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(Dix heures dix-sept minutes)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À
l'ordre, s'il vous plaît. Je déclare ouverts les travaux de la
commission de l'Assemblée nationale dont les membres, pour la
séance d'aujourd'hui, sont: MM. Baril (Arthabaska), Bertrand (Vanier),
Blank (Saint-Louis), Brassard (Lac-Saint-Jean), Chevrette (Joliette)
remplacé par de Belleval (Charlesbourg), Fréchette (Sherbrooke)
remplacé par Beaumier (Nicolet), Gratton (Gatineau), Jolivet
(Laviolette), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Leduc (Fabre) remplacé par
de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Levesgue (Bonaventure) remplacé par
Marx (D'Arcy McGee), Marquis (Matapédia) remplacé par Guay
(Taschereau), Ouellette (Beauce-Nord) remplacé par Desbiens (Dubuc),
Pagé (Portneuf), Picotte (Maskinongé), Rancourt
(Saint-François) et Vaillancourt (Jonquière).
À la suite d'un avis qui a été publié par le
secrétariat des commissions parlementaires, je vous lirai le mandat de
la commission, qui est le suivant: "À la demande du leader
parlementaire, veuillez prendre avis que la commission permanente de
l'Assemblée nationale, au cours de ses séances des 19, 20 et 21
octobre prochain, en la salle 81-A de l'Hôtel du Parlement, à
compter de 10 heures, étudiera, outre le projet de loi no 90, le projet
de réforme parlementaire et celui du nouveau régime de
rémunération des députés." C'est donc là le
mandat très précisément exprimé de la commission
d'aujourd'hui et des jours qui vont suivre.
Il y aurait maintenant lieu de procéder à la nomination
d'un rapporteur. Est-ce que quelqu'un aurait une motion à
présenter?
M. Lalonde: Est-ce débattable?
M. Bertrand: M. de Bellefeuille, député de
Deux-Montagnes.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que cette motion sera adoptée?
M. Lalonde: Adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Deux-Montagnes est désigné rapporteur de
la commission.
M. Bisaillon: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Sainte-Marie, à moins d'un consentement unanime,
je ne peux vous reconnaître le droit de parole puisque vous n'êtes
pas membre de la commission.
M. Bertrand: Consentement, M. le président.
Droit de parole
M. Bisaillon: Mon intervention n'était qu'à l'effet
de dire que la commission parlementaire siège pour étudier non
seulement un projet de loi qui a été déposé mais
aussi quelques modifications qui y seront apportées. C'est un projet de
loi qui touche l'ensemble des députés et je me demandais si, dans
les circonstances, il n'y aurait pas la possibilité d'obtenir à
l'avance, comme on peut le faire au cours des débats, pour tous les
députés qui voudront passer un commentaire, la permission de le
faire.
M. Bertrand: Accordé, M. le Président.
M. Lalonde: Entièrement d'accord. J'allais le proposer.
Nous en avions parlé.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que quelqu'un pourrait en faire une motion au lieu d'un consentement unanime?
C'est qu'une motion, pour être présentée...
M. Lalonde: Je propose une motion pour que tous les
députés de l'Assemblée nationale puissent adresser la
parole à cette commission et participer à nos débats sans
avoir auparavant à demander le consentement des membres de la
commission.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Et sans
droit de vote, si vote il doit y avoir. Cette motion sera-t-elle
adoptée?
M. Bisaillon: Adopté.
M. Lalonde: Pour la durée des travaux, naturellement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À
ce stade-ci, je me dois de
donner le droit de parole au leader du gouvernement.
M. le leader.
Projet de réforme parlementaire M.
Jean-François Bertrand
M. Bertrand: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord
indiquer aux membres de la commission parlementaire de l'Assemblée
nationale que nous allons au cours des trois prochains jours non seulement
regarder quelques-uns des aspects qui sont déjà contenus dans le
projet de loi no 90, qui a été déposé à
l'Assemblée nationale le 22 juin dernier, mais que nous allons,
au-delà du projet de loi no 90, nous intéresser à deux
dossiers fort importants, dont certains des aspects se retrouveront dans le
projet de loi no 90 amendé et d'autres dans le règlement de
l'Assemblée nationale. Je fais évidemment allusion à deux
dossiers qui ont déjà fait couler beaucoup d'encre dans le
passé et qui continuent d'en faire couler, le dossier de la
réforme parlementaire et le dossier de la réforme du
régime de pension des députés de l'Assemblée
nationale.
Je voudrais ce matin déposer et expliquer, présenter aux
membres de l'Assemblée nationale le projet de réforme
parlementaire sur lequel ont travaillé bon nombre de personnes. Je
voudrais, dans un premier temps, indiquer que cette réforme
parlementaire a une longue histoire. On peut revenir très loin, on peut
retourner en 1968, par exemple, à l'époque où il y avait
un projet de loi qui portait le même titre, qui était le projet de
loi no 90, et qui proposait l'abolition du Conseil législatif et la
modification du nom de l'Assemblée législative en
Assemblée nationale du Québec. Je relisais cela hier avec
beaucoup de plaisir et je relisais même des interventions de
collègues qui sont encore aujourd'hui membres de l'Assemblée
nationale, dont le premier ministre du Québec, qui était
député de Laurier à l'époque et qui avait commis un
certain nombre d'interventions sur les modifications apportées, et le
chef du Parti libéral du Québec, M. Gérard D. Levesque,
qui, à l'époque, comme député de Bonaventure, avait
aussi apporté un certain nombre d'éléments contribuant
à faire en sorte qu'on entame un peu la réforme parlementaire
mais, bien sûr, par des modifications à certaines des institutions
ou à certains des noms que portaient nos institutions.
Il y a eu par la suite beaucoup de travail qui a été fait
et sous le gouvernement Bourassa, et sous le gouvernement Lévesque. Cela
a pris différentes formes. Il faut savoir que plusieurs parlementaires,
à différentes époques, ont proposé des
modifications non seulement à la Loi sur la Législature, mais
aussi au règlement de l'Assemblée nationale. Je veux rappeler,
entre autres, la contribution, à ce point de vue, d'un
exprésident de l'Assemblée nationale, M. Jean-Noël Lavoie,
qui avait apporté, avec le concours des parlementaires, des
modifications substantielles au règlement de l'Assemblée
nationale. J'en parlais d'ailleurs avec Mme Jeanne Sauvé,
présidente de la Chambre des communes, il y a quelques jours, et elle me
disait que nous avions probablement un des règlements les plus modernes
et les plus souples en ce qui a trait au fonctionnement de l'Assemblée
nationale et de ses commissions.
Il y a eu d'autres personnes aussi qui, du côté de
l'Opposition, ont fait du travail. Je pense à l'ex-député
de Saint-Laurent, M. Forget, qui, en 1977, avait publié un document
assez imposant, important et substantiel faisant état d'un certain
nombre d'éléments de réforme qu'on pourrait apporter
à la Loi sur la Législature et au règlement de
l'Assemblée nationale.
Il y a eu, en juin 1980, l'avant-projet de loi sur l'Assemblée
nationale, déposé par votre prédécesseur, M.
Clément Richard, qui a fait l'objet d'études par des
sous-commissions de l'Assemblée nationale en août 1980 d'abord et
en août 1981 ensuite. Cela n'a pas donné, par ailleurs, les
résultats escomptés tant il est vrai que nous n'avons pas,
à la suite des réunions de ces sous-commissions, adopté
quelque modification que ce soit, soit à la Loi sur l'Assemblée
nationale, soit concernant le régime des salaire et retraite, soit
à ce qu'on pourrait appeler, d'une façon plus large, la
réforme parlementaire.
Plus récemment - je crois que cela mérite d'être
souligné parce que cela a été un élément
très important dans la décision qui a été prise par
le conseil des députés ministériels et par le Conseil des
ministres pour aller de l'avant avec une réforme parlementaire - il y a
eu le document préparé et présenté par le
député de Trois-Rivières, M. Denis Vaugeois, document qui
nous donnait un certain nombre de solutions possibles qui ont fait l'objet
d'évaluation au conseil des députés ministériels et
au Conseil des ministres depuis son dépôt en janvier 1982.
Aujourd'hui, le projet de réforme parlementaire que nous
soumettons à l'attention des membres de la commission de
l'Assemblée nationale est un projet qui fait consensus parmi l'ensemble
des députés ministériels. Quand je dis l'ensemble des
députés ministériels, je veux évoquer autant le
conseil des députés ministériels que le Conseil des
ministres.
Nous sommes tous des parlementaires. Nous avons, bien sûr, un
certain nombre de responsabilités qui, à certains moments,
peuvent nous amener à nous distinguer les uns des autres. On peut
parler du pouvoir exécutif, on peut parler du pouvoir législatif,
mais il n'en demeure pas moins que nous sommes d'abord et avant tout, au
premier chef, des parlementaires, des députés élus dans
une circonscription électorale et que nous avons donc tous le même
intérêt à faire en sorte que cette institution qu'est
l'Assemblée nationale, puisse véritablement fonctionner le mieux
possible, être la plus démocratique possible et permettre à
l'ensemble des parlementaires d'y jouer un rôle utile et valorisant.
Avant de présenter la réforme comme telle, je voudrais
aussi souligner dans un dernier temps que nous n'aurions pas pu arriver avec
une réforme parlementaire à ce moment-ci si des
députés du côté ministériel ne
s'étaient pas préoccupés de cette question pendant un
certain nombre de semaines durant l'été. Là-dessus je
voudrais rendre hommage au président du comité spécial du
conseil des députés qui a travaillé avec une dizaine de
parlementaires ministériels pendant les mois d'août et de
septembre, qui a permis d'arriver à présenter un projet
substantiel de réforme parlementaire au Conseil des ministres.
Comme leader, je n'ai pas eu à me battre très longtemps
auprès du Conseil des ministres parce que je dois le dire, même si
cela peut surprendre à l'occasion, on peut avoir un
préjugé à l'effet qu'un Conseil des ministres serait
plutôt prudent et même rébarbatif à toute idée
de réforme parlementaire, parce que effectivement une réforme
parlementaire implique un meilleur contrôle de l'exécutif de
l'administration publique, une distinction meilleure entre le pouvoir
législatif et le pouvoir exécutif, un meilleur équilibre
de nos institutions.
Donc, cette réforme parlementaire n'est pas possible si,
finalement, le Conseil des ministres n'y souscrit pas. Je dois dire que, sur la
base des travaux que nous avons effectués avec les députés
ministériels qui ont accepté, pour que le travail avance plus
vite, d'adjoindre à leur comité le leader du gouvernement, de
telle sorte que la jonction puisse se faire entre les députés et
les ministres, cela a permis d'en arriver à un projet de réforme
parlementaire, qui, finalement, a été accepté à
100% aux deux instances, soit le conseil des députés et le
Conseil des ministres. C'est ce qui nous permet d'arriver aujourd'hui avec un
projet de réforme parlementaire qui, du côté
ministériel, fait consensus.
Cette réforme parlementaire est déjà en partie
contenue dans le projet de loi no 90. Il faut rappeler très rapidement
que le projet de loi no 90 contient déjà six
éléments de réforme parlementaire qui ne sont pas tous
aussi importants les uns que les autres, bien sûr, mais qui, pour
certains d'entre eux, sont fondamentaux. Je veux évoquer, par exemple,
la création du Bureau de l'Assemblée nationale qui,
dorénavant, remplacera le Comité de régie interne
où siégeaient essentiellement des ministres; dorénavant,
ce sont des parlementaires, des députés qui siégeraient au
Bureau de l'Assemblée nationale, présidé par le
président de l'Assemblée nationale, où il y aurait quatre
représentants du parti gouvernemental et trois représentants des
ou de l'Opposition, évidemment, selon les circonstances. Cet
élément est majeur dans le projet de réforme parlementaire
et je crois qu'il consacre un des objectifs qu'on s'était fixés,
soit d'en arriver à une plus grande indépendance de
l'Assemblée nationale comme institution. (10 h 30)
II faut savoir aussi qu'à ce Bureau de l'Assemblée
nationale, dorénavant, il y aura la possibilité que le bureau et
le président de l'Assemblée nationale soient vraiment autonomes
en ce qui a trait à une partie des prévisions budgétaires
dont ils auront la responsabilité, c'est-à-dire toutes ces
prévisions budgétaires qui sont relatives aux services
professionnels directement liés aux fonctions des députés
et aux responsabilités qu'ont à assumer les différentes
commissions parlementaires. Évidemment, pour d'autres services plus
techniques, plus administratifs, le ministre des Finances et l'Assemblée
nationale continueront d'étudier les crédits de la
présidence, comme ils le faisaient par le passé.
Le quorum de l'Assemblée nationale sera aussi diminué, il
sera maintenant du dixième de ses membres donc, treize personnes. Cela -
on le comprendra un peu plus tard - va aussi dans le sens d'une réforme
parlementaire si on veut véritablement permettre aux
députés, permettre aux parlementaires de jouer pleinement leur
rôle au sein des nouvelles commissions dont je ferai état un peu
plus loin. Il est très clair qu'en même temps, on ne peut pas
maintenir un quorum qui était parmi les plus élevés,
j'oserais dire le plus élevé de tous les Parlements que nous
connaissons. Quand on fait une comparaison avec d'autres Parlements, comme avec
la Chambre des communes à Ottawa, on se rend compte que notre quorum
était très élevé et que le dixième de ses
membres nous paraît suffisant.
Il y a aussi l'introduction de la fonction de jurisconsulte, poste qui
est créé pour permettre à un député de
prendre avis auprès du jurisconsulte sur toute question qui pourrait
faire l'objet - comment dirais-je? -d'une petite crise de conscience relative
à des conflits d'intérêts qui pourraient l'empêcher
d'exercer ses fonctions parlementaires ou à une certaine
incompatibilité de fonction qui pourrait
l'empêcher d'exercer son rôle de député. Je
crois qu'il s'agit d'un élément de réforme important.
Il y a d'autres éléments qui, bien que moins importants,
n'en demeurent pas moins des éléments de la réforme
parlementaire, entre autres, l'accroissement et la précision des
fonctions de l'adjoint parlementaire qui pourra, à l'avenir,
présenter un projet de loi au nom du ministre dont il est l'adjoint
parlementaire, peu importe que ce projet de loi ait ou non des incidences
financières. Il pourra aussi, évidemment, débattre ce
projet de loi à l'Assemblée nationale et le défendre en
commission parlementaire.
Il y a aussi - cela est déjà fait, de toute façon,
à la suite de l'adoption de la loi omnibus en fin de session - la
fonction de leader parlementaire adjoint du gouvernement, non membre du Conseil
exécutif, et la fonction de leader parlementaire adjoint de l'Opposition
qui ont été créées, ce qui permet au leader
maintenant officiel de l'Opposition probablement de se préparer à
assumer ses nouvelles responsabilités.
Voilà pour les éléments qui étaient
déjà dans le projet de loi no 90, mais qu'il convenait de
rappeler puisque, pour certains d'entre eux, ils constituent des
éléments fondamentaux.
Je voudrais maintenant présenter le projet de réforme
parlementaire qui pourrait, dans certains cas, nous forcer à modifier le
projet de loi sur l'Assemblée nationale du Québec et, dans
certains autres cas, nous forcer à modifier le règlement de
l'Assemblée nationale.
Je voudrais d'abord établir les prémisses sur lesquelles
repose cette réforme parlementaire. Dans notre esprit, une
réforme qui ne réglerait pas le problème des commissions
actuelles ne serait pas une réforme. En effet, les commissions
actuelles, réparties selon les ministères, représentent un
mécanisme fort lourd et souvent fastidieux tant pour l'étude des
crédits que pour l'étude des projets de loi. Si, après la
réforme, les commissions devaient rester en place, les
députés seraient, à toutes fins utiles,
empêchés de participer avec l'assiduité voulue aux travaux
des nouvelles commissions qui sont créées en vertu du
présent projet de réforme parlementaire.
Deuxième prémisse. Une réforme parlementaire qui ne
toucherait pas aux finances publiques de façon significative ne serait
pas une réforme. Dans l'éventail des nouvelles commissions
appelées à remplacer les commissions actuelles, il n'y a
assurément pas lieu d'écarter les commissions devant traiter des
finances publiques. Ce qui entoure la politique budgétaire de
l'État est d'une telle importance dans la vie d'un Parlement qu'il y a
lieu de s'interroger, non seulement sur le rôle des commissions en la
matière, mais aussi sur le traditionnel débat sur le budget.
Troisièmement, une réforme parlementaire substantielle n'implique
pas nécessairement la remise en question du principe de la
responsabilité ministérielle. Toutefois, la question de
l'imputabilité, c'est-à-dire la façon dont les hauts
fonctionnaires doivent eux-mêmes rendre compte de leur administration,
devrait être appliquée aux organismes qui jouissent
déjà d'un certain degré d'autonomie administrative.
Ces prémisses étant prises en considération, il
nous faut aussi indiquer quels sont les objectifs sur la base desquels nous
voulons asseoir la réforme parlementaire. Les objectifs, on pourrait les
énumérer de la façon suivante.
Premièrement, il y a l'objectif de l'indépendance de
l'Assemblée nationale qui est déjà atteint dans le projet
de loi no 90 par, entre autres, la création du Bureau de
l'Assemblée nationale du Québec. Il y a l'objectif du meilleur
équilibre de nos institutions politiques. Si ma mémoire est
bonne, c'était d'ailleurs le titre du rapport Vaugeois: Pour un meilleur
équilibre de nos institutions politiques. Il y a un autre objectif qui
est important, c'est celui d'en arriver à un meilleur contrôle du
pouvoir exécutif; un quatrième, qui est un meilleur
contrôle de l'administration publique; un cinquième, qui est un
meilleur contrôle des finances et des dépenses publiques; un
sixième, qui est la revalorisation du processus législatif et,
finalement, un septième objectif, qui est celui de la modernisation du
fonctionnement de l'Assemblée nationale et de ses commissions. Nous
verrons donc que l'ensemble des recommandations et des propositions que nous
soumettons à l'attention des membres de la commission de
l'Assemblée nationale a pour effet de donner suite à ces
objectifs que nous nous sommes fixés lorsque nous avons
préparé notre projet de réforme parlementaire.
Donc, la proposition gouvernementale que nous soumettons aux membres de
l'Assemblée nationale pourrait Se résumer en quatre points:
Premièrement, l'abolition de toutes les commissions actuelles et leur
remplacement par de nouvelles commissions. Deuxièmement, une
modification substantielle de l'actuel débat sur le budget, qui
deviendrait un débat privilégié.
Troisièmement, la modification dans le processus de nomination
des présidents de commission et la création de la fonction
rémunérée de vice-président. Quatrièmement,
un objectif auquel on continue de souscrire et qui nous apparaît
important, mais qu'il nous faudra traduire dans certaines modalités
d'application qu'il reste à définir, la
télédiffusion des travaux d'une commission parlementaire, en
même temps ou à la place de ceux de l'Assemblée.
Voyons maintenant comment, concrètement, ces différentes
propositions pourraient s'articuler autour d'un certain nombre de suggestions
précises, quant aux nouvelles commissions parlementaires à
créer et quant au nouveau type de débat sur le budget à
avoir.
Je disais tout à l'heure qu'un des objectifs que nous voulons
atteindre, c'est d'en arriver à un meilleur contrôle des finances
publiques. En effet, le processus actuel qui s'étend du
dépôt des crédits, en passant par le discours sur le budget
jusqu'au vote final pour son adoption, plusieurs semaines plus tard, laisse les
formations politiques sur leur appétit quant au contrôle et
à la discussion de fond sur cette pièce majeure issue du pouvoir
exécutif. On assiste même à l'érosion de
l'intérêt pour tout ce qui entoure les discours qui suivent ceux
du ministre des Finances et du critique de l'Opposition.
Une réforme de ce processus est au coeur de la réforme
parlementaire, parce qu'elle a pour effet de solidifier le rôle du
législatif, tout en multipliant l'intérêt de chaque membre
de l'Assemblée.
L'effet secondaire qu'est celui de raccourcir en temps ce processus, et
donc de libérer le parlementaire pour des innovations que contiendrait
la réforme, n'est pas un détail sans importance.
Donc, pour arriver à un meilleur contrôle des finances
publiques, nous proposons quatre types de moyens différents:
Premièrement, le débat sur le budget. Il est
recommandé que soit concentré en 35 heures
privilégiées, sur le parquet de l'Assemblée, le travail
budgétaire actuellement étalé sur dix semaines, parfois
dans trois ou quatre salles différentes en même temps. On traitera
dorénavant spécifiquement et de façon
privilégiée de la politique budgétaire du gouvernement. a)
le caractère solennel de l'événement sera maintenu en
réservant les dix premières heures du débat à une
véritable période consacrée aux discours, comme le sont
les 25 heures actuelles, toutes autres affaires cessant, évidemment.
L'évolution récente du déroulement de ce débat
à l'Assemblée fait qu'en pratique, les dix premières
heures sont mises en valeur, alors que les autres sont
éparpillées à travers de multiples séances
subséquentes; b) les dix heures qui suivraient la période
initiale des discours seraient réservées à une commission
plénière sur le budget. Les parlementaires offriraient à
leurs commettants l'occasion d'un véritable débat
télévisé sur la situation économique et
financière, sur la politique budgétaire et sur les choix qui
auraient pu être proposés; c) la dernière période de
quinze heures serait consacrée à l'étude des
crédits des ministères dont le choix sera arrêté
lors d'une conférence des leaders, sur recommandation des
différents groupes parlementaires. Cette conférence des leaders
est convoquée par le président de l'Assemblée.
Cette proposition, qui peut être vue comme une transformation
radicale du processus budgétaire, peut aussi être vue comme un
ajustement très modéré d'une pratique déjà
installée. C'est parce qu'elle est les deux à la fois qu'elle
nous apparaît être une réforme valable et faisable.
Le deuxième moyen que nous utiliserions pour en arriver à
un meilleur contrôle des finances publiques, c'est la création de
la commission des finances publiques. Cette commission s'inscrit dans le
prolongement du nouveau débat sur le budget tel qu'évoqué
précédemment. Son mandat serait d'étudier la situation
budgétaire du gouvernement, son programme de financement pour
l'année en cours ainsi que les incidences des choix et orientations
retenus lors du budget ou du budget supplémentaire adopté par
l'Assemblée. Elle se réunirait trimestriellement, à raison
d'au plus deux jours à la fois, ce qui fait que la commission des
finances publiques se réunirait quatre fois durant l'année, deux
jours chaque fois, donc environ huit jours sur une période d'un an.
Troisième moyen pour permettre ce contrôle des finances
publiques, c'est le maintien de la commission des engagements financiers, avec,
bien sûr, toute la souplesse qu'elle a déjà au niveau de la
définition de ses règles de fonctionnement. Il nous
apparaît que, dans l'avenir, la commission des engagements financiers
devrait même intensifier ses efforts pour adapter ses règles de
fonctionnement aux objectifs qu'elle veut atteindre, c'est-à-dire bien
scruter les dépenses publiques et les engagements financiers du
gouvernement.
Quatrièmement, comme moyen pour permettre, encore une fois,
d'atteindre cet objectif d'un meilleur contrôle des finances publiques,
nous proposons la création de la commission du Vérificateur
général. Cette commission entendrait le Vérificateur
général sur son rapport. Elle serait convoquée à
cet effet au plus tard le 15 septembre et ses travaux ne dureraient pas plus de
cinq jours. Un ministre pourrait être appelé à
comparaître sur un sujet relevant de sa compétence administrative.
Ce dernier pourrait se faire accompagner de son sous-ministre, lequel
parlerait, le cas échéant, en son propre nom. Un ministre
pourrait aussi, de sa propre initiative, demander à être entendu.
Cette commission aurait le pouvoir de faire des recommandations au
gouvernement.
Voilà donc quatre moyens, quatre instruments que nous proposons
à la commission de l'Assemblée nationale pour
nous permettre de répondre à cet objectif fondamental qui
est celui d'un meilleur contrôle des finances publiques.
Il y a d'autres moyens que nous proposons pour atteindre un autre
objectif qui est celui de la revalorisation du processus législatif. Les
propositions à cet effet visent à concilier divers aspects du
rôle du député. Celui-ci continuera d'assumer son
rôle de législateur mais dans un cadre nouveau, tout en se voyant
confier de nouvelles responsabilités faisant davantage appel à
son sens de l'initiative.
Nous proposons donc, premièrement, de créer la commission
des lois. Les commissions sectorielles actuelles étant abolies, la
commission des lois aurait pour but d'étudier les projets de loi, les
avant-projets de loi et procéderait aux auditions publiques s'y
rattachant. Le leader du gouvernement déterminerait les mandats et
l'organisation des travaux.
Lors de l'étude, article par article, d'un projet de loi, le
ministre parrain ne serait ni membre de la commission ni intervenant à
la commission, mais comparaîtrait à titre de représentant
du Conseil exécutif à la barre de la commission pour
défendre son projet. Il prendrait la parole aussi souvent qu'il le
voudrait et pourrait, évidemment, proposer des amendements. (10 h
45)
Le choix des membres et des intervenants, pour la durée de
l'étude d'un projet de loi, relèverait des whips. La
décision de proposer que le ministre parrain d'un projet de loi puisse
comparaître devant ia commission qui étudierait son projet de loi
a évidemment pour but, pour objectif ultime d'en arriver à bien
marquer la distinction qui doit être faite entre le législatif et
l'exécutif. Évidemment, cela ne doit pas empêcher pour
autant de répondre aux objectifs d'efficacité et de permettre au
ministre de défendre, comme il se doit, son projet de loi. Mais il nous
semble que la distinction entre le pouvoir législatif et le pouvoir
exécutif peut prendre un objet de concrétisation physique
intéressant du seul fait que dorénavant le ministre qui
défendra son projet de loi, article par article, comparaîtra
à la barre plutôt que de s'asseoir où c'était
l'usage, à la droite du président de la commission.
Comme deuxième moyen pour revaloriser le processus
législatif, nous proposons la création de trois commissions
d'initiatives parlementaires. Tout député non membre du Conseil
exécutif pourrait, après consultation auprès de son groupe
parlementaire, soumettre à l'un des trois présidents de ces
commissions une proposition de mandat d'intérêt
général. Je veux indiquer ici qu'il y a déjà une
expérience qui a été vécue, à savoir celle
des commissions spéciales, du type de la commission Bisaillon sur la Loi
sur la fonction publique et de la commission Charbonneau sur la Loi sur la
protection de la jeunesse. Dans ces deux cas, c'était le leader du
gouvernement qui avait donné un mandat à la commission et
l'initiative ne venait donc pas directement des parlementaires eux-mêmes,
des députés non membres du Conseil exécutif. Dans le cas
des commissions d'initiative dont nous parlons ici, toute l'initiative
reviendrait directement aux députés non-membres du Conseil
exécutif et le leader parlementaire n'aurait donc pas de
responsabilité quant à la définition du mandat des
commissions d'initiative parlementaire.
Le troisième moyen, c'est évidemment le maintien de la
commission de l'Assemblée nationale. Cette commission est reconduite en
vertu du projet de loi no 90. Elle conserverait son mandat actuel, mais elle ne
s'occuperait plus des questions qui n'ont pas été confiées
spécifiquement à une autre commission. En d'autres mots, il y
avait une espèce de mandat résiduaire qui appartenait à la
commission de l'Assemblée nationale. Ce mandat résiduaire
tomberait, puisque maintenant d'autres commissions seraient appelées
à remplir les différents mandats qui, auparavant, revenaient
à la commission de l'Assemblée nationale.
Quatrième moyen proposé, nous suggérons de
créer la commission ad hoc, à défaut pour l'instant de lui
trouver un autre nom. Une commission ad hoc serait convoquée par le
leader du gouvernement pour étudier toute question qui ne pourrait
être confiée spécifiquement à une autre commission,
par exemple la commission parlementaire qui étudie en ce moment le
dossier du transport en commun dans le région de Montréal, la
commission parlementaire qui étudiera le dossier Mirabel, la commission
parlementaire qui étudiera le dossier d'Hydro-Québec. Alors, ce
sont autant de sujets qui seraient confiés à la commission ad
hoc.
Maintenant, pour répondre à d'autres objectifs que sont,
par exemple, un meilleur contrôle de l'exécutif et un meilleur
contrôle de l'administration publique, nous faisons les propositions
suivantes: nous suggérons de créer d'abord, dès notre
retour en Chambre, le 9 novembre prochain, une commission d'étude sur le
contrôle parlementaire de la législation
déléguée. Cette commission d'étude,
évidemment, aurait un caractère temporaire. Ses recommandations
pourraient conduire à la création d'une commission permanente sur
la législation déléguée. D'ailleurs, c'est notre
souhait que le résultat des travaux de cette commission d'étude
nous amène à créer une commission permanente de la
législation déléguée. Elle serait
créée par voie de motion annoncée et ferait rapport
à l'Assemblée au plus tard le 31 mars 1983, de telle sorte que
nous
pourrions introduire cette nouvelle commission parlementaire permanente
durant l'année 1983.
Nous proposons aussi de créer une nouvelle commission qui
s'appellerait la commission des organismes autonomes. Cette commission serait
autonome et se réunirait à la demande de ses membres. Elle
pourrait entendre un des dirigeants figurant sur la liste qui suit. Les
modalités relatives au choix et à la convocation des dirigeants
d'organismes ainsi que celles relatives au fonctionnement de cette commission
sont explicitées plus loin dans une annexe, soit l'annexe 7.
Voici les organismes auxquels nous faisons référence quand
nous parlons des organismes autonomes. Nous évoquons le Protecteur du
citoyen, le Directeur général des élections, le Directeur
général du financement des partis politiques, le Directeur
général de la représentation électorale, le
président de la Commission de la représentation
électorale, le président de la Commission des droits de la
personne, le président de la Commission de la fonction publique, le
président de la Commission d'accès à l'information et les
présidents des régies, sociétés et autres
organismes autonomes.
Pour ajouter à ces propositions de création de nouvelles
commissions parlementaires, nous voulons aussi modifier le processus de
nomination des présidents de commission et le travail de ces
présidents. Pour toutes les commissions parlementaires, à
l'exception de la commission des lois et de la commission ad hoc, les
règles suivantes s'appliqueraient: Par exemple, au début de
chaque session, le président de l'Assemblée nationale
déposerait auprès de la commission de l'Assemblée
nationale la liste des présidents de chacune des commissions. Ceux-ci
sont nommés pour la durée de la session. Je veux ajouter ici que
les présidents de ces commissions parlementaires non seulement
rempliraient les fonctions qui sont attribuées à la
présidence, c'est-à-dire diriger les travaux en conformité
au règlement de l'Assemblée nationale, mais en plus, les
présidents des commissions auraient le droit de participer aux travaux
de la commission.
Quant aux vice-présidents, au début de chaque session, le
président de l'Assemblée nationale déposerait
auprès de la commission de l'Assemblée nationale la liste des
vice-présidents de chacune des commissions. Ceux-ci seraient choisis
parmi les députés de l'Opposition et seraient nommés pour
la durée de la session. En l'absence du président, le
vice-président assumerait les responsabilités de la
présidence. Le vice-président pourrait recevoir une
indemnité additionnelle. Là aussi, il s'agit d'indiquer que le
vice-président, évidemment, participerait aux travaux de la
commission et, lorsqu'il assumerait les fonctions de président de la
commission selon les attributions dévolues au président de la
commission pour faire respecter les règlements qui, normalement,
prévalent en commission parlementaire, il pourrait, en même temps,
participer au débat de la commission.
Quant à la commission des lois et à la commission ad hoc,
elles n'auraient pas de président ni de vice-président permanent.
Selon les règles actuelles, elles seraient formées de sept
députés de la majorité et de quatre députés
de l'Opposition, ainsi que de cinq intervenants de la majorité et de
quatre intervenants de l'Opposition. Comme dans le cas des autres commissions,
le bureau déterminerait le personnel et les ressources
financières attribués à ces commissions.
Finalement, le dossier de la télédiffusion des travaux
d'une commission parlementaire est un dossier sur lequel nous n'avons pas
beaucoup avancé au cours des derniers mois. Nous devons travailler
encore à préciser les mécanismes qui nous permettraient
d'en arriver à faire un choix entre les commissions parlementaires qui
seraient télédiffusées et celles qui ne le seraient pas,
entre télédiffuser les travaux de l'Assemblée nationale et
télédiffuser les travaux d'une commission parlementaire. Je crois
que là-dessus nous devrons travailler au cours des prochaines semaines
à définir des mécanismes qui nous permettraient de ne pas
placer le président dans une situation où il aurait à
trancher sans avoir permis aux parlementaires de s'entendre entre eux sur la
meilleure façon d'effectuer des choix relativement à la
télédiffusion des travaux des commissions parlementaires.
Donc, nous recommandons aux membres de la commission de
l'Assemblée nationale, premièrement, d'entériner les
prémisses sur lesquelles s'appuie la présente réforme
parlementaire; deuxièmement, d'abolir les commissions élues
permanentes actuelles et de les remplacer par un nombre limité de
nouvelles commissions parlementaires telles que décrites
précédemment, soit la commission de l'Assemblée nationale,
la commission des lois, les trois commissions d'initiative parlementaire, la
commission des finances publiques, la commission des engagements financiers, la
commission du Vérificateur général, la commission des
organismes autonomes, la commission d'étude sur le contrôle
parlementaire de la législation déléguée et la
commission ad hoc; troisièmement, d'abandonner l'étude des
crédits des ministères selon la forme actuelle;
quatrièmement, d'accepter, d'une part, le principe d'un nouveau type de
débat sur le budget dont l'étude de 35 heures serait
privilégiée et, d'autre part, la création d'une commission
des finances publiques
s'inscrivant dans le prolongement de ce débat;
cinquièmement, d'accepter les modalités proposées quant
à la nomination des présidents et vice-présidents des
commissions parlementaires et, sixièmement, d'accepter que les travaux
des commissions parlementaires puissent être
télédiffusés en même temps ou à la place de
ceux de l'Assemblée.
