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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le jeudi 19 septembre 1991 - Vol. 31 N° 106

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante minutes)

Le Président (M. Richard): Mesdames et messieurs, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Je vous rappelle le mandat de notre commission... Il n'y a aucun remplacement, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Aucun remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Alors, le mandat de la commission est le suivant: poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'étude de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement et sa portée, notamment en ce qui a trait aux grands projets industriels et aux projets concernant la disposition des déchets solides et domestiques, et cela, en tenant compte de la procédure québécoise actuelle, du rapport Lacoste, de la procédure ontarienne et de la procédure suggérée par le gouvernement fédéral.

Maintenant, vous avez pris place, les représentants de Gaz Métropolitain. Alors, je vous cède la parole. Vous avez une heure. Normalement, le principe ou la mécanique adoptée, c'est 20 minutes pour votre présentation. Vous avez le droit d'en faire seulement 10 et, après ça, le reste du temps est partagé entre le parti ministériel et le parti représentant l'Opposition officielle. Je vous laisse la parole. Vous vous identifiez en premier, évidemment, et vous identifiez les collègues qui sont avec vous. Alors, vous avez la parole.

Gaz Métropolitain

M. Caillé (André): M. le Président, Mmes et MM. les députés, je suis André Caillé, président et chef de la direction de Gaz Métropolitain, Les personnes qui m'accompagnent sont, à ma droite, M. Kébir Ratnani, qui est chef de service à la recherche et au développement à Gaz Métropolitain et, à ma gauche, M. Claude Doré, qui est chef de service à notre division de l'ingénierie.

Je tiens, tout d'abord, à remercier les membres de la commission d'avoir bien voulu nous entendre dans le cadre de cette consultation publique sur la procédure québécoise d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement. Je veux aussi féliciter, M. le Président, les membres de cette commission pour avoir pris l'initiative de la présente consultation.

De fait, les questions que vous soulevez arrivent à point. Elles sont non seulement d'actualité, comme vous le savez, mais aussi préoccupantes pour tous ceux qui ont à coeur à la fois le maintien et le développement du niveau de vie de la population québécoise, ainsi que la protection de la qualité de l'environnement. Je n'entends pas vous relire intégralement le mémoire que nous avons déposé auprès de votre commission. Suite à une brève présentation de notre société, je me contenterai d'en exposer les grandes lignes.

Gaz Métropolitain évolue depuis plus de 30 ans dans l'industrie du gaz naturel. Nous sommes présents dans presque toutes les régions du Québec et nous espérons bientôt pouvoir étendre notre réseau dans d'autres régions qui font déjà partie de la franchise accordée à notre entreprise par le gouvernement du Québec.

Nous oeuvrons activement dans le domaine de la recherche et du développement, de l'assistance technologique à la clientèle et nous nous impliquons aussi dans l'utilisation du gaz naturel comme carburant dans le transport.

Gaz Métropolitain, c'est aussi et surtout 1400 employés répartis dans l'ensemble des régions où nous sommes présents. Ce sont des employés très fiers de leurs connaissances et de leur métier qui est de distribuer du gaz en français en Amérique du Nord. Nous sommes également très fiers de notre produit qui contribue, selon nous, à améliorer la qualité de l'environnement. En effet, le gaz naturel est le plus propre des combustibles fossiles. L'utilisation du gaz naturel plutôt que d'autres produits pétroliers permet de réduire significativement certaines émissions polluantes, entre autres, les particules de SO , mieux connues sous le nom de "SOx", les oxydes d'azote, les "NOx" et le CO , le gaz carbonique.

Chez Gaz Métropolitain, nous croyons à la protection de l'environnement comme nous croyons aussi au développement économique. La meilleure recommandation que nous puissions vous faire aujourd'hui, j'en suis convaincu, c'est de continuer à rechercher l'harmonisation entre niveau de vie, c'est-à-dire économie, et qualité de l'environnement, c'est-à-dire écologie. La législation que vous étudiez présentement est justement un des outils que le Québec s'est donnés pour harmoniser ces deux impératifs. Notre régime d'évaluation est en place depuis 10 ans et, à ce seul titre, ce n'est pas une mauvaise idée que de le réviser pour l'améliorer. Cela devient encore plus nécessaire si l'on tient compte des profonds changements que connaît et qu'a connus l'économie québécoise durant cette période de 10 années. La tendance est nettement vers la libéralisation des marchés pour mieux réussir sur les marchés internationaux. Le Québec

n'a pas d'autre alternative que d'accroître sa productivité en créant un climat propice aux investissements industriels.

Vouloir concilier économie et environnement est certainement nécessaire, mais ce n'est pas nécessairement une chose facile à faire. C'est un enjeu de société et nous devons l'affronter avec maturité et surtout pas avec émotivité. Nous vivons présentement, chacun le sait, une période économique difficile. Beaucoup d'entreprises ferment leurs portes ou ralentissent leurs activités. Ainsi, des milliers perdent leur emploi. Ce ralentissement économique se traduit forcément par une baisse de la pollution. Vous conviendrez, par ailleurs, que ce n'est pas la solution pour améliorer l'environnement. C'est en quelque sorte une preuve par l'absurde que l'harmonisation environnement et économie est plutôt la solution.

Ce que nous devons plutôt rechercher, c'est une prospérité économique soutenue qui ne détruira pas notre environnement parce qu'il y aura un minimum d'impact sur l'environnement des projets de développement pour supporter et améliorer le niveau de vie des Québécois et des Québécoises. On a connu l'époque du développement aveugle, c'est vrai, et on en a connu une autre où on s'opposait aveuglément au progrès, c'est vrai aussi. J'espère que votre commission sera le point de départ pour tous ceux qui souhaitent voir clair dans l'avenir.

Dans le contexte d'une réforme de notre procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement, j'aimerais vous soumettre quatre réflexions qui seraient autant de pistes pour améliorer le processus actuel. Selon nous, cette mise à jour devrait s'inspirer de quatre principes.

Le premier principe, c'est la recherche de solutions optimales par la voie de la négociation, voire de la médiation. Toute réglementation, selon nous, devrait être négociée. Ce principe s'appliquerait non seulement aux procédures d'évaluation, mais aussi, de façon générale, aux réglementations de nature environnementale. L'objectif recherché ici est fort simple: l'adoption de normes réalistes qui seraient le fruit de compromis entre toutes les parties concernées. La négociation des règlements est déjà appliquée formellement dans d'autres juridictions; il y en a un exemple, aux pages 11 et 12 de notre mémoire, qui se réfère à une expérience américaine, laquelle connaissait un aboutissement favorable, le 16 août dernier, concernant la pollution automobile.

Selon nous, on peut envisager ici un régime de même nature, d'autant plus que, de façon informelle, on a déjà procédé de cette façon pour l'adoption du règlement sur les pâtes et papiers publié récemment dans la Gazette officielle. J'irais même plus loin en suggérant qu'un tel processus pourra probablement s'appliquer lors d'implantations industrielles. Il est bien entendu qu'un tel régime a pour condition préalable la maturité des participants. De cette façon, on escamote les confrontations émotives, donc inutiles, pour s'attarder à trouver un compromis efficace qui tiendra compte des contraintes économiques et environnementales, ce qui est le but recherché.

Le deuxième grand principe ou orientation, c'est la recherche, pour accélérer le processus, de plus de célérité. La lenteur et l'incertitude, tout autant que la sévérité des normes comprises dans des réglementations de toute nature, peuvent nous faire perdre des projets industriels de grande valeur. Les promoteurs qui choisissent les régions où ils désirent s'établir doivent connaître les règles du jeu au point de départ. Actuellement, notre processus d'évaluation, du moins celui découlant de l'article 31 de la loi, est lourd. On veut tout analyser et tout débattre dans un seul et même examen, à partir d'une étude qui ne doit porter que sur les impacts locaux d'un projet. On intègre désormais des considérations relatives à des choix de société ou à des cycles environnementaux planétaires, tout ça, des fois, dans une municipalité comme Trois-Rivières ou Lavaltrie, et ce, de façon répétitive à chacun des projets, chaque fois qu'on change de municipalité pour le même projet ou le même type de projet.

Pour traiter plus efficacement les évaluations d'impact plus global, il faudrait prévoir, selon nous, la tenue d'évaluations génériques portant sur l'ensemble d'une industrie ou sur un ensemble de catégories de projets qui sont ou qu'on prévoit être à caractère répétitif. Ces évaluations génériques permettraient par la suite d'accélérer l'évaluation particulière de chaque projet dans son contexte local en tenant compte des questions précises et pertinentes spécifiques au milieu.

Troisième principe que nous vous suggérons dans votre réflexion, c'est l'équité. Je vous précise, tout d'abord, que mon idée n'est pas de laisser croire ou de tenter de démontrer que le processus actuel à sa base est inéquitable. Force est de constater, cependant, qu'au cours des dernières années le processus a pu frustrer certains intervenants qui n'étaient pas mal intentionnés, ni mal préparés. Il y a donc lieu de s'adresser aux causes de frustration pour améliorer le processus.

À cet égard, il y a, entre autres, la question des délais qui balisent l'échéancier d'une évaluation environnementale. Actuellement, certaines des étapes du processus ne comportent pas de limite de temps. Une telle situation n'est pas acceptable. Tous les intervenants à une évaluation environnementale devraient être assujettis et rassurés par des délais précis, connus à l'avance et pour chacune des phases du processus.

Par ailleurs, dans le contexte des audiences publiques du BAPE, des droits de rectification,

de contre-preuve et de contre-interrogatoire devraient être formalisés, sans nécessairement conduire, évidemment, à la judiciarisation du processus. Il y a là, en plus du principe d'équité, toute la question de la crédibilité du processus. Il faut éviter le dépôt de rapports qui pourraient s'inspirer de considérations étrangères aux objectifs originaux de la consultation ou inconnus jusqu'alors. Selon nous, on ne peut prendre prétexte du caractère non judiciaire, voire consultatif, qu'il faut conserver encore une fois, pour faire de la procédure une évaluation qui ne respecte pas les règles élémentaires d'équité.

Le quatrième principe ou orientation que je souhaite aborder est celui de la responsabilisation des intervenants. Les débats environnementaux, vous en conviendrez avec moi, doivent se tenir entre des intervenants responsables, qu'ils soient écologistes, environnementalistes, fonctionnaires, promoteurs ou consultants. Chaque intervenant doit répondre de ses actions. Il doit contribuer à la recherche du juste équilibre en fournissant les meilleures informations possible. Les mémoires ainsi que les témoignages biaises à l'extrême, dans un sens ou dans un autre, devraient être qualifiés de tels dans le rapport que le BAPE fait au ministre de l'Environnement, c'est-à-dire des rapports n'allant que dans un sens. Et, d'une façon équitable, que ce soit à droite ou que ce soit à gauche, des rapports qui vont juste dans un sens, dans le contexte d'une politique qui recherche à harmoniser niveau de vie, économie et qualité de vie, environnement, bien, ce ne sont pas des rapports qui contribuent beaucoup à la recherche de l'équilibre et du compromis.

Présentement, le processus d'évaluation environnementale s'articule autour d'un organisme consultatif possédant, à toutes fins pratiques, un pouvoir de recommandation au gouvernement. Les élus qui décident seraient mieux informés s'ils connaissaient la façon dont les intervenants abordent les dossiers, ceci, encore une fois, postule que l'objectif est toujours celui de rechercher l'harmonie. En ce qui nous concerne, le pouvoir de recommandation du BAPE dans la perception publique est tout autre. De nombreuses personnes considèrent qu'une recommandation du BAPE vient clore le dossier, c'est-à-dire que c'est décisionnel.

À l'époque de la création du BAPE, le gouvernement n'a pas voulu en faire un organisme décisionnel. Ce choix vaut toujours pour aujourd'hui et on doit préserver un statut non décisionnel au BAPE, selon nous. Bien sûr, une campagne d'information permettrait de clarifier cette mauvaise perception qu'ont les gens du rôle du BAPE.

Par ailleurs, la procédure actuelle pourrait être réaménagée pour clarifier le fonctionnement du BAPE. Une de ces mesures consisterait à impliquer le BAPE dans l'élaboration de la directive qui balise le contenu de l'étude d'impact d'un promoteur. Ce faisant, la pertinence d'une telle directive ne pourrait être remise en question par la suite au cours d'une audience publique. Pour ce qui est de l'audience publique, elle devra, d'une part, se tenir en fonction des principes auxquels j'ai fait allusion plus tôt: célérité et équité et, d'autre part, se dérouler en présence d'un commissaire ad hoc provenant du ministère principalement concerné par le projet étudié. Je dirais ici que c'est une question d'équilibre d'écoute.

J'en arrive maintenant à aborder la question des critères d'assujettissement au processus d'évaluation environnementale. Pour les fins de mon exposé, je me concentrerai d'abord sur certaines dispositions spécifiques à l'industrie du gaz naturel. Ce sujet est quelque peu technique, j'en conviens, mais, comme le rapport Charbon-neau ainsi que le rapport Lacoste y font directement allusion, je me dois aujourd'hui de vous en parler. .

Vous savez que le processus d'évaluation environnementale gravite essentiellement autour des articles 22 et 31 de la Loi sur la qualité de l'environnement et que les dispositions réglementaires viennent en préciser l'application. Vous savez aussi que les rapports Charbonneau et Lacoste recommandent la mise en vigueur de certains articles non promulgués à date. Leur avis est aussi partagé, je le pense, par certains groupes qui témoignent devant vous. Cette même problématique s'observe aussi pour l'article 31.

L'exemple qui me vient à l'esprit est celui de la cogénération. Présentement, c'est la puissance d'une unité de cogénération qui détermine si elle est assujettie à une audience publique. Ce critère de 10 mégawatts tient peu compte des impacts environnementaux. Selon nous, un projet de cogénération devrait être évalué en fonction des normes des émissions atmosphériques prévalant au Québec et faire l'objet d'une autorisation sous l'article 22 et non pas sous l'article 31. L'édition du 16 septembre du Devoir faisait d'ailleurs référence à une éventuelle audience générique sur la cogénération. Cette occasion permettra de démontrer le bien-fondé de notre point de vue.

En passant, ici, je voudrais faire remarquer qu'une usine de cogénération de neuf mégawatts fonctionnant à l'huile rejetant beaucoup plus d'émissions dans l'atmosphère, elle, ne serait pas assujettie à la réglementation, tandis qu'une usine, parce qu'elle fonctionnerait au gaz, mais qu'elle aurait 10 mégawatts, elle, serait assujettie.

Je pourrais fournir un autre exemple concernant la promulgation de 2j, je pense, dans le règlement, qui concerne les conduites, les gazoducs. On souhaiterait là assujettir les gazoducs sur la base de leur longueur, sur la pression et sur la dimension. Selon nous, les projets de gazoducs devraient être assujettis en fonction de l'importance des dommages qu'ils pourraient causer ou des impacts qu'ils pour-

raient avoir sur l'environnement. Ainsi, ce gazoduc, même s'il est plus petit de diamètre, s'il transporte moins de gaz, qu'il y a moins de pression et qu'il traverse une zone marécageuse, probablement qu'il est susceptible d'avoir un impact plus grand sur l'environnement qu'un plus grand gazoduc qui ne traverse pas une zone semblable.

Je termine là-dessus, M. le Président, en vous remerciant encore une fois, vous et les membres de la commission, de nous avoir entendus et en souhaitant que nos remarques pourront contribuer positivement à la réflexion que vous avez engagée. Merci.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie. J'aimerais vous poser une question. Je n'ai pas abusé beaucoup à date. Quand les gens disent de restreindre les délais... Moi, j'ai été ministre responsable de la Commission de protection du territoire agricole. On disait souvent qu'il y avait de longs délais, mais la Commission ne peut pas analyser tant que les dossiers ne sont pas complétés. Souvent, ce sont les firmes de consultants qu'engagent les compagnies qui ne produisent pas leurs rapports. Alors, je me demande, quand vous dites de raccourcir les délais, ils compteraient comment dans votre esprit? Si les organismes qui doivent prendre les décisions attendent pendant des mois des rapports qui ne viennent pas, les délais, on les compterait quand? Quand le dossier est complet?

M. Caillé: À ma connaissance, M. le Président et MM. les membres de la commission, les questions de délais devant les organismes de réglementation sont soulevées partout et dans tous les domaines. Ce n'est pas seulement dans le domaine de l'environnement. Ça fait l'objet des mêmes débats aux États-Unis dans le domaine des pipelines. (10 heures)

II y a une solution originale, justement. Ça ne fait pas partie de notre mémoire, mais je me permets d'étendre mon exposé sur le sujet qui a été mis de l'avant aux États-Unis. C'est ce qu'ils appellent chez eux le "fast track", c'est-à-dire la voie rapide. Si on faisait ça au Québec, si on laissait au promoteur l'option de choisir la voie rapide - je vais expliquer ce qu'elle est tantôt - par rapport à la voie conventionnelle, celle qu'on connaît aujourd'hui et où c'est... Quand on regarde les délais et les activités, c'est difficile de dire comment on pourrait les réduire de beaucoup significativement. Mais si on mettait en parallèle pour le promoteur l'option de la voie rapide, bien, là, ce serait à lui de faire son choix.

Qu'est-ce que la voie rapide? Essentiellement, c'est une approche qui responsabilise le promoteur. Alors, le promoteur, plutôt que d'aller au ministère pour déclarer qu'il a peut-être un projet et de se faire donner des directives pour faire ces études, de faire ces études et de les ramener et de se faire donner un avis pour savoir si c'est conforme ou pas, il ne fait rien de tout ça et il dit: Je prends la responsabilité de mon projet à tous égards: économique et environnemental. J'engage des spécialistes et je fais les études que je considère essentielles. Je veux un projet qui ne détruit pas l'environnement et je veux un projet rentable. Il fait ses affaires. Moi, j'ai un petit tableau ici. Peut-être qu'avec votre permission je pourrais le distribuer. Ça montre le système actuel et ça montre ce que serait la voie rapide.

Incidemment, au moment de la promulgation de la loi ou de la modification de la loi qui a amené les études d'impact et les audiences publiques, la création du BAPE, etc. - je ne me souviens plus de l'année - un des objectifs de l'époque, c'était de responsabiliser le promoteur, d'amener le promoteur à prendre l'environnement en considération, tout comme on prenait l'économique de son projet en considération.

Alors, la voie rapide que je propose ferait exactement cela. Le promoteur n'embaucherait pas seulement des ingénieurs et des économistes pour étudier son projet. Il aurait aussi dans son équipe, au point de départ, un écologiste ou un environnementaliste qui aurait pied là. On aurait plus de chances de voir émerger des projets acceptables où l'harmonisation est déjà faite.

Dans le système actuel de la voie conventionnelle, on développe tout le projet au point de vue "engineering", au point de vue économique, et ce n'est qu'à la fin qu'on va voir si c'est correct du point de vue environnemental. Tout se passe comme si l'environnement était la dernière préoccupation. Globalement, tout ce que propose cette approche-là, c'est que l'environnement, c'est la dernière préoccupation. Et, là, ça fait des grands débats que vous connaissez, animés. Si on intégrait toutes les dimensions au point de départ, je pense que ça pourrait se faire. Maintenant, ce n'est peut-être pas tous les promoteurs. Peut-être que les grands promoteurs opteraient pour une voie comme celle-là, la voie rapide, en prenant le risque qu'à la fin le projet n'ait pas été étudié convenablement ou sous tous les angles souhaités au point de vue environnemental. Ils prendraient le risque de ça. Des promoteurs plus petits ou qui ont moins d'expérience dans le domaine pourraient choisir la voie conventionnelle.

Ce que je vous suggère, c'est de conserver les deux voies. Maintenant, s'il y a d'autres problèmes, ça, c'est tout à fait une autre question d'embourbement du système. On pourrait aussi choisir la voie régionale, c'est-à-dire ramener la consultation sur certains projets au niveau des municipalités ou des MRC. Ça, ça pourrait désembourber un processus québécois national qui serait trop embourbé parce qu'il y a trop de petits projets qui sont soumis ou introduits dans ce processus-là.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Vachon.

Mme Pelchat: Merci, M. le Président. J'aimerais vous souhaiter la bienvenue, M. Caillé, M. Ratnani et M. Doré. M. Caillé, vous êtes le deuxième ex-sous-ministre que nous avons le plaisir d'accueillir à notre commission. Normalement, on profite de votre expérience à titre de sous-ministre, surtout que vous y étiez de 1978 à 1982. Donc, vous y étiez quand la procédure a été adoptée et lorsque le règlement a été adopté aussi en décembre 1980. Aujourd'hui, vous êtes dans l'entreprise privée. Vous êtes à même peut-être de nous témoigner - et vous le faites très bien - de l'application concrète de cette politique. C'est pour nous très enrichissant. On n'a pas souvent l'occasion d'avoir une personne qui a été au gouvernement et qui est maintenant dans l'entreprise privée, qui peut maintenant critiquer ce qui a été fait à ce moment-là et surtout apporter des améliorations.

J'aimerais revenir sur la question que le président vous a posée, qui vous a amené à nous donner un tableau de ce que vous appelez le processus de voie rapide et comment vous, vous voyez la procédure, et je trouve cela intéressant. En somme, vous faites sauter au moins trois étapes qui vous semblent superflues, si je comprends bien: l'avis de projet, la directive pour l'étude d'impact, le dépôt de l'étude d'impact. Vous amenez ça dans une étape qui s'appellerait l'avis de projet, consultations publiques et demande d'audiences. C'est bien ça? Combien de mois on pourrait sauver juste avec ça?

M. Caillé: Actuellement, Mme la députée, tout ça prend 33 mois dans le processus actuel et, selon la voie rapide, ça prendrait 8,5 mois. Ça ne se ferait pas en négligeant l'examen des impacts environnementaux, comme je le disais plus tôt, parce que les impacts environnementaux seraient considérés en même temps que les impacts économiques et autres du projet par le promoteur. Il ne développerait pas tout son projet pour, après ça, dire: Est-ce que vous pouvez me dire oui, s'il vous plaît? Il développerait un projet en prenant toutes les dimensions de son projet en considération.

Mme Pelchat: Un petit peu plus loin, quand vous parlez de lenteur et de lourdeur du régime, qui, vous le dites bien, ont été confirmées par le rapport Lacoste, vous dites aussi que... Je m'excuse, M. le Président. Il y a plusieurs conversations qui se tiennent autour de la table et j'ai un petit peu de difficulté à me concentrer. Je vous remercie. Vous dites aussi que, "pour traiter plus efficacement les évaluations d'impact global, il faudrait prévoir la tenue d'évaluations génériques portant sur l'ensemble . d'une industrie ou sur des catégories entières de projets à caractère répétitif."

Premièrement, est-ce que vous ne croyez pas que, pour appliquer un processus de voie rapide, comme vous le conseillez, qui prendrait de huit à cinq mois... Avant de raccourcir la procédure à ces délais-là, est-ce qu'il ne faudrait pas tenir des évaluations sur les politiques et les programmes du gouvernement, d'abord, et, par la suite, éventuellement, avoir des évaluations d'impact génériques, plus spécifiquement, par exemple, pour la construction de routes ou la contruction de barrages électriques? Est-ce que ça, ce n'est pas une étape qui devrait précéder le rétrécissement de la procédure comme telle?

M. Caillé: II est sûr que le fait d'avoir tenu une audience générique et, donc, d'avoir établi une politique générale concernant toute une catégorie de projets faciliterait grandement le choix des promoteurs de choisir la voie rapide, parce qu'ils sauraient exactement comment ça se discute et quelles sont les choses importantes à considérer quand on regarde l'impact environnemental d'un projet de cogénération.

Donc, ça faciliterait beaucoup, mais ça n'empêcherait pas, même s'ils n'ont pas fait l'objet de causes génériques, d'autres promoteurs de choisir de prendre l'ensemble des responsabilités, incluant la responsabilité environnementale au niveau de l'élaboration de leur projet, pour arriver à un meilleur projet, pour éviter toutes sortes de déceptions en bout de ligne parce que leur projet était tout à fait extraordinaire d'un point de vue affaires, d'un point économique, mais du point de vue environnemental, hélas, il n'est plus bon après. Après deux ans, trois ans d'étude, là, tout s'écroule parce qu'on n'est pas au bon endroit sur le bord du fleuve ou parce qu'on a découvert une merveille de la nature à un endroit, et il ne le savait même pas. S'il l'avait eue au départ, bien, il l'aurait trouvé et il se serait peut-être placé ailleurs. On éviterait beaucoup de débats acrimonieux de cette façon-là.

Mme Pelchat: Dans votre étape numéro un, avis de projet, consultations publiques, demande d'audiences, est-ce que vous retenez une des recommandations du rapport Lacoste qui nous demande de faire une étape - et, là, mon collègue de La Prairie va me... - de "scoping"? Je n'ai pas trouvé encore l'équivalent français qui résume aussi bien.

M. Lazure: Ciblage, cernage.

Mme Pelchat: Mais "scoping", dans la définition qu'en donne le rapport Lacoste, fait aussi référence - et c'est très important - à l'association du public à l'élaboration de la procédure, donc, une période de consultation du public additionnelle à celle qui existe déjà. Est-ce que, pour vous, ça ferait partie de cette étape-là?

M. Caillé: Je ne connais pas cette recommandation spécifique du rapport Lacoste. Selon ce que vous en dites, j'en comprends qu'il y aurait une audience publique pour déterminer le contenu que devrait avoir l'étude d'impact.

Mme Pelchat: La directive du ministère de l'Environnement.

M. Caillé: La directive du ministère. Mais j'aurais crainte, à ce moment-là, qu'on ajoute des délais. Je ne vois pas comment ça pourrait se faire, cette consultation-là, sans des délais additionnels. Parce que je pense que, quand on consulte les gens, le plus élémentaire respect exige qu'on leur donne le temps de se préparer pour faire la meilleure consultation possible. Puis, là, se préparer, ça signifie des délais additionnels.

Mme Pelchat: O.K.

M. Caillé: Je ne vois pas comment ça pourrait être fait sans créer de délais additionnels.

Mme Pelchat: Merci. L'autre question, ça a trait aux audiences publiques, parce qu'à la page 15 de votre mémoire vous parlez d'équité et vous semblez dire... En tout cas, à la lecture de ce paragraphe-là, on se pose la question à savoir si Gaz Métropolitain pense que les audiences publiques ne permettent pas un débat équitable. Est-ce que c'est ce que vous sous-entendez?

M. Caillé: Oui, qui peut conduire, parce que les règles ne sont pas précisées - la révision que vous faites est la bonne occasion de les préciser - à des situations d'iniquité. Si, par exemple, on s'inspire d'un rapport qui n'est pas public par sa nature, mais qu'on s'inspire de ce rapport-là quand même sans en avoir discuté aux audiences pour faire une recommandation au ministre de l'Environnement, eh bien, le promoteur ignore l'existence de ce rapport-là; il ne peut pas contre-interroger, il ne peut pas éclaircir les conclusions qu'on peut soutirer de ce rapport-là, il ignore le rapport. Alors, ça fait des situations inéquitables.

Mme Pelchat: Donc, par exemple, le BAPE, quand il détient un rapport et qu'il se base sur ce rapport pour évaluer le projet, ce rapport-là devrait aussi être un élément public disponible et au public, et au promoteur.

M. Caillé: C'est ce que je veux dire et ça, c'est facile à faire, je crois. Il y a des rapports qui sont de nature publique, par exemple, un rapport de l'Assemblée nationale ou d'un autre gouvernement, ça, c'est déjà du domaine public, mais il y en a d'autres dont on peut vouloir s'inspiror, mais qui no sont pas, do par leur nature, du domaine public. Alors, il faudrait les rendre publics pour que tous les intervenants soient au fait du contenu de ces rapports-là.

Mme Pelchat: Est-ce qu'il y a d'autres règles qui, selon vous, rendent inéquitable la...

M. Caillé: Oui. Il y a un autre aspect qui peut être amélioré. C'est que, dans les débats environnementaux, il y a beaucoup de débats de spécialistes. On peut consulter un spécialiste qui va nous dire, conclure qu'il y aura tel effet de tel projet sur la faune. On peut consulter un autre spécialiste qui va dire autre chose. Au minimum, je pense que, dans le cas d'audiences publiques, qu'on veut publiques, on veut non seulement un outil de consultation, mais aussi un outil d'information des populations locales. S'il était donné au promoteur ou aux groupes envi-ronnementalistes l'occasion d'aller chercher une expertise et de pouvoir contre-interroger l'expert ou d'amener un autre expert pour donner un autre éclairage, ce serait plus complet et ça rendrait la chose plus équitable.

Mme Pelchat: Je ne l'ai pas vu spécifiquement dans le mémoire et vous n'en avez pas fart mention non plus dans votre présentation. Est-ce que vous êtes favorable à ce que le gouvernement du Québec, à partir de maintenant, mette en vigueur l'article 2g, n, p, l'alinéa 2 de j, à partir de demain matin, disons? Est-ce que Gaz Métropolitain est en faveur, dans le fond, d'élargir la liste des projets qui devraient être assujettis à la procédure d'impact?

M. Caillé: De promulguer les articles immédiatement, nous ne vous le recommandons pas parce qu'on pense qu'il y a mieux à faire. On devrait d'abord modifier les articles pour s'assurer que les projets de gazoduc qui seraient assujettis sont ceux qui sont les plus susceptibles . d'avoir un impact sur l'environnement. Par la suite, de le promulguer, on serait d'accord.

Ce que je veux dire par là, c'est que, dans le moment, le règlement dit: Ça dépend de la longueur de la conduite, du diamètre de la conduite et de la pression dans la conduite. Vous conviendrez avec moi que la largeur des fosses dans lesquelles on met les tuyaux, c'est toujours la même largeur. Alors, que le tuyau soit un petit peu plus large ou un peu moins large, ça ne change strictement rien d'un point de vue environnemental. Si nos conduites passent dans des milieux humides, je comprends qu'on puisse dire: Là, ce n'est pas la même chose, même s'il est tout petit, le gazoduc en question. Alors, la première chose qu'on vous recommande...

Mme Pelchat: M. Caillé, j'ai envie de vous demander: À titre de sous-ministre, dites-moi donc. C'était quoi l'intention du législateur quand il a rédigé ce règlement-là? Il n'est

vraiment pas adéquat si...

M. Caillé: L'intention du législateur... Je ne sais pas si un sous-ministre ou même un ex-sous-ministre, ça parle des intentions des législateurs. Ha, ha, ha!

Mme Pelchat: Non, mais, quand même, on sait très bien que les législateurs votent les lois, mais que c'est des sous-ministres et des fonctionnaires qui les rédigent. Alors, quand même, j'aimerais peut-être que vous nous l'expliquiez un peu.

M. Caillé: Mon souvenir est le suivant, c'est que les gens qui s'occupaient de préparer la fameuse liste tentaient d'identifier quelle sorte de projet serait susceptible d'être assujetti dans le futur. C'était évident, quand cette liste a été confectionnée, que c'était pour le futur. Donc, ils n'ont pas fait une analyse très rigoureuse des critères qui, dans le futur, devraient permettre de discriminer entre ce qui est assujetti et ce qui ne l'est pas. C'est mon souvenir.

Mme Pelchat: O. K. Alors, à ce moment-là...

M. Caillé: Maintenant, à savoir si le législateur avait l'intention de réviser la chose le moment venu, je ne le sais pas.

Mme Pelchat: On souhaite tout le temps que le législateur le révise parce que, comme vous le dites aussi dans votre mémoire, la société a beaucoup évolué depuis l'adoption de la loi comme telle et du règlement. C'est la raison pour laquelle on tient, en tout cas, en ce qui concerne les députés qui sont ici, essentiellement les législateurs, à cette commission-là. Merci, M. le Président. S'il me reste du temps tantôt, je reviendrai. (10 h 15)

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Au nom de l'Opposition, je veux souhaiter la bienvenue à M. Caillé et à ses collègues, les féliciter pour la qualité de leur présentation. J'ai un certain nombre de questions particulières et, ensuite, à la fin, j'aimerais m'attarder un peu avec vous sur la procédure rapide, communément appelée "fast track" aux États-Unis. Dans les questions particulières, je vais le faire par ordre de pagination dans votre mémoire.

Vous mettez beaucoup l'accent sur la négociation. Je pense que vous avez raison de le faire, et vous voyez la procédure actuelle comme étant sous-tendue par une vision antagoniste: développement économique par opposition à préservation de l'environnement. Vous avez raison. Ça incite d'ailleurs souvent les parties à se camper dans ces personnages-là d'antagonistes.

Alors, moi, personnellement, je trouve qu'on n'utilise pas assez la négociation. Mais elle se ferait entre quelles parties, cette négociation-là?

M. Caillé: Alors, on utilise ici le mot "négociation", mais compte tenu de la dynamique actuelle entre promoteurs et groupes environ-nementalistes, disons qu'il faudrait passer assez rapidement à la médiation. C'est pour ça que j'élargis tout de suite à médiation. Cette médiation-là pourrait être tenue par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, par le BAPE.

M. Lazure: Vous voyez le BAPE comme...

M. Caillé: Moi, je vois que la loi précise que le BAPE peut tenir des audiences publiques et peut aussi tenir des séances de médiation entre les parties, c'est-à-dire des promoteurs, des groupes environnementalistes et d'autres groupes d'intérêts dans la société aussi, parce qu'il n'y a pas toujours juste, d'un côté, des environnementalistes et, de l'autre côté, des promoteurs.

M. Lazure: Mais, dans l'état actuel des choses, est-ce qu'il y a quelque chose qui empêcherait le BAPE de jouer ce rôle-là?

M. Caillé: Non, parce que ça a déjà été fait, sauf que ce que je suggère, c'est de le formaliser dans la loi.

M. Lazure: D'accord.

M. Caillé: Et ça deviendra un outil auquel tous pourront penser à recourir.

M. Lazure: D'accord. Ma deuxième question. Ça, c'est encore plus délicat. Vous dites: Les débats environnementaux doivent se tenir entre intervenants responsables. Qui va décider qu'il s'agit d'intervenants responsables ou pas responsables?

M. Caillé: Moi, je pense qu'il n'appartient pas au BAPE, par exemple, de décider qu'un groupe est complètement biaisé, soit dans un sens ou dans l'autre. Que le Bureau d'audiences publiques écoute tous les intervenants, je pense que ça va de soi. On ne peut pas dire: On ne vous écoute pas parce qu'on vous croit biaisés. Je pense que le débat serait encore plus long.

Le Président (M. Garon): À l'ordre, s'il vous plaît! Vous devez garder le silence autour de la table. Ça dérange les députés.

M. Caillé: je disais donc que le bape n'a pas à décider qui est biaisé et qui ne l'est pas. par contre, le bape, quand il fait son rapport au ministre, lequel ministre fait son rapport, par

la suite, au Conseil des ministres, devrait indiquer, selon moi, dans son rapport: Nous avons rencontré tel, tel et tel groupe; certains groupes nous sont apparus comme étant à 100 % d'un côté de la clôture, sans nuances; d'autres, plutôt contre, mais avec nuances; d'autres, plutôt pour, mais avec nuances; et d'autres, carrément pour et sans nuances.

Moi, quand je lis dans les journaux qu'un groupe a déclaré que son projet qu'il va faire à tel endroit n'a aucun, aucun impact sur l'environnement - c'est impossible, un projet de développement avec zéro d'impact sur l'environnement - je ne trouve pas ça très sérieux. Je ne trouve pas plus sérieux ceux qui prétendent, dans le groupe environnementaliste, cette fois, qu'un projet qu'on va mettre en bordure du fleuve signifie qu'il n'y aura plus de poissons de tel type. Ça non plus, moi, je ne trouve... Pour moi, ce sont des arguments du même genre et qui n'aident pas beaucoup le gouvernement ni le ministre, dans sa décision à lui, si, comme j'en fais l'hypothèse, lui, son travail, c'est de tenter d'harmoniser les choses.

Alors, des groupes complètement biaises, qu'ils soient d'un bord ou de l'autre, comment ça peut aider quelqu'un qui, lui, recherche l'harmonisation? Ce n'est pas possible. C'est mieux des gens qui se présentent avec des idées nuancées. Ça, ça peut éclairer le ministre et le gouvernement. Mais des idées complètement biaisées, hélas! ce pauvre ministre, ce pauvre gouvernement, qu'est-ce que vous voulez qu'il en fasse, si son objectif, c'est d'harmoniser les affaires?

M. Lazure: La question suivante concernant les évaluations génériques, si je comprends bien votre interprétation, ça correspond un peu à ce qui s'appelle parfois aussi évaluation sectorielle. Moi, je pense que ce serait une bonne idée d'en faire plus. Est-ce que, dans votre esprit, c'est le Bureau d'audiences publiques, le BAPE, qui procéderait à ces évaluations génériques?

M. Caillé: Oui, c'est ce que je pense, en consultations publiques par le BAPE, cette fois, à la demande du gouvernement parce que, là, c'est les multiples promoteurs. Alors, lequel des promoteurs va faire la demande? Peut-être que la solution la plus facile, c'est que le gouvernement se donne une approche de gestion, celle de dire: Bien, il y a les projets, par exemple, de cogéné-ration; le gouvernement demande au BAPE de tenir des audiences génériques sur la cogénéra-tion.

M. Lazure: D'après vous, est-ce qu'il faudrait absolument changer soit la réglementation, soit la législation pour ça ou est-ce qu'on peut recourir à l'article passe-partout, qui est rarement utilisé, où le ministre peut demander au BAPE n'importe quel genre d'évaluation?

M. Caillé: J'espère que oui. Ça éviterait de devoir changer la loi, mais je n'en suis pas sûr. Honnêtement, je ne connais...

Une voix: 6.3 le permet.

M. Lazure: Oui, oui, c'est ça, 6.3 le permet.

M. Caillé: Oui.

M. Lazure: La clause passe-partout...

M. Caillé: Oui.

M. Lazure: ...qui n'est pas utilisée souvent, mais...

M. Caillé: Alors, j'espère que c'est le cas. Ça évite de devoir modifier la législation.

M. Lazure: La question suivante, là, on arrive à vos préoccupations plus immédiates, les critères d'assujettissement des réseaux gaziers. Vous dites que ça devrait être en fonction des réelles incidences environnementales. En conséquence, ils devraient tenir compte de la pression et de la sensibilité des zones traversées par opposition à ne garder comme critères que des choses mécaniques, comme la longueur du réseau.

M. Caillé: Oui.

M. Lazure: Moi, je veux bien, mais de quelle façon ça se ferait? Est-ce qu'il y aurait un mécanisme d'évaluation préliminaire qui déciderait le genre de réseau gazier qui serait assujetti?

M. Caillé: je pense... excusez. il faudrait modifier le règlement en première étape et trouver des critères concernant les zones traversées par les gazoducs en question, et y assujettir des projets qui seront développés dans de telles zones. mais il y a un travail qu'il reste à faire au niveau de la modification du règlement, en première étape. en deuxième étape, nous, on n'aurait pas d'objection à ce qu'il soit promulgué.

M. Lazure: Question suivante. Vers la fin, vous proposez d'impliquer le BAPE dans l'élaboration de la directive. Le BAPE, par définition, c'est dans son appellation le Bureau d'audiences publiques. Cette implication du BAPE, la voyez-vous sur un plan privé, sous forme d'une négociation avec les parties ou avec une présence publique? Comment voyez-vous ça?

M. Caillé: Je comprends qu'il y a un aspect potentiel de conflit d'intérêts, le BAPE, ayant préparé la directive, se retrouvant en audiences publiques sur une étude d'impact faite à partir de ladite directive. Alors, peut-être qu'il y a une solution à tout ça, ce serait que simplement le

ministère, avant d'émettre sa directive - ça resterait, dans la voie conventionnelle, une responsabilité du ministère que d'émettre la directive - consulte le BAPE pour éviter les situations où, s'il y avait eu telle consultation, la question en audiences publiques n'aurait jamais été levée parce que tout le monde se serait mis d'accord pour dire: Oui, effectivement, ça devrait faire partie de la directive. Mais la responsabilité de la directive d'étude d'impact, je pense, dans le processus actuel, doit rester au ministère, toujours, évidemment, dans la voie conventionnelle.

M. Lazure: Vous favorisez, au fond, une harmonisation des vues du ministère et du BAPE...

M. Caillé: Oui, c'est ça. Je suggère qu'ils se parlent.

M. Lazure:... autant que possible avant d'arriver à l'étape finale.

M. Caillé: Oui. Je suggère qu'ils se parlent pour éviter que le promoteur assiste, à sa grande surprise, à une grande...

M. Lazure: Oui.

M. Caillé:... discussion sur le contenu de son projet que lui, évidemment, veut réaliser selon ses échéanciers. Lui, il n'avait rien à voir là-dedans, à savoir pourquoi il en manque un morceau. Lui, il ne le sait pas.

M. Lazure: Bon! Ma dernière série de questions, c'est sur la voie rapide. Moi, je sais que ça existe aux États-Unis. On en a entendu parler encore, il n'y a pas longtemps, quand nous sommes allés, mon collègue de Saguenay et moi, à Washington pour une réunion. Mais jusqu'à quel point ç'a été utilisé? Avez-vous une idée?

M. Caillé: Dans le domaine des pipelines, que je connais le plus...

M. Lazure: Oui.

M. Caillé:... ç'a été utilisé quelques fois seulement à date, mais ça va surtout être utilisé dans le futur. Évidemment, là, on ne parle pas d'une réglementation semblable. Dans le domaine des pipelines, c'est des réglementations économiques. Par rapport à une réglementation du type environnement, il y a quand même des différences. S'il n'y a pas beaucoup d'extension à ça, il y a des règlements ou des lois à changer aux Etats-Unis avant que la chose puisse prendre une grande extension. Mais, définitivement, l'orientation, tant gouvernementale que du milieu des affaires ou des milieux concernés, va dans cette direction-là. Mais je ne peux pas répondre clairement à votre question. Je m'en rends compte...

M. Lazure: Ça commence.

M. Caillé:... c'est le nombre de cas. Ça commence.

M. Lazure: Ça commence, oui. Parfait. Mais je pense qu'il faudrait retenir cette possibilité-là d'avoir deux voies, une voie régulière et une voie plus rapide. Pour bien comprendre, dans votre premier bloc, vous avez: avis de projet, consultations publiques, demande d'audiences. Est-ce que ça veut dire qu'au moment où le promoteur envoie son avis de projet au ministère concerné, par exemple, immédiatement, c'est rendu public par le promoteur, par le ministère? Comment ça fonctionnerait?

M. Caillé: Le promoteur, lui, a développé son projet, a fait son étude d'impact, a fait tout son travail, à son avis, évidemment, ou selon l'avis de ses consultants, de ses experts. Il le dépose au ministère et le projet arrive directement au BAPE. Et voilà le projet et son étude. Alors, le BAPE, lui, donne un avis à l'effet qu'il y a un projet qui lui a été soumis selon la voie rapide, et voici l'information concernant ce projet-là. Par la suite, il fait comme II fait maintenant, à savoir il peut faire consultation, négociation, médiation. Il doit certainement faire information, médiation et possiblement audiences publiques et, ensuite, le BAPE fait sa recommandation au ministre, lequel ministre fait sa recommandation au Conseil des ministres. À partir du moment où on arrive au Bureau d'audiences publiques, c'est comme la voie conventionnelle.

M. Lazure: Évidemment, dans cette optique-là, le promoteur prend un risque bien calculé.

M. Caillé: C'est ça.

M. Lazure: II prend le risque; si son projet est tout croche ou est jugé tout croche par le Bureau d'audiences publiques ou par les organismes, là, il a perdu une bonne somme d'argent et une bonne somme de temps et il recommence ses devoirs.

M. Caillé: Et il va faire très attention à minimiser ce risque. Donc, il va faire en sorte de bien faire l'examen environnemental de son projet.

M. Lazure: Encore là, selon vous, ça demanderait un amendement à la législation ou à la réglementation pour pouvoir permettre cette voie rapide là ou pas?

M. Caillé: Oui. Je crois que oui parce que,

actuellement, c'est la réglementation qui prévoit ces étapes-là, à ma connaissance, celles de la voie conventionnelle.

M. Lazure: Merci bien.

Le Président (M. Garon): C'est-à-dire que, moi, ce que j'ai remarqué, c'est que, souvent, les organismes nous disent: On demande des renseignements au promoteur, il prend des mois à nous les fournir. Alors, quand on additionne les mois à partir du début jusqu'à la fin, si on les éliminait quand le dossier est complet... Mettre le fardeau sur le promoteur pour avoir son dossier complet, mais à partir du moment où le dossier est complet, le fardeau est sur l'administration de donner des réponses rapidement.

Moi, je pense qu'il y a un point-charnière parce que, moi, j'ai vu plusieurs dossiers où on disait: Oui, mais on leur pose des questions, puis ça prend six mois à avoir la réponse. Mais, au bout de deux ans, on sait que tout le fardeau est sur l'administration publique. Là, le monde ne discute plus. Le fardeau est sur l'administration publique. Si le fardeau était sur le promoteur tant que son dossier n'est pas complet, une fois que le dossier est déclaré complet, on dirait: Un instant, là, les délais, il courent contre l'administration. Vous avez un dossier complet. Maintenant, comme vous dites: C'est une procédure des audiences publiques qui commence et il y a un échéancier plus rapide. Moi, je pense qu'à ce moment-là il y aurait une partie qui serait la responsabilité du promoteur de fournir des renseignements. Après ça, une fois que tout est fourni, là, la responsabilité serait sur l'administration de donner des réponses rapidement. Il me semble qu'il y a deux aspects. J'ai été plusieurs années dans l'administration et ça m'a toujours frappé, ça. Il n'y avait pas grand-chose à dire quand l'administration vous dit: On a demandé des réponses, ça fait six mois qu'on a demandé tel renseignement et on ne l'a pas obtenu. Comprenez-vous?

M. Caillé: C'est vrai et la remarque que je peux faire par rapport à cette question-là, c'est qu'un promoteur qui ne fournit pas un dossier complet, est-ce qu'il attend ou si c'est non? C'est peut-être tout simplement non, sur la base des données fournies. Ça, ça ne s'appelle pas une période d'attente dans mon esprit. Par contre, il faut éviter... Et c'est le défi, je pense, au Québec actuellement, de ramener les différents intervenants dans ces questions environnementales à moins d'émotivité et à plus de raison. C'est ça qui est le défi, toujours en supposant que l'objectif est d'harmoniser. (10 h 30)

C'est difficile d'harmoniser des gens qui sont d'extrême droite, d'extrême gauche, c'est plus compliqué. Mais, si on peut faire ça, on va éviter du même coup qu'une question n'attende pas l'autre. On pose une question, la réponse vient au bout de deux semaines; au bout de deux semaines, il vient une autre question et on continue comme ça sans arrêt. Mais, avec des gens raisonnables, on éviterait probablement ce cercle-là qui n'en finit plus. Une question, sous-question, sous-question, autre sous-sous-question et on continue comme ça pendant six mois. Ça se peut qu'il y en ait qui se trouvent lésés quand ça arrive mais, avec des gens raisonnables, probablement que ça n'arriverait pas. Et c'est pour ça que je dis que le défi, de ce que je comprends des intervenants actuels, c'est de les amener à la raison.

Le Président (M. Garon): Mais il y a des gens qui ne donnent pas l'heure juste aussi aux promoteurs. Ils leur disent, surtout quand le promoteur est gros: On va vous arranger ça.

M. Caillé: Oui.

Le Président (M. Garon): Et, là, on fait jouer toutes les ficelles. Moi, j'ai remarqué que c'était les plus gros promoteurs qui étaient les pires. Ils engageaient des firmes, payaient des gros salaires. La firme avait l'impression qu'elle était plutôt une firme de relations publiques qu'une firme technique. Alors, là, ils appelaient tous les ministères qui pouvaient travailler de leur bord contre l'environnement, tous les ministères sectoriels qui pouvaient prendre fait et cause. Moi, je me rappelle avoir été obligé d'intervenir auprès du premier ministre pour sortir ie ministère de l'Énergie et des Ressources pour passer le gazoduc. À un moment donné, j'ai dit: Écoutez, on négocie à l'Environnement et l'Agriculture... Je pense que vous étiez là à ce moment-là.

M. Caillé: Oui, je m'en souviens. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Alors, il a fallu sortir le ministère sectoriel, c'est lui qui bloquait l'affaire. Quand ça a été l'Environnement et l'Agriculture qui négociaient avec la firme, on a passé. Et, je me rappelle, ça a même passé pendant la période électorale de 1981; les deux plus grosses négociations ont été avec Terre-bonne, où le maire était candidat libéral, et Saint-Eustache où le maire était l'organisateur en chef libéral. J'ai dit: Si ça va mal, on va en entendre parler.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Alors, finalement, la firme a travaillé sérieusement avec l'Environnement et avec l'Agriculture, Même, je me rappelle, la firme m'a appelé plusieurs fois pour que j'aille faire un tour d'hélicoptère pour voir à

quelle place le gazoduc était passé tellement elle était fière, excepté qu'on avait réussi à écarter les ministères sectoriels qui étaient spectateurs silencieux. À partir de ce moment-là, on a eu la paix et ça a marché.

M. Caillé: Oui, c'est vrai. Quand il y a trop de consultations à l'intérieur de l'appareil gouvernemental - je me souviens, ça, ce n'était pas une chose nécessairement facile, ni rapide -interministérielles, ça peut durer longtemps aussi. Si c'est un période durant laquelle on est en train d'établir les directives ou l'étude d'impact, là, ça peut être pas mal long. Et, là, c'est une question de virgule, de point-virgule et bon. C'est peut-être ça qui fait que ça n'en finit plus.

Le Président (M. Garon): M. le député de Dubuc.

