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(Neuf heures quarante minutes)
Le Président (M. Richard): Mesdames et messieurs, je vous
souhaite la plus cordiale bienvenue. Je vous rappelle le mandat de notre
commission... Il n'y a aucun remplacement, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: Aucun remplacement, M. le
Président.
Le Président (M. Richard): Alors, le mandat de la
commission est le suivant: poursuivre les auditions publiques dans le cadre de
la consultation générale sur l'étude de la
procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur
l'environnement et sa portée, notamment en ce qui a trait aux grands
projets industriels et aux projets concernant la disposition des déchets
solides et domestiques, et cela, en tenant compte de la procédure
québécoise actuelle, du rapport Lacoste, de la procédure
ontarienne et de la procédure suggérée par le gouvernement
fédéral.
Maintenant, vous avez pris place, les représentants de Gaz
Métropolitain. Alors, je vous cède la parole. Vous avez une
heure. Normalement, le principe ou la mécanique adoptée, c'est 20
minutes pour votre présentation. Vous avez le droit d'en faire seulement
10 et, après ça, le reste du temps est partagé entre le
parti ministériel et le parti représentant l'Opposition
officielle. Je vous laisse la parole. Vous vous identifiez en premier,
évidemment, et vous identifiez les collègues qui sont avec vous.
Alors, vous avez la parole.
Gaz Métropolitain
M. Caillé (André): M. le Président, Mmes et
MM. les députés, je suis André Caillé,
président et chef de la direction de Gaz Métropolitain, Les
personnes qui m'accompagnent sont, à ma droite, M. Kébir Ratnani,
qui est chef de service à la recherche et au développement
à Gaz Métropolitain et, à ma gauche, M. Claude
Doré, qui est chef de service à notre division de
l'ingénierie.
Je tiens, tout d'abord, à remercier les membres de la commission
d'avoir bien voulu nous entendre dans le cadre de cette consultation publique
sur la procédure québécoise d'évaluation et
d'examen des impacts sur l'environnement. Je veux aussi féliciter, M. le
Président, les membres de cette commission pour avoir pris l'initiative
de la présente consultation.
De fait, les questions que vous soulevez arrivent à point. Elles
sont non seulement d'actualité, comme vous le savez, mais aussi
préoccupantes pour tous ceux qui ont à coeur à la fois le
maintien et le développement du niveau de vie de la population
québécoise, ainsi que la protection de la qualité de
l'environnement. Je n'entends pas vous relire intégralement le
mémoire que nous avons déposé auprès de votre
commission. Suite à une brève présentation de notre
société, je me contenterai d'en exposer les grandes lignes.
Gaz Métropolitain évolue depuis plus de 30 ans dans
l'industrie du gaz naturel. Nous sommes présents dans presque toutes les
régions du Québec et nous espérons bientôt pouvoir
étendre notre réseau dans d'autres régions qui font
déjà partie de la franchise accordée à notre
entreprise par le gouvernement du Québec.
Nous oeuvrons activement dans le domaine de la recherche et du
développement, de l'assistance technologique à la
clientèle et nous nous impliquons aussi dans l'utilisation du gaz
naturel comme carburant dans le transport.
Gaz Métropolitain, c'est aussi et surtout 1400 employés
répartis dans l'ensemble des régions où nous sommes
présents. Ce sont des employés très fiers de leurs
connaissances et de leur métier qui est de distribuer du gaz en
français en Amérique du Nord. Nous sommes également
très fiers de notre produit qui contribue, selon nous, à
améliorer la qualité de l'environnement. En effet, le gaz naturel
est le plus propre des combustibles fossiles. L'utilisation du gaz naturel
plutôt que d'autres produits pétroliers permet de réduire
significativement certaines émissions polluantes, entre autres, les
particules de SO , mieux connues sous le nom de "SOx", les oxydes d'azote, les
"NOx" et le CO , le gaz carbonique.
Chez Gaz Métropolitain, nous croyons à la protection de
l'environnement comme nous croyons aussi au développement
économique. La meilleure recommandation que nous puissions vous faire
aujourd'hui, j'en suis convaincu, c'est de continuer à rechercher
l'harmonisation entre niveau de vie, c'est-à-dire économie, et
qualité de l'environnement, c'est-à-dire écologie. La
législation que vous étudiez présentement est justement un
des outils que le Québec s'est donnés pour harmoniser ces deux
impératifs. Notre régime d'évaluation est en place depuis
10 ans et, à ce seul titre, ce n'est pas une mauvaise idée que de
le réviser pour l'améliorer. Cela devient encore plus
nécessaire si l'on tient compte des profonds changements que
connaît et qu'a connus l'économie québécoise durant
cette période de 10 années. La tendance est nettement vers la
libéralisation des marchés pour mieux réussir sur les
marchés internationaux. Le Québec
n'a pas d'autre alternative que d'accroître sa productivité
en créant un climat propice aux investissements industriels.
Vouloir concilier économie et environnement est certainement
nécessaire, mais ce n'est pas nécessairement une chose facile
à faire. C'est un enjeu de société et nous devons
l'affronter avec maturité et surtout pas avec émotivité.
Nous vivons présentement, chacun le sait, une période
économique difficile. Beaucoup d'entreprises ferment leurs portes ou
ralentissent leurs activités. Ainsi, des milliers perdent leur emploi.
Ce ralentissement économique se traduit forcément par une baisse
de la pollution. Vous conviendrez, par ailleurs, que ce n'est pas la solution
pour améliorer l'environnement. C'est en quelque sorte une preuve par
l'absurde que l'harmonisation environnement et économie est plutôt
la solution.
Ce que nous devons plutôt rechercher, c'est une
prospérité économique soutenue qui ne détruira pas
notre environnement parce qu'il y aura un minimum d'impact sur l'environnement
des projets de développement pour supporter et améliorer le
niveau de vie des Québécois et des Québécoises. On
a connu l'époque du développement aveugle, c'est vrai, et on en a
connu une autre où on s'opposait aveuglément au progrès,
c'est vrai aussi. J'espère que votre commission sera le point de
départ pour tous ceux qui souhaitent voir clair dans l'avenir.
Dans le contexte d'une réforme de notre procédure
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement, j'aimerais
vous soumettre quatre réflexions qui seraient autant de pistes pour
améliorer le processus actuel. Selon nous, cette mise à jour
devrait s'inspirer de quatre principes.
Le premier principe, c'est la recherche de solutions optimales par la
voie de la négociation, voire de la médiation. Toute
réglementation, selon nous, devrait être négociée.
Ce principe s'appliquerait non seulement aux procédures
d'évaluation, mais aussi, de façon générale, aux
réglementations de nature environnementale. L'objectif recherché
ici est fort simple: l'adoption de normes réalistes qui seraient le
fruit de compromis entre toutes les parties concernées. La
négociation des règlements est déjà
appliquée formellement dans d'autres juridictions; il y en a un exemple,
aux pages 11 et 12 de notre mémoire, qui se réfère
à une expérience américaine, laquelle connaissait un
aboutissement favorable, le 16 août dernier, concernant la pollution
automobile.
Selon nous, on peut envisager ici un régime de même nature,
d'autant plus que, de façon informelle, on a déjà
procédé de cette façon pour l'adoption du règlement
sur les pâtes et papiers publié récemment dans la
Gazette officielle. J'irais même plus loin en suggérant
qu'un tel processus pourra probablement s'appliquer lors d'implantations
industrielles. Il est bien entendu qu'un tel régime a pour condition
préalable la maturité des participants. De cette façon, on
escamote les confrontations émotives, donc inutiles, pour s'attarder
à trouver un compromis efficace qui tiendra compte des contraintes
économiques et environnementales, ce qui est le but
recherché.
Le deuxième grand principe ou orientation, c'est la recherche,
pour accélérer le processus, de plus de
célérité. La lenteur et l'incertitude, tout autant que la
sévérité des normes comprises dans des
réglementations de toute nature, peuvent nous faire perdre des projets
industriels de grande valeur. Les promoteurs qui choisissent les régions
où ils désirent s'établir doivent connaître les
règles du jeu au point de départ. Actuellement, notre processus
d'évaluation, du moins celui découlant de l'article 31 de la loi,
est lourd. On veut tout analyser et tout débattre dans un seul et
même examen, à partir d'une étude qui ne doit porter que
sur les impacts locaux d'un projet. On intègre désormais des
considérations relatives à des choix de société ou
à des cycles environnementaux planétaires, tout ça, des
fois, dans une municipalité comme Trois-Rivières ou Lavaltrie, et
ce, de façon répétitive à chacun des projets,
chaque fois qu'on change de municipalité pour le même projet ou le
même type de projet.
Pour traiter plus efficacement les évaluations d'impact plus
global, il faudrait prévoir, selon nous, la tenue d'évaluations
génériques portant sur l'ensemble d'une industrie ou sur un
ensemble de catégories de projets qui sont ou qu'on prévoit
être à caractère répétitif. Ces
évaluations génériques permettraient par la suite
d'accélérer l'évaluation particulière de chaque
projet dans son contexte local en tenant compte des questions précises
et pertinentes spécifiques au milieu.
Troisième principe que nous vous suggérons dans votre
réflexion, c'est l'équité. Je vous précise, tout
d'abord, que mon idée n'est pas de laisser croire ou de tenter de
démontrer que le processus actuel à sa base est
inéquitable. Force est de constater, cependant, qu'au cours des
dernières années le processus a pu frustrer certains intervenants
qui n'étaient pas mal intentionnés, ni mal
préparés. Il y a donc lieu de s'adresser aux causes de
frustration pour améliorer le processus.
À cet égard, il y a, entre autres, la question des
délais qui balisent l'échéancier d'une évaluation
environnementale. Actuellement, certaines des étapes du processus ne
comportent pas de limite de temps. Une telle situation n'est pas acceptable.
Tous les intervenants à une évaluation environnementale devraient
être assujettis et rassurés par des délais précis,
connus à l'avance et pour chacune des phases du processus.
Par ailleurs, dans le contexte des audiences publiques du BAPE, des
droits de rectification,
de contre-preuve et de contre-interrogatoire devraient être
formalisés, sans nécessairement conduire, évidemment,
à la judiciarisation du processus. Il y a là, en plus du principe
d'équité, toute la question de la crédibilité du
processus. Il faut éviter le dépôt de rapports qui
pourraient s'inspirer de considérations étrangères aux
objectifs originaux de la consultation ou inconnus jusqu'alors. Selon nous, on
ne peut prendre prétexte du caractère non judiciaire, voire
consultatif, qu'il faut conserver encore une fois, pour faire de la
procédure une évaluation qui ne respecte pas les règles
élémentaires d'équité.
Le quatrième principe ou orientation que je souhaite aborder est
celui de la responsabilisation des intervenants. Les débats
environnementaux, vous en conviendrez avec moi, doivent se tenir entre des
intervenants responsables, qu'ils soient écologistes,
environnementalistes, fonctionnaires, promoteurs ou consultants. Chaque
intervenant doit répondre de ses actions. Il doit contribuer à la
recherche du juste équilibre en fournissant les meilleures informations
possible. Les mémoires ainsi que les témoignages biaises à
l'extrême, dans un sens ou dans un autre, devraient être
qualifiés de tels dans le rapport que le BAPE fait au ministre de
l'Environnement, c'est-à-dire des rapports n'allant que dans un sens.
Et, d'une façon équitable, que ce soit à droite ou que ce
soit à gauche, des rapports qui vont juste dans un sens, dans le
contexte d'une politique qui recherche à harmoniser niveau de vie,
économie et qualité de vie, environnement, bien, ce ne sont pas
des rapports qui contribuent beaucoup à la recherche de
l'équilibre et du compromis.
Présentement, le processus d'évaluation environnementale
s'articule autour d'un organisme consultatif possédant, à toutes
fins pratiques, un pouvoir de recommandation au gouvernement. Les élus
qui décident seraient mieux informés s'ils connaissaient la
façon dont les intervenants abordent les dossiers, ceci, encore une
fois, postule que l'objectif est toujours celui de rechercher l'harmonie. En ce
qui nous concerne, le pouvoir de recommandation du BAPE dans la perception
publique est tout autre. De nombreuses personnes considèrent qu'une
recommandation du BAPE vient clore le dossier, c'est-à-dire que c'est
décisionnel.
À l'époque de la création du BAPE, le gouvernement
n'a pas voulu en faire un organisme décisionnel. Ce choix vaut toujours
pour aujourd'hui et on doit préserver un statut non décisionnel
au BAPE, selon nous. Bien sûr, une campagne d'information permettrait de
clarifier cette mauvaise perception qu'ont les gens du rôle du BAPE.
Par ailleurs, la procédure actuelle pourrait être
réaménagée pour clarifier le fonctionnement du BAPE. Une
de ces mesures consisterait à impliquer le BAPE dans
l'élaboration de la directive qui balise le contenu de l'étude
d'impact d'un promoteur. Ce faisant, la pertinence d'une telle directive ne
pourrait être remise en question par la suite au cours d'une audience
publique. Pour ce qui est de l'audience publique, elle devra, d'une part, se
tenir en fonction des principes auxquels j'ai fait allusion plus tôt:
célérité et équité et, d'autre part, se
dérouler en présence d'un commissaire ad hoc provenant du
ministère principalement concerné par le projet
étudié. Je dirais ici que c'est une question d'équilibre
d'écoute.
J'en arrive maintenant à aborder la question des critères
d'assujettissement au processus d'évaluation environnementale. Pour les
fins de mon exposé, je me concentrerai d'abord sur certaines
dispositions spécifiques à l'industrie du gaz naturel. Ce sujet
est quelque peu technique, j'en conviens, mais, comme le rapport Charbon-neau
ainsi que le rapport Lacoste y font directement allusion, je me dois
aujourd'hui de vous en parler. .
Vous savez que le processus d'évaluation environnementale gravite
essentiellement autour des articles 22 et 31 de la Loi sur la qualité de
l'environnement et que les dispositions réglementaires viennent en
préciser l'application. Vous savez aussi que les rapports Charbonneau et
Lacoste recommandent la mise en vigueur de certains articles non
promulgués à date. Leur avis est aussi partagé, je le
pense, par certains groupes qui témoignent devant vous. Cette même
problématique s'observe aussi pour l'article 31.
L'exemple qui me vient à l'esprit est celui de la
cogénération. Présentement, c'est la puissance d'une
unité de cogénération qui détermine si elle est
assujettie à une audience publique. Ce critère de 10
mégawatts tient peu compte des impacts environnementaux. Selon nous, un
projet de cogénération devrait être évalué en
fonction des normes des émissions atmosphériques prévalant
au Québec et faire l'objet d'une autorisation sous l'article 22 et non
pas sous l'article 31. L'édition du 16 septembre du Devoir faisait
d'ailleurs référence à une éventuelle audience
générique sur la cogénération. Cette occasion
permettra de démontrer le bien-fondé de notre point de vue.
En passant, ici, je voudrais faire remarquer qu'une usine de
cogénération de neuf mégawatts fonctionnant à
l'huile rejetant beaucoup plus d'émissions dans l'atmosphère,
elle, ne serait pas assujettie à la réglementation, tandis qu'une
usine, parce qu'elle fonctionnerait au gaz, mais qu'elle aurait 10
mégawatts, elle, serait assujettie.
Je pourrais fournir un autre exemple concernant la promulgation de 2j,
je pense, dans le règlement, qui concerne les conduites, les gazoducs.
On souhaiterait là assujettir les gazoducs sur la base de leur longueur,
sur la pression et sur la dimension. Selon nous, les projets de gazoducs
devraient être assujettis en fonction de l'importance des dommages qu'ils
pourraient causer ou des impacts qu'ils pour-
raient avoir sur l'environnement. Ainsi, ce gazoduc, même s'il est
plus petit de diamètre, s'il transporte moins de gaz, qu'il y a moins de
pression et qu'il traverse une zone marécageuse, probablement qu'il est
susceptible d'avoir un impact plus grand sur l'environnement qu'un plus grand
gazoduc qui ne traverse pas une zone semblable.
Je termine là-dessus, M. le Président, en vous remerciant
encore une fois, vous et les membres de la commission, de nous avoir entendus
et en souhaitant que nos remarques pourront contribuer positivement à la
réflexion que vous avez engagée. Merci.
Le Président (M. Garon): Je vous remercie. J'aimerais vous
poser une question. Je n'ai pas abusé beaucoup à date. Quand les
gens disent de restreindre les délais... Moi, j'ai été
ministre responsable de la Commission de protection du territoire agricole. On
disait souvent qu'il y avait de longs délais, mais la Commission ne peut
pas analyser tant que les dossiers ne sont pas complétés.
Souvent, ce sont les firmes de consultants qu'engagent les compagnies qui ne
produisent pas leurs rapports. Alors, je me demande, quand vous dites de
raccourcir les délais, ils compteraient comment dans votre esprit? Si
les organismes qui doivent prendre les décisions attendent pendant des
mois des rapports qui ne viennent pas, les délais, on les compterait
quand? Quand le dossier est complet?
M. Caillé: À ma connaissance, M. le
Président et MM. les membres de la commission, les questions de
délais devant les organismes de réglementation sont
soulevées partout et dans tous les domaines. Ce n'est pas seulement dans
le domaine de l'environnement. Ça fait l'objet des mêmes
débats aux États-Unis dans le domaine des pipelines. (10
heures)
II y a une solution originale, justement. Ça ne fait pas partie
de notre mémoire, mais je me permets d'étendre mon exposé
sur le sujet qui a été mis de l'avant aux États-Unis.
C'est ce qu'ils appellent chez eux le "fast track", c'est-à-dire la voie
rapide. Si on faisait ça au Québec, si on laissait au promoteur
l'option de choisir la voie rapide - je vais expliquer ce qu'elle est
tantôt - par rapport à la voie conventionnelle, celle qu'on
connaît aujourd'hui et où c'est... Quand on regarde les
délais et les activités, c'est difficile de dire comment on
pourrait les réduire de beaucoup significativement. Mais si on mettait
en parallèle pour le promoteur l'option de la voie rapide, bien,
là, ce serait à lui de faire son choix.
Qu'est-ce que la voie rapide? Essentiellement, c'est une approche qui
responsabilise le promoteur. Alors, le promoteur, plutôt que d'aller au
ministère pour déclarer qu'il a peut-être un projet et de
se faire donner des directives pour faire ces études, de faire ces
études et de les ramener et de se faire donner un avis pour savoir si
c'est conforme ou pas, il ne fait rien de tout ça et il dit: Je prends
la responsabilité de mon projet à tous égards:
économique et environnemental. J'engage des spécialistes et je
fais les études que je considère essentielles. Je veux un projet
qui ne détruit pas l'environnement et je veux un projet rentable. Il
fait ses affaires. Moi, j'ai un petit tableau ici. Peut-être qu'avec
votre permission je pourrais le distribuer. Ça montre le système
actuel et ça montre ce que serait la voie rapide.
Incidemment, au moment de la promulgation de la loi ou de la
modification de la loi qui a amené les études d'impact et les
audiences publiques, la création du BAPE, etc. - je ne me souviens plus
de l'année - un des objectifs de l'époque, c'était de
responsabiliser le promoteur, d'amener le promoteur à prendre
l'environnement en considération, tout comme on prenait
l'économique de son projet en considération.
Alors, la voie rapide que je propose ferait exactement cela. Le
promoteur n'embaucherait pas seulement des ingénieurs et des
économistes pour étudier son projet. Il aurait aussi dans son
équipe, au point de départ, un écologiste ou un
environnementaliste qui aurait pied là. On aurait plus de chances de
voir émerger des projets acceptables où l'harmonisation est
déjà faite.
Dans le système actuel de la voie conventionnelle, on
développe tout le projet au point de vue "engineering", au point de vue
économique, et ce n'est qu'à la fin qu'on va voir si c'est
correct du point de vue environnemental. Tout se passe comme si l'environnement
était la dernière préoccupation. Globalement, tout ce que
propose cette approche-là, c'est que l'environnement, c'est la
dernière préoccupation. Et, là, ça fait des grands
débats que vous connaissez, animés. Si on intégrait toutes
les dimensions au point de départ, je pense que ça pourrait se
faire. Maintenant, ce n'est peut-être pas tous les promoteurs.
Peut-être que les grands promoteurs opteraient pour une voie comme
celle-là, la voie rapide, en prenant le risque qu'à la fin le
projet n'ait pas été étudié convenablement ou sous
tous les angles souhaités au point de vue environnemental. Ils
prendraient le risque de ça. Des promoteurs plus petits ou qui ont moins
d'expérience dans le domaine pourraient choisir la voie
conventionnelle.
Ce que je vous suggère, c'est de conserver les deux voies.
Maintenant, s'il y a d'autres problèmes, ça, c'est tout à
fait une autre question d'embourbement du système. On pourrait aussi
choisir la voie régionale, c'est-à-dire ramener la consultation
sur certains projets au niveau des municipalités ou des MRC. Ça,
ça pourrait désembourber un processus québécois
national qui serait trop embourbé parce qu'il y a trop de petits projets
qui sont soumis ou introduits dans ce processus-là.
Le Président (M. Garon): Mme la députée de
Vachon.
Mme Pelchat: Merci, M. le Président. J'aimerais vous
souhaiter la bienvenue, M. Caillé, M. Ratnani et M. Doré. M.
Caillé, vous êtes le deuxième ex-sous-ministre que nous
avons le plaisir d'accueillir à notre commission. Normalement, on
profite de votre expérience à titre de sous-ministre, surtout que
vous y étiez de 1978 à 1982. Donc, vous y étiez quand la
procédure a été adoptée et lorsque le
règlement a été adopté aussi en décembre
1980. Aujourd'hui, vous êtes dans l'entreprise privée. Vous
êtes à même peut-être de nous témoigner - et
vous le faites très bien - de l'application concrète de cette
politique. C'est pour nous très enrichissant. On n'a pas souvent
l'occasion d'avoir une personne qui a été au gouvernement et qui
est maintenant dans l'entreprise privée, qui peut maintenant critiquer
ce qui a été fait à ce moment-là et surtout
apporter des améliorations.
J'aimerais revenir sur la question que le président vous a
posée, qui vous a amené à nous donner un tableau de ce que
vous appelez le processus de voie rapide et comment vous, vous voyez la
procédure, et je trouve cela intéressant. En somme, vous faites
sauter au moins trois étapes qui vous semblent superflues, si je
comprends bien: l'avis de projet, la directive pour l'étude d'impact, le
dépôt de l'étude d'impact. Vous amenez ça dans une
étape qui s'appellerait l'avis de projet, consultations publiques et
demande d'audiences. C'est bien ça? Combien de mois on pourrait sauver
juste avec ça?
M. Caillé: Actuellement, Mme la députée,
tout ça prend 33 mois dans le processus actuel et, selon la voie rapide,
ça prendrait 8,5 mois. Ça ne se ferait pas en négligeant
l'examen des impacts environnementaux, comme je le disais plus tôt, parce
que les impacts environnementaux seraient considérés en
même temps que les impacts économiques et autres du projet par le
promoteur. Il ne développerait pas tout son projet pour, après
ça, dire: Est-ce que vous pouvez me dire oui, s'il vous plaît? Il
développerait un projet en prenant toutes les dimensions de son projet
en considération.
Mme Pelchat: Un petit peu plus loin, quand vous parlez de lenteur
et de lourdeur du régime, qui, vous le dites bien, ont été
confirmées par le rapport Lacoste, vous dites aussi que... Je m'excuse,
M. le Président. Il y a plusieurs conversations qui se tiennent autour
de la table et j'ai un petit peu de difficulté à me concentrer.
Je vous remercie. Vous dites aussi que, "pour traiter plus efficacement les
évaluations d'impact global, il faudrait prévoir la tenue
d'évaluations génériques portant sur l'ensemble . d'une
industrie ou sur des catégories entières de projets à
caractère répétitif."
Premièrement, est-ce que vous ne croyez pas que, pour appliquer
un processus de voie rapide, comme vous le conseillez, qui prendrait de huit
à cinq mois... Avant de raccourcir la procédure à ces
délais-là, est-ce qu'il ne faudrait pas tenir des
évaluations sur les politiques et les programmes du gouvernement,
d'abord, et, par la suite, éventuellement, avoir des évaluations
d'impact génériques, plus spécifiquement, par exemple,
pour la construction de routes ou la contruction de barrages
électriques? Est-ce que ça, ce n'est pas une étape qui
devrait précéder le rétrécissement de la
procédure comme telle?
M. Caillé: II est sûr que le fait d'avoir tenu une
audience générique et, donc, d'avoir établi une politique
générale concernant toute une catégorie de projets
faciliterait grandement le choix des promoteurs de choisir la voie rapide,
parce qu'ils sauraient exactement comment ça se discute et quelles sont
les choses importantes à considérer quand on regarde l'impact
environnemental d'un projet de cogénération.
Donc, ça faciliterait beaucoup, mais ça
n'empêcherait pas, même s'ils n'ont pas fait l'objet de causes
génériques, d'autres promoteurs de choisir de prendre l'ensemble
des responsabilités, incluant la responsabilité environnementale
au niveau de l'élaboration de leur projet, pour arriver à un
meilleur projet, pour éviter toutes sortes de déceptions en bout
de ligne parce que leur projet était tout à fait extraordinaire
d'un point de vue affaires, d'un point économique, mais du point de vue
environnemental, hélas, il n'est plus bon après. Après
deux ans, trois ans d'étude, là, tout s'écroule parce
qu'on n'est pas au bon endroit sur le bord du fleuve ou parce qu'on a
découvert une merveille de la nature à un endroit, et il ne le
savait même pas. S'il l'avait eue au départ, bien, il l'aurait
trouvé et il se serait peut-être placé ailleurs. On
éviterait beaucoup de débats acrimonieux de cette
façon-là.
Mme Pelchat: Dans votre étape numéro un, avis de
projet, consultations publiques, demande d'audiences, est-ce que vous retenez
une des recommandations du rapport Lacoste qui nous demande de faire une
étape - et, là, mon collègue de La Prairie va me... - de
"scoping"? Je n'ai pas trouvé encore l'équivalent français
qui résume aussi bien.
M. Lazure: Ciblage, cernage.
Mme Pelchat: Mais "scoping", dans la définition qu'en
donne le rapport Lacoste, fait aussi référence - et c'est
très important - à l'association du public à
l'élaboration de la procédure, donc, une période de
consultation du public additionnelle à celle qui existe
déjà. Est-ce que, pour vous, ça ferait partie de cette
étape-là?
M. Caillé: Je ne connais pas cette recommandation
spécifique du rapport Lacoste. Selon ce que vous en dites, j'en
comprends qu'il y aurait une audience publique pour déterminer le
contenu que devrait avoir l'étude d'impact.
Mme Pelchat: La directive du ministère de
l'Environnement.
M. Caillé: La directive du ministère. Mais j'aurais
crainte, à ce moment-là, qu'on ajoute des délais. Je ne
vois pas comment ça pourrait se faire, cette consultation-là,
sans des délais additionnels. Parce que je pense que, quand on consulte
les gens, le plus élémentaire respect exige qu'on leur donne le
temps de se préparer pour faire la meilleure consultation possible.
Puis, là, se préparer, ça signifie des délais
additionnels.
Mme Pelchat: O.K.
M. Caillé: Je ne vois pas comment ça pourrait
être fait sans créer de délais additionnels.
Mme Pelchat: Merci. L'autre question, ça a trait aux
audiences publiques, parce qu'à la page 15 de votre mémoire vous
parlez d'équité et vous semblez dire... En tout cas, à la
lecture de ce paragraphe-là, on se pose la question à savoir si
Gaz Métropolitain pense que les audiences publiques ne permettent pas un
débat équitable. Est-ce que c'est ce que vous sous-entendez?
M. Caillé: Oui, qui peut conduire, parce que les
règles ne sont pas précisées - la révision que vous
faites est la bonne occasion de les préciser - à des situations
d'iniquité. Si, par exemple, on s'inspire d'un rapport qui n'est pas
public par sa nature, mais qu'on s'inspire de ce rapport-là quand
même sans en avoir discuté aux audiences pour faire une
recommandation au ministre de l'Environnement, eh bien, le promoteur ignore
l'existence de ce rapport-là; il ne peut pas contre-interroger, il ne
peut pas éclaircir les conclusions qu'on peut soutirer de ce
rapport-là, il ignore le rapport. Alors, ça fait des situations
inéquitables.
Mme Pelchat: Donc, par exemple, le BAPE, quand il détient
un rapport et qu'il se base sur ce rapport pour évaluer le projet, ce
rapport-là devrait aussi être un élément public
disponible et au public, et au promoteur.
M. Caillé: C'est ce que je veux dire et ça, c'est
facile à faire, je crois. Il y a des rapports qui sont de nature
publique, par exemple, un rapport de l'Assemblée nationale ou d'un autre
gouvernement, ça, c'est déjà du domaine public, mais il y
en a d'autres dont on peut vouloir s'inspiror, mais qui no sont pas, do par
leur nature, du domaine public. Alors, il faudrait les rendre publics pour que
tous les intervenants soient au fait du contenu de ces rapports-là.
Mme Pelchat: Est-ce qu'il y a d'autres règles qui, selon
vous, rendent inéquitable la...
M. Caillé: Oui. Il y a un autre aspect qui peut être
amélioré. C'est que, dans les débats environnementaux, il
y a beaucoup de débats de spécialistes. On peut consulter un
spécialiste qui va nous dire, conclure qu'il y aura tel effet de tel
projet sur la faune. On peut consulter un autre spécialiste qui va dire
autre chose. Au minimum, je pense que, dans le cas d'audiences publiques, qu'on
veut publiques, on veut non seulement un outil de consultation, mais aussi un
outil d'information des populations locales. S'il était donné au
promoteur ou aux groupes envi-ronnementalistes l'occasion d'aller chercher une
expertise et de pouvoir contre-interroger l'expert ou d'amener un autre expert
pour donner un autre éclairage, ce serait plus complet et ça
rendrait la chose plus équitable.
Mme Pelchat: Je ne l'ai pas vu spécifiquement dans le
mémoire et vous n'en avez pas fart mention non plus dans votre
présentation. Est-ce que vous êtes favorable à ce que le
gouvernement du Québec, à partir de maintenant, mette en vigueur
l'article 2g, n, p, l'alinéa 2 de j, à partir de demain matin,
disons? Est-ce que Gaz Métropolitain est en faveur, dans le fond,
d'élargir la liste des projets qui devraient être assujettis
à la procédure d'impact?
M. Caillé: De promulguer les articles
immédiatement, nous ne vous le recommandons pas parce qu'on pense qu'il
y a mieux à faire. On devrait d'abord modifier les articles pour
s'assurer que les projets de gazoduc qui seraient assujettis sont ceux qui sont
les plus susceptibles . d'avoir un impact sur l'environnement. Par la suite, de
le promulguer, on serait d'accord.
Ce que je veux dire par là, c'est que, dans le moment, le
règlement dit: Ça dépend de la longueur de la conduite, du
diamètre de la conduite et de la pression dans la conduite. Vous
conviendrez avec moi que la largeur des fosses dans lesquelles on met les
tuyaux, c'est toujours la même largeur. Alors, que le tuyau soit un petit
peu plus large ou un peu moins large, ça ne change strictement rien d'un
point de vue environnemental. Si nos conduites passent dans des milieux
humides, je comprends qu'on puisse dire: Là, ce n'est pas la même
chose, même s'il est tout petit, le gazoduc en question. Alors, la
première chose qu'on vous recommande...
Mme Pelchat: M. Caillé, j'ai envie de vous demander:
À titre de sous-ministre, dites-moi donc. C'était quoi
l'intention du législateur quand il a rédigé ce
règlement-là? Il n'est
vraiment pas adéquat si...
M. Caillé: L'intention du législateur... Je ne sais
pas si un sous-ministre ou même un ex-sous-ministre, ça parle des
intentions des législateurs. Ha, ha, ha!
Mme Pelchat: Non, mais, quand même, on sait très
bien que les législateurs votent les lois, mais que c'est des
sous-ministres et des fonctionnaires qui les rédigent. Alors, quand
même, j'aimerais peut-être que vous nous l'expliquiez un peu.
M. Caillé: Mon souvenir est le suivant, c'est que les gens
qui s'occupaient de préparer la fameuse liste tentaient d'identifier
quelle sorte de projet serait susceptible d'être assujetti dans le futur.
C'était évident, quand cette liste a été
confectionnée, que c'était pour le futur. Donc, ils n'ont pas
fait une analyse très rigoureuse des critères qui, dans le futur,
devraient permettre de discriminer entre ce qui est assujetti et ce qui ne
l'est pas. C'est mon souvenir.
Mme Pelchat: O. K. Alors, à ce moment-là...
M. Caillé: Maintenant, à savoir si le
législateur avait l'intention de réviser la chose le moment venu,
je ne le sais pas.
Mme Pelchat: On souhaite tout le temps que le législateur
le révise parce que, comme vous le dites aussi dans votre
mémoire, la société a beaucoup évolué depuis
l'adoption de la loi comme telle et du règlement. C'est la raison pour
laquelle on tient, en tout cas, en ce qui concerne les députés
qui sont ici, essentiellement les législateurs, à cette
commission-là. Merci, M. le Président. S'il me reste du temps
tantôt, je reviendrai. (10 h 15)
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Au nom de l'Opposition,
je veux souhaiter la bienvenue à M. Caillé et à ses
collègues, les féliciter pour la qualité de leur
présentation. J'ai un certain nombre de questions particulières
et, ensuite, à la fin, j'aimerais m'attarder un peu avec vous sur la
procédure rapide, communément appelée "fast track" aux
États-Unis. Dans les questions particulières, je vais le faire
par ordre de pagination dans votre mémoire.
Vous mettez beaucoup l'accent sur la négociation. Je pense que
vous avez raison de le faire, et vous voyez la procédure actuelle comme
étant sous-tendue par une vision antagoniste: développement
économique par opposition à préservation de
l'environnement. Vous avez raison. Ça incite d'ailleurs souvent les
parties à se camper dans ces personnages-là d'antagonistes.
Alors, moi, personnellement, je trouve qu'on n'utilise pas assez la
négociation. Mais elle se ferait entre quelles parties, cette
négociation-là?
M. Caillé: Alors, on utilise ici le mot
"négociation", mais compte tenu de la dynamique actuelle entre
promoteurs et groupes environ-nementalistes, disons qu'il faudrait passer assez
rapidement à la médiation. C'est pour ça que
j'élargis tout de suite à médiation. Cette
médiation-là pourrait être tenue par le Bureau d'audiences
publiques sur l'environnement, par le BAPE.
M. Lazure: Vous voyez le BAPE comme...
M. Caillé: Moi, je vois que la loi précise que le
BAPE peut tenir des audiences publiques et peut aussi tenir des séances
de médiation entre les parties, c'est-à-dire des promoteurs, des
groupes environnementalistes et d'autres groupes d'intérêts dans
la société aussi, parce qu'il n'y a pas toujours juste, d'un
côté, des environnementalistes et, de l'autre côté,
des promoteurs.
M. Lazure: Mais, dans l'état actuel des choses, est-ce
qu'il y a quelque chose qui empêcherait le BAPE de jouer ce
rôle-là?
M. Caillé: Non, parce que ça a déjà
été fait, sauf que ce que je suggère, c'est de le
formaliser dans la loi.
M. Lazure: D'accord.
M. Caillé: Et ça deviendra un outil auquel tous
pourront penser à recourir.
M. Lazure: D'accord. Ma deuxième question. Ça,
c'est encore plus délicat. Vous dites: Les débats
environnementaux doivent se tenir entre intervenants responsables. Qui va
décider qu'il s'agit d'intervenants responsables ou pas
responsables?
M. Caillé: Moi, je pense qu'il n'appartient pas au BAPE,
par exemple, de décider qu'un groupe est complètement
biaisé, soit dans un sens ou dans l'autre. Que le Bureau d'audiences
publiques écoute tous les intervenants, je pense que ça va de
soi. On ne peut pas dire: On ne vous écoute pas parce qu'on vous croit
biaisés. Je pense que le débat serait encore plus long.
Le Président (M. Garon): À l'ordre, s'il vous
plaît! Vous devez garder le silence autour de la table. Ça
dérange les députés.
M. Caillé: je disais donc que le bape n'a pas à
décider qui est biaisé et qui ne l'est pas. par contre, le bape,
quand il fait son rapport au ministre, lequel ministre fait son rapport,
par
la suite, au Conseil des ministres, devrait indiquer, selon moi, dans
son rapport: Nous avons rencontré tel, tel et tel groupe; certains
groupes nous sont apparus comme étant à 100 % d'un
côté de la clôture, sans nuances; d'autres, plutôt
contre, mais avec nuances; d'autres, plutôt pour, mais avec nuances; et
d'autres, carrément pour et sans nuances.
Moi, quand je lis dans les journaux qu'un groupe a déclaré
que son projet qu'il va faire à tel endroit n'a aucun, aucun impact sur
l'environnement - c'est impossible, un projet de développement avec
zéro d'impact sur l'environnement - je ne trouve pas ça
très sérieux. Je ne trouve pas plus sérieux ceux qui
prétendent, dans le groupe environnementaliste, cette fois, qu'un projet
qu'on va mettre en bordure du fleuve signifie qu'il n'y aura plus de poissons
de tel type. Ça non plus, moi, je ne trouve... Pour moi, ce sont des
arguments du même genre et qui n'aident pas beaucoup le gouvernement ni
le ministre, dans sa décision à lui, si, comme j'en fais
l'hypothèse, lui, son travail, c'est de tenter d'harmoniser les
choses.
Alors, des groupes complètement biaises, qu'ils soient d'un bord
ou de l'autre, comment ça peut aider quelqu'un qui, lui, recherche
l'harmonisation? Ce n'est pas possible. C'est mieux des gens qui se
présentent avec des idées nuancées. Ça, ça
peut éclairer le ministre et le gouvernement. Mais des idées
complètement biaisées, hélas! ce pauvre ministre, ce
pauvre gouvernement, qu'est-ce que vous voulez qu'il en fasse, si son objectif,
c'est d'harmoniser les affaires?
M. Lazure: La question suivante concernant les évaluations
génériques, si je comprends bien votre interprétation,
ça correspond un peu à ce qui s'appelle parfois aussi
évaluation sectorielle. Moi, je pense que ce serait une bonne
idée d'en faire plus. Est-ce que, dans votre esprit, c'est le Bureau
d'audiences publiques, le BAPE, qui procéderait à ces
évaluations génériques?
M. Caillé: Oui, c'est ce que je pense, en consultations
publiques par le BAPE, cette fois, à la demande du gouvernement parce
que, là, c'est les multiples promoteurs. Alors, lequel des promoteurs va
faire la demande? Peut-être que la solution la plus facile, c'est que le
gouvernement se donne une approche de gestion, celle de dire: Bien, il y a les
projets, par exemple, de cogéné-ration; le gouvernement demande
au BAPE de tenir des audiences génériques sur la
cogénéra-tion.
M. Lazure: D'après vous, est-ce qu'il faudrait absolument
changer soit la réglementation, soit la législation pour
ça ou est-ce qu'on peut recourir à l'article passe-partout, qui
est rarement utilisé, où le ministre peut demander au BAPE
n'importe quel genre d'évaluation?
M. Caillé: J'espère que oui. Ça
éviterait de devoir changer la loi, mais je n'en suis pas sûr.
Honnêtement, je ne connais...
Une voix: 6.3 le permet.
M. Lazure: Oui, oui, c'est ça, 6.3 le permet.
M. Caillé: Oui.
M. Lazure: La clause passe-partout...
M. Caillé: Oui.
M. Lazure: ...qui n'est pas utilisée souvent, mais...
M. Caillé: Alors, j'espère que c'est le cas.
Ça évite de devoir modifier la législation.
M. Lazure: La question suivante, là, on arrive à
vos préoccupations plus immédiates, les critères
d'assujettissement des réseaux gaziers. Vous dites que ça devrait
être en fonction des réelles incidences environnementales. En
conséquence, ils devraient tenir compte de la pression et de la
sensibilité des zones traversées par opposition à ne
garder comme critères que des choses mécaniques, comme la
longueur du réseau.
M. Caillé: Oui.
M. Lazure: Moi, je veux bien, mais de quelle façon
ça se ferait? Est-ce qu'il y aurait un mécanisme
d'évaluation préliminaire qui déciderait le genre de
réseau gazier qui serait assujetti?
M. Caillé: je pense... excusez. il faudrait modifier le
règlement en première étape et trouver des critères
concernant les zones traversées par les gazoducs en question, et y
assujettir des projets qui seront développés dans de telles
zones. mais il y a un travail qu'il reste à faire au niveau de la
modification du règlement, en première étape. en
deuxième étape, nous, on n'aurait pas d'objection à ce
qu'il soit promulgué.
M. Lazure: Question suivante. Vers la fin, vous proposez
d'impliquer le BAPE dans l'élaboration de la directive. Le BAPE, par
définition, c'est dans son appellation le Bureau d'audiences publiques.
Cette implication du BAPE, la voyez-vous sur un plan privé, sous forme
d'une négociation avec les parties ou avec une présence publique?
Comment voyez-vous ça?
M. Caillé: Je comprends qu'il y a un aspect potentiel de
conflit d'intérêts, le BAPE, ayant préparé la
directive, se retrouvant en audiences publiques sur une étude d'impact
faite à partir de ladite directive. Alors, peut-être qu'il y a une
solution à tout ça, ce serait que simplement le
ministère, avant d'émettre sa directive - ça
resterait, dans la voie conventionnelle, une responsabilité du
ministère que d'émettre la directive - consulte le BAPE pour
éviter les situations où, s'il y avait eu telle consultation, la
question en audiences publiques n'aurait jamais été levée
parce que tout le monde se serait mis d'accord pour dire: Oui, effectivement,
ça devrait faire partie de la directive. Mais la responsabilité
de la directive d'étude d'impact, je pense, dans le processus actuel,
doit rester au ministère, toujours, évidemment, dans la voie
conventionnelle.
M. Lazure: Vous favorisez, au fond, une harmonisation des vues du
ministère et du BAPE...
M. Caillé: Oui, c'est ça. Je suggère qu'ils
se parlent.
M. Lazure:... autant que possible avant d'arriver à
l'étape finale.
M. Caillé: Oui. Je suggère qu'ils se parlent pour
éviter que le promoteur assiste, à sa grande surprise, à
une grande...
M. Lazure: Oui.
M. Caillé:... discussion sur le contenu de son projet que
lui, évidemment, veut réaliser selon ses
échéanciers. Lui, il n'avait rien à voir là-dedans,
à savoir pourquoi il en manque un morceau. Lui, il ne le sait pas.
M. Lazure: Bon! Ma dernière série de questions,
c'est sur la voie rapide. Moi, je sais que ça existe aux
États-Unis. On en a entendu parler encore, il n'y a pas longtemps, quand
nous sommes allés, mon collègue de Saguenay et moi, à
Washington pour une réunion. Mais jusqu'à quel point ç'a
été utilisé? Avez-vous une idée?
M. Caillé: Dans le domaine des pipelines, que je connais
le plus...
M. Lazure: Oui.
M. Caillé:... ç'a été utilisé
quelques fois seulement à date, mais ça va surtout être
utilisé dans le futur. Évidemment, là, on ne parle pas
d'une réglementation semblable. Dans le domaine des pipelines, c'est des
réglementations économiques. Par rapport à une
réglementation du type environnement, il y a quand même des
différences. S'il n'y a pas beaucoup d'extension à ça, il
y a des règlements ou des lois à changer aux Etats-Unis avant que
la chose puisse prendre une grande extension. Mais, définitivement,
l'orientation, tant gouvernementale que du milieu des affaires ou des milieux
concernés, va dans cette direction-là. Mais je ne peux pas
répondre clairement à votre question. Je m'en rends compte...
M. Lazure: Ça commence.
M. Caillé:... c'est le nombre de cas. Ça
commence.
M. Lazure: Ça commence, oui. Parfait. Mais je pense qu'il
faudrait retenir cette possibilité-là d'avoir deux voies, une
voie régulière et une voie plus rapide. Pour bien comprendre,
dans votre premier bloc, vous avez: avis de projet, consultations publiques,
demande d'audiences. Est-ce que ça veut dire qu'au moment où le
promoteur envoie son avis de projet au ministère concerné, par
exemple, immédiatement, c'est rendu public par le promoteur, par le
ministère? Comment ça fonctionnerait?
M. Caillé: Le promoteur, lui, a développé
son projet, a fait son étude d'impact, a fait tout son travail, à
son avis, évidemment, ou selon l'avis de ses consultants, de ses
experts. Il le dépose au ministère et le projet arrive
directement au BAPE. Et voilà le projet et son étude. Alors, le
BAPE, lui, donne un avis à l'effet qu'il y a un projet qui lui a
été soumis selon la voie rapide, et voici l'information
concernant ce projet-là. Par la suite, il fait comme II fait maintenant,
à savoir il peut faire consultation, négociation,
médiation. Il doit certainement faire information, médiation et
possiblement audiences publiques et, ensuite, le BAPE fait sa recommandation au
ministre, lequel ministre fait sa recommandation au Conseil des ministres.
À partir du moment où on arrive au Bureau d'audiences publiques,
c'est comme la voie conventionnelle.
M. Lazure: Évidemment, dans cette optique-là, le
promoteur prend un risque bien calculé.
M. Caillé: C'est ça.
M. Lazure: II prend le risque; si son projet est tout croche ou
est jugé tout croche par le Bureau d'audiences publiques ou par les
organismes, là, il a perdu une bonne somme d'argent et une bonne somme
de temps et il recommence ses devoirs.
M. Caillé: Et il va faire très attention à
minimiser ce risque. Donc, il va faire en sorte de bien faire l'examen
environnemental de son projet.
M. Lazure: Encore là, selon vous, ça demanderait un
amendement à la législation ou à la réglementation
pour pouvoir permettre cette voie rapide là ou pas?
M. Caillé: Oui. Je crois que oui parce que,
actuellement, c'est la réglementation qui prévoit ces
étapes-là, à ma connaissance, celles de la voie
conventionnelle.
M. Lazure: Merci bien.
Le Président (M. Garon): C'est-à-dire que, moi, ce
que j'ai remarqué, c'est que, souvent, les organismes nous disent: On
demande des renseignements au promoteur, il prend des mois à nous les
fournir. Alors, quand on additionne les mois à partir du début
jusqu'à la fin, si on les éliminait quand le dossier est
complet... Mettre le fardeau sur le promoteur pour avoir son dossier complet,
mais à partir du moment où le dossier est complet, le fardeau est
sur l'administration de donner des réponses rapidement.
Moi, je pense qu'il y a un point-charnière parce que, moi, j'ai
vu plusieurs dossiers où on disait: Oui, mais on leur pose des
questions, puis ça prend six mois à avoir la réponse.
Mais, au bout de deux ans, on sait que tout le fardeau est sur l'administration
publique. Là, le monde ne discute plus. Le fardeau est sur
l'administration publique. Si le fardeau était sur le promoteur tant que
son dossier n'est pas complet, une fois que le dossier est
déclaré complet, on dirait: Un instant, là, les
délais, il courent contre l'administration. Vous avez un dossier
complet. Maintenant, comme vous dites: C'est une procédure des audiences
publiques qui commence et il y a un échéancier plus rapide. Moi,
je pense qu'à ce moment-là il y aurait une partie qui serait la
responsabilité du promoteur de fournir des renseignements. Après
ça, une fois que tout est fourni, là, la responsabilité
serait sur l'administration de donner des réponses rapidement. Il me
semble qu'il y a deux aspects. J'ai été plusieurs années
dans l'administration et ça m'a toujours frappé, ça. Il
n'y avait pas grand-chose à dire quand l'administration vous dit: On a
demandé des réponses, ça fait six mois qu'on a
demandé tel renseignement et on ne l'a pas obtenu. Comprenez-vous?
M. Caillé: C'est vrai et la remarque que je peux faire par
rapport à cette question-là, c'est qu'un promoteur qui ne fournit
pas un dossier complet, est-ce qu'il attend ou si c'est non? C'est
peut-être tout simplement non, sur la base des données fournies.
Ça, ça ne s'appelle pas une période d'attente dans mon
esprit. Par contre, il faut éviter... Et c'est le défi, je pense,
au Québec actuellement, de ramener les différents intervenants
dans ces questions environnementales à moins d'émotivité
et à plus de raison. C'est ça qui est le défi, toujours en
supposant que l'objectif est d'harmoniser. (10 h 30)
C'est difficile d'harmoniser des gens qui sont d'extrême droite,
d'extrême gauche, c'est plus compliqué. Mais, si on peut faire
ça, on va éviter du même coup qu'une question n'attende pas
l'autre. On pose une question, la réponse vient au bout de deux
semaines; au bout de deux semaines, il vient une autre question et on continue
comme ça sans arrêt. Mais, avec des gens raisonnables, on
éviterait probablement ce cercle-là qui n'en finit plus. Une
question, sous-question, sous-question, autre sous-sous-question et on continue
comme ça pendant six mois. Ça se peut qu'il y en ait qui se
trouvent lésés quand ça arrive mais, avec des gens
raisonnables, probablement que ça n'arriverait pas. Et c'est pour
ça que je dis que le défi, de ce que je comprends des
intervenants actuels, c'est de les amener à la raison.
Le Président (M. Garon): Mais il y a des gens qui ne
donnent pas l'heure juste aussi aux promoteurs. Ils leur disent, surtout quand
le promoteur est gros: On va vous arranger ça.
M. Caillé: Oui.
Le Président (M. Garon): Et, là, on fait jouer
toutes les ficelles. Moi, j'ai remarqué que c'était les plus gros
promoteurs qui étaient les pires. Ils engageaient des firmes, payaient
des gros salaires. La firme avait l'impression qu'elle était
plutôt une firme de relations publiques qu'une firme technique. Alors,
là, ils appelaient tous les ministères qui pouvaient travailler
de leur bord contre l'environnement, tous les ministères sectoriels qui
pouvaient prendre fait et cause. Moi, je me rappelle avoir été
obligé d'intervenir auprès du premier ministre pour sortir ie
ministère de l'Énergie et des Ressources pour passer le gazoduc.
À un moment donné, j'ai dit: Écoutez, on négocie
à l'Environnement et l'Agriculture... Je pense que vous étiez
là à ce moment-là.
M. Caillé: Oui, je m'en souviens. Des voix: Ha, ha,
ha!
Le Président (M. Garon): Alors, il a fallu sortir le
ministère sectoriel, c'est lui qui bloquait l'affaire. Quand ça a
été l'Environnement et l'Agriculture qui négociaient avec
la firme, on a passé. Et, je me rappelle, ça a même
passé pendant la période électorale de 1981; les deux plus
grosses négociations ont été avec Terre-bonne, où
le maire était candidat libéral, et Saint-Eustache où le
maire était l'organisateur en chef libéral. J'ai dit: Si
ça va mal, on va en entendre parler.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Garon): Alors, finalement, la firme a
travaillé sérieusement avec l'Environnement et avec
l'Agriculture, Même, je me rappelle, la firme m'a appelé plusieurs
fois pour que j'aille faire un tour d'hélicoptère pour voir
à
quelle place le gazoduc était passé tellement elle
était fière, excepté qu'on avait réussi à
écarter les ministères sectoriels qui étaient spectateurs
silencieux. À partir de ce moment-là, on a eu la paix et
ça a marché.
M. Caillé: Oui, c'est vrai. Quand il y a trop de
consultations à l'intérieur de l'appareil gouvernemental - je me
souviens, ça, ce n'était pas une chose nécessairement
facile, ni rapide -interministérielles, ça peut durer longtemps
aussi. Si c'est un période durant laquelle on est en train
d'établir les directives ou l'étude d'impact, là,
ça peut être pas mal long. Et, là, c'est une question de
virgule, de point-virgule et bon. C'est peut-être ça qui fait que
ça n'en finit plus.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Dubuc.
