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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le vendredi 3 juin 1988 - Vol. 30 N° 27

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur le document intitulé 'Politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier'


Journal des débats

 

(Onze heures trente minutes)

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'aménagement et des équipements reprend maintenant ses travaux pour poursuivre sa consultation particulière sur le document intitulé "Politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier".

M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements ce matin?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Trépanier (Dorion) est remplacée par M. Vallières (Richmond).

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le secrétaire. Je demanderais maintenant à la Faculté de foresterie et de géodésie de l'Université Laval de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Pendant que nos gens prennent place, permettez-moi de souhaiter la bienvenue ce matin au porte-parole gouvernemental à l'Environnement, M. le député de Chauveau.

Alors, messieurs de la faculté, permettez-moi dans un premier temps de vous souhaiter la bienvenue aux travaux de cette commission. Je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier, et identifier aussi la personne qui l'accompagne, pour le bénéfice des membres de cette commission.

Auditions

Faculté de foresterie et de géodésie de l'Université Laval

M. Lortie (Marcel): M. le Président, je suis Marcel Lortie, doyen, on dit par intérim - intérim qui risque d'être long - de la Faculté de foresterie et de géodésie. Je suis accompagné par le professeur de sylviculture, le Dr Paul-Émile Vézina.

M. le Président, nous apprécions beaucoup l'occasion qui nous est donnée de nous présenter devant cette commission et de vous parler un peu des scénarios qui ont été proposés dans le document qui nous est parvenu.

M. le Président, nous avons déposé un mémoire qui constitue la base de notre attitude, à la Faculté de foresterie et de géodésie. C'est un mémoire d'ordre plutôt général et ce matin, plutôt que de lire ce mémoire, je vais vous parler plus précisément sur le document qui nous est parvenu, de sorte que vous pourrez voir une suite entre les deux documents, non seulement une suite, mais assez souvent un recoupement. Vous me permettrez d'abord de vous situer la Faculté de foresterie et de géodésie. À part le ministre délégué aux Forêts, qui est un ancien de chez nous, les autres, je pense que vous avez passé devant, notre faculté sans vous en rendre compte.

La Faculté de foresterie et de géodésie a fêté son 75e anniversaire de fondation il y a trois ans. Elle est une parmi sept au Canada et nous comptons 550 étudiants de premier cycle, 160 étudiants au niveau de la maîtrise et du doctorat, une cinquantaine de professeurs et autant d'employés. La graduation annuelle des finissants avec un baccalauréat en sciences forestières, donc qui se dirigent vers la pratique du génie forestier, se situe annuellement autour de 75 à 80. Si, certaines années, ce nombre a été plus que suffisant, alors que l'emploi était rare, il y a présentement pénurie de candidats, probablement en raison des implications prévues dans le nouveau régime forestier du Québec.

D'après une étude du profil de l'étudiant en génie forestier, étude qui a été préparée par un professeur de sociologie, nous avons appris que l'étudiant en génie forestier ou en sciences forestières vient chez nous, surtout pour jouer un rôle dans la protection de l'environnement et pour participer à une activité économique de première importance au Québec. Il veut avoir la possibilité d'influencer le cours du développement des forêts tout en se préoccupant de cette qualité de l'environnement et de l'usage polyvalent des ressources forestières. Notre enseignement à l'université reflète autant que possible ces volontés. Des changements aux divers programmes se sont produits au cours des années et se produisent régulièrement en vue d'adapter ces considérations dans les divers cours. Cet enseignement vise le maintien d'écosystèmes forestiers stables et diversifiés comme un objectif essentiel de l'aménagement forestier. Pour cela, notre enseignement et notre recherche ont développé des méthodes sylvicoles propres à assurer ce maintien d'écosystèmes forestiers et a diminué la dépendance vis-à-vis des pesticides.

Au point de vue social et culturel, les forêts jouent un rôle de plus en plus important pour les observateurs de la nature, pour les amateurs d'activités de plein air, les utilisateurs des ressources fauniques, mais ces activités ont sans doute d'importantes retombées. C'est encore l'utilisation industrielle de la matière ligneuse des arbres qui confère au milieu forestier une aussi grande place dans l'économie du Québec et un nombre élevé de nos étudiants s'orientent vers l'aménagement forestier.

Un mot rapide pour rappeler les activités comprises dans ce que l'on appelle l'aménagement forestier ou l'aménagement de la matière ligneuse qui constitue l'essentiel des préoccupations des étudiants. L'aménagement de la matière ligneuse, c'est la planification des coupes; c'est la déter-

mination de l'usage du bois que l'on va couper; c'est la sylviculture, y compris la récolte de la forêt et c'est la protection de cette forêt. Ce sont les quatre tâches principales de l'aménagement forestier.

Étant donné l'intensification actuelle de l'aménagement de la matière ligneuse, sa protection contre le feu, contre les insectes et les maladies est de plus en plus nécessaire. Si celle-ci ne doit pas entraîner la pollution de l'environnement et la détérioration de la santé humaine, il reste qu'il y a des rentabilisations d'investissements dans le reboisement qui doivent être protégées. Dans le domaine de la protection forestière contre le feu, il y a encore lieu de poursuivre l'amélioration des méthodes de détection. Pour la protection des arbres contre les insectes et les maladies, il n'y a pas encore un nombre suffisant de méthodes sylvicoles de prévention contre les épidémies. Au Québec, on veut une production accrue de matières ligneuses et, d'autre part, on veut limiter à quelques traitements souvent peu efficaces les moyens que l'on pourrait appliquer pour arriver aux objectifs poursuivis.

Il y a beaucoup de frustration dans la profession et j'imagine que l'Ordre des ingénieurs forestiers a dû vous en parler. Cette frustration, on la retrouve chez les jeunes professionnels qui viennent d'être diplômés de la faculté, qui se voient mandatés de l'exécution de certains travaux et qui se voient limités dans les moyens que l'on pourrait utiliser pour exécuter ces travaux. Du côté des étudiants, ces éléments qui sont connus soulèvent un paquet de questions dans leurs entretiens, puisque, disent-ils, comment voulez-vous que l'on fasse un travail si on n'a pas les moyens de le faire?

Nous osons croire que ces préoccupations sont en partie responsables de la tenue de cette commission. Le ministère propose deux scénarios pour l'usage des pesticides. Il y a lieu de faire des distinctions dans le mot "pesticides". En conséquence, ces scénarios peuvent ne pas s'appliquer de façon comparable. Ainsi, par exemple, il est sans doute possible de prévoir quatre à cinq ans d'avance les territoires qu'il faudra traiter pour pouvoir y faire des plantations. Dans ce cas, on peut imaginer qu'il est possible que le mécanisme de l'évaluation des impacts sur l'environnement et la santé humaine puisse s'appliquer.

Nous ne pourrions en dire autant des pesticides du type insecticide. Présentement, nous avons trop à la mémoire l'épidémie de tordeuses des bourgeons de l'épinette. Mais on nous sensibilise régulièrement sur la présence d'autres insectes qui pourraient devenir aussi importants, et qui le sont déjà dans certains milieux. J'attire votre attention sur la publication Insectes et maladies des arbres publiée conjointement par l'organisme provincial et l'organisme fédéral qui s'en occupent. Cette publication annuelle porte sur les épidémies d'insectes, les maladies et les autres problèmes qui sont apparus au cours de l'année qui se termine. Une épidémie d'insectes est le plus souvent imprévisible. Les conditions météorologiques, les conditions de peuplement, de présence d'insectes; adultes ignorés, font que chaque fois une épidémie d'insectes apparaît souvent comme quelque chose de nouveau.

Si l'on se fie aux épidémies passées, et d'après mon expérience, la première réaction lorsqu'on voit un nouvel insecte se pointer le museau quelque part, c'est de dire 'Tiens, un nouvel insecte, on va le rapporter", et on va attendre l'année suivante pour savoir s'il va réapparaître. L'année suivante, supposons que cela se continue, alors on rentre dans le cycle financier, budgétaire, gouvernemental qui est de deux ans et la troisième année on prévoit des sommes d'argent qu'on va dépenser la quatrième année. Ajoutons maintenant à cela des audiences qui vont prendre... J'ai vu un projet qui a duré déjà plusieurs mois, et on se réveille au bout de cinq ans avec une épidémie sur les bras, une épidémie dont on n'a plus le contrôle. Il ne reste plus qu'à sauver les meubles, c'est-à-dire à se dépêcher à récupérer le plus de matériel encore récupérable. Dans le cas de la tordeuse des bourgeons de l'épinette, la récupération a d'ailleurs laissé des traces, puisqu'en forêt privée nous savons, dans certaines régions du Québec, à la suite d'inventaires récents, qu'il y a une possibilité moins grande en bois de conifère que celle qui était escomptée. L'épidémie était tellement grande qu'il a fallu récupérer rapide ment du bois. On se retrouve aujourd'hui devant un problème économique d'envergure, au moment où le gouvernement parle de rendement soutenu dans son régime forestier, et que, pour y parvenir, il faut mobiliser le bois de la forêt privée. Cette forêt privée n'est plus en mesure de fournir le bois qu'elle devait fournir.

S'il est possible de prévoir l'élaboration du programme d'intervention avec des herbicides en milieu forestier sur une certaine base, le tout peut être soumis à des mécanismes d'évaluation des impacts sur l'environnement et la santé humaine. L'intervention avec des insecticides n'est guère planifiable de la même façon, à moins de donner des cours aux insectes pour les inciter à respecter des mécanismes de cinq ans qui pourraient prévoir des règlements. Vous ne pouvez pas empêcher un professeur de parler d'enseignement, même à des insectes.

Le second scénario vise une modification au règlement de l'évaluation, je pense que c'est plutôt le premier, le second, oui. Le second scénario vise une modification au règlement sur l'évaluation d'impact, pour permettre l'utilisation en milieu forestier de deux pesticides homologués actuellement en usage, le bacillus thuringiensis et le glyphosate. Dans le cas du B.t., on va se parler comme cela, dans le cas du B.t., j'ai participé d'une certaine façon à presque toutes les étapes qui ont conduit à sa mise au point dans la lutte contre la tordeuse des bourgeons de

l'épinette. Il s'agit d'un insecticide biologique, et il n'attaque que les lépidoptères, c'est-à-dire les insectes dont le stade parfait est un papillon. Le Québec a fait preuve d'innovation, heureuse je pense, en appuyant les travaux exécutés au Centre de foresterie des Laurentides, et je ne vois pas de nécessité d'études d'impact sur l'application du B. t., dans des formules telles que développées et appliquées depuis quelques années au Québec. Je recommande aussi l'application du glyphosate sans étude d'impact puisque là encore, ce produit a démontré, après son homologation, qu'il pouvait être utilisé sans effet néfaste. Cependant, si on y tient vraiment, on pourra toujours, dans le cas de cet herbicide, produire des études d'impact puisqu'il sera possible de prévoir les étapes que l'on veut franchir au cours des plans quinquennaux. (11 h 45)

Malheureusement, de nombreux insectes ne sont pas des insectes vulnérables au B. t. Dans ce cas, une épidémie suivie d'une étude d'impact risque de requérir suffisamment de temps pour générer des dégâts assez importants avant qu'une intervention ne se fasse. Certaines gens prétendent que, puisque nous avons le B. t., nous avons la solution à tout. C'est faux. C'est utopique. S'il est possible de ramasser les insectes qui attaquent le feuillage des pommes de terre dans son jardinet, en arrière de la maison, et de les jeter au feu pour éviter que les pommes de terre ne soient contaminées, on ne peut pas en dire autant d'un immense champ. La main-d'oeuvre nécessaire pour le ratissage serait inouïe. Il y a donc des échelles de grandeur qu'il faut respecter.

Notre enseignement comporte plusieurs moyens qui malheureusement n'en sont qu'au stade de la recherche, voire souvent de l'imagination. L'usage des phéromones est à ses débuts. Les méthodes sylvicoles, incluant l'amélioration génétique, n'en est qu'à ses balbutiements. Il y a des insectes pour lesquels il faudra trouver une approche où des produits chimiques devront être employés. Parmi les solutions préconisées, nous parlons à nos étudiants de lutte intégrée où, à l'aide d'un insecticide appliqué à faible concentration, on rabaisse le niveau de la population d'insectes à un niveau contrôlable par des agents naturels par la suite. Je pense à la mouche à scie du pin gris où avec un épandage d'une quantité infinitésimale d'un produit chimique, on est capable de réduire la population pour qu'ensuite les oiseaux et les petits rongeurs puissent tenir cette population en échec.

Dans certains cas, il y a peut-être lieu de penser à des interventions massives mais locales qui seraient préférables pour tuer dans l'oeuf une épidémie qui, autrement, pourrait s'éterniser. En somme, la technique d'intervention rapide, avec équipes de choc, comme dans la lutte contre le feu, pourrait ainsi être appliquée dans la lutte contre certaines épidémies d'insectes.

Du côté des herbicides, je voudrais mentionner les travaux de recherche qui visent l'utilisation de mycoherbicides, de la résistance enzymatique et de la sélection de partenaires symbiotiques. Certains de ces travaux se poursuivent à notre faculté, dans la lutte contre le framboisier et contre la maladie hollandaise de l'orme. Dans le cas de la maladie hollandaise de l'orme, certains travaux nous permettent de croire qu'il y a des possibilités de sauver jusqu'à 80 % des arbres si les conditions de partenaires de croissance sont satisfaites.

Des herbicides à partir de champignons qui, généralement, s'attaquent au framboisier pourraient éventuellement être utilisés pour réduire la compétition que doivent subir les jeunes plants lors des plantations. Dans les deux cas, il s'agit de travaux de recherche qui ont besoin de plus en plus d'évidence. À ce point de vue, je note l'espace réduit de la recherche de moyens alternatifs aux pesticides chimiques. Les délais sont longs. Je sais que la recherche pour l'usage du B. t. sur la tordeuse du bourgeon de l'épinette a requis entre 15 et 20 ans. Les chercheurs sont peu nombreux parce que ce n'est pas payant de faire de la recherche. C'est beaucoup plus payant d'abandonner ses études après un baccalauréat, même si on a des qualités pour aller plus loin, pour aller travailler immédiatement. Ce qui est davantage important, c'est que la recherche coûte cher et, quand il y a des coupures de budget, bien, ordinairement, la recherche y goûte parmi les premiers sujets à être touchés.

Sans doute y aura-t-il des solutions de plus en plus abondantes à l'avenir où des pesticides de nature biologique et capables de s'attaquer à des ennemis spécifiques seront de plus en plus disponibles. Pour le moment, la situation n'est pas encore à ce niveau et je ne crois pas qu'on puisse espérer qu'une foresterie intensive au Québec, pour le moment, ne puisse faire appel à des pesticides.

M. le Président, voilà le message que la Faculté de foresterie et de géodésie voulait vous transmettre.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Lortie. Je vais maintenant entendre M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs les membres de la commission, messieurs de la faculté. Mon voisin, le député de Matapédia, a suivi également des cours à la faculté sans être...

M. Lortie: Ah oui?

M. Côté (Rivière-du-Loup):... sans être remarqué, tout de même.

M. Lortie: Ah bon! Une voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis (Matapédia): Nous sommes au moins deux qui avons passé chez vous.

M. Lortie: Bien, c'est un bon début. Ha, ha, ha!

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je vous remercie de votre présentation. Mais, vous savez, je connais votre longue expérience du côté de la recherche, du côté forestier, du côté de la forêt privée également, partout au Québec. Vous avez montré un rapport annuel qui est fait en collaboration entre le fédéral et le provincial sur le dépistage, sur les insectes nouveaux, un peu un compte rendu, mais croyez-vous que le dépistage qu'on fait actuellement au Québec est suffisant ou qu'il pourrait être suffisant pour permettre de déceler un foyer d'infestation et d'intervenir rapidement pour éviter, supposons, d'épandre des masses et des masses, des volumes d'insecticides ou de phytocides?

M. Lortie: À l'heure actuelle, je pense qu'on s'oriente vers cela, mais on n'est pas encore rendus là. On s'oriente vers ce dépistage seulement pour quelques insectes. Voyez-vous, le problème c'est que chaque insecte a sa période d'apparition, il se produit à un certain moment, il n'est pas du tout dans les mêmes conditions. La tordeuse, c'est au printemps, d'autres insectes, c'est plus tard, à l'automne. La variété des peuplements qui sont impliqués demanderait, en tout cas, des équipes beaucoup plus importantes que celles qu'on a.

D'autre part, il nous faudrait - avec la tordeuse on commence déjà à le savoir - il nous faudrait savoir où regarder pour le début de ces épidémies. On ne peut pas couvrir la superficie totale du Québec avec des techniciens. On va être obligés de placer un technicien par kilomètre carré, j'imagine. Il y a des pièges à phéromones qui peuvent servir. On sait que ces pièges marchent, nous indiquent à l'heure actuelle, pour certains insectes en tout cas, qu'il y a apparition, à un moment donné, d'épidémies. Il va falloir s'en aller vers cela, vers l'usage de ces pièges mais encore plus sophistiqués. Le travail de cette recherche s'est surtout fait au Québec. Il y a déjà des choses intéressantes, mais il va falloir aussi des gens qui vont relever ces pièges, de façon fréquente. Pour moi, la détection rapide est aussi importante que la détection rapide du feu dans le système actuel de protection des forêts contre le feu.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est ce que certains organismes ont décelé aussi. On voudrait avoir une opération aussi efficace que la protection des forêts contre le feu, détection, protection et intervention, de façon à éviter les désastres qu'on a déjà connus dans le passé, du côté des incendies forestiers. Évidemment, comme vous le dites, cela prend... Mais est-ce qu'il va nous falloir des pièges pour attirer, ou des pièges pour chacun des insectes, à différentes périodes de l'année?

M. Lortie: J'ai l'impression qu'on a affaire... Le feu, c'est une chose. Il brûle de la même façon, il peut être plus chaud, moins chaud, mais c'est une chose; c'est un phénomène. Tandis que chez les insectes, chacun a son individualité, chaque espèce a ses caractéristiques et ne se comporte pas de la même façon qu'une autre espèce. Il n'est pas sûr que des pièges à phéromones, par exemple, puissent pouvoir travailler pour un insecte alors qu'ils travailleront pour un autre. Moi, je suis presque certain qu'il y a des différences hormonales entre les attraits sexuels des insectes femelles de la même façon que vous ne trouvez pas un cheval attiré par une vache. Il y a autant de différences entre deux insectes qu'il peut y en avoir entre deux animaux.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Dans un autre ordre d'idées, croyez-vous qu'en favorisant la régénération naturelle sur, mettons, 70 % de nos opérations forestières on fera en sorte que les essences qui vont être là par la suite vont protéger l'écosystème et qu'elles vont faire partie de l'écosystème? Est-ce que le ministère va atteindre les objectifs que vous préconisez dans votre mémoire, en faisant cela?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Vézina.

M. Vézina (Paul-Émile): Au point de vue de la régénération naturelle, je pense qu'au départ l'idée du ministère de faire en sorte que la majorité des superficies qui ont été coupées ou qui ont brûlé se régénèrent naturellement est une bonne idée, ne serait-ce que du point de vue économique. Le reboisement, on le sait, coûte toujours plus cher si on calcule toute la séquence des opérations de reboisement depuis la récolte des semences, en passant par le traitement des semences, la plantation des arbres, le dégagement, l'entretien des plantations, etc. C'est sûr que cela va coûter plus cher. La préférence doit être accordée, je pense, à la régénération naturelle.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Du point de vue écologique également.

M. Vézina: Oui, du point de vue économique, c'est cela.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Écologique.

M. Vézina: Et du point de vue économique, je dirais, et du point de vue écologique. Mais encore là il faut faire attention. On a parlé dans notre rapport de préservation d'écosystèmes stables et diversifiés. On sait tout de même qu'après la coupe, dans un peuplement d'épinettes par exemple, c'est le sapin qui va être favorisé

au détriment de l'épinette. Autrement dit, on a un peuplement, une forêt d'épinettes ou d'épinet-tes-sapins, on coupe cette forêt, on l'exploite et, ensuite, très souvent, qu'est-ce qu'on a? C'est une forêt de sapins hautement vulnérable à la tordeuse. Alors, tout cela, c'est une question, aussi, je dirais, de traitement sylvicole par la suite de dégager les essences et de favoriser celles qui sont le plus écologiquement adaptées au site tout en étant des essences, évidemment, qui sont économiquement valables.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je vous arrête là, docteur, parce que si l'épinette est présente à la suite d'une coupe, c'est le sapin qui s'installe.

M. Vézina: Souvent.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Si on prenait comme décision, sans tenir compte du point de vue économique, de tout raser puis de reboiser en épinettes de même espèce que celles qui étaient présentes dans le temps, est-ce que, à votre avis, on respecte l'écologie, l'écosystème?

M. Vézina: Pas nécessairement dans tous les cas. Tout dépend. Nos peuplements forestiers ont plusieurs origines, certains sont issus d'incendies, d'autres sont issus de coupes. On dit souvent qu'en foresterie chaque cas est particulier. Il faut analyser chaque situation en particulier puis déterminer, en fonction du lieu où on est, du climat, du sol, quelle est la meilleure essence, l'essence qui est la plus adaptée aux conditions de milieu, aux conditions du site, quoi.

M. Lortie: Si vous le permettez, je voudrais ajouter cet aspect. La tordeuse des bourgeons de l'épinette dont on dit qu'elle s'attaque surtout aux sapins ne porte pas le nom de tordeuse des bourgeons de l'épinette pour rien, c'est que fort probablement... Si j'avais un entomologiste à côté de moi, il vous dirait que, quand il n'y a pas d'épidémie, mais qu'il y a quand même de la tordeuse quelque part, on la retrouve dans des peuplements d'épinettes. Alors, cela veut donc dire qu'il y a toujours de la place pour la tordeuse, que vous plantiez de l'épinette ou qu'elle pousse à l'état naturel. La tordeuse est un insecte naturel. Elle fait partie de l'écologie chez nous. (12 heures)

M. Côté (Rivière-du-Loup): Chez nous. Mais cela ne veut pas dire que le scientifique ne s'est pas trompé quand il a désigné d'épinette.

M. Lortie: Non, non, mais il a de grosses chances que...

M. Côté (Rivière-du-Loup): II on a trouvé là la première fois.

M. Lortie: ...ce soit vrai d'après les travaux d'Yvan Hardy.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Ce n'empêche pas qu'elle continue à faire des ravages. Ha, ha, ha!

Aux pages 10 et 11 de votre rapport, vous indiquez: "On ne surmonte pas une crise" - en se référant à la tordeuse des bourgeons de l'épinette - "en camouflant ses causes et ses efforts ou en lui attribuant une fausse origine. Ce comportement malhonnête ne contribuerait qu'à accentuer et à prolonger la crise." Pourrriez-vous être plus explicite sur ce passage? Notamment en ce qui concerne les notions de fausse origine, de comportement malhonnête parce que c'est facile de dire: Les autres ont été malhonnêtes. Ils ont peut-être été de bonne foi, ils se sont peut-être trompés et, parce qu'il y a eu une erreur, cela ne veut pas dire d'arrêter, de ne rien faire, d'attendre le Messie, d'attendre qu'il revienne une deuxième fois. Je voudrais que vous nous expliquiez cela parce que ce sont des mots qui sont assez raides et assez durs.

M. Vézina: Je ne crois pas que les mots soient durs. Ce qu'on veut dire par là, en fait, c'est que toute la question des épidémies de la tordeuse, tout cela, comme mon collègue l'a mentionné tantôt... c'est vrai que l'insecte est indigène au Québec. Il s'attaque de préférence aux sapins, mais les travaux, en particulier ceux du Dr Blais du Service canadien des forêts ont quand même montré qu'autrefois, les épidémies de la tordeuse étaient localisées. Il y avait des épidémies qui venaient, mais c'était au niveau local. Les deux dernières épidémies, contrairement à ce qui se passait autrefois, ont eu une ampleur qui a affecté pratiquement toute la forêt de sapins de l'Est de l'Amérique du Nord, y compris certains États américains qui bordent le Québec et dans pratiquement toutes les provinces de l'Est canadien. Cela signifie quand même que notre forêt, depuis qu'on fait des exploitations à grande échelle, depuis les années 1920-1930, a été chambardée, si on veut, que l'aire du sapin a été considérablement agrandie, qu'on a des forêts de sapins qui ne sont pas dans leurs bons milieux, et qui sont les plus vulnérables à la tordeuse. Dans notre rapport, on prend position en faveur de l'utilisation des insecticides et des phytocides, clairement, mais on dit que c'est une solution de dernier recours parce qu'à long terme l'utilisation des pesticides seuls ne change pas la forêt, ne modifie pas les conditions de la forêt. Si on veut faire en sorte qu'à l'avenir les épidémies de tordeuses, par exemple, parce qu'il va y en avoir d'autres, il va y en avoir encore, diminuent d'ampleur, fassent moins de dommages, je pense qu'il faut réagir et, en liaison avec les pesticides, il faut intensifier notre aménagement forestier. Au besoin aussi, il faut modifier les pratiques de gestion. À mon avis, si on mettait trop l'accent sur les insecticides, on se trouverait simplement à combattre un symptôme plus que la cause.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est de là que viennent les fausses origines de camoufler la cause.

