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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 10 novembre 1999 - Vol. 36 N° 17

Audition du Curateur public concernant le suivi des recommandations du Vérificateur général et de la commission de l'administration publique sur la gestion du Curateur public conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics


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Table des matières

Journal des débats


(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Kelley): Bonjour, mesdames et messieurs. Je constate le quorum, alors je déclare ouverte la commission de l'administration publique en rappelant le mandat de la commission. La commission est réunie afin d'entendre le Curateur public sur le suivi des recommandations du Vérificateur général et de la commission de l'administration publique sur sa gestion en vertu de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ou la participation de membres temporaires?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne) et M. Gautrin (Verdun) ont été désignés membres temporaires pour la séance.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Je vais juste rappeler l'ordre du jour très rapidement, parce que je pense qu'on veut laisser le plus grand temps possible pour un échange avec le Curateur public. Des remarques préliminaires de cinq minutes, il y aura un exposé du Curateur, d'environ une vingtaine de minutes, et on va procéder aux échanges avec les députés. Au lieu de ce qui est proposé sur le papier, je propose qu'on aille jusqu'à 12 h 20, et ça va laisser un court dix minutes pour une séance de travail pour les membres de la commission à la fin. Alors, est-ce que ça va pour tout le monde, pour permettre le plus grand temps possible pour avoir un échange avec M. Gabrièle et son équipe?

Au nom de la commission, je veux dire bienvenue à M. Gabrièle. Je pense, tous les parlementaires ont partagé le même sentiment d'inquiétude il y a un an et demi, au moment du rapport, à la fois, du Protecteur du citoyen, dans un document déposé le 21 novembre 1997, Le Curateur public et les droits de la personne inapte , et également le rapport spécial du Vérificateur général à l'Assemblée nationale déposé au mois de mai 1998. Alors, ce sont deux documents dont, je pense, les membres de la commission ont pris connaissance de nouveau en préparation pour la séance d'aujourd'hui, et on a été tous frappés par à quel point les faits qui sont soulevés dans ces rapports sont fort troublants.

Alors, je sais que, M. Grabrièle, vous avez la tâche facile de faire un plan de redressement ou une réforme qui donne suite aux nombreuses recommandations à la fois du Protecteur et du Vérificateur général et également aux recommandations qui ont été formulées par les membres de la commission. Alors, sans tarder... Je ne sais pas, est-ce qu'il y a d'autres membres qui veulent faire des commentaires préliminaires? Parce que, sinon, je pense qu'on a tout intérêt à vous passer la parole, M. Gabrièle.


Exposé du Curateur public


M. Pierre Gabrièle

M. Gabrièle (Pierre): Merci, M. le Président. Si vous me permettez, d'entrée de jeu, je vais vous présenter les gens de mon équipe qui m'accompagnent. Donc, à ma gauche, j'ai Mme Monique Daigle, qui est directrice à la planification et à la recherche au Curateur; c'est une nouvelle au Curateur public et, en même temps, qui est la coordonnatrice du redressement au Curateur. À ma droite, j'ai M. Jacques Maheu, qui est directeur de l'environnement et des relations avec la clientèle ainsi que directeur des plaintes, qui est aussi nouveau au Curateur public. Et, derrière moi, j'ai Mme Manon Lamarche, qui est la secrétaire générale par intérim du Curateur public; Mme Blandine Benoist, qui est agente de recherche à la Direction de la recherche et de la planification; et M. Pierre Verge, qui est responsable des relations avec les médias.

(9 h 40)

M. le Président, bien sûr, quand, il y a un an, j'ai été nommé par le gouvernement comme Curateur public, ma première tâche, ça a été de prendre connaissance des deux rapports dont vous parliez, à la fois du rapport du VG et du rapport du Protecteur du citoyen. Par la suite, après avoir pris connaissance de ces deux rapports, je me suis fait moi-même, après une semaine ou deux, certains constats et, si vous me permettez, je vais vous parler de mes constats en arrivant dans l'organisation.

Un premier constat, c'est-à-dire, c'est la mission même du Curateur public, qui est d'abord et essentiellement une mission de représentation et de protection des personnes inaptes. On représente, bien sûr, les personnes inaptes qui sont sous régime de protection publique, mais on a aussi un rôle que parfois on a oublié, c'est un rôle de surveillance à l'égard des curatelles privées ainsi aussi qu'un rôle d'enquête à l'égard des mandataires quand nous avons un signalement. Nous avions – et nous avons toujours – une autre mission qui est la mission des biens non réclamés, c'est-à-dire que le Curateur doit liquider les biens non réclamés, qui doivent être remis à l'État. Bon.

Quand on regarde la mission du Curateur public, elle a sa source à la fois dans deux lois: le Code civil, pour la représentation et la protection de la personne, et la Loi du curateur public. Vous savez qu'il s'agit, au niveau de la mise en place de la représentation et de la protection des personnes, d'un processus très judiciarisé. Et aussi, en plus d'être très judiciarisé, j'ai constaté très rapidement que le Curateur public se retrouvait des fois dans la tourmente des luttes intestines qu'il y avait au sein des familles.

Autre constat aussi, M. le Président, c'est l'effectif du Curateur public. L'effectif du Curateur public est un effectif qui est essentiellement centré sur la gestion des biens et qui est un effectif dont le profil est un profil de technicien en administration. Vous comprenez très bien que, à la lueur du constat sur le profil de l'effectif, on savait très bien que tout le volet représentation et protection de la personne se trouvait presque évacué, parce que, pour faire l'interface auprès du réseau de la santé et des services sociaux, je n'avais pas ou peu de professionnels tels que des travailleurs sociaux, infirmiers ou infirmières ou encore spécialistes en santé mentale. Donc, le nombre de professionnels était réduit et, chose aussi fort étonnante, l'encadrement, donc le personnel d'encadrement, au Curateur public, était presque inexistant. J'avais bon nombre de personnes qui étaient, à ce moment-là, en arrivant, des personnes qui faisaient de l'intérim depuis de nombreuses années. Au total, j'avais effectivement deux cadres supérieurs pour tout l'ensemble du Curateur public et deux cadres intermédiaires.

Il y avait un autre constat qui est important, et c'est bon que, comme commission parlementaire, vous le sachiez, ça a été que 84 % des personnes que je représente ont un revenu de moins de 10 000 $. Or, le Curateur public devait s'autofinancer. Donc, on passait plus de temps à comptabiliser le nombre d'heures qu'on effectuait et à comptabiliser nos honoraires qu'à travailler au niveau de la représentation et de la protection des personnes.

Donc, voilà mes constats, que je partage avec vous, mesdames et messieurs. Suite à ces constats-là, je me suis donné des objectifs en entrant. Je m'en suis donné trois. Le premier objectif, ça a été – ils ne sont pas dans l'ordre, M. le Président – de réparer le passé. Le gouvernement s'était engagé à faire réparation, et ça a été de mettre en oeuvre la réparation du passé. L'autre objectif, bien sûr, était simple à trouver, c'était redresser l'institution, faire le redressement administratif de l'institution. Et le troisième objectif n'était peut-être pas si frappant au début, c'était prendre le virage protection de la personne et, peut-être, en prenant le virage protection de la personne, c'était de faire vivre la loi.

Vous constatez qu'à la lueur de ces trois objectifs le chantier est vaste, donc, et j'avais le choix suivant devant moi, soit d'attendre d'avoir toutes les ressources disponibles et la qualité des ressources, c'est-à-dire les professionnels que je devais engager – et vous savez que, en termes de recrutement, par l'application de la Loi sur la fonction publique, avec le processus, normalement, pour de tels postes, ça vous prend au minimum six mois – donc, attendre de doter toutes les ressources et, après, quand j'aurais toutes les ressources en place, y aller de façon méthodique, redresser l'institution et faire vivre la loi...

Et j'ai pris le pari suivant, c'est de dire: Je vais gérer les risques. Et, comme il fallait faire le changement de culture de l'institution, donc j'ai attaqué de front en même temps les trois objectifs. Et donc le défi que j'avais est un défi de taille: changer la culture de l'organisation, donc de passer d'une organisation qui gère sur dossiers, l'amener à gérer des personnes. Et, c'est très symptomatique, au niveau de mon organisation, la personne qui était l'employé qui était l'interface avec à la fois la personne représentée ou la famille s'appelait elle-même «responsable-client». Or, dans mon livre à moi – et c'est là le changement de culture – quand on parle d'un client, un client peut qualifier la qualité du service que tu lui donnes. Or, ces personnes inaptes n'ont pas le pouvoir de qualifier le service qu'on leur donne. Généralement, je les appelle «des personnes qui sont sans voix», et la voix de ces personnes-là doit être la personne physique qui est le Curateur public. Donc, pour moi, il n'y a pas de clients, il y a des personnes représentées. Et, vous comprenez, ça peut sembler simple quand je vous explique ça, mais le changement est très profond en termes de changement de culture.

Il fallait aussi changer toutes nos façons de faire et toute l'organisation du travail. Et déjà, pour changer la culture, quand je dis à mes employés – et ça, c'est important... Je leur dis: Écoutez, quand vous travaillez avec une personne représentée, dites-vous bien que vous n'êtes pas simplement fonctionnaire de l'État québécois, vous êtes comme si vous étiez un représentant de la famille. Si cette personne représentée était ton père, ta mère, ton frère ou ta soeur, comment agirais-tu? Et tu dois agir en conséquence, non pas comme étant un simple fonctionnaire. Donc, on a mis la personne représentée au centre de toutes les préoccupations du Curateur public.

Maintenant, quel est le bilan d'une année d'opération au Curateur public? D'abord, le virage personne, M. le Président. Comme on avait pris la décision de faire vivre la loi, j'ai commencé par décentraliser toutes les opérations du Curateur vers les régions. Bien sûr, comme je ne pouvais pas avoir les 19 régions administratives du Québec, j'ai divisé le territoire québécois en quatre: l'est, le nord, le sud et le centre, qui est l'île de Montréal, et j'ai créé des directions territoriales. La dernière direction territoriale va entrer dans son territoire lundi prochain, le 15 novembre. C'est la Direction du territoire nord, à Saint-Jérôme.

En plus, comme je n'avais pas assez d'effectif pour avoir 19 régions administratives, j'ai pallié à ça en créant des points de services géographiques. Alors, j'ai des points de services géographiques dans des municipalités où le volume justifie que j'aie une équipe multidisciplinaire dans cette municipalité-là. Et, par la suite, d'ici le printemps prochain, je vais avoir des points de services dans certains établissements où nous avons une forte représentation de personnes sous protection. Nous avons déjà commencé à l'hôpital Saint-Julien, où nous avons une personne, directement à l'hôpital Saint-Julien, comme représentant du Curateur à Bernierville.

(9 h 50)

On a procédé très rapidement à l'engagement de travailleurs sociaux et d'infirmiers. Nous avons mis sur place un service de garde 24 heures sur 24, sept jours sur sept et 365 jours par année pour le consentement aux soins et à la contention. Nous avons demandé à l'ensemble des établissements toutes leurs politiques au niveau de la contention. On a analysé toutes les politiques – 400 politiques pour l'ensemble des établissements du réseau de la santé – et nous avons répondu à chacune d'elles. Nos commentaires: nous nous sommes aperçus que certains établissements avaient des politiques qui n'avaient pas été révisées depuis 1985, alors que, selon la loi, ils devaient les réviser aux trois ans. J'ai fourni mes orientations à tous les établissements quant à la contention et en leur disant que dorénavant, désormais, l'accord du Curateur n'était plus implicite quant à la contention, qu'ils devaient me demander le consentement pour la contention.

Et nous avons mis en place aussi un programme de visites d'établissements. Au début, quand j'ai mis en place ce programme, certains me disaient: Mais vous allez faire de la duplication, monsieur, vous allez dédoubler le réseau de la santé ou le rôle du ministère de la Santé et des Services sociaux ou des régies régionales. En fait, mon intention n'était pas de faire de la duplication, sauf qu'il fallait que je voie, comme représentant de la personne dans l'établissement, comment étaient traitées les personnes que je représentais, tant au niveau du plan de soins qu'au niveau du bien-être. Et, volontairement, j'ai pris une équipe externe au Curateur. Le chargé de projet était un médecin du Curateur public, et ses visites à l'établissement ne sont pas simplement pour décrier qu'est-ce qui se passe en établissement, parce que ça serait la solution facile: Comme Curateur public, tu n'as qu'à décrier ou à mettre sur la place publique ce qui ne va pas dans un établissement, mais sans faire de suivi ni proposer un plan de redressement.

Dans toutes ces visites en établissement, chaque fois nous avons proposé des plans de redressement et nous faisons un suivi. Nous ne faisons pas simplement que les établissements psychiatriques. Je vous ai annexé un rapport synthèse de ces visites suite à mon rapport, nous faisons à la fois les établissements psychiatriques, les centres d'hébergement et de soins de longue durée et nous allons aussi dans les centres de réadaptation et de ressources intermédiaires pour couvrir par échantillonnage, bien sûr, les établissements qui hébergent nos personnes représentées.

Nous allons finir l'année au 31 mars par 15 visites d'établissements. Et, de façon statutaire, je vais maintenir ce type de visites d'établissements, c'est très valable à la fois pour l'institution qu'est le Curateur public en termes d'amélioration continue et de savoir qu'est-ce qui se passe pour les personnes que je représente, et aussi c'est un support que je donne et à l'établissement et au réseau de la santé et des services sociaux.

Nous avons toujours aussi, dans la gestion du risque, fait la visite des personnes qui sont seules à domicile. J'ai un certain nombre de personnes seules à domicile. Ce sont des personnes qui ont des problèmes, pour certains, de santé mentale, mais, comme, au sens de la loi, elles ne sont pas dangereuses pour elles-mêmes ni pour autrui, elles peuvent vivre seules à domicile. Et, pour moi, ce sont des clientèles, bien sûr, à risque, et il faut que nous les visitions. Alors, le programme de visites à domicile va être complété d'ici le 31 mars 2000.

Nous avons, toujours dans le volet virage-personne, M. le Président, pris la décision de recommander au ministre des modifications législatives, modifications législatives du printemps dernier où nous avons modifié le Code civil pour avoir la protection provisoire de la personne. Le Code civil me donnait le pouvoir de faire la protection provisoire des biens, d'aller même en gestion d'affaires, mais on avait oublié qu'il existait une personne qui avait peut-être besoin de protection en attendant l'ouverture d'un régime de protection.

J'ai aussi développé des relations avec les organismes de défense de droits et nous avons mis en place une direction des plaintes.

Et enfin, toujours dans le virage protection de la personne – j'y vais à grands traits, M. le Président – j'ai mis en place aussi le signalement. Dès que nous avons un signalement, nous devons réagir à l'intérieur de 48 heures, parce que, lorsque nous avons un signalement, ça veut dire soit que la personne est abusée physiquement ou monétairement. Donc, il y a urgence d'agir.

Vous comprenez que, par certains éléments que je vous donne du virage protection de la personne, ma volonté est que je n'aurai pas de compromis dans tout ce qui touche la protection et la représentation de la personne. Donc, toute personne ou institution qui abuse ou ne donne pas les services requis aux personnes que je représente, je vais prendre toutes les mesures possibles pour soit les dénoncer et faire que les choses changent – alors, vous l'avez vu pour l'hôpital Rivière-des-Prairies – ou encore, quand c'est des individus, et c'est mon rôle de protecteur, je vais faire des poursuites ou des plaintes au niveau de la police. J'ai dit aussi à mes employés que, pour la représentation et la protection de la personne, nous n'avons pas à faire de compromis, et ça, ça va faire aussi partie du changement de culture.

Au niveau des réparations, M. le Président, réparer le passé, il y a eu le rapport Aquin, où nous avons... Me Aquin avait à étudier et à réparer pour tout ce qui touchait le volet systémique. Volet systémique de réparation, c'était quoi? Ça touchait principalement lorsque le Curateur public avait omis soit de réclamer l'aide sociale, le Régime de rentes du Québec ou encore des pensions de la CARRA, pensions de vieillesse – ça, c'était une partie du volet systémique – ou encore lorsque le Curateur public avait fait les déclarations fiscales des personnes représentées en retard et que ces dernières avaient dû payer des pénalités ou des intérêts qu'on allait chercher à l'intérieur du patrimoine. Donc, suite au rapport de Me Aquin, nous avons réparé au niveau systémique. On a revu 16 800 dossiers. Nous avons remonté le plus loin possible dans le temps, donc, parce qu'il n'y avait pas de prescription, on est allé jusque autour des années soixante-dix, et nous avons réparé pour l'équivalent de 1 160 000 $ avec intérêts.

Entre-temps, pendant que Me Aquin regardait les réparations systémiques, il y avait 32 dossiers complexes de plaintes, plaintes qui se trouvaient à la fois au Curateur mais en même temps chez le Protecteur du citoyen, et nous avons engagé une firme externe, la firme Claude Tremblay inc. Cette firme-là avait été utilisée lors de la crise d'Oka pour regarder les réparations face à ceux qui avaient eu à subir, par exemple, des pertes suite à la crise d'Oka. Et M. Tremblay a étudié et analysé les 32 plaintes. Son travail est complété. Son mandat se termine le 30 novembre, son travail est complété. Il nous a fait des recommandations pour donner des réparations pour un montant de l'ordre de 713 000 $. Bien sûr, nous avions des demandes de réparation de 72 000 000 $. Peut-être que dans la période de questions vous me demanderez où est l'écart; comme mon temps est limité, j'attendrai donc les questions.