M. Morin: Oui. Merci, M. le Président. Je voudrais revenir
à la charge sur le volet de votre mémoire touchant
l'équité. À une question de Mme la députée
de Vachon, je crois avoir compris que le pouvoir ou le droit de rectification,
vous semblez le proposer avant le dépôt du rapport du BAPE. Enfin,
si j'ai bien compris vos propos, avant que le BAPE dépose son
mémoire au ministère, qu'à ce moment-là vous ayez
l'opportunité de rectifier. Sauf qu'à partir du moment où
vous invoquez l'équité - c'est là ma question - ne
croyez-vous pas que ce droit de rectification ne devrait pas plutôt
intervenir au moment même des audiences suite à un mémoire
sur lequel le promoteur ne serait pas d'accord sur certaines données?
Avant que les médias s'emparent de ces données-là, que
vous considérez fausses, à tort ou à raison, à ce
moment-là le Bureau d'audiences publiques devrait formaliser le droit de
rectification plutôt qu'au moment du dépôt du rapport du
BAPE parce qu'à ce moment-là le BAPE, en principe, ne fait des
recommandations qu'à partir des faits ou des avancés ou des
mémoires qui sont déposés devant lui. Alors, voilà
ma question.
M. Caillé: Oui, c'est effectivement ce que nous proposons
de faire, immédiatement au moment des audiences et en public, de
rectifier les faits, le promoteur comme les groupes environnementalistes, parce
que ça peut être un ou l'autre...
M. Morin: Oui, d'accord.
M. Caillé:... qui veut rectifier des faits à l'aide
d'un spécialiste. Et n'oublions pas que le processus en est un qui vise
à informer et à consulter. Le volet information, pour le
promoteur ou pour le groupe environnementaliste, est tout aussi important, il
fait partie intégrante de la consultation. Effectivement, comme vous le
dites - et c'est ce que nous disons, je le précise - ça doit
être fait en public au moment des audiences publiques et non pas
après le rapport du BAPE.
M. Morin: Ah bon! Alors, quand vous avez répondu à
Mme la députée que c'était avant le dépôt du
rapport, vous vouliez dire pendant les audiences, à ce
moment-là.
M. Caillé: Bien oui, c'est ça. M. Morin: O. K.
Ça va.
M. Caillé: Ça veut dire avant le dépôt
du rapport.
M. Morin: O. K. Ça va, merci beaucoup.
M. Lazure: M. le Président, juste pour enchaîner
là-dessus, on attire mon attention sur le fait que, déjà
à l'article 29 dans les règles de procédure, il y a un
article qui s'appelle "Droit de réponse. Après ou au cours des
interventions [... ] la commission peut entendre toute personne, y compris
l'initiateur et le requérant, afin de rectifier des faits relatifs au
dossier qui ont été soulevés durant l'audience. " Alors,
ça existe, mais ce n'est pas tellement utilisé, hein?
M. Caillé: Non, mais, enfin, il y en a dont j'ai entendu
de la frustration à l'effet qu'ils n'avaient pas pu le faire.
M. Morin: M. le Président, dans ce sens-là...
Le Président (M. Garon): M. le député de
Dubuc.
M. Morin: Ce que cet article-là voudrait dire, selon votre
expérience, est-ce que ce n'est pas appliqué dans le sens que le
promoteur ou une des parties a le droit de répliquer pour corriger des
faussetés, la non-véracité objective de certains cas et
non pas pour émettre une opinion, et que, la plupart du temps, cette
mesure-là s'applique uniquement à la fin des audiences d'une
journée et non pas immédiatement en cours de dépôt
des mémoires? Je voudrais savoir ce que cet article-là veut dire
et comment c'est appliqué, selon votre expérience. Parce que,
moi, évidemment, je n'en ai pas là-dessus.
M. Caillé: Dans le domaine de l'environnement, on prend
beaucoup les sciences pour démontrer des argumentations. Or, les
connaissances humaines et scientifiques ne sont pas très avancées
dans le domaine de l'environnement. Au mieux, on peut décrire les
interrelations entre les différents éléments de
l'écosystème, mais, généralement, on ne peut pas
prévoir ce qui va arriver si on pose tel geste. Alors, des
spécialis-
tes se présentent à une audience et, plus souvent
qu'autrement, ils donnent leur opinion, une opinion de scientifiques. Une
opinion de scientifique n'est pas une démonstration scientifiques.
Alors, je n'exclurais donc pas que la contre-expertise puisse porter sur une
opinion scientifique pas plus que sur des faits scientifiques si ça
existe. Je ne tenterais pas de limiter ça. Je laisserais aux groupes ou
aux promoteurs, à tous les intervenants l'option de la
contre-expertise.
Le Président (M. Garon): Je vous remercie. Mme la
députée de Vachon.
Mme Pelchat: Merci, M. le Président. J'aimerais ça
qu'on revienne, M. Caillé sur l'une des suggestions que vous nous faites
quant à la négociation des règlements. D'abord, j'aimerais
ça que vous me parliez peut-être de la médiation et de la
différence que vous faites avec la négociation. Ce n'est pas
clair, là.
M. Caillé: Alors, on dit "négociation", ici, mais
en pratique, ce qu'on veut dire, c'est la négociation étendue, au
point de départ, à la médiation. Qu'est-ce qu'on veut dire
par là? On veut dire que le BAPE devrait se voir reconnaître dans
la loi un rôle de médiateur possible entre des parties, lesquelles
parties seraient, évidemment, d'un côté, les promoteurs et,
de l'autre, l'ensemble des autres intervenants. Il faut quelqu'un qui rassemble
ces gens-là; tous ceux qui interviendraient autrement à une
audience publique, il faut que quelqu'un les rassemble. On suggère,
nous, que ce soit le BAPE qui tende à les amener à un compromis.
On serait probablement moins en public, il y aurait moins
d'émotivité et on serait plus près, avec une
médiation de cette nature-la, conduite par le BAPE, de l'atteinte de
l'objectif qui est d'harmoniser et d'optimiser les choix.
Mme Pelchat: II y a d'autres personnes qui nous parlent de la
médiation et il y a certaines personnes qui voient la médiation
faite par le BAPE; il y en a d'autres qui la voient faite par un autre
organisme, que ce soit le ministère ou une nouvelle agence
gouvernementale au ministère de l'Environnement. Est-ce que vous ne
pensez pas que donner ce rôle-là au BAPE, dans la loi, ce serait
le placer dans un rôle un peu non pas conflictuel, mais pas loin parce
que, en bout de ligne, la vocation du BAPE, c'est d'abord les audiences
publiques? Et, là, le rôle de médiation, dans le fond, il
servirait non seulement à rapprocher les promoteurs et les opposants,
mais peut-être aussi à éliminer la période
d'audiences publiques. Alors, vous ne voyez pas...
M. Caillé: Par réflexe, moi, je
préfère qu'il y ait moins d'organismes que plus d'organismes. Par
contre, je comprends qu'un médiateur qui aurait été
nommé par le président du BAPE dans un dossier ne pourrait pas,
dans le cas où la médiation échouerait, être
nommé commissaire à l'audience publique.
Mme Pelchat: Ce qui pourrait se faire, ce serait d'avoir une
section du BAPE destinée à la médiation,
complètement.
M. Caillé: des médiateurs. d'ailleurs, la
médiation, c'est un métier de spécialistes et la
consultation, c'est le métier d'un autre type de
spécialistes.
Mme Pelchat: Vous parliez tantôt, et j'aimerais revenir
là-dessus, des intervenants qui devraient être responsables ou,
à tout le moins, s'autoresponsabiliser. J'aimerais ça que vous
élaboriez encore une fois; avec mon collègue de La Prairie, vous
l'avez fait, mais je n'ai pas très bien saisi. Qui jugerait que vous
êtes suffisamment responsable, comme intervenant, pour
représenter, par exemple, l'entreprise privée ou un groupe
environnementaliste? Est-ce que ce serait le ministère de
l'Environnement, le BAPE lui-même?
M. Caillé: Personne ne devrait juger du droit d'expression
de quelque groupe que ce soit. Quand je dis "personne", ça inclut le
BAPE. Donc, tout le monde serait entendu. Ce que je dis, c'est qu'il faut
amener les gens à se responsabiliser. Si les intervenants savaient que,
dans son rapport au ministre, le BAPE doit qualifier la nature du
mémoire ou des témoignages, qui est toute dans un sens ou toute
dans l'autre... Et, simplement, il s'agit de faits. Un mémoire qui est
complètement biaisé dans un sens, ça paraît,
ça. C'est un fait.
D'ailleurs, l'intervenant ne devrait pas être en désaccord
avec ça puisque c'est ça qu'il faisait. Là, le ministre
serait éclairé. Il saurait que voici un rapport qui va seulement
dans un sens. Lui, le ministre, présumément... Je fais toujours
l'hypothèse, ici, que le gouvernement cherche à harmoniser les
choses et dise: Un rapport biaisé, ça m'aide moins qu'un rapport
nuancé, ce qui serait compris également des intervenants et ce
qui les amènerait, avec le temps, à faire des mémoires et
des rapports plus nuancés pour éviter ces polarisations
auxquelles on assiste présentement.
Mme Pelchat: Alors, le BAPE aurait un rôle de qualification
des intervenants.
M. Caillé: C'est ça. Qualifier... Dans son rapport
au ministre, le BAPE dirait: J'ai reçu les mémoires des 10
intervenants suivants. Il y en a deux parmi ces intervenants-là qui
avaient des rapports à 100 % contre, dans un sens ou dans l'autre,
encore une fois.
Mme Pelchat: O.K. À ce moment-là, ça
n'empêcherait...
M. Caillé: Et les arguments étaient les suivants.
Et, là, le ministre peut se faire une idée: Voici des gens qui
étaient carrément contre. Ils n'ont pas contribué à
apporter des nuances.
Mme Pelchat: En tout cas, j'en prends bonne note.
M. Caillé: Moi, je laisse...
Mme Pelchat: Je comprends ce que vous nous dites parce que vous
n'êtes pas le seul à venir nous dire: II faut quand même
faire attention. Il y a des interventions qui, souvent, ne sont pas
reliées au projet comme tel ou, encore, sont farfelues, et les gens ont
peur de ça. Autant de la part des promoteurs que des groupes
environnementaux qui se respectent et qui sont, eux, très responsables.
Il y en a d'autres qui le sont moins, autant de la part des promoteurs que de
l'autre côté. Sauf que, moi, ce qui m'inquiète, c'est
vraiment la liberté d'expression et la possibilité pour tous de
se faire entendre au BAPE. Je pense que la loi est ainsi faite, le
critère de frivolité est assez large pour permettre à
toute personne de se faire entendre. Alors, c'est là où ma
crainte était, d'empêcher cette liberté d'expression.
M. Caillé: À cet égard, je suis d'accord
avec vous. Nous ne vous recommandons pas de limiter le droit d'expression de
quiconque devant le BAPE, biaisé ou pas.
Mme Pelchat: Je me demande s'il n'y aurait pas un autre moyen de
qualifier ou de caractériser le sérieux de ces
organismes-là ou du promoteur lui-même parce que le BAPE, à
ce moment-là, devient un juge de ces interventions-là.
L'objectif, comme tel, j'en suis. Le moyen que vous suggérez, je ne sais
pas si le BAPE...
M. Caillé: Je comprends.
Mme Pelchat: En tout cas, ça mérite d'être
examiné. Je n'ai pas d'autres questions. J'aimerais vous remercier de
votre contribution excellente. Merci.
M. Caillé: Merci.
Le Président (M. Garon): Je vous remercie, M.
Caillé et les représentants de Gaz Métropolitain, de votre
contribution aux travaux de la commission. Ç'a été une
discussion intéressante et un plaisir pour moi de vous revoir, M.
Caillé.
M. Caillé: Ça me fait plaisir, M. le
Président.
Le Président (M. Garon): Je vais suspendre pour quelques
instants et demander aux gens de l'Union québécoise pour la
conservation de la nature de se préparer en venant au bout de la table
pour nous entretenir de leur mémoire.
(Suspension de la séance à 10 h 45)
(Reprise à 10 h 46)
Le Président (M. Garon): Nous reprenons les travaux de la
commission. Je vais demander à M. Simard - je ne sais pas si c'est vous
le porte-parole, mais en tout cas - de présenter les gens qui
représentent votre groupe, l'Union québécoise pour la
conservation de la nature. Vous avez une heure à votre disposition,
c'est-à-dire, normalement, 20 minutes pour votre mémoire, 20
minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour l'Opposition.
Alors, à vous la parole.
Union québécoise pour la conservation de
la nature
M. Simard (Christian): D'accord. Je vous remercie. L'Union
québécoise pour la conservation de la nature est heureuse
d'être reçue aujourd'hui par votre commission. Donc, mon nom est
Christian Simard. Je suis directeur général de l'Union
québécoise pour la conservation de la nature. À mes
côtés, à ma droite, il y a M. Guy L Coté, qui est
membre du conseil exécutif de l'UQCN, et, à ma gauche, M.
André Stainier, qui est président de la Société des
amis de la vallée du Saint-Laurent, qui est un organisme affilié
à l'UQCN.
Notre mémoire est un peu volumineux et je ne ferai pas une
lecture intégrale du mémoire. Je pense qu'on n'aurait pas le
temps et ça risquerait peut-être d'être un peu trop long.
Donc, ce que je voudrais faire ressortir peut-être à l'intention
des membres de la commission, en introduction, c'est l'évaluation
environnementale, son importance. En fait, ça ne date pas d'hier et, si
on fait l'évaluation environnementale de projets, c'est qu'on a eu un
passif environnemental assez lourd venant de projets qui n'étaient pas
évalués, qui ont eu des conséquences
insoupçonnées et très néfastes, des
conséquences sur la pollution de nos cours d'eau, sur la pollution de
l'air, des conséquences qui ont abouti souvent à des catastrophes
écologiques, des maladresses importantes dans le développement,
qui ont causé des impacts extrêmement négatifs.
Donc, je vous invite, là-dessus, à lire cette partie dans
le mémoire qui décrit un peu l'historique du pourquoi on
évalue les projets. En fait, si on évalue des projets, c'est un
type de prévention au-delà du respect uniquement de normes qui,
d'ailleurs, ne s'appliquent pas à toutes les industries. Comme vous le
savez, il y a certaines industries qui ne sont pas normées.
Pour la plupart de leurs rejets, certaines industries sont
normées, mais leurs normes ne s'appliquent pas à tous les
effluents ou à tous les impacts. Donc, il est important, à la
naissance, à la genèse même d'un projet, d'évaluer
les impacts futurs de ce projet sur l'environnement et de considérer ce
projet dans un environnement québécois, mais aussi global et
intégrant des aspects socio-économiques, c'est-à-dire que
le projet s'inscrit dans un milieu donné et ces aspects-là sont
importants à considérer.
Enfin, je ne développerai pas, non plus, très longtemps
sur l'importance du public. Je pense que ça a été dit
depuis deux ou trois jours, ici. Je suis très heureux d'entendre que
ça fait quasi l'unanimité, cette importance de la participation
du public dans le processus d'évaluation environnementale parce que,
finalement, à travers un forum indépendant, qui est le Bureau
d'audiences publiques sur l'environnement, il y a une participation du public
qui aide à la compréhension des problèmes et aide à
leur solution. Les Anglais disent: "People are part of problem and should be
part of solution". Je crois que la participation du public découle de ce
principe. Elle est importante et elle a fait d'ailleurs ses preuves au
Québec, à travers les 43 rapports du Bureau d'audiences publiques
sur l'environnement.
Il faut nécessairement - et, d'ailleurs, on va développer
ça un petit peu plus loin - des règles du jeu bien connues et
respectées. Donc, des règles du jeu bien connues de tous et
respectées, ça, je pense que c'est à l'avantage de tous
les intervenants, qu'ils soient des groupes environnementaux des
municipalités, des industries. On est sensibles au type d'arguments
d'une industrie qui dit: On ne sait pas où on s'en va, les délais
ne sont pas clairs au niveau des études d'impact et des choses comme
ça. Je crois qu'il faut corriger ces choses-là.
On croit aussi, et c'est fondamental pour des questions de justice
naturelle, pour des questions d'équité et aussi pour s'attaquer
véritablement aux vrais problèmes d'impact, que le système
d'évaluation environnementale doit être plus universel. Il n'est
pas normal qu'en 10 ans on ait étudié et produit seulement 43
rapports. Il n'est pas normal qu'on étudie systématiquement
l'implantation d'une marina, mais qu'on n'étudie pas publiquement et
qu'on n'examine pas complètement l'implantation d'une aluminerie,
l'implantation d'une industrie pétrolière, l'implantation
d'industries ou de projets qui sont lourds d'impacts en environnement.
C'est comme si, malheureusement, le processus actuel d'évaluation
environnementale au Québec tirait un peu à côté. On
disait: Visa le noir, tua le blanc, si j'ose dire. Donc, c'est d'ailleurs sur
ces problèmes-là que nos recommandations portent, à
l'UQCN. D'ailleurs, je vous ferai lecture des principales recommandations dans
quelques instants.
Quelques mots sur le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement
qui est, à notre sens, la charnière centrale du processus
d'évaluation. Le Bureau doit intervenir au niveau de la directive, ce
que les Anglais appellent le "scoping", ça, c'est important. Il doit y
avoir possibilité pour le public de donner des inputs à ce
niveau-là. Il doit y avoir aussi une reconnaissance que le Bureau
d'audiences publiques sur l'environnement est un conseiller
privilégié, en fait devrait être considéré
comme le conseiller privilégié du ministre de l'Environnement et
du gouvernement en tout ce qui concerne l'évaluation environnementale.
Le public doit avoir un accès très large au Bureau d'audiences,
ça a été dit en fin d'intervention tout à l'heure
et nous sommes naturellement d'accord avec ça.
Actuellement, dans le cadre du Règlement sur l'évaluation
et l'examen des impacts, qui est malheureusement amputé de larges pans
qui éliminent l'examen public des projets industriels, il y a cette
ouverture-là à un accès très large du public,
c'est-à-dire qu'il y a une obligation réglementaire - et c'est
fondamental dans la structure actuelle et il ne faut pas changer ça, il
faut l'élargir - pour le ministre, quand c'est pour des raisons non
frivoles, de faire appel au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement
pour enquêter sur un projet donné.
Il est bien sûr que nous appuyons l'analyse du rapport Lacoste et
la plupart des analyses, d'ailleurs. Nous recommandons l'application de
l'ensemble des recommandations du rapport Lacoste. Il est évident qu'il
est nécessaire de faire des audiences publiques dites
génériques, c'est-à-dire des audiences publiques sur des
programmes et politiques. On doit vraiment, au niveau du BAPE, confirmer son
rôle de forum public, lui faire assumer pleinement ses pouvoirs
d'organisme quasi judiciaire, consolider son fonctionnement pour qu'il puisse
jouer un rôle appelé à devenir de plus en plus grand,
c'est-à-dire avec de plus en plus de projets assujettis et de plus en
plus de projets à soumettre au Bureau d'audiences publiques sur
l'environnement.
Maintenant, j'aimerais faire lecture des principales recommandations de
l'UQCN. D'abord, nous croyons à l'amélioration, la consolidation
et la perfectibilité. On dit consolider et parfaire l'outil do
développement durable que constitue la procédure
d'évaluation environnementale» au Québec On voit ça
en trois étapes C'est-à-dire qu'en premier on pense qu'il doit y
avoir une application sans délai des recommandations Lacoste qui sont
nuancées, qui ont fait l'objet d'une consultation et qui ont fait
l'objet quand même de commentaires quasi unanimes quant à leur
analyse.
Deuxièmement, on pense qu'il devrait y avoir des modifications
réglementaires pour combler certaines lacunes identifiées dans le
mémoire que nous avons déposé et, éventuellement,
nous l'espérons, par la commission, ces modifications devant faire
l'objet de recomman-
dations pour adoption avant la fin de la prochaine session. Plus
précisément, il y a des endroits dans le rapport Lacoste
où on dit songer à améliorer la réglementation sur
certains cas. Je crois qu'il faut plus que songer, là, il faut le faire,
et nous vous identifierons les endroits.
Troisièmement, on pense qu'il est nécessaire qu'il y ait
au Québec une réforme plus globale, mais à moyen terme des
lois sur l'environnement. On parle souvent d'une loi-cadre sur l'environnement
qui fusionnerait, qui refondrait les 12 lois québécoises
présentes en environnement. Ceci dit, cette réforme, nous la
croyons nécessaire, mais nous croyons qu'elle ne doit pas être
faite à la sauvette ou à court terme. Et on ne doit pas prendre
en considération les améliorations de l'évaluation
environnementale pour prendre prétexte à faire cette
réforme-là qui a des considérations encore plus larges que
celle-là.
En fait, ce qu'on dit, c'est de faire attention, dans une
amélioration de l'économie des lois et règlements actuels,
en appliquant les recommandations Lacoste, de jeter le bébé avec
l'eau du bain. Ce qui est important, c'est d'améliorer et
d'universaliser l'assujettissement des projets, mais de ne pas changer
fondamentalement la structure du règlement et de la loi pour, par
exemple, amener plus de discrétionnaire ou, finalement, amener des
solutions qui n'en seraient pas et arriver avec un bébé moins
beau et moins en santé que le précédent, et ça,
c'est assez important.
Maintenant, je fais lecture de quelques-unes des recommandations.
Certaines sont peut-être de portée un peu plus mineure, je vais
passer rapidement dessus, mais je vous invite naturellement à les
considérer. L'UQCN considère donc qu'il est possible
d'améliorer sensiblement la procédure d'évaluation
à l'intérieur du cadre général des lois et
règlements actuels. Des recommandations sont complémentaires au
rapport Lacoste, d'autres y sont puisées et certaines sont sorties du
rapport Lacoste pour en faire ressortir l'importance.
Donc, premièrement, nous sommes d'accord avec l'objectif Lacoste
de rendre plus générale la pratique d'évaluation
environnementale en mettant en force immédiatement l'ensemble des
recommandations du Comité de révision de la procédure
d'évaluation, le rapport Lacoste, notamment la mise en vigueur des
paragraphes g, n, p et le deuxième alinéa du paragraphe j de
l'article 2 du Règlement; de modifier également cet article 2 du
Règlement sur l'évaluation de façon à inclure les
projets récréotouristiques, ainsi que les projets de construction
destinés à l'habitation et au commerce susceptibles de
créer de nouveaux centres urbanisés ou semi-urbanisés en
milieu rural, dont, notamment, tout projet de création et
d'agrandissement de golf et de centre de ski alpin.
Nous sommes d'accord aussi avec Lacoste pour introduire les
préoccupations environnemen- tales dès les premiers stades de la
planification d'un projet. Ainsi, nous recommandons de modifier le
Règlement pour institutionnaliser l'information sur l'avis de projet et
la consultation sur la directive, "scoping", à l'instar des
procédures canadienne et américaine.
Nous sommes d'accord également et nous recommandons d'inclure
systématiquement, à l'étape de l'avis de projet et
à celle de la directive, la notion de justification qui devra faire
l'objet d'une attention particulière lors de la rédaction de
toute étude d'impact. Dans cette section, tout promoteur devra
démontrer la nécessité de son projet et sa
viabilité à long terme.
Nous sommes d'accord également pour mieux informer le public et
augmenter ses chances d'intervenir. Donc, on doit rendre public l'avis de
projet, ainsi que la directive préliminaire. On pense aussi qu'il est
nécessaire de remplacer l'étape de l'avis de recevabilité
par une analyse technique complète pour le début de la
période de consultation publique. Cette étape est actuellement
trop longue et cause préjudice aux promoteurs. Nous sommes d'accord,
d'ailleurs, avec là possibilité d'ouvrir au public la directive
en enlevant cette étape de l'avis de recevabilité. Je pense qu'on
est capables, même en faisant cela - donc, plus de participation du
public et des étapes inutiles qui sautent - de raccourcir des
délais, tout en rendant le processus plus démocratique.
Donc, en fait, nous recommandons également de favoriser
l'association des évaluateurs d'impact et de supporter la
définition de standards de qualité dans la réalisation des
avis de projet, des études globales d'impact et des analyses techniques.
Nous pensons qu'il y a des standards de qualité à
développer maintenant, avec plusieurs d'années d'expertise. Il
est vrai, et Lacoste le dit, que les études d'impact sont souvent un peu
pseudo-scientifiques, inutilement énormes et non
synthétisées et, à ce moment-là, ça n'aide
pas beaucoup ni le public, ni les promoteurs, ni les ministères, ni le
Bureau d'audiences publiques à faire leur travail.
Donc, pour conclure, je pense qu'il est important aussi de voir qui doit
décider dans le processus d'évaluation environnementale.
Actuellement, nous considérons que cette décision, globalement,
doit rester aux mains du pouvoir politique. C'est-à-dire que le Bureau
d'audiences publiques sur l'environnement est un outil de développement
durable, important, intéressant, qui doit être indépendant,
neutre, qui doit écouter toutes les parties, mais ses conclusions, ses
recommandations doivent demeurer consultatives et s'adresser principalement au
ministre de l'Environnement. (11 heures)
Ceci dit, le ministre de l'Environnement, pour que la relation entre son
Bureau d'audiences publiques et lui-même soit saine, doit
considérer
le Bureau d'audiences publiques comme son conseiller
privilégié, son conseiller principal. C'est important parce que
c'est uniquement le Bureau d'audiences publiques qui fait une étude
complète et un examen public d'un projet. Donc, il doit être
considéré comme conseiller privilégié du ministre.
Parce que nous voyons un avenir important au Bureau d'audiences publiques, donc
un avenir avec beaucoup plus de projets à étudier, il pourrait
être envisageable, à moyen terme, de rendre le BAPE
décisionnel sur des projets qui vont en aval d'une politique
établie après audiences publiques. Par exemple, s'il y avait une
politique d'établie sur l'énergie, des projets qui
découlent de cette politique et qui respectent les paramètres de
la politique pourraient faire l'objet d'une décision par le Bureau
d'audiences, peut-être avec processus d'appel, mais d'une
décision. Ce serait envisageable pour la rapidité du processus et
son efficacité à moyen terme.
Voilà, en fait, les principales recommandations et je fais
ressortir deux points: la justification du projet doit être dans les
études d'impact et l'aspect obligation réglementaire et non
discrétionnaire pour le ministre de faire appel à la
procédure lorsque ce n'est pas frivole, tel que considéré
dans le Règlement actuel. Je vous remercie de votre attention et nous
sommes ouverts à vos questions.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. M. Simard et vos deux
partenaires de l'UQCN, au nom du gouvernement, bienvenue à cette
commission parlementaire. Il y a même des habitués comme
témoins, un monsieur qui a témoigné hier
déjà dans un autre mémoire.
J'ai lu et relu très attentivement votre mémoire à
deux reprises pour bien comprendre le sens du message que vous avez voulu
lancer ici à la commission. Vous avez un mémoire bien
étoffé qui suit un peu la ligne de pensée continue et
qu'on connaît de l'UQCN. En fait, tout y est mis à contribution.
On s'aperçoit, somme toute, que le grand dérangement dans
l'écologie mondiale, c'est l'homme. C'est l'homme qui a
été un peu la source de tous les dérangements, à
partir du premier homme jusqu'à nous autres aujourd'hui, incluant les
révolutions industrielles et économiques de chacun des pays. Vous
nous avez dressé un tableau, quand même, assez réaliste,
fort réaliste, il faut le dire, de grandes régions de la
planète et du Québec.
Il y a juste une chose qui me chicote, que j'essaie de concilier entre
votre discours, le mémoire et votre sommaire. Là, j'aimerais
avoir votre éclairage au tout début du questionnement. Tout votre
mémoire dit qu'il faut changer notre attitude, notre
réglementation, qu'on aille du côté de Lacoste, qu'il y a
bien des choses à changer. Mais, dans votre sommaire, vous nous dites,
comme membres de la commission, d'y aller très prudemment et, de
grâce, ne diluez rien, ne changez rien qui pourrait être moins que
ce qu'on a présentement. Est-ce que, somme toute, la façon dont
on procède actuellement vous satisfait? Pourquoi cette crainte que la
commission... Vous parlez même, un peu à cause de la
récession, qu'o/i pourrait être tentés d'aller plus bas que
ce qu'on a. Quelle est cette crainte? Au tout départ, j'aimerais
ça qu'on établisse ça comme il faut pour aller un petit
peu plus loin.
M. Simard: Merci de cette question-là, je pense qu'elle
est cruciale, que c'est une question extrêmement pertinente. Enfin, on
pense que la procédure québécoise actuelle est
théoriquement une des meilleures au monde. Si on lit le Règlement
sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement, il est
souvent cité à travers le monde, c'est un règlement qui
est très intéressant. Par contre, malheureusement, il n'est pas
assez appliqué parce qu'il y a eu suspension historique de parties du
règlement s'appliquant à l'industrie, entre autres, aux mines et
aussi à certains oléoducs. Donc, on pense qu'il est possible, en
respectant l'économie du règlement et de la loi, dont le cadre
est bien bâti, d'arriver naturellement avec des changements du type
Lacoste, qui ont une portée majeure, qui sont des modifications ayant
quand même une portée importante sur le terrain, une portée
majeure. Donc, les modifications qu'on recommande doivent se faire à
l'intérieur d'un règlement et dune loi dont la mécanique
générale est bonne, mais dont on a coupé les ailes pour
l'empêcher de véritablement s'envoler et de véritablement
être efficace. Et ces ailes de la réglementation qui ont
été coupées, c'est naturellement les grands projets
industriels et certains autres aspects non touchés, et c'est aussi
l'utilisation excessive d'un article, qui est l'article 22, qui dit que
personne ne doit émettre de contaminants ou modifier son environnement
sans certificat d'autorisation, article 22 qui est lui-même plein
d'exemptions, qui fait que beaucoup, beaucoup de projets importants se
retrouvent dans ce qu'on appelle les "limbes" de l'évaluation
environnementale, c'est-à-dire qu'ils ne sont soumis à aucune
espèce d'évaluation.
Donc, ce qu'on vous dit, c'est que, dans sa logique, dans le sens
général du mot, l'économie de la loi actuelle et du
règlement est bonne et on doit aller dans l'esprit du rapport Lacoste
qui était un comité chargé d'améliorer la
procédure dans le cadre du règlement et de la loi actuelle.
Rappelez-vous du mandat de Lacoste. Mais on peut faire ça avec des
effets mauditement importants sur notre société et sur notre
environnement et très, très importants comme modifications, ceci
dit.
M. Maltais: On peut peut-être vous rassurer. Je pense que,
unanimement, l'objectif de cette commission et de ses membres n'est pas un pas
en arrière, mais bien de grands sauts en avant. Et le BAPE, pour nous, a
toujours été et demeure l'instrument idéal, sauf que,
comme vous l'avez dit, à partir du rapport Lacoste, pour nous, c'est
important d'améliorer sa réglementation. Ce qui échappait
de par une non-application de règlement, peut-être que la
recommandation de la commission, ce sera qu'à partir de maintenant il
n'y a personne qui va s'échapper. Et, en fait, c'est un peu le voeu.
Ce qui m'a frappé aussi, vous semblez beaucoup calquer le
système ontarien. Mon collègue et moi avons eu l'occasion,
à quelques reprises, de faire une brève étude de
ça. Le système de l'Ontario - et mon collègue pourra me
corriger - nous a semblé beaucoup trop judiciaire, malgré qu'on
lui reconnaisse certains avantages. Le citoyen est pris avec des procureurs
devant une cour de justice, ni plus ni moins, qui, somme toute, après
l'exercice, garde une autorité discrétionnaire et suprême
au gouvernement. Comment vous voyez ça? Est-ce que notre système
ne serait pas plus étanche, s'il était bien appliqué,
qu'un système qu'on trouve, en tout cas comme parlementaires, beaucoup
trop judiciarisé?
M. Simard: Non. Là-dessus, je suis d'accord avec vous et
je pense que c'est peut-être une fausse impression. Ce n'est pas
l'impression qu'on a voulu qui se dégage du mémoire de calquer le
processus ontarien. Parce que, effectivement, dans l'économie
générale de la loi et du règlement, nous sommes satisfaits
du forum qu'est le Bureau d'audiences. Mais, actuellement, le Bureau
d'audiences publiques est quand même un organisme quasi judiciaire et il
doit, à l'occasion, utiliser ses prérogatives d'organisme quasi
judiciaire de façon judicieuse, naturellement, mais on ne voit pas un
processus qui soit complètement envahi par des avocasseries, des
délais et des cadres, ce qui est un petit peu, malheureusement, un des
défauts du système ontarien. Mais on ne voit pas du tout
ça. Si on s'inspire à quelques égards du principe ontarien
ou de certaines avenues étudiées en Ontario comme le "all is
included except", c'est-à-dire que tout est inclus et tout est assujetti
sauf certaines choses dont on doit prouver pourquoi elles ne sont pas
assujetties - l'Ontario va dans ce sens-là, c'est intéressant -
la structure. du Bureau d'audiences publiques comme forum, avec des
règles, bien sûr, avec une discipline, bien sûr, nous ne la
voyons pas dans un processus judiciaire.
Ce qui est important - je voulais le préciser tout à
l'heure - actuellement, le règlement crée une obligation
réglementaire pour le ministre, si ce n'est pas frivole, d'aller en
audiences publiques, de faire appel au BAPE. Et ça, c'est majeur, vous
savez. Et, prenez bien conscience de ce fait-là, s'il y a
élargissement et universalité de la procédure, ce que nous
souhaitons, il ne faut pas qu'il soit possible, par arbitraire ou uniquement en
élargissant l'article 6. 3 de la loi, que le ministre puisse choisir.
Là, on rend universel d'un côté et on rend arbitraire de
l'autre. Vous comprenez? On pourrait dire que tout est inclus, mais que c'est
le ministre qui va ou non en audiences, donc tout redeviendrait exclu. Et c'est
important de garder la caractéristique fondamentale de notre
règlement qui est l'obligation réglementaire, pourvu que la
demande ne soit pas frivole. Et, dans l'histoire au Québec, dans
les 43 rapports, je pense qu'il n'y a pas eu d'audiences frivoles et qu'il n'y
a pas eu d'exagération de ce côté-là. La preuve,
c'est que même avec l'obligation réglementaire, malheureusement,
on n'a pas assez utilisé la procédure. Donc, il ne faut pas
enlever cet aspect-là fondamental.
Le deuxième aspect qu'on craint dans le contexte
économique actuel, pour revenir à votre première question,
c'est l'aspect de la justification. Il faut, en toute justice naturelle, qu'une
commission qui se penche sur un projet puisse dire si l'étude d'impact
est pourrie ou si le promoteur n'a pas fait la démonstration de la
justification sociale et économique de son projet par rapport aux
impacts environnementaux qu'il occasionne; qu'il y ait possibilité pour
le BAPE de dire: Ce projet doit retourner à la table à dessin, il
est mal dessiné. On a un cas patent de ça, le cas Soligaz
où le projet était mal dessiné, mal conçu et
décidé d'avance en comptant sur des appuis politiques pour
considérer le BAPE comme une simple formalité. Donc, la
possibilité pour le BAPE de dire: Ce que j'ai devant moi ne me permet
pas d'arriver à une recommandation positive, ça fait partie d'un
examen. Si, par exemple, cette justification-là était
enlevée et qu'on donnait uniquement au Bureau d'audiences publiques sur
l'environnement la possibilité d'avoir des mesures de compensation et de
mitigation sans s'interroger sur la justification du projet, à ce
moment-là, je pense qu'on détruirait des règles naturelles
de justice et on n'avancerait absolument pas socialement.
M. Maltais: Vous avez parfaitement raison de ce
côté-là. Soligaz est un cas patent que vous avez
nommé; il y a eu d'autres cas au Québec aussi et, croyez-moi, ils
se le sont fait dire également. Lorsqu'on fait mal son travail et qu'on
vient traîner dans la cour du Parlement ici pour demander aux
parlementaires de corriger le travail qu'on n'a pas fait, on ne
l'apprécie pas non plus, nous autres. On n'est pas engagés comme
professeurs, on est engagés comme législateurs. On est
engagés par la population en plus.
Votre organisme est, quand même, un organisme fort bien
structuré et connu au Québec.
Vous regroupez 55 000 membres et beaucoup d'organismes. Il est
évident que, lorsque vous allez devant le BAPE, vous êtes un
organisme structuré, vos dossiers sont très
étoffés, c'est connu. Cependant, ce n'est pas la même
chance pour tous les groupes écologistes qu'on peut rencontrer dans
différentes parties du Québec. Est-ce que vous pensez - et
là, je vous dis ça tout bonnement - que ça pourrait
exister, au Québec, une fédération de groupes
écologistes avec des critères, pour que, vraiment... Souvent, ces
gens de bonne foi se font dire qu'ils ne sont pas représentatifs du
milieu. Ils regroupent peut-être 15, 20 ou 30 personnes dans un secteur.
On l'a vu depuis trois jours, on a vu les groupes qui, souvent, se sont fait
taper dessus soit par la presse ou par la contrepartie. Est-ce qu'on verrait
ça d'un bon oeil au Québec - écoutez, vous êtes
quand même l'un des groupes les plus importants - un genre de
fédération, de regroupement de groupes écologistes, une
fédération qui pourrait émettre des critères et
qui, de cette façon-là aussi, deviendrait beaucoup plus
finançable, soit par les promoteurs, soit par le gouvernement? Comment
verriez-vous ça?
M. Simard: Je demanderais peut-être à M. Coté
de répondre à ça, si vous voulez bien.
M. Maltais: On vous demande votre opinion. On est ici pour
regarder les solutions et c'est pour ça qu'on vous pose ces
questions-là.
M. Coté (Guy L): Je pourrais vous répondre puisque
je suis le vice-président d'un des groupes écologistes qui
existent au Québec et nous aurons l'occasion de vous rencontrer
séparément, l'Association pour la conservation du mont Pinacle.
La perception que nous avons de l'UQCN comme groupe, c'est
précisément que c'est une fédération de groupes
écologistes. J'ai été étonné et très
heureux de constater jusqu'à quel point le comité exécutif
de l'UQCN est très représentatif des différents groupes au
Québec et la façon avec laquelle il exploite quelquefois de
façon éhontée les expertises des différents
groupes. L'UQCN, c'est au fond quelques permanents qui sont au bureau central
ici à Québec et un réseau d'une quinzaine de personnes,
élues d'ailleurs par les assemblées annuelles. Ces personnes
véhiculent des dossiers spécialisés au fur et à
mesure de leurs expériences concrètes dans le milieu.
Aujourd'hui, nous parlons de façon générale. Lorsque nous
aurons à vous rencontrer, notre expérience viendra du milieu. Je
crois qu'une fédération de groupes écologistes n'est pas
nécessaire, elle existe déjà. L'expertise, si vous la
reconnaissez dans les mémoires de l'UQCN, c'est parce qu'elle est
nourrie par ses membres. (11 h 15)
M. Maltais: Je suis d'accord avec votre réponse, mais je
ne la partage pas. Je vais vous donner un exemple. Hier, il y a des gens qui
témoignaient à votre place et qui n'avaient même pas 25 $
pour se payer un billet d'autobus. Dans une société de
consommation comme la nôtre, je trouve que M. Simard, qui est à la
permanence ici, n'a pas eu à payer ces 25 $. Je trouve qu'aussi loin que
les gens viennent du Québec... Vous savez, le parlement, on ne peut pas
le déménager à tous les quarts d'heure, même si, de
temps en temps, une grosse partie se déménage à
Montréal, comme dirait le président de la commission. On ne peut
pas se promener avec le parlement en dessous du bras, il est soudé
à Québec. Ces gens sont vraiment défavorisés.
Lorsque vous dites que, de fait, à l'Union, vous ne verriez pas d'un bon
oeil une confédération ou une fédération de groupes
écologistes, moi, ça me laisse sceptique parce que je pense qu'il
y a des gens dans mon comte qui aimeraient peut-être venir ici
témoigner; ils ont des choses à dire. On a eu de l'huile aussi,
nous autres, et on aurait des choses à dire; ces gens-là auraient
des choses à dire. Mais, si on avait une fédération qui
regroupe certains critères pour admettre un groupe écologiste...
Peut-être que de facto l'UQCN est reconnue par les groupes
écologistes, mais dans la population ce n'est pas elle qui chapeaute
tous les groupes écologistes, à moins que je ne me trompe et vous
me corrigerez. Mais je n'ai pas le sentiment que l'UQCN est le maître,
est la fédération officielle de tous les groupes
écologistes au Québec. Je n'ai pas ce sentiment-là parce
qu'il vous arrive "Greenpeace" d'un côté et il vous en arrive une
couple d'autres à gauche et à droite, et je ne suis pas sûr
que l'UQCN chapeaute tout ça. J'aimerais ça qu'un jour on mette
un organigramme bien bâti...
M. Simard: Là-dessus, si je peux me permettre, M.
Maltais...
M. Maltais: Ce ne sera pas long. ¦
M. Simard: Je suis originaire de votre comté, je suis un
peu au courant aussi. On a des membres chez vous, d'ailleurs.
M. Maltais: Oui, oui.
M. Simard: Si je peux me permettre, ce n'est pas
nécessairement le sujet principal, la structuration des groupes
écologiques au Québec, mais le postulat qui vous fait poser votre
question m'inquiète un peu. C'est comme si vous disiez qu'on a affaire
parfois à des groupes écologiques plus ou moins enracinés
dans leur milieu, qui disent plus ou moins n'importe quoi et qui auraient
avantage, éventuellement, à être supportés par une
fédération nationale.
M. Maltais: Non, je vous arrête. Ce n'est pas ça du
tout que je dis
M. Simard: J'ai senti ça. Est-ce que je me trompe?
M. Maltais: Non, ce n'est pas ça du tout que je dis. Je
veux couper ça tout de suite parce que ce n'est pas ça. Tout
simplement, au Québec, vous, vous êtes bien structurés,
vous avez 55 000 membres, 100 associations avec vous, vous êtes un groupe
structuré et chanceux. Mais il y en a d'autres au Québec qui ont
des choses à dire, qui sont moins structurés, qui sont moins
représentatifs et, dans l'opinion publique, ils se font botter le
derrière. Pourquoi? Parce que souvent c'est un petit groupe de 15, 20
personnes, sans moyen financier. Et la preuve, écoutez, on est là
comme témoins, hier, tous les parlementaires, nous sommes restés
ébahis de constater que des gens n'avaient même pas d'argent pour
payer leur dîner tellement leur association était pauvre. Ce n'est
pas votre cas, je ne pense pas. Bon. Ce qui m'intrigue là-dedans, c'est:
comment, au Québec, les promoteurs, un gouvernement, des parlementaires
pourraient s'assurer d'une certaine équité financière
envers ces groupes écologistes s'ils ne sont pas regroupés et
s'ils ne sont pas caractérisés? C'est-à-dire que, pour
être reconnus comme groupes écologistes, ça prendrait un
minimum de personnes, un minimum de critères. Ils deviendraient
subventionnables, ce serait récurrent, ils ne seraient pas à la
charité de tout le monde continuellement. C'est la question que je pose.
Si vous me dites: On ne veut pas de ça, on ne veut pas en entendre
parler, je suis bien d'accord avec vous autres et je vais poser la question
à d'autres groupes écologistes qui vont venir, mais j'aimerais
ça vous entendre là-dessus.
M. Coté: Votre question nous touche beaucoup, votre
sollicitude nous touche beaucoup. Vous avez tout à fait raison de poser
la question parce que les groupes environnementaux sont souvent les
précurseurs de préoccupations qui deviennent, par après,
plus générales. Une des raisons de cela, c'est qu'ils existent
dans le concret et dans le local et ils perçoivent quelquefois avant les
autres la genèse de certaines difficultés. L'expérience
que nous avons eue au mont Pinacle et aussi les contacts que nous avons eus
ailleurs nous mènent à penser que les groupes écologistes
devraient recevoir un soutien financier. Nous n'avons nous-mêmes, depuis
les quatre ans que nous existons, jamais reçu une subvention
d'opération, malgré le fait que nous avons fait des levées
de fonds dans notre secteur et tout dernièrement nous avons
réussi à récolter 50 000 $.
Cependant, nous avons reçu tout dernièrement du
ministère de l'Environnement une communication à l'effet qu'il y
a un nouveau programme du ministère de l'Environnement, qui s'appelle Le
soutien à l'action, et que notre groupe et d'autres aussi pourraient
être éligibles à ce programme-là. Nous verrions d un
très bon oeil un soutien accru de la part de l'État aux groupes
écologistes indépendants et, dans ce sens-là, s'il faut
une fédération pour représenter leurs
intérêts, je vous suis entièrement.
M. Maltais: Comment verriez-vous une fédération
qui, elle, distribuerait les montants d'aide aux groupes
écologistes?
M. Simard: Ça, je pense que c'est de la dynamique interne
des groupes, mais c'est pensable, en fait.
M. Coté: Ce n'est pas impossible, ça. Ce n'est pas
du tout impossible que ça se fasse comme ça. Ça
enlèverait la part d'arbitraire du ministère d'avoir à
faire le choix elle-même. Mais c'est des choses qui ne portent pas sur le
sujet principal de notre rencontre aujourd'hui.
M. Maltais: Ça va, merci.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. M. Simard, M. Stainier,
M. Coté, bienvenue au nom de l'Opposition. En partant, je veux vous dire
que j'ai ressenti beaucoup de jouissance à lire votre rapport et
à le relire ce matin. Je m'en confesse publiquement.
Le Président (M. Garon): Ne confessez pas ça,
docteur.
M. Lazure: II est non seulement très bon sur le fond, mais
il est très bon dans la forme aussi. Et même le vocabulaire est
soigné. Quand on parle du patrimoine blessé, ça me touche
profondément. Je voudrais vous dire que, quant à nous, les sept
objectifs que vous nous proposez de poursuivre, comme commission, ça
nous va. J'avais une question sur le septième objectif où on
parle du suivi. Vous dites, a la page 14, "de porter une attention
particulière au suivi des projets". Comment ça se ferait
ça, d'après vous? Voulez-vous élaborer un peu
là-dessus?
M. Simard: Oui, je vais élaborer un peu. Effectivement,
avoir eu peut-être plus de temps, on avait certaines choses qu'on aurait
voulu mettre là-dessus davantage. Je suis heureux que vous le
souligniez. Je suis heureux aussi que ce soit la lecture de notre
mémoire qui vous provoque certaines jouissances, plus que de piloter un
F-18, comme certains autres hommes politiques l'ont dit.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Simard: Maintenant, sur le suivi, on pense qu'actuellement il
y a peut-être un enga-
gement moral. Quand on dépose une étude d'impact, quand il
y a audiences publiques, quand il y a un décret qui découle de ce
processus, il est important de savoir si le décret a été
respecté ou non après coup. Donc, dans un premier temps, je pense
que ça pourrait se faire, dans certains types de projets, à tout
le moins, des projets qui sont les plus à lourds impacts
identifiés. Dans certains types de projets, à tout le moins, il y
aurait une actualisation de l'étude d'impact après, par exemple,
trois ans d'opération.
Cette actualisation de l'étude d'impact, en comparant ce qui
était prévu dans l'étude d'impact et lors de l'audience
avec ce qui existe dans la vraie réalité vivante, serait rendue
publique, par exemple, et accessible dans les différents centres du
Bureau d'audiences publiques sur l'environnement; déjà,
ça, ça serait intéressant. C'est-à-dire que
ça assurerait qu'il y a un suivi, que l'étude d'impact et le
processus ne sont pas que de la poésie. Et, vous savez, bien souvent les
gens à l'interne disent que tout ça, c'est de la
poésie.
C'est-à-dire qu'une fois qu'on n'a pas fait le suivi sur le
décret il peut se faire n'importe quoi en aval de ce qui a
été décidé et, s'il n'y a aucune
vérification, pourquoi on a gaspillé temps et argent, et qu'on a
fait participer le public s'il n'y a pas de suivi? Donc, ce suivi-là
pourrait être fait et disponible publiquement par le Bureau d'audiences
publiques sur l'environnement; à ce moment-là, ça pourrait
être une de ses fonctions de faire ça, lui qui est un peu garant
du respect de la procédure à ce niveau-là, sans avoir, si
vous voulez, nécessairement de dents pour l'instant.
M. Lazure: Vous ne pensez pas que ça pourrait être
plutôt le ministère, que ça relève de la
responsabilité du ministère? Parce que le Bureau d'audiences
publiques est un bureau, comme le terme le dit bien, d'audiences publiques. Il
ne faut pas qu'il se mette - à mon avis, en tout cas - à remplir
les fonctions qu'un ministère de l'Environnement doit remplir de
façon permanente, régulière, indépendamment des
audiences qui peuvent avoir lieu sur tel ou tel projet.
M. Simard: On n'est pas fondamentalement opposés à
ce que vous dites. La seule différence... M. Stainier, si vous voulez
ajouter là-dessus.
M. Stainier (André): Oui, je trouve intéressante
l'idée d'impliquer le BAPE quand même dans cet aspect-là
des choses. Je crois que déjà, actuellement, le ministère
de l'Environnement a la responsabilité d'une certaine surveillance,
mais, moi, je trouve intéressant, et nous essayons, quant à nous,
de le pratiquer dans la suite de Contestension Portneuf-Lotbinière, que
les groupes qui se sont intéressés, qui se sont impliqués
dans l'adoption d'un projet aient la possibilité d'en suivre la
réalisation à titre de membres de la population, ce qui est autre
chose que d'être un fonctionnaire du ministère de l'Environnement
qui le fait à sa façon.
M. Lazure: II y a peut-être une façon, un compromis.
Moi, je pense que c'est surtout le ministère qui doit faire ce
suivi-là, pour toutes sortes de raisons, mais le ministère
pourrait transmettre au BAPE les données de son suivi et le BAPE les
transmettrait au public.
M. Stainier: C'est qu'il me semble, justement, que le BAPE, dans
la ligne de sa vocation de forum ouvert à la population, soit l'endroit
où la population, par exemple, pourrait s'adresser pour dire: Moi, j'ai
telle demande à faire...
M. Lazure: C'est ça.
M. Stainier: ...sur tel projet, veuillez demander au promoteur de
nous acheminer telle et telle information. Ce serait un peu plus qu'une
boîte aux lettres. Il serait l'intermédiaire entre la population
et le promoteur. Il ne s'agit pas que le BAPE aille lui-même voir...
M. Lazure: C'est ça.
M. Stainier: ...mais qu'il reçoive l'information, la
transmette et la vérifie, éventuellement, la valide.
M. Lazure: On se comprend. Un intermédiaire et, en
même temps, ombudsman pour la population.
M. Stainier: Mais que ce soit le BAPE plutôt que le
ministère, parce que le rapport entre le citoyen et le ministère
n'est pas le même qu'entre le citoyen et le BAPE.
M. Lazure: Vous avez raison. On se comprend.
M. Simard: II faut savoir si le décret a été
respecté. Je pense que c'est important et, à la limite, s'il
n'était pas respecte, il y aurait possibilité d'une
réouverture de processus sur des modifications majeures au
décret, tel que le prévoit, d'ailleurs, Lacoste. Ce serait
important de le faire; sinon, on n'a pas bouclé la boucle et on n'a pas
la possibilité de vérifier. Mais nous sommes ouverts à des
modalités là-dessus. Ce qui est important, c'est qu'on a trop
souvent tendance à oublier, et je fais une analogie avec les
collèges qui sont très performants peut-être, mais on avait
oublié de les évaluer, à un moment donné, pour
savoir s'ils étaient performants, au même titre qu'on doit
évaluer le résultat du processus d'audiences publiques en
"monitorant".
Ça, c'est ce qui est assez important à retenir.