M. Vézina: Oui, c'est cela.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est cela. D'accord.

M. Vézina: On combattrait non pas la cause des épidémies, mais un symptôme.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, d'accord. Deux petites questions rapides avant de passer la parole à mon collègue représentant de l'Environnement.

Le processus d'étude d'impact et d'audience publique, vous l'avez mentionné, docteur, permet-il de déceler des erreurs potentielles, des erreurs possibles qui auraient été éventuellement commises lors du processus d'homologation - vous savez, vous avez déjà travaillé pour le fédéral, vous avez bonne réputation - qui est faite chez vous, est-ce que tout ce processus permettrait de déceler des erreurs ou des oublis dans le processus d'homologation?

M. Lortie: Pour déceler des erreurs ou des oublis dans le processus d'homologation, j'ai d'abord, en premier lieu, plus confiance à ceux qui travaillent sur le terrain, qui appliquent et constatent que cela ne remplit pas ou ne prévoit pas certains effets qu'on aurait dû avoir. Les audiences publiques peuvent aider, si elles sont conduites pour inclure des gens qui ont travaillé avec ces substances ou qui sont en mesure de faire référence à des travaux, qui ont eu lieu ailleurs et de façon sérieuse. Cependant, j'ai présidé des audiences publiques et je peux vous dire ceci: Souvent, les audiences publiques sont des parades de démonstration de la part de groupes pour ou contre certains projets qui se manifestent de cette façon. Cela ne fait que braquer les opinions. Ma première réaction, c'est: Quelque chose qui est homologué n'est pas nécessairement à l'abri de toute critique et de tout retrait éventuel. Ce sont ceux qui travaillent avec cela qui sont les premiers impressionnés par ce qui se passe.

M. Côté (Rivière-du-Loup): D'où l'importance d'un suivi même si un produit a été homologué.

M. Lortie: L'importance d'un suivi est absolument essentiel.

M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Une dernière question, rapidement. En ce qui concerne les deux scénarios proposés, est-ce que la faculté a une préférence ou verrait-elle plutôt un scénario modifié, amélioré, parce que j'en ai quasiment un en tête, un troisième scénario? Je ne sais pas si vous en avez un troisième, vous?

M. Lortie: Moi, je peux vous dire que les scénarios, tels qu'ils sont proposés, ne font pas de distinction entre les différents pesticides et du même coup, cela me laisse perplexe. On ne peut pas traiter les insecticides de la même façon que les herbicides, par exemple. Pour moi, je n'irai pas jusqu'à dire: Prenez tout ce qui est homologué et appliquez-le. Cela n'est pas pour moi la solution.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Ce n'est pas dans les scénarios, non plus.

M. Lortie: Mon, ce n'est pas dans les scénarios. Dans les deux scénarios, je suis porté à croire que quand on a un lépidoptère - et là je fais les distinctions - quand on a affaire à un insecte lépidoptère, le B. t. peut s'employer, et on n'a pas besoin d'audience publique. J'ai assez vu Smirnoff prendre un verre de B. t. et le boire devant tout le monde pour savoir qu'il n'y a pas grand conséquences. Il est encore là, le bonhomme et il est retourné au travail dans sa retraite. J'ajouterais ceci concernant le B. t., seulement pour finir avant de laisser la parole à mon ami. Il y a une seule fois où Smirnoff s'est senti mal à l'aise à la suite de la consommation de B. t. comme cela, c'est quand, voyez-vous, il a bu dans le verre où il y avait déjà un mélange avec de l'huile et, là, il s'est dépêché de courir aux toilettes, parce que cela pressait.

M. Vézina: Je suis d'accord aussi avec ce que mon collègue vient de dire. Il me semble qu'à tout prix on devrait éviter la confrontation et malheureusement les audiences publiques au BAPE, Bureau des audiences publiques sur l'environnement amènent à de la confrontation. Je me dis que ce serait peut-être mieux, pour les promoteurs, que ce soient les industriels ou encore le ministère de l'Énergie et des Ressources. Est-ce qu'il ne serait pas mieux que les promoteurs consultent le public en général ou les chefs de file sur le plan local, parce que les pulvérisations aériennes se font toujours sur le plan local, au pis aller, sur le plan régional? Il y a des chefs de file dans ces secteurs-là, il y a le public, des gens qui vont en forêt, des clubs etc. Si ces gens étaient consultés dès le départ, si les promoteurs amenaient les gens, leur montraient exactement ce qu'ils entendent faire, ce qu'ils veulent faire, et mettaient les gens dans le coup dès le départ, il me semble qu'on diminuerait énormément la confrontation qu'on a quand on tient le tout secret et qu'on attend à la dernière minute. Là, on a, comme disait mon confrère, des pour et des contre, et il n'y a personne au milieu.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Actuellement c'est ce que le ministère fait: II avertit et informe la population de façon assez spectaculai

re et adéquate. Évidemment, je suis d'avis qu'il faut ensemble trouver les solutions les plus sécuritaires qui protègent l'environnement, l'écologie et la santé. C'est sûr, c'est primordial, on commence par cela. Vous, vous dites: Référer cela au ministère des Forêts; moi, je fais confiance au ministère de l'Environnement, pour contrôler, parce que c'est sa responsabilité. Des experts, évidemment, il y en aura dans les deux ministères, il y en aura dans l'industrie, il y en aura dans d'autres domaines. Ce sont ceux-là qui devraient se rencontrer et faire part au public exactement de ce qui va arriver et de toutes les conséquences possibles et imaginables, s'il y en a. C'est ainsi que je vois cela.

M. Vézina: Oui, je pense qu'il faut non seulement informer le public qu'il y aura des arrosages à tel endroit, à tel jour et ainsi de suite, mais je parlais de mettre le public...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, oui.

M. Vêzina: ...ou les chefs de file dans le coup dès le départ.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Encore faut-il que les chefs de file consultent les personnes compétentes.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre délégué aux Forêts. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, j'espère que le ministre a pris bonne note de certaines des réponses qui vont peut-être l'aider, lui ainsi que son collègue, à bâtir le troisième scénario. Bon! je vais faire un certain nombre de commentaires. J'espère qu'il n'est pas écrit, parce que dans ce cas-là j'aurais des doutes.

Il y a des choses que vous dites, qui ont été dites par d'autres intervenants hier, et qui, finalement, nous amènent à cerner un peu mieux la situation. Au fond, par ce que vous venez de dire par exemple sur le processus d'audience publique ou d'études d'impact, vous ne voulez pas dire que vous êtes contre. Ce que vous dites, c'est que le fonctionnement actuel amène à un niveau de confrontation ou à des situations de confrontation inutiles. Si je vous comprends bien, vous ne seriez pas contre le fait qu'on maintienne ce mécanisme, cet acquis des citoyens d'avoir la possibilité d'intervenir à travers un mécanisme d'étude d'impact et d'évaluation publique, dans la mesure où, dans le processus, il y aurait des étapes préliminaires auxquelles ils seraient associés. Quand on parte de chefs de file, on peut dire des groupes d'intérêts dans les milieux concernés qui ont une expertise ou un intérêt particulier à se renseigner, ainsi que des experts. Il y a des groupes comme le vôtre ou d'autres groupes qui sont venus témoigner hier devant nous, je pense au groupe du Dr

Lajoie et au groupe de recherche sur les pesticides, au groupe de travail sur les pesticides, des gens qui peuvent être associés au départ à des travaux d'évaluation des impacts, qui vont nous amener éventuellement à l'étape publique, avec un niveau d'émotivité et d'information dans un cas plus grand et dans l'autre cas plus faible, et qui vont faire que le processus non seulement va continuer de porter ses fruits, mais peut-être va même être plus efficace. Je vous comprends bien quand je dis cela.

M. Lortie: Oui, c'est à peu près cela. Je voudrais cependant être bien compris. Le processus actuel a besoin d'être amélioré, aussi bien le processus fédéral que provincial. Je les connais passablement tous les deux. C'est une chose, mais attention d'alourdir, de rendre plus long le processus parce que, pendant ce temps-là - on parle d'insectes à ce moment-ci - l'épidémie se construit.

M. Charbonneau: D'accord. Pour répondre à ce problème, est-ce que vous trouveriez intéressant ou utile d'avoir une procédure selon laquelle, dans la solution qui serait retenue par le gouvernement, on aurait une phase transitoire de sorte qu'entre maintenant et le moment où les études seraient faites, des autorisations spéciales pour des luttes ponctuelles, pour des interventions-chocs puissent être autorisées selon un mécanisme distinct de celui qui serait en place une fois que l'étape des études d'impact et des évaluations publiques auraient été faites? Autrement dit, quand ce processus va être en place et qu'il aura donné son aval, il y a un intervale à partir de maintenant jusqu'à ce moment-là. (12 h 15)

M. Lortie: II est certain que, lorsqu'on a affaire à une épidémie naissante, si on pouvait avoir le moyen d'intervenir rapidement avec les connaissances qu'on a à ce moment-là... J'ai donné l'exemple de la mouche à scie du pin gris. On sait que l'insecticide phosphamidon ou fénitrothion utilisé dans des proportions infinitésimales, un millième de ce qu'on appliquerait pour la tordeuse, peut réduire l'épidémie à un niveau, pas la tuer, mais la réduire à niveau tel que les musaraignes ou les oiseaux vont prendre le contrôle par la suite et qu'ils vont vous tenir cela. Je pense qu'il faudrait être capables d'agir avant qu'on ait, je ne sais pas, 100, 200, 300 kilomètres carrés...

M. Charbonneau: Si vous aviez à faire une recommandation au gouvernement en termes de priorité d'intervention, est-ce que vous seriez d'accord pour recommander que la première priorité budgétaire dans un programme ou une politique d'utilisation des pesticides, de gestion des forêts, serait d'investir suffisamment pour se doter d'un système de détection et de dépistage?

M. Lortie: Ah oui!

M. Charbonneau: Est-ce que vous considérez que c'est la première priorité?

M. Lortie: C'est une priorité et c'est comme cela qu'on a pris le haut du pavé sur le feu au Québec.

M. Charbonneau: Mais, à votre avis, avec un système plus sophistiqué que celui que vous connaissez maintenant?

M. Lortie: Celui qu'on a connu jusqu'à récemment, c'est un système où on s'en va avec une hache, on frappe un arbre avec le côté plat et on fait tomber tout ce qu'il y a d'insectes et on compte cela. Ou encore, on coupe des branches de 18 pouces de longueur et on regarde combien il y a d'insectes là-dessus. Je ne sais pas si vous le savez, cela commence à être...

M. Charbonneau: Archaïque.

M. Lortie: ...un processus onéreux. Vous avez une trentaine de techniciens qui font cela dans toute la province. Voyons donc! Ce n'est pas sérieux. Ce n'est pas de la détection. Cela permet de sortir un rapport un an après et de dire: Voici la situation telle qu'elle était l'an passé et si vous êtes intelligents, vous allez voir qu'elle va être pire cette année dans tel ou tel secteur. C'est tout ce que cela nous permet. Il nous faut un système de détection rapide, non seulement un système de détection rapide, mais un système d'intervention quand on est au début d'une épidémie, un système d'intervention rapide, de la même façon qu'on a appris que, si on pouvait envoyer des équipes de choc combattre un feu en 20 minutes, on n'aurait pas à l'arroser pendant une semaine après.

M. Charbonneau: Je vous rejoins totalement parce que j'ai l'impression qu'une bonne partie du problème des études d'impact, de leur pertinence ou la problématique de l'utilisation de produits chimiques quelconques serait passablement réduite si on pouvait disposer d'un arsenal de détection suffisamment efficace qui ferait qu'au lieu d'arroser de grandes étendues, on aurait... Les gens seraient probablement moins réticents à utiliser certains produits s'ils savaient qu'on les utilise rapidement dans des zones limitées plutôt que de les utiliser sur des étendues considérables qui affectent...

M. Lortie: Je vais vous donner l'exemple de la tordeuse. La première fois qu'on l'a rapportée d'une façon significative, c'est en 1967. La première intervention qu'on a faite est en 1971. À partir de ce moment-là, il n'y avait plus moyen.

M. Charbonneau: Est-ce que vous êtes en mesure de... Je le sais bien, on est d'accord.

Mais il va falloir que le président du Conseil du trésor et le ministre des Finances vous donnent les moyens d'avoir une véritable équipe de détection. C'est cela, le problème. Si vous n'avez pas les moyens en période de vaches grasses, ce ne sera pas en période de crise économique que vous allez dégager un système de détection suffisant. C'est le problème, le vrai problème de toute cette commission.

M. Lortie: Dans les moyens de détection, on parle beaucoup des pièges à phéromones qui ont été mis au point par un chercheur du Québec, Luc Jobin, pour lequel il a gagné le Prix J.Armand Bombardier Voilà un élément intéressant. Je ne pense pas que ce soit la solution, comme le B.t. n'est pas plus la solution. C'est une solution, en vous rappelant que chaque insecte, c'est une espèce différente.

M. Charbonneau: Est-ce que vous considérez que dans le ministère, à la faculté chez vous, dans les entreprises et dans les organismes qui sont venus témoigner devant nous, certains avec beaucoup de sérieux, on dispose actuellement ou on serait en mesure de créer une équipe, un "task force", une espèce de comité de travail qui pourrait proposer rapidement au ministère un système sophistiqué de détection et serait capable aussi de le chiffrer, c'est-à-dire... Bon, le système de détection, on peut en parler longtemps, sauf qu'à un moment donné, si des gens nous disaient: Écoutez, on vous donne trois mois ou six mois pour produire un rapport et une recommandation ou une série de recommandations qui feraient qu'on devrait passer de 30 analystes à 200 ou 300 analystes et d'un budget annuel, je ne sais pas, de 2 000 000 $ ou 3 000 000 $ à 1f> 000 000 $ annuellement, cela implanté dans un délai de temps, on aurait déjà un...

M. Lortie: Je pense qu'il y a moyen, effectivement, de pirévoir, si on s'entend sur les cibles, les insectes cibles. Vous savez, quelqu'un pourrait dire: Bien, tous les insectes susceptibles d'être un jour à l'état épidémique devraient être inventoriés. Bien, là, je ne serais peut-être pas d'accord. Si on s'entend sur les cibles qu'on doit viser, à ce moment-là, il y a moyen de chiffrer le coût d'un système de détection relativement facilement dans des délais convenables.

M. Charbonneau: À votre avis, dans que! délai pourrart-on...

M. Lortie: Je pense de trois à six mois, même... Je ne dis pas de trois à six mois pour tout le monde...

M. Charbonneau: Non, non.

M. Lortie: En ayant une équipe de quelques travailleurs à plein temps, un économiste, un

entomologiste ou quelque chose comme cela, en les mettant ensemble et en les faisant se rapporter à un groupe qui est en mesure d'évaluer les conséquences, on pourrait facilement dans une période de trois à six mois arriver à chiffrer le coût d'un système de détection.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Vézina.

M. Vézina: En fait, le problème de l'épidémie de tordeuses des bourgeons de l'épinette déborde les frontières du Québec. C'est tout l'Est de l'Amérique du Nord qui est impliqué dans cela.

M. Charbonneau: On pourrait même associer autrement dit des partenaires...

M. Vézina: C'est cela, c'est un coût... Déjà, il y a de bonnes relations entre gestionnaires et chercheurs du MER et ceux des autres provinces et des États qui bordent le Québec. Il faut associer... C'est tout ce monde qui doit collaborer, qui doit travailler en équipe ou en un groupe de recherche dont vous parlez. Les coûts doivent être partagés aussi par tout ce monde.

M. Charbonneau: Cela pourrait être un "task force" international ou entre États. C'est intéressant parce que finalement, si on mettait cela en place, on aurait une utilisation beaucoup plus restreinte par la suite des produits chimiques qu'on craint tant.

M. Lortie: Si, effectivement, à la suite de la détection, on se donne tes moyens d'intervenir. On a un système de détection contre le feu qui est excellent. À la seconde où un coup de foudre frappe au Québec, on sait où il est tombé, il est enregistré. En moins de six heures, vous envoyez un avion qui va survoler la région et qui va vous dire s'il y a un feu ou non. Tout cela, c'est bien bon. Mais si, après cela, il n'y a pas d'équipe de choc, des pompiers qui partent en hélicoptère pour éteindre un feu, s'il n'y a pas de CL-215 qui partent à la suite de cela pour aller arroser, cela ne sert à rien. Alors, de la même façon, quand même on aurait une équipe de choc, une équipe de détection rapide, s'il n'y a pas les moyens d'intervention rapide par la suite, on revient au processus qu'on connaît avec ses lenteurs.

M. Charbonneau: Je pense qu'on s'entend. Ce qu'on a dit depuis deux jours, en fait trois jours maintenant, c'est que de notre côté on pense qu'il y a moyen dans des situations d'urgence, si on balise cela, d'avoir des autorisations d'utiliser certains produits dans la mesure où on n'a pas d'alternative en termes d'efficacité. Par ailleurs, cela n'empêche pas le fait que, sur une période plus longue, on puisse être en mesure de fournir, distinctement pour les insecticides et les phytocides, des données de prévi- sion d'utilisation et de prévision d'infestation qui nous permettraient de faire une évaluation des impacts environnementaux. Je pense qu'il faut faire la distinction entre une utilisation rapide et limitée dans des situations d'urgence... Quand le feu est à la maison, il ne faut pas faire une étude d'impact. Mais, en même temps, on peut en faire avant pour savoir comment on va réagir si le feu se déclare dans le quartier, quel type d'intervention on va faire. Compte tenu de la nature particulière de ce quartier, si on utilise tel type d'outil d'attaque, on risque de créer des dommages inutiles à bien des gens. On va éteindre le feu, mais on va arroser tout le monde et on va détruire la moitié des maison pour rien.

M. Lortie: Remarquez, M. le député, que tout cela est dit de façon idéale.

M. Charbonneau: Oui, oui, c'est évident.

M. Lortie: J'ai participé, avec des gens qui ont travaillé près de moi dans d'autres milieux et qui sont peut-être ici, j'ai travaillé à mettre au point des processus d'intervention s'il y avait déversement d'huile en face de Québec, et tout le monde a appris énormément. Quand il en est arrivé un, bien...

M. Charbonneau: Oui.

M. Lortie: Alors, cela veut dire qu'il y a continuellement des choses à apprendre.

M. Charbonneau: Oui, oui. Vous avez dit une autre chose importante à mon avis et qui milite en faveur de trouver ou de maintenir, en tout cas, un processus d'étude d'impact et d'évaluation publique, même si on le modifie, pour le rendre moins inutilement conflictuel, surtout si on a des étapes préliminaires où les gens sont plus à même de participer et de connaître. Vous avez franchement dit que le processus d'homologation n'est pas à l'abri de toute critique d'une part et que vous n'iriez pas jusqu'à vous ranger derrière un certain nombre d'entreprises qui sont venues nous dire: Écoutez, une fois que c'est homologué, on devrait l'utiliser. Il y a des gens qui sont venus carrément nous dire: Pour tout ce qui est homologué, vous devriez nous donner carte blanche.

M. Lortie: C'est leur privilège de le dire.

M. Charbonneau: C'est votre privilège de ne pas être d'accord.

M. Lortie: Moi, personnellement, je ne suis pas d'accord. Il y a des produits homologués qui, sans aucun doute, ont fait leurs preuves et il n'y a pas de conséquence. Je pense en particulier au B.t.. Pour moi, qui ai été associé... Je ne le prends pas émotivement, mais je le prends de

près par exemple, parce que j'ai vu tous les travaux qu'on a faits là-dessus et j'ai participé à ces travaux. Je peux vous dire: Écoutez, on est assez près d'une réalité pour savoir qu'un produit biologique de cette nature peut être employé sans qu'on soit obligé de faire des études d'impact chaque fois. Cela ne veut pas dire que tous les produits homologués... D'ailleurs, il a été utilisé avant qu'il soit homologué, à l'état expérimental. On savait déjà qu'il n'y avait pas de danger.

M. Charbonneau: D'ailleurs, dans ce cas, je pense qu'il y a eu une étude d'impact.

M. Lortie: Par la suite, oui.

M. Charbonneau: Je le sais, mais je veux dire que, dans ce cas, il y a eu une étude d'impact.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Peu importe la superficie, M. Lortie?

M. Lortie: Dans le cas du B. t. ? M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.

M. Lortie: Moi, je ne vois pas de problème dans le cas de la superficie, si ce n'est un problème financier.

M. Charbonneau: Vous avez dit - je ne sais pas lequel des deux l'a fait - qu'il faudrait aussi penser sérieusement à modifier les pratiques de gestion et notre type d'aménagement forestier. Est-ce que vous pourriez développer un peu plus?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Vézina.

M. Vézina: Oui, oui, en effet. Je veux tout simplement dire par là qu'on ne doit pas se contenter d'utiliser seulement les pesticides ni mettre l'accent, je dirais, sur les pesticides. Il faut que les pesticides deviennent un outil, disons un peu comme les autres outils, les instruments, les techniques sylvicoles qui sont employés. Alors, les pesticides doivent s'Intégrer à l'intérieur des autres techniques d'aménagement: la plantation, l'éclaircie, le dégagement, le nettoyage. Enfin, on peut en nommer plusieurs. C'est tout cela. On recommande ceci: Plus on utilise les pesticides, plus on doit intensifier les techniques d'aménagement.

M. Lortie: Les deux vont de pair.

M. Vézina: Les deux vont de pair, exactement.

M. Charbonneau: Cela va.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Verchères. M. le député de Chauveau.

M. Poulin: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord excuser le ministre, qui est pris ce matin d'urgence à Montréal pour une conférence de presse, et remercier aussi de leur présence MM. Lortie et Vézina de la Faculté de foresterie et de géodésie. Je vais être très court, parce que le ministre délégué aux Forêts a pris beaucoup de temps. On s'échange cela, apparemment. Le député de Verchères a posé aussi quelques questions. (12 h 30)

Dans votre document, on trouve intéressante l'ouverture d'esprit quand vous dites que les pesticides doivent être utilisés comme dernier recours. Vous donnez des exemples: les risques à la santé et à l'environnement, puis les dangers de simplification écologique par l'uniformisation des écosystèmes.

Ma première question s'adressera à M. Vézina qui, je pense, est un spécialiste en sylviculture. Il y a eu une étude...

Une voix: Moi aussi...

M. Poulin: Vous aussi? Vous répondrez après.

Donc, Borman et Likens ont mené une importante étude sur l'écologie forestière après perturbation dans les peuples forestiers du New Hampshire. Cette étude avait porté sur quinze ans. Les auteurs montrent, entre autres, que le framboisier et d'autres plantes pionnières ont comme rôle écologique de retenir les éléments nutritifs dans l'écosystème forestier après perturbation. Est-il possible que l'usage de phytocides en forêt, détruisant la majeure partie de cette végétation considérée concurrente, conduise à un problème de fertilité des sols forestiers?

M. Vézina: Là, on va parler des phytocides pour bien distinguer, pas des insecticides, mais des phytocides. Encore là, si on veut être honnête, il faut toujours considérer les deux côtés de la pièce de monnaie ou les deux côtés de la médaille. On peut dire que, d'une façon générale, les plants qui poussent bien, pour utiliser une vérité de La Palice, les plants forestiers, les plants qu'on a plantés, les épinet-tes ou les pins qu'on a plantés, s'ils sont en bonne santé, seront à l'abri, ils ne seront pas, malades. Je veux dire par là que, si on a des organismes - je ferais un parallèle avec les humains aussi - forts et en bonne santé, on est un peu à l'abri des maladies et, au contraire, quand on est affaibli pour différentes raisons, c'est là que les maladies nous assaillent et, dans le cas des arbres, c'est là en fait que les insectes et les maladies viennent, si vous me permettez l'expressiion, achever la "job", terminer le travail, quoi. C'est pour cela qu'on les appelle des organismes secondaires. Ce ne sont pas eux qui commencent le travail, mais quand un organisme est affaibli, ce sont eux qui viennent

terminer le travail et accélérer la mortalité.