(10 heures)

Toujours dans la réparation du passé, il y avait un troisième volet. Tout en attendant la conclusion du rapport de Me Aquin et la conclusion des travaux de M. Tremblay, moi-même, comme Curateur public, à mesure que dans l'exercice courant du traitement des dossiers je constatais qu'on avait lésé quelle que personne que ce soit, je faisais réparation. Alors, j'ai fait réparation pour l'équivalent de 1 000 000 $ sans que les personnes aient porté plainte, ou quoi que ce soit. Donc, le total des réparations se chiffre, avec les intérêts, à 3 000 000 $.

Troisième volet de mon objectif, c'est la réforme administrative, donc la réforme de l'organisation. Très rapidement, j'ai comblé mes postes d'encadrement. J'ai demandé au gouvernement et au Conseil du trésor des effectifs additionnels. Le gouvernement m'a alloué, au printemps dernier, 120 ETC additionnels. Je tiens aussi à signaler, M. le Président, toute la collaboration que j'ai pu avoir du Conseil du trésor. D'habitude, c'est rare qu'on félicite le Conseil du trésor, mais aujourd'hui je tiens à vous dire que j'ai eu une très bonne collaboration du Conseil du trésor là-dessus.

Il y avait aussi une autre problématique qui était la problématique au niveau de la réforme administrative du Curateur public. C'était celle de l'organisme budgétaire que nous étions et la tarification que nous devions faire en termes d'honoraires. Vous comprenez, comme je vous ai dit, que 84 % de ma clientèle n'avait qu'un revenu à peine de 10 000 $; des fois aussi, je faisais de l'interfinancement. Mon règlement était légal, puisque c'était un règlement du gouvernement, c'est-à-dire, les plus riches payaient pour ceux qui n'avaient pas d'argent. Donc, le gouvernement a accepté de suspendre la tarification au 1er juillet 1999 jusqu'au 31 mars 2000 pour me permettre de réviser le règlement de tarification – nous allons avoir un nouveau règlement de tarification – et cette opération-là a coûté au gouvernement 11 025 000 $.

Entre-temps, le gouvernement a accepté que le Curateur public devienne un organisme budgétaire dès le 1er avril 2000. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de tarification, mais nous allons faire une tarification pour la gestion des biens des personnes, pour ne pas donner plus de droits à une personne inapte que si elle était apte ou qu'elle faisait gérer ses biens comme personne apte à l'extérieur.

En plus, dans les modifications législatives, nous avons nommé le Vérificateur général comme vérificateur du Curateur public, et ça va permettre justement au Curateur public d'avoir à faire une double reddition: une reddition, comme je le fais aujourd'hui, aux parlementaires et à mon ministre et une reddition que je vais mettre en place à l'égard des personnes représentées, parce que je vous annonce que, dès le printemps 2000, je vais envoyer à toutes mes personnes représentées une reddition sur la gestion de leurs affaires durant l'année 1999. Pourquoi le printemps 2000? Parce que j'attends l'année civile. Pour l'instant, comme je suis extrabudgétaire, mon année financière est l'année civile qui se termine le 31 décembre 1999. Donc, an 2000, nous allons leur remettre une reddition de comptes, chose qui ne se faisait pas avant, M. le Président. On attendait, pour faire la reddition, lorsque la personne avait soit la mainlevée ou alors lorsqu'elle décédait et que je faisais la reddition à ce moment-là aux ayants droit.

Dans le temps qui m'est imparti, voilà à grands traits brossé le bilan dans les trois volets de mon année. Donc, vous comprenez que, comme le chantier était vaste, le redressement du Curateur... En fait, si j'ai une image à vous donner, c'est que j'habite actuellement dans une maison qui est croche, le toit coule, les fenêtres sont à refaire et, en même temps que je suis obligé d'habiter cette maison-là, j'en construis une à côté – alors, une maison neuve – et l'année 2000-2001 va être mon année charnière, parce qu'on va passer de la vieille maison à habiter la nouvelle maison. Alors, à l'intérieur de mon mandat, M. le Président, donc, en plus de remplir ces trois objectifs, il faut que je mette en place un changement de culture qui soit durable pour que, à la fin de mon mandat, on ne puisse pas reconstater ce que le VG et le Protecteur du citoyen ont constaté par ces deux rapports, l'un de 1997 et l'autre de 1998. Merci, M. le Président.


Discussion générale

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Gabrièle. Sur ça, on va débuter la période d'échanges avec les députés. Je pense que c'est la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne qui va commencer. Alors, à vous, Mme la députée.


Méthodologie du plan de compensation et contestation des réparations proposées

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. M. Gabrièle, bonjour, Mme Daigle, M. Maheu, bonjour et bienvenue à cette commission.

Si vous me le permettez, M. le Président, je prendrais quelques secondes pour saluer et souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale à certains membres de l'Association pour la défense des personnes et biens sous curatelle publique qui sont parmi nous aujourd'hui. Bienvenue.

M. Gabrièle, j'aimerais tout de suite commencer – vous me voyez venir sûrement avec mes gros sabots – avec le comité de révision de M. Tremblay. Moi, quand j'ai lu le rapport... parce que j'ai relu le rapport du Vérificateur général en fin de semaine. En date du 31 décembre 1997, le Vérificateur nous dit que, sous la curatelle publique, il y a 12 374 personnes inaptes – les chiffres ont peut-être été modifiés un petit peu, mais... – 11 868 personnes inaptes, dont 40 % sont des mineurs sous tuteur ou curateur privé, 5 697 personnes inaptes avec un mandataire et 2 780 dossiers de biens délaissés étant administrés par le Curateur. Alors, grosso modo, on a à peu près 28 000 personnes inaptes gérées par la curatelle.

Dans le rapport que vous nous donnez, aux pages 2 et 3, vous nous dites que M. Tremblay, le comptable qui préside le comité de révision, a regardé des dossiers complexes – c'est le terme que vous avez...

Une voix: Utilisé.

Mme Loiselle: ...utilisé tantôt, merci, Mme la députée – trente-neuf cas de personnes sous des régimes de protection privés ont été analysés, et que son mandat est terminé. Ça veut dire qu'il a fait des ententes, j'imagine, des offres d'entente avec ces personnes-là, pour un montant de 713 000 $, et dont les réclamations qui étaient faites par ces 39 cas-là étaient de 72 000 000 $. Alors, vous comprendrez ma surprise de voir cet écart-là.

Je vais vous poser mes questions en ligne, vous pourrez y répondre. Étant donné le nombre de gens que l'on retrouve sous la curatelle publique, étant donné le rapport du Vérificateur général déclarant tous les cas de personnes lésées au cours des années, au fil des ans, par la situation du laisser-aller de la curatelle publique, moi, je veux savoir comment s'est fait le choix. Est-ce que c'est parce que c'est des personnes qui sont un peu plus fonceuses que d'autres, qui ont débattu depuis de nombreuses années leur dossier, finalement qui ont utilisé tous leurs droits pour défendre leur dossier, qui sont allées au Protecteur du citoyen, qu'on a déterminé de prendre ces dossiers-là, mais que les personnes, elles, qui, par, disons... se retrouvant devant une machine aussi complexe et peut-être fermée, à l'époque, que la curatelle publique, qui, à force d'avoir perdu de l'énergie à défendre leur dossier, n'ont pas été identifiées? Parce que, moi, je ne peux pas comprendre qu'il y a seulement 39 cas qui ont été identifiés par M. Tremblay sur un total de plus de 25 000 dossiers – le nombre est très, très petit – et je comprends encore moins que, sur des cas aussi complexes, on ait fait des offres pour 713 000 $ quand les gens de 39 dossiers ont fait des réclamations pour plus de 72 000 000 $. Il y a un écart quand même assez incroyable, et j'aimerais vous entendre sur ça.

(10 h 10)

Et – dernière question – si l'offre qui est faite par M. Tremblay à ces personnes-là... si elles refusent l'offre? Moi, j'ai un cas d'une dame, un cas tout à fait incroyable: elle a été obligée de s'endetter pour acheter le bien immobilier de son père, qui était son héritage – comprenez-vous? – parce que la curatelle publique laissait aller à un prix dérisoire la vente du bien immobilier de son père. Alors, cette dame-là s'est dit: Moi, je ne laisserai pas aller le patrimoine familial, je vais m'endetter pour acheter mon héritage. Et M. Tremblay lui a fait une offre tout à fait incroyable, qu'elle a refusée. Alors, quel est le recours? Puis j'ose espérer que vous n'allez pas me dire, M. Gabrièle, que le recours, c'est le Protecteur du citoyen, parce qu'on retourne dans le même cercle vicieux d'aller voir le Protecteur du citoyen. Alors, j'aimerais vous entendre sur comment on fait le tri, comment s'est fait le choix de M. Tremblay sur les dossiers à examiner et à faire des offres, et quel est le recours de ces personnes-là si elles ne sont pas d'accord avec l'offre qui est faite par M. Tremblay.

Le Président (M. Kelley): M. Gabrièle.

M. Gabrièle (Pierre): M. le Président, on appelle ça une bonne question. Je m'attendais à ce qu'on me la pose, et ça va me permettre d'éclairer les choses.

D'abord, M. Tremblay n'a pas fait de choix. Lorsque le gouvernement a annoncé qu'il faisait réparation, donc des gens ont amené leurs dossiers, ont porté plainte, et certains ont porté plainte au Protecteur du citoyen, d'autres directement au Curateur public de l'époque. Donc, on a eu 39 dossiers qui ont émergé. Donc, ce n'était pas un choix de la firme Tremblay. Comme ces dossiers-là se retrouvaient même dans le lot à l'origine que devait analyser Me Aquin, quand on a séparé les dossiers systémiques des dossiers individuels, c'est là où on a engagé la firme Tremblay pour analyser ces cas-là. Donc, le choix n'était pas fait par la firme. C'est à l'annonce des réparations que des personnes ont porté plainte en disant: On m'a porté préjudice, voulez-vous à ce moment-là analyser mon dossier? Et la plainte a été portée soit au Curateur, soit au Protecteur du citoyen, dans un premier temps.

Deuxièmement, dans mon exposé, M. le Président, je vous avais dit: Oui, c'est vrai – et je suis d'accord avec Mme la députée – certaines personnes peut-être, au moment où le gouvernement a dit qu'on faisait réparation, n'ont pas réagi. Alors, dans l'exercice courant de mes activités, lorsque je découvre dans un dossier qu'on a lésé des personnes, sans que la personne ait à faire de demande, nous faisons réparation. C'est dans ce sens-là où je vous ai dit: J'ai fait pour 1 000 000 $ de réparation sans qu'il y ait eu de demande expresse ni de la personne ni de la famille.

Quelle est la différence? Où est l'écart? Qu'est-ce qui se produit face à l'écart? D'abord, si vous me permettez, M. le Président, je vais vous dire quel système, quel processus, pour le rendre le plus indépendant et le plus équitable possible, nous avons mis en place. Nous avons choisi d'abord une firme externe qui était habituée à analyser des réparations. Donc, cette firme-là fait une recommandation au Curateur. Elle ne décide pas, elle me fait une recommandation. Mais, avant de m'envoyer son rapport d'analyse et la recommandation, elle envoie le tout à la personne qui a fait la plainte et elle lui donne 15 jours et des fois même plus que 15 jours – quand les gens nous demandent un délai, le délai peut aller au-delà de 15 jours – elle donne donc à la personne 15 jours pour faire ses propres représentations. Donc, un peu au niveau de la justice naturelle face à la règle audi alteram partem, la personne, donc, a le droit de faire elle-même ses représentations.

Et, lorsque j'ai une plainte, la même plainte se retrouve chez le Protecteur. Je me suis entendu avec le Protecteur du citoyen que je ne prends pas de décision et j'attends la recommandation ou les représentations du Protecteur du citoyen. Donc, lorsque je prends la décision, j'ai, d'un côté, la recommandation de la firme, les représentations que la personne a faites suite à l'analyse qu'a faite la firme Claude Tremblay inc., et la recommandation du Protecteur. À la lumière de tout ça, je prends une décision. Et, si la personne n'est pas satisfaite de la décision du Curateur public, bien sûr, comme dans toute société démocratique, elle a des recours et elle a les recours devant les tribunaux. On ne lui fera pas recommencer le circuit Protecteur et Curateur public. Autrement, ça devient un cercle vicieux.

Pourquoi cet écart-là? Ça paraît gros, 72 000 000 $ par rapport à 713 000 $. Ce qui est important, M. le Président, c'est que actuellement le mandat que j'ai, je fais des réparations pour les pertes réellement subies, y incluant les intérêts. Je ne répare pas pour des dommages moraux ou punitifs. Si les gens veulent avoir des dommages moraux et punitifs, il faut qu'ils aillent devant un tribunal et c'est au tribunal à quantifier les dommages moraux et punitifs.

Un exemple. Sur le 72 000 000 $, quelqu'un me réclame 65 000 000 $. Alors, on analyse. Et c'est une personne qui réclame 65 000 000 $ pour bon nombre de dommages moraux et punitifs. Et la perte réellement subie était de l'ordre de 6 000 $. On lui propose 6 000 $ avec les intérêts, et elle refuse. Même, elle m'a appelé, la personne, j'ai passé trois quarts d'heure au téléphone. Là, elle me dit: Monsieur, je vous fais un compromis: 5 000 000 $ cash et 50 000 $ par année, non imposable ma vie durant. J'ai dit non. Vous comprenez que j'allais dire non, puisque je ne répare pas des dommages moraux. Alors, là, bien sûr, j'ai eu, M. le Président, toutes sortes de pressions. On me menace, bien sûr, de parler aux députés, ce qui est chose normale dans une société démocratique. On me menace d'écrire au ministre, au premier ministre. On me menace de mettre les dossiers sur la place publique. Je dis: C'est correct; écoutez, nous sommes dans une société démocratique, mettez les dossiers sur la place publique; cependant, je vais demander aux journalistes d'avoir une procuration pour que, moi aussi, je donne l'autre côté de la médaille. Parce que, vous comprenez, le système est un peu biaisé. Moi, je dois maintenir, au niveau de la Loi d'accès, les informations confidentielles. On met sur la place publique un côté de la médaille et, moi, je ne peux pas parler parce que les données sont nominatives et confidentielles. Donc, on va demander aussi aux journalistes: Allez vous chercher une procuration, et je vais vous dire aussi l'analyse qui a été faite du dossier.

Il y a d'autres cas. Vous voyez, on me demande, pour une vente de maison, des dommages moraux et punitifs de 1 000 000 $. On me demande aussi de la perte de salaire pour 400 000 $, alors que la personne n'a pas travaillé; elle était, avant même que le cas arrive, sur l'aide sociale et elle est encore sur l'aide sociale. Donc, actuellement, ce qui nous sépare de ces demandes-là, c'est qu'on fait de la réparation pour les pertes réellement subies, avec les intérêts courants, mais je ne répare pas au niveau des dommages moraux et punitifs. Parce que ce qui est important, M. le Président, et je comprends très bien qu'il y a eu une forme de laxisme dans le passé au niveau du Curateur public, et vous comprenez que, quant à moi, dans ce domaine-là, même, je suis au neutre, je n'ai même pas à camoufler quoi que ce soit, ce n'était pas mon administration, j'arrive. Mais, cependant, il faut que je sois juste et équitable, et je ne suis pas là pour dilapider les deniers publics, à moins qu'un tribunal me condamne à payer des dommages moraux et punitifs. Je pense que j'ai répondu à toutes les questions, Mme la députée.

Le Président (M. Kelley): Une question complémentaire, Mme la députée?

Mme Loiselle: Oui, seulement pour revenir au niveau du nombre de plaintes. Vous dites: Les dossiers complexes des gens qui sont allés devant le Protecteur du citoyen, tout ça, là. C'est juste que, moi, je pense qu'il y en a qui ont été comme oubliés. J'ai un cas ici d'une dame de mon comté qui, elle, justement, a fait toutes les démarches. Elle a fait les démarches auprès du Curateur, elle a fait les démarches auprès du Protecteur du citoyen, elle est allée voir les députés, elle a fait tout ce qu'elle avait en son pouvoir de faire pour obtenir justice et elle dit qu'elle a été complètement oubliée. Elle n'a pas été convoquée par le comité de révision de M. Tremblay, elle n'a reçu aucune invitation pour aller s'expliquer. Elle dit même, elle conclut en disant: «J'estime que mon exclusion est discriminatoire, car le gouvernement a promis de dédommager toutes les victimes. J'aimerais faire partie du plan de compensation.» Moi, j'ai l'impression qu'il y a un nombre ou un nombre certain de personnes qui ont été lésées depuis des années et qui ne font pas partie, qui sont écartées du plan de compensation du comité de révision, et ça, ça m'inquiète un peu. Parce que je ne peux pas croire qu'il y a seulement 39 cas.

M. Gabrièle (Pierre): M. le Président.

Le Président (M. Kelley): M. Gabrièle.

(10 h 20)

M. Gabrièle (Pierre): C'est-à-dire qu'on focusse sur les 39 cas. Mais on oublie qu'il y avait 1 200 cas au niveau des réparations systémiques, et ça, ça en fait 1 239. On oublie aussi le nombre de cas, plus qu'une centaine de cas, que j'ai réparés sans que ces gens-là fassent une plainte. En plus, M. le Président, ce qui est important – et j'ai à ma droite M. Maheu – j'ai mis en place une direction des plaintes. Donc, au-delà du programme de compensation, la Direction des plaintes est là. Ce n'est pas Claude Tremblay inc.; Claude Tremblay inc. avait un mandat délimité dans le temps. Donc, si une personne pense qu'on l'a lésée, elle peut toujours porter plainte à la Direction des plaintes, et on analysera son dossier. Et, justement, la Direction des plaintes a analysé des dossiers, parce que les gens ont utilisé la Direction des plaintes. Et vous savez qu'on a fait réparation pour l'équivalent de 158 000 $ juste par les recommandations de la Direction des plaintes. Donc, le processus est là. Il est permanent. Les gens peuvent passer par la Direction des plaintes.

