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(Dix heures neuf minutes)
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation reprend ses travaux. Les membres de la commission sont les
suivants. M. Baril (Arthabaska), M. Beaumier (Nicolet), M. Beauséjour
(Iberville), M. Dubois (Huntingdon), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M.
Gauthier (Roberval), M. Houde (Berthier), M. Le May (Gaspé), M.
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Maltais (Saguenay), M.
Pagé (Portneuf), M. Picotte (Maskinongé), M. Proulx (Saint-Jean)
et M. Vallières (Richmond). La commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation se réunit afin d'étudier les
dossiers des sept grévistes de Saint-Cyrille-de-Wendover et d'entendre,
à cette fin, et dans l'ordre suivant pour la journée
d'aujourd'hui... Oui, M. le député de Maskinongé, sur une
question de...
M. Picotte: De règlement.
Le Président (M. Vallières): ...de
règlement.
M. Picotte: Cela devrait être une question de
règlement. J'aimerais tout simplement vous souligner un fait. Je
voudrais porter à votre attention le fait que j'ai pu déceler ce
matin, à la lecture des journaux... J'ai remarqué - je ne sais
pas si vous l'avez fait - qu'à la lecture des journaux on se rend compte
qu'il y a des documents confidentiels notés d'un embargo qui ont
été publiés dans les journaux ce matin. Évidemment,
j'ose prétendre que ce n'est pas la commission comme telle qui a fourni
ces documents puisque, effectivement, ces documents devaient rester la
propriété de la commission.
Cependant, si j'étais un des sept grévistes de la faim, je
serais profondément déçu de constater que, par une
machination politique quelconque, des documents ont été rendus
publics alors que ces gens dûment concernés n'ont même pas
accès à certains documents dans leurs dossiers. Je n'oserai pas
qualifier ce geste, mais je laisse le soin à tous ceux qui peuvent le
faire d'en tirer les conclusions et je trouve cela profondément
décevant. C'est le seul mot que j'utiliserai pour le moment.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député de Maskinongé, je vais immédiatement vous
indiquer qu'en aucune espèce de façon la commission, par le biais
de son président ou de son secrétaire, n'a remis des documents
à qui que ce soit au niveau de la presse.
Ceci étant dit, je veux vous faire part de l'horaire de notre
journée en espérant que nous pourrons le respecter dans toute la
mesure du possible. Ce matin, de 10 heures à 13 heures, nous entendrons
les représentants de la Fédération de l'Union des
producteurs agricoles. Il est à remarquer qu'un maximum d'une heure sera
alloué pour l'exposé préliminaire. Le reste du temps sera
consacré au dialogue entre les membres de la commission et l'UPA. De 15
heures à 18 heures, les représentants de l'Office du
crédit agricole seront reçus par la commission, avec un maximum
d'une heure pour l'exposé préliminaire et le reste du temps sera
consacré au dialogue avec les membres de la commission. Finalement, ce
soir, de 20 heures à 22 heures, le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, M. Jean Garon, sera entendu. Il disposera
d'un maximum d'une heure pour son exposé préliminaire et le reste
du temps sera consacré au dialogue entre les membres de la commission et
le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
En terminant, et afin d'éviter toute confusion possible quant au
mandat initial de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation, je veux à nouveau ce matin indiquer ici que notre
commission procédera, à compter de décembre, à une
consultation générale afin d'étudier les aspects de la
relève agricole, du financement et de l'endettement de l'agriculteur au
Québec.
Là-dessus, je demanderais aux représentants de l'UPA, par
le biais de leur président, M. Proulx, de procéder à la
lecture de leur mémoire.
Nous allons appliquer la même règle que celle que nous
avons appliquée hier aux divers témoins. Cela veut dire que nous
procéderons à l'assermentation des témoins. Je demanderais
à M. Proulx, à ce moment-ci, d'identifier les personnes qui
l'accompagnent.
M. Proulx (Jacques): M. le Président, il
y a avec moi à la table des dirigeants et les principaux
responsables des dossiers. Il y a M. Blanchette, qui est secrétaire
général; M. François Côté, qui est
économiste au Service d'études et de recherche; M. Gérard
Gras, qui est le premier vice-président, et M. Jean-Yves Couillard, qui
est le deuxième vice-président. Il y a avec nous aussi les
membres de l'exécutif qui auront, j'espère, la possibilité
de répondre à certaines questions, parce que chacun de nous a
à s'occuper de différentes facettes de tout le problème
que vous soulevez aujourd'hui.
Le Président (M. Vallières): M. le
secrétaire.
M. Blanchette (Jean-Claude): Moi, Jean-Claude Blanchette,
déclare solennellement que je dirai toute la vérité et
rien que la vérité.
M. Proulx (Jacques): Moi, Jacques Proulx, déclare
solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la
vérité.
M. Côté (François): Moi, François
Côté, déclare solennellement que je dirai toute la
vérité et rien que la vérité.
M. Gras (Gérard): Moi, Gérard Gras, déclare
solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la
vérité.
M. Couillard (Jean-Yves): Moi, Jean-Yves Couillard,
déclare solennellement que je dirai toute la vérité et
rien que la vérité. Voici votre carte.
Le Président (M. Vallières): Très bien. M.
Proulx.
Auditions (suite) L'UPA
M. Proulx (Jacques): Merci, M. le Président. Messieurs les
députés, nous ne pouvons vous cacher que nous nous
présentons ici aujourd'hui avec une certaine réticence. Votre
commission se réunit dans un contexte extrêmement émotif
pour examiner la situation particulière de personnes qui ont choisi,
pour exprimer leur désapprobation quant à l'évolution de
l'agriculture, de recourir à une méthode extrêmement dure,
à savoir une grève de la faim.
Quant à nous, nous avons encore assez de foi dans le
système démocratique pour penser qu'il existe d'autres moyens de
défendre un point de vue. Les grévistes de la faim ont
suscité des questions importantes quant à la situation actuelle
de l'agriculture, le sens de son évolution de même que les
politiques du gouvernement du Québec en matière agricole. Nous
sommes convaincus que ces questions auraient intérêt à
être débattues dans un contexte moins chargé de
sensationnalisme que celui d'aujourd'hui. De plus, une discussion en profondeur
sur la situation de l'agriculture, sur les politiques agricoles, sur le
financement agricole devrait réunir beaucoup plus d'intervenants qu'il
n'y en a ici. On pense aux différents groupes spécialisés
d'agriculteurs, aux syndicats de gestion, aux chercheurs, aux femmes, aux
institutions financières, aux principaux exécutants de la
politique gouvernementale. Tous ces gens ont des points de vue, des
éclairages qui doivent être considérés quand on
cherche à faire le point sérieusement et en profondeur sur la
situation de l'agriculture.