Or, pour en revenir à nos plants, c'est bien sûr que, d'un côté, trop de compétition, trop de framboisiers, cela va nuire à nos plants, cela va les affaiblir et les rendre plus sensibles aux insectes et aux maladies, mais, d'un autre côté aussi, l'inverse est aussi vrai, à savoir que des plants complètement libres de toute compétition sont en danger aussi. Ce sont d'autres facteurs, la sécheresse ou des choses comme ça, qui vont leur nuire. Or, il faut un certain degré de compétition. Chez les humains aussi, on a besoin d'avoir un peu de compétition. Les plants aussi. Il y a un juste milieu.

Les phytocides sont là; on doit les employer quand on a une situation où la compétition est trop sévère, qu'elle risque de nuire aux plants. Tout cela pour dire que chaque situation doit être analysée, chaque plantation doit être analysée par un aménagiste forestier qui doit décider quel degré de compétition on a, quel degré de compétition les plants peuvent endurer. Dans certains cas, ce sera nécessaire d'utiliser les phytocides pour éliminer, si on veut, le surplus de compétition et, dans d'autres cas, les plants vont se dégager d'eux-mêmes, il n'y a pas de règle fixe là-dedans.

M. Lortie: Si vous me le permettez, j'ajouterais une information à votre question. En l'absence de la végétation, ce qui s'installe, les framboisiers par exemple, c'est certain que cela va accumuler des éléments minéraux, mais dans ce processus il n'y a pas de gain ou de perte, c'est-à-dire que les éléments minéraux n'apparaissent pas spontanément parce qu'il y a des framboisiers, ils sont là dans le sol, ils peuvent être plus ou moins assimilables selon le pH du sol ou tout cela. Cela, c'est une chose.

Ce que je veux dire, c'est que le fait d'avoir du framboisier puis de le supprimer par la suite ne réduira pas pour autant la capacité de production d'un sol. En fait, la foresterie tropicale repose sur le fait que les éléments minéraux sont dans la tête des arbres. Il n'y a rien dans le sol. Quand on veut faire de l'agriculture qu'on appelle itinérante, on abat les arbres pour retourner au sol les éléments minéraux qui sont dans la tête des arbres.

Alors, c'est à peu près la même chose concernant le fait que les framboisiers ou d'autres plantes peuvent accumuler les éléments minéraux; si on les retourne au sol, on ne perd pas de productivité; on garde à peu près la même chose.

M. Poulin: J'ai une autre question; il me reste deux questions. Cela va être court. Dans votre mémoire, vous traitez des simplifications écologiques et de leurs conséquences. Dans votre exposé, M. Lortie, vous n'avez pas tellement présenté ce thème.

M. Lortie: De?

M. Poulin: Quand vous parlez de simplification écologique et des conséquences...

M. Lortie: Dans...

M. Poulin: ...dans votre exposé.

M. Lortie: Je vous ai dit que le mémoire déposé, c'était notre position et que moi, j'ajoutais... Là-dessus, si vous voulez, on peut y retourner à ce mémoire.

Je ne suis pas un sylviculteur, mais je peux vous dire que les peuplements simples sont généralement plus vénérables à un tas de choses. Encore que la forêt boréale, c'est une forêt relativement simple en composition parce qu'il y a à peu près quatre espèces dedans, et elle en couvre grand. Mais je crois, personnellement, qu'une plantation est plus sensible à des insectes, à des maladies, qu'une forêt naturelle.

M. Poulin: Une dernière question. Vous avez parlé du bénéfice d'une meilleure compréhension de notre part, en page 8. Qu'est-ce que vous entendez par le déséquilibre occasionné par une simplification écologique? Aussi, vous parlez de conséquences funestes. Alors, j'aimerais que vous nous parliez de ces deux points et que vous les expliquiez plus en profondeur.

M. Vézina: Oui, je fais allusion à ce que j'ai dit tantôt, c'est-à-dire au fait que le sapin, depuis 50 à 70 ans, a largement remplacé des anciennes forêts d'épinette. On peut penser que l'une des causes, peut-être la principale cause, non pas du fait qu'on ait des épidémies de tordeuses, mais de l'ampleur qu'ont pris récemment les épidémies de tordeuses des bourgeons de l'épinette, provient de l'extension du sapin. On pourrait faire un parallèle aussi avec une autre essence, une essence d'ombre, c'est-à-dire qui se régénère sous les vieux arbres comme le sapin, l'érable à sucre. Avec le dépérissement, c'est la même chose. Votre érable à sucre est envahissant: il envahit des terrains où on avait d'autres types de forêts autrefois. Alors, l'érable à sucre n'est pas toujours dans une situation convenable au point de vue écologique et, évidemment, toutes les manifestations qui s'en suivent, eh bien, c'est le phénomène des épidémies de tordeuses ou encore du dépérissement. Je pense que ce sont des choses qu'on peut corriger en aménageant la forêt de façon plus intensive, par la plantation, lorsqu'on plante la bonne essence dans le bon sol, dans le bon climat, au bon endroit et au bon moment.

M. Poulin: Est-ce que c'est un symbole, quand on parle de simplification écologique, que de planter juste une espèce?

M. Vézina: Pardon?

M. Poulin: Quand on parle de ne planter qu'une seule espèce, est-ce que ce n'est pas parier de simplification écologique?

M. Vézina: Vous voulez dire quand on parle de monoculture, quoi; dans un endroit donné lorsqu'on plante une seule espèce. Non, à mon point de vue, la question des monocultures, je ne trouve pas que c'est là le problème. Justement, mon confrère faisait allusion tantôt au fait que la forêt boréale est composée de vraiment peu d'espèces. Le problème, c'est plutôt, je viens de le mentionner, de planter la bonne espèce, au bon endroit, de la bonne façon. Si on regarde notre forêt d'épinettes noires, plus au nord, elle est composée très majoritairement d'épinettes noires et on n'a pas de problème. Si on s'en allait dans des pays comme le Zaïre ou le Brésil, évidemment, et qu'on plantait une seule espèce, bien là, cela pourrait causer des problèmes parce que la forêt naturelle est constituée, peut-être, d'une centaine d'espèces. Dans le sud du Québec aussi, au Québec méridional, il faudrait faire attention. C'est toujours la question du choix de l'espèce.

M. Poulin: Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Chauveau. J'aurais quelques questions à M. Lortie et à M. Vézina.

M. Poulin:...

Le Président (M. Saint-Roch): J'apprécie le privilège, M. le député de Chauveau. Il y a une chose qui m'apparait depuis mardi que nous écoutons des intervenants. On nous a dit que c'était 10 000 000 000 $ de contribution à l'économie québécoise, tous les produits que génère notre forêt; on a parié de 250 000 emplois. Ce qui m'étonne, ce matin, c'est que je me serais attendu - vous l'avez un peu effleuré M. Lortie - à ce que vous auriez fait une sortie un peu plus vigoureuse en ce qui concerne la recherche. Mon collègue de Verchères a parié de détection, et vous avez dit: Oui, on en a, mais cela ne couvre probablement pas tous les insectes; il y aurait peut-être d'autres recherches à faire là. D'autres intervenants sont venus nous dire la même chose pour les pesticides, qu'ils soient chimiques ou biologiques.

Quand je regarde l'ensemble de ce secteur, on dit qu'on a dépensé à peu près grosso modo 21 000 000 $ en 1985-86, le Québec à peu près 1 000 000 $, et on parle d'aller à 4 000 000 $. J'aimerais que vous nous disiez, en tant qu'experts puis gens de faculté, quel serait, d'après vous, le montant idéal de recherche si on veut soutenir la croissance et le développement de cette industrie.

M. Lortie: Tout d'abord pour commencer M. le Président, on ne fera pas de recherche si on n'a pas de chercheurs. Déjà, on a énormément de difficultés à garder les sujets les plus prometteurs à faire de la recherche. La compétition pour les emplois est telle qu'être chercheur, au moins pour le début de sa carrière, c'est faire oeuvre de pauvreté. Et là je parle d'étudiants diplômés au niveau de la maîtrise et du doctorat qui gagnent 11 000 $, 12 000 $ ou 13 000 $ par année, et il y en a qui gagnent moins que cela. Alors, vous comprenez que, si on n'a pas de chercheurs, on n'a pas de recherche. De ce côté, on a un absolu besoin de former des chercheurs, et pas seulement au Québec. On peut les envoyer ailleurs pour prendre d'autres expériences et recevoir des gens d'ailleurs qui viennent chez nous pour prendre nos expériences, etc., mais il y a une faiblesse de ce côté qui est incroyable.

Non seulement la faiblesse en argent est incroyable, mais j'ai eu récemment, il y a à peu près un an et demi, l'occasion de passer un certain temps dans un hôpital où j'ai rencontré un spécialiste en endocrinologie qui venait jaser avec moi tous )es midis et qui, pariant de recherche, me disait: J'ai abandonné la recherche. C'était un chercheur qui allait tous les ans - il avait son salaire assuré par l'université - chercher 30 000 $, 40 000 $ ou 50 000 $ pour lui permettre de faire de la recherche. Donc, c'était un chercheur qui avait un statut moyen en médecine; relativement bien connu, il se déplaçait. Il m'a dit et m'a confirmé ce que je savais déjà, qu'il fallait passer des semaines entières à rédiger des demandes de toutes sortes, de toutes longueurs, à répéter continuellement pourquoi il faut faire ci, pourquoi il faut faire ça, à qui il fault s'adresser, ce qu'on espère trouver. Les formules s'accumulent. Ce sont des formules - excusez, je vais nommer des si-gles - du CRSNG, du FCAR, et de tous les organismes subventionnaires puis, au bout de cela, vous attendez la charité, s'il vous plaît, pour faire vivre l'étudiant qui attend après cela pour vivre, et on vous dit une bonne année: Bien, cette année, on n'a pas beaucoup d'argent, on ne peut pas vous donner un sou. Faites-en des chercheurs! Mettez... Je suis prêt à prendre 500 000 $, 2 000 000 $ si vous voulez, mais je peux vous dire une chose: Je vais peut-être avoir de la misère à les dépenser parce que je n'aurai peut-être pas ass&z de chercheurs pour faire le| travail qu'il faut.

Le Président (M. Saint-Roch): Je ne voudrais pas abuser du temps des questions, mais j'aimerais vérifier quelque chose avec vous, M. Lortie. On parle de création d'une agence spatiale à Montréal. On vient d'annoncer 110 000 000 $ avec la création d'un groupe de 44 chercheurs pour prendre soin de la dépollution et de l'assainissement du Saint-Laurent. Est-ce que ce ne serait pas cela la solution, soit la création quelque part au Québec d'une unité spécialisée en recherche où il y aurait des budgets bien connus

avec un parrainage de l'industrie et du gouvernement?

M. Lortie: Si vous voulez. C'est une possibilité, mais les structures pour moi, c'est secondaire. On peut arriver à faire faire des travaux où on veut si on donne les moyens pour les faire. Cela peut être dans une université, un consortium d'universités, un institut indépendant, un institut gouvernemental, sauf que je sais, comme universitaire, que je ne pourrai pas faire ma "job", et mon collègue ici ne pourra pas faire non plus son travail proprement dit de professeur, si on n'a pas les moyens de faire faire certains travaux de recherche dans notre spécialité par ceux qui sont là. Les structures ne me fatiguent pas. Ce qui me fatigue, c'est l'argent assuré. Et à l'heure actuelle, c'est loin d'être assuré. À chaque année, c'est une bataille. Je suis doyen depuis un mois. Depuis un mois, les professeurs entrent dans mon bureau: As-tu eu des nouvelles de...? As-tu eu des nouvelles de...? As-tu eu des nouvelles de...? Pendant ce temps-là, on a engagé de l'argent pour des étudiants qui sont déjà sur le terrain et houp! tout d'un coup, on apprend que oui, l'un a de l'argent, mais l'autre, non, il n'en a pas. On ne sait pas comment on va faire pour le financer.

Le Président (M. Saint-Roch): Or, le programme de recherche CRSNG serait un atout.

M. Lortie: Ah oui!

Le Président (M. Saint-Roch): Je remercie les gens de la Faculté de foresterie et de géodésie de l'Université Laval pour leur apport aux travaux de cette commission.

M. Lortie: Cela nous a fait plaisir, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): Je demanderais maintenant aux représentants de la Fédération québécoise de la faune de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Dans un premier temps, permettez-moi de souhaiter la bienvenue à la Fédération québécoise de la faune. Je demanderais, s'il vous plaît, à son porte-parole de bien vouloir s'identifier et d'identifier aussi les gens qui l'accompagnent pour les bénéfices des membres de la commission.

Fédération québécoise de la faune

M. Jean (Yves): M. le Président, mon nom est Yves Jean. Je suis vice-président de la Fédération québécoise de la faune. Mon collègue de gauche, Claude Marcouillier, est directeur général de la fédération et mon collègue de droite, Daniel Vanier, est biologiste à la fédération.

M. le Président, vous avez sans doute de même que vos collègues le mémoire devant vous.

Alors, je ne le lirai pas au complet. Je vais plutôt vous en lire des extraits de la façon la plus logique que possible, évidemment, dans le temps qui nous est donné.

La Fédération québécoise de la faune est heureuse de vous présenter son mémoire concernant la politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier. La FQF estime qu'il n'y a aucune opposition, même soi-disant apparente, entre l'objectif d'atteindre ou de maintenir le rendement soutenu des forêts et celui de réduire l'usage de pesticides en milieu forestier. Lors de ces interventions précédentes dans ce dossier, la FQF a toujours demandé au gouvernement de mettre l'accent sur des techniques d'aménagement visant la prévention et sur les méthodes alternatives à l'utilisation des pesticides. Le but visé par la FQF est donc de réduire au maximum l'utilisation des pesticides et leurs impacts sur l'environnement et la santé humaine.

En étudiant le document de support concernant la politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier, la FQF trouve déplorable que le gouvernement du Québec considère essentiellement la forêt comme un immense champ de matières ligneuses à des fins de production industrielle. La FQF...

M. Charbonneau: Excusez-moi, M. le Président, je pense que le mémoire s'adresse, entre autres, au ministre délégué aux Forêts. Je suggérerais qu'on suspende quelques minutes et qu'on attende que le ministre revienne. Ce serait • plus poli pour les gens. /

Une voix: Merci, M. le député.

Le Président (M. Saint-Roch): Nous allons suspendre nos travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 51)

(Reprise à 13 heures)

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît!

Est-ce que les représentants de la Fédération québécoise de la faune voudraient bien prendre place, s'il vous plaît?

La commission reprend maintenant ses travaux. M. Jean.

M. Jean: La FQF estime qu'il n'y a aucune opposition, même soi-disant apparente, entre l'objectif d'atteindre ou de maintenir le rendement soutenu des forêts et celui de réduire l'usage de pesticides en milieu forestier. Lors de ses interventions précédentes dans ce dossier, la FQF a toujours demandé au gouvernement de mettre l'accent sur des techniques d'aménagement visant la prévention et sur des méthodes alternatives à l'utilisation des pesticides. Le but visé par la FQF est de réduire au maximum l'utilisa-

tion des pesticides et leurs impacts sur l'environnement et la santé humaine.

En étudiant le document de support concernant la politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier, la FQF trouve déplorable que le gouvernement du Québec considère essentiellement la forêt comme un immense champ de matières ligneuses, à des fins de production industrielle. La FQF considère qu'une politique-cadre d'aménagement de la forêt, qui comprend entre autres une politique de prévention et de lutte contre les insectes nuisibles et la végétation compétitive, doit respecter l'intégrité de l'écosystème forestier et de l'ensemble de ses ressources dans le cadre d'une stratégie de développement durable de ce milieu.

Je vais à la partie 2, qui est un bref rappel des propositions de la FQF à la commission parlementaire sur le projet de loi sur les pesticides. À la commission parlementaire sur l'avant-projet de loi sur les pesticides en 1987, la FQF avait formulé plusieurs recommandations et suggestions afin de mieux répondre à l'objectif du gouvernement de réduire et de rationaliser l'usage des pesticides.

Une des recommandations les plus importantes du mémoire de la FQF, et aussi de plusieurs autres groupes gouvernementaux, était d'exiger que la loi sur les pesticides s'applique aux activités sylvicoles et agricoles. Le gouvernement donna raison à ces organismes en modifiant l'avant-projet de loi de manière à obliger les aménagistes forestiers à obtenir un certificat de compétence et à se conformer au code de gestion pour l'utilisation des pesticides en forêt.

Le mémoire de la FQF insistait beaucoup sur le développement d'une nouvelle approche pour la lutte contre les organismes nuisibles. La FQF favorisait les moyens préventifs ou de remplacement à l'utilisation des pesticides. J'insiste là-dessus parce que cela revient régulièrement. Pour nous, c'est évidemment une question, non pas uniquement de philosophie, mais de politique de gestion de fonds.

D'autres propositions furent amenées par la FQF à cette commission parlementaire. Il s'agissait de propositions concernant la possibilité de prohiber l'utilisation de certains pesticides et leur vente, la mise en place de cours de formation, de favoriser l'accès à l'information, la création d'un conseil consultatif sur les pesticides, l'imposition d'une taxe sur les pesticides afin de financer, entre autres, la recherche. Les commentaires et les propositions que nous formulons dans le cadre de cette commission parlementaire s'inspirent grandement de la philosophie et des orientations prises dans le mémoire de notre fédération sur l'avant-projet de loi sur les pesticides.

À la partie 3, nous avons émis un certain nombre de commentaires sur les principes directeurs de cette politique qui nous est présentée. La FQF trouve important que le gouvernement se base sur des principes directeurs...

M. Vanier (Daniel): M. le Président, on aimerait que le ministre nous écoute.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Jean, si vous voulez poursuivre, s'il vous plaît.

M. Jean: C'est à cela que servent des collègues, entre autres. La FQF trouve important...

M. Camden: Je voudrais rappeler à nos invités de s'adresser au Président, et de ne pas faire les invitations directement à aucun membre de la commission, mais de s'adresser toujours au Président.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Jean, si vous voulez poursuivre, s'il vous plaît.

M. Jean: La FQF...

M. Charbonnesiu: Juste une seconde. Je veux juste expliquer à mon collègue qu'il est peut-être urgent... Je n'ai pas fait de crise tantôt, mais je voudrais qu'on comprenne que c'est un des mémoires importants. Ce n'est pas parce qu'il en reste seulement deux à la fin, qu'on doit être moins attentifs. Ce que je disais au ministre, c'est qu'il était bien chanceux que je ne lui aie pas payé une traite pendant dix minutes pour dénoncer l'attitude qu'il a eue tantôt, parce que c'est inacceptable. Je n'ai pas envie de faire un grand plat avec cela, mais je pense, compte tenu de l'importance de cette politique, on a été attentifs par rappori: au point de vue de toute l'industrie. Là, on a un point de vue qui est un peu l'envers de la médaille. On en a eu quelques-uns. On n'en a pais eu des tonnes, assez, peut-être, à notre point de vue. Je pense qu'il faut qu'on fasse en sorte que les gens soient...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Si vous me le permettez.

Le Président (M. Saint-Roch): Très brièvement, M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, si vous me permettez de me donner l'occasion de m'excuser, ce n'était pas fait intentionnellement, cela a été peut-être interprété de même. Je ne savais pas que cela ferait cela. J'avais un téléphone à faire et je devais revenir; c'est ce que j'ai fait. Tout simplement, je m'excuse.

M. Charbonneau: Bien, oui, mais je veux . dire, c'était une question de réflexe, M. le \ ministre. Vous n'aviez pas pensé que...

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Verchères!

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je ne savais pas.

Je n'ai pas votre expérience.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Verchères, M. le ministre, ces clarifications étant apportées, je vais maintenant reconnaître M. Jean pour continuer, s'il vous plaît, la déposition de son mémoire.

M. Jean: Donc, la FQF trouve important que le gouvernement se base sur des principes directeurs, oui, mais émet des craintes justifiées quant à l'application des principes. Le premier principe directeur touche les risques pour la santé humaine et l'environnement. Ainsi, le gouvernement stipule, et je cite: "L'utilisation de pesticides en milieu forestier, contre les maladies et les insectes ou pour des fins d'aménagement forestier, ne doit pas nuire à la santé humaine ni aux écosystèmes."

La FQF propose les modifications suivantes à ce principe directeur. Le nouvel énoncé se lirait comme suit: "Étant donné les risques pour la santé humaine et l'environnement de l'utilisation des pesticides, leurs usages devraient être envisagés par le gouvernement et les titulaires de contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier comme un dernier recours et seulement dans les cas d'épidémies très graves et lorsqu'on aurait utilisé tous les moyens de remplacement. Advenant la nécessité de leurs utilisations, les pesticides ne doivent pas nuire à la santé humaine et aux écosystèmes."

Cette modification permettrait au gouvernement de respecter la volonté du ministère de l'Environnement de réduire au minimum l'usage des pesticides au Québec. L'énoncé proposé par la FQF demeure plus explicite et donne un encadrement plus restreint à l'utilisation des pesticides en milieu forestier.

Le deuxième principe directeur énoncé par le gouvernement touche à la consultation de la population. Il se lit comme suit: "La population doit être informée et doit pouvoir se faire entendre sur l'utilisation des pesticides en milieu forestier."

La deuxième solution, donc le deuxième scénario envisagé par le gouvernement dans le document de support qui consiste à modifier le règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement, pour permettre l'utilisation en milieu forestier de deux pesticides, le B.t. et le glyphosate, est en complète contradiction avec le deuxième principe directeur. Cette proposition gouvernementale est pour nous inacceptable. Le règlement sur l'évaluation et sur l'examen des impacts sur l'environnement, tel que formulé actuellement, demeure un droit acquis selon la FQF. À notre avis toujours, le gouvernement veut éviter tout débat concernant la gestion forestière.

Le gouvernement ne peut établir un programme d'arrosage de pesticides en milieu forestier sans qu'il y ait un débat de fond sur sa politique forestière.

Les justifications de l'existence d'un programme d'arrosage de pesticides sont partie intégrante de sa politique d'aménagement et de gestion de nos forêts. Il s'avère impossible et incohérent de séparer ces deux aspects surtout lorsque le gouvernement affirme sa volonté de réduire au minimum l'usage des pesticides en milieu forestier.

La FQF propose les modifications suivantes au deuxième principe directeur. Il se lirait comme suit: "Afin que la population soit informée et puisse être consultée sur l'utilisation des pesticides en milieu forestier, tout programme d'arrosage de pesticides doit suivre les modalités comprises dans le règlement actuel sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement. Toute politique gouvernementale d'information concernant l'utilisation des pesticides en milieu forestier devrait tenir compte non seulement des aspects environnementaux et de la santé humaine, mais aussi et prioritairement des moyens préventifs et/ou de remplacement."

Le troisième principe directeur de cette politique nous donne un aperçu de la vision gouvernementale concernant l'utilisation des pesticides en milieu forestier. Alors, le principe est le suivant: "La forêt publique constitue une ressource collective renouvelable à protéger et à mettre en valeur; les pesticides homologués font partie des outils utilisés à cette fin."

La FQF considère l'utilisation des pesticides en milieu forestier comme un dernier recours après qu'on a épuisé tous les moyens préventifs et de remplacement. Ainsi, selon la fédération, la politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier devrait plutôt s'appeler politique de prévention et de lutte contre les ravageurs et la végétation compétitive en milieu forestier. Cette politique serait établie en fonction de quatre axes. Premier axe: programme de recherche scientifique afin d'acquérir les connaissances de base sur l'écologie et la dynamique des populations de certains ravageurs, de leurs impacts sur la végétation forestière, etc. Deuxième axe: prévention. Troisième axe: moyens de lutte autres que les pesticides. Quatrième axe: utilisation des pesticides homologués comme un dernier recours et dans les cas d'épidémies très graves.