Ce dont peut-être on s'inquiète, c'est de savoir: la firme Claude Tremblay va quitter. Oui, il faut qu'à un moment donné cette firme-là quitte. On ne peut pas maintenir une firme engagée pendant un certain nombre de temps juste pour analyser des plaintes, puisque nous avons une Direction des plaintes. Et vous savez que j'ai reçu, cette année, pour l'équivalent de 400 plaintes, depuis le 1er janvier. Alors, elles sont de toutes sortes. Parce qu'il n'y a pas simplement des plaintes quant aux réparations au niveau monétaire, il y a des plaintes qui touchent à la représentation et à la protection de la personne, il y a même des plaintes qui touchent certains établissements de santé et du réseau. Donc, nous avons mis en place un processus permanent, avec la Direction des plaintes. Alors, M. le Président, Mme la députée devrait demander à cette personne-là de s'adresser chez nous, à la Direction des plaintes, et nous allons analyser son dossier.

Mme Loiselle: M. Gabrièle, si je vous comprends bien... Moi, depuis deux semaines, j'ai reçu environ 25 dossiers différents de gens qui s'estiment encore lésés par la curatelle publique. Alors, vous me dites aujourd'hui que je peux faire parvenir ces 25 dossiers-là à M. Maheu, qui, lui personnellement, va s'en occuper?

M. Gabrièle (Pierre): Exact.

Mme Loiselle: Ça va être fait dans les prochains jours.

M. Gabrièle (Pierre): Et tout le long du processus. Le processus est en place, il n'y a aucun problème. Même si l'année financière se termine le 31 décembre, pour moi, à mesure que je découvre d'autres réparations, bien sûr qu'on va réparer, madame.

Mme Loiselle: Merci.

Le Président (M. Kelley): Peut-être, M. Gabrièle, sans tomber dans les faits nominatifs, pour les membres de la commission, si on peut avoir un bilan de ce volet Tremblay. Parce qu'on a commencé avec 39 cas. Si j'ai bien compris, il y a sept cas qui sont allés directement à la Direction des plaintes. Il en restait 32 dont 21 avaient un lien avec le Protecteur du citoyen, 11 n'en avaient pas. Quelques-uns sont réglés, quelques-uns sont en train d'être réglés, quelques-uns sont à l'analyse, de nouveau, au Protecteur du citoyen. Alors, je ne sais pas si ça peut être possible pour les membres... Pas aujourd'hui, mais si on peut préparer un genre de bilan Tremblay, si je peux appeler ça comme ça, pour voir... Parce que, moi aussi, j'ai reçu beaucoup de représentations de ces personnes, y compris une commettante. Alors, si on peut voir, sur le processus... Est-ce que les 11 personnes exclues, qui n'ont pas porté plainte originellement au Protecteur du citoyen, auraient un recours après? c'est le genre de questions, juste pour m'assurer du processus.

Et peut-être un dernier commentaire ou question: Est-ce qu'il y a un échéancier final chez vous pour clore les 32 dossiers? Parce que, ça, c'est l'autre chose. Il y a certaines personnes qui ont traversé le volet Tremblay mais qui sont toujours en attente de l'analyse du Protecteur du citoyen. J'ai vu que, dans le bilan, on parle du 31 décembre. Les échos que nous avons eus du Protecteur du citoyen, ce n'est pas réaliste, quand on veut compléter l'analyse d'ici le 31 décembre.

Pour toute cette opération Tremblay – on a d'autres sujets à aborder aujourd'hui – je pense que, si on peut mettre au clair tout ce processus et avoir un bilan spécifique pour les membres de la commission et également pour les citoyens qui sont en attente, ce serait souhaitable.

M. Gabrièle (Pierre): D'accord, M. le Président. Mais ça ne sera pas nominatif.

Le Président (M. Kelley): Non, non, non. Et je dis ça...

Une voix: ...

Le Président (M. Kelley): Oui. Je ne cherche pas...

M. Gabrièle (Pierre): Écoutez, nous parlions, nous, de l'année financière, 31 décembre. Bien sûr, le mandat de M. Tremblay, puisqu'il a fini son travail, se termine le 30 novembre, comme consultant. Cependant, les 11 cas qui n'étaient pas chez le Protecteur, qui étaient juste, mettons, chez M. Tremblay, si, demain matin, ces personnes... Et c'est arrivé. Il y avait une personne qui n'était pas chez le Protecteur; après avoir eu la recommandation de Tremblay, elle a porté plainte au Protecteur. Alors, j'ai retenu ma décision en attendant la recommandation du Protecteur. Donc, je suis très souple là-dedans, M. le Président, pour permettre aux personnes d'aller faire toutes les représentations voulues.

Pour nous, l'année financière, c'est le 31 décembre, mais, si, du côté du Protecteur, on me dit: Bien, écoutez, pour faire l'analyse du dossier, nous n'aurons pas terminé, ça va de soi que je vais attendre pour que les personnes puissent avoir à la fois une pleine et entière représentation et justice là-dessus. Mais, je pense aussi, M. le Président, qu'est-ce qui nous sépare actuellement dans le cas de ces 32 cas, et je le répète... Moi, je fais des réparations pour les pertes réellement subies, et on me demande des dommages moraux et punitifs. Ça, c'est peut-être l'écart dont on parlait et qui va toujours nous séparer et que seuls les tribunaux peuvent en disposer. Alors, je vais vous faire, pour la commission parlementaire, un bilan de l'opération.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Rosemont.


Compétences requises pour la réalisation du mandat

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à tout le monde. Je crois, M. Gabrièle, que vous nous avez présenté, dans vos remarques d'introduction, la complexité de la responsabilité de la curatelle publique et je pense que la responsabilité que vous avez acceptée doit être très difficile. Je pense que tous les députés sont bien sensibles aux exigences de l'ensemble du personnel de la curatelle.

Cela étant, vous avez mentionné dans vos remarques d'introduction qu'il y avait trois volets à votre mission: un volet de représentation des personnes inaptes, un volet de surveillance de la curatelle privée et un volet de liquidation, si vous voulez, un volet plus administratif concernant les biens non réclamés. C'est trois composantes très, très différentes, qui exigent des compétences très différentes.

La première question, parce que, moi aussi, dans ce contexte-là, par rapport à la mission et par rapport à la façon de l'aborder, j'en ai quelques-unes... La façon dont vous avez répondu à cette mission, après un diagnostic que vous avez porté, vous avez pris un virage que vous avez qualifié vous-même de virage-personne, n'est-ce pas? Mais je suis assez étonnée de voir comment vous avez traduit concrètement ce virage-personne. Vous avez effectué une régionalisation assez détaillée, et je pense que c'est effectivement une très, très bonne approche. Dans le cadre de cette réorganisation-là et de la régionalisation, comment alliez-vous, comment pensez-vous... ou peut-être que vous avez traduit par des procédures dont vous ne nous avez pas parlé, dont vous pourriez nous parler maintenant, les trois volets de la responsabilité de vos employés sur le terrain. Parce que, pour faire un virage-personne dans ce cas-ci, il faut trois compétences différentes. Alors, vous n'avez quand même que 400 postes et quelques, ce qui est quand même beaucoup plus que ce que vous aviez avant, j'en conviens, mais j'aimerais ça que vous parliez assez sommairement de comment vous vous assurez que ceux qui répondent sur le terrain traduisent bien votre volonté d'assumer ces trois volets de la mission.

(10 h 30)

M. Gabrièle (Pierre): M. le Président, le profil des personnes qui ont été engagées, et le processus de dotation se continue, ça va être pour le virage-personne. Normalement, pour le virage-personne, je vais avoir des conseillers à la représentation continue, plus que des responsables de clients, conseillers à la représentation continue. Et nous avons mis en place une organisation du travail où, avec la firme Mallette Maheu que nous avions, de gestion, on a revu l'ensemble des processus. Alors, si vous me permettez, je vais vous expliquer comment on va fonctionner au niveau des processus et pour les nouvelles demandes d'ouverture de régime. Puis je vais vous dire, pour ceux qui sont chez nous, les 12 500 qui sont actuellement chez nous, qu'est-ce que nous allons faire pour eux, aussi.

Mme Dionne-Marsolais: Je m'excuse de vous interrompre, là, je ne voudrais pas qu'on s'attarde sur les processus, j'aimerais qu'on s'attarde sur les compétences.

M. Gabrièle (Pierre): Justement, mais, avec les processus, je parlerai aussi en même temps des compétences, mais ça vous donne aussi comment nous intervenons au niveau de la personne et au niveau de la famille. Bon. Au niveau des compétences des personnes qui sont conseillers à la représentation continue, tout de suite, Mme la députée, vous allez avoir des travailleurs sociaux, des infirmiers et/ou des spécialistes en santé mentale ou un spécialiste biopsychosocial. Ça, c'est pour la personne.

Pour tout ce qui touche la gestion des biens, je vais avoir à la fois des professionnels qui sont des attachés d'administration – on a même engagé un architecte, au niveau des immeubles – et, pour tout ce qui touche les biens non réclamés, nous allons avoir à la fois des attachés d'administration et des techniciens en administration, plus des personnes qui ont une formation en notariat. Et comptables et avocats, bien sûr.

Alors, au niveau donc de l'ouverture d'un régime de protection, ce qui est important face au virage-personne, c'est que, dès le moment où nous allons avoir un rapport, qu'on appelle le «rapport du directeur général d'un établissement», soit d'un CLSC ou d'un hôpital, qui nous dit qu'une personne a besoin de protection, automatiquement ce rapport-là est analysé chez nous par un travailleur social et, suite à la recommandation du travailleur social, nous préparons la requête pour la demande d'ouverture du régime, d'où l'obligation d'avoir des avocats.

Et, en même temps que nous préparons la requête pour l'ouverture du régime, parce que le régime est judiciarisé, le travailleur social va rencontrer la personne elle-même pour connaître la personne, va convoquer une assemblée de famille et d'amis pour regarder si, quand on convoque, il y a à l'intérieur de la famille des gens qui peuvent devenir des curateurs privés. Mais, si on se rend compte qu'il y a des luttes intestines à l'intérieur de l'assemblée de famille, on ne mettra pas notre personne qui est vulnérable dans la tourmente. Donc, dans la requête, nous allons demander la curatelle publique, même si le Curateur doit être toujours le dernier recours.

Ensuite, nous établissons un plan d'orientation et de suivi intégré. Ce plan d'orientation détermine – et ça, c'est aussi un travailleur social et une infirmière, c'est une équipe multidisciplinaire – les besoins en santé, avec le plan d'intervention individualisé de l'hôpital ou du centre où la personne est, et il y a un suivi intégré, parce que, comme ma personne s'alourdit avec le temps, il ne faut pas que le plan d'orientation soit statique, donc il faut qu'il soit évolutif. Et c'est pour ça que nous allons aller les rencontrer. On s'est rapproché des clientèles et nous allons aller les rencontrer dans leur milieu de vie.

Mme Dionne-Marsolais: M. Gabrièle, vous dites: On va avoir, vous allez avoir, on aura. En fait, vous n'utilisez pas le futur, vous utilisez toujours «vous allez avoir», etc. Si je me concentre sur les compétences, comme j'ai demandé tout à l'heure, vous avez actuellement – vous avez actuellement, au présent – combien de vos 400 et quelques effectifs partagés entre travailleurs sociaux, attachés d'administration et professionnels d'immeubles, si vous voulez, ou de gestion d'immeubles?

M. Gabrièle (Pierre): Actuellement, nous avons, bien sûr, des occasionnels, en attendant que les postes...

Mme Dionne-Marsolais: Non, non, ce n'est pas grave. Je ne vous demande pas s'ils sont permanents ou occasionnels. Combien vous en avez dans ces compétences-là?

M. Gabrièle (Pierre): Oui. L'effectif que j'ai, au niveau des travailleurs sociaux, j'en ai une vingtaine. Au niveau des infirmiers et infirmières, on a ouvert des postes, mais je n'ai pu en doter que deux. C'est pour ça que je dis: On va avoir. Parce que là je suis en processus de dotation.

Mme Dionne-Marsolais: En recrutement.

M. Gabrièle (Pierre): De recrutement. J'ai actuellement 25 avocats.

Mme Loiselle: Combien?

Mme Dionne-Marsolais: Vingt-cinq.

M. Gabrièle (Pierre): J'ai 25 avocats.

Mme Dionne-Marsolais: Et vos attachés d'administration?

M. Gabrièle (Pierre): Au niveau des attachés d'administration, j'en ai une vingtaine.

Mme Dionne-Marsolais: Donc, actuellement, sur les 200 effectifs de plus que vous avez obtenus du gouvernement, vous avez réussi à recruter 20 personnes au niveau du travail social, 20 au niveau des attachés d'administration et 25 au niveau des professionnels, avocats. Peut-être un architecte, en plus? Tantôt, vous avez mentionné ça, là.

M. Gabrièle (Pierre): Un architecte, en plus, que nous avons.

Mme Dionne-Marsolais: Bon. Alors, vous êtes rendus à...

M. Gabrièle (Pierre): Et on a deux comptables.

Mme Dionne-Marsolais: ...66 personnes.

M. Gabrièle (Pierre): On a deux comptables aussi.

Mme Dionne-Marsolais: En plus. O.K., bon, 68 à date. Est-ce que vous avez des difficultés à recruter des personnes avec ces compétences?

M. Gabrièle (Pierre): Oui!

Mme Dionne-Marsolais: Oui?

M. Gabrièle (Pierre): Oui, surtout au niveau des infirmiers et infirmières, parce que, comme nous demandons des infirmiers et infirmières qui ont un diplôme universitaire de premier cycle... Comme, nous, nous ne donnons pas de soins, donc je ne prends pas une infirmière qui sort avec des techniques en sciences infirmières. Nous sommes là pour regarder le dossier médical. Donc, nous avons de la difficulté. Voyez, j'ai ouvert un concours et je n'ai pu doter que deux postes d'infirmière. Peut-être parce qu'on avait demandé cinq ans d'expérience. Nous allons réduire le nombre d'années d'expérience pour essayer de doter. J'ai de la difficulté.

Je voulais aussi doter un poste de médecin, parce que, comme pour le consentement aux soins, dans chacune des régions, je vais mettre un médecin régional... Actuellement, j'ai l'équivalent d'un médecin à temps plein et d'un autre à temps partiel, trois jours/semaine. Au niveau des omnipraticiens, j'ai aussi de la misère à les doter. Et je ne suis pas le seul, le réseau de la santé a les mêmes problèmes que moi.

Mme Dionne-Marsolais: Oui, mais j'imagine aussi que les compétences qui sont requises pour faire le travail à partir d'une infrastructure comme la curatelle et celle d'un hôpital, où est-ce qu'on est professionnel au front, si je peux utiliser cette expression-là, c'est un peu différent.

M. Gabrièle (Pierre): Oui, différent.


Approche préconisée par la précédente administration

Mme Dionne-Marsolais: Vous ne visez pas tout à fait la même cible de recrutement.

Ma deuxième question. Toujours sur votre réorganisation, vous avez dit dans vos remarques préliminaires que vous aviez fait un constat, quand vous avez reçu ce mandat, et vous avez dit: Dans le passé, c'était très, très... enfin, ça n'allait pas tellement bien. Je pense que tout le monde ici comprend ce à quoi vous avez fait référence. Toutefois, vous avez dit: Je veux changer la culture. Pourriez-vous nous dire quelle était cette culture avant votre arrivée, comment vous la qualifieriez? Il y a toujours une culture dans une entreprise.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gabrièle (Pierre): Bon. Pour vous donner une...

Mme Dionne-Marsolais: Parce que, pour poser un constat, il faut dire: La culture, c'était... C'est des valeurs, c'est des façons de faire, c'est des façons d'aborder...

M. Gabrièle (Pierre): Je vais vous l'imager, M. le Président: c'était une culture de papiers. Je pense que je dis tout en vous disant ça. C'est-à-dire: on traitait des dossiers et on les traitait de façon séquentielle. Donc, il y avait une porte d'entrée qui était le responsable-client. Donc, on appelait ou on écrivait, et là il traitait le dossier et il donnait des mandats. Alors, on donnait des mandats, mettons, à un fiduciaire, à un investigateur. Alors, ça y allait par mandats. Mais, avant que la boucle ne se referme, à ce moment-là, le temps s'étirait – c'est dans ce sens-là que je vous dis «une culture de papiers» – et on n'allait pas voir la personne, ou on y allait, la voir, la personne, mais de façon... Je veux dire, certains allaient voir les personnes, certains allaient en établissement.

Il faut comprendre, dans cette culture-là... En fait, c'était la culture du Curateur public. Et je ne veux pas défendre les employés du Curateur public, mais c'était aussi une culture généralisée de tout le monde, M. le Président, dans mon constat. Comme la majorité de mes personnes sont en établissement – il y en a très peu qui sont chez elles, en résidence; donc, la majorité sont en établissement – alors, tout le monde se confortait avec le fait que les personnes étaient en établissement. Elles étaient, entre guillemets, en sécurité. Et, à ce moment-là, donc, comme elles étaient en sécurité, on pouvait traiter le dossier. On ne traitait pas la personne, on traitait le dossier. C'est dans ce sens-là où je vous dis que c'était une culture de papiers.

(10 h 40)

Et, en plus, toutes nos activités étaient centralisées à Montréal. Donc, les gens ne se déplaçaient pas pour aller voir... Vous voyez? Je vous donne un exemple. Vendredi dernier, je suis allé à Mont-Laurier et je suis allé à L'Annonciation, dans l'établissement. La première réaction qu'ils ont eue, c'est de dire: On ne s'attendait pas que le Curateur aille jusqu'à Mont-Laurier, parce que Mont-Laurier, c'était loin de Montréal. Ce n'était pas dans la culture qu'on se déplace et qu'on aille en établissement et qu'on rencontre les personnes.