La formule des conférences socio-économiques est
certainement un instrument plus approprié à ce genre de
discussion que la commission parlementaire d'aujourd'hui. Une revue de ce qui a
été écrit au moment de la grève de la faim nous
rappelle que les questions soulevées dans l'opinion publique sont
extrêmement vastes et touchent l'évolution de l'agriculture dans
toutes ses dimensions de même que l'ensemble des politiques agricoles du
Québec. C'est un débat qui, à ce moment-ci, est
extrêmement polarisé: d'un côté, un ministre de
l'Agriculture entièrement satisfait de ses politiques et de ses
réalisations et de l'autre, des gens qui ont mis leur vie en danger
parce qu'ils pensent que nous évoluons vers une situation
désastreuse et que nous y sommes poussés par des politiques
agricoles, en particulier par les politiques de l'Office du crédit
agricole.
Nous n'avons pas l'intention ici de faire une analyse et de porter un
jugement sur des cas particuliers qui font l'objet de la commission
parlementaire. Notre premier rôle, comme organisation professionnelle,
est de travailler à la mise en place de politiques
générales pour l'ensemble de l'agriculture qui vont dans le sens
des objectifs formulés de façon démocratique par nos
membres. C'est pourquoi nous avons l'intention de centrer notre intervention
ici aujourd'hui sur les politiques agricoles plutôt que sur des
situations personnelles et particulières.
L'orientation de base de la politique agricole des dernières
années, c'est une volonté de développer la production
agricole du Québec et, en partie, par voie de conséquence,
l'industrie agro-alimentaire en général. Cette volonté
s'appuie sur le fait, trop souvent oublié, que l'agriculture est le
secteur primaire le plus important et que la transformation alimentaire est le
secteur manufacturier le plus important en termes d'emplois.
Cet objectif a souvent été décrit comme celui de
l'autosuffisance alimentaire. Ce mot est de moins en moins utilisé car
il
comporte un aspect défensif qui ne décrit pas la
réalité des choses. En réalité, ce qui a
été mis en place, ce sont les politiques pour développer
certains secteurs bien précis et bien identifiés où le
Québec était importateur de façon très importante
et où l'on pense que le Québec dispose des ressources humaines et
physiques pour que la production puisse se développer.
Concrètement, les efforts ont porté sur le boeuf, les
céréales et une gamme d'autres productions. Le boeuf est une
production agricole majeure où le Québec était presque
complètement absent, la presque totalité de la consommation de
viande de boeuf de qualité provenant de l'Ouest. Dans le cas des
céréales, elles sont l'intrant majeur de l'industrie animale au
Québec et, jusqu'à tout récemment, 70% des
céréales consommées au Québec étaient
importées de l'Ouest canadien et, à un degré moindre, de
l'Ontario et des États-Unis. En plus de ces deux secteurs majeurs, des
possibilités de développement ont été
perçues dans un grand nombre d'autres secteurs: certaines productions
maraîchères, agneau, sirop d'érable, vison, truite
d'élevage, lapin, chèvre, chevaux.
Cela a-t-il été une erreur de vouloir développer
ces productions au Québec? Y a-t-il eu des erreurs majeures au niveau
des politiques mises en place? Ce sont là deux des interrogations qui
ont surgi dans l'opinion publique au moment de la grève de la faim.
Les moyens mis en place. L'action du ministère de l'Agriculture
se concrétise dans environ 60 programmes et politiques nationales en
plus d'un certain nombre de programmes régionaux. Quantitativement, il
est clair que les politiques qui ont mobilisé le plus de ressources
financières et qui sont généralement
considérées comme les programmes les plus importants sont le
crédit agricole, les programmes d'assurance-récolte et
d'assurance-stabilisation ainsi que les programmes d'aide à
l'investissement.
Dans les résultats, plusieurs mesures tendent à montrer
que les efforts des agriculteurs pour accroître et diversifier leur
production, jumelés avec les politiques agricoles mises en place, ont
produit un certain nombre de résultats significatifs.
Quant à l'emploi total dans le secteur de la production agricole
primaire, il y a, depuis 1975, une nette tendance à l'accroissement de
l'emploi total en agriculture. On peut estimer que l'emploi dans l'agriculture
primaire a, entre 1975 et 1977 et les années 1981 à 1983,
augmenté de plus de 5000 emplois, passant de 72 000 à 76 500. Au
niveau canadien, il n'y a pas de telle tendance. L'emploi total agricole au
Canada se situe au même niveau qu'en 1975.
Dans le développement des productions, il y a eu une expansion
marquée dans certains secteurs. Dans le porc, entre 1971 et 1976, les
producteurs de porc du Québec ont fait passer leur part de production
totale canadienne de 17% à 30%. De 1976 à aujourd'hui, ils ont
participé à l'expansion générale de la production
au Canada: depuis 1976, la production du Québec a augmenté, comme
celle du reste du Canada, d'environ 90%, et notre part du marché s'est
maintenue à un peu plus de 30%.
Des changements marquants sont survenus dans la production des
céréales. Dans ce secteur, les acrages sont passés de 837
000 acres en 1976 à 1 376 000 en 1984, soit un accroissement de 64%.
Dans la production du bovin de boucherie, les résultats sont
moins évidents jusqu'à maintenant. Le nombre de vaches de
boucherie sur les fermes, après avoir augmenté au début
des années soixante-dix et après avoir subi une baisse importante
en 1976 et en 1977, est demeuré sensiblement le même depuis 1977.
Le même phénomène se déroule dans le bouvillon de
boucherie. La production est stagnante. Cependant, il faut être conscient
qu'au cours de la même période le nombre de vaches de boucherie a
diminué de 17,5% à l'échelle canadienne et le nombre de
bouvillons de 26%. En d'autres mots, l'industrie naissante du boeuf s'est
maintenue dans une conjoncture générale à la baisse, de
sorte que notre part du marché canadien dans ces deux productions a
légèrement augmenté, tout en demeurant quand même
très faible à environ 4%.
En plus de ces grands mouvements, il y a des progressions importantes du
volume dans plusieurs productions comme l'agneau, la betterave à sucre,
les fraises et certains légumes.
Dans les fermes, si, au niveau global, il y a des signes de
progrès de l'agriculture, qu'en est-il des agriculteurs? Il n'y a pas de
réponse simple à cette question car la situation varie d'une
production à l'autre, d'un producteur à l'autre et, devrait-on
ajouter, d'une année à l'autre. Le nombre total de fermes
identifiées par le recensement a continué de diminuer, passant de
61 257 en 1971 à 51 587 en 1976, et à 48 144 en 1981. Cette
tendance est générale au Canada. Le rythme de diminution du
nombre de fermes au Québec, après avoir été plus
rapide pendant très longtemps, a été le même que
dans le reste du Canada depuis 1976.
Il faut ajouter que la diminution survenue au cours des dix
dernières années se situe au niveau des exploitations
déclarant moins de 5000 $ de ventes de produits agricoles. Le nombre de
fermes déclarant plus de 5000 $ a sensiblement augmenté, passant
de 29 613 en 1971 à 33 540 en 1981. Il y a donc eu un mouvement de
consolidation qui est un peu plus rapide au Québec qu'ailleurs au
Canada. Alors qu'en 1971 seulement 6% des fermes produisaient pour plus de 25
000 $ de revenus bruts
agricoles, comparativement à 47% pour l'Ontario, en 1981, 45%
dépassaient ce seuil, comparativement à 44% pour l'Ontario.