La politique de prévention et de lutte, présentée par la fédération, devrait donc être intégrée dans ce troisième principe directeur. La FQF souligne que cette politique respecte le principe défendu par le ministère de l'Environnement de toujours réduire au minimum l'usage des pesticides.

Pour accélérer un peu ces quatrième, cinquième et sixième principes directeurs, je conclus cette partie en vous lisant l'énoncé global de la politique proposée par la FQF. L'énoncé est le suivant: Politique de prévention et de lutte contre les ravageurs et la végétation compétitive en milieu forestier, à la page 18.

Pour répondre aux objectifs d'un développement durable des différentes ressources du

milieu forestier, le gouvernement devra mettre sur pied une politique de prévention et de lutte contre les ravageurs et la végétation compétitive. Cette politique devrait favoriser un programme de recherche visant l'acquisition de connaissances de base. Pour ce qui est des interventions, elle devrait favoriser toute mesure de prévention réduisant la vulnérabilité en premier lieu des peuplements forestiers face aux ravageurs et l'émergence de la végétation compétitive. Par la suite, si les mesures de prévention ne sont pas suffisantes, le gouvernement devrait favoriser des moyens de rechange pour réprimer les épidémies et contrôler la végétation compétitive. L'utilisation des pesticides demeure le dernier recours de cette politique gouvernementale, après avoir épuisé toutes les autres mesures et seulement dans les cas d'épidémies très graves. Tout programme d'arrosage de pesticides en milieu forestier dort suivre les modalités comprises dans le règlement sur l'évaluation et l'examen d'impact sur l'environnement. L'utilisation de pesticides homologués doit se faire sans nuire à la santé humaine et aux écosystèmes. Donc, c'est évidemment un résumé très synthétique de toute cette section.

À la quatrième partie, nous vous donnons nos commentaires sur les deux scénarios qui nous ont été présentés. Avant d'aborder plus explicitement chacun des deux scénarios, la FQF tient à faire remarquer au gouvernement que les solutions envisagées par celui-ci ne correspondent pas aux principes directeurs de la politique développée dans les sections précédentes du document de support. Premièrement, la FQF rejette les solutions envisagées par le gouvernement dans le cadre de cette commission parlementaire. Deuxièmement, il s'agit pour nous de deux pièges. La FQF exige donc le statu quo pour le règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement. Troisièmement, nous proposons donc certaines modifications pour renforcer certains aspects du règlement que je viens de mentionner.

En ce qui concerne le premier scénario, programme de cinq ans d'utilisation des pesticides, cette proposition vise à regrouper tous les programmes d'arrosage de pesticides en milieu forestier couvrant une période de cinq ans et conforme à la réglementation actuelle. L'étude d'impact serait étudiée et analysée lors d'une seule audience publique. La FQF trouve inacceptable cette solution, car nous considérons qu'elle est pratiquement irréalisable sur le plan technique. De plus, l'étude et l'analyse de plusieurs programmes d'arrosage ayant des caractéristiques distinctes sur plusieurs aspects deviendraient rapidement un véritable casse-tête pour les participants aux audiences publiques et contreviendraient à un des principes de base du processus de consultation, c'est-à-dire une information claire et vulgarisée permettant une meilleure compréhension et participation des citoyens à l'examen des études d'impact. La FQF considère cette tciche comme irréalisable et préfère le statu quo du processus actuel. D'autre part, afin d'éviter des procédures répétitives pour des projets semblables avec des produits identiques, la FQF est d'accord qu'il n'y ait qu'une seule audience publique concernant le programme de pulvérisation des phytocides en milieu forestier d'une durée de cinq ans, regroupant l'ensemble des promoteurs et des intervenants dans ce dossier. Voilà pour les commentaires sur le premier scénario.

Deuxième scénario: l'utilisation du B.t. et du glyphosate sans étude d'impact. Afin d'éviter tout débat public concernant la gestion de nos forêts par le ministère de l'Énergie et des Ressources et l'industrie forestière, le gouvernement veut tout simplement soustraire de la procédure d'impact les deux principaux pesticides qui sont ou seront utilisés clans nos forêts. La FQF trouve inadmissible et inacceptable ce scénario présenté par le gouvernement. ^ s'agit, à notre avis, d'un dangereux précédent. Pour la FQF, il n'est aucunement question de donner un chèque en blanc à l'industrie forestière et au ministère de l'Énergie et des; Ressources pour pratiquer l'arrosage de ces deux pesticides. (13 h 15)

Le règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement et la procédure d'audiences publiques ont permis à de nombreux groupes et citoyens de se prononcer dans le dossier controversé des arrosages de pesticides en milieu forestier. Les audiences publiques du BAPE et la participation de plusieurs groupes environnementaux ont provoqué une conscientisa-tion de la population face à l'état de dégradation de nos forêts.

Même si le B.t. et le glyphosate sont homologués au niveau fédéral, la FQF considère qu'ils doivent quand même suivre le processus d'évaluation et dexamen des impacts sur l'environnement, car celui-ci permet de juger de la pertinence et de la nécessité de tout programme d'arrosage. Alors, il faut voir une chose bien claire là-dedans pour nous, c'est que, dans un processus d'étude et d'évaluation des impacts, les promoteurs en question devraient présenter des plans de prévention et des plans d'aménagement forestier autres que l'utilisation de pesticides, d'où l'importance donc de conserver ce processus, d'évaluation.

En conclusion pour cette section, la FQF exige que le gouvernement maintienne le règlement actuel sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement et rejette les deux solutions envisagées.

Nous avons à la partie 5 d'autres suggestions, donc, quelques recommandations concernant le processus d'évaluation en question. Je saute par-dessus, étant convaincu que, s'il y a des ambiguïtés, il y aura des questions.

En conclusion, il est évident que le gouvernement évite tout débat de fond concernant sa politique d'aménagement et de gestion de la

forêt. Pourtant, la FQF considère ce débat nécessaire si le gouvernement veut vraiment appliquer sa loi sur les pesticides et réduire au minimum l'utilisation des pesticides dans le milieu forestier. Non seulement cette commission parlementaire évite ce sujet, mais elle démontre les intentions fermes du gouvernement de sabrer dans le règlement d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement. La FQF s'oppose systématiquement à toute mesure gouvernementale visant à réduire l'importance de ce règlement. Enfin, est-ce que le gouvernement a déjà oublié son virage écologique? La FQF doute énormément que les politiques du gouvernement répondent aux objectifs d'un développement durable des différentes ressources de la forêt et qu'elles soient en accord avec les principes de la stratégie mondiale de conservation, à laquelle d'ailleurs le gouvernement du Québec a déjà adhéré.

La FQF, forte de ses 252 associations et de ses 200 000 membres, continuera à être très vigilante pour protéger notre patrimoine faunique et forestier vis-à-vis des différentes activités sylvicoles liées à l'exploitation de nos forêts.

Alors, même si ce n'est pas écrit explicitement dans notre document, on a voulu quand même être assez concis dans ce mémoire, malgré qu'il ait une trentaine de pages. Il va de soi que toute cette discussion de fond pour nous implique que la forêt est une ressource collective d'abord, évidemment, mais aussi un bien collectif. Évidemment, dans notre cas, on parle d'habitats fauniques. Pour nous, en discutant d'une politique d'utilisation des pesticides, c'est évident que l'on ne retrouve évidemment jamais cet aspect d'habitat faunique; primo, on retrouve très peu le type d'impact que pourrait avoir l'utilisation de ces produits sur le reste de la faune. Quand je dis le reste de la faune, ce ne sont pas les insectes qui sont visés. Il y a effectivement des études qui existent et d'après nos connaissances, en tous les cas, d'après notre documentation, il ne semble pas y avoir terriblement d'études. À toutes fins utiles, c'est nul sur les autres espèces fauniques qui vivent dans ce grand habitat qu'est la forêt du Québec. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Jean.

Je vais maintenant reconnaître M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Excusez. Je suis un peu bouleversé, mais en tout cas. J'ai participé à quelques reprises au congrès de la protection de la faune et vous connaissez ma position. Je l'ai dit à votre président et dans mon comté dernièrement à Rivière-du-Loup. Il reste que, lorsqu'on parle d'habitats fauniques, c'est sûr que dans la Loi sur les forêts on a eu des discussions. La Loi sur les forêts n'est pas née du jour au lendemain. Cela n'a pas été instantané. Il y a eu des débats, en plus des commissions parlementaires, qui ont eu lieu, à la suite surtout de l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette qui a détruit quelque 235 000 000 de mètres cubes, quasiment 300 000 000 de mètres cubes au Québec. Dans ce secteur, on a essayé d'en récupérer un peu. Le Dr Lortie était ici ce matin, le doyen de la faculté. Quand on a décelé le début de l'épidémie, c'était en 1967 et on a pu intervenir en 1971, alors que c'était rendu au stade épidémi-que, alors qu'il était trop tard. C'est la conséquence de tout cela qui est arrivé après. Le Dr Lortie disait: Si on a un bon système de dépistage, qu'on le fait correctement et qu'on a les budgets pour le faire - chose qu'on n'a pas actuellement, on a tendance à l'améliorer - il y aura beaucoup moins de conséquences en intervenant rapidement avec les moyens qu'on connaît. Evidemment, il a bu du B. t. comme bien d'autres, lui aussi, du glyphosate aussi; certains ont bu du glyphosate; ils sont encore en vie. Il dit: Si on intervient rapidement avec les moyens qu'on connaît puis même, dans certains cas, avec des produits chimiques, on contrôlera immédiatement le début, le départ, et - il le disait également - les musaraignes ou les rongeurs ou les oiseaux pourront continuer à contrôler naturellement, supposons, ces insectes. Je pense qu'aujourd'hui on est obligés de faire cela, d'intervenir.

Vous, vous dites dans votre mémoire qu'il faut attendre que l'épidémie soit très grave. Mais quand l'épidémie est très grave, à mon avis, il est trop tard. Il est trop tard puis on connaît les désastres qu'on connaît aujourd'hui. Hier, les propriétaires des forêts privées nous disaient qu'ils ont perdu 22 000 000 de mètres cubes de bois sur leurs lots, à cause de l'épidémie. Mais cela provient de quelque part; il y a quelqu'un qui a des responsabilités là-dedans. Mais laisser porter jusqu'à ce point-là, moi, je ne suis pas capable de recommander cela, M. Jean.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Jean.

M. Jean: II faut voir une chose très importante, là. Il faut nuancer d'abord. Ce que la fédération dit, ce n'est pas de ne rien faire jusqu'à ce qu'il y ait des épidémies très graves et, au niveau de l'épidémie très grave, donc, d'utiliser le dernier recours que sont les pesticides. Ce n'est pas ce qu'on dit. Le type de planification forestière que l'on connaît depuis très longtemps, depuis plusieurs décennies au Québec, fait en sorte qu'on a des plans d'aménagement forestier. Si je ne me trompe pas, il y a 80 % des coupes qui sont des coupes à blanc sur de grandes superficies. C'est un type de gestion forestière. Puis il y a d'autres types de gestion forestière qui sont, par exemple, les coupes par bandes, par trouées, par damiers, bon, etc. Cela, c'est un autre type de gestion forestière. Donc, ce qu'on dit, c'est: Oui, il faut faire quelque chose dès le début, il faut faire quelque chose, évidemment, constamment. Mais ce qu'il faut, à

notre avis, faire, c'est modifier notre gestion forestière au Québec, modifier notre gestion forestière en fonction de l'ensemble des ressources qui sont là. Cela inclut, évidemment, toutes sortes de méthodes dirrérentes de remplacement, comme on le mentionne. Cela inclut, évidemment, des modes différents de plantation. Cela inclut, finalement, toute une foule de détails techniques qui font foi d'une politique différente de ce qu'on connaît actuellement. Et si le gouvernement s'aligne sur ce genre de politique, déjà, en partant, nous sommes convaincus que, sans nécessairement enrayer les grands fléaux écologiques qui puissent se produire - c'est peut-être possible, il faudrait voir dans l'histoire future - mais, sans les enrayer, peut-être qu'on va atténuer de beaucoup ce qu'on a connu actuellement.

Ce n'est pas pour rien qu'on a des épidémies très graves. Quand on a des peuplements à peu près homogènes partout, c'est évident que cela se répand assez rapidement. Quand les peuplements sont moins homogènes, cela commence à être plus difficile de se produire au point de vue écologique Alors, c'est cela qu'on dit. Donc, c'est modifier cette politique forestière. Et en passant, évidemment, en modifiant cela, vous allez, dans le domaine de la faune, favoriser tout un type d'habitat très favorable à la faune. Automatiquement, la ressource va en profiter. Si on fait cela, on s'aligne donc sur des résultats qui risquent d'être différents et si, effectivement, on se retrouve avec une menace très sérieuse, une épidémie très grave, en dernier recours, effectivement, on n'est pas pour rester les bras croisés à attendre là-dessus. Mais c'est en dernier recours, c'est différent comme politique que de prendre ces produits comme premier recours parce que c'est plus facile, parce que c'est moins onéreux, bon, etc., etc. Peut-être que c'est le cas, sauf que c'est malheureux, mais dans cette forêt-là il n'y a pas que la ressource ligneuse.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, c'est sûr, c'est certain cela; je suis entièrement d'accord et c'est pourquoi l'on prévoit l'utilisation polyvalente de la forêt et c'est pourquoi on a instauré, il y a un an et demi, un guide des modalités d'intervention en forêt pour essayer de protéger et pour que tous les utilisateurs en forêt se respectent. Cela a été fait en collaboration avec le ministre de l'Environnement et le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche pour protéger les cours d'eau, pour protéger les habitats fauniques, c'est-à-dire les ravages de cerfs et d'orignaux. On fait cela, mais c'est un début. Si cela ne s'est pas fait dans le passé, je suis entièrement de votre avis, nous sommes collectivement responsables de tout cela, puis il faut tenter de corriger, ces erreurs. C'est ce qu'on essaie de faire. Aujourd'hui, on fait une commission parlementaire sur un des moyens d'aménagement, un des moyens - ce n'est pas le meil- leur - un des moyens d'aménagement de la forêt. Vous parlez de coupe spéciale, de coupe jardinatoire, d'éclaircie précommerciale, de coupe de protection de régénération, de coupe par bandes, et j'en suis. Mais les erreurs sont là aujourd'hui; on fait face à tout cela. Il y a eu des épidémies dans le passé, même avant que je sois au monde. Il y avait des grands peuplements de mélèzes, il n'y en a plus aujourd'hui. Ce n'est pas dans les années 1910 qu'on a ravagé les forêts, comme on le prétend, avec des coupes excessives ou autres. La forêt du Nord est essentiellement composée de résineux et la forêt du Grand Nord, c'est 90 % d'épinettes noires. Quand on parle de forêt homogène, c'est une forêt homogène. Il n'y a pas tellement de problèmes là. Il y a des problèmes de régénération ou de temps de croissance, de rotation, de possibilités forestières, à la suite des opérations forestières parce que cela va être plus long, c'est sûr. Cela me va, tout cela. On est obligés, aujourd'hui, de corriger ce que j'appelle les erreurs du passé, on est obligés collectivement de le faire parce qu'on est responsables de tout cela. Il reste, je pense, qu'il faut respecter les autres utilisations de la forêt. C'est ce que je tente de faire avec les appuis que je peux trouver.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Marcouillier.

M. Marcouillier (Claude): Ma question, M. le Président, s'adress; e au ministre. Est-ce qu'à l'avenir, comme il le mentionnait, s'il veut favoriser... mais est-ce que le soustraire à l'évaluation, à l'examen des impacts sur l'environnement, à la procédure d'études d'impact, est-ce que, M. le ministre, vous croyez que c'est une façon d'y arriver?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, je suis pour les études d'impact. Vous avez une étude d'impact qui a été faite sur le B. t., sur le féni-trothion et sur la matacil. Elle est là, elle a été faite. Cette étude d'impact est passée à travers une audience publique. Cela a coûté au ministère seulement, 3 000 000 $ et je suis encore pour qu'on fasse des études d'impact environnemental. C'est bien sûr, je suis pour cela. Qu'on fasse des études d'impact, mais il faut qu'on développe des moyens qui ne seront pas au détriment de la santé, de l'écologie, de l'environnement, etc. Pour commencer, c'est cela: Qu'on développe des moyens efficaces d'aménagement. Cela, ce n'est qu'un moyen; c'en est un parmi d'autres, ce n'est pas le meilleur, cest comme le reboisement. Mais qu'on développe des moyens sûrs et efficaces d'intervenir pour faire des choses. Et qu'on fasse des études d'impact, d'accord, mais qu'on ne se mette pas dans la situation qu'on a vécue avec la tordeuse des bourgeons de l'épinette, qu'on évite cela. C'est la recommandation du doyen de la faculté.

Quand on parle d'aménagement, généralement dans le grand public, on parle de reboisement, mais, pour moi, le reboisement artificiel c'est ce qu'il y a de plus dispendieux et c'est le pire moyen. Encore là, il faut faire attention, il faut reboiser les bonnes essences, aux bons endroits, dans le bon temps, correctement et il faut planter des arbres, faire de la recherche pour avoir des arbres génétiquement forts pour qu'ils puissent ainsi combattre au début la végétation concurrente et résister aux maladies. Là, vous aurez ce qu'il faut, mais ce n'est pas instantané, tout cela. Je comprends vos interventions, et tout cela. Il y a eu des erreurs commises dans le passé, d'accord.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Vanier.

M. Vanier: M. le ministre, je voudrais répondre à une partie de votre première question de tantôt. C'est au niveau du réseau de dépistage. Premièrement, je voudrais vous souligner... Je m'excuse, M. le Président. M. le ministre?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, mais je n'ai plus de temps. (13 h 30)

M. Vanier: M. le ministre, sur la question du réseau du dépistage par piège à phéromones, etc., le réseau qui est actuel, c'est aller de l'avant... C'est sûr que cela fait partie de nos préoccupations à la Fédération québécoise de la faune. On est très d'accord que s'installe un réseau plus perfectionné pour permettre de dépister à la base. Cela fait partie des moyens de prévention aussi. Autre chose, s'il y a des foyers d'infestation vraiment localisés, mais vraiment sur de très faibles superficies, vous avez quand même, par le règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts, le droit d'intervenir aussi sur des superficies de moins de 600 hectares.

Actuellement, dans un article du Devoir de cette semaine, mercredi, on voit qu'il y a même une stratégie de certains intervenants forestiers, de certaines industries forestières qui profitent de ce fait pour passer quand même en dessous d'une étude d'impact. Elles utilisent ce moyen. Autre question importante, vous pariiez du guide des modalités d'intervention forestière. Il y a le projet de règlement qui va avec cela. À la Fédération québécoise de la faune, on a déjà présenté nos positions là-dessus, soit en commission parlementaire sur la Loi sur les forêts sur certains points, mais on dit aussi que le guide ne va pas assez loin dans certains domaines. C'est très clair de notre part et ce n'est pas juste la Fédération québécoise de la faune qui vous dit cela. Au dernier sommet sur la faune, M. Paillé, le sous-ministre, était là, et il peut en témoigner, l'ensemble des organismes nationaux reconnus de la faune étaient à la table de concertation. Il y a eu un consensus complet pour dire que ce guide n'allait pas assez loin pour la protection des habitats fauniques. Donc, il y a un travail important à faire la-dessus. À la suite du sommet, il a été décidé aussi - on verra par le comité de suivi - qu'il y ait la formation d'un groupe de concertation pour avoir un début de dialogue entre l'industrie forestière et les organismes nationaux reconnus de la faune, dont le nôtre. C'est un point important.

Le Président (M. Saint-Roch): En conclusion, s'il vous plaît, M. Vanier.

M. Vanier: En conclusion, rapidement, M. le Président, les 3 000 000 $ que coûte une étude d'impact... M. le ministre, je tiens à vous faire remarquer que la dernière étude d'impact a coûté peut-être ce montant et peut-être même un peu plus, mais il y a eu peut-être 1 500 000 $ qui sont allés dans les poches d'un certain consultant qui s'appelle André Marsan, une firme associée à M. Lavalin. Dans une des conclusions du rapport du bureau d'audiences, l'auteur lui-même du modèle d'étude d'impact, M. Holling qui est un grand scientifique de Colombie britannique disait que M. Marsan avait mal utilisé, à certains moments, le modèle et qu'on ne pouvait pas l'utiliser ainsi. Donc, il y a eu une erreur là-dessus. Je pense qu'il y a moyen de faire des études d'impact peut-être moins volumineuses, mais qui auraient autant de données, mais de manière à ce qu'elles coûtent moins cher. Je pense que...

Le Président (M. Saint-Roch): Si vous voulez conclure, M. Vanier.

M. Vanier: Oui.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci. Je ne veux pas vous enlever le droit de parole, mais je voudrais aussi qu'il reste quand même un peu de temps parce que le temps de parole que vous utilisez est compté à la formation et M. le représentant de l'Environnement a beaucoup de questions aussi pour vous.

Je vais maintenant reconnaître M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir sur un point que le ministre a abordé. Je pense qu'on commence à se rendre compte, avec les trois jours, que le point clé - je voudrais savoir si vous êtes d'accord avec cela parce qu'on en a un peu parlé tantôt - que le point crucial dans toute la politique... Je pense que les suggestions que vous avez faites à l'égard de la réécriture des principes directeurs et de leur reformulation sont intéressantes parce qu'elles sont plus pertinentes et plus à propos. Mais, à cet égard, j'ai l'impression que le coeur de cette politique qu'on appellerait moins politique d'utilisation des pesticides, mais politique de lutte contre les ravageurs, c'est vraiment un système de détection dans la mesure où on a deux problèmes. On a le problème de la

végétation concurrente, qui est un problème relié à l'exploitation qu'on veut avoir ou des essences qu'on veut avoir. C'est une chose. Mais le véritable problème qu'on rencontre est celui qui affecte la forêt. Au fond, Vautre affecte l'industrie parce que les essences qui poussent ne sont pas celles qu'elle veut. Mais ce qui détruit la forêt, la faune et les écosystèmes, ce sont les ravages faits par les épidémies. Si cette politique était fondée sur un système sophistiqué de détection qui n'existe pas actuellement, de l'aveu du ministre - je pense qu'on doit reconnaître sa franchise - un système basé sur des ressources humaines et financières adéquates pour être vraiment en mesure, comme on l'a fait dans la problématique des incendies de forêt, d'identifier... Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est cela, le coeur et que cela devrait être le fondement d'une politique de lutte? D'autant plus que, si on arrive à avoir un bon système de détection, comme vous venez de le signaler, on n'aura peut-être même pas besoin de modifier le règlement sur les études d'impact, étant donné qu'on peut déjà intervenir sans étude d'impact pour des superficies de moins de 600 hectares. Donc, si on peut avoir un système qui nous permet de connaître les foyers d'infestation rapidement, avant que cela atteigne 600 hectares - ce n'est pas rien, non plus, 600 hectares, cela fait une grande cour d'école, n'est-ce pas? - donc, il y a moyen de faire des interventions dans des superficies plus petites, qui nous permettraient justement d'éviter d'utiliser quelque type de produit que ce soit, que ce soient des produits chimiques ou même biologiques. Si on peut éviter d'en utiliser de toute façon sur des grandes superficies, je pense que c'est l'idéal.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Jean?

M. Jean: Alors, que l'on inclue dans une politique un système sophistiqué de dépistage, la FQF est entièrement d'accord avec cela. Que ce soit le coeur de la politique ou du type de gestion que l'on veuille faire, non. Et pourquoi? J'en ai parlé tantôt. Si c'est toujours la politique de restauration, la politique de réparer les pots cassés, c'est-à-dire que si on a une politique sophistiquée, c'est-à-dire un système sophistiqué de dépistage, on est d'accord, je le disais, parce qu'effectivement on est pris avec un problème qu'on n'enrayera pas du jour au lendemain. Mais si l'on ne base une politique que là-dessus, cela veut dire que l'on accepte, peu importe le type d'aménagement forestier que l'on fera, entre autres qui peut favoriser la répétition de ce genre d'épidémie, on accepte donc d'avoir périodiquement ces épidémies, graves, très graves, moins graves, etc.. et plutôt que de réparer l'épidémie, bien, on aura ajouté un morceau plus sophistiqué à l'arsenal, c'est-à-dire qu'on le dépistera avant. Cela évitera peut-être de se rendre jusque-là, mais c'est un élément du...