Mme Dionne-Marsolais: J'espère, M. Gabrièle, que vous ne dites pas que c'est parce que c'était à Montréal qu'on ne se déplaçait pas, parce que ça ne serait pas tout à fait l'expérience – ha, ha, ha! – que j'ai vécue et que d'autres ici ont vécue.

Pour terminer sur la culture, donc, ce que je comprends de la culture de papiers à laquelle vous avez référé, j'ai l'impression que c'est au niveau du suivi qu'il semblait y avoir une déficience: vous avez parlé de comportement séquentiel, de mandats, mais à aucun moment donné vous n'avez... Enfin, je comprends de ce que vous dites qu'il y avait un problème au niveau du suivi.


Suivi de la mise en place de nouvelles mesures

Dans le changement de culture que vous tentez d'opérer en ce moment, à ce jour – parce que vous avez régionalisé un certain nombre de choses, donc vous avez quand même quelque expérience, quelques mois d'expérience – comment réussissez-vous à assurer le suivi des objectifs que vous fixez? Parce que votre esprit semble... en tout cas, votre présentation témoigne d'une structure d'esprit très claire. Et l'expérience que nous avons tous, nous qui avons fait un peu de gestion, entre ce qu'on veut et ce qui se fait, souvent il y a des ajustements. Et les manières de suivre, si les attentes que nous avons se concrétisent, sont aussi très, très importantes. Alors, comment est-ce que vous suivez, à date, l'efficacité de ce changement de culture vers la personne?

M. Gabrièle (Pierre): Actuellement, c'est vrai que nous n'avons pas d'indicateurs de gestion, parce qu'on est en train de faire notre planification stratégique sur trois ans et de déterminer des indicateurs de gestion. Cependant, même si nous n'avons pas formellement des indicateurs de gestion, ce que nous faisons en termes de suivi: tous mes gestionnaires ont eu des attentes; nous avons un plan d'action, dans lequel plan d'action je suis allé par ce que j'appelle la «gestion des risques», parce que je ne peux pas tout faire en même temps. Bon. Et là on distribue les charges de travail. Il fallait dire qu'au niveau des charges de travail, compte tenu qu'on manquait d'effectifs, les charges de travail étaient déséquilibrées. Donc, on a revu les charges de travail et le suivi se fait en fonction des charges de travail que nous avons, mais ce qui va être amélioré.

Exemple: Si je donne à un investigateur, j'ai l'attente d'un investigateur de dire: Tu as 20 investigations à faire par mois. Aux 15 jours, le gestionnaire va vérifier: Ces investigations-là, en as-tu fait 10? Si elles ne sont pas faites, pourquoi? Quelles sont les raisons? Quand on envoie un travailleur social visiter quelqu'un, on a des notes évolutives et on regarde les notes évolutives à l'écran, en termes de suivi. Donc, le suivi actuellement se fait par les charges de travail, pas par les indicateurs de gestion, parce qu'on est en train d'établir des indicateurs de gestion, et il me faut ma planification stratégique qui est pluriannuelle, sur trois ans, qu'on est en train de bâtir.

Mme Dionne-Marsolais: Merci.

Mme Vermette: Je peux-tu juste compléter là-dessus?

Le Président (M. Kelley): Très rapidement, oui, Mme la députée de Marie-Victorin.


Profil détaillé des personnes sous curatelle

Mme Vermette: J'aimerais savoir, parmi vos charges de travail, si, quand vous allez rencontrer les personnes, vous faites le profil complet de la personne, le profil de ses besoins, et que vous en tenez compte. Parce que c'est par ça qu'on doit commencer, à mon avis.

Le Président (M. Kelley): M. Gabrièle.

M. Gabrièle (Pierre): Actuellement, compte tenu de la compétence des ressources que j'ai – vous voyez, le peu de travailleurs sociaux – bien sûr que nous ne faisons pas le profil complet des personnes. Nous allons faire le profil complet des personnes – je dis bien «nous allons le faire» – dès le 1er janvier 2000, pour toutes les demandes d'ouverture, les 2 500 demandes d'ouverture par année. Nous allons faire le profil complet de tous les nouveaux. Et les autres, le profil complet de ces autres personnes se fera sur un horizon de trois ans. À la date anniversaire, les 12 500. Autrement, il me faudrait plus que 403 ETC.

Mme Vermette: C'est ça. Je me demandais si on mettrait du personnel additionnel là-dessus, sinon les listes vont... ou les gens vont mourir.

M. Gabrièle (Pierre): Vous comprenez, il fallait que je fonctionne avec les effectifs que j'avais. Donc, je commence par ceux qui entrent, les nouveaux, les 2 500, et les 12 500, c'est sur un horizon de trois ans, à la date anniversaire, que nous allons le faire. Mais, d'ici trois ans, on aura le profil complet de tout le monde.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Vaudreuil.


Indemnisation des personnes lésées non encore identifiées

M. Marcoux: Merci, M. le Président. J'aurais deux questions. La première est reliée à un sujet qui a été évoqué tout à l'heure par ma collègue de Saint-Henri– Sainte-Anne, au sujet des personnes victimes de lésions qu'on n'aurait pas encore dénoncées ou encore qui ne seraient pas connues à ce jour. Le Protecteur du citoyen, dans les commentaires qu'il a faits sur le bilan de la première année de la réforme à la commission parlementaire de l'administration publique, en date du 9 novembre 1999, fait écho à cette préoccupation en mentionnant, entre autres: «On peut penser que des lésions n'ont pas été identifiées puisque les personnes concernées n'ont pas été en mesure de les dénoncer. Nous craignons que toutes les lésions créées n'aient pas été identifiées et retracées à ce moment-ci.»

Le Protecteur du citoyen estime qu'«un protocole d'intervention devra être adopté par le Curateur public et accepté par le gouvernement pour le remboursement des pertes financières qui n'ont pas été identifiées à ce jour et qui le seront dans l'avenir. À cet égard, le Protecteur du citoyen propose que le Curateur public se donne une politique lui permettant d'indemniser adéquatement les personnes représentées qui ont été victimes de lésions non identifiées à ce jour.»

Est-ce que cette politique-là est en place, à ce qu'on peut comprendre, ou est-ce que c'est dans l'intention du Curateur public de donner suite à cette recommandation du Protecteur du citoyen?

M. Gabrièle (Pierre): M. le Président, j'avais répondu à la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne en disant: Nous ne fermons pas la porte. C'est-à-dire, sans avoir un engagement formel... De toute façon, comme je disais, les réparations, comme on n'a pas pu tout identifier les réparations ou les gens ne se sont pas identifiés, donc, par la direction des plaintes que j'ai, dès le moment qu'une personne s'identifie, et même dans l'exercice courant de mes attributions, même si la personne n'a pas fait de plainte, si nous découvrons que la personne a été lésée, nous allons réparer.

Alors, j'adhère à la recommandation du Protecteur du citoyen. Le Protecteur du citoyen – je comprends – dans le rapport qu'il vous a fait, voulait avoir quelque chose de formalisé. Ce que je vous dis, c'est que, nous, dans nos attributions régulières, c'est tout à fait normal que nous allions adhérer à cette recommandation et indemniser, quand il y a perte réellement subie, les gens qui ne se sont pas identifiés en temps voulu. Parce qu'il n'y a pas de prescription.

M. Marcoux: Question additionnelle à ce sujet-là: Est-ce que je crois comprendre que vous y adhérez mais pas tout à fait? Parce que vous dites que ce que le Protecteur du citoyen recommande, c'est de formaliser. Il me semble que de formaliser, ça permet d'ailleurs d'établir les paramètres et ça permet à tout le monde de connaître ce qui va être appliqué. Et là vous dites: Bien, on va le faire dans la vie de tous les jours, mais on ne le formalisera pas. Est-ce que c'est ça que vous dites?

M. Gabrièle (Pierre): C'est-à-dire, M. le Président, je pense qu'il n'est pas nécessaire de formaliser. Je vais vous expliquer pourquoi. Comme l'expérience que j'ai de la gestion de l'État... Normalement, tous les ministères et organismes ont bien sûr une direction des plaintes. Et même la Loi sur la justice administrative a été changée pour prévoir ce que j'appelle une révision administrative. Nous avons déjà des choses de formelles face à la révision administrative. Et, comme on n'a jamais utilisé ce que j'appelle quelque prescription que ce soit quand il y a eu des demandes de réparation, je pense que, dans le processus actuel, je ne devrais pas ajouter plus au processus, puisqu'on se dit que nous allons, en termes de révision administrative, par une direction des plaintes, comme va le faire n'importe quel ministère et organisme autre que le Curateur public. Je ne vois pas la mesure d'exception.

(10 h 50)

Et si, demain matin, une personne, on ne faisait pas droit à une réparation quand elle y a droit, je pense que vous seriez les premiers, comme parlementaires, à me demander d'agir en conséquence. Je comprends la réaction du Protecteur, c'est-à-dire de se mettre ce que j'appelle – j'allais dire la ceinture et les bretelles, excusez l'expression, dans le jargon – la ceinture et les bretelles, mais en définitive, quant à moi, le processus est là et il va perdurer. Parce que, même s'il n'y avait pas eu de laxisme dans le passé, dans une organisation normale, si quelqu'un est lésé, il y a toujours un processus où la personne peut réclamer, par rapport à une décision administrative que nous prenons.

Et l'Assemblée nationale justement a modifié la Loi sur la justice administrative pour permettre cette révision administrative. Elle est là, cette sécurité-là. Alors, c'est dans ce sens-là que je dis: J'y adhère, mais je ne vois pas la pertinence d'y ajouter un plus, puisque la volonté est là et, en plus, l'assise, nous l'avons par la révision administrative.

M. Marcoux: Exactement. Et, pour terminer là-dessus, parce que j'ai une autre question, je comprends qu'il y a un processus de révision, mais obliger les gens à y aller, c'est toujours compliqué. Je ne pense pas que ce soit l'objectif, disons, d'avoir des processus qui génèrent des appels en révision. Quand le Protecteur du citoyen dit: «Nous proposons que le Curateur public se donne une politique lui permettant d'indemniser adéquatement les personnes représentées qui ont été victimes de lésions non identifiées à ce jour...» Ce que vous dites: C'est déjà en place, ou ce n'est pas nécessaire d'avoir une politique, vous faites ça au cas par cas? C'est ça que je voudrais savoir. Est-ce qu'il y a une politique? Et, sinon, vous dites que ce n'est pas nécessaire d'en avoir une qui soit claire pour tout le monde?

M. Gabrièle (Pierre): Regardez, j'ai une politique au niveau des plaintes qui est en place, mais il n'y a pas de politique spéciale face aux réparations. En soi, M. le Président, je n'ai pas attendu d'avoir une politique spéciale, tel que le Protecteur me le demande, pour réparer. Autrement, si j'avais attendu la politique spéciale du Protecteur, je n'aurais pas réparé pour plus de

1 000 000 $ dans l'exercice cas par cas que j'ai fait durant l'année 1999. Dans le bilan que je vous fais, je vous ai dit, au-delà de Tremblay et du rapport Aquin, j'ai réparé pour plus de 1 000 000 $ sans avoir une politique spéciale sur les réparations. Juste par la politique des plaintes et le fait que j'ai une responsabilité, comme Curateur public, que, quand nous traitons un dossier et qu'on se rend compte que la personne a été lésée, il va de soi que je répare.

Je comprends que le Protecteur du citoyen me demande une politique spécifique. Moi, je réponds que, pour moi, je ne trouve pas nécessaire la politique spécifique puisque j'ai déjà une politique sur le processus des plaintes.


Constitution du comité consultatif

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Dans la loi qui a été modifiée, la modification à la loi au mois de juin, l'article 17 prévoit la constitution d'un comité qui est chargé de conseiller le Curateur public en matière de protection et de représentation des personnes inaptes ou protégées. Le comité de protection, selon l'article 17.2 de ce projet de loi, de protection et de représentation des personnes inaptes ou protégées, est formé de six personnes qui ne font pas partie du personnel du Curateur public. Vous en faites état dans votre rapport, à la page 21. Est-ce que je peux vous demander où en est rendue la constitution de ce comité consultatif?

M. Gabrièle (Pierre): M. le Président, le comité consultatif doit être nommé par le ministre des Relations avec les citoyens. Donc, le ministre est en train de sélectionner les six personnes qui doivent conseiller le Curateur public, et on m'a dit que incessamment le ministre va nommer ces six personnes-là.

Le Président (M. Kelley): Ça va? Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Visite des personnes sous curatelle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir sur le virage-personne et aussi discuter avec vous du rôle de la famille au sein des rapports avec le Curateur public.

Vous savez, vous avez un énorme défi, M. Gabrièle, à relever au niveau du virage-personne et aussi en voulant changer la culture de papiers – je reprends votre terme – de la curatelle publique. Je veux revenir sur les propos du Vérificateur général, pour trois catégories de personnes particulièrement, quand on parle de culture et du manque de stratégie d'intervention et de protection que la curatelle publique avait envers les personnes inaptes.

Dans son rapport, au niveau des personnes vivant seules à domicile, le Vérificateur disait que, «malgré sa méconnaissance de cette clientèle, le Curateur n'a pas visité 204 des 347 personnes vivant seules». Ça, c'est quand même assez incroyable de penser qu'il n'y avait pas de contact. On téléphonait aux gens, alors on ne pouvait pas constater la détérioration de la santé ou si la personne était vraiment protégée.

Pour les résidences privées sans permis, on nous disait qu'à l'époque «le Curateur était incapable de suivre l'évolution de l'état de la personne. Il n'avait aucune idée de la qualité des soins que recevaient ces personnes-là dans des résidences privées».

Et aussi, au sujet des gens qui sont en établissement hospitalier, qui représentent 50 % de votre clientèle – vous avez 6 600 personnes qui sont en centre hospitalier – on disait que finalement «ces personnes-là étaient laissées à elles-mêmes, ces personnes sont en quelque sorte reléguées aux oubliettes, et il ressort clairement que les contacts avec les personnes représentées en établissement sont rarissimes».

Alors, c'est assez troublant, de telles constatations. C'est pour ça que je vous dis que vous avez un défi énorme à relever au niveau du changement de la culture, parce qu'on sent que, dans la culture de la curatelle à l'époque – aujourd'hui, peut-être qu'il y a eu une amélioration – en tout cas, le but premier, ce n'était pas de protéger les personnes. Ça, c'est clair, parce qu'on les laissait à elles-mêmes, les personnes inaptes qui avaient besoin de protection de la société.

Alors, vous avez donné tantôt un certain plan d'action, de stratégie que vous voulez mettre en place. Afin peut-être de nous rassurer, pouvez-vous nous garantir que vous allez faire des vérifications, soit mensuelles ou annuelles, pour ne pas qu'on retombe dans les vieilles habitudes avec le temps et que, bon, pour les premiers mois, ça va, on est plus alerte, on fait plus attention, mais avec le temps on retombe dans les vieilles habitudes?

Vous avez parlé tantôt que, bon, vous êtes en train de faire un tour des visites à domicile. Votre plan va être terminé en mars 2000, je crois, votre programmation, mais allez-vous mettre en place des visites à domicile régulières, sur une base régulière, et exiger des travailleurs sociaux que chaque personne, particulièrement les personnes en établissement, les personnes qui demeurent seules à la maison, reçoivent des visites physiques et non pas des appels téléphoniques? Vous devez exiger, nous garantir qu'il va y avoir un nombre par année de visites pour ces personnes-là?

Puis une dernière petite question, après je reviendrai pour le rôle de la famille. Dans le rapport du Vérificateur, on nous dit – et, moi, vraiment, je suis tombée en bas de ma chaise – qu'il y a 34 personnes qui sont introuvables. Le Curateur public n'était même pas capable de dire où elles sont passées, ces personnes-là: 34 personnes inaptes que le Curateur, à l'époque, lors de la vérification, n'avait aucune idée où ces personnes-là étaient rendues. Est-ce qu'il y a eu des recherches particulières qui ont été faites pour retracer ces 34 personnes là?

Le Président (M. Kelley): M. Gabrièle.

(11 heures)

M. Gabrièle (Pierre): M. le Président, c'est vrai, tous les constats, quand je vous dis... et, même, je dirais que parfois le rapport du Vérificateur général, pour certains cas, c'était la pointe de l'iceberg. Quand vous êtes dans l'institution, vous découvrez entre-temps autre chose. Bon. Regardez juste pour les personnes à domicile. On pourrait aussi ajouter qu'il y en a une qui est décédée l'an dernier. Parce qu'elle était seule à Rimouski et qu'on lui téléphonait, on téléphonait à l'épicier du coin où elle allait chercher sa nourriture. Et on a eu même un rapport du coroner. Voyez, j'en mets sur le tas, en plus. Bon. Donc, c'est pour ça que je vous disais que c'étaient mes personnes à risque et qu'il fallait aller les voir. Juste pour vous rassurer, rien que sur l'île de Montréal, depuis janvier à octobre, nous avons visité 896 personnes, uniquement sur l'île de Montréal. Et, à cela, je peux ajouter ceux que nous avons visités, mettons, dans les territoires nord, à Québec, 896 personnes.

Mme Loiselle: En centre hospitalier ou des gens...

M. Gabrièle (Pierre): Non, non, directement. Il y en avait à domicile et il y en avait aussi individuellement dans des foyers ou au centre d'hébergement. Et, dans les centres hospitaliers, l'opération de visite des neuf centres hospitaliers, j'ai touché, là-dedans, avec Rivière-des-Prairies, 1 000 personnes. Donc, à ce jour, nous avons vu 2 500 personnes depuis janvier.

