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(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation entreprend ses travaux. Je voudrais vous indiquer
immédiatement quels sont les membres de cette commission: M. Baril
(Arthabaska), M. Beaumier (Nicolet), M. Beauséjour (Iberville), M.
Dubois (Huntingdon), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M. Gauthier (Roberval)
qui remplace M. Gagnon (Champlain), M. Houde (Berthier), M. Le May
(Gaspé), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Maltais
(Saguenay), M. Assad (Papineau) qui remplace M. Mathieu (Beauce-Sud), M.
Picotte (Maskinongé), M. Proulx (Saint-Jean) et M. Vallières
(Richmond).
Organisation des travaux
La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation
se réunit afin d'étudier les dossiers des sept grévistes
de Saint-Cyrille-de-Wendover et d'entendre, à cette fin, dans l'ordre
suivant, les seuls grévistes concernés, l'UPA, l'Office du
crédit agricole et le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation.
Avant d'entreprendre nos travaux, je souhaiterais, en tant que
président de cette commission, vous exposer clairement les règles
que j'entends suivre et faire respecter au cours des deux prochains jours.
Ainsi, sous réserve que les membres de la commission décident de
modifier l'horaire de ses travaux, la commission entendra aujourd'hui les
personnes suivantes, suivant l'ordre et les règles que voici:
jusqu'à 13 heures, la commission entendra MM. Yvon Robidas,
Clément Brousseau et Marcel Talbot. Une période d'environ une
heure leur sera tout d'abord réservée à leur convenance
pour faire une présentation générale de leur
situation.
À la suite de cet exposé général, une
période d'une demi-heure sera consacrée à chaque dossier,
celui de M. Robidas, celui de M. Brousseau et enfin celui de M. Talbot.
Finalement, si cela est nécessaire, une dernière demi-heure sera
disponible pour revenir sur l'un ou l'autre de ces trois dossiers. De 15 heures
à 18 heures, la commission entendra M. Jean-Claude Boucher qui agira
à titre de porte-parole du groupe que nous recevons aujourd'hui. M.
Boucher présentera un exposé général sur la
situation des agriculteurs concernés, abordera sa propre situation
d'agriculteur, et ce pour une durée maximale d'une heure trente minutes.
À la suite de cet exposé, un échange s'engagera entre M.
Boucher et les membres de la commission. Finalement, de 20 heures à 22
heures, la commission entendra MM. Étienne Girardin, Mario Girouard et
Marius Montigny. Une période d'une demi-heure sera consacrée
à chaque dossier: celui de M. Girardin, celui de M. Girouard et enfin
celui de M. Montigny. À nouveau, ici, si cela est nécessaire, une
dernière demi-heure pourra être consacrée à l'un ou
l'autre des trois dossiers étudiés.
Demain, le jeudi 11 octobre, la commission entendra, de 10 heures
à 13 heures, les représentants de la Fédération de
l'Union des producteurs agricoles: un maximum d'une heure pour l'exposé
préliminaire et le reste pour les échanges avec la commission, de
15 heures à 18 heures, elle entendra les représentants de
l'Office du crédit agricole: un maximum d'une heure pour leur
exposé préliminaire et le reste pour le dialogue avec les membres
de la commission; finalement, de 20 heures à 22 heures, elle entendra le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, M. Jean
Garon, avec un maximum d'une heure pour l'exposé préliminaire, le
reste pour le dialogue avec les membres de la commission. Cet horaire a
été établi en collaboration avec chacun des intervenants
et, pour le bon fonctionnement de nos travaux, il me paraît important
qu'il soit respecté dans toute la mesure du possible.
En ce qui a trait aux interventions des parlementaires, il a
été convenu en séances de travaux de répartir le
temps disponible pour celles-ci de façon égale entre les membres
du groupe ministériel et les membres du groupe de l'Opposition.
L'horaire des travaux de notre commission pour les deux prochains jours,
les deux prochaines séances étant maintenant établi, je
tiens à dire quelques mots sur le but de ces séances. Tout au
long de ces deux séances, en effet, la commission n'aura qu'un seul
objectif, être éclairée par chacun des intervenants sur les
dossiers au coeur de son mandat. Tous les membres de la commission
s'efforceront donc d'être à
l'écoute des témoins qui se présenteront à
la barre, d'être attentifs aux propos qui leurs seront tenus. Ce n'est
donc pas l'intention de la commission de tirer aujourd'hui ou même demain
quelque conclusion que ce soit. Nos recommandations seront plutôt rendues
publiques dans un rapport que je déposerai à la suite de nos
travaux à l'Assemblée nationale.
En terminant, je voudrais dire également, compte tenu de la
nature des dossiers que nous nous apprêtons à étudier
ajourd'hui et demain, faire une courte mise au point sur l'ordre et le
décorum en commission parlementaire.
D'une part, je tiens à souligner que j'entends bien faire en
sorte que les travaux de cette commission se déroulent dans le respect
de chacun des intervenants. Je n'accepterai donc pas, conformément aux
règles de procédure qui nous gouvernent, que l'on utilise ici un
langage grossier, violent ou injurieux et ce à l'endroit de qui que ce
soit.
D'autre part, je désire également demander au public qui
assiste à nos travaux de bien vouloir conserver le silence tout au long
des délibérations et d'éviter tout signe d'approbation ou
de désapprobation.
Finalement, je me permets d'aviser, dès le départ, tous
les membres et témoins de cette commission que je n'autoriserai
aucunement des questions, des réponses ou des commentaires relatifs
à des matières sub judice. De même, je n'accepterai pas que
qui que ce soit en cette salle porte atteinte à l'autorité ou
à la dignité d'un tribunal.
En terminant et afin d'éviter toute confusion possible quant au
mandat sous l'initiative de la commission de l'agriculture, des pêcheries
et de l'alimentation, je veux indiquer ici que notre commission
procédera, à compter de décembre, à une
consultation générale afin d'étudier les aspects de la
relève agricole, du financement et de l'endettement de l'agriculteur du
Québec.
J'inviterais donc maintenant, tout en nous souhaitant bonne chance dans
la poursuite de nos travaux et avant d'entamer l'horaire chargé
prévu pour ce matin, le vice-président de la commission, M. le
député de Saint-Hyacinthe, le porte-parole de l'Opposition en
matière d'agriculture, M. le député de Maskinongé,
et le représentant des témoins entendus aujourd'hui, M.
Jean-Claude Boucher, à bien vouloir faire quelques remarques
d'ouverture, en demandant cependant à chacun de se limiter à
trois minutes. M. le député de Saint-Hyacinthe.
Remarques préliminaires
M. Maurice Dupré M. Dupré: Merci, M. le
Président. Dans un premier temps, je voudrais souhaiter la bienvenue
à ceux qui participent à cette commission et à ceux qui
sont venus y assister.
Vous savez fort bien, M. le Président, que depuis que je suis
député j'ai travaillé presque exclusivement dans le
domaine agricole. Ce qui m'a convaincu de la nécessité
d'acquiescer à la demande des exgrévistes de tenir cette
commission, c'est d'abord la déclaration des évêques du 25
août. Les évêques avaient déclaré,
après consultation, qu'il y avait un problème réel des
faillites en milieu agricole: "II nous semble que l'Office du crédit
agricole devrait être plus vigilant." Ils se questionnaient aussi sur les
orientations de l'agriculture actuelle qui favorisent le gigantisme et menacent
la ferme familiale et les petits producteurs.
Je me demande s'il ne serait pas opportun, un peu plus tard dans la
journée, que je fasse une demande pour entendre le comité des
affaires sociales de l'Assemblée des évêques du
Québec. Je me pose aussi la question suivante: Après avoir
investi, depuis les débuts de l'Office du crédit agricole, plus
de 3 600 000 000 $, particulièrement ces dernières années,
dans l'agriculture du Québec sous forme de prêts de toutes sortes,
sans compter les sommes substantielles qui ont été
également versées sous forme de subventions,
d'intérêts et de capital - encore 464 000 000 $ au cours des cinq
dernières années et 102 000 000 $ au cours du présent
exercice - après avoir investi toutes ces sommes, est-ce que cela va si
mal dans l'agriculture? Nous aurons probablement l'occasion, au cours de cette
commission, de faire la lumière sur certaines interrogations des
grévistes et aussi de certains autres agriculteurs. Ils avaient eu aussi
l'appui de M. Gérard Gras, premier vice-président de l'UPA, qui
disait qu'il partageait le point de vue des grévistes de la faim
concernant un moratoire sur les saisies tant qu'on ne connaîtrait pas les
conclusions de la commission parlementaire.
En terminant, je n'ai qu'à souhaiter, même si nous avons
déterminé un horaire assez strict, que pour aller au fond des
choses cette commission devra se dérouler avec tout le sérieux
que vous avez souhaité tantôt, mais aussi avec beaucoup de
souplesse afin de donner à tous les intervenants l'occasion de faire
valoir leur point de vue. C'est à cette condition seulement que nous
atteindrons les buts que nous nous sommes fixés en demandant cette
commission parlementaire. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Yvon Picotte
M. Picotte: Merci, M. le Président. À mon tour,
j'aimerais bien, au nom de l'Opposition et au nom de la commission de
l'agriculture aussi, souhaiter la plus cordiale bienvenue à tous ceux et
celles qui sont ici et qui ont bien voulu assister à cette commission.
Vous vous souviendrez sans doute, M. le Président, qu'originalement la
motion que j'avais présentée avait pour but d'écouter et
surtout d'examiner l'endettement comme tel dans le milieu agricole ou dans la
classe agricole, cet endettement qui était source d'inquiétude,
je pense, pour tous les membres de cette commission, de même que
plusieurs intervenants dans le domaine agro-alimentaire au Québec.
Évidemment, à l'intérieur de cette commission, il y aurait
eu lieu d'étudier d'autres cas que ceux des sept grévistes de la
faim, mais la commission en a décidé autrement,
c'est-à-dire qu'elle a décidé d'étudier uniquement
le cas des sept grévistes de la faim.
Je n'aurais pas d'objection à ce que mon collègue de
Saint-Hyacinthe a dit tantôt, à savoir qu'on écoute, une de
ces bonnes journées, les représentants des évêques,
mais je pense qu'il est d'abord plus important et primordial d'écouter
les gens qui viennent nous exposer leur cas et qui, dans plusieurs situations,
sont aux prises avec des renseignements qu'ils obtiennent, d'une part, de
l'Office du crédit agricole et, d'autre part, de représentants du
MAPAQ, renseignements qui ne concordent pas toujours, nécessairement, et
qui laissent l'agriculteur avec des interrogations assez profondes, ce qui fait
en sorte que l'agriculteur a bien souvent de la difficulté. Cette
difficulté vient dès le début.
Ce qui nous intéresse surtout - et je vais couper court, M. le
Président, à mes remarques préliminaires - c'est d'abord
d'entendre ces représentants. C'est d'abord d'entendre les gens
concernés, de poser les questions pertinentes à cet effet et, par
la suite, la commission pourra tirer ses propres conclusions.
Bienvenue et en espérant que l'éclairage que ces
gens-là nous apporteront de même que les questions qu'on pourra
leur poser feront en sorte que la commission pourra apporter sûrement des
modifications ou suggérer des modifications, autant du côté
de l'Office du crédit agricole du Québec que du côté
du ministère de l'Agriculture, pour le mieux-être de la classe
agricole et de l'ensemble de l'agro-alimentaire au Québec.
M. le Président, vous me permettrez cependant de demander une
correction ici. Je vous avais indiqué que le député de
Papineau remplacerait le député de Beauce-Sud, M. Mathieu. Je
voudrais à ce moment-ci vous informer que c'est le député
de Portneuf qui remplacera le député de Beauce-Sud.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
Donc, le député de Portneuf remplace le député de
Beauce-Sud. Cela va. Je demanderais maintenant à M. Jean-Claude Boucher
de s'approcher du microphone à la table et de nous faire un court
exposé de trois minutes comme discours d'ouverture sur la situation en
général. Ensuite, nous passerions normalement à la
comparution de MM. Robidas, Brousseau et Marcel Talbot. M. Boucher, vous avez
la parole.
M. Jean-Claude Boucher
M. Boucher (Jean-Claude): Je vous remercie, M. le
Président. Est-ce que le microphone fonctionne? Oui. Je remercie
également les membres de cette commission d'avoir accepté de nous
entendre aujourd'hui. Contrairement à ce que certaines langues fourchues
ont dit à savoir que, depuis deux ans et demi, le travail qu'on a fait
ressemblait beaucoup à du travail de rebelles, de mafiosi ou quoi
encore, notre présence à cette commission aujourd'hui est
plutôt la conclusion de plus de deux ans et demi de travail politique, si
on peut l'appeler ainsi, en tout cas, de travail public, qui avait pour but
uniquement d'être entendu par le gouvernement ou par cette commission.
Mais, il y a deux ans et demi, cette commission n'existait même pas et on
n'avait aucune idée à savoir de quelle façon on pouvait se
faire entendre par le public.
Ainsi, les gestes qu'on a posés, dont certaines mauvaises langues
ont dit que c'étaient des gestes de banditisme ou de terrorisme, toute
une foule de gestes publics qu'on a posés à l'intérieur
d'abord de ce qui s'est appelé la Cour des miracles - je sais qu'il y a
eu énormément de médisances et de calomnies faites
à propos de cette organisation - donc, tous les gestes qu'on a
posés avaient pour but de sensibiliser la population, de sensibiliser
les parlementaires, enfin, de sensibiliser tous les intervenants dans le
dossier agricole au problème extrêmement important des faillites
agricoles d'abord, au problème de la relève ou au problème
de l'impossibilité de la relève.
Quand on a fondé par la suite le Mouvement pour la survie des
agriculteurs, c'était pour nous dissocier, aux yeux du public notamment,
de certains agissements d'autres membres de la Cour des miracles. Au
départ, j'aimerais que cette chose soit claire pour tous les gens qui
sont présents ici. Si on a formé le Mouvement pour la survie des
agriculteurs, c'est parce qu'on pensait que, pour faire connaître le
point de vue des agriculteurs en difficulté, il fallait d'abord
s'éloigner des gestes violents parce qu'on s'est rapidement
aperçu que la violence et l'agriculture se mariaient très mal.
Foncièrement, les agriculteurs sont des non-violents. C'est souvent
dommage parce qu'ils
sont habitués à subir la nature, les vents, la grêle
et même des mauvais prêteurs. Ils devraient être plus
violents et avoir le corps plus raide à ce moment-là.
On a fondé le Mouvement pour la survie des agriculteurs, il y a
un petit peu plus de deux ans, dans l'unique but de faire valoir aux yeux du
public les difficultés de l'agriculture. On l'a fondé parce qu'on
trouvait que notre syndicat officiel, l'UPA, défendait mal ce groupe
d'agriculteurs qui ne sont pas des mauvais gestionnaires, comme certains se
plaisent à le dire, mais les agriculteurs à l'intérieur du
groupe qui ont le moins d'"équité", le moins d'argent. Pour cette
raison-là et majoritairement - ce que j'expliquerai plus tard - ils ont
des difficultés à survivre en agriculture.
J'entendais tantôt le vice-président de cette commission
faire un peu la valse des millions. C'est vrai qu'on a injecté beaucoup
dans l'agriculture, mais le fait d'investir 1 000 000 $ dans une rivière
en jetant l'argent à l'eau ne prouve pas nécessairement qu'on a
fait un bon placement. Il y a deux façons d'investir de l'argent dans
une rivière: on peut construire un barrage ou carrément jeter
l'argent à l'eau.
Ce que la valse des millions prouve, c'est qu'à
l'intérieur des quatre ou cinq dernières années il s'est
prêté, à coups de 500 000 000 $ par année,
énormément d'argent sur un actif de fermes total qui
n'était que de 6 000 000 000 $ en 1980. Quand on prête 500 000 000
$ sur un actif de 6 000 000 000 $ et qu'on le fait plusieurs années de
suite, cela prouve qu'on est en train de prêter la totalité des
actifs de ferme. Cela prouve qu'à l'intérieur de très peu
d'années on en arrivera à avoir prêté aux
agriculteurs 100% de leur "équité". On les aura donc mis
globalement en faillite technique.
C'est un peu tous ces aspects qu'on voudrait faire valoir ici. C'est un
peu dans ce sens-là qu'on a fait notre grève de la faim. Je
demanderais à cette commission d'avoir l'indulgence, si possible, de
changer le bloc de cet avant-midi pour le bloc de cet après-midi de
façon que mon exposé précède l'exposé des
autres agriculteurs. Je pense qu'au total, dans l'ensemble de la
journée, cela changera très peu de choses que le bloc du matin
soit déplacé de façon que je puisse prendre la parole
immédiatement et dans les mêmes limites de temps.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président. En ce qui concerne la
dernière demande de M. Boucher, nous n'avons pas d'objection puisqu'on a
dit que cette journée leur était consacrée. Alors, qu'on
débute par l'exposé général de M. Boucher ou par
des cas particuliers, pour nous, cela veut dire la même chose. Ce qui est
important, c'est d'abord d'entendre les doléances des gens que nous
avons à entendre aujourd'hui. Je suis prêt à donner mon
consentement là-dessus.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: M. le Président, dans mon introduction,
lorsque j'ai parlé de souplesse, c'est exactement le genre d'entente que
j'espérais au cours de cette commission. J'acquiesce volontiers à
la demande de M. Boucher.
Le Président (M. Vallières): M. Boucher, je veux
cependant vous indiquer qu'on avait prévu, dans le deuxième bloc,
que vous procéderiez à un exposé d'une durée d'une
heure et trente minutes incluant un exposé sur les dossiers de trois
producteurs en particulier qui sont MM. Girardin, Montigny et Girouard. Cela
veut dire que, quand on reprendra nos travaux cet après-midi, nous
devrions suivre un bloc d'une durée de deux heures qui permettra aux
membres de la commission de poser des questions à raison d'une
demi-heure sur chacun des dossiers que vous aurez mentionnés et d'une
demi-heure, à la fin, sur l'ensemble des dossiers.
M. Boucher (Jean-Claude): Exactement. Je pense que cela ne change
rien dans le total des heures. Est-ce que je dois remettre mon document
maintenant?
Le Président (M. Vallières): Oui, j'allais vous en
faire la demande. Si vous avez effectivement une allocution à prononcer
et qu'elle est écrite, on aimerait bien en avoir une copie.
M. Boucher (Jean-Claude): Je ne le sais pas. C'est le
secrétaire qui, en principe...
M. Picotte: M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Avant de commencer, j'aimerais invoquer le
règlement et cela a trait à notre règlement, l'article 52.
Il est dit ceci: "Le président ou tout membre de l'Assemblée,
d'une commission ou d'une sous-commission peut demander à une personne
qui comparaît devant elle de prêter le serment ou de faire la
déclaration solennelle prévue à l'annexe II." M. le
Président, je vous demande d'appliquer cet article pour tous ceux
qui...
Une voix: L'article de la loi et non pas du règlement.
M. Picotte: L'article 52 de la loi, évidemment, et non pas
du règlement de l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Vallières): La Loi sur la
Législature.
M. Picotte: Oui, la Loi sur la Législature. Je vous
demande d'appliquer cet article pour tous ceux qui viendront nous parler ici en
commission parlementaire. C'est l'article 52 de la Loi sur l'Assemblée
nationale.
M. Dupré: M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Je ne crois pas qu'il soit nécessaire
d'appliquer cet article parce que, d'office, ceux qui se présentent et
ceux qui font partie de la commission parlementaire sont ipso facto sous
serment. À ce moment-là, je ne pense pas qu'il soit
nécessaire de les assermenter à nouveau.
M. Picotte: M. le Président, je pense qu'il n'y a pas de
discussion possible sur cet article. Je vous demande d'appliquer l'article de
la loi tout simplement.
Le Président (M. Vallières): Effectivement,
l'article 52 nous dit que le président ou tout membre de
l'Assemblée, d'une commission ou d'une sous-commission peut demander
à une personne qui comparaît devant elle de prêter le
serment ou de faire la déclaration solennelle prévue à
l'annexe II. Je demanderais donc au secrétaire de la commission de
s'exécuter et de demander aux gens qui comparaîtront de
prêter le serment.
M. Dupré: M. le Président...
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: ...avant que le secrétaire de la
commission assermente M. Boucher, je m'interroge encore sur la
nécessité de faire prêter serment à M. Boucher ou
aux autres qui viendront déposer devant nous. Est-ce que, ordinairement,
dans une commission parlementaire, on assermente les gens? Est-ce que c'est la
coutume? Jusqu'à maintenant, je ne le crois pas malgré ma
légère expérience depuis trois ans et demi. Je me demande
à quel point on devrait... Est-ce que cela se fait
régulièrement...
M. Picotte: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Dupré: ...ou s'il y a deux sortes de commission?
M. Picotte: Question de règlement, M. le Président.
Je pense que, dès qu'un membre fait la demande de l'assermentation, il
n'y a pas de discussion possible. Les gens doivent être
assermentés. Point final à la ligne. Je pense qu'il n'est pas
opportun de discuter de cela. Comme membre de cette commission, j'exige que les
gens qui viennent en avant prêtent serment sur ce qu'ils ont à
nous dire. Cela évite toute discussion possible. C'est la loi qui est
constituée comme cela. C'est l'article 52.
Le Président (M. Vallières): Je pense avoir
été suffisamment éclairé sur la question du
règlement. Dès qu'un membre en fait la demande, le
président doit procéder à l'assermentation. Donc, je
demande au secrétaire de procéder à l'assermentation du
premier témoin, M. Boucher. (10 h 30)
M. Boucher (Jean-Claude): Je, Jean-Claude Boucher, déclare
solennellement que je dirai toute la vérité, rien que la
vérité.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. Boucher,
vous pouvez maintenant commencer votre exposé.
Auditions M. Jean-Claude Boucher
M. Boucher (Jean-Claude): À titre de président du
Mouvement pour la survie des agriculteurs du Québec et porte-parole des
grévistes de la faim de Saint-Cyrille-de-Wendover, c'est avec confiance
que je m'adresse aujourd'hui à cette commission parlementaire. Je pense
que c'est une des institutions les plus démocratiques du Québec
et la seule habilitée à rendre des jugements objectifs. Je suis
persuadé que l'honnêteté des députés qui y
siègent prendra le pas sur leur allégeance politique dans ce
dossier lui-même politique et qui, de plus, a été tellement
charrié dans les divers médias d'information. Nous avons fait la
grève de la faim et aujourd'hui nous nous adressons à cette
commission parce que nous croyons que des mesures doivent être prises le
plus tôt possible au niveau du secteur de la production agricole car ce
secteur connaît de sérieux problèmes de rentabilité
et de manque de revenus. Notre agriculture québécoise, telle
qu'on la connaît, est menacée de disparaître si des mesures
ne sont pas prises au cours des prochaines années.
Malgré de nombreux avertissements que nous avons reçus
à savoir que cette
commission serait noyautée par le président du
Crédit agricole, Me Camille Moreau, nous comptons sur le sens des
responsabilités de chacun des membres de cette commission afin que la
lumière soit faite sur les causes de la situation actuelle de
l'agriculture, dans laquelle se retrouvent bon nombre d'agriculteurs, afin que
le fruit de leur travail soit partagé entre tous d'une façon
équitable. Car, dans la situation actuelle, seuls les plus forts
financièrement peuvent résister pendant que beaucoup de gens
comme nous ont péri dans la crise économique et continuent de
périr.
Nous prenons donc le risque de nous adresser à vous, même
si l'ex-ministre Cournoyer nous a mis en garde contre cette commission lors de
l'émission Forum. Cette émission a eu lieu pendant notre
grève de la faim. C'était une émission à propos des
grèves de la faim. Il y avait, à cette émission, le
président des droits de l'homme, le président de l'ICOP, entre
autres, qui faisaient la discussion. C'était quelques jours après
notre grève de la faim. M. Cournoyer nous a mis en garde en disant que,
dans un premier temps, face à une grève de la faim, les
organismes gouvernementaux faisaient semblant d'accepter les conditions et
ensuite transformaient les grévistes en coupables. D'ailleurs, le
président de l'ICOP, qui semblait avoir une large expérience de
ce genre d'événement, abondait dans ce sens. Il nous a fait
comprendre, ou a tenté de le faire, que cette commission ne
réglerait rien, qu'il y aurait beaucoup de palabres et de propagande
gouvernementale.
Nous sommes conscients, en tant qu'agriculteurs, que nous n'avions pas
les moyens de nous défendre adéquatement contre les attaques du
président de l'Office du crédit agricole qui a tenté par
tous les moyens de nous discréditer dans l'opinion publique. Pour lui,
nous sommes des bandits, des criminels, des mafiosi. C'est ce qu'il
répète partout, même quand personne ne le lui demande. Il y
a un certain nombre de parlementaires assis à cette table qui sont au
courant que, chaque fois, depuis environ trois semaines ou un mois, que le
président Moreau a eu la chance de paraître en public, il n'a pas
manqué de nous discréditer aux yeux des parlementaires, aux yeux
de ses employés, aux yeux du grand public. Je pense que ce n'est une
surprise pour personne. C'est connu.
Pour nous, la survie de l'agriculture est un enjeu tellement important
pour les agriculteurs et pour tous les Québécois. Je tiens
à mentionner ici que l'agriculture, au Québec, contrôle
à peu près 30% du produit intérieur brut. Nous n'avons pas
hésité à mettre notre vie en jeu dans cette grève
de la faim de Saint-Cyrille-de-Wendover et nous espérons que cette
commission le comprendra et osera s'attaquer à ce problème
presque aussi important que celui du chômage chez les jeunes. D'ailleurs,
il y a un lien direct entre les faillites agricoles et le chômage. Si
cette commission détermine, dans son mandat sur l'endettement et la
relève agricole, que la relève agricole est un problème
impossible ou extrêmement difficile à régler au
Québec, on comprendra facilement que les enfants des agriculteurs se
retrouvent dans le groupe des jeunes chômeurs. Ils vont encore une fois
grossir ce nombre-là.
M. Camille Moreau tente de jeter le blâme sur les agriculteurs en
les taxant de mauvais administrateurs et tente, en ce qui nous concerne, de
nous faire un procès public, alors que nous n'avons même pas des
dossiers complets, ni les personnes-ressources pour en faire l'analyse et pour
nous aider à nous défendre. Même la loi 65 sur
l'accès aux documents des organismes publics ne nous a pas permis
d'obtenir des photocopies de nos dossiers complets.
Il est vrai que la commission a engagé un expert-conseil, membre
de l'Université Laval, qui a fait une étude
détaillée de nos dossiers, mais cet expert pourra-t-il, au nom de
la neutralité de la science de son université, être
objectif? Le Dr Robert Saint-Louis, du département d'économie
rurale de l'Université Laval, n'est-il pas un ami et un ancien
collègue du sous-ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, M. Ferdinand Ouellet? Un chercheur a-t-il le droit de faire un
rapport détaillé sur notre situation personnelle à partir
d'un dossier monté par des fonctionnaires subordonnés à
des règlements et à des politiques, mais surtout aux directives
du président de l'office? Si la science est la théorisation des
faits, pourquoi le Dr Saint-Louis n'est-il pas venu nous demander notre
version? Pourquoi le Dr Saint-Louis n'est-il pas venu voir nos fermes, nos
terres, nos bâtiments? La science serait-elle maintenant au service de
celui qui paie le mieux? N'y a-t-il pas, dans cette Université Laval,
qui a, à mon avis, une excellente réputation, un chercheur mieux
ou aussi bien qualifié que le Dr Saint-Louis, un chercheur moins
collé aux hautes instances du MAPAQ, moins collé au gouvernement?
Tout cela pour vous dire que nous sommes devant vous complètement
démunis non seulement sur le plan financier contrairement aux rumeurs,
nous n'avons été financés par personne, ni par le Parti
libéral ni par l'UPA - mais même sur le plan de l'information.
Comme je l'ai dit tantôt, nous n'avons même pas pu obtenir de
l'Office du crédit agricole un dossier complet. Tantôt, si les
membres de la commission me posent des questions, j'expliquerai ce qui manque
dans nos dossiers, mais vous comprendrez qu'il est difficile de dire clairement
ce qui manque dans nos dossiers, puisque nous n'avons pas reçu la partie
manquante, mais nous savons
très bien que des choses existent dans nos dossiers qui ne nous
sont pas parvenues.
Le gouvernement sera représenté ici, demain, par le
ministre Garon que même le président de cette commission ne peut
pas toujours contrer en Chambre et par Me Camille Moreau, un grand plaideur et
un grand manipulateur de l'opinion publique, sans compter que chacun d'eux est
soutenu par des équipes de fonctionnaires spécialisés qui,
j'en suis sûr, scrutent actuellement ou scruteront chacune de mes paroles
pour y déceler la faille qui permettrait au président de l'office
de nous ridiculiser devant cette commission ou, au mieux pour lui, de continuer
de tenter de convaincre l'opinion publique que nous sommes de dangereux
rebelles que la société devrait mâter dans les plus brefs
délais possible, comme il a tenté de le faire le 4 octobre lors
du procès de M. Marcel Talbot pour outrage au tribunal. Je n'ai pas de
document là-dessus, mais ce sont des documents publics. Vous pouvez
consulter les archives de la cour de Drummondville. Parce que M. Talbot avait
refusé de quitter ce qu'il considérait comme son domicile, en
tentant d'obtenir de la cour une sentence maximale d'un an de prison
après qu'à l'intérieur de ce procès, on ait
déterminé que le geste de M. Talbot avait pour but principal
d'aider les agriculteurs en faillite, l'avocat de l'Office du crédit
agricole a alors demandé une sentence exemplaire d'un an
d'emprisonnement, qui est la sentence maximale qu'on peut obtenir. L'avocat
Moreau déclarait récemment dans un communiqué de presse
qu'il espérait que l'opportunité lui serait donnée de
faire la lumière sur toutes les questions qu'a soulevées notre
grève de la faim car il ne peut accepter que l'intégrité
de l'organisme et du personnel qu'il dirige soit mis en doute. C'est justement
sur l'intégrité du président de l'Office du crédit
agricole et non sur le personnel qu'il terrorise que nous aimerions que cette
commission parlementaire fasse enquête, notamment auprès des
anciens collaborateurs et proches du président, auprès du
personnel qu'il dirige, auprès des agriculteurs qui ont fait affaires
avec lui et même auprès du ministre délégué
aux Relations avec les citoyens, M. Lazure, qui blâme ou qui a
blâmé récemment, comme l'Assemblée des
évêques d'ailleurs, le crédit agricole de Camille Moreau,
car l'OCAQ a déjà eu bonne réputation auprès des
agriculteurs.
Pour reprendre l'expression de M. Garon: Si les grévistes de la
faim ont fait tomber beaucoup de merde sur l'Office du crédit agricole,
c'est peut-être parce que le président de l'office trompe son
ministre, trompe les agriculteurs, trompe l'opinion publique et le gouvernement
et nous verrons de quelle façon.
M. Picotte: M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Oui, M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Je m'excuse de vous interrompre, mais y aurait-il
moyen qu'on cesse de faire du bruit durant cette commission, que les travaux
arrêtent et qu'on écoute intelligemment, patiemment et avec toute
la sérénité du monde les interventions qui sont les
nôtres. D'ailleurs, c'est par pure courtoisie pour les invités
qu'on devrait arrêter de nous charrier les oreilles.
Le Président (M. Vallières): Je veux informer la
commission que la demande a été faite, il y a quelques minutes,
pour faire cesser le bruit qui pourrait déranger et perturber nos
travaux, en espérant qu'on pourra y donner suite. M. Boucher,
pouvez-vous continuer?
M. Boucher (Jean-Claude): L'avocat Moreau déclarait
récemment, dans un communiqué de presse, qu'il espérait
que l'occasion lui serait donnée de faire la lumière sur toutes
les questions qu'a soulevées notre grève de la faim, car il ne
peut accepter que l'intégrité de l'organisme et du personnel
qu'il dirige ne soit mise en doute. C'est justement sur
l'intégrité du président de l'Office du crédit
agricole et non sur le personnel qu'il terrorise que nous aimerions que cette
commission parlementaire puisse faire la lumière et enquêter
notamment sur les anciens collaborateurs et proches du président,
auprès des agriculteurs qui ont fait affaires avec lui et même
auprès du ministre délégué aux Relations avec les
citoyens, M. Lazure, qui blâme, comme l'Assemblée des
évêques, le crédit agricole de M. Camille Moreau, car
l'OCAQ a déjà eu bonne réputation auprès des
agriculteurs.
J'ai repris le même paragraphe parce qu'on a été
interrompus.
Pour reprendre l'expression de M. Garon: Si les grévistes de la
faim ont fait tomber beaucoup de merde sur l'Office du crédit agricole,
c'est peut-être parce que le président de l'Office trompe son
ministre, trompe les agriculteurs, trompe l'opinion publique et le gouvernement
et nous verrons de quelle façon.
Dans un article publié dans la Presse du 29 août 1984, M.
Garon a reproché aux journalistes d'avoir fait de gros titres avec toute
cette histoire. Nous demandons aux journalistes qui ont été
maintes fois trompés par le président de l'office de faire
enquête pour informer le public sur la façon que M. Camille Moreau
tente de manipuler tout le monde et cela depuis longtemps. Plus
précisément, nous demandons que la
commission s'informe auprès du rédacteur en chef de la
Terre de chez nous, M. Pierre Courteau, à savoir comment le
président de l'Office du crédit agricole l'a menacé de lui
faire perdre, à la Terre de chez nous, toute la publicité
gouvernementale si ce journal ne lui donnait pas une bonne couverture de
presse. Nous demandons à cette commission d'enquêter auprès
de tous les journalistes qui ont été menacés par M.
Camille Moreau, notamment le journaliste, M. Jean Pelletier de Radio-Canada,
parce qu'il n'a pas voulu couvrir la conférence honteuse du
président de l'office en date du 10 septembre 1982.
Si le gouvernement actuel, si cette commission craint les journalistes,
cette commission pourrait interroger Mme Lise Payette, ex-ministre du
gouvernement et ancienne animatrice de Radio-Canada à propos des menaces
qu'elle a reçues du président de l'Office du crédit
agricole après avoir découvert que l'intègre M. Camille
Moreau avait tenté de déjouer son concours du plus bel homme du
Québec en faisant fabriquer par son personnel de l'office des milliers
de bulletins de votation truqués pour devenir le plus bel homme du
Québec. (10 h 45)
Mais revenons plutôt à cette conférence du 10
septembre 1982 donnée à Montréal où tous les
organismes d'information avaient été invités. En 1982,
alors que le monde entier est touché par la récession
économique, que toutes les entreprises commerciales et tous les
gouvernements s'affolent devant la montée spectaculaire des taux
d'intérêt, pendant que de nombreuses entreprises sont en
difficulté financière et souvent renflouées par de
généreuses subventions des gouvernements - nous pensons, entre
autres, à Canadair, Dome Petroleum, Massey Ferguson et je pourrais en
faire une longue liste - pendant que le ministre des Finances du Québec
doit décréter des coupures budgétaires très
sévères pour payer nos comptes d'épicerie - je parle des
comptes de la province - qui augmentent démesurément à
cause des nombreux emprunts qu'il doit contracter à des taux
d'intérêt beaucoup plus élevés que prévu,
alors que tout le monde lutte contre la pire crise économique de
l'histoire du monde occidental, le président de l'office convoque les
médias d'information, non pas pour faire le partage entre les bons et
mauvais administrateurs des entreprises en difficulté, comme il le fait
pour les agriculteurs et en particulier pour nous, mais pour faire le point sur
la situation financière des agriculteurs du Québec. Dans cette
conférence, Camille Moreau attaque tout le monde. Il déclare, et
cela, deux ans avant notre grève de la faim, que la situation
financière de nos emprunteurs n'est pas alarmante, encore moins
catastrophique, comme se plaisent à le laisser croire certains
pseudo-défenseurs de la classe agricole en mal de publicité
-c'était nous - dont les agissements vont parfois jusqu'à
frôler le banditisme et dont les propos constituent des incitations
directes à commettre des actes criminels. C'est de nous qu'il parle. Si
vous vous référez à la conférence qui va être
incluse éventuellement à la fin dans les références
que vous allez obtenir d'ici quelque temps, vous allez voir que M. Moreau parle
à ce moment-là des gens de la Cour des miracles et des gens du
Mouvement pour la survie des agriculteurs. M. Moreau sait très bien
qu'il s'agit de deux organismes complètement séparés qui
n'ont même pas la même direction, qui n'ont pas la même
orientation, qui ne vont pas dans le même sens et qui n'ont rien en
commun. M. Moreau se plaît, dans cette conférence de presse,
à associer les deux organismes, la Cour des miracles et le Mouvement
pour la survie des agriculteurs, à accuser tous ces gens de banditisme
et à nous accuser d'inciter les gens à commettre des actes
criminels, alors qu'il sait très bien que ce que nous tendons de faire
dès ce moment, déjà en 1982, c'est d'attirer l'attention
du public sur le fait que les agriculteurs subissent aussi la crise
économique de 1982, comme tout le monde, et qu'il y a des
problèmes à régler en agriculture. M. Moreau parle dans
cette conférence de banditisme et s'éparpille un peu partout.
L'attitude arrogante du président de l'office était
très apparente lors de cette conférence et, depuis, Camille
Moreau blâme tous les agriculteurs qui ont des difficultés
financières d'être de mauvais administrateurs. Il faudrait
peut-être lui demander combien va être son déficit au niveau
du fonds d'assurance des prêts du crédit agricole. Il nous parlait
dans les prévisions qui datent déjà de 18 mois d'un
déficit de 37 000 000 $ au niveau du remboursement de prêts.
C'étaient des prévisions, et parions que ces prévisions
étaient les plus basses possible. M. Parizeau était-il un mauvais
gestionnaire? M. Lalonde, malgré ses 30 000 000 000 $ de déficit,
a-t-il bouclé son budget? M. Mulroney a-t-il fermé l'Iron Ore
pour son propre plaisir? Les agriculteurs ne connaissaient-ils pas, eux aussi,
des difficultés financières? N'était-il pas raisonnable
que ceux qui doivent payer leurs dettes, qui ne peuvent pas les mettre dans les
comptes publics et qui ne peuvent pas les mettre au crédit pour les
générations suivantes, soient mal pris à cause de ces
hauts taux d'intérêt? Si on ne pouvait pas nous aider, avions-nous
besoin de l'arrogance de l'avocat Moreau qui voulait fermer la lumière
sur l'état de l'agriculture québécoise? Le seul point
où nous sommes d'accord avec lui, c'est que la lumière soit faite
sur l'administration Moreau. La réaction des journalistes
présents à cette conférence
de presse fut l'indifférence pour certains comme ce fut le cas
pour les journalistes anglophones et francophones de la
télévision de Radio-Canada qui refusèrent de rapporter les
paroles de l'avocat Moreau. Elle fut assez dure pour d'autres, comme en fait
foi un article publié dans la Terre de chez nous du 22 septembre 1982
sous la signature de Jean-Claude Blanchette, intitulé: "Le
président de l'Office du crédit agricole devrait discuter sur un
autre ton." Selon l'éditorialiste Blanchette, "une première
réaction que suscite la lecture des nombreux communiqués remis
à la presse et qu'ont observée davantage ceux qui ont
assisté à la conférence de presse a trait à la
réaction du président de l'office et au ton employé par ce
dernier pour répondre aux divers groupes ou individus qui posent des
questions par rapport au rôle de l'office et qui font des commentaires
sur son attitude pour aider les agriculteurs à traverser la crise
actuelle".
Je pense qu'il est facile de comprendre qu'il y avait à ce
moment-là énormément de questions à poser. Il
aurait dû y avoir aussi plusieurs réponses à ces
questions.
Lisez la conférence de presse de M. Moreau, en 1982. Vous allez
vous apercevoir que c'est un ramassis de clichés qui visent à
démontrer au public que l'administration Moreau est parfaite, que les
agriculteurs sont en bonne santé financière et que les seuls qui
disent le contraire sont des bandits. "L'attaque est peut-être la
meilleure défensive - continue M. Blanchette - dans certaines
circonstances, mais si cette dernière est dirigée dans tous les
sens et sur tout le monde à la fois, elle perd de sa
crédibilité, d'autant plus qu'elle n'éclaire en rien le
fond du problème".
Cet article, comme d'ailleurs celui de la Terre de chez nous, du 7
octobre 1982, de Michel Morisset, intitulé "Les agriculteurs
s'enrichissent comme jamais et plus que tout le monde", démontre que
Camille Moreau fausse volontairement les statistiques tout comme il a
faussé les statistiques dans le concours du plus bel homme du
Québec en 1975, pour justifier ses prises de position.
Si la commission est intéressée, j'ai dans mes documents
plusieurs autres coupures de journaux qui démontrent que l'ensemble, la
totalité des commentateurs agricoles sont en désaccord avec
Moreau. Certains seulement au sens des chiffres; d'autres au sens des
commentaires faits par M. Moreau, etc. D'ailleurs, avant cette
conférence, il y a eu plusieurs commentaires faits dans les journaux qui
visaient à démontrer que les agriculteurs du Québec
étaient dans des situations financières extrêmement
difficiles. À la suite de la conférence de Moreau, les
journalistes spécialisés ont commenté cette
conférence en disant que M. Moreau ne mentait pas, mais, disons, pliait
la vérité.
Ce ne sera ni la première fois ni la dernière fois que
l'avocat Moreau utilisera la subtilité et la magie des chiffres pour
fabuler et tromper son ministre, son gouvernement, les agriculteurs et tous les
citoyens du Québec. Nous ajoutons que les agissements de l'avocat Moreau
ont terni dans le public l'image du gouvernement du Québec à
cause de ses attitudes arrogantes et disgracieuses. La violence et le
mépris du président Moreau à l'endroit de ses
fonctionnaires et des agriculteurs défavorisés sont très
bien connus des fonctionnaires de l'office, de certains fonctionnaires
démissionnaires et de centaines d'autres qui sont réduits au
silence par les menaces de leur président.
La menace est d'ailleurs souvent utilisée par Me Moreau pour
arriver à ses fins personnelles. Si le ministre Garon est actuellement
à l'écoute, qu'il téléphone à certains
anciens du crédit agricole, à certains tablettés du
crédit agricole. Qu'il téléphone à Pierre Courteau,
de la Terre de chez nous, qu'il téléphone au journaliste Jean
Pelletier, de Radio-Canada et qu'il téléphone à Mme
Payette. Il aura l'heure juste sur l'avocat Moreau. Qu'il
téléphone aussi à certains directeurs régionaux de
l'UPA qui se font réveiller à des heures tardives par M.
Moreau.
Quand l'avocat Moreau gueule après le Dr Lazure qui a
blâmé le crédit agricole -là, on fait
référence à un rapport que le Dr Lazure a fait sur les
bonnes relations qu'il y a entre les citoyens et les organismes gouvernementaux
- il y aurait peut-être lieu de demander au ministre
délégué aux Relations avec les citoyens de faire une
enquête plus approfondie sur les agissements de Camille Moreau. Que le
président de l'office s'attaque à nous depuis deux ans, cela peut
se comprendre car il défend ses intérêts personnels, mais
qu'il blâme aussi le Protecteur du citoyen pour la simple et unique
raison que ce dernier a essayé de permettre, pour des raisons
humanitaires, le rebranchement de l'électricité - service public
s'il en est un - à la ferme Talbot, démontre que Camille Moreau
fait feu sur tous ceux qui le contestent.
Là, je vous réfère encore à ce qui se dit
actuellement, dans les milieux parlementaires entre autres. À chaque
fois que M. Moreau a eu l'occasion, dans les trois dernières semaines,
de parler en public, il a attaqué le Protecteur du citoyen comme
étant un allié des grévistes de la faim. Je pense que vous
êtes beaucoup mieux placés que moi pour savoir de quoi je
parle.
Y a-t-il un fonctionnaire dans l'entourage de M. Moreau qui n'ait pas
entendu des commentaires peu élogieux sur la personne du Protecteur du
citoyen? L'avocat Moreau est-il si puissant pour faire taire son entourage et
maîtriser certains ministres et le Protecteur du citoyen? Nous
vous demandons de faire enquête.
Quand le ministre Garon affirme qu'un journaliste lui affirmait avoir
trouvé le dossier Talbot tellement mauvais pour l'individu qu'il n'a pas
voulu taper sur la tête d'un pauvre type, on répond au ministre
que l'on n'est pas surpris, car nos dossiers ont été
montés avec une habileté malhonnête que seul le
président de l'office et certains de ses valets peuvent utiliser, tout
comme les 12 000 bulletins de vote truqués par les valets du
président de l'office dans le but de voir leur président
être reconnu le plus bel homme du Québec. Ou, encore, comme le
dossier baptisé "Opération choc" qui avait pour but de tromper le
ministre, le gouvernement, les agriculteurs et tous les citoyens du
Québec.
En 1978, après sept ans comme président du Crédit
agricole, Camille Moreau n'avait jamais pu régler le problème des
longs délais pour l'obtention d'un prêt. Dans le texte, c'est
écrit "souvent plus d'un an", j'aurais dû probablement
écrire "souvent plus d'un an et demi". Pour épater le ministre
Garon qui se plaignait de cet état de fait, l'avocat Moreau, pour
camoufler sa mauvaise administration et sous le masque d'un test, organise un
grand spectacle à Montréal où seront conviés les
médias d'information. Tout comme dans l'affaire Talbot, dans ses
conférences de presse ou dans son concours de beauté, cette
opération n'a pour but que sa propre publicité. Il savait
déjà qu'il était le plus fin; depuis 1968 il avait
trompé tout le monde. Il avait tenté, en 1975, de prouver qu'il
était le plus beau; en 1978, il avait décidé de montrer
qu'il était le plus efficace.
Un bon groupe de fonctionnaires sont donc temporairement assignés
dans la région de Montréal, plus précisément
à l'hôtel Méridien dont il loue un étage avec les
deniers publics afin d'organiser un blitz spectaculaire en vue de traiter des
demandes d'emprunt de certains agriculteurs de cette région dans un
temps record. Agronomes, avocats, notaires, techniciens viennent de toutes les
régions du Québec afin que certains prêts se
déboursent dans un temps très court. Lobbying auprès de
banquiers, de notaires et du privé afin que les dossiers de cette
opération soient traités prioritairement.
Après plusieurs semaines de labeur épuisant fourni par de
nombreux conseillers de l'OCAQ, la campagne de presse s'organise. Quelques
agriculteurs viennent témoigner qu'ils ont obtenu leur prêt en une
semaine. Je me suis laissé dire qu'il y en avait qui l'ont eu en deux
jours. Ces agriculteurs privilégiés n'ont pas su que d'autres
agriculteurs dans les régions périphériques avaient
dû attendre leur dossier encore plus longtemps que d'habitude parce que
le personnel de leur bureau régional participait à cette
opération. Le ministre fut satisfait, le personnel participant à
cette opération écoeuré, mais le président du
Crédit agricole avait sauvé la face et il a reçu de bonnes
notes. La preuve? Il est encore là.
Est-ce que cette commission parlementaire a les moyens d'enquêter
à ce sujet? Le ministre Garon était-il dans le coup? Ou a-t-il
été trompé encore une fois par M. Moreau? Mon dossier
personnel a été traité sous l'opération choc. La
réponse à ma demande de prêt m'est parvenue par Purolator.
Apparemment la poste royale ne va pas assez vite. Peut-être est-ce
là la raison pour laquelle mon prêt sur nantissement qui devait
être endossé par l'Office du crédit agricole ne l'a jamais
été, ce qui a fait perdre à la Banque Nationale quelque 25
000 $. Vite et bien, cela ne va pas ensemble.
Il y a eu d'autres blitz aussi, à Hull entre autres, un à
Montréal. Il y en a eu trois ou quatre, toujours pour démontrer
que l'Office du crédit agricole, sous la présidence de M. Moreau,
était l'organisme le plus efficace du gouvernement. Ce qu'on gagnait
avec les dossiers de certains agriculteurs qui faisaient partie de
l'opération on le perdait dans les autres dossiers des agriculteurs qui
n'étaient pas à l'intérieur de cette opération. (11
heures)
Pour nous, rien ne nous surprend sur les moyens qu'utilise Camille
Moreau pour bien paraître. Dernièrement, lors de l'émission
Forum, de Jean Cournoyer et de Mathias Rioux, sur l'autosuffisance alimentaire
du Québec - c'était autour du 15 août - le président
Moreau qui était un des invités, a tenté de noyauter
l'émission en tentant de la paqueter en y amenant une trentaine de ses
fonctionnaires qui sont également payés à même les
deniers publics. Heureusement, à la dernière minute, les
animateurs de l'émission ont exigé que chacun des intervenants
ait sa carte d'agriculteur et la trentaine ou la quarantaine de fonctionnaires
de l'office ont fait antichambre au canal 10. Pendant ce temps, qui
réglait les dossiers des agriculteurs? Personnellement, nous osons
croire qu'encore une fois le ministre fut trompé ou qu'il ne le sut
point, comme fut trompé en 1975 le premier ministre Bourassa lorsque M.
Camille Moreau lui demanda l'autorisation de participer au concours de
l'émission de Lise Payette, à Radio-Canada, puisque, selon
l'avocat Moreau, de nombreux citoyens voteraient pour lui.
Nous demandons l'indulgence du président de cette commission afin
d'écouter cette histoire fantaisiste, j'allais dire farfelue, mais
réelle, afin que vous puissiez ainsi que vos collègues comprendre
comment nous avons perdu confiance que nos dossiers puissent être
traités avec objectivité par le président de l'office et
la raison pour laquelle nous demandons de recommander la
création d'un comité d'appel à l'Office du
crédit agricole pour traiter nos dossiers, les dossiers de nombreux
agriculteurs qui se plaignent du traitement qu'ils y reçoivent, ainsi
que les dossiers de milliers d'agriculteurs en difficultés
financières qui ne peuvent pas être entendus actuellement et pour
qui le dialogue avec l'office consiste à recevoir par le huissier de
leur localité un petit papier jaune. Nous demandons que ces dossiers
soient retirés des mains de Camille Moreau afin qu'il n'y ait pas
à nouveau du tripotage et qu'ils soient déposés le plus
tôt possible sur le bureau du secrétaire en attendant que ce
comité d'appel soit formé. Nous demandons également
à cette commission qu'elle nous fournisse une personne-ressource de
notre choix pour nous aider à les analyser, peut-être avec une
autre personne nommée par cette commission. Cette analyse pourrait alors
être soumise au comité d'appel temporaire et ce dernier pourrait
éventuellement - devrais-je dire "devrait"? - devenir permanent si cela
vous semble opportun.
Revenons à notre histoire. Sous le couvert de l'autorisation
arrachée subtilement et malhonnêtement de M. Bourassa, le
président de l'OCAQ faisait adopter une résolution du bureau de
direction de l'office - cela démontre à quel point M. Moreau,
déjà en 1975, avait autorité sur le bureau de direction de
l'office - afin qu'il puisse pousser sa candidature du plus bel homme. M.
Garon, et peut-être cette commission aussi, pourrait certainement
consulter les minutes de l'office et téléphoner aux personnes de
l'époque qui furent "tablettées" pour s'être
élevées contre le président sur ce sujet et qui
préconisaient plutôt des services accrus aux agriculteurs qu'une
campagne électorale pour que le président devienne le plus beau.
Je n'en nomme que deux et je pense que c'est à cette commission de faire
enquête. Si cette commission fait enquête sur ces
événements, elle va trouver beaucoup plus que M. Chevrette et M.
Tessier qui ont été directement "tablettés" pour
s'être opposés au concours de beauté de M. Moreau. La
campagne électorale du président de l'office a été
placée sous la présidence d'un régisseur de l'office qui
avait été député de l'Union Nationale pendant seize
ans et qui a apporté son expérience d'organisateur rompu aux
traditions duplessistes et aux télégraphes. On organise tout
d'abord une campagne de financement, comme lors de vraies élections,
auprès des employés qui cotisent volontairement, forcés,
à cette campagne. Comment? Tous les jours, la liste des donateurs est
déposée sur le bureau du président. Plusieurs
employés voient dans leur don un bon investissement puisque,
après tout, c'est le président qui donne les augmentations.
Pour cette opération, le président de l'office utilise le
personnel, l'équipement, le temps de l'office. On prépare une
douzaine de milliers de lettres, des originaux demandez à votre
secrétaire d'en faire 12 000, je pense que cela va être long avant
qu'elle puisse vous rendre d'autres services -conformément aux
règlements du concours du plus bel homme du Québec de Lise
Payette, tout en prenant bien soin que les deuxième et troisième
noms qui apparaissent sur le bulletin de vote soient toujours ceux de personnes
connues mais pas trop, de façon que son nom ressorte toujours en
priorité.
Je voudrais donner une petite explication. Pour le concours du plus bel
homme du Québec, il fallait que chaque personne qui vote inscrive trois
noms par ordre de priorité à sa demande, 1, 2 et 3. Or, ce que M.
Moreau faisait faire à ses secrétaires, c'était d'inscrire
son nom au numéro 1 et le nom de personnes différentes aux
numéros 2 et 3. Il y avait un risque que, dans l'ensemble des bulletins
de vote, la personne qui aurait été placée au
numéro 2 soit élue à cause des autres bulletins. M. Moreau
avait bien spécifié que les numéros 2 et 3 changeraient
beaucoup afin de ne pas se retrouver avec des numéros 2 qui deviennent
le plus bel homme. Pour éviter que cette machination soit
découverte, les bulletins étaient postés de tous les coins
de la province où il y a des bureaux régionaux.
La fièvre électorale du concours de beauté du
président de l'office a duré quelques semaines. Lorsqu'il est
classé au septième rang, quelques semaines avant la fin du
concours, c'est l'euphorie à l'office. Le président de l'office
se rend à Montréal avec ses photos et rencontre Mme Payette. Les
employés embarqués - volontairement forcés - poussent la
machine pour propulser leur "boss" au premier rang. Vous, comme
députés, vous savez ce que vous faites de vos dossiers pendant la
campagne électorale. À l'office, les dossiers des agriculteurs
sont retardés car la priorité est au concours de beauté de
l'avocat-président Camille Moreau.
Si on pouvait évaluer les pertes en intérêts
d'argent dues au retard dans ses dossiers et les frais encourus directement ou
indirectement en temps perdu par les fonctionnaires de l'office, entre autres
à discuter du concours de beauté de M. Moreau, je suis
persuadé que le montant suffirait amplement à rembourser toutes
les pertes d'argent des grévistes de la faim réunis ici et celles
encourues par leurs créanciers et cela, sans compter les frais encourus
par le "tablettage" des fonctionnaires qui ont refusé de participer
à cette machination et dont on a continué de payer les
salaires.
Puisque M. Moreau se fait le grand défenseur des fonds publics,
nous demandons à cette commission parlementaire d'évaluer
publiquement les coûts totaux de toutes les
campagnes publicitaires du président Moreau qui ont comme lien
commun de servir uniquement les intérêts de M. Moreau. Cette
enquête démontrerait au grand public qui sont les vrais mafiosi:
nous, qui bénéficions maintenant de l'aide sociale, ou le
président de l'office et ses valets avec des salaires annuels variant
entre 50 000 $ et 70 000 $ et dont une partie de leur temps passe à
servir le président? Avez-vous déjà vu des mafiosi sur le
bien-être social? Avez-vous déjà vu des mafiosi faire la
grève de la faim? Avez-vous déjà vu des mafiosi demander
d'être entendus en commission parlementaire?
M. le ministre, qui se demande pourquoi tous ces "sparages" dans
l'affaire Talbot, comprendra peut-être un jour que tous ces "sparages"
reposent sur les agissements du président de l'Office du crédit
agricole. M. Garon aurait certainement avantage à écouter, pour
une fois, deux de ses collègues qui sont psychiatres: il aurait
peut-être les explications qui lui manquent.
Dans un article publié dans la section l'Économie de la
Presse du 16 août 1984, l'avocat Moreau déclarait que M. Talbot
coûte cher aux contribuables et à l'État
québécois puisque ce dernier a reçu, en un peu plus de
deux ans, 172 110 $ en subventions ou en indemnités de la part du
ministère de l'Agriculture. Je tiens à noter, pour ceux qui ont
le texte de cette conférence, que M. Moreau était de mauvaise foi
quand il a additionné les subventions. C'est visible: il y a, à
l'intérieur de ce dossier, des subventions qui regardent le creusage
d'une rivière. Il y a des subventions qui ont été
investies dans les bâtisses et le fonds de terre que l'office a depuis
repris. Ce n'est pas M. Talbot qui est parti avec cet argent. Cela a
été investi dans le fonds de terre. Il y a aussi, dans ces 172
000 $, une partie qui a été versée par
l'assurance-stabilisation. M. Talbot, qui avait lui-même payé
cette prime à même les revenus de son travail à
l'assurance-stabilisation, avait-il, oui ou non, droit à ces
indemnités? Si oui, pourquoi l'avocat Moreau sort-il ces chiffres?
Sinon, pourquoi lui a-t-on versé les subventions?
Le ministre Garon aura-t-il le courage de sortir les chiffres de celui
qu'il cite si souvent comme étant un producteur de boeuf modèle,
l'éleveur Jocelyn Autotte? Cette commission parlementaire aura-t-elle le
courage d'évaluer ce que coûte Camille Moreau aux contribuables
pour ses besoins en publicité?
Le signataire de l'article du 16 août 1984 mentionne que Camille
Moreau a encore fait une violente sortie contre le comportement
répréhensible des membres du Mouvement pour la survie des
agriculteurs qu'il accuse de faire du terrorisme - plus fort que cela, on
croirait entendre un dictateur de république de bananes - en invitant
les gens à porter plainte auprès de la Sûreté du
Québec. M. Moreau nous prend-il vraiment pour des criminels? La
commission parlementaire aurait peut-être avantage à
enquêter pour voir qui pratique le terrorisme auprès des
médias d'information et à l'Office du crédit agricole. La
Sûreté du Québec devrait peut-être enquêter sur
la frauduleuse participation de Camille Moreau au concours du plus bel homme du
Québec, en 1975, alors qu'il a tenté de tromper tout le public du
Québec comme il a tenté de le faire avec nos dossiers. C'est pour
cela que nous vous demandons de lui retirer nos dossiers. Nous espérons
aussi que les journalistes qui ont été traités de
fascistes, particulièrement ceux de Radio-Canada, feront connaître
le vrai visage du président de l'Office du crédit agricole
à l'ensemble des Québécois et des agriculteurs. Nous
demandons tout spécialement à Mme Payette de venir commenter ses
rencontres avec Camille Moreau, lui qui l'insultait si facilement après
son élimination du concours de beauté.