M. Charbonneau: D'accord, mais..

M. Jean: ...débat. Donc, c'est pour cela que pour nous, la FQF, ce n'est pas le coeur de la politique. Le coeur de la politique, c'est une politique de prévention. Et la politique de prévention, cela veut dire comment on aménage nos forêts. Si on continue à faire des coupes qui favorisent une régénération massive de sapins, on aura toujours des épidémies en question. Si on fait des coupes autrement, qui favorisent d'autres essences à planter selon le sol, le climat, etc., oui, c'est de l'ouvrage, mais c'est cela, l'ouvrage et la responsabilité d'un ministère voué à cette vocation et donc d'un gouvernement qui doit gérer, non seulement cette matière, mais cet élément comme habitat faunique et donc toutes sortes d'autres ressources.

M. Charbonneau: D'accord. Remarquez que formulé ou recentré comme vous venez de le faire, je suis d'accord avec votre point de vue. C'est-à-dire qu'il faut distinguer entre la prévention et un système rapide de détection. Quand on est obligé de détecter, c'est parce qu'il y a déjà une maladie, cela veut dire que la prévention n'a pas été efficace ou qu'il n'y en a pas eu.

Une voix: Exactement.

M. Charbonneau: C'est comme dans la maladie, c'est comme dans la criminalité. La prévention c'est qu'il n'y en a pas de criminalité ou il y en a moins. Quand les problèmes surviennent, quand des maladies surviennent ou quand des actes criminels! surviennent, c'est parce qu'on n'a pas fait assez de prévention ou qu'on n'a pas fait une prévention suffisamment adéquate. Donc, on se retrouve avec des problèmes. Néanmoins, un bon système, c'est à la fois une politique basée sur la prévention, mais aussi, parce que la prévention n'est |3as parfaite, il faut avoir un système de détection. Ce qui nous préoccupe aussi, pour ce qui est de cette commission, c'est l'usage des pesticides. Et l'objectif, disons officiel, de tout le monde c'est qu'on veut réduire au maximum l'utilisation de ces produits. Bon, une fois qu'on sait qu'on ne peut pas avoir un système de prévention parfait, il faut néanmoins avoir le système de détection le plus parfait possible, le plus sophistiqué possible, le plus efficace possible, pour qu'on puisse au moins éviter, quand on a des maladies ou des infestations, d'attendre qu'elles se propagent trop. Je pense qu'on se comprend à cet égard.

Vous avez critiqué un peu le premier scénario, en disant qu'il y a un problème de faisabilité. On a juste à regarder la pile que le ministre nous a indiquée en arrière de lui pour comprendre que cela, c'est une étude de faisabilité sur un produit, une étude d'impact sur un produit, pour cinq ans et pour une affaire. Alors, s'il faut avoir une super étude d'impact sur

l'ensemble des maladies et des problématiques dont on a parlé, les végétations concurrentes et tout ce que cela veut dire, l'ensemble des maladies qui existent et l'ensemble des produits qui existent, cela va prendre une bibliothèque. Dans ce sens, les industriels ont raison de craindre que le processus soit lourd et que finalement il n'y ait moyen d'intervenir d'aucune façon avant qu'on puisse avoir fini tout ce processus. Mais vous suggérez deux choses au fond, si je comprends bien. Vous dites, premièrement il faudrait distinguer des audiences ou un processus d'audiences et l'étude d'impact à l'égard des phytocides; donc, pour la lutte contre la végétation concurrente et ce qui doit être fait à l'égard des insectes et des maladies. Vous dites: II pourrait y avoir une seule étude parce qu'il y a moyen de planifier pour les phytocides, mais à l'égard de la problématique des maladies, si je vous comprends bien, vous suggérez qu'on en ait plus d'une, enfin, qu'on conserve le système actuel. Est-ce que vous seriez d'accord pour modifier le système actuel pour faire en sorte qu'on puisse fonctionner sur une base régionale ou par écosystème? Il y a des organismes qui sont venus nous parler des écorégions hier. Si on pouvait avoir des études d'impact sur la problématique des insectes ou des maladies, non pas une super étude - à l'autre extrême, c'est 350, si on calcule le nombre de contrats d'aménagement qui existe - mais entre les deux, si on s'alignait sur des écorégions qui existent et qu'on pouvait aussi produire des études en fonction de ces écorégions sur une base de cinq ans avec une programmation, est-ce que vous trouveriez qu'il y aurait quelque chose là qui serait un compromis ou une amélioration satisfaisante?

Une voix: Les deux types d'études?

M. Charbonneau: Ah oui! les deux types d'études, c'est évident.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Vanier.

M. Vanier: Oui, rapidement. Cela dépend de l'épidémie d'insectes. Comme on l'a dit, chaque insecte doit être étudié parce qu'il a des caractéristiques différentes, comme M. Lortie nous le disait tantôt, il a des comportements différents. Ils n'attaquent pas, tous, les mêmes espèces et on a vu, par la grosseur de l'étude d'impact qu'on a eu à travailler à un moment donné sur la tordeuse des bourgeons de l'épinette, que cela deviendrait une bibliothèque comme vous l'avez dit. Le petit problème, c'est que cela dépend de la grosseur de l'épidémie. Comme la tordeuse des bourgeons de l'épinette touche plusieurs régions à la fois, cela fait en sorte que c'est peut-être mieux qu'il y ait une étude d'impact... Mais si l'épidémie était très localisée pour cet insecte, c'est-à-dire si elle était dans une région spécifique, dans un type d'écosystème particulier, à ce moment-là, il y aurait possibilité que cela se fasse. Mais il faudrait quand même, et cela est un point précis, que les gens consultés ne soient seulement ceux de la région, mais des gens aussi sur le plan national, entre autres la Faculté de foresterie et de géodésie et notre fédération parce que nous, les chasseurs et pêcheurs, on va pêcher et chasser un peu partout. On vient de plusieurs régions. On va chasser dans une autre région, nous autres. Moi, je viens de la région de Montréal. Je vais pêcher dans la région de Québec. Donc, on est concernés un peu partout. Donc, ce serait important que cela garde le caractère national en ce qui concerne la consultation.

M. Charbonneau: D'accord. La seule chose qu'il faut qu'on comprenne, c'est que l'idée de ce processus par écorégion ou par région écologique et sur une programmation, c'est d'éviter aussi d'avoir à subir la contrainte du règlement actuel qui ferait que si on avait un problème étendu à plus de 600 hectares, parce que au fond, c'est cela... Si on le détecte rapidement, à moins de 600, on peut déjà utiliser sans étude d'impact et avec un bon système de détection... Mais si cela dépasse ça, l'objectif, au fond, d'avoir une programmation de cinq ans, c'est de ne pas être pris non plus à faire une étude d'impact et à laisser la maladie se propager. C'est d'avoir déjà en main un arsenal qu'on peut utiliser parce qu'on l'aura déjà soumis à une étude d'impact et on pourra déjà à ce moment-là...

Le Président (M. Saint-Roch): M. Vanier.

M. Vanier: Moi, j'irais plus loin dans votre idée, beaucoup plus loin parce que nous, on parle de prévention. Ce serait peut-être dans les régions, peut-être par région administrative ou par écorégion, on verra la procédure. C'est une suggestion que je fais comme cela. Que ce soit une politique d'aménagement et de gestion des forêts qui soit soumise aux cinq ans dans une écorégion ou dans une région administrative pour que les gens puissent... Nous autres, à ce moment-là, cela nous permettrait d'agir non seulement en ce qui concerne les politiques de coupe, mais aussi pour la protection des habitats fauniques en même temps. En même temps, on verrait - cela serait une des sections de l'étude - tout le côté qui touche la prévention des épidémies, les mécanismes de lutte ou les méthodes de lutte. Ce pourrait être intégré dans un autre genre de processus. Ce pourrait être les MRC qui s'en occupent, on ne le sait pas. Là, vous nous lancez une idée qu'on n'a pas eue sur papier. C'est un peu difficile d'y répondre. Mais cela demeure une idée qu'on pourrait étudier plus en profondeur prochainement si le gouvernement y donne suite.

M. Charbonneau: Bien, écoutez, j'espère seulement que les travaux de la commission

parlementaire vont être évalués au mérite par les deux ministères en question. Est-ce que vous avez une opinion particulière sur le processus d'homologation pour plusieurs et le nec plus ultra, la garantie suprême qui permet d'avoir le chèque en blanc, l'utilisation d'à peu près tout? (13 h 45)

Le Président (M. Saint-Roch): M. Jean.

M. Jean: L'intervenant qui nous a précédés a bien répondu, en tout cas à mon avis, là-dessus. Ce n'est pas parce que c'est le nec plus ultra que c'est sans défaut, que c'est sans danger. Alors, et c'est une raison, entre autres, qui fait... J'entendais tantôt quelqu'un dire: Oui, mais le B. t. a été étudié, on sait qu'il n'y a pas de danger, bon, etc., etc. Il y a un principe de base là-dedans aussi. C'est sûr que dans ce cas c'est biologique; donc, pour les gens c'est souvent moins frémissant. Mais ce n'est pas parce que c'est biologique que cela devrait nécessairement l'être, je dis bien nécessairement l'être. Actuellement, on pense peut-être à jouer sur la génétique de ces bacilles, et jusqu'où on va aller? Donc, notre idée, finalement au fond, c'est de dire, et j'en reviens aux produits homologués: Oui, on comprend bien qu'il y a un processus qui protège et qui nous donne certaines garanties, mais ce n'est pas tout. Donc, à ce moment-là, c'est important pour nous que la population soit consultée régulièrement.

Évidemment, on est conscients, et on n'est pas fous non plus, on est conscients qu'effectivement des études de 3 000 000 $ tous les deux mois, bon, etc., etc.. il faut à un certain niveau opérer; donc, il y a une espèce d'équilibre qu'il faut atteindre quelque part. Dans l'exemple des phytocides, c'est un peu ce que l'on dit. Mais il y a un autre niveau, où on ne peut plus descendre en bas d'un seuil minimum sans qu'il y ait un danger sérieux. Et c'est pour cela que même si c'est homologué, ce devrait être resoumis à des études d'impact. Dix ans après, les conditions de terrain ont changé. Qui sait, en ce qui concerne la ressource faunique comme telle, ce qu! a pu changer aussi. Donc, c'est important ces études d'impact. Et il y a tout l'aspect d'Information populaire, de conscientisation des gens, de gens conscientisés qui, après dix ans, quinze ans, ou après une période de temps, voient peut-être les choses autrement selon ce qui s'est passé dans les écosystèmes pendant cette période de temps. Donc, cela nous apparaît très important, cet aspect d'audiences publiques, et de suivre la procédure qui est déjà proposée.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Vanier?

M. Vanier: Un petit ajout rapide. Il faut dire que le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, si je ne me trompe pas, existe depuis huit ans. Ses procédures sont très bien connues. Les règles de procédure sont très démocratiques, la manière d'agir du BAPE, la période d'information, la période de dépôt des mémoires, c'est connu, c'est intégré dans la pratique des groupes environnementaux et des organismes reconnus nationaux de la faune, et aussi auprès de certains promoteurs à qui cela ne semble pas poser de problème de passer devant ces audiences-là. C'est sûr qu'il y a un coût associé à cela, mais cela demeure un acquis important, qu'on a obtenu en 1978, et un acquis même de prévention, parce que, au départ, on disait que cela permettrait de faire en sorte que certains projets ne puissent pas détériorer l'environnement, ou qu'on puisse y apporter des mesures, des médications. Il y a eu des idées quand même intéressantes lors de ces audiences publiques, qui ont été amenées et développées, soit par des groupes de citoyens ou par des experts, et qui ont fait changer toutes les questions environnementales, qui nous ont fait évoluer. Et c'est drôlement important.

C'est important aussi dans le cadre d'une stratégie mondiale de conservation et d'un développement durable des ressources à laquelle le ministre de l'Environnement, M. Clifford Lincoln, s'est associé fortement. C'est important aussi que cela entre dans ce cadre. Cela va jouer un rôle de plus en plus important dans le cadre d'un développement durable des ressources. Donc, c'est important de maintenir ce processus.

M. Charbonneau: II y a une remarque additionnelle que vous avez faite à la fin, sur laquelle vous êtes passé rapidement parce que vous disiez que si on avait des questions on y reviendrait. Je pense qu'il y en a une d'importance, qui est dans la logique du mécanisme des audiences publiques, c'est le financement des organismes. Si on veut que les citoyens participent efficacement, et que justement on évite que les audiences publiques ne dégénèrent en affrontements inutiles, en espèces de bordels passionnels, excusez l'expression, mais c'est un peu cela finalement, une espèce de cacophonie ou les gens se tirent des accusations de part et d'autre, II faut que finalement les groupes, et peut-être en particulier les groupes nationaux aient les moyens et les ressources pour faire un travail sérieux. Autrement dit, les groupes communautaires ou les organismes de défense d'intérêts comme le vôtre doivent être en capacité...

Est-ce que cela veut dire à votre point de vue que la politique qui existe actuellement, concernant le financement des organismes sans but lucratif dans le secteur de l'environnement, au sens large, pas; uniquement par le ministère de l'Environnement, mais par le ministère de l'Énergie et des Ressources, n'est pas adéquate?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Jean.

M. Jean: Je pense que le point important de votre intervention à retenir, sans parler de

chiffres, c'est effectivement que tous nos groupes, il y en a suffisamment au Québec, soient très bien supportés. Alors je pense que cela c'est un principe de base que le gouvernement doit entériner. Si on parlait de chiffres, on pourrait en parler longtemps, on pourrait parler de toutes sortes de pourcentages et beaucoup de gens s'obstineraient. Mais le principe de base est là. Entre autres, à la commission parlementaire sur la Loi sur les pesticides, on avait suggéré une idée de taxe en fonction des pesticides et même de niveau de taxation selon la toxicité des produits. C'est un exemple. Dans le milieu de la faune, vous savez sans doute tous qu'actuellement il y a des sous qui sont investis de toutes sortes de façons. On est rendus avec des fondations de tout bord et tout côté. Donc, il y a des choses qui se font aussi et il va falloir continuer à trouver des idées ingénieuses pour impliquer non seulement les organismes, mais les citoyens. Dans le domaine de la forêt, on dirait que ce genre de chose est plus difficile, peut-être parce que l'industrie, d'un point de vue financier, est très forte, beaucoup plus forte. En tout cas, l'élément est là. Pour en revenir aux notions d'audiences publiques, il y a une chose qui me faisait un peu rire tantôt quand j'ai entendu... et c'est vrai. Remarquez que cela donne toujours lieu à une certaine confrontation, entre guillemets, d'idées ou de braquage d'idées. Mais écoutez, c'est cela la démocratie. À ce compte, je me demande ce que le Parlement fait.

M. Charbonneau: Le Parlement, je vais vous dire, de temps en temps, c'est un beau bordel aussi. Mais il y a une idée qui me vient à l'esprit. Je regarde ce qui se fait dans le secteur des affaires culturelles où, depuis quelques années, le milieu culturel s'est orchestré, ou en fait a orchestré une revendication qui était le 1 %. Finalement, on a une espèce de barème où on peut évaluer l'intérêt et le sérieux de quelque gouvernement que ce soit à l'égard de l'aide au monde culturel. Est-ce qu'il ne serait pas temps, pour les organismes sans but lucratif dans le secteur de l'environnement et peut-être dans l'ensemble des secteurs, qu'on établisse un niveau par rapport à l'ensemble du budget gouvernemental en disant: 1 %, 0,5 % ou 2 %? Cela peut être plus, mais l'idée est d'être capable d'identifier un niveau acceptable pour faire en sorte que des organismes sans but lucratif dans notre société puissent être en mesure de donner des services. En fait, vous donnez des services qui nous coûtent bien moins cher, au fond, que s'il fallait avoir des services publics pour faire la même chose. Est-ce que vous seriez prêts à acheter une suggestion ou une idée comme cela? Le problème, c'est que chaque fois qu'on parle... je le sais parce qu'avant d'être critique à l'environnement, j'étais critique dans un autre domaine qui est plus dans le secteur social et quand j'étais de l'autre côté j'ai fait des revendications dans le dossier jeunesse. On avait autant de misère, quand on était au gouvernement, à se faire comprendre quand on parlait d'aide et d'appui aux organismes bénévoles. Le problème, c'est qu'il n'y a jamais une référence. De la même façon tantôt, on a fait dire aux gens de la faculté qu'il serait possible d'avoir rapidement une étude qui pourrait dire au gouvernement: Écoutez, un vrai système de détection veut dire cela et il coûte cela. Tant qu'on n'a pas cela comme réponse, on n'a jamais de critère de référence. On en parle, on en parle et finalement on n'a jamais d'efficacité en ce qui concerne la revendication. Est-ce qu'il ne serait pas temps que des organismes sans but lucratif s'associent ou se concertent pour dire: Voici, pour fonctionner au Québec, maintenant, dans le secteur social, dans le secteur environnemental, dans les secteurs où, finalement, les organismes communautaires oeuvrent, cela nous prend cela du "pot" commun ou du Trésor public? La portion qu'on devrait avoir, c'est cela.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Jean.

M. Jean: C'est une idée très intéressante. Je la retiens. Mais on vous coûte tellement peu qu'on est bénévoles et même qu'on dépense pour faire ce qu'on fait là. On prend des journées ouvrables, entre autres, pour venir ici. Mais il faut le reconnaître et je pense que c'est clair dans la tête de tous et chacun, l'importance des organismes sans but lucratif n'est plus à démontrer. Les lobbys, et je le dis très positivement, qu'ont les organismes, les organismes nationaux en particulier, sont très importants. Il y a eu tellement de suggestions, de dossiers travaillés par nos organismes, qui ont vraiment fait avancer les dossiers et qui ont fait avancer plusieurs ministres, de quelque gouvernement que ce soit. Il n'y a rien à ajouter là-dessus.

M. Charbonneau: D'accord.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Verchères. M. le député de Chauveau.

M. Poulin: Merci, M. le Président. Cela me fait plaisir de voir que la Fédération québécoise de la faune participe à cette consultation et qu'elle a déposé un mémoire. On a certaines affinités. Tantôt, je jasais avec M. Yves Jean. On voit l'importance que la Fédération québécoise de la faune dépose un mémoire, quand on regarde l'impact que cela peut avoir autant avec ses 200 000 membres que ses 250 organisations. Ses membres ne sont pas juste des pêcheurs ni juste des chasseurs, parce qu'on en retrouve aussi comme travailleurs dans le milieu forestier, comme utilisateurs de la forêt, par exemple, en randonnées de ski. Ces gens-là comprennent et sont un peu partout. Ce sont 200 000 membres qui peuvent donner une certaine opinion. Je pense que la fédération est assez ouverte vis-à-

vis de ses membres quand c'est le temps de faire des colloques. J'ai participé à certains colloques, qui étaient un moyen d'expression intéressant. Je peux vous dire qu'en tant qu'utilisateur de la faune je suis fier de voir que vous avez déposé un rapport.

Cela dit, il y a un nombre de questions que vous avez posées au ministre dans votre mémoire. Je vais lui laisser le privilège de faire ses démarches pour vous les transmettre.

Ma première question va dans le même sens que celle du député de Verchères. On voit l'ensemble du mémoire qui démontre que vous désirez étendre la portée de la politique au-delà même de l'utilisation des pesticides en forêt. Vous mentionnez, à la page 20, que la politique présente les modalités de consultation plutôt que le contenu de ce que vous attendez d'une stratégie d'intervention pour la répression des ravageurs et de la végétation compétitive en milieu forestier. Pouvez-vous expliquer davantage les motifs qui vous amènent à vouloir étendre l'objet de la politique? En d'autres mots, en quoi, d'après vous, le présent projet de politique est incomplet et quels seraient les effets, au niveau environnemental, d'étendre l'objet de la présente politique à l'ensemble de la stratégie d'intervention en forêt?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Vanier.

M. Vanier: Cela nous a surpris un peu quand on a reçu le document de support à une politique d'utilisation des pesticides. On s'attendait à ce qu'on parle de principes directeurs, bien sûr, mais on s'attendait aussi à ce qu'on nous présente, d'une manière plus détaillée que dans le document de support, tout un programme d'intervention incluant ce qu'est la politique d'aménagement, ce que sera la politique des coupes forestières, comment on va rendre une forêt moins vulnérable à telle épidémie d'insectes, etc. Ce que le gouvernement nous présente actuellement comme solution, c'est la manière d'être consultés. Voici la façon dont on voit cela. Vous me le direz si je vois cela de travers. Nous, on est au centre, mais aux deux extrémités on n'est plus là. On sait qu'il est en train de se faire une élaboration d'un manuel d'aménagement forestier et c'est une consultation privée avec l'industrie forestière et certains experts au ministère des Forêts. Ils sont en train d'élaborer un manuel qui va être rendu public, je ne sais pas quand, peut-être la prochaine année. Là-dessus, les groupes et les organismes reconnus de la faune, on n'a aucun mot à dire. On ne nous laisse pas la chance de dire notre mot là-dessus et nous autres, on trouverait important qu'on ait notre mot à dire parce qu'on pourrait intervenir concernant la prévention des épidémies d'insectes, mais aussi pour favoriser la protection des habitats fauniques. On aimerait avoir notre mot à dire là-dessus. On est en amont. Là, on n'a pas le droit d'être consultés. Au centre, on nous consulte à cette commission parlementaire et, après, en aval, vous avez le code de gestion dont on nous disait clairement, dans le document de support, que ce serait avec les utilisateurs de pesticides qu'il y aurait une consultation. Le code de gestion, c'est vraiment, comme on l'a compris, ce qui sera le programme détaillé d'intervention, les recommandations et les suggestions qui vont être faites aux utilisateurs de pesticides. Nous autres, on trouvait aussi important d'agir là-dessus pour faire en sorte qu'il y ait toute une stratégie de prévention. J'ai su dernièrement que ce fameux manuel, le code de gestion, on est en train de l'écrire. On n'a pas fini de le rédiger. Cela va peut-être prendre un an ou deux ans. On est prêts à attendre jusque-là. Mais on aimerait être consultés et la fédération aimerait être consultée sur ce code de gestion pour qu'on puisse intervenir pour éviter certains impacts désastreux sur la faune.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Chauveau.

M. Poulin: Vous parlez du code de gestion. Le code de gestion, ce sera un règlement. Donc, il va être déposé et vous pourrez le consulter pendant 45 jours, ainsi que tout le processus...

M. Vanier: D'accord.

M. Poulin: Je n'ai pas besoin de vous faire de dessin. J'ai une deuxième question. À la page 5 de votre mémoire, vous mentionnez que le document de support passe sous silence l'état de dégradation des autres ressources du milieu forestier. Vous ne semblez pas d'accord avec l'approche plus industrielle de la gestion forestière et de la politique d'utilisation des pesticides en forêt. Quels sont les aspects de l'utilisation de la forêt qui devraient, d'après vous, être considérés?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Jean.

M. Jean: C'est une intervention sur l'autre point. Alors, je vais laisser la parole à Daniel.

M. Vanier: Actuellement, tout le document de support était vraiment très fortement orienté vers la production industrielle. On nous parlait des pénuries de bois, mais on n'a pas mentionné les problèmes que la forêt vit en tant que telle, la question de la détérioration des cours d'eau à la suite des coupes forestières abusives, la destruction de ravages qu'il y a eu. L'année dernière, dans la réserve des Laurentides, pour vous donner un exemple, il y a eu la destruction d'une frayère importante d'ombles de fontaine par une coupe forestière abusive. On ne nommera pas les coupables qui ont fait cela. Mais on le sait très bien à la fédération; on a rapporté cela dans notre revue Faune Québec. Donc, il se passe encore des problèmes à ce sujet. Sur ce

point, toute la philosophie que sous-tend le document quand on le lit comme il faut, c'est seulement en fonction de la matière ligneuse. Une forêt ce n'est pas seulement des arbres, des mètres cubes, c'est un écosystème avec toute la complexité qu'il y a.

On a des problèmes avec le discours gouvernemental qui dit que la forêt est un jardin. Une forêt c'est un écosystème. Ce n'est pas seulement un jardin, cela va plus loin que cela. C'est plus difficile d'intervenir là-dessus.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Jean.

M. Jean: Je vais juste souligner un commentaire très court qui est plus philosophique. Dans ce que vient de dire Daniel, le jardin, entre autres, n'est pas un écosystème naturel habituellement, c'est de l'horticulture.