En terminant, M. le Président, je voudrais indiquer qu'il s'agit
là d'un projet de réforme parlementaire. Il était
important que le gouvernement fasse son lit, que le conseil des
députés ministériels fasse son lit, que nous en arrivions
à dégager un consensus du côté ministériel
sur les objectifs de la réforme parlementaire et sur les propositions
concrètes pour donner suite à ces objectifs et que, par la suite,
nous déposions notre proposition à la commission de
l'Assemblée nationale pour qu'elle puisse être discutée en
long et en large avec tout ce que cela suppose de possibilités de
modifications, d'amendements et d'ajouts qui iraient dans le sens d'une
réforme parlementaire substantielle.
En d'autres mots, tout est négociable dans ce document. Ce qui
n'est pas négociable, cependant, c'est la volonté politique
très claire qui s'exprime du côté ministériel
d'avoir une réforme parlementaire substantielle. Nous serons prêts
à regarder positivement et avec ouverture d'esprit toute proposition qui
pourrait permettre de rendre cette réforme parlementaire encore plus
substantielle, mais nous ne sommes pas prêts à reculer sur
l'objectif fondamental qui est d'apporter une réforme parlementaire
substantielle.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Merci.
M. le leader de l'Opposition et député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: M. le Président, la commission de
l'Assemblée nationale est réunie sur décision de
l'Assemblée nationale prise il y a quelques mois, après la
première lecture du projet de loi no 90.
Normalement, on convoque la réunion de ces commissions pour
entendre les intervenants, les groupes, les individus, les
Québécois sur un projet mis de l'avant par le gouvernement, que
ce soit un projet de loi, un avant-projet de loi ou un projet tout court.
Il semble que dans ce cas-ci le gouvernement ait voulu nous
réunir non pas pour qu'on entende le public, mais plutôt le leader
du gouvernement nous proposer deux réformes en plus du projet de loi no
90. J'ose penser que cela n'était pas décidé comme cela au
départ parce qu'il me semble que le caractère important de la
réforme qui nous est proposée ce matin, en plus du projet de loi
no 90 et de l'autre qui sera proposé dans quelques jours, d'après
ce qu'on dit, aurait justifié qu'elle se retrouve dans un projet de loi
déposé à l'Assemblée nationale.
Pourquoi a-t-on décidé d'abord de faire le projet de loi
no 90, de ne pas y inclure ces deux éléments importants et de
nous réunir ici hors session pour, par le biais de la commission
parlementaire de l'Assemblée nationale, nous demander de
l'étudier? Je ne le sais pas. Le ministre pourra répondre
à cette question un peu plus tard.
De toute façon, M. le Président, nous abordons de ce
côté-ci de la table - je parle pour les membres du Parti
libéral, de l'Opposition officielle, je n'ai pas de mandat qui aille
au-delà de cela - avec beaucoup d'enthousiasme et d'espoir
l'étude du projet de loi no 90.
La démocratie est au coeur même du type de
société auquel le Parti libéral du Québec voue tous
ses efforts. Or, le fonctionnement de la démocratie dans une
société est largement tributaire des institutions politiques
qu'elle se donne, et le Parlement est cette institution - au même titre
que le tribunal et au même titre aussi que le gouvernement responsable -
sans laquelle une société ne peut pas vivre la démocratie.
Donc, nous devons prendre un soin infini à protéger cette
institution, à la moderniser, à lui donner les outils et les
instruments nécessaires pour qu'elle fonctionne de la façon la
plus efficace possible. (11 heures)
C'est donc dans cet esprit que nous avons participé aux travaux
de la sous-commission de l'Assemblée nationale auxquels le leader du
gouvernement a fait référence en 1980 et en 1981, sous-commission
appelée à étudier d'une façon moins formelle qu'une
commission parlementaire un avant-projet de loi proposé par votre
prédécesseur, M. Clément Richard. C'est aussi dans cet
esprit qu'avec d'autres membres de l'Assemblée, des deux
côtés de la Chambre, j'ai eu l'honneur de participer à deux
missions d'étude à l'étranger depuis trois ou quatre ans.
Une de ces missions était composée de parlementaires et
était dirigée par l'ancien leader du gouvernement, M. Burns; elle
a visité les parlements, et a rencontré les parlementaires, si
mon souvenir est bon, de deux pays: l'Angleterre et l'Irlande. Je ne pense pas
qu'on en ait rencontré d'autres à ce moment-là, mais c'est
possible.
L'autre mission était formée des leaders des partis. Le
député de Bonaventure m'avait demandé de le remplacer; je
ne sais pas si c'était une prémonition de sa part. Cela a eu lieu
en janvier 1980, je pense. Le député de Saint-Jacques, à
ce moment-là, M.
Brochu, le leader d'un autre parti et moi-même avions
visité les parlements. Nous étions accompagnés de M.
Pierre Duchesne, secrétaire adjoint de l'Assemblée nationale, de
Me Marc Cantin, qui était à ce moment secrétaire des
commissions parlementaires, de Mme Danielle Proulx, directrice du cabinet du
président de l'Assemblée nationale. Si je me permets de les
nommer et de nommer leur fonction, c'est pour bien indiquer de quelle
façon on avait décidé la participation de chacun et de
chaque institution, y compris - je vais y revenir plus tard - la
présidence de l'Assemblée nationale. À ce
moment-là, nous avions visité les parlements de l'Angleterre,
Westminster, de la Belgique et de la France.
Je pense que c'est Me Duchesne qui est, en grande partie, responsable du
rapport de mission qui a été publié concernant le
rôle et les pouvoirs des commissions parlementaires. Il aurait fallu que
je le dise au départ. C'était justement pour examiner le
rôle des commissions parlementaires que cette mission a été
organisée. On voit, à la page 2 du rapport de cette mission, qui
porte la date de mars 1980, le mandat en trois lignes. Je cite: "Étude
du fonctionnement, méthode et procédure des commissions
parlementaires au Royaume-Uni, en France et en Belgique."
Donc, nous avons fait notre boulot de parlementaires, des deux
côtés de la Chambre, et nous voici réunis pour offrir notre
modeste contribution, de ce côté-ci, à tous les membres de
cette commission de façon à atteindre cet objectif qui
dépasse les préoccupations partisanes qui, hélas,
nourrissent trop souvent nos débats.
Mais c'est justement à cause d'une préoccupation partisane
que nous sommes extrêmement déçus de la manière
choisie par le gouvernement pour préparer la réforme
parlementaire. Dans les prémisses que l'on retrouve au début du
document du ministre, il en manque une qui aurait pu se lire comme suit: Une
réforme qui n'aurait pas l'accord complet, l'accord total des partis et
un large consensus des députés ne serait pas une réforme
valable. D'ailleurs, c'est de cette façon que dans le passé on a
procédé à réformer soit la loi, soit le
règlement.
Je lis le texte de présentation du Code Lavoie, lequel code porte
justement le nom d'un président de l'Assemblée nationale, M.
Jean-Noël Lavoie, qui présentait, il y a presque une dizaine
d'années maintenant, le nouveau Code Lavoie: "L'unanimité qui a
entouré l'adoption du règlement nous paraît un gage qu'il
sera respecté comme une sorte d'entente tacite entre les
représentants de tous les partis et qu'il contribuera ainsi à
l'amélioration des travaux parlementaires." M. Lavoie disait justement
au tout début de sa présentation: "J'ai eu l'honneur de diriger
le groupe de travail qui, à la demande de la commission de
l'Assemblée nationale, a préparé un nouveau
règlement, etc., et qui a été adopté à
l'unanimité, le 27 mars 1972". De même, lors de la réforme
électorale, depuis quelques années, le gouvernement avait
décidé d'impliquer les membres de l'Opposition dans la
préparation, dans le travail de déblayage. Un comité de
députés, dont certains de l'Opposition, avait fait en sorte que
lorsque le projet serait présenté à l'Assemblée
nationale, il refléterait, mais de façon formelle, le consensus
de tous les membres de l'Assemblée nationale.
Le ministre, que j'écoutais attentivement, tout à l'heure,
parce que j'espérais qu'il allait nous donner l'explication à
cette attitude, a référé aux travaux de la sous-commission
et à l'avant-projet de loi de l'ancien président de
l'Assemblée nationale, M. Richard, en disant - je ne veux pas le citer
au texte, je n'ai pas pris de notes, mais essentiellement, on pourra
vérifier dans la transcription - qu'il n'y a pas eu de suite à
cette démarche. Voilà une sous-commission qui s'est réunie
deux fois pendant plusieurs jours, qui a - j'ai la copie ici - fait un rapport
considérable auquel, d'ailleurs, nous référerons
régulièrement au cours des travaux, rapport signé par
vous, M. le Président, qui porte la date du 17 septembre 1981, à
peine un an, et on dit simplement que cela n'a pas eu de suite. Où est
le président de l'Assemblée nationale dans cette démarche?
Pourquoi a-t-il été mis de côté? Pourquoi le
ministre a-t-il cru bon de récupérer tout ce qui a
été fait et, en grande parade aujourd'hui, sans impliquer les
membres de l'Opposition, je ne sais pas pour la présidence, mais en tout
cas, je ne le vois nulle part ici dans les documents, avec tableaux comme si on
était à la petite école, conférence de presse dans
deux heures, de présenter un projet auquel nous avions commencé
de contribuer?
Je regrette de devoir refroidir l'enthousiasme du gouvernement et du
leader. Parce qu'il s'agit d'une réforme, d'un projet tellement
important, qui nous tient tellement à coeur, je ne voudrais pas que les
reproches que je fais et qui sont très sérieux - ce n'est pas
strictement ou simplement du débat, cela va au fond de l'objectif que
nous poursuivons tous - soient interprétés comme étant une
opposition de notre part à toute réforme, au contraire. Je
déplore le désir du gouvernement de récupérer cette
réforme qui a été préparée depuis plusieurs
années par tant de gens. Je dois dire immédiatement au leader, et
j'espère qu'il le dira au cours de sa conférence de presse, que
dans sa forme actuelle, cette réforme est inacceptable de la part des
membres de l'Opposition. Je n'aurais pas été mis dans cette
situation difficile de devoir lui dire cela, s'il nous avait consultés,
s'il nous avait permis de contribuer aux travaux de ce groupe de
travail qui a engagé beaucoup de dépenses depuis plusieurs
années. Nous ne parlons pas seulement de la commission, de la
sous-commission de l'Assemblée nationale et des missions, nous parlons
aussi du travail considérable fait - et il l'a mentionné - par le
député de Trois-Rivières et par l'ancien
député de Saint-Laurent, par les députés
ministériels aussi qui ont sûrement, avec une très bonne
foi, contribué à faire avancer ce dossier. Pourquoi avoir
laissé tomber complètement la démarche qui avait
été entreprise par l'Assemblée nationale avec le concours
de l'Opposition et avoir changé la manière de
procéder?
Donc, c'est cette manière de procéder qui me force
aujourd'hui à dire au leader que la réforme, dans sa forme
actuelle, est inacceptable, et je vais lui dire tout de suite pourquoi. C'est
parce que sans l'expliquer, sans le justifier, il troque 250 heures
d'étude des crédits pour 15 heures à l'Assemblée
nationale. Sous cet aspect, sa réforme est très faible. Il traite
avec une certaine... enfin, de façon insuffisante, pour ne pas dire de
façon suffisante, ce travail énorme - le député de
Trois-Rivières parle de 250 heures, mais, dans l'ensemble, c'est entre
200 et 250 heures par année - qui est fait non pas seulement par les
députés de l'Opposition, mais par les ministres, leur cabinet et
leurs fonctionnaires.
L'étude des crédits arrive tous les ans et est un
événement pour chaque ministère. Le ministre a
lui-même ses crédits à défendre. On sait ce que
c'est. Il sait jusqu'à quel point les ministres, les cabinets
politiques, les hauts fonctionnaires, tous se mettent en branle pour
préparer les dossiers. Et d'une année à l'autre,
l'étude des crédits est faite. Oans sa nouvelle réforme,
c'est mis de côté. J'espère qu'il peut changer
d'idée. J'espère que sa réforme ne dépend pas de
l'élimination de l'étude des crédits, parce que nous ne
l'accepterons pas. Nous sommes prêts à examiner d'autres
manières de procéder à cet examen en détail, mais
nous connaissons, nous savons...
Tous les membres de cette commission ont participé au fameux
débat de cinq heures. À la fin du débat sur le budget, il
y a un débat de cinq heures à l'Assemblée nationale. Je
vois le député de Charlesbourg. On s'est même pris aux
cheveux la dernière fois à cette occasion. On a seulement cinq
heures et il faut choisir. On nous demande: Quel ministre voulez-vous avoir? Il
y avait le ministre des Finances. Le député de Charlesbourg
était à côté à ce moment-là. Tout est
important - c'est vrai - mais quand même il faut choisir. Par exemple,
pendant l'étude des crédits, on a 20 ou 25 heures. J'ai
participé à l'étude des crédits du ministère
de l'Éducation. On pourrait avoir 100 heures. On escamote des sujets
très importants, mais il faut choisir. D'accord, on se limite à
un certain nombre d'heures. Là, dans ces cinq petites heures, il faut
choisir et on dit: Le ministre de l'Agriculture, de 10 heures à 10 h 30.
Ensuite, ce sera le ministre de l'Éducation de 10 h 30 à 11
heures et le ministre des Finances de 11 heures à 11 h 30. Ce n'est
jamais ainsi que cela se passe. Le ministre des Finances attend dans le
corridor et le ministre de l'Éducation n'a pas commencé à
finir la première phrase de sa réponse. Il prend toute la
demi-heure pour ses réponses.
On nous propose de remplacer ces cinq heures par quinze heures. On va
prendre trois fois plus le temps. C'est tout à fait insuffisant pour
étudier les crédits, pour demander à chaque ministre
pourquoi il a fait ceci et cela, pourquoi cette politique a été
éliminée ou pourquoi il a fait un changement. On ne peut pas
faire cela à l'Assemblée nationale. On peut le faire à
l'Assemblée nationale. Si ce sont les caméras que vous voulez,
parfait! On peut téléviser les travaux des commissions
parlementaires qui étudient les crédits, mais on ne pourra pas
remplacer les 250 heures qu'on y accorde actuellement par 15 heures. C'est
impossible. Je demande au ministre de nous assurer que sa réforme ne
repose pas entièrement sur ce changement. Elle nous est inacceptable
pour cette raison. (11 h 15)
Est-ce que le projet est compromis? Non. Il n'est pas compromis, mais,
désormais, l'Opposition devra être intimement associée
à la démarche de réforme si ce projet veut voir le jour.
Il serait très regrettable qu'il ne voie jamais le jour; trop d'efforts
ont été investis, trop de propositions fort intéressantes,
que nous-mêmes avons réclamées - je pense à la
commission concernant le Vérificateur général, par
exemple, et d'autres - sont faites pour ne pas, tous ensemble, faire en sorte
qu'il soit un succès. Mais, pour ce faire, nous allons devoir modifier
la procédure prévue. Nous devons former une sous-commission ou un
groupe de travail - appelez-le comme vous le voulez - qui devra étudier
dans les détails les éléments de ce projet et d'autres
éléments que nous aurons à lui soumettre, et ce, avant
même que nous nous soyons prononcés sur les principes, comme le
propose le ministre, dans son projet. Il n'est pas trop tard, mais j'invite le
gouvernement à se débarrasser de sa tendance à vouloir
tout changer tout seul.
Je réfère le ministre à cette recommandation du
rapport de mission, à laquelle participait sa formation politique; le
chef de la délégation était quand même le leader du
gouvernement, à ce moment-là. À la page 30, on dit: "Dans
le but d'examiner si, au Québec, l'équilibre entre ces deux
pouvoirs mérite d'être accentué par quelque réforme
et après qu'il en aura été ainsi
convenu par les différentes formations politiques, les membres de
la mission - les membres de la mission étaient Claude Charron, Fernand
Lalonde, Yvon Brochu et tous les autres - recommandent au président de
l'Assemblée nationale de constituer un groupe de travail visant à
revoir le fonctionnement des commissions parlementaires et, le cas
échéant, proposer une réforme de leur fonctionnement. "Ce
groupe de travail pourrait être soit une sous-commission de la commission
de l'Assemblée nationale qui pourrait s'adjoindre des fonctionnaires,
soit un comité ad hoc composé de représentants de chaque
parti politique et de fonctionnaires de l'Assemblée nationale". Pourquoi
le gouvernement a-t-il mis cette recommandation de côté, qui est
le résultat d'investissement de ressources financières et
humaines considérables? Pourquoi? J'attends la réponse du
ministre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
M. le député de Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: M. le Président, je n'ai pas, comme mes
prédécesseurs, un texte écrit. Je vais plus laisser parler
mon coeur que mes recherchistes, pour...
M. Lalonde: On verra si c'est mieux!
M. Bisaillon: ... peut-être résumer un bon nombre de
commentaires par un mot qui serait "enfin".
Le leader de l'Opposition a commencé à expliquer que la
réforme qui est devant nous, c'est l'aboutissement, dans le fond, d'un
long cheminement qui a commencé un peu avant 1976, mais qui s'est
intensifié, selon moi, à partir de 1976, dès le
départ par un groupe de députés de toutes les formations
politiques - y compris des indépendants, je tiens à le souligner
- à l'époque et qui avaient amené des amendements - on
s'en souviendra - au règlement de l'Assemblée nationale. C'est de
ce groupe de travail qu'est sorti le texte dont on parlait tantôt - texte
de Claude Forget - qui lui-même a servi de base au travail du
député de Trois-Rivières, Denis Vaugeois. Il y a eu les
sous-commissions auxquelles on a référé tantôt, au
moment desquelles il y a eu aussi un certain nombre de consensus qui avaient
été établis. J'ai moi-même participé à
celle de 1981 où on avait établi un certain nombre de consensus
qui normalement devaient se retrouver dans le projet de loi.
Par la suite, il y a eu une commission spéciale qui a
siégé, où il y a eu la participation de
députés de l'Opposition. Je voudrais vous ramener à une
des recommandations de la commission spéciale de la fonction publique -
c'est-à-dire la première commission spéciale qu'on ait eue
à l'Assemblée nationale - la recommandation 144 qui se lisait
comme suit: "Que l'on applique les recommandations du rapport Vaugeois
proposant la création de quatre commissions spéciales permanentes
d'initiative parlementaire, sans rejeter la formule des commissions
spéciales ad hoc dont le mandat est limité dans le temps."
On retrouve ça dans ce qui nous est présenté,
aujourd'hui. Cela avait fait l'objet d'études par des
députés de l'Opposition de même que par des
députés ministériels.
J'aurais cependant, M. le Président, au départ, un certain
nombre de mises en garde à faire. La réforme proposée me
semble aller dans le sens d'un renforcement du Parlement et de
l'activité parlementaire. Par ailleurs, il faudrait faire attention,
tout en renforçant le Parlement, de ne pas diminuer la force des
parlementaires. On a parfois tendance à être pour les
syndiqués contre les syndicats, pour les consommateurs contre la
consommation. Il ne faudrait pas être pour le Parlement contre les
parlementaires. J'indique cela parce que tout ce qui nous est
présenté - ce sont des choses qu'il faudra préciser au
moment des débats - semble être orienté sur les partis,
c'est-à-dire le parti ministériel et le parti de l'Opposition.
Chaque fois qu'on parle de mécanismes, on parle des partis et le mode de
représentation est celui des partis.
Je tiens à vous souligner, M. le Président, qu'il y a
déjà eu, dans le passé, plusieurs partis politiques
à l'Assemblée nationale. Même s'il existe une tendance
selon laquelle, avec les années, nous en revenons à deux partis,
il ne faut pas négliger le fait qu'il puisse aussi y avoir,
au-delà de plusieurs partis, des députés qui sont
indépendants et qui ont autant de droits, comme parlementaires, que les
parlementaires qui sont membres d'une formation politique. Dans ce sens, il y a
un certain nombre de précisions qui devraient être
apportées pour permettre que, si le règlement leur donne des
droits, la loi, elle, ne les muselle pas quant à leur participation
éventuelle.
Je voudrais aussi souligner, quant à la commission du
Vérificateur général, qu'il y a eu une autre
recommandation issue de la commission spéciale de la fonction publique
qui parlait de deux commissions spéciales. Une commission
spéciale devrait siéger normalement à tous les quatre ans
pour vérifier la qualité des services fournis aux citoyens par
l'administration publique. Je pense que cette commission pourrait être,
à tous les trois ou quatre ans, une commission ad hoc et nous n'avons
pas besoin d'en parler de façon particulière.
Il y avait cependant une autre
commission proposée dans le rapport déposé en juin
dernier à l'Assemblée nationale. Cette commission devrait
être chargée de vérifier l'imputabilité des hauts
fonctionnaires, des sous-chefs. Déjà, le secrétaire
général du Conseil exécutif ayant donné une
orientation dans le sens de la mise en application de cette recommandation, il
me semble qu'on devrait prévoir, au moment où on fait notre
réforme, une place pour que, le jour où les sous-chefs seront
vraiment imputables, il puisse y avoir un contrôle parlementaire de cette
imputabilité. Il me semble que cela pourrait être fait par la
commission du Vérificateur général. Il faudrait apporter
une précision au niveau de cette commission qui nous amènerait
à dire que cette commission pourrait vérifier
l'imputabilité des sous-chefs. Je pense qu'il n'était pas inutile
de le préciser à ce moment-ci puisque cela peut arriver dans le
temps et plus rapidement qu'on ne le croit.
En terminant, M. le Président, je voudrais souligner les
difficultés qu'on aura à étudier le projet de loi qui est
déjà devant nous, le projet de loi no 90. Quant aux modifications
que nous aurions probablement suggérées si elles n'avaient pas
été apportées par le leader du gouvernement, je ne
m'attache pas à la forme comme l'a fait le leader de l'Opposition. Le
leader du gouvernement nous présente aujourd'hui un certain nombre de
réformes qu'on aurait probablement demandées et dont certaines se
retrouvent dans le rapport de la sous-commission de l'Assemblée
nationale qui avait siégé en 1981. On aura donc deux
éléments. Le leader du gouvernement en a annoncé un
troisième qui est toute la vérification ou la remise en question
du régime de pensions et probablement du traitement des
députés. S'il n'était pas question du traitement, je vous
annonce que moi, j'aurais l'intention d'en parler.
Il y a de plus le règlement de l'Assemblée nationale. Dans
le projet de loi, il y a seulement un article qui dit que les règlements
de l'Assemblée nationale demeurent tels qu'ils sont, à moins
qu'ils ne soient en contradiction avec des articles de la loi. Je pense qu'on
ne peut pas se permettre d'étudier le projet de loi tel qu'il est, avec
les réformes amenées par le leader du gouvernement aujourd'hui,
sans avoir en parallèle les effets ou l'influence que cela peut avoir
sur le règlement de l'Assemblée nationale et la façon dont
nos travaux vont se dérouler. Si j'avais à émettre un
voeu, je demanderais qu'au moment où on va se pencher sur un document
consolidé, on ait en parallèle les effets de chacun des articles
du projet de loi sur le règlement de l'Assemblée nationale et sur
notre fonctionnement quotidien.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
leader du gouvernement.
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais simplement
brièvement, puisque le leader de l'Opposition m'y a invité,
répondre à quelques-unes des questions qu'il a soulevées
et tenter d'y apporter les réponses les plus correctes qui soient. Je
souscris entièrement à ce qu'il a dit en ce qui concerne les
prémisses. Je me rallie tout à fait à ce qu'il a dit,
à l'effet qu'une réforme parlementaire valable ne peut pas se
concrétiser si elle ne fait pas consensus, si elle ne permet pas
à l'ensemble des partis politiques et des députés
indépendants de donner leur opinion, de faire valoir leur point de vue,
d'apporter des modifications, en d'autres mots, de considérer que le
projet qui est sur la table est un projet initial et non pas un projet
terminal.
Je l'ai dit tout à l'heure, c'est un projet qui est
négociable, sauf, en ce qui a trait à la volonté politique
de parvenir à accoucher d'une réforme parlementaire
substantielle. Je crois que là-dessus, on se rejoint. Le leader de
l'Opposition me faisait remarquer que dans le passé, dans la plupart des
cas, l'Opposition a travaillé en très étroite relation
avec des députés ministériels pour faire avancer un
certain nombre de dossiers relatifs à certains des aspects de la vie de
l'Assemblée nationale. Cela a été le cas, je l'ai
évoqué moi-même lors de la préparation du
règlement de l'Assemblée nationale, par l'ancien
président, Jean-Noël Lavoie, qui avait associé à sa
démarche des députés de l'Opposition et des
députés du gouvernement. J'ai évoqué aussi le fait
que le président de l'Assemblée nationale de l'époque, M.
Richard, en juin 1980, avait déposé un avant-projet de loi qui
avait été scruté de très près par des
députés, autant de l'Opposition que du côté
ministériel.
Je m'excuse si les propos que j'ai tenus semblaient faire croire au
député de Marguerite-Bourgeoys, au leader de l'Opposition, qu'il
n'y avait pas eu de suite dans le sens où il n'y avait pas eu de
rapport, dans le sens où il n'y avait pas eu de recommandations et
même de modifications concrètes suggérées sur la
base de l'avant-projet de loi qui avait été soumis par M.
Richard. Au contraire, j'ai moi aussi en main le rapport des travaux de la
sous-commission qui a siégé à deux reprises et qui a
effectivement apporté des suggestions de modifications à
l'avant-projet de loi déposé par M. Richard. Ce que je voulais
évoquer par là, c'est qu'il n'y avait pas eu de suite
concrète, dans le sens où nous n'avions rien adopté comme
tel qui s'était inscrit dans le fonctionnement de l'Assemblée
nationale ou de ses commissions, après que
ce travail eut été fait par les membres de la
sous-commission de l'Assemblée nationale. C'était uniquement ce
que je voulais évoquer. Je ne voulais surtout pas évoquer le fait
qu'il n'y avait pas eu de travail fait et de modifications
suggérées, d'autant plus qu'on les retrouve dans le rapport que
vous avez cité tout à l'heure.
Je voudrais indiquer que si nous avons décidé d'agir comme
nous avons agi, c'est qu'il nous a semblé qu'à partir d'un
certain moment la volonté de véritablement aller de l'avant avec
une réforme parlementaire semblait s'estomper. Depuis la publication du
rapport Vaugeois qui s'intitule "L'Assemblée nationale en devenir pour
un meilleur équilibre de nos institutions", il n'y avait pas eu vraiment
de geste qui avait été posé de quelque côté
que ce soit, et je ne vise personne. En fait, le dépôt du rapport
Vaugeois s'est fait et il s'est passé quelques semaines, quelques mois
avant que, finalement, des réactions se fassent sentir. Je le dis en
toute bonne foi, les députés ministériels eux-mêmes
- je crois que là-dessus d'ailleurs, le président du conseil des
députés ministériels, le député de Nicolet,
ou le whip du gouvernement, le député de Lac-Saint-Jean, ou
même le président du comité spécial qui a
travaillé sur la réforme parlementaire, le député
de Deux-Montagnes, pourront l'évoquer tout à l'heure - on a mis
un certain temps avant de réagir très concrètement aux
propositions qui étaient soumises par M. Vaugeois dans son document. (11
h 30)
C'est tellement vrai que je me rappelle un article - j'ai demandé
qu'on aille me chercher la coupure - paru dans le Devoir du lundi 3 mai 1982.
Le titre était libellé de la façon suivante: "Denis
Vaugeois au Devoir. Le Parlement est trop faible pour se réformer
lui-même". Ce n'est pas n'importe qui qui disait cela. C'était le
député de Trois-Rivières, parrain du document fort
important sur la réforme parlementaire. L'article se lisait ainsi: "Le
Parlement est trop faible pour se réformer lui-même: l'impulsion
à cet égard doit venir du gouvernement, du Conseil des ministres.
"Telle est la constatation déprimante du député
péquiste de Trois-Rivières, M. Denis Vaugeois, au terme d'un an
d'études et de délibérations sur la réforme
parlementaire à la demande même du premier ministre. M.
Lévesque avait nommé l'ancien ministre au poste d'adjoint
parlementaire du ministre délégué à la
Réforme parlementaire à la suite des élections
générales d'avril 1981."
Quand j'ai pris connaissance de cette déclaration de M. Vaugeois,
je me suis dit que la réforme parlementaire, on en parlerait encore
pendant des mois et des années si on n'arrivait pas, un beau jour,
à travailler sur la base d'un document concret, bonifiable, certes,
modifiable, j'en conviens, mais au moins travailler sur la base d'un document
concret qui propose quelque chose. Qu'on soit pour ou qu'on soit contre, mais
qu'on puisse avoir quelque chose et qu'on puisse travailler à partir de
cela. J'ai donc senti, comme leader du gouvernement, la responsabilité
première de déposer à l'Assemblée nationale du
Québec un projet de loi qui, évidemment, n'était pas
complet puisqu'il y manquait deux pans de mur fondamentaux que sont la
réforme parlementaire et le nouveau régime de retraite et de
salaire, mais tout de même déposer un projet de loi. Cela a
été fait au mois de juin. Vous vous rappellerez qu'à cette
époque, j'ai indiqué très clairement à
l'Assemblée nationale que ce projet de loi était forcément
incomplet, qu'il y manquait les éléments dont je viens de faire
état et qu'en cours de travail, durant l'été, au moment de
la convocation de la commission de l'Assemblée nationale, j'allais
déposer à la commission parlementaire un document relatif
à la réforme parlementaire et un autre document relatif au
nouveau régime de retraite des membres de l'Assemblée
nationale.
C'est vrai qu'entre cette période du dépôt du
document de M. Vaugeois, député de Trois-Rivières, et le
moment actuel où nous recevons ici à la commission parlementaire
une proposition de réforme parlementaire, il n'y a pas eu
d'échange entre les membres de l'Opposition et les députés
ministériels. Mais je sais aussi que si nous voulions
véritablement avancer et pouvoir enfin accoucher d'une réforme
parlementaire, il était mieux de se revoir et de se remettre à
travailler conjointement au dossier de la réforme parlementaire sur la
base d'un projet. C'est pourquoi, à la suite des remarques qui avaient
été faites par M. Vaugeois, il y a eu d'abord le
dépôt du projet de loi no 90, mais, par la suite, il s'est
manifesté, au conseil des députés ministériels -
là-dessus, je laisserai le soin à mes collègues d'en faire
état - une volonté de travailler de façon plus
accélérée et plus intense au dossier de la réforme
parlementaire, ce qui a donné naissance à un comité
spécial du conseil des députés ministériels
présidé par M. de Bellefeuille et formé d'une dizaine de
parlementaires, ce qui a permis la production d'un document fort important sur
la réforme parlementaire.
Pour l'essentiel, c'est sur la base de ce travail que j'ai soumis au
Conseil des ministres des propositions qui ont effectivement été
entérinées. Comme j'ai la responsabilité de parrainer le
projet de loi no 90 à l'Assemblée nationale, il m'apparaît
tout à fait normal que le leader s'acquitte de ses
responsabilités et dépose donc officiellement la proposition
ministérielle de réforme parlementaire.
Je comprends très bien que d'entrée de jeu le
député de Marguerite-Bourgeoys,
leader de l'Opposition, veuille faire sentir à l'ensemble des
parlementaires que si nous voulons véritablement réussir à
présenter une réforme parlementaire substantielle, il faudra que
l'Opposition y soit associée au niveau de la discussion, de la prise de
décision et des éléments de modification qui pourraient y
être apportés.
En d'autres mots, nous voulions que quelque chose de concret soit sur la
table. Je pense que nous avons quelque chose de concret. À partir de
maintenant, je crois que c'est notre responsabilité de faire en sorte
que pour le reste, jusqu'à l'adoption finale de ce projet de
réforme parlementaire et du projet de loi no 90, nous puissions, autant
à l'Assemblée nationale qu'en commission parlementaire,
fonctionner dans un cadre, un contexte où tous et chacun, comme vous le
disiez vous-même, sans aucun esprit de partisanerie, nous puissions
accoucher d'une réforme parlementaire convenable, faisable, et qui nous
permette d'améliorer notre régime démocratique.
Voilà un peu ce que je voulais apporter comme
élément de réponse à ce qu'a évoqué
le député de Marguerite-Bourgeoys. Je veux donc l'assurer que
c'est véritablement notre intention, sur la base du document que nous
avons maintenant déposé officiellement ici en commission
parlementaire, de travailler en très étroite collaboration. Si
cela n'a pas été fait de cette façon entre la date
d'aujourd'hui et le dépôt du document Vaugeois, c'est qu'il nous
paraissait d'abord important de dégager un consensus chez nous, de faire
notre lit, comme on nous le dit souvent, sur le dossier de la réforme
parlementaire mais, dans le processus qui nous mènera à
l'adoption de la réforme parlementaire, de travailler en très
étroite relation avec nos collègues de l'Opposition avant d'en
arriver à l'adoption finale de la réforme parlementaire.
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Le ministre tentait de répondre aux questions
que j'avais posées, mais il en a laissé une importante de
côté. Je ne sais pas s'il est prêt à y
répondre. Est-ce que l'abandon de l'étude des crédits est
une condition essentielle de sa réforme?
M. Bertrand: Nous allons en débattre, bien sûr, au
cours des prochaines heures, mais je veux indiquer qu'au sein du comité
spécial du conseil des députés et du Conseil des ministres
l'argument a prévalu pour que ce moyen que nous avions retenu dans le
passé pour étudier les crédits des ministères soit
remis en question et réévalué...