Dans la semaine du 16 août, Camille Moreau rencontrait une
quarantaine de journalistes pendant notre grève de la faim. L'argument
massue qu'utilisait Me Moreau pour débattre le dossier de Marcel Talbot
touche les contribuables qui devront défrayer les pertes et qui ont
droit à une information objective. En fait, c'est encore une
demi-vérité parce que ce ne sont pas les contribuables qui vont
défrayer les pertes de l'Office du crédit agricole, mais le fonds
d'assurances qui n'est pas payé par le contribuable, lui, mais qui est
payé par les emprunteurs à même leurs revenus.
Malgré les faits, les informations présentées par M.
Moreau sont, à notre avis, totalement subjectives et nous croyons que le
public doit être informé des agissements de M. Moreau puisque
c'est le public qui paie, par ses taxes, les extravagances publicitaires de Me
Moreau et son arrogance.
Pour notre part, nous persistons à dire que l'Office du
crédit agricole nous a incités, comme plusieurs autres, à
emprunter des sommes importantes et à nous lancer à fond de train
dans des entreprises qui se sont révélées
désastreuses - cela, l'office le savait avant - et où nous avons
perdu tous nos avoirs et nos années de travail. Nous ne sommes pas les
seuls. Il y a des milliers d'agriculteurs en difficulté actuellement qui
disparaîtront. Nous supplions cette commission de recommander le
décret immédiat d'un moratoire sur les saisies et les ventes
forcées et de commander de consacrer des énergies
supplémentaires - ce qui ne veut pas dire nécessairement des
sommes d'argent - pour rechercher avec les producteurs en difficultés
financières toutes les mesures possibles susceptibles de
redresser leur situation et non de tenter de les pousser au
désespoir, comme le fait M. Moreau.
On a l'impression quelquefois que M. Moreau espère que les
agriculteurs en difficulté se pendront dans leurs silos, comme certains
l'ont fait, pour pouvoir fermer le dossier rapidement et silencieusement.
Contrairement à la déclaration du ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation qui disait, dans la Presse du 29
août 1984, que c'est pour des motifs politiques que nous avons fait la
grève de la faim, nous déclarons devant cette commission que
c'est uniquement pour la survie de l'agriculture du Québec que nous
avons posé ce geste et pour donner à nos enfants des raisons
d'espérer vivre dans une société où la place de
l'homme sera plus grande que celle de la politique, de la politicaillerie ou de
la propagande. (11 h 15)
À notre avis, M. Garon, qui est reconnu comme une bête
politique, se trompe lui-même en croyant en son objectif premier
d'atteindre à n'importe quel prix l'autosuffisance alimentaire. Cet
objectif ne serait valable que dans un Québec indépendant qui
contrôlerait ses frontières, son commerce extérieur et ses
douanes. La production du boeuf de boucherie et des céréales
notamment par des grandes entreprises que veut développer le ministre
Garon ne sont des productions valables que dans un pays indépendant. La
concurrence de l'Ouest est encore là. Même si M. Garon est le
ministre le plus farouchement indépendantiste de tout le gouvernement et
même s'il voulait se faire réélire, il doit penser à
long terme et éviter de conduire les agriculteurs vers la catastrophe
avec sa politique d'autosuffisance, version indépendance, puisque le
peuple québécois a déjà refusé cette
indépendance. Le ministre doit aussi accepter que si les pêcheurs
ont été trompés par les institutions financières,
comme le démontre le récent rapport du juge André Marceau,
il est possible que ces mêmes institutions financières exploitent
aussi les agriculteurs. Les agriculteurs et les pêcheurs, cela se
ressemble. Le ministre devrait peut-être réfléchir et
être moins queue de veau. À titre d'exemple, dans la Presse du 29
août 1984 et la Terre de chez nous du 6 septembre 1984, il
déclarait que la banque des terres arables du Québec s'inscrit
dans la politique de son ministère visant à
l'établissement de fermes familiales rentables, alors que plus
récemment il déclarait qu'il était urgent de
définir cette ferme familiale. Dans la Terre de chez nous du 20
septembre 1984, le ministre souhaite qu'on définisse une fois pour
toutes la ferme familiale. C'est quoi une ferme familiale? se demande le
ministre. Combien y a-t-il de cochons, de poules, etc.? C'est bien beau des
discours philosophiques sur la ferme familiale, ajoute M. Garon, mais il faut
reprendre la question si on veut que le gouvernement ajuste ses politiques pour
favoriser ce genre d'exploitation. Cela fait huit ans que le ministre crie sur
tous les tons qu'il défend la ferme familiale, mais il ne sait pas ce
que c'est, puisqu'il nous demande aujourd'hui ce que c'est. Les agriculteurs
ont peut-être raison de se demander: C'est quoi un bon ministre de
l'Agriculture?
Pour notre part, nous avons été les seuls au Mouvement
pour la survie à nous prononcer sur une définition précise
de la ferme familiale, comme le démontre le communiqué du 24
janvier 1984 et que les députés, j'en suis sûr, auront la
curiosité de lire dès qu'ils l'auront.
En fait, on est arrivé à la conclusion que les discussions
qui se sont faites à l'UPA et au MAPAQ sur la définition de la
ferme familiale ne tenaient compte que du facteur pécuniaire et qu'il
fallait donc définir la ferme familiale en fonction de son revenu, de sa
production, des unités en production, etc. Nous avons repris la question
sur une base plus humaine en disant: C'est qui l'agriculteur familial? On est
arrivé, de cette façon, très rapidement à une
conclusion. L'agriculteur familial, c'est celui qui, dans son exploitation
agricole, fournit la majorité du travail, parce que, si on parle de la
ferme familiale de la même façon qu'on parle d'une entreprise
familiale, on va se ramasser avec des fermes familiales du type entreprise
familiale Bombardier, entreprise Bronfman, en tout cas, entreprise Cargill,
entreprise Continental, pour n'en nommer que des petites. On ne peut pas
définir la ferme familiale par sa quantité de production, il faut
la définir par les gens, il faut revenir toujours, je pense, en tout cas
personnellement, à la notion de: C'est qui? Que fait ce monsieur?
Autrement dit, il faut essayer de l'éloigner de la civilisation de
l'avoir et essayer de revenir à des notions de l'être. À
partir de cette notion, on est arrivé rapidement à notre
définition de ferme familiale.
C'est peut-être à cause des conseils de M. Moreau que le
ministre est embêté sur ce point. Nous l'excusons puisque M.
Moreau, dans une autre de ses attaques, cette fois contre M. Gérard
Gras, premier vice-président de l'UPA, se demande quand l'UPA a pris
position sur la dimension de la ferme familiale. M. Moreau, qui veut imposer la
définition de ferme familiale de l'OCAQ, sait très bien que cette
définition ne peut s'appliquer aux clients du MAPAQ et de l'UPA qui ont
une clientèle commune, composée de 48 000 agriculteurs. Il aurait
dû en informer son ministre. On pourrait dire que Me Moreau, en visant M.
Gras, a attrapé
son ministre. En traitant M. Gras d'ignorant, M. Moreau ne créait
certainement pas un climat propice aux discussions entre le gouvernement, l'UPA
et le milieu agricole. Il est clair et évident que tant que l'avocat
Moreau sera à la tête du crédit agricole, il n'y a aucune
discussion possible avec les agriculteurs, tout comme le gouvernement de M.
Lévesque n'a jamais réussi à s'entendre avec le
gouvernement de M. Trudeau, sauf que M. Moreau n'est pas élu.
Vous trouverez un article de Denis Bolduc paru dans la Terre de chez
nous du 27 septembre 1984 qui démontre que M. Moreau trompe
également les jeunes ou futurs agriculteurs. Cela est extrêmement
important. Dans une allocution qu'il faisait devant les membres de la
Fédération de la relève agricole du Québec, M.
Moreau a précisé que le taux d'intérêt moyen pour un
individu se situe à 4,5% sur un prêt de 100 000 $. Ce qu'il
considère comme étant très sain pour
l'établissement de la relève. Ce qu'il considère comme
étant très sain, c'est les 4,5% évidemment. C'est une
demi-vérité "Moreausienne", sinon de la tromperie pure et simple.
La réalité est tout autre. Selon les chiffes de M. Garon dans la
Presse du 1er septembre 1984, l'actif moyen d'une ferme au
Québec est de 330 000 $. Selon l'hypothèse de 100 000 $ de
prêt retenue par l'avocat Moreau devant les jeunes, il faudrait demander
à ce jeune qui veut s'établir d'apporter avec lui 230 000 $
comptant; ce qui est assez irréaliste.
Dans l'hypothèse où un jeune aurait 50 000 $ - on se
demande où il l'aurait pris, mais supposons - il faudrait financer 180
000 $ à l'Office du crédit agricole. Ce qu'omet de dire M.
Moreau, c'est que ces 180 000 $ seront financés en partie au "prime
rate". Pour la période de 1981 à 1983, il n'était pas rare
de voir des taux à 18% ou 19% et il se situe actuellement autour de 14%,
si mes renseignements sont justes. Ce qui veut dire que les premiers 50 000 $
sont sans intérêt; jusqu'à concurrence de 150 000 $, c'est
subventionné et les derniers 30 000 $ ne sont pas subventionnés,
ils sont au "prime rate". Le taux d'emprunt sur l'ensemble du prêt de cet
agriculteur qui veut s'établir sur une ferme moyenne serait donc de 11%
à 12% et non de 4,5%. Comme le propagandiste Moreau le fait croire
à la relève, sans compter qu'avec cette hypothèque, le
jeune perdrait sa subvention d'établissement de 8000 $; à notre
avis, ce sont des torts irréparables que M. Moreau cause à la
jeunesse. Ces jeunes se feront raconter une autre histoire par les conseillers
en financement dans les bureaux régionaux de l'office. Je ne sais pas si
les gens qui siègent à cette commission peuvent comprendre cela
facilement. Il faut se mettre dans la peau d'un jeune, de moins de 30 ans
disons, qui se fait expliquer par M.
Moreau qu'il pourra emprunter à 4,5%, qui commence dès
lors à couper dans sa propre soupe, dans celle de sa femme et de ses
enfants, pour essayer de ramasser 50 000 $ avec l'espoir qu'il va
s'établir sur une ferme à un taux d'emprunt raisonnable et qu'il
pourra survivre, qui, ensuite, se fait dire par les conseillers en financement
que son taux n'est pas de 4,5%, mais de 11%, qui s'embarque et qui,
après quatre ou cinq ans de travail, se ramasse en faillite. Quelle
sorte de citoyens va-t-on produire avec des promesses comme cela? Imaginez ce
jeune qui perd dix ans de sa vie parce qu'il s'est fait conter des romances
comme cela. Imaginez quelle répercussion sociale on a sur lui, sur sa
famille, sur ses enfants, sur ses proches. Où se ramasse ce
gars-là après? Imaginons simplement d'abord
qu'immédiatement après avoir vu son conseiller du crédit
agricole, il réalise qu'il est en train de se faire avoir et que son
prêt sera effectivement à 12%. Quelle sorte de
crédibilité l'Office du crédit agricole se crée?
Quelle sorte de crédibilité le gouvernement du Québec se
crée avec des patentes comme cela? C'est extrêmement important. Si
vous vous rappelez l'époque où vous aviez 20 ou 25 ans, combien
d'énergie vous étiez prêt à mettre pour vous faire
une carrière, pour vous bâtir un avenir? C'est à ces gens
que M. Moreau s'adressait.
À cette conférence, le président de l'office pense
que les jeunes qui s'établissent devront faire preuve de réalisme
et qu'ils devront respecter la loi des étapes pour acquérir le
plus d'expérience possible. M. Moreau pourrait-il définir devant
cette commission de quel réalisme il parle? De quelle étape il
parle? Et aussi comment les jeunes qui veulent s'établir financeront
leur quota de production qui coûte entre 100 000 $ et 150 000 $ et qui
est un droit d'entrée en production et sur lequel l'office ne
prête même pas. Le réalisme, c'est le fait que le revenu
agricole d'une ferme moyenne ne permet pas d'honorer ses paiements si le taux
d'endettement dépasse 50%. Que cette commission enquête
auprès de n'importe quel économiste agricole. Vous trouverez des
chiffres qui tournent autour de 50%. Pour une ferme ayant une valeur de 330 000
$, si le père n'accepte pas de donner la moitié de son capital,
il n'y a pas de possibilité d'établissement pour les jeunes. Je
sais que cela fait partie du mandat de la commission, mais, si on ne
règle pas d'abord les problèmes intrinsèques à
l'Office du crédit agricole, cette commission n'a pas besoin de
siéger pour la relève. Tant que l'Office du crédit
agricole fonctionnera comme il fonctionne maintenant, cela ne sert à
rien d'enquêter pour savoir s'il y a de la relève ou s'il n'y en a
pas. Il n'y en a pas. Il n'y a pas de possibilité de relève. Je
vais revenir à nos moutons. Y a-t-il un député
parmi vous qui accepterait d'emprunter à 11% pour investir dans
une entreprise dont le taux de rentabilité est de 5%? Vérifiez
cela aussi auprès des économistes et demandez-leur: Le taux de
rentabilité d'une ferme moyenne au Québec, c'est quoi? À
long terme, c'est la faillite. Le président de l'Office du crédit
agricole oublie de nous dire cela.
Dans un article publié en septembre 1984 par l'économiste
agronome de l'Université Laval Jean-Pierre Wampach, on peut lire que
"les aspirations des agriculteurs à la parité de revenu avec le
reste de la société les ont poussés dans la seule voie
possible: l'accroissement de la productivité du travail. En
maîtrisant la production d'un plus grand nombre d'hectares ou d'animaux,
les agriculteurs sont parvenus à accroître leurs revenus par un
plus grand volume de vente. Mais ce revenu provient maintenant, principalement,
du capital et, secondairement, du travail." L'économiste Wampach
démontre aussi que les grandes fermes sont en expansion partout et on
peut se demander, comme le fait le professeur Wampach, si les fermes moyennes
de 50 000 $ de revenu et, donc, les fermes familiales d'aujourd'hui ne sont pas
une espèce en voie de disparition.
Pour Lise Pilon-Lê, anthropologue et professeur à
l'Université Laval, le coeur de l'argumentation du président de
l'office dans la crise actuelle s'inspire d'une conception élitiste du
partage des agriculteurs entre bons et mauvais administrateurs. "Il faut
-dit-elle - démystifier cet argument trop facile constitué de
demi-vérités qui discréditent les agriculteurs et
témoignent d'une attitude de mépris à leur endroit.
L'objectif d'autosuffisance alimentaire prôné par le MAPAQ depuis
1976 s'est limité à la production agricole et n'a pas
touché les intrants. Cet objectif a été mis en oeuvre par
une centralisation du pouvoir de décision à Québec et par
une modification de la structure de crédit agricole favorisant la
concentration de la production entre les mains d'un petit nombre de fermes. Une
politique très sélective de crédit agricole a
imposé un modèle unique en agriculture, le modèle
productiviste, selon lequel seules les grosses fermes sont rentables et
méritent d'être aidées et supportées. L'imposition
de ce modèle implique un choix conscient d'éliminer un certain
nombre de fermes en rajustant à la hausse les critères de
rentabilité. L'introduction des prêts tandem depuis 1978 a fait de
l'Office du crédit agricole l'endosseur des agriculteurs auprès
des banques. Son rôle consistera désormais à assumer un
contrôle politique et administratif autoritaire sur les prêts
consentis pour assurer les banques d'être remboursées. De
là à défendre l'intérêt des banques contre
les agriculteurs, il n'y aura qu'un pas aisément franchi, dont
l'expulsion de Marcel Talbot sera la matérialisation dramatique." Cet
écrit de Mme Pilon-Lê, qui a fait sa thèse de doctorat sur
l'endettement agricole et fait actuellement des recherches sur le transfert de
fermes, avait déjà été soutenu par
l'économiste agronome Paul Pépin, dans un article publié
dans la Terre de chez nous deux ans avant notre grève de la faim, soit
le 30 septembre 1982. Cet auteur est dans la même ligne de pensée
que Wampach et Pilon-Lê puisqu'il écrivait que "les agriculteurs
ont un avoir net important qu'ils ont accumulé depuis deux
siècles, lequel a gonflé rapidement à cause de l'inflation
des dernières années. Mais comme le revenu net des agriculteurs
ne permet pas aux agriculteurs de faire honneur à leurs obligations et
qu'ils doivent suivre le progrès imposé par la technologie, ils
doivent emprunter pour survivre. L'avoir net permet de nouveaux emprunts
à long terme, ce qui retarde la faillite." (11 h 30)
L'agronome économiste Pépin va plus loin que
Pilon-Lê en affirmant que les banquiers profitent de cette situation
avantageuse pour injecter des capitaux importants: 500 000 000 $ au cours de
1980. On rejoint les commentaires du vice-président tout à
l'heure, quand il parle de la valse des millions. Mais ils le font sans frais
et sans risque, car l'État paie tous les frais d'expertise et l'analyse
de la ferme par le biais de ses fonctionnaires. Les prêts sont garantis
à 100% par l'État. Jamais dans l'histoire du Québec les
financiers n'ont eu de tels avantages. On aurait pu s'attendre qu'ils en
fassent profiter les agriculteurs. M. Pépin continue en disant: "A ce
rythme, l'avoir net de l'agriculture qui a mis deux siècles à se
créer passera dans les tiroirs des banques dans moins de 20 ans, avec le
concours des experts dans le financement agricole".
M. Pépin conclut en disant: "Dans le contexte
économique, social et politique où nous vivons, il me semble que
la direction de l'Office du crédit agricole pourrait, avec ses
chercheurs, des professeurs d'université, l'UPA et toutes leurs
données statistiques, préparer un excellent dossier pour montrer
la faiblesse du taux de rentabilité agricole du Québec et la
mauvaise situation financière des agriculteurs afin d'exiger des
subventions fédérales pour sauvegarder notre agriculture et les
milliers d'emplois qui en dépendent". Il ajoute: "Les agriculteurs ont
besoin d'emprunts dont les taux d'intérêt se rapprochent du taux
de rentabilité de l'agriculture". C'est extrêmement important.
Nous demandons à cette commission d'exiger que le
président de l'office fasse connaître le taux de
rentabilité de chaque production agricole par région afin que les
agriculteurs sachent, avant de s'embarquer
comme nous l'avons fait, combien cela rapporte pour chaque dollar
investi? Il a toujours voulu être le plus fin. S'il répond
à cette question, je dirai que c'est vrai.
Dans cet article publié sous le titre "Le capital agricole, ses
exigences et sa rentabilité", il est fort surprenant de constater
qu'avec les chiffres fournis au public par l'avocat Moreau, l'auteur arrive aux
mêmes conclusions qu'une enquête financée conjointement par
la Commission canadienne du lait, le MAPAQ et la Fédération des
producteurs de lait du Québec. Ils en sont arrivés à une
conclusion tout à fait récemment, il y a un mois environ,
à savoir que les producteurs laitiers sont payés en dessous du
salaire minimum. Je tiens à souligner à la commission que les
producteurs laitiers sont les mieux traités de tous les producteurs
agricoles du Québec. Ce sont les mieux payés. Les producteurs
laitiers sont payés en dessous du salaire minimum, soit 3,47 $ l'heure,
cela en tenant compte d'un taux d'endettement de 53%. Avec un taux
d'endettement plus élevé ou avec une production inférieure
à ce qu'est la production moyenne révélée par
l'enquête, le salaire diminuerait et deviendrait nul. L'agriculteur
travaillerait uniquement pour payer l'intérêt sur ses
emprunts.
Le tableau ci-joint donne les caractéristiques des fermes du
Québec selon leurs ventes ou selon leur production, si vous
préférez. Il provient des données de Statistique Canada
pour l'année 1981. À mon sens, c'est la dernière
année où il y a eu un recensement complet de l'agriculture au
Québec.
On y voit, entre autres, que 25% des fermes produisent 75% des ventes.
Selon ce tableau et selon la définition d'un agriculteur en vertu de la
Loi sur le crédit agricole, plus de 75% des agriculteurs du
Québec ne sont pas admissibles aux prêts de l'Office du
crédit agricole, puisqu'un exploitant agricole, au sens de la Loi sur
l'OCAQ, est toute personne physique dont l'agriculture est la principale
occupation. Pour répondre à cette définition, il faut en
toute logique vendre pour plus de 50 000 $ de produits agricoles puisque le
revenu net engendré par la vente de ces produits serait d'environ 15 000
$ moins la moitié de cette somme de 15 000 $ qui servirait de paiement
à l'office. Il resterait 7000 $ ou 8000 $ à l'exploitant. Pour le
MAPAQ et l'UPA, dont la clientèle est composée des 48 144 fermes,
il est impossible de laisser pour compte les 35 499 petites fermes: le
MAPAQ, pour des raisons tant sociales que politiques; l'UPA pour des raisons
strictement financières, parce qu'il leur manquerait quelques
cotisations pour payer leurs fonctionnaires.
M. Moreau contestera peut-être ces chiffres puisque 21 000
agriculteurs ont des dossiers. N'oubliez pas que plusieurs de ces dossiers
datent des années cinquante, soixante et soixante-dix. De là
viennent tous les conflits d'intérêts entre le président de
l'office qui défend sa loi au détriment des autres, du MAPAQ et
de l'UPA.
Quand M. Gras dénonce la folie d'aller vers de trop grosses
entreprises, il parle de ces 1,5% des fermes qui produisent 23% des ventes. Il
conteste aussi le fait que le président de l'office, appuyé par
ses nombreux fonctionnaires venus du Crédit agricole
fédéral, pense comme les économistes Ferron et Arsenault
d'Agriculture Canada qui écrivaient dans le Devoir du 24 septembre 1984
que "c'est un réflexe normal de vouloir grossir pour profiter
d'économies d'échelle et générer plus de revenus."
À ce chapitre l'agriculteur n'est en rien différent des
entrepreneurs industriels. La concurrence que se livrent les agriculteurs entre
eux les incite à accroître la taille de leur entreprise bien plus
que n'importe quelle politique ou idéologie gouvernementale. Dans un tel
contexte, l'attitude d'un organisme de crédit est aisément
compréhensible. Une institution prêteuse ne peut faire ses frais
qu'en transigeant avec les entreprises qui offrent les meilleures perspectives
de rentabilité. Le partage des agriculteurs entre bons et mauvais
gestionnaires ne relève pas d'une conception élitiste mais de
l'analyse élémentaire que doit faire l'organisme de crédit
sur ses chances de recouvrer ses frais. S'il appert que les fermes les plus
susceptibles de rembourser leurs prêts sont également les plus
grosses, cela est le résultat de forces économiques sur
lesquelles les gouvernements n'ont que peu d'influence. Bref, plus on est gros,
plus on est beau! On pourrait peut-être poser la question à M.
Garon.
Une fois pour toutes est-ce que l'UPA, le gouvernement du Québec,
le ministre Garon veulent éliminer les 35 499 petites fermes et la
moitié des fermes moyennes qui devront abandonner pour permettre aux
autres fermes moyennes de devenir plus grandes?
De quel côté ces gens-là vont-ils se brancher? Vers
la survie des fermes les plus nombreuses ou leur disparition? Si la
société québécoise opte pour la voie tracée
par Me Moreau, pourrait-on nous dire quel sort est réservé
à ces futurs ex-agriculteurs? Y a-t-il des programmes de recyclage pour
agriculteurs qui ont fait faillite ou seulement la poubelle de l'aide sociale
comme c'est notre cas?
Si 1,7% des fermes produisent 23% des ventes, cela veut-il dire que
très bientôt il ne faudra que 1513 fermes pour produire toutes les
ventes?
Notre grève de la faim s'inscrivait dans cette idéologie
car nous ne voulons pas que des 48 144 fermes il ne reste pour la
prochaine génération que 1513 agriculteurs. Nous ne
voulons pas que disparaissent 46 631 agriculteurs si on suit les politiques de
Camille Moreau qui a été façonné par les
économistes d'Agriculture Canada. Les partisans de la théorie
productiviste et des économies d'échelle devraient
peut-être changer leur lunette d'approche.
Un auteur américain, Tweeten, cité par le professeur
Wampach, a calculé qu'aux États-Unis si toutes les fermes avaient
été de dimension moyenne on aurait pu produire la même
quantité de produits agricoles à un coût inférieur
de 23%, soit une économie de 15 000 000 000 $ annuellement. Le
même auteur affirme que la production américaine pourrait provenir
de 1 200 000 fermes, soit deux fois plus que le nombre actuel et qu'il en
résulterait un gain substantiel pour les agriculteurs et pour les
consommateurs.
Le professeur Wampach nous dit que ces calculs montrent qu'une
structure plus équilibrée serait source d'un plus grand nombre
d'emplois sans perte d'efficacité économique.
Pour nous, au Québec, nous pouvons encore faire un choix car nous
ne sommes pas encore rendus aussi loin dans cette direction de la concentration
de la production. Nous pouvons encore faire des choix quant au type de ferme
à promouvoir. C'est pour cela que nous avons fait la grève de la
faim, pour sauver l'agriculture, pour sauver les petites et moyennes
fermes.
À elles seules, les petites fermes occupent plus de 56% des
terres améliorées du Québec. On veut que ces terres
puissent produire davantage tout en créant des emplois pour nos jeunes.
On accuse Camille Moreau de nous avoir conduits à la faillite, car ce
sont des leaders comme lui qui conduisent l'agriculture vers des grandes
entreprises en assassinant l'agriculture familiale et les petits agriculteurs
comme nous.
Dernièrement, on a introduit dans les programmes du MAPAQ
l'obligation pour les agriculteurs de répondre à la
définition d'agriculteur de l'office. Le ministre sait-il que 75% des
agriculteurs du Québec ne répondent pas à ce
critère et qu'ils ne pourront donc pas être admissibles aux
programmes? Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, qui a signé ces programmes, s'engage-t-il aussi dans la
voie de Camille Moreau?
M. Moreau et son ministre savent-ils qu'ils conduisent les agriculteurs
vers la plus importante contestation agricole de l'histoire du
Québec?
En guise de conclusion, nous demandons à cette commission de
retirer nos dossiers des mains de Camille Moreau, qui est juge et partie dans
ce conflit et dont l'attitude arrogante et méprisante à notre
endroit ne permet pas de créer un climat propice à une
entente.
Nous demandons à cette commission de former un comité
d'appel, de révision des dossiers à l'office, comité qui
pourrait devenir permanent - nous espérons qu'il deviendra permanent -
et dont au moins quelques membres devraient être choisis par nous.
Si ce comité temporaire est accepté, nous demandons
à cette commission de défrayer les coûts d'une ou deux
personnes ressources de notre choix pour nous y représenter.
Nous demandons que cette commission recommande une enquête
spéciale sur les agissements immoraux du président de l'office,
Camille Moreau, et certains de ses officiers.
Nous souhaitons enfin que cette commission soit assez
sensibilisée aux problèmes de la disparition des fermes et de la
survie des agriculteurs du Québec qu'elle recommande la tenue d'une
commission nationale d'enquête, comme celle de la CECO, pour qu'enfin
toute la lumière soit faite sur l'état réel de notre
agriculture et la direction qu'elle prend, et les conséquences que nos
enfants subiront et qu'en attendant qu'on sache où l'on va, on
décrète un moratoire sur toute saisie de biens agricoles.
Au nom des grévistes de la faim, au nom des agriculteurs qui nous
ont appuyés et de tous ceux qui nous ont soutenus moralement, notamment
l'Assemblée des évêques et le Protecteur du citoyen, au nom
de nos épouses et surtout au nom de nos enfants, nous demandons à
cette commission de trouver une solution à nos dossiers personnels, mais
sans oublier l'objectif fondamental de notre grève de la faim, la survie
des agriculteurs du Québec et celle de leurs enfants.
Enfin, nous voulons rappeler à tous les Québécois
que nous ne sommes ni des bandits, ni des terroristes, ni des mafiosi, mais
seulement d'honnêtes travailleurs de la terre qui avons gagné par
notre travail, souvent à raison de quatorze heures par jour et toujours
de sept jours par semaine, le droit à un traitement juste et le droit de
posséder encore la fierté d'être travailleurs de la
terre.
Si vous me le permettez, M. le Président, j'aurais un autre texte
très court à vous lire qui exprime, je pense, l'état
d'âme dans lequel se retrouvent les agriculteurs qui ont des
difficultés financières, entre le moment où leur
exploitation fonctionne et le moment où ils ont terminé ou leur
faillite est signée.
Le Président (M. Vallières): M. Boucher, je me
permets ici une brève intrusion. Si on veut permettre aux membres de la
commission de vous poser des questions
pendant une période de temps suffisante - il nous reste environ
une heure et quinze minutes - sur les textes que vous avez déjà
présentés, il faudrait que ce que vous allez nous
présenter soit suffisamment court.
M. Boucher (Jean-Claude): Quatre minutes, M. le
Président.
Le Président (M. Vallières): Très bien. (11
h 45)
M. Boucher (Jean-Claude): Cela s'intitule "Nourrir le
Québec".
Les dirigeants avaient dit
II faut nourrir le pays.
Tout pleins d'amour pour la terre
Nous avons dit que faut-il faire?
Faut construire des porcheries Faut bâtir des étables Faut
labourer les prairies Faut bien garnir les tables!
Nous ont prêté de l'argent Ont promis profit géant
Dit'rembourserez facilement Le soleil brillera trente ans!
On a construit des porcheries
On a bâti des étables
On a labouré des prairies
On a bien garni les tables.
De l'aube jusqu'à l'aurore On a cloué, scié,
labouré Avec nos coeurs, nos corps On a construit, sué,
peiné
De la friche, des jachères Sont nés champs couleur d'or
Des ruines de naguère Maisons, granges et hangars
Comme de terre levaient les blés De toutes ces fermes
ressuscitées Sortaient porcs, poules et oeufs Lapins, dindes et
boeufs
Nous ont dit faites-en plus Vos profits ne suffisent plus L'heure de
rembourser a sonné II vous faut maintenant payer
De l'aube jusqu'à l'aurore On a plus cloué, scié
Plus labouré, plus peiné Épuisé nos coeurs, nos
corps
Nous disent aujourd'hui Vous avez mal travaillé Vous ne pouvez
pas payer Nous disent aujourd'hui Vous avez mal travaillé Vos produits
nous ont inondés Nous disent aujourd'hui
Dans nos bureaux vos dossiers Sont froissés, vous avez mal
géré Vous avez mal travaillé Vous nous gênez, partez
Sur la pointe des pieds Disparaissez, cessez d'exister
Que les maisons redeviennent ruines Que les prairies redeviennent
friches Vous empêchez les grands d'être plus riches La faim n'est
plus dans la vie citadine
Nos savants du gouvernement Ont fait erreur de jugement Disparaissez,
disparaissez L'erreur sera corrigée
Viens ma femme
Venez mes enfants
Sommes-nous de trop dans ce pays
Sommes-nous de trop pour sa survie
Peut-être ailleurs, bien loin d'ici Pourrait-on construire un vrai
pays
Et, de l'aube jusqu'à l'aurore Clouer, scier, labourer Avec nos
coeurs, avec nos corps Construire, et peiner
Pour être utiles Pour être heureux.
Merci, M. le Président. Si vous avez des questions, je suis
disposé à y répondre. De toute façon, si la
commission est d'accord, je ne vois pas l'utilité d'entendre les
témoignages des autres grévistes, puisqu'on demande qu'un
sous-comité soit formé pour les entendre, comme je l'ai
expliqué dans mon texte. Mais je peux être à la disposition
de cette commission pour le reste de la journée, pour le reste de la
semaine, si vous voulez. Cela fait deux ans que je suis à la disposition
des agriculteurs pour essayer de les aider; une journée de plus ou de
moins, cela ne changera rien.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. Boucher. Je
veux immédiatement vous faire part du fait que, dans mon court texte
d'introduction, j'ai indiqué que la commission n'allait pas conclure
aujourd'hui ses travaux. Nous allons tenter de respecter les blocs que nous
avions déjà déterminés. À cet effet, cet
après-midi, nous devrions normalement travailler sur les dossiers de MM.
Girardin, Montigny et Girouard. Ce matin, nous pourrions procéder
à l'interrogatoire sur le texte que vous nous avez
présenté. Avant qu'on aborde la période de questions,
j'inviterais tout le monde à la prudence quand il s'agit de qualifier
les attitudes des personnes impliquées dans les dossiers. Je pense qu'il
y a possibilité d'en parler sans que les qualifications que nous
donnons
prennent l'allure d'injures ou d'accusations contre qui que ce soit.
Là-dessus, la parole est au député de Saint-Hyacinthe,
à moins qu'il n'y ait une intervention sur une question de
règlement. M. le député de Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, est-ce que le
député de Saint-Hyacinthe accepterait que je demande au
président, dans le but de replacer certains faits ou de rendre justice
à qui de droit... J'aimerais, si c'est l'avis de la commission, que le
président relise rapidement le mandat qui avait été
confié à M. Saint-Louis afin d'éviter tout quiproquo qui
aurait pu se glisser. Je ne veux pas dire que... Évidemment, comme ces
gens-là ne savent pas quel a été le mandat du Dr
Saint-Louis, on a pu porter un jugement un peu trop hâtif, à mon
avis. Je pense que si c'était précisé, cela
compléterait le dossier. Je serais disposé, ensuite, à
céder la parole au député de Saint-Hyacinthe.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Le choix du Dr Saint-Louis a été
fait par le comité de direction: le président, le
vice-président et le secrétaire. Il a été
amené par le secrétaire. Je dois déclarer à cette
commission que je ne connaissais aucunement M. Saint-Louis; je ne l'avais
jamais rencontré; je ne savais pas qui il était, encore moins de
quel parti politique il faisait partie - même s'il est de ce parti. Je
pense que c'est en toute confiance et déférence devant le
curriculum vitae de M. Saint-Louis que notre choix s'est arrêté
sur ce dernier.
M. Picotte: Je ne voudrais pas donner l'impression, M. le
Président, aux gens qui viennent nous rencontrer, que le Dr Saint-Louis
avait le mandat d'étudier à la fois des dossiers qui nous
étaient soumis par l'office et d'étudier le cas des individus. Je
pense que le Dr Saint-Louis n'avait pas cela pour mandat. Je pense que si on
décrète cela au point de départ, cela va rétablir
les faits.
Le Président (M. Vallières): Si les membres de la
commission sont d'accord, je vais lire le mandat, l'objet du contrat à
M. Saint-Louis. L'expert-conseil qui est engagé auprès de la
commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation s'engage
à exécuter le mandat décrit ci-dessous. a) Fournir
à la commission un avis sur les sept dossiers des agriculteurs qui ont
participé à la grève de la faim de
Saint-Cyrille-de-Wendover, concernant le rôle joué par l'Office du
crédit agricole et concernant le rôle joué par les
agriculteurs eux-mêmes. b) Présenter cet avis à la
commission à la séance de travail du 3 octobre 1984. À
cette même occasion, fournir aux membres de la commission un
résumé synthèse de chacun des sept dossiers en cause. c)
Assister aux audiences publiques de la commission les 10 et 11 octobre 1984 et
conseiller les membres pendant les audiences. d) Rédiger un rapport
technique dans le but d'aider la commission à formuler ses conclusions
et recommandations devant l'Assemblée nationale. e) Présenter le
rapport technique devant la commission lors de la séance de travail le
18 octobre 1984.
Cela étant dit, je demanderais maintenant au député
de Saint-Hyacinthe de procéder aux questions. Il resterait, ce matin,
environ une heure dix minutes de travaux. Ce qui veut dire environ 35 minutes
par formation politique.
M. Dupré: Je voudrais tout de même ajouter, M.
Boucher, que nous avions demandé, de part et d'autre, de fournir des
documents à la commission. À ce moment, le Dr Saint-Louis aurait
scruté les dossiers qui auraient été
présentés, ce que l'office a fait. Par contre, il n'avait pas
mandat de rencontrer l'office, ni le ministre, ni les grévistes.
Ma première question, M. Boucher, c'est à propos du
Mouvement pour la survie des agriculteurs du Québec. Je voudrais que
vous nous résumiez la situation en quelques mots, que vous disiez
combien cela représente de gens et comment c'est arrivé. Je pense
que ce serait important de faire un peu la différence - vous l'avez
mentionné au début - entre la Cour des miracles et votre
association.
Le Président (M. Vallières): M. Boucher.
M. Boucher (Jean-Claude): D'accord. Je vais commenter avant de
commencer cela. Je viens d'écouter le président expliquer le
rôle du Dr Saint-Louis. Un des points essentiels dans son rôle,
c'était d'étudier le rôle que les agriculteurs avaient
joué dans chacun des dossiers. Comment M. Saint-Louis a-t-il
étudié le rôle que nous avons joué dans notre propre
dossier?
M. Dupré: C'était sur la présentation de vos
documents et vous n'avez pas fourni de documents. Donc, cette partie c'est nous
qui irons un peu plus au fond des choses en interrogeant et en vous
écoutant.
M. Boucher (Jean-Claude): En tout cas. M. Dupré:
Oui.
M. Boucher (Jean-Claude): Pour revenir à l'histoire de la
Cour des miracles et du Mouvement pour la survie des agriculteurs, d'abord, je
trouve la question un peu bizarre
parce qu'il y a très peu de gens qui s'interrogent sur l'origine
du Parti québécois, ses origines à l'intérieur du
RIN, ses embranchements avec le FLQ. Je pense que le public a compris que
c'était de l'histoire ancienne. On regarde actuellement ce qu'est le
Parti québécois et ce qu'il fait. On ne se demande pas dans quel
berceau il est venu au monde. Dans ce sens, cette question me
déplaît énormément, mais je vais tenter quand
même de faire la lumière puisque c'est pour cela qu'on est
ici.
Au tout début de l'année 1982, alors que la crise
économique commençait à sévir
sévèrement, les agriculteurs qui avaient le moins
d'équité ont commencé à déclarer faillite,
à abandonner, à faire des ventes forcées, etc.
Individuellement, chacun de ces agriculteurs se sentait inférieur,
diminué, incompétent, mauvais gestionnaire. Au début, la
situation était stagnante et si un groupe de personnes ne
s'étaient levées pour faire valoir que cette situation existait
dans toutes les régions du Québec et dans toutes les productions
agricoles, je pense que la situation serait peut-être encore stagnante et
que les agriculteurs partiraient encore de leur ferme sur la pointe des pieds
comme d'ailleurs il y en a énormément qui le font
actuellement.
À ce moment, personnellement, j'ai rencontré M. Marcel
Talbot et M. Gérard Chamberland et quelques autres qui avaient, comme
moi, tenté, par l'entremise de leur député, du Protecteur
du citoyen, de leurs représentants syndicaux, de chercher des solutions
dans leur dossier personnel, d'avoir des arrangements avec l'office. Tous ces
gens s'étaient heurtés à la même
impossibilité de négociation avec l'Office du crédit
agricole. Je pourrais citer des cas typiques devant cette commission comme
celui de Jean-Pierre Tanguay, de Saint-Dominique. Il a fini par obtenir un
concordat de la totalité de ses créanciers avec un refus
catégorique de l'OCAQ de négocier. Dans mon cas, cela a
été la même chose, ainsi que dans le cas de la
majorité des agriculteurs. L'office ne peut pas négocier, parce
qu'il se doit d'appliquer les règlements en vigueur. Ces
règlements qui, à mon sens, ont été inventés
par M. Moreau, sont notamment le non-remboursement de l'intérêt
sur les prêts hypothécaires au moment où l'agriculteur est
en défaut de paiement.
Si cette commission ne comprend pas ce que cela veut dire, je peux
essayer de l'expliquer dans des mots très simples. Cela veut dire que
lorsque quelqu'un s'engage à rembourser un prêt
hypothécaire de 8,5% à l'office, il a un prêt de la banque
et il reçoit un subside d'intérêt pour combler la
différence entre les 8,% et le "prime rate". Dès que son paiement
est en arrérages - je pourrais citer une lettre qui m'a
été adressée personnellement par M. Camille
Moreau - de 150 $ ou d'un jour, l'agriculteur n'a plus droit à ce
remboursement d'intérêt, ce qui fait qu'immédiatement, pour
son taux hypothécaire, le taux passe de 8,5% à 15%, 16% ou 17%,
selon la période. Parce que l'agriculteur est en difficulté
financière, à cause du retard sur son paiement, pour l'aider, on
double son taux d'intérêt. On double donc ses paiements. Cette
situation doit perdurer - c'est dans les règlements de l'office - tant
et aussi longtemps que l'agriculteur n'aura pas régularisé sa
situation, ce qui veut dire, en pratique, jamais. Pourtant, l'office va
rembourser de toute façon cette subvention d'intérêt,
puisqu'il est l'endosseur au "prime rate" à la banque. C'est un
piège à cons.
Il y a autre chose aussi là pour nous aider. C'est que dans les
prêts sur nantissement souvent extrêmement importants pour le
financement des fermes, dans les papiers officiels de l'office, il y a toujours
une clause qui dit - je vous la cite de mémoire, à moins que vous
ne la vouliez par écrit - dès que l'agriculteur est en
défaut de paiement sur un des prêts détenus par sa banque,
tous les montants qu'il déposera à la banque pourront être
affectés à n'importe quel de ces prêts en rabais de capital
ou d'intérêt. Comprenez-vous quel autre piège à cons
c'est? Cela veut dire que si tu as 100 $ dans ton compte de banque, le banquier
est en droit de prendre les 100 $ et de rabattre ton capital sur ton prêt
hypothécaire ou sur ton nantissement. En d'autres termes, cela veut dire
qu'avec des règlements comme cela, dès que l'agriculteur est en
défaut de paiement, c'est la glissade vers la faillite. Cela ne peut pas
être négocié, parce que c'est dans les règlements
écrits de l'office.
J'ai lu le mandat de l'Office du crédit agricole et il me semble
que, dans quelques lignes, on disait que le crédit agricole devait
chercher des solutions pour aider les agriculteurs. Apparemment, il n'y en a
pas.
Pour revenir à mon histoire, une dizaine d'agriculteurs et moi,
on s'est rencontrés et on a fini par comprendre que notre faillite
n'était pas uniquement le résultat d'une mauvaise gestion,
qu'avec une bonne ou une mauvaise gestion, si tu achètes des pipes de
plâtre à 1 $ et que tu les vends 0,50 $, tu n'iras pas loin; que
dans le porc, lorsque ton coût de production des porcelets est à
30 $ et que tu les vends 20 $, 10 $ et 5 $, si tu es bon gestionnaire, tu vas
vendre plus de porcelets, mais tu vas perdre plus d'argent à la fin de
l'année. On a fini par se demander jusqu'où on était
responsables de notre faillite personnelle. On a regardé le programme
sur le boeuf. On s'est aperçu - des documents le démontrent -que
ce n'était pas une minorité de producteurs qui ne
réussissaient pas à passer au travers, c'était la
majorité de ceux qui
venaient de s'établir récemment et la totalité de
ceux qui avaient peu d'équité. On a aussi réalisé,
parce qu'on était sans travail et qu'on avait comme outil une chaise
berçante et un endroit pour réfléchir, que la
rentabilité d'une ferme se situait à environ 50% et 60%
d'équité sur les actifs. (12 heures)
On s'est gratté la tête et on a regardé nos
situations. Je me suis aperçu que, dans mon cas, par exemple, ma ferme
était évaluée à environ 45 000 $ ou 50 000 $ et que
l'Office du crédit agricole m'avait prêté au-delà de
80 000 $. J'étais très loin des 50% d'endettement. En fait,
j'étais à 200% d'endettement. C'était au départ.
C'était la même chose dans le cas des autres. On a
décidé, peut-être innocemment, sur le conseil de
Gérard Chamberland qui avait un drôle de passé à
l'intérieur notamment d'autres mouvements à tendance ou à
saveur politique... On s'est aperçu que si on voulait obtenir justice,
il faudrait faire une action publique. Il fallait être vu. On a entrepris
peut-être sans expérience, peut-être d'une mauvaise
façon, d'être vus par le grand public et de lui faire comprendre
qu'on n'était pas à 100% responsables de nos faillites. C'est
comme cela qu'on a créé la Cour des miracles. M. Chamberland
s'était nommé lui-même le directeur à vie de ce
mouvement. Au bout de quelques mois, M. Marcel Talbot, entre autres, et
moi-même étions vraiment insatisfaits de cette situation parce que
M. Chamberland tentait d'amener les agriculteurs vers la violence directement.
Cela ne nous plaisait pas. Il y a eu une période où il y a eu
énormément de dissension - on ne s'en cache pas - où
toutes sortes de choses n'ont pas marché. Cela a fini par aboutir
à la création d'un deuxième groupe qui s'est appelé
le Mouvement pour la survie des agriculteurs du Québec.
On a créé ce mouvement précisément parce
qu'on n'était pas d'accord avec la direction que prenait la Cour des
miracles. De la même façon que le Parti québécois a
été créé à partir du RIN, du FLQ et de
toutes ces choses; ils ont constaté à un moment donné que
cela n'allait pas, qu'il fallait s'orienter d'une façon politique et
suivre une route pleine de bon sens et clôturée. De la même
façon, on a fini par créer le Mouvement pour la survie des
agriculteurs, pour faire une action publique qui fasse reconnaître par le
gouvernement qu'il y avait énormément d'agriculteurs en
difficulté au Québec. Bien humblement, je vais vous dire qu'on a
fait des erreurs de parcours, qu'on a sûrement fait des
déclarations qu'il n'aurait pas fallu faire, qu'on a tenté de
heurter le gouvernement de front, ce qui était vraiment de
l'inexpérience, mais on l'a fait de bonne foi parce qu'on pensait que
c'était ce qu'il fallait faire. Les actions répréhensibles
que nous reproche Me Moreau, entre autres, s'inscrivent toutes dans cette
direction. Notre présence ici aujourd'hui, en commission parlementaire,
démontre jusqu'à un certain point qu'on est arrivé
à notre but.
M. Dupré: Je suis un peu désolé que ma
première question vous ait offusqué. Il n'y a rien de
péjoratif à demander à un organisme combien de membres il
représente.
M. Boucher (Jean-Claude): Non, ce n'est pas cela qui m'a
offusqué.
M. Dupré: Pouvez-vous me dire environ combien...
M. Boucher (Jean-Claude): Oui. On a deux sortes de membres si on
veut: ceux qui acceptent que leur nom soit enregistré dans nos livres...
Énormément de gens, notamment à la suite des
déclarations de M. Moreau, nous accordent leur sympathie, leur argent,
mais pas leur nom. On doit avoir actuellement peut-être 50 membres, c'est
tout et probablement 300 sympathisants ou gens qui viennent aux
réunions, qui suivent ce qu'on fait, qui étaient présents
lors de la grève de la faim et qui nous suivent dans presque tous les
événements.
M. Dupré: À la page 2 de votre document, M.
Boucher, vous mentionnez: Nous n'avions pas nos dossiers complets.
M. Boucher (Jean-Claude): Oui.
M. Dupré: Pourrais-je savoir ce qui manquait aussi? De
quelle manière pouvez-vous dire qu'ils sont incomplets? Vous ne les avez
pas ou vous les avez?
M. Boucher (Jean-Claude): Ce que je sais pour mon dossier
personnel, parce que, évidemment, quand cela manque... Si on dit qu'il
manque une fenêtre à la maison, cela va bien. Il y a un trou. Il
manque, entre autres... M. Moreau a fait savoir publiquement dans je ne sais
plus quelle conférence de presse qu'il possédait des affidavits
dans le sens qu'on terrorisait les acheteurs éventuels. Je n'ai pas
trouvé cela. Il y a eu un procès qui a démontré que
le nantissement agricole de l'office n'avait pas été
signé, donc, que ce nantissement n'avait pas non plus été
enregistré et qu'il était non valable. On ne trouve pas cela non
plus dans mon dossier, en tout cas, pas dans la copie que j'ai reçue.
C'est ce qui me vient à l'idée tout de suite, mais
évidemment, les choses qui manquent, vu que je ne les ai pas.. Il y a
notamment cela qui, j'en suis sûr, manque. Si cette commission doit
entendre M. Moreau, si M. Moreau, en vertu de la loi 65 a refusé de
rendre ces documents publics, j'espère que cette
commission va réaliser qu'elle ne pourra pas non plus les rendre
publics demain. S'ils ne sont pas publics en vertu de la loi 65, je ne vois pas
de quelle façon ils pourraient être publics en vertu de la
présente commission d'enquête.
M. Dupré: Considérant, M. le Président, que
nous n'avons que 35 minutes de chaque côté, je vais céder
mon droit de parole et par la suite, je passerai la parole à M.
Gauthier.
Le Président (M. Vallières): D'accord. M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Pour revenir
précisément à la dernière question qui a
été posée par mon collègue, pour quelle raison,
à votre avis, y a-t-il des documents qui manquaient ou qui ne vous ont
pas été fournis? Y a-t-il des raisons spéciales? Les
affidavits dont vous parlez ont-ils effectivement été
signés? Est-ce que cela a bel et bien eu lieu ou s'il y a des dossiers
ou des éléments qui ont été ajoutés purement
par hasard?
M. Boucher (Jean-Claude): II est extrêmement difficile de
répondre là-dessus. Ce que je sais à propos de ces
affidavits, c'est ce qui a été déclaré en public
par M. Moreau, à savoir que ces affidavits existaient. Je ne les ai
jamais vus, évidemment, mais s'il a déclaré en public
qu'ils existaient où sont-ils? Moi, je ne les ai pas. La question du
procès aussi. J'ai le procès-verbal ici. Ce n'est pas dans le
dossier non plus, mais je ne sais pas pourquoi ce n'est pas là.
M. Picotte: Vous faisiez allusion dans votre texte -
malheureusement, je n'ai pas noté la page - concernant les
éleveurs de bovins de boucherie à un éleveur qui s'appelle
Jocelyn Autotte. Vous semblez mentionner là-dedans qu'il a reçu
un traitement inégal à celui qu'on a réservé
à certains d'entre vous ou à certains autres agriculteurs. Vous
vouliez nous dire quoi, exactement?
M. Boucher (Jean-Claude): D'abord, M. Garon cite M. Autotte en
public. Il est de notoriété publique que M. Autotte fait une
grande partie de ses profits non pas à élever du boeuf, mais
à le commercialiser à partir de l'Ouest canadien de façon
qu'il obtienne, par exemple, des subventions pour la génétique.
Il fait aussi engraisser des boeufs par des employés à contrat.
J'aimerais peut-être mieux que M. Talbot réponde à ces
questions parce que dans notre groupe, c'est l'expert du boeuf. De toute
façon, il fait élever du boeuf par des éleveurs à
contrat qui, normalement, auraient dû être saisis par l'Office du
crédit agricole parce qu'ils ne paient plus et cela continue de
fonctionner. Ce sont des choses semblables.
C'est évident que... Cela fait à peu près trois
semaines qu'on s'est relevé de notre grève de la faim. Il aurait
fallu - c'est sûr - préparer des textes écrits sur tout
cela et trouver les affidavits, mais dans trois semaines, avec très peu
de financement, c'était très difficile pour nous de le faire.
J'ai mentionné ce cas pour ouvrir la porte à cette commission
d'enquête afin d'aller voir s'il y a réellement dans ce
cas-là, par exemple, du favoritisme. On s'aperçoit que la grande
majorité - je dirais 95% - des éleveurs de boeuf sont, depuis
1980, soit en faillite, soit en difficultés financières ou
refilent leur patate chaude à quelqu'un d'autre qui est assez fou pour
investir là-dedans. On s'aperçoit qu'il y a quelques
éleveurs au Québec qui s'enrichissent sans bon sens, alors que
n'importe quel économiste va vous dire que dans le boeuf actuellement,
même avec l'assurance-stabilisation, il n'y a pas d'argent à
faire. On se pose la question suivante: Où font-ils leur agent? Est-ce
normal que des éleveurs fassent énormément d'argent et que
justement, ces éleveurs soient nommés en public par M. Garon
comme "mon bon ami Autotte"? Est-ce parce que M. Autotte fait partie du 1,5%
des producteurs riches qu'il est le bon ami de M. Garon ou est-ce qu'il fait
partie du 1,5% des producteurs riches parce qu'il est l'ami de M. Garon? C'est
ce qu'on se demande.
M. Picotte: M. le Président, je vais retenir ma question.
J'y reviendrai lors de l'audition de M. Talbot. Je ne sais pas à quel
moment de la journée, puisque vous me référez à
cela. J'aimerais vous dire évidemment que votre document va susciter
plusieurs questions auprès du président de l'Office du
crédit agricole.
M. Boucher (Jean-Claude): Je l'espère.
M. Picotte: Enfin, j'aurai plusieurs questions à lui poser
demain. Mais en ce qui concerne plus particulièrement votre cas, vous
avez fait référence dans votre dossier à la politique
d'autosuffisance du ministre. Vous avez souligné que cette politique
d'autosuffisance, de la façon qu'elle est orientée, pouvait
causer des problèmes financiers sérieux aux agriculteurs. En ce
qui concerne votre cas personnel, qu'est-ce que la politique d'autosuffisance a
produit? Où cela vous mène-t-il dans votre cas précis?
M. Boucher (Jean-Claude): Cela soulève tout de suite le
problème de fond, c'est-à-dire que j'ai commencé dans la
production de porcs avec un prêt fédéral de 46 000 $.
M. Picotte: De 46 000 $?
M. Boucher (Jean-Claude): De 46 000 $. Ce prêt était
accordé non pas à un agriculteur débutant, mais à
un bonhomme qui est déjà en production et qui veut l'augmenter.
C'est le problème de la totalité des prêts, qu'ils
proviennent du fédéral ou du provincial. La relève qui
commence une exploitation doit faire face au premier paiement six mois
après l'obtention du prêt. C'est donc dire qu'après six
mois, je devais déjà commencer à payer le remboursement de
mon prêt alors que j'étais en train de construire la porcherie. Ce
n'était pas tellement payant.
Le deuxième paiement devait être fait au moment où
mes animaux commençaient à produire. J'avais déjà,
à ce moment-là, une marge de crédit qui m'empêchait
de bouger; je n'avais plus de liquidité. C'est à ce
moment-là où j'ai fait affaire avec l'office pour demander
d'abord une consolidation. Mais je ne sais pas si c'est dans mon dossier. Ce
n'est pas dans la copie que j'ai reçue. J'ai demandé une
consolidation de dettes. J'ai dit: Ce dont j'ai besoin, c'est d'être
capable d'attendre que ma production roule.
Consolidation des prêts du fédéral en prêts
provinciaux... Je ne sais pas si c'est parce que M. Moreau veut punir les
agriculteurs qui sont fédéralistes - parce qu'ils ont des
prêts fédéraux, ils sont classés
fédéralistes - mais c'est impossible à l'office. Pour
avoir une consolidation, il faut augmenter la production. Sinon, il n'y a pas
de consolidation à partir d'un prêt fédéral. Donc,
cela s'est produit dès le début. J'ai donc demandé un
prêt pour essayer d'intégrer ma production, c'est-à-dire de
finir mes porcelets et de cultiver des céréales sur une partie de
ma terre pour essayer d'atteindre une production plus équilibrée.
La réponse a été non. J'ai fini par dire: Qu'est-ce que
vous voulez que je fasse pour m'aider? On m'a répondu: Si tu doubles ta
production ou à peu près, on peut t'accorder un prêt, on
est capable.
Je me voyais alors devant deux possibilités: Tirer la "plug" et
faire faillite ou emprunter selon les conditions de l'Office du crédit
agricole. J'ai pensé bien faire. J'ai réemprunté selon les
conditions de l'office. Je me suis retrouvé endetté à 200%
et cela a fait ce que cela a fait.
M. Picotte: Mais, à ce moment-là, parce que vous me
parlez de ce que le représentant de l'Office du crédit agricole
vous a mentionné à savoir de doubler votre production si vous
vouliez que l'office vous prête, etc., qu'est-ce que fait le MAPAQ
là-dedans? Avez-vous pris la précaution d'aller voir des
spécialistes du ministère de l'Agriculture, des agronomes sur le
terrain, des gens du milieu pour savoir si, effectivement, c'était
possible?
M. Boucher (Jean-Claude): Oui, je peux vous dire qu'en 1979, il y
avait dans ma région un agronome qui avait un peu d'expérience
dans l'industrie porcine. On ne parle pas d'élevage de porcs, on parle
d'industrie. Quand on parle de 120 truies en production dans une bâtisse
fermée, on parle d'une spécialisation. Il y avait un agronome. Je
n'attaque pas la totalité des agronomes du Québec ni des
agronomes du MAPAQ. Je n'en sais rien. Moi, celui que j'ai rencontré,
c'est un agronome qui s'appelait M. Choinière.
M. Picotte: Comment s'appelait-il?
M. Boucher (Jean-Claude): M. Choinière.
M. Picotte: M. Choinière.
M. Boucher (Jean-Claude): Oui. Pour vous expliquer à quel
point il avait de l'expérience dans les truies, il a dit: Plutôt
d'attendre que ta bâtisse soit complètement terminée, tu
vas aller t'acheter des truies et un verrat et tu vas les débarquer tous
ensemble dans la prairie. Puis, pendant que le verrat va faire l'ouvrage qu'il
a à faire et que les truies vont porter, tu continueras de bâtir.
J'ai dit: C'est brillantl Parfait: (12 h 15)
Par contre, ce que l'agronome ne m'a pas dit - je n'ai jamais su s'il le
savait, remarquez - c'est qu'à chaque fois qu'on transporte des truies,
quatre jours après elles viennent toutes en chaleur. J'en ai
débarqué une quinzaine ou une vingtaine - je ne me rappelle plus
- avec un verrat. Quatre jours après les 20 truies étaient en
chaleur. Vous essaierez cela. Le verrat a essayé, mais...
M. Picotte: Cela vous en aurait pris plus qu'un.
M. Boucher (Jean-Claude): Ce qui fait qu'à la
période suivante je n'avais que deux truies pleines. Étant
donné que je venais de "cycler" toutes mes truies sur les mêmes
chaleurs, la période suivante les truies sont toutes revenues en chaleur
la même journée. Il a encore fait son possible, le pauvre! mais il
n'a pas pu non plus. Ce qui a fait que cela a retardé les premiers
accouchements d'à peu près deux mois. C'est l'aide que j'ai eue
du MAPAQ en 1979. Autrement dit, au niveau des programmes du MAPAQ on avait
décidé qu'il fallait que l'agriculture grandisse, comme lorsque
l'on décide qu'un arbre veut grandir, sauf qu'au lieu de mettre de
l'engrais et d'attendre qu'il pousse, le MAPAQ avait décidé qu'il
fallait tirer sur l'arbre pour qu'il grandisse plus vite. Ce qui a eu pour
effet d'en déraciner beaucoup.
