L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 11 octobre 1984 - Vol. 27 N° 3

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation particulière sur les dossiers des sept grévistes de la faim de Saint-Cyrille-de-Wendover


Journal des débats

 

(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux. Les membres de la commission sont les suivants. M. Baril (Arthabaska), M. Beaumier (Nicolet), M. Beauséjour (Iberville), M. Dubois (Huntingdon), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M. Gauthier (Roberval), M. Houde (Berthier), M. Le May (Gaspé), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Maltais (Saguenay), M. Pagé (Portneuf), M. Picotte (Maskinongé), M. Proulx (Saint-Jean) et M. Vallières (Richmond). La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation se réunit afin d'étudier les dossiers des sept grévistes de Saint-Cyrille-de-Wendover et d'entendre, à cette fin, et dans l'ordre suivant pour la journée d'aujourd'hui... Oui, M. le député de Maskinongé, sur une question de...

M. Picotte: De règlement.

Le Président (M. Vallières): ...de règlement.

M. Picotte: Cela devrait être une question de règlement. J'aimerais tout simplement vous souligner un fait. Je voudrais porter à votre attention le fait que j'ai pu déceler ce matin, à la lecture des journaux... J'ai remarqué - je ne sais pas si vous l'avez fait - qu'à la lecture des journaux on se rend compte qu'il y a des documents confidentiels notés d'un embargo qui ont été publiés dans les journaux ce matin. Évidemment, j'ose prétendre que ce n'est pas la commission comme telle qui a fourni ces documents puisque, effectivement, ces documents devaient rester la propriété de la commission.

Cependant, si j'étais un des sept grévistes de la faim, je serais profondément déçu de constater que, par une machination politique quelconque, des documents ont été rendus publics alors que ces gens dûment concernés n'ont même pas accès à certains documents dans leurs dossiers. Je n'oserai pas qualifier ce geste, mais je laisse le soin à tous ceux qui peuvent le faire d'en tirer les conclusions et je trouve cela profondément décevant. C'est le seul mot que j'utiliserai pour le moment.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Maskinongé, je vais immédiatement vous indiquer qu'en aucune espèce de façon la commission, par le biais de son président ou de son secrétaire, n'a remis des documents à qui que ce soit au niveau de la presse.

Ceci étant dit, je veux vous faire part de l'horaire de notre journée en espérant que nous pourrons le respecter dans toute la mesure du possible. Ce matin, de 10 heures à 13 heures, nous entendrons les représentants de la Fédération de l'Union des producteurs agricoles. Il est à remarquer qu'un maximum d'une heure sera alloué pour l'exposé préliminaire. Le reste du temps sera consacré au dialogue entre les membres de la commission et l'UPA. De 15 heures à 18 heures, les représentants de l'Office du crédit agricole seront reçus par la commission, avec un maximum d'une heure pour l'exposé préliminaire et le reste du temps sera consacré au dialogue avec les membres de la commission. Finalement, ce soir, de 20 heures à 22 heures, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, M. Jean Garon, sera entendu. Il disposera d'un maximum d'une heure pour son exposé préliminaire et le reste du temps sera consacré au dialogue entre les membres de la commission et le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

En terminant, et afin d'éviter toute confusion possible quant au mandat initial de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, je veux à nouveau ce matin indiquer ici que notre commission procédera, à compter de décembre, à une consultation générale afin d'étudier les aspects de la relève agricole, du financement et de l'endettement de l'agriculteur au Québec.

Là-dessus, je demanderais aux représentants de l'UPA, par le biais de leur président, M. Proulx, de procéder à la lecture de leur mémoire.

Nous allons appliquer la même règle que celle que nous avons appliquée hier aux divers témoins. Cela veut dire que nous procéderons à l'assermentation des témoins. Je demanderais à M. Proulx, à ce moment-ci, d'identifier les personnes qui l'accompagnent.

M. Proulx (Jacques): M. le Président, il

y a avec moi à la table des dirigeants et les principaux responsables des dossiers. Il y a M. Blanchette, qui est secrétaire général; M. François Côté, qui est économiste au Service d'études et de recherche; M. Gérard Gras, qui est le premier vice-président, et M. Jean-Yves Couillard, qui est le deuxième vice-président. Il y a avec nous aussi les membres de l'exécutif qui auront, j'espère, la possibilité de répondre à certaines questions, parce que chacun de nous a à s'occuper de différentes facettes de tout le problème que vous soulevez aujourd'hui.

Le Président (M. Vallières): M. le secrétaire.

M. Blanchette (Jean-Claude): Moi, Jean-Claude Blanchette, déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

M. Proulx (Jacques): Moi, Jacques Proulx, déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

M. Côté (François): Moi, François Côté, déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

M. Gras (Gérard): Moi, Gérard Gras, déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

M. Couillard (Jean-Yves): Moi, Jean-Yves Couillard, déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité. Voici votre carte.

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. Proulx.

Auditions (suite) L'UPA

M. Proulx (Jacques): Merci, M. le Président. Messieurs les députés, nous ne pouvons vous cacher que nous nous présentons ici aujourd'hui avec une certaine réticence. Votre commission se réunit dans un contexte extrêmement émotif pour examiner la situation particulière de personnes qui ont choisi, pour exprimer leur désapprobation quant à l'évolution de l'agriculture, de recourir à une méthode extrêmement dure, à savoir une grève de la faim.

Quant à nous, nous avons encore assez de foi dans le système démocratique pour penser qu'il existe d'autres moyens de défendre un point de vue. Les grévistes de la faim ont suscité des questions importantes quant à la situation actuelle de l'agriculture, le sens de son évolution de même que les politiques du gouvernement du Québec en matière agricole. Nous sommes convaincus que ces questions auraient intérêt à être débattues dans un contexte moins chargé de sensationnalisme que celui d'aujourd'hui. De plus, une discussion en profondeur sur la situation de l'agriculture, sur les politiques agricoles, sur le financement agricole devrait réunir beaucoup plus d'intervenants qu'il n'y en a ici. On pense aux différents groupes spécialisés d'agriculteurs, aux syndicats de gestion, aux chercheurs, aux femmes, aux institutions financières, aux principaux exécutants de la politique gouvernementale. Tous ces gens ont des points de vue, des éclairages qui doivent être considérés quand on cherche à faire le point sérieusement et en profondeur sur la situation de l'agriculture.

La formule des conférences socio-économiques est certainement un instrument plus approprié à ce genre de discussion que la commission parlementaire d'aujourd'hui. Une revue de ce qui a été écrit au moment de la grève de la faim nous rappelle que les questions soulevées dans l'opinion publique sont extrêmement vastes et touchent l'évolution de l'agriculture dans toutes ses dimensions de même que l'ensemble des politiques agricoles du Québec. C'est un débat qui, à ce moment-ci, est extrêmement polarisé: d'un côté, un ministre de l'Agriculture entièrement satisfait de ses politiques et de ses réalisations et de l'autre, des gens qui ont mis leur vie en danger parce qu'ils pensent que nous évoluons vers une situation désastreuse et que nous y sommes poussés par des politiques agricoles, en particulier par les politiques de l'Office du crédit agricole.

Nous n'avons pas l'intention ici de faire une analyse et de porter un jugement sur des cas particuliers qui font l'objet de la commission parlementaire. Notre premier rôle, comme organisation professionnelle, est de travailler à la mise en place de politiques générales pour l'ensemble de l'agriculture qui vont dans le sens des objectifs formulés de façon démocratique par nos membres. C'est pourquoi nous avons l'intention de centrer notre intervention ici aujourd'hui sur les politiques agricoles plutôt que sur des situations personnelles et particulières.

L'orientation de base de la politique agricole des dernières années, c'est une volonté de développer la production agricole du Québec et, en partie, par voie de conséquence, l'industrie agro-alimentaire en général. Cette volonté s'appuie sur le fait, trop souvent oublié, que l'agriculture est le secteur primaire le plus important et que la transformation alimentaire est le secteur manufacturier le plus important en termes d'emplois.

Cet objectif a souvent été décrit comme celui de l'autosuffisance alimentaire. Ce mot est de moins en moins utilisé car il

comporte un aspect défensif qui ne décrit pas la réalité des choses. En réalité, ce qui a été mis en place, ce sont les politiques pour développer certains secteurs bien précis et bien identifiés où le Québec était importateur de façon très importante et où l'on pense que le Québec dispose des ressources humaines et physiques pour que la production puisse se développer.

Concrètement, les efforts ont porté sur le boeuf, les céréales et une gamme d'autres productions. Le boeuf est une production agricole majeure où le Québec était presque complètement absent, la presque totalité de la consommation de viande de boeuf de qualité provenant de l'Ouest. Dans le cas des céréales, elles sont l'intrant majeur de l'industrie animale au Québec et, jusqu'à tout récemment, 70% des céréales consommées au Québec étaient importées de l'Ouest canadien et, à un degré moindre, de l'Ontario et des États-Unis. En plus de ces deux secteurs majeurs, des possibilités de développement ont été perçues dans un grand nombre d'autres secteurs: certaines productions maraîchères, agneau, sirop d'érable, vison, truite d'élevage, lapin, chèvre, chevaux.

Cela a-t-il été une erreur de vouloir développer ces productions au Québec? Y a-t-il eu des erreurs majeures au niveau des politiques mises en place? Ce sont là deux des interrogations qui ont surgi dans l'opinion publique au moment de la grève de la faim.

Les moyens mis en place. L'action du ministère de l'Agriculture se concrétise dans environ 60 programmes et politiques nationales en plus d'un certain nombre de programmes régionaux. Quantitativement, il est clair que les politiques qui ont mobilisé le plus de ressources financières et qui sont généralement considérées comme les programmes les plus importants sont le crédit agricole, les programmes d'assurance-récolte et d'assurance-stabilisation ainsi que les programmes d'aide à l'investissement.

Dans les résultats, plusieurs mesures tendent à montrer que les efforts des agriculteurs pour accroître et diversifier leur production, jumelés avec les politiques agricoles mises en place, ont produit un certain nombre de résultats significatifs.

Quant à l'emploi total dans le secteur de la production agricole primaire, il y a, depuis 1975, une nette tendance à l'accroissement de l'emploi total en agriculture. On peut estimer que l'emploi dans l'agriculture primaire a, entre 1975 et 1977 et les années 1981 à 1983, augmenté de plus de 5000 emplois, passant de 72 000 à 76 500. Au niveau canadien, il n'y a pas de telle tendance. L'emploi total agricole au Canada se situe au même niveau qu'en 1975.

Dans le développement des productions, il y a eu une expansion marquée dans certains secteurs. Dans le porc, entre 1971 et 1976, les producteurs de porc du Québec ont fait passer leur part de production totale canadienne de 17% à 30%. De 1976 à aujourd'hui, ils ont participé à l'expansion générale de la production au Canada: depuis 1976, la production du Québec a augmenté, comme celle du reste du Canada, d'environ 90%, et notre part du marché s'est maintenue à un peu plus de 30%.

Des changements marquants sont survenus dans la production des céréales. Dans ce secteur, les acrages sont passés de 837 000 acres en 1976 à 1 376 000 en 1984, soit un accroissement de 64%.

Dans la production du bovin de boucherie, les résultats sont moins évidents jusqu'à maintenant. Le nombre de vaches de boucherie sur les fermes, après avoir augmenté au début des années soixante-dix et après avoir subi une baisse importante en 1976 et en 1977, est demeuré sensiblement le même depuis 1977. Le même phénomène se déroule dans le bouvillon de boucherie. La production est stagnante. Cependant, il faut être conscient qu'au cours de la même période le nombre de vaches de boucherie a diminué de 17,5% à l'échelle canadienne et le nombre de bouvillons de 26%. En d'autres mots, l'industrie naissante du boeuf s'est maintenue dans une conjoncture générale à la baisse, de sorte que notre part du marché canadien dans ces deux productions a légèrement augmenté, tout en demeurant quand même très faible à environ 4%.

En plus de ces grands mouvements, il y a des progressions importantes du volume dans plusieurs productions comme l'agneau, la betterave à sucre, les fraises et certains légumes.

Dans les fermes, si, au niveau global, il y a des signes de progrès de l'agriculture, qu'en est-il des agriculteurs? Il n'y a pas de réponse simple à cette question car la situation varie d'une production à l'autre, d'un producteur à l'autre et, devrait-on ajouter, d'une année à l'autre. Le nombre total de fermes identifiées par le recensement a continué de diminuer, passant de 61 257 en 1971 à 51 587 en 1976, et à 48 144 en 1981. Cette tendance est générale au Canada. Le rythme de diminution du nombre de fermes au Québec, après avoir été plus rapide pendant très longtemps, a été le même que dans le reste du Canada depuis 1976.

Il faut ajouter que la diminution survenue au cours des dix dernières années se situe au niveau des exploitations déclarant moins de 5000 $ de ventes de produits agricoles. Le nombre de fermes déclarant plus de 5000 $ a sensiblement augmenté, passant de 29 613 en 1971 à 33 540 en 1981. Il y a donc eu un mouvement de consolidation qui est un peu plus rapide au Québec qu'ailleurs au Canada. Alors qu'en 1971 seulement 6% des fermes produisaient pour plus de 25 000 $ de revenus bruts

agricoles, comparativement à 47% pour l'Ontario, en 1981, 45% dépassaient ce seuil, comparativement à 44% pour l'Ontario.

Le phénomème de consolidation est aussi très apparent dans l'industrie laitière, où la production par ferme a augmenté de 46% au Québec entre 1971 et 1981, passant de 234 000 livres à 343 000 livres, pendant qu'elle augmentait de 22% dans le reste du Canada pour se situer à 399 000 livres en 1981. Ce faisant, le Québec comblait une grande partie de l'écart qui le séparait du reste du Canada au début des années soixante-dix.

Quant aux revenus nets agricoles, ils ont connu au Québec, comme au Canada, une augmentation très importante dans les années 1973, 1974, 1975. Au cours des années suivantes jusqu'à aujourd'hui, ils sont demeurés supérieurs aux revenus des années soixante, mais ont fluctué à la baisse par rapport aux revenus des années 1973 à 1975. De sorte qu'actuellement, les revenus agricoles nets, réels sont, au Québec, inférieurs de 31% à ce qu'ils étaient en 1973, 1974, 1975. Au Canada, ils sont actuellement inférieurs de 50,2%. Ces derniers chiffres reflètent les conséquences qu'ont eues sur les revenus agricoles, au Québec et ailleurs, l'augmentation des taux d'intérêt, l'affaissement du prix du porc, du boeuf et des céréales au cours des dernières années.

Autre indice des difficultés actuelles: la diminution de l'équité des fermes que vient de mettre en évidence le sondage de la société du crédit agricole. Entre 1981 et 1983, l'endettement des agriculteurs a crû plus rapidement que la valeur des actifs, de sorte que l'équité a diminué. Ici encore, ce n'est pas un phénomène particulier au Québec. Il est clair que la conjoncture économique générale s'est complètement renversée à partir des années quatre-vingt.

Les années soixante-dix ont été des années d'inflation et des années où les taux d'intérêt réels - taux d'intérêt et inflation -ont été faibles, parce que les marchés financiers se sont adaptés avec retard à l'inflation. Dans un tel contexte, il était logique d'emprunter et d'investir, y compris dans l'acquisition de nouvelles terres. Cette conjoncture, jumelée avec la croissance des revenus des années 1973 à 1975, a entraîné une demande pour les terres et en a fait augmenter la valeur de façon très importante, créant des plus-values comptables qui ont compensé dans l'esprit des agriculteurs la tendance à la baisse des revenus agricoles réels.

Depuis 1981, nous sommes entrés dans une situation complètement différente. L'inflation est considérablement ralentie. Les taux d'intérêt réels que nous connaissons actuellement sont les plus élevés des dernières décennies. C'est un changement radical. La décision qui était la bonne il y a dix ans est celle qui aujourd'hui conduit à des difficultés. En plus de ce renversement de situation en ce qui concerne les taux d'intérêt, est survenue la crise du porc où les prix se maintiennent très bas. Il y a aussi depuis 1981 une surproduction mondiale de céréales, ce qui ne s'était pas vu depuis la fin des années soixante, qui a entraîné une chute des prix. Et, tel que nous l'avons mentionné précédemment, l'industrie du boeuf au Canada est en décroissance depuis plusieurs années.

L'agriculture traverse des difficultés importantes actuellement, c'est un fait indéniable.

Est-ce que cela constitue une preuve de l'échec de l'agriculture et des politiques agricoles au Québec? L'union n'y croit pas.

Comme tous les pays du monde, nous faisons face à des changements profonds dans le contexte économique général dans lequel nous travaillons. Comme tous les agriculteurs du monde, nous traversons dans plusieurs productions majeures une période extrêmement difficile. (10 h 30)

À ce moment-ci, il ne s'agit pas de crier à l'échec et de condamner ce qui a été fait. Il s'agit plutôt de faire les ajustements nécessaires, tant au niveau des fermes qu'au niveau des politiques gouvernementales, pour aider les producteurs à traverser les difficultés actuelles, et d'en ressortir renforcés. Il faut, à ce moment-ci, que soit réaffirmée dans des gestes concrets la volonté politique du gouvernement de maintenir et de développer l'agriculture au Québec.

Une autre question soulevée dans l'opinion publique dans le contexte de la grève de la faim est celle de la survie de la ferme familiale face à l'industrialisation de l'agriculture.

Pour certains, les fermes ont tendance à devenir trop grosses, plus grosses que ce qui est nécessaire pour être efficaces tout en faisant vivre une famille, et nous nous éloignerions de l'agriculture familiale. À cette perception se rattache l'idée que plusieurs agriculteurs investissent mal et surinvestissent, et deviennent plus gros que ce qui est économiquement désirable, et se retrouvent finalement écrasés sous le poids des dettes.

En même temps, les agriculteurs sont conscients qu'il y a une évolution nécessaire, que la taille d'une ferme familiale "normale" évolue à cause de l'évolution de la technologie, laquelle engendre, selon l'expression des économistes, des économies d'échelle, en ce sens qu'en utilisant les nouvelles techniques de production et en atteignant une taille optimale, on réduit le coût de production unitaire de chaque produit et on augmente la rentabilité de l'entreprise.

Où se situe l'équilibre? Est-ce qu'actuellement il y a, au Québec, de façon systématique, un grossissement indésirable de la taille des entreprises? C'est une question extrêmement complexe. Nous ne prétendons pas pour l'instant la saisir dans toutes ses dimensions.

Sur cette question de l'accroissement de la taille des exploitations agricoles en regard du concept de ferme familiale, nous voulons à ce moment-ci exprimer les points de vue suivants.

Une ferme familiale est une entreprise où la famille fournit la plus grande partie de la propriété, de la gestion et du travail requis par l'entreprise.

La ferme familiale peut être un cadre de travail valorisant pour ceux qui y travaillent et en font partie, et cela contribue à enrichir l'ensemble de la société.

Ce mode de production tend à être hautement efficace, à cause de sa souplesse et de sa capacité inégalée de s'adapter aux circonstances diverses et changeantes de l'agriculture. Le fait de travailler avec de la matière vivante, animale ou végétale, a des implications énormes sur le fonctionnement d'une entreprise. Il faut s'adapter continuellement et instantanément aux variations de climat, à l'état des plantes et des animaux.

L'entreprise de type familial possède cette capacité de réaction instantanée qui fait son efficacité.

Les politiques agricoles doivent reconnaître l'avantage social et économique de la ferme familiale et doivent viser à lui donner les moyens de prospérer et de se développer.

La ferme familiale est souple et efficace au niveau de la production, mais elle est faible au niveau de la mise en marché, en ce sens que la production est écoulée par une multitude de petites unités qui font affaires avec des acheteurs très regroupés et peu nombreux. C'est un rapport de forces inégal.

Il est certain que, pour compenser cette faiblesse inhérente à une structure familiale de production, il faut organiser la mise en marché, regrouper les producteurs et la production pour modifier le rapport de forces et mettre tous les producteurs sur un pied d'égalité en ce qui concerne l'écoulement de leurs produits, quelle que soit la taille de leur exploitation.

Par ailleurs, les forces du marché nous imposent de produire à un coût de production le plus bas possible. Or, l'évolution de la technologie a entraîné une capitalisation accrue et une augmentation de la taille nécessaire des entreprises pour réduire les coûts de production.

La question qui peut se poser est la suivante: Est-ce qu'il y a des exagérations dans cette direction? La conjoncture économique générale et agricole des années soixante-dix a été particulièrement favorable à l'investissement: conjoncture de prix assez bonne, taux d'intérêt réels faibles, plus-values foncières importantes ont joué un rôle dans ce climat.

Il y a eu, au début des années quatre-vingt, un revirement complet de la conjoncture économique générale et agricole: augmentation des taux d'intérêt, chute des prix des produits agricoles majeurs, baisse de la rentabilité des fermes et baisse de la valeur des actifs agricoles.

Ce revirement draconien de la situation a mis en évidence toutes les faiblesses qui pouvaient exister au niveau de la rentabilité des fermes et des politiques agricoles. Tous ceux qui n'avaient pas de marge de sécurité, dont l'endettement était déjà très élevé, tous ceux qui avaient basé leurs décisions d'achat et d'investissement sur des attentes optimistes se sont retrouvés coincés.

Dans ce climat un peu euphorique des années soixante-dix, il y a eu dans plusieurs cas des manques de prudence et de bonne gestion où ont été impliqués l'ensemble des intervenants: les agriculteurs eux-mêmes, mais aussi les conseillers en crédit, les vulgarisateurs en technique et en gestion agricole et, devrait-on dire, tous ceux qui ont laissé ces choses se passer sans les dénoncer.

Une des leçons qu'il faut tirer de cette évolution récente est qu'il faut collectivement - et je dis bien collectivement - amplifier les efforts vers une meilleure efficacité technique et économique des fermes.

La nouvelle conjoncture ne se prête certainement pas à un accroissement de la taille des fermes. Il faut "grossir à l'intérieur des clôtures" titrait un editorial de la Terre de chez-nous, il y a quelques mois.

Il faut s'ajuster à deux réalités: le fait que beaucoup de fermes sont devenues des PME et une conjoncture économique qui s'annonce mauvaise. Ces deux réalités impliquent une gestion beaucoup plus serrée et efficace.

Au niveau des politiques, les initiatives qui doivent être privilégiées sont celles qui sont susceptibles d'améliorer la gestion financière et technique des entreprises. En ce sens, une formule comme celle des syndicats de gestion, qui vise justement à donner aux agriculteurs le moyen de prendre les décisions technico-économiques les meilleures, est plus susceptible de contribuer au maintien d'entreprises familiales que beaucoup de batailles idéologiques et de chiffres.

Par ailleurs, il nous paraît évident aussi qu'il ne faut pas que l'aide favorise le développement d'entreprises qui sont gigantesques par rapport à la taille normale

exigée par la technologie du moment.

Comme la taille précise de ce qu'est une entreprise familiale concurrentielle et rentable évolue, les limites doivent être établies de façon extrêmement souple et pragmatique, en étroite consultation avec les producteurs.

Quoiqu'on en parle moins souvent, la question de la ferme familiale a, à part le gigantisme, une deuxième dimension: l'agriculture à temps partiel. Quelle place accorder, dans une vision du développement de l'agriculture, aux exploitations de fermes à temps partiel?

A la lumière de l'évolution des dernières années, il faut se poser des questions à nouveau sur l'agriculture à temps partiel.

Il est clair qu'à l'intérieur du syndicalisme agricole nous avons travaillé et nous avons encore l'intention de travailler à une agriculture pour en vivre. Nous avons demandé des politiques qui tendaient vers des fermes où l'agriculture est la principale occupation de l'exploitant. Ce modèle a fait ses preuves dans un grand nombre de productions, notamment dans les domaines du lait, du porc, de l'aviculture.

On ne peut que constater que, dans plusieurs des productions que l'on cherche à développer au Québec et où on cherche à favoriser et à implanter des entreprises assez grosses pour occuper l'exploitant à temps plein... Si vous le permettez, je vais demander à une autre personne de continuer la lecture. C'est à cause de la cigarette, voyez-vous. S'il était défendu de fumer...

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. Gras va continuer la lecture du texte. On pourrait peut-être demander la collaboration des gens qui fument et leur demander d'essayer de s'en abstenir. Ce n'est pas une règle absolue, mais des gens doivent prendre la parole et cela leur nuit.

M. Picotte: M. le Président, il y a des systèmes ici pour cela. Qu'on les fasse fonctionner tout simplement, s'ils ne fonctionnent pas.

Une voix: Les systèmes sont faits pour la cigarette et non pour les cigares.

Le Président (M. Vallières): Très bien.

M. Picotte: ...changer avec le vice-président de la commission.

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. Gras, vous pouvez y aller.

M. Gras: On ne peut que constater que, dans plusieurs des productions que l'on cherche à développer au Québec et où on cherche à favoriser et à implanter des entreprises assez grosses pour occuper l'exploitant à temps plein, l'objectif ne s'est que peu ou très partiellement réalisé. Il s'avère extrêmement difficile de rentabiliser des exploitations à temps plein dans ces productions.

Il faut réfléchir à la possibilité que, dans certaines productions, il serait peut-être désirable que des productions à temps partiel soient reconnues comme une contribution nécessaire au développement de l'agriculture et que ce type d'exploitation reçoive plus d'appui qu'il n'en reçoit actuellement, en particulier au niveau du financement. C'est une question à laquelle on doit réfléchir. Il faut être toutefois très prudent, si on évolue dans cette direction, car plusieurs dangers se présentent.

À l'intérieur de ce cadre, nous croyons qu'il faut entamer une réflexion sur les politiques agricoles par rapport à l'agriculture à temps partiel.

Le crédit agricole. Pour beaucoup de gens, le débat qui doit se faire ici aujourd'hui est un débat sur le crédit agricole. Cela résulte de ce que certains grévistes de la faim ont fait du financement agricole et de l'Office du crédit agricole une des causes principales, sinon la cause principale, de leurs difficultés. Il est évident pour nous qu'une discussion sur le financement ne peut se situer à l'intérieur d'une réflexion et d'une analyse portant sur l'évolution globale de l'agriculture, ici et ailleurs, et sur l'orientation d'ensemble des politiques agricoles. Le crédit est un élément important, mais non le seul.

Concernant le crédit agricole dans cet ensemble plus vaste auquel nous avons fait référence précédemment, nous tenons à exprimer le point de vue suivant:

De 1971 à aujourd'hui, la valeur du capital investi dans l'agriculture au Québec est passé de 2 200 000 000 $ à 9 900 000 000 $, soit une augmentation de 355%, soit un taux annuel d'accroissement de 16,4%. L'actif total de la ferme moyenne est passé de 53 000 $ à 285 000 $.

C'est même une des caractéristiques de l'agriculture d'aujourd'hui d'être un des secteurs où le degré de capitalisation (mesuré par le rapport capital sur la valeur ajoutée) est le plus élevé de toute l'économie, au Québec comme ailleurs, en Amérique du Nord.

Dans la mesure où on a besoin du capital pour produire, on parle nécessairement d'emprunts. Aucun secteur économique n'opère à 100% d'équité. Quand on veut se développer, on doit emprunter. Le capital emprunté est devenu un instrument nécessaire dans les mains de l'agriculteur propriétaire d'une ferme.

On pourrait choisir de laisser le système financier (les banques, les caisses et toutes autres institutions financières)

satisfaire entièrement le besoin de financement du secteur agricole.

Nous croyons quant à nous que la situation de l'agriculture est tellement particulière à toutes sortes de points de vue qu'il est désirable que l'agriculture soit financée par des institutions spécialisées dans l'agriculture qui vont s'ajuster aux particularités économiques, techniques et sociologiques de l'agriculture.

Nous sommes convaincus aussi qu'il est dans l'intérêt collectif que l'État s'implique dans le processus du financement de l'agriculture, pour plusieurs raisons.

La première est que le financement est un canal par lequel on peut contribuer à réaliser plusieurs objectifs d'une politique agricole, comme par exemple le développement de nouvelles productions, comme de faciliter la transmission d'une ferme d'une génération à l'autre ou comme d'accorder aux femmes une plus grande place dans le processus économique.

La deuxième est que l'agriculture est fondamentalement instable, et est périodiquement secouée par des crises profondes qui mettent en danger l'existence même d'un grand nombre de fermes.

Il se vit actuellement un bouleversement dans l'agriculture nord-américaine. Après une décennie de marchés relativement stables, de plus-value foncière importante, la surproduction frappe, les prix tombent, la valeur des terres chute dans un contexte où les taux d'intérêt demeurent très élevés.

À tel point que le président américain, M. Reagan, ce champion du libéralisme économique, met sur pied un programme d'urgence pour garantir les prêts des agriculteurs aux banques en échange d'une diminution de 10% de la dette.

Le Québec s'est impliqué depuis longtemps dans le financement de l'agriculture. Cette action s'est considérablement amplifiée depuis 1978 avec l'avènement du système Tandem.

Nous croyons qu'aussi bien les agriculteurs que la collectivité ont bénéficié de l'intervention du gouvernement du Québec dans le financement de l'agriculture.

Il y a eu un essor important des productions et de l'emploi en agriculture, que nous avons décrit précédemment. (10 h 45)

De nombreuses entreprises ont pu croître et augmenter leur rentabilité.

L'assistance au financement a permis à de nombreux jeunes agriculteurs d'acquérir la ferme familiale, alors que cela aurait été impossible à plusieurs s'il avait fallu compter uniquement sur du crédit bancaire.

Donc, dans l'ensemble, nous croyons que, malgré les défauts, leurs faiblesses, les politiques du Québec en matière de financement ont rempli une fonction essentielle en agriculture, et ont contribué à certains des progrès de l'agriculture au cours des dernières années. Cela n'implique pas qu'il n'y a pas eu d'erreurs commises et que rien ne doit être changé.

Au contraire, nous croyons qu'il est dans l'intérêt de tous que se tienne une conférence socio-économique sur le financement agricole annoncé depuis deux ans par le ministre de l'Agriculture. Là pourront être examinées, dans un climat plus favorable, les déficiences identifiées par plusieurs groupes en rapport avec le financement agricole au Québec et le fonctionnement de l'Office du crédit agricole.

M. Proulx (Jacques): À l'élément 1, il faut de façon urgente que soit constituée une commission d'appel, composée majoritairement d'agriculteurs, à laquelle tout agriculteur insatisfait d'une décision de l'office concernant une demande d'emprunt pourrait en appeler de la décision. Cette commission serait consultative, mais aurait quand même un pouvoir moral considérable. Étant dispensateurs d'une aide importante de l'État, les officiers du crédit agricole disposent d'un pouvoir considérable sur les agriculteurs et est bien naïf celui qui pense qu'une telle situation n'engendre pas des abus de pouvoir. Un mécanisme neutre d'appel, même consultatif, est absolument nécessaire aussi bien pour les emprunteurs que pour ceux qui prennent les décisions. Tous ne peuvent que profiter de l'existence d'une commission d'appel et il est étonnant qu'elle n'ait pas encore été mise sur pied, alors qu'elle est réclamée depuis plusieurs années.

Deuxièmement, devant le nombre croissant de faillites et d'abandons en agriculture, nous croyons qu'un comité spécial, indépendant de l'Office du crédit agricole, devrait être mis en place immédiatement. Ce comité serait composé d'experts indépendants et d'agriculteurs et aurait pour mandat de rechercher, avec tout agriculteur en grave difficulté financière et l'ensemble de ses créanciers, toute solution financière acceptable par l'ensemble des créanciers et qui éviterait la faillite ou l'abandon forcé.

L'Office du crédit agricole soumettrait obligatoirement à ce comité indépendant tout dossier d'agriculteur menacé de faillite ou d'abandon forcé. Je voudrais ajouter peut-être ici - parce que ce n'est pas noté - pour que ce soit bien clair, que même ceux qui ne seraient pas à l'office pourraient se servir d'un tel comité.

Troisièmement, dans une conférence sur le financement agricole, il faut regarder toute la question de la relève agricole.

Tout en reconnaissant que la relève, en agriculture comme dans n'importe quel autre genre d'entreprise, ne saurait se faire sans

difficulté, il faut rechercher des moyens pour faciliter le financement du transfert des exploitations. Sachant que les premières années suivant l'établissement sont les plus difficiles, on devrait envisager d'offrir l'option à l'emprunteur d'une aide concentrée sur les premières années du prêt.

Il faut en général rechercher toutes les améliorations et les assouplissements aux politiques susceptibles de faciliter le transfert des fermes.

Quatrièmement, il faut regarder toute la question du financement à court terme. Toutes sortes de problèmes surgissent dans ce domaine.

Il y a en particulier le fait que l'office exige des producteurs qui font une demande d'emprunt à long terme qu'ils investissent leur liquidité dans cet investissement à long terme. Cela laisse les producteurs sans fonds de roulement, au moment même où ils en ont le plus besoin, c'est-à-dire quand ils font des changements importants dans leur entreprise. C'est une des dimensions de la question du financement à court terme. Il y en a une autre et c'est celle du crédit à la production garanti par l'office. Les délais d'obtention sont beaucoup trop longs.

Une des questions les plus importantes à regarder est celle de l'opportunité économique des investissements pour lesquels des prêts sont consentis.

Cette question comporte toutes sortes de dimensions importantes. Il faut que l'investissement pour lequel il y a demande de prêt soit un investissement rentable, en ce sens qu'il rapporte plus qu'il ne coûte, donc qu'il soit fait dans un contexte de bonne gestion. Nous sommes conscients qu'une bonne partie du problème relève de l'emprunteur, à qui il incombe l'obligation de faire des calculs et les prévisions nécessaires pour bien orienter les décisions d'investissement et d'emprunt.

Les agriculteurs ont leur part de responsabilité, les responsables des politiques gouvernementales aussi. Les politiques gouvernementales doivent viser à faire réaliser aux producteurs les investissements les plus productifs possible. On peut se demander si les programmes d'aide à l'investissement, l'assistance au financement et d'autres politiques agricoles n'ont pas trop mis l'accent sur des investissements en bâtiments plutôt que sur les investissements plus immédiatement productifs et rentables. Dans le domaine de l'environnement, on vient de se rendre compte, après dix ans de construction de fosses en ciment, que des réservoirs en sol bien construits peuvent, dans un très grand nombre de cas, protéger l'environnement tout en coûtant beaucoup moins cher.

Les prévisions de prix et de revenu sur lesquelles sont faites les analyses de rentabilité doivent être réalistes et prudentes, pour éviter que des producteurs ne se lancent en vertu de prévisions qui ne sont pas réalistes.

Il faut qu'il y ait de la prudence aussi dans l'évaluation des actifs. Les actifs doivent être évalués en fonction des tendances à long terme des prix. Cela peut vouloir dire être plus prudent au moment où la valeur des actifs s'accroît rapidement. Cela veut aussi dire de ne pas dévaluer à la baisse la valeur des actifs dans les périodes de chutes draconniennes, comme c'est le cas actuellement.

Il faut aussi être conscient qu'un organisme prêteur à moyen et à long terme a tendance à être biaisé en faveur des projets d'investissement qui lui procurent les meilleures garanties. Ces projets ne sont pas nécessairement les plus rentables pour l'agriculteur en termes de revenus générés.

Dans le même ordre d'idées, il y a une plainte générale envers l'Office du crédit agricole dans le sens qu'il prend systématiquement plus de biens en garantie que ce qui est nécessaire pour garantir un prêt. Cela enlève de la marge de manoeuvre financière à l'entreprise.

Une autre dimension de la rentabilité des investissements est celle du suivi après les prêts. Par définition, une ferme qui est fortement endettée, parce qu'elle vient d'être transmise à la génération suivante ou parce qu'on vient d'y réaliser des investissements importants, est une ferme plus vulnérable que les autres parce qu'elle a moins de marge de manoeuvre financière. Toute erreur peut prendre des proportions irréversibles.

Il faut se demander s'il ne serait pas opportun de forcer les emprunteurs, qui opéreraient avec une équité inférieure à un seuil considéré comme critique, à avoir un suivi comptable en devant suivre une comptabilité reconnue. C'est une possibilité qu'il faut envisager sérieusement.

Nous croyons que l'office doit mettre fin à sa pratique dans le sens que, lorsqu'un producteur fait un paiement en retard ou est en défaut de paiement, l'Office du crédit agricole cesse de verser sa subvention d'intérêt et l'intérêt devient dû au complet par l'emprunteur qui voit subitement augmenter son paiement d'un montant substantiel au moment même où il est mal pris.

En conclusion, l'agriculture du Québec et d'ailleurs traverse actuellement une période extrêmement difficile. Les difficultés résultent en grande partie du contexte économique général. Elles résultent aussi de surproductions et de chutes de prix et illustrent la fragilité et le manque de stabilité dans les marchés des produits agricoles pour lesquels il n'y a pas de rationalisation de la mise en marché et de gestion de l'offre.

Nous ne croyons pas pour autant qu'il faille remettre en question la volonté politique de développement de l'agriculture dont il résulte des avantages mesurables pour la collectivité. D'ailleurs, les agriculteurs n'accepteraient pas que le gouvernement, après les avoir incités à aller de l'avant, change subitement de cap face aux difficultés.

Les difficultés actuelles doivent être l'occasion d'identifier les changements nécessaires importants dans les politiques et leur application et de faire les corrections qui s'imposent, en concertation avec les groupes impliqués.

Elles doivent aussi faire prendre conscience à la collectivité de la valeur des mécanismes que les producteurs cherchent à mettre en place pour améliorer la mise en marché des produits agricoles.

M. le Président, voilà notre mémoire. Il est bien évident qu'il y a énormément de choses à y ajouter, mais le plus important, c'est peut-être d'étayer ou d'imager davantage certains points qui sont soulevés dans ce mémoire. Nous sommes à votre disposition.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Y a-t-il des demandes d'intervention de la part des membres de la commission? M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Merci, M. le Président. Je voudrais demander à M. Proulx, le président de l'UPA, s'il ne croit pas que l'Office du crédit agricole se comporte plutôt comme une banque privée et non comme un instrument privilégié mis à la disposition des agriculteurs. À la suite du dépôt, hier, des documents des ex-grévistes de la faim, on a pu constater que l'office s'est conduit d'une façon tout à fait contraire, je pense, au soutien de ses exploitants. Quand on s'aperçoit qu'il favorise la saisie de fermes ou la vente par shérif plutôt que de chercher des solutions pratiques à ceux qui ont des problèmes réels, je constate que l'office agit d'une façon tout à fait contraire à ce qu'on pourrait attendre d'un corps public dévoué au développement de l'agriculture. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Proulx (Jacques): Je pense qu'au départ on a été très clair. Je ne répondrai pas directement à votre question. On n'a pas pris connaissance de cas particuliers, comme vous-mêmes ou l'office ou d'autres ont pu le faire. Je considère cependant qu'il serait important qu'on mette en place des mécanismes, précisément, pour éliminer le plus possible les erreurs ou les choses qui ont rapport à la question que vous posez. On suggère précisément dans notre mémoire... C'est cela qui est un peu aberrant, à savoir pourquoi on n'a pas institué un organisme d'appel qui, à mon avis et de l'avis de l'union, serait la meilleure chose qui pourrait arriver pour tout le monde, autant pour les emprunteurs que pour l'État ou pour ceux qui ont à diriger un organisme gouvernemental.

M. Dubois: M. Proulx, ne croyez-vous pas que l'office, tel qu'il existe actuellement... Avant de se prévaloir de leurs droits, les agriculteurs donnent tous leurs biens en garantie quand ils empruntent. Est-ce que l'office ne pourrait pas s'associer des spécialistes en agriculture, en développement, en financement, avant de poser un geste aussi radical que celui de saisir une ferme? Je ne veux pas strictement faire allusion aux sept ex-grévistes de la faim, mais ce sont des cas qui se répètent partout au Québec. Dans toutes les régions agricoles, chacun de nous qui nous occupons un peu d'agriculture a vu de nombreux cas identiques. Je ne voudrais pas parler exclusivement des sept cas qu'on a devant nous aujourd'hui. Je pense que l'office, à ma connaissance, ne participe jamais à une certaine recherche, ou à une certaine étude, qui pourrait, d'une façon ou d'une autre, favoriser un peu l'agriculteur en difficulté. Généralement, on l'accule au mur et on lui dit: Tu paies ou on te saisit; c'est l'un ou l'autre. Ce corps public qui s'appelle l'Office du crédit agricole, qui est quand même un instrument que s'est donné le ministère de l'Agriculture dans le passé, devrait favoriser l'agriculteur et chercher une solution avec lui plutôt que l'acculer à la faillite. C'est dans ce sens-là que j'aimerais que vous soyez plus explicite sur les vues de votre syndicat. (11 heures)

M. Proulx (Jacques): Je pense qu'on est clair dans cela. Il faut bien prendre conscience que, pour le permanent, pour nous autres, la commission d'appel permettrait de ne pas arriver, à un moment donné, à des situations catastrophiques. Cette commission d'appel n'existe pas à l'heure actuelle. C'est bien évident que c'est pour cela qu'on propose immédiatement - de toute urgence -qu'il y ait justement un groupe de personnes, de spécialistes, d'agriculteurs qui puissent regarder chaque cas en particulier avant qu'ils soient poussés à la faillite ou à l'abandon de leur exploitation. Pour nous, c'est d'une extrême urgence. On est d'accord avec ce que vous avancez à l'heure actuelle. Cela veut dire que l'office, comme d'autres créanciers, devrait avoir l'obligation. La plus belle preuve de cela? Regardez la bataille sans résultat qu'on a menée depuis deux ans et demi au niveau du gouvernement canadien sur le projet de loi C-653, la loi du concordat modifié, ainsi de suite.

On trouvait cela tellement important et tellement crucial pour l'ensemble des agriculteurs dans une situation économique difficile qu'on ne peut faire autrement

qu'être d'accord en tant qu'union. On va poussser très fort, d'ailleurs on l'a fait et on continue à pousser extrêmement fort; les créanciers auront aussi l'obligation de se conformer à des choses.

M. Dubois: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Je demande l'intervention du député de Roberval.

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je dois dire que j'ai suivi avec un très grand intérêt la lecture du mémoire présenté aujourd'hui par l'UPA. Comme remarques préliminaires, j'aimerais dire, n'étant pas spécialiste de l'agriculture, bien au contraire que vous brossez un tableau un petit peu plus positif de l'ensemble des politiques agricoles et du secteur agricole.

Je pense que l'UPA a bien campé le fait que l'agriculture se retrouve dans une situation très difficile. C'est ce qui peut expliquer qu'on a eu hier des témoignages -je dois le dire - bouleversants dans bien des cas sur des situations faites à des agriculteurs. Par contre, je pense que le jugement de l'UPA est moins global que ce qu'on a pu entendre hier. C'est un peu normal dans ce sens qu'il y a quand même des secteurs où il y a des progrès et des points positifs.

Il y a quelques points que j'aimerais éclaircir avec les gens de l'UPA. Ce qui m'a le plus frappé hier dans les témoignages qui ont été entendus ici à la commission, c'est le rôle des agronomes et le rôle - qui suit souvent, dans une situation financière difficile - des encanteurs et de l'Office du crédit agricole quand la situation se détériore.

À ma grande surprise, hier, on a quand même fait état à plusieurs reprises du fait que les agronomes manquent, dans certains cas, de spécialisation. On les a appelés dans certains cas des vendeurs de programmes. Bref, j'ai trouvé que le tableau qu'on brossait de l'aide aux agriculteurs par le système des agronomes était bien sombre.

Dans un premier temps, j'aimerais savoir de l'UPA si elle a un commentaire à formuler quant au rôle technique ou à l'aide apportée par les agronomes du ministère de l'Agriculture des différents bureaux locaux et régionaux à l'ensemble des producteurs agricoles. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

M. Proulx (Jacques): II ne faut pas le prendre d'une façon globale. Je pense qu'on a essayé d'être positif dans notre texte, mais, en même temps, il ne faut pas prendre seulement les bouts qui font notre affaire. Je pense que c'est important d'être positif même dans des situations extrêmement difficiles. Il ne faut pas mettre de côté que la situation est extrêmement difficile, pas juste en agriculture, un peu partout, mais nous disons que l'agriculture est difficile. Arrêtons de nier cela et de se mettre la tête dans le sable. On vit une période catastrophique. Même s'il n'y avait que 100 ou 200 faillites - quel qu'en soit le nombre -une faillite en agriculture, pour un agriculteur, c'est une catastrophe. Vous allez me dire que c'est une catastrophe pour tout le monde - c'est bien évident - quand vous avez investi. Mais il reste qu'il faut bien comprendre que, quand un agriculteur fait faillite, c'est qu'il a vraiment épuisé, plus qu'épuisé, il a usé tout ce qu'il avait à user pour ne pas en arriver là. C'est bien différent des faillites industrielles, etc., où, la plupart du temps - en tout cas, on le sait - avant d'user quelques maigres ressources pour un an, on en garde pas mal plus que cela. C'est une première situation, la gravité de la situation.

Il reste quand même - on l'a toujours affirmé - qu'on est tous un peu responsables de la situation à l'heure actuelle et on s'est peut-être tous un peu laissé emballer - on le dit clairement dans notre texte - par les folies des années soixante-dix et quatre-vingt. Tout allait bien; il n'y avait pas moyen de perdre de l'argent, nulle part. Tout allait bien. À partir de là, il y a de la responsabilité un peu partout. On en a en tant qu'union; on l'a reconnu plusieurs fois et on ne le regrette pas à part cela. On a des responsabilités et on ne regrette pas de les avoir parce que c'est notre rôle de développer l'agriculture. C'est notre travail d'aider les agriculteurs. Mais c'est évident qu'il y a des gens qui n'avaient pas l'expérience. On n'avait pas l'expertise, par exemple, dans certaines productions et on y est allé trop rapidement. Il y avait un manque d'expérience, autant de la part de nos agronomes que de différents conseillers, etc. Puis, on n'a peut-être pas mis assez de risque dans les calculs qu'on a faits. On s'est peut-être trop fié. Je ne veux pas insulter François, mais les économistes, c'est vrai que ce sont des gens qui sont là pour porter les maux de la terre, parce qu'ils l'ont choisi, mais il reste quand même...

Je vais vous raconter une anecdote. L'année dernière ou il y a deux ans, lors de nos journées d'étude sur la ferme familiale, il y avait un économiste très bien connu qui, un beau jour, a décidé de s'en aller en agriculture. Alors, il était censé être plus connaissant que les autres; c'est sûr, il faisait des chiffres, etc. Il en a fait des chiffres dans les céréales et il a été obligé de nous avouer que ses chiffres ne tenaient absolument pas parce qu'il est arrivé à la fin avec des pertes. Pourtant, ses chiffres étaient exacts. Ils étaient basés sur des connaissances, etc. J'ai l'impression qu'on n'a

pas mis assez de réalisme. On manquait d'expérience, d'expertise, et on a couru tous les risques possibles sans tenir compte qu'il y a des réalités qui se produisent qu'il aurait fallu baser surtout dans des productions où il n'y a pas de contrôle de l'offre et de la demande. On a basé des revenus éternels sur des prix du moment, et c'est une erreur et des responsabilités que ces gens-là doivent porter. Oui, ils en ont fait. C'est peut-être bien long ma réponse, mais c'est dans tout un contexte.

M. Gauthier: Ma deuxième question portera sur l'agriculture à temps partiel. J'ai cru remarquer hier - j'ai cru comprendre, en tout cas - que, dans certains cas, les difficultés financières éprouvées par les gens qui sont venus témoigner étaient apparues au moment où - en tout cas, dans au moins un ou deux cas - partant d'une petite exploitation qu'on pourrait peut-être qualifier d'exploitation à temps partiel, soit que les gens occupaient une fonction ailleurs et exploitaient une très petite ferme, en temps partiel, on a voulu passer à l'exploitation d'une ferme à temps plein, comme c'est préconisé, je pense, par l'ensemble des intervenants agricoles. Vous soulevez la question dans votre document et vous la rattachez à celle des nouvelles productions. Est-ce que je comprends bien de vos propos que, dans les productions nouvelles où les agronomes, comme un peu tout le monde, manquent d'expérience et de données précises, vous suggéreriez dans ces cas que les expériences se fassent sur des bases très fragmentaires, dans de petites exploitations, pour essayer de tester, en quelque sorte, le marché et la production dans son ensemble? Est-ce que c'est cela le sens de votre remarque sur l'agriculture à temps partiel?

M. Proulx (Jacques): Oui, c'est un peu plus que cela. On s'interroge sérieusement là-dessus et on profite aussi de l'occasion pour élargir encore le débat. C'est bien certain que le but premier, ce sera d'aller chercher une expertise pour le producteur et pour les autres. Je pense que ce serait important et c'est probablement une erreur qu'on a commise, une erreur qui a été commise de vouloir se lancer à fond de train, comme je l'ai dit tout à l'heure, sans expérience, sans expertise. L'agriculture à temps partiel permettrait probablement d'acquérir cette expertise, particulièrement pour les agriculteurs qui s'y lancent. Je vais jusqu'à dire qu'il y a probablement certaines productions qui pourraient être éternellement des productions à temps partiel. Cela pourrait aller jusque là dans notre réflexion. Cela n'exclut jamais qu'il y ait quand même une partie, dans ces productions, qui soit à temps plein; je n'exclus pas cela. Mais il reste quand même qu'il faut s'interroger sérieusement sur cela, parce que, quand on perd de l'argent avec un boeuf, on en perd 400 fois plus avec 400. On l'a dit clairement aussi. L'économie d'échelle vaut, mais, quand on est rendu au bout de l'échelle et qu'on en perd encore, je veux dire qu'on en perd 400 fois plus.

C'est un peu dans tout ce contexte et dans le développement des productions, comme vache-veau, boeuf d'engraissement peut-être moins, veau de grain, d'autres plus petites productions, agneau et mouton, chèvre. Je pense que ce sont des productions qui peuvent se faire, pour une partie des gens, à temps partiel. Ce n'est pas une politique définie à l'heure actuelle, mais je dis: Écoutez, quand on frappe un mur, il faut arrêter de se frapper dessus et il faut trouver des solutions de rechange.

M. Gauthier: En terminant, juste un commentaire. Je trouve particulièrement intéressante l'idée d'une conférence socio-économique sur le crédit agricole. On a vu qu'il y a des problèmes. Particulièrement l'idée que vous avancez d'un comité indépendant juste précédant la faillite d'un agriculteur, parce qu'il semble bien que c'est une autre caractéristique que j'ai découverte hier. Ce qui caractérise peut-être le fonctionnement dans le monde agricole, cela semble être, je ne sais pas si c'est exact, j'ai cru voir là-dedans une rapidité d'exécution entre le moment où on commence à trouver que le gars doit trop d'argent et le moment où on vend tout son stock à l'encan.

J'ai cru remarquer une capacité de procéder rapidement qui ne se retrouve pas partout ailleurs. Est-ce que c'est le cas? C'est aussi rapide, inhumain et dur que cela? À ce moment, si c'était le cas, j'imagine que c'est ce qui vous aurait amené à suggérer cette espèce de comité de transition qui pourrait peut-être donner une chance à la personne de respirer, d'avoir le temps de voir clair dans ses affaires.

M. Proulx (Jacques): C'est toujours rapide. Entre le jour où on est censé être parfait et le jour où on n'est plus bon, cela ne peut pas se faire tranquillement. Cela se fait vite.

M. Gauthier: II y a des domaines tout de même où on...

M. Proulx (Jacques): Parce que tout le monde a intérêt à ce que cela se fasse vite. Les créanciers ont intérêt. La veille, tu vaux bien de quoi et, le lendemain, tu ne vaux plus rien. Quand tu balances, tu balances.

M. Gauthier: Mais cela m'a l'air particulièrement vrai dans le monde agricole. Ce sont les témoignages entendus.

M. Proulx (Jacques): Je ne sais pas si c'est particulièrement vrai dans le monde agricole, mais, dans mon esprit, c'est toujours rapide partout. Parce que le balancier, le moment où tu es là et que tu tombes à côté, c'est une fraction de seconde quasiment. C'est parce que tout le monde trouve son intérêt à essayer que cela se fasse vite dans cela.

M. Gauthier: Cela va.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci. Je devrai vous dire, au point de départ, que je suis entièrement d'accord avec votre cinquième paragraphe, parce que c'était l'objet de la première résolution que j'ai présentée au comité de travail, c'est-à-dire d'étudier non seulement le financement, mais l'endettement agricole au complet, ce qui devait déboucher, évidemment, sur une commission beaucoup plus vaste. Comme nous n'avons pas eu la majorité et que cela a été modifié, c'est la raison pour laquelle nous sommes en train d'étudier ce dossier de façon partielle en étudiant le cas des grévistes de la faim de Saint-Cyrille.

J'ai eu l'occasion, à quelques reprises, d'aller vous visiter à Longueuil et de constater sur place jusqu'à quel point vous êtes un syndicat professionnel très bien organisé, avec beaucoup de professionnels à l'intérieur qui travaillent dans le milieu de l'agriculture. J'aimerais savoir, puisque souventefois, dans nos bureaux de comté, dans nos bureaux de député, il y a des agriculteurs qui arrivent chez nous... J'en ai vu encore trois cas au moins la semaine dernière. Ils nous disent: On en est rendu à un point où il va falloir abandonner, il va falloir faire faillite, il va falloir liquider; or il nous semble que, selon l'évaluation qu'on possède de notre ferme, de ce qu'elle vaut, l'évaluation que le crédit agricole a faite ne correspond pas. (11 h 15)

II y a une foule de spécialistes, d'ailleurs, dans le domaine financier qui vont même se débattre à l'Office du crédit agricole. J'ai pris des rendez-vous pour certains agriculteurs avec des gens du bureau de M. Moreau afin qu'ils puissent discuter avec des spécialistes en financement. Des choses déterminées par l'Office du crédit agricole et par certains spécialistes sont très différentes. J'aimerais savoir de vous, vous qui êtes près de la classe agricole, quels services vous offrez aux agriculteurs en difficulté. J'imagine que cela ne relève pas uniquement de vous, mais surtout de vous. Je pense que le premier intérêt que vous avez est celui de défendre cette classe d'agriculteurs. Vous le faites d'ailleurs, j'en suis convaincu, mais quels services offrez-vous à l'agriculteur qui arrive chez vous et vous dit qu'il est en difficulté? Cela se fait par l'entremise de l'Office du crédit agricole, du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et par vous. Vous êtes très bien organisé. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Proulx (Jacques): On n'a pas de service spécifique de dépannage. Au départ, on n'a pas cela, mais c'est quand même notre responsabilité d'aider les agriculteurs. Cet organisme, c'est l'organisme des agriculteurs, et ils paient pour cela. Au départ, il y a deux façons de le faire; il y a les services de nos conseillers sur l'impôt, la comptabilité, etc., qui sont en même temps de plus en plus des conseillers pour les entreprises agricoles et les producteurs agricoles qui demandent nos services, et on a nos dirigeants, nos responsables un peu partout, à différents niveaux, qui, à mon avis - cela se fait beaucoup - ont le devoir d'aider chaque producteur qui demande leurs services. C'est peut-être malheureux qu'il n'y ait pas plus d'agriculteurs qui demandent ces services. Alors, on pourrait progresser davantage. C'est un peu un cercle vicieux. On met sur pied ces services au fur et à mesure. On a cela à l'heure actuelle. Je peux vous dire qu'il y a tout de même un assez grand nombre d'agriculteurs qui s'en servent. Je souhaite que tous ceux qui sont en difficulté s'en servent dans les régions. On ne les donnera pas à Longueuil, si vous voulez... Je ne veux pas dire que c'est un grand principe de ne pas les offrir, mais on ne prendra pas des rendez-vous pour discuter de grands principes qui nous viennent d'un peu partout lorsqu'on se rend compte que quelque chose se généralise. Mais, en ce qui concerne nos régions, on peut regarder ces deux aspects: nos services de comptabilité, etc., nos conseillers, nos syndicats de gestion, nos conseillers en gestion dans les régions qui sont probablement les mieux placés pour venir en aide à ces producteurs.

M. Picotte: M. le Président, nous sommes deux gars pratiques, vous et moi. Nous avons parlé assez souvent ensemble pour se connaître sur ce plan. Prenons un cas spécifique. Il doit y avoir quelqu'un de votre bureau ou quelqu'un dans la salle qui vient d'une région et qui peut nous donner ce renseignement. Ce serait important pour moi. Je suis un agriculteur en difficulté. Je paie une cotisation chez vous, à l'UPA. Je ne sais plus à qui m'adresser, parce que j'ai fait à peu près le tour de tout le monde. C'est sûr et certain que je vais chez vous et que je vous dis: Écoute, mon affaire ne fonctionne plus. Je suis dans une situation impossible. Que faites-vous pour moi, en pratique? Je ne veux pas savoir ce que vous

devriez faire, mais je voudrais savoir ce que vous faite en pratique.

M. Proulx (Jacques): Je vais vous donner un exemple très pratique. Si vous étiez un producteur agricole de la région de Saint-Hyacinthe, je vous enverrais rencontrer mon deuxième vice-président, M. Couillard, et je demanderais à M. Couillard de me dire ce qu'il va faire dans votre cas.

M. Picotte: J'aimerais entendre M. Couillard.

Le Président (M. Vallières): M.

Couillard.

M. Couillard: M. le député, c'est sûr que l'agriculteur doit venir nous rencontrer. Il doit aussi accepter de nous fournir son dossier au complet afin qu'on puisse le regarder, au départ. S'il n'accepte pas cela, c'est évident qu'on ne peut pas fonctionner. Si l'agriculteur accepte et qu'il vient nous rencontrer, on regarde cela avec nos services d'impôt. En particulier, à Saint-Hyacinthe, nous avons un service d'impôt et un agriculteur qui connaît l'agriculture en plus. Cela facilite quand même les choses. On regarde ses dettes et on essaie de savoir s'il peut y avoir une rentabilité dans son dossier. C'est sûr que, lorsqu'on a tout calculé, il y a quand même une possibilité pour celui-ci de continuer, soit en vendant de la machinerie en trop ou en louant une ferme qui lui permette d'être rentable. À ce moment-là, on demande au directeur du service du crédit de Saint-Hyacinthe, évidemment, de le rencontrer. C'est bien sûr qu'une telle rencontre se fait normalement avec le directeur et celui qui a toujours eu le dossier en main, l'agriculteur et moi-même. J'ai participé à plusieurs rencontres. C'est là qu'on regarde ensemble, avec ces gens aussi, de quelle façon on va préparer le dossier pour que le gars puisse continuer de fonctionner. C'est ainsi qu'on prépare un dossier le plus positif possible pour être acheminé à Québec. Si le dossier part d'une région et qu'il est négatif, je ne pense pas qu'il devienne positif lorsqu'il arrive à Québec.

M. Picotte: M. le Président, M. Couillard...

M. Couillard: Oui.

M. Picotte: ...vous devez avoir la possibilité d'aller cogner à une porte quelque part. Vous devez faire comme bien d'autres intervenants, vous devez aller cogner de temps en temps à l'Office du crédit agricole. Si vous voulez prendre le dossier de votre gars, le défendre au maximum, j'imagine qu'une démarche doit se faire par l'Office du crédit agricole. Souventefois on se fait dire, dans nos régions - vous vous l'êtes sûrement fait dire par vos agriculteurs - qu'il y a bien des choses qui ne concordent pas; par exemple: l'évaluation de la ferme. Quand vous frappez à la porte de l'office, venez-vous en accord, comme représentant syndical, avec les chiffres des spécialistes de l'office ou si vous n'avez pas plutôt tendance à faire ce que bien des agriculteurs nous disent: Quelque chose ne fonctionne pas à l'autre bout, on n'est pas sur la même longueur d'onde? Cela allume-t-il des lumières auprès des gens qui travaillent à ces dossiers? Êtes-vous plutôt prêt à dire que l'office à certainement raison dans certains cas? Si vous préparez le dossier uniquement pour évaluer la rentabilité avec ce qui existe présentement - c'est là qu'est le gros point d'interrogation, il y a des choses qui ne concordent pas - vous êtes-vous déjà posé des questions à la suite des discussions que vous avez eues avec l'office ou si, nettement, vous n'êtes pas d'accord? La majorité des membres, dans le champ, qu'on rencontre nous disent ne pas être d'accord.

M. Couillard: Écoutez, M. Picotte, ce n'est pas tout à fait comme cela que ça se fait. Il est bien sûr que, dans certains dossiers, les actifs sont très élevés, c'est-à-dire que la personne possède des actifs qui sont très élevés, mais il n'y a pas de rentabilité. Il est bien certain qu'à court ou à moyen terme, s'il n'y a pas de rentabilité, malgré que vous ayez des actifs élevés, vous vous en irez vers une faillite. Lorsqu'on regarde le dossier, ce n'est pas une question d'essayer de l'ajuster, mais plutôt d'essayer de trouver les mécanismes nécessaires pour le rentabiliser.

Si vous dites: II a beaucoup d'actifs, on peut lui prêter de nouveau, cela veut dire que ses remises vont encore augmenter. Si on lui prête de nouveau, elles vont encore augmenter. C'est là qu'on regarde pour trouver la rentabilité à l'intérieur de cette ferme. Ce n'est pas de dire: Prête-lui plus, malgré qu'il n'ait pas de rentabilité. C'est pourquoi on essaie d'améliorer cette rentabilité et de savoir de quelle façon il y parviendra. On peut le faire avec des conseillers en gestion et également avec nos directeurs d'impôt, voir comment conseiller la personne pour tâcher de lui trouver une rentabilité. On procède de cette façon.

M. Picotte: En général, dans les cas que vous traitez - je ne sais pas combien vous en avez traités dans la région comme telle...

M. Couillard: Assez pour avoir mal au coeur par bout.

M. Picotte: Pas mal, bon! Vous devriez

pouvoir me dire quel est votre pourcentage de réussite dans le traitement de vos cas. Est-ce 40%, 50% ou pas du tout?

M. Proulx (Jacques): Cela sera assez difficile. C'est un chiffre comme les...

M. Picotte: Environ. Non, non, je ne veux pas avoir un chiffre. Je veux bien qu'on se comprenne, M. Proulx...

M. Proulx (Jacques): Non, non.

M. Picotte: Je ne veux pas avoir un chiffre absolu, je veux avoir un à-peu-près.

M. Couillard: Quand même, cela dépend des situations particulières. Dans une région comme Saint-Hyacinthe, près de Richelieu, Sorel, où il y a eu l'année dernière des difficultés d'approvisionnement en foin, en moulée, en fourrage de toutes sortes, c'est bien certain que la rentabilité pour l'année dernière est moindre. Pour cette année, lorsqu'on révise des dossiers et qu'on peut y voir une bonne année de fourrage, on peut dire à la personne: Tu pourras le faire ton quota. Tu n'auras pas un manque de lait ou de cultures, la rentabilité est bonne. Il est bien certain que, cette année, c'est plus facile de dire que le dossier deviendra positif. C'est plus facile dans des cas comme cela. Dans d'autres cas, c'est plus difficile. Dans certains cas particuliers, on dit à la personne: Avant d'aller plus loin, tu serais sûrement bien mieux, si on ne peut pas atteindre la rentabilité de cette façon, de commencer à liquider et de te retrouver avec de l'argent dans tes poches plutôt que de rester avec rien. C'est bien sûr qu'on va aussi loin que cela. Ce n'est pas facile de le dire. Ou bien il faut la trouver.

M. Picotte: Parce que, bien souvent -on parle de rentabilité - le temps que... Vous me parlez de rentabilité cette année, mais bien souvent l'agriculteur était en difficulté l'année dernière à cause de la situation et il n'est plus capable de tenir. Vous êtes capable d'évaluer qu'il va s'en sortir cette année, mais au moment où vous dites ou que vous êtes en train d'évaluer qu'il va s'en sortir, il y a quelqu'un qui tire la "plug" quelque part.

M. Couillard: Oui, il est...

M. Picotte: Quand on tire la "plug" quelque part, vous savez ce que cela fait.

M. Proulx (Jacques): C'est justement ce qu'on veut arrêter. C'est vrai ce que vous dites là. Il n'y a pas seulement la rentabilité qui est la première chose, parce qu'on vit dans un système économique et il faut que tu sois rentable. Si tu n'es pas rentable...

M. Couillard: En somme...

M. Proulx (Jacques): II y a parfois un réaménagement qui peut aussi se faire, et c'est probablement le plus grand nombre de cas; on dit: On va essayer de réamanager toutes les dettes et ainsi de suite, et c'est dans ce sens-là qu'on va travailler. Quant au pourcentage, vous ne l'avez pas su et je ne pense pas qu'on soit capable de le donner. C'est un peu comme vous: quand cela se replace après, ils ne reviennent pas nous le dire. Quand les cas viennent à bout de se replacer et qu'ils s'en sortent pour le mieux, on ne les revoit plus.

M. Couillard: En somme, ce que je voudrais mentionner...

M. Picotte: Mais vous le savez d'une certaine façon.

M. Proulx (Jacques): Oui.

M. Picotte: L'année d'après, s'il ne paie plus de cotisation, il n'est plus là.

M. Proulx (Jacques): Non, ce n'est pas la meilleure manière. Si on ne le voit plus à nos réunions, on le sait. La cotisation, ce serait trop long de vérifier cela.

M. Couillard: II y a quand même un problème, M. le Président, que je voudrais aussi mentionner. C'est certain que, quand on parle de l'application, que ce soit au niveau de l'Office du crédit agricole ou des assurances, on ne dit pas que le système... On n'est pas ici pour détruire le système. Au contraire. On dit qu'il y a de bonnes choses qui ont été mises en place, mais, au niveau de l'application, c'est un peu différent. Il est bien certain que cela prend des délais, mais pour le gars, que ce soit pour les assurances, à un moment donné, qu'il y ait des abandons au niveau des assurances, c'est bien sûr qu'avant que les assurances ou que son revenu lui parvienne, cela prend un certain laps de temps qui est trop long, qui est beaucoup trop long. C'est bien sûr aussi qu'à ce moment-là l'agriculteur paie des intérêts. Souvent, dans plusieurs cas, ce qu'il reçoit en compensation, cela rembourse les intérêts et une faible partie du capital.