Le phénomème de consolidation est aussi très
apparent dans l'industrie laitière, où la production par ferme a
augmenté de 46% au Québec entre 1971 et 1981, passant de 234 000
livres à 343 000 livres, pendant qu'elle augmentait de 22% dans le reste
du Canada pour se situer à 399 000 livres en 1981. Ce faisant, le
Québec comblait une grande partie de l'écart qui le
séparait du reste du Canada au début des années
soixante-dix.
Quant aux revenus nets agricoles, ils ont connu au Québec, comme
au Canada, une augmentation très importante dans les années 1973,
1974, 1975. Au cours des années suivantes jusqu'à aujourd'hui,
ils sont demeurés supérieurs aux revenus des années
soixante, mais ont fluctué à la baisse par rapport aux revenus
des années 1973 à 1975. De sorte qu'actuellement, les revenus
agricoles nets, réels sont, au Québec, inférieurs de 31%
à ce qu'ils étaient en 1973, 1974, 1975. Au Canada, ils sont
actuellement inférieurs de 50,2%. Ces derniers chiffres reflètent
les conséquences qu'ont eues sur les revenus agricoles, au Québec
et ailleurs, l'augmentation des taux d'intérêt, l'affaissement du
prix du porc, du boeuf et des céréales au cours des
dernières années.
Autre indice des difficultés actuelles: la diminution de
l'équité des fermes que vient de mettre en évidence le
sondage de la société du crédit agricole. Entre 1981 et
1983, l'endettement des agriculteurs a crû plus rapidement que la valeur
des actifs, de sorte que l'équité a diminué. Ici encore,
ce n'est pas un phénomène particulier au Québec. Il est
clair que la conjoncture économique générale s'est
complètement renversée à partir des années
quatre-vingt.
Les années soixante-dix ont été des années
d'inflation et des années où les taux d'intérêt
réels - taux d'intérêt et inflation -ont été
faibles, parce que les marchés financiers se sont adaptés avec
retard à l'inflation. Dans un tel contexte, il était logique
d'emprunter et d'investir, y compris dans l'acquisition de nouvelles terres.
Cette conjoncture, jumelée avec la croissance des revenus des
années 1973 à 1975, a entraîné une demande pour les
terres et en a fait augmenter la valeur de façon très importante,
créant des plus-values comptables qui ont compensé dans l'esprit
des agriculteurs la tendance à la baisse des revenus agricoles
réels.
Depuis 1981, nous sommes entrés dans une situation
complètement différente. L'inflation est considérablement
ralentie. Les taux d'intérêt réels que nous connaissons
actuellement sont les plus élevés des dernières
décennies. C'est un changement radical. La décision qui
était la bonne il y a dix ans est celle qui aujourd'hui conduit à
des difficultés. En plus de ce renversement de situation en ce qui
concerne les taux d'intérêt, est survenue la crise du porc
où les prix se maintiennent très bas. Il y a aussi depuis 1981
une surproduction mondiale de céréales, ce qui ne s'était
pas vu depuis la fin des années soixante, qui a entraîné
une chute des prix. Et, tel que nous l'avons mentionné
précédemment, l'industrie du boeuf au Canada est en
décroissance depuis plusieurs années.
L'agriculture traverse des difficultés importantes actuellement,
c'est un fait indéniable.
Est-ce que cela constitue une preuve de l'échec de l'agriculture
et des politiques agricoles au Québec? L'union n'y croit pas.
Comme tous les pays du monde, nous faisons face à des changements
profonds dans le contexte économique général dans lequel
nous travaillons. Comme tous les agriculteurs du monde, nous traversons dans
plusieurs productions majeures une période extrêmement difficile.
(10 h 30)
À ce moment-ci, il ne s'agit pas de crier à l'échec
et de condamner ce qui a été fait. Il s'agit plutôt de
faire les ajustements nécessaires, tant au niveau des fermes qu'au
niveau des politiques gouvernementales, pour aider les producteurs à
traverser les difficultés actuelles, et d'en ressortir renforcés.
Il faut, à ce moment-ci, que soit réaffirmée dans des
gestes concrets la volonté politique du gouvernement de maintenir et de
développer l'agriculture au Québec.
Une autre question soulevée dans l'opinion publique dans le
contexte de la grève de la faim est celle de la survie de la ferme
familiale face à l'industrialisation de l'agriculture.
Pour certains, les fermes ont tendance à devenir trop grosses,
plus grosses que ce qui est nécessaire pour être efficaces tout en
faisant vivre une famille, et nous nous éloignerions de l'agriculture
familiale. À cette perception se rattache l'idée que plusieurs
agriculteurs investissent mal et surinvestissent, et deviennent plus gros que
ce qui est économiquement désirable, et se retrouvent finalement
écrasés sous le poids des dettes.
En même temps, les agriculteurs sont conscients qu'il y a une
évolution nécessaire, que la taille d'une ferme familiale
"normale" évolue à cause de l'évolution de la technologie,
laquelle engendre, selon l'expression des économistes, des
économies d'échelle, en ce sens qu'en utilisant les nouvelles
techniques de production et en atteignant une taille optimale, on réduit
le coût de production unitaire de chaque produit et on augmente la
rentabilité de l'entreprise.
Où se situe l'équilibre? Est-ce qu'actuellement il y a, au
Québec, de façon systématique, un grossissement
indésirable de la taille des entreprises? C'est une question
extrêmement complexe. Nous ne prétendons pas pour l'instant la
saisir dans toutes ses dimensions.
Sur cette question de l'accroissement de la taille des exploitations
agricoles en regard du concept de ferme familiale, nous voulons à ce
moment-ci exprimer les points de vue suivants.
Une ferme familiale est une entreprise où la famille fournit la
plus grande partie de la propriété, de la gestion et du travail
requis par l'entreprise.
La ferme familiale peut être un cadre de travail valorisant pour
ceux qui y travaillent et en font partie, et cela contribue à enrichir
l'ensemble de la société.
Ce mode de production tend à être hautement efficace,
à cause de sa souplesse et de sa capacité inégalée
de s'adapter aux circonstances diverses et changeantes de l'agriculture. Le
fait de travailler avec de la matière vivante, animale ou
végétale, a des implications énormes sur le fonctionnement
d'une entreprise. Il faut s'adapter continuellement et instantanément
aux variations de climat, à l'état des plantes et des
animaux.
L'entreprise de type familial possède cette capacité de
réaction instantanée qui fait son efficacité.
Les politiques agricoles doivent reconnaître l'avantage social et
économique de la ferme familiale et doivent viser à lui donner
les moyens de prospérer et de se développer.