M. Morin: Oui. Merci, M. le Président. Je voudrais revenir à la charge sur le volet de votre mémoire touchant l'équité. À une question de Mme la députée de Vachon, je crois avoir compris que le pouvoir ou le droit de rectification, vous semblez le proposer avant le dépôt du rapport du BAPE. Enfin, si j'ai bien compris vos propos, avant que le BAPE dépose son mémoire au ministère, qu'à ce moment-là vous ayez l'opportunité de rectifier. Sauf qu'à partir du moment où vous invoquez l'équité - c'est là ma question - ne croyez-vous pas que ce droit de rectification ne devrait pas plutôt intervenir au moment même des audiences suite à un mémoire sur lequel le promoteur ne serait pas d'accord sur certaines données? Avant que les médias s'emparent de ces données-là, que vous considérez fausses, à tort ou à raison, à ce moment-là le Bureau d'audiences publiques devrait formaliser le droit de rectification plutôt qu'au moment du dépôt du rapport du BAPE parce qu'à ce moment-là le BAPE, en principe, ne fait des recommandations qu'à partir des faits ou des avancés ou des mémoires qui sont déposés devant lui. Alors, voilà ma question.

M. Caillé: Oui, c'est effectivement ce que nous proposons de faire, immédiatement au moment des audiences et en public, de rectifier les faits, le promoteur comme les groupes environnementalistes, parce que ça peut être un ou l'autre...

M. Morin: Oui, d'accord.

M. Caillé:... qui veut rectifier des faits à l'aide d'un spécialiste. Et n'oublions pas que le processus en est un qui vise à informer et à consulter. Le volet information, pour le promoteur ou pour le groupe environnementaliste, est tout aussi important, il fait partie intégrante de la consultation. Effectivement, comme vous le dites - et c'est ce que nous disons, je le précise - ça doit être fait en public au moment des audiences publiques et non pas après le rapport du BAPE.

M. Morin: Ah bon! Alors, quand vous avez répondu à Mme la députée que c'était avant le dépôt du rapport, vous vouliez dire pendant les audiences, à ce moment-là.

M. Caillé: Bien oui, c'est ça. M. Morin: O. K. Ça va.

M. Caillé: Ça veut dire avant le dépôt du rapport.

M. Morin: O. K. Ça va, merci beaucoup.

M. Lazure: M. le Président, juste pour enchaîner là-dessus, on attire mon attention sur le fait que, déjà à l'article 29 dans les règles de procédure, il y a un article qui s'appelle "Droit de réponse. Après ou au cours des interventions [... ] la commission peut entendre toute personne, y compris l'initiateur et le requérant, afin de rectifier des faits relatifs au dossier qui ont été soulevés durant l'audience. " Alors, ça existe, mais ce n'est pas tellement utilisé, hein?

M. Caillé: Non, mais, enfin, il y en a dont j'ai entendu de la frustration à l'effet qu'ils n'avaient pas pu le faire.

M. Morin: M. le Président, dans ce sens-là...

Le Président (M. Garon): M. le député de Dubuc.

M. Morin: Ce que cet article-là voudrait dire, selon votre expérience, est-ce que ce n'est pas appliqué dans le sens que le promoteur ou une des parties a le droit de répliquer pour corriger des faussetés, la non-véracité objective de certains cas et non pas pour émettre une opinion, et que, la plupart du temps, cette mesure-là s'applique uniquement à la fin des audiences d'une journée et non pas immédiatement en cours de dépôt des mémoires? Je voudrais savoir ce que cet article-là veut dire et comment c'est appliqué, selon votre expérience. Parce que, moi, évidemment, je n'en ai pas là-dessus.

M. Caillé: Dans le domaine de l'environnement, on prend beaucoup les sciences pour démontrer des argumentations. Or, les connaissances humaines et scientifiques ne sont pas très avancées dans le domaine de l'environnement. Au mieux, on peut décrire les interrelations entre les différents éléments de l'écosystème, mais, généralement, on ne peut pas prévoir ce qui va arriver si on pose tel geste. Alors, des spécialis-

tes se présentent à une audience et, plus souvent qu'autrement, ils donnent leur opinion, une opinion de scientifiques. Une opinion de scientifique n'est pas une démonstration scientifiques. Alors, je n'exclurais donc pas que la contre-expertise puisse porter sur une opinion scientifique pas plus que sur des faits scientifiques si ça existe. Je ne tenterais pas de limiter ça. Je laisserais aux groupes ou aux promoteurs, à tous les intervenants l'option de la contre-expertise.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie. Mme la députée de Vachon.

Mme Pelchat: Merci, M. le Président. J'aimerais ça qu'on revienne, M. Caillé sur l'une des suggestions que vous nous faites quant à la négociation des règlements. D'abord, j'aimerais ça que vous me parliez peut-être de la médiation et de la différence que vous faites avec la négociation. Ce n'est pas clair, là.

M. Caillé: Alors, on dit "négociation", ici, mais en pratique, ce qu'on veut dire, c'est la négociation étendue, au point de départ, à la médiation. Qu'est-ce qu'on veut dire par là? On veut dire que le BAPE devrait se voir reconnaître dans la loi un rôle de médiateur possible entre des parties, lesquelles parties seraient, évidemment, d'un côté, les promoteurs et, de l'autre, l'ensemble des autres intervenants. Il faut quelqu'un qui rassemble ces gens-là; tous ceux qui interviendraient autrement à une audience publique, il faut que quelqu'un les rassemble. On suggère, nous, que ce soit le BAPE qui tende à les amener à un compromis. On serait probablement moins en public, il y aurait moins d'émotivité et on serait plus près, avec une médiation de cette nature-la, conduite par le BAPE, de l'atteinte de l'objectif qui est d'harmoniser et d'optimiser les choix.

Mme Pelchat: II y a d'autres personnes qui nous parlent de la médiation et il y a certaines personnes qui voient la médiation faite par le BAPE; il y en a d'autres qui la voient faite par un autre organisme, que ce soit le ministère ou une nouvelle agence gouvernementale au ministère de l'Environnement. Est-ce que vous ne pensez pas que donner ce rôle-là au BAPE, dans la loi, ce serait le placer dans un rôle un peu non pas conflictuel, mais pas loin parce que, en bout de ligne, la vocation du BAPE, c'est d'abord les audiences publiques? Et, là, le rôle de médiation, dans le fond, il servirait non seulement à rapprocher les promoteurs et les opposants, mais peut-être aussi à éliminer la période d'audiences publiques. Alors, vous ne voyez pas...

M. Caillé: Par réflexe, moi, je préfère qu'il y ait moins d'organismes que plus d'organismes. Par contre, je comprends qu'un médiateur qui aurait été nommé par le président du BAPE dans un dossier ne pourrait pas, dans le cas où la médiation échouerait, être nommé commissaire à l'audience publique.

Mme Pelchat: Ce qui pourrait se faire, ce serait d'avoir une section du BAPE destinée à la médiation, complètement.

M. Caillé: des médiateurs. d'ailleurs, la médiation, c'est un métier de spécialistes et la consultation, c'est le métier d'un autre type de spécialistes.

Mme Pelchat: Vous parliez tantôt, et j'aimerais revenir là-dessus, des intervenants qui devraient être responsables ou, à tout le moins, s'autoresponsabiliser. J'aimerais ça que vous élaboriez encore une fois; avec mon collègue de La Prairie, vous l'avez fait, mais je n'ai pas très bien saisi. Qui jugerait que vous êtes suffisamment responsable, comme intervenant, pour représenter, par exemple, l'entreprise privée ou un groupe environnementaliste? Est-ce que ce serait le ministère de l'Environnement, le BAPE lui-même?

M. Caillé: Personne ne devrait juger du droit d'expression de quelque groupe que ce soit. Quand je dis "personne", ça inclut le BAPE. Donc, tout le monde serait entendu. Ce que je dis, c'est qu'il faut amener les gens à se responsabiliser. Si les intervenants savaient que, dans son rapport au ministre, le BAPE doit qualifier la nature du mémoire ou des témoignages, qui est toute dans un sens ou toute dans l'autre... Et, simplement, il s'agit de faits. Un mémoire qui est complètement biaisé dans un sens, ça paraît, ça. C'est un fait.

D'ailleurs, l'intervenant ne devrait pas être en désaccord avec ça puisque c'est ça qu'il faisait. Là, le ministre serait éclairé. Il saurait que voici un rapport qui va seulement dans un sens. Lui, le ministre, présumément... Je fais toujours l'hypothèse, ici, que le gouvernement cherche à harmoniser les choses et dise: Un rapport biaisé, ça m'aide moins qu'un rapport nuancé, ce qui serait compris également des intervenants et ce qui les amènerait, avec le temps, à faire des mémoires et des rapports plus nuancés pour éviter ces polarisations auxquelles on assiste présentement.

Mme Pelchat: Alors, le BAPE aurait un rôle de qualification des intervenants.

M. Caillé: C'est ça. Qualifier... Dans son rapport au ministre, le BAPE dirait: J'ai reçu les mémoires des 10 intervenants suivants. Il y en a deux parmi ces intervenants-là qui avaient des rapports à 100 % contre, dans un sens ou dans l'autre, encore une fois.

Mme Pelchat: O.K. À ce moment-là, ça

n'empêcherait...

M. Caillé: Et les arguments étaient les suivants. Et, là, le ministre peut se faire une idée: Voici des gens qui étaient carrément contre. Ils n'ont pas contribué à apporter des nuances.

Mme Pelchat: En tout cas, j'en prends bonne note.

M. Caillé: Moi, je laisse...

Mme Pelchat: Je comprends ce que vous nous dites parce que vous n'êtes pas le seul à venir nous dire: II faut quand même faire attention. Il y a des interventions qui, souvent, ne sont pas reliées au projet comme tel ou, encore, sont farfelues, et les gens ont peur de ça. Autant de la part des promoteurs que des groupes environnementaux qui se respectent et qui sont, eux, très responsables. Il y en a d'autres qui le sont moins, autant de la part des promoteurs que de l'autre côté. Sauf que, moi, ce qui m'inquiète, c'est vraiment la liberté d'expression et la possibilité pour tous de se faire entendre au BAPE. Je pense que la loi est ainsi faite, le critère de frivolité est assez large pour permettre à toute personne de se faire entendre. Alors, c'est là où ma crainte était, d'empêcher cette liberté d'expression.

M. Caillé: À cet égard, je suis d'accord avec vous. Nous ne vous recommandons pas de limiter le droit d'expression de quiconque devant le BAPE, biaisé ou pas.

Mme Pelchat: Je me demande s'il n'y aurait pas un autre moyen de qualifier ou de caractériser le sérieux de ces organismes-là ou du promoteur lui-même parce que le BAPE, à ce moment-là, devient un juge de ces interventions-là. L'objectif, comme tel, j'en suis. Le moyen que vous suggérez, je ne sais pas si le BAPE...

M. Caillé: Je comprends.

Mme Pelchat: En tout cas, ça mérite d'être examiné. Je n'ai pas d'autres questions. J'aimerais vous remercier de votre contribution excellente. Merci.

M. Caillé: Merci.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie, M. Caillé et les représentants de Gaz Métropolitain, de votre contribution aux travaux de la commission. Ç'a été une discussion intéressante et un plaisir pour moi de vous revoir, M. Caillé.

M. Caillé: Ça me fait plaisir, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Je vais suspendre pour quelques instants et demander aux gens de l'Union québécoise pour la conservation de la nature de se préparer en venant au bout de la table pour nous entretenir de leur mémoire.

(Suspension de la séance à 10 h 45)

(Reprise à 10 h 46)

Le Président (M. Garon): Nous reprenons les travaux de la commission. Je vais demander à M. Simard - je ne sais pas si c'est vous le porte-parole, mais en tout cas - de présenter les gens qui représentent votre groupe, l'Union québécoise pour la conservation de la nature. Vous avez une heure à votre disposition, c'est-à-dire, normalement, 20 minutes pour votre mémoire, 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour l'Opposition. Alors, à vous la parole.

Union québécoise pour la conservation de la nature

M. Simard (Christian): D'accord. Je vous remercie. L'Union québécoise pour la conservation de la nature est heureuse d'être reçue aujourd'hui par votre commission. Donc, mon nom est Christian Simard. Je suis directeur général de l'Union québécoise pour la conservation de la nature. À mes côtés, à ma droite, il y a M. Guy L Coté, qui est membre du conseil exécutif de l'UQCN, et, à ma gauche, M. André Stainier, qui est président de la Société des amis de la vallée du Saint-Laurent, qui est un organisme affilié à l'UQCN.

Notre mémoire est un peu volumineux et je ne ferai pas une lecture intégrale du mémoire. Je pense qu'on n'aurait pas le temps et ça risquerait peut-être d'être un peu trop long. Donc, ce que je voudrais faire ressortir peut-être à l'intention des membres de la commission, en introduction, c'est l'évaluation environnementale, son importance. En fait, ça ne date pas d'hier et, si on fait l'évaluation environnementale de projets, c'est qu'on a eu un passif environnemental assez lourd venant de projets qui n'étaient pas évalués, qui ont eu des conséquences insoupçonnées et très néfastes, des conséquences sur la pollution de nos cours d'eau, sur la pollution de l'air, des conséquences qui ont abouti souvent à des catastrophes écologiques, des maladresses importantes dans le développement, qui ont causé des impacts extrêmement négatifs.

Donc, je vous invite, là-dessus, à lire cette partie dans le mémoire qui décrit un peu l'historique du pourquoi on évalue les projets. En fait, si on évalue des projets, c'est un type de prévention au-delà du respect uniquement de normes qui, d'ailleurs, ne s'appliquent pas à toutes les industries. Comme vous le savez, il y a certaines industries qui ne sont pas normées.

Pour la plupart de leurs rejets, certaines industries sont normées, mais leurs normes ne s'appliquent pas à tous les effluents ou à tous les impacts. Donc, il est important, à la naissance, à la genèse même d'un projet, d'évaluer les impacts futurs de ce projet sur l'environnement et de considérer ce projet dans un environnement québécois, mais aussi global et intégrant des aspects socio-économiques, c'est-à-dire que le projet s'inscrit dans un milieu donné et ces aspects-là sont importants à considérer.

Enfin, je ne développerai pas, non plus, très longtemps sur l'importance du public. Je pense que ça a été dit depuis deux ou trois jours, ici. Je suis très heureux d'entendre que ça fait quasi l'unanimité, cette importance de la participation du public dans le processus d'évaluation environnementale parce que, finalement, à travers un forum indépendant, qui est le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, il y a une participation du public qui aide à la compréhension des problèmes et aide à leur solution. Les Anglais disent: "People are part of problem and should be part of solution". Je crois que la participation du public découle de ce principe. Elle est importante et elle a fait d'ailleurs ses preuves au Québec, à travers les 43 rapports du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement.

Il faut nécessairement - et, d'ailleurs, on va développer ça un petit peu plus loin - des règles du jeu bien connues et respectées. Donc, des règles du jeu bien connues de tous et respectées, ça, je pense que c'est à l'avantage de tous les intervenants, qu'ils soient des groupes environnementaux des municipalités, des industries. On est sensibles au type d'arguments d'une industrie qui dit: On ne sait pas où on s'en va, les délais ne sont pas clairs au niveau des études d'impact et des choses comme ça. Je crois qu'il faut corriger ces choses-là.

On croit aussi, et c'est fondamental pour des questions de justice naturelle, pour des questions d'équité et aussi pour s'attaquer véritablement aux vrais problèmes d'impact, que le système d'évaluation environnementale doit être plus universel. Il n'est pas normal qu'en 10 ans on ait étudié et produit seulement 43 rapports. Il n'est pas normal qu'on étudie systématiquement l'implantation d'une marina, mais qu'on n'étudie pas publiquement et qu'on n'examine pas complètement l'implantation d'une aluminerie, l'implantation d'une industrie pétrolière, l'implantation d'industries ou de projets qui sont lourds d'impacts en environnement.

C'est comme si, malheureusement, le processus actuel d'évaluation environnementale au Québec tirait un peu à côté. On disait: Visa le noir, tua le blanc, si j'ose dire. Donc, c'est d'ailleurs sur ces problèmes-là que nos recommandations portent, à l'UQCN. D'ailleurs, je vous ferai lecture des principales recommandations dans quelques instants.

Quelques mots sur le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement qui est, à notre sens, la charnière centrale du processus d'évaluation. Le Bureau doit intervenir au niveau de la directive, ce que les Anglais appellent le "scoping", ça, c'est important. Il doit y avoir possibilité pour le public de donner des inputs à ce niveau-là. Il doit y avoir aussi une reconnaissance que le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement est un conseiller privilégié, en fait devrait être considéré comme le conseiller privilégié du ministre de l'Environnement et du gouvernement en tout ce qui concerne l'évaluation environnementale. Le public doit avoir un accès très large au Bureau d'audiences, ça a été dit en fin d'intervention tout à l'heure et nous sommes naturellement d'accord avec ça.

Actuellement, dans le cadre du Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts, qui est malheureusement amputé de larges pans qui éliminent l'examen public des projets industriels, il y a cette ouverture-là à un accès très large du public, c'est-à-dire qu'il y a une obligation réglementaire - et c'est fondamental dans la structure actuelle et il ne faut pas changer ça, il faut l'élargir - pour le ministre, quand c'est pour des raisons non frivoles, de faire appel au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement pour enquêter sur un projet donné.

Il est bien sûr que nous appuyons l'analyse du rapport Lacoste et la plupart des analyses, d'ailleurs. Nous recommandons l'application de l'ensemble des recommandations du rapport Lacoste. Il est évident qu'il est nécessaire de faire des audiences publiques dites génériques, c'est-à-dire des audiences publiques sur des programmes et politiques. On doit vraiment, au niveau du BAPE, confirmer son rôle de forum public, lui faire assumer pleinement ses pouvoirs d'organisme quasi judiciaire, consolider son fonctionnement pour qu'il puisse jouer un rôle appelé à devenir de plus en plus grand, c'est-à-dire avec de plus en plus de projets assujettis et de plus en plus de projets à soumettre au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement.

Maintenant, j'aimerais faire lecture des principales recommandations de l'UQCN. D'abord, nous croyons à l'amélioration, la consolidation et la perfectibilité. On dit consolider et parfaire l'outil do développement durable que constitue la procédure d'évaluation environnementale» au Québec On voit ça en trois étapes C'est-à-dire qu'en premier on pense qu'il doit y avoir une application sans délai des recommandations Lacoste qui sont nuancées, qui ont fait l'objet d'une consultation et qui ont fait l'objet quand même de commentaires quasi unanimes quant à leur analyse.

Deuxièmement, on pense qu'il devrait y avoir des modifications réglementaires pour combler certaines lacunes identifiées dans le mémoire que nous avons déposé et, éventuellement, nous l'espérons, par la commission, ces modifications devant faire l'objet de recomman-

dations pour adoption avant la fin de la prochaine session. Plus précisément, il y a des endroits dans le rapport Lacoste où on dit songer à améliorer la réglementation sur certains cas. Je crois qu'il faut plus que songer, là, il faut le faire, et nous vous identifierons les endroits.

Troisièmement, on pense qu'il est nécessaire qu'il y ait au Québec une réforme plus globale, mais à moyen terme des lois sur l'environnement. On parle souvent d'une loi-cadre sur l'environnement qui fusionnerait, qui refondrait les 12 lois québécoises présentes en environnement. Ceci dit, cette réforme, nous la croyons nécessaire, mais nous croyons qu'elle ne doit pas être faite à la sauvette ou à court terme. Et on ne doit pas prendre en considération les améliorations de l'évaluation environnementale pour prendre prétexte à faire cette réforme-là qui a des considérations encore plus larges que celle-là.

En fait, ce qu'on dit, c'est de faire attention, dans une amélioration de l'économie des lois et règlements actuels, en appliquant les recommandations Lacoste, de jeter le bébé avec l'eau du bain. Ce qui est important, c'est d'améliorer et d'universaliser l'assujettissement des projets, mais de ne pas changer fondamentalement la structure du règlement et de la loi pour, par exemple, amener plus de discrétionnaire ou, finalement, amener des solutions qui n'en seraient pas et arriver avec un bébé moins beau et moins en santé que le précédent, et ça, c'est assez important.

Maintenant, je fais lecture de quelques-unes des recommandations. Certaines sont peut-être de portée un peu plus mineure, je vais passer rapidement dessus, mais je vous invite naturellement à les considérer. L'UQCN considère donc qu'il est possible d'améliorer sensiblement la procédure d'évaluation à l'intérieur du cadre général des lois et règlements actuels. Des recommandations sont complémentaires au rapport Lacoste, d'autres y sont puisées et certaines sont sorties du rapport Lacoste pour en faire ressortir l'importance.

Donc, premièrement, nous sommes d'accord avec l'objectif Lacoste de rendre plus générale la pratique d'évaluation environnementale en mettant en force immédiatement l'ensemble des recommandations du Comité de révision de la procédure d'évaluation, le rapport Lacoste, notamment la mise en vigueur des paragraphes g, n, p et le deuxième alinéa du paragraphe j de l'article 2 du Règlement; de modifier également cet article 2 du Règlement sur l'évaluation de façon à inclure les projets récréotouristiques, ainsi que les projets de construction destinés à l'habitation et au commerce susceptibles de créer de nouveaux centres urbanisés ou semi-urbanisés en milieu rural, dont, notamment, tout projet de création et d'agrandissement de golf et de centre de ski alpin.

Nous sommes d'accord aussi avec Lacoste pour introduire les préoccupations environnemen- tales dès les premiers stades de la planification d'un projet. Ainsi, nous recommandons de modifier le Règlement pour institutionnaliser l'information sur l'avis de projet et la consultation sur la directive, "scoping", à l'instar des procédures canadienne et américaine.

Nous sommes d'accord également et nous recommandons d'inclure systématiquement, à l'étape de l'avis de projet et à celle de la directive, la notion de justification qui devra faire l'objet d'une attention particulière lors de la rédaction de toute étude d'impact. Dans cette section, tout promoteur devra démontrer la nécessité de son projet et sa viabilité à long terme.

Nous sommes d'accord également pour mieux informer le public et augmenter ses chances d'intervenir. Donc, on doit rendre public l'avis de projet, ainsi que la directive préliminaire. On pense aussi qu'il est nécessaire de remplacer l'étape de l'avis de recevabilité par une analyse technique complète pour le début de la période de consultation publique. Cette étape est actuellement trop longue et cause préjudice aux promoteurs. Nous sommes d'accord, d'ailleurs, avec là possibilité d'ouvrir au public la directive en enlevant cette étape de l'avis de recevabilité. Je pense qu'on est capables, même en faisant cela - donc, plus de participation du public et des étapes inutiles qui sautent - de raccourcir des délais, tout en rendant le processus plus démocratique.

Donc, en fait, nous recommandons également de favoriser l'association des évaluateurs d'impact et de supporter la définition de standards de qualité dans la réalisation des avis de projet, des études globales d'impact et des analyses techniques. Nous pensons qu'il y a des standards de qualité à développer maintenant, avec plusieurs d'années d'expertise. Il est vrai, et Lacoste le dit, que les études d'impact sont souvent un peu pseudo-scientifiques, inutilement énormes et non synthétisées et, à ce moment-là, ça n'aide pas beaucoup ni le public, ni les promoteurs, ni les ministères, ni le Bureau d'audiences publiques à faire leur travail.

Donc, pour conclure, je pense qu'il est important aussi de voir qui doit décider dans le processus d'évaluation environnementale. Actuellement, nous considérons que cette décision, globalement, doit rester aux mains du pouvoir politique. C'est-à-dire que le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement est un outil de développement durable, important, intéressant, qui doit être indépendant, neutre, qui doit écouter toutes les parties, mais ses conclusions, ses recommandations doivent demeurer consultatives et s'adresser principalement au ministre de l'Environnement. (11 heures)

Ceci dit, le ministre de l'Environnement, pour que la relation entre son Bureau d'audiences publiques et lui-même soit saine, doit considérer

le Bureau d'audiences publiques comme son conseiller privilégié, son conseiller principal. C'est important parce que c'est uniquement le Bureau d'audiences publiques qui fait une étude complète et un examen public d'un projet. Donc, il doit être considéré comme conseiller privilégié du ministre. Parce que nous voyons un avenir important au Bureau d'audiences publiques, donc un avenir avec beaucoup plus de projets à étudier, il pourrait être envisageable, à moyen terme, de rendre le BAPE décisionnel sur des projets qui vont en aval d'une politique établie après audiences publiques. Par exemple, s'il y avait une politique d'établie sur l'énergie, des projets qui découlent de cette politique et qui respectent les paramètres de la politique pourraient faire l'objet d'une décision par le Bureau d'audiences, peut-être avec processus d'appel, mais d'une décision. Ce serait envisageable pour la rapidité du processus et son efficacité à moyen terme.

Voilà, en fait, les principales recommandations et je fais ressortir deux points: la justification du projet doit être dans les études d'impact et l'aspect obligation réglementaire et non discrétionnaire pour le ministre de faire appel à la procédure lorsque ce n'est pas frivole, tel que considéré dans le Règlement actuel. Je vous remercie de votre attention et nous sommes ouverts à vos questions.

Le Président (M. Garon): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. M. Simard et vos deux partenaires de l'UQCN, au nom du gouvernement, bienvenue à cette commission parlementaire. Il y a même des habitués comme témoins, un monsieur qui a témoigné hier déjà dans un autre mémoire.

J'ai lu et relu très attentivement votre mémoire à deux reprises pour bien comprendre le sens du message que vous avez voulu lancer ici à la commission. Vous avez un mémoire bien étoffé qui suit un peu la ligne de pensée continue et qu'on connaît de l'UQCN. En fait, tout y est mis à contribution. On s'aperçoit, somme toute, que le grand dérangement dans l'écologie mondiale, c'est l'homme. C'est l'homme qui a été un peu la source de tous les dérangements, à partir du premier homme jusqu'à nous autres aujourd'hui, incluant les révolutions industrielles et économiques de chacun des pays. Vous nous avez dressé un tableau, quand même, assez réaliste, fort réaliste, il faut le dire, de grandes régions de la planète et du Québec.

Il y a juste une chose qui me chicote, que j'essaie de concilier entre votre discours, le mémoire et votre sommaire. Là, j'aimerais avoir votre éclairage au tout début du questionnement. Tout votre mémoire dit qu'il faut changer notre attitude, notre réglementation, qu'on aille du côté de Lacoste, qu'il y a bien des choses à changer. Mais, dans votre sommaire, vous nous dites, comme membres de la commission, d'y aller très prudemment et, de grâce, ne diluez rien, ne changez rien qui pourrait être moins que ce qu'on a présentement. Est-ce que, somme toute, la façon dont on procède actuellement vous satisfait? Pourquoi cette crainte que la commission... Vous parlez même, un peu à cause de la récession, qu'o/i pourrait être tentés d'aller plus bas que ce qu'on a. Quelle est cette crainte? Au tout départ, j'aimerais ça qu'on établisse ça comme il faut pour aller un petit peu plus loin.

M. Simard: Merci de cette question-là, je pense qu'elle est cruciale, que c'est une question extrêmement pertinente. Enfin, on pense que la procédure québécoise actuelle est théoriquement une des meilleures au monde. Si on lit le Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement, il est souvent cité à travers le monde, c'est un règlement qui est très intéressant. Par contre, malheureusement, il n'est pas assez appliqué parce qu'il y a eu suspension historique de parties du règlement s'appliquant à l'industrie, entre autres, aux mines et aussi à certains oléoducs. Donc, on pense qu'il est possible, en respectant l'économie du règlement et de la loi, dont le cadre est bien bâti, d'arriver naturellement avec des changements du type Lacoste, qui ont une portée majeure, qui sont des modifications ayant quand même une portée importante sur le terrain, une portée majeure. Donc, les modifications qu'on recommande doivent se faire à l'intérieur d'un règlement et dune loi dont la mécanique générale est bonne, mais dont on a coupé les ailes pour l'empêcher de véritablement s'envoler et de véritablement être efficace. Et ces ailes de la réglementation qui ont été coupées, c'est naturellement les grands projets industriels et certains autres aspects non touchés, et c'est aussi l'utilisation excessive d'un article, qui est l'article 22, qui dit que personne ne doit émettre de contaminants ou modifier son environnement sans certificat d'autorisation, article 22 qui est lui-même plein d'exemptions, qui fait que beaucoup, beaucoup de projets importants se retrouvent dans ce qu'on appelle les "limbes" de l'évaluation environnementale, c'est-à-dire qu'ils ne sont soumis à aucune espèce d'évaluation.

Donc, ce qu'on vous dit, c'est que, dans sa logique, dans le sens général du mot, l'économie de la loi actuelle et du règlement est bonne et on doit aller dans l'esprit du rapport Lacoste qui était un comité chargé d'améliorer la procédure dans le cadre du règlement et de la loi actuelle. Rappelez-vous du mandat de Lacoste. Mais on peut faire ça avec des effets mauditement importants sur notre société et sur notre environnement et très, très importants comme modifications, ceci dit.

M. Maltais: On peut peut-être vous rassurer. Je pense que, unanimement, l'objectif de cette commission et de ses membres n'est pas un pas en arrière, mais bien de grands sauts en avant. Et le BAPE, pour nous, a toujours été et demeure l'instrument idéal, sauf que, comme vous l'avez dit, à partir du rapport Lacoste, pour nous, c'est important d'améliorer sa réglementation. Ce qui échappait de par une non-application de règlement, peut-être que la recommandation de la commission, ce sera qu'à partir de maintenant il n'y a personne qui va s'échapper. Et, en fait, c'est un peu le voeu.

Ce qui m'a frappé aussi, vous semblez beaucoup calquer le système ontarien. Mon collègue et moi avons eu l'occasion, à quelques reprises, de faire une brève étude de ça. Le système de l'Ontario - et mon collègue pourra me corriger - nous a semblé beaucoup trop judiciaire, malgré qu'on lui reconnaisse certains avantages. Le citoyen est pris avec des procureurs devant une cour de justice, ni plus ni moins, qui, somme toute, après l'exercice, garde une autorité discrétionnaire et suprême au gouvernement. Comment vous voyez ça? Est-ce que notre système ne serait pas plus étanche, s'il était bien appliqué, qu'un système qu'on trouve, en tout cas comme parlementaires, beaucoup trop judiciarisé?

M. Simard: Non. Là-dessus, je suis d'accord avec vous et je pense que c'est peut-être une fausse impression. Ce n'est pas l'impression qu'on a voulu qui se dégage du mémoire de calquer le processus ontarien. Parce que, effectivement, dans l'économie générale de la loi et du règlement, nous sommes satisfaits du forum qu'est le Bureau d'audiences. Mais, actuellement, le Bureau d'audiences publiques est quand même un organisme quasi judiciaire et il doit, à l'occasion, utiliser ses prérogatives d'organisme quasi judiciaire de façon judicieuse, naturellement, mais on ne voit pas un processus qui soit complètement envahi par des avocasseries, des délais et des cadres, ce qui est un petit peu, malheureusement, un des défauts du système ontarien. Mais on ne voit pas du tout ça. Si on s'inspire à quelques égards du principe ontarien ou de certaines avenues étudiées en Ontario comme le "all is included except", c'est-à-dire que tout est inclus et tout est assujetti sauf certaines choses dont on doit prouver pourquoi elles ne sont pas assujetties - l'Ontario va dans ce sens-là, c'est intéressant - la structure. du Bureau d'audiences publiques comme forum, avec des règles, bien sûr, avec une discipline, bien sûr, nous ne la voyons pas dans un processus judiciaire.

Ce qui est important - je voulais le préciser tout à l'heure - actuellement, le règlement crée une obligation réglementaire pour le ministre, si ce n'est pas frivole, d'aller en audiences publiques, de faire appel au BAPE. Et ça, c'est majeur, vous savez. Et, prenez bien conscience de ce fait-là, s'il y a élargissement et universalité de la procédure, ce que nous souhaitons, il ne faut pas qu'il soit possible, par arbitraire ou uniquement en élargissant l'article 6. 3 de la loi, que le ministre puisse choisir. Là, on rend universel d'un côté et on rend arbitraire de l'autre. Vous comprenez? On pourrait dire que tout est inclus, mais que c'est le ministre qui va ou non en audiences, donc tout redeviendrait exclu. Et c'est important de garder la caractéristique fondamentale de notre règlement qui est l'obligation réglementaire, pourvu que la demande ne soit pas frivole. Et, dans l'histoire au Québec, dans les 43 rapports, je pense qu'il n'y a pas eu d'audiences frivoles et qu'il n'y a pas eu d'exagération de ce côté-là. La preuve, c'est que même avec l'obligation réglementaire, malheureusement, on n'a pas assez utilisé la procédure. Donc, il ne faut pas enlever cet aspect-là fondamental.

Le deuxième aspect qu'on craint dans le contexte économique actuel, pour revenir à votre première question, c'est l'aspect de la justification. Il faut, en toute justice naturelle, qu'une commission qui se penche sur un projet puisse dire si l'étude d'impact est pourrie ou si le promoteur n'a pas fait la démonstration de la justification sociale et économique de son projet par rapport aux impacts environnementaux qu'il occasionne; qu'il y ait possibilité pour le BAPE de dire: Ce projet doit retourner à la table à dessin, il est mal dessiné. On a un cas patent de ça, le cas Soligaz où le projet était mal dessiné, mal conçu et décidé d'avance en comptant sur des appuis politiques pour considérer le BAPE comme une simple formalité. Donc, la possibilité pour le BAPE de dire: Ce que j'ai devant moi ne me permet pas d'arriver à une recommandation positive, ça fait partie d'un examen. Si, par exemple, cette justification-là était enlevée et qu'on donnait uniquement au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement la possibilité d'avoir des mesures de compensation et de mitigation sans s'interroger sur la justification du projet, à ce moment-là, je pense qu'on détruirait des règles naturelles de justice et on n'avancerait absolument pas socialement.

M. Maltais: Vous avez parfaitement raison de ce côté-là. Soligaz est un cas patent que vous avez nommé; il y a eu d'autres cas au Québec aussi et, croyez-moi, ils se le sont fait dire également. Lorsqu'on fait mal son travail et qu'on vient traîner dans la cour du Parlement ici pour demander aux parlementaires de corriger le travail qu'on n'a pas fait, on ne l'apprécie pas non plus, nous autres. On n'est pas engagés comme professeurs, on est engagés comme législateurs. On est engagés par la population en plus.

Votre organisme est, quand même, un organisme fort bien structuré et connu au Québec.

Vous regroupez 55 000 membres et beaucoup d'organismes. Il est évident que, lorsque vous allez devant le BAPE, vous êtes un organisme structuré, vos dossiers sont très étoffés, c'est connu. Cependant, ce n'est pas la même chance pour tous les groupes écologistes qu'on peut rencontrer dans différentes parties du Québec. Est-ce que vous pensez - et là, je vous dis ça tout bonnement - que ça pourrait exister, au Québec, une fédération de groupes écologistes avec des critères, pour que, vraiment... Souvent, ces gens de bonne foi se font dire qu'ils ne sont pas représentatifs du milieu. Ils regroupent peut-être 15, 20 ou 30 personnes dans un secteur. On l'a vu depuis trois jours, on a vu les groupes qui, souvent, se sont fait taper dessus soit par la presse ou par la contrepartie. Est-ce qu'on verrait ça d'un bon oeil au Québec - écoutez, vous êtes quand même l'un des groupes les plus importants - un genre de fédération, de regroupement de groupes écologistes, une fédération qui pourrait émettre des critères et qui, de cette façon-là aussi, deviendrait beaucoup plus finançable, soit par les promoteurs, soit par le gouvernement? Comment verriez-vous ça?

M. Simard: Je demanderais peut-être à M. Coté de répondre à ça, si vous voulez bien.

M. Maltais: On vous demande votre opinion. On est ici pour regarder les solutions et c'est pour ça qu'on vous pose ces questions-là.

M. Coté (Guy L): Je pourrais vous répondre puisque je suis le vice-président d'un des groupes écologistes qui existent au Québec et nous aurons l'occasion de vous rencontrer séparément, l'Association pour la conservation du mont Pinacle. La perception que nous avons de l'UQCN comme groupe, c'est précisément que c'est une fédération de groupes écologistes. J'ai été étonné et très heureux de constater jusqu'à quel point le comité exécutif de l'UQCN est très représentatif des différents groupes au Québec et la façon avec laquelle il exploite quelquefois de façon éhontée les expertises des différents groupes. L'UQCN, c'est au fond quelques permanents qui sont au bureau central ici à Québec et un réseau d'une quinzaine de personnes, élues d'ailleurs par les assemblées annuelles. Ces personnes véhiculent des dossiers spécialisés au fur et à mesure de leurs expériences concrètes dans le milieu. Aujourd'hui, nous parlons de façon générale. Lorsque nous aurons à vous rencontrer, notre expérience viendra du milieu. Je crois qu'une fédération de groupes écologistes n'est pas nécessaire, elle existe déjà. L'expertise, si vous la reconnaissez dans les mémoires de l'UQCN, c'est parce qu'elle est nourrie par ses membres. (11 h 15)

M. Maltais: Je suis d'accord avec votre réponse, mais je ne la partage pas. Je vais vous donner un exemple. Hier, il y a des gens qui témoignaient à votre place et qui n'avaient même pas 25 $ pour se payer un billet d'autobus. Dans une société de consommation comme la nôtre, je trouve que M. Simard, qui est à la permanence ici, n'a pas eu à payer ces 25 $. Je trouve qu'aussi loin que les gens viennent du Québec... Vous savez, le parlement, on ne peut pas le déménager à tous les quarts d'heure, même si, de temps en temps, une grosse partie se déménage à Montréal, comme dirait le président de la commission. On ne peut pas se promener avec le parlement en dessous du bras, il est soudé à Québec. Ces gens sont vraiment défavorisés. Lorsque vous dites que, de fait, à l'Union, vous ne verriez pas d'un bon oeil une confédération ou une fédération de groupes écologistes, moi, ça me laisse sceptique parce que je pense qu'il y a des gens dans mon comte qui aimeraient peut-être venir ici témoigner; ils ont des choses à dire. On a eu de l'huile aussi, nous autres, et on aurait des choses à dire; ces gens-là auraient des choses à dire. Mais, si on avait une fédération qui regroupe certains critères pour admettre un groupe écologiste... Peut-être que de facto l'UQCN est reconnue par les groupes écologistes, mais dans la population ce n'est pas elle qui chapeaute tous les groupes écologistes, à moins que je ne me trompe et vous me corrigerez. Mais je n'ai pas le sentiment que l'UQCN est le maître, est la fédération officielle de tous les groupes écologistes au Québec. Je n'ai pas ce sentiment-là parce qu'il vous arrive "Greenpeace" d'un côté et il vous en arrive une couple d'autres à gauche et à droite, et je ne suis pas sûr que l'UQCN chapeaute tout ça. J'aimerais ça qu'un jour on mette un organigramme bien bâti...

M. Simard: Là-dessus, si je peux me permettre, M. Maltais...

M. Maltais: Ce ne sera pas long. ¦

M. Simard: Je suis originaire de votre comté, je suis un peu au courant aussi. On a des membres chez vous, d'ailleurs.

M. Maltais: Oui, oui.

M. Simard: Si je peux me permettre, ce n'est pas nécessairement le sujet principal, la structuration des groupes écologiques au Québec, mais le postulat qui vous fait poser votre question m'inquiète un peu. C'est comme si vous disiez qu'on a affaire parfois à des groupes écologiques plus ou moins enracinés dans leur milieu, qui disent plus ou moins n'importe quoi et qui auraient avantage, éventuellement, à être supportés par une fédération nationale.

M. Maltais: Non, je vous arrête. Ce n'est pas ça du tout que je dis

M. Simard: J'ai senti ça. Est-ce que je me trompe?

M. Maltais: Non, ce n'est pas ça du tout que je dis. Je veux couper ça tout de suite parce que ce n'est pas ça. Tout simplement, au Québec, vous, vous êtes bien structurés, vous avez 55 000 membres, 100 associations avec vous, vous êtes un groupe structuré et chanceux. Mais il y en a d'autres au Québec qui ont des choses à dire, qui sont moins structurés, qui sont moins représentatifs et, dans l'opinion publique, ils se font botter le derrière. Pourquoi? Parce que souvent c'est un petit groupe de 15, 20 personnes, sans moyen financier. Et la preuve, écoutez, on est là comme témoins, hier, tous les parlementaires, nous sommes restés ébahis de constater que des gens n'avaient même pas d'argent pour payer leur dîner tellement leur association était pauvre. Ce n'est pas votre cas, je ne pense pas. Bon. Ce qui m'intrigue là-dedans, c'est: comment, au Québec, les promoteurs, un gouvernement, des parlementaires pourraient s'assurer d'une certaine équité financière envers ces groupes écologistes s'ils ne sont pas regroupés et s'ils ne sont pas caractérisés? C'est-à-dire que, pour être reconnus comme groupes écologistes, ça prendrait un minimum de personnes, un minimum de critères. Ils deviendraient subventionnables, ce serait récurrent, ils ne seraient pas à la charité de tout le monde continuellement. C'est la question que je pose. Si vous me dites: On ne veut pas de ça, on ne veut pas en entendre parler, je suis bien d'accord avec vous autres et je vais poser la question à d'autres groupes écologistes qui vont venir, mais j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Coté: Votre question nous touche beaucoup, votre sollicitude nous touche beaucoup. Vous avez tout à fait raison de poser la question parce que les groupes environnementaux sont souvent les précurseurs de préoccupations qui deviennent, par après, plus générales. Une des raisons de cela, c'est qu'ils existent dans le concret et dans le local et ils perçoivent quelquefois avant les autres la genèse de certaines difficultés. L'expérience que nous avons eue au mont Pinacle et aussi les contacts que nous avons eus ailleurs nous mènent à penser que les groupes écologistes devraient recevoir un soutien financier. Nous n'avons nous-mêmes, depuis les quatre ans que nous existons, jamais reçu une subvention d'opération, malgré le fait que nous avons fait des levées de fonds dans notre secteur et tout dernièrement nous avons réussi à récolter 50 000 $.

Cependant, nous avons reçu tout dernièrement du ministère de l'Environnement une communication à l'effet qu'il y a un nouveau programme du ministère de l'Environnement, qui s'appelle Le soutien à l'action, et que notre groupe et d'autres aussi pourraient être éligibles à ce programme-là. Nous verrions d un très bon oeil un soutien accru de la part de l'État aux groupes écologistes indépendants et, dans ce sens-là, s'il faut une fédération pour représenter leurs intérêts, je vous suis entièrement.

M. Maltais: Comment verriez-vous une fédération qui, elle, distribuerait les montants d'aide aux groupes écologistes?

M. Simard: Ça, je pense que c'est de la dynamique interne des groupes, mais c'est pensable, en fait.

M. Coté: Ce n'est pas impossible, ça. Ce n'est pas du tout impossible que ça se fasse comme ça. Ça enlèverait la part d'arbitraire du ministère d'avoir à faire le choix elle-même. Mais c'est des choses qui ne portent pas sur le sujet principal de notre rencontre aujourd'hui.

M. Maltais: Ça va, merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. M. Simard, M. Stainier, M. Coté, bienvenue au nom de l'Opposition. En partant, je veux vous dire que j'ai ressenti beaucoup de jouissance à lire votre rapport et à le relire ce matin. Je m'en confesse publiquement.

Le Président (M. Garon): Ne confessez pas ça, docteur.

M. Lazure: II est non seulement très bon sur le fond, mais il est très bon dans la forme aussi. Et même le vocabulaire est soigné. Quand on parle du patrimoine blessé, ça me touche profondément. Je voudrais vous dire que, quant à nous, les sept objectifs que vous nous proposez de poursuivre, comme commission, ça nous va. J'avais une question sur le septième objectif où on parle du suivi. Vous dites, a la page 14, "de porter une attention particulière au suivi des projets". Comment ça se ferait ça, d'après vous? Voulez-vous élaborer un peu là-dessus?

M. Simard: Oui, je vais élaborer un peu. Effectivement, avoir eu peut-être plus de temps, on avait certaines choses qu'on aurait voulu mettre là-dessus davantage. Je suis heureux que vous le souligniez. Je suis heureux aussi que ce soit la lecture de notre mémoire qui vous provoque certaines jouissances, plus que de piloter un F-18, comme certains autres hommes politiques l'ont dit.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Simard: Maintenant, sur le suivi, on pense qu'actuellement il y a peut-être un enga-

gement moral. Quand on dépose une étude d'impact, quand il y a audiences publiques, quand il y a un décret qui découle de ce processus, il est important de savoir si le décret a été respecté ou non après coup. Donc, dans un premier temps, je pense que ça pourrait se faire, dans certains types de projets, à tout le moins, des projets qui sont les plus à lourds impacts identifiés. Dans certains types de projets, à tout le moins, il y aurait une actualisation de l'étude d'impact après, par exemple, trois ans d'opération.

Cette actualisation de l'étude d'impact, en comparant ce qui était prévu dans l'étude d'impact et lors de l'audience avec ce qui existe dans la vraie réalité vivante, serait rendue publique, par exemple, et accessible dans les différents centres du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement; déjà, ça, ça serait intéressant. C'est-à-dire que ça assurerait qu'il y a un suivi, que l'étude d'impact et le processus ne sont pas que de la poésie. Et, vous savez, bien souvent les gens à l'interne disent que tout ça, c'est de la poésie.

C'est-à-dire qu'une fois qu'on n'a pas fait le suivi sur le décret il peut se faire n'importe quoi en aval de ce qui a été décidé et, s'il n'y a aucune vérification, pourquoi on a gaspillé temps et argent, et qu'on a fait participer le public s'il n'y a pas de suivi? Donc, ce suivi-là pourrait être fait et disponible publiquement par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement; à ce moment-là, ça pourrait être une de ses fonctions de faire ça, lui qui est un peu garant du respect de la procédure à ce niveau-là, sans avoir, si vous voulez, nécessairement de dents pour l'instant.

M. Lazure: Vous ne pensez pas que ça pourrait être plutôt le ministère, que ça relève de la responsabilité du ministère? Parce que le Bureau d'audiences publiques est un bureau, comme le terme le dit bien, d'audiences publiques. Il ne faut pas qu'il se mette - à mon avis, en tout cas - à remplir les fonctions qu'un ministère de l'Environnement doit remplir de façon permanente, régulière, indépendamment des audiences qui peuvent avoir lieu sur tel ou tel projet.

M. Simard: On n'est pas fondamentalement opposés à ce que vous dites. La seule différence... M. Stainier, si vous voulez ajouter là-dessus.

M. Stainier (André): Oui, je trouve intéressante l'idée d'impliquer le BAPE quand même dans cet aspect-là des choses. Je crois que déjà, actuellement, le ministère de l'Environnement a la responsabilité d'une certaine surveillance, mais, moi, je trouve intéressant, et nous essayons, quant à nous, de le pratiquer dans la suite de Contestension Portneuf-Lotbinière, que les groupes qui se sont intéressés, qui se sont impliqués dans l'adoption d'un projet aient la possibilité d'en suivre la réalisation à titre de membres de la population, ce qui est autre chose que d'être un fonctionnaire du ministère de l'Environnement qui le fait à sa façon.

M. Lazure: II y a peut-être une façon, un compromis. Moi, je pense que c'est surtout le ministère qui doit faire ce suivi-là, pour toutes sortes de raisons, mais le ministère pourrait transmettre au BAPE les données de son suivi et le BAPE les transmettrait au public.

M. Stainier: C'est qu'il me semble, justement, que le BAPE, dans la ligne de sa vocation de forum ouvert à la population, soit l'endroit où la population, par exemple, pourrait s'adresser pour dire: Moi, j'ai telle demande à faire...

M. Lazure: C'est ça.

M. Stainier: ...sur tel projet, veuillez demander au promoteur de nous acheminer telle et telle information. Ce serait un peu plus qu'une boîte aux lettres. Il serait l'intermédiaire entre la population et le promoteur. Il ne s'agit pas que le BAPE aille lui-même voir...

M. Lazure: C'est ça.

M. Stainier: ...mais qu'il reçoive l'information, la transmette et la vérifie, éventuellement, la valide.

M. Lazure: On se comprend. Un intermédiaire et, en même temps, ombudsman pour la population.

M. Stainier: Mais que ce soit le BAPE plutôt que le ministère, parce que le rapport entre le citoyen et le ministère n'est pas le même qu'entre le citoyen et le BAPE.

M. Lazure: Vous avez raison. On se comprend.

M. Simard: II faut savoir si le décret a été respecté. Je pense que c'est important et, à la limite, s'il n'était pas respecte, il y aurait possibilité d'une réouverture de processus sur des modifications majeures au décret, tel que le prévoit, d'ailleurs, Lacoste. Ce serait important de le faire; sinon, on n'a pas bouclé la boucle et on n'a pas la possibilité de vérifier. Mais nous sommes ouverts à des modalités là-dessus. Ce qui est important, c'est qu'on a trop souvent tendance à oublier, et je fais une analogie avec les collèges qui sont très performants peut-être, mais on avait oublié de les évaluer, à un moment donné, pour savoir s'ils étaient performants, au même titre qu'on doit évaluer le résultat du processus d'audiences publiques en "monitorant".

Ça, c'est ce qui est assez important à retenir.

M. Lazure: Un deuxième secteur, M. le Président, les recommandations. Là aussi, ça nous va entièrement. Je note avec beaucoup d'intérêt qu'à la page 20 - et je suis sûr que M. Coté a eu quelque chose à faire avec ça - vous incluez dans l'article 2 les projets réçréotouristiques. Si ça pouvait se faire...