Ce que je voudrais dire, c'est que le gars qui a semé au printemps n'a pas un temps indéfini pour payer les engrais chimiques, pour payer les semences. Ce que vous avez, si vous voulez avoir des prix, c'est que, la journée où vous achetez, il faut quasiment payer tout de suite. Pour avoir de bons prix, il ne faut pas que vous achetiez juste avant les semences. Il faut acheter un mois avant. C'est pour vous dire tout l'argent qui est avancé. Mais au moment où il y a des abandons ou des choses semblables

et où vous recevez votre paiement, souvent, maintes fois, c'est quatre ou cinq mois après. C'est peut-être normal, ce délai, mais pour nous, en agriculture, en tout cas, ce n'est pas normal. Cela ne nous permet pas après de rembourser notre capital. Cela rembourse l'argent qu'on devait sur notre engrais ou qu'on devait sur nos semences, ces choses-là. Cela nous permet simplement de rembourser les intérêts, parce que les intérêts des compagnies, vous savez comment cela s'accumule. C'est intérêt par-dessus intérêt à tous les mois. Rendu au bout du dixième mois, cela a doublé la facture.

M. Picotte: Depuis trois ans à peu près, deux ou trois ans, depuis la crise du porc, vous avez combien de dossiers, à votre connaissance, du côté des agriculteurs, d'abandon à cause de non-rentabilité, de faillite ou de vente et liquidation? Combien d'agriculteurs ont dû utiliser un de ces trois moyens depuis les trois dernières années?

M. Proulx (Jacques): On ne le sait pas.

M. Couillard: Ils ont utilisé d'autres moyens.

M. Proulx (Jacques): On ne le sait pas. On sait qu'il y en a un grand nombre, mais je ne suis pas capable de préciser le chiffre. On a des chiffres du gouvernement fédéral. C'est bien évident. On a des chiffres récents. Il faut regarder véritablement ce que cela veut dire: si ce sont tous des agriculteurs, c'est combien, parce que c'est toujours pêle-mêle. Tu n'es jamais capable de t'adresser à la bonne place pour avoir les bons chiffres. C'est cela, le maudit problème. Il y a une chose qui est évidente: il y en a un grand nombre de ces trois façons-là, mais donner un chiffre, je serais malhonnête si je disais aujourd'hui que c'est 500, que c'est 1000 ou que c'est 2000.

M. Picotte: De toute façon, est-ce qu'on s'entend pour se dire qu'il y en a suffisamment pour mettre un gros point d'interrogation sur une foule de politiques dans le domaine agricole et sur la façon dont est géré le financement agricole? Est-ce qu'on s'entend assez pour cela? Je pense que cela doit être un fait. J'imagine que, si j'étais président de l'UPA et si on me disait qu'il y en a pas mal, je pense que ce serait un point majeur ou cela a dû être un point majeur qui vous a inquiété comme syndicat professionnel depuis déjà un certain temps. (11 h 30)

M. Proulx (Jacques): C'est un point majeur et c'est toujours inquiétant. Je vous ai dit tout à l'heure que même une seule faillite en agriculture, c'est un drame. Imaginez-vous, au lot de faillites qu'il y a, sans pouvoir vous les préciser, c'est important. Encore une fois, ce sont des ajustements qu'il faut faire aux politiques agricoles. Ce sont des ajustements qu'il faut adapter aux réalités des années qu'on a à vivre. En tout cas, comme union, on ne rejette pas les politiques agricoles, mais nous sommes pour qu'on les réaménage et qu'on les rende plus conformes aux besoins d'aujourd'hui. Je pense qu'à partir de là on va éliminer une bonne partie des faillites et des abandons.

M. Picotte: J'aimerais souligner que cela m'inquiète un peu de constater que votre organisme et votre syndicat n'en connaissent pas le nombre. J'aimerais vous demander alors quel organisme, selon vous, serait le plus habilité à connaître ce nombre afin qu'on puisse s'orienter, à un moment donné. Selon vous, est-ce que l'UPA devrait être celle qui devrait avoir une façon de procéder pour connaître la réponse rapidement? Est-ce que cela devrait être le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation par un fichier central? Est-ce que cela devrait être laissé dans les mains de Statistique Canada? Je crois qu'il va être opportun et urgent qu'on connaisse les intervenants dans le domaine agricole. Que la FTQ ne connaisse pas ces chiffres, je pense qu'on peut lui pardonner cela. Ces gens en connaissent assez dans le secteur de la construction et ils sont capables de nous donner des renseignements assez justes. Mais que le monde qui oeuvre dans le domaine agro-alimentaire ne le sache pas, je pense que c'est inquiétant parce qu'on peut se retrouver un bon matin avec pas mal moins d'agriculteurs qu'on s'y attendait ou on va s'apercevoir, dans un an ou dans un an et demi, qu'on est complètement déphasé de la réalité.

M. Proulx (Jacques): C'est bien évident. On n'est pas niaiseux au point de ne pas savoir qu'il y a des problèmes et qu'il y a des faillites. Mais de là à dire le nombre... Écoutez, je vais vous dire ce qui se produit. Il est bien évident que je suis capable de vous dire aujourd'hui qu'au moment où on a voté le plan conjoint il y avait environ 8000 producteurs. Aujourd'hui, il y en a environ 5500, sans avoir les chiffres exacts. Il est facile de voir qu'il y a une différence de 2500. Mais qui étaient ces producteurs? Était-ce un laitier qui avait des truies ou qui faisait un peu d'élevage et qui a abandonné parce que cela ne payait pas? C'est tout cela aussi. Cela devient difficile.

Je pense que, si Statistique Canada, par exemple, avait un aménagement plus fonctionnel... Je vais vous donner un exemple. Hier, on a eu une liste. On est venu à bout d'avoir un compte rendu sur les six premiers mois de l'année. Mais, avant de

lancer des chiffres, il faut dire qu'on retrouve là-dedans de grandes corporations agricoles qui ne sont pas des cultivateurs. C'est de l'agriculture, mais ce ne sont pas des cultivateurs. C'est pourquoi c'est mal aménagé et qu'il devient difficile de dire qu'il y a 285 faillites en agriculture ou qu'il y en a 1325. C'est tout cela qui rend la chose difficile.

Mais comment allons-nous réussir à obtenir le chiffre exact? C'est peut-être de le faire à la mitaine et de demander à tous nos gens de vérifier, chacun dans leur paroisse, qui a disparu soit par la faillite, l'abandon, etc. Ce sera peut-être la seule façon pour nous d'avoir les chiffres bien justes.

M. Picotte: Il a été porté à notre connaissance hier, au cours de l'audition de nos invités, la façon pour le moins peu scrupuleuse et peut-être pas trop catholique de faire des encans quand survient une liquidation de ferme. Tellement que tout le monde autour de cette table s'est interrogé. J'ai même des collègues, en particulier, qui m'ont dit: Cela n'a pas de maudit bon sens la façon dont cela fonctionne de ce côté-là. Est-ce que l'UPA a déjà fait des recommandations ou a déjà eu l'occasion de souligner aux autorités que ce n'est pas ainsi que cela devrait se passer? Quelle démarche avez-vous faite auprès des personnes responsables pour éviter que l'un de vos membres - parce que, la plupart du temps, c'est presque toujours un de vos membres -ne soit lésé au point de perdre 50 000 $, 75 000 $, 100 000 $ ou 150 000 $ parfois, lors d'encans semblables qui se pratiquent assez régulièrement, d'après ce qu'on a pu constater?

M. Proulx (Jacques): Je vais demander à M. Gras de répondre, si vous permettez.

M. Gras: D'abord, il faut dire que, malheureusement, les cultivateurs - le président l'a souligné tout à l'heure s'inquiètent... C'est un métier qui est long. On s'inquiète souvent en retard de la situation financière. Cela prend une année pour s'apercevoir qu'on a mangé de l'argent qu'on a investi un an d'avance. C'est déjà un handicap comme métier. C'est déjà une difficulté.

Deuxièmement, quand vous parlez des questions de faillite, l'inquiétude que j'ai, c'est de savoir que le cultivateur, dans le fond, n'est pas comme le reste de la société où il y a une espèce d'obligation de faire faillite quand on n'arrive plus. On le plume tranquillement. J'appelle cela se faire plumer, comme un coq dans une basse-cour. Ensuite, il y a parfois une faillite personnelle mais qui n'entre pas dans la faillite de l'agriculture. On ne peut pas vous donner de chiffres, parce que, justement, plus des trois quarts des producteurs ne font pas de faillite comme telle de leur entreprise; c'est une faillite personnelle qui vient conclure, après qu'il s'est fait plumer. Les statistiques, je n'ai pas l'impression... Il va falloir faire des enquêtes - je ne sais pas si vous avez les moyens de le faire - dans différents secteurs pour arriver à les trouver.

M. Picotte: Est-ce que vous vous êtes aussi interrogé, dans le même ordre d'idées... Je pense que, dans vos milieux, vous savez exactement comment cela se passe et je pense qu'il y a des choses qui sont complètement répréhensibles, du moins à ce qu'on nous a dit et cela doit être la vérité, j'imagine; je n'en doute pas, de toute façon. Je pense qu'il existe un autre beau phénomène: la revente des terres qui est faite à des agriculteurs. Est-ce que c'est fait selon les normes qui devraient être là pour protéger les agriculteurs et la classe agricole? Est-ce qu'il y a quelqu'un chez vous qui s'est soucié de cela et qui a examiné cela pour être bien certain qu'en fait vos membres ne se font pas "fourrer" -en langage québécois - trop souvent, en tout cas?

M. Gras: Une fois que la terre est revendue par l'Office du crédit agricole, dans le fond, elle n'appartient plus au producteur. La saisie a été faite; il n'y a plus rien. Le cultivateur lui-même n'est plus lésé - si vous parlez de cette partie - au moment de la revente de la terre. Le problème qu'on devrait essayer de voir, c'est comment on fait cette revente et par quel canal on la fait. Je pense que c'est un peu inquiétant dans certains cas. J'ai quelques soupçons sur la façon dont les soumissions sont pratiquées et aussi sur qui a le droit d'acheter. Je n'ai pas les moyens de vérification; je pense que votre commission devrait en avoir les moyens et qu'elle devrait faire quelques enquêtes là-dessus. Je connais des cas, par exemple, à Saint-Célestin - je ne voudrais pas faire de cas particuliers - où je m'inquiète de voir à quel montant on a émis la soumission et qui a eu la terre. Personnellement, j'ai déjà fait une soumission et j'ai dû me battre pour avoir mon chèque: trois ou quatre mois après que la soumission est sortie, je n'avais toujours pas de réponse. Ensuite, on a fait du marchandage entre différents cultivateurs. Je n'accepte pas ce système. C'est peut-être un bon système, mais, comme producteur, je ne l'accepte pas. Je pense qu'une soumission doit être faite d'une façon crédible.

M. Picotte: Sans identifier qui que ce soit - je pense que ce n'est pas le but de la commission d'identifier des personnes et je ne voudrais pas que ma question en arrive là - de quelle nature... Vous dites qu'il y a des

soupçons qui vous viennent à l'esprit. Pourriez-vous expliciter davantage le genre de soupçons que vous avez sur cette pratique?

M. Gras: Que la soumission n'ait pas été acceptée comme telle. On fait soit du marchandage entre deux producteurs... Ensuite, on va chercher par la soumission les noms de ceux qui seraient des acheteurs éventuels et on fait du marchandage entre les différents producteurs. Ce n'est pas nécessairement le plus haut ou le plus bas soumissionnaire. Je suis prêt à accepter que l'Office du crédit agricole ait un rôle à jouer pour ne pas nécessairement donner une terre en faillite au plus gros. Il devrait voir qui pourrait rentabiliser cette ferme. Est-ce que c'est l'ancien propriétaire, ou sa femme, ou ses enfants? Cela devrait être possible. Surtout quand l'office n'est plus impliqué dans le prix, je pense qu'on devrait accepter une soumission comme cela. C'est tout ce que je peux dire là-dessus.

M. Picotte: De cette façon, il n'y a pas de danger du côté de la surenchère, d'une part... D'autres phénomènes ont été portés à mon attention, c'est qu'il peut même y avoir danger, dans certains cas, de soumissions fictives. Je dis bien de soumissions fictives.

M. Gras: J'ai des doutes semblables aux vôtres là-dessus.

M. Picotte: De quelle façon les gens ont-ils le droit d'aller voir les dossiers pertinents? Est-ce qu'on met un embargo, comme on a fait dans les dossiers des grévistes? C'est si facile de mettre un embargo et de "désembargoter" uniquement ce qui nous intéresse en refilant cela à des journalistes. C'est facile de faire cela. Je pense que c'est aussi un point qui n'est pas négligeable. Peut-être qu'une bonne journée, si on ne s'interroge pas trop là-dessus, qui vous dit qu'on ne réalisera pas, qu'il n'y a pas une compagnie quelque part qui, par un système quelconque, va peut-être racheter la majorité ou 10, 15 ou 20 fermes de cette façon et qu'on ne retrouvera pas exactement le phénomène des grosses compagnies avec lequel vous n'êtes pas d'accord, qui nous éloignera de notre définition de "ferme familiale"? Je pense que ce sont des points importants qu'il faut poser.

J'imagine que le syndicat accrédité qui défend la classe agricole doit avoir des gens qui s'interrogent là-dessus. C'est un commentaire que je vous fais.

On a parlé de fermes rentables. Quand l'Office du crédit agricole prête, il est question de rentabilité de la ferme, à un moment donné. On sait très bien que l'Office du crédit agricole ou la société ne prêtera pas des sommes si, en bout de piste, il ne constate pas qu'il y aura une rentabilité, c'est-à-dire qu'un couple ou une famille pourra vivre décemment de l'agriculture.

Pour vous qui travaillez dans le domaine agricole, quelle doit être la rentabilité d'une ferme à la fin de l'année? Des articles de journaux ont mentionné à un moment donné qu'un producteur de lait travaille à quelque 3,47 $ l'heure. Des agriculteurs sont venus nous dire qu'à la fin de l'année il leur reste 6000 $ ou 7000 $ pour se vêtir et se nourrir. Quelle serait, dans votre esprit, la rentabilité d'une ferme qui ferait vivre trois personnes - on n'exagérera pas - le père, la mère et un enfant?

M. Proulx (Jacques): Si ce sont des chiffres que vous voulez, je pense que je vais demander à François de vous dire ce que cela peut représenter. On a, par nos syndicats de gestion, une multitude de données. François.

M. Côté (François): Dans le fond, il n'y a pas de réponse simple à cela. Celui qui fait une demande d'emprunt, c'est un gars qui se met dans une situation d'endettement. C'est une réalité de la vie, tout le monde est conscient que, lorsque tu es endetté, tu vas comprimer ton revenu, mais que cela va se rétablir à mesure que tu vas acquérir de l'équité. Donc, celui qui emprunte, en réalité, la rentabilité qu'il va chercher à obtenir au départ, c'est une rentabilité qui correspond à son coût de vie. J'ai déjà vu des dossiers des syndicats de gestion où cette approche est suivie. Cela dépend un peu des individus. Il y a des gens qui vont être prêts à s'endetter pour des obligations familiales. Il y a un coussin de risque à considérer aussi, c'est l'élément important là-dedans.

M. Picotte: Je saisis cette dimension-là, mais ce n'est pas ce que je vous demande. On fait des statistiques un peu partout et, quand on parle du seuil de la pauvreté, par exemple, on dit qu'une famille québécoise qui ne gagne pas tel montant annuellement vit en bas du seuil de la pauvreté, au seuil de la pauvreté ou au-dessus. Pour vous autres, comme syndicat professionnel, quel est le seuil de rentabilité pour un agriculteur qui vit avec sa famille et qui n'a qu'un ou deux enfants? Vous devez déterminer cela. Je ne veux pas savoir si cela dépend de l'individu, je veux savoir quel est votre chiffre.

M. Côté (François): Si on aborde la question en théorie, à savoir ce qu'on affirme comme objectif, là où c'est concrétisé, c'est dans les coûts de production qui sont faits au comité technique. Il y a des personnes à temps plein dans l'entreprise

et il faut mettre un salaire à ce temps plein: c'est 24 000 $ dans les coûts de production actuellement. C'est à un niveau idéologique, mais quand quelqu'un emprunte ce n'est pas comme cela que cela se présente. Je vous ai parlé de la façon dont cela se présente en réalité. La rentabilité, c'est ce qui permet de faire face aux premières années d'un emprunt et d'acquérir de l'équité. Cela se rétablit à mesure que l'équité arrive. (11 h 45)

M. Picotte: Les 20 000 $ ou 24 000 $ dont vous parlez, est-ce qu'on dit que c'est ce qui doit rester à l'agriculteur quand il a payé sa capitalisation, quand il a payé les intérêts, quand il a payé l'investissement et les réparations qu'il a à faire? Les 20 000 $, ce qui lui reste, c'est pour manger, se vêtir et faire vivre sa famille, lui payer des loisirs de temps en temps, etc.

M. Côté (François): C'est cela.

M. Picotte: On parle de 20 000 $ à 24 000 $. C'est cela que j'ai cru comprendre.

M. Côté (François): Pour un producteur moyen.

M. Picotte: Cela devrait être ça.

M. Côté (François): Ce serait dans la moyenne. Fatalement, celui qui a plus d'équité, dans la même situation prix-revenus, aurait moins de paiements d'intérêts, il aurait un revenu plus élevé, et celui qui aurait moins d'équité aurait des revenus... Les 24 000 $ s'appliqueraient à celui qui est dans une situation moyenne du point de vue de l'endettement. C'est ainsi que c'est conceptualisé dans les coûts de production.

M. Picotte: Sauf que, pour un travail comme celui de l'agriculteur, il faut, à un moment donné, être capable de se baser, peu importe l'investissement, etc. Précisément à cause de la capitalisation qu'un agriculteur est obligé de faire sur sa ferme, on doit se dire que telle personne qui exerce tel travail doit au moins avoir un montant d'argent X, doit au moins bénéficier d'un montant d'argent X. Si on parle de 20 000 $ ou 24 000 $, est-ce que, d'après vous, la majorité des agriculteurs au Québec, en tout cas une grande majorité des agriculteurs peuvent dire: Au moins, je suis dans la moyenne, ou si c'est pas mal inférieur à cela?

M. Couillard: Pour répondre à cette question, cela m'inquiète un peu quand vous parlez de 24 000 $. Si les agriculteurs entendent cela, ils vont être tous heureux.

Le problème...

M. Picotte: Ne vous inquiétez pas. J'ai pris les chiffres qu'on m'a donnés.

M. Couillard: C'est cela, on calcule 24 000 $, mais il y a de petits problèmes. Il y a toujours des petites choses qui ne sont pas ajoutées dans le coût de production et qu'on essaie de faire inclure, mais on n'en est pas capable. Alors, cela diminue un peu les 24 000 $. Les 24 000 $, bien sûr, au départ, on les inclut dans le coût de production, mais il y a toujours des petits éléments.

Une voix: II est à 70%.

M. Couillard: II est à 70% dans les coûts de production. Il y a toujours des éléments qui font qu'à un moment donné, ce n'est pas 24 000 $ qu'on a.

M. Gras: C'est le contexte idéal. Dans le fond, c'est quand la ferme remplit exactement cela. Prenons l'exemple du coût de production dans une culture céréalière il y a trois ou quatre ans, quand on l'a fait; il y a cinq ans maintenant. On avait basé à environ 425 acres une ferme céréalière. Alors, on a essayé de trouver un modèle qui était fictif parce qu'il n'y a pas deux cultivateurs qui se ressemblent. On a trouvé un modèle et on a dit: Dans cette ferme, le producteur doit travailler normalement sur 425 acres de céréales; cela devrait être une ferme à peu près à temps plein. Quand on a fini de faire les calculs, on lui a trouvé 1200 ou 1400 heures. Donc, il n'avait pas 24 000 $ malgré que c'était une ferme idéale. De plus, quand le prix de production baisse et qu'il est stabilisé, il reçoit 70%, 80% ou 90% de ce montant. Donc, on ne peut pas se baser sur un montant de 24 000 $. Par contre, celui qui aurait eu la même ferme céréalière et qui n'aurait pas un cent de dette - il aurait hérité de la ferme de son père - aurait certainement fait 24 000 $ et plus. Comprenez-vous? C'est là qu'est toute la différence. Mais l'agriculture étant ce qu'elle est, cela ne se ressemble pas tous les ans.

M. Picotte: J'essaie de voir l'agriculteur comme un travailleur ordinaire. Le fonctionnaire qui travaille pour nous autres, à l'Office du crédit agricole, s'il a hérité de son père, on ne lui dit pas: Parce que tu as hérité de ton père, tu vas gagner 20 000 $ de moins par année, parce que tu as eu un héritage de ton père l'année dernière. Un travailleur agricole, s'il a eu un héritage quelconque ou s'il bénéficie d'un avantage quelconque à cause du passé, ne doit pas être pénalisé. Un taux de 3,47 $ l'heure - c'est ce que rapportait l'article - à

moins que je ne me trompe ou que ma mémoire ne me soit pas fidèle, c'est inférieur au salaire minimum. Est-ce que c'est du charriage de dire que c'est à peu près ce montant qu'un producteur laitier gagne?

M. Proulx (Jacques): Ce n'est pas du charriage, parce que c'est basé sur une technique...

M. Picotte: Est-ce que cela se rapproche de la réalité?

M. Proulx (Jacques): Bien sûr.

M. Picotte: Alors, les agriculteurs, c'est du "cheap labour".

M. Proulx (Jacques): C'est cela. Mais cela n'est pas nouveau; ce n'est pas d'aujourd'hui. On n'apprend pas cela aujourd'hui.

M. Picotte: Non, mais c'est parce qu'à la lecture de votre document, à certains endroits, j'avais l'impression que cela avait augmenté tellement en agriculture depuis un certain temps, les politiques gouvernementales étaient tellement favorables que cela me surprend que ce soit 3,47 $ l'heure. Cela me surprend même qu'il n'y ait pas autre chose qui vienne se greffer à cela pour qu'on puisse dire: Ce n'est pas vrai de penser que l'agriculture... Il ne faudrait pas trop charrier. Ou bien les chiffres nous échappent quelque part ou bien il ne faut pas faire dire quoi que ce soit aux chiffres.

M. Proulx (Jacques): C'est toujours la même chose partout. C'est toujours vrai sur papier et faux en réalité. C'est encore plus vrai en agriculture parce que tu es dépendant d'un tas de facteurs sur lesquels tu n'as aucun contrôle. On dit clairement dans notre document: Température et tout la matière vivante avec laquelle tu travailles. À partir de là, le moindre écart vient fausser toutes tes données. Il faut dire que c'est un modèle. Il faut toujours garder à l'esprit que c'est un modèle. Un modèle, à ma connaissance, c'est beau quand tu le fais. Après, cela ne se révèle jamais vrai.

M. Picotte: Sur la rentabilité, on parle un peu des politiques gouvernementales. Je m'interroge là-dessus. Pour moi, il y aurait une réelle rentabilité si je n'examinais pas trop souvent les paiements que font l'assurance-récolte et l'assurance-stabilisation. Pour moi, quelque chose de rentable, c'est lorsque tu n'as pas besoin, d'une année à l'autre, d'avoir un chèque quelconque. Il est important que cela existe là parce qu'il peut y avoir des intempéries, il peut y avoir tellement de choses. Mais cela semble curieux de parler de rentabilité alors qu'à tous les ans on est obligé de payer des montants d'argent qui, encore une fois, je vous le dis, sont nécessaires et importants. Le mot "rentabilité" prend peut-être une dimension différente.

On a peut-être une définition un peu plus faible, à ce moment, de la vraie rentabilité agricole.

M. Proulx (Jacques): Vous soulevez un point que je ne peux absolument pas laisser passer quand vous parlez de stabilisation, etc. C'est bien sûr que la stabilisation, pour nous autres, c'est de stabiliser le bien-être social. Pour nous, c'est clair et net. Sauf qu'il faut arrêter de penser qu'au Québec on est les plus stabilisés, les plus subventionnés, etc. Je ne dis pas que vous avez dit cela, mais je dis: Ce n'est pas une catastrophe, cela va toujours être comme cela. C'est un choix de société de nourrir sa société et c'est donné aux consommateurs et non aux producteurs. Je vais vous donner des chiffres. Aux États-Unis, sous le gouvernement de M. Reagan qui pourtant passe pour ultraconservateur, etc., l'aide à l'agriculture est passée de 4 000 000 000 $ à 19 000 000 000 $ en quatre ans. Arrêtons de nous scandaliser. Cela me choque un peu d'être obligé d'admettre que, plus cela va aller, plus on va être obligé de stabiliser l'agriculture. Cela me choque de vous dire cela. Sauf que c'est une réalité. Est-ce qu'on trouve des moyens pour s'en sortir? Si on trouve des moyens, les consommateurs vont payer parce qu'il va falloir que j'aie un prix pour mon produit. Ou bien l'État va devoir combler le manque à gagner aux producteurs parce qu'on ne pourra pas travailler continuellement à un salaire moindre que celui du reste de la société. Il ne faut pas nier non plus que, depuis un certain nombre d'années, dix ou quinze ans, si vous voulez, il y a eu une évolution positive dans ce sens. Mais on a encore du retard. On est conscient de cela. C'est pour cela qu'on fait des efforts et qu'on préconise énormément de choses pour le faire.

M. Picotte: Je suis d'accord avec vous quand on dit tout simplement que c'est un choix de société. Cela doit être un choix de société parce que c'est nourrir les gens. Cela doit être un choix d'une collectivité. Mais je m'interroge surtout quand on parle de rentabilité. Arrêtons de trop parler de rentabilité. Disons que c'est un choix de société qu'on doit faire. L'État doit mettre des millions là-dedans, d'accord, à cause du choix de société qu'il fait. Mais, à ce moment, révisons nos notions de rentabilité parce que cela ne veut plus rien dire à partir de ce moment. Dites-vous bien une chose, c'est que je suis entièrement d'accord

sur ce point. On ne fera pas de guerre idéologique là-dessus. Je suis entièrement d'accord.

J'aurais peut-être une autre question à poser. Je me suis interrogé. Vous vous rappelez quand le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a institué des crédits spéciaux dans le temps de la crise du porc? J'étais un de ceux qui se posaient des questions en mentionnant que, évidemment, un crédit spécial, c'était peut-être prolonger un cancer pour un an ou deux. C'était probablement, dans mon esprit, prendre un agriculteur qui était endetté jusqu'au cou et lui en mettre jusqu'aux oreilles. Je voyais cela comme cela, peut-être à tort. Cela devait être à tort parce que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation m'a dit tout simplement que je ne comprenais pas le système. Vous autres, comment analysez-vous, avec le recul du temps, ce fameux crédit spécial? Cela a eu quel effet au niveau de la classe agricole, au niveau des productions? Vous avez sûrement eu des commentaires là-dessus et vous avez sûrement eu le temps de vous pencher là-dessus. Qu'est-ce que cela a eu comme effet sur la classe agricole? J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.

M. Proulx (Jacques): Pour un certain nombre de producteurs, cela a simplement prolongé l'agonie.

M. Picotte: Le cancer.

M. Proulx (Jacques): Appelez cela comme vous le voulez, vous en mourez quand même au bout.

M. Picotte: C'est une agonie, de toute façon; c'est un calvaire en plus.

M. Proulx (Jacques): C'est cela.

M. Picotte: Un certain nombre, cela veut dire quelle proportion?

M. Proulx (Jacques): Encore là, je ne suis pas capable de donner de chiffres là-dessus. Il y en a probablement qui traînent encore, qui ont réussi à remettre cela, qui réussissent à reporter encore l'échéancier. Il y en a qui ont abandonné dans tout cela, c'est évident, parce que cela ne pouvait rien corriger. Au moment de l'échéance, toute la question extrêmement importante d'avoir des prix pour notre produit, on ne l'avait pas encore; il n'y avait pas eu d'amélioration de toute l'économie en général, de toute la situation économique. Il y en a qui sont tombés au bout de cela. Ceux qui ont eu ces crédits ne sont pas encore tous tombés, c'est bien évident, mais il y en a qui sont encore poignés avec cela. Je ne suis pas capable de dire le nombre. C'est un peu comme les faillites. J'ai oublié d'en parler tout à l'heure, mais il y a une chose évidente: même si on n'est pas capable de vous donner le nombre de faillites, on n'est pas d'accord avec le nombre donné par l'Office du crédit agricole. C'est évident. Pour le savoir, qu'on rende la liste publique ou qu'on la mette entre les mains d'un comité qui va la vérifier et, à partir de là, on pourra savoir si c'est vrai ou non. En tout cas, je tenais à préciser cela.

M. Picotte: Une dernière question, M. le Président. On. voit que certaines choses qui nous ont été suggérées hier par les agriculteurs rejoignent les vôtres, dans le fond. On a parlé d'une commission d'appel. Je pense que cela nous a aussi été souligné hier. Des abus de pouvoir, on en a entendu parler beaucoup hier. Je remarque, en parlant d'abus de pouvoir, qu'à la page 16 de votre document vous dites, comme les gens qui nous ont rencontrés hier: "Étant dispensateurs d'une aide importante de l'État, les officiers du crédit agricole disposent d'un pouvoir considérable sur les agriculteurs. Et est bien naïf celui qui pense qu'une telle situation n'engendre pas des abus de pouvoir." J'aimerais que vous me disiez plus précisément quels sont dans votre esprit les abus de pouvoir qui existent.

M. Proulx (Jacques): Excusez-moi. Je suis obligé de dire que vous m'en posez une bonne, parce que je ne voudrais pas...

M. Picotte: Vous nous l'avez dit vous-mêmes. J'imagine...

M. Proulx (Jacques): Ce serait difficile de commencer à parler de...

M. Picotte: Sans parler de cas.

M. Proulx (Jacques): Même de cas. C'est un ensemble de choses qui font que ce sont des abus de pouvoir. Je ne sais pas s'il y en a qui peuvent en donner. Jean-Claude.

M. Blanchette: Je peut peut-être l'expliquer. Pour illustrer cela, le producteur qui a un projet, qui veut le faire financer et qui va rencontrer l'organisme susceptible de le financer n'est pas sur un pied d'égalité avec celui qui est en face de lui pour discuter de son projet. Si celui qui est en face lui dit: On va te financer, mais à telle condition, il n'a pas beaucoup d'arguments et de pouvoirs pour discuter de cette condition et essayer d'en proposer d'autres. Il peut le faire, mais il n'est pas sur le même pied. Cela justifie qu'on en arrive après à un mécanisme d'appel pour vérifier et voir si, dans tous les cas, il n'y a pas eu des cas comme cela qui se sont présentés, afin

d'assurer tout le monde, autant le producteur que l'office, que la décision qui a été prise est bien celle qui devait être prise, en tenant compte de la réglementation, des lois et du projet qui était présenté par le producteur. Cela peut illustrer un peu plus ce qu'on veut dire par l'abus de pouvoir.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Avez-vous d'autres questions à poser, M. le député de Maskinongé?

M. Picotte: M. le Président, l'abus de pouvoir... Évidemment, la personne concernée peut être accompagnée d'un conseiller n'importe quand et d'un avocat.

M. Blanchette: Oui. (12 heures)

M. Picotte: À ce moment-là, je pense qu'elle a les moyens pour se défendre. J'imagine qu'on peut parler de beaucoup d'autres sortes d'abus de pouvoir. On nous donnait l'exemple hier d'un gars qui a des contrats avec un intégrateur. Il pouvait être à la merci de certaines décisions ou de certains changements de décision. Cela m'a surpris qu'on me dise que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation favorisait l'intégration dans le domaine des bovins de boucherie. C'est ce qu'on nous a répondu hier. Cela m'a vraiment surpris de voir que le ministre de l'Agriculture des Pêcheries et de l'Alimentation était favorable à cela dans le domaine des bovins de boucherie. La personne qui voit son contrat changer dans l'espace de peu de temps... Est-ce qu'il n'y a pas là une situation aberrante parce que, quand on se présente à l'Office du crédit agricole et qu'on veut avoir un prêt, on dit souventefois à vos agriculteurs: Va te chercher un contrat d'intégration et, quand tu l'auras dans ta poche, on va te prêter? N'y a-t-il pas là une situation qui suscite des points d'interrogation?

M. Proulx (Jacques): Certainement. On a toujours dit qu'il était inacceptable que cela se produise.

M. Picotte: Sur l'abus de pouvoir, il me semble que cela doit agir beaucoup plus sur le gars qui est endetté que sur le gars qui va s'endetter. Lorsqu'il arrive là, c'est beaucoup plus facile et il ne doit pas y avoir beaucoup d'abus de pouvoir de ce côté, à part une décision avec laquelle on ne serait pas d'accord. J'imagine que, lorsque le gars est bien endetté, qu'il est dans cette situation et qu'il ne peut s'en sortir, j'aurais bien plus peur des abus de pouvoir dans ce sens. Avez-vous eu connaisssance d'abus de pouvoir dans ce sens?

M. Proulx (Jacques): Moi...

M. Picotte: Cela est plus dangereux.

M. Proulx (Jacques): Je vous dirai que cela agit sur les deux. Autant sur le gars, le producteur ou n'importe qui, sur la personne coincée, rendue au bout du rouleau. On a d'autres exemples. Vous l'avez probablement vu hier. Il y a eu de l'abus de pouvoir dans l'incitation d'aller plus en grand qu'ils voulaient et ainsi de suite. C'est pour cela que je dis que je ne peux pas faire un partage 50-50. Il y a de l'abus de pouvoir dans les deux parties. Il n'est peut-être pas pire dans l'une que dans l'autre.

M. Picotte: Mais il n'est pas mieux. Merci.

M. Proulx (Jacques): II ne sera jamais mieux, même s'il était à 25-75.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: M. le président, à la page 9 de votre document, vous dites: "Une ferme familiale est une entreprise où la famille..." Pour vous, M. le président, qu'entendez-vous par la famille?

M. Proulx (Jacques): Par? M. Dupré: Par la famille?

M. Proulx (Jacques): Ah bien, la famille...

M. Dupré: Est-ce que c'est le père, la mère, les enfants ou les frères? On a plusieurs exploitations.

M. Proulx (Jacques): Normalement, la famille c'est le père, la mère, les enfants, mais, à un moment donné, cela devient le père, la mère, les frères et les soeurs. Cela ne se détermine pas de même. Dans l'idée générale, la famille, c'est...

M. Dupré: Je trouve cela important parce que, si vous parlez de regroupement et de compagnie de frères et soeurs sur une terre qui font vivre trois ou quatre familles ou une ferme qui fait vivre seulement une famille, c'est...

M. Proulx (Jacques): Le débat de la ferme familiale - je pense que c'est là qu'on en vient...

M. Dupré: Oui, c'est là-dessus que je m'en viens, oui.

M. Proulx (Jacques): Ceux qui pensent qu'un bon matin ils vont trouver une solution tranchée au couteau, on est persuadé qu'ils sont dans l'erreur parce que jamais on n'aura

cela. Jamais on n'encadrera la définition d'une ferme familiale dans un cadre bien rigide. Je ne pense pas qu'on fasse cela. Pour nous, la ferme familiale - et on l'exprime clairement - c'est le capital investi, le travail et la gestion. On peut être accusé de donner des critères faciles, mais c'est une réalité. C'est déjà un départ. Je pense que c'est par différentes mesures qu'on va se donner autour de cela qu'on va garder des fermes à la mesure que la majorité veut avoir dans le cas de fermes familiales. On court à un échec si on veut, encore une fois, encadrer un modèle de ferme tellement rigide que plus personne ne va s'y retrouver au moindre écart. Il faut plutôt se diriger vers un modèle que la société veut se donner. Par exemple, par des politiques incitatives qui vont faire qu'on va garder un certain niveau de ferme, un certain niveau de production, par des choses comme cela.

Au Québec, actuellement, je parle avec beaucoup de gens et jamais un cultivateur ne m'a dit qu'il n'avait pas une ferme familiale chez lui. Jamaisl Même ceux qui avaient quatre ou cinq gars avec eux, même ceux qui étaient trois, quatre ou cinq frères ensemble. Ils ont tous des fermes familiales. C'est un débat qu'on ne terminera jamais, mais qu'on peut entourer d'une série de mesures qui feront en sorte de garder une grosseur moyenne, si on veut.

M. Dupré: Je vais lire très attentivement le document que M. Boucher nous a remis hier et, ensuite, je ferai la concordance avec le bas de la page 8 de votre document. Il dit - naturellement, c'est toujours vérifiable: "Un auteur américain, Tweeten, et cité par le professeur Wampach, a calculé qu'aux États-Unis, si toutes les fermes avaient été d'une dimension moyenne, environ 50 000 $ de revenus bruts, on aurait pu produire la même quantité de produits agricoles à un coût inférieur de 23%, soit une économie de 15 200 000 000 $ annuellement. Le même auteur affirme que la production américaine pourrait provenir de 1 200 000 fermes, soit deux fois plus que le nombre actuel et qu'il en résulterait un gain substantiel pour les agriculteurs et pour les consommateurs." Alors que vous, à la page 8, vous dites: "En même temps, les agriculteurs sont conscients qu'il y a une évolution nécessaire, que la taille d'une ferme familiale "normale" évolue à cause de l'évolution de la technologie, laquelle engendre, etc." Vous connaissez votre citation. Je voudrais vous entendre là-dessus, parce que c'est complètement contradictoire. Vous avez l'air de dire qu'on s'en va vers des fermes plus grandes et plus mécanisées, alors que ces études ont l'air de démontrer tout à fait le contraire.

M. Proulx (Jacques): Oui, mais je pense que personne n'a publié cela. On vit en Amérique. Si tu n'évolues pas, tu régresses. Les nouvelles techniques sortent. Personne ne les refuse. Il n'y a plus beaucoup de gens qui travaillent avec un "team" de chevaux. Quand tu t'achètes un tracteur, cela veut dire qu'il faut que tu grossisses un peu. C'est une évolution normale avec la technologie et ainsi de suite. On ne peut pas nier cela. On vit parmi le monde et on ne peut pas nier cela. Jean-Claude.

M. Blanchette: J'aimerais ajouter peut-être, en réponse à votre question, comme complément, qu'il faut d'abord prendre en considération que le phénomène de la concentration en agriculture aux États-Unis a commencé bien avant au Canada et au Québec. Il est beaucoup plus avancé que ce qu'on retrouve ici. Dans ce sens, le pourcentage de fermes aux États-Unis qui produisent une très grande partie de la production est beaucoup plus restreint que celui qu'on retrouve ici au Québec. Il faut faire attention lorsqu'on fait des comparaisons entre la situation aux États-Unis et ici. Un seul producteur d'oeufs aux États-Unis produit plus que ce que les producteurs d'oeufs du Québec produisent. On n'en est pas rendu encore là, mais, dans notre définition, ce qui est important aussi quand on parle de la famille, c'est que la famille peut s'étendre aussi à plusieurs familles, mais qui gardent les mêmes caractéristiques. Dans ce sens, dans une entreprise, ce n'est pas nécessairement un père, une mère ou encore deux adultes -parce qu'il faut employer aussi cette définition - qui vivent ensemble avec des enfants. Cela peut être, pas nécessairement une communauté, mais plusieurs pères, mères et adultes qui vivent ensemble et qui ont les mêmes caractéristiques tout en mettant, par certaines politiques, des limites pour éviter les tailles gigantesques dans l'application des politiques agricoles gouvernementales.

M. Dupré: Lorsque vous...

M. Proulx (Jacques): Tout en étant conscient qu'il y a un danger qui nous guette - c'est évident - je voudrais seulement rappeler un chiffre qui nous a extrêmement frappés dans nos études, dans le travail qu'on a fait pour le crédit agricole. En 1981, il y avait 74% des fermes au Québec qui produisaient à moins de 50 000 $ de revenu brut. Encore une fois, ce n'est pas pour dire: II ne faut pas faire attention, il ne faut pas être vigilant, mais il ne faut pas dire non plus qu'on en est rendu au rythme des États-Unis.

M. Dupré: À la page 13, lorsque vous parlez de certaines productions à temps plus ou moins partiel, vous finissez en disant: "II

faut toutefois être prudent si on évolue dans cette direction car plusieurs dangers se présentent à nous." Pouvez-vous m'en identifier quelques-uns?

M. Proulx (Jacques): Bon! Écoutez...

M. Dupré: Oui, avant, je vais compléter ma question. Tantôt, le député de Roberval a parlé d'agriculture à temps partiel et a dit pourquoi on ne démarrait pas. C'est rare car à peu près dans tous les autres domaines... Vous avez certainement aussi, au coin de chez vous, dans votre entourage, un grand nombre de restaurateurs qui ont commencé avec des roulottes à patates frites et non seulement ils prennent de l'expérience en alimentation, mais en gestion en même temps et, à un moment donné, ils prennent de l'expansion. Mais là, on a eu l'air de dire - en tout cas hier - qu'en agriculture tu ne peux pas faire cela. Il faut que tu partes avec 400 boeufs ou bien tu ne pars pas. Il me semble que c'est contrariant. C'est différent des autres domaines où la plupart des gens commencent avec une petite business et, à un moment donné, ils grossissent tranquillement, souvent à temps partiel ou avec l'aide d'autres personnes. Mais, en agriculture, on a établi - ou cela a tout lieu de l'être - des stéréotypes de fermes. On dit: C'est rentable à 400 têtes. Si tu ne prends pas cela...

De plus, tantôt, vous avez mentionné qu'il y avait environ 75% des fermes qui ne rapportaient pas 50 000 $ brut. Moi, je verrais d'un très bon oeil l'agriculture à temps partiel pour que les gens habitent là. Le gars ou la femme a l'occasion de voir et d'expérimenter s'il aime cela d'abord. Parfois, même si cela fait dix ans que tu es retourné en ville et même si tu as été élevé sur la terre, cela a tellement changé que tu n'es pas sûr que tu vas aimer cela.

M. Proulx (Jacques): C'est parce que la notion du temps partiel, qu'on soulève dans ce paragraphe, a toujours été acceptée par l'union. Je pense que tout le monde est conscient que la majorité d'entre nous a quasiment fait cela. On a pris de l'expansion avec le temps. Enfin, pour une bonne partie d'entre nous. On va plus loin quand on parle de temps partiel. On peut presque parler du temps partiel permanent. Cela pourrait être toute la vie d'un agriculteur d'être à temps partiel sur sa ferme. C'est ce point qu'il faut développer graduellement. Mais moi, je ne suis pas capable de vous dire que, si les agriculteurs, dans l'ensemble, avaient fait un choix, ce qu'ils visaient, c'était d'être des agriculteurs à temps plein, que la profession agricole se fasse à temps plein.

Aujourd'hui, on est comme n'importe quelle partie de la société, il faut probablement s'ajuster en conséquence des nouvelles choses qui se produisent. C'est cela qu'il faut et je pense qu'on va évoluer dans ce sens-là. On va favoriser cela davantage si c'est le désir de l'ensemble des agriculteurs. Comme union, on va selon les désirs et les besoins exprimés par les producteurs agricoles du Québec.

Personnellement, il est bien certain que je suis persuadé qu'il faut envisager un certain nombre de productions. C'est la solution. Mais il faut évoluer avec cela et le plus rapidement possible.

M. Dupré: Même dans la région de Montréal, il y a une quantité de petites terres ou de lopins et il y a certainement plusieurs personnes qui y seraient intéressées. Mais pour ce monde-là, il n'y a presque pas de programme. Je pense qu'il n'y en a pas parce que tu n'es pas reconnu au départ comme un agriculteur. C'est donc extrêmement difficile.

Au bas de la page 13, lorsque vous dites: "L'actif total de la ferme moyenne est passé de 53 000 $ à 285 000 $", est-ce l'actif net?

M. Proulx (Jacques): Non. C'est l'actif total.

M. Dupré: C'est l'actif total, c'est la valeur de la ferme. C'est bien. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, M. Proulx, vous citez plusieurs statistiques. Il y en a une en particulier, comme le souligne le député de Saint-Hyacinthe, qui m'intéresse: c'est que, de 1971 à 1981, les actifs ont eu une augmentation de 335%, en partant de 2 200 000 000 $ à 9 900 000 000 $. Ceci veut dire aussi que le taux d'endettement a subi la même croissance. Dans une autre statistique que vous nous donnez, on apprend que le revenu moyen a diminué de 31%, comparativement à la période de 1973 à 1975. Comment voulez-vous qu'un agriculteur moyen, avec une augmentation de sa capitalisation de même que de sa dette, puisse arriver à payer des paiements semblables avec une diminution de revenu?

M. Couillard: D'accord. Ce n'est pas compliqué. Vous l'avez dit vous-même. Je vais reprendre vos paroles. Effectivement, il y a eu un accroissement énorme de la dette, mais aussi de l'actif. Si vous vérifiez avec l'Office du crédit agricole ou avec la Société du crédit agricole, vous allez constater qu'à une certaine époque ils n'ont fait que reconsolider des prêts. C'est de là que l'argent provenait en grande partie.

M. Maltais: D'accord. (12 h 15)

M. Côté (François): Pour ajouter à cela, pour voir la situation telle qu'elle s'est produite, les actifs ont augmenté, les dettes ont augmenté, mais l'équité a aussi augmenté. L'enquête de la Société du crédit agricole en 1981 démontrait que les agriculteurs canadiens avaient un taux d'équité de 85% en moyenne, et les agriculteurs du Québec, de 80%. Une partie de la réalité qu'on a vécue, c'est que, finalement, il y a eu des plus-values jusqu'en 1980-1981; il y a eu des plus-values foncières aux livres. Dans l'esprit des gens, ils acceptaient de se serrer la ceinture quand ils voyaient leur avoir augmenter. Sauf qu'au niveau des valeurs c'est le contraire qui se produit; actuellement, il y a une baisse des valeurs.

M. Maltais: Cela m'amène à poser la question suivante: Comment voulez-vous qu'un agriculteur en 1984 puisse avoir un revenu décent alors que son taux d'endettement a augmenté dans la même proportion que l'augmentation de la capitalisation de sa ferme? Trouvez-moi un Québécois qui vit en 1984 avec des revenus de 31% de moins qu'en 1975. Est-ce que ce n'est pas là une cause des faillites, M. le Président?

Une dernière question sur les faillites. Vous l'avez souligné tantôt: lorsque les agriculteurs déclarent faillite, on a tendance à penser que ce sont des faillites personnelles. C'est peut-être une raison pour laquelle vous ne trouvez pas de statistiques réelles des faillites d'agriculteurs. Est-ce qu'il y a une solution à cela afin de s'assurer que, comme syndicat, vous êtes certain que vous avez un nombre X de membres qui ont fait faillite à la fin de l'année? Dans les greffes de cours, on dit que ce sont des faillites personnelles; ce ne sont pas des faillites industrielles ni en agriculture. Est-ce que cela ne fausse pas un peu les chiffres?

M. Proulx (Jacques): C'est bien évident. Cela soulève un des points qui faussent les données un peu partout. Dans bien des cas, cela est considéré comme des faillites personnelles. C'est pour cela que je disais tout à l'heure qu'à partir de là il faudrait avoir, partout où c'est possible, la liste des faillites et, à l'aide de notre système, vérifier chaque cas - Arthur Bleau, de tel rang... On peut décortiquer jusqu'à un certain point si cela vient d'une paroisse rurale. Si on veut être encore plus juste et savoir quel est le chiffre exact, il faudrait étudier cas par cas et s'informer si c'est réellement une faillite en agriculture ou non.

M. Maltais: D'accord. Vous êtes le syndicat et vous représentez les agriculteurs. On est ici présentement pour étudier aussi le cas des sept grévistes de la faim. J'aimerais savoir ce que vous avez fait, à titre de syndicat, dans ces cas précis: il y en a sept. Il y a peut-être beaucoup de faillites, comme vous l'avez dit, qu'on ne connaît pas, mais il y en a sept qu'on connaît et ces gens sont venus témoigner en commission parlementaire. J'aimerais savoir ce que l'UPA a fait de concret pour eux.

M. Proulx (Jacques): Je n'ai pas de réponse spécifique. Il faudrait le demander à nos dirigeants des régions respectives de ces producteurs. Est-ce qu'ils s'en sont servis, est-ce qu'ils sont allés les voir? Il faudrait poser la question à nos représentants dans nos bureaux. Je ne peux pas répondre. Cependant, le même service que celui qu'on a décrit tout à l'heure était disponible pour eux comme pour d'autres. Ce sont des producteurs agricoles, c'est leur union et ce sont eux qui paient pour la faire vivre.

M. Maltais: Vous n'avez pas ici aujourd'hui de représentant de la région qui pourrait nous dire cela? Merci.

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. le député de Gaspé.

M. Le May: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Je voudrais faire une précision auparavant. Compte tenu que le temps est maintenant épuisé du côté de l'Opposition, il n'y aura plus d'alternance dans la période des questions jusqu'à la fin de nos travaux, soit 13 heures.

M. le député de Gaspé.

Une voix: Le député de Maskinongé a pris trop de temps, si je comprends bien.

Une voix: Non, il a pris son temps.

M. Le May: Vous disiez dans votre document que le débat doit se faire autour de l'office. Vous manifestez de l'inquiétude sur la lenteur de l'office qui demande trop de garanties pour les prêts offerts et vous dites qu'il y a même des abus de pouvoir, on en a parlé tout à l'heure. Vous apportez comme solution la commission d'appel. Quel rôle voyez-vous à cette commission? J'ai un peu peur que ce soit une structure de plus qui soit peut-être de connivence avec l'office et que cela ne règle pas du tout le problème des agriculteurs. Comment le voyez-vous?

M. Proulx (Jacques): Absolument pas! Premièrement, je veux faire une correction au départ. On dit que ce n'est pas seulement l'office qui est la cause des choses, ce sont les politiques agricoles. Il y a deux causes.

Le meilleur exemple que je peux vous donner pour la commission d'appel, c'est celui qui existe pour la Société du crédit agricole qui est composée d'agriculteurs avec un président permanent, dans le sens que c'est toujours le même président, mais avec des représentants dans chaque région du pays et des provinces. Ce sont des gens qui regardent un dossier d'une façon bien différente de celle des technocrates qui ont à administrer une loi et qui font des recommandations à partir de là. Cela a donné de très bons résultats, d'excellents résultats. Quand je dis "excellents", ce n'est pas parce qu'ils ont dit oui à tous les cas auxquels on avait dit non. C'est bien loin de cela, sauf que cela a permis, dans certains cas, de pouvoir analyser plus en profondeur et, en même temps, cela oblige la société - dans le cas de la société, par exemple, parce que cela existe - à être plus prudente, dans un premier temps. Deuxièmement, même quand elle l'a fait très bien et qu'une décision est renversée, cela la dégage drôlement. Je pense qu'à partir de là, si cette commission fonctionne très bien au niveau de la Société du crédit agricole, je ne vois pas pourquoi elle serait baroque au niveau de l'Office du crédit agricole. Je ne vois pas pourquoi, ce sont des agriculteurs.

M. Le May: Oui, mais il reste qu'il y a tellement de facteurs à l'intérieur de la faillite d'une ferme qui est en difficulté. Je prends un cas qu'on a souligné hier. Un homme arrive avec 100 000 $; au bout de quelques années, il a un actif de 500 000 $ et, le lendemain, il est en faillite parce que la banque dit: Je ne te donne plus de marge de crédit, c'est fini. Que pensez-vous qu'une commission d'appel puisse faire contre les intervenants financiers, l'office et tous les organismes qui sont impliqués là-dedans?

M. Proulx (Jacques): C'est le deuxième comité qu'on suggère devant les difficultés financières qu'on vit actuellement. Si la banque - je ne connais pas votre exemple d'hier - a rappelé sa marge de crédit, si c'était un crédit à la production, cela veut dire que l'office avait donné l'ordre à la banque qu'il ne garantissait plus. C'est un des problèmes qu'on soulève dans cela et qui a été la cause de plusieurs difficultés. À partir de là, au moins, le comité qu'on demande de mettre rapidement en place... Je ne sais pas si la commission d'appel pourra toucher à cela, mais il reste quand même...

M. Le May: Mais, selon vous, ce serait un outil important pour l'agriculteur.

M. Proulx (Jacques): C'est un outil indispensable pour l'agriculteur et pour l'Office du crédit agricole.

M. Le May: Verriez-vous également un rôle de prévention, parce que ce n'est peut-être plus le temps, quand quelqu'un est endetté jusqu'aux oreilles, d'essayer de trouver des solutions pour l'en sortir? Ce serait peut-être avant que ce serait le temps de l'aider ou de l'orienter. Est-ce qu'à l'intérieur de votre syndicat ou de votre organisme vous avez des moyens, des gens, de l'aide technique pour venir en aide non pas à ceux qui sont coulés - il est trop tard - mais à ceux qui sont en train de couler?

M. Proulx (Jacques): D'ailleurs, là aussi, on est clair et net. On avance des choses. En raison de montants de plus en plus importants à manipuler, etc., probalement qu'à l'avenir il va falloir faire un effort pour mettre des exigences de gestion, de comptabilité, etc. On est favorable à cela. Je pense que c'est précisément ne pas agir en pompier, mais prévenir. On a vécu cette expérience dans les années soixante, pour ceux qui s'en souviennent, avec les prêts surveillés; l'agriculteur avait l'obligation de tenir une comptabilité, d'avoir un bon système. Il y avait un suivi et je pense que personne n'en est mort. Plus cela va, plus ce sera nécessaire. Précisément, ce sera une forme de prévention drôlement efficace et intéressante pour tout le monde.

M. Le May: Est-ce que vous croyez que ce serait le rôle de l'UPA de mettre cela sur pied?

M. Proulx (Jacques): L'UPA ne pourra pas tout faire. Il y a des responsabilités que le gouvernement doit prendre et il doit les prendre jusqu'au bout. Quand il instaure un système, qu'il veut le considérer et qu'il le veut efficace, il doit mettre tout ce qui se rattache à cela. On aura les disponibilités pour servir. Je pense qu'il y a des moyens, mais il faut...

M. Le May: J'ai envie de vous répondre la même réponse que celle que vous avez faite. Le gouvernement ne veut pas tout faire non plus.

M. Proulx (Jacques): Certainement.

M. Le May: Une dernière question. Tantôt, M. Couillard répondait qu'il recevait les agriculteurs pour les aider quand ils étaient mal pris. Il y avait, cependant, une condition - je ne cite pas M. Couillard au texte - il fallait que l'agriculteur soit d'accord pour remettre son dossier à M. Couillard. Hier, on s'est fait dire toute la journée que les cultivateurs n'étaient pas capables d'avoir leur dossier. Est-ce que vous êtes plus capables que les cultivateurs?

M. Proulx (Jacques): Quand on parle de

dossier, ce n'est pas son dossier qui est au crédit agricole, mais c'est son dossier de... Quand quelqu'un est en difficulté, cela fait une secousse qu'il ramasse des papiers, cela fait une secousse qu'il y a des factures quelque part. C'est ce dossier-là dont M. Couillard parle et non du dossier de l'office. On ne l'a pas. On parle de remettre son dossier, le gars a commencé à en monter un.

M. Le May: Quelle est la relation entre vous autres et l'office concernant ces dossiers de personnes en difficulté? Est-ce que vous avez un canal régulier qui fait que vous êtes en communications avec l'office pour avoir des renseignements sur les agriculteurs en difficulté, qui viennent vous voir?

M. Proulx (Jacques): II y a peut-être des gens qui ont des contacts, mais il n'y a pas de canal institutionnalisé.

M. Le May: Ce n'est pas institutionnalisé. Merci.

M. Proulx (Jacques): On n'est pas rendu là dans la collaboration.

Le Président (M. Vallières): Très bien.

M. Le May: Pourtant, tout le monde travaille pour l'agriculteur.

M. Proulx (Jacques): Certainement. J'en suis persuadé.

Le Président (M. Vallières): M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Merci. J'aimerais tout de suite, au départ, éclaircir un point. À plusieurs reprises dans cette commission, on a signalé que le ministre de l'Agriculture, M. Garon, aurait pris position ou aurait invité les agriculteurs à s'intégrer s'ils voulaient sauver leurs terres. Ce serait lors d'une rencontre qu'il y a eu avec des agriculteurs, je suppose bien, à la Flèche d'or de Saint-Cyrille. C'est hier qu'on a dit cela. On disait cela textuellement: Si vous voulez sauver vos terres, vos entreprises, passez à l'intégration. Est-ce que l'UPA a entendu cette expression du ministre ou a pris connaissance de cette prise de position?

M. Proulx (Jacques): Moi, je ne l'ai jamais entendue. Je ne sais pas s'il y a des membres ailleurs. Je ne sais pas s'il y en a d'autres qui ont entendu cela. Moi, je ne l'ai pas entendu.

M. Baril (Arthabaska): Quelle aurait été votre position, votre réponse si le ministre avait pris cette position? Votre déclaration après cela?

M. Proulx (Jacques): J'aurais été en maudit parce que c'est complètement à l'encontre de ce qu'on développe et qu'on défend. D'autant plus que j'aurais été encore plus... Je pense que c'est aussi le contraire de cela que le gouvernement actuel propose, préconise.

M. Baril (Arthabaska): Également, vous avez fait mention tout à l'heure, et je pense que tout le monde reconnaît la justesse de ces propos, que l'assurance-stabilisation, c'est une sorte de bien-être social assuré ou garanti. Par contre, également, tout le monde reconnaît qu'il y a des problèmes en agriculture. Je crois qu'ensemble on a différents organismes, nous avons essayé de nous donner des outils. J'aimerais vous entendre pour savoir si, au niveau de la formule des plans conjoints, vous définissez cela comme une autre sorte de bien-être social assuré ou garanti?

M. Proulx (Jacques): C'est tout à fait le contraire. C'est justement une formule qui permet d'éliminer le bien-être social et qui permet d'aller chercher le prix juste et équitable pour un produit. C'est pour cela aussi qu'il ne faudrait jamais mettre cela de côté. Absolument jamais, parce que tu auras beau avoir toutes les meilleures politiques au monde, si tu n'as pas un prix au bout pour ton produit, tu vas toujours arriver au même cul-de-sac. C'est que tu ne seras pas capable de payer. Pour nous autres, il faut mettre énormément d'énergie et l'État devrait, dans les nouvelles productions, parce que c'est terriblement cher d'organiser la mise en marché au départ... Je pense que, dans une politique de développement de l'agriculture, dans des politiques où on a tout mis en oeuvre pour augmenter la production agricole, cela a été un problème d'avoir négligé cette partie, de ne pas avoir tenu compte justement de toute la mise en marché. On peut nous relancer la balle, comme on le fait souvent, en disant: C'est votre responsabilité, l'UPA, mais, au départ -notre responsabilité, on la prend - il faut que tout cela se fasse ensemble. Je suis persuadé qu'en même temps qu'on met en place des politiques de développement, on devrait aussi tenir compte de cela. Cela a été une erreur dans le passé.

M. Couillard: M. le Président, si vous me le permettez, j'ajouterais quand même que cela permet aux petites exploitations comme aux grandes d'avoir les mêmes avantages pour les prix. Je pense que, par ce fait, cela les empêche de devenir vite plus grandes. En tout cas, c'est ce que je voulais ajouter.

M. Baril (Arthabaska): Je vais vous poser une autre question. Je connais la

réponse, mais, entre personnes qui connaissent la même situation, nous nous comprenons; d'autres ne comprennent pas parce qu'on ne l'explique pas assez souvent. J'aimerais que vous me donniez la définition - cela se rattache à la formule des plans conjoints également - d'une production intégrée et d'une production indépendante ou d'un producteur intégré et d'un producteur indépendant. Comme je vous le dis, c'est peut-être pour le bien de... (12 h 30)

M. Proulx (Jacques): On pourrait en parler toute la journée, parce qu'il y a autant de contrats d'intégration qu'il y a de producteurs qui sont poignes avec ceux-ci. En fait, pour nous autres, voici une définition bien imagée: une production intégrée, c'est un ouvrier agricole et une production non intégrée, c'est un producteur agricole. Ce qui veut dire que, la plupart du temps, quand on est intégré, on a très peu de choses à dire dans la production; mais, comme je vous dis, il y a autant de contrats d'intégration qu'il y a d'intégrés. En général, c'est parce qu'on est plus libre des décisions qu'on a à prendre. On est en fait un ouvrier agricole. On produit à partir d'un salaire ou à partir de la pièce ou ainsi de suite. On n'a vraiment plus le contrôle de notre gestion ou on n'a plus le contrôle d'un tas d'autres décisions. Je ne sais pas s'il y a d'autres définitions.

M. Baril (Arthabaska): D'accord. Vous avez également dit qu'une des conséquences de la situation de l'agriculture d'aujourd'hui, ce sont les politiques agricoles. Peut-être pas juste cela, mais certaines politiques agricoles. Est-ce que vous pourriez donner un exemple ou des exemples de politiques agricoles du gouvernement qui ont fait en sorte qu'on a mis les agriculteurs dans l'embarras?

M. Proulx (Jacques): Encore là, on ne généralise pas parce que cela dépend de plusieurs facteurs. Il y a toute la crise économique qui dépend de différents gouvernements, qui dépend même de tout le continent. Il y a, comme on l'a dit à plusieurs reprises, des politiques sur lesquelles on a été trop incitatif. On n'avait pas l'expertise. On n'avait pas l'expérience dans ce domaine. On n'avait pas les moyens à fournir aux producteurs agricoles ou les techniques, etc. On a eu de la très mauvaise planification sur un certain nombre de politiques. On a peut-être été trop rapidement. Dans ce sens, je dis que ce sont des erreurs comme cela.

Au niveau du crédit, on l'a soumis à quelque chose. On a peut-être parfois, dans ces incitations... Cela a fait qu'on a prêté sur des calculs du moment. On a le plus bel exemple dans le porc. On calculait sur des capacités de remettre l'argent pendant que le prix du porc était très élevé. Dans le gros développement du porc, il n'y avait pratiquement pas de possibilité de perdre de l'argent à produire du porc. Sauf que ceux qui faisaient ces calculs auraient dû savoir que, dans le porc comme dans le boeuf, ce sont des productions cycliques; ils auraient dû savoir qu'il n'y avait pas d'organisation d'offre et de demande, qu'il n'y avait aucun contrôle, que cela ne pouvait pas durer. On ne pouvait pas établir des capacités de remettre l'argent sur X années avec un revenu qui est cyclique. Cela est une erreur. Ne reprochons pas cela au cultivateur. Le cultivateur a été obligé de prendre les chiffres qu'on lui a donnés quand il est allé à l'office ou qu'il est allé à son bureau régional, etc.

On veut bien prendre notre partie des responsabilités. On ne veut pas tout rejeter sur les autres. Il y a eu, dans des cas, de la mauvaise gestion. Il y a eu probablement... On va venir dire aussi: On n'a tordu les bras de personne. Cela n'est pas si certain. Il reste quand même qu'on est obligé de se fier à du monde, on n'a pas le choix. Si on veut avoir l'argent, il faut qu'on se fie à des conseils et, par la suite, on s'attend d'avoir de l'expertise, on s'attend d'avoir des conseils, on s'attend d'avoir un suivi, et cela a été faussé au départ. Cela fait qu'une partie des producteurs a fait des faillites.

M. Baril (Arthabaska): Dans les faillites, depuis quelques années, pouvez-vous me dire dans quel secteur d'activité elles se sont le plus concentrées?

M. Proulx (Jacques): J'ai l'impression qu'elles ont été plus fortes dans le porc et dans le boeuf et également dans les céréales. Ce sont trois productions où on contrôle très peu encore l'offre et la demande, mais c'est particulièrement dans le porc que j'ai l'impression qu'il y a eu des faillites.

M. Baril (Arthabaska): Tout à l'heure, on a parlé du crédit spécial à la production pour le porc et les céréales également. Aujourd'hui comme hier, on nous dit que ce crédit spécial a été une forme de prolongation de l'agonie de la personne. Est-ce que l'UPA aurait plutôt préconisé une subvention directe aux agriculteurs en difficulté? Quelle est la solution que l'UPA préconisait dans le temps?

M. Proulx (Jacques): C'est une des solutions qu'on a mises sur la table, à ce moment-là; des subventions plus directes, de devancer la stabilisation. On a même proposé justement, au départ, un plan de redressement de la production, un plan de transformation de la production parce qu'on réalisait rapidement qu'on s'en allait vers un

cul-de-sac dans le genre de production où on s'était lancé.

On a déposé, on a présenté au ministre un plan de redressement de la situation, de la transformation, dans la façon de produire du porc au Québec. On y est allé avec plusieurs éléments à la fois. On ne voyait pas comment, avec un crédit spécial que tu es obligé de remettre au bout et en sachant qu'une crise économique ne se résorbe pas d'un coup sec... Qu'est-ce que tu faisais? Tu prolongeais l'agonie, point final.

M. Blanchette: Le problème de l'application des crédits spéciaux, dans le porc, quand ils ont été votés, c'est qu'un crédit spécial, normalement, c'est bon quand vous êtes dans le creux de la vague et que cela permet de passer le creux de la vague pour prendre le haut de la vague ensuite. Ce qui s'est produit, dans le porc, c'est que les crédits spéciaux sont sortis pour essayer de prendre le creux de la vague; la période de hauts prix a été très courte et n'a pas été aussi haute que prévue et l'autre cycle est arrivé immédiatement. Ce qui fait que les producteurs n'ont pas pu, avec le crédit spécial, passer au travers de la crise; ils sont entrés tout de suite dans une nouvelle crise. C'est dans ce sens que cela n'a pas réglé bien des cas.

M. Baril (Arthabaska): Au niveau de l'assurance-stabilisation payée aux producteurs, avez-vous des données... En tout cas, il y a une certaine surveillance au niveau du gouvernement du Québec pour que l'assurance-stabilisation n'aille pas aux intégrateurs, justement parce que je crois que nous voulons, que le gouvernement du Québec veut préconiser la ferme familiale ou la ferme du producteur indépendant.

Par contre, on sait que le gouvernement canadien, lui - je ne sais pas s'il s'en préoccupe, mais il n'y a pas grand surveillance pour savoir si le chèque reste au producteur ou va à l'intégrateur... Avez-vous de l'information est-ce qu'il y a un moyen de contourner la surveillance du gouvernement du Québec? Est-ce que, de toute façon, le chèque qui est envoyé au producteur se retrouve dans les mains de l'intrégrateur? Il y a toujours des moyens de contourner la loi.

M. Gras: Moi, je pourrais en ajouter d'autres. Vous savez, quand vous avez des producteurs qui étaient aux assemblées et que, le lendemain, ils n'y sont plus, vous pouvez vous poser certaines questions. Je me rappelle avoir vu des producteurs qui étaient vraiment en faveur du plan conjoint, par exemple, dans les naisseurs.