Je pense que nos dossiers tournent tous autour de ce
problème-là. L'agriculture c'est un processus lent et entre 1976
et 1980 on a voulu que l'arbre grandisse beaucoup, beaucoup, vite, vite, vite,
vite, qu'il devienne gros, gros, gros et que tous les citadins de
Montréal puissent s'asseoir à son ombre et on l'a arraché.
Je pense que c'est toute l'histoire de nos dossiers.
M. Picotte: Vous voulez dire que l'assistance technique qui est
fournie par le MAPAQ, compte tenu des programmes qui sont mis de l'avant par
les politiciens, parce que ce sont les politiciens qui mettent des programmes
de l'avant, ne peut pas être conforme à la réalité
du milieu? Ou ce sont des gens qui ne se parlent pas? Est-ce que c'est cela que
je dois comprendre? Je dois comprendre que l'Office du crédit agricole
c'est une chose et le MAPAQ c'est une autre chose, et il n'y a pas
d'interrelation entre ces gens-là, peu importe ce qui arrive, pour
autant que vous satisfassiez aux exigences?
M. Boucher (Jean-Claude): Je pense que j'ai
démontré cela un peu dans ce que j'ai dit tantôt. On ne
s'entend même pas à savoir qui sont les agriculteurs au
Québec. Garon dit: 48 000 et Moreau dit: 12 000. À partir de
là, où est-ce que je me situais? Dans les 48 000 ou dans les 12
000? Pour le MAPAQ, dans les 48 000. Pour l'office je ne sais pas. Je pense
aussi dans les 48 000, mais sûrement pas dans les 12 000. Je pense que
c'est ce qui est arrivé. Le MAPAQ a tenté de réaliser
l'autosuffisance en augmentant les productions, alors que l'Office du
crédit agricole tentait de créer de grandes entreprises. Il n'y a
pas eu d'entente.
Il y a eu aussi une scission entre les agronomes. Il y a des agronomes
qui ont été "brainwashes" par les programmes d'autosuffisance,
mais les agronomes qui étaient dans le champ, comme M. Choinière,
par exemple, étaient complètement débordés par des
productions nouvelles et nombreuses. Les céréales, les porcs, le
boeuf, le veau de grain, le sirop d'érable sous vide et j'en saute
sûrement, ces agronomes voyaient arriver de Québec des programmes
qui leur tombaient sur la tête et ils disaient: Qu'est-ce que c'est que
cette affaire-là? Un nouveau programme! Un nouveau programme! Un nouveau
programme! Il fallait que ces gars-là tentent de suivre la
totalité des agriculteurs qui embarquaient dans ces programmes. Je pense
que physiquement c'était une impossibilité. Ce ne sont pas les
individus en tant qu'agronomes qu'il faut blâmer, je pense qu'ils ont
fait leur possible.
Par exemple, dans le cas de Talbot, dans le boeuf... Du boeuf sur
parquet cela ne s'était jamais fait au Québec et tout à
coup des parquets d'engraissement poussaient partout au Québec. Des
porcheries poussaient dans tout le Québec comme des champignons quand il
pleut, et les agronomes disaient: Laissez-nous le temps; on va regarder ce que
c'est une porcherie comme ça, on n'en a jamais vu. Nous autres, on
disait: Venez nous aider, ça ne marche pas, mes cochons meurent. Ils
disaient: Je ne sais pas pourquoi ils meurent.
Je pense que cela a été une grosse partie du
problème. Si vous décidez de faire pousser des arbres dans votre
cour, ne tirez pas dessus, ils vont s'arracher.
M. Picotte: Je comprends qu'il y a eu une crise du
côté de l'industrie porcine, tout le monde l'a vécue et l'a
déplorée, mais le gouvernement a quand même amené
une aide; je pense au crédit spécial par exemple. Est-ce que cela
ne vous a pas été bénéfique?
M. Boucher (Jean-Claude): II faut comprendre qu'un crédit
spécial est accordé seulement et uniquement au moment où
l'individu est incapable de faire ses paiements. Au moment où il est
incapable de faire ses paiements, il faut comprendre que ce bonhomme-là
est en faillite technique. Un crédit spécial, ça sert
à retarder l'échéance. Cela sert, au lieu d'un groupe de
faillites dans le même village, à faire un chapelet de faillites,
parce qu'un chapelet, c'est plus facile à admettre et c'est moins
visible. C'est à cela que servent des crédits spéciaux. Un
crédit spécial, cela existe parce qu'il y a des faillites
techniques au Québec. Cela existe dans les productions qui n'ont pas de
revenus et c'est toujours à cela que des crédits spéciaux
ont servi.
Quand on se chicanait, en 1982, à propos de la conférence
de M. Moreau, M. Moreau démontrait lui-même qu'il y avait au moins
6000 à 7000 agriculteurs en difficulté sérieuse, la preuve
étant que M. Moreau avait accordé, au cours de l'année,
environ 5000 prêts spéciaux à des agriculteurs en faillite
technique. Je ne sais pas si les gens de cette commission pensent que ces
agriculteurs sont maintenant sortis du bois. Par exemple, regardez les prix
qu'ils ont pu obtenir dans le porc depuis 1982 jusqu'à aujourd'hui.
Jamais, sauf durant trois semaines, je pense, depuis ce temps-là, jamais
le prix obtenu pour un porc n'a été supérieur au
coût de production établi par Statistique Canada - ce ne doivent
quand même pas être des enfants d'école - soit environ 83 $
les 100 livres. Jamais les prix n'ont dépassé ce montant. Les
5000 agriculteurs qui étaient en faillite technique, comment
s'arrangent-ils maintenant? Ils ne s'arrangent pas mieux qu'avant, s'ils ne
sont pas "sautés". Pour savoir combien il y a eu de faillites en
agriculture, c'est un peu comme une glissade. Une fois que tu es
assis, tu vas jusqu'en bas. Quand tu commences à discuter du
nombre de faillites et strictement du nombre de faillites, tu ne peux aller
nulle part. Si vous appelez Statistique Canada et que vous lui demandez combien
il y a de faillites en agriculture au Québec, le gars va vous dire un
chiffre. Demandez-lui ce que cela signifie et il va dire que cela signifie
qu'on multiplie par dix pour savoir combien de producteurs ont abandonné
la production. C'est cela que le nombre de faillites agricoles signifie.
Dans mon village, il n'y a pas tout à fait 100 agriculteurs et je
peux vous en nommer au moins trois qui ont abandonné la production,
forcés, qui sont actuellement insolvables et qui ne font toujours pas
partie des statistiques de M. Moreau, soit les quelque 303 abandons et
faillites. Ils sont toujours nulle part dans les statistiques. Je pourrais vous
nommer une liste d'agriculteurs qui ont déclaré faillite
après avoir abandonné leur exploitation et, quand ils se sont
présentés devant leur syndic, ce dernier leur a demandé:
Qu'est-ce que tu fais dans la vie? Monsieur répond, avec franchise: Je
retire l'aide sociale. Le gars dit: Tu retires l'aide sociale; tu as 500 000 $
de dettes; c'est une faillite personnelle que tu fais. Et on marque "faillite
personnelle". Quand j'ai déclaré faillite personnellement, mon
syndic a dit: Une faillite personnelle de, je ne sais plus, 148 000 $. J'ai
dit: Non. Comment non? Non, c'est une faillite agricole. Il a dit: Je ne peux
quand même pas t'inscrire comme agriculteur; cela fait un an que tu ne
fais plus rien. J'ai dit: Moi, je veux que tu mettes "agriculteur". Il a dit:
Si tu y tiens, je vais écrire "agricole". Si on embarque dans les
discussions de - je ne sais plus trop - 101 faillites depuis le début de
l'année ou environ, on embarque dans la glissade et on ne va nulle part.
Il faut voir combien de producteurs ont abandonné. Il faut demander
à l'UPA combien il y a de producteurs de porc qui ont
"débarqué" de l'association et on va vous répondre:
Environ 2000. C'est 2000 producteurs qui n'ont pas fait faillite
nécessairement. Il faut faire bien attention à cette notion.
M. Picotte: Quand on vous a incité à doubler votre
production pour avoir un prêt de l'Office du crédit agricole du
Québec, quelle était la situation du porc à ce
moment-là? En cours de route, quand vous vous êtes aperçu
que cela ne pouvait pas fonctionner, que cela ne pouvait pas aller, est-ce que
vous avez tenté de bifurquer, de changer de sorte d'élevage ou de
demander l'aide du MAPAQ pour qu'il vous oriente ailleurs ou dans une autre
sorte d'élevage?
M. Boucher (Jean-Claude): Quand on suit les procédures du
MAPAQ, quand on prend le chemin de la spécialisation, cette
spécialisation se voit dans toutes les parties de l'exploitation.
C'est-à-dire qu'une fois que vous avez décidé de
construire une porcherie-maternité, vous êtes "poigné"
avec. Il y a actuellement, dans la région 04, des parcs d'engraissement
de boeuf qui sont vides. On s'est demandé ce qu'on pouvait faire avec
cela. La seule réponse à laquelle on est arrivé, c'est
qu'on pouvait peut-être faire un entrepôt pour de la machinerie.
Cela faisait un entrepôt de 100 000 $, mais cela faisait un
entrepôt pour de la machinerie, parce qu'il n'y a rien d'autre qu'on
puisse faire. Ce sont des éléphants blancs et des
éléphants blancs, on a le choix: soit qu'on les nourrisse, soit
qu'on les défasse. J'ai une porcherie-maternité et je pense que
je ne suis pas trop "tarla" dans la construction; je suis technicien en
construction. J'ai regardé la bâtisse plusieurs fois et je n'ai
pas trouvé comment la convertir. C'était pratiquement plus facile
de la démolir. Quand j'ai essayé de faire consolider mes dettes,
il n'a jamais été question de changer de production pour la bonne
raison que changer de production, cela voulait dire réinvestir dans de
nouvelles structures, etc. Il n'en a pas été question.
Je pense qu'on a tous fait la même chose, au fond. On est
allé voir... Nous, nous sommes de petits agriculteurs. On se dit: II
faut, ou bien que je grossisse, ou bien que je gagne ma vie, ou bien que je
finisse par faire quelque chose en agriculture. Je ne peux quand même pas
aller au magasin du coin et dire: Vends-moi donc une formule pour faire de
l'argent en agriculture. On va voir des spécialistes en financement.
À propos des spécialistes en financement au Québec, je
pense que tous les agriculteurs ont fait la même erreur. On s'est dit:
Ces gens-là travaillent à l'Office du crédit agricole et
ils doivent être d'excellents spécialistes puisque ce sont eux qui
vont donner des garanties sur nos prêts. Ce sont eux, finalement, qui
vont prendre l'argent du peuple; ils doivent donc être de bons
spécialistes. On a fait tout cela. On est allé voir les gens de
l'office. On a dit: Vous autres, les grands des affaires, vous allez nous dire
comment nous en sortir. Dans mon cas, ils m'ont dit: Pour t'en sortir, tu
devrais doubler ta production; c'est la seule solution puisqu'on s'en va vers
des économies d'échelle, etc. C'est mon histoire.
M. Picotte: Je n'ai pas d'autre question pour l'instant, M. le
Président.
Le Président (M. Vallières): Très bien. M.
le député de Roberval.
M. Gauthier: Merci, M. le Président. J'ai
écouté avec beaucoup d'intérêt les commentaires
présentés par notre témoin, M. Boucher. Il y a quelques
aspects que
j'aimerais éclaircir, si c'était possible. Peut-être
que les réponses ne devraient pas être trop longues non plus,
selon la perception que M. Boucher aura de mes questions.
À la suite de votre exposé, le "feeling"
général que je retiens de votre commentaire, c'est d'abord que
les petites exploitations agricoles sont en difficulté au Québec.
Deuxièmement - je pense que c'était très clair - vous
n'avez, en aucune façon, confiance en M. Moreau de l'Office du
crédit agricole. En tout cas, ce sont les deux aspects qui m'ont
frappé particulièrement. J'aimerais savoir - vous avez
cité quelques chiffres tout à l'heure, je m'excuse, j'ai mal
saisi - à partir des chiffres de quelle organisation, ou de quelles
statistiques, vous pouvez, d'ores et déjà, affirmer aussi
clairement que l'ensemble des petites productions agricoles au Québec
est en difficulté? Est-ce que ces chiffres proviennent de l'UPA ou du
ministère de l'Agriculture? Vous avez parlé tantôt de
Statistique Canada. Est-ce que vous avez réellement un ordre de grandeur
comparatif pour nous dire qu'il y a des chiffres officiels sur le nombre de
petites fermes en difficulté par rapport au nombre de producteurs? Je
m'excuse, mais toute cette partie de votre intervention m'a
échappé. J'aimerais que vous précisiez, s'il vous
plaît.
M. Boucher (Jean-Claude): Ce que j'ai expliqué dans mon
exposé, c'est que 75% des fermes du Québec font moins de 50 000 $
de chiffre d'affaires, c'est-à-dire de revenus bruts. Donc, 75% des
fermes ne sont pas rentables actuellement. Elles ne satisfont pas aux
définitions de l'Office du crédit agricole.
M. Gauthier: Justement, là-dessus, M. Boucher...
M. Boucher (Jean-Claude): Le tableau de l'exposé...
M. Gauthier: Oui.
M. Boucher (Jean-Claude): ...provient de Statistique Canada.
M. Gauthier: D'accord. Mais, quand vous dites - c'est ce que je
voulais savoir pour aller un peu plus loin - que ces fermes ont moins de 50 000
$ de chiffre d'affaires et qu'en conséquence, elles ne sont pas
rentables, je voudrais savoir sur quoi vous vous basez pour dire si c'est
rentable ou non. Est-ce à la suite de vérifications auprès
d'autres agriculteurs, ou à partir de chiffres fournis par l'UPA ou
quelque organisme du genre?
M. Boucher (Jean-Claude): Oui. Par exemple, si on regarde le
rendement dans la production laitière, on s'aperçoit qu'avec 50
000 $ de ventes, il reste à peu près 15 000 $ de revenus nets,
moins l'endettement...
M. Gauthier: Ah! oui, d'accord.
M. Boucher (Jean-Claude): ...c'est-à-dire
l'intérêt à rembourser sur les prêts.
M. Gauthier: Dans votre dossier concernant M. Moreau, quelles
sont les actions très précises, ou à quel moment
très précisément... On a ici une série
d'événements dans votre dossier. Pour être un peu au
courant de ce qui s'est passé, je voudrais savoir à quel moment
vous avez perdu confiance en M. le président de l'office? Quel geste
vous a... J'imagine que quand vous vous êtes lancé dans
l'agriculture, vous aviez confiance probablement pour vous lancer. Il doit y
avoir un moment précis où vous avez perdu confiance. J'aimerais
savoir quand. (12 h 30)
M. Boucher (Jean-Claude): C'est au moment où j'ai
réalisé que quand on est en retard dans des paiements
hypothécaires, on ne reçoit plus la subvention
d'intérêts. C'est à ce moment qu'il doit y avoir dans mon
dossier une suite de lettres que j'ai écrites pour tenter d'obtenir des
délais. Autrement dit, je pouvais faire ma part du paiement, mais
l'office ne faisait pas la sienne tant et aussi longtemps que je n'aurais pas
fait et ma part du paiement et la sienne. Là je me suis retrouvé
rapidement avec deux ou trois paiements en retard parce que même si je
faisais ma part du paiement, l'office ne faisait pas la sienne. Donc, je
restais en arrérages. Là j'ai écrit, je pense qu'il y a
des lettres, j'ai téléphoné à M. Moreau, j'ai
téléphoné à l'avocate Simard de l'office.
Là, verbalement, on me faisait des promesses. On disait: Envoie-nous un
chèque et on va attendre. Je me rappelle une conversation avec Lise
Simard qui me dit: Écoutez, si vous nous faites parvenir un
chèque d'ici le 1er octobre - cela, je pense, devait être en 1980
- votre dossier va rester en "stand-by", on n'agira pas.
J'ai dit: Parfait. Exactement six jours plus tard, je recevais un bref
de terris, c'est-à-dire le bref de saisie de mon fonds de terre. C'est
un autre moment où j'ai perdu confiance envers l'office, parce que
là je me suis aperçu que l'office était doté de
moyens spéciaux pour reprendre les terres, que ces moyens qui sont la
loi 37, il me semble, la Loi sur le crédit agricole - j'ai le texte ici
- permet à l'office d'obtenir la saisie de ta terre sans suivre les
procédures du Code civil normales. Donc, on était
privilégiés, nous autres les agriculteurs, il n'y avait que nous
autres qui, quand on avait des prêts hypothécaires, pouvions
être saisis sans avoir le droit de nous faire entendre devant
un juge. Tout ce que l'office a à démontrer au juge,
à ce moment, à partir de 150 $ de retard ou une journée,
c'est que les chiffres qu'elle présente au juge sont corrects. Donc,
c'est vraiment 30 $ de retard et que le paiement était dû vraiment
à telle date.
C'est automatique. Le juge ne peut pas refuser la saisie de la terre.
Alors qu'on s'aperçoit que dans des jugements de cour sur des
prêts hypothécaires normaux dans le reste du pays, si, par
exemple, votre créancier veut vous saisir après trois jours de
retard ou après six mois ou après quatre mois, le juge peut
très bien dire: Monsieur, allez vous repeigner parce que vous êtes
trop tôt. Donnez une chance à votre emprunteur. Ce qui s'est fait
souvent où des créanciers voulaient se dépêcher pour
cochonner l'emprunteur. Cela a toujours été refusé en cour
civile. Mais nous, les agriculteurs, avons le privilège de ne pas
pouvoir être entendus. Si ma mémoire est bonne, c'est la loi 38
sur le crédit agricole. À partir de là, j'ai dit: J'avais
mis mon pied dans un piège et je ne le savais pas.
M. Gauthier: Pour être sûr que j'ai bien compris la
réponse que vous venez de me faire, dans le fond, au moment où
vous avez emprunté de l'Office du crédit agricole, vous ne saviez
pas que si vous aviez des paiements en retard ou si vous ne rencontriez pas les
traites prévues, vous perdiez vos droits à la subvention.
M. Boucher (Jean-Claude): Ne soyons pas partisans. Avant 1978,
mettons, l'Office du crédit agricole a toujours eu la réputation
d'être l'allié financier des agriculteurs. D'ailleurs, avant
1978-1979, à ma connaissance, il n'y a à peu près jamais
eu d'agriculteur qui a été saisi par l'office.
M. Gauthier: Je m'excuse, j'aimerais...
M. Boucher (Jean-Claude): C'est parce que c'est extrêmement
important.
M. Gauthier: C'est parce que le temps nous est compté.
M. Boucher (Jean-Claude): II y a une question de confiance
là.
M. Gauthier: Non, il n'y a qu'une chose que je voudrais savoir.
Je vous ai simplement demandé: Vous ne saviez pas, à ce moment,
quand vous avez contracté votre premier emprunt à l'Office du
crédit agricole que vous perdiez les privilèges.
M. Boucher (Jean-Claude): Non, monsieur.
M. Gauthier: D'accord. C'est juste cela que je voulais
savoir.
M. Boucher (Jean-Claude): J'aurais probablement mieux
réfléchi.
M. Gauthier: Une dernière question.
M. Boucher (Jean-Claude): Les autres agriculteurs non plus ne le
savent pas aujourd'hui.
M. Gauthier: Une dernière question, M. Boucher. Vous avez
dit que l'Office du crédit agricole, dans le fond, pour vous soutenir
financièrement, pour consolider vos dettes, vous demandait de prendre de
l'expansion dans votre production. C'est bien cela? Vous souvenez-vous à
quel moment précisément on vous a demandé de prendre de
l'expansion?
M. Boucher (Jean-Claude): J'ai obtenu mon prêt de l'office,
si ma mémoire est bonne, en juillet 1979. Cela devait être trois
mois avant. La seule solution que les officiers ont trouvée,
c'était de doubler la production.
M. Gauthier: À ce moment-là, est-il exact - M.
Boucher, j'ai cela dans mes notes - que vous aviez présenté une
demande à l'Office du crédit agricole en février 1979 pour
avoir une porcherie d'engraissement de 2400 porcs-année et de 120
truies, selon les chiffres que j'ai?
M. Boucher (Jean-Claude): La première chose que j'ai
demandée à l'officier Blais, c'est une consolidation. Il a dit:
Ne pense pas à cela. J'ai dit: Que faut-il faire? Il a dit: Pour avoir
un prêt de l'office, il faut augmenter la production. J'ai dit: Parfait!
je vais baisser mon nombre de truies et faire de l'engraissement. Il a dit:
Non, cela n'équivaut pas à une augmentation. J'ai dit: Que
dois-je demander? Il a dit: II faut que tu demandes une vraie augmentation.
J'ai donc fait une demande de prêt pour garder mes truies et faire de
l'engraissement. Elle a été refusée. J'ai refait une
demande de prêt et j'ai dit: II faut que tu me finances ou je fais
faillite. C'est là que j'ai demandé une demande de prêt
pour doubler ma production de truies.
M. Gauthier: Merci.
Le Président (M. Vallières): J'ai une demande
d'intervention du député de Huntingdon, de même que du
député de Berthier. M. le député de Huntingdon.
M. Dubois: Merci, M. le Président. M. Boucher, j'aimerais
savoir si vous et vos six autres compagnons ex-grévistes avez
été invités par l'office ou par le MAPAQ à
envisager une production particulière. À titre d'exemple, vous
étiez dans la production porcine et vos compagnons étaient
dans
diverses productions. Est-ce par la sollicitation de la part d'un
agronome ou du MAPAQ que vous vous êtes lancé dans cette
production?
M. Boucher (Jean-Claude): Là, on remonte à 1977.
Dans mon dossier personnel, j'avais fait différentes demandes au
crédit fédéral, parce que pour le crédit
provincial, dans mon district, à Granby, en faisant une demande, il y
avait 18 ou 20 mois d'attente. De toute façon, c'était une
histoire de France avant d'avoir une réponse. J'ai fait
différentes demandes de crédit fédéral pour me
lancer en production laitière. Cela n'a pas fonctionné, parce que
ma femme et moi travaillions. En tout cas, c'était très
compliqué. Je ne veux pas faire une longue histoire avec cela. J'ai
alors décidé de me lancer dans la production laitière avec
très peu de prêts. Je me suis dit: Je vais monter mon troupeau.
J'ai un vieille grange-étable. Je la réparerai en prenant
l'argent de mon salaire, etc. Lorsque j'ai été prêt
à faire ma demande pour me lancer dans la production laitière, on
a coupé les quotas de lait. Je me suis retrouvé dans
l'impossibilité d'aller dans le lait. On prévoyait qu'il n'y
aurait pas de quotas à vendre avant cinq ans. Je suis allé voir
l'agronome Choinière qui travaillait pour le MAPAQ. Je ne sais pas ce
qu'il est devenu, je ne l'ai jamais revu. Je lui ai dit: Écoute, j'ai un
problème. Je veux me lancer dans l'agriculture. J'ai remis mes fonds de
terre en ordre depuis 1972 avec mon argent. Il y a une possibilité.
Qu'as-tu à suggérer? Il a dit: C'est facile. Si tu veux un
prêt agricole, tu le demandes dans le porc et tu vas l'avoir. J'ai dit:
Au provincial, je suis bon pour 18 mois. Il a dit: Ce n'est pas grave, fais ta
demande au fédéral. Le fédéral a les mêmes
politiques et il va t'accorder ton prêt immédiatement.
Effectivement, cela a été très vite, cela a
été tellement vite que je n'ai pas eu le temps de
réfléchir, de toute façon. Effectivement, le
fédéral a agi très vite dans ce dossier. Il avait
déjà les programmes du MAPAQ qui disaient encourager la
production de porc. En tout cas, toute la poutine était en marche.
C'était la ruée vers le lard. C'était épouvantable.
C'est ce qu'il fallait faire. C'était la production payante de
l'époque. Vous n'avez qu'à reculer à la fin de
l'année 1978. La totalité des fonctionnaires du MAPAQ disait: Le
porc, c'est l'avenir, comme au Klondike.
M. Dubois: Dans le cas de votre compagnon, M. Talbot, a-t-il
été incité à entrer dans la production de boeuf ou
s'il l'a fait de son propre choix?
M. Boucher (Jean-Claude): C'était la même chose. Je
pense que c'était commun à tous. On cherchait des solutions parce
que nos revenus étaient tros bas. Dans mon cas, je n'avais pas de
revenu. Je n'étais pas agriculteur. À ce moment-là, je
travaillais à l'extérieur. Nos revenus étaient trop bas.
On cherchait des solutions. Pour trouver des solutions, tu dois faire deux
choses: Tu dois voir un agronome et lui dire: Dans quelle production puis-je me
lancer avec ce que j'ai? Cela ne suffit pas, il faut aussi pouvoir obtenir du
financement. Là, tu vas voir le financier qui s'appelle l'Office du
crédit agricole pour lui demander ce qu'il finance. On lui
répond: Dans le porc, dans le boeuf, c'est facile; les robinets sont
ouverts dans ces productions; ce sont des productions nouvelles et on a de
l'argent. Cela fonctionne un peu comme cela.
M. Dubois: Quand vous avez commencé dans la profession
d'agriculteur, aviez-vous beaucoup d'expérience au niveau de la
production porcine?
M. Boucher (Jean-Claude): Non. M. Dubois: Ou d'autre
production?
M. Boucher (Jean-Claude): Quant à la production porcine,
j'admets que je n'en avais pas, mais... De toute façon, je ne vois pas
ce que cela fait dans le dossier, mais en tout cas, non je n'en avais pas.
M. Dubois: Non. C'est que c'est important, je pense, enfin de
savoir quelle expérience vous aviez dans l'agriculture.
M. Boucher (Jean-Claude): D'accord. Comme expérience,
d'abord ma première idée était d'aller dans le lait, je
l'ai dit tantôt. J'ai choisi des génisses de trois jours chez des
agriculteurs voisins; je les ai élevées. Je pourrais faire
témoigner des gens là-dessus. Deux de ces génisses, les
deux plus vieilles -je n'ai jamais rendu les autres à terme - ont
donné, pour l'une, 18 500 livres de lait par année et, pour
l'autre, 17 500 ou 17 800 je ne me le rappelle plus. Ce sont les
génisses que j'élevais. J'avoue que je n'avais pas
d'expérience dans le porc, mais je me disais: si on peut avoir le
contrôle sur des animaux, on doit pouvoir l'avoir sur des porcs, des
lapins ou sur des poules. Cela coûte quoi? 400 000 000 $ au
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
pour des spécialistes pour appuyer les producteurs et leur dire comment
il faut faire. Je me fiais beaucoup sur l'aide technique que le MAPAQ pouvait
m'apporter.
M. Dubois: Merci.
Le Président (M. Vallières): Merci. J'ai une
demande du député de Saint-Hyacinthe qui sera suivi du
député de Berthier.
M. Dupré: Pour en revenir à votre dossier, M.
Boucher, le 20 décembre 1979, lors d'une visite au bureau de l'office,
notre représentant vous a demandé si tout allait bien sur la
ferme et si l'argent était suffisant pour compléter les travaux.
Vous avez répondu: Je n'ai pas de difficulté, les sommes
prévues ou différées seraient suffisantes. C'était
le 20 décembre. Le 21 décembre, un conseiller financier est
informé par le bureau du MAPAQ de Granby qu'il y avait de la maladie
dans le troupeau de M. Boucher. Étiez-vous au courant qu'il y avait de
la maladie dans votre troupeau?
M. Boucher (Jean-Claude): Bien sûr. Je faisais suivre le
troupeau par un vétérinaire.
M. Dupré: À la suite de la visite du conseiller
financier, 52 truies et 2 verrats avaient été envoyés
à l'abattoir le 21 décembre, lors de la visite du conseiller
financier. Si vous avez arrêté d'avoir confiance en M. Moreau,
comme vous l'avez mentionné tantôt, ne croyez-vous pas qu'à
partir de là, M. Moreau a probablement arrêté d'avoir
confiance en vous.
M. Boucher (Jean-Claude): Attendez un peu. Vous vous
référez à des événements de quelle date?
M. Dupré: Le 20 décembre 1979 et, le lendemain, le
21 décembre de la même année.
M. Boucher (Jean-Claude): Attendez un peu. D'accord. Je me
replace. On avait beaucoup discuté pour avoir des marges de
crédit et l'office n'endossait pas de marge de crédit dans le
porc à cette époque, ce qui fait que c'est mon fournisseur de
moulée qui prenait le crédit à sa charge. Je n'avais pas
le choix, si je voulais continuer d'avoir du crédit, il taillaitque j'élimine une partie de mon troupeau, sinon cela
s'arrêtait droit là. C'est pour cela que j'ai choisi d'envoyer les
plus mauvais animaux à l'abattoir pour obtenir de l'argent pour
continuer à fonctionner avec du crédit.
M. Dupré: Sur ces animaux, n'y avait-il pas un
nantissement?
M. Boucher (Jean-Claude): C'est ce nantissement qui a
été démontré par la cour comme inexistant.
M. Dupré: Parce qu'il n'avait pas été
signé?
M. Boucher (Jean-Claude): II n'a été ni
signé par l'office, ni enregistré au bureau d'enregistrement.
M. Dupré: Merci.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Berthier.
M. Houde: Merci, M. le Président. M. Boucher, les sommes
d'argent ou les crédits spéciaux que vous aviez obtenus ont-ils
servi à faire des remises soit à la banque ou à l'Office
du crédit agricole?
M. Boucher (Jean-Claude): Je n'ai jamais obtenu de crédits
spéciaux.
M. Houde: Vous n'en avez jamais obtenu?
M. Boucher (Jean-Claude): Je n'en ai jamais obtenu.
M. Houde: Êtes-vous au courant si d'autres cultivateurs qui
en recevaient s'en servaient pour faire des remises?
M. Boucher (Jean-Claude): En général, les
agriculteurs demandent des crédits spéciaux pour continuer
l'opération, c'est-à-dire pour acheter la nourriture qu'il leur
faut, mais ils se voient obligés de prendre une partie de ces
crédits spéciaux pour faire des remboursements de
prêts.
M. Houde: Merci beaucoup.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Revenons à ce
qu'on a mentionné tantôt concernant la vente aux abattoirs de vos
truies et de vos verrats. Précisément, vous nous informez que
c'était dû à un manque de marge de crédit.
M. Boucher (Jean-Claude): Oui. (12 h 45)
M. Picotte: Est-ce que cette chose a été
discutée avec les représentants de l'Office du crédit
agricole au préalable? Avez-vous essayé de vous ajuster à
un moment donné face à cette situation bien précise ou si,
effectivement, vous avez dit: Je suis obligé de me déprendre tout
seul et je m'en vais. Je fais ce que je peux avec les moyens du bord que
j'ai.
M. Boucher (Jean-Claude): Quand j'ai eu ce prêt pour
doubler ma production, je me suis aperçu que ce n'était pas plus
viable avec deux fois plus de truies qu'avec le même nombre qu'au
début parce que j'arrivais dans les mêmes problèmes,
c'est-à-dire que je me ramassais face à mes paiements
hypothécaires avec des marges de crédit qui continuaient de
m'enterrer et qui commençaient à rouler dans les 20%. J'avais
compris à ce moment-là que face à l'office je ne pouvais
plus redemander une
deuxième consolidation, elle m'avait déjà
été refusée - il ne pouvait plus me financer parce qu'il
ne finançait pas les marges de crédit dans le porc. Ce qu'il
finançait, ce sont les achats, les matériaux et tout cela et il
te laissait te débattre avec ton fournisseur de moulée pour ta
marge de crédit. Et là, précisément, c'est le
fournisseur de moulée qui ne voulait plus fournir. Je me suis dit: Je
prends les moins bons animaux. Je les vends. Je m'assure du crédit pour
l'avenir et quand la situation se replace, je rachète mes animaux et je
les remets en place. J'admets que c'est pure spéculation, mais je ne
sais pas, j'aimerais que cette commission me dise comment il fallait faire.
M. Picotte: Autrement dit, vous étiez laissé
à vous-même. Il fallait que vous trouviez vous-même une
solution. Vous avez décidé que c'était celle qui pouvait
possiblement être...
M. Boucher (Jean-Claude): II fallait que je me trouve un
fournisseur de moulée, parce que sans moulée, pas d'animaux.
M. Picotte: J'aimerais revenir à votre document. À
la page 16, vous parlez d'un agronome économiste, M. Pépin.
Est-ce que cet agronome est à l'emploi du ministère?
M. Boucher (Jean-Claude): Je ne le sais pas du tout, monsieur. Ce
que je sais de Paul Pépin, c'est qu'il a écrit deux excellents
articles dans la Terre de chez nous, en 1982, et il est allé travailler
dans les pays du tiers monde.
M. Picotte: Mais présentement, vous ne savez pas où
est M. Pépin?
M. Boucher (Jean-Claude): J'ai l'impression qu'il travaille pour
le MAPAQ. Tous les agronomes du Québec travaillent pour le MAPAQ.
M. Picotte: Bon! Merci.
Le Président (M. Vallières): D'autres demandes
d'intervention? M. le député de Roberval.
M. Gauthier: Oui. Comme le temps achève, je pense, avec M.
Boucher, je veux être sûr d'avoir bien compris tout ce qu'on a dit
ici. Si je comprends bien le message que M. Boucher nous a livré, il y a
finalement, selon vous, deux éléments importants qui ont
joué contre vous dans toute votre triste aventure dans l'agriculture. Un
de ces éléments a été le mauvais conseil ou le
conseil qu'on s'est abstenu de vous donner concernant l'élevage des
porcs, dans la façon dont il fallait procéder pour s'assurer que
chacune des truies produise dans le bon temps et correctement. Si je comprends
bien, c'était un des éléments majeurs. Le deuxième
était la mauvaise surprise que vous avez eue de la part de l'Office du
crédit agricole en réalisant que vous perdiez votre subvention
par le fait que les traites étaient en retard. Est-ce bien là les
deux principales causes, selon vous, qui ont transformé votre
expérience, que vous pensiez heureuse au début, en une
expérience plutôt malheureuse? Est-ce bien les deux principaux
éléments, en tout cas, qui...
M. Boucher (Jean-Claude): Ce sont les deux principaux mais, entre
ces deux-là, je dirais que là où cela a joué le
plus contre moi, c'est l'impossibilité de négocier au moment
où on est en difficultés financières. Je ne peux pas dire
que si cela avait fonctionné, je serais devenu un gros éleveur de
porcs. Je ne le sais pas. Mais j'ai eu l'impression qu'on n'a pas donné
la chance au coureur, si on veut. Quand j'ai commencé à
être en difficultés financières, cela finissait
là.
M. Gauthier: Si je comprends bien, il y a trois choses que les
membres de la commission doivent retenir, parce que vous venez d'en ajouter une
autre: Premièrement, c'est la difficulté que vous avez eue de
dialoguer ou de discuter convenablement avec l'office à la suite de vos
difficultés. Vous avez senti qu'il n'y avait pas beaucoup d'ouverture
dans votre cas. Finalement, si vous aviez eu les renseignements
nécessaires quant à la façon dont fonctionnait le
financement ou quant à la façon dont on devait procéder
pour élever les porcs, vous pensez que votre situation aurait
été alors plus convenable.
M. Boucher (Jean-Claude): Oui. M. Gauthier: Merci.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé suivi du député
d'Arthabaska.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Pour le temps qu'il
nous reste, environ cinq ou sept minutes du temps réparti, j'aimerais
avoir un petit peu plus de détails, si vous pouvez nous en fournir, sur
l'allusion que vous faites à la page 4 de votre document et qui
m'intrigue d'une certaine façon. Vous dites: "Plus
précisément, nous demandons que la commission s'informe
auprès du rédacteur en chef de la Terre de chez nous, M. Pierre
Courteau, à savoir comment le président de l'Office du
crédit agricole l'a menacé de lui faire perdre, dans la Terre de
chez nous, toute la publicité gouvernementale si ce journal ne lui
donnait pas une bonne
couverture de presse". J'aimerais vous entendre expliciter cela
davantage.
M. Boucher (Jean-Claude): Quand M. Moreau a fait sa
conférence de presse en 1982 - j'ai cité quelques articles dans
mon document - la Terre de chez nous ne lui a pas donné une très
bonne presse. C'est-à-dire qu'ils ont immédiatement publié
la semaine suivante un article de Mme Louise Saint-Pierre, qui n'était
vraiment pas gentil pour M. Moreau. Puis, au cours des deux semaines
consécutives, on a publié l'article de M. Blanchette, un autre
article de M. Pépin, enfin, cela s'est poursuivi comme cela de semaine
en semaine. Comme je vous l'ai dit, la totalité des journalistes
était en désaccord avec ce que M. Moreau disait.
Quand il a fait sa conférence de presse cette année - je
pense que c'est le 16 août 1984 - j'ai appris qu'il a appelé M.
Courteau pour lui dire: Écoute, cette fois-là, fais attention!
Parce qu'en 1982, tu ne m'as pas bien couvert; cette année, t'es mieux
de le faire sinon je vais m'organiser pour que tu perdes la publicité du
gouvernement dans la Terre de chez nous. Mais je pense que vous devriez
demander cela à M. Courteau; il répondrait beaucoup mieux que
moi.
M. Picotte: Autrement dit, c'est du ouï-dire que vous nous
rapportez.
M. Boucher (Jean-Claude): Oui mais que la commission convoque M.
Courteau pour lui demander.
M. Picotte: Je pense qu'il y a là un point d'interrogation
en ce qui me concerne qui mériterait d'être éclairci. C'est
quand même assez grave comme allusion. J'estime que la commission devra
se pencher adéquatement sur certaines de ces phrases ou certaines de ces
allusions afin de savoir exactement si elles sont dignes de
crédibilité.
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Dans la même veine que le
député de Maskinongé. Quand vous dites à la page 6:
"Qu'il téléphone aussi aux directeurs régionaux de l'UPA
qui se sont fait souvent réveiller à des heures tardives." Sur
quoi vous basez-vous pour dire cela? Avez-vous des exemples?
M. Boucher (Jean-Claude): Des directeurs régionaux de
l'UPA tentent d'aider des agriculteurs en difficulté en communiquant
avec M. Moreau pour dire: Un tel a des difficultés financières.
Si on pouvait regarder ensemble son dossier, cela nous aiderait. M. Moreau
exerce une certaine forme de chantage sur les gens de l'UPA en faisant un
certain favoritisme face à ces gens. Quand les présidents de
l'UPA appellent Moreau pour demander de l'aide -ce qui est normal de la part
d'un bonhomme de l'UPA de tenter d'aider ses membres - il y a des cas que M.
Moreau n'aime pas, qu'il ne veut pas discuter. Il les rappellent dans le
courant de la nuit pour dire: Tu es mieux de ne pas embarquer dans ce
cas-là parce que ça va aller mal. Je ne veux pas de ce
cas-là, je ne veux pas discuter de ça.
Faites l'enquête, demandez aux différents présidents
de secteurs de l'UPA comment cela se passe.
M. Baril (Arthabaska): Ce sont des dirigeants régionaux de
l'UPA qui vous ont fait part de ces téléphones?
J'aurais une autre question très courte. Pouvez-vous nous dire
quel était le rendement moyen - porcelets par truie annuellement - de
vos truies?
M. Boucher (Jean-Claude): II n'y a jamais eu de
comptabilité de faite parce que, comme je l'ai expliqué, j'ai
fait un emprunt pour mes 65 premières truies - je ne me rappelle plus
exactement le nombre -j'ai commencé à mettre ces truies en
production, je me suis aperçu que je ne pouvais pas payer, j'ai fait un
deuxième prêt pour augmenter ma production, j'ai entré les
nouvelles truies et j'ai continué à les mettre en production. On
ne peut pas faire un rendement moyen si on est en accroissement de
production.
M. Baril (Arthabaska): D'accord.
Le Président (M. Vallières): Je veux
immédiatement indiquer aux membres de la commission que cet
après-midi nous débuterons nos travaux avec la comparution de MM.
Robidas, Brousseau et Talbot de 15 heures à 18 heures. À moins
qu'il y ait d'autres demandes d'intervention de la part des membres, la
commission...
M. Picotte: M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Oui, M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Je veux revenir sur une dernière question et
compléter ce que mon collègue, le député
d'Arthabaska, a mentionné tantôt. Vous êtes en train de nous
suggérer que si on allait interroger à la fois... On a
parlé de Pierre Courteau, tantôt, de la Terre de chez nous. Il y a
aussi Jean Pelletier, de Radio-Canada, auquel on a fait allusion.
Une voix: Lise Payette.
M. Picotte: Mme Payette également.
Effectivement, vous parlez des dirigeants de l'UPA. Je pense que ce que
vous souhaiteriez, en tout cas, après être venu à cette
commission parlementaire, c'est que dans le cadre de cette commission
parlementaire, on puisse évaluer au moins les possibilités, sinon
on aura toujours des points d'interrogation sur les allusions qui ont
été faites. Je comprends que vous recommandez fortement à
la commission d'entendre au moins les témoignages des personnes
citées.
M. Boucher (Jean-Claude): Je ne conçois pas que la
commission puisse faire la lumière sur nos dossiers et sur le dossier
d'autres agriculteurs qui ont des problèmes semblables sans qu'on sache
de quelle façon est géré l'Office du crédit
agricole, sans qu'on puisse définir précisément si on est
face à une orientation politique provenant du MAPAQ et si M. Moreau est
le valet du MAPAQ - ce qui serait, jusqu'à un certain point, normal - et
qui prête parce que les productions sont établies, ou si M. Moreau
prend des initiatives personnelles et dit: Moi, je prête à ces
gens-là et pas à ces gens-là; moi, mon idée, c'est
de faire disparaître X mille agriculteurs; je vais le faire, que le
ministre soit d'accord ou non. Si on n'a pas déterminé cela, je
me demande de quelle façon on va déterminer comment on s'est fait
attraper dans ce piège, pourquoi on s'est fait attraper et comment cela
s'est passé. Ce dossier déborde énormément nos cas
personnels. Si j'étais le seul à avoir fait faillite dans le
porc, je dirais: Je n'ai rien à dire ici; j'étais un mauvais
gestionnaire; je suis un cas unique et traitons-le comme un cas unique.
D'ailleurs, le tribunal civil a déjà réglé tout
cela. Il a dit: Si tu ne paies pas, tu t'en vas. On est face à un
problème d'envergure. Il faudrait savoir qui a donné les ordres
pour que cela se passe comme ça ou qui a été
incompétent pour que cela se passe comme ça. Je ne le sais pas.
Est-ce que c'est de l'ignorance ou si c'est une mauvaise foi ou la
volonté déterminée de faire sauter 35 000 agriculteurs? Si
on ne détermine pas comment cela s'est passé, pourquoi cela se
passe actuellement et dans quelle direction l'agriculture s'en va, on ne saura
pas pourquoi il y a eu sept grévistes de la faim qui ont dit: On s'est
fait voler nos terres. Je pense que si la commission veut vraiment faire la
lumière sur nos dossiers personnels... Nos dossiers personnels, c'est la
cerise sur le "sundae". Cela représente un immense problème.
Nous, on est ressorti en public. Si on veut faire la lumière pour savoir
pourquoi on a perdu nos terres, il faudrait aussi savoir pourquoi des milliers
d'agriculteurs vont perdre la leur, ou l'ont déjà perdue. Quand
je dis des milliers, je n'exagère pas. Quand on examine les chiffres de
M. Camille Moreau rapportés dans les Affaires du 13 août 1982, il
parle de 24 000 emprunteurs; un mois après, il parle de 21 000
emprunteurs. Il y en a 3000 dont on se demande ce qu'il a fait avec: les a-t-il
foutus dans le tiroir? Où va-t-on avec cela? Quelle est la direction
à prendre? Je pense que c'est dans cette optique que la commission doit
examiner les choses. Qui prend les décisions à Québec? Qui
protège qui dans cette affaire? Est-ce que l'UPA va pencher pour 48 000
agriculteurs ou pour les 12 000 qui ont des revenus suffisants pour qu'on
détermine leur ferme rentable? Est-ce que le MAPAQ se branche pour 48
000 agriculteurs ou pour 12 000? Il y a seulement l'office... On sait où
se branche l'office: pour 12 000 agriculteurs. Cela, on le sait. Mais les
autres, où se branchent-ils? J'ai perdu ma chemise parce que ces
gens-là ne se sont pas branchés. Quand j'ai demandé l'aide
de l'UPA, elle n'était pas branchée non plus; le MAPAC
n'était pas branché; il y avait seulement l'office qui
était branché. Si on ne sait pas, à la fin de cette
commission, où se branchent ces gens-là et dans quelle sorte
d'attrappe on s'est fait prendre, je pense qu'on n'aura rien fait, sauf de
brasser des dossiers. Ce n'est pas le but; cela n'a pas été le
but de notre grève de la faim de faire brasser nos dossiers
personnels.
Mon cas personnel est réglé. J'ai fait faillite; je suis
libéré de faillite; j'ai un crédit hypothécaire qui
me permet d'aller acheter une terre en Ontario, en Saskatchewan, en Colombie
britannique ou aux îles moukmouk. Je n'ai pas fait la grève de la
faim parce que je veux ravoir ma terre; je ne veux pas que le gouvernement me
fasse un cadeau. Je veux qu'on regarde si mon cas est semblable au cas de 2000
ou 3000 producteurs de porc et je veux savoir qui est responsable de cet
état de choses.
Est-ce que cela va continuer ou si elle est finie, la crise en
agriculture? Est-ce que cela va continuer jusqu'à ce qu'on soit rendu
avec environ 5000 agriculteurs au Québec qui deviennent des entreprises
multinationales, comme c'est le cas aux États-Unis? Si cette commission
ne détermine pas où on s'en va, on aura brassé de la
"marde" et c'est tout, comme le dit M. Garon.
Le Président (M. Vallières): Je rappelle qu'il est
13 heures. À moins d'un consentement unanime, nous devrions suspendre
nos travaux jusqu'à 15 heures. La commission suspend donc ses travaux
à l'instant. J'ai d'autres demandes d'interventions; cela me prendrait
le consentement des gens pour...
M. Pagé: D'accord, à 15 heures.
Le Président (M. Vallières): Nous suspendons nos
travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 13 h 1)
(Reprise de la séance à 15 h 08)
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation reprend ses travaux. Comme nous l'avions convenu ce matin, nous
allons maintenant entendre, dans l'ordre, les interventions de MM. Yvon
Robidas, Clément Brousseau et Marcel Talbot. Je demanderais aux gens qui
sont appelés à témoigner de s'approcher des microphones,
s'il vous plaît. Dans un premier temps, nous allons procéder aux
exposés. Par la suite, les membres de la commission pourront poser des
questions aux différents témoins. Comme ce fut le cas, ce matin,
nous allons assermenter les témoins, au fur et à mesure. Nous
pourrions assermenter immédiatement les trois témoins, s'il vous
plaît.
Le Secrétaire: Vous pouvez répéter
après moi. Je, Clément Brousseau, jure que je dirai toute la
vérité et rien que la vérité.
M. Brousseau (Clément): Je, Clément Brousseau, jure
que je dirai toute la vérité et rien que la
vérité.
Le Secrétaire: Je, Marcel Talbot, jure que je dirai toute
la vérité et rien que la vérité.
M. Talbot (Marcel): Je, Marcel Talbot, jure que je dirai toute la
vérité et rien que la vérité.
Le Secrétaire: Merci. Je, Yvon Robidas, jure que je dirai
toute la vérité et rien que la vérité.
M. Robidas (Yvon): Je, Yvon Robidas, jure que je dirai toute la
vérité et rien que la vérité.
Le secrétaire: Merci.
Le Président (M. Vallières): Cela va. M. Robidas,
vous pouvez procéder.
M. Yvon Robidas
M. Robidas: Je demanderais à la commission parlementaire
que Jean-Claude Boucher lise mon texte. S'il y a des questions, j'essaierai d'y
répondre au mieux de ma connaissance.
Le Président (M. Vallières): Les membres sont-ils
d'accord pour que M. Boucher procède à la lecture du texte de M.
Robidas?
Des voix: D'accord.
Le Président (M. Vallières): Ensuite, M.
Robidas pourra répondre aux questions. M. Boucher.
M. Boucher (Jean-Claude): Ma ferme est un patrimoine familial
conservé dans la famille Robidas depuis quatre
générations. Mon arrière-grand-père a
défriché la ferme situé au 811 chemin du Plateau, route
rurale 2, Saint-Félix-de-Kingsley. Mon père en a fait une ferme
laitière spécialisée de 15 à 18 vaches
laitières et du poulet. J'ai acheté sa ferme en 1970 et je l'ai
exploitée jusqu'au 4 septembre 1983, date où ma ferme a
été mise en vente par shérif. Après deux tentatives
infructueuses d'agrandir ma ferme et mon troupeau laitier pour obtenir un
revenu suffisant qui fasse vivre ma famille, l'Office du crédit agricole
accepte de me prêter à condition de suivre le programme
gouvernemental du veau de grain qui est en train de s'implanter au
Québec. Les conditions de production que m'impose ce programme, le
manque d'encadrement technique et une baisse du prix du veau vont se conjuguer
pour me dépouiller de mon avoir productif et de toute source de revenu
en l'espace d'un an et demi. Les efforts et la peine de trois
générations d'agriculteurs vont être anéantis par
les conditions qui m'ont été imposées par mes
créanciers à court terme qui, avides de récupérer
rapidement les sommes prêtées, ont détruit ma ferme. Voici
l'histoire des circonstances qui m'ont conduit à l'état actuel
des choses.
Mon père n'a pas grossi sa ferme et il n'a pas eu recours au
crédit agricole. J'ai travaillé sur la ferme avec mon père
de 1968 à 1970, et je l'ai achetée cette année-là.
De 1970 à 1973, j'exploite la ferme sans y effectuer de changements et
je vais travailler en dehors de la ferme pour compléter mon revenu.
À cette époque, le revenu de la ferme est insuffisant pour me
faire vivre. En 1973, la ferme du voisin est à vendre au montant de 5000
$, et je désire l'acheter pour grossir ma ferme et mon troupeau
laitier.
Une voix: Non, c'est 25 000 $.
M. Picotte: Je m'excuse, mais est-ce 20 000 $ ou 5000 $?
M. Robidas (Yvon): Le voisin demandait 5000 $ pour sa ferme, mais
il gardait sa maison. Sa grange avait passé au feu. J'ai fait une
demande de 20 000 $ à l'Office du crédit agricole pour acheter sa
ferme et agrandir la grange. Lorsque j'ai présenté ma formule, on
me l'a refusée. On m'a dit de retourner chez moi avec celle-ci.
M. Boucher (Jean-Claude): Je demande un prêt à
l'Office du crédit agricole qui refuse en alléguant le coût
trop élevé d'installation d'un pipeline et
l'agrandissement de la grange.
À la suite de cette décision de l'office, je continue avec
mes 15 vaches laitières et je garde des veaux de lait. J'augmente mon
troupeau laitier à 20 vaches et, lorsque mon quota est rempli,
j'engraisse les veaux avec le surplus de lait et je les revends. Je vis mieux
alors, car j'ai très peu de dettes, un prêt de 2000 $ sur lequel
je paie 80 $ par année...
Une voix: Par six mois.
Une voix: Non, par année.
M. Boucher (Jean-Claude): Par année.
Une voix: C'est cela.
M. Boucher (Jean-Claude): Pour améliorer mon revenu, je
dois toutefois travailler en dehors de la ferme. De 1975 à 1977, je
serai opérateur de presse chez Bombardier. Je continue le travail de la
ferme et je trais les vaches matin et soir. Je travaille chez Bombardier pour
économiser de quoi m'acheter de la machinerie neuve sans m'endetter. En
1977, je cesse le travail chez Bombardier et je travaille à temps plein
sur ma ferme. Cependant, l'argent est rare. J'ai deux enfants et les vaches me
procurent un revenu brut de 8000 $ à 10 000 $ par année ce qui
est insuffisant. De 1977 à 1979, j'occuperai un emploi saisonnier et je
travaillerai le reste du temps dix heures par jour sur la ferme. Mes revenus
sont faibles. Je ne peux me permettre ni auto ni sortie.
Dans le but d'améliorer ma qualité de vie et
d'améliorer mon revenu, je décide de vendre mon quota en 1979
pour me diriger dans la production vache-veau, car les vaches ne sont pas assez
rentables pour justifier de travailler sept jours par semaine. Je décide
alors d'agrandir ma grange de 50 pieds pour vendre plus de veaux et surtout
pour pouvoir les vendre quand les prix sont bons. Un emprunt de 15 000 $
à 2,5% m'aurait permis de m'agrandir et de mieux vivre sur ma ferme.
J'essuie un deuxième refus de l'office qui estime ma rentabilité
insuffisante et refuse de prêter pour le veau de lait. L'office me
propose alors de me diriger vers le veau de grain, un nouveau programme
gouvernemental en train de s'implanter. (15 h 15)
Pour avoir droit aux crédits dispensés par ce programme,
je dois construire une grange selon les indications de l'office, une grange de
36 sur 100 pour accueillir 175 veaux, avec des stalles où le veau mange
et dort; construire une fosse à fumier en ciment; isoler ma grange mur
à mur comme une maison. La grange coûte 47 500 $, j'obtiens un
prêt de l'office de 42 500 $ et une marge de crédit de 5000 $. Je
bâtis ma grange au printemps et mes premiers animaux entrent à
l'automne.
La première année, je conserve mes veaux de lait
élevés à partir de mes vaches. J'achète les veaux
à des encans spécialisés à 100 livres et je les
revends quand ils ont atteint 400 livres. À l'automne 1979, j'entre 60
veaux dans mon étable. Ces veaux me coûtent 1 $ la livre et je les
vends 1,05 $ à 1,10 $ la livre. Je ne fais pas beaucoup d'argent cette
année-là mais je réussis à couvrir mes frais
d'opération. L'agronome qui vient me voir deux fois par mois me
suggère de remplir ma grange au printemps 1980. J'obtiens alors une
marge de crédit de 30 000 $ pour remplir ma grange au printemps.
Suivant les conseils de mon agronome, j'entre 25 à 30 veaux
à la fois qui ont été achetés dans des encans
spécialisés. Aussitôt, la maladie se déclare chez
ces veaux. Ce sont de nouvelles maladies que je ne connais pas et que mon
vétérinaire ne sait pas comment soigner. Je connais le veau car
j'en ai toujours fait. Dans le veau de lait, je n'avais jamais
enregistré de maladie car les veaux tétaient les vaches.
J'attribue la maladie qui s'est déclarée chez mes veaux
très peu de temps après les avoir achetés à deux
causes: le stress subi par des veaux de deux à trois jours qui sont
traités avec cruauté dans les encans. Ces veaux sont
transportés dans des encans en les déplaçant à
coups de bâton électrique. Ils sont ensuite laissés dans
des enclos sans soins, sans eau ni nourriture pendant plusieurs jours. Quand on
les achète et qu'on les ramène dans notre étable, leur
vitalité est déjà grandement atteinte et ils deviennent
très vulnérables à la maladie. Deuxièmement, les
exigences du programme gouvernemental du veau de grain comme la construction de
stalles en bois où le veau n'a aucun exercice, le grand nombre de veaux
réunis dans un même milieu qui facilite la contamination, la
nourriture au grain plutôt qu'au lait et l'absence de
génétique.
J'emplis mon étable avec 175 veaux et je dois travailler plus de
douze heures par jour pour les soigner et les réchapper. Grâce
à mes soins attentifs, je pourrai réchapper 145 veaux sur 175. La
mortalité frappera 30 veaux, soit un taux de mortalité de 17%.
Quand vient le temps de les vendre, mes veaux ne valent pas plus que 0,50 $
à 0,60 $ la livre. Le prix très faible des veaux de grain
s'explique par l'absence de marché pour ce genre de viande. Rien ne sera
fait pour distinguer le veau de grain du veau ordinaire. Pendant la même
période, les taux d'intérêt ont augmenté. En 1981,
je me retrouve avec un déficit d'opérations de 40 000 $.
À partir de ce moment, l'Office du crédit agricole vend
mes animaux donnés en nantissement sur marge de crédit, les
moutonnes, les veaux et les vaches. La Caisse populaire de
Saint-Félix veut ravoir son argent et je dois vendre une vache pour la
payer. Elle refuse de renouveler ma marge de crédit pour acheter des
veaux et m'oblige à vendre tous les animaux en nantissement et lui
donner un chèque de 10 000 $ sur le produit de la vente. Je me retrouve
en 1982 sans animaux parce qu'on m'a contraint de les vendre pour payer ma
marge de crédit et par conséquent, sans aucune garantie pour
répondre à la marge de crédit et continuer ma
production.
En 1983, mes paiements hypothécaires à l'Office du
crédit agricole sont faits. Ma marge de crédit a
été effacée par le produit de la vente des animaux et il
me reste une dette de 6000 $ à la Coopérative agricole pour achat
de moulée. La coopérative tentera de saisir sa machinerie ou ma
machinerie pour se payer, mais il y est fait opposition. Elle saisit alors le
fonds de terre au complet. Je vais alors voir un officier régional du
crédit agricole et j'écris à Québec une lettre
recommandée à laquelle je ne recevrai jamais de réponse.
Le 4 septembre 1984, la ferme est vendue par shérif et la
Coopérative de Saint-Félix l'a rachetée. Il y a une erreur
dans le texte.
M. Robidas: Non. Je suis allé voir les gens de la
Coopérative Saint-Félix. La Coopérative Saint-Félix
ne s'est même pas présentée à la vente de ma
ferme.
M. Boucher (Jean-Claude): Ce n'est pas la coopérative.
C'est l'office...
M. Picotte: Elle est mise en vente, mais elle n'est pas
vendue.
M. Robidas: Non, elle a été mise en vente. Je suis
allé à la caisse populaire pour savoir quel prix ils demandaient
pour ma ferme, à quel prix ils la revendraient? Ils m'ont répondu
qu'ils demanderaient environ 45 000 $ pour ma ferme.
M. Boucher (Jean-Claude): D'accord. C'est cela. Le 4 septembre
1984, la ferme est vendue par shérif pour une dette à la
Coopérative de Saint-Félix. C'est la caisse populaire qui
rachète la vente de shérif.
M. Dupré: M. le Président, est-ce que la ferme est
vendue au moment où on se parle?
M. Boucher (Jean-Claude): Oui. Le 4 septembre 1984, il y a eu la
vente par shérif.
M. Picotte: M. le Président, le problème
là-dedans que je voudrais porter à l'attention de M. Boucher,
c'est que sur notre texte le 4 septembre 1983 est indiqué.
On nous dit que c'est septembre 1984.
M. Boucher (Jean-Claude): Oui, c'est septembre 1984.
M. Picotte: "...ma ferme est mise en vente pour 45 000 $". Elle
est mise en vente. Ils ne disent pas qu'elle est vendue par shérif.
