou animales afin de nuire, par compétition, parasitisme ou allélopathie, aux espèces présentes. Beaucoup de recherches se font dans ce domaine. Ainsi, au chapitre de l'allélopathie, on est à tester des plantes qui inhiberaient la croissance des végétaux qui colonisent les lignes de transport d'Hydro-Québec et des composés qui élimineraient la croissance de certaines plantes indésirables sur le site du reboisement, tel le framboisier.

L'utilisation de pathogènes pour éliminer les plantes indésirables semble aussi une alternative prometteuse. Mais rien ne semble dire que la recherche donnera des résultats dans des délais assez courts. D'autres recherches s'effectuent en génétique par la création in vitro de plantes plus résistantes aux compétiteurs par modification du code génétique ou par endurcissement des graines. Ces recherches laissent présager de bons résultats vis-à-vis de la résistance des graines et des semis à la compétition, mais ces résultats n'en sont qu'au stade expérimental.

Finalement, la mise en terre de plants de plus forte taille permettrait à ces derniers de mieux résister à la compétition de la végétation concurrente. Aucune des méthodes biologiques n'est encore applicable pour le dégagement de grandes superficies, car elles sont toutes au stade expérimental.

Dégagement manuel et mécanique. Lors des audiences publiques de 1983-1984 sur les épanda-ges aériens de phytocides, beaucoup d'intervenants s'opposant au projet évoquaient le dégagement manuel ou mécanique comme alternative de remplacement au dégagement chimique. Ce type de dégagement se fait à l'aide de débroussailleuses ou de machettes. Le travail qu'entraîne cette alternative est long, pénible, peu enrichissant et comporte de grands risques de blessures pour les travailleurs. Il en coûte, au Québec, entre 600 $ et 800 $ l'hectare pour un dégagement mécanique, et le travail doit être repris entre quatre et cinq fois avant que les plants atteignent une hauteur libre de croissance.

Le coût total du dégagement mécanique

s'élève donc à environ 2400 $ l'hectare, comparativement à environ 200 $ l'hectare pour la pulvérisation aérienne de phytocides. La main-d'oeuvre est difficile à trouver pour ce genre de travail dû au faible avantage social qu'elle pourra en tirer, des dures conditions de travail et des risques élevés d'accidents.

Mentionnons ici que les propriétaires de forêts privées n'utilisent pas cette méthode et ils orientent leur choix vers l'emploi du glyphosate. À titre indicatif, l'organisme RESAM, c'est-à-dire le Regroupement des sociétés d'aménagement du Québec, qui représente les intérêts de nombreux groupements forestiers au Québec, a prévu dans sa programmation quinquennale de traiter annuellement 12 000 hectares de forêts privées avec le glyphosate.

Nous sommes d'avis que cette attitude des propriétaires de forêts privées est significative par rapport à l'efficacité des méthodes utilisées pour combattre la végétation concurrente. L'AMBSQ considère que cette méthode de dégagement manuel ne doit pas être envisagée comme alternative possible aux phytocides.

Le chapitre 5, on va l'abréger également. On y parle de la politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier. Concernant la loi et les règlements, l'AMBSQ reconnaît le bien-fondé d'une loi sur la qualité de l'environnement et d'une loi sur les pesticides. Toutefois, nous avons quelques réserves.

Je vous inviterais à passer à la page 32 au dernier paragraphe, au bas de la page. L'AMBSQ est d'avis que certaines applications de la Loi sur la qualité de l'environnement devraient être révisées afin de s'adapter aux nouvelles situations engendrées par les obligations d'aménagement et de protection des forêts. En effet, le fait de devoir effectuer une étude d'impact chaque fois que les travaux de pulvérisation aérienne de pesticides se feront sur plus de 600 hectares devient tout à fait impensable.

M. André Tremblay va continuer la lecture du document.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Lacasse. M. Tremblay.

M. Tremblay (André): Abordons un principe directeur qu'on devrait retrouver dans une semblable réglementation. Je vous renvoie à la page 34, au deuxième paragraphe. Il est primordial de prendre tous les moyens afin de protéger la santé humaine et l'environnement. La population doit nécessairement connaître les modalités d'utilisation des produits chimiques dans l'environnement en connaissant bien les conditions d'utilisation.

L'AMBSQ est heureuse de constater que l'on reconnaît l'utilisation des pesticides comme un outil d'aménagement forestier parmi d'autres. Conséquemment, elle est d'accord sur la responsabilité partagée à l'égard des pesticides en milieu forestier. Finalement, l'AMBSQ est de celles qui pensent que l'utilisation des pesticides s'avère un outil efficace, mais temporaire.

La recherche et le développement doivent s'intensifier afin d'en arriver à être capable de remplacer graduellement les pesticides par des méthodes alternatives tout aussi efficaces et abordables sur le plan économique.

L'énoncé global de la politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier identifie, à notre avis, des objectifs fort louables et remplis de défis. Mais il ne faut pas perdre de vue ie côté réaliste et pragmatique des activités à accomplir pour atteindre ces objectifs. C'est l'approche entérinée par le gouvernement qui déterminera le degré de faisabilité envers les objectifs poursuivis. Le succès de cette aventure dépendra des moyens que les autorités gouvernementales mettront à la disposition de ceux à qui revient la responsabilité de protéger et d'aménager les forêts.

Les solutions envisagées: une analyse pragmatique. En se référant au document de support de la commission parlementaire, on est à même de constater que deux scénarios sont proposés comme politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier.

Examinons le premier scénario. Le programme de cinq ans d'utilisation des pesticides oblige les utilisateurs, soit le MER et les titulaires de CAAF, à produire une étude d'impact à tous les cinq ans. L'AMBSQ est d'avis que cette façon de procéder n'est pas réaliste et ne pourra se faire selon les conditions énoncées dans le document. Ainsi, on précise que la programmation couvrira les différents types d'intervention pour la protection contre les insectes et les maladies et pour le dégagement des aires de régénération. L'AMBSQ se demande comment il sera possible pour l'industrie, et même pour le MER, de décrire la situation potentielle concernant - et je cite le document - "les insectes susceptibles de présenter des problèmes, les plantes nuisibles, l'analyse des nuisances et les caractéristiques de la végétation nécessitant une protection. "

C'est tout un arsenal d'activités de recherche qu'il faut mettre en place pour satisfaire ces exigences. Ces obligations ne peuvent pas être imposées à une industrie qui est responsable de l'emploi de plus de 250 000 Québécois et Québécoises. À titre indicatif, rappelons que la dernière audience publique contre l'utilisation des pesticides pour lutter contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette a coûté à elle seule plus de 3 000 000 $. Les titulaires de CAAF ne pourront pas absorber les coûts nécessaires aux études d'impact selon les exigences décrites à ce scénario et ce, même si les études d'impact sont réalisées en collaboration avec le MER. Ce sont plus de 350 contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier qui seront signés d'ici 1990. Il est évident que la majorité des titulaires de CAAF ne possèdent pas l'expertise pour réaliser ce travail. On se rend donc compte que ces directives sont illusoires et non réalistes.

L'AMBSQ considère que cette approche n'est pas envisageable en rapport avec les exigences d'aménagement et de protection que l'industrie doit respecter. Cette proposition est à rejeter d'autant plus qu'il existe actuellement des produits dont l'aspect sécuritaire a largement été prouvé et démontré et dont l'utilisation ne devrait pas faire systématiquement l'object d'une étude d'impact.

Ce qui nous amène au scénario 2. L'utilisation du B.t. et du glyphosate sans étude d'impact est le deuxième scénario proposé dans le document de support à la commission parlementaire. Il est actuellement reconnu que l'utilisation de ces deux produits peut se faire de façon sécuritaire et selon le respect de la Loi sur les pesticides. L'AMBSQ s'inscrit favorablement à l'adoption de ce scénario, car il permet d'atteindre les objectifs visés et à réagir rapidement à certaines situations d'urgence dans le cas où les produits acceptés sont efficaces, afin de protéger l'aménagement forestier et de pourvoir à la protection des forêts. Nous sommes cependant d'avis que de nouveaux produits, moins dispendieux quant à leur utilisation, doivent être développés pour, éventuellement, être mis à la disposition de ceux qui sont responsables de l'aménagement et de la protection des forêts. Pour ce faire, il y aurait lieu d'accentuer la recherche afin de mettre au point de nouveaux produits en voie d'élaboration permettant de lutter efficacement contre les insectes et les maladies représentant un danger potentiel pour les forêts. À ce moment-là, ces produits pourront faire l'objet d'analyses afin d'être homologués en vertu des conditions d'Agriculture Canada.

L'AMBSQ est d'accord avec le MER et le MENVIQ pour que la procédure d'évaluation et l'examen des impacts demeurent applicables pour des nouveaux produits jugés nécessaires pour des fins d'aménagement et de protection de forêts. Ainsi, ces études et ces évaluations viseraient à évaluer les risques pour l'environnement et la santé liés à l'usage de ces produits en milieu forestier. Mais une fois approuvés, il faudrait que ces produits soient considérés, par la suite, de la même façon que le B.t. et le glyphosate et qu'ils puissent être employés sans soumis à la procédure d'étude d'impact. Cette approche permettrait la consultation du public pour des nouveaux produits et respecterait les objets de la Loi sur les pesticides.

En guise de conclusion, l'objet de cette commission parlementaire est d'en arriver à définir une politique d'utilisation de pesticides en milieu forestier. Ce débat revêt une importance capitale car il permettra d'identifier les outils qui seront mis à la disposition de ceux à qui incombe la responsabilité d'assurer la protection des forêts du Québec et de voir à la pérennité de l'écosystème forestier.

L'AMBSQ a déclaré plusieurs fois dans ce mémoire que la protection et la conservation de l'environnement sont synonymes d'un développe- ment durable car, ainsi, on assure la pérennité de la ressource forestière. Cet énoncé rejoint I d'ailleurs certains principes énoncés dans le document que le MENVIQ a publié récemment et intitulé Vers un nouveau cap environnemental.

L'AMBSQ est cependant d'avis que la protection et la conservation de l'environnement ne doivent pas devenir des obstacles au développement et que les outils essentiels à l'atteinte des objectifs poursuivis par la Loi sur les forêts doivent être mis à la disposition de ceux à qui revient la responsabilité de protéger et d'aménager les forêts du Québec. Dans ce contexte, les phytocides deviennent des outils prioritaires à utiliser.

Ceci ne signifie pas pour autant que l'utilisation des pesticides en milieu forestier deviendra abusif et sans contrôle. Malgré le fait que l'utilisation des pesticides en milieu forestier augmentera au cours des prochaines années, il ressort que cette utilisation, qui représentera environ 5 % de l'utilisation totale, demeure bien inférieure à ce qui s'utilise en milieu agricole ou autre.

L'AMBSQ est d'avis qu'on doit intensifier les recherches déjài amorcées afin de rendre opérationnels et abordables sur le plan économique d'autres produits et d'autres méthodes qui pourront remplacer à moyen terme les produits chimiques. Dans ce contexte, l'utilisation des pesticides en milieu forestier devient une arme temporaire. Mais cette arme temporaire demeure un outil essentiel pour aménager et protéger adéquatement les forêts du Québec.

L'AMBSQ s'interroge sur les répercussions qu'engendrerait un refus d'utiliser les pesticides en milieu forestier. Il y a lieu d'ailleurs de rappeler que parmi les traitements sylvicoles prévus au contrat d'aménagement forestier que le MER est à signer avec les industriels, l'utilisation des pesticides est considérée comme l'un des moyens pour atteindre les rendements annuels fixés dans ces contrats et pour garantir les volumes ligneux répondant aux besoins des entreprises.

Le secteur forestier joue un rôle de première importance au Québec et ce sont les bases mêmes de la structure sociale et économique qui sont menacées si on ne permet pas à l'industrie forestière de demeurer compétitive.

Il faudra concilier l'aspect environnemental avec le développement forestier lors de l'adoption de la politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier.

Les propositions que l'AMBSQ soumet dans ce mémoire devraient favoriser ce rapprochement qui constitue le seul moyen d'assurer une protection adéquate à nos forêts et d'atteindre les objectifs d'aménagement forestier et ce, au profit de toute la collectivité québécoise. Merci de votre attention.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. le Président, j'aurais voulu poser quelques questions à nos interlocuteurs surtout par rapport à toute la question de l'évaluation, des études d'impact et des audiences publiques. Vous semblez dire, comme vos prédécesseurs de l'industrie forestière - en fait c'est le même message que nous recevons chaque fois - que vous êtes prêts à considérer des audiences publiques pour de nouveaux produits, mais qu'il faut que le B.t. et le glyphosate soient exempts des études d'impact. Vous soulevez aussi le fait que les études d'impact sont très coûteuses - elles ont coûté 3 000 000 $ la dernière fois - et que c'est beaucoup trop coûteux pour l'industrie. Comment pouvez-vous accepter des études d'impact pour de nouveaux produits, malgré leurs coûts, alors que vous les refusez, en principe, à cause de ces coûts?

M. Tardif (Gilbert): M. le Président, bien sûr, on consent à ce qu'il y ait des études d'impact là où elles sont utiles et nécessaires. Mais, s'il existe des produits comme le glyphosate et le B.t. qui sont homologués, dont l'utilisation a été faite et reconnue, et qui se sont révélés non dommageables pour l'environnement, on se demande pourquoi remettre toujours en question ces mêmes produits et revenir sur la place publique. Bien sûr, on est bien d'accord que, par souci démocratique, vous vouliez informer les gens, mais est-ce que les études d'impact sont destinées à informer le public ou est-ce qu'on veut impliquer le public dans un processus de décision? Je pense que c'est l'essentiel de votre préoccupation. Pour nous, en fin de compte, lorsqu'une chose est claire et nette, on se demande pourquoi la remettre sans cesse en question et passer du temps, dépenser de l'argent pour une telle orientation. (11 h 45)

M- Lincoln: Est-ce que vous êtes au courant du rapport de l'économie et du travail où votre industrie a été représentée au plus haut niveau? Un rapport a été produit en septembre 1987. C'est un rapport sur l'économie et l'environnement canadiens qui a été endossé par tous les gens qui y ont servi, incluant les représentants de l'industrie forestière, de l'industrie chimique, les universités, les groupements environnementaux et le gouvernement canadien représenté par plusieurs ministères de l'Environnement. Dans ce rapport, on dit: "Les associations industrielles devraient, au nom de leurs membres, accepter et appuyer les évaluations environnementales comme partie intégrante de leur processus de prise de décision. Elles devraient conjuguer tous les efforts possibles à ceux des gouvernements, en vue d'harmoniser et rationaliser les mécanismes d'évaluation environnementale dans l'ensemble du Canada."

Il me semble que le principe de l'évaluation environnementale aujourd'hui, au lieu de disparaître, au lieu d'être réduit, devient de plus en plus significatif et est accepté. Là, je peux dire que c'était quatre ou cinq représentants de l'industrie, incluant l'industrie forestière, au plus haut niveau qui y siégeaient. Dans notre politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier, l'un des principes moteurs c'est justement d'informer le public, d'avoir une communication avec le public. Je pense que c'est le deuxième principe. Comment conciliez-vous cela avec l'idée de dire: Bon, on va accepter une situation, on va accepter deux produits. Cela sera une décision et le public n'aura pas voix au chapitre, non seulement par rapport à ces produits, mais par rapport à leur implication dans le milieu, à la façon dont ils touchent les écosystèmes, à l'usage de ces produits et à la dimension de leur usage. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a une marge pour dire: le glyphosate comme tel est "secure", cela reste à être prouvé dans le temps. Il y a plusieurs produits, comme le phosphamidon, qui étaient "secures" à un moment donné et, après cela, qui ont été retirés parce qu'ils n'étaient pas "secures". Le DDT était "secure" à un moment donné, puis il a été retiré. Plus récemment, le même producteur du glyphosate Monsanto s'est fait retirer l'alachlore. À un moment donné, on pensait que l'alachlore était "secure". Ce sont des choses relatives. Est-ce qu'il n'y a pas une relation entre le produit lui-même et son usage par rapport à l'environnement, aux écosystèmes, à la santé humaine? Le développement c'est une chose, mais toute la question de l'environnement dans son sens le plus large: les êtres humains, la santé, etc., cela compte, il me semble! Alors, n'est-ce pas cela qu'on regarde, pas tellement le produit comme le genre d'utilisation qu'on en fait? N'est-ce pas raisonnable de demander que nous ayons une évaluation de toutes ces choses pour que le public sache?

Le Président (M. Saint-Roch): Oui, M. Tardif.

M. Tardif (Gilbert): M. le ministre, bien sûr que nous sommes conscients, disons, que le public doit être informé sur ces divers produits qu'on utilise comme pesticides. Mais, là, c'est différent! Qu'on l'informe sur les caractéristiques techniques de chacun de ces produits, sur les méthodes d'utilisation, sur les précautions à prendre; habituellement, toutes ces données sont fournies par le fabricant. Nous sommes d'accord pour que le public soit informé de tout ceci, mais informé, non pas nécessairement par une commission parlementaire sur leur utilisation mais par d'autres moyens. Cela se fait couramment. Le gouvernement connaît très bien les moyens de renseigner le public, lorsqu'il veut le faire. Nous sommes d'accord et les compagnies elles-mêmes seraient prêtes à collaborer à une telle action visant à informer les gens sur l'utilisation de ces produits. Là, nous parlons de produits reconnus et homologués. Quand il s'agit de nouveaux produits qui peuvent présenter certains risques,

nous sommes d'accord pour y mettre un peu plus d'emphase, k ce propos, j'aimerais vous citer, M. le ministre, un texte tiré d'un mémoire de la Commission mondiale sur l'environnement instituée par les Nations-Unies en 1983 et qui vient de publier un rapport intitulé "Notre avenir à tous". Je cite en fin de compte la revue Forces qui s'adressait dernièrement à un commissaire de cette commission mondiale et je cite: "On doit éliminer les études d'impact qui sont basées sur les problèmes immédiats, les problèmes à court terme et qui ne sont qu'une réaction au moment où on atteint le seuil de l'intolérable. Il ne faut pas que le développement soit freiné; il faut plutôt qu'il soit maintenu et que l'environnement devienne un facteur de développement. Il faut que l'environnement devienne une sorte d'investissement dans le développement. Le rôle des ministres de l'Environnement est à la fois de protéger l'environnement dans leur pays et d'inciter les autres membres du gouvernement et l'appareil de l'État à intégrer l'environnement dans leurs pratiques quotidiennes. Ces deux fonctions ont la même importance et sont toutes deux essentielles." Le développement tel qu'on le pratique provoque des effets qui ont pour conséquence de limiter le développement lui-même en raison du dommage qu'il fait à l'environnement.

M. Lincoln: Je suis entièrement d'accord avec cette citation. Cela ne me choque pas du tout. En fait, le mot clé là-dedans, qui ne vous a peut-être pas frappé autant que moi, c'est à court terme, immmédiatement.

M. Tardif (Gilbert): Oui.

M. Lincoln: C'est cela qu'on veut dire. C'est l'idée qu'on propose. On ne veut pas des audiences publiques qui vont se répéter trois fois par an, à chaque fois que vous avez besoin d'arroser 600 hectares. Ce n'est pas cela qu'on dit, mais c'est, je pense, ce que la commission dit. Mais, comme je vous dis, notre rapport, le rapport canadien sur l'environnement et l'économie est basé sur le rapport mondial. En fait, le principe de l'évaluation environnementale n'a jamais été rejeté par le rapport mondial. Si vous me dites cela, je vais amener Mme Brundtland pour vous dire le contraire. Je vais amener M. MacNeill pour vous dire le contraire, je vais amener M. Strong pour vous dire le contraire, puisque je connais M. MacNeill et M. Strong. J'ai rencontré les commissaires et ce n'est pas du tout dans leur esprit. Ce qu'ils disent, c'est qu'ils ne veulent pas des évaluations environnementales à la pièce, au pied levé, en réaction à certains événements, mais ils veulent des planifications. C'était le sens de notre approche, en disant: On ne veut pas que l'industrie soit bloquée avec... Je conçois cela.

M. Tardif (Gilbert): Oui.

M. Lincoln: Mais, sûrement qu'H faut une évaluation de toute la problématique de l'usage. Si vous voulez un rapport, ce serait intéressant de lire celui-là: "les pesticides au Canada: étude de la législation et de la politique fédérale" pour l'homologation. On ne va pas faire un débat là-dessus, mais il y a beaucoup de sons de cloche là-dedans qui démontrent que beaucoup de pesticides qui sont homologuées aujourd'hui, pourront être retirés ou deviendront problématiques demain, parce qu'on n'en connaît pas beaucoup les composantes. Ce que nous voulons faire.

La différence entre votre position et la mienne, je pense, c'est que vous dites: Le public doit être informé. Mais, le principe moteur de notre politique ici, le numéro 2, dit: La population doit être informée et doit pouvoir se faire entendre sur l'utilisation des pesticides en milieu forestier. C'est la différence entre nous. Je veux qu'ils se fassent informer, mais qu'ils aient aussi une chance de se faire entendre. Si j'habite dans un endroit et que vous me dites: Je vais arroser 500 hectares avec du glyphosate ou du B.t., peut-être que je dirais: D'accord. Mais, si vous me dites: Je vais arroser 3000, 4000 ou 5000 hectares et que, je vais pêcher sur un bord de rivière ou que j'habite dans les environs, c'est tout à fait différent. Parce qu'on a démontré qu'au Nou-veau-Brunswick, en se servant, par exemple, du fénitrothion, il y avait eu des impacts sur des palourdes à 50 kilomètres de là. C'est cela l'affaire. C'est l'étendue de l'usage. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut que quelqu'un se penche là-dessus. On ne peut: pas vous donner... Il y a sûrement une différence entre dire: On va informer le public et vous donner carte blanche, demain matin, pour l'usage du glyphosate et du B.t. On ne sait pas si vous allez vous servir de cela sur 20 000 hectares ou comment. Sûrement que le public a le droit de savoir.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Tardif.

M. Tardif (Gilbert): Non, j'admets peut-être... Bien sûr que le gouvernement, et le ministère de l'Environnement en particulier, se doit d'établir, pour ces divers produits, des balises d'utilisation auxquelles se conformeront les utilisateurs. Mais, est-ce que, chaque fois qu'il y aura une utilisation, parmi les nombreuses utilisations qui vont se faire à l'avenir, on devra procéder à une étude d'impact? Je pense que c'est là que le moyen dépasse, en fin de compte, la fin. Que les gens; soient informés qu'à l'avenir, certains produits comme le glyphosate sont permis et tolérés, qu'on peut les employer, qu'on en définisse les balises et les conditions d'application et que le public en général en soit informé. Mais qu'à chaque fois qu'on fait une application, on doive se réunir à Québec ou dans une région pour mettre le monde au courant de ce que l'on fait, de les appeler pour présenter des mémoires, je pense que c'est un appareil, en

quelque sorte un canon qu'on emploie pour tuer > une souris.

M. Lincoln: C'est exactement le contraire de ce qu'on propose. C'est exactement ce qu'on ne veut pas. On ne veut pas que vous veniez à Québec tous les jours. Nous n'avons pas le temps, vous n'avez pas le temps et c'est une dépense d'argent pour vous. Si, demain matin, il fallait dépenser 3 000 000 $, qu'est le chiffre cité, pour l'industrie forestière - ce n'est pas beaucoup d'argent pour vous, selon moi - s'il fallait dépenser 3 000 000 $, 2 000 000 $, 4 000 000 $ et si on pouvait entendre le public pour que le public sache à l'avance, dans une programmation assez large de trois, quatre ou cinq ans... Après tout, vous allez planifier votre forêt pour 25 ans avec les CAAF Pourquoi ne pas planifier tout l'usage des pesticides qui sont des produits chimiques dangereux aux cinq ans, quatre ans ou six ans? Cela m'est égal. On a pensé cinq ans parce qu'il fallait faire cela en fonction de vos programmes. C'est cela qu'on demande.

M. Tardif (Gilbert): Dans certains cas c'est possible de prévoir mais dans d'autres cas, non. Dans le cas d'emploi de glyphosate pour faire le dégagement de la végétation concurrente, c'est peut-être possible parce qu'on sait...

M. Lincoln: D'accord.

M. Tardif (Gilbert): ...les coupes qu'on va faire, mais dans le cas, disons, des épidémies d'insectes comme la tordeuse, c'est impossible parce que cette tordeuse n'obéit pas en fonction d'un calendrier précis, ne nous avertit pas d'avance quand elle va venir.

M. Lincoln: D'accord. Moi, j'ai fini mon temps. Je vais vous interrompre très vite parce que cela, on l'a prévu dedans.

M. Tardif (Gilbert): Non.

M. Lincoln: On vous dit: D'accord, pour la végétation, c'est cela qu'on veut examiner. Pour les urgences, on va trouver une façon parce qu'on constate qu'on ne peut pas prévoir les urgences.

Mais si on pouvait arriver à ce compromis-là, je vais vous dire qu'on irait bien loin. Parce que les urgences, c'est différent de la végétation. Mais nous, on ne veut pas vous donner carte blanche pour la végétation, pour qu'on ne sache même pas... On peut contrôler les épidémies parce qu'on sait quand cela arrive et quand cela n'arrive pas. Quand cela arrive, il faut faire quelque chose. Je suis d'accord avec vous. Peut-être qu'on peut se rejoindre sur cela.

M. Tardif (Gilbert): Bon! Alors, M. le ministre, on connaît bien votre point de vue et vous connaissez le nôtre. Je pense qu'il y aura peut-être un compromis quelque part qu'il faudra trouver.

M. Lincoln: "Good".

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Tardif. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Je pense au prix du compromis. Donc, si je comprends bien, votre association est consciente de la problématique dans laquelle on se trouve et, quant à la recherche du compromis, vous êtes prêts à y souscrire.

M. Tardif (Gilbert): Oui, on est certainement prêts à s'asseoir avec toutes les personnes et les ministères concernés. Notre secteur industriel pourra discuter de modalités qui nous paraissent pratiques et applicables.

M. Charbonneau: Est-ce que, par exemple, vous considéreriez exagéré le fait que, pour les situations d'urgence, c'est-à-dire qu'entre maintenant jusqu'à ce qu'on ait tenu des audiences publiques et fait les évaluations d'impact nécessaires, if y ait un mécanisme qui vous permette, dans les cas d'urgence, d'intervenir sans utiliser cette procédure-là qui est lourde et que, par la suite, une fois l'étude d'impact réalisée et l'audience publique faite, vous puissiez, en fonction de la programmation que vous nous avez présentée, utiliser là aussi les outils que vous demandez d'utiliser et qui auraient été autorisés, sans nécessairement revenir à chaque fois? Est-ce que vous considérez que ce serait quelque chose de...

M. Tardif (Gilbert): II faut distinguer deux choses dans votre question. D'une part, il y a ce qu'on appelle les produits qui sont homologués, dont l'utilisation est reconnue et qu'on peut employer, en fin de compte, qui sont tolérés. Dans ce cas-là, ce qu'on dit, nous, c'est qu'il y a un processus, peut-être, d'information aux gens sur l'application possible qui sera faite dans leur territoire, sans, par ailleurs, qu'on en fasse une étude d'impact ou formelle. En ce qui regarde les nouveaux produits...

M. Charbonneau: Ah! bien. Je connais votre position sur cela mais là...

M. Tardif (Gilbert): Oui.

M. Charbonneau: ...je ne veux pas que vous redisiez votre position, je la connais.

M. Tardif (Gilbert): Oui.

M. Charbonneau: Ce que j'essaie de voir, c'est jusqu'où vous êtes prêts à aller au niveau du compromis et jusqu'où vous pouvez considérer qu'une proposition alternative pourrait être

effectivement...

M. Tardif (Gilbert): À ce moment-ci, il est assez difficile de dire jusqu'où on est prêts à aller dans le compromis. Cela dépend un peu de la proposition qui va nous être faite, de la part du ministère de l'Environnement, à savoir ce qu'ils proposent et nous, par ailleurs, on pourra discuter sur place. Mais, vous dire déjà jusqu'où on est prêts à aller, je pense que...

M. Charbonneau: Autrement dit...

M. Tardif (Gilbert): ...tout ce qu'on vise, c'est une action...

M. Charbonneau: ...publiquement, maintenant, vous ne voulez pas ouvrir votre jeu trop vite...

M. Tardif (Gilbert): Bien...

M. Charbonneau: Vous seriez prêts à accepter un compromis, s'il est acceptable...

M. Tardif (Gilbert): Oui.

M. Charbonneau: ...mais ce n'est pas aujourd'hui que vous allez...

M. Tardif (Gilbert): Non.

M. Charbonneau: ...l'accepter.

M. Tardif (Gilbert): Parfait.

M. Charbonneau: Dans une dynamique de négociation, vous ne voulez pas en donner plus que le client n'en demande.

M. Tardif (Gilbert): M. Tremblay, mon collègue, me dit qu'il a une observation à faire.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Tremblay.

M. Tremblay (André): Oui. J'aimerais simplement compléter, si vous me le permettez. Si on parle des glyphosates ou des produits employés pour le dégagement, il faut se rendre compte que si jamais on était tenus de soumettre cela à une étude d'impact quinquennale, cela pourrait avoir un effet sur les obligations qu'on a contractées dans notre contrat d'aménagement, et cela peut avoir une répercussion sur la possibilité forestière. Donc, le jour...

M. Charbonneau: Dans quel sens, dans quel sens? D'ailleurs, cet argument-là est revenu souvent. Expliquez-nous donc cela un peu.

M. Tremblay (André): C'est-à-dire que si on ne nous permet pas d'utiliser, tel qu'on l'avait prévu au contrat d'aménagement, ces produits-là pour faire du dégagement, la possibilité est d'autant diminuée. F'arce que c'est un traitement sylvicole qui a pour effet d'augmenter la pos- I sibilité forestière.

M. Charbonneau: Oui, mais il n'a jamais été question de vous empêcher d'utiliser un outil, surtout si les alternatives se montrent trop coûteuses ou qu'elles occasionnent également des problèmes au niveau de l'environnement. La question c'est qu on veut, avant que vous utilisiez certains outils, pouvoir évaluer l'impact environnemental dans lesdits territoires où vous entendez, ou prévoyez, où il est possible que vous puissiez les utiliser. C'est différent. (12 heures)

M. Tremblay (André): Oui, parce que le problème se pose sur deux niveaux: le premier niveau, c'est la sécurité des produits qui sont utilisés, qui sont homologués. On parle du glyphosate comme étant un produit pouvant être utilisé de façon utilitaire. On a soulevé tout à l'heure certains doutes sur ces produits qui étaient antérieurement considérés comme sécuritaires et qui, par la; suite, se sont révélés moins sécuritaires. C'est un problème d'évaluation de la sécurité des produits. Mais à partir de là, de savoir sur quelle superficie on va les utiliser et quelles seront leurs répercussions dans le domaine des possibilités forestières, c'est un deuxième problème. Dans la mesure où on nous dit: Vous ne pouvez pas les utiliser de la façon dont vous avez prévu le faire au contrat d'aménagement, c'est-à-dire: Vous ne pouvez pas traiter le nombre d'hectares que vous avez prévu traiter, nécessairement cela a une répercussion, dans l'ensemble du Québec, sur la...

M. Charbonneau: Est-ce qu'on a des données, des statistiques, sur l'ampleur des zones affectées quand on découvre une infestation?

M. Tremblay (André): Ici, est-ce qu'on parle...

M. Charbonneau: Généralement, l'infestation d'insectes - parce que c'est cela qui cause les urgences, les problèmes les plus dramatiques - quand on fait la découverte d'une situation comme celle-là, quelle est l'étendue des dégâts, généralement, au moment où on fait la découverte?

M. Tardif (Gilbert): Je demanderais à notre consultant de répondre à cette question.

M. Déry (Gaston): II est difficile de répondre à cette question là parce qu'il y a une chose qu'il faut bien considérer, c'est qu'on parle de la forêt; c'est un écosystème, un organisme vivant. Il est très difficile d'émettre des principes comme cela.

M. Charbonneau: Bien oui, mais ce n'est pas cela...

M. Déry: Oui, mais ce que vous demandez, c'est quelles sont les superficies qui sont affectées quand il y a un cas d'urgence.

M. Charbonneau: Non, non, ce n'est pas cela que je demande. Je vous demande si vous avez des données, des statistiques... Au cours des dernières années, vous avez découvert des zones infestées. Quand vous avez fait ces découvertes, au moment où on vous signalait qu'il y avait une urgence ou une situation dramatique... Quelle était l'ampleur des dégâts au moment où vous le constatiez? Est-ce qu'il y a une différence? À moins que vous ne trouviez tout de suite ou que vous ne soyez en mesure, mais j'imagine que vous n'êtes pas encore en mesure, par exemple dans des incendies de forêt, de repérer ou même de prévoir et d'être quasiment capables d'arroser la forêt avant que l'éclair tombe ou bien avant que le campeur l'allume, on n'est pas encore rendus là, mais quand vous le constatez, est-ce que, généralement, ce sont des zones de plus ou moins de 600 hectares qui sont déjà affectées?

M. Déry: Je ne peux pas répondre à cette question-là parce que ce n'est jamais la même chose.

M. Charbonneau: D'accord, mais...

M. Déry: Bon. Mais il y une chose qui est importante, par exemple - et j'apprécie beaucoup votre question - c'est que si on n'a pas les outils pour intervenir au moment où on le découvre, quand on va intervenir, on va avoir à utiliser beaucoup plus de produits. Cela, c'est une chose importante.

M. Charbonneau: Très bien, mais ce que je veux savoir, c'est que si, par exemple - et je ne comprends pas que vous ne soyez pas capables de le faire, vous ou ceux qui sont venus hier, j'aurais peut-être dû le demander hier - sur 50 constats au cours des - je fais des chiffres hypothétiques - quatre ou cinq dernières années, vous avez fait 50, 60 ou 100 constats de zones particulièrement infestées et que, en moyenne, quand vous avez fait ces constats, les zones affectées étaient d'environ 2 kilomètres carrés... Il y a une différence entre un arbre infesté et un boisé de 2 kilomètres carrés. J'imagine que vous êtes capables de dire: Quand on en a fait la découverte, dans chacun de ces endroits, en moyenne, on a constaté... Si hier, on a été capables de nous faire des cartes pour nous dire: en telle année, il y avait cela qui était affecté au Québec et cinq ans après, il y avait cela et dix ans après, il y avait la moitié du Québec. J'imagine qu'on doit être capables de dire, quand on fait tes constats, qu'il y a une espèce d'étendue qui... Autrement dit, généralement, quand on fait des constats, l'état d'avancement dépasse-t-il les 600 hectares ou si c'est en deçà? Est-ce seulement un arbre? Chaque fois, est-ce qu'on réussit à "spotter" seulement le premier arbre qui est...

M. Déry: Je comprends très bien le sens de votre question et elle est très appropriée. Mais on ne peut pas y répondre parce que notre association regroupe des industriels forestiers.

M. Charbonneau: D'accord.

M. Déry: Cette question devrait être adressée à l'organisme dont la responsabilité est d'assurer la gestion de la forêt, soit le ministère de l'Énergie et des Ressources. Il y a ici des représentants du ministère et je suis certain qu'ils vont pouvoir vous satisfaire au plus haut point dans les statistiques, mais ce n'est pas le rôle d'une association comme la nôtre.

M. Charbonneau: D'accord, je comprends.

M. Déry: Maintenant, il y a une chose que j'aimerais ajouter par rapport à votre question. On parle d'impact environnemental par rapport à l'utilisation de produits chimiques, mais il y a aussi un autre impact environnemental qu'il faut évaluer et c'est le suivant: il y a de l'exploitation forestière au Québec et on ne s'en sort pas parce que c'est une domaine qui est très important. Si on n'a pas les outils pour remettre en état de fonctionnement l'écosystème forestier, à la suite de situations X; cela en est un impact environnemental qu'il faut évaluer. Alors, on ne demande pas d'utiliser les produits d'une façon démesurée, ce qu'on demande c'est d'être capable de remettre cet écosystème forestier en état d'opération.

M. Charbonneau: Moi, la question que je vous posais et je comprends que vous ne puissiez pas y répondre, mais je pense que le ministre délégué aux Forêts qui travaille avec les gens du ministère de l'Énergie et des Ressources pourrait être en mesure de dire, écoutez, si généralement - je fais une hypothèse - lorsqu'on fait les découvertes de zones infestées... L'avez-vous la réponse?

Le Président (M. Saint-Roch): Allez-y, M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, la première fois qu'on a détecté l'épidémie de la tordeuse, cela couvrait une superficie de 5000 hectares.

M. Charbonneau: Cela, c'est la première fois.

M. Côté (Rivière-du-Loup): La mouche à scie du pin gris, en 1981... La tordeuse, c'était 5000 hectares en 1967 et cela a traversé tout le Québec par après parce qu'on n'est pas inter-

venu.

M. Charbonneau: D'accord.

M. Côté (Rivière-du-Loup): La mouche à scie, en 1981, cela couvrait 2000 hectares. Donc, c'est plus grand que les 600 hectares.

M. Charbonneau: Oui, d'accord. Cela veut dire que, généralement, quand on fait des découvertes, cela a déjà atteint cet ordre de grandeur. J'imagine que, sans savoir où cela va se produire, dorénavant ou dans les prochaines années, on devrait être en mesure de dire, de soumettre d'une audience publique que, chaque fois qu'une intervention sera signalée et nécessaire et qu'elle aura tel niveau d'ampleur on sera en mesure d'intervenir de telle façon. Si c'est en deçà de tel niveau d'ampleur, on pourrait intervenir d'une autre façon. Si, au contraire, cela atteint un niveau dangereux, on pourrait même avoir une procédure d'urgence plus rapide qui ferait que, là, on pourrait déclencher l'alerte rouge - cela va vous faire plaisir - et qu'on pourrait avoir une intervention encore plus rapide avec des mécanismes encore plus souples. Autrement dit, il me semble que ce n'est pas si sorcier que cela finalement. L'ensemble de la forêt ou des territoires qui sont en cause ne sont pas complètement affectés parce qu'on ne tiendrait pas le genre de discussion qu'on tient aujourd'hui.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Tardif.

M. Tardif (Gilbert): Disons que l'histoire de la dernière épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette a permis d'aborder certaines études sur le dynamisme des populations, l'évolution des populations. Je pense qu'ici, au laboratoire forestier du gouvernement fédéral à Québec, ils se sont appliqués, en collaboration avec les États du Maine et du New Hamsphire, à étudier un peu l'évolution et le dynamisme du développement de ces populations. Je pense qu'il y a eu certaines leçons qui en ont été tirées. Également, les moyens de détection, en fin de compte, s'améliorent et évoluent aussi. On a, par exemple, le piège à phéromone qui est un outil important pour déceler à des endroits précis la naissance d'une épidémie ou de provocations de certaines populations d'insectes et, de là, nous permet de faire des interventions rapides. Je pense que l'interface entre le domaine scientifique de la recherche sur les positions des populations et les moyens de détection de ces populations et le lien qu'on doit y faire ensuite avec les moyens de représailles, tout cela se développe et c'est en constante évolution, comme le domaine technologique. Je pense qu'en ce sens, on marche vers un progrès plus grand, on va avoir des moyens de plus en plus précis pour intervenir rapidement. C'est là l'utilité d'être renseignés, de décider rapidement et d'agir.

M. Charbonneau: Je pense qu'on en arrive à [ cerner un peu la question. Les ministres disaient hier qu'ils seraient même prêts à envisager un réseau plus étendu de systèmes, de stations de détection. Si on améliore et si on se donne les moyens d'améliorer la détection, pour faire en sorte que les détecter plus rapidement, on devrait être en mesure aussi... et c'est là que, finalement, le scénario 1, mais amélioré, comme on en discute depuis hier, pourrait être pris en considération. C'est-à-dire que, dans une étude d'impact, une entreprise... et vous pariez à la page 37 que tout le monde n'a pas les moyens de réaliser des études d'impact. Moi, j'ai suggéré hier qu'on puisse fonctionner soit par régions, soit par regroupements d'entreprises, soit par grandes entreprises, mais il y a des façons de faire en sorte que cela ne soit pas nécessairement 350 intervenants différents ou signataires différents qui soumettent 350 études d'impact différentes. Il y a comme moyen de peut-être regrouper cela en une vingtaine d'intervenants principaux ou selon des territoires donnés et on aurait finalement, par exemple, une vingtaine d'études d'impact qui nous permettraient d'analyser, pour les prochaines années, comment on va intervenir. Ces études d'impact pourraient faire en sorte que l'industrie nous dise: Quand on détecte un foyer d'infestation qui a atteint tel niveau, on va intervenir de telle façon. Si jamais on le détecte trop itard et que c'est rendu à un niveau plus élevé d'infestation, on utilisera un deuxième procédé ou une batterie, un arsenal d'armes différent et si cela atteint vraiment un autre niveau, etc.

Donc, moi, j'ai l'impression qu'il n'y a personne qui peut vraiment nous faire la démonstration que céda va les empêcher d'être opérationnels, parce que une fois qu'on aura fait cette démonstration et que le public saura que ce qui est important et que, c'est d'intervenir rapidement, si on intervient rapidement, mieux vaut intervenir sur une petite surface avec un instrument puissant que d'attendre trop tard, une fois que cette étape est franchie, vous allez avoir la latitude d'utiliser l'arsenal que vous nous aurez présenté, que vous aurez présenté, en fait, lors de l'étude d'impact. Je ne vois pourquoi vous auriez un problème! maintenant quant à l'efficacité et à la rapidité de l'intervention, surtout si on ajoute à cela que, d'ici à ce que ce mécanisme soit en place ou que ces études d'impact soient réalisées, le gouvernement pourrait autoriser, sur une base transitoire, des mécanismes ou des méthodes d'intervention qui seraient en fonction de la gravité, par exemple. Franchement...

Le Président (M. Saint-Roch): M. Tardif.

M. Tardif (Gilbert): Monsieur, bien sûr que s'il s'agit d'informer le public et d'obtenir, en quelque sorte, un consensus social sur une base

régionale pour l'utilisation de ces moyens de répression, on y est. Mais, évidemment, lorsqu'on discute de ces choses-là - on s'en est rendu compte dans le passé - cela tourne, bien souvent, au vinaigre, parce qu'il y a beaucoup d'émotivité qui se dégage de tel... Il y a toujours quelqu'un qui a vu un enfant qui avait absorbé de ces défoliants, de supposés défoliants ou autres et cela a dégénéré dans les journaux dans toutes sortes de nouvelles fausses ou plus ou moins fondées.

C'est un peu notre crainte. C'est pour cela qu'on dit qu'au départ, pour avoir un avis et des réactions normales de la population, il faut commencer à l'informer. Là-dessus, on est d'accord. On n'a rien contre le fait que les gens soient informés. Maintenant, dans le cadre d'une nouvelle politique forestière, il faut protéger la forêt et il faut intervenir rapidement et de façon efficace pour contraindre les épidémies. Que les gens soient renseignés, d'accord, mais qu'ils participent aux décisions effectives sur l'application, je pense que c'est là qu'on s'entend moins bien, parce qu'on se dit: Est-ce qu'une masse de population peut participer à un processus décisionnel de façon rationnelle et ordonnée?

Peut-être qu'ils pourront le faire lorsqu'ils seront bien renseigné et bien éduqués sur ces moyens de répression. Cela peut prendre quelque temps, mais on est prêt à collaborer à cela.

M. Charbonneau: Si on réduisait le nombre d'études d'impact; entre une superétude d'impact qui n'est pas opérationnelle et 350, il y a peut-être un juste milieu qui serait raisonnable. Si, par exemple, on le fait sur une base régionale, si on disait qu'on a 20 ou 25 études d'impact à soumettre pour l'ensemble du territoire québécois et que dans ces territoires, il y a d'abord une phase d'information de l'industrie et, après cela, il y a une phase proprement dite où la population est consultée et où elle peut réagir.

Autrement dit, le problème, ce n'est pas juste de donner de l'information, il s'agit de permettre une rétroinformation ou une réaction à l'information. L'étude d'impact, c'est exactement cela. Autrement dit, si on ne voulait pas avoir de rétroinformation et si on ne voulait pas permettre au public, aux écologistes et à tous ceux qui se préoccupent de leur milieu et de leur environnement immédiat de réagir, on aurait juste à engager des relationnistes pour faire une campagne de publicité. Mais, si on veut leur permettre de réagir, cela prend un mécanisme où les gens peuvent se faire entendre. Une fois qu'ils ont été entendus, une fois que l'organisme qui a à donner le goût le donne...

Les gens ne participent pas tous les jours à des prises de décision. Vous avez votre batterie. Dans le fond, vous avez la batterie ou l'arsenal qui est autorisé, après cela, les gens n'ont plus rien à dire lorsque l'arsenal est utilisé quand les situations se présentent.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Tardif.

M. Tardif (Gilbert): Maintenant, si on se réfère à l'utilisation de glyphosate, on sait qu'au Maine, on l'utilise. Ce à quoi l'industrie est tenue, c'est de se conformer aux directives du manufacturier, sans plus. D'ailleurs, il y en a également d'autres endroits - au Nouveau-Bruns-wick, je pense, à moins d'erreur - où on fait un peu la même chose. (12 h 15)

M. Charbonneau: Mais dans le domaine environnemental, les États-Unis, ce n'est pas nécessairement le modèle à suivre.

M. Tardif (Gilbert): Non, peut-être pas, mais on dit que cela fonctionne, en fin de compte.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Tardif et M. le député de Ver-chères. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président.

J'ai indiqué tout à l'heure les superficies détectées en 1967 et 1981, soit respectivement de 5000 hectares et de 2000 hectares, superficies qui ont précédé l'épidémie. Je dirais qu'en 1981, lorsqu'on a détecté la mouche à scie qui infestait 2000 hectares, le permis d'intervenir nous a été refusé. C'est de cette façon, qu'en 1982, on a traité 62 000 hectares avec 80 fois plus de produits. Il y a une question de confiance. Il ne faut pas que les permis nous viennent de façon inconsidérée, n'importe quand, n'importe comment. Il faut que ce soit sérieux. C'est beau de dire qu'on interviendra rapidement s'il y a un risque d'épidémie avec des produits appropriés, mais il faut au moins avoir la permission de le faire aussi.

M. Charbonneau: Avec la proposition 1 modifiée, si M. le ministre me le permet, vous pourriez avoir toutes les autorisations parce que, finalement, un fois que le plan est approuvé, les gens n'ont pas besoin de revenir chaque fois pour aller chercher une autre autorisation.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je voudrais aussi qu'on soit bien conscients qu'il y a plus de 5000 produits qui ont été homologués par le gouvernement fédéral. Sur ce nombre, il est sûr qu'il est possible qu'il y ait eu des erreurs qui ont été signalées par la compagnie IBT ou autres, mais dans le cas des produits qui sont recommandés, soit le B.t. et le glyphosate, le processus d'homologation a été suivi de nombreuses expertises faites par les gouvernements, par les laboratoires indépendants. Ces produits ont été recommandés par le MENVIQ, par le ministère de l'Environnement et par le BAPE à la suite des audiences de 1984. De plus, le BAPE, à la suite de ces audien-

ces, reconnaissait que le fénitrothion ne présentait pas de risque indu pour la santé. Là, il ne faut pas avoir peur d'avoir peur, parce que cela a été examiné, cela a été discuté et tout cela. Il ne faudrait pas dire, par exemple: il ne se fera jamais d'erreur. La perfection... Je pense qu'il n'y a personne dans cette salle qui va prétendre qu'il ne fera jamais d'erreur. Il reste qu'on doit demeurer vigilant. L'AMBSQ, dans son rapport, saute bien vite à l'information correcte de la population. Mais, je me demande si, dans le document de support de la commission parlementaire, on donne un processus de révision des produits, mais ce processus de révision des produits pourrait peut-être être formé de comités interministériels, de gens de l'industrie, de représentants du public aussi. Ce serait moins lourd que ces audiences. Ce serait une espèce de particularité à la foresterie et à l'environnement en forêt. Ce comité pourrait peut-être être présidé par le ministre de l'Environnement et être dirigé et contrôlé de façon que ce soit efficace sans que cela coûte des millions et sans qu'on se fasse dire toutes sortes de choses de façon émotionnelle et de façon incorrecte. Je pense qu'il y a des façons de faire qui... Le compromis dont on parle, c'est qu'on peut améliorer tout cela ensemble pour arriver à ce compromis et s'assurer que nos arrosages se feront sur des petites surperficies aussitôt qu'on détectera les infestations.

M. Charbonneau: Là où on ne s'entend pas...

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, là où on ne s'entend pas, c'est que finalement, la détection... Je vous propose quelque chose qui n'est pas compliqué. Jusqu'à ce que les études d'impact soient faites, il pourrait y avoir une procédure transitoire. Les études d'impact se font et, par la suite, vous avez les autorisations pour utiliser les batteries, les moyens d'intervention, chaque fois qu'une détection va se faire. De la façon dont vous raisonnez, c'est comme si chaque fois qu'il y aurait une détection, il faudrait retourner en audience publique et en étude d'impact.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Non.

M. Charbonneau: Ce n'est pas cela. Je suis obligé de défendre votre collègue. Ce n'est pas cela qu'il a dit.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Ha, ha, ha! Avec l'AMBSQ, les manufacturiers de bois de sciage, je mise beaucoup sur la recherche et le développement pour diminuer l'utilisation de ces produits comme on souhaite, évidemment, diminuer l'utilisation de la dynamite, des canons et ces affaires-là. C'est bien important de faire cela et de continuer à faire de la recherche. Hier, on a demandé à une autre association quelle était la part qu'elle était prête à faire pour poursuivre des recherches dans ce domaine. Évidemment, cela se fait en collaboration avec le gouvernement, les universités. On en fait beaucoup et on va continuer à en faire. On va continuer à en faire aussi pour essayer de détecter aussitôt que possible les foyers d'infestation. Actuellement, ce sont les pièges aux hormones qui sont faits pour mesurer les fluctuations dans la population des insectes sauf qu'il se développera peut-être, avec la recherche, des pièges qui vont contrôler les populations d'insectes. Ça, c'est du côté insectes. L'AMBSQ ne parle pas beaucoup du côté insectes parce que vous semblez nous refiler la responsabilité, en entier, au ministère sauf que, je pense que vous devriez, parce qu'on est devenus partenaires, trouver, par exemple, une façon de collaborer pour la détection et le contrôle des insectes. Cela va bien du côté du contrôle de la végétation, mais du côté des insectes vous n'en parlez pas beaucoup en disant: C'est la responsabilité du ministère. Est-ce que je peux avoir votre réaction là-dessu?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Tardif.

M. Tardif (Gilbert): Bien sûr, en ce qui regarde les insectes, on dit que cela demande des moyens tellement importants et des connaissances techniques si poussées et que cela touche en fin de compte des territoires immenses, dans toute la province, qu'on pense que, c'est pour cela qu'on se réfère... Et je pense que c'était l'esprit des discussions qu'on avait eues au cours des travaux préparatoires à la loi 150, c'est-à-dire que cette partie-là de la recherche, de la maîtrise et du combat devrait demeurer la responsabilité du ministère, mais qu'en ce qui regarde les initiatives concernant toute la recherche, le développement, dans ce sens-là, pour la détection, le contrôle, l'élimination et les méthodes de combattre ces... On est prêt à collaborer, certainement, avec le ministère pour... Mais on dit que ce n'est peut-être pas possible pour chaque industriel de s'impliquer à titre individuel dans une telle recherche qui demande de tels moyens, une batterie de connaissances et des laboratoires de recherche. On n'est pas en mesure de s'offrir cela, mais on est prêt à collaborer avec le ministère pour que les recherches soient faites.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je voudrais terminer avec l'AMBSQ en disant qu'avec le nouveau régime forestier, on n'a pas le droit de manquer notre coup comme on l'a manqué dans le cas de la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Si on manque notre coup cette fois-ci, les conséquences vont être tellement importantes que je ne sais pas si on s'en sortira de façon honorable. On a manqué notre coup avec la tordeuse des bourgeons de l'épinette, parce que cela a commencé avec 5000 hectares et cela a

traversé tout le Québec et les États américains du nord-est. Je ne voudrais pas qu'on manque notre coup actuellement parce que, pour la première fois, on réfléchit avant d'aller en forêt; on ne va pas en forêt seulement pour couper du bois, on pense aux autres utilisateurs, comme les chasseurs, les pêcheurs, on pense à protéger la qualité de l'eau, etc. Je pense qu'on doit, ensemble, trouver des solutions pour ne pas manquer notre coup cette fois-ci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci M. le ministre délégué aux Forêts. En conclusion, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: En conclusion, M. le Président, je voudrais... Combien me reste-t-il de temps? Il ne me reste plus de temps. Ah bon! Je me reprendrai avec l'autre groupe, de toute façon... Je passerai un autre message tantôt.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie M. le député de Verchères. Je tiens à remercier l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec pour son apport aux travaux de cette commission.

Sur ce, je demanderais maintenant au Centre multirégional de recherche en sciences et technologies forestières de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

À l'ordre, s'il vous plaît!

Permettez-moi, dans un premier temps, de souhaiter la bienvenue au Centre multirégional de recherche en sciences et technologies forestières. Je demanderais maintenant au porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que la personne qui l'accompagne.

À l'ordre, s'il vous plaît!

Centre multirégional de recherche en foresterie de l'Université du Québec

M. Frisque (Gilles): Mon nom est Gilles Frisque. Je suis directeur du Centre multirégional de recherche en foresterie de l'Université du Québec. À ma droite, le Dr Maximilien Arella, professeur et chercheur en virologie à l'Institut Armand-Frappier de l'Université du Québec.

Le Centre multirégional de recherche en foresterie de l'Université du Québec tient à remercier le ministre délégué aux Forêts, le ministre de l'Environnement et les membres de la commission de l'aménagement et des équipements de l'invitation qui lui a été faite de présenter un mémoire.

Le Centre multirégional de recherche en foresterie regroupe quelques 35 professeurs et chercheurs du réseau de l'Université du Québec, actifs dans diverses disciplines scientifiques reliées au secteur forestier et environnemental et répartis dans sept établissements rattachés au réseau, dont l'Institut Armand-Frappier.

Dans un contexte d'harmonisation entre des besoins et des attentes variés de la population et étant donné l'importance économique et sociale du secteur forestier au Québec et le besoin urgent d'assurer le renouvellement de la ressource forestière afin de permettre le maintien des activités économiques et récréatives et des emplois qui en découlent, nous croyons qu'il est nécessaire et opportun d'avoir recours aux pesticides dans le secteur forestier lorsque les conditions l'exigent. Le Québec ne peut pas se permettre, en 1988, d'abandonner presque la moitié de son territoire aux aléas d'épidémies d'insectes, d'infestation d'organismes pathogènes et de successions végétales incontrôlées. Nous sommes cependant conscients que ceci doit se faire dans le respect de la Loi sur la qualité de l'environnement et de la Loi sur les pesticides tout en préservant les multiples ressources reliées à l'existence de la forêt. 235 000 000 de mètres cubes d'essences résineuses, soit l'équivalent de dix années de récolte sur l'ensemble des forêts publiques du Québec ont été détruits par la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Rappelons que c'est la troisième fois qu'une telle épidémie ravage les forêts du Québec, depuis le début du siècle. En dehors de la valeur pécuniaire de ces pertes, les impacts sont considérables sur les autres ressources du milieu forestier, soit les ressources hydriques, fauniques et récréatives. Si la tordeuse des bourgeons de l'épinette est l'élément le plus destructeur parmi l'ensemble des ravageurs d'origine entomologique ou pathologique, n'oublions pas que 27 autres organismes sont identifiés dans le Relevé des insectes et des maladies affectant les forêts du Québec. Certains de ces organismes risquent, proportionnellement, de prendre une très grande ampleur dans les prochaines années, à la suite des modifications des pratiques d'aménagement forestier. Ceci est particulièrement le cas pour les insectes et les maladies qui s'attaquent principalement aux plantations. Déjà, la tordeuse de l'épinette, qui est différente de la tordeuse des bourgeons de l'épinette, s'implante dangereusement dans les plantations d'épinettes blanches du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie. Le charançon du pin blanc se retrouve dans une plantation sur cinq, dans l'ensemble du Québec, et sévit particulièrement dans l'ouest de la province.