Vous avez ces gens-là qui, à un moment donné, se sont retrouvés devant la situation où ils ne pouvaient plus vendre leurs petits porcs. Il n'y avait plus de producteurs indépendants qui étaient finisseurs, ou pratiquement plus, et de toute façon ils étaient coincés.

On a tout simplement vu ces gens-là disparaître de la circulation, de nos assemblées et tout cela, pour être capables, parce qu'ils étaient pris, de se taire. Je n'ai jamais entendu dire que leurs truies avaient été vendues à tel ou tel intégrateur, mais on le sait et vous n'avez pas de preuve de cela. C'est le gouvernement qui a les moyens de faire cela. On a dénoncé des cas et on sait où ils sont; ils ne sont pas rien qu'un petit peu. Je peux vous dire que, dans Nicolet, il y en a énormément.

Je ne peux pas blâmer le cultivateur qui est pris à la gorge; il ne peut plus vendre ses cochons. Que voulez-vous qu'il fasse? Il passe ses truies à l'intégrateur. Il devient un salarié et il reçoit sa stabilisation, et il n'a pas le droit d'en parler non plus. S'il ne reçoit pas la statilisation, il n'est plus intégré non plus.

M. Baril (Arthabaska): C'est une des difficultés de la mise en place du plan conjoint, de l'application.

M. Gras: De l'application sans aucun doute.

M. Couillard: Est-ce que je pourrais vous poser une question au lieu de s'en faire poser? Avez-vous en main les contrats d'intégration avec une évolution?

Une voix: Dans les mains des fonctionnaires...

M. Couillard: Bien, la commission, je ne sais pas si on est en droit d'avoir ces contrats.

M. Picotte: Hier, on en a déposé quelques-uns, mais on n'a pas eu le temps de les scruter comme commission.

M. Couillard: C'est drôlement intéressant.

Le Président (M. Vallières): Au début des travaux, nous ne les avions pas. Cela a été déposé hier pour quelques-uns, dans quelques cas.

M. Couillard: Lorsque vous allez en prendre connaissance, vous allez trouver que c'est drôlement intéressant. Cela va quand même en donner une bonne idée. Est-ce que je peux expliquer quelque chose, M. le Président?

Le Président (M. Vallières): Je m'excuse, mais si on veut terminer.

M. Couillard: Juste trente secondes. Ce n'est pas un contrat qui a été déposé hier, il ne faut pas se tromper. C'est un avenant qui a été déposé et non un contrat. Je connais cela un contrat pour l'élevage du porc, je vous le garantis. Ce n'est pas un contrat qui a été déposé hier, c'est seulement un avenant, advenant un octroi fédéral ou provincial qui serait versé à l'intégrateur, soit une coopérative ou un intégrateur, un marchand de moulée, si vous voulez. Mais ce n'est pas un contrat. Il n'y avait pas de contrat comme tel hier.

Le Président (M. Vallières): Merci, pour la précision.

M. Picotte: ...j'ai demandé à mon collègue d'Arthabaska. Est-ce que j'ai bien entendu? Avez-vous dit que des cas que vous aviez eus avaient été référés au MAPAQ?

M. Gras: On en a référé quelques-uns. M. Picotte: Quel résultat avez-vous eu?

M. Gras: On n'a jamais eu de suite de cela.

M. Picotte: D'accord.

Le Président (M. Vallières): M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Dans votre mémoire, vous faites mention, également à la page 13, qu'il faut être très prudent - je résume vite - au niveau de l'aide pour les fermes à temps partiel, les agriculteurs à temps partiel. Pourriez-vous spécifier un peu? Pourquoi cette prudence et quelles seraient les conséquences d'une aide directe aux agriculteurs à temps partiel?

M. Gras: Je pense qu'il faut dire qu'on a toujours souhaité que l'agriculture soit un métier et qu'on y vive à temps plein. Au départ, si vous vous rappelez, il y a quelques années, tous les cultivateurs partaient avec de petites fermes. Aujourd'hui, c'est de plus en plus difficile de partir de ce côté. Où on a une certaine inquiétude, c'est de voir n'importe qui entrer en agriculture, recevoir des subventions et, en fait, que cela soit un peu une échappatoire. Ce sont des inquiétudes qu'on peut avoir et qui sont sérieuses. Mais ce qu'on pense qui devrait être étudié ensemble, c'est comment on entre en agriculture. Par exemple, je vais prendre des jeunes qui pourraient très bien... Je connais des exemples où le bonhomme a acheté une ferme, il fait des céréales, c'est un fils de cultivateur, mais il s'est acheté un camion pour essayer de se dépanner parce que les revenus de sa ferme n'étaient pas suffisants. Mais il ne peut pas avoir de crédit agricole. Alors, il paie 17% ou 18% à la Caisse d'établissement et il n'a aucune chance de se développer avec ce système. Alors, ce sont ces choses et on dit: Il faudrait qu'elles soient regardées. Comment peut-on donner une aide? Quel temps va-t-on donner pour s'établir? Jusqu'à quel point cela devient-il une ferme à temps partiel? Quelles sont les productions? On n'a pas de solution, mais il faut regarder cela attentivement.

M. Proulx (Jacques): Quand on parle de l'agriculture à temps partiel, il va falloir qu'il y ait des politiques d'accrochées à cela. Prenons l'exemple des aspirants agriculteurs, à l'heure actuelle, qu'on accepte, mais il n'y a à peu près pas de motivation d'accrochée, il n'y a à peu près pas d'aides d'accrochées à cela. Je pense que c'est dans ce sens qu'on en parle, les aspirants et les autres. Il existe certaines possibilités aujourd'hui. Je ne voudrais pas qu'on en vienne dans le débat à dire que nous, nous ne sommes pas fixés complètement sur l'agriculture à temps partiel de peur de perdre des membres. Écoutez, la base, c'est 3000 $. On n'a pas besoin d'être partiel bien longtemps pour produire 3000 $ brut. C'est juste parce que je ne voudrais pas qu'on entende le débat dans le sens que nous sommes craintifs pour cela. C'est une évolution et il faut qu'elle se fasse.

M. Baril (Arthabaska): Remarquez bien que ce n'est pas notre but non plus. À l'heure où on se parle, est-ce que vous avez identifié un ou deux ou quelques secteurs qu'on pourrait peut-être regarder plus attentivement pour aider la production à temps partiel? Est-ce que vous avez des secteurs d'identifiés actuellement?

M. Proulx (Jacques): Qu'on ait des politiques moins exigeantes dans la production d'agneau et mouton, peut-être dans la production de vache-veau. Je pense qu'on n'a pas au Québec... Arrêtons de penser qu'on est l'Ouest canadien, qu'on va avoir des troupeaux de 1000 bêtes. Il y en aura peut-être un ou deux au Québec, un ou deux producteurs de 1000 vaches-veaux, cela se peut. Ce serait bon qu'il y en ait un pour avoir une expertise de cela. Je suis persuadé que la production de vaches-veaux au Québec va se faire en très grande partie à temps partiel. Écoutez, par exemple, j'ai 50 vaches et veaux, j'ai le temps de faire autre chose, ne vous fatiguez pas. Cela est un genre d'agriculture à temps partiel et c'est cela qu'on devrait encourager au Québec. (12 h 45)

Si je veux en venir à 100, c'est le modèle, par exemple, allons-y avec le modèle. À 100, on a établi que c'était un modèle à temps plein, sauf que je suis heureux, avec autre chose à côté, avec 50

ou 25; c'est un apport pour l'agriculture et pour la collectivité. Tout le monde est heureux de même. C'est dans ce sens-là que je parle de ces productions, autant pour les agneaux et moutons que pour d'autres productions.

On pourrait penser de faire l'élevage du lapin où on n'a pas de techniques ni d'expertise et d'indiquer des élevages de je ne sais pas combien, mais ils vont tous crever. C'est la même chose pour la chèvre; c'est important qu'on en ait, mais on n'a pas toute l'expertise. Commençons graduellement, cela va évoluer et peut-être que, dans 20 ou 30 ans... Le laitier, au Québec, n'a pas toujours été ce qu'il est aujourd'hui. On a évolué graduellement et le monde s'y est fait; je pense que c'est dans ce sens-là. C'est ce qu'on a oublié dans les dernières années. On a voulu aller bien vite.

M. Baril (Arthabaska): C'est peut-être un dernier secteur que je voudrais toucher. Hier, pendant toute la journée, on a fait le procès de l'Office du crédit agricole du Québec. Comment l'UPA apprécie-t-elle le travail des fonctionnaires de l'office en région? Quand je dis en région, je veux dire au niveau local. Vos membres ont sans doute formulé des appréciations quelconques.

M. Proulx (Jacques): II y a de belles choses et de moins belles choses. Je veux dire qu'il y en a qui sont appréciés; il y a des bons et des pas bons. Je ne suis pas plus capable de faire le partage que tout à l'heure. Il y a des choses qui seraient gênantes à dire et qui se disent sur certains, mais il y en a d'autres qui travaillent très bien. Il ne faut pas généraliser. Il y a des gens très professionnels à l'office comme ailleurs. Il y a des régions où cela fonctionne très bien. Il y a des gens qui font leur boulot parfaitement. Pourtant, il y en a dans d'autres qui ont cochonné tout le monde et qui ont tout fait pour écoeurer des gens. C'est une réalité. C'est humain cela aussi et remarquez que cela ne se produit pas seulement à l'office; cela se produit dans n'importe quelle profession.

M. Baril (Arthabaska): Je suis d'accord et j'aime cela vous l'entendre dire parce que tous et chacun, nous sommes portés à généraliser. Avez-vous des personnes - je ne vous demande pas les noms - chez vous, avez-vous identifié des personnes dans certaines régions ou dans certains bureaux où certains fonctionnaires ont apprécié les démarches que certains agriculteurs faisaient ou que vous faisiez d'une façon, je dirais, peut-être arrogante ou quoi que ce soit? Y a-t-il des régions ou des bureaux d'identifiés ou des personnes?

M. Proulx (Jacques): À la confédération, on ne s'est pas rendu au point d'identifier les régions ou parties de régions où il y avait des difficultés. Les gens en discutent parfois entre eux, ils se le disent, mais cela serait plus une question à poser à nos responsables régionaux. Je ne suis pas capable de dire, en tant que confédération en tant qu'UPA en général, que telle région est plus pénalisée qu'une autre de ce côté.

M. Baril (Arthabaska): On faisait également mention hier - ce n'est peut-être pas à vous qu'il faudrait que je pose la question, mais, vu que vous êtes là, je vais en profiter - de certains appels téléphoniques que le président de l'office ferait à des heures assez avancées - s'il y a un fonctionnaire qui appelle quelqu'un à 23 heures ou à minuit, peu importe l'heure, au moins je m'en réjouis, parce qu'il y en a au moins quelques-uns qui travaillent passé 16 heures - est-ce vrai? Avez-vous entendu parler de cela au niveau de vos responsables régionaux et de vos présidents, c'est-à-dire que M. Moreau les appellerait pour différentes sortes d'interventions? Est-ce discuté?

M. Proulx (Jacques): Personnellement, je n'en ai jamais entendu parler. Il ne me téléphone pas parce que je n'ai pas de téléphone.

M. Baril (Arthabaska): Vous êtes chanceux.

M. Proulx (Jacques): La nuit. Je n'ai pas couru de risque.

M. Baril (Arthabaska): Ah, vous n'avez pas de téléphone la nuit!

M. Proulx (Jacques): La nuit; le jour, j'ai un appareil. Non, c'est peut-être une blague, mais il reste que je suis obligé de répondre non, je ne peux pas avancer cela. Encore là, s'il y a des gens ici... Ils sont libres de répondre.

M. Couillard: M. le Président, je peux répondre, si vous me le permettez. C'est bien sûr qu'au niveau des régions on est plus impliqués dans les dossiers des agriculteurs qu'au niveau de la confédération. C'est bien certain que j'ai aussi des contacts assez fréquents avec les bureaux régionaux, ceux de la région. J'ai deux bureaux de la région avec qui je fais affaires: Saint-Hyacinthe et Saint-Jean. C'est bien sûr que, pour les responsables de ces bureaux, chaque fois qu'on a travaillé à des dossiers, c'était professionnel. Je ne sais pas si cela se fait différemment avec les agriculteurs, mais, avec moi, c'était professionnel.

Je dois dire également qu'au niveau de l'Office du crédit agricole c'est certain que

je téléphone. Je ne me gêne pas pour le dire, je pense que c'est mon devoir de le faire, je le fais. C'est bien certain qu'il y a des retours, cela ne veut pas dire que le président... Chaque fois que je téléphone, c'est bien certain qu'on cherche toujours à communiquer avec le président. C'est bien sûr que souvent, c'est avec l'avocat, Mme Louis Simard ou d'autres, mais il est certain que, lorsqu'ils ne sont pas là, il y a des retours qui se font. Je dois vous dire quand même que les retours se font parce que mon numéro personnel à ma résidence est ouvert à tous les agriculteurs et à tous ceux qui veulent me téléphoner. Bien entendu, si l'appel se fait à 8 heures ou 9 heures, cela ne me dérange pas; qu'il se fasse le samedi ou le dimanche, cela ne me dérange pas non plus. Je peux vous dire qu'il y a des retours qui seront faits. C'est que moi-même j'ai placé des appels et non pas parce que lui veut me téléphoner. Quand je veux avoir des appels, je lui demande de me téléphoner à n'importe quelle heure, n'importe quand. À ce moment, les appels sont souvent à des heures en dehors des heures de travail et également en dehors des journées de travail.

M. Baril (Arthabaska): Au sujet des aspirants agriculteurs, parce qu'on sait que la relève, ce n'est pas parce qu'il n'y en a pas aujourd'hui, mais il y a une énorme difficulté pour ceux qui veulent acheter des fermes, est-ce que l'Union des producteurs s'est penché sur la définition des mots "aspirant agriculteur"? On sait les problèmes que moi je vis, en tant que député, au niveau des aspirants agriculteurs, c'est-à-dire de la définition des mots "aspirant agriculteur". Il y a des fils ou des filles d'agriculteurs qui vont louer une ferme pour un an, deux ans et, parce qu'ils ont loué cette ferme, ils ne sont plus reconnus par l'office comme aspirants agriculteurs. Est-ce que vous avez fait des démarches, que vous avez étudié ce problème?

M. Proulx (Jacques): Oui, on a une fédération - vous vous rappelez la relève agricole? - qui est à l'intérieur de nos choses et qui fait un travail énorme de ce côté. Elle doit même être à préparer de nouveaux critères parce que comme on l'a dit plus tôt, il faut s'adapter continuellement au rythme d'évolution et elle a fait un travail dans cela qui sera connu bientôt. Certainement que nous aurons beaucoup de choses à dire, à partir du travail et des recherches que ces gens ont faits, par les propositions que nous ferons lors de la refonte du crédit agricole. On est à préparer tout ce qu'on aura à dire et à proposer sur cela et cela en sera certainement un des éléments parce que c'est important.

M. Baril (Arthabaska): Dernière question, M. le Président, si vous me permettez. L'un des buts de cette commission était d'abord d'étudier les dossiers des grévistes de la faim de Saint-Cyrille tels qu'ils étaient identifiés. Il y a certains membres dirigeants de l'UPA qui ont appuyé ce mouvement ou cette attitude au niveau de la grève de la faim. Malheureusement, j'ai fouillé dans mes papiers, mais je ne l'ai pas trouvé. Entre autres, il y a le président de la région de Sherbrooke qui a appuyé d'une façon assez vive cette façon d'agir du mouvement de survie pour les agriculteurs et de la cour des miracles de faire en sorte qu'on ait cette grève de la faim. Est-ce que cela reflétait l'idée générale de l'UPA ou bien si c'était à titre personnel qu'il l'a fait?

M. Proulx (Jacques): II faudrait dire au départ qu'il n'a pas appuyé entièrement cela. Il a appuyé un certain nombre de demandes des grévistes de la faim et un certain nombre de ces demandes sont mentionnées dans nos textes et un peu partout.

Je voudrais aussi rappeler que notre organisme est démocratique et que nos membres gardent leur unité de pensée, c'est important.

M. Baril (Arthabaska): Je ne reproche pas à M. Blais d'avoir pris position.

M. Proulx (Jacques): II reste quand même qu'il y a une nuance à apporter. Il a appuyé un certain nombre de demandes qui avaient été faites qui sont évidentes et qu'on n'a jamais arrêté de demander et de crier.

M. Baril (Arthabaska): Une dernière question. Hier, en prenant connaissance des dossiers, on s'apercevait que, lorsque l'office ou la société, ou encore une institution prêteuse, venait pour s'approprier ou plutôt reprendre les biens qui avaient été donnés en garantie pour toutes sortes de prêts consentis, certains de ces biens étaient disparus ou s'étaient envolés de différentes façons. Pourriez-vous nous expliquer un peu les répercussions que cela pourrait avoir sur le financement futur des institutions financières, sur l'ensemble des agriculteurs, si ce mouvement s'intensifiait dans tout le Québec et dans tout le pays? Ni les institutions prêteuses ni l'office ne pourraient plus se fier et reprendre un bien pris en garantie. Qu'est-ce qui arriverait, pensez-vous?

M. Proulx (Jacques): Cela pourrait devenir dangereux. C'est justement, cela presse de trouver des correctifs pour éliminer les faillites le plus possible. Alors, ces choses-là n'arriveront pas.

M. Beauséjour: M. le Président...

Le Président (M. Vallières): M. le député d'Iberville.

M. Beauséjour: À la page 5, vous faites état qu'en 1981 il y avait 48 144 fermes. Dans le document que M. Boucher nous a donné hier, on reproduit un tableau de Statistique Canada où c'est le même nombre, 48 144. On dit que les grandes fermes de plus de 250 000 $ sont au nombre de 741, les fermes moyennes de 40 000 $ à 250 000 $ sont au nombre de 11 904 et les petites fermes de moins de 40 000 $ sont au nombre de 35 499. On sait que, pour être reconnu pour un prêt à l'Office du crédit agricole, il faut avoir une ferme qui est rentable. Ce que M. Boucher indique: "Selon ce tableau, selon la définition d'un agriculteur en vertu de la Loi sur le crédit agricole, plus de 75% des agriculteurs du Québec ne sont pas éligibles à un prêt de l'Office du crédit agricole puisqu'un exploitant agricole au sens de la loi de l'OCAQ est toute personne physique dont l'agriculutre est la principale occupation. Pour répondre à cette définition, il faut en toute logique vendre pour plus de 50 000 $ de produits agricoles puisque le revenu net engendré par la vente de ces produits agricoles serait d'environ 15 000 $ avec au moins la moitié qui irait en paiement à l'office." De là à conclure qu'il faut une ferme rentable pour être reconnu par l'office et, si 75% ne sont pas admissibles, on pourrait dire que, sur les 48 000 fermes, 75% d'entre elles ne sont pas rentables. Qu'en pensez-vous? Quel serait le nombre de fermes rentables au Québec?

M. Proulx (Jacques): On va y aller avec des chiffres.

M. Côté (François): On ne l'a pas calculé. La réponse à cette question dépendra de la place faite à l'agriculture à temps partiel. Il est certain que... Les chiffres que vous citez ont des conséquences inévitables. Si on veut développer des entreprises rentables à temps plein, si c'est ce vers quoi on tend, il y aurait une élimination considérable. Un grand nombre des fermes recensées n'ont pas le revenu brut pour procurer le revenu net qui ferait vivre à temps plein. Cela pose la question de l'agriculture à temps partiel. On peut l'aborder de bien des façons. Ce qui se dégage des choses qu'on a dites aujourd'hui... Ce n'est pas nécessairement pour préserver le nombre de fermes, mais pour que cela ait un sens, que ce soit rentable, qu'on épargne plus et qu'on considère plus sérieusement la possibilité de produire à temps partiel qu'on ne l'a fait jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Vallières): Je m'excuse auprès du député d'Iberville et d'autres intervenants, mais il me faudrait le consentement unanime des membres si on veut continuer. J'aimerais qu'on m'indique, pour la bonne organisation de nos travaux, le temps qu'on s'allouerait si nous le dépassons.

M. Dupré: Je vous demanderais dix minutes, M. le Président. (13 heures)

M. Picotte: On a convenu ensemble, des deux côtés, qu'on pouvait accorder dix minutes additionnelles au cas où il y aurait des questions de la part du député de Saint-Hyacinthe et du député de Berthier, ce qui terminerait aussi les questions que je veux poser. Vous avez déjà la parole. On n'a pas l'intention de vous l'enlever.

Le Président (M. Vallières): Donc, nous convenons de 20 minutes réparties également entre les deux formations politiques. M. le député d'Iberville.

M. Beauséjour: Je reste quand même avec mon interrogation au niveau du nombre de fermes qu'on peut considérer rentables. En tout cas, vous semblez dire que la solution des fermes à temps partiel peut assurer plus de fermes rentables, mais vous n'avez pas de chiffres au niveau des fermes rentables du côté de l'UPA.

M. Proulx (Jacques): Non, parce que cette année, cela peut être un certain nombre de fermes rentables, mais, l'année prochaine, il peut y en avoir plus ou moins. On vous l'a dit tout à l'heure, dans certaines productions, c'est une partie et ensuite il y a aussi ce qu'on lance dans le débat des fermes à temps partiel, comme François vient de le dire ici.

M. Beauséjour: Je prends votre document à la page 11, quand vous parlez de la différence entre 1970 et l'évolution récente: "il faut collectivement amplifier les efforts vers une meilleure efficacité technique et économique des fermes." Et je reviens aussi à la page 18 où on dit: "Nous sommes conscients qu'une bonne partie du problème relève de l'emprunteur." Mais vous avez aussi - on peut le dire - fait un portrait; cela ne dépend pas seulement de lui, mais un peu de tout le monde. Parfois, il manque d'expertise, il manque d'expérience et le reste. Vous n'avez pas fait état de l'importance d'augmenter les connaissances au niveau des producteurs, c'est-à-dire s'il faut suivre des cours et quel est l'intérêt des producteurs de se perfectionner, soit en suivant des cours... Est-ce que les services qui sont donnés au niveau des cours - je sais qu'il y a maintenant des cours par correspondance, tout ce qui peut aider à ce niveau - sont adéquats ou si cela devrait être amélioré?

M. Proulx (Jacques): Je réponds tout de suite à la deuxième question. Ils ne sont pas adéquats et ils peuvent certainement être améliorés. La première question, c'est qu'on n'a aucune objection à ce qu'il y ait des incitatifs en plus de notre formation, parce que je pense que c'est tout cela qu'on va combler. Quand on parle de gestion, quand on parle de comptabilité, cela comprend le fait d'avoir aussi des connaissances, mais, jusqu'à aujourd'hui, avec les règlements qui existent, on ne tient pas compte de ta formation. Il va probablement falloir à l'avenir tenir compte de cette partie avec les autres facteurs, qu'il y ait un facteur... Cela entre dans l'expertise que tu possèdes. Cela peut combler une partie de ton manque d'expérience et ainsi de suite, mais il va falloir en tenir compte quelque part et l'encourager.

M. Beauséjour: Je sais que, dans un cours général, ils en tiennent compte. Quelqu'un qui veut retourner aux études... Je connais même des gens de 50 et de 54 ans qui sont retournés aux études. Ils ont passé des examens et on leur donne des équivalences. Vous semblez dire qu'au niveau des producteurs agricoles cela ne se fait pas.

M. Proulx (Jacques): Je veux dire qu'on n'en tient... Quand on vient pour faire un prêt, que je sois un agronome ou que j'aie une douzième année, je ne pense pas - en tout cas, pas à ma connaissance, on me corrigera - qu'on tienne compte de cela pour me prêter un peu plus ou un peu moins. C'est dans ce sens que votre question était posée: Est-ce que, dans l'avenir, on devrait tenir compte de cela?

M. Beauséjour: Oui, c'était...

M. Proulx (Jacques): Est-ce qu'on devrait faire un effort de ce côté-là?

M. Beauséjour: Cela peut être dans ce sens-là, mais c'était aussi: Est-ce qu'au niveau des producteurs - je sais qu'il y a une augmentation de la scolarité au niveau des producteurs - il y a une sensibilisation que vous trouvez assez forte à ce niveau et au niveau des services ou au niveau des cours qui sont donnés pour réaliser qu'il peut y avoir de l'amélioration?

M. Proulx (Jacques): L'expérience, aujourd'hui, avec la capitalisation qu'il faut faire, n'est plus suffisante. Je pense qu'on a à développer - il se développe - cet esprit chez nos producteurs agricoles.

M. Beauséjour: Entre autres, il y a des syndicats de gestion...

M. Proulx (Jacques): Ah oui! Dans...

M. Beauséjour: ...qui font partie de mon comté. Je suis heureux que cela se soit propagé parce que j'ai vu le bienfait que cela produisait au niveau du syndicat de gestion.

J'arrive à la page 14, un, deux, trois, quatrième paragraphe. Je dirais que cela touche aussi l'ensemble des responsabilités des uns et des autres. Vous dites: "Nous croyons, quant à nous, que la situation de l'agriculture est tellement particulière à toutes sortes de points de vue qu'il est désirable que l'agriculture soit financée par des institutions spécialisées dans l'agriculture..." Cela laisse presque supposer, j'imagine, un manque de spécialisation au niveau des institutions. Lesquelles? Les caisses? Les banques? L'office?

M. Proulx (Jacques): En fait, je pense qu'on réitère ici l'importance d'avoir un organisme comme l'office qui est spécialisé en agriculture. C'est ce qu'on dit aujourd'hui, ce qu'on réaffirme et, en même temps, c'est bien évident, et on est tous à même de le constater, que les banques et les caisses ont fait un effort depuis quelques années. Cet effort doit continuer en vue de se spécialiser et de se donner des gens qui connaissent vraiment l'agriculture pour pouvoir s'impliquer encore davantage. En fait, cela existe et on dit: C'est essentiel que cela continue de se développer.

M. Beauséjour: D'accord.

M. Blanchette: Il faut mettre ce paragraphe en relation avec le précédent qui dit: Est-ce qu'on doit faire financer l'agriculture par les caisses et les banques ou par les institutions privées? Nous, on dit: C'est préférable à cause des particularités de l'agriculture. C'est désirable que ce soit fait par des institutions spécialisées en agriculture en collaboration avec les institutions privées.

M. Beauséjour: Merci.

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. le député de Berthier.

M. Houde: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au président ou à un autre. Est-il vrai qu'il existe encore, pour avoir un prêt ou un crédit à l'Office du crédit agricole du Québec, certains fonctionnaires qui demandent des contrats d'intégration? Peu importe le secteur, soit dans le secteur du barbecue, de la poule pondeuse, du boeuf ou du porc ou dans le secteur laitier. Enfin, dans le secteur laitier, c'est plutôt rare parce qu'on ne voit pas ce secteur intégré. Mais les autres?

M. Proulx (Jacques): Non. Je suis obligé

de donner la même réponse que celle que j'ai donnée tout à l'heure. À ma connaissance, je ne le sais pas. Je n'ai pas de cas à vous citer.

M. Houde: Personne ne peut me répondre non plus à savoir si cela a déjà existé ou si cela existe encore.

M. Proulx (Jacques): Que cela ait déjà existé, on vous l'a dit tout à l'heure. De nos membres...

M. Houde: Vous n'êtes pas au courant si cela existe encore.

M. Proulx (Jacques): Non.

M. Houde: Voici ma deuxième question. Pour aller dans le même sens que celui du député de Roberval tantôt, lorsqu'il parlait des agronomes qui allaient visiter les cultivateurs et comme on a dit hier que c'étaient plutôt des personnes qui vendaient des programmes, est-ce que, depuis un certain temps - je ne dirais pas depuis trois ou quatre ans - depuis quelques mois, peut-être un an, les agronomes sont moins au service des agriculteurs qu'ils ne l'ont été par le passé? Deuxièmement, est-ce qu'il y aurait moins d'agronomes qui seraient plus près des agriculteurs qu'ils ne l'étaient? Je veux dire sur le terrain. Dans les bureaux aussi, si vous voulez.

M. Proulx (Jacques): C'est certain qu'il y a un certain nombre de nos dirigeants qui soulèvent cette question à l'heure actuelle et, particulièrement, avec toute la transformation qui se fait actuellement au ministère, dans les bureaux régionaux, etc. On a souvent des plaintes révélant que les services ont diminué. À quel rythme? Je ne suis pas capable de vous le dire...

M. Houde: Non, ce n'est pas nécessaire.

M. Proulx (Jacques): ...mais on sait qu'il y a une transformation qui se produit à l'heure actuelle. Plusieurs de nos présidents ont fait des représentations et viennent avec des demandes très précises pour que l'union fasse globalement des pressions. Je suis persuadé qu'on aura d'autres pressions cet automne, lors de notre congrès, pour garder précisément le personnel et les services les plus disponibles possible aux cultivateurs.

M. Houde: En un mot, c'est qu'il y en a moins qu'il n'y en avait. Mon autre question s'adresse à M. Couillard. Vous avez parlé tantôt des dossiers que vous étudiez, les gens vont vous voir ou encore l'UPA va voir les personnes ou peu importe. Est-ce que les dossiers que l'office avait refusés et que vous avez examinés par la suite ont été quand même refusés ou s'ils ont été acceptés par la suite? Sans vous demander la quantité, est-ce qu'il est arrivé de temps en temps que vous ayez fait des démarches auprès de l'office pour que ce dernier change d'idée pour dire: D'accord, on va donner notre accord?

M. Couillard: Bien sûr, quand on trouve des éléments nouveaux qui permettent de trouver une rentabilité à l'intérieur de cela, le dossier est réacheminé positivement à Québec. C'est bien sûr.

M. Houde: Mais est-ce que vous voulez dire par là que...

M. Couillard: Ce que je veux dire, c'est que, s'il n'y a pas d'éléments...

M. Houde: S'il n'y a pas d'éléments nouveaux...

M. Couillard: Quand on reprend le dossier et qu'on est capable, à la lumière de toutes les données qui existent actuellement, de trouver des éléments nouveaux, cela veut dire qu'il peut y avoir des changements au point de vue économique, que les prix peuvent monter et qu'il peut y avoir quand même une rentabilité qui aidera le gars à améliorer son sort s'il peut ajouter 50 arpents à sa terre ou s'il vend un tracteur qu'il a en trop et dont il peut se passer. Ainsi, il n'aura pas besoin de rembourser les intérêts et le capital là-dessus. On essaie de regarder un dossier sur des points comme ceux-là pour tâcher de rendre ces éléments positifs. À ce moment-là, il est acheminé favorablement, c'est bien sûr.

M. Houde: Autrement dit, s'il n'y a pas d'éléments nouveaux, c'est un non qui se répète.

M. Couillard: II faut trouver des éléments nouveaux. Quand on regarde l'ensemble, on essaie quand même de les trouver. L'agriculteur doit alors se plier à certaines contraintes. Parfois, cela arrive. C'est bien beau. Par exemple, moi, chez nous, j'aimerais peut-être bien avoir une batteuse de 135 000 $. Mais je me contente d'autre chose. Il y a des choses qu'il faut considérer tous ensemble.

M. Houde: Merci beaucoup. J'ai terminé.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: Merci, M. le Président. Pour favoriser l'agriculture à temps partiel dont je parlais tantôt, est-ce que l'UPA est prête à ce que l'office prête à des gens pour qui

l'agriculture n'est pas l'emploi principal ou à temps plein?

M. Proulx (Jacques): La question est là et il faut la débattre. On va la débattre. Cela fait déjà un certain...

M. Oupré: Au moment où on se parle.

M. Proulx (Jacques): Je suis obligé de dire non et oui. Je ne suis pas capable de vous répondre là-dessus. Je ne peux pas dire: Non, on n'est pas prêt, parce que...

M. Oupré: Dans le communiqué de l'UPA qui demande un sommet économique, on lit: "L'UPA, réunie en conseil général, s'est refusée à endosser sans nuance l'analyse que les grévistes font de la situation actuelle." Dans la Terre de chez nous, on lit: "M. Gras se dit d'accord avec une commission. Il partage le point de vue des grévistes de la faim concernant un moratoire sur les saisies tant que l'on ne connaîtra pas les conclusions de la commission parlementaire." Il y a déjà un certain temps, un projet de loi a été déposé au gouvernement fédéral qui contenait l'arrêt des saisies lorsque la ferme n'était plus rentable. Est-ce que vous êtes intervenu à ce moment-là sur ce projet de loi?

M. Proulx (Jacques): Sur le projet de loi, le concordat, etc.? C'est énorme, les démarches qu'on a faites avec la Fédération canadienne de l'agriculture, qui regroupe tous les organismes des provinces, auprès de nos députés et ministres fédéraux; on est revenu souvent à la charge. On a fait énormément de démarches et on sait que c'est devenu le projet de loi C-17 qui est mort pour la nième fois au feuilleton. On continue. La Fédération canadienne de l'agriculture continue à travailler dans ce sens.

M. Dupré: Je voudrais entendre M. Gras sur un arrêt des saisies et le comportement des offices prêteurs. Vous avez, d'après l'article que j'ai cité, endossé... Je pense que c'est important. Je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Gras: En fait, je pense que c'est un peu brutal de parler d'arrêt de saisies comme cela. Je pense qu'on devait trouver un moyen - et on le réclame aujourd'hui dans notre document - pour que l'office, ou n'importe quel organisme qui mettrait un cultivateur en faillite, soit obligé d'aller devant une espèce de comité ou de commission - appeliez cela comme vous voudrez - pour examiner tous les moyens et examiner aussi la façon dont va se faire la liquidation. Je pense qu'il y a vraiment un travail à faire. Si vraiment il y a quelque chose au bout, on devrait être capable de trouver des solutions. Il y a des saisies qui ont été faites où on a laissé faire les organismes prêteurs sans regarder plus loin et où l'office aurait pu intervenir pour les empêcher de le faire. Mais il y avait des droits: la banque protégeait ses biens, etc. Je comprends qu'elle a le droit de protéger ses biens. Mais on aurait pu se mettre devant une table pour essayer de trouver ensemble des solutions. On sait comment cela s'est passé dans certains cas où, du fait d'un manque de marge, on a tout simplement vendu des animaux à des prix absolument dérisoires. La ferme est restée là; l'Office du crédit agricole a encore la ferme entre les mains et même le producteur l'a dans certains cas. Elle n'est même pas encore saisie. Je trouve que c'est vraiment... On aurait dû faire un effort de ce côté et on ne l'a pas fait.

Le Président (M. Vallières): Je m'excuse auprès des intervenants. Il nous reste environ trois minutes et, si je veux respecter le droit de parole du député de Maskinongé, il faudrait faire le plus brièvement possible pour la dernière question.

M. Dupré: J'ai une dernière question très courte. Tantôt, on a parlé des chèques qui arrivaient et qui devaient être versés... Vous avez dit qu'il y avait quelques cas dans le comté de Nicolet qui avaient été référés au MAPAQ?

M. Gras: Oui.

M. Dupré: Vous n'avez pas eu de réponse. Est-ce que c'est un ou deux cas? Pouvez-vous être un peu plus précis?

M. Gras: Lors d'une rencontre avec le ministre, je lui ai donné verbalement deux noms en particulier.

M. Dupré: Deux noms en particulier. Il n'y a pas eu de dossier là-dessus?

M. Gras: Pas à ma connaissance.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci, M. le Président. Je voudrais simplement faire remarquer que, dans une entrevue en août 1984, dans la revue Le Banquier - on parlait de concordat tantôt - le ministre de l'Agriculture disait: "Le Québec n'a pas marché avec le projet de loi fédéral qui prévoyait d'interdire la saisie des biens quand l'entreprise n'était plus rentable. Nous n'avons pas emboîté le pas car le prêteur a besoin d'avoir des garanties." Est-ce que vous avez fait des démarches auprès du ministre de l'Agriculture pour essayer de le convaincre

du contraire?

M. Proulx (Jacques): Non.

M. Picotte: Non. J'imagine que vous vous proposez d'en faire.

M. Proulx (Jacques): On propose des choses concrètes qui touchent le provincial. On a fait nous-mêmes nos démarches à Ottawa. On n'a pas demandé au ministre de nous appuyer parce qu'il y avait des urgences.

M. Picotte: Comme il ne semble pas convaincu de la même façon que vous autres j'imagine que vous allez sûrement lui soumettre, à un moment donné, un mémoire de vos doléances ou de votre prise de position.

M. Proulx (Jacques): C'est une bonne suggestion.

M. Picotte: Ce serait souhaitable. M. le Président, vous me permettrez, au nom de mon groupe et aussi au nom de la commission, de remercier les dirigeants de l'UPA et tous ceux qui se sont déplacés pour cet échange fructueux que nous avons eu ce matin, en espérant que des correctifs pourront être apportés, toujours pour le mieux-être de la classe agricole.

Le Président (M. Vallières): Je veux remercier aussi les représentants de l'Union des producteurs agricoles, et indiquer aux membres de la commission et aux différents intervenants que nous recommencerons nos travaux cet après-midi avec la comparution de l'Office du crédit agricole, à 15 heures.

La commission suspend donc ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 17)

(Reprise de la séance à 15 h 8)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux.

Nous avions convenu, à la fin de nos travaux de cet avant-midi, de procéder à la comparution de l'Office du crédit agricole. La comparution comportera une heure d'exposé et deux heures d'échanges avec les membres de la commission suivront.

Je demanderais à M. le secrétaire de procéder à l'assermentation de M. le président de l'Office du crédit agricole.

M. Moreau (Camille-G.): Je, Camille-G. Moreau, jure que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président (M. Vallières): M. Moreau, vous pouvez commencer votre exposé.

L'OCAQ

M. Moreau: M. le Président, en premier lieu je voudrais remercier la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation pour l'occasion qu'elle nous offre de présenter le point de vue de l'Office du crédit agricole du Québec en regard de la situation de ses emprunteurs en difficulté financière et, particulièrement, en ce qui concerne les dossiers des sept agriculteurs qui ont récemment fait la grève de la faim.

Notre participation aux travaux de la commission contribuera - j'espère - à apporter un éclairage factuel et objectif, permettant ainsi de faire contrepoids aux affirmations et aux thèses de toutes sortes qui ont été véhiculées sur la place publique en marge de ces dossiers.

Jusqu'ici notre contribution aux travaux de la commission s'est concrétisée par la mise à sa disposition, en premier lieu, d'une copie intégrale de chacun des dossiers des agriculteurs impliqués; en deuxième lieu, d'un sommaire desdits dossiers pour chacun des membres de la commission accompagné d'un dossier synthèse sur la Cour des miracles des cultivateurs et le Mouvement pour la survie des agriculteurs et, enfin, d'un dossier de références relatif au régime québécois de financement agricole et forestier pour chacun de membres de la commission.

Avec votre permission, M. le Président, je m'emploierai dans un premier temps à définir le rôle de l'Office du crédit agricole du Québec dans le cadre du régime québécois du crédit agricole et d'en définir le fonctionnement tant pour le traitement d'une demande d'emprunt que pour le suivi des prêts, pouvant même déboucher, le cas échéant, sur la réalisation des garanties. Dans un deuxième temps, j'aborderai la situation de nos emprunteurs en difficulté financière, particulièrement des ex-grévistes de la faim, pour, enfin, faire le point sur la Cour des miracles des cultivateurs et le Mouvement pour la survie des agriculteurs.

Rôle et fonctionnement de l'Office du crédit agricole dans le cadre du régime québécois de financement agricole. Le rôle de l'office. Même si l'office s'avère probablement l'un des doyens des organismes gouvernementaux au Québec, son existence remontant au mois de novembre 1936, il n'a pas pour autant perdu son souci d'adaptation à la réalité agricole, particulièrement au cours des dernières décennies.

En 1969, en 1972, en 1975 et en 1978 furent successivement modifiées les trois lois de financement agricole existantes, la Loi du crédit agricole, la Loi du prêt agricole et la Loi de l'amélioration des fermes, cependant

que de nouvelles lois ont vu le jour, soit la Loi favorisant la mise en valeur des exploitations agricoles qui prévoit des subventions à l'établissement et à l'agrandissement, en 1969; la Loi favorisant le crédit à la production agricole, marge de crédit à court terme et la Loi favorisant un crédit spécial pour les producteurs agricoles au cours de périodes critiques, crédits spéciaux, en 1972; la Loi sur le crédit forestier, prêts à moyen et à long terme, en 1975; la Loi favorisant le crédit agricole à long terme par les institutions privées, prêts à long terme, et la Loi sur l'assurance-prêts agricoles et forestiers, en 1978; la Loi visant à créer une banque de terres arables pour l'achat, la vente et la location de terres, en 1979; la Loi favorisant l'établissement de jeunes agriculteurs, en 1982, et, enfin, la Loi favorisant le crédit forestier par les institutions privées, en 1983, alors qu'une refonte du régime actuel de financement agricole s'avère imminente.

Qu'il suffise en outre de mentionner qu'au-delà de 350 000 prêts de toutes sortes ont été consentis ou autorisés, selon le cas, par l'office dans le cadre du régime québécois de financement agricole depuis son existence pour un montant de 3 600 000 000 $. Nous soulignions, le 18 septembre dernier, la 5000e assemblée du bureau de direction de l'office. L'encours des prêts s'établit présentement à 1 600 000 000 $ alors que les montants de subvention d'intérêt sur ces prêts pour les six derniers exercices de l'office, incluant l'exercice en cours, sont de 515 000 000 $.

Essentiellement, l'office vise à favoriser le développement des entreprises agricoles par le biais de la ferme familiale et leur fonctionnement optimal en s'inscrivant dans la poursuite des objectifs définis par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, en concertation avec les agents du milieu.

Il n'appartient donc pas à l'office de faire de la promotion, de mousser des projets, mais bien de procéder à l'analyse des projets qui lui sont soumis, d'en évaluer l'impact et la faisabilité et de voir à leur financement lorsque c'est possible.

Il est donc tout à fait fantaisiste de laisser entendre, comme on l'a fait récemment, que l'office incitait les agriculteurs à emprunter. L'office constitue en quelque sorte une banque spécialisée en matière de financement agricole et doit rigoureusement répondre à des impératifs d'ordre économique.

En somme, l'office constitue le dossier du requérant en ce sens qu'il procède à l'expertise complète en vue de l'émission du certificat, qu'il évalue les biens pouvant être offerts en garantie, qu'il jauge le candidat, apprécie le risque, vérifie la structure financière pour enfin émettre un certificat sur la foi duquel le requérant peut obtenir un prêt auprès de l'institution de son choix. L'office verse au surplus la contribution gouvernementale au paiement de l'intérêt et assure le bon fonctionnement du régime.

De son côté, le prêteur autorisé consent le prêt dans les limites établies sur le certificat et assure l'administration normale du prêt. La réalisation du prêt en cas de défaut peut même être confiée à l'office par le prêteur.

Pour sa part, le fonds d'assurance-prêts agricoles et forestiers assure tous les prêts contre toute perte de capital et d'intérêt que pourraient éventuellement subir les prêteurs autorisés.

Ce fameux Tandem permet de réaliser une véritable synthèse entre l'État et les institutions privées dans le développement d'une ressource vitale qu'est l'agriculture au Québec; expérience qui nous permet de réaliser également une synthèse entre l'institution spécialisée que constitue l'Office du crédit agricole du Québec et les institutions tous services que représentent nos partenaires au dossier. Une synthèse, enfin, entre le secteur des banques à charte et celui de la mutualité, principalement représentée par les caisses d'épargne et de crédit.

Fonctionnement de l'office. D'abord, dans le cheminement d'une demande d'emprunt. Il m'apparaît important au départ de décrire le cheminement d'une demande d'emprunt depuis son acceptation jusqu'à l'émission du certificat. Au niveau local, le conseiller en financement agricole procède à l'expertise complète sur la ferme du requérant et formule une recommandation; le directeur régional, sur le plan de la région, prend connaissance du dossier et formule sa recommandation; au siège social, la division de la révision de la Direction du financement agricole procède à une révision technique du dossier; le directeur de la DFA ou l'un de ses adjoints prend également connaissance du dossier et formule sa recommandation, deux régisseurs, membres du bureau de direction de l'office, examinent à leur tour le dossier et y apposent leur signature; enfin, le bureau de direction statue sur la demande au cours de son assemblée quotidienne.

J'ai apporté quelques exemplaires des rudiments d'un dossier pour illustrer simplement... Les membres de la commission ont des exemplaires du même genre dans leur dossier. Je pense qu'il est bon de mentionner quand même comment on procède. Il y a la signature de notre conseiller en financement, le commentaire et la signature de notre conseiller régional; il y a ensuite l'analyse faite par le directeur et la direction du financement agricole et sa signature à la suite de la révision technique dont je vous parlais. Finalement, vous avez les deux régisseurs qui apposent leur

signature en bas du dossier. Enfin, après ce cheminement, le bureau de direction statue sur la demande à savoir s'il l'accepte ou la refuse.

J'ai malheureusement omis ceci: je pense qu'on pourrait ajouter, au niveau du cheminement du dossier, la partie de l'évaluation. Dans un dossier, l'évaluation se fait avec la même rigueur par des spécialistes pour éviter l'arbitraire suivant une technique très particulière, suivant des cours qui sont donnés en collaboration avec l'Université Laval, une discipline fort rigoureuse. Ce n'est pas de l'improvisation; dans chacun des dossiers, vous avez trois données comparables qui permettent d'établir la valeur de la ferme sur une base strictement scientifique.

Les diverses étapes franchies dans le cheminement d'une demande offre à nos yeux une garantie contre l'arbitraire et le discrétionnaire tant à l'endroit de ceux qui traitent la demande qu'à l'endroit des requérants eux-mêmes.

Critères d'admissibilité: II m'apparaît également important de souligner les critères d'admissibilité à un prêt dans le cadre des diverses lois de financement agricole. Le requérant doit d'abord démontrer le besoin du prêt et, s'il dispose de ressources suffisantes, il sera appelé à recourir prioritairement à ses ressources de sorte que le prêt qui peut lui être consenti ne vient alors que combler ses besoins de crédit.

L'occupation principale constitue également un critère pour être admissible à un prêt agricole. Il s'agit du fait pour une personne de consacrer la majeure partie de son temps à son exploitation agricole, d'en tirer la plus grande part de son revenu, d'y contrôler l'emploi de son temps et l'ensemble de ses décisions et d'être reconnu dans son milieu comme s'adonnant principalement à l'agriculture.

La rentabilité prend également une place importante dans l'évaluation d'un projet. Pour les fins de nos prêts, la ferme rentable est la ferme susceptible de produire, compte tenu de l'ensemble de ses ressources, un revenu permettant à celui qui l'exploite d'en acquitter les frais d'exploitation, y compris l'entretien et la dépréciation, de remplir ses obligations et de faire vivre sa famille convenablement.

Pour apprécier cette rentabilité, on déduit les dépenses prévisibles des revenus anticipés dont le résultat, après avoir permis d'assumer les paiements annuels sur tes prêts, donne un solde agricole disponible qui, ajouté aux revenus provenant d'autres sources que de l'exploitation, constitue le revenu net duquel on déduit les frais de subsistance. Ce calcul de la rentabilité est étroitement relié - cela va de soi - à la mise de fonds et à l'avoir net du requérant. Je pourrais ici encore illustrer par un exemple. Le revenu, en l'occurrence 47 100 $; le montant des dépenses, 29 900 $; ce qui donne un excédent de 17 200 $. Il y a des paiements annuels de 4772 $, ce qui signifie ce qu'on appelle un solde agricole disponible de 12 428 $; les revenus d'autres sources, en l'occurrence ce sont les améliorations familiales et les allocations d'autres sortes, sont de 3555 $; ce qui donne un revenu net de 15 983 $ pour payer un coût de vie de 10 000 $. Vous avez le cheminement. C'est mathématique. Il n'y a pas d'arbitraire là-dedans. C'est factuel à partir des chiffres fournis par l'agriculteur.

Il reste la capacité de remboursement qui constitue un critère essentiel, une condition sine qua non au consentement d'un prêt, faute de quoi nous serions en présence d'une subvention déguisée. C'est là du reste une règle d'or dont ne saurait déroger un prêteur sérieux dans quelque secteur d'activité qu'il se trouve.

Je me permettrai d'ajouter que les coûts de production qui nous servent de guide dans le calcul de la rentabilité sont établis par un comité quadripartite composé de spécialistes du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, de l'Office du crédit agricole du Québec, de la Société du crédit agricole Canada ainsi que de la faculté de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval, comité doté d'une structure permanente et des effectifs nécessaires pour assurer le suivi et la mise à jour continue desdits coûts qui sont, finalement, consignés dans un recueil communément appelé le "Recueil des données technico-économiques". Chacun des organismes désigne, pour chacune des productions, les ressources les plus compétentes et les plus rompues avec les exigences des productions concernées, avec le résultat que les données en question collent vraiment à la réalité. En. fait, ce sont les données du vécu que nous observons dans l'ensemble des dossiers.

Il s'agit là, bien sûr, d'indications en ce sens que ces données peuvent subir des ajustements lorsque les requérants démontrent une performance au-delà de la moyenne ou encore que des impératifs régionaux commandent un "différentiel".

Les critères énoncés jusqu'ici sont en règle générale quantifiables et permettent passablement de rigueur. C'est une tout autre chose que d'évaluer un candidat à un prêt agricole. Nous sommes confrontés avec la complexité de l'humain. Même si nous ne pouvons pas recourir à des critères nous permettant d'apporter un jugement indéfectible, nous en retenons quand même quelques-uns susceptibles de nous assurer le plus de chances de succès.

Ainsi, au chapitre de la formation, le nombre d'années de scolarité, le nombre d'années de formation professionnelle en

agriculture et les connaissances pertinentes dans le domaine sont un atout considérable. De leur côté, les succès antérieurs du requérant, les résultats obtenus, sa structure financière, sa réserve accumulée, le nombre et la nature de ses emplois antérieurs sont autant de facteurs qui nous permettent de jauger son expérience.

Enfin, plusieurs aptitudes et qualités personnelles contribuent à orienter notre jugement: l'habileté de gérer des ressources, l'aptitude au management, le réalisme et la prévoyance dans l'élaboration des projets, la capacité physique en regard de la nature et de l'envergure de l'entreprise. Le comportement en regard des obligations financières et de l'utilisation du crédit et la réputation dans le milieu, tant auprès des créanciers que des proches, permettent également d'apprécier la valeur morale du requérant.

Enfin, l'attitude et les aspirations du conjoint et de la famille face à l'exploitation et au développement de l'entreprise sont loin d'être négligeables dans l'évaluation du candidat à un prêt agricole.

Est-il nécessaire de signaler que la rigueur avec laquelle ces différents critères sont observés expliquent en très grande partie le fait que nous ayons, bon an mal an, un volume de 25% à 30% de demandes d'emprunt ou de subventions qui sont refusées. Il devient parfois, en effet, aussi difficile de maintenir un refus justifié, même pour la quatrième et la cinquième fois, que pour procéder à la réalisation des garanties sans la collaboration de l'emprunteur.

Activités de suivi de prêts. Bien que les ressources de l'office soient limitées pour appliquer un programme de suivi de prêts mieux structuré, il n'en demeure pas moins que les conseillers en financement rencontrent annuellement plus de 6900 emprunteurs relativement à des demandes diverses qui comportent une bonne part de suivi. Ces activités nécessitent plus de 10 800 visites à la ferme et quelque 4800 visites de ces agriculteurs à leurs bureaux. Cela ne comprend pas le travail d'expertise relié au premier prêt de ceux qui s'établissent ainsi que les rencontres nombreuses qui se produisent dans le cadre de la réalisation des garanties de prêts dans les cas où la situation financière a atteint un point de non-retour. (15 h 30)

Ce suivi se pratique particulièrement à la faveur du contrôle du déboursement des prêts, du contrôle des prêts consentis avec nantissement, du contrôle des versements, du déboursement des subventions de mise en valeur, du rapport des encans et des ventes de quotas, des activités inhérentes à un prêt: tranferts, mainlevée, cession, substitution de garantie, affectation des fonds en fidéicommis, modifications aux contrats, location, etc., et d'études spéciales en raison d'une conjoncture économique ou des hasards climatiques.

Accommodements et réalisation des garanties. Avant de procéder à la réalisation des garanties, l'office explore les solutions possibles pour convenir des accommodements avec les emprunteurs, soit sous forme: de réamortissement du prêt sur toute la période restant à courir; de versements spéciaux, sans modifier la cédule normale de remboursement du solde; de report de versements à la fin du terme du prêt et de refinancement pour englober les versements non payés, dans certains cas exceptionnels.

Lorsque aucun arrangement n'est possible, l'office tente d'obtenir la collaboration de l'emprunteur pour procéder à la vente de certains actifs, lorsque la situation le permet, aux fins de sauver l'entreprise, ou alors de minimiser les pertes éventuelles, minimiser les dégâts sans toutefois porter préjudice aux autres créanciers.

Lorsqu'une telle approche n'est pas possible, nous amorçons les procédures légales, généralement par voie d'action hypothécaire, qui débouchent, après des délais d'environ six mois, sur la vente par le shérif, alors que le prêteur autorisé ou l'office, selon le cas, se porte généralement adjudicataire et procède par la suite à des appels d'offres par la voie des journaux en vue de la vente de la ferme au meilleur prix possible. Il nous faut parfois recourir à deux ou trois appels d'offres pour réaliser un prix acceptable.

Précisons que ce n'est qu'après avoir tenté tous les efforts et lorsqu'il devient évident qu'aucun espoir n'est prévisible que l'office amorce le processus de réalisation des garanties, alors qu'il le fait de la façon la plus humaine et civilisée qui soit et dans le respect des droits de tous les intéressés.

Voilà donc, M. le Président, le rôle qu'est appelé à jouer l'office dans le cadre du régime québécois de financement agricole, et surtout comment il s'acquitte de son rôle tant en amont qu'en aval du consentement d'un prêt. Ces considérations m'apparaissent essentielles, comme toile de fond, pour aborder la deuxième partie de mon exposé sur la situation de nos emprunteurs en difficulté financière.

Situation des emprunteurs de l'office en difficulté financière. La conjoncture économique des dernières années, fortement marquée par la hausse des taux d'intérêt, n'a pas épargné le secteur agricole. Cette conjoncture fut aggravée par la chute des prix de certaines productions, particulièrement par la crise dans la production porcine qui fut fort sévère et beaucoup plus longue que prévue, d'autant plus que nous venions tout juste d'assister à une phase d'expansion dans ce secteur.

Abandons et arrérages. Avec le résultat que nous avons connu des faillites et des abandons au cours des dernières années. Depuis le 1er avril 1979, par exemple, nous avons dénombré chez nos 21 000 emprunteurs à long terme 303 abandons volontaires ou forcés dont 160 faillites; ce qui représente 1,4% de l'ensemble de nos emprunteurs à long terme. Vous avez les annexes I et II qui vous montrent un tableau et un graphique en relation avec ces abandons. Vous avez un comparatif avec la production porcine pour montrer l'importance des abandons avec la crise du porc que nous avons connue.

Permettez-moi, M. le Président, d'attirer votre attention sur le fait que 148 des 303 emprunteurs (soit 48,8%) qui ont abandonné l'agriculture au cours des derniers exercices financiers de l'office étaient des producteurs de porc qui sont récemment sortis d'une crise très sévère qui avait duré un peu plus de quatre ans. De ce nombre de 303 emprunteurs, celui des producteurs de bovins s'établit pour sa part à 30 (soit 9,9%), ce qui représente 2,98% de l'ensemble des emprunteurs s'adonnant à cette production.

De leur côté, les emprunteurs qui accusent du retard dans leurs versements dans le cadre des programmes de crédit à long terme administrés par l'office ont vu leur nombre diminuer par rapport au mois d'août 1982. En effet, de 1680 qu'il avait été identifié à ce moment-là, leur nombre s'établissait à 1627 au 31 mars 1984, soit à un peu plus de 7,78% de l'ensemble des emprunteurs à long terme dénombrés alors. À ce chapitre, l'expérience de l'office révèle que nombre d'emprunteurs qui font défaut de payer à l'échéance un versement acquittent généralement ce versement dans le cours du semestre suivant.

Bien sûr, les données reliées aux abandons et aux arrérages contrastent avec celles des premières décennies d'activités de l'office alors que les prêts consentis reposaient exclusivement sur des garanties hypothécaires et touchaient des productions traditionnellement stables.

Dans un contexte de développement et de diversification des productions, il nous apparaît normal d'assumer un capital de risque, particulièrement lors du démarrage de nouvelles productions. L'évolution de l'agriculture nous conduit donc nécessairement à assumer plus de risques en termes de nombre et des risques plus grands, compte tenu de la complexité des exploitations.

Nous pourrions ajouter la poussée d'une technologie de plus en plus avancée et les exigences accrues au chapitre du management qui présentent également un handicap pour un certain nombre de producteurs. L'étude des dossiers est fort révélatrice à ce sujet. Au surplus, certains impératifs socio-économiques d'apparition récente, de la nature des exigences reliées à la qualité de l'environnement, par exemple, pèsent parfois lourd sur la situation financière de certaines catégories de producteurs.

Principales raisons d'abandon. À la lumière de ces divers facteurs, il m'apparaît pertinent de considérer les principales raisons pour lesquelles les emprunteurs de l'office en difficulté financière ont abandonné la production agricole.

Parmi les 303 cas d'abandon dont nous avons déjà fait état, 27 sont des abandons volontaires, par exemple, ceux où l'emprunteur a remis ses clés. On dénombre parmi les abandons volontaires treize producteurs de porc, cinq producteurs de bovins et deux producteurs de visons, toujours pour la période de cinq ans et quatre mois.

Les 276 autres cas se répartissent entre ceux qui ont déclaré faillite, soit 160, ce qui représente 52,8%, et ceux pour lesquels l'office n'avait d'autre choix que de procéder à la réalisation des garanties, soit 116 ou 38,3%.

En comparant l'ensemble de ces cas avec la totalité des emprunteurs et en regard de la production principale, il devient évident qu'une partie des abandons est survenue à la suite de la crise des prix du porc.

Si l'on exclut les 148 abandons reliés à la production du porc qui ont été victimes d'une conjoncture sévère au niveau des prix, il est difficile de conclure à une situation catastrophique, alors que 155 abandons se sont produits pour l'ensemble des autres productions sur une période de cinq ans et quatre mois.

Par ailleurs, la crise des prix du porc et la flambée des taux d'intérêt ne sont pas les seules raisons des échecs. Examinons la situation de plus près.

L'examen de l'annexe III démontre que, dans 56 cas - soit 18,5% des cas - des raisons hors du contrôle de l'exploitant ont provoqué l'abandon. Dans 79 cas - soit 26,1% de l'ensemble - des investissements inopportuns, excessifs et faits trop rapidement ou de façon inconsidérée, de même que le fait de ne pas avoir respecté les exigences de l'environnement ou encore le fait d'avoir passé d'une production à l'autre sans planification aucune ont précipité l'abandon. On retrouve également, dans 17 cas - soit 5,6% - des raisons très diverses n'ayant rien à voir avec l'agriculture. Par ailleurs, 80 emprunteurs - soit 26,4% -avaient une productivité insuffisante, dont 37 n'auraient pu survivre dans un contexte normal à cause d'une productivité extrêmement faible et 43 pour lesquels une faible productivité était associée à la crise des prix du porc et à la conjoncture en général. Enfin, pour 71 cas - soit 23,4% - il

n'y a pas d'autres raisons apparentes que les crises des prix du porc et du vison et la conjoncture en général.

Au risque de décevoir les alarmistes, nous devons bien conclure que, de l'ensemble de nos 20 924 emprunteurs à long terme, seulement 114 d'entre eux, soit 37,6%, parmi les 303 qui ont abandonné la production agricole sur une période de cinq ans et quatre mois, l'ont fait pour des raisons directement reliées à la crise des prix du porc et du vison, 37, ou à la conjoncture économique qui sévit présentement, 34, ou encore à l'effet combiné de ces deux facteurs associés à celui d'une faible productivité, 43.

J'ajouterai que la situation financière des emprunteurs de l'office, pour préoccupante qu'elle soit dans certains cas, n'est toutefois pas alarmante. Je m'inscris en faux contre les propos apocalyptiques de certains ténors du défaitisme. Bien sûr, il existe des problèmes en agriculture. Plusieurs productions sont soumises à des variations de prix et à des cycles qui placent parfois les producteurs touchés dans une situation inconfortable. La situation sérieuse qu'ont connue les producteurs de porc, les producteurs de céréales et les producteurs de visons en sont des exemples.

Les agriculteurs ex-grévistes de la faim. Chaque cas d'abandon est déplorable. Il faut voir les problèmes de toutes sortes et les drames dont nous avons été témoins au cours des dernières années. Personne ne peut rester insensible à de telles situations. Il demeure cependant qu'aucun système ne peut échapper à de telles conjonctures. Vouloir sauver tous les cas nonobstant les impératifs économiques se traduirait par des coûts exorbitants qui risqueraient tout simplement de saborder le régime actuel de financement agricole.

Je ne puis que m'inscrire en faux contre les propos libelleux, haineux et venimeux tenus par le porte-parole des ex-grévistes hier à l'endroit de l'organisme que j'ai l'honneur de diriger de même qu'à l'endroit de son président. J'ai la ferme conviction d'avoir fait mon devoir dans le cadre des attributions qui me sont dévolues et avec la collaboration d'une équipe exceptionnelle. Je dois rendre témoignage ici à tous mes collaborateurs et collaboratrices qui ont vécu, comme moi, des heures difficiles.

Une chose est certaine: les ex-grévistes ont été traités par l'office avec la même objectivité, la même mesure, la même attention que tous les autres emprunteurs. Il serait trop long d'aborder chacun des cas individuellement dans le cadre du présent exposé. J'espère que la période d'échanges avec les membres de la commission nous permettra de le faire.

Je déplore le fait, cependant, que les ex-grévistes se retranchent dans des mouvements dont le comportement se révèle pour le moins discutable, voire répréhensible dans certains cas. (15 h 45)

Comportement de la Cour des miracles et du Mouvement pour la survie des agriculteurs. C'est au début de 1982 qu'on a assisté à la naissance de la Cour des miracles des cultivateurs dont la pensée et les actions se sont rapidement radicalisées au point de constituer une entrave au bon fonctionnement du régime de financement agricole et au cours normal de la justice. "Tentatives d'empêcher l'exécution de jugements des tribunaux ou de saisies, menaces, incitations à commettre des actes frauduleux ou de la violence, telles furent certaines des actions posées par la Cour des miracles ou d'aucuns de ses membres".

Après quelques mois d'existence de la Cour des miracles, certains membres s'en séparaient pour former le MSA, le Mouvement pour la survie des agriculteurs, principalement à cause de mésentente avec le président de la Cour des miracles, M. Gérard Chamberland, mais en prenant bien soin de rappeler, ainsi que le faisait M. Jean-Claude Boucher - à la fois dirigeant du nouveau mouvement, chef de secteur et rédacteur de la CMC - dans deux articles, l'un dans La Guerre de chez nous et l'autre dans La Nouvelle Guerre, que l'orientation du nouveau groupement allait demeurer la même que celle de la Cour des miracles des agriculteurs.

Le texte suivant de La Nouvelle Guerre de septembre 1982, sous la signature de M. Jean-Claude Boucher, est fort révélateur: "II nous apparaît évident, cependant, que les gens de la Cour des miracles ont fait montre de beaucoup de mauvaise foi au détriment de la classe agricole dont ils se disent les défenseurs. C'est dommage."

Et M. Boucher décrivait comme suit le grand commandeur et trésorier de la Cour des miracles dans La Guerre de chez nous de juillet-août 1982, ainsi que dans La Nouvelle Guerre de septembre 1982: "Certes, Chamberland avait un passé chargé et ne possédait pas de lettres de noblesse. Mais il avait l'expérience d'un mouvement réactionnaire des années soixante-dix: La Milice populaire du Québec. Il y avait occupé un poste de porte-parole... et se vantait de mille et un exploits." "Il pouvait être l'homme qui leur fallait. Chamberland accepta de les diriger dans un combat qui devait devenir politique et qui avait pour but de faire reconnaître ses torts au gouvernement. Chamberland prit donc la direction de ce qui allait devenir la Cour des miracles, à condition que les membres défraient ses dépenses d'automobile, de loyer, de papeterie, de nourriture, et

celles de son ami, Pierre Grenier, également un ancien membre de la Milice populaire du Québec." "Grossier et gueulard, Chamberland attira facilement sur lui l'attention de quelques médias d'information. Ses déclarations de révolutionnaire de république de bananes faisaient rire les journalistes, mais, dans cette drôle de société où nous vivons, ils se disaient: "On ne sait jamais" et ils donnaient au mouvement un minimum de couverture."

M. Boucher poursuivait un peu plus loin en faisant état des délibérations de membres à une réunion de la Cour des miracles: "Tous, sauf Chamberland, qui acceptait n'importe quelle structure à condition qu'il demeure grand commandeur et trésorier; à condition qu'il dirige et que reviennent sur lui tous les mérites; à condition qu'il puisse continuer de vivre sur son groupe de faillis, à condition qu'on continue de le nourrir, de le loger..."

Des gestes illégaux posés par les membres de l'un ou l'autre groupe ont donné lieu à un certain nombre de condamnations rendues, notamment, l'une dans le district de Saint-François, le 11 mai 1983 - je dis notamment, parce qu'ici il y en a cinq; on en a dénombré neuf et il y en a d'autres à venir - pour aliénation de biens avec l'intention de frauder ses créanciers; les autres, dans le district de Drummond, les 7 septembre 1982, 17 octobre 1983, 24 novembre 1983 et 22 mars 1984, pour diverses raisons consistant principalement dans l'aliénation de biens avec l'intention de frauder ses créanciers et vol par dépositaires de biens nantis. D'autres causes sont actuellement devant les tribunaux, toujours contre des membres de l'un ou l'autre mouvement.