Une voix: Ils disent: "Elle n'est toujours pas vendue..."
M. Picotte: Ensuite, "elle n'est toujours pas vendue". C'est le
problème.
M. Boucher (Jean-Claude): Oui, c'est cela qu'il faut corriger sur
ce texte. C'est que le 4 septembre 1984, la ferme a été vendue
par shérif.
M. Picotte: Ah!
M. Boucher (Jean-Claude): La coopérative ne s'est pas
présentée à cette vente et la caisse populaire qui
détenait le prêt tandem - c'est la Caisse populaire de
Saint-Félix...
M. Robidas: De Kingsey Falls.
M. Boucher (Jean-Claude): ...la Caisse populaire de KingseyFalls,
qui détenait le prêt tandem, l'a rachetée lors de la vente
par shérif.
M. Picotte: Pour le montant de 45 000 $?
M. Robidas: Non.
M. Boucher (Jean-Claude): Non. Ensuite, la Caisse populaire de
Kingsey Falls, au moment où on se parle, demande 45 000 $ pour la
ferme.
M. Picotte: Ah! D'accord.
Une voix: Ils l'ont payée combien, eux autres?
M. Robidas: Quand elle a été vendue par
shérif, je pense qu'elle a été vendue environ 30 000
$.
M. Boucher (Jean-Claude): Mais, en fait, il faut comprendre que
la caisse, à ce moment-là, était prêteuse sur cette
terre. Donc, elle rachetait sa propre garantie.
Questions et remarques. Pourquoi un créancier secondaire
voudrait-il faire vendre une ferme pour une dette de 6000 $ alors qu'il sait
qu'il n'a rien à gagner à le faire? Or, si la commission pouvait
faire la lumière là-dessus, on aimerait bien cela. C'est que la
coopérative, au moment où elle a saisi la
ferme, savait très bien qu'elle ne pouvait rien gagner au point
de vue financier là-dedans. Parce que la terre était
hypothéquée à peu près à sa valeur.
Deuxième question: Comment se fait-il que l'Office du
crédit agricole n'ait pas protégé ses garanties en
empêchant que ma ferme soit vendue? Pourquoi l'office et la caisse
populaire m'ont-ils forcé de vendre mes animaux, sachant qu'ils
étaient ma seule source de revenus? Pourquoi l'office a-t-il
refusé à deux reprises que j'augmente ma production
laitière? Peut-on supposer qu'il y ait eu collusion entre l'office, par
son bureau régional, le gérant de la caisse populaire et la
coopérative pour faire vendre ma ferme?
Si j'étais demeuré dans la production vache-veau et si
j'avais bâti ma grange comme je le voulais, j'aurais pu arriver à
vivre convenablement sur ma ferme. L'Office du crédit agricole m'a
prêté à condition de me conformer aux normes
gouvernementales de production. Ce programme prévoyait qu'en quatre ans
tous les investissements seraient payés. Ce programme n'avait
certainement pas prévu la baisse des prix et l'absence des
débouchés pour ce genre de production. J'ai produit 235 veaux de
grain en un an et demi. J'ai payé du 22% sur ma marge de crédit
alors que mes veaux se sont vendus 0,60 $ la livre. L'assurance-stabilisation
n'a pas été exigée pour cette production. Je suis donc
fortement pénalisé de m'être conformé au programme
gouvernemental du veau de grain qui m'a imposé de m'agrandir selon ses
normes et non comme je le voulais. Si l'office m'avait accordé le
premier prêt demandé pour bâtir ma grange et augmenter mon
troupeau laitier, je ne serais probablement pas ici aujourd'hui pour vous
exposer mon cas.
Ma ferme valait 65 000 $ en 1980, mes dettes hypothécaires et ma
marge de crédit étaient payées. La caisse populaire veut
la vendre pour 45 000 $.
Depuis septembre 1983, je suis un assisté social. J'ai fait la
grève de la faim pour protester contre le traitement qui m'a
été fait et par lequel en un an et demi on a détruit le
fruit du labeur et des peines de trois générations
d'agriculteurs. Est-ce acceptable?
Le Président (M. Vallières): À ce moment-ci,
je pense qu'on pourrait passer à l'audition de l'autre texte. On
reviendra, à la toute fin, pour reprendre cas par cas lors de la
période des questions si cela vous convient. Cela va?
M. Clément Brousseau
On pourrait maintenant entendre M. Clément Brousseau. M.
Brousseau fait la demande pour que M. Boucher puisse faire lecture de son
mémoire. Les membres de la commission sont-ils d'accord? M. Boucher.
M. Boucher (Jean-Claude): Je suis un agriculteur dont la ferme
est située dans le rang 6 de Saint-Félix-de-Kingsley. J'ai
acheté cette ferme en 1970 pour fournir un milieu de vie convenable
à mes enfants, sept garçons et une fille, et parce que j'aime les
animaux et le travail sur une ferme. En 1970, la ferme avait un quota de lait
industriel de 100 000 livres de lait. Entre 1970 et 1978, je vis du revenu
fourni par mes vaches laitières. Au cours de cette période, j'ai
acheté 260 000 livres de lait pour monter mon quota à 360 000
livres de lait pour 45 vaches en lactation. Je gardais aussi dans mon
étable cinq à six truies dont je revendais les porcelets à
Saint-Hyacinthe. C'était payant à l'époque, les porcelets
me coûtaient 12 $ à produire et je les revendais 57 $ à 25
livres. Cela me procurait un revenu d'appoint qui complétait le revenu
fourni par mes vaches.
En 1979, mes fils sont en âge de prendre la relève et je
veux créer un second revenu pour les intégrer progressivement en
gardant 25 truies. Mes difficultés vont commencer à partir de ce
moment avec l'Office du crédit agricole qui me refuse le prêt pour
25 truies, mais propose de construire une porcherie pour 200 truies avec un
prêt de 200 000 $. Je refuse cette proposition car elle ne correspond pas
à mes besoins et qu'elle m'impose de m'endetter pour un très gros
montant. Après avoir demandé l'intervention de mon
député provincial dans ce dossier, l'office accepte de me
prêter 33 000 $ pour une porcherie de 80 truies. Je commence à
bâtir avec ce prêt de 33 000 $ reçu de l'office, mais la
construction et les animaux se chiffraient à 80 000 $. Alors, je
décide de vendre des taures pour pouvoir continuer la construction
inachevée. Il m'a fallu emprunter 10 000 $ à la caisse populaire
et me financer moi-même avec mes paies de lait pour entrer mes truies le
plus tôt possible. Au moment où j'ai terminé ma porcherie,
les prix du porc s'effondrent.
J'entre 80 truies dans ma porcherie et je vends mes premières
portées à 15 $ le porcelet, alors que cela me coûte 32 $
pour les produire. Ma situation financière devient difficile. Alors que
les huit années auparavant mes revenus me permettaient d'acheter pour 80
000 $ de machinerie... Pour m'en tirer, je prends l'argent tiré de la
vente de lait pour payer les dettes encourues par l'opération de la
porcherie. L'opération de la porcherie me coûte 1200 $ par semaine
et ne me rapporte que 400 $. Je dois donc prendre 800 $ par semaine de la paie
de lait pour combler le déficit de la porcherie. La porcherie
entraînera la ruine de ma ferme laitière en moins de deux ans.
Voici, selon moi, les causes de cette situation. L'office ne m'a pas
prêté assez pour défrayer le coût de la construction
de la porcherie en septembre 1979. Le prêt consenti n'a couvert que 40%
du coût de construction et j'ai dû assumer seul 60% de ce
coût. Cela constitue pour moi une charge très lourde et, pour
sauver ma ferme, je tente de me libérer le plus rapidement possible de
cette dette.
Au moment d'opérer ma porcherie, je n'ai aucune liquidité
et je dois m'endetter de nouveau pour acheter la moulée à un taux
très élevé de 3% par mois sur un montant de 33 000 $. Au
moment de vendre mes porcelets qui me coûtent 32 $ à engraisser,
les prix baissent de 84% et passent de 57 $ à, d'abord, 15 $, puis 12 $
et 9 $, de 1979 à 1982. Si les prix s'étaient maintenus, j'aurais
pu m'en tirer, mais avec une baisse aussi forte du prix du porcelet,
j'opérais à perte et je ne pouvais pas être en mesure de
rembourser mes dettes.
En 1982, je me retrouve dans l'impossibilité d'assurer le
paiement de mes dettes hypothécaires à l'office avec un
arrérage de 12 000 $. L'office me demande de payer immédiatement
cet arrérage. À ce moment, je n'ai aucune liquidité et la
caisse populaire refuse de me prêter cette somme.
Du 3 mars 1982 à la fin novembre, j'entreprends une série
de démarches pour sauver ma ferme qui seront contrecarrées par
l'office et aboutiront à la situation actuelle.
Le 3 mars 1982, j'écris une lettre à mon
député provincial pour régler ce problème avec
l'office. Il m'envoie un accusé de réception le 11 mars 1982 dans
lequel il reconnaît mon offre de payer l'office par versements de 1000 $
tous les quinze jours pour me libérer de ma dette en six mois. Cette
somme aurait été obtenue à même ma paie de lait et
par la vente de mon troupeau porcin.
Dans une lettre du 5 avril 1982, M. Camille Moreau accepte la vente de
mon troupeau porcin pour rembourser mon prêt sur nantissement sur lequel
portent les arrérages et il affirme que les procédures seront
suspendues si je m'engage par écrit à verser 1000 $ tous les
quinze jours. Cet arrangement me convenait car je voulais garder mes vaches qui
m'apportaient un revenu régulier et vendre mes porcs avec lesquels
j'étais déficitaire. (15 h 30)
Le 16 avril, le directeur régional de l'office pour la
région de Sherbrooke, M. Viateur Daoust, vient me voir à mon
domicile et il m'informe que je ne peux vendre mes porcs et que je dois faire
encan de ma machinerie, de mes vaches et de mon quota pour satisfaire les
exigences de l'office. Je discute avec lui jusqu'à une heure trente du
matin pour conserver mes vaches et vendre mes porcs mais, sans succès.
Je dois finalement me rendre et accepter de faire encan de mes vaches.
Aussitôt que j'accepte, le directeur régional de l'office appelle
au domicile de l'encanteur, M. Jules Côté, à cette heure
tardive de la nuit, pour lui dire de venir faire encan. Il me promet alors de
me prêter 82 000 $ pour repartir dans la production de truies. Il me fait
signer au milieu d'une feuille pour faire encan de mes vaches.
Je souligne à cette commission - je sais que c'est en dehors du
texte - que M. Brousseau ne sait pas lire. Je ne veux pas... Ce n'est pas
péjoratif, mais je souligne à cette commission que M. Brousseau
ne sait pas lire et qu'à une heure et demie du matin, on lui fait signer
des papiers.
Je demande trois encanteurs - que je connais - de la région, MM.
Réal Benoist, Marcel Lambert et Lucien Houle. Ils sont tous
refusés sous différents prétextes par le directeur
régional de l'office et je suis obligé de prendre l'encanteur
qu'il m'impose, M. Jules Côté.
Le 17 avril 1982, jour de l'encan, l'encanteur aura le comportement
suivant. Il dévalorise de façon systématique mon troupeau
laitier pour le vendre à bas prix. Il dit que mes vaches sont malades,
qu'elles ne sont pas bonnes, que les tests de gestation faits par le
vétérinaire juste avant l'encan ne sont pas fiables. Il vend 31
vaches pur sang et croisées, produisant une moyenne de 12 000 livres de
lait par vache et d'une valeur de 1000 $, pour une moyenne de 638 $ par vache,
à des prix variant de 500 $ à 700 $. Cela constitue pour moi une
perte encourue sur la vente de mes vaches de 11 195 $. Il vend à des
prix ridiculement bas mes machines et instruments aratoires quasi neufs: une
charrue à trois raies neuve, payée 3200 $ a été
vendue 1200 $, une dévaluation de 62% de sa valeur; une herse à
roulette John Deere, payée 5000 $ et valant au moins 3000 $ a
été vendue 910 $, une dévaluation de 70% de sa valeur; une
taure pur sang enregistrée, prête pour le boeuf, d'une valeur de
1500 $ a purement et simplement disparu et n'a jamais passé dans aucun
papier de l'encan.
Les acheteurs sont surtout des parents et amis de l'encanteur. Le
beau-frère de l'encanteur achète neuf vaches d'une valeur de 9000
$ pour 5610 $, une économie de 3390 $ sur leur valeur, soit 36%.
Le 19 avril 1982, je suis informé verbalement par
téléphone, par mon député, que M. Moreau a
accepté la vente de mon troupeau porcin et accepte que je paie 1000 $
par 15 jours pour rembourser mes arrérages. Il est trop tard, mon
troupeau laitier a été vendu à rabais, je n'ai plus de
machinerie. Le 28 avril 1982, je reçois une confirmation écrite
de ce qu'il m'a annoncé par téléphone le 19 avril.
Comment concevoir que de tels agissements puissent être possibles?
Pourquoi mon directeur régional de l'office m'a-t-il forcé
à accepter de vendre mon troupeau laitier et ma machinerie le 17 avril
1982 lors d'un encan alors qu'il savait depuis le 5 avril que M. Moreau avait
accepté la vente de mon troupeau porcin et le remboursement de mes
arrérages par versements de 1000 $ tous les quinze jours? Pourquoi
n'ai-je pas pu connaître la vérité avant le 19 avril, au
moment où il était trop tard pour changer la situation qui a
complètement détruit ma ferme? Pourquoi le directeur
régional de l'office m'a-t-il forcé à vendre mon troupeau
laitier alors que c'était ce qui me faisait vivre et me permettait
d'éponger le déficit occasionné par la production de
porcelets? Pourquoi l'encanteur qui m'a été imposé par le
directeur régional de l'office a-t-il vendu mes vaches et ma machinerie
à des prix ridiculement bas?
Le 8 juin 1982, je recevais une lettre de mon député qui
accuse réception de ma lettre du 27 mai 1982 relativement à
l'encan que m'a obligé de tenir l'Office du crédit agricole.
La vente de mon troupeau laitier, de ma machinerie
s'élève, lors de l'encan du 17 avril 1982, à 58 221,75 $.
Mon quota sera vendu 36 411 $. Le 14 juin 1982, l'Office du crédit
agricole dispose d'une somme totale de 94 633 $ qui servira à
régler les arrérages sur mon prêt tandem et à
rembourser un prêt sur nantissement.
D'avril à novembre 1982, je me retrouve dans une position
financière difficile. Je remplis ma porcherie de 80 truies en avril
1982. Pour pouvoir faire fonctionner ma porcherie, je demande de l'aide
à l'office en juillet. N'ayant reçu aucune réponse, je
dois revendre mes truies à meilleur marché que je ne l'aurais
voulu en juillet pour une somme de 20 000 $. Je n'ai plus de revenu, car cela
prend un an avant d'avoir du revenu avec les truies. Je dois m'endetter pour
acheter des truies afin d'avoir un revenu. Je dois aussi m'endetter pour les
nourrir avec de la moulée auprès de la Société
coopérative des Bois-Francs pour 27 000 $. Un règlement
intervient pour 25 347 $ et je dois faire un premier versement de 8500 $ le 17
novembre 1982 et je dois céder tous mes revenus à venir à
Agropur. Il ne me reste plus rien. On m'a dépouillé de tout ce
que j'avais et de toutes les sources de revenus que je pouvais avoir. Je suis
maintenant un bénéficiaire de l'aide sociale qui doit faire 300 $
de paiement par mois sur un chèque mensuel de 619 $.
Voilà le récit des circonstances qui m'ont conduit en
moins de deux ans à la destruction de ma ferme. J'aurais pu m'en tirer
et être encore dans l'agriculture aujourd'hui si le directeur de l'office
avait appliqué les directives de M. Moreau relativement à la
vente de mon troupeau porcin et ne m'avait pas forcé à faire
encan de mon troupeau laitier, de ma machinerie et de mon quota laitier dans
des conditions qui ont été les plus défavorables. J'accuse
le directeur régional de l'office de ma région et l'encanteur
qu'il m'a imposé d'avoir délibérément, par leur
comportement, détruit ma ferme. Je demande qu'une enquête soit
faite sur les agissements de ces deux personnes à mon endroit. Quelle
est la note?
Une voix: Lis-la au complet.
M. Boucher (Jean-Claude): Le 17 avril 1982, lorsque j'ai fait
encan, M. Viateur Daoust m'avait promis de me laisser le prêt de 82 000 $
à répartir dans le domaine du porc. Pour prouver qu'il m'avait
dit de continuer dans le domaine du porc, il a envoyé une lettre
à mon gérant de caisse me disant de prendre 10 000 $ sur l'argent
de l'encan afin de grossir mon troupeau de truies. J'ai grossi mon troupeau de
truies à 84. Mon dossier à Québec ne sortait pas. J'ai
téléphoné au député et à l'office. Je
n'ai pas eu de réponse de l'office les premiers jours de juillet. Je me
suis rendu à l'office avec deux témoins et on m'a dit que mon
dossier sortirait la semaine suivante. Les premiers jours de septembre, compte
tenu que l'office n'avait encore rien fait et que je n'avais plus d'argent pour
acheter de la moulée, j'ai revendu les truies. Vers la fin de
l'année 1982, on a travaillé à mon dossier et on m'a
prêté environ 78 000 $ pour essayer de repartir. J'ai
racheté des truies plus chères que celles que j'avais vendues au
mois de septembre. Comme vous le voyez, l'office voulait me faire
disparaître et m'envoyer sur le bien-être social.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. Brousseau,
merci. Nous allons maintenant entendre M. Marcel Talbot.
M. Marcel Talbot
M. Talbot (Marcel): Ma ferme est située à
Saint-Cyrille-de-Wendower. Mon père possédait une ferme et une
scierie à Saint-Lucien. De 1954 à 1970, j'ai travaillé
comme mécanicien dans des garages. De 1966 à 1977, j'étais
mécanicien à la General Motors de Sainte-Thérèse.
J'ai toujours voulu m'installer comme agriculteur. Je possédais une
terre à bois, héritage de mon père sur laquelle je faisais
du bois de chauffage. Ici, il y a une erreur, c'est inscrit: "Quand cette ferme
a été à vendre", mais c'est plutôt: Lorsque j'ai vu
une ferme à vendre dans le rang, je l'ai achetée. J'en ai pris
possession en septembre 1977 au coût de 60 000 $. Les 80% de la somme ont
été payés au comptant par le produit de la vente de ma
maison à
Sainte-Thérèse et des économies personnelles. J'ai
repris le prêt hypothécaire de l'ancien propriétaire
à la Société du crédit agricole à 80% de la
somme globale. Il s'agissait d'une ferme laitière avec 14 vaches en
lactation, un quota de lait industriel de 100 000 livres, 25 têtes de
boeuf de boucherie. La machinerie et les bâtiments étaient en bon
état. J'ai exploité cette ferme jusqu'en 1981 - c'est inscrit
1982, mais c'est 1981 -moment où j'ai arrêté la production
du boeuf. En mai 1983, l'Office du crédit agricole a acheté ma
terre au bureau de shérif à Drummondville au montant de 48 700 $
et l'a mise en vente six mois plus tard au montant de 100 000 $.
Elle n'est pas encore vendue et je suis expulsé de mon domicile
par l'office le 1er août 1984. J'ai voulu agrandir la ferme
laitière pour intégrer mes deux fils à la ferme et leur
préparer un avenir. Les conseillers du MAPAQ ont refusé
l'agrandissement de ma ferme laitière. Ils ont d'abord tenté de
me diriger vers la production porcine. Craignant un effondrement des prix dans
cette production, les conseillers du MAPAQ et l'office me font miroiter la
possibilité de la production de boeuf sur parquet assortie du plan d'un
programme bien établi et l'assurance stabilisation. Mes revenus
semblaient assurés selon les calculs du programme gouvernemental et je
recevrais une subvention de 50 000 $ si je suivais le programme. Je me suis
embarqué dans ce programme en 1979; en mai 1981 au lieu de 1982, j'avais
produit 600 boeufs. En suivant consciencieusement ce programme, je me
retrouvais avec une dette de 450 000 $. Que s'était-il donc
passé? Comment ce qui était impossible en suivant le programme
gouvernemental avait-il pu se produire?
De l'automne 1977 à l'automne 1979, j'ai vécu sur ma ferme
avec un revenu brut de 9000 $ tirés de la vente du lait industriel et de
la vente de quelques bovins de boucherie à l'encan ou aux abattoirs. Au
printemps 1979, je fais une démarche auprès de mon agronome
régional en vue d'agrandir ma ferme laitière pour en augmenter la
rentabilité et d'y établir mes deux fils dans quelques
années. La réponse du MAPAQ et du ministère de
l'Environnement est négative parce que ma ferme est trop proche du
voisin, trop proche de la route, trop proche d'un cours d'eau. Pour
résoudre ce problème, deux solutions techniques sont
avancées. Construire une ferme laitière plus loin dans le champ,
ce qui serait très dispendieux. Il faut dire qu'en 1979, pour être
éligible à avoir un quota de lait, il fallait acheter une ferme -
vous savez ce qui s'est passé dans les quotas de lait de 1976 à
1979, il y a eu toutes sortes de pratiques, soit que le quota était
attaché à un troupeau; après cela, le quota était
attaché à une ferme. Il fallait passer un contrat; après
cela, remettre la ferme au gars et l'autre gardait le quota. J'aimais mieux ne
pas embarquer là-dedans parce que c'était pas mal
compliqué - ou reculer le cours d'eau. (15 h 45)
L'agrandissement de ma ferme laitière était impossible
pour le MAPAQ. On me propose de me lancer dans la production porcine. Je refuse
car on bâtit trop de porcheries cette année. En 1979, elles
poussaient comme des champignons. On en construisait tout partout. Je refuse
car on bâtissait trop de porcheries cette année-là. Je
suggère alors à mon agronome de finir 50 boeufs dans le
bâtiment existant. Le ministère de l'Environnement refuse car le
ruisseau est trop près. Il étudie la possibilité de
reculer le cours d'eau. Je demande alors si je pouvais finir 60 boeufs
l'année suivante. Je reçois une réponse négative.
J'aurais un permis pour 50 boeufs seulement. Voyant cela, je demande au
ministère de l'Environnement de ne pas déplacer le cours d'eau.
Je continue d'exploiter ma ferme comme auparavant et les discussions se
poursuivent avec le MAPAQ sur l'avenir de ma ferme. Au printemps 1979, cinq
personnes se présentent chez moi, l'agronome régional du MAPAQ,
un inspecteur du ministère de l'Environnement, le directeur
régional de l'office de Sherbrooke, M. Viateur Daoust, un agronome du
MAPAQ de la région de Nicolet et le directeur régional que j'ai
nommé tantôt. Le directeur régional, M. Viateur Daoust,
annonce qu'il a trouvé une solution à ma ferme, un parquet
d'engraissement de bouvillons. Il me dit: Cela fait trois fois qu'on essaie de
partir le boeuf au Québec. Cette fois-ci, les agriculteurs ne se
casseront pas la gueule. Ce programme suivait le document sorti en mars 1979
"Établissement des parquets d'engraissement du bouvillon". Je peux
déposer ce document si vous voulez en faire des photocopies. C'est la
couverture dudit document dont il fallait se servir pour avoir droit à
la subvention. Si on ne suivait pas ce document, on n'avait pas droit aux
subventions.
Le Président (M. Vallières): La commission est-elle
d'accord pour qu'on dépose le document? Qui, cela va.
M. Talbot: J'ai le livre ici. Je dépose seulement
l'en-tête, parce que j'ai seulement celui-là. Je crois qu'il doit
être ici. Il doit en rester sur les tablettes.
J'ai demandé à réfléchir et je suis
allé voir les parquets d'engraissement de la région avec mon
agronome. Par la suite, j'ai contacté Clément Lavoie, officier
régional de l'office à qui je propose de bâtir un parquet
d'engraissement de 200 têtes. Ma proposition est refusée car le
modèle type est une ferme de 400 têtes, un parquet
d'engraissement de 400 têtes. Je n'ai plus le choix. Je commence
à les croire puisqu'ils veulent me prêter pour 400 têtes et
qu'on m'encourage à embarquer dans ce programme gouvernemental. Je veux
commencer avec 200 têtes, mais je dois bâtir un parquet
d'engraissement de 400 têtes. Je finirais 200 têtes la
première année, 400 têtes la deuxième année.
Clément Lavoie, officier régional, a fait une projection
chiffrée pour quatre ans, de 1979 à 1982 selon laquelle ma dette
sur marge de crédit aurait été payée en
quasi-totalité en 1982. Il me serait resté un solde à
payer en 1982 de seulement 8818 $. Je crois avoir été
aveuglé par cette projection de Clément Lavoie où le
gouvernement assurait mes revenus. Je suppose que Clément Lavoie a pris
les chiffres dans le document de mars 1979 et qu'il les a transposés
à ma ferme en se servant du revenu net garanti car il calculait un
profit net de 125 $ par tête. Je dépose le document ici qui est
signé par M. Clément Lavoie, la projection des quatre
années de ma ferme.
Le Président (M. Vallières): La commission est-elle
d'accord pour le dépôt de ce document? Oui, le document est
déposé.
M. Talbot: Voici brièvement en quoi consiste ce
modèle idéal du MAPAQ avec 400 têtes. Les ventes
prévues sont de 391 020 $ soit un prix de vente moyen de 977,55 $ par
tête. Une marge de crédit de 372 $ est assortie. Il reste un
revenu net de 30 116 $ par année en prévoyant un taux de
mortalité de 2%, soit huit boeufs, soit un revenu net par tête de
76,82 $. Le revenu garanti par tête est de 200 $. Les veaux sont
achetés à 500 livres et revendus à 1000 livres à 1
$ la livre. Toujours selon ce modèle idéal du gouvernement, le
prix maximum de l'assurance-stabilisation est de 276 $ par tête, alors
que son prix minimum est de 226 $ par tête. L'application de ce
modèle idéal aurait supposé un soutien technique et
génétique de la production bovine qui a fait tristement
défaut en 1979 et en 1982.
Justement, ici, sur la question de la génétique, on
retrouve l'achat de femelles reproductrices de boucherie de qualité.
C'est un autre programme du ministère de l'Agriculture pour
améliorer la génétique au Québec. J'ai
assisté à l'assemblée du 25 novembre 1983. Encore cette
année, le ministre Garon en parle. Il faut améliorer notre
génétique au Québec parce qu'on n'a pas de
génétique dans le boeuf de boucherie. Je dépose donc ce
document. J'ai pensé qu'il pouvait être utile.
Le Président (M. Vallières): Est-ce que les membres
de la commission sont d'accord?
Alors, nous déposons le document. Document
déposé.
M. Talbot: II y avait seulement 50 vétérinaires de
1979 à 1982 pour surveiller les encans bovins spécialisés
et les parquets d'engraissement. Ils n'étaient pas
préparés au problème posé par les attroupements
d'animaux. Ils ne savaient pas comment soigner les nouvelles maladies qui
apparaissaient inévitablement. Ils ne savaient pas quel
médicament serait approprié. Pour mes animaux, ils ont
expérimenté des médicaments. Les parquets d'engraissement
étaient nouveaux au Québec en 1979. Les
vétérinaires arrivaient chez nous et ils ne savaient pas trop par
où commencer: On piquait en avant ou on piquait en arrière.
C'était nouveau. Il n'y avait que le vétérinaire local qui
venait chez moi. Il essayait une sorte de médicament. Si l'animal
n'était pas mort six heures après, on en essayait un autre.
On m'a fait construire mon parquet d'engraissement selon la directive de
le construire avec des lattes à intervalle de six pouces. J'ai compris
par la suite qu'il aurait fallu des lattes à intervalle de neuf pouces
au lieu de six pouces; ceci aurait causé moins de stress à
l'animal. Je veux dire qu'on m'a fait installer la latte où le boeuf met
son pied à six pouces d'intervalle. Presque personne ne fonctionne comme
cela aux États-Unis ni en Ontario. Je l'ai compris après que je
sois allé visiter des parquets en Ontario. La plupart des lattes sont
installées à neuf pouces. C'est plus large.
Donc, aujourd'hui, pour rendre mon parquet fonctionnel, il faut boucher
l'espace à toutes les deux lattes parce qu'il y a un espace d'un pouce
et demi à chaque six pouces. L'animal est trop stressé par cet
espace laissé à six pouces. Un boeuf n'a jamais le pied
d'aplomb... Enfin, c'était leur chef-d'oeuvre à eux autres, un
spécial.
Je n'ai reçu aucune aide technique du programme, des agronomes du
MAPAQ et des vétérinaires. Il n'y avait pas d'expert en
production bovine au Québec, à cette époque. J'ai
été obligé de l'expérimenter en même temps
que les boeufs. De plus, je me suis trouvé contraint d'acheter des veaux
de qualité inférieure en provenance du Lac-Saint-Jean, de la
Beauce, enfin, on peut dire de tout le Québec. Il n'y avait pas de
génétique. Il m'aurait été plus facile d'acheter
des veaux en provenance de l'Ouest.
Au début, en 1979, quand on achetait des veaux aux encans faits
au Québec, les veaux n'étaient pas conditionnés. On
achetait des veaux qui n'étaient pas castrés et qui
n'étaient pas écornés. C'est un stress de plus que les
animaux étaient obligés de subir. En 1984, les veaux sont tous
castrés, écornés. Il y a un premier conditionnement. Je ne
sais
pas s'il a fonctionné. Mais, à l'époque dont je
parle, on était obligé de faire cela quand ils
débarquaient du camion. En plus du stress de l'encan, de celui du
transport, il fallait leur couper les cornes et les castrer. Inutile de vous
dire ce qui arrivait à ces boeufs ensuite. Mais c'était dans le
programme.
Ce que je veux dire c'est que, aujourd'hui, ceux qui restent dans les
parquets d'engraissement, ce sont des producteurs qui finissent entre 2000 et
3000 boeufs. Il faudrait que la commission essaie de voir où ils
prennent leurs boeufs. Même les plus gros qui existaient en 1979
n'achetaient pas leurs veaux au Québec. Moi, comme bon
Québécois à qui on avait dit qu'il fallait acheter au
Québec, j'ai acheté au Québec. Je devais donc acheter des
veaux au Québec pour suivre une directive du MAPAQ, des veaux de
qualité inférieure parce que sans génétique, dans
des encans spécialisés où ils avaient subi un stress
considérable, parqués sans soins, sans eau ni nourriture pendant
deux ou trois jours. Il a fallu se battre longtemps pour qu'il y ait des
abreuvoirs dans les encans.
Premièrement en 1979 les encans n'étaient pas prêts
à ça et après avoir couru nos veaux pendant des
journées dans le champ, on n'était pas habitué de les
prendre au lasso ici au Québec, on les amenait dans un encan et ils
n'avaient pas d'eau à boire pendant deux jours. Ces veaux avaient
été élevés en liberté dans les champs. Pour
les charger dans des camions on avait dû les courir pendant une
journée ou deux, les attraper avec des cordes et ensuite les charger
dans un camion. Quand ils arrivaient dans mon parc d'engraissement ces veaux
étaient très vulnérables à la maladie car ils
étaient affaiblis par les mauvais traitements, le manque d'eau et de
nourriture. Il n'était pas surprenant qu'ils tombent malades en grand
nombre une fois arrivés dans mon parquet d'engraissement.
J'ai déjà été en chercher au Lac-Saint-Jean.
On charge 90 veaux dans un van. On connaît la température au
Lac-Saint-Jean à ce temps-ci. Le veau qui est collé sur le bord
de la boite, autrement dit le côté que le poil est dehors, il fait
peut-être moins 10 degrés et, de l'autre côté de
l'animal, il fait à peu près 140 degrés. Il est
obligé de rester là parce qu'il est pris. Dans le cours du
transport, il peut peut-être avoir le temps de changer de place. C'est
inutile de vous dire que quand ce boeuf-là débarquait chez moi il
n'y avait plus rien à faire avec. On avait beau le piquer, faire ce
qu'on voulait, je pense que nous aussi on aurait poigné la grippe et il
l'avait poignée. Il n'était pas surprenant alors qu'ils tombent
malades en grand nombre une fois arrivés dans mon parquet
d'engraissement. La politique du MAPAQ de l'achat au Québec dans le
cadre de ce programme sans support technique et génétique
adéquat a eu pour moi des résultats désastreux. Je
considère que ce programme était dix ans en retard. Il n'y avait
pas de veaux produits au Québec de bonne qualité
génétique à l'époque où j'ai
opéré mon parquet d'engraissement.
Les naisseurs ont arrêté d'en produire et on n'est pas plus
avancé qu'il y a 20 ans. Cela revient à dire - comme dans le
document que j'ai déposé tantôt - que le ministre de
l'Agriculture est prêt à donner des subventions pour les
naisseurs. La plupart ont lâché aussi.
Je considère qu'il y a eu pour cette production un manque
d'études économiques sérieuses pour l'approvisionnement en
veaux. Il y a eu un manque de sérieux et une incompétence du
MAPAQ dans l'application de ce programme qui m'a été
imposé par le directeur régional de l'office.
D'août à novembre 1979, je construis un parquet
d'engraissement de 400 têtes avec silo horizontal qui coûte 192 000
$. Je reçois une subvention directe sur facture de 50 000 $ et un
prêt hypothécaire de l'Office du crédit agricole de 132 000
$. En novembre 1979 j'entre, tel que prévu, 200 têtes dans mon
parquet d'engraissement par groupes de 25 à 30 têtes à la
fois. Quand j'ai construit mon parquet d'engraissement, en 1979, on
était toujours pris avec l'environnement. Je suis venu deux fois
à Québec pour signer des dossiers parce que c'était
accepté à Drummondville, mais il fallait que ce soit signé
à Québec. Il y avait des conflits avec la "malle", ça ne
marchait pas. Cela m'a retardé et les vacances de la construction sont
arrivées. On a commencé à bâtir mon parquet
d'engraissement en septembre. Quand est arrivé le temps de rentrer les
veaux dans mon parquet d'engraissement, les encans spécialisés
étaient finis. Je crois que j'ai acheté 60 têtes à
Saint-Charles. C'était le dernier encan de veaux
spécialisés. (16 heures)
Ensuite j'ai été obligé d'acheter aux encans locaux
du mieux que je pouvais. On avait dit que rentrer du boeuf Holstein,
c'était bon dans les parquets d'engraissement. On avait beaucoup de
veaux Holstein au Québec vu qu'on était des producteurs laitiers.
Alors, j'en ai rentré. Je dois immédiatement faire face à
la maladie qui atteint un grand nombre de mes veaux devenus vulnérables
à la maladie. Comme je l'ai dit tout à l'heure, à cause
des mauvais traitements subis lors du transport et de l'encan, je dois alors,
avec ma femme qui m'assiste, consacrer de nombreuses heures à
réchapper ces bêtes en leur donnant les soins
appropriés.
Une des raisons pour lesquelles j'avais proposé à l'office
la production de 200 têtes seulement la première année,
c'est le fait que ma terre n'était pas prête pour produire
une grande quantité de maïs. J'ai engraissé mes
animaux avec du foin et du maïs-grain produits sur ma terre. Ma terre est
bonne, mais elle devait être travaillée pour produire des
céréales et du maïs. En 1979, seulement 30 acres avaient
été drainés et il était nécessaire de faire
des travaux mécanisés importants - égouttement,
érochage, nivellement - pour la rendre prête à produire le
maïs-grain en grande quantité. C'est pourquoi je suggérais,
au printemps 1979, au MAPAQ et à l'office de produire 50 à 100
boeufs - ici, quand on parle de drainage et de travaux mécanisés,
cela revient au chiffre que M. Jean-Claude Boucher a cité; 172 000 $ de
subventions, que Camille Moreau a dit qu'il m'avait octroyés; ils sont
là; ils sont là sur le fonds de terre; je ne l'ai pas eu dans mes
poches; c'est de l'argent qui a été là - seulement la
première année. J'aurais eu alors une partie de la nourriture
produite sur ma terre. Mes bâtiments étaient fonctionnels et
s'allongeaient facilement. Ce que j'avais suggéré, c'est de
bâtir pour 200 têtes la première année et, si cela va
bien, on allonge ou on élargit, selon le modèle du parquet
d'engraissement que je désire avoir. Si cela va bien, on allonge. Mais
leur programme à eux autres, c'était pour 400 têtes.
En 1980, je fais faire beaucoup de travaux mécanisés sur
ma ferme pour me préparer à produire 100 acres de
maïs-grain. Ma terre ne peut suffire à nourrir 200 veaux et je dois
dépenser 64 000 $ en aliments pour animaux. À l'automne 1980, je
remplis mon parquet d'engraissement avec 400 veaux au coût unitaire de
513,11 $, au coût de 205 245 $. Pour les acheter, j'ai utilisé la
marge de crédit de 180 000 $ fournie par la caisse populaire et je
finance le reste à même mon revenu. Cette année-là,
j'enregistrais un excédent de revenus sur les dépenses de 100 692
$ parce que mes boeufs se vendaient 1,42 $ la livre.
En 1981, je cultive 200 acres de maïs-ensilage pour engraisser 400
veaux à même le produit de ma terre. Il a beaucoup plu cette
année-là, de sorte que ma récolte n'était pas aussi
bonne que prévu. L'office m'ouvre alors une marge de crédit de
300 000 $ à la caisse populaire. Selon le modèle du MAPAQ, cela
prend 360 000 $ pour produire 400 boeufs. Quand on dit qu'il a beaucoup plu
cette année-là, de sorte que ma récolte n'était pas
aussi bonne, je crois que, malgré tout cela, j'ai eu un assez bon
rendement pour ce qui est de ma récolte parce que mon silo horizontal
était plein aux trois quarts. J'étais autosuffisant pour
engraisser 400 boeufs cette année-là. J'avais acheté; cela
m'avait coûté 3000 $. Ils n'ont jamais été
payés, par exemple. Pour acheter, j'ai été vider trois
silos de maïs-grain à Notre-Dame-du-Bon-Conseil. On a
transporté cela avec mon frère qui ne m'a rien chargé. Il
m'a chargé juste le gaz. En tout cas, avec de l'huile de bras, on a
charrié cela dans mon silo. Cela avait peut-être une valeur de 15
000 $, tout du maïs-grain. Il était très bon. Il avait
chauffé dans les silos, mais il était très bon pour les
boeufs. Je l'avais fait analyser. C'était mélangé avec mon
ensilage. L'année 1982 aurait été idéale pour moi
pour finir du boeuf; c'est l'année où cela m'aurait
coûté le meilleur marché. Je voulais vous dire cela: il a
beaucoup plu, il a plu à peu près partout. Tout le monde
était pris dans le champ, je n'ai pas fait exception. L'office m'ouvre
alors une marge de crédit de 300 000 $. Le modèle du MAPAQ, c'est
360 000 $. Je ne sais pas si vous voyez venir la chose. Pour moi, c'est un
spécial, 300 000 $, j'en ai assez. Mais dans l'établissement des
parquets d'engraissement, la marge de crédit est de 360 000 $. On m'en
ouvre seulement 300 000 $; peut-être qu'on voyait venir quelque chose.
Peut-être que quelqu'un avait dit non au lieu de dire oui. Selon le
modèle du MAPAQ, cela prend 360 000 $ pour produire 400 boeufs, soit 900
$ par boeuf. Le tiers de ma marge de crédit est garanti par l'office;
les deux tiers ne sont pas garantis et je dois les assumer seul. Pour ces deux
tiers, je paie la totalité des intérêts qui vont monter
jusqu'à 22% en 1981.
À l'automne 1981, malgré le mauvais temps, mon silo est
rempli de maïs-ensilage et je pourrais être autosuffisant pour
engraisser les 400 boeufs avec le seul produit de ma terre, donc réduire
mes coûts de production et commencer à être rentable.
Les circonstances qui m'acculent à la faillite. En octobre 1981,
je reçois un chèque de 8000 $ de remboursement
d'intérêt que je dépose à la Caisse populaire
Saint-Cyrille et qui doit servir à effectuer un versement sur mon
prêt hypothécaire à l'Office du crédit agricole. En
décembre 1981, je reçois un avis de l'office m'informant que le
chèque a été volé ou perdu et que mon paiement
n'est pas fait. Mon épouse va voir mon gérant de caisse avec mon
papier de remboursement d'intérêt comme preuve que ce
chèque a bien été déposé chez lui.
Après avoir fait une photocopie, mon gérant de caisse me dit
qu'il va envoyer ce papier à Québec et que tout vas'arranger. Mon paiement n'a jamais été fait au complet et le
gérant ne me l'a jamais dit. Au sujet de ce chèque, je veux
vous expliquer que j'ai eu un chèque de 8000 $ de remboursement
d'intérêt - au mois d'octobre je crois - et, à peu
près vers le mois de décembre, j'ai reçu une lettre de
Québec - je ne sais pas de quel ministère -à savoir que ce
chèque avait été volé ou perdu. Je savais que
j'étais allé le déposer. Alors, mon épouse est
allée voir le gérant de la caisse et il lui a dit: Donne-moi
cela, je vais t'arranger cela. Alors, je suppose qu'il y
a eu quelque chose avec ces 8000 $. Je ne sais pas ce qu'ils ont fait,
mais je pensais que, ayant reçu un remboursement d'intérêt
et qu'il restait de l'argent, ils auraient pu faire mon paiement
hypothécaire. Je ne sais pas ce qui est arrivé. Il y a eu un
délai de trois mois et ce chèque n'a pas été
changé, puisque j'ai reçu une lettre de Québec à ce
sujet.
Au printemps 1982, j'étais en retard d'un paiement. C'est
à ce moment que j'ai su que mon paiement n'avait pas été
fait et je ne le savais pas parce que j'avais fait confiance à mon
gérant de banque - c'est écrit "banque" mais c'est toujours de la
caisse populaire dont il s'agit - qui m'avait assuré que mon paiement
serait fait à l'office sur la base du document que je lui avais fourni.
Je considère que mon gérant de caisse n'a pas agi correctement
dans cette affaire et qu'il a commis un abus de confiance envers moi qui m'a
grandement pénalisé.
À l'automne 1981, ce même gérant de caisse rappelle
la portion non garantie de sa marge de crédit de 300 000 $, soit 200 000
$ à la Caisse populaire de Saint-Cyrille pour qu'elle puisse ravoir son
argent immédiatement.
Une des conclusions de l'enquête de la CECO sur les faillites
frauduleuses est que, lorsque le gérant de banque refuse ou rappelle la
marge de crédit, c'est comme s'il mettait la clé dans la porte et
fermait une entreprise. Ce geste de la caisse populaire va littéralement
m'acculer à la faillite et me forcer à poser des gestes qui m'ont
pénalisé au niveau financier pour rembourser cette marge de
crédit.
Le fonctionnement d'une ferme bovine nécessite beaucoup de
liquidités pour acheter les animaux et les nourrir en attendant qu'ils
soient prêts à vendre et aussi, en attendant de les vendre au
meilleur prix. Avec le rappel de ma marge de crédit, je n'ai plus
d'argent pour finir mes boeufs. Je suis obligé de les vendre avant
qu'ils soient finis et à des prix qui me sont très
défavorables. J'ai payé les boeufs 0,90 $ la livre en 1980 et je
dois les vendre, contre mon gré, à 0,63 $ en 1981 pour payer les
intérêts de ma marge de crédit. Voyant ma situation
financière se détériorer, je fais une démarche
auprès de l'office pour former une société
époux-épouse avec ma femme dans le but de fermer ma marge de
crédit et de consolider mes dettes tout en reconnaissant le rôle
important que joue ma femme dans les activités de ma ferme.
Je reçois une réponse négative le 15 janvier 1982
de l'office parce que le déficit accumulé est à refinancer
et que le prêt demandé de 100 000 $ est insuffisant pour
consolider mes dettes. Je suis alors mis dans une situation très
difficile.
Dans cette situation, je n'ai plus la liquidité pour exploiter ma
ferme et je suis acculé à la faillite à très court
terme. Pour diminuer ma dette à court terme, représentant en 1982
70% de la valeur totale de mes dettes, je décide de vendre ma ferme au
complet. L'Office du crédit agricole refuse ma proposition et
décide qu'il faut vendre mes neuf vaches et mon quota de 100 000 livres
de lait. Quand cela a commencé à mal aller, le notaire et un gars
de la caisse populaire sont venus me voir. Ils ont dit: À matin,
qu'est-ce que tu fais? J'ai dit: Qu'est-ce que je fais? Je ne sais plus quoi
faire. Il a dit: Il faut que tu vendes tes vaches et ton quota de lait. J'ai
dit: Là vous venez de vider les boeufs. Il n'y a plus de boeufs sur la
ferme. Et j'ai dit: Là, vous voulez vendre le quota de lait et les
vaches. J'ai dit: Pour la ferme, on ne trouvera plus d'acheteur. J'ai dit: On
va essayer de vendre la ferme avec le quota de lait et les vaches. Ils ont dit:
C'est correct. Appelle un agent d'immeubles. J'ai appelé un agent
d'immeubles. Je crois qu'il ne s'est même pas déplacé. Il
n'y a pas de marché pour les fermes bovines au Québec.
Je n'ai plus de choix. On ne me finance plus. Il n'y a aucun acheteur en
1982 pour une ferme bovine. Au printemps 1982, la Caisse populaire de
Saint-Cyrille saisit ma machinerie et mes vaches laitières pour payer ma
dette sur ma marge de crédit. Mes neuf vaches laitières
représentaient un revenu stable qui m'a toujours fait vivre pendant que
je faisais du boeuf. De mai 1981 à octobre 1981, je vends mes boeufs
à des prix évidemment très défavorables pour
diminuer ma dette et j'arrête la production de boeuf en octobre 1982.
C'est plutôt en octobre 1981. J'essaie alors de me refinancer pour
repartir dans le boeuf, mais cela est impossible et je me retrouve donc sans
aucune source de revenus au début de 1983. Mon quota pour mes vaches
laitières et tous mes boeufs ont été vendus pour payer ma
marge de crédit à la caisse populaire. Il ne me reste plus rien.
La caisse populaire m'a forcé de désinvestir sur ma ferme pour
rembourser sa marge de crédit et j'ai perdu toute possibilité de
retirer un revenu de l'agriculture.
Je fais donc une faillite de 450 000 $ après avoir produit 600
têtes. Le rappel de ma marge de crédit a eu pour
conséquence que je n'ai retiré que 750 $ par boeuf alors qu'en
temps normal j'aurais pu en retirer au moins 1000 $ par tête. Il n'y a
rien de réglé dans mon cas et l'office continue de payer les
intérêts sur le montant total de ma dette à la Caisse
populaire de Saint-Cyrille qui s'élève, le 9 août 1984,
à une somme de 395 545 $.
Ma faillite est d'autant plus absurde qu'en 1982, j'étais
complètement autosuffisant pour la production des aliments, pour nourrir
400 têtes, et que ma ferme
aurait commencé à être rentable l'année
suivante. J'ai payé 132 485 $ d'intérêt sur marge de
crédit en deux ans, soit 236,59 $ d'intérêt par tête
de boeuf produit. (16 h 15)
J'ai reçu 50 000 $ de subvention de l'Office du crédit
agricole et 132 000 $ de prêt pour construire un parquet d'engraissement
de 400 têtes qui est aujourd'hui vide et abandonné. Une ferme
où les infrastructures ont coûté 192 000 $ en prêt et
subvention a été achetée au bureau du shérif par
l'office à 48 100 $ qui l'a mise en vente à 100 000 $ en octobre
1983. Aujourd'hui, l'office la vendrait 70 000 $, si un acheteur se
présentait, alors que les intérêts sur la dette de 395 000
$ courent toujours à la caisse.
Si l'on fait le calcul, les 192 000 $ d'infrastructure et les 395 545 $
en dette, cela fait une somme totale de 587 545 $ qui a été
investie sur ma ferme par l'office qui la revendrait 70 000 $, s'il trouvait un
acheteur. Quelle perte financière pour le gouvernement du Québec!
Et ceci, sans compter le bien-être social que j'ai reçu depuis que
j'ai cessé d'exploiter ma ferme qui doit s'élever maintenant
à une somme de... Ce n'est pas seulement le bien-être social, mais
depuis ce temps, je me trouve toujours devant les tribunaux. J'ai un dossier
à Drummondville à peu près épais comme cela. C'est
l'aide juridique qui paie toujours. En fin de compte, le gouvernement prend
l'argent des deux côtés. Quel gâchis, MM. les
députés, alors que j'étais en mesure de rentabiliser ma
ferme en 1982 si le gérant de la Caisse populaire de
Saint-Cyrille-de-Wendower n'avait pas rappelé ma marge de crédit,
parce que j'étais devenu autosuffisant dans la production des aliments
pour nourrir 400 boeufs. N'y a-t-il pas quelque chose d'anormal et
d'absurde?
C'est pour attirer l'attention du public sur cette anomalie dans le
fonctionnement actuel de l'agriculture que je fais la grève de la faim
après avoir été expulsé de mon domicile d'une
façon très brutale et grossière le 2 août 1982.
Une voix: En 1984.
M. Talbot: Pardon, 1984. J'ai protesté, parce que je crois
qu'au Québec, on n'est pas prêt à vivre ce qu'on a voulu me
faire vivre chez moi. Je crois que ce n'est pas encore un État comme
cela au Québec. J'ai vu des familles souffrir. Je n'avais pas d'enfants
trop jeunes. J'ai dit: Je crois que je vais faire la bataille. Espérons
que c'est la première expulsion et que ce sera la dernière au
Québec. Il est anormal qu'on détruise une ferme
complètement en moins de deux ans, alors que ma ferme fonctionnerait
toujours aujourd'hui si cela n'avait dépendu que de moi.
Il est injuste de faire porter aux agriculteurs le poids des erreurs de
planification, du manque d'encadrement technique et des incohérences
d'une politique de crédit agricole qui encourage les banques et les
caisses à mettre les agriculteurs devant des situations
financières intenables. Ce qui est arrivé, on a garanti 100 000 $
à ma marge de crédit et, aujourd'hui, on garantit 500 000 $. On
s'est aperçu que 100 000 $, cela n'était pas assez. On a
monté à 500 000 $. Peut-être qu'on montera plus haut. C'est
pour la ferme familiale.
Le crédit agricole est devenu un crédit à court
terme exigible en tout temps par les banques ou les caisses qui ont
intérêt à se faire rembourser le plus tôt possible.
Les institutions financières ne connaissent pas et, par
conséquent, ne respectent pas le cycle de la production agricole. Il y a
une politique de crédit à court terme qui a été
mise en place par les programmes du MAPAQ préparés en 1978-1979
de même que par l'introduction de prêts tandem et de marge de
crédit par l'Office du crédit agricole. Dans mon cas, les
irrégularités commises par mon gérant de caisse populaire
m'ont directement acculé à la faillite. Ce n'est pas normal et ce
n'est pas acceptable. Je réclame donc un gel immédiat de toute
saisie de ferme dans le cas d'agriculteurs en difficulté en attendant
qu'une étude approfondie évalue les programmes du MAPAQ et la
politique de l'allocation de crédit agricole par l'Office du
crédit agricole.
On demande un genre de moratoire, parce qu'avec l'expérience que
j'ai vécue, M. Camille Moreau l'a dit lui-même, je crois
être rendu à environ 620 000 $ injectés chez moi par le
gouvernement. Je crois que c'est important qu'on arrête cela si on veut
réellement épargner les deniers publics. Lorsqu'un agriculteur
sera en difficulté, qu'on essaie d'aller voir ce que c'est. Peut-on
dépenser 600 000 $ ou investir 100 000 $ et garder le gars sur sa ferme.
Dans mon cas, cela n'aurait jamais coûté 600 000 $ pour m'aider
à continuer. Il s'agit seulement d'une aide technique dont j'avais
besoin et qu'on n'avait pas dans ce temps. La saisie d'une ferme, comme d'un
agriculteur, est très coûteuse pour la société
québécoise, comme on peut le voir par mon cas. Elle enlève
aux agriculteurs toutes sources de revenus et en fait des assistés
sociaux alors qu'ils auraient pu continuer de produire pour assurer leur propre
subsistance.
Je dois ajouter une dernière chose: mon épouse a fait un
avis d'adresse le 21 avril 1983 et une déclaration de résidence
familiale le même jour à Drummondville, alors que j'étais
copropriétaire de ma ferme. Le 3 mai 1983, lors de la vente de ma ferme
par un shérif, je présente ce document au huissier qui,
après avoir consulté M.
Viateur Daoust, décide de ne pas en tenir compte et de
procéder à la saisie. Pourquoi a-t-on écarté du
revers de la main ce document qui protégeait ma résidence
familiale, comme l'atteste la lettre du 27 septembre 1984 que mon épouse
a envoyée au ministre de la Justice?
Le Président (M. Vallières): Merci. Oui.
M. Talbot: J'en ai un autre que j'aurais pu déposer, c'est
l'assurance-stabilisation, un contrat douteux, Jean-Pierre Bélisle. Un
article de M. Gaétan Bélanger, agronome de la
Fédération des producteurs de bovins du Québec dit:
"D'autre part, les parcs d'engraissement ne me semblent pas beaucoup plus
profitables. Les deux portes de sortie qu'ont entrevues
précédemment..." En tout cas, vous lirez le dernier texte dans le
bas et vous verrez que lui-même ne croit pas à la production du
boeuf.
Le Président (M. Vallières): Si les membres sont
d'accord, on pourrait accepter le dépôt du document.
Dépôt du document. Nous pourrions procéder maintenant
à la période de questions de la part des membres de la commission
en commençant par le premier cas qui nous a été
relaté.
M. Picotte: M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Je constate que nous avons environ 95 minutes...
Le Président (M. Vallières): 1 heure 35. Ce qui
fait que nous disposerions d'environ 30 minutes par dossier.
M. Picotte: C'est cela. Ou sur un plan global d'environ 40
minutes pour chaque formation. Merci.
Le Président (M. Vallières): De 45 minutes chacun
environ.
M. le député d'Arthabaska va commencer avec le dossier de
M. Robidas.
M. Yvon Robidas (suite)
M. Baril (Arthabaska): Vous allez me permettre de retrouver mes
papiers. C'est quand même assez difficile de se retrouver après
avoir écouté les trois.
En 1979, vous avez décidé de vendre votre quota de lait
pour vous en aller dans la production de vaches-veaux. Quel était votre
quota de lait lors de la vente?
M. Robidas: Je ne me rappelle plus quel était mon quota de
lait, mais c'était un quota pour environ 15 à 18 vaches, 12
à 15 vaches.
M. Baril (Arthabaska): C'est assez important de connaître
la quantité de lait produit parce que ce n'est pas le nombre de vaches
dans l'étable qui fait les revenus. Si on regarde...
M. Robidas: Environ 110 000 livres plus ou moins.
M. Baril (Arthabaska): 110 000 livres, est-ce bien cela?
M. Robidas: C'est cela.
M. Baril (Arthabaska): Dans votre mémoire, vous faites
mention - je ne sais pas à quel page - que la caisse populaire n'a pas
voulu prendre des mesures contre vous parce qu'elle craint des
représailles de l'emprunteur. Pouvez-vous spécifier ce que cela
veut dire? De quoi la caisse a peur?
M. Robidas: Pouvez-vous répéter?
M. Baril (Arthabaska): Dans votre mémoire, vous dites que
la caisse populaire ne veut pas prendre - je ne veux pas dire des poursuites,
je n'ai pas le terme exact -des saisies parce qu'elle craint des
représailles de l'emprunteur. C'est cité dans votre
mémoire. Voulez-vous expliciter davantage? C'est quoi, quelle sorte de
représailles la caisse peut-elle craindre?
M. Robidas: À quelle page êtes-vous?
M. Baril (Arthabaska): Si vous me laissez une minute. Je vais la
trouver. Non, non, je vous en prie. Comme je l'ai dit tout à l'heure,
j'aurais préféré, à chaque mémoire, prendre
le temps qu'il faut et interroger les gens, parce que là, on a trois
dossiers mêlés ensemble.
M. Picotte: M. le Président, ce à quoi fait
allusion le député, ce n'est pas soumis dans le mémoire.
Cela n'a pas été évoqué dans le mémoire.
Cela doit être dans un autre...
M. Baril (Arthabaska): Ahl C'était peut-être en
dehors du texte. Vous avez également fait mention du fait que vous avez
voulu obtenir des contrats pour la production de porc, c'est-à-dire la
production de porc à contrat et on vous l'a refusé.
M. Robidas: Ce n'est pas dans mon dossier, le porc. Je n'ai
jamais été dans le porc, pas du tout.
M. Baril (Arthabaska): Non, non, mais... Une voix: II se
mélange dans les notes
de Moreau.
M. Baril (Arthabaska): Non, c'est Robidas. Vous avez dit que vous
avez voulu produire du porc quand vous avez...
M. Robidas: Ce n'est pas moi qui ai dit cela.
M. Baril (Arthabaska): Bon! Excusez-moi. Donc, je me trompe de
dossier.
M. Robidas: Je n'ai jamais voulu être dans le porc et je
n'en ai jamais fait mention. Moi, c'est du veau de grain.
Le Président (M. Vallières): Oui, M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président. J'aimerais demander
à M. Robidas... Il nous a parlé à un moment donné
de la vente... Le 4 septembre 1983, sa ferme a été mise en vente
par un shérif. Pardon?
M. Robidas: En 1984.
M. Picotte: En 1984. De quelle façon cette vente
s'est-elle produite, dans votre cas plus particulièrement?
M. Robidas: De quelle façon cela s'est-il
passé?
M. Picotte: Pourriez-vous vous approcher un peu du micro pour
qu'on puisse saisir comme il faut?
M. Robidas: J'avais une marge de crédit de 40 000 $ que je
ne pouvais plus rembourser parce qu'on m'a fait vendre les animaux. Je devais
à la Coopérative agricole de Saint-Félix 6000 $ de
moulée. Ils ont voulu se faire payer en saisissant ma machinerie
agricole. Je suis allé voir un avocat qui a fait une opposition contre
cela. Ils ne pouvaient pas avoir ma machinerie et là, ils ont saisi
l'immeuble au complet en faisant cela par shérif. Je suis allé
voir les gens de l'Office du crédit agricole et je leur ai
demandé s'ils avaient le droit de faire cela parce que l'Office du
crédit agricole était le premier créancier en garantie sur
ma ferme. Ils m'ont dit qu'ils enverraient cela à leurs avocats de
Québec et qu'ils me donneraient une réponse. Je n'ai jamais eu de
réponse. Ils ont vendu ma ferme le 4 septembre par shérif.