Au niveau pathologique, rappelons que l'absence de moyens de contrôle pour certains pathogènes tels que la rouille vésiculeuse du pin a interdit toute plantation de pins blancs, une espèce de haute valeur, caractéristique de la forêt québécoise au siècle dernier, et dont l'ère de distribution s'est considérablement rétrécie au cours des ans. Le chancre scléroderrien, dont la variété européenne est particulièrement virulente, continue de menacer l'ensemble des plantations de pins rouges au Québec. Dans certaines régions administratives de la province, la présence de ce pathogène a même entraîné l'établissement de

zones de quarantaine, limitant le transport de matériel ligneux d'une région à l'autre. (12 h 30)

Ce rapide survol nous indique le sérieux de la situation et la nécessité de disposer des moyens requis pour pouvoir appliquer des méthodes de contrôle et de lutte efficaces dès qu'un ravageur susceptible de prendre des proportions épidémiques fait son apparition. Refuser cette possibilité équivaut à se résoudre à voir le paysage forestier du Québec s'altérer ou disparaître d'une façon irréversible. L'état de la forêt québécoise est déjà sérieux, tel que cela a été souligné dans le récent bilan environnemental du Québec présenté par le ministre de l'Environnement.

Quant au contrôle de la végétation, ce dernier constitue une étape indispensable dans l'éducation des peuplements forestiers. Cette démarche s'insère non seulement dans toute la problématique des successions et des chronosé-quences végétales, directement reliée à la dynamique des populations, mais implique également les phénomènes de compétition entre espèces qui régissent, dès le plus jeune âge, la composition future des peuplements. Il va sans dire qu'il est utopique de prétendre aménager intensivement un peuplement forestier sans possibilité d'intervention sur les jeunes individus.

Comme universitaires membres de la communauté scientifique, nous ne pouvons qu'appuyer la volonté manifestée par les deux ministères concernés d'augmenter le budget consacré à la recherche et au développement relié à la problématique de l'utilisation des pesticides en milieu forestier. Nous sommes fermement convaincus qu'un des meilleurs moyens de diminuer le recours aux pesticides consiste à parfaire nos connaissances du cycle biologique des organismes en cause, des relations hôtes-prédateurs, de l'épidémiologie et enfin, de la dynamique des écosystèmes.

Comme illustration du potentiel de la recherche dans la lutte contre les ravageurs forestiers du Québec et en vue toujours de diminuer l'utilisation des pesticides, la mise en place récente d'un réseau de pièges à phéromone ceci, afin de détecter les variations des populations de tordeuses a été mentionnée à plusieurs occasions, lors de cette commission. Il s'agit là d'un outil indispensable à une saine gestion.

Concurremment, les recherches actuellement en cours à l'Institut Armand-Frappier et qui visent la mise au point de trousses de diagnostic des pathogènes de la tordeuse des bourgeons de l'épinette, doivent, à notre avis, être poursuivies. Ces recherches utilisent des techniques sophistiquées, mais accessibles, telles que les sondes moléculaires, et permettent d'évaluer avec précision l'état de santé d'un ravageur et donc de réduire d'autant le recours aux insecticides. De tels outils à haute teneur biotechnologique peuvent être développés à un coût relativement bas pour la majorité des ravageurs actuels des forêts. Ils sont efficaces, non dommageables pour l'environnement, et ne présentent aucun risque pour la santé humaine ou animale.

La nécessité d'une augmentation de la recherche reliée à la protection des forêts est d'ailleurs amplement illustrée dans le document de base qui a été fourni à la commission, lorsque les auteurs signalent avec exactitude que, sur 19 des 27 problèmes entomologiques et pathologiques susceptibles d'affecter la forêt, il n'existe pas de produits homologués perrmettant le contrôle.

Historiquement, la majorité des nouvelles méthodes de lutte biologique ont été conçues et développées expérimentalement dans des milieux de recherche non directement rattachés aux deux ministères concernés. Il est en effet assez rare qu'un organisme promoteur d'un projet soit de plus chargé de développer lui-même des méthodes alternatives à celles qu'il utilise couramment ou que cette recherche, si elle a lieu, se fasse avec un grand désir de trouver d'autres solutions à celles déjà utilisées avec profit. Par contre, l'expertise et la structure opérationnelle des ministères permettent à ces derniers d'effectuer une mise a l'échelle rapide des nouvelles méthodes de lutte aux ravageurs.

Le document de base souligne que si le gouvernement du Québec veut se donner une politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier, il doit s'assurer de fournir les efforts requis en recherche et développement. Un montant total de 4 000 000 $, tel que mentionné à la page 36 du document, ne représenterait que 15 % de l'effort canadien, chiffre nettement inférieur à la quote-part des problèmes phytosa-nitaires qui affectent l'Est du Canada et le Québec en particulier. D'un point de vue strictement de péréquation, le Québec y serait nettement gagnant.

Nous nous permettons de plus de suggérer qu'une part importante de ces recherches soit effectuée à l'extérieur des ministères concernés. Nous voyons trois avantages à cette approche. Premièrement, elle met à la disposition des ministères et du gouvernement un bassin de chercheurs spécialisés, dont les ministères ne disposent par nécessairement à l'heure actuelle. Deuxièmement, et dans le cas des universités, elle assure en même temps la formation de la relève scientifique et des compétences requises dans des domaines de recherche innovateurs. Troisièmement enfin, plusieurs enquêtes indiquent que l'opinion publique accorde plus de crédibilité, en cas de conflits, aux recherches effectuées par les organismes universitaires qu'à celles qui sont conduites par le promoteur d'un projet, qu'il soit gouvernemental ou industriel.

En conclusion, tout en favorisant le second scénario proposé par les deux ministères impliqués, soit l'utilisation du bacillus thuringiensis et du glyphosate, sans étude d'impact, pour les raisons que nous avons invoquées dans le mémoire, nous insistons pour qu'au-delà des préoccupations nécessaires, les différents corps législatifs

concernés tiennent compte de la nécessité de permettre le développement et l'expérimentation de nouveaux produits et de nouvelles méthodes, qui seraient issus de travaux de recherches et de développement. Il serait en effet superflu de réviser périodiquement l'état des connaissances et des lacunes en termes de recherche, tel que proposé dans le second scénario, si concurremment tout essai de nouvelle formulation ou de nouveau produit était sévèrement limité par des contraintes légales ou réglementaires.

La recommandation formulée dans le rapport de base rédigé par le ministère de l'Énergie et des Ressources et le ministère de l'Environnement du Québec, et qui se lit comme suit: "Le gouvermement doit encourager les recherches permettant le développement de méthodes, de connaissances et de stratégies d'aménagement du milieu forestier en vue de minimiser l'usage des pesticides" - fin de la citation - constitue un corollaire indispensable à toute politique d'utilisation des pesticides en forêt. L'engagement de ces deux ministères d'accroître de façon importante les budgets alloués à la recherche et au développement reliés aux pesticides constitue une démarche positive et essentielle.

Nous désirons réitérer notre conviction qu'une grande partie de ces recherches, pour les raisons évoquées ailleurs dans le mémoire que nous vous avons soumis, devrait être effectuée en dehors des ministères concernés. Nous espérons, en terminant, que l'adoption d'une politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier permettra au législateur de mettre à profit l'accumulation des connaissances scientifiques qui sont déjà disponibles et de se donner les moyens d'acquérir celles qui lui manquent encore. Nous pouvons l'assurer que l'expertise et l'intérêt des professeurs et chercheurs du Centre multirégional de recherche en foresterie de l'Université du Québec sont à la disposition de tous les intervenants, qu'ils soient gouvernementaux, privés ou industriels.

Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie M. Frisque. M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. le Président, j'aurais voulu toucher à toute la question, parce qu'on a des intervenants, justement du milieu universitaire, de la recherche, des méthodes alternatives dans le sens le plus large, parce que je pense qu'il y a une question fondamentale, qui a du reste été soulevée par le groupe qui a passé juste avant vous, l'Association des manufacturiers de bois de sciage. J'ai entendu un des représentants, celui qui était à votre gauche, parler de la sauvegarde de l'écosystème forestier en correspondance avec l'utilisation de pesticides, et cela m'a fait un peu sursauter. En fait, je crois que quelque part dans leur mémoire, si je ne me trompe, ils disent: Une des seules avenues envisageables et possibles à court terme pour assurer la pérennité de la forêt et de l'écosystème forestier pris dans son ensemble.

Il me semble que les pesticides sont étrangers à l'écosystème forestier, que c'est une mesure d'intervention pour prévoir un aménagement faute d'avoir fait de la prévention. Le professeur Vézina, de l'Université Laval, est un de ceux - je pense du reste qu'il a écrit un tome là-dessus - qui a dit que si on préparait mieux les sols et si on avait une diversité de culture plutôt qu'une monoculture, peut-être que cela serait la meilleure prévention. Je sais que c'est tard pour faire ça parce qu'on ne l'a pas fait, mais à cet égard est-ce que dans votre esprit, dans un avenir prévisible, cinq, dix, quinze ans, je ne sais pas combien de temps, il serait possible de renverser un peu la vapeur par de meilleures pratiques qui feraient qu'on ne serait pas obligé d'utiliser des agents étrangers tels que le "chimique" pour préserver la pérennité des écosystèmes et la forêt?

M. Frisque: Oui, sans aucun doute. Je voudrais rapporter une précision sur l'intervention de la personne de la MBSQ qui nous précédait. Malgré votre étonnement, M. le ministre, je crois qu'effectivement l'absence d'utilisation de pesticides en milieu forestier peut entraîner une dégradation complète des écosystèmes. Vous avez certainement, comme moi, eu plusieurs fois l'occasion de parcourir une forêt qui avait été dévastée par la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Je peux vous assurer qu'au point de vue strictement écologique, il s'agit là d'un écosystème qui est très loin d'un écosystème idéal, puis on y rencontre peu de faune. La vie biologique, à toutes fins utiles, est terriblement réduite lorsque le couvert forestier, qui est la base essentielle de la vie biologique en forêt, a disparu à la suite d'une attaque de la tordeuse des bourgeons de l'épinette.

Vous avez complètement raison quand vous signalez que l'utilisation de pesticides ajoute à un écosystème un élément qui lui est étranger au départ, mais constatons également que la tordeuse des bourgeons de l'épinette, pour prendre cet exemple, n'est pas partie intégrante de l'écosystème forestier, en tout cas pas à l'état épidémique normalement. Alors, dans ce cas-là, c'est malheureusement une situation où on se trouve en position défensive. Mais je crois qu'une petite infestation de la tordeuse des bourgeons de l'épinette à son départ, lorsqu'elle est à l'état endémique, peut être considérée comme une composante naturelle de l'écosystème. Si on la laisse aller, si vous voulez, c'est une petite bombe à retardement. Si on n'intervient pas immédiatement, cette petite population prend très rapidement une ampleur énorme qui fait qu'à ce moment-là, l'écosystème forestier est profondément altéré.

En ce qui concerne les suggestions qui ont été faites par certains universitaires, lorsqu'ils

prônent une diversification de l'environnement forestier et entre autres des essences forestières que l'on y retrouve, c'est tout à fait exact au point de vue livresque et théorique et dans certains conditions cela se retrouve à l'état naturel. Malheureusement, la forêt boréale qui couvre l'ensemble de la province de Québec et de la zone boréale mondiale, que ce soit au Canada ou en Union soviétique ou dans les pays Scandinaves, est constituée naturellement de peuplements résineux qui, très souvent, sont monospécifiques. Cela prendrait des fortunes au point de vue temps, énergie et ressources financières pour aller à rencontre d'un climax qui est profondément naturel. Si on laisse aller la nature, elle revient naturellement à des peuplements qui sont effectivement très souvent monospécifiques et je ne connais pas de situations dans le monde où on a pu changer radicalement pour des longues périodes de temps une tendance vers l'évolution, vers un stade climatique.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Frisque. M. le ministre.

M. Lincoln: En tout cas, est-ce qu'on n'est pas dans un cercle vicieux à savoir que la tordeuse des bourgeons de l'épinette a commencé à devenir une épidémie parce que, justement, la forêt était affaiblie? Est-ce que ce n'est pas un cycle naturel; plus on affaiblit la forêt, plus on coupe à blanc, plus on néglige les espèces et on fait une espèce de surcoupe pendant des années, à un moment donné la forêt s'affaiblit comme une maladie s'attaque à une personne qui est beaucoup plus faible de constitution plutôt qu'à celle qui est en santé? Est-ce que ça peut être cela en premier lieu?

M. Frisque: L'expression que vous utilisez est adéquate. Lorsque vous dites que la tordeuse nous amène dans un cercle vicieux, c'est tout à fait exact et le cercle est profondément vicieux, à mon avis, pour deux raisons. La première, c'est un manque de connaissances fondamentales sur l'épidémiologie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette. L'État a consacré énormément d'argent à intervenir et à lutter contre la tordeuse et c'était une étape indispensable, l'étape d'urgence. Comparativement, énormément peu de fonds ont été consacrés à comprendre pourquoi une épidémie débutait, pourquoi elle se prolongeait dans le temps et surtout, comme c'est le cas actuellement, pourquoi elle déclinait naturellement. (12 h 45)

Je crois que si on acceptait de consentir une plus grande partie des fonds à étudier véritablement quelles sont les causes naturelles qui régissent l'évolution des épidémies on ne serait pas obligé d'arroser comme on le fait actuellement sur des superficies qui sont énormes, qui sont tellement énormes qu'on ne peut jamais arroser suffisamment. Pour des raisons de logistique on doit se contenter de parer au plus urgent. L'intervention humaine, dans le cas de la tordeuse, est vraiment celle d'un pompier qui va éteindre les feux qui sont les plus violents. Il est évident que, biologiquement, la seule façon d'intervenir en cas d'épidémie c'est d'arroser l'ensemble de la forêt québécoise et d'essayer de réduire à zéro les populations de tordeuses. Ce n'est pas réalisable.

Le Président (M. Saint-Roch): Je m'excuse, M. Firsque, je me vois dans l'obligation de vous interrompre. Comme vous le remarquez, les cloches sonnent maintenant pour appeler les parlementaires à procéder à un vote. Vu que nous sommes prêts de l'heure du dîner, la commission ajournera ses travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi pour poursuivre l'audition de votre mémoire.

(Suspension de la séance à 12 h 46)

(Reprise à 15 h 7)

Le Président (M. Parent, Bertrand): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'aménagement et des équipements est maintenant ouverte et reprend ses travaux. Je rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation particulière sur le document intitulé "Politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier".

Je rappelle donc aux membres de cette commission qu'un léger retard s'est accumulé d'environ une demi-heure sur l'horaire. Alors, on va procéder sans plus tarder. Nous étions avec le groupe représentant du Centre multirégional de recherche en sciences et technologies forestières. La parole était à M. le ministre de l'Environnement.

Il vous reste treize minutes, M. le ministre, et par la suite il y a un bloc de 20 minutes qui restera à l'Opposition pour conclure l'échange de propos avec le groupe du centre multirégional.

La parole est à vous, M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: Très brièvement, pour reprendre notre conversation, vous parliez de la forêt boréale qui est en monoculture par sa qualité même, mais il y a tout le côté de la forêt du Saint-Laurent, la forêt sud qui était une forêt mixte. N'est-il pas vrai que, comme beaucoup d'intervenants le disent, si l'on avait pu préserver un caractère plus diversifié à la forêt, on n'aurait pas le problème justement de plus on coupe, plus les sapins poussent et ça provoque presque des épidémies et qu'il faudrait peut-être renverser la vapeur?

M. Frisque: C'est exact, M. le ministre. Il y a cependant une théorie scientifique qui est actuellement généralement acceptée et qui concerne ce que l'on appelle en termes techni-

ques les epicentres des épidémies de la tordeuse des bourgeons de l'épinette. On a constaté que ces epicentres en général prenaient naissance dans les forêts mixtes ou mélangées. Ce sont précisément les endroits dans la forêt québécoise où on rencontre des associations importantes d'essences résineuses et d'essences feuillues ce qui va un peu à rencontre de la théorie qui voudrait qu'en évitant les monocultures et en mélangeant beaucoup plus le type d'arbres qu'on met en culture, on supprimerait les épidémies. Il semble que les épidémies au contraire démarrent dans les endroits où on a des forêts mélangées et ne démarrent pas dans la zone monospécifique de la forêt boréale. À ce sujet-là, mon collègue, le professeur Arella, aurait peut-être une courte précision à ajouter sur la problématique importante que vous souleviez tantôt de trouver des méthodes alternatives qui éviteraient l'introduction d'éléments étrangers dans l'écosystème.

Le Président (M. Parent, Bertrand): M.

Arella, oui.

M. Arelia (Maximilien): M. le ministre, je pourrais peut-être ajouter que dans l'écosystème il y a des pathogènes naturels, si on parle de la tordeuse, par exemple, qui contrôlent déjà un certain niveau de population. Évidemment, quand ces pathogènes ne sont plus efficaces, la tordeuse devient épidémique, endémique, donc envahit la forêt en général. Il y a déjà des pathogènes naturels qui contrôlent, mais ces contrôles ne sont pas toujours assez efficaces pour empêcher les dommages que l'on connaît.

M. Lincoln: Avant de passer la parole à mon collègue ou à mes collègues, je voudrais référer à la page 19 où vous dites être d'accord avec l'énoncé global de politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier et cite entre autres: "Le gouvernement du Québec doit s'assurer que l'utilisation de ces outils ne mettra pas en danger la santé humaine et que les impacts environnementaux sur le milieu forestier seront minimisés." En même temps vous dites: Nous ne sommes pas d'accord. On prend le scénario 2, parce que cela évite justement de faire des études d'impact. Est-ce que vous ne pensez pas que la meilleure façon de minimiser les impacts environnementaux et de les mesurer c'est vraiment de faire des évaluations environnementales selon le cadre du système qui est en place au Québec, mis à part la question d'urgence? Il y a deux questions. Il y a la question d'urgence pour la tordeuse des bourgeons de l'épinette où il faut bouger tout de suite et toute la programmation du contrôle et la gestion de la végétation. C'est de cela que je veux vous parler.

M. Frisque: Oui. Je veux d'abord établir très clairement que nous respectons très fortement les soucis et les craintes des groupes environnementalistes concernant un usage abusif ou incontrôlé des pesticides en milieu forestier. Le principe de base sur lequel nous nous appuyons, c'est que tous les produits qu'on utilise actuellement sont des produits qui ont été officiellement homologués par Agriculture Canada dans un complexe assez long, que vous connaissez beaucoup mieux que moi, qui a certaines failles, mais on ne peut pas rejeter du revers de la main les contrôles qui sont exigés avant qu'un produit soit homologué.

La réaction que nous avons c'est que par rapport aux montants importants qui vont être nécessaires pour financer et pour rendre efficaces des études d'impact ou des audiences publiques, nous verrions de façon beaucoup plus efficace qu'une partie de cet argent soit utilisée pour développer des méthodes alternatives. Je crois qu'on peut multiplier pendant vingt ans les études d'impact, on aura toujours des éléments de réponse qui vont être fort inquiétants. Ce qu'on risque, c'est que toute la machine s'immobilise. Je crois que la meilleure façon, si on est insatisfait des produits qu'on utilise actuellement, c'est d'en trouver d'autres. Pour en trouver d'autres, forcément, il faut passer à un stade de recherche fondamentale au départ, qui aboutit le plus rapidement à une recherche appliquée et éventuellement à une mise à l'échelle en pratique. Je crois que c'est la meilleure façon. Si on se contente de se chicaner pendant des années avec des études d'impact sur les quelques produits qu'on utilise actuellement, on fait de l'immobilisme. Si on veut avancer, il faut trouver de nouveaux produits. Les nouveaux produits découleront d'un effort de recherche plus important.

M. Lincoln: Je pense qu'il n'y a pas de contradiction dans ce que vous dites et la réalité qui veut, pas qu'on se chamaille, mais que le public ait une voix au chapitre dans cette décision et qu'il sache à l'avance, sur un programme étendu - on ne demande pas à vingt, trente-cinq ou cinquante études d'impact à la fois, on en demande une sur une programmation - qui va aussi nous donner de l'information sur l'étendue de l'usage du produit. Le produit peut être sécuritaire, mais lorsqu'il tombe dans les rivières, peut-être qu'il n'est pas aussi sécuritaire qu'il le devrait. Il me semble qu'on peut faire les deux, qu'une industrie aussi puissante que l'industrie des forêts et des pâtes et papiers peut faire de la recherche. Après tout, notre ministère en fait sur les pathogènes naturels en ce moment. Mon collègue et moi avons accordé 500 000 $ l'année dernière pour étudier les pathogènes naturels en foresterie. Je ne vois pas pourquoi l'industrie forestière ne pourrait pas faire cela et se payer la nécessité d'une étude d'impact, ou trois ou quatre, qu'on demanderait dans un temps très étendu.

M. Frisque: Vous me demandez, comme représentant d'une université, de vous énoncer

une décision que l'industrie forestière devrait prendre. Je me sens assez mal placé pour dire: Oui, ils devraient financer ou pas des études d'impact. Vous avez eu l'occasion, vous l'aurez encore de leur poser la question. Je crois qu'ils sont mieux placés que moi pour y répondre.

M. Lincoln: Je vous demandais cela parce que c'était un peu le sujet de votre mémoire. Après tout vous avez réagi à notre proposition. Vous avez présenté un mémoire qui dit qu'on ne voulait pas les études d'impact. Il me semble que toute la question est tout à fait pertinente.

M. Frisque: Non. Votre question est pertinente, M. le ministre. On ne dit pas aussi catégoriquement qu'on ne veut pas de mesures d'impact. On préfère voir une partie des fonds publics ou des fonds privés qui seront utilisés pour financer les études d'impact dirigées de préférence vers le secteur de la recherche et du développement. (15 h 15)

Le Président (M. Parent, Bertrand): Oui, M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. Frisque, je reconnais votre expertise en forêts et j'ai bien aimé votre commentaire sur les monocultures et les mises en garde qu'on nous sert à gauche et à droite, et tout cela; par contre, cela se fait d'une façon scientifique. Quand on parcourt, comme je l'ai fait, les forêts du Québec dans toutes les régions, on s'aperçoit que c'est de la monoforêt, dans le fond. On nous dit de ne pas le répéter mais cela a été naturel, et la nature fait en sorte qu'on revient à cette unité dans les peuplements. Je pense que les mises en garde sont bonnes, mais il faut être réaliste et dire qu'on répète ce que la nature fait, en somme. C'est ce qu'on fait dans nos reboisements, c'est ce qu'on tente de faire dans la remise en production des chantiers des opérations forestières que l'industrie est obligée de faire depuis le 1 er avril. C'est ce qu'on fait.

Dans votre mémoire, vous parlez beaucoup de recherche - et j'y crois beaucoup à la recherche - mais vous parlez d'un montant de 4 000 000 $. Quelle en serait la répartition? Vous dites hors ministère. Supposons que c'est hors ministère. Quelle serait la répartition entre la santé, parce qu'on se préoccupe de la santé humaine, l'environnement, car on se préoccupe également de la santé animale, de la pollution des cours d'eau, etc., et entre la production en forêt? Votre montant de 4 000 000 $, de quelle façon le répartiriez-vous entre ces trois secteurs principaux qui sont directement concernés par le sujet dont on discute aujourd'hui?

Le Président (M. Parent, Bertrand): M.

Frisque.

M. Frisque: Je pourrais difficilement, M. le ministre, mettre immédiatement des pourcentages aux trois éléments que vous mentionnez, l'aspect environnemental, l'aspect santé publique et l'aspect opérationnel ou appliqué des recherches. Je crois que la première chose à faire, avant d'étudier les impacts! éventuels sur la santé ou bien sur l'environnement d'un nouveau produit ou d'une alternative qu'on envisage, il faudrait d'abord que ce produit ou cette alternative soit bien au point. A ce moment-là, je donnerais priorité dans une première étape, sans aucun doute, à la recherche et au développement, avec une très forte dominance d'applicabilité la plus rapide possible. Et avant de passer du stade expérimental à un stade opérationnel, c'est évident qu'il faudra vérifier si les impacts sur la santé ou sur l'environnement sont d'une importance telle qu'on doive renoncer au projet.

Par contre, il faut que je précise que les chercheurs universitaires, qu'ils soient spécialisés en foresterie, en environnement ou en n'importe quoi, ont un minimum d'éthique personnelle aussi. À ma connaissance, il n'y a pas un chercheur assez fou pour proposer une solution qui soit tout à fait inadéquate au point de vue santé humaine ou au point de vue impact sur l'environnement.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que vous considérez aujourd'hui qu'il est temps d'intervenir en forêt d'une façon, je dirais, scientifique et calculée, en prenant tous les moyens d'aménagement connus, incluant l'usage des phytocides, ou si on a retardé depuis 20 ans, ou si on peut se permettre d'attendre encore 20 ans avant d'intervenir puis dire qu'on verra dans 20 ans, c'est-à-dire se croiser les bras et écouter un peu tout ce qui se passe?

M. Frisque: Non, vous avez entièrement raison. Ce serait aberrant de se dire: Bon, on attend encore 20 ans avant de se brancher sur une solution ou une autre. L'approche sectorielle selon laquelle on va mettre un financement énorme uniquement sur les pesticides serait, à mon avis, une approche inadéquate parce que le problème est global. L'écosystème forestier, et cela inclut la composante de production de matières ligneuses industrielles, fait partie d'un écosystème global qui intéresse autant, j'imagine, le ministère de l'Environnement que le ministère des Forêts. Il faut évidemment s'attaquer au problème dans sa totalité. C'est évident qu'on a un certain retard qui a été accumulé. On ne pourra pas du jour au lendemain faire des miracles et trouver des solutions à tout. Mais je suis persuadé qu'aul:ant au point de vue d'un aménagement forestier rationnel qu'au point de vue d'une gestion polyvalente de l'environnement de l'écosystème forestier, il faut avant tout avoir des connaissances écologiques fondamentales qui nous manquent encore dans de très nombreux cas. Il y a des efforts importants qui sont faits actuellement au Québec qui, peu à peu, nous

aident à avoir toutes les pièces nécessaires pour assembler le puzzle mais c'est évident qu'avoir une approche fragmentaire ou sectorielle est excessivement nocive.

Le Président (M. Parent, Bertrand): II vous reste juste une minute.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui. Est-ce que les efforts que nous faisons actuellement au Québec peuvent nous permettre de rattraper le retard? Car je me fais dire, de temps en temps: Vous auriez dû faire cela il y a vingt ans. Mais, il y a vingt ans, je n'étais pas là, hein?

M. Frisque: Moi non plus.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Ha, ha, ha! Mais ce qu'on fait aujourd'hui, si on débouche sur une politique d'utilisation des phytocides et des pesticides qui a du bon sens, qui est acceptable, qui est opérationnelle, qui est sécuritaire pour la santé humaine, la santé animale et l'environnement, est-ce qu'on peut rattraper le retard, puis dire: D'accord, il était temps qu'on fasse des choses?

M. Frisque: Oui, je !e crois, je suis persuadé qu'on peut rattraper le retard très rapidement. Permettez-moi de repasser mon petit commercial, entre guillemets encore une fois. Je suis persuadé que si le ou les ministères concernés augmentaient la part de recherche qu'ils font à l'extérieur, entre autres, dans les universités, ils auraient des progrès excessivement rapides, en plus d'assurer la relève scientifique. La relève scientifique, c'est très important. En dehors des compétences diversifiées qu'on retrouve dans le milieu universitaire, ces compétences sont automatiquement transférées à des étudiants. Ces étudiants seront les diplômés de demain et seront les opérateurs d'après-demain. Cela rejoint très fortement le souci du ministre de l'Environnement de ne pas seulement agir pour les problèmes immédiats mais d'agir à long terme. Et je crois que cette notion de préparation de la relève scientifique est excessivement importante.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, en terminant, déjà pour les résultats de recherche, on calcule, au ministère, que cela nous donne un rendement de 25 %, si on veut le concrétiser, et on met sur une base industrielle des résultats de recherche qui viennent d'arriver, en ce qui concerne la culture des plants, les centres de production de plants, bouturages, etc. Merci.

Le Président (M. Parent, Bertrand): Alors, merci M. le ministre. Maintenant, la parole est à l'Opposition, au critique en matière d'environnement, M. le député de Verchères. Je rappelle à l'Opposition qu'elle a 20 minutes.

M. Charbonneau: Je vous remercie. M. le Président. J'aimerais d'abord dire au ministre délégué aux Forêts qu'il n'a jamais été question, en tout cas en ce qui me concerne, et je n'ai pas l'impression que son collègue ait proposé cela non plus, de présenter un scénario ou une approche qui ferait en sorte qu'on attendrait encore vingt ans. C'est un peu "charrié", finalement, que de laisser croire que tous ceux qui ne sont pas d'accord avec le scénario 2, que c'est du monde qui, finalement, veut retarder le processus et veut éviter, volontairement ou involontairement... Ce n'est pas cela la question. La question, c'est: Est-ce qu'il y a moyen d'avoir un mécanisme qui nous permette d'agir efficacement, rapidement et qui préserverait en même temps l'acquis que l'on a dans la Loi sur la protection de l'environnement ou la Loi sur les audiences publiques, les études d'impact, qui est un acquis important et qui permet à des citoyens et à des organismes aussi de faire valoir des points de vue différents de ceux qui sont avancés parfois par des entreprises et des scientifiques et qui ont souvent porté fruit? C'est cela, finalement, l'enjeu de la commission, ce n'est rien d'autre. Il y a bien des gens qui sont venus nous faire des démonstrations pour nous convaincre que les pesticides n'étaient pas la fin du monde et que, utilisés dans des contextes particuliers, certains produits pouvaient être efficaces et peu dommageables.

Le problème, c'est le suivant: Comment peut-on concilier une lutte, une réaction rapide, efficace, qui fasse en sorte qu'on ne répète pas les erreurs du passé, mais qui en même temps préserve un acquis important à l'égard de la gestion des questions environnementales, une gestion particulière qu'on a développée, un modèle particulier qu'on a développé au Québec depuis quelques années? Dans ce contexte, j'aimerais que vous puissiez nous expliquer quand vous dites dans votre mémoire: "Le caractère aléatoire et illusoire d'une programmation quinquennale d'utilisation de pesticide, telle que proposée dans le premier scénario. Nous ne disposons pas actuellement de méthodes suffisamment précises pour prévoir, cinq ans à l'avance, les besoins d'interventions phytosani-taires d'une façon réaliste."

Est-ce que, néanmoins, vous ne reconnaissez pas que les entreprises, dans la mesure où elles ont carte blanche pour utiliser certains produits, de toute façon savent un peu d'avance ce qu'elles vont faire dans les années qui viennent et, s'il survient des situations d'urgence, elles savent aussi très bien quels produits elles vont utiliser? Ce n'est pas tout aléatoire, cela, finalement.

M. Frisque: J'ai utilisé le mot "aléatoire" parce que je suis fermement persuadé qu'actuellement, on ne possède pas effectivement tous les outils de prédiction nécessaires pour faire une planification de cinq ans pour l'utilisation de pesticides en milieu forestier. Et je crois d'ail-

leurs qu'on ne la possède pas plus en milieu agricole. D'après ce que vous dites - vous reprenez un peu votre idée de ce matin, M. le député - vous avez l'air de tenir pour acquis que si on donne à un intervenant, qu'il soit gouvernemental ou industriel, la possibilité de réagir rapidement en cas d'urgence, on solutionne le problème. J'ai l'impression que ce n'est pas tout à fait exact. Il y a des problèmes opérationnels qui sont très importants, et j'imagine mal le gouvernement ou un industriel ou un groupe d'industriels capable d'avoir à sa disposition suffisamment rapidement les quantités nécessaires qui sont requises lors d'interventions "massives", entre guillemets, en milieu forestier. On n'est pas dans un contexte d'un ou de deux lopins de terre ou dans un contexte urbain. Même si les quantités sont excessivement faibles lorsqu'on les pulvérise en forêt, cela prend un minimum de planification opérationelle; ne fut-ce qu'au point de vue logistique, pour s'assurer qu'un fabricant pourra mettre à la disposition en temps voulu les quantités nécessaires pour faire la planification des opérations, réserver les avions, ou les appareils d'épandage si c'est nécessaire; ne fut-ce que pour avertir la population. Et c'est ce que le ministère de l'Énergie et des Ressources fait d'une façon que je trouve absolument extraordinaire. Les précautions prises en milieu forestier, si on les compare aux interventions équivalentes en milieu rural ou en milieu urbain, sont beaucoup plus importantes dans le cas d'interventions en forêt.

Et ne fut-ce que ce processus de mise en place, les avertissements nécessaires à la population et aux gens qui pourraient être concernés, demande des temps de réaction relativement importants. Vous connaissez mieux que moi les exigences de fonctionnement d'un gouvernement.

M. Charbonneau: Oui, mais justement, il y a des choses qui sont prévisibles. On s'entend sur un éventail de maladies potentielles qui est limité; il y en a une trentaine que vous avez identifiées. Il y a le nombre de produits utilisables qui est aussi connu et limité, et troisièmement, la fréquence probable d'infestation. On peut la prévoir, compte tenu de ce qui s'est déjà passé. On peut être en mesure de dire: Bon, il risque de se produire un certain nombre d'infes-tations de telle nature dans les prochaines années. Même si on a de la difficulté à prévoir cela, le fait qu'on sache, qu'on connaisse les maladies, qu'on connaisse les produits, et qu'on connaisse aussi les territoires où on va opérer, déjà cela, ces trois facteurs, soumis à une évaluation publique à l'occasion d'une étude d'impact et d'une évaluation publique des impacts environnementaux, ce sont des éléments qui, une fois qu'ils sont balisés, connus et présentés, amènent une autorisation par la suite. Je ne vois pas quel serait le problème pour l'entreprise, après cela, de réagir à temps. Elle aurait eu les autorisations nécessaires parce qu'on aurait identifié les maladies potentielles, les produits qu'elle pourrait utiliser, les secteurs où elle pourrait intervenir, où l'entreprise ou les entreprises dans une région pourraient intervenir. Écoutez, de toute façon, les entreprises le font déjà. Elles ont déjà une certaine planification. Alors, dans le fond, de quoi s'agit-il? Il s'agit de faire connaître leur planification au grand public à l'occasion d'une étude d'impact, et il s'agit de permettre à des gens de réagir. Où est le problème?

M. Frisque: Bien, si vous me le permettez, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vos hypothèses de départ. Vous tenez pour acquis qu'on peut connaître les territoires d'intervention, les organismes cibles sur lesquels il faudra intervenir et la rapidité éventuelle avec laquelle ils vont s'étendre. Je ne crois pas que ce soit exact.

M. Charbonneau: Non, ce n'est pas cela que j'ai dit. Ce que j'ai dit, c'est que le territoire, lui, on le connaît. Les entreprises ont des territoires où elles sont en relations contractuelles avec les ministères, parce que ce sont des terres publiques, donc elles savent dans quelles zones elles ont à opérer pour les 25 prochaines années. On connaît les maladies, on connaît les produits. Ce qu'on ne sait pas, c'est quand la maladie va se déclarer, quel en sera le rythme de progression. L'objectif qu'on a, c'est de la détecter le plus rapidement possible, avant qu'elle atteigne un rythme de progression trop dramatique, pour qu'on puisse la contrer. L'important, c'est d'avoir la capacité de la contrer rapidement. (15 h 30)

M. Frisque: Si je vous suis bien, cela signifierait qu'un ministère ou un organisme constitue des stocks importants de produits antiparasitaires au cas où une épidémie se déclarerait du jour au lendemain. Cela va entraîner un autre paquet de problèmes. J'imagine que votre collègue du Conseil du trésor va être étonné, si on lui dit: Cela nous prend x milliers de gallons de tel et tel produit, parce que d'ici cinq ans, telle épidémie va peut-être apparaître.

Si on fait une comparaison avec le domaine biomédical - et mon collègue de l'Institut Armand-Frappier pourrait vous en parler amplement - on sait que tous les ans à peu près, il y a un nouveau virus de grippe qui va apparaître au Québec, au printemps. On a beau le savoir, on connaît très bien la population, on connaît la grippe, cela fait longtemps. Chaque fois, on est pris - excusez-moi l'expression - les culottes à terre, parce que c'est une nouvelle variété de virus grippal qui apparaît. On peut imaginer la même chose pour les micro-organismes ou les éléments pathogènes en forêt. La tordeuse. On peut avoir différentes sortes de tordeuses. On peut avoir différentes sortes d'insectes. On peut avoir un pathogène qui, une année devient très virulent, à la suite d'un ensemble de conditions microclimatiques qu'on ne peut pas toujours

connaître à l'avance. Le nombre d'inconnues est i assez important. Ce que vous dites est très vrai, mais étant donné cet élément d'incertitude sur la cible exacte contre laquelle il faudra intervenir, cela supposerait qu'on ait à notre disposition des stocks de produits absolument énormes.

M. Charbonneau: Non, pas nécessairement. Quelle est la différence entre une entreprise qui va soumettre ses projections ou ses plans à une audience publique et une entreprise qui ne le fera pas? Quelle est la différence dans les deux cas? De deux choses l'une: ou ils vont avoir besoin de stocker, ou ils ne stockeront pas pour les raisons que vous dites. Mais cela ne change rien par rapport au mécanisme d'audiences publiques. Je ne vois pas le rapport entre ce que vous dites et le fait qu'une audience publique mettrait des bâtons dans les roues aux entreprises qui font l'exploitation de la forêt. C'est là que ne je ne vois pas le lien.

M. Frisque: Vous connaissez beaucoup mieux que moi le processus, la dynamique interne des audiences publiques. On peut difficilement, de façon réaliste, en étant honnête, dire: Notre besoin se situe à tel niveau, sur un horizon de cinq ans. C'est-à-dire qu'on doit présenter une gamme. Nos besoins vont se situer entre x et x, plus une autre quantité.

M. Charbonneau: Au lieu de parler en termes de besoins, je n'ai pas l'impression que ce que les gens veulent nécessairement savoir, ce soit le stock. C'est plutôt comment les gens entendent intervenir s'il se produit un certain nombre de situations. Ce qu'ils veulent savoir, c'est comment les entreprises vont réagir selon les situations qui pourraient survenir. L'entreprise peut très bien dire: Voici, on a une variété de produits à notre disposition, et il y a un certain nombre de maladies connues. Selon la façon dont cela va se développer, voici l'arsenal qu'on a à notre disposition, quelles seront les conséquences de l'utilisation qu'on en fera, selon les dosages et la nature du terrain où on a à intervenir.

M. Frisque: L'intervention en forêt contre les problèmes entomologiques ou pathologiques coûte cher. J'imagine qu'il n'y a pas un seul industriel ou un seul ministère qui va dire: On a du stock, tant qu'à faire, on va arroser. Comme ceia leur coûte de l'argent, ils interviennent uniquement quand c'est absolument nécessaire. On a déjà là une garantie que ce n'est pas un chèque en bianc qu'on signe aux intervenants en forêt en leur disant: Allez-y les petits gars et arrosez tant que vous voulez. Cela ne les amuse pas, cela leur coûte de l'argent. On est assuré qu'il y aura un usage minimal.

Quand on dit au départ qu'il y a deux produits qu'on juge admissibles, le B.t. et le glyphosate, c'est qu'on a au minimum certaines vérifications qui ont été faites qui nous permet- tent d'être quasiment affirmatifs en disant: II n'y a pas d'impact négatif, ni pour la santé humaine, ni pour l'environnement. À ce moment-là, je ne vois pas que les audiences publiques apportent comme éléments supplémentaires. Vous venez de me dire: Ce n'est pas une question de quantité qui est le problème. Vous avez l'air de sous-entendre que la réponse des audiences publiques, cela va être tout à fait oui ou tout à fait non vis-à-vis de tel produit, sans tenir compte des quantités impliquées ni des besoins.

Je crains aussi l'aspect très émotif des audiences publiques. Les forestiers, en général, ont un examen de conscience à faire. Ils n'ont pas su transmettre un message acceptable par l'ensemble de la population. Il est évident qu'il y a beaucoup de réactions émotives qui souvent ne sont pas basées sur des faits. Le monde forestier a comme devoir de présenter la réalité avec des situations beaucoup plus claires, beaucoup plus précises et d'expliquer aux gens qu'il y a des nécessités auquelles il faut répondre. Ce serait absolument aberrant de la part d'un gouvernement comme le gouvernement du Québec de consacrer des fonds importants au reboisement, ce qui est indispensable pour la forêt et pour l'économie de la province, et de dire ensuite: Bon. On a mis notre argent en terre, et on le laisse étouffer. On le laisse mourir parce qu'on ne veut pas se donner les moyens de contrôler notre investissement et de le faire fructifier.

M. Charbonneau: Est-ce que vous ne trouvez pas néammoins raisonnable le fait que sur une base de 5 ou 6 ans, on puisse vérifier, au-delà du processus d'homologation, les impacts environnementaux de l'utilisation d'un certain nombre de produits, parce que dans le processus d'homologation, ce ne sont pas nécessairement les impacts environnementaux qui sont évalués, d'une part,* et d'autre part, parce qu'on a appris hier, au sujet des processus d'homologation et de vérification par des entreprises, qu'il y avait une entreprise américaine, entre autres, qui en avait falsifié pour 100 produits... Vous êtes citoyen d'un secteur et vous voyez une entreprise qui vient déverser des produits chimiques. Il me semble que vous avez le droit d'en savoir un peu plus, et pas uniquement par une campagne de relations publiques, donc, le droit d'avoir la capacité de réagir et de poser des questions.

Encore une fois, est-ce que vous ne reconnaissez pas que, dans le passé, les audiences publiques ont permis de connaître des choses qu'on avait mal évaluées ou sous-évaluées, y compris de la part de scientifiques? Si les audiences publiques avaient été si mauvaises que cela, pourquoi le ministère de l'Énergie et des Ressources, il y a 4 ou 5 ans, aurait-il stoppé son programme d'arrosage? Parce qu'on avait dénoncé l'utilisation d'un produit pour finalement opter pour un autre produit. C'est parce qu'il y a eu des audiences publiques qui, à un moment donné, ont amené un débat. Il y avait sûrement

de I'emotrvrte, mais il devait y avoir suffisamment d'arguments valables dans ce qui a été présenté pour en arriver à la conclusion que le produit qui était mis au pilori ou attaqué par la populace était suffisamment dangereux pour qu'on reconsidère finalement l'option de l'utiliser.

M. Frisque: Je voudrais peut-être clarifier ma position, enfin la position des universitaires que je représente en partie. Nous ne sommes certainement pas des ennemis inconditionnels des audiences publiques, loin de là. C'est évident qu'il faut avertir la population et, comme vous l'avez mentionné tantôt, c'est très important de s'assurer qu'à chacune des étapes, des moyens de contrôle efficaces soient prévisibles. Dans le mémoire que nous avons soumis, nous allons même plus loin que le gouvernement. À un certain moment, le projet qui est sur la table dit: "Le promoteur demeure responsable de l'évaluation et du suivi de l'application de pesticides." Textuellement, c'est ce qui est dans le texte, qui est proposé par les deux ministères. Puis nous ajoutons, je vous lis le texte: Nous croyons utile qu'un éventuel règlement précise que les contrôles de qualité des produits soient obligatoirement effectués par, au minimum, un laboratoire indépendant du promoteur et du manufacturier." Donc, nous sommes tout à fait conscients des dangers de laisser à un seul organisme la tâche de contrôler le produit et d'en assurer l'utilisation. C'est pour cela que nous insistons pour qu'un organisme indépendant fasse des vérifications. Alors, au point de vue sécuritaire, je crois que toutes les sécurités vont être prises. Le phénomène des audiences publiques, si on a certaines réticences dans le dossier qu'on traite aujourd'hui, c'est parce qu'on a pu constater dans le passé qu'il y avait énormément d'émotion, et je crois que ce n'est pas la façon la plus efficace de s'assurer que les meilleures décisions soient prises. Si on veut faire un processus d'éducation de la population, des scientifiques, des députés, de tout le monde, faisons-le d'une façon rationnelle et non dans un contexte d'audience publique où il y a un brassage d'idées et d'opinions qui, parfois, sont basées sur des faits extrêmement, enfin, généralement mal établis.

Mon collègue, si vous le permettez, aurait un mot à ajouter.

Le Président (M. Parent, Bertrand): Oui, M. Arella.

M. Arella: M. le Président, si vous le permettez, je pourrais peut-être ajouter que pour le processus d'homologation des biopesticides, entre autres, il n'y a pas de règles bien précises à ma connaisance au Canada. Il serait important aussi d'établir ces règles, tout en sachant qu'à long terme, il faudra les modifier par rapport aux connaissances qu'on aura acquises avec l'expérience. C'est un peu absurde ce dire cela, mais c'est un fait. On a mentionné ce matin l'utilisation de DDT dans les forêts il y a quelques années, produit qui a ensuite été enlevé. C'est un fait que plus nos connaissances avancent, plus on peut établir des règles bien précises, pour être très sûr d'un niveau de biosécurité maximal.

M. Charbonneau: D'une certaine façon, ce que vous venez de nous dire, c'est qu'il faut se méfier un peu de Ici valeur du processus d'homologation parce que, justement, les connaissances scientifiques évoluant au rythme que l'on connaît en ce siècle, ce qui était vrai il y a dix ans est moins vrai cinq ans ou sept ans après.

M. Arella: Non. C'est un fait, mais maintenant, on a quand même des moyens techniques, des moyens moléculaires tellement précis qu'on peut être à peu près sûrs d'être proches de la réalité en homotoguant un produit, à savoir qu'il ne sera pas dangereux pour l'environnement. Mais, il faut toujours laisser une porte ouverte au doute, en tant que scientifique. C'est un fait indéniable. C'est pour cela qu'il est tellement important que la recherche dans le domaine des biopesticides et dans le domaine des pesticides tout court, soit poursuivie, justement pour établir des barrières assez précises qui peuvent quand même changer dans le temps, comme je l'ai déjà mentionné.

Le Président (M. Parent, Bertrand): II reste une minute. Avec l'accord de l'Opposition, M. le député de Drummond a une dernière question.

M. Saint-Roch: À la page 12 de votre mémoire vous mentionnez, et avec raison, qu'il y a 19 des 27 problèmes entomologiques et pathologiques pour lesquels il n'existe aucun produit homologué. Vous insistez aussi sur l'augmentation de la recherche. Mes questions seraient celles-ci: À combien estimez-vous le montant d'argent nécessaire annuellement pour rattraper le retard, s'il y a lieu? Quel devrait être le mode de financement de cette recherche? Vous avez expliqué un peu plus loin que vous préconisez que la recherche ait lieu dans les milieux universitaires et à l'extérieur des ministères concernés. Alors, quel devrait être ce montant annuel et quel devrait être le mode de financement?

M. Frisque: Le montant annuel, ce sont les deux ministères qui l'ont suggéré eux-mêmes. Ils parlent dans le document d'une somme additionnelle de 3 000 000 $ par année. Donc, je fais confiance à la planification financière du gouvernement. S'ils proposent 3 000 000 $, probablement que c'est basé sur des éléments extrêmement sérieux. En ce qui concerne la répartition entre les dépenses qui sont effectuées à l'interne et à l'externe, la seule chose que je peux vous mentionner, c'est qu'actuellement, au ministère

de l'Énergie et des Ressources, le budget qui sert à financer la recherche dans les universités est équivalent à 5 % du budget de la recherche de ce ministère. Nous croyons que c'est trop peu et que ces 5 % devraient être augmentés d'une façon substantielle.

Le Président (M. Parent, Bertrand): Je vous remercie beaucoup, M. Frisque. Cela écoule tout le temps qu'on avait. Au nom des membres de la commission, M. Frisque et M. Arella, on vous remercie. Merci et bon voyage de retour, messieurs.

On inviterait maintenant le Groupe de travail sur les pesticides, qui doit nous faire la présentation de son mémoire, à s'avancer. J'aimerais que le porte-parole du Groupe de travail sur les pesticides s'identifie et présente les gens qui l'accompagnent.

M. Anderson (Perry): M. le Président, je m'appelle Perry Anderson. Je suis accompagné de la présidente de notre groupe, Mme Esther Goldenberg, et de mes collègues, immédiatement à ma gauche, M. Bertin Trottier et, au bout de la table, M. Pierre Lajoie.

Le Président (M. Parent, Bertrand): M.

Anderson, Mme Goldenberg, M. Trottier, M. Lajoie, on vous souhaite la bienvenue.

On a un bloc d'une heure qui est mis à votre disposition. Vous avez normalement une période de 20 minutes pour présenter votre mémoire et, par la suite, il y a 40 minutes partagées entre les deux formations politiques pour des échanges et des questions. On vous écoute. (15 h 45)

Groupe de travail sur les pesticides

M. Anderson: Je vous remercie. Mr President, we realize that the political paper on the use of pesticides in forestry management has profound implications for many years to come not only on forestry management but also on the environment. Unfortunately, our group did not have a great deal of time, collectively, to consider all the implications of this political paper. So, we felt that we would focus on the principles that will be used by the Department of Environment to guide its rationale in the use of pesticides.

M. Trottier présentera le mémoire sur les principes. Après la présentation de M. Trottier, M. Pierre Lajoie viendra donner les impressions en général sur cette politique. Merci.

Le Président (M. Parent, Bertrand): Alors, je vous remercie beaucoup, M. Anderson. Je demanderais maintenant à M. Bertin Trottier de nous présenter le mémoire.

M. Trottier (Bertin): Merci, M. le Président.

Commentaires du Groupe de travail sur les pesticides sur la "Politique d'utilisation des pesticides dans le milieu forestier". Première partie: Introduction. Le document intitulé "Politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier" définit les préoccupations environnementales du gouvernement du Québec et illustre l'évolution qui s'est faite en matière de gestion des ressources renouvelables depuis le début des années soixante-dix.

On doit, tout d'abord, féliciter le ministère de l'Environnement et celui de l'Énergie et des Ressources de cette initiative qui a donné lieu à cette politique. Le Groupe de travail sur les pesticides tient aussi à remercier la commission de l'aménagement et des équipements pour avoir sollicité son opinion sur le document mentionné en titre, lui fournissant ainsi une occasion de faire connaître certaines de ses préoccupations sur le sujet.

Tout d'abord, le groupe de travail tient à préciser qu'il souscrit au double objectif que l'on retrouve en leitmotiv tout au long du document sur la "Politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier", à savoir, premièrement, un souci d'assurer la santé économique de l'industrie forestière, d'une part, et, deuxièmement, un égal souci de préserver la santé écologique, d'autre part. C'est l'opinion ferme du groupe de travail que ces deux objectifs fondamentaux doivent être envisagés non seulement comme étant d'importance égale, mais aussi comme étant compatibles l'un avec l'autre et, en fait, complémentaires l'un par rapport à l'autre. La recherche de l'atteinte de ces deux objectifs devrait se faire selon une approche équilibrée, favorisant ainsi une attitude de sensibilisation profonde aux problèmes de l'environnement, une discussion constructive entre les intervenants et une gestion saine des ressources forestières.

Deuxième partie: Observations et recommandations concernant les six principes directeurs de la politique. Premier principe directeur: l'utilisation des pesticides ne doit pas nuire à la santé humaine ni aux écosystèmes. Le Groupe de travail sur les pesticides reconnaît que ce premier principe est tout à fait louable au plan théorique et qu'en tant qu'énoncé de base il a de fortes chances d'être endossé par tous les intervenants. De même, les divers objectifs qui en dérivent dans le cadre des deux grands facteurs à considérer, l'humain et les écosystèmes, offrent une cohérence tout aussi louable. Néanmoins, le groupe estime que, malgré sa validité au plan théorique, ce principe n'a que peu de valeur au plan opérationnel. Or, c'est précisément sur le plan opérationnel que le groupe souhaite que des résultats positifs soient obtenus et ceci, avec efficacité.

Pourquoi ce principe risque-t-il d'être non opérationnel? Premièrement, parce qu'en cas de litige on ne pourrait que difficilement parvenir à le défendre réellement et efficacement. Dans notre système juridique, le fardeau de la preuve

incombe à celui qui porte l'accusation. Or, compte tenu du temps de latence qui s'écoule entre le moment de l'agression et celui de l'apparition des effets nocifs, compte tenu également de la multiplicité des facteurs d'agression (chimiques et autres) que l'on rencontre dans un écosystème forestier, compte tenu, enfin, de la complexité des interactions propres à ce même écosystème, comment pourrait-on jamais arriver à prouver, hors de tout doute raisonnable, que tel agent est la cause de tel dommage?

Une seconde raison qui rend ce principe non opérationnel vient du fait que la polarisation qu'il suscite, c'est-à-dire nuire versus ne pas nuire, devient elle-même génératrice de confrontation.

Face à cela, le groupe estime qu'il serait beaucoup plus réaliste et profitable d'utiliser comme principe de base un énoncé très proche de celui que l'on retrouve effectivement au bas de la page 54 du document intitulé: "Politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier". À titre provisoire, ce principe pourrait s'énoncer de la façon suivante: le gouvernement et les intervenants s'entendent pour prévenir et réduire au strict minimum les risques associés aux pesticides, tant envers les humains qu'envers les écosystèmes, et pour prendre des mesures efficaces à cet effet.

Examinons quelques-uns des avantages du principe que nous suggérons. Premièrement, la concertation entre les intervenants remplace la confrontation: au lieu de gaspiller leurs énergies dans des directions opposées, les divers intervenants (ministères, industries, consultants, représentants du public) doivent se rencontrer, examiner toutes les facettes d'un problème et aboutir à un consensus, ce qui est beaucoup plus productif que d'interminables poursuites judiciaires. Deuxièmement, la nécessité de minimiser les risques des pesticides oblige à une évaluation périodique des risques à partir d'informations scientifiques (littérature scientifique récente, données d'échantillonnage, modélisation, etc.). Troisièmement, l'obligation de prendre des mesures efficaces favorise une démarche positive et active qui implique que seront mis en place divers mécanismes destinés à assurer la représentativité et la participation active des intervenants.

Pour assurer la mise à exécution de ce principe de risque minimum, le groupe de travail suggère que son adoption soit assortie de la formation d'un comité consultatif composé de représentants des principaux ministères impliqués (Énergie et Ressources et Environnement), de l'industrie, ainsi que du public, dont la représentation serait assurée par des membres éclairés et disposant d'une expertise en matière de gestion des forêts, d'écologie, de techniques sylvicoles et de pesticides. Le groupe suggère que ces divers représentants soient nommés par le gouvernement sur recommandation des ministres titulaires de ces deux ministères.

Deuxième principe directeur de la politique: le droit du public à être informé et à se faire entendre. Le groupe de travail est fondamentalement d'accord avec ce principe, ainsi qu'avec les justifications apportées et les modalités concrètes dans lesquelles il se traduira. Le groupe estime, cependant, que le rôle du public devrait dépasser cette sorte d'attentisme en vertu duquel les citoyens ne font, finalement, que réagir à des décisions déjà prises. En effet, le public, estimons-nous, a aussi le droit et le devoir de participer de façon éclairée et responsable à la prise des décisions. Voilà pourquoi, en guise de deuxième principe directeur, nous préférons l'énoncé suivant: la gestion des forêts et leur utilisation impliquent des décisions à court et à long terme, decisions à la formulation desquelles le public doit participer.