De tels agissements ont des répercussions néfastes pour l'ensemble de la classe agricole qui demeure, et j'insiste, profondément honnête et soucieuse de s'acquitter de ses obligations. Disparition de biens nantis en garantie des prêts; vente de ces biens avec l'intention de frauder; occupation illégale d'immeubles vendus par le shérif ou réinstallation illégale dans ces mêmes immeubles et autres actes tendant à priver les créanciers de leurs recours légitimes, tout cela est de nature à les rendre inquiets et à provoquer une restriction du crédit. Il en va de même pour des menaces d'incendie des bâtisses reprises, les assureurs deviennent plus craintifs et il y a un cas où la prime exigée pour assurer des bâtisses de ferme a coûté plus de trois fois le coût de la prime normale. Et qui paie la note pour ces comportements des membres de la Cour des miracles et du Mouvement pour la survie des agriculteurs? Ce sont en définitive les bons agriculteurs.

Mais il y a plus. Nous avons dans les dossiers plusieurs éléments de preuve qu'il s'exerce actuellement, dans le milieu de certains adhérents à ces mouvements, un climat de menaces ou de terrorisme. On tente d'imposer la loi de l'omertà qui s'apparente drôlement au climat qu'exercent de petites mafias. L'office connaît aussi des cas de dommages causés par représailles, d'individus qui ont reçu des menaces et les victimes n'osent témoigner ou porter plainte en justice dans la crainte de ce qui pourrait leur arriver.

En conclusion de cet exposé l'Office du crédit agricole du Québec:

Considérant l'impact financier de la situation actuelle où, dans plusieurs cas, il ne peut réaliser les garanties des prêts à cause de l'occupation des fermes par des grévistes de la faim, ce qui augmente le fardeau des intérêts qui courent et risque aussi d'accroître les pertes par suite de la dévaluation de ces fermes;

Considérant que l'office a traité les dossiers de tous ces grévistes avec le même soin et le même souci de service, d'équité et de justice qu'il apporte à tous les autres dossiers qu'il traite;

Considérant que, devant la situation irrémédiable de ces emprunteurs, l'office, de par le rôle qu'il doit exercer, n'avait d'autre choix que d'intenter des procédures et de tenter de réaliser des garanties;

Considérant les actes illégaux et frauduleux posés, les menaces faites, les représailles prises par des membres de la Cour des miracles et du Mouvement pour la survie des agriculteurs dont plusieurs exgrévistes de la faim ont fait déjà et font encore partie, actes, menaces et représailles dont l'office détient de nombreux éléments de preuve;

Considérant que les gestes ainsi posés peuvent avoir un effet d'entraînement dans le milieu agricole et que donner suite aux demandes de ces gens créerait un dangereux précédent et risquerait de saper le climat de confiance qui doit exister entre le prêteur et l'emprunteur, risquant de saborder ainsi tout le système de crédit;

L'office demande à votre commission:

Que soit rejetées comme non fondées et non avenues les demandes des grévistes de la faim.

Que votre commission fasse les recommandations et les représentations nécessaires pour qu'une enquête soit menée par une escouade spéciale de la Sûreté du Québec sur tous les actes illégaux ou frauduleux, les menaces et les représailles dont il a été fait état ci-dessus.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le président. J'invoque ici le règlement afin d'attirer l'attention du public à savoir qu'aucune manifestation verbale n'est permise

quand on entend les témoins ou lors d'échanges entre les membres de la commission et les témoins.

Jusqu'à présent, j'ai reçu deux demandes d'intervention, l'une du député de Maskinongé et l'autre du député de Saint-Hyacinthe.

M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci, M. le Président. Vous comprendrez sans doute qu'à la lumière de ce que nous avons entendu aujourd'hui et aussi de ce que nous avons pu entendre hier, toujours sous le sceau de l'assermentation, concernant certaines déclarations qui sont pour le moins troublantes et qui mettent en cause des serviteurs de l'État, des gens qui travaillent pour l'État, je voudrais poser certaines questions en relation avec ce qui a été dit de part et d'autre.

À la page 14 de l'exposé du président de l'Office du crédit agricole - et je me rendrai volontiers à votre demande - quand vous dites: "II serait trop long d'aborder chacun des cas individuellement dans le cadre du présent exposé, j'espère que la période d'échanges avec les membres de la commission nous permettra de le faire", j'ajouterai: d'éclaircir certaines choses qui ont été dites et qui ont été véhiculées. Vous dites, entre autres: "Je ne puis que m'inscrire en faux contre les propos libelleux, haineux et venimeux tenus par le porte-parole des ex-grévistes, hier, à l'endroit de l'organisme que j'ai l'honneur de diriger de même qu'à l'endroit de son président." J'aimerais que vous nous précisiez ce que vous entendez par "propos libelleux, haineux et venimeux".

M. Moreau: J'ai pris connaissance des notes de la commission, de ce que M. Boucher a déclaré hier. Je retiens deux choses qui sont vraies et pour lesquelles je n'ai aucune raison de me repentir - je m'en glorifie - c'est le fait que je sois président de l'Office du crédit agricole du Québec et le fait que je sois avocat. Tout le reste, à mon point de vue, c'est de la foutaise. Si vous voulez avoir mon opinion là-dessus -elle est peut-être très brève - si vous m'en accordez le temps, je pourrais reprendre ce document paragraphe par paragraphe et vous en faire la démonstration. Je ne sais pas si c'est la façon dont la commission entend procéder, mais, si vous voulez qu'on le fasse plus tard... Je pense que j'ai été pris à partie drôlement là-dedans. Je n'accepte absolument rien. Il n'y a absolument rien de fondé et j'apprécierais beaucoup que la commission me donne la latitude pour faire la lumière. Je pense que je peux avoir droit à une défense complète et absolue. J'espère, en tout cas, obtenir cette faveur de la commission. Mon cas personnel, le président de l'office, c'est secondaire. J'aimerais que vous suiviez le cours normal de vos travaux et, par la suite, s'il reste du temps, on verra. Mais j'apprécierais beaucoup - je le dis au départ - que vous me permettiez et que vous me donniez la latitude pour faire une défense pleine et entière contre le charriage qui s'est fait littéralement hier.

M. Picotte: M. le Président, j'aurai des questions précises à poser à M. Moreau. Il y aura des explications dans des cas particuliers. Je ne vois pas d'objection, à la fin de la période des questions des parlementaires, s'il reste des choses à clarifier et à ajouter, qu'on puisse le faire et qu'on puisse donner le temps voulu à M. Moreau pour le faire. Je n'ai pas d'objection à cela.

M. Moreau: Merci beaucoup.

M. Picotte: II est fait état, dans le dossier de M. Boucher, à la page 4 plus précisément, et je cite: "Nous demandons que la commission s'informe auprès du rédacteur en chef de la Terre de chez nous, M. Pierre Courteau, à savoir comment le président de l'Office du crédit agricole l'a menacé de faire perdre à la Terre de chez nous toute la publicité gouvernementale si ce journal ne lui donnait pas une bonne couverture de presse."

Évidemment, un fait s'est produit ces derniers temps qui m'amène à me poser une question additionnelle. On m'a informé que M. Courteau ne travaillait plus depuis quelque temps - et cela tout récemment - à la Terre de chez nous. Il avait été congédié pour être remplacé par une ex-collaboratrice du bureau du premier ministre, Mme Évelyne Dumas. Dans ce contexte-là, je me demande jusqu'à quel point les dires et ce qui a été souligné par M. Boucher, cela peut avoir une certaine crédibilité. Qu'est-ce que vous avez à dire sur ce cas bien précis où on a mentionné que vous aviez fait des menaces à M. Courteau de retirer, évidemment, la publicité gouvernementale? (16 heures)

M. Moreau: J'ai parlé, depuis nombre d'années, peut-être une fois à M. Courteau au téléphone. J'étais à mon bureau, en présence de mon collègue Maurice Vézina, du vice-président et des autres collègues. Je l'ai appelé tout simplement parce que je voulais faire - vous lirez la Terre de chez nous du temps - faire une rectification dans le cas d'Oscar Ellenberger. Effectivement, la Terre de chez nous, la semaine suivante, a fait une rectification parce qu'il y avait eu des informations mensongères dans le cas d'un procès-verbal ou le résultat ou le rapport. Personnellement, je n'ai jamais, je ne m'en souviens pas, en tout cas, que je sache, menacé M. Courteau de quelque nature que ce soit. Je vous dirai même que c'est

l'inverse. J'ai demandé à M. Courteau comment ça se fait qu'on prend l'office à partie parce que, si vous avez suivi la Terre de chez nous depuis quelques années, vous avez vu qu'on en a eu pour notre change, à l'Office du crédit agricole. On a été à maintes reprises pris à partie. Les raisons pourront faire l'objet d'une autre discussion peut-être plus tard, mais c'est une incidence dans l'élément en question. Alors, je lui ai demandé: Comment se fait-il que vous preniez l'office à partie comme cela? Il a dit: Tu ne veux pas collaborer avec nous autres, on te demande des informations, tu ne veux pas fournir d'information. Si tu ne veux pas fournir d'information, on va continuer à le faire. C'est peut-être voilé comme menace. Moi, c'est la perception que j'ai eue.

Maintenant, que M. Courteau ait entendu dire, et je l'ai déjà dit à maintes reprises... Moi, je vous donne une opinion strictement personnelle, ce que j'en pense moi, personnellement. Je trouvais aberrant qu'on se fasse démolir dans les pages de la Terre de chez nous alors que le ministère payait je ne sais pas combien de centaines de milliers de dollars par année pour avoir des pages dans la Terre de chez nous de son côté. C'est une appréciation très personnelle. J'ai peut-être parlé de cela à lui ou à d'autres, remarquez bien. Cela est possible. Mais, à ce moment, parce qu'on est un peu placé en conflit, si on voulait qu'un message passe, il fallait pratiquement le faire passer dans les pages du ministère.

M. Dupré: Question de règlement.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: Je voudrais que vous m'éclairiez sur la télévision des débats. Je me demande s'il y a une directive en ce sens. On sait que, lorsque les débats ne sont pas télévisés, ordinairement, les cameramen peuvent prendre des prises avant que cela commence et après que c'est commencé. Maintenant, lorsqu'il y a télédiffusion des débats, c'est la commission qui est télévisée. Ce sont les membres et non pas... Parce que je pense que cela dérange même drôlement. On va chercher des zooms un peu partout dans la salle, on va chercher des zooms de la personne qui est en train de discuter; moi, je voudrais être éclairé là-dessus. Je pense que cela dérange la commission.

M. Picotte: Sur la question...

Le Président (M. Vallières): Sur la question de règlement, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci. Sur la question de règlement, je pense qu'il est de tradition et de coutume que les journalistes qui sont sur place puissent faire du vidéo. Je pense qu'ils sont libres de prendre les vidéos et les séquences qu'ils veulent bien prendre. Moi, en tout cas, personnellement, cela ne me dérange d'aucune façon qu'il y ait des séquences qui soient prises. J'ai regardé, quand M. Moreau a fait son exposé tantôt, cela ne semblait pas le déranger non plus d'avoir les caméras en face de lui.

Le Président (M. Vallières): Là-dessus, je pense que je suis suffisamment éclairé. Je vous rappelle qu'il y a beaucoup de gens qui veulent assister à nos travaux. S'ils veulent continuer à le faire, je leur demande d'éviter toute manifestation dans la salle. Je suis suffisamment éclairé sur la question. On m'indique que la règle qui prévaut à l'Assemblée nationale, quand les travaux ne sont pas télévisés, c'est que c'est une permission qui est accordée aux médias au début de nos travaux de prendre des parties de film, des séquences. À ce moment-ci, j'ai l'intention de demander aux différentes caméras de cesser leur travail de prises de vues afin de permettre au témoin - à tout le moins, de ne pas le déranger - de s'exprimer dans la plus grande liberté et aussi la plus grande aisance possible. Je demanderais aux cameramen de se retirer non pas de la salle, mais de l'endroit où ils sont présentement. M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, je ne veux nullement mettre en doute votre décision, mais ce que je déplore, c'est que, lorsque M. Boucher a fait son intervention, des caméras l'ont filmé de A à Z.

M. Picotte: C'est cela.

Le Président (M. Vallières): Je tiens à faire remarquer au député d'Arthabaska qu'à ce moment-là aucune question de règlement n'a été soumise au président. Il y en a une présentement et je rends ma décision.

M. Picotte: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci. J'ai compris dans vos propos que vous avez parlé de certaines discussions que vous auriez pu avoir avec certains collaborateurs ou d'autres personnes. Vous avez dit que les propos étaient à peine voilés. Est-ce cela qu'on appelle des menaces? Vous avez dit qu'effectivement le charriage que la Terre de chez nous pouvait faire à l'endroit de l'Office du crédit agricole était à peine voilé. Vous avez trouvé cela dommage, compte tenu du fait que plusieurs milliers de dollars ont été

envoyés à la Terre de chez nous pour la publicité.

M. Moreau: Non, ce n'est pas cet aspect. Je donne une opinion strictement personnelle. J'ai pris la précaution de le dire. Je trouvais qu'il y avait une contradiction, à ce moment-là, entre descendre un organisme à une page et, à l'autre page, faire sa promotion avec des annonces. Remarquez bien que c'est une opinion personnelle. Si c'est cela qu'il a appelé une menace, c'est possible, je ne me prive pas de le dire. Je l'ai déjà dit; je vous donne une opinion personnelle. Cela n'a jamais été une menace, à mon sens. La preuve, c'est que, toutes les semaines, on a le reproche d'avoir trop d'annonces dans la Terre de chez nous, bien encadrées et en gros caractère. Si on avait menacé quelqu'un, on aurait procédé... La plus belle preuve qu'il n'y a pas eu de menace, lisez les numéros de la Terre de chez nous depuis un an et demi ou deux ans et vous verrez des annonces presque toutes les semaines. À mon point de vue, cela me paraît fantaisiste et non fondé.

Par ailleurs, je vous ai donné la teneur d'une conversation téléphonique - il y a de mes collègues ici qui pourront témoigner, s'ils le désirent - dans le bureau d'un de mes collègues, justement pour la mise au point qui a été faite d'ailleurs la semaine suivante. Je peux vous parler de cela. J'ai aussi tous les articles de la Terre de chez nous.

M. Picotte: Par la suite, vous avez mentionné que vous auriez pu dire cela ou avoir des conversations là-dessus.

M. Moreau: Non.

M. Picotte: Vous me permettrez de différer quelque peu d'opinion avec vous. Vous ne considérez peut-être pas cela comme des menaces, mais, personnellement, je trouve que cela frise les menaces d'un président d'organisme d'avoir eu de semblables propos, sans vous les reprocher évidemment. Vous êtes évidemment libre de dire ce que vous voulez, mais je tenais à faire ressortir ce point. À moins que la Terre de chez nous ne soit un organisme officiel de l'Office du crédit agricole, je ne vois pas ce qu'il peut y avoir de contradictoire dans le fait de critiquer certaines politiques gouvernementales, certaines politiques de l'Office du crédit agricole et d'avoir, par contre, des annonces dans cette revue de l'Office du crédit agricole. Il y a souventefois des annonces de ventes de terres d'ailleurs. Il y en a passablement et on en a passablement chaque semaine dans la Terre de chez nous.

M. Moreau: J'ajouterais simplement, si vous le permettez, que je n'ai rien à dire concernant la politique de publicité gouvernementale. Cela concerne strictement la publicité faite par l'office. Effectivement, il y a de la publicité faite par l'office. Je vous donne mon opinion personnelle. Je ne me souviens même pas de l'avoir mentionné à M. Courteau lui-même. Je vous donne une opinion que j'ai déjà donnée. M. Courteau en a peut-être entendu parler, c'est possible. Si c'est par personne interposée, c'est possible, mais cela ne va pas plus loin que cela.

M. Picotte: La discussion que vous avez eue avec M. Courteau date d'il y a combien de temps?

M. Moreau: C'est dans l'affaire Ellenberger. Je pourrais le savoir par les dates de la Terre de chez nous. Il y a eu une correction la semaine suivante dans le cas Ellenberger, une précision, parce que des propos avaient été...

M. Picotte: Mais, en termes de semaines ou de mois, cela date de quelques mois ou de quelques semaines.

M. Moreau: Non, cela date de plusieurs années, l'année 1982, quelque chose comme cela.

M. Picotte: C'est la seule fois que vous avez parlé avec M. Courteau?

M. Moreau: Je ne me souviens pas d'avoir parlé à M. Courteau depuis ce temps et depuis combien de temps avant je n'ai pas parlé à M. Courteau.

M. Picotte: Vous ne lui avez pas parlé ou vous ne vous souvenez pas de lui avoir parlé? Vous ne lui avez pas parlé.

M. Moreau: Je ne me souviens pas de lui avoir parlé. On va dans des congrès. Je peux lui avoir dit: Bonjour! Comment ça va? Je vous dis que j'ai parlé à M. Courteau cette fois-là au téléphone et c'était dans un but très précis. Certains de mes collègues étaient justement là dans ce bureau, lorsque j'ai pu le rejoindre.

M. Picotte: Puisque nous sommes dans ces dossiers, en plus de M. Courteau, on a souligné le nom de M. Jean Pelletier, de Radio-Canada, "parce qu'il n'a pas voulu couvrir la conférence honteuse du président de l'Office du crédit agricole, en date du 10 septembre 1982". Avez-vous effectivement parlé à M. Pelletier?

M. Moreau: II est venu à mon bureau m'interviewer une cinquantaine de minutes une fois et je ne suis même pas passé trois secondes à son émission - je ne me rappelle

pas son nom - après les nouvelles. Je n'ai pas eu de nouvelles et je n'ai jamais reparlé à M. Pelletier depuis ce temps, et je n'ai jamais fait de commentaire concernant M. Pelletier depuis ce temps. Je ne sais pas d'où cela sort.

M. Picotte: Vous n'avez jamais parlé avec M. Pelletier du fait que la conférence n'avait pas été couverte, le 10 septembre 1982.

M. Moreau: Ce n'est pas moi qui... Il y a plusieurs divisions à Radio-Canada; des gens de Radio-Canada étaient en conférence. Je ne vois pas pourquoi M. Pelletier aurait dû être là. Cela est complètement de la foutaise.

M. Picotte: M. le Président, il est aussi fait mention dans le document de M. Boucher du cas - plus précisément, je ne sais pas s'il en est fait mention dans le document d'un des ex-grévistes de la faim, M. Brousseau, qui est venu hier nous entretenir quelque peu. Il nous a parlé de pratiques quelque peu spéciales d'une personne qui travaille à l'Office du crédit agricole. Entre autres, il a cité le nom de M. Viateur Daoust qui, à des heures indues, tardives en tout cas, après discussion durant quelques heures, finit par imposer, à ce qu'on nous a dit - je rapporte toujours ce qui s'est véhiculé ici, en commission; je dis bien imposer - un dénommé Jules Côté comme encanteur, lui faisant perdre par la même occasion plusieurs milliers de dollars. Quelle est la relation des gens de l'Office du crédit agricole? De quelle façon procèdent-ils? Est-ce que c'est dans les habitudes des gens de l'office d'obliger les gens à prendre un encanteur plutôt qu'un autre? Est-ce dans les habitudes des gens de l'office de travailler à des heures comme 22, 23 heures ou minuit le soir? Pourrait-on vous entendre précisément sur le cas cité, entre autres celui de M. Viateur Daoust et possiblement d'autres, mais, en tout cas, c'est celui-là qu'on a présentement?

M. Moreau: D'abord, M. Daoust est ici. La commission lui permettrait-il de donner sa version des faits?

M. Picotte: S'il a été assermenté, je suis bien d'accord.

M. Moreau: Deuxièmement, si j'avais un reproche à faire à M. Daoust, ce serait de ne pas y être allé le soir et la nuit parce que le tracteur ne serait pas parti s'il était resté assis sur le tracteur. Vous connaissez l'histoire du même bonhomme - à ce qu'on m'a raconté hier - qui est allé porté son tracteur devant sa maison...

M. Picotte: II a été très franc hier, M. Moreau. Il nous a dit exactement comment cela s'est passé.

M. Moreau: Oui, c'est cela. Cela veut dire que, si notre gars avait été assis dessus, probablement que le tracteur ne serait pas parti ou on aurait su qui était venu le chercher. Remarquez bien que c'est en dehors, cela n'a pas été fait. Si vous le voulez, je vais demander à M. Daoust de venir déposer lui-même.

Le Président (M. Vallières): M. Daoust, vous pouvez vous approcher de la table des témoins, nous allons procéder à votre assermentation.

M. Daoust (Viateur): Je, Viateur Daoust, jure que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

M. Dupré: M. le Président.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Saint-Hyacinthe, sur...

M. Dupré: Avant de continuer, j'aimerais demander à cette commission de réserver un temps d'une demi-heure à M. Moreau afin qu'il touche les points importants qui n'auront pas été touchés, afin qu'il ait droit à une défense pleine et entière ou au moins afin qu'il puisse faire valoir son point de vue.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Sur la question de règlement, je vous ai mentionné tantôt que je n'avais pas d'opposition à cela, sauf que je voudrais bien vous faire remarquer qu'on voudrait avoir le temps qui, normalement, nous est dévolu de part et d'autre, j'imagine, soit une période d'environ 60 minutes, d'après le temps qui restait au début de la période de questions - il s'est dit tellement de choses - pour avoir suffisamment de temps pour questionner. Je vous ferai remarquer qu'il nous arrive un autre témoin par la bande et nous n'avons pas d'opposition, son nom a été mentionné. Une foule de gens ont été nommés à l'intérieur de cette commission. Il est heureux qu'on puisse interroger les gens qui ont été nommés. On commence avec... Entre autres, M. Daoust s'ajoute à cela. Je ne voudrais pas, pour aucune considération... Et je suis prêt à déborder le temps, je suis même prêt à couper l'heure du lunch, en ce qui me concerne - je ne parle pas pour mes autres collègues - pour pouvoir donner le temps à M. Moreau, par la suite, quand on aura fini de le questionner, de nous donner sa version des faits.

M. Dupré: Je suis d'accord, M. le député de Maskinongé. Même s'il y a lieu de continuer ce soir, je n'ai aucune opposition. (16 h 15)

Le Président (M. Vallières): Je veux bien comprendre l'entente qui semble se dessiner, à savoir que nous pourrions continuer nos travaux jusqu'à 18 heures, tel que prévu. Si c'est le voeu de la commission de continuer d'entendre M. Moreau par la suite, elle pourrait le faire. Par ailleurs, si nécessaire, je veux indiquer à M. Moreau qu'à partir du moment où une question lui est posée, il a toute la latitude requise pour y répondre en long et en large à partir du moment où cela tombe à l'intérieur du mandat de la commission. Donc, je ne voudrais pas non plus en faire un privilège puisque je pense que vous avez le droit de procéder de cette façon. Les autres témoins qui ont comparu n'ont pas eu de privilège. C'est un droit que vous avez dans cette commission de vous exprimer librement et de répondre avec toute la latitude nécessaire aux questions qui vous sont posées.

M. Dupré: J'ajouterais même, M. le Président, que, s'il y a lieu et en temps et lieu, c'est même possible qu'on fasse revenir certains témoins qui ont été entendus hier, à la suite de la comparution de M. Moreau.

M. Picotte: Non, M. le Président. Je vais dire ceci au moment où c'est mentionné. Non seulement j'ai objection à ce qu'on fasse revenir certains témoins qui ont passé hier et qui nous ont dit des choses, mais, à ce moment-là, faudrait-il encore qu'on ait la possibilité d'interroger les gens qui ont été cités et qu'on n'a pas pu interroger, soit qu'ils n'étaient pas ici... On a la chance, parce que toute l'équipe du crédit agricole est ici cet après-midi, d'avoir M. Daoust avec nous, mais il y a d'autres personnes qui ont été citées tout au long du "procès". J'ai parlé de M. Courteau. J'ai parlé de M. Pelletier. Je veux dire tout au long de la commission parlementaire, je m'excuse. De la façon que certains mémoires nous ont été présentés, on est en train de se demander si ce n'est pas cela.

Le Président (M. Vallières): Cela va. Sur la question de règlement, j'ai donc statué. Je veux vous indiquer que, si la commission décidait, à un moment donné, de modifier le mandat qu'elle s'était donné, il y a des règles qui prévalent pour le faire et nous le ferons.

Nous continuons la période des questions telle qu'enclenchée tout à l'heure.

M. Picotte: Alors, monsieur...

Le Président (M. Vallières): Sur la question de règlement, M. le député de

Huntingdon.

M. Dubois: Je voudrais bien m'assurer, M. le Président, que cette commission ne sera jamais taxée d'être partiale. Si, pour une raison ou pour une autre, il est important de laisser à M. Moreau soit une demi-heure ou soit plus de temps vers la fin de la séance pour donner des commentaires additionnels, je pense que, pour ne jamais être taxé d'être partial, il faudrait avoir le même comportement vis-à-vis d'autres personnes que M. Moreau pourrait nommer ou il pourrait contredire les propos tenus hier. À ce moment-là, cela ne finirait plus. Je pense qu'il serait important d'avoir le même comportement pour tous les membres qui sont convoqués ici en commission, d'une façon bien précise.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le député de Huntingdon. Nous revenons à la période des questions.

M. Picotte: Bienvenue, M. Daoust. J'aimerais vous entendre raconter la version des faits de la rencontre qui a eu lieu chez M. Clément Brousseau...

M. Daoust: Je voudrais d'abord remercier...

M. Picotte: ...de même que la discussion qui a entouré cette rencontre au sujet de l'encan possible.

M. Daoust: Bon! Je voudrais d'abord remercier les membres de la commission parlementaire de me donner l'occasion de me faire entendre, parce que j'ai été injustement attaqué hier soir par M. Brousseau. Je m'inscris en faux contre les propos et les pratiques de M. Brousseau. D'abord, il faudra se rappeler, dans le dossier - les documents dans le dossier des membres de la commission - qu'une saisie a été effectuée par l'Office du crédit agricole et cette saisie est datée du 12 février 1982. Je pense que c'est peut-être une date à retenir, au départ. À ce moment-là, M. Brousseau affichait beaucoup d'arrérages dans son dossier. C'est la raison pour laquelle l'Office du crédit agricole avait commencé des procédures contre M. Brousseau. À la suite de la réception de cet avis de communiquer avec mon bureau... Il faut se rappeler que cette chose a probablement été montée par M. Boucher, parce que M. Boucher avait déjà fait des allégations dans un certain livre, à la page 48 - j'aimerais préciser cela tout de suite - qui disaient que Viateur Daoust avait probablement des allégeances avec un commerçant. Là-dessus, MM. les membres de la commission, j'aimerais mentionner que nous avons deux affidavits et une soumission en ce qui concerne M. Boucher pour des

ventes de saisie d'équipement. Ce n'était pas une seule personne qui s'était rendue sur les lieux pour vérifier l'équipement, pour faire une soumission. C'étaient trois personnes. Je pense que c'est une chose à préciser tout de suite. Par la suite...

M. Picotte: De quel dossier voulez-vous parler?

M. Daoust: C'est dans le dossier de Jean-Claude Boucher.

M. Picotte: Ah bon!

M. Daoust: Mais, au départ, la chose a commencé à ce moment-là.

M. Picotte: Oui, mais, pour ne pas nous mêler, revenons à M. Brousseau.

M. Daoust: Par la suite, la même chose a été répétée par M. Brousseau dans la "Guerre de chez nous". Il y a un article en trois colonnes qui a été publié dans la "Guerre de chez nous". Quand j'ai eu connaissance de cela, j'ai composé un mémoire qui pourrait être déposé aux membres de la commission. Le 20 juillet 1982, j'ai fait un mémoire sur les allégations ou les prétentions de M. Brousseau, concernant mon comportement.

M. Picotte: M. le Président, immédiatement, est-ce que je pourrais demander que l'on dépose le mémoire, s'il vous plaît? Puisqu'on fait allusion à un mémoire.

Le Président (M. Vallières): Oui, je voulais d'abord en prendre connaissance, si vous permettez, avant le dépôt.

M. Daoust: Je pense que le mémoire en question est déjà dans le dossier. C'est le 20 juillet 1982.

Le Président (M. Vallières): Ah bon!

M. Daoust: Vous l'avez dans votre dossier.

Une voix: II y avait un embargo. M. Picotte: Oui, d'accord.

Le Président (M. Vallières): Très bien, continuez M. Daoust.

M. Daoust: M. Brousseau a téléphoné à mon bureau, le 12 et le 15 mars 1982, à la suite d'une saisie qu'il avait reçue de l'office, pour m'informer qu'il pensait faire un encan et qu'il avait déjà contacté des encanteurs et des commerçants à ce sujet. Là, je vous lis un passage de mon mémoire: "D'autre part, il m'a demandé, avant de finaliser ces ententes, de le rencontrer afin d'évaluer avec lui les différentes alternatives pour la vente de sa ferme." Effectivement, j'ai rencontré M. Brousseau le 16 mars 1982, l'avant-midi. Non pas la nuit, mais le matin. Avant de me rendre chez lui, j'ai rencontré le gérant de la Caisse populaire de Saint-Félix, M. Michel Carrier, parce qu'à ce moment-là, M. Brousseau avait un prêt Tandem, lequel a été fait à la Caisse populaire de Saint-Félix et qui était garanti par l'office. "Au cours de cette rencontre, j'ai discuté avec le gérant de la caisse des différentes possibilités pour essayer d'aider M. Brousseau à se sortir de son pétrin financier. À ce moment-là, M. Brousseau avait 180 000 $ de dette. Lors de la rencontre avec M. Brousseau, j'ai discuté de la vente complète de sa ferme. J'ai discuté de la vente en bloc des animaux et de la machinerie à un commerçant ou par un encan, la vente de toute sa ferme, sauf la maison et la porcherie, la vente en bloc des animaux, machinerie, quota et la vente de la ferme à un cultivateur voisin - c'était une des possibilités qui avaient été envisagées -avec la possibilité pour M. Brousseau de racheter sa maison et sa porcherie avec un emplacement." Il faudrait se souvenir que, lors d'un transfert de quota, il fallait qu'un agriculteur voisin achète toute la ferme pour avoir le transfert du prêt. "Plusieurs de ces alternatives nous paraissaient difficiles à réaliser parce qu'elles seraient conditionnelles à une acceptation de la Commission de la protection du territoire agricole." Il est bien certain que, si M. Brousseau pensait garder sa maison, avec plus d'un demi-hectare, il avait une permission à demander à la Commission de la protection du territoire agricole. "De plus, certaines possibilités exigeraient des délais que M. Brousseau, tenant compte de sa situation financière, ne pourrait probablement pas soutenir très longtemps." C'était le texte de mon mémoire. Je poursuis. "J'ai ensuite proposé à M. Carrier de le rencontrer ensemble. Il a alors allégué qu'il n'avait malheureusement pas le temps ce jour-là. À mon arrivée, il m'a fait part d'une offre qu'il avait reçue pour la vente de ses animaux, de son équipement, que d'autres personnes étaient intéressées à sa ferme et à son quota et que, finalement, il avait téléphoné à M. Jules Côté pour discuter de l'encan de ses biens-meubles." Il avait déjà discuté avec M. Côté. "Il m'avait aussi dit qu'il avait assisté, en février 1982, à l'encan de la ferme Catillaz de Saint-Félix-de-Kingsey." C'est-à-dire que M. Brousseau était allé à un encan qui était fait par M. Jules Côté, à la ferme Catillaz. En passant, la ferme Catillaz

n'avait pas de prêt avec l'Office du crédit agricole. Je poursuis: "Et que les animaux et la machinerie s'étaient vendus à de très bons prix." À noter que cet agriculteur n'était pas un emprunteur à l'office. "Sur cela, je lui ai mentionné que M. Côté avait une bonne réputation dans le milieu et que je ne connaissais pas les autres encanteurs qu'il m'a nommés, sauf une certaine compagnie de Montréal pour laquelle je lui ai suggéré d'être plus prudent. Finalement, je lui ai dit d'étudier les possibilités que je lui avais soumises et de prendre sa décision dès que possible puisque je ne voyais pas de solution à ses problèmes et que la vente au shérif était prévue pour le 29 mars 1982. "Je lui ai aussi mentionné que, s'il conservait sa ferme ou une partie de sa ferme, incluant sa porcherie et sa maison ainsi que les truies et l'équipement, en temps et lieu, si l'endettement n'était pas trop élevé, après la vente de ses principaux actifs, que j'étudierais la possibilité de laisser une hypothèque et un nantissement sur la ferme, pour autant que la rentabilité de la ferme le permette et que notre siège social l'approuve. J'ai finalement quitté cette ferme vers 12 h 30" et non à minuit, comme c'est indiqué dans le document de la "Guerre de chez nous". "Par la suite, j'ai eu quelques appels du gérant de la caisse sur ce sujet et un appel de l'encanteur, M. Jules Côté, qui se trouvait sur la ferme pour discuter soit de l'achat global ou de l'encan. Lors de cette conversation téléphonique, M. Côté s'est informé des possibilités que la Commission de la protection du territoire agricole accorde son consentement à la vente d'une partie de la ferme. J'ai finalement été informé par le gérant de la caisse, M. Carrier, que l'encan aurait lieu à la fin d'avril. J'en ai informé notre siège social de Québec, le 26 mars 1982. J'ai recommandé d'arrêter les procédures de saisie. À la suite des propos, j'ai également fait une enquête. M. Jules Côté, encanteur, m'a informé que M. Brousseau a communiqué avec lui à quelques reprises avant mes visites sur la ferme, le 16 mars 1982." Avant ma visite sur la ferme, M. Brousseau avait déjà communiqué avec cet encanteur. "L'encan a été signé le 24 mars 1982. J'ai aussi été informé que M. Clément Paradis avait offert une somme de 165 000 $ pour toute la ferme et tous les animaux, incluant le quota. M. Brousseau a refusé cette offre, parce que ses dettes étaient de 180 000 $." Je peux continuer la lecture du mémoire ou tout simplement m'arrêter si vous avez des questions.

Il y a peut-être une chose importante pour vous: Si M. Brousseau, comme il le prétend, a été frustré par l'encanteur, Jules Côté, comment se fait-il que, quelque temps après, il s'est rendu à l'encan de Luc Lebel, le 15 juin 1982, et que, lors de cet encan -écoutez bien cela - il a acheté une antenne de télévision et quatre bières de M. Luc Lebel à 1,50 $ l'unité. M. Brousseau s'est rendu à l'encan de M. Lebel, fait par Jules Côté - après son propre encan qui semble avoir mal été, selon ses dires - et il a acheté une antenne de télévision et quatre bières. M. Brousseau a pensé que tous ceux qui allaient mal en agriculture faisaient affaires avec Jules Côté alors que ce n'était pas vrai. Par la suite, il a acheté des truies de M. Jules Côté pour repartir dans l'élevage de la truie. Il a assisté à d'autres encans -c'est écrit dans mon mémoire - faits par Jules Côté. Comment se fait-il qu'il continue à faire des affaires avec l'encanteur alors qu'il semble avoir été frustré par le même encanteur?

M. Picotte: Dans votre mémoire, à la page 2, vous faites référence aux 165 000 $. Un peu plus loin, dans la conclusion, je lis: "L'encan a rapporté la somme de 58 200 $...

M. Daoust: Oui.

M. Picotte: ...et M. Brousseau a conservé un tracteur et entre-temps une cabine d'une valeur d'au moins 10 000 $. Ce résultat a dépassé l'offre de 65 000 $." C'est vous-même qui avez signé cela. Je crois comprendre qu'il y a une erreur de 100 000 $.

M. Daoust: Non, non, il n'y a pas une erreur de 100 000 $ parce que différentes possibilités ont été proposées à M. Brousseau par différentes personnes. Un des commerçants en question avait offert 65 000 $ pour les animaux et la machinerie, incluant les 2000 ballots de foin. Avant de prendre la décision de faire encan, il a rencontré quelques commerçants pour discuter de la façon de vendre ses actifs.

Je peux vous donner certains détails sur les résultats de l'encan; je les ai ici au dossier. L'encan du quota... Cela a été vendu par la Fédération des producteurs de lait. La vente du quota, des animaux et de la machinerie a rapporté la somme nette de 94 633 $; les animaux qui ont été gardés par M. Brousseau ainsi que la machinerie ont été évalués dans notre dossier à 34 600 $. On avait évalué sa ferme à 60 000 $. Cela fait un total de 189 233 $, alors que la meilleure offre, à notre connaissance et selon les propos tenus par M. Brousseau, avait été, l'une de 165 000 $ et l'autre de 175 000 $. On ne peut pas dire que son encan a si mal été; cela lui a permis de payer une bonne partie de ses dettes.

M. Picotte: Mais quand M. Brousseau faisait référence à une offre qui lui avait

été faite, évidemment, il conservait cinq hectares de terrain; il conservait sa maison aussi; il conservait quelque machinerie. Est-ce qu'il vous a souligné si c'était un souffleur John Deere, si ma mémoire est bonne? Ce qui veut dire que, forcément, la valeur était encore plus élevée.

M. Daoust: Selon l'information dont je me rappelle, les deux offres de 165 000 $ et de 175 000 $ comprenaient tout; il n'y avait plus rien qui restait à M. Brousseau, à ce moment-là.

M. Picotte: Dans son mémoire, il dit: "Quelques mois avant l'encan, un particulier m'avait offert d'acheter ma ferme à 160 000 $ et j'aurais pu conserver ma maison, mon tracteur et mon souffleur." Il a parlé aussi d'un demi-hectare de terrain.

M. Daoust: Je pense que, pour répondre précisément à votre question, cette décision de faire encan avec M. Jules Côté a été prise par M. Brousseau; c'est lui-même qui a signé l'encan avec l'encanteur. (16 h 30)

M. Picotte: Vous me dites - et j'aimerais préciser ces détails - qu'en aucun moment vous n'avez discuté avec M. Brousseau des noms qu'il vous aurait soumis, sauf pour une firme de Montréal.

M. Daoust: C'est cela.

M. Picotte: Dans le dossier, on parle de MM. Réal Benoît, Marcel Lambert et Lucien Houle.

M. Daoust: C'est cela.

M. Picotte: Ce sont les trois encanteurs de la région que M. Brousseau nous disait connaître et avoir l'intention de demander. Finalement, il nous a dit que, par la suite, vous lui aviez suggéré fortement...

M. Daoust: C'est absolument faux.

M. Picotte: ...M. Côté. Vous n'avez jamais discuté de ces trois noms ni fait de commentaires...

M. Daoust: En fait, il m'a demandé... M. Picotte: Un instantl M. Daoust: Excusez-moi!

M. Picotte: ...sur les trois encanteurs que vous a proposés M. Brousseau.

M. Daoust: II m'a demandé: Connais-tu Jules Côté? Est-ce un bon commerçant? J'ai dit: D'habitude, les encans avec Jules Côté se déroulent bien. Je ne connaissais pas du tout les autres encanteurs qu'il me nommait. C'est lui qui a fait le choix, à ce moment-là.

M. Picotte: Vous n'avez jamais vous-même appelé Jules Côté dans ce dossier?

M. Daoust: Absolument pas, c'est lui-même qui a appelé Jules Côté. Avant ma visite sur la ferme, il avait déjà communiqué avec lui.

M. Picotte: Vous ne lui avez pas non plus suggéré d'appeler M. Jules Côté?

M. Daoust: Non, non, non. M. Picotte: Absolument pas!

M. Daoust: Absolument pas! Que M. Brousseau prenne Jules Côté ou un autre commerçant ou un autre encanteur, cela n'a aucune influence sur mon salaire. Écoutez!

M. Picotte: Vous n'avez jamais rencontré M. Côté à une période autre que celle de 9 heures à 5 heures.

M. Daoust: Absolument pas!

M. Picotte: D'aucune façon vous n'avez rencontré M. Brousseau...

M. Daoust: Du travail de 20 heures le soir à 1 heure du matin, je ne fais pas ça chez les agriculteurs. Il peut arriver que j'en fasse dans ma maison dans des dossiers compliqués, mais je ne fais pas de visites chez les agriculteurs le soir.

M. Picotte: À chacune des occasions où vous avez rencontré M. Brousseau c'était entre 9 heures et 5 heures.

M. Daoust: Absolument! Absolument!

M. Picotte: M. le Président, je pense que cela a clarifié certaines choses en ce qui concerne ce dossier-là. J'aurais d'autres questions pour M. Moreau. Je pourrai revenir à M. Moreau. J'accepterai évidemment un aparté de M. Daoust sur le même sujet pendant qu'il est à la table.

Le Président (M. Vallières): J'ai une demande d'intervention du député de Saint-Hyacinthe également.

M. Dupré: Comme c'est sur le même sujet, je vais permettre à mon collègue de...

Le Président (M. Vallières): M. le député d'Arthabaska. Nous reviendrons ensuite, par alternance, à ma gauche.

M. Baril (Arthabaska): Je voudrais

profiter de l'occasion que vous êtes ici, M. Daoust. D'après le mémoire que M. Brousseau nous a présenté, à moins que les dates qu'il nous a mentionnées ne correspondent pas, il aurait préféré vendre son troupeau de porcs au lieu de vendre son troupeau laitier. On dit, dans le texte: "Dans une lettre du 5 avril 1982, M. Camille Moreau accepte la vente de mon troupeau porcin pour rembourser mon prêt sur nantissement sur lequel portent les arrérages et il affirme que les procédures seront suspendues si je m'engage par écrit à verser 1000 $ tous les quinze jours. Cet arrangement me convenait car je voulais garder mes vaches qui m'apportaient un revenu régulier et vendre mes porcs où j'étais déficitaire. Le 16 avril, le directeur régional de l'office pour la région de Sherbrooke vient me voir à mon domicile et m'informe que je ne peux vendre mes porcs et que je dois faire encan de ma machinerie, de mes vaches et de mon quota pour satisfaire les exigences de l'office."

Pourriez-vous nous démêler cela?

M. Daoust: Non, ce n'est pas correct, la visite de la ferme le 16 avril. L'encan a été tenu le 17 avril. Cela voudrait dire que je serais allé sur la ferme la veille de l'encan. C'est totalement faux.

M. Baril (Arthabaska): On disait également, dans le mémoire, si je continue... On peut dire qu'on a corrigé les dates, mais il faudrait corriger d'autre chose dans le mémoire parce qu'on dit: "Aussitôt que j'ai accepté de vendre mon...

M. Oaoust: L'encan s'est tenu le 17 avril, j'ai le rapport de l'encan ici devant moi.

M. Baril (Arthabaska): Donc la visite du 16 à la ferme serait fausse.

M. Daoust: C'est faux.

M. Baril (Arthabaska): C'est pour le point 1. Plus loin, dans le mémoire, on nomme que, le soir même, on ne dit pas M. Daoust, mais on dit que le directeur régional a appelé M. Côté pour venir faire encan le lendemain matin.

M. Daoust: Non, parce que...

M. Baril (Arthabaska): Alors, si on corrige le 1, il va falloir corriger...

M. Daoust: Pour votre information, l'encan a été signé par M. Brousseau - c'est une date à retenir et cela peut être vérifié dans les registres de l'encanteur - le 24 mars 1982. C'était déjà décidé - vous parlez de quoi? du 16 avril - depuis le 24 mars 1982 qu'il ferait encan. Il avait déjà signé son encan avec l'encanteur.

M. Baril (Arthabaska): Mais la lettre de M. Moreau qui acceptait la vente du troupeau porcin au lieu de vendre le reste, est-ce que c'est vrai ou si...

M. Daoust: Lors des discussions que j'ai eues avec M. Brousseau, lors de ma visite chez lui, on a discuté de cela. Tantôt, je vous mentionnais que M. Brousseau, au moment de ma visite, avait environ 180 000 $ de dettes. Seulement la vente de son troupeau, de ses truies, ce n'était pas assez pour réduire ses dettes, pour lui permettre de continuer. C'est la raison pour laquelle il avait décidé, à ce moment-là, de procéder plutôt par encan des bovins laitiers, du quota et de la machinerie. C'est la raison, parce que son endettement était trop élevé. En vendant ses truies, cela ne lui donnait pas assez d'argent pour diminuer ses dettes et être capable de continuer.

M. Baril (Arthabaska): Donc, ce n'est pas l'office qui l'a forcé à vendre ses vaches et son quota.

M. Daoust: C'est sa décision personnelle.

M. Baril (Arthabaska): C'est sa décision personnelle.

M. Daoust: Absolument.

M. Baril (Arthabaska): Merci.

M. Picotte: M. le Président.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: J'ai une question complémentaire à M. Daoust. Dans un document que M. Brousseau a déposé hier, il est dit ceci: "Quand j'ai fait encan, Viateur Daoust avait promis qu'il me laisserait le prêt de 32 000 $ pour repartir sur le porc. Pour prouver qu'il m'avait dit de continuer sur le porc, il avait envoyé une lettre à mon gérant de caisse pour me dire de prendre 10 000 $ sur l'argent de l'encan pour grossir mon troupeau de truies." Est-ce qu'effectivement il a été question de cela dans vos discussions?

M. Daoust: Oui, effectivement. On en avait discuté avec M. Brousseau. Si l'encan rapportait suffisamment d'argent, de même que la vente du quota, il aurait peut-être été possible pour lui de continuer dans l'entreprise porcine, c'est-à-dire de prendre une partie de l'argent de l'encan pour payer des dettes d'abord, des arrérages, pour

mettre le dossier régulier, et une partie de l'argent devait servir pour l'achat de truies. D'accord? Tout de suite après l'encan habituellement, il faut attendre le consentement de notre siège social, mais cela semblait urgent - M. Brousseau me pressait de débloquer 10 000 $ du dossier, qui étaient déposés à la Caisse populaire de Saint-Félix-de-Kingsey. À ce moment-là, j'ai fait un appel ou j'ai peut-être envoyé une lettre - je pense que c'est plutôt un appel; il faudrait que je vérifie mon dossier - pour demander qu'on débloque 10 000 $ pour lui permettre d'acheter immédiatement pour 10 000 $ de truies.

Par la suite, l'Office du crédit agricole a accepté d'utiliser les autres sommes d'argent qui étaient retenues au dossier pour consolider des dettes. Une certaine somme a été utilisée pour payer M. Francoeur, un meunier, et également pour payer la Coopérative de Saint-Félix. Cela a permis de consolider le solde des dettes de M. Brousseau pour lui permettre de continuer dans le porc. C'est cela qui a été fait. C'est une décision qui a été rendue par l'office.

Je ne sais pas si cela répond à vos questions.

M. Picotte: M. Brousseau aurait pu comprendre, à ce moment-là, quand vous lui avez dit cela, que vous étiez prêt à recommander un autre prêt...

M. Daoust: Non.

M. Picotte: ...de l'office pour qu'il puisse fonctionner. J'imagine qu'il a dû comprendre cela de cette façon.

M. Daoust: Non, ce n'est pas cela qui a été discuté. Il a été discuté d'utiliser une partie de l'argent qui provenait de la vente du quota et des animaux pour, si vous voulez, se consolider dans le porc, parce qu'il avait déjà des truies. Mais c'était pour augmenter, pour remplir sa bâtisse - sa bâtisse n'était pas pleine, à ce moment-là -et pour payer des dettes, pour lui permettre de regrouper ses emprunts. On a un rapport dans le dossier qui confirme ce que je viens d'expliquer.

M. Picotte: M. le Président, compte tenu que je veux respecter la règle, en tout temps d'ailleurs, émise par la commission concernant ce dossier que vient de nous lire M. Daoust, je demanderais qu'il soit déposé à la commission de sorte que les gens pourront en prendre connaissance.

M. Daoust: Cela fait partie du rapport.

M. Picotte: Oui, sauf que ce n'est pas tout le monde qui y a accès.

M. Daoust: Ah!

M. Picotte: C'est pour cela que je demande le dépôt. Ainsi, tout le monde pourra le consulter.

Le Président (M. Vallières): Est-ce qu'on peut m'apporter le document?

Nous allons continuer avec les questions. Je me réserve le droit de regarder le document avant son dépôt.

M. Picotte: II y a un autre fait qui est souligné dans le document de M. Boucher et auquel je veux faire référence parce que j'aimerais bien qu'on puisse aussi avoir la version de M. Moreau concernant ces assertions. Je fais référence au rapport que nous a soumis M. Boucher et qui a trait au fameux concours du plus bel homme. Il est dit, à la page 4 du dossier: "Si le gouvernement actuel craint les journalistes, la commission pourrait interroger Mme Lise Payette, ex-ministre du gouvernement et ancienne animatrice de Radio-Canada, à propos des menaces qu'elle a reçues du président de l'Office du crédit agricole, après avoir découvert que l'intègre Camille Moreau avait tenté de déjouer son concours du plus bel homme du Québec en faisant fabriquer par son personnel de l'office des milliers de bulletins de votation truqués pour devenir le plus bel homme du Québec."

Je pense que cela a été mentionné dans le dossier. On fait référence au fait que les bulletins avaient déjà été préparés par du personnel à l'Office du crédit agricole. J'aimerais connaître votre version des faits face à ce paragraphe.

M. Moreau: Voici, je vais vous donner le contexte. Je m'excuse, cela va peut-être prendre un peu de temps, mais je pense qu'il faut vider l'abcès. Il n'y a pas de cachette là-dedans et on a les pièces. Si la commission désire avoir des pièces, on les fournira. Cet incident, si on peut parler d'un incident, pour ne pas dire un accident, s'est présenté dans le cadre d'un dossier chaud. C'était une dame qui revendiquait un prêt chez nous et qui avait dit à ce moment que le prêt lui avait été refusé parce qu'elle était dame et non pas... Ce qui n'était pas fondé, bien sûr. Toujours est-il qu'un bon jour le dossier de cette dame s'est rendu au programme "Appelez-moi Lise". Ce qui est arrivé, c'est que moi, j'ai été absent, en vacances à l'extérieur du Québec. Mme Payette, dans son émission, avait fait venir la dame en question. Elle répétait lors de ses émissions qu'elle voulait rencontrer le président de l'office.

Moi, je discutais avec mes collègues. Nous en sommes venus à la conclusion que le programme, avec tout le mérite qu'il pouvait avoir, ce n'était pas la place pour discuter

d'un dossier de crédit agricole. J'ai donc écrit à Mme Payette, qui a d'ailleurs lu ma lettre sur les ondes, pour décliner son invitation et lui dire que, pour autant que nous étions concernés, nous ne trouvions pas que c'était l'endroit souhaité pour discuter du contenu d'un dossier du crédit agricole. Vous voyez cela. Vous avez quelques-uns des dossiers, la complexité de ces dossiers. Vous voyez cela, à "Appelez-moi Lise", aller discuter de ces dossiers! Je pense que notre décision... Remarquez, je ne regrette rien là-dessus. Mais, j'étais absent, à ce moment.

À mon retour, j'ai constaté une chose, c'est qu'il y avait eu une initiative qui avait été prise par le club social de l'office dont le président est M. Hêtu qui est là, à ce moment. Si vous voulez l'entendre tout à l'heure, vous aurez l'occasion de le faire. Une initiative avait été prise par le club social de l'office qui n'avait rien à faire avec l'office en tant que tel. Ils se sont dit ceci: Le président n'avait pas rencontré Mme Payette, on va lui faire rencontrer Mme Payette, on va le faire participer à son concours et il va être obligé de rencontrer Mme Payette.

Remarquez bien que c'est une option comme une autre. Ce n'est peut-être pas le sujet en question, par exemple, je ne veux pas me prendre pour un autre. C'était peut-être un très mauvais choix sur le sujet. C'était un choix. Toujours est-il... (16 h 45)

M. Picotte: ...là-dessus.

M. Moreau: On blague pour ne pas pleurer. Toujours est-il que je reviens au bureau et que j'entends dire, ici et là, qu'un concours est amorcé, etc. La première réaction que j'ai eue en fut une de colère. Je m'excuse. J'en ai parlé à quelques-uns de mes collègues qui m'ont dit: Ne fait pas un plat avec cela. Qu'y a-t-il là-dedans? Les gars s'amusent. C'est un jeu. L'office n'est pas impliqué du tout là-dedans. C'est un club social. Il aurait pu organiser une partie de golf. 11 aurait pu organiser un "party" d'huîtres, mais là, il a participé au concours. "So what!" laissez donc faire. C'est la réaction que j'ai eue. Certains de mes collègues ici en ont été témoins.

Malheureusement, un de mes principaux collègues est décédé depuis ce temps. Il n'est pas mort de cela, mais il est décédé depuis ce temps-là. C'était un bonhomme assez aisé. Il a assumé à peu près tous les coups, la majeure partie des coups finalement. Il avait une compagnie d'assurances; les photocopies, les timbres, c'était timbré par sa compagnie d'assurances, etc. C'est sûr que cela a pu prêter l'office à assumer ces coups. Je peux vous jurer en mon âme et conscience - nous avons des pièces également - qu'il n'y a pas un cent des contribuables... J'espère en tout cas que l'éthique des médias va rétablir les choses. J'ai entendu dire à la radio que le président de l'office a utilisé des fonds publics à des fins personnelles, ce matin, à la radio, et je vous dis que cela fait mal. Je suis très scrupuleux sur ce point. Je vous mets au défi, il n'y a pas un cent qui a été utilisé à des fins personnelles. C'est de la foutaise de A à Z.

Ce qui est arrivé, c'est qu'il y a eu une participation. Les hommes et les filles qui voulaient travailler au club social y allaient le soir. Ils adressaient des lettres et les distribuaient. Il ne s'est pas fait de travail le jour dans ce cadre-là. C'était une blague, comme il y a en a eu dans d'autres organisations. Il n'y a pas eu de rang, parce qu'on a été disqualifié. Je ne me souviens pas pourquoi. Dans le concours, l'office a été disqualifié. Il n'y a pas eu de rang. On parle de 7e rang. Je ne sais pas où on a pris cela. À mon point de vue, c'est de la foutaise. Il y a eu une participation, soit. Je vous explique le cadre dans lequel cela s'est passé.

Je suis heureux de le faire, d'une certaine façon, parce que je ne veux pas laisser planer des doutes sur mon intégrité et l'intégrité de l'équipe que j'ai l'honneur de diriger. Je peux déclarer en mon âme et conscience que pas un cent des deniers publics n'a été utilisé à cette fin. J'ajouterai que la première réaction aurait été de tout stopper, mais, après discussion avec mes collègues, on a laissé porter, parce que c'était un jeu. Il faut quand même avoir un peu d'humour et savoir s'amuser d'une certaine façon. Je peux vous dire qu'une équipe - j'ai parlé, dans mon document, d'une équipe exceptionnelle - cela se motive. Le club social a joué un rôle chez nous dans la motivation de notre équipe. Je le prends comme un élément qui a contribué à donner une activité au club social, point, sans autre conséquence. Malheureusement, cela a pu être perçu par d'aucuns... Cela l'a été. Je me souviens qu'à ce moment-là un entrefilet avait été écrit dans ce sens et cela a été corrigé. Lorsqu'on a pris le numéro de la machine à timber les lettres, on s'est aperçu que cela venait de l'extérieur, que c'était justement la compagnie d'assurances de mon collègue. Il y a eu une rétractation dans le journal. On a dit: On s'excuse, l'accusation qui a été faite n'était pas fondée. Il n'y a absolument rien eu. Je réitère, M. le Président, qu'en mon âme et conscience je peux assurer la population qu'il n'y a pas eu un cent de l'argent des contribuables qui a été affecté à cette fin.

M. Picotte: M. Moreau, quant à faire de l'humour, je suis heureux que vous ayez dit cela devant certains de mes employés. S'ils peuvent avoir autant d'admiration envers leur patron que les vôtres en ont eu envers

vous, je pense que cela va bien aller. Il semble ne pas y avoir de danger. On me dit que je ne les paie pas assez cher. M. le Président, trêve de plaisanteries.

Je vais revenir à deux autres points pour terminer l'étude de ce dossier. C'est mon voeu à moi et le vôtre aussi, j'imagine. C'est à votre satisfaction, je l'espère. Il est dit, à un moment donné: "La campagne électorale du président de l'office a été placée sous la présidence d'un régisseur de l'office qui avait été député de l'Union Nationale - je ne sais pas si c'est le gars auquel vous faites référence - pendant 16 ans et qui met son expérience d'organisateur aux traditions duplessistes et aux télégraphes. On organise tout d'abord une campagne de financement comme lors de vrais élections auprès des employés qui cotisent volontairement forcés à cette campagne. Tous les jours, la liste des donateurs est déposée sur le bureau du président. Plusieurs employés voient leur don comme un bon investissement puisque, après tout, c'est lui qui accorde les augmentations de salaire."

Est-il exact que les listes étaient déposées sur votre bureau, sinon quotidiennement, souvent?

M. Moreau: Il ne faut pas savoir comment les salaires sont fixés dans la fonction publique. Quand même! C'est une blague. Est-ce qu'on a quelque chose à dire sur la manière de fixer les salaires? Vous savez que c'est une table centrale; on n'a pas un mot à dire sur le salaire de ses employés. Dans le cas des cadres, il y a des échelles depuis quelques années. Si ma mémoire est bonne, il n'en était pas question à cette époque. C'est de la blague.

M. Picotte: Vous n'avez rien à dire ni sur les salaires ni sur les promotions des employés.

M. Moreau: Bien sûr que les promotions des employés... Si j'avais une nomination... Mais, encore là, c'est fait par concours. Je ne peux pas voir comment, même à ce moment-là, lors d'une nomination, un adjoint devienne directeur ou un adjoint aux cadres devienne cadre. Il y a des promotions qui sont réglées par concours. Je n'ai absolument rien à faire là-dedans. C'est gratuit. Je peux vous dire qu'en aucun temps je ne me suis senti influencé... D'ailleurs, ce n'est pas vrai qu'elles étaient déposées journellement sur mon bureau, cela n'avait rien à foutre, c'était une initiative du club social. En aucune façon, cela ne peut affecter mon jugement d'une personne. Ce serait très bas et ce ne serait pas une façon de motiver une équipe que de procéder de cette façon.

M. Picotte: M. le Président, tantôt je me référerai à quelques points dans le texte et, après cela, je céderai mon...

M. Moreau: C'était sur le bureau du président du club social et ce n'était pas moi.

M. Picotte: "Le président de l'OCAQ faisait adopter une résolution - c'est qui ce qui a été dit dans les rapports - du bureau de direction de l'office afin qu'il puisse pousser sa candidature du plus bel homme. M. Garon pourrait consulter les minutes de l'office et téléphoner aux personnes de l'époque qui furent "tablettées" pour s'être élevées contre le président sur ce sujet, et qui préconisaient plutôt des services accrus aux agriculteurs qu'une campagne électorale pour que le président devienne le plus beau." Je souligne, entre parenthèses - j'imagine que ce sont des gens qui auraient été "tablettés" - "entre autres M. Chevrette et M. Tessier."

M. Moreau: II n'en est rien, absolument rien.

M. Picotte: La résolution de l'office?

M. Moreau: Cela n'existait pas. C'est une résolution qui aurait été adoptée en mon absence. Je n'ai jamais entendu parler d'une résolution de l'office en regard de cela. C'est de la pure fantaisie, à mon point de vue; c'est de la fiction. Ce qu'il y a dans le livre, on pourrait en discuter si on a une minute. C'est de la science-fiction, des élucubrations. Il n'y a absolument rien de fondé là-dedans. J'espère qu'on aura l'occasion de faire la lumière sur tout cela.

M. Picotte: Pouvez-vous nier que MM. Chevrette et Tessier ont été "tablettés"?

M. Moreau: Non, ils n'ont pas été "tablettés". Je m'excuse. M. Chevrette est arrivé comme régisseur et il était régisseur quand il est parti. M. Tessier était agent de recherche et il est parti de chez nous comme agent de recherche, le statut qu'il avait lorsqu'il est parti. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par "tablettés".

M. Picotte: C'est souligné, "tablettés".

M. Moreau: Vous avez peut-être une autre définition que la nôtre. Pour moi, un gars qui occupe la même fonction à son départ que celle qu'il occupait à son arrivée, je ne peux pas dire qu'il est "tabletté". Pour moi, un gars "tabletté" est sorti du sérail, de la chaîne et il est placé sur une tablette quelque part. C'est ce que j'ai entendu dire pour un "tabletté". Je peux vous assurer en mon âme et conscience que ces gens n'ont pas été "tablettés". Maintenant, qu'ils soient partis de l'office par la suite, c'est pour

d'autres considérations et longtemps après. Je ne sais pas si cela peut faire partie des questions de la commission. D'ailleurs, ce n'est pas moi qui les ai mis à la porte, ils ont opté pour changer d'endroit; c'est leur choix.

M. Picotte: Pouvez-vous me dire vers quelle date environ MM. Chevrette et Tessier ont quitté l'office?

M. Moreau: On me dit que M. Chevrette serait parti il y a environ cinq ans. Le concours en question a eu lieu en 1975. À ce qu'on me dit, M. Chevrette serait parti en 1976... C'est après cela, M. Garon était là; c'est en 1978 qu'il est parti. M. Tessier en juillet 1976 et M. Chevrette en 1978, à ce qu'on me dit.

M. Picotte: M. Tessier en juillet 1976...

M. Moreau: II est parti pour le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, aux environs de juin 1976 et M. Chevrette est parti en 1978, à ce qu'on me dit. Si vous voulez avoir l'information, on pourra vous la confirmer. Je vais demander au directeur du personnel...

M. Picotte: S'il y avait moyen de nous la faire parvenir, M. le Président.

M. Moreau: Volontiers.

M. Picotte: Je laisse le soin...

M. Moreau: Volontiers, monsieur.

M. Picotte: ...à d'autres de poser des questions, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: Dans le mémoire déposé par M. Boucher, à la page 7, il est question du dossier "opération choc". À ce moment-là, un bon groupe de fonctionnaires sont ainsi temporairement assignés dans la région de Montréal, plus précisément à l'hôtel Méridien. Pour conduire l'opération choc qui s'est déroulée à Montréal en 1979, est-il exact que l'office a loué un étage de l'hôtel Méridien comme c'est affirmé là-dedans? On sait aussi qu'il y a plusieurs bureaux à Montréal. Avez-vous pris la peine de louer un étage à l'hôtel Méridien - des banquiers, des notaires - pour procéder à cette opération?

M. Moreau: On a loué un tout petit local au Centre Desjardins et non au Méridien, parce que je pense qu'une semaine au Méridien aurait coûté à peu près ce que cela a coûté pour six mois, toute l'expérience, si on avait loué un étage au Méridien. Donc, c'est de la pure fantaisie, encore là. On a loué un étage avec... C'est le ministère des Travaux publics qui l'a loué pour nous, finalement. Dans le truc gouvernemental que vous connaissez, dans le cheminement des dossiers avec les organismes centraux, l'approbation du Conseil du trésor, l'intervention des Travaux publics, ce sont les Travaux publics qui ont aménagé eux-mêmes le local. Il n'y a rien là, à mon point de vue. C'était une expérience pilote qu'on voulait faire et je vais vous expliquer pourquoi, dans quel cadre on a voulu faire cette expérience pilote.

On avait essayé à maintes reprises d'améliorer le fonctionnement à l'intérieur et on a voulu pousser à la limite ce que cela prenait, le délai idéal, quasiment in vitro. On est sorti du contexte et on s'est dit: Essayons pour quatre régions de la province -Saint-Jean, Saint-Hyacinthe, Sherbrooke et L'Assomption - de changer le système pour voir, si on pousse à la limite notre fonctionnement, dans quel délai on peut sortir des prêts. Et on l'a fait pour 1011 dossiers. À la suite de cela, quand on a fermé... Parce que cela avait été convenu que c'était une expérience pilote de six mois. À la suite de l'expérience pilote, on a fermé, on a plié bagage. On est revenu au siège social et on a essayé d'implanter cela et de transposer au siège social l'expérience qu'on avait vécue à Montréal. C'est tout simplement cela, l'expérience pilote. Il n'y a pas de Méridien là-dedans. C'est tout simplement un petit local qui a été loué. Plusieurs l'ont visité ici, je pense bien, les gens de l'UPA probablement. C'est un petit local qu'on avait au Centre Desjardins. Je ne me souviens plus à quel étage. C'était très restreint comme local, d'ailleurs, parce qu'on savait qu'on y allait simplement pour six mois. Boni Cela répond à la question. Je ne sais pas si c'est assez complet.

M. Dupré: Un peu plus loin, M. Boucher affirme que vous avez tenté de noyauter l'émission "Forum" de Mathias Rioux et de Jean Cournoyer sur l'autosuffisance alimentaire en "paquetant" l'émission avec une trentaine de vos fonctionnaires.

M. Moreau: Les seuls fonctionnaires de l'office qui étaient présents à l'émission, c'est celui qui est à ma droite, André Saint-Aubin, qui est directeur adjoint de la Direction du financement agricole; il y avait douze autres fonctionnaires de l'office. Effectivement, je les avais fait venir, mais ils n'ont pas participé à l'émission, finalement. Quand j'ai vu le genre d'émission que c'était, ils n'ont pas participé à l'émission. C'était Viateur Daoust qui était ici tout à l'heure, du bureau régional de Saint-Hyacinthe, parce qu'il y avait des cas

de cette région-là. Finalement, ils ne sont même pas entrés. Ils n'ont pas descendu de leur voiture, je pense, à ce qu'on me dit, ni l'un ni l'autre. Il n'y a pas eu 34 personnes de l'office à la porte. Voyons donc! C'est de la foutaise. Il y en avait deux, M. Saint-Aubin et moi-même.

M. Dupré: Combien y avait-il de personnes dans la salle, environ?

M. Moreau: Une minute! Dans la salle, ils ont compté, à un moment donné, une quarantaine, peut-être 43 ou 44, quelque chose comme cela. Il y avait plusieurs agriculteurs. Il y en avait quelques-uns du ministère de l'Agriculture qui étaient là. Il y avait M. Charbonneau qui était là, M. Norbert Dubé qui s'occupe de la production bovine et M. Raymond Laflamme. Ce n'est pas de l'office. De l'office, nous étions deux. C'est loin de 34, en tout cas. Ajoutez trois ou quatre du ministère au maximum. Je , pense que c'est trois.

M. Dupré: À la première page de votre déposition, vous dites: "Alors qu'une refonte du régime actuel de financement agricole s'avère imminente." Est-ce que vous pourriez... (17 heures)

M. Moreau: Vous savez que cela a été annoncé à plusieurs reprises par M. Garon. Je ne peux pas vous dire quand le sommet va être tenu. Il y a un sommet d'annoncé, mais j'ai dit "imminente" dans le sens que le sommet a été annoncé pour l'automne. S'il se tient à l'automne, cela veut dire que, dans les mois qui vont suivre, normalement, il devrait y avoir une loi. Je sais que nous travaillons actuellement sur une recherche dans ce sens à l'office. Nous nous employons à préparer cette refonte. Nous attendons le sommet pour essayer de voir quelles sont les recommandations qui sortiront du sommet.