Ce que je voulais mentionner c'est simplement ceci. C'est toujours la même chose. Il y a la Gazette officielle. Dans le domaine des forêts, les autres utilisateurs sont historiquement et encore actuellement, je ne dirais pas écartés du revers de la main, mais presque systématiquement en dehors du débat. Qu'est-ce qui se produit? On arrive en bout de piste pour discuter des documents, des politiques en question. Qu'est-ce qui se passe? On pourrait même aller plus loin et dire: On comprend les industriels de vouloir faire de l'industrie et de l'argent. On comprend les forestiers de ne penser qu'aux matières ligneuses. Ils ont été formés pour cela, c'est leur domaine en question, etc. Ce qu'on comprend moins et ce qu'on n'accepte pas mal moins, c'est qu'à ce moment-là il y a un monopole de gens qui pensent d'une façon. Donc, c'est toujours une réaction après coup, a posteriori qu'on doit faire comme autres utilisateurs. S'il y avait un processus d'intégration dès le départ - c'est cela que Daniel souligne - et de discussions entre les différents utilisateurs... Le plan de gestion, donc, est fait en fonction de richesses collectives et non plus en fonction d'un type de richesse.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Jean. Dernière question, M. le député de Chau-veau.

M. Poulin: Non, pour ce qui est de nos questions, c'est terminé.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Chauveau. J'aurais une question pour les membres de la Fédération québécoise de la faune. Hier, des intervenants sont venus clairement nous dire que ce qui faisait peur lorsqu'on avait les audiences publiques, c'était cet esprit de confrontation qui existait entre les pour et les contre. Il y a eu des organismes qui nous ont suggéré d'introduire une comité "aviseur" qui représenterait tous les utilisateurs, à partir du grand public. Cela pourrait être des biologistes, toute la gamme des intervenants possibles qui se chargeraient de donner de l'information avant la tenue d'audiences publiques dans le but de minimiser cet esprit de confrontation. J'aimerais entendre vos réactions sur cette proposition qu'on nous a faite hier.

M. Jean: Je vais vous dire ceci: La notion d'un comité "aviseur", de table de concertation, c'est quelque chose d'intéressant quand c'est très bien utilisé. Quand c'est pour de la frime, c'est quelque chose qui est pas mal moins intéressant. Si des tables de concertation ou des comités "aviseurs" sont bien utilisés et que ce soit sous forme de consultation pour un ministre ou pour un ensemble d'individus d'un ministère ou encore pour de l'information à l'ensemble des citoyens, il n'y a pas de problème. C'est excellent. Si ce sont des comités fantômes ou des tables fantômes composés de bénévoles qui travaillent comme des nègres, strictement pour rien, je peux vous dire que c'est une façon de procéder où on va faire fausse route. On n'avancera en rien l'efficacité de la procédure d'audiences publiques.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Jean. Je tiens à remercier la Fédération québécoise de la faune pour son apport aux travaux de cette commission. M. le député de Chauveau.

M. Poulin: M. le Président. C'est juste pour prendre cinq minutes entre les deux pour faire ce qu'on a à faire et on reviendra.

Le Président (M. Saint-Roch): Je n'ai appelé personne.

M. Poulin: C'est parce que tantôt...

Le Président (M. Saint-Roch): La commission suspend ses travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 14 h 5)

(Reprise à 14 h 18)

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demanderais maintenant aux représentants de l'Institut forestier du Canada de bien vouloir prendre place. Permettez-moi dans un premier temps de vous souhaiter la bienvenue aux travaux de cette commission.

Je demanderais maintenant au porte-parole de bien vouloir s'identifier, ainsi que les gens qui l'accompagnent.

Institut forestier du Canada

M. Godbout (Claude): Merci, M. le Président. Mon nom est Claude Godbout. Je suis le premier vice-président de l'Institut forestier du

Canada. Malheureusement, notre président ne peut pas être ici aujourd'hui. Il est à l'extérieur du pays; donc, je le remplace. Je suis accompagné de trois autres membres de l'Institut forestier du Canada. À ma gauche immédiate, M. Yves Ouellette, vice-président de la section Orléans, c'est-à-dire de la section de la région de Québec; à ma droite, Mme Denise Gérin, trésorière et secrétaire de la section Orléans; à l'extrémité gauche, M. Léo-Paul Dion, un des exprésidents de la section Orléans.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le président. Vous avez maintenant 20 minutes pour déposer votre mémoire.

M. Godbout: D'accord. À ce moment-là, je vais demander à M. Ouellette de lire le mémoire et, s'il y a des questions, on pourra les accepter après.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Ouellette.

M. Ouellette (Yves): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, alors que dans l'ensemble du Canada, et particulièrement au Québec, on accentue de façon significative depuis quelques années les programmes d'aménagement forestier, la question de la protection des forêts contre les insectes et les maladies ainsi que contre la végétation compétitive a pris une nouvelle importance. En effet, en même temps que les gouvernements et l'industrie dépensent de fortes sommes dans le but d'accentuer l'aménagement forestier par des traitements sylvicoles dont le reboisement, afin d'augmenter la production des forêts canadiennes, il est apparu important à l'ensemble de la communauté forestière de se préoccuper de minimiser les pertes de production attribuables à des phénomènes tels que les insectes, les maladies, ainsi que la végétation compétitive. C'est dans ce contexte que la question des pesticides surgit.

En effet, lorsque la nécessité de protéger les investissements n'était pas aussi aiguë qu'actuellement, cette question pouvait être plus accessoire en matière forestière. Ce n'est plus le cas et comme les pesticides ont constitué dans le passé et constituent encore des éléments importants de l'arsenal qu'a Paménagiste forestier pour protéger la forêt, la question de l'utilisation des pesticides est revenue sur le tapis avec d'autant plus d'acuité dans une société de plus en plus préoccupée par la qualité de l'environnement. En effet, cette question prend une importance nouvelle non seulement à cause du resserrement des approvisionnements et de l'ampleur des programmes d'aménagement, mais aussi parce que la société dans son ensemble a évolué et que ce qui pouvait apparaître comme une conduite tout à fait acceptable il y a quelques années est maintenant remis en question. On se soucie beaucoup plus de l'impact global sur l'environne- ment de pratiques humaines ainsi que de l'utilisation de divers produits.

Dans ce contexte, l'initiative du gouvernement du Québec de se doter d'une politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier, politique visant à harmoniser les impératifs aussi bien forestiers qu'environnementaux, apparaît des plus louables. Si une telle initiative débouche sur un consensus vraiment large des principaux intervenants, le Québec sera, à juste titre, à l'avant-garde des provinces canadiennes.

Qu'est-ce que l'Institut forestier du Canada? Avant d'aller plus loin, il est apparu important de rappeler quel est le rôle et quels sont les membres de l'Institut forestier du Canada. L'Institut forestier du Canada est une association sans but lucratif de personnes impliquées en foresterie partout au Canada. L'Institut forestier du Canada est aussi la seule association nationale de professionnels actifs en foresterie. Il comprend près de 240(3 membres, aussi bien aména-gistes forestiers que scientifiques forestiers, enseignants, techniciens forestiers et autres professionnels ayant un intérêt dans la foresterie. Nos membres travaillent pour les gouvernements, dans l'industrie, dans l'enseignement et dans la pratique privée. L'Institut forestier n'a qu'un seul but: encourager un aménagement plus intensif d'une ressource importante et vitale pour le bien-être de tous les Canadiens, soit la forêt. De plus, l'Institut forestier du Canada est membre de la Fédération des associations de forestiers professionnels du Canada, une association qui, en plus de l'Institut forestier du Canada, comprend cinq associations provinciales de forestiers professionnels, soit celle de la Colombie britannique, de l'Alberta, de l'Ontario, du Québec et du Nouveau-Brunswick. Colllective-ment, cette fédération représente plus de 5000 forestiers au Canada. Parce que l'Institut forestier du Canada est une organisation nationale, elle se préoccupe essentiellement des aspects nationaux de la foresterie au Canada.

Ce mémoire va donc se concentrer surtout à faire valoir les points de vue généraux de l'Institut forestier du Canada, sur la question de l'utilisation des pesticides en milieu forestier, et ne commentera pas en détail le document remis. Nous reconnaissons que ce sont surtout aux associations professionnelles provinciales, lorsqu'elles existent dans une province, de se préoccuper davantage des questions locales.

Importance de la ressource forestière. La forêt constitue la richesse naturelle la plus importante au Canada. Elle contribue, plus que toute autre ressource renouvelable, au développement socio-économique et au bien-être de la population et renferme un potentiel d'avantages I encore plus marqués pour les générations futures. Alors que la superficie des terres forestières est, au Canada, de 4 400 000 de kilomètres carrés, la forêt productive couvre environ 2 600 000 de kilomètres carrés, soit 38 % de la superficie des terres au Canada. On a récolté environ

150 000 000 de mètres cubes de bois annuellement de cette forêt productive depuis 1981. La valeur totale des biens produits par le secteur forestier au Canada a été de plus de 33 000 000 000 $ en 1984, dont 14 000 000 000 $ pour l'exportation, ce qui contribue plus à la balance des paiements que l'agriculture, les mines et les pêcheries réunies. En 1984, l'industrie forestière employait 270 000 Canadiens et fournissait 600 000 emplois indirects et ceci, sans compter l'activité économique générée par la faune et la récréation en forêt. En effet, cette même ressource contribue à soutenir une industrie récréative et touristique de 3 600 000 000 $. Elle purifie et ravive l'air que nous respirons; elle sert à régulariser le cours des eaux et la nappe phréatique, tout en fournissant un habitat vital pour la faune et le poisson. On peut donc affirmer qu'un Canadien sur dix vit de la forêt.

Avantages futurs et problèmes actuels. En 1980, le Conseil canadien des ministres des ressources et de l'environnement se fixait comme objectif, pour l'an 2000, une récolte annuelle au Canada de 210 000 000 de mètres cubes, soit une augmentation de 35 % par rapport à la récolte de 1980. On assumait que ceci fournirait 75 000 à 100 000 emplois de plus dans l'industrie forestière canadienne, augmenterait les ventes de bois d'oeuvre et de pâtes et papiers de 22 000 000 000 $ et les revenus de l'État de 1 000 000 000 $.

Pour atteindre cet objectif, on a réalisé qu'il fallait mettre sur pied au Canada des programmes d'aménagement intensif et de grande envergure. Parmi les nombreux problèmes qui retiennent l'attention, il y en a deux qui doivent être réglés immédiatement. Il faut d'abord assurer le reboisement adéquat de 25 000 000 d'hectares en terrains forestiers mal régénérés ou recouverts seulement d'essences herbacées et voir à enrayer cet envahissement. Deuxièmement, il faut ramener à des niveaux acceptables les pertes causées par les insectes forestiers, les maladies et la végétation compétitive qui peuvent réduire la récolte annuelle d'à peu près 100 000 000 de mètres cubes.

Chaque année, le Canada dépense près de 500 000 000 $ en grande partie des fonds publics pour régénérer et appliquer des traitements sylvicoles sur plus de 400 000 hectares de terres forestières. Si la santé des forêts canadiennes n'est pas protégée, ces investissements seront perdus et les emplois, les salaires et les revenus des gouvernements seront remis en question par suite de la menace constante appliquée par les insectes, les essences indésirables et les maladies sur les forêts et les bénéfices qu'elles génèrent.

Il existe présentement des techniques pour traiter les deux problèmes majeurs mentionnés ci-haut, mais comme elles supposent souvent l'usage de produits chimiques, phytocides et insecticides, leur utilisation est fortement contrecarrée sur le plan politique par des interven- tions énergiques de groupes associés à l'environnement.

Certains produits biologiques tels que B.t. ou certaines actions préventives sont de plus en plus mis de l'avant et les chercheurs continuent leur travail en vue de trouver d'éventuels moyens alternatifs efficaces. Dans bien des cas, les aménagistes forestiers devront, en attendant, se servir de produits chimiques homologués pour atteindre plusieurs des objectifs qu'ils se sont fixés en aménagement forestier. Sans eux, il est certain qu'on ne pourra pas atteindre les quantités projetées pour l'an 2000. Il faudra réduire la possibilité annuelle et la compétitivité de l'industrie forestière s'en trouvera fortement réduite. Il s'ensuit que l'industrie forestière ne pourra maintenir ou augmenter son apport aux besoins socio-économiques du pays au détriment des générations futures de Canadiens.

Nous devons garder en perspective l'utilisation de pesticides forestiers. Moins de 5 % des pesticides utilisés chaque année au Canada servent à traiter les forêts. Seulement près de 0,1 % de terres forestières du Canada sont traitées avec des pesticides au cours d'une même année. L'utilisation des pesticides dans les forêts canadiennes est strictement réglementée. Tous les pesticides utilisés sont homologués par Agriculture Canada selon un processus qui comprend une révision complète de toutes les données de santé et relatives à l'environnement par Santé et Bien-être Canada, Environnement Canada et Pêches et Océans Canada.

Le processus d'homologation du Canada est perçu internationalement comme l'un des plus exigeants au monde. De plus, chaque arrosage des forêts au moyen de pesticides doit être habituellement approuvé auparavant par un ministère provincial de l'Environnement. Ce système a bien servi le public canadien. Les statistiques démontrent que l'utilisation des pesticides en forêt au cours des 20 dernières années n'a eu aucun impact négatif sur la santé humaine ou l'environnement forestier.

Ce qu'il faut faire. L'Institut forestier du Canada s'inquiète beaucoup de cette perte anticipée de productivité de la forêt et recommande la politique suivante concernant l'usage des pesticides forestiers. Cette position a été adoptée en 1983 et révisée en mars 1986 par le comité exécutif de l'Institut forestier du Canada. L'Institut forestier du Canada souscrit à l'objectif d'une récolte de 210 000 000 de mètres cubes pour l'an 2000, tel que préconisé par le CCMRE et, par conséquent, encourage la mise sur pied de programmes d'aménagements intensifs au Canada dans le but d'atteindre cet objectif.

L'Institut forestier du Canada est conscient que les insectes, les maladies et la végétation compétitive peuvent réduire sensiblement la productivité de nos forêts et avoir des effets désastreux pour d'autres valeurs telles que l'esthétique. L'institut est conscient que la gestion des agents nuisibles fait partie intégrante

et essentielle de l'aménagement intensif de la forêt et, par conséquent, favorise l'emploi des techniques sylvicoles éprouvées en tenant compte de la protection de l'environnement lorsque c'est nécessaire pour atteindre la productivité visée.

L'Institut forestier du Canada convient que certains pesticides chimiques et biologiques sont les principaux moyens disponibles aujourd'hui pour réduire de façon efficace et économique les pertes causées par les agents nuisibles. Par conséquent, il recommande un usage judicieux des pesticides homologués pour la forêt.

L'Institut se déclare nettement en faveur d'un contrôle continu et attentif de l'usage des pesticides en foresterie pour déceler et évaluer tout effet nuisible à l'environnement et à la santé qui pourrait se manifester.

L'Institut forestier du Canada se dit très favorable à la poursuite énergique de la recherche sur l'usage de pesticides en foresterie pour expérimenter des pesticides plus efficaces et moins dommageables à l'environnement et pour une technologie qui diminuerait, lors de leur usage, les risques d'effets nuisibles à l'environnement et à la santé du public.

L'Institut forestier du Canada est très favorable à toute recherche visant au contrôle sylvicole et biologique des agents nuisibles de la forêt pour diminuer la dépendance actuelle des produits chimiques.

L'Institut forestier du Canada endosse les règlements actuels restreignant l'utilisation des pesticides aux agents autorisés seulement. L'institut appuie toute initiative destinée à mieux renseigner le public sur l'usage des pesticides en foresterie et toute intervention du public pour mieux planifier l'utilisation des pesticides en foresterie. Étant donné que le contrôle des agents nuisibles fait partie intégrante de l'aménagement intensif de la forêt, l'Institut forestier du Canada encourage les facultés de foresterie et les collèges d'études techniques du Canada à intensifier l'enseignement sur la gestion des agents nuisibles. (14 h 30)

Qu'a fait concrètement l'Institut forestier du Canada à l'égard de cette question? Après avoir énoncé des principes, il faut voir quelle a été notre action pour appuyer ces principes. Nous avons publié, en 1983, une brochure qui résume notre position sur cette question et nous avons aussi fait parvenir aux députés fédéraux une lettre d'information appelée "Dialogue forestier" sur cette question. Nous avons aussi écrit à tous les ministres responsables des forêts au Canada, les encourageant à intégrer plus complètement la gestion des agents nuisibles dans la planification et les opérations d'aménagement forestier et aussi leur demandant de supporter en public le rôle des pesticides dans l'aménagement forestier. Nous avons aussi écrit à tous les gouvernements au Canada, exprimant notre préoccupation quant aux restrictions non justifiées et quant à l'homologation des pesticides chimiques. Nous avons, d'une façon répétée, promu l'usage judicieux des pesticides homologués et le développement d'alternatives. À cet égard, nous avons participé, avec plusieurs autres groupes, tels que les représentants des gouvernements, de l'industrie, des milieux syndicaux et des milieux de l'environnement, aux forums nationaux forestiers qui se sont tenus en 1985 et en 1986, au congrès forestier national qui s'est tenu en 1986, ainsi qu'au développement de la stratégie forestière pouir le Canada.

Par exemple, rappelons que le forum de Winnipeg, tenu en 1986 et où participaient des industriels, des aménagistes et des responsables de groupes environnementaux, a fait la recommandation suivante: Que le conseil reconnaisse que les pesticides constituent un moyen légitime et essentiel pour la gestion efficace des forêts dans certaines régions, que des lois rigoureuses doivent en régir l'eimploi et que ces lois doivent prévoir la participation de la population régionale à la prise de décision sur l'emploi de pesticides.

En outre, le conseil est prié d'encourager la mise au point et l'utilisation de méthodes efficaces pour l'élimination des insectes nuisibles, d'appuyer la recherche sur les effets environnementaux des méthodes d'élimination des insectes nuisibles, de s'assurer que l'homologation des pesticides utilisés en forêt est économique et soumise à l'examen du public. Par ailleurs, la stratégie nationale pour le secteur forestier canadien, élaborée par les représentants de plus de 40 associations l'an dernier, à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, et formellement adoptée par le Conseil des ministres des Forêts, reprend la recommandation suivante: II est recommandé que tous les intervenants du secteur forestier reconnaissent que les pesticides sont des outils légitimes de la gestion des ressources forestières dans certaines régions et que leur utilisation soit réglementée; que l'on s'assure que toutes les opérations de lutte contre les ravageurs soient justifiées du point de vue écologique et économique; que l'on favorise la mise au point de l'utilisation des méthodes de remplacement pour lutter contre les ravageurs, y compris la gestion intégrée des ravageurs; que l'on accélère la recherche portant sur les effets des pesticides sur l'environnement; que l'on s'assure que le processus d'enregistrement des pesticides utilisés en milieu forestier ne soit pas exagérément coûteux et que le public ait accès aux dossiers.

L'an dernier, nous avons écrit à tous les doyens des écoles forestières du Canada, leur demandant de mettre l'accent approprié sur la gestion des agents nuisibles dans leurs programmes de cours. De plus, l'Institut forestier du Canada est le seul représentant du milieu forestier qui participe au comité d'homologation du bureau "aviseur" sur les agents nuisibles, comité qui est préoccupé par le processus d'homologation des pesticides.

Propositions pour le secteur forestier. Après avoir énoncé ce que nous avons fait, nous

pensons qu'il serait approprié, avant de conclure, de voir les suggestions qui pourraient être avancées. Selon nous, il y a deux grandes conclusions qui devraient être retenues. Nous devons essayer de bâtir sur le présent consensus développé lors de la stratégie forestière nationale, afin d'obtenir dès maintenant une protection adéquate de la récolte forestière et de continuer les discussions avec tous ceux qui sont concernés, aussi bien l'industrie, les gouvernements, les groupes environnementaux que le public. En fait, alors que des consensus avaient été obtenus dans certains forums, tels que celui de Winnipeg, ou dans la stratégie nationale, jusqu'à quel point avons-nous utilisé ce consensus pour sensibiliser les preneurs de décision quant aux besoins et à l'aspect raisonnable d'une action minimale pour protéger la forêt maintenant, pendant que nous continuons activement et d'une façon positive à discuter avec le public et à chercher des alternatives?

L'inaction en cette matière va probablement coûter plus que l'action, même si elle est partielle. Mais, en même temps, nous devons nous assurer que nous n'utilisons pas cette permission pour relâcher nos efforts vers un usage plus complet de l'aménagement intégré des agents nuisibles en forêt et vers un effort accru de recherche et de développement pour développer des alternatives aux pesticides chimiques, ainsi que pour améliorer nos techniques d'aménagement intégré en mettant l'accent sur la prévention des problèmes.

Nous devons aussi être sûrs que nous pouvons construire une crédibilité avec nos partenaires, soit du public, soit des groupes environnementaux, ainsi que les membres de la communauté forestière qui ont supporté les consensus mentionnés ci-dessus, en livrant vraiment la marchandise promise. Le public regarde et écoute le secteur forestier, et nous voulons le convaincre de notre bonne foi. Mais le public ne fait pas que nous écouter, il regarde aussi nos actions et est constamment en train de nous évaluer. Nous avons, à cet égard, besoin plus que des mots.

Nous devons nous assurer et faire connaître que nous utilisons les pesticides dans des endroits très spécifiques où c'est économiquement et écologiquement justifié. Nous avons aussi besoin de l'action par l'industrie et les gouvernements, pour augmenter les efforts de recherche et de développement sur l'impact des pesticides, sur les techniques pour assurer leur usage minimal, et spécialement sur les alternatives à l'usage des pesticides chimiques en milieu forestier.

De plus nous devons aussi nous assurer qu'effectivement l'aménagement forestier intégré, en tenant compte des agents nuisibles, est mis en pratique sur le terrain et à travers des plans d'aménagement où le public est impliqué et informé. Toutes ces actions, qui sont nécessaires après beaucoup de mots, signifient des engage- ments aussi bien par les gouvernements, l'industrie que la profession forestière.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. M. le ministre déléqué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous saluer, parce que la dernière fois que j'ai rencontré votre vice-président, c'était lors de la journée Frédéric Back au Jardin botanique, et pour souligner aussi en même temps ce scénario d'une rare richesse de générosité, "L'Homme qui plantait des arbres", de Giono. Quand il a fait cela, il a fait beaucoup de foresterie, il a fait beaucoup d'environnement, et c'est ce qu'on tente un peu de faire en utilisant tous les moyens à notre disposition. Les phytocides, c'est un des moyens d'aménagement, ce n'est pas le seul, il y a d'autres moyens. Le reboisement, ce n'est pas le seul non plus. Il y a des coupes d'éclaircies, des coupes par trouées, des coupes jardinatoires, des coupes par bandes, et tout cela. Et c'est un des moyens que Frédéric Back nous a transmis. Disons qu'il a pris une partie de pays qui était désertique et où ensuite la végétation s'est installée, les arbres se sont installés; il a planté des bouleaux aux endroits appropriés, des chênes aux endroits appropriés; il s'est servi un peu de son jugement et de la nature. C'est ce qu'on essaie de faire. Quand on parle de phytocides, d'insecticides ou de pesticides, c'est un des moyens qu'on veut privilégier, pas privilégier, au contraire, c'est un des moyens qu'on veut utiliser pour atteindre cet objectif.

Et si on en parle, ce n'est pas parce qu'on met l'accent là-dessus. On pourrait faire une commission parlementaire sur les coupes jardinatoires, on pourrait faire une commission parlementaire sur le reboisement, tout simplement. C'est un des moyens, et aujourd'hui on parle de cela. Ce n'est pas une emphase, ce n'est pas un moyen privilégié, mais c'est un des moyens pour atteindre les objectifs qu'on s'est fixés.

Il faut également aussi respecter tous les utilisateurs de la forêt, qu'ils soient des chasseurs, des pêcheurs, des amateurs de plein air, de randonnée, et également pour protéger les emplois que nous avons en forêt, de façon à protéger notre qualité de vie. C'est ce qu'on tente de faire en proposant ce moyen, parce que c'est un moyen qui a été contesté, mais il est arrivé des grands désastres forestiers bien avant qu'on utilise des produits de ce genre, des pesticides, bien avant cela. Aujourd'hui, on essaie de réparer les erreurs du passé. On essaie de réparer cela, et pour réparer cela, évidemment, cela prend de la collaboration et cela prend aussi beaucoup d'effort, beaucoup d'argent, beaucoup d'appuis. Ce que je veux vous dire, c'est que ces moyens évidemment sont examinés, sont contestés, sont appuyés; il se passe de tout là-dedans.