M. Coté: À la suite de pressions internes.

M. Lazure:... de façon rétroactive, on aurait pu trouver une solution pour le mont Pinacle. Mais ce n'est pas fini, si je comprends bien. La lutte pour le mont Pinacle n'est pas terminée. Sur des questions plus particulières, vous avez peut-être entendu la discussion que nous avons eue, tantôt, avec les représentants de Gaz Métropolitain concernant la technique de la voie rapide qui va, semble-t-il, être utilisée de plus en plus aux États-Unis où les promoteurs ont le choix entre une procédure régulière quant à son rythme ou une procédure beaucoup plus rapide, avec des risques pour le promoteur. Sans répéter tout ce que M. Caillé nous expliquait tantôt, en gros, c'est le promoteur qui se chargerait, avant même de déposer son avis de projet, de faire faire toutes les études pertinentes, connaissant d'avance les exigences du ministère ou du Bureau d'audiences publiques. Aussitôt qu'il aurait terminé toutes ces études, il les rendrait publiques et le ministère rendrait public son avis de projet. À ce moment-là, ça enclencherait le processus actuel, audiences publiques ou non, selon le cas.

Ici, les représentants de Gaz Métropolitain nous parlent d'une différence de 33 mois, comme le rapportait le rapport Lacoste, de délai moyen dans la procédure actuelle par rapport à 8, 5 mois dans l'optique d'une voie rapide. Alors, le délai de 8, 5 mois est peut-être très optimiste, là, mettons que c'est 12 mois, et d'autres groupes nous ont parlé d'un maximum de 12 mois. Personnellement, moi, je suis favorable à cette idée qu'on accélère beaucoup le processus. Que . pensez-vous de cette technique de la voie rapide? (11 h 30)

M. Simard: Tout le monde est pour la vertu et contre le vice, tout le monde est pour une procédure assez rapide et efficace et nous de même, mais ce dont il faut s'assurer, c'est que la procédure prenne le temps nécessaire pour faire des évaluations de qualité et le temps d'analyse nécessaire, qui n'est peut-être pas le même selon la nature de certains projets. Ça ne doit pas être indû. Il ne doit pas y avoir comme actuellement, effectivement, des délais entre les réponses et les questions du ministère et un genre de dialogue sans fin que nous déplorons, nous aussi. On propose un certain cadre pour une voie qui pourrait être un peu plus rapide, c'est-à-dire - un peu comme le mémoire du département de santé communautaire vous le soulignait - une analyse de certains sites qui serait dynamique. Mais ce qu'on sait sur un site, on n'a pas besoin de le répéter ou de le réétudier. Donc, ça favorise l'efficacité d'une procédure et sa rapidité.

Maintenant, une procédure rapide où le promoteur ferait tous les avis de projet et tous les projets en présupposant une directive, à ce moment-là, je trouve qu'il y a un danger que l'étude d'impact ne touche que ce que l'on veut bien étudier. Vous savez, une étude rigoureuse implique que tous les aspects soient étudiés: socio-économiques, macroécologiques, microécologiques, biophysiques, énergétiques. Donc, c'est ça la rigueur, ce n'est pas uniquement de pointer sa lampe de poche vers le seul problème et de ne pas regarder où la lampe de poche n'éclaire pas, ce qui se fait souvent dans les études d'impact.

Donc, la voie rapide est nécessaire, mais doit être balisée sur des principes de participation publique et des principes démocratiques. On parle beaucoup de Grande-Baleine actuellement et on se dit: Qu'est-ce que ça pourrait être un examen public dans le cas d'un mégaprojet comme Grande-Baleine, en termes d'une procédure efficace, rapide, mais qui respecte les règles naturelles de justice, c'est-à-dire la participation du public, le temps de discuter et de débattre des enjeux environnementaux, et de proposer des solutions? Souvent - je parlais avec M. André Beauchamp et avec plusieurs autres personnes là-dessus - il y a une certaine communauté de pensée qui dit que dans le cas de Grande-Baleine la procédure peut être de trois ans pour qu'elle soit parfaitement plausible et crédible. Avant ça, ça peut ressembler à: Vous avez un an pour dire oui ou vous avez six mois pour dire oui. Ça, ça fausse.

M. Lazure: Oui, mais...

M. Simard: donc, vous comprenez qu'il faut être prudent avec une procédure rapide qui court-circuiterait la participation du public au niveau de la directive ou de certaines étapes.

M. Lazure: Oui, vous avez absolument raison, puis je pense que cette procédure de voie rapide, il ne serait pas question, en tout cas dans mon esprit, de l'appliquer sur la discussion publique de grands projets ou sur la discussion publique de politiques gouvernementales. Alors, dans mon esprit, ça ne s'appliquerait sûrement pas à la politique énergétique du Québec. L'Ontario, sur son plan de développement de 20 ans, va prendre deux ans et demi pour faire la discussion publique. Alors, je suis bien de votre avis aussi que, pour une discussion valable sur l'avenir énergétique du Québec, c'est une question de deux ans, deux ans et demi ou trois ans qu'il faut garder en tête.

Sur un autre plan, l'aide financière aux groupements, avez-vous eu l'occasion d'étudier les normes que le ministère est en train d'élaborer pour le financement des groupes?

M. Simard: Bon. Ça, c'est toute une ouverture. Je préfère, dans un premier temps, répondre à cette question-là plus directement au niveau de la consultation. Il existe des critères de financement - et ça répond un peu à M. Maltais, même s'il n'est pas là, mais disons que c'est enregistré - au niveau du financement des groupes pour participer à des audiences. Il existe des expériences. Récemment, il y a eu une consultation du fédéral sur l'enfouissement des déchets nucléaires dans le granite où il y a eu un programme de financement des groupes, dans une première étape, de 200 000 $. Il y a un comité de personnalités indépendantes qui a analysé les demandes des groupes. C'est sûr qu'il refusait les groupes qui voulaient se payer une publicité dans le journal pour dire non au nucléaire - c'est peut-être normal - mais, selon les demandes, ça a été respecté et tout le monde était assez heureux de l'aboutissement de ça. Il n'y a pas eu de censure, ça s'est fait par des sages et c'était intéressant. Donc, cette procédure-là peut s'appliquer dans le financement des groupes et éviter peut-être des problèmes de groupes ou d'individus - on ne parle pas seulement d'environne-mentalistes - même de municipalités ou de petites municipalités qui n'auraient pas les moyens de présenter quelque chose d'étoffé dans une audience et ça aiderait à élever le débat. Ça, c'est nécessaire.

Maintenant, par rapport au financement des groupes, qui est directement votre partie, malheureusement, il y a une saga au ministère de l'Environnement sur un programme de financement des groupes. On a annoncé un programme plutôt de soutien à des projets, dont actuellement, en tout cas, on n'a pas vu de formulaire comme tel. On n'a pas de formulaire connu. Donc, à ce moment-là on craint un certain arbitraire, que ce soit finalement un fonds discrétionnaire trop grand sur cette question-là. On craint que le programme de 1 000 000 $ soit sur la base de projets spéciaux dont actuellement on ne connaît pas les normes. On espère et on est à peu près persuadés, on compte sur la sagesse de nos gouvernants pour mettre des normes là-dessus.

Maintenant, on pense qu'il est fondamental qu'il y ait une partie de ces sommes-là qui ne soit pas uniquement sur des projets, mais sur le soutien à des organisations nationales et régionales. Et ça, c'est un principe qui avait été admis et qui, malheureusement, semble-t-il, tend à s'en aller, mais sur lequel je vous annonce que, sans être une confédération, une majorité de groupes et d'organisations nationales interviendra bientôt pour rappeler l'importance des organisations nationales et l'importance de les financer sur une base de soutien. Il ne s'agit pas de combler 100 % du budget. Sachez que, sur un budget de près de 700 000 $ de notre organisation, nous avons eu 11 000 $ de budget du ministère de l'Environnement et, l'année précédente, 3000 $. Donc, on ne peut parler de dépendance. Mais on parle d'un soutien pour du travail comme on fait ce matin, qu'on fait carrément gratuitement.

M. Lazure: Je peux vous dire que, de ce côté-ci, nous ne sommes pas du tout d'accord avec cette idée de financer les groupes environnementaux à l'année longue, seulement en partant de projets. Ça n'a pas d'allure, quant à nous. Alors, il faut absolument qu'on sorte de cet enlisement qui est un peu, d'ailleurs, comme la philosophie du fédéral qui finance à gauche et à droite en partant de projets et qui oblige des petits groupes communautaires à passer des heures et des heures et des semaines à préparer des projets qui, souvent, sont fictifs, de toute façon. Alors, si jamais vous voulez l'appui de l'Opposition là-dedans, vous pouvez compter dessus.

Dernière question, M. le Président. Vous faites une petite remarque qui m'intrigue, à la page 19 de votre mémoire. Vous dites qu'il serait nécessaire, à moyen terme, de refondre les 12 lois - ça va, ça - en matière d'environnement, avec, comme objectif, de sortir de la politisation sélective qui les entoure. Je suis intrigué par l'expression "politisation sélective".

M. Simard: Disons que nous avions deviné qu'un jour cette question viendrait. Nous avions deviné juste. Si vous regardez la version la plus récente de la loi québécoise sur l'environnement, vous vous apercevrez, en feuilletant un peu comme on fait avec un "flip book" que les jeunes ont, qu'il y a des zones grises et des zones blanches. Les zones grises, ce sont toutes les parties de loi et de règlement - carrément des articles de loi - qui ont été votées en bonne et due forme - excusez, je ne ris pas du tout d'une façon ironique - par nos législateurs à l'Assemblée nationale.

Je pense qu'il y a beaucoup de monde qui pense de bonne foi que ce qu'il a voté est en application. Je pense que beaucoup de personnes, même à l'Assemblée nationale, croient que la loi québécoise en environnement est appliquée entièrement actuellement. Mais, malheureusement, de grands pans de cette loi-là sont soumis à des règlements généraux d'administration qui en suspendent l'application. Un des plus connus, c'est les fameux articles 2n, 2g et 2p qui, encore tout récemment, étaient étudiés dans les pays étrangers, sans qu'il y ait le petit astérisque disant: N'est pas encore en application. En Nouvelle-Zélande, on devait dire quelque part: Vous savez, au Québec, ils évaluent les projets industriels, c'est marqué dans le règlement. Mais

c'est ce genre de politisation sélective auquel on faisait référence.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Oui, vous parlez, aux pages 39 à 41, des pouvoirs que les municipalités pourraient obtenir concernant la demande au BAPE. Présentement, c'est le ministère qui a le pouvoir de décider quand il y aura des enquêtes par le Bureau. Là, vous dites: Les municipalités pourraient demander de faire des enquêtes et la décision finale serait aussi aux municipalités. Si les municipalités pouvaient demander de faire des enquêtes, comment vous expliqueriez, par exemple, le pouvoir que les municipalités pourraient avoir vis-à-vis le BAPE, lorsqu'elles ne paient rien? Il y a quelque chose, là-dedans, qui me semble... Comme avant, les municipalités pouvaient demander de faire des enquêtes...

M. Simard: Excusez. Vous faites référence à quelle page? Je ne le vois pas.

M. Dufour: Pages 39 à 41.

M. Simard: Page 39 à 41, vous dites?

M. Dufour: C'est le Conseil des ministres qui, en principe, a le pouvoir de déterminer si le BAPE va siéger ou pas. Là, vous dites: Les municipalités devraient pouvoir demander au BAPE de faire des enquêtes. Si les municipalités ont le pouvoir de demander de faire des enquêtes et que le BAPE est obligé d'accepter de faire ces enquêtes-là, est-ce que vous croyez qu'il n'y a pas...

M. Simard: Je ne comprends pas où vous le prenez, parce que je ne le vois pas à la page 39. Je ne comprends pas où vous voyez ça. Je vais vous dire, je trouve ça curieux comme question parce que ça a été une hypothèse de travail qu'on a...

M. Dufour: Un instant. Les municipalités devraient pouvoir demander au BAPE de faire des enquêtes, tout comme la prise de décision finale sur des projets plus restreints devrait se faire au niveau des municipalités, plutôt qu'au niveau du Conseil des ministres, pages 39 à 41. Enfin, à moins que nos...

M. Simard: C'est curieux. Il y a peut-être...

M. Dufour:... synthèses ne soient pas véridiques.

M. Simard: C'est peut-être que vous avez eu une version... Je ne sais pas, je vérifie. Mais, sincèrement, nous avons évalué ça. Je vais répondre quand même à votre question, je pense que c'est important parce que ça fait l'objet d'un débat chez nous.

M. Dufour: C'est parce que ça va aller avec l'autre.

M. Simard: Ça fait l'objet d'un débat direct chez nous. En fait, on pense, en fin de course, que ça ne devrait pas être aux municipalités. Effectivement, il devrait y avoir audiences publiques sur des projets d'envergure municipale ou supramunicipale, l'enfouissement des déchets et des choses comme ça. Je pense que leurs recommandations devraient être envoyées au Conseil des ministres. C'est sûr que les municipalités participeraient directement, éventuellement, même comme promoteurs, au processus d'audiences publiques, mais il devrait demeurer au niveau national parce que souvent les impacts sont de niveau supramunicipal, comprenez-vous? Il y a eu une hypothèse de travail chez nous qui disait ça - c'est dommage si c'est resté dans votre version - mais, essentiellement, nous en sommes venus à la conclusion que les promoteurs municipaux devraient participer activement au BAPE, ça devrait être soumis, mais comme il y a des implications supramunicipales, ça devrait demeurer à ce niveau-là. C'est la question...

M. Dufour: C'est clair qu'il y a des municipalités, par exemple, que je connais qui sont astreintes à la juridiction du Protecteur du citoyen, mais il y a des coûts là-dedans. La municipalité qui s'astreint paie, en retour, un certain coût parce qu'elle a un pouvoir; du fait qu'elle s'astreint à une juridiction, ça veut dire qu'elle lui demande un supplément de travail. C'est pour ça que je trouvais que c'était un peu conflictuel, à l'effet qu'en dehors...

M. Simard: Oui.

M. Dufour:... de ceux qui paient, les municipalités auraient pu décider. Je comprends bien votre position.

M. Simard: Oui, c'est pour ça que c'est bien de clarifier ça. Je regrette que cette version-là ait circulé. Maintenant, je voudrais vous dire, là-dessus, ce qui est le plus important. Pour les municipalités, dans l'ensemble des dossiers, ce qu'on a remarqué, c'est que - dans le cas de Labco-Chem à Saint-Romuald, de Glaverbec à Saint-Augustin dans la région de Québec - étant donné qu'il n'y avait pas d'audiences publiques, il se créait des psychodrames dans les journaux - la même chose que Lauralco - des menaces de retourner au Venezuela, etc. Ça va en bas de la ceinture et dans des querelles de ruelles assez importantes où l'émotivité règne, où, des deux côtés, il faut avoir l'image la plus grosse pour rabaisser l'autre et où ça devient absolument pas dans l'intérêt public.

C'est une des fonctions premières du BAPE. Par exemple, ce fameux assujettissement des projets industriels est une chose qui serait nettement intéressante pour discipliner ou civiliser les relations entre commissariats industriels au Québec. C'est-à-dire que les commissaires industriels n'ayant pas de règles du jeu claires dans l'assujettissement des projets industriels sont tentés de dire: Venez chez nous, ce ne sont pas des chialeux, ça va passer. Même si chez nous ça pourrait être un milieu très sensible, il n'y aura pas d'audiences, on va vous organiser ça, on connaît nos groupes. Il se joue toutes sortes de surenchères, j'allais dire, à la baisse, le plus bas dénominateur commun au niveau de l'environnement, et des coupe-gorge qui ne sont pas à l'avantage des municipalités, ni des entreprises qui se font "coaxer" - vous le savez, ce n'est pas un très beau terme - qui se font séduire intensément par les commissaires industriels. Et souvent, elles le souhaitent.

Le cas de l'enfouissement sanitaire, quand une municipalité a un peu le défaut... Parce que, souvent, c'est un peu ce qu'on a, c'est-à-dire qu'on a analysé plusieurs sites et c'est lui qu'on veut et, là, on va le faire passer. On met 200 000 $ en relations publiques et on va le faire passer par des annonces dans les journaux, ce qui a souvent l'effet diamétralement opposé. Les 200 000 $ qu'on met en publicité, ils valent 400 000 $ de contrepublicité, si vous voulez. Ça ne fait pas avancer le dossier et les gens n'ont pas confiance.

Par exemple, ça a été employé dans le cas d'une médiation environnementale tout à fait spéciale au Québec, qui a eu lieu pour la localisation des usines de traitement des eaux usées à Québec. On a fait appel à Mme Louise Roy, à l'époque, qui était membre du Bureau d'audiences. Elle a tenu un genre de médiation pour aider la CUQ et pour déterminer un site qui serait acceptable socialement parce que c'était devenu trop chaud. C'était devenu un point quasiment de non-retour.

Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, quoi qu'on puisse en dire et que certains éditorialistes pas trop rigoureux puissent en dire dernièrement, est un outil de civilisation. C'est-à-dire que c'est un outil de développement durable, c'est un forum discipliné qui nous permet de donner des pistes de solution, parce que personne n'a la vérité en environnement; je pense que ça a été dit avec raison par Gaz Métropolitain. C'est complexe. Il n'y a pas de "quick fix", il n'y a pas de solution miracle, tout le monde est partie à la solution, mais personne ne l'a en tant que telle.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie, M. Simard. Je voudrais remercier les représentants de l'Union québécoise pour la conservation de la nature d'être venus nous rencontrer. Je suspends la commission pour quelques instants afin de donner le temps aux représentants de l'association des entrepreneurs de services en environnement de venir prendre place à la table des délibérations.

(Suspension de la séance à 11 h 45)

(Reprise à 11 h 46)

Le Président (M. Garon): Je vais demander au représentant, au porte-parole de l'Association des entrepreneurs de services en environnement de se présenter et de nous présenter les gens qui l'accompagnent, en lui disant que nous avons une heure pour les entendre. Ça veut dire 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour l'Opposition. À vous la parole.

Association des entrepreneurs de services en environnement du Québec inc.

M. Chouinard (Yvon): Merci, M. le Président, MM. les membres de la commission. Je suis accompagné, à ma gauche, de M. Hans Gruen-wald, qui est président de l'association des entrepreneurs en services environnementaux du Québec; de M. Jean-Guy Laberge, qui est le directeur général de l'Association et, à ma droite, de M. Daniel Gaudreau, qui est le directeur du comité sur l'enfouissement sanitaire, un comité qu'il y a à l'intérieur de l'Association. Et moi-même, je suis Yvon Chouinard. Je suis conseiller juridique pour l'Association et j'ai à vous présenter le mémoire que l'Association a déposé auprès de la commission.

Je vais vous donner une brève lecture du mémoire. De toute façon, ce n'est pas tellement long. Après ça, il est possible que ça suscite des questions parce que le cadre dans lequel on a fait le mémoire, c'est beaucoup plus pour avoir des interrogations sur certains points qui affectent quotidiennement l'activité des entrepreneurs en services sanitaires et on dit pourquoi on est peut-être plus sensibles à certains aspects de l'environnement que d'autres groupes au Québec.

Alors, je me présente. Je suis celui qui, depuis plus d'un demi-siècle, fait en sorte que votre cour arrière soit propre. J'ai commencé à ramasser vos vidanges en vous livrant du bois de chauffage. Depuis que vous avez trafiqué vos appareils de chauffage pour utiliser de l'énergie dite propre, je me contente de continuer à passer dans les rues pour ramasser vos sacs verts. Je fais tellement bien ma job que depuis des décennies on m'a traité beaucoup plus comme un guenillou que comme un homme d'affaires. Mais voici que mon "sale" métier est devenu pour certains, lire municipalités, une mine d'or et que les sacs verts sont devenus des coffres-forts.

Qui suis-je? Une association qui a consciemment choisi de regrouper des entrepreneurs

de services en environnement du Québec. À l'origine, l'Association était connue sous le nom de l'Association des entrepreneurs en services sanitaires du Québec. Depuis 1959, ses membres sont présents partout au Québec et, dès qu'il est question de déchets, ils sont là pour la cueillette, le transport, la récupération, la valorisation ou le recyclage, et l'élimination et la gestion.

Ces activités génèrent plus de 6000 emplois directs et indirects et nécessitent l'utilisation de plus de 3000 véhicules spécialisés. Le chiffre d'affaires annuel des entrepreneurs pour leur activité au Québec, sans tenir compte des immobilisations et des équipements sur les sites d'enfouissement, est évalué a plus de 250 000 000 $.

La procédure d'évaluation des impacts sur l'environnement. L'Association des entrepreneurs de services en environnement du Québec a peu à dire sur la procédure. Nous croyons que la procédure est un mal nécessaire qui, à venir jusqu'à maintenant, nous est apparu, à tort ou à raison, plus comme un bon exercice de défoulement collectif qu'un véritable exercice de pouvoir démocratique lorsqu'il est question de problèmes environnementaux.

L'Association trouve que la commission de l'aménagement et des équipements fait preuve d'un courage certain en s'attaquant à la question de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement. Le document de consultation pose des questions d'une telle pertinence qu'il y a lieu de se demander s'il n'est pas nécessaire de créer un Parlement pour les verts puisque, dans les faits, ils détiennent le pouvoir en prenant l'industrie en otage. Il n'y a plus de développement durable possible dans le cafouillis actuel de la réglementation traitant directement et indirectement de l'environnement. Le système est suffisamment contraignant pour encourager la clandestinité, que ce soit par le stockage de déchets ou leur rejet pur et simple dans la nature.

Le virus du "pas dans ma cour" a commencé à s'attaquer au ministère de l'Environnement qui a, de plus en plus, tendance à garrocher dans la cour du municipal des responsabilités qu'il avait jusqu'à maintenant assumées. Mais il nous apparaît dangereux que certains dossiers fort complexes soient traités par les autorités locales qui n'ont pas les moyens de se payer à même nos taxes les expertises nécessaires.

C'est pourquoi l'Association favorise toute procédure d'évaluation des impacts sur l'environnement qui tiendra compte du principe de l'intégrité du Québec, évitant ainsi que les entreprises aient des traitements particuliers... que les déchets se promènent au gré des humeurs des conseillers municipaux et que l'on multiplie les études d'impact.

La disposition des déchets solides (domestiques). Dans le préambule de cette section, le document de consultation décrète: "Par contre, l'élimination de ces biens et de ces produits n'est pas très efficace et entraîne une dégradation, toujours plus marquée, de l'environnement. "

L'Association s'inscrit en faux contre cette affirmation qui laisse croire que toutes les méthodes d'élimination sont équivalentes. Pour l'Association, l'enfouissement sanitaire est le mode de disposition des déchets le mieux approprié au Québec, que ce soit pour des raisons économiques - c'est le moins dispendieux - que ce soit pour l'écologie - il respecte le processus naturel de dégradation des matières - que ce soit au point de vue social, parce qu'il permet, par le remplissage, la récupération de nombreux trous, héritage d'un développement sauvage. Ces trous, une fois remplis, peuvent servir de parc, de jardin, de golf et quoi encore.

Ce mode d'élimination est celui qui est le plus utilisé. Il est de loin le plus sécuritaire. Lorsque implanté selon des règles strictes, il donne des garanties suffisantes au point de vue de protection de l'environnement. L'Association croit que l'entreprise privée a démontré son efficacité depuis plus de 30 ans en gardant les coûts de cueillette, transport et disposition des déchets les plus bas en Amérique. L'Association croit que plus il y a ingérence dans le domaine, lire intervention politique de tout niveau, plus les contribuables paient cher.

L'Association favorise la méthode d'élimination des déchets par leur dépôt dans un site d'enfouissement. Le problème, si problème il y a, actuellement, n'est pas dans la méthode, mais bien dans ce que les gens mettent dans leurs sacs verts. Parce que l'absence de tri à la source entraîne l'enfouissement de produits qui, normalement, ne devraient pas l'être.

L'Association recommande qu'il soit interdit d'enfouir tout produit récupérable. Si les citoyens ne font pas leur tri à la source, il faut installer les équipements nécessaires et facturer pour ce service. Les contribuables doivent savoir ce pourquoi ils paient. Il va de soi que cette politique de récupération obligatoire conduit nécessairement à la création d'un organisme qui se portera acquéreur des biens récupérés et qui pourra les vendre pour recyclage ou autre usage, l'enfouissement étant strictement réservé aux objets irrécupérables.

Nécessité de l'étude d'impact. L'Association croit qu'avant de décider si on doit assujettir à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement l'implantation d'un lieu d'enfouissement sanitaire il serait souhaitable que nous décidions ce qu'on veut mettre dans la poubelle. Une fois qu'on le saura, par la procédure d'évaluation, on pourra décider dans quel coin du territoire on installe la poubelle. Si avec les années nous avons appris a contrôler notre hygiène corporelle, on ne peut pas en dire autant de notre hygiène collective, le paradoxe étant qu'individuellement personne ne songerait à se

construire une maison et à installer son cabinet d'aisance chez le voisin et, pourtant, collectivement, en commençant par les municipalités, on oublie cette bonne habitude... hélas! Il existe encore au Québec des municipalités, et elles sont nombreuses, qui ont des règlements qui défendent l'implantation de site d'enfouissement sur leur territoire. Et dire que les municipalités veulent s'occuper de la disposition des déchets...

L'Association croit que la responsabilité des municipalités devrait se limiter à prévoir pour leurs contribuables l'existence de tels services. La gestion des sites d'enfouissement étant de la compétence de l'entreprise privée, ce n'est qu'en son absence que le corps municipal pourrait mener une vidange. D'ailleurs, il est illusoire de penser que chaque petit patelin puisse avoir son dépotoir puisque, pour rentabiliser ses opérations, un site d'enfouissement a besoin d'un volume certain de déchets et cette garantie ne peut lui être donnée que par l'octroi d'un territoire protégé.

L'Association recommande que soient implantés des parcs "poubelle" au même titre que les parcs industriels et que la réglementation prévoie une garantie de volume pour tout opérateur de site d'enfouissement, de centre de tri, de centre de récupération et de centre de traitement.

L'Association croit que, si le fait de verser des subventions pour la cueillette et le transport des déchets récupérables est politiquement rentable, c'est un désastre au point de vue écologique parce que rien ne garantit que ces produits ne finiront pas au dépotoir, faute de preneur. Il vaudrait mieux pour l'État investir à la bonne place en énonçant des politiques en faveur de la réinsertion des produits sur le marché.

En conclusion, l'Association des entrepreneurs en services sanitaires et en services environnementaux du Québec croit que, si les réflexions de la présente commission de l'aménagement et des équipements doivent aboutir à des conclusions, celle que nous privilégions est celle de la création d'une véritable commission de l'environnement à laquelle seraient conviés les organismes oeuvrant sur le terrain, comme l'association des entrepreneurs en services environnementaux aux Québec, et pour la première fois poserions-nous peut-être la bonne question: Peut-il y avoir consommation sans pollution? Si oui, à quelle condition?

Ce qu'on dit là-dessus, c'est qu'il est important de voir à ce qu'il y ait un équilibre entre la croissance économique et l'environnement sain et durable, et que c'est un mythe de pouvoir protéger envers et contre tous toutes les activités. C'est qu'à partir du moment où on s'adonne à une activité on pense qu'on fait nécessairement une forme de pollution en créant un déchet. Alors, nous sommes à votre disposition pour les questions.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie, Me Chouinard. La parole est au député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, M. le Président. M. Chouinard, je trouve particulièrement intéressant qu'une association comme la vôtre, qui représente des entreprises qui sont à la base de ce qu'on pourrait appeler la collecte de déchets toxiques ou de rebuts ménagers ou autres, vienne déposer un mémoire pour plusieurs raisons. Premièrement, lorsqu'on parie de pollution de l'environnement, trop souvent on voit les grands projets: on voit les projets hydroélectriques, on voit les projets d'hydrocarbures, enfin, les choses qu'on sent ou qu'on voit qui dérangent les choses établies. On oublie que la plus grosse pollution, c'est probablement les ordures ménagères, probablement les pots de peinture que les gens déposent dans leur garage et qu'ils sortent un an ou deux ans après et toutes ces choses-là qu'on retrouve dans les sacs verts, comme vous dites dans votre mémoire. C'est certainement aujourd'hui la plus grosse source de pollution qu'on peut trouver.

On semble, à l'occasion, comme vous dites, chercher des mesures palliatives occasionnelles pour s'en débarrasser. Alors, on va faire un dépotoir. On voit à Montréal qu'il y a la carrière Miron qui se remplit. Après ça, on cherche à incinérer d'autres produits. On ne fait pas tellement de tri là-dedans. Tout ce qui passe, on cherche à s'en débarrasser au plus vite et à meilleur coût. Vous, vous savez ce qu'il y a dans ces sacs-là. Vous dites qu'il y a des choses qu'on pourrait trier. Il y a des choses qu'on pourrait récupérer. C'est vrai. Pour ce faire, ça prend plusieurs conditions. Vous les mentionnez, vous dites: Ça prend du triage à la source, ça prend des sacs.

Maintenant, pour faire ça, ça prend une certaine éducation des populations. Ça prend aussi une filière qui va suivre. Qu'est-ce que vous faites une fois que vous avez récupéré les déchets? Comment est-ce qu'on décide ceux qu'on enfouit et ceux qu'on n'enfouit pas? Qu'est-ce qu'on fait avec les hydrocarbures? Est-ce qu'on fait du papier recyclé? Est-ce qu'on fait des chiffons recyclés? On fait quoi avec ces produits-là? Est-ce qu'ils sont compétitifs sur le marché après? Ça, c'est la question que tout le monde se pose. Trouver la réponse, c'est solutionner, je pense, le problème.

Vous comme association, disons que vous auriez le contrôle de tout ça - vous êtes les spécialistes, les gens qui ramassent - d'abord, vous feriez quoi pour déterminer ce qui doit être enfoui, ce qui ne doit pas l'être, ce qui doit être brûlé, pas brûlé, recyclé ou pas? Est-ce que vous tiendriez compte de la nature du produit ou de son aspect économique recyclable, de son aspect nocif? Qu'est-ce qui serait votre critère principal?

M. Chouinard: Je pense que déjà ce dossier-là, avec les études qui sont faites, est passablement avancé. Ce qui manque actuellement, c'est le marché. Alors, il y a deux façons de faire le marché. Il existe un marché, par exemple, pour le verre. Bon, il y a des entreprises qui récupèrent le verre et qui, avec le temps, ont réussi à créer leur propre marché parce qu'elles peuvent garantir des volumes. C'est toujours un peu le même problème; on n'achète pas de quelqu'un qui est juste de passage quand on est dans l'industrie. Dans l'industrie, on s'assure de nos sources d'approvisionnement. Alors, si on part une chaîne de montage avec un produit et qu'il doit rentrer telle quantité de verre recyclé dans ce produit-là, on s'assure qu'on a du verre en réserve pour notre production. C'est une démarche qui serait relativement facile et peu coûteuse à faire parce qu'à partir du moment où on sait qu'on peut mettre...

Prenons l'exemple du papier journal. On sait que certains États américains exigent qu'il y ait 25 % de papier recyclé dans le papier journal. Tout de suite, là, il y a un débouché pour 25 % du papier journal. On le sait et on le fait. Il y a une contrainte qui est imposée au début par des groupes environnementaux, mais aussi par une législation appropriée à ces choses-là. On oblige à ce moment-là à avoir ces choses-là. Il y a beaucoup de points comme ça qu'on pourrait faire, mais le problème qu'on a actuellement... (12 heures)

Le papier qui a été utilisé pour la plus grande partie des mémoires, c'est un papier recyclé. Si je vous disais que pendant trois heures j'ai cherché... Il me manquait du papier pour imprimer le mémoire sur du papier recyclé et, pendant trois heures, j'ai cherché a trouver à Québec du papier recyclé de la même catégorie. Il fallait que j'en achète pour 150 $ - un très, très gros lot - pour pouvoir avoir du papier recyclé et il était quasiment deux fois plus cher que le papier ordinaire.

Alors, si je suis prêt à payer pour du papier recyclé, je sais que je vais payer plus cher, mais est-ce que, du fait que je paie plus cher, c'est vrai que je sauve des arbres ou pas? C'est un problème qu'on a actuellement et c'est ça que les gens n'ont pas. Les gens sont prêts à embarquer dans beaucoup d'affaires. Ils sont prêts à embarquer dans du verre qui n'est pas nécessairement très clair s'ils savent qu'en payant pour ce verre-là ils ont sauvé quelque chose. Mais, s'ils ne le savent pas, on ne le sait pas. C'est ce qui fait qu'actuellement on a beaucoup de points là-dessus, de questions qui sont posées.

Les stocks qui sont ramassés... Tout est pratiquement ramassable. Le seul problème, c'est quel est le marché ou les débouchés? C'est sûr que le carton, le papier et le verre aujourd'hui, je pense que ce sont des choses qui sont classées. Ça s'est développé avec les années et c'est l'entreprise privée qui l'a fait au Québec. Il n'y a pas eu de contrainte législative là-dessus. L'entreprise privée a elle-même monté un système de récupération pour pouvoir faire ces choses-là.

M. Gobé: Donc, si je comprends bien, vous dites: Créons le marché et, après ça, récupérons les produits et transformons-les.

M. Chouinard: Ça, pour nous, c'est très clair. La récupération est facile s'il y a un marché. Si vous savez que vous pouvez avoir 0, 25 $ pour votre cannette de bière, avant de la tirer au bout de vos bras, vous allez peut-être y penser que 0, 25 $ c'est peut-être plus important que 0, 05 $. Alors, c'est ce genre de choses-là. Il va y avoir quelqu'un qui va les récupérer. Il va y avoir quelqu'un qui va s'adonner à l'activité.

M. Gobé: Mais, actuellement, on ne semble pas voir dans les municipalités ou dans certaines municipalités, particulièrement les grands centres urbains de la région de Montréal, de volonté d'aller dans ce sens-là. On semble plutôt aller dans le sens des gros incinérateurs. On voit que la ville de Montréal est en train actuellement de déterminer ses nouvelles politiques et envisage d'incinérer une grosse partie de ses déchets. On voit que les villes de banlieue... La Régie intermunicipale de gestion des déchets, elle aussi, planifie de construire dans l'est de Montréal un immense incinérateur. Donc, on semble s'éloigner de la voie que vous donnez. Pourtant, vous, vous êtes les gens qui les ramassez, ces choses-là.

M. Chouinard: C'est ça.

M. Gobé: Comment se fait-il qu'il semble y avoir entre les pouvoirs publics et municipaux... C'est peut-être à ça que vous faites allusion dans votre mémoire, lorsque vous parlez de décisions de conseillers municipaux ou de municipalités, des fois, un peu erratiques. Comment se fait-il que, vous, vous voyez l'intérêt du recyclage alors que des administrations municipales ou gouvernementales pour qui ça devrait être la priorité ne le voient pas? Est-ce que ce sont les coûts financiers qui empêchent ça? Vous, vous dites: Que l'État le pale et on pourra le faire. Ou eux se disent: Peut-être que ça coûte trop cher, on n'a pas les moyens.

M. Chouinard: Non, je pense qu'il y a un choix... Au départ, le choix de la méthode de disposition des déchets est peut-être un choix philosophique, dans le sens que, si je m'en vais vers l'incinération, je m'en vais - je serais porté à dire psychologiquement ou philosophiquement -vers un principe qui fait que je peux brûler n'importe quoi. O. K. ?

M. Gobé: Oui.

M. Chouinard: A ce moment-là, mon incitatif pour la récupération est moindre. En tout cas, personnellement, on croit à ces choses-là et c'est pour ça qu'on privilégie la méthode d'enfouissement. Mon incitatif pour l'enfouissement et pour la récupération est moins fort parce que de toute façon je ne pourrai jamais aller le rechercher. Ce qui nous a fait penser à ça, c'est qu'actuellement, par exemple, en Europe et aussi aux États-Unis, on a commencé à sortir des déchets qu'on avait enfouis il y a 15 ou 20 ans, surtout dans le cas des matériaux secs. On a enfoui de la brique, on a enfoui du ciment, on a enfoui ces choses-là et, là, on sort ces déchets-là. On fait du concassé avec. On l'utilise pour faire du recouvrement sur des sites d'enfouissement et le trou qu'on a créé en les sortant, on met des déchets dedans.

C'est un peu dans ce sens-là que la méthode d'enfouissement est intéressante parce que, si jamais on se rend compte, à un moment donné, qu'on peut tout rebrasser ça et qu'il y a quelque chose à faire avec, on les a, ils sont sur place et on les refait. C'est ce qui fait aussi qu'on n'a pas la tentation de brûler quelque chose qui s'en va en fumée ou s'en va de cette façon-là.

M. Gobé: Est-ce que vous allez faire valoir ces points-là auprès des...

M. Chouinard: On est en très grande discussion avec la Régie intermunicipale de Montréal depuis plusieurs années, pour ne pas dire qu'on est en chicane avec elle, sur certains principes, y compris l'Incinérateur qui n'est peut-être pas la meilleure méthode. Mais ce n'est pas nous qui décidons, ce sont les gens municipaux qui décident et on respecte cette décision-là.

On peut vous dire qu'en tant qu'association on s'est battu et l'année dernière on est passé, d'ailleurs, devant votre commission sur le projet de loi 257, je pense, où, d'une certaine façon, la Régie expropriait complètement tous les déchets à Montréal et s'appropriait carrément les entreprises qui étaient dans le domaine. À ce moment-là, c'est nier des années et des années d'histoire. Et c'est nier une activité économique, parce que le recyclage est une activité économique.

Juste à titre d'exemple, on a défait les terrasses à Montréal, à côté d'Eaton. On a récupéré le ciment qui était là et on l'utilise comme matériau de recouvrement sur le site Miron. Il a fallu se battre un peu parce que, aussi bizarre que ça puisse paraître, pour l'environnement, les morceaux de ciment qui était concassé, qu'on enlevait parce qu'il fallait les mettre dans des camions pour les transporter, c'était un déchet. Alors, il fallait obtenir 36 sortes de permis pour pouvoir traiter ça. Si on marche dessus pendant qu'on est en train de magasiner, une fois qu'ils sont rendus dans les camions et qu'ils sont cassés en morceaux, ils ne sont pas plus des déchets. Finalement, ça a été accepté.

M. Gobé: Je trouve ça intéressant. Ce n'est peut-être pas forcément dans le mandat général de cette commission d'aller aussi pointu dans ce domaine-là, mais, vu qu'on y est, allons-y, après tout. Hier, il y a un autre groupe qui est venu témoigner, que je connais bien. C'est un groupe de l'est de Montréal qui s'appelle Action RE-buts et qui a pour mandat, lui, de favoriser d'abord la récupération, le recyclage et l'utilisation, sans pour autant nier l'incinération et l'enfouissement de certaines choses. Là, je vous vois, vous. Vous êtes les entrepreneurs. On dit toujours qu'il y a une espèce de compétitivité entre les groupes populaires d'environnement et les entrepreneurs qui, eux, sont les méchants qui veulent absolument faire du fric à tout prix, au mépris de l'environnement. Et, là, le paradoxe, c'est que vous vous rejoignez.

M. Chouinard: Oui.

M. Gobé: M. Roman qui était ici, hier, s'il était là aujourd'hui, je suis certain qu'il pourrait être assis à votre table et partager une partie de votre mémoire, du moins en ce qui concerne les applications d'enfouissement et de recyclage. Je trouve ça intéressant et c'est là qu'on peut se rendre compte qu'à un moment donné il peut être intéressant, pour des groupes qui ont des vocations différentes au niveau de l'environnement ou de la récupération, peut-être d'essayer de trouver des solutions ensemble...

M. Chouinard: C'est ça.

M. Gobé:... pour que les hommes politiques qui ont à prendre les décisions soient peut-être mieux armés ou mieux éclairés.

Mme Pelchat: Les femmes et les hommes.

M. Chouinard: C'est un peu le problème avec les entrepreneurs en services sanitaires. Je veux dire que c'est un peu comme autrefois, quand le messager apportait une mauvaise nouvelle, on le tuait. Ces gens-là sont un peu pris dans ce système-là. C'est des gens qui, avec les années, ont eu une activité qui n'intéressait personne, au fond. Tout le monde se débarrassait de ses cochonneries et c'était le vidangeur qui les ramassait. Les gens ne savaient pas ce qu'il en faisait. Il y a des gens qui ont des traditions de 50 ans de récupérateurs de cochonneries. Ils ont ramassé beaucoup de choses et, à un moment donné, ils les vendaient. On les appelait les guenilloux, mais ces gens-là faisaient ce genre d'activité.

Aujourd'hui, on les voit gros parce que, souvent, on ne comprend pas et on ne sait pas exactement quelles sont les méthodes d'enfouissement. Les compagnies qui font de l'enfouisse-

ment actuellement, au Québec, elles font de l'enfouissement plus sécuritaire que ce que les normes de l'Environnement actuelles exigent et on a souvent des discussions avec l'Environnement là-dessus parce qu'on est plus sécuritaire que ce qu'exige l'Environnement. Les règlements ne sont pas appropriés, ils ne sont plus appropriés. Ils ont été faits dans les années soixante-dix et, aujourd'hui, en 1991, on n'est pas à la même activité. Alors, c'est ça, effectivement. Ce que les entrepreneurs veulent faire aujourd'hui, c'est démontrer - et ils le font dans les faits quotidiennement - qu'ils possèdent la technologie, qu'ils savent comment faire, qu'ils sont capables de le faire et à très bon coût.

M. Gobé: Dans votre mémoire, à la page 8, vous faites une recommandation, du moins une critique en particulier. "L'AESEQ croit que, si le fait de verser des subventions pour la cueillette et le transport des déchets récupérables est politiquement rentable, c'est un désastre - et c'est en plus foncé - au point de vue écologique parce que rien ne garantit que ces produits ne finiront pas au dépotoir, faute de preneur. Il vaudrait mieux pour l'État investir à la bonne place et en énonçant des politiques en faveur de la réinsertion des produits sur le marché. " Pourriez-vous aller un peu plus profondément?

M. Chouinard: Oui.

M. Gobé: Je vois à peu près où vous voulez aller, mais c'est quoi, d'abord, les mesures et c'est quoi la bonne place, selon vous?

M. Chouinard: Ce point-là... La recommandation a été faite dans le sens suivant: s'il y a des marchés pour le produit en question, si on est assurés d'être capables de vendre le produit qu'on récupère, on n'a plus besoin d'avoir de subventions à la récupération. Actuellement, ce qu'on fait, on fait de l'éducation, ce qui est très bien. On n'a rien contre ça. On subventionne des organisations. Personnellement, j'ai vu des étudiants, durant l'été, ramasser des bouteilles, du papier journal, mettre ça dans un entrepôt, dépenser les 45 000 $ ou 50 000 $ qu'ils avaient reçus pour leur projet et, au mois de septembre, la municipalité a appelé le vidangeur et a dit: Écoute, vide l'entrepôt, on ne sait pas quoi faire avec ça. Alors, c'est allé où? C'est allé carrément au site d'enfouissement.

Alors, il y a eu 50 000 $... Je comprends... Tant mieux si l'éducation est passée, là. C'est ce qu'on voulait passer. Ce n'est peut-être pas cher, 50 000 $, pour avoir fait ça pendant trois mois, mais il reste que de plus en plus, aujourd'hui, les gens s'en rendent compte. Ils disent: Qu'est-ce que ça me donne de récupérer? Ça va aller, de toute façon, au site d'enfouissement.

M. Gobé: Si je comprends bien, vous préféreriez qu'il y ait un programme bien établi pour amener les gens à comprendre qu'il y a un marché, une possibilité de réutiliser les produits recyclés...

M. Chouinard: Exact.

M. Gobé:... au lieu de garrocher de l'argent à droite et à gauche comme ça dans des petits programmes pour donner une impression qu'on s'occupe de...

M. Chouinard: C'est un peu un écran de fumée qu'on fait. On leur fait récupérer quelque chose et, dès qu'ils ont le dos tourné, on le jette, on le met au site d'enfouissement.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Vachon.

M. Gobé: Écoutez, je vous remercie d'être venus.

M. Chouinard: Merci, M. le député.

M. Gobé: Personnellement, je partage une partie de vos recommandations et je suis content de voir qu'il y a des entrepreneurs, particulièrement dans la région de Montréal, qui sont conscients qu'on ne peut pas forcément tout brûler et qu'on doit peut-être essayer de récupérer et de réutiliser. Je vous remercie.

M. Chouinard: Merci, M. le député.

Mme Pelchat: Merci, M. le Président. Brièvement, messieurs, juste un petit commentaire sur, en fait, la façon dont vous jugez la procédure d'évaluation au Québec. À la page 3 vous dites: "Nous croyons que la procédure est un mal nécessaire qui, à venir jusqu'à maintenant, nous est apparu, à tort ou à raison, plus comme un bon exercice de défoulement collectif qu'un véritable exercice de pouvoir démocratique lorsqu'il est question de problèmes environnementaux. " Un peu plus loin, vous dites: "Le document de consultation pose des questions d'une telle pertinence qu'il y a lieu de se demander s'il n'est pas nécessaire de créer un Parlement pour les verts puisque dans les faits ils détiennent le pouvoir en prenant l'industrie en otage. " Est-ce que vous ne croyez pas que c'est un petit peu un jugement sévère, un, de la politique comme telle, de la procédure d'évaluation, et, deux, aussi des objectifs de cette politique-là qui sont en soi de protéger notre milieu de vie, notre qualité de vie? Je suis certaine que vous concourez à ça aussi.

M. Chouinard: Ce qu'on voulait surtout souligner à cet endroit-là... Disons que le verbe est peut-être plus fort que la pensée, sur les mots, mais, quand on veut être écouté, des fois

on utilise... D'ailleurs, c'est quelque chose que vous connaissez très bien en système parlementaire. Je ne vous expliquerai pas ça.

Mme Pelchat: Mais, vous savez, ce qui est dangereux là-dedans, ce qui est malheureux, c'est que vous pouvez être taxés d'être très réactionnaires comme industrie en pensant comme ça, parce que, des 60 mémoires qui nous ont été présentés, vous êtes un des rares qui témoignez à ce point d'une façon sévère quand on dit que c'est un mal nécessaire, donc ça ne devrait pas exister. C'est ce qui m'inquiète, parce que je ne suis pas certaine que tous vos membres partagent essentiellement cette prémisse. Je peux vous dire que, sur la Rive-Sud de Montréal, il y a certains de vos membres qui pensent que la procédure n'est pas si mauvaise que ça et que même on devrait l'étendre aux sites d'enfouissement. Alors, ça m'inquiète un peu.

M. Chouinard: Nous aussi, on est d'accord qu'on retende aux sites d'enfouissement dans le cadre qu'on donne. Quand on dit que la procédure est un mal nécessaire, ce n'est pas le BAPE qui est un mal nécessaire, c'est la procédure dans le sens qu'il doit y avoir un livre de recettes et qu'on est obligé de suivre le livre de recettes. Le livre de recettes actuellement nous apparaît être un lourd fardeau, si on veut nuancer "mal nécessaire", et ceux qui en font les frais du lourd fardeau, c'est l'industrie. On a un peu les défauts de nos qualités ou je ne sais pas quoi, c'est que c'est l'industrie qui doit démontrer que c'est nécessaire de faire telle affaire. Ça, ça coûte énormément cher.

Par exemple, prenons le cas de l'implantation d'un site d'enfouissement. Les gens vont dépenser, dis, 1 000 000 $. Ça coûte probablement 1 000 000 $ aujourd'hui à quelqu'un qui veut installer un site d'enfouissement. Or, l'industrie qui veut installer un site d'enfouissement, ce n'est pas pour elle qu'elle le fait, c'est pour ramasser les vidanges des contribuables, des citoyens, des industries, des commerces et elle doit en plus, avec un investissement de 1 000 000 $ pour faire le site, démontrer que c'est nécessaire. O.K.?

Mme Pelchat: Écoutez, je comprends ce que vous dites, mais je ne sais pas si on doit démontrer qu'il est nécessaire. La procédure, même au niveau d'un site d'enfouissement, les municipalités, ce qu'elles demandent, c'est: Est-ce que c'est à cet endroit-là, pour minimiser les impacts sur l'environnement? Je ne pense pas qu'on parle de la nécessité ou pas du site d'enfouissement. À tout le moins, on n'a pas encore trouvé de façon miracle d'éliminer nos déchets.

M. Chouinard: J'aimerais être d'accord avec vous. Ça me ferait plaisir, sauf que je dois vous dire, par expérience, parce que je travaille quotidiennement là-dedans, que les principes et la pratique sont deux choses complètement distinctes. Les municipalités savent que ça prend des sites d'enfouissement, mais, vous savez, dans la province de Québec, la majorité des municipalités ont des règlements qui défendent d'avoir un site sur leur territoire. Je défie les municipalités d'ouvrir leurs livres et de vous le montrer.

À ce moment-là, c'est quoi là? Où est le principe? Elles disent: Bien oui, ça en prend un, mais va donc les porter ailleurs en attendant. Il n'y a pas une municipalité... D'ailleurs, on le volt à l'intérieur même des MRC, quand il est question de choisir à l'intérieur des MRC quelle municipalité va être la poubelle, c'est une levée de boucliers qui fait qu'on devient complètement impuissants et l'homme le plus intelligent... (12 h 15)

Mme Pelchat: Est-ce que...

M. Chouinard: Excusez. Je vous laisse la parole.

Mme Pelchat: L'homme ou la femme le plus intelligent.