M. Dupré: À la page 3, vous dites: "II n'appartient donc pas à l'office de faire de la promotion, de mousser des projets, mais bien de procéder à l'analyse des projets." Non seulement l'avons-nous entendu ici hier, mais c'est courant, cela m'a été dit à plusieurs occasions par certains de mes commettants, à savoir que souvent les préposés disaient: Soit, tu vends ton troupeau et après on va te prêter pour exploiter le porc. Tu fais ci, puis tu fais ça. Jusqu'à quel point cela va-t-il? Parce que ce n'est pas seulement ici qu'on a entendu cela. C'est très répandu dans le domaine agricole et particulièrement dans le secteur du porc. Dans notre région, où il y a plusieurs fermes laitières, à peu près tout le monde a abandonné pour se lancer dans la grande culture. Jusqu'à quel point les incitations sont-elles faites?

M. Moreau: Disons que, pour clarifier au moins une chose, on ne court pas après les clients. Il faut au moins clarifier ce point. On est littéralement débordé. Vous avez vu les délais dans les dossiers. Présentement, c'est un délai de 99 jours. Donc, on n'a pas le temps de partir comme des vendeurs de balayeuses ou faire le tour des rangs pour aller solliciter ou vendre des prêts agricoles. On n'a pas encore eu le temps de le faire. Je pense que ce n'est pas notre rôle, comme je l'ai expliqué dans mon document.

Par contre, les agriculteurs viennent nous voir et nous demandent ce qu'on pourrait faire. Vous avez toutes sortes de cas qui se présentent. Vous avez des gens qui ne le savent absolument pas. On reçoit des lettres qui nous disent: Cela fait six mois que je suis en chômage. L'agriculture m'intéresserait. Où pourrais-je me lancer? Qu'est-ce qui est le plus payant? Qu'est-ce que vous faites avec cela? Cela arrive que les gens nous demandent cela. On va leur donner des conseils. On peut dire: Écoute, si tu vas dans le lait, cela te prend des quotas. Es-tu capable d'avoir des quotas? Ce n'est pas facile. Si tu vas dans le porc... C'est tout cela, finalement. Depuis 1980, dans le porc, nous n'avons pas fait de développement. Ce sont simplement des transferts. Alors, ce n'est pas dans le porc non plus. Quoi qu'il en soit, c'est le genre de conseils qu'on peut donner.

Mais, dans tous les cas, on n'a jamais à se substituer à la décision de l'agriculteur. Il est bien sûr que l'agriculteur ou le requérant prend sa décision. On peut lui donner un conseil. Je pense que c'est un petit peu notre rôle de l'orienter, lui apporter un éclairage. On nous reproche de ne pas faire assez de suivi. On nous reproche de ne pas prendre le temps de s'en occuper. Quand on lui donne un conseil, il dit que c'est l'office qui l'a envoyé là. Mais, en tout cas, disons que cela fait partie de la panoplie des griefs qu'on peut avoir, à un moment donné. Surtout quand cela va mal, on cherche un bouc émissaire. C'est naturel. C'est normal.

Moi, je peux vous dire, et on insiste beaucoup chez nous là-dessus, qu'il n'est pas question d'être directif ou de faire du dirigisme dans ce sens-là, en aucune façon. Ce sont simplement des conseils que l'on prodigue et c'est toujours à l'agriculteur à prendre sa décision.

M. Dupré: Lorsqu'il y a eu la montée dans le porc, est-ce que les directeurs financiers demandaient fréquemment aux indépendants d'aller se chercher un contrat d'intégration et que ce serait seulement à ce moment-là qu'ils auraient droit au prêt? Je comprends qu'aujourd'hui il s'en fait un peu moins dans le porc, mais, quand même, on a eu les résultats. Vous avez dit tantôt que le

plus grand nombre de faillites ou le plus grand nombre de difficultés se retrouve dans le porc. Jusqu'à quel point est-ce vrai?

M. Moreau: Je dirais que ce n'est pas fondé à 99%. Je vais vous expliquer le contexte du 1% qui reste. Quand un agriculteur vient nous voir, nous lui remettons cette formule-ci qui constitue toute la nomenclature des documents dont nous avons besoin pour compléter son dossier. Notre conseiller en financement coche les documents. Il fait un crochet dans le carreau pour les documents dont il est question pour son propre dossier. Par exemple, le carreau pour le contrat de mariage, s'il n'est pas marié, il n'a pas besoin de le cocher, etc. Ou encore si c'est une corporation ou s'il y a des actes notariés, etc. Cela date déjà de plusieurs années.

Voici ce que j'ai pour le contrat d'intégration. Je vais vous lire la clause dans ce formulaire qui est le premier document remis à l'agriculteur. D'accord. Celui-ci date de 1982, parce qu'on en a ajouté trois ou quatre depuis, avec les transformations dans le secteur. Mais cela date de bien avant cela. J'aurais dû en prendre un plus ancien, mais quand même. Celui-ci date de 1982.

L'article 15: "Si vous détenez un contrat d'intégration, ou si vous avez l'intention d'en obtenir un..." On laisse les gens libres. J'ai dit tout à l'heure qu'on ne faisait pas de promotion ni d'un bord ni de l'autre, ni de dirigisme. On laisse les gens libres. C'est une belle preuve de ce que j'ai dit dans l'intervention antérieure. "... si vous avec l'obtention d'en obtenir un, veuillez produire une copie dudit contrat, ou projet de contrat, pour que l'office puisse juger de votre degré d'autonomie." Dans mon document, concernant l'occupation principale, j'ai énuméré les quatre critères: la majeure partie de son temps, la majeure partie de ses revenus, être maître de ses décisions... Vous n'ignorez pas qu'il y a des contrats d'intégration dans lesquels l'agriculteur est un mercenaire. Il nous faut vérifier le contrat pour voir jusqu'à quel point il est maître, il est autonome de son exploitation. On refuse souvent des contrats ou souvent on les modifie parce que cela ne satisfait pas à nos exigences. On demande le contrat, non pas pour le pousser à l'intégration, mais pour voir s'il répond aux critères d'occupation principale chez nous.

J'ai dit 99%; le 1%, qu'est-ce que c'est? J'ai, à la demande d'un député, je me souviens fort bien... Je pourrais citer... Un des députés présents autour de la table s'en souvient. J'ai vu un cas vraiment tragique: il s'agissait ou bien de faire un compromis sur l'intégration ou de le laisser couler. Son projet était d'avoir une porcherie-maternité et de faire de l'engraissement, ce qui est souhaitable en soi. D'ailleurs, la Fédération des producteurs de porcs souhaite une forme d'intégration à l'unité, sur la même exploitation. Mais lui, il ne pouvait pas se le permettre à cause de son endettement, parce qu'il était en train de sombrer. Nous avons donc fait un compromis. Nous avons dit: Nous allons financer ta porcherie-maternité. C'est moi-même qui lui ai suggéré... Je ne m'en accuse pas ni ne m'en excuse; je vous dis simplement ce que j'ai fait, je ne pense pas que ce soit plus grave qu'il ne faut, parce que j'ai contribué à sauver un agriculteur qui est venu me voir, à la demande d'un député qui m'a dit: Pourriez-vous le rencontrer? Il est bien mal pris. J'ai dit: Certainement, cela me fait plaisir. Ce que j'ai suggéré à ce moment-là, c'est de faire un compromis: Reste avec ton intégrateur pour l'engraissement et nous allons faire un effort pour consolider ton secteur maternité. Si ma mémoire est bonne - cela fait déjà trois ou quatre ans - je pense qu'il a encore son exploitation. Ce serait peut-être une chose à vérifier. Alors, le 1%, cela arrive très rarement. Dans ce cas, c'est que le dossier et la conjoncture le commandaient.

Pour répondre à votre question, ce n'est pas le rôle de l'office de demander à un bonhomme de s'intégrer. La meilleure preuve, c'est que j'ai des textes ici que j'ai moi-même préparés: je pense à la Terre de chez nous de 1978, à la Terre de chez nous de 1976, où il y a eu des dossiers sur le crédit agricole. Je vais vous lire ce qu'on y écrit. Vous vous rappelez la nomenclature des lois que j'ai faite au début de mon exposé: en 1972 a été créé, par la Loi favorisant le crédit à la production agricole, un régime de crédit à la production agricole. Voici ce qu'on dit ici: "Les conditions avantageuses qui assortissent le crédit devraient en outre permettre à l'exploitant d'obtenir de meilleur prix pour ses intrants en les payant comptant, tout en lui offrant l'opportunité de rompre le cordon ombilical avec certaines formes d'intégration à outrance voire même parfois en le dégageant de l'emprise de certains prêteurs peu scrupuleux."

C'était l'un des objectifs du crédit à la production en 1972 de permettre à l'agriculteur qui le voulait - c'était sa décision; on mettait un outil additionnel à sa disposition - de sortir de l'intégration. Ce serait illogique de notre part de précipiter systématiquement les gens dans l'intégration. L'exception qui vient confirmer la règle, c'est le cas... À ma connaissance, c'est le seul cas que je connaisse personnellement où j'ai suggéré au bonhomme... Lui, c'était "Crois ou meurs", il n'avait pas le choix; s'il n'avait pas fait de compromis, il ne serait plus en agriculture.

M. Dupré: Vous vous basiez

effectivement sur ceux qui apportaient un document pour prouver la rentabilité de leur future exploitation, mais ne saviez-vous pas que les intégrateurs pouvaient à tout moment, comme moyen de pression, diminuer la livraison de porcelets à certaines conditions ou peut-être essayer de forcer la main? En fin de compte, vous aviez ce document, mais je ne sais pas quelle garantie cela pouvait vous donner.

M. Moreau: Il n'y a pas un congrès où on allait où on ne se faisait pas reprocher cela. Imaginez-vous; Chaque fois que je revenais au bureau, je disais: On m'a encore parlé de ce maudit contrat d'intégration. Vous pouvez vous imaginer qu'on veillait au grain. Les directives ont été très fermes de ne pas, en aucun temps... Ce dont je vous parle, cela fait des années. Cela m'étonnerait qu'il s'en fasse. Je vous ai donné un cas qui confirme la règle. Qu'il y ait deux cas qui confirment la règle, c'est possible. Je vous ai donné le cas que j'ai vécu. Je vous dis cependant que, chez nous, la règle - les documents sont là pour l'attester, les orientations sont là et les outils si je parle du crédit à la production -est de permettre à l'agriculteur qui le désire de sortir de l'intégration. Dieu sait qu'au cours de la crise du porc plusieurs... Notre crédit à la production, si vous regardez les statistiques, depuis les quatre ou cinq dernières années, va dans une direction de croissance assez accélérée. C'est signe que plusieurs en sortent pour devenir autonomes.

M. Dupré: À la page 5 de votre document vous dites: "Pour apprécier cette rentabilité, on déduit les dépenses prévisibles des revenus anticipés." Vous faites ensuite la nomenclature de vos opérations. Le loyer, les denrées qui sont fournies sur la ferme, l'auto, le camion, jusqu'à quel point cela entre-t-il dans les bénéfices nets? De quelle manière est-ce évalué lorsque vous jugez un dossier comme rentable ou lorsque vous décidez d'accorder un prix sur une ferme en disant que, selon vos calculs, c'est rentable? Le loyer et les taxes sont à moitié déduits, etc.

M. Moreau: On essaie d'établir un équilibre - j'admets avec vous que ce n'est pas facile - entre ce qui doit être affecté à l'exploitation proprement dite et ce qui entre dans son coût de vie finalement, comme la voiture. Si vous regardez les règlements de la Loi favorisant l'amélioration des fermes, je pense au 4X4, si ma mémoire est bonne, il n'est pas encore admissible. On fait attention, il y a des limites. Évidemment, des fois, je ne veux pas dire que ce ne serait pas justifié; c'est une question sur laquelle on a eu des demandes et qu'on va peut-être réviser avant longtemps, pour la cerner davantage. Je donne des exemples. Pour éviter les abus, on a quand même des contraintes pour s'assurer que, s'il procède à l'achat d'un véhicule, ce soit bien pour l'agriculture. Comme je vous l'ai dit, on essaie d'établir une espèce d'équilibre entre la partie qui est affectable à l'exploitation proprement dite et celle qui est affectable à son coût de vie. Le dernier module dont je vous ai parlé tout à l'heure concerne son coût de vie: l'essence, les frais d'auto, qui font partie de ses choses personnelles.

M. Dupré: À la page 9, lorsque vous parlez des appels d'offres par voie de journaux en vue de la vente de fermes, M. Gras qui était ici ce matin a des doutes sérieux dans au moins quelques cas sur la procédure que vous employez. Vous l'avez mentionné un peu tantôt, mais je voudrais vous entendre en parler davantage.

M. Moreau: Dans le dossier de références qu'on vous a soumis dernièrement, vous avez un dossier complet sur la vente de fermes dans lequel vous avez notre procédure en détail. Je vais vous référer, si vous me permettez, à la section "Ordinogrammes". Vous avez à la fois tous les ordinogrammes reliés aux arrérages à la vente de fermes. Vous en avez un qui prévoit justement comment on fonctionne dans la vente de fermes; revente de terres acquises. Malheureusement, ce n'est pas paginé...

M. Dupré: Oui, je l'ai.

M. Moreau: C'est quelques pages avant la section suivante. Vous avez l'ordinogramme pour la revente des terres acquises et, tout à côté, la procédure in extenso de la vente des terres acquises. Voici comment nous procédons. Nous avons des appels d'offres qui sont lancés dans les journaux.

M. Dupré: M. le Président, je comprends que vous avez un plan et que c'est la méthode qui devrait être suivie, mais, lorsqu'une personne aussi compétente que M. Gras, avec le poste qu'il occupe... Je crois qu'il faut tout de même avoir certaines réserves lorsqu'il a déclaré ce matin qu'il avait de sérieux doutes quant aux opérations et quant à la manière dont cela se passait. Tenons pour acquis qu'ordinairement il y a un plan. En principe - je n'ai pas de doute -il doit être suivi. Mais, à la suite des révélations de M. Gras, ce matin, je me dois de soulever la question. (17 h 15)

M. Moreau: Oui, et j'ai ici le dossier en question, le dossier qui concerne M. Gras. J'ai une déclaration de mes officiers dans ce sens-là également. Si vous me le permettez, je vais vous expliquer comment on fonctionne

- c'est ce que je m'apprêtais à faire - parce qu'il y a plusieurs séquences.

La première séquence, c'est de faire paraître un appel d'offres dans les journaux. À la suite de cet appel d'offres, les personnes intéressées nous envoient leur soumission sous pli cacheté. Les enveloppes sont ouvertes à une réunion officielle du bureau de direction à laquelle assistent, évidemment, le secrétaire de l'office dont c'est la responsabilité, parce que c'est à lui que les soumissions sont adressées, ainsi que tout le bureau de direction et les représentants de la direction de la gestion des prêts de qui relève toute la question de l'administration des terres acquises et revendues.

Comme je l'ai expliqué dans mon texte, lorsque le prix de vente, le prix d'achat, devrais-je dire, nous apparaît trop bas, le bureau de direction donne instruction de retourner les chèques. J'ai entendu, ce matin, un petit bout de la déclaration de M. Gras qui disait que cela avait pris trois mois. Cela a été corrigé depuis ce temps-là. Aujourd'hui, ce n'est plus cela. On les retourne dans les jours qui suivent. Mais c'est possible qu'on ait déjà eu des délais dans le passé, surtout lorsqu'il y avait des cas problèmes et des problèmes de titres. C'est ce qui s'est passé dans ces cas-là. En tout cas, il y a eu des délais qu'on déplore, mais, généralement, il n'y a pas de délais si longs. Je dois admettre qu'il y a eu des délais dans son cas. Nous donnons alors instruction de retourner les chèques et nous donnons instruction au directeur régional de rencontrer les personnes qui ont soumissionné pour leur expliquer, quand il leur remet les chèques, qu'il y aura un nouvel appel d'offres, que la première offre n'a pas été retenue.

Je vous donne un exemple. Un bonhomme a soumissionné, la semaine dernière ou il y a quinze jours, 1 $ pour une ferme de 180 000 $. C'est nous faire perdre du temps tout simplement. Il a fallu recommencer l'appel d'offres, etc. Ce que je veux dire, c'est que, compte tenu que tant de personnes ont soumissionné, si les offres ne sont pas acceptables, on refuse, on retourne les chèques et on donne instructions à notre directeur régional de rencontrer les personnes, d'abord, pour vérifier si elles sont toujours intéressées à soumissionner et pour leur dire qu'il y aura un deuxième appel d'offres. Parfois, si des personnes, pour une raison ou pour une autre - par exemple, un voisin - n'avaient pas soumissionné et que cela nous intrigue qu'elles ne l'aient pas fait, on va leur dire: Etes-vous intéressés? Il y aura un nouvel appel d'offres. Et ce, sans jamais donner de prix, parce que la mise à prix apparaît dans l'avis qui apparaît dans les journaux. Il y a une mise à prix minimale. Notre homme, son rôle, c'est tout simplement de vérifier s'ils sont toujours intéressés à la ferme et de leur dire qu'il y aura un second appel d'offres. Ensuite, on procède au deuxième appel d'offres.

Quand on dépouille les offres, nonobstant le formulaire qui est rempli, il arrive parfois qu'on ait des doutes sur la personne qui propose d'acheter. Souventefois, la personne va dire: Ce sera avec un prêt de l'office. Il nous faut, à ce moment-là, vérifier si c'est quelqu'un qui est admissible à un prêt, s'il répond à nos critères d'admissibilité à un prêt agricole. Alors, on fait une enquête. On gèle les offres. On va voir la personne, on vérifie si elle a vraiment l'intention de se lancer en agriculture ou si c'est purement un essai, si elle est qualifiable en vertu de nos programmes. Cela nous permet de nous assurer qu'on vend des terres, non pas à des intégrateurs, non pas à des multinationales, comme on l'entend charrier. C'est de la foutaise. On s'assure que les acheteurs ont l'intention de cultiver eux-mêmes, conformément à nos critères, que la principale occupation va être l'agriculture, conformément à nos critères, qu'ils seront admissibles éventuellement à un prêt agricole, conformément à nos critères. C'est pour cela qu'il y a des contacts qui se font et je pense que c'est normal. Autrement, ce qui se produirait, pour dire comme l'autre, on s'en ferait passer des "petites vites."

C'est tout simplement cela le jeu et tout se fait officiellement. Le deuxième appel d'offres se fait de la même façon, avis dans les journaux. S'il y a un deuxième appel d'offres, il y a une deuxième ouverture des soumissions. Si ce n'est pas satisfaisant, il y a un troisième appel d'offres. On a eu des cas où on est allé au quatrième appel d'offres toujours en procédant de la même façon. Il y a des terres pour lesquelles on fait deux ou trois appels d'offres. Personne ne fait des soumissions. On dit à notre directeur régional: Va donc voir dans le coin s'il y a des personnes intéressées. Il est même arrivé quelquefois qu'on a donné cela à des agents d'immeubles spécialisés dans un coin et on leur a dit: N'oubliez pas une chose, dites à l'agriculteur qu'il doit répondre éventuellement aux critères pour l'admissibilité à un prêt. C'est comme cela que nous fonctionnons.

Vous avez ici la procédure qui est très claire. Vous avez le fonctionnement que je vous donne. J'en ai glissé un mot dans le texte. C'est comme cela que nous fonctionnons en pratique. Le directeur régional qui va faire ce boulot - j'ai ici une déclaration dans ce cas - est mandaté officiellement par une résolution du bureau de direction et, normalement, il va y aller même avec un autre, il est avec un témoin pour s'assurer que c'est indiscutable. En l'occurrence, c'est arrivé dans ce cas.

M. Dupré: Dans le cas dont on parlait, justement, est-ce que présentement la terre est vendue?

M. Moreau: Oui, la terre a été vendue. M. Dupré: À qui?

M. Moreau: Je peux vous dire cela. Le 14 mai 1982 - attendez un peu - il y a eu deux appels d'offres parce qu'il y avait deux terres. La première terre, celle de Saint-Célestin, dont il était question: ouverture des soumissions par le bureau de direction le 3 mai 1982. Huit offres d'achat furent présentées dont celle de la personne intéressée au montant de 30 000 $ dont 3000 $ au comptant. Le 3 mai 1982, mandat donné par le bureau de direction à M. André Gagnon de rencontrer - c'est le directeur de la gestion des prêts - les trois principaux soumissionnaires pour tenter d'obtenir de leur part des offres atteignant l'évaluation faite par l'office. On essaie de minimiser les dégâts. C'est tout simplement agir en bon gestionnaire, en gens responsables.

Le 7 mai 1982, nouvelle assemblée du bureau de direction pour statuer sur les offres. Rejet de six des huit offres dont celle formulée par la personne en question. Les 11 et 12 mai 1982, rencontre des trois principaux soumissionnaires ainsi que d'autres agriculteurs qui avaient manifesté le désir de soumissionner sur la ferme. J'ai les noms de tous ceux qui ont voulu soumissionner. Le 11 mai 1982, à l'occasion de la rencontre des soumissionnaires et autres intéressés, MM. André Gagnon et Clément Perrault ont fait part à chacun des soumissionnaires que le bureau de direction n'avait pas jugé bon d'accepter les soumissions produites - on vous relate exactement ce qu'on a fait tout à l'heure - car elles étaient trop basses eu égard à la valeur. Nous leur avons demandé s'ils manifestaient toujours de l'intérêt pour la ferme en question et s'ils étaient toujours intéressés à présenter de nouvelles offres. Alors, c'est ce qui est arrivé.

Il y a eu un deuxième appel d'offres. Attendez un peu, vous allez voir le deuxième appel d'offres. Le 14 mai 1982, ouverture des offres d'achat par le secrétaire de l'office, Me Paul Charest, en présence du bureau de direction. Trois nouvelles soumissions furent présentées dont celle de la personne en question. Elle est là. Elle a fait une soumission en due forme. C'est ouvert. Deuxième appel d'offres. Il y en a un qui propose 55 000 $. La personne en question, 50 000 $. Il était agriculteur. Deux frères qui sont agriculteurs, de Saint-Célestin, se sont portés acquéreurs de la ferme en question et ont offert 5000 $ de plus que l'autre personne. Quant à l'autre ferme, la même personne intéressée a coté et elle l'a obtenue, cela lui a été vendu parce qu'elle a offert 41 000 $. Le deuxième soumissionnaire avait offert 33 150 $. C'est donc la personne qui l'a obtenue. Je pense que c'est "fair". Ce sont exactement les lois économiques qui agissent. Je pense que, là-dedans... Autrement, on aurait des pertes énormes si, lors du premier appel d'offres, il fallait liquider les fermes à prix de rabais.

M. Dupré: Deux courtes questions pour terminer. Dans la déposition de M. Boucher, il demande le décret immédiat d'un moratoire sur les saisies. D'après vous, quel serait l'inconvénient ou quel serait le résultat si jamais, à la suite de notre commission, on décidait d'acquiescer à sa demande?

M. Moreau: Je pense qu'un moratoire, ce serait - je n'emploierai pas le mot "catastrophique" - vraiment dangereux pour le fonctionnement normal d'un système. Je m'explique. Je pense toujours à un système de crédit agricole. Il faut bien comprendre que ces prêts sont contractés bilatéralement, par deux personnes, comme dans tous les cas. Dans les PME, n'importe où, c'est la même chose; c'est un contrat. Il y a des conditions qui doivent être respectées dans un contrat. Imaginez que nous disions: Que tu paies ou que tu ne paies pas - on pourra revenir tout à l'heure à la subvention d'intérêt reliée à cela; j'ai lu cela aussi dans un mémoire - c'est la même chose; on va t'attendre. Le bon agriculteur fait des efforts. Si on pouvait s'abstenir de payer, personne ne ferait ses paiements nulle part, ni pour l'auto, ni pour les maisons; l'ouvrier s'abstiendrait de payer. Il ne faut pas oublier cela. C'est la même chose en agriculture. Je pense que, si on disait aux personnes: Paie ou ne paie pas, c'est la même chose; on va t'attendre. Les autres diraient: Qu'est-ce que cela me donne? Je vais changer d'auto cette année. "So what", même si je n'arrive pas, ce n'est pas plus grave que cela, l'office va m'attendre.

Lorsqu'on parle de l'office, n'oubliez pas que, finalement, ce sont les banques et les caisses et, lorsqu'il y a des pertes, le fonds d'assurance-prêts; nous assumons la différence d'intérêt. Ce serait à quels coûts pour le fonds d'assurance-prêts agricoles et forestiers? Cela voudrait dire quoi comme impact pour les agriculteurs qui font des efforts pour payer? Il ne faut pas oublier -je vous l'ai démontré tout à l'heure - que la très grande majorité des agriculteurs paie et paie bien. Je ne voulais pas laisser entendre autre chose. L'agriculture, c'est un des meilleurs risques. Il ne faut pas oublier cela. J'ai insisté là-dessus dans mon exposé. Généralement, les agriculteurs - il y en a qui sont malchanceux; on a donné les raisons des abandons tout à l'heure - paient et

paient bien leurs dettes. C'est une excellente clientèle. Si on devait dire, dans ces cas: Ne paie pas et cela ne changera rien, je pense que ce serait extrêmement dangereux pour un système de crédit agricole et, à mon point de vue, ce serait saper à sa base même l'effort qui doit être fait par tout emprunteur pour faire honneur à ses dettes.

M. Dupré: Une dernière question. Est-il exact que le nantissement agricole en regard du prêt consenti à Jean-Claude Boucher n'a jamais été signé par l'office?

M. Moreau: C'est vrai. Je ne sais pas si c'est par l'office, mais il n'a jamais été signé, point; ni par l'office ni par d'autres. C'est vrai. On peut dire dans ce cas que c'est une "mal-practice", d'une certaine façon. On a des lettres dans notre dossier disant que nous avons refusé la garantie à ce moment-là, c'est-à-dire qu'on a refusé la réclamation. On a averti le prêteur - il pouvait avoir recours à son notaire ou à son avocat, je ne sais trop; cela le regardait -que, lorsqu'il arriverait avec sa réclamation, il ne l'aurait pas, parce qu'on ne considérait pas cela comme un prêt garanti. Ce n'est pas le gouvernement qui paie pour cela. Cela arrive dans quelques dossiers. Je pourrais vous citer des exemples. Sur des milliers de prêts qui sont donnés, ne vous imaginez pas que cela baigne toujours dans l'huile, il y a de petits accrochages. C'est un oubli. Je n'essaie de lancer la pierre à personne, mais nous ne considérons pas cela, en vertu de l'article 9, je pense, de la loi du fonds, comme un prêt garanti. D'ailleurs, ce n'est pas à l'office à le faire signer. L'office est complètement en dehors du portrait. L'office est concerné par l'appréciation de la réclamation qu'il y aura. C'est au prêteur à faire signer le nantissement par l'agriculteur, sauf si le notaire du prêteur ou, je ne sais trop, son avocat fait un oubli. Cela peut arriver dans des dossiers. On le voit. À ce moment-là, on en tient compte dans la réclamation éventuelle qui sera déposée chez nous.

M. Dupré: Merci, M. le Président. J'ai terminé pour le moment.

Le Président (M. Vallières): J'ai étudié les documents que M. Daoust nous a demandé de déposer tantôt. Ils sont considérés comme étant déposés devant la commission. J'ai une petite demande à faire aux membres de la commission. Il nous reste maintenant, en temps de parole à épuiser, pour respecter le temps qu'on s'était donné, 36 minutes. À 18 heures, nous aurons 30 minutes. Il nous reste 30 minutes en réalité à écouler jusqu'à 18 heures. Il faudrait que chacun accepte que nous retirions 3 minutes de son enveloppe, ce qui fait qu'il resterait 19 minutes à ma droite et 11 minutes à ma gauche. Sinon, il faut d'ores et déjà convenir qu'on dépassera 18 heures.

M. Maltais: On dépassera 18 heures, M. le Président. Si on ne peut pas poser de question, cela ne donne rien d'avoir une commission parlementaire.

Le Président (M. Vallières): Non.

M. Dupré: Je suis d'accord pour continuer.

Le Président (M. Vallières): Nous dépasserions officiellement 18 heures de 6 minutes.

M. Maltais: M. le Président, question de règlement, à ce moment-ci.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Je comprends que M. le président de l'office donne de très bonnes réponses, mais y aurait-il moyen de les raccourcir un peu? On n'a pas quinze jours en commission parlementaire. On doit terminer avec vous ce soir, et il y a plusieurs députés qui avaient des questions à poser. Je suis convaincu que vous pourriez nous en dire autant dans un délai plus court. (17 h 30)

M. Moreau: C'est parce qu'il y a un membre de la commission qui m'a dit que je pouvais prendre tout le temps voulu. Je n'ai pas d'objection à m'ajuster à votre désir et au désir des membres de la commission.

Le Président (M. Vallières): Très bien. J'indique à nouveau à M. Moreau que, malgré certains contretemps que nous avons, il peut prendre le temps dont il a besoin pour répondre aux questions qui lui sont posées. La commission ajustera son horaire en conséquence s'il le faut et à la demande des membres de la commission.

M. Moreau: Merci.

Le Président (M. Vallières): J'ai une demande du député de Berthier pour une intervention.

M. Houde: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au président. M. le président, vous avez cité un paragraphe du texte de M. Marcel Talbot qu'il nous a donné hier: "Mon épouse a fait un avis d'adresse le 21 avril 1983 et une déclaration de résidence familiale le même jour à Drummondville, alors que j'étais encore propriétaire de ma ferme. Le 3 mai 1983, lors de la vente par shérif de ma ferme, je présente ce document au huissier qui, après avoir consulté M.

Viateur Daoust, décide de ne pas en tenir compte et de procéder à la saisie. Pourquoi a-t-on écarté du revers de la main ce document qui protégeait ma résidence familiale comme l'atteste la lettre du 27 septembre 1984 que mon épouse a envoyée au ministère de la Justice?" Ceci est ma première question.

M. Moreau: On me dit qu'il y a de la jurisprudence en quantité pour dire qu'un enregistrement de résidence familiale n'est pas opposable à une vente au shérif. C'est la première nouvelle que j'en ai; je n'ai pas vérifié cette dimension du dossier. C'est ce que notre conseiller jurique nous dit; il faut croire que, s'il y a de la jurisprudence, on a agi suivant les normes.

M. Houde: Suivant les normes. Ma deuxième question. Je me cite en exemple. J'achète une ferme. Je m'en vais à l'Office du crédit agricole pour avoir de l'argent. Ma femme a déjà pris, dans les mois précédents - parce que ce n'est pas d'hier qu'elle a acheté la ferme - un enregistement de la résidence familiale elle aussi. Qu'arrive-t-il dans ce cas, si je demande de l'argent pour la ferme en question et que ma femme a déjà pris un enregistrement sur la ferme en question, sur la maison?

M. Moreau: Il y aura une caution de la part de la femme. On va trouver un moyen quelconque. Si cela n'était pas possible, cela veut dire qu'on ne pourra pas prêter pour toute la valeur, s'il y a un risque de ce côté. Cela devient une question de cas par cas. On tient pour acquis qu'ils peuvent s'entendre entre eux pour dire: Je vais cautionner pour la valeur de cette partie de la maison en question. C'est possible. Je ne peux pas vous dire. Il faudrait regarder chaque dossier à son mérite.

M. Houde: Ce ne seraient pas tous des dossiers... Ce sont des cas individuels.

M. Moreau: Oui, s'il y a des priorités d'hypothèques, chaque dossier est étudié à son mérite.

M. Houde: Merci.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Saint-Jean.

M. Proulx (Saint-Jean): Si je regarde, M. le président, ce qu'on a dit hier à votre sujet, soit que vous étiez un grand plaideur, je pense qu'on avait raison, un grand manipulateur. On peut le nuancer. On parle de votre arrogance et on dit aussi que vous êtes un homme puissant. C'est peut-être un compliment. Pour ce qui est du reste, je trouve les accusations extrêmement graves: vous trompez le ministre; vous trompez les agriculteurs, l'opinion publique, le gouvernement. Vous faussez les statistiques, vous trompez les jeunes, vous trompez les futurs agriculteurs. On parle de tromperie pure et simple. Ce sont des accusations extrêmement graves qu'on adresse à un président d'office et que je trouve fondamentalement inacceptables. Vous avez dit que vous aurez à vous défendre. C'est fondamental; on ne peut pas accuser un organisme de tromper un ministre d'une façon officielle en commission. Cela exige une réponse claire et formelle et votre part.

M. Moreau: D'accord, excusez. Je veux...

M. Proulx (Saint-Jean): Vous avez dit tout à l'heure que vous prendriez du temps pour vous défendre de cette accusation fondamentale. C'est peut-être le fond de la question. Pardon? À la fin, oui.

Tout à l'heure, dans votre texte, vous avez donné toutes les conditions pour accepter un prêt. Il y en a 16: nom, scolarité, nombre d'années, succès antérieurs. Si on tient compte de tout cela, il n'y aurait pas grand monde qui pourrait l'obtenir. Cela me rappelle quand M. Ryan avait imposé toutes les conditions pour être candidat libéral. Il fallait remplir 16 conditions et il a eu des problèmes.

Ce qui me frappe là-dedans, M. le Président, c'est le suivi. Vous dites que vous faites un suivi annuellement. Voici la question que je me pose: Est-ce qu'un suivi annuel est suffisant, quand je regarde, à la page 13, les causes d'abandon: investissements inopportuns; productivité insuffisante? Y aurait-il dans toutes les causes de faillite et d'abandon une faiblesse à ce niveau, au niveau du suivi? À l'annexe III, investissements inopportuns, y aurait-il une faiblesse à ce niveau, M. le Président? Est-ce que vous comprenez ma question?

M. Moreau: Oui.

M. Proulx (Saint-Jean): Est-ce que c'est suffisant, une fois par année, d'avoir un suivi, quand on fait des emprunts aussi importants? Une visite une fois par année, à mon avis, c'est trop faible. Ce n'est pas assez.

M. Moreau: C'est une question complexe. Si vous me permettez, je regrette... Il y a un membre de la commission qui veut que je sois très bref, mais la question est très lourde de conséquences et très complexe. Je vais essayer de faire le mieux possible.

M. Proulx (Saint-Jean): La question au niveau du suivi.

M. Moreau: Oui, oui, le suivi, strictement le suivi.

M. Proulx (Saint-Jean): Oui, oui.

M. Moreau: C'est très complexe. D'abord, il y a des personnes qui peuvent nous donner des conseils - on n'a pas tellement besoin de suivi - beaucoup d'agriculteurs. Ce n'est pas ceux dont il faut se préoccuper. Il y a quand même une limite au niveau des ressources. Le suivi est systématique. Je vais vous le donner ici. Dans le contrôle du déboursement, le prêteur informe l'office de tout déboursement de paiement. Il y a donc un contact; il y a une vérification du dossier à ce moment-là. Environ 70% des prêts consentis comportent un différé, pour amélioration foncière, construction, achat d'équipement et autres. Chaque différé compte en moyenne cinq déboursés et on parle de deux rencontres par déboursé. Les différés pour construction comptent plus de deux visites d'inspection en place en moyenne et par le représentant de l'office. On peut donc estimer à quelque 700 le nombre de visites effectuées et je pourrais vous en donner la nomenclature. J'en ai plusieurs pages dans toute l'année. Ce qui nous fait dire qu'il y a, en dehors de nos attributions normales de prêt, 10 800 visites sur la ferme qui sont faites par nos hommes. Quand on dit dans le texte qu'on reste un peu sur notre appétit et qu'on aurait préféré un suivi mieux structuré, c'est dans le sens qu'on pourrait l'intensifier - je suis bien d'accord - et surtout le structurer dans le sens d'employer des moyens modernes comme l'informatique pour le rendre pratiquement instantané. C'est là-dessus qu'on travaille. On est en train justement de faire une révision de la gestion des systèmes pour améliorer ce suivi.

Je pourrais vous donner le suivi qui a été fait dans le cas des sept grévistes.

M. Proulx (Saint-Jean): Non, je veux seulement au niveau général. Il y a des cas d'abandon - une soixantaine - à cause de la productivité insuffisante, de la productivité extrêmement faible, de la productivité faible. N'y a-t-il pas eu une faiblesse dans l'analyse dans ces cas-là? Comprenez-vous ma question?

M. Moreau: Oui. Les cas de suivi dont je vous parle, ce sont les cas justement qui demandent une attention particulière de l'office, les cas que vous soulignez, et on s'en occupe. Quand je vous ai dit dans mon document ou dans mon exposé qu'il y avait des crédits spéciaux et des études spéciales de faites, soit pour des conditions climatiques, soit pour des conjonctures économiques, c'est justement ces cas-là que je vise. Je pourrais vous sortir les cas, vous donner le nombre de rencontres qu'il y a eu sur la ferme, dans le cas des sept grévistes, les contacts qu'il y a eu, même les lettres qui ont été envoyées à telle ou telle date; j'ai toutes les lettres et la correspondance, à toutes les dates. C'est pour cela que je vous disais que c'est très complexe si on embarque là-dedans, mais il y a un suivi qui est plus intensifié dans les cas problèmes qui demandent plus de sollicitude. Il y a des fois où on peut y aller trois fois dans l'année. D'autre fois, on peut y aller six fois dans l'année et le prêteur fait aussi un suivi. Il nous informe et il y a une collaboration. Souventefois, j'ai vu des cas - je ne dirais peut-être pas dans tous les cas - des cas assez fréquents quand même, où il y a une collaboration entre le représentant de l'office et le prêteur. Par exemple, ils vont se relayer au niveau du contrôle des inventaires. Un va y aller dans trois mois et, les trois mois suivants, c'est le gars de l'office qui y va. Il y a une collaboration qui s'établit de plus en plus, un contact entre les prêteurs et l'office. Évidemment, il faut bien remarquer une chose: l'expérience du Tandem, avec 1465 prêteurs d'impliqués potentiellement, c'est relativement récent. C'est bien sûr que cela demande au début un certain contrôle, certains ajustements. Je peux vous assurer que cela se fait. Seulement, il faut aussi y mettre la patience et le temps.

M. Proulx (Saint-Jean): Dans le cas de certains producteurs agricoles, il y en a certainement qui n'ont pas besoin de suivi. J'imagine que...

M. Moreau: Absolument.

M. Proulx (Saint-Jean): ...cela marche tout seul et que cela ne vous cause aucun problème. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. M. Moreau, ce matin, sous serment, le vice-président de l'UPA nous a déclaré que, selon lui, il y avait du tripotage dans la vente des fermes. À votre connaissance, est-ce que, d'après vos officiers et d'après votre expérience, il y a du tripotage, oui ou non?

M. Moreau: Je ne crois pas qu'il y ait du tripotage. Je vous ai expliqué la façon dont nous fonctionnions tout à l'heure.

M. Maltais: Au niveau de la procédure. M. Moreau: II n'y a pas de tripotage.

M. Maltais: Vous déclarez qu'il n'y a aucun tripotage...

M. Moreau: Absolument pas.

M. Maltais: ...dans aucun cas...

M. Moreau: Aucun cas.

M. Maltais: ...de vente de ferme.

M. Moreau: Aucun cas. S'il y en avait, j'aimerais qu'on les déclare parce que je pense que ce serait ma responsabilité de faire en sorte que cela ne se répète plus.

M. Maltais: Merci. Est-ce que c'est le cas que les agriculteurs qui ont des dossiers de prêts chez vous ne peuvent pas voir ces dossiers? Oui ou non?

M. Moreau: Ils peuvent voir les dossiers. La seule chose est que nous observons, que nous n'échappons pas au contrôle de la loi 65. Nous avons fait faire des études par nos conseillers juridiques sur les parties du dossier qui pouvaient être consultées et celles auxquelles ils n'avaient pas accès. On a un homme qui est responsable chez nous de la loi 65 et de ces dossiers. Il donne accès au dossier de l'agriculteur qui en a le droit, conformément aux dispositions de la loi 65.

M. Maltais: Est-ce que l'agriculteur a le droit de voir tout ce qu'il y a dans son dossier?

M. Moreau: Tout ce à quoi il a accès en vertu de la loi 65.

M. Maltais: D'accord. Vous avez parlé dans votre mémoire, ce matin... C'est-à-dire que ce n'est pas vous directement, mais l'UPA, ce matin, a dit qu'il n'y avait pas de statistiques sur le nombre réel d'agriculteurs au Québec. Est-ce que vous auriez cela, vous?

M. Moreau: Les statistiques que j'ai sont des statistiques fédérales, bien sûr.

Celles des 10 000 et moins, etc. Mais les chiffres que je vous ai cités...

M. Maltais: Non, vous n'avez pas cité le nombre d'agriculteurs dans votre mémoire.

M. Moreau: On parle des 11 000 emprunteurs chez nous. On parle de ceux chez nous, si vous voulez.

M. Maltais: D'accord.

M. Moreau: Mais, chez nous, il faut qu'ils répondent au critère de la principale occupation. Mais je pourrais quand même vous donner une indication. Quand on parle de 21 000 dossiers chez nous, il s'agit des emprunteurs à long terme.

M. Maltais: C'est cela.

M. Moreau: Bon. Si on parle des prêts hypothécaires, cela va à près de 24 000 dossiers de prêts hypothécaires, d'emprunteurs ayant des prêts hypothécaires chez nous. Mais il y a des gens qui ont des prêts hypothécaires à long terme chez nous, en vertu de la Loi sur le crédit agricole et en vertu de la loi Tandem. C'est le même bonhomme. Alors, cela fait 21 000 emprunteurs.

M. Maltais: D'accord.

M. Moreau: Mais j'ajouterais ceci: Vous avez entre 21 000 et jusqu'à 30 000 clients chez nous qui sont emprunteurs à la Société du crédit agricole - il y en a 7600 ou 7700 -et qui viennent emprunter chez nous à moyen ou à court terme ou qui ont des subventions de mise en valeur. Ce qui veut dire que cela va quasiment à 30 000. Ce sont ceux qui répondent au critère de la principale occupation, chez nous. C'est assez complexe.

M. Maltais: Cela va. Merci. On a parlé beaucoup aujourd'hui de la rentabilité de la ferme. Sur le nombre d'emprunteurs que vous avez chez vous - vous me dites 21 000 -combien y en a-t-il qui sont rentables?

M. Moreau: D'abord, pour nous, il faut qu'il y ait la condition de la rentabilité, comme je l'ai expliqué dans mon document. Au départ. Si, par la suite, la situation change, je vous ai expliqué ce qu'il en était. Une indication de la difficulté que ces gens-là pourraient avoir, ce sont les arrérages. Vous avez tout cela dans mon document. Si cela va plus loin, vous avez les cas en difficulté dont j'ai fait état dans mon document. Normalement, je dirais que ceux qui n'ont pas d'arrérage - et même, concernant les arrérages, il faut y aller prudemment, parce que, pour des gens, je dirais que c'est une habitude; ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas les moyens, mais ils paient seulement quand ils ont reçu deux ou trois avis - et qui ne sont pas en difficulté financière, généralement, ce sont des dossiers qui sont rentables selon les définitions dont on a parlé. Une définition de la rentabilité, il faut bien l'admettre, confine davantage à la viabilité de l'exploitation.

M. Maltais: Ce matin, l'UPA nous a dit que la rentabilité - on parlait de l'industrie laitière en particulier - se chiffrait à moins que le salaire minimum. Est-ce le cas chez vos emprunteurs? On nous disait ce matin 3,48 $ l'heure pour à peu près 18 heures par jour, comme lorsque le député de Kamouraska travaille sur sa ferme.

M. Moreau: J'ai entendu cela, oui. J'essaie de voir si on a une étude spécifique sur le point que vous soulevez.

M. Maltais: Vous pourriez toujours vous informer à l'UPA. Ils nous ont donné cela ce matin. Je n'ai pas les statistiques, mais l'UPA les a.

M. Moreau: C'est possible. Je ne conteste pas, je n'infirme pas...

M. Maltais: À votre avis, à 3,48 $ l'heure, est-ce que c'est rentable sur une ferme?

M. Moreau: Je dirais ceci: C'est peut-être rentable pour un jeune qui commence, pour un an, deux ans ou trois ans, mais pour quelqu'un qui veut faire carrière, ce serait discutable. Chaque cas est un cas d'espèce. La rentabilité, cela dépend de son investissement; c'est très relatif.

M. Maltais: D'accord. Chez vos 21 000 emprunteurs, le taux moyen d'endettement, qu'est-ce que c'est?

M. Moreau: Je vais vous donner l'information. Je peux vous donner le taux moyen au moment de l'emprunt. Mais si vous parlez du taux moyen dans la vie...

M. Maltais: Je parle du taux moyen d'endettement de vos 21 000 emprunteurs. C'est quoi? Est-ce 25%, 40%, 50%, 70%? Je ne le sais pas.

M. Moreau: II faut consulter le résultat de l'enquête faite dernièrement par la Société du crédit agricole; c'est de l'ordre de 25%. (17 h 45)

M. Maltais: Alors, le taux moyen d'endettement des agriculteurs québécois qui font affaires avec l'Office du crédit agricole au Québec est de 25%.

M. Moreau: Attention, ce sont tous les agriculteurs. L'enquête faite par la Société du crédit agricole porte sur l'ensemble; c'est un sondage.

M. Maltais: Oui.

M. Moreau: J'en ai ici. C'est par année lors du prêt. Je pourrais vous les donner.

M. Maltais: Si vous avez 21 000 emprunteurs chez vous, vous devez quand même savoir, dans ces 21 000 dossiers, quel est le taux moyen d'endettement. C'est très important.

M. Moreau: On l'a au moment du prêt, oui.

M. Maltais: Vous n'avez pas de statistiques là-dessus?

M. Moreau: Oui, j'en ai au moment du prêt.

M. Maltais: Pour un agriculteur, mais je vous parle des 21 000. Comment voulez-vous qu'on sache au Québec quel est le taux d'endettement des agriculteurs si vous, vous ne le savez pas?

M. Moreau: Écoutez, cela a été fait par sondage au plan national.

M. Maltais: C'est quoi?

M. Moreau: Nous, on arrive sensiblement avec les chiffres qui sont là.

M. Maltais: Je ne l'ai pas, ce document. C'est quoi, votre taux d'endettement? Vous m'avez dit 25%?

M. Moreau: C'est 25%. C'est à peu près la même chose que l'an passé. On l'a fait chez nous, mais cela demeure sur une base de sondage. Si vous me demandez si on a des statistiques pour les 21 000 agriculteurs, on ne les a pas. On les a par année lors de l'emprunt, mais on ne les a pas spécifiquement. Par sondage, on l'a fait et cela concordait avec le sondage fait par la Société du crédit agricole.

M. Maltais: Une dernière question, très rapidement. Qui va me dire combien il y a d'agriculteurs au Québec? Ce n'est pas vous, ce n'est pas votre société, ce n'est pas l'Office du crédit agricole. L'UPA ne le sait pas.

M. Moreau: Je peux vous donner des statistiques. J'ai un tableau ici.

M. Maltais: Combien y a-t-il d'agriculteurs au Québec?

M. Moreau: II y a une question de définition.

M. Maltais: Écoutez, entendons-nous sur la définition et essayons de savoir combien il y en a à plein temps; enlevons les temps partiel pour dire à plein temps.

M. Moreau: À plein temps, remarquez, on en a 21 000 à l'office, 7800 à la société; ajoutez-en 1000 ou 1200, c'est à peu près ça si vous parlez de ceux qui répondent à la définition d'avoir comme principale occupation l'agriculture. Cela veut dire à peu près 32 000. Ensuite, viennent s'ajouter à cela ceux qui...

M. Maltais: Supposons qu'il y en a à

peu près 32 000, on n'est pas chatouilleux là-dessus. D'après vous combien de ces fermes-là sont rentables?

M. Moreau: Si vous me demandez mon opinion, je vous dirai la très grande majorité. Vous le voyez par les arrérages que j'ai mentionnés tout à l'heure.

M. Maltais: Merci.

Le Président (M. Vallières): M. le député d'Iberville.

M. Beauséjour: Cela touche aussi le domaine de la rentabilité. Dans le document de l'UPA, on disait qu'en 1981 il y avait 48 144 fermes. Le document de M. Boucher donne les données de Statistique Canada pour 1981 aussi et l'ensemble des fermes était de 48 144. Les grandes fermes de plus de 250 000 $ étaient de 741; les fermes moyennes de 40 000 $ à 250 000 $, 11 904; les petites fermes de moins de 40 000 $, 35 499.

Je regarde, à la page 5, les critères d'admissibilité de l'office: besoin du prêt, l'occupation principale, ferme rentable, capacité de remboursement. M. Boucher indiquait dans son texte: "Selon ce tableau et selon la définition d'un agriculteur en vertu de la Loi sur le crédit agricole, plus de 75% des agriculteurs du Québec ne sont pas éligibles à un prêt de l'Office du crédit agricole puisqu'un exploitant agricole, au sens de la loi de l'office, est toute personne physique dont l'agriculture est la principale occupation." Il ne détaillait pas autant que votre texte. De là, je dirais, la possibilité de conclure que, si 75% des fermes ne sont pas admissibles à un prêt, elles ne sont pas rentables.

Je voudrais vous faire part de l'argument qu'il évoquait: "Pour répondre à cette définition, il faut, en toute logique, vendre pour plus de 50 000 $ de produits agricoles puisque le revenu net engendré par la vente de ces produits serait d'environ 15 000 $ avec au moins la moitié qui irait en paiement à l'office." Est-ce que vous arriveriez à la même conclusion? De quelle façon voyez-vous cela au niveau de la rentabilité des fermes au Québec?

M. Moreau: Vous dites: 50 000 $ de ventes pour arriver à quel paiement à l'office?

M. Beauséjour: "15 000 $ avec au moins la moitié qui irait en paiement à l'office."

M. Moreau: Prenons les établissements de l'année dernière chez nous, en 1983-1984. Si on prend la moyenne de tous nos établissements, vous avez l'actif moyen, 265 759 $; les prêts à long terme, 112 094 $; les prêts LAF et ceux que le père va consentir parfois sur billet, 36 347 $. Cela donne dans son cas un avoir net de 117 318 $. Le solde après dépenses est de 23 700 $, pour des paiements annuels de 14 065 $. Il lui reste donc 9635 $. Cela concerne le jeune de l'an dernier.

Les 622 cas, c'est strictement ceux qui ont bénéficié de la subvention en vertu de la Loi favorisant l'établissement de jeunes agriculteurs, la LEJA. C'est pour cela que, dans ces cas-là, on a le prêt à partir du dossier, parce que c'est une subvention accrochée à un prêt. Systématiquement, on fait l'étude et on a la moyenne.

M. Beauséjour: Quel est le nombre de fermes qui n'ont pas besoin de prêt? Est-ce que c'est assez considérable? Vous n'avez pas de données.

M. Moreau: II faudrait faire une enquête. C'est parce qu'il y a le "gentleman-farmer", il y a des gars... Tout à l'heure, je vous entendais parler de rentabilité. Il y a peut-être des fermes à temps partiel qui sont rentables aussi. Il ne faut pas penser que, parce qu'elles ne répondent pas à nos définitions, elles ne sont pas rentables. Elles peuvent fort bien, à cause de l'occupation principale, ne pas répondre à nos définitions à cause de nos critères. Par exemple, on en refuse sur le critère du besoin. Ils n'ont pas besoin d'un prêt parce qu'ils ont trop d'actif. Cela n'arrive pas tous les matins, mais cela arrive. À ce moment-là, le bonhomme n'a pas de prêt chez nous; il n'est pas admissible parce qu'il ne répond pas au critère du besoin. Dans ce sens, il n'a pas besoin d'un prêt; il peut s'autofinancer. Si c'est une ferme qui est trop grosse, où l'équilibre des ressources de la famille est disproportionné, où il y a trop d'employés par rapport à l'implication de la famille, on refuse parce qu'elle ne répond pas à nos critères de ferme familiale, de ce qu'on conçoit comme la ferme familiale. Cela ne veut pas dire que cette ferme n'est pas rentable. Je pourrais vous citer un cas vécu l'an dernier. Le revenu brut était de 2 700 000 $, pour le mari et la femme, après treize ans, dans trois productions. On l'a refusé parce qu'ils avaient treize employés. Ce n'était pas, selon nous, une ferme familiale. L'implication de la famille était disproportionnée par rapport à la main-d'oeuvre, à l'ensemble de l'exploitation. Effectivement, on leur a dit: Écoutez! Essayez de vous financer ailleurs.

M. Beauséjour: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Huntingdon...

M. Dubois: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): ...en vous rappelant que vous disposez de trois minutes.

M. Dubois: Ma question s'adresse à M. Moreau. Vous avez peut-être pris connaissance des propos de M. Marcel Talbot, hier. Il nous a lu son texte. Il nous a fait part de sa triste histoire. Dans son document, à la page 2, il dit: "Au printemps 1979, cinq personnes se présentent chez moi: l'agronome régional du MAPAQ, un inspecteur du ministère de l'Environnement, le directeur régional de l'office à Sherbrooke, un agronome du MAPAQ de la région de Nicolet et un officier régional de l'office. Le directeur régional de l'office -on indique ici M. Viateur Daoust - m'annonce qu'il a trouvé une solution à ma ferme, soit un parc d'engraissement du bouvillon. Il me dit: Cela fait trois fois qu'on essaie de partir le boeuf au Québec, cette fois-ci les agriculteurs ne se casseront pas la gueule." Je cite au texte. Ce programme suivait, selon le texte, le document sorti en mars 1979 qui s'intitulait "Les parquets d'engraissement du bouvillon". Il semble, selon les propos de M. Talbot, qu'on lui aurait fait miroiter des revenus possibles d'environ 30 000 $ par année s'il se dirigeait vers l'élevage du bouvillon. M. Talbot a accepté et s'est embarqué dans cette production. On connaît, quand même, la fin de ce dossier.

J'aimerais vous demander ici: Combien y a-t-il de producteurs de bouvillon au Québec qui sont actuellement en difficulté? Aussi, quel serait le pourcentage d'endettement des producteurs? Je parle des producteurs spécialisés dans ce domaine.

M. Moreau: Je pense qu'on peut vous dire cela. D'abord, les prêts à long terme chez nous, depuis 1976-1977, dans le bovin, il y en a eu 894. Il y a eu 30 abandons, comme je l'ai mentionné dans mon texte tout à l'heure. Au 31 juillet 1984, c'est cela la situation chez les emprunteurs à long terme chez nous s'adonnant à la production bovine.

Maintenant, quant à savoir leur endettement, par déduction, on va essayer de vous le donner ici. Parce que cela comprend l'ensemble vache-veau, bouvillons et le veau de grain aussi. Dans le cas Talbot, nous autres dans notre étude, avant le prêt, au 27 juin 1979, le revenu brut agricole était de 63 500 $, les dépenses totales de 44 000 $, l'excédent des revenus sur les dépenses, de 19 500 $ et les paiements annuels de 11 518 $. À ce moment, pour nous, c'était acceptable. Il avait un avoir net de 17 525 $ et il se ramasse au 12 janvier 1982 avec un avoir net dans le rouge de moins 73 879 $. Alors, il y a eu un endettement qui a complètement fait balancer l'exploitation.

M. Dubois: On sait qu'il y a eu une chute des prix très importante à la période où M. Talbot a eu des difficultés. Mais moi, je connais d'autres éleveurs de bouvillons qui me disent que le profit net par tête est tellement bas qu'il est à peu près impensable actuellement d'aller vers cette production et d'y faire sa vie. Ce sont des commentaires que j'entends fréquemment.

Sachant très bien que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation préconise un plus grand degré d'auto-approvisionnement dans le boeuf de boucherie, que cela fait même partie des programmes principaux du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, je pense qu'il serait intéressant de savoir quelle est exactement la situation financière des vrais éleveurs, parce qu'il y a des éleveurs et il y en a d'autres qui font le commerce aussi. J'aimerais connaître la situation financière de ceux qui sont strictement spécialisés dans l'élevage des bovins, leur degré d'endettement, le nombre de personnes en retard dans leurs paiements. On pousse, d'une part, vers la ferme modèle de 400 têtes. D'autre part, il serait bon que les agriculteurs sachent jusqu'à quel point c'est difficile d'aller dans cette production, d'y faire sa vie avec le régime d'assurance-stabilisation actuel.

Le Président (M. Vallières): Je m'excuse auprès du député de Huntingdon. Sur une question de règlement, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, considérant qu'il est 18 heures et après avoir discuté avec certains de mes collègues qui ont encore des questions à poser à M. Moreau, puis-je vous faire la proposition suivante? Si elle était acceptée de part et d'autre, on pourrait suspendre immédiatement, nous donnant une heure trente pour souper, revenir ici à 19 h 30 et prendre encore une heure pour interroger les gens de l'Office du crédit agricole, de 19 h 30 à 20 h 30. On aurait une heure additionnelle pour poser des questions. Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pourrait venir nous rencontrer, tel que prévu, de 20 h 30 à 22 h 30, ce qui aurait pour effet de permettre à tous les députés autour de cette table de poser les questions qu'il leur reste à poser. Le ministre de l'Agriculture serait décalé d'une demi-heure et il aurait ses deux heures, tel que prévu dans le règlement et tel que prévu dans notre entente. Je demande le consentement pour que cet horaire soit accepté, si c'est possible.

M. Dupré: II faudrait demander à M. Moreau s'il est libre pour revenir ce soir

M. Moreau: Je suis à la disposition de la commission.

M. Picotte: II nous a mentionné tantôt qu'il aimerait faire la lumière sur toutes les choses; alors, je pense qu'il est disponible. J'ai tenu cela pour acquis.

Le Président (M. Vallières): Nous pourrions, donc, convenir de cela. Cependant, j'attire votre attention sur le fait que cette heure inclurait la période de questions et que cela compléterait l'audition de M. Moreau en tout et partout.

M. Picotte: C'est cela.

M. Dupré: Une heure au maximum.

Le Président (M. Vallières): Une heure au maximum.

Donc, la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise de la séance à 19 h 41)

Le Président (M. Vallières): La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux avec déjà une douzaine de minutes de retard, ce qui fait que dans la répartition du temps comme tel, il nous resterait environ une vingtaine de minutes de la période de questions de la part des formations politiques et une quinzaine de minutes seraient allouées, tel que demandé par les membres de la commission. C'est un voeu qui semble général de permettre à M. Moreau de conclure sur les travaux de la commission, sur les travaux de son interrogatoire. M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Parlez-vous de 20 minutes par formation politique ou 20 minutes en tout?

Le Président (M. Vallières): Non, 20 minutes par formation politique.

M. Picotte: Merci.

M. Gauthier: Pour le reste du...

M. Picotte: Chacun 20 minutes, plus 15 minutes...

M. Gauthier: II me semblait qu'il nous restait du temps quand on a suspendu.

Le Président (M. Vallières): II vous restait effectivement du temps, mais nous avons accepté la proposition de nous repartager une heure de temps. C'est ce que j'ai compris tantôt.

M. Gauthier: 20-20-20.

Le Président (M. Vallières): 20-20-15.

M. Picotte: Compte tenu, M. le Président, qu'il restait un peu de temps aux membres du parti au pouvoir, je serais prêt à dire, pour compléter l'heure, qu'on donne 25-20 et 15.

M. Gauthier: Vous êtes bien gentil, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Très bien. J'aime tellement cela vous écouter.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. Gauthier: Cela vous instruit.

Le Président (M. Vallières): Nous en étions à une question du député de Huntingdon qui était à compléter sa question quand on a l'a interrompu à 18 heures. Nous allons poursuivre, après le député de Huntingdon, avec le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Dubois: Merci, M. le Président. J'avais cité à M. Moreau le cas de M. Talbot qui, selon le texte lu par M. Talbot hier, a été incité fortement à construire un parquet d'engraissement, à construire un silo horizontal. Il a reçu effectivement un prêt de l'office. Il a eu aussi un prêt très important à la production: 360 000 $ si je ne me trompe pas. Finalement, on connaît le résultat de cette incitation très forte d'il y a quelques années d'aller vers la production de boeuf de boucherie; on connaît la situation de beaucoup de producteurs, même dans la région au sud de Montréal; certains producteurs qui ont laissé l'industrie laitière pour aller dans la production du boeuf de boucherie ont beaucoup de difficulté actuellement. Le profit est très bas par tête, malgré l'assurance-stabilisation. On me dit qu'environ 25% des paiements de l'assurance-stabilisation sont considérés comme des profits actuellement, ce qui est très minime. J'aimerais demander à M. Moreau quelle est la situation, au moment où on se parle, des producteurs de boeuf de boucherie et, particulièrement, de ceux qui ont des parcs d'engraissement de l'envergure d'environ 400 et aussi leur taux d'endettement. C'étaient les questions que j'avais commencé à poser à M. Moreau. J'aimerais avoir des réponses là-dessus.

M. Moreau: Au niveau de cette production proprement dite, on n'a pas d'enquête générale. On a des cas d'espèce,

mais on n'a pas de statistiques pour l'ensemble de la production et sur la situation financière. En ce qui concerne le cas de M. Talbot proprement dit, à la lecture du dossier, on constate qu'il y avait, à la première année, une projection pour 200 allant vers 400. C'était le projet qui avait été fait. Par la suite, on constate que, après avoir fait ses premiers 400, comme vous l'avez vu au dossier, il y a un rapport assez élaboré qui lui suggère justement de ne pas aller plus que cela, de se maintenir plutôt dans la production laitière, parce que ses succès n'étaient pas trop mirobolants au niveau du boeuf. Si on se réfère à un rapport du ministère que vous avez au dossier - je ne me souviens plus de quelle date - on lui disait: Écoute, ce n'est pas un succès, ton affaire dans le boeuf. Reste donc dans le lait et consolide ton secteur laitier. C'est la meilleure chose que tu peux faire. Je pourrais peut-être... Vous l'avez au dossier.

M. Dubois: Je ne veux pas en faire un cas d'espèce, M. le Président, mais encore aujourd'hui, quelqu'un qui décide d'aller vers un parquet d'engraissement de 400 têtes, par exemple, se présente à l'office pour un crédit. La réponse de votre office, c'est quoi? Prêtez-vous encore actuellement?

M. Moreau: Certainement.

M. Dubois: C'est-à-dire selon le taux d'endettement, j'imagine.

M. Moreau: Exactement.

M. Dubois: Oui, mais vous allez jusqu'à quel taux d'endettement pour un parquet d'engraissement de boeuf de boucherie?

M. Moreau: Quel taux d'endettement... Cela dépend ce que vous entendez par taux d'endettement.

M. Dubois: Disons que quelqu'un qui a pour 200 000 $ d'équité a besoin de 500 000 $ en prêt.

M. Moreau: Oui, mais en crédit en production ou à long terme?

M. Dubois: Cela prend les deux, généralement.

M. Moreau: Ah! Oui.

M. Dubois: Vous devez avoir des normes assez précises qui vous permettent de dire: On accepte ou on refuse.

M. Moreau: Actuellement, notre définition - je vous l'ai expliqué cet après-midi - est notre calcul de la rentabilité.

Généralement, on va demander au jeune qui part dans le bovin de boucherie, par exemple, au moins 25% de liquidité. Partant de là, le calcul de la rentabilité se fait exactement de la façon que je l'ai expliqué cet après-midi dans mon exposé. Les revenus moins les dépenses, cela donne l'excédent et les paiements annuels, finalement, vous arrivez au solde agricole disponible, ses revenus additionnels, son revenu net et finalement, du revenu net vous soustrayez le coût de la vie. C'est la seule façon qu'on a. Comme je vous le mentionnais également cet après-midi, c'est une définition qui confine davantage à la viabilité, bien sûr, qu'à une rentabilité économique en survol.

M. Dubois: Pouvez-vous me dire, M. le président, si certaines fermes productrices de bovin rencontrent le modèle qui a été créé par le MAPAQ, 400 têtes, tant de profit avec un certain degré de liquidité? Cela prend 25%, ce qui fait que c'est basé là-dessus. Avez-vous des données spécifiques sur les profits qu'un producteur peut réaliser avec 400 têtes? Je comprends que le modèle peut être basé sur le prix de 1 $ la livre, mais quand cela tombe à 0,63 $ la livre comme c'est arrivé, il y a quelques années, c'est sûr que cela peut clarifier le modèle, mais n'empêche que l'idée qui est vendue est basée sur des données assez précises de prix de vente...

M. Moreau: Oui.

M. Dubois: ...ce qui n'a pas été le cas. On peut le voir dans différentes productions, que ce soit là-dedans, que ce soit le porc ou que ce soit le maïs-grain qui a chuté en 1982, si on présente un modèle qui est alléchant à un producteur qui veut se recycler ou qui veut changer de production, le modèle sert de base et finalement, les prix chutent. Cela commence à aller mal. On coupe la valve. Finalement, on s'aperçoit que si l'office coupe la valve, c'est fini. Il est mort. Le producteur n'existe plus comme c'est le cas de plusieurs. Je ne parle pas strictement des sept cas qu'on a eus hier, parce que c'est fréquent, mais actuellement, un jeune producteur qui veut se lancer, avec une liquidité de 25%, dans la production de boeuf de boucherie, vous lui prêtez, d'accord...

M. Moreau: Effectivement, on lui prête.

M. Dubois: ...mais il n'est pas sûr de survivre, par exemple, actuellement. Il est loin d'être sûr de survivre et je pense que vous le savez.

M. Moreau: Cela dépend.

M. Dubois: Avez-vous des données

précises qui...

M. Moreau: S'il est trop serré, il est, bien sûr, plus vulnérable qu'un autre, mais s'il a une très bonne structure financière, je dirais qu'il va s'en réchapper aussi bien que d'autres.

M. Dubois: Avez-vous une indication assez précise de ce que rapporte une tête au producteur, basé sur une production de 400?

M. Moreau: Parce qu'il y a l'ASRA à considérer. Ces gens-là sont admissibles à l'ASRA et cela vient, bien sûr, compenser, à ce moment-là.

Nous arrivons dans nos données économiques à 116 $ de revenu net avant amortissement, les paiements faits.