La ferme familiale est souple et efficace au niveau de la production,
mais elle est faible au niveau de la mise en marché, en ce sens que la
production est écoulée par une multitude de petites unités
qui font affaires avec des acheteurs très regroupés et peu
nombreux. C'est un rapport de forces inégal.
Il est certain que, pour compenser cette faiblesse inhérente
à une structure familiale de production, il faut organiser la mise en
marché, regrouper les producteurs et la production pour modifier le
rapport de forces et mettre tous les producteurs sur un pied
d'égalité en ce qui concerne l'écoulement de leurs
produits, quelle que soit la taille de leur exploitation.
Par ailleurs, les forces du marché nous imposent de produire
à un coût de production le plus bas possible. Or,
l'évolution de la technologie a entraîné une capitalisation
accrue et une augmentation de la taille nécessaire des entreprises pour
réduire les coûts de production.
La question qui peut se poser est la suivante: Est-ce qu'il y a des
exagérations dans cette direction? La conjoncture économique
générale et agricole des années soixante-dix a
été particulièrement favorable à l'investissement:
conjoncture de prix assez bonne, taux d'intérêt réels
faibles, plus-values foncières importantes ont joué un rôle
dans ce climat.
Il y a eu, au début des années quatre-vingt, un revirement
complet de la conjoncture économique générale et agricole:
augmentation des taux d'intérêt, chute des prix des produits
agricoles majeurs, baisse de la rentabilité des fermes et baisse de la
valeur des actifs agricoles.
Ce revirement draconien de la situation a mis en évidence toutes
les faiblesses qui pouvaient exister au niveau de la rentabilité des
fermes et des politiques agricoles. Tous ceux qui n'avaient pas de marge de
sécurité, dont l'endettement était déjà
très élevé, tous ceux qui avaient basé leurs
décisions d'achat et d'investissement sur des attentes optimistes se
sont retrouvés coincés.
Dans ce climat un peu euphorique des années soixante-dix, il y a
eu dans plusieurs cas des manques de prudence et de bonne gestion où ont
été impliqués l'ensemble des intervenants: les
agriculteurs eux-mêmes, mais aussi les conseillers en crédit, les
vulgarisateurs en technique et en gestion agricole et, devrait-on dire, tous
ceux qui ont laissé ces choses se passer sans les dénoncer.
Une des leçons qu'il faut tirer de cette évolution
récente est qu'il faut collectivement - et je dis bien collectivement -
amplifier les efforts vers une meilleure efficacité technique et
économique des fermes.
La nouvelle conjoncture ne se prête certainement pas à un
accroissement de la taille des fermes. Il faut "grossir à
l'intérieur des clôtures" titrait un editorial de la Terre de
chez-nous, il y a quelques mois.
Il faut s'ajuster à deux réalités: le fait que
beaucoup de fermes sont devenues des PME et une conjoncture économique
qui s'annonce mauvaise. Ces deux réalités impliquent une gestion
beaucoup plus serrée et efficace.
Au niveau des politiques, les initiatives qui doivent être
privilégiées sont celles qui sont susceptibles d'améliorer
la gestion financière et technique des entreprises. En ce sens, une
formule comme celle des syndicats de gestion, qui vise justement à
donner aux agriculteurs le moyen de prendre les décisions
technico-économiques les meilleures, est plus susceptible de contribuer
au maintien d'entreprises familiales que beaucoup de batailles
idéologiques et de chiffres.
Par ailleurs, il nous paraît évident aussi qu'il ne faut
pas que l'aide favorise le développement d'entreprises qui sont
gigantesques par rapport à la taille normale
exigée par la technologie du moment.
Comme la taille précise de ce qu'est une entreprise familiale
concurrentielle et rentable évolue, les limites doivent être
établies de façon extrêmement souple et pragmatique, en
étroite consultation avec les producteurs.
Quoiqu'on en parle moins souvent, la question de la ferme familiale a,
à part le gigantisme, une deuxième dimension: l'agriculture
à temps partiel. Quelle place accorder, dans une vision du
développement de l'agriculture, aux exploitations de fermes à
temps partiel?
A la lumière de l'évolution des dernières
années, il faut se poser des questions à nouveau sur
l'agriculture à temps partiel.
Il est clair qu'à l'intérieur du syndicalisme agricole
nous avons travaillé et nous avons encore l'intention de travailler
à une agriculture pour en vivre. Nous avons demandé des
politiques qui tendaient vers des fermes où l'agriculture est la
principale occupation de l'exploitant. Ce modèle a fait ses preuves dans
un grand nombre de productions, notamment dans les domaines du lait, du porc,
de l'aviculture.
On ne peut que constater que, dans plusieurs des productions que l'on
cherche à développer au Québec et où on cherche
à favoriser et à implanter des entreprises assez grosses pour
occuper l'exploitant à temps plein... Si vous le permettez, je vais
demander à une autre personne de continuer la lecture. C'est à
cause de la cigarette, voyez-vous. S'il était défendu de
fumer...
Le Président (M. Vallières): Très bien. M.
Gras va continuer la lecture du texte. On pourrait peut-être demander la
collaboration des gens qui fument et leur demander d'essayer de s'en abstenir.
Ce n'est pas une règle absolue, mais des gens doivent prendre la parole
et cela leur nuit.
M. Picotte: M. le Président, il y a des systèmes
ici pour cela. Qu'on les fasse fonctionner tout simplement, s'ils ne
fonctionnent pas.
Une voix: Les systèmes sont faits pour la cigarette et non
pour les cigares.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
M. Picotte: ...changer avec le vice-président de la
commission.
Le Président (M. Vallières): Très bien. M.
Gras, vous pouvez y aller.
M. Gras: On ne peut que constater que, dans plusieurs des
productions que l'on cherche à développer au Québec et
où on cherche à favoriser et à implanter des entreprises
assez grosses pour occuper l'exploitant à temps plein, l'objectif ne
s'est que peu ou très partiellement réalisé. Il
s'avère extrêmement difficile de rentabiliser des exploitations
à temps plein dans ces productions.
Il faut réfléchir à la possibilité que, dans
certaines productions, il serait peut-être désirable que des
productions à temps partiel soient reconnues comme une contribution
nécessaire au développement de l'agriculture et que ce type
d'exploitation reçoive plus d'appui qu'il n'en reçoit
actuellement, en particulier au niveau du financement. C'est une question
à laquelle on doit réfléchir. Il faut être toutefois
très prudent, si on évolue dans cette direction, car plusieurs
dangers se présentent.
À l'intérieur de ce cadre, nous croyons qu'il faut entamer
une réflexion sur les politiques agricoles par rapport à
l'agriculture à temps partiel.
Le crédit agricole. Pour beaucoup de gens, le débat qui
doit se faire ici aujourd'hui est un débat sur le crédit
agricole. Cela résulte de ce que certains grévistes de la faim
ont fait du financement agricole et de l'Office du crédit agricole une
des causes principales, sinon la cause principale, de leurs difficultés.