M. Lazure: Un deuxième secteur, M. le Président,
les recommandations. Là aussi, ça nous va entièrement. Je
note avec beaucoup d'intérêt qu'à la page 20 - et je suis
sûr que M. Coté a eu quelque chose à faire avec ça -
vous incluez dans l'article 2 les projets
réçréotouristiques. Si ça pouvait se faire...
M. Coté: À la suite de pressions internes.
M. Lazure:... de façon rétroactive, on aurait pu
trouver une solution pour le mont Pinacle. Mais ce n'est pas fini, si je
comprends bien. La lutte pour le mont Pinacle n'est pas terminée. Sur
des questions plus particulières, vous avez peut-être entendu la
discussion que nous avons eue, tantôt, avec les représentants de
Gaz Métropolitain concernant la technique de la voie rapide qui va,
semble-t-il, être utilisée de plus en plus aux États-Unis
où les promoteurs ont le choix entre une procédure
régulière quant à son rythme ou une procédure
beaucoup plus rapide, avec des risques pour le promoteur. Sans
répéter tout ce que M. Caillé nous expliquait
tantôt, en gros, c'est le promoteur qui se chargerait, avant même
de déposer son avis de projet, de faire faire toutes les études
pertinentes, connaissant d'avance les exigences du ministère ou du
Bureau d'audiences publiques. Aussitôt qu'il aurait terminé toutes
ces études, il les rendrait publiques et le ministère rendrait
public son avis de projet. À ce moment-là, ça
enclencherait le processus actuel, audiences publiques ou non, selon le
cas.
Ici, les représentants de Gaz Métropolitain nous parlent
d'une différence de 33 mois, comme le rapportait le rapport Lacoste, de
délai moyen dans la procédure actuelle par rapport à 8, 5
mois dans l'optique d'une voie rapide. Alors, le délai de 8, 5 mois est
peut-être très optimiste, là, mettons que c'est 12 mois, et
d'autres groupes nous ont parlé d'un maximum de 12 mois.
Personnellement, moi, je suis favorable à cette idée qu'on
accélère beaucoup le processus. Que . pensez-vous de cette
technique de la voie rapide? (11 h 30)
M. Simard: Tout le monde est pour la vertu et contre le vice,
tout le monde est pour une procédure assez rapide et efficace et nous de
même, mais ce dont il faut s'assurer, c'est que la procédure
prenne le temps nécessaire pour faire des évaluations de
qualité et le temps d'analyse nécessaire, qui n'est
peut-être pas le même selon la nature de certains projets.
Ça ne doit pas être indû. Il ne doit pas y avoir comme
actuellement, effectivement, des délais entre les réponses et les
questions du ministère et un genre de dialogue sans fin que nous
déplorons, nous aussi. On propose un certain cadre pour une voie qui
pourrait être un peu plus rapide, c'est-à-dire - un peu comme le
mémoire du département de santé communautaire vous le
soulignait - une analyse de certains sites qui serait dynamique. Mais ce qu'on
sait sur un site, on n'a pas besoin de le répéter ou de le
réétudier. Donc, ça favorise l'efficacité d'une
procédure et sa rapidité.
Maintenant, une procédure rapide où le promoteur ferait
tous les avis de projet et tous les projets en présupposant une
directive, à ce moment-là, je trouve qu'il y a un danger que
l'étude d'impact ne touche que ce que l'on veut bien étudier.
Vous savez, une étude rigoureuse implique que tous les aspects soient
étudiés: socio-économiques, macroécologiques,
microécologiques, biophysiques, énergétiques. Donc, c'est
ça la rigueur, ce n'est pas uniquement de pointer sa lampe de poche vers
le seul problème et de ne pas regarder où la lampe de poche
n'éclaire pas, ce qui se fait souvent dans les études
d'impact.
Donc, la voie rapide est nécessaire, mais doit être
balisée sur des principes de participation publique et des principes
démocratiques. On parle beaucoup de Grande-Baleine actuellement et on se
dit: Qu'est-ce que ça pourrait être un examen public dans le cas
d'un mégaprojet comme Grande-Baleine, en termes d'une procédure
efficace, rapide, mais qui respecte les règles naturelles de justice,
c'est-à-dire la participation du public, le temps de discuter et de
débattre des enjeux environnementaux, et de proposer des solutions?
Souvent - je parlais avec M. André Beauchamp et avec plusieurs autres
personnes là-dessus - il y a une certaine communauté de
pensée qui dit que dans le cas de Grande-Baleine la procédure
peut être de trois ans pour qu'elle soit parfaitement plausible et
crédible. Avant ça, ça peut ressembler à: Vous avez
un an pour dire oui ou vous avez six mois pour dire oui. Ça, ça
fausse.
M. Lazure: Oui, mais...
M. Simard: donc, vous comprenez qu'il faut être prudent
avec une procédure rapide qui court-circuiterait la participation du
public au niveau de la directive ou de certaines étapes.
M. Lazure: Oui, vous avez absolument raison, puis je pense que
cette procédure de voie rapide, il ne serait pas question, en tout cas
dans mon esprit, de l'appliquer sur la discussion publique de grands projets ou
sur la discussion publique de politiques gouvernementales. Alors, dans mon
esprit, ça ne s'appliquerait sûrement pas à la politique
énergétique du Québec. L'Ontario, sur son plan de
développement de 20 ans, va prendre deux ans et demi pour faire la
discussion publique. Alors, je suis bien de votre avis aussi que, pour une
discussion valable sur l'avenir énergétique du Québec,
c'est une question de deux ans, deux ans et demi ou trois ans qu'il faut garder
en tête.
Sur un autre plan, l'aide financière aux groupements, avez-vous
eu l'occasion d'étudier les normes que le ministère est en train
d'élaborer pour le financement des groupes?
M. Simard: Bon. Ça, c'est toute une ouverture. Je
préfère, dans un premier temps, répondre à cette
question-là plus directement au niveau de la consultation. Il existe des
critères de financement - et ça répond un peu à M.
Maltais, même s'il n'est pas là, mais disons que c'est
enregistré - au niveau du financement des groupes pour participer
à des audiences. Il existe des expériences. Récemment, il
y a eu une consultation du fédéral sur l'enfouissement des
déchets nucléaires dans le granite où il y a eu un
programme de financement des groupes, dans une première étape, de
200 000 $. Il y a un comité de personnalités indépendantes
qui a analysé les demandes des groupes. C'est sûr qu'il refusait
les groupes qui voulaient se payer une publicité dans le journal pour
dire non au nucléaire - c'est peut-être normal - mais, selon les
demandes, ça a été respecté et tout le monde
était assez heureux de l'aboutissement de ça. Il n'y a pas eu de
censure, ça s'est fait par des sages et c'était
intéressant. Donc, cette procédure-là peut s'appliquer
dans le financement des groupes et éviter peut-être des
problèmes de groupes ou d'individus - on ne parle pas seulement
d'environne-mentalistes - même de municipalités ou de petites
municipalités qui n'auraient pas les moyens de présenter quelque
chose d'étoffé dans une audience et ça aiderait à
élever le débat. Ça, c'est nécessaire.
Maintenant, par rapport au financement des groupes, qui est directement
votre partie, malheureusement, il y a une saga au ministère de
l'Environnement sur un programme de financement des groupes. On a
annoncé un programme plutôt de soutien à des projets, dont
actuellement, en tout cas, on n'a pas vu de formulaire comme tel. On n'a pas de
formulaire connu. Donc, à ce moment-là on craint un certain
arbitraire, que ce soit finalement un fonds discrétionnaire trop grand
sur cette question-là. On craint que le programme de 1 000 000 $ soit
sur la base de projets spéciaux dont actuellement on ne connaît
pas les normes. On espère et on est à peu près
persuadés, on compte sur la sagesse de nos gouvernants pour mettre des
normes là-dessus.
Maintenant, on pense qu'il est fondamental qu'il y ait une partie de ces
sommes-là qui ne soit pas uniquement sur des projets, mais sur le
soutien à des organisations nationales et régionales. Et
ça, c'est un principe qui avait été admis et qui,
malheureusement, semble-t-il, tend à s'en aller, mais sur lequel je vous
annonce que, sans être une confédération, une
majorité de groupes et d'organisations nationales interviendra
bientôt pour rappeler l'importance des organisations nationales et
l'importance de les financer sur une base de soutien. Il ne s'agit pas de
combler 100 % du budget. Sachez que, sur un budget de près de 700 000 $
de notre organisation, nous avons eu 11 000 $ de budget du ministère de
l'Environnement et, l'année précédente, 3000 $. Donc, on
ne peut parler de dépendance. Mais on parle d'un soutien pour du travail
comme on fait ce matin, qu'on fait carrément gratuitement.
M. Lazure: Je peux vous dire que, de ce côté-ci,
nous ne sommes pas du tout d'accord avec cette idée de financer les
groupes environnementaux à l'année longue, seulement en partant
de projets. Ça n'a pas d'allure, quant à nous. Alors, il faut
absolument qu'on sorte de cet enlisement qui est un peu, d'ailleurs, comme la
philosophie du fédéral qui finance à gauche et à
droite en partant de projets et qui oblige des petits groupes communautaires
à passer des heures et des heures et des semaines à
préparer des projets qui, souvent, sont fictifs, de toute façon.
Alors, si jamais vous voulez l'appui de l'Opposition là-dedans, vous
pouvez compter dessus.
Dernière question, M. le Président. Vous faites une petite
remarque qui m'intrigue, à la page 19 de votre mémoire. Vous
dites qu'il serait nécessaire, à moyen terme, de refondre les 12
lois - ça va, ça - en matière d'environnement, avec, comme
objectif, de sortir de la politisation sélective qui les entoure. Je
suis intrigué par l'expression "politisation sélective".
M. Simard: Disons que nous avions deviné qu'un jour cette
question viendrait. Nous avions deviné juste. Si vous regardez la
version la plus récente de la loi québécoise sur
l'environnement, vous vous apercevrez, en feuilletant un peu comme on fait avec
un "flip book" que les jeunes ont, qu'il y a des zones grises et des zones
blanches. Les zones grises, ce sont toutes les parties de loi et de
règlement - carrément des articles de loi - qui ont
été votées en bonne et due forme - excusez, je ne ris pas
du tout d'une façon ironique - par nos législateurs à
l'Assemblée nationale.
Je pense qu'il y a beaucoup de monde qui pense de bonne foi que ce qu'il
a voté est en application. Je pense que beaucoup de personnes,
même à l'Assemblée nationale, croient que la loi
québécoise en environnement est appliquée
entièrement actuellement. Mais, malheureusement, de grands pans de cette
loi-là sont soumis à des règlements généraux
d'administration qui en suspendent l'application. Un des plus connus, c'est les
fameux articles 2n, 2g et 2p qui, encore tout récemment, étaient
étudiés dans les pays étrangers, sans qu'il y ait le petit
astérisque disant: N'est pas encore en application. En
Nouvelle-Zélande, on devait dire quelque part: Vous savez, au
Québec, ils évaluent les projets industriels, c'est marqué
dans le règlement. Mais
c'est ce genre de politisation sélective auquel on faisait
référence.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Jonquière.
M. Dufour: Oui, vous parlez, aux pages 39 à 41, des
pouvoirs que les municipalités pourraient obtenir concernant la demande
au BAPE. Présentement, c'est le ministère qui a le pouvoir de
décider quand il y aura des enquêtes par le Bureau. Là,
vous dites: Les municipalités pourraient demander de faire des
enquêtes et la décision finale serait aussi aux
municipalités. Si les municipalités pouvaient demander de faire
des enquêtes, comment vous expliqueriez, par exemple, le pouvoir que les
municipalités pourraient avoir vis-à-vis le BAPE, lorsqu'elles ne
paient rien? Il y a quelque chose, là-dedans, qui me semble... Comme
avant, les municipalités pouvaient demander de faire des
enquêtes...
M. Simard: Excusez. Vous faites référence à
quelle page? Je ne le vois pas.
M. Dufour: Pages 39 à 41.
M. Simard: Page 39 à 41, vous dites?
M. Dufour: C'est le Conseil des ministres qui, en principe, a le
pouvoir de déterminer si le BAPE va siéger ou pas. Là,
vous dites: Les municipalités devraient pouvoir demander au BAPE de
faire des enquêtes. Si les municipalités ont le pouvoir de
demander de faire des enquêtes et que le BAPE est obligé
d'accepter de faire ces enquêtes-là, est-ce que vous croyez qu'il
n'y a pas...
M. Simard: Je ne comprends pas où vous le prenez, parce
que je ne le vois pas à la page 39. Je ne comprends pas où vous
voyez ça. Je vais vous dire, je trouve ça curieux comme question
parce que ça a été une hypothèse de travail qu'on
a...
M. Dufour: Un instant. Les municipalités devraient pouvoir
demander au BAPE de faire des enquêtes, tout comme la prise de
décision finale sur des projets plus restreints devrait se faire au
niveau des municipalités, plutôt qu'au niveau du Conseil des
ministres, pages 39 à 41. Enfin, à moins que nos...
M. Simard: C'est curieux. Il y a peut-être...
M. Dufour:... synthèses ne soient pas
véridiques.
M. Simard: C'est peut-être que vous avez eu une version...
Je ne sais pas, je vérifie. Mais, sincèrement, nous avons
évalué ça. Je vais répondre quand même
à votre question, je pense que c'est important parce que ça fait
l'objet d'un débat chez nous.
M. Dufour: C'est parce que ça va aller avec l'autre.
M. Simard: Ça fait l'objet d'un débat direct chez
nous. En fait, on pense, en fin de course, que ça ne devrait pas
être aux municipalités. Effectivement, il devrait y avoir
audiences publiques sur des projets d'envergure municipale ou supramunicipale,
l'enfouissement des déchets et des choses comme ça. Je pense que
leurs recommandations devraient être envoyées au Conseil des
ministres. C'est sûr que les municipalités participeraient
directement, éventuellement, même comme promoteurs, au processus
d'audiences publiques, mais il devrait demeurer au niveau national parce que
souvent les impacts sont de niveau supramunicipal, comprenez-vous? Il y a eu
une hypothèse de travail chez nous qui disait ça - c'est dommage
si c'est resté dans votre version - mais, essentiellement, nous en
sommes venus à la conclusion que les promoteurs municipaux devraient
participer activement au BAPE, ça devrait être soumis, mais comme
il y a des implications supramunicipales, ça devrait demeurer à
ce niveau-là. C'est la question...
M. Dufour: C'est clair qu'il y a des municipalités, par
exemple, que je connais qui sont astreintes à la juridiction du
Protecteur du citoyen, mais il y a des coûts là-dedans. La
municipalité qui s'astreint paie, en retour, un certain coût parce
qu'elle a un pouvoir; du fait qu'elle s'astreint à une juridiction,
ça veut dire qu'elle lui demande un supplément de travail. C'est
pour ça que je trouvais que c'était un peu conflictuel, à
l'effet qu'en dehors...
M. Simard: Oui.
M. Dufour:... de ceux qui paient, les municipalités
auraient pu décider. Je comprends bien votre position.
M. Simard: Oui, c'est pour ça que c'est bien de clarifier
ça. Je regrette que cette version-là ait circulé.
Maintenant, je voudrais vous dire, là-dessus, ce qui est le plus
important. Pour les municipalités, dans l'ensemble des dossiers, ce
qu'on a remarqué, c'est que - dans le cas de Labco-Chem à
Saint-Romuald, de Glaverbec à Saint-Augustin dans la région de
Québec - étant donné qu'il n'y avait pas d'audiences
publiques, il se créait des psychodrames dans les journaux - la
même chose que Lauralco - des menaces de retourner au Venezuela, etc.
Ça va en bas de la ceinture et dans des querelles de ruelles assez
importantes où l'émotivité règne, où, des
deux côtés, il faut avoir l'image la plus grosse pour rabaisser
l'autre et où ça devient absolument pas dans
l'intérêt public.
C'est une des fonctions premières du BAPE. Par exemple, ce fameux
assujettissement des projets industriels est une chose qui serait nettement
intéressante pour discipliner ou civiliser les relations entre
commissariats industriels au Québec. C'est-à-dire que les
commissaires industriels n'ayant pas de règles du jeu claires dans
l'assujettissement des projets industriels sont tentés de dire: Venez
chez nous, ce ne sont pas des chialeux, ça va passer. Même si chez
nous ça pourrait être un milieu très sensible, il n'y aura
pas d'audiences, on va vous organiser ça, on connaît nos groupes.
Il se joue toutes sortes de surenchères, j'allais dire, à la
baisse, le plus bas dénominateur commun au niveau de l'environnement, et
des coupe-gorge qui ne sont pas à l'avantage des municipalités,
ni des entreprises qui se font "coaxer" - vous le savez, ce n'est pas un
très beau terme - qui se font séduire intensément par les
commissaires industriels. Et souvent, elles le souhaitent.
Le cas de l'enfouissement sanitaire, quand une municipalité a un
peu le défaut... Parce que, souvent, c'est un peu ce qu'on a,
c'est-à-dire qu'on a analysé plusieurs sites et c'est lui qu'on
veut et, là, on va le faire passer. On met 200 000 $ en relations
publiques et on va le faire passer par des annonces dans les journaux, ce qui a
souvent l'effet diamétralement opposé. Les 200 000 $ qu'on met en
publicité, ils valent 400 000 $ de contrepublicité, si vous
voulez. Ça ne fait pas avancer le dossier et les gens n'ont pas
confiance.
Par exemple, ça a été employé dans le cas
d'une médiation environnementale tout à fait spéciale au
Québec, qui a eu lieu pour la localisation des usines de traitement des
eaux usées à Québec. On a fait appel à Mme Louise
Roy, à l'époque, qui était membre du Bureau d'audiences.
Elle a tenu un genre de médiation pour aider la CUQ et pour
déterminer un site qui serait acceptable socialement parce que
c'était devenu trop chaud. C'était devenu un point quasiment de
non-retour.
Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, quoi qu'on puisse
en dire et que certains éditorialistes pas trop rigoureux puissent en
dire dernièrement, est un outil de civilisation. C'est-à-dire que
c'est un outil de développement durable, c'est un forum
discipliné qui nous permet de donner des pistes de solution, parce que
personne n'a la vérité en environnement; je pense que ça a
été dit avec raison par Gaz Métropolitain. C'est complexe.
Il n'y a pas de "quick fix", il n'y a pas de solution miracle, tout le monde
est partie à la solution, mais personne ne l'a en tant que telle.
Le Président (M. Garon): Je vous remercie, M. Simard. Je
voudrais remercier les représentants de l'Union québécoise
pour la conservation de la nature d'être venus nous rencontrer. Je
suspends la commission pour quelques instants afin de donner le temps aux
représentants de l'association des entrepreneurs de services en
environnement de venir prendre place à la table des
délibérations.
(Suspension de la séance à 11 h 45)
(Reprise à 11 h 46)
Le Président (M. Garon): Je vais demander au
représentant, au porte-parole de l'Association des entrepreneurs de
services en environnement de se présenter et de nous présenter
les gens qui l'accompagnent, en lui disant que nous avons une heure pour les
entendre. Ça veut dire 20 minutes pour la présentation de votre
mémoire, 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour
l'Opposition. À vous la parole.
Association des entrepreneurs de services en
environnement du Québec inc.
M. Chouinard (Yvon): Merci, M. le Président, MM. les
membres de la commission. Je suis accompagné, à ma gauche, de M.
Hans Gruen-wald, qui est président de l'association des entrepreneurs en
services environnementaux du Québec; de M. Jean-Guy Laberge, qui est le
directeur général de l'Association et, à ma droite, de M.
Daniel Gaudreau, qui est le directeur du comité sur l'enfouissement
sanitaire, un comité qu'il y a à l'intérieur de
l'Association. Et moi-même, je suis Yvon Chouinard. Je suis conseiller
juridique pour l'Association et j'ai à vous présenter le
mémoire que l'Association a déposé auprès de la
commission.
Je vais vous donner une brève lecture du mémoire. De toute
façon, ce n'est pas tellement long. Après ça, il est
possible que ça suscite des questions parce que le cadre dans lequel on
a fait le mémoire, c'est beaucoup plus pour avoir des interrogations sur
certains points qui affectent quotidiennement l'activité des
entrepreneurs en services sanitaires et on dit pourquoi on est peut-être
plus sensibles à certains aspects de l'environnement que d'autres
groupes au Québec.
Alors, je me présente. Je suis celui qui, depuis plus d'un
demi-siècle, fait en sorte que votre cour arrière soit propre.
J'ai commencé à ramasser vos vidanges en vous livrant du bois de
chauffage. Depuis que vous avez trafiqué vos appareils de chauffage pour
utiliser de l'énergie dite propre, je me contente de continuer à
passer dans les rues pour ramasser vos sacs verts. Je fais tellement bien ma
job que depuis des décennies on m'a traité beaucoup plus comme un
guenillou que comme un homme d'affaires. Mais voici que mon "sale"
métier est devenu pour certains, lire municipalités, une mine
d'or et que les sacs verts sont devenus des coffres-forts.
Qui suis-je? Une association qui a consciemment choisi de regrouper des
entrepreneurs
de services en environnement du Québec. À l'origine,
l'Association était connue sous le nom de l'Association des
entrepreneurs en services sanitaires du Québec. Depuis 1959, ses membres
sont présents partout au Québec et, dès qu'il est question
de déchets, ils sont là pour la cueillette, le transport, la
récupération, la valorisation ou le recyclage, et
l'élimination et la gestion.
Ces activités génèrent plus de 6000 emplois directs
et indirects et nécessitent l'utilisation de plus de 3000
véhicules spécialisés. Le chiffre d'affaires annuel des
entrepreneurs pour leur activité au Québec, sans tenir compte des
immobilisations et des équipements sur les sites d'enfouissement, est
évalué a plus de 250 000 000 $.
La procédure d'évaluation des impacts sur l'environnement.
L'Association des entrepreneurs de services en environnement du Québec a
peu à dire sur la procédure. Nous croyons que la procédure
est un mal nécessaire qui, à venir jusqu'à maintenant,
nous est apparu, à tort ou à raison, plus comme un bon exercice
de défoulement collectif qu'un véritable exercice de pouvoir
démocratique lorsqu'il est question de problèmes
environnementaux.
L'Association trouve que la commission de l'aménagement et des
équipements fait preuve d'un courage certain en s'attaquant à la
question de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur
l'environnement. Le document de consultation pose des questions d'une telle
pertinence qu'il y a lieu de se demander s'il n'est pas nécessaire de
créer un Parlement pour les verts puisque, dans les faits, ils
détiennent le pouvoir en prenant l'industrie en otage. Il n'y a plus de
développement durable possible dans le cafouillis actuel de la
réglementation traitant directement et indirectement de l'environnement.
Le système est suffisamment contraignant pour encourager la
clandestinité, que ce soit par le stockage de déchets ou leur
rejet pur et simple dans la nature.
Le virus du "pas dans ma cour" a commencé à s'attaquer au
ministère de l'Environnement qui a, de plus en plus, tendance à
garrocher dans la cour du municipal des responsabilités qu'il avait
jusqu'à maintenant assumées. Mais il nous apparaît
dangereux que certains dossiers fort complexes soient traités par les
autorités locales qui n'ont pas les moyens de se payer à
même nos taxes les expertises nécessaires.
C'est pourquoi l'Association favorise toute procédure
d'évaluation des impacts sur l'environnement qui tiendra compte du
principe de l'intégrité du Québec, évitant ainsi
que les entreprises aient des traitements particuliers... que les
déchets se promènent au gré des humeurs des conseillers
municipaux et que l'on multiplie les études d'impact.
La disposition des déchets solides (domestiques). Dans le
préambule de cette section, le document de consultation
décrète: "Par contre, l'élimination de ces biens et de ces
produits n'est pas très efficace et entraîne une
dégradation, toujours plus marquée, de l'environnement. "
L'Association s'inscrit en faux contre cette affirmation qui laisse
croire que toutes les méthodes d'élimination sont
équivalentes. Pour l'Association, l'enfouissement sanitaire est le mode
de disposition des déchets le mieux approprié au Québec,
que ce soit pour des raisons économiques - c'est le moins dispendieux -
que ce soit pour l'écologie - il respecte le processus naturel de
dégradation des matières - que ce soit au point de vue social,
parce qu'il permet, par le remplissage, la récupération de
nombreux trous, héritage d'un développement sauvage. Ces trous,
une fois remplis, peuvent servir de parc, de jardin, de golf et quoi
encore.
Ce mode d'élimination est celui qui est le plus utilisé.
Il est de loin le plus sécuritaire. Lorsque implanté selon des
règles strictes, il donne des garanties suffisantes au point de vue de
protection de l'environnement. L'Association croit que l'entreprise
privée a démontré son efficacité depuis plus de 30
ans en gardant les coûts de cueillette, transport et disposition des
déchets les plus bas en Amérique. L'Association croit que plus il
y a ingérence dans le domaine, lire intervention politique de tout
niveau, plus les contribuables paient cher.
L'Association favorise la méthode d'élimination des
déchets par leur dépôt dans un site d'enfouissement. Le
problème, si problème il y a, actuellement, n'est pas dans la
méthode, mais bien dans ce que les gens mettent dans leurs sacs verts.
Parce que l'absence de tri à la source entraîne l'enfouissement de
produits qui, normalement, ne devraient pas l'être.
L'Association recommande qu'il soit interdit d'enfouir tout produit
récupérable. Si les citoyens ne font pas leur tri à la
source, il faut installer les équipements nécessaires et facturer
pour ce service. Les contribuables doivent savoir ce pourquoi ils paient. Il va
de soi que cette politique de récupération obligatoire conduit
nécessairement à la création d'un organisme qui se portera
acquéreur des biens récupérés et qui pourra les
vendre pour recyclage ou autre usage, l'enfouissement étant strictement
réservé aux objets irrécupérables.
Nécessité de l'étude d'impact. L'Association croit
qu'avant de décider si on doit assujettir à la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement l'implantation
d'un lieu d'enfouissement sanitaire il serait souhaitable que nous
décidions ce qu'on veut mettre dans la poubelle. Une fois qu'on le
saura, par la procédure d'évaluation, on pourra décider
dans quel coin du territoire on installe la poubelle. Si avec les années
nous avons appris a contrôler notre hygiène corporelle, on ne peut
pas en dire autant de notre hygiène collective, le paradoxe étant
qu'individuellement personne ne songerait à se
construire une maison et à installer son cabinet d'aisance chez
le voisin et, pourtant, collectivement, en commençant par les
municipalités, on oublie cette bonne habitude... hélas! Il existe
encore au Québec des municipalités, et elles sont nombreuses, qui
ont des règlements qui défendent l'implantation de site
d'enfouissement sur leur territoire. Et dire que les municipalités
veulent s'occuper de la disposition des déchets...
L'Association croit que la responsabilité des
municipalités devrait se limiter à prévoir pour leurs
contribuables l'existence de tels services. La gestion des sites
d'enfouissement étant de la compétence de l'entreprise
privée, ce n'est qu'en son absence que le corps municipal pourrait mener
une vidange. D'ailleurs, il est illusoire de penser que chaque petit patelin
puisse avoir son dépotoir puisque, pour rentabiliser ses
opérations, un site d'enfouissement a besoin d'un volume certain de
déchets et cette garantie ne peut lui être donnée que par
l'octroi d'un territoire protégé.
L'Association recommande que soient implantés des parcs
"poubelle" au même titre que les parcs industriels et que la
réglementation prévoie une garantie de volume pour tout
opérateur de site d'enfouissement, de centre de tri, de centre de
récupération et de centre de traitement.
L'Association croit que, si le fait de verser des subventions pour la
cueillette et le transport des déchets récupérables est
politiquement rentable, c'est un désastre au point de vue
écologique parce que rien ne garantit que ces produits ne finiront pas
au dépotoir, faute de preneur. Il vaudrait mieux pour l'État
investir à la bonne place en énonçant des politiques en
faveur de la réinsertion des produits sur le marché.
En conclusion, l'Association des entrepreneurs en services sanitaires et
en services environnementaux du Québec croit que, si les
réflexions de la présente commission de l'aménagement et
des équipements doivent aboutir à des conclusions, celle que nous
privilégions est celle de la création d'une véritable
commission de l'environnement à laquelle seraient conviés les
organismes oeuvrant sur le terrain, comme l'association des entrepreneurs en
services environnementaux aux Québec, et pour la première fois
poserions-nous peut-être la bonne question: Peut-il y avoir consommation
sans pollution? Si oui, à quelle condition?
Ce qu'on dit là-dessus, c'est qu'il est important de voir
à ce qu'il y ait un équilibre entre la croissance
économique et l'environnement sain et durable, et que c'est un mythe de
pouvoir protéger envers et contre tous toutes les activités.
C'est qu'à partir du moment où on s'adonne à une
activité on pense qu'on fait nécessairement une forme de
pollution en créant un déchet. Alors, nous sommes à votre
disposition pour les questions.
Le Président (M. Garon): Je vous remercie, Me Chouinard.
La parole est au député de LaFontaine.
M. Gobé: Merci, M. le Président. M. Chouinard, je
trouve particulièrement intéressant qu'une association comme la
vôtre, qui représente des entreprises qui sont à la base de
ce qu'on pourrait appeler la collecte de déchets toxiques ou de rebuts
ménagers ou autres, vienne déposer un mémoire pour
plusieurs raisons. Premièrement, lorsqu'on parie de pollution de
l'environnement, trop souvent on voit les grands projets: on voit les projets
hydroélectriques, on voit les projets d'hydrocarbures, enfin, les choses
qu'on sent ou qu'on voit qui dérangent les choses établies. On
oublie que la plus grosse pollution, c'est probablement les ordures
ménagères, probablement les pots de peinture que les gens
déposent dans leur garage et qu'ils sortent un an ou deux ans
après et toutes ces choses-là qu'on retrouve dans les sacs verts,
comme vous dites dans votre mémoire. C'est certainement aujourd'hui la
plus grosse source de pollution qu'on peut trouver.
On semble, à l'occasion, comme vous dites, chercher des mesures
palliatives occasionnelles pour s'en débarrasser. Alors, on va faire un
dépotoir. On voit à Montréal qu'il y a la carrière
Miron qui se remplit. Après ça, on cherche à
incinérer d'autres produits. On ne fait pas tellement de tri
là-dedans. Tout ce qui passe, on cherche à s'en
débarrasser au plus vite et à meilleur coût. Vous, vous
savez ce qu'il y a dans ces sacs-là. Vous dites qu'il y a des choses
qu'on pourrait trier. Il y a des choses qu'on pourrait récupérer.
C'est vrai. Pour ce faire, ça prend plusieurs conditions. Vous les
mentionnez, vous dites: Ça prend du triage à la source, ça
prend des sacs.
Maintenant, pour faire ça, ça prend une certaine
éducation des populations. Ça prend aussi une filière qui
va suivre. Qu'est-ce que vous faites une fois que vous avez
récupéré les déchets? Comment est-ce qu'on
décide ceux qu'on enfouit et ceux qu'on n'enfouit pas? Qu'est-ce qu'on
fait avec les hydrocarbures? Est-ce qu'on fait du papier recyclé? Est-ce
qu'on fait des chiffons recyclés? On fait quoi avec ces
produits-là? Est-ce qu'ils sont compétitifs sur le marché
après? Ça, c'est la question que tout le monde se pose. Trouver
la réponse, c'est solutionner, je pense, le problème.
Vous comme association, disons que vous auriez le contrôle de tout
ça - vous êtes les spécialistes, les gens qui ramassent -
d'abord, vous feriez quoi pour déterminer ce qui doit être enfoui,
ce qui ne doit pas l'être, ce qui doit être brûlé, pas
brûlé, recyclé ou pas? Est-ce que vous tiendriez compte de
la nature du produit ou de son aspect économique recyclable, de son
aspect nocif? Qu'est-ce qui serait votre critère principal?
M. Chouinard: Je pense que déjà ce
dossier-là, avec les études qui sont faites, est passablement
avancé. Ce qui manque actuellement, c'est le marché. Alors, il y
a deux façons de faire le marché. Il existe un marché, par
exemple, pour le verre. Bon, il y a des entreprises qui
récupèrent le verre et qui, avec le temps, ont réussi
à créer leur propre marché parce qu'elles peuvent garantir
des volumes. C'est toujours un peu le même problème; on
n'achète pas de quelqu'un qui est juste de passage quand on est dans
l'industrie. Dans l'industrie, on s'assure de nos sources d'approvisionnement.
Alors, si on part une chaîne de montage avec un produit et qu'il doit
rentrer telle quantité de verre recyclé dans ce
produit-là, on s'assure qu'on a du verre en réserve pour notre
production. C'est une démarche qui serait relativement facile et peu
coûteuse à faire parce qu'à partir du moment où on
sait qu'on peut mettre...
Prenons l'exemple du papier journal. On sait que certains États
américains exigent qu'il y ait 25 % de papier recyclé dans le
papier journal. Tout de suite, là, il y a un débouché pour
25 % du papier journal. On le sait et on le fait. Il y a une contrainte qui est
imposée au début par des groupes environnementaux, mais aussi par
une législation appropriée à ces choses-là. On
oblige à ce moment-là à avoir ces choses-là. Il y a
beaucoup de points comme ça qu'on pourrait faire, mais le
problème qu'on a actuellement... (12 heures)
Le papier qui a été utilisé pour la plus grande
partie des mémoires, c'est un papier recyclé. Si je vous disais
que pendant trois heures j'ai cherché... Il me manquait du papier pour
imprimer le mémoire sur du papier recyclé et, pendant trois
heures, j'ai cherché a trouver à Québec du papier
recyclé de la même catégorie. Il fallait que j'en
achète pour 150 $ - un très, très gros lot - pour pouvoir
avoir du papier recyclé et il était quasiment deux fois plus cher
que le papier ordinaire.
Alors, si je suis prêt à payer pour du papier
recyclé, je sais que je vais payer plus cher, mais est-ce que, du fait
que je paie plus cher, c'est vrai que je sauve des arbres ou pas? C'est un
problème qu'on a actuellement et c'est ça que les gens n'ont pas.
Les gens sont prêts à embarquer dans beaucoup d'affaires. Ils sont
prêts à embarquer dans du verre qui n'est pas
nécessairement très clair s'ils savent qu'en payant pour ce
verre-là ils ont sauvé quelque chose. Mais, s'ils ne le savent
pas, on ne le sait pas. C'est ce qui fait qu'actuellement on a beaucoup de
points là-dessus, de questions qui sont posées.
Les stocks qui sont ramassés... Tout est pratiquement ramassable.
Le seul problème, c'est quel est le marché ou les
débouchés? C'est sûr que le carton, le papier et le verre
aujourd'hui, je pense que ce sont des choses qui sont classées.
Ça s'est développé avec les années et c'est
l'entreprise privée qui l'a fait au Québec. Il n'y a pas eu de
contrainte législative là-dessus. L'entreprise privée a
elle-même monté un système de récupération
pour pouvoir faire ces choses-là.
M. Gobé: Donc, si je comprends bien, vous dites:
Créons le marché et, après ça,
récupérons les produits et transformons-les.
M. Chouinard: Ça, pour nous, c'est très clair. La
récupération est facile s'il y a un marché. Si vous savez
que vous pouvez avoir 0, 25 $ pour votre cannette de bière, avant de la
tirer au bout de vos bras, vous allez peut-être y penser que 0, 25 $
c'est peut-être plus important que 0, 05 $. Alors, c'est ce genre de
choses-là. Il va y avoir quelqu'un qui va les récupérer.
Il va y avoir quelqu'un qui va s'adonner à l'activité.
M. Gobé: Mais, actuellement, on ne semble pas voir dans
les municipalités ou dans certaines municipalités,
particulièrement les grands centres urbains de la région de
Montréal, de volonté d'aller dans ce sens-là. On semble
plutôt aller dans le sens des gros incinérateurs. On voit que la
ville de Montréal est en train actuellement de déterminer ses
nouvelles politiques et envisage d'incinérer une grosse partie de ses
déchets. On voit que les villes de banlieue... La Régie
intermunicipale de gestion des déchets, elle aussi, planifie de
construire dans l'est de Montréal un immense incinérateur. Donc,
on semble s'éloigner de la voie que vous donnez. Pourtant, vous, vous
êtes les gens qui les ramassez, ces choses-là.
M. Chouinard: C'est ça.
M. Gobé: Comment se fait-il qu'il semble y avoir entre les
pouvoirs publics et municipaux... C'est peut-être à ça que
vous faites allusion dans votre mémoire, lorsque vous parlez de
décisions de conseillers municipaux ou de municipalités, des
fois, un peu erratiques. Comment se fait-il que, vous, vous voyez
l'intérêt du recyclage alors que des administrations municipales
ou gouvernementales pour qui ça devrait être la priorité ne
le voient pas? Est-ce que ce sont les coûts financiers qui
empêchent ça? Vous, vous dites: Que l'État le pale et on
pourra le faire. Ou eux se disent: Peut-être que ça coûte
trop cher, on n'a pas les moyens.
M. Chouinard: Non, je pense qu'il y a un choix... Au
départ, le choix de la méthode de disposition des déchets
est peut-être un choix philosophique, dans le sens que, si je m'en vais
vers l'incinération, je m'en vais - je serais porté à dire
psychologiquement ou philosophiquement -vers un principe qui fait que je peux
brûler n'importe quoi. O. K. ?
M. Gobé: Oui.
M. Chouinard: A ce moment-là, mon incitatif pour la
récupération est moindre. En tout cas, personnellement, on croit
à ces choses-là et c'est pour ça qu'on privilégie
la méthode d'enfouissement. Mon incitatif pour l'enfouissement et pour
la récupération est moins fort parce que de toute façon je
ne pourrai jamais aller le rechercher. Ce qui nous a fait penser à
ça, c'est qu'actuellement, par exemple, en Europe et aussi aux
États-Unis, on a commencé à sortir des déchets
qu'on avait enfouis il y a 15 ou 20 ans, surtout dans le cas des
matériaux secs. On a enfoui de la brique, on a enfoui du ciment, on a
enfoui ces choses-là et, là, on sort ces
déchets-là. On fait du concassé avec. On l'utilise pour
faire du recouvrement sur des sites d'enfouissement et le trou qu'on a
créé en les sortant, on met des déchets dedans.
C'est un peu dans ce sens-là que la méthode
d'enfouissement est intéressante parce que, si jamais on se rend compte,
à un moment donné, qu'on peut tout rebrasser ça et qu'il y
a quelque chose à faire avec, on les a, ils sont sur place et on les
refait. C'est ce qui fait aussi qu'on n'a pas la tentation de brûler
quelque chose qui s'en va en fumée ou s'en va de cette
façon-là.
M. Gobé: Est-ce que vous allez faire valoir ces
points-là auprès des...
M. Chouinard: On est en très grande discussion avec la
Régie intermunicipale de Montréal depuis plusieurs années,
pour ne pas dire qu'on est en chicane avec elle, sur certains principes, y
compris l'Incinérateur qui n'est peut-être pas la meilleure
méthode. Mais ce n'est pas nous qui décidons, ce sont les gens
municipaux qui décident et on respecte cette
décision-là.
On peut vous dire qu'en tant qu'association on s'est battu et
l'année dernière on est passé, d'ailleurs, devant votre
commission sur le projet de loi 257, je pense, où, d'une certaine
façon, la Régie expropriait complètement tous les
déchets à Montréal et s'appropriait carrément les
entreprises qui étaient dans le domaine. À ce moment-là,
c'est nier des années et des années d'histoire. Et c'est nier une
activité économique, parce que le recyclage est une
activité économique.
Juste à titre d'exemple, on a défait les terrasses
à Montréal, à côté d'Eaton. On a
récupéré le ciment qui était là et on
l'utilise comme matériau de recouvrement sur le site Miron. Il a fallu
se battre un peu parce que, aussi bizarre que ça puisse paraître,
pour l'environnement, les morceaux de ciment qui était concassé,
qu'on enlevait parce qu'il fallait les mettre dans des camions pour les
transporter, c'était un déchet. Alors, il fallait obtenir 36
sortes de permis pour pouvoir traiter ça. Si on marche dessus pendant
qu'on est en train de magasiner, une fois qu'ils sont rendus dans les camions
et qu'ils sont cassés en morceaux, ils ne sont pas plus des
déchets. Finalement, ça a été accepté.
M. Gobé: Je trouve ça intéressant. Ce n'est
peut-être pas forcément dans le mandat général de
cette commission d'aller aussi pointu dans ce domaine-là, mais, vu qu'on
y est, allons-y, après tout. Hier, il y a un autre groupe qui est venu
témoigner, que je connais bien. C'est un groupe de l'est de
Montréal qui s'appelle Action RE-buts et qui a pour mandat, lui, de
favoriser d'abord la récupération, le recyclage et l'utilisation,
sans pour autant nier l'incinération et l'enfouissement de certaines
choses. Là, je vous vois, vous. Vous êtes les entrepreneurs. On
dit toujours qu'il y a une espèce de compétitivité entre
les groupes populaires d'environnement et les entrepreneurs qui, eux, sont les
méchants qui veulent absolument faire du fric à tout prix, au
mépris de l'environnement. Et, là, le paradoxe, c'est que vous
vous rejoignez.
M. Chouinard: Oui.
M. Gobé: M. Roman qui était ici, hier, s'il
était là aujourd'hui, je suis certain qu'il pourrait être
assis à votre table et partager une partie de votre mémoire, du
moins en ce qui concerne les applications d'enfouissement et de recyclage. Je
trouve ça intéressant et c'est là qu'on peut se rendre
compte qu'à un moment donné il peut être
intéressant, pour des groupes qui ont des vocations différentes
au niveau de l'environnement ou de la récupération,
peut-être d'essayer de trouver des solutions ensemble...
M. Chouinard: C'est ça.
M. Gobé:... pour que les hommes politiques qui ont
à prendre les décisions soient peut-être mieux armés
ou mieux éclairés.
Mme Pelchat: Les femmes et les hommes.
M. Chouinard: C'est un peu le problème avec les
entrepreneurs en services sanitaires. Je veux dire que c'est un peu comme
autrefois, quand le messager apportait une mauvaise nouvelle, on le tuait. Ces
gens-là sont un peu pris dans ce système-là. C'est des
gens qui, avec les années, ont eu une activité qui
n'intéressait personne, au fond. Tout le monde se débarrassait de
ses cochonneries et c'était le vidangeur qui les ramassait. Les gens ne
savaient pas ce qu'il en faisait. Il y a des gens qui ont des traditions de 50
ans de récupérateurs de cochonneries. Ils ont ramassé
beaucoup de choses et, à un moment donné, ils les vendaient. On
les appelait les guenilloux, mais ces gens-là faisaient ce genre
d'activité.
Aujourd'hui, on les voit gros parce que, souvent, on ne comprend pas et
on ne sait pas exactement quelles sont les méthodes d'enfouissement. Les
compagnies qui font de l'enfouisse-
ment actuellement, au Québec, elles font de l'enfouissement plus
sécuritaire que ce que les normes de l'Environnement actuelles exigent
et on a souvent des discussions avec l'Environnement là-dessus parce
qu'on est plus sécuritaire que ce qu'exige l'Environnement. Les
règlements ne sont pas appropriés, ils ne sont plus
appropriés. Ils ont été faits dans les années
soixante-dix et, aujourd'hui, en 1991, on n'est pas à la même
activité. Alors, c'est ça, effectivement. Ce que les
entrepreneurs veulent faire aujourd'hui, c'est démontrer - et ils le
font dans les faits quotidiennement - qu'ils possèdent la technologie,
qu'ils savent comment faire, qu'ils sont capables de le faire et à
très bon coût.
M. Gobé: Dans votre mémoire, à la page 8,
vous faites une recommandation, du moins une critique en particulier. "L'AESEQ
croit que, si le fait de verser des subventions pour la cueillette et le
transport des déchets récupérables est politiquement
rentable, c'est un désastre - et c'est en plus foncé - au point
de vue écologique parce que rien ne garantit que ces produits ne
finiront pas au dépotoir, faute de preneur. Il vaudrait mieux pour
l'État investir à la bonne place et en énonçant des
politiques en faveur de la réinsertion des produits sur le
marché. " Pourriez-vous aller un peu plus profondément?
M. Chouinard: Oui.
M. Gobé: Je vois à peu près où vous
voulez aller, mais c'est quoi, d'abord, les mesures et c'est quoi la bonne
place, selon vous?
M. Chouinard: Ce point-là... La recommandation a
été faite dans le sens suivant: s'il y a des marchés pour
le produit en question, si on est assurés d'être capables de
vendre le produit qu'on récupère, on n'a plus besoin d'avoir de
subventions à la récupération. Actuellement, ce qu'on
fait, on fait de l'éducation, ce qui est très bien. On n'a rien
contre ça. On subventionne des organisations. Personnellement, j'ai vu
des étudiants, durant l'été, ramasser des bouteilles, du
papier journal, mettre ça dans un entrepôt, dépenser les 45
000 $ ou 50 000 $ qu'ils avaient reçus pour leur projet et, au mois de
septembre, la municipalité a appelé le vidangeur et a dit:
Écoute, vide l'entrepôt, on ne sait pas quoi faire avec ça.
Alors, c'est allé où? C'est allé carrément au site
d'enfouissement.
Alors, il y a eu 50 000 $... Je comprends... Tant mieux si
l'éducation est passée, là. C'est ce qu'on voulait passer.
Ce n'est peut-être pas cher, 50 000 $, pour avoir fait ça pendant
trois mois, mais il reste que de plus en plus, aujourd'hui, les gens s'en
rendent compte. Ils disent: Qu'est-ce que ça me donne de
récupérer? Ça va aller, de toute façon, au site
d'enfouissement.
M. Gobé: Si je comprends bien, vous
préféreriez qu'il y ait un programme bien établi pour
amener les gens à comprendre qu'il y a un marché, une
possibilité de réutiliser les produits recyclés...
M. Chouinard: Exact.
M. Gobé:... au lieu de garrocher de l'argent à
droite et à gauche comme ça dans des petits programmes pour
donner une impression qu'on s'occupe de...
M. Chouinard: C'est un peu un écran de fumée qu'on
fait. On leur fait récupérer quelque chose et, dès qu'ils
ont le dos tourné, on le jette, on le met au site d'enfouissement.
Le Président (M. Garon): Mme la députée de
Vachon.
M. Gobé: Écoutez, je vous remercie d'être
venus.
M. Chouinard: Merci, M. le député.
M. Gobé: Personnellement, je partage une partie de vos
recommandations et je suis content de voir qu'il y a des entrepreneurs,
particulièrement dans la région de Montréal, qui sont
conscients qu'on ne peut pas forcément tout brûler et qu'on doit
peut-être essayer de récupérer et de réutiliser. Je
vous remercie.
M. Chouinard: Merci, M. le député.
Mme Pelchat: Merci, M. le Président. Brièvement,
messieurs, juste un petit commentaire sur, en fait, la façon dont vous
jugez la procédure d'évaluation au Québec. À la
page 3 vous dites: "Nous croyons que la procédure est un mal
nécessaire qui, à venir jusqu'à maintenant, nous est
apparu, à tort ou à raison, plus comme un bon exercice de
défoulement collectif qu'un véritable exercice de pouvoir
démocratique lorsqu'il est question de problèmes
environnementaux. " Un peu plus loin, vous dites: "Le document de consultation
pose des questions d'une telle pertinence qu'il y a lieu de se demander s'il
n'est pas nécessaire de créer un Parlement pour les verts puisque
dans les faits ils détiennent le pouvoir en prenant l'industrie en
otage. " Est-ce que vous ne croyez pas que c'est un petit peu un jugement
sévère, un, de la politique comme telle, de la procédure
d'évaluation, et, deux, aussi des objectifs de cette politique-là
qui sont en soi de protéger notre milieu de vie, notre qualité de
vie? Je suis certaine que vous concourez à ça aussi.
M. Chouinard: Ce qu'on voulait surtout souligner à cet
endroit-là... Disons que le verbe est peut-être plus fort que la
pensée, sur les mots, mais, quand on veut être
écouté, des fois
on utilise... D'ailleurs, c'est quelque chose que vous connaissez
très bien en système parlementaire. Je ne vous expliquerai pas
ça.
Mme Pelchat: Mais, vous savez, ce qui est dangereux
là-dedans, ce qui est malheureux, c'est que vous pouvez être
taxés d'être très réactionnaires comme industrie en
pensant comme ça, parce que, des 60 mémoires qui nous ont
été présentés, vous êtes un des rares qui
témoignez à ce point d'une façon sévère
quand on dit que c'est un mal nécessaire, donc ça ne devrait pas
exister. C'est ce qui m'inquiète, parce que je ne suis pas certaine que
tous vos membres partagent essentiellement cette prémisse. Je peux vous
dire que, sur la Rive-Sud de Montréal, il y a certains de vos membres
qui pensent que la procédure n'est pas si mauvaise que ça et que
même on devrait l'étendre aux sites d'enfouissement. Alors,
ça m'inquiète un peu.
M. Chouinard: Nous aussi, on est d'accord qu'on retende aux sites
d'enfouissement dans le cadre qu'on donne. Quand on dit que la procédure
est un mal nécessaire, ce n'est pas le BAPE qui est un mal
nécessaire, c'est la procédure dans le sens qu'il doit y avoir un
livre de recettes et qu'on est obligé de suivre le livre de recettes. Le
livre de recettes actuellement nous apparaît être un lourd fardeau,
si on veut nuancer "mal nécessaire", et ceux qui en font les frais du
lourd fardeau, c'est l'industrie. On a un peu les défauts de nos
qualités ou je ne sais pas quoi, c'est que c'est l'industrie qui doit
démontrer que c'est nécessaire de faire telle affaire. Ça,
ça coûte énormément cher.
Par exemple, prenons le cas de l'implantation d'un site d'enfouissement.
Les gens vont dépenser, dis, 1 000 000 $. Ça coûte
probablement 1 000 000 $ aujourd'hui à quelqu'un qui veut installer un
site d'enfouissement. Or, l'industrie qui veut installer un site
d'enfouissement, ce n'est pas pour elle qu'elle le fait, c'est pour ramasser
les vidanges des contribuables, des citoyens, des industries, des commerces et
elle doit en plus, avec un investissement de 1 000 000 $ pour faire le site,
démontrer que c'est nécessaire. O.K.?
Mme Pelchat: Écoutez, je comprends ce que vous dites, mais
je ne sais pas si on doit démontrer qu'il est nécessaire. La
procédure, même au niveau d'un site d'enfouissement, les
municipalités, ce qu'elles demandent, c'est: Est-ce que c'est à
cet endroit-là, pour minimiser les impacts sur l'environnement? Je ne
pense pas qu'on parle de la nécessité ou pas du site
d'enfouissement. À tout le moins, on n'a pas encore trouvé de
façon miracle d'éliminer nos déchets.
M. Chouinard: J'aimerais être d'accord avec vous. Ça
me ferait plaisir, sauf que je dois vous dire, par expérience, parce que
je travaille quotidiennement là-dedans, que les principes et la pratique
sont deux choses complètement distinctes. Les municipalités
savent que ça prend des sites d'enfouissement, mais, vous savez, dans la
province de Québec, la majorité des municipalités ont des
règlements qui défendent d'avoir un site sur leur territoire. Je
défie les municipalités d'ouvrir leurs livres et de vous le
montrer.
À ce moment-là, c'est quoi là? Où est le
principe? Elles disent: Bien oui, ça en prend un, mais va donc les
porter ailleurs en attendant. Il n'y a pas une municipalité...
D'ailleurs, on le volt à l'intérieur même des MRC, quand il
est question de choisir à l'intérieur des MRC quelle
municipalité va être la poubelle, c'est une levée de
boucliers qui fait qu'on devient complètement impuissants et l'homme le
plus intelligent... (12 h 15)
Mme Pelchat: Est-ce que...
M. Chouinard: Excusez. Je vous laisse la parole.
Mme Pelchat: L'homme ou la femme le plus intelligent.