M. Dubois: Ce sont les données de 1984.

M. Moreau: II reste l'intérêt du loyer de l'argent à déduire de cela.

M. Dubois: Ah, bon!

M. Moreau: Alors s'il n'est pas tellement endetté ce n'est pas trop pire, comme je vous le mentionnais tout à l'heure. Si par ailleurs c'est un gars qui est à la marge, à ce moment, il est plus vulnérable.

M. Dubois: Autrement dit, cela prend quelqu'un qui est riche pour aller dans la production de bovin ou à peu près.

M. Moreau: Pas nécessairement mais qui peut avoir une bonne structure financière. Il faut s'entendre.

M. Dubois: À présent, seriez-vous prêt à dire que l'assurance-stabilisation, telle qu'elle existe actuellement, devrait être augmentée?

M. Moreau: Je préfère ne pas porter de jugement là-dessus parce que ce n'est pas notre secteur d'activité, vous l'admettrez. Je pense que vous aurez l'occasion d'en discuter avec M. le ministre. À ce moment-là, peut-être qu'il sera mieux placé pour répondre à cette question.

M. Dubois: Mais vous êtes celui qui pourrait quand même conseiller le ministre sur les difficultés qui existent dans ce domaine.

M. Moreau: Oui, mais en relation avec le crédit agricole. Quant à la structure de l'ASRA ou des modalités, je pense que ce n'est pas mon rôle.

M. Dubois: D'accord. Merci.

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

Merci, M. le Président. Ce matin, nous avons eu un mémoire qui provenait de l'Union des producteurs agricoles. J'ai eu l'occasion de le parcourir avec eux. Je trouve que cela reflète réellement les questions que l'on peut se poser. Je pense qu'ils ont fait un survol de l'agriculture depuis les années soixante-dix. Ayant moi-même oeuvré dans ce métier pendant plusieurs années, au moment où on se parle, on peut dire qu'il est certain qu'il y a eu des améliorations. Comme le disait le président de l'UPA, M. Proulx, il est certain qu'il y en a encore à faire.

Dans leurs recommandations ou propositions, je voudrais avoir votre point de vue à ce sujet. Ils disaient aussi qu'il y avait quelque chose à faire en ce qui a trait à la relève agricole. Mais quant aux cas spéciaux ou aux cas types qui relèvent de l'Office du crédit agricole, ils parlaient d'avoir un mécanisme neutre d'appel et même consultatif. À la fin du paragraphe, on disait: "Tous ne peuvent pas profiter de l'existence d'une commission d'appel. Il est étonnant qu'elle n'ait pas encore été mise sur pied alors qu'elle est réclamée depuis plusieurs années". Je voudrais savoir ce que vous pensez d'une commission d'appel par rapport à l'office.

M. Moreau: Entendons-nous bien. J'aimerais bien préciser. Si c'est une commission d'appel à l'instar de ce qui existe au niveau national, la Société du crédit agricole, qui est une commission consultative finalement parce que c'est encore le président qui a le dernier mot, le mot "appel" est un grand mot. Juridiquement, elle n'a pas le pouvoir de renverser une décision. C'est une recommandation qu'elle fait au président de la commission. Alors, ce n'est pas un appel au sens juridique du terme mais on utilise quand même le mot "appel".

Ainsi, quant à mon appréciation personnelle, si vous voulez avoir mon opinion là-dessus, je suis parfaitement d'accord et je vais vous en donner les raisons. La première raison, c'est que, psychologiquement, pour l'agriculteur, je pense qu'il va se sentir jugé par ses pairs. La deuxième raison est une préoccupation administrative. C'est que pour nous, actuellement, le dossier est, à toutes fins utiles, toujours ouvert. On a des cas où il y a eu quatre, cinq, six révisions. Dorénavant, on va dire: Mon cher monsieur, voici l'adresse de la commission d'appel. Vous êtes le bienvenu. Allez-y. Pendant ce temps-là, nous travaillons sur d'autres dossiers.

Personnellement, je le souhaiterais volontiers. Ce n'est pas à moi de prendre la décision mais, si vous voulez avoir mon

opinion, à plusieurs égards, je vous donne les deux principales raisons pour lesquelles, personnellement, je serais très heureux que nous ayons une commission d'appel. "Appel", au sens où je l'ai mentionné précédemment.

Par ailleurs, si vous me parlez d'une commission d'appel à l'instar de ce qui a été demandé hier dans ce secteur, surtout nommée par les grévistes, vous avez déjà mon opinion, je pense bien, sur ce type de commission. Je n'ai malheureusement pas lu le rapport de l'UPA, mais une commission d'appel qui viendrait juger par la suite des cas en difficulté, à ce moment-là, c'est une question de budget. Qui va payer la facture? Écoutez, c'est un petit peu l'argument que j'ai utilisé avant que la séance soit suspendue au souper. Qui va payer la facture? Si on dit au bonhomme: Écoute, ce n'est pas grave que tu retardes de deux ans, on va t'attendre. Qui va payer le manque à gagner avec les intérêts que nous allons continuer à payer au prêteur? C'est une autre question. Cela devient une question budgétaire. Cela devient un choix. Cela veut dire que la commission d'appel doit être constituée de personnes qui vont répondre au ministre de l'Agriculture en Chambre pour le budget qui sera affecté à cela. Il va falloir que quelqu'un comble le manque à gagner quelque part.

En principe, je n'ai rien contre cela si, comme je vous le disais, on respecte l'incidence budgétaire qui est reliée à cela. Il faudrait alors voir que le type de commission en question y réponde. Moi, cela m'étonnerait. Personnellement, j'ai expliqué cet après-midi tous les efforts qui se faisaient et je vous dis que c'est vraiment lorsqu'il n'y a aucun moyen prévisible et aucun espoir au dossier. C'est quand il y a des indications au dossier qu'il n'y a plus rien à faire, je dirais des éléments positifs qui nous permettent de dire que c'est irréversible, qu'il y a un point de non-retour, qu'il n'y a plus rien à dire. C'est à ce moment-là que, de notre côté, on dit: Écoutez! Pour éviter le pire, et les raisons que j'ai alléguées avant la suspension, eh bien, c'est dommage, mais allons-y.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

Cela revient à dire que les dossiers qui sont, non pas en rappel, mais en révision, et révision par-dessus révision, cela équivaut à peu près à une commission ou un mécanisme d'appel consultatif.

M. Moreau: Ah oui. Les dossiers sont ouverts. On a eu, à quatre ou cinq fois... On pourrait vous soumettre des cas. L'agriculteur appelle, il écrit. S'il y a un élément nouveau, tout de suite on repart. On envoie même un autre bonhomme pour qu'il y ait de l'objectivité dans le dossier, de l'impartialité. Si la figure de notre bonhomme ne lui revient pas, on en envoie un autre, pour donner la chance au coureur et donner un service impeccable à la clientèle. C'est très mobilisant et c'est très laborieux pour l'office, mais je pense qu'on doit le faire à partir du moment où on a une clientèle bien définie et qu'on veut rendre un service adéquat à cette clientèle. Le jour où nous disposerons d'une commission d'appel - comme je vous le mentionnais, ce genre de commission, je le souhaite - on va simplement avoir à donner l'adresse de la commission d'appel.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

Un peu comme la Commission des affaires sociales. D'accord.

J'ai une autre question concernant les délais apportés au traitement de différents dossiers. On sait que, parfois, cela peut dépendre aussi bien de l'agriculteur lui-même que du notaire travaillant pour l'agriculteur. Ce sont parfois des dossiers qui exigent un surplus, un surcroît de travail et même des délais. Après votre soi-disant, non pas pèlerinage, mais la réunion que vous avez eue à l'hôtel, qui n'était pas le bon hôtel -vous l'avez dénoncé cet après-midi - est-ce qu'il y a eu une amélioration sensible de ce côté-là?

M. Moreau: Oui, il y a une amélioration concernant les délais. Le dernier calcul que nous avons fait, le dernier relevé qui a été effectué à la fin de l'exercice, c'était de 99 jours. C'est encore trop. D'ici à quelques semaines, nous allons améliorer la situation. Il faut dire que l'opération Montréal, comme on l'a appelé, a été réalisée dans un contexte normal. Vous n'ignorez pas que la conjoncture, notamment dans la production du porc, a changé toutes les règles du jeu avec le résultat que le fardeau de travail s'est déplacé. En termes de suivi, en termes de préoccupation pour les cas difficiles, ce qui était l'exception est pratiquement devenu la règle. On a inversé les règles du jeu, de sorte que le temps à consacrer pour les nouvelles demandes a été moins considérable que pour le suivi. Par ailleurs - je suis heureux de pouvoir en parler aux distingués membres de la commission; je n'ai malheureusement pas eu l'occasion de le mentionner dans les rapports qu'on vous a produits - nous avons, tout récemment, signé avec le Conseil du trésor un protocole de productivité qui devrait nous permettre d'améliorer substantiellement les délais dans notre secteur. Nous avons retenu des indicateurs de productivité. Nous avons modifié la base, je dirais, de notre fardeau de travail dans les régions. Nous avons des soupapes pour les incidences conjoncturelles. Avec un meilleur équilibre entre les ressources et la demande pour un meilleur suivi et un meilleur service à la clientèle,

nous devrions être en mesure de réduire substantiellement les délais. Nous devons, très prochainement, rencontrer le secrétariat du Conseil du trésor précisément pour discuter de cet équilibre. L'office a été très heureux de participer, en collaboration avec le Conseil du trésor, à une expérience pilote sur la productivité. J'espère - je pense que c'est également la volonté de l'équipe que j'ai l'honneur de diriger - qu'on va en faire un succès, qu'on ne trahira pas la confiance qu'a mise en nous le Conseil du trésor en nous offrant ce protocole. (20 heures)

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le président. Ce que j'ai dit concernant le document de l'Union des producteurs agricoles, personnellement j'ai trouvé qu'il reflétait - je le dis parce que M. le président Proulx est arrivé - pour moi, en tout cas, un peu le survol que vous avez fait de l'agriculture depuis les années soixante-dix, et au moment où on se parle, que ça représentait assez fidèlement. Il y en a beaucoup de fait et il y en a encore à faire. Merci.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci. J'ai quelques questions. M. le président de l'office, dans le dossier Robidas, pourquoi l'Office du crédit agricole ne s'est-il pas porté adjudicataire lors de la vente par shérif comme cela s'est fait dans d'autres cas?

M. Moreau: C'est très simple. C'est en vertu du règlement. Le règlement de la Loi favorisant le crédit à long terme par les institutions privées prévoit l'option ou bien le prêteur procède lui-même à la réalisation des garanties, ou encore, il donne mandat à l'office de réaliser à son lieu et place. Ce qui arrive, il y a même des cas où le prêteur va commencer à amorcer le processus et c'est l'office qui va continuer. Lorsque l'office réalise lui-même les garanties, à ce moment, c'est lui qui se porte adjudicataire et lorsque c'est le prêteur qui réalise les garanties, c'est le prêteur qui se porte adjudicataire. Une fois que le dossier est clos, il fait parvenir sa réclamation à l'office. L'office apprécie le bien-fondé de la réclamation et fait une proposition au Fonds d'assurance-prêt agricole et forestier qui lui paie la note. C'est comme cela que cela fonctionne.

M. Picotte: M. Robidas vous aurait mandaté, en fait.

M. Moreau: Maintenant, dans le dossier Robidas, n'oubliez pas que c'est la coopérative et non pas le prêteur, si ma mémoire est bonne - on pourra le vérifier - pour employer une expression qui a été utilisée cet après-midi, qui a tiré la "plug" dans le dossier Robidas. Nous, ce que nous avions, c'était un prêt hypothécaire de 16 000 $ ou 18 000 $, très petit prêt hypothécaire. Ce n'était pas à nous d'agir. On ne pouvait rien faire. Pour sauver le dossier, il eut fallu tout rembourser les autres prêts en dehors, tous les créanciers pour - et on avait un petit prêt hypothécaire de combien? C'était un petit prêt. 50 000 $. Écoutez, cela dépend de l'envergure de l'exploitation. Moi je n'ai pas dit 50 000 $. J'ai parlé de 16 000 $. Si c'est rendu 50 000 $, c'est un prêt un peu plus gros.

M. Picotte: C'est 50 000 $. M. Moreau: C'est 39 400 $. M. Picotte: Tout près de 39 000 $.

M. Moreau: Cela dépend. Si c'est une ferme de 1 875 000 $ c'est un petit prêt. Si c'est une ferme de 40 000 $, c'est un gros prêt.

M. Picotte: Dans le cas de M. Robidas.

M. Moreau: Dans le cas de M. Robidas, je peux vous dire cela. La terre vaut 50 000 $ dans le cas de M. Robidas. Les animaux 3000 $, la machinerie 13 000 $ pour un total de 66 000 $. Il y avait au départ 62 731 $ d'avoir net. À la fin il y avait minus, en négatif 35 000 $ d'avoir net.

M. Picotte: Un gros prêt.

M. Moreau: C'est un prêt moyen.

M. Picotte: Dans le dossier Boucher, après avoir regardé les documents dans le dossier Boucher, il y a un quatrième soumissionnaire qui a pu soumissionner après la date de fermeture des soumissions soit après le 28 février 1984. C'est habituel cela ou quoi? D'après le dossier que vous nous avez remis, le 28 février 1984, les soumissions étaient closes. Le 1er mars il y a l'ouverture des soumissions officiellement. À ce moment, il y a trois soumissionnaires qui s'appellent Roger Ménard, Jean-Claude Boucher et Carmen Boissay et Yvan Brodeur, évidemment, qui sont ensemble. Le 18 avril 1984, les soumissions sont fermées. L'ouverture a été faite. Le 18 avril 1984, une autre offre a été reçue de Ferme Jacques Dupont & fils et Nicole Janson au montant de 35 900 $. Que vient faire le quatrième soumissionnaire après l'ouverture des soumissions?

M. Moreau: C'est le processus que j'ai expliqué cet après-midi. On fait un premier appel d'offres. Lorsque ce n'est pas

satisfaisant, qu'on ne trouve pas un prix acceptable, on fait un deuxième appel d'offres, un troisième, un quatrième... On refuse toutes les soumissions et on recommence, mais dans le cas Boucher, il y a une particularité. C'est qu'on n'a pas assisté aux règles du jeu. Les menaces qui ont été proférées dans le dossier ont empêché, dans certains cas, des gens de visiter et ont empêché les gens de faire une offre valable. C'est la raison pour laquelle nous avons tout arrêté, et nous serons obligés de procéder par expulsion, comme dans d'autres cas, pour réaliser le dossier, le clore, et ensuite faire un appel d'offres normal.

M. Picotte: À la suite des menaces, qu'est-ce que vous avez fait comme office?

M. Moreau: À la suite des menaces - je vais certainement vous dire ce qu'on a fait -nous avons renconté les personnes. Nous leur avons demandé: Êtes-vous disposées à porter plainte à la Sûreté du Québec? Elles ont dit: On a trop peur. On a des affidavits au dossier. On a des affidavits avec des embargos. Le dossier, vous l'avez.

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Moreau: Vous avez le dossier in extenso. On n'a rien gardé, même les notes téléphoniques sont au dossier. Nous avons tout remis à la commission. Là où il y avait danger, on a mis un embargo. Je pense qu'on a pris nos responsabilités. On a livré le dossier tel quel pour ne pas être taxé d'envoyer des parties de dossier.

M. Picotte: Vous n'avez pas voulu référer le dossier à la Sûreté du Québec comme office.

M. Moreau: II y a été référé dans ce cas-là, ne vous inquiétez pas, sauf que, s'il n'y a pas de plainte, que voulez-vous que la Sûreté du Québec fasse? Il y a plusieurs cas dans ce dossier. Regardez les embargos qu'il y a dans ce dossier. L'office a fait ce qu'il avait à faire. Il ne pouvait pas aller plus loin. Dans ce qui reste, avec les moyens légaux qui nous restent, nous allons procéder dans les prochaines semaines.

Une voix: Des menaces.

M. Picotte: Dites-moi si, chez vous, les pertes qui sont comptabilisées par employé, afin que vous fassiez une évaluation... Par exemple, dans certaines régions, s'il y a plus de pertes que dans d'autres, vous faites l'évaluation de vos employés par le fait même. S'il y a beaucoup plus de faillites ou de liquidations dans telle région que dans telle autre, à ce moment-là, cela vous permet de savoir si certains de vos employés ont le oui plus facile.

M. Moreau: Ce n'est pas à jour. On n'en exclut pas la possibilité. Je ne me suis pas livré à cet exercice pour la bonne raison que, dans certaines régions, il y a du porc, dans d'autres, il n'y en a pas. Notre pauvre conseiller régional, ce n'est pas lui qui va fixer le prix du porc à Chicago. C'est la même chose pour les grains. Il n'a rien à foutre là-dedans. Ce serait injuste de dire: Tu as tant de pertes dans le porc, tu es un mauvais employé. On va t'envoyer au purgatoire ou ailleurs. Je ne peux pas souscrire à cela. On a une équipe qui est bien préparée. Vous avez au dossier la préparation de notre équipe. On a des critères d'admissibilité universels pour l'ensemble du Québec, qui sont respectés. Je vous ai donné, cet après-midi, le cheminement d'un dossier. Tous les dossiers sont traités de la même façon, suivant le même cheminement. Je ne connais pas une exception. À ce moment-là, je pense que ce serait quasiment indécent que de procéder à un exercice comme celui-là.

M. Picotte: M. le Président, je reviens au dossier précédent. Ais-je bien compris? Vous m'avez dit qu'une enquête avait été demandée à la Sûreté du Québec dans le dossier Jean-Claude Boucher. Du fait qu'il n'y avait pas de preuve, finalement, cela n'a pu aller plus loin que cela. C'est cela que j'ai compris.

Une voix: Pas de plainte.

M. Picotte: Du fait qu'il n'y ait pas de plainte, oui.

M. Moreau: Il y a eu des contacts avec la Sûreté du Québec, mais compte tenu que les gens n'ont pas voulu porter plainte, c'est tombé.

M. Picotte: Mais le 28 mars...

M. Moreau: On a des affidavits au dossier.

M. Picotte: ...1984, M. Gilles Mongrain, directeur adjoint à la Direction de la gestion des prêts a présenté un mémoire à M. Normand Bellefeuille à la Direction de la gestion des plaintes qui dit ceci: "En rapport avec cette affaire - là, on parle du dossier Jean-Claude Boucher, portant le no 24997-9...

M. Moreau: La Sûreté du Québec, oui.

M. Picotte: ...permettez-moi de vous signaler qu'aucune demande d'enquête n'a été

transmise à la Sûreté du Québec, section crimes économiques, puisqu'il n'est fait mention d'aucune fraude dans ce dossier et qu'aucune demande en ce sens ne nous a été transmise." C'est une note de service de M. Mongrain.

M. Moreau: J'ai ici...

M. Picotte: Y a-t-il eu une demande à la Sûreté du Québec ou non?

M. Moreau: Le 24 mai, j'ai "dossier référé à la Sûreté du Québec". Il faudrait vérifier si...

M. Picotte: Dans le même dossier, une personne chez vous dit qu'il n'y a pas eu de demande à la Sûreté du Québec et une autre dit qu'il y a eu une demande.

M. Moreau: On me dit que la fraude et les menaces, c'est d'autre chose. Il faudrait vérifier cet aspect. J'ai une note ici à savoir qu'il a été référé à la Sûreté du Québec.

M. Picotte: II n'y a pas de fraude, il y avait eu menace.

M. Moreau: Ce n'est pas à nous à faire enquête. Nous référons les dossiers, c'est à la sûreté à faire son travail.

M. Picotte: Pouvez-vous me dire exactement où dans le dossier noir que vous nous avez fourni on peut retrouver la deuxième note que vous venez de me montrer du bout des doigts? Vous venez de me montrer une...

M. Moreau: À la page 6.

M. Picotte: Dans notre dossier?

M. Moreau: À la page 6 du dossier sur l'historique. Ah! Ce n'est pas le bon. Excusez-moi. Je ne veux pas induire la commission en erreur. Je vais tourner la page.

M. Picotte: On ne le trouve pas nous ici.

M. Moreau: D'accord.

M. Picotte: On a peut-être un...

M. Moreau: Je m'excuse, j'ai fait erreur.

M. Picotte: ..."black list" différent des autres, mais...

M. Moreau: Non, non. Ce n'est pas le même dossier, alors je m'excuse. J'avais un autre dossier, attendez un peu.

M. Picotte: Je comprends qu'il manque des documents aux grévistes dans leur dossier, mais nous, il n'est pas supposé nous en manquer.

M. Moreau: D'accord. Cela me revient. Il y a eu une demande en vertu d'un autre dossier. Il y a un embargo dessus. Ce n'est pas l'un des sept. M. Boucher était impliqué et on a demandé à la Sûreté du Québec de faire enquête pour connaître le rôle de M. Boucher là-dedans.

M. Picotte: M. le Président, nous avons nous aussi dans nos listes des documents qui sont signés embargo. Même si le vôtre a un embargo, pourquoi ne se retrouve-t-il pas dans le nôtre? Comme cela on n'a pas tous les documents.

M. Moreau: Vous avez tous les documents...

M. Picotte: C'est un autre dossier de M. Boucher.

M. Moreau: Non, non. Je vous ai dit que c'est dans un autre dossier d'une personne qui n'est pas dans les sept. M. Boucher a joué un rôle, vous l'avez dans les embargos à la fin de la Cour des miracles et le Mouvement pour la survie. Je vais vous le trouver. C'est pourquoi on a demandé à la sûreté de faire enquête. Ce n'était pas sur son dossier à lui, mais son rôle dans un autre dossier.

M. Picotte: Ne trouvez-vous pas qu'il aurait été pertinent qu'on ait cette information?

M. Moreau: Vous l'avez, je vais vous la trouver, vous l'avez.

M. Picotte: II n'y a pas d'enquête de la sûreté si c'est dans un autre dossier.

M. Moreau: Dans les cas de menaces, on est en contact avec la sûreté. S'il n'y a pas de plainte de déposée, ils ne font pas enquête. On a essayé d'avoir la collaboration de trois ou quatre personnes et cela n'a rien donné.

M. Picotte: Je vais passer à un autre dossier; on va arrêter de parler de menaces. On va finir par avoir peur nous aussi, de ce côté.

M. le Président...

Le Président (M. Vallières): Je m'excuse, M. le député de Maskinongé, votre temps est expiré.

M. Picotte: II me reste une question, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): S'il y a consentement, c'est que...

M. Picotte: Une courte question.

Le Président (M. Vallières): Avec une réponse très rapide, sans quoi.

M. Dupré: Si la réponse est aussi courte que la question, d'accord.

M. Picotte: Pourriez-vous me dire, M. le Président, combien il y a de dossiers en procédures chez vous au moment où on se parle, comme des retards de paiement, de liquidations et de faillites. C'est cela.

M. Moreau: Ce qui arrive et c'est pour cela que c'est bien délicat dans ce sens, c'est que souvent le gars paie avant la vente au shérif ou la veille ou le matin. Cela donne... Si je vous dis 20, il y en a peut-être 5 qui vont décrocher sur les 20. C'est dans ce sens-là. On peut vous le dire cela par expérience, maintenant le nombre, on va le savoir probablement.

M. Picotte: Pour ne pas retarder indûment la commission...

M. Moreau: Oui.

M. Picotte: ...s'il y avait moyen de faire parvenir aux membres de la commission...

M. Moreau: Volontiers.

M. Picotte: ...les dossiers en procédures du côté...

M. Moreau: Cela fait partie du rapport.

M. Picotte: ...liquidations, faillites et retards de paiement. (20 h 15)

Le Président (M. Vallières): Très bien. La parole est maintenant au député de Roberval.

M. Gauthier: M. le Président, ma première question est assez globale. On a vu au cours des deux derniers jours - on a étudié sept dossiers, plus particulièrement -que différents intervenants sont plus ou moins responsables des problèmes qui ont pu être vécus par ces agriculteurs. Je voudrais savoir, en termes très clairs de la part du président de l'office, sur les sept dossiers, dans combien de dossiers l'office a été l'organisme qui, finalement, a tiré la "plug". Il y en a combien que l'office a placés dans une situation de faillite, sur les sept?

M. Moreau: Le cas Talbot, à la demande du prêteur, vente au shérif le 3 mai; le cas Boucher, à la demande de l'office, vente par le shérif le 31 août 1982; l'autre c'était le 3 mai 1983. Il est indiqué qu'il était en défaut depuis le 1er novembre 1981; Clément Brousseau, à la demande du prêteur, l'OCA prendra des procédures à cause des arrérages depuis mai 1983. Il y a eu, dans le cas Brousseau, si vous vous rappelez, un "stop" parce que les paiements ont été faits et on a repris par la suite pour cause d'arrérages. Les fermes Girouard, à la demande de la Société du crédit agricole, vente par shérif le 27 septembre 1984 -c'est tout récent; Marius Montigny à la demande de la Société du crédit agricole, vente par le shérif le 1er mai 1984. Ce n'est pas l'office, c'est la Société du crédit agricole, les deux que je viens de mentionner. Étienne Girardin, les procédures seraient entreprises par la Société du crédit agricole. On met le conditionnel parce que les informations, ce n'est pas quand il s'agit de nos dossiers. Avec la société, on a d'excellentes relations, mais pour l'échange d'informations - je ne fais pas de reproche en disant cela - c'est assez fragmentaire. Yvon Robidas, à la demande de la Société coopérative agricole de Saint-Félix, vente par le shérif le 4 septembre 1984. C'est tout récent.

M. Gauthier: Si je comprends bien, dans le fond, l'Office du crédit agricole est loin d'être responsable de tous les dossiers. Même si ce sont tous des agriculteurs qui sont placés dans des situations analogues, ce n'est pas nécessairement l'office dans tous les cas qui...

J'aimerais savoir de votre part... Il y a une chose qui nous a été dite par les agriculteurs et qui mérite, je pense, d'être reprise ici. C'est ce que j'appellerai cette indélicatesse qui nous a été retransmise de la part de certains agents de l'office lorsqu'on est pour procéder à une liquidation. On nous a dit - et j'aimerais avoir vos commentaires à-dessus - que les agents sont plutôt difficiles, assez directs. Bon! On vend. On liquide. Tu n'es plus capable de produire. Tu n'es plus capable de rencontrer tes obligations. Il faut aller à l'encan. On vend ci. On vend ça, etc. On sait qu'une situation comme celle-là est traumatisante pour n'importe qui, quand tu perds les biens que tu as accumulés au cours des années. Je voudrais savoir s'il existe - parce qu'il doit y avoir des plaintes, j'imagine, qui sont formulées à l'office - un comité de surveillance ou de supervision qui se charge de ce type de plaintes pour vérifier si effectivement, parce qu'il peut arriver - la nature humaine étant ce qu'elle est - que certains agents, pour une raison ou pour une autre, n'utilisent pas une approche très humaine et très appropriée dans les circonstances. Est-ce qu'un organisme

semblable existe?

M. Moreau: Un comité en tant que tel n'existe pas. Cela fait partie, je pense, des attributions de chacun des gestionnaires. Le conseiller en financement répond de ses activités au directeur régional. Nous avons neuf directeurs régionaux. Quatre d'entre eux de la région de Québec répondent de leurs activités à un directeur adjoint, en l'occurrence M. Benoît Dubuc qui, lui, est directeur adjoint à la direction du financement agricole et les cinq autres de la région de Montréal répondent de leurs activités à M. André Saint-Aubin, qui est également directeur adjoint de la direction du financement agricole. Ces deux messieurs répondent directement de leurs activités à M. Jean-Paul Tremblay, qui est le directeur de la direction du financement agricole lequel répond directement au président. À l'intérieur même de la structure, vous avez une autocensure. Cela fait partie du travail d'un bon gestionnaire d'être attentif aux desiderata et aux doléances de la clientèle. S'il y a quelque chose d'anormal, leur rôle est d'en faire part. Cela peut venir jusqu'à mon niveau et, s'il y a lieu, je fais faire enquête. Il y a eu des cas où on a eu des plaintes et on a fait faire enquête. Je pense que c'est normal. Je peux vous assurer qu'on prend toutes les mesures appropriées pour s'assurer, si les plaintes sont fondées, qu'il y ait des changements.

M. Gauthier: D'accord. Il y a aussi un aspect qui, je vous l'avoue, me travaille un peu. C'est que les agriculteurs qui sont venus témoigner ont dit que l'office, quand il faisait un premier prêt ou un prêt d'appoint, prenait en quelque sorte dans l'investissement toutes les liquidités des agriculteurs, les laissant ainsi quelque peu démunis pour faire face à des situations conjoncturelles un peu difficiles et passagères. J'ai remarqué, dans votre document, que vous dites... Si les députés de l'Opposition peuvent écouter, on va peut-être se comprendre comme il faut. Vous ne dérangez pas que moi.

Je voudrais savoir de la part du président... Dans votre document, vous aviez décrit qu'on considère l'actif, les liquidités du type en question. On investit. On prend la part qui revient et on prête le reste. Je voudrais savoir s'il est exact que les normes ou les critères que vous devez déterminer pour établir le crédit font en sorte que les agriculteurs restent un peu démunis de capital au moment où ils investissent?

M. Moreau: Si c'était cela, je vous dirais que ce serait une bonne chose et que cela protégerait les gens contre eux-mêmes peut-être. Mais cela ne va pas aussi loin que cela. Je m'explique. On en a vu qui ont planté, qui ont plongé parce que, précisément, ils avaient assez de latitude pour se mettre la corde autour du cou. S'ils avaient été plus serrés, ils auraient été obligés de demander l'autorisation auparavant. Cela aurait peut-être été une bonne chose. Ils auraient peut-être réfléchi davantage avant. C'est dans ce sens que je dis que cela pourrait être une bonne chose, mais on ne va pas jusque là.

Généralement, on prend les garanties que cela prend pour garantir notre prêt. On n'est pas là, nous, pour handicaper les gens. On est là pour développer l'agriculture. C'est notre rôle, comme je l'ai expliqué cet après-midi. Mais c'est une question délicate, vous savez. Pour le bonhomme qui est concerné, on en prend toujours trop. Par ailleurs, il y a eu des hautes instances qui nous ont dit d'être plus vigilants. Vous avez sans doute lu cela dans les journaux. Que faire dans tout cela? Si on n'en prend pas assez, on est blâmé. La crise dépend de nous autres parce qu'on n'a pas été prudents. Par ailleurs, on nous dit: Vous en prenez bien trop. Vous êtes trop "safe". Vous êtes constipés, etc. Que faire dans tout cela finalement?

Ce que nous faisons, c'est qu'on a des normes - que je vous ai mentionnées cet après-midi - et on essaie de demeurer dans l'ordre du raisonnable et du réalisme pour permettre au gars de développer son entreprise. C'est notre attitude. C'est une question d'appréciation. D'aucuns vont dire que c'est trop et d'autres, que ce n'est pas assez. Alors, on essaie, nous - in medio stat virtus - de jouer là-dedans le mieux possible pour protéger l'agriculture et l'agriculteur également.

M. Gauthier: Vous avez cette marge de manoeuvre quand même qui vous permet d'exercer un jugement.

M. Moreau: Et, parfois, ce n'est pas facile. On a plusieurs griefs depuis un certain temps. C'est qu'il y a des partages de garantie avec la Société du crédit agricole. Il y a des chevauchements. Il est arrivé qu'on dise: Allez demander à la société pour voir s'ils vont donner main levée sur telle garantie. La société va le dire et vice-versa. Remarquez bien que je ne veux pas accabler la société, cela peut être dans l'autre sens. On dit, non, on est à découvert si on fait cela. Finalement, c'est tout cela.

Il y a aussi tout le dossier des quotas. Vous savez qu'on est vulnérable dans certains dossiers là-dessus. Parce que qu'est-ce qu'un quota justement? Si le bonhomme vend son quota ou le transfère, pour nous autres, c'est de l'air. Je vous dis qu'on fait ce qui est raisonnable, je pense. Quand on regarde ce qui se fait ailleurs, au fédéral, dans les autres provinces et même dans les autres pays, je ne pense pas qu'on soit plus

exigeant que les autres. Je pense qu'on est juste dans la norme, comme un créancier hypothécaire ou un autre créancier doit faire pour protéger ses garanties de prêt.

M. Gauthier: Dans le cas précis où M. Talbot, je pense, nous avait déposé, sauf erreur, un pro forma qui avait été fait par quelqu'un - je ne sais pas si c'est un agent de l'office ou si c'est par un agronome du ministère, de toute façon - j'aimerais avoir des éclaircissements là-dessus parce que ce pro forma semblait, selon toute vraisemblance, lui garantir un revenu assuré pour les années à venir. J'aimerais savoir ce qui a pu se passer dans un cas comme celui-là pour qu'il se retrouve acculé à la faillite aussi rapidement par la suite. Est-ce que c'est parce que le pro forma était irréaliste? Ou est-ce qu'il y a eu d'autres problèmes qui ont joué ou qui ne devaient pas jouer au départ? Il s'agissait d'une projection de revenus...

M. Moreau: Ce que j'ai dans le dossier concernant le prêt qu'on a fait, le 31 mai 1979 - il ne faut pas oublier que M. Talbot était déjà à la Société du crédit agricole; si ma mémoire est bonne, c'est en 1979; il a commencé en 1977, si ma mémoire est bonne - il avait un avoir net de 81%, un avoir net de 100 464 $, avant d'investir pour 115 000 $, parce que c'était l'ordre de grandeur du prêt qu'on anticipait à ce moment-là. Le 30 octobre 1981, son avoir net était de 18 420 $, ce qui veut dire 5%. Il était baissé de 81%, avant le prêt, à 5%. Il faut calculer, bien sûr, les 115 000 $ à l'intérieur de cela. Je pense que vous avez dans votre dossier les divers...

Je vais vous donner le budget qu'on avait au moment où on a fait le prêt. Le revenu brut agricole était de 491 900 $ et les dépenses totales, 353 600 $, ce qui faisait un excédent des revenus sur les dépenses de 38 300 $. Ses paiements annuels étaient de 11 150 $. Excellent cas. Nous étions tout à fait justifiés de prêter. Vous avez entendu, cet après-midi, les critères que nous avons établis. Excellent cas. Par ailleurs, on a inversé la situation. Le 30 octobre 1981, le revenu brut agricole était de 409 220 $ et les dépenses totales, 392 917 $, pour un excédent des revenus de 16 303 $, alors que les paiements annuels -c'est là que le bât blesse - étaient de 34 125 $. Les commentaires, vous les avez au bas de la page: l'évolution de la situation financière; le taux de mortalité, 7,5%, alors qu'il se situe normalement à 2%; le coût des aliments par tête s'établissait à 330 $, 1,5 fois plus élevé que la normale; également, l'analyse des ventes de bouvillon, de mars à octobre 1981, indiquait un prix moyen de vente de 0,62 $ la livre comparativement à un prix de vente moyen payé à l'ensemble des producteurs de 0,77 $ la livre.

M. Gauthier: Là-dessus, je me souviens qu'en réponse à une question, M. Talbot nous répondait qu'il avait dû vendre prématurément compte tenu qu'on "tirait la plug", pour employer l'expression, un peu trop vite. Est-ce possible?

M. Moreau: Écoutez! "Tirer la plug" un peu vite. Il faut admettre que, dans le cas Talbot, il était en défaut. Si vous consultez l'autre tableau, le tableau voisin, il était en défaut depuis le 1er novembre 1981. On est en novembre 1984. Je pense qu'il a eu le temps d'étudier certains scénarios et il y a eu pas mal de tolérance et de la latitude, pour autant que cela nous concerne. On a utilisé, comme je vous le mentionnais cet après-midi, la même mesure, la même règle, avec la même tolérance que dans d'autres dossiers.

M. Gauthier: Je vous remercie. Je vais permettre à mon collègue de poser une question, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Tout en vous indiquant qu'il restera deux minutes au député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Merci, M. le Président, pour les deux minutes. Depuis le début de cette commission, divers intervenants sont venus à la table et ont avoué que le crédit spécial, cela a été seulement une façon de prolonger l'agonie des personnes ou des entreprises. Vous devez avoir des chiffres là-dessus. Combien y en a-t-il qui sont encore dans la production et qui ont bénéficié du crédit spécial et depuis quand? Combien y en a-t-il qui ont agonisé? (20 h 30)

M. Moreau: Des crédits spéciaux, il y en a eu huit jusqu'ici. Vous avez eu les oeufs en 1972, les récoltes pour 34 comtés en 1972, les pluies excessives en 1974, tornades et glissements de terrains en 1975, la sécheresse en 1975, le porc en 1980, supplémentaire dans le porc en 1981 et les céréales en 1983. Dans le cas des oeufs, il y a eu exactement 89 prêts de consentis pour 1 196 963 $. Il y a des pertes cumulatives pour 1983 $. Je pense que l'expérience est excellente.

Le règlement no 2. 3555 prêts consentis pour un montant de 12 110 051 $. Un cas de perte et disons qu'il y a eu, en pertes cumulatives, 13 cas pour 15 712 $. 15 000 $ sur 12 110 000 $, il faut se rappeler que c'est un crédit spécial de dépannage. Excellente performance.

Règlement no 3. Prêts consentis de 243 prêts pour 615 357 $. Je passe sous silence les subventions pour ne pas prendre trop de temps. Les pertes cumulatives, deux cas,

pour 12 922 $ sur 615 000 $.

Règlement no 4. 46 prêts consentis pour 301 753 $. Aucune perte.

Règlement no 5. Sécheresse. 106 prêts consentis pour 797 414 $, aucune perte.

Règlement no 6. Porc. 1980, vous avez eu 892 prêts pour 22 726 625 $. 26 pertes cumulatives, 26 dossiers, pour 695 813 $.

Crédit supplémentaire, porc, qui est encore plus vulnérable que le premier parce que vous savez qu'il était admissible à celui qui avait déjà emprunté. 210 prêts consentis pour 2 266 900 $. Deux pertes pour 19 650 $.

Les céréales. 143 prêts consentis pour 4 513 156 $. Aucune perte enregistrée pour l'exercice au 31 mars à ce moment parce que pour la perte il y a un délai. Il va y en avoir quelques-uns. Il y a un délai bien sûr. Cela prend que la réclamation soit produite et étudiée, etc.

L'ensemble des huit règlements, c'est au 31 mars dernier, vous avez eu 5284 prêts pour 44 528 219 $. 44 prêts. Alors, 44 sur 5284, 44 prêts en défaut. Perte pour 746 080 $. C'est l'expérience de nos crédits spéciaux depuis 1972.

Le Président (M. Vallières): Merci. Je vous interromps à ce moment-ci. C'est que si on veut permettre à M. Moreau de conclure, tel que nous l'avions convenu, il faudrait lui demander de compléter l'exposé qu'il a commencé devant la commission au début de ses travaux. Je m'excuse auprès des membres de la commission.

M. Baril (Arthabaska): Est-ce qu'on me permet deux minutes, 30 secondes?

Le Président (M. Vallières): II faudrait demander à M. Moreau s'il consent à donner de son temps pour que la question soit posée.

M. Baril (Arthabaska): D'abord, je vais laisser aller. C'est parce que j'aurais aimé cela que la commission m'accorde... Je n'ai pas abusé du temps. Deux minutes ou je ne sais pas quoi.

Le Président (M. Vallières): Si de part et d'autre les gens y consentent, pas de problème.

M. Baril (Arthabaska): Pour le temps qu'on m'accorde, je ne voudrais pas non plus qu'on le prenne sur son temps à lui parce qu'on a démontré au début, on a voulu démontrer une certaine flexibilité.

M. Picotte: M. le Président, si le député d'Arthabaska est prêt à faire ce que j'ai fait, on a consenti tantôt au député de Maskinongé une courte question avec une courte réponse, c'est ça, et si ça dure le temps que cela a duré dans mon cas, je n'ai pas d'objection.

Le Président (M. Vallières): Cela va. Il faut également mentionner qu'on a convoqué le ministre pour 20 h 30 et j'aimerais qu'on puisse l'entendre.

M. Baril (Arthabaska): Cela va être court, garanti.

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Merci. M. Moreau, je ne veux pas faire le bilan parce que cela me prendrait trop de temps, mais très rapidement, en écoutant les réponses que vous apportez, si on analyse cela d'un oeil un peu neutre, il ne semblerait pas y avoir de problème en agriculture. J'aimerais que vous précisiez, dans toutes les réponses que vous donnez, quels sont les problèmes. Si on regarde les dossiers des sept grévistes, peu importe l'âge des personnes, cela semble quand même un problème de relève agricole, parce que, aujourd'hui, en ce qui concerne la relève, ce n'est pas nécessaire d'avoir 20 ans pour s'établir sur une terre. Ma question est celle-ci: Y a-t-il des problèmes en agriculture ou si l'office dit: Tout va bien; tout est beau; le ciel est bleu et l'enfer est rouge.

M. Moreau: II y a des problèmes en agriculture. Je l'ai mentionné. Si vous vous souvenez, cet après-midi, j'ai ralenti et j'ai insisté sur le fait qu'il y avait des problèmes en agriculture. J'ai cité l'expérience dans le domaine du porc. J'ai cité l'expérience dans le domaine des céréales et j'ai cité l'expérience dans le domaine du vison. Il y a des problèmes en agriculture. Il y a des problèmes chez les agriculteurs en place. Il va y avoir encore des problèmes en agriculture et il va y en avoir encore chez les producteurs en place, parce que cela exige énormément de préparation, d'aptitudes de management. Personnellement, c'est une des dimensions qui m'inquiète le plus, davantage même que ceux qui accèdent à l'agriculture, parce qu'il y a des gens qui étaient très bien préparés, qui ont fait une grande partie de leur carrière dans ce secteur, qui avaient des habiletés pour diriger, pour gérer une exploitation de 70 000 $ ou 80 000 $ qui, dès qu'ils ont eu à faire un investissement un peu plus substantiel, dès qu'il y a eu un changement de cap, ont été dépassés.

Malheureusement, sur le plan humain, c'est parfois très pénible. Il y en a des problèmes. On ne le cache pas. Des cas en difficulté, on en a parlé. Les arrérages, on ne les cache pas; on vous a donné des chiffres. C'est factuel, c'est vérifiable. Il y

a des problèmes, sauf que j'ai dit que ce n'est pas catastrophique. J'ai dit que la situation était préoccupante, mais elle n'est pas catastrophique.

Vous parliez de la relève. Étudions les cas de ceux qui ont abandonné. C'est important, parce que, chez les sept grévistes, c'est révélateur le tableau que je vais vous donner. Je pense que vous l'avez dans votre livre. Les grands succès, ce sont les plus jeunes qui les ont. Si vous prenez les statistiques, ceux qui s'établissent entre 18 et 24 ans, la proportion des abandons est de 1,7%, parmi l'ensemble de ceux qui ont abandonné pour l'établissement. Si vous prenez ceux de 35 ans et plus qui se sont établis, le taux d'abandon est de 12,6%. Il est sept fois supérieur. Ils sont plus vulnérables pour plusieurs raisons. Peut-être qu'ils suivent les conseils plus ou moins. Ils sont structurés. On va les étudier les régions. Remarquez que les dernières statistiques sorties sont récentes. C'est un constat que nous avons fait. Cela me préoccupait. À la lumière des cas que nous avons vécus ici, j'ai fait extraire des statistiques sur l'âge des établissements, la "stratification" à ces âges et ce que cela nous donne comme statistique. Cela n'enlève pas le problème de la relève. Bien sûr, il y a un problème de la relève, non pas en termes de contingent, parce que, depuis 10 ans, il s'est établi en moyenne par année 1269 jeunes. Ce n'est pas en termes de contingent, c'est en termes de problème de transférabilité de l'exploitation à cause de l'envergure des exploitations. C'est la raison pour laquelle vous avez des lois, des outils qui aident le jeune. Il suffit de penser à la LEJA, par exemple, cinq ans sans intérêt qui, pour le prêt moyen des agriculteurs - je pense l'avoir mentionné cet après-midi -donne un intérêt de 4,5% je pense pour les cinq premières années sur un prêt de 112 000 $ en moyenne sur le plan individuel, ce qui est le prêt moyen pour les jeunes qui s'établissent. Il est de 5,6%, lorsque c'est un groupe, parce qu'il y a un "mixture" avec d'autres intérêts. La banque de terre qui commence est un autre outil qui va permettre de favoriser la location et, par le biais de la location, le jeune sera moins appelé à investir au niveau du fonds de terre. Cela va lui permettre de consacrer plus d'énergie au niveau du cheptel, au niveau de son exploitation, de la rotation des sols, etc., et il pourra peut-être s'en porter acquéreur un peu plus tard.

Le Président (M. Vallières): Merci. Je demanderais maintenant... Je m'excuse auprès du député d'Arthabaska, je sais que c'est très intéressant, mais on a convenu de certaines choses. Je demanderais maintenant à M. le président de se servir du temps qu'on a mis à sa disposition pour conclure son exposé. M. Moreau.

M. Camille-G. Moreau

M. Moreau: Je vais aller à bâton rompu. Vous m'arrêterez quand mon temps sera écoulé. J'ai lu très rapidement le texte. On dit, par exemple, que je terrorise mes fonctionnaires. Je ne sais pas où cela a été pris et pourquoi. Si tel était le cas, je vois mal comment mes fonctionnaires, si j'enlève ceux qui étaient en vacances quand la pétition a été adoptée, lorsqu'ils ont vu qu'une des demandes des grévistes était la démission du président de l'office, 90% des fonctionnaires m'ont envoyé... Je peux vous donner la pétition, je vais vous la lire si vous permettez, M. le Président. "M. le Président, conscients de difficultés que traversent l'Office du crédit agricole du Québec et des attaques injustifiées qui vous sont adressées personnellement et qui tendent à mettre en doute votre intégrité et celle de l'office, les soussignés désirent vous assurer de leur confiance entière et de leur plein appui dans la lutte que vous avez entreprise jusqu'ici pour faire éclater la vérité et dénoncer les fauteurs de trouble. "Nous estimons que vous êtes la seule personne à l'heure actuelle capable de faire face efficacement à la situation provoquée par quelques personnes qui ne constituent qu'une infime minorité. "Aussi nous désirons instamment que vous demeuriez à votre poste et nous vous assurons de notre pleine confiance et de notre entier appui actuellement et pour l'avenir."

Je peux la déposer si la commission le veut. Cela a été signé à 90%. Si j'étais une personne qui terrorise, si tel était le cas, les fonctionnaires auraient été très heureux que je me fasse "knockouter".

Une autre point que j'aimerais rétablir. On a dit que je trompais mon ministre. J'aimerais savoir quand et comment. Parce que, pour moi, la loyauté n'a pas de compromis. On n'est pas loyal à 80%, il faut être loyal à 100%. Je n'ai jamais fait de compromis là-dessus et je n'en ferai jamais "over my dead body". J'aimerais savoir, qu'on me donne des exemples, qu'on me donne des cas où j'ai pu mentir à mon ministre, où j'ai pu mentir à la population parce que je crois que j'ai une certaine loyauté aussi à l'endroit de la clientèle qu'on a à desservir. Je ne peux pas vous dire autre chose que cela. Qu'on me donne des preuves si tel est le cas. Qu'on nous dise quand j'ai menti au ministre, s'il est vrai que je trompe le ministre, que je trompe le public, que je trompe les agriculteurs. Je m'inscris en faux contre de telles accusations. J'ai eu jusqu'à maintenant d'excellentes relations avec les journalistes, ceux que j'ai eu le plaisir de

rencontrer. Un journaliste du Soleil a écrit: "Les livres sont ouverts". Il n'y a pas de cachette; ils sont les bienvenus. On a discuté très librement. Je ne crois pas tromper les journalistes. Si tel était le cas j'aimerais qu'on relève les points qui ont été lancés dans ce sens-là.

Quant au dossier complet, on n'en a même pas. Comme j'ai répondu cet après-midi à un des distingués membres de la commission, nous avons la contrainte de la loi 65 et nous nous y sommes conformés dans l'appréciation des documents que nous devions remettre aux intéressés.

L'OCA ne discute pas, ne fait pas d'arrangement. Vous devriez voir le temps, les heures, les soirées qui ont été consacrées à étudier des cas problèmes. J'ai vu à mon bureau pendant trois et quatre heures de discussion sur un dossier, nonobstant les heures, nonobstant les repas. Un peu comme le député le disait cet après-midi: même si on doit reculer le lunch. Nous aussi, nous sautions le lunch pour le faire parce qu'il s'agissait de la vie et de la carrière d'un agriculteur, de la famille d'un agriculteur. Souventefois, plus qu'une famille, ce sont deux générations. On était conscient de cela. On a vécu des heures - je l'ai mentionné cet après-midi - difficiles. Toute l'équipe de l'Office du crédit agricole est sensible à ces situations et a vécu des heures difficiles. Je me dois de défendre une équipe qui agit avec intégrité, qui agit avec dynamisme et qui, à mon point de vue, constitue des professionnels au vrai sens du mot, au sens "dedicated". (20 h 45)

Je ne peux pas laisser planer des soupçons de manque d'intégrité, des soupçons de tromperie, que notre équipe ne serait pas à la hauteur. Il suffit de voir les exigences qu'on a pour notre équipe pour convenir que ces soupçons ou ces accusations sont non fondées. On dit: "Dans une allocution qu'il faisait devant les membres de la Fédération de la relève agricole, M. Moreau a précisé que le taux d'intérêt moyen pour un individu se situe à 4,5%." Je l'ai répété encore tout à l'heure. Ce sont des statistiques. Je ne pense pas avoir commis un crime de lèse-majesté en disant cela. Ce sont des statistiques que nous avons. Si on n'accepte pas les statistiques... Écoutez, c'est le langage des chiffres. "Le taux d'emprunt sur l'ensemble de cet agriculteur qui veut s'établir sur une ferme moyenne serait donc de Il % à 12% et non de 4,5% comme le propagandiste Moreau le fait croire à la relève." Sur un prêt de 100 000 $ ou 112 000 $ quelque chose - j'ai mentionné le montant tout à l'heure - c'est un taux moyen de 4,5% ou 4,6%. J'ai des tableaux à cet effet. "L'OCA encourage de trop grosses entreprises". Là-dessus, j'en ai glissé un mot cet après-midi, on nous accuse d'assassiner les petites fermes et d'assassiner l'agriculture.

Si vous l'avez lu - je souhaite, en tout cas, que les membres de la commission aient lu le volume; moi, pour autant que je suis concerné, je l'ai lu - c'est un fouillis d'accusations contre tout ce qui bouge, truffé de sophismes, de mensonges, de complexes, d'incohérences et servi par une prose laborieuse, une forme d'exhibitionnisme et une opération de défoulement de mauvais goût. Bref, des élucubrations à faire dormir debout. C'est mon opinion après avoir lu ce bouquin. Il y a des mensonges là-dedans, à peu près comme dans le document qui vous a été remis hier. Aucune rigueur.

Je vais vous lire simplement un petit paragraphe pour dérider un peu l'assemblée. Dans le petit poème du départ, on dit pour montrer que cela trime fort etc.: "Peut-être ailleurs, bien loin d'ici, pourrait-on construire un vrai pays et de l'aube jusqu'à l'aurore." De l'aube à l'aurore, cela ne fait pas une journée longue. Il faut comprendre que cela ne peut pas faire bien des journées sur la ferme, parce qu'il y a quelques minutes... D'après mes informations, l'aube, c'est quand c'est jaune or, l'aurore, c'est quelques minutes après quand cela rougit et ensuite, le soleil pointe. De l'aube à l'aurore, cela ne fait pas long pour travailler sur la ferme. Il ne faut pas se surprendre des résultats. C'est truffer des mots pour des mots, ce que j'appelle des élucubrations. Je regrette, je suis peut-être sévère là-dessus, mais lisez-le. Je souhaite que vous le lisiez. Vous allez porter un jugement par vous-mêmes.

En tout cas, j'espère que... Les accusations qui ont été lancées hier sont non fondées à mon point de vue. Elles sont très graves. On m'accuse de manipulation. On m'accuse de détournement de fonds pour des usages personnels. Je voudrais voir un cent qui a été détourné pour usage personnel. On m'accuse d'ostracisme à l'endroit des fonctionnaires. Je pense que la preuve vient d'être faite tout à l'heure. Ce sont toutes des accusations sans fondement, mais malheureusement, ce que je déplore, bien sûr, c'est que cela ait un certain rayonnement, une certaine résonnance. Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose. C'est déplorable et j'espère que la commission aura l'occasion peut-être de rétablir les faits.

Pour ma part, je peux vous assurer d'une chose: je demeure à votre disposition. Je souhaite que la vérité sorte, la vérité avec un grand "V" dans toutes ses dimensions et sous tous ses angles, qu'elle sorte. Venez à l'office. Je souhaiterais que vous veniez voir nos dossiers. Venez voir comment nous fonctionnons. Que la commission se déplace et qu'elle vienne voir à l'extérieur, dans nos régions, comment nous fonctionnons. Venez

voir notre contact avec l'agriculteur. Venez voir comment le bureau d'administration siège. Venez voir comment les offres sont ouvertes chez nous, comment elles sont étudiées; vous allez voir que ce sont des professionnels qui font une "job" de bons professionnels. En tout cas - je m'excuse, M. le Président - je suis profondément meurtri par des accusations sans fondement, de la foutaise. Je pense qu'on n'a pas le droit de laisser démolir la réputation de gens qui travaillent honnêtement et objectivement pour leur province, pour la classe agricole, une clientèle pertinemment...

En tout cas, je peux vous dire que cela fait au-delà de 20 ans que je travaille dans le secteur. M. Boucher dit dans son livre: "Grâce à moi, Moreau a été vedette pour quelques semaines et là, il est retourné dans l'ombre." "Grâce à moi". C'est lui qui arrive en agriculture. Il est là depuis quelques années et il s'imagine tout connaître en agriculture. Il savait... La Terre de chez nous, souvenir 60 ans, a relaté la semaine dernière la marche sur Québec, les événements, il n'y a pas grand agriculteur au Québec qui n'a pas eu à faire avec nous et qui ne nous connaît pas, soit personnellement ou soit par personne interposée. Mais M. Boucher a eu la chance de faire connaître, imaginez-vous, le président. C'est un tissu de mensonges, de frustration, de défoulement. Je trouve cela très grave. Je souhaite que ce soit un cas isolé et que ce soit une des seules fois que la démocratie puisse permettre des écarts, des abus d'une telle nature qui me paraissent extrêmement graves.

Ceci étant dit, M. le Président, je ne veux pas abuser du temps que la commission m'a accordé. Je vous remercie infiniment pour l'attention que vous nous avez accordée. Je l'ai dit ce matin: de nous avoir invités d'abord. Je vous remercie de nous avoir écoutés. Je vous remercie pour la patience que vous avez manifestée. Je m'excuse si, à certains moments, l'émotivité l'a emporté. Pour celui qui subit ces choses-là, cela fait mal.

Il y a une chose que je pourrais laisser avant de quitter. J'ai ici une lettre que M. Boucher m'avait adressée. Il l'avait envoyée à 26 médias d'information. J'ai répondu à M. Boucher. Mais plusieurs journalistes m'ont appelé pour me dire qu'ils n'ont pas eu la réponse. Est-ce que je pourrais laisser cette réponse à la commission? Pour les journalistes qui, eux, avaient reçu la lettre de M. Boucher et peut-être même pour le public qui aurait pu avoir pris connaissance dans une certaine mesure de la lettre qu'il m'avait envoyée. Je pense que si on n'a pas peur de donner les deux côtés de la médaille, si on veut être objectif, la réponse devrait également être adressée aux journalistes qui ont eu la chance d'avoir la première lettre. Si la commission m'y autorise, je déposerai volontiers ce document à la commission.

Sur ce, je vous remercie, M. le Président, encore une fois. Si, éventuellement, vous avez besoin de statistiques ou de la collaboration de l'office, soyez assurés qu'elle vous est acquise. Merci bien.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le président. Je rappelle aux gens qui sont dans la salle qu'on n'a pas le droit de manifester. Je veux également indiquer à M. Moreau que le document qu'il nous a présenté il y a quelques minutes, qui comporte une en-tête de requête, peut être considéré comme étant déposé devant la commission. Pour ce qui est de l'autre document, je vais le regarder et je pourrai statuer sur son dépôt comme tel.

En terminant, habituellement, on permet aux deux formations politiques en présence de conclure sur les témoignages qu'on a entendus. Je demanderais au député de Maskinongé de procéder.

Conclusions sur les auditions M. Yvon Picotte

M. Picotte: Merci, M. le Président. Je ne voudrais pas m'aventurer au point de discuter du livre de M. Boucher. D'abord, je ne l'ai pas lu. Il me semble que s'il y a matière à libelle là-dedans, les gens concernés peuvent toujours porter une plainte de ce côté-là. Je ne veux pas aborder cet aspect.

Je me dois de vous dire que je m'étais posé plusieurs questions sur cette commission quand, au début, j'ai présenté une motion pour étudier l'endettement en général de l'agriculture au Québec et des agriculteurs. Évidemment, cette motion a été changée et elle est devenue la motion d'un autre membre de la commission, d'un membre du parti au pouvoir, qui voulait qu'on étudie les dossiers des sept grévistes. J'avais dit à la commission à ce moment-là que j'avais beaucoup de réticence à l'étude de ces sept dossiers, pour la raison suivante: C'est qu'il faut penser que si, au Québec, il y avait sept autres personnes qui avaient été refusées par l'Office du crédit agricole et qui décidaient de faire la grève de la faim un bon matin, on serait probablement obligé de se réunir en commission chaque fois que ces choses surviendraient. C'était un dangereux précédent.

Il y avait aussi le fait et là-dessus, je rejoins un peu ce que M. Moreau a dit tantôt. C'est pourquoi j'ai pris la peine de faire assermenter les témoins à l'ouverture de la commission. J'ai demandé qu'on assermente les témoins. Je pense que les

réputations des gens sont importantes. Elles ne peuvent pas être charriées à gauche et à droite. C'est pour cela que la commission, à mon avis, ne pourra pas conclure ce soir. Surtout pas. Parce que, effectivement, on a des versions contradictoires. Il va falloir à tout prix que le Parlement du Québec - si notre commission peut servir de modèle à cet effet, je serai un de ceux qui en seront heureux - puisse statuer à un moment donné sur l'imputabilité des témoins qui sont appelés à venir en commission parlementaire.

J'espère, M. le Président, pour rendre justice peu importe à qui... Selon ma conception, si on me demandait de porter un jugement ce soir, je suis en face d'une foule de personnes qui sont venues prêter serment et qui nous ont donné des versions contradictoires. Il va falloir trouver une vérité quelque part. Là-dessus, je m'associe à vous pour dire qu'effectivement il faut trouver la vérité quelque part. C'est le message que je veux laisser en terminant.

Je vous remercie, de même que votre équipe, d'être venu éclairer la commission.

Le Présidant (M. Vallières): Merci, M. le député de Maskinongé. La parole est maintenant au député de Saint-Hyacinthe.

M. Maurice Dupré

M. Dupré: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais rafraîchir la mémoire du député de Maskinongé. Lorsque nous avons reçu l'avis de convocation de la séance de travail, le député de Maskinongé avait demandé la tenue d'une commission parlementaire pour étudier le cas des sept grévistes. Si, par la suite, vous avez changé d'idée et vous avez présenté à la commission une motion qui était tout à fait différente du premier avis de convocation...

M. Picotte: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Question de règlement, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Ce ne sera pas long, parce que je ne veux surtout pas engager de débat. Vous vous souviendrez, M. le Président, qu'à la suite des grévistes de la faim, j'avais demandé que la commission se réunisse. Par la suite, je suis arrivé ici même en commission avec une motion bel et bien structurée dont on peut n'importe quand, puisque c'est inscrit dans nos procès-verbaux, en relever le texte. J'avais cette motion avec moi dans le but de la présenter ici à la commission. Évidemment, il y avait eu une interprétation. C'est à la suite des cas qui étaient déposés sur la table que j'avais demandé la convocation de la commission, mais le sens de la motion, ce n'était pas d'étudier ces cas-là. La motion, je l'ai apportée avec moi. J'ai voulu qu'on en débatte et on m'a dit tout simplement que cette motion, on ne l'acceptait pas.

M. Dupré: M. le Président, question de règlement.

M. Picotte: J'avais une motion bel et bien faite.

Le Président (M. Vallières): Oui, une question de règlement.

M. Dupré: Est-ce que nous avons ici, dans les dossiers, l'avis de convocation demandé par M. le député de Maskinongé?

M. Picotte: M. le Président, sur la même question de règlement.

Le Président (M. Vallières): Un instant, s'il vous plaît!

M. Picotte: L'avis de convocation avait été expédié par le secrétaire de la commission et non pas par le député de Maskinongé.

M. Dupré: À votre demande, M. le député de Maskinongé.

Le Président (M. Vallières): S'il vous plaît!

M. Picotte: Et ma demande de convoquer la commission.

Le Président (M.Vallières): À l'ordre! M. Dupré: Sur le cas des sept grévistes.

Le Président (M. Vallières): Je m'excuse.

M. Dupré: Cela dit, M. le Président...

Le Président (M. Vallières): Je me permets de vous rappeler que nous sommes en commission pour discuter d'un sujet bien précis dont le mandat a d'ailleurs été accepté par la double majorité, donc par la majorité des membres présents ici à cette commission. Par conséquent, je demanderais au député de Saint-Hyacinthe de bien vouloir conclure.

M. Dupré: M. le Président, je voulais simplement relever l'anomalie du député de Maskinongé. Je profite de l'occasion, M. le président de l'office, pour vous remercier. Je comprends que ce n'était pas un travail facile. Cela a été tout de même ardu, mais je suis persuadé que vous avez apporté à cette commission des éclairages nouveaux. Je suis d'accord qu'on n'a peut-être pas fait la

lumière sur tous les points. L'agriculture, c'est complexe: les prêts, l'endettement, la relève. On aura l'occasion, au cours de l'automne et de l'hiver prochains, d'étudier la relève agricole et le financement de l'agriculture au Québec. Au nom de ma formation politique et comme vice-président de la commission, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Picotte: M. le Président.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: J'aimerais revenir sur une question de règlement parce que je pense que j'ai le droit de rétablir les faits. Vous allez me permettre de lire exactement le télégramme que je vous ai fait parvenir ainsi qu'au vice-président, télégramme expédié à neuf heures, le 28 août 1984. Il se lit comme suit: "M. le Président, considérant la situation alarmante qui touche présentement les productions porcine, bovine, maraîchère et les grandes cultures; considérant l'endettement élevé des producteurs engagés dans ces secteurs; considérant particulièrement la situation inquiétante des grévistes de la faim de Saint-Cyrille-de-Wendover, je vous demande, au nom de l'Opposition officielle à l'Assemblée nationale, de convoquer dans les meilleurs délais les membres de la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. "La tenue de cette commission permettra d'étudier les modalités contenues dans les programmes de l'Office du crédit agricole du Québec afin de recommander à l'office les correctifs qui s'imposent dans les productions porcine, bovine, maraîchère et les grandes cultures. La commission devra donc faire comparaître à cet effet le ministre québécois de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ainsi que le président de l'Office du crédit agricole." Il n'était même pas question de faire comparaître les grévistes de la faim dans la demande que je vous ai expédiée par télégramme à 9 heures le 28 août 1984, signé par le député de Maskinongé, porte-parole de l'Opposition officielle, dont la copie a été expédiée en bonne et due forme à votre vice-président qui n'a pas le droit d'ignorer cela puisque le vice-président, c'est le député de Saint-Hyacinthe; copie à M. Maurice Dupré, 1775 des Cascades, Saint-Hyacinthe, J2S 3J2.

Une voix: Numéro de téléphone.

M. Picotte: Oui, numéro de téléphone, 514-773-1171. M. le Président, moi je vous ai demandé de convoquer la commission comme cela. Je ne sais pas qui a convoqué la commission, mais la demande était exactement cela. C'est confiné au journal des Débats. Vous pourrez vous-même en prendre connaissance. Il n'est nullement question des grévistes de la faim. Il n'est même pas question de les entendre.

M. Dupré: Nous avons reçu comme membres de cette commission un avis de convocation. "Aux membres de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. À la demande du président de la commission, M. Yvon Vallières, veuillez prendre note que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation se réunira en séance extraordinaire de travail, le mercredi 29 août 1984, à compter de 16 heures, à la salle 80 de l'Hôtel du Parlement. À l'ordre du jour: Demande du député de Maskinongé, M. Picotte, concernant le problème des grévistes de la faim de Saint-Cyrille-de-Wendover et du financement agricole."

Le Président (M. Vallières): Signé par qui, s'il vous plaît?

M. Dupré: Doris Arsenault, secrétaire de la commission.

M. Picotte: M. le Président, sur la même question de règlement. J'aimerais que vous fassiez porter le blâme au secrétaire de la commission et non pas au député de Maskinongé.

M. Dupré: M. le Président...

Le Président (M. Vallières): ...vos éclairages respectifs.

M. Dupré: Question de règlement.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: Lors de cette réunion, il y a eu un amendement et je le lis: D'ajouter à la fin de la proposition... Comme vice-président, j'avais fait une proposition d'étudier les dossiers. M. le Président...

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît, à l'ordre.

M. Dupré: Le vice-président a...

Le Président (M. Vallières): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: Le vice-président...

Le Président (M. Vallières): Je pense être suffisamment éclairé. Ce n'est pas le

but de notre commission. Nous pourrons discuter du mandat de la commission lors d'une prochaine séance de travail. Le ministre est convoqué. Nous avons clos nos discussions là-dessus.

M. Dupré: M. le Président, je pense que ce n'est pas une question d'être éclairé. Il s'agit de savoir la vérité. Le député de Maskinongé a ajouté: "D'entendre à cette fin et dans l'ordre suivant les sept grévistes concernés, l'UPA, l'Office du crédit agricole et le ministre de l'Agriculture." C'est une proposition même du député de Maskinongé.

Le Président (M. Vallières): Je vais indiquer aux médias d'information à qui on avait fait remarquer de ne pas prendre de prises de vue, entre autres, pendant que les travaux se déroulaient que nous allons suspendre pour cinq minutes et leur permettre, au début de l'audition ,du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation de faire des prises de vue. Nous suspendons pour cinq minutes, le temps de changer l'air.