Est-ce que le processus d'homologation, parce qu'on l'a contesté beaucoup, ne nous donne pas une certaine assurance d'utiliser certains produits. Jusqu'à ce que, par exemple, avec un suivi rigoureux et rigide, jusqu'à ce que s'il y a des modifications à apporter on puisse le faire, en tenant compte du suivi? Le suivi est absolument nécessaire. On ne demande pas un chèque en blanc, on ne demande pas d'éliminer les audiences publiques, on dit: Bien, on veut avoir des moyens efficaces de faire des choses sécuritaires, des choses qui ont du sens. On conteste beaucoup ces chiffres, qui ont été préparés par des scientifiques. Les scientifiques ne sont pas tous d'accord, ils ne sont pas tous du même avis. Les médecins ne sont pas tous du même avis, pourtant ils continuent à soigner le monde. Les économistes c'est pareil, pourtant ils continuent à faire des affaires. Est-ce que vous pensez qu'on est assez prudents? Vous ne vous prononcez sur aucun scénario. Vous dites: II faut l'utiliser quand même. Ce qu'on essaye de faire aujourd'hui, c'est d'élaborer, à la lumière de la commission, une politique d'utilisation des pesticides. Il faut se prononcer quelque part. Il ne faut pas dire: Faites-le et ne le faites pas. Vous ne vous prononcez pas tellement là-dessus. Je voudrais avoir votre réaction, s'il vous plaît.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Godbout.

M. Godbout: Je vais essayer d'amorcer une réponse et mes collègues pourront compléter au besoin. Je vais essayer de répondre à la deuxième partie de la question avant la première. On dit: On ne se prononce sur aucun des scénarios. On l'a indiqué dans notre mémoire, on veut rester au niveau national, au niveau des grands principes et en respectant la structure du pays qui veut que la gestion des forêts se fasse au niveau des provinces. On voit comme beaucoup plus spécifique l'intervention des associations professionnelles comme la nôtre au niveau des provinces. Nous défendons ces principes, ces positions, dans l'ensemble du pays, aussi bien sur la côte ouest que sur la côte est, aussi bien vis-à-vis des groupes qui représentent l'industrie que les groupes qui défendent les aspects plus environnementaux. C'est une raison pour laquelle on ne s'est pas prononcés sur un scénario plutôt que sur l'autre. C'est à cause de la structure du pays et à cause du rôle de l'institut. Il y a des ententes qu'on a avec les associations provinciales. Par contre, à travers les différents principes il y a peut-être certaines lignes qui peuvent indiquer certaines tendances ou certaines orientations.

Au sujet de la question de l'homologation, est-ce qu'on la croit sécuritaire ou pas? Il y a beaucoup de choses qui pourraient être dites au sujet de l'homologation. Il y a eu plusieurs rapports écrits, plusieurs examens qui ont été faits dans le temps par le Conseil canadien des ministres des Ressources et de l'Environnement, peut-être plus récemment par le Conseil des ministres des Forêts du Canada, dans le but d'examiner plus avant ce processus, quelles étaient les faiblesses, quels étaient les points à améliorer. Je suis sûr que les gens qui sont plus familiers avec ces domaines peuvent consulter ces rapports. Essentiellement, la position de l'institut pourrait se résumer ainsi: Au niveau de l'homologation, nous pensons que le processus est assez sécuritaire. Il n'est pas parfait. Si on attendait un processus parfait, on pourrait attendre un bout de temps. Des processus parfaits, il n'y en a pas. C'est pour cela que la recommandation n° 4 qu'on fait se situe dans ce contexte. Tout en prônant l'usage des pesticides homologués, selon un processus relativement sévère, et que nous disons l'un des plus sévères au monde, cela ne veut pas dire qu'il faut qu'on relâche cette surveillance.

Au contraire, il faut s'assurer d'avoir un suivi continu et attentif de leur usage, de leurs effets sur le milieu, sur la santé humaine. S'il y a le moindre problème, on va être bons pour le déceler à ce moment-là. Ce n'est pas une raison pour ne pas utiliser un produit homologué, parce qu'il pourrait y avoir une chance sur un million, une chance sur mille ou une chance sur cent qu'il pourrait y avoir un problème. Dans une dynamique où il faut faire quelque chose et non pas dire qu'on ne fait rien, on est mieux de faire quelque chose avec toutes les garanties possibles, quitte à assurer un suivi. Cela résume un peu la position de l'institut dans ce domaine, qui est reprise au point 4, à la page 8. On est conscients qu'il peut y avoir des problèmes, certaines faiblesses. Il n'y a pas de processus parfait. Mais il est relativement fiable pour qu'on puisse s'en servir. Ne pas s'en servir, ce n'est pas mieux non plus. On fait mieux de s'en servir tout en exerçant un suivi, un contrôle de ce qui se passe. Cela résume la position de l'institut. (14 h 45)

M. Côté (Rivière-du-Loup): Au ministère, on fait le suivi directement. On fait un rapport annuel. C'est présidé par le ministère de l'Environnement qui a cette responsabilité. On fait plus que cela. On analyse les produits qu'on utilise. L'an passé, on a découvert - ce sont nos employés qui l'ont fait cette découverte et je les félicite - ils ont découvert que le B. t. qu'on a accrédité "at large" parce que c'est biologique et que cela ne fait pas trop peur - moi, cela me fait aussi peur que du chimique, en tout cas - on a découvert une contamination, une contamination qu'on a fait évaluer pour voir si réellement il y avait de quoi. Mais on prend des précautions même avant, ce qui fait que le suivi, cela ne nous fatigue pas tellement parce que c'est dans la logique des choses de le bien faire.

Mais quand on me dit: Attendez d'avoir une épidémie grave avant d'intervenir, j'ai de la difficulté à accepter cela. Avant d'utiliser des produits homologués, sur de grandes superficies ou de petites superficies, cela dépend... le

Québec c'est grand. Est-ce que 600 hectares, c'est une petite superficie ou une grande superficie dans l'ensemble du Québec?

Le Président (M. Saint-Roch): M.Godbout.

M. Godbout: Je pense qu'il y a peut-être un lien entre cette question et la question précédente au sujet de l'homologation. Prendre prétexte de risques au niveau de l'homologation pour ne pas utiliser un produit qui a été dûment homologué, c'est vouloir peut-être plus jouer le rôle de l'autruche, se mettre la tête dans le sable. Peut-être qu'une des suggestions qui pourrait être faite et qui a déjà été faite par l'Institut forestier du Canada, c'est que, si ce processus d'homologation suscite des inquiétudes ou des appréhensions, il serait peut-être souhaitable qu'à ce processus, essentiellement mené par des agences fédérales, des agences provinciales et éventuellement certaines personnes du public puissent soit être associées, soit en être informées. Cela contribuerait beaucoup, je pense, à faire d'une pierre deux coups dans le sens de régler à ce niveau toutes les questions qui ont trait à la toxicité, au danger pour la santé humaine ou l'environnement, et de ne pas reprendre deux fois les mêmes analyses, les mêmes examens.

Si on pouvait imaginer un processus par lequel les agences provinciales, les ministères provinciaux, en fait, pourraient participer avec les agences fédérales lors de l'homologation des produits, voir les données, voir les questions qui peuvent se soulever, se satisfaire elles aussi, je pense qu'on aurait un processus beaucoup plus harmonieux et on éviterait de reprendre deux fois les mêmes études, les mêmes analyses. D'autant plus que les analyses initiales faites dans le processus d'homologation ne sont pas toutes, en fait, même une grande partie, dévoilées au public. Il est question de secret commercial là-dedans et ainsi de suite. Je pense que si on pouvait éviter de reprendre deux fois les mêmes choses qui impliquent, non seulement des coûts pour les gouvernements, mais aussi des coûts pour le manufacturier qui doit soumettre son produit à plusieurs contrôles ou examens, à différents niveaux, et aussi des délais. On pourrait tout régler dans un seul cas. C'est une idée qui a été émise par l'institut il y a quelques années. Je la lance comme cela ici, mais je pense que c'est une des avenues qui pourrait être examinée pour enlever cette espèce de crainte, si on veut, quant au processus d'homologation. Si on permet aux agences, aux ministères provinciaux de participer à ce processus, je pense que tous vont pouvoir être satisfaits et je pense aussi qu'on pourrait, éventuellement, comme on dit dans le mémoire ou comme on dit dans la stratégie forestière canadienne, rendre accessibles au public certaines données, et à ce moment-là régler la question dès l'origine du débat, là où il se produit, lors du processus d'homologation.

M. Côté (Rivière-du-Loup): J'apprécie votre respect de l'autonomie provinciale parce que lors de l'élaboration de ia stratégie nationale du secteur forestier, j'ai défendu cette position également. Croyez-vous que les audiences publiques, mettons s'il y avait une collaboration fédérale-provinciale lors de l'homologation, pourraient ajouter quelque chose à cela?

M. Godbout: Peut-être que je vais prendre la question d'une autre façon si vous le permettez. Dans les audiences publiques, il y a, à ma connaissance, deux grands thèmes, deux grands pôles qui se développent. Il y a le pôle du danger quant au produit lui-même, la toxicité pour la santé humaine, le danger pour l'environnement, pour le milieu, la faune. L'autre pôle, c'est la justification même de l'intervention. Est-ce que c'est justifié? Est-ce que l'aménagement de la forêt justifie vraiment une telle intervention ou non? Et c'est beaucoup plus lié à la question de stratégie d'aménagement ou plan d'aménagement. Si on part de cette notion, je ne dis pas qu'il y a seulement cela, mais généralement ce sont ces deux grands pôles qui sont présents dans des audiences publiques, on pourrait imaginer - on n'a pas toutes les solutions, on est un organisme avec des moyens très limités et on ne peut pas non plus prétendre avoir toutes les réponses, mais je pense qu'on est là, par contre, pour émettre des idées et des opinions - je me dis que si, au niveau de la toxicité des produits, ce processus était fait dès l'homologation, pourquoi on relerait deux fois, à la fois lors du processus d'homologation et lors des audiences publiques, le même procès du même produit. Si on pouvait le faire une fois pour toutes au départ, mais en impliquant tout le monde par exemple, donc, en impliquant les agences provinciales à ce niveau et aussi en divulguant davantage au public certaines données qui ont justifié ou non l'homologation, je pense que cette question pourrait être relativement bien traitée à ce niveau et ne pas devoir être reprise à tous les coups. Je pense que ce serait une première chose.

Il est bien sûr que, lorsque le manufacturier demande que son produit soit homologué, il doit déposer toute une batterie de tests et toute une batterie d'études qui coûtent une petite fortune et cela implique un délai aussi pour être homologué, un délai qui est assez long. Si, à cause même des secrets commerciaux impliqués, et ainsi de suite, il faut repartir de zéro et reprendre tout cela ou à peu près lors d'une audience publique et remettre encore la chose sur le tapis, je pense que cela n'est pas tellement productif. Je pense qu'il faut s'assurer qu'on utilise les ressources de tout le monde à bon escient. Si on pouvait faire que tous les gens concernés participent au même processus et voient les mêmes données une fois pour toutes, je pense

que cela pourrait aider. À mon avis, cela règle un volet.

Le deuxième volet, c'est comment cette intervention de pesticides est justifiée dans un contexte d'aménagement forestier. C'est la deuxième grande question, si on veut, qui revient souvent lors des audiences publiques. On le dit un peu dans notre mémoire et cela a été aussi repris dans la stratégie forestière nationale, on verrait peut-être plus un processus avec l'aménagement des forêts ou les plans d'aménagement forestier sur une base régionale ou locale parce qu'il n'y a pas de plan d'aménagement provincial ou national. C'est vraiment sur une base ad hoc. On pourrait associer, informer et impliquer davantage le public concerné de façon à ce qu'il ne voit pas uniquement la question, parce qu'il y a toujours une question très polarisée à ce moment-là, la question pesticide ou pas, intervention ou pas, mais qu'on puisse lui présenter l'ensemble de la stratégie d'aménagement d'une région. C'est un peu ce qui est dit dans certains endroits du mémoire.

Disons que récemment, il y a quelques mois, j'ai eu connaissance que dans la province voisine, en Ontario, dans le cadre d'un plan d'aménagement fait par une compagnie forestière, les plans d'aménagement, une fois élaborés dans un premier jet, dans une première version, étaient soumis, par la compagnie forestière conjointement avec le ministère des Ressources naturelles de l'Ontario dans les localités touchées, à un examen du public. Les livres étaient ouverts, venez voir les chiffres, vene2 voir si cela a du sens, faites-nous des commentaires. C'était une initiative du ministère ontarien des Ressources naturelles et de la compagnie qui était la détentrice du FMA, comme on dit là-bas, du contrat d'aménagement. Je pense, qu'à ce moment-là cela les situe sur un plan beaucoup concret, beaucoup plus local qu'uniquement une grande étude sur l'aménagement forestier dans une région ou une province. Cela a l'avantage de cerner assez les gens impliqués.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, monsieur.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Juste une petite question. Même si vous ne vous êtes pas prononcé sur les deux scénarios, pensez-vous que l'un ou l'autre des scénarios correspond à une carte blanche pour nous permettre de tout faire?

M. Godbout: Je pense que le secteur forestier et le gouvernement, d'une façon plus large, mais le secteur forestier dans un premier temps, parce qu'on est quand même des représentants du secteur forestier, ferait une grande erreur de se fier sur une première permission comme on dit dans le livre, peu importe la forme que cela pourrait prendre, pour considérer que, maintenant, ils ont carte blanche et qu'il n'a plus de problème. Je pense qu'il y a une phase de responsabilisation à voir dans tout le processus. Il faut s'assurer que, peu importe la réponse à la démarche qui va être faite, cela va sûrement résulter en des obligations de la part du secteur forestier à respecter. Il va falloir que le secteur forestier, aussi bien comme on le dit, l'industrie, les gouvernements et la profession s'assurent que ces obligations sont effectivement satisfaites parce que, là, les gens auraient bien raison de nous dire qu'ils ont entendu bien des mots, mais qu'ils n'ont pas vu beaucoup d'action. Je pense que le fardeau va être sur les aménagistes.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Godbout. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Je vais reprendre là où vous laissez votre réponse pour vous demander si vous ne reconnaissez pas que le mécanisme de, gestion des problèmes environnementaux, que le Québec s'est donné ces dernières années avec la Loi sur la qualité de l'environnement et son règlement sur les études d'impact et les audiences publiques, ne donne pas les garanties suffisantes pour que la phase de responsabilisation dont vous parlez se fasse. Est-ce que vous seriez d'accord avec le Dr Lajoie du groupe de travail sur les pesticides, qui nous a dit hier que le mécanisme que le Québec a mis en place ces dernières années doit être maintenu parce qu'il assure, d'une part, la révision des connaissances, et assure, d'autre part, que des recherches sur les solutions alttsrnatives vont se faire? En effet, si on a des autorisations, qu'on n'a pas d'obligation et qu'on ne sent pas une pression, on prend la solution de la facilité et on ne se force pas tellement pour chercher des solutions alternatives. On ne sent pas l'obligation de considérer les pesticides comme un outil à utiliser en dernier recours et à utiliser de moins en moins si possible. Il présentait, un troisième argument en disant que c'est un mécanisme qui assure la mise en place de meilleurs contrôles. Dans la mesure où vous vous dites favorables dans ce qu'il faut faire au fait que le public soit informé, est-ce que vous reconnaissez que le mécanisme que nous avons mis en place au Québec doit être maintenu parce qu'il nous apporte ces garanties, et que les expériences du passé dans le domaine environnemental font en sorte qu'on n'est plus à l'ère où on va prendre! des risques dans l'environnement? On veut bien qu'on nous dise qu'il y a une phase de responsabilisation qu'il faut prendre, mais on va prendre les moyens pour s'assurer qu'elle va être prise.

M. Godbout: II y a une chose: II faut peut-être distinquer. Vous dites que le processus actuel d'audiences publiques pourrait amener, d'après le Dr Lajoie, certains avantages. Je pense qu'en effet cela a certains avantages dans le sens que cela a forcé certaines choses. Mais est-ce que c'est la seule façon d'amener ces avanta-

ges? C'est peut-être la question qu'il faut se poser. Je n'ai rien contre le processus même d'étude d'impact, mais il faut peut-être le situer dans un contexte où on s'assure qu'il remplit bien son rôle et qu'il mène à des solutions constructives pour l'ensemble de la société. C'est d'ailleurs une partie de la problématique, c'est que la lourdeur même du processus, tout en amenant certains avantages, comme vous dites, a amené aussi certains inconvénients. Je n'ai pas participé à toutes les audiences de la commission, mais je pense que le consensus était que cela amène certains inconvénients en termes de délai, de lourdeur, de coût, et ainsi de suite. Peut-être qu'on pourrait viser à avoir ces mêmes avantages en allégeant certains éléments du processus. Je n'ai pas la réponse nécessairement cet après-midi, mais il est important de considérer la chose. C'est pour cela que la suggestion de l'institut, que l'on a déjà faite en 1986, sur l'homologation, pourrait peut-être une façon de délester le processus tranquillement.

M. Charbonneau: Par ailleurs, il y a d'autres recommandations différentes qui nous ont été faites, mais qui visent aussi à alléger ou à améliorer le processus, notamment pour faire en sorte que dans le processus d'étude d'impact, dès le départ, les organismes qui ne sont pas associés à l'étude le soient pour que, quand on arrive aux audiences publiques, ceux qui y participent aient déjà été pas mal parties prenantes au processus d'évaluation.

M. Godbout: Oui. La question qu'on se trouvait à poser et qu'on se trouve à poser dans le mémoire à la toute fin, c'est de proposer davantage d'associer le public, les différents groupes au plan d'aménagement forestier, et non pas uniquement de se concentrer sur une phase qui serait la protection contre des insectes ou la protection contre la végétation, mais d'associer le public à l'ensemble de la phase d'aménagement. On pense que c'est beaucoup plus sur une base locale que cela doit se faire. C'est peut-être une meilleure route à suivre de procéder de cette façon, d'être plus près de la réalité du concret local. Les plans d'aménagement sont locaux finalement. (15 heures)

M. Charbonneau: Justement, l'idée un peu au point de vue environnemental, c'est d'ajouter aux plans d'aménagement des plans d'intervention pour les ravageurs et la végétation concurrente. Autrement dit, c'est qu'on intègre dans les plans d'aménagement les dimensions de lutte contre les ravageurs et la végétation concurrente.

M. Godbout: J'aime mieux votre deuxième formulation, en ce sens que je ne voudrais pas qu'on imagine un plan d'aménagement d'un côté et un plan d'intervention de l'autre côté.

M. Charbonneau: Non, non. Je pense que c'est intégré.

Ml. Godbout: L'aménagement forestier intègre toutes ces dimensions, je pense. C'est ce qu'on propose, que ces dimensions soient intégrées dans le contexte du plan d'aménagement.

M. Charbonneau: Nous, ce qu'on dit, c'est que tout cela devrait être soumis à une discussion publique. Ce sont des ressources publiques, d'une part. C'est de l'environnement aussi et pas uniquement en fonction de la ressource forestière non plus, le milieu naturel. Je regarde dans votre mémoire, et il y a une partie qui s'intitule "ce qu'il faut faire". Je constate que vous avez passé passablement sous silence, en fait totalement sous silence, un problème qu'on a commencé à mieux cerner depuis hier qui, à mon avis, est le problème fondamental à l'égard de l'usage des produits chimiques ou biologiques, en tout cas, des produits non naturels pour la lutte contre les ravageurs et la végétation concurrente, toute la problématique de la détection. En particulier, la détection contre les insectes et les infestations par les insectes. Cette critique, en fait, cette constatation, on pourrait l'adresser également à l'industrie qui nous en a parlé un peu, mais qui remettait la responsabilité au gouvernement en disant: C'est votre responsabilité. Sauf qu'il n'y a même pas eu un minimum de constat de fait sur le problème du système actuel de détection. Je me demande si ce n'est pas là une des voies importantes à envisager. De la même façon qu'on a réussi à avoir au Québec un des meilleurs systèmes, sinon le meilleur système au monde de lutte contre les incendies de forêt, en fait du problème des incendies de forêt, on pourrait rapidement, si on se donnait la même approche, une approche de détection et par la suite une approche d'intervention à la fois efficace et rapide, solutionner une bonne partie des problèmes dont on parle. Au lieu de mettre l'accent ou faire beaucoup de débats sur les produits à utiliser ou à ne pas utiliser, on pourrait circonscrire rapidement la problématique. D'autant plus que, dans la Loi même sur la qualité de l'environnement et par le règlement sur les audiences publiques, on a déjà délimité qu'en deçà d'une certaine superficie on peut sans ce mécanisme d'audiences publiques, sans étude d'impact, intervenir efficacement et rapidement. Donc, le vrai problème au fond, c'est: Est-ce qu'on se donne les moyens de détecter ou non?

M. Godbout: Je peux répondre assez rapidement. Bien sûr, on n'est pas contre une meilleure détection. En fait, dans notre esprit, c'était inclus dans le mémoire et je vais vous indiquer où. On dit, par exemple, au point 5 à la page 8, que l'institut se dit favorable à la poursuite énergique de la recherche sur l'usage des pesticides aussi bien biologiques que chimiques, et on parle alors des pesticides en général, pour expérimenter des pesticides plus efficaces et

moins dommageables à l'environnement et pour une technologie qui diminuerait, lors de leur usage - si on peut diminuer leur usage, tant mieux - les risques d'effets nuisibles à l'environnement et à la santé. Et plus loin, si vous me le permettez, à la page 14, il y a d'autres notions un peu partout, incluant la stratégie forestière nationale, et on parle là aussi de développer des alternatives aux pesticides chimiques et d'améliorer nos techniques d'aménagement intégré en mettant l'accent sur la prévention des problèmes. En fait, dans notre esprit, la détection, c'est la première phase à la prévention: Si on veut prévenir un problème, c'est une façon d'empêcher que le problème soit plus gros. On peut le prévenir aussi en agissant sur l'aménagement de la forêt, c'est une façon, à plus long terme. À plus court terme, si on veut empêcher qu'un problème émergeant devienne plus gros, bien sûr, une meilleure détection peut être utile. Mais aussi il faut avoir la capacité d'intervenir. Il ne faut pas s'imaginer que toute détection va permettre de circonscrire une épidémie ou un problème à une échelle toujours inférieure à 600 hectares.

M. Charbonneau: Non.

M. Godbout: Si on détecte, il faut s'assurer qu'on est organisé pour intervenir parce que détecter et ne pas soigner...

M. Charbonneau: Très bien.

M. Godbout: ...ce n'est pas le diable. Vous allez chez le médecin et il vous dit: Vous êtes malade, monsieur, mais je ne peux pas vous soigner...

M. Charbonneau: Mais là, on dit... M. Godbout: ...c'est pire qu'avant.

M. Charbonneau: ...qu'on a des produits homologués.

M. Godbout: Oui, c'est cela.

M. Charbonneau: En fait, l'industrie dit: Nous, ce que nous craignons, c'est que nous ne puissions pas les utiliser parce que vous allez nous embarquer dans des processus trop compliqués; il va falloir que nous nous expliquions un peu partout et cela va prendre bien du temps. Sauf qu'ils n'auront pas besoin de s'expliquer, de demander des tonnes d'autorisations et de faire des études d'impact si on a en place des mécanismes de détection rapides. Les outils, on peut considérer qu'on les a et qu'on va les améliorer dans la mesure où les produits vont se développer avec les années, leur efficacité également.

Écoutez, les incendies de forêt, on les a réglés de la seule façon... Je me rappelle les présentations audiovisuelles qui nous ont été faites avant-hier par l'industrie. Les deux grands problèmes, c'étaient les incendies de forêt et les insectes. Il y avait une case où on montrait les deux. Les dommages des uns et des autres s'équivalaient, d'une certaine façon.

Si on a réglé le problème no 1, les incendies de forêt, par un bon système de détection et, par la suite, par un système de contre-attaque efficace, peut-être que l'autre problème passe par la même approche, c'est-à-dire d'abord un système sophistiqué de détection et, par la suite, une utilisation efficace et rapide des outils qu'on peut avoir à notre disposition.