M. Lalonde: L'abandon?
M. Bertrand: ... mais que cela ne pouvait pas se faire si nous ne
tentions pas de trouver des moyens nouveaux qui nous paraissent plus
adéquats pour atteindre cet objectif qui est de permettre aux
parlementaires de mieux contrôler les finances publiques. Le budget est
un élément, les crédits sont un autre
élément, mais il y a bien autre chose. La création, par
exemple, de la commission des finances publiques qui se réunirait quatre
fois par année à raison de deux jours, cela fait huit jours de
travail. La commission du Vérificateur général se
réunirait cinq jours par année, cela fait cinq jours de travail.
Huit et cinq font treize.
Évaluons une moyenne d'environ dix heures par journée de
travail, cela fait 130 heures de travail au niveau de la commission du
Vérificateur général, au niveau de la commission des
finances publiques, sans compter les 35 heures du débat sur le budget,
ce qui fait 165 heures, et sans compter, bien sûr, toutes les heures que
nous passerons à la commission des engagements financiers. En d'autres
mots, pour donner une réponse à votre question, les
députés ministériels souhaitent effectivement remettre en
question la façon dont nous abordions l'étude du budget et, en
particulier, l'étude des crédits en commission parlementaire,
mais nous ne voulons pas que cela se fasse sans qu'en contrepartie nous
trouvions des instruments, des outils, des moyens nouveaux pour arriver
à atteindre l'objectif qui, de toute façon, se trouvait
derrière cette étude des crédits en commission
parlementaire, qui est d'en arriver à un meilleur contrôle des
finances publiques, à un meilleur contrôle des dépenses
publiques, à un meilleur contrôle des choix, des orientations qui
sont retenues par le gouvernement en matière budgétaire, aussi en
matière de financement, d'emprunt, etc. C'est toute l'économie
générale autour d'un objectif, qui est le meilleur contrôle
des finances publiques, que nous avons décidé de revoir ensemble.
Là-dessus, nous avons dégagé un consensus du
côté ministériel.
Je n'ai pas besoin de vous dire que je prévoyais la remarque du
leader de l'Opposition à savoir que l'abandon des crédits
signifiait, à toutes fins utiles, l'abandon d'une tradition qui
était celle des commissions parlementaires permanentes qui prenaient
chacun des ministères, un par un, et regardaient comment, en fait,
étaient prévus les budgets des Affaires sociales, de
l'Éducation, des Travaux publics, des Transports ou quelque autre. Nous
avons effectivement décidé de remettre toute cette question de
l'étude des crédits sur la table et de l'aborder d'une tout autre
façon. Évidemment, nous aurons à en débattre et
nous espérons arriver à convaincre l'Opposition, au cours
des prochaines heures, que l'abandon de l'étude des crédits dans
sa forme actuelle et son remplacement par de nouveaux moyens peut très
bien nous permettre, comme parlementaires, d'atteindre, je dirais même de
mieux atteindre l'objectif que nous nous fixons, soit de contrôler les
finances et les dépenses de l'État.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Charlesbourq.
M. Denis de Belleval
M. de Belleval: M. le Président, rapidement, je voudrais
plaider à titre de parlementaire et non pas à titre de
représentant soit du gouvernement ou, comme on vient de l'entendre, de
l'Opposition, étant entendu, évidemment, qu'un parlementaire peut
être un parlementaire et s'exprimer, bien sûr, au nom du
gouvernement ou de l'Opposition. Je voudrais le faire exclusivement à
titre de parlementaire.
Je comprends les réactions de l'Opposition ce matin qui portent
tant sur des questions de forme que sur une question de fond, du moins en ce
qui concerne les remarques préliminaires qui touchent à la
question de l'examen des crédits.
Pour ce qui est de la forme, certains diront que le gouvernement met la
charrue devant les boeufs en procédant de cette façon,
c'est-à-dire en ne procédant pas d'une façon parfaitement
collégiale à toutes les étapes du processus. Je pense,
là-dessus - et je veux en rendre témoignage comme parlementaire -
qu'on admettra, des deux côtés de la Chambre, que le processus
semblait s'enliser depuis plusieurs mois. Finalement, ce sont des
députés de la majorité ministérielle, d'accord,
mais ce sont d'abord des députés qui, en tant que
députés, ont décidé non pas de mettre la charrue
devant les boeufs, mais de sortir le tracteur pour labourer le champ de
façon définitive -en tout cas, en ce qui nous concerne, à
notre point de vue - pour faire aboutir quelque chose, d'abord, et avant tout
au nom des parlementaires.
C'est le travail qu'a réalisé le comité du caucus
sous la responsabilité du député de Deux-Montagnes. Dans
ce sens, le tracteur, nous l'avons d'abord sorti entre nous, mais nous l'avons
aussi sorti face au gouvernement, à notre propre gouvernement, à
qui nous avons proposé une réforme qui est largement, sinon
presque exclusivement le fruit des travaux de députés, de simples
députés, et de parlementaires. (11 h 45)
Je pense aussi qu'on admettra, les observateurs de bonne foi admettront
que si certains députés n'avaient pas pris sur eux de faire
aboutir les choses, probablement qu'encore ce matin on serait en train de
discuter de l'opportunité de la réforme, on continuerait à
mettre sur pied des comités, d'autres commissions, d'autres groupes de
travail, peut-être qu'on irait faire d'autres voyages encore à
l'étranger; mais finalement, est-ce qu'on serait rendu aussi loin qu'on
est rendu ce matin, je ne pense pas. De ce côté je me rallie au
point de vue du gouvernement qui est de dire: Eh bien, des
députés ont fait leur lit du côté de la
majorité ministérielle - cela aurait pu être d'ailleurs des
députés du côté de l'Opposition, mais en tout cas,
cela s'est fait comme ça - le gouvernement a fait son lit de ce
côté; on présente quelque chose. Au moins, on a quelque
chose de concret sur lequel on peut travailler, quelque chose qui est
perfectible, quelque chose à quoi l'Opposition n'est pas
étrangère puisqu'on s'est servi, effectivement, des travaux qui
ont été faits auparavant, auxquels ont participé des gens
de l'Opposition et des travaux aussi auxquels l'Opposition ne sera pas
étrangère dans les jours qui vont venir quand, effectivement, ce
premier jet sera discuté et sera, finalement, je l'espère,
approuvé après des amendements et des suggestions opportunes de
l'Opposition.
Je pense que de ce côté, on peut discuter sur la forme,
mais il faut admettre qu'au moins on a avancé, peu importe la forme et
peu importent les critiques que je ne trouve pas illégitimes, en
principe, mais peut-être un peu idéalistes ou théoriques de
la part du leader de l'Opposition dans le concret.
Deuxièmement, sur le fond. Sur le fond, il nous est apparu
à nous en tout cas, aux parlementaires qui ont travaillé au
comité du député de Deux-Montagnes qu'il fallait que la
réforme réponde favorablement aux critiques et aux frustrations
très profondes des parlementaires, comme parlementaires, tant du
côté ministériel que du côté de l'Opposition,
quant à la forme actuelle de nos débats. Ce n'est pas par hasard
qu'entre autres, nous avons proposé très fortement l'abolition du
système actuel de fonctionnement tant en commission des lois,
d'ailleurs, que dans les différentes commissions, que dans ces 27
commissions sectorielles chargées d'étudier les crédits,
où au fond, admettons-le, nous avons un ou deux ténors du
côté de l'Opposition, un ou deux ténors du
côté du pouvoir, souvent et même presque toujours un seul,
très souvent aussi du côté de l'Opposition un seul, et par
ailleurs des pions, à toutes fins utiles, des faire-valoir, des
figurants autour d'une table. Soyons de bon compte, admettons la
réalité des choses telle que la voient les journalistes tous les
jours quand ils nous suivent: des gens sont ici pour faire quorum, à
toutes
fins utiles, et souvent ce quorum est extrêmement
déficient.
Si ce quorum est déficient, c'est parce que sur la substance des
choses il n'y a pas d'intérêt pour un parlementaire de travailler
dans un pareil contexte. Nous avons dit, donc, il faut faire un travail
fondamental, il faut que les députés participent d'une
façon significative à ce travail. D'où les suggestions que
l'on fait quant à la réorganisation de la présidence, de
la vice-présidence des commissions quant à l'organisation du
débat où le ministre est à la barre de la commission et
aussi quant à l'abolition de la façon absolument stérile,
la plupart du temps, d'étudier les crédits en Chambre. Ce n'est
pas une question de parti au pouvoir ou de parti de l'Opposition; après
tout, dans notre système, peu importent les périodes de temps qui
existent entre les différents partis, un parti de l'Opposition finit par
être au pouvoir et un parti au pouvoir finit par être dans
l'Opposition. Ce n'est pas une question d'Opposition ou de pouvoir. C'est la
question de savoir, d'abord et avant tout si les parlementaires, comme
parlementaires, font un travail constructif. Admettons-le, on ne fait pas un
travail constructif actuellement, de la façon dont on étudie les
crédits en Chambre. La plupart de nos débats ne sont même
pas rapportés dans les journaux et pourtant, on a maintenant la
télédiffusion. On a un journal qui rapporte toutes ces paroles.
On le sait très bien, une fois les premiers éléments
importants passés en Chambre, une fois que certains ministères
plus particulièrement névralgiques de notre vie parlementaire,
à un moment donné, ont été touchés, pour
presque tout le reste, ce sont des discussions très
générales.
On ne va pas en détail, justement, lors de l'étude des
crédits. Je ne pense pas que la qualité de nos débats, de
la vie démocratique ou du contrôle même parlementaire soit
amélioré par le genre de travail que l'on fait. On s'est dit:
Changeons les choses de ce côté, d'autant plus que si nous voulons
vraiment changer les choses et si nous voulons mettre sur pied des commissions
vraiment nouvelles et vraiment fortes, il va falloir aussi que les
parlementaires aient le temps de travailler à ces commissions. Il va
falloir que les présidents de ces commissions aient le temps de
préparer leurs travaux avec leurs vice-présidents, que les
parlementaires aient le temps d'étudier ces dossiers et prennent aussi
le temps de se réunir, parce qu'on a aussi une limite de temps pour nos
réunions. Peut-on faire tout en même temps, ajouter des
étages à notre édifice, un édifice
déjà chambranlant et critiquable ou ne faut-il pas repartir de
zéro et créer ces commissions? Si on crée ces commissions
et si on prend le temps de faire ce travail comme il faut, il faut laisser des
chos' de côté. On a pensé qu'il fallait laisser de
côté, dans sa forme actuelle, en tout cas, l'étude des
crédits. D'ailleurs, on remplace cette étude des crédits
par un débat quand même privilégié, toute affaire
cessante devant les caméras de la télévision pendant 25
heures. Ce n'est pas rien. Ce travail est prolongé... Pardon?
Une voix: 30 heures.
M. de Belleval: 30 heures. Pardon?
Une voix: 35 heures.
M. de Belleval: 35 heures, toute affaire cessante.
Une voix: Bingo!
M. de Belleval: C'est le chiffre qui est retenu, 35 heures, toute
affaire cessante, devant les caméras de la télévision. On
sait très bien, justement, pour la qualité de notre vie
démocratique, combien ce média d'information directe de la
population est important, comparé à ce qui se fait dans la
commissions sectorielles d'étude des crédits. Je pense qu'il est
facile de voir que le "trade off", comme on dit, est en faveur de ce que nous
proposons. Ce travail est prolongé par d'autres commissions et, en
particulier, par la commission du budget ou des finances publiques. À
cet égard, ce que nous proposons est fort valable et, de toute
façon, cette proposition peut aussi être aménagée de
façon que, malgré tout, lorsqu'on en sent le besoin les
commissions que nous mettons sur pied fournissent amplement d'occasions pour
répondre à ces besoins - on puisse étudier plus en
profondeur des crédits et des programmes particuliers d'un
ministère. Mais de grâce, soyons réalistes et admettons que
si nous voulons mettre sur pied ces nouvelles commissions, et les mettre sur
pied de façon efficace, il faudra sabrer de façon
considérable dans le système actuel de commissions.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Deux-Montagnes. Par la suite, le député
de Portneuf puis, le député de Taschereau.
M. Pierre de Bellefeuille
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais
revenir en bonne partie sur des questions qui ont été
soulevées ce matin par le leader de l'Opposition, par le leader du
gouvernement et, il y a quelques instants, par le député de
Charlesbourg.
La méthode selon laquelle une série de commissions
parlementaires sectorielles établies selon la répartition des
ministères -
ce qui fait qu'il y en a plus de deux douzaines - est une méthode
qui nous a semblé constituer un mécanisme lourd et peu efficace.
Évidemment, quand on parle d'efficacité, cela dépend des
objectifs qui sont visés. Nous nous sommes placés dans la
perspective d'une amélioration du Parlement. Ce n'est pas une question
de rendre les heures que nous passons dans des salles de commissions, à
Québec, plus intéressantes pour nous personnellement, ça
n'a aucun rapport. Un député qui ne s'intéresse pas
à ce qui se passe en commission, c'est son problème à lui
et il ne faut pas changer l'institution seulement parce qu'un
député ne s'intéresse pas à ce qu'il a à
faire. C'est l'efficacité du Parlement qui a été notre
règle. Il nous a semblé que ce mécanisme, du point de vue
du Parlement, du point de vue de l'Opposition, du point de vue du gouvernement,
du point de vue du législatif par opposition à l'exécutif,
et aussi du point de vue de l'exécutif, est lourd et peu efficace.
On peut juger de ça de plusieurs façons. Par exemple, on
peut s'interroger sur la qualité et la quantité des informations
qui passent dans les médias, à partir des travaux de ces
commissions. Lorsqu'on examine cette question, on se rend compte que l'examen
des crédits, tel qu'il se pratique traditionnellement, soulève ou
provoque assez peu d'information dans les médias et ne provoque pas
nécessairement les informations les plus significatives quant à
ce qui se passe vraiment dans le Parlement. Il peut souvent arriver qu'il se
dise des choses fort pertinentes en commission parlementaire et que ça
ne se reflète pas dans les médias, tout simplement parce que le
mécanisme en lui-même est lourd, peu adéquat, suscite peu
d'intérêt de la part des médias. Évidemment, s'il y
a une prise de bec entre le ministre et son vis-à-vis de l'Opposition,
là, il y a des possibilités que ça se reflète dans
les débats, mais il n'est pas sûr que ce soit ça, en soi,
qui soit le plus significatif quant à la remise en valeur du rôle
du Parlement.
Le leader de l'Opposition nous demande si l'abandon de cette
méthode est essentiel à la réforme. Là, on ne va
pas se braquer. Je pense que, quand on discute entre parlementaires d'une
réforme parlementaire, il faut justement éviter de se braquer, il
faut plutôt chercher les terrains d'entente possibles. La réponse
a déjà été donnée, à la fois par le
ministre et par le député de Charlesbourg; ce n'est pas une
question d'écarter, c'est une question de modifier, de remplacer. On
remplace par quoi? On remplace par la nouvelle conception du débat sur
le budget et on remplace aussi par la commission des finances publiques. Mais,
là, je pense qu'il faut éviter de comparer strictement des
nombres d'heures, parce qu'il n'est pas du tout sûr que les droits du
Parlement soient vraiment une question de nombre d'heures de
débat. Il se peut qu'un débat mieux conçu, mieux
réglé dans une commission correspondant mieux aux besoins des
parlementaires en fonction des finances publiques, qu'un nombre d'heures
beaucoup plus restreint donne entière satisfaction aux parlementaires,
plutôt que des centaines d'heures consacrées à des
débats fastidieux et peu productifs.
Il faut aussi tenir compte d'un autre facteur, qui est celui du
degré d'autonomie des commissions, des commissions jouissant d'une plus
grande mesure d'autonomie, qui tient en partie à la création de
la fonction de vice-président de commission, fonction confiée
à des députés de l'Opposition. Il se peut que cette plus
grande autonomie des commissions soit aussi un facteur important lorsqu'on
cherche à comparer le régime actuel et le nouveau régime
qui est proposé. C'est un des facteurs qui font qu'un nombre total
d'heures moins considérable puisse permettre une plus grande
efficacité et, par conséquent, puisse être aussi
satisfaisant et même plus satisfaisant, tant du point de vue des
députés de l'Opposition que du point de vue des
députés ministériels. (12 heures)
À ce point de vue, la commission des finances publiques,
jouissant d'une plus grande autonomie, dotée d'un président qui
soit du gouvernement et d'un vice-président qui soit de l'Opposition,
ayant le mandat très vaste d'examiner tout autant les grandes questions
économiques et financières relatives au gouvernement et à
l'ensemble du Québec que les points particuliers dans les crédits
des ministères. La commission des finances publiques aura toute
l'autonomie voulue pour décider si elle veut étudier tel ou tel
point dans les crédits de tel ou tel ministère. On retrouve
là le souci très louable qu'ont les parlementaires de remettre en
question les dépenses particulières des ministères. La
commission des finances publiques aura toute la latitude voulue pour
décider lesquels de ces crédits elle entend étudier de
façon plus détaillée.
Je pense qu'il faut faire la comparaison entre deux ensembles. Le
premier ensemble est celui qui existe à l'heure actuelle comprenant plus
de deux douzaines de commissions sectorielles, mécanisme lourd et peu
efficace et, d'autre part, un autre ensemble qui représente un nombre
total d'heures de débats moins élevé mais qui permet de
concevoir et de mettre en place des débats beaucoup plus féconds,
des débats qui donneront une plus grande satisfaction aux parlementaires
de quelque côté de la Chambre qu'ils soient.
Je pense que la réponse à la question posée par le
leader de l'Opposition est que, du côté ministériel, nous
avons cherché une méthode pour améliorer la
fécondité et
l'efficacité de ces débats, tant à
l'Assemblée nationale qu'en commission parlementaire. Nous en sommes
venus à proposer cet ensemble. Il est sûrement modifiable. Suite
à l'examen qui en sera fait, nous trouverons, peut-être, des
façons de le modifier sur lesquelles nous nous mettrons d'accord. En
choisissant le meilleur de ces deux ensembles, nous pourrons arriver à
une conception qui représentera une réforme des mécanismes
actuels.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf.
M. Michel Pagé
M. Pagé: M. le Président. Je souscris aux propos de
mon collègue de Marguerite-Bourgeoys et d'autres de mes collègues
qui sont intervenus, de façon préliminaire, sur le projet
présenté par le leader du gouvernement.
Tout le monde reconnaît l'importance de la réforme
parlementaire. C'est d'ailleurs dans cet esprit que, depuis plusieurs
années, des actions ont été menées par des groupes
de députés, à la demande du président de
l'Assemblée nationale, à la demande des leaders et avec la
participation des partis d'Opposition. Aujourd'hui on se retrouve avec un
projet déposé par le leader du gouvernement, en addenda au projet
de loi no 90 déposé au mois de juin dernier.
M. le Président, on ne peut que souscrire aux objectifs
fondamentaux de toute démarche visant une réforme de notre
Parlement et de ses institutions qui amènera, je présume, une
revalorisation du rôle de député. Ce n'est pas la
première fois qu'on entend parler de la revalorisation du rôle de
député, cette volonté de faire du député un
véritable législateur, si on siège au Parlement depuis
quelques années. J'ai été un député parmi
102 dans la majorité en 1973. Du côté de la
majorité, aujourd'hui, on jurerait que vous avez sorti de vieux discours
de nos pupitres...
M. Bertrand: ... au caucus.
M. Pagé: Aussi. Je crois que la démarche du projet
de loi no 90, comme la démarche des rapports qui ont été
présentés tant par les missions que par la sous-commission de
l'Assemblée nationale qui a siégé à quelques
reprises et qui a impliqué beaucoup de capital humain et financier, vise
à faire de nous des représentants du peuple un peu plus
législateurs que nous ne l'étions dans le passé. Par
contre, vous aurez remarqué, dans les commentaires du leader de
l'Opposition, qui sont tout à fait justifiés et qui traduisent
l'expression unanime de ceux de notre parti qui ont étudié de
façon un peu plus exhaustive ce document qui nous a été
présenté il y a quatre-vingt-seize heures seulement, que notre
leader s'inquiète de la façon que l'Opposition officielle a
été associée à la démarche. J'ai toujours
compris, par le travail de la sous-commission de l'Assemblée nationale,
que l'Opposition officielle et le parti, parce que nous sommes seulement deux
partis - si nous étions davantage, les autres partis auraient aussi
été associés - qu'on se devait de travailler
étroitement, non seulement d'étudier ensemble, mais de participer
à la rédaction d'un document comme celui-là. Aujourd'hui,
on constate que c'est un produit qui est presque fini qui nous arrive sur la
table, un produit qui est très spécifique, très
détaillé et on nous dit: C'est présenté par nous,
du gouvernement. M. le leader du gouvernement nous dit: Voici l'état de
la réflexion du gouvernement, du Conseil des ministres et qui a repris
quelques-unes des recommandations ou toutes les recommandations, je ne pourrais
pas dire, du caucus des députés. Messieurs, voilà nos
intentions, c'est négociable, c'est discutable et nous allons tenter
ensemble de modifier tout notre système, nos commissions, notre mode de
fonctionnement, les droits des parlementaires, etc.
Le premier grief qui a été soulevé par le leader de
l'Opposition est justifié. Il est fondé et j'ose espérer
que le leader du gouvernement en prendra non seulement bonne note, mais qu'il
saura y donner suite, dans le sens du propos qui a été tenu par
notre leader. Il est important que la réforme soit le résultat
d'une expression unanime, non seulement des partis, mais des
députés. Je me rappelle, depuis quelques mois, plus
particulièrement depuis peut-être une dizaine de mois, combien il
était important pour le gouvernement d'avoir l'unanimité des
partis à l'Assemblée nationale.
Une voix: Bien oui!
M. Pagé: Aussitôt qu'on a un petit problème
quelconque, le gouvernement, par la voix de son leader, par la voix du premier
ministre, est toujours là pour venir quérir et parfois même
quémander l'unanimité des partis à l'Assemblée
nationale. S'il y a quelque chose d'important aujourd'hui, c'est la Loi sur la
Législature. C'est beaucoup plus important que toutes les questions qui
sont discutées à l'Assemblée. C'est le fondement
même de l'institution. C'est la loi et l'unanimité des partis,
l'unanimité de tous les membres est primordiale. C'est d'ailleurs dans
ce sens-là qu'on s'attendait, qu'on aurait été en droit de
s'attendre, tout au moins, que le projet soit présenté par le
président de l'Assemblée nationale, qui est le gardien des droits
de l'Assemblée, le gardien des droits du Parlement et de ses
membres.
J'ai beaucoup plus confiance, M. le Président, comme
député, au président de l'Assemblée nationale comme
gardien des droits des parlementaires que je n'ai confiance au leader du
gouvernement pour assurer mes droits comme parlementaire. Jamais le
président de l'Assemblée nationale n'a voulu passer sur le corps
de qui que ce soit. C'est un exemple qui est assez éloquent. Sans malice
aucune. On se rappelle cela.
Aujourd'hui, le leader nous arrive avec un projet qui est très
spécifique, qui va dans les limites. Si vous aviez vraiment
souhaité une association de l'Opposition à la démarche,
vous auriez été moins précis. Je m'attendais que vous
proposiez des modifications aux commissions parlementaires, au nombre de
commissions, aux mandats des commissions, etc., mais c'est devenu très
très précis. On y prévoit même le nombre de jours
où ces commissions devront siéger. On y prévoit même
le nombre de fois dans l'année où une commission devra
siéger. On prévoit la formation de ces commissions, le mandat
précis de ces commissions.
Le leader de l'Opposition a mis en relief toute la question de
l'étude des crédits. C'est un exemple particulièrement
important où le gouvernement vient, de façon définitive,
détaillée et même très précise, nous dire:
Les trente-cinq heures de débat, les 250 heures d'études et de
travaux des députés en commission, les cinq heures de
débat qui peuvent s'ensuivre, les cinq heures de débat
prévues pour les crédits supplémentaires, ce qui totalise
environ 290 ou 295 heures, tout cela est changé pour un débat
privilégié limité à une quinzaine d'heures; c'est
spécifié. Le lit est fait, le cas est réglé.
Ensuite, on aura une commission, la commission des finances publiques, qui
pourra se réunir à quelques reprises durant l'année avec
un mandat d'étudier, pendant deux jours, une question qui pourra
être posée par les députés.
Mon intervention sera peut-être marquée au coin de la
méfiance, M. le Président, mais lorsqu'on voit que le tout est
préparé d'avance, lorsque le tout est déposé
seulement pour discussion, on a l'impression que c'est seulement pour
discussion. On n'a pas l'impression que c'est vraiment pour une participation
étroite et une association de notre part que c'est fait. C'est tellement
spécifique tout cela, c'est tellement détaillé, cela va
tellement jusqu'à la limite même du fonctionnement qu'on se dit:
À quoi bon s'associer et quel est l'objectif du leader du gouvernement
pour les deux prochaines journées?
On a l'impression, M. le Président, que le plat est prêt
pour tout ce qui fait l'affaire du gouvernement, malheureusement. Les
commissions parlementaires, c'est réglé.
Les crédits, c'est réglé. Le député
de Charlesbourg, tout a l'heure, faisait référence à la
commission des finances publiques qui pourra se réunir, qui pourra
présenter les sujets. Je veux bien. Cela va certainement avoir de
l'allure, mais les votes à cette commission vont être pris sur la
base de la majorité tout simplement. Je ne suis pas convaincu que le
rôle du député de la majorité, qui en a
été un dans le passé, de s'associer beaucoup plus à
la majorité qu'à son rôle de parlementaire va être
modifié d'autant avec un nouveau mode de fonctionnement de notre
Parlement.
On est prêt pour ce qui semble faire l'affaire du gouvernement:
moins d'étude de crédits, nouveau système de commissions,
etc., mais on n'est pas prêt pour ce qui est le plus important, je pense,
pour le parlementaire. On n'est pas prêt et on n'est pas aussi
précis à l'égard de cette brèche combien importante
dans le travail d'un parlementaire qui est la législation
déléguée. On n'est pas prêt pour cela. À cet
égard, on crée une sous-commission, un comité ad hoc qui
aura comme mandat de se réunir, d'étudier les différents
aspects de la question et de faire rapport le 31 mars 1983. Cela veut donc dire
que ce rapport sera étudié, pris en considération en avril
ou en mai, à la prochaine session, et, concrètement, pas avant
l'automne 1983; donc pas d'application avant 1984 ou à peu près.
C'est un des éléments importants de la réforme
parlementaire.
Combien de fois, à l'Assemblée nationale du Québec
- et ce, de quelque côté que ce soit de la Chambre, que le
gouvernement ait été formé de quelque parti que ce soit -
malheureusement, les députés se sont retrouvés dans la
position délicate de voter des projets de loi où il y avait
l'ossature, mais pas la chair, et, finalement, les députés -
souvent, pas de la majorité -se retrouvaient, six mois après que
la loi fut adoptée, avec une loi qui ne représentait pas ce qu'on
avait voulu voter au Parlement ou la façon dont on envisageait l'objet
pour lequel on légiférait. La législation
déléguée, c'est peut-être l'élément
premier sur lequel le Parlement et ses députés devraient se
pencher. Alors que les commissions parlementaires sont définies,
précisées, le nombre de membres, le mandat, le nombre de fois
où elles siégeront dans une année, le nombre d'heures
où elles pourront délibérer, il a été facile
de faire son lit pour le gouvernement avec l'aide de commissions et de
comités du caucus, mais l'essentiel, ce qui nous affecte le plus dans
nos droits de parlementaires, la législation
déléguée, on ne touche pas à cela pour le moment,
on défère cela en comité. Je n'ai pas besoin de vous dire
que cela suscite chez moi et chez mes collègues beaucoup
d'inquiétude. (12 h 15)
Je constate aussi, M. le Président, qu'on n'a pas abordé
toute la question des revenus, des salaires, des fonds de retraite, etc. Je
crois que le gouvernement profitera d'un autre moment pour annoncer ses
intentions à cet égard, mais je dois vous dire encore une fois,
sans malice, qu'en voyant tout cela, j'ai l'impression qu'il va vous manquer
une couple de députés pour combler les jobs. Quant à moi,
je ne serais pas surpris...
Je ne veux pas présumer de ce que le leader du gouvernement nous
annoncera dans quelques jours, mais je ne serais pas surpris qu'on en arrive
éventuellement à une annonce avec beaucoup de publicité,
peut-être même dans les journaux, de la part du gouvernement,
disant que ces pauvres députés ont accepté un gel ou une
réduction des salaires ou je ne sais pas trop, quelque chose de cette
nature et que, finalement, au bout de l'exercice, on constate que les 72
députés de la majorité se sont vu... Combien sont-ils?
M. Lalonde: 77.
M. Pagé: C'est parce que vous en perdez
régulièrement, peu importe.
Une voix: ...
M. Lalonde: De moins en moins.
M. Pagé: On constate donc que tous les
députés de la majorité ont comme revenu net, à la
fin de l'année 1983 ou 1984, un revenu beaucoup plus appréciable
que ce qu'ils auraient eu normalement, que ce qu'ils auraient normalement
reçu comme traitement, compte tenu des nombreuses fonctions
additionnelles de président, de vice-président...
M. Bertrand: Vice-président de l'Opposition.
M. Pagé: ... qui pourrait être
rémunéré, pas qui sera, mais qui pourrait
l'être.
M. Lalonde: On n'est pas encore...
M. Pagé: Les adjoints parlementaires qui pourraient aller
selon le nombre... Le salaire du whip, on le réglera avant longtemps,
vous verrez.
M. Bertrand: L'indemnité du...
M. Pagé: On discutera de cela jeudi, on sera prêt,
ne soyez pas inquiet.
C'est donc une inquiétude que j'ai aussi. Tout cela, M. le
Président, pour vous dire que je ne connais pas le modus operandi de nos
travaux ici, je ne connais pas les intentions du leader du gouvernement, on
pourra y revenir tout à l'heure, mais il y a une chose certaine, c'est
qu'on a beaucoup de réserves. Notre grande inquiétude, c'est que
la réforme ne vienne pas à la suite d'une initiative
commandée par le président de l'Assemblée nationale. Pour
moi, quel que soit le parti qui forme le gouvernement, quel que soit le ou la
députée qui agisse comme président de l'Assemblée
nationale, le meilleur gardien de mes droits, comme parlementaire, et des
droits du Parlement, selon moi, sera toujours le président de
l'Assemblée nationale, beaucoup plus que le leader du gouvernement, quel
qu'il soit.
M. Bertrand: Et les députés. M. Pagé: Je
vous remercie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Taschereau.
M. Richard Guay
M. Guay: M. le Président, j'ai écouté
religieusement le député de Portneuf parler des
députés qui seraient gelés.
Effectivement, avec la climatisation dans cette salle, c'est exact que
les députés commencent à être gelés. Pour ce
qui est de l'autre gel qu'il évoquait...
Une voix: Dans quel sens?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Des
instructions ont été données en conséquence.
M. Guay: Je vous remercie, M. le Président.
M. Lalonde: On ne parle pas de député gelé,
là!
M. Guay: Sur le fond de la question, le député de
Portneuf a une argumentation assez curieuse. Voilà que des
députés du côté ministériel, qui ont vu le
projet de loi no 90 lorsqu'il a été déposé, ont
trouvé qu'on pouvait aller plus loin que le projet de loi no 90 ne le
faisait. On en a parlé au caucus, c'est un fait. Le caucus a dit: On va
mettre un comité sur pied pour regarder cela, il y a peut-être
moyen d'aller plus loin. De fait, avec ce qui est présenté ce
matin par le leader du gouvernement, c'est aller pas mal plus loin que si on
s'en tenait au projet de loi no 90 uniquement.
Au cours de ses délibérations, le comité
présidé par le député de Deux-Montagnes, dont j'ai
eu le plaisir de faire partie, s'est penché très
sérieusement sur les implications que chaque proposition avancée
pouvait avoir. En d'autres mots, il ne s'agissait pas seulement de lancer des
idées en l'air et de placoter autour de cela pour en arriver
à
faire un beau rapport et à dire: On pourrait faire telle ou telle
chose et, si on ne fait pas cela, on pourrait faire autre chose. De sorte que
la réforme parlementaire, que nous souhaitons tous depuis bon nombre
d'années, serait encore une chose dont on parlerait dans un an, dans
deux ans et peut-être encore dans cinq ans. Tout le monde serait
convaincu de l'urgence et de l'imminence de la réforme parlementaire. Il
y aurait encore du monde pour placoter de la réforme parlementaire, mais
il n'y aurait toujours pas de geste concret qui serait posé allant
suffisamment loin pour qu'on puisse appeler cela une véritable
réforme du Parlement.
Ce que le député de Portneuf nous reproche, lorsqu'il dit
que le document arrive tout préparé jusque dans les moindres
détails, c'est d'avoir bien fait notre travail. Je trouve cela
étonnant. Nous nous sommes posé la question: Si nous proposons
telle chose, qu'est-ce que cela aura comme implications? Cela veut dire quoi en
termes d'horaire? Cela veut dire quoi comme effets de "bumping" sur le reste
des travaux législatifs? Comment cela peut-il former un tout
cohérent au cours d'une année? Est-ce que cela peut fonctionner
et à quelles conditions?
Il dit: Vous avez même prévu que la commission des finances
se réunisse une fois par trimestre. Bien oui, parce que c'est important
de prévoir ce genre de chose. On n'a pas seulement proposé de
mettre sur pied une commission des finances publiques et ne rien
préciser, de mettre sur pied une commission du Vérificateur
général et ne rien préciser; des propositions comme
celles-là, il y en a eu, il continue d'y en avoir et il pourra y en
avoir, mais encore faut-il à un moment donné s'arrêter et
se pencher concrètement sur les faits. Bon, fort bien, mais cela va
fonctionner comment, quand, à quelle fréquence et ça va
faire quoi? C'est ce qu'on a essayé de faire.