Il est évident pour nous qu'une discussion sur le financement ne peut se
situer à l'intérieur d'une réflexion et d'une analyse
portant sur l'évolution globale de l'agriculture, ici et ailleurs, et
sur l'orientation d'ensemble des politiques agricoles. Le crédit est un
élément important, mais non le seul.
Concernant le crédit agricole dans cet ensemble plus vaste auquel
nous avons fait référence précédemment, nous tenons
à exprimer le point de vue suivant:
De 1971 à aujourd'hui, la valeur du capital investi dans
l'agriculture au Québec est passé de 2 200 000 000 $ à 9
900 000 000 $, soit une augmentation de 355%, soit un taux annuel
d'accroissement de 16,4%. L'actif total de la ferme moyenne est passé de
53 000 $ à 285 000 $.
C'est même une des caractéristiques de l'agriculture
d'aujourd'hui d'être un des secteurs où le degré de
capitalisation (mesuré par le rapport capital sur la valeur
ajoutée) est le plus élevé de toute l'économie, au
Québec comme ailleurs, en Amérique du Nord.
Dans la mesure où on a besoin du capital pour produire, on parle
nécessairement d'emprunts. Aucun secteur économique
n'opère à 100% d'équité. Quand on veut se
développer, on doit emprunter. Le capital emprunté est devenu un
instrument nécessaire dans les mains de l'agriculteur
propriétaire d'une ferme.
On pourrait choisir de laisser le système financier (les banques,
les caisses et toutes autres institutions financières)
satisfaire entièrement le besoin de financement du secteur
agricole.
Nous croyons quant à nous que la situation de l'agriculture est
tellement particulière à toutes sortes de points de vue qu'il est
désirable que l'agriculture soit financée par des institutions
spécialisées dans l'agriculture qui vont s'ajuster aux
particularités économiques, techniques et sociologiques de
l'agriculture.
Nous sommes convaincus aussi qu'il est dans l'intérêt
collectif que l'État s'implique dans le processus du financement de
l'agriculture, pour plusieurs raisons.
La première est que le financement est un canal par lequel on
peut contribuer à réaliser plusieurs objectifs d'une politique
agricole, comme par exemple le développement de nouvelles productions,
comme de faciliter la transmission d'une ferme d'une génération
à l'autre ou comme d'accorder aux femmes une plus grande place dans le
processus économique.
La deuxième est que l'agriculture est fondamentalement instable,
et est périodiquement secouée par des crises profondes qui
mettent en danger l'existence même d'un grand nombre de fermes.
Il se vit actuellement un bouleversement dans l'agriculture
nord-américaine. Après une décennie de marchés
relativement stables, de plus-value foncière importante, la
surproduction frappe, les prix tombent, la valeur des terres chute dans un
contexte où les taux d'intérêt demeurent très
élevés.
À tel point que le président américain, M. Reagan,
ce champion du libéralisme économique, met sur pied un programme
d'urgence pour garantir les prêts des agriculteurs aux banques en
échange d'une diminution de 10% de la dette.
Le Québec s'est impliqué depuis longtemps dans le
financement de l'agriculture. Cette action s'est considérablement
amplifiée depuis 1978 avec l'avènement du système
Tandem.
Nous croyons qu'aussi bien les agriculteurs que la collectivité
ont bénéficié de l'intervention du gouvernement du
Québec dans le financement de l'agriculture.
Il y a eu un essor important des productions et de l'emploi en
agriculture, que nous avons décrit précédemment. (10 h
45)
De nombreuses entreprises ont pu croître et augmenter leur
rentabilité.
L'assistance au financement a permis à de nombreux jeunes
agriculteurs d'acquérir la ferme familiale, alors que cela aurait
été impossible à plusieurs s'il avait fallu compter
uniquement sur du crédit bancaire.
Donc, dans l'ensemble, nous croyons que, malgré les
défauts, leurs faiblesses, les politiques du Québec en
matière de financement ont rempli une fonction essentielle en
agriculture, et ont contribué à certains des progrès de
l'agriculture au cours des dernières années. Cela n'implique pas
qu'il n'y a pas eu d'erreurs commises et que rien ne doit être
changé.
Au contraire, nous croyons qu'il est dans l'intérêt de tous
que se tienne une conférence socio-économique sur le financement
agricole annoncé depuis deux ans par le ministre de l'Agriculture.
Là pourront être examinées, dans un climat plus favorable,
les déficiences identifiées par plusieurs groupes en rapport avec
le financement agricole au Québec et le fonctionnement de l'Office du
crédit agricole.
M. Proulx (Jacques): À l'élément 1, il faut
de façon urgente que soit constituée une commission d'appel,
composée majoritairement d'agriculteurs, à laquelle tout
agriculteur insatisfait d'une décision de l'office concernant une
demande d'emprunt pourrait en appeler de la décision. Cette commission
serait consultative, mais aurait quand même un pouvoir moral
considérable. Étant dispensateurs d'une aide importante de
l'État, les officiers du crédit agricole disposent d'un pouvoir
considérable sur les agriculteurs et est bien naïf celui qui pense
qu'une telle situation n'engendre pas des abus de pouvoir. Un mécanisme
neutre d'appel, même consultatif, est absolument nécessaire aussi
bien pour les emprunteurs que pour ceux qui prennent les décisions. Tous
ne peuvent que profiter de l'existence d'une commission d'appel et il est
étonnant qu'elle n'ait pas encore été mise sur pied, alors
qu'elle est réclamée depuis plusieurs années.
Deuxièmement, devant le nombre croissant de faillites et
d'abandons en agriculture, nous croyons qu'un comité spécial,
indépendant de l'Office du crédit agricole, devrait être
mis en place immédiatement. Ce comité serait composé
d'experts indépendants et d'agriculteurs et aurait pour mandat de
rechercher, avec tout agriculteur en grave difficulté financière
et l'ensemble de ses créanciers, toute solution financière
acceptable par l'ensemble des créanciers et qui éviterait la
faillite ou l'abandon forcé.
L'Office du crédit agricole soumettrait obligatoirement à
ce comité indépendant tout dossier d'agriculteur menacé de
faillite ou d'abandon forcé. Je voudrais ajouter peut-être ici -
parce que ce n'est pas noté - pour que ce soit bien clair, que
même ceux qui ne seraient pas à l'office pourraient se servir d'un
tel comité.
Troisièmement, dans une conférence sur le financement
agricole, il faut regarder toute la question de la relève agricole.
Tout en reconnaissant que la relève, en agriculture comme dans
n'importe quel autre genre d'entreprise, ne saurait se faire sans
difficulté, il faut rechercher des moyens pour faciliter le
financement du transfert des exploitations. Sachant que les premières
années suivant l'établissement sont les plus difficiles, on
devrait envisager d'offrir l'option à l'emprunteur d'une aide
concentrée sur les premières années du prêt.
Il faut en général rechercher toutes les
améliorations et les assouplissements aux politiques susceptibles de
faciliter le transfert des fermes.
Quatrièmement, il faut regarder toute la question du financement
à court terme. Toutes sortes de problèmes surgissent dans ce
domaine.