M. Chouinard: Oui, mais...

Mme Pelchat: Est-ce que vous ne pensez pas que, si, justement, les sites d'enfouissement étaient soumis à l'évaluation des impacts, ça serait plus facile de le vendre à la population et de dire: Voyez-vous, les impacts sont les suivants et on connaît le taux de risques d'avoir un site d'enfouissement? Est-ce que vous ne pensez pas que ça rassurerait la population et que ça ferait en sorte qu'on accepterait plus facilement d'avoir un site d'enfouissement?

M. Chouinard: C'est ce qu'on espère qu'l va arriver comme résultat. C'est, d'ailleurs, un peu le sens de notre recommandation, que l'Implantation d'un site d'enfouissement devrait faire l'objet d'une étude d'impact, mais pas tellement pour dire: C'est M. Untel qui va l'avoir. Il faut amener la population à dire: Ça prend une poubelle quelque part. À quelle place on met la poubelle et qu'est-ce qu'on va mettre dedans?

Mme Pelchat: Et à quels risques et à quelles conséquences?

M. Chouinard: C'est ça. Mme Pelchat: Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: merci, m. te président. je veux, au nom de l'opposition, remercier me chouinard et ses collègues pour leur présentation. j'ai quelques questions à poser. à la page 3 de votre

mémoire, vous dites "qu'il y a lieu de se demander s'il n'est pas nécessaire de créer un Parlement pour les verts puisque dans les faits ils détiennent le pouvoir en prenant l'industrie en otage. " Ça fait partie des excès de langage écrit dont vous parliez tantôt ou pas? Je trouve que vous allez un peu loin, dire que les verts prennent l'industrie en otage. Donnez-moi donc des exemples de ça.

M. Chouinard: Des exemples, dans le sens un peu de la réponse que j'ai donnée tout à l'heure, c'est que l'industrie, en plus d'investir comme industrie, doit aussi faire la preuve que ce qu'elle veut installer, comme une usine ou un site d'enfouissement qui sert la collectivité... Elle doit faire les frais de la démonstration de la nécessité pour la population d'avoir ce site d'enfouissement là. C'est dans ce sens-là qu'on dit qu'ils sont des otages parce que c'est eux qui doivent en faire les frais. Ils ont les pancartes devant eux, ils doivent démontrer qu'il faut ouvrir les pancartes pour laisser passer le camion de vidanges. C'est dans ce sens-là.

Dans le cas des entrepreneurs en services sanitaires, ils sont un service essentiel; il faut qu'ils ramassent les vidanges. Je pense qu'on est d'accord là-dessus, sauf que, lorsqu'il est question de disposer des vidanges, ça prend un endroit physique, localisé sur un territoire à l'intérieur du Québec, dans une municipalité, parce c'est une collectivité locale. Là, quand on arrive pour faire ça, on a le fardeau de démontrer que c'est ici qu'il faut mettre les vidanges; on les a ramassées, c'est ici qu'il faut les mettre.

M. Lazure: Mais, quand vous dites: On a le fardeau de démontrer ça, ça peut être l'entreprise, mais ça peut être aussi la municipalité locale ou régionale. Vous n'êtes pas les seuls à avoir le fardeau de démontrer que c'est à cet endroit-là que c'est le plus opportun d'enfouir les déchets. C'est une responsabilité qui est partagée, pas seulement assumée par l'entreprise privée, mais qui est partagée par les municipalités.

M. Chouinard: Elle l'est en partie par les municipalités, mais, dans plusieurs cas, elle ne l'est pas. Là où se fait le jeu là-dedans, c'est que, pour pouvoir faire de l'enfouissement, ça vous prend un permis du ministère de l'Environnement. L'article 54 de la Loi sur la qualité de l'environnement dit: Vous devez obtenir de la collectivité locale, de la municipalité et de la MRC une lettre du secrétaire-trésorier dans laquelle il est écrit que vous ne contrevenez pas au règlement municipal.

Alors, les règlements municipaux défendent l'implantation d'un site d'enfouissement sur le territoire. Alors, il nous donne cette lettre-là, on n'a pas de permis. Mais, durant ce temps-là, les vidanges de la municipalité, elles s'en vont où? Elles s'en vont ailleurs, parce qu'il y a quelqu'un d'autre avant qui s'est installé, qui a peut-être des droits acquis, qui a un site depuis 20 ans alors qu'il n'y avait pas cette réglementation-là. C'est dans ce sens-là qu'on dit: Si on parle uniquement au niveau des sites d'enfouissement, actuellement, dès qu'il y a une pression l'entrepreneur qui veut installer un site d'enfouissement doit monter son dossier et défrayer beaucoup d'argent pour, au fond, amener une municipalité à lui donner cette lettre-là en vertu de l'article 54.

Ce que je peux vous dire, c'est qu'actuellement on est porté à négocier cette lettre-là. Il y a des municipalités qui disent: Je vais te la donner, la lettre, mais, pendant 20 ans, tu vas enfouir mes déchets et ça ne me coûtera pas une cent. O. K. ? Alors, pourquoi elle, cette municipalité-là, bénéficierait de ça? Au fond, c'est les autres qui vont payer, parce que le contracteur, lui, il n'imprime pas l'argent, il fait juste enfouir des déchets. À ce moment-là...

M. Lazure: Moi, je pense que vous avez beaucoup de remarques pertinentes. Quand vous dites: Plutôt que de brûler, enfouissons et enfouissons seulement des choses qui ne sont pas récupérables ou recyclables, là-dessus, je pense que la plupart des gens vous suivent. Mais qui va décider ce qui est recyclable ou récupérable et ce qui ne l'est pas? Ça peut déboucher... On a parié, hier et avant-hier, de l'importance peut-être d'avoir des consultations publiques sur les politiques de gestion de déchets domestiques. Est-ce que vous seriez d'accord pour tenir des audiences publiques là-dessus?

M. Chouinard: Oui. D'ailleurs, on le recommande.

M. Lazure: Vous le dites.

M. Chouinard: On dit qu'il devrait y avoir ce côté-là...

M. Lazure: Bon!

M. Chouinard: Mais qui va décider?

M. Lazure: Oui, dans...

M. Chouinard: Dans notre système actuel, il y a deux possibilités: le marché veut acheter du verre, donc on peut récupérer du verre, le marché en achète; le papier, le marché en achète, on peut en récupérer. S'il y a d'autres matières qu'on ne veut pas jeter, à ce moment-là, ou le marché le fait, et ça se fait sur une base volontaire, ou ça se fait par des politiques incitatives où l'État dit: Si vous voulez mettre sur le marché tel genre de produit, vous devez vous assurer, comme on le disait tantôt... Aux États-Unis, ils disent: Si vous voulez imprimer

votre journal, vous devez nous garantir qu'il y a 25 % de matières recyclables dans votre journal. Alors, c'est un peu ça, c'est dans ce sens-là.

M. Lazure: Ça prendrait certaines réglementations...

M. Chouinard: Définitivement.

M. Lazure: ...équivalentes. Vous êtes d'accord. Bon!

M. Chouinard: On est d'accord là-dessus.

M. Lazure: Une autre question. Vous dites que le système est suffisamment contraignant pour encourager la clandestinité, que ce soit par le stockage de déchets ou le rejet pur et simple dans la nature. Pourriez-vous m'expliquer un peu ce que vous voulez dire?

M. Chouinard: Oui. Ce qu'on veut dire par ça, c'est que, actuellement, quand une industrie, par exemple, va s'adresser au gouvernement pour savoir ce qu'elle doit faire avec tel produit, elle a tellement de démarches à faire que, finalement, elle décide de garder son produit en entrepôt parce que c'est quasi impossible. Et il y a un exemple assez spécial là-dessus. C'est qu'à un moment donné une entreprise qui est située dans la région de Québec prend un échantillon de son produit, l'envoie à Montréal à une industrie qui est autorisée à le recevoir. Le rapport est favorable, on déplace les barils en question, on les amène à cet endroit-là, mais rendu sur place on fait une nouvelle vérification et là on s'aperçoit qu'on ne peut pas traiter ces produits-là.

Alors, notre législation, notre réglementation est tellement bien faite que les produits rendus sur le quai de l'entreprise en question ne pouvaient plus repartir de là parce que l'entreprise ne pouvait pas donner un permis de transport, un connaissement de transport à une entreprise qui les aurait acheminés vers l'Ontario.

Alors, l'entreprise en question est prise avec des produits que, de bonne foi, elle a reçus; légalement, elle les a bien reçus, mais après elle ne peut pas en disposer et elle ne peut pas les ressortir parce qu'elle n'a pas le droit d'émettre un connaissement avec point de départ son entreprise parce qu'elle n'est pas un producteur de ce déchet-là en question.

M. Lazure: Vous parlez de l'Ontario. M. Chouinard: Oui.

M. Lazure: Vous avez probablement des contacts avec vos collègues de Toronto, par exemple. Il semble que là-bas la cueillette sélective est beaucoup plus avancée que ça ne l'est dans nos grandes villes, comme Montréal, par exemple.

M. Chouinard: Oui.

M. Lazure: C'est quoi le sentiment de vos collègues, à Toronto, par exemple, pour être plus précis? C'est quoi?

M. Chouinard: Quand ça coûte 100 $ la tonne ou 125 $ la tonne pour enfouir du matériel, là, ça devient intéressant, la collecte sélective, parce qu'à ce moment-là chaque tonne que vous enlevez, c'est 125 $ de moins que vous allez payer au site d'enfouissement.

M. Lazure: Alors, pour vous, la solution, c'est simplement d'augmenter les tarifs, le tonnage, non?

M. Chouinard: Non. Bien, c'est-à-dire que c'est une solution. C'est un incitatif. Si on ne veut pas prendre d'autres dispositions, on y va par cet incitatif-là. C'est sûr que du fait, actuellement, que chez Miron ça soit rendu à 38 $ et bientôt à 40 $ la tonne, H est en train de se développer des industries alentour de ça qui font de la récupération et ça devient de plus en plus intéressant de récupérer certaines choses plutôt que de payer 40 $ la tonne pour les mettre dans le trou chez Miron. Mais, quand même, est-ce qu'on doit payer quelque chose beaucoup plus cher que ce que ça vaut sur le marché pour le plaisir, pas pour le plaisir, mais pour faire de la récupération? Il y aurait probablement d'autres moyens à prendre que de monter le prix de la disposition.

M. Lazure: Dernière question. On sait que, depuis quelques années, les grandes entreprises de ramassage, de collection, de transport de déchets domestiques sont en train d'acheter des routes au Québec. Vous connaissez le problème mieux que moi. Est-ce que ça vous inquiète, la concentration des propriétaires, notamment de certaines multinationales propriétaires autant de routes, de "runs" si vous voulez, que de sites d'enfouissement, Waste Management, Laidlaw et d'autres qu'on pourrait nommer? Est-ce que ça, ça vous inquiète ou pas?

M. Chouinard: Non, ça ne nous inquiète pas parce que...

M. Lazure: Non.

M. Chouinard: ...de toute façon les contrats sont donnés au niveau municipal via une procédure d'appel d'offres et, actuellement, on peut dire que, dans les dernières années, non seulement les prix n'ont pas monté, mais tes prix ont baissé.

M. Lazure: Les prix ont baissé?

M. Chouinard: Les prix ont baissé dans le domaine du transport et de la cueillette des déchets. Les prix ont augmenté dans le domaine de la disposition, mais, particulièrement chez Miron qui... Je ne sais pas quelle est la politique...

M. Lazure: Je ne sais pas sur quelles municipalités vous vous basez, mais, dans les municipalités de la Montérégie que je connais bien, les prix n'ont pas baissé pour la collecte des déchets, ils ont monté. Ce qu'on voit parfois, c'est que - ça, c'est un truc bien connu - certaines très grosses entreprises mondiales peuvent arriver dans des municipalités et dire: Nous allons vous baisser ça de 20 % pour 3 ans ou 5 ans, mais Dieu sait ce qu'il arrivera dans 3 ans ou 5 ans au deuxième contrat.

M. Chouinard: Oui, mais on croyait à ça dans les années soixante, que ça se passerait comme ça à cause de certaines entreprises à ce moment-là, mais...

M. Lazure: Oui, j'ai compris ça, oui.

M. Chouinard: ...l'histoire a démontré que, finalement, ce n'est pas vrai que, dans 3 ans ou 5 ans, elles étaient capables de monter les prix comme elles voulaient parce qu'il y avait d'autres entreprises qui venaient les concurrencer. On peut dire qu'actuellement, au niveau du transport et de la cueillette des marchandises, les entreprises sont à un coût moindre que ce qu'il était il y a 10 ans.

M. Lazure: Là, vous venez de dire justement le mot "concurrencer".

M. Chouinard: Oui.

M. Lazure: D'autres entreprises venaient les concurrencer. Ma question porte précisément sur ce danger-là, qu'il y ait de moins en moins de concurrents et qu'il y ait de plus en plus de monopole, de mainmise sur le marché. Écoutez, si vous n'êtes pas conscients... Je suis sûr que vous êtes conscients de ce phénomène-là. On le voit dans plusieurs régions du Québec. Combien de routes ont été achetées récemment par Waste Management, par Laldlaw? Combien? Vous le savez fort bien. Ma question bien précise: Est-ce que vous n'êtes pas inquiets, comme association, qu'il y ait quand même une diminution de concurrents au point tel que, à ce moment-là, deux, trois, quatre ou cinq vont contrôler le marché?

M. Chouinard: mais il faut faire attention, quand vous dites: combien de routes? il n'y a pas de routes qui sont achetées parce que les contrats municipaux...

M. Lazure: Oh, oui. Bien...

M. Chouinard: ...ne sont pas transférables. O.K. C'est une loi; c'est la loi des affaires municipales, le code des cités et villes ou le Code municipal. Alors, ce n'est pas transférable. Ce qui a été acquis récemment, ce sont des entreprises québécoises qui ont été vendues à des entreprises...

M. Lazure: Oui, oui.

M. Chouinard: ...nationales ou à des multinationales.

M. Lazure: Aussi.

M. Chouinard: Mais il n'y a rien qui garantit... D'ailleurs, on pourrait les faire cas par cas si vous vouliez et vous vous apercevriez que très souvent après la fin du contrat de l'entreprise québécoise achetée par la multinationale le contrat n'est pas revenu à la multinationale. C'est une autre entreprise québécoise, une autre entreprise plus petite qui a mis la main sur le contrat avec la municipalité.

M. Lazure: Je repose ma question autrement, c'est ma dernière. Comment expliquez-vous qu'au lieu d'avoir une expansion, un raffermissement de l'entreprise québécoise dans votre domaine, depuis quelques années, on assiste, au contraire, à une invasion?

M. Chouinard: Je vais vous donner une réponse très simple. Si vous allez chez Miron, ça vous coûte 40 $ ou 38 $ la tonne aujourd'hui. Vous rentrez avec un camion de vidanges dans lequel il y a à peu près 12 tonnes de vidanges et vous devez financer la disposition de ces déchets pendant une période d'à peu près 45 jours, parce que, vous, vous payez "cash", vous payez comptant chez Miron pour en disposer et vous devez le faire. À ce moment-là, la municipalité vous rembourse à peu près 45 jours après.

Alors, les entreprises québécoises qui sont sorties du marché sont souvent sorties du marché parce qu'elles ne pouvaient pas financer la disposition de déchets. Si vous avez 20 camions qui rentrent deux ou trois fois par jour chez Miron avec chacun 12 tonnes de déchets, faites un calcul et vous allez voir que le coût à la banque du financement de ces choses-là, c'est très dispendieux. C'est de cette façon-là que plusieurs entreprises ont été sorties du marché.

M. Lazure: Merci.

Le Président (M. Garon): Votre temps est écoulé.

Mme Pelchat: Mon temps est écoulé.

Le Président (M. Garon): Envoyez donc.

Mme Pelchat: Juste une question. Est-ce que Laidlaw, Foster Wheeler, Waste Management sont membres de votre association?

M. Chouinard: Là, vous avez donné des noms, vous avez parlé de Laidlaw.

Mme Pelchat: Mais les gros, les multinationales, disons.

M. Chouinard: Oui, Laidlaw est membre de l'Association. Vous parlez de Foster Wheeler? M. Laberge, qui est le directeur, peut vous le dire.

M. Laberge (Jean-Guy): M. le Président, Waste Management n'est pas membre de notre association. Il y a une raison très...

Mme Pelchat: Non, mais...

M. Laberge (Jean-Guy): Pardon?

Mme Pelchat: ...je voulais juste le savoir parce qu'ils viennent témoigner à la commission. Alors, je me demandais...

M. Laberge (Jean-Guy): Oui, d'accord.

Mme Pelchat: C'était tout simplement ce que je voulais savoir.

M. Laberge (Jean-Guy): Mais j'aimerais, M. le Président, répondre...

Mme Pelchat: Moi, j'ai fini, M. le Président.

M. Laberge (Jean-Guy): ...au député de La Prairie, si vous me le permettez. Il y a deux facteurs, en plus de ce que Me Chouinard vous a dit, qui créent ça. On est une industrie qui est quand même très importante au Québec et dans les autres pays également. L'industrie n'est pas différente des autres industries ou des manufacturiers. On voit ça aujourd'hui, même dans le domaine professionnel, les fusions ou les achats qui se font. Ça suit le "trend", ça. Ça, c'est un facteur.

Il y a le deuxième facteur, M. le député de La Prairie. C'est que les municipalités n'ont pas aidé non plus à ce niveau-là. Il y a 329 entrepreneurs au Québec et la grosse majorité, ce sont des PME, ce sont des entreprises familiales. On voit souvent la mère, le père et les enfants travailler à ce niveau-là. Comme on est en soumissions publiques par la loi, on doit com-pétitionner et souvent la municipalité va refuser à l'entrepreneur d'augmenter ses coûts adéquatement, que ce soit pour le transport, la collecte ou voire même l'enfouissement.

À ce moment-là, avec les normes auxquelles on fait face aujourd'hui avec le ministère de l'Environnement et vu qu'on veut opérer d'une façon légale et sécuritaire, le petit, à un moment donné, se voit contraint là-dedans et, à un moment donné, bien, arrive ce qu'on peut appeler du "timing". Il y a des compagnies qui sont intéressées à intervenir. Mais ce n'est pas unique au Québec, on le voit partout, que ce soit les brasseries, que ce soit les compagnies d'assurances, que ce soit les banques, que ce soit... C'est ce que je voulais spécifier, M. le député.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie. Alors, je remercie les représentants de l'Association des entrepreneurs de services en environnement d'être venus rencontrer les membres de la commission et je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 33)

(Reprise à 14 h 9)

Le Président (M. Richard): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mesdames et messieurs, bienvenue. Je vous rappelle à nouveau le mandat de la commission, qui est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'étude de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement et de sa portée, notamment en ce qui a trait aux grands projets industriels et aux projets concernant la disposition des déchets solides et domestiques, et cela, en tenant compte de la procédure québécoise actuelle, évidemment en tenant compte du rapport Lacoste, de la procédure ontarienne, nos voisins, et de la procédure suggérée par le gouvernement fédéral.

Sur ce, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association de l'Industrie de l'aluminium du Québec. M. Van Houtte, vous êtes le porte-parole?

Association de l'industrie de l'aluminium du Québec

M. Van Houtte (Christian L): C'est exact. Oui.

Le Président (M. Richard): Alors, je vous laisse vous présenter, dans un premier temps, et présenter les gens qui vous accompagnent. Je vous souhaite la bienvenue. Vous avez la parole. Vous connaissez la mécanique. Nous avons effectivement une heure d'échanges. Vous avez normalement un maximum de 20 minutes pour l'introduction et, après ça, le reste se partage dans la députation.

M. Van Houtte: Très bien.

Le Président (M. Richard): Vous avez la

parole, M. Van Houtte.

M. Van Houtte: M. le Président, messieurs, je suis Christian Van Houtte, président de l'Association de l'industrie de l'aluminium du Québec. J'aimerais vous présenter les gens qui m'accompagnent aujourd'hui. À ma droite, M. Carol Jomphe, surintendant environnement, Aluminerie Alouette, à Sept-îles; à ma gauche, M. Robert Salettte, vice-président d'Alcan, M. Richard Keep, surintendant service environnement et laboratoire, Aluminerie de Bécancour, et M. René Asselin, surintendant environnement et laboratoire, société Reynolds, Baie-Comeau.

Les représentants de Lauralco ont été entendus hier. Si jamais des questions particulières survenaient, Me Dorais, qui les représentait et les accompagnait hier, pourrait éventuellement répondre à des questions

Le Président (M. Richard): M. Van Houtte, en tout humour, on a réglé le cas de Lauralco hier.

M. Van Houtte: Merci, M. le Président.

M. le Président, l'Association que je représente est toute jeune. Elle a été formée en début d'année, au mois de janvier dernier, à la requête, évidemment, des producteurs et aussi, je pense, à la requête du ministère de l'Industrie et du Commerce qui souhaitait que l'industrie de l'aluminium soit représentée de façon plus cohérente dans différents organismes ou dans différentes commissions, l'industrie prenant de plus en plus d'importance dans notre économie. Je tiens donc à remercier le ministre de l'Industrie et du Commerce pour le support et l'aide qu'il nous a, à date, donnés dans les travaux de formation et de préparation de l'Association.

L'Association représente les cinq producteurs d'aluminium établis ou en voie de s'établir au Québec: bien sûr, Alcan, le plus important et le plus ancien, la société Reynolds, qui opère une immense usine, la plus grosse au monde, à Baie-Comeau, avec 400 000 tonnes par année, Aluminerie de Bécancour, à Bécancour, Aluminerie Alouette à Sept-îles, en construction, et Aluminerie Lauralco dont on vient de parler, qui s'établit à Deschambault.

Au cours des 10 ou 11 dernières années, l'industrie de l'aluminium a investi environ 8 000 000 000 $ dans l'économie québécoise, dont 6 400 000 000 $ ou 6 500 000 000 $ dans la construction de nouvelles installations, les 2 000 000 000 $ supplémentaires étant des travaux connexes aux installations de production d'aluminium primaire. De cette somme de 6 400 000 000 $, nous évaluons à 20 % les sommes qui ont été consacrées à la protection de l'environnement dans les nouvelles installations. Ce sont des sommes considérables et nous croyons que les résultats de ces investissements les justifiaient grandement.

La décision de construire une usine d'aluminium est importante parce qu'il s'agit d'un investissement à très long terme. Les technologies que nous employons ne sont pas déménageables. On ne peut pas fermer l'usine et transporter les équipements ailleurs. Les investissements sont donc faits pour de très très longues périodes et les équipements que nous mettons en place doivent avoir la capacité, la possibilité de s'adapter au fur et à mesure des progrès technologiques.

Donc, nous voulons que l'usine que nous construisons s'intègre parfaitement dans le milieu dans lequel elle aura à vivre au cours des 30, 40 ou 50 prochaines années. Hier, j'entendais des groupes et je pense que le Dr Lazure parlait, entre autres, de l'évolution qu'il y a eu au cours des dernières années chez les Québécois, chez les Canadiens et un peu partout dans le monde de la protection de l'environnement. Le cas n'est pas différent dans les alumineries. Il y a eu, bien sûr, au cours des 10 ou 15 dernières années, d'immenses progrès réalisés dans la protection de l'environnement.

Nous pouvons dire aujourd'hui que les alumineries sont d'importants moteurs de développement économique également. Il se paie en salaires au Québec, en 1991 et avant que les deux nouvelles alumineries soient en opération, près de 700 000 000 $ en salaires. Il se dépense, en achat de biens et services reliés uniquement à l'exploitation quotidienne des usines, en excluant les matières premières nécessaires à la fabrication de l'aluminium, actuellement, environ 700 000 000 $ également. Et cette somme passera, dès 1992, à près de 1 000 000 000 $ par année en achat de biens et services reliés, comme je le disais, aux opérations quotidiennes courantes de nos usines d'aluminium au Québec. Donc, ce sont 16 000 personnes qui travaillent et ce sont des usines que nous voulons constamment en évolution, et que nous souhaitons capables de s'adapter aux technologies les plus avancées.

Le souci que nous avons de protéger l'environnement, M. le Président, est pour nous, maintenant, une préoccupation constante. Les procédés que nous employons, que les membres de l'Association emploient dans la fabrication de l'aluminium, utilisent les meilleures technologies actuellement disponibles. Je pense que, chaque fois qu'une nouvelle usine se construit, elle est à la fine pointe de la technologie. Les centres d'épuration des fumées, par exemple, sont efficaces maintenant - et les résultats vérifiés par le MENVIQ le prouvent - à 99, 7 %. Les rejets liquides sont pratiquement éliminés et ceux qui demeurent ont des conséquences minimes sur l'environnement; les résultats le prouvent encore. Les résultats sont concluants à cet égard.

Mais notre souci va également un peu plus loin que ça. Comme vous le savez, l'industrie de l'aluminium est une industrie qui a mis de l'avant, au cours des dernières années, par

exemple, tous les processus, tous les procédés, toutes les méthodes de cueillette sélective et de recyclage. Nous recyclons les cannettes d'aluminium et d'autres morceaux d'aluminium. À titre indicatif, il s'est recyclé l'an dernier, en Amérique du Nord, 65 000 000 000 de cannettes d'aluminium et nous croyons qu'il y a encore un travail à faire. 65 000 000 000 de cannettes recyclées représentent environ 65 % des cannettes produites. Donc, par l'éducation, par la cueillette sélective - même si nous croyons qu'il y a encore place à amélioration - je crois que le processus est bien enclenché. Et les producteurs qui font de la refonte et du recyclage favorisent, évidemment, ce procédé.

La protection de l'environnement est également pour nous et pour nos membres une condition essentielle dans le choix d'un site ou dans le choix d'un investissement. Les actionnaires d'une compagnie publique mettront de la pression, et une pression souhaitée, sur les dirigeants de l'entreprise pour que celle-ci respecte les normes environnementales édictées par les organismes gouvernementaux. Dans bien des cas, les actionnaires sont également des employés. Ils sont également des résidents de la région ou de la province dans laquelle les usines opèrent. Donc, pour nous, il s'agit d'un moyen additionnel de pression devant lequel nous ne pouvons pas nous disculper.

Enfin, pour la réalisation de tout grand projet, il faut, bien sûr, du financement et, depuis quelques années, comme vous le savez, les consortiums de banques qui financent ces mégaprojets exigent des garanties environnementales. Elles exigent, avant de prêter 800 000 000 $, 900 000 000 $, 1 000 000 000 $, que les sommes qu'elles ont prêtées le soient pour la construction d'installations qui sont en tout point conformes aux exigences des gouvernements des provinces ou des pays dans lesquels les installations sont construites. Donc, voilà une garantie supplémentaire. Voilà, pour nous, autant d'éléments qui font en sorte que la protection de l'environnement n'est pas quelque chose d'isolé. Pour nous, c'est un ensemble de blocs qui s'intègrent les uns dans les autres et qui font qu'un jour nous avons une usine que nous considérons efficace et non polluante.

Vous avez mentionné tout à l'heure, M. le Président, le rapport Lacoste. Je n'entrerai pas dans les détails de ce rapport qui a été produit en 1988. Je voudrais simplement souligner à la commission que nous sommes généralement d'accord avec l'ensemble des recommandations du rapport Lacoste, entre autres, avec le fait d'implanter les préoccupations environnementales dès les premiers stades d'un projet, et nous aurons l'occasion d'en parler tout à l'heure. Nous sommes également d'accord avec la nécessité d'harmoniser la procédure d'évaluation des impacts avec les autres procédures gouvernementales. Nous sommes d'accord avec la nécessité d'alléger la procédure et les règles. Je reviendrai brièvement tantôt sur ces éléments.

Au niveau de la procédure d'évaluation, je pense que vous la connaissez tous très bien. Au cours des derniers jours, beaucoup s'y sont reportés, y ont fait allusion. Ça continuera au cours des prochains jours. Nous avons, de façon très brève, répertorié une vingtaine d'étapes entre le dépôt d'un projet et l'obtention finale du certificat d'autorisation. Ces étapes sont, je crois, pour la plupart d'entre elles, nécessaires, mais nous croyons que les délais et la procédure sont, évidemment, beaucoup trop longs et qu'il y aurait lieu, donc, de modifier cela. D'abord, une procédure doit être à la fois rigoureuse dans ses principes et souple dans son application. Nous croyons que la valeur d'une procédure dépend grandement, également, de la disponibilité de ceux qui sont chargés de son application. Nous proposons donc un cadre bien structuré dans lequel devraient s'inscrire des procédures d'évaluation environnementale, sociale ou économique d'un projet.

Nous croyons, à ce chapitre, que le ministère de l'Environnement pourrait peut-être, à l'intérieur de ses structures, revoir le cheminement d'un projet. Le ministère est composé de plusieurs services, de plusieurs départements. Nous souhaiterions que, dès le dépôt d'un avis de projet, ce projet soit confié à un représentant du ministère qui aurait l'autorité nécessaire pour s'assurer que le dossier chemine de façon harmonieuse dans les différents services et les différents secteurs du ministère, pour ne pas se retrouver avec des engorgements et des priorités différentes au secteur des rejets liquides, de la qualité de l'eau, de la qualité de l'air ou des déchets solides. Je pense qu'en donnant au fonctionnaire, au chargé de projet une autorité accrue nous pourrions faire en sorte que les délais soient réduits de façon substantielle, parce que cette personne aurait le pouvoir de s'assurer que le dossier progresse.

Je viens de parler des délais, M. le Président. Le rapport Lacoste a fait état de délais pouvant aller, en moyenne, à 33 mois entre le dépôt de l'avis de projet et le certificat d'autorisation. Ces délais, bien sûr, comme d'autres vous l'ont dit, nous paraissent injustifiables, d'abord parce que 33 mois, c'est trois ans ou presque, et c'est excessivement long et fastidieux - je pense que c'est inutile de rentrer dans l'ensemble des détails, vous les connaissez - mais surtout par le fait que, dans un grand projet industriel, dans les mégaprojets dans lesquels nos membres sont impliqués, il a fallu aussi deux ans ou trois ans d'études préliminaires avant de décider de construire une usine, de choisir un site, etc., ce qui fait qu'en bout de ligne on se retrouve, à partir du moment où un promoteur décide d'analyser la possibilité de construire une usine à tel endroit et le moment où cette usine entre en opération, avec

des délais variant entre quatre, cinq et même six ans. Je crois que ce n'est pas la volonté du MENVIQ, ce n'est pas la volonté du gouvernement de retarder des projets comme ça. Je pense que c'est plus la lourdeur de la procédure qui fait en sorte qu'on arrive à de tels résultats. Et ça pourrait, à l'occasion, à la rigueur, peut-être influencer certains groupes en considérant la lourdeur de nos procédures.

Donc, nous croyons qu'une meilleure affectation des ressources à l'intérieur du MENVIQ et une révision de la procédure dans son ensemble favoriseraient une diminution des délais. On pourrait, je crois, ramener les délais - plusieurs l'ont , souligné - à 12 mois, 14 mois entre le moment du dépôt de l'avis de projet et le certificat d'autorisation et, évidemment, nous endossons cette position.

Au niveau des communications, je vous ai mentionné tout à l'heure que nous voulions impliquer les intervenants du milieu dès le début du dépôt de l'avis de projet. Pour nous, c'est essentiel. C'est maintenant essentiel de faire participer et de permettre aux intervenants de s'impliquer. Vous connaissez la procédure. Il y a dépôt d'un avis de projet par un promoteur. Par la suite, le ministère émet des directives. Nous souhaitons que les audiences publiques - parce que nous sommes en faveur de la tenue d'audiences publiques - se tiennent tôt dans le processus et qu'elles se tiennent à la fois sur l'avis de projet et sur les directives émises par le ministère de l'Environnement.

Le ministère émet les directives. Le ministère a des experts. Le ministère est donc en mesure de justifier les raisons pour lesquelles il impose un certain nombre de normes. D'autre part, le promoteur doit justifier devant la population et les intervenants les raisons et les moyens qu'il mettra en oeuvre pour arriver aux objectifs que lui a fixés le ministère de l'Environnement.

Nous croyons que la procédure actuelle ne rend justice à personne. Lorsqu'il y a des audiences publiques, souvent, les intervenants arrivent trop tard et le promoteur n'a pas les mêmes opportunités ou la même chance de défendre son projet. C'est plus une critique globale d'un projet de société que d'un projet précis. Ça déborde grandement, je pense, le cadre pour lequel les audiences sont convoquées. Donc, oui, nous sommes d'accord avec la tenue d'audiences publiques, à la condition toutefois qu'elles soient bien encadrées, qu'il y ait des délais précis, qu'il y ait une procédure claire et que cette procédure soit bien respectée. À tous les niveaux, que le BAPE, chargé de la tenue de ces audiences publiques, s'assure que les cadres réglementaires soient respectés et, à ce moment-là, à partir du moment où tout le monde connaît bien les règles du jeu, la partie devient beaucoup plus facile.

Nous souhaitons également, et nous le faisons, prolonger cette communication bien au-delà des études de projets ou des dépôts des avis de projets. Dans les alumineries présentement en opération, nous avons des contacts constants avec les organismes locaux et régionaux. Par exemple, les rapports mensuels, trimestriels et annuels, les briques qui sont soumises au ministère de l'Environnement, sont également envoyés, donnés aux organismes comme l'UPA régionale, etc., qui, avec les alumineries, discutent des résultats de nos opérations. Donc, la communication, nous la voulons de façon continue et non pas de façon ponctuelle.

Donc, nous souhaitons que la tenue d'audiences publiques se fasse le plus tôt possible dans le processus d'évaluation, que la consultation se fasse sur les directives du MENVIQ et que les documents, les études réalisées par le promoteur puissent être mises à la disposition des groupes qui en font la demande. Je pense que c'est de bonne guerre de mettre à la disposition des différents groupes, dès le début, l'ensemble des documents qui servent à étayer nos prétentions. (14 h 30)

J'ai parlé un peu du BAPE, M. le Président. Le BAPE a un rôle d'enquête. Il doit tenir des audiences publiques, il doit rechercher l'opinion des personnes. Nous souhaiterions que la composition du BAPE soit légèrement modifiée de façon que, entre autres, le milieu industriel y soit représenté non pas pour essayer d'influencer du côté qui nous est favorable les décisions du BAPE, mais pour essayer que les recommandations du BAPE soient peut-être plus documentées et plus étayées et qu'elles prennent en compte l'ensemble des intervenants ou des gens qui forment le Bureau.

Nous souhaitons enfin, évidemment - je l'ai mentionné un peu tout à l'heure - que les audiences publiques, lorsqu'elles se tiennent, se tiennent dans un cadre précis, très tôt dans le processus d'évaluation et que chacun ait la chance de faire valoir son point pour éviter que ces audiences ne dégénèrent en séances de règlement de comptes où on essaie de régler des problèmes bien au-delà de ceux pour lesquels nous sommes convoqués. C'est très difficile, je sais, de mettre ces idées dans un texte réglementaire, mais je pense qu'avec une direction et des normes précises c'est faisable.

En conclusion, M. le Président, l'Association de l'industrie de l'aluminium du Québec se veut donc un moteur de développement économique, sensible au milieu dans lequel elle s'implante et respectueuse de son environnement. Elle est prête à aller encore plus loin dans le dialogue constructif qu'elle veut maintenir avec le ministère de l'Environnement et les différents intervenants, et ceci dans le cadre d'un développement durable. Je pense que c'est important que cet élément soit ajouté à notre présentation. Nous voulons un développement durable et, pour

y arriver, nous souhaitons que des mécanismes soient mis en place pour le permettre. Voilà, M. le Président, succinctement, notre mémoire et, bien sûr, il me fera plaisir de répondre à vos questions avec mes collègues.

Le Président (M. Richard): Merci, M. Van Houtte. Je pense que vous avez fait un survol, et même très en détail, de votre mémoire qui est excellent. Je dois vous dire que je suis en bonne position, du fait que, dans mon propre territoire de comté, nous avons l'ABI, l'Aluminerie de Bécancour inc. J'ai vécu, puisque j'étais au municipal avant, toute l'implantation, du champ de vaches jusqu'à l'aluminerie qu'on connaît aujourd'hui. Or, j'aurais quelques questions additionnelles à poser en fonction, entre autres, d'une référence à la page 8, paragraphe 1, où vous souhaitez que les règles du jeu soient claires en ce qui a trait aux directives émises par le ministère à l'égard d'un projet. J'aimerais ça que vous précisiez peut-être un peu davantage ce que vous entendez par des règles claires. Actuellement, il y a quand même des balises qui existent, mais...

M. Van Houtte: Je pense que, si on veut tenir des audiences publiques et si on veut se conformer aux exigences du MENVIQ, il faut que, dès le début, on sache dans quelle direction on s'en va. Il ne s'agit pas uniquement de dire que nous voulons réduire les rejets liquides, par exemple, mais il faut, dès le début, être capables de quantifier cela, d'arriver à des normes précises.

Donc, les règles, les directives selon lesquelles le promoteur aura à construire son usine doivent être claires, précises et ne pas être modifiées en cours de route. Je pense que ça a été mentionné précédemment, hier, dans quelques mémoires, qu'on ne veut pas que les règles changent en cours de route, que les normes changent sans qu'on ait eu la possibilité de faire valoir, tout au moins, notre point de vue. C'est un peu dans ce cadre-là.

Le Président (M. Richard): Une autre référence; à la page suivante, la page 9, le paragraphe 1, toujours, vous souhaitez, en fait, n'avoir au sein du ministère de l'Environnement qu'un seul intervenant.

M. Van Houtte: Non. Ce n'est pas tout à fait cela. Ce que nous souhaitons... À l'intérieur du ministère de l'Environnement, comme vous le savez, il y a plusieurs services, plusieurs départements, plusieurs directions. Chacune de ces directions évalue le projet en fonction de ses propres contraintes, en fonction également de ses priorités et, dès le dépôt d'un avis de projet, un certain nombre de documents sont acheminés à la direction de l'eau, un certain nombre de documents sont acheminés pour évaluation à la direction de l'air, etc., et, finalement, le dossier est un peu disséminé à l'intérieur des structures du MENVIQ sans qu'il y ait, de façon très, très officielle, une personne responsable du suivi de ce dossier à l'intérieur du MENVIQ. Mais, ce que nous souhaitons, c'est qu'il y ait justement un chargé de projet avec une autorité sur ses collègues pour leur dire: Aïe! je vous ai envoyé le dossier il y a deux mois, où est-il? et s'assurer que les délais soient respectés.

Le Président (M. Richard): Toujours à la page 9, vous partez d'une politique de transparence. En fait, on sait que c'est à peu près ce qu'il y a de plus fragile sur le terrain. C'est sur cet aspect-là que la population a peut-être le plus de reproches à faire, tant au gouvernement qu'aux institutions et au promoteur. Or, j'aurais tendance à vous poser la question: Qu'est-ce qu'on fait pour impliquer le plus possible la population? Vous avez dit tantôt que votre voeu, c'était qu'elle le soit le plus rapidement possible, le plus tôt possible; à l'instant où on connaît le projet ou la teneur du projet, qu'on aille immédiatement en consultation auprès de la population. Mais est-ce qu'il y a d'autres mécanismes que vous mettez de l'avant ou que vous privilégiez pour que la population ne parte pas en peur, à un moment donné, ou ne se serve pas, comme vous l'avez dit tantôt, M. Van Houtte, de ce dossier-là souvent pour mettre en doute la crédibilité du dossier énergétique, par exemple, en se servant de votre dossier particulier, dossier ou du promoteur qui est ad hoc, à ce moment-là?

M. Van Houtte: II y a, M. le Président, plusieurs étapes, je pense, ou plusieurs moyens qui peuvent être pris. Rien n'empêche un promoteur de consulter, de s'informer, de rencontrer les intervenants qui en font la demande ou les intervenants qui pourraient être affectés par le projet, même si les audiences publiques n'étaient pas obligatoires. Je pense que cette consultation se fait et doit être, dans bien des cas, accrue.

Elle se fait également au niveau des audiences publiques où le BAPE peut jouer un certain rôle pour essayer de rapprocher les parties. On doit également chercher à expliquer aux gens un projet plutôt que se défendre des attaques. Dans certains cas, il semble souvent que la présence devant le BAPE devient, si vous voulez, un débat plus juridique, en ce sens que le promoteur est souvent sur la défensive plutôt que d'essayer d'expliquer la nature de son projet. Plus tard dans le processus, c'est sûr, en tout cas pour les alumineries que je représente, qu'il y a des consultations continues avec les intervenants du milieu. Vous en avez dans votre région également. C'est un processus qui est en évolution constante. Je pense que le droit de l'environnement, le droit des parties, le respect de notre faune, de notre flore doivent se faire

dans un contexte de développement durable, mais c'est en constante évolution. Je pense que nous ne sommes pas fermés à des mécanismes à découvrir, à mettre en application, à condition, évidemment, que nous connaissions dès le départ les règles du jeu.

Le Président (M. Richard): Dernière question. Je m'excuse...

M. Van Houtte: Je ne sais pas si M. Salette aurait des choses à ajouter là-dessus.

M. Salette (Robert): À partir des directives que le ministère nous fait parvenir pour déterminer de quelle façon les études d'impacts devraient se faire, c'est une occasion, à ce moment-là, d'impliquer la population dans les régions où le projet doit s'implanter. Même ceux qui pourraient être intéressés et qui sont à l'extérieur de ces régions-là peuvent peut-être venir bonifier encore davantage les directives et ajouter des volets qui sont importants pour la population et qui ne sont peut-être pas considérés par les directives.

Alors, le ministère a ses responsabilités et, nous, on dit: À la charge du promoteur, évidemment, encadré par le BAPE... C'est-à-dire que le BAPE pourrait s'assurer que ces consultations-là se font de façon professionnelle, il pourrait même avoir un observateur sur place pour que lorsque les données ou les rapports sont transmis au ministère, tout le monde soit assuré que ça s'est fait de façon... Ça n'empêche pas les audiences publiques qui, elles, viennent à la fin, mais déjà une partie des appréhensions, une partie des questions, une partie des réponses pourrait être connue dès le début plutôt qu'à la fin lorsque toutes les études sont faites.

Le Président (M. Richard): Merci. Ma dernière question serait la suivante. C'est une référence à la page 10, paragraphe 3, où vous avez un souhait qui dit que la composition du BAPE devrait être améliorée et comporter beaucoup plus de spécialistes. Par cette question-là, je veux savoir, effectivement, votre expérience avec le BAPE. Dans le cadre de certains projets, vous avez eu un problème à ce niveau-là parce qu'il n'y avait pas de spécialistes, les gens ne connaissaient pas grand-chose dans le domaine de l'aluminerie?

M. Van Houtte: Écoutez, je pense que - je vais peut-être laisser M. Salette répondre à cela tout à l'heure parce qu'ils ont eu à vivre avec ça - notre recommandation vise à ce que le milieu industriel soit peut-être un peu mieux représenté par des gens qui siégeraient de façon permanente au BAPE. La politique qui consiste à nommer des gens ad hoc ne permet peut-être pas une continuité dans les décisions rendues par le BAPE, bien qu'un certain nombre des commis- saires soient des permanents. Nous croyons que, pour qu'il y ait un équilibre, le milieu industriel devrait également, comme d'autres milieux, remarquez, être représenté pour que la recommandation finale du BAPE contienne l'ensemble des éléments et que, dans les délibérations, on puisse échanger sur les pour et les contre d'un projet dans un climat tout à fait serein.

M. Salette: II faut bien comprendre que les représentants du BAPE, à ce moment-là, sont toujours là, dans le même cadre, à regarder les aspects de l'environnement. Mais, souvent, il y a des données qui sont tout autres que celles de l'environnement, qui sont amenées lors des audiences publiques par des intervenants. Et, si les gens autour de la table avaient une expérience plus vaste, ils pourraient mieux comprendre ou mieux réagir à ces demandes-là et peut-être, déjà, dès le point de départ, clarifier les choses.

Si vous voulez un exemple précis, nous avons vécu une situation avec les audiences publiques sur la construction d'un chemin de fer - M. Morin est bien au fait du dossier - chez nous, entre la ville de La Baie et l'usine de Laterrière. S'il y avait eu des gens qui connaissaient les conséquences de la limite du transport à un transport par jour, ils auraient bien pu comprendre que l'alternative d'y aller par chemin de fer n'était plus valable, à ce moment-là. Il fallait y aller par camion, avec tous les inconvénients que les audiences publiques ont permis de... Mais il n'y avait personne autour de la table pour réagir à ça tout de suite et dire à l'intervenant: Mais sais-tu ce que ça veut dire, ta question? Alors, c'est dans ce sens-là. Mais le rôle est toujours pour mieux juger les aspects environnementaux.

Le Président (M. Richard): Merci. Je cède la parole au Dr Lazure, le député de La Prairie. Vous avez la parole, docteur.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, au nom de l'Opposition, de saluer les représentants de l'industrie de l'aluminium au Québec. Je voudrais vous faire part de notre satisfaction lorsque vous dites accepter, de façon quasiment complète, les recommandations du rapport Lacoste. Je voulais aussi, en rapport avec les audiences publiques, vous demander si vous étiez au courant de cette technique dont il a été question ce matin, qui commence à être pratiquée aux États-Unis, qui permet, par une voie plus rapide, de placer sur les épaules du promoteur une responsabilité assez considérable, à savoir qu'il prend le risque de préparer lui-même - selon, évidemment, les directives dont il pourra avoir eu connaissance au ministère de l'Environnement - pratiquement tout le dossier et de déposer et rendre public ce dossier-là au moment où il dépose son avis de projet au

ministère. Ma première question: Est-ce que vous êtes au courant de ça?

Alors, en gros, l'idée, c'est de sauver du temps. Ça devrait permettre de compléter la procédure, y compris les audiences publiques, à l'intérieur d'une année. On parle même de 8,5 mois au lieu de 2 ou 3 ans. Mais il y a un risque pour le promoteur à ce moment-là. S'il fait mal son travail, il sera obligé de recommencer. Avez-vous une réaction à ça? (14 h 45)

M. Van Houtte: Je n'ai pas, personnellement, d'expérience. Je la connais, pour avoir lu sur cette procédure, mais pas suffisamment, je pense, pour émettre des commentaires. Il y a sûrement des avantages. Est-ce que tous les projets pourraient profiter de cette procédure? Est-ce que ce seraient uniquement les cas d'exception? Parce que, à un moment donné, on désengorge un secteur et tout le monde veut aller par le "fast track". Donc, à quel endroit coupe-t-on? Quels sont les cas d'exception? Si je comprends bien la procédure américaine, pour ce que j'en ai lu, c'est plus ou moins une procédure d'exception. C'est moins courant que la procédure normale, tout au moins. La procédure normale demeure. Je ne sais pas si mes amis ont des commentaires.

M. Jomphe (Carol): Oui. Je pense que ce genre de procédure pourrait être intéressante à condition que, déjà, on bénéficie de certaines directives, peut-être abrégées et plus sectorielles, identifiées a un certain secteur. Par la suite, au moment où le promoteur déposerait son projet, au moment des audiences publiques, les intervenants soulèveraient sûrement des interventions par rapport à des points précis et, à ce moment-là, le promoteur serait appelé à répondre à ces interventions précises. Je ne pense pas que ce soit nécessaire de reprendre au complet le processus d'étude qui a déjà été fait. À ce moment-là, ça pourrait être très intéressant pour l'industrie.

M. Lazure: Une autre question concernant ce qui s'appelle des évaluations génériques sur un secteur industriel donné, par exemple, pour faire des évaluations, y compris des audiences publiques, sur un secteur industriel particulier. En dehors de l'évaluation individuelle qui se ferait à l'occasion du projet d'un promoteur - dans votre cas, une aluminerie - qu'est-ce que vous pensez de cette technique de l'évaluation générique?

M. Van Houtte: II est difficile de répondre sans connaître le cadre qui sous-tendrait de telles choses. Je pense que, dans toute approche, il y a des aspects positifs et d'autres qui sont peut-être plus négatifs. Je crois que, même si, par exemple, dans le secteur de l'aluminium, les technologies sont à peu près identiques dans les usines, en débordant d'un projet, on risque de tomber carrément dans un débat de société sur le dos d'un secteur industriel donné.

M. Lazure: Le choix, autrement, c'est de le faire sur le dos d'un promoteur donné, comme ça se fait, actuellement.

M. Van Houtte: Je pense qu'il y a ce risque, effectivement, de faire cela. Le ministère de l'Environnement étudie présentement la possibilité d'adopter des règlements sur les rejets liquides ou les émissions atmosphériques et prend un peu cette approche-là. Il voudrait essayer, je crois, dans les grands secteurs industriels, de regrouper un certain nombre d'industries, par exemple la métallurgie, les raffineries, etc., et arriver à établir un certain nombre de normes pour différents secteurs industriels, pour éviter qu'il y ait des différences énormes si on essaie de mettre tout le monde dans le même panier. Je pense que c'est une approche qui a du mérite, mais qu'il faut quand même considérer avec prudence parce que, comme je vous le dis, il faut s'assurer que l'ensemble des règles soit bien connu. On n'est pas fermés à cela.

M. Lazure: Un problème qui vous touche de très près, la gestion des brasques. Est-ce qu'il y a quelque chose qui se pointe à l'horizon pour aider à solutionner ce problème-là?

M. Van Houtte: Comme vous le savez, depuis longtemps, les grands producteurs travaillent dans leurs centres de recherche, en collaboration avec les instituts privés ou les universités, sur des méthodes économiques et efficaces de traitement des brasques. Différents procédés sont encore à l'étude actuellement. Certains valorisent plus que d'autres le résidu; d'autres ne font que neutraliser les brasques. Nous espérons être en mesure, d'ici... Je ne voudrais pas fixer de date précise, mais je pense que nous sommes sur la bonne voie pour trouver un procédé d'élimination ou de neutralisation des brasques.