Conscients de la lourdeur et du coût du processus d'audiences publiques, le Groupe de travail sur les pesticides estime que la présence des représentants du public au sein du comité consultatif dont nous avons parlé plus haut permettrait d'assurer, en partie, à la fois un rôle de participant et de surveillant. Étant donné que ce comité consultatif serait normalement astreint à la production d'un rapport annuel, la divulgation et la justification de ses décisions deviendraient par le fait même accessibles au public. Des mécanismes de dialogue entre le comité consultatif et les groupes intéressés devraient être prévus et fixés selon une périodicité telle que l'on puisse concilier à la fois efficacité (décisions prises à l'intérieur d'un cadre temporel raisonnable) et prudence (évitement de situations progressivement irréversibles).

Troisième principe directeur de la politique: la forêt publique constitue une ressource collective renouvelable à protéger et à mettre en valeur; les pesticides homologués font partie des outils utilisés à cette fin. Le groupe appuie l'énoncé initial selon lequel "le nouveau régime forestier fait du respect intégral de la capacité de produire des forêts publiques une obligation légale"; il se réjouit aussi du fait qu'il soit "dorénavant exclu que la satisfaction des besoins industriels altère la capacité de produire de ces forêts sur une base soutenue et permanente".

Toutefois, plus loin dans le texte, la façon dont on explicite et justifie ce troisième principe nous entraîne dans une dérive qui suscite des inquiétudes. En effet, le texte de la politique propose, tout d'abord, un partage des tâches qui semble assez équitable: "l'État fixe les objectifs et effectue le contrôle alors que les industriels développent les stratégies sylvicoles et mettent en oeuvre les moyens permettant d'atteindre les objectifs de production qui leur sont fixés," (page 57). Notons tout de suite un élément clé: on ne définit pas en quoi consistera ce contrôle, comment ni à quelle fréquence il sera effectué. On omet aussi de mentionner par qui les résultats seront évalués afin d'en tirer les renseigne-

ments pertinents, quel mécanisme en assurera des retombées optimales et comment toute personne soucieuse du maintien de la qualité de l'environnement aura accès à cette information.

De ce partage des tâches entre le gouvernement et les industriels, on passe à l'affirmation que "ces responsabilités ne peuvent être assumées qu'en permettant aux intervenants d'utiliser toute la gamme des outils nécessaires à l'aménagement forestier. Les pesticides font partie de ces outils". De là on arrive à une sorte de constat d'échec* à savoir qu'il existe des moyens de rechange aux pesticides, mais qu'ils ne sont pas encore "économiquement viables". Et on arrive tout naturellement à la conclusion que "les pesticides doivent faire partie de la panoplie des outils d'aménagement forestier".

Là où nous voyons une dérive, c'est dans le fait que l'on passe imperceptiblement de la nécessité de disposer de moyens d'action à l'exclusion des alternatives aux pesticides, auxquelles on refuse de reconnaître une viabilité économique, pour terminer avec une soi-disant panoplie de moyens qui, en fait, se limite à la panoplie des pesticides!

Là où cette dérive nous amène dans un cul-de-sac, c'est dans le fait que pour protéger leurs investissements, les utilisateurs auront toute liberté de n'utiliser que des pesticides et ne seront astreints à aucune obligation de développer et éventuellement d'adopter d'autres stratégies. Or, l'occasion eût été ici, justement, très favorable pour n'accepter de repli temporaire sur les pesticides que dans la mesure où de sérieux efforts soient faits, soit pour développer de nouvelles méthodes de lutte biologique, soit pour recourir à des alternatives déjà à l'essai dans différents pays, dont le nôtre, par exemple la lutte intégrée.

Conformément aux principes que nous avons énoncés ci-haut, le groupe ne considère le repli temporaire sur les pesticides comme acceptable que s'il est assorti de l'obligation non seulement d'envisager, mais de promouvoir l'essai, dans les plus brefs délais, de sérieuses tentatives d'alternatives aux pesticides et de soumettre les résultats de l'approche alternative à une critique publique et scientifique destinée à l'améliorer et à la rendre opérationnelle le plus rapidement possible. En somme, le groupe estime que, si l'on a pu définir de façon aussi précise le volume des approvisionnements à assurer, il n'y aucune excuse pour s'abstenir de la même rigueur scientifique lorsqu'il s'agit de protéger l'environnement. Le principe de protéger l'environnement est au moins aussi valable que celui de protéger les investissements.

Quatrième principe directeur: l'État et les utilisateurs de pesticides en milieu forestier sont responsables du suivi et de l'incidence environnementale des produits utilisés. Le groupe ne peut qu'être d'accord avec un tel principe. Nous tenons, cependant, à souligner que l'État et, par son entremise, le public font déjà un très substantiel cadeau à l'industrie en assumant "l'entretien de sections forestières non régénérées avant la signature des CAAF" et la responsabilité "des superficies coupées et mal régénérées avant 1987 ("back log").

Par ailleurs, nous sommes sceptiques en ce qui concerne la mission confiée aux titulaires de CAAF d'"assurer le suivi adéquat de leurs travaux", tant en raison de la faiblesse de leur expertise en ce domaine que du caractère très vague de la mission elle-même: "vérifier l'efficacité (...) et les incidences sur la santé et l'environnement prévues ou non."

Ayant déjà acquiescé au principe de l'octroi d'un permis de cinq ans pour des raisons d'efficacité, le groupe désire exprimer énergiquement les conditions qui y sont attachées: que les intervenants bénéficiaires prennent un engagement formel et clairement défini quant à: 1° la mise sur pied d'un programme de surveillance biologique et environnementale par la mesure des impacts par des échantillonnages appropriés; 2° la conduite de recherches en vue de mettre à jour des méthodes de mesure d'exposition qui soient spécifiques, sensibles et fiables; 3° la conduite de recherches sur des alternatives équivalentes ou meilleures du point de vue environnemental et, enfin, 4° la conduite d'une recherche environnementale adéquate, c'est-à-dire comportant un inventaire systématique effectué sur une base annuelle et la caractérisation des peuplements, l'étude de la biologie fondamentale des déprédateurs et de leurs ennemis naturels, y compris le facteur de résistance naturelle des plantes, le tout en ayant recours à la télédétection et à la modalisation informatique. (16 heures)

Quant aux cinquième et sixième principes directeurs, nous sommes d'accord.

En résumé, en dépit de délais très courts, le Groupe de travail sur les pesticides a tenu à soumettre son point de vue sur la "Politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier". Dans l'ensemble, le groupe endosse l'esprit de ce document et tout particulièrement ses deux objectifs majeurs, soit celui d'assurer la santé économique de l'industrie forestière et celui de préserver la santé écologique de l'environnement.

Face aux six grands principes sur lesquels s'appuie l'action envisagée, le groupe de travail favorise une approche réaliste et opérationnelle plutôt qu'une approche théorique et de confrontation.

Premièrement, le groupe de travail rappelle aux législateurs que toute intervention en matière d'utilisation des pesticides en milieu forestier doit s'appuyer sur une évaluation continue du risque et se donner comme objectif d'identifier les solutions et les pratiques qui réduisent au minimum les dangers associés aux pesticides tant envers les humains qu'envers les écosystèmes. L'évaluation du risque doit se faire à partir des connaissances scientifiques les plus récentes. L'intervention doit être empreinte d'un

degré considérable de souplesse, de façon que les solutions et pratiques retenues s'adaptent, en un processus continu, aux conclusions de l'évaluation du risque.

Deuxièmement, dans la recherche de solutions aux problèmes soulevés par l'évaluation du risque, le groupe de travail favorise nettement la concertation entre les intervenants représentant le secteur privé, le milieu gouvernemental et le public québécois. À cette fin, le groupe de travail recommande la création d'un comité d'experts représentant chacune des principales catégories d'intervenants. Ces experts seront choisis en raison de leur compétence en matière de gestion des forêts, de techniques sylvicoles, d'écologie, de moyens de lutte contre les nuisances, y compris ceux faisant appel aux pesticides chimiques et aux méthodes alternatives.

Troisièmement, pour le groupe de travail, la gestion forestière doit se faire selon une approche écologique et non selon une approche agricole. À cette dernière, essentiellement tournée vers la monoculture ou, à tout le moins, la culture spécialisée, le groupe de travail reproche de fournir un terrain propice au développement de déprédateurs et, éventuellement, a l'utilisation de plus grandes quantités de pesticides. De façon plus positive, le groupe de travail rappelle qu'une gestion forestière s'ap-puyant sur des principes écologiques permet d'exploiter les facteurs naturels de résistance aux déprédateurs.

Quatrièmement, le groupe de travail recommande que soit mis en place un programme permanent de surveillance environnementale et sanitaire dont les données seraient disponibles au comité consultatif et, à travers celui-ci, aux intervenants.

Cinquièmement, le groupe de travail recommande aux législateurs de mettre en place un solide programme de recherche fondamentale et appliquée en matière de gestion des forêts, d'écologie forestière, de biologie des déprédateurs et de leurs ennemis naturels, de toxicologie des pesticides et de développement d'alternatives aux pesticides traditionnels.

En terminant, le Groupe de travail sur les pesticides veut faire remarquer qu'en dépit du court délai qui lui était imparti il a tenu à partager son expertise avec le législateur. Nous serons heureux de répondre à toute demande d'information additionnelle ou de collaboration.

Le Président (M. Parent, Bertrand): Merci, M. Trottier. Je pense que M. Lajoie voulait intervenir à cette étape-ci. Il vous reste trois minutes dans votre bloc de présentation.

M. Lajoie (Pierre): Je voulais souligner peut-être quelques préoccupations particulières concernant la santé humaine. Je voulais, tout d'abord, rappeler un certain nombre de faits. La relation pesticides-santé humaine est assez bien établie et je ne reviendrai pas sur la question puisque ce domaine a été étudié, je pense, à fond lors du dépôt du projet de loi sur les pesticides, l'année dernière. On sait que l'exposition humaine à des pesticides dans certaines circonstances peut causer un certain nombre de problèmes de santé, soit aigus, soit chroniques; donc, il y a un risque potentiel à ce niveau. Un autre fait, je pense, et plus particulièrement au Québec, c'est que d'après l'analyse qu'on peut faire, en ce qui concerne la santé humaine pour le moins, les études d'impact sur l'environnement ont été loin d'être inutiles. Cela a été un moyen très efficace d'avoir un meilleur éclairage sur l'utilisation des pesticides comme telle, sur les impacts potentiels et cela a aussi forcé les scientifiques, notamment ceux de la santé, à se documenter davantage sur certains impacts possibles sur la santé humaine.

Actuellement, on propose deux scénarios qui sont assez distincts basés, d'une part, sur l'utilisation assez intensive du B.t. qui découle des études d'impact qui ont eu lieu sur la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Il y a des faits que je voudrais rappeler, en ce qui concerne la santé humaines. Ce matin, je consultais un volume récent de toxicologie humaine écrit par deux auteurs renommés internationalement et il n'y avait pas un mot sur les insecticides biologiques. Cela veut dire que, même en regardant partout, cela n'existe pas, en tout cas, dans nos "text books", la toxicologie reliée aux insecticides biologiques. Sur le glyphosate, il y avait quelques lignes, tout au plus. D'emblée, on peut reconnaître que le B.t. et le glyphosate sont deux insecticides qui, à cause de leur structure même, représentent certainement des risques moindres que beaucoup de produits chimiques qui ont été utilisés précédemment. Un autre constat qu'on doit faire, c'est que les connaissances sont assez limitées concernant l'évaluation des impacts de ces divers produits sur la santé. Puis, même lors des études d'impact ou des audiences publiques sur les arrosages contre la tordeuse, les gens qui ont été mêlés à l'évaluation des différentes solutions ont eu l'occasion, de s'apercevoir qu'à l'homologation tous les produits biologiques étaient traités assez différemment et qu'on était très peu outillé, en général, pour se prononcer de façon certaine sur les impacts. Donc, il y a vraiment un manque de connaissance à ce chapitre-là. Cela ne veut pas dire que le B.t. soit nécessairement dangereux. Je pense que les gens de la santé sont convainvus que c'est plus sécuritaire que beaucoup d'autres pesticides chimiques.

Le Président (M. Parent, Bertrand): Si vous le permettez, votre temps est écoulé. Vous aurez la chance, dans les réponses et dans les discussions, de continuer à passer vos messages. On est obligé de se restreindre de cette façon-là. Alors...

M. Lincoln: S'il veut prendre plus de temps,

on pourrait lui donner le consentement pour terminer.

Le Président (M. Parent, Bertrand): Oui. Est-ce que vous en aviez encore pour quelques minutes?

M. Lajoie: J'en avais pour deux ou trois minutes au maximum.

Le Président (M. Parent, Bertrand): Bon, allez-y avec le consentement. Oui, cela va? On va prendre cela sur leur temps.

M. Lajoie: En fait, ce qu'on peut conclure par rapport aux études d'impact, c'est qu'elles ont une utilité certaine. Cela a été mentionné par plusieurs personnes qu'il y avait un besoin de faire de la recherche, de réviser les connaissances scientifiques concernant l'utilisation des pesticides. Les études d'impact sont un bon moyen de forcer périodiquement la révision des connaissances scientifiques sur une question. Cela force aussi la mise en place de programmes de surveillance autant environnementaux que sur la santé humaine et c'est un très bon moyen de forcer la recherche aussi. C'est-à-dire que cela force de nouvelles solutions et le B.t. en est un très bel exemple.

Du point de vue de la santé humaine, pour conclure, il nous semble assez clair que le scénario 1 doit être privilégié. C'est une solution qui tient compte de ce qui s'est fait Jusqu'à maintenant et qui propose, par contre, des assouplissements à la formule d'étude d'impact et d'audiences publiques. Notamment, il y a certaines suggestions qui pourraient être apportées. Jusqu'à maintenant, les études d'impact et les audiences publiques plaçaient les différents interlocuteurs souvent après le fait, c'est-à-dire que, en vase clos, on avait étudié le projet et cela arrivait nécessairement à une polarisation et à une controverse devant le public. Le public et les scientifiques devraient peut-être être associés davantage au cours de l'élaboration des études d'impact. Cela améliorerait sûrement l'efficacité par un processus qui est certainement connu au ministère de l'Environnement, qui s'appelle le "scoping". Si le B.t. et le glyphosate sont si peu dangereux, à ce moment-là, on devrait passer à travers ce processus-là d'une façon assez facile et assez aisée, et d'une façon assez légère.

Le Président (M. Parent, Bertrand): Alors, merci beaucoup, M. Lajoie. La parole est maintenant au ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: Tout d'abord, M. le Président, je voudrais remercier tout particulièrement le Groupe de travail sur les pesticides et souligner qu'il a peut-être été un des groupes les plus importants lors de l'élaboration du projet de loi 27 sur les pesticides.

Je voudrais, encore une fois, dire officiel- lement en public tous mes remerciements à Mme Goldenberg et à son groupe de consultants qui sont vraiment une brochette de spécialistes les plus éminents dans ce domaine, qui ont toujours utilisé une approche constructive - et toujours comme bénévoles, ce qui a ajouté encore à l'impact de leur travail - en essayant de chercher des moyens de solution plutôt que de confrontation. En fait, ce mémoire qu'ils présentent aujourd'hui témoigne, encore une fois, d'un objectif d'essayer de chercher des solutions à des problèmes, tout en maintenant des principes de base. Ces principes-là et tout ce que vous avez décrit là-dedans me réjouissent beaucoup, parce que cela traduit vraiment la pensée que j'ai. C'est bien vrai. Il y a beaucoup de choses que vous dites où je retrouve vraiment mes préoccupations, par exemple, lorsque vous dites: On doit tenir compte autant du volume des approvisionnements que du souci de protéger l'environnement. Cela doit être aussi important que le volume. Peut-être qu'on ne s'est pas rattaché assez fort à toute l'idée de la lutte intégrée contre les pesticides et des moyens alternatifs.

Tout à l'heure, j'ai posé une question au groupe qui vous a précédés et je faisais valoir que peut-être on n'a pas pensé, non plus, à toute la problématique, au sens le plus large, du type de forêt et du type d'aménagement de forêt qu'on voudrait. Vous dites, par exemple: À cette approche qui a été "essentiellement tournée vers la monoculture ou, à tout le moins, la culture spécialisée, le groupe de travail reproche de fournir un terrain propice au développement de déprédateurs et éventuellement à l'utilisation de plus grandes quantités de pesticides." Il croit que l'on devrait s'appuyer beaucoup plus sur des principes écologiques que sur des principes de simple gestion pour produire de plus en plus, parce que les pesticides vont nous aider d'un jour à l'autre.

J'aurais voulu que vous vous expliquiez davantage parce qu'un groupe d'intervenants m'a dit exactement le contraire, que vraiment la monoculture n'avait rien à faire, que, de toute façon, les déprédateurs se seraient situés dans le décor. Je n'ai pas envie de dresser un groupe de scientifiques contre l'autre et ce n'est pas du tout le sens de ma question. J'ai toujours cru qu'il y avait une interrelation entre le type de forêt et la façon dont on aménage la forêt. J'ai rencontré M. De Coulon, un des grands spécialistes de la forêt suisse, qui m'avait convaincu de ça, qui m'a montré une forêt suisse. J'en avais même parlé à mon collègue en revenant parce que j'étais tellement impressionné par cette idée quand il me disait: On n'a pas de tordeuse à cause de la façon dont on gère notre forêt. J'aimerais connaître votre appréciation. Je ne sais pas à qui on le demande si c'est au Dr Anderson "or somebody else". Je parle de ça parce que vous y faites spécifiquement référence. Quelqu'un a dû écrire ça.

Le Président (M. Parent, Bertrand): M.

Trottier.

M. Trottier: Merci. Si j'ai bien compris l'intervention précédente, quelqu'un a mentionné qu'il n'y a pas de lien entre l'origine d'une infestation et la monoculture, mais il demeure indéniable que, lorsqu'on a une grande superficie d'une espèce végétale donnée, l'on crée par le fait même un excellent garde-manger pour un ou x prédateurs. Si j'ai bien compris, intervention précédente était relative à l'origine de l'infesta-tion. Oui, elle peut provenir d'un endroit où il y a monoculture tout comme, semble-t-il, on nous l'a dit, cela peut provenir d'endroits où il y a de l'hétéroculture.

M. Lincoln: Est-ce que toute la question de l'étude d'impact et des audiences publiques est venue sur le tapis? Le Dr Lajoie a apporté spécifiquement l'addition à votre mémoire. En fait, vous dites quelque part - et cela m'a réjoui parce que je le pense fondamentalement - que "le groupe estime que le rôle du public devrait dépasser cette sorte d'attentisme en vertu duquel les citoyens ne font finalement que réagir à des décisions déjà prises". Alors, vous dites: II faudrait que le public puisse participer. (16 h 15)

Vous dites quelque part dans votre mémoire que vous pensez que le mécanisme d'audiences publiques est peut-être lourd et coûteux et vous suggérez un comité consultatif où le public serait participant. Moi, je veux vous demander, à vous, Dr Lajoie, si vous voyez une contradiction entre les deux. Pourquoi n'aurait-on pas un comité consultatif où il y aurait des représentants du monde scientifique, des ministères, etc., qui pourrait faire une surveillance et qui pourrait être une espèce de chien de garde, mais en ayant, en même temps, au départ, une étude d'impact et des audiences publiques, pour toutes les raisons que le Dr Lajoie a soulignées? Est-ce que ce serait quelque chose qui serait envisageable, à votre point de vue?

Le Président (M. Parent, Bertrand): M.

Lajoie.

M. Lajoie: Je pense que ce sont, en fait, deux propositions, deux suggestions tout à fait compatibles. Personnellement, pour avoir vécu un certain nombre d'études d'impact et d'audiences publiques, cela s'avère souvent un processus qui est pénible autant pour les scientifiques que pour les promoteurs et cela aboutit souvent à une confrontation où il y a des accusateurs et des accusés. Ce processus-là pourrait sûrement être amélioré en intégrant les opinions avant d'en arriver à des études d'impact coulées dans le béton, qui ont été bâties par des experts qui ont a défendre leurs prises de position sur papier.

Ce processus-là pourrait être facilité par des regroupements. Ce pourrait être un comité consultatif, par exemple, qui participe à l'élaboration, qui est consulté à différentes étapes de la formulation et de l'évaluation de l'étude d'impact.

M. Lincoln: D'accord, Dr Lajoie. Ma dernière question, parce que j'ai envie de laisser du temps à mon collègue. Peut-être que vous pourrez le convaincre, on a des positions un petit peu qui se... On essaie de se rejoindre et de trouver un territoire commun. Moi, je crois qu'on a quelque chose, là. Par exemple, moi, je suis d'accord avec vous que tout le problème des études d'impact, bien souvent, vient de la directive pour les études d'impact, qui est parfois très très rigide. Alors, l'étude d'impact suit la directive. À ce moment-là, vous connaissez le système. Je pense, Dr Trottier, que vous avez déjà siégé comme membre d'un comité du BAPE. Mais si, par exemple, votre comité consultatif venait au départ et qu'il pouvait s'associer aux deux ministères pour préparer une directive précise, claire, qui irait dans le sens d'aller débrouiller ce terrain-là à l'avance, et que l'étude d'impact... Nous, on a suggéré cinq ans parce que je pense, moi, qu'une programmation à long terme, c'est quelque chose de valable. Mon collègue a suggéré ou bien un système régional ou bien un système compagnie par compagnie. Moi, je ne suis pas d'accord avec le système compagnie par compagnie; cette solution amènerait une pléthore d'études d'impact. Mais la suggestion de le faire région par région, je suis prêt à m'associer à cela, s'il y avait quatre grandes régions, ou cinq grandes régions au Québec, je trouve cela très valable. Il faudrait qu'à ce moment-là on fasse les deux. On a un comité consultatif qui travaille peut-être avec des membres du public, comme vous le suggérez, avec les spécialistes, avec les ministères pour préparer une directive qui aboutirait à une étude d'impact, ce qui, à ce moment-là rendrait l'audience publique beaucoup plus simple.

M. Lajoie: Cela aurait sûrement des chances d'arriver à une étude d'impact qui est beaucoup plus facilement acceptée par la majorité. Il y a certaines études d'impact et certaines audiences publiques, mais très peu ici au Québec, qui ont été faites dans ce sens-là. On a même eu des réunions d'un groupe de travail avec le public, avec certains représentants du public qu'on savait intéressés à la question et qui n'étaient pas nécessairement de l'opinion du promoteur. Et souvent, tout simpilement en s'entendant au départ sur les modèles utilisés, cela élimine beaucoup de controverses lors des audiences publiques parce que, si d'emblée on arrive à des audiences et que les gens d'opinion contraire n'acceptent pas du tout le modèle utilisé...

M. Lincoln: Cela crée de la confrontation.

M. Lajoie: ...le modèle mathématique, c'est foutu.

M. Lincoln: D'accord, moi, c'est tout ce que j'avais comme questions.

Le Président (M. Parent, Bertrand): M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est vrai que mon collègue m'a mentionné un voyage en Suisse que je n'ai pas fait, que je n'ai pas l'intention de faire, non plus, parce que je n'ai pas d'argent à mettre à la banque. C'est le pays des banquiers.

M. Charbonneau: On est dans une période de vaches grasses. Le ministre des Finances peut vous organiser cela. Cela vous ferait du bien.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous parlez de monoculture. Moi, quand j'ai commencé ma carrière de forestier, je travaillais pour une compagnie forestière, il y a de cela pas loin de 40 ans, et dans ces années-là, on n'utilisait pas de phytocides, de pesticides, etc. On travaillait, justement, pour faire exploiter et récupérer du bois affecté par la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Aujourd'hui, on nous menace, on dit: Bien, si vous faites des choses semblables, il y aura encore des épidémies de la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Je ne comprends pas. Je n'ai pas le goût de dire que ce sont des affirmations gratuites, mais ce sont des appréhensions. On dit: Ne faites pas cela, juste pour dire: Bien, ne faites rien, attendez un petit peu. Cela m'agace un peu.

Dans votre mémoire, on nous dit que l'hypothèse 1 qui est proposée n'est pas opérationnelle en référant aux audiences publiques qui dégénèrent en confrontation et, après, vous venez me dire: Bien, voyons, oui, cela le serait. Cela l'est ou cela ne l'est pas. M. Trottier n'en parle pas, mais vous, vous en parlez, M. Lajoie, vous dites: Dans le comité consultatif, c'est important, la santé. C'est primordial pour moi, la santé et il faudrait que, dans le comité consultatif, le secteur de la santé soit représenté. Je ne sais pas si M. Trottier veut corriger son texte, mais c'est cela.

M. Trottier: M. le Président, j'aimerais bien préciser, d'abord, qu'il ne s'agit pas de mon texte, bien qu'on ait peut-être deviné par le style que j'y avais mis la main de façon assez active. C'est le texte qui est endossé par le groupe. Maintenant, notre groupe de travail n'est pas le Parti communiste de l'URSS. Le droit à la dissidence existe même au sein de notre groupe. D'ailleurs, je pense que vous avez eu un mémoire allant dans une autre direction, qui a été appuyé ici par un des membres du groupe. Mais, dans l'ensemble, ce mémoire reflète certainement l'opinion de la forte majorité du groupe. Maintenant, qu'il y ait des nuances ici ou là et des divergences sur certains points, c'est tout à fait possible.

J'aimerais juste revenir - un petit commentaire - sur la question qui a été posée au préalable, à savoir si la suggestion de former un comité consultatif pourrait se subsituer au processus d'audiences publiques. Pas du tout, pas du tout, c'est en surplus. Et une des raisons, c'est que, parce que plusieurs membres du groupe de travail ont déjà touché de près aux audiences publiques, soit comme participants, soit comme proches auditeurs, nous savons combien c'est lourd, combien c'est coûteux et nous ne sommes pas tellement convaincus que cela fait beaucoup avancer un problème. Donc, nous nous disons: il faut qu'il y ait des balises, il faut qu'il y ait des moments où on rend compte de ses actions. Et on se dit: Bon, tous les cinq ans, ce n'est pas excessif, même si cela coûte assez cher.

Par ailleurs, on ne veut pas, comme groupe de travail, imposer pour chaque situation, pour chaque pesticide, une étude d'impact complète, parce que c'est trop lourd et trop coûteux. Le comité consultatif, en ce sens, permet d'exercer une surveillance, oui, d'avoir un rôle de chien de garde sur une base soutenue. Il permet la présence du public, il permet au public non seulement de savoir ce qui se passe, parce qu'il y a des rapports annuels, donc le public est informé, mais il permet aussi au public de dire son mot. Ce sont toutes des choses qui nous tiennent à coeur et, là-dessus, je ne pense pas qu'il y ait de divergences au sein de groupe de travail. Mais c'est vrai qu'il peut y avoir des points où nos opinions, individuellement, ne sont ' pas toutes unanimes sur tel ou tel point.

M. Côté (Rivière-du-Loup): On nous dit, on nous propose même de faire des bilans avec des objectifs annuellement et, dans la Loi sur les forêts, on oblige les industriels à faire des plans quinquennaux, des plans généraux. Ces plans-là pourraient être rendus publics, parce que le droit à l'information du public et la réaction du public j'y crois, à cela aussi. De cette façon, on connaîtrait tous les genres de travaux d'aménagement qui sont prévus pour atteindre les objectifs fixés par le ministère. Cette information privilégiée de la part de chacun des promoteurs, de chacun des intervenants forestiers, est-ce que ce ne serait pas suffisant pour permettre au public de réagir? Et nous, avant de l'approuver au ministère, nous pourrions faire en sorte, en collaboration avec l'Environnement et le comité consultatif dont vous parlez, que les corrections soient faites dans les plans d'exploitation prévus, c'est-à-dire les plans quinquennaux et les plans généraux.

M. Trottier: Ce que nous revendiquons essentiellement, c'est que l'information arrive suffisamment tôt pour que - encore une fois,

nous l'avons souligné dans le texte - des gens éclairés et des gens qui ont des connaissances dans le domaine de l'écologie, dans le domaine des forêts, comme vous l'avez mentionné, et dans les domaines pertinents, soient informés suffisamment tôt pour pouvoir faire valoir leur point de vue avant que les décisions soient prises. Mais nous ne nous contentons pas de nous faire dire: Eh bien, tenez-vous tranquilles, nous allons vous faire un rapport annuel, ainsi qu'un rapport tous les cinq ans; c'est nous qui menons le bateau et c'est nous qui décidons. Nous trouvons que traiter le public et des groupes d'experts de cette façon, ce n'est pas les respecter et ce n'est pas acceptable.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Où sont localisés les experts? Est-ce que les industriels, les compagnies ou le gouvernement n'ont pas d'experts dans cela?

M. Trottier: Ils en ont, mais, comme ils risquent parfois, sous l'influence de certaines pressions économiques ou autres, d'être un peu influencés dans leur jugement dans une direction donnée, il est bon, au sein du même comité consultatif, qu'il y ait aussi des gens d'autres allégeances, ce qui permet d'avoir un comité avec une certaine objectivité. Certainement que les grands intervenants de ce comité consultatif seraient les deux principaux ministères ici au Québec, Environnement et Énergie et Ressources.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est-à-dire que certains groupes sont au-dessus de toutes les contingences, de toutes les incidences, pressions, etc? Il y a des groupes qui planent au-dessus de cela? C'est ce que vous voulez me dire?

M. Trottier: Non pas qu'ils soient au-dessus, mais qu'ils soient formés de gens qui ont des points de vue différents et qui viennent enrichir la discussion, qui viennent faire valoir des points de vue qui, autrement, pourraient être éventuellement et malheureusement oubliés, c'est-à-dire mener à des désastres.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, non.

Le Président (M. Saint-Roch): La dernière question, M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Dans les facteurs écologiques, si on n'intervient pas, parce qu'on fait une culture écologique, avec des phytocides - on mentionne cela dans votre mémoire - les feux de forêt, cela fait partie de l'écologie, est-ce qu'on doit arrêter de les combattre?

M. Trottier: Je pense que le groupe de travail va se rallier au public là-dessus et au simple bon sens et n'attachera pas d'importance démesurée à cela.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie M. Trottier, je vous remercie M. le ministre. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, quand je regarde l'attitude du ministre délégué aux Forêts, je me dis une chose: J'ai eu raison, au cours des dernières semaines et des derniers mois, de me demander jusqu'où le virage environnemental pris officiellement par le gouvernement est partagé par l'ensemble des membres du cabinet. Seulement la façon dont vous réagissez face à un groupe comme celui-ci, qui amène une thèse différente de celle qu'on a entendue depuis des heures et des heures, est une indication qu'il ne faudrait pas qu'il y en ait beaucoup comme vous dans le cabinet pour que le virage environnemental ne veuille pas dire grand chose.

On a devant nous un groupe de gens qui, a priori, ne sont pas des "flyés". On ne peut pas les cataloguer comme étant des farfelus. Ils font la démonstration par leur façon d'être, par leurs propos et par l'argumentation qu'ils développent, non seulement de l'importance des audiences publiques, mais de la façon dont on peut en tirer profit.

C'est notre conviction profonde de ce côté qu'on a souvent tendance à s'imaginer que les audiences publiques, c'est seulement l'affaire de fauteurs de troubles ou de gens qui ne connaissent rien, qui se laissent influencer et embarquer dans une dynamique de panique ou d'émotivité et qui ne sont pas capables d'apporter des explications raisonnées, des arguments ou des contre-arguments, qui vont finalement embêter tout le monde et ralentir tous les processus. J'aurais aimé entendre le ministre réagir aux arguments du Dr Lajoie tantôt, lorsqu'il a énoncé les avantages des études d'impact. Je les rappelle: 1° la capacité de mettre à jour et au point les connaissances scientifiques - j'ai de la misère à lire son écriture - 2° forcer la mise en place de contrôles, 3° l'utilisation de ce mécanisme pour amener le développement d'alternatives.

Une des questions que j'avais, que le ministre finalement posée et à laquelle on a répondu, c'était: Est-ce que le comité en question, vous le voyez comme une alternative ou comme un remplacement aux audiences publiques et aux mécanismes d'étude d'impact? Vous avez dit non à ça et cela me rassure. (16 h 30)

Je voudrais peut-être profiter de votre expertise pour vous demander ce que vous pensez du processus d'homologation des produits chimiques actuels, ceux actuellement privilégiés par l'industrie ou d'autres qui pourraient l'être éventuellement. Doit-on tenir cela pour un acquis scientifique, une garantie mur à mur, sans problème et une garantie suffisante pour donner carte blanche à l'industrie pour les 25 prochaines années? Une fois qu'elles auront signé un contrat avec le ministre délégué aux Forêts, il n'y a plus de problème, c'est homologué, alors donnons-leur

la permission. Certains sont même venus nous dire hier que tout produit homologué devrait être utilisé sans aucun autre moyen de contrôle, sans audience publique ou autre, par les entreprises. Avez-vous une opinion particulière sur le processus d'homologation, sur sa validité et sur la confiance qu'on doit avoir dans cette étape?

Le Président (M. Saint-Roch): Dr Trottier.

M. Trottier: Merci, M. le Président. Le processus d'homologation du Québec et, finalement, celui du Canada sont en réalité un processus d'homologation américain. C'est un outil et un outil qui a ses limites. Ce n'est pas la fin de l'histoire; l'homologation n'est qu'une étape. À un moment donné dans le temps, avec la meilleure information disponible à ce moment-là, on statue, on se prononce. Cela ne veut pas dire qu'on soit sûr qu'il n'y a pas de danger ou qu'il y a du danger. C'est le meilleur jugement que l'on peut poser à ce moment-là avec l'information scientifique qu'on a à ce moment-là. On a bien vu dans l'histoire - je n'apprends rien à personne ici - des exemples comme la thalidomide, le DDT et d'autres où, malgré des jugements qu'on pensait bien fondés pendant toute une période de temps, on s'était, malheureusement, trompé.

Donc, l'homologation est un processus humain fait avec les connaissances qu'on a à un moment donné et c'est le meilleur outil qu'on a; il n'y en a pas d'autres. Si on ne fait pas l'homologation, quelle est l'alternative? C'est, excusez l'expression anglaise, le "free for all". Cela veut dire que quelqu'un décide de fabriquer quelque chose et de l'employer où il veut, quand il veut, sur ce qu'il veut, et on n'aurait pas de contrôle légal pour empêcher la chose. Là-dessus, le Québec n'est pas du tout un cas unique. On est simplement une partie dans un immense ensemble mondial où on se donne des règles du jeu avec l'homologation et on dit: Voilà, tel produit peut servir à telle fin et on met des règles d'utilisation. Personnellement, comme toxicologue, je me dis: Jusqu'à ce qu'on ait plus d'informations scientifiques, si le produit est utilisé dans ces conditions-là, j'endosse son utilisation. Dans bien des cas, un calcul des risques pour les humains a été fait et on estime habituellement qu'on doit se situer en deçà de une partie par million et ainsi de suite. Et voilà! On l'utilise jusqu'à ce qu'on ait un meilleur outil ou de meilleures informations.

M. Charbonneau: À votre connaissance, est-ce qu'on tient compte dans ce processus des impacts environnementaux, de la nature des écosystèmes où ces produits peuvent être utilisés? Est-ce que les considérations environnementales entrent en ligne de compte?

M. Trottier: Une partie d'étude a certaine- ment été faite sur des espèces animales, mais des études d'impact complètes, non; sinon, le coût de production deviendrait tellement élevé qu'aucune compagnie ne serait capable de le produire de façon rentable. Mais il y a certainement des études animales qui sont faites, ainsi que des études de conjonction de deux substances en même temps dans une même espèce. Il y en a qui sont faites dans le processus d'homologation, oui.

M. Charbonneau: Dans le fond, vous nous dites que - et là, vous m'arrêterez si vous trouvez que je charrie un peu - d'une certaine façon, on a un processus de vérification et de contrôle, mais qui n'est pas à ce point parfait, notamment parce que cela coûterait trop cher de le perfectionner à un degré suffisant, de sorte que, dans le fond, on utilise des produits et c'est l'usage qui tient lieu d'expérimentation.

M. Trottier: Ce n'est pas tout à fait ça. M. Charbonneau: Là, j'exagère.

M. Trottier: La toute dernière phrase est, justement, ce que vous disiez, excusez l'expression, un peu du charriage.

M. Charbonneau: D'accord.

M. Trottier: La toute dernière. Pour le reste, je suis d'accord avec vous.

M. Charbonneau: Alors, je retire la dernière.

M. Trottier: On est d'accord.

M. Charbonneau: Vous avez dit, à un moment donné, dans votre mémoire: "L'État fixe les objectifs et effectue le contrôle, alors que les industriels développent les stratégies sylvicoles. Notons tout de suite un élément clé: on ne définit pas en quoi consistera ce contrôle, ni à quelle fréquence il sera effectué. " J'aimerais que vous expliquiez un peu cette problématique des contrôles que vous avez essayé d'apporter dans votre mémoire.

M. Trottier: L'idée de faire des contrôles est présente dans la politique et nous l'endossons. Ce que nous lui reprochons, c'est de ne pas être assez explicite, de ne pas fixer les balises de fréquence dans le temps et de ne pas quantifier ou préciser l'importance qu'on mettra à cette chose et ce qu'on devra faire pour les faire, ces contrôles, comment.

M. Charbonneau: Comment verriez-vous cela, vous?

M. Trottier: Des contrôles de l'effet sur la faune, qu'elle soit terrestre ou qu'elle soit aquatique, des effets sur les espèces végétales,

sur les espèces concurrentes, etc. Qu'on aille vérifier in situ, dans la forêt, les effets des opérations d'arrosage qu'on y fait. En somme, du "monitoring". On ne définit pas l'échantillonnage, le "monitoring".

M. Charbonneau: Dr Lajoie, tantôt vous avez apporté un certain nombre de suggestions, en ce qui concerne les études d'impact pour, peut-être, améliorer le processus. J'aimerais que vous alliez un peu plus loin dans l'explication où vous avez introduit des éléments de participation, a priori, d'un certain nombre d'intervenants qui ne sont pas nécessairement associés au départ à l'étude d'impact. Vous avez indiqué qu'il y a des intervenants, qui ne sont pas normalement associés aux études d'impact actuellement, qui devraient l'être dès le départ. Éventuellement, iriez-vous jusqu'à suggérer des modifications au règlement sur les études d'impact ou si, à votre avis, ce que vous avez indiqué, ne devrait ou ne pourrait s'appliquer que dans le cas de la politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier?

M. Lajoie: M. le Président, ce que j'ai dit peut s'appliquer à l'ensemble du processus qui est utilisé pour les études d'impact. Les études sont un peu controversées selon ma perception à moi. Elles sont souvent beaucoup controversées parce qu'il y a nettement une polarisation qui devient évidente lors des audiences publiques. Les positions sont intangibles parce que ce sont des positions qui ont été bâties à travers des recherches pendant des mois et qui sont confinées dans des documents. L'étude d'impact et les audiences publiques sur la tordeuse ont été un exemple de cela. Mais il y a eu plusieurs autres études d'impact qui ont été faites sur des dossiers différents. J'ai eu l'occasion de voir un certain nombre de documents qui ont été produits, entre autres, aux États-Unis, où on faisait un peu le bilan du processus des études d'impact et des audiences publiques. On arrivait à ce genre de conclusion.

Si on a un processus qui est complètement cloisonné, c'est-à-dire où il y a un ministère qui donne des directives à un promoteur et que le promoteur a recours à une firme qui bâtit une étude d'impact avec des experts très compétents, mais qui n'ont pas tellement de liens avec des gens qui vont être appelés à critiquer l'étude d'impact, il y a des gros dangers, surtout quand ce sont de grosses études d'impact, d'arriver à des confrontations. Dans le fond, le processus qu'on semble proposer, c'est qu'au niveau de la directive, à l'intérieur du processus d'élaboration des études d'impact, on trouve des moyens pour consulter les gens qui vont être amenés à critiquer ces études d'impact. Le résultat net, c'est qu'il y a un plus grand consensus et que c'est plus facilement accepté.

M. Charbonneau: C'est intéressant parce que, finalement, ce que vous dites, c'est que l'industrie se plaint en fait, du climat qui prévaut souvent dans ces audiences publiques et en arrive à conclure qu'on devrait éloigner d'elle le plus vite possible et le plus souvent possible ce calice. Autrement dit, eux autres, ils veulent le boire le moins souvent possible. Vous, ce que vous dites, c'est qu'il s'agirait peut-être de modifier un peu la façon de faire et qu'on pourrait conserver à la fois l'acquis et le principe qui est derrière cet acquis, mais, en même temps, éviter un peu les écueils que représente le processus actuel. Je pense que le comité que le ministre a mis sur pied à cet égard est à propos. Il est peut-être temps de faire une évaluation après un certain nombre d'années d'utilisation de cet outil pour voir comment on pourrait l'améliorer.

M. Lajoie: II faut bien se rendre compte que notamment, l'étude d'impact sur la tordeuse a vraiment été une soupape, c'était vraiment la première étude d'impact d'importance. J'ai l'impression que tout est un peu caricatural, autant les positions du public, que celles des experts et du promoteur. Ce n'est pas nécessairement une situation qui va se reproduire au cours des prochaines.

M. Charbonneau: Autrement dit, on a été tellement traumatisé par cette expérience que, finalement, on anticipe que, dans l'avenir, cela va continuer d'être ce modèle, alors que ce ne sera pas nécessairement le cas. Cela pourrait ne pas être le cas, surtout si on apporte des modifications.

M. Lajoie: Personnellement, c'est mon opinion, mais c'est purement du domaine de l'opinion.

M. Charbonneau: Est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose, monsieur?

M. Trottier: Non, j'aurais aimé poser une question, mais peut-être sur une autre partie. Elle serait adressée à M. le ministre de l'Énergie et des Ressources, mais je ne sais pas si c'est conforme au règlement, M. le Président.

M. Charbonneau: Consentement de notre côté.

Le Président (M. Saint-Roch): Consentement. Vous pouvez procéder, M. Trottier.

M. Trottier: Merci, M. le Président. Il s'agit d'une question qui vient de moi, purement et simplement. Vous m'excuserez, M. le ministre, de ne pas pouvoir vous dire à quelle page, mais je pense que vous trouverez très bien où cela se trouve dans le texte. À un endroit, on suggère que les programmes de pulvérisation pourraient être confiés à des sociétés. Vous voyez l'idée,

peu importe la page dans le texte. Ce que j'aimerais bien savoir, c'est: Est-ce que cette suggestion est évoquée juste à titre d'hypothèse, purement gratuite comme cela, ou si c'est assez sérieux que l'on envisage au Québec de confier les programmes de pulvérisation à des sociétés privées? Si oui, j'aurais une remarque à faire.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est une proposition qui a été avancée un peu dans le cadre de la performance des sociétés de conservation. À la suite de l'expérience et de la performance des sociétés de conservation qui ont pris naissance il y a une vingtaine d'années on se dit: Nous sommes partenaires avec l'industrie. C'est une proposition qui vient de l'industrie et qui vient du gouvernement parce qu'on partage un peu les responsabilités de la remise en production de la forêt et de la protection de l'environnement, à 50-50, avec le Guide des modalités d'intervention, etc. On le fait pour le fou et on se dit: Si on protège la forêt contre le feu, pourquoi ne pas examiner la possibilité de confier les arrosages à une société de conservation ou de protection? C'est une proposition qui n'a pas été retenue au ministère lors de l'étude de la loi parce qu'on s'est dit: L'expertise et tout l'appareil pour détecter les épidémies d'insectes, etc., sont concentrés au ministère. C'est ce qui nous a fait hésiter et on hésite encore avant d'aller plus loin dans cette orientation. C'est une proposition qui a été avancée, oui.

M. Charbonneau: Allez-y. Vous y allez sur mon temps.

Le Président (M. Parent, Bertrand): Votre temps est écoulé, de toute façon. Le député de Verchères est très généreux, il n'a plus de temps.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est toujours comme cela.

M. Trottier: Est-ce que je pourrais ajouter un mot, M. le Président?

Le Président (M. Parent, Bertrand): Oui, très brièvement pour ne pas trop retarder.

M. Trottier: Ce serait simplement pour dire que, bien que, peut-être en apparence, le groupe ait paru un peu considérer le ministère de l'Énergie et des Ressources comme un mouton noir, ce n'est certainement pas notre vraie perception, loin de là. Au contraire, il y a des expertises très importantes que nous avons identifiées et que nous reconnaissons au ministère de l'Énergie et des Ressources du côté de l'échantillonnage, du côté des mesures de trace, de l'évaluation dans l'environnement. Ce sont là des expertises réelles que nous reconnaissons volontiers.

Par ailleurs, s'il fallait que le Québec s'achemine vers la création de sociétés privées pour la pulvérisation des forêts du type de Forest Protection Ilimited du Nouveau-Brunswick, je pense que le groupe de travail réagirait très vivement parce qu'une société privée contrairement à des ministres, n'est pas responsable devant l'autorité d'une province. Une société privée pourrait se permettre des abus à un moment donné et, voyant la soupe trop chaude, pourrait simplement déclarer faillite, tandis que, lorsqu'il y a vraiment une responsabilité ministérielle, on demeure responsable devant l'Assemblée nationale et devant le peuple québécois. Merci. (16 h 45)

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est une des considérations qui font qu'on n'a pas donné suite à cette proposition-là. On en a discuté au point de vue de l'expertise, au point de vue des responsabilités. Il faudrait, comme vous le dites, que le gouvernement, qui est propriétaire à 85 % de la forêt au Québec, soit, évidemment, majoritaire partout de façon à éviter ce que vous craignez si on allait plus loin.

Le Président (M. Parent, Bertrand): Je vous remercie beaucoup et je rappelle toujours aux intervenants qu'il est possible de se parler en dehors des commissions parlementaires, sur le temps du président. Alors, Mme Goldenberg, M. Anderson, M. Trottier et Dr Lajoie, je vous remercie, au nom des membres de la commission, pour cette présentation et on vous souhaite un bon retour.

Sans trop tarder, puisqu'on est en retard, je demanderais aux gens de la Fédération des producteurs de bois du Québec de s'approcher de la table des témoins. Mme Gauthier et M. Dallaire, je crois. Alors, comme dans le cas des autres mémoires, il y a un bloc d'une heure qui vous est réservé. Si on peut gagner quelques minutes, tant mieux, sinon, vous avez droit à votre heure. Il y a 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et les 40 minutes qui restent sont partagées également entre les ministériels et l'Opposition. Alors, je vous demanderais peut-être de faire les présentations plus officielles et de procéder à la lecture de votre mémoire.

M. Dallaire (Antonio): Merci, M. le Président. Je vous présente ma compagne, pour la circonstance, Mme Johanne Gauthier, ingénieur forestier, responsable des pépinières et du reboisement à la Fédération des producteurs de bois et moi-même, Antonio Dallaire, président de la Fédération des producteurs de bois du Québec.

On est prêt à débuter?

Le Président (M. Parent, Bertrand): La parole est à vous.

M. Dallaire: Merci.

Le Président (M. Parent, Bertrand): Allez-y, M. Dallaire.

Fédération des producteurs de bois du Québec

M. Dallaire: Alors, la Fédération des producteurs de bois du Québec est engagée dans l'aménagement des forêts privées depuis plus de quinze ans. Nous avons contribué à mettre en place les organismes de gestion en commun qu'on appelle communément OGC, organismes reconnus par le ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec pour appliquer le premier programme d'aménagement en forêt privée. Par la suite, nous avons réclamé des programmes accessibles aussi pour les propriétaires dont les lots ne sont pas sous convention d'aménagement avec un OGC. Depuis 1986, le ministère de l'Énergie et des Ressources a mis en place le programme d'aide individuelle répondant ainsi aux nombreuses représentations de la fédération et permettant aux propriétaires de boisés privés d'obtenir de l'aide technique et monétaire pour mettre en valeur leurs boisés.

Les propriétaires que nous représentons sont soucieux d'assurer la pérennité de notre forêt pour les générations futures. Pour y arriver, ils doivent utiliser tous les outils disponibles et, parmi eux, on retrouve l'utilisation rationnelle des pesticides autant pour protéger les boisés que pour assurer la croissance optimale de leurs plantations.

Le gouvernement du Québec votait en décembre 1986 la Loi sur les forêts qui change à partir d'avril 1987 les modalités d'intervention en forêt. Ainsi les industriels forestiers devront suivre les nouvelles règles de gestion sur les territoires qui leur sont alloués et devront en assurer le renouvellement en harmonie avec les divers autres utilisateurs. Le plan quinquennal et le plan annuel d'intervention permettront aux bénéficiaires des contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier de présenter, pour approbation du ministre, les activités d'aménagement forestier qu'ils entendent réaliser sur les territoires qui leur sont alloués.

L'intensification de l'aménagement forestier, autant en forêt privée que publique, représente des investissements majeurs en forêt, investissements qui devront être protégés contre les ravageurs tels que les insectes, les maladies et le feu sans oublier la végétation compétitive qui menace le succès de nos plantations. L'utilisation des pesticides en foresterie demeure un outil d'aménagement essentiel pour les sylviculteurs qui travaillent pour le renouvellement des forêts du Québec. En passant, on pourrait qualifier cela de mal nécessaire, mais qu'on doit utiliser tant qu'on n'aura pas de solutions alternatives.

La fédération remercie la commission de l'avoir invitée à participer aux discussions en présentant ses positions sur l'utilisation des pesticides en milieu forestier.

Considérations sur la forêt privée du

Québec. La forêt commerciale privée du Québec totalise 112 500 kilomètres carrés, soit environ 15 % de la superficie totale de la forêt commerciale du Québec. La forêt commerciale privée prédomine en termes de contenance totale dans trois régions du Québec, soit l'Estrie pour 96 %, Montréal 66 % et Québec 63 %. Dans l'ensemble, la petite forêt privée, celle regroupant des superficies de 800 hectares et moins d'un seul tenant, est détenue par environ 120 000 propriétaires représentant près de 90 % de la superficie totale des forêts privées du Québec, grandes et petites. La superficie moyenne de la propriété forestière détenue par un individu est de l'ordre de 40 hectares environ.

La Fédération des producteurs de bois et ses syndicats régionaux affiliés représentent ces propriétaires qui, à eux seuls, alimentent l'industrie forestière pour plus de 20 % de ses besoins en bois. D'ailleurs, nos objectifs visent principalement la mise en marché du bois et l'aménagement de la forêt privée du Québec. La fédération est aussi impliquée depuis 1980 dans l'inventaire et la définition des plans de mise en valeur des forêts privées. De plus, dans le cadre du programme de reboisement du Québec, nous produisons près de 40 000 000 de plants annuellement pour le ministère de l'Énergie et des Ressources. Nous nous impliquons également dans le domaine de la recherche forestière. On vous fait grâce des tableaux.

Les pesticides en forêt privée. Les pertes de volume dues à l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette. La fédération a rendu publique récemment la mise à jour des prélèvements admissibles sur le territoire de la forêt privée effectuées en 1987-1988 en collaboration avec le ministère de l'Énergie et des Ressources. Ces chiffres démontrent qu'un volume de près de 9 000 000 de mètres cubes solides de bois résineux a été détruit lors de la récente épidémie de la tordeuse, auquel s'ajoutent près de 13 000 000 de mètres cubes ayant été récupérés alors. Au total, 21 500 000 mètres cubes solides ont été retranchés du capital ligneux résineux de la forêt privée québécoise, ce qui représente un potentiel annuel de coupe de 605 000 mètres cubes solides, soit environ 10 % du prélèvement admissible total. Ce plus, on constate que l'épidémie de la tordeuse a aussi affecté l'accroissement de la forêt se traduisant par une perte de volume supplémentaire, mais très difficile à quantifier présentement.

Les autres insectes. D'autres insectes peuvent aussi causer des dommages importants à nos forêts et à nos plantations. Il ne faudrait pas en négliger les conséquences. Je vous fais grâce des noms scientifiques, mais on pourrait nommer le diprion, la livrée des forêts, l'arpen-teuse de Bruce, qui sont parmi les plus connus.

Le programme de reboisement. Nos pépinières. La fédération et ses pépinières associées produisent annuellement quelque 40 000 000 de

plants, principalement d'essences résineuses, destinés au reboisement de la forêt privée.

La culture intensive de semis nécessite l'utilisation d'herbicides, d'insecticides, de fongicides, de mématocides, de répulsifs et de fertilisants dans le but de produire des plants dont la qualité assurera le succès des plantations futures.

Depuis le 1er avril 1987, date d'entrée en vigueur de la Loi sur les forêts, un certificat phytosanitaire est requis avant la livraison des plants produits par toutes les pépinières du Québec dans le but d'éviter la propagation d'insectes ou de maladies dans nos forêts. L'application d'un tel contrôle exige des producteurs de plants un suivi rigoureux de leur production.

La culture intensive de semis nécessite des traitements préventifs. De plus, certaines interventions peuvent être nécessaires afin d'éliminer les ravageurs qui menaceraient notre production. L'utilisation de produits antiparasitaires est alors essentielle pour les pépiniéristes soucieux d'assurer la qualité de plants recherchée.

Nos plantations. Les propriétaires de boisés privés reboiseront à compter de 1988 plus de 70 000 000 de plants annuellement. Afin d'assurer le succès de ces plantations, l'utilisation d'herbicides et de sylvicides demeure actuellement les seuls outils économiquement valables pour permettre à nos jeunes arbres de se dégager de la compétition. Tout d'abord, il peut s'avérer judicieux d'intervenir sur les sites à reboiser afin d'éliminer la végétation pouvant concurrencer les jeunes semis qui seront mis en terre. D'autre part, il deviendra nécessaire de revenir visiter le site de la plantation afin de voir si un entretien est requis. Bien souvent, une et parfois deux interventions seront nécessaires. Sans ces outils d'aménagement essentiels, nous ne pourrons assurer la reconstitution de notre forêt dévastée par la tordeuse. Les principaux produits utilisés sont présentement le glyphosate et la simazine, tous deux homologués pour usage en foresterie.

Les jeunes peuplements. Plus de 50 % des superficies productives accessibles en forêt privée sont constitués de peuplements jeunes. Ils pourraient, éventuellement, bénéficier d'un traitement de fertilisation afin de favoriser une meilleure croissance. L'application de fertilisants constitue une technique sylvicole reconnue et pouvant faire énormément bénéficier nos peuplements forestiers en termes d'accroissement et de rendement.

Vers une politique d'utilisation raisonnable des pesticides en milieu forestier. La forêt québécoise. Le document de support proposé à la commission parlementaire sur la politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier fait ressortir l'importance du secteur forestier au Québec, autant au niveau des aspects écologiques que socio-économiques. De plus, on y présente la nouvelle Loi sur les forêts dont le point central est le rendement soutenu des forêts publiques que devront, dorénavant, respecter les industriels et le ministère de l'Énergie et des Ressources. Par la suite, on y détaille les stratégies d'aménagement forestier qui devront être mises en oeuvre pour atteindre les objectifs visés et dont fait partie l'utilisation judicieuse de pesticides en milieu forestier.

La protection contre les forêts. La Fédération des producteurs de bois du Québec entérine cet énoncé de la problématique forestière québécoise et est en faveur de l'approche intégrée développée par le ministère pour la protection des forêts contre les insectes et maladies, pour autant qu'on y inclue les forêts privées québécoises. La situation vécue en forêt privée lors de la récente épidémie de la tordeuse a contribué à mieux faire comprendre aux propriétaires forestiers l'importance des interventions du ministère en forêt publique. On n'a qu'à se référer aux chiffres qu'on dénonçait tout à l'heure.