M. Picotte: M. le Président, dans le texte de M. Robidas,
à la page 2, il mentionne qu'en 1977 il cesse de travailler chez
Bombardier. On a vu à ce moment-là que la production à
laquelle il s'adonnait, à mon avis, selon ce que j'ai pu voir,
n'était pas suffisante pour qu'un agriculteur puisse vivre avec des
revenus assez rentables de ce côté-là.
M. Robidas: Juste ma ferme...
M. Picotte: Quand vous avez décidé de laisser votre
travail chez Bombardier pour vous adonner à l'agriculture, avez-vous eu
des conseils du MAPAQ? Avez-vous eu des discussions avec des
spécialistes afin de savoir si effectivement vous deviez faire cela ou
si vous n'auriez pas été mieux encore de grossir plus
tranquillement pour en arriver à un moment donné un peu plus tard
à travailler uniquement, mais du côté de l'agriculture? (16
h 30)
M. Robidas: J'ai déjà essayé de grossir sur
ma ferme en achetant le voisin à 5000 $, en faisant un emprunt de 20 000
$ qu'ils m'ont refusé totalement. C'est pour cette raison que je suis
allé travailler chez Bombardier pour aller me chercher de l'avoir. C'est
là que j'ai renouvelé un peu ma machinerie. J'ai laissé
Bombardier parce que c'était très loin pour voyager matin et
soir. Ma ferme était quasiment clair. Je me suis dit: L'Office du
crédit agricole va pouvoir m'accorder un prêt sur ma ferme pour me
repartir seulement en agriculture.
M. Picotte: Le programme qu'on a établi avec vous pour
modifier votre exploitation de l'élevage en agriculture, est-ce que cela
se faisait selon vos vues? C'est-à-dire, est-ce que vous avez eu des
objections sur la façon dont cela s'est passé ou si vous avez
dit: J'embarque là-dedans? Ce projet-là me va. Le programme
soumis par le MAPAQ ne me cause pas de problème. J'embarque. J'y vais.
Ou est-ce que vous avez eu des réticences?
M. Robidas: Oui, quand on m'a proposé de faire du veau de
grain, moi, je voulais seulement agrandir ma ferme pour l'élevage de la
vache et du veau, en agrandissant ma grange pour pouvoir garder et vendre les
veaux quand c'était le temps de les vendre.
M. Picotte: Autrement dit, vous vouliez garder votre quota de
lait et continuer à produire du lait?
M. Robidas: Non, je n'avais plus mon quota de lait à cette
époque.
M. Picotte: Vous ne l'aviez plus. Mais vous vouliez uniquement
vous lancer dans l'élevage du vache-veau.
M. Robidas: Oui, c'est cela.
M. Picotte: Vous trouviez une possibilité de
rentabilité là-dedans.
M. Robidas: Pour moi, oui. Parce qu'avec un prêt de 15 000
$ à 2,5%, les paiements ne sont pas tellement élevés.
M. Picotte: Quand vous avez vendu votre quota de lait...
M. Robidas: Oui.
M. Picotte: Quelle en est la raison exacte? Est-ce une influence
que vous avez eue des personnes extérieures ou si...
M. Robidas: Non.
M. Picotte: ...vous avez vendu cela de plein gré? Vous
vous êtes dit: Moi, je m'oriente vers autre chose.
M. Robidas: C'est parce que travailler en dehors et tirer les
vaches matin et soir, cela me faisait beaucoup trop d'ouvrage. Je brûlais
la chandelle par les deux bouts.
M. Picotte: Cela a été une décision
personnelle.
M. Robidas: Oui.
M. Picotte: Vous dites à la page 3: "L'agronome, qui vient
me voir deux fois par mois, me suggère de remplir ma grange au printemps
1980. J'obtiens alors une marge de crédit de 30 000 $ pour remplir ma
grange au printemps". C'est quelque chose que vous avez consenti facilement, je
pense. Vous aviez décidé de vous embarquer là-dedans et
d'y aller.
M. Robidas: Consenti facilement... Je ne peux pas dire
facilement. Je ne sais pas de quelle façon je pourrais vous dire cela
mais...
Une voix: Est-ce qu'il y avait un guide
d'établissement?
M. Robidas: Oui, il y en avait toujours un, mais je n'avais pas
tellement le choix. Si je voulais qu'ils me prêtent, il fallait que je le
fasse selon leurs normes à eux. Il ne fallait pas que je le fasse selon
mes propres normes.
M. Picotte: Une dernière question. En tout cas, vous me
répondrez si cela vous tente. À la page 5, vous dites: "Peut-on
supposer qu'il y ait eu collusion entre l'office, par son bureau
régional, le gérant de la caisse et la coopérative pour
faire vendre ma ferme". C'est tout simplement une supposition parmi tant
d'autres que vous pouvez faire à cause de la situation qui vous est
arrivée ou bien si vous avez des doutes sérieux sur le fait qu'il
a pu y avoir collusion.
M. Robidas: Moi, je considère que la coopérative
n'avait aucun intérêt de faire vendre ma ferme. Mes paiements
étaient versés à la date, à l'Office du
crédit agricole. Je ne vois pas l'intérêt de la
coopérative de faire vendre ma ferme.
M. Picotte: Pour un montant de... M. Robidas: ...de 6000
$. M. Picotte: ...de 6000 $.
M. Robidas: Quel intérêt pouvaient-ils avoir? Ils ne
se sont même pas présentés à la vente de ma ferme
par shérif. Ils font vendre ma ferme et ils ne se présentent
même pas à la vente. Je me demande encore pour quel
intérêt ils ont fait vendre ma ferme par shérif.
M. Boucher (Jean-Claude): Est-ce que je pourrais ajouter un
commentaire sur la question des ventes par shérif? D'abord, je dois dire
qu'il est légal de saisir l'immeuble même s'il y a
déjà un créancier de premier ordre. Sauf que cette chose
est faite seulement quand l'hypothèque du créancier de premier
ordre est de beaucoup inférieure à la valeur de la terre ou
à la valeur de l'immeuble. À ce moment-là, le
créancier de second ordre - dans son cas, la coopérative -fait
vendre la terre par shérif, la rachète au prix de
l'hypothèque du créancier privilégié et la remet en
vente en essayant de faire un profit entre les deux pour rembourser leur
prêt. Est-ce que vous me suivez?
Le Président (M. Vallières): M. Boucher, je
voudrais vous interrompre à ce moment-ci sans vouloir brimer votre droit
de parole. On a convenu d'entendre les trois producteurs qui sont
là.
M. Boucher (Jean-Claude): D'accord.
Le Président (M. Vallières): À moins que les
membres de la commission m'indiquent qu'ils consentent à ce que vous
interveniez en leur nom, je devrais vous demander de demander à MM.
Robidas, Talbot et Brousseau de répondre eux-mêmes aux
questions.
M. Dupré: On va poser nos questions et, par la suite, s'il
reste du temps à la fin on verra.
Le Président (M. Vallières): Cela va? Merci.
M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Quand M. Robidas dit: J'ai travaillé sur
la ferme avec mon père et j'ai acheté en 1970... Est-ce que je
peux savoir le prix de la ferme à ce moment-là et par
qui a-t-elle été financée?
M. Robidas: J'ai repris le prêt que mon père avait
sur la ferme à l'Office du crédit agricole.
M. Dupré: La dette s'élevait à quel montant
à ce moment-là?
M. Robidas: Je ne peux pas me rappeler par coeur, mais elle
devait être entre 1500 $ à 2000 $.
M. Dupré: Pour le reste, est-ce que c'était un
héritage ou si vous avez eu à le payer par la suite?
M. Robidas: C'est un héritage que j'ai eu de mon
père.
M. Dupré: Je voudrais savoir ce qui a motivé votre
choix dans la production de veaux.
M. Robidas: C'était la seule façon que l'Office du
crédit agricole voulait me prêter sur ma ferme. Il disait que ma
ferme n'était pas assez grande pour partir de l'industrie
laitière. Il n'y avait plus de ferme à vendre autour de la
mienne. Quand j'ai fait ma première demande, il voulait que
j'achète la terre au bout de la mienne qui était en branches. Il
fallait que je commence à défricher tandis que celle du voisin
était toute en culture.
M. Dupré: Vous dites: J'ai travaillé chez
Bombardier pour économiser de quoi m'acheter de la machinerie neuve sans
m'endetter. Quand vous avez cessé de travailler en 1977 la terre sur
laquelle vous demeuriez, votre ferme ne rapportait pas assez pour vivre. Vous
dites que même en vous en occupant à temps plein vous aviez un
revenu brut de 8000 $ à 10 000 $ par année. Est-ce que je
pourrais savoir combien vous gagniez à ce moment-là en 1977 chez
Bombardier?
M. Robidas: Je ne peux pas me rappeler.
M. Dupré: Vous n'avez pas une idée de grandeur? Je
trouve que c'est tout de même important. En vous en allant sur votre
ferme vous saviez d'ores et déjà que vous n'auriez que 8000 $
à 10 000 $ par année pour arriver en travaillant dix heures par
jour. C'est sûr que vos revenus étaient faibles, mais il serait
peut-être important de savoir quel montant vous alliez chercher.
M. Robidas: Je calcule que je devais gagner à
l'époque autour de 5 $ l'heure.
M. Dupré: Un autre 10 000 $ brut à peu près.
Une chose m'a tout de même surpris. Vous aviez travaillé sur les
fermes tout de même pendant quelques années. Quand vous donnez
l'attribution des maladies vous dites que le stress des veaux de deux ou trois
jours qui sont traités avec cruauté dans les encans... On sait ce
qui se passe... Il me semble que même les gens de la ville... Je me
rappelle avoir écrit un article en 1971 justement sur les encans.
Même en étant un citadin, j'étais au courant de ces
choses-là même dans ce temps-là. Peut-être parce
qu'il y avait les encans de la ferme à Saint-Hyacinthe où
j'allais une fois de temps en temps, mais je m'interroge un peu à savoir
si quelqu'un qui s'en va dans le veau et qui a déjà vécu
sur une terre, qui a déjà regardé ça de plus
près, assez pour se lancer dans la production, c'est évident que
quand on achète des veaux d'encan qui ont trois ou quatre jours et des
fois moins, qui sont trimballés des fois à des
températures, comme M. Talbot l'a mentionné tantôt, qui
varient considérablement et encore plus en hiver, quelle était
votre expérience là-dedans et comment avez-vous pu vous lancer
dans une aventure semblable? Je pense que ce sont des prémisses qu'une
personne qui décide de s'en aller dans le veau, doit savoir. J'aimerais
vous entendre un peu là-dessus.
M. Robidas: ...du veau de grain était fait comme
ça. Prime Pichette, l'agronome, nous a dit qu'il sortirait un programme
assez vite que les producteurs de veaux de grain iraient chercher leurs veaux
chez les producteurs de lait. Il était pour arranger un programme -
c'est ce qu'il nous disait - pour que le veau n'ait pas de stress en allant le
chercher chez le producteur au lieu d'aller le chercher à l'encan. Quand
tu veux aller chez un producteur chercher tes veaux, il a toujours peur que tu
donnes en bas du prix. Eux autres étaient censés
téléphoner à un bureau pour dire le prix du veau et nous
rappeler pour nous dire d'aller chercher les veaux chez tel producteur parce
qu'il avait deux ou trois veaux à vendre, ou chez un autre parce qu'il
avait deux ou trois veaux à vendre. La façon dont ils m'ont dit
cela, on était censé aller chercher les veaux chez les
producteurs. Mais, pour commencer, ils nous disaient d'aller aux encans.
L'autre programme était censé sortir bientôt; c'est ce que
l'agronome m'a dit.
M. Dupré: Votre agronome de district?
M. Robidas: Oui, de Drummondville. C'était Prime Pichette,
si je ne me trompe pas, qui était là.
M. Dupré: Je reviendrai tantôt, M. le
Président.
Le Président (M. Vallières): J'ai une
demande d'intervention du député de Saguenay, suivi du
député d'Arthabaska et du député de Berthier.
M. Maltais: M. le Président, brièvement. M.
Robidas, lorsque vous vous êtes lancé dans la production de veaux
de grain à la suite d'une recommandation -c'était la seule
façon pour vous, comme vous l'expliquez dans votre mémoire,
d'avoir l'intervention du MAPAQ - est-ce qu'à ce moment-là, les
fonctionnaires du MAPAQ vous ont dit qu'il y avait des débouchés
pour ces veaux de grain?
M. Robidas: Ils m'ont dit qu'en mettant les veaux en production,
avant d'avoir bâti les granges, avant d'avoir produit le veau, le
marché serait établi. Ils étaient pour l'établir
pendant qu'on bâtirait les granges avant de produire le veau.
M. Maltais: Somme toute, vous me dites qu'ils vous ont fait
investir, vous et le ministère, X milliers de dollars - je ne me
souviens pas du montant - sans savoir si, oui ou non, cette production serait
rentable au sortir de votre étable.
Une voix: Ils ne le savent pas encore.
M. Robidas: Ça, c'est le plan gouvernemental. Ils ne le
savent pas encore. Je ne le sais pas.
M. Maltais: C'est quand même important. Lorsqu'on fait un
investissement pareil, on doit s'assurer, on doit avoir au moins, je ne sais
pas, 50% de chances de réussite. À partir du moment où
vous n'en avez aucune, comment des conseillers du MAPAQ peuvent-ils insister
auprès d'un agriculteur et lui dire: Va-t'en dans ce
marché-là, et tu t'en vas aveuglément? On te bande les
yeux et tu te lâches dans l'allée. Finalement, c'est ce que vous
avez fait.
M. Robidas: C'étaient les normes gouvernementales. Si on
ne peut pas se fier au gouvernement en agriculture, à qui peut-on se
fier?
M. Maltais: Finalement, vous avez été très
mal conseillé, d'après vous.
M. Robidas: D'après moi, très mal conseillé.
Ma ferme, esprit, je n'avais plus grand-chose dessus. Je ne vois pas pourquoi
ils m'auraient envoyé au pied du mur de même.
M. Maltais: Somme toute, si on vous avait prêté
moins d'argent, comme vous l'aviez demandé, pour agrandir en ce qui
concerne votre production de veau de lait, vous seriez presque assuré
aujourd'hui d'être encore sur votre ferme.
M. Robidas: Oui, monsieur.
M. Maltais: D'après vos estimations, d'après votre
expérience d'agriculteur.
M. Robidas: Oui, monsieur.
M. Maltais: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Vous dites que vous achetiez vos veaux
dans les encans spécialisés. Est-ce que c'était dans des
encans spécialisés pour le boeuf ou si c'était dans des
encans qu'on connaît, les marchés publics?
M. Robidas: C'était des encans de marchés publics.
Ce n'était pas spécialisé. Cela a été
écrit...
M. Baril (Arthabaska): Est-ce que c'était en partie des
veaux de type de boucherie ou si c'était des veaux de type laitier?
M. Robidas: Eux autres nous conseillaient d'acheter nos veaux par
ici, des jeunes veaux, autant que possible d'acheter les jarrets faibles, mais
on était à peu près une centaine de producteurs de veaux
de grain qui produisaient et qui couraient tous après les petits jarrets
faibles. Ils nous conseillaient d'aller dans le Holstein; cela engraissait
aussi bien.
M. Baril (Arthabaska): Plusieurs connaissent la qualité de
certaines bêtes qui sont vendues dans ces encans ou sur les
marchés publics. Souvent, d'autres éleveurs les vendent à
deux ou trois jours parce qu'ils ne sont pas intéressés de les
engraisser. Est-ce que vous avez envisagé la possibilité ou
est-ce que vous vous êtes vous-même rendu chez les producteurs
laitiers pour acheter directement du producteur?
M. Robidas: Oui, monsieur. J'en ai acheté plusieurs et je
peux vous nommer les noms. Les gars peuvent venir vous confirmer que j'ai
acheté mes veaux chez eux.
M. Baril (Arthabaska): D'accord.
M. Robidas: Autrement dit, ceux qui pouvaient me faire confiance,
je payais à peu près le prix des encans. Ceux qui ne me faisaient
pas confiance, je ne pouvais pas les acheter.
M. Baril (Arthabaska): Est-ce que la
réussite était meilleure pour des veaux achetés
chez un particulier que pour des veaux achetés dans un marché
public?
M. Robidas: Oui, mais il ne fallait pas que je les mette avec
ceux que j'achetais dans les encans. Il fallait qu'ils soient
séparés.
M. Baril (Arthabaska): Lorsque ces veaux étaient
prêts pour le marché, vous les vendiez à des abattoirs ou
quoi. Aviez-vous un marché... (16 h 45)
M. Robidas: On les vendait dans les encans comme à
Saint-Hyacinthe, dans des encans spécialisés. J'appelle cela un
encan spécialisé, l'encan de Saint-Hyacinthe. Je montais cela par
camion.
M. Baril (Arthabaska): J'aimerais revenir sur une question que
j'ai posée au début: L'Office du crédit agricole nous a
fourni un résumé de chacun de vos dossiers. C'est dans les notes
fournies par l'office que je retrouvais tout à l'heure ce dont j'avais
fait mention. J'aimerais faire une mise en garde sur les conséquences
des gestes ou des actions qui ont peut-être été
posés. Je ne porte pas de jugement; je me fie aux notes qu'on nous a
fournies. C'est ce que je veux vérifier avec vous: Est-ce que ces notes
sont justes, ou fausses, ou à moitié vraies? Je vais lire la note
textuellement: "Ainsi, l'Office du crédit agricole n'a pas à
prendre des procédures contre lui", en parlant de vous, parce que vous
aviez effectué les versements sur le prêt tandem, mais sur les
autres prêts, c'était à découvert. Donc, l'office
n'avait pas à prendre des procédures contre vous. "Mais la Caisse
populaire de Kinsey Falls, de son côté, hésite à
prendre des procédures car elle craint des représailles de
l'emprunteur". Dans une note datée du 20 mars 1984: "La Caisse populaire
de Kinsey Falls entreprendra des procédures judiciaires dans les
prochaines semaines pour réaliser les garanties de la Loi sur les
prêts agricoles. Et si M. Robidas agit de façon à intimider
le personnel de la Caisse populaire de Kinsey Falls, la caisse cessera toute
procédure pour récupérer le prêt tandem." C'est ici
que je veux parler de la gravité des gestes - qu'ils soient vrais ou non
- sur l'ensemble de la classe agricole. Remarquez bien que je ne suis pas ici
pour défendre les banques ni les caisses, mais si ces mêmes
institutions financières en arrivent à ne plus être
capables de récupérer leurs garanties, elles ne prêteront
plus aux agriculteurs. Ce sont des conséquences assez graves. C'est pour
cela que je vous demande si les informations qui nous ont été
fournies... Je veux bien me fier à l'Office du crédit agricole,
mais je suis prêt à en prendre et en laisser. Je veux savoir si
c'est vrai ou à peu près. Je vous laisse libre de répondre
ou non.
M. Robidas: Je ne comprends pas de quelle procédure vous
parlez. Je ne peux pas comprendre. La caisse ne pouvait pas prendre de
garanties contre moi, parce qu'elle était "backée" à 100%
par l'Office du crédit agricole. La caisse ne pouvait rien perdre. Pour
le reste, je ne peux pas voir; je n'ai pas eu ce document.
M. Baril (Arthabaska): Sur les prêts d'amélioration
de fermes, c'est l'institution prêteuse, l'institution privée qui,
elle, assume ou essaie, en tout cas, de récupérer son
crédit.
M. Robidas: La caisse a essayé de récupérer
son crédit: elle m'a demandé des animaux; j'ai tout vendu mes
animaux et je lui ai remis l'argent. Ils l'ont eu.
Le Président (M. Vallières): J'ai une demande
d'intervention du député de Maskinongé. Je vous rappelle
qu'il nous reste - pour respecter la demi-heure approximative par dossier qu'on
s'était fixée - environ cinq minutes pour le dossier de M.
Robidas.
M. Picotte: M. le Président, je cède mon droit de
parole au député de Berthier pour les quatre minutes qui
restent.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Berthier. Non?
Une voix: On va finir...
M. Houde: D'accord. Ne nous mélangeons pas. Je pensais que
c'étaient les trois...
Le Président (M. Vallières): Est-ce qu'il y a
d'autres demandes d'intervention sur le dossier de M. Robidas?
Une voix: Non, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Huntingdon.
M. Dubois: M. le Président, j'ai une courte question pour
M. Robidas. Vous indiquez à la page 5 de votre texte que votre ferme
valait 65 000 $ en 1983. Est-ce que c'est vrai qu'elle fut vendue pour 26 000 $
dernièrement?
M. Robidas: Je n'ai pas bien compris. Pouvez-vous
répéter?
M. Dubois: Est-ce que la ferme est vendue actuellement? Est-ce
qu'il est vrai que la ferme se serait vendue 26 000 $ dernièrement?
M. Robidas: C'est la caisse qui a l'a rachetée pour une
valeur d'environ 26 000 $.
M. Dubois: C'est cela, 26 000 $?
M. Robidas: Oui, c'est la caisse qui a racheté.
M. Dubois: Et vous indiquez que votre ferme valait 65 000 $?
M. Robidas: C'est l'Office du crédit agricole qui l'avait
évaluée quand il m'a prêté. Avec la machinerie et
tout elle valait 65 000 $, mais ils n'ont pas pris la machinerie en
garantie.
M. Dubois: Vous indiquez que la ferme était
évaluée à 65 000 $, est-ce que cela incluait les
équipements ou si c'était strictement la ferme?
M. Robidas: Là, je ne pourrais pas vous dire.
M. Dubois: C'est parce qu'il y a un écart quand même
assez large entre 65 000 $ et 26 000 $. Cela a été vendu par
shérif à 26 000 $. Vous prétendez qu'elle valait 65 000 $.
C'est quand même tout un écart. Vous indiquez que ce prix valait
pour 1983. L'écart du prix des fermes peut difficilement être
aussi grand de 1983 à 1984. C'est-à-dire tomber de 65 000 $
à 26 000 $. C'est ça qui est un peu difficile à
comprendre.
M. Robidas: D'ailleurs vous n'allez pas trouver cela dans les
papiers de l'office à quel prix il a évalué ma ferme
à part la machinerie, parce qu'il n'avait pas la machinerie en
garantie.
M. Dubois: Est-ce que la machinerie a été vendue en
encan aussi?
M. Robidas: Non, je n'ai pas eu d'encan. J'ai tout simplement
vendu mes animaux de bonne foi.
M. Dubois: Oui. Je vous remercie.
Le Président (M. Vallières): Très bien. Le
député de Saint-Hyacinthe m'avise qu'il aurait une courte
question à l'endroit de M. Robidas. On va d'abord
récupérer un document à l'intérieur des dossiers.
On va le garder en réserve. Nous pourrions quand même
immédiatement commencer l'étude du dossier de M. Brousseau,
quitte à revenir par la suite à la question du
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Bien, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
On passe aux questions sur le dossier de M. Brousseau. M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Merci. J'ai écouté avec beaucoup
d'attention le dossier de M. Brousseau. Vous faites référence,
à l'intérieur de votre dossier, à quelques reprises
à M. Viateur Daoust. Qui est M. Daoust?
M. Clément Brousseau (suite)
M. Brousseau: C'est le premier de la région 4. C'est lui
qui est le chef de la région 4.
M. Picotte: De l'Office du crédit agricole ou du
MAPAQ?
M. Brousseau: De l'Office du crédit agricole.
M. Picotte: De l'Office du crédit agricole. Vous nous avez
expliqué de quelle façon c'était fait. En tout cas, moi,
si je prends la page 3 de votre document, vous dites: Le 16 avril, le directeur
régional de l'office pour la région de Sherbrooke, M. Daoust,
vient me voir à mon domicile et m'informe que je ne peux vendre mes
porcs et que je dois faire encan de ma machinerie, de mes vaches, de mon quota
et tout cela. Vous parlez d'une situation qui se produit... En tout cas, tard
le soir, de bonne heure, le matin, dépendamment de quel
côté on se place. On parle de 1 h 30 le matin.
M. Brousseau: C'est à peu près cela parce qu'on
dépassait minuit. Quand ils sont partis, il était tout
près de 2 heures du matin.
M. Picotte: Mais, M. Daoust était chez vous depuis quelle
heure?
M. Brousseau: II est arrivé chez nous, mettons, vers les
21 heures. 20 h 30, 21 heures. La première fois qu'il est venu, il est
venu avec le gérant de la caisse. Parce que moi, le gérant de la
caisse, j'avais une grande confiance en lui. C'est lui qui menait mes affaires
vu que je n'ai pas d'instruction.
M. Picotte: II est arrivé chez vous à 21 heures le
soir pour vous dire qu'il fallait faire encan.
M. Brousseau: À peu près. Je ne peux pas vous dire
exactement.
M. Picotte: Vous avez fait allusion à la
possibilité que vous aviez... Quand vous avez décidé de
faire encan, quand vous avez pris votre décision, vous aviez,
évidemment, la possibilité de choisir trois encanteurs.
M. Brousseau: II y en avait un qui
m'avait offert 160 000 $ acheté d'un bloc. Il me laissait ma
ferme, il me laissait mon gros tracteur et un souffleur à neige et la
maison et un demi-hectare.
M. Picotte: D'où vient cet engagement? M. Brousseau:
Réal Benoist. M. Picotte: Il vous offrait 160 000 $. M.
Brousseau: Oui.
M. Picotte: II vous laissait, là, une partie de
l'équipement...
M. Brousseau: Vous pouvez toujours appeler cela une partie. Il me
laissait mon souffleur, un 21-30, John Deere, un souffleur BT, ma maison et un
demi-hectare. Parce que moi, je voulais avoir cela par rapport que je voulais
essayer de vivre par moi-même au lieu d'aller sur le BS pour ouvrir des
cours dans le village l'hiver. Tu sais, pour essayer de me réchapper,
sans quêter les autres.
M. Picotte: Pourquoi n'avez-vous pas pris cet encanteur qui vous
offrait 160...
M. Brousseau: II n'a pas voulu. Il m'a refusé.
M. Picotte: Qui n'a pas voulu? M. Brousseau: Viateur
Daoust.
M. Picotte: Le représentant de l'Office du crédit
agricole n'a pas voulu que vous preniez monsieur...
M. Brousseau: Comme je lui expliquais, je payais toutes mes
dettes. Le gouvernement n'aurait pas perdu cinq cents avec moi et il m'en
serait resté un peu, pas beaucoup. Mais ce n'est pas lui qui est le
pire. C'est quand il a refusé Lucien Houle de Saint-Albert. Lucien Houle
m'avait offert 175 000 $.
M. Picotte: Vous aviez un autre encanteur qui vous offrait...
M. Brousseau: J'en ai passé trois et on me les a
refusés tous les trois. L'avocate de l'office me saisissait le lendemain
matin si je prenais l'un d'entre eux.
M. Picotte: Si vous choisissiez l'encanteur.
M. Brousseau: M. Jules Côté, cela allait.
M. Picotte: C'est le représentant de l'Office du
crédit agricole qui vous a fait refuser trois encanteurs. Dans un cas,
il y avait une possibilité de 175 000 $ et de 160 000 $ dans un autre
pour vous imposer un dénommé Julien Côté? On vous a
imposé cela.
M. Brousseau: Oui.
M. Picotte: Vous a-t-on donné des raisons pour vous
imposer cela?
M. Brousseau: Oui. Dans le cas de Réal Benoist, il m'a
expliqué qu'il ne faisait pas cela seul, qu'il faisait cela avec un
immigrant qui promettait des choses, qui ne se rendait pas à l'encan,
qui ne faisait plus rien et ne s'en occupait pas. Dans l'autre cas, promettre
un si gros prix pour ma ferme, ce n'était pas réalisable,
c'était des paroles en l'air. Cela ne l'intéressait pas. Il
devait une certitude ou une cervitude. Avec les mots, il pouvait m'organiser
comme vous le voulez. Je ne me suis pas usé les culottes sur les bancs
d'école.
M. Picotte: Lorsque vous avez décidé de prendre M.
Julien Côté à 1 h 30 à cause de l'influence de M.
Daoust de l'Office du crédit agricole du Québec, que s'est-il
passé par la suite? Avez-vous pris des précautions? On parle de
maladie dans votre troupeau. On dit que les vaches auraient pu se vendre plus
cher, mais apparemment, il y avait de la maladie. Quelles précautions
avez-vous prises pour vous assurer qu'effectivement votre troupeau était
en bonne condition? Qu'est-ce qui s'est passé?
M. Brousseau: J'ai fait passer le vétérinaire
Comeau chez moi deux jours avant l'encan. Le vétérinaire Comeau a
examiné toutes mes vaches. Plus que cela, je n'ai pas dit quelque chose
qui me revient à l'esprit. J'avais fait un enclos pour les vendre
dehors. Cette année-là, le 17 avril, il faisait vraiment beau. En
les vendant dehors, on pouvait avoir beaucoup plus. L'été, tout
encanteur vend les vaches dehors. Mon encanteur a refusé. Il y a
beaucoup de choses comme cela. J'ai même voulu à un moment
donné arrêter l'encan. Il m'a même dit que, si
j'arrêtais l'encan, je devrais payer les commerçants qui ont perdu
leur journée pour venir, etc. Il y avait beaucoup de choses comme cela.
Des choses ont été très bien montées. Pendant
l'encan, je suis allé voir un de mes amis et je lui ai dit: Marc,
sais-tu... Le camion qui a été vendu, il voulait le laisser aller
à 3000 $. Il m'avait averti. Là, il m'a encore joué pour
un montant de 350 $. Je m'étais arrangé avec un vendeur de
meubles de Sherbrooke qui m'avait dit qu'il monterait jusqu'à 6000 $.
L'encanteur m'a dit: Tu n'auras pas plus que 3000 $. J'ai dit: Mon ami va le
faire monter. Il n'a pas besoin de la boîte à
animaux qui est dessus. Vends le camion et, ensuite, vends la
boîte à animaux. Là, si l'acheteur du camion veut avoir la
boîte à animaux, il l'achètera. Lorsqu'il est arrivé
au camion, il a vendu le camion avec la boîte. Il a dit: Si cette
personne n'a pas besoin de la boîte, on la vendra et on la déduira
du prix du camion alors que je lui avais dit le contraire. J'ai en
mémoire toutes sortes de choses comme cela par-ci, par-là. Je
trouve que c'est un encan ridicule. Une personne m'a offert 175 000 $ et
l'encan ne m'a pas donné tout à fait 100 000 $. C'est vrai que
j'ai encore ma maison. Elle n'a pas été vendue encore. La terre
est là, mais je n'ai plus rien et je suis encore endetté. Cela
dépasse déjà 100 000 $, parce qu'il resterait 78 000 $
à quelques cents près de cela. Avec les truies, je me suis
ensuite endetté un peu, je dirais de quelques mille dollars, 2000 $ ou
3000 $ pour la moulée.
M. Picotte: Dans votre document, vous parlez d'un lien de
parenté entre celui qui achète vos bêtes... Avec qui est-il
parent? Avec l'encanteur?
M. Brousseau: Je me suis informé à des
commerçants de chez nous qui m'ont dit: Celui-ci est son
beau-frère, celui-là est son ami. Je ne peux pas vous en dire
très long, mais c'est de l'information que j'ai eue de
commerçants de chez nous. On a vendu une vache pur sang
enregistrée, avec papiers, avec 1200 livres de lactation environ 500 $,
plus ou moins, mais pas beaucoup plus. (17 heures)
M. Picotte: Avez-vous eu des discussions tout au long de la
journée avec cet encanteur concernant...? Vous avez dû remarquer
que vos bêtes valaient plus que cela. Vous avez sûrement
remarqué des choses anormales. Quelle sorte de discussion avez-vous eue?
Avez-vous communiqué avec M. Daoust ou d'autres personnes?
M. Brousseau: Non, M. Daoust n'était pas à mon
encan.
M. Picotte: Le profit de la vente c'est-à-dire la somme
d'argent qui a été ramassée lors de la vente se chiffrait
à combien m'avez-vous dit?
M. Brousseau: Un peu en bas de 100 000 $.
M. Picotte: En bas de 100 000 $ alors qu'il y avait des
propositions de...
M. Brousseau: La plus haute a été de 175 000 $.
M. Picotte: Vous pouvez certifier évidemment que lorsque
vous avez pris la décision de faire encan tout cela s'est passé
durant la soirée et la nuit.
M. Brousseau: En deux soirées.
M. Picotte: Était-ce la coutume du représentant de
l'Office du crédit agricole d'aller chez vous après 21
heures?
M. Brousseau: Je ne peux pas vous dire si c'est la coutume ou
s'il a fait cela ailleurs. Je ne peux pas vous dire cela. Je parle de chez
nous.
M. Picotte: Non, mais chez vous, était-ce la coutume pour
nos officiers, lorsque vous aviez des problèmes, de travailler le soir
ou la nuit - en tout cas ils travaillaient tard d'après ce que je peux
voir. Beaucoup de gens travaillaient dans votre...
M. Brousseau: Ah! Il est venu deux soirées et il
est resté très tard les deux fois.
M. Picotte: Une fois accompagné du gérant de la
caisse...
M. Brousseau: ...la Caisse populaire de Saint-Félix.
Maintenant, il n'est plus gérant. Il est parti et il y a un autre
gérant.
M. Picotte: M. le Président, je me garde le soin de
revenir un peu plus tard dans la discussion.
M. Dupré: J'ai une petite question.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: M. le Président, l'encanteur
était-il payé à la commission?
M. Brousseau: 5% plus les annonces que j'ai payées.
M. Dupré: En dévalorisant le troupeau et en disant
que les vaches étaient moins bonnes et qu'elles étaient malades,
il se faisait tort à lui-même indirectement.
M. Brousseau: Je vais vous l'expliquer comme je le comprends.
Mettons que vous me donnez quelque chose à vendre d'une valeur de 100 $.
Si je peux la vendre 10 $, cela va. Si le type qui l'achète me redonne
la moitié de ses bénéfices... Dans des choses comme
celle-là, c'est plus payant de se fermer les yeux que de les rouvrir.
C'est mon impression.
M. Picotte: Les 5%, c'est pas mal différent.
M. Dupré: C'est plus payant de se fermer les yeux.
M. Brousseau: Bien oui. C'est une impression, mais en tout
cas...
M. Dupré: C'est ce que je voulais savoir.
M. Brousseau: C'est mon impression, je vous l'ai
donnée.
M. Dupré: Merci.
Le Président (M. Vallières): Très bien. J'ai
une demande d'intervention du député de Saguenay suivi du
député de Roberval et du député d'Arthabaska.
M. Maltais: M. Brousseau, lorsque le représentant de
l'office est allé vous rencontrer chez vous, à 21 heures le soir,
vous aviez fait une demande au président de l'office, M. Moreau, pour
avoir la permission de vendre vos porcs.
M. Brousseau: Oui.
M. Maltais: Pour faire un genre de consolidation de dettes...
M. Brousseau: Oui.
M. Maltais: M. Daoust, qui était chez vous, est-il au
courant de cela?
M. Brousseau: II est supposé être au courant. Il ne
me l'a pas dit, mais il est supposé l'être. Si vous avez un
employé, vous êtes supposé de l'avertir, il me semble.
C'est cela que je dis. Ils ne me l'ont pas montré et je n'ai pas pu voir
mon dossier pour voir ce qu'il contenait. Si j'avais pu voir mon dossier en
entier, j'aurais pu mieux le connaître. Pour quelle raison n'a-t-on pas
voulu me le donner? Je ne le sais pas.
M. Maltais: Une chose est difficile à expliquer. Il va
vous voir le 16 et vous force presque la main pour vendre votre ferme.
M. Brousseau: Ce n'est pas le 16 qu'il...
M. Maltais: ...c'est le 17...
M. Brousseau: J'ai fait encan le 17...
M. Maltais: Oui.
M. Brousseau: ...pour préparer l'encan. C'est quelques
jours auparavant qu'il est venu me... Je n'ai pas en note, mais c'était
la dernière journée que j'étais supposé de passer
devant le juge pour me faire saisir. L'avocate... Je n'ai jamais eu les dates
de cela et on n'a jamais voulu me les envoyer.
M. Maltais: De toute façon, vous avez reçu un coup
de téléphone de votre député pour vous dire que M.
Moreau...
M. Brousseau: Pas un coup de téléphone de M.
Moreau...
M. Maltais: Non, un coup de téléphone de votre
député...
M. Brousseau: Oui.
M. Maltais: ...dans lequel il vous disait que M. Moreau acceptait
finalement la proposition que vous lui aviez faite.
M. Brousseau: Oui.
M. Maltais: Alors qu'il était trop tard, votre vente avait
eu lieu le 17. La corrélation que j'essaie de faire entre M. Daoust et
M. Moreau... Se parlent-ils de temps en temps pour savoir s'il y a des
procédures en marche? D'un côté, ce sont des
procédures judiciaires et de l'autre côté, on fait une
offre de règlement.
M. Brousseau: Ils doivent se parler puisque l'on emprunte, ils se
parlent. Quand il y a autre chose, ils doivent se parler la même
chose.
M. Maltais: Mais M. Daoust ne vous a jamais dit qu'il avait
communiqué avec M. Moreau et que M. Moreau semblait
intéressé à accepter votre première offre?
M. Brousseau: J'ai demandé à M. Viateur Daoust de
bien vouloir me donner une chance de communiquer moi-même avec M. Moreau
pour essayer d'arranger cela comme je l'avais présenté.
M. Maltais: D'accord.
M. Brousseau: C'était vers le 10 ou le 12, vers ces
dates-là. Je ne peux pas le dire exactement. Le premier soir qu'il est
venu chez nous, je lui ai demandé de communiquer avec M. Moreau. Ce
soir-là, il m'avait donné confiance parce qu'il venait avec le
gérant de ma caisse. Chez nous, on a discuté de tout cela. Il m'a
dit: J'ai tout communiqué et il n'y a rien à faire avec ton
dossier.
M. Maltais: M. Daoust vous a dit qu'il avait communiqué
avec M. Moreau...
M. Brousseau: Oui.
M. Maltais: ...le président de l'office à
Québec et qu'il n'y avait absolument rien à faire dans votre
dossier?
M. Brousseau: Oui.
M. Maltais: Et le 19, vous avez reçu une communication de
votre député dans
laquelle il vous disait que M. Moreau acceptait l'offre que vous lui
aviez faite antérieurement.
M. Brousseau: Oui.
M. Maltais: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Très bien. M.
le député de Roberval.
M. Gauthier: Seulement une très courte question. Dans le
mémoire qui nous a été présenté, vous dites:
"D'avril à novembre 1982 - je vous cite - je me trouve dans une position
financière difficile. Je remplis ma porcherie de 80 truies en avril 1982
et le gérant de caisse veut ravoir son argent prêté en
septembre. Je dois revendre mes truies à meilleur marché, etc."
Ici, dans le rapport de l'office - je voudrais simplement avoir votre
commentaire là-dessus - on dit qu'entre le 17 avril et le 28 mai
où vous étiez dans une position financière difficile,
votre endettement était passé de 130 000 $ à 180 000 $ et
que vous auriez acheté au cours de cette période de la
machinerie. Est-ce exact?
M. Brousseau: Non. Si vous voulez recommencer un peu...
M. Gauthier: Oui. D'accord, je recommence.
M. Brousseau: ...et la couper en deux. Je pourrai mieux vous
répondre.
M. Gauthier: D'accord.
M. Brousseau: Recommencez.
M. Gauthier: Vous dites dans votre mémoire qu'au cours de
la période de mai 1982, vous étiez dans une situation
financière difficile. D'accord? C'est ce que vous dites dans votre
mémoire. Or, le gérant de banque, à la suite de cela, vous
a demandé de rembourser l'argent qu'il vous avait prêté.
C'est ce que vous dites dans votre mémoire. Vous étiez dans une
situation financière difficile. Le gérant de banque vous a
demandé un remboursement de prêt. Vous aviez besoin d'acheter 80
truies pour meubler la porcherie. Or, ma question porte là-dessus.
L'Office du crédit agricole prétend pour sa part qu'à
cette période, entre avril et mai 1982, vous auriez acheté de la
machinerie, beaucoup de machinerie. Est-ce exact? Avez-vous fait des achats de
machinerie importants entre avril et mai 1982?
M. Brousseau: J'ai acheté des cages à porcelet sur
la latte parce que c'était supposé que nos porcelets se
vendraient mieux. À ces dates-là, je ne vois pas d'autre
machinerie que j'aurais pu acheter. C'est une affaire d'environ 2500 $ ou 3000
$.
M. Gauthier: D'accord. À votre point de vue, selon la
connaissance que vous avez actuellement des choses, vous n'auriez pas
acheté, par exemple, de souffleuse à neige, de tracteur, de
camion ou je ne sais trop quoi, au cours de cette période?
M. Brousseau: Non. La souffleuse à neige, je l'ai
achetée en 1978 ou en 1979, dans ces années-là et le
camion, je l'ai acheté dans les années quatre-vingt.
M. Gauthier: D'accord. Merci.
Le Président (M. Vallières): Oui. M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Oui, M. le Président. Dans votre
mémoire, vous dites à la page 3 que le 5 avril 1982, vous
receviez une lettre de M. Camille Moreau qui acceptait que vous puissiez vendre
votre troupeau porcin pour rembourser...
M. Brousseau: Non. Il y a quelque chose là... Je ne sais
pas si c'est moi qui ne comprends pas ou bien... Il y a quelque chose. Je n'ai
pas eu de lettre de M. Moreau le 5.
M. Baril (Arthabaska): Ah bon!
M. Brousseau: Non, non. Il a envoyé une lettre le 5
à mon député et il a dû en envoyer une à M.
Daoust. C'est mon député qui me l'a dit après l'encan,
quelques jours après l'encan, par téléphone, la
première fois. Là, c'est vers le 19, mais je peux me tromper dans
les dates. Les transistors ne vont pas trop bien là. C'est vers le 19
pour confirmer par lettre.
M. Baril (Arthabaska): Parce que ce serait un point important
à éclaircir.
M. Brousseau: Le 5, je n'ai eu aucune réponse.
M. Baril (Arthabaska): En tout cas, ici, on dit: "Dans une lettre
du 5 avril 1982, M. Camille Moreau accepte la vente de mon troupeau porcin pour
rembourser mon prêt sur nantissement". Donc, vous signalez que M. Moreau
vous autorise. Cette lettre doit bien être quelque part. Je ne sais pas
qui l'a eue. Plus loin, vous dites dans le même mémoire que le
directeur régional de l'office est arrivé et qu'il vous a dit:
Vous n'avez pas le droit de vendre votre part.
M. Brousseau: Oui, c'est ce qu'il m'a dit. Parce que je les avais
vendues. J'ai assez travaillé pour sauver ma ferme,
pensez-vous que j'aurais sauté par-dessus une "luck"?
M. Dupré: Pour le dépôt de...
Le Président (M. Vallières): M.
Brousseau, peut-être pour éclaircir la situation, vous
aviez reçu une copie de la lettre que M. Moreau m'avait fait
parvenir?
M. Brousseau: Non.
Le Président (M. Vallières): Non. On pourrait
vérifier au dossier si, effectivement, elle est au dossier et si vous
êtes d'accord pour qu'elle soit déposée, nous pourrions la
déposer dès que je pourrai la récupérer.
M. Brousseau: Oui.
M. Picotte: Seulement une petite précision
là-dessus...
Le Président (M. Vallières): Oui.
M. Picotte: Puisqu'on est là-dessus, ce ne sera pas
long.
Le Président (M. Vallières): Oui. M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Est-ce le seul député avec lequel vous
avez fait affaire?
M. Brousseau: Non, la première fois, j'ai fait affaire
avec un autre député.
M. Picotte: Avez-vous eu les mêmes réponses?
M. Brousseau: Ah! Pas pour cette affaire-là. Quand mon
histoire allait mal, j'ai toujours fait affaire avec mon député.
C'est lui qui faisait les téléphones.
M. Picotte: Donc, avec l'autre député, cela n'avait
pas trait à l'Office du crédit agricole.
M. Brousseau: Oui, mais avant. En 1979.
Le Président (M. Vallières): Avec mon
prédécesseur.
M. Picotte: Est-ce que c'était le
prédécesseur de...
M. Brousseau: Non, c'était... Une voix: ...un M.
Brochu?
M. Brousseau: ...à Drummondville, le député
de la région de Drummondville.
M. Picotte: Le président du Conseil du trésor, M.
Clair?
M. Brousseau: M. Michel Clair.
Le Président (M. Vallières): Oui, M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Comme cela, on va essayer de
récupérer la lettre du 5 avril? D'accord.
M. Brousseau: II l'a peut-être envoyée mais je ne
l'ai jamais eue.
M. Baril (Arthabaska): D'accord. Tout à l'heure, vous avez
aussi mentionné que le gérant de la caisse était disparu
à un moment donné. Il n'est plus à la caisse. Ce n'est
plus le même gérant.
M. Brousseau: Non, il n'est plus à la caisse. On a
changé de gérant.
M. Baril (Arthabaska): Savez-vous pourquoi il est parti?
M. Brousseau: Non, je ne le sais pas.
M. Baril (Arthabaska): Est-ce qu'il a été
congédié? Et où est-il rendu? Est-il à une autre
caisse?
M. Brousseau: Oui, je sais où il est rendu.
M. Baril (Arthabaska): II est dans une autre caisse et il est
encore gérant?
M. Brousseau: Non, il s'est acheté une
épicerie.
M. Baril (Arthabaska): Ah boni Une voix: II s'est
acheté quoi? M. Baril (Arthabaska): ...une épicerie. Le
Président (M. Vallières): Alors... M. Brousseau:
Pardon?
M. Baril (Arthabaska): II dit: Je vais arrêter avant
d'aller acheter une épicerie.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé m'a demandé le droit de poser
une question de même que le député de Huntingdon.
M. Picotte: M. le Président, je laisse mon tour. J'ai
inséré mes questions à l'intérieur de la
vôtre, tantôt.
Le Président (M. Vallières): Bon. Alors, M. le
député de Huntingdon suivi du député de
Saint-Hyacinthe. Cela devrait clore notre
période de questions sur ce dossier en particulier.
M. Dupré: À la toute fin, le 20 janvier 1984...
M. Dubois: M. le Président, est-ce que j'ai la parole?
Le Président (M. Vallières): Oui, M. le
député de Huntingdon suivi du député de
Saint-Hyacinthe, dans le respect de l'alternance.
M. Dubois: II me semblait que c'était ce que j'avais
compris. Mes questions avaient trait aux questions qu'a soulevées, il y
a quelques minutes, le député d'Arthabaska sur la lettre du 5
avril. Nous aurons un éclaircissement à ce sujet mais j'aimerais
demander à M. Brousseau si M. Viateur Daoust qui était - je ne
sais pas s'il l'est encore - le directeur régional de l'office pour la
région de Sherbrooke...
M. Brousseau: Oui.
M. Dubois: Est-il toujours le directeur?
M. Brousseau: II est censé l'être, aux
dernières nouvelles que j'ai eues, voilà trois semaines environ.
La dernière fois que je l'ai vu, c'était le 4 et il était
encore là.
M. Dubois: À la page 3 de votre texte, vous indiquez que
dans la soirée du 16 avril vous avez rencontré M. Viateur
Daoust.
M. Brousseau: Pas le 16 avril. Il y a une erreur là.
Une voix: Quand ils se sont vus, c'était le 1er
avril...
M. Brousseau: Oui. C'est au commencement d'avril.
M. Dubois: C'est là que cela se complique. Moi, j'ai un
texte qui dit le 16 avril. À ce moment-là, il est évident
que M. Viateur Daoust ne pouvait pas être au courant d'une lettre qui
aurait été écrite par M. Camille Moreau, adressée
à votre député, demandant d'accepter votre proposition.
Selon le texte que j'ai en main, c'était le 16 avril.
Je me suis dit que, le 16 avril, logiquement, M. Viateur Daoust aurait
su que la lettre du 5 vous avait été envoyée...
M. Brousseau: On ne peut pas faire des...
M. Dubois: Si c'est le 1er, je comprends que cela ne fonctionne
plus. (17 h 15)
M. Brousseau: L'encan est le 17. On ne peut pas préparer
un encan dans une nuit. M. Beauséjour: M. le Président...
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Iberville.
M. Dubois: J'ai le 16 ici mais on dit que l'encan avait lieu le
17. On dit que M. Viateur Daoust aurait appelé de chez vous M. Jules
Côté...
M. Brousseau: Oui.
M. Dubois: Pour que l'encan ait lieu le lendemain?
M. Brousseau: Non, pas le lendemain.
M. Dubois: Pour qu'il aille préparer l'encan le
lendemain.
M. Brousseau: Pour qu'il vienne me voir pour me faire signer et
ensuite pour avertir l'avocate d'arrêter les procédures le
lendemain à 10 heures.
M. Dubois: C'est écrit dans la lettre de venir faire encan
le lendemain.
M. Brousseau: Non.
M. Dubois: Ce n'est pas très clair. C'est tout, je vous
remercie.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Deux brèves questions. Je voudrais savoir
le rendement des porcelets au début de votre aventure - on peut
quasiment appeler cela comme cela au moment où nous en sommes - à
la fin et les meilleurs montants que vous avez eus durant toutes les
années que vous avez produit des porcelets.
M. Brousseau: Vous voulez dire lorsque j'avais quatre ou cinq
truies dans mon étable. J'avais eu un rendement de dix cochons par truie
au sevrage, à 25 livres. Je les vendais à Saint-Hyacinthe. Il y
en a qui ont monté jusqu'à 57 $.
M. Dupré: Vous parlez toujours par année.
M. Brousseau: Par portée.
M. Dupré: Par portée, pas par année.
M. Brousseau: Par portée.
M. Dupré: C'est différent parce que c'est le
double.
M. Brousseau: II y a deux portées par
année.
M. Dupré: C'est important de le mentionner parce que
ordinairement c'est calculé par année.
M. Brousseau: Eux autres calcule d'une manière et moi de
l'autre.
M. Dupré: Pour autant qu'on s'entend. Oui, on
continue?
M. Brousseau: J'avais à peu près dix cochons par
truie mais il faut tout dire. C'était proche de la maison, dans mon
étable, il y avait la chaleur des vaches. Tous les enfants y allaient,
la femme y allait, j'y allais. On avait le temps avec un petit peu de truies
comme ça. Quand elles avaient cochonné on les mettait dans une
boîte. Quand on allait les faire boire on les remettait avec elles. On en
réchappait beaucoup plus que dans une porcherie qu'il nous font situer
à quasiment un demi-mille de la maison.
M. Dupré: Ma deuxième question c'est ça.
Quand vous avez eu réellement un troupeau, quel était le
rendement?
M. Brousseau: Avant qu'ils prennent la maladie du marteau il y
avait un rendement de 9.
M. Dupré: Vous parlez toujours par six mois.
M. Brousseau: Par portée. Des fois vous pouvez manquer
votre coup, ça peut prendre sept mois ou sept mois et demi. Quand une
truie est en chaleur c'est sur la fin de la chaleur que vous avez une grosse
portée, ce n'est pas au commencement. Mais, des fois, à toujours
retarder on manque notre coup.
M. Dupré: Une dernière question. Quand vous dites
que vous êtes sur le bien-être social à 300 $ par mois... Le
20 janvier 1984, selon le rapport que nous avons de l'Office du crédit
agricole, selon le rapport du conseiller financier les biens suivants ne sont
plus sur la ferme: 75 truies; trois verrats; une souffleuse à neige; un
épandeur à fumier John Deere, tracteur. Est-ce que je pourrais
savoir à quelle place ce stock est passé?
M. Brousseau: Je vais vous dire une affaire. L'épandeur
à fumier John Deere a été vendu à l'encan le 17
avril. Il est sur les papiers d'encan, il a été vendu à
l'encan. Je ne sais pas pourquoi il traine encore là. Il fallait que je
donne de la moulée, les truies n'avaient pas mangé depuis une
couple de jours. Un type est venu chez nous et m'a dit: Amène ton
tracteur à côté de la porcherie, ton souffleur à
neige et demain tu auras de la moulée. Le lendemain j'ai eu de la
moulée. En ayant l'espérance qu'il disait tout le temps que les
cochons étaient pour remonter j'ai dit en moi-même: si je peux
avoir encore de la moulée pour six, sept, huit semaines ou deux mois,
deux mois et demi, si les cochons remontent, quand les cochons remontent les
vendeurs de moulée sont plus ouverts pour nous avancer. Quand les
cochons sont à la baisse, qu'on vend à perte, ils sont bien plus
durs à nous avancer. J'ai été porter le tracteur devant la
porcherie, il a disparu et le lendemain j'ai eu de la moulée.
M. Dupré: Qui a acheté l'épandeur à
fumier?
M. Brousseau: II faudrait regarder sur les papiers de l'encan
parce qu'il a été vendu à l'encan.
M. Dupré: II a été vendu à
l'encan?
M. Brousseau: Oui, il a été vendu à
l'encan.
M. Dupré: Quant aux 75 truies et les trois verrats?
M. Brousseau: C'est rendu à Saint-Hyacinthe où
ça s'est vendu.
M. Dupré: Je pense que c'est sérieux parce qu'ils
disent que les biens suivants ne sont plus sur la ferme: 75 truies et 3
verrats, c'est tout de même une valeur imposante. À quelle place
étaient-ils rendus à ce moment-là?
M. Brousseau: À Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Qui en a eu les bénéfices,
l'argent?
M. Brousseau: Les vendeurs de moulée.
M. Dupré: Est-ce que ce sont eux qui sont allés les
chercher pour les vendre ou si c'est vous qui...
M. Brousseau: Non, c'est moi qui suis allé les vendre.
M. Dupré: Vous les avez conduits. Vous avez donné
le produit de la vente.
M. Brousseau: Oui.
M. Dupré: À ce moment-là, vous saviez qu'il
y avait des retenues sur ces biens.
M. Brousseau: Oui. M. Dupré: Merci.
M. Yvon Robidas (suite)
Le Président (M. Vallières): Cela termine
l'audition de M. Brousseau. On revient à une question du
député de Saint-Hyacinthe à M. Robidas, ce qui
complétera notre tour d'horizon avec M. Robidas.
M. Dupré: M. Robidas, j'ai ici en date du 23 mars 1984 une
lettre adressée à Monique Provencher, agronome, Direction de la
gestion des prêts, Office du crédit agricole, Québec. Au
troisième paragraphe, on lit: "Nous tenons cependant à vous faire
remarquer que si M. Robidas agit de façon à intimider le
personnel de la caisse de Kingsey Falls, la caisse cessera toute
procédure pour récupérer le crédit à la
production et vous remettra le problème en vous donnant le mandat de
récupérer le prêt tandem. Nous n'avons nullement
l'intention d'être pris avec un autre dossier de la Cour des miracles et
de voir de nouveau un de nos directeurs se faire harceler par un
agriculteur."
Dans un premier temps, est-ce que c'est véridique? Dans un
deuxième temps, voulez-vous m'expliquer de quoi cela retourne?
M. Robidas: Je n'ai jamais vu cela dans mon dossier et la Cour
des miracles, je n'ai jamais fait affaires avec cela.
M. Dupré: Vous niez les accusations qui sont
portées là-dedans.
M. Picotte: M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: À la suite de la question du
député de Saint-Hyacinthe, est-ce que je pourrais demander au
député de Saint-Hyacinthe de déposer ce document à
la commission, s'il vous plaît?
Une voix: Demande-le, toi aussi, le document.
M. Robidas: Je voudrais avoir le document moi aussi, parce qu'ils
m'ont envoyé mes documents. Quand je les ai demandés à
l'office, je ne les ai jamais eus.
Le Président (M. Vallières): Les membres de la
commission sont d'accord pour que nous déposions le document?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Vallières): II y a effectivement
dépôt du document.
M. Boucher (Jean-Claude): M. le Président, est-ce que je
pourrais intervenir dans cette histoire?
Le Président (M. Vallières): J'aimerais qu'on
vérifie d'abord avec les membres de la commission puisque, dans l'emploi
du temps que nous nous étions alloué, nous entendions cet
après-midi les trois producteurs. Si la commission est consentante
unanimement, il n'y a pas de problème.
Une voix: Consentante pour quoi?
Le Président (M. Vallières): Pour entendre M.
Boucher qui aurait des commentaires.
M. Picotte: M. le Président, on avait convenu 30 minutes
par dossier. Il est 17 h 23. On pourrait peut-être accorder trois ou
quatre minutes à M. Boucher...
Une voix: Deux minutes.
M. Picotte: ...pour nous permettre de consacrer au moins la
demi-heure à M. Talbot.
Une voix: Une minute.
M. Picotte: Il me dit que c'est juste une minute. Si c'est juste
une minute, je suis consentant, pour ce qui nous concerne.
Le Président (M. Vallières): De ce
côté-ci?
M. Dupré: Oui, d'accord.
Le Président (M. Vallières): Oui. M. Boucher.
M. Boucher (Jean-Claude): On a fait venir nos dossiers, tous les
grévistes de la faim, en vertu de la loi 65 sur la liberté
d'information, concernant les documents des organismes publics. Le document
dont on parle a été refusé par l'Office du crédit
agricole comme n'étant pas public. De quelle façon ce
document-là peut-il rebondir sur la table d'une commission qui est,
elle, publique? Je me pose cette question et j'aimerais avoir une
réponse précise.
M. Picotte: C'est une bonne question, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Voulez-vous la
répéter, M. Boucher? Je m'excuse; on me soufflait à
l'autre oreille.
M. Boucher (Jean-Claude): Les grévistes de la faim ont
fait venir, individuellement, leurs documents de l'office en vertu de la loi 65
sur la liberté d'information aux organismes publics. M. le
Président, je ne la
répéterai pas...
Le Président (M. Vallières): Je vous
écoute.
M. Boucher (Jean-Claude): Le document dont on parle ici a
été refusé comme n'étant pas de l'information
publique. Par quelle procédure miraculeuse ce document-là va-t-il
se retrouver aujourd'hui sur la table d'une commission qui est, elle, publique,
puisque le document a été considéré comme non
public par l'office?
Le Président (M. Vallières): C'est une bonne
question. Je vais immédiatement vous indiquer que la commission comme
telle, lors d'une de ses séances de travail, a unanimement
décidé qu'elle ne rendrait pas publics les dossiers qui lui ont
été fournis par l'office parce que les dossiers qui nous ont
été fournis l'ont été à l'usage exclusif des
membres de la commission. Que des députés qui ont en main
certains documents pour l'étude que nous avons à faire des
dossiers des producteurs qui sont ici, décident d'en faire usage et vont
jusqu'à en demander le dépôt en commission, cela n'explique
pas nécessairement le fait que vous n'ayez pas pu les obtenir. Je n'ai
pas de réponse à savoir comment il se fait que vous n'ayez pas pu
les obtenir. Mais chose certaine, en ce qui nous concerne, nous avions
demandé à l'office de nous transmettre tous les dossiers et, en
vertu de la loi, l'office était obligé de nous les remettre
à nous, à tout le moins, à titre de
législateurs.