M. Chouinard: Oui, mais...
Mme Pelchat: Est-ce que vous ne pensez pas que, si, justement,
les sites d'enfouissement étaient soumis à l'évaluation
des impacts, ça serait plus facile de le vendre à la population
et de dire: Voyez-vous, les impacts sont les suivants et on connaît le
taux de risques d'avoir un site d'enfouissement? Est-ce que vous ne pensez pas
que ça rassurerait la population et que ça ferait en sorte qu'on
accepterait plus facilement d'avoir un site d'enfouissement?
M. Chouinard: C'est ce qu'on espère qu'l va arriver comme
résultat. C'est, d'ailleurs, un peu le sens de notre recommandation, que
l'Implantation d'un site d'enfouissement devrait faire l'objet d'une
étude d'impact, mais pas tellement pour dire: C'est M. Untel qui va
l'avoir. Il faut amener la population à dire: Ça prend une
poubelle quelque part. À quelle place on met la poubelle et qu'est-ce
qu'on va mettre dedans?
Mme Pelchat: Et à quels risques et à quelles
conséquences?
M. Chouinard: C'est ça. Mme Pelchat: Merci.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: merci, m. te président. je veux, au nom de
l'opposition, remercier me chouinard et ses collègues pour leur
présentation. j'ai quelques questions à poser. à la page 3
de votre
mémoire, vous dites "qu'il y a lieu de se demander s'il n'est pas
nécessaire de créer un Parlement pour les verts puisque dans les
faits ils détiennent le pouvoir en prenant l'industrie en otage. "
Ça fait partie des excès de langage écrit dont vous
parliez tantôt ou pas? Je trouve que vous allez un peu loin, dire que les
verts prennent l'industrie en otage. Donnez-moi donc des exemples de
ça.
M. Chouinard: Des exemples, dans le sens un peu de la
réponse que j'ai donnée tout à l'heure, c'est que
l'industrie, en plus d'investir comme industrie, doit aussi faire la preuve que
ce qu'elle veut installer, comme une usine ou un site d'enfouissement qui sert
la collectivité... Elle doit faire les frais de la démonstration
de la nécessité pour la population d'avoir ce site
d'enfouissement là. C'est dans ce sens-là qu'on dit qu'ils sont
des otages parce que c'est eux qui doivent en faire les frais. Ils ont les
pancartes devant eux, ils doivent démontrer qu'il faut ouvrir les
pancartes pour laisser passer le camion de vidanges. C'est dans ce
sens-là.
Dans le cas des entrepreneurs en services sanitaires, ils sont un
service essentiel; il faut qu'ils ramassent les vidanges. Je pense qu'on est
d'accord là-dessus, sauf que, lorsqu'il est question de disposer des
vidanges, ça prend un endroit physique, localisé sur un
territoire à l'intérieur du Québec, dans une
municipalité, parce c'est une collectivité locale. Là,
quand on arrive pour faire ça, on a le fardeau de démontrer que
c'est ici qu'il faut mettre les vidanges; on les a ramassées, c'est ici
qu'il faut les mettre.
M. Lazure: Mais, quand vous dites: On a le fardeau de
démontrer ça, ça peut être l'entreprise, mais
ça peut être aussi la municipalité locale ou
régionale. Vous n'êtes pas les seuls à avoir le fardeau de
démontrer que c'est à cet endroit-là que c'est le plus
opportun d'enfouir les déchets. C'est une responsabilité qui est
partagée, pas seulement assumée par l'entreprise privée,
mais qui est partagée par les municipalités.
M. Chouinard: Elle l'est en partie par les municipalités,
mais, dans plusieurs cas, elle ne l'est pas. Là où se fait le jeu
là-dedans, c'est que, pour pouvoir faire de l'enfouissement, ça
vous prend un permis du ministère de l'Environnement. L'article 54 de la
Loi sur la qualité de l'environnement dit: Vous devez obtenir de la
collectivité locale, de la municipalité et de la MRC une lettre
du secrétaire-trésorier dans laquelle il est écrit que
vous ne contrevenez pas au règlement municipal.
Alors, les règlements municipaux défendent l'implantation
d'un site d'enfouissement sur le territoire. Alors, il nous donne cette
lettre-là, on n'a pas de permis. Mais, durant ce temps-là, les
vidanges de la municipalité, elles s'en vont où? Elles s'en vont
ailleurs, parce qu'il y a quelqu'un d'autre avant qui s'est installé,
qui a peut-être des droits acquis, qui a un site depuis 20 ans alors
qu'il n'y avait pas cette réglementation-là. C'est dans ce
sens-là qu'on dit: Si on parle uniquement au niveau des sites
d'enfouissement, actuellement, dès qu'il y a une pression l'entrepreneur
qui veut installer un site d'enfouissement doit monter son dossier et
défrayer beaucoup d'argent pour, au fond, amener une municipalité
à lui donner cette lettre-là en vertu de l'article 54.
Ce que je peux vous dire, c'est qu'actuellement on est porté
à négocier cette lettre-là. Il y a des
municipalités qui disent: Je vais te la donner, la lettre, mais, pendant
20 ans, tu vas enfouir mes déchets et ça ne me coûtera pas
une cent. O. K. ? Alors, pourquoi elle, cette municipalité-là,
bénéficierait de ça? Au fond, c'est les autres qui vont
payer, parce que le contracteur, lui, il n'imprime pas l'argent, il fait juste
enfouir des déchets. À ce moment-là...
M. Lazure: Moi, je pense que vous avez beaucoup de remarques
pertinentes. Quand vous dites: Plutôt que de brûler, enfouissons et
enfouissons seulement des choses qui ne sont pas récupérables ou
recyclables, là-dessus, je pense que la plupart des gens vous suivent.
Mais qui va décider ce qui est recyclable ou récupérable
et ce qui ne l'est pas? Ça peut déboucher... On a parié,
hier et avant-hier, de l'importance peut-être d'avoir des consultations
publiques sur les politiques de gestion de déchets domestiques. Est-ce
que vous seriez d'accord pour tenir des audiences publiques
là-dessus?
M. Chouinard: Oui. D'ailleurs, on le recommande.
M. Lazure: Vous le dites.
M. Chouinard: On dit qu'il devrait y avoir ce
côté-là...
M. Lazure: Bon!
M. Chouinard: Mais qui va décider?
M. Lazure: Oui, dans...
M. Chouinard: Dans notre système actuel, il y a deux
possibilités: le marché veut acheter du verre, donc on peut
récupérer du verre, le marché en achète; le papier,
le marché en achète, on peut en récupérer. S'il y a
d'autres matières qu'on ne veut pas jeter, à ce moment-là,
ou le marché le fait, et ça se fait sur une base volontaire, ou
ça se fait par des politiques incitatives où l'État dit:
Si vous voulez mettre sur le marché tel genre de produit, vous devez
vous assurer, comme on le disait tantôt... Aux États-Unis, ils
disent: Si vous voulez imprimer
votre journal, vous devez nous garantir qu'il y a 25 % de
matières recyclables dans votre journal. Alors, c'est un peu ça,
c'est dans ce sens-là.
M. Lazure: Ça prendrait certaines
réglementations...
M. Chouinard: Définitivement.
M. Lazure: ...équivalentes. Vous êtes d'accord.
Bon!
M. Chouinard: On est d'accord là-dessus.
M. Lazure: Une autre question. Vous dites que le système
est suffisamment contraignant pour encourager la clandestinité, que ce
soit par le stockage de déchets ou le rejet pur et simple dans la
nature. Pourriez-vous m'expliquer un peu ce que vous voulez dire?
M. Chouinard: Oui. Ce qu'on veut dire par ça, c'est que,
actuellement, quand une industrie, par exemple, va s'adresser au gouvernement
pour savoir ce qu'elle doit faire avec tel produit, elle a tellement de
démarches à faire que, finalement, elle décide de garder
son produit en entrepôt parce que c'est quasi impossible. Et il y a un
exemple assez spécial là-dessus. C'est qu'à un moment
donné une entreprise qui est située dans la région de
Québec prend un échantillon de son produit, l'envoie à
Montréal à une industrie qui est autorisée à le
recevoir. Le rapport est favorable, on déplace les barils en question,
on les amène à cet endroit-là, mais rendu sur place on
fait une nouvelle vérification et là on s'aperçoit qu'on
ne peut pas traiter ces produits-là.
Alors, notre législation, notre réglementation est
tellement bien faite que les produits rendus sur le quai de l'entreprise en
question ne pouvaient plus repartir de là parce que l'entreprise ne
pouvait pas donner un permis de transport, un connaissement de transport
à une entreprise qui les aurait acheminés vers l'Ontario.
Alors, l'entreprise en question est prise avec des produits que, de
bonne foi, elle a reçus; légalement, elle les a bien
reçus, mais après elle ne peut pas en disposer et elle ne peut
pas les ressortir parce qu'elle n'a pas le droit d'émettre un
connaissement avec point de départ son entreprise parce qu'elle n'est
pas un producteur de ce déchet-là en question.
M. Lazure: Vous parlez de l'Ontario. M. Chouinard:
Oui.
M. Lazure: Vous avez probablement des contacts avec vos
collègues de Toronto, par exemple. Il semble que là-bas la
cueillette sélective est beaucoup plus avancée que ça ne
l'est dans nos grandes villes, comme Montréal, par exemple.
M. Chouinard: Oui.
M. Lazure: C'est quoi le sentiment de vos collègues,
à Toronto, par exemple, pour être plus précis? C'est
quoi?
M. Chouinard: Quand ça coûte 100 $ la tonne ou 125 $
la tonne pour enfouir du matériel, là, ça devient
intéressant, la collecte sélective, parce qu'à ce
moment-là chaque tonne que vous enlevez, c'est 125 $ de moins que vous
allez payer au site d'enfouissement.
M. Lazure: Alors, pour vous, la solution, c'est simplement
d'augmenter les tarifs, le tonnage, non?
M. Chouinard: Non. Bien, c'est-à-dire que c'est une
solution. C'est un incitatif. Si on ne veut pas prendre d'autres dispositions,
on y va par cet incitatif-là. C'est sûr que du fait, actuellement,
que chez Miron ça soit rendu à 38 $ et bientôt à 40
$ la tonne, H est en train de se développer des industries alentour de
ça qui font de la récupération et ça devient de
plus en plus intéressant de récupérer certaines choses
plutôt que de payer 40 $ la tonne pour les mettre dans le trou chez
Miron. Mais, quand même, est-ce qu'on doit payer quelque chose beaucoup
plus cher que ce que ça vaut sur le marché pour le plaisir, pas
pour le plaisir, mais pour faire de la récupération? Il y aurait
probablement d'autres moyens à prendre que de monter le prix de la
disposition.
M. Lazure: Dernière question. On sait que, depuis quelques
années, les grandes entreprises de ramassage, de collection, de
transport de déchets domestiques sont en train d'acheter des routes au
Québec. Vous connaissez le problème mieux que moi. Est-ce que
ça vous inquiète, la concentration des propriétaires,
notamment de certaines multinationales propriétaires autant de routes,
de "runs" si vous voulez, que de sites d'enfouissement, Waste Management,
Laidlaw et d'autres qu'on pourrait nommer? Est-ce que ça, ça vous
inquiète ou pas?
M. Chouinard: Non, ça ne nous inquiète pas parce
que...
M. Lazure: Non.
M. Chouinard: ...de toute façon les contrats sont
donnés au niveau municipal via une procédure d'appel d'offres et,
actuellement, on peut dire que, dans les dernières années, non
seulement les prix n'ont pas monté, mais tes prix ont baissé.
M. Lazure: Les prix ont baissé?
M. Chouinard: Les prix ont baissé dans le domaine du
transport et de la cueillette des déchets. Les prix ont augmenté
dans le domaine de la disposition, mais, particulièrement chez Miron
qui... Je ne sais pas quelle est la politique...
M. Lazure: Je ne sais pas sur quelles municipalités vous
vous basez, mais, dans les municipalités de la Montérégie
que je connais bien, les prix n'ont pas baissé pour la collecte des
déchets, ils ont monté. Ce qu'on voit parfois, c'est que -
ça, c'est un truc bien connu - certaines très grosses entreprises
mondiales peuvent arriver dans des municipalités et dire: Nous allons
vous baisser ça de 20 % pour 3 ans ou 5 ans, mais Dieu sait ce qu'il
arrivera dans 3 ans ou 5 ans au deuxième contrat.
M. Chouinard: Oui, mais on croyait à ça dans les
années soixante, que ça se passerait comme ça à
cause de certaines entreprises à ce moment-là, mais...
M. Lazure: Oui, j'ai compris ça, oui.
M. Chouinard: ...l'histoire a démontré que,
finalement, ce n'est pas vrai que, dans 3 ans ou 5 ans, elles étaient
capables de monter les prix comme elles voulaient parce qu'il y avait d'autres
entreprises qui venaient les concurrencer. On peut dire qu'actuellement, au
niveau du transport et de la cueillette des marchandises, les entreprises sont
à un coût moindre que ce qu'il était il y a 10 ans.
M. Lazure: Là, vous venez de dire justement le mot
"concurrencer".
M. Chouinard: Oui.
M. Lazure: D'autres entreprises venaient les concurrencer. Ma
question porte précisément sur ce danger-là, qu'il y ait
de moins en moins de concurrents et qu'il y ait de plus en plus de monopole, de
mainmise sur le marché. Écoutez, si vous n'êtes pas
conscients... Je suis sûr que vous êtes conscients de ce
phénomène-là. On le voit dans plusieurs régions du
Québec. Combien de routes ont été achetées
récemment par Waste Management, par Laldlaw? Combien? Vous le savez fort
bien. Ma question bien précise: Est-ce que vous n'êtes pas
inquiets, comme association, qu'il y ait quand même une diminution de
concurrents au point tel que, à ce moment-là, deux, trois, quatre
ou cinq vont contrôler le marché?
M. Chouinard: mais il faut faire attention, quand vous dites:
combien de routes? il n'y a pas de routes qui sont achetées parce que
les contrats municipaux...
M. Lazure: Oh, oui. Bien...
M. Chouinard: ...ne sont pas transférables. O.K. C'est une
loi; c'est la loi des affaires municipales, le code des cités et villes
ou le Code municipal. Alors, ce n'est pas transférable. Ce qui a
été acquis récemment, ce sont des entreprises
québécoises qui ont été vendues à des
entreprises...
M. Lazure: Oui, oui.
M. Chouinard: ...nationales ou à des multinationales.
M. Lazure: Aussi.
M. Chouinard: Mais il n'y a rien qui garantit... D'ailleurs, on
pourrait les faire cas par cas si vous vouliez et vous vous apercevriez que
très souvent après la fin du contrat de l'entreprise
québécoise achetée par la multinationale le contrat n'est
pas revenu à la multinationale. C'est une autre entreprise
québécoise, une autre entreprise plus petite qui a mis la main
sur le contrat avec la municipalité.
M. Lazure: Je repose ma question autrement, c'est ma
dernière. Comment expliquez-vous qu'au lieu d'avoir une expansion, un
raffermissement de l'entreprise québécoise dans votre domaine,
depuis quelques années, on assiste, au contraire, à une
invasion?
M. Chouinard: Je vais vous donner une réponse très
simple. Si vous allez chez Miron, ça vous coûte 40 $ ou 38 $ la
tonne aujourd'hui. Vous rentrez avec un camion de vidanges dans lequel il y a
à peu près 12 tonnes de vidanges et vous devez financer la
disposition de ces déchets pendant une période d'à peu
près 45 jours, parce que, vous, vous payez "cash", vous payez comptant
chez Miron pour en disposer et vous devez le faire. À ce
moment-là, la municipalité vous rembourse à peu
près 45 jours après.
Alors, les entreprises québécoises qui sont sorties du
marché sont souvent sorties du marché parce qu'elles ne pouvaient
pas financer la disposition de déchets. Si vous avez 20 camions qui
rentrent deux ou trois fois par jour chez Miron avec chacun 12 tonnes de
déchets, faites un calcul et vous allez voir que le coût à
la banque du financement de ces choses-là, c'est très
dispendieux. C'est de cette façon-là que plusieurs entreprises
ont été sorties du marché.
M. Lazure: Merci.
Le Président (M. Garon): Votre temps est
écoulé.
Mme Pelchat: Mon temps est écoulé.
Le Président (M. Garon): Envoyez donc.
Mme Pelchat: Juste une question. Est-ce que Laidlaw, Foster
Wheeler, Waste Management sont membres de votre association?
M. Chouinard: Là, vous avez donné des noms, vous
avez parlé de Laidlaw.
Mme Pelchat: Mais les gros, les multinationales, disons.
M. Chouinard: Oui, Laidlaw est membre de l'Association. Vous
parlez de Foster Wheeler? M. Laberge, qui est le directeur, peut vous le
dire.
M. Laberge (Jean-Guy): M. le Président, Waste Management
n'est pas membre de notre association. Il y a une raison très...
Mme Pelchat: Non, mais...
M. Laberge (Jean-Guy): Pardon?
Mme Pelchat: ...je voulais juste le savoir parce qu'ils viennent
témoigner à la commission. Alors, je me demandais...
M. Laberge (Jean-Guy): Oui, d'accord.
Mme Pelchat: C'était tout simplement ce que je voulais
savoir.
M. Laberge (Jean-Guy): Mais j'aimerais, M. le Président,
répondre...
Mme Pelchat: Moi, j'ai fini, M. le Président.
M. Laberge (Jean-Guy): ...au député de La Prairie,
si vous me le permettez. Il y a deux facteurs, en plus de ce que Me Chouinard
vous a dit, qui créent ça. On est une industrie qui est quand
même très importante au Québec et dans les autres pays
également. L'industrie n'est pas différente des autres industries
ou des manufacturiers. On voit ça aujourd'hui, même dans le
domaine professionnel, les fusions ou les achats qui se font. Ça suit le
"trend", ça. Ça, c'est un facteur.
Il y a le deuxième facteur, M. le député de La
Prairie. C'est que les municipalités n'ont pas aidé non plus
à ce niveau-là. Il y a 329 entrepreneurs au Québec et la
grosse majorité, ce sont des PME, ce sont des entreprises familiales. On
voit souvent la mère, le père et les enfants travailler à
ce niveau-là. Comme on est en soumissions publiques par la loi, on doit
com-pétitionner et souvent la municipalité va refuser à
l'entrepreneur d'augmenter ses coûts adéquatement, que ce soit
pour le transport, la collecte ou voire même l'enfouissement.
À ce moment-là, avec les normes auxquelles on fait face
aujourd'hui avec le ministère de l'Environnement et vu qu'on veut
opérer d'une façon légale et sécuritaire, le petit,
à un moment donné, se voit contraint là-dedans et,
à un moment donné, bien, arrive ce qu'on peut appeler du
"timing". Il y a des compagnies qui sont intéressées à
intervenir. Mais ce n'est pas unique au Québec, on le voit partout, que
ce soit les brasseries, que ce soit les compagnies d'assurances, que ce soit
les banques, que ce soit... C'est ce que je voulais spécifier, M. le
député.
Le Président (M. Garon): Je vous remercie. Alors, je
remercie les représentants de l'Association des entrepreneurs de
services en environnement d'être venus rencontrer les membres de la
commission et je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures
cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 33)
(Reprise à 14 h 9)
Le Président (M. Richard): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mesdames et messieurs, bienvenue. Je vous rappelle à nouveau le
mandat de la commission, qui est de poursuivre les auditions publiques dans le
cadre de la consultation générale sur l'étude de la
procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur
l'environnement et de sa portée, notamment en ce qui a trait aux grands
projets industriels et aux projets concernant la disposition des déchets
solides et domestiques, et cela, en tenant compte de la procédure
québécoise actuelle, évidemment en tenant compte du
rapport Lacoste, de la procédure ontarienne, nos voisins, et de la
procédure suggérée par le gouvernement
fédéral.
Sur ce, je souhaite la bienvenue aux représentants de
l'Association de l'Industrie de l'aluminium du Québec. M. Van Houtte,
vous êtes le porte-parole?
Association de l'industrie de l'aluminium du
Québec
M. Van Houtte (Christian L): C'est exact. Oui.
Le Président (M. Richard): Alors, je vous laisse vous
présenter, dans un premier temps, et présenter les gens qui vous
accompagnent. Je vous souhaite la bienvenue. Vous avez la parole. Vous
connaissez la mécanique. Nous avons effectivement une heure
d'échanges. Vous avez normalement un maximum de 20 minutes pour
l'introduction et, après ça, le reste se partage dans la
députation.
M. Van Houtte: Très bien.
Le Président (M. Richard): Vous avez la
parole, M. Van Houtte.
M. Van Houtte: M. le Président, messieurs, je suis
Christian Van Houtte, président de l'Association de l'industrie de
l'aluminium du Québec. J'aimerais vous présenter les gens qui
m'accompagnent aujourd'hui. À ma droite, M. Carol Jomphe, surintendant
environnement, Aluminerie Alouette, à Sept-îles; à ma
gauche, M. Robert Salettte, vice-président d'Alcan, M. Richard Keep,
surintendant service environnement et laboratoire, Aluminerie de
Bécancour, et M. René Asselin, surintendant environnement et
laboratoire, société Reynolds, Baie-Comeau.
Les représentants de Lauralco ont été entendus
hier. Si jamais des questions particulières survenaient, Me Dorais, qui
les représentait et les accompagnait hier, pourrait
éventuellement répondre à des questions
Le Président (M. Richard): M. Van Houtte, en tout humour,
on a réglé le cas de Lauralco hier.
M. Van Houtte: Merci, M. le Président.
M. le Président, l'Association que je représente est toute
jeune. Elle a été formée en début d'année,
au mois de janvier dernier, à la requête, évidemment, des
producteurs et aussi, je pense, à la requête du ministère
de l'Industrie et du Commerce qui souhaitait que l'industrie de l'aluminium
soit représentée de façon plus cohérente dans
différents organismes ou dans différentes commissions,
l'industrie prenant de plus en plus d'importance dans notre économie. Je
tiens donc à remercier le ministre de l'Industrie et du Commerce pour le
support et l'aide qu'il nous a, à date, donnés dans les travaux
de formation et de préparation de l'Association.
L'Association représente les cinq producteurs d'aluminium
établis ou en voie de s'établir au Québec: bien sûr,
Alcan, le plus important et le plus ancien, la société Reynolds,
qui opère une immense usine, la plus grosse au monde, à
Baie-Comeau, avec 400 000 tonnes par année, Aluminerie de
Bécancour, à Bécancour, Aluminerie Alouette à
Sept-îles, en construction, et Aluminerie Lauralco dont on vient de
parler, qui s'établit à Deschambault.
Au cours des 10 ou 11 dernières années, l'industrie de
l'aluminium a investi environ 8 000 000 000 $ dans l'économie
québécoise, dont 6 400 000 000 $ ou 6 500 000 000 $ dans la
construction de nouvelles installations, les 2 000 000 000 $
supplémentaires étant des travaux connexes aux installations de
production d'aluminium primaire. De cette somme de 6 400 000 000 $, nous
évaluons à 20 % les sommes qui ont été
consacrées à la protection de l'environnement dans les nouvelles
installations. Ce sont des sommes considérables et nous croyons que les
résultats de ces investissements les justifiaient grandement.
La décision de construire une usine d'aluminium est importante
parce qu'il s'agit d'un investissement à très long terme. Les
technologies que nous employons ne sont pas déménageables. On ne
peut pas fermer l'usine et transporter les équipements ailleurs. Les
investissements sont donc faits pour de très très longues
périodes et les équipements que nous mettons en place doivent
avoir la capacité, la possibilité de s'adapter au fur et à
mesure des progrès technologiques.
Donc, nous voulons que l'usine que nous construisons s'intègre
parfaitement dans le milieu dans lequel elle aura à vivre au cours des
30, 40 ou 50 prochaines années. Hier, j'entendais des groupes et je
pense que le Dr Lazure parlait, entre autres, de l'évolution qu'il y a
eu au cours des dernières années chez les
Québécois, chez les Canadiens et un peu partout dans le monde de
la protection de l'environnement. Le cas n'est pas différent dans les
alumineries. Il y a eu, bien sûr, au cours des 10 ou 15 dernières
années, d'immenses progrès réalisés dans la
protection de l'environnement.
Nous pouvons dire aujourd'hui que les alumineries sont d'importants
moteurs de développement économique également. Il se paie
en salaires au Québec, en 1991 et avant que les deux nouvelles
alumineries soient en opération, près de 700 000 000 $ en
salaires. Il se dépense, en achat de biens et services reliés
uniquement à l'exploitation quotidienne des usines, en excluant les
matières premières nécessaires à la fabrication de
l'aluminium, actuellement, environ 700 000 000 $ également. Et cette
somme passera, dès 1992, à près de 1 000 000 000 $ par
année en achat de biens et services reliés, comme je le disais,
aux opérations quotidiennes courantes de nos usines d'aluminium au
Québec. Donc, ce sont 16 000 personnes qui travaillent et ce sont des
usines que nous voulons constamment en évolution, et que nous souhaitons
capables de s'adapter aux technologies les plus avancées.
Le souci que nous avons de protéger l'environnement, M. le
Président, est pour nous, maintenant, une préoccupation
constante. Les procédés que nous employons, que les membres de
l'Association emploient dans la fabrication de l'aluminium, utilisent les
meilleures technologies actuellement disponibles. Je pense que, chaque fois
qu'une nouvelle usine se construit, elle est à la fine pointe de la
technologie. Les centres d'épuration des fumées, par exemple,
sont efficaces maintenant - et les résultats vérifiés par
le MENVIQ le prouvent - à 99, 7 %. Les rejets liquides sont pratiquement
éliminés et ceux qui demeurent ont des conséquences
minimes sur l'environnement; les résultats le prouvent encore. Les
résultats sont concluants à cet égard.
Mais notre souci va également un peu plus loin que ça.
Comme vous le savez, l'industrie de l'aluminium est une industrie qui a mis de
l'avant, au cours des dernières années, par
exemple, tous les processus, tous les procédés, toutes les
méthodes de cueillette sélective et de recyclage. Nous recyclons
les cannettes d'aluminium et d'autres morceaux d'aluminium. À titre
indicatif, il s'est recyclé l'an dernier, en Amérique du Nord, 65
000 000 000 de cannettes d'aluminium et nous croyons qu'il y a encore un
travail à faire. 65 000 000 000 de cannettes recyclées
représentent environ 65 % des cannettes produites. Donc, par
l'éducation, par la cueillette sélective - même si nous
croyons qu'il y a encore place à amélioration - je crois que le
processus est bien enclenché. Et les producteurs qui font de la refonte
et du recyclage favorisent, évidemment, ce procédé.
La protection de l'environnement est également pour nous et pour
nos membres une condition essentielle dans le choix d'un site ou dans le choix
d'un investissement. Les actionnaires d'une compagnie publique mettront de la
pression, et une pression souhaitée, sur les dirigeants de l'entreprise
pour que celle-ci respecte les normes environnementales édictées
par les organismes gouvernementaux. Dans bien des cas, les actionnaires sont
également des employés. Ils sont également des
résidents de la région ou de la province dans laquelle les usines
opèrent. Donc, pour nous, il s'agit d'un moyen additionnel de pression
devant lequel nous ne pouvons pas nous disculper.
Enfin, pour la réalisation de tout grand projet, il faut, bien
sûr, du financement et, depuis quelques années, comme vous le
savez, les consortiums de banques qui financent ces mégaprojets exigent
des garanties environnementales. Elles exigent, avant de prêter 800 000
000 $, 900 000 000 $, 1 000 000 000 $, que les sommes qu'elles ont
prêtées le soient pour la construction d'installations qui sont en
tout point conformes aux exigences des gouvernements des provinces ou des pays
dans lesquels les installations sont construites. Donc, voilà une
garantie supplémentaire. Voilà, pour nous, autant
d'éléments qui font en sorte que la protection de l'environnement
n'est pas quelque chose d'isolé. Pour nous, c'est un ensemble de blocs
qui s'intègrent les uns dans les autres et qui font qu'un jour nous
avons une usine que nous considérons efficace et non polluante.
Vous avez mentionné tout à l'heure, M. le
Président, le rapport Lacoste. Je n'entrerai pas dans les détails
de ce rapport qui a été produit en 1988. Je voudrais simplement
souligner à la commission que nous sommes généralement
d'accord avec l'ensemble des recommandations du rapport Lacoste, entre autres,
avec le fait d'implanter les préoccupations environnementales dès
les premiers stades d'un projet, et nous aurons l'occasion d'en parler tout
à l'heure. Nous sommes également d'accord avec la
nécessité d'harmoniser la procédure d'évaluation
des impacts avec les autres procédures gouvernementales. Nous sommes
d'accord avec la nécessité d'alléger la procédure
et les règles. Je reviendrai brièvement tantôt sur ces
éléments.
Au niveau de la procédure d'évaluation, je pense que vous
la connaissez tous très bien. Au cours des derniers jours, beaucoup s'y
sont reportés, y ont fait allusion. Ça continuera au cours des
prochains jours. Nous avons, de façon très brève,
répertorié une vingtaine d'étapes entre le
dépôt d'un projet et l'obtention finale du certificat
d'autorisation. Ces étapes sont, je crois, pour la plupart d'entre
elles, nécessaires, mais nous croyons que les délais et la
procédure sont, évidemment, beaucoup trop longs et qu'il y aurait
lieu, donc, de modifier cela. D'abord, une procédure doit être
à la fois rigoureuse dans ses principes et souple dans son application.
Nous croyons que la valeur d'une procédure dépend grandement,
également, de la disponibilité de ceux qui sont chargés de
son application. Nous proposons donc un cadre bien structuré dans lequel
devraient s'inscrire des procédures d'évaluation
environnementale, sociale ou économique d'un projet.
Nous croyons, à ce chapitre, que le ministère de
l'Environnement pourrait peut-être, à l'intérieur de ses
structures, revoir le cheminement d'un projet. Le ministère est
composé de plusieurs services, de plusieurs départements. Nous
souhaiterions que, dès le dépôt d'un avis de projet, ce
projet soit confié à un représentant du ministère
qui aurait l'autorité nécessaire pour s'assurer que le dossier
chemine de façon harmonieuse dans les différents services et les
différents secteurs du ministère, pour ne pas se retrouver avec
des engorgements et des priorités différentes au secteur des
rejets liquides, de la qualité de l'eau, de la qualité de l'air
ou des déchets solides. Je pense qu'en donnant au fonctionnaire, au
chargé de projet une autorité accrue nous pourrions faire en
sorte que les délais soient réduits de façon
substantielle, parce que cette personne aurait le pouvoir de s'assurer que le
dossier progresse.
Je viens de parler des délais, M. le Président. Le rapport
Lacoste a fait état de délais pouvant aller, en moyenne, à
33 mois entre le dépôt de l'avis de projet et le certificat
d'autorisation. Ces délais, bien sûr, comme d'autres vous l'ont
dit, nous paraissent injustifiables, d'abord parce que 33 mois, c'est trois ans
ou presque, et c'est excessivement long et fastidieux - je pense que c'est
inutile de rentrer dans l'ensemble des détails, vous les connaissez -
mais surtout par le fait que, dans un grand projet industriel, dans les
mégaprojets dans lesquels nos membres sont impliqués, il a fallu
aussi deux ans ou trois ans d'études préliminaires avant de
décider de construire une usine, de choisir un site, etc., ce qui fait
qu'en bout de ligne on se retrouve, à partir du moment où un
promoteur décide d'analyser la possibilité de construire une
usine à tel endroit et le moment où cette usine entre en
opération, avec
des délais variant entre quatre, cinq et même six ans. Je
crois que ce n'est pas la volonté du MENVIQ, ce n'est pas la
volonté du gouvernement de retarder des projets comme ça. Je
pense que c'est plus la lourdeur de la procédure qui fait en sorte qu'on
arrive à de tels résultats. Et ça pourrait, à
l'occasion, à la rigueur, peut-être influencer certains groupes en
considérant la lourdeur de nos procédures.
Donc, nous croyons qu'une meilleure affectation des ressources à
l'intérieur du MENVIQ et une révision de la procédure dans
son ensemble favoriseraient une diminution des délais. On pourrait, je
crois, ramener les délais - plusieurs l'ont , souligné - à
12 mois, 14 mois entre le moment du dépôt de l'avis de projet et
le certificat d'autorisation et, évidemment, nous endossons cette
position.
Au niveau des communications, je vous ai mentionné tout à
l'heure que nous voulions impliquer les intervenants du milieu dès le
début du dépôt de l'avis de projet. Pour nous, c'est
essentiel. C'est maintenant essentiel de faire participer et de permettre aux
intervenants de s'impliquer. Vous connaissez la procédure. Il y a
dépôt d'un avis de projet par un promoteur. Par la suite, le
ministère émet des directives. Nous souhaitons que les audiences
publiques - parce que nous sommes en faveur de la tenue d'audiences publiques -
se tiennent tôt dans le processus et qu'elles se tiennent à la
fois sur l'avis de projet et sur les directives émises par le
ministère de l'Environnement.
Le ministère émet les directives. Le ministère a
des experts. Le ministère est donc en mesure de justifier les raisons
pour lesquelles il impose un certain nombre de normes. D'autre part, le
promoteur doit justifier devant la population et les intervenants les raisons
et les moyens qu'il mettra en oeuvre pour arriver aux objectifs que lui a
fixés le ministère de l'Environnement.
Nous croyons que la procédure actuelle ne rend justice à
personne. Lorsqu'il y a des audiences publiques, souvent, les intervenants
arrivent trop tard et le promoteur n'a pas les mêmes opportunités
ou la même chance de défendre son projet. C'est plus une critique
globale d'un projet de société que d'un projet précis.
Ça déborde grandement, je pense, le cadre pour lequel les
audiences sont convoquées. Donc, oui, nous sommes d'accord avec la tenue
d'audiences publiques, à la condition toutefois qu'elles soient bien
encadrées, qu'il y ait des délais précis, qu'il y ait une
procédure claire et que cette procédure soit bien
respectée. À tous les niveaux, que le BAPE, chargé de la
tenue de ces audiences publiques, s'assure que les cadres réglementaires
soient respectés et, à ce moment-là, à partir du
moment où tout le monde connaît bien les règles du jeu, la
partie devient beaucoup plus facile.
Nous souhaitons également, et nous le faisons, prolonger cette
communication bien au-delà des études de projets ou des
dépôts des avis de projets. Dans les alumineries
présentement en opération, nous avons des contacts constants avec
les organismes locaux et régionaux. Par exemple, les rapports mensuels,
trimestriels et annuels, les briques qui sont soumises au ministère de
l'Environnement, sont également envoyés, donnés aux
organismes comme l'UPA régionale, etc., qui, avec les alumineries,
discutent des résultats de nos opérations. Donc, la
communication, nous la voulons de façon continue et non pas de
façon ponctuelle.
Donc, nous souhaitons que la tenue d'audiences publiques se fasse le
plus tôt possible dans le processus d'évaluation, que la
consultation se fasse sur les directives du MENVIQ et que les documents, les
études réalisées par le promoteur puissent être
mises à la disposition des groupes qui en font la demande. Je pense que
c'est de bonne guerre de mettre à la disposition des différents
groupes, dès le début, l'ensemble des documents qui servent
à étayer nos prétentions. (14 h 30)
J'ai parlé un peu du BAPE, M. le Président. Le BAPE a un
rôle d'enquête. Il doit tenir des audiences publiques, il doit
rechercher l'opinion des personnes. Nous souhaiterions que la composition du
BAPE soit légèrement modifiée de façon que, entre
autres, le milieu industriel y soit représenté non pas pour
essayer d'influencer du côté qui nous est favorable les
décisions du BAPE, mais pour essayer que les recommandations du BAPE
soient peut-être plus documentées et plus étayées et
qu'elles prennent en compte l'ensemble des intervenants ou des gens qui forment
le Bureau.
Nous souhaitons enfin, évidemment - je l'ai mentionné un
peu tout à l'heure - que les audiences publiques, lorsqu'elles se
tiennent, se tiennent dans un cadre précis, très tôt dans
le processus d'évaluation et que chacun ait la chance de faire valoir
son point pour éviter que ces audiences ne
dégénèrent en séances de règlement de
comptes où on essaie de régler des problèmes bien
au-delà de ceux pour lesquels nous sommes convoqués. C'est
très difficile, je sais, de mettre ces idées dans un texte
réglementaire, mais je pense qu'avec une direction et des normes
précises c'est faisable.
En conclusion, M. le Président, l'Association de l'industrie de
l'aluminium du Québec se veut donc un moteur de développement
économique, sensible au milieu dans lequel elle s'implante et
respectueuse de son environnement. Elle est prête à aller encore
plus loin dans le dialogue constructif qu'elle veut maintenir avec le
ministère de l'Environnement et les différents intervenants, et
ceci dans le cadre d'un développement durable. Je pense que c'est
important que cet élément soit ajouté à notre
présentation. Nous voulons un développement durable et, pour
y arriver, nous souhaitons que des mécanismes soient mis en place
pour le permettre. Voilà, M. le Président, succinctement, notre
mémoire et, bien sûr, il me fera plaisir de répondre
à vos questions avec mes collègues.
Le Président (M. Richard): Merci, M. Van Houtte. Je pense
que vous avez fait un survol, et même très en détail, de
votre mémoire qui est excellent. Je dois vous dire que je suis en bonne
position, du fait que, dans mon propre territoire de comté, nous avons
l'ABI, l'Aluminerie de Bécancour inc. J'ai vécu, puisque
j'étais au municipal avant, toute l'implantation, du champ de vaches
jusqu'à l'aluminerie qu'on connaît aujourd'hui. Or, j'aurais
quelques questions additionnelles à poser en fonction, entre autres,
d'une référence à la page 8, paragraphe 1, où vous
souhaitez que les règles du jeu soient claires en ce qui a trait aux
directives émises par le ministère à l'égard d'un
projet. J'aimerais ça que vous précisiez peut-être un peu
davantage ce que vous entendez par des règles claires. Actuellement, il
y a quand même des balises qui existent, mais...
M. Van Houtte: Je pense que, si on veut tenir des audiences
publiques et si on veut se conformer aux exigences du MENVIQ, il faut que,
dès le début, on sache dans quelle direction on s'en va. Il ne
s'agit pas uniquement de dire que nous voulons réduire les rejets
liquides, par exemple, mais il faut, dès le début, être
capables de quantifier cela, d'arriver à des normes précises.
Donc, les règles, les directives selon lesquelles le promoteur
aura à construire son usine doivent être claires, précises
et ne pas être modifiées en cours de route. Je pense que ça
a été mentionné précédemment, hier, dans
quelques mémoires, qu'on ne veut pas que les règles changent en
cours de route, que les normes changent sans qu'on ait eu la possibilité
de faire valoir, tout au moins, notre point de vue. C'est un peu dans ce
cadre-là.
Le Président (M. Richard): Une autre
référence; à la page suivante, la page 9, le paragraphe 1,
toujours, vous souhaitez, en fait, n'avoir au sein du ministère de
l'Environnement qu'un seul intervenant.
M. Van Houtte: Non. Ce n'est pas tout à fait cela. Ce que
nous souhaitons... À l'intérieur du ministère de
l'Environnement, comme vous le savez, il y a plusieurs services, plusieurs
départements, plusieurs directions. Chacune de ces directions
évalue le projet en fonction de ses propres contraintes, en fonction
également de ses priorités et, dès le dépôt
d'un avis de projet, un certain nombre de documents sont acheminés
à la direction de l'eau, un certain nombre de documents sont
acheminés pour évaluation à la direction de l'air, etc.,
et, finalement, le dossier est un peu disséminé à
l'intérieur des structures du MENVIQ sans qu'il y ait, de façon
très, très officielle, une personne responsable du suivi de ce
dossier à l'intérieur du MENVIQ. Mais, ce que nous souhaitons,
c'est qu'il y ait justement un chargé de projet avec une autorité
sur ses collègues pour leur dire: Aïe! je vous ai envoyé le
dossier il y a deux mois, où est-il? et s'assurer que les délais
soient respectés.
Le Président (M. Richard): Toujours à la page 9,
vous partez d'une politique de transparence. En fait, on sait que c'est
à peu près ce qu'il y a de plus fragile sur le terrain. C'est sur
cet aspect-là que la population a peut-être le plus de reproches
à faire, tant au gouvernement qu'aux institutions et au promoteur. Or,
j'aurais tendance à vous poser la question: Qu'est-ce qu'on fait pour
impliquer le plus possible la population? Vous avez dit tantôt que votre
voeu, c'était qu'elle le soit le plus rapidement possible, le plus
tôt possible; à l'instant où on connaît le projet ou
la teneur du projet, qu'on aille immédiatement en consultation
auprès de la population. Mais est-ce qu'il y a d'autres
mécanismes que vous mettez de l'avant ou que vous privilégiez
pour que la population ne parte pas en peur, à un moment donné,
ou ne se serve pas, comme vous l'avez dit tantôt, M. Van Houtte, de ce
dossier-là souvent pour mettre en doute la crédibilité du
dossier énergétique, par exemple, en se servant de votre dossier
particulier, dossier ou du promoteur qui est ad hoc, à ce
moment-là?
M. Van Houtte: II y a, M. le Président, plusieurs
étapes, je pense, ou plusieurs moyens qui peuvent être pris. Rien
n'empêche un promoteur de consulter, de s'informer, de rencontrer les
intervenants qui en font la demande ou les intervenants qui pourraient
être affectés par le projet, même si les audiences publiques
n'étaient pas obligatoires. Je pense que cette consultation se fait et
doit être, dans bien des cas, accrue.
Elle se fait également au niveau des audiences publiques
où le BAPE peut jouer un certain rôle pour essayer de rapprocher
les parties. On doit également chercher à expliquer aux gens un
projet plutôt que se défendre des attaques. Dans certains cas, il
semble souvent que la présence devant le BAPE devient, si vous voulez,
un débat plus juridique, en ce sens que le promoteur est souvent sur la
défensive plutôt que d'essayer d'expliquer la nature de son
projet. Plus tard dans le processus, c'est sûr, en tout cas pour les
alumineries que je représente, qu'il y a des consultations continues
avec les intervenants du milieu. Vous en avez dans votre région
également. C'est un processus qui est en évolution constante. Je
pense que le droit de l'environnement, le droit des parties, le respect de
notre faune, de notre flore doivent se faire
dans un contexte de développement durable, mais c'est en
constante évolution. Je pense que nous ne sommes pas fermés
à des mécanismes à découvrir, à mettre en
application, à condition, évidemment, que nous connaissions
dès le départ les règles du jeu.
Le Président (M. Richard): Dernière question. Je
m'excuse...
M. Van Houtte: Je ne sais pas si M. Salette aurait des choses
à ajouter là-dessus.
M. Salette (Robert): À partir des directives que le
ministère nous fait parvenir pour déterminer de quelle
façon les études d'impacts devraient se faire, c'est une
occasion, à ce moment-là, d'impliquer la population dans les
régions où le projet doit s'implanter. Même ceux qui
pourraient être intéressés et qui sont à
l'extérieur de ces régions-là peuvent peut-être
venir bonifier encore davantage les directives et ajouter des volets qui sont
importants pour la population et qui ne sont peut-être pas
considérés par les directives.
Alors, le ministère a ses responsabilités et, nous, on
dit: À la charge du promoteur, évidemment, encadré par le
BAPE... C'est-à-dire que le BAPE pourrait s'assurer que ces
consultations-là se font de façon professionnelle, il pourrait
même avoir un observateur sur place pour que lorsque les données
ou les rapports sont transmis au ministère, tout le monde soit
assuré que ça s'est fait de façon... Ça
n'empêche pas les audiences publiques qui, elles, viennent à la
fin, mais déjà une partie des appréhensions, une partie
des questions, une partie des réponses pourrait être connue
dès le début plutôt qu'à la fin lorsque toutes les
études sont faites.
Le Président (M. Richard): Merci. Ma dernière
question serait la suivante. C'est une référence à la page
10, paragraphe 3, où vous avez un souhait qui dit que la composition du
BAPE devrait être améliorée et comporter beaucoup plus de
spécialistes. Par cette question-là, je veux savoir,
effectivement, votre expérience avec le BAPE. Dans le cadre de certains
projets, vous avez eu un problème à ce niveau-là parce
qu'il n'y avait pas de spécialistes, les gens ne connaissaient pas
grand-chose dans le domaine de l'aluminerie?
M. Van Houtte: Écoutez, je pense que - je vais
peut-être laisser M. Salette répondre à cela tout à
l'heure parce qu'ils ont eu à vivre avec ça - notre
recommandation vise à ce que le milieu industriel soit peut-être
un peu mieux représenté par des gens qui siégeraient de
façon permanente au BAPE. La politique qui consiste à nommer des
gens ad hoc ne permet peut-être pas une continuité dans les
décisions rendues par le BAPE, bien qu'un certain nombre des commis-
saires soient des permanents. Nous croyons que, pour qu'il y ait un
équilibre, le milieu industriel devrait également, comme d'autres
milieux, remarquez, être représenté pour que la
recommandation finale du BAPE contienne l'ensemble des éléments
et que, dans les délibérations, on puisse échanger sur les
pour et les contre d'un projet dans un climat tout à fait serein.
M. Salette: II faut bien comprendre que les représentants
du BAPE, à ce moment-là, sont toujours là, dans le
même cadre, à regarder les aspects de l'environnement. Mais,
souvent, il y a des données qui sont tout autres que celles de
l'environnement, qui sont amenées lors des audiences publiques par des
intervenants. Et, si les gens autour de la table avaient une expérience
plus vaste, ils pourraient mieux comprendre ou mieux réagir à ces
demandes-là et peut-être, déjà, dès le point
de départ, clarifier les choses.
Si vous voulez un exemple précis, nous avons vécu une
situation avec les audiences publiques sur la construction d'un chemin de fer -
M. Morin est bien au fait du dossier - chez nous, entre la ville de La Baie et
l'usine de Laterrière. S'il y avait eu des gens qui connaissaient les
conséquences de la limite du transport à un transport par jour,
ils auraient bien pu comprendre que l'alternative d'y aller par chemin de fer
n'était plus valable, à ce moment-là. Il fallait y aller
par camion, avec tous les inconvénients que les audiences publiques ont
permis de... Mais il n'y avait personne autour de la table pour réagir
à ça tout de suite et dire à l'intervenant: Mais sais-tu
ce que ça veut dire, ta question? Alors, c'est dans ce sens-là.
Mais le rôle est toujours pour mieux juger les aspects
environnementaux.
Le Président (M. Richard): Merci. Je cède la parole
au Dr Lazure, le député de La Prairie. Vous avez la parole,
docteur.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, au
nom de l'Opposition, de saluer les représentants de l'industrie de
l'aluminium au Québec. Je voudrais vous faire part de notre satisfaction
lorsque vous dites accepter, de façon quasiment complète, les
recommandations du rapport Lacoste. Je voulais aussi, en rapport avec les
audiences publiques, vous demander si vous étiez au courant de cette
technique dont il a été question ce matin, qui commence à
être pratiquée aux États-Unis, qui permet, par une voie
plus rapide, de placer sur les épaules du promoteur une
responsabilité assez considérable, à savoir qu'il prend le
risque de préparer lui-même - selon, évidemment, les
directives dont il pourra avoir eu connaissance au ministère de
l'Environnement - pratiquement tout le dossier et de déposer et rendre
public ce dossier-là au moment où il dépose son avis de
projet au
ministère. Ma première question: Est-ce que vous
êtes au courant de ça?
Alors, en gros, l'idée, c'est de sauver du temps. Ça
devrait permettre de compléter la procédure, y compris les
audiences publiques, à l'intérieur d'une année. On parle
même de 8,5 mois au lieu de 2 ou 3 ans. Mais il y a un risque pour le
promoteur à ce moment-là. S'il fait mal son travail, il sera
obligé de recommencer. Avez-vous une réaction à ça?
(14 h 45)
M. Van Houtte: Je n'ai pas, personnellement, d'expérience.
Je la connais, pour avoir lu sur cette procédure, mais pas suffisamment,
je pense, pour émettre des commentaires. Il y a sûrement des
avantages. Est-ce que tous les projets pourraient profiter de cette
procédure? Est-ce que ce seraient uniquement les cas d'exception? Parce
que, à un moment donné, on désengorge un secteur et tout
le monde veut aller par le "fast track". Donc, à quel endroit
coupe-t-on? Quels sont les cas d'exception? Si je comprends bien la
procédure américaine, pour ce que j'en ai lu, c'est plus ou moins
une procédure d'exception. C'est moins courant que la procédure
normale, tout au moins. La procédure normale demeure. Je ne sais pas si
mes amis ont des commentaires.
M. Jomphe (Carol): Oui. Je pense que ce genre de procédure
pourrait être intéressante à condition que,
déjà, on bénéficie de certaines directives,
peut-être abrégées et plus sectorielles, identifiées
a un certain secteur. Par la suite, au moment où le promoteur
déposerait son projet, au moment des audiences publiques, les
intervenants soulèveraient sûrement des interventions par rapport
à des points précis et, à ce moment-là, le
promoteur serait appelé à répondre à ces
interventions précises. Je ne pense pas que ce soit nécessaire de
reprendre au complet le processus d'étude qui a déjà
été fait. À ce moment-là, ça pourrait
être très intéressant pour l'industrie.
M. Lazure: Une autre question concernant ce qui s'appelle des
évaluations génériques sur un secteur industriel
donné, par exemple, pour faire des évaluations, y compris des
audiences publiques, sur un secteur industriel particulier. En dehors de
l'évaluation individuelle qui se ferait à l'occasion du projet
d'un promoteur - dans votre cas, une aluminerie - qu'est-ce que vous pensez de
cette technique de l'évaluation générique?
M. Van Houtte: II est difficile de répondre sans
connaître le cadre qui sous-tendrait de telles choses. Je pense que, dans
toute approche, il y a des aspects positifs et d'autres qui sont
peut-être plus négatifs. Je crois que, même si, par exemple,
dans le secteur de l'aluminium, les technologies sont à peu près
identiques dans les usines, en débordant d'un projet, on risque de
tomber carrément dans un débat de société sur le
dos d'un secteur industriel donné.
M. Lazure: Le choix, autrement, c'est de le faire sur le dos d'un
promoteur donné, comme ça se fait, actuellement.
M. Van Houtte: Je pense qu'il y a ce risque, effectivement, de
faire cela. Le ministère de l'Environnement étudie
présentement la possibilité d'adopter des règlements sur
les rejets liquides ou les émissions atmosphériques et prend un
peu cette approche-là. Il voudrait essayer, je crois, dans les grands
secteurs industriels, de regrouper un certain nombre d'industries, par exemple
la métallurgie, les raffineries, etc., et arriver à
établir un certain nombre de normes pour différents secteurs
industriels, pour éviter qu'il y ait des différences
énormes si on essaie de mettre tout le monde dans le même panier.
Je pense que c'est une approche qui a du mérite, mais qu'il faut quand
même considérer avec prudence parce que, comme je vous le dis, il
faut s'assurer que l'ensemble des règles soit bien connu. On n'est pas
fermés à cela.
M. Lazure: Un problème qui vous touche de très
près, la gestion des brasques. Est-ce qu'il y a quelque chose qui se
pointe à l'horizon pour aider à solutionner ce
problème-là?
M. Van Houtte: Comme vous le savez, depuis longtemps, les grands
producteurs travaillent dans leurs centres de recherche, en collaboration avec
les instituts privés ou les universités, sur des méthodes
économiques et efficaces de traitement des brasques. Différents
procédés sont encore à l'étude actuellement.
Certains valorisent plus que d'autres le résidu; d'autres ne font que
neutraliser les brasques. Nous espérons être en mesure, d'ici...