Ils demeurent - on parle ici toujours des propriétaires - toutefois conscients que seule l'urgence de la situation permet de justifier le recours aux pulvérisations. Les propriétaires forestiers souhaitent que des scénarios d'intervention en forêt privée et publique soient mis en place afin d'assurer qu'on ne revivra pas la situation dramatique du début des années quatre-vingt. À cet effet, nous croyons essentiel qu'un système de protection contre les ravageurs forestiers soit instauré en tenant compte davantage de la forêt privée, complétant ainsi celui décrit dans le document de support concernant les forêts publiques. D'ailleurs, nous avions formulé le même voeu dans notre mémoire présenté au Bureau des audiences publiques sur l'environnement, en 1984. Ce système de protection devrait tenir compte de la nature même de la forêt privée qui est beaucoup plus morcelée que la grande forêt publique. Nous croyons que le système de protection contre les ravageurs forestiers devrait s'inspirer de celui développé pour la lutte contre les feux de forêts. On sait que le Québec est d'ailleurs, présentement, la province canadienne possédant la meilleure protection contre les incendies en milieu forestier. Son système de gestion en matière de feux de forêts est exporté dans le monde entier. Il permet de protéger efficacement à la fois les forêts publiques et privées du Québec.

Trois composantes nous semblent donc essentielles dans l'élaboration d'un système de protection des forêts privées contre les ravageurs, soit la détection, l'information et le contrôle.

La détection. La nature variée des peuplements forestiers de la forêt privée demande une plus grande intensité d'échantillonnage afin d'y suivre l'évolution des insectes et maladies pouvant les affecter. Il nous apparaît important qu'un suivi aérien sur la défoliation de la tordeuse se réalise régulièrement sur nos territoires, en tenant compte des réalités de la

forêt privée. (17 heures)

Nos membres soulignent que la détection hâtive des problèmes d'insectes et de maladies avertirait de la progression des épidémies et permettrait ainsi une intervention hâtive. Si vous me permettez, M. le Président, de sortir de mon texte pour vous faire une suggestion qui fera l'objet d'une résolution lors de notre assemblée générale annuelle des 9 et 10 juin prochains dans la région du Saguenay. Comme moyen de détection, on mentionne la multiplication des pièges à insectes au phéromone qui sont très peu coûteux et qui, semble-t-il, sont très efficaces. Nous souhaiterions que le ministère de l'Énergie et des Ressources privilégie ce moyen. Ces pièges pourraient être installés en bordure des forêts habitées, et surveillés par des propriétaires choisis qui seraient très heureux, semble-t-il, de coopérer à la surveillance de ces pièges.

Le Président (M. Parent, Bertrand): M.

Dallaire, je veux juste vous rappeler qu'il vous reste cinq minutes et vous avez encore beaucoup de matériel à livrer. Alors, si...

M. Dallaire: On va accélérer.

Le Président (M. Parent, Bertrand): Merci.

M. Dallaire: Ou on coupera sur la période de questions.

M. Charbonneau: Là, vous allez couper sur notre temps.

Le Président (M. Parent, Bertrand): S'il vous plaît!

M. Dallaire: On va faire cela vite. Alors, l'information. L'augmentation en forêt privée d'un réseau d'échantillonnage afin de dépister hâtivement les insectes et maladies demeure une division structurée de l'information. Nous avons constaté à maintes reprises que le manque d'information retarde les réactions des gens du milieu. Ceci a pour effet d'amoindrir les chances de lutte efficace, étant donné qu'en matière d'insectes et de maladies le temps est l'élément principal pour minimiser les pertes. Nous soulignons également que l'information est toujours mieux diffusée lorsque celle-ci est réalisée par l'intermédiaire des organismes concernés. Pour cela, nous disposons d'un moyen comme l'hebdomadaire La terre de chez nous, nos propres moyens de communication interne, sans compter ceux dont disposent nos syndicats affiliés.

Le contrôle. L'ampleur des dommages provoqués par la tordeuse des bourgeons de lépinette a conduit les propriétaires forestiers à reconnaître l'importance de faire appel aux pulvérisations afin de ralentir l'évolution des dommages en forêt privée, et tenter ainsi d'en réduire les pertes. En 1985-1986, la fédération et ses syndicats affiliés ont procédé à des pulvérisations aériennes avec l'insecticide biologique qu'on appelle communément B.t. Les propriétaires forestiers, dont la très grande majorité des boisés se situe en régions habitées, souhaitent que des interventions comme celles-là n'aient pas lieu au détriment de la santé publique. Pour les propriétaires forestiers, l'utilisation d'un insecticide biologique démontre une volonté de minimiser les impacts des arrosages. C'est pour ça qu'on privilégie grandement ce moyen.

Toutefois, devant l'importance des pertes encourues lors de la dernière épidémie, et advenant la détection d'une nouvelle infestation possible, la fédération juge essentiel que les autorités gouvernementales réagissent de façon très rapide afin de circonscrire le problème à la source. Ainsi, si par le biais des inventaires annuels de population d'insectes, le ministère détectait la présence de foyers d'infestation sur les forêt privées ou publiques, laissant présager un danger d'épidémie, la fédération serait d'accord pour que le ministère intervienne immédiatement et avec les moyens les plus efficaces qui soient. Nous savons que les insectes ne tiennent pas compte des frontières entre les modes de tenure, et nous sommes conscients qu'un foyer d'infestation pourrait être détecté sur nos terrains privés. Dans ce cas, et dans ce cas seulement, la fédération sanctionnerait l'utilisation sur des surfaces restreintes (moins de 600 hectares) d'insecticides chimiques tels que le fénitrothion - je m'excuse, j'ai toujours eu de la misère à le prononcer - reconnus pour leur rapidité d'action et leur efficacité. Il va sans dire que toutes les précautions nécessaires devront être prises pour assurer la sécurité du public. De même, il est essentiel de respecter les zones tampons près des cours d'eau, des lacs, des chemins principaux et des habitations.

Le contrôle de la végétation compétitive. La fédération souscrit aussi aux besoins énoncés dans le document de support relativement au contrôle de la végétation compétitive. Les besoins de dégager les plantations et les peuplements en voie de régénération de la compétition qui les menace sont tout aussi pressants sur les forêts publiques que sur les forêts privées; l'utilisation d'herbicides et de sylvicides devient alors un outil d'aménagement essentiel dans une politique de rendement soutenu.

Si on est pressés, on pourrait peut-être passer un peu... On parlait de la recherche et du développement. C'est bien sûr qu'on veut que le ministère accentue les moyens sur la recherche.

Les lois. Le document de support met ensuite en évidence les nombreuses lois. Je pense qu'on est d'accord, en principe, avec toutes ces lois-là aussi. Puis on parle de la Loi sur les pesticides qui propose plusieurs règlements dont les objectifs sont la classification des pesticides, de s'assurer de la sensibilisation et de la compétence des personnes vendant et utilisant des

pesticides, de connaître les interventions et la circulation des produits sur le terrain, de construire un code de gestion des pesticides.

La fédération est en accord avec les objectifs poursuivis par cette loi et ses règlements, et croit que ceux-ci permettront une utilisation plus rationnelle des pesticides en milieu forestier. Cela, toujours avec le souci, bien sûr, de mieux protéger l'environnement. À cet effet, les propriétaires aménagistes forestiers utilisant des pesticides de classe 3, d'usage commercial, agricole ou industriel, seront tenus d'obtenir un certificat attestant de leur réussite à un examen prescrit ou reconnu par le ministère de l'Environnement. La fédération a déjà mentionné son accord pour ce nouveau règlement de la Loi sur les pesticides.

On va aller à la page 16, les solutions envisagées. À notre avis, cette solution est très difficilement réalisable. On parle des premiers programmes, des solutions envisagées. À notre avis, cette solution est très difficilement réalisable car il est pratiquement impossible de déterminer les interventions de protection à effectuer sur une période aussi longue que cinq ans. On pourra, au plus, indiquer les travaux susceptibles d'intervenir. Selon notre expérience en forêt privée, la planification des travaux de cette nature est impensable sur une période de plus de deux ans et ce, malgré le fait que nous travaillions avec des surfaces beaucoup plus restreintes que sur les forêts publiques. D'ailleurs, il s'avère très hasardeux de prévoir quelles seraient les aires qui auront besoin d'une protection, puisque beaucoup de variables que nous ne contrôlons pas interviennent. Donc, rien ne permet d'assurer que les plans d'intervention proposés pour une étude d'impact seront suivis à la lettre. Les forestiers doivent s'attendre à s'ajuster aux éléments qui les entourent.

Le Président (M. Parent, Bertrand): M.

Dallaire...

M. Dallaire: Oui.

Le Président (M. Parent, Bertrand): ...votre temps est écoulé. Peut-être pouvez-vous juste nous lire la conclusion? Je vous rappelle que tous les membres de la commission ont pris connaissance déjà du...

M. Dallaire: D'accord.

Le Président (M. Parent, Bertrand): ...rapport et vous pourrez, dans les questions qui vous seront posées, passer vos messages.

M. Dallaire: On complétera dans les questions. D'accord. On passe à la conclusion.

L'ampleur des dommages subis lors de l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette et notre implication dans l'aménagement des forêts nous incitent à croire que l'avenir se prépare dès aujourd'hui. La solution à de tels problèmes réside dans la mise en place d'un système de protection des forêts contre les ravageurs, incluant les terrains boisés privés et l'utilisation sensée d'outils comme les herbicides et les sylvicides pour assurer la survie et la pleine croissance de nos futures forêts. Devant l'avènement d'un aménagement forestier intensif, il convient, selon nous, de protéger pour récolter. La fédération, à cet effet, appuie la deuxième solution proposée dans le document de support en spécifiant, toutefois, que la lutte intégrée nous réfère à plusieurs problèmes, donc, à plusieurs solutions qui peuvent parfois nécessiter l'utilisation de produits autres que le B.t. et le glyphosate.

Enfin, la fédération demeure convaincue que seules la poursuite et l'intensification de la recherche et du développement permettront d'améliorer nos méthodes de protection et d'assurer la pérennité de nos forêts.

Nous remercions la commission de l'attention qu'elle porte à la forêt privée du Québec. Merci.

Le Président (M. Parent, Bertrand): Je vous remercie beaucoup de votre collaboration, M. Dallaire, et on s'excuse de vous bousculer, mais...

Alors, sans plus tarder, je laisserais la parole au ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. Dallaire, tout d'abord, en vous remerciant pour votre mémoire, je pense qu'il y a certaines choses très constructives dedans qui rejoignent des suggestions faites par beaucoup d'intervenants à l'effet de mettre l'accent sur l'intensification de la recherche et le développement pour les méthodes et les façons de faire alternatives. Vous avez aussi parlé des pièges du phéromone dont on a discuté déjà. Mon collègue et moi avons parlé de cela l'autre jour et, si on pouvait ajouter aux 500 stations à peu près qu'on a maintenant, sans doute que ce serait un grand pas en avant.

Pour ce qui est de la section de votre mémoire qui touche aux recommandations du mémoire de base de la commission, de la politique de la commission, je voulais vous poser une ou deux questions. Je vois que votre intervention, si je peux la résumer, c'est de dire qu'il serait impossible pour nous de faire des études d'impact pour cinq ans, au maximum on ne pourrait pas aller plus loin que deux ans, et vous dites que vous appuyez le scénario numéro 2, en fait, que vous voulez aller plus loin, vous servir du fénitrothion pour les surfaces de moins de 600 hectares, et mêmes d'autres produits, si nécessaire, dans certaines circonstances.

Je voulais vous demander ceci: Vous allez prévoir un programme d'aménagement forestier, que vous allez soumettre au ministre délégué aux Forêts pour cinq ans. En fait, c'est un programme de cinq ans. L'idée de cinq ans nous est

venue de cela, pour harmoniser les deux. Comment est-ce possible de produire un plan d'aménagement forestier de cinq ans, pour tous vos membres? Ce sont des surfaces immenses, malgré tout. Malgré que ce ne soit pas aussi grand que les forêts publiques, c'est quelque chose comme, je ne sais pas, 169 000 kilomètres carrés. Et que vous puissiez faire cela et que, malgré tout, vous trouviez en même temps trop difficile de préparer un schéma ou une esquisse de travail de protection de la forêt par les pesticides que vous recommandez ou autres, pour la même période... L'un et l'autre ne vont-ils pas ensemble, puisque vous-mêmes nous dites que les pesticides sont un outil essentiel pour votre travail?

M. Dallaire: D'abord, je me permets une petite correction: ce n'est pas nous qui proposons des plans de cinq ans; je pense que c'est l'industrie qui est obligée de produire cela conformément à la loi 150, si j'ai bien compris.

M. Lincoln: Ah bon, je comprends, oui.

M. Dallaire: En forêt privée, ce n'est pas tout à fait le même scénario. C'est sûr que l'on produit aussi des plans. On a ce qu'on appelle l'obligation un peu, si on veut par exemple se prévaloir de la carte de producteur forestier, d'avoir des plans simples de gestion, des choses de ce genre, mais on n'a pas tout à fait la même obligation présentement que l'industrie sur la forêt publique.

À nous, en tout cas, parce qu'on a cru détecter à la lecture de ces propositions-là, la deuxième alternative nous paraît quand même plus possible que la première parce que c'est un petit... Par exemple, si on veut intervenir rapidement pour réprimer une épidémie dès son début, si on doit attendre un an ou deux ans et passer aux audiences publiques, peut-être que l'épidémie aura le temps de prendre de l'ampleur, et là on sera obligés de déverser des quantités beaucoup plus grandes d'insecticide biologique ou chimique pour contrer cette épidémie-là que si on a des moyens efficaces de détection et qu'on peut intervenir dès le tout début de l'épidémie. On va jusqu'à dire qu'on pourrait peut-être autoriser l'emploi d'herbicides chimiques s'il est reconnu que c'est beaucoup plus rapide, mais dans des cas très extrêmes parce qu'en principe je pense qu'on est beaucoup en désaccord avec l'emploi massif de produits chimiques. On dit que, si c'est le dernier moyen, on pourrait l'autoriser, mais sur de petites superficies et dans des cas spécifiques, justement quand il n'y a pas d'autres moyens de contrer la propagation d'une épidémie à son tout début.

M. Lincoln: M. Dallaire, je suis d'accord avec vous. Si vous regardez la page 69 de notre politique d'utilisation des pesticides qui a formé fa base de... Si vous avez le document, regardez le haut de la page 69. Si vous lisez avec moi, on a prévu un mécanisme qui permet de réagir à toute situation d'urgence, compte tenu que les I interventions prévisibles seront analysées et qu'une approche sera acceptée pour les cas imprévus. Ce qu'on suggère, et c'est là qu'il y a peut-être un malentendu entre nous, c'est un programme qui puisse être examiné pour le processus de végétation des pesticides, en attendant qu'on trouve quelque chose de mieux, puisqu'on est obligés de les utiliser malheureusement pour un bout de temps. Pour le programme de végétation on dit: Planifiez afin qu'on sache combien de territoires vous allez arroser, quels sont les impacts sur l'environnement. Une chose dans cela: on prévoirait un mécanisme qui, justement, vous donnerait des outils pour agir d'urgence sur des petites surfaces avec des pesticides, puisqu'on saurait ce que vous allez faire et quel pesticide vous allez utiliser. Si on faisait ces deux choses, qu'est-ce que vous trouvez impossible là-dedans? C'est cela que je voulais savoir. Peut-être avez-vous compris que, dans l'alternative numéro 1, on ne permettait pas ce mécanisme. Mais, en fait, on le prévoit ici.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dallaire (17 h 15)

M. Dallaire: Si des moyens peuvent nous assurer qu'il y aurait peut-être un moyen d'intervention rapide qui nous permettrait de poursuivre l'objectif premier qui est de contrer, dès son tout début, la propagation d'une épidémie quelconque mais en tout cas nous, à ce qu'on avait vu à la lecture du document et quand on a étudié les deux alternatives, la deuxième nous semblait beaucoup plus facile d'application que la première. Cela ne veut pas dire, non plus, qu'on ne le souhaite pas. D'ailleurs, on mentionne aussi dans notre mémoire que, même si un produit qui est homologué présentement est employé et qu'on pense qu'il peut être très peu néfaste pour l'environnement, on ne veut pas qu'il n'y ait pas de suivi. Un produit peut être homologué aujourd'hui et, dans deux ou trois ans, ne plus l'être. On doit quand même continuer le suivi de tous les produits qu'on emploie quand on est vraiment obligés de les employer, mais toujours en s'as-surant qu'il y ait le moins d'impact possible sur l'environnement.

M. Lincoln: Je conçois avec vous que le scénario 2 est plus facile. Est-ce que c'est meilleur pour l'environnement, pour la santé des gens, pour les citoyens? C'est la grosse question. C'est peut-être meilleur à court terme pour la production parce que cela ne vous donne pas d'embarras. Vous en avez deux qui sont homologués, qui sont reconnus. Est-ce que l'autre mécanisme, ne serait pas mieux pour tout le monde? Les citoyens qui ne sont pas impliqués dans la foresterie sont aussi impliqués parce qu'ils vont subir les conséquences, bonnes ou mauvaises, de tout cela. Si on pouvait les impliquer dans le processus par une audience

publique qui serait ouverte, où on pourrait discuter de la chose, à ce moment-là, au lieu de vous donner deux possibilités, peut-être que vous suggéreriez comme vous le faites ici qu'il y ait d'autres façons pour les urgences. Au moins, on saurait ce que vous allez faire. Tandis que là, on vous donne comme une espèce de carte blanche, ne sachant pas à l'avance comment vous allez vous en servir. Je crois à votre bonne foi à 100 %, que vous allez vous en servir de façon écologique, mais peut-être que votre voisin ou le propriétaire d'à côté ne le fera pas. C'est ce qui nous fait peur.

La dernière question que je veux vous poser. À la page 17, vous dites: "Avec la première solution envisagée dans le document de support, les industriels devraient prévoir jusqu'à huit ans à l'avance des travaux." Est-ce que vous voulez parler de tout le mécanisme de préparation des études d'impact? Est-ce que c'est ce que vous voulez dire, que cela prendra huit ans?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dallaire. M. Dallaire: Cela veut un peu dire cela. M. Lincoln: D'accord.

Mme Gauthier (Johanne): Est-ce que je peux...

M. Lincoln: Oui.

Le Président (M. Saint-Roch): Mme Gauthier.

Mme Gauthier: Je voudrais apporter une précision à M. Lincoln. Dans le mémoire, on dit bien qu'on n'est pas contre les études d'impact. On a étudié les deux solutions que le document de support nous proposait en tant qu'organisme professionnel, et on a conclu que la deuxième solution était plus abordable pour l'instant. On n'est pas contre les études d'impact. Dans la deuxième solution, de toute façon, on prévoit un mécanisme d'étude d'impact pour tout nouveau produit qui pourrait être homologué ou qui pourrait éventuellement devenir intéressant d'utilisation en milieu forestier. Les études d'impact ne sont donc pas mises de côté.

M. Lincoln: Ce n'est pas une critique. Vous avez deux choix. Vous avez choisi ce qui vous paraît le meilleur. Je vous pose cette question en dernier: S'il y avait un mécanisme - peut-être avez-vous écouté les gens qui ont parlé avant - un comité quelconque qui rejoindrait vous, le ministère, les groupes d'intervenants représentant les citoyens ou des experts, un comité consultatif quelconque qui pourrait déblayer le terrain au départ afin que tout le monde sache où on s'en va pour qu'il n'y ait pas cette procédure massive qui tienne le pavé pendant des années, que tout cela soit mis au clair afin qu'on sache à l'avance où on s'en va tous ensemble, à ce moment-là, s'il y avait une étude d'impact et une audience publique qui seraient un mécanisme rapide et efficace, est-ce que cela vous gênerait d'avoir cela?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dallaire.

M. Dallaire: On n'a pas fait de consultation à ce sujet parmi nos membres, mais mon opinion personnelle, c'est que je serais en faveur d'un comité consultatif, pour autant qu'on aurait la possibilité de se prononcer sur les gens qui composeraient ce comité. Dans notre document, on a vu qu'on représente au-delà de 20 % de l'ensemble de l'industrie. C'est peut-être dans vos préoccupations aussi de nous inclure dans ce comité, comme représentants de la forêt privée. Ce qui est important, c'est que les gens qui vont composer ce comité consultatif proviennent de toutes les couches de la société qui sont directement intéressées.

M. Lincoln: Je vais faire un petit "deal" avec vous. Si vous êtes pour les études d'impact et les audiences publiques, pour ma part je vous recommanderai sûrement pour le comité. Si vous pouvez persuader vos collègues au sujet des études d'impact et des audiences publiques, on va vous mettre dans le comité.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, comme dans cette commission je me retrouve plus souvent du côté du ministre de l'Environnement que du côté du ministre délégué aux Forêts, je me trouve dans la situation où, parfois, les questions que j'avais ont été un peu éclaircies par les réponses apportées précédemment.

Je voudrais revenir finalement... J'ai l'impression qu'il y a un problème de compréhension qui est à l'origine de votre jugement, de votre opinion sur le scénario 1. Quand on lit cela, on a l'impression que vous voyez cela comme un lourd mécanisme qui ferait en sorte que vous n'auriez pas la capacité de réagir rapidement alors que ce que tous ceux qui sont plus en faveur du scénario 1... Moi, j'ai dit clairement hier que, même le scénario 1, je trouvais qu'il était trop lourd. Il faudrait l'alléger de telle sorte qu'il soit plus opérationnel.

Disons qu'un scénario 1 amélioré, à notre point de vue, permettrait à la fois une bonne rapidité d'intervention et, en même temps, la capacité pour les citoyens d'intervenir dans le processus pour préserver leurs acquis. À cause de la Loi sur la protection de l'environnement, ils ont la possibilité de participer au processus d'évaluation des impacts environnementaux.

Est-ce qu'on peut considérer que votre fédération serait favorable à la recherche d'un compromis ou d'un troisième scénario qui vous

donnerait à la fois les garanties dont vous avez besoin, c'est-à-dire capacité de réaction rapide et adéquate aussi - parce que ce n'est pas seulement de réagir rapidement, il s'agit aussi de réagir adéquatement aux problèmes que vous rencontrez - et, en même temps, le maintien de l'acquis qui constitue le droit des gens, des citoyens, des organismes qui sont intéressés à participer à l'évaluation des impacts environnementaux?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Dallaire.

M. Dallaire: Je pense que, à la lumière des connaissances qu'on avait quand on a écrit ce document, c'est justement le point que vous touchez, la lourdeur de l'application qui nous a fait porter notre choix sur le deuxième scénario. L'option que vous suggérez, comme le comité consultatif, dans ce temps-là, on ne l'avait pas analysée. C'est pour cela qu'on n'en a pas tenu compte dans notre document. En principe, on n'a rien contre. C'est sûr que, s'il y a deux alternatives, il peut y en avoir une troisième qui peut être aussi valable que les deux autres. Par contre, quand on a écrit notre document, à la lumière de ce qu'on connaissait, notre choix s'est plutôt porté sur la deuxième solution, qui nous apparaissait beaucoup plus souple d'application.

M. Charbonneau: Vous n'aviez pas le mandat et vous ne vous êtes pas cru obligés d'élaborer un troisième scénario.

M. Dallaire: Non.

M. Charbonneau: Dans la mesure où les interventions et le travail de la commission parlementaire en arrivent à identifier la solution pour trouver un scénario qui serait acceptable aux uns et aux autres, vous n'êtes pas fermés à cela.

M. Dallaire: Non, on n'est pas allés jusque-là.

Le Président (M. Saint-Roch): Mme Gauthier.

Mme Gauthier: En fait, ce qu'on dit dans le mémoire, c'est que les insectes ne connaissent pas les modes de tenure, les limites entre les deux modes de tenure privée ou publique. Ce qu'on veut, c'est que, s'il y a des problèmes au niveau de la forêt publique, le ministère de l'Énergie et des Ressources et les industries forestières aient le loisir de pouvoir intervenir pour ne pas que cela vienne finalement affecter nos forêts privées, et vice versa. Il peut très bien y avoir des foyers d'infestation qui peuvent se retrouver dans nos forêts privées, et on ne voudrait pas être responsables d'une épidémie généralisée pour le Québec.

Ce qu'on veut, c'est avoir les moyens d'intervenir en temps requis avec les outils qui sont disponibles à l'heure actuelle. |

M. Charbonneau: J'ai l'impression que personne n'a le goût de faire une muraille entre la forêt privée et la forêt publique.

Mme Gauthier: C'est impossible.

M. Charbonneau: Premièrement, c'est impossible; deuxièmement, je pense que tout cela pris dans sa globalité, et la politique de l'usage des pesticides en milieu forestier, c'est l'ensemble du milieu forestier, pas seulement le milieu forestier public. À cet égard, c'est clair que les solutions qui seraient...

Vous étiez ici, juste avant vous il y avait le groupe de travail sur les pesticides. Vous avez entendu les arguments en faveur des audiences publiques. Je pourrais vous demander: Comment réagissez-vous, finalement, à l'argumentation qui est militée en faveur du maintien de ce mécanisme plutôt que de l'abandon?

Mme Gauthier: Excusez, mais on ne parle pas d'abandon du mécanisme des audiences publiques, comme je l'ai expliqué tantôt. Dans la deuxième solution, on préconise quand même des audiences publiques sur d'autres produits, éventuellement. Si on parle du B.t., il a déjà passé par la procédure d'audiences publiques.

M. Charbonneau: Non, non, non.

Mme Gauthier: Bien oui. Si on assure un suivi adéquat de l'utilisation de ce pesticide sur l'environnement, je pense qu'on devrait continuer à l'utiliser. S'il y a d'autres produits qui pouvaient éventuellement devenir intéressants pour utilisation en milieu forestier et qu'on voulait en faire l'utilisation, on ne serait pas contre les audiences publiques, au contraire. Le produit passerait par le processus complet d'audiences publiques et l'étude d'impact et à ce moment-là on pourrait l'utiliser, toujours en assumant qu'il y a un suivi très rigoureux sur l'environnement qui se fait par la suite. J'imagine que le ministre de l'Environnement va avoir cette tâche-là par la suite.

M. Charbonneau: II a déjà cette tâche-là en vertu de la Loi sur les pesticides.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Verchères. M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. Je connais l'importance de la forêt privée, parce que vous avez perdu aussi - cela compte pour beaucoup dans le bilan forestier du Québec - lors de lia dernière épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Vous avez perdu quoi? 22 000 000 de mètres cubes de bois,

à 30 $ le mètre cube? Cela fait pas mal d'argent. Tout cela, ce sont les propriétaires privés qui l'ont perdu. On n'a pas pu réagir assez rapidement. C'est venu de l'Ouest et cela a traversé tout le Québec. C'est ce qu'on veut éviter, tout en respectant l'environnement. Je ne crois pas que le scénario 2, le scénario 2 modifié ou le scénario 1 modifié soient irrespectueux de l'environnement, malgré ce qu'on veut laisser croire des fois. C'est primordial de protéger la santé de l'environnement. Mais je sais que vous avez souvent fait des sondages auprès de vos membres. Vous avez fait des sondages auprès de vos membres en ce qui concerne le dépérissement des érablières. Vous savez que vous avez perdu 2 700 000 entailles ou quelque chose de ce genre-là. Mais est-ce que vous avez fait des sondages auprès de vos membres sur l'utilisation des produits chimiques ou des produits biologiques pour protéger la forêt?

M. Dallaire: Disons qu'il n'y a peut-être pas eu de sondages scientifiques comme tels, sauf qu'on sait depuis quand même quelques années qu'on préconise de beaucoup l'utilisation des produits écologiques. Comme je le mentionnais dans le mémoire, personne n'emploie des produits chimiques de gaieté de coeur. On dit que c'est un mal nécessaire auquel on doit recourir quand on n'a pas d'autre solution alternative. C'est pour cela qu'on attache beaucoup d'importance à la poursuite des recherches pour essayer de trouver le plus rapidement possible des produits écologiques qui remplaceraient éventuellement les produits chimiques qu'on est quand même un peu obligés d'employer.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Dans la gamme de travaux que le ministère préconise comme mesure incitative pour faire les travaux d'aménagement en forêt privée, est-ce qu'il y en a qui pourraient vous aider à éliminer l'usage des phytocides et des insecticides? Je sais que, dans le cas du plant de l'Est, tous les producteurs qui ont été contactés par le gouvernement fédéral pour faire arroser leurs terrains au B.t. ont dit oui.

M. Dallaire: Ah, oui.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Ils ont tous dit oui, à 100 %. Et ma deuxième question: Est-ce que vous avez fait des études pour comparer l'efficacité des produits chimiques et celle des produits mécaniques pour combattre la végétation concurrente? S'il ne poussait pas cinq rejets de souche pour combattre la végétation lorsqu'on le fait de façon mécanique, si on le faisait une fois seulement, cela aurait peut-être un peu d'allure, mais il faut retourner souvent. Est-ce que vous avez fait des études dans ce sens-là?

M. Dallaire: Je vais demander à Mme Gauthier de répondre, c'est plus dans son domaine.

Le Président (M. Saint-Roch): Mme Gauthier.

Mme Gauthier: Pour répondre à votre première question, M. Côté, comme le disait M. Dallaire, on n'a pas fait de sondages très exhaustifs, sauf que la fédération a procédé, en 1985 et en 1986, à des arrosages au B.t., un peu comme il se fait dans le plant de l'Est cette année et, effectivement, la réponse des producteurs a été très bonne dans les zones qui étaient infestées et où on avait déjà eu de lourdes pertes. Alors, en 1985-1986, on était déjà dans une période où on essayait plutôt d'amoindrir les dommages. On a eu une très bonne réponse et cela a donné de très bons résultats parce que, les années subséquentes, les populations d'insectes avaient déjà diminué. Alors, pour ce qui est de l'intérêt des producteurs pour les produits biologiques, je pense que cela a été clair dans les années 1985-1986.

Pour répondre à votre... (17 h 30)

M. Côté (Rivière-du-Loup): Traitements chimiques, traitements mécaniques.

Mme Gauthier: Ah oui, les traitements mécaniques. À la fédération ou même dans les syndicats de producteurs de bois, à l'heure actuelle, il n'y a pas eu d'expérience comme telle. Il y a eu certains travaux qui ont été faits par le biais de programmes, de sociétés sylvicoles ou des programmes de création d'emplois. On s'est rendu compte que les coûts étaient très élevés et que, par la suite, la végétation compétitive revenait de façon aussi agressive. Alors, pour nous, pour l'instant, des méthodes alternatives, on n'en connaît pas et on souhaite bien que la recherche fasse son bout de chemin de ce côté-là.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Très bien. Je veux vous informer que des pièges au phéromone, nous en aurons 1200 au Québec en 1989. Ceci nous aidera peut-être à détecter des foyers d'infestation. J'apprécie votre offre de faire faire les lectures par des propriétaires. J'espère bien qu'on pourra aménager cette proposition. Je vous remercie.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Est-ce que votre groupe, la fédération, a rencontré le comité Audet?

Mme Gauthier: À la fin du mois de juin.

M. Desbîens: C'est un comité qui a été mis sur pied par le ministre de l'Énergie et des Ressources. Est-ce que vous avez eu une ren-

contre avec eux?

M. Dallaire: Non, pas encore.

M. Desbiens: Déjà? Pas encore.

M. Dallaire: C'est prévu pour la fin juin.

Mme Gauthier: Fin juin.

M. Desbiens: Est-ce que vous entendez...

M. Dallaire: Présenter un mémoire?

M. Desbiens: ...faire de la politique concernant les pesticides ou l'utilisation des pesticides en général un des sujets de discussions.

M. Dallaire: On veut présenter un mémoire qui va contenir à peu près tous ces éléments. C'est sûr qu'on est très intéressé à faire connaître la position de la Fédération des producteurs de bois. Je sais aussi que la plupart de nos syndicats affiliés vont également être invités à présenter des mémoires et, à ce que je sache, la plupart de ceux-ci vont en présenter.

M. Desbiens: Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Dubuc. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Sur ceci, j'aimerais remercier les représentants de la Fédération des producteurs de bois du Québec pour leur participation aux travaux de cette commission.

Maintenant, je demanderais aux représentants de l'Union des producteurs agricoles du Québec de bien vouloir prendre place.

Union des producteurs agricoles du Québec

M. Couillard (Jean-Yves): Alors, merci, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): Permettez-moi, dans un premier...

M. Couillard: Oui.

Le Président (M. Saint-Roch): ...temps, de vous souhaiter la bienvenue aux travaux de cette commission. Maintenant, je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier, ainsi que la personne qui l'accompagne, pour le bénéfice des membres de cette commission.

M. Couillard: Jean-Yves Couillard. D'abord, je suis un producteur agricole, bien sûr, et j'ai une partie de forêt, évidemment. Je suis vice-président de l'Union des producteurs agricoles.

M. Ménard (Louis): Louis Ménard, je travaille pour le Service d'études et de recher- ches de l'UPA.

Le Président (M. Saint-Roch): M Couillard, je vous cède la parole.

M. Couillard: Dans un premier temps, M. le Président, on vous remercie bien d'avoir accepté que l'on puisse venir. On avait décidé, au départ, d'envoyer une lettre d'appui. Comme nous avons trouvé qu'il était important qu'on donne la position de l'Union des producteurs agricoles peut-être en personne, nous avons demandé de paraître devant votre commission et vous avez accepté, nous allons le faire très brièvement.

On va reprendre la lettre d'appui, mais on va plutôt mettre de l'emphase sur les choses qu'on veut faire ressortir à l'intérieur de cette lettre. Bien sûr, c'est pour que le grand public ne soit pas inquiet de la position de l'Union des producteurs agricoles face à la Fédération des producteurs de bois. On va lire la lettre, au départ, et on va revenir avec les choses sur lesquelles on veut mettre de l'emphase. "L'Union des producteurs agricoles a pris connaissance du mémoire de la Fédération des producteurs de bois du Québec qui sera présenté - on le faisait par lettre, bien sûr - à la commission parlementaire sur l'utilisation des pesticides en milieu forestier. L'UPA appuie les positions défendues par la Fédération des producteurs de bois du Québec concernant l'utilisation des pesticides en milieu forestier." Cela ne veut pas dire de n'importe quelle façon. Je pense que la fédération a bien souligné tout à l'heure de quelle façon l'union apportait cet appui. "Le contexte actuel de la production nécessite l'utilisation des pesticides en forêt, particulièrement dans le secteur de la production des plantes destinées au reboisement, ainsi que pour garantir une rentabilité accrue dans les programmes de plantation et d'aménagement forestier. Nous pensons que les demandes formulées par la fédération d'intégrer la protection de la forêt publique et privée dans l'élaboration de la politique d'utilisation des pesticides sont justifiées et méritent considération. Aussi, les grandes lignes de la politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier doivent être axées sur la détection - je pense qu'ici ce serait bon de s'arrêter parce que nous l'avons déjà fait dans le secteur agricole, lorsqu'on parle des réseaux de dépistages. Bien sûr, j'ai écouté tout à l'heure, lorsque le ministre disait: Nous avons beaucoup de stations. M. le ministre délégué aux Forêts disait: Nous allons avoir des pièges, mais il faut aussi avoir des personnes qui soient vraiment habilitées, qui soient capables de détecter le plus rapidement possible ces places infestées. Des fois, cela peut être circonscrit. Si on le fait rapidement, les problèmes seront d'autant plus minimes que l'intervention est rapide. À ce moment-là, un petit feu, des fois, on peut l'éteindre avec un extincteur et, si on attend cinq minutes, cela prend les pompiers et,

dix minutes, tout y passe. À un moment donné, on dit que, dans la forêt, c'est aussi important que cela et il faut vraiment être capable et en mesure de le faire rapidement.

Dans la diffusion de l'information et les moyens d'intervention rapides et efficaces qui tiennent compte des risques pour l'environnement et la santé du public. "En outre, l'UPA est d'accord avec la Fédération des producteurs de bois lorsqu'elle recommande l'établissement de programmes de recherche." À toutes les fois, on dit: II faut mettre en place des programmes de recherche. Ce dont on s'aperçoit, c'est qu'après l'avoir dit on l'oublie. Alors, si on vient à cette table, c'est pour mettre l'accent et essayer de rappeler que souvent ces programmes de recherche qu'on demande sont une nécessité. Ce n'est pas seulement une demande. Ce sont des choses qui devraient être vraiment axées et c'est bien sûr qu'on va revenir souvent, à l'avenir, vous le rappeler, sur le développement et les moyens de rechange aux pesticides pour lutter contre les agents nuisibles de la forêt. "En terminant, l'UPA remercie la commission de l'avoir invitée à s'exprimer sur l'utilisation des pesticides en milieu forestier."

Je voulais quand même vous dire que vous aviez deux solutions, les scénarios 1 et 2. Il est bien sûr que la fédération a appuyé davantage le deuxième. C'est l'utilisation sans étude d'impact, avec des produits connus, évidemment, et les meilleurs, surtout lorsqu'on parle - il faudrait demander cela à l'agronome, à côté - des biopesticides. C'est comme cela maintenant, c'est le nouveau nom. Alors, c'est bien sûr que nous, certains agriculteurs et également les producteurs forestiers, on veut que ce soit ces produits-là qui soient utilisés et qu'il y ait de la recherche pour pouvoir vraiment avoir des produits qui sont compétitifs dans ce domaine. Si la solution 2 a été plus recommandée, c'est parce que pour nous c'est plus rapide et c'est plus adapté. Dans notre pensée ces choses-là ne traînent pas. On se revire de bord ce matin, il y a un petit réseau qui est là, on y va tout de suite et on prend les moyens nécessaires.

Bien sûr, ce qu'on voudrait aussi mentionner, c'est que les commissions parlementaires sont peut-être bien le "fun". Le grand public, dans ce temps-là, est aussi bien content. Souvent, on dit: Ils font des choses. Mais pour nous, ce qui est important, ce n'est peut-être pas de dire que cela paraît bien, mais que cela se fasse vraiment. C'est pour cela qu'on dit qu'en ce qui concerne la solution 2 on fait des choses et cela donne des résultats.

C'est un peu cela qu'on voulait vous dire. C'est bien sûr que, pour ce qui est de la recherche, comme je vous l'ai mentionné tout à l'heure, il faut mettre de l'argent. C'est aussi simple que cela. Ce n'est pas plus compliqué que cela, c'est l'argent. Que voulez-vous que je vous dise? C'est ce qui est le nerf de la guerre. C'est ce qui est le nerf de la guerre un peu partout.

Pour le comité consultatif, nous avons écouté quand même les recommandations qui ont été faites tout à l'heure avant qu'on passe ici. On pense que c'est une bonne chose, mais avant de vous dire oui à tout cela, il faudrait vraiment connaître l'ampleur de ce que cela peut apporter, les avantages et les désavantages aussi. Pour nous autres, c'est toujours quelque chose de plus concret. Vous allez comprendre qu'on est dans un domaine où on aime que les choses se fassent rapidement et de façon terre à terre.

C'est un peu cela que je voulais vous exprimer aujourd'hui. Je vous remercie.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Couillard. M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le président, je vous souhaite le bonjour parce que je vous ai manqué lors de la commission parlementaire sur la Loi sur les forêts. Je m'en excuse. Du côté des arrosages de pesticides, on dit que dans la forêt, on n'en met pas beaucoup une fois, disons, en 50 ans en ce qui concerne l'élimination de la végétation concurrente; on arrose en cas d'épidémies d'insectes ou on essaie de prévenir les épidémies. C'est pourquoi on a des pièges et on essaie de détecter ces foyers d'infestation le plus rapidement possible pour en utiliser le moins possible. Personne n'aime cela puis ce n'est pas de gaieté de coeur, comme vous l'avez mentionné, ou comme M. Dallaire l'a mentionné, qu'on utilise ces produits-là ou qu'on dépense des efforts et des sommes d'argent pour protéger notre bien ou notre investissement. Mais, du côté de l'agriculture, on dit: Les agriculteurs utilisent beaucoup de ces produits-là, les produits homologués, évidemment, comparativement à ce qu'on fait en forêt. Et, aujourd'hui, on fait une commission parlementaire, on fait des audiences sur ces produits-là alors que du côté agricole on semble accepter tout ce qui se passe. Est-ce que c'est parce que vous manutentionnez ces produits-là avec beaucoup plus d'expertise que les forestiers?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Couillard.

M. Couillard: Écoutez, pour vous dire qu'on est meilleur en agriculture qu'on ne l'est en forêt... Bien sûr, il y a des spécialistes en forêt et également en agriculture. Je ne voudrais pas dire que les uns sont meilleurs que les autres. Mais ce que je voudrais dire, c'est qu'à l'heure actuelle, dans la loi qui a été votée sur les pesticides, il y a un élément très important qui fait défaut un peu; en tout cas, je l'exprime de même. Cet élément-là, c'est que les agriculteurs vont suivre des cours pour l'utilisation, pour tâcher d'en utiliser le moins possible; la prévention, l'utilisation, vous mettez toutes les choses. Mais l'élément qui est vraiment essentiel, ce sont

les réseaux de dépistage, pour nous autres. C'est cela qui va permettre, en tout cas, de réduire au minimum l'utilisation des pesticides. Quand on parle d'un réseau de dépistage, pour donner des exemples qui ont eu lieu dans le sud de Montréal où on faisait des arrosages conventionnels, cela veut dire qu'on sait que les insectes arrivent à telle date, on fait des arrosages, on fait des affaires de prévention. Cela veut dire qu'avec des réseaux de dépistage où il y avait trois ou quatre arrosages il y a un arrosage et il y a beaucoup moins d'utilisation de pesticides mais cela veut dire également qu'il y a beaucoup moins d'argent qui sort de notre poche, puis tout le monde est content. C'est pour vous dire pourquoi, en forêt, on devrait mettre l'accent de ce côté-là aussi. Cela ne veut pas dire que c'est moins faible ou plus faible en forêt parce qu'un moment donné on a eu des arrosages faits par Hydro-Québec qui ont contaminé les puits d'arrosage des producteurs maraîchers. Des fois je me pose la question, à savoir si c'est moins faible ou plus faible. Je ne voudrais pas me prononcer sur cela, mais on sait par contre que ces problèmes-là sont arrivés. Cela veut dire que c'est pas mal fort, des bouts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): J'ai fait sursauter mon collègue de l'Environnement hier en parlant du Killex que j'utilisais chez nous pour les pissenlits. Mais, s'il y avait une politique d'utilisation de ces produits-là, comme vous avez en agriculture avec des stations de repérage, de piégeage ou de détection pour prévenir avant que cela ne s'étende trop peut-être que j'en aurais mis moins. Du côté de la santé, on a souvent brandi le... Mon collègue de Verchères disait que le public a la chienne. À la fin des audiences des commissions parlementaires sur ces produits-là, je me demande si on ne contribue pas à faire peur au monde. Tout de même, il faut que la population soit très bien informée et qu'elle puisse intervenir, mais il ne faut pas contribuer, par exemple, à la faire... Et du côté santé, suivant les sondages, la question des pesticides vient au 28e rang dans la réalité mais du côté quasiment psychologique, elle passe au 4e ou au 9e rang selon les groupes. Qu'est-ce qu'on va faire pour ramener cela à sa juste réalité? Le comité consultatif, est-ce que ce serait son rôle de ramener cela à sa réalité puis dans le contexte réel des choses? (17 h 45)

M. Couillard: Au comité consultatif, je comprends que ce sont des docteurs, des experts, je comprends qu'on a besoin de ces personnes-là, mais dans toute chose il ne s'agit pas non plus de grossir et de mettre des flambées pour tâcher que cela s'en aille en grossissant. Je pense qu'en ce qui concerne le comité consultatif il y a sûrement des bons côtés qu'il faudrait vraiment analyser et après cela on serait plus en mesure... C'est une chose nouvelle qui nous est arrivée aujourd'hui. C'est difficile pour moi de vous dire oui mais je comprends par contre qu'il y a sûrement des côtés très positifs. Tout à l'heure j'ai jasé un peu avec ces personnes-là qui étaient ici à la table et c'est sûr que pour nous, à l'UPA, ce sont des personnes qui pourraient nous rendre service lorsqu'on a des mémoires à écrire, parce que ce sont des personnes compétentes et qui ont des expertises qu'on n'a pas. C'est surtout qu'on a des expertises pratiques; eux connaissent vraiment le fond des produits. Alors, ce ne sont pas des personnes à délaisser; au contraire, ce sont des personnes avec qui on devrait s'associer.

M. Côté (Rivière-du-Loup): II faudrait que le comité consultatif, à mon sens, soit dirigé par l'environnement et par des toxicologues pour protéger ces secteurs-là, à la suite de propositions que les producteurs ou les forestiers pourraient faire pour, évidemment, protéger l'environnement et la santé humaine. Ce sont ces personnes-là qui devraient avoir le leadership du comité.

M. Couillard: Quand on parle de leadership, je ne sais pas s'il y en a un ou plusieurs qui devraient avoir un leadership, mais je pense plutôt que, lorsque c'est une chose de travail, les personnes qui sont à l'intérieur ont chacune des choses à apporter. C'est de même qu'on atteint le meilleur résultat. Cela ne veut pas dire pour moi... Et remarquez que je suis même allé à Ottawa quand on a voulu interdire l'alachlore qui est un produit dangereux pour les utilisateurs, mais qui par contre n'est pas nocif pour les plantes, qui a un contrôle parfait et qui est le moins dommageable de tous ceux qu'on a. Mais, parce que c'est dangereux pour nous, on nous dit: Vous ne pouvez plus l'utiliser. Quand on arrive avec des choses comme celle-là, je m'interroge. C'est pour cela qu'à un moment donné, à l'intérieur de chacun des comités, cela prend des personnes qui sont capables d'avoir des pensées différentes pour bien faire les choses. C'est pour ça que je veux vous dire que, même si ce sont des docteurs, cela ne veut pas dire que les agriculteurs qui sont là aussi, qui ont le côté pratique, ce n'est pas bon à l'intérieur de ça. Je pense que c'est bon si tout le monde apporte des choses concrètes.

M. Côté (Rivière-du-Loup): On peut appuyer le scénario 2, mais pas à n'importe quel prix. Vous dites que vous le favorisez pour des raisons d'efficacité; c'est cela?

M. Couillard: Des choses rapides et efficaces.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, je veux saluer, entre autres, M. Couillard et son collègue, M. Couillard, parce que c'est un de mes bons concitoyens, on se connaît depuis des années. On est très sensible de ce côté-ci aussi à l'importance d'avoir une réponse rapide et efficace quand il se produit des problèmes, des maladies ou des situations infectueuses en milieu forestier. Dans le fond, ce qu'on a essayé de faire, c'est de démontrer au cours des deux derniers jours que, contrairement à ce que le ministre délégué aux Forêts prétend, le scénario 1, amélioré par ailleurs, parce que c'est clair que, dans le contexte actuel ou de la façon qu'il est présenté, il peut donner l'impression d'être trop lourd ou de ne pas permettre une rapidité d'intervention suffisamment grande, mais dans la mesure où il serait amélioré, l'objectif que l'on doit avoir et qu'on a, c'est, d'une part, de permettre l'utilisation la plus réduite des pesticides, mais que, quand il faut les utiliser, on puisse les utiliser pour répondre efficacement aux problèmes que l'on veut régler et rapidement. Mais, par ailleurs, on conserve l'acquis qui est important. On a un mode de gestion des questions environnementales au Québec qu'on a mis au point au cours des dernières années à travers le fait que les gens peuvent participer à l'évaluation des impacts environnementaux. C'est un acquis important.

Dans le fond, vous dites que vous avez assisté à la présentation, entre autres, du Groupe de travail sur les pesticides. Vous avez vu comme nous que ce ne sont pas des gens farfelus qui sont là juste pour créer le trouble, mais qu'ils ont une argumentation et qu'ils ont indiqué ou démontré que, dans un certain nombre de situations, les études d'impact amènent à resserrer les vis et à agir avec plus de précaution, à trouver des alternatives que souvent on n'est pas enclin à trouver parce qu'on a une autorisation, une espèce de chèque en blanc pour utiliser certains produits. Pourquoi on se forcerait pour utiliser des alternatives? C'est cela aussi qui est un peu à craindre. Des entreprises vont dire: On a deux produits homologués, on ne se cassera plus la tête. Cela ne sert à rien d'en chercher d'autres. On se cassera la tête quand quelqu'un nous indiquera et nous fera la démonstration que ces produits-là sont nocifs, mais, pour le moment, on aurait un chèque en blanc, puis on pourrait fonctionner. On ne se cassera pas la tête, non plus, pour chercher des alternatives qui seraient peut-être moins coûteuses ou, en tout cas, moins nocives à l'environnement.

Puis, je reprends l'exemple que vous avez donné tantôt, M. Couillard. Vous-mêmes, vous êtes rendu compte qu'il y avait des arrosages qui devaient être relativement inoffensifs qui l'étaient, en réalité, beaucoup moins. Or, si les producteurs agricoles sont eux-mêmes des victimes de certains de ces types d'arrosage, à des moments donnés, ils peuvent très bien comprendre que des citoyens qui sont encore moins familiers avec l'usage des ces produits-là, parce qu'ils ne les utilisent pas sauf pour leurs pissenlits, puis, je suis convaincu que ce n'est pas le ministre qui a fait l'arrosage sur son terrain...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.

M. Charbonneau: Dans votre cas, peut-être, un ingénieur forestier.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau: Je vais vous dire que, dans mon cas, je ne toucherai pas à cela. Donc, les gens qui sont moins familiers ont besoin d'être non seulement rassurés, mais bien informés, puis éventuellement de pouvoir contribuer, comme les gens qu'on a vu tantôt peuvent apporter une contribution. Dans ce sens-là, je me dis, un peu comme votre Fédération des producteurs de bois tantôt l'a dit: Est-ce qu'on peut considérer que l'UPA dans son ensemble est ouverte à la recherche d'une troisième solution qui serait peut-être plus acceptable aux uns et aux autres? Là, il y en a un qui est absent, il a dû s'absenter je ne sais pas pourquoi, on ne le blâmera pas parce que je pense qu'il a été présent, mais il ne dit pas toujours la même chose que son collègue. Le ministre de l'Environnement n'a pas du tout tenu le même discours que le ministre délégué aux Forêts. Nous autres, on veut aider le ministre de l'Environnement parce qu'on trouve qu'il n'est pas...

Une voix: Ha, ha, ha! Des voix: Oh!

M. Charbonneau: ...très écologiste, le ministre délégué aux Forêts. C'est drôle, quand il était là, il n'y en a pas un qui chialait, hein? Ha, ha, ha!

On prend sa défense, puis vous chialez encore. Oui, oui, oui. C'est cela. Je vais vous ressayer, ce soir, quand il va être là, pour voir si vous aurez la même réaction.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau: J'espère qu'il va vous rappeler à l'ordre, lui.

Donc, ce que je voulais dire, c'est: Est-ce qu'on peut considérer que l'UPA est ouverte à l'idée de rechercher une solution qui, finalement, essaierait de garder les acquis au plan du mode de gestion des problèmes environnementaux qu'on a développé au Québec et de l'usage, en fait, d'une formule qui permettrait en même temps aux utilisateurs, aux exploiteurs de la forêt privée ou publique d'avoir des outils d'intervention, de gestion et de lutte contre les problèmes efficaces et d'utilisation rapide quand il faut les utiliser rapidement?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Couillard.

M. Couillard: M. Charbonneau met cela pas mai long, toutes ces questions-là.

M. Charbonneau: Ha, ha, ha!

M. Couillard: II est en train de me coincer un petit peu à l'intérieur de cela, parce qu'il faut dire que c'est mon député aussi. Mais cela ne fait rien, cela ne veut pas dire que je lui donne raison partout.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Couillard: Mais je n'ai pas dit...

M. Charbonneau: Pour moi, l'essentiel, c'est d'avoir raison de temps en temps.

M. Couillard: J'ai dit tout simplement que c'était mon député. C'est lui qui a été élu dans le comté, tu sais ce que je veux dire?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Couillard: Aïe, que j'ai de la misère à te faire comprendre, Jean-Pierre! Arrête!

M. Charbonneau: Ha, ha, ha!

M. Couillard: Alors, pour répondre à ta question, Jean-Pierre, on n'est pas contre les études d'impact. On est contre le fait qu'à un moment donné on s'appuie sur des études d'impact pour dire: Tant qu'elles ne sont pas faites, on ne fera pas d'autres choses. Pour nous, ce n'est pas cela qui est important. L'important, c'est de faire des corrections quand c'est le temps. Les études d'impact, cela n'empêche pas de continuer à le faire. Cela ne veut pas dire non plus, qu'il faut faire des études d'impact sur toutes les petites choses qu'il y a à faire. Parce que là, on n'en finira plus, puis, au Québec, on va rester dans les études d'impact et on n'avancera plus, non plus. Alors, pour moi, là, il y a des choses...

M. Charbonneau: II n'est pas question de cela. Faut qu'on se dise qu'il n'est pas question de cela.

M. Couillard: Non, c'est cela que je veux dire. Je te mets cela bien clair. En tout cas, moi, je pense que je te mets cela clair, Jean-Pierre. Excusez, M. Charbonneau.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau: Cela va.

M. Couillard: Ce n'est pas plus grave que cela, c'est parce que je le connais bien.

M. Charbonneau: Vas-y Jean-Yves.

M. Couillard: J'en connais d'autres, aussi, à l'intérieur de cela. Mais moi, ce que je veux vous dire, c'est que les études d'impact, c'est important, c'est nécessaire. Il ne faudrait pas, non plus, qu'on prenne juste des études d'impact pour dire que c'est cela qui va nous faire faire des recherches. Tu sais ce que je veux dire? Quand même vous nous diriez aujourd'hui que, parce qu'on va faire des études d'impact, cela va nous démontrer qu'il y a des choses moins bonnes, qu'on va en trouver d'autres meilleures, bon, puis ces choses-là, pour moi, ce n'est pas cela qui est important. L'important, c'est de s'en aller tout le temps vers l'excellence, c'est-à-dire qu'il y a tout le temps des choses à améliorer. Puis, pour moi, on n'est pas obligé de faire des études d'impact pour les améliorer.

M. Charbonneau: Non, mais cela veut dire que l'UPA est préoccupée de cohérence. Si l'UPA est engagée dans la lutte contre les pluies acides...

M. Couillard: Oui.

M. Charbonneau:... et que vous êtes préoccupés, donc, des émissions chimiques dans l'air, sur les milieux forestiers...

M. Couillard: Exact, exact.

M. Charbonneau:... vous devez l'être également pour...

M. Couillard: M. le député, c'est pour cela qu'on vous dit qu'on est d'accord pour s'en aller vers les biopesticides, des choses qui "maganent" beaucoup moins l'environnement; de ce côté-là, en "maganant" moins l'environnement, nous aussi, on y trouve notre profit, c'est clair. Ce n'est pas juste en forêt, c'est partout. De ce côté-là, on attend après cela. Je pense qu'il faudrait convaincre les compagnies qui font de ces pecticides chimiques qu'elles feraient autant d'argent si elles axaient leurs recherches vers des biopesticides. C'est ce qu'elles font, mais cela leur prend pas mal de temps. Il faudrait les convaincre.

Peut-être, M. le ministre, faudrait-il vous convaincre si vous laissiez pousser les pissenlits sur votre pelouse, que vous auriez la plus belle pelouse avec les plus belles fleurs. Vous n'auriez même pas eu la peine d'arroser. Si tout le monde était convaincu de cela, on ferait des villes et villages fleuris avec des... Je ne sais pas, si on laisse aller son imagination, on peut aller aussi loin que cela.

M. Charbonneau: II n'aime pas les pissenlits parce que ce ne sont pas des fleurs rouges.

M. Couillard: Moi, les pissenlits je me

dépêche à les couper et je ne mets rien sur la pelouse. À la minute où ils fleurissent, on passe le moulin à faucher.

M. Charbonneau: Sur cette réponse, M. Couillard, Jean-Yves, on va se revoir bientôt. Il faut aller voter.

Le Président (M. Saint-Roch): Je remercie l'Union des producteurs agricoles du Québec de son intervention auprès de cette commission.