Il y a en particulier le fait que l'office exige des producteurs qui
font une demande d'emprunt à long terme qu'ils investissent leur
liquidité dans cet investissement à long terme. Cela laisse les
producteurs sans fonds de roulement, au moment même où ils en ont
le plus besoin, c'est-à-dire quand ils font des changements importants
dans leur entreprise. C'est une des dimensions de la question du financement
à court terme. Il y en a une autre et c'est celle du crédit
à la production garanti par l'office. Les délais d'obtention sont
beaucoup trop longs.
Une des questions les plus importantes à regarder est celle de
l'opportunité économique des investissements pour lesquels des
prêts sont consentis.
Cette question comporte toutes sortes de dimensions importantes. Il faut
que l'investissement pour lequel il y a demande de prêt soit un
investissement rentable, en ce sens qu'il rapporte plus qu'il ne coûte,
donc qu'il soit fait dans un contexte de bonne gestion. Nous sommes conscients
qu'une bonne partie du problème relève de l'emprunteur, à
qui il incombe l'obligation de faire des calculs et les prévisions
nécessaires pour bien orienter les décisions d'investissement et
d'emprunt.
Les agriculteurs ont leur part de responsabilité, les
responsables des politiques gouvernementales aussi. Les politiques
gouvernementales doivent viser à faire réaliser aux producteurs
les investissements les plus productifs possible. On peut se demander si les
programmes d'aide à l'investissement, l'assistance au financement et
d'autres politiques agricoles n'ont pas trop mis l'accent sur des
investissements en bâtiments plutôt que sur les investissements
plus immédiatement productifs et rentables. Dans le domaine de
l'environnement, on vient de se rendre compte, après dix ans de
construction de fosses en ciment, que des réservoirs en sol bien
construits peuvent, dans un très grand nombre de cas, protéger
l'environnement tout en coûtant beaucoup moins cher.
Les prévisions de prix et de revenu sur lesquelles sont faites
les analyses de rentabilité doivent être réalistes et
prudentes, pour éviter que des producteurs ne se lancent en vertu de
prévisions qui ne sont pas réalistes.
Il faut qu'il y ait de la prudence aussi dans l'évaluation des
actifs. Les actifs doivent être évalués en fonction des
tendances à long terme des prix. Cela peut vouloir dire être plus
prudent au moment où la valeur des actifs s'accroît rapidement.
Cela veut aussi dire de ne pas dévaluer à la baisse la valeur des
actifs dans les périodes de chutes draconniennes, comme c'est le cas
actuellement.
Il faut aussi être conscient qu'un organisme prêteur
à moyen et à long terme a tendance à être
biaisé en faveur des projets d'investissement qui lui procurent les
meilleures garanties. Ces projets ne sont pas nécessairement les plus
rentables pour l'agriculteur en termes de revenus
générés.
Dans le même ordre d'idées, il y a une plainte
générale envers l'Office du crédit agricole dans le sens
qu'il prend systématiquement plus de biens en garantie que ce qui est
nécessaire pour garantir un prêt. Cela enlève de la marge
de manoeuvre financière à l'entreprise.
Une autre dimension de la rentabilité des investissements est
celle du suivi après les prêts. Par définition, une ferme
qui est fortement endettée, parce qu'elle vient d'être transmise
à la génération suivante ou parce qu'on vient d'y
réaliser des investissements importants, est une ferme plus
vulnérable que les autres parce qu'elle a moins de marge de manoeuvre
financière. Toute erreur peut prendre des proportions
irréversibles.
Il faut se demander s'il ne serait pas opportun de forcer les
emprunteurs, qui opéreraient avec une équité
inférieure à un seuil considéré comme critique,
à avoir un suivi comptable en devant suivre une comptabilité
reconnue. C'est une possibilité qu'il faut envisager
sérieusement.
Nous croyons que l'office doit mettre fin à sa pratique dans le
sens que, lorsqu'un producteur fait un paiement en retard ou est en
défaut de paiement, l'Office du crédit agricole cesse de verser
sa subvention d'intérêt et l'intérêt devient dû
au complet par l'emprunteur qui voit subitement augmenter son paiement d'un
montant substantiel au moment même où il est mal pris.
En conclusion, l'agriculture du Québec et d'ailleurs traverse
actuellement une période extrêmement difficile. Les
difficultés résultent en grande partie du contexte
économique général. Elles résultent aussi de
surproductions et de chutes de prix et illustrent la fragilité et le
manque de stabilité dans les marchés des produits agricoles pour
lesquels il n'y a pas de rationalisation de la mise en marché et de
gestion de l'offre.
Nous ne croyons pas pour autant qu'il faille remettre en question la
volonté politique de développement de l'agriculture dont il
résulte des avantages mesurables pour la collectivité.
D'ailleurs, les agriculteurs n'accepteraient pas que le gouvernement,
après les avoir incités à aller de l'avant, change
subitement de cap face aux difficultés.
Les difficultés actuelles doivent être l'occasion
d'identifier les changements nécessaires importants dans les politiques
et leur application et de faire les corrections qui s'imposent, en concertation
avec les groupes impliqués.
Elles doivent aussi faire prendre conscience à la
collectivité de la valeur des mécanismes que les producteurs
cherchent à mettre en place pour améliorer la mise en
marché des produits agricoles.
M. le Président, voilà notre mémoire. Il est bien
évident qu'il y a énormément de choses à y ajouter,
mais le plus important, c'est peut-être d'étayer ou d'imager
davantage certains points qui sont soulevés dans ce mémoire. Nous
sommes à votre disposition.
Le Président (M. Vallières): Très bien. Y
a-t-il des demandes d'intervention de la part des membres de la commission? M.
le député de Huntingdon.
M. Dubois: Merci, M. le Président. Je voudrais demander
à M. Proulx, le président de l'UPA, s'il ne croit pas que
l'Office du crédit agricole se comporte plutôt comme une banque
privée et non comme un instrument privilégié mis à
la disposition des agriculteurs. À la suite du dépôt, hier,
des documents des ex-grévistes de la faim, on a pu constater que
l'office s'est conduit d'une façon tout à fait contraire, je
pense, au soutien de ses exploitants. Quand on s'aperçoit qu'il favorise
la saisie de fermes ou la vente par shérif plutôt que de chercher
des solutions pratiques à ceux qui ont des problèmes
réels, je constate que l'office agit d'une façon tout à
fait contraire à ce qu'on pourrait attendre d'un corps public
dévoué au développement de l'agriculture. J'aimerais
savoir ce que vous en pensez.
M. Proulx (Jacques): Je pense qu'au départ on a
été très clair. Je ne répondrai pas directement
à votre question. On n'a pas pris connaissance de cas particuliers,
comme vous-mêmes ou l'office ou d'autres ont pu le faire. Je
considère cependant qu'il serait important qu'on mette en place des
mécanismes, précisément, pour éliminer le plus
possible les erreurs ou les choses qui ont rapport à la question que
vous posez. On suggère précisément dans notre
mémoire... C'est cela qui est un peu aberrant, à savoir pourquoi
on n'a pas institué un organisme d'appel qui, à mon avis et de
l'avis de l'union, serait la meilleure chose qui pourrait arriver pour tout le
monde, autant pour les emprunteurs que pour l'État ou pour ceux qui ont
à diriger un organisme gouvernemental.