Mme Loiselle: Sur...

M. Gabrièle (Pierre): Sur 12 500, M. le Président. C'est l'équivalent de 20 %. Bon. C'est déjà un premier départ. Je ne vous dis pas que c'est suffisant, mais, dans une première année, c'est un premier départ.

Maintenant, je comprends la préoccupation de Mme la députée, oui: Est-ce qu'on va retomber... on fait un effort dans les premières années et après on retombe dans nos vieilles habitudes. Pour casser la culture, pour qu'on ne retombe pas dans nos vieilles habitudes, ce que j'ai fait, j'ai centralisé toute la gestion des biens à Montréal. Donc, ceux qui vont être les conseillers à la représentation continue n'auront pas d'autre choix que de faire de la représentation continue de mes personnes sous protection. Sinon, ils ne peuvent plus gérer les biens, c'est centralisé. Donc, peut-être, c'est un élément drastique, parce que tu casses la culture en disant...

Parce qu'une personne n'est pas simplement une personne physique, la personne est un tout. Tu as à la fois ses soins de santé, son bien-être, mais il y a aussi ses propres biens. Donc, tu la divisais en deux en centralisant la gestion des biens. Mais c'était nécessaire pour casser la culture de l'institution. Parce que c'est plus facile de s'occuper des biens que de s'occuper d'une personne. Donc, les conseillers à la représentation, à ce moment-là, ne vont plus gérer les biens. Et c'est peut-être cet élément-là qui va permettre de casser la culture.

Quand on parle que 50 % de ma clientèle est en établissement, oui, je vous le disais, même, ça rassurait tout le monde, pas simplement les gens du Curateur, mais ça rassurait parfois aussi les familles de les avoir mis en établissement et ça rassurait aussi le réseau parce qu'ils étaient en sécurité. Mais on n'allait pas les voir. On n'était même pas consulté pour les plans d'intervention individualisés que faisait l'établissement, alors qu'on est le représentant de la personne. La seule chose qu'on faisait et qu'on faisait correctement, c'était le consentement aux soins. Mais la contention, les gens pensaient que c'était, dans les établissements, implicite, alors que les mesures de contention, quant à moi, c'est comme le consentement aux soins, il faut qu'ils nous demandent l'autorisation si la personne ne peut pas consentir.

Mme Loiselle: M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée.

Mme Loiselle: Étant donné la situation, étant donné les moyens que vous avez, le manque d'effectifs que vous avez... Prenons les urgences. Alors, les personnes qui sont en centre hospitalier, comme vous dites, on peut dire: Au moins, il y a des gens, elles sont entourées. Mais il y a les personnes qui vivent seules à domicile qui n'ont pas reçu de visite. Elles sont vraiment écartées, seules. Elles n'ont aucune protection de la part de la société actuellement. Vous en avez combien qui vivent seules à domicile et combien qui vivent aussi dans des foyers privés sans permis, et on ne sait même pas quelle sorte de qualité de soins elles reçoivent? Est-ce que vous avez un plan de stratégie immédiat où vous allez dire: Ces personnes-là, étant donné qu'elles sont seules au monde, il faut absolument qu'on les priorise et qu'on mette un plan d'action, qu'elle reçoivent des visites? C'est ce plan-là, là. Parce que ces personnes-là, au moment où on se parle, sont complètement seules au monde, dans leur misère, il faut le dire.

M. Gabrièle (Pierre): Alors, justement, M. le Président...

Le Président (M. Kelley): M. Gabrièle.

M. Gabrièle (Pierre): Ce que je veux vous expliquer d'entrée de jeu... Quand j'ai dit que je vais gérer les risques, ces personnes qui sont seules à domicile, c'est elles que j'ai ciblées. Nous les visitons toutes. Donc, on fait une opération pas par échantillonnage, une opération cas par cas. Elles ont toutes été visitées. Et nous terminons l'opération d'ici, disons, mars, mais elle va même être terminée plus tôt. Moi, j'escompte qu'elle va être terminée d'ici décembre. Elle a été retardée sur l'île de Montréal, l'opération, d'un mois, parce que les travailleurs sociaux que j'avais – parce que je n'en ai que sept sur l'île de Montréal – les sept travailleurs sociaux que j'avais, j'ai dû les retirer sur le plan de la visite à domicile pour les personnes seules pour les envoyer à Rivière-des-Prairies, parce que, comme on avait évalué tous les patients de Rivière-des-Prairies en termes de suivi à l'évaluation pour pouvoir les relocaliser dans des centres de réadaptation, il fallait que je fasse le suivi à l'évaluation, et c'est mes travailleurs sociaux qui l'ont fait avec l'établissement. Donc, c'est ça qui a reporté d'un mois le délai de la visite à domicile pour l'île de Montréal. Mais je vous affirme que, dans mon plan, c'était que les personnes seules à domicile, on va toutes les connaître d'ici le 31 décembre.

Mme Loiselle: Et cette intervention-là que vous faites actuellement pour connaître finalement...

M. Gabrièle (Pierre): Ne sera pas ponctuelle, elle va avoir... Suite à ça, nous allons établir pour chacun un plan d'orientation, pour chaque personne. Donc, il ne va pas y avoir un plan général, c'est un plan individuel, pour chacune des personnes.


Relations avec les familles

Mme Loiselle: Parfait. Une autre petite question. Dans le volet de votre cadre de gestion de la mission, vous avez aussi, dans vos quatre volets, la participation des proches. Là aussi, je ne vous apprends rien en vous disant que vous avez encore une autre culture à modifier, c'est celle de la relation entre la curatelle publique et la famille. Parce que les plus grandes critiques que les familles immédiates des personnes inaptes nous disent, c'est: On est complètement ignoré. Ce qu'on dit, ce qu'on veut pour nos proches, on nous consulte de temps à autre, mais c'est seulement un peu comme de la frime, parce qu'on ne prend pas en considération ce qu'on veut pour nos proches.

Et, moi, je me demande: Est-ce que vous avez l'intention de vraiment créer un véritable partenariat entre la famille et les relations avec le Curateur public? Et aussi, allez-vous donner à la famille, ce qui est inexistant actuellement, un certain pouvoir décisionnel qu'elle n'a pas au moment où on se parle?

Le Président (M. Kelley): M. Gabrièle.

M. Gabrièle (Pierre): Bon, vous avez ici plusieurs questions.

Des voix: Bravo!

Le Président (M. Kelley): M. Gabrièle.

M. Gabrièle (Pierre): Peut-être, M. le Président, qu'après que j'aurai parlé on n'applaudira plus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gabrièle (Pierre): Bon, regardez pourquoi je vous dis ça. Avec la famille, oui, nous allons collaborer avec la famille. Comme je vous l'ai expliqué, avec les prochaines demandes d'ouverture de régime, nous allons associer la famille et le conseil de famille à toutes les décisions. Mais, quand je dis «on l'associe», il faut comprendre qu'associer la famille ne veut pas dire que c'est la famille qui décide, sinon, si c'est la famille qui décide, il faut que la famille choisisse d'être... un de la famille devienne curateur privé.

Parce que, vous comprenez, c'est là le cercle vicieux, M. le Président. C'est-à-dire que la famille n'accepte pas la curatelle privée, bon, et, quand nous sommes Curateur public, parfois aussi on nous reproche... Parce que nous avons aussi des luttes familiales. Bon. Et vous savez que, dans les familles, vous avez des fois des clans et que nous sommes pris entre ces clans-là. Alors, vous avez un côté du clan qui nous dit: Toi, le Curateur public, tu n'as pas respecté, ou tu n'as pas agi en conséquence, et, de l'autre côté, il y a la partie opposée au clan qui nous dit: Tu as bien fait. Et nous devons vivre dans ce que j'appelle cet équilibre instable.

Cependant, nous allons associer les familles. Je ne vous dis pas qu'on ne les associe pas. Mais il faut comprendre aussi que, pour la personne que nous représentons, il ne faut pas mettre la personne dans la tourmente des chicanes de famille. Et, si la famille veut décider pour et au nom du Curateur public – comme je vous dis, le Curateur public est le dernier recours – donc il faut que la famille accepte d'assumer la responsabilité de curatelle privée. Et là elle va pouvoir décider en toute connaissance et en pleine connaissance.

(11 h 10)

Bon, regardez, je vis actuellement un exemple frappant, c'est avec l'hôpital Rivière-des-Prairies. À l'hôpital Rivière-des-Prairies, c'est des personnes qui, la très grande majorité de ces personnes-là, sont sous curatelle publique. Nous avons constaté que ces personnes-là sont internées dans un hôpital psychiatrique inutilement. Même le rapport et le constat que fait le Collège des médecins dit: Ces gens-là devraient être dans des centres de réadaptation. Mais là j'ai l'association des parents ou les gens de la famille qui me disent: Non, ils ne sortiront pas de l'hôpital. Cependant, la responsabilité légale, c'est moi qui l'ai comme Curateur public. Je peux bien associer la famille pour aller lui montrer quel est le nouvel établissement où la personne va aller, c'est quoi, le centre de réadaptation, mais je ne peux pas suivre la décision de la famille, parce que, un jour, c'est moi qui en suis imputable, pas la famille, parce que légalement c'est moi qui suis le représentant de la personne. Donc, c'est pour ça que je vous dis: il va falloir établir un équilibre là-dessus.

Mais, pour nous, la famille, c'est important. Pourquoi elle est importante? Je vais vous dire aussi un autre type... en quoi je vois la famille... Quand on va avoir le plan d'orientation pour la personne, nous allons le déposer à la famille. Je vais même rendre des comptes sur la gestion des biens et sur la gestion de la protection de la personne à la famille.

Maintenant, face aux maisons. Nous avons des maisons unifamiliales. Vous savez que, quand ma personne est inapte... Certaines peuvent redevenir aptes suite à une réévaluation, mais la très grande majorité de ces personnes-là, surtout celles qui ont des maladies dégénératives, resteront inaptes jusqu'à la fin de leurs jours. Or, quand j'ai une maison unifamiliale, j'en ai la simple garde, mais il se peut qu'en associant la famille on décide avec la famille: Bon, écoutez, c'est une maison unifamiliale, on va la vendre dès la prise de juridiction, le produit de la vente, on le place – actuellement, j'ai une entente avec la Caisse de dépôt et placement – à la Caisse de dépôt et placement et, au décès de la personne, on va donner à la fois le produit de la vente plus les intérêts courants aux ayants droit.

En même temps, on rend service, par exemple, à la personne, parce que, un, quand j'ai la simple garde de la maison, vous comprenez très bien que je dois payer les réparations, entretenir la maison, et là je vais piger dans le patrimoine de la personne. Et ensuite, au bout d'un an, la maison n'est même plus considérée comme résidence familiale. Quand on la vend ou que les ayants droit vont la vendre, dans 10 ans ou 15 ans, à ce moment-là, ils ont même à payer du gain de capital sur la maison, alors qu'à l'intérieur de l'année où on a placé la personne c'est encore une résidence familiale.

Et on va expliquer tout ça à la famille, et je vais même présenter ça à l'assemblée de famille en disant: Voilà, la maison que j'ai reçue, voilà l'état dans lequel je la reçois. Parce qu'on va faire une évaluation physique. On a complété les évaluations physiques des maisons que j'ai. On va dire aussi: Voilà à la fois l'évaluation municipale et la valeur marchande de la maison. Et maintenant, on va leur expliquer, par exemple, qu'est-ce qu'on fait à la maison. Si la famille accepte, on fait un compte rendu de cette réunion-là, et là je peux la vendre.

Mais mettons que la famille n'accepte pas, là j'ai une décision, moi, à prendre, parce que la décision me revient puisque c'est moi qui dois rendre des comptes et qui suis imputable de cette décision-là. Et, si je prends la décision, dans cet exemple-là, de vendre la maison, si la maison a une valeur de plus de 25 000 $, j'irai devant les tribunaux et j'informerai la famille: Écoutez, je vais obtenir du tribunal l'autorisation de vendre et, si vous êtes en désaccord, venez devant le juge faire vos représentations.

Alors, je suis pour et j'y crois, à l'intervention et à la collaboration de la famille. Cependant, je ne peux pas me mettre remorque de la famille, parce que, si c'est la famille qui va décider en lieu et place pour moi, vous serez les premiers, comme parlementaires, à me le reprocher et à me dire que je n'ai pas rempli mes obligations comme Curateur. Comme, au même titre, je ne peux pas me mettre remorque des établissements de santé, je dois avoir une certaine indépendance, comme Curateur public, pour protéger les personnes et les représenter. Comme, au même titre, je ne peux pas me mettre remorque ou avoir le même agenda que tous les organismes de défense des droits, parce que, si j'ai le même agenda qu'un organisme de défense des droits, à ce moment-là, c'est très clair que, sur les deux organismes, il y en a un des deux qui est de trop.

Alors, vous voyez, c'est cette distanciation, M. le Président. Des fois, c'est difficile à saisir. Mais, normalement, pour la défense des droits de mes protégés, je dois avoir la même indépendance, je dirais, que doit avoir, mettons, le Protecteur du citoyen ou le VG. Voilà.

Mme Loiselle: Merci. Je dois dire que vous me rassurez un peu. Je sens qu'il y a quand même un début de changement quant à la collaboration de la curatelle, avec le rapprochement que vous voulez faire avec les familles. Alors, tout début de changement est apprécié dans une telle situation.

On me disait aussi que – ça, je veux savoir si vous allez demander un peu plus de souplesse de la part des gens qui travaillent avec vous – quand une personne est à domicile et que son état de santé se détériore et que la curatelle décide que cette personne-là, maintenant, doit aller vivre en centre hospitalier, souvent on consulte la famille puis on dit: Bon, bien, votre père, on l'envoie à tel centre. Pour diverses raisons, la famille dit: Non, non, non, moi, mon père, je ne veux pas qu'il aille à ce centre-là. Souvent, on ne prend pas en considération les arguments de la famille et on raccroche, puis, bon, on envoie quand même le père à ce centre-là. Est-ce que vous allez demander à vos travailleurs sociaux d'avoir un peu plus de souplesse et d'ouverture face aux revendications des proches, dans de telles situations?

M. Gabrièle (Pierre): M. le Président, oui, oui. Et, même, je vais aller plus loin. Vous savez... Et j'en ai traité, un cas, personnellement. J'avais une personne à domicile. Cette personne avait décompensé. Il y a un moment donné, elle était à domicile, elle a été expulsée en passant devant la Régie du logement. Nous l'avons représentée à la Régie du logement. Cette personne a deux filles. Nous avons communiqué, même, avec une fille qui est à l'extérieur du Québec. Nous avons communiqué avec les filles, nous nous sommes associés bien sûr avec sa fille qui était la plus proche, qui habite dans la région de Montréal, avec elle. Et, quand la personne a été expulsée, bien sûr, nous étions là, nous avons fait tout son déménagement. Et j'avais pris une entente avec un établissement hospitalier, en discutant avec la fille, pour la placer dans l'établissement hospitalier en garde parce qu'elle avait besoin de soins.

Et on est allé aussi loin, M. le Président, que, comme elle refusait, comme, elle, elle disait qu'elle n'avait pas besoin de soins et elle avait refusé de se faire traiter, nous avons fait une requête à la cour pour l'obliger à se faire traiter. Mais je lui ai donné un avocat externe pour défendre ses propres intérêts, même si moi, comme curateur public qui la représentais, j'avais mon avocat qui allait devant le juge pour dire qu'on devait l'obliger à se soigner. Et j'ai pris un avocat externe volontiers, un avocat qui travaille au niveau de la défense des droits des personnes, le bureau de Me Ménard.

Et ensuite, quand on est en train d'établir pour cette personne-là dans quel type d'hébergement elle pourra aller, on associe toujours sa fille. Même un samedi. Comme, maintenant, l'automne, il fait froid, donc elle n'avait pas du linge d'automne et d'hiver et qu'il était à l'entrepôt, un samedi, avec sa fille, on est allé chercher le linge à l'entrepôt, et c'est elle qui a choisi le linge de sa mère pour le lui apporter. Alors, je vous donne ce type d'exemple là pour vous dire: le virage est là. Mais, simplement, ce qui est important, je ne voudrais pas que vous compreniez que j'accepte toutes les décisions de la famille. C'est-à-dire, je les consulte, je collabore avec eux, mais j'ai ma propre responsabilité.

(11 h 20)

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Rosemont? M. le député de Chicoutimi.


Visite des personnes sous curatelle (suite)

M. Bédard: Ça adonne bien d'ailleurs, j'ai deux questions, d'abord, un peu en complément de ma collègue de Saint-Henri–Sainte-Anne par rapport au premier aspect qu'elle abordait, soit celui du suivi des gens, des visites, entre autres, des personnes vivant seules ou en établissement. J'aimerais savoir, M. Gabrièle, moi... Parce que vous disiez: Nous, on veut changer la culture. Évidemment, on a constaté en lisant le rapport du Vérificateur, avec les différents documents aussi, même vos commentaires, que la situation était effectivement, depuis quelques années, assez problématique. Et, pour corriger le passé, pour s'assurer effectivement que dans l'avenir la situation ne se reproduise plus, vous disiez: Je tente de changer la culture, entre autres, en faisant en sorte que les biens soient gérés à Montréal. Donc, les gens qui sont au niveau des régions, au niveau des points de services, vont s'occuper des personnes.

Moi, j'aimerais savoir plus particulièrement: Au niveau pratique, est-ce que vous avez un code d'intervention, un mode d'intervention particulier, qu'il soit au niveau des visites, de ceux qui font des visites, de quelle façon on les fait, à quelle période on doit les faire? J'aimerais savoir, au niveau pratique, s'il y a un véritable code ou si ça se fait selon, pas la bonne volonté, mais, je vous dirais, l'initiative des gens en place, ou si vraiment il y a un code ou un protocole.