Les exigences de la vie parlementaire appellent maintenant les députés pour un vote. Alors, la commission de l'aménagement et des équipements suspend ses travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

Je rappelle aux gens de l'Ordre des ingénieurs forestiers qu'ils seront les premiers à être entendus.

(Suspension de la séance à 17 h 57)

(Reprise à 20 h 5)

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'aménagement et des équipements reprend maintenant ses travaux pour poursuivre sa consultation particulière sur le document intitulé "Politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier". Je demanderais maintenant à l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec de prendre place. Permettez-moi, dans un premier temps, de vous souhaiter la bienvenue aux travaux de la commission de l'aménagement et des équipements. Je demanderais au porte-parole de s'identifier, ainsi que les gens qui l'accompagnent, pour le bénéfice des membres de la commission.

Ordre des ingénieurs forestiers du Québec

M. Charbonneau (Carl): Carl Charbonneau, président de l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec. À mon extrême droite, M. Denis Gingras, membre de la cellule régionale de Montréal-Estrie et membre du comité qui a élaboré le mémoire; à ma droite ici, M. Marc Côté, directeur général et secrétaire de l'Ordre des ingénieurs forestiers; et à ma gauche, M. Germain Paré, vice-président de l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Charbonneau. Je vous cède maintenant la parole pour la présentation de votre mémoire.

M. Charbonneau (Carl): M. le ministre de l'Environnement, MM. les députés, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec est une corporation professionnelle d'exercice exclusif régie par le Code des professions et regroupant 1650 ingénieurs forestiers exerçant au Québec et à l'étranger dans tous les domaines reliés aux sciences forestières.

L'utilisation des pesticides en milieu forestier figure parmi ses plus importantes préoccupations, en raison même de sa mission fondamentale de protection du public en matière d'aménagement et d'utilisation des ressources forestières. D'ailleurs, les problèmes environnementaux reliés aux épandages d'insecticides et de phytocides en milieu forestier ont déjà fait l'objet d'un mémoire que l'ordre a soumis lors d'audiences antérieures.

L'ordre apprécie l'occasion qui lui est à nouveau offerte de présenter devant cette commission le point de vue des ingénieurs forestiers du Québec qui ont te devoir de s'assurer que les objectifs de rendement soutenu de la forêt, clairement énoncés dans la Loi sur les forêts, seront atteints tout en respectant la qualité de l'environnement.

Les principes fondamentaux. L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec endosse l'énoncé global de la politique gouvernementale en matière d'utilisation des pesticides en milieu forestier, public ou privé. Cette politique s'appuie sur six principes directeurs qui rejoignent les principales recommandations formulées par l'ordre dans sa précédente intervention. Aussi, nous apparaît-il opportun de relever ici les grandes lignes des positions antérieures que l'ordre a défendues et continue à défendre aujourd'hui.

L'ordre soutient qu'il est nécessaire d'intervenir par divers types de traitements appropriés pour protéger et mettre en valeur les ressources forestières du Québec. Ces interventions visent, d'une part, à protéger la forêt principalement contre l'invasion des insectes défoliateurs et, d'autre part, à contrôler la végétation concurrente qui envahit les jeunes plantations. Or, parmi les outils d'intervention actuellement reconnus pour leur efficacité figurent les pesticides homologués.

L'utilisation de ces produits doit cependant être entourée de la plus grande prudence et leur application doit être accompagnée de mesures de contrôle sévères afin de protéger les écosystèmes forestiers et de réduire au minimum les risques d'affecter la santé humaine.

L'ordre a maintes fois répété que l'utilisation de pesticides en milieu forestier doit être considérée comme une solution de dernier recours, lorsqu'il est impératif d'intervenir et que toutes les autres options d'intervention s'avèrent irréalisables. Il importe donc que les efforts de recherche soient intensifiés pour développer des techniques permettant l'intégration progressive de solutions sylvicoles, mécaniques, biologiques ou autres, réduisant ainsi l'utilisation de pesticides à des fins d'aménagement forestier.

Les scénarios proposés. Le projet de politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier propose deux scénarios visant chacun à

concilier les objectifs de la Loi sur les forêts, qui marque un tournant vers un aménagement intensif des forêts basé sur le rendement soutenu et ceux des lois et règlements en matière de protection de l'environnement. Le premier scénario prévoit l'élaboration d'un programme d'intervention de cinq ans comportant l'usage de pesticides en milieu forestier, soumis au mécanisme de l'évaluation des impacts sur l'environnement et la santé humaine.

Quant au second scénario, il propose une modification au règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement, pour permettre l'utilisation en milieu forestier, sans étude d'impact, de deux pesticides homologués actuellement en usage, le Bacillus thuringiensis (B. t. ) et le glyphosate.

L'ordre tient d'abord à souligner qu'il soutient le principe fondamental que l'ingénieur forestier, dans l'exercice d'une profession qui lui demande souvent d'intervenir avec diligence pour sauvegarder nos ressources forestières, doit pouvoir compter sur certains pesticides homologués dont l'efficacité et la sécurité pour la santé humaine et l'environnement ont été démontrées de façon satisfaisante. Conséquemment, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec se prononce en faveur du deuxième scénario qui préconise l'utilisation du B. t. et du glyphosate sans étude d'impact.

Des études ont en effet démontré que la formulation améliorée de l'insecticide biologique B. t. est très sécuritaire et très spécifique à l'égard des seuls lépidoptères défoliateurs. Il n'est efficace que s'il est ingéré par ce type d'insectes, et ne possède donc aucun effet de contact sur quelque organisme que ce soit.

On présente, par ailleurs, le glyphosate comme étant un phytocide très peu toxique, non sélectif, efficace et peu persistant. On souligne que sa dégradation est d'origine microbienne et ne laisse aucun résidu chimique dans l'environnement.

L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec considère donc que l'utilisation de ces deux pesticides, avec toutes les précautions qui s'imposent, apparaît sécuritaire et avantageuse. De plus, ces produits présentent l'avantage indéniable d'être spécifiques et efficaces.

Leur exclusion éventuelle du mécanisme des études d'impact est privilégiée par l'ordre parce qu'elle permettrait une utilisation de produits sécuritaires et efficaces dans un délai raisonnable lorsque se présente une situation d'urgence favoriserait un aménagement plus intensif de la forêt par des interventions respectant les écosystèmes forestiers; éviterait la longue et coûteuse procédure des études d'impact et la répétition de celles-ci sur des produits déjà soumis au mécanisme d'évaluation des impacts.

En conséquence, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec recommande que l'utilisation de l'Insecticide biologique B. t. et du glyphosate soit permise, sans étude d'impact, avec toutes les précautions qui s'imposent pour protéger la santé \ humaine et l'environnement.

La recommandation de l'ordre à l'égard de ce scénario n'exclut pas la nécessité d'assujettir l'utilisation de ces deux pesticides aux autorisations annuelles prévues dans la Loi sur la qualité de l'environnement et la Loi sur les pesticides. De même, l'ordre considère qu'une procédure de révision périodique de ces produits est indispensable pour assurer une protection optimale à la population et aux écosystèmes forestiers.

Les avenues à explorer. L'utilisation de certains pesticides sécuritaires demeure une nécessité en aménagement forestier puisqu'il faut intervenir si l'on veut respecter les objectifs de rendement soutenu et de remise en production préconisés dans la Loi sur les forêts. L'ordre maintient que l'utilisation de ces produits doit être limitée aux seules situations où il est impératif d'intervenir et où aucune autre option n'est disponible et économiquement réalisable. Pour l'ordre, la véritable solution aux problèmes environnementaux reliés aux épidémies d'insectes et à l'établissement d'une végétation concurrente agressive dans les jeunes plantations, réside dans une approche où l'on intégrerait progressivement des méthodes sylvicofes, biologiques et mécaniques, et où l'on modifierait nos méthodes de récolte de la matière ligneuse.

Compte tenu que l'intensification de l'aménagement forestier amènera des interventions encore plus fréquentes en milieu forestier, l'ordre ne saurait assez insister pour qu'un important effort de recherche soit consenti afin de développer de nouvelles techniques sylvicoles favorisant la régénération naturelle désirée, évitant ainsi, du moins dans certaines portions du territoire forestier, d'avoir trop largement recours au reboisement artificiel.

Ces mêmes efforts de recherche devraient permettre d'orienter les programmes de reboisement vers des espèces plus résistantes aux grandes épidémies d'insectes que le Québec a connues ces dernières années. La recherche s'impose encore pour confirmer les résultats prometteurs de certains types de coupes qui, réalisées adéquatement, non seulement protègent la régénération naturelle établie, mais assurent en même temps une diminution notable de la compétition.

En conséquence, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec recommande que de sérieux efforts de recherche soient consentis afin de développer des solutions de rechange d'efficacité comparable aux pesticides actuellement utilisés en milieu forestier. (20 h 15)

L'ordre croit aussi que le Québec devrait s'inspirer de l'exemple d'autres pays forestiers où la recherche s'intensifie en vue de développer des machines adaptées au dégagement mécanique des plantations. Il ne faudrait pas non plus ignorer la possibilité de développer de nouveaux produits et de nouvelles techniques, dont cer-

taines pourraient même permettre d'utiliser l'abondante biomasse forestière disponible sur les parterres de coupe, dans le but de contrer l'émergence d'une végétation compétitive indésirable en plantations.

L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec considère que l'aménagement intensif de nos forêts exige des interventions sur les écosystèmes forestiers et que, dans cette perspective, l'utilisation de certains pesticides spécifiques est indispensable dans certaines circonstances. Il recommande que l'utilisation du B.t. et du glyphosate soit permise, sans étude d'impact, à la condition d'être soumise à des normes sévères et à une réglementation stricte.

Il est toutefois d'avis que de sérieux efforts de recherche et de développement doivent être immédiatement entrepris pour assurer au secteur forestier des solutions de rechange valables et réalistes à l'usage des pesticides en milieu forestier.

L'ordre est conscient qu'il faut accorder à la dimension sociale et environnementale de l'utilisation des pesticides en milieu forestier toute la considération qu'elle mérite. Dans ce sens, la recherche de toute solution à nos grands problèmes forestiers doit être fondée sur la perpétuation du bien-être économique des populations concernées, sur la protection de leur santé et sur le maintien de la qualité de leur milieu de vie.

Je vous remercie.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Charbonneau. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: Votre mémoire préconise le scénario numéro 2, c'est-à-dire l'utilisation du B.t. et du glyphosate sans étude d'impact et en même temps, votre ordre reconnaît le mérite des six principes directeurs. Un de ces principes directeurs reconnaît le droit du public de se faire entendre par rapport à l'utilisation des pesticides. Comme vous dites vous-même dans votre mémoire que votre mission fondamentale est la protection du public, comment pouvez-vous concilier le principe de demander d'accepter que le public se fasse entendre avec l'idée d'utiliser deux produits dont un, le glyphosate, n'a jamais été examiné par le public? Il n'y a jamais eu d'audience publique ou de consultation publique. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a une contradiction? Comment le public fait-il entendre sa voix par rapport à l'utilisation du glyphosate sans consultation publique?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Carl): Oui. La position de l'ordre, en ce sens, est basée sur le principe que nous croyons tout de même que le mécanisme d'homologation, actuellement en vigueur au sein du gouvernement fédéral, démontre que ces produits ne causent pas de préjudice important à la population. Nous croyons que toutes les étapes par lesquelles un produit devient homologué, actuellement, sont le seul mécanisme qui nous permet de dire qu'un produit est valable ou non. Nous considérons que ce mécanisme assure à la population la sécurité dont on fait mention dans les six principes directeurs. Dans le mémoire que nous avons présenté, nous mentionnons aussi qu'il est important d'informer la population des mécanismes de contrôle qui seront maintenus ou élaborés. On ne retire pas ces produits du mécanisme de la Loi sur la qualité de l'environnement, où on doit demander des permis d'utilisation annuels.

M. Lincoln: Comme beaucoup d'intervenants du milieu forestier, vous semblez traiter comme une espèce de garantie le fait que le produit soit homologué. Or, on a cité des exemples de produits, qui étaient homologués hier, mais qui ne le sont plus aujourd'hui parce qu'ils se sont avérés déficients ou dangereux. En plus de quoi, il y a le témoignage de Dr Trottier, toxicologue, qui disait que le processus d'homologation est relativement satisfaisant pour un temps donné, par rapport à des données de base qu'on connaît à ce moment-là, basées sur des modèles. Le docteur Anderson, de l'Université Concord ia, qui était là un peu plus tôt, m'a dit tout à l'heure que l'homologation se base sur des modèles qui sont souvent des modèles théoriques d'après des données qui sont connues par Agriculture Canada, mais qui sont testées sur le terrain ensuite, parce que la plupart du temps, ii n'y a pas de façon de faire des expériences actuelles dans le processus d'homologation.

Est-ce qu'on ne se fie pas beaucoup trop sur un processus d'homologation qui, bien des fois... Je pourrais vous citer des exemples où c'est prouvé déficient. Si on pense que la protection du public est la cause numéro un, après tout, est-ce que vous ne mettez pas trop l'accent là-dessus?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Carl): Je voudrais céder la parole à M. Paré, à ma gauche.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Paré.

M. Paré (Germain): M. le Président et M. le ministre, je pense qu'un des intervenants a parlé, au cours de l'après-midi, de ce qui se passait si on n'avait pas le processus d'homologation en question. Tout le monde s'est rendu compte que le principe de l'homologation des produits qui doivent être dispersés dans la nature doit exister. Le principe de l'homologation doit exister. Personne ne revient sur cela.

M. Lincoln: Non.

M. Paré (Germain): On ne revient pas non plus sur l'idée qu'il peut y avoir des failles au processus actuel et que des améliorations peuvent être apportées au processus d'homologation des produits actuellement, qu'il y a des produits qui peuvent passer un test et qui peuvent, pour une raison ou pour une autre, se voir retirer cette homologation quelques années plus tard, à la lumière d'informations supplémentaires.

Cependant, les ingénieurs forestiers croient que l'homologation des produits est une activité très technique qui fait appel à des toxicologues, a des spécialistes en biologie, etc., et que cette homologation relève de ces spécialistes, de ces professionnels. Les ingénieurs forestiers veulent pouvoir disposer d'un outil. C'est tout simplement l'objectif pour lequel on voudrait que l'homologation soit reconnue.

C'est bien évident également qu'il n'y a rien qui empêche de réviser périodiquement un produit homologué. On peut se fixer deux ans, trois ans, cinq ans pour réviser une homologation ou une permission qui est accordée sur un produit. De toute façon, dans le processus d'homologation actuel, dès qu'un problème quelconque est noté, soit par le public, soit par l'opérateur, tout redevient devant le processus d'homologation qui a aussi des procédures d'audiences publiques et de diffusion de l'information auprès du public.

Donc, sans s'accrocher absolument au procesus d'homologation, les ingénieurs forestiers croient que c'est leur rôle, peut-être pas directement de choisir les produits chimiques à mettre en forêt, mais d'obtenir des accords, autrement dit "Canada approved", sur un produit à un moment donné.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.

M. Uncoln: En principe, est-ce que vous êtes contre le système actuel d'études d'impact et d'audiences publiques, à part la question du délai que cela peut évoquer ou provoquer?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Charbon-neau.

M. Charbonneau (Carl): Je pense que le principal problème sur les études d'impact qui a été amené par les différents intervenants qui originait du secteur forestier depuis le début des travaux de la commission parlementaire était axé sur les délais. Je suis convaincu que, si on éliminait une bonne partie des délais imposés par les études d'impact, plusieurs intervenants auraient peut-être changé un peu leur approche et, nous, en tant que professionnels, on ne serait pas contre le fait qu'en excluant les délais on puisse procéder à des études d'impact.

Je pense qu'il faut être conscients que, lorsqu'on travaille avec un milieu vivant qu'est la forêt, avec des insectes qui sont aussi des êtres I vivants, des êtres biologiques, ce sont des êtres qui se multiplient de façon exponentielle. Il ne faut pas non plus avoir des délais qui pourraient changer un petit point d'infestation d'une épidémie avant qu'on puisse intervenir. Je pense que c'est surtout cela.

M. Lincoln: II y a deux choses: le B.t. pour les insectes et le glyphosate pour la végétation, n'est-ce pas?

M. Charbonneau (Carl): Oui.

M. Lincoln: Parlons d'un à la fois. Pour le B.t., admettons que nous reconnaissons tous, de chaque côté de la salle ici, que, s'il y a une urgence, on ne peui: pas attendre que le feu soit éteint ou que les insectes aient fini de dévorer avant de bouger. Nous sommes d'accord là-dessus. Nous acceptons ce principe. S'il y a un mécanisme d'intervention, comme il y a aujourd'hui le décret qui permet l'utilisation du B.t. jusqu'en 1989, pour 700 000 hectares ou quelque chose comme cela, parce qu'il y avait une épidémie, justement... Mais, pour le glyphosate, qui n'a pas été suggéré à l'étude d'impact, il n'y a pas de degré d'urgence. Il ne s'agit pas d'une épidémie à contrer demain matin. Mais laissons le B.t. de côté pour le moment et parlons du glyphosate. Est-ce que vous seriez disposés à vous soumettre à une étude d'impact, à une audience publique afin que le public connaisse exactement l'étendue de l'usage du glyphosate?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Carl): Concernant l'utilisation de glyphosate, on croit que ce produit est utilisé pour combattre la compétition d'essences indésirables par rapport à une forêt qu'on veut avoir. Théoriquement, on peut facilement accepter le principe que l'utilisation du glyphosate est peut-être, dans la majorité des cas, un élément qui est moins urgent que le combat des insectes. Il y a peut-être moyen de planifier, en tout cas avec un peu plus de précision, l'utilisation des glyphosates dans les plantations, par exemple.

D'ailleurs, dans notre mémoire, on suggère aussi qu'on devrait travailler très fort à la recherche de nouveaux traitements sylvicoles pour permettre l'installation de la régénération naturelle pour avoir moins de plantations qui pourraient peut-être nous amener à moins de compétition ou à une utilisation moindre de glyphosate.

Par contre, l'ordre s'est prononcé sur les deux hypothèses qui lui étaient présentées et nous avons actuellement pris position pour la deuxième qui semblait répondre mieux à ce que l'on désirait.

M. Lincoln: Oui. Je comprends très bien ce que vous dites. Mais, justement, je voulais en arriver à la troisième notion que vous avez apportée, celle où vous dites qu'on voudrait prendre l'exemple d'autres pays forestiers où la recherche s'intensifie en vue de développer des machines adaptées au dégagement mécanique des plantations. De plus, vous dites: On pourrait même permettre l'utilisation de l'abondante masse forestière disponible chez les partenaires de coupe, dans le but de contrer l'émergence d'une végétation compétitive indésirable en plantations.

Je me réjouis de cela parce que vous êtes un des premiers groupes à avoir apporté un exemple de méthodes alternatives concrètes. Un autre groupe nous a dit, au point de vue du système mécanique, que la végétation repoussait bien vite. Là, vous nous dites que c'est quelque chose qui pourrait être une alternative.

M. Charbonneau (Carl): Cela peut être une alternative dans la mesure où, par des recherches qui seront effectuées, on sera en mesure de démontrer que c'est aussi valable que l'utilisation des produits chimiques. Je crois que le message que l'on veut passer, lorsqu'on parle de mécanisation, de recherche et d'utilisation de biomasse, ce sont des exemples de sujets qu'on devrait favoriser dans la recherche et dans le développement actuellement. Nous croyons qu'une bonne partie des problèmes qui sont soulevés par l'utilisation de produits chimiques pourrait être résolue par des investissements un peu plus importants en recherche appliquée en forêt.

M. Lincoln: En d'autres mots, si on avait un système de détection des insectes ravageurs beaucoup plus poussé, comme plus de pièges qu'actuellement, si on avait aussi d'autres méthodes comme celles préconisées par vous en plus peut-être des biopesticides ou des pesticides pathogènes naturels ou quelque chose comme cela, peut-être alors que l'utilisation des pesticides serait purement une affaire transitoire. On pourrait voir le jour où, dans quelques années, on n'en aura plus besoin. Est-ce que vous prévoyez cela?

M. Charbonneau (Carl): C'est un rêve que nous avons.

M. Lincoln: Ce n'est pas plus qu'un rêve?

M. Charbonneau (Carl): Non. Je crois qu'avec des efforts de recherche relativement importants on peut, dans un délai relativement court, trouver des méthodes qui vont nous permettre de diminuer de beaucoup l'utilisation de produits chimiques en milieu forestier.

M. Lincoln: Est-ce que vous êtes prêts à recommander à l'industrie forestière, qui est très riche, d'investir "du gros argent" dans la recherche afin que ces choses se fassent plus vite?

(20 h 30)

M. Charbonneau (Carl): Je ne crois pas que l'industrie travaille pour l'Ordre des ingénieurs forestiers.

M. Lincoln: Non, non, pas pour l'ordre, mais après tout, l'Ordre des ingénieurs forestiers est un élément important de l'industrie.

Une voix: Ah!

M. Lincoln: C'est un élément professionnel important. Enfin, je ne sais pas si c'est vrai ou non, mais il me semble que vous êtes l'un des éléments de l'industrie et que vous avez une voix au chapitre.

Une voix: L'industrie et les autres, pas seulement l'industrie.

M. Lincoln: Oui, l'industrie et tout le monde.

M. Charbonneau (Carl): Écoutez, je crois que l'Ordre des ingénieurs forestiers a une mission de protection du public. Tous les gens sont au courant de notre position; nous la défendons. Nous croyons que l'industrie peut prendre les décisions qu'elle jugera opportunes, mais la position de l'ordre sera connue de tout le monde. Je pense que c'est de cette façon-là qu'un ordre professionnel joue son rôle. Je ne crois pas que demain matin je puisse aller rencontrer les présidents des différentes industries forestières...

M. Lincoln: II faudrait résumer parce que mon temps achève. Ce que je voulais vous dire, d'après ce que je comprends de vous, c'est que, en principe, vous n'êtes pas contre les études d'impact ou les audiences publiques. De deux scénarios, vous avez choisi celui qui vous paraissait le plus adaptable, le plus facile de prime abord. Mais, en principe, si on pouvait trouver un mécanisme d'étude d'impact et d'audiences publiques qui soit plus rapide, plus efficace, vous n'êtes pas contre cela, selon ce que vous avez dit.

M. Charbonneau (Carl): De prime abord, comme je l'ai mentionné tanôt, ce qui a guidé beaucoup notre choix pour la proposition 2, ce sont tous les délais et tous les mécanismes émotionnels qui entourent une étude d'impact et les audiences publiques. Nous croyons que, s'il est possible de trouver des mécanismes qui pourraient diminuer de beaucoup les délais pour qu'on puisse utiliser les produits qu'il faut pour aménager nos forêts de façon correcte, on pourrait regarder cette solution. Maintenant, nous ne l'avons pas devant nous. C'est difficile de dire oui ou non actuellement.

M. Paré pourrait peut-être terminer.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Paré.

M. Paré (Germain): Un simple mot. Je pense que tous les forestiers qu'on représente désirent faire de la foresterie avec des outils forestiers, non pas du chimique ou du biologique. Ils dési-sirent utiliser des outils forestiers et des méthodes reconnues au niveau de la forêt pour manipuler ou travailler avec l'écosystème forestier, avec les avantages et les variantes qui existent dans l'écosystème forestier, plutôt que d'y introduire du chimique ou des produits qui n'y sont pas.

M. Lincoln: D'accord.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Paré. Merci, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Dubuc. Je respecte l'alternance, M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Bon. C'est revenu plusieurs fois depuis deux jours, lorsqu'il a été question des audiences publiques et du bureau des audiences, de l'étude d'impact, de cette notion d'émotion, d'émotionnelle, d'émotive, et des délais et des coûts, bien sûr, sauf que j'arrive mal à saisir quelle est cette crainte de réaction émotionnelle que plusieurs intervenants ont mentionnée. Quelle est la crainte de réaction émotionnelle? Qu'est-ce que c'est que ces émotions dont on a si peur, qu'on craint tant de la part de la population?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Charbon-neau.

M. Charbonneau (Carl): Lorsqu'on est en période d'audiences publiques, il est sûr qu'il y a des groupes industriels, des groupes professionnels qui présentent différentes positions. À ce moment-là, nous sommes en présence de différents spécialistes qui exposent leurs vues. Il arrive un moment où la tension, dans ces réunions ou dans ces rencontres, devient tellement forte que c'est un affrontement perpétuel. Les discussions ne sont peut-être plus dirigées sur l'objectif premier de protection du public, l'utilisation au maximum, par exemple, du potentiel forestier pour le bien-être de la population. On déborde sur des chicanes. On n'a pas regardé les différents scénarios, mais on pense qu'il y aurait peut-être des façons différentes d'atteindre le même objectif d'informer la population, de faire en sorte que la population sera entendue sans passer par tout ce processus où tous les intervenants que nous avons rencontrés et entendus lors de ces audiences ont parlé de cette émotion présente lors d'audiences publiques sur l'utilisation de produits chimiques. C'est sûr que cela fait peur lorsqu'on parle de ces choses.

M. Desbiens: M. le Président, ce qui fait peur très souvent, c'est précisément une mécon- naissance ou une absence de connaissances. Est-ce que l'occasion d'audiences publiques n'est pas justement le moment choisi d'éclairer correctement la population sur ses craintes fondées ou non fondées, surtout non fondées, selon vous, donc, en la faisant prendre conscience de la vérité, en faisant disparaître ses craintes?

M. Charbonneau (Carl): Nous croyons que c'est peut-être une des façons par lesquelles la population peut, à un certain pourcentage, être informée, mais il y en a beaucoup d'autres qui pourraient être utilisées sans dépenser tout l'arsenal d'énergie et de confrontation qui est présent lors d'audiences publiques. On peut informer la population par des médias et par des dossiers qui lui sont présentés et vulgarisés. Je pense qu'il y a des éléments de vulgarisation qui sont très importants dans des dossiers de cette envergure, et qui ne sont pas présentés, justement, avec les mots qui feraient que la population comprendrait exactement le bien-fondé ou non la position d'un organisme.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Une campagne de relationnis-tes, c'est cela que vous suggérez, comme cela l'a déjà été, une information à sens unique. On sait que cela ne satisfait pas la population. La population veut être là, elle veut elle-même questionner directement les promoteurs de projets. La loi sur l'environnement et la coutume maintenant établie au Québec, c'est via les études d'impact et les audiences publiques. Je sais que l'industrie pourrait très bien faire de l'information d'une manière réussie. Ce n'est pas ainsi. Selon ce que l'on voit au Québec depuis quelques années, la population veut elle-même questionner et veut aussi faire connaître son point de vue. Des spécialistes en différentes matières ne se retrouvent pas toujours uniquement et nécessairement, si l'on prend le cas de l'industrie forestière, à l'intérieur de cette industrie. Il y a des spécialistes qui vivent à l'extérieur de l'industrie forestière et qui sont en mesure d'apporter des éclairages différents. C'est l'occasion aussi, justement pour ces spécialistes et pour le public, de pouvoir confronter, au moins de voir se confronter - se confronter ne veut pas dire nécessairement se chicaner - différentes hypothèses et avenues offertes par des spécialistes qui ont des idées parfois opposées, on le sait, sur des sujets. S'il n'y a pas cette possibilité de contacts directs face au public, un peu comme ici en commission parlementaire, finalement... Il y a des émotions qui s'expriment aussi. Il y a des émotions qui s'expriment même assez vigoureusement parfois. On a déjà vu un président d'assemblée se faire retenir en otage au moment d'une audience. Il y a des émotions qui s'expriment et c'est le risque à prendre dans les occasions, dans ces cas-là où ce débor-

dement d'émotion peut se produire. Est-ce qu'on va empêcher que le public puisse véritablement participer, ayant conscience d'avoir exprimé et d'avoir épuisé le sujet, et qu'il sente que la décision qui va être prise ensuite... Ce n'est pas le public qui prend la décision à ce moment-là, il reste qu'il y a des gens qui font les audiences et qui ont un jugement à porter par la suite, ce n'est pas le public qui prend la décision, c'est ce groupe qui a, jusqu'à présent en tout cas, manifesté sa capacité de le faire de façon objective, je pense. Malgré tout cela et puisqu'on vise... Tous les intervenants ont exprimé le même souhait, la même volonté, c'est-à-dire d'assurer le développement harmonieux de la forêt, non seulement de la forêt matière ligneuse, mais de la forêt pour ce qu'elle peut représenter pour ses habitants, la faune, mais aussi sa possibilité de beauté, donc, d'attrait pour les citoyens et les touristes, etc. Est-ce que donner à ces mêmes citoyens la possibilité de s'exprimer sur ces sujets... C'est cela. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi. C'est un peu ce qu'a exprimé mon collègue tout au long de...

M. Charbonneau (Carl): Si vous le permettez...

M. Desbiens: Oui.

M. Charbonneau (Carl):... M. Paré pourrait éclaircir un peu la position de l'ordre.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Paré.

M. Paré (Germain): II est bien évident que la position de l'ordre n'est pas contre les audiences publiques. L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec est d'accord avec la tenue d'audiences publiques sur des sujets tels que les pesticides, à un moment donné, lorsque cela sera nécessaire, lorsqu'il y aura un nouveau pesticide à entrer dans le circuit, etc. Donc, le mécanisme des audiences publiques est reconnu par les ingénieurs forestiers; il est reconnu comme un bon mécanisme pour informer le public, pour permettre aussi au public d'intervenir, de dire son mot et de mieux comprendre.

Il faut aussi bien comprendre qu'on travaille dans le monde forestier. Le monde forestier est un monde vivant. C'est un monde où souvent il y a plusieurs vérités. Ce n'est souvent ni blanc ni noir, cela joue dans le gris et les niveaux d'interprétation, à un moment donné, deviennent assez subtils, assez difficiles, de la même façon que, lorsque vous avez un conflit de nature juridique, vous pouvez avoir deux notaires des deux côtés de la barricade qui sont entièrement logiques et professionnels. De la même façon, en foresterie, vous pouvez avoir deux forestiers qui sont entièrement logiques, qui sont de chaque côté et qui luttent de bonne foi pour obtenir la meilleure solution possible pour la forêt. C'est toujours le bien de la forêt que le forestier vise.

Le dernier point qui vient peut-être compléter l'image d'émotion qu'on attache aux audiences publiques, c'est qu'il ne faut pas se le cacher, les audiences publiques qu'on a faftes jusqu'à ce jour ont été sur des produits chimiques, dans un contexte de danger, parce qu'on a fait référence à d'autres sortes de produits chimiques et à des mauvaises expériences que l'homme a connues dans divers domaines avec divers produits chimiques. Qu'on le veuille ou pas, dire produit "chimique" implique souvent panique dans l'esprit de certaines personnes, panique parfois irraisonnée. C'est basé sur des expériences dans d'autres domaines. Ce n'est pas rattaché, ce n'est pas prouvé, mais il y a un grelot de panique qui s'y attache tout de suite, parce qu'on dit "chimique". Les forestiers ne sont peut-être pas d'assez bons communicateurs. On n'est pas encore tous des ermites qui vivent dans des cabanes en bois rond, loin de là, on vit en ville quand même. Mais les forestiers n'ont peut-être pas encore acquis le langage facile qui va vendre à des gens, qui va vendre à une population un message clair, compréhensible. D'autres groupes ont peut-être plus de facilité à vendre ce message. C'est de là que l'affrontement naît souvent, lors d'audiences publiques. Je tiens à le répéter, l'ordre n'est pas contre des audiences publiques, comme principe pour informer la population et pour permettre a celle-ci de dire son mot, de dire ce qu'elle a à dire concernant un projet. (20 h 45)

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Je vais reprendre cette proposition que mon collègue, le critique de l'environnement, a développée depuis deux jours. Si je l'interprète mal, il est à mes côtés, il pourra me le dire. Il a essayé de démontrer, à mon point de vue, de distinguer la possibilité de reconnaître qu'il y a des situations d'urgence qui nécessitent une action rapide car, autrement, on atteint des désastres du genre de ceux qu'on a connus avec la tordeuse ces dernières années. Reconnaissant cela, on dit: II faut absolument vous permettre à vous et à l'industrie forestière de pouvoir réagir rapidement. Donc, en attendant que des audiencces publiques sur d'autres produits ou un ensemble de produits aient lieu, il pourrait y avoir, dans un premier temps, possibilité de permettre à l'industrie d'utiliser certains produits qui sont déjà, comme vous dites, homologués. J'ouvre une parenthèse. Vous disiez tantôt: C'est homologué, c'est sûr. Il y a toujours des doutes. On sait que c'était "Canada approved", mais on a mangé de la viande avariée un bout de temps. C'était marqué dessus: "Canada approved". Il y a toujours des doutes aussi, mais en tout cas! Entre-temps, la proposition est la suivante: Pour répondre aux urgences, le ministre ou le gouvernement autoriserait donc, dans l'immédiat, l'utilisation de certains produits con-

tre des épidémies possibles en attendant que des audiences publiques puissent se tenir, soit par régions ou par bandes de forêts. Cela peut être cinq ou dix, je ne sais. Cela n'a pas d'importance, mais évidemment pas autant d'audiences publiques qu'il y a de CAAF. Mais par régions, cela pourrait être possible, plus facile, moins long et moins dispendieux, puisqu'il y aurait à l'intérieur d'une région géographique plusieurs compagnies, plusieurs entreprises et plusieurs groupes qui pourraient faire préparer ou faire exécuter les études d'impact. Cela enlèverait une partie des coûts pour tout le monde. En attendant que ces audiences se tiennent, premièrement, le gouvernement autorise. Après cela, il y a ces études d'impact et ces audiences publiques qui permettent ensuite d'établir pour un nombre X d'années le résultat de ces consultations, de ces audiences, qui assurerait à l'entreprise la tranquillité ou la possibilité d'exercer pour X années à partir des éléments qui auraient été retenus lors de ces consultations. C'est la proposition qu'il a développée depuis deux jours. C'est bien ça? Qu'est-ce que vous en pensez?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Charbon-neau.

M. Charbonneau (Carl): On a le même nom, mais je ne pense pas qu'on soit parents.

M. Charbonneau (Verchères): Les mêmes origines!

M. Charbonneau (Carl): Probablement. Nous sommes heureux de constater qu'en ce qui concerne l'urgence d'intervention cela semble être un élément acquis. L'Ordre des ingénieurs forestiers dans son mémoire privilégiait l'option 2 en affirmant que, pour l'utilisation du B. t. et des glyphosates, on ne considérait pas l'obligation d'avoir d'études d'impact sur ces deux produits. On n'a jamais affirmé que, pour de nouveaux produits, nous étions contre des études d'impact ou des audiences publiques. On pense que les nouveaux produits devraient passer par un processus où on devrait informer la population et avoir une idée de ce qu'elle pense avant de prendre une décision. Dans notre mémoire, on a aussi mentionné que, même pour les produits actuellement qui sont homologués ou qui ont déjà fait l'objet d'études d'impact, nous considérions qu'il faudrait établir un mécanisme périodique de révision de ces autorisations. Il s'agira de connaître la période.

En tout cas, je pense qu'on a démontré, à partir des options que l'on avait, qui étaient l'option 1 versus l'option 2, c'est-à-dire études d'impact ou études d'impact sur d'autres choses que les glyphosates et le B. t., que l'on a choisi la deuxième. S'il y a des alternatives, soit 1a, 2, 5 ou 3b, je pense qu'il faudra regarder les avantages et les désavantages de ces alternatives. Mais j'imagine qu'après avoir analysé comme il faut ces alternatives, il y aura peut-être moyen de trouver une solution mitoyenne ou qui présente des avantages; qu'actuellement l'option 1 et l'option 2 n'ont pas. Mais c'est difficile pour nous, aujourd'hui, de nous prononcer sur une troisième hypothèse.

M. Desbiens: Merci, cela va pour l'instant.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Dubuc. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. Ici, à cette commission, il n'est pas question de soustraire l'utilisation des pesticides à la Loi sur la qualité de l'environnement, à la Loi sur les pesticides, aux autorisations requises. Il n'est pas question de cela du tout. Il est question d'avoir une politique d'utilisation qui va être sécuritaire.

On parte beaucoup des faiblesses de l'homologation. Mais, pour les produits utilisés en forêt, vous mentionnez que tous les produits sont en plus testés par l'Institut de répression des ravageurs forestiers, sur les plans de l'efficacité, des impacts environnementaux, du comportement des produits sur le terrain. Il s'agit également d'un organisme d'experts du gouvernement fédéral.

Évidemment, cest facile de dire: Je ne connais pas cela, mais ce n'est pas bon. On entend cela des fois, mais ce n'est pas drôle. Il n'est pas question de se soustraire à la Loi sur la qualité de l'environnement, à la Loi sur les pesticides, aux autorisations requises pour faire des choses.

Vous choisissez le scénario 2. Mais, en même temps, vous dites: "Québec devrait s'inspirer de l'exemple d'autres pays forestiers où la recherche s'intensifie en vue de développer des machines adaptées au dégagement mécanique des plantations. " Quand on parle de dégagement mécanique, on peut peut-être avoir des outils dangereux. Dans la réalité de la vie, dans la réalité des faits concernant la santé, les pesticides viennent au vingt-huitième rang, tandis que les motocyclettes viennent au troisième ou au quatrième rang. Mais on ne fait pas d'études d'impact sur les motos et on ne fait pas de... C'est cela, dans le fond.

Mais quels sont les pays? Pouvez-vous être plus explicite sur les travaux qui se font dans les pays pour le dégagement manuel? J'en suis, mais avec des moteurs à essence et tout cela, il y aura d'autres inconvénients qu'il faudra mesurer dans ces cas-là, n'est-ce pas?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Carl): Les pays qu'on voulait mentionner, c'étaient surtout les pays Scandinaves. On n'a pas affirmé qu'ils avaient

trouvé la machine qu'il fallait utiliser sans aucun problème pour la sécurité des gens, etc. On dit qu'ils font continuellement des recherches pour trouver de meilleurs outils et qu'on devrait faire des recherches ici aussi. C'est le message que l'on voulait passer. Je pense qu'il ne faut pas s'en tenir à la scie mécanique et à la hache lorsqu'on veut dégager les plantations.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. Charbonneau, on fait également de la recherche pour l'utilisation de la biomasse forestière pour éliminer la végétation indésirable sur le terrain et pour favoriser le reboisement artificiel dans certains cas. Là, on fait de la recherche également. On fait de la recherche sur la génétique des plants, pour qu'ils puissent traverser la végétation concurrente plus rapidement. On fait également des expériences pour planter des plants plus gros pour éviter d'utiliser les phytocides. On en a fait beaucoup de ce côté-là.

On met des pièges, ici et là au Québec, pour essayer de détecter les foyers d'infestation. Ce sont des produits qui ont été examinés lors des audiences publiques, soit le B.t. et le féni-trothion. Mais lors de ces audiences publiques, le BAPE a recommandé le glyphosate. J'imagine que c'est pour cela que vous arrivez également avec le glyphosate aujourd'hui, parce que, pour les deux autres produits, le B.t. et le fénitrothion, le BAPE a dit: D'accord, ce sont des produits utilisables. Il y a moyen de les utiliser sécuritai-rement.

Votre idée, c'est d'arriver avec le glyphosate, comme on le proposait dans le deuxième scénario, et de dire "exempt d'études d'impact". Mais des études d'impact ou des audiences publiques, il faut en faire pour d'autres cas. Je pense bien que c'est ce que vous nous dites. C'est cela?

M. Charbonneau (Carl): C'est la position qui a été présentée par l'ordre aujourd'hui, effectivement.

M. Côté (Rivière-du-Loup): J'écoute les intervenants et je suis en train d'essayer d'élaborer un troisième scénario, comme vous dites, avec les gens de la commission et avec mon collègue, qui ferait qu'on aurait une méthode efficace pour intervenir à temps, pour éviter d'utiliser de grandes quantités de ces produits et pour les utiliser de façon professionnelle et sécuritaire également.

M. Charbonneau (Carl): C'est en ce sens que nous parions d'effectuer des recherches...

M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Cela va.

M. Charbonneau (Carl): ...pour essayer de trouver des nouvelles méthodes de travail.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Charbonneau. Merci, M. le ministre. Je tiens, au nom des membres de la commission, à remercier l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec pour son apport aux travaux de la commission sur l'étude des pesticides.

Je demanderais maintenant aux représentants de l'Association des biologistes du Québec de prendre place, s'il vous plaît.

Une voix: Ils ne sont pas encore arrivés, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): Comme les membres de l'Association des biologistes du Québec ne sont pas encore arrivés, je demanderais aux représentants du Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Pour les membres de la commission, ce sera le mémoire 14.

M. Paradis (Matapédia): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Matapédia.

Permettez-moi, dans un premier temps, de vous souhaiter la bienvenue aux travaux de la. commission. Je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier et de présenter les gens qui l'accompagnent, pour le bénéfice des membres de la commission.

Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy

M. Tremblay (Jacques): Merci, M. le Président. Mon nom est Jacques Tremblay. Je suis responsable de la recherche et du développement dans notre boîte. À ma gauche, M. Bernard Comtois, ingénieur forestier, également, qui est responsable des opérations. À mon extrême gauche, notre vénérable membre du conseil d'administration, M. Henri Leblanc, ingénieur forestier également.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci de ce préambule. Je vous cède maintenant la parole pour la présentation de votre mémoire, en rappelant que vous avez 20 minutes au maximum pour ce faire.

M. Tremblay (Jacques): Merci, M. le Président. M. le ministre de l'Environnement, M. le ministre délégué aux Forêts, MM. les députés, M. le Président, la présentation de notre mémoire prendrait, si on le lisait de façon intégrale, au-delà de 35 minutes. De façon à respecter le temps qui nous est imparti, vous nous permettrez de sauter diverses sections du mémoire. Nous

prendrons soin alors de vous le préciser.

Le Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy (CERFO), est un organisme à but non lucratif reconnu par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science en mai 1985 comme centre spécialisé en foresterie au Québec. En collaboration avec cinq des sept collèges qui dispensent les programmes de technologie forestière, les interventions du centre se situent dans les domaines de l'information, de l'aide technique, de la recherche appliquée et de la formation sur mesure. Par l'entremise de son personnel et de ses réalisations, CERFO travaille en étroite collaboration avec le Département des techniques forestières du cégep de Sainte-Foy. À l'intérieur de ce programme, il existe des cours sur la protection des forêts, la sylviculture, le reboisement, où l'on aborde divers aspects de l'utilisation des pesticides en milieu forestier.

En plus de réagir récemment par écrit au projet de règlement sur les pesticides, CERFO a présenté deux mémoires en commission parlementaire, l'un sur la Loi sur les forêts, la loi 150, et l'autre, sur la Loi sur les pesticides, la loi 27. Enfin, notre centre est impliqué par ses travaux dans tous les domaines de la foresterie. Il suffit de mentionner par exemple la préparation d'un "Guide pratique de reboisement" pour le MER. Dans un contexte d'approche préventive en protection des forêts, ce guide s'avère un outil de planification utile. (21 heures)

Suite à la page 5, M. le Président. Le nouveau régime forestier. La Loi sur les forêts fait du rendement soutenu des forêts publiques une obligation légale que le MER et les industriels titulaires de CAAF sont tenus de respecter. D'une part, le MER fixe les objectifs de protection ligneuse à l'intérieur de toute unité territoriale sous contrat d'aménagement. D'autre part, les détenteurs d'un CAAF ont la responsabilité de prendre les moyens permettant d'atteindre ces objectifs de production. Pour y parvenir, ils doivent, primo, maintenir la productivité des peuplements évoluant vers leur maturité économique et augmenter la production des terrains soumis aux régimes des coupes, en favorisant, bien sûr, la régénération préétablie. Secundo, ils doivent reboiser les aires non régénérées ainsi que celles qui tardent à se regarnir naturellement. Ce faisant, les deux producteurs de matière ligneuse veulent recourir à l'usage modéré et sécuritaire de pesticides homologués pour atteindre leurs fins d'aménagement.

Il faut donner à la régénération forestière toutes les chances d'occuper à nouveau les parterres de coupe et de se développer sans le retard occasionné par la concurrence d'une végétation agressive qui profite de l'effet de coupe, entre autres, par l'apport de lumière abondante.

Malgré la quantité de méthodes manuelles disponibles pour freiner la compétition parmi les plantes, l'usage de phytocides reconnus et homologués demeure un outil économique sur de grandes superficies. Sans l'emploi de pesticides, l'esprit de la nouvelle Loi sur les forêts nous semble vulnérable dès le départ et pour cause. En effet, la nouvelle Loi sur les pesticides, un complément à la Loi sur la qualité de l'environnement, freine dans son esprit le recours aux pesticides en milieu forestier et les tolère en milieu agricole, jusqu'à un certain point. Dans le document de soutien à cette commission, on limite l'emploi des pesticides à deux produits - pour le premier, il s'agit du B. t. et, dans le second cas, du glyphosate - reconnus tant au Canada qu'aux État-Unis d'Amérique.

Suite à la page 7, troisième paragraphe. À sa dernière réunion de novembre 1987, le Conseil canadien des ministres des Forêts mettait la touche finale à la présentation d'une nouvelle stratégie nationale pour le secteur forestier canadien. Au sujet (de la forêt et de son aménagement, le CCMF présentait 17 recommandations dont quatre plus particulièrement se rattachant au débat de ce mémoire, soit les recommandations 9, 10, 11 et 17. Dans ces recommandations, les pesticides sont reconnus comme des outils légitimes dans la gestion des ressources forestières, et l'on précise bien dans quel contexte on doit s'en servir. La sylviculture se voit attribuer un nouveau rôle et devient un instrument de recherche pour que les traitements sylvicoles soient efficaces, rentables et inoffensifs pour l'environnement.

La recommandation 17 encourage la participation du public à la détermination des objectifs d'aménagement forestier. Nous mettons en exergue ces quelques recommandations parce qu'elles vont de pair avec l'esprit du document de support sur la politique de l'utilisation des pesticides en milieu forestier, et, nous sommes d'accord avec cette stratégie.

Mise en valeur de la forêt. En assurant un équilibre optimal entre la récolte des peuplements mûrs et surannés et les efforts de régénération artificielle et par des méthodes d'exploitation assurant une plus grande protection de la régénération préétablie, le MER, comme gestionnaire de la forêt publique, se propose d'accroître la possibilité de 19 000 000 à 26 000 000 de mètres cubes dès 1990 et cela, tout au long du prochain demi-siècle pour atteindre les 30 000 000 de mètres cubes après cette période. Cette possibilité ne s'applique qu'à trois groupes d'essences résineuses privilégiées: les épinettes, le sapin et le pin gris. Pour atteindre ces objectifs de production, le MER et les détenteurs de CAAF devront recourir à toutes les techniques sylvicoles connues, voire même en créer de nouvelles. L'usage des pesticides fait partie de ces techniques. Il y a quatre grands moyens reconnus à l'échelle canadienne pour augmenter le rendement en bois des forêts, comme le

recommande le Service canadien des forêts. D'abord, une utilisation plus complète de toute la fibre disponible à l'unité de surface, l'exploitation des peuplements plus éloignés, parfois plus coûteux, la réduction des pertes de volume dues aux incendies, aux insectes et aux maladies et la pratique d'une sylviculture dynamique dans les jeunes peuplements.

Dans ces deux derniers moyens, nous retrouvons l'usage plus fréquent de pesticides et ce, à deux niveaux: primo, pour lutter contre les insectes et les maladies et, secundo, pour limiter l'effet de suppression et de compétition de la végétation naturelle. Ces derniers moyens doivent être utilisés aussi pour protéger les investissements consentis pour fins de reboisement et pour travaux sylvicoles de toute nature.

Selon le Service canadien des forêts, les quatre moyens donnés plus haut peuvent contribuer chacun à leur façon à augmenter les volumes de bois produits. Les trois premiers moyens peuvent entraîner une augmentation de l'ordre de 10 % à 15 % à court terme. Par contre, l'aménagement intensif peut donner des accroissements de volume variant de 50 % à 100 %, selon le degré d'adaptation des essences choisies aux qualités des sites. Bien sûr, ces résultats n'apparaîtront qu'à plus long terme. C'est donc vraiment au début de leur établissement que les peuplements ont le plus besoin du sylviculteur pour favoriser pleinement leur installation et permettre la croissance des semis en hauteur, pourvu qu'un espace biologique leur soit accordé et que la lumière directe les atteigne.

Suite à la page 12. L'effet de possibilité. Comme mentionné précédemment, la possibilité naturelle de la forêt québécoise est évaluée à 18 000 000 ou 19 000 000 de mètres cubes annuellement. Cette possibilité naturelle correspond à un volume ligneux récoltable annuellement par le principe du rendement soutenu et ce, sans aucune forme d'aménagement. C'est ce qu'on appelle le retour des peuplements sans aucune intervention. On doit préciser à ce niveau que cette possibilité naturelle a été estimée sans égard aux divers agents naturels, tels le feu, les insectes ou les autres agents perturbateurs. Cette évaluation de la possibilité naturelle peut être qualifiée, au point de départ comme étant optimiste.

D'autre part, à cette possibilité naturelle doivent être juxtaposés les besoins de l'industrie, génératrice de l'activité économique. La demande annuelle de matière ligneuse est dorénavant fixée à quelque 26 000 000 de mètres cubes de bois résineux pour les 50 prochaines années. À noter que cette demande, qui était de 31 000 000 de mètres cubes avant l'adoption de la loi 150, a été rabattue de quelque 5 000 000 de mètres cubes après l'adoption de cette même loi. Ainsi, à une offre naturelle optimiste peut être juxtaposée une demande de matière ligneuse pessimiste. Le déficit entre la possibilité de nos forêts et les besoins de l'industrie est donc de 8 000 000 de mètres cubes, ce qui correspond environ à un volume dépassant de 44 % la possibilité naturelle.

Afin de pallier à cette carence, la loi 150 établit le concept d'effet maximal de possibilité. En effet, ce concept se résume par la capitalisation actuelle des revenus anticipés. Par ce concept, on se permet de récolter dès aujourd'hui les volumes supplémentaires générés par l'effort accru d'aménagement. Afin d'atteindre ce haut niveau de performance, le rendement annuel naturel estimé à 0,85 mètre cube par hectare annuel devra être porté à 1,25, équivalant à un accroissement de rendement de 0,4 mètre cube annuel, ce qui représente une production moyenne de 47 %. Pour rendre cet objectif réalisable, la loi 150 prévoit, à l'article 60, que chaque bénéficiaire de CAAF devra s'engager à réaliser chaque année, à ses frais, les traitements sylvicoles nécessaires pour atteindre le rendement annuel prévu et ce, conformément au plan annuel d'intervention. À notre avis, il nous apparaît utopique de croire que le niveau de performance anticipé pourra être atteint si tous les outils de base nécessaires à leur réalisation ne peuvent être disponibles, incluant l'usage rationnel d'insecticides chimiques et de phytoci-des.

La description des peuplements. Page 16, dernière ligne. Il semble donc sage, dans une politique forestière de rendement soutenu, de bien connaître les forces en présence qui peuvent limiter, pour des périodes plus ou moins longues, le développement des espèces privilégiées qui sont souvent déjà en place avant la coupe ou qu'on introduira artificiellement après la coupe, généralement à la suite de travaux de préparation de terrain. La végétation concurrente peut aussi être considérée comme un ravageur forestier.

À la recherche d'éléments stables dans l'évaluation des peuplements. La végétation sur place après coupe du peuplement est l'élément le plus instable du peuplement résiduel. Il est difficile de prédire à l'oeil ce qui va se passer sur le parterre des coupes ou de préciser l'évolution de la végétation sur place, encore moins le taux d'invasion de ce même parterre par d'autres plantes venues d'ailleurs. La classification écologique des peuplements, incluant la description des dépôts de surface, la texture et le drainage, semble un prérequis pour bien administrer cette politique nouvelle de gestion de la végétation concurrentielle. Pour satisfaire aux exigences de ce prérequis, les aménagistes forestiers devront découvrir l'écologie végétale. Elle leur sera un outil indispensable pour prévoir les aires qu'il faudra traiter pour atteindre les objectifs du MER. À partir d'une classification écologique des peuplements, il deviendra, croyons-nous, plus facile et enrichissant de mesurer l'efficacité des produits disponibles et des techniques sylvicoles utilisées. Une telle pratique faciliterait la

recherche de nouvelles techniques capables de mieux répondre aux attentes du sylviculteur qui se veut et qui se dit aussi protecteur de l'écosystème forêt.

Même si nous ne disposons pas, à l'heure actuelle, d'une classification écologique faisant ressortir tous les multiples peuplements qui constituent la forêt québécoise à l'échelle de l'unité d'aménagement, toute action visant le contrôle de la végétation concurrentielle devrait se faire dans un cadre de référence de la classification écologique du territoire.

Je saute un paragraphe. À l'intérieur d'une même région écologique, la structure des peuplements naturels au seuil de la maturité a de bonnes chances d'être rapprochée, donc comparable, sinon similaire, au point de vue floristi-que. Par contre, le nombre de titulaires de CAAF peut être élevé. En se regroupant, les titulaires réduiraient le nombre d'études d'impact à préparer lorsque l'emploi de phytocides apparaît comme le seul moyen efficace pour limiter la concurrence d'une végétation jugée indésirable pendant la période d'établissement de la regénération.

Suite à la page 21, deuxième paragraphe. Protection des forêts: l'approche intégrée. Nous souscrivons à l'approche intégrée proposée par le MER dans les documents de support à la consultation. Cette approche est basée sur les trois niveaux de la protection, soit la prévention, la détection et la lutte. Le but de la prévention est de réduire la susceptibilité des peuplements aux épidémies d'insectes ou d'atténuer l'impact des dommages causés. Un des moyens pour réduire la susceptibilité des forêts aux infestations d'insectes consiste à planter des essences mieux adaptées et moins vulnérables. Dans cet esprit, notre centre a préparé pour le MER un guide de sélection d'essences à reboiser en fonction des sites qui devrait être disponible bientôt. Basé sur les exigences écologiques des essences, ce guide s'inscrit donc comme un outil de prévention en regard des insectes forestiers ravageurs.

Page 22, troisième paragraphe. Reste le dernier volet de la protection, mais non le moindre, celui de la lutte. Nous pensons, à l'instar du ministère, que nous devons envisager celle-ci dans une optique intégrée, c'est-à-dire qu'un éventail des moyens doit être disponible pour l'aménagiste. Les stratégies d'intervention doivent être basées sur divers critères, tels que la virulence de l'infestation, la valeur des peuplements à protéger, le coût des interventions et les seuils de tolérance économique. Ces stratégies ne pourront être établies qu'à la suite d'une connaissance approfondie des systèmes biologiques en cause, c'est-à-dire les populations d'insectes et les peuplements forestiers.

Nous croyons cependant que nous ne devons pas éliminer d'emblée les insecticides chimiques. En effet, même si le B.t. a prouvé son efficacité contre certaines espèces nuisibles, comme la tordeuse des bourgeons de l'épinette, la livrée des forêts, la spongieuse, il ne faut pas oublier que la variété de B.t. utilisée en foresterie n'est efficace, à l'heure actuelle, que pour certains lépidoptères. Dans le cas d'autres insectes nuisibles, comme le diprion de Swaine sur le pin gris ou le charançon du pin blanc, l'aménagiste doit pouvoir compter sur d'autres outils de répression. Ainsi donc, s'il n'existe pas d'autres insecticides biologiques commercialement utilisables, on devrait pouvoir recourir, lorsque nécessaire, à un insecticide chimique homologué reconnu pour son efficacité. Signalons aussi qu'à tous les stades d'évolution d'un peuplement forestier correspond une cohorte d'insectes phytophages dont les espèces changent au cours des ans, justifiant d'autant plus la disponibilité de plusieurs produits.