Entre-temps, soyez assuré que les industries, avec le MENVIQ, s'assurent que les brasques sont entreposées dans des endroits tout à fait sécures. Des entrepôts spéciaux ont été construits chez les producteurs actuels et ces entrepôts répondent aux plus hautes normes, encore là, en matière de protection de l'environnement. Ces entrepôts sont coûteux à construire, sont coûteux à gérer, ne sont pas illimités. À un moment donné, on va les remplir. Donc, nous avons, bien sûr, un intérêt direct à trouver des procédés et nous travaillons fort là-dessus, en collaboration avec des entreprises privées, des laboratoires privés, des centres de recherche, des universités, etc.

M. Lazure: Tant mieux. Il faut se réjouir si vous êtes sur une bonne piste, mais est-ce que

vous ne pensez pas qu'il serait utile qu'il y ait, à un moment donné, des rencontres avec la population pour la mettre au courant de vos recherches et de ce qui se pointe à l'horizon? Parce qu'il y a des inquiétudes dans les régions où il y a des alumineries sur la disposition actuelle ou future des brasques, hein?

M. Van Houtte: Tout à fait. Dans certaines régions, sans doute, dans d'autres peut-être moins. Mais oui, je pense que ça fait partie du processus de communication dont nous avons parlé tout à l'heure, de la transparence. Oui, nous sommes prêts à dire aux gens ce que nous faisons avec les brasques, ce qu'elles contiennent et comment nous comptons les traiter. Vous savez qu'aux États-Unis, par exemple, l'agence américaine de protection de l'environnement a longtemps permis que les brasques soient détruites, brûlées dans les fours à ciment. C'est du carbone et il y a une valeur calorifique à ces brasques-là. Et, aux températures des fours à ciment, je pense que la majorité des gaz ou des produits que les brasques contiennent sont brûlés. Donc, il y a des choses qui se font ailleurs. Nous travaillons également sur d'autres procédés, soit pour essayer de tirer certains sous-produits de la brasque une fois traitée ou simplement pour la neutraliser. Mais on est sur la bonne voie.

M. Lazure: Une dernière question, M. le Président. Concernant le financement des groupes, vous savez, souvent, lors des audiences publiques, il y a des invididus ou des groupes préoccupés par l'environnement qui aimeraient présenter un travail quelconque, faire valoir leur point de vue et ils ont peu de moyens. Le ministère de l'Environnement n'est pas très généreux à leur égard et, de plus en plus, on parle d'une façon de financer l'intervention des groupes. Si on veut vraiment que les audiences publiques soient répandues à l'ensemble des projets industriels - vous semblez être d'accord pour l'application du rapport Lacoste - à ce moment-là, il va y avoir beaucoup plus d'audiences publiques et les groupes environnementaux et les individus vont vouloir intervenir. Comment entrevoyez-vous ce financement? Est-ce que votre industrie, par exemple, serait prête à participer à la formation d'un fonds pour les intervenants?

M. Van Houtte: Je ne crois pas que ce soit réellement un problème en soi dans la méthode que nous proposons. Ce que nous proposons, c'est que, dès le début, les gens puissent avoir accès aux études et puissent entretenir des relations avec le promoteur. Dans la situation actuelle, c'est sûr que les intervenants se retrouvent en bout de piste avec un tas d'études qui ont été préparées par le promoteur, par le ministère de l'Environnement et par leurs experts. Ils doivent étudier tout ça, digérer et assimiler tout ça, et essayer de faire valoir leur position.

Nous croyons plutôt que, si, dès le début, il y a une relation qui s'établit entre les intervenants et le promoteur, on peut facilement faire participer une partie de ces intervenants à nos travaux, à nos recherches. On leur rend disponibles les documents, pourquoi ne pas les impliquer également? Et le problème de financement se trouve, je pense, en grande partie réglé parce que, tout au cours des études d'impact, les intervenants pourraient participer à cela. Je pense que nous ne souhaitons pas, non plus, acheter, entre guillemets, nos projets ou faire en sorte que, moyennant compensation ou moyennant financement d'associations, on puisse polluer plus facilement. Pensons que si chacun est indépendant...

M. Lazure: Je pense que ce n'était certainement pas dans mon esprit...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: ...mais je pense qu'on aurait intérêt, nous, en tout cas, les élus, à assister à une table ronde entre vous et les représentants de groupes environnementaux sur cette question précise. Vous semblez émettre une opinion, une hypothèse assez optimiste, à savoir que, si vous parlez dès le début aux intervenants, aux groupes, aux individus, avec vos propres études, vos propres experts, vous allez finir par leur faire voir le bien-fondé de votre projet et ils vont l'accepter. Vous semblez dire ça.

Ce que les groupes disent - et, moi, je partage leur position - c'est que, oui, d'accord, si le promoteur veut faire ça dès le début, transparence complète, bravo, on ne demande pas mieux tout le monde, mais il peut arriver, à un moment donné, que le groupe constate que votre étude, vos données sont contestables, sont discutables. Et il pourrait avoir besoin d'une autre expertise, ailleurs que chez vous. Et, à ce moment-là, ça coûte des sous. Que ce soit une expertise juridique ou une expertise technique, ça coûte des sous. Et c'est dans ce sens-là que nous pensons, nous, en tout cas, qu'il faut qu'il y ait un financement. Le gouvernement de l'Ontario l'a fait en 1988, le gouvernement Peterson et non pas le gouvernement néo-démocrate; le gouvernement libéral l'a fait en 1988, en Ontario. Ils ont, par une loi, établi le financement des intervenants en matière d'environnement et c'est le promoteur qui verse un certain montant, pas pour acheter la paix, mais pour permettre aux gens d'aller chercher des expertises.

M. Salette: Peut-être que je peux proposer quelque chose ici. Si le Québec veut réaligner ou réévaluer son développement économique et déterminer des normes et des règles du jeu, ça,

c'est un point. Et je pense que, de côté-là, il y a des choses qui peuvent être faites. Quand vient le temps d'établir une usine quelque part, cette usine-là doit maintenant se conformer à ces normes et tout le processus qui est proposé, c'est de communiquer avec le milieu, soit très tôt ou soit à travers des audiences publiques, pour faire la preuve qu'on travaille maintenant à l'intérieur de ces normes et de ces règles qui sont établies.

Lorsque nous proposons ici une consultation dès le début, c'est certain qu'il y a des choses que, soit le ministère va avoir oubliées ou que, nous, on va avoir oubliées, qui sont des préoccupations ou des intérêts très particuliers pour les populations où nous voulons nous établir, et qui vont demander à être fouillées, à avoir de la recherche, ainsi de suite. Évidemment que ça va se faire à nos frais, à ce moment-là.

Alors, si on parle d'établir le développement économique d'une province et, quand on touche le secteur de l'aluminium en particulier, qu'on veut déterminer quelles seront les normes pour les années à venir ou qu'on parle de commissions parlementaires ou de mécanismes qui feraient que tous les gens concernés puissent s'asseoir à une même table et voir ce qui devrait être fait, là, c'est un volet. De ce côté-là on est peut-être à l'écoute de ce qui pourrait être possible sur le plan financier, mais, là, on parle pour la province. Mais, quand vient le temps de construire une usine quelque part, je pense que, déjà, les règles du jeu devraient être connues et c'est à nous à faire la preuve que, de la façon dont on va construire l'usine et avec l'équipement qu'on va mettre là-dedans, on est à l'intérieur des normes.

M. Lazure: Vous avez raison. Moi, je ne parlais pas d'un fonds spécialement pour les alumineries; je parlais de votre participation, en tant qu'industrie de l'aluminium, à un fonds plus général pour l'ensemble des projets du Québec.

Le Président (M. Richard): M. Morin, député de Dubuc, vous avez une question? (15 heures)

M. Morin: Bon, évidemment, il est heureux que, comme la plupart des intervenants, vous soyez en faveur d'une implication du milieu dans le processus, très, très tôt. J'aimerais avoir vos commentaires sur ce qu'on appelle des petits projets industriels ou des projets de consolidation où, finalement, la préoccupation du milieu est beaucoup plus en fonction du volet des impacts dits temporaires, par opposition aux impacts permanents, c'est-à-dire les impacts reliés à la construction. Est-ce que c'est ce que vous avez dans votre esprit, par le fait d'impliquer davantage le milieu dès l'élaboration des directives, de permettre au ministère de l'Environnement d'exiger toutes les mesures de mitigation qui pourraient, à toutes fins pratiques, répondre aux préoccupations du milieu à un point tel que ça aurait pour effet de diminuer certaines demandes d'audiences publiques? Je parle pour des petits projets, évidemment; je ne parle pas d'implantation, je parle de consolidation. Première question.

La deuxième, c'est concernant une proposition que vous faites à l'effet que les demandeurs justifient leur intérêt de demander des audiences publiques parce que, dans la présente loi, les demandeurs doivent quand même signifier au BAPE la nature de leurs intérêts à l'heure actuelle.

M. Salette: Au ministre.

M. Morin: Alors, qu'est-ce que ça ajouterait - j'aimerais que vous précisiez votre demande là-dessus - qu'on demande aux gens, qu'on exige des gens d'expliquer davantage leurs intérêts de demander des audiences?

Une voix: Je ne sais pas si...

M. Morin: Enfin, il y a ces deux volets-là.

M. Salette: Nous, on est convaincus que si... Je peux utiliser un exemple qu'on connaît très bien, M. Morin, la modernisation du port où il y a eu des consultations avec le conseil municipal, l'Association des pêcheurs de saumon de la rivière à Mars; tout ce beau monde a été impliqué dès le début et il n'y a pas eu d'audiences publiques parce que les questions ont eu des réponses en cours de route. Les gens ont bien compris et, nous, on a ajusté notre projet en fonction des besoins du milieu. Il n'y a pas eu d'audiences publiques. Souvent, les audiences publiques sont là et semblent justifiées parce que les gens ne connaissent rien du mosus de projet. Ils veulent aller fouiller pour voir s'ils se font organiser ou pas. Nous, on dit: Si on a de la transparence dès le début, des questions, à la fin, il va y en avoir bien moins. Il peut y avoir besoin d'audiences publiques si c'est la règle, mais au moins on va travailler sur des choses plus sérieuses.

M. Van Houtte: Pour ce qui est de votre deuxième question, la justification des intervenants, simplement pour faire la différence qu'on faisait tout à l'heure entre un grand débat à l'échelle nationale sur des enjeux environnementaux ou sur un projet, ce qu'on voudrait essayer de limiter dans les intervenants, c'est leur intérêt dans la région parce que, nous, on prétend que, dans bien des cas, les répercussions ne dépassent pas la propriété de notre usine et on se dit: Ce n'est pas l'endroit pour régler des problèmes, je ne sais pas, moi, sur la couche d'ozone. Je pense que ça déborde largement le cadre d'une audience qui se tiendrait pour un projet précis. C'est pour ça qu'on préfère avoir

des relations étroites très tôt dans le processus entre les intervenants immédiats qui seront affectés par le projet et qui auront à vivre à côté des projets. C'est un peu dans ce sens-là.

M. Morin: Oui, parce que vous conviendrez avec moi que, dans les cas où il y a seulement un demandeur, un groupe qui le demande, là, je suis un peu enclin à dire: O.K. Il faudrait peut-être davantage l'exiger. Mais, lorsqu'il y a un certain nombre de demandeurs de tenir des audiences, je pense que le nombre, de par lui-même, le justifie. Et disons que la nécessité de prouver les intérêts m'apparaît moins évidente lorsqu'il y a un nombre relativement important que lorsqu'il y en a seulement un.

M. Van Houtte: Mais on ne demande pas de prouver l'intérêt dans l'audience; on demande de prouver leur intérêt comme groupe, comme intervenant. Pour nous, c'est important. Bien sûr, que les gens aient un intérêt dans le projet, c'est important également. Je pense que n'importe qui ne peut pas intervenir n'importe où à propos de n'importe quoi. Il faut établir un certain cadre et c'est dans ce cadre-là que nous souhaitons que les gens justifient leur intervention.

Le Président (M. Richard): Ça va, M. le député de Dubuc? Je cède donc la parole...

M. Morin: Ça va.

Le Président (M. Richard): ...à M. le député de Saguenay, M. Maltais.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Vous me permettrez de saluer au nom du gouvernement les chevaliers de l'aluminium au Québec. C'est la première fois, je pense, qu'on... En tout cas, il est très rare qu'on les voie tous les cinq autour de la même table dans une commission parlementaire. M. le Président, vous permettrez que je salue d'une façon particulière M. Asselin, de Baie-Comeau, de la société des métaux Reynolds, qui est ici. Ce n'est pas souvent que ces gens-là viennent nous rencontrer. Ils sont moins dérangeants que certains autres, mais nous apprécions leur visite quand même.

Je suis heureux que, finalement, les cinq grands de l'aluminium se soient associés ensemble pour venir à cette commission parlementaire. Vous n'êtes pas sans savoir que, depuis de nombreuses années, on vous cible ou vous êtes ciblés au Québec par les groupes écologistes comme étant un peu des pollueurs en puissance et des gens qui, finalement, avaient une certaine négligence au niveau environnemental. Mais vous avez démontré, au cours peut-être des 15 dernières années, que ce n'était pas le cas, que, s'il y avait une industrie qui était respectueuse de l'environnement, c'était bien l'industrie de l'aluminium, à comparer, par exemple, à certaines autres industries et même à certains services publics qui relèvent des gouvernements. C'est tout à votre honneur. Je pense que vous avez relevé un défi et on comprend aussi que, dans les investissements que vous gérez, vos banquiers, vos actionnaires n'investissent pas à court terme, mais bien à fort long terme.

Votre mémoire. Tout le monde a fait le tour un peu et ce qui nous est agréable, je pense, aux membres de la commission, c'est l'accord presque unanime de tous les membres sur les conclusions du rapport auquel tout le monde a souscrit depuis le début des audiences. Si on situait le Québec par rapport à l'Ontario, par rapport aux États de la Nouvelle-Angleterre, possiblement à l'État de New York, au niveau de sa gestion environnementale et de ses conditions pour les grandes industries, à quel niveau le situeriez-vous?

M. Van Houtte: Mon expérience étant limitée au Québec, le reste étant du ouï-dire, je vais peut-être laisser à M. Salette, qui a une expérience plus vaste que moi, le soin de répondre. Je ne sais pas s'il le peut.

M. Salette: Encore là, c'est plus - j'allais dire des "feelings", mais il faut éviter l'anglais -des perceptions au niveau des tripes.

M. Maltais: C'est ça, c'est ce qu'on veut savoir.

M. Salette: Je pense qu'on cite souvent l'Ontario comme étant l'exemple à suivre. Je pense qu'on n'a pas besoin d'avoir l'exemple de personne. Au point de vue - ici, je vais utiliser la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean - d'une espèce de coexistence et de partage - M. Morin pourrait peut-être ajouter là-dessus - je pense qu'on a atteint dans cette région-là, et c'est possible partout au Québec, une meilleure compréhension des enjeux de l'entreprise et des besoins et de l'évolution des valeurs de la société. Nous aussi, on évolue en même temps. Nous sommes aussi citoyens, pas juste des gestionnaires. Je pense que c'est la voie qu'on doit suivre et, de ce côté-là, contrairement à ce que je retrouve dans les autres provinces où nous avons aussi des activités économiques, je pense qu'on est en avance partout. C'est en se parlant qu'on va se comprendre; ce n'est pas juste en légiférant, c'est aussi en communiquant.

M. Maltais: D'accord. Nul n'a besoin ici d'indiquer l'apport économique de vos sociétés. Ce qui est important, c'est que le Québec puisse vivre en harmonie avec ses producteurs et avec la création d'emplois. Vous aurez dépensé quelque chose comme 700 000 000 $ et peut-être 1 000 000 000 $, lorsque Alouette sera terminée,

en biens de consommation; c'est quelque chose. C'est un apport important.

Moi, je suis heureux de voir que, dans votre mémoire, vous n'avez pas une courte vue environnementale; vous avez une longue vue en disant que vos investissements doivent fonctionner sur une période de 30, 35 ou 40 ans. C'est rassurant pour la population du Québec de savoir que ces grandes industries-là ont pris le tournant pour s'assurer que, dans 20, 25 ou 30 ans, elles seront encore compétitives et non polluantes. Je prends la société des métaux Reynolds qui s'est adaptée, comment pourrais-je dire? à une certaine dépollution de son système au cours des années; à partir de 1956 à aller à 1991, il y a tout un chemin de fait, je pense, et vous l'avez fait.

Un petit point de votre mémoire, dont vous parlez, m'a intrigué un peu. Peut-être que je reviendrai sur le financement, sur ce que le député de La Prairie vous a suggéré tout à l'heure, j'ai ma petite idée là-dessus. Au niveau de la nomination des personnes au BAPE, lorsque vous avez parlé tout à l'heure de cette personne, est-ce qu'elle devrait, d'après vous, faire partie du Bureau d'audiences ou être une personne en autorité connaissante du secteur de l'aluminium? Est-ce que ça devrait être une personne consultée, un genre de conseil consultatif pour le BAPE ou si, selon vous, elle devrait avoir un siège au BAPE?

M. Van Houtte: Les deux approches ont leur mérite. On préférerait sans doute qu'elle ait un siège au BAPE pour assurer une continuité. Je pense qu'après un certain temps, dans n'importe quel bureau, n'importe quel tribunal quasi administratif ou administratif ou n'importe quelle commission parlementaire, n'importe quel organisme, il se développe, au cours des mois, des semaines, une complicité entre les gens qui finissent par se comprendre. Je crois que, quand on a un organisme comme le BAPE qui doit faire des recommandations sur un certain nombre de projets, il est important que les gens n'aient pas, pour employer l'expression que vous avez employée, une courte vue. Il faudrait que les recommandations du BAPE soient faites dans un cadre, encore là, à beaucoup plus long terme et nous croyons que, s'il y avait une permanence peut-être plus grande des représentants du milieu industriel, comme des autres milieux d'ailleurs, sur le BAPE, ça permettrait justement d'avoir probablement cette vision à plus long terme, cette continuité de pensée dans les recommandations.

M. Maltais: M. Van Houtte, la Chambre de commerce de Montréal était ici hier. Mme Pageau déclarait dans La Presse du 30 août: La réglementation du ministère de l'Environnement au Québec fait fuir les investissements. Qu'est-ce que vous pensez de ça, vous?

M. Van Houtte: C'est difficile de répondre à ça, sauf par les exemples des sociétés que je représente. ABI a construit une première phase et une seconde, investissement de 1 500 000 000 $ ou 1 600 000 000 $; Reynolds, dans votre beau comté, a agrandi à plusieurs reprises son usine pour, aujourd'hui, être la plus grosse aluminerie au monde, comme installation; Alcan continue et a un programme à très long terme d'investissement au Québec; et il y a les deux petits nouveaux, Lauralco et Alouette, qui sont venus s'établir. Je pense que c'est probablement la réponse à votre question, M. le député.

M. Maltais: Merci. C'est la réponse à Mme Pageau.

Le Président (M. Richard): Merci beaucoup, messieurs, qui représentiez l'Association de l'industrie de l'aluminium du Québec. Merci de votre présence et de votre mémoire.

On demanderait que prennent place les représentants du Conseil de l'environnement des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches, s'il vous plaît.

Mesdames et messieurs, je suis convaincu que vos discussions sont de grand intérêt, mais vous comprendrez qu'on a une question d'horaire. Nous demanderions aux membres de la commission de prendre place, s'il vous plaît, et aux gens du Conseil de l'environnement des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches de prendre aussi leur place, de façon à présenter leur mémoire.

Globalement, nous avons une enveloppe de 30 minutes. Vous avez, normalement, 10 minutes maximum pour présenter votre mémoire et, par la suite, nous échangerons sur le mémoire.

Conseil de l'environnement des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches

Mme Paquin (Ginette): Excusez-moi. C'est parce qu'on était aux verres d'eau.

Le Président (M. Richard): Ah! Aucun problème, madame. (15 h 15)

Mme Paquin: C'est parce que ce sont les verres d'eau des messieurs de l'aluminium. Je n'oserais pas me mêler...

Le Président (M. Richard): De l'alun et du chlore.

Une voix: Vous avez peur du mercure.

Mme Paquin: Je ne sais pas, là, de quoi j'ai peur.

Le Président (M. Richard): Je vous laisse la parole. Vous vous identifiez, évidemment, et vous identifiez la personne qui vous accompagne.

Mme Paquin: Vous avez dit qu'on avait 15 minutes pour la présentation?

Des voix: Dix.

Le Président (M. Richard): Ah! je corrige. C'est 10 minutes pour la présentation. C'est-à-dire que vous pouvez en prendre 15, mais ça nous coupe, nous. Votre mémoire, nous l'avons. Nous en avons pris connaissance. Alors, plus on échange avec vous, je pense, plus c'est le sens positif.

Mme Paquin: Bon. Je vais vous présenter Richard Legault, président du Conseil de l'environnement, et moi-même, Ginette Paquin, vice-présidente du CERQCA. Le Conseil de l'environnement de la région de Québec et de Chaudière-Appalaches comprend 35 organismes environ à préoccupation environnementale pour les deux régions de Québec et de Chaud ière-Appalaches. Les objectifs poursuivis, c'est de mettre en place le développement durable ou de faire la promotion du développement durable dans les deux régions et de promouvoir la concertation entre les décideurs dans ces deux régions.

Maintenant, il y a deux parties à notre mémoire. La première où nous avons pris trois exemples concrets de développement industriel et hydroélectrique, c'est-à-dire nos expériences vécues comme groupe. Dans la deuxième partie, nous mettons l'accent sur des éléments du rapport Lacoste. Je vais présenter la première partie et M. Legault va présenter la deuxième. Ce qu'on voulait dire, c'est que je pense que, comme tout le monde, vous êtes d'accord que l'environnement est devenu une préoccupation importante pour les citoyens aujourd'hui, que la qualité de vie est devenue aussi une valeur importante et que le concept de développement durable mis de l'avant par la commission Brundtland va nous amener dans les prochaines années à nous remettre en question à plusieurs points de vue au niveau de notre conception du développement et ça va amener nécessairement une plus grande consultation des publics. Alors, nous croyons que ces préoccupations environnementales vont nous amener à peut-être améliorer notre processus d'audiences publiques, notre processus de consultation des publics. Et, finalement, c'est pour ça que c'est important de s'arrêter à ce processus parce que, même s'il y a le rapport Lacoste qui a déjà fait des recommandations, il y a deux ans déjà, il faudrait aller plus loin peut-être que le rapport Lacoste étant donné que ça évolue très rapidement et qu'il faudrait s'adapter rapidement aux changements.

Ces changements, j'en ai mentionné un peu ici. Les citoyens sont de plus en plus informés. Les territoires vont être de plus en plus occupés à l'avenir et ça va demander sans doute des contrôles plus serrés et des choix plus éclairés parce qu'on aura peut-être à faire des choix entre plusieurs alternatives. Si on utilise le territoire pour une chose, on ne pourra plus l'utiliser pour une autre. Alors, on va avoir à se poser énormément de questions dans l'avenir, plus qu'aujourd'hui encore. alors, je passe aux trois exemples dont je parlais tantôt. alumax-lauralco, c'est un projet que nous avons vécu dans la région de québec, particulièrement. et nous avons constaté que le processus d'étude s'est fait en pièces détachées, c'est-à-dire avec consultation sur certaines pièces mineures; sur les postes électriques, il y avait possibilité de consultation et possibilité de consultation, par le biais du fédéral, au niveau des sites de transbordement dans la région de québec.

Évidemment, il n'y a pas eu de consultation sur les pièces majeures, les pièces majeures étant les politiques énergétiques et économiques du gouvernement du Québec qui prônent la vente d'hydroélectricité à bas prix pour attirer des entreprises grandes consommatrices de ce type d'énergie. Alors, pour nous, il est essentiel que la population soit consultée sur ces politiques et ce, de façon périodique et en regard d'alternatives possibles.

Il n'y a pas eu de consultation, non plus, sur les contrats de vente d'électricité à bas prix à des alumineries. Je pense que, là aussi, il serait important de prévoir des mécanismes de consultation pour vérifier, entre autres, la rentabilité des contrats, peut-être aussi de voir la rentabilité des contrats en regard d'autres alternatives et aussi de vérifier les impacts sur l'environnement des barrages qui devraient être construits, à moins que lesdits contrats soient signés sous réserve d'approbation des barrages qui servent à les alimenter ou des aménagements hydroélectriques qui servent à les alimenter, parce que, finalement, quand on signe des contrats, ça veut dire qu'on construit après. Alors, il y a un lien à faire entre les deux.

Il y a eu absence de consultation également sur le choix des meilleurs sites d'installation de ce type d'entreprise dans la province de Québec. Le choix des sites est laissé à l'initiative des promoteurs et à la compétition entre les municipalités. On se retrouve alors avec des problèmes d'étalement industriel et urbain, et nous n'avons pas de loi ni de règlement pour les contrer, sauf peut-être celui sur les territoires agricoles.

Absence d'audiences publiques sur les impacts de l'entreprise sur le milieu. Alors, l'article 2n n'est pas en application, comme vous le savez. Alors, nous n'avons pas d'audiences publiques sur les impacts de l'entreprise sur le milieu. L'étude d'impact avec audiences publiques devrait regrouper, à notre avis, l'alimentation électrique de l'entreprise (soit les postes électriques, la ligne hydroélectrique, les barrages ou aménagements qui serviront à l'alimenter, même s'ils sont au nord) les sites de transbordement des matières premières et des produits finis

et/ou les corridors de transport pour avoir une étude complète, parce que, quand on a toujours des études en pièces détachées, on ne sait pas trop où est-ce qu'on s'en va à un moment donné. Ceci impliquerait des audiences publiques dans plusieurs régions, évidemment.

Il y a eu, comme vous savez, une consultation de dernière minute sur les sites de transbordement des matières premières d'Alumax dans la région de Québec. Cette consultation a été faite par le processus fédéral. Ça veut dire qu'au Québec on n'a pas de processus, non plus, pour les sites de transbordement.

Alors, bref, ce que j'essayais de dire un peu peut-être par cet exemple-là, c'est qu'il y a une hiérarchie de consultation à garder en mémoire. Ce qu'on a présentement, c'est qu'on consulte sur des pièces mineures, alors qu'il faudrait peut-être consulter sur des pièces majeures, en commençant par les politiques, en suivant avec les plans de développement, y compris les barrages, les contrats d'exportation, les sites et, en dernier, peut-être l'entreprise. Mais il faudrait commencer par voir si la population est en accord avec les politiques qui sous-tendent ces projets avant d'analyser les projets, et les petits postes électriques ou sites de transbordement qui s'ensuivent.

Grande-Baleine, c'est la même chose. Il n'y a pas eu de consultation sur la politique énergétique et même la politique économique, c'est-à-dire le choix de développement qui nous amène à devancer la construction de barrages pour vendre notre électricité aux États-Unis et pour alimenter les entreprises grandes consommatrices. Il n'y a pas eu de consultation, non plus, sur les contrats d'exportation de notre électricité. Même problème pour les contrats avec les alumineries. Et il devrait y avoir, effectivement, une consultation systématique de la population du sud concernant la construction des barrages au nord. Les études d'impact devraient également, dans ce cas-ci, regrouper les barrages, les infrastructures, la ligne et regarder les impacts sociaux.

Dans le cas des petits projets hydroélectriques, les problèmes se rejoignent tous un peu. C'est que, comme on n'est pas consultés sur la politique énergétique, on n'est pas consultés sur le programme de politique d'achat d'Hydro-Québec aux entreprises privées, ni sur le programme du ministère de l'Énergie d'aménagement des petites centrales hydroélectriques. Alors, il se fait bien de l'électricité au Québec, de la dépense d'électricité, mais on n'est pas consultés sur grand-chose, finalement. Alors, on trouve qu'il y a beaucoup de production. On n'est pas capables d'avoir une vue d'ensemble, dans le fond, de tout ce qui se fait, puis on se demande s'il n'y aurait pas des alternatives acceptables à ces projets.

Et nous soulignons également qu'il n'y a pas d'études d'impact et d'audiences publiques sur les petites centrales de moins de 10 méga- watts, et je pense qu'il serait important qu'il y en ait, même si ce sont de petits projets qui peuvent causer des problèmes à des petites communautés. Pour ce qui est des études d'impact en général, on aimerait qu'elles soient faites ou commandées par un organisme public, à même un montant versé par le promoteur; autrement dit, que les études soient indépendantes du promoteur et subventionnées par lui.

M. Legault (Richard): Je te coupe parce que...

Mme Paquin: J'ajouterais et rendues publiques de façon systématiques à la population.

M. Legault: Alors, face à ces difficultés et à ces enjeux-là, le CERQCA est venu dire ici, à la commission, qu'on réitérait les grands principes qui sous-tendent, au fond, le rapport Lacoste. Notre intention, ce n'est pas de reprendre les thèmes du rapport Lacoste; je pense que vous les connaissez bien. C'est un rapport qui n'a peut-être pas fait l'unanimité, mais qui a été qualifié d'excellent par de nombreux intervenants. Ce qu'on se pose comme question ici, et on pose la question à la commission, c'est: Malgré un accueil quand même favorable des intervenants de tous les milieux - ce rapport-là représente, je pense, le résumé de 65 mémoires, il y a eu 250 invitations qui ont été faites partout au Québec - pourquoi le gouvernement retarde-t-il encore et encore sa mise en application? C'est quoi? Qu'est-ce qui bloque, qui fait qu'on n'applique pas le rapport Lacoste? La mise en vigueur des articles 2g, 2j, 2n et 2p du Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement devrait être faite depuis longtemps. On évalue des marinas, mais on n'évalue pas les grands projets industriels. Ça n'a pas de bon sens!

En fait, le CERQCA souhaite que la présente commission éclaire les grands enjeux actuels qui sous-tendent un peu ce blocage-là, de façon à pouvoir contrer ce qui obstrue la mise en vigueur du rapport Lacoste. Peut-être qu'il y avait des réticences, il y a deux ans, qui sont moindres maintenant. J'ai vu un peu la présentation préalable et j'étais intéressé par la présentation. Je pense qu'il y a une ouverture de tous les milieux québécois face à ce qu'est le développement durable. Mais ici, nous, comme organisme environnemental régional, on vient pousser pour que le développement durable soit vraiment mis en application et ça, ça touche tous les grands projets.

Alors, pour être très bref - parce que je pense que vous avez des questions, vous avez en main le mémoire - je vais juste ramener les quatre ou cinq principes de base qu'on a réécrits ici. Il y en d'autres. Ce mémoire-là n'est pas exhaustif, c'est toujours selon nos moyens qu'on fait des mémoires. Alors, c'est la crédibilité, la

responsabilisation, l'équité et l'ouverture.

La crédibilité. On pense que c'est très important. Ce qui s'est passé avec Soligaz, c'est grave, à notre avis. Le BAPE doit être pourvu de tous les moyens nécessaires pour demeurer impartial, pour être efficient et aussi apolitique. L'exemple de Soligaz, à notre avis, entache la crédibilité du BAPE, mais aussi celle du gouvernement québécois. Le BAPE n'a pas eu accès à toutes les études. Il n'a pas pu, probablement, en tout cas, donner un compte rendu global et complet du projet Soligaz. Je ne suis pas un spécialiste là-dedans, mais je pense qu'il y a eu d'autres exemples au Québec où le BAPE a risqué d'être discrédité. Je pense que ce n'est pas à la mesure du gouvernement québécois que le BAPE soit discrédité. Alors, on devrait pouvoir confirmer le BAPE dans ses rôles d'information et de consultation.

L'aspect responsabilisation touche tout autant les promoteurs privés que les promoteurs publics, ce qui concerne aussi tous les ministères. Je pense qu'il faut généraliser la procédure à l'ensemble des documents d'orientation et des projets qui ont un impact environnemental. Ça a été dit dans le rapport Lacoste. En fait, il faut instaurer la consultation partout où elle est absente. Il va y avoir des révisions de schémas d'aménagement. Bon. Les municipalités, les MRC consultent, ça va. On n'a pas besoin de s'en mêler. Mais il y a des politiques gouvernementales qui se font sans aucune consultation. Évidemment, on redemande encore une fois l'application des articles 2g, 2j, 2n, 2p pour que tous les grands projets industriels soient assujettis à l'évaluation environnementale.

L'aspect équité nous semble fondamental. Comme organisme régional, comme conseil de l'environnement, on se sent encore un peu comme David vis-à-vis de Goliath. On pense que, pour assurer une meilleure consultation, c'est à l'avantage de tous les intervenants qu'on donne enfin les moyens aux groupes et aux organismes intéressés à améliorer les projets assujettis. On n'est pas juste là pour critiquer; on est là pour que les projets qui se font se fassent le mieux possible. Alors, ces moyens devraient, à la base, être constitués de ressources financières suffisantes. Si on n'a pas d'argent, on ne peut pas travailler. On ne peut pas toujours travailler bénévolement le soir, les fins de semaine. Pour travailler professionnellement, il faut aussi pouvoir compter sur des ressources. Alors, on propose que le gouvernement assure un mécanisme de financement inhérent à la procédure et lié à l'ampleur des projets.

Il y a Les Amis de la vallée du Saint-Laurent qui ont proposé un pourcentage d'une somme mise en fiducie, comme il a été fait avec Hydro-Québec. Il y a plusieurs manières de procéder. Vous déciderez, vous verrez comment. (15 h 30)

Ensuite, au niveau de l'ouverture des mécanismes d'information et de consultation, je pense que ces mécanismes-là devraient se faire à tous les stades de la procédure et particulièrement au tout début des projets. C'est souvent au début des projets qu'il y a un branle-bas des groupes environnementaux et tout ça, parce qu'on n'a aucune information, puis, là, évidemment, on est méfiants face aux possibilités d'impacts environnementaux. Labco-Chem est un exemple dans la région. Souvent même, la directive est faite uniquement au ministère de l'Environnement, sans aucune consultation des groupes qui pourraient bonifier et analyser cette directive qui serait au début intérimaire et qui pourrait devenir une directive plus complète. Alors, toute l'information devrait être faite sur les enjeux; elle devrait être complète, claire, transparente et même validée objectivement pour que, si on fait des débats, on les fasse sur les réels projets.

En conclusion, et je termine là-dessus, je pense qu'une mise en application des recommandations du rapport Lacoste devrait favoriser un élargissement et une plus grande transparence dans les débats, parce que, quand ces débats-là ne sont pas faits, on ne fait qu'envenimer des situations qui perdurent, qui retardent et qui font fuir peut-être les investisseurs.

Le Président (M. Richard): Je dois vous annoncer qu'il y a tout près de 17 minutes d'écoulées. Maintenant, donc, la différence pour le questionnement est répartie de part et d'autre. Je cède la parole au député de Lotbinière, M. Camden.

M. Camden: Merci bien, M. le Président. Si je comprends bien, on a, de part et d'autre, six minutes et demie.

Le Président (M. Richard): C'est tout à fait exact.

M. Camden: Excellent.

Le Président (M. Richard): Je vous recommande d'être bref.

M. Camden: Ce que je vais m'empresser de faire, M. le Président. Je vous remercie.

D'abord, je remercie les gens du Conseil de l'environnement des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches de la présentation de leur mémoire et de leur présence ici aujourd'hui. Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des recommandations que vous avez reprises et que vous nous avez réexpliquées. Je voudrais peut-être en venir au vif du sujet. Plus particulièrement, votre organisme a un caractère régional. Il serait intéressant de savoir votre point de vue sur la régionalisation des évaluations, de même que sur le processus de consultation à travers des audiences dans le cas de projets qui s'adressent

spécifiquement à des régions. On parlerait peut-être, à ce moment-là, de BAPE régionaux sous la tutelle d'un BAPE national couvrant l'ensemble du Québec. Alors, que pensez-vous de cette approche? Je voudrais avoir vos commentaires. Est-ce que ça permettrait, bref, d'être plus efficace?

M. Legault: Pardon?

M. Camden: Est-ce que ça permettrait, bref, d'être plus efficace?

Mme Paquin: J'ai de la misère à voir à ce moment-ci, parce que ça dépend de ce qui serait couvert par le BAPE. Quand vous analysez une politique qui sous-tend un projet, c'est une politique généralement provinciale. À ce moment-là, quand on arrive au niveau du projet, on se rapproche des localités ou des régions, mais ça dépend plus peut-être du type... Si on analyse une politique ou un programme gouvernemental, évidemment, ça va rester au niveau provincial.

M. Camden: D'une façon plus précise, Mme Paquin, je pensais plus particulièrement à la présence de Lauralco dans la région et au quai de déchargement de l'alumine ici, dans la région de Québec. Pour des exemples précis, on pourrait penser à la traversée Lotbinière-Grondines.

Mme Paquin: Oui, bien, c'est ça. Je pense que je l'ai bien exprimé. Moi, je regrouperais tous les éléments: les sites de transbordement, l'alimentation électrique et même les barrages, et l'analyse de l'entreprise en même temps, parce que l'entreprise est alimentée par des barrages ou de nouveaux aménagements hydroélectriques dans certains cas, et on ne sait même pas d'où. Alumax-Lauralco, est-elle alimentée par LG 1, LG 2? Est-ce qu'il y a eu de nouveaux aménagements pour permettre d'alimenter Alumax-Lauralco? Ou est-ce qu'il y en aura plutôt, je pourrais dire, de nouveaux aménagements pour alimenter ladite entreprise? Je pense que c'est des éléments à considérer. Ça pourrait être un élément... Si on ne veut pas de construction au nord, il faudrait se poser la question avant de faire venir l'entreprise.

Mais tout ça se greffe aussi à la politique énergétique. C'est un peu difficile de décortiquer ça, parce qu'il y a des choses qui peuvent se discuter au niveau de la politique énergétique et il y a des choses qui peuvent se discuter à un autre niveau. Mais je pense que c'est important de globaliser les études, de toute façon, parce que, quand vous les étudiez en pièces détachées, c'est pas mal compliqué d'avoir une vue d'ensemble.

M. Camden: Deux choses, madame - le temps avance très rapidement - sur lesquelles je voudrais avoir vos commentaires, plus particulièrement à l'égard de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi fédérale sur l'évaluation et l'examen des impacts. Est-ce que vous considérez que ça ne risque pas de compliquer davantage le processus d'analyse des dossiers en s'introduisant ainsi dans un champ qui est déjà occupé par une juridiction qu'on considère de responsabilité québécoise? Également, comment voyez-vous ce dédoublement?

Mme Paquin: Moi, peut-être que je pourrais... Oui.

M. Camden: Et peut-être avant, parce que j'ai peur que le temps finisse par nous manquer, j'aimerais que vous m'indiquiez votre positionnement à l'égard du financement des organismes. Est-ce qu'il y aurait accréditation d'organismes ou est-ce que ça devrait se faire à partir d'une fédération qui recouvrirait, qui aurait sous son parapluie un certain nombre d'organismes?

Mme Paquin: Bien, ça, je l'ai un peu dit dans le texte en disant que...

M. Camden: Bien, je souhaiterais que ça soit plus clair que ça, vous savez.

Mme Paquin: C'est que, dans le fond, c'est bien beau d'accréditer, moi, ce que je pense, c'est qu'à l'avenir il va falloir ouvrir davantage que restreindre. Je pense que la population va être amenée à se prononcer de plus en plus sur les choses qui lui importent et les choix de développement. Parce que là, dans le cas des projets hydroélectriques, on parle de choix de développement. Je pense que c'est important que la population se prononce sur ces projets-là. Et, à ce moment-là, je ne vois pas pourquoi on accréditerait seulement quelques groupes. Je pense que toute personne qui voudrait se prononcer...

M. Camden: Et, alors, ça amène une question complémentaire.

Mme Paquin: ...ou tout groupe concerné, évidemment...

M. Camden: Si, dans le cas d'un groupe, il y avait 1 %, 2 % ou 5 % de l'ensemble de l'argent du projet consacré à des études à être remis à des organismes, est-ce que ça veut dire, si on a 10 organismes, qu'on divise par 10? Et si, subitement, il y a un multiple de 30, on fait un multiple, on divise par 30?

Mme Paquin: Non, pas nécessairement, là. Je pense qu'en Ontario...

M. Camden: C'est la question à laquelle on est confrontés.

Mme Paquin: oui, d'accord. mais, en ontario, avec le nucléaire - je ne connais pas la procédure par coeur - je sais qu'ils donnent de l'argent pour les groupes qui vont présenter des mémoires pour les projets d'hydro ontario. je ne pense pas qu'ils donnent les mêmes montants à chaque groupe.

M. Camden: Ils évaluent.

Mme Paquin: Ils donnent des montants, probablement, selon ce qu'un groupe peut apporter comme éléments importants.

M. Legault: Pour répondre brièvement à cela, au fond...

M. Camden: Et comment peut-on arbitrer ce qu'un groupe peut apporter comme contribution alors qu'on n'a pas encore pris connaissance de la position du groupe?

M. Legault: Ce n'est pas une question de position du groupe. Moi, je pense que, dans chaque région administrative, maintenant, il y a des conseils régionaux de l'environnement. Il y a déjà 9 régions sur 14 qui sont dotées de conseils régionaux de l'environnement qui regroupent tous les organismes environnementaux de la région, y compris les organismes professionnels et tout ça.

M. Camdem: En consultation avec les conseils?

M. Legault: Je pense que ça pourrait passer par les conseils régionaux et les groupes locaux concernés directement par l'implantation des projets. En tout cas, c'est une possibilité. Le Regroupement national des conseils régionaux fait cette proposition-là actuellement au gouvernement.

Le Président (M. Richard): Je cède la parole au Dr Lazure, député de La Prairie. Merci, M. le député de Lotbinière.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je voudrais, au nom de l'Opposition, féliciter les représentants du conseil régional de Québec et de Chaudière-Appalaches. C'est le seul conseil régional qui se présente à notre commission. C'est un peu décevant que d'autres ne viennent pas, mais ça se comprend très bien. Par exemple, mon conseil régional en Montérégie avait fait une demande de subvention et, malheureusement, il n'a pas eu de subvention. Et c'est un travail de missionnaire que les conseils régionaux sont en train de faire, un travail de bénévolat, avec très, très peu d'appui financier de la part du gouvernement. Mais, quand même, vous l'avez fait et on vous remercie de l'avoir fait.

J'ai quelques questions. Je pense que vos positions sont assez claires. Vous n'allez sûrement pas être surpris d'entendre que l'Opposition partage vos vues à peu près à 100 %. Question de détail, vous dites: "Mieux informer le public au tout début." Dans votre esprit, est-ce qu'il y a une étape précise où ça commencerait? Est-ce que ça serait au moment où le promoteur donne son avis de projet au ministère que cet avis-là serait rendu public immédiatement, où est-ce que c'est au moment où la directive part du ministère et s'en va au promoteur? À quel moment voyez-vous ça?

M. Legault: Je pense que, tel qu'on le recommande à la page 130 du rapport Lacoste, aussitôt qu'on voit que le projet est assujetti au règlement - sinon, il n'y a pas de procédure -bon, il y a une information et une consultation publique sur le dossier et cette information-là est la plus complète possible en regard déjà des informations qui existent. Et, là, la directive se fait, je dirais, en pourparlers, en questionnements publics, parce que souvent il y a des valeurs qui sous-tendent les projets. Les projets ne naissent pas comme ça, en l'air. Alors, le reste, c'est tout au long de la procédure, tel que le rapport Lacoste le propose dans l'amélioration de la procédure actuelle.

M. Lazure: D'accord. Deuxième chose, vous parlez d'harmoniser la procédure d'évaluation avec les autres procédures d'autorisation d'un même projet. Vous faites allusion à d'autres ministères, d'autres organismes gouvernementaux. Par exemple?

M. Legault: C'est ça. Moi, je pense au MLCP, actuellement. On pourrait parler des problèmes de la ligne de hautes eaux et tout ce qui est lié au littoral, les rives. Actuellement, il y a des règlements - je n'irai pas dans les détails - qui ne passent pas parce que le MLCP ne veut pas y être assujetti. Je pense que les ministères mêmes vont être obligés de faire cette opération-là aussi, d'appliquer la procédure à leur propre fonctionnement. Nécessairement aussi, il faut qu'il y ait des liens entre les ministères; donc, de plus en plus, on devrait avoir des projets intersectoriels ne dépendant peut-être pas d'un seul ministère, mais communs à deux ou trois ministères qui sont impliqués, de sorte que, s'ils sont impliqués, avant même que le projet soit mis sur table, on va avoir résolu les problèmes. Mais, souvent, on arrive après coup et c'est souvent là qu'on perd du temps.

M. Lazure: Financement. On peut distinguer le financement des groupes à l'année longue, sur l'ensemble des activités de ces groupes-là, que ce soit un conseil régional ou un autre organisme, de l'autre sorte de financement qui est rattaché aux audiences publiques. En ce qui concerne les audiences publiques, madame, vous parliez un peu

de l'Ontario tantôt. Là-bas, c'est un comité de sages, un comité de trois personnes: une personne nommée par la Commission des affaires municipales, par exemple, de mémoire, et des personnes qui ont une grande crédibilité, qui agissent comme un comité indépendant. Et c'est ce comité de sages qui détermine, appuyé sur la loi de 1988, la Loi pour le financement des intervenants en environnement, qui va être financé et à combien le groupe sera financé aussi. Et c'est aux frais du promoteur, pas toujours à 100 %. Le gouvernement intervient aussi pour une portion du financement. Ça, c'est pour les audiences.

Mais je voulais vous demander: Votre groupe, votre conseil régional, avez-vous une réaction ou une opinion quant au financement à l'année longue des groupes - le vôtre et les autres - venant de la part du ministère? Qu'est-ce que vous pensez de ce qui semble être dans l'air, de financer des groupes en partant de projets précis?

M. Legault: Ça fait des années qu'on demande... Il y a des conseils régionaux plus vieux que nous qui existent depuis 12 ans et qui font des demandes à chaque année, qui reçoivent de l'argent des fois, 20 000 $, 30 000 $ maximum par année, au bout de 8 mois, 10 mois d'attente, avec des emprunts à la banque et tout ça. Actuellement, le Conseil des ministres, sem-ble-t-il - c'est ce que j'ai appris du cabinet du sous-ministre, de M. Benoît Gauthier - dit: On va vous donner...

M. Lazure: Du cabinet du ministre. M. Legault: ...de l'argent par projet.

M. Lazure: Juste une correction pour le Journal des débats.

M. Legault: Ah! Pardon.

M. Lazure: On me dit que Benoît Gauthier, c'est au cabinet du ministre de l'Environnement.

M. Legault: Oui, excusez-moi. M. Lazure: Bon.

M. Legault: À ce niveau-là, la décision a été prise de subventionner encore les conseils régionaux par projet, uniquement ad hoc. On propose un projet, on a 10 000 $, on a 15 000 $. Moi, je pense que c'est faire abstraction des problèmes de fonctionnement d'un organisme. Si vous voulez qu'un organisme fonctionne de façon crédible, efficace, ça nous prend un minimum: ça nous prend un local, ça nous prend une photocopieuse ou, en tout cas, un fax, etc. Ça nous prend un minimum de base de fonctionnement. Ça fait des années qu'on demande ça et on nous dit encore: Non, on va fonctionner par projet, aucun argent pour le fonctionnement. C'est toujours la même demande qu'on fait au gouvernement depuis des années.

M. Lazure: Merci. M. Legault: Merci.

M. Lazure: Merci d'être venus. (15 h 45)

Le Président (M. Richard): Merci, madame, monsieur.

Je demanderais au Groupe TECSULT, aux personnes représentant TECSULT, de prendre place, s'il vous plaît, pour les 30 prochaines minutes.

Messieurs, vous connaissez, je pense, la mécanique. Vous étiez en attente tout à l'heure. Je vous laisse ça. Vous comprenez aussi que, si, comme les gens qui vous ont précédés, vous parlez plus longtemps, nous, ça nous évite de poser des questions. Ça dépend du but que vous vous êtes fixé. Si vous voulez qu'on vous pose des questions, parlez le moins longtemps possible, soyez brefs. Je vous cède la parole. Vous vous identifiez et vous identifiez vos collègues.

Groupe TECSULT

M. Pigeon (Yves): M. le Président, mesdames et messieurs, je suis Yves Pigeon, le directeur général du Groupe TECSULT. Je vais vous dire après qui est TECSULT. Mes trois collègues qui travaillent aussi pour TECSULT: à ma droite, Pierre Légaré, qui est vice-président de Dryade, notre filiale en environnement; M. Jean Godin, qui est président-directeur général de Cogesult, études économiques, gestion-conseil et communication environnementale, et M. Luc Joubar-ne, qui est directeur des études économiques chez Cogesult aussi.

M. le Président, mesdames et messieurs, je vous remercie d'avoir accepté de nous entendre dans le cadre de vos audiences. J'ai tout d'abord un certain nombre de copies du texte que je vais présenter et que je pourrais déposer si M. le Président l'autorise.

Le Président (M. Richard): Oui, sûrement.

M. Pigeon: Alors, pendant qu'on remet les copies, je vais vous dire rapidement que le Groupe TECSULT est un bureau d'experts-conseils québécois qui, depuis 30 ans, oeuvre sur la scène nationale et internationale. Il compte 14 filiales et emploie quelque 550 personnes provenant de diverses disciplines. L'entreprise réunit, entre autres professionnels, des aménagistes, des biologistes, des conseillers en communication environnementale, des écologistes, des économistes, des ingénieurs et des sociologues. Depuis 11 ans, le Groupe TECSULT est impliqué dans les

différentes étapes de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement. Nous avons ainsi participé à divers titres à quelque 35 études d'impact qui couvrent un large éventail de projets dont la construction ou la réfection de routes, des projets hydroélectriques et hydriques, des projets de nature industrielle et des projets relatifs à la gestion des déchets.