Je ne dis pas que ce qu'on a fait est parfait, loin de là, il y a
probablement encore des fils à raccrocher par moments, mais je pense
qu'il est mal à propos de venir nous reprocher de faire une proposition
qui va dans le détail parce que, justement, on a eu le souci d'aller
dans le détail, on a eu la volonté d'aller dans le détail
pour en faire une proposition concrète, qui se tienne. En ce sens, on a
eu le sentiment de faire un bon travail. Que le résultat soit
discutable, c'est précisément le but de notre rencontre
d'aujourd'hui. Encore là, je comprends mal tout le plat que font le
leader et le whip de l'Opposition sur la forme que prend cette proposition. Les
députés ministériels ont jugé à propos de
former un comité du caucus qui a travaillé là-dessus en
profondeur, comme je viens de le dire, qui a fouillé toute la question,
et pas juste d'une manière générale, et qui a fait rapport
au caucus.
Cela est allé au Conseil des ministres et voilà une
proposition qui couvre à peu près, enfin, de la façon dont
on a pu le prévoir, tous les champs d'activité. Là on nous
dit: L'Opposition n'a pas été associée. Écoutez,
c'est un comité de notre caucus. Quand vous faites un comité de
votre caucus, on ne demande pas à y être associés non plus.
Ne nous reprochez pas, par contre, comme députés, ensemble, de
nous être penchés sur cette question.
Entre nous, c'est quand même notre droit, comme c'est votre droit
le plus strict. Si le Parti libéral, dans son caucus, veut créer
un comité du caucus sur la réforme parlementaire, c'est son droit
le plus fondamental, et ce n'est pas moi qui vais aller contester cela. Qu'une
fois le rapport soumis au caucus du Parti libéral, par la voix du leader
de l'Opposition, dont je salue la nomination, en passant, le Parti
libéral nous dise: Voilà, il y a un comité du caucus qui
s'est penché là-dessus, il a fait rapport au caucus et
voilà ce que le caucus du parti pense de cela, je ne vais pas dire: Vous
auriez peut-être pu nous associer en cours de route. On va nous associer.
On nous présente à un moment donné le fruit des
réflexions des députés du Parti libéral, comme nous
présentons le fruit des réflexions de notre formation politique
sur la question et les propositions qu'il nous a paru possible de faire pour
bonifier encore davantage le projet de loi no 90. On dit: L'Opposition doit
être associée. Bien sûr, tout le monde est d'accord.
À quel moment? Voilà, c'est maintenant, mais à partir de
quelque chose de concret, de précis, pas juste des idées en l'air
qu'on pourrait peut-être créer une commission et une autre
commission. Cela ferait quoi ces affaires-là?
Le député de Portneuf, d'autre part, dit que le
gouvernement trouve son compte dans le projet de réforme que nous
proposons. J'attire son attention sur le fait qu'il l'a peut-être eu
depuis seulement 96 heures, comme il le dit, mais il ne l'a pas lu bien souvent
pendant ces 96 heures à mon avis. Si le gouvernement, que ce soit le
nôtre ou un autre, voulait y trouver son compte, d'abord, probablement
qu'il n'en ferait pas de réforme parlementaire, parce que pour un
gouvernement, fonctionner comme un gouvernement, dans bien des cas, cela veut
dire le moins de contrôle législatif possible.
À partir du moment où un gouvernement est d'accord pour
accroître le contrôle du pouvoir législatif sur ses
activités, il n'y trouve pas son compte comme tel. C'est plutôt le
contraire. Un gouvernement qui serait uniquement soucieux de dire: Je
fonctionne, le Parlement c'est le Parlement, il est bon, et qui
mépriserait le Parlement ferait exactement l'inverse de ce que l'on fait
aujourd'hui. Il n'en ferait même pas de réforme parlementaire. La
réforme
parlementaire que nous proposons prévoit la création de la
commission des finances publiques. Cela n'existe pas à l'heure actuelle.
Ce n'est quand même pas le fait d'un gouvernement qui veut y trouver son
compte et cacher des choses. Au contraire, il veut qu'il y ait des
débats sur les finances publiques, les orientations budgétaires.
Nous proposons la commission du Vérificateur général. Le
Vérificateur général, à chaque année, fait
un rapport dans lequel il dit: II y a telle affaire, telle affaire dans
l'administration publique qui marche mal, qui pourrait être
corrigée.
Si le gouvernement ne voulait pas de réforme ou si le
gouvernement voulait y trouver son compte, la dernière chose qu'il
ferait serait de créer une commission du Vérificateur
général qui se pencherait, en public, sur le rapport du
Vérificateur général en présence de celui-ci et qui
pourrait même convoquer les ministres ou les sous-ministres pour venir
s'expliquer. Je ne vois pas en quoi le gouvernement trouve son compte en la
matière. Au contraire. Il cherche - c'est louable, d'ailleurs, de sa
part - à accroître le contrôle que le pouvoir
législatif a sur l'administration publique. C'est un souci que nous
avons tous, je pense, comme parlementaires, de quelque formation politique que
nous soyons. Si bien que seulement avec ces deux organismes et la commission
des organismes autonomes, un gouvernement qui ne veut pas de réforme
parlementaire ou un gouvernement qui veut y trouver son compte va-t-il aller
proposer de mettre sur pied une commission parlementaire pour entendre des
présidents de sociétés d'État, de régies et
de commissions, en plus des organismes qui sont nommés par
l'Assemblée nationale? Il me semble que c'est la dernière chose
que ferait un gouvernement qui voudrait y trouver son compte.
Un gouvernement qui voudrait également y trouver son compte,
c'est-à-dire un gouvernement qui légifère par
réglementation - et c'est un problème qui existe dans toutes les
sociétés modernes, le problème de réglementation du
pouvoir de législation déléguée - continuerait
à le faire et il dirait: Ce ne sont pas les affaires du Parlement de
s'occuper de la législation déléguée et de la
réglementation. Cela finirait là. Au contraire, nous proposons -
il y aura une motion en ce sens qui sera faite dès le 9 novembre - la
constitution d'une commission qui va faire rapport le 31 mars -ce n'est pas si
loin que cela, nonobstant ce qu'a dit le député de Portneuf -
parce qu'il y a quand même... Il faut définir le contrôle de
la législation déléguée. Est-ce avant? Est-ce
après? Est-ce que cela a uniquement un pouvoir de recommandation ou cela
a-t-il un pouvoir d'empêcher l'entrée en vigueur de la
réglementation? Autant de choses fort complexes qui méritent
qu'on s'y arrête de manière plus approfondie; d'où cette
commission. Mais enfin, si le gouvernement voulait y trouver son compte - comme
le dit le député de Portneuf - il n'y aurait pas de commission
sur la législation déléguée. Il n'y aurait pas de
commission des organismes autonomes. Il n'y aurait pas de commission du
Vérificateur général. Il n'y aurait pas de commission des
finances publiques. C'est aussi simple que cela. Le gouvernement continuerait
de fonctionner tel quel. Le Parlement continuerait à dire, s'il n'y
avait pas de réforme du Parlement: "C'est effrayant: II faudrait faire
une réforme parlementaire et le gouvernement n'est donc pas gentil de ne
pas faire une réforme parlementaire." On en propose une, une où
le gouvernement ne trouve pas son compte, strictement parlant, comme
gouvernement et où il trouve son compte dans cette volonté qu'il
a de modifier le pouvoir législatif, d'amener le pouvoir
législatif à exercer un meilleur contrôle sur
l'administration publigue parce que finalement, au bout du compte, c'est
seulement là que le gouvernement y trouve son compte: surtout avec
l'ampleur que prend l'administration publique, il est rendu nécessaire,
pour quelque gouvernement que ce soit, qu'il y ait un chien de garde de
l'administration publique, en plus de ce qu'il peut faire, lui. En ce sens, il
y trouve son compte en accroissant le rôle du Parlement sur
l'administration publique. Mais, certainement pas dans le sens que le dit le
député de Portneuf.
Le député de Portneuf nous dit également qu'il
n'est pas convaincu que le rôle des députés de la
majorité sera modifié par l'institution de nouvelles commissions
et leur nouveau fonctionnement qui s'inspire, comme on l'aura remarqué,
de commissions à l'américaine, c'est-à-dire avec un
président, leader de la majorité, et un vice-président,
leader de la minorité, devant lesquelles commissions le ministre
comparaît plutôt que d'en faire partie. Il dit: Cela ne changera
peut-être pas la façon de fonctionner des députés de
la majorité. C'est possible, mais, enfin, je ne sais pas. Ce que je dis,
par contre, c'est que ça mérite d'être essayé. Mais,
ce que je sais, c'est que le rôle du député de la
majorité ne changera sûrement pas si on ne fait pas la
réforme en question.
En d'autres mots, dans le système actuel, il est évident -
le député de Portneuf l'a vécu, à l'époque
des 102 ministériels -tant qu'une commission parlementaire est un
débat entre le ministre assis là et le ou les deux critiques de
l'Opposition, les autres députés de la majorité, s'ils ont
des choses à faire valoir - exceptionnellement, vont les faire valoir en
commission, mais ça va plutôt être au caucus ou en
conversation privée -qu'il y a moyen de changer ça. Je pense
qu'effectivement si on en arrive à un
fonctionnement des commissions parlementaires comme celui qui est
proposé -soit dit en passant, je souhaite que le rôle de
président et celui de vice-président soient étendus aux
commissions des lois aussi; cela m'apparaît fondamental - si on en arrive
à ce changement-là, peut-être qu'on ne changera pas les
choses. Cela mérite cependant d'être essayé. Je pense qu'on
les changera, mais je sais à coup sûr qu'on ne les changera pas si
on ne fait pas de changements parce que, dans le système actuel, il n'en
est pas question. (12 h 30)
Finalement - mes collègues en ont parlé - il me semble
important de souligner de nouveau que l'Opposition y trouve aussi son compte.
On nous dit que cela est inacceptable à cause des crédits. Il
nous est apparu évident - en cela, nous sommes allés dans le
détail de ce qu'on nous reproche -que, dans la mesure où nous
laissons 27 commissions sectorielles, il est impossible de faire fonctionner
les nouvelles commissions que nous proposons. On ne voit pas très bien
comment - peut-être que les gens du Parti libéral pourront nous
faire d'autres propositions à ce sujet; bien sûr, vous allez
l'étudier en caucus, je l'espère bien, c'est normal que vous le
fassiez comme c'était normal qu'on le fasse - il est possible de faire
siéger 27 commissions sectorielles et en même temps de demander
aux députés de faire le travail qu'impliquent les nouvelles
commissions, les commissions d'initiative parlementaire et toutes les autres
lois énumérées. Il y a là un conflit d'horaires. Si
on veut vraiment faire la réforme que l'on propose, il faut trouver une
façon plus efficace - ce n'est pas difficile d'être plus efficace
- de contrôler les finances publiques, pour l'Opposition, en particulier,
de contrôler les finances publiques.
Or, à l'heure actuelle, nous avons un débat sur le
discours sur le budget qui dure 25 heures plus les 5 heures de la fin. Tout le
monde sait - soyons honnêtes, cessons de nous conter des histoires - que
les cinq premières heures du débat sur le discours sur le budget
sont peut-être d'intérêt et sont à des heures
où les gens peuvent l'écouter. Le reste du débat sur le
discours sur le budget, vous le savez comme moi, c'est au mois de juin, quelque
part entre une heure et deux heures du matin, en fin de session, on dit: On va
faire un petit peu de budget ce soir.
M. Lalonde: C'est la faute du leader du gouvernement.
M. Guay: C'était la même chose auparavant. Il est
évident que, dans la mesure où il y a de la législation
qui doit être adoptée, on ne peut pas faire un débat sur le
discours sur le budget, d'autant plus -cela aussi, vous le savez - que les
discours, dans le cadre du débat sur le discours sur le budget, à
compter du sixième discours, parlent de tout, sauf du budget. Nous avons
le droit de parler de notre grand-mère, de notre grand-père, des
routes de gravier dans le comté et du voisin qui a marié sa
fille. Cela n'a aucun intérêt, c'est une perte de temps
monumentale.
M. Pagé: On sait tout cela.
M. Guay: J'attire l'attention du député de Portneuf
sur le fait que le dernier débat sur le discours sur le budget auquel
j'ai participé remonte à quelques années. Mais
j'écoute les discours de part et d'autre et -ce n'est pas une accusation
que je porte à l'endroit de qui que ce soit - j'avoue - je pense que je
ne suis pas le seul à penser cela - que c'est une perte de temps
monumentale. Il y a donc cinq heures qui sont valables au début et cinq
heures à la fin. Cela représente 10 heures sur 30. Quand le
député de Marguerite-Bourgeoys dit qu'on étudie les
crédits 250 heures par année, je m'excuse, mais la moyenne,
depuis 1976, est de 180 heures.
M. Lalonde: Vous en parlerez avec le député de
Trois-Rivières.
M. Guay: Le député de Trois-Rivières est en
campagne électorale. Je ne peux pas lui parler.
M. Lalonde: L'honorable citoyen de Sillery...
M. Guay: Quand j'en aurai l'occasion, il me fera plaisir de lui
en parler. Donc, 250, c'est exagéré. On ne me fera jamais croire,
pour avoir participé à des débats de commissions
parlementaires sur l'étude des crédits, notre pensum annuel, que
ces 180 heures sont toutes d'un intérêt égal, que tout ce
qui s'y dit est d'un intérêt débordant pour la nation et
que c'est la faute des journalistes si cela ne se retrouve pas dans les
médias d'information. Au fond, hormis quelques commissions sur
l'éducation et les affaires sociales - justice, me dit le critique de
l'Opposition en matière de justice - les commissions siègent en
même temps, d'autres sujets passent à l'Assemblée, la
presse couvre autre chose et le reste est noyé dans le décor. Ce
sont des heures qui ne sont pas des plus utiles et des plus essentielles.
J'invite l'Opposition à regarder de très près ce
qu'implique concrètement la réforme proposée. Lorsqu'on
parle d'avoir dix heures de discours en Chambre sur le budget, pas sur les
routes de gravelle dans le comté, sur le budget, suivies de dix heures
de commission plénière en Chambre, pas dans trois commissions
parlementaires réparties dans le décor que personne ne suit,
en
Chambre, quinze heures d'étude des crédits en Chambre,
devant les caméras de télévision, devant la population qui
regarde, pas dans cette salle-ci ou dans d'autres salles quasiment à
l'abri du public, forcément à l'abri du public, parce que les
journalistes ne suivent pas, quand, en plus de cela - ils ne sont pas là
effectivement - on ajoute la commission des finances publiques à coups
de huit réunions par année, la commission du Vérificateur
général, cinq heures, on en arrive déjà...
Une voix: ...
M. Guay: Justement, je n'ai même pas mentionné les
organismes autonomes et je n'ai pas mentionné les questions avec
débat non plus, qui sont toujours au règlement. Juste là,
on a plus de 100 heures. C'est ce qu'on appelle en bon anglais du "prime time".
Mais bien sûr c'est en Chambre.
M. Pagé: Pas nécessairement maintenant, avec
cela.
M. Laionde: ... marqué l'un ou l'autre.
M. Guay: On dit: Le discours sur le budget, toute affaire
cessante, M. le Président. L'Opposition n'a peut-être pas lu le
"toute affaire cessante", mais "toute affaire cessante" veut dire qu'il n'y a
pas autre chose et que ce débat est privilégié. Il ne se
déroule que cela pendant ce temps. Dans ces circonstances, il me semble
que, si j'étais dans l'Opposition, je serais drôlement
tenté de regarder cela de plus près. Peut-être qu'il y a
moyen de l'adapter, mais je trouverais cela singulièrement plus
intéressant que d'aller dans 27 commissions dont une bonne partie sont
au fond, par moments, de singulières pertes de temps. En tout cas, je
voulais apporter ces arguments; il me semble utile de les rappeler. Si une
formation y trouve son compte dans ce projet de réforme, c'est
l'Opposition. Le gouvernement n'y trouve pas son compte au sens habituel
où un gouvernement serait tenté d'y trouver son compte. Il y
trouve son compte parce que cela assure un meilleur contrôle de
l'administration publique. Finalement, au bout de tout cela, ceux qui y
trouvent le plus leur compte dans ce projet de réforme, ce sont les
députés, nous tous, de quelque côté de la Chambre
que nous soyons. Ce sont les parlementaires et, si les parlementaires y
trouvent le plus leur compte, c'est la population qui le trouve aussi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Gatineau.
M. Michel Gratton
M. Gratton: M. le Président, je serais presque
tenté de remercier le comité du caucus du Parti
québécois d'avoir réussi, dans son altruisme, à
nous proposer ce matin le projet qui vient de nous être décrit par
le député de Taschereau, où finalement les seuls qui y
trouvent leur compte, ce sont les députés, mais surtout les
députés de l'Opposition au détriment du pouvoir
exécutif et des députés ministériels.
J'éviterai de remercier et de féliciter ledit comité du
caucus péquiste, parce que j'ai plutôt l'impression qu'il y a
d'autres considérations dans la formulation du projet qui nous a
été déposé ce matin de façon officielle
à la commission parlementaire par le leader du gouvernement.
Du côté des porte-parole ministériels, on fait
beaucoup d'efforts pour expliquer comment on en est rendu au dépôt
de ce projet très précis de réforme parlementaire par le
leader du gouvernement. En juin dernier le projet de loi no 90 sur la
réforme de la Loi sur la Législature a été
déposé. Un certain nombre de députés
péquistes ont regardé cela et ont dit: Mon Dieu, c'est l'occasion
idéale d'y incorporer une réforme parlementaire qui est
souhaitée depuis si longtemps, dont on parle depuis si longtemps. Dans
leur magnanimité et leur altruisme, ils ont pondu ce projet qu'ils nous
présentent maintenant ce matin comme étant "la" solution qui
reste, bien entendu, à être discutée avec les membres de
l'Opposition et éventuellement le président de l'Assemblée
nationale, je suppose. Pour le moment, cela n'a pas semblé recueillir
plus d'attention que cela de consulter les autres députés de
l'Assemblée nationale, puisque le comité du caucus
péquiste l'a fait en pensant d'abord à l'institution, au
rôle du député qui travaille forcément de
façon presque bénévole au jour le jour.
Je me dis que le même processus, on aurait pu le suivre et,
plutôt que de déboucher sur le dépôt d'un document
officiel, par le leader du gouvernement, à la commission parlementaire,
dans lequel on retrouve des recommandations très précises qu'on
demande aux membres de cette commission parlementaire d'adopter, je
présume, en cours de route, il me semble qu'on aurait dû faire ce
qu'on a toujours fait, de mémoire non seulement des
députés, des membres de l'Assemblée nationale qui sont
présents ce matin, mais de mémoire d'un député qui
est le doyen de l'Assemblée nationale, le député de
Bonaventure, qui est ici depuis 26 ans, qui n'a jamais vu une démarche
semblable à celle qu'on voit ce matin être suivie par quelque
gouvernement que ce soit, qu'il ait été libéral, de
l'Union Nationale ou péquiste, depuis 1976, c'est-à-dire confier
au protecteur des droits des
parlementaires, le président de l'Assemblée nationale, le
pouvoir, les possibilités de mener à bien un projet de
réforme parlementaire.
Les députés péquistes, à leur comité
du caucus, on ne leur reproche pas d'avoir réfléchi à la
question. Au contraire, on les félicite. D'ailleurs, on sait bien qu'il
y a d'autres questions qui ont retenu l'attention des députés
péquistes depuis quelques années, outre la réforme
parlementaire; j'y reviendrai tantôt. On ne leur reproche pas d'avoir
réfléchi. On ne leur reproche pas non plus d'avoir pondu un
projet, si imparfait puisse-t-il être. Je suis loin de mettre en doute
l'ensemble et même la majorité des propositions du projet. Mais ce
à quoi on s'oppose, c'est que cela nous soit présenté
comme cela, par le leader du gouvernement, à quelques jours d'avis, et
ce n'est pas parce que c'est le caucus de l'Opposition. C'est parce qu'on
reconnaît, de part et d'autre, pour une fois - le leader du gouvernement
le reconnaît - que la réforme parlementaire, il faut que ce soit
le résultat d'un consensus très large sinon de l'unanimité
des partis sans doute et même, si possible, des membres de
l'Assemblée nationale. Donc, il n'est pas question de privilégier
l'Opposition parce que c'est l'Opposition, mais bien de tenter de s'assurer
qu'on ait l'unanimité des députés sur la réforme de
nos coutumes parlementaires.
Donc, je dis, M. le Président, qu'on aurait pu faire ce qu'on a
toujours fait. D'où que provienne l'initiative, que ce soit d'un groupe
de députés péquistes comme c'est le cas
présentement, que ce soit d'un député, d'un individu,
qu'il soit indépendant ou qu'il soit même parti, si on pense
à l'ex-député de Saint-Laurent qui a quand même fait
un travail - tout le monde le reconnaît - très valable dans ce
domaine, le gouvernement devra, finalement, présenter un projet de loi.
C'est la façon d'en arriver à réformer le parlementarisme.
C'est en présentant soit un projet de loi ou une motion à
l'Assemblée nationale. On ne nie pas au leader du gouvernement le droit,
la responsabilité, l'autorité de faire cette proposition, mais de
la faire seulement après le travail de négociation, le travail de
discussion, une fois que l'unanimité aura été faite
grâce aux bons offices de qui? Du président de l'Assemblée
nationale.
Qu'on prenne l'exemple du Code Lavoie qu'on a évoqué ce
matin. C'est bien sûr que la motion qui a été introduite
à l'Assemblée nationale - je pense que c'est en 1973 - pour que
ce règlement devienne le règlement de l'Assemblée
nationale, ce n'est pas le président de l'Assemblée nationale qui
l'a présentée. C'était bel et bien le leader du
gouvernement qui, à l'époque, était le chef actuel du
Parti libéral du Québec. Mais tous les travaux qui ont
mené à un texte précis qui s'appelle maintenant le Code
Lavoie avaient été faits sous la direction du président de
l'Assemblée nationale. Il s'agit simplement de lire les notes de
présentation du Code Lavoie, dans la première phrase, où
le président d'alors, Jean-Noël Lavoie, écrivait: "J'ai eu
l'honneur de diriger le groupe de travail qui, à la demande de la
commission de l'Assemblée nationale, a préparé un nouveau
règlement qui a d'abord été adopté à
l'unanimité, le 27 mars 1972, comme règlement sessionnel et qui,
avec quelques modifications, est devenu, le 13 mars 1973, le règlement
permanent de l'Assemblée nationale. (12 h 45)
On voit bien que c'est le leader du gouvernement qui avait fait le
travail pour que cela devienne le règlement permanent de
l'Assemblée nationale, mais c'était le président de
l'Assemblée nationale qui avait présidé à la
préparation du contenu du règlement.
Quand on regarde l'énumération que fait M. Lavoie des
personnes qui avaient participé de façon active à la
préparation de ce règlement, on y lit que "le nouveau
règlement est l'aboutissement de près de dix ans de travaux qui
se sont poursuivis sous la direction des présidents qui m'ont
précédé et auxquels ont participé, dans la
dernière phase, un certain nombre de collaborateurs que je crois
nécessaire de nommer et de remercier dans cette
présentation."
On y voit les représentants des quatre partis politiques
reconnus. Il y en avait quatre à ce moment-là. Certains me diront
qu'au point de vue de l'efficacité, ce n'était pas fameux,
c'était moins bien que maintenant qu'on n'a que deux partis.
Peut-être bien qu'au point de vue efficacité c'était moins
bien, mais peut-être qu'au point de vue de la qualité du produit
qui en est sorti c'était beaucoup mieux. Il me semble que lorsqu'on joue
avec les institutions parlementaires, ce n'est pas l'efficacité qui
doive primer, mais bien de s'assurer que le produit final est applicable et
répond vraiment aux besoins de l'heure.
Or, il y avait quatre leaders parlementaires à ce
moment-là: Gérard D. Levesque, Rémi Paul pour l'Union
Nationale, Fabien Roy pour - avec lui on ne sait jamais trop où il se
retrouve - le Parti créditiste, et Me Robert Burns qui était
alors leader de l'Opposition. On voit que les vice-présidents avaient
été associés à la démarche, le
secrétaire général, le secrétaire associé,
les secrétaires adjoints de l'Assemblée, le secrétaire des
commissions, le secrétaire associé des commissions, enfin les
conseillers juridiques, le secrétaire du Conseil exécutif et le
greffier adjoint du conseil, tous ces gens-là avaient travaillé
sous la direction du président de l'Assemblée nationale pour en
arriver à un texte qui, éventuellement, a fait
l'objet d'une motion du leader du gouvernement et qui est devenu le
règlement permanent de l'Assemblée nationale.
On a amendé ce règlement depuis et notamment depuis
l'élection du Parti québécois en 1976. Comment avons-nous
procédé? De la même façon. Par des comités de
travail, des sous-comités de travail. Présidés par qui?
Par le président de l'Assemblée nationale. Pas par un groupe de
députés quelconques qu'ils soient ministériels ou de
l'Opposition.
On a réussi à faire l'unanimité, les consensus
voulus, et c'est seulement après que ce travail de déblayage eut
été fait - et c'est beaucoup plus qu'un travail de
déblayage, c'est un travail de rédaction - on en est venu,
éventuellement, comme il se doit, à ce que le leader du
gouvernement fasse une motion à l'Assemblée nationale pour
amender le règlement.
Cela a été le cas, par exemple, dès 1976, en ce qui
a trait à la télédiffusion des débats.
Malgré que nous, de l'Opposition, ayons eu à certaines occasions,
à regretter certaines anicroches dans le déroulement des choses,
il demeure qu'on n'a jamais nié le principe que cela devait relever de
l'autorité non seulement morale mais de l'autorité réelle
du président de l'Assemblée nationale.
C'est donc cela qu'on reproche à la démarche
d'aujourd'hui. Je ne parlerai pas au nom de mes collègues de ce
côté-ci de la table, M. le Président. Quant à moi,
il me sera impossible, au cours des trois prochains jours, de me prononcer sur
les cinq ou six recommandations du projet que nous présente ce matin le
leader du gouvernement sans avoir même eu l'occasion d'en discuter non
seulement avec les membres du caucus de l'Opposition, mais peut-être
bien, à l'occasion, avec les membres de la députation
ministérielle. Pourquoi pas?
Il y a lieu d'associer pas seulement un comité de
députés, qu'ils soient de l'Opposition ou du parti
ministériel, mais l'ensemble des députés. Je ne me sens
pas habilité ce matin à me prononcer, tout au moins au nom du
groupe parlementaire dont je fais partie, sur les six recommandations qui vont
aussi loin que faire disparaître des commissions parlementaires pour les
remplacer par un certain nombre d'autres, d'abandonner l'étude des
crédits selon la formule qu'on connaît, etc.
Il me semble qu'il n'est pas trop tard pour que le gouvernement
s'amende, il n'est pas trop tard, car on l'a fait, par exemple, dans le cas de
la législation déléguée. Il semble que le
comité du caucus - et je ne lui en fait pas reproche - n'a pas
réussi à faire un consensus, en tout cas, n'a pas réussi
à nous faire une proposition concrète pour régler la
question de la législation déléguée autre que de
recommander la création d'un sous-comité qui devra faire rapport
avant le 31 mars. Rien ne nous empêche de faire la même chose quant
à certains autres aspects de la réforme.
Je disais, au début de mes remarques, qu'on n'a pas de reproche
à faire à des députés ministériels d'avoir
réfléchi sur la question de la réforme parlementaire et
d'en être arrivés à pouvoir mettre un projet sur papier. Je
répète que le seul reproche qu'on peut leur faire, ce n'est pas
au comité des députés comme tel mais bien plus au
gouvernement dans son ensemble qu'on doit le faire, c'est la démarche
qu'on a suivie à partir du moment où on avait un projet à
soumettre à l'attention de l'ensemble de la députation,
c'est-à-dire de ne pas passer par là où on a toujours
passé depuis plus d'une centaine d'années, c'est-à-dire
par le président de l'Assemblée nationale.
Il y a une question qui me préoccupe et le député
de Portneuf y a fait allusion tantôt. Il y a d'autres sujets qui ont
occupé les discussions du caucus du Parti québécois au
cours des dernières années. On n'a qu'à prendre à
témoin les articles de journaux qu'on a lus depuis 1976, notamment la
question des salaires, la rémunération des députés.
Si j'avais l'assurance - et je doute de pouvoir l'obtenir de quiconque - si on
me jurait, du côté des membres du comité du caucus des
députés péquistes, que, lorsqu'on a parlé de
réforme parlementaire, on n'a jamais songé à la question
de la rémunération des députés, qu'on n'en a
même jamais parlé, je serais peut-être plus à l'aise
ce matin pour dire: Allons au fond des choses, discutons des propositions.
J'en prends à témoin - ce n'est pas moi qui y ai
pensé le premier - le journaliste Normand Delisle qui, dans une
dépêche de la Presse canadienne que j'ai découpée
dans un journal ce matin, fait un lien qui mérite au moins d'être
étudié entre la question du salaire, de la
rémunération des députés, le projet de loi no 90 et
le projet de réforme parlementaire qu'on a déposé ce
matin. Cela s'intitule, pour les députés: "Des titres qui
rapportent bien". Le journaliste Normand Delisle y fait une brève
énumération des changements que comportent le projet de loi no 90
de même que le projet - peut-être pas en détail dans ce cas
- de réforme parlementaire et des postes qui seront à combler par
des députés ministériels. C'est lui qui s'est
limité à cela à la suite de l'adoption éventuelle
du projet de loi no 90 et peut-être bien de ce projet de réforme.
"On constate - c'est le journaliste qui conclut - que 72 des 77
députés ministériels qui siègent actuellement
à l'Assemblée nationale pourraient se voir confier des
tâches qui leur rapporteraient une rémunération
supérieure à la rémunération de base d'un
député." Quand on fait le bilan du fait que, dans le projet de
loi no 90, on ne
limite plus à 12 le nombre d'adjoints parlementaires, qu'on
permet même d'en avoir plus qu'un pour chaque ministre, on peut
s'imaginer que cela pourrait aller jusqu'à 27. C'est ce que le
journaliste fait. On constate qu'aux commissions parlementaires, où il
existait une banque de huit présidents, ils seront maintenant
remplacés par un nombre supérieur, surtout avec l'addition des
vice-présidents qui, j'en conviens, pourraient être
rémunérés. À ce moment-là, le journaliste en
conclut que c'est 72 des 77. Je pourrais vous le passer, si cela vous
intéresse. Pardon?
M. Guay: Les leaders adjoints de part et d'autre.
M. Gratton: Ceux-là existent déjà de toute
façon. C'est inclus là-dedans.
M. Guay: Oui, dans le projet de loi no 90.
M. Gratton: Non, cela existe déjà depuis le mois de
juin.
M. Guay: Pas rémunérés.
M. Pagé: C'était dans le bill omnibus que vous
n'avez pas vu passer.
M. Lalonde: Cela faisait partie des coquilles. C'était
l'eau dans le vin. Cela fait partie des coquilles.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À
l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Gatineau.
M. Guay: C'est ce que le député de Lac-Saint-Jean
m'avait dit.
M. Gratton: Sans en faire une question très importante de
nos débats ce matin, j'aimerais quand même qu'on me rassure du
côté du gouvernement et qu'on me dise que la réforme
parlementaire qu'on nous propose ce matin n'a rien à voir avec le
règlement du problème de la rémunération des
députés.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Bertrand: Ma phrase sera courte pour répondre
effectivement à la question du député de Gatineau. Il n'y
a eu aucune relation dans la discussion du dossier de la réforme
parlementaire et du dossier de la rémunération des
députés. Il n'y a eu aucune relation qui a été
faite de l'ordre de celle à laquelle fait référence le
journaliste dans l'extrait que vient de citer le député de
Gatineau, je peux l'en assurer.
M. Lalonde: Est-ce que le ministre faisait partie du
comité?
M. Gratton: Oui, j'allais demander au ministre s'il nous dit que
cela a été le cas du cabinet de son ministère et du
comité des députés?
M. Bertrand: Je siégeais au comité spécial
des députés et je peux assurer le député de
Gatineau qu'il n'en a jamais été question.
M. Lalonde: Quelle coïncidence!
M. Gratton: M. le Président, je suis très heureux
qu'on ait cette assurance. Il ne restera plus à la commission
qu'à trouver une façon, et ce sera évidemment le
gouvernement qui devra la trouver, à moins que l'Opposition lui fasse
des suggestions dans ce sens, de faire en sorte que ce soit le président
de l'Assemblée nationale qui soit chargé de mener à bien
cette réforme parlementaire et, quant à nous, je
réitère ce que disait le leader du gouvernement au début
de ses remarques ce matin: nous en sommes d'une réforme parlementaire.
Je pense que nos actes passés à titre de gouvernement sont
garants de l'avenir là-dessus. Nous en sommes d'améliorer le
processus législatif, d'améliorer le rôle du
député et cela commence d'abord, M. le Président, par le
respect des traditions, par le respect des choses établies,
c'est-à-dire que le président de l'Assemblée nationale en
soit responsable et non un ministre, membre du gouvernement ou un comité
de députés, qu'il soit ministériel ou de l'Opposition.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
travaux de la commission de l'Assemblée nationale sont suspendus
jusqu'à 15 heures avec droit de parole aux députés de
Sainte-Marie, Dubuc, Marguerite-Bourgeoys et Vanier.
(Fin de la séance à 12 h 58)
(Reprise de la séance à 15 h 13)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À
l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: M. le Président, même si cela peut
sembler décousu, ce que j'ai à ajouter au débat de ce
matin fait suite aux interventions faites par des députés de
l'Opposition, en particulier, celles des députés de Portneuf et
de Gatineau. Je voudrais souligner que la réforme parlementaire est pour
moi avant tout un changement de mentalités. On pourra changer
toutes les structures et tous les mécanismes, si les
parlementaires ne sont pas dans des conditions favorables, cela ne donnera
rien. J'écoutais, ce matin, un député qui disait que les
débats au moment du discours sur le budget sont sans contenu parce qu'on
peut parler à peu près de tout. Ce n'est pas parce que cela est
écrit dans le règlement, mais parce que les députés
ont choisi de parler à peu près de tout. Le député
aurait pu faire le choix d'intervenir sur des questions fondamentales du
budget. Ce que je veux souligner, c'est que c'est d'abord et avant tout une
question de mentalités.