Les obligations et responsabilités du MER et des titulaires de CAAF. La nouvelle Loi sur les forêts amène un nouveau partage des coûts de la protection contre les insectes. Dorénavant, la moitié des frais de lutte seront payés par les titulaires de CAAF. Le MER sera responsable du dépistage des infestations, de la confection du plan d'intervention, lorsque jugé nécessaire, et de sa réalisation. La loi 150 oblige cependant les titulaires de CAAF à identifier, pour ce qui est du plan général d'aménagement, les problèmes entomologiques et pathologiques susceptibles de les affecter, ainsi que les moyens proposés pour en réduire les impacts. Comme nous pensons que les industriels ne pourront s'acquitter de cette obligation sans une bonne connaissance de ces deux spécialités de la foresterie, nous proposons aux titulaires de CAAF, pour leur permettre d'atteindre ces objectifs, des sessions de formation dont vous trouverez les détails en annexe à la fin du présent mémoire.

Suite, page 26. Le contrôle de la végétation compétitive. L'utilisation de phytocides en milieu forestier s'avère un outil indispensable pour que nos forêts supportent une industrie viable à long terme. Plusieurs pays et les autres provinces canadiennes l'ont déjà compris et en font largement usage. Un document publié en juin 1986 pour le Conseil canadien des ministres des Forêts, préparé par l'Université Carleton, nous donne les quantités de phytocides utilisées dans certains pays. Ce même document nous indique qu'en 1984 le Québec se classait bon dernier dans l'utilisation des phytocides par rapport aux autres provinces canadiennes. L'Ontario occupait le premier rang, avec près de 52 000 hectares traités, le Nouveau-Brunswick, le second avec 27 000 hectares, suivi de la Colombie britannique avec 10 000, de la Nouvelle-Ecosse avec 6100, du Manitoba avec 2000 et des autres provinces avec des superficies variant de 264 à 600 hectares.

Le contrôle manuel de la végétation compétitive, en plus d'être inefficace en une seule opération et de contribuer à la prolifération des tiges nuisibles, représente le moyen le plus dispendieux. En 1985-1986, les travaux de déga-

gement manuel de la regénération artificielle coûtaient en moyenne 593 $ l'hectare, selon le MER. Les opérations terrestres et aériennes d'épandage de phytocides coûtaient respectivement, en 1987, 340 $ et 223 $. Dans plusieurs cas, les opérations terrestres sont plus que justifiées. Cependant, certaines machineries endommagent les plants et sont susceptibles de compacter le sol.

Le dégagement des conifères avec le glyphosate ne s'effectue qu'au cours d'une période très restreinte au cours de l'année, c'est-à-dire après l'aoûtement des conifères, lorsque les essences feuillues sont encore réceptives. L'épandage de phytocides avec un hélicoptère est dix fois plus rapide qu'avec un appareil terrestre. Notons aussi que bien souvent les arrosages chimiques s'effectuent sur des superficies plus ou moins accessibles ou visibles pour le grand public, contrairement au domaine de l'agriculture. Ces épandages ne sont de plus réalisés généralement qu'une ou deux fois sur une même superficie, au cours de plusieurs décennies. Nous demeurons très soucieux de l'environnement. Il faut toutefois se rappeler que le glyphosate et la simazine sont classifiés comme étant moins toxiques que le sel de table et l'aspirine, d'après l'ACPPP. (21 h 15)

Les pesticides et la protection de l'environnement. J'aimerais tout simplement mentionner à ce sujet qu'à l'heure actuelle, au Québec et au Canada, nous croyons que l'on dispose de tous les outils législatifs pour permettre d'exercer un contrôle sérieux sur l'utilisation des pesticides en milieu forestier, de même que ces législations nous permettent de nous renseigner sur les dangers que représentent les pesticides sur l'environnement. Nous croyons qu'il n'y a pas lieu d'être encore plus sévère pour les utilisateurs de ces produits en forêt.

J'aimerais terminer la présentation de ce mémoire avec les recommandations que l'on trouve en page 36. Compte tenu de la difficulté de prévoir plus d'un an à l'avance les infestations d'insectes et de la lourdeur des consultations publiques, nous rejetons le scénario 1, tel qu'il nous a été présenté, et favorisons le scénario 2. Cependant, nous aimerions soumettre à cette commission les recommandations suivantes. 1) Que l'on prévoie l'élaboration d'un nouveau mécanisme de consultation sur les risques environnementaux des pesticides, plus rapide et moins coûteux que celui en place. 2) Que certains insecticides chimiques dûment homologués soient disponibles pour l'aménagiste forestier. 3) Que l'on explicite la signification de "mesures équivalentes de remplacement", à la page 61 du document de support à la consultation. 4) Que des budgets supplémentaires soient alloués en recherche et développement dans le domaine des pesticides. 5) Que des études soient entreprises dans les domaines suivants: l'impact des coupes sur la végétation concurrente, les causes d'épidémie, le développement d'outils de prévision des infestations d'insectes, la mise au point de méthodes de lutte alternatives, les relations sites-peuplement-insectes, et l'implantation de systèmes d'information géographique en protection des forêts. Finalement, notre dernière recommandation. 6) Que le ministère de l'Énergie et des Ressources poursuive ses efforts de recherche entrepris en entomologie forestière sur les épidémies. Merci de votre attention.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Tremblay. Je vais maintenant reconnaître M. le...

M. Lincoln: Un instant, je vais passer la parole à M. le député de Matapédia pour un moment.

Le Président (M. Saint-Roch): Pour une question? Je vais reconnaître M. le député de Matapédia.

M. Paradis (Matapédia): Merci, M. le Président. Je vais aller immédiatement à votre recommandation principale - cela fait finalement deux jours qu'on en discute ici - c'est-à-dire, évidemment, les consultations.

Vous dites que l'on prévoit l'élaboration d'un nouveau mécanisme de consultation; est-ce que vous pourriez élaborer?

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Matapédia. M. Tremblay.

M. Tremblay (Jacques): Merci, M. le Président. Oui, nous y avons pensé un peu, mais vous êtes les spécialistes, bien sûr, de ces choses, à notre avis. Alors, je voudrais que la recommandation ou l'élaboration que je vais faire soit accueillie comme étant celle d'un profane.

On a pensé qu'un comité décisionnel, comprenant à la fois le ministère de l'Énergie et des Ressources, le ministère de l'Environnement et des représentants régionaux du public - de façon à permetttre effectivement l'"input" du public, pas simplement son information, mais son "input" - soit constitué pour examiner les cas qui devront se présenter. On croit qu'il serait souhaitable, quelles que soient les décisions qui seront prises par ce comité décisionnel, que celui-ci s'assure, par la suite, de rendre public, auprès des journaux locaux, régionaux et dans toutes les routes d'accès, à la fois la date, la localisation, la superficie, le type de produit utilisé et les résultats que l'on escompte.

M. Paradis (Matapédia): Cela pourrait être une consultation régionale, si je comprends bien vos propos?

M. Tremblay (Jacques): Je dois vous avouer que, dans ce domaine, on est dans des sables mouvants, et j'imagine qu'une consultation

régionale puisse faire l'affaire, en effet. Je ne sais pas si d'autres membres désirent ajouter des commentaires.

M. Paradis (Matapédia): Croyez-vous qu'une consultation de la population sur les pians d'aménagement, en vertu de la Loi sur les forêts, soit une bonne alternative au processus actuel de consultation?

M. Tremblay (Jacques): Une consultation de la population sur les plans d'aménagement?

M. Paradis (Matapédia): Oui.

M. Tremblay (Jacques): Effectivement, c'est une voie...

M. Paradis (Matapédia): Sur les plans d'aménagement en vertu de la Loi sur les forêts, les CAAF.

M. Tremblay (Jacques): Sur les CAAF? M. Paradis (Matapédia): Oui.

M. Tremblay (Jacques): Oui. On n'a pas envisagé cette alternative, bien sûr. Je crois savoir qu'en Ontario on a procédé à des "public audit" sur les procédés d'aménagement. Pour autant que je puisse voir, évaluer ce type d'intervention, il semble que cela ait produit des résultats assez remarquables, assez intéressants en termes de mobilisation de la population et de prise de conscience des enjeux. Tous ceux qui sont ici, malgré les échanges qui peuvent être parfois émotifs, comme on l'a précisé antérieurement avec le groupe précédent, nous croyons que la population, en général, avec son gros bon sens peut émettre des jugements intelligents.

M. Paradis (Matapédia): Et cela serait moins émotif d'après vous que de discuter seulement sur un produit, un pesticide.

M. Tremblay (Jacques): J'avoue que l'aspect émotif ne me fatigue pas plus que cela. J'estime que l'amour, c'est une émotion, alors il n'y a rien là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis (Matapédia): II y a des gens avant vous qui ont dit que, lorsqu'on vivait une étude d'impact, il y avait beaucoup d'émotivité, qu'il y avait des accusateurs et des accusés et que cela dégénérait souventefois.

M. Tremblay (Jacques): Oui, ah ça!, quand on n'est pas habitués à se faire critiquer, c'est toujours difficile à prendre.

M. Paradis (Matapédia): Je ne dis pas que je ne suis pas habitué à cela, je suis en poli- tique, mon ami.

M. Tremblay (Jacques): Oui.

M. Paradis (Matapédia): Je laisse la parole au ministre. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Matapédia. Pour respecter l'alternance, M. le député de Ver-chères.

M. Charbonneau: Si je reprenais l'idée du député de MatapkJia, vous dites que vous trouveriez cela intéressant que des gens, sur une base régionale, puissent discuter des plans d'aménagement et dans ce sens-là on pourrait très bien inclure les données des entreprises ou des exploiteurs sur les...

M. Tremblay (Jacques): Exploitants.

M. Charbonneau: Exploitants.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Jacques): C'est moins...

M. Charbonneau: Remarquez que dans le passé cela a parfois été des exploiteurs. Mais, correction faite, on pourrait aussi avoir les éléments de prévision que les exploitants entrevoient à l'égard des outils de gestion et des outils d'intervention qu'ils comptent utiliser lorsqu'un certain nombre de problèmes surviennent ou risquent de survenir dans les années qui suivraient la présentation.

M. Tremblay (Jacques): Cela ne m'apparaît pas impensable.

M. Charbonneau: Bien, très intéressant. Ce que je remarque, c'est que vous reprenez en fait quelque chose qu'on a avancé depuis deux jours, c'est que, dans le fond, la base opérationnelle pourrait être la région. Autrement dit, plutôt que d'avoir une superétude d'impact qui couvrirait l'ensemble du territoire québécois, on pourrait fonctionner sur des; bases régionales ou territoriales où il y aurait une certaine homogénéité de situations végétales ou d'écosystèmes. C'est un peu cela que vous dites finalement.

M. Tremblay (Jacques): Entre autres, oui.

Effectivement, c'est une alternative qui nous semble intéressante. Je ne sais pas si M. Leblanc, ici, qui manifeste, voudrait compléter.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Leblanc.

M. Leblanc (Henri): Merci. J'aimerais ajouter un mot en partie sur votre réflexion de région. C'est un terme géographique qu'on connaît, mais en écologie cela prend un autre

sens. Nous avons des documents cartographiques qui ont été préparés et qui mettent en évidence un certain nombre d'écorégions qui sont caractérisées par des données qui s'affirment pour un domaine en particulier. C'est à l'intérieur d'un domaine climatique comme cela qu'on devrait travailler. À partir de cela, on pourrait bâtir toutes sortes de théories, on pourrait accumuler des mesures et juger de l'efficacité des moyens pris.

M. Charbonneau: Vous dites qu'on a identifié des écorégions, c'est intéressant comme concept, mais est-ce qu'on a une idée de combien il y en aurait au Québec, par exemple?

M. Leblanc: Oui, dans les documents cartographiques auxquels je fais allusion, nous en comptons 70. N'oubliez pas que nous avons 42 unités de gestion. Cela fait, disons, deux fois plus, mais cela permet d'avoir une base plus écologique que géographique. Les régions administratives du MER ainsi que les unités de gestion que nous retrouvons à l'intérieur de ces régions répondaient à des besoins administratifs. Aujourd'hui, nous parlons de besoins écologiques et, dans ce mémoire, on a fait allusion au fait que l'avenir, la forêt de demain, doit reposer essentiellement sur une base écologique, sans quoi nous n'irons pas très loin. Nous allons nous perdre dans un jargon qui pourrait devenir la tour de Babel.

M. Charbonneau: Est-ce que cela veut dire que, lorsque vous avancez ce concept d'écoré-gion - c'est plus qu'un concept, mais c'est pour les fins de la discussion - vous dites dans le fond: Les impacts des produits qu'on a à utiliser devraient être évalués en fonction des écorégions? Et, si on pousse plus loin, la conséquence de cela c'est que des produits, ou des remèdes, ou des médicaments à base de produits chimiques ou biologiques peuvent réagir différemment ou apporter des conséquences différentes pour le même produit, selon qu'on l'administre à des patients différents, à des écorégions différentes?

M. Leblanc: Pour vous aider à comprendre ma pensée, on va parler de régions écologiques. À l'intérieur de ces régions, il est fort probable qu'on va retrouver un ensemble de peuplements qui se rapprochent. En appliquant différents traitements sylvicoles, on pourra plus facilement mesurer leur efficacité en accumulant des données qu'on pourra réutiliser à l'intérieur de cette région au fur et à mesure que nos travaux progresseront et qu'on sera en mesure d'évaluer les résultats de cela. La dynamique vers laquelle le nouveau régime forestier nous amène, c'est faire pousser du bois pour répondre à des besoins plus qu'urgents. Si on veut faire pousser du bois, il faut être capable de le mesurer et de bien jauger la direction que le développement prend parce qu'on va avoir besoin, bientôt, de plus de bois que la forêt en produit à l'heure actuelle.

Il y a deux façons: en faire croître, en cultiver et le protéger.

M. Charbonneau: À l'égard du sujet qui nous préoccupe, c'est-à-dire une politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier, est-ce que vous considérez que, justement, il y a lieu d'avoir des mécanismes ou une procédure de gestion qui fasse en sorte qu'on puisse avoir des études d'impact différentes et multiples - plus d'une - pour tenir compte des situations écologiques et des écosystèmes différents qui existent?

Dans le fond, si vous dites qu'il existe plusieurs écorégions, la conséquence est qu'il y a des comportements végétaux différents dans chacune de ces régions.

M. Leblanc: Voilà.

M. Charbonneau: Donc, il y a des réactions à un même produit qui peuvent être différentes aussi.

M. Tremblay (Jacques): Est-ce que je peux me permettre?

Le Président (M. Saint-Roch): Oui, M. Tremblay.

M. Tremblay (Jacques): Merci. Effectivement, il y a plusieurs régions écologiques dans la province, une bonne quantité. Nous pensons que, dans plusieurs de ces régions écologiques, il n'y aura jamais de produits tels que le glyphosate qui seront utilisés, parce que la régénération naturelle se fait soit en sapin baumier ou en essences désirables avec une grande abondance. Le dégagement qui doit être fait devra être mécanique, tout simplement.

Si on prend l'exemple de la sapinière, quand cela revient à 20 000 tiges à l'hectare dans ce qu'on appelle du saint-michel, il n'y a pas utilité d'utiliser du glyphosate là-dedans parce qu'il faut intervenir de façon mécanique pour dégager ces semis qui sont tous des essences désirables et très tassées. À partir du moment où on aura une meilleure connaissance des régions, on va pouvoir focaliser et mettre des efforts équivalents dans les régions où il y a des...

M. Charbonneau: J'ai l'impression que vous nous apportez un argument important qui justifie les études d'impact. Les compagnies nous ont dit que c'était trop compliqué et trop coûteux.

M. Tremblay (Jacques): Qu'est-ce qui est trop compliqué?

M. Charbonneau: Ce dégagement mécanique. Dans le fond... (21 h 30)

M. Côté (Rivière-du-Loup): Ce n'est pas

dans le même cas. M. Tremblay parle des saint-michel, où la regénération est très abondante. Quand on parte d'utiliser les glyphosates, c'est dans le cas où on fait du reboisement ou pour permettre à la régénération naturelle de passer au travers d'autres végétations. C'est différent.

M. Charbonneau: Je comprends, mais ce que je veux dire, c'est que l'étude d'impact permet de savoir. À un moment donné, une entreprise, pour des raisons de facilité, peut dire: Nous, on va utiliser le phytocide qui est autorisé parce qu'on a carte blanche. Alors que, dans le fond, si on avait eu une étude d'impact et une évaluation des impacts environnementaux, on aurait pu se rendre compte que, dans cette région, on devrait plutôt utiliser autre chose. S'il n'y a personne qui les contredit, ou s'il n'y a personne qui conteste les outils utilisés dans les différentes régions, on risque de se retrouver souvent avec l'utilisation de solutions de facilité. C'est bien moins compliqué pour des exploitants, finalement, de dire: Écoutez, on a deux produits pour lesquels on a carte blanche. Pourquoi se casserait-on la tête pour aller chercher d'autres solutions?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Tremblay.

M. Tremblay (Jacques): La seule réflexion que je pourrais faire c'est que par expérience, d'après les contacts que j'ai eus avec les gens de l'industrie, ils savent compter ces gens-là. Ce sont des arguments économiques qu'ils font valoir principalement. Maintenant, est-ce que c'est un outil de facilité? D'abord, je ne crois pas qu'ils aient carte blanche d'une façon ou de l'autre.

M. Charbonneau: Si on adoptait le scénario 2, il y aurait carte blanche pour deux produits. Il y en a qui voudraient avoir carte blanche pour tous les produits homologués. C'est cela qu'ils nous ont dit.

M. Tremblay (Jacques): L'impression que j'en avais, c'est que, malgré le fait que le scénario 2 qui nous était présenté donnait la possibilité d'utiliser ces produits avec plus de facilité et plus de célérité, il demeure, néanmoins, que ces produits devaient tout de même faire l'objet d'audiences publiques lors de révisions périodiques, selon le scénario 2 qui nous a été présenté. Disons que c'est une carte grise, si on veut faire des compromis. Quoi qu'il en soit..

M. Charbonneau: Si c'était le cas, on serait peut-être déjà moins contre, mais il n'est pas question de révisions périodiques avec des études d'impact dans le scénario 2.

M. Tremblay (Jacques): Ce que j'ai cru comprendre à la page 72 du document de présentation... Là, je ne voudrais pas faire perdre du temps à la commission avec des détails semblables. Je m'excuse, c'est plutôt à la page 71. Dans le processus de révision des produits exclus de la procédure, on précise bien ceci à la fin du premier paragraphe: "Ce processus de révision pourrait inclure une phase d'information (diffusion de documents) et de consultation (mémoires et commentaires) du public. Cette analyse devrait porter sur les aspects suivants", et ils sont énumérés. C'est peut être une mésentente de notre part.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vais maintenant reconnaître M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: Par rapport à votre intervention sur les écorégions si vous regardez le document de politique auquel vous vous référez à la page 65, au dernier paragraphe...

M: Tremblay (Jacques): Le document de consultation.

M. Lincoln: Oui, le document de consultation. Lorsqu'on parle de la programmation de cinq ans, en fait, si vous regardez au dernier paragraphe, on dit: "À titre d'exemple, l'on devrait inscrire les facteurs du milieu, les types de coupes, les essences en présence et leur dynamisme, tes techniques sylvicoies, les formes et les essences de reboisement, etc., par région administrative ou par unité d'aménagement. " Est-ce que vous voyez une difficulté à faire une programmation de cinq ans, que l'industrie forestière est obligée de présenter dans le CAAF de toute façon, et à allier une programmation qui tiendra compte de ce que vous disiez avant, soit que, dans certaines unités ou certaines régions, vous allez utiliser des pesticides, alors que, dans d'autres, il y aurai des systèmes de contrôle mécanique et il n'y aura pas besoin de pesticide et, dans d'autres encore, il n'y en aura peut-être pas besoin non plus, parce que ce sera du sapin baumier ou des espèces désirables, comme vous les avez décrites? Donc, est-ce qu'on ne pourrait pas faire un plan de travail - appelez-cela comme vous le voulez, vous avez le CAAF pour faire les deux choses en même temps?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Tremblay.

M. Tremblay (Jacques): Merci, M. le Président, cela ne me semble pas impensable, sauf qu'il y a la notion de région administrative qui est difficile à gérer. On aimerait mieux... Mais, enfin...

M. Lincoln: Non, mais on a dit cela à titre d'exemple.

M. Tremblay (Jacques): D'accord.

M. Lincoln: Ce que je veux vous demander,

c'est: Qu'est-ce qui semble faire obstacle, dans la tête de beaucoup des intervenants, à dire: Ah oui, on est prêt à préparer un programme de cinq ans pour le ministre délégué aux Forêts, le CAAF, mais lorsqu'on dit: Faites-nous une programmation, en mettant de côté les urgences et le B.t. - on va laisser le B.t. de côté - pour les pesticides qui contrôlent la végétation... Qu'est-ce qui serait tellement difficile pour les compagnies forestières de présenter un plan de cinq ans qui tiendrait compte des choses que je citais: les facteurs du milieu, les types de coupe, les essences en présence, etc., afin de faire un plan qui s'axerait là-dessus par rapport à l'usage du glyphosate, ou d'autres pesticides, ou d'autres moyens, mécaniques ou autres?

M. Tremblay (Jacques): Je ne voudrais pas me transformer en porte-parole de l'industrie...

M. Lincoln: Non, j'ai envie de...

M. Tremblay (Jacques): ...ce que je ne suis pas. Qu'est-ce qui fait obstacle à l'industrie?

M. Lincoln: Non.

M. Tremblay (Jacques): Je ne peux pas le dire. À mon avis, ce qui fait obstacle, c'est le Bureau d'audiences publiques. Ha, ha, ha!

M. Lincoln: Ah oui, d'accord. C'est bon que vous me disiez cela. D'accord.

M. Tremblay (Jacques): C'est mon avis, enfin.

M. Lincoln: Cela ne me fait pas rire; cela me fait pleurer. Vous voyez, ce qui arrive, c'est cela que je voulais vous faire dire, c'est que ce n'est vraiment pas... Tout le monde nous a dit: Ah, on ne veut pas faire d'études d'impact. C'est cinq ans et on ne peut pas présenter un programme. Ce que vous avez l'air de dire c'est que ce n'est pas le programme de cinq ans qui est compliqué, c'est réellement le Bureau d'audiences publiques. C'est cela, le toup-garou dans toute l'affaire.

M. Tremblay (Jacques): Bon, il me semble que vous le savez autant que moi. C'est clair, cela.

M. Lincoln: Pardon?

M. Charbonneau: C'est la première fois qu'on nous le dit clairement.

M. Linicoln: C'est la première fois que les gens l'admettent. Tout le monde...

M. Tremblay (Jacques): On va arrêter de se conter des peurs. C'est vrai.

M. Lincoln: J'admire votre franchise, parce que tout le monde, je sens que c'est ce qu'ils veulent dire. Mais ils nous racontent par toutes sortes de chemins que ce n'est pas cela qu'ils veulent dire. Ah non, ils sont pour le Bureau d'audiences publiques, ils trouvent cela un peu émotif, mais c'est surtout le programme de cinq ans! Mais, enfin, vous avez le courage de dire exactement ce que vous pensez. Je trouve cela bien mieux. Au moins, on sait quel est le remède.

M. Tremblay (Jacques): Ah oui.

M. Lincoln." D'accord. Enfin, je voulais vous dire - je le dis bien franchement depuis le début, je ne m'en suis jamais caché - que, pour moi, le Bureau d'audiences publiques, c'est un intouchable. Aujourd'hui, dans la société qu'on a, dans n'importe quel pays qui se respecte, que ce soit la Suède, la France, la Hollande ou les États-Unis, le système d'audiences publiques devient de plus en prononcé. Ce n'est pas l'inverse qui se passe.

De penser, aujourd'hui, qu'on pourra faire un système pour l'industrie forestière en dehors des audiences publiques, cela voudra dire qu'on le fera pour les transports, parce qu'ils n'aiment pas les audiences publiques; qu'il faudra le faire pour l'énergie, parce qu'ils n'aiment pas les audiences publiques; qu'il faudra le faire pour la santé, parce qu'eux non plus ils n'aiment pas les audiences publiques. On va avoir de petits comités qui vont remplacer les audiences publiques.

M. Tremblay (Jacques): On est dans le coeur du débat.

M. Lincoln: D'accord. C'est pourquoi j'ai envie de faire ce débat, parce que c'est cela, la clé de cette commission. Le système d'audiences publiques, on dit: C'est trop contraignant, c'est trop ennuyant, c'est trop émotif; les gens se cassent la gueule là-dedans. Mais qu'est-ce qui va les remplacer? On va les remplacer par le comité consultatif des forestiers; on va les remplacer par le comité consultatif des transports, le comité consultatif de l'énergie, le comité consultatif de ceci et de cela.

En fin de compte, ces comités consultatifs, pourquoi les substitue-t-on aux audiences publiques? N'est-ce pas parce que les audiences publiques, c'est bien achalant? Je l'avoue, j'en suis sûr. C'est achalant pour Hydro-Québec, qui préférerait un comité consultatif; c'est achalant pour les promoteurs de construction; c'est achalant pour tous ces gars qui sont soumis à cela; c'est achalant pour un gars qui bâtit une marina.

Mais, en même temps, lorsqu'on aura substitué quelque chose de plus souple et de moins achalant, est-ce que vous croyez sincèrement que ce sera mieux pour le public? C'est ce que je vous demande.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Tremblay.

M. Tremblay (Jacques): Merci, M. le Président. Est-ce que c'est mieux pour le public?

Une voix: On est dans le coeur du débat.

M. Tremblay (Jacques): Dans le coeur du débat, dedans. Personnellement... Là, je n'ai pas consulté mes collègues à ce sujet.

M. Lincoln: Non, écoutez, on fait cela bien franchement. Je ne vais pas aller vous citer à tous les coins de chemin.

Une voix: Cela va être écrit.

M. Tremblay (Jacques): Tout est écrit, oui. Peu importe! Personnellement, je vois de grands avantages au Bureau d'audiences publiques. J'ai participé de façon intense et suivi les délibérations au dernier Bureau d'audiences publiques sur fa tordeuse des bourgeons de l'épinette. Honnêtement et très franchement, je dois dire que le régime forestier, tel qu'il nous est présenté aujourd'hui par la loi 150, est né un petit peu au Bureau d'audiences publiques. Il y a donc eu des effets éminemment positifs au Bureau d'audiences publiques. Il y a eu, bien sûr, des plaies vives qui ont été créées auprès des professionnels. Est-ce que le public a été bien servi? Je crois qu'il a été bien servi. Il a eu l'occasion de prendre la parole, d'exprimer son pouls. Il l'a fait abondamment. Est-ce que la représentativité de ces gens était adéquate? Probablement que oui. Certainement, en tout cas, qu'il y a eu une forte représentativité des forestiers, des groupes écolos et autres. En tout cas, il y a eu un débat sain, viril qui s'est fait. Finalement, il en sorti du positif parce qu'on est tous des gens intelligents et qu'on a l'art de s'écouter parfois. Il en est sorti quelque chose finalement. Les commissaires qui l'ont fait ont fait un travail remarquable. C'est ce que j'ai perçu au bureau.

Votre question était: S'il n'y avait pas cela, qu'y aurait-il d'autre? Il serait probablement souhaitable, à mon avis, qu'il y ait une solution intermédiaire qui puisse ne pas nécessairement dégénérer en procès d'intention, parce qu'il est vrai que le Bureau des audiences publiques a débordé. Il a pris tout ce qui lui tombait dans les mains et je répète que je trouve qu'il a fait du bon travail finalement. Il y a peut-être lieu de l'encadrer un petit peu mieux ou de trouver des mécanismes qui permettraient d'avoir peut-être un petit peu plus de célérité à l'autre bout. Mise à part la célérité, il n'y a pas grand reproche à lui faire.

M. Lincoln: Je suis content de vous entendre dire cela, parce que je lisais dans votre mémoire: "Ce processus est souvent long et coûteux, mais il permet de bien informer le public des risques environnementaux et des enjeux en cause."

M. Tremblay (Jacques): On le pense, oui.

M. Lincoln: En fait, si vous prenez ce processus-ci, c'est un processus long et coûteux, c'est sûr. Vous, autant que nous, préféreriez être chez vous ce soir.

M. Tremblay (Jacques): Sûrement.

M. Lincoln: Moi aussi, je crois, enfin, malgré le plaisir de dialoguer avec vous. Il est sûr que cela aurait été moins coûteux et beaucoup plus expéditif si moi ou mon collègue... Moi, je suis responsable de la Loi sur les pesticides, juridiquement, tant que je suis là, à moins qu'on me change ou qu'on m'envoie ailleurs, j'aurais pu dire: C'est cela, selon mon idée, mais on passe par ce processus parce que c'est plus démocratique. La démocratie, c'est long et coûteux; c'est tes deux. Ce que je veux dire, c'est que si nous arrivions à mi-chemin, par exemple, et qu'on reconnaisse que les audiences publiques, comme vous l'avez reconnu, servent à bien informer le public des risques environnementaux et des enjeux en cause... Cela provoque des choses. Si ce n'est pas là, s'il n'y a pas cette espèce d'appareil qui pousse, qui ne représente personne, qui est responsable à lui-même, en ce sens qu'il défend les intérêts du public, s'il était plus rapide dans son évolution afin qu'on n'ait pas ce long processus... Par exemple, on a discuté avec des groupes aujourd'hui qui ont suggéré un comité consultatif comme vous suggérez également. Mais, au lieu de l'avoir à la fin, si vous l'aviez au début et que ce comité consultatif représente vous-mêmes, l'industrie forestière, les ministères concernés, pourquoi pas l'Opposition également, les citoyens qui seraient représentatifs d'une société, et qu'à ce moment-là - ce comité consultatif aide au processus de préparation des directives qui vont aller au Bureau d'audiences publiques, afin qu'il y ait un déblayage au départ, que l'on retire le plus de motions possible au départ, que cela ne devienne pas une confrontation quand cela passe devant le Bureau d'audiences publiques, est-ce que vous ne pensez pas que cela aurait été la solution idéale du point de vue du public?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Leblanc. M. Tremblay (Jacques): S'il vous plaît, oui.

M. Leblanc: J'aimerais rappeler que la Loi sur la qualité de l'environnement est une fillette d'une douzaine d'années. C'est tout nouveau. Elle vient d'arriver. On la connaît à peine. Des études d'impact, on en fait depuis 1975 ou 1976. Cela fait douze ans, cela aussi. C'est du neuf. Nos gens ne sont pas accoutumés à cela. Ce sont des grands débats qui permettent d'aller au fond

des choses. Nous ne sommes pas contre les études d'impact. Elles ont leur place. C'est un outil d'aménagement. Il s'agit de bien vendre sa marchandise au public. (21 h 45)

Moi, je sais comme forestier que, si j'avais été un bon vendeur de foresterie, la foresterie d'aujourd'hui ne serait pas ce qu'elle est. On serait en avant. Mais j'étais un pauvre vendeur. On n'avait pas, quand j'étais jeune, les outils que nous avons aujourd'hui pour cerner les problèmes en profondeur, mieux les décrire et mieux les débattre. Nous croyons que plus le public participera aux décisions de la gestion de notre ressource principale, mieux ce sera, et pour le public et pour la ressource. Cela sera plus facile pour nos administrateurs, se sentant supportés par le public, d'avoir des crédits pour pousser le développement de la forêt.

M. Lincoln: Mais est-ce que ce n'est pas cela l'outil que cela vous donne? À un moment donné, vous avez deux versions. Une version qui veut faire la chose peut-être plus rapidement, avec moins d'"input" du public, c'est-à-dire que vous informez le public mais il ne se fait pas entendre, il n'a pas de voix décisionnelle ou partiellement décisionnelle. Dans l'autre voie, l'audience publique avec étude d'impact, qui est plus lourde, j'en suis sûr, il se sent comme s'il était dans le processus. Lorsque la décision arrive, c'est plus difficile, je suis d'accord avec vous, vais ne pensez-vous pas qu'à ce moment-là cela donne beaucoup plus de puissance à la décision ultime si, par exemple, toutes les cartes ont été mises sur la table? Qu'est-ce qui arrive de cela? Au lieu que l'industrie soit vue avec suspicion - je ne sais pas si c'est un mot...

Une voix: Oui, c'est correct.

M. Lincoln: ...elle est vue comme un partenaire ou comme quelqu'un qui a mis les cartes sur la table et qui a fait un jeu ouvert. À ce moment-là, le public est bien moins réticent à appuyer ces mesures, que ce soit le glyphosate ou quoi que ce soit. Vous ne croyez pas que c'est un élément essentiel?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Leblanc.

M. Leblanc: Je laisse s'essouffler mon coeur. Sans aucun doute, M. le Président, je crois que les études d'impact sont bénéfiques à tout le monde. Je vous rapporte seulement une petite expérience personnelle que j'ai vécue il y a 15 jours à Montréal. Un promoteur s'en vient et il projette un développement domiciliaire résidentiel et commercial, utilisant une partie d'un parc pour réaliser son projet. 72 personnes ont présenté des mémoires, forçant le promoteur à réfléchir sur l'action qu'il allait poser. Et une bonne partie de ces gens s'opposaient à la réalisation d'un tel projet. Voici une population qui a été sensibilisée à un projet et qui a pris une décision. Ce que nous voulons, c'est que le public profite davantage de ses représentants les plus légitimes. Les élus, qu'ils soient au gouvernement provincial ou au gouvernement fédéral, sont ceux qui doivent informer la population, leur population, leurs commettants, de ce qui se passe et de ce qui va se passer. Cela vous donne un rôle éminemment précieux. C'est pour cela que nous voulions vous associer, vous d'abord, à cette suggestion que nous avons faite dans notre première recommandation. Vous êtes les élus du peuple, les gens vous connaissent; vous êtes crédibles.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Tremblay.

M. Tremblay (Jacques): Oui, simplement pour revenir à la question initiale du ministre de l'Environnement. Oui, je crois que tout le processus de consultation donnera éventuellement une puissance supérieure, une puissance plus grande. Cependant, il faut avoir conscience que la crainte, probablement, du monde forestier et notamment des industriels semble résider dans l'aspect continuité de tout ce système. Il faut avoir conscience de cela. Je suis persuadé que tous les forestiers veulent faire l'aménagement forestier, faire produire la forêt à 100 %. La difficulté qu'ils éprouvent outre les affaires d'émotion et les détails, c'est l'aspect continuité. Ces gens-là s'imaginent mal, et moi aussi, à quel point on peut faire un investissement de X centaines de milliers de dollars et, après trois, quatre ou cinq ans, là, tu ne peux plus rien faire, c'est trop tard, alors tu laisses pourrir cela. Alors, il y a tout l'aspect continuité - dans les modèles, on parle de cinq ans - je pense que c'est un aspect important.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Lincoln: Avant de quitter, j'ai envie de vous dire, M. Tremblay, que je vous félicite pour votre candeur, votre franchise. J'aime les débats de ce genre. Je pense que cela a beaucoup aidé la commission de pouvoir discuter comme on l'a fait aujourd'hui. Au moins, on sait exactement où vous vous tenez, je trouve cela formidable!

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Je voudrais ajouter à ce que le ministre vient de dire qu'il aurait été utile de vous avoir dans le milieu lors d'un certain nombre de présentations audiovisuelles hier. Cela aurait peut-être équilibré un peu et fait en sorte que le débat soit un peu plus éclairant. Je ne sais pas si vous étiez ici cet après-midi lorsque le Groupe de travail sur les pesticides a fait sa présentation. Dans le fond, il a fait des suggestions à la fois sur le comité

dont le ministre parlait, mais aussi sur des modifications au processus de fonctionnement du Bureau d'audiences publiques qui feraient en sorte que, pour les questions et les problèmes forestiers entre autres, on aurait un mécanisme qui serait peut-être moins lourd, plus opérationnel et qui ferait en sorte que, lorsque les questions arrivent en audiences publiques, il y ait déjà eu un travail de préparation et d'intégration d'un certain nombre de données et d'association des différentes personnes intéressées, y compris les gens dans une région. Le discours ou les discussions en audiences publiques auraient peut-être ainsi une allure différente et on pourrait corriger un certain nombre de choses qu'on aurait pu déplorer par le passé.

M. Tremblay (Jacques): Le fameux scénario 3?

M. Charbonneau: Oui, c'est cela.

M. Tremblay (Jacques): C'est cela, oui. Bien sûr, on n'a pas pu se prononcer sur le scénario 3, il ne nous était pas présenté.

M. Charbonneau: Non, c'est cela.

M. Tremblay (Jacques): Cependant, si je peux me permettre un dernier commentaire.

M. Charbonneau: Oui, allez-y.

M. Tremblay (Jacques): On ne nous a pas posé la traditionnelle question des processus d'homologation. On doit vous avouer qu'on a confiance dans le processus d'homologation, malheureusement. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Jacques): On était censé présenter nos choses hier. Ayant pu bénéficier de quelques heures supplémentaires de préparation, parce que le délai a quand même été court, on s'est amusé aujourd'hui à relever quelle a été l'histoire de l'homologation du Roundup, le fameux glyphosate. Cette affaire a pris onze ans. C'est assez remarquable. Quand on dit que le système d'homologation fédéral est le meilleur au monde, j'aurais tendance à croire que oui. Il est assez bon qu'il détecte les gens qui essayent de le frauder. Ils ont réussi à détecter qu'une fameuse compagnie, la Industrial Biotest Labs, avait trafiqué des données. Ils ont réussi à détecter cela. C'est assez bon.

M. Lincoln: Après 113...

M. Charbonneau: C'est cela.

M. Lincoln: Et on ne dit pas que c'est après 113 produits, qu'on a découvert cela après coup. Mais ces produits-là étaient en service.

C'est cela le danger. Les produits étaient en service. Je parle de 113.

M. Tremblay (Jacques): Le véritable danger est qu'on ne s'en rende jamais compte, allons.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: J'ai seulement une dernière question peut-être. Est-ce que vous considérez que dans une période transitoire, par exemple jusqu'à ce que le mécanisme d'étude d'impact intervienne et que les comités soient mis en place et fassent aussi leur travail, il y aurait lieu, sur une base transitoire, que te gouvernement permette aux exploitants d'utiliser un certain nombre de produits pour des situations d'urgence?

M. Tremblay (Jacques): Oui, assurément.

D'ailleurs, on le recommande. On parle de l'utilisation, et je voudrais céder la parole à Bernard sur ce sujet.

M. Comtois (Bernard): Particulièrement si on regarde les insectes forestiers, à l'heure actuelle, dans le domaine de l'entomologie forestière au Québec, on sait que le B. t. est accepté d'emblée dans la population. Il est reconnu aussi pour son efficacité. Malheureusement, à l'heure actuelle, le B. t. n'agit que contre certains lépidoptères. Hier, nous étions ici et on a écouté la compagnie Consolidated Bathurst qui a fait une présentation sur un problème concernant la mouche à scie du pin gris, qui est un hyménoptère. Donc, cet insecte ne réagit pas au B. t. Dans les cas comme cela, on est obligé d'employer des produits chimiques, malheureusement, comme le fénitro-thion plutôt que des perdre des centaines d'hectares de forêt, par exemple, le pin gris. Présentement, on sait qu'on investit des milliers de dollars dans le reboisement au Québec et le reboisement en épinette blanche est menacé dans l'Est par la tordeuse de l'épinette, qui n'est pas la tordeuse des bourgeons de l'épinette. C'est un autre insecte. En plus de cela, vous avez le charançon du pin blanc qui menace le reboisement de l'épinette do Norvège au Québec et celui du pin blanc. Ce sont deux insectes qui ne sont pas contrôlés à l'heure actuelle par le B. t.

Alors, dans les situations d'urgence dans certaines régions, on n'a pas le choix à l'heure actuelle. On doit se tourner vers les produits comme le fénitrothion, le dimilin, qui sont testés par l'Institut de répression des ravageurs forestiers. Ces produits sont des produits chimiques. Mais nous, évidemment, sommes pour l'utilisation de produits biologiques lorsque ces produits sont disponibles. Mais c'est aussi un peu cela le message de l'industrie. C'est qu'elle voudrait avoir à sa disposition, dans des cas d'urgence, des produits qui existent actuellement, mais qui ne sont malheureusement pas homologués pour

usage en foresterie de façon opérationnelle, mais seulement expérimentale.

M. Charbonneau: D'accord. Merci beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Verchères. M. le ministre des Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Ha, ha! Je suis à la veille de grimper dans un arbre, comme le dit mon collègue.

Une voix: Ha, ha! M. Côté (Rivière-du-Loup): Non... Une voix: ...grimper dans les rideaux. Une voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Rivière-du-Loup): Juste une remarque, parce que je n'ai pas le temps, mon collègue a tout pris...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'était intéressant. Ce que je voulais dire, c'est que, quand le Conseil des ministres des Forêts du Canada a proposé une stratégie nationale dans le secteur forestier, cela a été un long processus, cela a été élaboré dans tout le pays et il y a eu une réunion où tous les scientifiques étaient là, les industriels y étaient et, évidemment, les gouvernements étaient représentés. On a dit, lors de cette stratégie nationale qu'on applique dans tout le Québec, qui a été approuvée également par le gouvernement du Québec, que l'utilisation des pesticides en milieu forestier s'avérait un outil indispensable. Cela ne veut pas dire qu'on ne prendra pas les précautions et qu'on ne s'en remettra pas aux lois existantes, Loi sur la qualité de l'environnement, Loi sur les pesticides, aux autorisations requises quant à l'utilisation sécuritaire de ces produits-là. Cela veut dire que c'est un outil indispensable. Puis je pense que cela a été fait avec des connaissances qu'on a mises à contribution dans tout le pays. Moi je ne suis pas prêt à le contester.

Quand on parle des audiences publiques, vous l'avez dit, M. Tremblay, cela fait peur, hein? Vous avez dit qu'il y avait des côtés positifs. Bien oui, il y a toujours un côté positif à tout ce qui se passe, au fond. À tout malheur, il y a un bonheur, hein? On n'a pas parlé des malheurs, par exemple, de ces audiences-là, mais il y en a eu. Il y en a eu beaucoup et c'est pourquoi les gens sont réticents à cela; ils sont traumatisés. Évidemment, vous citez la tordeuse de l'épinette, la tordeuse de l'épinette qui ne réagit pas au B.t., puis on devrait utiliser des produits chimiques. On devrait. On pourrait faire un test. On va demander la permission, ce soir, au ministre de l'Environnement pour savoir s'il va nous la donner. C'est urgent; avant que le dommage ne soit trop grand, on devrait le faire.

Une voix: II a dit demain.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Hein? C'est tout ce que j'avais à dire.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci. Merci, M. le ministre déléqué aux Forêts. Alors, je tiendrais à remercier le Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy pour sa contribution aux travaux de cette commission.

Je demanderais maintenant à la Fédération des sociétés de conservation du Québec de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Alors, permettez-moi de souhaiter la bienvenue aux représentants de la Fédération des sociétés de conservation du Québec. Je demanderais, s'il vous plaît, au porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que la personne qui l'accompagne, pour le bénéfice des membres de la commission.

Fédération des sociétés de conservation du Québec

M. Palmer (Luc): D'accord. Alors, à ma gauche, le secrétaire exécutif de la fédération, M. François Lefebvre, et je me présente, Luc Palmer, président de la Fédération des sociétés de conservation du Québec.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous cède maintenant la parole pour vingt minutes, M. Palmer.

M. Palmer: D'accord. Alors, je vais faire une brève présentation et, après cela, je vais passer la parole à M. Lefebvre.

M. le Président, les présentes consultations portent sur la mise en place d'une politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier. Or, à la lecture du document qui nous a été soumis, on constate très vite qu'il n'y a présentement que très peu de produits touchés par cette politique. Mais que ferons-nous, M. le Président, dans quelques années, lorsque plusieurs autres produits se seront ajoutés à la liste, tout comme cela s'est produit dans le monde médical? Sont-ce les audiences publiques permanentes que nous voulons mettre en place aujourd'hui? Les sociétés de conservation du Québec auront peut-être à vivre ce problème dans les prochains mois et c'est dans ce contexte que nous vous soumettons notre opinion, même si elle n'est pas directement reliée aux pesticides touchés, laquelle je demanderais à M. Lefebvre de vous lire. François.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Lefebvre. (22 heures)

M. Lefebvre (François): Opinion concernant la politique d'utilisation des pesticides en milieu

forestier du gouvernement du Québec, présentée par la Fédération des sociétés de conservation du Québec à ta commission de l'aménagement et des équipements.

Nous désirons remercier la commission de l'aménagement et des équipements de l'occasion qui nous est offerte de participer aux consultations particulières sur le document intitulé "Politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier". Dès le tout début du siècle, le législateur québécois a confié la protection contre le feu à l'entreprise privée sur de très vastes étendues forestières. Par la création des sociétés de conservation en 1972, le Québec se donnait une nouvelle structure responsable de la protection des forêts contre le feu. Au nombre de sept, ces sociétés privées se sont vu confier le mandat pour toutes les forêts du Québec, tant publiques que privées, d'élaborer, d'établir et de mettre en oeuvre selon la loi les meilleurs systèmes possible de conservation et de protection des forêts publiques et privées, indépendamment de leur étendue et du fait qu'elles appartiennent ou non aux membres de la corporation. Les sociétés de conservation sont conscientes de la nécessité d'utiliser des pesticides, mais leur compétence et leur intérêt portent essentiellement sur la protection contre le feu.

Les membres actuels des sociétés sont, premièrement, des membres propriétaires qui contribuent selon la superficie qu'ils détiennent; deuxièmement, des membres bénéficiaires qui contribuent selon les volumes alloués; et, troisièmement, le ministre responsable de l'application de la Loi sur les forêts pour les territoires de forêts publiques non alloués et les petites forêts privées. Dès la formation des sociétés, le besoin d'une coordination provinciale se faisait sentir et, en janvier 1973, le ministre des Institutions financières octroyait des lettres patentes à la Fédération des sociétés de conservation du Québec pour, notamment, faire la liaison entre les sociétés, aider les sociétés dans l'élaboration, rétablissement et la mise en oeuvre, selon la loi, des meilleurs systèmes possible de conservation et de protection des forêts, aider les sociétés dans la promotion de mesures législatives, etc. Les membres de la fédération sont les sept sociétés de conservation existantes sur le territoire de la province de Québec. L'ampleur des activités des sociétés de conservation au Québec se traduit comme suit: protection d'un territoire couvrant 920 000 kilomètres carrés dont plus de la moitié sous protection intensive; elles emploient près de 600 employés dont 200 réguliers; le budget d'opération actuel s'élève à 28 500 000 $; de plus, les frais d'extinction des incendies sont en moyenne depuis 10 ans de 4 000 000 $ et la flotte d'avions-citernes se compose de 17 CL-215 et de 4 Canso.

Dans le cadre de l'utilisation des pesticides en milieu forestier, notre organisme désire profiter de l'occasion pour exprimer son point de vue à ce sujet afin de rendre possible et sans contrainte l'utilisation de certains produits qui pourraient aider à conserver la ressource forestière, spécialement en ce qui concerne la protection contre le feu. Nous pensons ici à des produits qui pourraient, dans des circonstances particulières, aider à combattre activement des incendies forestiers pour protéger les forêts actuelles et les investissements massifs qui seront faits dans l'avenir.

En moyenne, le Québec combat annuellement plus de 1000 incendies forestiers qui détruisent au-delà de 36 000 hectares. Certaines conditions climatiques très favorables à la propagation de l'incendie ou l'éloiginement de l'incendie de la source d'approvisionnement en eau pour les avions-citernes représentent des situations où l'utilisation de ressources additionnelles serait un atout indispensable lors de l'attaque initiale pour permettre un contrôle très rapide et ainsi limiter le plus possible les pertes ligneuses, les dommages à l'environnement, les coûts d'extinction, etc. Certains produits, telles les mousses extinctrices, sont actuellement utilisés par d'autres provinces canadiennes et d'autres pays pour améliorer les qualités mouillantes de l'eau afin de diminuer au maximum les pertes occasionnées par les feux de forêt. La mousse extinctrice est créée par la combinaison avec l'eau d'un agent moussant synthétique, sous forme de concentré liquide, suivie de l'aération du mélange. Les avantages de la mousse extinctrice par rapport à l'eau ordinaire sont que la mousse adhère au combustible et forme ainsi une barrière physique qui bloque l'alimentation en oxygène et ralentit le drainage et l'évapora-tion de l'eau qu'elle contient; la mousse possède un effet refroidissant supérieur à l'eau en raison du volume d'air qu'elle emprisonne; les qualités mouillantes et surfactantes de la mousse assurent une meilleure pénétration de l'humidité dans le combustible, tant aérien que terrestre et souterrain; l'opacité et la teinte blanche de la mousse facilitent le repérage du lieu sur lequel a été effectué un largage aérien, d'où une utilisation plus rationnelle et une optimisation de l'utilisation des avions-citernes.

À titre d'exemple, la Sécurité civile française a décidé d'intégrer l'utilisation de la mousse extinctrice à son système d'attaques aériennes des feux de forêt. L'Alberta a réalisé, en 1987, des essais opérationnels qui ont prouvé l'augmentation de la durée de vie des largages de 15 à 20 minutes en période d'inflammabilité élevée, accroissant ainsi l'efficacité des avions-citernes dans leur travail de suppression. De façon plus globale, les essais ont aussi démontré que l'usage de la mousse extinctrice, qu'elle soit répandue au sol au par voie aérienne, contribue réellement à accélérer la prise de contrôle des incendies, à réduire la superficie brûlée, à diminuer les coûts totaux de suppression et à diminuer les dommages à l'environnement. D'autres substances pourront un jour être développées afin d'agir dans le même sens.

Dans cet esprit, les sociétés de conservation, en collaboration avec le service de la protection contre le feu et le service des études environnementales du ministère de l'Énergie et des Ressources feront l'essai, au cours de l'été 1988, de mousses extinctrices afin de vérifier la valeur de ce produit pour aider à combattre les incendies forestiers. L'expérimentation prévue pour 1988 vise à estimer l'effet de la mousse extinctrice sur l'environnement, c'est-à-dire sur la végétation, la faune et la qualité de l'eau, ainsi que l'impact visuel possible de la présence de mousse à la surface du plan d'eau d'écopage; à évaluer la supériorité à l'eau de la mousse extinctrice en tant qu'agent d'extinction; à observer les qualités du produit en tant que retardant à court terme, et à déterminer la nécessité et la nature des précautions à prendre lors de l'usage du produit sous ses trois formes: concentrée, solution diluée et vapeur, afin de protéger les individus qui y sont exposés. Si les résultats de cette expérimentation s'avèrent concluants et si l'utilisation de ce produit est approuvée par les différentes instances gouvernementales, la législation devra permettre leur utilisation lorsque requis.

Danger d'incendie accru. La non-utilisation de pesticides, tels les insecticides, peut évidemment conduire à la mort de peuplements forestiers, ce qui résulte en un danger de feu accru. Le comportement du feu dans les peuplements affectés par la tordeuse des bourgeons de l'épinette a été étudié par le Dr B.J. Stocks, du Centre de recherche forestière des Grands Lacs, du service canadien des forêts. Voici le résumé de sa recherche sur le sujet: "Un programme de feux expérimentaux a été réalisé en Ontario entre 1978 et 1982 afin d'obtenir des données quantitatives sur le comportement des incendies dans les sapins baumiers tués par l'infestation de la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Le risque d'incendie dans les peuplements tués par la tordeuse s'est révélé beaucoup plus élevé pendant un certain nombre d'années après la mort des peuplements. Les bris de cimes et les chablis, qui modifient l'agencement des combustibles et augmentent les combustibles à la surface, ont atteint un sommet 5 à 8 ans après la mort. Le risque de feu a été le plus élevé au cours de cette période, puis a diminué graduellement quand les débris de sapins baumiers à la surface du sol ont commencé à se décomposer et la végétation du sous-étage à proliférer. Les feux allumés avant le débourrement au printemps ont présenté un comportement explosif se traduisant par une propagation de cimes en cimes, des vitesses élevées de propagation et de graves problèmes de dissémination de l'incendie du côté sous le vent. En été, les incendies dans les peuplements de ce type ne se sont pas propagés du tout les premières années, mais 4 ou 5 ans après la mort il y avait une accumulation suffisante de combustibles ligneux à la surface pour permettre la propagation."

Cette situation s'est produite au cours des dernières années, au Québec, alors que des peuplements forestiers attaqués par la tordeuse des bourgeons de l'épinette ont été détruits par les flammes. Ces feux ont souvent détruit de grandes superficies, occasionné des frais d'extinction importants, mobilisé des ressources qui n'étaient donc plus disponibles pour le combat d'autres incendies et, finalement, occasionné des dommages à l'environnement. De tels incendies peuvent occasionner des dommages importants à l'environnement, notamment lorsque le feu est intense sur des sites constitués de sols organiques minces. Plusieurs décennies seront souvent requises pour reconstituer ces sites.

Soucieuses d'améliorer l'efficacité du système de protection des forêts contre le feu au Québec, les sociétés de conservation et la Fédération des sociétés de conservation désirent pouvoir bénéficier des meilleurs outils disponibles afin de s'acquitter de cette tâche. Dans cette optique, l'utilisation de certains produits, comme la mousse extinctrice, permettra d'améliorer l'efficacité de la suppression en diminuant les superficies détruites, les pertes de matière ligneuse, les coûts d'extinction et les dommages à l'environnement causés par le feu. L'utilisation de ces produits devra toutefois être conforme aux exigences environnementales.

L'utilisation rationnelle des pesticides devrait également permettre de diminuer les dangers d'incendie que peuvent représenter les peuplements forestiers morts à la suite d'épidémies d'insectes ou de maladies. En ce qui nous concerne, nous croyons que l'utilisation des pesticides est nécessaire dans certaines circonstances et nous sommes également conscients que leur utilisation doit être légiférée et bien contrôlée, afin qu'il n'y ait pas d'impacts négatifs sur l'environnement et la santé des gens.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Lefebvre. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. Quand vous parlez de mousse extinctrice, je sais que vous allez conduire des expériences cette année. Est-ce que vous avez obtenu ou requis la permission du ministère de l'Environnement?

M. Lefebvre (François): Les demandes ont été formulées au ministère de l'Environnement. Aux dernières nouvelles que j'ai eues, en date d'aujourd'hui, on ne l'avait pas encore reçue, mais nous devrions la recevoir bientôt. De toute façon, on attend l'autorisation pour procéder à l'expérimentation.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela a été demandé quand? Cela fait longtemps?

M. Lefebvre (François): Cela fait longtemps.

Le projet existe depuis le mois de février. Les demandes ont été formulées. Je ne pourrais pas vous donner la date exacte, mais cela fait déjà un certain temps que les demandes ont été formulées.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que vous vous attendez à faire une étude d'impact pour étudier la mousse extinctrice sur une base autre qu'expérimentale?

M. Lefebvre (François): Vous voulez dire une étude d'impact à long terme?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.

M. Lefebvre (François): Ce qu'on veut faire, c'est procéder à l'expérimentation et suivre les peuplements ou les endroits qui ont été arrosés pour voir ce qui pourrait en résulter. D'ailleurs, dans l'expérimentation, il y a des largages sur des peuplements naturels pour voir comment les peuplements naturels vont réagir à la mousse s'il n'y a pas de feu. Alors, on veut suivre cela pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'impact négatif.

M. Côté (Rivière-du-Loup): L'an passé, l'incendie le plus important qu'on a eu au Québec s'est produit dans un peuplement attaqué par la tordeuse des bourgeons de l'épinette, dans la vallée de la Matapédia. Cela s'est propagé très rapidement, comme vous le signalez dans votre rapport. Évidemment, quand cela se produit sur des sols organiques minces, vous êtes généreux, à mon avis, parce que vous dites quelques dizaines d'années. Mais si je regarde le feu qu'il y a eu à Forestville, sur les montagnes en allant vers Forestville, cela fait une trentaine d'années et c'est tout juste si la végétation est là.