Sur la même question, M. le député de
Maskinongé voudrait faire une intervention?
M. Picotte: Oui, M. le Président. Je pense que le
député de Saint-Hyacinthe a cité un document qui
était, j'imagine, à l'intérieur d'une pochette
préparée par les membres de l'Office du crédit agricole.
J'en ai demandé le dépôt; la commission a accepté le
dépôt. Je me dois de vous dire que vous avez l'obligation,
maintenant que tout cela a été accepté, de nous en fournir
une copie. C'est même public maintenant. Le document est devenu
public.
Le Président (M. Vallières): En fait, la question a
été adressée à partir de la lecture du document.
Par ailleurs, je vais vous demander votre indulgence parce qu'il y aura
peut-être d'autres questions de cette nature qui vont se poser à
l'intérieur des autres dossiers. Je vais donc vous demander, afin de
rendre une décision la plus éclairée possible sur le
dépôt éventuel de documents que nous avons en notre
possession... Le règlement dit "qu'un document ne peut être
déposé en commission qu'avec la permission de son
président." C'est donc dire que, même si les membres de la
commission décidaient, par exemple, à l'unanimité, de
faire le dépôt d'un document, le président pourrait, pour
éviter que des préjudices soient causés à un
individu ou l'autre, décider que ce document ne soit pas
déposé. J'aimerais, si vous... Oui, si vous le permettez, je vais
terminer et je vous donnerai la parole ensuite. Quand j'aurai entendu vos
interventions, je vous demanderai de suspendre nos travaux pour une
période d'environ trois minutes, le temps de vérifier au niveau
juridique les conséquences d'un pareil geste.
M. Picotte: M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Je vous ferai remarquer, avec toute la
déférence que je peux avoir pour le présidence, que c'est
vous-même qui avez demandé si les membres étaient d'accord
pour le dépôt du document. Et vous avez constaté de fait
que les membres de la commission étaient d'accord. Je pense que ce point
est réglé. C'est vous-même qui avez demandé à
la commission ce qu'elle en pensait. Déjà, vous êtes soumis
par la décision de la commission.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Huntingdon.
M. Dubois: M. le Président, l'article du règlement
que vous venez de citer n'indique pas si ce document a été
cité ou non. Étant donné que le document a
été cité, je pense qu'il y aurait lieu de le
déposer à ce moment-ci. Je pense que votre juridiction n'existe
plus au moment où le document a été
déposé.
Le Président (M. Vallières): C'est également
le point de vue... Je vais quand même vous demander de suspendre quelques
minutes pour que, s'il y avait d'autres demandes de ce genre, je puisse me
prononcer de façon éclairée. Mais ce document est
considéré comme étant déposé.
M. Picotte: À la condition, M. le Président, que
cette suspension ne nuise pas au temps alloué à M. Talbot.
Le Président (M. Vallières): Non, absolument pas.
Cela va être très court. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 25)
(Reprise de la séance à 17 h 30)
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît! Oui. On a une demande de
M. Brousseau. Tantôt, M. Brousseau nous a lu un texte et il y a un
bout de texte qu'on a cité qui n'apparaissait pas dans le document qui
nous a été livré par M. Brousseau. Il voudrait le joindre
au document de présentation qui nous avait été remis au
début de nos travaux. Je pense qu'on pourrait accepter que cette
feuille, qui est manuscrite je pense, puisse être remise aux membres de
la commission.
M. Picotte: Cela a été lu.
Le Président (M. Vallières): Cela a
été lu, oui.
M. Picotte: On le retrouve dans le journal des Débats tel
quel puisque M.
Boucher en a fait lecture. Sauf que si on veut joindre ce document aux
autres..
Le Président (M. Vallières): Au même titre
que les autres que nous avons reçus avant le début des
travaux.
M. Picotte: C'est cela.
Le Président (M. Vallières): Concernant le document
dont on faisait mention tantôt, enfin, il est effectivement
déposé. Je le mentionnais tantôt. J'ai bien pris soin de
vérifier avant, malgré la discrétion laissée au
président, de vérifier si les membres de la commission
endossaient cette décision. Je veux cependant inviter les membres de la
commission qui ont en leur main certains documents à caractère
très personnel et très confidentiel à un minimum de
prudence. Il faut se rendre compte qu'à partir du moment où on
lit un document à cette commission, il devient, forcément, de
nature très publique. J'invite les membres à la prudence. S'il y
avait d'autres demandes de dépôt de pareil document, j'essaierai,
dans la mesure du possible, de les analyser afin de rendre une décision
comme telle.
Nous passerions, maintenant, à l'étude du dossier de M.
Talbot.
M. Picotte: Est-ce que je peux m'assurer...
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: ...d'avoir l'assentiment des membres de la commission
pour qu'on puisse déborder 18 heures et se rendre à 18 h 15 pour
permettre la demi-heure qui est consacrée à M. Talbot et non pas
être obligé d'interroger sur deux horaires différents?
D'accord.
Le Président (M. Vallières): Une demi-heure. On
passe immédiatement à la période des questions à
l'endroit de M. Talbot.
Demande d'intervention? M. le député de
Maskinongé.
M. Marcel Talbot (suite)
M. Picotte: Merci. Vous me permettrez de revenir un peu. Dans la
matinée, il a été fait allusion par M. Boucher de M.
Autotte concernant les animaux de boucherie et la vente et les encans et tout
cela. On nous a fait référence, à ce moment, que vous, M.
Talbot, pourriez peut-être nous donner des précisions sur ce qui a
été fait comme allusion de la part de M. Boucher. J'aimerais vous
poser la question suivante: J'aimerais connaître vos impressions
concernant M. Autotte non pas comme individu, mais dans le domaine des animaux
de boucherie.
M. Talbot: Le ministre Garon se sert de certains gros producteurs
de la province de Québec pour dire que la production du boeuf va bien au
Québec. M. Autotte, dans le moment, a peut-être fini entre 2000 ou
3000 boeufs. Ce qui fait que M. Autotte a englobé plusieurs petits
producteurs comme moi dans la région. J'aimerais que la commission, si
elle veut réellement faire la lumière, cherche à savoir:
M. Autotte, est-ce que c'est avec la production du boeuf qu'il gagne sa vie?
Est-ce la production du boeuf qui est sa source de revenu principale?
Et là, je vais en déposer plusieurs dossiers encore; il
pourra peut-être venir les chercher tantôt. M. Garon dit: On
produit encore plus de boeuf en 1984 qu'on en produisait en 1979 ou 1980, ce
que M. Talbot dit, c'est faux. Il y a un parc d'engraissement qui est
fermé dans la province de Québec. Il ne m'a pas nommé,
mais d'après moi il me visait et cela a été dit sur les
ondes de la radio ou de la télévision ce que M. Garon a dit.
Je dépose un document qui est le reflet de la région 04 au
sujet des parquets d'engraissement. Dans ma région, dans le moment, il y
en a quatre parquets d'engraissement qui sont vides. C'est dans ce dossier. Il
y en a deux qui sont en très grande difficulté.
M. Picotte: Sur combien?
M. Talbot: Sur dix. J'en ai construit dix dans la région
de Nicolet, il en reste deux qui sont en très grande difficulté.
Ceux qui étaient là auparavant sont encore là. Ceux qui y
étaient avant 1979, ils sont encore là.
M. Picotte: Mais n'y a-t-il pas là encore la même
production concernant les têtes de bétail, c'est-à-dire
qu'il peut en rester deux, mais si effectivement ces gens produisent 700, 800,
900 ou 1000 têtes de bétail, s'ils produisent trois fois ou quatre
fois ce qu'ils produisaient, ils ont peut-être
récupéré au point de vue têtes de
bétail, mais le nombre - et c'est peut-être dans ce sens que le
ministre de l'Agriculture mentionne que...
M. Talbot: La production est la même.
M. Picotte: ...la production est la même. (17 h 45)
M. Talbot: Oui, il dit que la production est la même, en
voulant faire allusion qu'on ne vit pas de crise dans le parquet
d'engraissement. Quand il dit que la production est la même, il veut dire
que ce n'est pas vrai que les gars ont de la difficulté dans les
parquets d'engraissement. Ce qu'il ne dit pas, c'est que les gros qui
existaient en 1979 ont quadruplé leur production.
M. Picotte: Comment se fait-il, parce que vous avez essayé
de nous démontrer tout au long de votre document que 400 têtes,
dans votre cas, c'était impossible. Vous avez même, à un
moment donné, eu des réticences, émis beaucoup de
réserve sur le fait de passer de 200 à 400 en disant que cela ne
pouvait pas être rentable au moment où on vous a offert ce plan.
Comment se fait-il que deux, trois ou quatre producteurs je pense qu'il y en a
deux parcs d'engraissement ouverts parmi ceux-ci - avec les mêmes
politiques - j'imagine qu'il n'y a pas des politiques différentes au
MAPAQ -réussissent avec 300, 400, 500, 600 ou 800 têtes? Qu'est-ce
qui se passe?
M. Talbot: C'est que les deux qui fonctionnent dans le moment
sont sous intégration. Ce sont des boeufs. Autrement dit, ils sont
à salaire. C'est assez sérieux, parce que cela fait au moins deux
ans que l'un d'eux n'entend même pas parler de l'Office du crédit
agricole. Il est en défaut de paiement et il n'en entend pas parler,
parce qu'il est sous intégration.
M. Picotte: II y en a un de ces deux-là...
M. Talbot: Dans ce document que j'aime mieux ne pas nommer - vous
allez le trouver - cela fait au moins deux ans qu'un d'entre eux n'a pas fait
de paiement à l'office. Il ne sait même pas ce qui se passe, parce
qu'il est sous intégration. M. Garon m'a dit la même chose, M.
Boucher était témoin, à une assemblée à la
Flèche d'or de Saint-Cyrille-de-Wendover. On était plusieurs
agriculteurs. M. Garon a tout simplement dit: Si vous voulez sauver vos fermes,
trouvez-vous des intégrateurs. C'est exactement ce qui est arrivé
dans le domaine du porc.
M. Picotte: Êtes-vous en train de me dire que le ministre
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation favorise
l'intégration?
M. Talbot: Oui, monsieur. Cela... Les preuves...
M. Picotte: Je ne sais pas si je dois vous croire, mais en tout
cas vous êtes sous serment.
M. Talbot: Vous avez le meilleur exemple dans la production du
porc. C'est le meilleur exemple. L'intégration est près de 80%
avec l'assurance-stabilisation qu'on avait votée pour nous autres, pour
les petits; aujourd'hui c'est l'intégrateur qui en profite. Cela ne lui
a rien coûté pour l'infrastructure et l'agriculteur travaille
à salaire à la ferme.
M. Picotte: Les programmes du...
M. Baril (Arthabaska): Question de règlement.
Le Président (M. Vallières): Question de
règlement, M. le député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Je ne sais pas si j'ai mal
interprété M. Talbot, mais dans la production du porc,
l'assurance-stabilisation ne s'applique pas pour les intégrateurs.
M. Talbot: C'est à la commission à aller voir de
quelle manière... Allez voir les chèques qui sortent, vous allez
voir où ils vont. Allez voir à l'assurance-stabilisation. Ce
n'est pas à nous à faire cela. Réellement...
M. Baril (Arthabaska): Pourquoi alors les intégrateurs se
battent-ils tant pour faire partie de l'assurance-stabilisation puisque vous
dites qu'ils en ont?
Une voix: Parce qu'ils ne seraient pas obligés de frauder
pour les avoir.
M. Talbot: L'intégrateur peut en avoir à son nom,
mais toutes les autres ne sont pas à son nom.
Le Président (M. Vallières): Très bien. M.
le député de Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, dans le domaine du bovin de
boucherie, les intégrateurs bénéficient-ils des
mêmes avantages, au point de vue des programmes, qu'un producteur qui
possède 200 ou 400 têtes de bétail?
M. Talbot: II n'en profite pas , directement. C'est comme je dis,
il fait finir disons 200 boeufs par un agriculteur et le
chèque d'assurance-stabilisation arrive au nom de l'agriculteur.
L'agriculteur l'endosse, M. Autotte va le changer ou un autre.
Une voix: M. Autotte fait cela.
M. Talbot: Écoutez! Dans l'intégration, je crois
que c'est visible.
M. Picotte: Y a-t-il des contrats d'intégration? Par
exemple, M. Autotte, si c'est un intégrateur tel qu'on le mentionne,
doit avoir des contrats d'intégration dûment signés avec
des producteurs. Avez-vous déjà pris connaissance de ces
contrats?
M. Talbot: Non, je n'ai jamais pris connaissance de cela, mais
cela se dit très couramment dans la région. Si quelqu'un finit
2000 ou 3000 boeufs, s'il ne va pas chercher l'assurance-stabilisation, il fait
tout simplement manger de l'argent, 200 $ par tête. C'est ce qui fait la
différence avec ceux qui finissent du boeuf en Ontario et qui n'ont pas
l'assurance-stabilisation. Je ne vois pas comment ils pourraient finir tant de
boeufs au Québec s'il ne touchent pas l'assurance-stabilisation. C'est
la même chose dans le porc.
M. Picotte: Vous avez fait allusion à quelques reprises
que vous aviez beaucoup de réticences et même que vous aviez
été obligé de vous battre dans certains cas avec des
membres de l'Office du crédit agricole et du MAPAQ pour leur dire que
cela n'avait pas de bon sens de vous aligner dans une production de 400
têtes de bétail.
M. Talbot: J'ai eu un choix jusqu'à 50 têtes. J'ai
essayé de reprendre ma ferme telle qu'elle était. Mais est
arrivée la "follerie" de l'environnement en 1978 et ma ferme...
Autrement dit, la ferme familiale au Québec était très mal
située. Nos pères bâtissaient cela près des cours
d'eau et près de la route. Aujourd'hui, c'est le contraire. Il faut
s'éloigner des routes et des cours d'eau. Un seul doit payer, c'est
l'agriculteur. J'ai eu un choix à faire jusqu'à 50 têtes.
Avec 50 têtes, lorsqu'on avait décidé de reculer le cours
d'eau pour que je finisse 50 têtes, j'ai téléphoné
pour dire: Si tu recules le cours d'eau l'année prochaine, puis-je finir
70 têtes? Il a dit: Non! Ce sera un permis pour 50 têtes. Je lui ai
dit: Ne déplace pas le cours d'eau pour 50 têtes. On va être
encore pris. C'est là qu'est arrivé Viateur Daoust et il a dit:
La ferme Talbot, c'est 400 têtes. 400 pieds plus loin de la route, tu
bâtis cela. 400 têtes, c'est le modèle idéal. C'est
là que je n'ai plus eu de choix à faire. Le seul choix, j'ai
voulu diminuer et dire: Essayons 200 têtes pour commencer. Ils ont dit:
D'accord, mais on va te bâtir les 400 têtes pareil. La
première année, tu finiras 200 têtes et la deuxième
année, 400 têtes. Et cela, le document de Clément Lavoie le
démontre bien. La première année, je crois que c'est 85
000 $. Cela représente, je crois, 428 $ par tête pour 200
têtes. Son document le démontre bien. En 1981, d'après le
même Clément Lavoie, dans le document que j'ai
déposé, je devais vendre mon quota de lait et mes vaches parce
que la production ou la finition de boeuf rapportait tellement que je n'avais
plus besoin de vaches laitières, ce que j'ai refusé en 1981 parce
que je lui ai dit: Les vaches laitières me font vivre, mais le boeuf,
d'après ce que je vois, ne me fera pas vivre. C'est là que je
n'ai plus eu le choix de prendre des décisions. C'est quand j'ai
embarqué dans leur programme de guide d'établissement. Si je ne
suivais pas le guide, je ne pouvais pas avoir accès aux subventions.
M. Picotte: Vous avez fait allusion, comme M. Brousseau l'a fait
tantôt, à M. Viateur Daoust de l'Office du crédit agricole.
Avez-vous subi les mêmes contraintes avec M. Daoust que M. Brousseau a
eues, c'est-à-dire l'imposition de certaines choses?
M. Talbot: Non.
M. Picotte: Non. Cela s'est fait de gré à
gré dans votre cas?
M. Talbot: Oui, dans mon cas, cela s'est réglé.
Viateur Daoust est intervenu seulement pour le guide d'établissement des
parquets d'engraissement.
M. Picotte: Oui. À votre connaissance, M. Autotte, dont on
a fait mention tantôt, a-t-il acheté des terres ces
dernières années provenant soit des terres à vendre de
l'Office du crédit agricole ou peu importe, pour produire davantage
puisqu'on me dit que... À votre connaissance, M. Autotte a-t-il fait
l'acquisition de terres ces dernières années?
M. Talbot: Oui, M. Autotte achète souvent des terres.
C'est le premier vice-président, M. Gérard Gras qui a fait
allusion au fait qu'il y avait du tripotage quand l'office vendait une ferme.
M. Gérard Gras est très proche de la région de M. Autotte.
Je ne sais pas... Ce serait à M. Gérard Gras de venir expliquer
ce qu'il a voulu dire.
M. Picotte: Quand et où M. Gras a-t-il fait allusion
à cela?
M. Talbot: Dans la Terre de chez nous. Je n'ai pas le texte.
M. Picotte: Qu'il y avait du tripotage dans la vente des terres
par M. le Président?
M. Talbot: Oui, c'est là que M. Camille Moreau lui a
répondu la semaine suivante en lui disant qu'il était un peu
ignorant.
M. Picotte: II était quoi? M. Talbot: Ignorant.
M. Picotte: Ignorant.
M. Talbot: Le premier vice-président de l'UPA
n'était pas au courant de certaines choses.
M. Picotte: Ah! Le vice-président de l'UPA était un
ignorant?
M. Talbot: Oui, c'est cela.
M. Picotte: II ignorait des choses. Oui, M. Boucher.
M. Boucher (Jean-Claude): C'est dans les documents que j'ai
déposés dans les annexes, les deux, M. Gras et la réponse,
oui.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Je vais laisser le soin à d'autres de poser
des questions.
Le Président (M. Vallières): Oui, M. le
député de Saint-Jean.
M. Talbot: J'aimerais seulement lire ceci.
Le Président (M. Vallières): Oui.
M. Talbot: C'est Agriculture Canada. C'est en 1984: "Comme c'est
le cas pour le vache-veau et le veau-lait, la rentabilité de
l'engraissement au Québec repose actuellement sur le programme de
stabilisation des revenus du gouvernement du Québec. Au cours des cinq
dernières années, l'assurance-stabilisation des revenus a
versé en moyenne 0,14,52 $ la livre en paiements de stabilisation alors
que le prix moyen à Toronto fut de 0,69 $ la livre pour les bouvillons A
-l et A -2. "Puisque les deux tiers de la cotisation sont à la charge du
gouvernement, il est impossible de considérer cette partie comme
l'équivalent d'une subvention. Sans ce programme, il est fort douteux
que ce sous-secteur aurait connu le même développement." C'est
Agriculture Canada qui dit que l'assurance-stabilisation est une subvention. Si
tu ne l'as pas, ce n'est pas possible d'exploiter le boeuf au
Québec.
M. Picotte: M. le Président, une dernière question.
Dans votre document, à la page 5, il est dit: "II y a eu un manque de
sérieux et une incompétence du MAPAQ dans l'application de ce
programme qui m'a été imposé - vous dites bien
"imposé" - par le directeur régional de l'office. Nous aussi, les
élus du peuple, nous nous interrogeons sur la façon de travailler
de l'office et sur la façon de travailler du MAPAQ. Cela nous semble
être des gens qui ne se parlent pas souvent ou qui ne se rencontrent pas
souvent ou qui n'ont pas les mêmes idées. En tout cas, vous
autres, vous avez affaire à ces deux sortes de moineaux rares. Avez-vous
quelque chose à nous dire là-dessus?
M. Talbot: Oui, c'est ce que je vous ai dit. C'est Viateur Daoust
qui est le directeur régional de la région 05 qui englobe
Drummondville. C'est lui qui, dans ma maison...
M. Picotte: Quand vous faites allusion à M. Daoust, que le
MAPAQ a telle sorte d'exigence, forcément, vous devez avoir des
discussions à un moment donné entre ce qu'exige le MAPAQ et ce
que l'office exige de vous. Vous devez vous dire qu'il y a des choses qui n'ont
pas de bon sens. Vous ne voyez pas de relation? Vous ne voyez pas de
possibilité d'avoir ces deux gars-là en même temps pour
être capable d'harmoniser cela?
M. Talbot: Je crois que l'office servait bien le MAPAQ. Je ne
sais pas. Le MAPAQ était toujours pour l'autosuffisance. Il fallait
atteindre l'autosuffisance le plus tôt possible. Je crois que l'office
était porteur de ce message parce que cela pressait. Mon dossier a aussi
été dans les opérations-choc. Il fallait procéder
très rapidement. Il fallait démarrer très vite. Par
exemple, démarrer avec 200 têtes du jour au lendemain, je pense
que cela aurait pris plus de soutien technique.
M. Picotte: Autrement dit, selon vous, l'office, qui est
censé être un organisme autonome, fonctionne pas mal sous les
ordres et les directives du MAPAQ et leur autonomie dans ce cas-là, on
s'en fout?
M. Talbot: Oui, c'est cela. Tout simplement, c'est qu'on a de
très bons agronomes au Québec mais, d'après ce que je me
suis fait dire souvent dans les bureaux, c'est que les agronomes
régionaux sont des vendeurs de programmes. Ils ne sont même pas
libres. S'il fallait qu'ils disent que ce programme-là n'est pas
possible, le gars perd "sa job". On arrive au printemps et si un agriculteur va
dans un bureau régional ils vont dire: On ne peut pas, on n'a pas encore
eu les directives du MAPAQ pour le printemps. Cela peut être des silos,
des "sheds", on ne le sait pas. Pour moi l'année d'avant
c'étaient des silos et cette année-là
c'était le boeuf. Il fallait pousser dans le boeuf. L'agronome
m'avait dit: quand on ne pousse pas assez on se le fait reprocher et quand on
pousse trop on se le fait reprocher. Il m'a dit: On est devenu des vendeurs de
programmes.
On a de très bons agronomes mais on a tellement poussé la
machine que du jour au lendemain, je me réveille deux ans après
et c'est 600 000 $. J'avais une équité de 43 000 $; deux petits
tracteurs 35 forces, je me réveille deux ans plus tard avec 600 000 $.
J'ai travaillé dans le champ pour remonter ma terre, j'ai réussi
à remonter ma terre mais on a tellement prêté de l'argent
parce qu'il fallait que ces boeufs-là sortent, pour montrer qu'on
achetait bien des boeufs au Québec, que du jour au lendemain tu te
réveilles avec un trou de 400 000 $. Ce n'est pas pensable.
J'ai une coupure de journal que je vais déposer: "Québec
veut toujours augmenter la production du boeuf. Par ailleurs, M. Garon
prévoit une nette amélioration de la situation économique
pour les producteurs québécois de viande de boucherie dans les
prochaines années. Le creux de la vague a été atteint en
1983." Où est-ce que j'étais situé, moi, en 1981?
J'étais peut-être dans le bas moi aussi. Pourquoi aussi la
commission, M. Garon et M. Moreau disent: Ce sont des pas bons ces
gars-là? On a des parquets d'engraissement vides et M. Garon se
promène encore et dit: II faut pousser. Je pense que c'est ici dans le
Banquier qu'il dit qu'on n'a pas poussé assez vite: "La croissance dans
le boeuf de boucherie n'a cependant pas été assez rapide ces
dernières années à cause du prix notamment." Pourquoi
veut-il pousser encore comme ça, M. Garon, quand on a des
résultats comme ça dans les parquets d'engraissement?
C'est ça que la commission devra aller fouiller. Si la commission
ne va pas là-dedans elle ne peut pas me juger, elle ne peut pas juger
les autres. Il faut aller voir le résultat d'établissement des
parquets d'engraissement. Les quatre qui sont vides chez nous, si on ne va pas
voir dans la région pourquoi ils sont vides, je pense que la commission
aura tout simplement manqué. Quand on a demandé un
sous-comité en commençant c'était un peu pour ça.
On arrive avec des dossiers même pas complétés. Dans notre
dossier qu'on a fait venir de l'office il manque des documents et la commission
dit: Présentez-vous, vous autres. C'est comme si on avait les deux mains
attachées dans le dos et que des gars vous attendent en avant. (18
heures)
M. Picotte: M. le Président, pourrait-on récolter
les documents déposés par M. Talbot?
M. Talbot: J'en ai d'autres à déposer.
Le Président (M. Vallières): Oui. Il s'agit de
coupures de journaux. C'est cela?
M. Talbot: Oui.
Le Président (M. Vallières): À ce moment-ci
je demanderais au député de
Saint-Jean qui m'a demandé la parole de bien vouloir
procéder. Excusez-moi, plutôt M. le député de
Gaspé, suivi du député de Saint-Hyacinthe.
M. Le May: M. Talbot, on prétend dans le rapport qu'on
nous a remis que vous auriez acheté des animaux trop petits et que cela
aurait peut-être occasionné les résultats qu'on
connaît aujourd'hui. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
M. Talbot: Tout à l'heure j'ai déposé le
document de la génétique au Québec. Premièrement,
en 1979 on n'avait pas de génétique et encore en 1984 on n'a pas
de génétique au Québec. C'est normal. On a bâti les
parquets en 1979; en 1978, on devait avoir à peu près un ou deux
acheteurs de veaux d'engraissement au Québec. En 1979, on bâtit je
ne sais pas combien de parquets et là on se ramasse tous aux encans. On
est des fois 20, 25 agriculteurs et quelquefois 50 qui voulons acheter. On se
sépare les animaux; on en aurait besoin et on n'en a pas assez. C'est
normal qu'on n'ait pas acheté la bonne qualité parce qu'il n'y en
avait pas au Québec, cela n'existait pas. On n'avait pas de
génétique au Québec.
M. Le May: M. Talbot, dans votre document, vous nous dites: "Dans
mon cas, les irrégularités commises par mon gérant de
caisse populaire m'ont directement acculé à la faillite". Est-ce
le même gérant de caisse que pour M. Brousseau?
M. Talbot: Le mien aussi est parti. M. Le May: Le
vôtre aussi est parti?
M. Talbot: Oui, mais pas dans une épicerie. On l'a
envoyé assez loin, l'autre bord de Québec. Je ne sais pas
où.
M. Le May: Parce que lorsque vous parlez des
irrégularités du gérant de banque, faites-vous allusion au
chèque que vous aviez émis et qui s'est perdu en route?
M. Talbot: Oui, c'est surtout cela. M. Le May: Vous mettez
en cause...
M. Talbot: Comme je l'ai dit, mes paiements étaient faits
sur ma ferme. J'étais sûr que vu que j'avais déposé
8000 $, c'était pour le paiement de l'hypothèque de la ferme: le
remboursement. Mais il s'en est
servi pour autre chose. C'est pour cela que j'ai reçu une lettre
disant qu'il manquait ce chèque. Après, au printemps, mon
chèque de subvention d'intérêt n'a pas entré. J'ai
commencé à faire des démarches auprès de l'office
leur demandant: Comment se fait-il que mon chèque n'est pas
entré? On m'a simplement répondu: Tu as un paiement en
retard.
M. Le May: Vous n'avez peut-être pas poursuivi votre
caisse, mais avez-vous établi des procédures ou demandé
des informations? Quand même, un chèque de 8000 $ c'est
important.
M. Talbot: On a essayé mais... Comme je vous l'ai dit,
quand j'ai reçu le chèque -c'est vrai qu'on a été
naïf dans bien des choses - j'ai tout simplement dit: II y a eu une
erreur; j'ai été le lui porter et cela s'est arrêté
là. C'est seulement au printemps qu'on s'est aperçu que ce
chèque, on l'avait appliqué soit sur la marge de crédit ou
autre, mais on a joué avec ce chèque pour que j'aie eu... Ce
qu'on a fait, je ne le sais pas.
M. Le May: M. le Président, j'ai une dernière
question. Je ne sais pas jusqu'à quel point cela peut être
véridique, j'aimerais le vérifier avec vous. Dans les dossiers
qu'on nous a remis, on parle de disparition de bétail, j'aimerais vous
entendre là-dessus.
M. Talbot: En 1982, je crois, après que le parquet ait
été fermé et qu'il n'était plus question de finir
du boeuf, on m'a tout simplement dit: II va falloir que tu fasses un encan.
Cela faisait au moins trois ans que toute la famille travaillait d'arrache-pied
parce que je crois que ma terre a bien produit. On s'est privé pendant
trois ans, et là on voulait vendre les biens de la ferme familiale: mes
deux vieux tracteurs, mes vieilles vaches; je crois qu'il en restait cinq.
Alors, je me suis dit: La famille mérite plus que cela. J'en ai vendu.
Je ne suis pas venu à la commission pour cela parce que j'ai
été jugé pour cela.
M. Le May: Merci.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Berthier, une courte question et une courte
réponse, j'espère, pour permettre d'autres questions dans la
demi-heure que nous nous sommes allouée.
M. Houde: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
à M. Talbot. Connaissez-vous M. Jean Vanginip et M. Orance Mainville?
Est-ce à ces deux-là que vous avez...?
M. Talbot: Non. Orance Mainville est signé dans le...
M. Houde: Qu'est-ce qu'ils font ces deux messieurs, selon
vous?
M. Talbot: Je ne sais pas comment on appelle cela. Ce ne sont pas
des multinationales, mais ce sont des gros producteurs dans le boeuf qui
étaient en 1976 et qui ont aidé à faire le livre
"Établissement des parquets d'engraissement". M. Mainville l'a
signé.
M. Houde: Avec M. Autotte?
M. Talbot: Non, je ne crois pas, pas M. Autotte. C'est Orance
Mainville qui était gérant pour Vanginip quelque chose comme
cela.
M. Houde: Merci. J'ai terminé, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Merci, M. le Président. Vous avez
rencontré depuis ce temps-là beaucoup de producteurs et
d'agriculteurs, est-ce normal et est-ce de cette manière que cela se
fait? Au printemps 1979 cinq personnes se présentent chez vous. Est-ce
la coutume d'arriver en "gang" et d'aller régler les problèmes
dans les maisons ou est-ce que cela se fait dans les bureaux ordinairement?
Quand M. le directeur régional et un agronome, le directeur de l'office,
en tout cas, ils étaient cinq personnes chez vous. D'après vous
est-ce courant, est-ce la manière de procéder? Ordinairement,
est-ce l'agriculteur qui se présente au bureau?
M. Talbot: J'étais souvent en contact avec mon agronome
qui est Prime Pichette. C'est à lui que je demandais: C'est quoi
l'avenir de ma ferme pour établir un ou deux fils? C'est là que
cela a commencé avec Prime Pichette. On a vu qu'il n'était plus
question que la ferme familiale prenne de l'expansion. On m'avait
suggéré le porc et j'avais refusé.
M. Dupré: II y en avait trop à ce moment-là
qui se lançaient là-dedans.
M. Talbot: C'est ça. Pas longtemps après sont
arrivées cinq personnes dont mon agronome, Viateur... Tout le monde
était préparé. Ils sont arrivés chez nous et ils
ont dit: On l'a trouvé: 400 têtes. Clément Lavoie
prépare le dossier que vous avez, je vais voir mon gérant de
caisse parce que dans son dossier tout est payé dans quatre ans. Je dis
à mon gérant de caisse: Où est la poigne là-dedans?
J'ai déjà vu neiger, j'avais 41 ans. J'ai dit: II me semble que
c'est trop beau. Il
m'a tout simplement dit: Avec le revenu garanti les caisses populaires
n'ont pas peur d'embarquer et tu devrais réussir.
M. Dupré: À un moment donné ils vous ont
dit: On a trouvé votre solution.
M. Talbot: C'est ça.
M. Dupré: Comme vous le mentionnez là-dedans.
M. Talbot: Oui. Le modèle pour stabiliser une ferme au
Québec en 1979 c'était ceci: On prenait une photo et on disait:
C'est ça que ça coûte pour produire un boeuf. La commission
doit faire une recherche là-dessus pour savoir comment on a
été stabilisé en 1979 et 1980. C'était un
modèle hypothétique de ferme qu'on prenait.
M. Dupré: Avec votre expérience, quand vous dites
un peu plus loin: L'opération d'une ferme bovine nécessite
beaucoup de liquidité pour acheter les animaux, les nourrir, etc.
Déjà vous deviez être un peu surpris tout de même
qu'ils vous arrivent et disent quasiment du jour au lendemain: Tu n'auras plus
de problèmes mon Talbot, on va t'arranger ça.
M. Talbot: C'était épais.
M. Dupré: Vous aviez été sur une ferme quand
vous étiez plus jeune. Tout de même ça faisait quelque
temps que vous aviez réintégré cette "fermette".
M. Talbot: J'avoue que j'ai été naïf. C'est ce
qu'on veut dire aux agriculteurs: Ne vous fiez jamais au gouvernement, ne vous
fiez jamais à un programme fait par un gouvernement. Allez toujours le
faire analyser par une firme d'agronomes ou de comptables. C'est l'erreur que
j'ai faite et que plusieurs agriculteurs ont faite. Pourquoi le MAPAQ
coûte-t-il 40 000 000 $ ou 100 000 000 $? Pourquoi cette institution
existe-t-elle pour faire ce qu'elle a fait dans le veau de grain? C'est un
échec total dans le veau de grain. Dans le parquet d'engraissement c'est
un échec à peu près total encore. Dans le porc... Il y en
a plusieurs autres.
M. Dupré: M. Talbot il reste qu'en 1981 vous étiez
"poigné" - entre guillemets - vous n'aviez pas le choix, avec des taux
d'intérêt jusqu'à 22%. Ne croyez-vous pas que, n'eussent
été ces taux d'intérêt à 22%, il y aurait eu
possibilité de vous en sortir?
M. Talbot: Mon revenu...
M. Dupré: Tout de même, je vois que les paiements
étaient astronomiques à ce moment-là avec une dette
semblable.
M. Talbot: C'est là qu'entre en compte mon revenu garanti.
C'est la photo de la ferme qu'ils ont prise; j'étais bien loin en bas.
La photo de la ferme qu'ils prennent, c'est qu'il n'y en a pas d'endettement,
c'est qu'elle n'emprunte pas pour semer, c'est qu'elle n'emprunte pas pour
payer son assurance-stabilisation. Il fallait que j'emprunte pour payer mon
assurance-stabilisation. Si cela me coûtait 4000 $ pour assurer mes
boeufs, calculez cela pour un an et demi, parce que l'assurance-stabilisation,
il faut que vous vous battiez pour vous faire payer et ils ne sont pas
pressés. Ce n'est pas prévu dans le coût de production.
C'est là que le taux d'intérêt, comme vous dites, aurait
été censé être dans mon coût de production. Si
ce n'est pas dans le mien, au moins dans la région, mais on le
prend...
M. Dupré: 100 000 $, à 22%, cela commence à
faire du stock.
M. Talbot: J'ai payé 132 000 $ d'intérêts. Si
vous enlevez les subventions d'intérêts que j'ai eues, j'ai
dû payer environ 100 000 $. À remarquer que je ne les ai pas
payés; je n'ai pas été capable. C'est
l'assurance-stabilisation qui devait stabiliser mes revenus. En 1979,
l'assurance-stabilisation, comme je vous le dis, c'est une photo de ferme.
M. Dupré: Oui, mais tout de même, je
répète ma question. N'eussent été ces taux
usuraires à 22%, croyez-vous, bien honnêtement, que vous auriez pu
vous en sortir?
M. Talbot: Je ne le sais pas, parce que le prix du boeuf... La
façon dont on était stabilisés, je crois qu'il n'y avait
pas possibilité. Quand vous allez entendre l'UPA ici, il faut que vous
lui posiez la question: ce que vous avez fait pour les producteurs de boeuf.
Qu'est-ce que vous avez fait pour la stabilisation des revenus? C'est une
question qu'il faut que vous posiez à l'UPA. C'est l'UPA qui s'est
occupée de cela. Elle fait des démarches à tous les ans au
Québec. Elle vient à Québec. On appelle cela le
pèlerinage de l'UPA. Elle vient et elle dit: Nos gars sont mal
stabilisés. Ils reviennent à Nicolet et ils disent: Bien, le
gouvernement ne fait rien. Pendant ce temps, nous autres, on mange notre
chemise.
M. Dupré: À propos de votre chèque dont vous
avez parlé tantôt qui avait été égaré,
est-ce qu'il se peut que le gérant de la caisse l'ait déduit des
sommes que vous deviez à la caisse?
M. Talbot: Fort probable que c'est ce
qu'il a fait.
M. Dupré: Mais vous n'avez jamais eu...
M. Talbot: Non, c'est bien difficile. On ne peut pas avoir
accès à ces dossiers-là. On a essayé.
M. Dupré: Oui, tout de même, c'est votre dette
ancienne.
M. Talbot: Oui, mais on a...
M. Dupré: À ce moment-là, vous n'avez pu
voir s'il avait été déduit de vos paiements
réguliers.
M. Talbot: II a dû être déduit.
M. Dupré: Est-ce qu'ils vous l'ont dit?
M. Talbot: Je crois que, après, on a su que cela avait
été rabattu sur ma marge de crédit. En tout cas, ils ont
séparé cela sur deux ou trois prêts.
M. Dupré: Merci.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Roberval.
M. Gauthier: C'est pour un éclaircissement. M. Talbot,
l'essentiel de votre argumentation repose sur le fait que vous deviez acheter
votre boeuf dans des qualités moindres, de la production locale, si j'ai
bien compris, qu'il n'y avait pas de vétérinaire qualifié
au début pour vous aider, etc. Partant de quelques considérations
comme celles-là, vous dites: L'augmentation de la production du boeuf,
cela n'a pas fonctionné; c'est zéro comme programme ou quelque
chose du genre. Est-ce que vous attribuez essentiellement à ces
conditions, c'est-à-dire l'achat guidé localement, les
vétérinaires manquant d'expérience, le fait que votre
coût de production était très élevé, parce
que le taux de mortalité, je pense, était assez
élevé dans votre troupeau? Effectivement, le boeuf produit
n'était pas nécessairement d'une qualité
supérieure. Est-ce que vous attribuez cela strictement à ces deux
facteurs ou à autre chose?
M. Talbot: Non, le taux de mortalité de mon troupeau
n'était pas plus élevé que d'autres. En 1979, quand on a
tous commencé, on a tout expérimenté en même temps.
Les vétérinaires, les agriculteurs, tout le monde a
expérimenté en même temps.
Il y a une citation que je voudrais faire. M. André Charbonneau,
journaliste agricole, à l'émission La semaine verte du 7 octobre
1984, a tout simplement dit que la production du boeuf au Québec en
parquets d'engraissement, cela avait été poussé
exagérément, que ce n'était pas possible qu'une personne
commence avec 200 têtes ou 400 têtes. Si vous ne pouvez pas
entendre André Charbonneau ici, en commission, vous ne saurez exactement
ce qui s'est passé là-dedans. (18 h 15)
M. Gauthier: Je m'excuse, M. Talbot. Vous parliez tout à
l'heure du taux de mortalité. Les chiffres dont je dispose ici font
état de 7,5%, un taux de mortalité dépassant 7,5%.
Êtes-vous en train de me dire que, à votre connaissance, dans
l'ensemble des parcs d'engraissement que vous connaissez et qui sont dans le
coin chez vous, le taux de mortalité était identique ou
très semblable?
M. Talbot: C'est comme je vous ai dit, pour la ferme
modèle du gouvernement, c'est de 2%. Ce n'est même pas
"atteignable". Un spécialiste...
M. Gauthier: Je suis d'accord. Je ne veux pas... Vous savez la
ferme modèle...
M. Talbot: En 1979 - je vous l'ai dit -c'était très
normal. Même à 7%, j'étais dans la bonne moyenne parce que
certains l'ont dépassé de beaucoup.
M. Gauthier: Vous a-t-on déjà donné des
indications sur le fait que le coût de la production par livre de boeuf
produite était plus élevé dans votre exploitation que dans
des exploitations comparables inscrites à l'Office du crédit
agricole? Vous a-t-on déjà fait part de cela?
M. Talbot: C'est comme je vous dis, le coût de production,
c'est la ferme hypothétique. Il est normal que je ne puisse pas,
même un spécialiste dans les conditions qu'on m'a imposées,
c'est impossible qu'il passe au travers. Avec une équité de 43
000 $, "surendetter" une ferme comme cela du jour au lendemain, même pour
un spécialiste c'est impossible.
M. Gauthier: Je ne veux pas douter de vos qualités
professionnelles, loin de là. Je ne voudrais pas que vous
interprétiez ma question comme cela. Les données dont je dispose
me disent que, l'emprunteur typique a un coût de production nettement
plus bas que le vôtre. Cela peut être dû à bien des
facteurs extérieurs à vous-même. Croyez-vous que cette
affirmation est exagérée ou si vous pensez que c'est une chose
possible? Vous a-t-on déjà prévenu que votre coût de
production serait plus élevé - sans mettre en doute votre
compétence, c'est peut-être dû à d'autre chose, je le
répète - vous a-t-on déjà mentionné que
votre coût de production serait plus élevé non pas que la
ferme modèle mais que la ferme typique de gens
qui empruntent à l'Office du crédit agricole?
M. Talbot: Non. Si on prend le dossier de M. Clément
Lavoie, j'étais supposé être dans les normes, pas question
que ce soit plus cher. Mais il est bien normal de la manière qu'on avait
endetté ma ferme que mon coût de production soit plus
élevé. Dans la ferme hypothétique, on ne met pas
d'endettement de ferme. Il est normal que mon coût de production soit
plus élevé.
M. Gauthier: Il y a une autre chose sur laquelle j'aimerais... On
précise que le coût de l'alimentation pour votre bétail
était plus élevé que la normale pour l'année en
cours. Quand on parle de la normale, j'imagine qu'on ne doit pas parler de ce
qui est souhaité, mais on doit parler de ce qui se passe ailleurs. Vous
a-t-on déjà prévenu que votre coût d'alimentation
était plus élevé que la normale des autres fermes? Vous
a-ton déjà dit cela à l'office?
M. Talbot: Mon coût de production n'a pas de raison
d'être plus élevé. Je paie les grains aussi cher que les
autres. En 1980, on a payé le maïs-grain 200 $ la tonne et plus. Il
est normal que le coût de production augmente dans ce
temps-là.
M. Gauthier: Quant au prix que vous obteniez pour le
bétail que vous produisiez, avez-vous des indications à savoir
que le prix obtenu pour vos bêtes était inférieur,
semblable ou supérieur à ce que d'autres pouvaient obtenir pour
leurs bêtes? Avez-vous des indications à cet effet?
M. Talbot: Comme je vous ai dit tantôt, quand j'ai
rentré mes 400 têtes, on m'a ouvert une marge de crédit de
300 000 $ au lieu de 360 000 $. Dans le modèle, c'est 360 000 $. Cela
m'a coûté environ 200 000 $ pour rentrer 400 têtes. Il ne me
restait plus grand-chose pour les nourrir. Au mois de mai-juin, le
gérant de la caisse a commencé à vouloir dire: ta marge
est terminée; vends des boeufs. Alors je n'ai jamais pu finir mes
boeufs; je les ai finis du mieux que j'ai pu, mais il fallait absolument... Je
crois que déjà le mot d'ordre avait été
donné aux banques et aux caisses: la production du boeuf, les parquets
d'engraissement, on n'y touche plus. Fermez-les tout simplement!
M. Gauthier: Quand vous dites cela cependant - je suis votre
explication et je trouve qu'elle peut être très logique - que le
mot d'ordre a pu être donné aux banques ou aux caisses: les
parquets d'engraissement, on n'y touche plus, j'ai l'impression que c'est quand
même une interprétation que vous faites. J'imagine que ce ne sont
pas tous les producteurs de boeuf du coin qui ont vendu...
M. Talbot: J'ai un cas ici dans lequel on a rappelé la
marge de crédit.
M. Gauthier: Vous avez un cas ou deux?
M. Talbot: Oui, dans le document, on cite le nom d'une personne
à qui on a rappelé la marge de crédit, sans
explication.
M. Gauthier: Oui, mais je vous suis mal là-dessus. On ne
peut quand même pas généraliser et dire qu'il y a un mot
d'ordre qui est donné. On peut supposer que déjà, à
ce moment, il y avait des inquiétudes quant à votre dossier et
peut-être quant à un autre dossier. Mais j'aime moins la
généralisation de la fin que vous faites en disant que le mot
d'ordre avait été donné pour...
M. Talbot: Si on fait une recherche, vous allez peut-être
le trouver.
M. Gauthier: Si on vérifie la plupart des dossiers?
M. Talbot: Oui.
M. Gauthier: Alors, je vais très certainement
procéder à cette vérification. Je vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Vallières): Notre temps est
écoulé. Par ailleurs, si les membres y consentaient, nous
pourrions disposer de deux questions additionnelles, l'une du
député de Maskinongé, l'autre du député
d'Arthabaska, et on pourrait clore nos travaux sur ces deux questions. Je
demanderai à M. Talbot d'être le plus concis possible dans ses
réponses. M. le député de Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Donnant suite à
l'allusion faite par le député de Saint-Hyacinthe tantôt,
quand cinq personnes sont allées chez vous pour vous vendre
l'idée de vous embarquer dans la production, dans un parc
d'engraissement des têtes de bétail, avec toute l'histoire qu'on
connaît depuis, pouvez-vous me dire, si vous vous en souvenez, quels
étaient les taux d'intérêt? Est-ce qu'ils étaient
à la hausse? Est-ce qu'ils étaient stables? Est-ce qu'ils
étaient bas?
M. Talbot: En 1979, les taux étaient assez bas. Je ne
pourrais pas donner un chiffre, mais je crois qu'ils ont commencé
à monter vers 1980, ou à la fin de 1979. Je ne peux pas dire
à quel moment exactement.
M. Picotte: Les taux d'intérêt étaient
raisonnables à ce moment?
M. Talbot: Oui, les taux d'intérêt
étaient raisonnables.
M. Picotte: D'accord.
M. Talbot: Quand vous interrogerez l'UPA, je voudrais que cette
question soit posée à l'UPA.
Je vais déposer le document. "Le cas Talbot. Des changements plus
nuancés s'imposent. Le nombre de faillites atteint un niveau sans
précédent; les abandons sont nombreux. Certaines productions sont
touchées plus que les autres mais aucune n'y échappe." Je
dépose ce document.
Le Président (M. Vallières): Oui, nous acceptons le
dépôt du document. M. le député d'Arthabaska.
M. Talbot: J'en ai un autre ici: "Agriculture.
Responsabilités. Les risques doivent être assumés
collectivement."
Le Président (M. Vallières): Très bien. Ce
document est aussi déposé. M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Je vais essayer d'être assez rapide,
parce qu'il y aurait encore beaucoup de choses à discuter, vous en
conviendrez. Je comprends que l'heure passe, mais depuis le début, M.
Talbot dit qu'il a été forcé, par le biais de programmes
gouvernementaux, à garder plus de têtes qu'il ne l'aurait voulu
puisqu'il aurait été capable de le faire. Il faut quand
même admettre que, dans la production du boeuf, entre autres, avec le
faible taux de rendement, si les programmes sont basés sur un nombre X
de têtes de bétail, c'est pour essayer d'atteindre une certaine
rentabilité. Tu vas partir avec 200 têtes et tu vas
peut-être vivre quelques années. Mais, un jour, tu vas te rendre
compte que tu ne peux continuer, parce que ton taux d'endettement va être
trop élevé.
Ma question serait celle-ci: Qu'est-ce que M. Talbot pense du fait
suivant: Il y a des gens qui vont au bureau du député; ils vont
voir le conseiller agricole. À cause d'économies qu'ils ont
faites, ils ont acheté une ferme quelque part. Il n'y a pas de quotas,
il n'y a rien; c'est une ferme abandonnée. Ces gens nous disent: "Je
viens d'acheter cela et je suis prêt à produire n'importe quoi. Je
veux vivre de la terre; cela fait longtemps que je veux réaliser un
rêve. Je vais produire n'importe quoi. Qu'est-ce que tu me conseilles?"
Le conseiller va essayer de l'orienter dans différentes productions,
parce que s'il dit: "Je ne veux rien savoir de toi", le gars va se plaindre de
la réaction du conseiller. Après toutes sortes de calculs, on
vient à bout d'obtenir une certaine rentabilité pour une
production X et l'office prête de l'argent. Si le gars fait faillite et
n'arrive pas, il dira que l'office l'a obligé d'aller dans cette
production. Mais si, au début, l'office lui dit: "Non, tu ne peux pas y
aller, parce que cela ne sera pas rentable", le gars va encore chialer
après l'office parce qu'il va dire que le gouvernement ne veut pas aider
les agriculteurs, ni l'agriculture. Qu'est-ce qu'on fait à ce
moment-là?
M. Talbot: Je vous l'ai expliqué tantôt. Les
agronomes régionaux ne peuvent même pas prendre de
décision. Mon agronome est arrivé à Viateur Daoust et ils
ont dit: C'est ça. Mon agronome, peut-être était-il
sceptique. Il n'a pas voulu me le dire, il n'avait pas le choix. Il perdait sa
job ce matin-là. C'est dans plusieurs autres dossiers.
M. Baril (Arthabaska): Cela revient à l'explication que
j'ai donnée au début. Le programme est établi pour avoir
400 têtes parce que la rentabilité est basée sur 400
têtes et à 200 têtes tu ne peux pas arriver. Ce sont des
investissements que ça prend. C'est pour cela que l'agronome... Pas
parce qu'il est obligé de le vendre. Il est obligé à cause
de calculs que lui est obligé de donner. Cela prend 400 têtes pour
être capable de compenser les investissements qu'on a faits. Tant le
gouvernement que l'Office du crédit agricole, il faut savoir
également que c'est l'argent du public qu'on donne en subventions de
toutes sortes, en aide de toute sorte. Tu ne peux pas aller n'importe
comment.
M. Talbot: Vous avez le dossier de Clément Lavoie. C'est
Clément qui a fait mon dossier que ma ferme était payée
dans quatre ans. Je ne suis pas le seul.
M. Baril (Arthabaska); Oui, pour cela je comprends.
M. Talbot: II y en avait de la rentabilité avec cela
ici.
M. Baril (Arthabaska): Mais pourquoi cela n'est pas devenu
rentable? C'est cela qu'on vous demande. Il est arrivé toutes sortes de
choses naturelles dans la situation. Le taux de productivité a
été plus bas que la moyenne, que la rentabilité, le prix
de vente, le coût de production a été plus
élevé. C'est un concours de circonstances. C'est bien dommage
pour vous et pour les autres, mais quand même, dans le secteur agricole
comme dans n'importe quel secteur économique, il y a un taux de risque
qui est là, de perte, de faillite.
M. Talbot: Il n'y en a pas. Il n'y avait pas de risque. Vous avez
le document de Clément Lavoie, officier du crédit agricole, qui
prend ce livre ici, vous avez tout le
monde qui a signé. Je vous dis que cela a coûté je
ne sais combien. Là aujourd'hui vous me dites: Ne vous fiez pas à
cela.
M. Baril (Arthabaska): Ce n'est pas cela que j'ai dit. Ce n'est
pas du tout ce que j'ai dit.
M. Talbot: C'est ça que vous dites là.
M. Baril (Arthabaska): Ce n'est pas cela que j'ai dit. J'ai dit:
Pourquoi n'êtes-vous pas capable d'arriver à ces chiffres?
M. Talbot: Vous dites tout le temps que mon coût de
production est plus élevé. C'est normal qu'il soit plus
élevé parce que vous n'êtes même pas capable,
même un spécialiste ne pourrait pas se servir de cela. Mon
coût de production n'est pas plus élevé. Je vous l'ai
expliqué par la génétique. Il n'y a pas de
génétique au Québec.
Le Président (M. Vallières): S'il vous
plaît!
Une voix: ...en faillite.
M. Talbot: C'est ça. Les autres sont en faillite.
Le Président (M. Vallières): À moins que la
commission, de façon unanime, décide de continuer ses travaux
dépassé 18 h 30... Oui, le secrétaire de la commission va
le faire. On peut peut-être consulter les membres sur l'heure à
laquelle on pourrait revenir. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20
heures.
(Suspension de la séance à 18 h 28)
(Reprise de la séance à 20 h 16)
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation
reprend ses travaux.
M. Picotte: M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: J'ai une demande à faire aux membres de la
commission, si c'est possible. Cela a été souligné,
d'ailleurs, avant l'heure du lunch. Des documents nous seront
présentés ce soir. D'ailleurs, on en a deux déjà.
Il y en a un autre, apparemment, qui sera modifié ou je ne sais trop. De
toute façon, cela n'est pas important. Est-ce qu'il y aurait
possibilité, après chacun des dossiers, qu'on puisse poser des
questions?
Quand on aura posé des questions après le premier dossier,
on passera au deuxième dossier et au troisième dossier.
M. Proulx: Parfait: Enfin une remarque qui a du bon sens!
Le Président (M. Vallières): Très bien,
merci.
M. Picotte: Le député de Saint-Jean n'a pas pu en
faire; c'est la première fois de la journée qu'il prend la
parole.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président (M. Vallières): Je voudrais, à
ce moment-ci, déposer un document auquel on a fait allusion lors de
l'audition de M. Clément Brousseau, soit une lettre
expédiée au député de Richmond, datée du 5
avril 1982 et signée par le président de l'Office du
crédit agricole, M. Camille Moreau. Dépôt du document.
On devrait entendre, dans l'ordre, M. Girardin, suivi de M. Montigny et
de M. Girouard. M. Girardin m'indique qu'on nous avait remis un document. On
nous en a remis un qui a été revu et il est présentement
à la photocopie. On pourrait donc commencer par l'audition de M.
Montigny immédiatement. M. et Mme Montigny, est-ce que vous pourriez
occuper le centre de la table pour permettre aux députés de vous
voir en même temps qu'ils vous interrogeront?
Nous procéderons à l'assermentation des deux personnes,
puisque Mme Montigny aura l'occasion de parler au nom de son époux.
M. et Mme Marius Montigny
Le Secrétaire: Répétez après moi: Je,
Lise Montigny...
Mme Montigny (Lise): Je, Lise Montigny...
Le Secrétaire: ...déclare...
Mme Montigny: ...déclare...
Le Secrétaire: ...jure solennellement...
Mme Montigny: ...jure solennellement...
Le Secrétaire: ...que je dirai toute la
vérité et rien que la vérité.
Mme Montigny: ...que je dirai toute la vérité et
rien que la vérité.
Le Secrétaire: Je, Marius Montigny...
M. Montigny (Marius): Je, Marius Montigny...
Le Secrétaire: ...jure... M. Montigny:
...jure...
Le Secrétaire: ...que je dirai toute la
vérité...
M. Montigny: ...que je dirai toute la vérité...
Le Secrétaire: ...et rien que la vérité.
M. Montigny: ...et rien que la vérité. Le
Secrétaire:Merci.
Le Président (M. Vallières): Merci. Mme
Montigny.
Mme Montigny: Je vais faire la lecture du texte et mon mari va
répondre aux questions.
Le Président (M. Vallières): Très bien. Nous
avons déjà reçu une copie du texte.
M. Montigny: J'ai d'autres documents pour étoffer mon
dossier.
Le Président (M. Vallières): Ce sont d'autres
documents?
M. Picotte: Est-ce que vous voulez dire que vous aurez d'autres
documents à déposer en cours de route?
M. Montigny: Oui.
M. Picotte: Bon. Vous pourrez les déposer au fur et
à mesure et la commission jugera.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
M. Picotte: Pro tempore.
Le Président (M. Vallières): Mme
Montigny.
Mme Montigny: Je suis Lise Patenaude-Montigny, épouse de
Marius Montigny en vertu d'un contrat de mariage. Nous n'avons jamais
cessé de nous donner à l'ouvrage depuis l'achat de notre ferme
située à Saint-Hugues, non loin de Saint-Hyacinthe, en novembre
1968 avec le fruit de la vente de notre maison et de nos économies
personnelles.
Nous étions dans la production porcine. Nous y avons mis tout
notre coeur. De 1969 à 1973, nous avons grandement
amélioré notre ferme en la préparant à devenir
rentable. Par son travail supplémentaire à la Goodyear, à
Saint-Hyacinthe, mon mari en a financé les améliorations et toute
la machinerie nécessaire: deux tracteurs, herse à disques et
à ressort, semoir à grain. Ce n'est qu'avec l'aide de son travail
extérieur que nous réussissions à vivre sans endettement,
mais pendant toutes ces heures de travail à l'extérieur je devais
me débrouiller toute seule, avec les enfants - ce sont des travaux
souvent trop ardus pour une femme - pour le soin des animaux.
Dès 1969, mon mari laboure, sème, fait faire les
fossés, nettoie et entretient la porcherie déjà existante.
Il entre 300 porcs que nous engraissons à forfait.
En 1970, nous avons notre premier prêt avec l'Office du
crédit agricole; puis, nous achetons une fosse à purin faite de
blocs de ciment.
En 1972, mon mari construit une porcherie-maternité avec
nettoyeur d'étable; il fait drainer la terre et creuser un puits
à même son salaire.
Il arrête de travailler à l'extérieur, en 1974, pour
se consacrer à plein temps à notre ferme d'élevage porcin.
Afin de payer la porcherie et la faire fonctionner, la Société du
crédit agricole nous consent un prêt de 73 000 $ en 1975.
En 1976, nous transformons la porcherie-maternité en porcherie
d'engraissement, avec un plancher latté, d'une capacité de 950
porcs à l'engrais. Puis, afin d'améliorer notre revenu, nous
construisons une porcherie-maternité de 150 truies, au coût de 35
000 $, financée par la société en 1977.
Pour l'engraissement, une plate-forme hors terre est alors exigée
par le ministère de l'Environnement, 12 000 $. Nos difficultés
vont commencer à partir de ce moment. Cette plate-forme n'est pas de
bonne qualité et elle présente des défauts majeurs qui la
font couler.
Le fabriquant ne la répare pas, mais en construit deux autres,
dont une près de la première et une nouvelle près de la
maternité, qui présentent les mêmes défauts de
construction. Cela nous coûtera 17 500 $ pour avoir trois plates-formes
hors terre qui coulent.
Nous avons eu des problèmes avec le ministère de
l'Environnement à cause de cela. Aujourd'hui, nous apprenons que tout
cet argent a été dépensé inutilement, car un simple
trou dans le sol suffirait. La construction de ces plates-formes qui
présentaient des défauts de construction nous a donc
pénalisés financièrement, en plus de nous occasionner des
problèmes.