M. Dubois: M. Proulx, ne croyez-vous pas que l'office, tel qu'il
existe actuellement... Avant de se prévaloir de leurs droits, les
agriculteurs donnent tous leurs biens en garantie quand ils empruntent. Est-ce
que l'office ne pourrait pas s'associer des spécialistes en agriculture,
en développement, en financement, avant de poser un geste aussi radical
que celui de saisir une ferme? Je ne veux pas strictement faire allusion aux
sept ex-grévistes de la faim, mais ce sont des cas qui se
répètent partout au Québec. Dans toutes les régions
agricoles, chacun de nous qui nous occupons un peu d'agriculture a vu de
nombreux cas identiques. Je ne voudrais pas parler exclusivement des sept cas
qu'on a devant nous aujourd'hui. Je pense que l'office, à ma
connaissance, ne participe jamais à une certaine recherche, ou à
une certaine étude, qui pourrait, d'une façon ou d'une autre,
favoriser un peu l'agriculteur en difficulté.
Généralement, on l'accule au mur et on lui dit: Tu paies ou on te
saisit; c'est l'un ou l'autre. Ce corps public qui s'appelle l'Office du
crédit agricole, qui est quand même un instrument que s'est
donné le ministère de l'Agriculture dans le passé, devrait
favoriser l'agriculteur et chercher une solution avec lui plutôt que
l'acculer à la faillite. C'est dans ce sens-là que j'aimerais que
vous soyez plus explicite sur les vues de votre syndicat. (11 heures)
M. Proulx (Jacques): Je pense qu'on est clair dans cela. Il faut
bien prendre conscience que, pour le permanent, pour nous autres, la commission
d'appel permettrait de ne pas arriver, à un moment donné,
à des situations catastrophiques. Cette commission d'appel n'existe pas
à l'heure actuelle. C'est bien évident que c'est pour cela qu'on
propose immédiatement - de toute urgence -qu'il y ait justement un
groupe de personnes, de spécialistes, d'agriculteurs qui puissent
regarder chaque cas en particulier avant qu'ils soient poussés à
la faillite ou à l'abandon de leur exploitation. Pour nous, c'est d'une
extrême urgence. On est d'accord avec ce que vous avancez à
l'heure actuelle. Cela veut dire que l'office, comme d'autres
créanciers, devrait avoir l'obligation. La plus belle preuve de cela?
Regardez la bataille sans résultat qu'on a menée depuis deux ans
et demi au niveau du gouvernement canadien sur le projet de loi C-653, la loi
du concordat modifié, ainsi de suite.
On trouvait cela tellement important et tellement crucial pour
l'ensemble des agriculteurs dans une situation économique difficile
qu'on ne peut faire autrement
qu'être d'accord en tant qu'union. On va poussser très
fort, d'ailleurs on l'a fait et on continue à pousser extrêmement
fort; les créanciers auront aussi l'obligation de se conformer à
des choses.
M. Dubois: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Très bien. Je
demande l'intervention du député de Roberval.
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je dois dire que j'ai
suivi avec un très grand intérêt la lecture du
mémoire présenté aujourd'hui par l'UPA. Comme remarques
préliminaires, j'aimerais dire, n'étant pas spécialiste de
l'agriculture, bien au contraire que vous brossez un tableau un petit peu plus
positif de l'ensemble des politiques agricoles et du secteur agricole.
Je pense que l'UPA a bien campé le fait que l'agriculture se
retrouve dans une situation très difficile. C'est ce qui peut expliquer
qu'on a eu hier des témoignages -je dois le dire - bouleversants dans
bien des cas sur des situations faites à des agriculteurs. Par contre,
je pense que le jugement de l'UPA est moins global que ce qu'on a pu entendre
hier. C'est un peu normal dans ce sens qu'il y a quand même des secteurs
où il y a des progrès et des points positifs.
Il y a quelques points que j'aimerais éclaircir avec les gens de
l'UPA. Ce qui m'a le plus frappé hier dans les témoignages qui
ont été entendus ici à la commission, c'est le rôle
des agronomes et le rôle - qui suit souvent, dans une situation
financière difficile - des encanteurs et de l'Office du crédit
agricole quand la situation se détériore.
À ma grande surprise, hier, on a quand même fait
état à plusieurs reprises du fait que les agronomes manquent,
dans certains cas, de spécialisation. On les a appelés dans
certains cas des vendeurs de programmes. Bref, j'ai trouvé que le
tableau qu'on brossait de l'aide aux agriculteurs par le système des
agronomes était bien sombre.
Dans un premier temps, j'aimerais savoir de l'UPA si elle a un
commentaire à formuler quant au rôle technique ou à l'aide
apportée par les agronomes du ministère de l'Agriculture des
différents bureaux locaux et régionaux à l'ensemble des
producteurs agricoles. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
M. Proulx (Jacques): II ne faut pas le prendre d'une façon
globale. Je pense qu'on a essayé d'être positif dans notre texte,
mais, en même temps, il ne faut pas prendre seulement les bouts qui font
notre affaire. Je pense que c'est important d'être positif même
dans des situations extrêmement difficiles. Il ne faut pas mettre de
côté que la situation est extrêmement difficile, pas juste
en agriculture, un peu partout, mais nous disons que l'agriculture est
difficile. Arrêtons de nier cela et de se mettre la tête dans le
sable. On vit une période catastrophique. Même s'il n'y avait que
100 ou 200 faillites - quel qu'en soit le nombre -une faillite en agriculture,
pour un agriculteur, c'est une catastrophe. Vous allez me dire que c'est une
catastrophe pour tout le monde - c'est bien évident - quand vous avez
investi. Mais il reste qu'il faut bien comprendre que, quand un agriculteur
fait faillite, c'est qu'il a vraiment épuisé, plus
qu'épuisé, il a usé tout ce qu'il avait à user pour
ne pas en arriver là. C'est bien différent des faillites
industrielles, etc., où, la plupart du temps - en tout cas, on le sait -
avant d'user quelques maigres ressources pour un an, on en garde pas mal plus
que cela. C'est une première situation, la gravité de la
situation.
Il reste quand même - on l'a toujours affirmé - qu'on est
tous un peu responsables de la situation à l'heure actuelle et on s'est
peut-être tous un peu laissé emballer - on le dit clairement dans
notre texte - par les folies des années soixante-dix et quatre-vingt.
Tout allait bien; il n'y avait pas moyen de perdre de l'argent, nulle part.