Je ne voudrais pas fixer de date précise, mais je pense que nous sommes
sur la bonne voie pour trouver un procédé d'élimination ou
de neutralisation des brasques.
Entre-temps, soyez assuré que les industries, avec le MENVIQ,
s'assurent que les brasques sont entreposées dans des endroits tout
à fait sécures. Des entrepôts spéciaux ont
été construits chez les producteurs actuels et ces
entrepôts répondent aux plus hautes normes, encore là, en
matière de protection de l'environnement. Ces entrepôts sont
coûteux à construire, sont coûteux à gérer, ne
sont pas illimités. À un moment donné, on va les remplir.
Donc, nous avons, bien sûr, un intérêt direct à
trouver des procédés et nous travaillons fort là-dessus,
en collaboration avec des entreprises privées, des laboratoires
privés, des centres de recherche, des universités, etc.
M. Lazure: Tant mieux. Il faut se réjouir si vous
êtes sur une bonne piste, mais est-ce que
vous ne pensez pas qu'il serait utile qu'il y ait, à un moment
donné, des rencontres avec la population pour la mettre au courant de
vos recherches et de ce qui se pointe à l'horizon? Parce qu'il y a des
inquiétudes dans les régions où il y a des alumineries sur
la disposition actuelle ou future des brasques, hein?
M. Van Houtte: Tout à fait. Dans certaines régions,
sans doute, dans d'autres peut-être moins. Mais oui, je pense que
ça fait partie du processus de communication dont nous avons
parlé tout à l'heure, de la transparence. Oui, nous sommes
prêts à dire aux gens ce que nous faisons avec les brasques, ce
qu'elles contiennent et comment nous comptons les traiter. Vous savez qu'aux
États-Unis, par exemple, l'agence américaine de protection de
l'environnement a longtemps permis que les brasques soient détruites,
brûlées dans les fours à ciment. C'est du carbone et il y a
une valeur calorifique à ces brasques-là. Et, aux
températures des fours à ciment, je pense que la majorité
des gaz ou des produits que les brasques contiennent sont brûlés.
Donc, il y a des choses qui se font ailleurs. Nous travaillons également
sur d'autres procédés, soit pour essayer de tirer certains
sous-produits de la brasque une fois traitée ou simplement pour la
neutraliser. Mais on est sur la bonne voie.
M. Lazure: Une dernière question, M. le Président.
Concernant le financement des groupes, vous savez, souvent, lors des audiences
publiques, il y a des invididus ou des groupes préoccupés par
l'environnement qui aimeraient présenter un travail quelconque, faire
valoir leur point de vue et ils ont peu de moyens. Le ministère de
l'Environnement n'est pas très généreux à leur
égard et, de plus en plus, on parle d'une façon de financer
l'intervention des groupes. Si on veut vraiment que les audiences publiques
soient répandues à l'ensemble des projets industriels - vous
semblez être d'accord pour l'application du rapport Lacoste - à ce
moment-là, il va y avoir beaucoup plus d'audiences publiques et les
groupes environnementaux et les individus vont vouloir intervenir. Comment
entrevoyez-vous ce financement? Est-ce que votre industrie, par exemple, serait
prête à participer à la formation d'un fonds pour les
intervenants?
M. Van Houtte: Je ne crois pas que ce soit réellement un
problème en soi dans la méthode que nous proposons. Ce que nous
proposons, c'est que, dès le début, les gens puissent avoir
accès aux études et puissent entretenir des relations avec le
promoteur. Dans la situation actuelle, c'est sûr que les intervenants se
retrouvent en bout de piste avec un tas d'études qui ont
été préparées par le promoteur, par le
ministère de l'Environnement et par leurs experts. Ils doivent
étudier tout ça, digérer et assimiler tout ça, et
essayer de faire valoir leur position.
Nous croyons plutôt que, si, dès le début, il y a
une relation qui s'établit entre les intervenants et le promoteur, on
peut facilement faire participer une partie de ces intervenants à nos
travaux, à nos recherches. On leur rend disponibles les documents,
pourquoi ne pas les impliquer également? Et le problème de
financement se trouve, je pense, en grande partie réglé parce
que, tout au cours des études d'impact, les intervenants pourraient
participer à cela. Je pense que nous ne souhaitons pas, non plus,
acheter, entre guillemets, nos projets ou faire en sorte que, moyennant
compensation ou moyennant financement d'associations, on puisse polluer plus
facilement. Pensons que si chacun est indépendant...
M. Lazure: Je pense que ce n'était certainement pas dans
mon esprit...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lazure: ...mais je pense qu'on aurait intérêt,
nous, en tout cas, les élus, à assister à une table ronde
entre vous et les représentants de groupes environnementaux sur cette
question précise. Vous semblez émettre une opinion, une
hypothèse assez optimiste, à savoir que, si vous parlez
dès le début aux intervenants, aux groupes, aux individus, avec
vos propres études, vos propres experts, vous allez finir par leur faire
voir le bien-fondé de votre projet et ils vont l'accepter. Vous semblez
dire ça.
Ce que les groupes disent - et, moi, je partage leur position - c'est
que, oui, d'accord, si le promoteur veut faire ça dès le
début, transparence complète, bravo, on ne demande pas mieux tout
le monde, mais il peut arriver, à un moment donné, que le groupe
constate que votre étude, vos données sont contestables, sont
discutables. Et il pourrait avoir besoin d'une autre expertise, ailleurs que
chez vous. Et, à ce moment-là, ça coûte des sous.
Que ce soit une expertise juridique ou une expertise technique, ça
coûte des sous. Et c'est dans ce sens-là que nous pensons, nous,
en tout cas, qu'il faut qu'il y ait un financement. Le gouvernement de
l'Ontario l'a fait en 1988, le gouvernement Peterson et non pas le gouvernement
néo-démocrate; le gouvernement libéral l'a fait en 1988,
en Ontario. Ils ont, par une loi, établi le financement des intervenants
en matière d'environnement et c'est le promoteur qui verse un certain
montant, pas pour acheter la paix, mais pour permettre aux gens d'aller
chercher des expertises.
M. Salette: Peut-être que je peux proposer quelque chose
ici. Si le Québec veut réaligner ou réévaluer son
développement économique et déterminer des normes et des
règles du jeu, ça,
c'est un point. Et je pense que, de côté-là, il y a
des choses qui peuvent être faites. Quand vient le temps d'établir
une usine quelque part, cette usine-là doit maintenant se conformer
à ces normes et tout le processus qui est proposé, c'est de
communiquer avec le milieu, soit très tôt ou soit à travers
des audiences publiques, pour faire la preuve qu'on travaille maintenant
à l'intérieur de ces normes et de ces règles qui sont
établies.
Lorsque nous proposons ici une consultation dès le début,
c'est certain qu'il y a des choses que, soit le ministère va avoir
oubliées ou que, nous, on va avoir oubliées, qui sont des
préoccupations ou des intérêts très particuliers
pour les populations où nous voulons nous établir, et qui vont
demander à être fouillées, à avoir de la recherche,
ainsi de suite. Évidemment que ça va se faire à nos frais,
à ce moment-là.
Alors, si on parle d'établir le développement
économique d'une province et, quand on touche le secteur de l'aluminium
en particulier, qu'on veut déterminer quelles seront les normes pour les
années à venir ou qu'on parle de commissions parlementaires ou de
mécanismes qui feraient que tous les gens concernés puissent
s'asseoir à une même table et voir ce qui devrait être fait,
là, c'est un volet. De ce côté-là on est
peut-être à l'écoute de ce qui pourrait être possible
sur le plan financier, mais, là, on parle pour la province. Mais, quand
vient le temps de construire une usine quelque part, je pense que,
déjà, les règles du jeu devraient être connues et
c'est à nous à faire la preuve que, de la façon dont on va
construire l'usine et avec l'équipement qu'on va mettre
là-dedans, on est à l'intérieur des normes.
M. Lazure: Vous avez raison. Moi, je ne parlais pas d'un fonds
spécialement pour les alumineries; je parlais de votre participation, en
tant qu'industrie de l'aluminium, à un fonds plus général
pour l'ensemble des projets du Québec.
Le Président (M. Richard): M. Morin, député
de Dubuc, vous avez une question? (15 heures)
M. Morin: Bon, évidemment, il est heureux que, comme la
plupart des intervenants, vous soyez en faveur d'une implication du milieu dans
le processus, très, très tôt. J'aimerais avoir vos
commentaires sur ce qu'on appelle des petits projets industriels ou des projets
de consolidation où, finalement, la préoccupation du milieu est
beaucoup plus en fonction du volet des impacts dits temporaires, par opposition
aux impacts permanents, c'est-à-dire les impacts reliés à
la construction. Est-ce que c'est ce que vous avez dans votre esprit, par le
fait d'impliquer davantage le milieu dès l'élaboration des
directives, de permettre au ministère de l'Environnement d'exiger toutes
les mesures de mitigation qui pourraient, à toutes fins pratiques,
répondre aux préoccupations du milieu à un point tel que
ça aurait pour effet de diminuer certaines demandes d'audiences
publiques? Je parle pour des petits projets, évidemment; je ne parle pas
d'implantation, je parle de consolidation. Première question.
La deuxième, c'est concernant une proposition que vous faites
à l'effet que les demandeurs justifient leur intérêt de
demander des audiences publiques parce que, dans la présente loi, les
demandeurs doivent quand même signifier au BAPE la nature de leurs
intérêts à l'heure actuelle.
M. Salette: Au ministre.
M. Morin: Alors, qu'est-ce que ça ajouterait - j'aimerais
que vous précisiez votre demande là-dessus - qu'on demande aux
gens, qu'on exige des gens d'expliquer davantage leurs intérêts de
demander des audiences?
Une voix: Je ne sais pas si...
M. Morin: Enfin, il y a ces deux volets-là.
M. Salette: Nous, on est convaincus que si... Je peux utiliser un
exemple qu'on connaît très bien, M. Morin, la modernisation du
port où il y a eu des consultations avec le conseil municipal,
l'Association des pêcheurs de saumon de la rivière à Mars;
tout ce beau monde a été impliqué dès le
début et il n'y a pas eu d'audiences publiques parce que les questions
ont eu des réponses en cours de route. Les gens ont bien compris et,
nous, on a ajusté notre projet en fonction des besoins du milieu. Il n'y
a pas eu d'audiences publiques. Souvent, les audiences publiques sont là
et semblent justifiées parce que les gens ne connaissent rien du mosus
de projet. Ils veulent aller fouiller pour voir s'ils se font organiser ou pas.
Nous, on dit: Si on a de la transparence dès le début, des
questions, à la fin, il va y en avoir bien moins. Il peut y avoir besoin
d'audiences publiques si c'est la règle, mais au moins on va travailler
sur des choses plus sérieuses.
M. Van Houtte: Pour ce qui est de votre deuxième question,
la justification des intervenants, simplement pour faire la différence
qu'on faisait tout à l'heure entre un grand débat à
l'échelle nationale sur des enjeux environnementaux ou sur un projet, ce
qu'on voudrait essayer de limiter dans les intervenants, c'est leur
intérêt dans la région parce que, nous, on prétend
que, dans bien des cas, les répercussions ne dépassent pas la
propriété de notre usine et on se dit: Ce n'est pas l'endroit
pour régler des problèmes, je ne sais pas, moi, sur la couche
d'ozone. Je pense que ça déborde largement le cadre d'une
audience qui se tiendrait pour un projet précis. C'est pour ça
qu'on préfère avoir
des relations étroites très tôt dans le processus
entre les intervenants immédiats qui seront affectés par le
projet et qui auront à vivre à côté des projets.
C'est un peu dans ce sens-là.
M. Morin: Oui, parce que vous conviendrez avec moi que, dans les
cas où il y a seulement un demandeur, un groupe qui le demande,
là, je suis un peu enclin à dire: O.K. Il faudrait
peut-être davantage l'exiger. Mais, lorsqu'il y a un certain nombre de
demandeurs de tenir des audiences, je pense que le nombre, de par
lui-même, le justifie. Et disons que la nécessité de
prouver les intérêts m'apparaît moins évidente
lorsqu'il y a un nombre relativement important que lorsqu'il y en a seulement
un.
M. Van Houtte: Mais on ne demande pas de prouver
l'intérêt dans l'audience; on demande de prouver leur
intérêt comme groupe, comme intervenant. Pour nous, c'est
important. Bien sûr, que les gens aient un intérêt dans le
projet, c'est important également. Je pense que n'importe qui ne peut
pas intervenir n'importe où à propos de n'importe quoi. Il faut
établir un certain cadre et c'est dans ce cadre-là que nous
souhaitons que les gens justifient leur intervention.
Le Président (M. Richard): Ça va, M. le
député de Dubuc? Je cède donc la parole...
M. Morin: Ça va.
Le Président (M. Richard): ...à M. le
député de Saguenay, M. Maltais.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Vous me permettrez de
saluer au nom du gouvernement les chevaliers de l'aluminium au Québec.
C'est la première fois, je pense, qu'on... En tout cas, il est
très rare qu'on les voie tous les cinq autour de la même table
dans une commission parlementaire. M. le Président, vous permettrez que
je salue d'une façon particulière M. Asselin, de Baie-Comeau, de
la société des métaux Reynolds, qui est ici. Ce n'est pas
souvent que ces gens-là viennent nous rencontrer. Ils sont moins
dérangeants que certains autres, mais nous apprécions leur visite
quand même.
Je suis heureux que, finalement, les cinq grands de l'aluminium se
soient associés ensemble pour venir à cette commission
parlementaire. Vous n'êtes pas sans savoir que, depuis de nombreuses
années, on vous cible ou vous êtes ciblés au Québec
par les groupes écologistes comme étant un peu des pollueurs en
puissance et des gens qui, finalement, avaient une certaine négligence
au niveau environnemental. Mais vous avez démontré, au cours
peut-être des 15 dernières années, que ce n'était
pas le cas, que, s'il y avait une industrie qui était respectueuse de
l'environnement, c'était bien l'industrie de l'aluminium, à
comparer, par exemple, à certaines autres industries et même
à certains services publics qui relèvent des gouvernements. C'est
tout à votre honneur. Je pense que vous avez relevé un
défi et on comprend aussi que, dans les investissements que vous
gérez, vos banquiers, vos actionnaires n'investissent pas à court
terme, mais bien à fort long terme.
Votre mémoire. Tout le monde a fait le tour un peu et ce qui nous
est agréable, je pense, aux membres de la commission, c'est l'accord
presque unanime de tous les membres sur les conclusions du rapport auquel tout
le monde a souscrit depuis le début des audiences. Si on situait le
Québec par rapport à l'Ontario, par rapport aux États de
la Nouvelle-Angleterre, possiblement à l'État de New York, au
niveau de sa gestion environnementale et de ses conditions pour les grandes
industries, à quel niveau le situeriez-vous?
M. Van Houtte: Mon expérience étant limitée
au Québec, le reste étant du ouï-dire, je vais
peut-être laisser à M. Salette, qui a une expérience plus
vaste que moi, le soin de répondre. Je ne sais pas s'il le peut.
M. Salette: Encore là, c'est plus - j'allais dire des
"feelings", mais il faut éviter l'anglais -des perceptions au niveau des
tripes.
M. Maltais: C'est ça, c'est ce qu'on veut savoir.
M. Salette: Je pense qu'on cite souvent l'Ontario comme
étant l'exemple à suivre. Je pense qu'on n'a pas besoin d'avoir
l'exemple de personne. Au point de vue - ici, je vais utiliser la région
du Saguenay-Lac-Saint-Jean - d'une espèce de coexistence et de partage -
M. Morin pourrait peut-être ajouter là-dessus - je pense qu'on a
atteint dans cette région-là, et c'est possible partout au
Québec, une meilleure compréhension des enjeux de l'entreprise et
des besoins et de l'évolution des valeurs de la société.
Nous aussi, on évolue en même temps. Nous sommes aussi citoyens,
pas juste des gestionnaires. Je pense que c'est la voie qu'on doit suivre et,
de ce côté-là, contrairement à ce que je retrouve
dans les autres provinces où nous avons aussi des activités
économiques, je pense qu'on est en avance partout. C'est en se parlant
qu'on va se comprendre; ce n'est pas juste en légiférant, c'est
aussi en communiquant.
M. Maltais: D'accord. Nul n'a besoin ici d'indiquer l'apport
économique de vos sociétés. Ce qui est important, c'est
que le Québec puisse vivre en harmonie avec ses producteurs et avec la
création d'emplois. Vous aurez dépensé quelque chose comme
700 000 000 $ et peut-être 1 000 000 000 $, lorsque Alouette sera
terminée,
en biens de consommation; c'est quelque chose. C'est un apport
important.
Moi, je suis heureux de voir que, dans votre mémoire, vous n'avez
pas une courte vue environnementale; vous avez une longue vue en disant que vos
investissements doivent fonctionner sur une période de 30, 35 ou 40 ans.
C'est rassurant pour la population du Québec de savoir que ces grandes
industries-là ont pris le tournant pour s'assurer que, dans 20, 25 ou 30
ans, elles seront encore compétitives et non polluantes. Je prends la
société des métaux Reynolds qui s'est adaptée,
comment pourrais-je dire? à une certaine dépollution de son
système au cours des années; à partir de 1956 à
aller à 1991, il y a tout un chemin de fait, je pense, et vous l'avez
fait.
Un petit point de votre mémoire, dont vous parlez, m'a
intrigué un peu. Peut-être que je reviendrai sur le financement,
sur ce que le député de La Prairie vous a suggéré
tout à l'heure, j'ai ma petite idée là-dessus. Au niveau
de la nomination des personnes au BAPE, lorsque vous avez parlé tout
à l'heure de cette personne, est-ce qu'elle devrait, d'après
vous, faire partie du Bureau d'audiences ou être une personne en
autorité connaissante du secteur de l'aluminium? Est-ce que ça
devrait être une personne consultée, un genre de conseil
consultatif pour le BAPE ou si, selon vous, elle devrait avoir un siège
au BAPE?
M. Van Houtte: Les deux approches ont leur mérite. On
préférerait sans doute qu'elle ait un siège au BAPE pour
assurer une continuité. Je pense qu'après un certain temps, dans
n'importe quel bureau, n'importe quel tribunal quasi administratif ou
administratif ou n'importe quelle commission parlementaire, n'importe quel
organisme, il se développe, au cours des mois, des semaines, une
complicité entre les gens qui finissent par se comprendre. Je crois que,
quand on a un organisme comme le BAPE qui doit faire des recommandations sur un
certain nombre de projets, il est important que les gens n'aient pas, pour
employer l'expression que vous avez employée, une courte vue. Il
faudrait que les recommandations du BAPE soient faites dans un cadre, encore
là, à beaucoup plus long terme et nous croyons que, s'il y avait
une permanence peut-être plus grande des représentants du milieu
industriel, comme des autres milieux d'ailleurs, sur le BAPE, ça
permettrait justement d'avoir probablement cette vision à plus long
terme, cette continuité de pensée dans les recommandations.
M. Maltais: M. Van Houtte, la Chambre de commerce de
Montréal était ici hier. Mme Pageau déclarait dans La
Presse du 30 août: La réglementation du ministère de
l'Environnement au Québec fait fuir les investissements. Qu'est-ce que
vous pensez de ça, vous?
M. Van Houtte: C'est difficile de répondre à
ça, sauf par les exemples des sociétés que je
représente. ABI a construit une première phase et une seconde,
investissement de 1 500 000 000 $ ou 1 600 000 000 $; Reynolds, dans votre beau
comté, a agrandi à plusieurs reprises son usine pour,
aujourd'hui, être la plus grosse aluminerie au monde, comme installation;
Alcan continue et a un programme à très long terme
d'investissement au Québec; et il y a les deux petits nouveaux, Lauralco
et Alouette, qui sont venus s'établir. Je pense que c'est probablement
la réponse à votre question, M. le député.
M. Maltais: Merci. C'est la réponse à Mme
Pageau.
Le Président (M. Richard): Merci beaucoup, messieurs, qui
représentiez l'Association de l'industrie de l'aluminium du
Québec. Merci de votre présence et de votre mémoire.
On demanderait que prennent place les représentants du Conseil de
l'environnement des régions de Québec et de
Chaudière-Appalaches, s'il vous plaît.
Mesdames et messieurs, je suis convaincu que vos discussions sont de
grand intérêt, mais vous comprendrez qu'on a une question
d'horaire. Nous demanderions aux membres de la commission de prendre place,
s'il vous plaît, et aux gens du Conseil de l'environnement des
régions de Québec et de Chaudière-Appalaches de prendre
aussi leur place, de façon à présenter leur
mémoire.
Globalement, nous avons une enveloppe de 30 minutes. Vous avez,
normalement, 10 minutes maximum pour présenter votre mémoire et,
par la suite, nous échangerons sur le mémoire.
Conseil de l'environnement des régions de
Québec et de Chaudière-Appalaches
Mme Paquin (Ginette): Excusez-moi. C'est parce qu'on était
aux verres d'eau.
Le Président (M. Richard): Ah! Aucun problème,
madame. (15 h 15)
Mme Paquin: C'est parce que ce sont les verres d'eau des
messieurs de l'aluminium. Je n'oserais pas me mêler...
Le Président (M. Richard): De l'alun et du chlore.
Une voix: Vous avez peur du mercure.
Mme Paquin: Je ne sais pas, là, de quoi j'ai peur.
Le Président (M. Richard): Je vous laisse la parole. Vous
vous identifiez, évidemment, et vous identifiez la personne qui vous
accompagne.
Mme Paquin: Vous avez dit qu'on avait 15 minutes pour la
présentation?
Des voix: Dix.
Le Président (M. Richard): Ah! je corrige. C'est 10
minutes pour la présentation. C'est-à-dire que vous pouvez en
prendre 15, mais ça nous coupe, nous. Votre mémoire, nous
l'avons. Nous en avons pris connaissance. Alors, plus on échange avec
vous, je pense, plus c'est le sens positif.
Mme Paquin: Bon. Je vais vous présenter Richard Legault,
président du Conseil de l'environnement, et moi-même, Ginette
Paquin, vice-présidente du CERQCA. Le Conseil de l'environnement de la
région de Québec et de Chaudière-Appalaches comprend 35
organismes environ à préoccupation environnementale pour les deux
régions de Québec et de Chaud ière-Appalaches. Les
objectifs poursuivis, c'est de mettre en place le développement durable
ou de faire la promotion du développement durable dans les deux
régions et de promouvoir la concertation entre les décideurs dans
ces deux régions.
Maintenant, il y a deux parties à notre mémoire. La
première où nous avons pris trois exemples concrets de
développement industriel et hydroélectrique, c'est-à-dire
nos expériences vécues comme groupe. Dans la deuxième
partie, nous mettons l'accent sur des éléments du rapport
Lacoste. Je vais présenter la première partie et M. Legault va
présenter la deuxième. Ce qu'on voulait dire, c'est que je pense
que, comme tout le monde, vous êtes d'accord que l'environnement est
devenu une préoccupation importante pour les citoyens aujourd'hui, que
la qualité de vie est devenue aussi une valeur importante et que le
concept de développement durable mis de l'avant par la commission
Brundtland va nous amener dans les prochaines années à nous
remettre en question à plusieurs points de vue au niveau de notre
conception du développement et ça va amener nécessairement
une plus grande consultation des publics. Alors, nous croyons que ces
préoccupations environnementales vont nous amener à
peut-être améliorer notre processus d'audiences publiques, notre
processus de consultation des publics. Et, finalement, c'est pour ça que
c'est important de s'arrêter à ce processus parce que, même
s'il y a le rapport Lacoste qui a déjà fait des recommandations,
il y a deux ans déjà, il faudrait aller plus loin peut-être
que le rapport Lacoste étant donné que ça évolue
très rapidement et qu'il faudrait s'adapter rapidement aux
changements.
Ces changements, j'en ai mentionné un peu ici. Les citoyens sont
de plus en plus informés. Les territoires vont être de plus en
plus occupés à l'avenir et ça va demander sans doute des
contrôles plus serrés et des choix plus éclairés
parce qu'on aura peut-être à faire des choix entre plusieurs
alternatives. Si on utilise le territoire pour une chose, on ne pourra plus
l'utiliser pour une autre. Alors, on va avoir à se poser
énormément de questions dans l'avenir, plus qu'aujourd'hui
encore. alors, je passe aux trois exemples dont je parlais tantôt.
alumax-lauralco, c'est un projet que nous avons vécu dans la
région de québec, particulièrement. et nous avons
constaté que le processus d'étude s'est fait en pièces
détachées, c'est-à-dire avec consultation sur certaines
pièces mineures; sur les postes électriques, il y avait
possibilité de consultation et possibilité de consultation, par
le biais du fédéral, au niveau des sites de transbordement dans
la région de québec.
Évidemment, il n'y a pas eu de consultation sur les pièces
majeures, les pièces majeures étant les politiques
énergétiques et économiques du gouvernement du
Québec qui prônent la vente d'hydroélectricité
à bas prix pour attirer des entreprises grandes consommatrices de ce
type d'énergie. Alors, pour nous, il est essentiel que la population
soit consultée sur ces politiques et ce, de façon
périodique et en regard d'alternatives possibles.
Il n'y a pas eu de consultation, non plus, sur les contrats de vente
d'électricité à bas prix à des alumineries. Je
pense que, là aussi, il serait important de prévoir des
mécanismes de consultation pour vérifier, entre autres, la
rentabilité des contrats, peut-être aussi de voir la
rentabilité des contrats en regard d'autres alternatives et aussi de
vérifier les impacts sur l'environnement des barrages qui devraient
être construits, à moins que lesdits contrats soient signés
sous réserve d'approbation des barrages qui servent à les
alimenter ou des aménagements hydroélectriques qui servent
à les alimenter, parce que, finalement, quand on signe des contrats,
ça veut dire qu'on construit après. Alors, il y a un lien
à faire entre les deux.
Il y a eu absence de consultation également sur le choix des
meilleurs sites d'installation de ce type d'entreprise dans la province de
Québec. Le choix des sites est laissé à l'initiative des
promoteurs et à la compétition entre les municipalités. On
se retrouve alors avec des problèmes d'étalement industriel et
urbain, et nous n'avons pas de loi ni de règlement pour les contrer,
sauf peut-être celui sur les territoires agricoles.
Absence d'audiences publiques sur les impacts de l'entreprise sur le
milieu. Alors, l'article 2n n'est pas en application, comme vous le savez.
Alors, nous n'avons pas d'audiences publiques sur les impacts de l'entreprise
sur le milieu. L'étude d'impact avec audiences publiques devrait
regrouper, à notre avis, l'alimentation électrique de
l'entreprise (soit les postes électriques, la ligne
hydroélectrique, les barrages ou aménagements qui serviront
à l'alimenter, même s'ils sont au nord) les sites de
transbordement des matières premières et des produits finis
et/ou les corridors de transport pour avoir une étude
complète, parce que, quand on a toujours des études en
pièces détachées, on ne sait pas trop où est-ce
qu'on s'en va à un moment donné. Ceci impliquerait des audiences
publiques dans plusieurs régions, évidemment.
Il y a eu, comme vous savez, une consultation de dernière minute
sur les sites de transbordement des matières premières d'Alumax
dans la région de Québec. Cette consultation a été
faite par le processus fédéral. Ça veut dire qu'au
Québec on n'a pas de processus, non plus, pour les sites de
transbordement.
Alors, bref, ce que j'essayais de dire un peu peut-être par cet
exemple-là, c'est qu'il y a une hiérarchie de consultation
à garder en mémoire. Ce qu'on a présentement, c'est qu'on
consulte sur des pièces mineures, alors qu'il faudrait peut-être
consulter sur des pièces majeures, en commençant par les
politiques, en suivant avec les plans de développement, y compris les
barrages, les contrats d'exportation, les sites et, en dernier, peut-être
l'entreprise. Mais il faudrait commencer par voir si la population est en
accord avec les politiques qui sous-tendent ces projets avant d'analyser les
projets, et les petits postes électriques ou sites de transbordement qui
s'ensuivent.
Grande-Baleine, c'est la même chose. Il n'y a pas eu de
consultation sur la politique énergétique et même la
politique économique, c'est-à-dire le choix de
développement qui nous amène à devancer la construction de
barrages pour vendre notre électricité aux États-Unis et
pour alimenter les entreprises grandes consommatrices. Il n'y a pas eu de
consultation, non plus, sur les contrats d'exportation de notre
électricité. Même problème pour les contrats avec
les alumineries. Et il devrait y avoir, effectivement, une consultation
systématique de la population du sud concernant la construction des
barrages au nord. Les études d'impact devraient également, dans
ce cas-ci, regrouper les barrages, les infrastructures, la ligne et regarder
les impacts sociaux.
Dans le cas des petits projets hydroélectriques, les
problèmes se rejoignent tous un peu. C'est que, comme on n'est pas
consultés sur la politique énergétique, on n'est pas
consultés sur le programme de politique d'achat d'Hydro-Québec
aux entreprises privées, ni sur le programme du ministère de
l'Énergie d'aménagement des petites centrales
hydroélectriques. Alors, il se fait bien de l'électricité
au Québec, de la dépense d'électricité, mais on
n'est pas consultés sur grand-chose, finalement. Alors, on trouve qu'il
y a beaucoup de production. On n'est pas capables d'avoir une vue d'ensemble,
dans le fond, de tout ce qui se fait, puis on se demande s'il n'y aurait pas
des alternatives acceptables à ces projets.
Et nous soulignons également qu'il n'y a pas d'études
d'impact et d'audiences publiques sur les petites centrales de moins de 10
méga- watts, et je pense qu'il serait important qu'il y en ait,
même si ce sont de petits projets qui peuvent causer des problèmes
à des petites communautés. Pour ce qui est des études
d'impact en général, on aimerait qu'elles soient faites ou
commandées par un organisme public, à même un montant
versé par le promoteur; autrement dit, que les études soient
indépendantes du promoteur et subventionnées par lui.
M. Legault (Richard): Je te coupe parce que...
Mme Paquin: J'ajouterais et rendues publiques de façon
systématiques à la population.
M. Legault: Alors, face à ces difficultés et
à ces enjeux-là, le CERQCA est venu dire ici, à la
commission, qu'on réitérait les grands principes qui
sous-tendent, au fond, le rapport Lacoste. Notre intention, ce n'est pas de
reprendre les thèmes du rapport Lacoste; je pense que vous les
connaissez bien. C'est un rapport qui n'a peut-être pas fait
l'unanimité, mais qui a été qualifié d'excellent
par de nombreux intervenants. Ce qu'on se pose comme question ici, et on pose
la question à la commission, c'est: Malgré un accueil quand
même favorable des intervenants de tous les milieux - ce
rapport-là représente, je pense, le résumé de 65
mémoires, il y a eu 250 invitations qui ont été faites
partout au Québec - pourquoi le gouvernement retarde-t-il encore et
encore sa mise en application? C'est quoi? Qu'est-ce qui bloque, qui fait qu'on
n'applique pas le rapport Lacoste? La mise en vigueur des articles 2g, 2j, 2n
et 2p du Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur
l'environnement devrait être faite depuis longtemps. On évalue des
marinas, mais on n'évalue pas les grands projets industriels. Ça
n'a pas de bon sens!
En fait, le CERQCA souhaite que la présente commission
éclaire les grands enjeux actuels qui sous-tendent un peu ce
blocage-là, de façon à pouvoir contrer ce qui obstrue la
mise en vigueur du rapport Lacoste. Peut-être qu'il y avait des
réticences, il y a deux ans, qui sont moindres maintenant. J'ai vu un
peu la présentation préalable et j'étais
intéressé par la présentation. Je pense qu'il y a une
ouverture de tous les milieux québécois face à ce qu'est
le développement durable. Mais ici, nous, comme organisme
environnemental régional, on vient pousser pour que le
développement durable soit vraiment mis en application et ça,
ça touche tous les grands projets.
Alors, pour être très bref - parce que je pense que vous
avez des questions, vous avez en main le mémoire - je vais juste ramener
les quatre ou cinq principes de base qu'on a réécrits ici. Il y
en d'autres. Ce mémoire-là n'est pas exhaustif, c'est toujours
selon nos moyens qu'on fait des mémoires. Alors, c'est la
crédibilité, la
responsabilisation, l'équité et l'ouverture.
La crédibilité. On pense que c'est très important.
Ce qui s'est passé avec Soligaz, c'est grave, à notre avis. Le
BAPE doit être pourvu de tous les moyens nécessaires pour demeurer
impartial, pour être efficient et aussi apolitique. L'exemple de Soligaz,
à notre avis, entache la crédibilité du BAPE, mais aussi
celle du gouvernement québécois. Le BAPE n'a pas eu accès
à toutes les études. Il n'a pas pu, probablement, en tout cas,
donner un compte rendu global et complet du projet Soligaz. Je ne suis pas un
spécialiste là-dedans, mais je pense qu'il y a eu d'autres
exemples au Québec où le BAPE a risqué d'être
discrédité. Je pense que ce n'est pas à la mesure du
gouvernement québécois que le BAPE soit discrédité.
Alors, on devrait pouvoir confirmer le BAPE dans ses rôles d'information
et de consultation.
L'aspect responsabilisation touche tout autant les promoteurs
privés que les promoteurs publics, ce qui concerne aussi tous les
ministères. Je pense qu'il faut généraliser la
procédure à l'ensemble des documents d'orientation et des projets
qui ont un impact environnemental. Ça a été dit dans le
rapport Lacoste. En fait, il faut instaurer la consultation partout où
elle est absente. Il va y avoir des révisions de schémas
d'aménagement. Bon. Les municipalités, les MRC consultent,
ça va. On n'a pas besoin de s'en mêler. Mais il y a des politiques
gouvernementales qui se font sans aucune consultation. Évidemment, on
redemande encore une fois l'application des articles 2g, 2j, 2n, 2p pour que
tous les grands projets industriels soient assujettis à
l'évaluation environnementale.
L'aspect équité nous semble fondamental. Comme organisme
régional, comme conseil de l'environnement, on se sent encore un peu
comme David vis-à-vis de Goliath. On pense que, pour assurer une
meilleure consultation, c'est à l'avantage de tous les intervenants
qu'on donne enfin les moyens aux groupes et aux organismes
intéressés à améliorer les projets assujettis. On
n'est pas juste là pour critiquer; on est là pour que les projets
qui se font se fassent le mieux possible. Alors, ces moyens devraient, à
la base, être constitués de ressources financières
suffisantes. Si on n'a pas d'argent, on ne peut pas travailler. On ne peut pas
toujours travailler bénévolement le soir, les fins de semaine.
Pour travailler professionnellement, il faut aussi pouvoir compter sur des
ressources. Alors, on propose que le gouvernement assure un mécanisme de
financement inhérent à la procédure et lié à
l'ampleur des projets.
Il y a Les Amis de la vallée du Saint-Laurent qui ont
proposé un pourcentage d'une somme mise en fiducie, comme il a
été fait avec Hydro-Québec. Il y a plusieurs
manières de procéder. Vous déciderez, vous verrez comment.
(15 h 30)
Ensuite, au niveau de l'ouverture des mécanismes d'information et
de consultation, je pense que ces mécanismes-là devraient se
faire à tous les stades de la procédure et
particulièrement au tout début des projets. C'est souvent au
début des projets qu'il y a un branle-bas des groupes environnementaux
et tout ça, parce qu'on n'a aucune information, puis, là,
évidemment, on est méfiants face aux possibilités
d'impacts environnementaux. Labco-Chem est un exemple dans la région.
Souvent même, la directive est faite uniquement au ministère de
l'Environnement, sans aucune consultation des groupes qui pourraient bonifier
et analyser cette directive qui serait au début intérimaire et
qui pourrait devenir une directive plus complète. Alors, toute
l'information devrait être faite sur les enjeux; elle devrait être
complète, claire, transparente et même validée
objectivement pour que, si on fait des débats, on les fasse sur les
réels projets.
En conclusion, et je termine là-dessus, je pense qu'une mise en
application des recommandations du rapport Lacoste devrait favoriser un
élargissement et une plus grande transparence dans les débats,
parce que, quand ces débats-là ne sont pas faits, on ne fait
qu'envenimer des situations qui perdurent, qui retardent et qui font fuir
peut-être les investisseurs.
Le Président (M. Richard): Je dois vous annoncer qu'il y a
tout près de 17 minutes d'écoulées. Maintenant, donc, la
différence pour le questionnement est répartie de part et
d'autre. Je cède la parole au député de Lotbinière,
M. Camden.
M. Camden: Merci bien, M. le Président. Si je comprends
bien, on a, de part et d'autre, six minutes et demie.
Le Président (M. Richard): C'est tout à fait
exact.
M. Camden: Excellent.
Le Président (M. Richard): Je vous recommande d'être
bref.
M. Camden: Ce que je vais m'empresser de faire, M. le
Président. Je vous remercie.
D'abord, je remercie les gens du Conseil de l'environnement des
régions de Québec et de Chaudière-Appalaches de la
présentation de leur mémoire et de leur présence ici
aujourd'hui. Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des recommandations que vous
avez reprises et que vous nous avez réexpliquées. Je voudrais
peut-être en venir au vif du sujet. Plus particulièrement, votre
organisme a un caractère régional. Il serait intéressant
de savoir votre point de vue sur la régionalisation des
évaluations, de même que sur le processus de consultation à
travers des audiences dans le cas de projets qui s'adressent
spécifiquement à des régions. On parlerait
peut-être, à ce moment-là, de BAPE régionaux sous la
tutelle d'un BAPE national couvrant l'ensemble du Québec. Alors, que
pensez-vous de cette approche? Je voudrais avoir vos commentaires. Est-ce que
ça permettrait, bref, d'être plus efficace?
M. Legault: Pardon?
M. Camden: Est-ce que ça permettrait, bref, d'être
plus efficace?
Mme Paquin: J'ai de la misère à voir à ce
moment-ci, parce que ça dépend de ce qui serait couvert par le
BAPE. Quand vous analysez une politique qui sous-tend un projet, c'est une
politique généralement provinciale. À ce moment-là,
quand on arrive au niveau du projet, on se rapproche des localités ou
des régions, mais ça dépend plus peut-être du
type... Si on analyse une politique ou un programme gouvernemental,
évidemment, ça va rester au niveau provincial.
M. Camden: D'une façon plus précise, Mme Paquin, je
pensais plus particulièrement à la présence de Lauralco
dans la région et au quai de déchargement de l'alumine ici, dans
la région de Québec. Pour des exemples précis, on pourrait
penser à la traversée Lotbinière-Grondines.
Mme Paquin: Oui, bien, c'est ça. Je pense que je l'ai bien
exprimé. Moi, je regrouperais tous les éléments: les sites
de transbordement, l'alimentation électrique et même les barrages,
et l'analyse de l'entreprise en même temps, parce que l'entreprise est
alimentée par des barrages ou de nouveaux aménagements
hydroélectriques dans certains cas, et on ne sait même pas
d'où. Alumax-Lauralco, est-elle alimentée par LG 1, LG 2? Est-ce
qu'il y a eu de nouveaux aménagements pour permettre d'alimenter
Alumax-Lauralco? Ou est-ce qu'il y en aura plutôt, je pourrais dire, de
nouveaux aménagements pour alimenter ladite entreprise? Je pense que
c'est des éléments à considérer. Ça pourrait
être un élément... Si on ne veut pas de construction au
nord, il faudrait se poser la question avant de faire venir l'entreprise.
Mais tout ça se greffe aussi à la politique
énergétique. C'est un peu difficile de décortiquer
ça, parce qu'il y a des choses qui peuvent se discuter au niveau de la
politique énergétique et il y a des choses qui peuvent se
discuter à un autre niveau. Mais je pense que c'est important de
globaliser les études, de toute façon, parce que, quand vous les
étudiez en pièces détachées, c'est pas mal
compliqué d'avoir une vue d'ensemble.
M. Camden: Deux choses, madame - le temps avance très
rapidement - sur lesquelles je voudrais avoir vos commentaires, plus
particulièrement à l'égard de l'entrée en vigueur
de la nouvelle loi fédérale sur l'évaluation et l'examen
des impacts. Est-ce que vous considérez que ça ne risque pas de
compliquer davantage le processus d'analyse des dossiers en s'introduisant
ainsi dans un champ qui est déjà occupé par une
juridiction qu'on considère de responsabilité
québécoise? Également, comment voyez-vous ce
dédoublement?
Mme Paquin: Moi, peut-être que je pourrais... Oui.
M. Camden: Et peut-être avant, parce que j'ai peur que le
temps finisse par nous manquer, j'aimerais que vous m'indiquiez votre
positionnement à l'égard du financement des organismes. Est-ce
qu'il y aurait accréditation d'organismes ou est-ce que ça
devrait se faire à partir d'une fédération qui
recouvrirait, qui aurait sous son parapluie un certain nombre d'organismes?
Mme Paquin: Bien, ça, je l'ai un peu dit dans le texte en
disant que...
M. Camden: Bien, je souhaiterais que ça soit plus clair
que ça, vous savez.
Mme Paquin: C'est que, dans le fond, c'est bien beau
d'accréditer, moi, ce que je pense, c'est qu'à l'avenir il va
falloir ouvrir davantage que restreindre. Je pense que la population va
être amenée à se prononcer de plus en plus sur les choses
qui lui importent et les choix de développement. Parce que là,
dans le cas des projets hydroélectriques, on parle de choix de
développement. Je pense que c'est important que la population se
prononce sur ces projets-là. Et, à ce moment-là, je ne
vois pas pourquoi on accréditerait seulement quelques groupes. Je pense
que toute personne qui voudrait se prononcer...
M. Camden: Et, alors, ça amène une question
complémentaire.
Mme Paquin: ...ou tout groupe concerné,
évidemment...
M. Camden: Si, dans le cas d'un groupe, il y avait 1 %, 2 % ou 5
% de l'ensemble de l'argent du projet consacré à des
études à être remis à des organismes, est-ce que
ça veut dire, si on a 10 organismes, qu'on divise par 10? Et si,
subitement, il y a un multiple de 30, on fait un multiple, on divise par
30?
Mme Paquin: Non, pas nécessairement, là. Je pense
qu'en Ontario...
M. Camden: C'est la question à laquelle on est
confrontés.
Mme Paquin: oui, d'accord. mais, en ontario, avec le
nucléaire - je ne connais pas la procédure par coeur - je sais
qu'ils donnent de l'argent pour les groupes qui vont présenter des
mémoires pour les projets d'hydro ontario. je ne pense pas qu'ils
donnent les mêmes montants à chaque groupe.
M. Camden: Ils évaluent.
Mme Paquin: Ils donnent des montants, probablement, selon ce
qu'un groupe peut apporter comme éléments importants.
M. Legault: Pour répondre brièvement à cela,
au fond...
M. Camden: Et comment peut-on arbitrer ce qu'un groupe peut
apporter comme contribution alors qu'on n'a pas encore pris connaissance de la
position du groupe?
M. Legault: Ce n'est pas une question de position du groupe. Moi,
je pense que, dans chaque région administrative, maintenant, il y a des
conseils régionaux de l'environnement. Il y a déjà 9
régions sur 14 qui sont dotées de conseils régionaux de
l'environnement qui regroupent tous les organismes environnementaux de la
région, y compris les organismes professionnels et tout ça.
M. Camdem: En consultation avec les conseils?
M. Legault: Je pense que ça pourrait passer par les
conseils régionaux et les groupes locaux concernés directement
par l'implantation des projets. En tout cas, c'est une possibilité. Le
Regroupement national des conseils régionaux fait cette
proposition-là actuellement au gouvernement.
Le Président (M. Richard): Je cède la parole au Dr
Lazure, député de La Prairie. Merci, M. le député
de Lotbinière.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je voudrais, au nom de
l'Opposition, féliciter les représentants du conseil
régional de Québec et de Chaudière-Appalaches. C'est le
seul conseil régional qui se présente à notre commission.
C'est un peu décevant que d'autres ne viennent pas, mais ça se
comprend très bien. Par exemple, mon conseil régional en
Montérégie avait fait une demande de subvention et,
malheureusement, il n'a pas eu de subvention. Et c'est un travail de
missionnaire que les conseils régionaux sont en train de faire, un
travail de bénévolat, avec très, très peu d'appui
financier de la part du gouvernement. Mais, quand même, vous l'avez fait
et on vous remercie de l'avoir fait.
J'ai quelques questions. Je pense que vos positions sont assez claires.
Vous n'allez sûrement pas être surpris d'entendre que l'Opposition
partage vos vues à peu près à 100 %. Question de
détail, vous dites: "Mieux informer le public au tout début."
Dans votre esprit, est-ce qu'il y a une étape précise où
ça commencerait? Est-ce que ça serait au moment où le
promoteur donne son avis de projet au ministère que cet avis-là
serait rendu public immédiatement, où est-ce que c'est au moment
où la directive part du ministère et s'en va au promoteur?
À quel moment voyez-vous ça?
M. Legault: Je pense que, tel qu'on le recommande à la
page 130 du rapport Lacoste, aussitôt qu'on voit que le projet est
assujetti au règlement - sinon, il n'y a pas de procédure -bon,
il y a une information et une consultation publique sur le dossier et cette
information-là est la plus complète possible en regard
déjà des informations qui existent. Et, là, la directive
se fait, je dirais, en pourparlers, en questionnements publics, parce que
souvent il y a des valeurs qui sous-tendent les projets. Les projets ne
naissent pas comme ça, en l'air. Alors, le reste, c'est tout au long de
la procédure, tel que le rapport Lacoste le propose dans
l'amélioration de la procédure actuelle.
M. Lazure: D'accord. Deuxième chose, vous parlez
d'harmoniser la procédure d'évaluation avec les autres
procédures d'autorisation d'un même projet. Vous faites allusion
à d'autres ministères, d'autres organismes gouvernementaux. Par
exemple?
M. Legault: C'est ça. Moi, je pense au MLCP, actuellement.
On pourrait parler des problèmes de la ligne de hautes eaux et tout ce
qui est lié au littoral, les rives. Actuellement, il y a des
règlements - je n'irai pas dans les détails - qui ne passent pas
parce que le MLCP ne veut pas y être assujetti. Je pense que les
ministères mêmes vont être obligés de faire cette
opération-là aussi, d'appliquer la procédure à leur
propre fonctionnement. Nécessairement aussi, il faut qu'il y ait des
liens entre les ministères; donc, de plus en plus, on devrait avoir des
projets intersectoriels ne dépendant peut-être pas d'un seul
ministère, mais communs à deux ou trois ministères qui
sont impliqués, de sorte que, s'ils sont impliqués, avant
même que le projet soit mis sur table, on va avoir résolu les
problèmes. Mais, souvent, on arrive après coup et c'est souvent
là qu'on perd du temps.
M. Lazure: Financement. On peut distinguer le financement des
groupes à l'année longue, sur l'ensemble des activités de
ces groupes-là, que ce soit un conseil régional ou un autre
organisme, de l'autre sorte de financement qui est rattaché aux
audiences publiques. En ce qui concerne les audiences publiques, madame, vous
parliez un peu
de l'Ontario tantôt. Là-bas, c'est un comité de
sages, un comité de trois personnes: une personne nommée par la
Commission des affaires municipales, par exemple, de mémoire, et des
personnes qui ont une grande crédibilité, qui agissent comme un
comité indépendant. Et c'est ce comité de sages qui
détermine, appuyé sur la loi de 1988, la Loi pour le financement
des intervenants en environnement, qui va être financé et à
combien le groupe sera financé aussi. Et c'est aux frais du promoteur,
pas toujours à 100 %. Le gouvernement intervient aussi pour une portion
du financement. Ça, c'est pour les audiences.
Mais je voulais vous demander: Votre groupe, votre conseil
régional, avez-vous une réaction ou une opinion quant au
financement à l'année longue des groupes - le vôtre et les
autres - venant de la part du ministère? Qu'est-ce que vous pensez de ce
qui semble être dans l'air, de financer des groupes en partant de projets
précis?
M. Legault: Ça fait des années qu'on demande... Il
y a des conseils régionaux plus vieux que nous qui existent depuis 12
ans et qui font des demandes à chaque année, qui reçoivent
de l'argent des fois, 20 000 $, 30 000 $ maximum par année, au bout de 8
mois, 10 mois d'attente, avec des emprunts à la banque et tout
ça. Actuellement, le Conseil des ministres, sem-ble-t-il - c'est ce que
j'ai appris du cabinet du sous-ministre, de M. Benoît Gauthier - dit: On
va vous donner...
M. Lazure: Du cabinet du ministre. M. Legault: ...de
l'argent par projet.
M. Lazure: Juste une correction pour le Journal des
débats.
M. Legault: Ah! Pardon.
M. Lazure: On me dit que Benoît Gauthier, c'est au cabinet
du ministre de l'Environnement.
M. Legault: Oui, excusez-moi. M. Lazure: Bon.
M. Legault: À ce niveau-là, la décision a
été prise de subventionner encore les conseils régionaux
par projet, uniquement ad hoc. On propose un projet, on a 10 000 $, on a 15 000
$. Moi, je pense que c'est faire abstraction des problèmes de
fonctionnement d'un organisme. Si vous voulez qu'un organisme fonctionne de
façon crédible, efficace, ça nous prend un minimum:
ça nous prend un local, ça nous prend une photocopieuse ou, en
tout cas, un fax, etc. Ça nous prend un minimum de base de
fonctionnement. Ça fait des années qu'on demande ça et on
nous dit encore: Non, on va fonctionner par projet, aucun argent pour le
fonctionnement. C'est toujours la même demande qu'on fait au gouvernement
depuis des années.
M. Lazure: Merci. M. Legault: Merci.
M. Lazure: Merci d'être venus. (15 h 45)
Le Président (M. Richard): Merci, madame, monsieur.
Je demanderais au Groupe TECSULT, aux personnes représentant
TECSULT, de prendre place, s'il vous plaît, pour les 30 prochaines
minutes.
Messieurs, vous connaissez, je pense, la mécanique. Vous
étiez en attente tout à l'heure. Je vous laisse ça. Vous
comprenez aussi que, si, comme les gens qui vous ont
précédés, vous parlez plus longtemps, nous, ça nous
évite de poser des questions. Ça dépend du but que vous
vous êtes fixé. Si vous voulez qu'on vous pose des questions,
parlez le moins longtemps possible, soyez brefs. Je vous cède la parole.
Vous vous identifiez et vous identifiez vos collègues.
Groupe TECSULT
M. Pigeon (Yves): M. le Président, mesdames et messieurs,
je suis Yves Pigeon, le directeur général du Groupe TECSULT. Je
vais vous dire après qui est TECSULT. Mes trois collègues qui
travaillent aussi pour TECSULT: à ma droite, Pierre
Légaré, qui est vice-président de Dryade, notre filiale en
environnement; M. Jean Godin, qui est président-directeur
général de Cogesult, études économiques,
gestion-conseil et communication environnementale, et M. Luc Joubar-ne, qui est
directeur des études économiques chez Cogesult aussi.
M. le Président, mesdames et messieurs, je vous remercie d'avoir
accepté de nous entendre dans le cadre de vos audiences. J'ai tout
d'abord un certain nombre de copies du texte que je vais présenter et
que je pourrais déposer si M. le Président l'autorise.
Le Président (M. Richard): Oui, sûrement.
M. Pigeon: Alors, pendant qu'on remet les copies, je vais vous
dire rapidement que le Groupe TECSULT est un bureau d'experts-conseils
québécois qui, depuis 30 ans, oeuvre sur la scène
nationale et internationale. Il compte 14 filiales et emploie quelque 550
personnes provenant de diverses disciplines. L'entreprise réunit, entre
autres professionnels, des aménagistes, des biologistes, des conseillers
en communication environnementale, des écologistes, des
économistes, des ingénieurs et des sociologues. Depuis 11 ans, le
Groupe TECSULT est impliqué dans les
différentes étapes de la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement. Nous avons
ainsi participé à divers titres à quelque 35 études
d'impact qui couvrent un large éventail de projets dont la construction
ou la réfection de routes, des projets hydroélectriques et
hydriques, des projets de nature industrielle et des projets relatifs à
la gestion des déchets.