Si on se demande si les éléments de la réforme
parlementaire qui ont été déposés ce matin
changeront les mentalités, je prétends, à partir d'une
expérience vécue, que cela amènera forcément les
parlementaires à changer de mentalités. Cela les amènera
à faire un certain nombre de débats en fonction de besoins qu'ils
ont eux-mêmes identifiés. Si on pense, par exemple aux commissions
d'initiative parlementaire, c'est par le choix propre des
députés, qu'ils soient ministériels ou de l'Opposition,
qu'une question sera étudiée par une commission parlementaire.
Elle sera probablement étudiée par les parlementaires d'une
façon bien différente qu'elle le serait à la suite d'une
proposition gouvernementale qu'on a à traiter d'une façon
différente selon qu'on est du côté ministériel ou
dans l'Opposition.
Je suis convaincu que les éléments de réforme
apportés sont susceptibles d'amener des changements de mentalités
chez les parlementaires. Ceux qui ont eu la chance de vivre une
expérience qui ressemble à une commission d'initiative
parlementaire, même si à l'origine elle n'est pas d'initiative
parlementaire, c'est-à-dire une commission spéciale, se rendent
compte que le genre de débats qui se faisaient à
l'intérieur d'une telle commission ne sont pas les mêmes. Par la
force des choses et par l'implication même des parlementaires, ils ne
peuvent pas être les mêmes que ceux auxquels nous sommes
habitués lorsqu'on siège de façon traditionnelle aux
commissions parlementaires telles qu'on les connaît.
Évidemment, j'ai retenu ce matin, des commentaires qui ont
été faits en particulier par les députés de
l'Opposition, qu'il y avait une question de forme qu'on pourrait distinguer, de
trois types. D'abord, sur la façon dont cela a été
amené ici en commission de l'Assemblée nationale, je dois vous
dire, M. le Président, que si on n'avait pas eu ce document de travail
devant nous, ce matin, dans le cadre de l'étude préalable que
j'avait faite du projet de loi 90, je m'étais bien promis de ramener un
certain nombre des recommandations qui étaient contenues dans le rapport
Vaugeois ou encore dans le rapport de la commission spéciale sur la
fonction publique ou encore dans les discussions qui avaient eu lieu dans les
sous-commissions. Donc, de toute façon, on aurait été
amenés pendant les débats sur le projet de loi 90, article par
article à rediscuter de réforme parlementaire. J'aime autant que
cela soit clair et qu'on l'ait devant nous. Je retiens, cependant, qu'il aurait
été préférable, pour ménager toutes les
susceptibilités et aussi peut-être pour donner une orientation
plus parlementaire à ces discussions que cela origine de la
présidence de l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, je trouve que, si on perd trop de temps à discuter
de ces questions de forme et de présentation, on risque fort de
s'éloigner de la question de contenu. Depuis 1976, M. le
Président, j'attends une réforme parlementaire. Depuis 1976,
j'attends des mécanismes qui vont permettre aux parlementaires de
prendre enfin le pouvoir ou une forme de pouvoir. J'ai donc faim, j'ai besoin
de manger et je trouverais dommage qu'à cause d'une question de forme on
passe à côté du contenu.
D'ailleurs, les questions qu'on a à se poser, d'après moi,
ce n'est pas tellement: Est-ce que, dans les éléments qui nous
sont apportés ce matin, l'Opposition trouve son compte, est-ce que le
gouvernement y trouve son compte ou est-ce que les ministériels y
trouvent leur compte? Plusieurs hypothèses ont été
avancées. Il y a des méchantes langues qui disaient: Bon! c'est
peut-être un projet de réforme parlementaire qui a
été amené par des députés
ministériels parce qu'ils se voient déjà dans l'Opposition
et peut-être que les députés de l'Opposition ne voudront
pas le prendre parce qu'ils se voient déjà au pouvoir. On
pourrait faire toutes sortes d'évaluations là-dessus. Il faudrait
plutôt se poser la question suivante: Est-ce que le Parlement y trouve
son compte et est-ce que les travaux parlementaires y trouvent leur compte? Si
on répond à cette question de façon positive, on peut
alors commencer à discuter du détail.
Un autre argument qui a été soulevé ce matin, c'est
la trop grande précision du document qui nous est
présenté. Une très courte expérience des travaux
parlementaires m'amène à comprendre qu'il est beaucoup plus
facile d'enlever des choses dans un projet que d'en ajouter en commission
parlementaire. Dans ce sens-là, non seulement cela ne me choque pas que
le projet qui est devant nous soit très précis; cela me rassure
parce qu'on peut toujours enlever des choses, on peut toujours les modifier.
Mais il aurait été beaucoup plus difficile - j'en suis convaincu
- d'arriver à un résultat identique s'il avait fallu, au cours de
nos discussions, en ajouter constamment.
En terminant, M. le Président, je voudrais souligner que, ce
matin, sans en faire de proposition formelle puisque je n'en ai pas le droit,
j'ai quand même soulevé un
certain nombre de problèmes que je voyais absents, y compris du
document qui nous a été présenté. Je me pose des
questions et si je n'ai pas de réponses à ce stade-ci, je vous
indique tout de suite que cela viendra à un autre moment. Je trouve
étrange que cette réforme ne s'accompagne pas d'une autre
recommandation qu'on retrouvait dans le rapport Vaugeois qui était
l'organisation des travaux parlementaires. Il y avait une proposition, à
mon sens, fort intéressante dans le document Vaugeois sur la
façon d'organiser les travaux parlementaires, c'est-à-dire une
conférence des présidents avec la participation du leader du
gouvernement, du leader de l'Opposition, des whips, pour autant que je me
souvienne, qui assurait, là aussi, non seulement la priorité pour
le gouvernement quant à la législation qu'il veut faire adopter,
mais aussi un souci de faire en sorte que les projets mis de l'avant par les
parlementaires eux-mêmes puissent être discutés à
l'Assemblée nationale. Je n'ai pas beaucoup de réponses, non
plus.
On nous a, dans la réforme, expliqué le nouveau rôle
des présidents de commissions et l'introduction de la notion de
vice-président, mais on a eu peu de précisions, sinon pas du
tout, quant aux adjoints parlementaires. Je ne pense pas seulement à
leur nombre, mais aussi à leur rôle. Il y a aussi toute une
discussion à faire sur le rôle d'un adjoint parlementaire et
est-ce que, en termes de réforme, ce n'est pas aussi le moment d'en
discuter?
Quant à la législation déléguée, il y
a eu des commentaires ce matin. Quant à moi, une première
étape de commission d'étude avec mandat ad hoc et limité
dans le temps pour nous permettre d'en arriver à quelque chose de
positif, cela ne m'effraie pas. La seule chose que je ne voudrais pas qu'on
laisse de côté, ce sont les recommandations qui ont
déjà été faites par d'autres groupes de travail. Je
réfère en particulier à une recommandation de la
commission spéciale de la fonction publique qui avait trait, par
exemple, à la notion de couperet législatif. Par exemple, en
termes de réglementation, à une époque où on parle
encore davantage de déréglementation, est-ce qu'on ne devrait pas
envisager la procédure qui voudrait qu'après deux ou trois ans,
de façon automatique, si on ne l'a pas révisé, un
règlement devienne caduc? J'espérerais que, si on donne un mandat
à une commission ad hoc de l'Assemblée nationale, ce mandat
comprenne l'étude de recommandations déjà faites par des
groupes qui ont déjà travaillé sur des questions
identiques.
Finalement, il me semble que tout cela amène aussi la question
des moyens. On peut difficilement parler d'une façon nouvelle de
travailler, on peut difficilement parler d'une augmentation non seulement de la
quantité, mais de la qualité du travail des parlementaires, sans
nécessairement vouloir déboucher sur les moyens qui sont à
leur disposition. Par exemple, est-ce que les commissions nouvelles qu'on veut
mettre de l'avant seront équipées d'un personnel? Est-ce qu'elles
auront les ressources pour effectuer leur travail? De quelle façon cela
se fera-t-il?
Vous savez, M. le Président, que dans l'expérience
vécue l'an dernier les deux commissions spéciales ont eu
énormément de difficultés, justement, à cause de
l'imprécision qu'il y avait dans le règlement. Est-ce qu'on ne
devrait pas profiter du moment où on met de l'avant une réforme
pour prévoir ces choses-là soit dans la loi, soit plutôt
peut-être dans le règlement?
Cela me pose aussi, avant de commencer nos travaux, une question non
seulement d'échéance, à savoir de quelle façon on
va procéder pour en arriver à l'adoption d'une loi de
l'Assemblée nationale, mais aussi à quel moment vais-je avoir le
portrait complet?
Ce matin, le leader du gouvernement a annoncé qu'il manquait un
bout à sa réforme. Il me semble qu'avant d'amorcer des
discussions sous une forme ou sous une autre j'insisterais pour avoir le
portrait complet. Et le portrait qui manque, c'est celui de toute la question
des conditions de travail, des salaires et du fonds de retraite des
députés. Je trouve que c'est une question qu'on ne peut pas
balayer, qu'il faudra traiter en même temps ou simultanément pour,
justement, ne pas se faire reprocher ultérieurement par les citoyens ce
qui était implicitement compris ce matin dans un certain nombre de
remarques du député de Gatineau.
Autrement dit, est-ce qu'on fait des réformes pour contourner
quelque chose qu'on ne peut pas faire autrement ou est-ce qu'on fait une
réforme justifiée, en sachant fort bien quelle est l'autre partie
du portrait? Je pense qu'il ne serait pas malhonnête, mais hasardeux de
commencer des discussions sans avoir un portrait complet de la situation,
c'est-à-dire le bout qui nous manque et peut-être
éventuellement aussi les répercussions que pourraient avoir sur
notre règlement de l'Assemblée nationale les nouvelles
propositions et celles qui étaient déjà contenues dans la
loi 90.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Merci, M. le Président. Je serai assez bref
dans mes remarques générales; je pense que pas mal de choses ont
été dites de part et d'autre. Je souligne, cependant, que
jusqu'à maintenant, en tout
cas, la principale inquiétude de l'Opposition porte sur la
démarche qui a été privilégiée de ce
côté-ci. On nous dit: Vous n'avez pas choisi la bonne
façon. À ce sujet, je me pose un certain nombre de questions.
Quelle aurait été la vraie bonne façon de procéder?
Aurait-il fallu continuer, poursuivre ou refaire des missions à
l'étranger, comme il s'en est fait dans le passé? Ce matin, on
nous remettait un rapport de mission concernant le rôle et les pouvoirs
des commissions parlementaires à Londres, Paris et Bruxelles, en janvier
1980. Je ne l'ai pas lu au complet, mais je suis allé aux
recommandations. La recommandation majeure de ce rapport était que le
groupe proposait de faire une réforme parlementaire. Il ne proposait pas
une réforme parlementaire, il proposait d'en faire une. Si on continue
dans la voie des missions, on ne sera pas tellement avancé; je ne pense
pas que ce soit la bonne voie pour aboutir concrètement et dans des
délais relativement brefs à une véritable réforme,
en profondeur, du Parlement, même si c'est très agréable,
c'est évident, et sans doute très instructif de participer
à des missions à l'étranger, j'en conviens.
La bonne voie aurait-elle été de continuer à
réunir la sous-commission qui s'est déjà réunie
à quelques reprises? Il faut dire que cette sous-commission a
dégagé un certain nombre d'éléments
intéressants de réforme, de changement, mais je ne pense pas
qu'on puisse dire qu'elle ait proposé un projet cohérent,
articulé, global de réforme parlementaire. On est très
loin de cela avec les travaux de la sous-commission. Donc, je pense que les
autres voies possibles, qui ont été soulignées ce matin
par le leader de l'Opposition - il a fait référence à des
missions, il a fait référence à la sous-commission - ne
nous conduisaient pas - en tout cas, ce n'était pas visible - à
une véritable réforme du Parlement. C'est pourquoi, du
côté ministériel, du côté du conseil des
députés du Parti québécois, faisant suite au
rapport Vaugeois, on a pris des décisions très claires au niveau
du conseil des députés du Parti québécois et, en
particulier, on avait décidé - je pense que c'était
unanime - de s'entendre d'abord entre nous, parce que je me souviens, quand le
rapport Vaugeois a été déposé pour la
première fois devant le caucus ministériel, qu'il était
loin de faire l'unanimité. Je ne pense pas que ce soit
révéler un secret du caucus que de dire cela. Il y avait des
réserves chez plusieurs et il était loin de faire consensus. Il
fallait donc, d'abord, préalablement, s'entendre entre nous.
Il y a une autre constatation qui était aussi claire chez les
députés ministériels, à cette époque;
c'était qu'il est impensable de faire aboutir une réforme du
Parlement sans la participation active de l'Opposition. C'est pour ça
que l'inquiétude exprimée ce matin par certains
députés de l'Opposition ne m'apparaît pas justifiée
puisque ce projet de réforme n'en est pas à son étape
finale, même s'il y a eu des étapes qui ont été
franchies préalablement. Il n'en est pas à son étape
finale. Il est loin d'en être à son étape finale. Il a
encore bien des étapes à franchir et c'est, évidemment,
à ce moment que la participation de l'Opposition est tout à fait
et même nécessairement requise. C'est donc dans cette voie, c'est
par ce biais, c'est en arrivant, de notre côté, avec un projet
précis, détaillé, cohérent, articulé de
réforme parlementaire qu'on a cru que les choses pouvaient
véritablement avancer. (15 h 30)
Je me posais la question, d'ailleurs, en écoutant certains
intervenants de l'Opposition, ce matin, et je me demandais une chose. Si ce
matin, le leader du gouvernement était arrivé avec des principes,
uniquement des beaux principes, comme on a pu le voir sur un des cartons, des
principes généraux seulement, je me demande quelle aurait
été la réaction des députés de l'Opposition.
J'ai l'impression qu'on nous aurait dit: Mettez un peu de chair autour de ces
beaux principes, autour de ce squelette. Précisez, détaillez,
explicitez davantage. Vous n'êtes pas prêts à venir nous
rencontrer. J'ai l'impression que cela aurait été la
réaction de plusieurs députés de l'Opposition. Au
contraire, on se présente avec un projet précis et
détaillé de réforme parlementaire. Il nous apparaît
évident que l'Opposition doit participer à la réforme
entreprise et la présidence aussi. On s'est inquiété ce
matin de l'absence de la présidence dans le processus de réforme.
Je pense qu'à partir de maintenant la présidence se doit de
participer au processus de réforme, de même que l'Opposition.
Il s'agit maintenant de savoir comment on va, concrètement,
engager le dialogue et la discussion entre parlementaires de diverses
formations. Ce matin, dans son introduction, le leader de l'Opposition a
lancé l'idée d'une sous-commission de la commission de
l'Assemblée nationale qui pourrait entreprendre la discussion sur le
projet présenté par le leader du gouvernement et
élaboré par un comité du conseil des députés
ministériels. Je pense que c'est une idée qu'il faut retenir - et
non seulement il faut la retenir, mais s'entendre là-dessus - parce
qu'on peut bien, pendant quelques jours encore, discuter en commission de
l'Assemblée nationale, comme on le fait depuis ce matin, mais je ne
pense pas qu'on puisse aboutir à des consensus très précis
sur le projet de réforme qui est devant nous. Il faut, je pense, qu'un
groupe plus restreint ou une sous-commission entame des discussions et essaie,
justement, de dégager des consensus entre diverses formations
politiques. C'est aussi le moment, je pense, de faire participer la
présidence, d'impliquer la présidence.
Motion pour déférer
le projet de réforme
à une sous-commission
C'est à cette fin, M. le Président, que j'aurais une
motion à présenter à cette commission et j'aimerais qu'on
la distribue. Cette motion aurait pour effet, à mon sens, de faire
avancer les choses et de vraiment faire en sorte qu'à partir de
maintenant la réforme soit la responsabilité de toutes les
formations politiques en présence à l'Assemblée nationale.
Elle se lit comme suit: "Que le projet de réforme parlementaire
proposé par le leader du gouvernement - à ce moment, on part
d'une base bien précise; il ne s'agit pas de discuter de principes, mais
on a à discuter d'un projet bien précis - sauf en ce qui
concerne, cependant, la commission d'étude sur le contrôle
parlementaire de la législation déléguée qui devra
faire l'objet plutôt d'une motion à l'Assemblée nationale,
soit déféré à une sous-commission de la commission
de l'Assemblée nationale pour étude et recommandations; qu'elle
soit présidée par le président de l'Assemblée
nationale - je pense qu'alors le président entre en scène et
jouera un rôle actif et important - et qu'elle fasse rapport au plus tard
le 15 février".
Je pense qu'il faut limiter ça dans le temps aussi, parce qu'il
ne s'agit pas de faire traîner les choses encore des mois et des
années, mais il faut fixer une date bien précise à la
remise du rapport pour que l'Assemblée nationale puisse ensuite
être saisie d'un certain nombre de recommandations et de modifications au
règlement. Oui, il est peut-être bon de préciser en disant
que "cette sous-commission" soit présidée par le président
de l'Assemblée nationale, et qu'elle fasse rapport au plus tard le 15
février.
Voilà la motion que j'avais à faire, M. le
Président. Je pense que ça rejoint une idée qui avait
été exprimée par le leader de l'Opposition et je pense que
c'est une bonne façon de faire avancer efficacement les choses en ce qui
a trait à la réforme parlementaire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Motion
déclarée recevable. M. le député de Dubuc.
M. Desbiens: M. le Président, est-ce que ça
signifie qu'on doive discuter de la motion en cours uniquement?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.
M. Desbiens: Alors, ce que j'avais à exprimer de
façon générale, je trouverai un autre moyen de l'exprimer.
J'imagine qu'il y aura un projet de loi qui viendra devant l'Assemblée
nationale.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À
moins qu'il n'y ait consentement des membres de l'Opposition.
M. Lalonde: Oui, consentement. D'ailleurs, s'il y en a d'autres
qui veulent s'exprimer dans les remarques générales.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Dubuc.
M. Hubert Desbiens
M. Desbiens: II y a un de nos collègues qui se demandait,
au cours de la journée, si ça va servir les intérêts
des députés du gouvernement. Est-ce que ça va servir le
gouvernement lui-même? Est-ce que l'Opposition va y trouver son compte?
Est-ce que les parlementaires vont aussi y trouver leur compte? J'ajouterais
surtout: Est-ce que la population du Québec va y trouver son compte?
Quand le citoyen Hubert Desbiens a pensé à se
présenter comme député à l'Assemblée
nationale pour représenter ses concitoyens, c'est une des questions
qu'on se posait et des idées qu'on avait derrière la tête.
Je ne sais pas si c'est la même chose pour tout le monde, mais, moi, je
trouvais que c'était un poste fort important que de venir siéger
à l'Assemblée nationale, parce que je croyais que j'aurais
à débattre de projets de loi, des projets de règlement, de
questions budgétaires ou financières qui avaient des
retombées directement sur les 30 000 ou 35 000 citoyens et citoyennes
que je représente à l'Assemblée nationale, et dont
j'aurais à refléter très exactement l'opinion.
Une des premières expressions qui m'ont frappé lors des
débats, c'est d'entendre, par exemple, "jeu parlementaire". Ma
première réaction a été de dire que je ne
m'attendais pas à venir ici pour jouer; je m'attendais plutôt
à venir travailler pour l'ensemble des citoyens. À la longue, et
assez rapidement, je me suis rendu compte que c'était
véritablement un jeu. Je trouve hypocrite, au fond, de faire croire
à la population que nous avons des pouvoirs. Les citoyens ont exactement
la même réaction. Même si cela peut flatter notre ego,
lorsqu'ils nous rencontrent, en tout cas, ils ont toujours l'impression que
nous avons des pouvoirs. Je me suis vite rendu compte que nous en étions
loin et que, finalement, un député à l'Assemblée
nationale, c'est plutôt une parure, un pion sur l'échiquier. Il me
semble que ce n'est pas cela vraiment la
démocratie. Ce n'est pas comme cela que je la vois. Comme le
disait le whip de l'Opposition ce matin, on pourrait tous ressortir des tas de
beaux discours - je pourrais prendre le sien et le répéter - il y
en a plusieurs qui ont été prononcés sur le sujet depuis
bien des années et ils concourent tous au même objectif. C'est
pour cette raison que j'ai été heureux et presque honoré
de participer au comité de mon parti pour tenter d'améliorer une
situation et faire en sorte qu'il y ait un meilleur équilibre entre les
pouvoirs des hommes publics élus par la population.
Il y a des questions de forme qui ont été soulevées
avec lesquelles je pourrais être d'accord jusqu'à un certain
point. Je me dis, au fond, et peut-être que je rejoins la motion en
même temps. On a un document qui est le fruit du travail d'un
comité, mais ce comité n'a pas inventé les boutons
à quatre trous. Il est parti de travaux effectués par d'autres
parlementaires avant nous, par de nos collègues ici présents,
pour en arriver à une proposition concrète. C'est cette
proposition, comme le veut la motion, qu'on doit étudier au plus
tôt ensemble pour se donner un nouveau mode de fonctionnement qui
réponde mieux à cette notion que j'ai de la démocratie.
Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: M. le Président, je voulais réagir
à quelques-unes des remarques qui ont été faites lorsque
le whip du gouvernement a fait sa motion. Il se demandait, avant de faire sa
motion, quelle aurait été la bonne façon de
procéder puisque l'Opposition n'est pas d'accord sur la façon
avec laquelle le gouvernement procède actuellement. Est-ce que ce sont
les missions? Non. Je n'ai jamais suggéré qu'on doive retourner
en mission. Je sais qu'on a eu plusieurs missions. Je pense que le
député, qui avait été spécifiquement
nommé par le premier ministre, a lui-même fait sa tournée.
Je pense que nous avons vu tout ce que nous avions à voir à
l'extérieur, il est temps de procéder.
Une fois le consensus atteint du côté ministériel,
il aurait été très simple de former un comité - on
se parle tous les jours - et peut-être même d'inviter le
président à convoquer la sous-commission qui a été
convoquée en 1980 et 1981, et d'arriver à la sous-commission avec
des propositions plus précises que celles faites lors des deux
dernières séances de la sous-commission de l'Assemblée
nationale. Par exemple, j'ai le rapport du président de
l'Assemblée nationale du 17 septembre 1981 sur les séances des
20, 21, 22 août 1980, ainsi que des 30 et 31 août et du 1er
septembre 1981. À cette sous-commission, étant donné qu'on
ne siégeait pas pour adopter les articles, ceux qui étaient
là se souviennent qu'on les acceptait. On disait: Accepté. C'est
à peu près le consensus de la sous-commission.
L'avant-projet de loi disait, à l'article 3: "L'Assemblée
a un pouvoir de surveillance sur tout acte de l'exécutif". On l'a
modifié, on a dit: "L'Assemblée a un pouvoir de surveillance sur
tout acte du gouvernement et des organismes publics - on voulaitétendre cela un peu plus loin - et elle l'exerce conformément
aux règles qu'elle adopte." De là l'importance de revenir
à la sous-commission de l'Assemblée nationale pour voir quelles
sont ces règles. C'est ce qui est contenu dans le projet.
Un peu plus loin, à l'article 13, la proposition était:
"L'Assemblée nationale peut constituer une ou plusieurs commissions, -
à peu près 99% du contenu du projet qui nous est proposé
aujourd'hui - composées de députés, chargées
d'étudier un projet de loi, les crédits et toute question
relevant de la compétence qui leur est attribuée par
l'Assemblée". On l'a changé ça; il y a eu consensus. Le
député de Sainte-Marie a assisté à la
dernière série, le député de Portneuf, le
député de Saint-Louis. On l'a changé et on a dit:
"L'Assemblée nationale peut constituer une ou plusieurs commissions -
là, il n'y a pas de changement - composées de
députés - il n'y a pas de changement -chargées d'examiner
un projet de loi - je ne sais pas pourquoi on a changé le mot
"étudier" pour "examiner" - un règlement, les crédits et
toute question relevant de la compétence qu'elle leur attribue - et
là on a ajouté - et d'exécuter tout mandat qu'elle leur
confie, notamment à l'égard du pouvoir de surveillance des
organismes publics prévu à l'article 3." Mais les crédits
sont encore là et je ne sache pas qu'une démarche ait
été faite - en ce qui nous concerne on n'en a pas connu -
modifiant la décision de la sous-commission de l'Assemblée
nationale. J'imagine qu'on n'était pas là seulement pour jouer au
golf; quand on décidait cela, c'était une volonté
politique exprimée unanimement par tous les gens autour de la table.
Jamais on ne nous a dit - c'est la première fois que je l'entends depuis
96 heures, comme le disait le député de Portneuf - que les
députés n'auraient plus le droit d'exercer ce devoir de
surveillance des dépenses du gouvernement. (15 h 45)
Le Parlement y trouve-t-il son compte demandait, je pense, le
député de Sainte-Marie. On a dit: Bon! est-ce que c'est
l'Opposition qui y trouve son compte, est-ce que c'est le parti
ministériel? On a demandé si le Québec y trouvait son
compte aussi. Le Parlement y trouve-t-il son compte? Non, si
on enlève le pouvoir des députés d'examiner les
dépenses de tous les ministres dans tous les programmes au moins une
fois par année et pendant tout le temps nécessaire. C'est
là, je pense, que le gouvernement s'est mis les pieds dans les plats
parce qu'il a pris un pari qu'il vient de perdre. Il était, d'ailleurs,
fort périlleux, ce pari. Il fallait, en effet, être fort
présomptueux pour présumer que les députés de
l'Opposition - cela me surprend que les députés
ministériels n'aient pas fait d'objection; il y en a peut-être eu
à vos caucus - accepteraient de renoncer à leur droit, qui est un
devoir, de poser des questions tous les ans à tous les ministres sur
toutes les dépenses.
Je ne veux pas présumer ou avoir une attitude pessimiste quant
à la réforme, mais en lisant assez attentivement, par exemple, le
projet de la commission des finances publiques - ne parlons pas de la
commission des engagements financiers; elle existe déjà, elle
fait une autre "job", elle complète ce travail - je ne vois pas comment
cette commission, qui va se réunir deux fois tous les trois mois avec un
mandat d'étudier la situation budgétaire du gouvernement - on
parle de grandes politiques budgétaires, des choix budgétaires du
gouvernement, de son programme de financement pour l'année en cours, des
incidences des choix et orientations retenus lors du budget et du budget
supplémentaire adoptés par l'Assemblée - puisse remplacer
l'étude des crédits. Ce n'est pas par la commission des
engagements financiers qu'on le fera non plus, ni par la commission du
Vérificateur général, parce que le Vérificateur
général son mandat général, sa capacité
c'est de pouvoir réellement donner le tableau exact de la situation
financière. Est-ce qu'il aura le pouvoir qu'il a ailleurs, mais qu'il
n'a pas ici, de calculer, d'évaluer l'efficience, l'imputabilité?
Ce sont toutes ces questions qu'on va se poser quand on va parler au
Vérificateur général qui, j'en suis convaincu, a
grand-hâte de nous rencontrer lui aussi pour savoir s'il aura des
pouvoirs additionnels. On ne pourra pas demander au Vérificateur
général ou à un ministre de venir expliquer comment il se
fait que le Vérificateur général a trouvé que cela
allait mal dans son ministère ou dans une direction
générale quelconque. On ne pourra pas examiner en long et en
large les politiques, les raisons pour lesquelles le ministre a changé
tel énoncé de politique et quelle est son intention en ce qui
concerne tels programmes. Il y a une augmentation ou une diminution de
crédits, pourquoi? Et là, on a tout ce qui arrive lors de
l'étude des crédits, qui, à mon sens, est une institution
essentielle dans un Parlement.
Je lisais encore hier soir - le député de
Trois-Rivières me le pardonnera - son rapport. Je ne suis pas d'accord
avec un certain nombre de considérations au début mais il a
étudié assez bien - il le rend bien le développement du
gouvernement responsable, comment cela est-il arrivé. Cela a
été le résultat de batailles sérieuses. Comment le
Parlement exerce-t-il son pouvoir? Comment un gouvernement est-il responsable?
Envers qui? Au Parlement, pas seulement à la commission des finances
publiques. C'est important d'étudier les grands choix
budgétaires. Pourquoi le gouvernement investit-il davantage, met-il plus
de ressources dans l'économie que dans les mesures sociales cette
année? Enfin, si on a des budgets de cinq ans, c'est encore mieux. C'est
très bien, mais la responsabilité, c'est pour toutes les
dépenses. Cela a commencé de cette façon, le gouvernement
responsable. C'est de répondre à des élus et non pas
à Londres, à Westminster. C'est de répondre ici à
des gens qui sont élus.
Remarquez que ce devoir-là est exercé de façon
inégale d'un député à l'autre. Il y en a des deux
côtés qui n'aiment pas ça. Je parle de l'étude des
crédits. C'est très astreignant et j'imagine que c'est encore
moins agréable de la part d'un député - je voulais dire
plus plate, mais ce n'est pas parlementaire - ministériel à qui
le whip vient dire: Écoute, aujourd'hui, tu vas passer ton temps
à la commission parlementaire pour étudier les crédits de
l'Éducation. Il a sûrement quelques questions à poser, mais
il sait que c'est surtout l'Opposition qui pose les questions.
Je me souviens - je ne sais pas s'il y a des députés
présents ici qui étaient là - de la dernière
étude des crédits du ministère de l'Éducation.
Plusieurs députés de l'Opposition ont pris un certain nombre de
minutes, dix, quinze ou même trente pour poser des questions - ils
avaient des préoccupations tout à fait non partisanes - au
ministre de l'Éducation: Pourquoi telle ou telle chose dans leur
comté, etc., ou, enfin, des politiques générales. Mais
dans l'ensemble, c'est long. Ils attendent que cela finisse.
Je ne pense pas qu'on doive se laisser impressionner par ces sentiments,
cette frustration d'un certain nombre de députés qui croient
être là pour faire le nombre, et dire que l'exercice
lui-même est inutile et qu'on doive s'en défaire. C'est
l'objection de fond que nous avons à l'égard de la proposition.
L'objection de forme est plus que de la formalité. On veut atteindre un
objectif essentiel et c'est convenu d'un côté comme de l'autre,
l'unanimité et on prend les moyens.
C'est dans cet esprit-là que j'accueille avec plaisir la motion
du whip en chef du gouvernement, à savoir que le tout soit
déféré au forum où cela aurait dû commencer.
Je vous dis tout de suite que je comprends que, lorsqu'on dit que cette
sous-
commission soit présidée par le president de
l'Assemblée nationale, je ne vois pas le président simplement
assis pour donner des droits de parole. Je vois le président proposer
aux membres de la sous-commission un calendrier de travail et une participation
active aux délibérations, comme il l'a fait, d'ailleurs, l'an
dernier aux trois jours de séance que nous avons tenus en août et
en septembre.
En ce qui concerne le 15 février, tant mieux si on est prêt
à faire rapport à cette date. Si on n'est pas prêt, on
demandera un prolongement du mandat, mais on doit présumer que trois
mois et demi nous permettraient de le faire. Dans l'évolution des
choses, on est assez avancé, d'un côté et de l'autre de la
table, sur certaines réformes à apporter. Je pense qu'on devrait
pouvoir faire notre rapport avant ou au plus tard le 15 février. Merci,
M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Merci.
M. le leader du gouvernement.
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais enchaîner
sur les propos du député de Marguerite-Bourgeoys et leader de
l'Opposition et lui dire que je suis très favorable à la
proposition soumise par le député de Lac-Saint-Jean et whip en
chef du parti ministériel. De toute façon, je crois que, si la
proposition n'était pas venue de notre côté, elle serait
probablement venue du côté de l'Opposition. Peu importe le
côté d'où elle vienne, dans le fond, je pense que c'est
l'objectif qu'on cherche à atteindre qui compte.
M. Lalonde: C'est très bien que cela vienne de vous.
M. Bertrand: Je ne suis pas fâché que cela vienne de
nous.
M. Lalonde: C'est très bien, c'est vrai. Cela ne veut pas
dire que c'est un aveu, mais...
M. Bertrand: Non, non. Je vais vous dire pourquoi. De toute
façon, il était évident que, si nous voulions faire
avancer le dossier de la réforme parlementaire, ce n'est pas en
commission de l'Assemblée nationale où nous sommes très
nombreux et où le cadre est beaucoup plus formel qu'en sous-commission
que nous pouvons discuter, point par point, de chacun des
éléments de la réforme parlementaire.
Je dirai aussi au député de Marguerite-Bourgeoys que, lors
d'une conférence de presse que nous avons tenue à 14 heures, on
m'a posé des questions relativement à la façon dont on s'y
était pris pour présenter ce projet de réforme
parlementaire. Je n'ai pas devant moi le texte intégral de la
conférence de presse, mais je sais qu'il y avait un émissaire de
votre formation politique qui était là et qui peut
témoigner de la véracité des propos que je vais tenir.