M. Gabrièle (Pierre): Bon. Alors, oui, M. le Président, justement. Actuellement, tous les processus d'intervention ont été décortiqués, nous avons l'ensemble des processus d'intervention. C'est écrit et, donc, on sait ce qu'on doit faire à l'intervention, à l'ouverture, on sait ce qu'on doit faire, par exemple, pour faire le plan d'orientation et de suivi intégré et comment doit se faire la représentation.

Ce qu'il nous manque actuellement et qu'on est en train de bâtir – parce que, quand je vous dis qu'il faut bâtir une maison neuve au complet – c'est les outils qui vont avec, que nous devons mettre à la disposition de mes employés, au niveau des conseils à la représentation continue. Et c'est la Direction de la planification et de la recherche qui travaille avec ces outils-là.

Actuellement, au niveau des outils à bâtir, nous avons terminé les outils pour tout ce qui est l'intervention d'ouverture. Donc, nous allons amorcer la création d'outils pour le plan d'orientation et de suivi intégré et les outils pour le suivi, en termes de visites que nous faisons, même au niveau des notes qu'on met au dossier. Il y a de tout, là, actuellement. Vous pouvez avoir des commentaires que la personne fait, comme vous pouvez avoir des choses très structurées et rationnelles. Donc, au niveau des notes évolutives, il va falloir que je les forme, ces employés-là, pour écrire des notes évolutives, je dirais, de qualité. Et c'est ça que j'appelle les outils.

M. Bédard: Excusez-moi de vous interrompre. Auparavant, il n'y avait rien à cet effet-là? Il n'y avait pas de cadre de...

M. Gabrièle (Pierre): C'est-à-dire qu'auparavant on était parti du principe du guichet unique, vous savez. Alors, c'est-à-dire que, quand on appelait au Curateur, on parlait à un responsable-client et qui, lui, y allait par mandat. Alors, au lieu d'être proactifs, on était réactifs. Le changement de culture, en définitive, qu'on veut donner à l'institution, c'est justement le fait d'être proactifs plutôt que réactifs. On ne réagissait que lorsqu'il y avait plainte, donc ce que j'appelais, moi... on agissait comme un pompier de service. Et c'est dans ce sens-là que je vous dis que tout est à bâtir, parce qu'une culture proactive de services, de représentation et de protection de la personne n'existait pas, on éteignait des feux.

M. Bédard: Pour bien comprendre aussi – excusez-moi d'y revenir – autrement dit, il y a des gens qui vont avoir des dossiers en particulier qu'ils vont traiter. Auparavant, ce n'était pas ça, donc, on gérait un ensemble de biens et de choses et on réagissait à des situations. Alors que là il va vraiment y avoir des gens, bon: Vous avez tant de dossiers à vous occuper, vous avez tant de visites à faire pendant l'année, vous avez tant de vérifications à faire. Et auparavant ce n'était pas comme ça.

M. Gabrièle (Pierre): Auparavant, ils avaient des dossiers, mais des dossiers, c'était... Même le VG l'a constaté, et le Protecteur. On donnait une charge de travail, de dossiers à un responsable-client, mais on la donnait en fonction du CLSC. Parce qu'on disait: On va faire une interface face à un répondant du CLSC. Donc, un responsable-client pouvait avoir 800 dossiers à traiter parce que le CLSC comprenait 800 personnes; dans le CLSC, j'avais 800 personnes, dans le CLSC, j'avais 800 personnes qui étaient sur protection. Un autre, dans l'autre CLSC, on en avait 300. Donc, il y avait déjà une certaine disparité. Bien sûr que, quand tu en as 800, tu ne peux pas donner le même service que tu donnes quand tu en as 300. Bon.

Et, dans ces dossiers-là, ce qu'on faisait, on s'occupait donc soit de payer l'hébergement, on s'occupait des menues dépenses, quand la personne était en centre de réadaptation ou en centre d'hébergement privé. Mais, quand c'était en établissement, on avait délégué les menues dépenses à l'établissement. Donc, le responsable-client faisait, face au centre hospitalier, l'interface avec le représentant de l'établissement.

Et, quand la personne avait des biens, soit une maison ou, mettons, un patrimoine, à ce moment-là, le responsable-client donnait des mandats à des fiduciaires ou à un investigateur. Bon. Mais ils sortaient peu. Certains sortaient, mais ce n'était pas la norme ou la réalité. Alors, c'est dans ce sens-là que je vous disais qu'ils travaillaient sous forme de dossiers, mais ce n'était pas surtout la protection et la représentation de la personne qui étaient le centre du travail du responsable-client. Pour vous expliquer, vous donner un exemple...

M. Bédard: Non, mais je pense que ça complète. En tout cas, ça me rassure. Ce que vous me dites, c'est que vraiment il va y avoir un plan d'intervention qui va être défini très rapidement et, un, que les services soient égaux aussi pour tous, de cette façon-là. Moi, c'est de ça dont je veux m'assurer parce que je trouve ça aberrant de...

M. Gabrièle (Pierre): Oui. Et vous savez qu'une grosse partie du mandat de la firme de consultants qu'on a eue en place, qui s'est terminé au 31 mars dernier, elle a travaillé sur le développement organisationnel, sur tous les processus d'intervention et l'organisation du travail. Donc, ça, nous l'avons. Maintenant, ce qu'il nous reste, nous, à bâtir, c'est les outils qui vont avec.


Traitement et suivi des signalements

M. Bédard: Un dernier aspect, une des mesures que vous avez instaurées, que je trouvais intéressante, soit celle du traitement des signalements, où vous disiez que, dans un délai de 48 heures, toute personne victime d'abus ou de négligence, il y a un suivi qui allait se faire. Je voulais savoir. Parce que là on est en train de s'amender, de corriger la situation. Simplement à titre indicatif, est-ce qu'il y a eu effectivement beaucoup de plaintes à ce niveau-là? Et est-ce que vous avez réussi, avec le personnel que vous avez, à respecter cette obligation-là, cette obligation que vous vous êtes donnée, ce mandat-là?

M. Gabrièle (Pierre): Oui. Au début, les gens ne nous croyaient pas. Parce qu'ils se disaient: Bon, il arrive... il nous dit 48 heures. Et les gens ne nous faisaient pas de signalement ou, quand ils nous en faisaient, comme ça s'étirait dans le temps, ils trouvaient inutile de nous signaler. Depuis que nous avons respecté le délai, nous avons de plus en plus de signalements. Vous voyez...

M. Bédard: En ordre de grandeur, ça serait quoi?

M. Gabrièle (Pierre): Là, nous en avons eu une quarantaine. Et je peux vous donner un exemple. Ce qui fait la manchette des journaux, c'est juste par un signalement. À La Triade, ici, à Québec, quand nous sommes intervenus, c'est un signalement. Nous avons eu le signalement le vendredi matin; le vendredi après-midi, je donnais un mandat d'enquête signé au directeur territorial; et, samedi matin, on est rentré dans les ressources, et on y est encore.

M. Bédard: Et, dans l'ensemble, c'est ça, le constat, c'est que vous avez respecté, effectivement.

M. Gabrièle (Pierre): Bon. Vous voyez, j'ai eu même des signalements sur des abus au niveau financier, à un moment donné. Même maintenant, vous avez des... Un courtier en valeurs mobilières m'appelle. Il m'a appelé directement pour me dire: Écoutez, monsieur, j'ai une dame – qui n'était pas sur protection, elle n'était même pas sur protection, ni publique ni privée – âgée qui a 92 ans. Il y a quelqu'un de la famille qui veut retirer toutes ses actions. Elle a un patrimoine de 600 000 $. Et je pense que, si elle retire ce 600 000 $ là, on va l'abuser.

(11 h 30)

Même si la personne n'est pas sur protection ni publique ni privée, quand j'ai un signalement, dans le Code civil, j'ai une obligation de ce que j'appelle... je peux agir en gestion d'affaires. Alors, en gestion d'affaires, au téléphone, je lui ai dit: Gelez tous les fonds, je vous confirme par fax mon gel. Ce qu'on a fait. Et là ça a pris trois mois devant les tribunaux – parce que, dès que j'ai gelé, bien sûr, celle qui voulait retirer de la famille a pris un avocat et une procédure contre le Curateur – et la décision est sortie: la personne, on va lui faire une ouverture de régime, et le juge a décidé de maintenir le gel jusqu'à ce qu'on nomme un curateur à cette personne-là. Mais le signalement m'est venu d'un courtier en valeurs mobilières, et on a agi à l'intérieur de 48 heures.

Alors là, maintenant, il nous reste à canaliser les signalements vers la Direction des plaintes pour qu'on puisse à ce moment-là avoir les statistiques et savoir aussi les types de signalement qui nous arrivent – est-ce que c'est au niveau de la personne, est-ce que c'est au niveau de ses biens? – ces types de statistiques qui nous manquent pour l'instant, parce que les signalements rentrent de partout.

Le Président (M. Kelley): Juste pour être clair, vous avez parlé d'une quarantaine de signalements cette année ou... C'est quoi, la période de temps?

M. Gabrièle (Pierre): C'est de janvier...

Le Président (M. Kelley): Alors, dans l'année.

M. Gabrièle (Pierre): ...à octobre.

Le Président (M. Kelley): O.K. Parfait. Mme la députée de Rosemont.


Mise à jour et utilisation des systèmes d'information

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Dans votre rapport que vous nous soumettez, dans lequel vous faites état de ce que vous avez fait, vous indiquez à la toute fin votre intention de réviser votre grille tarifaire et vous indiquez là-dedans un certain nombre de principes. Alors, dans le contexte de la tarification, il y a une variable importante, c'est les coûts réels des services que vous rendez. Et quand on regarde ce que le Vérificateur général avait fait comme commentaires lors de son dernier rapport, il avait indiqué une grande critique au niveau du manque de rigueur. Et il avait aussi indiqué son inquiétude quant aux systèmes d'information de la curatelle.

Alors, j'ai deux questions à cet égard-là. Quelles ont été les investissements de la curatelle dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix quant à la mise à niveau ou au maintien à jour des systèmes d'information? On s'entend, là, on se comprend sur ce que ça veut dire? Est-ce que vous avez l'historique des investissements qui ont été faits?

M. Gabrièle (Pierre): Oui, Mme la députée, j'ai un historique. Il y avait un plan directeur de l'informatique qui, de mémoire, s'est terminé en 1997. Et, dans ce plan directeur là...

Mme Dionne-Marsolais: Qui débutait quand?

M. Gabrièle (Pierre): Au début des années quatre-vingt-dix. Mais nous avons l'historique. Je sais que le plan directeur s'est terminé en 1997 et qu'il avait coûté autour de 7 000 000 $ pour l'ensemble, du début à la fin du plan directeur. En décembre 1998, j'ai fait faire toute une évaluation de mes systèmes. C'était à l'intérieur du mandat de la firme Mallette, Maheu. J'ai donc les rapports. Il a fallu que je modernise mes équipements, en parlant des micros; donc, on a fait des achats de micros plus performants. Il a fallu aussi augmenter la puissance du réseau au niveau de l'ordinateur central et, oh surprise! aussi, il a fallu travailler sur le bogue de l'an 2000 parce que, en décembre 1998, on n'avait fait aucun test. Donc, il a fallu mettre l'accent très rapide sur les tests, qui se sont terminés en mai 1999, et je vous informe qu'on va passer l'an 2000. Plus, j'ai un plan de contingence.

Maintenant, nous sommes en train de bâtir un nouveau plan directeur parce que, dès le moment que je m'en vais au niveau des territoires, il va falloir que je les mette en réseau. Donc, il va me falloir un nouveau plan directeur, et nous avons déjà fait les discussions avec le Conseil du trésor sur les immobilisations à venir au niveau du plan directeur.

Mme Dionne-Marsolais: Est-ce qu'avec ces systèmes informatiques vous connaissez maintenant l'évolution ou la tendance lourde qui se dégage quant à votre clientèle en établissement par rapport à celle qui est en résidence privée ou celle qui est à domicile? Vous ne les connaissez-pas?

M. Gabrièle (Pierre): Non, madame. C'est-à-dire, il va falloir, comme je vous le dis, revoir au complet tous nos fichiers. Ce qui expliquait, à un moment donné, que nous avions oublié, dans les réparations systémiques de Me Aquin, mettons, de percevoir la Régie des rentes ou encore la pension de vieillesse. Bon. Maintenant, à ce niveau-là, il y a moins de risque parce que je vais coupler mes fichiers avec la Régie des rentes ou la pension de vieillesse. Donc, au niveau de l'accès à l'information et les données nominatives, comme je représente la personne, je peux demander des informations à la Régie des rentes parce que je suis représentant de la personne.

Mais nous sommes à revoir l'ensemble du fichier des personnes parce que, quant à certains, nous n'avons pas soit la bonne date de naissance; des fois la personne – et surtout quand elle est en curatelle privée – est changée d'hébergement et le curateur privé ne nous informe pas du changement. Alors, tout ça, il faut le voir en profondeur, M. le Président.

Et ça va tenir compte aussi, quand on va les rencontrer, de déterminer pour eux leur profil, un peu la question précédente que vous m'avez posée. Alors, on revoit la gestion documentaire au complet. C'est un projet spécifique qui va me coûter, sur deux ans, 1 300 000 $.

Mme Dionne-Marsolais: Donc, on ne sait pas combien il y en a qui sont en résidence privée, c'est ce que vous me dites, là?

M. Gabrièle (Pierre): Ceux qui sont en résidence privée. C'est-à-dire, je sais ceux qui sont en résidence, mais je ne sais pas si elle est privée, la résidence, ou privée conventionnée. Vous voyez?

Mme Dionne-Marsolais: D'accord. Est-ce que, quand vous avez des personnes qui sont en résidence privée ou en établissement, vous avez un protocole d'entente avec ces établissements-là, ou en résidence privée, qui établit justement les éléments que vous souhaitez suivre pour vos patients ou vos personnes?

M. Gabrièle (Pierre): Actuellement, M. le Président, il n'y a pas de protocole d'entente, justement, parce que le protocole d'entente va être le plan d'orientation et de suivi intégré pour chacune des personnes, et que nous allons donc établir pour les 2 500 nouveaux qui rentrent dès 2000 et que nous allons faire à l'intérieur de trois ans pour les 12 500 que j'ai. Parce que le protocole d'entente avec l'établissement, le seul protocole que nous avons, c'est pour payer l'hébergement. Mais, en termes de plan de suivi pour ces personnes-là, il n'y a rien, Mme la députée.


Tarification et mode de gestion des portefeuilles

Mme Dionne-Marsolais: Est-ce que, dans cette redéfinition de vos façons de faire, vous avez fait une mesure de comparaison avec ce qu'un fiduciaire privé ferait, par exemple, pour voir si l'approche que vous prenez, elle est – pour utiliser une expression qui est peut-être un peu technique – selon les règles et les façons de faire reconnues, les bonnes règles de gestion?

Parce qu'il y a des fiduciaires qui jouent un peu le rôle que vous jouez à un niveau privé et qui ont beaucoup d'expérience, qui ont beaucoup de passé, qui ont beaucoup de vécu. Est-ce que vous avez fait ou est-ce que vous avez l'intention de faire une analyse comparative entre vos façons de faire et les leurs? Tout ça dans l'optique, là... Parce que, quand on parle de tarification, on parle de charger un prix pour un service que l'on rend. Alors, il y a deux volets là-dedans: est-ce que ce service-là est de même niveau que si on utilisait un tiers privé? Ça, c'est notre responsabilité de député de s'en assurer, qu'il soit meilleur ou au moins au même niveau. S'il est moins bon, on a un problème. Enfin, pas nous, mais les administrateurs publics ont un problème. Et, par le fait même, nous avons un problème, nous, en tant que représentants des contribuables, là, j'entends.

Et l'autre volet, c'est: Est-ce que les services que vous fournissez se comparent à ceux qui sont fournis, autant en termes de qualité que de quantité? Il y a une expression technique que vous connaissez sûrement très bien, parce que vous en avez utilisé plusieurs, de ces expressions-là, dans votre exposé: l'étalonnage et la mesure de la performance d'une entité par rapport à une autre.

(11 h 40)

M. Gabrièle (Pierre): M. le Président, nous n'avons pas fait de comparaison avec les fiduciaires privés. Cependant, nous avons fait une comparaison avec l'Ontario. Il y a une délégation qui est allée, accompagnée du Conseil du trésor, en Ontario pour voir le Curateur public de l'Ontario. Parce qu'on nous disait: Lui, il a à peu près le même type de clientèle. Donc, il y a cette comparaison-là qui a été faite avec l'Ontario.

Maintenant, pour tout ce qui est de la gestion des portefeuilles, compte tenu de l'entente que j'ai faite avec la Caisse de dépôt et placement, je vais charger le prix du marché, comme on charge le prix du marché. Et donc, ce n'est plus nous qui allons gérer les portefeuilles, c'est-à-dire que c'est la Caisse, mais elle va le faire selon la politique de placement du Curateur public, qui est mon comité de placement qui établit la politique de placement.

Pour tout ce qui est de la gestion des immeubles, je ne vous en avais pas parlé dans mon rapport, parce que là, pour l'instant, on est en train de consolider le registre et finir le registre des immeubles. Mais je ne vous cache pas que, dans mes orientations pour l'avenir, je ne voudrai plus gérer des maisons unifamiliales. J'ai commencé à l'exposer en disant: On va réunir la famille, on va vendre la maison unifamiliale. Ça ne sert à rien de gérer une maison unifamiliale.

Ce que nous allons garder, c'est des immeubles à valeur locative et qui ne sont pas grevés d'hypothèques. Et cela, je ne vous cache pas que je vais aller en impartition. Bien sûr que le Syndicat des fonctionnaires ou des professionnels ne va pas m'aimer quand je dis que je vais aller en impartition, mais, comme je parle ès qualité pour la personne, je vais aller en impartition.