Le Groupe TECSULT est membre, par le biais de ses filiales Cogesult et Dryade, de l'Association des conseillers en environnement du Québec. Toutefois, la position que nous allons présenter n'engage que le Groupe TECSULT. Notre mémoire poursuit l'atteinte de l'objectif central suivant: assurer l'examen des enjeux environnementaux des projets, tout en permettant leur développement au meilleur coût et dans les meilleurs délais.

Nous aborderons, dans un premier temps, les aspects concernant la portée de la procédure. Dans un second temps, nous traiterons de la participation des publics concernés par les projets. Enfin, nous terminerons par des suggestions de modifications à apporter aux modalités d'application de la procédure d'évaluation.

La portée de la procédure d'évaluation. Depuis qu'elle a été implantée, force nous est de constater que la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement a, à plusieurs reprises, fourni l'occasion et le cadre pour débattre des choix de société. Nous n'avons qu'à penser au projet Soligaz qui a soulevé un débat sur la place de la pétrochimie au Québec et au projet Grande-Baleine qui soulève toute la question de la politique énergétique et du respect du style de vie des Amérindiens.

Certes, les choix de société doivent être discutés publiquement. Cependant, nous croyons fermement que ces débats doivent précéder, être en amont de l'évaluation de projets précis. Dans l'esprit du développement durable, les instances politiques doivent intégrer dans leur processus décisionnel l'évaluation des impacts environnementaux et faire participer les publics au choix des orientations, des politiques et des programmes des ministères et autres intervenants concernés. La population se sentira ainsi, partie prenante aux décisions gouvernementales. Ce faisant, le ministère de l'Environnement du Québec pourrait mieux jouer son rôle de protection de l'environnement et de promotion de sa qualité, l'environnement étant défini, par la Loi sur la qualité de l'environnement, comme suit: "l'eau, l'atmosphère et le sol ou toute combinaison de l'un ou l'autre ou, d'une manière générale, le milieu ambiant avec lequel les espèces vivantes entretiennent des relations dynamiques." La procédure d'évaluation environnementale aurait alors pour fonction de déterminer les impacts du projet, d'évaluer leur acceptabilité et de proposer des moyens adéquats pour les atténuer.

Détermination des critères pour assujettir les projets. Pour certains projets ayant des impacts significatifs en termes d'émissions ou de rejets ou pouvant affecter les milieux écolo-giquement plus fragiles, l'application de normes pourrait s'avérer insuffisante. Dans ces cas, une étude d'impact et des audiences publiques seraient justifiées. Une liste établit actuellement les projets assujettis à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement. L'emploi d'une telle liste a entraîné, selon nous, une politique de deux poids, deux mesures. Afin de rendre cohérente et équitable la procédure, nous suggérons plutôt l'établissement de critères précis permettant de déterminer quels projets doivent y être assujettis. L'expérience du ministère et la recherche dans ce domaine devraient lui permettre d'établir de tels critères qui devraient ensuite être soumis à une consultation publique. À titre d'exemple de critères, nous pouvons penser aux suivants: l'expérience de projets passés, la taille des projets, l'utilisation de nouvelles technologies, l'implantation d'équipement non prévu au schéma d'aménagement des MRC, etc.

Étude d'impact simplifiée. Toujours dans un souci d'efficacité et d'efficience, nous souscrivons entièrement à l'idée actuellement étudiée par le ministère de l'Environnement du Québec de demander une étude d'impact simplifiée, pour les projets des entreprises désireuses de s'installer dans des parcs industriels ayant préalablement fait l'objet d'une étude d'impact et d'audiences publiques.

La participation des publics. La participation des publics doit faire partie intégrante de la procédure d'évaluation environnementale. À l'heure actuelle, la participation des publics est généralement limitée aux audiences se déroulant après l'achèvement des études d'impact. Cette situation peut, cependant, obliger les promoteurs à refaire certaines évaluations à la lumière des insatisfactions et des craintes soulevées par les différents publics concernés, alors même que le projet est très avancé dans la procédure.

Afin de bonifier les projets et de permettre leur implantation harmonieuse dans la communauté, nous croyons que les publics doivent être partie prenante à la procédure d'évaluation. Au premier chef, les publics doivent être consultés dès l'élaboration de la directive environnementale. De plus, nous proposons la mise sur pied d'un comité de concertation qui interviendrait plus particulièrement lors de la réalisation de l'étude d'impact. Ce comité serait composé des intervenants concernés par le projet les plus représentatifs du milieu. Son mandat consisterait à fournir les informations pertinentes aux publics, à clarifier les diverses composantes du projet, à identifier les inquiétudes, perceptions et attentes de la population, à suggérer des modifications au projet en tenant compte de ces nouvelles données et à réaliser des études additionnelles.

Ce processus d'échange et de rétroaction aurait pour effet de dédramatiser les enjeux des projets, et éviterait que les audiences publiques deviennent un lieu d'affrontement et de remise en question des projets. La procédure constituerait alors un exercice authentique de recherche de la solution la plus équitable possible et ce, dans un climat de transparence et d'harmonie.

Les modalités d'application de la procédure. La procédure d'évaluation peut aussi être améliorée en modifiant certaines de ses modalités d'application, notamment celles relatives à la durée de la procédure, au rôle du ministère et au droit de réplique des initiateurs des projets.

Durée de la procédure d'évaluation. Le rapport Lacoste révélait que la procédure d'évaluation environnementale nécessite en moyenne trois ans. C'est long. C'est trop long. Nous appuyant sur notre expérience, nous croyons que la durée de la procédure d'évaluation pourrait être réduite à un an, délai auquel s'ajoute la période de réalisation de l'étude d'impact. Des échéances précises pour chacune des étapes devraient être fixées.

Le rôle du ministère. Pour respecter cet échéancier, le ministère doit être un accompagnateur et un guide pour le promoteur. Il doit l'orienter tout au long de la procédure afin qu'il puisse bénéficier de son support et de ses connaissances. Le ministère doit ainsi préciser ses attentes afin que le promoteur, dans son avis de projet, fournisse les informations suffisantes lui permettant de cerner correctement les enjeux du projet et, en corollaire, d'élaborer adéquatement la directive.

Les directives du ministère doivent donc être plus précises et focaliser uniquement sur les aspects spécifiques du projet. À titre d'exemple, elles devraient faire état des lois, règlements et normes mis en cause par le projet, contenir une liste hiérarchisée des impacts potentiels, préidentifier les mesures d'atténuation, etc. Ce dernier point impliquerait que le ministère vérifie l'efficacité des mesures d'atténuation sur des projets autorisés en assurant un suivi approprié.

Droit de réplique des initiateurs du projet. Afin de permettre des échanges féconds lors des audiences publiques, les mémoires devraient être connus des initiateurs de projets et un droit de réplique devrait leur être accordé afin que l'éclairage le plus complet et le plus juste possible soit fourni à tous les intervenants concernés par les projets.

En guise de conclusion, c'est dans un esprit constructif que le Groupe TECSULT a transmis à la commission de l'aménagement et des équipements ses recommandations. Elles visent fondamentalement les quatre cibles suivantes: la responsabilisation des ministères et autres intervenants vis-à-vis des préoccupations environnementales; la révision des critères justifiant l'assujettissement des projets à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement; la précision des requêtes formulées par le MENVIQ dans les directives et tout au long de la procédure d'évaluation; la participation des publics concernés par les projets, celle-ci représentant un exercice de concertation et d'échange visant à améliorer les projets et à favoriser leur acceptation.

Ces principes étant énoncés, on ne saurait trop souligner l'urgence de procéder à la modification de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement afin de permettre la réalisation des projets qui le méritent. Je vous remercie.

Le Président (M. Garon): Alors, merci. M. le député de Deux-Montagnes.

M. Bergeron: Merci beaucoup, M. le Président. Je sais que j'ai quelques minutes à ma disposition. M. le Président, je voudrais vous demander, lorsqu'il restera peut-être deux ou trois minutes, s'il vous plaît, de bien vouloir m'arrêter. Je voudrais les consacrer à la députée de Vachon pour qu'elle termine la période qui nous est allouée.

Le Président (M. Garon): Alors, je vais laisser la députée de Vachon vous interrompre.

M. Bergeron: Je n'ai aucune objection. Alors, écoutez, M. Pigeon, messieurs, je voudrais vous remercier tout d'abord d'avoir accepté de présenter un mémoire aujourd'hui à l'occasion de cette commission qui se tient ici. Je pense que votre organisme, et vous l'avez souligné, depuis plus de 30 ans participe au développement du Québec et a toujours participé aussi aux grands projets qui se sont passés depuis tant d'années sur la scène québécoise. Je pense qu'on doit se réjouir de la connaissance que vous avez au point de vue national et au point de vue international. Le "rapport" que vous venez de nous présenter - j'y reviendrai tout à l'heure - je considère qu'il a un point de vue qui est très important et, d'après moi, j'appellerais ça une bouffée d'air frais, et je reviendrai là-dessus.

Il y a des questions que je voudrais vous poser aussi. La participation du public que vous avez élaborée pendant deux, trois pages, je pense que c'est très important. La première question que je voudrais vous poser, c'est la suivante. Vous écrivez dans votre "rapport" - excusez-moi, à la page 1, au paragraphe 3 - qu'"en matière d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement, le Groupe TECSULT préconise une approche qui peut être qualifiée de "dévelop-pementale" et qui vise la protection de l'environnement." Alors, ma question est la suivante: Comment s'articulerait cette approche avec les recommandations du rapport Lacoste dont l'application semble faire l'unanimité? Ça serait ma première question.

M. Pigeon: Qu'est-ce que l'approche "déve-loppementale" pour nous autres? Je ne sais pas si le terme est bien choisi. Mais ce qu'on essayait de véhiculer par ça, c'est que nous croyons que la société doit fournir un cadre propice à la réalisation des projets, qui permet de favoriser la croissance économique et de dégager les ressources requises pour la protection de notre environnement. Les projets a favoriser sont ceux qui permettent de s'assurer que l'utilisation actuelle des ressources et de l'environnement ne réduisent pas les possibilités que les générations futures auront de les utiliser.

Autrement dit, on croit qu'il est important pour le Québec d'avoir des projets de développement pour procurer des emplois, pour améliorer tous les programmes sociaux et autres qu'on peut avoir, et c'est aussi une nécessité pour pouvoir protéger adéquatement notre environnement. Un environnement est en général moins bien protégé dans les sociétés moins bien développées, qui ont un niveau économique moins élevé. Et je pense que les deux sont loin d'être incompatibles, mais sont beaucoup complémentaires. C'est ça qu'on veut dire par cette approche-là: on est en faveur des projets, mais des bons projets, entre guillemets. Il faut que la procédure permette de distinguer ceux qui doivent être réalisés de ceux qui ne le doivent pas. Mais on pourra faire d'autant plus pour l'environnement qu'on aura une économie forte et les bons projets favorisent la croissance de notre économie. (16 heures)

M. Bergeron: Qui est-ce qui va décider quels sont les bons projets et les projets moins bons?

M. Pigeon: Ah bien, c'est le but de la procédure d'étude d'impact, finalement, qui, en dernier ressort, permet d'évaluer si on considère qu'un projet donné est souhaitable. On a bien mentionné aussi dans notre document qu'on considère qu'il y a une partie de la problématique qui doit être analysée en amont pour déterminer les grands choix de société; par exemple, le choix d'utiliser du nucléaire au Québec ça ne se décide pas au moment où l'avant-projet d'une centrale sera fait, puis on regarde la question à ce moment-là pour décider si on en veut ou non. Je pense que c'est un choix qui doit être fait avant et, ensuite, si le Québec avait une politique nucléaire, eh bien, là, lorsqu'il y a un projet qui serait soumis, on pourrait l'analyser à son mérite. Mais, si, de prime abord, on ne veut pas de ce genre de projets là, il est inutile d'en développer et de les soumettre à la procédure.

M. Bergeron: Merci. En bas de la même page, à la page 1, paragraphe 5, vous dites: "La procédure d'évaluation environnementale [...] ne représente pas le lieu approprié pour débattre des grands projets sectoriels et des grandes politiques de développement. Elle ne doit donc pas s'appliquer à justifier le besoin et la pertinence d'un projet, mais plutôt à évaluer l'acceptabilité des impacts environnementaux d'un projet et proposer des moyens adéquats pour les atténuer." Ma question est la suivante: La procédure pourrait-elle conduire, néanmoins, à un rejet de projet en reconnaissant, au cours de la démarche, que ledit projet peut présenter un danger pour la population?

M. Pigeon: C'est tout à fait correct. Vous avez raison. Ce qu'on suggère, c'est qu'on établisse a priori les grands axes de développement et les impacts généraux qu'on peut envisager. Par exemple, qu'on définisse des zones industrielles où peuvent s'implanter les industries lourdes en évaluant les impacts que ça peut avoir sur ces régions-là, de façon globale. Ensuite, au niveau d'un projet particulier, je dirais que le projet, s'il s'implante dans ces zones-là, peut jouir d'un préjugé favorable. Mais il pourrait très bien arriver qu'en cours d'étude on réalise qu'il y a des objections majeures et que le projet doit être abandonné. Autrement, la procédure ne voudrait plus rien dire.

M. Bergeron: Très bien. Merci. Tout à l'heure, j'ai souligné dans votre... Pardon?

Mme Pelchat: Je vais être obligée de vous interrompre. Il nous reste juste trois minutes.

M. Bergeron: Vous les voulez? Mme Pelchat: Bien... M. Bergeron: Allez!

Mme Pelchat: Oui? Parce qu'il reste juste à peu près trois minutes pour le groupe ministériel. Ce n'est pas beaucoup. On aurait dû vous consacrer une heure. On s'en aperçoit!

J'ai une question bien précise quant à l'assujettissement de la procédure. Vous semblez dire - et vous allez m'expliquer si j'ai tort -que, plutôt que d'utiliser une liste de projets à assujettir, on devrait utiliser des critères d'assujettissement. Est-ce que j'ai bien compris qu'à ce moment-là la commission n'aurait pas à recommander au gouvernement d'appliquer l'article 2 et les paragraphes g, n et p, mais tout simplement de refaire le règlement et de trouver des critères d'assujettissement?

M. Pigeon: C'est-à-dire qu'en bout de piste on va en arriver fatalement à définir quel genre de projets sont assujettis et quel genre ne le sont pas. Ce qu'on suggère, c'est qu'avant de faire une telle liste, on définisse des critères: pourquoi un tel projet devrait l'être et tel autre devrait être exempté, et de le faire de façon assez générale pour l'ensemble des activités au Québec, pour que tout le monde puisse savoir à

quoi s'en tenir et qu'on essaie d'évaluer les projets qui méritent de passer par cette procédure-là et, par contre, ceux qui pourraient bénéficier d'une procédure simplifiée, qu'ils puissent en bénéficier. Mais l'exercice est, je pense, à la base, d'établir les critères qui vont permettre de définir quels sont les projets qui sont assujettis.

Mme Pelchat: Vous nous conseillez de ne pas nécessairement appliquer tout de suite les articles qui sont...

M. Pigeon: Pas tant qu'on n'aura pas réglé cette question-là.

Mme Pelchat: Et, pour déterminer ces critères-là, est-ce qu'un débat ou une évaluation des grandes politiques et des programmes du gouvernement serait nécessaire?

M. Pigeon: Tout à fait. Je pense qu'à la base il faut que le ministère présente ces critères-là, en établisse une liste à partir de l'expérience gagnée au cours des 10 dernières années et qu'elle soit soumise à une consultation publique pour arriver à définir ces critères-là.

Mme Pelchat: O.K. Vous semblez ne pas être d'accord avec le fait que le BAPE pourrait être l'intermédiaire pour la consultation sur les grandes politiques ou les grands programmes du gouvernement. Je n'ai pas saisi pourquoi. Par exemple, si le ministre de l'Environnement décidait de donner mandat au BAPE d'étudier la politique de la cogénération, vous seriez contre que ce soit le BAPE qui fasse ce travail-là?

M. Pigeon: Non, pas du tout. Si notre mémoire a laissé cette impression-là, ce n'est pas ça.

Mme Pelchat: À la page 5: "De façon concrète, cela devrait se traduire par une non-intervention du MENVIQ et de l'organisme qu'il a institué, c'est-à-dire le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, dans la détermination des projets et des choix de société au Québec."

M. Pigeon: Bon, c'est qu'on pense que les différents ministères devraient se doter de politiques comme celles-là et le BAPE, qui est le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, n'est pas nécessairement le lieu pour faire toutes les audiences publiques que le gouvernement peut vouloir faire. Alors, à ce moment-là, les ministères peuvent prendre les mécanismes qu'ils jugent appropriés pour faire les consultations sans que ce soit nécessairement le BAPE qui intervienne là-dedans qui, lui, a un rôle, à l'heure actuelle, bien précis, bien défini.

Mme Pelchat: Merci. Je voudrais vous remercier et souligner que c'est rare que des entreprises viennent, à titre individuel, dans une commission parlementaire. Vous êtes souvent représentés. On a eu l'Ordre des ingénieurs, on aura l'Association des ingénieurs-conseils cet après-midi. Je salue votre initiative, surtout considérant votre expertise.

M. Pigeon: Je vous remercie.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux saluer, au nom de l'Opposition, les représentants de TECSULT. C'est une entreprise de consultation et d'experts qui joue un rôle fort important depuis plusieurs années au Québec. On n'a qu'à regarder la liste des projets où vous avez agi comme consultants pour s'en rendre compte. La liste inclut aussi le ministère de l'Environnement, avec un mandat qu'on vous a donné récemment, si je comprends bien, de "procéder à une analyse critique des directives produites à la Direction des évaluations environnementales." Ce n'est pas loin de notre sujet, ça, si je comprends bien votre mandat. Vous n'avez pas peur d'être en conflit d'intérêts avec tous les chapeaux que vous portez, vous autres?

M. Pigeon: Bien, en conflit d'intérêts avec qui?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pigeon: Avec nous-mêmes?

M. Lazure: Avec vos propres intérêts, dans le sens que vous agissez pour le ministère de l'Environnement, vous agissez pour plusieurs entreprises qui ont souvent affaire avec le ministère de l'Environnement. Je vous pose la question candidement, là, tout simplement.

M. Pigeon: Non. M. Lazure: Non?

M. Pigeon: Je pense que l'avantage qu'on a, c'est qu'on regroupe des professionnels de toutes sortes d'orientations, ce qui nous permet, je pense, de mieux intégrer et de mieux comprendre la problématique qui se pose. Pour vous donner un exemple, mes collègues de Cogesult, qui ont travaillé beaucoup, au début, à ce qu'on appelait l'implantation de projets et, ensuite, en communication environnementale, ont ajouté une dimension importante à notre pratique en nous faisant réaliser, justement, ce qu'on met dans le mémoire, ici, qui est l'importance de la participation des publics au cours des projets, qui permet de les bonifier. Quand on consulte les gens, on se rend compte très souvent, la plupart

du temps, en fait, qu'ils ont des points de vue valables à faire valoir.

M. Lazure: J'étais sûr que vous me convaincriez presque.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: Ce n'était pas vraiment ma première question. Ma première question... Je reviens un peu sur ce qui a été soulevé par le parti ministériel. Contrairement à la plupart des groupes, vous ne semblez pas nous dire: Allons-y donc avec les conclusions du rapport Lacoste. Vous semblez plutôt dire: Refaisons des critères d'assujettissement. Moi, je m'élève contre ça ardemment parce que je me dis qu'on n'a même pas encore fait l'essai de la réglementation telle qu'elle existe. Du fait que 2g, j, n, p n'ont pas été mis en vigueur, on n'a pas eu un essai valable depuis 10 ans.

Alors, avant de conclure que ce n'est pas correct ou opportun, appliquons donc la recette au total et, après ça, avec un recul de quelques années d'application totale, intégrale, on pourra peut-être revenir sur des critères d'assujettissement. Moi, ça me paraît très arbitraire d'accepter la proposition que vous nous faites. Bon. Je vous laisse réagir à ça.

M. Pigeon: C'est parce que la liste qui est incluse, en particulier en ce qui concerne les entreprises, il est difficile de voir exactement à partir de quels critères elle a été établie. Vous dites: Avant d'essayer d'établir de nouveaux critères, essayons celle qu'on a là avec les critères qui ont prévalu. Il y a des industries très importantes qui y sont; il y en a d'autres qui n'y sont pas. On ne sait pas trop pourquoi. Dans un souci d'équité envers les différents types d'entreprises, on pense que ce n'est pas nécessairement un exercice de très longue haleine que de réussir à déterminer quelles entreprises devraient être là et pourquoi.

M. Lazure: Parce que ça a été fait, ça, il y a 10 ans, et ça a été fait... Oui, oui. Si vous aviez eu l'occasion d'entendre M. Beauchamp, hier, on pourrait peut-être convoquer une table ronde avec vous, M. Beauchamp et quelques autres.

Mais, moi, je suis sérieux: le travail que vous proposez de faire, je comprends que ça pourrait apporter de l'eau a votre moulin, mais il a été fait, sauf qu'il n'a pas été mis en application. La liste des entreprises, ce n'était pas une liste au hasard, comme ça, sortie d'un chapeau de magicien; ça tenait compte de la structure industrielle du Québec et ça tenait compte des velléités de développement industriel du Québec. Alors, moi, je me dis: C'est inquiétant qu'une firme importante comme la vôtre, qui intervient dans tellement de dossiers et surtout qu'elle intervient auprès du ministère pour le conseiller sur les procédures d'évaluation, prenne cette tangente-là avant même qu'on ait fait l'expérience, M. le Président, de la procédure telle qu'elle a été imaginée il y a 10 ans et qui nous a été louangée par tout le monde ici, tout le monde. Vous êtes les premiers, je pense, à ne pas dire: Mettons donc Lacoste en application. Et, quand les gens disent: Mettons Lacoste en application, c'est ça qu'ils veulent dire.

Une deuxième question: Vos remarques concernant Soligaz au début, je ne les comprends pas, parce que vous dites, à la page 3: "Nous n'avons qu'à penser au projet Soligaz qui a soulevé un débat sur la place de la pétrochimie au Québec", etc. Mais, s'il y a eu un débat un peu large à l'occasion des audiences de Soligaz, est-ce que vous ne vous rendez pas compte que c'est parce que la lettre du ministre de l'Environnement, qui était le mandat donné au BAPE, demandait au BAPE de faire une étude assez large, y compris dans le cadre du développement durable? Vous vous rendez compte de ça?

M. Pigeon: Oui.

M. Lazure: Alors, pourquoi... Je ne comprends pas votre critique du BAPE parce que le BAPE ne faisait que se conformer à la demande du ministre.

M. Pigeon: Ce n'est pas une critique du BAPE qu'on fait. Ce qu'on suggère, nous autres, c'est qu'on devrait étudier en amont, avant d'en arriver à un projet spécifique, les grands choix de catégories d'industries qu'on voudrait voir sur le territoire du Québec et, à partir de ça, là, que des promoteurs puissent présenter des projets qui seraient évalués au mérite. On propose en un sens de séparer les deux, pas d'en évacuer une partie pour favoriser l'autre - ce n'est pas du tout ça la question - et pas de critiquer ce que le BAPE a fait à l'intérieur du mandat qui lui a été donné. Mais il n'en reste pas moins qu'il y a eu beaucoup de présentations, lors des audiences là-dessus, qui ont touché à des sujets beaucoup plus vastes que strictement le projet Soligaz, proprement dit, au lieu où on voulait l'implanter.

M. Lazure: Mais, M. le Président, je ne peux pas laisser, quand même, ce point-là sans revenir à la charge et insister pour dire que, si le BAPE a pris une approche aussi globalisante, c'est parce qu'il avait reçu un mandat du ministre de l'Environnement pour le faire, et ce n'est pas la procédure d'évaluation, comme vous dites ici. C'est parce que vous dites: "Depuis qu'elle a été implantée, force nous est de constater que la procédure d'évaluation [...] a à plusieurs reprises fourni l'occasion et le cadre pour débattre des choix de société." Ce n'est pas exact, à mon avis, et surtout qu'il n'y a pas eu d'étude de

grand projet pratiquement. Vous le savez mieux que moi: il y en a eu une étude de grand projet. Oui, une des rares fois où le ministre s'en est servi.

Un troisième point, M. le Président. Vous parlez de la création d'un comité à un moment donné.

M. Pigeon: Un comité de concertation.

M. Lazure: Oui, à la page 5, c'est ça. Mais pourquoi venir créer ce nouveau comité qui, à mon avis, prendrait, à votre suggestion, des rôles qui pourraient très bien être attribués au BAPE?

M. Pigeon: C'est qu'il s'agit d'une façon de définir les relations avec le milieu dès le début pour éviter d'en arriver à un moment donné où on dépose des études et il y a des séances d'audiences publiques. C'est un mécanisme pour informer la population tout au cours du déroulement de l'établissement des directives et ensuite de l'étude d'impact, pour savoir quelles sont vraiment les préoccupations des gens, quels sont les enjeux véritables, ce qui concerne les citoyens - plutôt que ce qu'on pense qui les concerne - et en arriver à ce qu'au moment du dépôt de l'étude d'impact on ait déjà pu répondre à la majeure partie des points qui sont soulevés par les publics.

M. Lazure: Pourquoi est-ce que le BAPE ne peut pas faire ça? Le BAPE pourrait très bien faire ça. Plusieurs groupes nous ont recommandé - et nous semblons plutôt favorables à ça - de faire intervenir le BAPE le plus précocement possible, le plus tôt possible. Mais là, vous venez créer une autre instance qui s'appelle un comité de concertation. Le BAPE, c'est justement un organisme paragouvernemental, un organisme public qui favorise la concertation. Et c'est au législateur de décider à quel moment il va la faire, cette concertation-là. Moi, en tout cas, je ne vois pas du tout l'utilité d'un comité de concertation qui viendrait faire un travail préliminaire à celui du BAPE.

M. Godin (Jean): Écoutez, je peux tenter de répondre. Dans le fond, c'est un objectif qui est recherché et c'est plutôt de créer un climat. Dans la mesure où le BAPE peut créer ce climat d'échange, ce climat d'information qui favorise une meilleure compréhension des enjeux, qui dédramatise les questions, dans la mesure où quelqu'un, quelque part, la fait, cette fonction-là... Et probablement que les comités de concertation qui ont été créés dans certains projets sont apparus un peu à la suite de l'absence de cet exercice-là, parce qu'en ce moment les exercices d'échange arrivent au moment de l'audience publique, longtemps après que le débat est discuté dans le milieu... Alors, c'est un peu une question de...

M. Lazure: On comprend. Alors, vous seriez d'accord pour que le BAPE intervienne le plus tôt possible?

M. Godin (Jean): On le dit dans le mémoire qu'il devrait intervenir au début, impliquer le BAPE au moment de la directive. Maintenant, quelle sera sa fonction ou son rôle? En autant que l'objectif est atteint, que les projets se... qu'il y a un climat d'échange et de collaboration au lieu d'un climat de confrontation.

M. Lazure: Pourquoi ne nous recommandez-vous pas de mettre en vigueur tout de suite Lacoste?

M. Godin (Jean): Dans son ensemble? M. Lazure: Oui.

M. Pigeon: Là, bon, on a voulu toucher seulement dans notre mémoire certains points spécifiques qui, pour plusieurs aspects, retouchent Lacoste. Je vois que vous n'êtes pas d'accord du tout avec nous quand on propose, avant de la mettre en vigueur, de réviser la liste. Bon. Vous en déciderez lors des recommandations que vous faites après. Nous, il nous semble que c'est important. Mais, pour le reste du rapport Lacoste, on n'a pas voulu s'embarquer là-dedans. On a voulu faire une mise au point sur certains éléments de la procédure qui nous semblaient cruciaux et s'en tenir à ça pour l'instant. Il y a beaucoup d'autres groupes qui vous ont fait quantité de représentations là-dessus.

M. Lazure: Merci.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Vachon.

Mme Pelchat: Un commentaire, justement, sur les grands projets industriels. Moi, je n'ai pas senti que vous étiez contre l'application de l'article 2g, n et p, mais plutôt, c'est la façon. Plutôt que d'avoir la liste de projets à être assujettis, vous préféreriez que ce soit des critères qui pourraient inclure les grands projets industriels. Est-ce que j'ai compris? Parce qu'à la page 7 de votre mémoire vous parlez spécifiquement des grands projets industriels et vous nous...

M. Pigeon: C'est sûr...

Mme Pelchat: ...mettez en garde juste au niveau de la compétitivité et non pas de...

M. Pigeon: ...qu'ils vont venir à être assujettis, qu'ils doivent l'être. Mais ce qu'on veut, nous, c'est que, dans un souci d'équité pour tous les promoteurs, on établisse et on ait

une seule politique pour tout le monde.

Le Président (M. Garon): Merci, MM. le représentants de TECSULT. Et je vais suspendre les travaux de la commission pendant quelques instants pour donner le temps à l'Association des prospecteurs du Québec de venir s'approcher de la table des délibérations.

(Suspension de la séance à 16 h 19)

(Reprisée 16 h 22)

Le Président (M. Garon): Nous reprenons nos travaux. Je voudrais demander à l'Association des prospecteurs du Québec, par la voix de son président, M. Michel Bouchard, qui est ici, de nous présenter les gens qui l'accompagnent et lui dire qu'il a une demi-heure pour la présentation du mémoire, c'est-à-dire 10 minutes pour présenter son mémoire proprement dit, 10 minutes pour le Parti libéral pour poser des questions et 10 minutes pour le parti de l'Opposition. M. Bouchard.

Association des prospecteurs du Québec

M. Gélinas (Gratien): M. le Président, je dois d'abord vous souligner que, M. Bouchard ne pouvant pas être ici, je me présente. Je suis Gratien Gélinas. Je suis le directeur général de l'Association des prospecteurs. Permettez-moi de vous présenter les gens qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Marcel Vallée, ingénieur-géologue de la firme Géo conseil Marcel Vallée; M. Vallée est vice-président de l'Association pour la région de l'Est du Québec. À ma droite, le Dr Jacques Trottier, métallogéniste, président de Ressources minières Coleraine et vice-président de l'Association pour la région Montréal-Outaouais-Estrie-Beauce.

L'Association des prospecteurs du Québec remercie la commission de lui donner l'occasion de présenter son avis sur la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement.

Permettez-moi d'abord de vous présenter l'Association. L'Association représente l'ensemble des intervenants du secteur de l'exploration minière du Québec. Elle compte près de 600 membres individuels, dans lesquels on retrouve, évidemment, des prospecteurs, beaucoup de professionnels tels des géologues, des géophysiciens, des courtiers, des comptables, des fiscalistes, et 150 membres corporatifs, soit des entreprises d'exploration, des juniors et des majeures, des firmes de génie-conseil, des entreprises de forage au diamant, etc.

Le secteur de l'exploration minière réalise au Québec entre 100 000 000 $ et 300 000 000 $ de travaux d'exploration par année. L'APQ estime qu'il faut un minimum de 200 000 000 $ de travaux pour renouveler nos réserves de minerai. Il est important de souligner ici que la découverte d'une mine exige entre 30 000 000 $ et 50 000 000 $ et s'étale sur une période habituelle de 10 ans. Alors, ça vous situe et l'Association et le secteur.

Ce mémoire présente la vision globale de l'Association sur la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement. L'APQ a décidé de ne pas évaluer cette procédure dans ses détails parce que les projets du secteur de l'exploration n'y sont pas assujettis. Ils sont toutefois assujettis aux lois, règles et normes reliées à la protection de l'environnement.

Ici, j'aimerais ouvrir une brève parenthèse pour vous expliquer de quelle façon, au niveau de certaines activités d'exploration, la dimension environnementale intervient. C'est évident que, dans des travaux de prospection primaire, où le prospecteur ou le géologue va sur le terrain seul, évidemment, l'impact est minime. Par contre, à mesure que les travaux s'intensifient, par exemple au niveau des levés géophysiques, du forage au diamant, là, on est assujettis a la loi sur la protection de la forêt, c'est-à-dire que, lorsqu'on doit couper des arbres, etc., on doit avoir un permis d'intervention.

Quand on est rendus à la phase de la mise en valeur, là, c'est la directive 019 de la Loi sur la protection de l'environnement qui s'applique et exige évidemment, à ce moment-là, un certificat d'autorisation. J'aimerais vous souligner que la loi 130 modifiant la Loi sur les mines, adoptée en juin dernier, exige dorénavant que certains travaux d'exploration qui seront déterminés par règlement - ils ne le sont pas encore - devront être accompagnés d'un plan de réaménagement des sites affectés, auquel devra aussi se rajouter une garantie financière pour la réalisation de ce réaménagement.

L'APQ est d'avis qu'il ne devrait pas y avoir d'audiences publiques sur les études d'impact environnemental pour des projets privés. De telles audiences entraînent des discussions qui débordent largement la dimension environnementale et donnent l'occasion à toutes sortes d'intervenants, et souvent à des compétiteurs, de diffuser des informations dont le but premier est de satisfaire leurs propres intérêts.

L'APQ favorise plutôt une approche sectorielle - ou même régionale si, par exemple, une industrie est concentrée dans une ou quelques régions spécifiques - où des audiences publiques ou toute autre forme de consultation pourraient être tenues sur l'ensemble du développement d'une industrie (dans notre cas, évidemment, l'exploration minière) et où la dimension environnementale, évidemment, aurait sa place. Ces consultations pourraient se faire à périodes fixes ou en raison de changements majeurs l'affectant. Ces consultations se feraient entre les porte-parole de cette industrie et les organismes socio-économiques, les élus municipaux, les populations

concernées et les gouvernements. Ainsi, chaque projet d'une industrie n'aurait pas à subir cette démarche, la démarche de consultation, mais devrait respecter toutes les lois, règles et normes environnementales qui s'appliquent à ce secteur d'activité, le tout en harmonie avec la politique globale du développement de l'industrie telle que définie lors des consultations.

L'approche de l'APQ ne vise pas à diminuer l'importance de la dimension environnementale dans le secteur de l'exploration minière, mais à lui donner la place qui lui revient dans l'ensemble des facteurs qui affectent le développement de notre industrie. Cette approche favorise des meilleures relations entre les divers intervenants, tout en leur permettant de mieux comprendre l'ensemble des facteurs qui affectent le développement de notre industrie et le rôle précis que chaque intervenant doit y jouer. On devrait rajouter que, pour l'APQ, les experts de l'aspect environnemental devraient devenir des partenaires du développement durable de notre secteur et de l'économie du Québec, principalement dans les régions-ressources.

J'aimerais rajouter une brève note. L'Association a présenté à son dernier congrès et a adopté un code d'éthique dont les principes directeurs sont: développement durable, protection de l'environnement, justification des projets et rendement des fonds investis, respect des lois et règlements et, évidemment, la complémentarité parce que, comme mentionné précédemment, le code d'éthique de l'Association doit être complémentaire au code d'éthique des professionnels qui oeuvrent dans ce secteur-là.

Alors, voilà, M. le Président, la position, la vision de l'Association des prospecteurs du Québec concernant l'interrelation globale de la dimension environnementale avec le développement de l'industrie de l'exploration minière.

Le Président (M. Garon): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Non, c'est M. le député de Rimouski. Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): Alors, M. le Président, d'abord, vous me permettrez de remercier l'Association des prospecteurs du Québec de venir à cette importante commission pour faire valoir son point de vue sur l'impact environnemental que pourraient avoir les prospecteurs du Québec. La lecture de votre bref mémoire me laisse perplexe à un égard, surtout lorsque vous nous dites que l'aspect environnemental ou encore les impacts environnementaux pour les projets privés ne devraient pas être assujettis à une audience publique. Il ne faut pas dissocier, à mon sens, l'importance que pourrait avoir l'exploitation minière par rapport à l'ensemble des industries qui s'installent ici au Québec. Si nous faisons un apartheid pour les prospecteurs miniers - et, là, je parle surtout des prospecteurs qui ont une démarche très, très significative dans le milieu. Je ne vois pas pourquoi vous maintiendriez la proposition ou encore la suggestion de ne pas vous soumettre à l'étude d'impact environnemental. Pourquoi vous voulez vous dissocier?

Et, surtout, vous dites: C'est un secteur privé et ça ne devrait pas être évalué. Je m'interroge un peu à ce sujet-là. C'est comme si on avait au Québec deux visions différentes: le secteur privé, surtout dans les mines, on va vous soustraire à l'obligation d'avoir une étude environnementale et le secteur public, bien, vous autres, vous allez être assujettis à tout ça. C'est quoi, votre perception du développement du Québec? Est-ce qu'il y a deux visions ou bien s'il y en a seulement une?

M. Gélinas: D'abord, il faut spécifier que ce sont les projets d'exploration. Quand vous parliez tantôt de la mise en production d'une mine, ça devient un projet d'exploitation. Alors, notre démarche, nous, s'arrête à la dimension... Quand je parlais tantôt de la mise en valeur où certains travaux exigent, par exemple, une rampe, là, il y a un impact sur l'environnement. Mais, comme je l'ai spécifié, les démarches d'un projet d'exploration qui va de la première phase à la mise en valeur, ça peut s'échelonner sur une dizaine d'années. Comme je vous l'ai mentionné tantôt, à chaque étape, il y a des normes, des lois, des règles à respecter et, pous nous, c'est évident que ces normes, lois et règles-là peuvent être révisées régulièrement, comme on le suggère aussi.

S'il y a des gens qui veulent intervenir, qui se posent des questions sur l'efficacité de ces lois et règles-là à l'égard de la protection de l'environnement, je pense que c'est l'approche qu'on propose: il peut y avoir des consultations et, une fois que ces consultations-là sont faites, on s'entend. S'il faut améliorer des règles et s'il faut rendre plus précises des normes, d'accord, mais, une fois que ces choses-là sont faites, à ce moment-là, les gens de l'exploration minière se situent par rapport à ces règles-là. Ils ont un intervenant qui est le MENVIQ ou les autres lois. Je disais tantôt la loi des forêts et d'autres. Alors, ça facilite à ce moment-là le travail des intervenants en exploration, comme je vous dis, qui peut s'échelonner sur une dizaine d'années, et c'est ça, la position de l'Association.

M. Tremblay (Rimouski): Est-ce que ça dépend de l'ampleur du travail que vous effectuez sur le terrain? Je comprends qu'au départ, lorsque, je ne sais pas, un géologue ou une personne habilitée va faire un peu d'exploration

minière, ça ne dérange peut-être pas le peuple, là. Mais, lorsqu'on arrive avec des démarches beaucoup plus grandes, je ne sais pas, s'il faut faire rentrer sur le champ des équipements lourds pour pouvoir faire une démarche plus approfondie du milieu terrestre, à ce moment-là, je pense que ça suppose une étude environnementale beaucoup plus approfondie. Vous n'êtes pas contre ça?

M. Gélinas: De toute façon, elle se fait par le biais de la directive 019 actuellement en vigueur. Il faut respecter cette directive-là. On n'a pas d'objection à ce que si, pour certains, elle ne paraît peut-être pas... elle puisse être améliorée ou peut-être ajustée. Si tous les intervenants publics - on parlait des socio-économiques, des MRC - peuvent en prendre connaissance, ils peuvent faire connaître, à ce moment-là, leur avis.

M. Tremblay (Rimouski): Oui. Il y a un groupe ce matin qui nous a proposé d'avoir des étapes dans les évaluations. Par exemple, d'avoir le "fast track", une voie rapide pour pouvoir faire l'étude environnementale d'un projet majeur. Il pourrait y avoir aussi la voie régulière et il pourrait y avoir aussi une voie régionale ou locale qui, nécessairement, ferait peut-être beaucoup plus l'affaire de votre groupement. Cette voie-là nous permettrait peut-être de vous englober à l'intérieur de ça.

D'autre part, vous avez bien signalé, je pense, que la loi 130, qui a été adoptée au printemps dernier, vous a facilité, vous a donné un encadrement au niveau des opérations des personnes que vous représentez. Je comprends que les règlements ne sont peut-être pas encore connus, mais je pense que les grands paramètres de la loi 130 vont vous donner l'encadrement recherché par votre organisme.

M. Gélinas: Évidemment, on est d'accord avec cette approche. Il reste à définir les modalités de financement des coûts de ces réaménagements-là.

M. Tremblay (Rimouski): Oui.

M. Gélinas: II ne devrait pas y avoir de problème.

M. Tremblay (Rimouski): et, si je me rappelle bien, dans la loi 130, il y avait l'obligation de mettre en fiducie un certain montant pour le réaménagement. est-ce que ça vous posait des problèmes?

M. Gélinas: C'est-à-dire de prévoir des sommes...

M. Tremblay (Rimouski): Des sommes prévues en garantie.

M. Gélinas: ...en garantie. Nous, on n est pas encore rendus à l'évaluation du mécanisme en tant que tel. On est d'accord avec le principe. Parce qu'il y a plusieurs questions qui se posent. Par exemple, comment doit-on considérer sur le plan fiscal ces sommes d'argent qui, par exemple, dans un projet de financement d'exploration, sont prélevées aujourd'hui pour être réaménagées dans deux, trois ans? Alors, est-ce que cet argent-là ferait partie des frais d'exploration admissibles à certaines déductions? Il reste ça à définir.

M. Tremblay (Rimouski): Alors, ce serait tout, M. le Président.

Le Président (M. Garon): je vous remercie. je me demandais, m. le député de rimouski, quand vous pensiez aux "fast tracks", si vous ne pensiez pas à la 20, allant vers rimouski.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Rimouski): Ce ne serait pas rejetable.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: m. le président, au nom de l'opposition, il me fait plaisir de saluer les représentants de l'association des prospecteurs et de les remercier de leur présence ici. je voudrais, avant de revenir à ce qui a été soulevé par le député de rimouski, vous dire que nous sommes d'accord avec votre position qui dit: nous favorisons l'approche sectorielle. on en a discuté ces jours derniers. il y en a qui appellent ça l'approche générique; un secteur d'activité industrielle ou approche générique, peu importe le terme. mais il reste que ça n'a pas été tellement utilisé au Québec et on aurait avantage à l'utiliser.

Maintenant, pour revenir à la question des audiences publiques que vous êtes portés à éliminer quand il s'agit de projets privés, qu'est-ce que vous appelez un projet privé?

M. Vallée (Marcel): II faudrait élargir un peu la perspective en ce sens que l'exploration minière, ce n'est pas quelque chose qui se planifie comme, disons, un développement hydroélectrique ou une exploitation forestière. Le potentiel minéral, ça s'évalue d'une façon, disons, statistique ou synthétique. Mais l'exploration minière, ça consiste en la réalisation de ce potentiel. C'est quelque chose qui, de par sa nature, n'est pas prévisible dans le détail à l'avance. La découverte, par définition, c'est quelque chose qu'on ne connaissait pas précédemment.

Alors, on a nombre d'"instances", dans les dernières années, de gisements qui ont été découverts à des profondeurs plus grandes, dans

des terrains où les explorations avaient été faites antérieurement. Le cas le plus récent, c'est celui du gisement Louvem Aur, près de Val-d'Or, dans un terrain qui a été exploité pendant 10 ans par la société minière Louvem, de 1970 à 1980.

Alors, disons que l'exploration minière et le développement minéral, dans ce sens-là, c'est difficilement intégrable dans les procédures de planification de développement régional, dans les procédures d'aménagement des municipalités régionales de comté et, récemment, on a l'impression que l'exploration minière se fait exclure un peu par défaut parce que, la mine n'étant pas là, on ne la planifie pas. Si on arrive pour explorer et qu'on trouve un gisement qui pourrait devenir d'intérêt avec des travaux additionnels, on a l'impression d'être les chiens dans le jeu de quilles.

Alors, c'est cette dimension de l'exploration, comme un processus de développement qui part de données géologiques qui ont un caractère aléatoire, qu'il faut bien situer. C'est pour ça que l'attitude de l'Association, c'est que l'accès au territoire, l'accès à l'acquisition du droit minier doit demeurer libre, ne pas être soumis à des restrictions systématiques, là, ou à une exclusion.

M. Lazure: L'accès à... pas l'exploration.

M. Vallée: L'accès au droit minier. Mais ensuite l'exercice de l'exploration, la mise en valeur des propriétés, elle est soumise à l'heure actuelle à la loi de l'environnement, à partir du moment où on fait des impacts importants en surface.

M. Lazure: Oui, c'est soumis à la loi de la protection de la qualité de l'environnement, évidemment, mais, si je comprends bien, ce n'est pas à cause de la non-promulgation de l'article 2g, j, n, p. Dans le moment, l'exploration minière en tant que telle n'est pas assujettie, si je comprends bien. On est d'accord?

M. Vallée: sauf à partir du moment où il y a ce qu'il y a d'écrit dans la directive 019, des impacts significatifs en surface. là, c'est assujetti.

M. Lazure: Bon. Mais il y a quand même la Convention de la Baie James. À votre connaissance, est-ce qu'il y a eu des audiences, telles que prévues dans la Convention de la Baie James, par les différents comités à l'occasion de nouvelles explorations minières dans le Nord?

M. Vallée: Non, pas à ma connaissance. M. Lazure: Non? Il n'y en a pas eu?

M. Vallée: On aimerait rajouter qu'au cours des dernières années, depuis deux ans, le secteur de l'exploration a entrepris de nombreuses démarches, par exemple, en Abitibi-Témiscamin-gue, avec les cinq MRC. Même si c'est une région minière, on s'aperçoit qu'il y a encore beaucoup d'informations à véhiculer, beaucoup de données. Et, même dans des régions minières, on ne connaît pas suffisamment le fonctionnement de l'exploration minière et la distinction entre l'exploration et l'exploitation. Nos rencontres avec les MRC ont démontré de leur part qu'elles étaient très intéressées à en savoir davantage.

C'est évident, quand on parle d'exploration, elles nous posent un paquet de questions, à savoir comment se fait le jalonnement, comment s'acquiert le droit minier, quelles sont les règles, lois et normes que vous devez respecter, c'est quoi la relation entre les droits miniers, droits de surface, droits du propriétaire lorsque vous faites de tels travaux sur un terrain de la couronne. Maintenant, il y a certains territoires, par exemple, des réserves à activité non exclusive de récréation, de tourisme récréatif. Là aussi, il y a des normes spéciales ou des règles à respecter. Dans des rencontres qu'on a eues avec nos MRC, on s'est aperçu qu'elles avaient envie de nous faire part de leurs commentaires. Elles avaient envie de s'impliquer aussi et de nous dire: Ça se passe chez nous, on aimerait avoir un mot à dire. Parce que, dans les schémas d'aménagement des cinq MRC de l'Abitibi, s'il y a quatre pages qui touchent le secteur minier dans l'ensemble des cinq, c'est à peu près tout, pour la raison bien simple qu'on ne peut pas prévoir, d'ici x années, qu'il y aura tant de découvertes dans notre secteur. Alors, le secteur minier devient, finalement, un secteur qu'on a de la difficulté à prévoir dans un schéma d'aménagement.

M. Lazure: Si vous aviez un seul message à laisser à notre commission, ce serait lequel? C'est quoi, le message que vous jugez le plus important?

M. Vallée: Favorisons une implication des gens concernés par le développement de l'industrie de l'exploration minière. Donc, dans une région comme l'Abitibi, comme Chibougamau, Chapais, il faut faire en sorte que l'ensemble des intervenants aient leur mot à dire et aussi que l'exploration ait l'occasion de se faire connaître. L'autre message important, c'est, je pense, qu'il y a un paquet de spécialistes de la dimension environnementale qui pourraient jouer un rôle important, qui pourraient apporter leur expertise pour faire en sorte que les travaux d'exploration soient le moins dommageables, aient le moins d'impacts possible sur l'environnement. Et ça, cette expertise-là, je pense qu'elle pourrait devenir un facteur important d'efficacité dans la perspective d'un développement durable.

M. Lazure: Merci.

Le Président (M. Garon): Je voudrais remercier l'Association des prospecteurs du Québec d'être venue donner son point de vue à la commission de l'aménagement et des équipements.

Je suspends les travaux pendant quelques instants pour donner le temps de faire le changement d'interlocuteurs.

Maintenant, j'appelle l'Association minière du Québec inc.

(Suspension de la séance à 16 h 44)

(Reprise à 16 h 45)

Le Président (M. Garon): La commission reprend ses travaux. Je vais demander au porte-parole de l'Association minière du Québec de se présenter et de nous présenter les gens qui l'accompagnent, en lui disant qu'il a une heure pour présenter son mémoire, c'est-à-dire 20 minutes normalement pour faire le résumé de son mémoire, 20 minutes pour les libéraux et 20 minutes par le parti de l'Opposition pour vous interroger par la suite.

Association minière du Québec inc.

M. Drouin (Claude): M. le Président, M mes et MM. les députés, je suis Claude Orouin, directeur général de l'Association minière du Québec, qui s'appelle aussi l'AMQ, mais qui n'a aucune relation avec un autre groupe AMQ qui est passé dernièrement. Nous sommes l'Association minière du Québec. Nous avons le même sigle aussi, AMQ, que l'Association des manufacturiers du Québec.

Le Président (M. Garon): Deux AMQ?

M. Drouin:ça s'appelle l'amq. on avait ce nom-là, mais tout a coup les gens sont passés de amc à amq. donc, on devient deux amq au québec.

Une voix: Ce sont des informations...

M. Drouin: On n'a pas à parler de ça. On fait le travail. À ma droite, vous avez Me Jean Roberge, qui est mon adjoint, et, à ma gauche, vous avez M. Yves Thomassin, qui est notre conseiller en environnement. Est absent cet après-midi M. Jacques Duval, qui est président du comité de l'environnement et qui a dirigé une partie importante de ces travaux. Ce mémoire-là, vous l'avez reçu en deux copies, version 1, version 2, parce qu'il fallait l'accepter au niveau du comité, ensuite au niveau du conseil, et les dates étaient conflictuelles.