M. Lalonde: Un émissaire. Est-ce péjoratif?
M. Bertrand: Non, c'est parlementaire.
M. Lalonde: C'est parlementaire?
M. Bertrand: Oui.
Une voix: Bouc, c'est plutôt...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Bertrand: Les journalistes m'ont effectivement demandé
pourquoi nous avions décidé de fonctionner comme cela et
qu'est-ce qu'on pensait de la réaction de l'Opposition ce matin. J'ai
dit à peu près ceci - j'aimerais avoir le texte, mais c'est
à peu près ce que j'ai dit - que je trouvais légitime la
réaction de l'Opposition telle qu'exprimée ce matin, que je la
comprenais dans le sens que l'Opposition voulait indiquer qu'elle souhaitait,
à chacune des étapes du processus menant à la
réforme parlementaire finale, y être associée et y
participer pleinement. En d'autres mots, elle voulait recevoir des suggestions
du parti ministériel, mais aussi pouvoir en faire de son cru, amender
nos propositions, proposer des alternatives, proposer des hypothèses sur
lesquelles nous ne nous sommes peut-être même pas
arrêtés; autrement dit, se donner le plus de possibilités
possible pour arriver, d'ici au 15 février, à un projet de
réforme parlementaire qui soit véritablement le fruit de
délibérations où tout le monde aurait eu le sentiment
d'être entendu, où tout le monde aurait eu le sentiment d'apporter
sa contribution et cela, indépendamment de la formation politique
à laquelle nous appartenons.
Je veux indiquer au leader de l'Opposition que, si nous avons
décidé de procéder comme nous l'avons fait, c'est que,
premièrement, nous avons très bien senti, dès la
publication du rapport Vaugeois, en janvier 1982, que ni de ce
côté-ci de la table, ni de l'autre il n'y avait
véritablement une sensibilité particulière pour aller de
l'avant et donner suite aux recommandations qui étaient faites dans le
rapport Vaugeois. Le député de Trois-Rivières doit prendre
la parole après moi, si j'ai bien lu votre feuille, M. le
Président. Il pourra dire ce qu'il pense de tout cela et comment, avec
le recul du temps, il apprécie la façon dont le conseil des
députés et le gouvernement se sont
acquittés de leurs responsabilités. Je peux vraiment dire
au député de Marguerite-Bourgeoys que l'intention du gouvernement
n'était certainement pas, loin de là, d'arriver avec un projet de
réforme parlementaire qui soit du type crois ou meurt, sinon une
réforme parlementaire, il n'y en aura pas. Au contraire, il fallait
faire quelque chose.
Le conseil des députés, à une séance du mois
d'avril dernier, a reçu du leader du gouvernement un premier rapport qui
était très succinct, qui comportait neuf points. C'était
ramassé sur une feuille 8 1/2 x 11, les députés se le
rappellent. Cinq de ces neuf points ont été incorporés au
projet de loi no 90: les points sur le quorum, sur la création du bureau
de l'Assemblée nationale, sur les fonctions de l'adjoint parlementaire,
sur la création du poste de leader parlementaire adjoint et sur la
télédiffusion des débats. Quatre autres points avaient
été laissés de côté au conseil des
députés parce que, justement, c'étaient des points sur
lesquels on n'avait pas consensus. (16 heures)
En plus, les députés disaient: S'il n'y a que ces cinq
points dans le projet de loi no 90, c'est mince comme réforme
[parlementaire. À partir de là, je leur ai dit: Écoutez,
si on veut vraiment avoir une réforme parlementaire, il faut qu'on se
mette au travail. Là, le conseil des députés a
décidé de créer un comité spécial,
présidé par M. de Bellefeuille, député de
Deux-Montagnes, pour que nous fassions de notre côté notre
réflexion sur tout le dossier de la réforme parlementaire, et ce
comité spécial a fait son travail, particulièrement durant
les semaines du mois d'août et du mois de septembre. Là, on voyait
bien que les délais étaient très courts, parce que la
commission parlementaire des 19, 20, 21 octobre s'en venait. Moi, j'ai dit aux
gens du comité spécial: II va falloir que vous vous
dépêchiez de produire un rapport pour que je puisse en discuter au
Conseil des ministres et voir quelle est la réaction du Conseil des
ministres. Effectivement, le 30 septembre, lors de la dernière
réunion, le comité spécial a donné son approbation
à un projet de réforme.
Ce projet, je l'ai, dans ses grandes lignes, soumis au Conseil des
ministres du 6 octobre. À ce moment, il a été
entériné, à toutes fins utiles, à peu près
à 95%. Il y avait quelques petits points sur lesquels on ne s'entendait
pas tout à fait. Le président du comité spécial a
fait rapport au caucus des députés le 12 octobre dernier, mardi
soir dernier. Sur place, j'ai indiqué quelles étaient les
réserves qu'avait le Conseil des ministres sur quelques-uns des aspects
proposés par le comité spécial. Dès le lendemain,
soit le mercredi 13 octobre, je soumettais au Conseil des ministres un certain
nombre de modifications et dans les heures qui ont suivi on s'est vite rendu
compte que finalement il y avait consensus, unanimité entre le conseil
des députés et le Conseil des ministres sur le projet qui est
aujourd'hui devant les membres de la commission de l'Assemblée
nationale.
On a travaillé dans ce contexte. Si, en avril ou mai derniers, on
avait décidé de créer un nouveau comité mixte
constitué de parlementaires venant à la fois de l'Opposition et
du parti ministériel, moi, je pense - je peux me tromper, mais c'est mon
opinion personnelle - que nous serions encore en train de fixer le calendrier
des réunions à venir pour la réforme parlementaire, pour
la raison suivante, et qui peut se comprendre, c'est qu'au moment où on
se parle il y a des questions qui préoccupent la population et qui ne
sont pas liées très directement à la réforme
parlementaire. En d'autres mots, s'il y a une période où le
dossier de la réforme parlementaire, pour toutes sortes de bonnes
raisons, aurait pu être enterré, mis sur les tablettes ou, en tout
cas, n'aurait pas sollicité l'attention des parlementaires, c'est bien
depuis le printemps dernier, au moment où nous avons à traverser
une crise économique, à trouver des solutions pour régler
cette crise économique, en d'autres mots à mettre la
priorité sur des questions sociales, des questions économiques
et, entre autres, la négociation des conventions collectives dans les
secteurs public et parapublic.
Donc, nous avons fait notre travail de notre côté du mieux
possible. Nous avons fait consensus sur un projet de réforme
parlementaire et il était clair, dans mon esprit - je l'ai dit au leader
de l'Opposition - qu'à partir du moment où le conseil des
députés et le Conseil des ministres s'entendaient sur un projet
de réforme parlementaire concret, précis, cohérent,
articulé, détaillé il fallait absolument que nous
remettions l'ensemble de notre réflexion et de notre projet aux
parlementaires et que le travail, à partir de maintenant, s'effectue
dans un cadre différent où le président de
l'Assemblée nationale deviendrait, à toutes fins utiles,
l'animateur de la sous-commission de la commission de l'Assemblée
nationale. Il ne serait pas simplement là pour faire respecter le
règlement, mais aussi pour intervenir, pour participer, pour
suggérer, pour apporter, en d'autres mots, sa contribution de
président, au nom même de l'institution qu'il représente,
aux travaux de la sous-commission, de telle sorte que la réforme
parlementaire que nous soumettrons à l'Assemblée nationale
quelque part en 1983 soit une réforme parlementaire à laquelle il
ait, lui aussi, pleinement participé et à laquelle aussi aient
pleinement participé nos collègues de l'Opposition qui, tout en
tenant compte des opinions qu'ils ont exprimées ce matin relativement
à la forme que nous
avons retenue dans la préparation de ce projet, ont tout de
même, dans l'ensemble, quant à moi, émis un certain nombre
de remarques qui m'apparaissent très positives et très
constructives.
Il y a, bien sûr, toute cette question de l'étude des
crédits sur laquelle le député de Marguerite-Bourgeoys est
revenu à quelques occasions. Nous n'étions pas nai'fs au point de
croire qu'un bouleversement aussi substantiel du fonctionnement des commissions
telles qu'on les connaissait n'allait pas créer un certain nombre de
réactions, mais nous avons la conviction que les propositions qui sont
maintenant connues peuvent répondre, de façon adéquate,
aux objectifs que nous partageons. Ce qui, pour moi, compte à ce
moment-ci, c'est de savoir que les trois prémisses qui sont contenues
dans le projet de réforme parlementaire me semblent acceptées par
l'Opposition, si on ajoute une quatrième prémisse qui est celle
qu'évoquait le leader de l'Opposition, à savoir qu'il faut
arriver à un consensus sur le projet de réforme
parlementaire.
Quant aux objectifs, je ne pense pas que l'Opposition ait
indiqué, ce matin, quelque objection que ce soit. Au contraire, je pense
qu'elle souscrit aux objectifs de la réforme parlementaire,
c'est-à-dire l'indépendance de l'Assemblée nationale, la
modernisation du fonctionnement de l'Assemblée et de ses commissions, un
meilleur contrôle des finances publiques, un meilleur équilibre de
nos institutions, un meilleur contrôle de l'exécutif, un meilleur
contrôle de l'administration publique, etc. Tout cela m'apparaît
positif. Sur cette base, on peut construire. Sur cette base, on peut
progresser.
Quant aux propositions que nous avons soumises, je suis convaincu que,
pour une bonne part d'entre elles (la commission du Vérificateur
général, la commission des finances publiques, la commission
d'étude sur la législation déléguée, la
commission des organismes autonomes, la commission des lois, les commissions ad
hoc, la commission de l'Assemblée nationale, la commission des
engagements financiers, les commissions d'initiative parlementaire) très
rapidement, on va pouvoir faire un consensus.
Tout en tenant compte des remarques -et je l'ai dit en conférence
de presse - qui m'apparaissaient compréhensibles et qui ont
été évoquées ce matin par le leader de
l'Opposition, j'ai tenté d'expliquer pourquoi on a fonctionné
comme on a fonctionné et je pense qu'en fin de compte ce dont tout le
monde se félicite, c'est qu'on puisse, à partir de maintenant,
travailler sur la base d'un projet de loi concret, détaillé,
précis, cohérent, articulé et bonifiable, qu'on peut
améliorer, qu'on peut changer, où il y aura place pour la
discussion et la négociation pour les éléments qui nous
permettraient d'en arriver à un consensus.
Dans ce contexte, M. le Président, en indiquant très
sincèrement à l'Opposition ma volonté, comme
parlementaire, avec mes collègues, de contribuer à ce que nous
ayons un projet de réforme parlementaire en vigueur en 1983, et le plus
tôt possible en 1983, je peux dire que je souscris entièrement
à la motion du député de Lac-Saint-Jean et whip en chef du
parti ministériel, que je n'ai absolument aucune objection, loin de
là, à ce que le président de l'Assemblée nationale
anime nos travaux et qu'à partir du moment où nous aurons, tous
ensemble, dégagé tous les consensus qui nous permettront d'en
arriver à une réforme parlementaire substantielle, comme c'est ma
responsabilité, je parraine devant l'Assemblée nationale non
seulement, bien sûr, le projet de loi no 90, Loi sur l'Assemblée
nationale du Québec, mais aussi le projet de modification au
règlement, puisque, essentiellement, la réforme parlementaire
dont nous discutons en ce moment va s'inscrire dans le règlement de
l'Assemblée nationale et c'est à ce niveau qu'il nous faudra
apporter un certain nombre de modifications.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
M. le député de Trois-Rivières.
M. Denis Vaugeois
M. Vaugeois: Merci, M. le Président. Dans le rapport qui a
été souvent cité et que j'avais l'occasion de remettre aux
collègues parlementaires en janvier dernier, j'avais cherché, au
fond, à faire un peu la synthèse des critiques que des
parlementaires avaient formulées au cours des 20 dernières
années. J'ai pris six mois à lire à peu près tout
ce que j'ai pu trouver, à retourner même au journal des
Débats le plus souvent possible et à relever des remarques de
l'époque de Jean Lesage, alors qu'on avait créé une
commission Bonenfant. Les parlementaires de cette époque avaient
beaucoup de critiques à faire vis-à-vis du fonctionnement de
l'Assemblée nationale ou de l'Assemblée législative, comme
on disait à l'époque.
Tout au long des années, des réformes ont
été apportées: l'abolition du Conseil législatif,
le règlement de la Chambre a changé à deux ou trois
reprises. Mais on sentait que plusieurs parlementaires restaient très
critiques vis-à-vis de l'institution. Encore ce matin, j'avais
l'occasion de rencontrer un ancien parlementaire, le Dr Goldbloom, qui me
disait: Justement, dans les jours prochains, je vais faire une
conférence pour dire ce que je pense du Parlement. Des mots comme
vétuste, etc., reviennent. Des parlementaires qui nous ont
quittés restent encore inquiets de l'évolution de
l'institution dont nous sommes membres.
À la lumière de toutes ces critiques qui viennent de
parlementaires de toutes les formations politiques, il se dégageait un
certain nombre d'objectifs qui ont été rappelés depuis ce
matin. Je crois que les modalités qui sont retenues dans la proposition
qu'a présentée le leader du gouvernement nous permettent de nous
dire: C'est une façon d'atteindre les objectifs qui se dégagent
de toutes ces réflexions et critiques qui ont pu être
formulées.
À ma connaissance, on n'est jamais allé aussi loin en
termes de formulation de propositions et de modalités. Il y a d'autres
modalités, mais là, il y en a qui se tiennent, il y en a qui sont
assez complètes et, si vous me le permettez, M. le Président, qui
sont même assez audacieuses.
Je peux évoquer des discussions que j'ai eues avec des gens de
l'exécutif, des ministres qui sont là ou qui ne sont plus
là, et qui étaient assez réticents - je le dis franchement
- à certaines propositions qui sont dans la proposition gouvernementale
qu'on a devant nous. L'imputabilité, ça ne réjouissait pas
tout le monde. La façon pour le Parlement de s'approprier un projet de
loi. On comprend maintenant que, quand un projet de loi est confié
à l'Assemblée nationale, il devient la responsabilité de
l'Assemblée nationale et c'est aux parlementaires de travailler sur ce
projet de loi.
La législation déléguée, on s'ouvre
là-dessus. Il y a longtemps qu'on en parle, il y a même eu un
projet de loi soumis par un député de l'Opposition et qui est
resté lettre morte. Aujourd'hui, tout ça est
récupéré, est articulé, ça se tient. Mais,
comme vient de le dire le leader du gouvernement, ça peut être
amélioré.
Au cours des dernières semaines, on a eu l'occasion, du
côté de la majorité, d'améliorer des propositions
qui traînaient, propositions qui étaient venues de gauche et de
droite. Je crois qu'effectivement on peut encore améliorer ça,
même si, de l'avis de certains malins, on pourrait penser, à
certains moments, qu'on n'est pas loin de l'Opposition; on n'y est pas encore
et ça se pourrait qu'on n'ait pas tout à fait les réflexes
qu'on puisse avoir quand on est vraiment député de
l'Opposition.
Il y a certainement, de ce côté, en termes de
responsabilité de contrôle des finances publiques, des choses
qu'on peut dire quand on vit la réalité de l'Opposition, mais qui
sont plus difficiles à dire quand on est du côté de la
majorité.
Mais je reviens aux propos du député de
Marguerite-Bourgeoys. Les critiques les plus dures que j'aie entendues et que
j'aie lues sur le système actuel de défense des crédits et
d'engagements financiers, etc., ont été formulées par des
députés libéraux, alors qu'ils étaient d'un
côté ou de l'autre de la Chambre. À cet égard, j'ai
trouvé des pages extrêmement instructives, très
révélatrices, qui remontent d'ailleurs à au moins une
quinzaine d'années. J'ai en mémoire certains propos tenus par un
ancien premier ministre libéral, M. Bourassa, également par un
député qui nous a quittés récemment, Claude Forget,
qui a eu des pages, d'ailleurs, admirables pour indiquer les limites de la
responsabilité ministérielle et un peu le ridicule dans lequel on
s'inscrit lorsqu'on joue le jeu de certaines démarches parlementaires
qui nous grugent 200 heures de notre temps, pour des résultats assez
minces. Je souscris aux préoccupations du député de
Marguerite-Bourgeoys. Il reste à trouver ensemble les modalités
qui pourraient le mieux nous permettre d'atteindre ces objectifs et de
répondre à ces préoccupations. (16 h 15)
Au cours des derniers mois, on a essayé de créer ce
comité mixte qui est proposé maintenant. Je pense qu'on n'a pas
joué de chance, d'un côté comme de l'autre; il y a eu du
va-et-vient, il y a eu des changements de personnes. En ce qui nous concerne,
cela nous a donné un leader parlementaire qui est arrivé à
l'aboutissement de ce cheminement. Je tiens publiquement à lui dire
combien, personnellement, à titre de parlementaire, je suis content
qu'on en soit arrivé là. Il y a eu des échanges de lettres
auxquels j'ai participé. Je me souviens, entre autres, que l'ancien chef
de l'Opposition, au moment où je recevais mon mandat du premier ministre
dans des circonstances peu plaisantes, étant donné le partage des
responsabilités entre l'exécutif et ce qu'on appelle le
législatif, avait eu une lettre fort gentille à mon endroit. Il
me disait toute l'importance qu'il attachait, comme nouveau parlementaire,
comme observateur de la chose politique, à la réforme de
l'institution. Il disait qu'il prenait très au sérieux le mandat
qui m'était confié et qu'il avait hâte de voir où je
me retrouverais.
Le chef actuel de l'Opposition, que je connais depuis fort longtemps,
m'a tenu des propos semblables, disant que même s'il est un peu
habitué à l'institution, il est bien conscient qu'il y a des
choses à faire.
Lorsque le rapport a été prêt, je tiens à
rappeler que, avant même que le premier ministre, le leader du
gouvernement ou quelque ministre l'aient entre les mains, il était entre
les mains des porte-parole de l'Opposition. Il était, en même
temps, distribué à tous les parlementaires. Dans les jours qui
ont suivi, j'ai rencontré plusieurs députés de
l'Opposition. Je leur disais que j'essaierais d'amener les
députés du côté ministériel à
travailler là-dessus et que je comptais sur eux pour faire la même
chose. Je pense que le député de Marguerite-
Bourgeoys se souviendra que j'ai eu ce genre de discussion avec lui et
avec plusieurs autres.
Les circonstances n'ont pas permis d'articuler le groupe mixte de
travail, encore qu'on en ait discuté à certains moments. Le
député de Marguerite-Bourgeoys avait bien raison de rappeler les
séances de travail d'une commission parlementaire. Je me souviens fort
bien de ce qui était dit à l'article 3 parce que je me
méfiais de la surveillance de l'exécutif. Je voulais être
sûr d'attraper tout le monde. J'avais demandé la surveillance du
gouvernement, parce que cela peut être différent, et des
organismes publics. Quand notre projet de loi no 90 est revenu, je l'ai
regardé et me suis rendu compte qu'on en avait perdu en cours de route.
Je dois dire que, dans les modalités qui nous sont proposées
aujourd'hui, on le retrouve sous une autre forme. Il y a quand même une
commission qui est prévue - cela sera nouveau pour nous - pour
contrôler les organismes publics.
Je crois que, dans les modalités retenues, on retrouve l'esprit
de l'article 3 que nous avions formulé. Si cela n'était pas le
cas, il faudrait reprendre ces questions. Si le Parlement, à l'occasion
de cette réforme, ne trouve pas les moyens de jouer vraiment un
rôle de surveillance, de contrôle de l'administration, de ce que
fait le gouvernement, de la ventilation des crédits, des engagements
financiers, des dépenses publiques, nous n'aurons pas réussi
notre réforme.
Regardons cela ensemble. Nous n'avons pas encore réussi à
le faire. On est venu avec quelque chose de concret sur la table, on peut
partir de ça. Je pense que la proposition vaut d'être retenue.
Elle invite le président à jouer un rôle assez neuf. J'ai
vu le leader parlementaire de l'Opposition souscrire d'emblée au
rôle que le président pourra jouer. Il s'inscrivait
déjà dans un type de présidence que la réforme
proposée retient. On sent que cela correspond à quelque chose.
J'étais un peu pessimiste après avoir rédigé le
rapport que quelques-uns d'entre vous ont peut-être lu. J'étais
vraiment inquiet parce que je me rendais compte plus que jamais qu'on avait
bien parlé de cela et que cela n'avait pas donné grand-chose. Je
disais à la fin à la page 169: "Enfin, si le premier ministre
doit accepter et favoriser la réforme..." Cela est une évidence,
je pense bien, si le premier ministre ne veut pas, la ligne de parti existe
encore, même chez nous.
M. Bertrand: Chez vous, Guy?
M. Vaugeois: II y a encore des choses qu'on traîne comme la
solidarité ministérielle, la responsabilité
ministérielle. Je disais donc: "Enfin, si le premier ministre doit
accepter et favoriser la réforme, si les présidents des groupes
parlementaires doivent diriger leur caucus dans cette voie - et je suis certain
que le caucus libéral en a discuté ces derniers temps; ce n'est
pas possible, ils sont des parlementaires comme nous et ils s'inquiètent
du travail qu'on leur fait faire ou qu'ils ont à faire - il appartient
par-dessus tout au président de l'Assemblée nationale et à
son personnel de lui donner ses moyens et son sens." Je crois qu'on est
arrivé là.
Je crois, M. le Président, que vous comprendrez que des
parlementaires s'adressent à vous à ce moment pour dire: Nous
avons fait un bout de chemin. On a eu de bonnes discussions, on ne l'avoue pas
trop, avec les gens de l'exécutif. On a cheminé et un
comité de parlementaires présidé par mon collègue
de Deux-Montagnes a fait un travail absolument admirable, a
récupéré des choses. J'avais un peu lancé la
serviette à un moment donné en disant: Commençons avec
cela. Les parlementaires ont dit: Non, on va regarder plus attentivement ce qui
est mis de côté et les membres de l'exécutif ont
accepté de revoir certaines positions et on comprendra facilement
lesquelles. Je pense qu'on n'a pas de grandes révélations
à faire, on devine que l'imputabilité ne plaît pas
nécessairement. On devine que s'asseoir à la barre plutôt
que de venir piloter son projet de loi cela plaît moins, etc. D'un autre
côté, il y a eu des choses salutaires dans les dernières
années. Comme les ministres savent qu'ils peuvent devenir de simples
députés et que des députés ministériels
savent qu'ils peuvent devenir députés de l'Opposition et
inversement, je crois que c'est le commencement de la sagesse.
M. Lalonde: Inversement.
M. Vaugeois: Bien sûr, pourquoi pas? Justement, si on
accepte de travailler dans cet esprit, au-delà de la solidarité
ministérielle, on pourra développer une solidarité de
parlementaires, pas trop longtemps, mais le temps qu'il faut pour affirmer
l'institution qui a un rôle important à jouer. En période
de crise, on nous reprocherait, à nous, de ne pas mieux surveiller les
dépenses publiques, de ne pas mieux contrôler ce qui se passe dans
l'administration. Du côté législatif, on est pas mal tous
d'accord pour regretter que ce Parlement légifère trop
rapidement. À mon avis, il légifère trop
légèrement. On est assez d'accord en général, je
crois, pour trouver que la réglementation est devenue trop lourde et que
ce qu'on appelle la législation déléguée, c'est
devenu peut-être trop important. Il est grand temps que le Parlement
récupère un minimum de responsabilité et d'action à
cet égard.
À ce moment-ci, nous avons fait un
bout de chemin comme députés de la majorité. C'est
certain que les députés de l'Opposition ont également des
choses à faire valoir et des choses que nous ne pouvions pas aussi bien
faire valoir qu'eux en termes de contrôle et même d'enquête.
Pourquoi pas à certains moments? Je crois qu'il faut se réunir,
avec les moyens dont dispose la présidence, avec la neutralité
qui est celle de la présidence, avec cette responsabilité
première de la présidence qui est de défendre
l'institution, une institution qui, il faut le reconnaître, était
à moins une, à mon avis. Qu'à moins une on se ressaisisse
et qu'on donne ce coup de barre, avec, encore une fois, le leadership de la
présidence, je trouve qu'il n'est jamais trop tard. C'est heureux que
ça se présente à ce moment-ci et j'y souscris
d'emblée. Je suis disponible, bien sûr, pour faire partie de cette
sous-commission avec d'autres, parce que j'aurai le temps. Je suis même
prêt à aller un peu plus mollo ailleurs, parce
qu'évidemment ce qu'on pourra faire au niveau de la réforme de
l'institution est sans aucune mesure avec d'autres actions qu'on peut mener
ailleurs. Merci.
M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais simplement lui
demander s'il sera disponible le 7 novembre. Nous aurons sûrement une
séance
M. Vaugeois: M. le Président, j'avais déjà
prévu utiliser le vote par anticipation.
M. Lalonde: On a remarqué qu'il n'a pas été
amer.
La Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Gatineau.
M. Michel Gratton
M. Gratton: M. le Président, avant de traiter de la motion
que nous a présentée le député de Lac-Saint-Jean,
vous me permettrez peut-être une dernière remarque
générale qui m'est inspirée un peu par les propos que
vient de tenir le député de Trois-Rivières, aussi bien que
par ceux du député de Sainte-Marie et à un certain
égard par le député de Dubuc. Je comprends fort bien, pour
avoir été moi-même un député
ministériel d'arrière-ban pendant très exactement quatre
ans, du 15 novembre 1972 au 15 novembre 1976, que lorsqu'on se place dans ce
contexte-là, on pense beaucoup plus à l'efficacité du
Parlement comme institution qui vote des lois, qui prend des décisions
au nom de la collectivité. Il n'y a rien de plus frustrant que
d'être le matricule 122 - dans mon cas, j'étais le matricule 108,
puisque nous étions 108 à l'époque - et de constater les
interminables débats qui peuvent se faire autour de questions qui,
souvent, paraissent de caractère plutôt anodin à un
député d'un comté donné. Le sentiment qu'on
éprouve à ce moment-là c'est de dire: II doit y avoir
moyen de réformer ça, de moderniser ça pour que ça
aille un peu plus vite, pour qu'on puisse voter un peu plus de lois et,
forcément, de meilleures lois.
Par contre, pour être depuis maintenant six ans dans l'Opposition,
je comprends également la préoccupation de mes collègues
qui disent: II faut, à titre de membres de l'Opposition, disposer de
tous les moyens pour poser des questions au gouvernement afin de s'assurer que
les choses qui sont utiles pour l'information du public, pour lui permettre de
juger son gouvernement, se fassent. Ce que je voudrais qu'on évite dans
l'exercice qu'on entreprend, soit d'adopter une réforme substantielle
sur le plan parlementaire, c'est d'oublier la dimension du membre de
l'Assemblée nationale, du député d'une circonscription
électorale.
Le député de Trois-Rivières le mentionnait
tantôt, la règle de la solidarité existe, la règle
de la ligne de parti aussi. J'entendais tantôt le député de
Sainte-Marie dire que cela prend un changement de mentalités, en se
servant de l'exemple du débat sur le discours sur le budget. On asouvent entendu des députés, des deux côtés de
la Chambre, évoquer cette tradition, cette règle qui permet
à un député de parler de tout et de rien lors du
débat sur le discours sur le budget. Il faudrait que cela change. Il
faudrait peut-être aller plus au fond des choses, poser des questions
plus fondamentales.
Mais il ne faut pas oublier que chacun d'entre nous, les 122 que nous
sommes, est là, sinon d'abord, en tout cas sûrement, de
façon aussi importante pour représenter les gens qui
l'élisent. Si on devait, par souci d'efficacité et aussi par
souci de faire en sorte que tous les gestes du gouvernement soient
scrutés de façon convenable pour l'Opposition, priver les
députés, les représentants de circonscriptions, de la
possibilité de parler au nom de leurs commettants, d'avoir des occasions
de s'exprimer au nom d'intérêts qui sont souvent très
localisés et qui ne sont peut-être pas d'importance provinciale,
je pense qu'on risquerait de faire fausse route dans notre démarche de
moderniser et de réformer le Parlement. Le député de
Sainte-Marie n'a peut-être plus ce problème maintenant, mais on
sait combien il est difficile pour un député, membre d'un parti,
qu'il soit du côté ministériel ou de l'Opposition, de
parler au nom de ses électeurs lorsque dans certaines situations cela
vient en conflit avec la ligne de parti.
Je dis donc que ce sous-comité qui étudiera, au cours des
prochains mois, le projet qui est devant nous devra nécessairement
réunir des éléments qui
feront l'objet d'une attention particulière concernant cet aspect
du rôle du député. Comme le seul personnage qui n'est
membre ni de la majorité ni de la minorité, c'est justement le
président de l'Assemblée nationale, peut-être bien que vous
aurez un rôle tout à fait spécial à jouer à
ce point de vue, M. le Président.
Cela dit, j'aimerais poser une ou deux questions soit au parrain de la
motion ou au leader du gouvernement concernant la motion qui nous est
présentée pour déférer ce projet de réforme
à une sous-commission.
D'abord, la date du 15 février 1983. J'aimerais savoir une chose
pour que cela soit bien clair pour tout le monde. Le leader de l'Opposition
disait tantôt: Si on devait se rendre compte que le 15 février on
n'a pas terminé, forcément, on devra demander à la
commission de l'Assemblée nationale de prolonger
l'échéance. Est-ce que le gouvernement, au moment où on se
parle, si on devait pouvoir fournir un rapport à la commission de
l'Assemblée nationale tel que prévu, le 15 février 1983, a
l'intention de faire en sorte que tous les changements nécessaires
soient apportés tant au règlement de l'Assemblée nationale
qu'à la Loi sur la Législature pour que le prochain budget soit
étudié à partir des nouvelles dispositions ou si on tient
pour acquis que cela devra attendre un an de plus? (16 h 30)
M. Bertrand: Dans notre esprit, la date du 15 février 1983
nous donne la possibilité, en faisant rapport à la commission de
l'Assemblée nationale, de permettre à ladite commission de
préparer son rapport pour l'Assemblée. Il faut savoir qu'on est
redevable devant l'Assemblée nationale qui nous a envoyés ici
pour siéger. Dans notre esprit, donc, on ne pourrait faire ce rapport
à l'Assemblée nationale qu'au début de ses travaux, lors
de la prochaine session. On ne sait pas la date, cela peut être la fin de
février, le début de mars ou la mi-mars. À ce
moment-là, l'Assemblée nationale devra disposer du rapport de la
commission de l'Assemblée nationale et, partant de là, implanter
la réforme parlementaire dans ses différents aspects.
C'est probablement aussi là-dessus que portera notre discussion
en sous-commission. Il s'agit de savoir, une fois le consensus fait et le
rapport fait à la commission et, ensuite, à l'Assemblée
nationale, quel calendrier d'implantation retenons-nous pour faire en sorte que
la réforme parlementaire puisse entrer en vigueur. Je crois que la
question que pose le député de Gatineau en est une à
laquelle et la sous-commission et la commission et l'Assemblée nationale
devront répondre au cours des prochains mois.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: La réponse me satisfait. Je constate qu'on
n'est pas coulé dans le béton du côté
ministériel et, je pense, du côté de l'Opposition, non
plus. On pourra jouir d'une collaboration totale à ce point de vue.
Une dernière question, M. le Président. Il s'agit de la
formulation de la motion elle-même. Quand on propose que le projet de
réforme parlementaire soit déféré à une
sous-commission de la commission de l'Assemblée nationale pour
étude et recommandations, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, avant de le
déférer à une sous-commission, d'instituer ou de
constituer cette sous-commission et d'en nommer les membres? Autrement, on peut
le faire immédiatement après, mais je présume qu'il est du
ressort, de la compétence de la commission de l'Assemblée
nationale de décréter immédiatement qui seront les membres
de cette sous-commission et peut-être même de fixer la date de la
première séance.
M. Bertrand: On pourrait très bien, M. le
député de Gatineau, avoir un deuxième alinéa
à la motion qui dirait: Que cette sous-commission soit formée des
membres suivants. Et là, on déciderait ici, en commission, des
membres que nous voudrions voir siéger à cette
sous-commission.
J'échangeais tout à l'heure avec le whip en chef du parti
ministériel et on voyait une formule pour qu'on puisse vraiment
travailler de façon très efficace. Il pourrait y avoir six
membres à cette sous-commission: trois membres du parti
ministériel, dont le leader parlementaire du gouvernement, le whip en
chef du gouvernement et le président du comité spécial du
conseil des députés qui a travaillé sur le projet avec
d'autres parlementaires et, bien sûr, le président qui en serait
l'animateur. À ce moment-là, il resterait deux membres pour
représenter l'Opposition. Un groupe de six nous paraissait convenable
pour faire ce travail au cours des prochaines semaines, mais on serait
prêt à accepter...
M. Bisaillon: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Avant d'aller trop loin dans cette voie, est-ce
qu'on ne pourrait pas...
M. Lalonde: Ou pas assez loin.
M. Bisaillon: ... attendre qu'un certain nombre d'interventions
soient faites sur la motion?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai
encore des interventions qui sont prévues.
M. le député de Taschereau, vous aviez demandé la
parole.
M. Richard Guay
M. Guay: M. le Président, il y a des
éléments de mon intervention qui iraient mieux devant la
sous-commission, mais comme elle n'entendra pas les députés,
j'imagine, puisque forcément le temps peut être limité, je
les ferai très rapidement immédiatement.
Dans son intervention que j'ai trouvée fort intéressante,
le député de Gatineau disait que, d'après son
expérience de député d'arrière-ban, il souhaitait,
à l'époque, que les choses aillent plus vite. D'après mon
expérience, je trouve que les choses vont lentement, mais l'idée
que je me fais de la réforme parlementaire n'est pas de faire en sorte
que les choses aillent plus vite dans le sens que le Parlement
légifère plus vite. Je suis un de ceux qui pensent que le
Parlement légifère, d'ailleurs, déjà trop vite et
qu'entre le moment du dépôt d'une loi et le moment de son adoption
on est probablement un des Parlements qui fonctionnent le plus rapidement au
monde. Je ne suis pas sûr que ce soit toujours la méthode la plus
sage.
M. Lalonde: On vous invitera à notre prochain
"filibuster".