Pour tout ce qui touche les déclarations fiscales... je vous avais dit que 84 % de mes personnes n'ont que moins de 10 000 $. Donc, pour 84 % de mes personnes actuellement, au niveau des déclarations fiscales, c'est un logiciel, Informatrix, qui a fait des transferts de données informatisées directement à Revenu Québec et à Revenu Canada. Il y a à peine 2 500 déclarations fiscales que j'appelle complexes, où les gens paient de l'impôt. Et, ceux-là, j'ai mis sur pied une équipe de travail, Curateur public et Syndicat des fonctionnaires, pour regarder l'impartition de ces déclarations fiscales, ce 2 500, pour l'avenir. Il va me rester juste peut-être, dans le provisoire, en attendant, mettons, que la résidence soit vendue, à gérer cette résidence-là.

Mme Dionne-Marsolais: La transition.

M. Gabrièle (Pierre): Alors, dans la tarification, nous, ce que nous allons faire, c'est-à-dire que nous allons y aller à un taux horaire, dans le règlement de tarification. Et ce que le VG nous avait reproché, le VG nous avait reproché plusieurs choses. Il nous avait reproché d'abord, dans le règlement, qu'il y avait une double tarification. On chargeait même pour encaisser un chèque, et tout ça. Il nous avait reproché aussi de l'interfinancement, je chargeais plus... bon. Et il nous avait aussi reproché que, au niveau de la comptabilisation des honoraires, c'était laissé à la discrétion des personnes. Alors, le responsable-client pouvait mettre, entrer à l'ordinateur le temps qu'il avait passé pour travailler sur le dossier d'une personne, celui d'à côté ne le rentrait pas. Donc, même quand j'allais chercher, bon an mal an, 17 000 000 $ de revenus, je devais en rayer pour 3 000 000 $ parce qu'il y avait des gens qui n'avaient pas de patrimoine, mais je n'étais pas sûr qu'on avait comptabilisé tous les honoraires voulus.

Alors que, dans le règlement qu'on se prépare à modifier, c'est-à-dire pour la protection de la personne, on ne chargera plus de tarification pour la protection de la personne elle-même et sa représentation. Ce que nous allons charger, c'est des déboursés, c'est-à-dire les déboursés qui touchent la personne elle-même. Autrement, on lui donnerait plus de droits qu'une personne inapte. Et le reste, ça va être une tarification pour la gestion des biens, une tarification pour la gestion des biens qui serait soit en pourcentage, quand on parle des placements, comme équivalent au marché... Si j'impartis donc, mettons, la location des immeubles, je vais charger le coût de l'impartition plus un tarif de surveillance additionnel parce que je fais l'interface avec la compagnie de gestion immobilière; et, pour les autres cas, c'est un taux horaire que nous allons charger.


Déclarations fiscales

Mme Dionne-Marsolais: La dernière question, si vous permettez, M. le Président: Est-ce que vous pouvez nous assurer aujourd'hui, M. Gabrièle... Bien, je vais peut-être faire une introduction à ça. Vous savez que notre gouvernement a mis de l'avant une lutte contre l'évasion fiscale assez sérieuse et assez efficace. Est-ce que vous pouvez nous assurer maintenant, aujourd'hui, que, dans le cadre des personnes que vous représentez, vous avez dûment procédé aux déclarations et à la responsabilité fiscale de tous ces gens-là, au nom de tous ces gens-là?

M. Gabrièle (Pierre): Je peux vous l'affirmer. Les déclarations fiscales de 1998, qui ont été terminées le 30 avril 1999, on les a toutes faites à temps, puis on les a toutes faites. C'est une employée qui est au Curateur qui nous l'a dit. Elle est au Curateur depuis 14 ans, c'est la première fois en 14 ans qu'on les avait faites à temps, puis on les avait toutes faites.

Mme Dionne-Marsolais: Et pour les années passées, est-ce que tout a été régularisé aussi?

M. Gabrièle (Pierre): Nous avons certains retards que nous régularisons actuellement, parce que j'ai demandé un projet spécifique au Conseil du trésor, qui va... Je ne veux pas préjuger de la décision du Conseil du trésor, j'espère qu'elle va être favorable pour nous permettre de régulariser tout ça. Maintenant, il faut aussi que nous régularisions, ce qui des fois ne fait pas l'affaire de certaines familles. Quand on prend juridiction, il arrive souvent que la personne n'a pas fait ses déclarations fiscales depuis un an, deux ans et même trois ans. Et, dès le moment où nous prenons juridiction, nous faisons les déclarations fiscales rétroactives...

Une voix: ...

M. Gabrièle (Pierre): Pour les trois ans ou deux ans ou un an, dépendamment combien de temps elle ne les a pas faites. Parce que nous prenons contact immédiatement avec le ministère du Revenu pour établir avec lui... quand on veut connaître... Parce que, dans la période d'investigation qu'on fait pour connaître le patrimoine de la personne, nous voulons avoir le dernier relevé de déclaration fiscale qu'elle a faite. Et là on constate qu'elle ne l'a pas faite depuis un an, deux ans, trois ans. Et nous régularisons ça.

Actuellement, les seules choses qui ne sont pas faites et sur lesquelles nous sommes actuellement en discussion avec Revenu Canada et Revenu Québec, c'est les T-3, c'est-à-dire au niveau des biens non réclamés. Face aux biens non réclamés, normalement nous devons faire, quand on ne retrouve pas la succession, les déclarations fiscales avant de remettre l'argent à l'État. Dans le passé, ces déclarations fiscales n'ont pas été faites. Et, s'il faut revenir dans le passé, c'est surtout avec Revenu Canada que nous discutons, parce que, pour Revenu Québec, comme l'argent est remis à l'État, c'était une entrée et sortie, vous savez, c'était une formalité.

Pour le passé, nous sommes en discussion avec Revenu Canada, pour ne pas refouiller les anciens dossiers pour les biens non réclamés, parce que ça serait énorme comme travail à faire.

Mme Dionne-Marsolais: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Dossier de l'hôpital de Saint-Julien, à Bernierville

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. M. Gabrièle, j'aimerais revenir sur votre décentralisation. Tantôt, vous nous avez mentionné que vous avez décentralisé vos activités dans quatre territoires: Montréal, Québec, Saint-Jérôme et Longueuil, et vous avez aussi mis en place ce qui n'existait pas, je pense, des points de service géographiques, mais aussi des points de service dans les centres, les établissements hospitaliers.

Je veux revenir sur le dossier de l'hôpital de Saint-Julien, dans la ville de Bernierville, dans le comté de Frontenac. Vous savez, dans le cadre de la désinstitutionnalisation, l'hôpital de Saint-Julien va fermer en 2001. Moi, on me dit qu'il y a un très grand nombre, si ce n'est pas 400, je ne sais trop, 400 à 500 personnes sous la protection de la curatelle publique qui demeurent à l'hôpital Saint-Julien. La plupart des gens qui sont là, c'est des gens qui viennent de la grande région de Thetford Mines. C'est gens qui sont nés là, qui ont grandi là, qui ont élevé leur famille là, et c'est leur point d'enracinement. Est-ce que vous allez voir à ce que ces personnes-là, une fois qu'on va les déplacer de l'hôpital Saint-Julien, on ne les envoie pas dans des régions comme Montréal, ou éloignées de leurs proches, éloignées de la place où elles ont toujours vécu? Comment vous allez faire pour protéger ce côté-là quand même très humain de la situation de ces personnes-là?

(11 h 50)

M. Gabrièle (Pierre): Donc, oui, nous sommes au courant pour Saint-Julien. Je suis allé rencontrer la direction de Saint-Julien, le comité des usagers. J'ai eu la présentation de la planification de l'hôpital pour désinstitutionnaliser donc et fermer l'établissement d'ici quatre ans. Et nous leur avons dit, à l'hôpital, que nous allons les accompagner. Parce que je ne veux pas une désinstitutionnalisation sauvage, c'est-à-dire que les gens sortent, mais sans services. Et nous avons mis sur place un travailleur social à Saint-Julien qui est, par exemple, dans l'établissement. Et le directeur général, M. Camera, est tout heureux, et le DSP aussi, que nous ayons quelqu'un sur place, y incluant le comité des usagers.

Et nous avons un plan aussi avec eux. Nous les suivons, parce qu'ils sortent par cohorte, et chaque cohorte, nous voulons, nous, être consultés sur: dans quelles ressources ils vont? Et c'est moi qui signe le transfert d'hébergement, parce que c'est le consentement. Bon. Normalement, ils vont rester dans la région. Sauf quelques cas d'espèce où la famille est à l'extérieur et elle veut qu'ils se rapprochent de leur famille.

D'autant plus que, vous savez, lorsque vous faites une désinstitutionnalisation d'un hôpital semblable, que les ressources financières doivent suivre. Et là, dans cette région-là, il y a à la fois deux régies régionales. Il y a un recoupement de deux régies régionales. Donc, vous comprenez très bien que, si on envoyait quelqu'un à Montréal, on verrait mal comment les ressources de la régie régionale de l'Amiante allaient suivre à Montréal. Donc, les cas où les gens vont être transférés, ça va être juste des cas d'espèce, mais cas d'espèce qui tiennent compte peut-être du rapprochement que la famille veut avoir, plus proche, mettons, à Montréal ou, je ne sais pas, moi, dans les Laurentides. Mais nous allons suivre cas par cas; tous les cas, cohorte par cohorte. Et nous allons être là pendant les quatre ans.

Je dois même aller rencontrer aussi, pour accompagner la direction de l'hôpital, les familles, les parents, et aller rencontrer aussi certains représentants du comité du Non, qui sont contre la désinstitutionnalisation de l'hôpital, à Bernierville. Parce que ces gens-là se disent... Bon. C'est un mythe. C'est peut-être presque le seul établissement qui fait vivre une grande partie de la communauté, à Bernierville. Alors, ils ont bien peur que lorsque l'hôpital fermera ils vont perdre des emplois qui vont aller dans d'autres villages aux environs.

Mme Loiselle: Alors, tout ça va se faire avec l'assentiment aussi de la famille. Si, à un moment donné, on décide, pour un cas particulier – cette famille-là – on l'envoie assez loin de Bernierville, il va y avoir l'accord de la famille avant la signature du transfert?

M. Gabrièle (Pierre): Et à la demande propre de la famille. Si la famille me dit: Bon. Écoutez, nous, on habite, mettons, à Joliette, pouvez-vous nous trouver une ressource à Joliette? On va être plus proche pour le rencontrer, surtout s'il va dans un centre de réadaptation. Bon. Je ne vois pas pourquoi je serais contre, madame.


Personnes sous curatelle demeurant introuvables

Mme Loiselle: D'accord. Je veux revenir sur les 34 personnes introuvables. Tantôt, j'avais une série de questions, peut-être que vous avez omis de répondre à celle-là. Parce que, moi, ça m'a vraiment troublée quand j'ai lu ça, de savoir qu'il y a 34 personnes qui étaient sous la protection de la curatelle publique et qu'on est pas capable de nous dire où elles sont rendues. Est-ce qu'il y a des démarches particulières qui ont été faites pour les retracer?

M. Gabrièle (Pierre): Oui. Une bonne partie de ces personnes-là, ce sont des personnes itinérantes. Alors, la très grande majorité, ce sont des itinérants. Bon. Et là, vous comprenez, je suis confronté à ceci, je suis confronté à un problème de valeurs. Et c'est pour ça que je vais mettre sur pied un comité d'éthique qui va être un comité d'éthique pour conseiller le Curateur.

Il y a deux philosophies, M. le Président, chez nous, et même au niveau du réseau, et même de certaines associations de défense de droits. Une philosophie qui me dit: Bien, écoute, cette personne-là, elle est itinérante et autres, c'est son milieu de vie, tu dois respecter son milieu de vie. Tu n'as pas à changer, par tes valeurs propres comme Curateur public, ses valeurs, à la personne elle-même. Il y a une autre tendance ou approche philosophique qui me dit: Oui, elle est itinérante, mais elle est inapte, donc elle est peut-être itinérante parce qu'elle est inapte, tu dois la protéger, donc la sortir de l'itinérance pour la mettre dans un hébergement contrôlé. Et je suis pris donc entre ces deux tendances-là. Et ça, c'est plus des questions d'éthique. Et c'est comme ça que je me dis: Normalement, un comité d'éthique va pouvoir conseiller le Curateur pour savoir ce que nous faisons, entre ces deux valeurs-là qui s'affrontent.

Mme Loiselle: J'imagine que ces personnes-là, c'est des personnes quand même âgées, parce que ça fait quand même plusieurs années qu'on les avait perdues dans le système.

M. Gabrièle (Pierre): Oui. Mais ils réapparaissent. Ils réapparaissent, par exemple, quand ils ont besoin d'argent et autres. Alors, on fournit à ce moment-là le support et l'argent, on les met dans un domicile fixe, puis tout à coup ils disparaissent du domicile fixe. Et on sait quand ils disparaissent – vous voyez, j'ai eu un cas dernièrement – parce que des fois aussi, le loyer, c'est nous qui le payons, mais parfois, comme ils sont itinérants, donc le domicile est sale ou encore ils font des trous dans les murs ou autres, et le propriétaire nous envoie la facture pour payer les réparations. Et c'est comme ça parfois qu'on sait qu'il a disparu du domicile où il a été placé.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Marie-Victorin.


Rapports des curateurs privés

Mme Vermette: Oui. Merci, M. le Président. Alors, moi, j'aimerais savoir... Vous avez des tuteurs privés, vos curateurs doivent rendre des rapports, j'imagine, annuellement. Est-ce qu'ils le font d'une façon exhaustive? De quelle façon vous les recevez? Les délais pour les recevoir. Est-ce que, à partir de ça aussi, à partir de certaines vérifications, il vous arrive de constater qu'on ne tient pas compte des besoins de la personne ou on gère mal les biens de la personne, et que vous faites des demandes pour que ces personnes-là passent d'un curateur privé à un curateur public? De quelle façon... C'est facile de passer d'un curateur privé à public, j'imagine. Mais est-ce qu'on pourrait changer aussi, ou faire une demande, disons, des familles dont une personne est sur la curatelle publique, pour devenir sur une curatelle... J'aimerais savoir un peu comment tout ça peut se passer, et surtout au niveau des rapports, en fait, la réception annuelle des rapports. Est-ce que c'est exhaustif et il y a une façon de le faire à des dates précises?

M. Gabrièle (Pierre): À mon arrivée, il y avait – j'appelle ça de la délinquance, c'est-à-dire quand la personne ne remet pas le rapport privé – 3 000 rapports privés où les gens ne répondaient pas même aux lettres systématiques que les employés leur faisaient pour nous fournir leur rapport annuel. Trois mille rapports n'étaient pas rentrés. Et il y avait des délinquances qui pouvaient aller jusqu'à trois, quatre ans. J'ai fait un projet spécifique – ça m'a coûté 700 000 $, ce projet spécifique – pour faire, en termes de projet spécifique, le rappel. Et ça va aussi loin que: on va jusqu'à la destitution du curateur privé.

À ce jour, nous sommes rendus qu'il ne nous en reste plus que 1 400 qui ne sont pas rentrés. Le projet se continue, et nous n'avons destitué... Les requêtes en destitution, il n'y a actuellement devant les tribunaux que 27 requêtes en destitution, parce que, lorsqu'on intervient, il se passe plusieurs choses. Soit que la personne, dès le moment qu'on lui envoie une mise en demeure, nous fournit le rapport et se rajuste, ou encore elle refuse de le faire, et là on convoque une assemblée de famille, parents et amis avec le conseil de tutelle, et là on change le curateur privé pour un autre curateur privé. Et ceux pour lesquels on a un refus catégorique, on est devant les tribunaux pour faire destituer la personne; j'en ai 27 à ce jour, madame.

(12 heures)

Mme Vermette: Donc, c'est vraiment des gens qui ont refusé carrément de faire rapport?

M. Gabrièle (Pierre): Et, nous, on pense... Parce que, si on nous refuse le rapport, il y a de fortes chances qu'il y ait certaines irrégularités. Alors, le seul moyen de savoir s'il y a irrégularité, c'est d'aller en destitution. Et, quand la personne est destituée, à ce moment-là, il faut qu'elle fasse reddition et remise, et, au moment de la reddition, nous allons nous rendre compte des irrégularités qu'il y a eu.


Destitution de curateurs privés

Mme Vermette: Est-ce qu'il y a des moyens alternatifs entre la destitution et puis reporter un nouveau curateur?

M. Gabrièle (Pierre): Bon. Bien, justement, c'est ce que je vous ai expliqué, oui, il y a des moyens alternatifs. On ne s'en va pas en destitution tout de suite. C'est-à-dire, on appelle d'abord pour demander d'avoir le rapport. Si la personne refuse, nous lui faisons une lettre de mise en demeure. Après, on convoque le conseil de tutelle si la personne ne réagit pas, et on peut changer le curateur privé pour un autre curateur privé, et c'est le dernier ressort qui est la destitution.

M. Bédard: Excusez, peut-être une question complémentaire.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Chicoutimi, juste une question très rapide.

M. Bédard: Oui, très courte. Simplement, pour les 27 cas de destitution, entre le moment où vous obtenez un jugement, effectivement, qui destitue ce curateur privé là et le moment où vous constatez qu'il... En tout cas, j'imagine qu'on peut présumer effectivement qu'il se déroule des choses qui ne sont pas normales. Avez-vous des moyens pour arrêter le processus, pour geler les biens de la personne, pour... Est-ce qu'il y a un processus légal? Parce que je ne me souviens plus, au niveau de la loi, s'il y a... Parce que ça peut prendre quelques mois avant d'arriver à... Une requête, ça peut être remis 15, 20 fois.