Le Groupe TECSULT est membre, par le biais de ses filiales Cogesult et
Dryade, de l'Association des conseillers en environnement du Québec.
Toutefois, la position que nous allons présenter n'engage que le Groupe
TECSULT. Notre mémoire poursuit l'atteinte de l'objectif central
suivant: assurer l'examen des enjeux environnementaux des projets, tout en
permettant leur développement au meilleur coût et dans les
meilleurs délais.
Nous aborderons, dans un premier temps, les aspects concernant la
portée de la procédure. Dans un second temps, nous traiterons de
la participation des publics concernés par les projets. Enfin, nous
terminerons par des suggestions de modifications à apporter aux
modalités d'application de la procédure d'évaluation.
La portée de la procédure d'évaluation. Depuis
qu'elle a été implantée, force nous est de constater que
la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur
l'environnement a, à plusieurs reprises, fourni l'occasion et le cadre
pour débattre des choix de société. Nous n'avons
qu'à penser au projet Soligaz qui a soulevé un débat sur
la place de la pétrochimie au Québec et au projet Grande-Baleine
qui soulève toute la question de la politique énergétique
et du respect du style de vie des Amérindiens.
Certes, les choix de société doivent être
discutés publiquement. Cependant, nous croyons fermement que ces
débats doivent précéder, être en amont de
l'évaluation de projets précis. Dans l'esprit du
développement durable, les instances politiques doivent intégrer
dans leur processus décisionnel l'évaluation des impacts
environnementaux et faire participer les publics au choix des orientations, des
politiques et des programmes des ministères et autres intervenants
concernés. La population se sentira ainsi, partie prenante aux
décisions gouvernementales. Ce faisant, le ministère de
l'Environnement du Québec pourrait mieux jouer son rôle de
protection de l'environnement et de promotion de sa qualité,
l'environnement étant défini, par la Loi sur la qualité de
l'environnement, comme suit: "l'eau, l'atmosphère et le sol ou toute
combinaison de l'un ou l'autre ou, d'une manière générale,
le milieu ambiant avec lequel les espèces vivantes entretiennent des
relations dynamiques." La procédure d'évaluation environnementale
aurait alors pour fonction de déterminer les impacts du projet,
d'évaluer leur acceptabilité et de proposer des moyens
adéquats pour les atténuer.
Détermination des critères pour assujettir les projets.
Pour certains projets ayant des impacts significatifs en termes
d'émissions ou de rejets ou pouvant affecter les milieux
écolo-giquement plus fragiles, l'application de normes pourrait
s'avérer insuffisante. Dans ces cas, une étude d'impact et des
audiences publiques seraient justifiées. Une liste établit
actuellement les projets assujettis à la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement. L'emploi d'une
telle liste a entraîné, selon nous, une politique de deux poids,
deux mesures. Afin de rendre cohérente et équitable la
procédure, nous suggérons plutôt l'établissement de
critères précis permettant de déterminer quels projets
doivent y être assujettis. L'expérience du ministère et la
recherche dans ce domaine devraient lui permettre d'établir de tels
critères qui devraient ensuite être soumis à une
consultation publique. À titre d'exemple de critères, nous
pouvons penser aux suivants: l'expérience de projets passés, la
taille des projets, l'utilisation de nouvelles technologies, l'implantation
d'équipement non prévu au schéma d'aménagement des
MRC, etc.
Étude d'impact simplifiée. Toujours dans un souci
d'efficacité et d'efficience, nous souscrivons entièrement
à l'idée actuellement étudiée par le
ministère de l'Environnement du Québec de demander une
étude d'impact simplifiée, pour les projets des entreprises
désireuses de s'installer dans des parcs industriels ayant
préalablement fait l'objet d'une étude d'impact et d'audiences
publiques.
La participation des publics. La participation des publics doit faire
partie intégrante de la procédure d'évaluation
environnementale. À l'heure actuelle, la participation des publics est
généralement limitée aux audiences se déroulant
après l'achèvement des études d'impact. Cette situation
peut, cependant, obliger les promoteurs à refaire certaines
évaluations à la lumière des insatisfactions et des
craintes soulevées par les différents publics concernés,
alors même que le projet est très avancé dans la
procédure.
Afin de bonifier les projets et de permettre leur implantation
harmonieuse dans la communauté, nous croyons que les publics doivent
être partie prenante à la procédure d'évaluation. Au
premier chef, les publics doivent être consultés dès
l'élaboration de la directive environnementale. De plus, nous proposons
la mise sur pied d'un comité de concertation qui interviendrait plus
particulièrement lors de la réalisation de l'étude
d'impact. Ce comité serait composé des intervenants
concernés par le projet les plus représentatifs du milieu. Son
mandat consisterait à fournir les informations pertinentes aux publics,
à clarifier les diverses composantes du projet, à identifier les
inquiétudes, perceptions et attentes de la population, à
suggérer des modifications au projet en tenant compte de ces nouvelles
données et à réaliser des études
additionnelles.
Ce processus d'échange et de rétroaction aurait pour effet
de dédramatiser les enjeux des projets, et éviterait que les
audiences publiques deviennent un lieu d'affrontement et de remise en question
des projets. La procédure constituerait alors un exercice authentique de
recherche de la solution la plus équitable possible et ce, dans un
climat de transparence et d'harmonie.
Les modalités d'application de la procédure. La
procédure d'évaluation peut aussi être
améliorée en modifiant certaines de ses modalités
d'application, notamment celles relatives à la durée de la
procédure, au rôle du ministère et au droit de
réplique des initiateurs des projets.
Durée de la procédure d'évaluation. Le rapport
Lacoste révélait que la procédure d'évaluation
environnementale nécessite en moyenne trois ans. C'est long. C'est trop
long. Nous appuyant sur notre expérience, nous croyons que la
durée de la procédure d'évaluation pourrait être
réduite à un an, délai auquel s'ajoute la période
de réalisation de l'étude d'impact. Des échéances
précises pour chacune des étapes devraient être
fixées.
Le rôle du ministère. Pour respecter cet
échéancier, le ministère doit être un accompagnateur
et un guide pour le promoteur. Il doit l'orienter tout au long de la
procédure afin qu'il puisse bénéficier de son support et
de ses connaissances. Le ministère doit ainsi préciser ses
attentes afin que le promoteur, dans son avis de projet, fournisse les
informations suffisantes lui permettant de cerner correctement les enjeux du
projet et, en corollaire, d'élaborer adéquatement la
directive.
Les directives du ministère doivent donc être plus
précises et focaliser uniquement sur les aspects spécifiques du
projet. À titre d'exemple, elles devraient faire état des lois,
règlements et normes mis en cause par le projet, contenir une liste
hiérarchisée des impacts potentiels, préidentifier les
mesures d'atténuation, etc. Ce dernier point impliquerait que le
ministère vérifie l'efficacité des mesures
d'atténuation sur des projets autorisés en assurant un suivi
approprié.
Droit de réplique des initiateurs du projet. Afin de permettre
des échanges féconds lors des audiences publiques, les
mémoires devraient être connus des initiateurs de projets et un
droit de réplique devrait leur être accordé afin que
l'éclairage le plus complet et le plus juste possible soit fourni
à tous les intervenants concernés par les projets.
En guise de conclusion, c'est dans un esprit constructif que le Groupe
TECSULT a transmis à la commission de l'aménagement et des
équipements ses recommandations. Elles visent fondamentalement les
quatre cibles suivantes: la responsabilisation des ministères et autres
intervenants vis-à-vis des préoccupations environnementales; la
révision des critères justifiant l'assujettissement des projets
à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur
l'environnement; la précision des requêtes formulées par le
MENVIQ dans les directives et tout au long de la procédure
d'évaluation; la participation des publics concernés par les
projets, celle-ci représentant un exercice de concertation et
d'échange visant à améliorer les projets et à
favoriser leur acceptation.
Ces principes étant énoncés, on ne saurait trop
souligner l'urgence de procéder à la modification de la
procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur
l'environnement afin de permettre la réalisation des projets qui le
méritent. Je vous remercie.
Le Président (M. Garon): Alors, merci. M. le
député de Deux-Montagnes.
M. Bergeron: Merci beaucoup, M. le Président. Je sais que
j'ai quelques minutes à ma disposition. M. le Président, je
voudrais vous demander, lorsqu'il restera peut-être deux ou trois
minutes, s'il vous plaît, de bien vouloir m'arrêter. Je voudrais
les consacrer à la députée de Vachon pour qu'elle termine
la période qui nous est allouée.
Le Président (M. Garon): Alors, je vais laisser la
députée de Vachon vous interrompre.
M. Bergeron: Je n'ai aucune objection. Alors, écoutez, M.
Pigeon, messieurs, je voudrais vous remercier tout d'abord d'avoir
accepté de présenter un mémoire aujourd'hui à
l'occasion de cette commission qui se tient ici. Je pense que votre organisme,
et vous l'avez souligné, depuis plus de 30 ans participe au
développement du Québec et a toujours participé aussi aux
grands projets qui se sont passés depuis tant d'années sur la
scène québécoise. Je pense qu'on doit se réjouir de
la connaissance que vous avez au point de vue national et au point de vue
international. Le "rapport" que vous venez de nous présenter - j'y
reviendrai tout à l'heure - je considère qu'il a un point de vue
qui est très important et, d'après moi, j'appellerais ça
une bouffée d'air frais, et je reviendrai là-dessus.
Il y a des questions que je voudrais vous poser aussi. La participation
du public que vous avez élaborée pendant deux, trois pages, je
pense que c'est très important. La première question que je
voudrais vous poser, c'est la suivante. Vous écrivez dans votre
"rapport" - excusez-moi, à la page 1, au paragraphe 3 - qu'"en
matière d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement,
le Groupe TECSULT préconise une approche qui peut être
qualifiée de "dévelop-pementale" et qui vise la protection de
l'environnement." Alors, ma question est la suivante: Comment s'articulerait
cette approche avec les recommandations du rapport Lacoste dont l'application
semble faire l'unanimité? Ça serait ma première
question.
M. Pigeon: Qu'est-ce que l'approche "déve-loppementale"
pour nous autres? Je ne sais pas si le terme est bien choisi. Mais ce qu'on
essayait de véhiculer par ça, c'est que nous croyons que la
société doit fournir un cadre propice à la
réalisation des projets, qui permet de favoriser la croissance
économique et de dégager les ressources requises pour la
protection de notre environnement. Les projets a favoriser sont ceux qui
permettent de s'assurer que l'utilisation actuelle des ressources et de
l'environnement ne réduisent pas les possibilités que les
générations futures auront de les utiliser.
Autrement dit, on croit qu'il est important pour le Québec
d'avoir des projets de développement pour procurer des emplois, pour
améliorer tous les programmes sociaux et autres qu'on peut avoir, et
c'est aussi une nécessité pour pouvoir protéger
adéquatement notre environnement. Un environnement est en
général moins bien protégé dans les
sociétés moins bien développées, qui ont un niveau
économique moins élevé. Et je pense que les deux sont loin
d'être incompatibles, mais sont beaucoup complémentaires. C'est
ça qu'on veut dire par cette approche-là: on est en faveur des
projets, mais des bons projets, entre guillemets. Il faut que la
procédure permette de distinguer ceux qui doivent être
réalisés de ceux qui ne le doivent pas. Mais on pourra faire
d'autant plus pour l'environnement qu'on aura une économie forte et les
bons projets favorisent la croissance de notre économie. (16 heures)
M. Bergeron: Qui est-ce qui va décider quels sont les bons
projets et les projets moins bons?
M. Pigeon: Ah bien, c'est le but de la procédure
d'étude d'impact, finalement, qui, en dernier ressort, permet
d'évaluer si on considère qu'un projet donné est
souhaitable. On a bien mentionné aussi dans notre document qu'on
considère qu'il y a une partie de la problématique qui doit
être analysée en amont pour déterminer les grands choix de
société; par exemple, le choix d'utiliser du nucléaire au
Québec ça ne se décide pas au moment où
l'avant-projet d'une centrale sera fait, puis on regarde la question à
ce moment-là pour décider si on en veut ou non. Je pense que
c'est un choix qui doit être fait avant et, ensuite, si le Québec
avait une politique nucléaire, eh bien, là, lorsqu'il y a un
projet qui serait soumis, on pourrait l'analyser à son mérite.
Mais, si, de prime abord, on ne veut pas de ce genre de projets là, il
est inutile d'en développer et de les soumettre à la
procédure.
M. Bergeron: Merci. En bas de la même page, à la
page 1, paragraphe 5, vous dites: "La procédure d'évaluation
environnementale [...] ne représente pas le lieu approprié pour
débattre des grands projets sectoriels et des grandes politiques de
développement. Elle ne doit donc pas s'appliquer à justifier le
besoin et la pertinence d'un projet, mais plutôt à évaluer
l'acceptabilité des impacts environnementaux d'un projet et proposer des
moyens adéquats pour les atténuer." Ma question est la suivante:
La procédure pourrait-elle conduire, néanmoins, à un rejet
de projet en reconnaissant, au cours de la démarche, que ledit projet
peut présenter un danger pour la population?
M. Pigeon: C'est tout à fait correct. Vous avez raison. Ce
qu'on suggère, c'est qu'on établisse a priori les grands axes de
développement et les impacts généraux qu'on peut
envisager. Par exemple, qu'on définisse des zones industrielles
où peuvent s'implanter les industries lourdes en évaluant les
impacts que ça peut avoir sur ces régions-là, de
façon globale. Ensuite, au niveau d'un projet particulier, je dirais que
le projet, s'il s'implante dans ces zones-là, peut jouir d'un
préjugé favorable. Mais il pourrait très bien arriver
qu'en cours d'étude on réalise qu'il y a des objections majeures
et que le projet doit être abandonné. Autrement, la
procédure ne voudrait plus rien dire.
M. Bergeron: Très bien. Merci. Tout à l'heure, j'ai
souligné dans votre... Pardon?
Mme Pelchat: Je vais être obligée de vous
interrompre. Il nous reste juste trois minutes.
M. Bergeron: Vous les voulez? Mme Pelchat: Bien... M.
Bergeron: Allez!
Mme Pelchat: Oui? Parce qu'il reste juste à peu
près trois minutes pour le groupe ministériel. Ce n'est pas
beaucoup. On aurait dû vous consacrer une heure. On s'en
aperçoit!
J'ai une question bien précise quant à l'assujettissement
de la procédure. Vous semblez dire - et vous allez m'expliquer si j'ai
tort -que, plutôt que d'utiliser une liste de projets à
assujettir, on devrait utiliser des critères d'assujettissement. Est-ce
que j'ai bien compris qu'à ce moment-là la commission n'aurait
pas à recommander au gouvernement d'appliquer l'article 2 et les
paragraphes g, n et p, mais tout simplement de refaire le règlement et
de trouver des critères d'assujettissement?
M. Pigeon: C'est-à-dire qu'en bout de piste on va en
arriver fatalement à définir quel genre de projets sont
assujettis et quel genre ne le sont pas. Ce qu'on suggère, c'est
qu'avant de faire une telle liste, on définisse des critères:
pourquoi un tel projet devrait l'être et tel autre devrait être
exempté, et de le faire de façon assez générale
pour l'ensemble des activités au Québec, pour que tout le monde
puisse savoir à
quoi s'en tenir et qu'on essaie d'évaluer les projets qui
méritent de passer par cette procédure-là et, par contre,
ceux qui pourraient bénéficier d'une procédure
simplifiée, qu'ils puissent en bénéficier. Mais l'exercice
est, je pense, à la base, d'établir les critères qui vont
permettre de définir quels sont les projets qui sont assujettis.
Mme Pelchat: Vous nous conseillez de ne pas nécessairement
appliquer tout de suite les articles qui sont...
M. Pigeon: Pas tant qu'on n'aura pas réglé cette
question-là.
Mme Pelchat: Et, pour déterminer ces
critères-là, est-ce qu'un débat ou une évaluation
des grandes politiques et des programmes du gouvernement serait
nécessaire?
M. Pigeon: Tout à fait. Je pense qu'à la base il
faut que le ministère présente ces critères-là, en
établisse une liste à partir de l'expérience gagnée
au cours des 10 dernières années et qu'elle soit soumise à
une consultation publique pour arriver à définir ces
critères-là.
Mme Pelchat: O.K. Vous semblez ne pas être d'accord avec le
fait que le BAPE pourrait être l'intermédiaire pour la
consultation sur les grandes politiques ou les grands programmes du
gouvernement. Je n'ai pas saisi pourquoi. Par exemple, si le ministre de
l'Environnement décidait de donner mandat au BAPE d'étudier la
politique de la cogénération, vous seriez contre que ce soit le
BAPE qui fasse ce travail-là?
M. Pigeon: Non, pas du tout. Si notre mémoire a
laissé cette impression-là, ce n'est pas ça.
Mme Pelchat: À la page 5: "De façon
concrète, cela devrait se traduire par une non-intervention du MENVIQ et
de l'organisme qu'il a institué, c'est-à-dire le Bureau
d'audiences publiques sur l'environnement, dans la détermination des
projets et des choix de société au Québec."
M. Pigeon: Bon, c'est qu'on pense que les différents
ministères devraient se doter de politiques comme celles-là et le
BAPE, qui est le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, n'est pas
nécessairement le lieu pour faire toutes les audiences publiques que le
gouvernement peut vouloir faire. Alors, à ce moment-là, les
ministères peuvent prendre les mécanismes qu'ils jugent
appropriés pour faire les consultations sans que ce soit
nécessairement le BAPE qui intervienne là-dedans qui, lui, a un
rôle, à l'heure actuelle, bien précis, bien
défini.
Mme Pelchat: Merci. Je voudrais vous remercier et souligner que
c'est rare que des entreprises viennent, à titre individuel, dans une
commission parlementaire. Vous êtes souvent représentés. On
a eu l'Ordre des ingénieurs, on aura l'Association des
ingénieurs-conseils cet après-midi. Je salue votre initiative,
surtout considérant votre expertise.
M. Pigeon: Je vous remercie.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux saluer, au nom
de l'Opposition, les représentants de TECSULT. C'est une entreprise de
consultation et d'experts qui joue un rôle fort important depuis
plusieurs années au Québec. On n'a qu'à regarder la liste
des projets où vous avez agi comme consultants pour s'en rendre compte.
La liste inclut aussi le ministère de l'Environnement, avec un mandat
qu'on vous a donné récemment, si je comprends bien, de
"procéder à une analyse critique des directives produites
à la Direction des évaluations environnementales." Ce n'est pas
loin de notre sujet, ça, si je comprends bien votre mandat. Vous n'avez
pas peur d'être en conflit d'intérêts avec tous les chapeaux
que vous portez, vous autres?
M. Pigeon: Bien, en conflit d'intérêts avec qui?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Pigeon: Avec nous-mêmes?
M. Lazure: Avec vos propres intérêts, dans le sens
que vous agissez pour le ministère de l'Environnement, vous agissez pour
plusieurs entreprises qui ont souvent affaire avec le ministère de
l'Environnement. Je vous pose la question candidement, là, tout
simplement.
M. Pigeon: Non. M. Lazure: Non?
M. Pigeon: Je pense que l'avantage qu'on a, c'est qu'on regroupe
des professionnels de toutes sortes d'orientations, ce qui nous permet, je
pense, de mieux intégrer et de mieux comprendre la problématique
qui se pose. Pour vous donner un exemple, mes collègues de Cogesult, qui
ont travaillé beaucoup, au début, à ce qu'on appelait
l'implantation de projets et, ensuite, en communication environnementale, ont
ajouté une dimension importante à notre pratique en nous faisant
réaliser, justement, ce qu'on met dans le mémoire, ici, qui est
l'importance de la participation des publics au cours des projets, qui permet
de les bonifier. Quand on consulte les gens, on se rend compte très
souvent, la plupart
du temps, en fait, qu'ils ont des points de vue valables à faire
valoir.
M. Lazure: J'étais sûr que vous me convaincriez
presque.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lazure: Ce n'était pas vraiment ma première
question. Ma première question... Je reviens un peu sur ce qui a
été soulevé par le parti ministériel. Contrairement
à la plupart des groupes, vous ne semblez pas nous dire: Allons-y donc
avec les conclusions du rapport Lacoste. Vous semblez plutôt dire:
Refaisons des critères d'assujettissement. Moi, je m'élève
contre ça ardemment parce que je me dis qu'on n'a même pas encore
fait l'essai de la réglementation telle qu'elle existe. Du fait que 2g,
j, n, p n'ont pas été mis en vigueur, on n'a pas eu un essai
valable depuis 10 ans.
Alors, avant de conclure que ce n'est pas correct ou opportun,
appliquons donc la recette au total et, après ça, avec un recul
de quelques années d'application totale, intégrale, on pourra
peut-être revenir sur des critères d'assujettissement. Moi,
ça me paraît très arbitraire d'accepter la proposition que
vous nous faites. Bon. Je vous laisse réagir à ça.
M. Pigeon: C'est parce que la liste qui est incluse, en
particulier en ce qui concerne les entreprises, il est difficile de voir
exactement à partir de quels critères elle a été
établie. Vous dites: Avant d'essayer d'établir de nouveaux
critères, essayons celle qu'on a là avec les critères qui
ont prévalu. Il y a des industries très importantes qui y sont;
il y en a d'autres qui n'y sont pas. On ne sait pas trop pourquoi. Dans un
souci d'équité envers les différents types d'entreprises,
on pense que ce n'est pas nécessairement un exercice de très
longue haleine que de réussir à déterminer quelles
entreprises devraient être là et pourquoi.
M. Lazure: Parce que ça a été fait,
ça, il y a 10 ans, et ça a été fait... Oui, oui. Si
vous aviez eu l'occasion d'entendre M. Beauchamp, hier, on pourrait
peut-être convoquer une table ronde avec vous, M. Beauchamp et quelques
autres.
Mais, moi, je suis sérieux: le travail que vous proposez de
faire, je comprends que ça pourrait apporter de l'eau a votre moulin,
mais il a été fait, sauf qu'il n'a pas été mis en
application. La liste des entreprises, ce n'était pas une liste au
hasard, comme ça, sortie d'un chapeau de magicien; ça tenait
compte de la structure industrielle du Québec et ça tenait compte
des velléités de développement industriel du
Québec. Alors, moi, je me dis: C'est inquiétant qu'une firme
importante comme la vôtre, qui intervient dans tellement de dossiers et
surtout qu'elle intervient auprès du ministère pour le conseiller
sur les procédures d'évaluation, prenne cette tangente-là
avant même qu'on ait fait l'expérience, M. le Président, de
la procédure telle qu'elle a été imaginée il y a 10
ans et qui nous a été louangée par tout le monde ici, tout
le monde. Vous êtes les premiers, je pense, à ne pas dire: Mettons
donc Lacoste en application. Et, quand les gens disent: Mettons Lacoste en
application, c'est ça qu'ils veulent dire.
Une deuxième question: Vos remarques concernant Soligaz au
début, je ne les comprends pas, parce que vous dites, à la page
3: "Nous n'avons qu'à penser au projet Soligaz qui a soulevé un
débat sur la place de la pétrochimie au Québec", etc.
Mais, s'il y a eu un débat un peu large à l'occasion des
audiences de Soligaz, est-ce que vous ne vous rendez pas compte que c'est parce
que la lettre du ministre de l'Environnement, qui était le mandat
donné au BAPE, demandait au BAPE de faire une étude assez large,
y compris dans le cadre du développement durable? Vous vous rendez
compte de ça?
M. Pigeon: Oui.
M. Lazure: Alors, pourquoi... Je ne comprends pas votre critique
du BAPE parce que le BAPE ne faisait que se conformer à la demande du
ministre.
M. Pigeon: Ce n'est pas une critique du BAPE qu'on fait. Ce qu'on
suggère, nous autres, c'est qu'on devrait étudier en amont, avant
d'en arriver à un projet spécifique, les grands choix de
catégories d'industries qu'on voudrait voir sur le territoire du
Québec et, à partir de ça, là, que des promoteurs
puissent présenter des projets qui seraient évalués au
mérite. On propose en un sens de séparer les deux, pas d'en
évacuer une partie pour favoriser l'autre - ce n'est pas du tout
ça la question - et pas de critiquer ce que le BAPE a fait à
l'intérieur du mandat qui lui a été donné. Mais il
n'en reste pas moins qu'il y a eu beaucoup de présentations, lors des
audiences là-dessus, qui ont touché à des sujets beaucoup
plus vastes que strictement le projet Soligaz, proprement dit, au lieu
où on voulait l'implanter.
M. Lazure: Mais, M. le Président, je ne peux pas laisser,
quand même, ce point-là sans revenir à la charge et
insister pour dire que, si le BAPE a pris une approche aussi globalisante,
c'est parce qu'il avait reçu un mandat du ministre de l'Environnement
pour le faire, et ce n'est pas la procédure d'évaluation, comme
vous dites ici. C'est parce que vous dites: "Depuis qu'elle a été
implantée, force nous est de constater que la procédure
d'évaluation [...] a à plusieurs reprises fourni l'occasion et le
cadre pour débattre des choix de société." Ce n'est pas
exact, à mon avis, et surtout qu'il n'y a pas eu d'étude de
grand projet pratiquement. Vous le savez mieux que moi: il y en a eu une
étude de grand projet. Oui, une des rares fois où le ministre
s'en est servi.
Un troisième point, M. le Président. Vous parlez de la
création d'un comité à un moment donné.
M. Pigeon: Un comité de concertation.
M. Lazure: Oui, à la page 5, c'est ça. Mais
pourquoi venir créer ce nouveau comité qui, à mon avis,
prendrait, à votre suggestion, des rôles qui pourraient
très bien être attribués au BAPE?
M. Pigeon: C'est qu'il s'agit d'une façon de
définir les relations avec le milieu dès le début pour
éviter d'en arriver à un moment donné où on
dépose des études et il y a des séances d'audiences
publiques. C'est un mécanisme pour informer la population tout au cours
du déroulement de l'établissement des directives et ensuite de
l'étude d'impact, pour savoir quelles sont vraiment les
préoccupations des gens, quels sont les enjeux véritables, ce qui
concerne les citoyens - plutôt que ce qu'on pense qui les concerne - et
en arriver à ce qu'au moment du dépôt de l'étude
d'impact on ait déjà pu répondre à la majeure
partie des points qui sont soulevés par les publics.
M. Lazure: Pourquoi est-ce que le BAPE ne peut pas faire
ça? Le BAPE pourrait très bien faire ça. Plusieurs groupes
nous ont recommandé - et nous semblons plutôt favorables à
ça - de faire intervenir le BAPE le plus précocement possible, le
plus tôt possible. Mais là, vous venez créer une autre
instance qui s'appelle un comité de concertation. Le BAPE, c'est
justement un organisme paragouvernemental, un organisme public qui favorise la
concertation. Et c'est au législateur de décider à quel
moment il va la faire, cette concertation-là. Moi, en tout cas, je ne
vois pas du tout l'utilité d'un comité de concertation qui
viendrait faire un travail préliminaire à celui du BAPE.
M. Godin (Jean): Écoutez, je peux tenter de
répondre. Dans le fond, c'est un objectif qui est recherché et
c'est plutôt de créer un climat. Dans la mesure où le BAPE
peut créer ce climat d'échange, ce climat d'information qui
favorise une meilleure compréhension des enjeux, qui dédramatise
les questions, dans la mesure où quelqu'un, quelque part, la fait, cette
fonction-là... Et probablement que les comités de concertation
qui ont été créés dans certains projets sont
apparus un peu à la suite de l'absence de cet exercice-là, parce
qu'en ce moment les exercices d'échange arrivent au moment de l'audience
publique, longtemps après que le débat est discuté dans le
milieu... Alors, c'est un peu une question de...
M. Lazure: On comprend. Alors, vous seriez d'accord pour que le
BAPE intervienne le plus tôt possible?
M. Godin (Jean): On le dit dans le mémoire qu'il devrait
intervenir au début, impliquer le BAPE au moment de la directive.
Maintenant, quelle sera sa fonction ou son rôle? En autant que l'objectif
est atteint, que les projets se... qu'il y a un climat d'échange et de
collaboration au lieu d'un climat de confrontation.
M. Lazure: Pourquoi ne nous recommandez-vous pas de mettre en
vigueur tout de suite Lacoste?
M. Godin (Jean): Dans son ensemble? M. Lazure: Oui.
M. Pigeon: Là, bon, on a voulu toucher seulement dans
notre mémoire certains points spécifiques qui, pour plusieurs
aspects, retouchent Lacoste. Je vois que vous n'êtes pas d'accord du tout
avec nous quand on propose, avant de la mettre en vigueur, de réviser la
liste. Bon. Vous en déciderez lors des recommandations que vous faites
après. Nous, il nous semble que c'est important. Mais, pour le reste du
rapport Lacoste, on n'a pas voulu s'embarquer là-dedans. On a voulu
faire une mise au point sur certains éléments de la
procédure qui nous semblaient cruciaux et s'en tenir à ça
pour l'instant. Il y a beaucoup d'autres groupes qui vous ont fait
quantité de représentations là-dessus.
M. Lazure: Merci.
Le Président (M. Garon): Mme la députée de
Vachon.
Mme Pelchat: Un commentaire, justement, sur les grands projets
industriels. Moi, je n'ai pas senti que vous étiez contre l'application
de l'article 2g, n et p, mais plutôt, c'est la façon. Plutôt
que d'avoir la liste de projets à être assujettis, vous
préféreriez que ce soit des critères qui pourraient
inclure les grands projets industriels. Est-ce que j'ai compris? Parce
qu'à la page 7 de votre mémoire vous parlez spécifiquement
des grands projets industriels et vous nous...
M. Pigeon: C'est sûr...
Mme Pelchat: ...mettez en garde juste au niveau de la
compétitivité et non pas de...
M. Pigeon: ...qu'ils vont venir à être assujettis,
qu'ils doivent l'être. Mais ce qu'on veut, nous, c'est que, dans un souci
d'équité pour tous les promoteurs, on établisse et on
ait
une seule politique pour tout le monde.
Le Président (M. Garon): Merci, MM. le
représentants de TECSULT. Et je vais suspendre les travaux de la
commission pendant quelques instants pour donner le temps à
l'Association des prospecteurs du Québec de venir s'approcher de la
table des délibérations.
(Suspension de la séance à 16 h 19)
(Reprisée 16 h 22)
Le Président (M. Garon): Nous reprenons nos travaux. Je
voudrais demander à l'Association des prospecteurs du Québec, par
la voix de son président, M. Michel Bouchard, qui est ici, de nous
présenter les gens qui l'accompagnent et lui dire qu'il a une demi-heure
pour la présentation du mémoire, c'est-à-dire 10 minutes
pour présenter son mémoire proprement dit, 10 minutes pour le
Parti libéral pour poser des questions et 10 minutes pour le parti de
l'Opposition. M. Bouchard.
Association des prospecteurs du Québec
M. Gélinas (Gratien): M. le Président, je dois
d'abord vous souligner que, M. Bouchard ne pouvant pas être ici, je me
présente. Je suis Gratien Gélinas. Je suis le directeur
général de l'Association des prospecteurs. Permettez-moi de vous
présenter les gens qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Marcel
Vallée, ingénieur-géologue de la firme Géo conseil
Marcel Vallée; M. Vallée est vice-président de
l'Association pour la région de l'Est du Québec. À ma
droite, le Dr Jacques Trottier, métallogéniste, président
de Ressources minières Coleraine et vice-président de
l'Association pour la région
Montréal-Outaouais-Estrie-Beauce.
L'Association des prospecteurs du Québec remercie la commission
de lui donner l'occasion de présenter son avis sur la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement.
Permettez-moi d'abord de vous présenter l'Association.
L'Association représente l'ensemble des intervenants du secteur de
l'exploration minière du Québec. Elle compte près de 600
membres individuels, dans lesquels on retrouve, évidemment, des
prospecteurs, beaucoup de professionnels tels des géologues, des
géophysiciens, des courtiers, des comptables, des fiscalistes, et 150
membres corporatifs, soit des entreprises d'exploration, des juniors et des
majeures, des firmes de génie-conseil, des entreprises de forage au
diamant, etc.
Le secteur de l'exploration minière réalise au
Québec entre 100 000 000 $ et 300 000 000 $ de travaux d'exploration par
année. L'APQ estime qu'il faut un minimum de 200 000 000 $ de travaux
pour renouveler nos réserves de minerai. Il est important de souligner
ici que la découverte d'une mine exige entre 30 000 000 $ et 50 000 000
$ et s'étale sur une période habituelle de 10 ans. Alors,
ça vous situe et l'Association et le secteur.
Ce mémoire présente la vision globale de l'Association sur
la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur
l'environnement. L'APQ a décidé de ne pas évaluer cette
procédure dans ses détails parce que les projets du secteur de
l'exploration n'y sont pas assujettis. Ils sont toutefois assujettis aux lois,
règles et normes reliées à la protection de
l'environnement.
Ici, j'aimerais ouvrir une brève parenthèse pour vous
expliquer de quelle façon, au niveau de certaines activités
d'exploration, la dimension environnementale intervient. C'est évident
que, dans des travaux de prospection primaire, où le prospecteur ou le
géologue va sur le terrain seul, évidemment, l'impact est minime.
Par contre, à mesure que les travaux s'intensifient, par exemple au
niveau des levés géophysiques, du forage au diamant, là,
on est assujettis a la loi sur la protection de la forêt,
c'est-à-dire que, lorsqu'on doit couper des arbres, etc., on doit avoir
un permis d'intervention.
Quand on est rendus à la phase de la mise en valeur, là,
c'est la directive 019 de la Loi sur la protection de l'environnement qui
s'applique et exige évidemment, à ce moment-là, un
certificat d'autorisation. J'aimerais vous souligner que la loi 130 modifiant
la Loi sur les mines, adoptée en juin dernier, exige dorénavant
que certains travaux d'exploration qui seront déterminés par
règlement - ils ne le sont pas encore - devront être
accompagnés d'un plan de réaménagement des sites
affectés, auquel devra aussi se rajouter une garantie financière
pour la réalisation de ce réaménagement.
L'APQ est d'avis qu'il ne devrait pas y avoir d'audiences publiques sur
les études d'impact environnemental pour des projets privés. De
telles audiences entraînent des discussions qui débordent
largement la dimension environnementale et donnent l'occasion à toutes
sortes d'intervenants, et souvent à des compétiteurs, de diffuser
des informations dont le but premier est de satisfaire leurs propres
intérêts.
L'APQ favorise plutôt une approche sectorielle - ou même
régionale si, par exemple, une industrie est concentrée dans une
ou quelques régions spécifiques - où des audiences
publiques ou toute autre forme de consultation pourraient être tenues sur
l'ensemble du développement d'une industrie (dans notre cas,
évidemment, l'exploration minière) et où la dimension
environnementale, évidemment, aurait sa place. Ces consultations
pourraient se faire à périodes fixes ou en raison de changements
majeurs l'affectant. Ces consultations se feraient entre les porte-parole de
cette industrie et les organismes socio-économiques, les élus
municipaux, les populations
concernées et les gouvernements. Ainsi, chaque projet d'une
industrie n'aurait pas à subir cette démarche, la démarche
de consultation, mais devrait respecter toutes les lois, règles et
normes environnementales qui s'appliquent à ce secteur
d'activité, le tout en harmonie avec la politique globale du
développement de l'industrie telle que définie lors des
consultations.
L'approche de l'APQ ne vise pas à diminuer l'importance de la
dimension environnementale dans le secteur de l'exploration minière,
mais à lui donner la place qui lui revient dans l'ensemble des facteurs
qui affectent le développement de notre industrie. Cette approche
favorise des meilleures relations entre les divers intervenants, tout en leur
permettant de mieux comprendre l'ensemble des facteurs qui affectent le
développement de notre industrie et le rôle précis que
chaque intervenant doit y jouer. On devrait rajouter que, pour l'APQ, les
experts de l'aspect environnemental devraient devenir des partenaires du
développement durable de notre secteur et de l'économie du
Québec, principalement dans les régions-ressources.
J'aimerais rajouter une brève note. L'Association a
présenté à son dernier congrès et a adopté
un code d'éthique dont les principes directeurs sont:
développement durable, protection de l'environnement, justification des
projets et rendement des fonds investis, respect des lois et règlements
et, évidemment, la complémentarité parce que, comme
mentionné précédemment, le code d'éthique de
l'Association doit être complémentaire au code d'éthique
des professionnels qui oeuvrent dans ce secteur-là.
Alors, voilà, M. le Président, la position, la vision de
l'Association des prospecteurs du Québec concernant l'interrelation
globale de la dimension environnementale avec le développement de
l'industrie de l'exploration minière.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: Non, c'est M. le député de Rimouski. Je
m'excuse, M. le Président.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): Alors, M. le Président, d'abord,
vous me permettrez de remercier l'Association des prospecteurs du Québec
de venir à cette importante commission pour faire valoir son point de
vue sur l'impact environnemental que pourraient avoir les prospecteurs du
Québec. La lecture de votre bref mémoire me laisse perplexe
à un égard, surtout lorsque vous nous dites que l'aspect
environnemental ou encore les impacts environnementaux pour les projets
privés ne devraient pas être assujettis à une audience
publique. Il ne faut pas dissocier, à mon sens, l'importance que
pourrait avoir l'exploitation minière par rapport à l'ensemble
des industries qui s'installent ici au Québec. Si nous faisons un
apartheid pour les prospecteurs miniers - et, là, je parle surtout des
prospecteurs qui ont une démarche très, très significative
dans le milieu. Je ne vois pas pourquoi vous maintiendriez la proposition ou
encore la suggestion de ne pas vous soumettre à l'étude d'impact
environnemental. Pourquoi vous voulez vous dissocier?
Et, surtout, vous dites: C'est un secteur privé et ça ne
devrait pas être évalué. Je m'interroge un peu à ce
sujet-là. C'est comme si on avait au Québec deux visions
différentes: le secteur privé, surtout dans les mines, on va vous
soustraire à l'obligation d'avoir une étude environnementale et
le secteur public, bien, vous autres, vous allez être assujettis à
tout ça. C'est quoi, votre perception du développement du
Québec? Est-ce qu'il y a deux visions ou bien s'il y en a seulement
une?
M. Gélinas: D'abord, il faut spécifier que ce sont
les projets d'exploration. Quand vous parliez tantôt de la mise en
production d'une mine, ça devient un projet d'exploitation. Alors, notre
démarche, nous, s'arrête à la dimension... Quand je parlais
tantôt de la mise en valeur où certains travaux exigent, par
exemple, une rampe, là, il y a un impact sur l'environnement. Mais,
comme je l'ai spécifié, les démarches d'un projet
d'exploration qui va de la première phase à la mise en valeur,
ça peut s'échelonner sur une dizaine d'années. Comme je
vous l'ai mentionné tantôt, à chaque étape, il y a
des normes, des lois, des règles à respecter et, pous nous, c'est
évident que ces normes, lois et règles-là peuvent
être révisées régulièrement, comme on le
suggère aussi.
S'il y a des gens qui veulent intervenir, qui se posent des questions
sur l'efficacité de ces lois et règles-là à
l'égard de la protection de l'environnement, je pense que c'est
l'approche qu'on propose: il peut y avoir des consultations et, une fois que
ces consultations-là sont faites, on s'entend. S'il faut
améliorer des règles et s'il faut rendre plus précises des
normes, d'accord, mais, une fois que ces choses-là sont faites, à
ce moment-là, les gens de l'exploration minière se situent par
rapport à ces règles-là. Ils ont un intervenant qui est le
MENVIQ ou les autres lois. Je disais tantôt la loi des forêts et
d'autres. Alors, ça facilite à ce moment-là le travail des
intervenants en exploration, comme je vous dis, qui peut s'échelonner
sur une dizaine d'années, et c'est ça, la position de
l'Association.
M. Tremblay (Rimouski): Est-ce que ça dépend de
l'ampleur du travail que vous effectuez sur le terrain? Je comprends qu'au
départ, lorsque, je ne sais pas, un géologue ou une personne
habilitée va faire un peu d'exploration
minière, ça ne dérange peut-être pas le
peuple, là. Mais, lorsqu'on arrive avec des démarches beaucoup
plus grandes, je ne sais pas, s'il faut faire rentrer sur le champ des
équipements lourds pour pouvoir faire une démarche plus
approfondie du milieu terrestre, à ce moment-là, je pense que
ça suppose une étude environnementale beaucoup plus approfondie.
Vous n'êtes pas contre ça?
M. Gélinas: De toute façon, elle se fait par le
biais de la directive 019 actuellement en vigueur. Il faut respecter cette
directive-là. On n'a pas d'objection à ce que si, pour certains,
elle ne paraît peut-être pas... elle puisse être
améliorée ou peut-être ajustée. Si tous les
intervenants publics - on parlait des socio-économiques, des MRC -
peuvent en prendre connaissance, ils peuvent faire connaître, à ce
moment-là, leur avis.
M. Tremblay (Rimouski): Oui. Il y a un groupe ce matin qui nous a
proposé d'avoir des étapes dans les évaluations. Par
exemple, d'avoir le "fast track", une voie rapide pour pouvoir faire
l'étude environnementale d'un projet majeur. Il pourrait y avoir aussi
la voie régulière et il pourrait y avoir aussi une voie
régionale ou locale qui, nécessairement, ferait peut-être
beaucoup plus l'affaire de votre groupement. Cette voie-là nous
permettrait peut-être de vous englober à l'intérieur de
ça.
D'autre part, vous avez bien signalé, je pense, que la loi 130,
qui a été adoptée au printemps dernier, vous a
facilité, vous a donné un encadrement au niveau des
opérations des personnes que vous représentez. Je comprends que
les règlements ne sont peut-être pas encore connus, mais je pense
que les grands paramètres de la loi 130 vont vous donner l'encadrement
recherché par votre organisme.
M. Gélinas: Évidemment, on est d'accord avec cette
approche. Il reste à définir les modalités de financement
des coûts de ces réaménagements-là.
M. Tremblay (Rimouski): Oui.
M. Gélinas: II ne devrait pas y avoir de
problème.
M. Tremblay (Rimouski): et, si je me rappelle bien, dans la loi
130, il y avait l'obligation de mettre en fiducie un certain montant pour le
réaménagement. est-ce que ça vous posait des
problèmes?
M. Gélinas: C'est-à-dire de prévoir des
sommes...
M. Tremblay (Rimouski): Des sommes prévues en
garantie.
M. Gélinas: ...en garantie. Nous, on n est pas encore
rendus à l'évaluation du mécanisme en tant que tel. On est
d'accord avec le principe. Parce qu'il y a plusieurs questions qui se posent.
Par exemple, comment doit-on considérer sur le plan fiscal ces sommes
d'argent qui, par exemple, dans un projet de financement d'exploration, sont
prélevées aujourd'hui pour être
réaménagées dans deux, trois ans? Alors, est-ce que cet
argent-là ferait partie des frais d'exploration admissibles à
certaines déductions? Il reste ça à définir.
M. Tremblay (Rimouski): Alors, ce serait tout, M. le
Président.
Le Président (M. Garon): je vous remercie. je me
demandais, m. le député de rimouski, quand vous pensiez aux "fast
tracks", si vous ne pensiez pas à la 20, allant vers rimouski.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Rimouski): Ce ne serait pas rejetable.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: m. le président, au nom de l'opposition, il me
fait plaisir de saluer les représentants de l'association des
prospecteurs et de les remercier de leur présence ici. je voudrais,
avant de revenir à ce qui a été soulevé par le
député de rimouski, vous dire que nous sommes d'accord avec votre
position qui dit: nous favorisons l'approche sectorielle. on en a
discuté ces jours derniers. il y en a qui appellent ça l'approche
générique; un secteur d'activité industrielle ou approche
générique, peu importe le terme. mais il reste que ça n'a
pas été tellement utilisé au Québec et on aurait
avantage à l'utiliser.
Maintenant, pour revenir à la question des audiences publiques
que vous êtes portés à éliminer quand il s'agit de
projets privés, qu'est-ce que vous appelez un projet privé?
M. Vallée (Marcel): II faudrait élargir un peu la
perspective en ce sens que l'exploration minière, ce n'est pas quelque
chose qui se planifie comme, disons, un développement
hydroélectrique ou une exploitation forestière. Le potentiel
minéral, ça s'évalue d'une façon, disons,
statistique ou synthétique. Mais l'exploration minière, ça
consiste en la réalisation de ce potentiel. C'est quelque chose qui, de
par sa nature, n'est pas prévisible dans le détail à
l'avance. La découverte, par définition, c'est quelque chose
qu'on ne connaissait pas précédemment.
Alors, on a nombre d'"instances", dans les dernières
années, de gisements qui ont été découverts
à des profondeurs plus grandes, dans
des terrains où les explorations avaient été faites
antérieurement. Le cas le plus récent, c'est celui du gisement
Louvem Aur, près de Val-d'Or, dans un terrain qui a été
exploité pendant 10 ans par la société minière
Louvem, de 1970 à 1980.
Alors, disons que l'exploration minière et le
développement minéral, dans ce sens-là, c'est
difficilement intégrable dans les procédures de planification de
développement régional, dans les procédures
d'aménagement des municipalités régionales de comté
et, récemment, on a l'impression que l'exploration minière se
fait exclure un peu par défaut parce que, la mine n'étant pas
là, on ne la planifie pas. Si on arrive pour explorer et qu'on trouve un
gisement qui pourrait devenir d'intérêt avec des travaux
additionnels, on a l'impression d'être les chiens dans le jeu de
quilles.
Alors, c'est cette dimension de l'exploration, comme un processus de
développement qui part de données géologiques qui ont un
caractère aléatoire, qu'il faut bien situer. C'est pour ça
que l'attitude de l'Association, c'est que l'accès au territoire,
l'accès à l'acquisition du droit minier doit demeurer libre, ne
pas être soumis à des restrictions systématiques,
là, ou à une exclusion.
M. Lazure: L'accès à... pas l'exploration.
M. Vallée: L'accès au droit minier. Mais ensuite
l'exercice de l'exploration, la mise en valeur des propriétés,
elle est soumise à l'heure actuelle à la loi de l'environnement,
à partir du moment où on fait des impacts importants en
surface.
M. Lazure: Oui, c'est soumis à la loi de la protection de
la qualité de l'environnement, évidemment, mais, si je comprends
bien, ce n'est pas à cause de la non-promulgation de l'article 2g, j, n,
p. Dans le moment, l'exploration minière en tant que telle n'est pas
assujettie, si je comprends bien. On est d'accord?
M. Vallée: sauf à partir du moment où il y a
ce qu'il y a d'écrit dans la directive 019, des impacts significatifs en
surface. là, c'est assujetti.
M. Lazure: Bon. Mais il y a quand même la Convention de la
Baie James. À votre connaissance, est-ce qu'il y a eu des audiences,
telles que prévues dans la Convention de la Baie James, par les
différents comités à l'occasion de nouvelles explorations
minières dans le Nord?
M. Vallée: Non, pas à ma connaissance. M.
Lazure: Non? Il n'y en a pas eu?
M. Vallée: On aimerait rajouter qu'au cours des
dernières années, depuis deux ans, le secteur de l'exploration a
entrepris de nombreuses démarches, par exemple, en
Abitibi-Témiscamin-gue, avec les cinq MRC. Même si c'est une
région minière, on s'aperçoit qu'il y a encore beaucoup
d'informations à véhiculer, beaucoup de données. Et,
même dans des régions minières, on ne connaît pas
suffisamment le fonctionnement de l'exploration minière et la
distinction entre l'exploration et l'exploitation. Nos rencontres avec les MRC
ont démontré de leur part qu'elles étaient très
intéressées à en savoir davantage.
C'est évident, quand on parle d'exploration, elles nous posent un
paquet de questions, à savoir comment se fait le jalonnement, comment
s'acquiert le droit minier, quelles sont les règles, lois et normes que
vous devez respecter, c'est quoi la relation entre les droits miniers, droits
de surface, droits du propriétaire lorsque vous faites de tels travaux
sur un terrain de la couronne. Maintenant, il y a certains territoires, par
exemple, des réserves à activité non exclusive de
récréation, de tourisme récréatif. Là aussi,
il y a des normes spéciales ou des règles à respecter.
Dans des rencontres qu'on a eues avec nos MRC, on s'est aperçu qu'elles
avaient envie de nous faire part de leurs commentaires. Elles avaient envie de
s'impliquer aussi et de nous dire: Ça se passe chez nous, on aimerait
avoir un mot à dire. Parce que, dans les schémas
d'aménagement des cinq MRC de l'Abitibi, s'il y a quatre pages qui
touchent le secteur minier dans l'ensemble des cinq, c'est à peu
près tout, pour la raison bien simple qu'on ne peut pas prévoir,
d'ici x années, qu'il y aura tant de découvertes dans notre
secteur. Alors, le secteur minier devient, finalement, un secteur qu'on a de la
difficulté à prévoir dans un schéma
d'aménagement.
M. Lazure: Si vous aviez un seul message à laisser
à notre commission, ce serait lequel? C'est quoi, le message que vous
jugez le plus important?
M. Vallée: Favorisons une implication des gens
concernés par le développement de l'industrie de l'exploration
minière. Donc, dans une région comme l'Abitibi, comme
Chibougamau, Chapais, il faut faire en sorte que l'ensemble des intervenants
aient leur mot à dire et aussi que l'exploration ait l'occasion de se
faire connaître. L'autre message important, c'est, je pense, qu'il y a un
paquet de spécialistes de la dimension environnementale qui pourraient
jouer un rôle important, qui pourraient apporter leur expertise pour
faire en sorte que les travaux d'exploration soient le moins dommageables,
aient le moins d'impacts possible sur l'environnement. Et ça, cette
expertise-là, je pense qu'elle pourrait devenir un facteur important
d'efficacité dans la perspective d'un développement durable.
M. Lazure: Merci.
Le Président (M. Garon): Je voudrais remercier
l'Association des prospecteurs du Québec d'être venue donner son
point de vue à la commission de l'aménagement et des
équipements.
Je suspends les travaux pendant quelques instants pour donner le temps
de faire le changement d'interlocuteurs.
Maintenant, j'appelle l'Association minière du Québec
inc.
(Suspension de la séance à 16 h 44)
(Reprise à 16 h 45)
Le Président (M. Garon): La commission reprend ses
travaux. Je vais demander au porte-parole de l'Association minière du
Québec de se présenter et de nous présenter les gens qui
l'accompagnent, en lui disant qu'il a une heure pour présenter son
mémoire, c'est-à-dire 20 minutes normalement pour faire le
résumé de son mémoire, 20 minutes pour les libéraux
et 20 minutes par le parti de l'Opposition pour vous interroger par la
suite.
Association minière du Québec
inc.
M. Drouin (Claude): M. le Président, M mes et MM. les
députés, je suis Claude Orouin, directeur général
de l'Association minière du Québec, qui s'appelle aussi l'AMQ,
mais qui n'a aucune relation avec un autre groupe AMQ qui est passé
dernièrement. Nous sommes l'Association minière du Québec.
Nous avons le même sigle aussi, AMQ, que l'Association des manufacturiers
du Québec.
Le Président (M. Garon): Deux AMQ?
M. Drouin:ça s'appelle l'amq. on avait ce nom-là,
mais tout a coup les gens sont passés de amc à amq. donc, on
devient deux amq au québec.
Une voix: Ce sont des informations...
M. Drouin: On n'a pas à parler de ça. On fait le
travail. À ma droite, vous avez Me Jean Roberge, qui est mon adjoint,
et, à ma gauche, vous avez M. Yves Thomassin, qui est notre conseiller
en environnement. Est absent cet après-midi M. Jacques Duval, qui est
président du comité de l'environnement et qui a dirigé une
partie importante de ces travaux. Ce mémoire-là, vous l'avez
reçu en deux copies, version 1, version 2, parce qu'il fallait
l'accepter au niveau du comité, ensuite au niveau du conseil, et les
dates étaient conflictuelles.