Nous allons passer rapidement à travers les 8 ou 9 premières pages du mémoire pour surtout passer le principal de notre présentation aux pages 10 et 11 qui répondent à la question que le député vous a posée ici au sujet, justement, des raisons pour lesquelles, nous aussi, nous ne partageons pas l'idée d'étendre les études d'examen d'impact aux projets privés miniers. Nous vous remercions de nous avoir reçus.

Nous n'avons discuté que de certains des aspects prévus qui étaient dans le questionnaire qui nous avait été soumis. L'AMQ regroupe l'ensemble des producteurs miniers du Québec. Nous avons une production d'environ 2 000 000 000 $ par année et je ne sais pas ce qui va arriver si le prix de l'or reste à 340 $ l'once, par exemple. En tout cas, pour le moment, nous avons encore nos 2 000 000 000 $.

Actuellement, l'industrie minière est assujettie à des normes d'application; pour l'ouverture d'une mine, il faut obtenir un certificat d'autorisation. Il y a des normes qui sont prévues pour les rejets liquides et nous avons aussi des normes, à l'heure actuelle, pour les effluents miniers, qui sont presque semblables à celles édictées par l'Organisation mondiale de la santé pour l'eau potable.

À la fin des opérations, nous sommes maintenant assujettis à la loi 130, une loi que nous avons demandée depuis au moins trois ans au gouvernement de voter dans le but de ne pas répéter l'expérience du passé, de laisser des parcs orphelins dans le milieu. Toutes les mines emploient des spécialistes en environnement. D'après le bilan fait l'an passé, nous avons une moyenne de 2,6 personnes de niveau universitaire à chaque site, qui s'occupent d'environnement et le contrôle de l'environnement nous a coûté 60 000 000 $ en 1989. En 1990, je n'ai pas les chiffres précis, mais ceci ne compte pas les changements de technologies que nous faisons aussi pour respecter l'environnement en même temps.

Quant à l'environnement, on a préparé le mémoire en se demandant ce que c'était que l'environnement et aussi en se demandant: Où va la société? Est-ce qu'on pense développement en intégrant environnement ou encore si on pense seulement environnement ou seulement développement? Je crois qu'en 1991 nous n'avons aucune gêne d'affirmer que l'environnement fait partie intégrante de nos affaires de développement de projets. C'est rendu chez nous une façon de vivre et une façon de gérer nos affaires. Mais, malgré tout, nous n'acceptons pas le principe que l'environnement doit être un objectif en soi. Nous partageons l'idée de développement durable.

Il y a beaucoup d'activités qui comportent des risques pour l'environnement. En fait, on pourrait peut-être dire que la majorité des activités comportent des risques et ce qui est important, c'est la façon de contrôler le risque. Le risque va toujours demeurer plus ou moins présent, tandis que le danger devient beaucoup moindre en fonction des mesures de contrôle que nous nous donnons pour gérer ce risque-là.

Dans la loi des mines, il y a un article, d'ailleurs, qui parle de l'interaction entre le développement et l'environnement; l'article 17 parle justement de ce principe de coexistence là. Ce qui est important à remarquer quand on parle de mines, l'Association des prospecteurs vous l'a dit tout à l'heure quand elle est passée aussi: Une mine est dans un endroit qui est figé dans la nature, mais dans un endroit inconnu tant que nous ne l'avons pas trouvée.

Le document que vous nous avez fait parvenir évalue le problème d'étude d'impact sur cinq dimensions et nous avons essayé de discuter en respectant ce schéma-là. Nous avons parlé de l'efficacité de la procédure et, comme tous ceux qui nous ont précédés, tous les gens veulent des délais plus courts et tout le monde aussi veut être informé plus tôt. La question d'être informé plus tôt, nous la partageons énormément parce que nous avons établi une politique, il y a trois ans, de rencontrer les maires, les dirigeants municipaux de toutes les régions. C'est une demande que les gens du milieu nous ont faite et nous partageons cette idée de les informer le plus rapidement possible de nos projets.

Une demande importante que nous faisons, au milieu de la page 5, c'est quelque chose pour améliorer les délais. Il me semble qu'il faudrait se fixer des temps précis pour réaliser chacune des étapes et ces délais-là pourraient s'appliquer également à des promoteurs, au public et au ministère. Le rapport Lacoste dit qu'il faut 33 mois pour réaliser une étude et puis, tout à l'heure, les prospecteurs vous disaient qu'on parlait de 10 ou 11 ans; une étude du CRS démontre que, justement, c'est 11 ans que ça prend avant de dire qu'un site devient un site minier et ça, après avoir dépensé 45 000 000 $. Je crois que c'est important de ne pas rallonger ces délais-là encore trois ans de plus, surtout qu'il faut partir un projet au moment où les prix des métaux sont acceptables. La fluctuation des prix des métaux est extrêmement variable dans l'histoire.

Alors, une autre façon que nous proposons, au bas de la page 5, pour raccourcir les délais, c'est d'informer et de consulter le public dès le dépôt d'un avis de projet, en d'autres mots, de ne pas attendre que ce projet-là soit rendu à l'étape des audiences publiques. Ça va permettre en même temps au gouvernement de prendre immédiatement connaissance des réactions du public et aussi de préciser le contenu de la directive qu'il donne au promoteur.

On dit, en bas de la page 6, que cette directive-là, évidemment, devrait être émise dans un délai fixe après le dépôt de l'avis de projet et qu'il ne faudrait pas la modifier ou la nuancer par la suite, à moins d'être capable de démontrer qu'il y a lieu de modifier le contenu de cette directive-là. Autrement, on n'en sort pas, on tourne en rond continuellement.

Dans le haut de la page 7, on reprend la proposition faite par le comité Lacoste sur les projets publics ou privés à caractère répétitif. Le comité Lacoste propose un canevas standardisé qui est valable pour les mêmes sujets. Nous sommes très certainement d'accord avec ça, surtout quand on sait qu'une industrie minière, c'est tout de même à peu près la même chose, toujours d'une région à l'autre, d'un site à l'autre. Il y a la dimension qui change, mais les événements qui se produisent au niveau environnemental sont toujours à peu près les mêmes.

Quant à l'étendue de la directive et des études d'impact, nous ne partageons pas l'idée de demander au BAPE de se prononcer sur la justification d'un projet. Nous croyons que le BAPE, quand on lit la loi de l'environnement, se rapporte aux aspects biophysiques et non pas aux affaires socio-économiques. Si on dit que le BAPE maintenant se prononce aussi sur l'opportunité d'un projet, sur la justification d'un projet de dimension sociale, sociopolitique, on tombe dans un gouvernement à l'intérieur d'un gouvernement. Nous croyons que ce n'est pas le rôle du BAPE de sortir de son caractère, quoique, quand on lit le document des règlements et la procédure, son rôle, c'est d'informer le gouvernement sur ce qui se passe, d'informer le gouvernement sur ce que les gens disent et de poser des questions. Mais ce n'est pas à lui à se poser en juge d'une situation.

Quant au rôle du MENVIQ, il émet la directive et le ministre tient compte des demandes d'audiences. En ce qui concerne le rôle du BAPE, il devrait agir strictement sur des mandats explicites du ministre, continuer son rôle d'information et de consultation du public. Nous ne sommes certainement pas d'accord à ce que le BAPE ait un pouvoir de recommandation qui aurait une connotation décisionnelle. D'ailleurs, nous ne sommes pas d'accord, non plus, à ce que le BAPE se donne des mandats.

En page 9, nous parlons des intervenants. L'information du public et son intervention sont très importantes. Aussi l'information doit se faire le plus tôt possible. Alors, il faut faire une meilleure identification, par les intervenants et les requérants d'audiences publiques, de leurs intérêts environnementaux et des enjeux dont ils veulent discuter. Ceci afin d'éviter des conflits d'intérêts et, malheureusement, vous le savez très bien, il y a trop de plates-formes qui se servent de l'environnement pour atteindre des objectifs autres que ceux de l'environnement. On n'a rien qu'à parler de l'amiante et de la façon dont les Américains vont parler de l'amiante, sans parler de ce qu'il y avait en dessous des produits de substitution, la Baie James, Soligaz et on pourrait en nommer quantité d'autres où les intérêts ne sont pas d'une candeur absolue.

Quant à la liste des projets assujettis, je vous inviterai à faire la lecture avec moi des trois dernières pages. Je pense que ça répond à une question de nos interlocuteurs, tout à

I heure.

Dans le cas des projets privés et industriels, nous ne croyons pas que le processus d'étude d'impact et d'audiences publiques devrait leur être appliqué, du moins dans sa forme actuelle. Dans les autres juridictions au Canada et particulièrement en Ontario, les projets privés ou industriels ne sont pas assujettis, à moins qu'il ne s'agisse d'un projet en compétition avec le secteur public comme, par exemple, la gestion des déchets ou la production d'énergie.

Nous ne préconisons pas l'assujettissement du secteur privé industriel aussi en raison de ses particularités. Par exemple, le délai moyen de 33 mois révélé par le comité Lacoste pour passer au travers du processus n'est pas viable pour le secteur privé et particulièrement pour l'industrie minière qui est en compétition au niveau international.

Dans la technologie et les procédés utilisés en industrie, l'évolution est très rapide. Aussi, proposer un projet et devoir attendre deux ou trois ans pour pouvoir le démarrer peut faire toute la différence pour la réalisation du projet ou sa non-réalisation. Pensons seulement à l'aspect technique et pratique des choses. Si un promoteur doit attendre tout ce temps avant de commander les équipements nécessaires, il doit aussi compter le temps de fabrication et de livraison de ceux-ci, ce qui ajoute encore six mois, un an ou deux ans au délai de réalisation. Pendant tout ce temps, des compétiteurs ou de nouvelles technologies ont l'opportunité de s'installer et le projet devient remis en question.

Dans le domaine minier, la situation est encore plus corsée. Avant d'ouvrir une mine, il faut, bien sûr, découvrir le gisement là où il se trouve et qui ne peut être déplacé. D'après l'étude qu'on citait tout à l'heure, la découverte d'un gîte nécessite un investissement moyen de 45 000 000 $ et des travaux s'échelonnant sur une période moyenne de 11 ans. Dans ce contexte, tout nouveau délai important rend la vie de l'industrie minière presque impossible. Soulignons, une fois de plus, la durée de la procédure d'évaluation des impacts, révélée dans le rapport Lacoste, dépassant trois ans pour un nombre de projets soumis.

De plus, après avoir travaillé plusieurs années pour découvrir un gisement et le développer et après y avoir consacré un montant considérable d'argent, la décision d'ouvrir ou de ne pas ouvrir une mine est prise dans le contexte complexe et variable dominé par la fluctuation des prix des métaux au niveau international et sur lequel l'industrie minière du Québec, en tout cas, n'a aucun contrôle.

La décision d'ouvrir aujourd'hui une mine tient compte de la fluctuation de la demande et des prix au cours des années précédentes et des pronostics aléatoires pour les années à venir. Il est presque impossible de prévoir pour quatre ans ou même trois ans les niveaux du prix d'un minerai ou d'un métal en particulier, ni le comportement précis du marché. Dans ce contexte, il faut comprendre qu'une entreprise minière peut difficilement prendre les décisions voulues dans la perspective d'un processus qui prend en moyenne 33 mois.

Il faut réaliser également le contexte local dans lequel se fait une exploitation minière et son caractère temporaire. L'impact local d'une mine peut être relativement important, alors que l'impact global sur une région est plutôt restreint. L'industrie minière du Québec occupe 0,03 % du territoire québécois et nous sommes engagés dans un processus de restauration systématique des sites après usage.

Un autre aspect fort important est aussi à considérer. Il s'agit de la réglementation existante faisant en sorte que la plupart des projets industriels sont très encadrés. Dans le domaine minier, la Loi sur les mines et sa réglementation prévoient des autorisations et des conditions pour l'emplacement des infrastructures. La Loi sur la qualité de l'environnement prévoit, pour sa part, un certificat d'autorisation préalable à l'ouverture d'une mine et des normes précises sur la qualité des effluents. Il est a souligner qu'avant d'émettre une autorisation le ministère demande au promoteur une foule de renseignements sur la nature des impacts sur le milieu humain et naturel. Du côté fédéral, il existe aussi des normes d'opération équivalentes à celles du Québec pour la qualité des effluents des mines de métaux, des pâtes et papiers et des raffineries. (17 heures)

En plus de ces règlements, le gouvernement du Québec envisage de nouvelles normes visant à réduire les rejets industriels. Ce nouveau programme de réduction des rejets industriels est en voie d'élaboration puisque des amendements à la Loi sur la qualité de l'environnement ont été apportés à cet égard et en vertu desquels le public sera appelé à intervenir, à émettre ses opinions et à poser les questions qu'il désire au ministre de l'Environnement ou aux industries. Avec ce programme, des autorisations à être renouvelées à tous les cinq ans, (10 ans la première fois dans le cas des nouvelles opérations) devront être obtenues par les entreprises visées. À chaque fois, l'implication du public est prévue de façon analogue à celle des évaluations et des études d'impact sur l'environnement. Dans ce contexte, nous croyons que le gouvernement devra faire un choix entre les deux approches. Si nous continuons avec les deux procédures, le public, les industries et le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement seront continuellement en audiences dans une évaluation perpétuelle de l'industrie.

Sur la question de l'encadrement réglementaire existant, il est important de rappeler les amendements récents à la Loi sur les mines créant l'obligation pour toute entreprise minière

de faire approuver un plan de restauration à réaliser à la fin des opérations et de se créer un fonds suffisant pour s'assurer de la réalisation des travaux le moment venu.

Dans le cas des mines, l'information du milieu ne peut pas se faire avant d'être relativement assuré qu'un projet minier est possible; autrement, toute annonce pourrait être perçue comme étant une promotion du marché, ce qui pourrait engendrer des vagues indésirables de spéculation.

Dans le contexte que nous venons de vous décrire, il faut comprendre que nous ne recommandons pas la procédure d'évaluation et d'examen des impacts pour les projets industriels et privés et ce, particulièrement dans le domaine minier, qu'il s'agisse de l'ouverture d'une mine ou de la construction d'un concentrateur. Dans le cas des projets publics, on comprend qu'il s'agit de projets à être réalisés avec des fonds publics, pour le public, et qu'il s'agit d'aménagement du territoire, et ça peut être différent. S'il est envisagé d'inclure des projets industriels dans des procédures d'étude d'impact, nous croyons que le gouvernement devrait envisager une approche par secteur et par région de façon globale plutôt que du cas par cas.

En terminant sur le sujet, nous pensons qu'il est important que la commission prenne connaissance de la performance environnementale du secteur minier et de l'éthique environnementale que traduisent nos actions en ce domaine. Nous pensons que notre performance environnementale démontre que la gestion environnementale fait vraiment partie de nos actions et de nos décisions. Nous vous remercions.

Le Président (M. Garon): Merci, M. Drouin. M. le député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, je remercie l'Association minière du Québec de s'être présentée ici, à cette commission. Le mémoire que vous nous avez présenté et la lecture que vous venez d'en faire nous laissent, en tout cas, moi personnellement, me laissent tout à fait rassuré quant à votre intention ou à l'intention de votre organisme de vouloir préserver l'environnement. Cependant, il y a une interrogation lorsque vous affirmez... Je pose à peu près la même question que celle que j'ai posée tout à l'heure aux prospecteurs. Là, on est rendu un petit peu plus dans l'exploitation. On est rendu dans l'exploitation et on est rendu dans le creux de la mine, si je peux m'exprimer ainsi. Quand on fait de l'exploration, c'est peut-être juste des petits trous, mais, là, on fait des gros trous, on creuse dans le sol et on va chercher. Il y a nécessairement un impact sur l'environnement. Vous voulez vous soustraire totalement à l'obligation d'avoir une étude environnementale et de vous présenter à une audience publique sur ça. Vous dites: C'est une industrie privée, elle ne doit pas être assujettie aux mêmes obligations que le public. Pourquoi faire une différence parce que c'est l'entreprise privée, d'une part? Deuxièmement, si on regarde ça dans le développement global de l'industrie au Québec, pourquoi aurions-nous une particularité pour les mines? Ce sont, à mon sens, des gens, c'est sûr, qui développent l'économie, je n'en disconviens pas, mais, d'autre part, qui font des travaux importants dans le sol et qui peuvent avoir un impact très négatif sur l'environnement.

M. Drouin: Je crois que je peux donner un élément de réponse. Après ça, Me Roberge ou peut-être M. Thomassln pourront ajouter là-dessus. C'est que, d'abord, nous sommes assujettis à beaucoup de normes. La directive 019 détermine toutes les choses qu'il faut respecter avant d'obtenir un certificat de l'Environnement. Ensuite, bien, nous partageons l'idée d'informer le public et nous sommes prêts à le faire. Nous l'avons dit dans le mémoire, on est prêts à informer le public sur nos projets, mais pas avant un certain moment, c'est-à-dire qu'on ne veut pas annoncer ça pendant que les parts sont à 0,10 $. On va annoncer ça quand les gens auront réalisé ce que ça veut dire; on ne veut pas lancer des campagnes de spéculation. Quand on sera certains qu'on veut ouvrir, on va annoncer qu'on veut ouvrir et on recommande, justement, d'entrer en contact avec le public à partir du moment où on dit: On a fait notre étude de faisabilité, on est prêts à partir, on est prêts à faire ça.

L'autre affaire, c'est surtout qu'on fait partie du programme PRRI, le programme de réduction des rejets industriels. Ce projet-là va nous demander à nous autres une demande continuelle, avec la participation du public, de révision de nos procédures à tous les cinq ans. Alors, nous serons déjà en contact avec le public avec cette demande du PRRI à cause de ce projet-là.

Ça, c'est au moins les éléments importants. Peut-être que j'en ai manqué. Me Roberge pourrait peut-être en ajouter plus que ça.

M. Roberge (Jean): Ce sont les principaux éléments. À la page 10, lorsqu'on en parle, on dit bien: "Dans sa forme actuelle", pour les audiences publiques, parce que, en fait, d'après la directive 019, dans une étude d'impact sur l'implantation d'une mine, tous les aspects sont considérés. La seule différence, c'est qu'il n'y a pas l'apport du public ou des audiences publiques qui rajoutent des délais et je pense que c'était peut-être dans l'idée du gouvernement d'adopter la directive 019, qui est présentée depuis 1978, à peu près en même temps que les études d'impact. Vous n'avez pas une réglementation aussi élaborée pour les mines ou pour les pâtes et papiers que vous en retrouvez pour les ports, par exemple, pour les aéroports, pour une route. Il

n'y a pas de normes pour installer une route. Alors, c'est un peu normal qu'il y ait peut-être des études d'impact, mais, dans le cas des mines, et principalement dans le choix que le gouvernement a indiqué, par son Assemblée nationale, d'avoir des attestations d'assainissement aux cinq ans avec, encore là, d'autres normes plus sévères, il me semble que ça deviendrait contradictoire de faire double emploi et de demander au public de s'impliquer à tout moment. Dans le contexte économique particulier, quelques années de décalage, compte tenu du prix des métaux, de l'évolution technologique, ça met en péril des décisions, c'est certain.

M. Tremblay (Rimouski): Je pense que le fait qu'on ait passé la loi 130 vous rassure au niveau de l'encadrement que vous voulez avoir.

M. Roberge: Pas seulement ça. Sur 65, 99...

M. Tremblay (Rimouski): Oui. Toutes ces obligations.

M. Roberge: L'encadrement qui existe. C'est ça. Qu'est-ce que le public va pouvoir demander de plus que de discuter, par exemple, de la norme 0.3 pour le cuivre dans l'eau? Pour l'eau potable, je ne me souviens pas, Yves le sait peut-être par coeur, mais l'Organisation mondiale de la santé a à peu près les normes... Quelles normes le public pourrait-il inciter le gouvernement à amener de plus que celles qui existent? Avec tout l'encadrement réglementaire qui existe, ça va être difficile de trouver une niche pour... C'est pour ça qu'on parle par secteur ou par région. Est-ce que ça peut être intéressant?

M. Tremblay (Rimouski): Mais, tout de même, la loi 130, qu'on a passée le printemps dernier et dont la réglementation n'est malheureusement pas connue au moment où on se parte, vous donne des paramètres au niveau des opérations ou des obligations que vous aurez vis-à-vis du public et nécessairement, par rapport à l'interrogation que nous avons ici à cette commission, ça vous soustrait quasiment à cet assujettissement. Vous avez déjà votre lot d'assujettissements et, de ce fait-là, vous ne sentez pas l'obligation d'avoir quelque chose de supplémentaire. C'est un peu ça.

M. Drouin: Excepté qu'on est prêts à des genres d'approches sectorielles, des approches régionales. On est prêts à considérer ces choses-là.

L'information du public, on y tient pour deux raisons. S'il y avait seulement le respect de l'environnement... Aujourd'hui, c'est le problème, mais la population a tout de même des inquiétudes aussi quand vient le temps d'obtenir un nouveau permis... Alors, les problèmes que l'industrie rencontre des fois pour l'accès aux terres en vertu d'une vieille image de l'antiquité "comportementique", ça nous fait aussi mal que l'autre. Alors, je ne sais pas, on a tout intérêt, nous, à un comportement environnemental respectable. On a tout intérêt à le faire.

M. Tremblay (Rimouski): Une autre interrogation. Vous êtes obligés de contrôler ou vous avez des normes à respecter quant aux rejets liquides, mais les solides, qu'est-ce que c'est? Est-ce que vous avez les mêmes obligations à ce moment-là?

M. Drouin: Ça, c'est un problème qui est à l'étude.

M. Tremblay (Rimouski): Parce que, moi, je regarde souvent les mines Gaspé, c'est dans ma région. Je suis déjà allé à plusieurs reprises dans ce coin-là et j'ai vu qu'il y avait des amoncellements de résidus. Ça, c'est des solides. Mais ça commence à être énorme.

M. Drouin: J'aimerais simplement insister là-dessus, c'est qu'on ne peut pas les manger, hein?

M. Tremblay (Rimouski): Non, je sais. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Rimouski): II faut bien en disposer quelque part.

M. Drouin: II faut bien en disposer. L'industrie minière sort d'un colloque qui vient de durer quatre jours, à Montréal, un colloque dans le cadre du projet de Nedem, justement pour étudier les techniques de restauration des sites miniers qui comportent des difficultés. Alors, il y a toutes sortes de façons de convertir ces sites-là. Pas les ramener comme c'était avant. La roche est sur le dessus. Avant qu'on fasse une patinoire avec les résidus de la région du Lac d'amiante, ça va prendre un certain temps. Mais ce qui est important, c'est qu'il faut les aménager d'une façon telle que ce soit compatible avec l'environnement. Dans la loi 130, il faut faire des règlements. Il va falloir se donner des normes avec lesquelles on va travailler pour réussir à dire comment on va disposer de ça. On le fait par de la végétation. On le fait par recouvrement. On le fait par contrôle chimique des effluents; enfin, il y a toutes sortes de formules. Ça va coûter cher. Ça va coûter très cher.

M. Roberge: Pour la question des restaurations, on n'a pas attendu que la loi soit en place pour faire des restaurations. Il y a quelques semaines, il y a une restauration à Millen Bach qui s'est terminée. A Gaspé, il y a des centaines d'hectares qui ont été restaurés aussi. Les gazons ont été remplacés à Murdochville, même si le seuil ne dépassait pas la norme selon la politique

des sols contaminés. À Rouyn-Noranda, c'est la même chose; c'est sur une base de trois ans, 1 000 000 $ par année, pour remplacer des gazons afin de s'assurer d'être en deçà des normes pour ne pas avoir de problèmes. Le parc Chadbourne est en train d'être travaillé pour le redonner à la nature. Il se fait des choses concrètes de ce genre-là.

M. Tremblay (Rimouski): Une autre question qui a été posée lors de l'étude du projet de loi 130. Maintenant, vous allez être obligés de fournir une espèce de garantie de réaménagement des terrains par après, parce que les gouvernements ont été pris avec des trous de mines, entre autres, qui n'étaient pas, je ne sais pas, remplis ou sécuritaires. Je ne sais pas jusqu'à quel point ça aura... D'abord, ça aura certainement un effet bénéfique pour la population. Elle sera rassurée quant à l'obligation que les propriétaires de mines auront de remettre sécuritaires les endroits exploités. Mais est-ce que, pour les nouveaux développements, ça cause un problème le fait de garder en fiducie un certain montant d'argent, par exemple?

M. Drouin: Ça cause un problème énorme, ça coûte beaucoup d'argent, excepté qu'on ne sait pas encore comment ça va marcher. La décision a été prise volontairement...

M. Tremblay (Rimouski): Vous avez suggéré ça, oui.

M. Drouin: Nous l'avons suggéré la première fois en 1985, puis ça nous a pris trois ans de discussions à l'intérieur des différentes associations minières du Canada et de l'Association minière du Canada pour en faire le thème principal de la proposition à la Conférence des ministres des Mines qui a eu lieu ,à Sudbury en 1989. Nous serons à Halifax la semaine prochaine pour reprendre seulement les thèmes: comment construire ce fonds-là? La façon dont on veut construire ce fonds-là, on propose que ce fonds-là soit construit de la même façon qu'un individu se construit un régime d'épargne-retraite. Alors, c'est pour ça qu'on parle de création d'un régime enregistré d'épargne-environnement. C'est de l'argent dépensé d'avance. Alors, de l'argent dépensé d'avance, on voudrait que ce soit considéré comme étant de l'argent dépensé. C'est des centaines de millions qui entrent là-dedans.

M. Tremblay (Rimouski): O.K. M. Drouin: 300 000 000 $? Une voix: 300 000 $.

M. Tremblay (Rimouski): 300 000 000 $? C'est un fonds de réserve qui sera là.

M. Drouin: Individuel. Cas par cas.

Une voix: Individuel, mais au total, ça va être 300 000 $.

M. Tremblay (Rimouski): O.K., et auquel l'Association minière nécessairement... Est-ce que ce sera l'Association qui va gérer ça ou si ce sera une espèce de fondation?

M. Drouin: Non. Une des recommandations que l'on fait, il faut que ce soit du cas par cas, négocié cas par cas, en fait chaque compagnie avec le gouvernement en fonction du règlement qu'il y a là-dedans, et on propose une fiducie quelconque qui administre ces fonds-là. Mais ce n'est pas nous qui les... Nous ne sommes que les parrains du projet.

M. Tremblay (Rimouski): Très bien. En terminant, juste sur votre position sur le rôle du BAPE, je n'ai pas de problème quant à ma perception du rôle du BAPE. Je pense qu'il n'a pas à être un organisme qui doit recommander. C'est un organisme qui doit évaluer quelqu'un. Alors, M. le Président, c'est tout.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie, M. le député de Rimouski. M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, au nom de l'Opposition, de saluer les représentants de l'Association minière et de les remercier pour leur présence ici et pour le travail qu'ils nous ont présenté aujourd'hui. (17 h 15)

Une première question d'ordre général. À ma connaissance, vous êtes le premier groupe, le premier secteur industriel qui nous dit: Nous, on veut être exemptés de l'application des articles qui ne sont pas encore promulgués, 2j, g, n et p. La plupart des autres groupes, si je ne m'abuse, nous ont dit: Oui, on est d'accord, allons-y pour l'application du rapport Lacoste. Le secteur minier est le premier secteur à nous dire: Non, pas pour nous. Comment justifier cette exception-là? C'est gros comme geste, ça. Parce que, là, vous dites: On est déjà assujettis à tant de choses. Mais tout le monde est assujetti à des règlements dans le moment.

Vous parliez tantôt du programme de réduction des rejets industriels, le PRRI. Mais vous n'êtes pas les seuls à être assujettis à ça. Même les autres qui sont assujettis au PRRI, ils ne nous disent pas: On ne veut rien savoir de la procédure d'évaluation. Ils disent: Oui, d'accord, appliquons Lacoste. Mais vous autres, vous dites non. Surtout dans le cas des nouvelles explorations minières. Je peux comprendre que, dans le cas des explorations qui existent déjà, au plan de la logique en tout cas, on pourrait toujours plaider comme vous l'avez fait, avec une certaine

persuasion. Mais, dans le cas d'une nouvelle exploration minière, elle n'est pas au PRRI, elle n'est assujettie à rien. Pourquoi ne pas avoir, dans le cas d'une nouvelle exploration minière, l'assujettissement au même titre que toutes les autres entreprises, qu'il s'agisse d'une aciérie, d'une aluminerie?

M. Drouin: Laissez-moi vous dire là-dessus que la première raison, je crois qu'elle a été clairement explicitée là-dedans, c'est les délais qui entrent là-dedans, parce que la question des délais est énorme. La deuxième raison, c'est les conditions économiques. On ne part pas une mine d'or aujourd'hui à 340 $ l'once. On la ferme à ce prix-là. On ne les part pas, on les ferme à ce prix-là. Excepté que, si l'or s'en va, disons, à 450 $, je vais être prêt à partir demain, moi. Mais, si j'attends dans trois ans, il va être revenu à 340 $. Je ne la partirai pas, cette maudite mine-là. On n'a aucun contrôle sur les conditions du marché.

L'autre raison qu'on vous donne, c'est que l'impact d'une mine, c'est local, c'est petit. Quand on regarde une photographie aérienne de la région de l'Abitibi, par exemple, ce n'est pas gros, une mine, c'est très petit dans l'environnement, puis, quand on regarde la grandeur de la province, c'est encore plus petit. Une autre raison aussi: je crois qu'on a un passé, on peut dire, actuel qui démontre - nous sommes rendus en 1991 - qu'on respecte une politique de 1991 et qu'on a des raisons autres que celles d'avoir des obligations de se comporter comme on veut se comporter.

Une des meilleures preuves qu'on a faites, on a publié dernièrement un bilan environnemental, qui a été dirigé principalement par Yves, qui fait l'image de toute notre industrie, de ce qu'on a fait en 1990, puis où on en est rendu. On sait qu'on respecte... Des 100 %, on n'en a pas, à nulle part, excepté qu'on se connaît. On a des projets, on a un plan d'action pour arriver à finir par être des gens parfaits partout. Mais l'affaire qu'il y a, c'est qu'il me semble que ce n'est pas pertinent pour nous de le faire. D'ailleurs, cette non-pertinence-là, elle a été reconnue par le législateur quand vous avez fait le règlement en 1983-1984. Si on a gardé l'item p comme étant une exception, c'est qu'il y a eu quelqu'un qui a pensé à ça. Pourquoi?

M. Lazure: Oui.

M. Drouin: Alors, j'ai l'impression qu'on est encore rendu au même point. C'est aussi pertinent aujourd'hui que ça l'était en 1983.

M. Lazure: J'étais un de ceux-là. Mais la société évolue.

M. Drouin: Nous aussi!

M. Lazure: Bien, là, vous n'évoluez pas. Vous dites: On veut le statu quo. On veut rester où on était en 1983...

Une voix: Mais elle a drôlement évolué.

M. Lazure: ...une exception. Mais revenons sur un plan plus sérieux, si vous voulez. Le délai que vous déplorez, d'accord. Si c'est ça la raison principale, à ce moment-là, discutons de modalités. Et vous avez raison de dire que les délais sont trop longs, tout le monde le dit, puis c'est un des défis de cette commission, dans son rapport final, d'avoir assez d'imagination pour faire des propositions qui vont mettre des obligations, autant au ministère qu'au Bureau, de raccourcir les délais. Une des façons - vous étiez peut-être là ce matin quand on en a discuté avec un autre groupe - c'est la voie rapide. Le député de Rimouski y a fait allusion tantôt. Les Américains ont développé depuis quelque temps - et ils semblent vouloir l'utiliser de plus en plus - une procédure plus expéditive qui confie au promoteur le soin de préparer lui-même tout le dossier, à toutes fins pratiques, selon des directives qui sont toujours disponibles au ministère de l'Environnement. Mais, à toutes fins pratiques, vous éliminez la plupart des étapes et, quand l'exploiteur - d'une mine, dans votre cas - quand le promoteur décide qu'il veut ouvrir une mine à tel endroit, il sait ce qu'il faut préparer comme dossier. Il le sait, alors il le fait lui-même. Lorsqu'il vient porter au ministère son avis, il apporte en même temps toutes ses études. Et si ses études ont été bien faites, à ce moment-là, il est calculé - le groupe qui nous en parlait ce matin, c'était Gaz Métropolitain - qu'au lieu de prendre deux ans et demi, trois ans, ça prendrait 8, 9, 10 mois. S'il y avait une telle procédure, autrement dit, s'il y avait des solutions de trouvées aux délais... Moi, je suis d'accord avec vous qu'une mine, finalement, n'a pas trop, trop d'impacts pour son environnement, beaucoup moins que beaucoup d'autres sortes d'industries peuvent en avoir, les papetières, par exemple. Donc, il faut que les procédures soient adaptées et soient accélérées pour des cas comme les vôtres. Mais, s'il y avait une solution de trouvée pour les délais, est-ce que vous seriez encore résistants?

M. Roberge: Oui, il y a les délais, mais quand on demande un certificat d'autorisation, dans la directive 019 qui est appliquée à tout le monde, pour les nouvelles aussi, il y a 25 pages de demandes de renseignements pour connaître les études d'impact, de la part du ministère pour pouvoir adapter les normes. Ça existe déjà, ce genre de "fast track" pour l'entreprise. C'est de 1978 à 1988 que le débat, sur ces 25 pages, a été réalisé. Après 1988, il s'est ajouté la question des attestations d'assainissement. Quelle autre étude d'impact voudrait-on faire? Le

ministère a clairement identifié, sur 25 pages, toutes ces normes-là et tous les impacts qu'il désire connaître: la végétation, la géologie, la faune, le milieu hydrique, la restauration des sites, la gestion des eaux, le traitement des eaux, l'effluent final, le climat, l'aspect humain, écologique. il y a 25 pages.

M. Lazure: Oui.

M. Roberge: On demande à chaque promoteur de faire une analyse.

M. Lazure: Justement, c'est ce que je disais tantôt, selon des directives qui existent déjà, c'est le cas dans votre secteur, ou qui seraient à faire si c'est un secteur où il n'en existe pas. Mais ça, c'est le point de départ pour vos propres études. Autrement dit, actuellement, un promoteur vient déposer son avis de projet avant de commencer à faire les études, en général, ou il a fait des études très, très préliminaires. Là, on dit: Dans l'optique américaine du "fast track", de la voie rapide, quand il vient le déposer, c'est tout fait.

Bon, enfin. Je voulais aussi aborder un autre sujet. Vous dites que le BAPE ne devrait agir que sur mandat explicite du ministre et non de sa propre initiative. Mais, à ma connaissance, il a toujours agi comme ça, le BAPE.

Une voix: Oui.

M. Lazure: II agit toujours sur demande du ministre.

M. Drouin: Je suis d'accord, excepté que, dans le document que vous nous avez envoyé, vous nous posez la question.

M. Lazure: Ah bon! O.K.

M. Drouin: C'est pour ça qu'on répond là-dessus.

M. Lazure: Alors, vous allez au-devant des coups.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: II y a quand même des impressions, parfois, qui sont un peu floues. Moi-même, j'avais l'impression qu'il y avait eu beaucoup plus d'interventions qu'il n'y en a eu en réalité. Depuis au-delà de 10 ans, le BAPE a eu exactement 44 interventions. Ce n'est pas beaucoup, ça. Ce n'est même pas cinq par année. Alors, nous, on pense que le Bureau d'audiences publiques, puis les deux gouvernements ont eu des torts là-dedans; il y avait des raisons qui nous ont incités à ne pas mettre en vigueur les articles 2g, n, j et p. Mais, après avoir battu ma coulpe, j'ajoute quand même que ça fait 10 ans de ça.

L'opinion publique a évolué. La preuve, c'est que tous les industriels, même l'Association des manufacturiers, sont venus nous dire l'autre jour: Appliquons Lacoste. Vous faites partie de l'Association des manufacturiers, non?

M. Drouin: Nous sommes l'AMQ, mais pas l'AMQ.

M. Lazure: Ah! Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: Mais, sérieusement, la preuve de l'évolution du climat dans notre société par rapport à l'environnement, c'est bien ça, parce que les mêmes associations manufacturières qui nous disaient il y a 10 ans: Non, jamais de la vie, on ne peut pas être assujetties à ça, aujourd'hui disent: Oui, d'accord, soyons assujetties.

M. Roberge: Le même raisonnement que vous faites, moi, je le perçois autrement. L'évolution de la société à l'égard de l'environnement, par exemple, on est rendu aujourd'hui à parler d'une gestion de l'environnement. Le gouvernement semble s'être orienté, et même l'Assemblée nationale, vers une directive 019 qui est fort détaillée et, bientôt, sur une réglementation qui s'inspire de ça. Et les attestations d'assainissement vont faire en sorte qu'à tous les cinq ans l'exercice va devoir se faire pour avoir une autorisation et, pour voir comment on peut améliorer avec l'implication du public. Je pense que, justement, le législateur a fait son évolution, et la société aussi, en se disant: Bon, études d'impact pour certaines catégories de projets et, pour d'autres, les cinq secteurs: métallurgie, mines, raffinerie et pâtes et papiers, attestation d'assainissement. Si, en plus de tout ça, on demande des études d'impact dans la forme actuelle de son fonctionnement, on va être continuellement en études d'impact, puis dans les journaux... Ça fait curieux d'avoir deux avenues qui vont vers le même but.

M. Lazure: Je diffère d'opinion avec vous. Quand vous parlez de remplir les demandes de la directive 019, ce que nous, on pense qui devrait être fait en appliquant le rapport Lacoste, ça n'est pas nécessairement d'ajouter beaucoup d'autres exigences.

Une voix: Oh oui!

M. Lazure: Un certain nombre. Mais, en tout cas, ça ne nous a pas été présenté par l'Association des manufacturiers ou par les autres groupes qui sont venus ici comme constituant un gros problème. Au contraire, ils ont tous dit: Oui, appliquons le rapport Lacoste. Alors, je reviens encore à cette question-là: Comment se fait-il que, pour tous les autres groupes de

promoteurs, ils sont prêts à appliquer le rapport Lacoste et vous, vous ne l'êtes pas?

M. Drouin: D'abord, je peux vous dire qu'on s'est inspiré du rapport Lacoste lui-même où se faisait la liste, la revue de ce qui se passait dans les autres juridictions, canadienne et ailleurs. Dans tous ces documents-là qui étaient ici, il n'y a aucune juridiction canadienne où les projets privés, comme les mines, sont assujettis à la procédure. Ça a été mon premier constat. Je l'ai lu, à moins que je ne l'aie raté, mais c'est facile de se perdre dans 200 pages de document. Il me semble que j'ai regarde tout ça, mais je n'ai pas vu de province où les mines étaient assujetties aux procédures d'audiences publiques.

Deuxièmement, quand on parle d'un projet minier, qui est un projet même difficile à évaluer visuellement, on est en face d'une ressource qui est cachée sous le sol, que les gens ne connaissent pas et qu'on mêle avec ça beaucoup de perception d'un projet par rapport à une connaissance objective du projet, on tombe en face de problèmes. J'ai siégé au Conseil consultatif de l'environnement et j'ai participé aux audiences qu'on a faites aux Îles-de-la-Madeleine pour l'implantation de la mine Seleine. J'en ai entendu de toutes les couleurs. J'étais sur le bureau qui entendait ces représentations-là. C'est fatigant d'entendre toutes ces choses-là quand on sait les deux côtés de la médaille. On regarde ça. La perception, c'est fatigant et ce qu'il y a de pire, c'est qu'on dit: Mentez, ne mentez pas, il en reste toujours quelque chose dans le public. Je pense que les politiciens savent ce que ça veut dire. Oui, il en reste toujours quelque chose. Alors, si on mêle la perception comme jugement principal à un problème déjà compliqué par lui-même, c'est difficile.

Le deuxième problème, et je tiens à vous le dire, c'est que nous sommes une industrie primaire, pas dans le sens de primate, mais primaire dans le sens que nous vendons des produits à des prix qui sont strictement internationaux sur lesquels nous n'avons aucun contrôle. Les revenus que nous avons sont donnés par les produits; nos profits viennent strictement de la marge qu'il y a entre les coûts d'opération et le prix de revenu. On n'a aucune espèce de contrôle. Quand on fait ça ici, bien, on ferme. Alors, c'est le problème qu'on a dans les mines et qu'on ne rencontre pas dans l'industrie manufacturière, quoique, quand on regarde les usines aujourd'hui, ce n'est pas plus drôle que chez nous.

M. Lazure: Mais, dans la mesure où on tient compte, justement, de votre bonne performance en matière environnementale que vous avez évoquée tantôt et, deuxièmement, que, finalement, il n'y a pas tellement d'impact négatif sur l'environnement dans l'ouverture d'une nouvelle mine, dans la mesure où on pourrait raccourcir les délais, à ce moment-là, ce serait quoi le problème? Si vous avez déjà une industrie qui est très soucieuse de l'environnement, vous préparerez bien vos dossiers et vous serez enclins à vous conformer.

M. Drouin: Je crois qu'on a toujours réussi à vivre avec les législations. S'il fallait faire peut-être un petit brin de concession, on vous demanderait de respecter ce qu'on a dit dans le mémoire ici, passer par secteur et passer par région à l'aide d'un canevas assez typique, avec une autre remarque, comme on dit là-dedans: pas toujours demander aux gens de recommencer à zéro. Pourquoi ne pas profiter de l'expérience qui a été faite ailleurs dans un même milieu pour ajouter ça, mettre ça au crédit de celui qui fait une demande?

M. Lazure: Là-dessus, on s'entend. Les évaluations par secteur, les évaluations par région, en tout cas, moi, j'en suis. Je pense que c'est une modalité qui devra être utilisée plus à l'avenir. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Merci, M. le député de La Prairie. Alors, M. le député de Saguenay?

M. Maltais: Non.

Le Président (M. Garon): Je voudrais remercier les représentants de l'Association minière du Québec inc, et je suspends les travaux de la commission pendant quelques instants pour donner le temps à l'Association des ingénieurs-conseils du Québec de s'approcher de la table.

(Suspension de la séance à 17 h 31)

(Reprise à 17 h 33)

Le Président (M. Garon): La commission reprend ses travaux avec l'Association des ingénieurs-conseils du Québec. M. Beaulieu, je présume, comme président, est Ici. SI vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent. Comme nous avons une heure devant nous, vous avez normalement 20 minutes pour présenter votre mémoire, 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le parti de l'Opposition. À vous la parole.

Association des ingénieurs-conseils du Québec

M. Beaulieu (Bertrand P..): Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, membres de la commission, nos salutations. Je suis Bertrand Beaulieu, ingénieur, président du Groupe HBA, de Drummondville, et président de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec.

Avant d aborder notre présentation, permettez-nous, au nom de nos membres, de vous remercier de nous donner aujourd'hui l'occasion d'exprimer notre point de vue. Nous tenons également à vous féliciter de l'initiative entreprise par votre commission de traiter de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement.

Permettez-moi maintenant de vous présenter mes collègues présents aujourd'hui. À mon extrême gauche, M. Luc Girouard, ingénieur, président du Groupe LGL Environnement et membre du comité d'environnement de l'Association; à ma gauche, Mme Johanne Desrochers, directrice générale de l'Association; et, à ma droite, M. Guy Laberge, ingénieur, vice-président environnement de la Société d'ingénierie Cartier et président du comité d'environnement de notre Association.

Je cède maintenant la parole à Mme Desrochers qui vous brossera un rapide tableau de l'Association. Johanne.

Mme Desrochers (Johanne): Merci. Mesdames et messieurs, bonjour. J'ai fait distribuer un petit document, que vous avez, qui donne quelques faits saillants et qui vous donne la composition également de notre conseil d'administration avec des informations sur l'Association.

Le Président (M. Garon): Pourriez-vous parler un peu plus fort?

Mme Desrochers: Plus fort?

Une voix: Ou encore, Johanne, vous avez un petit bouton que vous pouvez tourner.

Mme Desrochers: Ici?

Le Président (M. Garon): Tournez-le vers la droite. Si vous le tournez vers la droite, ça va sortir.

Mme Desrochers: C'est mieux comme ça? Une voix: Oui. Merci.

Mme Desrochers: Bon. C'est en 1974 qu'a été formée l'Association des ingénieurs-conseils du Québec. Sa mission: contribuer au développement de l'ingénierie québécoise, tout en s'as-surant des services de la plus haute qualité fournis par ses membres et défendre les intérêts de ses membres, il va de soi.

L'Association représente aujourd'hui 240 firmes québécoises d'ingénieurs-conseils réparties à travers la province, lesquelles emploient 90 % de la main-d'oeuvre de ce secteur d'activité économique.

L'Association des ingénieurs-conseils du Québec prône la sélection des ingénieurs-conseils fondée sur la compétence et encourage le maintien de normes professionnelles élevées. La situation professionnelle des membres de notre Association en fait des acteurs de premier plan sur plusieurs scènes qui ont souvent un impact important sur le développement de notre société. Cette position privilégiée confère aussi aux ingénieurs-conseils une responsabilité particulière, celle d'intervenir par les moyens appropriés afin que ce développement soit conforme aux meilleurs intérêts de la population québécoise.

M. Beaulieu: Merci, Mme Desrochers. Le mémoire que nous avons déposé est le fruit des efforts de notre comité d'environnement composé de spécialistes et de dirigeants d'entreprises. Nos membres participent à des études environnementales et assistent le promoteur dans l'obtention de permis, et font souvent office de témoins experts lors des audiences. Nos membres sont donc parfaitement familiers avec les procédures en vigueur et, également, très conscients des difficultés et de la frustration inhérente à la procédure actuelle.

Dans le cadre du développement durable, on doit intégrer les considérations sociales et environnementales, mais également les considérations d'ordre technologique et économique, sans quoi c'est le développement lui-même qui est compromis. C'est, par conséquent, en toute connaissance de cause et dans un esprit de collaboration que nous nous joignons à votre démarche. Il nous semble qu'en raison des préoccupations de plus en plus grandes de la population pour la protection de l'environnement de plus en plus de projets seront sujets à des demandes d'audiences publiques. Dans ce contexte, il importe d'améliorer le système pour le rendre plus transparent et plus efficace, en ne perdant pas de vue la protection de notre patrimoine environnemental.

Comme vous pourrez le constater dans notre mémoire déjà déposé, nous nous sommes attardés à la plupart des dimensions de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement. Compte tenu du temps accordé, nous limiterons cependant notre présentation aujourd'hui à un survol de quatre aspects importants. Ceux-ci sont: la procédure actuelle, le rôle du BAPE et du MENVIQ, les projets industriels et la disposition des déchets domestiques.

Je cède maintenant la parole à mon collègue, Guy Laberge, président du comité d'environnement, qui traitera brièvement de ces points.

M. Laberge (Guy): Merci, M. Beaulieu. Mesdames, messieurs, bonjour. Alors, nos membres accordent une grande importance à la mise en vigueur d'une procédure efficace sur le plan environnemental dans un contexte dont l'issue est relativement prévisible et la durée limitée. Ainsi, les principes généraux qui doivent gouver-

ner la procédure sont le respect d'un échéancier strict tant pour le dépôt des directives préliminaire et finale que pour chacune des autres activités. Celles-ci comprennent la décision du Conseil des ministres, la participation des publics concernés et du BAPE dans l'élaboration des directives, l'établissement d'un cadre de référence pour l'analyse environnementale et, enfin, le respect du promoteur lors des audiences publiques.

De plus, bien que le promoteur doive conserver généralement le fardeau de la preuve, le ministère de l'Environnement du Québec, le MENVIQ, doit collaborer pour rendre l'information existante disponible et s'assurer que les règles du jeu soient connues et constantes d'un projet à l'autre. En ce qui a trait aux études d'impact sur l'environnement, le promoteur devrait continuer à présenter, dès l'avis de projet, les enjeux environnementaux. Il faudrait, en contrepartie, que le ministère en tienne compte davantage dans sa directive. D'ailleurs, il serait intéressant que le public participe à l'élaboration de directives types qui pourraient s'appliquer à différentes catégories de projets, par exemple, le dragage, la cogénération, les lignes de transport, etc. Les promoteurs pourraient ainsi débuter leurs études avec ces directives. Après le dépôt de l'avis de projet, la directive préliminaire serait précisée par le MENVIQ dans un délai restreint en tenant compte des données locales fournies, entre autres, par des consultations auprès des publics concernés. Également, le BAPE devrait être consulté lors de l'élaboration de la directive préliminaire et ce, toujours dans un délai très court.

Un autre bénéfice important. La précision des enjeux par le public concerné de la zone d'étude permettrait de donner un cadre de référence afin d'évaluer la pertinence d'une demande d'audiences publiques. S'il y a audiences, l'analyse environnementale réalisée par le MENVIQ devrait être rendue publique avant le début des audiences. Selon nous, la responsabilité de l'étude d'impact devrait continuer d'être à la charge du promoteur, mais avec une meilleure collaboration du MENVIQ. La réalisation de l'étude d'impact par le promoteur donne la latitude nécessaire au MENVIQ pour évaluer de façon objective l'étude sur le plan technique.