(Suspension de la séance à 21 h 3)

(Reprise de la séance à 21 h 12)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux. Je voudrais, à ce moment-ci, compte tenu que, dans les dernières interventions auxquelles nous avons assisté, on a eu l'occasion de parler du mandat de cette commission - je l'ai déjà lu à plusieurs reprises - et compte tenu que la présidence est concernée par l'avis de convocation qui a été envoyé au membres afin de réunir la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, vous indiquer qu'effectivement, le télégramme que le député de Richmond et président de cette commission a reçu mentionnait bien que le député de Maskinongé demandait: "Je vous demande, au nom de l'Opposition officielle à l'Assemblée nationale de convoquer, dans les meilleurs délais, les membres de la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. La tenue de cette commission permettra d'étudier les modalités contenues dans les programmes de l'Office du crédit agricole du Québec, afin de recommander à l'office les correctifs qui s'imposent. La commission devra donc faire comparaître à cet effet le ministre québécois de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, ainsi que le président de l'Office du crédit agricole du Québec." Signé par Yvon Picotte, député de Maskinongé.

Je veux également indiquer que l'avis de convocation tel que lu tantôt par le député de Saint-Hyacinthe et vice-président de cette commission mentionnait qu'à l'ordre du jour, il y avait une demande du député de Maskinongé concernant le problème des grévistes de la faim de Saint-Cyrille-de-Wendover et du financement agricole. Il était signé par le secrétaire de la commission, M. Doris Arsenault.

Je dois vous dire que l'ordre du jour, tel que présenté là, c'est évidemment un résumé qu'a voulu faire le secrétaire et, conséquemment, interpréter possiblement le télégramme que nous avait remis le député de Maskinongé. Ceci étant dit, le président devait et pouvait convoquer la commission, chose qu'il a faite et, à la suite des nombreuses heures de travail qu'on a consacrées à l'étude de notre mandat, heureusement pour notre commission, nous avons accouché d'une motion qui a été adoptée à l'unanimité de tous les membres présents à la commission. J'ose espérer que, compte tenu du climat qui a prévalu au cours de ces séances, on pourra continuer dans un climat plus serein peut-être et entendre le dernier intervenant, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, et dans le meilleur climat possible pour tous.

M. Picotte: M. le Président, je vous remercie d'avoir fait la correction qui s'impose. Je tiens à vous dire que je n'en tiens pas rigueur ni au secrétaire ni à personne. C'était une première expérience, mais la correction étant faite, je l'accepte et, à ce moment-là, je suis prêt à ce qu'on écoute le dernier intervenant en appliquant le processus habituel.

Le Président (M. Vallières): Oui. Auparavant, je voudrais indiquer aux médias que, une fois écoulées les quelques minutes qu'on leur accorde, on pourra procéder. Je demanderais maintenant au secrétaire de la commission de bien vouloir procéder à l'assermentation du prochain témoin qui est le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Dupré: Objection, M. le Président. Question de règlement.

Le Président (M. Vallières): Oui, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation étant député, il a prêté serment dans un premier temps. Il a aussi prêté serment comme ministre. Je ne vois aucunement l'utilité de devoir l'assermenter à nouveau aujourd'hui. Si on se rappelle la commission de la Baie James, tous les témoins avaient été

assermentés; lorsque le premier ministre est venu pour témoigner, il n'a pas été assermenté ayant fait un serment comme député et un autre comme premier ministre.

M. Picotte: M. le Président...

Le Président (M. Vallières): Oui, je pourrais entendre maintenant le député de Maskinongé sur la question de règlement.

M. Picotte: On m'informe... Je suis prêt à ce qu'on suspende pour que vous puissiez faire les vérifications qui s'imposent à savoir si le premier ministre du Québec, lors de la commission parlementaire de la Baie James, a prêté le serment devant les caméras tel qu'on le lui avait demandé. Si c'est exact, je ne verrais pas pourquoi on dégagerait le ministre de l'article 52 de la loi. Si vous n'avez pas cette information pertinente, il y aurait lieu de suspendre pour la vérifier afin qu'on puisse prendre une décision à cet effet.

Le Président (M. Vallières): Je vous remercie de vos éclaircissements. Je veux immédiatement m'excuser auprès des gens qu'on a à entendre, mais le genre de commission que nous tenons est nouveau. Chaque fois qu'arrive une décision nouvelle, on crée jurisprudence. Ce qui fait que je vais vous demander que l'on puisse suspendre pendant quelques minutes, le temps de vérifier ce qu'on m'a dit de part et d'autre et rendre une décision à la suite de ce délibéré.

Nous suspendons donc pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 17)

(Reprise de la séance à 21 h 30)

Le Président (M. Vallières): La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux.

Je voudrais à ce moment-ci vous lire l'article 52 de la Loi sur l'Assemblée nationale qui dit ce qui suit: "Le président ou tout membre de l'Assemblée, d'une commission ou d'une sous-commission peut demander à une personne qui comparaît devant elle de prêter serment ou de faire la déclaration solennelle prévue à l'annexe 2." On a fait allusion à cet article du règlement tantôt. Le député de Saint-Hyacinthe, de son côté, a fait allusion à une commission qui a porté sur LG 2 qui a siégé de mars à juin 1983, si ma mémoire est fidèle, où le premier ministre du Québec, qui avait aussi été assermenté, n'aurait pas été dans l'obligation de prêter le serment comme tel. J'ai vérifié au journal des Débats du 2 juin 1983 et je veux citer ici le premier ministre lui-même, puisque sa comparution avait été l'objet de pareille discussion au sein d'une autre commission. Le premier ministre a donc fait la déclaration suivante et je cite M. Lévesque: "Oui, M. le Président, la toute petite hésitation que j'avais à reprendre sous une autre forme, à peu près l'essentiel des trois ou quatre serments d'office que j'ai déjà eu l'occasion de prêter, c'est qu'on crée ici, je crois, un précédent qui, probablement ou possiblement, pourrait affecter mes successeurs, mais je n'ai pas la moindre objection. Pour simplifier, je pourrais fort bien prêter serment, mais je me contenterai de jurer ou plutôt de déclarer solennellement que je dirai ici toute la vérité et rien que la vérité."

Là-dessus, j'ai l'intention de demander au ministre de l'Agriculture s'il consent à faire comme son premier ministre et se contenter de jurer ou de déclarer solennellement qu'il dira ici toute la vérité et rien que la vérité, tel que le précise la déclaration solennelle contenue à notre règlement. Je pose la question au ministre.

M. Garon: M. le Président, comme je n'ai jamais été libéral avec la vérité, je n'ai aucune objection à me conformer à l'article 52 et à dire que je n'entends dire que la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Le Président (M. Vallières): Je remercie M. le ministre. Je veux indiquer aux membres de la commission que nous sommes déjà à 21 h 30 et que nous avions convenu de prendre deux heures. Je veux indiquer à M. le ministre qu'il dispose d'une période d'une heure pour procéder à son exposé et que par la suite, nous procéderons à une période de questions en partageant également le temps entre les deux formations politiques à cette table. Là-dessus, M. le ministre, aviez-vous un texte à proposer à la commission ou si vous en faites lecture?

M. Garon: Je n'ai pas de texte. J'ai des notes.

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. le ministre, vous avez la parole.

Le témoignage du ministre M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, la commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation est réunie depuis deux jours pour examiner le cas de sept producteurs agricoles qui ont choisi le moyen de la grève de la faim pour attirer l'attention du public sur leurs déboires. Je respecte la décision de la commission qui, dans un souci humanitaire, a décidé d'entendre ces personnes et pour ce faire, de mobiliser des ressources très importantes pour étudier quelques cas particuliers, alors

qu'il est déjà prévu depuis plusieurs mois qu'elle aura prochainement à se pencher de façon beaucoup plus exhaustive sur le financement et la relève agricole, puisque cette décision a été prise dès le printemps 1984. D'ailleurs, des députés de cette commission avaient demandé si j'y voyais quelque objection et au contraire, j'ai dit: Comme nous entamons actuellement un processus de discussion et de consultation sur la refonte des lois du crédit agricole, que ce soit le thème de la commission cette année, ce serait une très bonne chose. C'est pourquoi les sparages des semaines ou des mois derniers concernant les...

Les nouvelles que j'entendais encore à la télévision, tout à l'heure, ne sont pas conformes à la vérité, puisque la décision de faire siéger cette commission a déjà été prise depuis le mois de mai en complet accord avec... Au contraire, j'avais suggéré au député qui m'en avait parlé que c'était une très bonne idée puisque nous étions dans un processus de consultation sur le crédit agricole et que cela devrait intéresser la commission.

Je ne puis toutefois que condamner le recours à la grève de la faim comme moyen de pression dans notre société. Cela équivaut à une prise d'otages où les victimes et les agresseurs ne font qu'un. Les grévistes de la faim ont misé sur un phénomène, à mon sens, déplorable, mais qui est très réel dans notre société: l'attrait du sensationnel sur les médias d'information. En huit ans, au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, aucun événement n'a suscité autant d'appels de la part des journalistes. Fait à souligner, les journalistes qui suivent habituellement les dossiers agricoles ne se sont pas intéressés outre mesure à ce dossier. Ceux qui ont appelé étaient pour la grande majorité des personnes qui communiquaient avec nous pour la première fois. Il y a là un phénomène sur lequel nous devrons nous interroger comme société. Est-il normal que les médias d'information puissent être aussi facilement transformés en gigantesque instrument de pression sur les pouvoirs publics par quelques individus qui posent des gestes désespérés?

En toute justice pour l'ensemble des citoyens, le gouvernement peut-il accepter d'accorder un traitement de faveur à des personnes qui font du chantage avec leur propre santé ou avec leur propre vie? On a été habitué à voir des grèves de la faim dans les pays totalitaires, de la part de personnes qui luttent pour leur liberté. Nous ne sommes pas un pays totalitaire et ce pourquoi les ex-grévistes jeûnaient, ce n'était pas pour leur liberté ou leur vie mais pour qu'on leur redonne des biens qu'ils avaient perdus à la suite de difficultés financières.

J'aimerais situer la présente commission dans le processus en cours de réexamen du financement agricole. J'ai indiqué précédemment que la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation se penchera dès cet automne sur la question de la relève agricole et le financement agricole sera au centre des délibérations.

J'ai bien apprécié la suggestion de l'Union des producteurs agricoles, ce matin, de tenir une conférence socio-économique sur le financement agricole. Je suis d'accord avec ses porte-parole pour dire que c'est un forum beaucoup plus approprié que la présente commission pour étudier l'ensemble du dossier dans la perspective d'une refonte de nos lois de crédit agricole. J'aimerais rappeler à l'UPA que cela fait plus d'un an que le processus de consultation et de préparation des documents en vue de cette conférence est enclenché.

J'ai, personnellement, dans le but de faire cette conférence, assisté à six séances de consultation régionale avec des agriculteurs de la base: à Lévis, le 17 novembre 1983, pour la région entourant Québec; à Buckingham, le 1er décembre 1983; à Rimouski, le 8 décembre 1983; à Alma, le 15 mars 1984; à Amos et Noranda, le 22 mars 1984. Dans toutes ces réunions, le président de l'Office du crédit agricole, le sous-ministre de l'Agriculture, les sous-ministres adjoints, à peu près tous, de même que le président de la Régie des assurances agricoles, étaient présents. Il reste une séance de consultation à tenir avec les agriculteurs anglophones de la région de l'Outaouais et aussi des consultations avec les institutions, c'est-à-dire les organismes représentant les agriculteurs et les prêteurs, qui ont déjà fait l'objet de consultation mais qui sont en train d'être complétées.

C'est un travail colossal qui est entrepris et je n'ai pas l'intention d'escamoter aucune de ces étapes puisque la Loi sur le crédit agricole est une des lois les plus importantes de toutes les lois agricoles qu'il y a au Québec. C'est sans doute pourquoi le premier ministre Duplessis aimait bien dans le temps l'amender chaque fois devant le Parlement pour augmenter les montants qu'il affectait au crédit agricole. Il savait à quel point ces mesures étaient populaires. Cela enrageait bien les libéraux du temps de voir le premier ministre proposer des amendements à chaque session. Cela lui permettait en même temps de montrer un peu ce qui se faisait.

J'aurais aimé aussi que la commission invite la Société fédérale de crédit agricole à venir - parce que si on vit dans un pays démocratique, les institutions fédérales peuvent venir aussi - rencontrer la commission parlementaire, puisque, sur les sept personnes qui ont été touchées par cette grève de la faim, on peut dire qu'il y en a trois et demie - parce que ce dossier

n'était pas seulement à l'Office du crédit agricole - si on veut, à l'Office du crédit agricole et aussi trois dossiers à la Société fédérale de crédit agricole. Je suppose que, comme la société fédérale ne touche pas tout le monde dans ce Parlement, l'on ne voyait pas le même intérêt. Je suppose que cela fait partie des motifs partisans.

J'aimerais dire également, concernant M. Moreau, qu'en huit ans comme ministre, chez les cinq fonctionnaires les plus travaillants, sur près des 4000 qu'il y a au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, M. Moreau est sûrement l'un des cinq. Je ne me rappelle pas avoir appelé à toute heure à son bureau, dans la soirée, le samedi, le dimanche, parfois tard dans la soirée et, à moins qu'il ait été en réunion quelque part, je ne me rappelle pas avoir manqué M. Moreau à son bureau. C'est l'un des fonctionnaires les plus travaillants, les plus dévoués. Je peux dire, et je le dis assez facilement puisqu'il est entré à l'Office du crédit agricole en 1967 sous l'Union Nationale, qu'il a été secrétaire et conseiller juridique et qu'en 1969, il a été régisseur en plus d'être conseiller juridique. En 1972, il était nommé président. Son mandat a été renouvelé en 1980 à la présidence de l'Office du crédit agricole. Sur ce plan, je ne pense pas qu'on puisse dire grand-chose de mal. Il avait l'expérience puisqu'il a été nommé, en 1961, à la Banque d'expansion industrielle.

Si je dis tout cela, M. le Président, c'est parce que je n'ai pas senti que personne se sentait un certain devoir moral de faire aussi la contrepartie pour M. Moreau. En 1963, il était à l'UPA comme secrétaire, un poste qui équivalait au secrétaire adjoint. En 1965, il a été secrétaire de la Commission royale sur l'agriculture qu'on a appelée la commission April. J'espère que tous ces gens-là ne se sont pas trompés sur M. Moreau. Il a fait l'objet de plusieurs nominations importantes au cours de sa carrière.

Quant à moi, j'ai trouvé en M. Moreau quelqu'un de très travaillant, très dynamique, je dirais très convaincu. Vous l'avez connu; plusieurs d'entre vous le connaissent. Quand il est convaincu de quelque chose, il est vraiment convaincu. Aussi, nous avons eu de nombreuses discussions ensemble. On ne partageait pas le même point de vue, mais on pouvait avoir une discussion véritable sur un problème pour lequel lui ou d'autres ne partageaient pas le même point de vue, pour arriver à des consensus pour le meilleur développement en agriculture.

C'est pourquoi, si les commissions parlementaires, avec la nouvelle réglementation, permettent le genre de spectacle qu'il y a eu ici récemment, mais qui touche les individus, j'ai l'impression que ce nouveau règlement ne fera pas fureur dans les annales de l'histoire parlementaire du Québec et que ce ne sera pas non plus à l'honneur de la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation.

Quant à moi, j'aimerais vous dire quel a été, au cours des dernières années, le développement de l'agriculture, la performance de l'agriculture québécoise durant des périodes difficiles. Quand les taux d'intérêt ont atteint plus de 20%, entre 20% et 25%, en juillet 1981, on n'avait pas beaucoup de recours à cet égard au ministère. Je ferai remarquer, cependant, que celui qui était responsable de ces taux, M. Bouey, le gouverneur général de la Banque du Canada, dès le mois de décembre de la même année, recevait la médaille de l'Ordre du mérite du Canada. Je ne sais pas s'il y a une corrélation, s'il y a mérite à créer du chômage, à avoir des taux d'intérêt les plus élevés qu'on a connus.

J'ai dit à plusieurs reprises que, quand j'étais plus jeune, je me rappelle que c'était considéré comme un péché de prêter à un taux usuraire et M. Réal Caouette, pour avoir combattu cela en 1962, a fait élire 26 députés alors que les taux des compagnies de finance étaient de 2% par mois, 24% par année. C'est devenu à peu près les taux officiels de la Banque du Canada au cours de 1981. Il est évident que, dans une période comme celle-là, beaucoup de personnes ont eu des difficultés, pas seulement les agriculteurs, tous les gens. Toute notre société a connu une période très difficile. Les consommateurs, des gens qui gagnaient un salaire, qui avaient un emploi et qui avaient une maison ont vu le taux d'intérêt de leur hypothèque doubler ou tripler. Parce que c'était pour une période temporaire, ils ont connu une période très difficile.

Malgré tout cela, je veux qu'on se rappelle bien le contexte, le taux d'intérêt que vous n'avez jamais connu... Quand on a créé le crédit agricole, en 1936, je pense que le taux d'intérêt était à 2% ou 3%. C'est demeuré à 2% ou 3% durant les années trente, quarante et une partie des années cinquante. Ceux qui sont en économie se rappelleront que la Loi sur les banques, qui a été amendée il n'y a pas tellement d'années, permettait des prêts qui ne dépassaient pas 6%. Cela ne fait pas tellement longtemps. Les banques, c'est vrai, prêtaient aux compagnies de finance qui, elles, prêtaient ensuite à 4% par année.

Durant toute cette période où le taux de crédit était à bon marché, j'aimerais d'abord dire le nombre de fermes. On a fait des affirmations à cette commission. J'espère, M. le Président, que quand vous faites prêter serment, ceux qui disent des mensonges en commission vont payer un prix pour cela. Je le souhaite parce que autrement, ce que vous faites, cela ne sert à

rien, cela ne donne rien. Si on peut dire n'importe quel mensonge devant la commission et qu'on n'encoure aucune sanction, le règlement est une farce et on devrait abolir l'article 52. Je vais donner les chiffres officiels. Ma source: Statistique Canada. Je ne sais pas si c'est une bonne source, mais c'est celle que j'ai choisie. (21 h 45)

Au sujet du nombre des fermes, on a dit: Sous le gouvernement actuel, le nombre des fermes est en train de disparaître. C'est la seule époque dans l'histoire du Québec où le nombre des fermes s'est maintenu. Ceux qui ont dit le contraire ont menti ou ont été incompétents ou ont affirmé n'importe quoi. En 1951, il y avait 134 336 fermes au Canada. On comptait là-dessus toutes les fermes qui avaient plus de 50 $. Celles qui produisaient plus de 50 $, on comptait cela. Mais c'est resté le même chiffre, la même dénomination dans toutes les statistiques du Canada. À Québec. Pour le Québec, nombre de fermes en 1951, 134 336. En 1956, 122 617 donc baisse de 11 719 fermes dans ces cinq ans. En 1961, c'était rendu à 95 777 fermes. Cela avait baissé de 26 840 fermes. En 1966, sous le gouvernement Lesage, 80 294 fermes, c'est-à-dire 15 843 fermes de moins. En 1971, le gouvernement de M. Bourassa arrive, 61 257 fermes. 19 037 fermes de moins.

En 1976, 51 585 fermes, baisse de 9670 fermes. En 1981, on change de détermination. On compte les fermes au-dessus seulement de 250 $. On ne reste plus à 50 $, on augmente à 250 $. Le nombre de ferme en 1981 est de 48 144 c'est-à-dire 3443 de moins. Ce qui veut dire que si nous avions gardé les mêmes statistiques à 50 $, sans doute que le nombre de fermes au Québec aurait augmenté. Mais on ne donne plus des statistiques sur la base de 50 $. Cela a monté à 250 $. Là c'est quand même, malgré cela, le plus bas tôt de baisse de fermes dans toute l'histoire du Québec.

Au fond, si on regarde l'ensemble de la statistique, de 1976 à 1981, le nombre de fermes, sur la même base de statistique, est resté stationnaire à toutes fins utiles, tandis que dans toutes les années auparavant, cela a été une hémorragie terrible, quel que soit le gouvernement qui a passé à Québec. Maintenant, qu'est-ce qui s'est passé au cours des dernières années? Je vais donner ces données-là parce que je ne peux pas croire... On a dit: M. Moreau, vous trompez tout le monde.

Je comprends qu'il peut emplir M. Ouellette, qu'il peut m'emplir. Cela en fait pas mal à emplir, mais en tout cas. Il peut emplir beaucoup de gens, mais on ne peut pas emplir toute la province au complet. Si on regarde ce qui s'est fait au cours des dernières années, les statistiques dans le secteur céréalier... On a dit: On a eu comme gouvernement trois politiques essentiellement. Développer des céréales, développer le boeuf, développer la production horticole. Dans le secteur céréalier, les superficies en 1977 étaient de 914 000 acres. En 1984, c'est rendu à 1 540 000 acres. Cela fait juste 630 000 acres de plus. C'est pas mal. En termes d'augmentation, c'est assez considérable, de 900 000 acres à 1 500 000 acres. La production qui était de 838 000 acres en 1977, cette année, d'après les prévisions, pardon, pas en acres, en tonnes, production en millions de tonnes, autour de 838 000 tonnes en 1977 était rendue l'an dernier à 1 823 500 tonnes. Cette année on prévoit 2 336 000 tonnes. Ce qui veut dire plus de 500 000 tonnes de plus en 1984 qu'en 1983. C'est quasiment la production totale lorsqu'on a pris le pouvoir. Seulement l'augmentation en 1984 sur 1983, pas tout à fait, mais 60% de la production totale de ce temps. Ce qui veut dire que la production, à toutes fins utiles, a triplé entre 1977 et 1984. Quand vous expliquez cela à n'importe quels gens de n'importe quel pays, ils vous disent quasiment que c'est un miracle.

Ce n'est pas rien cela. À moins que les gens qui sont dans le secteur céréalier soient tous un peu malades et aiment cela souffrir, moi je me dis qu'il y a des gens qui pensent qu'il y a quelque chose à faire dans ce secteur puisque cela a augmenté d'autant. La production en 1977, qui était de 95 000 000 $, en 1984 était - ce qu'on estime actuellement, sur des chiffres très conservateurs - à 315 000 000 $. En estimant des prix beaucoup plus bas qu'ils le sont actuellement. 315 000 000 $. C'est quand même 220 000 000 $ de plus dans l'année de production que lorsqu'on est arrivé au gouvernement. Ce qui veut dire des changements considérables, extraordinaires et qui ont supposé que des milliers d'agriculteurs ont cru à ces choses-là.

J'ai dit des milliers, et je vais vous en faire la démonstration aussi. Il y a des milliers de personnes qui continuent à produire. L'année 1984, vous voyez que c'est la plus grosse année. Ce ne sont pas des gens qui ont abandonné, ce sont des gens qui sont en production. Qu'est-ce qu'ils ont fait pour arriver à cela? Je vais vous dire que lorsque nous sommes arrivés au gouvernement, les gens nous disaient: Le principal problème pour développer la production céréalière, M. Garon, c'est qu'il n'y a pas de possibilité d'entreposage. Même si on en produisait, on ne saurait pas où mettre les céréales. On s'est dit: Ce serait peut-être une bonne idée d'avoir un système d'entreposage. De 1978 à 1984, il s'est installé sur les fermes, avec l'aide du gouvernement, 11 782 silos. C'est pas mal de silos, n'est-ce pas? Comme vous le savez, en ce qui concerne les silos, il y avait une clause disant qu'on subventionnait seulement

les silos fabriqués au Québec. Allez voir dans certaines entreprises comme Victoria, dans le bout de Victoriaville, si les gens sont heureux de nos programmes, combien de centaines de personnes ont travaillé, combien de personnes travaillaient là avant que commencent nos programmes et combien il y en a eu après cela pendant toutes ces années où on a construit des silos.

On a installé 11782 silos; 777 systèmes d'aération de séchage et de prénettoyage; 750 "rims" pour des investissements de plus de 50 000 000 $ pour les agriculteurs, avec l'aide du gouvernement. C'est-à-dire que ces gens ont quand même fait ces investissements, mais ce ne sont pas les seuls investissements qu'ils ont faits. Pendant les mêmes années, on a installé 8354 séchoirs à foin. C'est beaucoup de séchoirs. On a évidemment essayé de faire moins de bruit, parce que les gens de l'Environnement trouvaient que les séchoirs faisaient un peu de bruit. On a fait toutes sortes de recherches pour trouver des systèmes afin que les séchoirs fassent moins de bruit. On a installé 2687 silos verticaux. J'ai remarqué -je vous invite à lire la revue - que l'UPA est parfois, comme on le dit dans l'Évangile, ni chair ni poisson. Elle ne se prononce pas toujours sur certaines questions. Comme ici, elle ne s'est pas encore prononcée, mais lors du soixantième anniversaire de la Terre de chez nous, j'ai lu le journal d'un bout à l'autre. Je vous invite à regarder la photo sur la première page. Elle montre une ferme d'autrefois et une ferme d'aujourd'hui. Comptez le nombre de silos de la ferme d'aujourd'hui. On a montré une ferme. Si ma mémoire est bonne, c'est trois silos. Je prends cela comme c'est. Je dis trois, mais je ne suis pas certain que cela n'ait pas été quatre; mais c'est au moins trois.

Je suis certain que parmi tous les gens qui nous accompagnent ici, il y a quelqu'un qui a ce numéro. Il pourrait vous montrer le numéro du soixantième anniversaire de la Terre de chez nous pour voir la ferme d'aujourd'hui. Lorsqu'on vit le soixantième anniversaire, on veut montrer une photo de la ferme d'hier et de la ferme d'aujourd'hui. Si on montre autant de silos, c'est parce qu'une ferme d'aujourd'hui fonctionne de cette façon.

Évidemment, si on n'a pas de silos, il faut importer davantage de l'Ouest. Lorsqu'on a fait le plan, on a commencé par les céréales. L'autosuffisance était de 32%, en 1976. En 1977, c'était la même chose, on n'avait pas eu le temps de faire des programmes. On s'est dit: On va augmenter la production. Au cours des cinq prochaines années, on vise 50%. Plusieurs personnes se moquent de nos objectifs d'autosuffisance. Des éditorialistes qui ne connaissent pas trop cela disent que je me vante. Je ne me vante pas, je vante l'agriculture québécoise. On a dit 50%, et on était conservateur à 50%. J'ai été critiqué, parce que lorsqu'il y a des critiques, elles s'adressent au ministre. Lorsque c'est bien, il y a beaucoup de gens pour en tirer le bénéfice. Lorsque c'est mal, je me retrouve souvent seul.

Je regarde M. Ouellette. Il prend parfois une partie du blâme, mais je vous dis qu'il n'y a pas tellement de personne qui prennent les blâmes. Il a dit: 50% en cinq ans. Il y a eu 115% d'augmentation en quatre ans. L'autosuffisance était rendue, il y a trois ans, autour de 50%. Divisons donc avec un plan de trois ans qui va couvrir, 1983, 1984, 1985: 70%, en 1985. Je me disais: On tire fort en péché. Surtout si on fait les élections en 1986 et qu'on a manqué notre objectif, je me suis dit: à 70%, on tirait fort pas mal. Je peux vous dire que cette année, si nos prévisions se réalisent -il n'y a plus tellement de risque que le temps nous donne tort maintenant - on a atteint 70% un an avant le temps.

C'est 70,8% de taux de suffisance qui serait atteint d'après les prévisions de cette année. S'il continue de faire beau comme cette semaine, cela va sans doute être dépassé. S'il faisait le moindrement beau jusqu'à la fin d'octobre, cela dépasserait ce taux. Ce qui veut dire que ce n'est pas une mince réalisation de passer de 32% d'autosuffisance dans les céréales à 71% en si peu d'années. Je ne voudrais pas que le gens pensent que je m'attribue les mérites à moi seul, mais j'en prends un peu des mérites. Non! Beaucoup de gens ont travaillé très fort.

Je regardais M. Ouellette dont un ami a dit qu'il n'était pas crédible, j'ai encore confiance en lui; avec des gens de l'office, des gens d'assurances et toutes les équipes, on a bâti des programmes et on a aussi consulté des gens. Les gens des fédérations des productions de cultures commerciales; on a consulté ces programmes. On les a changés combien de fois pour mieux les adapter, pour qu'ils fassent mieux l'affaire. On a encore changé. Il y a encore eu un changement ce matin dans le programme pour qu'on puisse permettre des silos à fourrage pour les producteurs de boeuf qui, au lieu d'importer...

Pourquoi avoir de la nourriture importée alors qu'ils ont des silos à fourrage et qu'ils peuvent acheter les fourrages des agriculteurs autour et nourrir leurs animaux avec de la nourriture d'ici, en diminuant les coûts aussi et en important moins. Il y a eu des résultats. On peut tous être fiers, l'Université Laval aussi. Pourquoi? Parce qu'elle fait des rercherches; on a accéléré les recherches dans les céréales. L'an passé, on a adopté 13 nouveaux programmes dans le domaine des céréales; 13 volets pour développer la culture des céréales. On a

accéléré la recherche à l'Université Laval; Semico, des entreprises qui développent des variétés adaptées au Québec. Aujourd'hui, on ne fait plus des cultivars seulement à Saint-Hyacinthe. Il fait chaud à Saint-Hyacinthe; il y a plus de différence entre Saint-Hyacinthe et Rimouski sans doute qu'entre Saint-Hyacinthe et les Prairies pour avoir des variétés adaptées aux différentes régions. Cela ne se fait pas d'un coup sec. Cela ne se fait pas... C'est comme des enfants. Tous, nous ne sommes pas nés grands comme on est, cela a pris du temps à nous faire comme on est présentement. Dans les céréales, c'est pareil. C'est la naissance, c'est la vie. C'est de prendre des céréales, faire de la génétique, développer des variétés.

Tout cela pour en arriver... Je peux dire une chose, l'objectif prochain - ceux qui ne sont pas content ne sont pas obligés d'embarquer dans l'autobus - personne n'est obligé de faire des céréales au Québec, personne n'est obligé d'embarquer dans l'autobus. Quand l'autobus passe, il va à Québec ou Montréal; on n'est pas obligé d'embarquer dans l'autobus. S'il arrive un accident à Trois-Rivières, je ne peux pas dire: Maudit autobus, tu n'aurais pas dû m'embarquer! Personne ne dit cela à l'autobus. Quand quelqu'un embarque dans les céréales, il n'est pas obligé d'embarquer, on vit dans un monde libre. Avant longtemps, on va viser l'exportation de céréales. Je vais vous dire une chose: on vient d'obtenir une mesure du gouvernement fédéral qui est excellente au mois d'août; les libéraux n'ont même pas eu le temps de l'annoncer. Comprenez-vous? Ils ont été trop vite à la fin. La subvention qui était juste sur les grains de l'Ontario pour venir au Québec sera maintenant possible du Québec vers les provinces Maritimes ou certaines régions du Québec. C'était discriminatoire contre le Québec. Finalement... Évidemment, je me suis fait accuser de faire de la chicane, mais à force de chialer, pas tout seul non plus, l'UPA chialait et je leur disais: vous ne chialez pas assez souvent. Chialez plus, on va chialer tous les deux ensemble et cela n'est pas correct; il faut qu'il change cela. C'est changé. Cela aidera encore la production céréalière au Québec.

Je suis convaincu que le potentiel québécois est beaucoup plus grand que tout le monde l'a imaginé, mais même dans le passé, on a regardé notre potentiel en voyant un verre à moitié vide plutôt qu'un verre à moitié plein. Dans l'Abitibi, une réunion pendant laquelle un monsieur s'est levé dans la salle et nous a parlé des nouvelles méthodes d'alimentation du troupeau en fonction des recherches qui ont été faites dans une ferme de l'Ontario. J'ai pris cela en note. Je vais vous dire: j'en prends le mérite. C'est moi qui l'ai pris en note; je me suis dit: c'est vrai. Le soir, on a téléphoné. Le monsieur était professeur à l'Université Laval, M. Wauthy, il y avait un monsieur Comeau de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, on l'a fait venir. Mon chef de cabinet, le sous-ministre, M. Ouellette et moi avons passé une soirée avec (M. Wauthy pour lui demander: est-ce vrai ce que quelqu'un a dit dans la salle? Il a dit: oui, c'est vrai. Si c'est vrai, de quelle façon pourrait-on mieux le développer pour que les gens prennent ces nouvelles méthodes? (22 heures)

On s'est finalement décidé, au lieu de faire une ferme gouvernementale à laquelle personne ne croirait, d'avoir un petit programme avec douze cultivateurs pour élever différentes variétés, soit avec des vaches, du boeuf, de l'agneau et pour faire en sorte qu'ils appliquent ces méthodes. On leur donnait une compensation pour cela. Un bon suivi technique était fait avec les cultivateurs. Résultat: aujourd'hui - et je ne le croyais pas; quand j'y suis allé ce printemps j'étais en tournée avec le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue apparemment il y a maintenant 400 cultivateurs qui prennent ces méthodes. Au lieu de bâtir des silos, ils prennent des grands sacs de plastique et ils font des meules à terre. Je dirai aussi que quand on est arrivé au gouvernement, il y avait un rapport Côté-Duvieusart qui disait de fermer à toutes fins utiles l'Abitibi-Témiscamingue. On a dit: On va prendre le rapport et on va le jeter dans la poubelle. Je n'ai jamais revu ce rapport. Il n'est peut-être pas complètement dans la poubelle. On a dit: On va travailler avec les gens de cet endroit.

Résultat: aujourd'hui, qui vous aurait dit que - je n'ai pas encore les chiffres de cette année - l'an dernier il y a eu 15 000 acres en céréales dans le Témiscamingue? En 1976, il n'y en avait pas une acre. Personne ne pensait que c'était possible de faire des céréales dans le Témiscamingue. Aujourd'hui, on est en train d'étudier un projet pour un centre de grains de semence pour la région et il va se développer des variétés adaptées à la région.

Je me rappelle, quand j'ai suivi les cours du père Lévesque, qu'il y en avait un que j'ai suivi à l'Université Laval dans le temps - c'était un des derniers cours qu'il a donnés - qui s'appelait: Morale et technique de l'action. M. le ministre Ouellet qui a fait son cours d'économique à peu près en même temps, un peu avant moi, a également suivi ce cours. Qu'est-ce que le père Lévesque disait? Il nous parlait, à un cours de philosophie, de l'homme prudent. Qu'est-ce que c'est un homme prudent? Il disait d'abord, qu'un homme prudent c'est un homme d'action. Ce n'est pas un homme d'inaction. Un homme d'inaction n'est pas un homme prudent, il ne fait rien. Il ne peut

pas se tromper. Il ne peut pas être imprudent ni prudent, il ne fait rien. Première chose, un homme prudent c'est un homme d'action. Qu'est-ce qu'il fait quand il est prudent? Il met toutes les chances de son côté. Il étudie très bien sa question avant d'agir et par la suite il agit. Mais il a dit que même s'il est prudent, il peut arriver que cela ne fonctionne pas comme il avait pensé. Il peut arriver des circonstances imprévues. C'est cela la vie dans une société.

On n'a pas trop pris de risque. On a fixé des objectifs. On a fait, dans l'état des connaissances, ce qu'on pensait être le meilleur et je peux dire d'une façon générale que cela a été un grand succès. Je finis avec mes séchoirs: 8354 séchoirs, pensant à ces années; silos verticaux, 2687; silos horizontaux, 291; investissement, 55 000 000 $. Donc, seulement en entreposage par les cultivateurs pour ces questions, 105 000 000 $ au cours de ces années et les chiffres de 1984-1985 ne sont pas encore complets. Cela c'est le secteur des céréales.

Dans le domaine de l'horticulture, il y a eu là aussi un changement très important. Comment s'est-il fait? D'abord, il s'est fait par de la modernisation. Il y a eu un accroissement, pas au même rythme que dans le végétal, mais aujourd'hui on peut dire d'une façon générale que pour les légumes de conservation, on est autosuffisant au Québec. Pas autosuffisant dans le sens qu'on fait uniquement ce qu'on mange, on exporte beaucoup aussi. On exporte beaucoup de carottes, de certains types de légumes qu'on produit en beaucoup plus grande quantité que ce qu'on consomme. Quand on parle d'autosuffisance, au fond c'est d'un équilibre de la balance commerciale dans ce secteur. C'est cela qu'on vise. On ne vise pas à empêcher les produits d'entrer. Je n'ai jamais parlé aux gens d'arrêter de manger des olives, d'arrêter de manger des oranges, mais on a essayé de faire la promotion de nos produits pour occuper le maximum de place sur notre marché et en plus en exporter le maximum pour compenser ce que les gens voudraient manger qu'on ne peut pas produire. La philosophie, cela a été cela.

Si on regarde les superficies ensemencées, en 1977 et 1984, dans l'horticulture, c'est passé de 48 645 hectares à 51 450 hectares. Cela n'a pas monté beaucoup, mais cela a augmenté. La production en tonnes est passée de 767 000 tonnes à 857 000 tonnes. La valeur de la production a augmenté considérablement, de 67 000 000 $ à 145 000 000 $. Je n'arrondis pas, c'est 146 000 000 $ si j'arrondis. Qu'est-ce qu'il s'est fait pour cela? L'entreposage des produits horticoles en 1977 et 1982, 370 projets d'entrepôt. Implantation de lignes de conditionnement et de calibrage des fruits et légumes, 161 projets. Ensuite, amélioration de la conservation des fruits et légumes, 44 projets. Aide à la mise en marché des fruits et légumes, préconditionnement sous vide, 8 projets qui sont souvent des projets collectifs qui regroupent plusieurs cultivateurs. Grand total des fruits et légumes pour la commercialisation, 600 projets pour 22 300 000 $ d'investissement au total avec des subventions du gouvernement de 7 500 000 $.

Aujourd'hui les gens sont mieux équipés. Il faut dire que quand nous sommes arrivés au gouvernement on demandait toujours et puis le député de Huntingdon est un de ceux qui rapportaient leurs paroles. Il disait: "Essayons donc d'empêcher les fruits et légumes de l'Ontario d'entrer au Québec". "Essayez donc de dire que les carottes sont croches ou que les tomates ne sont pas belles, que les pommes ne sont pas belles". Ce n'est pas si facile que cela parce qu'on exporte beaucoup. S'ils se mettaient à dire que notre fromage qui ne devrait pas avoir de trous a des trous et puis toutes sortes d'affaires de même, on ne vendrait pas beaucoup en Ontario. On vend beaucoup de fromage aussi; on vend beaucoup ailleurs. Alors, faire une concurrence déloyale, on n'est pas capable de faire cela. Notre système d'inspection a été correct mais on a essayé d'organiser les producteurs pour qu'ils puissent vendre davantage...

M. Dubois: Une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Sur une question de règlement, M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Je ne voudrais pas engager de discussion avec le ministre de l'Agriculture, M. le Président, mais il est en train d'induire les membres de cette commission en erreur et les gens qui y assistent aussi. Tout ce que j'ai demandé un jour au ministre, c'est d'avoir un service d'inspection québécois aussi ferme que celui de l'Ontario; c'est tout. Je voulais corriger les propos du ministre et je l'invite à avoir des propos plus justes et plus équitables envers les membres de la commission. En plus, M. le Président, j'aimerais qu'il réponde aux gens qui sont ici, en arrière; je pense qu'il y a des gens qui sont venus ici pour écouter le ministre et non écouter ses programmes agricoles. Il pourrait quand même répondre aux sept personnes qui sont venues ici.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Huntingdon, je comprends que vous avez voulu rectifier les propos tenus par le ministre et votre question de règlement est

terminée.

M. le ministre, vous avez la parole.

M. Garon: Je continue. Sur la production horticole, il y aura sans doute des nouvelles avant longtemps pour un plus grand développement de l'horticulture parce qu'on a travaillé fort. On a annoncé des programmes dans les céréales, l'an passé -tantôt je reviendrai sur le boeuf et les productions animales - on les a annoncés récemment et puis on a travaillé aussi fort sur d'autres types de production. Je suis persuadé que les cultivateurs vont être contents.

Production de porc au Québec. En 1971 et 1984, qu'est-il arrivé? La production annuelle de porc de 1971 à 1976 est passée de 2 069 000 porcs à 2 459 000 porcs, c'est-à-dire 390 000 porcs de plus entre 1971 et 1976.

Entre 1976 et 1983 - je n'ai pas encore les chiffres pour 1984 - c'est passé de 2 459 000 porcs à 4 622 000 porcs. Je dois dire que le pic est atteint en 1980 avec 4 844 000 porcs... pardon, en 1981 avec 4 878 000 porcs; en 1982, 4 745 000 porcs; en 1983, 4 622 000 porcs et on n'a pas encore les chiffres pour l'année 1984 parce qu'on n'a pas eu l'année complète mais je peux vous dire qu'en 1984 cela augmente.

Je vais vous donner des chiffres, si vous voulez, pour l'inventaire du 1er juillet de chacune de ces années, pour vous montrer comment cela fluctue. En 1980, si vous voulez avoir la comparaison avec 1976... En 1976, au 1er juillet, il y avait 1 634 000 porcs. Je vais vous donner les chiffres pour chacune des années, cela va être plus précis. En 1977, 1 930 000 porcs; en 1978, 2 340 000 porcs; en 1979, 3 021 000 porcs; en 1980, 3 482 000 porcs, c'est la pire; en 1981 cela baisse, 3 440 000; en 1982, 3 325 000; en 1983, 3 340 000; cela commence à remonter en 1983 et en 1984 cela continue à augmenter, 3 405 000 porcs.

Vous savez, cela ne peut pas être des centaines de personnes qui font faillite qui font que la production se maintient. Il y a toutes sortes d'arguments disant qu'il y avait des masses de faillite. Que voulez-vous? Ce n'est pas les données. On a beau dire cela mais je vous dirai, tantôt, les faillites qu'il y a globalement au Québec par rapport à celles qu'il y a à l'office. Avez-vous remarqué que celles à l'office, c'est un bien petit pourcentage de toutes les faillites? Les statistiques sur les faillites, ce n'est pas nous qui les faisons. Certains ont dit: "Ah! oui, on sait bien, il y en a d'autres qui ne sont pas comptées". Voyons donc! On va prendre les chiffres tels qu'ils sont produits; ce ne sont pas mes chiffres à moi, ce sont les chiffres officiels.

La stabilisation. Maintenant si on regarde dans le boeuf... On est dans le porc.

Dans le porc, on n'a pas eu de programme incitatif pour développer la production du porc. Je vais vous dire une chose, j'ai eu beaucoup plus de représentations parce qu'on ne prêtait pas assez que de représentations parce qu'on prêtait trop dans le porc.

Pour ceux qui se rappellent les années 1978, 1979 et 1980, je pourrais ressortir le courrier, je pourrais ressortir tout cela. Je vais vous dire que je ne me rappelle pas avoir eu une seule lettre dans ces années-là pour dire qu'on prêtait trop. On disait qu'on ne prêtait pas assez, que nos gars étaient lents. L'Office du crédit agricole se faisait accuser bien plus souvent d'être lent que d'être vite. Moi, je suis surpris, d'un coup sec, on dit: "Ils sont bien trop vites, ils prêtent trop". Même les évêques ont dit qu'on était trop prêteur. C'est quand même un renversement de la situation. Même vous autres, dans l'Opposition, vous nous disiez que l'office n'était pas assez vite et puis, d'un coup sec, il prêterait à tour de bras. J'aimerais cela que le yo-yo s'arrête quelque part.

Les statistiques maintenant sur le boeuf. Les unités assurées de 1976 à 1984. Les veaux d'embouche, en 1976, il y en avait 44 159 d'assurés. Je n'en prendrai pas d'autres, je vais prendre juste ceux qui sont assurés. En 1984, c'est 120 588 qui sont assurés. Bouvillons d'engraissement, l'assurance a commencé en 1979, 8150. Il n'y en avait pas beaucoup plus qui se produisaient, c'est à peu près cela et on avait la politique des parcs d'engraissement qui venait de commencer. En 1984, 66 976. Mais pour ceux qui disent que tout cela s'en va chez le diable, je vais vous donner les années une par une, pour vous montrer où cela s'en va. En 1979, dans le boeuf, 8150 assurés; en 1980, 19 261; en 1981, 36 381; en 1982, 48 758; en 1983, 54 976; en 1984, 66 976. C'est une progression constante. Alors que la production diminue ailleurs, au Québec elle augmente de façon constante. Elle n'augmente pas avec des gens qui ont arrêté la production, c'est parce qu'il y a des gens qui développent leur production dans cela. Il faut arrêter de se compter des blagues. La réalité est là.

Pour le veau de grain, je ne peux rien dire sur 1976, 1977 et 1978, il n'y en avait pas. On a commencé à développer cette production en 1980, avec 4544 veaux de grain assurés. En 1981, 24,741; en 1982, 39 863; en 1983, 54 300 et, en 1984, 58 240. Ce sont des veaux qui avant étaient vendus à trois ou à quatre jours et qui s'en allaient en Ontario ou aux États-Unis. Aujourd'hui ils sont vendus entre 400 et 500 livres, plutôt entre 450 et 500 maintenant. Ce sont soit des veaux de lait lourds ou des veaux de grain lourds. Ce sont les chiffres réels. Le gouvernement le sait, le Conseil du trésor le sait parce qu'il sait combien cela

coûte aussi à la fin de l'année pour ses programmes d'assurance stabilisation, et ceux qui paient le savent aussi. La réalité est là, c'est une croissance. Je vais vous dire une chose. Dans le programme du boeuf on vise encore bien plus que cela. On vise 100 000 d'ici peu d'années. Pourquoi? Parce qu'on produit à peu près 325 000 veaux au Québec. Pourquoi les enverrait-on, à trois jours, aux États-Unis ou en Ontario? L'objectif c'est de tous les engraisser au Québec. Pourquoi? Parce qu'en les engraissant au Québec il y a des gens qui vont gagner leur vie en les engraissant et il y en a d'autres qui vont la gagner en les abattant, en les transformant et en faisant quelque chose avec. Là, on va avoir d'autant plus de facilité parce que nous avons des marchés maintenant. Ce qui nous bloquait un peu c'est que les devants de veaux on avait de la misère à les vendre. Là on a trouvé des marchés aux États-Unis pour les vendre. On vendait facilement les derrières de veaux mais on vendait mal les devants. Maintenant on a développé des marchés pour les devants et cela va nous permettre de pousser davantage cette production.

Il faut dire aussi que si l'on regarde aujourd'hui les chaînes d'alimentation... Allez chez Métro, Provigo, Steinberg vous allez voir des comptoirs de veau de grain. Il n'y en avait pas avant. C'est long convaincre du monde. On a commencé à zéro en 1979. C'est long de convaincre les chaînes d'embarquer dans cela et de commencer à habituer le consommateur, lui faire connaître cela. C'est un travail qui a été fait par les gens du ministère.

Les cours d'eau. En 1977 et 1984, tout cela se tient, on a creusé 5336 cours d'eau. C'est des cours d'eau! Des fois, un cours d'eau a plusieurs kilomètres. Cela a coûté 61 000 000 $. Pourquoi? Parce que tout cela se tient. Je veux aller vite parce que je veux finir en dedans de mon heure. (22 h 15)

Le drainage. On a drainé sans doute deux fois plus depuis 1977 au Québec - je n'ai pas les chiffres finaux - que de 1908 à 1976. Le total entre 1977 et 1984 - et 1984 je n'ai pas encore beaucoup de chiffres pour cela - c'est 322 000 hectares. Additionnez cela, 322 000 hectares, cela fait à peu près 750 000 acres drainées. C'est un changement par rapport à ce qu'il y avait avant. C'était quoi en 1976? 300 000 acres ou 253 000? Je n'ai pas le chiffre par coeur. C'étaient 300 000 acres de drainées? Je vous dis cela sous réserve, c'était à peu près cela: 300 000 ou 325 000 acres. 750 000 acres drainées depuis 1977, et cela, c'est en comptant une bien petite portion pour 1984. On n'en a quasiment pas de marqué pour 1984 parce que les chiffres ne sont pas encore entrés.

M. le Président, c'est un peu cela la réalité de tout le secteur en développement pour l'agriculture. On a dit aussi: Les gens sont-ils ou ne sont-ils pas formés? Cela ne se tranche pas au couteau, vous savez. C'est beaucoup plus compliqué qu'on le pense. J'ai remarqué que l'UPA dans son témoignage a été très prudente sur ces questions. On pourrait dire, comme le Danemark: Pour avoir accès au crédit agricole, cela prend trois ans de scolarité dans l'agriculture et cinq ans d'expérience. J'ai l'impression que si je voulais ajouter cela aux règlements, les premiers impliqués seraient les gens de l'Opposition pour dire qu'ils ne sont pas d'accord, que l'expérience vaut bien de la scolarité etc., sauf qu'il y a eu des changements considérables de faits au cours des dernières années en termes de scolarité des agriculteurs. C'est incroyable le changement qu'il y a eu à ce niveau-là. J'ai cela ici.

En 1966, 42% des agriculteurs avaient moins d'une quatrième année. Si on va jusqu'en huitième année, il y en avait 83,1% qui avaient une huitième année ou moins, 16,9% qui avaient plus d'une neuvième année, et plus de treize ans de scolarité il n'y en avait pas assez pour écrire un point dans les statistiques: c'était écrit zéro. Il devait y en avoir quelques-uns, mais c'est écrit zéro. J'en connais au moins un: M. Brûlé, qui est de la famille Therrien de Saint-François-de-Montmagny, avait un cours classique et était cultivateur. Aujourd'hui c'est un homme entre 75 et 80 ans qui a une grosse famille agricole à Saint-François-de-Montmagny. Mais, il n'y en avait pas assez pour les statistiques.

En 1983-1984, quel est le résultat? Il faut arrêter de se faire l'image que le cultivateur est un gars qui n'est pas allé à l'école longtemps. Cela n'est plus vrai. C'était vrai autrefois et pas seulement pour les cultivateurs, c'était vrai pour l'ensemble de notre société. Les gens n'avaient pas été à l'école longtemps. Je ne suis pas encore épouvantablement vieux et je suis certain que M. Proulx, le président de l'UPA, qui n'est pas trop vieux lui non plus, il a à peu près mon âge, un peu plus jeune même, se souvient que ceux qui allaient longtemps à l'école en ce temps-là n'étaient pas nombreux. Aujourd'hui, ceux qui ont moins d'une quatrième année cela fait zéro dans les statistiques parce qu'il n'y en a pas assez pour faire des chiffres. Ceux qui ont cinq ou six de scolarité font 1,1%; ceux qui ont sept ou huit ans de scolarité: 7,4%. Ce sont tous des emprunteurs de l'office. Au total, huit ans et moins de scolarité: 8,5%; plus d'une neuvième année: 91,5%, et plus de treize ans de scolarité - cela varie dans deux années -entre 20% et 22%. C'est un renversement complet.

Quand vous regardez les cours par correspondance donnés par l'UPA de La

Pocatière... Le ministère de l'Éducation est un peu surpris. On l'a fait avec lui, mais il a été estomaqué. On a battu les records. Ce sont nous qui avons eu le record dans les cours par correspondance. Cela a fonctionné d'une façon extraordinaire. Là on a une pièce de théâtre qui parcourt le Québec pour convaincre les gens que dans l'agriculture il faut avoir le plus de formation possible. Mais va-t-on arriver d'un coup sec et dire aux cultivateurs: Si tu n'as pas tant d'années de scolarité, on ne prêtera pas? J'ai pensé longtemps à cette formule-là mais qui les formerait? Un réseau est en train de s'établir: l'ITA de La Pocatière et l'ITA de Saint-Hyacinthe, les facultés d'agriculture, principalement la faculté de l'Université Laval. Les cégeps ont commencé en enseignant plus les plantes exotiques, les plantes tropicales que l'agriculture québécoise, mais on a pas mal brassé là-dedans et aujourd'hui dans les cégeps on commence à avoir des cours sur l'agriculture qui ont du bon sens. On a un sous-ministre adjoint à l'enseignement pour la recherche pour faire une meilleure coordination avec le ministère de l'Éducation au niveau des cégeps, l'ITA, l'université, etc., pour savoir qui fait quoi et pour avoir un meilleur enseignement.

Cela a été une préoccupation constante à l'office et au ministère. On a discuté de ces questions-là, mais va-t-on changer? Cela n'est pas notre faute. Dans le passé, des gens nous disaient qu'on avait des traditions d'ignorance. Ils se sont bien occupés de les maintenir à part cela. Mais on a essayé d'aller le plus vite possible et quand on regarde le cheminement qu'il y a eu dans les dernières années, c'est fantastique au fond. Le secteur agricole est peut-être un des secteurs aujourd'hui où les gens connaissent le mieux leur secteur. Cela ne s'est pas fait d'un coup sec.

Qu'on regarde maintenant l'avoir net. Moi, quand je regarde un gars, je ne regarde pas ce qu'il doit, je regarde ce qu'il a parce que les gars les plus riches habituellement sont ceux qui doivent le plus. Si vous regardez des entreprises... Je me souviens avoir entendu un discours de Jean Lesage il y a plusieurs années qui disait: Si j'ai une maison à appartements qui vaut 50 000 $ et que je dois 40 000 $ dessus, je vaux 10 000 $, mais si j'ai une maison à appartements de 100 000 $ et que je dois 75 000 $, je vaux 25 000 $. Il ne faut pas regarder ce que je dois et dire: Oui, mais tu dois 75 000 $, ce n'est pas ce qui est important. Si vous regardez, en 1976-1977, le total global des actifs des emprunteurs de tout l'ensemble du crédit agricole au Québec,

Il y avait en moyenne 128 000 $ de total actif, 75 864 $ de total passif, ce qui veut dire que l'avoir net représentait 52 221 $, soit 40,8% en 1976. C'est là qu'on a pris l'agriculture en 1976: 40,8% d'avoir net. En 1983, c'est quoi? La ferme a un total d'actif de 329 332 $, le passif total est de 165 933 $, donc la différence de 163 399 $ est de l'avoir net, soit 49,6%. L'agriculteur qui avait un avoir net total sur sa ferme de 40,8%, aujourd'hui il est rendu à 49,6%. Cela veut dire qu'il est moins endetté que jamais. Il ne doit plus de dettes en chiffres absolus mais il a plus d'actif que jamais. C'est cela qui compte. Pour ceux qui comptent autrement, on peut faire des figures de style, mais ce qui compte c'est: Le total des avoirs moins le passif égale quoi? C'est cela les avoirs de quelqu'un.

En terme de revenus, cela varie. Cela varie considérablement et, à ce moment-là, les revenus de chacun, les besoins de chacun, on ne peut pas jouer là-dedans. Quelqu'un a posé la question à l'UPA cet après-midi qui n'a pas pu répondre. Il n'y a pas un individu pareil.

Quant aux fermes à temps partiel, je dois vous dire que je vais à des conférences fédérale-provinciales depuis 1977; même la première était en décembre 1976. Ce fut un point à l'ordre du jour depuis ce temps, les fermes à temps partiel, avec des comités fédéraux-provinciaux pour étudier cela et il n'est jamais arrivé de réponse à cela. Pourquoi? Parce que c'est bien plus compliqué qu'on pense, une ferme à temps partiel. Quand je vois seulement les modalités du crédit agricole, c'est difficile, c'est très complexe cette question-là. Pourquoi? Si quelqu'un a la réponse... Si demain matin les agriculteurs me disait: Pour ce qui est des fermes à temps partiel on est prêt, allez-y, M. Garon, pas de problème, les agriculteurs professionnels sont prêts à partager le crédit agricole avec des fermes à temps partiel, on n'aurait sans doute pas d'objection, ce serait regardable. Je ne suis pas convaincu que cela se voterait facilement dans les réunions de cultivateurs, par exemple. Je ne suis pas convaincu que l'agriculteur dirait: Le médecin qui élève du boeuf devrait avoir accès au crédit agricole comme le cultivateur professionnel. Je ne suis pas convaincu qu'on dirait que l'avocat devrait avoir accès au crédit agricole comme le cultivateur professionnel. J'ai vu des cas, par exemple, d'autres ministères et parfois même des projets fédéraux où des comptables de la région de l'Estrie ont eu des subventions pour bâtir une grosse érablière. Je peux vous dire le nombre de cultivateurs qui m'ont dit qu'ils n'auraient jamais dû faire cela et que les érablières devraient être réservées à ceux qui gagnent leur vie dans ce secteur. Comprenez-vous? Moi, je vais vous dire une chose. Il y a toute sorte de monde qui fait des commentaires. Il y a un jugement qui arrive au moment des élections et je suis persuadé que réserver les mesures financières pour les

agriculteurs professionnels, actuellement, l'ensemble des gens ne nous blâment pas de faire cela. Mais on donne de l'aide technique à tout le monde. Dans certains secteurs, des mesures sont possibles pour des gens qui développent l'agriculture mais qui n'ont pas accès au crédit agricole. D'autres mesures fiscales sont accessibles, tant au fédéral qu'au provincial, pour les cultivateurs d'agrément. Ceux qui font un peu d'agriculture à côté peuvent faire des déductions d'impôt s'ils ne font pas d'argent avec cela. Ils ont des possibilités au plan fiscal. Il faut aussi tenir compte, concernant les fermes à temps partiel, que souvent - on me dit que c'est le cas de plus en plus en Californie et ce sera sans doute de plus en plus le cas ici - des gens achètent des fermes non pour avoir les revenus de la ferme, parce qu'ils ne la louent pas cher aux cultivateurs, mais pour avoir la plus-value parce qu'ils ne payent pas d'impôt là-dessus. Quand des gens font cela, souvent ce sont des professionnels qui ont d'autres sources de revenus, et c'est ce qu'ils recherchent.

C'est pour cette raison que lorsqu'on parle de ce concept, il faut être bien prudent. C'est plus complexe que les gens pensent. S'il y a des gens qui ont la pierre philosophale concernant les fermes familiales, les fermes à temps partiel, je pense qu'ils peuvent adopter des mesures, proposer cela dans des programmes et essayer de vendre cela à la population, mais je ne suis pas convaincu que ça va fonctionner. Si le président de l'UPA arrivait demain matin au congrès ou nous disait tout de suite, ce soir: Les fermes à temps partiel, on embarque à mort là-dedans à l'UPA, je ne suis pas convaincu qu'il serait réélu au mois de décembre. Les cultivateurs, au contraire, veulent surtout que les mesures soient réservées aux agriculteurs professionnels. Dans les grands débats, on demande de...

Maintenant, on a certaines mesures pour aider des gens à démarrer alors qu'ils veulent commencer l'agriculture à temps partiel. Il y a certains programmes qui leur sont accessibles parce que la mesure pour avoir accès au programme, c'est de produire 3000 $ par année. Avant 3000 $, on calcule que quelqu'un est capable de s'essayer lui-même. À partir de 3000 $, on est prêt à lui donner accès à certaines mesures au ministère, mais pas à toutes les mesures. Quand il devient un agriculteur professionnel, c'est-à-dire dont c'est la principale source de revenu, il a accès à d'autres mesures, notamment au crédit agricole.

Je ne suis pas convaincu, je suis loin d'être convaincu, et si les députés du Parti libéral pensent que ça devrait être différent, je pense qu'ils peuvent en faire un engagement électoral... Je ne pense pas que notre parti soit prêt à faire cela. Je ne connais pas beaucoup de fermes au Québec qui ne sont pas familiales. Il y a eu bien du charriage là-dedans. Des fermes gigantesques, des fermes industrielles, j'aimerais ça qu'on m'en montre. Il peut arriver que trois frères forment une ferme familiale. Le médaillé d'or ou d'argent, le père et deux garçons ont formé une ferme qui faisait au total, si ma mémoire est bonne, 450 acres. La ferme moyenne, au Québec, c'est 197 acres, et les trois ensemble, ça faisait 450 acres. Ce sont trois fermes familiales qui se sont regroupées.

On a fait faire des conférences aux groupes de syndicats de machineries agricoles de Saint-Boniface. Cinq cultivateurs se sont groupés à Saint-Boniface, dans le comté de Saint-Maurice et on les a cités en exemple en essayant de démontrer pourquoi les gens devraient les imiter. Quand des cultivateurs décident de se regrouper, souvent, ce sont des frères, des soeurs ou des conjoints, différents couples qui disent: On a deux ou trois fermes, on va se regrouper. C'est évident qu'ils rationalisent l'utilisation des équipements et ils deviennent plus productifs et à meilleur coût. Ce sont toujours des fermes familiales.

J'ai déjà demandé au ministère, à des gens du ministère et à des gens de l'UPA: Essayons donc de décrire une ferme familiale. Le premier rapport que j'ai eu, je l'ai retourné tout de suite, j'ai eu peur parce qu'ils ont dit: Une ferme familiale, ça pourrait aller jusqu'à 15 000 porcs. On est allé jusqu'à 5000, et les gens trouvent déjà qu'on est gros. On a pris une ferme familiale, pas la plus grosse, une moyenne. Le crédit agricole maximum pour un individu, c'est 250 000 $, pour un groupe. 450 000 $. Vous regarderez les résolutions de l'UPA, elle nous demande d'augmenter les maximums. Parce qu'ils pensent qu'on prête trop ou qu'on ne prête pas assez? En assemblée générale, ils nous ont demandé d'augmenter tous les maximums, et ils nous disent souvent: II ne devrait même pas y avoir de maximum. J'ai dit: Non, j'ai peur de cela. Pourquoi? Parce que je ne voudrais pas qu'à un moment donné... C'est vrai qu'à Saint-Hyacinthe, une ferme peut valoir 1000 $, 1200 $ l'acre, mais quand on arrive dans le Bas-Saint-Laurent, on peut acheter le rang au complet pour le même prix. Il faut faire attention là-dedans, il ne faut pas être trop incitatif. Il faut l'être assez, mais pas trop.

Garder la juste mesure, maintenant, c'est plus difficile qu'on pense. Je n'ai pas vu beaucoup de mesures, à ce jour. Les sept grévistes se sont plaint qu'ils avaient été trop incités. Je n'ai pas vu ça souvent. La plupart des gens me disent qu'on n'est pas assez vite, qu'on ne pousse pas assez, qu'on est trop lent, trop conservateur, que l'office ne fonctionne pas. Je ne voudrais pas être méchant, mais je n'ai pas eu le temps

d'écouter cela, il faut que je travaille sur autre chose, j'en ai écouté des bouts. À un moment donné, vous avez demandé à un producteur quel était sa moyenne par truie, et il n'a pas répondu. J'aurais aimé qu'il réponde parce qu'on m'a dit quelle était sa moyenne par truie - je n'ai pas vérifié parce que je n'ai pas les moyens de le faire - et si c'est vrai, il n'y a pas un cultivateur qui va réussir avec cette moyenne. Vous, M. le Président, vous avez déjà cité un cas de votre comté. Je ne pouvais pas aller trop loin, mais à la moyenne qu'avait ce producteur il ne pouvait jamais réussir parce que sa moyenne c'est à peu près la moitié de la moyenne normale. La moyenne on la regarde actuellement, c'est 16, 17 porcelets par truie. Quelqu'un qui a 8, 9 ou 10 porcelets par truie, il ne peut pas arriver. C'est impossible. Je ne veux pas être méchant là-dedans. Notre problème c'est quoi? On va prêter à qui? Quand est-ce qu'on arrête? Est-ce que nos mesures doivent être axées sur l'agriculteur le plus faible ou sur l'agriculteur moyen? (22 h 30)

Je peux vous dire que, quand est arrivée la période difficile en 1980-1981, le mot d'ordre qu'on s'est donné, on s'est rencontrés - l'office, l'assurance-stabilisation, le ministère et moi - et, à ce moment, j'ai demandé une chose aux organismes, j'ai dit: Dans une période difficile, les taux d'intérêt sont très élevés. Tous ceux qu'on peut sauver, on va essayer de les sauver. On va consolider, on va prendre tous les moyens possibles si l'agriculteur est un gestionnaire normal, qui a une certaine efficacité dans sa gestion; s'il n'y a aucun moyen, on ne pourra pas. Si l'agriculteur n'a pas un certain niveau d'efficacité, comment va-t-on le justifier?

Je peux vous dire qu'au cours des dernières années, que ce soit dans le vison, dans toutes les différentes productions, les gens ont dit: Les prêts spéciaux ce n'est pas diable. M. Moreau - je ne veux pas revenir là-dessus - a donné les chiffres. Ceux qui ont eu des prêts spéciaux ont pu à peu près tous passer au travers. C'est exceptionnel ceux qui n'ont pas passé au travers.

Il a eu des périodes difficiles, mais il faudrait dire une chose. Et je termine là-dessus, M. le Président. En 1979, au Québec il y a eu 14 faillites. Il y en avait une en agriculture à l'Office du crédit agricole du Québec. En 1980, 44 faillites, il y en avait 19 à l'office. Je vous ferai remarquer que cette année-là il y en avait 123 en Ontario. En 1981 il y en avait 54 au Québec, 140 en Ontario et seulement 27 à l'office. En 1982 il y avait 143 faillites au Québec, il y en avait 56 à l'office. En 1983 il y en avait 125 au Québec, il y en avait 41 à l'office. Depuis le début de l'année, il y a eu 116 faillites du mois de janvier au mois d'août au Québec, il y en a eu 24 à l'office. En 1983, dans le même nombre de mois, il y avait 62 faillites au Québec, 24 à l'office.

Je peux vous dire que si on regarde le résultat, en termes de faillites - et les statistiques des faillites ce n'est pas nous qui les faisons, c'est fait par le gouvernement fédéral - vous remarquerez la moyenne au bâton de l'office, en fonction des prêts qu'on fait. Le gros pourcentage des prêts au Québec est fait par l'Office du crédit agricole du Québec, mais c'est une faible proportion de l'ensemble des faillites qui ne sont pas très considérables sur le territoire québécois par rapport à d'autres, si on regarde la période qu'on vient de traverser; le très faible pourcentage est à l'office. Je ne veux pas être plus long parce que tantôt vous m'avez dit qu'il me restait une ou deux minutes. Si les membres veulent poser des questions, cela me fera plaisir d'y répondre si j'ai les renseignements.

Le Président (M. Vallières): Très bien, je vous remercie, M. le ministre. Je voudrais à ce moment-ci indiquer aux membres de la commission que je procède officiellement au dépôt du document que m'a remis M. Moreau tout à l'heure pour dépôt, lettre à M. Jean-Claude Boucher. Donc, le document est considéré comme étant déposé.