Nous allons passer rapidement à travers les 8 ou 9
premières pages du mémoire pour surtout passer le principal de
notre présentation aux pages 10 et 11 qui répondent à la
question que le député vous a posée ici au sujet,
justement, des raisons pour lesquelles, nous aussi, nous ne partageons pas
l'idée d'étendre les études d'examen d'impact aux projets
privés miniers. Nous vous remercions de nous avoir reçus.
Nous n'avons discuté que de certains des aspects prévus
qui étaient dans le questionnaire qui nous avait été
soumis. L'AMQ regroupe l'ensemble des producteurs miniers du Québec.
Nous avons une production d'environ 2 000 000 000 $ par année et je ne
sais pas ce qui va arriver si le prix de l'or reste à 340 $ l'once, par
exemple. En tout cas, pour le moment, nous avons encore nos 2 000 000 000
$.
Actuellement, l'industrie minière est assujettie à des
normes d'application; pour l'ouverture d'une mine, il faut obtenir un
certificat d'autorisation. Il y a des normes qui sont prévues pour les
rejets liquides et nous avons aussi des normes, à l'heure actuelle, pour
les effluents miniers, qui sont presque semblables à celles
édictées par l'Organisation mondiale de la santé pour
l'eau potable.
À la fin des opérations, nous sommes maintenant assujettis
à la loi 130, une loi que nous avons demandée depuis au moins
trois ans au gouvernement de voter dans le but de ne pas répéter
l'expérience du passé, de laisser des parcs orphelins dans le
milieu. Toutes les mines emploient des spécialistes en environnement.
D'après le bilan fait l'an passé, nous avons une moyenne de 2,6
personnes de niveau universitaire à chaque site, qui s'occupent
d'environnement et le contrôle de l'environnement nous a
coûté 60 000 000 $ en 1989. En 1990, je n'ai pas les chiffres
précis, mais ceci ne compte pas les changements de technologies que nous
faisons aussi pour respecter l'environnement en même temps.
Quant à l'environnement, on a préparé le
mémoire en se demandant ce que c'était que l'environnement et
aussi en se demandant: Où va la société? Est-ce qu'on
pense développement en intégrant environnement ou encore si on
pense seulement environnement ou seulement développement? Je crois qu'en
1991 nous n'avons aucune gêne d'affirmer que l'environnement fait partie
intégrante de nos affaires de développement de projets. C'est
rendu chez nous une façon de vivre et une façon de gérer
nos affaires. Mais, malgré tout, nous n'acceptons pas le principe que
l'environnement doit être un objectif en soi. Nous partageons
l'idée de développement durable.
Il y a beaucoup d'activités qui comportent des risques pour
l'environnement. En fait, on pourrait peut-être dire que la
majorité des activités comportent des risques et ce qui est
important, c'est la façon de contrôler le risque. Le risque va
toujours demeurer plus ou moins présent, tandis que le danger devient
beaucoup moindre en fonction des mesures de contrôle que nous nous
donnons pour gérer ce risque-là.
Dans la loi des mines, il y a un article, d'ailleurs, qui parle de
l'interaction entre le développement et l'environnement; l'article 17
parle justement de ce principe de coexistence là. Ce qui est important
à remarquer quand on parle de mines, l'Association des prospecteurs vous
l'a dit tout à l'heure quand elle est passée aussi: Une mine est
dans un endroit qui est figé dans la nature, mais dans un endroit
inconnu tant que nous ne l'avons pas trouvée.
Le document que vous nous avez fait parvenir évalue le
problème d'étude d'impact sur cinq dimensions et nous avons
essayé de discuter en respectant ce schéma-là. Nous avons
parlé de l'efficacité de la procédure et, comme tous ceux
qui nous ont précédés, tous les gens veulent des
délais plus courts et tout le monde aussi veut être informé
plus tôt. La question d'être informé plus tôt, nous la
partageons énormément parce que nous avons établi une
politique, il y a trois ans, de rencontrer les maires, les dirigeants
municipaux de toutes les régions. C'est une demande que les gens du
milieu nous ont faite et nous partageons cette idée de les informer le
plus rapidement possible de nos projets.
Une demande importante que nous faisons, au milieu de la page 5, c'est
quelque chose pour améliorer les délais. Il me semble qu'il
faudrait se fixer des temps précis pour réaliser chacune des
étapes et ces délais-là pourraient s'appliquer
également à des promoteurs, au public et au ministère. Le
rapport Lacoste dit qu'il faut 33 mois pour réaliser une étude et
puis, tout à l'heure, les prospecteurs vous disaient qu'on parlait de 10
ou 11 ans; une étude du CRS démontre que, justement, c'est 11 ans
que ça prend avant de dire qu'un site devient un site minier et
ça, après avoir dépensé 45 000 000 $. Je crois que
c'est important de ne pas rallonger ces délais-là encore trois
ans de plus, surtout qu'il faut partir un projet au moment où les prix
des métaux sont acceptables. La fluctuation des prix des métaux
est extrêmement variable dans l'histoire.
Alors, une autre façon que nous proposons, au bas de la page 5,
pour raccourcir les délais, c'est d'informer et de consulter le public
dès le dépôt d'un avis de projet, en d'autres mots, de ne
pas attendre que ce projet-là soit rendu à l'étape des
audiences publiques. Ça va permettre en même temps au gouvernement
de prendre immédiatement connaissance des réactions du public et
aussi de préciser le contenu de la directive qu'il donne au
promoteur.
On dit, en bas de la page 6, que cette directive-là,
évidemment, devrait être émise dans un délai fixe
après le dépôt de l'avis de projet et qu'il ne faudrait pas
la modifier ou la nuancer par la suite, à moins d'être capable de
démontrer qu'il y a lieu de modifier le contenu de cette
directive-là. Autrement, on n'en sort pas, on tourne en rond
continuellement.
Dans le haut de la page 7, on reprend la proposition faite par le
comité Lacoste sur les projets publics ou privés à
caractère répétitif. Le comité Lacoste propose un
canevas standardisé qui est valable pour les mêmes sujets. Nous
sommes très certainement d'accord avec ça, surtout quand on sait
qu'une industrie minière, c'est tout de même à peu
près la même chose, toujours d'une région à l'autre,
d'un site à l'autre. Il y a la dimension qui change, mais les
événements qui se produisent au niveau environnemental sont
toujours à peu près les mêmes.
Quant à l'étendue de la directive et des études
d'impact, nous ne partageons pas l'idée de demander au BAPE de se
prononcer sur la justification d'un projet. Nous croyons que le BAPE, quand on
lit la loi de l'environnement, se rapporte aux aspects biophysiques et non pas
aux affaires socio-économiques. Si on dit que le BAPE maintenant se
prononce aussi sur l'opportunité d'un projet, sur la justification d'un
projet de dimension sociale, sociopolitique, on tombe dans un gouvernement
à l'intérieur d'un gouvernement. Nous croyons que ce n'est pas le
rôle du BAPE de sortir de son caractère, quoique, quand on lit le
document des règlements et la procédure, son rôle, c'est
d'informer le gouvernement sur ce qui se passe, d'informer le gouvernement sur
ce que les gens disent et de poser des questions. Mais ce n'est pas à
lui à se poser en juge d'une situation.
Quant au rôle du MENVIQ, il émet la directive et le
ministre tient compte des demandes d'audiences. En ce qui concerne le
rôle du BAPE, il devrait agir strictement sur des mandats explicites du
ministre, continuer son rôle d'information et de consultation du public.
Nous ne sommes certainement pas d'accord à ce que le BAPE ait un pouvoir
de recommandation qui aurait une connotation décisionnelle. D'ailleurs,
nous ne sommes pas d'accord, non plus, à ce que le BAPE se donne des
mandats.
En page 9, nous parlons des intervenants. L'information du public et son
intervention sont très importantes. Aussi l'information doit se faire le
plus tôt possible. Alors, il faut faire une meilleure identification, par
les intervenants et les requérants d'audiences publiques, de leurs
intérêts environnementaux et des enjeux dont ils veulent discuter.
Ceci afin d'éviter des conflits d'intérêts et,
malheureusement, vous le savez très bien, il y a trop de plates-formes
qui se servent de l'environnement pour atteindre des objectifs autres que ceux
de l'environnement. On n'a rien qu'à parler de l'amiante et de la
façon dont les Américains vont parler de l'amiante, sans parler
de ce qu'il y avait en dessous des produits de substitution, la Baie James,
Soligaz et on pourrait en nommer quantité d'autres où les
intérêts ne sont pas d'une candeur absolue.
Quant à la liste des projets assujettis, je vous inviterai
à faire la lecture avec moi des trois dernières pages. Je pense
que ça répond à une question de nos interlocuteurs, tout
à
I heure.
Dans le cas des projets privés et industriels, nous ne croyons
pas que le processus d'étude d'impact et d'audiences publiques devrait
leur être appliqué, du moins dans sa forme actuelle. Dans les
autres juridictions au Canada et particulièrement en Ontario, les
projets privés ou industriels ne sont pas assujettis, à moins
qu'il ne s'agisse d'un projet en compétition avec le secteur public
comme, par exemple, la gestion des déchets ou la production
d'énergie.
Nous ne préconisons pas l'assujettissement du secteur
privé industriel aussi en raison de ses particularités. Par
exemple, le délai moyen de 33 mois révélé par le
comité Lacoste pour passer au travers du processus n'est pas viable pour
le secteur privé et particulièrement pour l'industrie
minière qui est en compétition au niveau international.
Dans la technologie et les procédés utilisés en
industrie, l'évolution est très rapide. Aussi, proposer un projet
et devoir attendre deux ou trois ans pour pouvoir le démarrer peut faire
toute la différence pour la réalisation du projet ou sa
non-réalisation. Pensons seulement à l'aspect technique et
pratique des choses. Si un promoteur doit attendre tout ce temps avant de
commander les équipements nécessaires, il doit aussi compter le
temps de fabrication et de livraison de ceux-ci, ce qui ajoute encore six mois,
un an ou deux ans au délai de réalisation. Pendant tout ce temps,
des compétiteurs ou de nouvelles technologies ont l'opportunité
de s'installer et le projet devient remis en question.
Dans le domaine minier, la situation est encore plus corsée.
Avant d'ouvrir une mine, il faut, bien sûr, découvrir le gisement
là où il se trouve et qui ne peut être
déplacé. D'après l'étude qu'on citait tout à
l'heure, la découverte d'un gîte nécessite un
investissement moyen de 45 000 000 $ et des travaux s'échelonnant sur
une période moyenne de 11 ans. Dans ce contexte, tout nouveau
délai important rend la vie de l'industrie minière presque
impossible. Soulignons, une fois de plus, la durée de la
procédure d'évaluation des impacts, révélée
dans le rapport Lacoste, dépassant trois ans pour un nombre de projets
soumis.
De plus, après avoir travaillé plusieurs années
pour découvrir un gisement et le développer et après y
avoir consacré un montant considérable d'argent, la
décision d'ouvrir ou de ne pas ouvrir une mine est prise dans le
contexte complexe et variable dominé par la fluctuation des prix des
métaux au niveau international et sur lequel l'industrie minière
du Québec, en tout cas, n'a aucun contrôle.
La décision d'ouvrir aujourd'hui une mine tient compte de la
fluctuation de la demande et des prix au cours des années
précédentes et des pronostics aléatoires pour les
années à venir. Il est presque impossible de prévoir pour
quatre ans ou même trois ans les niveaux du prix d'un minerai ou d'un
métal en particulier, ni le comportement précis du marché.
Dans ce contexte, il faut comprendre qu'une entreprise minière peut
difficilement prendre les décisions voulues dans la perspective d'un
processus qui prend en moyenne 33 mois.
Il faut réaliser également le contexte local dans lequel
se fait une exploitation minière et son caractère temporaire.
L'impact local d'une mine peut être relativement important, alors que
l'impact global sur une région est plutôt restreint. L'industrie
minière du Québec occupe 0,03 % du territoire
québécois et nous sommes engagés dans un processus de
restauration systématique des sites après usage.
Un autre aspect fort important est aussi à considérer. Il
s'agit de la réglementation existante faisant en sorte que la plupart
des projets industriels sont très encadrés. Dans le domaine
minier, la Loi sur les mines et sa réglementation prévoient des
autorisations et des conditions pour l'emplacement des infrastructures. La Loi
sur la qualité de l'environnement prévoit, pour sa part, un
certificat d'autorisation préalable à l'ouverture d'une mine et
des normes précises sur la qualité des effluents. Il est a
souligner qu'avant d'émettre une autorisation le ministère
demande au promoteur une foule de renseignements sur la nature des impacts sur
le milieu humain et naturel. Du côté fédéral, il
existe aussi des normes d'opération équivalentes à celles
du Québec pour la qualité des effluents des mines de
métaux, des pâtes et papiers et des raffineries. (17 heures)
En plus de ces règlements, le gouvernement du Québec
envisage de nouvelles normes visant à réduire les rejets
industriels. Ce nouveau programme de réduction des rejets industriels
est en voie d'élaboration puisque des amendements à la Loi sur la
qualité de l'environnement ont été apportés
à cet égard et en vertu desquels le public sera appelé
à intervenir, à émettre ses opinions et à poser les
questions qu'il désire au ministre de l'Environnement ou aux industries.
Avec ce programme, des autorisations à être renouvelées
à tous les cinq ans, (10 ans la première fois dans le cas des
nouvelles opérations) devront être obtenues par les entreprises
visées. À chaque fois, l'implication du public est prévue
de façon analogue à celle des évaluations et des
études d'impact sur l'environnement. Dans ce contexte, nous croyons que
le gouvernement devra faire un choix entre les deux approches. Si nous
continuons avec les deux procédures, le public, les industries et le
Bureau d'audiences publiques sur l'environnement seront continuellement en
audiences dans une évaluation perpétuelle de l'industrie.
Sur la question de l'encadrement réglementaire existant, il est
important de rappeler les amendements récents à la Loi sur les
mines créant l'obligation pour toute entreprise minière
de faire approuver un plan de restauration à réaliser
à la fin des opérations et de se créer un fonds suffisant
pour s'assurer de la réalisation des travaux le moment venu.
Dans le cas des mines, l'information du milieu ne peut pas se faire
avant d'être relativement assuré qu'un projet minier est possible;
autrement, toute annonce pourrait être perçue comme étant
une promotion du marché, ce qui pourrait engendrer des vagues
indésirables de spéculation.
Dans le contexte que nous venons de vous décrire, il faut
comprendre que nous ne recommandons pas la procédure d'évaluation
et d'examen des impacts pour les projets industriels et privés et ce,
particulièrement dans le domaine minier, qu'il s'agisse de l'ouverture
d'une mine ou de la construction d'un concentrateur. Dans le cas des projets
publics, on comprend qu'il s'agit de projets à être
réalisés avec des fonds publics, pour le public, et qu'il s'agit
d'aménagement du territoire, et ça peut être
différent. S'il est envisagé d'inclure des projets industriels
dans des procédures d'étude d'impact, nous croyons que le
gouvernement devrait envisager une approche par secteur et par région de
façon globale plutôt que du cas par cas.
En terminant sur le sujet, nous pensons qu'il est important que la
commission prenne connaissance de la performance environnementale du secteur
minier et de l'éthique environnementale que traduisent nos actions en ce
domaine. Nous pensons que notre performance environnementale démontre
que la gestion environnementale fait vraiment partie de nos actions et de nos
décisions. Nous vous remercions.
Le Président (M. Garon): Merci, M. Drouin. M. le
député de Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, je remercie
l'Association minière du Québec de s'être
présentée ici, à cette commission. Le mémoire que
vous nous avez présenté et la lecture que vous venez d'en faire
nous laissent, en tout cas, moi personnellement, me laissent tout à fait
rassuré quant à votre intention ou à l'intention de votre
organisme de vouloir préserver l'environnement. Cependant, il y a une
interrogation lorsque vous affirmez... Je pose à peu près la
même question que celle que j'ai posée tout à l'heure aux
prospecteurs. Là, on est rendu un petit peu plus dans l'exploitation. On
est rendu dans l'exploitation et on est rendu dans le creux de la mine, si je
peux m'exprimer ainsi. Quand on fait de l'exploration, c'est peut-être
juste des petits trous, mais, là, on fait des gros trous, on creuse dans
le sol et on va chercher. Il y a nécessairement un impact sur
l'environnement. Vous voulez vous soustraire totalement à l'obligation
d'avoir une étude environnementale et de vous présenter à
une audience publique sur ça. Vous dites: C'est une industrie
privée, elle ne doit pas être assujettie aux mêmes
obligations que le public. Pourquoi faire une différence parce que c'est
l'entreprise privée, d'une part? Deuxièmement, si on regarde
ça dans le développement global de l'industrie au Québec,
pourquoi aurions-nous une particularité pour les mines? Ce sont,
à mon sens, des gens, c'est sûr, qui développent
l'économie, je n'en disconviens pas, mais, d'autre part, qui font des
travaux importants dans le sol et qui peuvent avoir un impact très
négatif sur l'environnement.
M. Drouin: Je crois que je peux donner un élément
de réponse. Après ça, Me Roberge ou peut-être M.
Thomassln pourront ajouter là-dessus. C'est que, d'abord, nous sommes
assujettis à beaucoup de normes. La directive 019 détermine
toutes les choses qu'il faut respecter avant d'obtenir un certificat de
l'Environnement. Ensuite, bien, nous partageons l'idée d'informer le
public et nous sommes prêts à le faire. Nous l'avons dit dans le
mémoire, on est prêts à informer le public sur nos projets,
mais pas avant un certain moment, c'est-à-dire qu'on ne veut pas
annoncer ça pendant que les parts sont à 0,10 $. On va annoncer
ça quand les gens auront réalisé ce que ça veut
dire; on ne veut pas lancer des campagnes de spéculation. Quand on sera
certains qu'on veut ouvrir, on va annoncer qu'on veut ouvrir et on recommande,
justement, d'entrer en contact avec le public à partir du moment
où on dit: On a fait notre étude de faisabilité, on est
prêts à partir, on est prêts à faire ça.
L'autre affaire, c'est surtout qu'on fait partie du programme PRRI, le
programme de réduction des rejets industriels. Ce projet-là va
nous demander à nous autres une demande continuelle, avec la
participation du public, de révision de nos procédures à
tous les cinq ans. Alors, nous serons déjà en contact avec le
public avec cette demande du PRRI à cause de ce projet-là.
Ça, c'est au moins les éléments importants.
Peut-être que j'en ai manqué. Me Roberge pourrait peut-être
en ajouter plus que ça.
M. Roberge (Jean): Ce sont les principaux éléments.
À la page 10, lorsqu'on en parle, on dit bien: "Dans sa forme actuelle",
pour les audiences publiques, parce que, en fait, d'après la directive
019, dans une étude d'impact sur l'implantation d'une mine, tous les
aspects sont considérés. La seule différence, c'est qu'il
n'y a pas l'apport du public ou des audiences publiques qui rajoutent des
délais et je pense que c'était peut-être dans l'idée
du gouvernement d'adopter la directive 019, qui est présentée
depuis 1978, à peu près en même temps que les études
d'impact. Vous n'avez pas une réglementation aussi
élaborée pour les mines ou pour les pâtes et papiers que
vous en retrouvez pour les ports, par exemple, pour les aéroports, pour
une route. Il
n'y a pas de normes pour installer une route. Alors, c'est un peu normal
qu'il y ait peut-être des études d'impact, mais, dans le cas des
mines, et principalement dans le choix que le gouvernement a indiqué,
par son Assemblée nationale, d'avoir des attestations d'assainissement
aux cinq ans avec, encore là, d'autres normes plus
sévères, il me semble que ça deviendrait contradictoire de
faire double emploi et de demander au public de s'impliquer à tout
moment. Dans le contexte économique particulier, quelques années
de décalage, compte tenu du prix des métaux, de
l'évolution technologique, ça met en péril des
décisions, c'est certain.
M. Tremblay (Rimouski): Je pense que le fait qu'on ait
passé la loi 130 vous rassure au niveau de l'encadrement que vous voulez
avoir.
M. Roberge: Pas seulement ça. Sur 65, 99...
M. Tremblay (Rimouski): Oui. Toutes ces obligations.
M. Roberge: L'encadrement qui existe. C'est ça. Qu'est-ce
que le public va pouvoir demander de plus que de discuter, par exemple, de la
norme 0.3 pour le cuivre dans l'eau? Pour l'eau potable, je ne me souviens pas,
Yves le sait peut-être par coeur, mais l'Organisation mondiale de la
santé a à peu près les normes... Quelles normes le public
pourrait-il inciter le gouvernement à amener de plus que celles qui
existent? Avec tout l'encadrement réglementaire qui existe, ça va
être difficile de trouver une niche pour... C'est pour ça qu'on
parle par secteur ou par région. Est-ce que ça peut être
intéressant?
M. Tremblay (Rimouski): Mais, tout de même, la loi 130,
qu'on a passée le printemps dernier et dont la réglementation
n'est malheureusement pas connue au moment où on se parte, vous donne
des paramètres au niveau des opérations ou des obligations que
vous aurez vis-à-vis du public et nécessairement, par rapport
à l'interrogation que nous avons ici à cette commission,
ça vous soustrait quasiment à cet assujettissement. Vous avez
déjà votre lot d'assujettissements et, de ce fait-là, vous
ne sentez pas l'obligation d'avoir quelque chose de supplémentaire.
C'est un peu ça.
M. Drouin: Excepté qu'on est prêts à des
genres d'approches sectorielles, des approches régionales. On est
prêts à considérer ces choses-là.
L'information du public, on y tient pour deux raisons. S'il y avait
seulement le respect de l'environnement... Aujourd'hui, c'est le
problème, mais la population a tout de même des inquiétudes
aussi quand vient le temps d'obtenir un nouveau permis... Alors, les
problèmes que l'industrie rencontre des fois pour l'accès aux
terres en vertu d'une vieille image de l'antiquité "comportementique",
ça nous fait aussi mal que l'autre. Alors, je ne sais pas, on a tout
intérêt, nous, à un comportement environnemental
respectable. On a tout intérêt à le faire.
M. Tremblay (Rimouski): Une autre interrogation. Vous êtes
obligés de contrôler ou vous avez des normes à respecter
quant aux rejets liquides, mais les solides, qu'est-ce que c'est? Est-ce que
vous avez les mêmes obligations à ce moment-là?
M. Drouin: Ça, c'est un problème qui est à
l'étude.
M. Tremblay (Rimouski): Parce que, moi, je regarde souvent les
mines Gaspé, c'est dans ma région. Je suis déjà
allé à plusieurs reprises dans ce coin-là et j'ai vu qu'il
y avait des amoncellements de résidus. Ça, c'est des solides.
Mais ça commence à être énorme.
M. Drouin: J'aimerais simplement insister là-dessus, c'est
qu'on ne peut pas les manger, hein?
M. Tremblay (Rimouski): Non, je sais. Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Tremblay (Rimouski): II faut bien en disposer quelque
part.
M. Drouin: II faut bien en disposer. L'industrie minière
sort d'un colloque qui vient de durer quatre jours, à Montréal,
un colloque dans le cadre du projet de Nedem, justement pour étudier les
techniques de restauration des sites miniers qui comportent des
difficultés. Alors, il y a toutes sortes de façons de convertir
ces sites-là. Pas les ramener comme c'était avant. La roche est
sur le dessus. Avant qu'on fasse une patinoire avec les résidus de la
région du Lac d'amiante, ça va prendre un certain temps. Mais ce
qui est important, c'est qu'il faut les aménager d'une façon
telle que ce soit compatible avec l'environnement. Dans la loi 130, il faut
faire des règlements. Il va falloir se donner des normes avec lesquelles
on va travailler pour réussir à dire comment on va disposer de
ça. On le fait par de la végétation. On le fait par
recouvrement. On le fait par contrôle chimique des effluents; enfin, il y
a toutes sortes de formules. Ça va coûter cher. Ça va
coûter très cher.
M. Roberge: Pour la question des restaurations, on n'a pas
attendu que la loi soit en place pour faire des restaurations. Il y a quelques
semaines, il y a une restauration à Millen Bach qui s'est
terminée. A Gaspé, il y a des centaines d'hectares qui ont
été restaurés aussi. Les gazons ont été
remplacés à Murdochville, même si le seuil ne
dépassait pas la norme selon la politique
des sols contaminés. À Rouyn-Noranda, c'est la même
chose; c'est sur une base de trois ans, 1 000 000 $ par année, pour
remplacer des gazons afin de s'assurer d'être en deçà des
normes pour ne pas avoir de problèmes. Le parc Chadbourne est en train
d'être travaillé pour le redonner à la nature. Il se fait
des choses concrètes de ce genre-là.
M. Tremblay (Rimouski): Une autre question qui a
été posée lors de l'étude du projet de loi 130.
Maintenant, vous allez être obligés de fournir une espèce
de garantie de réaménagement des terrains par après, parce
que les gouvernements ont été pris avec des trous de mines, entre
autres, qui n'étaient pas, je ne sais pas, remplis ou
sécuritaires. Je ne sais pas jusqu'à quel point ça aura...
D'abord, ça aura certainement un effet bénéfique pour la
population. Elle sera rassurée quant à l'obligation que les
propriétaires de mines auront de remettre sécuritaires les
endroits exploités. Mais est-ce que, pour les nouveaux
développements, ça cause un problème le fait de garder en
fiducie un certain montant d'argent, par exemple?
M. Drouin: Ça cause un problème énorme,
ça coûte beaucoup d'argent, excepté qu'on ne sait pas
encore comment ça va marcher. La décision a été
prise volontairement...
M. Tremblay (Rimouski): Vous avez suggéré
ça, oui.
M. Drouin: Nous l'avons suggéré la première
fois en 1985, puis ça nous a pris trois ans de discussions à
l'intérieur des différentes associations minières du
Canada et de l'Association minière du Canada pour en faire le
thème principal de la proposition à la Conférence des
ministres des Mines qui a eu lieu ,à Sudbury en 1989. Nous serons
à Halifax la semaine prochaine pour reprendre seulement les
thèmes: comment construire ce fonds-là? La façon dont on
veut construire ce fonds-là, on propose que ce fonds-là soit
construit de la même façon qu'un individu se construit un
régime d'épargne-retraite. Alors, c'est pour ça qu'on
parle de création d'un régime enregistré
d'épargne-environnement. C'est de l'argent dépensé
d'avance. Alors, de l'argent dépensé d'avance, on voudrait que ce
soit considéré comme étant de l'argent
dépensé. C'est des centaines de millions qui entrent
là-dedans.
M. Tremblay (Rimouski): O.K. M. Drouin: 300 000 000 $? Une
voix: 300 000 $.
M. Tremblay (Rimouski): 300 000 000 $? C'est un fonds de
réserve qui sera là.
M. Drouin: Individuel. Cas par cas.
Une voix: Individuel, mais au total, ça va être 300
000 $.
M. Tremblay (Rimouski): O.K., et auquel l'Association
minière nécessairement... Est-ce que ce sera l'Association qui va
gérer ça ou si ce sera une espèce de fondation?
M. Drouin: Non. Une des recommandations que l'on fait, il faut
que ce soit du cas par cas, négocié cas par cas, en fait chaque
compagnie avec le gouvernement en fonction du règlement qu'il y a
là-dedans, et on propose une fiducie quelconque qui administre ces
fonds-là. Mais ce n'est pas nous qui les... Nous ne sommes que les
parrains du projet.
M. Tremblay (Rimouski): Très bien. En terminant, juste sur
votre position sur le rôle du BAPE, je n'ai pas de problème quant
à ma perception du rôle du BAPE. Je pense qu'il n'a pas à
être un organisme qui doit recommander. C'est un organisme qui doit
évaluer quelqu'un. Alors, M. le Président, c'est tout.
Le Président (M. Garon): Je vous remercie, M. le
député de Rimouski. M. le député de La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, au
nom de l'Opposition, de saluer les représentants de l'Association
minière et de les remercier pour leur présence ici et pour le
travail qu'ils nous ont présenté aujourd'hui. (17 h 15)
Une première question d'ordre général. À ma
connaissance, vous êtes le premier groupe, le premier secteur industriel
qui nous dit: Nous, on veut être exemptés de l'application des
articles qui ne sont pas encore promulgués, 2j, g, n et p. La plupart
des autres groupes, si je ne m'abuse, nous ont dit: Oui, on est d'accord,
allons-y pour l'application du rapport Lacoste. Le secteur minier est le
premier secteur à nous dire: Non, pas pour nous. Comment justifier cette
exception-là? C'est gros comme geste, ça. Parce que, là,
vous dites: On est déjà assujettis à tant de choses. Mais
tout le monde est assujetti à des règlements dans le moment.
Vous parliez tantôt du programme de réduction des rejets
industriels, le PRRI. Mais vous n'êtes pas les seuls à être
assujettis à ça. Même les autres qui sont assujettis au
PRRI, ils ne nous disent pas: On ne veut rien savoir de la procédure
d'évaluation. Ils disent: Oui, d'accord, appliquons Lacoste. Mais vous
autres, vous dites non. Surtout dans le cas des nouvelles explorations
minières. Je peux comprendre que, dans le cas des explorations qui
existent déjà, au plan de la logique en tout cas, on pourrait
toujours plaider comme vous l'avez fait, avec une certaine
persuasion. Mais, dans le cas d'une nouvelle exploration minière,
elle n'est pas au PRRI, elle n'est assujettie à rien. Pourquoi ne pas
avoir, dans le cas d'une nouvelle exploration minière,
l'assujettissement au même titre que toutes les autres entreprises, qu'il
s'agisse d'une aciérie, d'une aluminerie?
M. Drouin: Laissez-moi vous dire là-dessus que la
première raison, je crois qu'elle a été clairement
explicitée là-dedans, c'est les délais qui entrent
là-dedans, parce que la question des délais est énorme. La
deuxième raison, c'est les conditions économiques. On ne part pas
une mine d'or aujourd'hui à 340 $ l'once. On la ferme à ce
prix-là. On ne les part pas, on les ferme à ce prix-là.
Excepté que, si l'or s'en va, disons, à 450 $, je vais être
prêt à partir demain, moi. Mais, si j'attends dans trois ans, il
va être revenu à 340 $. Je ne la partirai pas, cette maudite
mine-là. On n'a aucun contrôle sur les conditions du
marché.
L'autre raison qu'on vous donne, c'est que l'impact d'une mine, c'est
local, c'est petit. Quand on regarde une photographie aérienne de la
région de l'Abitibi, par exemple, ce n'est pas gros, une mine, c'est
très petit dans l'environnement, puis, quand on regarde la grandeur de
la province, c'est encore plus petit. Une autre raison aussi: je crois qu'on a
un passé, on peut dire, actuel qui démontre - nous sommes rendus
en 1991 - qu'on respecte une politique de 1991 et qu'on a des raisons autres
que celles d'avoir des obligations de se comporter comme on veut se
comporter.
Une des meilleures preuves qu'on a faites, on a publié
dernièrement un bilan environnemental, qui a été
dirigé principalement par Yves, qui fait l'image de toute notre
industrie, de ce qu'on a fait en 1990, puis où on en est rendu. On sait
qu'on respecte... Des 100 %, on n'en a pas, à nulle part, excepté
qu'on se connaît. On a des projets, on a un plan d'action pour arriver
à finir par être des gens parfaits partout. Mais l'affaire qu'il y
a, c'est qu'il me semble que ce n'est pas pertinent pour nous de le faire.
D'ailleurs, cette non-pertinence-là, elle a été reconnue
par le législateur quand vous avez fait le règlement en
1983-1984. Si on a gardé l'item p comme étant une exception,
c'est qu'il y a eu quelqu'un qui a pensé à ça.
Pourquoi?
M. Lazure: Oui.
M. Drouin: Alors, j'ai l'impression qu'on est encore rendu au
même point. C'est aussi pertinent aujourd'hui que ça
l'était en 1983.
M. Lazure: J'étais un de ceux-là. Mais la
société évolue.
M. Drouin: Nous aussi!
M. Lazure: Bien, là, vous n'évoluez pas. Vous
dites: On veut le statu quo. On veut rester où on était en
1983...
Une voix: Mais elle a drôlement évolué.
M. Lazure: ...une exception. Mais revenons sur un plan plus
sérieux, si vous voulez. Le délai que vous déplorez,
d'accord. Si c'est ça la raison principale, à ce
moment-là, discutons de modalités. Et vous avez raison de dire
que les délais sont trop longs, tout le monde le dit, puis c'est un des
défis de cette commission, dans son rapport final, d'avoir assez
d'imagination pour faire des propositions qui vont mettre des obligations,
autant au ministère qu'au Bureau, de raccourcir les délais. Une
des façons - vous étiez peut-être là ce matin quand
on en a discuté avec un autre groupe - c'est la voie rapide. Le
député de Rimouski y a fait allusion tantôt. Les
Américains ont développé depuis quelque temps - et ils
semblent vouloir l'utiliser de plus en plus - une procédure plus
expéditive qui confie au promoteur le soin de préparer
lui-même tout le dossier, à toutes fins pratiques, selon des
directives qui sont toujours disponibles au ministère de
l'Environnement. Mais, à toutes fins pratiques, vous éliminez la
plupart des étapes et, quand l'exploiteur - d'une mine, dans votre cas -
quand le promoteur décide qu'il veut ouvrir une mine à tel
endroit, il sait ce qu'il faut préparer comme dossier. Il le sait, alors
il le fait lui-même. Lorsqu'il vient porter au ministère son avis,
il apporte en même temps toutes ses études. Et si ses
études ont été bien faites, à ce moment-là,
il est calculé - le groupe qui nous en parlait ce matin, c'était
Gaz Métropolitain - qu'au lieu de prendre deux ans et demi, trois ans,
ça prendrait 8, 9, 10 mois. S'il y avait une telle procédure,
autrement dit, s'il y avait des solutions de trouvées aux
délais... Moi, je suis d'accord avec vous qu'une mine, finalement, n'a
pas trop, trop d'impacts pour son environnement, beaucoup moins que beaucoup
d'autres sortes d'industries peuvent en avoir, les papetières, par
exemple. Donc, il faut que les procédures soient adaptées et
soient accélérées pour des cas comme les vôtres.
Mais, s'il y avait une solution de trouvée pour les délais,
est-ce que vous seriez encore résistants?
M. Roberge: Oui, il y a les délais, mais quand on demande
un certificat d'autorisation, dans la directive 019 qui est appliquée
à tout le monde, pour les nouvelles aussi, il y a 25 pages de demandes
de renseignements pour connaître les études d'impact, de la part
du ministère pour pouvoir adapter les normes. Ça existe
déjà, ce genre de "fast track" pour l'entreprise. C'est de 1978
à 1988 que le débat, sur ces 25 pages, a été
réalisé. Après 1988, il s'est ajouté la question
des attestations d'assainissement. Quelle autre étude d'impact
voudrait-on faire? Le
ministère a clairement identifié, sur 25 pages, toutes ces
normes-là et tous les impacts qu'il désire connaître: la
végétation, la géologie, la faune, le milieu hydrique, la
restauration des sites, la gestion des eaux, le traitement des eaux, l'effluent
final, le climat, l'aspect humain, écologique. il y a 25 pages.
M. Lazure: Oui.
M. Roberge: On demande à chaque promoteur de faire une
analyse.
M. Lazure: Justement, c'est ce que je disais tantôt, selon
des directives qui existent déjà, c'est le cas dans votre
secteur, ou qui seraient à faire si c'est un secteur où il n'en
existe pas. Mais ça, c'est le point de départ pour vos propres
études. Autrement dit, actuellement, un promoteur vient déposer
son avis de projet avant de commencer à faire les études, en
général, ou il a fait des études très, très
préliminaires. Là, on dit: Dans l'optique américaine du
"fast track", de la voie rapide, quand il vient le déposer, c'est tout
fait.
Bon, enfin. Je voulais aussi aborder un autre sujet. Vous dites que le
BAPE ne devrait agir que sur mandat explicite du ministre et non de sa propre
initiative. Mais, à ma connaissance, il a toujours agi comme ça,
le BAPE.
Une voix: Oui.
M. Lazure: II agit toujours sur demande du ministre.
M. Drouin: Je suis d'accord, excepté que, dans le document
que vous nous avez envoyé, vous nous posez la question.
M. Lazure: Ah bon! O.K.
M. Drouin: C'est pour ça qu'on répond
là-dessus.
M. Lazure: Alors, vous allez au-devant des coups.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lazure: II y a quand même des impressions, parfois, qui
sont un peu floues. Moi-même, j'avais l'impression qu'il y avait eu
beaucoup plus d'interventions qu'il n'y en a eu en réalité.
Depuis au-delà de 10 ans, le BAPE a eu exactement 44 interventions. Ce
n'est pas beaucoup, ça. Ce n'est même pas cinq par année.
Alors, nous, on pense que le Bureau d'audiences publiques, puis les deux
gouvernements ont eu des torts là-dedans; il y avait des raisons qui
nous ont incités à ne pas mettre en vigueur les articles 2g, n, j
et p. Mais, après avoir battu ma coulpe, j'ajoute quand même que
ça fait 10 ans de ça.
L'opinion publique a évolué. La preuve, c'est que tous les
industriels, même l'Association des manufacturiers, sont venus nous dire
l'autre jour: Appliquons Lacoste. Vous faites partie de l'Association des
manufacturiers, non?
M. Drouin: Nous sommes l'AMQ, mais pas l'AMQ.
M. Lazure: Ah! Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lazure: Mais, sérieusement, la preuve de
l'évolution du climat dans notre société par rapport
à l'environnement, c'est bien ça, parce que les mêmes
associations manufacturières qui nous disaient il y a 10 ans: Non,
jamais de la vie, on ne peut pas être assujetties à ça,
aujourd'hui disent: Oui, d'accord, soyons assujetties.
M. Roberge: Le même raisonnement que vous faites, moi, je
le perçois autrement. L'évolution de la société
à l'égard de l'environnement, par exemple, on est rendu
aujourd'hui à parler d'une gestion de l'environnement. Le gouvernement
semble s'être orienté, et même l'Assemblée nationale,
vers une directive 019 qui est fort détaillée et, bientôt,
sur une réglementation qui s'inspire de ça. Et les attestations
d'assainissement vont faire en sorte qu'à tous les cinq ans l'exercice
va devoir se faire pour avoir une autorisation et, pour voir comment on peut
améliorer avec l'implication du public. Je pense que, justement, le
législateur a fait son évolution, et la société
aussi, en se disant: Bon, études d'impact pour certaines
catégories de projets et, pour d'autres, les cinq secteurs:
métallurgie, mines, raffinerie et pâtes et papiers, attestation
d'assainissement. Si, en plus de tout ça, on demande des études
d'impact dans la forme actuelle de son fonctionnement, on va être
continuellement en études d'impact, puis dans les journaux... Ça
fait curieux d'avoir deux avenues qui vont vers le même but.
M. Lazure: Je diffère d'opinion avec vous. Quand vous
parlez de remplir les demandes de la directive 019, ce que nous, on pense qui
devrait être fait en appliquant le rapport Lacoste, ça n'est pas
nécessairement d'ajouter beaucoup d'autres exigences.
Une voix: Oh oui!
M. Lazure: Un certain nombre. Mais, en tout cas, ça ne
nous a pas été présenté par l'Association des
manufacturiers ou par les autres groupes qui sont venus ici comme constituant
un gros problème. Au contraire, ils ont tous dit: Oui, appliquons le
rapport Lacoste. Alors, je reviens encore à cette question-là:
Comment se fait-il que, pour tous les autres groupes de
promoteurs, ils sont prêts à appliquer le rapport Lacoste
et vous, vous ne l'êtes pas?
M. Drouin: D'abord, je peux vous dire qu'on s'est inspiré
du rapport Lacoste lui-même où se faisait la liste, la revue de ce
qui se passait dans les autres juridictions, canadienne et ailleurs. Dans tous
ces documents-là qui étaient ici, il n'y a aucune juridiction
canadienne où les projets privés, comme les mines, sont
assujettis à la procédure. Ça a été mon
premier constat. Je l'ai lu, à moins que je ne l'aie raté, mais
c'est facile de se perdre dans 200 pages de document. Il me semble que j'ai
regarde tout ça, mais je n'ai pas vu de province où les mines
étaient assujetties aux procédures d'audiences publiques.
Deuxièmement, quand on parle d'un projet minier, qui est un
projet même difficile à évaluer visuellement, on est en
face d'une ressource qui est cachée sous le sol, que les gens ne
connaissent pas et qu'on mêle avec ça beaucoup de perception d'un
projet par rapport à une connaissance objective du projet, on tombe en
face de problèmes. J'ai siégé au Conseil consultatif de
l'environnement et j'ai participé aux audiences qu'on a faites aux
Îles-de-la-Madeleine pour l'implantation de la mine Seleine. J'en ai
entendu de toutes les couleurs. J'étais sur le bureau qui entendait ces
représentations-là. C'est fatigant d'entendre toutes ces
choses-là quand on sait les deux côtés de la
médaille. On regarde ça. La perception, c'est fatigant et ce
qu'il y a de pire, c'est qu'on dit: Mentez, ne mentez pas, il en reste toujours
quelque chose dans le public. Je pense que les politiciens savent ce que
ça veut dire. Oui, il en reste toujours quelque chose. Alors, si on
mêle la perception comme jugement principal à un problème
déjà compliqué par lui-même, c'est difficile.
Le deuxième problème, et je tiens à vous le dire,
c'est que nous sommes une industrie primaire, pas dans le sens de primate, mais
primaire dans le sens que nous vendons des produits à des prix qui sont
strictement internationaux sur lesquels nous n'avons aucun contrôle. Les
revenus que nous avons sont donnés par les produits; nos profits
viennent strictement de la marge qu'il y a entre les coûts
d'opération et le prix de revenu. On n'a aucune espèce de
contrôle. Quand on fait ça ici, bien, on ferme. Alors, c'est le
problème qu'on a dans les mines et qu'on ne rencontre pas dans
l'industrie manufacturière, quoique, quand on regarde les usines
aujourd'hui, ce n'est pas plus drôle que chez nous.
M. Lazure: Mais, dans la mesure où on tient compte,
justement, de votre bonne performance en matière environnementale que
vous avez évoquée tantôt et, deuxièmement, que,
finalement, il n'y a pas tellement d'impact négatif sur l'environnement
dans l'ouverture d'une nouvelle mine, dans la mesure où on pourrait
raccourcir les délais, à ce moment-là, ce serait quoi le
problème? Si vous avez déjà une industrie qui est
très soucieuse de l'environnement, vous préparerez bien vos
dossiers et vous serez enclins à vous conformer.
M. Drouin: Je crois qu'on a toujours réussi à vivre
avec les législations. S'il fallait faire peut-être un petit brin
de concession, on vous demanderait de respecter ce qu'on a dit dans le
mémoire ici, passer par secteur et passer par région à
l'aide d'un canevas assez typique, avec une autre remarque, comme on dit
là-dedans: pas toujours demander aux gens de recommencer à
zéro. Pourquoi ne pas profiter de l'expérience qui a
été faite ailleurs dans un même milieu pour ajouter
ça, mettre ça au crédit de celui qui fait une demande?
M. Lazure: Là-dessus, on s'entend. Les évaluations
par secteur, les évaluations par région, en tout cas, moi, j'en
suis. Je pense que c'est une modalité qui devra être
utilisée plus à l'avenir. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Garon): Merci, M. le député
de La Prairie. Alors, M. le député de Saguenay?
M. Maltais: Non.
Le Président (M. Garon): Je voudrais remercier les
représentants de l'Association minière du Québec inc, et
je suspends les travaux de la commission pendant quelques instants pour donner
le temps à l'Association des ingénieurs-conseils du Québec
de s'approcher de la table.
(Suspension de la séance à 17 h 31)
(Reprise à 17 h 33)
Le Président (M. Garon): La commission reprend ses travaux
avec l'Association des ingénieurs-conseils du Québec. M.
Beaulieu, je présume, comme président, est Ici. SI vous voulez
nous présenter les gens qui vous accompagnent. Comme nous avons une
heure devant nous, vous avez normalement 20 minutes pour présenter votre
mémoire, 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour
le parti de l'Opposition. À vous la parole.
Association des ingénieurs-conseils du
Québec
M. Beaulieu (Bertrand P..): Merci, M. le Président.
Mesdames, messieurs, membres de la commission, nos salutations. Je suis
Bertrand Beaulieu, ingénieur, président du Groupe HBA, de
Drummondville, et président de l'Association des
ingénieurs-conseils du Québec.
Avant d aborder notre présentation, permettez-nous, au nom de nos
membres, de vous remercier de nous donner aujourd'hui l'occasion d'exprimer
notre point de vue. Nous tenons également à vous féliciter
de l'initiative entreprise par votre commission de traiter de la
procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur
l'environnement.
Permettez-moi maintenant de vous présenter mes collègues
présents aujourd'hui. À mon extrême gauche, M. Luc
Girouard, ingénieur, président du Groupe LGL Environnement et
membre du comité d'environnement de l'Association; à ma gauche,
Mme Johanne Desrochers, directrice générale de l'Association; et,
à ma droite, M. Guy Laberge, ingénieur, vice-président
environnement de la Société d'ingénierie Cartier et
président du comité d'environnement de notre Association.
Je cède maintenant la parole à Mme Desrochers qui vous
brossera un rapide tableau de l'Association. Johanne.
Mme Desrochers (Johanne): Merci. Mesdames et messieurs, bonjour.
J'ai fait distribuer un petit document, que vous avez, qui donne quelques faits
saillants et qui vous donne la composition également de notre conseil
d'administration avec des informations sur l'Association.
Le Président (M. Garon): Pourriez-vous parler un peu plus
fort?
Mme Desrochers: Plus fort?
Une voix: Ou encore, Johanne, vous avez un petit bouton que vous
pouvez tourner.
Mme Desrochers: Ici?
Le Président (M. Garon): Tournez-le vers la droite. Si
vous le tournez vers la droite, ça va sortir.
Mme Desrochers: C'est mieux comme ça? Une voix:
Oui. Merci.
Mme Desrochers: Bon. C'est en 1974 qu'a été
formée l'Association des ingénieurs-conseils du Québec. Sa
mission: contribuer au développement de l'ingénierie
québécoise, tout en s'as-surant des services de la plus haute
qualité fournis par ses membres et défendre les
intérêts de ses membres, il va de soi.
L'Association représente aujourd'hui 240 firmes
québécoises d'ingénieurs-conseils réparties
à travers la province, lesquelles emploient 90 % de la main-d'oeuvre de
ce secteur d'activité économique.
L'Association des ingénieurs-conseils du Québec
prône la sélection des ingénieurs-conseils fondée
sur la compétence et encourage le maintien de normes professionnelles
élevées. La situation professionnelle des membres de notre
Association en fait des acteurs de premier plan sur plusieurs scènes qui
ont souvent un impact important sur le développement de notre
société. Cette position privilégiée confère
aussi aux ingénieurs-conseils une responsabilité
particulière, celle d'intervenir par les moyens appropriés afin
que ce développement soit conforme aux meilleurs intérêts
de la population québécoise.
M. Beaulieu: Merci, Mme Desrochers. Le mémoire que nous
avons déposé est le fruit des efforts de notre comité
d'environnement composé de spécialistes et de dirigeants
d'entreprises. Nos membres participent à des études
environnementales et assistent le promoteur dans l'obtention de permis, et font
souvent office de témoins experts lors des audiences. Nos membres sont
donc parfaitement familiers avec les procédures en vigueur et,
également, très conscients des difficultés et de la
frustration inhérente à la procédure actuelle.
Dans le cadre du développement durable, on doit intégrer
les considérations sociales et environnementales, mais également
les considérations d'ordre technologique et économique, sans quoi
c'est le développement lui-même qui est compromis. C'est, par
conséquent, en toute connaissance de cause et dans un esprit de
collaboration que nous nous joignons à votre démarche. Il nous
semble qu'en raison des préoccupations de plus en plus grandes de la
population pour la protection de l'environnement de plus en plus de projets
seront sujets à des demandes d'audiences publiques. Dans ce contexte, il
importe d'améliorer le système pour le rendre plus transparent et
plus efficace, en ne perdant pas de vue la protection de notre patrimoine
environnemental.
Comme vous pourrez le constater dans notre mémoire
déjà déposé, nous nous sommes attardés
à la plupart des dimensions de la procédure d'évaluation
et d'examen des impacts sur l'environnement. Compte tenu du temps
accordé, nous limiterons cependant notre présentation aujourd'hui
à un survol de quatre aspects importants. Ceux-ci sont: la
procédure actuelle, le rôle du BAPE et du MENVIQ, les projets
industriels et la disposition des déchets domestiques.
Je cède maintenant la parole à mon collègue, Guy
Laberge, président du comité d'environnement, qui traitera
brièvement de ces points.
M. Laberge (Guy): Merci, M. Beaulieu. Mesdames, messieurs,
bonjour. Alors, nos membres accordent une grande importance à la mise en
vigueur d'une procédure efficace sur le plan environnemental dans un
contexte dont l'issue est relativement prévisible et la durée
limitée. Ainsi, les principes généraux qui doivent
gouver-
ner la procédure sont le respect d'un échéancier
strict tant pour le dépôt des directives préliminaire et
finale que pour chacune des autres activités. Celles-ci comprennent la
décision du Conseil des ministres, la participation des publics
concernés et du BAPE dans l'élaboration des directives,
l'établissement d'un cadre de référence pour l'analyse
environnementale et, enfin, le respect du promoteur lors des audiences
publiques.
De plus, bien que le promoteur doive conserver
généralement le fardeau de la preuve, le ministère de
l'Environnement du Québec, le MENVIQ, doit collaborer pour rendre
l'information existante disponible et s'assurer que les règles du jeu
soient connues et constantes d'un projet à l'autre. En ce qui a trait
aux études d'impact sur l'environnement, le promoteur devrait continuer
à présenter, dès l'avis de projet, les enjeux
environnementaux. Il faudrait, en contrepartie, que le ministère en
tienne compte davantage dans sa directive. D'ailleurs, il serait
intéressant que le public participe à l'élaboration de
directives types qui pourraient s'appliquer à différentes
catégories de projets, par exemple, le dragage, la
cogénération, les lignes de transport, etc. Les promoteurs
pourraient ainsi débuter leurs études avec ces directives.
Après le dépôt de l'avis de projet, la directive
préliminaire serait précisée par le MENVIQ dans un
délai restreint en tenant compte des données locales fournies,
entre autres, par des consultations auprès des publics concernés.
Également, le BAPE devrait être consulté lors de
l'élaboration de la directive préliminaire et ce, toujours dans
un délai très court.
Un autre bénéfice important. La précision des
enjeux par le public concerné de la zone d'étude permettrait de
donner un cadre de référence afin d'évaluer la pertinence
d'une demande d'audiences publiques. S'il y a audiences, l'analyse
environnementale réalisée par le MENVIQ devrait être rendue
publique avant le début des audiences. Selon nous, la
responsabilité de l'étude d'impact devrait continuer d'être
à la charge du promoteur, mais avec une meilleure collaboration du
MENVIQ. La réalisation de l'étude d'impact par le promoteur donne
la latitude nécessaire au MENVIQ pour évaluer de façon
objective l'étude sur le plan technique.