M. Guay: Par contre, il n'est pas plus sage de faire perdre le
temps de l'Assemblée par des "filibusters" et autres discussions
interminables et inutiles. Comment trouver non pas le moyen d'aller plus vite,
mais le moyen de faire plus et mieux, non pas nécessairement de faire
plus de lois, mais d'avoir un meilleur contrôle du Parlement sur
l'administration publique?
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce que le
député de Marguerite-Bourgeoys a dit sur l'étude des
crédits. Je comprends parfaitement ce qu'il vise. Il est vrai que
l'étude des crédits - je l'ai souligné ce matin - est fort
inégale d'une commission à une autre, fort inégale aussi
quant à l'intérêt que les députés y portent.
Ce que je retiens des crédits, pour y avoir participé depuis six
ans, puisqu'on est tous tenus d'y participer, c'est que, finalement, on parle
fort peu de crédits et beaucoup d'énoncés de politique. En
d'autres mots, c'est un échange qui permet de fouiller un certain nombre
de choses: qu'est-ce que le ministre entend faire, pourquoi le ministre a-t-il
fait ceci, pourquoi va-t-il faire cela? Finalement, une fois qu'on a
répondu à ces questions adéquatement ou
inadéquatement, les crédits sont adoptés unanimement ou
sur division. Je ne me souviens pas, de mémoire, qu'on ait vraiment fait
porter les débats sur l'étude des crédits sur le quantum
des crédits, sur le montant qu'on affectait à telle chose; c'est
plutôt sur les énoncés de politique, me semble-t-il.
En ce sens, il y a peut-être moyen d'arriver à la
même solution ou à une meilleure solution. J'imagine que la
sous-commission aura à se pencher là-dessus. Je pense qu'on a
beau dire que l'étude des crédits est un droit, un devoir, c'est
vrai, mais on est parfaitement conscient aussi que, même dans la
meilleure des hypothèses, on passe rapidement sur un ministère.
Cela demeure quand même, règle générale, assez
superficiel; on n'a pas le temps, parce qu'il y en a 26 autres à
étudier, parce qu'il y a un menu législatif, de fouiller en
profondeur ou de passer au peigne fin un ministère. On pourrait
d'ailleurs se demander s'il n'y a pas davantage d'intérêt à
prendre un certain nombre de ministères et à les passer au peigne
fin une fois par quatre ans, par exemple, avec une rotation, pour vraiment
aller au fond des choses, pour trouver -j'essaie de me souvenir de l'expression
que le ministre des Finances a utilisée dans un de ses discours sur le
budget - les lagons où l'eau s'est immobilisée parce que, depuis
la nuit des temps, il y a du monde et des programmes dont on ne sait pas
très bien à quoi ils servent et ce qu'ils font.
Il me semble que telle qu'elle est à l'heure actuelle, en tout
cas, l'étude des crédits ne permet pas ce contrôle sur
l'administration publique. En plus, elle paralyse d'une certaine manière
- je n'utilise pas le mot péjorativement - elle bloque le temps et il
n'est pas certain que ce temps ne pourrait pas être utilisé plus
utilement d'une autre manière.
Je voulais le dire parce que c'est un peu à partir de cela qu'on
en est arrivé à la proposition que l'Opposition trouve à
l'heure actuelle inacceptable sur les crédits, mais qu'il y a
peut-être moyen de travailler. C'est notamment aussi à la lueur de
l'expérience d'un certain nombre de nos députés et
j'imagine que, de votre côté, ce serait probablement
intéressant de faire la même vérification. Ceux qui ont
participé à la commission de la fonction publique et ceux qui
participent à la commission sur la Loi sur la protection de la jeunesse
nous disent: Si vous implantez des commissions d'initiative parlementaire, si
vous faites la réforme que vous voulez faire au niveau des commissions
parlementaires et si vous laissez les 27 commissions par ailleurs, c'est
physiquement impossible, ne nous demandez pas de faire les deux, on ne peut
pas. À l'expérience, c'est absolument impossible de faire les
deux.
On n'y avait pas pensé auparavant, effectivement. La
sous-commission ne s'était pas posé la question. Le
député de Marguerite-Bourgeoys y a fait allusion. À la
sous-commission, on disait simplement qu'on n'avait pas aboli
l'étude des crédits. Effectivement, on ne faisait pas une
réforme en profondeur de cela, on proposait des modifications. Forts de
ce que nos gens nous ont dit, nous nous sommes posé la question: Est-ce
que ce qu'on tient pour acquis, c'est-à-dire qu'il doit y avoir 27
commissions qui étudient les crédits de 27 ministères,
cela doit se faire comme cela ou si ça ne peut pas se faire autrement,
de manière plus utile, plus intéressante, plus efficace? C'est
à partir de là qu'on est arrivé avec la proposition qui a
été dévoilée aujourd'hui. En ce sens, j'imagine que
l'Opposition voudra faire le même travail, dans la mesure où on
n'est pas figé à l'idée que ce soient les 27 commissions,
de la façon que ça se fait à l'heure actuelle qui,
finalement, n'est pas très efficace et demeure superficielle. En ce
sens, j'imagine qu'il y a moyen d'arriver à une solution acceptable pour
tout le monde.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: M. le Président, trois commentaires rapides.
Mes premiers propos voudraient se référer à des choses
qu'a dites le député de Marguerite-Bourgeoys lorsqu'il rappelait
les travaux de la sous-commission de Pointe-au-Pic. On pourrait prendre les
consensus qui sont ressortis des travaux de cette sous-commission comme un
plancher ou une borne inférieure et prendre ce qui est là
aujourd'hui comme une espèce de borne supérieure; entre
ça, les travaux de la sous-commission qui nous est proposée ont
une marge de manoeuvre. Autrement dit, d'après moi, ce qui est
proposé, ça ne rejette pas ce qui avait fait l'objet de consensus
à Pointeau-Pic. Cela fait tout simplement une borne inférieure et
une borne supérieure. À l'intérieur, on pourra
aménager des choses.
Si on retrouvait dans la sous-commission de Pointe-au-Pic des choses
qu'on voudrait revoir dans un projet final, cela devrait faire l'objet des
discussions en sous-commission. Pour moi, cela ne s'exclut pas. Par ailleurs,
je me pose trois questions sur la motion telle qu'elle est formulée. La
première, c'est que cela me semble restrictif. Autrement dit, M. le
Président, j'ai fait deux interventions aujourd'hui pour indiquer qu'il
y avait autre chose qui existait que le document qui nous est soumis
aujourd'hui. Il y avait, par exemple, le rapport Vaugeois. Il y a des
recommandations dans la commission spéciale de la fonction publique qui
ont trait aux sujets qui sont à l'étude aujourd'hui. Il me semble
qu'il y a des choses qui étaient placées dans le rapport de la
sous-commission et il ne faudrait pas limiter cela uniquement au projet de
réforme parlementaire proposé par le leader du gouvernement. Si
on comprend que la sous-commission va pouvoir aussi alimenter ses discussions
des autres documents existants, cela me va. Il me semble qu'il y aurait moyen
de l'inclure pour que cela ne limite pas les discussions des membres de la
sous-commission, d'autant plus qu'un certain nombre de choses auxquelles je
viens de référer traitent des mêmes sujets que les
documents qui ont été déposés devant nous
aujourd'hui. C'est peut-être quelque chose qu'il faudrait qu'on
précise dans la motion.
Deuxième question, cela a été un peu soulevé
par le député de Gatineau. Moi, j'avais aussi posé des
questions sur le 15 février, mais dans un sens différent. Est-ce
que cela veut dire, l'échéance qui est placée dans la
motion, que la loi 90 serait quand même adoptée avant le 15
février? Si on adopte la loi 90, je veux juste émettre un certain
nombre de réserves et de craintes. À la lumière de
l'expérience du passé, il me semble que, quand on a adopté
quelque chose et qu'on l'a fermé, c'est assez difficile d'y revenir.
Si le rapport de la commission spéciale doit être
intégré à la loi 90 qui sera adoptée, là, je
serais d'accord. Mais il me semble qu'il faudrait que ce soit
précisé parce que ce ne sont pas deux choses différentes,
M. le Président. Ce n'est pas la Loi sur l'Assemblée nationale
d'un bord et la réforme parlementaire ailleurs. Il va falloir que ce
soit intégré un jour ou l'autre ou bien à
l'intérieur du règlement ou encore à l'intérieur de
la loi comme telle.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ou les
deux.
M. Bisaillon: Ou les deux. Il me semble que cela devrait
être précisé. Le dernier aspect, par rapport à la
motion, réfère aussi à des propos qui ont
été tenus ce matin. On a souvent parlé d'unanimité,
d'une réforme qui était faite pour renforcer le Parlement et
permettre à chaque parlementaire de jouer son rôle.
Mes propos, en terminant, M. le Président, s'adressent davantage
au leader du gouvernement pour lui rappeler que l'unanimité, ça
commence d'abord par la communication. Il est très difficile d'obtenir
l'unanimité quand on ne communique pas. Ce matin, j'ai, par exemple,
pris connaissance que, depuis 96 heures, les membres de l'Opposition ont en
main le projet qui a été dévoilé ce matin en
commission spéciale. Je vous indique, M. le Président, et
j'indique au leader du gouvernement que, quant à moi, je n'en ai pas
pris connaissance 96 heures avant. Il y a une coutume bien établie
à l'Assemblée nationale qui fait en sorte qu'un
député qui ne participe pas à une formation
politique reconnue reçoit à peu près le même
traitement que ceux de l'Opposition. Cela s'est même
développé dans l'organisation du temps dans les débats. Je
n'apprends rien à personne. Tous ceux qui ont vécu cela depuis
1976, M. le Président, le savent. (16 h 45)
J'indique aussi au leader du gouvernement que, dans son langage et dans
sa façon de fonctionner, il ne semble pas avoir encore pris conscience
qu'il existe autre chose qu'un parti d'Opposition et que je ne me situe pas au
même endroit que le parti d'Opposition. Il me semble qu'il devrait,
à la fois dans son langage, dans sa présentation des choses et
aussi dans sa recherche de l'unanimité, tenir compte du fait qu'il
existe autre chose qu'un parti d'Opposition et qu'éventuellement il
pourrait exister autre chose qu'un député indépendant et
un parti d'Opposition. Il pourrait peut-être y avoir un autre parti
d'Opposition, un deuxième. Il pourrait y en avoir trois. Il pourrait y
avoir plus d'un député indépendant. Il me semble qu'on
doit tenir compte de cela si on parle de réforme parlementaire et si on
y croit vraiment.
Cela m'amène, M. le Président, à vous indiquer que
j'ai été membre de la commission de l'Assemblée nationale
en 1977, en 1978 et en 1979. J'ai participé aux travaux de la
sous-commission de l'Assemblée nationale sur la loi 90 en 1981. J'ai
animé un comité de travail sur la réforme parlementaire en
1976-1977, dont le député de Gatineau était membre,
d'ailleurs. Je trouverais donc étrange d'être exclu de ce
débat sous le seul prétexte que je n'appartiens pas à une
formation politique enregistrée.
Je termine en soulignant que j'ai déjà indiqué au
leader parlementaire, de même qu'au président de
l'Assemblée nationale, qu'à l'ouverture de la Chambre j'entendais
faire mon choix de commissions parlementaires, comme la coutume le veut. Ce
n'est pas un privilège que je demande. C'est une coutume qui
reconnaît qu'un député indépendant doit faire un
choix de commissions parlementaires. La coutume a toujours reconnu, d'ailleurs,
qu'en fonction du choix de commissions que le député
indépendant fait, normalement, on ajoute à ces commissions un
membre de l'Opposition pour maintenir l'équilibre des forces en
présence au niveau des commissions.
J'avais indiqué au leader parlementaire que mon choix de
commissions était déjà fait, qu'il s'agissait de la
commission de l'Assemblée nationale, de la commission du travail et de
la main-d'oeuvre, de la commission de la fonction publique et probablement de
celle des engagements financiers. Je laisse cela à la
considération du leader du gouvernement en lui rappelant, cependant, que
ce n'est pas un blâme que je lui faisais, M. le Président;
c'était seulement une attitude que je voudrais lui voir
développer davantage. J'aimerais qu'il parle, de temps en temps,
à trois plutôt qu'à deux, et lui rappeler que
l'unanimité, il y a des périodes de l'année où on
en a davantage besoin, mais que cela se prépare aussi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Saint-Louis.
M. Harry Blank
M. Blank: Seulement une très courte intervention. J'ai
entendu les discussions de part et d'autre ce matin et cet après-midi et
je trouve que le mot qui a été utilisé le plus souvent est
le mot "efficacité". On veut un système efficace. C'est en
contradiction, à mon avis, avec le mot "Parlement", pour commencer.
Des voix: Ah! Ah!
M. Blank: Le système démocratique n'est pas
efficace du tout. Si vous voulez un système efficace, le système
dictatorial est le plus efficace au monde, mais il n'est pas
démocratique. Un système démocratique -Churchill a dit que
c'était le pire au monde, mais le meilleur qu'on avait - doit être
inefficace, parce que c'est démocratique de gaspiller notre temps
à parler. L'apparence de gaspiller notre temps, c'est cela, le
système démocratique. Si on doit parfois, comme on dit ici,
gaspiller 250 heures pour l'étude des crédits, je dis: Oui, on
doit le faire, parce que le problème que j'ai vu ici autour de la table
aujourd'hui, c'est qu'on parlait comme des politiciens et non pas comme des
parlementaires. Qu'est-ce qu'on gagne durant cette période de
l'étude des crédits? Va-t-on gagner des points de politique? Le
gouvernement va-t-il passer quelque chose sur le corps de l'Opposition ou
est-ce l'Opposition qui va trouver de petites choses ici et là?
Mais on a oublié quelque chose de très important. C'est la
population du Québec qui est protégée par ce
système de l'étude des crédits, parce que le ministre et
les autres fonctionnaires ne savent jamais ce qu'on peut leur demander. Cela
veut dire que, durant toute l'année, ils ont un oeil sur ce qu'ils font
et un autre oeil sur l'étude des crédits, parce qu'ils ne savent
jamais ce qui peut arriver à cette commission. C'est la garantie de
l'efficacité et de l'honnêteté du ministre et de ses
fonctionnaires. Quand je parle d'honnêteté, je ne parle pas de
malhonnêteté dans le sens courant; je parle dans le sens
politique; de malhonnêteté politique. Et c'est le fait qu'ils
savent qu'on va avoir une commission parlementaire qui peut ouvrir n'importe
quelle petite porte qui est une protection, pas nécessairement ce qui
se
passe en commission. Si vous regardez la commission parlementaire qui
fait l'étude des crédits, suivez-la de la première
année d'un Parlement jusqu'à la quatrième, la
dernière. C'est tellement différent, ce qui se passe la
quatrième année, comparé à la première. On
commence à ouvrir des portes ici et là, mais la grande protection
du public, c'est ce qui ne passe pas. Je suis sûr que le ministre et les
fonctionnaires savent qu'ils peuvent être questionnés sur
n'importe quel sujet que le Vérificateur général ne
trouvera jamais, parce que, lui, il cherche des chiffres, des
détournements de fonds, etc. Mais il y a plus que ça dans le
budget d'un ministère et c'est la commission d'étude des
crédits qui est le chien de garde de ces choses et l'épée
de Damoclès pour ces gens-là.
Si on veut la changer, on doit trouver quelque chose dans le même
sens, mais pas la mettre de côté et avoir un discours en Chambre
sur des choses générales ou, comme le député de
Taschereau l'a dit, peut-être tous les quatre ans. C'est trop long. On
doit avoir ce contrôle pour la protection des citoyens du Québec,
pas pour les politiciens ou pour marquer des points. C'est là qu'est
l'importance de la commission d'étude des crédits.
Adoption de la motion
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
Est-ce que la motion du whip du gouvernement sera adoptée?
M. Lalonde: M. le Président, juste un point. Je veux
réagir à ce que le député de Sainte-Marie a dit -
une partie, au moins -quant au libellé de la motion. J'ai pensé
aussi que c'était peut-être un peu restrictif, mais ça ne
m'a pas traversé l'esprit que ça voudrait dire qu'à la
sous-commission on ne pourrait parler que des propositions contenues dans le
projet de loi. S'il y a d'autres propositions, d'autres suggestions qui ne sont
pas contenues dans le projet de loi, il n'y a aucun doute qu'on pourra en
parler.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Adopté?
M. Lalonde: Adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Adopté. À ce stade-ci, j'aimerais peut-être faire une
petite intervention, si vous me le permettez.
M. Lalonde: Maintenant qu'il est devenu le "boss"!
M. Bertrand: Mais oui, M. le Président, puisque,
maintenant... Appliquez-vous la réforme parlementaire!
Remarques du président M. Claude
Vaillancourt
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À
la suite des propos qui ont été tenus depuis dix heures ce matin,
j'aimerais d'abord dire que je suis très heureux de l'adoption de cette
motion qui confie à une sous-commission - dont on nommera les membres
probablement demain ou après-demain - le mandat d'étudier le ou
les différents projets de réforme parlementaire qui pourront
être soumis.
Je dois vous dire que le président de l'Assemblée
nationale du Québec a l'intention de jouer pleinement son rôle,
qui est non seulement de présider les débats - ce qui est
généralement très simple, lorsqu'on préside les
débats d'une commission qui a pour objet de modifier la Loi sur
l'Assemblée nationale, qui intéresse tous les parlementaires -
mais aussi d'être l'animateur et le proposeur de certaines
réformes.
Je n'ai pas vu - je suis sûr que ce n'est pas le cas - dans les
propos de certains députés qui ont été tenus
aujourd'hui un blâme envers la présidence de l'Assemblée
nationale parce qu'elle n'a pas pris l'initiative de proposer d'elle-même
une réforme parlementaire. Vous comprendrez que toute réforme
parlementaire doit venir au préalable des députés. La
présidence de l'Assemblée nationale n'a jamais senti, de la part
des deux partis politiques, cette sensibilisation, elle n'a jamais eu de
demande très précise de mettre de l'avant une réforme
parlementaire. Je peux vous dire que, aujourd'hui, je sens, des deux
côtés de l'Assemblée nationale, une volonté
très ferme d'en arriver à une réforme parlementaire dont
les modalités et les détails seront arrêtés plus
tard.
Prenant conscience de cette volonté réciproque des deux
partis politiques à l'Assemblée nationale du Québec, il
m'appartient maintenant, en collaboration avec l'ensemble des
députés de l'Assemblée nationale, de faire en sorte que la
sous-commission et, par la suite, la commission de l'Assemblée nationale
respectent le ou les mandats qui leur ont été confiés.
Je voudrais donc que ce soit très clair. Je comprends que les
députés ne l'ont pas fait dans ce sens, mais je tiens à
dire que, malgré la sous-commission de 1980, malgré la
sous-commission de 1981, si la présidence ou l'Assemblée
nationale n'a pas pris, justement, l'initiative de penser elle-même
à une réforme globale du parlementarisme québécois,
c'est justement que la présidence n'a jamais senti, comme elle le sent
aujourd'hui après les discours et les interventions des deux
côtés de la Chambre, une volonté aussi évidente et
aussi réelle de faire quelque chose dans ce domaine. Dans
ce sens, vous pouvez être assurés de la collaboration
entière de l'Assemblée nationale, de ses cadres et,
évidemment, du président de l'Assemblée nationale.
Je dois le dire, même si l'Assemblée nationale avait senti
cette volonté il y a quelques mois, tout le monde comprendra que,
à titre d'institution, elle n'a pas les moyens techniques qui lui
auraient permis d'aller aussi loin que de présenter une réforme
globale et détaillée du système parlementaire
québécois ou d'une réforme parlementaire en
général. Je dois même avancer l'hypothèse que, pour
jouer pleinement son râle au cours de la sous-commission de
l'Assemblée nationale, l'Assemblée nationale devra, possiblement,
procéder à l'engagement de certaines personnes expertes en la
matière.
Vous savez tous que Dominique Lapointe est actuellement
hospitalisé et que sa maladie est très grave, de sorte que
l'Assemblée nationale, n'ayant pas les moyens, justement, d'aller aussi
loin dans une réforme, devra, pour jouer pleinement son rôle au
cours de la sous-commission de l'Assemblée nationale et de la
commission, procéder, par voie de prêts d'autres
ministères, à l'engagement de quelques contractuels ou autrement
pour jouer pleinement le rôle qu'à bon droit les membres de la
commission de l'Assemblée nationale souhaitent voir jouer par
l'Assemblée nationale du Québec.
Là-dessus, je pense qu'il serait maintenant de mise, compte tenu
de l'horaire de nos travaux, d'entreprendre une autre partie de notre
programme, c'est-à-dire le projet de loi no 90 lui-même. Il y a la
réforme parlementaire. Je comprends que salaires et pensions viendront
jeudi, M. le leader du gouvernement? Il y aurait maintenant le projet de loi no
90 qui a été déposé par le leader au mois de juin
dernier. M. le leader du gouvernement.
Ordre des travaux
M. Bisaillon: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: ... j'avais compris que les questions du
député de Gatineau, tantôt, de même que l'emballement
avec lequel le leader du gouvernement était entré par cette porte
ouverte nous amèneraient à choisir les membres de la
sous-commission. Par ailleurs, j'ai indiqué tantôt au leader du
gouvernement qu'il y avait des documents que je n'avais pas reçus. Je
sais que jeudi il doit s'ajouter quelque chose. Est-ce que je peux penser
recevoir cela avant jeudi? Deuxièmement, est-ce que dans la tête
du leader du gouvernement une sous-commission doit absolument exclure les
députés qui n'appartiennent pas à des formations
politiques reconnues?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, pour répondre
à la question du député de Sainte-Marie, je suis, comme
parlementaire tout court, extrêmement sensible à ses
représentations relativement aux droits des députés
indépendants. Je crois que les membres de la commission de
l'Assemblée nationale n'auront certainement pas d'objection, lorsque
viendra le temps de former la sous-commission de l'Assemblée nationale,
à permettre au député de Sainte-Marie, qui siège
à titre de député indépendant, d'en faire
partie.
Ce que je souhaite - le député de Sainte-Marie le
comprendra probablement -c'est que nous puissions avoir un nombre de
parlementaires à cette commission qui ne dépasse pas un maximum
de six ou sept, parce qu'il me paraît qu'au-delà de six ou sept,
à toutes fins utiles, on redevient la commission de l'Assemblée
nationale - et qu'il ne serait pas facile de travailler.
M. Bisaillon: M. le Président, est-ce que je peux risquer
une suggestion?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Tantôt, le leader du gouvernement a
proposé six membres. Est-ce qu'on ne pourrait pas maintenir cette
proposition excluant le président de l'Assemblée nationale, ce
qui ferait sept?
M. Bertrand: Oui, mais, de toute façon, M. le
Président, de notre côté, on va s'en parler aujourd'hui et
une partie de la journée demain. Je sais que le leader de l'Opposition
veut faire de même de son côté. Alors, on pourra
probablement regarder comment il y aurait moyen de constituer une
sous-commission de l'Assemblée nationale qui respecte les droits de tout
le monde et qui permette, quand même, d'en arriver à un nombre pas
trop élevé pour que le travail soit le plus efficace possible.
(17 heures)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Naturellement, le chiffre 6 ou 7 a été
lancé. Là-dessus, je n'ai pas d'idée
préconçue. Je voudrais simplement, à titre de
précédent, peut-être, rappeler que la sous- commission qui
a étudié l'avant-projet de loi comprenait onze
députés. Je vais les nommer. Il y avait le président et
les deux vice-présidents, le leader du gouvernement à
ce moment-là, celui de l'Opposition officielle, le whip en chef
du gouvernement, le whip de l'Opposition et les députés de
Trois-Rivières, de Sainte-Marie, de Saint-Louis et votre bien
dévoué. Alors, c'est à peu près l'ordre de
grandeur, on était onze. Cela a été bien aussi, on a bien
travaillé. Les discussions allaient rondement. Il y a un tas de membres
de l'Assemblée qui sont intéressés à ce
travail-là; cela a été engagé depuis quelques
années et cela prend une nouvelle allure. Je ne veux pas enlever la
chance à quiconque pourrait apporter une contribution valable à
ces travaux d'y participer. On va y songer, mais j'aimerais qu'on attende
à demain avant d'en déterminer le nombre, afin qu'on puisse
consulter chacun des membres de la commission de notre côté et
déterminer demain matin peut-être le nombre et les membres.
M. Bertrand: M. le Président, est-ce que c'est la
tradition de faire en sorte que les débats de la sous-commission soient
enregistrés, c'est-à-dire que nous travaillions dans un cadre
formel, ou bien si les sous-commissions...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non. La
coutume est généralement le contraire.
M. Lalonde: C'est exactement pour cela que ça existe,
parce que ce n'est pas formel.
Le Président (M. Vaillancourt,
Jonquière): Je n'ai pas l'expérience de nombreuses
sous-commissions, mais dans les quelques sous-commissions auxquelles j'ai
assisté les débats n'étaient généralement
pas enregistrés...
M. Lalonde: Si le débat est enregistré, on va
rester en commission.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ...
quoique ça puisse l'être; généralement, ils ne sont
pas enregistrés. D'autre part, cela se déroule
généralement dans un cadre qui est tout à fait
différent du cadre d'aujourd'hui.
M. Lalonde: À huis clos, pas de journaliste.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
à huis clos généralement.
Une voix: C'est surtout cela qui est important.
M. Bisaillon: Par ailleurs, M. le Président, le fait que
les débats ne soient pas enregistrés en sous-commission, cela ne
devrait pas enlever la possibilité d'un suivi plus systématique
des discussions.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mais
remarquez que les débats peuvent être enregistrés. Dans le
passé, ils ne l'étaient pas. Mais il n'y a absolument rien qui
empêche la sous-commission de décider que ses débats seront
enregistrés.
M. Bisaillon: Je veux juste souligner, pour y avoir
participé au moins à deux reprises, qu'il arrive souvent qu'on
fasse des discussions et qu'il se dégage un consensus, mais parce qu'il
n'y a pas d'outil de travail pour le prendre ou le consigner, deux ou trois
mois après on se demande si vraiment la discussion a eu lieu et s'il en
est sorti quelque chose.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À
ce moment-là, si les débats ne sont pas enregistrés, il y
a une chose qui est sûre, c'est que l'Assemblée nationale peut
fournir, avec le secrétariat des commissions parlementaires ou
autrement, des personnes qui pourraient tenir lieu de ...
M. Bertrand: On pourrait parler de cela demain.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On
pourrait parler de cela demain, oui.
Une voix: Y penser chacun de notre bord.
M. Lalonde: Est-ce que je peux demander au leader du
gouvernement, si on a terminé là-dessus, l'ordre des travaux, le
calendrier de travail d'ici à jeudi matin. Si je comprends bien, il nous
reste les dispositions de la loi 90 qu'on n'étudie pas article par
article, mais sur lesquelles on a des remarques générales
à formuler. Est-ce qu'on a suffisamment de matière pour remplir
deux heures ce soir, une heure jusqu'à six heures cet après-midi
et, ensuite, six heures demain?
M. Bertrand: Dans un premier temps, effectivement, je voudrais
indiquer au député de Marguerite-Bourgeoys, comme à
l'ensemble de mes collègues, que ce n'est pas notre intention -
d'ailleurs cela ne réapparaîtrait pas correct - d'aborder
l'étude du projet de loi 90 article par article, puisque nous en sommes
à la première lecture seulement. Il faudra qu'on ait notre
débat en deuxième lecture à l'Assemblée nationale,
et qu'on revienne ensuite faire l'étude article par article. Par
ailleurs, si les députés voulaient poser un certain nombre de
questions relativement à certains principes ou articles qui sont
contenus dans le projet de loi no 90 pour
permettre au leader du gouvernement de gratter un certain nombre de
points qui feraient problème, cela me donnerait la chance, comme leader
du gouvernement, de me préparer en conséquence pour le retour
à l'Assemblée nationale.
M. Lalonde: Oui, c'est cela.
M. Bertrand: Ce serait uniquement dans cette perspective. Donc,
dans cet esprit, la proposition que je ferais est la suivante. Je pense qu'on
pourrait terminer à 18 heures, ne pas tenir de séance ce soir et,
demain matin, pendant trois heures, de 10 heures à 13 heures, travailler
sur le projet de loi no 90...
M. Lalonde: On verra.
M. Bertrand: ... et libérer l'après-midi. Je vais
vous dire pourquoi. Le Conseil des ministres siège à 14 heures
et, comme je devrai probablement me rendre au Conseil des ministres pour un ou
deux dossiers particuliers...
M. Lalonde: Lequel? Des voix: Ah!
M. Bertrand: La loi sur l'accès à l'information
vous donnera la possibilité, lorsqu'elle sera appliquée, de
connaître l'ordre du jour du Conseil des ministres.
M. Lalonde: Elle n'est pas si mauvaise que cela.
Une voix: Pas complètement mauvaise.
M. Bertrand: Remarquez que cela n'empêche pas les
députés de continuer à travailler en commission
parlementaire demain après-midi, mais ce que je veux indiquer...
M. Lalonde: On verra à 13 heures.
M. Bertrand: ... c'est que de 10 heures à 13 heures, je
pense qu'on pourra probablement faire le tour des questions qui nous
préoccupent concernant le projet de loi no 90. La commission ne
siégerait pas mercredi après-midi et on reviendrait jeudi matin
pour le dossier du nouveau régime de retraite. Est-ce que cela
irait?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que vous avez des remarques préliminaires?
M. Bertrand: Oui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
leader du gouvernement.
Projet de loi no 90 Remarques
préliminaires
M. Bertrand: Très brèves. Le projet de loi no 90 a
été en préparation depuis très longtemps.
Effectivement, on peut remonter à l'avant-projet de loi qui avait
été soumis par l'ex-président de l'Assemblée
nationale, M. Clément Richard, lequel avait ensuite fait l'objet de
discussions au niveau de sous-commissions de la commission de
l'Assemblée nationale en août 1980 et en août 1981. Nous
avons effectivement pris connaissance des différentes remarques qui
avaient été faites par les parlementaires à ces
sous-commissions et qui sont colligées dans un rapport dont a fait
état le leader de l'Opposition, ce matin.
Alors, le projet de loi no 90, pour les éléments qui y
sont contenus, reprend essentiellement ces différentes dispositions, en
ajoute quelques-unes qui ont été apportées en cours de
route, surtout depuis que j'assume les fonctions de leader parlementaire du
gouvernement. S'il y avait des questions que les parlementaires voulaient me
poser ou des opinions que les parlementaires voulaient exprimer relativement au
projet de loi no 90, je crois qu'on pourrait le faire maintenant, M. le
Président, sans qu'il y ait de discussion vraiment formelle du projet de
loi article par article.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
Le serment
M. Lalonde: M. le Président, nous avons
étudié le projet de loi no 90 qui contient un certain nombre de
dispositions fort intéressantes. Nous avons des questions à poser
sur quelques dispositions. Ce n'est pas exhaustif. Ce sont les problèmes
que nous voyons actuellement. Il pourrait y en avoir d'autres
éventuellement.
Il y a la question du serment qui, sûrement, soulève le
problème de la constitutionnalité. On a vu dans les journaux
récemment qu'un de nos députés s'était
penché sur la question et avait soulevé les questions que je
voudrais communiquer. Je ne veux pas entrer dans la discussion
constitutionnelle. Cela peut se faire entre juristes. Cela devrait se faire, en
fait, entre juristes. Mais j'aimerais simplement faire part de la
préoccupation suivante. J'en ai une qui me vient à l'esprit et
elle est très claire dans ma mémoire, elle concerne le chapitre
de la loi no 101 qui traite de la langue des tribunaux. Nous avions, lors de
l'étude article par article, dans cette salle, soulevé le
problème de la constitutionnalité
de ces articles et le ministre parrain nous avait dit qu'il y avait des
avis juridiques disant que tout était correct. Quelques années
plus tard, un jugement de la Cour suprême a déclaré ces
articles non constitutionnels. Cela a créé les problèmes
qu'on a connus. Il a fallu faire adopter d'autres lois, une loi omnibus durant
la nuit. Qu'est-ce qu'on a gagné, au fond, comme législateurs?
Qu'est-ce que l'Assemblée nationale et le Québec ont gagné
à cela?
Dans l'esprit qui doit animer, justement, les parlementaires lors de
l'étude d'un projet de loi qui réforme le Parlement, là
où on doit rechercher le consensus le plus large, l'unanimité
même, dirait le député de Sainte-Marie, serait-il possible
que le gouvernement, avant d'aller plus loin, s'il insiste pour maintenir sa
proposition de changement...
Je le dis en passant, quoique c'est très important: En ce qui me
concerne, je n'ai aucune objection de principe au texte proposé. Les
sentiments monarchistes des uns et des autres varient. Celui qui vous parle,
lorsqu'il a, à quelques reprises, prêté le serment qui
existe actuellement et qui s'adressait à Sa Majesté, y voyait un
symbole qu'on a hérité de l'histoire, mais avait le sentiment le
plus clair possible qu'il prêtait son serment au peuple du Québec.
Donc, il n'y a aucune objection sur le fond en ce qui me concerne, mais il y
aurait un problème de constitutionnalité. Si le ministre me
disait qu'une consultation juridique a été tenue, que des avis
juridiques ont été obtenus, je lui demanderais si ce sont les
mêmes avocats qui avaient conseillé le
ministre-député de Bourget. À ce moment-là, je lui
suggérerais de changer.
De toute façon, je pense qu'on doit mettre au départ,
comme première priorité, l'efficacité de ce que nous
faisons. Nous ne légiférons pas simplement pour exprimer des
voeux ou des souhaits qu'on pourrait faire pour remplacer ce qui existe
actuellement. Il m'apparaît désirable que la commission, le
gouvernement ou l'Assemblée nationale consulte même, s'il insiste
pour maintenir sa proposition, formellement le plus haut tribunal du
territoire, c'est-à-dire la Cour d'appel du Québec, comme les
lois le prévoient.