M. Lefebvre (François): Une étude a été faite en Gaspésie sur le feu de la rivière York, en 1941. L'étude stipule que 2 % du territoire est tout simplement perdu, qu'il y en a 15 % qui vont prendre au moins une centaine d'années avant de revenir à l'état forestier et que la balance se régénère, sauf que c'est en essences autres que les essences commerciales qui nous intéressent. Donc, on peut être optimiste en disant quelques décennies. Cela peut être plus long que ça, effectivement.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais vos indices de feu, de danger d'incendie, vous pouvez les mesurer en fonction de l'humidité et de tous les critères. Mais vos indices de feu dans les ravages, c'est-à-dire dans les peuplements d'épinettes et de sapins morts en raison de la tordeuse sont toujours plus élevés. Vous les calculez tous les jours?

M. Lefebvre (François): Ils sont calculés, mais ils ne sont pas calculés sur de petites superficies comme un peuplement de tordeuses ou un peuplement qui va avoir été attaqué par une maladie. Les indices sont calculés sur des échelles beaucoup plus grandes. Localement, on peut estimer ou on peut savoir par instinct que cela va être plus; dangereux là. Mais l'indice n'est pas calculé avec cette précision pour dire que tel peuplement va avoir un indice plus élevé que le peuplement voisin qui n'a pas été attaqué.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que vous comparez la lutte à l'infestation des insectes comme une lutte aux incendies forestiers? Est-ce que le système de détection, la vitesse d'intervention, les moyens pour le faire, pour vous, seraient analogues dans les deux cas?

M. Lefebvre (François): Les besoins sont similaires, sauf que les systèmes de détection ne sont pas les mêmes. À mon avis, les besoins sont similaires et il faut pouvoir détecter assez rapidement pour être capable d'intervenir rapidement. (22 h 15)

M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais c'est ce à quoi vous êtes arrivé avec le temps. Vous avez amélioré vos moyens de détection, vos moyens de prévision, parce qu'on parle de prévision. C'est difficile de prévoir les épidémies d'insectes, mais c'est assez facile de prévoir les endroits où on i va utiliser du glyphosate pour la végétation concurrente à la suite d'exploitations forestières qui sont planifiées dans le plan d'aménagement. Il faudrait développer ces moyens. J'ai l'impression qu'ils se développeront avec de la recherche, ce que vous avez fait.

M. Lefebvre (François): Oui. Effectivement, on a développé et amélioré les moyens de détection parce qu'on est conscient que le plus rapidement est détecté autant un incendie qu'une épidémie de maladie, le plus rapidement on peut intervenir pour diminuer les dégâts, les coûts et le temps d'intervention minimum. Il y a une similitude entre les deux.

M. Côté (Rivière-du-Loup): On a discuté de la participation d'une société de conservation d'un genre spécial justement pour faire effectuer les arrosages pour combattre les insectes. Est-ce que cette idée a progressé chez vous?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Palmer.

M. Palmer: Effectivement, il y a eu des discussions à cet effet. Je pense qu'il ne faudrait pas que ce soit mêlé au feu. Même si, comme le disait M. Lefebvre, il y a des similitudes au chapitre de l'attaque et de la réaction, il reste quand même qu'il ne faudrait pas mêler les deux organismes ensemble. On risquerait ainsi de se retrouver avec une mauvaise définition des objectifs. Mais on pense que, si on regarde la façon dont les sociétés de conservation fonctionnent, on se retrouve quand même avec des

organismes où on a comme intervenants des propriétaires, le ministère et de grosses compagnies. Tout le monde a intérêt à ce que cela fonctionne. Je pense qu'on peut dire qu'on a de bons résultats. Si on y allait de cette façon, le temps qu'on perd souvent au ministère à se préparer pour avoir les autorisations, on gagnerait de ce côté-là parce qu'on aurait un organisme autonome qui pourrait réagir rapidement à ce moment-là.

M. Côté (Rivière-du-Loup): II est évident, quand vous intervenez sur un feu, que vous ne demandez pas la permission. C'est prévu et vous y allez, n'est-ce pas?

M. Palmer: C'est cela.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est rapide. C'est évidemment fait par des professionnels qui respectent les règles de l'art.

Le modèle des sociétés de conservation pourrait-il être adapté à un modèle de société efficace pour effectuer les arrosages d'insectes, par exemple?

M. Palmer: Avec l'étude qu'on a faite, parce que cela fait quand même au-dessus d'un an qu'on a analysé cet aspect, on pense que oui, mais pas sur la même base, non pas sur une base régionale, plutôt sur une base centralisée où il y aurait une société ou un organisme central, indépendant, qui regrouperait les intérêts de la province pour être certain que tout le monde puisse défendre ses intérêts. On pense alors qu'on pourrait avoir quelque chose de très efficace.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que vous voyez le gouvernement comme un partenaire majoritaire, étant donné que le gouvernement ou que la population du Québec est propriétaire à 85 % des forêts?

M. Palmer: Nous voyons quelque chose du même ordre de ce qu'on retrouve dans les sociétés. À l'heure actuelle, quand on regarde les sociétés, le gouvernement est présent dans chacune des sociétés. On pense que cela pourrait être quelque chose de similaire. Est-ce que ce doit être 85 %? Là, il s'agirait de voir, parce que, si on met 85 %, vous ne laissez plus grand place aux petits propriétaires, aux différentes compagnies, etc., mais certainement 50 % ou 60 %.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Parce qu'il est prévu qu'on paie 50 % des frais?

M. Palmer: C'est cela. Alors, je pense que cela ne peut pas être moins de 50 % à ce compte-là.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Sauf que c'est le ministère qui s'occupe de la détection, de fournir l'expertise pour les arrosages des insectes...

M. Palmer: C'est pourquoi je dis que cela ne pourrait pas être moins de 50 %.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Bien non.

M. Palmer: Sûrement. Mais est-ce que 85 % serait un chiffre valable? Cela me paraît élevé.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, si vous me permettiez de poser une question au ministre, actuellement, le système de détection se fait par les entreprises, les exploitants ou le ministère?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Pour les insectes?

M. Charbonneau: Pour les insectes.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est le ministère.

M. Charbonneau: C'est le ministère. Combien de personnes sont affectées au travail de détection?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je ne peux pas le dire, mais dans les régions, je crois qu'il y a 1300 employés réguliers, 2000 occasionnels, ce qui fait que l'été il y a plusieurs employés occasionnels qui courent ces pièges pour en mesurer le degré d'infestation, et des échantillons sont pris dans tout le Québec. Je ne peux pas le dire, mais il y a certainement quelque 200 personnes pendant l'été. Ce n'est pas le piège qui est dispendieux, c'est le suivi de tout cela.

M. Charbonneau: Considérez-vous que vous avez assez de personnel, assez de ressources pour avoir un système de détection efficace? Autrement dit, si, avec le système que vous avez en place, vous n'êtes pas capables de faire une véritable détection... À partir de ce qu'on a dit depuis hier, j'ai l'impression que, si on avait un système de détection ultrasophistiqué, suffisamment sophistiqué ou efficace, on réduirait de beaucoup l'usage des pesticides parce qu'on pourrait investir dans la détection. On pourrait économiser dans les coûts d'utilisation des produits quels qu'ils soient, biologiques ou chimiques, et dans les coûts écologiques ou environnementaux.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous savez, mon cher collègue, que la prévention est toujours difficile à vendre et que c'est l'objectif du ministère d'augmenter les pièges, d'améliorer le

système de détection. C'est pourquoi, en 1989, on aura 1200...

M. Charbonneau: Sauf que...

M. Côté (Rivière-du-Loup):... pièges de phéromone.

M. Charbonneau: Je suis familier avec d'autres types de problèmes. Je prends, par exemple, le domaine de la prévention de la criminalité. C'est toujours difficile statistiquement...

M. Côté (Rivière-du-Loup):... à vendre... M. Charbonneau:... à vendre... M. Côté (Rivière-du-Loup): Ah oui!

M. Charbonneau:... parce que les statistiques... Le chiffre noir de la criminalité, on ne le connaît pas et on a beaucoup de difficulté à savoir si, finalement, la criminalité a diminué parce qu'on a fait des efforts de prévention.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela est pareil.

M. Charbonneau: Mais j'ai l'impression que c'est différent dans le domaine forestier parce que dans la mesure où on aurait un bon système de prévention ou de détection, on serait capables d'intervenir rapidement. Donc, au lieu d'intervenir dans des situations comme celles que vous nous avez décrites où, déjà, les foyers d'infestation sont plus ou moins étendus, on pourrait se retrouver avec des interventions ponctuelles, limitées, circonscrites dans des territoires plus petits.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je souhaiterais être capable de vendre cela. Comme l'a dit M. Leblanc, vous savez, on n'est pas toujours bons vendeurs. Mais la Loi...

M. Charbonneau: On peut vous aider, vous savez.

M. Côté (Rivière-du-Loup):... sur les forêts, contrairement à ce que les représentants du CERFO ont dit, ce ne sont pas les audiences publiques qui ont généré cela, mais à cause de la perte de 300 000 000 de mètres cubes de bois en raison de la tordeuse, les gens se sont dit: Qu'est-ce qui nous arrive? C'est une ressource qui est devenue plus rare. Dans ce temps-là, on fait des efforts. Dans ce temps-là, c'est plus facile à vendre. Et il ne faut pas attendre les catastrophes avant de vendre des choses. C'est pourquoi nous demandons une politique d'utilisation rapide, efficace, mais aussi sécuritaire qui va protéger l'écologie, l'environnement et la santé.

M. Charbonneau: Sauf que j'ai l'impression que ce qui manque dans le document ou dans la politique, c'est un système de détection sophistiqué. Autrement dit, si vous mettez des ressources additionnelles et importantes dans la détection, on aura tous à assumer des coûts moins grands tant au plan financier qu'au plan écologique.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui. Dans quelques années, si rien n'arrive, on va dire. Ce n'est pas nécessaire, on va couper cela.

M. Charbonneau: Oui, mais entre-temps on... M. Côté (Rivière-du-Loup): Bien, c'est cela.

M. Charbonneau:... aura fait un sacré bout de chemin.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.

M. Charbonneau: J'ai l'impression que si on réussissait cela, et je me demande même si au coeur de la politique que vous aurez à finaliser avec le ministre de l'Environnement, ce problème...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela a déjà été proposé.

M. Charbonneau:... le système de détection ne devrait pas être au coeur... Un gouvernement qui vit dans une période de vaches grasses devrait être capable d'engager des sommes suffisantes. Ah! mais c'est cela! C'est cela le coeur du problème, néanmoins. Plutôt que de diminuer les taxes et les impôts, les gens seraient peut-être prêts à avoir moins de diminution pour être capables de se donner des services qui règlent les problèmes fondamentaux.

M. Côté (Rivière-du-Loup): On propose cela aussi dans la... On propose d'augmenter la recherche de 1 000 000 $ à 3 000 000 $. On propose cela, mais il va falloir le vendre.

M. Charbonneau: Si vous avez des problèmes de vente, on va vous aider.

M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. M. Charbonneau: Mais...

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau:... en attendant, pour ne pas laisser nos invités en plan assister à notre discussion, vous avez commencé votre présentation en disant: On entrevoit un problème, ce sont les autres produits qui risquent d'arriver sur le marché. En ce qui concerne les autres produits, êtes-vous... Par ailleurs, vous avez dit aussi, en terminanl:, que vous accordiez de

l'importance à la prise en considération des impacts environnementaux. Si on refait la jonction entre le début et la fin de votre présentation, êtes-vous d'accord avec le principe que les nouveaux produits qui vont arriver sur le marché devront, avant d'être utilisés d'une façon quelconque, avoir passé par le filtre des évaluations au niveau des impacts environnementaux?

M. Palmer: II va devoir y avoir beaucoup d'expertise de prise. Il va devoir y avoir homologation et nous sommes très favorables. On vous parlait tout à l'heure de mousse extinctrice. On veut faire des essais et de l'expérimentation pour être capables de voir les problèmes tant au niveau de la faune, de l'eau que de l'environnement. Par contre, ce qui nous fait peur, c'est que, si on devait, chaque fois qu'il arrive un nouveau produit, être obligés, avec ce nouveau produit-là... Au départ, qu'on ait à démontrer qu'il n'y a pas de danger, je pense que c'est tout à fait normal, mais, une fois que cela est fait, que tous les cinq ans ou que de façon continuelle on soit obligés d'en faire la preuve, là, on se pose des questions parce qu'on risque de se retrouver en audience de façon continuelle.

M. Charbonneau: Entre se retrouver en audience de façon continuelle et se retrouver en audience sur une base périodique, qui serait acceptable et qui permettrait en même temps de faire une évaluation de l'utilisation qu'on a faite durant les années en question, et une espèce de bilan périodique, surtout parce que ce genre de produits-là, chimique en particulier, nous révèle, dans ce domaine-là comme dans tous les autres domaines, que les connaissances nous amènent, avec les années, à nous rendre compte de conséquences qui avaient été sous-estimées au départ... Il n'y a pas un produit... Si on faisait la liste de tous les produits qui ont été inventés ou mis au point et par la suite homologués et dont on a découvert plus tard dans l'utilisation qu'on en avait sous-estimé les conséquences, on se rendrait compte qu'il n'y a peut-être pas beaucoup de produits dont l'analyse et l'utilisation ne nous ont pas amenés à changer nos jugements et nos opinions.

M. Palmer: On ne met pas en cause qu'il faut réviser à l'occasion certaines positions, mais on n'est peut-être pas d'accord avec le moyen. If reste que dans notre cas, par exemple, si on regarde la question des feux, habituellement, lorsqu'on a à réagir, c'est en situation d'urgence, en situation de catastrophe. Alors, s'il fallait demander chaque fois la permission à Pierre, Jean, Jacques, j'ai l'impression qu'on ne ferait pas grand chose, puis que la province y passerait. Il faut qu'on ait, à un moment donné, les mains libres pour pouvoir réagir à temps.

Tout à l'heure, vous parliez de prévention, je pense que cela est un domaine aussi. Si on prend une épidémie, si on la laisse croître, on va avoir de plus en plus de problèmes à la résorber et on va avoir de plus en plus de dommages, alors que si on est capables d'avoir un système de prévention adéquat qui nous permet de réagir rapidement, je pense qu'on devrait à ce moment-là avoir beaucoup plus d'efficacité et de meilleurs résultats pour tout le monde.

M. Charbonneau: Remarquez que je pense qu'il y a consensus qu'il faut, un, agir rapidement, deux, agir efficacement et que, à cet égard, il doit y avoir des modalités particulières dans la politique qui permettent cela. Mais est-ce que votre expérience dans le domaine des incendies de forêt, par rapport à la discussion que j'ai eue avec le ministre, vous amène à être d'accord avec ce que je disais, que si on avait une priorité à accorder on devrait l'accorder à un système de détection sophistiqué?

M. Palmer: On ne peut pas être contre la vertu. Je pense que c'est évident que, plus on va faire de la prévention, moins on va être sujet à des désastres comme on en a connus ces dernières années.

M. Charbonneau: Et moins on va être sujet à utiliser des produits qu'on n'aime pas particulièrement.

M. Palmer: Je suis bien d'accord sur cela.

M. Charbonneau: Moi, en tout cas, je vais vous dire une chose en terminant. Je pense que la politique éventuelle devrait être fondée, entre autres, sur des investissements substantiels qui vont permettre qu'on ait un système de détection sophistiqué. Je me dis que, si ce n'est pas le cas, je pense qu'il y a quelque chose qui va être tout croche en partant.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est l'objectif poursuivi. On poursuit cet objectif-là et c'est sûr qu'il y a une similitude entre le combat des incendies forestiers et le combat de l'arrosage des insectes parce qu'il faut commencer par la prévention, la détection puis la lutte après. La prévention, cela se fait par des cartes de vulnérabilité; on sait à quels endroits c'est vulnérable. On sait que dans des peuplements l'indice de vulnérabilité est plus élevé qu'ailleurs, compte tenu des sécheresses, des pluies, des vents, etc. Et, évidemment, cela prend des pièges de phéromone pour être capables de détecter les foyers d'infestation. Cela prend du monde pour surveiller le cours, pour faire cela. Cela prend de l'argent. On parle dans le document de 3 000 000 $ plutôt que de 1 000 000 $ actuellement. Il faut lutter avec des outils et des moyens efficaces. Si on était obligés de demander la permission pour aller au feu, on n'aurait pas le meilleur système de protection et de combat d'incendies au monde comme celui qu'on a au Québec.

M. Charbonneau: D'accord, mais...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela n'a pas été fait au détriment de l'environnement, ni au détriment de la santé. (22 h 30)

M. Charbonneau: Je vais vous dire honnêtement, compte tenu de l'importance de la ressource forêts et de l'industrie forestière au Québec, au lieu de dire On va demander 2 000 000 $ de plus cette année, je pense que le ministère devrait être en mesure de dire, pour être efficace sur le territoire québécois, combien cela nous prendrait pour avoir un système sophistiqué. Plutôt que de dire: On va avoir un système et, chaque année, on va essayer de l'augmenter... Un système qui fonctionnerait coûterait combien? S'il coûte 15 000 000 $ à la société québécoise annuellement, sur le budget d'une trentaine de milliards qu'on a, compte tenu des coûts environnementaux qu'on épargnerait, des coûts sociaux et des avantages économiques, je vais vous dire que ce serait peut-être un sacré bon investissement, plutôt que d'être timide et de demander 3 000 000 $, alors qu'on a déjà 1 000 000 $. Je ne dis pas que 15 000 000 $ est I© chiffre, mais je pense que, si on doit faire une action efficace, on devrait être en mesure de développer le système de détection.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Tous les forestiers qui se sont présentés ici parlent comme cela. C'est ce qu'ils veulent. Par contre, il y a eu un côté positif, mais on les a peut-être entravés dans leurs moyens de travailler pour différentes raisons, mais il y a un côté positif à toute chose. Quand quelqu'un décède, l'entrepreneur est bien heureux aussi, c'est sûr.

M. Charbonneau: Oui, mais en tout cas...

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Verchères. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Lotbinière.

M. Camden: Merci, M. le Président. Vous devez sûrement avoir une espèce d'échelle quant à l'indice de risque d'incendie en forêt, plus particulièrement après le passage de la tordeuse. Est-ce que vous avez une échelle de risque?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Lefebvre.

M. Lefebvre (François): Il y a une échelle de risque, mais elle est en fonction des peuplements forestiers, comme je vous le disais tantôt, des grandes superficies. Les dangers de feu sont calculés avec les éléments que sont la précipitation, la température, l'humidité relative, mais c'est en fonction des peuplements types qu'on va rencontrer sur le terrain. Sauf que dans ces échelles on ne fait pas le calcul point par point parce qu'il y a un peuplement qui a été attaqué et qu'un autre ne l'a pas été. C'est sur de grandes superficies. Donc, on ne détermine pas que ce peuplement, dans une journée précise, a un danger de feu accru. On ne l'a pas calculé sur papier, sauf que par expérience les gens savent que cela va être supérieur à ce qui est calculé pour le peuplement sain, mais le calcul ne se fait pas point par point, que ce soit un peuplement mort ou un peuplement vivant.

M. Camden: Quelle est la superficie minimale pour que vous procédiez à une évaluation assez juste et réaliste?

M. Lefebvre (François): Ce sont des superficies utilisées par le ministère de l'Environnement du Canada qui calcule les prévisions météorologiques. Ce sont des unités météorologiques. Pour ce qui est de la superficie, cela va être de l'ordre de 5000 ou 6000 kilomètres carrés. Ce sont les unités qui sont utilisées pour faire les prévisions et les calculs en même temps. Les stations vont rapporter les humidités, mais c'est sur de grandes superficies qu'on fait les calculs.

M. Camden: Est-ce que vous avez une échelle? Est-ce que vous êtes capable de nous évaluer sommairement, selon l'échelle d'inflam-mabilité, quel est le niveau moyen après le passage, par exemple, de la tordeuse, après trois ou quatre ans? Est-ce que vous avez un niveau ou une échelle de 1 à 10 qui nous permette de dire si on est à 4, 5 ou 8?

M. Lefebvre (François): Non, les échelles ne sont pas bâties dans ce sens-là. Les échelles vont être basées sur la vitesse de propagation du feu, mais, encore une fois, c'est dans les peuplements naturels, les peuplements typiques qu'on va rencontrer. On ne calcule pas spécifiquement les peuplements attaqués par la tordeuse. Les échelles sont pour les grandes superficies. Mais, pour la vitesse de propagation des incendies ou la profondeur que l'incendie va brûler, ce n'est pas spécifique, comme vous me le demandez, à ce point sur les peuplements attaqués par la tordeuse ou les maladies qu'on va rencontrer.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Palmer.

M. Palmer: J'aimerais seulement ajouter une chose, parce que vous voulez savoir ce qui arrive du côté de la tordeuse. Du côté pratique, comme on dit, on n'a pas d'échelle pour les peuplements affectés par la tordeuse. Ce à quoi on se référait dans l'opinion présentée, c'est à une étude qui a été faite par M. Stocks dans des peuplements affectés par la tordeuse. On le constatait de visu, mais c'était empirique, il n'y avait pas d'étude. Mais, d'après l'étude, ce monsieur a réalisé qu'après quelques années cela devenait dangereux pour une période de quatre ou cinq ans parce que le combustible était plus sec et

qu'aussitôt que cela prenait, cela s'étendait beaucoup plus rapidement.

M. Camden: À la suite de l'épandage de pesticides sur des superficies permettant l'émergence des plants, est-ce que l'indice d'inflam-mabilité est également augmenté, compte tenu que le couvert végétal est moins présent? J'ai pu remarquer hier que cela semblait plutôt jaune et brun. Cela m'apparaissait, d'après mon expérience - je n'ai pas la vôtre - mais celle que j'ai semblait m'indiquer qu'il devait y avoir un indice de propagation sûrement plus élevé qu'avant l'épandage des pesticides.

M. Lefebvre (François): Vous parlez d'herbicides?

M. Camden: D'herbicides, de pesticides.

M. Lefebvre (François): Si on parle de l'épandage de pesticides ou d'insecticides, cela n'aura pas d'influence. Si on parle de l'épandage d'herbicides pour détruire la végétation concurrente, la végétation qui est détruite pourra représenter un risque accru minime parce que c'est au niveau du sol et que c'est du petit combustible. Mais la végétation qui va ressortir à travers cela va être verte et aura un certain taux d'humidité à l'intérieur. Ce n'est pas, à notre sens, un danger accru, notable ou important, si on parle de détruire la végétation concurrente au niveau du sol.

M. Camden: Si je vous demandais d'y aller d'une évaluation subjective et de me dire, sur une échelle qu'on fixerait de 1 à 10, par exemple, ce qu'il en est après le passage de la tordeuse et après l'application d'herbicide?

M. Lefebvre (François): Je ne suis pas sûr de comprendre votre question. Vous parlez de l'application d'herbicide pour...

M. Camden: Je ne sais pas. Dans une forêt qui est affectée par la tordeuse, trois ou quatre ans après, à combien évalueriez-vous, sur une échelle de 1 à 10, l'indice d'inflammabilité?

M. Lefebvre (François): C'est une question très hypothétique. Évidemment, on n'a pas de valeur à ce niveau. Le peuplement qui est attaqué par la tordeuse par rapport au peuplement qui est arrosé d'herbicides, celui de la tordeuse serait à 5 ou 6 et l'autre serait à 1.

M. Camden: Pourriez-vous également m'indiquer combien d'appels vous avez au cours d'une année, concernant des débuts de feu de forêt provenant de sites sous des lignes de transmission, de transport d'énergie, de la société Hydro-Québec?

M. Lefebvre (François): Combien d'appels?

M. Camden: Oui, combien d'appels vous pouvez avoir par année de feux qui prennent leur source sous une ligne de transmission de la société Hydro-Québec.

M. Lefebvre (François): Je ne pourrais pas vous donner cette information. On l'a en dossier, mais je ne pourrais pas vous la donner à brûle-pourpoint.

M. Camden: Dans une proportion...

Le Président (M. Saint-Roch): En conclusion, M. le député de Lotbinière.

M. Camden: Ce n'est pas tellement loin, M. le Président. Il y a des réponses que j'attends. Est-ce que vous avez également des données en fonction des coupes d'éclaircie qui sont faites manuellement?

M. Lefebvre (François): Non.

M. Camden: Non plus. Vous n'avez pas de données comparatives?

M. Lefebvre (François): Non.

M. Camden: Vous n'en avez pas plus, j'imagine, concernant la construction des lignes?

M. Lefebvre (François): Oui, si ce sont des travaux de construction de lignes, on aura ces données statistiquement en fichier pour ce qui est des incendies.

M. Camden: Pour ce qui est des incendies par rapport à l'ensemble?

M. Lefebvre (François): Oui.

M. Camden: Est-ce que ce serait possible de nous faire parvenir, à titre d'information, ces données comparatives?

M. Lefebvre (François): On peut vous faire parvenir cela.

M. Camden: Je l'apprécierais beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Lotbinière. Je tiens à remercier les membres de la Fédération des sociétés de conservation du Québec pour leur apport aux travaux de cette commission.

Je demande maintenant à l'Association des biologistes du Québec de bien vouloir prendre place.

Permettez-moi, dans un premier temps, de vous souhaiter la bienvenue aux travaux de la commission. Je demanderais maintenant au porte-parole de bien vouloir s'identifier, ainsi que les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît, pour le

bénéfice des membres de la commission.

M. Beaumont (Jean-Pierre): Bonsoir, M. le Président. Jean-Pierre Beaumont, président de l'Association des biologistes, M. Michel Tardif, vice-président et M. Roger Lemire, secrétaire.

Le Président (M. Saint-Roch): Oui, allez-y, M. le président, je vous cède la parole.

Association des biologistes du Québec

M. Beaumont: Parfait. M. le Président, MM. les ministres, mesdames et messieurs, je dois m'excuser du retard qu'on a eu. On devait passer un peu plus tôt, mais j'espère que vous serez compréhensifs.

L'Association des biologistes du Québec regroupe plus de 400 professionnels oeuvrant dans diverses spécialisations de la biologie comme la biologie végétale, l'écologie forestière, l'éco-toxicologie, la biotechnologie et la santé environnementale. Voilà maintenant quinze ans que, tout en promouvant les intérêts de la biologie, l'ABQ se prononce sur des problèmes sociaux à caractère scientifique dans le meilleur intérêt du public.

Notre association s'est impliquée à maintes reprises dans le domaine de l'utilisation des pesticides. Lors de sa participation à la consultation sur l'avant-projet de loi sur les pesticides en février 1987, elle considérait ce projet de loi comme un pas dans la bonne direction et insistait sur la nécessité de réduire substantiellement et de contrôler efficacement l'usage des pesticides, tout en conservant l'application de la Loi sur la qualité de l'environnement à l'égard des pesticides.

L'ABQ est aussi intervenue lors des consultations publiques sur les programmes de pulvérisation aérienne préparés par le ministère de l'Énergie et des Ressources. Soulignons aussi que l'ABQ a organisé, en 1985, son congrès annuel sur le thème: "Les substances toxiques, de l'environnement à l'homme" et qu'en 1987, en collaboration avec l'Université de Montréal, elle offrait à ses membres et à la communauté scientifique un cours-colloque en écotoxicologie.

Quant à la gestion forestière plus spécifiquement, elle est intervenue en 1986 devant la commission de l'économie et du travail, qui discutait de l'avant-projet de loi sur les forêts, en insistant sur le rôle polyvalent des forêts sur la totalité du territoire forestier et sur l'implication dynamique des autres utilisateurs dans sa gestion. Depuis juin 1987, elle fait aussi partie du groupe de consultation sur le nouveau régime forestier mis sur pied par le MER.

L'Association des biologistes du Québec tient donc, dès maintenant, à remercier les deux ministres concernés par la publication de cette "Politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier", le ministre de l'Environnement, M. Clifford Lincoln, et le ministre délégué aux

Forêts, M. Albert Côté, pour l'avoir invitée à faire part de son opinion sur ce sujet. Quoique l'ABQ ait trouvé fort brève la période précédant cette commission, elle a, quand même, tenu à présenter son opinion sur l'utilisation durable des forêts en commentant cette contrainte qu'est l'utilisation des pesticides.

C'est par une question que débute l'avant-propos du document de support à la présente commission parlementaire: "Comment concilier la production soutenue des forêts et la protection de l'environnement?" Ce questionnement était pourtant inhérent à chacun des projets de loi dont on va parler. En effet, la Loi sur la qualité de l'environnement, par sa réglementation sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement, assujettit tout programme ou projet de pulvérisation aérienne de pesticides à des fins non agricoles, sur une superficie de 600 hectares ou plus. Lors de lai présentation de son mémoire "Pour une forêt polyvalente, garantie d'avenir" présenté en 1986, l'ABQ faisait part d'une certaine inquiétude: "Le nouveau régime forestier - je cite une partie du texte qu'on présentait - poursuit l'objectif de régénérer toutes les superficies des parterres de coupe en essences désirées tout en minimisant les délais de régénération. Cet objectif implique-t-il systématiquement une utilisation à grande échelle de phyto-cides pour favoriser la régénération des espèces désirées et par la suite une utilisation à grande échelle d'insecticides pour protéger ces peuplements et sauvegarder le capital investi dans la régénération naturelle ou artificielle? (22 h 45) "L'ABQ voudrait savoir si les modes d'exploitation et de régénération forestières qui sont privilégiés par le MER favorisent la limitation ou l'élimination de cette pratique. Ou bien si nous évoluons plutôt vers la culture des forêts, où l'on favorisera la production de peuplements purs en essences désirées et équien-nes sur de grandes superficies. L'ABQ n'a pas encore en main l'information nécessaire pour se faire une opinion juste et précise sur cet aspect." La réponse est maintenant claire; elle se trouve dans le document: "Le MER et de nombreux titulaires de contrats d'approvisionnement et d'aménagement considèrent essentiel d'utiliser annuellement des pesticides pour rencontrer les objectifs de protection et de rendement soutenu de la forêt."

Quant à la Loi sur les pesticides, l'ABQ avait demandé au ministre de l'Environnement, lors de la commission parlementaire sur l'avant-projet de loi, de soumettre les agriculteurs et les sylviculteurs aux dispositions de la loi, sinon, elle n'aurait plus qu'une faible valeur intrinsèque. De plus, elle voulait être rassurée sur la position de cette pièce législative par rapport à la Loi sur la qualité de I environnement. Les assurances du ministre à cet égard ont été confirmées dans le projet de loi sur les pesticides et ressortent bien dans le document de support.

Mais des points de vue divergents sur ces aspects se cristallisent, amenant une controverse qui se poursuit. Julian Dunster écrit en 1987 - je suis obligé de vous dire cela en anglais - "With the higher priority that Canadians are now placing on environmental issues, the political significance of these controversies will increase and the chemical controversy will remain a dominant forestry issue in the next decade."

À cet égard, parmi les 25 problèmes majeurs d'environnement relevés par Jacques Theys, plusieurs concernent cette problématique: les risques liés aux biotechnologies; la baisse de la diversité génétique des espèces; la pollution diffuse généralisée des sols, de l'eau et des nappes phréatiques par les engrais et les insecticides; les interactions entre polluants chimiques et la multiplication des controverses sur leurs effets.

Tout cela n'oblige t-il pas à prendre des précautions pour que notre gestion de l'environnement mène à une utilisation durable de nos ressources?

L'Association des biologistes du Québec est consciente des efforts de concertation effectués par les deux ministères concernés, le MER et le MENVIQ. D'ailleurs, elle est, dans l'ensemble, d'accord avec les principes directeurs énoncés dans le document de support. Certaines modalités pourraient cependant être discutées. Par exemple, l'énoncé suivant: "La forêt publique constitue une ressource collective renouvelable à protéger et à mettre en valeur" représente un constat général qui suscite notre adhésion. Par contre, la seconde partie de l'énoncé: "les pesticides homologués font partie des outils utilisés à cette fin", met l'emphase seulement sur une partie du coffre à outils et, d'ailleurs, sur celle dont on veut minimiser l'usage.

À maintes reprises, l'Association des biologistes du Québec a souligné l'importance de réduire substantiellement et de contrôler efficacement l'usage des pesticides. Cet aspect ressort des principes directeurs retenus lorsque sont discutés l'examen des moyens de rechange ainsi que la recherche-développement. La mise en valeur de ces principes directeurs est, selon nous, essentielle.

L'emphase sur la prépondérance de l'outil pesticides est soulignée dès le début de l'énoncé global: "Les pesticides en milieu forestier constituent des outils permettant de réaliser la protection et l'aménagement forestier." Il aurait été pertinent de sentir encore plus, dans cet énoncé global, l'approche de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement qui s'exprime en ces termes sur l'utilisation durable de la ressource forestière: "De manière générale, les ressources renouvelables telles les forêts ou les bancs de pêche peuvent ne pas s'épuiser, à condition que le rythme auquel on puise dedans ne dépasse pas les limites de la reconstitution et de l'accroissement naturel. Cela dit, la plupart des ressources renouvelables font partie d'un écosystème fort complexe et il faut définir un seuil maximal d'exploitation, compte tenu des effets de l'exploitation sur l'ensemble du système."

Les solutions proposées. Parmi les deux choix offerts dans le document de support: programme de cinq ans d'utilisation de pesticides avec étude d'impact ou l'utilisation du Bacillus thuringiensis et du glyphosate sans étude d'impact, l'ABQ opte pour la première puisqu'elle prévoit un examen public des projets sur une programmation de cinq ans. Cela nous apparaît raisonnable et justifié compte tenu de la durée du processus d'évaluation des impacts, de l'envergure de l'étude requise et des coûts inhérents à la procédure.

Comme l'ABQ tient à s'assurer que les promoteurs prennent des moyens concrets pour doter le Québec d'une solution qui intègre différentes techniques d'aménagement et d'exploitation visant a diminuer à court terme la dépendance du Québec à l'égard des pulvérisations aériennes d'insecticides, la détermination d'une solution de moindre impact environnemental résultant de l'étude d'impact permet alors à la population concernée d'établir son choix.

N'oublions pas, comme c'est écrit à la section 2, qu'il y a encore controverse dans l'utilisation des pesticides et qu'il vaut mieux adopter une approche préventive que correctionnelle.

Cette étude d'impact devrait évaluer les effets cumulatifs, car parmi les cas ou phénomènes ayant déjà des effets cumulatifs importants ou qui en auront à la fin de la présente décennie, il y a les effets des produits chimiques utilisés en agriculture, en sylviculture et en horticulture.

L'association du MER et des détenteurs de contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier aux fins de présenter un projet conjoint sur l'ensemble du territoire québécois nous apparaît une suggestion intéressante qui permettrait d'éviter la multiplication et la répétition de projets comparables. Cependant, il nous apparaît qu'une étude d'impact portant à la fois sur des projets d'utilisation d'insecticides et de phyto-cides pourrait comporter des volets distincts, car l'usage d'insecticides et de phytocides origine d'une problématique tout à fait différente.

Cette solution ne nous paraît valide que de façon intérimaire, soit d'ici à ce que des approches sylvicoles nouvelles et adaptées soient développées. Cela implique nécessairement l'implantation d'un suivi environnemental et de programmes de recherche et de développement qui seront discutés dans la section suivante.

La seconde solution nous paraît inacceptable, car il s'agit d'une démarche qui réduit la participation des populations concernées quant aux prises de décisions portant sur leur environnement. La population québécoise est et demeure fortement préoccupée par la question des pulvérisations, il serait ainsi inconcevable de limiter

l'accès à l'information et à la consultation, d'autant plus que l'utilisation du glyphosate n'a jamais été discutée lors d'audiences du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, le BAPE.

La modification du "Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement, qui vise à permettre l'utilisation en milieu forestier du B. t. et du glyphosate sans étude d'impact, serait une porte d'entrée qui pourrait aussi faciliter l'exclusion d'autres pesticides. De plus, sous réserve d'une certaine innocuité des produits, peut-on esquiver la procédure d'évaluation des impacts? Une telle approche, si elle se généralisait, rendrait souvent inopérante la Loi sur la qualité de l'environnement. Le gouvernement pointe-t-il vraiment "vers le nouveau cap de la prévention et de la conservation"?

Bien que ce ne soit développé explicitement dans aucune des deux solutions proposées, il est important que l'étude d'impact sur l'environnement comporte un volet suivi environnemental. Un tel suivi appliqué dans différentes régions écologiques du Québec pourrait augmenter nos connaissances sur l'état des milieux avant, pendant et après toutes les phases des opérations de pulvérisation. Cet engagement des promoteurs faciliterait aussi à moyen terme la préparation des études d'impact puisque, en plus des recherches bibliographiques, il y aurait aussi du "vécu environnemental". Le BAPE, dans son rapport d'enquête sur le dernier programme de pulvérisation aérienne contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette, mentionne, d'ailleurs, la surveillance environnementale par le MENVIQ et le MLCP.

Le Conseil des ministres, en 1984, avait, semble-t-il, d'ailleurs, accompagné le programme de pulvérisation de 1985-1989 d'un programme de suivi et de recherche coordonné par un comité interministériel. L'ABQ se demande si un tel comité est prévu dans le cadre de la nouvelle politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier.

Il est aussi important de savoir s'il y a des effets cumulatifs et, si oui, quelle en est l'importance. De telles données sont essentielles dans le cadre d'études d'impact, ainsi que pour prévoir de façon rationnelle la gestion forestière. Par exemple, certaines suggestions de suivi émises par Peterson et al nous semblent intéressantes et applicables dans le cadre de programmes de pulvérisation aérienne de pesticides. Je peux vous les lire: "Determine the frequency of application and dosage of pesticides and herbicides used on a district basis over a period of years to give some idea of the extent of the problem; at present, such data are not available or not accessible, examine residues in soil and biota for evidence of accumulation and bioac-cumulation; this would require a long-term monitoring program similar to some now in progress; and undertake an ecosystem monitoring system to determine the effect of repeated spraying, regardless of accumulation. "

Comme toute politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier doit tendre à réduire et à rationaliser l'emploi de ces produits, il nous semble primordial que les gouvernements, en collaboration avec leurs partenaires, établissent ou consolident des programmes de recherche. Cela ne fait cependant pas partie d'un échange donnant, donnant, comme cela pourrait être compris dans le document de support.

Déjà, des travaux sont prometteurs pour trouver une alternative valable à l'usage des phytocides, entre autres, les travaux concernant l'allélopathie (résidus de végétaux ayant une activité phytotoxique) ou de phytopathologie (possibilité d'utiliser des bioherbicides). L'ABQ pense que ces recherches doivent être soutenues et développées.

Il est aussi important de faire en sorte qu'une partie des budgets accordés aux recherches concernant la lutte contre les insectes ravageurs soit utilisée pour rentabiliser l'emploi de procédés de lutte biologique qui sont utilisables au point de vue opérationnel, par exemple l'usage du B. t. En outre, l'ABQ se demande pourquoi cet insecticide biologique rendu encore plus sécuritaire et plus efficace du point de vue opérationnel ne serait pas produit au Québec.

L'ABQ profite, d'ailleurs, de l'occasion pour rappeler au gouvernement du Québec que les biologistes sont des professionnels dont la présence est souhaitable et nécessaire, que ce soit en recherche fondamentale, en recherche appliquée, tant en équipe multidisciplinaire qu'en chercheur individuel.

En conclusion, l'Association des biologistes du Québec insiste sur les points suivants: la nécessité de réduire substantiellement et de contrôler efficacement l'usage des pesticides; le rôle polyvalent des forêts sur la totalité du territoire québécois et sur l'implication dynamique des autres utilisateurs dans sa gestion.

Elle considère alors parmi les solutions proposées que l'établissement d'un programme de cinq ans d'utilisation de pesticides avec étude d'impact est plus avantageux tant pour la population québécoise que pour l'environnement. Elle respecte la Loi sur la qualité de l'environnement et ne fait pas d'exception quant à certains pesticides. Toutefois, l'ABQ voudrait qu'il y ait un suivi environnemental et que l'aspect recherche et développement soit encore amplifié et consolidé. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Beaumont. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. Beaumont, j'ai eu l'occasion, au cours de plusieurs rencontres officielles avec vous, de vous exprimer mon respect pour votre association; j'ai failli dire votre ordre, je suis sûr que cela va venir. Je pense que votre mémoire confirme ce respect parce qu'il exprime

beaucoup de mes préoccupations les plus convaincues. En fait, je suis loin de vouloir vous poser des questions parce que, vraiment, je suis tellement d'accord avec vous que je n'ai pas de questions à vous poser. Je trouve que cela exprime exactement ce que je pense sur le sujet.

Je pense qu'il vaudrait la peine de souligner certaines choses que vous avez dites qui peut-être n'ont pas été amplifiées ou soulignées déjà dans les autres mémoires et qui sont certainement, pour moi, des questions de grande importance. D'abord, à la page 8, lorsque vous parlez, en citant Theys, "de la pollution diffuse généralisée des sols et de l'eau et des nappes phréatiques par les engrais et les insecticides", je pense que quoique ce soit, une chose qui a existé depuis fort longtemps et qui se voit de plus en plus dans nos écosystèmes, cela n'a pas été assez souligné, dans cette commission parlementaire, jusqu'ici, que les pesticides ne sont pas seulement ce avec quoi on arrose, mais aussi ce qui coule dans les cours d'eau et pénètre la nappe phréatique. Ensuite, la deuxième chose, les interactions entre les polluants chimiques et la multiplication des controverses sur leurs effets, les pluies acides et tout le reste, et toute l'évaporation des polluants chimiques. Je pense que cela demande à être souligné aussi. (23 heures)

Je pense qu'il y a des choses intéressantes aussi que vous dites par rapport aux études d'impact. Moi, je retiens votre suggestion avec beaucoup de sérieux. Dans les études d'impact, on devrait certainement prendre comme un des éléments principaux l'évaluation des effets cumulatifs. Justement, on a tendance à dire: Bon, on va arroser 500, 600 ou 1000 hectares, mais, si on le fait cette année-ci, l'année prochaine et l'année d'après, quel sera l'effet cumulatif de tous ces pesticides dans l'atmosphère et surtout quel est l'effet cumulatif lorsqu'on ajoute à cela la grande proportion qui est utilisée dans le monde agricole et aussi en horticulture, comme vous l'avez souligné?

D'après ce que je comprends, là vous êtes d'accord avec l'étude d'impact sur une période de cinq ans qui ferait un ensemble de la problématique, mais vous dites en même temps - et moi, je trouve que c'est aussi une suggestion très | valable - que peut-être on aurait dû souligner que c'est quelque chose d'intérimaire, 'ce qui nous forcerait à trouver des méthodes alternatives. C'est pourquoi vous dites, sans doute, que le maximum serait de dix à quinze ans.

Vous soulignez aussi, ce que certains d'entre nous ont déjà aussi souligné, que le \ glyphosate n'a pas passé par les études d'impact et n'a pas passé par le Bureau d'audiences publiques, contrairement au B.t..

Une voix: Le fénitrothion aussi.

M. Lincoln: II y a une chose qui a été soulignée tout à l'heure, lorsqu'on a discuté avec le Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy; on a eu une discussion par rapport à la loi du BAPE et là, vous arrivez à la même constatation que j'avais faite tout à l'heure, soit que, si demain matin on soustrait quelque chose par rapport à la foresterie ou à un domaine quelconque de la Loi sur la qualité de l'environnement, en fait, on la rend inopérante parce que, si la logique suit son cours, il faudra le faire dans tous les autres domaines et, à ce moment-là, il ne restera plus rien. Je suis d'accord là-dessus aussi. Donc, je suis très conscient du cap de la prévention et de la conservation, je peux vous l'assurer.

Il y a un autre volet que vous apportez, qui est bien important, je pense, et c'est le suivi environnemental qui devrait être inclus dans toute la question des études d'impact. Pour ce qui est du comité interministériel, je dois vous dire qu'il a été formé, enfin, cela existe et il est présidé par M. L'Heureux qui est maintenant le directeur général de la conservation au ministère de l'Environnement. Il a émis deux rapports jusqu'à présent. Le rapport de 1986 a été émis en 1987, mais le rapport de 1988 n'est pas encore sorti parce qu'il touchera les activités de 1987 et sera sans doute émis cette année-ci. Alors, il y a déjà eu deux rapports et ce comité interministériel est présent. Je dois aussi vous dire que le comité consultatif - je pense que vous êtes l'un des groupes qui avaient suggéré un comité consultatif sur les pesticides par rapport à la loi 27 - est aussi en voie de formation en ce moment.

Une voix: Tu es satisfait?

M. Lincoln: Bien, il faut demander ta permission?

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Tu semblés satisfait.

M. Lincoln: Oui, moi, je suis très satisfait, je dois le dire franchement. Mais il est temps que je sois satisfait.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Lincoln: II y en a eu 25 qui ne m'ont pas satisfait. Alors, je suis content d'en voir un qui me satisfait.

Par rapport à la recherche, vous parlez de certaines recherches alternatives. Là, je veux vous mentionner que mon collègue et moi, nous avons une recherche qui se fait sur un programme de pathogènes au collège Macdonald où on espère, peut-être avant cinq ans, trouver quelque chose. À ce moment-là, on n'aura pas besoin d'études d'impact, d'audiences publiques; on aura trouvé quelque chose de valable qui va remplacer les pesticides.

En tout cas, moi, c'est cela que je voulais vous dire, que je suis très satisfait de votre mémoire. Je vais le lire, cela en vaut beaucoup d'autres pour moi. J'espère que cela va peser bien lourd dans la balance, M. Beaumont.

M. Beaumont: Le relire, oui.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre.

M. Lincoln: Je vais le relire. Un beau mémoire, cela en vaut plusieurs autres, vous savez.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Encore une fois, M. le Président, je veux m'associer aux remarques du ministre de l'Environnement. Dans cette commission, finalement, c'est deux contre un, mais le ministre délégué aux Forêts ne fait pas pitié parce qu'il a eu à peu près toute l'industrie en sa faveur. Mais, moi aussi, je pense que finalement, avec quelques autres mémoires qu'on a eus aujourd'hui, vous ajoutez un certain nombre d'éléments qui finissent par montrer l'envers de la médaille et par dédramatiser un peu le portrait qui nous avait été fait hier de l'usage du processus d'audiences publiques et d'évaluations des impacts environnementaux. À cet égard, je voudrais vous demander ce que vous pensez de l'argument de l'ensemble des porte-parole de l'industrie forestière qui dit que les études d'impact, c'est trop lourd et trop compliqué, que cela ne leur permet pas d'intervenir rapidement, efficacement et que l'idéal pour eux, ce serait d'avoir à peu près carte blanche sur tous les produits qui sont homologués. Parce que c'est cela qu'on nous a dit d'une façon ou d'une autre depuis hier.

M. Beaumont: Souvent, pour les promoteurs, l'étude d'impact, premièrement, puis, s'il y a lieu, l'audience publique, c'est quelque chose qui apparaît très lourd et c'est sûrement quelque chose qu'on essaie d'éviter. Je trouve que, dans la situation actuelle, la meilleure façon d'éviter une procédure qui soit longue ou lourde, c'est de faire une étude d'impact qui soit très bien réussie, qui montre les alternatives et qui arrive finalement à justifier la solution retenue pour ce qui est du moindre impact écologique. Lorsqu'on est capable de faire cela, il pourrait même arriver, peut-être pas la première fois, mais à long terme, que des études soient proposées comme cela se fait, de toute façon, dans certains cas. Le public prend connaissance de l'étude d'impact et en est déjà satisfait. Il trouve qu'il a réponse à toutes ses questions et la procédure se termine là. Alors, pas de demande d'audience publique et tout cela. Donc, je me dis: Une bonne préparation d'étude d'impact, cela peut être déjà un bon point. S'il y a lieu, à l'audience publique, lorsqu'on est bien préparé et qu'on a une bonne étude d'impact, on a probablement les spécialistes pour répondre aux questions. Je pense que l'intérêt de l'audience publique, à ce moment-là, est encore de pousser, d'informer les intéressés et je ne vois pas cela comme étant mauvais, au contraire.

M. Charbonneau: On nous a parlé beaucoup de l'homologation. D'abord, on a vanté le système canadien comme étant le meilleur au monde, puis on a dit qu'une fois que l'homologation canadienne est intervenue il n'y a plus de problème, on peut utiliser les produits. C'est comme si, finalement, une fois cette étape-là franchie, il n'y avait plus lieu de s'inquiéter qu'on pouvait y aller à coeur ouvert et en toute sécurité. Est-ce que vous partagez cette opinion-là?

M. Beaumont: Si je ne me trompe pas, dans la liste des produits homologués, il y a des produits qui ont des effets avec des gradations différentes et puis, dans la récente Loi sur les pesticides, il y a effectivement des classes qui ont été émises pour certains types de produits qui ont des effets qui vont de simples à dangereux ou risqués et pour lesquels il faut prendre des précautions. Donc, l'homologation assure une certaine qualité et que des tests ont été faits pour permettre la vente de ces produits-là. Mais cela ne veut pas dire, parce que le produit est homologué, qu'il est inoffensif ou qu'il a une innocuité parfaite, loin de là.

M. Charbonneau: Vous avez parlé des régions écologiques et il y a un groupe avant vous qui en a parlé également.

M. Beaumont: Oui.

M. Charbonneau: C'est intéressant. Est-ce que vous considérez que les écosystèmes différents qui existent peuvent réagir différemment avec le même produit? Autrement dit, c'est un peu comme un médicament; des malades différents avec le même produit peuvent avoir des effets secondaires.

M. Beaumont: Disons que, si on utilise le même produit dans des régions différentes, ce qui peut se passer, c'est qu'effectivement il y a des essences végétales différentes. Il se pourrait effectivement que, par la composition de la forêt, par les conditions de drainage, le type de sol et tout cela, il y ait peut-être des différen ces. Des problèmes de lessivage, à ce qu'on me dit.

M. Charbonneau: L'argument principal que

l'industrie nous a servi pour l'usage des pesticides, c'est que, dans le fond, il n'y a pas d'alternative efficace. Est-ce que c'est exact, d'après vous?

M. Beaumont: Moi comme vous probablement, quand on lit le document, on voit qu'il y a des alternatives, sauf qu'elles ne sont peut-être pas considérées comme économiquement rentables. Si, plutôt que d'utiliser le glyphosate, on enlève, manuellement ou mécaniquement, les mauvaises herbes, qui ne sont pas nécessairement mauvaises, on n'a plus effectivement besoin de pesticides. C'est un exemple, mais il y a d'autres possibilités qui pourraient survenir - on a parlé d'allélopathie et de choses de ce genre-là - qui peuvent avoir un effet plus direct sur les individus, et qui ne nécessitent pas, non plus, un épandage généralisé sur toute la superficie. Mais, ce qu'on dit, c'est qu'il faut effectivement aller de l'avant avec les recherches. Comme je viens de le dire, si on prend seulement l'allélopathie, c'est récent. Il y a quelque chose à faire. Cela existe, mais il y a encore des étapes à passer pour que ce soit rendu au niveau commercial.

Une voix: ...écouter vos niaiseries.

M. Charbonneau: Écoutez, ce n'est pas vous qui parlez. C'est vous qui avez besoin de les écouter.

Vous avez cité, à un moment donné, le rapport de la Commission mondiale sur l'environnement, et vous avez parlé qu'on devrait définir des seuils maximums d'exploitation. Est-ce que vous considérez que les seuils d'exploitation que le gouvernement définit sont actuellement acceptables ou trop élevés? Autrement dit, les industries, hier, nous ont dit: Écoutez, le gouvernement nous a dit qu'il fallait atteindre tel niveau. C'est pour cela qu'on a besoin des pesticides.

Une voix: Ah, oui.

M. Charbonneau: Donc, pour être bien performant, pour répondre aux voeux du gouvernement, il faut avoir l'usage de ces pesticides. Est-ce qu'on a raison de vouloir ce niveau d'exploitation?

M. Beaumont: Dans la situation du Québec actuellement - tu me corrigeras - effectivement, il peut y avoir un problème de rupture de stock. À ce moment-là, effectivement, il faut peut-être faire des efforts accrus, parce qu'on n'en a jamais fait avant, pour faire du reboisement, de la plantation. C'est évident que c'est un effort nouveau et peut-être difficile.

M. Charbonneau: Ce que je veux dire, c'est: Est-ce que vous considérez que le seuil qu'on vise est trop élevé, compte tenu de ce que vous avez cité? Si on parlait d'un seuil maximal d'exploitation, c'est qu'à un moment donné il y a un seuil et qu'après le seuil, c'est trop.

Une voix: Oui, oui.

M. Charbonneau: Là, on a établi une limite ou un niveau à atteindre. Est-ce que ce niveau est encore acceptable ou s'il est trop élevé?

Vous pouvez parler, vous aussi.

M. Lemire (Roger): Je pense que, si le ministère considère qu'on est en rupture de stock et on l'a déjà entendu - on ne doit pas être loin d'un seuil maximal d'exploitation dans certains cas ou bien il y a eu tellement de tordeuse et les pertes sont trop élevées. (23 h 15)

M. Tardif (Michel): Ce qui arrive présentement, c'est que, dans le type de gestion forestière qu'on fait, on est face à une rupture de stock. Mais je crois que le taux qui serait mis en vigueur pour le futur, avec une nouvelle gestion de la forêt, est probablement un taux très acceptable; avec une nouvelle gestion forestière, pas avec la gestion qu'on en fait actuellement.

M. Charbonneau: À la page 12 de votre mémoire, vous distinguez les études d'impact sur les phytocides et les études d'impact sur les insecticides. Est-ce que vous considérez que cela devrait être une des caractéristiques ou un des axes de la politique éventuellement de distinguer ces deux types d'utilisation de produits et d'études à faire, de ne pas faire une espèce d'étude où on mêle tout?

M. Beaumont: Ce qu'on a réalisé, c'est que, si jamais il y a étude d'impact, ce serait sûrement une bonne chose pour faciliter la compréhension de tous les intervenants d'essayer de bien différencier ces deux grands groupes.

Est-ce qu'il faut aller très loin dans cette séparation et faire deux audiences publiques et tout cela? Ce n'est pas évident. Pour l'information des gens, il y aurait sûrement intérêt à bien différencier ces deux types de pesticides. Ce serait sûrement bon. À un moment donné, cela pourrait se faire: insecticides, phytocides, et voir, effectivement, s'il y a des interactions ou des alternatives.

M. Charbonneau: Les biologistes au Québec - le ministre disait qu'éventuellement vous pourriez être considérés comme un ordre - jusqu'où votre influence s'étend-elle dans l'industrie forestière? Jusqu'où vos membres sont-ils présents dans cette industrie, impliqués, engagés par des compagnies, à l'emploi de compagnies ou sollicités par les entreprises ou par le ministère de l'Énergie et des Ressources? Est-ce que, finalement, vous avez une influence qui contrebalance celle de personnes qui sont plus de l'approche chimiste?

M. Beaumont: Je pourrais peut-être vous dire, par expérience personnelle, que, depuis la nouvelle loi, avec les schémas d'aménagement et les caractérisations de milieux, la présence des biologistes est peut-être plus apparente quoiqu'elle se fait encore avec beaucoup de discernement. C'est un peu le message qu'il y avait dans le texte. Je pense qu'il y a moyen que ce soit encore plus visible que cela. Mais on a des biologistes, surtout dans le domaine de l'écologie forestière, dans les universités, dans des firmes de consultants, qui peuvent faire des travaux pour les papetières, des choses dans ce genre-là.

M. Charbonneau: Si je comprends bien, on peut conclure que vous n'êtes pas encore à un niveau désirable d'influence dans l'industrie qui pourrait l'amener à changer des comportements, des mentalités et à adopter d'autres approches.