J'ai relevé au moins une interrogation de M. le ministre à savoir les recours dont pourrait disposer la commission à l'endroit de gens ou de témoins qui sont entendus par la commission et qui ne diraient pas la vérité. Je souhaiterais, avant de céder la parole aux autres membres de cette commission, indiquer qu'il existe effectivement, tant à la Loi sur l'Assemblée nationale qu'aux règles de procédure de l'Assemblée, des recours très clairs à l'endroit de témoins qui rendraient un témoignage faux devant une commission de l'Assemblée nationale. Comme notre temps est très limité ce soir, je me contenterai de vous envoyer à l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale au chapitre V de la même loi qui prévoit, dans un tel cas, une amende pouvant aller jusqu'à 10 000 $. Le titre VI des règles de procédure de l'Assemblée, adoptées en mars dernier, prévoit également d'autres recours à l'initiative de n'importe quel des membres de l'Assemblée nationale. Il existe donc des recours à l'endroit d'un témoin qui ne dirait pas la vérité en commission et je crois qu'il était de mon devoir, pour le plus grand bien de la commission aussi, en tant que président, de le souligner afin de dissiper toute ambiguïté possible. Là-dessus, je vais remettre maintenant la parole au député de Saint-Hyacinthe. Nous procéderons à une heure de questions à l'endroit du ministre: trente minutes - trente minutes.

M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: Merci, M. le Président. Vous

avez parlé d'une conférence sur le financement agricole. Vous étiez sur le point ou vous acheviez vos consultations. Est-ce qu'on peut savoir à peu près quand est-ce que cette conférence, tant attendue, pourra se tenir?

M. Garon: Évidemment, le temps qu'on a consacré à la préparation des documents pour la commission, on ne faisait pas autre chose pendant ce temps-là. Je pensais faire cela à l'automne; je pense bien qu'il va falloir penser maintenant peut-être plus au début de 1985 parce qu'il a fallu, quand même, mettre quelques semaines pour préparer ces documents pour la commission parlementaire, à la suite de la grève de la faim.

On espère pouvoir tenir cela... Je n'ai pas encore acheminé les documents au Conseil des ministres à cet effet mais, normalement, cela devrait être au début de 1985, j'imagine.

M. Dupré: Merci. Dans le témoignage de l'UPA, cet après-midi, on demandait un mécanisme neutre d'appel, même s'il n'est que consultatif; il serait absolument nécessaire aussi bien pour les emprunteurs que pour ceux qui prennent les décisions. Je voudrais avoir votre opinion là-dessus.

M. Garon: Bien c'est un des sujets qui ont été étudiés depuis plusieurs mois par l'office et le ministère. La seule chose c'est que je ne voulais pas établir un mécanisme d'appel avant la refonte parce que je me disais que si on change tout le mécanisme de la refonte, au lieu d'avoir huit ou neuf lois, on aurait seulement une loi du crédit agricole avec un crédit qui serait conçu différemment à long terme, moyen terme et court terme. Une foule de contraintes qu'il y a dans les lois actuelles disparaîtraient parce qu'elles ne sont plus nécessaires, il y a des programmes gouvernementaux maintenant dans ces domaines. Un mécanisme d'appel est une des choses qui ont été considérées et étudiées; ce n'est pas une chose qui est impossible. Maintenant, ce qu'on veut c'est circonscrire. C'est beaucoup plus facile à la société fédérale d'avoir un mécanisme d'appel quand tu ne prêtes pas beaucoup. Évidemment, si à la plupart de vos prêts vous dites non en partant parce que vous n'avez pas d'argent, vous n'avez pas de budget... L'an passé, tous les prêts au Canada, c'était rendu que c'était seulement 4% dans la société fédérale. Le mécanisme d'appel, si je ne prête pas, ce n'est pas compliqué. Je pense qu'il y a 1100 dossiers; il n'y a pas beaucoup de dossiers à la société fédérale. La société a maintenant à peu près 7000 dossiers, mais au cours des deux dernières années elle n'a presque pas prêté au Québec; 357 prêts qu'on me dit l'an dernier. C'est beaucoup plus facile le mécanisme d'appel tandis qu'à l'Office du crédit agricole, à Québec, on a entre 21 000 et 22 000 dossiers, avec beaucoup plus de dossiers chaque année. Cela ne veut pas dire la même chose.

C'est un projet qui est étudié et qui va faire l'objet de consultations dans le cadre de la conférence socio-économique sur le crédit agricole.

Maintenant la conférence socio-économique, j'ai répondu au début de 1985 à votre question, j'ai le premier document, maintenant. Il faut le regarder, le retravailler; on a un premier brouillon qui a été travaillé. Il faut l'imprimer, il faut que les gens aient le temps de le lire, consulter. Voyez-vous, on est déjà rendu au mois d'octobre; ce n'est pas le genre d'opération qui se fait très bien en décembre. C'est pour cela que je dis plutôt au début de l'année 1985.

Maintenant, beaucoup de consultations, il m'en reste une que je veux faire absolument avant, mais je pense qu'au début de 1985 c'est réaliste, quelque chose comme février possiblement.

M. Dupré: M. le Président, lorsque vous avez parlé des veaux, vous avez parlé d'environ 350 000 veaux, soit la production au Québec présentement.

M. Garon: 325 000. M. Dupré: 325 000.

M. Garon: Je le disais de mémoire, mais c'est cela.

M. Dupré: Est-ce que je peux savoir de quel endroit viennent ces veaux? N'est-il pas vrai qu'il y en a une bonne partie qui vient de l'Ontario?

M. Garon: Non, non. Ce sont nos veaux laitiers, nos veaux des vaches laitières.

M. Dupré: Ce ne sont pas pour les parcs d'engraissement.

M. Garon: Ce n'est pas la même chose. Quand on parle de veaux pour faire des veaux lourds ce sont en grande partie les veaux mâles des vaches laitières. Quand les vaches laitières ont un veau, le veau femelle peut être gardé s'il est correct pour la production laitière; le veau mâle était vendu en Ontario. Sur les 325 000, pas en proportion exacte, mais le potentiel c'est de 175 000 qu'on me disait pour des veaux lourds.

M. Dupré: Pour en revenir aux parcs d'engraissement - c'est le sujet dont je voulais parler - on sait qu'il y a une bonne

partie qui s'approvisionne en Ontario. Est-ce que je pourrais savoir la raison et pourquoi ils ont tant de difficultés à s'approvisionner au Québec?

M. Garon: Non. Ils ne s'approvisionnent pas en Ontario, ils s'approvisionnent dans l'Ouest en partie. En Ontario, ils s'approvisionnent eux-mêmes dans l'Ouest. Maintenant, l'Ouest - peut-être pas cette année, il y a peut-être une année de répit à cause de la sécheresse qu'ils ont eue - veut adopter des mesures pour faire en sorte que leurs veaux soient élevés chez eux, abattus chez eux, débités chez eux et envoyés en boîte en petites coupes parce qu'ils veulent avoir les retombées économiques chez eux. À ce moment là, ils couperaient l'approvisionnement de l'Ontario et aussi aux quelques éleveurs du Québec qui s'approvisionnent en Ontario. Alors, ceux qui s'approvisionnent en Ontario, pourquoi exactement? Il y en a qui vont vous dire que c'est parce qu'ils considèrent qu'ils aiment mieux les veaux de l'Ouest parce qu'ils ont une meilleure carcasse, qu'ils vont engraisser mieux, mais il y a aussi des bons veaux au Québec. Tous les programmes qu'on a mis en place, qu'on a annoncés - j'ai oublié de le dire tantôt dans mon exposé, je suis sauté et je ne suis pas revenu sur cela - les huit programmes dans le boeuf qu'on a mis dans l'ensemble, ceux de l'an dernier et ceux de cette année, ont pour but d'améliorer la génétique de notre cheptel et la régie des troupeaux d'élevage de vaches/veaux et de boeufs de boucherie.

M. Dupré: Dans les faillites, même si le nombre qu'on veut laisser croire n'est pas le même pour tout le monde, il reste que tout le monde a admis qu'il y avait des faillites tout de même et je pense qu'il y en aura toujours. Dans la recommandation de l'UPA entre autres - et je pense que cela a été aussi un souhait de la commission -lorsqu'un producteur fait un paiement en retard ou est en défaut de paiement, l'office cesse de verser sa subvention d'intérêt et l'intérêt devient dû au complet par l'emprunteur. On sait que, lorsque cela arrive, c'est parce que la personne est déjà en difficulté mais peut-être pas à l'extrême et là, au lieu de l'aider, on lui met une charge supplémentaire en disant: Là, on coupe tes intérêts. J'ai de la misère à comprendre cela.

M. Garon: C'est parce qu'on ne veut pas donner une subvention sur un paiement qui n'est pas fait. C'est pour l'inciter à faire le paiement.

M. Dupré: Vous ne trouvez pas qu'au moment où cela se passe, si le gars ne fait pas son paiement, c'est justement parce qu'il commence à être en difficulté ou il l'est? Là au lieu de l'aider vous lui dites: Là, on ne te donne plus ton retour d'intérêt. Je pense que cela le pénalise doublement.

M. Garon: S'il n'est pas capable de faire ses paiements. L'idée ce n'est pas de lui donner des subventions alors qu'il ne fait plus ses paiements, c'est de reconsolider son affaire, refinancer son affaire.

M. Dupré: Des fois sur le bord de la faillite ou tout près, c'est peut-être cela ou c'est peut-être aussi - je voudrais parler des

M. Garon: Imaginez-vous un peu que quelqu'un qui ne fait plus ses paiements, on va continuer à lui envoyer ses subventions. Cela fait un drôle de régime, tandis que normalement, ce que le cultivateur va faire, il va venir à l'office et il va dire: Écoutez, moi, je suis trop serré financièrement. Il va s'arranger avec l'office et dans le cadre de ces arrangements on va tenir compte de cela et il va avoir sa subvention d'intérêt. (22 h 45)

M. Dupré: Une fois que les arrangements sont pris, il les reçoit, mais des fois c'est justement assez, il ne se rend pas là. Je pense que cela est peut-être une partie infime.

L'autre sujet qui m'a agacé un peu c'est le crédit à la production. J'ai eu plusieurs plaintes de ce côté-là, entre autres, dans les domaines des céréales, du boeuf et du porc.

Si le gars est obligé d'emprunter pour semer et que son crédit à la production n'arrive pas à temps, s'il reçoit son crédit à la production au mois de juillet, cela n'est plus le temps. Quand il doit remplacer ses porcs ou ses boeufs, je ne sais pas s'il n'y aurait pas lieu d'accélérer les versements. Des fois cela prend jusqu'à deux mois, deux mois et demi ou trois mois.

M. Garon: C'est le but de la refonte, accélérer le mécanisme. Actuellement, ce qui est lourd comme mécanisme c'est d'avoir à administrer huit ou neuf lois. Quand on aura une seule loi... Là on a commencé à mettre un seul dossier, mais ce qui est arrivé en cours de route c'est que la période qu'on vient de vivre avec les hauts taux d'intérêt nous a obligés à reconsolider, à faire un paquet de travail qu'on ne faisait pas avant parce que cela n'était pas nécessaire. Il y a eu beaucoup de consolidation; il y a eu des crédits spéciaux. Il y en a eu plusieurs dans les dernières années. C'est beaucoup d'ouvrage à administrer. Quand quelqu'un a un crédit spécial, ce n'est pas parce qu'il roule sur l'or, c'est parce qu'il est serré. Alors cela fait une administration beaucoup plus difficile pour l'office parce que c'est du

crédit accordé à des gens qui sont plus serrés financièrement.

Vous comprendrez que, dans le domaine du porc avec les taux d'intérêt qu'on a connus et en même temps les prix à terre, il y a beaucoup de gens qui étaient serrés. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): D'autres demandes d'intervention?

M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Excusez-moi, je pensais que l'Opposition aurait quelques mots ou quelques questions. Rapidement, M. Talbot est venu en commission et à maintes reprises a essayé de démontrer que le programme de parc d'engraissement ne correspondait pas à la réalité au Québec parce qu'il disait qu'il aurait aimé se partir avec seulement à peu près 200 têtes, mais l'aide à l'établissement des parcs d'engraissement exigeait au moins 400 têtes et que c'était trop gros.

M. Garon: C'est le programme du temps des libéraux qui était comme cela. S'il y a eu un programme comme celui-là c'est le programme du temps des libéraux. Ils exigaient pour commencer, je pense, 300 têtes, mais on a fait des programmes où on commence à 50 têtes, mais on peut aller jusqu'à 400 têtes; personne n'est obligé de prendre 400 têtes. D'ailleurs, le nombre de producteurs qui ont bénéficié de ce programme... Le premier programme qu'on a fait en 1977, le programme régional de l'Outaouais, était pour encourager les petits. De mémoire, on commençait à 20 têtes pour qu'ils commencent tranquillement. Mais la meilleure preuve c'est qu'on a financé par notre programme de parc d'engraissement 630 parcs pour 66 000 têtes, ce qui fait une moyenne de 100 têtes par parc. Cela n'est pas vrai. Il y en a qui voulaient 400 têtes et il y en a même, je vais vous dire une affaire, on a mis notre affaire plus étanche, qui essayaient même d'en profiter deux fois. Il est arrivé un cas et on a donné le bénéfice du doute; le père et le fils voulaient absolument avoir deux fois 400 têtes. En tout cas, la moyenne ce sont 100 têtes.

M. Baril (Arthabaska): M. Talbot nous a remis l'entête du programme ou du volume qui est le "Guide d'établissement, mars 1979, parquets d'engraissement de bouvillons; et c'est à partir de ce document que M. Talbot disait que c'était trop gros, que cela n'avait pas de bon sens et que cela n'était pas adapté à nos besoins au Québec, à la réalité.

M. Garon: Ah non, le programme n'était pas... Le maximum était de 400 têtes.

M. Baril (Arthabaska): Le maximum était de 400, mais tu n'étais pas obligé de partir avec 400?

M. Garon: Non, non, au contraire, je vous le dis, 630 parcs pour 66 000 places dans les parcs. La moyenne est de 100 têtes par parc. Plus que cela, quand c'était au-dessus de 25 000 $ c'est moi qui signais. J'ai exigé de signer chacune des lettres d'offres quand c'était au-dessus de 25 000 $ parce que je voulais m'assurer qu'on ne partirait pas des gars très gros. Je voulais justement vérifier cela. Quand c'était en bas de 25 000 $ la subvention, cela voulait dire en bas de 250 têtes, et je ne signais pas la lettre d'offres. Mais, quand c'était au-dessus de 25 000 $, je signais parce que je voulais vérifier qu'il n'y ait pas d'encouragement à la surproduction.

M. Baril (Arthabaska): Merci, je vais laisser, s'il y en a d'autres, je reviendrai peut-être plus tard.

M. Garon: Évidemment, je ne peux pas vérifier chacun des dossiers et il y a une chose qu'il faut se dire aussi. Il faut être bien prudent dans cela. Toute l'attitude du ministère qu'on a mise en place était de considérer l'agriculteur comme un chef d'entreprise, comme quelqu'un qui dirigeait son entreprise. Autrefois, c'était le gouvernement qui décidait qui faisait son plan d'ingénieur, c'était le gouvernement qui décidait quelle firme il emploierait, c'était le gouvernement qui décidait qui avait des heures de bulldozers. Il paraît que pour les avoir il fallait payer à la caisse électorale du Parti libéral. Pour les heures de bulldozers les cultivateurs avaient des heures qui leur étaient données, il y avait tout un système de favoritisme et de patronage qu'on a défait en considérant que l'agriculteur était un chef d'entreprise. Moi je vais vous dire une chose - et c'est la cassette et puis elle va tourner la cassette, je peux vous le dire, parce que je suis assez fier d'avoir détruit ce système et ce n'était pas facile de le détruire, il a fallu que je fasse disparaître six bureaux régionaux pour être certain que j'enlevais le chiendent jusqu'au fond. Pour enlever tous les rouages qui pouvaient exister j'ai fermé six bureaux régionaux et en une semaine tout le monde a été relocalisé dans les bureaux locaux. Je ne savais pas qui jouait et qui ne jouait pas là-dedans. Je ne pouvais pas faire d'enquête. Ce qu'on a fait à ce moment, on a dit: Le cultivateur, la philosophie est de le considérer comme chef d'entreprise. Les gens du ministère lui donnent des conseils. Dans nos programmes, il y a des balises mais on n'administre pas la ferme à la place du cultivateur, c'est le cultivateur qui est le chef de l'entreprise et moi je suis certain

que les cultivateurs ne veulent pas revenir à ce que c'était avant. Ils aiment trop cela maintenant être les boss sur leurs terres. Combien de gens sur la route à qui j'ai arrêté parler m'ont dit: M. Garon, ce que j'aime aujourd'hui c'est quand j'appelle le gars pour les bulldozers et que je lui dis, tu viens le 6 août et si tu n'es pas content j'en prends un autre. Si tu ne peux pas et que tu as d'autres hommes le 6 août, moi je vais en prendre un autre parce que moi c'est le 6 août que cela fait mon affaire. Avant ce n'était pas cela, le gars disait je vais y aller le Il novembre, il était presque au temps de la neige, il allait faire les routes avant puis, quand il avait une minute, il allait chez le cultivateur et on travaillait dans la bouette, cela nous coûtait bien plus cher parce qu'il donnait son meilleur temps aux routes pour le gouvernement et il nous donnait son temps lorsqu'il pleuvait; c'était glissant et cela coûtait cher. Il disait, on avait toujours la "scrap". Les cultivateurs sont très contents du système qu'on a mis en place. On les considère comme des chefs d'entreprise et moi je n'ai pas l'intention de changer cela.

C'est la même chose dans le secteur des pêches actuellement. Je peux vous dire que le monde est de plus en plus heureux. Au lieu de les considérer toujours sous tutelle, considérer que les gens ne savent rien, moi j'aime considérer qu'ils connaissent quelque chose mais on a des spécialistes qui les conseillent; il n'y a pas de gêne à cela d'avoir des spécialistes qui conseillent, moi je me fais conseiller à la journée; il y a toute sorte de monde qui me donne des conseils et le problème c'est que si je prends le mauvais conseil, à un moment donné je ne blâme pas le gars qui m'a donné le conseil je ne suis pas obligé de le prendre son conseil. Pour l'agriculteur, c'est la même chose, il engage les gens qui lui donnent des conseils. On en a un certain nombre qui donnent des conseils gratuits mais il n'est pas obligé de les suivre, souvent il ne les suit pas et par la suite, s'il arrive une difficulté, qui est responsable? C'est celui qui prend la décision mais pensez-vous qu'on est heureux quand quelqu'un a de la difficulté? On essaie au contraire de sauver le maximum de gens parce que c'est notre job, puis il n'y a pas d'heure pour cela. J'ai rencontré au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation des gens paresseux. Il y en a dans toute place mais j'ai rencontré les gens les plus dévoués et je ne suis pas un "vanteur" de fonctionnaires, je n'ai pas cette réputation, tout le monde le sait, mais j'ai rencontré les gens les plus dévoués, les plus contents de travailler dans le secteur où ils travaillent au ministère, dans les sociétés comme l'Office du crédit agricole, la stabilisation, les assurances agricoles, les gens qui travaillent parce qu'ils aiment ce qu'ils font et il n'y a pas de "turn-over" comme il y a dans les autres ministères. Regardez dans les autres ministères, les gens changent constamment d'emploi. Chez nous, ils restent là parce qu'ils aiment cela. En termes d'emploi, j'ai été invité à l'ITA de La Pocatière et à l'ITA de Saint-Hyacinthe. J'y suis allé, j'ai donné des poignées de main et il m'ont offert sans que je ne le demande de donner des certificats à chacun des étudiants. J'ai demandé à chacun - j'étais invité là et j'ai été aussi invité à l'Université Laval et j'ai accepté. Je vais faire la même chose à l'Université Laval même si les gens dans la salle attendent un peu. Ils parlent entre eux et cela ne me dérange pas, moi je parle avec les étudiants. À chacun j'ai demandé: Vous avez fini au printemps, d'où venez-vous, avez-vous un emploi, dans le secteur où vous vouliez aller avez-vous un emploi permanent et êtes-vous content de ce que vous faites? Il y en a 160 qui ont terminé à l'ITA de La Pocatière et 160 à Saint-Hyacinthe. Sur 320, 95% ont des emplois. Il y en a plus de 300 quiont un emploi. J'ai été surpris même parce que n'étant pas personnellement un gars qui va à cheval je me disais, péché, un cours spécialisé en technologie équine, est-ce que c'est si bon que cela? J'avais des réserves personnelles mais je n'en parlais pas. Alors, j'y suis allé et j'ai vu que, parmi les finissants, 20 étaient des filles. Ils m'ont dit cela, et j'ai dit dit: Péché! Quand j'ai demandé à chacune, tout le monde travaillait, les 20 avaient un emploi. Donc, dans l'agriculture, il y a du développement. Quand quelqu'un a des difficultés, on n'est pas heureux. On a fait le maximum. Dans l'élevage du vison, vous demanderez les heures qu'on a passées là-dedans. Tantôt, je vais annoncer une nouvelle mesure qu'on a adoptée au Conseil du trésor hier. On ne prendra pas toute la bouchée, mais on va aider même des gens qui sont financés au crédit agricole; quand le taux de la Société fédérale du crédit agricole est trop haut par rapport à ce qu'ils pourraient avoir chez nous, on va en prendre une strate.

Pourquoi est-ce qu'on ne prendra pas toute la bouchée? Parce que, si on prend la bouchée trop grosse, on va pénaliser les gens qui sont déjà avec nous. Alors, on va faire un effort particulier parce qu'on n'est pas heureux quand les gens sont en difficulté financière. Je n'ai pas vu une seule fois, quelle que soit l'heure, qu'on n'a pas essayé de sauver quelqu'un en difficulté. On n'est pas capable de sauver tout le monde. Quand il n'y a aucune perspective de rentabilité, l'Office de crédit agricole... En tout cas, c'est ce que je pense. M. Moreau, ce n'est pas un gars malade qui dit: Plus tu vas faire faillite, plus je suis heureux. On essaie d'en avoir au minimum. Notre bilan est toujours plus beau quand personne ne manque son

coup. C'est ça qu'on vise.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci, M. le Président. Vous me permettrez de faire deux remarques préliminaires avant de poser une question qui se rapporte directement au texte. Lorsque le ministre de l'Agriculture a fait son plaidoyer pour les agriculteurs à temps partiel, tantôt, j'ai cru qu'il s'adressait à l'Opposition et je voudrais le rassurer. Les discussions intervenues en ce qui concerne les agriculteurs à temps partiel étaient entre mon collègue de Saint-Hyacinthe, le vice-président de la commission, et le président de l'UPA. De notre côté, il n'a pas besoin de nous convaincre, on comprend pourquoi on ne favorise pas les agriculteurs à temps partiel. À ce moment-là, il a renseigné adéquatement son collègue de Saint-Hyacinthe.

J'ai entendu le ministre tantôt nous dire qu'il va retarder l'échéance du sommet économique sur le financement à cause de la préparation des dossiers des sept grévistes de la faim. C'est malheureux, je ne sais pas si vous avez gardé votre dossier en secret, mais je m'attendais à ce que votre intervention d'une heure touche le dossier des sept grévistes de la faim puisque c'était là le mandat de la commission. De toute façon, probablement que vous avez mis beaucoup de temps à préparer ce dossier pour retarder votre sommet économique, et, quand vous aurez l'occasion de nous l'envoyer, vous serez le bienvenu, on en prendra connaissance.

Je voudrais vous rappeler le texte qui a été lu à la commission, l'intervention de M. Marcel Talbot qui a été faite, d'ailleurs, comme toutes les autres, sous la foi du serment. Je vous lirai un passage. On se souviendra, pour se situer dans le contexte de cette commission, que M. Talbot, à ce moment-là, montrait à la commission un document d'environ deux pouces d'épaisseur concernant le programme du MAPAQ sur les bovins de boucherie. C'est un document, d'ailleurs, qui a été signé par une foule de spécialistes et M. Talbot y a fait référence régulièrement. (23 heures)

Dans son intervention, il dit ceci: "Le directeur régional de l'office, M. Viateur Daoust, m'annonce qu'il a trouvé une solution à ma ferme, un parc d'engraissement du bouvillon. Il me dit: Cela fait trois fois qu'on essaie de partir le boeuf au Québec, cette fois-ci, les agriculteurs ne se casseront pas la gueule. Ce programme est sorti en mars 1979 pour les parquets d'engraissement du bouvillon. J'ai demandé à réfléchir et je suis allé voir les parquets d'engraissement de la région avec mon agronome. Par la suite, j'ai contacté Clément Lavoie, officier régional de l'office, à qui je propose de bâtir un parquet d'engraissement de 200 têtes. Ma proposition est refusée car le modèle type est une ferme de 400 têtes en 1979. Je n'ai plus le choix. Je commence à les croire puisqu'ils veulent prêter pour 400 têtes et qu'on m'encourage à embarquer dans ce programme gouvernemental. Je veux commencer avec 200 têtes, mais je dois bâtir un parc d'engraissement de 400 têtes. Je finirai 200 têtes la première année et 400 têtes - pour compléter, j'imagine - la deuxième année. Clément Lavoie, officier régional de l'office, a fait une projection chiffrée pour quatre ans de 1979 à 1982 selon laquelle ma dette sur marge de crédit aurait été payée en quasi-totalité en 1982. Il me serait resté un solde à payer en 1982 de seulement 8818 $. Je considère avoir été aveuglé par cette projection de Clément Lavoie où le gouvernement assurait mes revenus. Je suppose que Clément Lavoie a pris les chiffres dans le document de mars 1979 du MAPAQ et qu'il les a transposés à ma ferme en se servant du revenu net garanti car il calculait un profit net de 125 $ par tête..." etc. Et là, je ne continuerai pas de lire pour en arriver à ma question, mais de toute façon il termine son paragraphe un peu plus loin en invoquant qu'il y a certaines lacunes d'encadrement technique et de la génétique dans ce domaine qui ont fait qu'il ne pouvait pas, à toutes fins utiles, avoir une certaine rentabilité. J'aimerais vous demander, M. le ministre, lorsque le MAPAQ lance une programmation dans une production quelconque, quelles sont les précautions prises par votre ministère, non seulement pour savoir si, effectivement, il y a une rentabilité à long terme, si effectivement il y a des débouchés aussi face à cette production, parce que c'est sûr qu'on grossit les productions. Vous avez donné une tonne de chiffres tout à l'heure concernant l'augmentation de tonnes dans ci et dans ça - il y a une multiplication - mais y a-t-il des projections faites du MAPAQ? Il a souvent brandi son document pour nous dire qu'il y avait une rentabilité assurée quand on lui a vendu 400 têtes et même on lui a proposé de changer des cours d'eau de place pour être capable de se construire et on lui a dit: C'est 400 têtes. Si tu n'embarques pas là-dedans, il n'y a plus de solution à ta ferme. Ou bien tu disparais, ou bien tu t'en vas dans 400 têtes. Il a dit: Moi, je ne suis pas capable. Il a dit: Au moins, fais cela sur deux ans. C'est ce que j'ai cru comprendre de cet échange. Et vous m'avez dit tantôt que la moyenne est de 100 têtes. Pourquoi n'a-t-on pas exigé de Marcel Talbot 100 têtes tout de suite en partant et voir si...

M. Garon: Ce que j'ai entendu dire...

M. Talbot, c'est celui qui travaillait pour la compagnie...

Une voix: General Motors.

M. Garon: General Motors. Ce que j'ai entendu dire de M. Talbot, c'est que, quand il est parti de General Motors, il a acheté une ferme laitière avec la Société fédérale du crédit agricole - on n'était même pas là-dedans - et qu'il s'est rendu compte qu'il n'avait pas un quota suffisant pour être à temps plein là-dedans. Comme acquérir du quota, c'était compliqué, il a décidé de s'en aller dans le boeuf parce qu'il voulait être à temps plein dans ce secteur. C'est ce que j'ai entendu dire. Ce n'est pas possible, ce que vous me dites là, parce que le guide d'établissement, il ne fallait pas avoir le couvert. Tu l'as ou tu ne l'as pas, le guide d'établissement. Ce n'est pas ce qu'il dit. Ce n'est pas notre politique, de mettre des gars à 400 têtes en partant pour une affaire semblable, sauf qu'il y en a qui veulent. Quand les gens le veulent et le demandent, s'ils demandent une projection sur 400 têtes ou une projection de 200 têtes avec l'agronome, l'agronome va faire avec eux une projection.

M. Picotte: M. le ministre, ne nous trompons pas...

M. Garon: Attendez un peu! Puis-je...

M. Picotte: Non, seulement un petit mot.

M. Garon: Non, je voudrais finir ma réponse, parce que...

M. Picotte: Ne nous trompons pas. M. Talbot est venu nous dire ici qu'il ne voulait pas avoir 400 têtes. Vous semblez nous dire que...

M. Garon: Oui, mais on ne prête pas aux gens de force. Voyons donc!

M. Picotte: II ne voulait pas. On l'a obligé à 400 têtes. C'est ce qu'il nous a dit.

M. Garon: Oui, mais on ne prête pas aux gens de force. Nous autres, on n'est pas une société avec but lucratif. À l'Office du crédit agricole, on ne prête pas aux gens de force. Je vais vous dire une chose; je ne connais personne qui va vous dire qu'on a essayé de lui dire: On va te prêter. Tu n'as pas le choix, on va te prêter. Les gens font des demandes et ils disent ce qu'ils veulent avoir. Il a pu parler avec quelqu'un et dire: Moi, je voudrais avoir un revenu et je voudrais fonctionner de telle façon. Il est possible que l'agronome ait dit: Si tu vois cela de telle façon, pour avoir un type de revenu et être à temps plein dans le boeuf, tu ne pourras pas réussir si tu as une petite production; il va falloir une production plus grosse pour avoir les revenus qui la justifient. Nous, on ne fait pas de modèles théoriques. On avait un modèle pour les coûts de production qui était théorique, mais, quand on fait des prêts ensuite, la rentabilité est une obligation de la loi. La Loi sur le crédit agricole oblige l'Office du crédit agricole à prêter dans une perspective de rentabilité. Elle fait ces analyses et détermine si, oui ou non, le projet est rentable, mais dans des conditions données, au moment où on l'analyse. Si quelqu'un arrive ensuite et ne vous parle pas de tous les prêts qu'il a contractés - je ne parle pas du cas de M. Talbot. C'est déjà arrivé à l'office. Les gens nous disent qu'ils ne doivent rien ailleurs et, une fois qu'ils ont eu leur prêt, on s'aperçoit qu'ils devaient 25 000 $ ou 50 000 $ ailleurs. Cela change tout le portrait.

M. Picotte: Vous parlez de rentabilité, M. le ministre. C'est justement le cas de M. Talbot, je pense. Il nous dit: À 200 têtes, il n'aura pas de rentabilité et l'office ne prête pas. Mais on va prêter à 400 têtes, parce qu'il va y avoir une rentabilité. C'est ce qu'il est venu nous dire. Écoutez...

M. Garon: J'ai le document ici: "Guide d'établissement, mars 1979, parquets d'engraissement de bouvillons." C'est écrit: Investissements à faire et crédits disponibles; investissements spécifiques requis selon la grosseur du parquet; données de base, investissement requis à 50, 100, 150, 200, 300 et 400 têtes. Pourquoi aurait-on émis toutes ces hypothèses si on prenait seulement 400 têtes? Voyons donc!

M. Picotte: Oui, mais c'est ce que je vous dis, M. le ministre. C'est ce que je viens de vous dire.

M. Garon: Le document est là. Il donne différentes hypothèses. Si vous dites: Moi, je veux m'établir avec...

M. Picotte: Écoutez...

M. Garon: Laissez-moi finir.

M. Picotte: Vous ne me répondez pas.

M. Garon: Je vous dis que si quelqu'un arrive et dit: Moi, je voudrais telle chose; voici comment je conçois mon projet, on va regarder le modèle en fonction du type de projet de l'agriculteur.

M. Picotte: Ce n'est pas cela qu'il nous a dit. Il nous a dit: Je voulais 200 têtes et l'office m'a dit: On on ne te prête pas; il

n'y aura pas de rentabilité à 200 têtes dans votre cas; cela prend 400 têtes pour que cela soit rentable. On ne veut pas lui prêter à 200 têtes parce qu'il n'y a pas de rentabilité, mais on lui prête à 400 têtes. On dit: Ta rentabilité est à 400 têtes. Écoutez, vous me dites qu'il aurait pu partir à 50 têtes; il était prêt à le faire, selon ce qu'il nous a dit. C'est l'office qui n'a pas voulu, selon ses dires. Moi, j'essaie de voir clair dans les dossiers des gens qui sont venus nous parler.

M. Garon: II aurait fallu que vous posiez la question aux gens de l'office qui sont venus. Vous auriez eu l'occasion de poser cette question. Ce sont eux qui administrent chacun des cas individuels. Moi, je vous dis que le programme du ministère et que les documents que je signe ne disent pas ce que vous dites actuellement. Vous aviez beau tantôt... Je ne sais pas si vous avez posé la question à M. Moreau. Lui, il pourrait vous dire ce que l'office fait quand il arrive... S'il y a des choses au dossier... M. Moreau est à côté de moi et il me dit qu'il n'y a rien au dossier qui démontre cela. Je vous dis que nos politiques ne fonctionnent pas comme cela. Si vous voulez faire venir le fonctionnaire pour l'assermenter, vous avez bien beau, sauf que nos documents ne disent pas cela. On n'a jamais dit cela. Il y avait un programme quand on est arrivé au gouvernement qui disait cela au temps des libéraux: il fallait qu'ils commencent à 300 têtes. Il y avait un programme en 1976 et on l'a aboli, parce qu'on trouvait que cela n'avait pas de bon sens. J'ai demandé au sous-ministre, d'ailleurs: Pourquoi y a-t-il un programme à 300 têtes? Il m'a répondu: Les libéraux ne voulaient pas dépenser d'argent et ils savaient qu'avec un programme semblable, personne ne ferait de demande. Il a dit: Cela n'a pas coûté cher; il y en eu quatre ou cinq qui ont fait une demande. Nous, immédiatement, on a conçu un programme régional dans l'Outaouais avec 20 têtes au point de départ jusqu'à 50 ou 100. C'est un petit programme régional qui a bien fonctionné et, ensuite, on a généralisé à l'ensemble du Québec un programme pour partir avec un niveau de têtes inférieur. Dans certaines régions où on pensait que cela se développerait plus spécifiquement pour le boeuf, on a mis des petits programmes régionaux pour les partir de 20 à 50 et le programme national les prenait à 50 pour aller plus haut, s'ils le voulaient. Mais personne n'était obligé de faire partie d'un programme. Il est possible aussi qu'un projet à 200 têtes ne soit pas rentable; c'est possible. Mais je ne suis pas capable...

M. Picotte: Mais c'était quand même plausible, M. le ministre. Puisque votre programme parle de 50, 100, 200, 400 - vous allez jusqu'à 400 - le programme des libéraux était quand même plausible à 300 têtes. Vous allez...

M. Garon: II fallait partir à 300.

M. Picotte: ...jusqu'à 400, vous-même.

M. Garon: II fallait qu'ils partent à 300 têtes et il n'y avait pas de boeuf au Québec.

M. Picotte: M. Talbot a été obligé de partir à 400 têtes...

M. Garon: II y avait 5000 têtes.

M. Picotte: ...et il a fait faillite. C'est ce qui est arrivé à M. Talbot; on l'a obligé à partir à 400 têtes et cela n'a pas fonctionné.

M. Garon: Vous pouvez bien charrier...

M. Picotte: M. le Président, je m'excuse...

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Picotte: Je m'excuse. Je voudrais faire une question de règlement. Je n'accepterai pas que le ministre me dise que je charrie quand j'essaie de savoir la vérité. Il y a un témoin qui a prêté serment qui nous a dit cela et un autre témoin nous a dit autre chose. Moi, j'essaie de voir clair. Il n'y a pas de charriage là-dedans.

Le Président (M. Vallières): M. le ministre.

M. Garon: Si c'est cela, M. le Président, que la commission fasse venir le fonctionnaire pour donner une chance égale au fonctionnaire. Ce n'est pas moi qui ai fait le dossier. C'est facile à affirmer et là, c'est ce que vous affirmez. Je pense qu'il ne faut pas faire d'affirmation gratuite alors que tous les documents qu'on a démontrent le contraire. Je peux vous produire le programme, le guide d'établissement, pas la couverture, le guide complet. Si vous voulez qu'on vous en dépose une copie, on va vous en faire parvenir une copie et vous verrez que ce ne sont pas 400 têtes; ça commence à 50 têtes. C'est le programme national et on avait plusieurs programmes régionaux. Je me demande s'il n'y avait pas un programme régional en Estrie. Il y avait des petits programmes dans plusieurs régions.

M. Picotte: M. le ministre, je vais aller plus loin que cela. Quand M. Talbot a comparu, il nous a, en plus, déposé un document signé faisant état des 400 têtes

exigées. Je le lis: "1979-06-08 C. L. (Clément Lavoie) OCAQ." C'est un document officiel de rentabilité qu'on a écrit et qui a été déposé par M. Talbot.

M. Garon: Et puis?

M. Picotte: II était sous serment. J'essaie de découvrir la vérité. On lui a parlé d'une rentabilité à 400 têtes et, à 200, il n'y en avait pas.

M. Garon: Mais si M. Talbot a demandé d'avoir des projections de types d'établissement en fonction du nombre, écoutez, vous avez dit tantôt vous-même qu'il y en avait une à 200 et une à 400. J'ai bien compris, vous avez dit qu'il y avait une projection à 200 et une à 400.

M. Picotte: On lui a...

M. Garon: Un instant! M. le Président, je vais relever les notes parce que je pense que le député de Maskinongé a dit qu'il y avait une projection à 200 et une autre à 400.

M. Picotte: Non. J'ai dit que M. Talbot voulait avoir 200, qu'on lui a imposé 400, qu'il a pris la peine de réfléchir et qu'ensuite il a dit: La première année, 200 têtes, mais la deuxième année, il va se rendre à 400 selon les projections. C'est pour cela que j'ai parlé de 200 et 400, parce que c'est ce qu'il a fait comme projection avec le fonctionnaire de l'Office du crédit agricole avec document déposé ici par lui comme projection. C'est ça qu'il nous a dit ici à la commission.

M. Garon: Je peux vous dire qu'il n'y a aucune mesure, rien. Je n'étais pas là lors de l'entrevue entre le fonctionnaire et l'agriculteur. Je peux vous dire qu'il n'y a aucun document, aucune formule du ministère, rien n'exige cela. Ce n'est pas comme cela que cela fonctionne; c'est de 50 à 400. Vous me poseriez toutes les questions que vous voudriez, la seule chose que vous pourriez faire, c'est de faire venir le fonctionnaire qui a fait l'entrevue. Vous avez beau le faire venir.

L'office dit avoir eu une demande de 400. C'est pour cela qu'ils ont fait une projection à 400 parce qu'en l'occurrence le client avait fait une demande de projection à 400, après une discussion avec eux. Apparemment, vous auriez le document dans le dossier du 23 mai 1979.

M. Picotte: II y a eu une demande de 400, selon ce qui nous a été rapporté ici parce que, justement, l'officier de l'Office du crédit agricole qui l'a rencontré lui a dit: II faut que tu fasses une demande de 400, tu n'as pas de rentabilité autrement. C'est ce qui nous a été dit ici. C'est l'officier, le responsable de l'Office du crédit agricole qui l'a dirigé et il s'est, évidemment, fié au programme établi.

M. Garon: II n'y a pas de modèle là-dedans. Si quelqu'un veut être à temps plein, ils vont discuter pour savoir ce que cela rapporte à temps plein. Si quelqu'un dit: Je vais "chauffer" un camion pour les écoles...

Des voix: Un camion!

M. Garon: Un autobus scolaire à mi-temps, je vais faire l'élevage du boeuf et, avec ça, je calcule qu'une production de tant de têtes serait suffisante, l'office va faire une projection là-dessus.

Si quelqu'un d'autre dit: Je veux être à temps plein parce que j'ai déjà une ferme. M. Talbot, si ma mémoire est bonne, avait une ferme laitière, une entreprise, quelque chose qu'il voulait transformer en élevage de boeuf. S'il a discuté de son cas et qu'il a dit, à un moment donné: Je veux aller à 400, le fonctionnaire lui a fait une projection à 400. Je suis persuadé que, si on regarde dans la région, il y a plusieurs fermes et qu'elles ne sont pas toutes parties à 400. (23 h 15)

M. Picotte: Quand vous lancez un nouveau programme, M. le ministre, soit dans le bouvillon ou peu importe le programme, quelle relation s'établit entre votre ministère et l'Office du crédit agricole? Quand un programme est lancé, souvent on entend dire que l'Office du crédit agricole ouvre la machine et dit: Maintenant, dans ce domaine-là, il y a un nouveau programme; il semble y avoir une rentabilité et on prête; ne vous gênez pas; on y va. Je vous dis ce qu'on s'est fait dire. J'essaie de savoir ce qui est vrai et ce qui n'est pas vrai. Je suis bien obligé de poser des questions dans ce sens-là.

M. Garon: D'abord, il y a toutes sortes de gens...

M. Picotte: Quelle sorte de relation s'établit entre le MAPAQ et l'Office du crédit agricole? Est-ce que quelqu'un parle à M. Moreau et lui dit: On a un nouveau programme maintenant et on prétend qu'il y a une rentabilité; il va falloir X millions, en tout cas, des possibilités d'emprunt de la part des agriculteurs si on veut que cela fonctionne. Vous parlez d'autosuffisance et vous voulez que cela grossisse, mais il faut, d'autre part, qu'il y ait de l'argent provenant de l'office qui soit injecté pour que les gens aillent dans cette production et que cela fonctionne. D'abord, quelle sorte de discussion y a-t-il? Entre qui cela a-t-il lieu? Entre le président et le ministre, j'imagine,

ou un sous-ministre. À ce moment-là, on va peut-être déceler que, dans l'euphorie du moment, quand on vend un nouveau programme, avec la meilleure volonté du monde, les fonctionnaires de l'Office du crédit agricole disent: Les gars, il faut embarquer là-dedans; ce sera bon. J'essaie de savoir ce qui se passe quand vous établissez un nouveau programme.

M. Garon: Ce que vous dites n'est pas exact. Je vais vous en donner la meilleure preuve. Je pense que la meilleure preuve c'est quand on a commencé à parler de développer la production du boeuf. On importe en moyenne au Québec pour 800 000 000 $ de boeuf par année. Le secteur du lait ne progressera plus beaucoup. Cela va prendre un gros effort pour maintenir le niveau de production. Les trois plus grandes possibilités, c'est le boeuf, les céréales et l'horticulture. Le boeuf, c'est un marché de 800 000 000 $. C'est évident, quand on a commencé à parler de développer la production du boeuf, que beaucoup de gens n'y croyaient pas. Je me rappelle même une réunion tenue à Saint-Hyacinthe où on m'avait rapporté que le coordonnateur adjoint avait dit publiquement qu'il n'était pas fort pour la production du boeuf. Les gens avaient dit: Vous devriez le condamner parce qu'il ne partage pas les idées du ministère. J'avais répondu: S'il faut que je condamne tout le monde qui ne partage pas nos politiques, cela fera peut-être beaucoup de gens à "maganer". Qu'est-ce que vous voulez, il a donné son opinion! Il y a des gens qui y croient beaucoup; d'autres qui y croient moins. Il y a des agronomes qui jurent rien que par le lait. Il y en a d'autres qui croient beaucoup aux céréales. Il y en a d'autres qui croient beaucoup au boeuf.

Quand on fait des projets, quand on travaille ainsi, c'est évident qu'on travaille ensemble. Souvent, les modèles sont étudiés par l'office, le ministère et les régies des assurances en même temps. Ils travaillent sur ces projets-là. Quand quelqu'un fait une demande, il n'y a pas un cas pareil. J'ai écouté les représentants de l'UPA. J'ai beaucoup aimé quand ils ont dit: Cela dépend de la ferme familiale; c'est bien difficile à définir. Il n'y a pas un cas pareil. Il va arriver quelqu'un qui va dire: Je veux emprunter de la société fédérale et je veux la subvention du ministère; je me suis fait financer à la société fédérale. Il y en a d'autres qui ne veulent pas se faire financer, qui se financent sans passer par nous autres, mais qui veulent la subvention. Il y en a beaucoup, surtout dans la production du boeuf, qui ne sont pas à temps plein. Ce n'est pas leur principale production. Donc, ils n'ont pas besoin du crédit agricole, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas accès au crédit agricole. Il y en a beaucoup qui sont dans la production du boeuf qui n'ont pas accès au crédit agricole, parce qu'ils ne sont pas à temps plein. Par ailleurs, ils produisent plus que pour 3000 $ par année; ils ont droit aux mesures du ministère. Cela dépend de chacun des cas. Il y a plusieurs cas différents là-dedans.

Mais quand il y a des gens qui veulent se faire financer par l'office et qu'ils vont voir les gens du ministère, il y a un rapport qui se fait entre eux. De plus en plus, d'ailleurs, les bureaux de l'office et les bureaux du ministère vont être dans la même bâtisse. C'est ce qu'on est en train de faire. D'ailleurs, je pense que quelqu'un a dit, cet après-midi, qu'on voulait faire des réaménagements. Oui, on veut faire des réaménagements, parce qu'on veut avoir des meilleurs services. Autrefois, c'était uniquement la production laitière.

Aujourd'hui, il faut penser en termes de production polyvalente dans les régions. On veut avoir des bureaux polyvalents. On va transférer les gens du bureau régional dans des bureaux locaux pour une meilleure accessibilité aux cultivateurs, pour que les gens donnent un meilleur service, avec l'Office du crédit agricole, dans le même bureau. C'est cela qu'on fera pour que les gens puissent travailler ensemble. C'est cela le but.

M. Picotte: M. le ministre, on ne se contera pas d'histoires ensemble. On va tout simplement faire une discussion pratique. Je ne nie pas cela et je ne conteste pas cela. Quand le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, par une décision politique - c'est son choix, c'est son droit, cela lui appartient et c'est lui qui doit en assumer la responsabilité; je ne mets pas cela en cause, d'aucune façon -décide de vouloir atteindre l'autosuffisance dans une production donnée - peu importe laquelle...

Une voix: Oui.

M. Picotte: ...ne discutons pas pour savoir laquelle - on ne se contera pas d'histoires ensemble, on sait très bien qu'automatiquement, si on veut que cette production prenne de l'expansion, il faut injecter des montants d'argent du côté de l'Office du crédit agricole. C'est vrai aussi. Il n'y a pas d'histoires là-dedans. Quelle sorte de relation avez-vous avec le président de l'office à ce moment-là pour lui dire: M. le président, on a un nouveau programme, on y croit, cela va révolutionner le monde? Tel que je vous connais, vous devez employer des termes comme cela. Cela va révolutionner l'agriculture au Québec. Qu'est-ce que vous dites au président de l'office pour ouvrir les valves? Il devine peut-être cela aussi. J'ai écouté M. Moreau cet après-midi et c'est

vrai qu'il est perspicace. Je crois qu'il devine cela. Il voit cela dans vos programmes. Effectivement, il doit y avoir une relation...

M. Garon: M. le Président, je pense que le député de Maskinongé est complètement en dehors de ce qui a été dit dans les témoignages. Les témoignages ont plutôt mentionné que ce n'était pas moi qui dirigeais le président, que c'est lui qui me manipulait. C'est ce qui a été dit ici.

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Garon: Je peux vous dire une chose.

M. Picotte: Vous avez l'air tous les deux difficiles à manipuler.

M. Garon: Je vais vous dire une chose: Lorsqu'on veut développer une production, on n'oblige personne de force à développer cette production; on rend des programmes accessibles, disponibles. Ce sont des mesures incitatives. Lorsque vous enseignez l'économique - j'ai déjà enseigné un peu l'économique et il y a quelques économistes ici - il y a des distinctions entre les mesures incitatives et les mesures impératives; on parle de la planification incitative et de la planification impérative. On a des mesures incitatives parce qu'on souhaite développer la production du boeuf au Québec, mais on ne veut pas la développer de force. Pour ceux qui le veulent, il y a des mesures possibles. C'est la même chose pour Corvée-habitation. Celui qui veut se bâtir une maison a le droit de recourir au programme et d'avoir une subvention sur son intérêt, mais il n'est pas obligé de se bâtir une maison. Dans tous les programmes du gouvernement, les gens ne sont pas obligés. Ils peuvent le faire.

Je vais vous dire une chose: Plus on va développer le boeuf au Québec, plus je vais être heureux, parce que cela va faire travailler des gens. M. Moreau a donné des chiffres sur les faillites dans le domaine du boeuf. Je l'ai entendu tantôt sur le perroquet. Pendant que je préparais mes affaires, le perroquet fonctionnait. Pour ceux qui ne le savent pas, le haut-parleur, au gouvernement, on appelle cela des perroquets. C'est parce qu'ils savent qu'il y a beaucoup de députés de l'Opposition qui parlent dans ces machines. Blague à part, M. Moreau disait, par exemple, combien d'emprunteurs dans le boeuf avaient fait faillite sur tous les emprunteurs dans le boeuf. Sur 984, il y en a 30 qui ont fait faillite. Alors que la production nord-américaine baisse de façon fulgurante, celle du Québec progresse. Pourquoi? Parce qu'on a des mesures de soutien. Avec les mesures de stabilisation des revenus, on a payé des gros montants. Je dois assez me battre au Conseil du trésor pour les maintenir que je sais ce que je veux dire.

M. Picotte: Ne serait-il pas possible...

M. Garon: Allez voir dans les autres provinces, il n'y a pas de mesures de cet ordre. Pourquoi? Parce qu'on sait qu'on vit actuellement une phase d'implantation dans le boeuf. Les gens de l'Ontario ont commencé la production du boeuf avant, parce qu'il y avait des gouvernements plus dynamiques en Ontario qu'au Québec dans ce temps-là.

M. Picotte: Ne serait-il pas possible...

M. Garon: Laissez-moi finir. Le boeuf s'est développé en Ontario et, aujourd'hui, ils ont des équipements amortis qui leur coûtent moins cher de frais de fonctionnement. Au Québec, il faut tenir compte de ces facteurs dans les coûts de production pour l'assurance-stabilisation. C'est pour cela que nos paiements sont plus élevés au Québec qu'en Ontario. Cela se justifie. Chaque fois qu'on défend les budgets au Conseil du trésor, je peux vous dire qu'on emploie les arguments. On emploie les arguments, parce qu'on est dans une phase d'implantation et, lorsqu'on implante un secteur économique, il faut l'aider davantage que lorsqu'il est rendu à maturité.

M. Picotte: On va mettre Corvée-habitation à part. Ne serait-il pas possible que, lorsque le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a vanté son programme qu'il veut atteindre de toute façon puisqu'il l'a conçu - il a vanté cela, j'imagine, à M. Moreau qui était président de l'office; je ne nie pas cela, il n'y a pas de problème à cela, il n'y a pas de honte ni de péché à faire cela - dans cet engouement et dans cet optimisme, ce débordement d'optimisme, M. Moreau, après avoir consulté ou après avoir eu, j'imagine, une rencontre avec ses officiers, ait tellement mis d'optimisme à vendre le programme du ministre de l'Agriculture que le gars est arrivé chez M. Talbot et lui a dit: Il y a une rentabilité à 400 têtes, mon ami Talbot, et il faut que tu y ailles? Parce qu'il y a du débordement d'optimisme, ne serait-il pas possible que cela arrive, des cas comme cela?

M. Garon: II faut être cohérent. L'Office du crédit agricole ne fournit pas, à peu près. On dit: II faut trop de temps pour avoir un prêt. Pensez-vous qu'il court après les gens pour leur prêter? Il en a assez des demandes qu'il a là. La demande est trop forte. On en refuse un certain nombre; je ne sais pas si on vous a donné les statistiques

des refus: 25% à 30%. Ce sont les gens qui viennent. On ne court pas après les gens. On ne fait pas de publicité pour...

M. Picotte: M. le ministre, c'est vrai qu'ils ne doivent pas courir après les gens, mais ne se pourrait-il pas, que cela arrive lorsqu'on veut faire changer de production un gars? On ne court pas après lui. Il est en difficulté. Il est devant l'office et se dit: II faut que je trouve une façon de m'en sortir. Alors, on n'a pas besoin de courir après parce que c'est nous qui allons lui dire: Écoute, je pense que tu devrais te lancer là-dedans parce que cela va bien aller. On a un optimisme, on sait qu'on a un programme à vendre et on a les piastres qui vont avec; pour partir, il n'y a rien de trop beau. Là, on ne court pas après le gars parce qu'on lui dit: Il faut que tu changes; c'est toi-même qui nous soulignes qu'il faut que tu changes d'orientation. C'est là parce que c'est beau, c'est le paradis terrestre.

M. Garon: Puis?

M. Picotte: Alors, c'est cela. Quand les gens sont dans des difficultés comme cela...

M. Garon: Vous ne me parlez pas des députés libéraux qui appellent à l'office pour faire accélérer des prêts, qui incitent des gens...

M. Picotte: Cela ne change rien.

M. Garon: ...à avoir des prêts alors...

M. Picotte: Bien oui. Il y a des députés péquistes qui font cela.

M. Garon: ...que le fonctionnaire analyse tranquillement le dossier.

M. Picotte: L'UPA fait cela. M. Garon: Un instant!

M. Picotte: Des députés péquistes et des députés libéraux.

M. Garon: Non, non.

M. Picotte: Cela ne change absolument rien. Cela ne change pas le programme et cela ne change pas l'incitation.

M. Garon: Alors que les fonctionnaires analysent le prêt tranquillement pour voir s'ils doivent prêter ou non, des députés libéraux appellent pour faire des pressions pour accélérer le prêt.

M. Picotte: Oui, parce que cela prend six, huit mois et un an. On a parlé de 99 jours. On a fait une opération-choc...

M. Garon: II faut que vous soyez cohérent; cela prend du temps.

M. Picotte: ...qui n'a pas duré bien longtemps.

M. Garon: Cela prend du temps ou bien on court après les gens.

M. Picotte: Cela n'a pas duré beaucoup plus longtemps que le concours du plus bel homme d'après ce que je peux voir.

M. Garon: Vous savez... M. Picotte: Écoutez! M. Garon: Oui.

M. Picotte: II ne faut pas charrier parce qu'il y a des députés libéraux qui appellent à l'office. Ils font exactement le travail...

M. Garon: Les députés libéraux aimaient mieux faire cela pour Jean Lesage.

M. Picotte: ...que leurs commettants leur demandent de faire. L'UPA l'a fait dans certains cas - j'ai posé la question - pour certains de ses membres. Les députés péquistes autour de la table qui n'ont jamais appelé à l'office pourraient lever la main. On va regarder ce qui se passe pour voir. J'ai l'impression que les mains ne seront pas... On n'a pas l'air de compter grand monde qui lève la main. Il n'y a rien là! Qu'on n'amène pas le charriage des députés libéraux qui appellent à l'office. J'ai appelé - il n'y a pas de honte à cela - j'ai parlé à M. Moreau et je vais continuer d'appeler parce que j'essaie de sauver certains de mes commettants qui sont près de la faillite ou de la liquidation. C'est tout simplement cela. On parle d'un programme du MAPAQ avec de l'argent qui est mis à la disposition des agriculteurs et de l'incitation que font, d'après ce qui nous est rapporté, des membres de l'office...

M. Garon: Les interventions politiques auprès de l'office.

M. Picotte: ...auprès d'agriculteurs pour qu'ils aillent dans ces domaines. C'est de cela qu'on parle.

M. Garon: L'office est là pour administrer une loi. Vous n'avez pas besoin, comme député, de faire des interventions politiques auprès de l'office.

M. Picotte: Je n'ai fait aucune intervention politique.

M. Garon: Je suis un peu surpris qu'il y

ait autant d'interventions politiques.

M. Picotte: J'ai appelé, à la demande d'un commettant, pour savoir si son dossier ne pourrait pas être révisé et s'il ne pourrait le recevoir. C'est cela. Reprochez donc cela à qui vous voudrez...

M. Garon: Vous vouliez le faire passer avant un autre?

M. Picotte: Non, non. M. Moreau, est-ce que je vous ai demandé de faire passer un dossier avant un autre? Le ministre de l'Agriculture dit n'importe quoi, j'aimerais savoir cela.

M. Garon: Pourquoi téléphonez-vous?

M. Picotte: Pour qu'il puisse rencontrer quelqu'un, car il n'est pas capable de dépasser les frontières du bureau régional, M. le ministre. C'est un autre point. Lorsque cela arrive au bureau régional, cela fait cela... Même si le gars veut aller plus loin avec des spécialistes, cela prend des bons téléphones pour aller en haut. C'est cela qu'on fait. Il n'y a rien là.

Le Président (M. Vallières): À l'ordre s'il vous plaît, M. le député de Maskinongé!

M. Picotte: Bien souvent, cela rend service, à part cela.

Le Président (M. Vallières): Je m'excuse de devoir vous interrompre. C'est que le temps qui était mis à votre disposition est maintenant écoulé.

M. Picotte: C'est sûr que, si un député ne fait pas de bureau, il n'appelle pas à l'office, mais il ne rencontre pas d'électeurs, non plus.

Le Président (M. Vallières): Merci. J'ai une demande d'intervention du député d'Arthabaska. (23 h 30)

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, je voudrais essayer d'éclaircir cela. Vous me direz si mon calcul est faux, s'il n'est pas bon ou s'il n'a pas du tout de bon sens. On laisse entendre que, dans le cas Talbot, il a été forcé par l'office d'accepter ce prêt ou d'aller à 400 têtes. Que ce soit dans le cas de M. Talbot ou dans un autre cas - je ne veux pas faire de personnalités - est-ce possible qu'à cause du taux d'endettement de l'emprunteur, si on calcule sa rentabilité -parce qu'on sait que l'office ne prêtera pas si ce n'est pas rentable et je pense que c'est correct - le conseiller financier puisse lui dire: À 200 têtes, tu n'es pas rentable; donc, cela te prend 400 têtes pour être capable d'augmenter tes revenus globaux pour couvrir ta dette ou être capable de rembourser ton prêt? Je ne sais pas si mon calcul est bon ou s'il n'est pas bon, mais si c'était cela le problème, après que le conseiller financier lui a dit: II faut que tu aies 400 têtes pour obtenir la rentabilité, l'emprunteur reste toujours libre de dire: Oui, je vais à 400 têtes ou je n'y vais pas parce que je trouve que c'est trop gros. Est-ce que ce peut être cela, la solution au problème?

M. Garon: Ce que vous dites là est possible. C'est l'étude d'un dossier. Chacun des dossiers est différent, mais en fonction de chaque situation le dossier est analysé et le conseiller du crédit agricole va dire: Si ta ferme n'a pas de perspective de rentabilité, on ne peut pas te prêter. Mais il n'oblige personne à avoir tel niveau de ferme.

M. Baril (Arthabaska): D'accord, mais je pense que c'est important pour qu'on ne se laisse pas sur une impression peut-être fausse.

Une dernière question pour ma part, M. le ministre. J'ai sursauté un peu quand on a cité - c'est M. Talbot qui l'a fait - que, lors d'une rencontre que vous auriez eue avec des agriculteurs probablement à la Flèche d'or à Saint-Cyrille, vous auriez dit aux gens: Si vous voulez sauver vos terres, vos entreprises, passez à l'intégration. Je suis resté un peu surpris de cela. J'aimerais que vous puissiez commenter.

M. Garon: Tout le monde sait que, dans toutes les mesures qu'on a adoptées, l'intégration n'a pas été admise. Par exemple, l'assurance-stabilisation, ce n'est pas possible pour des fermes intégrées. Le mouvement coopératif, Cobec, a bien essayé, mais on a regardé cela et on a dit: il n'y a pas de différence avec l'intégration privée, vous n'aurez pas droit aux mesures. Les avocats ont fouillé cela de toutes les manières possibles et ce n'était pas possible de faire la distinction entre l'intégration coopérative et privée, puis on n'a pas voulu. Si j'avais été un partisan de l'intégration... Au contraire, voici ce que j'ai déjà dit publiquement à un seul endroit, soit au Colisée, quand il y a eu une assemblée avec plusieurs cultivateurs où on voulait me forcer. J'ai même résisté à une manifestation de 8000 personnes qui disaient - pas résisté, il y avait toutes sortes de raisons là-dedans - Vous devriez permettre la stabilisation coopérative pour l'intégration coopérative. J'ai dit publiquement, devant 8000 personnes: Si vous voulez qu'on accepte l'intégration comme la production indépendante, je vous demande deux choses: une résolution de l'assemblée générale de l'UPA et une résolution de l'assemblée générale de la Fédérée. Après, on regardera cela. Avant, j'ai dit que l'intégration n'était

pas notre politique. Notre politique, c'est la production indépendante. J'ai toujours exprimé cela partout.

Mais j'ai toujours dit aussi que, si quelqu'un voulait s'intégrer, c'est sa décision à lui, ce n'est pas la mienne. Ce n'est pas à moi de décider pour lui. Sauf qu'il y a des mesures au gouvernement qui ne sont pas disponibles pour les producteurs intégrés. Au contraire, on a essayé d'en désintégrer plusieurs, de les aider s'ils se désintégraient. L'intégration n'a jamais été notre politique. La seule chose que j'ai dite déjà, pas une fois, plusieurs fois: Si les gens veulent s'intégrer, c'est leur affaire, mais on n'est pas obligé de les aider pour s'intégrer parce que ce n'est pas notre politique.

Plusieurs m'ont demandé qu'on ait des politiques en faveur de l'intégration. Jamais on n'a embarqué là-dedans. Cela a été toujours clair et je pense bien que, si vous le demandez à tous ceux qui me connaissent, qui ont travaillé avec moi au cours de dernières années, à quelque niveau que ce soit, ils vont vous dire que là-dessus j'ai toujours été d'accord avec la politique des producteurs indépendants. Mais s'il y en a qui veulent s'intégrer, contrairement à ce qu'on dit, je suis beaucoup plus démocrate qu'on ne le pense, ce n'est pas à moi de décider de la forme de tenure que les gens veulent faire. Sauf que notre politique, ce n'est pas une politique d'intégration, c'est une politique de production indépendante. Par ailleurs, s'il y a de l'intégration volontaire, je ne peux pas aller fouiller chez chacun pour décider à sa place, si les gens veulent produire de cette façon.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le ministre. Au terme de nos travaux, je veux vous indiquer que la commission a maintenant complété le mandat qu'elle s'était donné et que, dans un avenir prochain, nos recommandations et nos conclusions seront rendues publiques dans un rapport que je déposerai à l'Assemblée nationale. À moins d'avoir une demande d'intervention, je me préparais à ajourner.

M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, effectivement, vous allez me permettre sans doute - compte tenu du temps, j'essaierai d'être bref - d'émettre certains commentaires et certains voeux à la fin de ces deux journées de travaux à la commission parlementaire.

Nous sommes obligés de constater - et je pense que cela ne sera pas difficile à démontrer; la lecture du journal des Débats pourra nous le préciser davantage - que nous avons entendu je ne sais pas si je dois dire plusieurs vérités ou plusieurs mensonges, dépendamment de l'idée qu'on peut se faire des interventions comme telles. Une chose est certaine, c'est que, sous la foi du serment, beaucoup de personnes ont passé en avant, ici à la commission; des gens sont venus nous jurer que tel objet était noir pendant que d'autres sont venus nous jurer que tel objet était blanc. Je sais très bien que la vérité c'est blanc ou c'est noir, mais cela ne peut pas être les deux à la fois.

Notre commission ne pourra pas, à mon avis, tirer une conclusion sans qu'on ait une séance de travail que nous pourrions avoir la semaine prochaine ou dans les jours subséquents. Étant donné que les gens ont assisté, que les médias d'information étaient là et que cela a été public, j'espère que notre séance de travail pourra aussi être publique puisqu'il y a des choses qui peuvent intéresser des gens. J'imagine qu'on ne pourra pas faire des recommandations sans, pour autant, se donner l'occasion possiblement d'interroger d'autres personnes pour essayer de savoir où est la lumière. Sinon - plusieurs des intervenants qui ont passé, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, M. Moreau aussi et d'autres l'ont souligné - des gens vont être venus nous dire des choses qui n'étaient probablement pas conformes à la vérité et pour lesquelles il n'y aura pas d'autres suites.

Je serais déçu, moi aussi, comme le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, si notre commission, qui a voulu être un modèle de commission dans les discussions qu'on a amorcées à ce jour et dans les mandats qu'on s'est donnés, ne puisse pas aller plus en profondeur pour faire réellement la lumière et pour rendre justice à ceux à qui cela doit rendre justice, sans me prononcer parce que je ne peux pas me prononcer présentement. Je ne suis pas capable de le faire maintenant; j'ai entendu tellement de versions contradictoires, dois-je le dire. Je pense qu'il faut rendre justice à des gens et cette justice devra sortir. Je vous dis immédiatement que nous devrions, normalement, avoir la possibilité d'entendre d'autres personnes qui ont été citées pour essayer de voir si effectivement il est exact ou pas que des choses se sont produites. J'aimerais que ce comité soit public puisque nos délibérations le sont aussi. Cela rendra encore possiblement justice à ceux à qui cela doit rendre justice. J'ose espérer que la conclusion à laquelle nous arriverons sera empreinte de sagesse, de sérénité et surtout de justice.

Le Président (M. Vallières): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres demandes d'intervention?

M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: M. le Président, je veux, tout simplement, remercier tous ceux qui, de près ou de loin, ont rendu possible cette

commission. Il est certain que cela n'a pas toujours été facile. Le travail qui nous attend sera probablement encore plus difficile, mais je suis persuadé qu'ensemble, en mettant toute la bonne foi possible, on essaiera de tirer les conclusions qui s'imposent afin de faire toute la clarté et la lumière sur ce dossier. Je vous remercie.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Pour employer un langage très populaire depuis le passage d'un certain grand personnage au Québec, je vous dirai à tous: "Dormez bien" et la commission...

M. Picotte: M. le Président, en terminant, je voudrais non seulement féliciter les gens qui sont venus nous éclairer ou qui devaient venir nous éclairer, mais souligner aussi votre excellent travail et le travail aussi du secrétaire de la commission qui nous a fourni une assistance un peu spéciale, de même que son personnel, lors de ces études.

Le Président (M. Vallières): Merci. La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 41)

Document(s) associé(s) à la séance