M. Godbout: Aucun problème. En fait, si le raisonnement est qu il y a des pesticides homologués et si on peut détecter les phénomènes - là, on parle de détection et ce sont peut-être plus des épidémies qu'autre chose...

M. Charbonneau: Oui, oui.

M. Godbout: ...en tout cas, il y a quand même d'autres problèmes dans la forêt. Si vous dites: On a des pesticides homologués, d'une part, et des moyens de détection, d'autre part, et lorsqu'on détecte, on agit, on n'a pas de problème avec cela, nous.

M. Charbonnoau: Je considère que, finalement, là où le gouvernement devrait mettre ses ressources, d'abord, c'est dans son système de détection. Un investissement additionnel de fonds publics à faire au-delà de la recherche - je pense que sur la recherche on s'entend - c'est dans un système sophistiqué de détection; autrement, on n'arrivera jamais. On va se retrouver avec des produits chimiques - on va avoir des audiences publiques ou on n'en aura pas - qu'on va être obligés d'utiliser quand les dommages vont être considérables. Que voulez-vous? On va attendre que les épidémies soient...

M. Godbout: Vous avez raison dans la mesure... C'est tout à fait légitime et louable, je n'ai rien, au contraire, contre l'idée d'investir dans une meilleure détection des problèmes. Il ne faut pas seulement se limiter aux insectes, en tout cas, investir dans une meilleure détection, à condition qu'on sache d'avance qu'on va avoir les moyens d'agir. C'est cela que je vous disais auparavant.

M. Charbonneau: D'accord. Mais cela...

M. Godbout: Si à l'avance on dit: Une fois qu'on a détecté le problème, il y a un processus relativement lourd, comme cela est apparu dans le passé, à ce moment-là, tout l'effort et l'avantage mis dans \a détection sont perdus par une certaine lourdeur du processus.

M. Charbonneau: C'est cela.

M. Godbout: Si, à l'avance, on s'entend qu'il y a un processus d'homologation beaucoup plus ouvert, beaucoup plus connu, devrais-je dire, des différents intervenants et si, d'autre part, il y a un système de détection plus efficace, tant mieux. Il faut aussi s'assurer qu'on ait les moyens d'agir. Vouloir convaincre des gens de mieux détecter si on sait, à l'avance, que les moyens d'agir vont être relativement limités, parce que les pesticides homologués vont être très peu nombreux ou parce qu'il va y avoir des délais, etc., ce n'est pas un incitatif tellement grand pour agir. Mais dans le contexte que vous soulevez, c'est correct, il n'y a pas de problème.

M. Charbonneau: On s'entend...

M. Godbout: En fait, c'est ce qu'on dit.

M. Charbonneau: C'est cela.

M. Godbout: Par contre, il ne faut pas toujours s'imaginer - c'est peut-être cela le danger du raisonnement - que cela va toujours être des superficies inférieures à 600 hectares.

M. Charbonneau: Très bien. Sauf qu'on s'entend sur l'objectif: Plus le système de détection est bon, plus il est sophistiqué, plus on va être en mesure de détecter avant que cela atteigne des superficies trop grandes.

M. Godbout: Oui.

M. Charbonneau: Dans le fond...

M. Godbout: En supposant que les traitements puissent contrôler le phénomène.

M. Charbonneau: Oui, oui.

M. Godbout: Ce n'est pas toujours le cas, il faut faire attention.

M. Charbonneau: Je fais la distinction entre la détection et, après cela, l'utilisation des produits.

M. Godbout: C'est parce qu'il peut y avoir des phénomènes d'épidémie, si on veut - on parle des insectes, je pense bien, en pratique - mais qui peuvent être relativement envahissants et qui font que même une lutte ne pourra pas nécessairement les arrêter. C'est vrai, c'est tout à fait louable de faire comme pour les incendies de forêt; c'est correct. Parfois, il y en a un qui s'échappe parce que c'est bien sec, il y a du vent et de la boucane, etc., mais, sur le lot, c'est correct, je pense que c'est logique. En fait, cela va d'emblée, je pense, dans le sens du mémoire. Il y a des produits homologués et il faut pouvoir intervenir. On poursuit la recherche pour améliorer les méthodes; il ne faut pas s'asseoir sur notre derrière et attendre, mais utilisons, pour l'instant, ce qui est reconnu, ce qui est accepté par tout le monde pour intervenir le plus vite possible.

M. Charbonneau: C'est cela, mais j'ai fait cette constatation avec d'autres aujourd'hui et hier parce que je considère que c'est une des failles les plus importantes dans le document actuellement en discussion, dans la proposition qui est perfectible. D'ailleurs, c'est pour cela qu'on fait la commission parlementaire. Si c'était final, on n'aurait pas à en parler, mais dans la mesure où on n'a pas insisté sur cela, où on n'a pas fait une analyse critique de notre système de détection actuel et où l'on ne propose rien pour le corriger, pour l'améliorer, je me dis: II y a quelque chose qui est comme l'abc qu'on n'a pas encore abordé.

M. Godbout: En fait, quand on parle d'actions préventives, de recherche et de développement dans les actions préventives, cela veut dire sur la forêt et sur les méthodes pour prévenir les épidémies, c'est tout cela ensemble. C'est un ensemble de stratégies toujours pour diminuer l'ampleur du problème, donc diminuer le besoin de moyens correctifs. Tant mieux.

M. Charbonneau: D'accord.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Verchères.

M. le député de Chauveau.

M. Poulin: Oui. Vu qu'il ne me reste qu'une minute, j'aurai juste une question. En page 7 de votre document, vous prétendez que les pesticides en forêt n'ont eu aucun impact négatif au cours des 20 dernières années sur la santé humaine ou l'environnement. Pouvez-vous nous dire aujourd'hui pourquoi on a retiré l'homologation pour le DDT et le phosphamidon? On se souviendra que le ministre l'a mentionné lors de la première journée de l'audition: Le fénitrothion qui a été retiré avait été retrouvé dans des moules à 50 kilomètres dans les Maritimes. Donc, à la page 7, vous pariez du DDT, dont l'homologation a été retirée et vous dites que dans les 20 dernières années il n'y a eu aucun impact négatif sur la santé humaine.

M. Godbout: Ce que l'on dit - je ne suis pas un spécialiste, mais à ma connaissance et peut-être qu'on se trompe - c'est qu'il n'y a eu aucun impact négatif significatif sur l'environnement. Peut-être qu'on se trompe, il y a peut-être des cas, mais dans l'ensemble des interventions qui ont pu être faites, je ne pense pas que l'on puisse dire qu'il y a eu des impacts majeurs sur la santé humaine en forêt.

M. Poulin: Mais on peut tout de même dire que l'homogation n'est pas parfaite non plus.

M. Godbout: C'est ce que j'ai dit au départ, elle n'est pas parfaite, mais si on attend d'avoir un processus parfait, on peut attendre un bon bout de temps. C'est pour cela que c'est important dans un processus réaliste d'activité humaine de ne pas viser toujours la perfection, mais de viser ce qui est faisable pour l'instant, ce qui est disponible, mais de mettre en place en parallèle un processus de suivi pour s'assurer que... Peut-être dans dix ans on va trouver qu'un produit pourrait avoir des problèmes, parce qu'évidemment le suivi sera un peu plus sévère que ce qu'on utilise en général. À ce moment-là, cela permettra qu'on ajuste les stratégies, les produits et, en parallèle aussi, il y a d'autres méthodes alternatives qui pourront être mises en place et développées. Il faut le voir dans une phase de continuité.

Ce que l'on propose dans l'ensemble du document, c'est: Partons avec ce que l'on a, qui est relativement sécuritaire, faisons un suivi pour être bien sûrs qu'il n'y a pas de problème en cours de route, mais en même temps organisons-nous pour développer des alternatives, des moyens de prévention.

Remarques finales

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Chauveau.

Je tiens à remercier l'Institut forestier du Canada pour son apport aux travaux de cette commission. Nous en sommes maintenant rendus à la période de conclusion et je vais reconnaître dans un premier temps M. le ministre pour de brèves remarques de conclusion.

M. Albert Côté

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. Je regrette bien l'absence de mon collègue, le ministre de l'Environnement, ici aujourd'hui, mais en guise de conclusion il me paraît important de résumer brièvement l'origine de cette commission.

En fait, le document de consultation que nous avons préparé conjointement provient d'un constat. Les règles du jeu qui ont présidé à la formulation de la Loi sur la qualité de l'environnement depuis dix ans ont grandement changé. En effet, nous avons maintenant au Québec un nouveau régime forestier qui définit des règles de gestion strictes et qui impose à l'industrie forestière les objectifs de respect et de polyvalence de la forêt. De plus, nous disposons désormais de la Loi sur les pesticides, un moyen efficace de contrôle tant sur les produits que sur leur utilisation et sur les utilisateurs. Enfin, nous sommes en train de préparer conjointement des codes de gestion qui définiront les circonstances où les pesticides peuvent être utilisés, les moyens privilégiés, les règles et les processus de suivi et de contrôle environnemental nécessaire.

(15 h 15)

Le scénario 2 s'inscrit dans ce contexte puisque, d'une part, l'industrie est tenue de présenter sa programmation quinquennale en termes d'aménagement et que, d'autre part, les produits visés sont connus, sécuritaires et déjà utilisés, tant en forêt qu'en milieu agricole. J'aimerais vous expliquer ce qu'est, en somme, ce scénario proposé, qui a fait l'objet d'une large approbation par les intervenants de cette commission, qu'ils soient de l'industrie, du milieu de la recherche, de l'enseignement ou, tout simplement, liés au secteur forestier ou de la conservation.

Ce que nous proposons, en fait, c'est: la possibilité, là où cela sera nécessaire, d'utiliser le B.t. et le glyphosate sans étude d'impact, parce que déjà faite dans le cas du B.t. et recommandée; le respect des codes de gestion qui en balisent l'utilisation; un processus de planification conforme aux exigences de la forêt et qui implique la préparation, par l'industrie, de plans d'aménagement d'un an, cinq ans et vingt-cinq ans, et qui feront état de toutes les interventions et de tous les traitements; un processus permanent et rigide de suivi et de révision des deux produits, dirigé par un comité interministériel, afin de réévaluer les connaissances relatives à la toxicité; une étude d'impact obligatoire pour tout autre produit qui serait requis, afin de faire face à de nouvelles situations et un processus très strict d'information de la population réellement concernée par l'utilisation des produits.

M. le Président, vous conviendrez avec moi que ce n'est pas une carte blanche à l'industrie, en fait, que nous proposons, mais un moyen sûr, efficace et contrôlé de disposer d'un outil essentiel à la restauration de la forêt du Québec. Ce moyen contient également ses propres contraintes et la majorité des gens qui se sont présentés devant nous au cours des trois derniers jours se sont engagés à s'y soumettre. Le processus d'homologation a été l'objet d'interrogations à plusieurs reprises, au cours des travaux de cette commission. Cependant, jusqu'à preuve du contraire, c'est encore le meilleur processus que nous connaissons chez nous et, même, sur le plan mondial. Qu'il y ait lieu de l'améliorer, nous en sommes tous et toujours. Qui peut prétendre à la perfection?

Personne, lors de cette commission, pas plus qu'avant d'ailleurs, n'a pu démontrer que les audiences publiques que nous connaissons peuvent, de quelque manière que ce soit, modifier ou apporter des éléments supplémentaires puisque - et je tiens à le préciser - ce sont les mêmes données techniques et scientifiques, découlant du processus d'homologation, qui servent de base aux discussions souvent trop émotives des audiences publiques. Par contre, ce qui est proposé dans le scénario 2, c'est justement un mécanisime de suivi et de révision de ces données techniques, de façon à valider d'une manière continue et permanente la sécurité de

ces produits qui sont, je vous le précise, pas plus dommageables dans certains cas que le sel de table.

Les audiences publiques sur les pesticides, compte tenu de l'émotivité que le sujet suscite, n'ont pas réussi à clarifier la situation, mais bien au contraire à accroître la résistance, la crainte ou le traumatisme déjà manifesté. J'aimerais vous rappeler, à ce propos, que les tondeuses à gazon et même la bicyclette sont dans les faits, selon l'échelle de risques sur la santé humaine, plus dangereux que les pesticides. Nous ne faisons pas d'audiences publiques et d'étude d'impact sur des sujets aussi dangereux pour la santé humaine et animale. Cependant, M. le Président, je suis conscient que l'information de la population constitue une nécessité, un devoir et un droit. C'est pourquoi nous devons identifier les meilleurs moyens pour le faire et donner à la population directement concernée la possibilité de participer à la prise de décision. C'est pourquoi je peux vous assurer que ma recommandation au conseil des ministres, après les travaux de cette commission, ira dans le sens d'une amélioration du scénario 2, de façon à permettre cette information et cette participation de la population et ceci doit évidemment toujours se faire de façon expéditive, efficace, et non au détriment de la santé, de l'écologie et de l'environnement.

En terminant, je tiens à vous remercier, vous, M. le Président, et tous les membres de cette commission ainsi que tous les intervenants externes qui ont, par leur contribution, manifesté leur intérêt de façon concrète. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre délégué aux Forêts. M. le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: M. le Président, je suis un petit peu déçu de la façon dont le ministre délégué aux Forêts termine nos travaux de trois jours. J'aurais souhaité que le ministre fasse un constat plus ouvert des opinions qui ont été émises au cours de ces trois derniers jours et qu'au lieu d'utiliser ces quelques minutes pour tenter, encore une fois, de nous vendre son approche et son scénario qui va à rencontre, d'ailleurs, du scénario que son collègue a présenté... On l'a vu à plusieurs reprises, cela a été une des révélations de cette commission, il y avait un conflit entre les deux ministres. Ils ont eu au moins la franchise de le mettre sur la place publique et de le soumettre à la discussion publique, ce qui est louable, sauf que cela ne règle pas le conflit. C'est un conflit fondamental et, à notre point de vue, les travaux de la commission doivent viser, non pas à améliorer votre scénario et à laisser tomber l'autre, mais ils doivent viser à trouver un troisième scénario. Un scénario qui va faire en sorte qu'on puisse lutter efficacement contre les infestations, qu'on puisse détecter rapidement ces infestations, faire en sorte qu'on soit vraiment arrimés aux principes directeurs que vous avez formulés et qui devraient être reformulés, d'ailleurs, en fonction des recommandations qu'on a faites. Principes fondamentaux directeurs qui sont tous, au fond, reliés à la Loi sur les pesticides qui propose qu'on fasse un usage, non seulement modéré, mais réduit de plus en plus de ces instruments efficaces, peut-être, mais dangereux aussi et délicats, tout au moins. Et ceci en conservant un acquis important qu'on a développé au Québec au cours des dernières années, c'est l'acquis que la gestion des problèmes environnementaux ou des questions environnementales se fait par la contribution du public, des citoyens, des gens qui sont concernés par leur milieu de vie.

Dans ce sens, je vous le dis tout de suite et on l'a dit au départ, mais, on est plus derrière, à cet égard, la position qui a été défendue par le ministre de l'Environnement que la vôtre, sauf que ce n'est pas une religion ni dans un cas ni dans l'autre. On t'a dit dès le départ, le scénario 1 présente, à notre avis, des problèmes aussi de faisabilité qui doivent être pris en considération et il ne tient peut-être pas suffisamment compte de la problématique des dangers qui doivent appeler une intervention rapide et efficace. Tout le monde convient de cela. Je pense qu'il n'y a personne ici qui peut dire qu'il y a des certitudes. À la suite des travaux des trois derniers jours, je crois que, maintenant, le défi du gouvernement va être le suivant. Cela va être le défi, entre autres, du ministre délégué aux Forêts qui est plus un ministre à vocation économique, et ce n'est pas un reproche qu'on lui fait, c'est une constatation. Est-ce que le virage environnemental, cela va vouloir dire quelque chose pour le gouvernement dans son ensemble, pour le Conseil des ministres qui aura éventuellement à approuver ou à arbitrer éventuellement votre conflit entre vous et le ministre de l'Environnement? Et un virage environnemental qui ne se traduirait pas dans les faits par le respect des processus qui font en sorte que les citoyens peuvent intervenir et doivent intervenir pour des raisons qu'on a bien clarifiées avec un certain nombre d'intervenants à l'occasion de cette commission dans la gestion des questions environnementales, dans la gestion de leurs ressources, de leur propriété, de leur milieu de vie, de leur milieu naturel, ce serait un virage environnemental qui ne voudrait pas dire grand chose.

Un virage environnemental, cela veut dire que, oui, il faut changer des pratiques, des habitudes et des mentalités qui se font dans le domaine économique et qui se sont faites depuis longtemps. Autrement, il n'y en a pas de virage environnemental. Il y a des gens qui ptacotent sur le virage environnemental, mais quand cela vient le temps de passer aux actes ils n'arrivent pas à intégrer les dimensions, les préoccupations

et les enjeux environnementaux dans la façon dont on se comporte pour développer l'économie et pour la faire rouler. Il n'y a personne qui, de notre côté, met en cause le fait que la forêt est la base d'une industrie importante au Québec, en fait, l'une de nos principales industries, sinon la plus importante et à la base aussi de la qualité de vie, de la vie tout court de milliers de Québécois et de Québécoises, de milliers de familles, de dizaines de milliers de familles. Cela aussi, cela doit tous nous préoccuper et cela nous préoccupe, mais il y a moyen et je pense qu'on a identifié toutes les pistes nécessaires durant ces trois jours pour permettre aux deux ministres de régler leurs problèmes et de nous revenir avec un troisième scénario qui fasse en sorte qu'on ait une véritable politique de lutte contre les ravageurs et la végétation concurrente intégrée dans un nouveau cap environnemental et intégrée dans une nouvelle politique d'aménagement de notre richesse naturelle ou de l'utilisation économique de notre richesse naturelle que constitue la forêt.

Ce qu'on peut souhaiter, en terminant, M. le Président, c'est que le gouvernement aille au bout de sa démarche publique, c'est-à-dire qu'il nous revienne avec un rapport de travail. Une fois que les deux ministères et les deux ministres auront fait leurs devoirs, ce qui serait important, c'est qu'ici à la commission, non pas qu'on fasse un exercice de consultation aussi étendu qu'on l'a fait, mais qu'on ait un rapport et qu'on puisse en discuter avec les deux ministres et peut-être éventuellement, avec un certain nombre de personnes choisies pour voir à quoi aura servi l'exercice qu'on a fait au cours des trois derniers jours. J'ai l'humble impression, M. le Président, d'avoir été utile aux travaux de cette commission et j'espère que notre contribution sera prise en considération par le ministre délégué aux Forêts et par le ministre de l'Environnement.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Verchères. Je vais maintenant reconnaître pour les remarques finales, M. le député de Chauveau.

M. Rémy Poulin

M. Poulin: Merci, M. le Président. Je m'excuse au nom du ministre qui n'est pas ici. Je suis convaincu qu'il aurait aimé participer à la conclusion de ces trois jours. Je vais essayer de le faire le mieux possible.

Si on replace un peu le contexte de la commission, on a eu à se référer souvent à la loi 150, la loi 27, les règlements sur les pesticides et les règlements sur l'évaluation et l'examen des impacts d'environnement. Au niveau fédéral et ce, malgré ce que dit l'industrie forestière concernant l'excellence du processus d'homologation, le ministre de l'Agriculture a créé le comité "aviseur" sur la lutte antiparasitaire afin de corriger les lacunes importantes du système actuel. On peut mentionner le rôle important des provinces dans ce processus, car ce sont elles qui mettent la pression sur le gouvernement fédéral, puisqu'elles doivent vivre avec les pesticides sur le terrain, dans les champs et dans les forêts. Ce comité se penche sur des problèmes tels que les mises à jour de l'homologation, la publication des données, le retrait des vieux produits, les normes de protection de la santé, l'intégration de l'environnement, de la santé et des besoins économiques.

M. le Président, tous ces développements nous mènent à cette commission parlementaire sur l'usage des pesticides en forêt. Le ministre de l'Environnement, comme gérant du domaine des pesticides au Québec, doit voir à la mise en application des objectifs de la Loi sur les pesticides, c'est-à-dire la réduction et la rationalisation de l'usage des pesticides. Le ministre doit coordonner, stimuler, accentuer la recherche, sensibiliser, éduquer et former le public et les utilisateurs des pesticides. Viennent s'ajouter à ces responsabilités celles concernant les études d'impacts environnementaux. Le ministre de l'Environnement est le chien de garde d'un important mécanisme de consultations publiques.

Depuis trois jours, nous faisons un débat. Nous réfléchissons sur des mémoires présentés par différents organismes concernant l'utilisation des pesticides en forêt. Il est sûr que chaque groupe défend ses intérêts tout en reconnaissant l'intérêt plus grand de la société. Cependant, cet intérêt plus grand de la société est défini de différentes façons selon l'orientation du groupe qui présente son mémoire. Cependant, certains mémoires et certaines présentations se distinguent des autres, prenons, par exemple, le Regroupement pour un Québec vert, pour la passion de ses nombres, la Fédération québécoise de la faune qui a présenté un mémoire réfléchi, élaboré et qui s'adressait à tous les points soulevés par le document de support. Il y a eu le Groupe de travail sur les pesticides qui véhicule le point de vue raisonné d'un groupe d'experts sans pareil au Québec, le Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy qui a reconnu en toute franchise l'importance des études d'impact pour faire avancer nos connaissances, l'Association des biologistes du Québec qui a fait ressortir l'importance de la nécessité d'un suivi environnemental.

Nous avons aussi et ce, surtout le premier jour, entendu l'industrie forestière. Cette industrie argumente avec vigueur pour la nécessité d'une plus grande utilisation des pesticides. Face aux deux hypothèses du travail présentées, l'option du plan quinquennal avec étude d'impact et l'option B.t. et le glyphosate sans étude d'impact, l'industrie se prononce d'une seule voix en faveur de la deuxième option, certains de ses membres ajoutant que d'autres produits devraient être retirés de l'emprise de ces études d'impact.

Il semble être clair que le processus d'étude

d'impact peut être bonifié. D'une part, certains promoteurs y échappent sous le prétexte d'arrosages expérimentaux. D'autres font une multiplicité d'arrosages sur des superficies légèrement inférieures à 600 hectares. De l'autre côté de la médaille, il semble acquis par les membres de cette commission que, si 200 ou 300 CAAF sont signés par l'industrie forestière, il est illusoire de croire que le BAPE pourra tenir le même nombre d'audiences publiques. Pour ces raisons, le ministre de l'Environnement propose l'option d'une programmation de cinq ans. Il est clair que cette option doit prévoir des mécanismes pour répondre aux urgences, qui peuvent être définies dans l'étude d'impact.

Mais le point fondamental est que cette option permet de conserver un acquis important pour la population, celui de l'audience publique. D'ailleurs, je dois constater, à la lecture de plusieurs mémoires, que l'étude d'impact accompagnée d'audiences publiques, si elle a été souvent pénible pour l'industrie, joue un rôle important pour faire évoluer nos connaissances dans ce domaine. À la fin des années quatre-vingt, le public est sensibilisé à l'environnement comme il ne l'a jamais été. L'intégration des principes environnementaux avec ceux qui sont économiques revêt une importance primordiale. Si l'utilisation des pesticides en forêt n'est contrôlée que par l'homologation fédérale, il est peu probable que cette intégration se fasse. L'étude d'impact est un acquis important, un outil qui nous permet de juger de la nécessité et de la pertinence de l'usage des produits qui, ne l'oublions pas, sont toxiques. Sans une certaine remise en question des choses, sans un mécanisme de débat public, il est probable que la question de l'utilisation des pesticides tombe dans l'oubli.

Je remercie tous les participants pour la qualité de leur présentation et surtout les représentants du mouvement environnemental qui nous obligent à toujours réfléchir, à remettre en question, à repenser le rôle de l'être humain dans le monde. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Chauveau. En guise de conlusion, permettez-moi de vous remercier, M. le député de Verchères, de même que M. le ministre de l'Environnement et M. le ministre délégué aux Forêts, de même que tous les collègues et tous les intervenants pour m'avoir facilité la présidence durant ces trois journées. J'ose espérer qu'à partir de tous les discussions que nous avons eues ici autour de cette table, finalement, nous pourrons produire un document de travail, une politique qui satisfera pleinement ce qui est le plus important, l'ensemble de tous nos concitoyens et concitoyennes.

La commission de l'aménagement et des équipements, ayant maintenant complété son mandat, soit de poursuivre des consultations particulières sur le document intitulé "Politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier", ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 15 h 34)

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