En ce qui concerne la justification du projet, nous croyons qu'il n'est pas raisonnable d'exiger d'un promoteur de justifier son projet ou d'étudier l'impact sur des phénomènes qui débordent le contexte du projet et qui sont hors de son contrôle. Selon nous, le promoteur devrait expliquer le contexte dans lequel il compte réaliser son projet, justifier ses choix techniques et sa localisation. De plus, les effets cumulatifs d'envergure locale, régionale, nationale ou même internationale devraient être évalués par le MENVIQ ou un autre organisme gouvernemental plutôt que par le promoteur qui n'a pas accès à l'information nécessaire. En regard des impacts environnementaux appréhendés, la justification doit être analysée en fonction des bénéfices découlant du projet et de ses impacts et, s'il y a lieu, en comparant différentes alternatives et leurs implications.

Essayons maintenant de rationaliser et de faciliter la procédure. Pour les projets simultanés sur le territoire, la définition de projet pourrait permettre de grouper un certain nombre de projets pourvu qu'il s'agisse d'un seul et même promoteur. De plus, pour les projets à caractère répétitif, nous sommes d'avis qu'il serait possible de développer des évaluations environnementales simplifiées. Il faudrait alors mettre en place des systèmes de contrôle et de suivi environnemental qui permettent d'établir les impacts réels de ces projets. C'est au MENVIQ de colliger, d'analyser et de diffuser l'information acquise sur les sujets environnementaux.

En principe, la procédure qui comprend une liste de projets inclus et de projets exclus est parfaitement acceptable et les projets non cités sont couverts en vertu de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Le ministère doit conserver son pouvoir de commander une évaluation environnementale préliminaire. Donc, sous cet aspect, la procédure actuelle est adéquate sauf que le présent mode de consultation publique est trop pénalisant et dévalorisant pour les promoteurs, tant sur le plan de l'échéancier que dans l'impossibilité de prévoir la nature des débats soulevés soit par le BAPE ou le public. Il est, par conséquent, impossible d'anticiper les résultats de cette consultation.

Afin d'accélérer le processus et d'en déterminer la durée, il devrait y avoir des délais précis pour chaque étape de la procédure. Le ministre pourrait bénéficier d'un pouvoir d'extension pour toute étape de la procédure dans des cas très particuliers, en accord avec le promoteur. Mais, attention, il ne semble pas utile d'adapter la procédure à la finalité des projets, comme une certaine question qui est posée dans votre demande. En effet, la diversité des projets soumis pour l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement entraînerait plusieurs modifications à la procédure et viendrait compliquer, à notre avis, le processus. De plus, certains promoteurs pourraient se sentir lésés par rapport à d'autres qui auraient pu suivre une procédure accélérée.

N'oublions pas qu'il y a peu de projets en audience depuis 10 ans, présumément parce que la procédure est pénible et onéreuse. Les promoteurs préfèrent abandonner ou suspendre un projet ou aller ailleurs plutôt que de se soumettre à un tel processus. Raison de plus pour s'assurer que notre procédure soit la plus efficace possible et ne soit pas plus pénalisante que celle de nos voisins. Il y aurait lieu, par conséquent, d'harmoniser les procédures québé-

coise, ontarienne et fédérale, tout en donnant la priorité à la procédure provinciale. (17 h 45)

Mesdames et messieurs, laissons les décisions politiques aux élus, c'est là notre réponse. En effet, selon nous, le Conseil des ministres est normalement représentatif de toutes les activités socio-économiques et culturelles du Québec. Nous considérons qu'il constitue le niveau de décision approprié pour l'approbation des projets. Dans l'autorisation de projets, l'Association des ingénieurs-conseils du Québec estime que le gouvernement tient compte généralement de l'évaluation environnementale dans la prise de décision.

Donc, avant de terminer cette section, nous désirons mentionner que les études environnementales réalisées, soit en vertu de l'article 22 ou de l'article 31, ont certes contribué à la protection de l'environnement. Bien que la tenue d'audiences publiques se veuille un processus de consultation publique, nos membres qui ont déjà participé à ces audiences continuent de s'interroger sur l'efficacité de ce processus.

Permettez-moi maintenant de céder la parole à Bertrand Beaulieu.

M. Beaulieu: Merci, Guy. Voyons maintenant le rôle du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, le BAPE. Selon nous, le processus de nomination des membres du BAPE n'a pas à être révisé. De plus, son pouvoir d'enquêter doit demeurer ce qu'il est actuellement. Toutefois, lors de la nomination des membres du BAPE, on devrait prévoir une représentation équitable des différentes écoles de pensée. Les membres de l'Association sont d'avis que le BAPE n'a pas de rôle à jouer après la remise de son rapport. La plus grande faiblesse de la procédure actuelle, c'est la pertinence et la justesse des recommandations formulées par le BAPE suite à certaines audiences. Selon nous, la médiation devrait parfois être recommandée et le président du BAPE devrait pouvoir servir d'arbitre ou pouvoir assigner un arbitre lorsque les parties sont d'accord pour lui donner ce pouvoir. Enfin, le BAPE a été créé pour être une entité qui soit distincte du MENVIQ et puisse servir de véhicule pour la consultation et ses fonctions séparées doivent le demeurer.

En ce qui a trait au rôle du MENVIQ, selon nous et selon plusieurs firmes membres de l'association, il existe malheureusement un consensus selon lequel le MENVIQ ne s'acquitte pas efficacement et rapidement de sa tâche dans l'autorisation de projets. Cependant, nous ne sommes pas en mesure de juger si le ministère possède les ressources adéquates pour accomplir sa tâche. Pour la plupart des projets, il pourrait modifier son rôle d'examinateur de plans et devis pour s'orienter davantage dans la planification, le contrôle et le suivi environnemental des projets.

Abordons maintenant le troisième point, les projets industriels. Notre Association est d'avis que les projets industriels devraient être soumis à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts à condition que la procédure soit sensiblement modifiée pour être plus prévisible et ce, dans toutes ses étapes. De plus, les interventions lors des audiences devraient être assujetties à des règles de preuve plutôt qu'à de simples opinions du public sans fondement scientifique.

Nous considérons que les impacts environnementaux pourraient être évalués adéquatement dans le cadre d'une étude d'impact réalisée selon la procédure actuelle. Cependant, il faudrait, encore une fois, que cette procédure soit réalisée à l'intérieur d'un échéancier précis pour permettre l'implantation de ces entreprises. Avant d'attirer une industrie étrangère au pays, nous suggérons de faire une évaluation environnementale préalable. Une telle étude devrait pouvoir se faire par un simple examen des procédés en tenant compte de plusieurs sites pour localiser cette entreprise. Cette même suggestion pourrait s'appliquer lors de l'évaluation de l'admissibilité des entreprises à une aide financière. Le gouvernement devrait procéder systématiquement à une évaluation environnementale sommaire. Enfin, certains parcs industriels pourraient être préalablement planifiés et évalués par une étude d'impact. Des études simplifiées pourraient alors être demandées pour l'implantation d'industries déterminées.

Permettez-nous, en terminant, de traiter brièvement de notre dernier point, la disposition des déchets domestiques. Il nous apparaît que l'implantation d'un lieu d'enfouissement sanitaire n'a pas à être assujettie à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement en raison du fait que les impacts sont connus. Il importe donc d'agir et de répondre au besoin crucial de la plupart des municipalités du Québec. Le MENVIQ doit s'assurer dès le début que les critères de localisation, de conception et d'exploitation prévus dans la réglementation soient adéquats. Selon nous, il est également très important que ces sites fassent l'objet d'un contrôle rigoureux et d'un suivi environnemental exhaustif allant même jusqu'à une réévaluation périodique de leur conformité environnementale. Au niveau planification, la localisation d'une implantation d'un lieu d'enfouissement sanitaire devrait, selon nous, être discutée lors de la révision des schémas d'aménagement des MRC. Il s'agit d'un forum municipal axé sur la gestion du territoire et des besoins des collectivités locales.

De plus, le MENVIQ doit jouer un rôle important pour s'assurer que les règles de l'art soient respectées lorsque l'entreprise privée ou les municipalités gèrent ou exploitent des systèmes de gestion de déchets. Il doit également s'assurer que des fonds soient mis en fiducie et demeurent toujours disponibles pour la fermeture

et l'entretien postfermeture. Nous sommes d'avis que c'est au gouvernement de fixer les modalités de l'ensemble des enjeux d'un débat public si cela s'avère nécessaire. En effet, nous ne croyons pas que le BAPE ait à se pencher sur des dossiers concernant la problématique des déchets solides.

En guise de conclusion, permettez-moi de prendre encore quelques instants pour résumer notre position en ce qui a trait à la procédure. Elle doit être efficace sur le plan environnemental, sans que cette procédure ne soit un frein au développement. Elle doit être prévisible tant sur le plan de la durée que des résultats escomptés. 11 doit y avoir des délais précis à chaque étape et la durée de l'exercice ne devrait pas excéder 12 mois. elle ne doit pas être plus pénalisante que celle de nos voisins. le besoin d'harmoniser se fait encore plus pressant. le public devrait faire connaître ses préoccupations très tôt dans le processus, préalablement à l'occasion du dépôt de la directive préliminaire.

Il n'est pas raisonnable d'exiger d'un promoteur de justifier son projet ou d'étudier l'impact sur des phénomènes qui débordent le contexte du projet et qui sont hors de son contrôle.

En ce qui a trait aux projets industriels, nous croyons qu'ils pourront être soumis au Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement une fois la procédure revue, accélérée et harmonisée.

En ce qui a trait aux déchets domestiques, il ne nous paraît pas opportun de les assujettir à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts quant au lieu d'enfouissement de déchets solides. Ce qui est important, ce sont les critères de localisation, de conception, d'exploitation et la mise en fiducie d'un fonds pour la restauration. Le suivi environnemental est primordial.

Mesdames et messieurs, nous vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Garon): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Au nom du gouvernement, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue à cette commission, Mme la directrice générale, M. Beaulieu, ainsi que les deux messieurs qui vous accompagnent, et saluer particulièrement l'Ordre, c'est-à-dire l'Association des ingénieurs-conseils.

J'ai lu attentivement votre mémoire que vous nous aviez fait parvenir. J'ai aimé la forme interrogative et vous autres, vous avez donné des réponses aussi. Dans d'autres mémoires, on a posé beaucoup de questions, mais on avait peu de réponses. Je pense que c'est tout à votre honneur de nous donner votre opinion dans des réponses comme ça. Je serai assez bref dans mes questions. J'ai trois questions que j'aimerais vous poser.

La première. Dans votre mémoire, à un moment donné, à la page 6, lorsqu'on parle des "effets cumulatifs, qu'ils soient d'envergure locale, régionale, nationale ou même internationale", vous nous indiquez que ça devrait être évalué par le MENVIQ et l'OPDQ. Qu'est-ce que l'OPDQ, selon vous, vient faire ici?

Une voix: Luc, pourrais-tu répondre?

M. Girouard (Luc): On pensait à l'OPDQ, parce que, réellement, on voit la définition des effets cumulatifs comme relevant d'une planification régionale et d'une planification à une échelle beaucoup plus large. L'OPDQ nous apparaît l'organisme gouvernemental qui peut assumer ce rôle-là, parce que les MRC, normalement, sont préoccupées par les collectivités qu'elles représentent et, de façon à regarder les effets cumulatifs qui doivent couvrir des éléments dans le temps et dans l'espace, qui doivent être beaucoup plus importants que le rôle des MRC, l'OPDQ pourrait assumer ce rôle-là dans un esprit de planification à une échelle beaucoup plus grande.

M. Maltais: Je ne sais pas si vous connaissez bien le fonctionnement de l'OPDQ, mais, moi, je trouve qu'ils sont assez mêlés comme ça, là, qu'il ne faudrait pas qu'ils aillent se mêler de la question environnementale, parce que, là, ce serait le bordel total. Je n'ai pas la même perception que vous, que l'OPDQ pourrait faire un genre de suivi comme ça. Écoutez, il faut vivre avec eux autres.

Mme Desrochers: II doit manquer un bout de phrase: Ou tout autre organisme que vous jugerez...

M. Maltais: Bon. Alors...

Le Président (M. Garon): Ça va prendre une étude d'impact sur l'OPDQ.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Desrochers: À peu près.

M. Maltais: Depuis trois jours qu'on auditionne des groupes et des personnes, tout le monde s'est plaint d'une chose, c'est unanime, même vous: les délais. Moi, j'essaie de chercher pourquoi ça prend tant de temps que ça. Les avocats restent à venir, mais on sait qu'ils vont dire que c'est les ingénieurs. Les ingénieurs, vous allez sans doute nous dire que ce sont les fonctionnaires, qui sont des ingénieurs aussi. Un jour ou l'autre, quelque part dans le système du Québec, il faudrait que quelqu'un nous dise pourquoi ça prend 30 mois, 40 mois et 50 mois. Je ne sais pas où ça accroche, mais y a-t-il moyen de prendre un projet, de remplir comme il

faut la formule des deux côtés, de s'en aller à l'Environnement? L'association des alumineries a posé une question. Il devrait y avoir un chargé de projet en environnement qui suive ce dossier, juste lui, pour ne pas l'échapper, pour ne pas qu'il tombe quelque part et qu'on ne le retrouve plus. D'après vous autres - au fond, c'est votre profession et c'est vous qui traitez la grande majorité de ces projets-là - entre vous et moi, à 18 heures pile jeudi soir, pouvez-vous me dire à quelle place ça accroche? Pourquoi ça marche tout croche et que ça prend tant de temps que ça?

M. Beaulieu: Vous savez, nous, on pense qu'on a besoin de plus de directives. On a besoin de normes. On a besoin de savoir exactement vos besoins, les besoins de la province. Vous êtes là en tant que gouvernement pour nous le dire, en tant que fonctionnaires. On disait, tout à l'heure, que le MENVIQ devrait prendre une autre responsabilité. C'est-à-dire laquelle? La responsabilité technique, c'est-à-dire de nous donner des normes précises, dans un temps précis, un délai précis et d'avoir un ordre tel qu'on le demande ici. L'ordre est changé dans notre présentation. Mais je crois que chacun, comme l'Association des ingénieurs-conseils, représente ses membres. Lorsque nous faisons une étude ou des travaux, nous sommes responsables du résultat de nos travaux. Nous avons la responsabilité totale et complète de ces travaux-là. Donc, laissez-nous la responsabilité complète des travaux. Ne prenez pas le temps d'inspecter tous les plans et devis et de voir s'il manque une virgule, un point ou quoi que ce soit. Je crois que vos professionnels sont tellement efficaces au point de vue technique qu'ils doivent faire autre chose que ça. On les respecte beaucoup, c'est de nos membres, de l'Ordre des ingénieurs.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Maltais: Regardez, je vais vous donner un exemple bien terre à terre. Le ministre de l'Éducation, après qu'on se soit battus, nous dit: O.K., tu construis une école dans ta circonscription. La commission scolaire engage un architecte qui conçoit l'école. Elle engage des ingénieurs pour faire la mécanique et toute la bebelle. Le plan de l'architecte est accepté au ministère de l'Éducation, les plans des ingénieurs sont acceptés. On va en appel d'offres. On construit l'école et tout ça. On fait ça en dedans d'un an et l'école est bâtie, qu'elle soit grosse ou petite. C'est la même chose aux Affaires municipales. On peut avoir un programme AIDA de 25 000 $, mais on peut en avoir un de 2 000 000 $, puis de 3 000 000 $, 4 000 000 $ et ça prend le même temps. Les professionnels, ça remplit, ça correspond, mais aussitôt qu'on touche à l'Environnement - excusez l'expression - c'est le bordel. Entre vous autres, qui êtes les mandataires, 95 % de l'entreprise qui vous mandate, et c'est toujours les mêmes fonctionnaires... On en a 2700, on ne doit pas les changer à toutes les semaines, au ministère de l'Environnement. Vous devez commencer à les connaître quelque part. Mais ça prend 30 mois, 40 mois. Pourquoi ça prend aussi longtemps que ça? Vous nous dites: Laissez-nous travailler. Écoutez, monsieur, je vous pose une question bien terre à terre: Vous remplissez toutes les formules, vous avez toutes les exigences que le devis exige, vous allez à l'Environnement avec ça, ça leur prend combien de temps pour vous dire: O.K., tu peux continuer?

M. Beaulieu: Écoutez, je pense que je vais laisser répondre Luc, parce que mon opinion... Moi, de la manière que je suis fait, je vous ai donné mon opinion et je vais laisser une autre opinion...

M. Maltais: Je m'excuse d'insister, mais c'est important. Tout le monde s'est plaint de ça. (18 heures)

M. Girouard: Je pense qu'une des raisons pour lesquelles les délais sont si grands, c'est beaucoup plus la définition des tâches à l'intérieur du ministère de l'Environnement, puis il s'agit de bien comprendre les projets qui sont présentés par les promoteurs. Je pense que c'est la source principale pour les directives.

M. Maltais: L'incompréhension du projet présenté par le promoteur, par les fonctionnaires du ministère de l'Environnement.

M. Girouard: Oui, parce que, souvent, ils attendent d'avoir assez de données pour être capables d'arriver et d'émettre des directives correctes. Quand on parlait tout à l'heure de laisser les ingénieurs assumer leur rôle, le ministère de l'Environnement a beaucoup de ressources, presque une centaine d'ingénieurs, par exemple, qui font beaucoup d'approbation de plans. En majorité, c'est ce qu'ils font et c'est ce qu'on disait: À notre avis, ce n'est pas le rôle des ingénieurs du ministère de faire de l'approbation de plans. Il y a des responsabilités de professionnels et il y a un Ordre des ingénieurs qui fait ça.

Si on faisait une allocation des ressources, surtout en ingénierie, du ministère de l'Environnement pour regarder les technologies propres, pour regarder ce qui se fait ailleurs dans le monde pour protéger l'environnement et pour connaître les projets, à ce moment-là, quand un promoteur arriverait avec un avis de projet, on serait capables d'émettre beaucoup plus rapidement une directive parce qu'on aurait regardé ce qui se fait ailleurs et on saurait tout de suite.

Ça, c'est probablement la source principale des délais. Il n'y a pas de problème, une fols qu'on a les directives, pour les exécuter. On fait ça dans des délais rapides, on est capables

d'arriver dans des choses très bien définies; on le fait, d'ailleurs, dans d'autres provinces. Mais quand on arrive ici, on n'est pas capables d'avoir des directives dans un délai raisonnable et je pense que c'est strictement une question d'allocation des ressources.

M. Mariais: D'accord. M. Beaulieu, vous qui êtes un sage-conseil, puisqu'on vous a élu président de l'Association des ingénieurs-conseils, qu'est-ce que vous pensez de la loi fédérale qui s'en vient, finalement, chambarder un peu notre coutume de vie au niveau des auditions au niveau des grands projets? Qu'est-ce que vous pensez de ça, vous, comme professionnel et les personnes aussi qui vont avoir à composer avec tout ce beau monde-là? En plus que ça va déjà mal chez nous, c'est le bordel, vous allez avoir à faire face à tout ce beau monde-là. S'ils ne sont pas "gearés" plus fort que nous autres, ça va bien aller.

M. Beaulieu: C'est toute une question. L'Association des ingénieurs-conseils a pris position dans plusieurs cas et a toujours répondu ce qui suit, c'est qu'on est capables de s'administrer nous autres mêmes au Québec. On est capables de faire nos évaluations d'impact et on est assez responsables pour les faire comme il faut. On n'a pas besoin d'une autre loi fédérale. En ce qui concerne les poissons, les ci, les ça, je crois qu'on est d'accord, tout le monde est d'accord au Québec. Mais, par contre, nos richesses naturelles, nos choses à nous, on est capables de les administrer, la preuve est faite. Alors, on dit tout simplement qu'on est aptes à faire nos études et nos projets.

M. Maltais: Je suis bien heureux de vous l'entendre dire, mais pas autant que mon collègue. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Maltais: Mais je suis bien heureux. Je vous remercie. Je vais laisser la parole à mon collègue, parce que ma collègue, Mme la députée de Vachon, voudra revenir tout à l'heure.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, au nom de l'Opposition, de souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association des ingénieurs-conseils et de les remercier d'avoir bien voulu préparer cette présentation qui est assez dense; il y a beaucoup de choses dans ça. La plupart, moi, j'y concours allègrement, mais il y en a un certain nombre qui m'ont fait tiquer, je vous l'avoue, puis je vais les soulever tantôt.

Mais, pour enchaîner, dans la discussion sur les délais, moi, j'aime bien l'interprétation de votre dernier collègue, son explication des délais probables à l'intérieur du ministère. Je l'ai déjà vu à l'intérieur de certains ministères où des professionnels sont attardés à des tâches qui ne sont pas absolument nécessaires, qui sont moins prioritaires que d'autres. Et je pense que vous avez raison. Si ce temps-là était consacré à la préparation des directives, à ce moment-là, il y aurait une accélération. Mais - vous me voyez venir - je pense, comme mon collègue de Saguenay, qu'il y a autant de délais du côté des ingénieurs-conseils qu'il y en a du côté du ministère. Je le pense sincèrement.

Dans le rapport Lacoste, il y avait un tableau fort intéressant. Ce n'est pas paginé, malheureusement, c'est dans les annexes, je pense. C'est après la page 19, en tout cas, 21. Il y a une série de statistiques sur les délais selon les étapes du processus. Par exemple, entre la consultation sur la directive préliminaire et le dépôt officiel de l'étude d'impact par le promoteur - laquelle étude d'impact par le promoteur est généralement faite, pas exclusivement, mais je ne sais pas à quel pourcentage, à 80 %, par des ingénieurs-conseils qui apportent une grande contribution à cette tâche-là - le délai était de 16,4 mois. Moi, je suis sûr que tous les acteurs dans ce scénario sont coupables du délai, dans une certaine mesure. Le moins coupable, je dirais que c'est le BAPE et c'est celui-là qui reçoit le plus de blâmes ces jours-ci. La seule étape qui est bien contingentée au point de vue des délais, c'est la période des audiences publiques, quatre mois. C'est plafonné. Ensuite, la période où le ministre doit transmettre son rapport, le rendre public, c'est 60 jours. Mais les autres étapes, ce n'est pas plafonné. On est d'accord avec vous que ça devrait l'être, il devrait y avoir des délais fixés. Mais, si on fait l'autopsie, je pense que le partage des responsabilités est assez égal et, moi, je dirais, en tout cas, que le moins coupable, c'est le BAPE, finalement, contrairement à un mythe populaire qui veut que le BAPE soit, lui, le grand responsable.

J'enchaîne. J'ai été surpris de voir qu'à un moment donné vous dites: "II y a peu de projets en audience depuis 10 ans parce que la procédure est trop onéreuse et fort pénible. Les promoteurs préfèrent abandonner un projet ou aller ailleurs plutôt que de se soumettre à un tel processus." Ça, je ne vous suis pas du tout là-dessus. Je trouve ça grave comme accusation. Vous accusez, au fond, l'audience de faire fuir les investisseurs. On n'a pas entendu ça venant d'ailleurs, ici, du tout, du tout.

Une voix: Par l'Association des manufacturiers, non?

M. Lazure: Même les gens de Lauralco nous ont dit: Ce n'est pas des procédures comme ça qui nous font peur; on est habitués à ça partout

dans le monde. Je veux juste faire une remarque et je vous laisse réagir là-dessus. Il y a eu une quarantaine de projets depuis plus de 10 ans, seulement une quarantaine. La raison principale, selon moi, pour laquelle il y en a eu si peu, ce n'est pas parce que c'est compliqué et que ça fait peur au monde, c'est parce que des pans entiers n'étaient pas en vigueur. Ça, vous le savez fort bien. Le rapport Lacoste l'a bien dit, clairement, et tout le monde réclame que le rapport Lacoste soit mis en application.

Mais, à supposer que le rapport Lacoste ait été mis en application, au lieu d'avoir eu 40 projets en audience, on en aurait eu - un calcul approximatif, si vous voulez, selon les clauses 2g, 2j, 2n, 2p - au moins une centaine, entre 100 et 150 projets de plus. Ce n'est pas parce que ça fait peur au monde qu'il n'y en a pas eu, des audiences, c'est parce qu'on n'a pas eu encore assez de courage, les gouvernements, pour mettre en application ces articles-là. Moi, je ne peux pas m'empêcher de rétablir certains faits à cet égard-là.

M. Beaulieu: Pour commencer, je pense qu'on a été mal interprétés. On ne parle pas de retards et que les gens ont peur de l'audience.

M. Lazure: Bien!

M. Beaulieu: Les gens ont peur du processus global environnemental. C'est la différence qu'on veut porter à...

M. Lazure: Oui, mais, là, on parle de projets en audience.

M. Beaulieu: En audience, parce qu'ils ont peur du procédé.

M. Lazure: Mais vous avez dit "projets en audience".

M. Beaulieu: Oui, parce qu'ils ne vont pas en audience, justement, ils arrêtent avant. Ils ont peur du processus environnemental. Je vais laisser M. Laberge répondre à vos questions, si vous voulez bien, M. le député.

M. Laberge (Guy): En fait, vous avez énu-méré plusieurs considérations. Chose certaine, l'exploitant ou le promoteur va examiner attentivement quelle procédure s'applique à lui et va certainement préférer une procédure qui lui apparaît plus expéditive, dont l'issue est plus certaine que de s'en aller vers une procédure en audience. Je pense qu'on a une amélioration effective à apporter de ce côté-là, peut-être aussi au point de vue perception.

M. Lazure: Moi, j'ajouterais là-dessus que c'est un peu comme un cercle vicieux. Étant donné qu'il y a peu d'audiences - parce que c'est très peu, ça, quatre ou cinq par année - moi, j'ai l'impression que, souvent, au ministère, quand on demande la directive au promoteur, sachant à l'avance qu'il n'y a pas d'audience, il y a des fonctionnaires qui sont très, très scrupuleux, qui veulent être d'une grande prudence. Peut-être qu'il y a une exagération des délais parce qu'on prend beaucoup de temps pour s'assurer qu'on va avoir toutes les précautions voulues.

Autrement dit, il y a aussi une question de culture. On l'a vu avec Soligaz, qui était la première audience sur un grand projet industriel. Les gens se sont défoulés, c'est vrai. Mais, au fur et à mesure qu'il y aurait plus d'audiences, si l'audience publique devenait banalisée un peu comme d'autres sortes d'audiences qui ont lieu dans d'autres domaines, moi, je pense qu'à ce moment-là, au total, les procédures seraient accélérées. On est d'accord avec vous, on l'a dit à plusieurs reprises, je pense, des deux côtés de la table ici: Nous comptons bien essayer de trouver des façons de fixer des délais, des plafonds. Il faut absolument que ce soit raccourci. Là-dessus, on s'entend.

M. Laberge (Guy): En fait, les délais, il faut qu'ils soient impartis à chaque activité...

M. Lazure: C'est ça.

M. Laberge (Guy): ...ou à chaque intervenant.

M. Lazure: C'est ça.

M. Laberge (Guy): II faut également qu'il y ait des cadres de référence, il faut qu'il y ait des directives qui soient relativement précises, il faut que les intervenants qui veulent s'exprimer s'expriment très tôt dans le processus. S'il y a des études qui sont faites, qu'elles répondent à ces questions-là qui sont soulevées. Il ne faut pas que les questions sortent trop tard.

M. Lazure: Qu'est-ce que vous pensez de la technique américaine dont on a parlé à quelques reprises aujourd'hui, la voie rapide, une procédure plus rapide? Oui?

M. Girouard: Cette procédure-là, à ma connaissance, a été étudiée seulement une fois. On en parle pour pouvoir l'utiliser. On recommande, nous, une méthode pour le faire qui serait similaire à ça, ça serait une audience publique sur un certain type de projets. Je pense que les audiences génériques sur la cogénération, qui ont été annoncées il y a deux semaines, sont déjà dans cette bonne voie-là. Ça pourrait être quelque chose qui se rapproche de ce qu'on appelle les "class EA" en Ontario...

M. Lazure: Oui.

M. Girouard: ...où, pour certains types de projets, on a déjà défini le genre de mesures de mitigation qui vont s'appliquer et le promoteur s'engage à vérifier son projet en fonction des conditions locales et à suivre ces mesures de mitigation là. On recommande, d'ailleurs, d'aller vers ce processus accéléré là qui pourrait aller par type de projets, mais avec, au départ, contrairement à la procédure américaine où c'est le promoteur qui a tout le rôle, des règles du jeu qui seraient fixées lors d'audiences avec les gouvernements et le public.

Je pense que c'est là où on varie par rapport au processus américain, mais ça fixerait les mêmes règles du jeu pour tout le monde, ce qui permettrait d'accélérer le processus. L'un des problèmes qu'on voit avec le processus actuel, c'est que, souvent - on l'a noté dans le mémoire - les enjeux environnementaux importants d'un certain type de projets ne ressortent pas clairement soit des études, soit des directives. Il y a certains domaines d'activité où on sait quels sont les grands enjeux environnementaux. Et la directive, justement parce que le ministère veut se couvrir sous tous les aspects, est tellement large qu'on regarde l'étude d'impact et on a de la misère à voir ce qu'il y a d'important là-dedans.

Donc, je pense que le ministère et le promoteur doivent identifier les enjeux environnementaux par rapport à un certain type d'activités et il pourrait y avoir un engagement du promoteur de suivre un processus accéléré dans le cas de projets très bien définis. On a eu combien de projets de marinas? On va avoir combien de projets de cogénération? Il y a eu des projets d'alumineries. Il y a des groupes de projets qui vont très bien. Ça permettrait d'avoir un processus accéléré.

Une autre chose concernant les délais. Tout à l'heure, vous mentionniez qu'il y a des délais qui... On recommande des choses de façon à accélérer le processus; par exemple, le processus pour émettre un certificat d'autorisation oblige à soumettre des plans finaux. Des fois, on passe le processus complet de vérification environnementale, d'audiences, etc., il y a une autorisation pour la construction, on procède à la construction, mais il y a plein de modifications mineures qui ont lieu et on est dans une drôle de position comme ingénieurs. On ne peut pas soumettre des plans tels que construits, le ministère ne peut pas remettre les certificats d'autorisation parce que ce n'est pas les plans définitifs et, en même temps - on est en construction - on ne peut pas aller en construction parce qu'on n'a pas le permis du ministère.

Donc, il y a des ajustements mineurs comme ça à faire, mais, par exemple, on devrait être capables de remettre un certificat d'autorisation avec des plans pour lesquels on va en soumission et de donner un certificat d'autorisation préliminaire et, lorsque c'est fini de construire, de remettre au ministère des plans définitifs. Je pense que ça, c'est le genre d'ajustement qui peut se faire.

Finalement, concernant le BAPE, on est entièrement d'accord sur les délais avec lesquels le BAPE fonctionne; il n'y a pas de problème, c'est bien défini, tout ça. On fait des recommandations, par contre, sur la façon de fonctionner du BAPE par rapport à l'expertise qu'il peut obtenir. Le BAPE fonctionne dans un cadre très bien défini, mais il a des problèmes, entre autres, avec le choix des commissaires et avec l'utilisation d'experts externes. On fait des recommandations dans notre mémoire qui permettraient, tout en restant dans le même processus, d'avoir des audiences avec lesquelles, je pense, tout le monde se sentirait plus à l'aise aussi. (18 h 15)

M. Lazure: Oui. Et je pense que vos recommandations en rapport avec la nomination des membres du BAPE sont tout à fait pertinentes. On s'entend, je pense, sur tout ce que vous venez de dire concernant des évaluations sectorielles ou génériques, peu importent les termes. Aussi, je trouvais intéressant, et je pense que vous êtes les premiers à nous faire cette suggestion, ce que j'appellerais une évaluation préventive pour les parcs industriels: faire une espèce de classification au préalable des parcs industriels, si bien qu'un gouvernement saurait que tel parc industriel est apte à recevoir tel genre d'industrie. Je pense que c'est très pertinent, ça, comme recommandation.

M. Girouard: II y a le cas de Bécancour qui est peut-être le cas le plus flagrant, où il y a certains types d'industries qui se sont implantées au fil des années. Il y a beaucoup de données environnementales qui ont été amassées, recueillies et compilées dans le cas de Bécancour parce qu'il y a beaucoup de projets récents qui sont allés là. On s'est aperçu, lors de ces études-là - on parlait d'effets cumulatifs - que le milieu, pour certains types d'industries, n'est plus capable d'en prendre. Donc, à ce moment-là, il se fait déjà une élimination. On dit: Si ça se faisait un peu partout en général, ça permettrait de dire à une industrie étrangère qui veut venir s'implanter, à ce moment-là: Vous pouvez venir, mais seulement dans tel secteur ou dans tel secteur.

M. Laberge (Guy): II y aurait aussi l'aspect d'évaluer les industries pour ce qu'elles sont en termes d'impact environnemental. Si le ministère de l'Industrie et du Commerce fait des démarches pour attirer de l'industrie ici, au Québec, il devrait le faire en tenant compte des aspects environnementaux, je pense, en examinant le procédé de fabrication, les rejets potentiels et ainsi de suite. Alors, il y a moyen de savoir à l'avance si c'est le genre d'industries qu'on veut attirer ou pas.

M. Lazure: Moi, j'ai juste une dernière chose concernant les déchets solides. Je suis un peu déçu que vous ne trouviez pas que c'est opportun de soumettre l'implantation d'un lieu d'enfouissement, de l'assujettir à la procédure d'évaluation. Je comprends que c'est une juridiction qui est locale, la municipalité régionale de comté, mais, à tout le moins, de la même façon que vous venez de dire que ce serait utile qu'il y ait une évaluation sur un secteur industriel, une région ou un parc, est-ce que vous ne pensez pas qu'il pourrait y avoir une évaluation, dans une région donnée au moins, sur la façon de gérer les déchets domestiques?

M. Beaulieu: Je pense que ce qu'on précise, dans le fond, c'est un peu ça, mais on le dit de façon régionale. On dit: Faisons-le avec les MRC. C'est faisable avec les MRC, la même chose que vous faites avec un parc industriel, si on prend le même exemple. Alors, soyons prêts à régler notre problème dans un contexte régional. C'est ça qu'on voulait apporter comme point.

M. Lazure: Est-ce que... Oui?

M. Girouard: Je pourrais peut-être ajouter autre chose là-dessus. C'est que les MRC, déjà, prennent les considérations environnementales en question lors de l'évaluation des plans d'aménagement pour faire des choix de sites. Donc, il y a déjà un "screening" préliminaire qui se fait au niveau des MRC. Nous, notre position, c'est qu'un site d'enfouissement pour lequel on établit des bonnes normes, des bons critères de conception, mais aussi une bonne vérification par après, ça opère très bien. Mais l'histoire a montré qu'en général ou bien les critères de conception ne sont pas assez sévères ou surtout il n'y a pas de suivi environnemental sur ces sites-là. Donc, ça ne donne rien. Quand bien même on irait en audience, qu'on en discuterait des heures, s'il n'y a pas de suivi environnemental là-dessus, on n'arrivera à rien. Reprenons des bonnes normes, nous, on est capables de faire des conceptions très bien après, puis il y aura un suivi qui sera fait. Mais ce n'est pas seulement au niveau de la conception; il faut que ce soit à l'étape postopération ou, même, fermeture.

M. Lazure: Une dernière chose. Il y a eu une commission d'enquête sur la gestion des déchets dangereux. Est-ce que vous pensez que ce serait utile qu'il y en ait une sur la gestion des déchets domestiques?

M. Laberge (Guy): Je vais peut-être terminer sur les déchets domestiques pour dire que, dans le cas des sites d'enfouissement des déchets, les problèmes associés à ça sont assez bien définis, assez bien connus, hein? Pour renforcer un peu ce que disait Luc Girouard, ce dont on a besoin, c'est des normes, c'est des guides, c'est des réglementations qui s'appliquent à ça. C'est aussi un suivi qui vient du ministère, le suivi qui doit être fait. Et, en dernier lieu également, il faut la mise en fiducie de l'argent qui va servir au recouvrement final et à la restauration, puis au maintien après coup. Je pense que ça aussi, c'est un aspect qui est très important.

Pour revenir à la question de l'opportunité d'une commission d'enquête, vous me posez une question. On n'en a pas discuté ensemble. Je vais vous donner un petit peu mon point de vue personnel. Je ne crois pas que ce soit nécessaire de faire une commission d'enquête. Je pense qu'il y a des solutions à portée de la main. Le gros problème sur le plan des solutions techniques, si on veut, demeure de politique locale. C'est tout le phénomène du NIMBY et je ne pense pas qu'une commission d'enquête solutionne ça.

M. Lazure: Oui. Mais, justement, vous me permettrez de différer d'opinion. Il y a des solutions au plan technique. Bon. Vous êtes de grands techniciens. Vous avez raison, il y a des solutions. Mais, au plan social, il n'y a pas de consensus dans l'ensemble du Québec sur la solution à utiliser: l'enfouissement, l'incinération, le recyclage, la récupération? Vous savez, les recettes sont là, elles sont connues, mais région par région et dans l'ensemble du Québec, c'est vraiment une discussion très, très chaude et il y a un désaccord. Il n'y a pas d'unanimité, il n'y a pas de consensus.

M. Laberge (Guy): Je ne pense pas qu'il y ait une seule solution pour l'ensemble du Québec.

M. Lazure: Non. Non, mais il faut qu'une région ou une localité prenne une décision sur un ensemble de solutions, si vous voulez, mais qu'elle prenne une décision.

M. Beaulieu: Oui, mais toute décision est prise par l'ensemble de la population, selon sa capacité de payer. Nous, on a des solutions techniques, mais ça revient tout le temps, on l'a lu, à trouver la solution qui est la plus valable pour son coin de pays. Alors, dans ce contexte-là, il y a des solutions techniques mais, par contre, il y a quand même un suivi à faire au point de vue population. Luc, tu voulais ajouter?

M. Girouard: Oui. Je pense que, réellement, c'est un débat au niveau de la MRC qui doit se faire. Je ne vois pas en quoi une commission d'enquête qui couvrirait l'ensemble apporterait des nouvelles solutions. Je pense que les solutions techniques sont là. Il y a des décisions qui doivent être prises et, moi, mon choix personnel, c'est un choix de la population et c'est un choix politique au niveau des MRC qui doit se faire pour régler localement le problème de déchets domestiques.

M. Lazure: Merci.

Le Président (M. Garon): Je remercie les représentants... Est-ce que...

Mme Pelchat: Ah oui, je vais ajouter, M. le Président.

Le Président (M. Garon): O.K.

Mme Pelchat: M. Richard, pour 30 secondes, a un commentaire.

M. Richard: Merci, M. le Président, de me transférer la parole. Vous avez fait allusion au parc de Bécancour qui est un parc d'État. Il y a une expérience à caractère-pilote qui a été faite et payée à 50 % par la municipalité, qui est la ville de Bécancour dans ce cas-là, et à 50 % par le gouvernement du Québec, le ministère de l'Industrie et du Commerce. En fait, ils sont capables, demain matin, de dire: Une deuxième aluminerie, on aimerait bien ça, ça crée 800 emplois, mais on ne peut pas l'avoir à cause des émanations de fluor.

Ils sont capables de le dire parce que, dans le parc ou à proximité, de la centrale nucléaire en descendant, ils ont maintenant, d'une façon très précise, l'ensemble des impacts environnementaux pour les investissements majeurs de plusieurs milliards qui sont dans cette région-là. C'est à caractère exceptionnel, mais le milieu y a participé. C'est une étude de 100 000 $, qui les situe très bien; lorsque des promoteurs arrivent maintenant dans le parc de Bécancour, même s'ils arrivent par le MIC ou par d'autres intervenants gouvernementaux, le milieu lui-même est à même de dire: On vous aime bien, vous avez l'air sympathiques, mais vous ne pouvez pas venir chez nous; avec le type de problèmes environnementaux que vous nous causeriez, allez ailleurs. Il y a peut-être des possibilités au Lac-Saint-Jean ou ailleurs, mais ne venez pas à Bécancour, on ne peut pas vous recevoir, dépen-damment du type d'investissement futur.

Mme Pelchat: Merci, M. le Président. Merci, M. Richard. J'aimerais revenir un petit peu sur les délais. Je ne voudrais pas trop allonger le débat, mais c'est important. Tout le monde le dit que le délai de la procédure est beaucoup trop long, qu'il faut le rapetisser, le rétrécir, qu'il faut faire en sorte que ça aille plus rapidement. Mais c'est vrai que le ministère de l'Environnement et la Direction des évaluations ont le dos large, et, bon, quand vous dites que la majorité de vos firmes membres semblent dire que c'est à cause de la lenteur du ministère de l'Environnement, vous n'avez pas tort car, des fois, le MENVIQ prend un petit peu de temps pour faire des choses, mais j'aimerais vous souligner que l'analyse qu'en a fait le rapport Lacoste, de ce grand délai-là - qui est en moyenne de 33 mois et de 25 mois quand il ne s'agit pas d'une route - nous dit que 55 % du temps consommé pour la procédure l'est à l'élaboration de l'étude d'impact. Et l'élaboration de l'étude d'impact, ce n'est pas le ministère de l'Environnement qui fait ça. C'est le promoteur qui, normalement, embauche des firmes comme, par exemple, des firmes d'ingénieurs.

C'est vrai que le ministère de l'Environnement - et je pense qu'on tient la commission pour ça aussi, là - a un effort à faire pour rétrécir ces délais. Je pense que le promoteur aussi a un grand bout de chemin à faire. Je vous donne un exemple: l'autoroute 30. Vous êtes familiers avec la problématique. M. le député de Lévis est bien au courant du dossier. Pour le tronçon entre la 10 et la 15, entre Brossard et Candiac, le ministère des Transports, qui est le promoteur, était censé déposer l'étude d'impact, originalement, au mois de novembre 1990. Ça a été retardé au mois de février 1991. Pas trop pire.

Au mois de mai, j'appelle au ministère. On me dit: Mme Pelchat, au mois de juin, pas de problème, ça va être déposé. Je suis contente; je vais pouvoir appeler mes gars de la Direction des évaluations et les achaler un peu. Au mois d'août, pas déposé. Au mois de septembre, pas déposé. Et, hier, j'ai appris que ce serait déposé au mois de décembre. Je trouve ça extraordinaire. Mais il y a comme un problème quelque part parce que, voyez-vous, une fois qu'on a déposé l'avis de projet, le ministère a émis la directive. Là, on est en étude d'impact. Le problème est là. Ça fait 11 mois qu'on attend après ça et ce n'est pas déposé.

Et ce n'est rien. Ils vont donner ça à la Direction des évaluations et là ce qui va arriver, c'est que la Direction va dire: Bien, là, votre étude d'impact est un petit peu moins d'actualité. Vous l'avez commencée en 1989. Vous étiez censés la déposer en 1990. Vous la déposez en 1991. On aurait des questions additionnelles. Puis, ils sont bons là-dedans. Comme vous le disiez, ils sont spécialistes. Sur le plan technique, c'est du bon monde. On m'a dit de passer le message qu'il y avait des bons ingénieurs là-dedans aussi. Comprenez-vous?

C'est vrai que le ministère a sa part de blâme à prendre, mais, quand on voit ça, qu'on le réalise, nous autres, les députés, on est en train de se demander, bien souvent: Coudon, au ministère des Transports, ils nous disent toujours qu'ils n'ont pas d'argent. J'ai l'impression qu'ils le font exprès, qu'ils mettent ça sur le dos du ministère de l'Environnement. Ça fait leur affaire, les délais. Mais le promoteur a un rôle à jouer aussi là-dedans. Puis, ça, j'aimerais que ce soit... Vous l'avez peut-être bien expliqué, M. Girouard, quand vous parliez de l'élaboration des directives qui est peut-être trop "demandante" ou pas suffisamment claire. Je pense que c'est un point qui est important à souligner, c'est un

point à retenir, puis ça va sûrement être dans les recommandations. Est-ce que mon temps est écoulé?

M. Lazure: Oui

Mme Pelchat: Non! M. le député de La Prairie! En tout cas, je ne veux pas... Je pense que c'est important de le souligner. C'est vrai qu'il y a le méchant ministère de l'Environnement, mais ce n'est pas vrai qu'il y a une centaine d'ingénieurs au ministère de l'Environnement qui évaluent les études d'impact. Il y en a six, ingénieurs. On devrait en mettre plus, mais c'est déjà plus que ce qu'il y avait avant, parce qu'à la Direction des évaluations, avant ça, ils étaient 30. On a mis 15 personnes de plus. Elles sont à peu près 50 ou 55.

M. Beaulieu: Je pense qu'on ne veut absolument pas faire une enquête sur le MENVIQ. Ce n'est pas notre rôle, puis on ne dit pas que ce sont les professionnels du MENVIQ qui sont responsables. Ce n'est pas du tout ce qu'on a dit. Vous avez interprété ça de même tout à l'heure, puis je vous voyais faire...

Mme Pelchat: Non, savez-vous, c'est parce que, hier, l'Ordre des ingénieurs nous a dit exactement la même chose.

M. Beaulieu: Écoutez, il y a peut-être une vérité quelque part, mais, moi, je pense qu'on a tout intérêt à travailler ensemble, puis surtout à collaborer techniquement ensemble. C'est ça qu'on demande, dans le fond. Et puis, en plus, on dit que ces gens-là, ce sont des gens sensés qui connaissent beaucoup leur métier et qui sont aptes à faire beaucoup plus dans d'autres sphères que d'étamper des plans et devis ou d'approuver des plans et devis. On est capables de faire ça, nous autres, c'est notre métier. On dit qu'ils sont intelligents; ils ont une efficacité. Ils sont capables de faire ce dont vous avez besoin au ministère de l'Environnement.

Alors, on ne veut pas établir ici que le MENVIQ, ce sont des pas bons ou quoi que ce soit. On dit tout simplement que c'est nos collègues et qu'ils devraient avoir plus de liberté vers quelque chose de technique au lieu d'avoir un procédé trop lourd à supporter. Peut-être qu'eux aussi seraient contents d'avoir un procédé plus léger. Alors, je vais vous faire donner le reste de la réponse par Luc, s'il vous plaît.

Mme Pelchat: Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous venez de dire.

M. Beaulieu: Oui et, évidemment, le nombre d'ingénieurs, on sait que ce n'est pas dans le groupe de l'évaluation environnementale, mais il y en a un bon nombre qui doivent faire cette approbation des plans et devis, qui ont une très bonne connaissance des procédés et qui pourraient être utilisés, justement, pour aider le groupe de l'évaluation environnementale.

Mme Pelchat: O.K. Dans ce sens-là.

M. Beaulieu: C'est dans ce sens-là qu'on voulait les mettre. C'est les mêmes ressources. Je veux dire, la compétence est là, mais on pense qu'elle n'est pas canalisée au bon endroit.

Une autre chose concernant les délais; je pense que le rapport Lacoste ne l'a pas fait, mais il faudrait comparer le temps de réalisation des études quand on les fait pour un promoteur privé et quand on les fait pour le ministère des Transports ou pour Hydro-Québec.

Mme Pelchat: C'est quoi la différence? Dites-nous ça.

M. Beaulieu: C'est à peu près un rapport de quatre pour un, facilement, selon qu'on travaille pour Hydro-Québec ou pour le ministère des Transports, ou bien qu'on travaille pour un promoteur privé. Les délais sont complètement différents parce qu'Hydro-Québec n'osera jamais soumettre une étude d'impact à moins qu'il y ait 10 plans en 4 couleurs. Elle s'est mis une procédure à l'interne qui est, à mon avis, disproportionnée dans des cas de petits projets de lignes de transmission. On remet des études ça d'épais et, dans les corridors de transport, c'est à peu près le même ordre de grandeur. Donc, il y a quelque chose, mais ça, c'est leur politique interne.

Le ministère des Transports a une procédure interne très lourde et, nous, on doit soumettre notre étude, pas au ministère, on la soumet d'abord au promoteur. Il y a un écart, facilement, moi, je dirais de quatre pour un quand on travaille pour une industrie et, là, qu'elle nous donne l'étude et on va la présenter par rapport à ce qu'on fait avec Hydro. Donc, il faut faire attention quand on parle des délais.

Et ça, ça vaut non seulement pour les ingénieurs-conseils, mais je suis aussi membre de l'Association des conseillers en environnement du Québec et on vit exactement la même chose. Les non-ingénieurs qui ont à faire des études d'impact voient également le même écart. Selon que, par exemple, c'est une municipalité qui fait la promotion d'un projet de marina ou qu'on le fait pour un promoteur privé, ouf!...

Mme Pelchat: Ce n'est pas la même chose.

M. Beaulieu: ...on vient peut-être de doubler, de quadrupler le temps. Donc, II faut tenir ça en ligne de compte et ça, je pense que...

Mme Pelchat: Vous venez de donner raison au ministre Tremblay quand il dit que l'inefficacité gouvernementale coûte quelque chose

comme 10 000 000 000 $ quand on parle de qualité totale, bien fait dès la première fois. C'est ce que le ministre Tremblay disait la semaine dernière.

M. Beaulieu: Vous savez, il y a un fameux mot qui a été inventé ou qui a été utilisé, à un moment donné, à Hydro-Québec. Ça s'appelait "la transparence". Alors, il ne faut pas blâmer Hydro, non plus, de nous donner des mandats comme ça parce que, en étant transparent, vous êtes obligé de tout indiquer. Quand vous allez devant le public, je crois que c'est nécessaire dans certains cas, mais il faudrait peut-être, encore une fois, avoir des normes pour exiger un peu moins de ces gens-là. Et même, ils se sentent obligés d'en mettre plus pour être efficaces ou être transparents, justement.

Mme Pelchat: Je voudrais remercier...

Le Président (M. Garon): Je remercie l'Association des ingénieurs-conseils du Québec...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Pelchat: Je voudrais vous remercier, moi aussi. Merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): ...d'être venue nous rencontrer et j'ajourne les travaux de la commission de l'aménagement et des équipements au mardi, 24 septembre, à 14 heures.

(Fin de la séance à 18 h 33)

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