C'est une première préoccupation. Je ne sais pas si le
ministre préfère que je donne la liste de nos autres questions
avant de réagir ou s'il veut réagir maintenant.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Bertrand: Là-dessus, si le député de
Marguerite-Bourgeoys me le permet, je peux peut-être réagir. J'ai
effectivement pris connaissance, avec beaucoup d'intérêt, d'une
entrevue accordée par le député de D'Arcy
McGee, M. Marx, relativement au nouveau serment dont il est fait
état à l'article 15 du projet de loi no 90 qui se lit comme suit:
"Un député peut siéger à l'Assemblée
dès qu'il en est devenu membre conformément à la Loi
électorale et qu'il a prêté le serment ou fait la
déclaration solennelle prévus à l'annexe I." L'annexe se
lit comme suit: "Je, Jean-François Bertrand, jure que je serai loyal
envers le peuple du Québec et que j'exercerai mes fonctions de
député avec honnêteté et justice dans le respect de
la constitution du Québec." (17 h 15)
J'ai bien entendu le député de Marguerite-Bourgeoys et
j'ai aussi pris connaissance de certaines des remarques du député
de D'Arcy McGee. Je cite au texte ici le rapport qui en est fait dans la Presse
du lundi 18 octobre 1982, dans un article sous la signature de M. Jacques
Bouchard. Il est dit ceci: "Si Herbert Marx se déclare favorable
à l'abolition des symboles monarchiques tant au niveau
fédéral qu'au niveau provincial, il suggère cependant au
gouvernement de procéder de manière légale et
constitutionnelle afin d'éviter les problèmes et les tracasseries
juridiques." Donc, on comprend très bien dans quel état d'esprit
le député de D'Arcy McGee émettait des doutes relativement
à ce serment. Je vois que le leader de l'Opposition reprend dans le
même esprit les interrogations du député de d'Arcy
McGee.
Ce que nous visons, tous ensemble, c'est d'en arriver à une forme
de serment ou de déclaration solennelle qui, effectivement, pourrait
correspondre - on pourrait toujours l'amender - à l'esprit de celui qui
est proposé ici, à savoir un serment de loyauté envers le
peuple du Québec et une déclaration disant que le
député agira en toute honnêteté et en toute justice
dans le respect de la constitution du Québec. Je pense que ce serment,
cette déclaration est tout à fait convenable. En tout cas, cela
me paraît correspondre beaucoup mieux à ce qu'est la
réalité vécue, c'est-à-dire que nous sommes les
représentants du peuple souverain; c'est à lui qu'on est
redevables de nos actions, de nos gestes, de nos attitudes à
l'Assemblée nationale du Québec.
Mais il y a des gens dans notre société qui ont des
compétences en matières légale, juridique et
constitutionnelle et qui, à l'occasion, sur une question ou sur une
autre, nous amènent à réfléchir sur la
portée d'amendements que nous voudrions voir apporter à nos lois.
J'ai pris connaissance d'un document fort intéressant, le journal des
Débats de la commission permanente de l'Assemblée nationale qui a
siégé le 9 septembre 1970, dont le président était
l'honorable Jean-Noël Lavoie, et qui avait pour sujet la prestation du
serment. On retrouve là, à la page B-1280, des noms
assez familiers: Laurin, Bertrand, Samson, Paul. Deux personnes avaient
été invitées à comparaître devant la
commission de l'Assemblée nationale à titre d'experts, il
s'agissait de M. Morin...
M. Lalonde: Jacques-Yvan?
M. Bertrand: ... Jacques-Yvan Morin et de Me Bernard. Ils avaient
été invités par les membres de la commission pour faire
connaître leur point de vue sur ce dossier. Je lis quelques extraits: "M.
Morin: II convient donc de se demander qui, du Parlement fédéral
ou de l'Assemblée nationale du Québec, peut modifier l'article
128." C'est un article auquel on se réfère d'ailleurs pour
émettre des doutes. Il faut considérer également l'article
92, paragraphe 1, qui énumère les compétences des
provinces. Or, ce premier paragraphe de l'article 92 dit clairement que la
Législature du Québec, comme on l'appelait à
l'époque, c'est-à-dire l'Assemblée nationale, peut
modifier la constitution provinciale, la constitution du Québec, sauf en
ce qui touche la fonction du lieutenant-gouverneur. C'est la seule limitation,
cette fonction de lieutenant-gouverneur."
Un peu plus loin, M. Morin dit: "Le serment d'allégeance ne fait
pas partie de la fonction du lieutenant-gouverneur, donc, ne se trouve pas
inclus dans l'exception de l'article 92, paragraphe 1, qui dit: "Sauf la
fonction du lieutenant-gouverneur". Ergo, conclusion générale sur
laquelle, peut-être, nous pourrons nous entendre, l'Assemblée
nationale du Québec possède le pouvoir, la compétence
voulue, agissant seule, par elle-même, sans le concours d'Ottawa et sans
le concours de Londres, pour modifier la constitution du Québec en ce
qui concerne le serment prêté par les députés.
Est-il besoin d'ajouter qu'à la conférence constitutionnelle de
1950 tous les experts, toutes les provinces et le gouvernement
fédéral ont été d'accord pour dire que cet article
128 peut être modifié, en ce qui concerne les provinces, par les
provinces agissant seules et, en ce qui concerne le serment des
députés fédéraux, par le Parlement
fédéral agissant seul? C'est une conclusion unanime des provinces
et du gouvernement fédéral."
Plus loin, M. Bernard dit ceci: "II est clair, cependant, que le fait
qu'un député ou un lord aient voté sur un projet de loi
sans avoir au préalable prêté serment n'invalide en rien
cette loi si elle a reçu par la suite la sanction royale." Un peu plus
loin, il dit: "Par exemple, je donne une citation de Paul Gérin-Lajoie,
qui a fait l'étude la plus complète du pouvoir d'amendement et
qui affirme bien catégoriquement que la Législature a tous les
pouvoirs constituants sur la constitution interne du Québec." Un peu
plus loin: "Finalement, il est intéressant de noter que la Colombie
britannique a modifié les exigences de l'article 128 en permettant
à certaines personnes de faire une déclaration solennelle
à la place du serment. Personne n'a jamais contesté la
validité de cette disposition."
Un peu plus loin, Me Bernard dit: "Enfin, je vous donne l'opinion de
1950 en vous citant les principaux experts constitutionnels qui faisaient
partie des travaux de la conférence constitutionnelle à ce
moment, M. Varcoe, M. Ollivier, M. Driedger, M. Magove, M. Arthur Beauchesne,
le professeur Frank Scott, le doyen Cronkite. À l'unanimité, sans
hésitation, ils ont convenu que l'article 128 relevait en partie du
Parlement fédéral pour les députés
fédéraux et en partie des Législatures provinciales pour
les députés provinciaux." Plus loin, M. Morin revient: "II est
évident que si jamais il y avait une contestation sur la validité
d'une loi, et je ne vois pas d'autres questions qui pourraient surgir à
ce propos, cela serait porté devant les tribunaux compétents.
Dans ce cas, je n'ai aucune hésitation à dire que les tribunaux,
étant donné la jurisprudence - et là elle va dans notre
sens, elle ne va pas contre nous -n'iraient pas, comme le veut l'expression,
"look behind the legislation". Ils ne vont pas considérer le processus
par lequel la loi a été adoptée. Cela est une règle
de droit qui est admise dans l'ensemble des pays qui ont hérité
du droit britannique. Donc, je n'ai pas la moindre hésitation à
dire que le tribunal se déclarerait incompétent, disant: J'ai
devant moi une loi sanctionnée par Sa Majesté - puisque nous
sommes encore sous ce régime - et je n'ai pas à m'interroger sur
la façon dont elle a été adoptée, sur la
compétence de tel député ou sur son état d'esprit
au moment où il a voté."
Me Bernard: "Pour une prochaine Législature, si des
députés siégeaient sans avoir prêté serment,
je pense que la première conséquence serait de donner un moyen
à des avocats qui veulent contester les lois. Ce serait possible, je
pense, de soulever cette question devant un tribunal. Je suis certain que le
tribunal répondrait: La procédure parlementaire, jamais une cour
dans notre système ne s'en occupe. S'il y a une sanction royale, s'il y
a eu adoption par l'Assemblée nationale, on ne se préoccupe pas
de la procédure parlementaire."
M. Bernard toujours: "Je cite Halsbury, par exemple, qui dit que
les tribunaux ne vont jamais examiner la procédure parlementaire.
Halsbury donne une longue série de causes où des avocats, comme
je viens de le mentionner, soulèvent la question, mais ça ne va
pas plus loin parce que les tribunaux disent: Nous ne nous introduisons pas
dans la procédure parlementaire."
M. Morin, plus loin: "La question en est une de moyens. Tout le monde
s'accorde
pour dire que ce serment est vieillot, que c'est désuet." Je
pense que ce sont des choses qu'on dit encore en 1982, que cela n'a plus sa
place dans le système parlementaire actuel. Le moyen que nous vous
proposons, et il y en a plusieurs, est très simple: Une simple loi de la
Législature et Me Bernard a dit également qu'une simple
modification au règlement de la Chambre suffit pour abolir. Plus loin,
Me Bernard parle: "Je pense que le premier obstacle ou la première
conséquence qui arrivera est que cette doctrine universellement
reconnue, où il n'y a réellement pas d'exception, cette doctrine
que les tribunaux ne s'ingèrent pas ou n'examinent pas ou ne revisent
pas la procédure parlementaire pour savoir s'il y avait eu
véritablement trois lectures, s'il y avait quorum, etc., c'est une
doctrine qui entrera en jeu."
Les deux experts qui témoignaient étaient amenés
à émettre toute une série de commentaires sur cette
question du serment et, ensuite, de la capacité plus ou moins grande des
tribunaux de se prononcer sur une loi qui aurait été
adoptée par l'Assemblée ou une Législature et sur des
modifications qui auraient été adoptées à la
procédure parlementaire. On dit - et c'est le dernier extrait que je
voudrais donner - "La conclusion que l'on peut tirer - c'est M. Morin qui parle
- de tout cela est qu'il y a plusieurs façons de résoudre le
problème. Premièrement, c'est de ne pas insister pour que les
députés prêtent le serment. C'est une solution qui
était possible, mais qui a été écartée.
C'était la plus simple et celle que les députés
péquistes proposaient. Comme elle a été
écartée, il y a un second moyen qui est d'amender le
règlement, moyen également beaucoup moins compliqué que le
troisième qui fait appel à une loi spéciale. Enfin, il y
aurait le recours aux tribunaux qu'a suggéré Me Paul.
Personnellement, je trouve que cela risquerait de faire traîner en
longueur un problème pour lequel il ne semble pas y avoir de doute
raisonnable. Il ne semble pas y avoir un tel doute qu'on ait à faire
appel aux tribunaux de la sorte. C'est une question qui, il me semble,
relève de la prudence du gouvernement."
Donc, parlons-en, de la prudence du gouvernement. Effectivement, dans le
projet de loi 90, a l'article 15 avec l'annexe 1 propose un nouveau serment ou
une nouvelle déclaration solennelle qui ne ferait pas allusion à
la reine. Je dois dire très franchement aux députés de
l'Opposition que des avis à la fois verbaux et écrits sur cette
question m'amènent, comme parrain du projet de loi, à être
prudent dans l'introduction de ce nouvel article 15, non pas que les quelques
extraits que je viens de lire, qui sont de Me Jacques-Yvan Morin et de Me
Bernard, n'aient pas toute leur valeur, mais je crois qu'il conviendrait
probablement qu'avant de revenir à l'Assemblée nationale avec le
projet de loi 90 pour discussion en deuxième lecture, je puisse
véritablement, à la lumière des propos qui ont
été émis par le député de D'Arcy McGee et
à la lumière de la question qui m'est posée par le
député de Marguerite-Bourgeoys, à la lumière aussi
des commentaires qui avaient été faits dès 1970 par deux
experts en la matière, demander à des juristes de gratter
davantage cette question pour être en mesure d'apporter une
réponse claire et définitive relativement au caractère
plus ou moins légal, plus ou moins constitutionnel de ce nouveau serment
d'allégeance. Dans ce contexte, je pense répondre à la
question du député de Marguerite-Bourgeoys en lui indiquant que
je comprends très bien que des constitutionnalistes et des juristes
puissent nous inciter à une certaine prudence. C'est notre rôle,
je crois, comme gouvernement, d'évaluer la portée de l'article
15.
Il y a quelque chose que je dois indiquer, pour terminer. C'est aussi
assez intéressant. Si on appliquait à la lettre l'article 128, je
crois, le député devrait prêter le serment
d'allégeance devant le lieutenant-gouverneur, en présence du
lieutenant-gouverneur. Or, on sait très bien que, depuis de nombreuses
années, nous prêtons serment devant le secrétaire
général de l'Assemblée et cela... Pardon?
M. Gratton: Souhaitons qu'on n'agisse pas
illégalement.
M. Bertrand: C'est pour vous dire qu'il y a des traditions qui
ont été modifiées et à mon avis, la question
demeure totale puisque, effectivement, si on avait suivi à la lettre les
dispositions de la constitution à cet effet, c'est toujours devant le
lieutenant-gouverneur que les députés auraient dû
prêter serment. C'est un autre aspect qu'il faut considérer et
là-dessus, je m'engage à faire en sorte que d'ici à ce que
nous revenions à l'Assemblée nationale et que nous discutions en
deuxième lecture le projet de loi no 90, j'aie davantage de
renseignements de la part des juristes qui s'y connaissent en la
matière.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur le
même sujet?
M. Lalonde: Oui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. (17 h 30)
M. Lalonde: Sur le même sujet. La suggestion que je
faisais, c'est justement pour éviter ce que le ministre est en train de
faire, à savoir de nous lancer nous-mêmes
dans l'argumentation juridique. Non pas que je n'accorde aucune
importance à l'opinion de celui qui est devenu ministre du Parti
québécois et de l'autre qui est devenu secrétaire
général - je pense que Me Bernard, c'est le même à
qui vous vous référez - du Conseil exécutif. Non pas que
je croie que leur opinion puisse n'avoir aucune valeur parce qu'ils sont
membres du Parti québécois; mais vous savez que nous pourrons
trouver cinq éminents juristes d'un côté et cinq
éminents juristes de l'autre pour nous dire le contraire. Afin
d'éviter ce qui est arrivé, je faisais la suggestion de demander
à la Cour d'appel, comme la loi le prévoit, son opinion. Seul le
Procureur général du Québec pourrait le faire. Est-ce que
le ministre exclut cette possibilité? Ce serait la "Prudence" avec un
grand "P".
M. Bertrand: Pour l'instant, je préfère indiquer au
député de Marguerite-Bourgeoys qu'il m'apparaît plus
convenable que nous continuions de faire notre travail en utilisant les
services de ces juristes - que ce soit au ministère de la Justice ou
ailleurs - qui sont en mesure de nous éclairer.
M. Lalonde: Dites-moi combien vous allez en consulter. J'en aurai
un nombre semblable...
M. Bertrand: C'est souvent une phrase qu'on répète:
Vous pouvez prendre une centaine de juristes, il y en a 50 qui vont vous dire
une chose et 50 qui vont vous dire une autre chose. Mais je crois que c'est
important de discuter d'abord de cette chose entre nous. Il ne
m'apparaîtrait pas approprié, à ce moment-ci, de prendre
une décision relativement à une demande qui serait faite
auprès d'un tribunal, de quelque nature qu'il soit.
M. Bisaillon: C'est sur le même sujet.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les deux
sont sur le même sujet. M. le député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Très brièvement. Comme le leader du
gouvernement vient de s'engager à gratter, dans son grattage, est-ce
qu'il ne pourrait pas aussi poser la question différemment? La question
s'est toujours posée: Est-ce qu'on peut, au plan constitutionnel,
enlever ce qu'il y a déjà pour remplacer ça par autre
chose? Est-ce qu'on ne pourrait pas en même temps poser cette question:
S'il y avait le choix? Autrement dit, si, dans la loi, le serment tel qu'on le
connaît était encore là, mais qu'il y avait une
possibilité de choix par les députés, est-ce que ça
modifierait les renseignements qui pourraient nous être fournis? Parce
que c'est une autre question pour laquelle on attend depuis longtemps,
ça aussi.
M. Bertrand: Retenu!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, simplement pour insister un
peu auprès du leader du gouvernement, non pour qu'il s'engage
aujourd'hui à référer la chose à la Cour
provinciale, mais pour lui souligner l'importance que pourrait revêtir
une décision de conserver l'article 15, tel qu'il le propose, dans le
projet de loi no 90. S'il devait y avoir contestation devant les tribunaux sur
la constitutionnalité, comme le soulignait le député de
Marguerite-Bourgeoys, on a déjà l'avis d'un expert en la
matière, soit le député de D'Arcy McGee, qui ne conclut
pas à l'inconstitutionnalité de la chose, mais qui émet
des doutes sérieux à cet égard. Il donne deux exemples de
ce que pourraient être les conséquences de l'adoption de l'article
15, si quelqu'un devait s'aviser de contester devant les tribunaux la
légalité des lois adoptées par l'ensemble des
parlementaires. En supposant que les tribunaux devraient éventuellement
trancher et décider qu'effectivement le nouveau serment n'est pas
constitutionnel, un peu comme dans le cas de la loi 101, dans le chapitre qui
touche les tribunaux, à l'Assemblée nationale, donc que cette
section est inconstitutionnelle, on pourrait faire invalider toutes les lois
votées par l'ensemble des parlementaires.
Ce n'est peut-être pas un problème immédiat, puisque
ça prend un certain temps, mais le député de D'Arcy McGee
faisait allusion aussi à ces nouveaux membres de l'Assemblée
nationale qui viendront nous rejoindre, probablement au printemps prochain,
comme résultat des élections partielles qu'il y aura dans au
moins deux ou trois circonscriptions électorales.
Une voix: Peut-être quatre.
M. Gratton: Peut-être quatre, cinq, six, selon le
résultat de l'élection du 7 novembre à
Trois-Rivières, sait-on jamais. A ce moment-là, ces nouveaux
députés pourraient être placés, en supposant que la
loi 90 est déjà adoptée et cela sera sûrement le
cas, dans une situation où leur immunité parlementaire ne serait
pas assurée. On pourrait leur faire des procédures en cour s'il
devait s'avérer que la chose est anticonstitutionnelle, ce qui priverait
ces députés de leur immunité. Ce sont des choses quand
même assez graves. Il me semble qu'il y aurait lieu d'être
très prudent. Je réitère ce que disait le
député de Marguerite-Bourgeoys. On me considère un
peu partout comme une espèce de fédéraliste
inconditionnel, ce que je me garde bien d'être, mais je ne suis
sûrement pas un royaliste, loin de là. Il me semble que cela est
tout à fait dépassé que ce serment d'allégeance
à la reine d'Angleterre et je serais le premier à voter à
deux mains pour qu'on fasse disparaître toute espèce de
référence à cela. Je voudrais bien qu'en faisant cela, on
s'assure qu'on le fasae dans la légalité.
M. Vaugeois: C'est intéressant, cela, M. le
Président.
Une voix: Ne pensez pas que ce n'est pas beau!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
leader.
M. Bertrand: C'est correct.
M. Lalonde: Je comprends qu'on en rediscutera.
Une voix: La Cour d'appel vient de rendre sa décision!
Le Présidant (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Trois-Rivières.
M. Vaugeoia: M. le Président, j'ai failli être
sauvé par les micros... Je voudrais profiter de ces experts qu'il y a
autour de la table pour poser une question d'information. Comment est
prévue la façon de prêter serment? Est-ce qu'on a
prévu dans nos lois, nos pratiques une façon de prêter
serment? On me répond: sur la Bible. Est-ce qu'il est prévu
quelque part qu'on doive prêter serment sur la Bible?
Une voix: Vous voulez le prêter sur quoi?
M. Vaugeoist Ce matin...
M. Lalonde: Voulez-vous une opinion juridique? Cela va
coûter cher.
M. Vaugeois: Non, je veux une opinion de parlementaire.
Une voix: Sur quoi voudriez-vous prêter serment?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Devant les tribunaux, vous avez la possibilité soit du serment, soit
de la déclaration solennelle.
M. Blank: Non, mais ce dont il parle c'est sur quoi prêter
serment, soit sur la Bible, etc. Dans mon cas, est-ce que c'est sur l'Ancien
Testament seulement ou est-ce que c'est sur le Nouveau Testament? Je vais vous
donner une opinion personnelle. Le mot serment, c'est un acte de foi envers
quelque chose: le bon Dieu, Mahomet pour l'Islam, une chose religieuse. Cela
veut dire que la personne qui prête ce serment a peur que quelque chose
lui arrive si elle ne dit pas la vérité. Un serment, c'est
quelque chose de religieux suivant la religion de la personne: la Bible, le
Nouveau Testament, l'Ancien Testament ou le Coran. N'y a-t-il pas un groupe de
Chinois qui le prêtent en faisant tourner des poulets au-dessus de leur
tête? Cela dépend de la foi de la personne. Voilà mon
opinion.
M. Vaugeois: M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Trois-Rivières.
M. Vaugeois: Puisque le député de
Marguerite-Bourgeoys offrait ses services tout à l'heure, est-ce qu'il
serait d'accord avec l'interprétation de son collègue?
M. Lalonde: "On a one hand." Non, j'écoute ce que mon
collègue dit, je vais y réfléchir et je pourrai vous
donner une réponse demain.
M. Vaugeois: Je repose la question, M. le Président.
Est-ce que le député de Saint-Louis a prêté serment
sur la Bible ou sur l'Ancien Testament?
M. Blank: J'avais demandé au secrétaire
général de retourner la Bible du côté de l'Ancien
Testament. Du côté droit, c'est le Nouveau Testament et de l'autre
côté, c'est l'Ancien Testament. J'ai demandé de retourner
la Bible et de prêter serment sur l'Ancien Testament.
M. Vaugeois: La question peut paraître
légère, M. le Président, mais c'est qu'il y a
déjà un député de Trois-Rivières qui n'a pu
siéger pour cette question du serment. À deux reprises, on l'a
expulsé. Moi, évidemment, je suis bien installé, mais, si
je vérifie mes arrières de tout côté actuellement...
Je pose la question suivante: Si un parlementaire de religion musulmane
arrivait, est-ce qu'on accepterait le Coran? Est-ce que c'est prévu
quelque part dans nos lois? C'est la question que je posais, car le
problème s'est déjà posé au Parlement.
M. Lalonde: On fera une recherche.
M. Blank: Savez-vous que dans l'ancien Code civil, qu'on a
amendé récemment, on ne devait pas seulement prêter
serment, mais on devait déclarer qu'on avait une croyance en Dieu et
qu'on croyait aux punitions et aux "rewards" après le
décès. Si un témoin
disait qu'il ne croyait pas en cela, il n'avait pas le droit de
témoigner. On a changé le Code civil en 1964 et c'était
là jusqu'en 1964.
M. Lalonde: Cela va. Des voix: Ah!
M. Vaugeois: J'aimerais continuer avec le député de
Marguerite-Bourgeoys, mais privément. (17 h 45)
Le quorum
M. Lalonde: M. le Président, le leader du gouvernement
nous a demandé de lui transmettre nos questions. Il y a la question du
quorum - du quorum, pas du Coran - à l'Assemblée. J'attire votre
attention sur le rapport daté du 17 septemre 1981 de la sous-commission
de l'Assemblée nationale où, à l'article 11, on
prévoyait que le quorum de l'Assemblée ou de sa commission
plénière serait du quart de ses membres, y compris le
président, et on disait en plus: "Lorsqu'une commission de
l'Assemblée siège, le quorum de l'Assemblée ou de sa
commission plénière est du sixième de ses membres, y
compris le président." Cela avait été accepté par
notre sous-commission avec la remarque suivante: "Cependant, la sous-commission
s'interroge sur la possibilité d'introduire un quorum obligatoire
seulement pour l'ouverture des séances et lors des décisions de
l'Assemblée." Mais on n'avait jamais suggéré de
réduire le quorum à la si simple expression d'un dixième
des membres, 12,2, c'est-à-dire 13, comme le prévoit le projet de
loi no 90. J'aimerais que le ministre, aujourd'hui ou demain, nous fasse la
démonstration ou prenne note de notre préoccupation
là-dessus.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Bertrand: Effectivement, M. le Président, la question
du quorum est un des éléments, quant à nous, qui doit
être intégré à toute la réforme
parlementaire. Si on demande aux députés d'assumer de nouvelles
responsabilités dans le cadre de nouvelles commissions parlementaires
qui, pour la plupart d'entre elles, vont être autonomes et qui auront
beaucoup de boulot à accomplir, il ne faudrait pas fixer un quorum
à l'Assemblée nationale qui soit à ce point
élevé qu'à toutes fins utiles, on empêcherait les
députés de vaquer à d'autres occupations en commission
parlementaire dans le cadre du projet de réforme parlementaire qu'on a
soumis.
Évidemment, si le quorum est très élevé, on
risque d'empêcher l'Assemblée de siéger ou de paralyser le
travail des commissions. Par ailleurs si on le met très bas, on pourrait
donner une image, à un moment donné, de laisser-aller ou laisser
planer des doutes, en tout cas, sur notre capacité comme parlementaires
d'être assidus aux travaux de la Chambre. Mais il faut tout de même
savoir que, maintenant - enfin, je dis maintenant; je devrais dire depuis une
quinzaine d'années - il y a eu une accentuation du travail en
commissions parlementaires, ce qui a amené les députés
à participer beaucoup plus aux travaux des commissions parlementaires et
à avoir le sentiment de travailler beaucoup plus lorsqu'ils sont en
commission parlementaire que lorsqu'ils sont à l'Assemblée
nationale, surtout avec le pourcentage qu'on avait pour maintenir le quorum.
C'est évident qu'avec la réforme parlementaire, il
m'apparaît que maintenir le quorum au niveau où il est en ce
moment, c'est hypothéquer, à toutes fins utiles, la
réforme parlementaire.
Le pourcentage de 10% nous paraît raisonnable. J'ai des exemples.
La Chambre des communes à Ottawa: 282 sièges, le quorum est de 20
députés plus le président, ce qui fait nettement plus bas,
à peu près 7%. À la Chambre des communes de Londres: 635
sièges, 40 députés.
M. Lalonde: II n'y a pas de place pour tout le monde, vous le
savez. Vous y êtes déjà allé.
M. Bertrand: 40 députés sur 635, on doit être
aussi à peu près autour de 7%. L'Assemblée nationale de
France: 491 sièges, jamais de quorum, sauf lors des votes. On demande la
majorité absolue sur le nombre de sièges effectivement pourvus.
Il n'y a donc pas de quorum. À l'Assemblée législative, en
Ontario: 125 députés, donc à peu près le même
nombre qu'ici et le quorum est de 20 députés avec le
président, 16%. L'Assemblée législative, en Colombie
britannique: 57 sièges, 10 députés plus le
président, ce qui fait à peu près 16% et en Alberta, c'est
plus élevé, il y a 79 sièges, 20 députés
plus le président, soit 25%.
Le pourcentage de 10% nous apparaît convenable si on compare
à d'autres Parlements et surtout - c'est surtout là
l'élément important - si on arrive avec une réforme
parlementaire qui forcera les députés à beaucoup plus
d'assiduité, de présence et de participation dans les nouvelles
commissions parlementaires que nous créerons.
M. Lalonde: Est-ce que vous êtes conscient que la
proposition que vous faites prévoit un moins grand nombre de membres aux
commissions parlementaires?
M. Bertrand: C'est exact. On s'est amusé là-dessus,
on a émis des hypothèses.
M. Lalonde: Je pensais que c'était sérieux.
M. Bertrand: On a fait des simulations.
M. Lalonde: Là, c'est de la dissimulation.
M. Bertrand: Non, parce qu'on va vous le raconter, on n'a rien
à cacher.
Une voix: Là-dessus.
M. Bertrand: On a fait des simulations. Par exemple, trois
commissions siègent, deux commissions étudient des lois article
par article et une commission porte sur des initiatives parlementaires. Nombre
maximum de députés retenus par ces travaux: parti
ministériel 34, Opposition 23, ce qui fait 57 membres.
Une voix: Peut-être un de plus.
M. Bertrand: 58. Ajoutez un à chaque fois. Une autre
hypothèse: quatre commissions siègent. Deux commissions
étudient des lois article par article, une commission porte sur des
initiatives parlementaires et une commission où l'on a convoqué
le Vérificateur général. Parti ministériel 41;
Opposition 26, plus un indépendant, ce qui fait 68.
Hypothèse c): neuf commissions siègent...
M. Lalonde: 250 députés.
M. Bertrand: ... mais pas la Chambre. Neuf commissions
siègent: une commission des lois, pour étude article par article,
deux commissions d'initiative parlementaire, une commission des lois pour
audition publique, une commission des finances publiques, une commission des
engagements financiers, une commission du vérificateur, une commission
des organismes autonomes et une commission ad hoc. Parti ministériel: 76
personnes; Opposition: 46, ce qui donne 122. Plus un, cela fait 123!
M. Blank: Puisqu'on parle de téléviser les
commissions, où allez-vous trouver tout cet équipement?
M. Bertrand: Le dossier de la télédiffusion est
loin d'être réglé. Vous avez d'ailleurs vu dans le
mémoire que la phrase est assez sibylline: selon des mécanismes
à déterminer.
M. Lalonde: Bon, voilà pour le quorum. Ce n'est pas
accepté.
M. Bisaillon: Est-ce que je pourrais passer une remarque?
Tantôt, quand on a demandé le partage du temps et le
fonctionnement, on avait compris qu'en trois heures, demain, on pourrait
probablement passer à travers le projet de loi no 90. Est-ce que je
pourrais vous faire une suggestion sur le fonctionnement? J'ai des commentaires
à faire sur 18 articles. Ne pourrait-on pas les prendre par section pour
que les députés fassent leurs commentaires sur chacune des
sections et qu'après, le leader du gouvernement réagisse
globalement? On pourrait peut-être le faire plus rapidement. S'il y a des
commentaires qui ont déjà été faits par un
député, cela nous évite de les faire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que cela vous va?
M. Bertrand: Ce que je préférerais, M. le
Président, si cela peut faciliter les travaux de la commission, c'est
que chaque député fasse les remarques qu'il juge approprié
de faire sur le projet de loi no 90, tel qu'il est en ce moment
rédigé, et qu'à la toute fin, prenant en note les
différentes remarques qui auront été faites, je puisse me
garder un certain temps pour relever un certain nombre de choses.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord?
M. Lalonde: Alors, on recommence?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je comprends, les analystes ont des
préoccupations particulières. Voilà. Il y a l'endroit
où pourront siéger l'Assemblée nationale et les
commissions parlementaires, à l'article 7.
M. Bertrand: Et l'article 14.
M. Lalonde: Cette question a été soulevée
à propos de la commission des transports qui siège actuellement
à Québec. Malgré notre désir de satisfaire aux
souhaits des membres, de la population, de nos militants, etc., nous avons cru
ne pas pouvoir accéder à cette suggestion et je me souviens d'en
avoir discuté avec le leader du gouvernement. Sans un cadre de
fonctionnement bien précis, il est assez difficile de voir comment
même le leader du gouvernement pourra fonctionner. Si la demande de tenir
une commission parlementaire dans une région venait de chacun des
ministres, dans le cadre actuel des commissions parlementaires, qui veut aller
visiter sa région ou des députés qui veulent aussi aller
dans les régions, on se trouverait en fait à éparpiller
énormément
les travaux. Ce serait difficile à gérer et je pense qu'on
doit dans l'hypothèse où on adopterait l'article tel qu'il est
suggéré, on doit prévoir et même formuler un cadre
de fonctionnement qui contiendra les critères sur lesquels le leader du
gouvernement et les commissions elles-mêmes, lorsqu'elles seront plus
autonomes, devront s'appuyer pour décider d'aller siéger à
l'extérieur.
Il y avait aussi les adjoints parlementaires. On avait, à la
sous-commission, décidé d'enlever le deuxième
alinéa - je ne me souviens plus du numéro -de l'article 24 de
l'avant-projet: Le nombre d'adjoints parlementaires ne doit toutefois pas
excéder douze. On avait dû retrancher le deuxième
alinéa. Je ne pense pas que cela voulait dire, en tout cas, en ce qui me
concerne, comme membre de cette ancienne sous-commission, qu'on
prévoyait que le gouvernement allait nommer deux adjoints parlementaires
à chacun des ministres. Si on laisse la porte ouverte, il va falloir
qu'on nous explique pourquoi on devrait ouvrir cette porte. Donc, le leader du
gouvernement doit s'attendre que nous ayons de très sérieux
doutes, très sérieuses préoccupations quant à cet
article.
Il y a aussi le rôle de l'adjoint parlementaire. Fort bien, sauf
qu'il n'est pas ministre. Il ne peut pas engager le gouvernement lors de
l'étude d'un projet de loi. Et même si on a eu certaines
expériences agréables, d'autres moins, mais certains
précédents... Je me souviens du député de Mercier,
alors qu'il était adjoint parlementaire au ministère de la
Justice, qui avait défendu un projet de loi. Cela va, on en a fait
l'expérience, mais je vois mal que l'habitude se prenne que ce soient
les adjoints parlementaires désormais qui viennent défendre leur
loi.
La question du bureau, c'est fort bien, le jurisconsulte aussi.
Une voix: ...
M. Lalonde: On n'est pas dans la réforme parlementaire, on
est au projet de loi 90. Il y a d'autres questions que les autres membres
pourront soulever. En ce qui me concerne, ce sont les principales
préoccupations que j'ai à ce stade-ci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
travaux de l'Assemblée sont ajournés à demain matin, 10
heures. On va faire le tour, conformément à l'entente. Chaque
député aura le droit de parole sur le projet de lai. Merci.
(Fin de la séance à 18 heures)