M. Beaumont: Je ne le penserais pas. Franchement, il faudrait peut-être le demander aux gens, mais je serais surpris qu'on ait une telle influence.

M. Charbonneau: Je vais laisser la parole au ministre délégué aux Forêts qui a besoin de vous parler beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): Allez-y donc.

M. Lemire: Je sais qu'au ministère de l'Énergie et des Ressources, au secteur des forêts, ils ont toute une équipe. Je connais des biologistes qui travaillent à la Direction de la conservation et au service d'évaluation et qui font, justement, des études de suivi, qui ont commencé. Il y a, quand même, une équipe.

M. Charbonneau: Ce n'est pas encore un biologiste qui est ministre délégué aux Forêts, par exemple.

M. Lemire: Non, pas encore.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Verchères. M. le ministre délégué aux Forêts. M. Tardif.

M. Tardif (Michel): Juste un petit point complémentaire. Ce serait pour souligner, comme le faisait remarquer M. Dubé tantôt, le vice-président de l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec, qu'on n'est peut-être pas directement dans le milieu, mais qu'on gravite beaucoup autour. Car l'homologation des pesticides relève beaucoup des biologistes. On n'est peut-être pas impliqués de l'intérieur, mais on chapeaute le milieu.

M. Charbonneau: Oui mais entre deux ou trois ou quelques uns qui s'occupent de l'homologation et avoir, finalement, une influence importante. En tout cas, on n'a pas senti votre influence beaucoup hier, je vais vous le dire.

M. Beaumont: Bien, on est là aujourd'hui.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Verchères. M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je voudrais commencer par dire qu'on apprécie grandement les services des biologistes que nous avons au ministère. Ils ont certainement une influence, même si ce n'est pas aussi évident que vous le souhaiteriez, et on l'apprécie grandement dans les centres de production de plants, de conservation et autres.

Pour répondre à mon collègue de Verchères, vous avez vu hier sur des tableaux le portrait des exploitations forestières. Si aujourd'hui on demande cet effort-là, l'effort de 40 % à peu près d'amélioration sur la production annuelle à l'hectare, c'est parce que vous avez donné, depuis une dizaine d'années, des autorisations de coupes supérieures à la capacité de la forêt. Vous l'avez vu sur le tableau, c'étaient 34 000 000 de mètre cube qu'avait autorisé à couper le gouvernement. Heureusement, on en a coupé moins, on en a coupé 22 000 000, 23 000 000, 24 000 000 de mètres cubes, alors que la possibilité est de 18 000 000 de mètres cubes de bois. C'est l'effort qu'on demande, 40 % à peu près pour se rendre à 25 000 000 ou à 26 000 000 et pour essayer de sauver les meubles.

L'effort qu'on demande n'est pas si exagéré que cela - et cela a été confirmé par mes amis - parce qu'avec un climat semblable au Lac-Saint-Jean à peu près la Suède et la Finlande ont des rendements de 3 à 4 mètres cubes à l'hectare, alors que nous, on demande aux industriels - et on va y participer pour corriger les erreurs du passé qu'on a faites collectivement, légalement - 1, 25 mètre cube à l'hectare plutôt que 3 mètres cubes à l'hectare. C'est un effort raisonnable à demander, cela a été confirmé et accepté par l'industrie. Mais on a autorisé, malheureusement, trop de coupe de bois, ce qui fait qu'on essaie de rétablir les choses sans tout casser. Cest cela qui est arrivé. Cela fait une dizaine d'années qu'on a dépassé la capacité de la forêt.

Un commentaire, parce que vous semblez préoccupé: en Suède, il y a cent ans que la loi exige la régénération des forêts et on reboise avec deux essences, deux seules essences. On reboise avec le pin sylvestre et l'épinette de Norvège et cela n'a pas causé de désastre écologique, épidémique et tout cela. On fait beaucoup état de la monoculture, mais on le fait là-bas avec deux essences. Nous, on en utilise à peu près neuf. Contrairement à ce que le gouvernement précédent a voulu faire, il a voulu éliminer complètement les efforts du côté des

feuillus, depuis que je suis là, j'ai dit: On va, évidemment, respecter les sols, le climat, les régions, l'Outaouais, le nord de Montréal, où il pousse des feuillus nobles, et puis on va mettre des efforts de ce côté-là. C'est sûr que cela ne pousse pas dans deux ans ou trois ans. On le fait, cela.

M. Beaumont: L'Association des biologistes, je pense, veut effectivement que le maximum de variétés puissent être implantées, justement pour éviter qu'il n'y ait perte de la diversité génétique des espèces et qu'on ne se retrouve, à un moment donné, avec peut-être seulement du sapin ou de l'épinette à des endroits où il y avait d'autres espèces. Donc, la tendance est positive.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Et, dans les discussions avec les industriels, dans les contrats - il y en a six ou sept de signés - on favorise la régénération naturelle. On ne dérange pas trop les choses et, dans 70 % des cas, c'est ce qu'on favorise.

M. Beaumont: Parfait.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Parce que le reboisement artificiel, c'est ce qu'il y a de plus dispendieux, c'est ce qu'il y a de plus difficile...

M. Beaumont: C'est cela.

M. Côté (Rivière-du-Loup):... c'est ce qui nous cause des problèmes aussi pour utiliser des phytocides, n'est-ce pas...

M. Beaumont: Oui, oui.

M. Côté (Rivière-du-Loup):... plus qu'avec la regénération naturelle. Donc, de ce côté-là, on s'accorde. Et le ministère, depuis 1974 dans le cas des insecticides et depuis 1980 dans le cas des phytocides, effectue un suivi environnemental. À mon avis, c'est très important. Même avec des produits comme le B. t., le glyphosate et le fénitrothion qui ont été... Pas le glyphosate, le glyphosate a été recommandé par le BAPE lors des audiences publiques sur la tordeuse, mais il n'a pas été remis en question. Les deux autres produits ont été remis en question, puis ils ont été acceptés. Mais le suivi environnemental est très important dans nos programmes de pulvérisation. Actuellement, le comité interministériel existe et il recherche les effets de tout cela. Il est présidé par le ministère de l'Environnement. Cela, c'est un des effets positifs des audiences publiques sur la tordeuse; à la suite des audiences; il y a un décret qui a été adopté. Il est question, pour nous, bien sûr, de poursuivre ces activités là. Nos activités vont porter également sur les interventions qui seront faites par les industriels avec qui on signera des contrats, en plus.

M. Charbonneau: Au lieu de vendre votre salade, est-ce que vous pourriez leur dire ce que vous pensez de leur mémoire? Êtes-vous d'accord avec eux?

M. Côté (Rivière-du-Loup): J'arrive à cela. M. Charbonneau: Ah, d'accord.

M. Côté (Rivière-du-Loup): J'arrive à cela. Non, c'est que... Sauvé par la cloche.

M. Charbonneau: Oui. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Saint-Roch): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? J'ai besoin d'une directive de la part des membres de la commission.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais je n'ai pas fini.

Le Président (M. Saint-Roch): Nous sommes maintenant appelés pour le vote. Est-ce que nous demandons a l'association de nous attendre ou si nous allons compléter?

M. Charbonneau: Le ministre a besoin... Parce qu'entre le moment où l'on vote et...

M. Lincoln: Si on a cinq minutes encore...

Le Président (M. Saint-Roch): Alors, M. le ministre.

M. Lincoln:... on va les retenir ici.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je vais faire ça vite. Quand on parle de reboiser dans les essences désirées, c'est dans les essences qui vont respecter le climat, les sols et tout ça. Moi, je ne veux pas forcer la nature de ce côté-là, comme vous, vous ne le voulez pas, n'est-ce pas? C'est la même chose la protection de la régénération naturelle et favoriser la régénération naturelle. Vous dites: La seconde solution nous apparaît inacceptable. Pour moi, elle me paraît acceptable, mais on peut différer d'opinion et se respecter, comme je vous respecte et j'aime cela ainsi. Mais, vous disiez que le glyphosate avait été recommandé lors des audiences publiques. Ce n'est pas mon intention - dans la présentation du mémoire, on s'est peut-être mal exprimé - de demander ou de suggérer d'exclure ces deux produits-là, le glyphosate et le B. t., pour faire une porte d'entrée à l'anarchie. Ce n'est pas l'intention du tout, au contraire. Mais c'est peut-être mal exprimé; cela donne peut-être l'impression, pour les essences désirées, que c'est nous qui voulons tout cela. Mais ce n'est pas cela, c'est le climat, c'est l'écosystème. Mais cela donne cette impression-là. Puis, quand on dit

qu'on met l'emphase sur les pesticides, bien, qu'est-ce que vous voulez, on a une commission parlementaire sur les pesticides, il faut bien en parler. Si on avait une commission parlementaire sur l'éclaircie commerciale, on parlerait de l'éclaircie commerciale. Ce sont des moyens de faire produire la forêt. Les pesticides en sont un, c'est de celui-là qu'on discute. Cela fait qu'on ne met pas l'emphase plus qu'il ne faut là-dessus. C'est un des moyens. Ce n'est pas un des moyens qu'on favorise, mais on dit que c'est un moyen essentiel. C'est tout ce que j'ai à dire.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le ministre. Alors, je remercie l'Association des biologistes du Québec d'avoir participé aux travaux de cette commission.

La commission va suspendre ses travaux pour la durée du vote, qui devrait être d'environ une quinzaine de minutes, et reviendra pour entendre, en conclusion, l'Institut canadien de protection des cultures.

Une voix: Pour le réveillon!

M. Charbonneau: On peut vous dire le résultat du vote tout de suite.

Le Président (M. Saint-Roch): La commission suspend ses travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 23 h 29)

(Reprise à 23 h 44)

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend maintenant ses travaux pour poursuivre sa consultation particulière sur le document intitulé "Politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier".

Je demanderais maintenant au porte-parole de l'Institut canadien de protection des cultures de bien vouloir prendre place, s'il vous plaft.

Permettez-moi, dans un premier temps, de vous souhaiter la bienvenue aux travaux de cette commission. Je demanderais maintenant au porte-parole de bien vouloir s'identifier, ainsi que les gens qui l'accompagnent, pour le bénéfice des membres de cette commission.

Institut canadien de protection des cultures

M. Mercure (Charles): Mon nom est Charles Mercure, président de l'ICPC, succursale de Québec, ou conseil québécois, et j'ai avec moi Linda Porvin et le Dr Guy Paquet, qui est docteur en chimie. Il nous manque le directeur exécutif de l'association au chapitre national. On l'avait avec nous depuis deux jours et on vient de le perdre à l'instant même.

Une voix: Au parlement, vous savez, H arrive toutes sortes de choses.

M. Mercure: Cela doit être le trac.

Je vais commencer par une introduction et un résumé, ensuite, j'irai en profondeur. Voici l'introduction.

L'Institut canadien de protection des cultures - un peu plus tard je dirai l'ICPC - tient à exprimer sa reconnaissance à la commision de l'aménagement et des équipements pour l'occasion qu'elle lui offre d'exprimer son point de vue relativement à la politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier. En présentant ce mémoire à la commission, l'institut veut s'assurer que les objectifs de la Loi sur les forêts et de la Loi sur les pesticides sont atteints, de telle sorte que les nouveaux produits pour la protection des forêts puissent être introduits rapidement et avec succès pour être utilisés dans les forêts québécoises, tout en veillant à respecter et à mettre en valeur les intérêts des divers éléments de la société. Ce mémoire propose une approche logique de ces objectifs et insiste, en particulier, sur le rôle important que peuvent jouer les techniques de protection des forêts dans l'aménagement des réserves forestières du Québec. J'ai l'impression qu'il n'y a pas un chat qui m'écoute ici.

En résumé, l'ICPC est en faveur des points suivants. L'ICPC est en faveur d'un processus d'homologation libre d'accès et d'intervention pour tous les intervenants, que ce soient des groupes de citoyens, des industries ou bien des compagnies de pâtes et papiers, dans le but d'accélérer le transfert de technologie aux intéressés, à condition que cette technologie protège effectivement l'environnement. Nous favorisons aussi un accès complet à l'information, avec des restrictions, sur l'utilisation commerciale de ces données. Troisièmement, nous favorisons aussi des standards vigoureux pour la fabrication, le transport, l'entreposage, dans certains provinces, et l'utilisation des produits agrochimiques et forestiers, incluant évidemment les systèmes provinciaux régissant la vente et l'utilisation de ces produits.

Par contre, nous n'appuyons pas un dédoublement du processus d'homologation du fédéral ou toute autre activité provinciale qui dédoublerait tout processus déjà en place. C'est pourquoi nous ne sommes pas en accord avec le processus des audiences publiques. Les audiences publiques ne sont plus nécessaires pour apporter plus d'information car l'industrie, actuellement, est en négociations avec les agences fédérales pour fournir toute l'information soumise pour fins d'homologation à toutes les parties intéressées.

Enfin, je vais aller en profondeur. Pour élaborer cette position, l'ICPC ou l'Institut canadien de protection des cultures souhaite faire connaître sa philosophie globale quant à l'utilisation des produits de protection des cultures, qu'il s'agisse d'agriculture ou de

foresterie. Premièrement, l'utilisation responsable des pesticides ne doit pas mettre en danger la santé des être humains ni menacer sérieusement le bien-être des organismes non visés. Deuxièmement, l'ICPC appuie le principe selon lequel il est souhaitable que le public soit mieux informé des risques, des avantages et de l'élément de sécurité liés à l'application des techniques de protection des cultures. Cette prise de position rejoint les objectifs de la Loi sur la qualité de l'environnement. Notre institut estime qu'un secteur forestier concurrentiel devrait avoir accès, dans toutes les provinces, à tous les produits efficaces de protection des cultures, homologués par les autorités fédérales compétentes, en vertu de la loi sur les produits antiparasitaires. On devrait tenir compte de ce principe d'égalité d'accès dans toutes les procédures administratives ou de réglementation qui feraient suite à ces auditions. Le fait, pour l'industrie forestière, de pouvoir compter sur de nouveaux produits assurera un meilleur élément de compétitivité dans rétablissement des prix des produits antiparasitaires et augmentera la compétitivité de l'industrie forestière du Québec.

L'institut insiste fortement sur la nécessité d'une collaboration totale entre le Québec et les autorités fédérales, et ce, au tout premier stade du processus de la réglementation. Cela aura pour effet de favoriser la coordination des critères en matière de santé et d'environnement, augmentant ainsi les possibilités de développement de toute technologie nouvelle ou existante pour la protection des forêts. Par exemple, les demandes spéciales de renseignement visant à faire homologuer des produits à usage forestier devraient être ajoutées, par voie de négociation, au processus d'homologation du gouvernement fédéral de sorte qu'un titulaire puisse inclure les études appropriées dans sa recherche commerciale, préliminaire pour tout produit dont l'emploi en milieu forestier est envisagé, bien avant que ne soit entreprise toute planification de mise en marché auprès des utilisateurs finals. Une collaboration aussi étroite permettrait d'éliminer des retards coûteux dans les octrois d'homologation et de réduire le manque d'information dans les documents d'appui.

Un point important et intéressant, c'est le transfert de technologie. Les mémoires présentés par l'Association des industries forestières du Québec et l'Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers soulignent la nécessité de procéder à un transfert de technologie efficace, comme moyen de garantir la compétitivité de l'industrie forestière du Québec sur les marchés mondiaux, tout en ayant plein droit de regard sur une utilisation responsable et sécuritaire. L'Institut canadien pour la protection des cultures endosse la position de ces deux associations.

Ouf! Cela fait du bien de reprendre son souffle.

Une voix: C'est un métier qui s'apprend vite.

M. Mercure: Oui. En mai 1988, dans un communiqué adressé à l'ICPC, le docteur J.R. Carrow, qui est effectivement maintenant doyen de la faculté de foresterie à Toronto, déclarait: "La lutte contre les ravageurs dans le secteur forestier s'effectue, d'une part, dans les vieilles forêts naturelles afin de protéger l'approvisionnement en bois à court terme et, d'autre part, dans les nouvelles et jeunes forêts, pour la plupart des plantations, afin de préserver la croissance annuelle des arbres et de protéger l'approvisionnement en bois à long terme. - Vous avez le court et le long terme. - Dans le premier cas, l'élimination des insectes est très souvent "essentielle", en ce sens que son inexécution entraînera une perte irremplaçable de l'approvisionnement en bois." Par exemple, au Cap-Breton, 500 000 acres de vieille forêt ont été détruits par la tordeuse des bourgeons de l'épinette et c'est cela.

Information requise pour la prise de décisions des provinces. La division des renseignements sur les pesticides, de la Direction des pesticides à Agriculture Canada, fournit maintenant des renseignements sur l'homologation de nouveaux ingrédients actifs. Ces documents informatifs sont distribués aux ministères des gouvernements provinciaux, aux responsables de la réglementation des pesticides, y compris l'Association canadienne des responsables du contrôle des pesticides, l'ACRCP, ainsi qu'aux groupes d'intérêt et aux utilisateurs. Parmi les documents qu'on peut avoir à Agriculture Canada, notons les monographies des produits - ça c'est récent, c'est un scoop que je vous donne, pour ceux qui écoutent, si cela vous intéresse - les produits nouveaux, les notes de l'ACRCP, les articles de documentation, les documents de travail et les documents de décision.

Les monographies des produits, c'est cela qui est le boeuf de notre présentation. En 1983, le Conseil canadien des ministres des Ressources et de l'Environnement demandait à l'Institut canadien pour la protection des cultures que soient rédigées des monographies des produits. L'institut a appuyé sans réserve la demande du CCMRE et produisait au cours de 1984 un modèle de monographie d'un produit qui allait contribuer sensiblement à la poursuite du projet. L'engagement de l'industrie à établir des monographies de produits allait être confirmé par la publication, en 1987, par Agriculture Canada d'une circulaire à la profession, rendant obligatoire la soumission d'ébauches de monographie pour faire homologuer un produit. Ces documents comporteront des sommaires, des évaluations scientifiques, des études sur la santé, la sécurité et l'environnement réalisées pour fins d'homologation et devraient, en principe, satisfaire les besoins de renseignement des agents de réglementation provinciaux. Les groupes d'intérêt pourront

également obtenir ces documents sur demande.

Les compagnies de l'industrie ont convenu de fournir des ébauches de monographie dans le cadre de demandes d'homologation de nouveaux ingrédients actifs d'herbicides, d'insecticides et de fongicides, dans les catégories d'usage commercial et agricole ou autres, d'usage restreint. Elles se chargent également de l'impression et de la distribution des monographies finales une fois que les organismes de révision d'Agriculture Canada les auront préparées pour le stade de l'approbation finale.

Le rôle des titulaires dans l'élaboration de ces documents consiste simplement à en faciliter le traitement. Les organismes de révision et Agriculture Canada ont toute la latitude quant à la révision, aux ajouts et aux corrections à faire pour s'assurer que ces documents reflètent leurs évaluations respectives des données de soutien.

Les monographies des produits consistent en des sommaires de 30 à 50 pages sur toutes les données scientifiques soumises par un titulaire pour appuyer l'homologation. Ainsi, la section "Répercussions sur l'environnement", de toute monographie d'un nouvel ingrédient actif à usage forestier contiendra toute l'information nécessaire au ministre de l'Environnement et au ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles, pour en déterminer l'acceptabilité au Québec. Ça, c'est un point qui est pas mal important, c'est très nouveau, c'est la première fois que c'est publicise en dehors de nos bureaux.

À la suite de toutes récentes négociations entre l'ICPC et Agriculture Canada, une entente a été conclue en vertu de laquelle une section "Avantages" sera ajoutée dans les monographies de produits. Dans le cas de tout nouvel ingrédient actif à usage forestier, on envisage la possibilité pour un titulaire de fournir une analyse socio-économique devant être publiée dans cette section.

Un autre truc qui est pas mal intéressant aussi, c'est l'accès aux données d'homologation. Dans ses négociations sur les monographies des produits avec l'Institut canadien pour la protection des cultures et Agriculture Canada, un sous-comité du Conseil canadien des ministres des Ressources et de l'Environnement a indiqué qu'il s'attendait que les monographies répondent à plus de 90 % des besoins en information sur les pesticides des organismes provinciaux de réglementation. Néanmoins, les groupes d'intérêt ne cessent d'exercer beaucoup de pression pour obtenir l'accès à toutes les données concernant les répercussions sur la santé, la sécurité et l'environnement. À titre de membre du groupement international des associations nationales de fabricants de produits agrochimiques, appelé GIFAP, l'ICPC appuie une déclaration du GIFAP faite lors de la "Seconde consultation des gouvernements sur la coordination internationale des exigences en matière d'homologation des pesticides", organisée en 1982 par l'Organisation des Nations Unies pour l'agriculture et l'alimen- tation, déclaration que voici: "...nous n'émettons aucune objection quant à l'accès public aux données de santé et de sécurité soumises aux fins d'homologation des pesticides, dans la mesure où cet accès public ne confère pas le droit de copier ces données d'homologation".

Cette consultation des gouvernements a reconnu "qu'une telle divulgation de renseignements donne la possibilité aux personnes sans scrupule de violer les droits de propriété des titulaires" et a recommandé "que les pays qui permettent cette divulgation publique ne le fassent qu'en prenant les précautions voulues pour empêcher toute utilisation non autorisée de ces données par des concurrents."

L'ICPC a corroboré la position du GIFAP lors de la participation au processus consultatif dirigé par le Comité de révision sur la lutte contre les ravageurs du ministre fédéral de l'Agriculture, portant sur "L'accès aux donnés de l'homologation". Cette consultation a regroupé un nombre important de groupes d'intérêt, notamment le Conseil canadien des ministres des Ressources et de l'Environnement, dans deux ateliers d'une journée, le dernier s'étant déroulé le 9 mai I988.

De très intéressants progrès ont été accomplis, et notre institut s'attend qu'un accord intervienne d'ici peu relativement à l'établissement d'un mécanisme permettant désormais aux organismes provinciaux de réglementation et aux représentants de groupes d'intérêt d'évaluer les données en matière de santé, de sécurité et d'environnement d'un ingrédient actif nouvellement homologué ou en révision.

En résumé, grâce aux documents d'information sur les monographies, ainsi qu'aux nouvelles règles de base concernant l'accès à l'information, il serait désormais possible de consulter les données de répercussion sur l'environnement et l'analyse socio-économique au moment de l'homologation de chaque nouvel ingrédient actif à usage forestier, issu du processus d'homologation ou de révision du gouvernement fédéral. Les organismes provinciaux de réglementation et les groupes d'intérêt pourront obtenir cette information, ce qui devrait éviter la nécessité d'audiences publiques coûteuses et fastidieuses, tout au moins dans les cas où toutes les parties conviennent que les données qui leur sont offertes sont conformes à leurs deméindes.

L'ICPC est conscient des difficultés auxquelles font face les gouvernements pour assurer le public qu'il a donné adéquatement suite à ses préoccupations en matière de qualité de l'environnement. C'est pourquoi notre industrie souhaite collaborer étroitement avec les gouvernements pour résoudre ce problème d'accès à l'information. Néanmoins, les auditions publiques dans ces circonstances ne constituent pas le moyen le plus efficace d'atteindre cet objectif et aurait pour effet de ressasser le travail déjà fait, au prix d'une importante somme de temps et d'argent, tout en étant inutiles et superflues.

(minuit)

Autre point dans le document de travail concernant la proposition de délivrer un permis de cinq ans: il serait très difficile de planifier avec certitude un programme de cinq ans. Pour l'élimination des insectes, ce programme serait inutile car les populations d'insectes évoluent; les besoins en matière de répression sont donc imprévisibles au-delà d'une année. Quant au désherbage, il est possible d'établir un programme de cinq ans d'application d'herbicides dans les cultures, mais plusieurs d'entre elles peuvent ne pas avoir besoin de traitement lorsqu'on procède à une évaluation biologique tout juste avant l'application. D'autres peuvent nécessiter plus d'une application à cause du mauvais temps au moment du traitement ou pour d'autres raisons. Aussi, cette proposition n'a qu'une certaine valeur pour les programmes d'herbicides et, encore là, les avantages en sont limités.

Gestion responsable. L'ICPC souligne la nécessité d'utiliser les produits de l'industrie avec soin. À cette fin, il a collaboré étroitement avec plusieurs ministres fédéraux et provinciaux de l'Agriculture, de la Santé et de l'Environnement, pour mettre au point et promouvoir des programmes de gestion responsable dans tous les domaines, c'est-à-dire fabrication, transport, entreposage et utilisation. Ainsi, l'institut a établi, de concert avec Santé et Bien-Être social Canada, un programme de gestion responsable destiné à l'utilisateur, qui insiste sur l'utilisation de gants de caoutchouc, de vêtements protecteurs, de respirateurs et sur l'application de bonnes pratiques d'hygiène personnelle. Le matériel de formation est offert aux ministères provinciaux des Ressources et des Forêts, ainsi qu'aux municipalités. Certains ministères de Ressources naturelles et de l'Environnement ont déjà utilisé des éléments de ce programme pour la formation des travailleurs en milieu forestier.

En conclusion, l'ICPC appuie sans réserve la déclaration unanime sur les pesticides formulée dans le document intitulé "Une stratégie nationale pour le secteur forestier canadien", de 1987: "II est recommandé que tous les intervenants du secteur forestier reconnaissent que les pesticides sont des outils légitimes de la gestion des ressources forestières dans certaines régions et que leur utilisation soit réglementée; et que l'on s'assure que toutes les opérations de lutte contre les ravageurs soient justifiées du point de vue écologique et économique; que l'on favorise la mise au point et l'utilisation de méthodes de remplacement pour lutter contre les ravageurs, y compris la gestion intégrée des ravageurs; que l'on accélère la recherche portant sur les effets des pesticides sur l'environnement; que l'on s'assure que le processus d'enregistrement des pesticides utilisés en milieu forestier ne soit pas exagérément coûteux et que le public ait accès aux dossiers."

Cet appui comprend l'endossement d'une gestion intégrée des ravageurs qui accorde la priorité aux méthodes non chimiques de répression des ravageurs, chaque fois qu'on peut appliquer des méthodes de remplacement non chimiques économiquement réalisables.

La participation active de notre institut, avec le Conseil canadien des ministres des Ressources et de l'Environnement, à la mise au point de monographies des produits et de règles de base mutuellement acceptables en vue de l'accès du gouvernement provincial et du public aux données sur la santé, la sécurité et l'environnement, témoigne clairement de son désir de collaborer à la mise en application de cette recommandation de la Stratégie nationale pour le secteur forestier.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Mercure. M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. Mercure, d'après ce que je lis dans votre mémoire et ce que vous nous avez maintenant lu, vous recommandez un genre d'accès égalitaire à tous les produits antiparasitaires, dans toutes les provinces canadiennes. Que veut dire l'accès égalitaire à tous les produits? Est-ce que cela veut dire que... Par exemple, ici, on parle des compagnies forestières. Alors, selon vous, devraient-elles avoir accès à n'importe quel produit homologué au Canada de façon tout à fait ouverte et libre?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Mercure.

M. Mercure: Vu que, au Canada, on a le système le plus rigoureux au monde pour l'homologation des produits, nous, on est très près de cette homologation et on prétend qu'une fois que c'est homologué au Canada le produit devrait être utilisé dans toutes les provinces. Si une province limite l'utilisation d'un produit ou de certains produits, on ne comprend pas tellement pourquoi, parce que les risques ont déjà été évalués au fédéral.

M. Lincoln: Lorsque vous dites, à la page 4 de votre mémoire: "...ces nouvelles plantations n'atteindraient pas leur plein potentiel à moins qu'une quantité accrue de produits antiparisitai-res ne soit utilisée," antiparisitaires, cela se réfère à tous les pesticides, insecticides et phytocides. Dans les plantations, naturellement, on se sert de phytocides. Est-ce que vous voulez dire qu'on aura besoin d'autres pesticides que ceux... Par exemple, là, ils ont parlé du glypho-sate, de Round-Up. Est-ce que vous suggérez que vous aurez besoin de plus de pesticides pour en rendre l'application efficace? C'est cela que vous...

M. Mercure: Ce qu'on suggère présentement... Il y a déjà un système d'homologation. Il y a peut-être d'autres produits qui viennent, il y a déjà des produits qui sont en travail à Ottawa.

Ce qu'on ne voudrait pas, c'est qu'il y ait un système parallèle d'homologation qui se ferait au Québec pour homologuer un produit, ce qui entraînerait des coûts énormes pour les compagnies. Si vous avez des exigences spéciales en tant que province pour faire homologuer un produit, les compagnies devraient savoir au départ, en ce qui concerne le fédéral, que, dans la province de Québec, lorsqu'on demande de faire homologuer un produit, on a telle et telle exigence. Dans ces cas-là, on ferait la batterie tous ensemble. Si dix tests pour l'homologation sont en marche et que le Québec en demande un onzième, si on le fait à la suite des dix en même temps qu'on fait notre processus d'homologation, je crois que cela n'entraîne pas tellement de coûts. Mais, si vous demandez cela en surcroît, par après, une fois que tout a été fait et que le produit est accepté dans 9 provinces et 80 pays du monde, et qu'au Québec on demande un articfe particulier, cela coûte des cents et c'est plus difficile.

M. Lincoln: Non, mais ce n'était pas le sens de ma question. Quelque part, vous dites: "...Ces nouvelles plantations n'atteindraient pas leur plein potentiel à moins qu'une quantité accrue de produits antiparasitaires soit utilisée." Ce que je veux vous demander, c'est votre point de vue sur les produits antiparasitaires. Est-ce que vous voulez dire qu'il y a d'autres pesticides que ceux-là qui, selon vous, sont nécessaires à ces plantations pour les faire évoluer de façon efficace? C'est ce que j'ai envie de savoir.

M. Berry (William): M. le ministre, nous voulons...

Le Président (M. Saint-Roch): Je m'excuse. M. Berry: Pardon, monsieur.

Le Président (M. Saint-Roch): Pour le bénéfice du Journal des débats, est-ce que je pourrais avoir votre identification, s'il vous plaît?

M. Berry: Je m'excuse d'être en retard. J'ai attendu les quinze minutes prévues, mais j'étais en retard. Mon nom est William Berry et je suis le directeur exécutif de l'ICPC Canada. Je suis ici ce soir pour les mêmes raisons que le président de l'Association canadienne des pâtes et papiers, qui a comparu devant vous hier soir. L'Institut canadien pour la protection des cultures est une association d'envergure nationale. La section québécoise de l'institut a été invitée à être le représentant et le porte-parole principal de l'institut, dans cette série d'audiences publiques. M. Mercure m'a demandé d'essayer de répondre à la dernière question. Nous ne prônons pas une utilisation accrue en termes de quantité de pesticides dans le milieu forestier, mais l'accès à une plus vaste gamme de tech- nologies pouvant être utilisées en milieu forestier, y inclus les technologies biologiques qui sont en train d'être homologuées, soit au Canada ou ailleurs dans le monde.

M. Lincoln: Oui, mais là, vous ne répondez pas directement à ma question. Moi, ce que j'ai envie de savoir... On demande ici dans cette commission parlementaire d'accepter le glypho-sate. Vous, dans votre mémoire, vous dites que les plantations n'atteindraient pas leur plein potentiel à moins qu'une quantité accrue de produits antiparasitaires ne soit utilisée. Quelque part à la page 4, il y a quelque chose qui fait référence à quelque chose comme ça: Ce que je voulais savoir, c'est si vous pensez, à part les produits biologiques, que du point de vue des produits chimiques antiparasitaires l'industrie forestière devrait pouvoir profiter, pourvu que les produits soient homologués, de produits additionnels au glyphosate sans passer par les études d'impact.

M. Berry: Si d'autres produits protecteurs utilisables pour l'industrie forestière deviennent disponibles après un processus rigoureux d'homologation au Canada, nous promouvons l'accès à cette technologie pour l'industrie forestière.

M. Lincoln: Si le conseil canadien, le ministre des Ressources et le ministre de l'Environnement demandent des monographies, suggèrent qu'il y ait des monographies additionnelles qui soient présentées au système d'homologation fédéral, et qu'ils vous ont demandé cela tout à fait récemment, est-ce que cela veut dire que le système d'homologation avant cette demande n'était pas complet?

M. Berry: Je ne peux pas répondre à cette question, M. le ministre. Le système de monographies de produits n'est pas encore tout à fait développé.

M. Lincoln: D'accord. Comment expliquez-vous, si vous dites que toute votre argumentation se base sur l'homologation, qu'en 1977, par exemple, il y ait eu quelque chose comme 100 produits? Il y a le système qu'on appelle LMR - limite maximale de résidus - le produit captane, je crois, pour lequel on avait situé des limites. Après 1977 on a découvert quelque part, lorsque le scandale IBT est arrivé, que pour captane la limite maximale de résidus était beaucoup plus forte que prévue parce qu'elle avait été basée sur des données complètement frauduleuses produites par IBT et qu'en 1983, six ans après, il y avait toujours huit produits qui n'avaient pas été corrigés, malgré qu'on savait qu'ils venaient de données frauduleuses de IBT.

Sans dénigrer le système d'homologation, je sais que tout cela est relatif et je dois dire que le système d'homologation canadien se tient sur de bonnes bases. Tout le monde dit qu'il est le

meilleur du monde. Mais vous ne croyez pas qu'avec toutes ces failles qu'il y a eu, tous ces rappels de l'accord... Seulement l'année dernière Agriculture Canada avait dit que l'accord était correct. Là, ces gens ont décidé que ce n'était plus sécuritaire. On nous a demandé au Québec: Est-ce que vous voulez continuer d'accepter l'accord? On a dit: Non, on est contre l'accord. Il y a eu une espèce d'arbitrage à Agriculture Canada qui a dit: Non, on soustrait à l'accord... Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a assez de doutes dans le système pour prévoir qu'il faudrait se fier sur plus que le système d'homologation seulement?

M. Berry: Oui, il y en a plusieurs à l'industrie et à Agriculture Canada qui s'inquiètent de la possibilité qu'à l'avenir on trouve d'autres produits qui deviennent identifiés et, en fin de compte, plus dangereux, qu'on avait déterminé après un processus rigoureux d'homologation. La même chose est arrivée aux États-Unis, principalement dans le cas de IBT. Peut-être que je me trompe, si quelqu'un peut me corriger, je l'apprécierais, mais à ma connaissance, il n'y a pas de produits IBT actuellement homologués pour l'utilisation dans le domaine forestier. Il y en a très peu. Je ne sais pas combien il en existe encore qui sont homologués pour l'utilisation dans d'autres domaines canadiens, mais concernant le statut de ces produits IBT qui pourraient être encore homologués, vous devriez adresser cette question aux gens du ministère d'Agriculture Canada. (Oh 15)

M. Lincoln: Je comprends très bien cela, mais je voulais vous dire que, six ans après, dans le processus d'alimentation - captane, c'est pour les aliments, les fruits - tant aux États-Unis qu'au Canada on avait découvert qu'il y avait une centaine de produits qui étaient basés sur des données frauduleuses. Concernant IBT nous sommes d'accord, il n'en reste plus dans le domaine forestier. Je suis prêt à admettre cela. Qu'est-ce qui vous dit qu'il n'y aura pas un autre cas de IBT dans le décor? Comment peut-on en être sûr? Il y a déjà eu ces précédents. J'ai cité le précédent d'un produit chimique qui a précédé - j'oublie le nom, je ne trouve pas ma référence - le fénitrothion. On a découvert dans les maritimes qu'il était trop dangereux et on l'a retiré après coup. Ce que je veux vous dire, c'est que, après coup, lorsqu'on découvre ces choses six ans après, c'est trop tard, les gens l'ont absorbé, ou les poissons, ou les oiseaux ou les arbres. Est-ce que vous ne pensez pas que, même si cela prend une procédure très lente comme l'audience publique ou les études d'impact que tout le monde déteste, c'est peut-être une espèce d'assurance qui, du point de vue du public... Si je suis un membre du public, que je lis tout cela sur IBT, les cent produits, le captane, le LMR qui a été dépassé pendant plusieurs années, cela me donne beaucoup à réfléchir. Si j'ai à faire le choix, je vais dire: Soyons un peu plus prudents pour être sûrs de notre affaire avant d'avoir à reculer. Une fois qu'on recule, le dommage est déjà fait.

M. Berry: On ne peut jamais être trop prudent, mais, personnellement, je ne me sens pas compétent pour répondre a cette question. Cela relève plutôt d'Agriculture Canada.

M. Lincoln: Je suis d'accord, M. Berry, mais toute votre argumentation était basée sur le fait de l'homologation. C'est votre mémoire qui le dit. C'est pourquoi je suis en train d'essayer de demander: Est-ce que, même si vous n'êtes pas "one hundred percent certain" et que vous, me dites d'aller voir Agriculture Canada pour demander la réponse... J'ai demandé à Agriculture Canada, je suis allé là avec M. Wise, je suis allé avec M. McMillan, je suis allé là avec le ministre de la Santé, M. Epp. Tous les ministres des provinces, nous nous sommes assis ensemble. On a posé des questions et M. Epp, le ministre de la Santé, posait autant de questions que nous à M. Wise et M. Wise nous disait: Le système d'homologation "it is o. k. as far as it goes. " Il y a beaucoup de choses. Il y a beaucoup de failles. Le conseil canadien lui-même dit: On a besoin de monographies additionnelles qui concernent cela. Vous venez nous dire: Ce système est "the best in the world".

M. Berry: M. Lincoln, je partage vos craintes et j'espère comme vous que les agents du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation font leur grand possible pour nous assurer que cela ne nous arrive jamais, dans la mesure du possible. C'est tout ce que je peux répondre.

M. Lincoln: Dernière question, parce que j'ai pris trop de temps. Vous dites que vous n'êtes pas d'accord avec notre scénario 1 qui demande l'étude d'impact et l'audience publique. Si, par exemple, M. Berry, on dit: II y a un risque qu'Agriculture Canada se trompe, ces gens sont faillibles, c'est un domaine très complexe où il y a des centaines ou peut-être des milliers de produits à examiner tout le temps, ils sont faillibles, ils n'ont qu'à faire une erreur et si c'est le produit dont on se sert les conséquences sont graves, est-ce que vous ne croyez pas que cela vaut la peine de passer cela au peigne fin, de passer par les études d'impact, même si cela prend un an de plus? Peut-être que c'est un an bien investi pour nous.

M. Berry: Nous partageons tous cette responsabilité d'assurer que, dans la plus grande mesure du possible, nous évitions les risques dont vous parlez. Si vous lisez le point 4 à la page 2 de notre mémoire, vous remarquez que nous promouvons la notion d'une collaboration étroite entre le Québec et toute autre province et les

autorités fédérales, au tout début d'un processus d'homologation, afin de minimiser les risques de trouver, plusieurs années plus tard, qu'un produit est plus dangereux que prévu. Nous partageons tous cette responsabilité, M. Lincoln.

M. Lincoln: Je vous remercie, M. Berry.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: L'Institut canadien pour la protection des cultures, c'est quel organisme?

M. Berry: C'est une association industrielle fondée en 1952, composée de toutes les compagnies canadiennes qui s'occupent de fabrication, de formulation et de distribution des produits chimiques et d'autres produits utilisés pour la protection des cultures, soit pour les denrées ou les fibres, dans ce cas-ci, les fibres de bois.

M. Charbonneau: Cela veut dire que vous avez un intérêt à nous dire ce que vous dites.

M. Berry: Oui.

M. Charbonneau: Vous défendez vos produits et ce que vous soutenez, dans le fond, c'est: Une fois que le processus d'homologation a été effectué, vous devriez vous fier à nos produits ou aux produits des entreprises qui constituent notre organisme. C'est ce que vous dites.

M. Berry: Nous sommes une association industrielle comme tout autre...

M. Charbonneau: Oui, oui.

M. Berry: ...même celles qui sont venues devant vous hier.

M. Charbonneau: Je ne vous traite pas de "corporate bum", ce n'est pas cela que je dis. Mais je dis que ce que vous dites aujourd'hui, c'est que vous n'êtes pas un organisme scientifique indépendant.

M. Berry: Non, c'est un organisme commercial.

M. Charbonneau: D'accord. Vous dites à la page 5 de votre mémoire: "Ainsi, la section "Répercussions sur l'environnement" de toute monographie d'un nouvel ingrédient actif à usage forestier contiendra toute l'information nécessaire au ministre de l'Environnement et au ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles pour en déterminer l'acceptabilité au Québec." Comment pouvez-vous dire cela? Quel genre de vérification faites-vous des produits et des répercussions sur l'environnement pour pouvoir dire au ministre de l'Environnement du Québec: Écoutez, nous avons fait tous les tests sur les conséquences environnementales et, quand c'est homologué, vous pouvez vous fier sur nos produits? C'est ce que vous dites, dans le fond. Quelle sorte de tests faites-vous sur l'impact environnemental?

M. Berry: Les compagnies font plusieurs tests dans plusieurs environnements agricoles. C'est le ministère de l'Agriculture du Canada qui vérifie après un examen rigoureux des données de tous ces tests. Les résultats de ces tests environnementaux sont inclus dans ces monographies de produits. Mais j'insiste, M. le député: toutes les provinces sont maintenant invitées à collaborer dès le début avec les autorités fédérales et les sociétés dans la production de ces monographies des produits, y inclus l'élaboration des tests sur les impacts environnementaux. Nous sommes tous impliqués dans cette affaire. Ce n'est pas un jeu avec deux joueurs, nous et le gouvernement fédéral.

M. Charbonneau: Je comprends, mais vous allez plus loin dans votre mémoire. Vous dites qu'à ce moment-ci vous êtes déjà en mesure de pouvoir donner des garanties aux différents ministres de l'Environnement à travers le Canada indiquant que les produits ont été testés à l'égard de leurs répercussions sur l'environnement. On a entendu d'autres gens qui ne nous ont pas dit nécessairement la même chose.

M. Berry: Contiendra toute information. C'est un projet dans son enfance. La première monographie de produits n'est pas encore prête.

M. Charbonneau: D'accord.

M. Berry: Ce n'est pas encore prêt. Nous demandons la collaboration de toutes les parties intéressées pour nous aider dans la production.

M. Charbonneau: Donc, ce n'est pas pour le moment. Actuellement, on n'est pas en mesure de fournir des évaluations sur les impacts environnementaux des produits qui sont homologués.

M. Berry: Pas pour plusieurs produits. Mais, à partir de maintenant, pour chaque nouveau produit qui entre dans le processus d'homologa^ tion, une monographie de produits est exigée au tout début du processus.

M. Charbonneau: D'accord, mais les produits que l'industrie voudrait qu'on utilise actuellement et pour lesquels on donne un chèque en blanc parce qu'ils ont déjà été homologués ne sont pas dans cette catégorie.

M. Berry: Non, pas encore, M. le député. Mais c'est une initiative de pionnier. C'est la première au monde.

M. Charbonneau: Je suis d'accord et je

trouve cela très louable comme initiative. Mais ce que je constate, c'est qu'on n'en est pas rendu à bénéficier des résultats de cette initiative.

M. Berry: Pas aujourd'hui, mais bientôt.

M. Charbonneau: Très bien. Dans ce sens-là, il faut se méfier des produits qui sont homologués parce qu'on n'est pas en mesure, à ce moment-ci, de pouvoir bénéficier des avantages du programme que vous amorcez.

M. Berry: Justement.

M. Charbonneau: Très bien. Dans la conclusion, vous citez "Une stratégie nationale pour le secteur forestier canadien - 1987". Je comprends que "nationale", c'est de la stratégie canadienne puis le texte dit, entre autres: "Que l'on s'assure que toutes les opérations de lutte contre les ravageurs soient justifiées du point de vue écologique et économique." Vous citez ce texte-là dans votre conclusion, je présume, en l'endossant. Comment pouvez-vous citer ce texte-là qui dit, entre autres, la phrase dont je viens de parler et dire en même temps que vous n'êtes pas en faveur des audiences publiques et du mécanisme qu'au Québec on s'est donné depuis quelques années déjà, de gestion des questions environnementales et d'évaluation des impacts environnementaux à travers le mécanisme des audiences publiques? Parce que c'est effectivement le moyen que nous, on a trouvé au Québec de faire en sorte que toutes les opérations de lutte contre les ravageurs soient justifiées. En fait, pas juste des opérations de lutte contre les ravageurs, mais que l'ensemble des opérations qui affectent le milieu naturel ou environnemental soit vérifié. Vous ne trouvez pas qu'il y a une contradiction entre cette assertion-là du document canadien que vous citez et votre conclusion indiquant qu'on devrait mettre de côté, finalement, le mécanisme qu'on a actuellement et ne se fier qu'au système d'homologation?

Mme Potvin (Linda): Je pense qu'on ne préconise pas de minimiser les études en ce qui concerne l'environnement. C'est pour cela qu'on dit qu'il y a besoin d'avoir une collaboration entre le fédéral et le provincial au plan des études pour faire en sorte que, quand le produit est homologué, il soit vraiment conforme aux normes des deux secteurs.

L'audience publique, c'est quelque chose d'autre. En ce qui concerne l'audience publique on trouve, comme c'est mentionné dans le document, que c'est un processus qui est assez coûteux puis que par rapport à ce qu'on va en retirer, ce n'est pas nécessairement... Je pense que les études environnementales vont prouver quelque chose mais, pour les audiences publiques, on est peut-être un peu plus douteux.

M. Charbonneau: Oui, mais cela dépend comment on les fait, les audiences publiques. Est-ce qu'on convient que l'industrie est actuellement craintive à cause de certaines expériences? On a eu une série de témoignages aujourd'hui qui nous ont indiqué que, dans le fond, on devrait les conserver, quitte a modifier un peu le mécanisme de fonctionnement de cette procédure-là et qu'au bout du compte cela oblige les entreprises à développer des alternatives, cela oblige les entreprises à être plus rigoureuses et, d'une certaine façon, tout le monde veut utiliser la solution de facilité. Or, dans la mesure où les audiences publiques seraient éliminées, il y a un gros problème d'éliminé. Mais, si elles demeurent là, pour pouvoir d'une certaine façon passer à travers ce filtre-là, il va falloir que les fabricants de produits et les utilisateurs resserrent les explications et les garanties qu'ils devront fournir.

Mme Potvin: Si on regarde les coûts d'homologation canadienne, on dit que c'est de l'ordre de 7 000 000 $ à 10 000 000 $ et je pense que, si au niveau provincial on a des doutes à ce chapitre, il pourrait y avoir une collaboration puis une discussionn avec le fédéral et, s'il y a d'autres tests que le provincial exige, on pourrait les incorporer. Je pense qu'on n'essaie pas de dire qu'on peut passer au travers. On a tous avantage à avoir une utilisation rationnelle des pesticides. Je pense qu'on vit tous dans le même environnement et on est les premiers à favoriser une approche biologique si c'est disponible et si c'est économique. On est les premiers à favoriser aussi, comme je le disais, une utilisation rationnelle des produits.

M. Charbonneau: Finalement, en guise de conclusion, je retiens entre autres que le programme intéressant et innovateur que vous êtes en train de mettre en place n'a pas affecté d'une façon positive les produits que l'on nous demande actuellement d'autoriser sans passer par le filtre des études d'impact et des audiences publiques. Il y en a un, d'ailleurs, qui a passé par ce filtre-là, je pense que c'est le B.t.?

Une voix: Et le fénitrothion. (0 h 30)

M. Charbonneau: Et le fénitrothion. Et il semble que ce n'était pas à l'avantage de ce produit-là.

M. Côté (Rivière-du-Loup): ...avantage, ils ont dit qu'il n'y avait pas de risques évidents pour la santé.

M. Charbonneau: Ils l'ont éliminé.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Ils l'ont éliminé quand même, sans le connaître.

M. Charbonneau: Écoutez, ils devaient le

connaître un peu s'ils ont suggéré de l'éliminer. Tout compte fait, c'est un peu ce que je retiens de votre mémoire. Je pense que néanmoins j'ai apprécié la présentation que vous avez faite. Je vous remercie.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Et ils en ont recommandé d'autres qu'on refuse.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Verchères. M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je n'ai qu'une petite question, alors, ce sera probablement une réponse bien courte. Est-ce que, à votre avis, le processus d'études d'impact et d'audiences publiques permettrait de déceler les erreurs potentielles qui découleraient d'une erreur commise lors de l'homologation, parce que je ne pense pas qu'on n'ait ni les moyens ni l'expertise d'Agriculture Canada et de Santé et Bien-être social Canada, qui possèdent une structure spécialisée dans ce domaine-là? Est-ce que le processus des études d'impact et des audiences publiques peut déceler les erreurs, ou si cela vient a la suite d'un suivi environnemental?

M. Paquet (Guy): Si vous permettez, M. le ministre, il nous semble difficile de concevoir qu'un processus d'audiences publiques à la suite d'une étude d'impact améliore énormément les conclusions d'un processus d'homologation qui, comme vous le savez, est très long et très coûteux. Peut-être pour toucher un peu à ce que M. le député de Verchères disait tout à l'heure, c'est certain que les gens qui sont représentants des manufacturiers ont des intérêts à défendre, mais c'est aussi vrai que ce sont ces gens-là qui ont l'expérience de première ligne du processus d'homologation canadien.

Pour le savoir de première main, on voit mal comment les mêmes données, qui ont été présentées au niveau fédéral pour homologation, puissent devenir tout à fait différentes, indiquer des nouvelles avenues ou des nouvelles possibilités à travers un processus qui est répétitif. Je suis d'accord avec vous, si l'homologation a été faite il y a quinze ans et qu'il n'y a pas eu de processus de révision depuis, c'est certain qu'on va s'attendre qu'il y ait des choses nouvelles qui aient été mises à jour sur les produits en question. C'est pour cela qu'il existe un processus de révision des produits homologués, à la fois au Canada et aux États-Unis. Et ce processus de révision permet de mettre en lumière les nouvelles données qui ont été mises, si on veut, à la disponibilité du public depuis la première homologation.

Alors, c'est ce qu'on dit. On voit mal comment un processus qui nous semble être un dédoublement, surtout à partir de données identiques, puisse mener à des conclusions qui soient de beaucoup supérieures au premier processus, puisqu'il nous semble que la concentration d'expertise se trouve présentement dans le processus d'homologation fédéral.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.

Le Président (M. Saint-Roch): Allez-y, M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Un abus ou des audiences publiques mal conduites peuvent-ils décourager des compagnies de pesticides à produire des nouveaux produits sur le marché, qui seraient meilleurs que ceux qu'on a actuellement, parce que cela va devenir trop coûteux, trop laborieux et que les risques vont être trop grands?

M. Paquet: II est certain que les compagnies regardent de très près ce que cela peut représenter en investissements monétaires et en temps passé à travers un processus d'homologation. Et, s'il y a des barrières supplémentaires qui sont ajoutées dans les provinces... On parle de plus en plus de marchés qui sont plus petits, le marché du Québec, pour un manufacturier, n'est pas le même que le marché canadien ou celui des États-Unis. Alors, si un manufacturier voit l'impossibilité de rentabiliser ses investissements en essayant de mettre sur le marché un produit dans une province donnée, c'est certain qu'il va hésiter ou y regarder à deux ou trois fois avant de s'embarquer dans le processus. Parce que vous savez comme moi qu'une fois qu'on démarre le processus d'homologation il n'est absolument pas certain que le produit en question passe à travers et se ramasse sur le marché. On a dit plus tôt ce soir, je ne me rappelle plus l'organisme en particulier, mais il a dit avoir fait une recherche sur l'homologation d'un produit qui est présentement homologué, et que cette homologation avait pris onze ans avant de se terminer. Cette période de temps représente un temps énorme durant lequel la compagnie ne peut pas mettre le produit sur le marche et, donc, ne peut pas rentabiliser ses investissements.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Si c'est trop onéreux, trop long, on risque de ne pas avoir de produits améliorés, admettons, d'avoir des meilleurs produits que ceux qu'on a actuellement. C'est cela?

M. Paquet: Assurément. L'industrie regarde cela de très près avant de se lancer dans un processus semblable.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est cela.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre délégué aux Forêts. M. le ministre de

l'Environnement.

M. Lincoln: J'aurais une dernière question. Admettons qu'un produit homologué soit tout à fait sécuritaire et qu'on tienne pour acquis que le produit comme tel est un produit, s'il est utilisé selon les normes d'usage, etc.. Est-ce que ce produit, par rapport à l'usage qu'on en fait et à l'endroit où on l'utilise, ne va pas avoir des impacts différents suivant la qualité du sol, le climat, la région, la végétation et les écosystèmes en place? Est-ce que ce n'est pas tout cela qu'on va essayer de suivre dans une audience ou dans une étude d'impact? C'est sûr que l'homologation est importante et le produit lui-même, mais tout ce qu'on en fait de ce produit-là, est-ce que ce n'est pas cela, la différence qu'il faut faire?

M. Paquet: Vous avez raison de dire qu'on peut s'attendre à des différences. Ce qui n'est pas certain, c'est la grosseur, si on veut, de la différence. Il ne faut pas oublier non plus qu'un produit qui a été homologué pour utilisation en milieu forestier est appelé un produit à utilisation restreinte. Il y a donc déjà un certain nombre de normes qui régissent l'utilisation de ce produit, évidemment, selon les bons usages. Si vous prenez le taux, par exemple, d'utilisation d'un produit, cela ne varie pas en général d'un ordre de grandeur. Cela va varier d'un facteur un à deux, selon les conditions. Vous avez raison de dire qu'un produit peut causer des effets différents, mais la quantité des différences, je pense que c'est là la question et je vois mal comment, encore une fois, les audiences publiques pourraient amener quelque chose de plus à cela dans le sens qu'il n'est pas concevable, pour nous en tout cas, de faire des audiences publiques dans chacune des écorégions dont on a entendu parler ce soir. On parle de 70. C'est absolument impossible, à la fois pour les producteurs forestiers, je pense, et, si les manufacturiers sont impliqués, c'est aussi impossible pour ces gens-là.

M. Lincoln: Oui, sur cela, je suis entièrement d'accord avec vous. Mais, s'il y en avait quatre, cinq ou six, pour une période de cinq ans, est-ce que... En tous les cas, le témoignage de cet après-midi du Dr Lajoie qui est un expert assez connu dans ce domaine était que justement les audiences publiques - et je pense qu'il y avait le centre de recherche en foresterie de Sainte-Foy aussi qui a confirmé la chose - avaient produit des résultats très très positifs par rapport...

Une voix: ...négatif.

M. Lincoln: Je sais, négatifs aussi, c'est sûr, mais certainement positifs à long terme. Par exemple, on ne se serait peut-être pas servi de B.t. ici, s'il n'y avait pas eu les audiences publiques. On se servirait toujours du fénitro-thion. Alors, c'est cela, le message que je voulais passer.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Juste...

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Juste une remarque. S'il n'y avait pas eu d'audiences publiques sur ta tordeuse des bourgeons de l'épinette, probablement que la Loi sur les forêts aurait été votée par votre gouvernement. Cela a retardé la Loi sur les forêts.

M. Charbonneau: Oui, mais si la loi est meilleure, tant mieux!

Le Président (M. Saint-Roch): Alors, je remercie l'Institut canadien de protection des cultures pour sa participation aux travaux de la commission de l'aménagement et des équipements. Ayant épuisé son ordre du jour, la commission ajourne ses travaux...

M. Lincoln: M. le Président, je voudrais vous dire que, demain matin, j'ai avisé mon collègue, je ne serai pas ici. J'ai quelque chose d'imprévu à Montréal, je vais être remplacé par le député de Chauveau.

Le Président (M. Saint-Roch): Alors, je dois en déduire que M. le ministre délégué aux Forêts aura seize minutes, puis le côté environnement, quatre minutes, M. le ministre?

M. Lincoln: Ah! Bien, cela sera égal, à ce moment-là.

Le Président (M. Saint-Roch): D'accord, M. le ministre. Alors, la commission ajourne ses travaux jusqu'à 11 heures demain matin.

(Fin de la séance à 0 h 39)

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