En 1978, poussés par le ministre de l'Environnement et afin de
suffir à épandre tout notre purin, nous faisons l'acquisition de
60 arpents de terre qu'il nous faut financer avec une prêt de la Caisse
d'établissement.
Commencent alors les problèmes de fosses à purin qui
coulent, d'hémophilus dans notre troupeau porcin et d'absence de
marché pour le porc qui vont nous conduire
à demander un prêt spécial de 29 000 $ à
l'Office du crédit agricole, en 1980. La ferme a maintenant une valeur
de 538 000 $ et elle est endettée pour environ 169 000 $, ce qui
représente 30% de sa valeur.
En 1980, 1981 et 1982, le prix du porc se maintient relativement bas, de
sorte que nous nous retrouvons avec un manque à gagner important qui
sera la cause d'arrérages de 40 000 $ au début de 1983. Nous
avons alors 1200 porcs à l'engrais et environ 150 truies.
Pendant le temps des semences, mon mari reçoit de nombreuses
visites de l'employé de la Société du crédit
agricole et de son patron qui disent que nous serons incapables de nous sortir
de nos difficultés financières. Ils prennent plus de garanties en
lui demandant de nantir ses porcs à l'engrais et ses tracteurs. Puis,
ils nous assurent que, si nous décidons de vendre, il nous faudra
rencontrer nos créanciers et il n'y aura aucun problème. Ils nous
attendront sans nous presser jusqu'à ce que nous ayons obtenu un bon
prix pour tout notre avoir.
Alors, nous organisons cette rencontre avec le gérant de la
Banque Canadienne Impériale de Commerce, M. Gilles Morier, son
comptable, M. Bernard Marceau, et M. Luc Coulombe de la société.
Il y a un accord verbal pour qu'un encan de la machinerie se fasse, ainsi que
des autres équipements en surplus, pour rembourser les dettes.
On se met d'accord sur la vente des terres, annoncée dans le
journal La Terre de chez nous et dans le Courrier de Saint-Hyacinthe, et du
roulant et nous continuons avec les truies et les porcs d'engraissement, en
attendant.
J'aimerais vous faire remarquer que nous avons rempli tous nos
engagements pris ce jour-là. Premièrement, quant à la
vente de nos terres, dès le mois d'août dernier, en 1983, nous
avions une entente signée avec un acheteur éventuel et nous avons
terminé ces arrangements en juillet dernier, même si nous n'en
retirions absolument aucune somme d'argent.
Ayant décidé, d'un commun accord, avec ces trois personnes
rencontrées, de faire un encan public, la chose s'annonça. Le 11
juillet 1983, lors d'une rencontre avec M. Yvon Desnoyers de la
Société du crédit agricole et M. Georges-Etienne Leblanc,
l'encanteur, nous avions même préparé des pronostics sur
papier.
Lors de cette rencontre, ce ne fut qu'un va-et-vient de la part de MM.
Desnoyers et Leblanc; ce dernier s'informait auprès d'un autre agronome
employé du même bureau que M. Desnoyers au sujet de clients
éventuels pour lui. Quant à M. Desnoyers, il recevait beaucoup
d'appels téléphoniques et il prenait la peine de changer de
bureau à chaque fois pour leur répondre.
Ce même jour, le 11 juillet 1983 au matin, nous avions rendu
visite à M. Marcel Ostiguy, notre député
fédéral, qui nous avait rassurés sur notre situation en
nous faisant bien comprendre qu'il n'y avait rien d'alarmant, étant
donné que la limite des prêts agricoles était de 80% de la
valeur établie par l'office. Je dis par l'office, mais je crois que la
société est régie par les mêmes lois. De toute
façon, M. Marcel Ostiguy nous avait rassurés en nous disant qu'il
y avait une loi établissant que la limite des prêts était
de 80% de la valeur établie. Par le fait même, il nous restait une
grande marge d'équité.
Le lendemain, le 12 juillet 1983, vers environ 2 heures de
l'après-midi, le huissier vint sur les lieux de l'encan et
procéda à la saisie. L'encanteur, en ayant été
informé, arriva chez nous ce soir-là. Il était furieux. Il
nous apprit qu'une certaine personne avait intérêt à
acheter notre terre en faillite; puis, il nous dit qu'il avait le numéro
personnel de l'avocat de la Société du crédit agricole et
que dès 9 heures le lendemain matin, jour de l'encan, il obtiendrait une
mainlevée pour faire son encan.
Le lendemain matin, plutôt que d'arriver vers 9 heures, M. Leblanc
se rendit chez nous vers 11 heures pour commencer son encan. Il était
d'une humeur massacrante. Il décide alors, à l'encontre de
l'entente intervenue, de vendre d'abord l'ensemble du roulant, puis les truies,
avant la terre qui se retrouvera sans acheteur.
Il vend tout ce qu'il y a sur notre ferme à des prix
dérisoires et ridiculement bas à des amis convoqués par
l'encanteur. Un moteur de 200 $ est vendu 20 $; deux tracteurs et un camion
sont vendus pour le tiers de leur valeur; il y a même eu du sabotage sur
toutes ces machineries. La batteuse, d'une valeur de 22 000 $, qui était
en bon état avant l'encan, maintenant brisée a été
vendue 8000 $ à un grand ami de l'encanteur. Le reste est vendu à
des prix insignifiants et nous avons enregistré la disparition pure et
simple de nombreux objets qui n'ont pas été mis en vente.
L'encanteur offre la terre après avoir vendu toute notre
machinerie, de sorte que sa valeur est fortement dépréciée
et qu'elle ne trouve pas preneur. Il vend ensuite nos truies à des prix
dérisoires parce qu'il les a dépréciées
auprès des acheteurs avant de les vendre.
Les porcelets, d'une valeur de 38 $ chacun, ont été vendus
à moitié prix alors que la coopérative nous les aurait
achetés au prix normal la semaine précédente.
Nous n'avons pas touché un sou des revenus de l'encan et,
pourtant, il y avait des articles non nantis, même des articles de
ménage; le tout avait été saisi et cela n'a jamais
été remboursé.
Après avoir compté son argent dans sa roulotte,
l'encanteur se sentait vraiment coupable du revenu minable de l'encan. Il nous
a dit que Marius était trop bon et qu'il mettrait un billet de loterie
à son nom. Il nous fit beaucoup de belles promesses et nous ne nous
rendions pas compte que tout cet encan avait été frauduleux. (20
h 30)
Beaucoup de questions restent sans réponse après tout
cela, comme celle-ci: Pourquoi saisir après une entente? Cet encan a
complètement détruit notre ferme porcine et nous a
complètement dépouillés de tous nos biens et du fruit de
quinze années de travail et, ce qui est pire, du travail de nos
petits-enfants qui en resteront certainement marqués.
Plutôt que de saisir notre ferme par surprise, pourquoi M.
Coulombe ne nous a-t-il pas informés de ce qui allait arriver? Pourquoi
nous avoir harcelés lors de nos semences en 1983? Pourquoi avoir
procédé de cette manière à l'encan? Pourquoi la
coopérative ne voulait-elle plus du troupeau de truies, le lendemain
d'une entente avec M. Maurice Morissette? Avant l'encan, on avait essayé
de vendre notre troupeau de truies, on peut dire à forfait. Cela avait
une certaine valeur, on peut dire 52 000 $. M. Maurice Morissette, un jour,
nous avait offert 47 000 $. Le lendemain, la coopérative agricole
n'était plus intéressée à notre troupeau.
Pourquoi la coopérative a-t-elle attendu aussi longtemps pour
envoyer le dernier lot de porcs à l'abattoir? Alors que l'encan
s'était déroulé et qu'il ne restait plus rien, on avait
encore un lot de 1200 porcs à l'engraissement, c'est-à-dire que
nous faisions tout ce travail gratuitement. La coopérative, dans de tels
cas, étire le temps au maximum. Au lieu de prendre six mois pour
engraisser les porcs, elle peut prendre jusqu'à sept mois. Je
considère que cette manière de procéder est inacceptable.
Rien ne peut justifier une telle manière de procéder, si ce n'est
la volonté de quelqu'un de nous acheter en faillite.
J'ai annexé un document annonçant l'encan de M.
Georges-Étienne Leblanc qui avait déjà inscrit comme
cause: départ. J'ai terminé.
Le Président (M. Vallières): Merci, Mme Montigny.
Nous passons maintenant à la période des questions des membres de
la commission. M. le député de Maskinongé.
M. Picotte: Je serais disposé à laisser mes
collègues de l'autre côté poser des questions et je
reviendrai un peu plus tard.
Le Président (M. Vallières): Est-ce qu'il y a des
demandes d'intervention de la part des membres de la commission?
M. Picotte: M. le Président, dans ce cas, je vais y
aller.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Vous faites
référence dans votre document, à la page 2, au
ministère de l'Environnement en disant que vous avez été
forcés de dépenser une somme de 12 000 $ au départ pour
des travaux qui, finalement, vous ont coûté 17 500 $ à
cause de certaines malformations, j'imagine, de la structure même de la
plate-forme. Vous dites, à un moment donné, que c'était
complètement inutile puisque, aujourd'hui, on a une autre façon
de procéder. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus.
M. Montigny: Maintenant, on fait un trou et on met un
polythène; cela dépend du sol. Parfois, il n'est pas
nécessaire de creuser. La première plate-forme hors terre a
craqué tout de suite. Je calcule que c'est de l'argent perdu. On en
avait une avant, avec des blocs de ciment, et elle convenait aussi bien que
celle qu'on a posée par la suite.
M. Picotte: Dans le genre de sol que vous avez, surtout à
l'endroit où votre production est installée, n'avez-vous pas
besoin effectivement d'une plate-forme à purin?
M. Montigny: Notre sol est argileux. On n'en a pas besoin.
M. Picotte: Avez-vous discuté de cela avec les gens du
ministère de l'Environnement lorsque, au début, on vous a
imposé une telle façon de procéder?
M. Montigny: On était obligé d'avoir une
plate-forme hors terre. Nos porcheries sont trop proche du cours d'eau. Je vais
dire comme M. Talbot, il aurait fallu déménager le cours d'eau.
En ayant cela, ils nous ont acceptés. Ils nous ont donné un
permis à condition qu'on fasse cela; cela prenait cela absolument.
M. Picotte: Si vous aviez à construire la même chose
aujourd'hui, on n'exigerait plus de plate-forme à purin, au
ministère de l'Environnement?
M. Montigny: Cela dépend des sols; nous avons un sol
argileux.
M. Picotte: Je parle du sol chez vous.
M. Montigny: Non, non, ce n'est pas nécessaire. Ils disent
qu'avec un polythène d'une certaine intensité, ce n'est plus
nécessaire.
M. Picotte: À toutes fins utiles, on vous a fait faire une
dépense de 17 000 $ à 18 000 $.
M. Montigny: Plus que cela. C'est dans le moins des moins.
M. Picotte: Avez-vous utilisé des droits de recours contre
la compagnie qui vous avait installé quelque chose de
défectueux?
M. Montigny: Dans le moment, c'est en procès avec Silo
supérieur Inc., à Saint-Hyacinthe. Je ne suis pas seul dans ce
cas. On est plusieurs. C'est dans les mains d'un avocat, M. Desnoyers. Cela
fait cinq ans que cela traîne. On les réparait durant ce
temps.
M. Picotte: Vous nous dites un peu plus loin dans votre document
que vous avez utilisé un crédit spécial offert par le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, en
pleine période de crise de la production porcine, d'une valeur de 29 000
$.
M. Montigny: C'est justement, on gardait des lards en...
M. Picotte: Ces 29 000 $ ne vous ont pas aidés?
M. Montigny: L'argent est rendu... On gardait...
M. Picotte: Qu'est-ce que c'était, ce crédit
spécial? Qu'est-ce qu'on vous offrait au juste? Parlez-nous donc de ce
crédit spécial. C'était censé être un
miracle. Je me rappelle quand le ministre de l'Agriculture avait annoncé
cela à l'Assemblée nationale, je lui ai posé une question
là-dessus. On m'a dit: C'est ce qui va sauvegarder les producteurs de
porc. Je croyais que cela allait les rachever ou...
M. Montigny: Cela a sauvegardé les meuneries.
M. Picotte: ...finir de les endetter complètement et
qu'ils étaient pour disparaître. J'avais émis cette
opinion, mais je me rappelle que le ministre de l'Agriculture m'avait dit que
je ne connaissais pas cela dans le temps. Vous avez l'air à
connaître cela, vous allez m'expliquer cela.
M. Montigny: Pour moi, cela n'a sauvegardé que les
meuneries parce que cela n'a pas sauvegardé le cultivateur. Quand ils
ont vu cela, ils ont baissé nos revenus. C'est inscrit ici: "Selon la
situation du marché - si cela continue à se
détériorer - les changements suivants seront qu'à compter
du 5 mai nous commencerons à payer, pour le porc, à 35 livres au
lieu de 27. Qui en profite?
M. Picotte: Ces 29 000 $ sont venus... M. Montigny: Ils
sont passés en moulée.
M. Picotte: ...alourdir davantage et, finalement, vous n'avez pas
de... Vous avez eu 29 000 $ de crédit spécial, en plus du
prêt que vous avez avec la société, en plus des 17 000 $
que vous avez dépensés à cause du ministère de
l'Environnement, et vous réalisez aujourd'hui que vous n'aviez pas
besoin de cela du tout. C'est suffisant pour vous. Cela a complètement
déséquilibré votre budget. C'est ce que vous êtes en
train de nous dire.
M. Montigny: Automatiquement.
M. Picotte: Vous dites un peu plus loin dans votre rapport,
à la page 3: "Ayant décidé, d'un commun accord, avec ces
trois personnes rencontrées, de faire un encan public, la chose
s'annonça." Vous aviez même préparé des pronostics
sur papier concernant votre encan. C'était quoi, les chiffres que vous
aviez, si votre souvenance est bonne? Aux alentours de quel montant aviez-vous
et espériez-vous recevoir de votre encan?
M. Montigny: Dans ce temps-là, j'étais dans mes
semences. Mon épouse a téléphoné à M.
Leblanc. Il est venu faire une estimation. Elle m'a dit: Viens à la
maison. M. Leblanc est arrivé. On va faire une estimation. On a fait
tout cela sur papier. On a fait le tour de la ferme. On a pris tout cela en
note, notre estimation, avec M. Leblanc. Cela montait à 538 000 $, la
ferme au complet, toute la réguine. C'est cela.
M. Proulx: Pas la maison?
M. Montigny: Oui, avec la maison.
M. Proulx: Tout?
M. Montigny: Tout au complet.
M. Proulx: L'ensemble.
M. Picotte: Je ne sais pas si vous l'avez mentionné, mais
quel montant avez-vous retiré de votre encan, finalement?
M. Montigny: Je n'ai pas retiré un sou, parce que...
M. Picotte: Non, mais quel montant a été
retiré finalement, quand M. Leblanc est allé calculer ses...
Mme Montigny: 73 361 $.
M. Picotte: Et vous auriez dû normalement retirer combien?
Vous l'avez dit tantôt.
Mme Montigny: Après entente entre les trois personnes qui
n'avaient pas les mêmes pronostics que M. Leblanc, M. Desnoyers avait
écrit 410 000 $.
M. Picotte: Une possibilité de 410 000 $?
Mme Montigny: Oui.
M. Picotte: Et vous avez retiré 73 000 $,
c'est-à-dire qu'on a récolté 73 000 $?
Mme Montigny: 73 361 $.
M. Picotte: Quand vous avez fait vos prévisions, la maison
était-elle incluse?
Mme Montigny: Oui, on avait tout calculé.
M. Montigny: C'était tout le bloc, toute la ferme. On
avait en tout six terres, six fermes. Ce sont six terres
différentes.
M. Picotte: Est-ce que M. Leblanc encantait à pourcentage?
C'était quoi, le pourcentage?
M. Montigny: Cela doit être la même chose qu'eux,
parce que je ne m'en souviens pas, de mémoire.
M. Picotte: On parle de 5%, environ. C'est ce qui est normal.
M. Montigny: À peu près. Cela doit être
cela.
M. Picotte: Vous dites: "L'encanteur, en ayant été
informé, arriva chez nous ce soir-là. Il était furieux. Il
nous apprit qu'une certaine personne avait intérêt à
acheter notre terre en faillite." Vous a-t-il donné le nom de cette
personne?
M. Montigny: Pardon?
M. Picotte: C'était qui?
M. Montigny: Je préfère ne pas le dire.
Mme Montigny: C'est une personne assez haut placée de
Saint-Hyacinthe.
M. Montigny: Assez haut placée. Cela ne m'intéresse
pas de...
Mme Montigny: On préfère ne pas trop la salir.
M. Picotte: Qui a acheté la... Qui l'a achetée?
Mme Montigny: Ils ne l'ont pas achetée encore.
M. Montigny: Elle n'est pas encore achetée, parce qu'on
n'est pas encore parti.
M. Proulx: Vous demeurez dans votre maison et c'est votre
ferme.
Mme Montigny: Ils voulaient l'acheter en faillite.
M. Montigny: En faillite.
M. Picotte: Mais c'est M. Leblanc qui vous a dit cela?
Mme Montigny: Oui. M. Leblanc l'avait mentionné devant
témoin. Il y avait une autre personne que les membres de la famille dans
la maison.
M. Picotte: II vous a mentionné le nom devant
témoin.
M. Montigny: Mais devant nos enfants aussi. Je ne sais pas
si...
M. Picotte: Est-ce que vous avez pu remarquer par la suite que
cette personne -je ne sais pas si vous avez fait une vérification; en
tout cas, on aime toujours vérifier si, effectivement, ces
choses-là sont véridiques - était
intéressée?
M. Montigny: Elle était intéressée, mais,
automatiquement, ce ne sera pas elle qui va l'acheter. On sait qui va
l'acheter. Cela se prépare.
M. Picotte: Et cela aurait pu être la combine qui s'est
faite en coulisse vous permettant de ne plus respecter la parole que vous aviez
donnée au préalable et l'entente que vous aviez faite, d'une
certaine façon. C'est pour cela que, le lendemain, le huissier est
apparu dans le portrait.
M. Montigny: C'est cela.
M. Picotte: Avez-vous reçu des montants de
l'assurance-stabilisation?
M. Montigny: On a tout cela ici.
M. Picotte: Vous avez reçu des montants de
l'assurance-stabilisation.
M. Montigny: J'avais une assurance-stabilisation dans le
maïs-grain. L'année dernière, on était
assurés. On était assurés
pour 33 000 $. Quand est venu le moment de payer, on a eu seulement 16
000 $. La raison qu'on nous a donnée, c'est qu'il y a eu une
sécheresse chez nous et la pollinisation n'a pas été
exacte. Il n'y a pas eu de pollinisation, c'est-à-dire qu'on n'a pas eu
d'épis. Ils ont donné comme raison qu'on avait oublié de
mettre de l'engrais chimique. On a toujours mis la même quantité.
Mes rapports indiquent qu'on a toujours mis la même quantité.
Concernant les porcelets, cela a toujours été à peu
près la même chose. Ils ont toujours essayé de nous
couper.
M. Picotte: Avant le souper, un intervenant nous a
souligné que, souventefois, dans le phénomène de
l'intégration, il y avait des gens qui recevaient des montants de
l'assurance-stabilisation. Ils signaient tout simplement les chèques et
les envoyaient à l'intégrateur. À votre connaissance,
est-ce que cela existe vraiment?
M. Montigny: Cela existe certainement, parce que j'ai ici un
papier indiquant que j'ai signé le chèque. J'ai dit: Tu vas me
signer un papier, mon gars, avant de partir avec le chèque.
Mme Montigny: Cela faisait deux chèques qu'on signait: un
de 21 000 $ et un autre de 12 000 $.
M. Picotte: C'est quoi ce papier? Pouvez-vous nous le lire - je
ne détesterais pas en prendre connaissance - ou le déposer?
Faites-nous donc part de cette patente-là. Je vais prendre le temps de
m'excuser auprès de mon collègue de Saint-Jean parce que,
généralement, il participe très bien à nos
discussions.
M. Montigny: C'est marqué: "Je reconnais que le
chèque reçu du gouvernement du Canada pour les subsides des porcs
1979 et 1980 n'est pas en ma propriété, selon le contrat de
Porvobec Inc., clause générale no 6 - c'est eux qui ont fait cela
- article J: Tous les supports de prix ou subsides du gouvernement
fédéral ou provincial devront être remis entièrement
à la Société coopérative agricole de
Sainte-Rosalie. Porvobec Inc. reconnaît que ledit chèque de
subside lui a été remis et de ce fait que le TP-4, etc." J'ai le
numéro du chèque et j'ai le montant.
M. Picotte: Par qui cela est-il signé?
M. Montigny: J'ai signé, ainsi que M. Léon Martin,
M. Morissette et Jacques Forest.
M. Picotte: Qui sont ces gars-là?
M. Montigny: Des gars qui travaillent à la
coopérative, à Sainte-Rosalie. M. Picotte: La
coopérative. M. Montigny: Oui.
M. Picotte: M. le Président, je demande qu'on verse ce
document au dossier de la commission.
Le Président (M. Vallières): Est-ce que je peux
voir le document, s'il vous plaît?
M. Montigny: J'en ai d'autres aussi.
M. Picotte: À votre connaissance, cela se fait couramment
que des gens reçoivent des chèques de... (20 h 45)
M. Montigny: II y en avait un autre, mais je l'ai perdu dans mes
dossiers...
M. Picotte: Mais cela se fait couramment, selon vous...
M. Montigny: II n'est pas revenu, l'autre.
M. Picotte: ...que les gens reçoivent des chèques
de l'assurance-stabilisation et, forcément, quand ils sont dans
l'intégration, c'est l'intégrateur qui bénéficie de
cela?
Mme Montigny: Ils sont obligés de les remettre à
leur intégrateur.
M. Picotte: Dans une entente signée par contrat comme
celui-là? Est-ce que, dans vos contrats d'intégration, c'est
inclus ou...
M. Montigny: Je n'ai jamais signé de contrat avec eux. Je
ne comprends pas qu'on soit obligé de donner notre argent. Je n'ai aucun
contrat avec Porvobec.
M. Picotte: Mais de quel droit vient-on chercher votre
chèque? Qu'est-ce qu'on vous dit? Si vous n'avez pas signé
d'entente, vous donnez cela par pure bonté?
M. Montigny: Non, non, non. Si tu ne signes pas le chèque,
mon gars, on ne te "remplit" pas. C'est facile. On n'a pas de cochons. Comment
veux-tu qu'on arrive? J'en ai un autre ici... Quand ils ont coupé le
prix des porcelets, ils nous ont dit: Si tu n'es pas content, vends-les
à un autre. C'est ce qu'ils me disent. J'en ai un autre pour
l'engraissement. À un moment donné, ils donnaient 1 $ par mois
pour en avoir soin.
Mme Montigny: C'était le loyer d'un mois. Ils changeaient
cela à leur guise. À un moment donné, on avait une
rencontre un soir...
M. Montigny: Ils téléphonaient à l'heure du
souper...
Mme Montigny: ...et ils disaient: C'est de valeur, les gars,
aujourd'hui, on va vous couper; ce n'est pas assez payant; vous allez avoir
0,50 $ au lieu de 1 $ ce mois-ci. À partir d'aujourd'hui, cela va
être cela. Personne ne parlait dans la salle; et cela continuait. Cela ne
remontait pas; une fois que cela avait baissé, cela continuait.
Le Président (M. Vallières): M.
Montigny, le document qui m'a été présenté
est considéré comme déposé à la
commission.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Je me réserve
le droit de revenir. Il doit y avoir d'autres collègues de la commission
qui sont prêts à poser des questions.
Le Président (M. Vallières): Oui, M. le
député de Saint-Hyacinthe, mais, d'abord, le député
de Roberval.
M. Gauthier: II y a deux aspects qui m'ont
particulièrement frappé dans le témoignage qu'on vient
d'entendre. Le premier concerne une réponse que vous venez de donner au
député de Maskinongé. Est-ce que j'ai bien compris quand
vous avez dit, tout à l'heure, que le crédit spécial de 29
000 $, en aucun temps, ne vous a aidé sur votre ferme?
M. Montigny: Pardon?
M. Gauthier: Le député de Maskinongé, si
j'ai bien compris, vous a demandé si, effectivement, le crédit
spécial de 29 000 $ ne vous avait rien donné. Vous avez
répondu: Oui, c'est vrai; cela ne m'a rien donné. Est-ce que
c'est exact?
M. Montigny: Cela ne m'a rien donné parce que, le
lendemain, on m'a téléphoné pour me dire: Aujourd'hui, on
descend tes porcelets à tel prix - les papiers sont ici -et pour
l'engraissement, au lieu de 1 $ par mois, on vous met à 0,50 $, parce
que nous non plus on n'arrive pas. C'est ce qu'on m'a dit.
M. Gauthier: Qui vous a téléphoné pour vous
dire que, le lendemain, on vous mettait à 0,50 $? Je m'excuse, je
comprends mal.
M. Montigny: Ce sont les dirigeants de la Coop de Sainte-Rosalie,
parce que je faisais affaires à Sainte-Rosalie.
M. Gauthier: D'accord. Les dirigeants de la coop ont
profité du fait que le gouvernement vous offrait un crédit
spécial...
M. Montigny: Moi, je vois cela comme cela. Je ne sais pas comment
vous voyez cela, vous autres.
M. Gauthier: ...pour essayer de faire une passe. Je ne vois pas
cela; je vous le demande. Les dirigeants de la coop ont essayé de faire
une passe, à partir du moment où ils savaient que vous aviez un
crédit spécial de 29 000 $. C'est cela?
M. Montigny: On vendait le porcelet à 30 livres; ils ont
augmenté à 35 livres et ainsi de suite.
M. Gauthier: D'accord. Mais quand vous disiez que cela ne vous
avait été d'aucune utilité, ce n'était pas quant au
crédit spécial lui-même, c'était quant à
l'utilisation que d'autres personnes ayant le contrôle sur votre
exploitation en faisaient. C'est bien cela? Est-ce que c'est cela?
M. Montigny: Le crédit spécial, automatiquement,
cela ne m'a pas aidé. Cela m'a aidé sur le coup, mais,
après, j'ai payé de gros intérêts parce que je n'ai
jamais pu le rembourser.
M. Gauthier: D'accord. Vous avez, si je comprends bien... Je me
posais la question... J'ai un peu sursauté quand vous avez dit que cela
ne vous avait pas aidé du fait que votre exploitation a quand même
poursuivi ses activités pendant au moins deux années
complètes à la suite de cela. C'est bien le cas?
M. Montigny: Oui, mais sortez votre rapport de la
société.
M. Gauthier: Je l'ai devant moi, le rapport.
M. Montigny: Regardez mon équité d'il y a deux
ans.
M. Gauthier: À la suite du crédit spécial,
je vois que vous avez une dette totale de 169 000 $ sur 538 000 $,
c'est-à-dire 30% de la valeur de la ferme. C'est bien cela? Et ce sont
ces 29 000 $... Est-ce que ces 29 000 $ vous ont placé dans une
situation financière difficile? N'est-ce pas plutôt ce que vous
dites trois lignes plus bas, quatre lignes plus bas, à savoir que le
prix du porc n'était pas très élevé dans les
années qui ont suivi, ce qui a fait un manque à gagner important
de 40 000 $ qui s'est ajouté, finalement, aux 29 000 $ et à ce
que vous deviez déjà?
M. Montigny: Je vais vous dire que j'aurais aimé autant ne
pas avoir ces 29 000 $.
M. Gauthier: Est-ce que je peux vous
demander pourquoi vous vous en êtes prévalu à ce
moment? Vous me dites: J'aurais aimé autant ne pas l'avoir. Vous vous en
êtes prévalu pourquoi?
M. Montigny: Je me suis aperçu que cela ne valait pas
cher. Sur le coup, de la façon dont on présentait cela,
c'était quasiment un beau gâteau.
M. Gauthier: II y a une chose que j'ai de la difficulté
à comprendre. Vous aviez votre financement à la
Société du crédit agricole qui est un organisme
différent de celui dont on a entendu parler, je pense -par lequel vos
collègues étaient financés -depuis le début de
cette journée. En tout cas, je parle des autres cas qu'on a entendus.
Vous avez tout à coup un crédit de l'Office du crédit
agricole, un crédit spécial de 29 000 $, et vous me dites
aujourd'hui, à cette commission parlementaire, sous la foi du serment,
que ces 29 000 $ semblent vous avoir placé dans une situation
extrêmement difficile. Est-ce que je comprends mal ou est-ce que c'est
cela que vous avez dit?
M. Montigny: II y a une manière. En nous prêtant
cela, on est absolument obligé de prendre une assurance-stabilisation.
En prenant une assurance-stabilisation, il faut continuer absolument dans la
production porcine. Si je ne l'avais pas eu, j'aurais fermé la
porte.
M. Gauthier: Vous me dites que, si vous n'aviez pas eu ce
crédit de 29 000 $, vous auriez fermé la porte de votre
entreprise?
M. Montigny: La porte de la maternelle; pas toutes les
portes.
M. Gauthier: D'accord. Vous auriez changé, en quelque
sorte, l'orientation de votre production, de votre ferme. C'est cela? Et ces 29
000 $ ont fait en sorte que vous avez gardé l'ensemble de votre ferme
dans l'orientation qui était déjà prise.
M. Montigny: Quand ils montraient que c'était à
notre avantage, mais ce n'est pas le cas; je me suis aperçu de cela. Il
fallait prendre une assurance pour les petits porcelets. Tout le temps que j'ai
pris une assurance pour les porcelets, cela m'a donné à peu
près 2000 $ de revenus, votre assurance, l'assurance du MAPAQ.
M. Gauthier: Combien coûtait cette assurance?
M. Montigny: Dans les coûts ici, cela donne environ 1200 $
à 1500 $.
M. Gauthier: Cela vous a coûté entre 1200 $ et 1500
$ de prime.
M. Montigny: Que je payais.
M. Gauthier: De prime. Cela est par année.
M. Montigny: Oui.
M. Gauthier: Vous l'avez payée pendant combien de temps?
Deux ans?
M. Montigny: Depuis qu'on a eu les 29 000 $. C'est cela.
M. Gauthier: Avec les 29 000 $ vous avez fonctionné,
semble-t-il, deux ans, c'est cela? Cela veut dire que vous avez payé
à peu près 2500 $ à 3000 $ de prime au total. C'est
cela?
M. Montigny: Plus que cela, il me semble. L'an passé, je
l'ai payée. Cela fait environ... On peut l'indiquer à peu
près.
M. Gauthier: C'est bien important qu'on le sache. Après
avoir obtenu ce crédit spécial, vous avez exploité votre
ferme durant deux ans.
M. Montigny: Combien, dites-vous?
M. Gauthier: Deux ans. D'accord. Et vous dites que vous payez
1200 $ à 1500 $ de prime, c'est cela? Par année?
M. Montigny: Une fois, j'ai donné 1876 $...
M. Gauthier: Oui.
M. Montigny: Avant, c'était 1414 $.
M. Gauthier: D'accord.
M. Montigny: Ensuite, c'est le montant de la vente en septembre.
Ils nous ont donné en prime, 2326 $ pour avoir une assurance. Calculez
l'intérêt sur mon argent.
M. Gauthier: Cela vous avait coûté 3200 $, si j'ai
bien calculé. Cela vous a donné 2000 $...
M. Montigny: 2326 $.
M. Gauthier: 2300 $, c'est-à-dire que vous avez une perte,
sur cette assurance, de 900 $. Est-ce cela?
M. Montigny: Cela doit être ça.
M. Gauthier: Vous me disiez tantôt que les 29 000 $ vous
avaient placé dans une mauvaise situation parce qu'ils vous avaient
obligé à prendre cette assurance qui vous a coûté,
l'un portant l'autre, 900 $, mais c'est surtout parce que cela vous a
empêché de
changer de production.
M. Montigny: Bien, on n'avait pas le choix; on n'était pas
pour virer une porcherie à l'envers.
M. Gauthier: II fallait que vous continuiez dans la même
production.
M. Montigny: On était obligé de prendre une
assurance si on nous donnait 29 000 $ pour assurer notre salaire. Ce
n'était pas le cas, on ne l'a pas assuré...
M. Gauthier: D'accord.
Mme Montigny: Pour ce qui est des 29 000 $, ce qu'il voulait dire
tantôt, c'est que les 29 000 $ nous sont parvenus au mois de mai et les
papiers que Provobec nous envoyait - les deux papiers, je peux vous les relire
- disaient qu'à compter du 1er mai le paiement serait de 0,50 $ au lieu
de 0,75 $ pour le porc et, ensuite, qu'à compter du 5 mai 1980 le poids
des porcelets serait augmenté de deux livres. On disait: Nous
commencerons à calculer à 27 livres au lieu de 25 livres et le
poids maximal sera de 35 livres au lieu de 33 livres; nous demandons un minimum
de 30 livres pour le poids des porcelets.
À chaque fois qu'on bénéficiait d'un crédit
spécial, que chaque cultivateur bénéficiait d'un
crédit spécial, il y avait toujours un intégrateur pour
nous l'enlever de l'autre main. J'aimerais que soient déposés ces
deux papiers aussi; vu que cela arrive exactement à la même date,
on peut se poser des questions.
M. Gauthier: Ce que vous venez de m'expliquer très
clairement, madame, c'est que le crédit spécial a
été drôlement moins profitable pour vous parce qu'une
tierce partie, si on peut employer le terme, a décidé de changer
les règles du jeu dans le contrat qui l'alliait à votre ferme.
Est-ce cela?
Mme Montigny: Oui, mais les 29 000 $ en soi, c'était
parfait, c'était un beau cadeau, comme disait mon mari, mais il fallait
qu'ils soient remis avant une certaine date limite, sans quoi tu payais un
surplus d'intérêt. L'intérêt était
doublé ou tombait, redevenait...
M. Montigny: On tombait au taux préférentiel. On
est allé jusqu'à 23%; c'est mieux de ne pas en avoir du tout.
Mme Montigny: Quand tu n'avais pas les moyens de les remettre,
parce que tu en avais besoin...
M. Montigny: On s'est fait couper de l'autre bord, on ne pouvait
pas les remettre.
Mme Montigny: Cela devenait une arme à deux
tranchants.
Le Président (M. Vallières): Mme
Montigny, je veux juste vous indiquer que les deux documents que vous
nous avez remis sont considérés comme déposés
à la commission.
Mme Montigny: Merci.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Roberval.
M. Gauthier: Je continue. Dans les documents que l'on
possède dans votre cas, dans votre dossier, en tout cas, à une
rubrique intitulée "Indemnité moins prime" concernant
l'assurance-récolte, l'assurance-stabilisation, on met: 15 531,58 $ Or,
les chiffres que j'ai ne correspondent pas nécessairement à ceux
qu'on vient d'échanger ensemble. Est-ce que vous pouvez
m'éclairer là-dessus?
M. Montigny: L'assurance-récolte?
M. Gauthier: J'ai l'assurance-récolte,
l'assurance-santé, ASRA, je ne sais pas comment on l'appelle en
termes... L'assurance-stabilisation, oui. J'ai 10 304 $ de
l'assurance-stabilisation, en prenant les indemnités moins les primes et
j'ai 15 531 $ de l'assurance-récolte, les indemnités moins les
primes, ce qui fait au total 26 836 $ d'indemnités.
Tout à l'heure, vous me disiez que l'indemnité que vous
avez eue était moins élevée que ce que vous aviez
payé en primes. Pouvez-vous m'expliquer la différence? Il y a
quelque chose à quelque part qu'on...
M. Montigny: Non, mais que voulez-vous? Le maïs-grain ou les
truies?
M. Gauthier: Les truies. J'ai les deux ici et, dans les deux cas,
c'est excédentaire; un de 15 000 $, l'autre de 10 000 $. Tantôt,
je vous parlais des truies et vous m'avez dit que vous aviez payé plus
de primes que vous n'aviez reçu d'indemnités. Il y a quelque
chose que je ne comprends pas.
M. Montigny: On peut vous donner le papier, je l'ai ici, le
papier de la régie.
M. Gauthier: Pardon?
M. Montigny: Je l'ai ici, le papier de la régie.
M. Gauthier: Oui. (21 heures)
M. Montigny: C'est marqué ici: La
Régie de l'assurance-récolte du Québec, solde
à payer moins le montant versé, il restait 1411 $.
Mme Montigny: Celui dont vous parlez est daté de
quand?
M. Gauthier: C'est le rapport global de votre situation
financière avec les différents points qui ont touché votre
production, à partir des années où vous avez fait
affaires... J'ai l'ensemble de votre dossier, je ne suis pas très
familier avec ceci. J'ai ici le total. C'est parce que je l'ai globalement et
c'est difficile de vous décortiquer cela par année.
Indemnités versées par rapport aux primes payées. Le
surplus, dans un cas, c'est 10 500 $ et, dans l'autre, c'est 15 500 $.
Écoutez, on ne passera pas la veillée à chercher les
chiffres. Je pense qu'on devra le vérifier peut-être et se
reparler, à un moment donné, car j'aimerais savoir...
En terminant, je voudrais simplement vous dire...
M. Montigny: En ce qui concerne l'assurance-récole, je
l'ai ici, c'est sûr et certain; c'est environ 16 000 $.
M. Gauthier: D'accord, j'ai 15 500 $, ici. En tout cas, cela se
ressemble.
M. Montigny: Ici, c'est marqué: La valeur assurée,
31 440,64 $. Ils sont revenus avec un autre papier, ils ont mesuré la
terre trois fois parce qu'ils disaient que les gars... Ce ne sont pas les
mêmes mesureurs, j'ai tous les papiers. Ils ont mesuré trois fois
et ils ne sont jamais arrivés aux mêmes mesures. Je ne comprends
pas qui mesure celai
M. Gauthier: De fait, ce qui m'intéresse...
M. Montigny: En tout cas!
M. Gauthier: ...ce n'est pas tellement le mesurage, c'est de
savoir si vous avez retiré plus que vous n'avez payé.
M. Montigny: Indemnité brute, c'est 16 454,62 $.
M. Gauthier: D'accord.
M. Montigny: C'est ce que j'ai eu de la Régie de
l'assurance-récolte.
Mme Montigny: Tu étais assuré pour 30 000 $.
M. Montigny: Pour 31 448,64 $, quand j'ai signé le
contrat.
Mme Montigny: C'est fréquent, à
l'assurance-récolte, qu'on paie soit le quart ou la moitié.
M. Gauthier: Mais nos chiffres, de toute façon... Ce qui
m'intéressait, c'est ceci. Tantôt, j'ai sursauté un peu
quand vous me disiez que vous aviez payé plus de primes que ce que vous
aviez retiré de compensation. Là, je m'aperçois que ce
n'est peut-être pas tout à fait cela, si l'on considère
l'ensemble du dossier.
En terminant, parce que je ne veux pas voler le temps de mes
collègues, au niveau de l'encan, je remarque d'étranges
coïncidences avec un témoignage qu'on a eu cet après-midi
concernant l'organisation qui aurait pu se faire autour de la vente de la ferme
et des équipements qui s'y rattachent. Ce qui m'étonne un peu...
J'imagine que ce n'est pas le même encanteur; bien sûr, ce n'est
pas le même secteur. Il s'agit de deux sociétés de
crédit agricole différentes. Peut-être qu'il faudra
s'interroger. J'ai bien hâte de voir le président de l'Office du
crédit agricole afin de l'interroger, pour savoir si les pratiques
semblent être les mêmes, si c'est bien le cas d'une
société à l'autre, quelle que soit la nature de la
société, pour savoir si, en effet, il y a collusion. Vous semblez
dire la même chose que cet après-midi; on disait qu'il y avait une
espèce de collusion entre le prêteur, qui dans ce cas-ci est la
Société du crédit agricole, et les encanteurs. Je ne sais
pas si j'ai bien compris la nature de votre texte, mais c'est ce que j'y
comprends. Il y aurait peut-être une espèce de...
Mme Montigny: La ressemblance nous avait frappés
également.
M. Gauthier: Curieusement, malgré que ce soient deux
sociétés différentes et deux encanteurs
différents.
M. Montigny: Oui, mais la société prend plus
souvent M. Etienne Leblanc pour faire ses encans que...
M. Gauthier: Dans le cas de la société, c'est
officiel que c'est M. Leblanc.
M. Montigny: Remarquez cela, regardez dans le journal.
M. Gauthier: Oui.
M. Montigny: Nous ne le savions pas, nous étions bien
naïfs, je n'avais pas le temps de regarder les journaux.
M. Gauthier: C'est intéressant.
M. Montigny: Je commençais à 5 heures et je
finissais à minuit, des fois à 22 heures,
cela dépendait des journées. Je n'avais pas le temps de
lire.
M. Gauthier: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Vallières): Le temps que nous
avions alloué pour le cas de M. Montigny est malheureusement
épuisé, à moins que... Afin de nous assurer que tous les
témoins puissent être entendus et bénéficier de
suffisamment de temps, surtout si l'on termine nos travaux à 22 h 15, on
pourrait peut-être accepter une question de part et d'autre, pour passer
ensuite à un autre dossier.
M. Gauthier: M. le Président, je voudrais m'excuser
auprès de mes collègues, j'avais plusieurs points qui
n'étaient pas clairs.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
Alors, il y aurait une question de la part du député de
Berthier et une du député de Saint-Hyacinthe.
M. Houde: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
à M. Montigny. En ce qui concerne la déclaration que vous avez
faite tantôt au sujet des ententes que vous aviez avec la
coopérative fédérée de votre localité,
Sainte-Rosalie, vous dites que vous n'aviez pas de contrat avec eux pour
élever du porc; est-ce bien cela?
M. Montigny: J'en ai signé un quand je suis arrivé
là; cela fait au-delà de dix ans que j'ai signé avec
eux.
M. Houde: Je regarde ce que vous nous avez lu tantôt,
concernant Provobec Inc: "Je reconnais que les chèques reçus du
gouvernement du Canada pour les subsides de porc pour l'année 1979-1980
ne sont pas ma propriété selon le contrat de Provobec Inc." Cela
veut dire que le contrat que vous aviez signé il y a environ neuf ou dix
ans est toujours en vigueur. J'ai déjà été
gérant d'une meunerie et je connais le système. Tous les subsides
qui viennent autant du fédéral que du provincial, quand quelqu'un
est à contrat soit dans la maternité, dans l'engraissement, le
barbecue ou la poule pondeuse, les chèques reviennent à
l'intégrateur. C'est presque toujours le cas, sinon toujours. C'est pour
cela que, tantôt, cela me surprenait que vous n'ayez pas de contrat parce
qu'ils ne pouvaient pas se payer s'ils n'avaient pas de contrat signé
avec vous.
Mme Montigny: Vous voulez dire qu'un contrat est bon pour la
vie.
M. Houde: Si vous remarquez, il doit y avoir une clause où
on dit que le contrat est renouvelé automatiquement.
Une voix: Une toute petite.
M. Houde: Non, pas toujours, c'est bien écrit, il n'y a
pas de cachette. Par contre, le contrat peut être annulé par une
ou l'autre partie, mais si personne ne l'annule, il est toujours en
vigueur.
M. Montigny: À vrai dire, ça va faire dix ans que
j'ai signé le contrat avec eux.
M. Houde: C'est ça, c'est toujours le même qui
fonctionne.
M. Montigny: Je ne voulais pas changer parce que quand le lard
est à la baisse, ce n'est pas le temps de changer d'intégrateur,
ce serait tombé à l'eau complètement.
M. Houde: Vous disiez tantôt qu'il diminuait de 1 $
à 0,50$ ou à 0,75 $ et qu'il augmentait le poids du porcelet,
c'est souvent parce que le prix n'est pas bon...
M. Montigny: C'était le marché.
M. Houde: ...et qu'il a de la difficulté à arriver.
Il se retourne et il pénalise les éleveurs qui sont souvent les
plus petits.
M. Montigny: L'assurance ne voit pas cela ainsi.
M. Houde: Non, l'assurance, ce n'est pas la même chose, par
exemple.
M. Montigny: Nous, on ne fait pas payer quand même le
montant au poids du porcelet et on a encore un meilleur prix.
M. Houde: Cela n'a pas changé. Entre 1963 et 1968, le
petit porcelet était présent lorsqu'il n'était pas cher et
lorsqu'il était cher, il n'était pas présent. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Je vais essayer d'être assez bref. Vous
avez déclaré à mon collègue de Roberval que, en
1980, lorsque vous avez reçu 29 000 $, ça vous a probablement
fait tort et que vous n'auriez pas dû le prendre. Par contre...
M. Montigny: Non, j'ai discuté avec un agronome - j'ai
toujours consulté des agronomes - et il m'a dit: Tu n'aurais jamais
dû prendre cela.
M. Dupré: Par contre, un an plus tard, vous demandez un
deuxième crédit spécial.
Mme Montigny: Pour rembourser le premier parce que ça
coûte trop cher d'intérêt.
M. Dupré: Si le fait de recevoir un premier prêt de
25 000 $ vous avait mis dans la dèche, je m'interroge à savoir
pourquoi vous en avez demandé un deuxième un an après. Ce
qui me surprend le plus, c'est que tout au long de votre cheminement, quand
vous avez reçu votre prêt de la société, 169 000
$... À quel taux avez-vous obtenu ce prêt? Pourquoi avez-vous
préféré la société à l'office
à ce moment-là, alors que vous n'aviez pas encore fait affaires
avec l'office? On connait la différence incommensurable entre le taux de
l'Office du crédit agricole et celui de la société.
M. Montigny: À la société, c'était
seulement 9,5%.
Mme Montigny: 9,25% M. Montigny: 9,25%.
Mme Montigny: C'est parce qu'on pouvait emprunter une plus grosse
somme.
M. Dupré: Cela, c'est l'emprunt. Par contre, les
subventions que vous recevez de l'office, du MAPAQ, de
l'assurance-récolte, ce qui totalise environ 40 000 $, cela aussi vient
du provincial.
M. Montigny: Oui.
M. Dupré: Le chèque d'assurance-stabilisation, vous
avez été obligé de le transmettre à
l'intégrateur. On sait qu'un suivi est fait à
l'assurance-stabilisation tandis qu'au fédéral, comme le disaient
M. Talbot et d'autres, aujourd'hui, ils vont presque "straight" à
l'intégrateur. Étant donné qu'un suivi est fait et
étant donné qu'il n'y avait pas de condition inscrite sur votre
engagement, est-ce que vous avez été tenu de le déposer ou
de le faire parvenir immédiatement?
Mme Montigny: De quoi parlez-vous?
M. Dupré: Des deux, vous avez reçu des
chèques des deux endroits.
Mme Montigny: De celui à M. Morissette?
M. Dupré: L'assurance-stabilisation du
Québec...
M. Montigny: Cela a été à la banque, ils ont
pris des précautions.
M. Dupré: Celui du fédéral a
été directement à l'intégrateur tandis que le
deuxième, au moins, a été à la banque. Je pense
qu'il y a tout de même une bonne différence entre les deux.
M. Houde: Directement à l'intégrateur ou s'il vous
a d'abord été transmis, ce chèque?
M. Dupré: II n'a pas le choix, il est obligé de le
remettre.
M. Houde: Non, c'est important, directement à
l'intégrateur et au producteur, c'est deux.
Mme Montigny: II arrive chez le fermier.
M. Houde: Bon, d'accord. C'est important autant pour un palier de
gouvernement que pour l'autre.
Le Président (M. Vallières): S'il vous plaît,
M. le député de Berthier.
M. Dupré: M. le député de Berthier, si vous
m'aviez écouté, j'ai dit: Est-ce qu'il a été
directement...
M. Houde: Non, non, je t'ai fait reprendre tantôt.
M. Dupré: Je pense que M. Montigny avait très bien
compris.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Hyacinthe, vous avez la parole.
M. Dupré: Je veux être bien sûr de la
réponse. Celui du gouvernement fédéral a été
directement à la coopérative. Il a été chez vous,
mais vous étiez tenu de le remettre à la coopérative.
M. Montigny: Comme on dit, c'était inscrit sur
l'engagement.
M. Dupré: Bon. Tandis que le deuxième a
été dans votre compte à la caisse.
M. Montigny: II y a dix ans, je me rappelle que j'ai signé
un contrat parce que lorsqu'on voulait emprunter, il fallait avoir un contrat
d'intégration. Quand on n'avait pas de contrat, on ne nous prêtait
pas.
Une voix: Non. Il veut savoir si les deux chèques
arrivaient chez vous.
M. Picotte: Quand il n'y avait pas de contrat, il ne
prêtait pas.
M. Montigny: C'est cela. Il fallait arriver avec un contrat.
M. Picotte: Répétez donc cela que j'écoute
cela comme il faut.
M. Montigny: II fallait avoir un contrat d'intégration
pour qu'on nous prête de l'argent, que ce soit au gouvernement
fédéral ou provincial, c'était pareil. Il fallait arriver
avec un contrat, autrement on ne nous prêtait pas.
M. Dupré: Si j'ai bien compris, les deux chèques
arrivaient chez vous...
M. Montigny: Oui.
M. Dupré: Est-ce bien cela? Pour l'un, vous étiez
obligé de le remettre à la coopérative...
M. Montigny: J'étais obligé de le donner à
la banque.
M. Dupré: ...celui du fédéral, tandis que
l'autre... Bien oui! Mais tout de même l'autre s'en allait à la
banque.
Mme Montigny: Celui de la banque était à ton nom et
à celui de la banque.
M. Picotte: II était obligé de le remettre
pareil.
M. Montigny: Ce n'était pas...
M. Dupré: II allait sur le rabais de sa dette.
M. Montigny: II allait sur le prêt spécial parce que
les truies m'appartenaient.
M. Boucher (Jean-Claude): Celui-là va au prêt
spécial. Quand on a un prêt spécial plus
l'assurance-stabilisation, le chèque est fait au nom de la banque et du
producteur.
M. Dupré: Oui, mais la chose que je veux faire...
Le Président (M. Vallières): S'il vous plaît;
À l'ordre! Je rappelle aux participants de la commission qu'ils doivent
d'abord s'adresser au président pour obtenir la parole. Que cela se
fasse dans l'ordre s'il vous plaît! La parole est actuellement au
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: M. le Président, je voulais tout
simplement faire ressortir à bon escient... On a vu d'après la
réponse de M. Montigny la différence entre les deux. Les deux
arrivaient chez M. Montigny; celui du gouvernement allait indirectement
à l'intégrateur tandis que l'autre était un rabais sur son
crédit spécial à la caisse. C'est correct, j'ai
terminé.
M. Picotte: M. le Président, je voudrais avoir bien
compris ce qu'a dit M. Montigny tantôt. Est-ce possible de
demander...
Le Président (M. Vallières): Je veux vous rappeler
que le député de Saint-Jean m'a également demandé
de poser une question.
M. Picotte: Oui, allez.
Le Président (M. Vallières): Si, de part et
d'autre, vous acceptez que le député de Saint-Jean pose sa
question...
M. Picotte: Oui, oui, pas de problème! M. Dupré:
On accepte, M. le Président.
M. Proulx: Vous avez beaucoup insisté sur trois pages -
près de la moitié de votre texte - sur l'encan et la façon
assez particulière que cela a été fait. Cette annonce
a-t-elle été publiée longtemps avant le 13 juillet ou si
les gens sont au courant? À la façon dont vous me parlez,
l'encanteur fait venir un petit groupe d'amis et cela semble être
organisé. Où est-ce publié? De quelle façon les
gens le savent-ils? De quelle façon est-ce publicise?
M. Montigny: M. Leblanc est arrivé chez nous et m'a dit:
Ne t'en occupe pas, c'est moi qui m'occupe de la publicité.
M. Proulx: Combien de temps avant le 13 juillet?
M. Montigny: Environ trois semaines.
M. Proulx: Cette publicité s'est-elle faite partout dans
la région?
M. Montigny: Partout. Ils ont pris le mandat pour la saisie.
M. Proulx: Dans quel journal est-ce publié?
M. Montigny: C'est publié dans le Courrier.
M. Proulx: J'ai assisté à plusieurs encans et il me
semble que les gens assistent aux encans et qu'ils y vont. Comment se fait-il
que vous dites qu'il n'y a qu'un petit groupe? Est-ce le même groupe qui
suit ces encans? Est-ce que ce sont les mêmes gens?
Mme Montigny: On dirait que l'encanteur arrive avec son petit
troupeau et qu'il leur fait de bonnes oeuvres.
M. Proulx: Donc, c'est organisé d'avance. Il connaît
le stock qui est à
vendre, il connaît les gens; il connaît les prix d'avance et
c'est organisé d'avance.
Mme Montigny: II acquiesce plus facilement aux personnes qui
l'accompagnent. Il leur fait même des préférences. Certains
ont acheté du bois et ils nous disaient qu'il avait monté
jusqu'à 12 $ et il a dit: Adjugé à 20 $. Deux personnes
voulaient la même chose; l'un donnait moins et quand c'était son
ami, c'était lui qui l'avait.
M. Montigny: Je vais vous dire une chose. Avant l'encan, il est
arrivé et on a installé l'électricité; je lui ai
aidé. Il m'a dit: Ce matin, ce n'est pas toi qui "run", c'est moi. J'ai
reçu l'ordre de la société pour que tout se vende ici.
Qu'il y en ait plus ou moins, cela ne les dérange pas.
M. Proulx: Un autre petit détail. Vous faites allusion
à une machine brisée. À -t-elle été
brisée avant ou quoi? Ce n'est pas clair. Voulez-vous m'expliquer cette
affaire-là?
M. Montigny: La machine, c'était une batteuse. On l'avait
stationnée sur le terrain pour la vendre à l'enchère.
M. Proulx: Cela aurait été brisé dans la
nuit?
M. Montigny: Quand je suis monté dessus pour la faire
fonctionner, elle ne marchait pas.
M. Proulx: Elle aurait été brisée dans la
nuit ou le matin. C'est ce que vous voulez dire?
M. Montigny: Dans la journée, je ne pouvais pas être
partout.
Mme Montigny: On ne sait pas quand, mais...
M. Proulx: Vous n'avez pas assisté à l'encan, vous
n'étiez pas là?
M. Montigny: J'étais aux côtés de
l'encanteur, je ne pouvais pas être partout. (21 h 15)
Mme Montigny: II y avait beaucoup de visiteurs le matin. Quand il
a commencé à faire fonctionner la machinerie, la batteuse
fonctionnait mal, les deux tracteurs, les deux bulldozers et son camion
aussi.
M. Montigny: J'avais un dix roues.
M. Proulx: Donc, cela faisait baisser les prix. Donc,
c'était de la machinerie apparemment défectueuse.
M. Montigny: Un dix roues, cela ne doit pas se vendre 1200 $. Je
l'ai vendu 1200 $, un beau...
Mme Montigny: II a été obligé de le
traîner pour le porter.
M. Proulx: Donc, l'encanteur fait venir ses amis. Il sait ce
qu'il y a à vendre et il joue avec les prix. C'est ce que vous
dites.
M. Boucher (Jean-Claude): M. le Président, si vous me le
permettez, je peux vous expliquer un peu le fonctionnement d'un encan
truqué. L'encanteur a ses enchérisseurs. S'il ne veut pas faire
monter le prix de l'objet, il va le déprécier auprès des
acheteurs de façon que le prix reste très bas et que ses amis
l'achètent pour lui. Cette machinerie quelconque va ensuite être
revendue dans un autre encan plus tard ou va être vendue sur le
marché normal, mais là, elle va être revendue à son
prix réel. Si on prend le cas d'un tracteur, par exemple, il est
très facile d'empêcher le tracteur de fonctionner normalement et
de le réparer en cinq minutes. Si l'encanteur a ses acheteurs, il va
saboter le tracteur temporairement de façon que personne ne soit
intéressé à l'acheter. Ses amis achètent le
tracteur et dans l'encan suivant, la semaine après, sur une autre ferme,
on retrouve le même tracteur qui, cette fois-là, fonctionne
très bien.
M. Proulx: On retrouve la même machinerie.
M. Boucher (Jean-Claude): La même machinerie se retrouve
parfois dans deux ou trois encans consécutifs jusqu'à ce que
l'encanteur ait trouvé le prix qui lui convient, mais il l'a
acheté à très bon marché lors du premier encan, le
vrai.
Le Président (M. Vallières): Pour les besoins du
journal des Débats, j'indique que le dernier intervenant était M.
Boucher.
M. Picotte: Une question pour être bien certain...
Le Président (M. Vallières): Très
rapidement, parce qu'on voudrait passer à l'autre dossier.
M. Picotte: Oui, pour être certain que j'ai bien compris.
M'avez-vous dit tantôt que lorsque vous sollicitiez un crédit
spécial ou quoi que ce soit, l'Office du crédit agricole exigeait
un contrat d'intégration? Si vous n'aviez pas de contrat
d'intégration, autrement dit, on ne vous prêtait pas.
M. Montigny: Pour l'engraissement, c'était cela, parce que
les truies étaient à mon compte. C'était pour moi.
M. Picotte: Même si on savait à l'Office du
crédit agricole...
M. Montigny: Cela prenait un acheteur, parce qu'ils demandaient
des conditions. C'est la coopérative qui faisait les contrats pour
acheter les porcelets.
M. Picotte: Vous n'aviez pas le choix. Si vous n'aimiez pas la
façon dont cela fonctionnait, même si vous n'aimiez pas qu'un
chèque aille à l'intégrateur comme tel, si vous ne
fournissiez pas demain le contrat d'intégration à l'Office du
crédit agricole, vous étiez fait d'une façon ou d'une
autre. C'est ce que je comprends.
M. Montigny: Oui. Il y a dix ans, c'était comme cela.
Quand j'ai commencé, c'est-à-dire il y a huit ans, c'était
cela. Il fallait amener un contrat d'intégration pour avoir un
prêt.
M. Picotte: En tout cas, il y a une chose qui est certaine. C'est
que de la façon dont se déroulent les encans, on va se poser de
nombreuses questions à la commission, sûrement.
M. Dupré: M. le Président...
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Je veux m'assurer que j'ai bien compris
tantôt. Aviez-vous un contrat signé ou si vous n'en aviez pas?
M. Montigny: Je sais que j'en ai déjà signé
un, mais je ne sais pas à quelle date. Depuis ce temps-là, je
n'en ai pas signé, parce qu'ils m'ont dit: Si tu signes, cela ne me
dérange pas. Si tu ne signes pas... En voulant dire: Gardes-en,
gardes-en pas, si tu ne veux pas signer.
M. Dupré: Signez, ne signez pas... Ils pouvaient
arrêter n'importe quand de vous envoyer des cochons, des porcelets.
M. Montigny: Oui, c'est cela.
M. Dupré: Mais vous n'en aviez pas signé.
M. Montigny: Non.
Une voix: Au début...