M. Gabrièle (Pierre): Regardez, nous pouvons faire une intervention provisoire, mais ça nous prend aussi quelques mois. Généralement, quand le rapport annuel nous arrive, doit nous arriver, il nous arrive après une année financière. Bon. S'il ne nous l'a pas remis, les démarches que nous faisons pour essayer de l'avoir peuvent nous prendre deux, trois mois avant d'arriver à la destitution, et le jugement de la cour peut prendre un minimum de trois mois, vous voyez? Donc, ça nous amène presque à un an et demi. Donc, la personne a pu, par exemple, dilapider les fonds, et, nous, on le sait au bout d'un an et demi parce qu'il nous fait le rapport après une année financière, et ça nous prend, pour aller en destitution, minimum six mois, vous voyez? Bon.

Donc, ce qu'il faut faire là-dessus, c'est que, quand... On a beaucoup parlé ici ce matin des gens qui sont sous protection publique, mais on a peu parlé de la protection privée. Donc, il va falloir qu'il y ait, en plus de la surveillance, que, nous, nous fassions, avec des curateurs privés, de la formation et de l'accompagnement et que nous utilisions aussi le signalement très rapidement, là, et là je pourrai agir en gestion d'affaires pour geler. Mais, si j'attends le rapport annuel, au bout d'un an, normalement, on peut dilapider les fonds.

Vous voyez, j'ai eu un cas pour un jeune qui avait un tuteur privé, bon, et c'est même une première dans la jurisprudence. La personne avait 25 000 $. Donc, quand c'est 25 000 $ et plus, j'ai un devoir de surveillance pour les tuteurs. Alors, le parent avait utilisé une partie du 25 000 $ pour acheter un ordinateur et acheter des affaires à l'adolescent. Le subrogé tuteur nous a fait un signalement. Alors, on est intervenu tout de suite, on a pris une requête devant la cour, le subrogé tuteur et moi. Le juge a entendu l'enfant et puis il nous a dit: Bien, écoutez, je ne destitue pas le tuteur. De toute façon, normalement, l'argent a servi pour l'adolescent, et, moi, je suis d'accord comme juge de la Cour supérieure. Bien sûr, j'aurais pu aller en appel, mais ça ne me servait à rien. Et, là c'est du droit nouveau, c'est la première fois que ça nous arrive, et ça nous est arrivé au printemps. Mais j'ai pu intervenir grâce au signalement du subrogé tuteur. J'escompte beaucoup sur les signalements.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Mont-Royal.

Mme Vermette: Je m'excuse, je n'ai pas terminé.

Le Président (M. Kelley): O.K.


Transition de curatelle publique à curatelle privée

Mme Vermette: ...ça aussi parce que, dans la question que je vous ai posée, je vous ai demandé si c'était facile de passer du curateur privé au public, ce qui me semble relativement plus facile. Mais est-ce que l'inverse aussi est facile? En tout cas, la mécanique pour faire en sorte... Si la famille décide que la personne est sur curateur public puis voudrait aller au privé, quels sont les recours et comment est la procédure, dans un sens comme dans l'autre?

M. Gabrièle (Pierre): Dans un sens comme dans l'autre, il faut aller devant la cour. Bon. Mais, si tout le monde est d'accord, c'est presque une formalité, parce que c'est le greffier de la Cour supérieure qui prend acte s'il n'y a pas de contestation. Bon. Et, en soi, vous savez, c'est arrivé, j'avais la curatelle publique de quelqu'un, puis la famille a décidé qu'elle voulait reprendre la curatelle privée. Et, comme il n'y avait pas de contestation et que les autres de la famille étaient d'accord et qu'un membre de la famille voulait le prendre, bon, on a fait la requête, et c'est le greffier de la Cour qui l'a signée, et la personne a eu la curatelle privée.

Quand c'est de passer de curatelle privée à curatelle publique, soit ça se fait d'un commun accord ou le curateur privé lui-même se destitue en disant: Bon, je suis d'accord qu'il aille en curatelle publique, et là ça devient une formalité devant le greffier de la cour. Mais, quand ça ne se fait pas d'un commun accord, c'est comme s'il y avait opposition, donc il faut un jugement de la Cour supérieure.


Contrôle des allocations versées

Mme Vermette: Puis ma dernière question est à l'effet que les gens qui sont soit dans les institutions ou soit dans des institutions privées conventionnées ou privées, même reconnues, ils reçoivent une certaine allocation, et comment vous assurez-vous que cette allocation-là est réellement dépensée pour la personne qui en a besoin? Et comment on gère cette allocation-là au niveau de ces institutions-là, en fait, par personne? Et quels sont vos recours, vos moyens pour vérifier que c'est réellement bien fait, que c'est vraiment dépensé pour les personnes?

M. Gabrièle (Pierre): Là-dessus, M. le Président, c'était un problème. Le problème, justement, on avait délégué aux institutions, mais même le VG nous l'avait dit, c'était même illégal, parce qu'on n'avait même pas le pouvoir de déléguer. Nous l'avons corrigé, ce pouvoir de déléguer, aux dernières modifications législatives du Code civil, au printemps dernier.

Là, on a mis une équipe de travail sur pied pour aller vérifier ce qui se fait à l'hôpital Louis-H. Lafontaine, parce que c'est géré très serré à Louis-H. Lafontaine. On est en train de regarder, donc, comment on peut exporter pour ailleurs. Bien sûr, on ne peut pas exporter l'approche de Louis-H. Lafontaine au complet, parce que, ça, c'est un gros hôpital par rapport à un centre de réadaptation ou une ressource intermédiaire où vous avez 10 ou 15 personnes. Tu ne peux pas exporter ça tel quel. Alors, cette analyse qu'on est en train de faire va nous permettre de donner des directives aux établissements pour le cadre de gestion.

Et comment nous allons vérifier les choses? C'est que nous allons le faire de deux façons. Donc, au hasard, par échantillonnage, nous allons vérifier les livres. Bon. Et, en même temps, nous allons le vérifier aussi... Quand le représentant à la représentation continue va aller dans l'établissement, il va poser la question pour savoir, bon, qu'est-ce qui a été acheté pour ces personnes-là, regarder la garde-robe, regarder si le linge est identifié, et ainsi de suite. Bon.

Il faut voir aussi que, sur le montant de 149 $ par mois qui reste à ces personnes-là, quand les personnes sont en établissement psychiatrique et qu'elles fument, il ne leur reste plus rien. Parfois, il faut que je trouve de l'argent ou que je fasse appel à la famille pour les habiller, parce que, quand elles fument une cartouche de cigarettes par semaine au minimum, ça leur coûte déjà 120 $ à la fin du mois. Il reste 29 $, et, sur le 29 $, s'ils achètent de la boisson, de la liqueur douce ou autre, vous comprenez qu'il ne reste plus rien. Pour certains, je n'ai même plus d'argent pour les habiller. Alors, soit qu'on aille chercher du linge, par exemple, dans des organismes communautaires qui nous fournissent du linge usagé, soit encore que je travaille avec la famille parce que la personne n'a pas de ressources.

(12 h 10)

Le Président (M. Kelley): M. le député de Mont-Royal, parce qu'il nous reste à peine une dizaine de minutes.


Administration des biens sans maître

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. M. Gabrièle, je pense que vous avez hérité d'une situation que je calcule extrêmement grave, et vous avez devant vous, je pense, une tâche assez incroyable. Dans ce que vous avez dit ce matin, j'ai apprécié particulièrement, personnellement, le virage dont vous nous avez parlé. Deux choses qui m'ont attiré dans le virage dont vous avez parlé: la première, c'est la décentralisation, et j'interprète ça, moi, comme étant un rapprochement près de la clientèle; et la deuxième chose, c'est quand vous avez parlé du changement de culture, et, là encore, c'était orienté vers la personne plutôt que des dossiers, pour reprendre votre expression.

Dans le rapport du Protecteur du citoyen, il dit, vers la fin de son rapport, le Protecteur du citoyen, que le mandat d'administration des biens sans maître qui vous est confié provisoirement vous écarte de votre mission première qui, si je vous comprends bien ce matin, est la personne et les personnes inaptes, et il recommande à cet effet donc que cette tâche soit orientée vers quelqu'un d'autre au gouvernement. Je voudrais savoir qu'est-ce que vous pensez de cette recommandation et qu'est-ce que vous comptez faire, si vous y êtes favorable.

Le Président (M. Kelley): M. Gabrièle.

M. Gabrièle (Pierre): M. le Président, je peux vous dire que cette recommandation, je la trouve fort pertinente, parce que je ne vous cache pas que, toute l'année, je me suis occupé plus de la protection et de la représentation, et les 40 personnes qui se trouvent aux biens non réclamés se sont senties délaissées par le Curateur public parce que l'urgence était dans la représentation et la protection de la personne. Bon. Actuellement, je suis en réflexion, j'ai commencé à en discuter avec mes collègues du Conseil du trésor pour créer une unité autonome de service au niveau des biens non réclamés. Donc, si c'est une unité autonome de service, ils vont donc pouvoir, avec un gestionnaire, se gérer et ils vont avoir un rattachement administratif au Curateur public. C'est vers ça que je m'oriente pour répondre à la recommandation du Protecteur du citoyen, qui est fort pertinente.


Effectif total requis pour dispenser les services

M. Tranchemontagne: Je vous remercie beaucoup. J'aimerais maintenant vous amener dans une deuxième question, dans une toute autre direction, et c'est une question de compréhension aussi. Si je vous ai bien compris, au cours de l'avant-midi, vous avez dit que vous avez comme en inventaire, si je veux, 12 500 cas de personnes inaptes environ, là, et j'ai compris aussi que, bon an mal an, vous aviez peut-être 2 500 cas par année qui s'ajoutaient à votre tâche, sur une base moyenne, ce qui veut dire donc que vous avez à gérer, à mon point de vue, 15 000 cas par année. Quand je regarde le nombre d'employés que vous avez, qui est, on nous dit, 485, si ma mémoire est bonne, ou 400, en tout cas...

M. Gabrièle (Pierre): Quatre cent trois.

M. Tranchemontagne: 403 personnes. Si je regarde, 15 000 cas à gérer par année, 400 personnes pour les gérer, bien que je comprenne que ce n'est pas tout le monde qui fait la même chose, ça ne m'apparaît pas extravagant comme tâche de travail. Pourriez-vous m'expliquer ou me dire qu'est-ce que je n'ai pas compris dans votre exposé?

Le Président (M. Kelley): M. Gabrièle.

M. Gabrièle (Pierre): M. le Président, il y a peut-être certaines précisions qu'il faut faire. Quand je parle de 2 500 demandes d'ouverture de régime par année, c'est le nombre total. Parmi ce nombre-là, il y en a une partie qui va être sous protection publique et d'autres qui vont être sur curatelle privée, où j'aurai juste la surveillance à faire. Donc, j'ai normalement, bon an mal an, comme il y a aussi des personnes qui décèdent ou qu'il y a des mainlevées, 12 500 à 13 000 personnes qui vont être sur protection publique. J'ai à surveiller un autre 13 000 curateurs ou tuteurs privés et j'ai à agir sur signalement, en termes d'enquêtes, sur 8 000 mandataires qui ont des mandats d'inaptitude. Bon.

Alors, j'ai trois volets: représentation et protection publique, de 12 500 à 13 000 personnes; surveillance de 13 000; et action pour 8 000 personnes. Je laisse de côté le BNR, parce que, sur les 403 personnes que j'ai au Curateur public, ETC, il y en a 40 qui sont dédiées aux biens non réclamés. Mais ces 40 là, si j'en fais une unité autonome de service, ce seront toujours les mêmes 40 qui seront là.

Comment j'ai refait tout le plan d'organisation de l'administration du Curateur? C'est-à-dire, au niveau de l'effectif, il y a 25 % de l'effectif total qui est dans l'administration que j'appelle générale du Curateur et 75 % que j'ai affecté au niveau des relations avec mes pupilles ou les curateurs privés. Quand j'aurai complété – parce que j'ai aussi une demande additionnelle d'effectif au Conseil du trésor et qui doit être représentée au Conseil des ministres incessamment, alors j'attends que le Conseil des ministres en dispose avant de vous en parler, M. le Président – alors donc, quand j'aurai complété toute la phase de demande d'effectif, je vais avoir à peu près un ratio suivant: un conseiller à la représentation continue pour 150 personnes; et, au niveau de la représentation continue pour la surveillance au privé, ça va être l'équivalent de un pour 300. Mais, comme, au niveau du privé, c'est de la surveillance, ce n'est pas à la fois de la représentation et de la protection, vous comprenez très bien que je mets l'accent sur la protection publique.

Et là, à ce moment-là, au lieu que les charges de travail soient faites selon les CLSC, on va les faire par établissement. Donc, ça veut dire que, si dans un établissement il y a 40 personnes qui sont en établissement, un conseiller à la représentation continue pourrait avoir peut-être à faire affaire avec quatre établissements. Et, quand il se présente dans l'établissement, il peut passer une semaine dans l'établissement, il va voir, par exemple, les 40 personnes qui sont dans l'établissement. Mais, tout ça, c'est vraiment un virage à 180 degrés, parce que actuellement tout se fait assis, du poste de travail où la personne est actuellement.

M. Tranchemontagne: Merci.


Remarques finales

Le Président (M. Kelley): Et, sur ça, je ne sais pas si, M. le Curateur public, vous avez, en guise de conclusion... Je dois malheureusement mettre fin à l'échange avec les députés, je ne sais pas si vous avez des mots à ajouter.


M. Pierre Gabrièle, Curateur public

M. Gabrièle (Pierre): Oui, en guise de conclusion, d'abord, je veux remercier les membres de la commission parlementaire sur l'administration de m'avoir donné l'opportunité, justement, de faire un premier bilan. Parce que je pense que c'est juste un premier bilan, d'autres vont suivre. Un premier bilan. Je tiens aussi à signaler à la commission parlementaire – et à le dire publiquement – l'appui et le support que je reçois de mon ministre, M. Robert Perreault, dans toute la réforme qui est mise en place. Et ça, je tenais à le signaler, parce que, sans l'appui de mon ministre, bien sûr, je me retrouverais tout seul soit dans mes discussions avec le Conseil du trésor ou dans les mémoires que je présente au Conseil des ministres. Je voulais aussi vous dire que je suis fort heureux d'être à la fois entendu... Et, surtout, j'espère, au moins à chaque année, de pouvoir faire avec vous le bilan et l'évolution de la réforme.

(12 h 20)

Maintenant, je comprends très bien que vous avez saisi que la charge est énorme – je n'essaie pas de me justifier quand je vous dis ça, la charge est énorme; normalement, les journées sont très longues pour le Curateur public, on commence très tôt le matin et on finit très tard le soir – et que la mise en place d'une organisation telle que la nôtre, en ayant, bien sûr, des pressions qui nous viennent de toutes parts, parce que, autant elles nous viennent de... Chaque cas d'espèce devient cas médiatisé, et là on généralise facilement. Elles nous viennent aussi du mécontentement qui peut exister pour une action que le Curateur peut prendre. Et c'est vrai, vous savez, quand on n'agit pas, les gens nous reprochent de ne pas agir. Quand on agit, c'est vrai qu'on dérange, et les gens nous reprochent de déranger. Mais je sais que je dois vivre, pendant mon mandat, avec ce dilemme-là, d'avoir le reproche de déranger; et, moi, je pense, plus je dérange, plus je suis sûr que je fais ma job. Merci.


M. Geoffrey Kelley, président

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Gabrièle, au nom des membres de la commission, à notre tour. C'est un premier contact, on est très heureux avec le document que vous avez fourni. Aussi, il y aura d'autres... Je pense qu'un des objectifs que, vous-même, vous avez fixé, c'est, d'une certaine façon, briser l'isolement de l'institution du Curateur public. Je pense qu'au moment des crédits, maintenant, vous allez devenir un visiteur annuel qui va... Une autre commission, mais, quand même, il y aura une occasion de questionner sur les crédits qui sont fournis. Pour les membres de la commission de l'administration publique, on a toujours notre lien à la fois avec le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général. Il y aura un rapport de suivi du Vérificateur général, alors je suis certain qu'il y aura une occasion de présenter un deuxième bilan.

Je veux juste, en terminant, souligner l'importance de cette reddition de comptes. Vous avez mentionné le fait que vous allez produire, pour la première fois cette année, une reddition de comptes pour les individus sur le Curateur public, je trouve ça un développement intéressant. Peut-être vous pouvez nous envoyer un modèle, ça va comprendre quoi, parce qu'une des question qui est soulevée à maintes reprises, c'est le manque de précision dans la gestion intérieure de... le compte des personnes sur le Curateur public. Alors, si on peut avoir, encore une fois sans aller dans les faits nominatifs, mais juste un modèle, c'est quoi, le compte qu'on va rendre aux familles, aux proches de ces personnes, je pense que c'est toujours souhaitable. Mais vous pouvez compter sur nous autres pour travailler dans une optique de la plus grande transparence possible.

Et, dans le développement d'une nouvelle culture de gestion au Curateur public, on est «mindé» beaucoup par la gestion par résultats, alors, je pense, dans l'objectif de fixer les mesures de performance, on va être collaborateurs avec vous autres pour rendre les comptes à la population en général et aussi pour ces personnes qui sont souvent les plus démunies de la société et qui n'ont pas de voix. Alors, c'est le devoir à la fois de votre institution, mais également aux parlementaires d'essayer de donner voix à ces personnes.

Alors, merci beaucoup. Et, sur ça, je vais ajourner nos travaux de la commission. Et merci encore une fois, M. Gabrièle.

(Fin de la séance à 12 h 23)


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