En ce qui concerne la justification du projet, nous croyons qu'il n'est
pas raisonnable d'exiger d'un promoteur de justifier son projet ou
d'étudier l'impact sur des phénomènes qui débordent
le contexte du projet et qui sont hors de son contrôle. Selon nous, le
promoteur devrait expliquer le contexte dans lequel il compte réaliser
son projet, justifier ses choix techniques et sa localisation. De plus, les
effets cumulatifs d'envergure locale, régionale, nationale ou même
internationale devraient être évalués par le MENVIQ ou un
autre organisme gouvernemental plutôt que par le promoteur qui n'a pas
accès à l'information nécessaire. En regard des impacts
environnementaux appréhendés, la justification doit être
analysée en fonction des bénéfices découlant du
projet et de ses impacts et, s'il y a lieu, en comparant différentes
alternatives et leurs implications.
Essayons maintenant de rationaliser et de faciliter la procédure.
Pour les projets simultanés sur le territoire, la définition de
projet pourrait permettre de grouper un certain nombre de projets pourvu qu'il
s'agisse d'un seul et même promoteur. De plus, pour les projets à
caractère répétitif, nous sommes d'avis qu'il serait
possible de développer des évaluations environnementales
simplifiées. Il faudrait alors mettre en place des systèmes de
contrôle et de suivi environnemental qui permettent d'établir les
impacts réels de ces projets. C'est au MENVIQ de colliger, d'analyser et
de diffuser l'information acquise sur les sujets environnementaux.
En principe, la procédure qui comprend une liste de projets
inclus et de projets exclus est parfaitement acceptable et les projets non
cités sont couverts en vertu de l'article 22 de la Loi sur la
qualité de l'environnement. Le ministère doit conserver son
pouvoir de commander une évaluation environnementale
préliminaire. Donc, sous cet aspect, la procédure actuelle est
adéquate sauf que le présent mode de consultation publique est
trop pénalisant et dévalorisant pour les promoteurs, tant sur le
plan de l'échéancier que dans l'impossibilité de
prévoir la nature des débats soulevés soit par le BAPE ou
le public. Il est, par conséquent, impossible d'anticiper les
résultats de cette consultation.
Afin d'accélérer le processus et d'en déterminer la
durée, il devrait y avoir des délais précis pour chaque
étape de la procédure. Le ministre pourrait
bénéficier d'un pouvoir d'extension pour toute étape de la
procédure dans des cas très particuliers, en accord avec le
promoteur. Mais, attention, il ne semble pas utile d'adapter la
procédure à la finalité des projets, comme une certaine
question qui est posée dans votre demande. En effet, la diversité
des projets soumis pour l'évaluation et l'examen des impacts sur
l'environnement entraînerait plusieurs modifications à la
procédure et viendrait compliquer, à notre avis, le processus. De
plus, certains promoteurs pourraient se sentir lésés par rapport
à d'autres qui auraient pu suivre une procédure
accélérée.
N'oublions pas qu'il y a peu de projets en audience depuis 10 ans,
présumément parce que la procédure est pénible et
onéreuse. Les promoteurs préfèrent abandonner ou suspendre
un projet ou aller ailleurs plutôt que de se soumettre à un tel
processus. Raison de plus pour s'assurer que notre procédure soit la
plus efficace possible et ne soit pas plus pénalisante que celle de nos
voisins. Il y aurait lieu, par conséquent, d'harmoniser les
procédures québé-
coise, ontarienne et fédérale, tout en donnant la
priorité à la procédure provinciale. (17 h 45)
Mesdames et messieurs, laissons les décisions politiques aux
élus, c'est là notre réponse. En effet, selon nous, le
Conseil des ministres est normalement représentatif de toutes les
activités socio-économiques et culturelles du Québec. Nous
considérons qu'il constitue le niveau de décision
approprié pour l'approbation des projets. Dans l'autorisation de
projets, l'Association des ingénieurs-conseils du Québec estime
que le gouvernement tient compte généralement de
l'évaluation environnementale dans la prise de décision.
Donc, avant de terminer cette section, nous désirons mentionner
que les études environnementales réalisées, soit en vertu
de l'article 22 ou de l'article 31, ont certes contribué à la
protection de l'environnement. Bien que la tenue d'audiences publiques se
veuille un processus de consultation publique, nos membres qui ont
déjà participé à ces audiences continuent de
s'interroger sur l'efficacité de ce processus.
Permettez-moi maintenant de céder la parole à Bertrand
Beaulieu.
M. Beaulieu: Merci, Guy. Voyons maintenant le rôle du
Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, le BAPE. Selon nous, le
processus de nomination des membres du BAPE n'a pas à être
révisé. De plus, son pouvoir d'enquêter doit demeurer ce
qu'il est actuellement. Toutefois, lors de la nomination des membres du BAPE,
on devrait prévoir une représentation équitable des
différentes écoles de pensée. Les membres de l'Association
sont d'avis que le BAPE n'a pas de rôle à jouer après la
remise de son rapport. La plus grande faiblesse de la procédure
actuelle, c'est la pertinence et la justesse des recommandations
formulées par le BAPE suite à certaines audiences. Selon nous, la
médiation devrait parfois être recommandée et le
président du BAPE devrait pouvoir servir d'arbitre ou pouvoir assigner
un arbitre lorsque les parties sont d'accord pour lui donner ce pouvoir. Enfin,
le BAPE a été créé pour être une
entité qui soit distincte du MENVIQ et puisse servir de véhicule
pour la consultation et ses fonctions séparées doivent le
demeurer.
En ce qui a trait au rôle du MENVIQ, selon nous et selon plusieurs
firmes membres de l'association, il existe malheureusement un consensus selon
lequel le MENVIQ ne s'acquitte pas efficacement et rapidement de sa tâche
dans l'autorisation de projets. Cependant, nous ne sommes pas en mesure de
juger si le ministère possède les ressources adéquates
pour accomplir sa tâche. Pour la plupart des projets, il pourrait
modifier son rôle d'examinateur de plans et devis pour s'orienter
davantage dans la planification, le contrôle et le suivi environnemental
des projets.
Abordons maintenant le troisième point, les projets industriels.
Notre Association est d'avis que les projets industriels devraient être
soumis à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts
à condition que la procédure soit sensiblement modifiée
pour être plus prévisible et ce, dans toutes ses étapes. De
plus, les interventions lors des audiences devraient être assujetties
à des règles de preuve plutôt qu'à de simples
opinions du public sans fondement scientifique.
Nous considérons que les impacts environnementaux pourraient
être évalués adéquatement dans le cadre d'une
étude d'impact réalisée selon la procédure
actuelle. Cependant, il faudrait, encore une fois, que cette procédure
soit réalisée à l'intérieur d'un
échéancier précis pour permettre l'implantation de ces
entreprises. Avant d'attirer une industrie étrangère au pays,
nous suggérons de faire une évaluation environnementale
préalable. Une telle étude devrait pouvoir se faire par un simple
examen des procédés en tenant compte de plusieurs sites pour
localiser cette entreprise. Cette même suggestion pourrait s'appliquer
lors de l'évaluation de l'admissibilité des entreprises à
une aide financière. Le gouvernement devrait procéder
systématiquement à une évaluation environnementale
sommaire. Enfin, certains parcs industriels pourraient être
préalablement planifiés et évalués par une
étude d'impact. Des études simplifiées pourraient alors
être demandées pour l'implantation d'industries
déterminées.
Permettez-nous, en terminant, de traiter brièvement de notre
dernier point, la disposition des déchets domestiques. Il nous
apparaît que l'implantation d'un lieu d'enfouissement sanitaire n'a pas
à être assujettie à la procédure d'évaluation
et d'examen des impacts sur l'environnement en raison du fait que les impacts
sont connus. Il importe donc d'agir et de répondre au besoin crucial de
la plupart des municipalités du Québec. Le MENVIQ doit s'assurer
dès le début que les critères de localisation, de
conception et d'exploitation prévus dans la réglementation soient
adéquats. Selon nous, il est également très important que
ces sites fassent l'objet d'un contrôle rigoureux et d'un suivi
environnemental exhaustif allant même jusqu'à une
réévaluation périodique de leur conformité
environnementale. Au niveau planification, la localisation d'une implantation
d'un lieu d'enfouissement sanitaire devrait, selon nous, être
discutée lors de la révision des schémas
d'aménagement des MRC. Il s'agit d'un forum municipal axé sur la
gestion du territoire et des besoins des collectivités locales.
De plus, le MENVIQ doit jouer un rôle important pour s'assurer que
les règles de l'art soient respectées lorsque l'entreprise
privée ou les municipalités gèrent ou exploitent des
systèmes de gestion de déchets. Il doit également
s'assurer que des fonds soient mis en fiducie et demeurent toujours disponibles
pour la fermeture
et l'entretien postfermeture. Nous sommes d'avis que c'est au
gouvernement de fixer les modalités de l'ensemble des enjeux d'un
débat public si cela s'avère nécessaire. En effet, nous ne
croyons pas que le BAPE ait à se pencher sur des dossiers concernant la
problématique des déchets solides.
En guise de conclusion, permettez-moi de prendre encore quelques
instants pour résumer notre position en ce qui a trait à la
procédure. Elle doit être efficace sur le plan environnemental,
sans que cette procédure ne soit un frein au développement. Elle
doit être prévisible tant sur le plan de la durée que des
résultats escomptés. 11 doit y avoir des délais
précis à chaque étape et la durée de l'exercice ne
devrait pas excéder 12 mois. elle ne doit pas être plus
pénalisante que celle de nos voisins. le besoin d'harmoniser se fait
encore plus pressant. le public devrait faire connaître ses
préoccupations très tôt dans le processus,
préalablement à l'occasion du dépôt de la directive
préliminaire.
Il n'est pas raisonnable d'exiger d'un promoteur de justifier son projet
ou d'étudier l'impact sur des phénomènes qui
débordent le contexte du projet et qui sont hors de son
contrôle.
En ce qui a trait aux projets industriels, nous croyons qu'ils pourront
être soumis au Règlement sur l'évaluation et l'examen des
impacts sur l'environnement une fois la procédure revue,
accélérée et harmonisée.
En ce qui a trait aux déchets domestiques, il ne nous
paraît pas opportun de les assujettir à la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts quant au lieu d'enfouissement de
déchets solides. Ce qui est important, ce sont les critères de
localisation, de conception, d'exploitation et la mise en fiducie d'un fonds
pour la restauration. Le suivi environnemental est primordial.
Mesdames et messieurs, nous vous remercions de votre attention.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Au nom du
gouvernement, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue à cette commission,
Mme la directrice générale, M. Beaulieu, ainsi que les deux
messieurs qui vous accompagnent, et saluer particulièrement l'Ordre,
c'est-à-dire l'Association des ingénieurs-conseils.
J'ai lu attentivement votre mémoire que vous nous aviez fait
parvenir. J'ai aimé la forme interrogative et vous autres, vous avez
donné des réponses aussi. Dans d'autres mémoires, on a
posé beaucoup de questions, mais on avait peu de réponses. Je
pense que c'est tout à votre honneur de nous donner votre opinion dans
des réponses comme ça. Je serai assez bref dans mes questions.
J'ai trois questions que j'aimerais vous poser.
La première. Dans votre mémoire, à un moment
donné, à la page 6, lorsqu'on parle des "effets cumulatifs,
qu'ils soient d'envergure locale, régionale, nationale ou même
internationale", vous nous indiquez que ça devrait être
évalué par le MENVIQ et l'OPDQ. Qu'est-ce que l'OPDQ, selon vous,
vient faire ici?
Une voix: Luc, pourrais-tu répondre?
M. Girouard (Luc): On pensait à l'OPDQ, parce que,
réellement, on voit la définition des effets cumulatifs comme
relevant d'une planification régionale et d'une planification à
une échelle beaucoup plus large. L'OPDQ nous apparaît l'organisme
gouvernemental qui peut assumer ce rôle-là, parce que les MRC,
normalement, sont préoccupées par les collectivités
qu'elles représentent et, de façon à regarder les effets
cumulatifs qui doivent couvrir des éléments dans le temps et dans
l'espace, qui doivent être beaucoup plus importants que le rôle des
MRC, l'OPDQ pourrait assumer ce rôle-là dans un esprit de
planification à une échelle beaucoup plus grande.
M. Maltais: Je ne sais pas si vous connaissez bien le
fonctionnement de l'OPDQ, mais, moi, je trouve qu'ils sont assez
mêlés comme ça, là, qu'il ne faudrait pas qu'ils
aillent se mêler de la question environnementale, parce que, là,
ce serait le bordel total. Je n'ai pas la même perception que vous, que
l'OPDQ pourrait faire un genre de suivi comme ça. Écoutez, il
faut vivre avec eux autres.
Mme Desrochers: II doit manquer un bout de phrase: Ou tout autre
organisme que vous jugerez...
M. Maltais: Bon. Alors...
Le Président (M. Garon): Ça va prendre une
étude d'impact sur l'OPDQ.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Desrochers: À peu près.
M. Maltais: Depuis trois jours qu'on auditionne des groupes et
des personnes, tout le monde s'est plaint d'une chose, c'est unanime,
même vous: les délais. Moi, j'essaie de chercher pourquoi
ça prend tant de temps que ça. Les avocats restent à
venir, mais on sait qu'ils vont dire que c'est les ingénieurs. Les
ingénieurs, vous allez sans doute nous dire que ce sont les
fonctionnaires, qui sont des ingénieurs aussi. Un jour ou l'autre,
quelque part dans le système du Québec, il faudrait que quelqu'un
nous dise pourquoi ça prend 30 mois, 40 mois et 50 mois. Je ne sais pas
où ça accroche, mais y a-t-il moyen de prendre un projet, de
remplir comme il
faut la formule des deux côtés, de s'en aller à
l'Environnement? L'association des alumineries a posé une question. Il
devrait y avoir un chargé de projet en environnement qui suive ce
dossier, juste lui, pour ne pas l'échapper, pour ne pas qu'il tombe
quelque part et qu'on ne le retrouve plus. D'après vous autres - au
fond, c'est votre profession et c'est vous qui traitez la grande
majorité de ces projets-là - entre vous et moi, à 18
heures pile jeudi soir, pouvez-vous me dire à quelle place ça
accroche? Pourquoi ça marche tout croche et que ça prend tant de
temps que ça?
M. Beaulieu: Vous savez, nous, on pense qu'on a besoin de plus de
directives. On a besoin de normes. On a besoin de savoir exactement vos
besoins, les besoins de la province. Vous êtes là en tant que
gouvernement pour nous le dire, en tant que fonctionnaires. On disait, tout
à l'heure, que le MENVIQ devrait prendre une autre
responsabilité. C'est-à-dire laquelle? La responsabilité
technique, c'est-à-dire de nous donner des normes précises, dans
un temps précis, un délai précis et d'avoir un ordre tel
qu'on le demande ici. L'ordre est changé dans notre présentation.
Mais je crois que chacun, comme l'Association des ingénieurs-conseils,
représente ses membres. Lorsque nous faisons une étude ou des
travaux, nous sommes responsables du résultat de nos travaux. Nous avons
la responsabilité totale et complète de ces travaux-là.
Donc, laissez-nous la responsabilité complète des travaux. Ne
prenez pas le temps d'inspecter tous les plans et devis et de voir s'il manque
une virgule, un point ou quoi que ce soit. Je crois que vos professionnels sont
tellement efficaces au point de vue technique qu'ils doivent faire autre chose
que ça. On les respecte beaucoup, c'est de nos membres, de l'Ordre des
ingénieurs.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Maltais: Regardez, je vais vous donner un exemple bien terre
à terre. Le ministre de l'Éducation, après qu'on se soit
battus, nous dit: O.K., tu construis une école dans ta circonscription.
La commission scolaire engage un architecte qui conçoit l'école.
Elle engage des ingénieurs pour faire la mécanique et toute la
bebelle. Le plan de l'architecte est accepté au ministère de
l'Éducation, les plans des ingénieurs sont acceptés. On va
en appel d'offres. On construit l'école et tout ça. On fait
ça en dedans d'un an et l'école est bâtie, qu'elle soit
grosse ou petite. C'est la même chose aux Affaires municipales. On peut
avoir un programme AIDA de 25 000 $, mais on peut en avoir un de 2 000 000 $,
puis de 3 000 000 $, 4 000 000 $ et ça prend le même temps. Les
professionnels, ça remplit, ça correspond, mais aussitôt
qu'on touche à l'Environnement - excusez l'expression - c'est le bordel.
Entre vous autres, qui êtes les mandataires, 95 % de l'entreprise qui
vous mandate, et c'est toujours les mêmes fonctionnaires... On en a 2700,
on ne doit pas les changer à toutes les semaines, au ministère de
l'Environnement. Vous devez commencer à les connaître quelque
part. Mais ça prend 30 mois, 40 mois. Pourquoi ça prend aussi
longtemps que ça? Vous nous dites: Laissez-nous travailler.
Écoutez, monsieur, je vous pose une question bien terre à terre:
Vous remplissez toutes les formules, vous avez toutes les exigences que le
devis exige, vous allez à l'Environnement avec ça, ça leur
prend combien de temps pour vous dire: O.K., tu peux continuer?
M. Beaulieu: Écoutez, je pense que je vais laisser
répondre Luc, parce que mon opinion... Moi, de la manière que je
suis fait, je vous ai donné mon opinion et je vais laisser une autre
opinion...
M. Maltais: Je m'excuse d'insister, mais c'est important. Tout le
monde s'est plaint de ça. (18 heures)
M. Girouard: Je pense qu'une des raisons pour lesquelles les
délais sont si grands, c'est beaucoup plus la définition des
tâches à l'intérieur du ministère de
l'Environnement, puis il s'agit de bien comprendre les projets qui sont
présentés par les promoteurs. Je pense que c'est la source
principale pour les directives.
M. Maltais: L'incompréhension du projet
présenté par le promoteur, par les fonctionnaires du
ministère de l'Environnement.
M. Girouard: Oui, parce que, souvent, ils attendent d'avoir assez
de données pour être capables d'arriver et d'émettre des
directives correctes. Quand on parlait tout à l'heure de laisser les
ingénieurs assumer leur rôle, le ministère de
l'Environnement a beaucoup de ressources, presque une centaine
d'ingénieurs, par exemple, qui font beaucoup d'approbation de plans. En
majorité, c'est ce qu'ils font et c'est ce qu'on disait: À notre
avis, ce n'est pas le rôle des ingénieurs du ministère de
faire de l'approbation de plans. Il y a des responsabilités de
professionnels et il y a un Ordre des ingénieurs qui fait ça.
Si on faisait une allocation des ressources, surtout en
ingénierie, du ministère de l'Environnement pour regarder les
technologies propres, pour regarder ce qui se fait ailleurs dans le monde pour
protéger l'environnement et pour connaître les projets, à
ce moment-là, quand un promoteur arriverait avec un avis de projet, on
serait capables d'émettre beaucoup plus rapidement une directive parce
qu'on aurait regardé ce qui se fait ailleurs et on saurait tout de
suite.
Ça, c'est probablement la source principale des délais. Il
n'y a pas de problème, une fols qu'on a les directives, pour les
exécuter. On fait ça dans des délais rapides, on est
capables
d'arriver dans des choses très bien définies; on le fait,
d'ailleurs, dans d'autres provinces. Mais quand on arrive ici, on n'est pas
capables d'avoir des directives dans un délai raisonnable et je pense
que c'est strictement une question d'allocation des ressources.
M. Mariais: D'accord. M. Beaulieu, vous qui êtes un
sage-conseil, puisqu'on vous a élu président de l'Association des
ingénieurs-conseils, qu'est-ce que vous pensez de la loi
fédérale qui s'en vient, finalement, chambarder un peu notre
coutume de vie au niveau des auditions au niveau des grands projets? Qu'est-ce
que vous pensez de ça, vous, comme professionnel et les personnes aussi
qui vont avoir à composer avec tout ce beau monde-là? En plus que
ça va déjà mal chez nous, c'est le bordel, vous allez
avoir à faire face à tout ce beau monde-là. S'ils ne sont
pas "gearés" plus fort que nous autres, ça va bien aller.
M. Beaulieu: C'est toute une question. L'Association des
ingénieurs-conseils a pris position dans plusieurs cas et a toujours
répondu ce qui suit, c'est qu'on est capables de s'administrer nous
autres mêmes au Québec. On est capables de faire nos
évaluations d'impact et on est assez responsables pour les faire comme
il faut. On n'a pas besoin d'une autre loi fédérale. En ce qui
concerne les poissons, les ci, les ça, je crois qu'on est d'accord, tout
le monde est d'accord au Québec. Mais, par contre, nos richesses
naturelles, nos choses à nous, on est capables de les administrer, la
preuve est faite. Alors, on dit tout simplement qu'on est aptes à faire
nos études et nos projets.
M. Maltais: Je suis bien heureux de vous l'entendre dire, mais
pas autant que mon collègue. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Maltais: Mais je suis bien heureux. Je vous remercie. Je vais
laisser la parole à mon collègue, parce que ma collègue,
Mme la députée de Vachon, voudra revenir tout à
l'heure.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, au
nom de l'Opposition, de souhaiter la bienvenue aux représentants de
l'Association des ingénieurs-conseils et de les remercier d'avoir bien
voulu préparer cette présentation qui est assez dense; il y a
beaucoup de choses dans ça. La plupart, moi, j'y concours
allègrement, mais il y en a un certain nombre qui m'ont fait tiquer, je
vous l'avoue, puis je vais les soulever tantôt.
Mais, pour enchaîner, dans la discussion sur les délais,
moi, j'aime bien l'interprétation de votre dernier collègue, son
explication des délais probables à l'intérieur du
ministère. Je l'ai déjà vu à l'intérieur de
certains ministères où des professionnels sont attardés
à des tâches qui ne sont pas absolument nécessaires, qui
sont moins prioritaires que d'autres. Et je pense que vous avez raison. Si ce
temps-là était consacré à la préparation des
directives, à ce moment-là, il y aurait une
accélération. Mais - vous me voyez venir - je pense, comme mon
collègue de Saguenay, qu'il y a autant de délais du
côté des ingénieurs-conseils qu'il y en a du
côté du ministère. Je le pense sincèrement.
Dans le rapport Lacoste, il y avait un tableau fort intéressant.
Ce n'est pas paginé, malheureusement, c'est dans les annexes, je pense.
C'est après la page 19, en tout cas, 21. Il y a une série de
statistiques sur les délais selon les étapes du processus. Par
exemple, entre la consultation sur la directive préliminaire et le
dépôt officiel de l'étude d'impact par le promoteur -
laquelle étude d'impact par le promoteur est généralement
faite, pas exclusivement, mais je ne sais pas à quel pourcentage,
à 80 %, par des ingénieurs-conseils qui apportent une grande
contribution à cette tâche-là - le délai
était de 16,4 mois. Moi, je suis sûr que tous les acteurs dans ce
scénario sont coupables du délai, dans une certaine mesure. Le
moins coupable, je dirais que c'est le BAPE et c'est celui-là qui
reçoit le plus de blâmes ces jours-ci. La seule étape qui
est bien contingentée au point de vue des délais, c'est la
période des audiences publiques, quatre mois. C'est plafonné.
Ensuite, la période où le ministre doit transmettre son rapport,
le rendre public, c'est 60 jours. Mais les autres étapes, ce n'est pas
plafonné. On est d'accord avec vous que ça devrait l'être,
il devrait y avoir des délais fixés. Mais, si on fait l'autopsie,
je pense que le partage des responsabilités est assez égal et,
moi, je dirais, en tout cas, que le moins coupable, c'est le BAPE, finalement,
contrairement à un mythe populaire qui veut que le BAPE soit, lui, le
grand responsable.
J'enchaîne. J'ai été surpris de voir qu'à un
moment donné vous dites: "II y a peu de projets en audience depuis 10
ans parce que la procédure est trop onéreuse et fort
pénible. Les promoteurs préfèrent abandonner un projet ou
aller ailleurs plutôt que de se soumettre à un tel processus."
Ça, je ne vous suis pas du tout là-dessus. Je trouve ça
grave comme accusation. Vous accusez, au fond, l'audience de faire fuir les
investisseurs. On n'a pas entendu ça venant d'ailleurs, ici, du tout, du
tout.
Une voix: Par l'Association des manufacturiers, non?
M. Lazure: Même les gens de Lauralco nous ont dit: Ce n'est
pas des procédures comme ça qui nous font peur; on est
habitués à ça partout
dans le monde. Je veux juste faire une remarque et je vous laisse
réagir là-dessus. Il y a eu une quarantaine de projets depuis
plus de 10 ans, seulement une quarantaine. La raison principale, selon moi,
pour laquelle il y en a eu si peu, ce n'est pas parce que c'est
compliqué et que ça fait peur au monde, c'est parce que des pans
entiers n'étaient pas en vigueur. Ça, vous le savez fort bien. Le
rapport Lacoste l'a bien dit, clairement, et tout le monde réclame que
le rapport Lacoste soit mis en application.
Mais, à supposer que le rapport Lacoste ait été mis
en application, au lieu d'avoir eu 40 projets en audience, on en aurait eu - un
calcul approximatif, si vous voulez, selon les clauses 2g, 2j, 2n, 2p - au
moins une centaine, entre 100 et 150 projets de plus. Ce n'est pas parce que
ça fait peur au monde qu'il n'y en a pas eu, des audiences, c'est parce
qu'on n'a pas eu encore assez de courage, les gouvernements, pour mettre en
application ces articles-là. Moi, je ne peux pas m'empêcher de
rétablir certains faits à cet égard-là.
M. Beaulieu: Pour commencer, je pense qu'on a été
mal interprétés. On ne parle pas de retards et que les gens ont
peur de l'audience.
M. Lazure: Bien!
M. Beaulieu: Les gens ont peur du processus global
environnemental. C'est la différence qu'on veut porter à...
M. Lazure: Oui, mais, là, on parle de projets en
audience.
M. Beaulieu: En audience, parce qu'ils ont peur du
procédé.
M. Lazure: Mais vous avez dit "projets en audience".
M. Beaulieu: Oui, parce qu'ils ne vont pas en audience,
justement, ils arrêtent avant. Ils ont peur du processus environnemental.
Je vais laisser M. Laberge répondre à vos questions, si vous
voulez bien, M. le député.
M. Laberge (Guy): En fait, vous avez
énu-méré plusieurs considérations. Chose certaine,
l'exploitant ou le promoteur va examiner attentivement quelle procédure
s'applique à lui et va certainement préférer une
procédure qui lui apparaît plus expéditive, dont l'issue
est plus certaine que de s'en aller vers une procédure en audience. Je
pense qu'on a une amélioration effective à apporter de ce
côté-là, peut-être aussi au point de vue
perception.
M. Lazure: Moi, j'ajouterais là-dessus que c'est un peu
comme un cercle vicieux. Étant donné qu'il y a peu d'audiences -
parce que c'est très peu, ça, quatre ou cinq par année -
moi, j'ai l'impression que, souvent, au ministère, quand on demande la
directive au promoteur, sachant à l'avance qu'il n'y a pas d'audience,
il y a des fonctionnaires qui sont très, très scrupuleux, qui
veulent être d'une grande prudence. Peut-être qu'il y a une
exagération des délais parce qu'on prend beaucoup de temps pour
s'assurer qu'on va avoir toutes les précautions voulues.
Autrement dit, il y a aussi une question de culture. On l'a vu avec
Soligaz, qui était la première audience sur un grand projet
industriel. Les gens se sont défoulés, c'est vrai. Mais, au fur
et à mesure qu'il y aurait plus d'audiences, si l'audience publique
devenait banalisée un peu comme d'autres sortes d'audiences qui ont lieu
dans d'autres domaines, moi, je pense qu'à ce moment-là, au
total, les procédures seraient accélérées. On est
d'accord avec vous, on l'a dit à plusieurs reprises, je pense, des deux
côtés de la table ici: Nous comptons bien essayer de trouver des
façons de fixer des délais, des plafonds. Il faut absolument que
ce soit raccourci. Là-dessus, on s'entend.
M. Laberge (Guy): En fait, les délais, il faut qu'ils
soient impartis à chaque activité...
M. Lazure: C'est ça.
M. Laberge (Guy): ...ou à chaque intervenant.
M. Lazure: C'est ça.
M. Laberge (Guy): II faut également qu'il y ait des cadres
de référence, il faut qu'il y ait des directives qui soient
relativement précises, il faut que les intervenants qui veulent
s'exprimer s'expriment très tôt dans le processus. S'il y a des
études qui sont faites, qu'elles répondent à ces
questions-là qui sont soulevées. Il ne faut pas que les questions
sortent trop tard.
M. Lazure: Qu'est-ce que vous pensez de la technique
américaine dont on a parlé à quelques reprises
aujourd'hui, la voie rapide, une procédure plus rapide? Oui?
M. Girouard: Cette procédure-là, à ma
connaissance, a été étudiée seulement une fois. On
en parle pour pouvoir l'utiliser. On recommande, nous, une méthode pour
le faire qui serait similaire à ça, ça serait une audience
publique sur un certain type de projets. Je pense que les audiences
génériques sur la cogénération, qui ont
été annoncées il y a deux semaines, sont
déjà dans cette bonne voie-là. Ça pourrait
être quelque chose qui se rapproche de ce qu'on appelle les "class EA" en
Ontario...
M. Lazure: Oui.
M. Girouard: ...où, pour certains types de projets, on a
déjà défini le genre de mesures de mitigation qui vont
s'appliquer et le promoteur s'engage à vérifier son projet en
fonction des conditions locales et à suivre ces mesures de mitigation
là. On recommande, d'ailleurs, d'aller vers ce processus
accéléré là qui pourrait aller par type de projets,
mais avec, au départ, contrairement à la procédure
américaine où c'est le promoteur qui a tout le rôle, des
règles du jeu qui seraient fixées lors d'audiences avec les
gouvernements et le public.
Je pense que c'est là où on varie par rapport au processus
américain, mais ça fixerait les mêmes règles du jeu
pour tout le monde, ce qui permettrait d'accélérer le processus.
L'un des problèmes qu'on voit avec le processus actuel, c'est que,
souvent - on l'a noté dans le mémoire - les enjeux
environnementaux importants d'un certain type de projets ne ressortent pas
clairement soit des études, soit des directives. Il y a certains
domaines d'activité où on sait quels sont les grands enjeux
environnementaux. Et la directive, justement parce que le ministère veut
se couvrir sous tous les aspects, est tellement large qu'on regarde
l'étude d'impact et on a de la misère à voir ce qu'il y a
d'important là-dedans.
Donc, je pense que le ministère et le promoteur doivent
identifier les enjeux environnementaux par rapport à un certain type
d'activités et il pourrait y avoir un engagement du promoteur de suivre
un processus accéléré dans le cas de projets très
bien définis. On a eu combien de projets de marinas? On va avoir combien
de projets de cogénération? Il y a eu des projets d'alumineries.
Il y a des groupes de projets qui vont très bien. Ça permettrait
d'avoir un processus accéléré.
Une autre chose concernant les délais. Tout à l'heure,
vous mentionniez qu'il y a des délais qui... On recommande des choses de
façon à accélérer le processus; par exemple, le
processus pour émettre un certificat d'autorisation oblige à
soumettre des plans finaux. Des fois, on passe le processus complet de
vérification environnementale, d'audiences, etc., il y a une
autorisation pour la construction, on procède à la construction,
mais il y a plein de modifications mineures qui ont lieu et on est dans une
drôle de position comme ingénieurs. On ne peut pas soumettre des
plans tels que construits, le ministère ne peut pas remettre les
certificats d'autorisation parce que ce n'est pas les plans définitifs
et, en même temps - on est en construction - on ne peut pas aller en
construction parce qu'on n'a pas le permis du ministère.
Donc, il y a des ajustements mineurs comme ça à faire,
mais, par exemple, on devrait être capables de remettre un certificat
d'autorisation avec des plans pour lesquels on va en soumission et de donner un
certificat d'autorisation préliminaire et, lorsque c'est fini de
construire, de remettre au ministère des plans définitifs. Je
pense que ça, c'est le genre d'ajustement qui peut se faire.
Finalement, concernant le BAPE, on est entièrement d'accord sur
les délais avec lesquels le BAPE fonctionne; il n'y a pas de
problème, c'est bien défini, tout ça. On fait des
recommandations, par contre, sur la façon de fonctionner du BAPE par
rapport à l'expertise qu'il peut obtenir. Le BAPE fonctionne dans un
cadre très bien défini, mais il a des problèmes, entre
autres, avec le choix des commissaires et avec l'utilisation d'experts
externes. On fait des recommandations dans notre mémoire qui
permettraient, tout en restant dans le même processus, d'avoir des
audiences avec lesquelles, je pense, tout le monde se sentirait plus à
l'aise aussi. (18 h 15)
M. Lazure: Oui. Et je pense que vos recommandations en rapport
avec la nomination des membres du BAPE sont tout à fait pertinentes. On
s'entend, je pense, sur tout ce que vous venez de dire concernant des
évaluations sectorielles ou génériques, peu importent les
termes. Aussi, je trouvais intéressant, et je pense que vous êtes
les premiers à nous faire cette suggestion, ce que j'appellerais une
évaluation préventive pour les parcs industriels: faire une
espèce de classification au préalable des parcs industriels, si
bien qu'un gouvernement saurait que tel parc industriel est apte à
recevoir tel genre d'industrie. Je pense que c'est très pertinent,
ça, comme recommandation.
M. Girouard: II y a le cas de Bécancour qui est
peut-être le cas le plus flagrant, où il y a certains types
d'industries qui se sont implantées au fil des années. Il y a
beaucoup de données environnementales qui ont été
amassées, recueillies et compilées dans le cas de
Bécancour parce qu'il y a beaucoup de projets récents qui sont
allés là. On s'est aperçu, lors de ces
études-là - on parlait d'effets cumulatifs - que le milieu, pour
certains types d'industries, n'est plus capable d'en prendre. Donc, à ce
moment-là, il se fait déjà une élimination. On dit:
Si ça se faisait un peu partout en général, ça
permettrait de dire à une industrie étrangère qui veut
venir s'implanter, à ce moment-là: Vous pouvez venir, mais
seulement dans tel secteur ou dans tel secteur.
M. Laberge (Guy): II y aurait aussi l'aspect d'évaluer les
industries pour ce qu'elles sont en termes d'impact environnemental. Si le
ministère de l'Industrie et du Commerce fait des démarches pour
attirer de l'industrie ici, au Québec, il devrait le faire en tenant
compte des aspects environnementaux, je pense, en examinant le
procédé de fabrication, les rejets potentiels et ainsi de suite.
Alors, il y a moyen de savoir à l'avance si c'est le genre d'industries
qu'on veut attirer ou pas.
M. Lazure: Moi, j'ai juste une dernière chose concernant
les déchets solides. Je suis un peu déçu que vous ne
trouviez pas que c'est opportun de soumettre l'implantation d'un lieu
d'enfouissement, de l'assujettir à la procédure
d'évaluation. Je comprends que c'est une juridiction qui est locale, la
municipalité régionale de comté, mais, à tout le
moins, de la même façon que vous venez de dire que ce serait utile
qu'il y ait une évaluation sur un secteur industriel, une région
ou un parc, est-ce que vous ne pensez pas qu'il pourrait y avoir une
évaluation, dans une région donnée au moins, sur la
façon de gérer les déchets domestiques?
M. Beaulieu: Je pense que ce qu'on précise, dans le fond,
c'est un peu ça, mais on le dit de façon régionale. On
dit: Faisons-le avec les MRC. C'est faisable avec les MRC, la même chose
que vous faites avec un parc industriel, si on prend le même exemple.
Alors, soyons prêts à régler notre problème dans un
contexte régional. C'est ça qu'on voulait apporter comme
point.
M. Lazure: Est-ce que... Oui?
M. Girouard: Je pourrais peut-être ajouter autre chose
là-dessus. C'est que les MRC, déjà, prennent les
considérations environnementales en question lors de l'évaluation
des plans d'aménagement pour faire des choix de sites. Donc, il y a
déjà un "screening" préliminaire qui se fait au niveau des
MRC. Nous, notre position, c'est qu'un site d'enfouissement pour lequel on
établit des bonnes normes, des bons critères de conception, mais
aussi une bonne vérification par après, ça opère
très bien. Mais l'histoire a montré qu'en général
ou bien les critères de conception ne sont pas assez
sévères ou surtout il n'y a pas de suivi environnemental sur ces
sites-là. Donc, ça ne donne rien. Quand bien même on irait
en audience, qu'on en discuterait des heures, s'il n'y a pas de suivi
environnemental là-dessus, on n'arrivera à rien. Reprenons des
bonnes normes, nous, on est capables de faire des conceptions très bien
après, puis il y aura un suivi qui sera fait. Mais ce n'est pas
seulement au niveau de la conception; il faut que ce soit à
l'étape postopération ou, même, fermeture.
M. Lazure: Une dernière chose. Il y a eu une commission
d'enquête sur la gestion des déchets dangereux. Est-ce que vous
pensez que ce serait utile qu'il y en ait une sur la gestion des déchets
domestiques?
M. Laberge (Guy): Je vais peut-être terminer sur les
déchets domestiques pour dire que, dans le cas des sites d'enfouissement
des déchets, les problèmes associés à ça
sont assez bien définis, assez bien connus, hein? Pour renforcer un peu
ce que disait Luc Girouard, ce dont on a besoin, c'est des normes, c'est des
guides, c'est des réglementations qui s'appliquent à ça.
C'est aussi un suivi qui vient du ministère, le suivi qui doit
être fait. Et, en dernier lieu également, il faut la mise en
fiducie de l'argent qui va servir au recouvrement final et à la
restauration, puis au maintien après coup. Je pense que ça aussi,
c'est un aspect qui est très important.
Pour revenir à la question de l'opportunité d'une
commission d'enquête, vous me posez une question. On n'en a pas
discuté ensemble. Je vais vous donner un petit peu mon point de vue
personnel. Je ne crois pas que ce soit nécessaire de faire une
commission d'enquête. Je pense qu'il y a des solutions à
portée de la main. Le gros problème sur le plan des solutions
techniques, si on veut, demeure de politique locale. C'est tout le
phénomène du NIMBY et je ne pense pas qu'une commission
d'enquête solutionne ça.
M. Lazure: Oui. Mais, justement, vous me permettrez de
différer d'opinion. Il y a des solutions au plan technique. Bon. Vous
êtes de grands techniciens. Vous avez raison, il y a des solutions. Mais,
au plan social, il n'y a pas de consensus dans l'ensemble du Québec sur
la solution à utiliser: l'enfouissement, l'incinération, le
recyclage, la récupération? Vous savez, les recettes sont
là, elles sont connues, mais région par région et dans
l'ensemble du Québec, c'est vraiment une discussion très,
très chaude et il y a un désaccord. Il n'y a pas
d'unanimité, il n'y a pas de consensus.
M. Laberge (Guy): Je ne pense pas qu'il y ait une seule solution
pour l'ensemble du Québec.
M. Lazure: Non. Non, mais il faut qu'une région ou une
localité prenne une décision sur un ensemble de solutions, si
vous voulez, mais qu'elle prenne une décision.
M. Beaulieu: Oui, mais toute décision est prise par
l'ensemble de la population, selon sa capacité de payer. Nous, on a des
solutions techniques, mais ça revient tout le temps, on l'a lu, à
trouver la solution qui est la plus valable pour son coin de pays. Alors, dans
ce contexte-là, il y a des solutions techniques mais, par contre, il y a
quand même un suivi à faire au point de vue population. Luc, tu
voulais ajouter?
M. Girouard: Oui. Je pense que, réellement, c'est un
débat au niveau de la MRC qui doit se faire. Je ne vois pas en quoi une
commission d'enquête qui couvrirait l'ensemble apporterait des nouvelles
solutions. Je pense que les solutions techniques sont là. Il y a des
décisions qui doivent être prises et, moi, mon choix personnel,
c'est un choix de la population et c'est un choix politique au niveau des MRC
qui doit se faire pour régler localement le problème de
déchets domestiques.
M. Lazure: Merci.
Le Président (M. Garon): Je remercie les
représentants... Est-ce que...
Mme Pelchat: Ah oui, je vais ajouter, M. le Président.
Le Président (M. Garon): O.K.
Mme Pelchat: M. Richard, pour 30 secondes, a un commentaire.
M. Richard: Merci, M. le Président, de me
transférer la parole. Vous avez fait allusion au parc de
Bécancour qui est un parc d'État. Il y a une expérience
à caractère-pilote qui a été faite et payée
à 50 % par la municipalité, qui est la ville de Bécancour
dans ce cas-là, et à 50 % par le gouvernement du Québec,
le ministère de l'Industrie et du Commerce. En fait, ils sont capables,
demain matin, de dire: Une deuxième aluminerie, on aimerait bien
ça, ça crée 800 emplois, mais on ne peut pas l'avoir
à cause des émanations de fluor.
Ils sont capables de le dire parce que, dans le parc ou à
proximité, de la centrale nucléaire en descendant, ils ont
maintenant, d'une façon très précise, l'ensemble des
impacts environnementaux pour les investissements majeurs de plusieurs
milliards qui sont dans cette région-là. C'est à
caractère exceptionnel, mais le milieu y a participé. C'est une
étude de 100 000 $, qui les situe très bien; lorsque des
promoteurs arrivent maintenant dans le parc de Bécancour, même
s'ils arrivent par le MIC ou par d'autres intervenants gouvernementaux, le
milieu lui-même est à même de dire: On vous aime bien, vous
avez l'air sympathiques, mais vous ne pouvez pas venir chez nous; avec le type
de problèmes environnementaux que vous nous causeriez, allez ailleurs.
Il y a peut-être des possibilités au Lac-Saint-Jean ou ailleurs,
mais ne venez pas à Bécancour, on ne peut pas vous recevoir,
dépen-damment du type d'investissement futur.
Mme Pelchat: Merci, M. le Président. Merci, M. Richard.
J'aimerais revenir un petit peu sur les délais. Je ne voudrais pas trop
allonger le débat, mais c'est important. Tout le monde le dit que le
délai de la procédure est beaucoup trop long, qu'il faut le
rapetisser, le rétrécir, qu'il faut faire en sorte que ça
aille plus rapidement. Mais c'est vrai que le ministère de
l'Environnement et la Direction des évaluations ont le dos large, et,
bon, quand vous dites que la majorité de vos firmes membres semblent
dire que c'est à cause de la lenteur du ministère de
l'Environnement, vous n'avez pas tort car, des fois, le MENVIQ prend un petit
peu de temps pour faire des choses, mais j'aimerais vous souligner que
l'analyse qu'en a fait le rapport Lacoste, de ce grand délai-là -
qui est en moyenne de 33 mois et de 25 mois quand il ne s'agit pas d'une route
- nous dit que 55 % du temps consommé pour la procédure l'est
à l'élaboration de l'étude d'impact. Et
l'élaboration de l'étude d'impact, ce n'est pas le
ministère de l'Environnement qui fait ça. C'est le promoteur qui,
normalement, embauche des firmes comme, par exemple, des firmes
d'ingénieurs.
C'est vrai que le ministère de l'Environnement - et je pense
qu'on tient la commission pour ça aussi, là - a un effort
à faire pour rétrécir ces délais. Je pense que le
promoteur aussi a un grand bout de chemin à faire. Je vous donne un
exemple: l'autoroute 30. Vous êtes familiers avec la
problématique. M. le député de Lévis est bien au
courant du dossier. Pour le tronçon entre la 10 et la 15, entre Brossard
et Candiac, le ministère des Transports, qui est le promoteur,
était censé déposer l'étude d'impact,
originalement, au mois de novembre 1990. Ça a été
retardé au mois de février 1991. Pas trop pire.
Au mois de mai, j'appelle au ministère. On me dit: Mme Pelchat,
au mois de juin, pas de problème, ça va être
déposé. Je suis contente; je vais pouvoir appeler mes gars de la
Direction des évaluations et les achaler un peu. Au mois d'août,
pas déposé. Au mois de septembre, pas déposé. Et,
hier, j'ai appris que ce serait déposé au mois de
décembre. Je trouve ça extraordinaire. Mais il y a comme un
problème quelque part parce que, voyez-vous, une fois qu'on a
déposé l'avis de projet, le ministère a émis la
directive. Là, on est en étude d'impact. Le problème est
là. Ça fait 11 mois qu'on attend après ça et ce
n'est pas déposé.
Et ce n'est rien. Ils vont donner ça à la Direction des
évaluations et là ce qui va arriver, c'est que la Direction va
dire: Bien, là, votre étude d'impact est un petit peu moins
d'actualité. Vous l'avez commencée en 1989. Vous étiez
censés la déposer en 1990. Vous la déposez en 1991. On
aurait des questions additionnelles. Puis, ils sont bons là-dedans.
Comme vous le disiez, ils sont spécialistes. Sur le plan technique,
c'est du bon monde. On m'a dit de passer le message qu'il y avait des bons
ingénieurs là-dedans aussi. Comprenez-vous?
C'est vrai que le ministère a sa part de blâme à
prendre, mais, quand on voit ça, qu'on le réalise, nous autres,
les députés, on est en train de se demander, bien souvent:
Coudon, au ministère des Transports, ils nous disent toujours qu'ils
n'ont pas d'argent. J'ai l'impression qu'ils le font exprès, qu'ils
mettent ça sur le dos du ministère de l'Environnement. Ça
fait leur affaire, les délais. Mais le promoteur a un rôle
à jouer aussi là-dedans. Puis, ça, j'aimerais que ce
soit... Vous l'avez peut-être bien expliqué, M. Girouard, quand
vous parliez de l'élaboration des directives qui est peut-être
trop "demandante" ou pas suffisamment claire. Je pense que c'est un point qui
est important à souligner, c'est un
point à retenir, puis ça va sûrement être dans
les recommandations. Est-ce que mon temps est écoulé?
M. Lazure: Oui
Mme Pelchat: Non! M. le député de La Prairie! En
tout cas, je ne veux pas... Je pense que c'est important de le souligner. C'est
vrai qu'il y a le méchant ministère de l'Environnement, mais ce
n'est pas vrai qu'il y a une centaine d'ingénieurs au ministère
de l'Environnement qui évaluent les études d'impact. Il y en a
six, ingénieurs. On devrait en mettre plus, mais c'est
déjà plus que ce qu'il y avait avant, parce qu'à la
Direction des évaluations, avant ça, ils étaient 30. On a
mis 15 personnes de plus. Elles sont à peu près 50 ou 55.
M. Beaulieu: Je pense qu'on ne veut absolument pas faire une
enquête sur le MENVIQ. Ce n'est pas notre rôle, puis on ne dit pas
que ce sont les professionnels du MENVIQ qui sont responsables. Ce n'est pas du
tout ce qu'on a dit. Vous avez interprété ça de même
tout à l'heure, puis je vous voyais faire...
Mme Pelchat: Non, savez-vous, c'est parce que, hier, l'Ordre des
ingénieurs nous a dit exactement la même chose.
M. Beaulieu: Écoutez, il y a peut-être une
vérité quelque part, mais, moi, je pense qu'on a tout
intérêt à travailler ensemble, puis surtout à
collaborer techniquement ensemble. C'est ça qu'on demande, dans le fond.
Et puis, en plus, on dit que ces gens-là, ce sont des gens sensés
qui connaissent beaucoup leur métier et qui sont aptes à faire
beaucoup plus dans d'autres sphères que d'étamper des plans et
devis ou d'approuver des plans et devis. On est capables de faire ça,
nous autres, c'est notre métier. On dit qu'ils sont intelligents; ils
ont une efficacité. Ils sont capables de faire ce dont vous avez besoin
au ministère de l'Environnement.
Alors, on ne veut pas établir ici que le MENVIQ, ce sont des pas
bons ou quoi que ce soit. On dit tout simplement que c'est nos collègues
et qu'ils devraient avoir plus de liberté vers quelque chose de
technique au lieu d'avoir un procédé trop lourd à
supporter. Peut-être qu'eux aussi seraient contents d'avoir un
procédé plus léger. Alors, je vais vous faire donner le
reste de la réponse par Luc, s'il vous plaît.
Mme Pelchat: Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous
venez de dire.
M. Beaulieu: Oui et, évidemment, le nombre
d'ingénieurs, on sait que ce n'est pas dans le groupe de
l'évaluation environnementale, mais il y en a un bon nombre qui doivent
faire cette approbation des plans et devis, qui ont une très bonne
connaissance des procédés et qui pourraient être
utilisés, justement, pour aider le groupe de l'évaluation
environnementale.
Mme Pelchat: O.K. Dans ce sens-là.
M. Beaulieu: C'est dans ce sens-là qu'on voulait les
mettre. C'est les mêmes ressources. Je veux dire, la compétence
est là, mais on pense qu'elle n'est pas canalisée au bon
endroit.
Une autre chose concernant les délais; je pense que le rapport
Lacoste ne l'a pas fait, mais il faudrait comparer le temps de
réalisation des études quand on les fait pour un promoteur
privé et quand on les fait pour le ministère des Transports ou
pour Hydro-Québec.
Mme Pelchat: C'est quoi la différence? Dites-nous
ça.
M. Beaulieu: C'est à peu près un rapport de quatre
pour un, facilement, selon qu'on travaille pour Hydro-Québec ou pour le
ministère des Transports, ou bien qu'on travaille pour un promoteur
privé. Les délais sont complètement différents
parce qu'Hydro-Québec n'osera jamais soumettre une étude d'impact
à moins qu'il y ait 10 plans en 4 couleurs. Elle s'est mis une
procédure à l'interne qui est, à mon avis,
disproportionnée dans des cas de petits projets de lignes de
transmission. On remet des études ça d'épais et, dans les
corridors de transport, c'est à peu près le même ordre de
grandeur. Donc, il y a quelque chose, mais ça, c'est leur politique
interne.
Le ministère des Transports a une procédure interne
très lourde et, nous, on doit soumettre notre étude, pas au
ministère, on la soumet d'abord au promoteur. Il y a un écart,
facilement, moi, je dirais de quatre pour un quand on travaille pour une
industrie et, là, qu'elle nous donne l'étude et on va la
présenter par rapport à ce qu'on fait avec Hydro. Donc, il faut
faire attention quand on parle des délais.
Et ça, ça vaut non seulement pour les
ingénieurs-conseils, mais je suis aussi membre de l'Association des
conseillers en environnement du Québec et on vit exactement la
même chose. Les non-ingénieurs qui ont à faire des
études d'impact voient également le même écart.
Selon que, par exemple, c'est une municipalité qui fait la promotion
d'un projet de marina ou qu'on le fait pour un promoteur privé,
ouf!...
Mme Pelchat: Ce n'est pas la même chose.
M. Beaulieu: ...on vient peut-être de doubler, de
quadrupler le temps. Donc, II faut tenir ça en ligne de compte et
ça, je pense que...
Mme Pelchat: Vous venez de donner raison au ministre Tremblay
quand il dit que l'inefficacité gouvernementale coûte quelque
chose
comme 10 000 000 000 $ quand on parle de qualité totale, bien
fait dès la première fois. C'est ce que le ministre Tremblay
disait la semaine dernière.
M. Beaulieu: Vous savez, il y a un fameux mot qui a
été inventé ou qui a été utilisé,
à un moment donné, à Hydro-Québec. Ça
s'appelait "la transparence". Alors, il ne faut pas blâmer Hydro, non
plus, de nous donner des mandats comme ça parce que, en étant
transparent, vous êtes obligé de tout indiquer. Quand vous allez
devant le public, je crois que c'est nécessaire dans certains cas, mais
il faudrait peut-être, encore une fois, avoir des normes pour exiger un
peu moins de ces gens-là. Et même, ils se sentent obligés
d'en mettre plus pour être efficaces ou être transparents,
justement.
Mme Pelchat: Je voudrais remercier...
Le Président (M. Garon): Je remercie l'Association des
ingénieurs-conseils du Québec...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Pelchat: Je voudrais vous remercier, moi aussi. Merci.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Garon): ...d'être venue nous
rencontrer et j'ajourne les travaux de la commission de l'aménagement et
des équipements au mardi, 24 septembre, à 14 heures.
(Fin de la séance à 18 h 33)