M. Montigny: Au début, j'avais signé.
M. Dupré: Oui, c'est cela, au début.
M. Montigny: Au début, j'en avais signé un.
M. Picotte: Au début. J'imagine, M. le Président,
qu'il doit y avoir une clause dans ces contrats qui dit qu'il y a un
renouvellement automatique à moins qu'un des deux intervenants dans le
contrat décide de ne pas le renouveler. Or, il se renouvelait
automatiquement à longueur d'année aussi longtemps que personne
ne s'inquiétait.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
Merci, M. et Mme Montigny.
Je m'adresse maintenant aux membres de la commission afin qu'on puisse
peut-être s'assurer au niveau de l'organisation de nos travaux qu'on
puisse utiliser le temps qu'il nous reste à l'étude des deux
dossiers. Je pense qu'il faudrait d'ores et déjà convenir que si
nous débordons 22 h 15 ou si nous le respectons, si nous ne
débordons pas 22 h 15, il nous resterait à peine 55 minutes pour
procéder à l'étude des deux dossiers qu'il nous reste. La
question est posée aux membres de la commission.
M. Picotte: M. le Président, je pense qu'il serait
profondément injuste de limiter les deux derniers intervenants à
quelques minutes seulement, compte tenu qu'on a dit qu'on les écoutait
toute la journée. Moi, en tout cas, je serais d'avis que la commission
poursuive ses travaux jusqu'à ce qu'on ait donné un temps au
moins équivalent, si besoin il y a, aux deux dossiers qu'il nous reste
comparativement au temps qu'on a accordé aujourd'hui aux autres
intervenants.
M. Dupré: Nous sommes entièrement d'accord, M. le
député de Maskinongé.
Le Président (M. Vallières): Pourrions-nous
convenir de ce temps, soit l'exposé de chacun des témoins suivi
d'une période de questions de 30 minutes...
M. Picotte: Exactement, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): ...et on essaiera de
respecter la période de questions de 30 minutes.
J'appelle maintenant M. Étienne Girardin. On procède
à l'assermentation de M. Girardin.
Le Secrétaire: Répétez après moi. Je,
Étienne Girardin...
M. Étienne Girardin
M. Girardin (Étienne): Je, Étienne Girardin...
Le Secrétaire: ...jure... M. Girardin:
...jure...
Le Secrétaire: ...que je dirai toute la
vérité...
M. Girardin: ...que je dirai toute la vérité...
Le Secrétaire: ...et rien que la vérité.
M. Girardin: ...et rien que la vérité.
Le Président (M. Vallières): M. Girardin, nous
allons procéder à la lecture de votre texte.
M. Girardin: Je suis un agriculteur d'Europe. Je suis
arrivé au Canada en 1977 avec 100 000 $. J'ai acheté une terre de
210 000 $ avec une centaine d'animaux dont 60 vaches, la machinerie et 400 000
livres de quota. J'ai emprunté 150 000 $ à la SCA. J'investis 65
000 $ de mon argent sur la terre. Avec le reste, j'achète de la
machinerie et du quota et j'améliore les bâtiments. En 1979,
j'achète la terre voisine que la vendeuse me finance à 10%. Cette
terre de 135 arpents, dont 115 en terre faite, me coûte 39 000 $, dont
5000 $ que je paie "cash".
En 1979, j'entends beaucoup parler du boeuf, qu'au Québec il y a
des milliers de vaches laitières et qu'avec les veaux on pourrait faire
du boeuf au lieu d'exporter cette viande de l'Ouest, d'après le ministre
de l'Agriculture. Je construis un parc d'engraissement selon les normes pour
pouvoir toucher la subvention. Le parc construit, septembre 1979, je commence
à le remplir et cela commence à rouler. Fin 1980, mon parc est
d'environ 150 têtes. Tous mes boeufs ont été
élevés avec mes surplus de lait et un mélange de poudre de
lait. La plupart sont des veaux de mes vaches et le reste, je les achète
à mon père qui est aussi agriculteur à Acton, car les
veaux de l'encan, je n'en voulais pas à cause des maladies et du stress.
Le taux de mortalité de mon troupeau, 3%.
Début 1981, je fais une nouvelle demande de prêt à
la SCA pour acheter une autre terre car je vise l'autosuffisance surtout pour
le maïs humide et pour ne pas être obligé de construire
d'autres bâtiments car je n'ai pas assez de place pour ma machinerie.
Cette terre est voisine des miennes et les bâtiments aussi. Il y a 150
arpents pour 40 000 $ avec les bâtiments. Mon prêt est
accepté. À ce moment-là, mes dettes sont de 296 000 $, mon
avoir net, 500 000 $. Toujours la merveille.
Milieu 1981, j'ai beaucoup de difficultés avec mes boeufs. Ils
ont du mal à prendre du poids et cela mange beaucoup. Je commence
à penser que ce n'est pas un genre de bovins pour faire de la viande. Je
commence à vendre et les prix sont à la baisse car il n'y a pas
de marché pour cette race de boeuf. J'en vends une bonne partie à
0,60 $ et 0,70 $. À ce prix, je suis largement déficitaire et je
ne couvre pas mon coût de production.
Printemps 1982, je vends le reste. Les prix sont toujours très
bas. Je parle avec plusieurs producteurs de boeuf et ils pensent la même
chose que moi, que ce n'est pas rentable. Ils me disent: Même avec
d'autres races à viande. C'est très difficile dans cette
production. Je me retrouve alors sans capitaux et 20 000 $ de dettes de plus.
Je décide d'abondonner temporairement la production du boeuf, que les
prix soient meilleurs, car il me faudrait emprunter 100 000 $ pour remplir mon
parc avec des animaux de boucherie. Alors, je décide la grande culture.
La superficie de ma terre, 450 arpents de terre cultivable, et j'en loue 300
autres avec promesse d'achat. Je prends l'assurance-stabilisation pour me
protéger. Cette production m'apporterait un moyen de me sortir des
difficultés que m'a occasionnées la production de boeuf. Je
prends une marge de crédit pour ensemencer. Entre-temps, je fais une
demande de prêt à l'Office du crédit agricole pour les 300
autres arpents que j'ai loués avec promesse d'achat. Quelques mois se
passent et je reçois une réponse négative. Ils me donnent
une autre chance pour faire une nouvelle demande dans les six mois car j'ai
compris le pourquoi. Ils ne voulaient pas prendre de chance entre-temps. Les
prix du maïs ont commencé de chuter et les taux
d'intérêt à monter.
Après, j'ai essayé de faire une société avec
ma femme et je n'ai pas reçu le dossier de l'Office du crédit
agricole. Je ne peux pas tellement donner de détails, parce que je ne
m'en rappelle plus. Je sais, cependant, que la société que je
voulais faire, cela donnait une valeur estimée à 979 000 $ et
j'avais à peu près 450 000 $ de dettes. Je n'en ai jamais entendu
parler. Le numéro de dossier qui manque, c'est le numéro 23823.8.
J'aimerais bien ravoir ce dossier.
En août 1982, je fais encan de mes vaches et d'une partie de mon
matériel pour payer mes dettes et ne pas subir de trop grandes pertes.
Vu que j'avais l'assurance-stabilisation dans le maïs, j'étais
sûr de mon coup. Fin 1982, le prix du maïs tombe à 90 $. Je
décide de tout entreposer en attendant de me faire payer par
l'assurance-stabilisation. On me donnait seulement un acompte au mois de
février qui a seulement payé les intérêts de ma
marge de crédit et le reste est venu quinze mois après en 1983.
Les intérêts et les frais d'entreposage de la vente de mon
maïs m'ont laissé un trou que j'estime à 65 000 $. De plus,
je n'avais plus de vaches. Malgré le fait que j'avais diminué de
beaucoup mes dettes, je me retrouvais en grandes difficultés
financières. L'assurance-
récolte est bien trop lente à payer. Elle ne paie pas les
intérêts astronomiques.
En 1983, j'apprends qu'une loi favorisant un crédit
spécial pour les producteurs en difficulté a été
votée. Je fais ma demande pour pouvoir ensemencer et je reçois
une réponse négative de l'Office du crédit agricole le 13
juillet. Entre-temps, j'avais commencé mes semences. J'en sème
environ 400 arpents, incapable de semer la totalité de ma superficie. Le
refus de me fournir un prêt spécial cette année-là
va m'acculer à la faillite car mon revenu sera insuffisant pour
rembourser ma marge de crédit. Ma ferme est saisie par la Banque Royale
et le fédéral.
En conclusion, les insuffisances du programme gouvernemental du
maïs-grain constituent une fausse représentation car la
publicité du programme était axée sur l'assurance d'un
revenu garanti dans cette production. Mon cas démontre que, dans les
faits, il n'en était pas ainsi. Les producteurs qui se sont
laissé prendre en sont très lourdement pénalisés.
Ma ferme allait très bien jusqu'à la fin de 1981 et j'avais
d'assez bons revenus pour faire face à mes obligations. Surtout, j'avais
une équité très élevée avec une dette qui ne
représentait que 35% de la valeur de ma ferme.
C'est l'échec de la production de boeufs à partir de
boeufs Holstein et les programmes de maïs-grain qui couvrent seulement les
intérêts d'une année de production. Quand il s'agit de
payer les cotisations qui augmentent de 100% en une année et que le
cultivateur est à sec, pourquoi l'assurance-récolte qui est si
prompte à percevoir ses cotisations prend-elle plus d'une année
à dédommager les producteurs? N'y a-t-il pas là tout pour
défavoriser un agriculteur et l'acculer à la faillite?
J'accuse le gouvernement de fausse représentation avec ses
programmes qui promettent des revenus garantis qui sont loin d'aider les
agriculteurs. On contribue à la dégradation de leurs revenus par
l'augmentation très forte des cotisations et la lenteur à
dédommager les producteurs.
Le Président (M. Vallières): Y a-t-il des questions
de la part des membres de la commission? M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: M. Girardin, à la page 1 de votre document,
vous indiquez un avoir net de 501 207 $. Pouvez-vous me dire si c'est une
valeur réaliste, c'est-à-dire si c'est le prix vendeur, le prix
que vous pourriez avoir pour cette ferme?
M. Girardin: Enfin, j'en ai refusé 500 000 $.
M. Dubois: À ce moment-là?
M. Girardin: À peu près à ce
moment-là. Et là, j'aurais dû vendre.
M. Dubois: En 1980, vous avez commencé la production de
maïs-grain?
M. Girardin: Oui, en 1980, je commençais. Quand j'ai vendu
les boeufs, j'ai fait du maïs-grain au lieu de les donner à bouffer
aux boeufs qui ne rapportaient rien du tout.
M. Dubois: Pourriez-vous nous indiquer quel rendement vous aviez
par acre de maïs-grain pour l'année 1981-1982? Environ?
M. Girardin: Entre deux et trois tonnes à l'arpent; une
moyenne de deux tonnes à l'arpent pour être... (21 h 30)
M. Dubois: On sait que l'année 1982 a été
très difficile pour les producteurs de maïs-grain
particulièrement.
M. Girardin: Oui, je sais, et l'année 1983 a
été encore plus difficile.
M. Dubois: En 1983, l'année était meilleure, la
récolte n'était pas grosse. Alors, vous avez eu deux
années désastreuses quand même. Ce qui est malheureux pour
les producteurs de cette culture.
M. Girardin: Non, j'aurais eu un prix tout de suite. En fin 1982,
à la récolte, un prix qui avait de l'allure, je payais toutes mes
dettes et je mettais encore 20 000 $ dans ma poche. Il faut attendre sur
l'assurance-récole, attendre, attendre. Les banques n'en ont même
plus confiance. Ils vous font toutes sortes de calculs. La Banque Royale me
dit: Ils ne veulent pas donner plus de 10 000 $. En effet, ils m'ont
donné pas loin de 30 000 $. Tout calcul fait, les 30 000 $, ce sont les
intérêts qui ont mangé cela. Ils me l'auraient donné
tout de suite à la fin de la récolte au mois de décembre,
tout aurait été bien correct. Je n'aurais même pas eu
besoin de crédit spécial, de faire une demande de crédit
spécial. Ce que j'arrive à ne pas comprendre, je vais à la
SCA et ils m'envoient au bureau de l'Office du crédit agricole et ils me
disent: II n'y a pas de problème. Vous êtes un cas typique pour le
maïs-grain, pour des programmes spéciaux. Tu entres là et tu
te buttes à des murs. Quand j'ai voulu faire mon association avec ma
femme, on m'a toujours dit qu'il n'y avait pas de problème. Cela allait
passer. Chaque fois que je suis allé là je n'ai jamais pu
m'arranger. Cela n'a jamais marché.
M. Dubois: À votre dernière tentative d'obtenir un
crédit...
M. Girardin: Jamais marché.
M. Dubois: ...est-ce que vous avez invoqué le manque de
revenu sur votre ferme?
M. Girardin: Même pas. Ils m'ont dit que j'avais trop de
dettes dans la lettre. Toutes sortes de patentes et la bonne femme qui
était venue visiter ma terre, elle me dit: Il ne devrait pas y avoir
trop de problème. On veut voir à l'automne si les prix sont bons
ou si les prix ne sont pas bons.
M. Dubois: Vous indiquez une équité d'environ 65%.
Vos dettes correspondaient, selon vous, à 35% de la valeur globale de la
ferme. Cela veut dire que vous aviez une équité quand même
de 65%. Normalement, avec une équité de cette nature,
généralement c'est facile d'obtenir des prêts. Avez-vous
d'autres raisons particulières qu'on pouvait invoquer?
M. Girardin: Non. Jusque là j'avais toujours
été faire des prêts. Il n'y a jamais eu de problème
quand j'ai changé de bureau cela n'a jamais marché. C'est
là que cela a complètement foutu ma ferme par terre. Je n'ai
jamais pu discuter.
M. Dubois: C'est bien, M. le Président.
M. Girardin: C'est une bonne dame qui vient. Elle a
peut-être 24, 25 ans, elle vient faire le tour d'une ferme et ça
ne connaît rien du tout, "pantoutte". J'estime que quand un gouvernement
a un Office du crédit agricole, on met au moins des bonshommes là
qui visitent les fermes, au moins des gars d'âge mature, pas des gamins.
Je n'ai rien contre les femmes, au contraire.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Gaspé.
M. Le May: J'aurai une première question, M. Girardin.
Toute la première page, c'est le développement de votre ferme
à partir du début, 1977, beaucoup d'investissement, etc. Jamais
à l'intérieur de cette page vous ne parlez qu'il y a eu des
consultations d'agronomes. Est-ce qu'il y a eu de l'aide technique à
l'intérieur de cela?
M. Girardin: J'ai toujours eu l'agronome. Il arrêtait
à peu près tous les quinze jours ou un mois chez moi et on
parlait et cela allait bien. C'est lui-même qui m'a dit: Tu devrais te
lancer dans le boeuf au lieu d'acheter du quota de vache, du quota de lait.
J'ai un peu suivi ses conseils.
M. Le May: C'est parce qu'on s'est aperçu au cours des
mémoires qui sont passés avant vous que souvent on faisait des
reproches à l'office ou à la société d'offrir ou
d'orienter, de forcer les gens vers telle ou telle culture, telle ou telle
forme d'élevage. Vous, vous n'en faites aucun cas dans cela.
M. Girardin: Non, au contraire. Je me suis lancé un peu
moi-même et cela ne paie pas. Je vous dis que même avec les
assurances-stabilisation, ce n'est pas possible. J'aurais gardé mes
vaches, je n'aurais pas eu de problème. Je n'avais pas trop de dettes.
Comme ils disaient qu'ils voulaient faire du boeuf au Québec et qu'on
était venu ici au Canada, au Québec pour travailler, et moi
j'avais quatre garçons, je me suis dit: On veut se lancer. On veut aller
plus loin. Cela ne donne rien.
M. Le May: Merci.
M. Girardin: J'ai plusieurs Suisses. Ils auraient bien
aimé venir, mais des Européens, ils sont pendus par la corde. Ils
sont venus avec pas mal d'argent. Cela ne marche pas.
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Oui, M. Girardin, vous êtes
arrivé ici au Québec avec 100 000 $, avez-vous dit.
M. Girardin: Oui.
M. Baril (Arthabaska): Vous avez acheté une ferme au
coût de 210 000 $.
M. Girardin: 210 000 $.
M. Baril (Arthabaska): Sept ans plus tard, plus un sou.
M. Girardin: Fini.
M. Baril (Arthabaska): Vous aviez un quota de lait qui
était quand même pas pire.
M. Girardin: Mais c'est tout le maïs qui a bouffé
tout cela, les boeufs.
M. Baril (Arthabaska): Oui, mais regardez, ce que je veux...
M. Girardin: Je ne les ai pas vus.
M. Baril (Arthabaska): La question que je veux vous poser est:
qu'est-ce qui vous a incité à passer de la production du lait
à la production céréalière, soit du maïs ou
autre?
M. Girardin: C'est arrivé qu'à un moment
donné j'avais accumulé trop de dettes avec le maïs, parce
que pour ensemencer des surfaces comme on en ensemençait jusqu'à
600 et 700 arpents, bien
cela prenait du liquide. Les taux d'intérêt sont
montés tellement hauts que pour finir tu ne peux pas vendre ton
maïs à la récolte, tu bouffes 20 000 $ et 30 000 $ par
année, et tu n'y vois rien du tout. Deux ans de temps et puis c'est
annulé.
L'assurance-stabilisation nous garantit des prix et puis elle ne nous
paie pas, elle ne nous paie que la moitié. Vous savez qu'ils viennent
dans les champs, qu'ils mesurent même avec le mesurage... Le gouvernement
est venu mesurer - j'en avais 180 hectares mesurés et le gouvernement en
trouve 201 hectares, cela fait 20 hectares de différence.
M. Baril (Arthabaska): Les quinze mois que la régie a pris
pour vous payer, est-ce que durant cette période de quinze mois la
régie, quand même, vous disait: Je vais vous payer. Donnait-elle
des raisons pourquoi elle ne faisait pas les versements?
M. Girardin: Non, non. Tu n'avais pas de raisons, c'est eux qui
envoyaient le chèque, c'est eux qui l'envoient, quand ils l'envoient,
ils l'envoient à tout le monde. Je suis allé cinq ou six fois au
bureau: "On va vous l'envoyer quand le temps sera venu". Mais cela prend bien
trop de temps; cela a pris presque quinze mois. Pour la récolte de 1982,
cela ne fait pas longtemps qu'on l'a reçu.
M. Baril (Arthabaska): Vous avez fait une demande en avril 1983
pour un crédit spécial à la production qui vous a
été refusé.
M. Girardin: Cela a été refusé. M. Baril
(Arthabaska): Oui.
M. Girardin: Puis j'avais loué des terres et je n'ai pas
pu les semer, ce n'était pas possible. Si je n'avais pas ce
crédit, je ne pouvais pas semer.
M. Baril (Arthabaska): Quelle raison a t-on invoqué pour
refuser le crédit?
M. Girardin: Trop de dettes. J'ai toujours trop de dettes avec
eux. Même en voulant faire une société avec 900 000 $ et
des poussières de valeurs puis j'avais à peu près 450 000
$ de dettes dessus; j'avais trop de dettes. Puis, quand j'avais 100 000 $ de
marge de crédit, que j'avais ensemencé et puis j'aurais dû
avoir une récolte qui aurait dû au moins produire 140 000 $ et que
vous vendez cela 90 $ la tonne, bien, je vous garantis que n'importe quel
agriculteur se coule avec cela.
J'ai parlé avec des gars qui avaient des terres et qui n'avaient
pas beaucoup de dettes dessus et puis ils ont crevés pareil dans la
grande culture et puis dans les belles terres de Saint-Hyacinthe.
M. Baril (Arthabaska): M. le Président, dans le rapport
qu'on nous fournit ici, lorsqu'il y a eu la vente d'une moulange, par
encan...
M. Girardin: Une moulange?
M. Baril (Arthabaska): Oui, c'est cela qu'on dit: "vente de la
moulange par encan" qui a rapporté 175$.
M. Girardin: Je sais que la banque est venue saisir une moulange,
la Banque Royale. Je n'ai jamais vu qu'on me l'ait vendu, cela je ne peux pas
vous dire. Ils sont venus et puis ils se sont servis. Ils ont commencé
à accrocher les machines; il y en a un qui m'a même payé
pour que je lui fasse le chemin pour qu'il puisse le charger sur son
camion.
M. Baril (Arthabaska): C'est parce que dans les notes qu'on a
fournies, on marque bien, que la vente de la moulange par encan a
rapporté 175 $ tandis que la génératrice n'a pu être
retrouvée sur la ferme.
M. Girardin: Bien, elle avait brûlé.
M. Baril (Arthabaska): Elle avait brûlé. Est-ce que
vos bâtiments ont brûlé?
M. Girardin: Non, non, elle a brûlé.
M. Baril (Arthabaska): Elle a surchauffé.
M. Girardin: Je ne sais pas; elle a trop tourné et elle a
"focké". S'ils l'ont vendu 175 $ bien, ce sont des maudits
"niaiseux".
M. Baril (Arthabaska): Très bien.
M. Girardin: Si tu vas en acheter une d'occasion, tu vas la payer
2000 $. C'est la banque qui est venue la chercher. Je n'ai jamais su où
c'était passé. J'aimerais savoir pour mon dossier, le
numéro que je vous dis, j'aimerais bien l'avoir.
M. Baril (Arthabaska): Probablement un numéro à la
société, à l'office...
M. Girardin: Non, à l'office.
M. Baril (Arthabaska): Quel numéro, voulez-vous le
répéter?
M. Girardin: 23823.8
M. Baril (Arthabaska): Pour moi c'est tout.
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Arthabaska, vous avez terminé?
M. Baril (Arthabaska): Oui, oui.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Juste une couple de questions; pour les gens de
la ville, on voit passer cela, vous aviez une terre qui valait 500 000 $, vous
étiez bien équipé et puis cela roulait... La question que
l'on se pose souvent, pour nous autres, les gars de la ville, 500 000 $ on ne
verra jamais cela de proche.
M. Girardin: Moi, je les ai vus, mais ils ne sont pas
restés longtemps.
M. Dupré: Justement, la question que je me pose, qu'est-ce
qui vous pousse, certains cultivateurs, entre autres vous, parce que vous
étiez à demi millionnaire, à vouloir acheter d'autres
terres, à grossir? Tantôt, au cours de l'après-midi...
M. Girardin: Pour moi, c'était simple.
M. Dupré: ...M. Boucher dit que la terre familiale...
D'ailleurs, j'ai lu son livre avec attention et il y a des points qui
reviennent toujours: Avec notre monde et une terre familiale. Vous étiez
rendu à 500 000 $. Il me semble que, je ne sais pas, pour une terre
familiale... Ne trouviez-vous pas qu'il y avait une certaine limite? Parce que
vous êtes tout de même dans le même groupe...
M. Girardin: Je vais vous dire une chose...
M. Dupré: ...et vous deviez vous consulter. Je vais
continuer ma question et vous me répondrez après. Je m'interroge
fortement et c'est vrai. Vous avez dit cela tantôt. Dans la région
de Saint-Hyacinthe, j'ai des connaissances, c'est 1 000 000 $ et 1 500 000 $.
Je ne sais pas, mais, à un moment donné, tu arrêtes et tu
vis. Vous aviez 500 000 $ d'avoir net et vous finissez la phrase en disant
"tout roule à merveille", câline, c'est quoi l'histoire d'aller
acheter l'autre voisin, de grossir. Vous finissez les années, on voit
cela souvent, j'en ai vu des rapports de producteurs, ils ont toujours
seulement 10 000 $ ou 12 000 $ de déclarés à
l'impôt. Qu'est-ce que c'est, cette affaire-là? C'est parce que
vous capitalisez tout le temps et, l'immobilisation, parce que vous ne voulez
jamais... Est-ce que c'est pour ne pas payer un cent d'impôt? À un
moment, il y en a qui se font poigner dans le décor. Il y a des bouts
que je connais. Vous l'avez mentionné, dans la région de
Saint-Hyacinthe, ce sont des terres supposément riches. Qu'est-ce que
cela veut dire qu'il y a des gars qui s'embarquent pour des millions et des
millions et ce n'est jamais assez? Quand M. Boucher parle de la terre
familiale...
Parce que vous n'avez jamais de liquide. On a vu cela souventefois, de
la minute qu'il y a un paiement de 6000 $ ou de 10 000 $, les cultivateurs sont
toujours au dernier cent. Parce que de la minute qu'ils ont de l'argent un peu,
qu'ils font une bonne année, il y en a parmi vous qui avez fait 100 000
$, qu'est-ce qu'ils font? Ils achètent une terre, une batteuse.
Qu'est-ce que c'est, cette affaire-là.
M. Girardin: Qu'est-ce qui nous encourage à travailler?
C'est le gouvernement:
M. Dupré: Oui! Mais...
M. Girardin: Faites des parcs d'engraissement, faites ceci,
faites cela.
M. Dupré: Écoutez un peu, vous ne ferez pas croire
que le gouvernement vous encourage à acheter des terres de 1 500 000 $
et de 2 000 000 $. Vous aviez 500 000 $ d'avoir net dans vos poches, tout va
bien, tout roule bien. Là, vous tournez la page, vous voulez avoir une
terre, une autre terre et grossir. Qu'est-ce que c'est, cette
affaire-là?
M. Girardin: Oui, tout roule bien jusqu'en 1979. Après,
cela ne roule plus. Le prix du maïs est à terre, des taux
d'intérêt astronomiques. Pour ma part, la bonne raison pour
laquelle j'ai agrandi comme cela, parce qu'avec une terre pour faire du
maïs-grain, il faut au minimum 500 arpents si tu veux avoir du travail.
Quand tu as quatre garçons, qu'est-ce que tu fais?
M. Dupré: Pourquoi n'avez-vous pas gardé vos
vaches? Ceux qui ont gardé leurs vaches, ils vivent encore et ils sont
rares ceux qui font faillite avec leurs troupeaux laitiers.
Une voix: À 3,47 $ l'heure. M. Dupré:
Pardon?
M. Girardin: Oui, 3,47 $ l'heure, salaire minimum.
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Dupré: C'est parce qu'il y a un grand bout et cela fait
longtemps que je l'ai dit...
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Hyacinthe, une seconde. À l'ordre! Je
rappelle aux gens qui sont dans l'assistance qu'ils n'ont pas la parole et
qu'ils n'ont pas à intervenir dans le débat. M. Girardin a le
droit de s'exprimer et le
député qui pose des questions également. Alors, je
n'accepterai pas que des propos soient tenus dans la salle, pendant qu'on pose
des questions. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Ce sont les questions que je me pose tout
simplement. Vous, entre autres, probablement avez été l'un de
ceux qui étiez rendus à un point, au début de 1981, qui
étiez en meilleure position là-dedans. Vous arrivez ici avec un
bon "cash", vous achetez, votre affaire va bien. À un moment
donné, mon avoir net est de 501 000 $, tout roule à merveille. Et
là...
M. Girardin: C'est là que les politiques de M. Garon sont
venues de l'avant...
M. Dupré: ...je voudrais vous entendre
là-dessus.
M. Girardin: ...faire de la grande culture...
M. Dupré: Non, non, je regrette.
M. Girardin: ...l'autosuffisance du Québec, on va vous
aider, on vous promet tout. C'est ça.
M. Dupré: Écoutez, monsieur! Je reviens encore
à la ferme familiale. Vous avez beau dire: M. Garon...
M. Girardin: C'est une ferme familiale, j'ai encore quatre
garçons derrière.
M. Dupré: Quand vous aviez le programme, que vous receviez
les subventions... Nous, quand ça ne fait pas notre affaire, on les
regarde.
M. Girardin: Ils ne veulent pas être subventionnés
comme si c'était un parc d'engraissement de vingt boeufs.
M. Dupré: Je vais vous poser...
M. Girardin: S'ils subventionnent quelque chose...
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît! J'inviterais le député de Saint-Hyacinthe
à poser ses questions de façon précise et à laisser
le temps à M. Girardin de répondre aux questions qu'on lui
adresse, finalement.
M. Dupré: M. le Président, il dit: Garon nous
invitait à. Laissez-le faire, M. Garon, il aura beau vous parler de tous
les beaux programmes que vous voulez, vous êtes assis chez vous, vous
valez 500 000 $, vous êtes gras dur, votre affaire va bien, que Garon
lâche des programmes, des beaux et des pas beaux, si j'étais
à votre place, je me dirais: Mon affaire va bien. Ce n'est pas Garon qui
vous a dit: Là, tu vas acheter une terre, tu vas grossir et tu vas te
rendre à 1 500 000 $ ou 2 000 000 $. C'est cela, ma question.
Le Président (M. Vallières): M. Girardin.
M. Girardin: J'ai tout dit ce que j'avais à dire.
Le Président (M. Vallières): D'accord. J'ai une
demande d'intervention de la part du député de
Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, vous me permettrez
d'être en désaccord avec mon collègue de Saint-Hyacinthe.
Je pense bien que les agriculteurs du Québec ne peuvent pas ne pas se
soucier des politiques du ministre de l'Agriculture. Le ministre de
l'Agriculture fait des politiques et les établit dans le but d'aider la
classe agricole et tout le secteur agro-alimentaire au Québec. Si on est
en train de se faire dire et que les agriculteurs se font dire: Ne vous souciez
pas des politiques agro-alimentaires au Québec, il me semble que
ça n'a pas de tête et que ça n'a pas de queue.
M. Dupré: M. le Président, question de
privilège, ce n'est pas ce que j'ai dit du tout.
Le Président (M. Vallières): Sur une question de
règlement, M. le député de
Saint-Hyacinthe.
(21 h 45)
M. Dupré: J'ai dit qu'un producteur qui a une valeur de
500 000 $, qui est bien établi peut bénéficier de ces
programmes et il peut, j'espère, ne pas y adhérer aussi. Il est
libre. Je pense bien que personne n'a été chez vous pour vous
dire: Vous allez prendre ce programme. Je pense qu'il y a une différence
entre les deux. C'est le cas du témoin qu'on a présentement. Ce
n'est pas ce que j'ai dit, il ne faudrait pas mal interpréter mes
propos. J'ai dit que les programmes sont là pour aider ceux qui en ont
besoin. Je parlais de la ferme familiale tantôt. Je pense qu'une personne
qui est rendue avec 500 000 $ net, à mon sens, ça devrait
être une ferme familiale raisonnable et je ne pense pas que le ministre
oblige quelqu'un à se prévaloir de certains programmes. Quand
ça fait leur affaire, ils les prennent.
Le Président (M. Vallières): Je demanderai aux
membres de la commission, pour éviter que la commission devienne un
débat oratoire, de se limiter à poser des questions aux
témoins afin d'éclairer la commission sur les dossiers qui sont
en cause
ici. M. le député de Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, je voulais tout simplement
dire qu'on ne peut pas ne pas se soucier des politiques du ministre de
l'Agriculture parce qu'à d'autres occasions tantôt, d'autres
intervenants nous ont dit noir sur blanc que les politiques du MAPAQ, les
officiers du MAPAQ et l'Office du crédit agricole les avaient
forcés à embarquer: Vends tes vaches, vends telle chose, change
de production si tu veux être aidé, sinon on ne peut pas t'aider.
À partir de ce moment-là, je ne vois pas ce qu'il y a de mal
à ce qu'un intervenant qui est ici présentement nous dise:
Évidemment, je prends les politiques établies par le
ministère de l'Agriculture et j'essaie d'en tirer le meilleur parti
possible. Je pense qu'il faut à tout prix dire que les politiques du
ministère de l'Agriculture doivent être faites - ou du moins on
l'espère - dans le but du développement de l'agro-alimentaire et
des producteurs agricoles. Si ce n'est pas cela, posons-nous d'autres
questions.
Le Président (M. Vallières): Si je comprends bien,
M. Girardin, vous ne répondez pas à la question s'il y en avait
une. M. le député de Berthier suivi du député
d'Arthabaska.
M. Houde: Merci, M. le Président. M. Girardin, lorsque
vous nous avez dit tantôt que vous auriez pu avoir 500 000 $ pour votre
ferme, vous deviez combien sur ce montant?
M. Girardin: Je l'ai dit tout à l'heure.
M. Houde: Même si ce n'est pas juste, environ.
Tantôt, on parlait de 500 000 $.
M. Girardin: 290 000 $.
M. Houde: Ah bon! Donc, cela faisait 210 000 $ que vous auriez pu
avoir dans vos mains.
M. Girardin: Oui, que je mettais dans ma poche.
M. Houde: Ce n'est pas pareil comme 500 000 $ de "cash down" en
main. Ce n'est pas pareil.
M. Girardin: Non, non.
M. Houde: Ce n'est pas pareil. Merci, M. le Président.
M. Dupré: M. le Président...
M. Girardin: Elle avait une valeur...
M. Dupré: M. le Président, j'ai...
M. Girardin: Cela avait une valeur de 500 000 $.
M. Houde: Ah bon! D'accord.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Merci. J'ai le document de M. Étienne
Girardin qui dit: "Mon avoir net: 501 207 $" mon avoir net. Pas autre chose
à ajouter.
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Une question très brève, M.
Girardin. En 1977, probablement en arrivant au Québec, vous aviez fait
une demande d'emprunt à l'Office du crédit agricole de 145 000 $
qui vous avait été accordée, mais vous avez refusé.
Peut-on savoir...?
M. Girardin: C'est tout simple, c'est que j'ai fait les demandes
aux gouvernements fédéral et provincial. Quelqu'un m'a dit: Tu es
mieux de faire comme cela parce que, en principe, tu n'auras pas de
réponse du gouvernement provincial avant une année.
M. Baril (Arthabaska): Comment? Avant une année, tu ne
pouvais pas avoir de réponse...
M. Girardin: Oui, tu n'auras pas de réponse, alors ce sera
une année de production de foutue pour toi. C'était la simple
raison.
M. Baril (Arthabaska): Vous vous êtes fait jouer un tour
parce que le 25 juillet 1977, il y a eu annulation.
M. Girardin: Je n'étais pas du pays, je ne pouvais
pas...
M. Baril (Arthabaska): Non, je comprends. Donc, il y a...
M. Girardin: C'est un Québécois qui m'avait dit
cela.
M. Gauthier: Ah! Qu'il y a donc des mauvaises langues.
M. Baril (Arthabaska): C'est ce que je vous dis. Vous vous
êtes fait... Vous souvenez-vous si le prêt fédéral
était plus avantageux? Ce n'était pas la raison?
M. Girardin: Cela revenait presque au même. Quelqu'un
m'avait calculé cela. C'était presque la même chose.
Le Président (M. Vallières): Bien. Cela
complète l'audition de M. Girardin. Nous passons maintenant
à M. Girouard. Si M. Girouard veut bien s'avancer. M. Girouard, je
constate que vous n'avez pas de texte à remettre à la commission.
Pourriez-vous nous indiquer le temps approximatif de l'exposé que vous
allez faire?
M. Mario Girouard
M. Girouard (Mario): Mon exposé ne sera pas très
long. Par la voie de mon avocat, j'ai expédié à Me Moreau
"the lawyer" un avis lui demandant de m'expédier mon dossier personnel
à l'office. Je me suis aperçu qu'il manquait beaucoup de
documents à l'intérieur de mon dossier. Si je ne peux avoir mon
dossier pour arriver en commission et pouvoir émettre des chiffres qui
se tiennent et qui sont réels parce que c'est une évaluation de
l'office, la mienne et ainsi de suite, je ne peux monter mon dossier
technique...
Le Président (M. Vallières): Avant votre question
de règlement, M. le député de Maskinongé et avant
que M. Girouard ne continue, nous pourrions procéder à son
assermentation comme nous l'avons fait avec les autres témoins.
M. Picotte: C'est exactement ce que je voulais vous demander,
parce qu'on touche un peu au fond. M. Girouard n'a pas été
assermenté et finalement, cela m'intéresse de savoir combien de
temps à peu près... M. Girouard me dit: Très peu de temps,
mais cela veut dire quoi, "très peu de temps"? Ce sont des choses qu'on
pourrait savoir après l'assermentation.
Une voix: ...
M. Picotte: Oui, on s'est déjà fait dire cela.
Le Secrétaire: Je, Mario Girouard... M. Girouard:
Je, Mario Girouard...
Le Secrétaire: ...jure que je dirai toute la
vérité...
M. Girouard: ...jure que je dirai toute la
vérité...
Le Secrétaire: ...et rien que la vérité.
M. Girouard: ...et rien que la vérité.
Le Président (M. Vallières): M.
Girouard.
M. Girouard: Oui.
Le Président (M. Vallières): Je vous ai posé
une question tantôt, à savoir approximativement le temps dont vous
pourriez disposer pour votre exposé.
M. Girouard: Le temps que je vais parler pour essayer de
répondre à quelques questions si elles ne touchent pas au dossier
parce qu'à ce moment-là, vu que je ne peux pas le monter et
l'amener à la commission pour être jugé
démocratiquement, je demanderai que la commission demande à ma
place les dossiers s'y rattachant, toutes les notes explicatives et les
renseignements personnels figurant sur le dossier des fermes Girouard Inc., les
fermes A . Girouard et Fils Inc., de Réginald Girouard comme tel, comme
je l'avais demandé par la voix de mon avocat. Quand j'aurai tout cela,
je m'empresserai de vous contacter, M. le Président, pour confronter, en
premier lieu, les documents que j'ai à ceux que M. Moreau a remis
à la commission et, en second lieu, pour terminer mon dossier qui est un
dossier technique pour ce qui est du mien, et un peu comptable. Je ne veux pas
interrompre M. Dupré.
Une voix: Non, vous pouvez continuer.
Le Président (M. Vallières): M.
Girouard, pour répondre à la question que je vous posais
plus précisément, si nous convenions de procéder à
l'étude de votre dossier pour environ une quinzaine de minutes
d'exposé et une demi-heure de questions de la part des membres de la
commission, cela vous conviendrait-il, comme temps qui vous est
alloué?
M. Girouard: Non, cela ne me conviendrait pas du tout, vu que je
ne peux monter mon dossier et que je n'ai pas eu le temps de le monter. Je ne
crois pas que personne ici m'ait demandé si j'étais prêt
à venir en commission. Je suis venu, premièrement, par la force
des choses et deuxièmement, un peu par politesse envers une commission
de cette importance. Je pense que s'il y a quelque justice à obtenir, je
demanderai de pouvoir terminer mon dossier un peu plus tard, lorsque j'aurai
mes documents et de pouvoir le présenter à nouveau,
peut-être à une autre circonstance. De toute façon, je
crois qu'il y a une commission au mois de mars qui doit commencer. En tout cas,
pour ce qui est de mon cas, je pense que...
Le Président (M. Vallières): M.
Girouard...
M. Girouard: ...je ne peux monter un dossier tout simplement
parce qu'il y a des documents dans ce dossier qui, je crois, sont très
importants comme preuve de négociations que j'ai essayé
d'apporter. Si je ne peux retrouver ces textes-là dans mon
dossier, je me pose une sérieuse question sur le bon vouloir de
cet état de choses. Pour quelles raisons n'a-t-on pu obtenir nos
dossiers?
Le Président (M. Vallières): D'accord. Est-ce que
vous acceptez de répondre aux questions des membres de la commission
à ce moment-ci?
M. Girouard: Oui. Je suis ici pour répondre.
Le Président (M. Vallières): D'accord. M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Avant de poursuivre, j'aimerais qu'on puisse situer
la commission. Si je comprends bien, M. Girouard a l'impression
qu'effectivement, quand il aura complété son dossier, on pourra
avoir un moment opportun pour l'entendre. Je ne suis pas certain, je suis bien
loin d'être certain que, quand notre commission décidera
d'ajourner ses travaux, je ne sais pas si ce sera demain ou si ce sera un autre
tantôt, compte tenu qu'on a eu tellement de noms qui ont
été cités et que, selon ce qui va être dit demain,
on aura peut-être des vérités à aller
vérifier plus en profondeur... Je pense que la commission pourrait
d'ores et déjà se prononcer pour ne pas que M. Girouard parte
d'ici, ce soir, avec l'impression qu'il va être entendu dans trois ou
quatre semaines si son dossier est prêt dans trois ou quatre semaines, et
qu'on ne l'entende plus. Quand on va déboucher sur l'autre partie des
travaux qu'on a à faire, on va regarder l'endettement agricole. Si,
à ce moment-là, M. Girouard communique avec le secrétaire
de notre commission et lui dit: J'ai quelque chose à dire sur
l'endettement agricole en général, c'est certain qu'à ce
moment-là son dossier pourrait être étudié. Si M.
Girouard arrivait à notre commission qui va étudier l'endettement
en général et disait: Je viens parler de mon dossier comme
gréviste de la faim, il peut peut-être essuyer de notre part un
refus de l'entendre à ce moment-là sous prétexte qu'on
l'aurait entendu. J'aimerais qu'on dise à M. Girouard: Écoutez!
C'est ce soir qu'on devait vous entendre; sinon, on accepte de vous entendre
plus tard. Je suis d'accord, je serais même pour. Je ne voudrais pas que
M. Girouard ait une mauvaise impression, au départ, et qu'il sache
à quoi s'en tenir.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. le
député de Maskinongé. M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: M. Girouard, vous étiez dans le groupe
qui a demandé la tenue d'une commission parlementaire. Vous étiez
dans le groupe des grévistes. Je me souviens que, lorsque je vous ai
rendu visite, vous...
M. Girouard: Il était tard, mais je me rappelle
très bien.
M. Dupré: Bon. À ce moment-là, c'est vous
qui avez demandé une commission parlementaire. Dans un deuxième
temps, quand vous avez fait appel aux évêques du Québec,
vous aviez certainement, vous aussi, un dossier à défendre.
Même si vous n'aviez peut-être pas tous les documents, vous
êtes tout de même au courant de votre situation financière
et des avaries... Je ne sais pas, mais si vous êtes rendu là,
c'est peut-être que quelque chose n'a pas marché.
M. Girouard: Oui, c'est certain que quelque chose n'a pas
fonctionné, mais...
M. Dupré: Bon. Dès ce soir, m'engager à vous
entendre, je pense qu'à ce moment-là, il y aura une autre
commission et qu'on étudiera la possibilité... Mais on ne peut
pas vous garantir ce soir que vous serez entendu lors de la prochaine
commission. Ce n'est pas exclu non plus. En ce qui me concerne, entre autres...
De plus, vous êtes un commettant de Saint-Hyacinthe et vous faites partie
du regroupement... Vous êtes le seul qui n'a pas pu faire son
exposé. Par contre, il ne faudrait pas mettre le blâme sur la
commission. On a demandé aux deux parties de produire les documents.
Vous saviez fort bien qu'il y avait une commission qui siégeait. On
s'était entendu, lors de notre visite, mon collègue, le
député d'Arthabaska, et moi-même, qu'on vous donnerait un
délai, premièrement, pour vous remettre de votre situation
physique et, deuxièmement, pour vous donner le temps de préparer
vos dossiers. Je suis un peu peiné de ne pas avoir l'occasion de vous
entendre plus longuement, mais je pense que je ne peux pas, d'ores et
déjà, vous promettre que vous serez entendu
ultérieurement. Mais ce n'est pas exclu. (21 heures)
Le Président (M. Vallières): Je veux indiquer, en
tout cas, M. Girouard, en tant que président, que je ne peux non plus
donner cette assurance qu'il sera entendu lors de commissions
ultérieures.
M. Girouard: Je me ferai écouter par d'autres
intervenants. Je pense qu'il reste que le pays est assez grand et je crois
qu'il y a d'autre monde qui peut m'entendre aussi. Pour revenir aux dires de M.
Dupré, moi je me souviens que tous les grévistes ont
téléphoné à M. Dupré pour lui demander de
l'aide technique pour monter nos dossiers. On n'a jamais de nouvelles de ces
demandes.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: II est vrai que M. Talbot m'a appelé chez
nous. Un certain matin, M. Montigny est venu et vous-même, je pense que
vous m'avez appelé. Il y en a trois qui m'ont appelé. À ce
moment, j'ai fait la demande au président parce que cela ne
relève pas du député de Saint-Hyacinthe et non plus du
vice-président, de la commission à savoir si j'ai le droit. Moi
je n'ai pas le pouvoir de vous octroyer des recherches, des recherchistes et
l'aide que vous vouliez avoir. Par contre, j'ai fait mention... et en tout cas,
le président pourra en faire la lecture pour faire suite: Québec,
le 21 septembre 1984, M. Richard Guay, président de l'Assemblée
nationale, édifice, etc. M. le Président, pour faire suite
à la décision de la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation, de convoquer en audition publique les
sept agriculteurs qui ont participé à la grève de la faim
de Saint-Cyrille-de-Wendover, le vice-président, M. Dupré, a
reçu une demande d'une des sept personnes convoquées, M. Marcel
Talbot, à savoir que la commission fournisse aux agriculteurs les
ressources nécessaires pour qu'ils puissent s'adjoindre un agronome, un
avocat, afin de préparer et présenter leurs témoignages en
audition publique devant la commission.
En conséquence, la commission aimerait savoir de votre part si
elle peut se rendre à la demande qui lui est faite et ainsi fournir
à des personnes ou à des groupes de citoyens convoqués
devant elle en audition publique les ressources financières ou autres
pour les aider à préparer leurs témoignages. Je vous
remercie de votre collaboration. Cela a été fait par notre
secrétaire. J'ai fait le travail que je devais faire. J'ai
adressés la demande à qui de droit.
Le Président (M. Vallières): Je veux
également indiquer à M. Girouard que la réponse nous est
parvenue du cabinet du président de l'Assemblée nationale. La
lettre nous disait que le règlement sur l'attribution des ressources aux
commissions prévoit ce dont peuvent disposer les commissions
elles-mêmes à leur propre usage, c'est-à-dire en vue
d'être mieux éclairées sur la question qu'elles
étudient. Nous ne voyons pas ce qui leur permettrait de payer des
ressources à des tiers. Par ailleurs, rien n'interdit que le personnel
du secrétariat ne prête une assistance technique aux gens qui ont
à se présenter en commission.
On m'informe que c'est d'ailleurs pratique courante. J'espère ces
remarques à votre satisfaction et je vous prie d'accepter, monsieur,
l'expression de mes sentiments les meilleurs. Le directeur de cabinet, Michel
Leclerc.
M. le député de Maskinongé.
M. Picotte: J'aimerais peut-être adres- ser une question
à M. Girouard pour qu'on puisse savoir exactement de quoi il s'agit. M.
Girouard nous dit: Je n'ai pas reçu tous les documents de l'Office du
crédit agricole du Québec dans mon dossier. Ce fait ne me permet
pas de vous présenter un exposé. D'abord, avez-vous
demandé votre document à l'Office du crédit agricole?
M. Girouard: Oui, je peux vous faire...
M. Picotte: Qu'est-ce qui vous permet de croire que vous n'avez
pas tous les documents?
M. Girouard: Simplement, la valeur de la ferme qu'on
possédait et au sérieux qu'on a apporté à essayer
de traiter avec les intervenants comme l'office, en premier lieu, je crois
qu'on a présenté les documents à l'office. Ces documents
ne sont pas présentés dans le dossier que j'ai demandé qui
font preuve du sérieux qu'on a apporté dans l'étude de ce
dossier parce qu'il y avait réellement un problème majeur
financier. Si je ne peux les retrouver, donc, je ne peux les citer en
commission. En plus de cela, je n'ai pas eu le temps de monter mon dossier.
Écoutez, dans trois semaines, avec tout ce qui peut se faire et de
preuves qui se rattachent à un dossier comme le nôtre, parce qu'il
y a quand même une entente entre créancier non garanti, je trouve
un peu débordant l'office quand il se permet de prendre des
décisions pour des créanciers non garantis. Je n'ai pas eu le
temps tout simplement. Écoutez, donnez-moi le temps de le faire et,
à ce moment-là, je me présenterai. Je vais arriver avec un
dossier technique, avec les preuves en main qui vont se rattacher au dossier,
pas du bla-bla-bla continuel qui ne rime à rien.
M. Picotte: M. le Président, j'ai devant moi un
résumé du dossier de M. Girouard provenant de l'Office du
crédit agricole. On sait très bien que dans plusieurs des
dossiers des sept grévistes concernés, il y a certains de ces
documents qui sont à l'intérieur des dossiers marqués
"embargo". C'est tellement vrai qu'on a rendu public cet après-midi un
dossier marqué "embargo". C'étaient des dossiers qui ne devaient
pas être portés à la connaissance du public comme tel,
j'imagine.
Je remarque que dans le dossier de M. Girouard - à moins que mon
dossier ne soit pas officiel - il n'y a aucun endroit où c'est
indiqué "embargo". À ce moment-là, j'imagine que mis
à part ce que l'Office du crédit agricole du Québec a
envoyé comme dossier à M. Girouard et ce que nous avons devant
nous, il ne peut pas y avoir autre chose. J'ai cru comprendre tantôt que,
lui, a envoyé des documents à l'Office du crédit agricole.
À ce moment-là, il me semble que
si M. Girouard a envoyé des documents à l'Office du
crédit agricole, il serait peut-être d'autant plus opportun,
à moins qu'il y ait des raisons que je ne connais pas, à moins
qu'il ait été lui-même en possession de ces dossiers et
qu'il ait été capable de nous produire ces dossiers... Il y a
quelque chose qui accroche là-dedans.
Écoutez, vous nous demandez d'être entendu plus tard. Comme
la commission a semblé dire tantôt - j'ai entendu le
vice-président le dire - qu'elle ne donnait aucune garantie en ce sens,
vous risquez fort de ne jamais être rappelé. Si c'est cela, vous
allez...
M. Girouard: J'irai négocier directement avec
l'office.
M. Picotte: Si vous croyez avoir plus de chance que les
autres.
M. Girouard: Je n'aurai pas plus de chance, mais à force
de parler et de parler, il y a des risques que quelque chose se
présente. Il reste que...
Le Président (M. Vallières): M.
Girouard, vous avez la parole. Qu'est-ce qui se passe?
M. Girouard: J'ai la parole.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Huntingdon.
M. Girouard: Que voulez-vous que je dise? Je vous l'ai
présenté, je vous ai dit que je n'ai pas eu le temps de monter
mon dossier, vous ne m'avez pas demandé si j'avais eu le temps de le
monter.
M. Picotte: M. le Président, dans ce cas, il ne nous reste
plus qu'une chose à faire, c'est de proposer l'ajournement de la
commission.
Le Président (M. Vallières): J'ai une demande
d'intervention du député de Huntingdon. S'il vous
plaît!
M. Dubois: J'aimerais savoir de M. Girouard si le fait de
discuter de votre dossier ici ce soir, c'est-à-dire la copie qu'on a
reçue de l'office, sur laquelle il n'y a pas d'embargo, pourrait vous
causer préjudice ou non?
M. Girouard: Écoutez...
M. Dubois: Si vous préférez qu'on n'en discute pas,
on peut arrêter cela là.
M. Girouard: Je prends très au sérieux la
commission comme telle et M. Picotte aussi. La ferme en question est une ferme
de 1 200 000 $. Je pense que la période pendant laquelle on a
essayé de négocier... Tout cela, ce sont des preuves qui se
rattachent à un dossier. Le temps que ça peut prendre à
ramasser toutes ces preuves, alors que je dois me battre avec l'office pour
pouvoir obtenir les dossiers personnels relativement à ce dossier,
toutes les notes explicatives démontrant leurs chiffres puisqu'on va
continuellement faire la comparaison entre leur évaluation et notre
évaluation, tout cela demande des preuves, des jugements d'avocat, en
pratique. Donc, cela demande du temps. Si l'office m'envoie mes dossiers, je
pourrai terminer mon dossier et, après cela, l'émettre.
Je ne peux pas faire de miracle. M. Picotte, comment pouvez-vous juger
à ma place si j'ai reçu tous les documents même si ce n'est
pas écrit "embargo" dessus?
M. Picotte: Je vais vous dire ce que j'en pense en tout cas, si
je n'ai pas le pouvoir de juger, j'ai le pouvoir de vous dire ce que je
pense.
M. Girouard: Oui.
M. Picotte: Je vais vous le dire.
M. Girouard: Oui.
M. Picotte: Comment prétendez-vous, avec ce que vous venez
de nous dire ce soir, que l'Office du crédit agricole sera condescendant
et va vous envoyer les dossiers rapidement? Ce que vous nous demandez là
c'est une chose... De la façon qu'on le comprend, vous serez un an
à attendre le dossier. Si vous êtes un an à attendre le
dossier... J'aurais préféré, en tout cas, tant que de ne
pas avoir de dossier, que vous nous fassiez part de certains commentaires. Je
n'ai pas d'objection à cela - je vous le dis immédiatement je
veux être bien compris - à vous réentendre, mais cela peut
prendre énormément de temps. Si vous êtes obligé
d'intenter des poursuites ou quoi que ce soit ou vous prévaloir des
services d'un avocat pour aller chercher votre dossier et que cela prend un an
et demi, il ne faut pas vous imaginer qu'il sera bien chaud dans un an et demi
à la commission parlementaire qu'on étudie présentement et
qu'il ne sera pas déphasé d'avec ce qu'on a entendu toute la
journée... Si vous croyez - vous avez droit à cela et je respecte
votre opinion - si vous préférez attendre cela, en ce qui me
concerne, je n'ai rien contre cela. On est prêt à l'attendre, mais
je ne suis pas certain que vous vous rendez service.
M. Girouard: Écoutez, sérieusement, je ne peux pas
venir en commission démontrer mon dossier si je n'ai pas tous les
arguments
écrits devant moi pour le faire. C'est sérieux cette
affaire-là.
Le Président (M. Vallières): Très bien. J'ai
une autre demande d'intervention du député de Gaspé.
M. Le May: Avant de terminer, M. le Président, je
tiendrais à féliciter ceux qui nous ont présenté un
mémoire pour les efforts qu'ils ont faits, peut-être avec un
entourage ou une aide technique très diminuée. On a eu des
mémoires très intéressants. Je suis très content
d'avoir entendu les six ex-grévistes de la faim qui ont bien voulu se
faire entendre.
Le Président (M. Vallières): M.
Girouard, nous vous remercions. Je veux également remercier les
gens qui nous ont présenté des dossiers. Vous pouvez être
assurés que la direction de nos travaux sera facilitée et de
beaucoup.
M. Picotte: M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Avant de terminer, j'aurais une demande à
faire à la commission, je ne sais pas quel sera le voeu de la
commission. Tantôt, en circulant, on a fait état, ce soir, du fait
que des chèques d'assurance-stabilisation étaient
encaissés et directement expédiés à des
intégrateurs, quelqu'un dans la salle m'a fait part qu'il était
prêt à témoigner pendant une minute et d'assermenter le
fait que cela s'est fait de façon significative dans son cas, je me
demande si on ne pourrait pas lui permettre de le faire si la commission le
désire. Cela pourrait prendre deux minutes, sinon... Cela pourrait
ajouter encore un élément au dossier.
Le Président (M. Vallières): Je veux vous indiquer
immédiatement que cette demande est de nature à faire sortir la
commission du mandat qu'elle s'était donné.
M. Picotte: Même s'il y a consentement de tous les membres,
M. le Président.
Le Président (M. Vallières): La commission est
toujours maître de ses travaux.
M. Picotte: Alors je sollicite le consentement des membres.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Roberval.
M. Gauthier: M. le Président, la commission a un mandat
bien précis.
L'horaire est déjà excédé. Demain matin, il
faudra reprendre les travaux avec autant de sérieux et d'application que
les membres de la commission l'ont fait aujourd'hui. Cela pourra être
intéressant. On s'est toujours dit dans l'organisation des travaux de la
commission que, s'il y avait éventuellement des choses à ajouter
à la commission en cours de travaux, on pourrait le faire à la
fin de la commission, s'il restait du temps de disponible ou si la commission
jugeait bon d'en ajouter. Je ne crois pas, à ce stade-ci et après
la première journée, alors qu'on a déjà
excédé l'heure prévue et qu'on doit reprendre demain avec
un horaire tout aussi strict que celui d'aujourd'hui, qu'il soit utile de
considérer immédiatement la demande du député de
Maskinongé. Je demanderais donc à celui-ci s'il veut garder cette
demande pour le temps prévu à cette fin c'est-à-dire
à la fin de la commission; nous serions heureux d'en discuter à
ce moment-là.
M. Picotte: Je souligne bien respectueusement à mon
collègue que peut-être demain la personne concernée qui est
venue entendre les auditions des grévistes de la faim - ou des
ex-grévistes de la faim - ne sera pas ici demain à la fin de la
journée. Mais en tout cas, je voulais tout simplement souligner cela.
S'il n'y a pas de consentement, il n'y en a pas.
Le Président (M. Vallières): Oui. Il faudrait
amender notre mandat. Il faudrait donc la majorité double, soit des deux
côtés de la Chambre. Cette demande du député de
Maskinongé n'est donc pas entérinée pas la commission.
J'ai une demande d'intervention du député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: M. le Président, en terminant, je
voudrais féliciter les gens qui se sont présentés et qui
nous ont fait part de leurs inquiétudes. Je les inviterais à
demeurer avec nous pour demain, parce que demain, nous aurons un
éclairage sous un autre angle, un éclairage nouveau, mais si
jamais vous ne pouvez pas rester, c'est bien entendu qu'il y aura un rapport de
cette commission qui sera déposé en Chambre. À ce
moment-là, il y aura un débat - à moins que je ne me
trompe - d'une heure en Chambre. Je m'engage envers cette commission à
faire parvenir le rapport de la commission aux personnes qui avaient
demandé la tenue de cette commission.
En terminant, la journée qu'on vient de passer a certainement
été productive de part et d'autre. J'espère qu'elle le
sera autant demain et lors du dépôt des rapports et du
débat en Chambre. Encore une fois, je vous réitère ma
position, à savoir qu'on vous fera parvenir un rapport en bonne et due
forme. Je vous remercie.
Le Président (M. Vallières): En terminant, M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, je pense que pour des gens
qui n'avaient pas l'habitude des commissions parlementaires comme nous l'avons,
nous, les parlementaires, cela a été très agréable
de travailler en leur compagnie. Je vous dis immédiatement qu'on aura
sûrement certaines réponses demain. On espère avoir toutes
les réponses, mais il sera peut-être impossible de les avoir
toutes. Ce sera l'autre côté de la médaille, comme on le
dit souvent en langage courant, et il y aura peut-être lieu, tel que je
l'ai vu un peu tout au long de nos exposés d'aujourd'hui, d'avoir
à prolonger cette commission parlementaire si on veut finalement que
toute la vérité et toute la lumière soit faite dans tous
ces dossiers. On verra au fur et à mesure, mais entre-temps, merci
à tous ceux et celles qui ont assisté à cette commission
parlementaire et qui ont été bien patients dans nos
discussions.
Le Président (M. Vallières): La commission ajourne
ses travaux à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 17)