Tout allait bien. À partir de là, il y a de la
responsabilité un peu partout. On en a en tant qu'union; on l'a reconnu
plusieurs fois et on ne le regrette pas à part cela. On a des
responsabilités et on ne regrette pas de les avoir parce que c'est notre
rôle de développer l'agriculture. C'est notre travail d'aider les
agriculteurs. Mais c'est évident qu'il y a des gens qui n'avaient pas
l'expérience. On n'avait pas l'expertise, par exemple, dans certaines
productions et on y est allé trop rapidement. Il y avait un manque
d'expérience, autant de la part de nos agronomes que de
différents conseillers, etc. Puis, on n'a peut-être pas mis assez
de risque dans les calculs qu'on a faits. On s'est peut-être trop
fié. Je ne veux pas insulter François, mais les
économistes, c'est vrai que ce sont des gens qui sont là pour
porter les maux de la terre, parce qu'ils l'ont choisi, mais il reste quand
même...
Je vais vous raconter une anecdote. L'année dernière ou il
y a deux ans, lors de nos journées d'étude sur la ferme
familiale, il y avait un économiste très bien connu qui, un beau
jour, a décidé de s'en aller en agriculture. Alors, il
était censé être plus connaissant que les autres; c'est
sûr, il faisait des chiffres, etc. Il en a fait des chiffres dans les
céréales et il a été obligé de nous avouer
que ses chiffres ne tenaient absolument pas parce qu'il est arrivé
à la fin avec des pertes. Pourtant, ses chiffres étaient exacts.
Ils étaient basés sur des connaissances, etc. J'ai l'impression
qu'on n'a
pas mis assez de réalisme. On manquait d'expérience,
d'expertise, et on a couru tous les risques possibles sans tenir compte qu'il y
a des réalités qui se produisent qu'il aurait fallu baser surtout
dans des productions où il n'y a pas de contrôle de l'offre et de
la demande. On a basé des revenus éternels sur des prix du
moment, et c'est une erreur et des responsabilités que ces
gens-là doivent porter. Oui, ils en ont fait. C'est peut-être bien
long ma réponse, mais c'est dans tout un contexte.
M. Gauthier: Ma deuxième question portera sur
l'agriculture à temps partiel. J'ai cru remarquer hier - j'ai cru
comprendre, en tout cas - que, dans certains cas, les difficultés
financières éprouvées par les gens qui sont venus
témoigner étaient apparues au moment où - en tout cas,
dans au moins un ou deux cas - partant d'une petite exploitation qu'on pourrait
peut-être qualifier d'exploitation à temps partiel, soit que les
gens occupaient une fonction ailleurs et exploitaient une très petite
ferme, en temps partiel, on a voulu passer à l'exploitation d'une ferme
à temps plein, comme c'est préconisé, je pense, par
l'ensemble des intervenants agricoles. Vous soulevez la question dans votre
document et vous la rattachez à celle des nouvelles productions. Est-ce
que je comprends bien de vos propos que, dans les productions nouvelles
où les agronomes, comme un peu tout le monde, manquent
d'expérience et de données précises, vous
suggéreriez dans ces cas que les expériences se fassent sur des
bases très fragmentaires, dans de petites exploitations, pour essayer de
tester, en quelque sorte, le marché et la production dans son ensemble?
Est-ce que c'est cela le sens de votre remarque sur l'agriculture à
temps partiel?
M. Proulx (Jacques): Oui, c'est un peu plus que cela. On
s'interroge sérieusement là-dessus et on profite aussi de
l'occasion pour élargir encore le débat. C'est bien certain que
le but premier, ce sera d'aller chercher une expertise pour le producteur et
pour les autres. Je pense que ce serait important et c'est probablement une
erreur qu'on a commise, une erreur qui a été commise de vouloir
se lancer à fond de train, comme je l'ai dit tout à l'heure, sans
expérience, sans expertise. L'agriculture à temps partiel
permettrait probablement d'acquérir cette expertise,
particulièrement pour les agriculteurs qui s'y lancent. Je vais
jusqu'à dire qu'il y a probablement certaines productions qui pourraient
être éternellement des productions à temps partiel. Cela
pourrait aller jusque là dans notre réflexion. Cela n'exclut
jamais qu'il y ait quand même une partie, dans ces productions, qui soit
à temps plein; je n'exclus pas cela. Mais il reste quand même
qu'il faut s'interroger sérieusement sur cela, parce que, quand on perd
de l'argent avec un boeuf, on en perd 400 fois plus avec 400. On l'a dit
clairement aussi. L'économie d'échelle vaut, mais, quand on est
rendu au bout de l'échelle et qu'on en perd encore, je veux dire qu'on
en perd 400 fois plus.
C'est un peu dans tout ce contexte et dans le développement des
productions, comme vache-veau, boeuf d'engraissement peut-être moins,
veau de grain, d'autres plus petites productions, agneau et mouton,
chèvre. Je pense que ce sont des productions qui peuvent se faire, pour
une partie des gens, à temps partiel. Ce n'est pas une politique
définie à l'heure actuelle, mais je dis: Écoutez, quand on
frappe un mur, il faut arrêter de se frapper dessus et il faut trouver
des solutions de rechange.
M. Gauthier: En terminant, juste un commentaire. Je trouve
particulièrement intéressante l'idée d'une
conférence socio-économique sur le crédit agricole. On a
vu qu'il y a des problèmes. Particulièrement l'idée que
vous avancez d'un comité indépendant juste
précédant la faillite d'un agriculteur, parce qu'il semble bien
que c'est une autre caractéristique que j'ai découverte hier. Ce
qui caractérise peut-être le fonctionnement dans le monde
agricole, cela semble être, je ne sais pas si c'est exact, j'ai cru voir
là-dedans une rapidité d'exécution entre le moment
où on commence à trouver que le gars doit trop d'argent et le
moment où on vend tout son stock à l'encan.
J'ai cru remarquer une capacité de procéder rapidement qui
ne se retrouve pas partout ailleurs. Est-ce que c'est le cas? C'est aussi
rapide, inhumain et dur que cela? À ce moment, si c'était le cas,
j'imagine que c'est ce qui vous aurait amené à suggérer
cette espèce de comité de transition qui pourrait peut-être
donner une chance à la personne de respirer, d'avoir le temps de voir
clair dans ses affaires.
M. Proulx (Jacques): C'est toujours rapide. Entre le jour
où on est censé être parfait et le jour où on n'est
plus bon, cela ne peut pas se faire tranquillement. Cela se fait vite.
M. Gauthier: II y a des domaines tout de même où
on...
M. Proulx (Jacques): Parce que tout le monde a
intérêt à ce que cela se fasse vite. Les créanciers
ont intérêt. La veille, tu vaux bien de quoi et, le lendemain, tu
ne vaux plus rien. Quand tu balances, tu balances.
M. Gauthier: Mais cela m'a l'air particulièrement vrai
dans le monde agricole. Ce sont les témoignages entendus.
M. Proulx (Jacques): Je ne sais pas si c'est
particulièrement vrai dans le monde agricole, mais, dans mon esprit,
c'est toujours rapide partout. Parce que le balancier, le moment où tu
es là et que tu tombes à côté, c'est une fraction de
seconde quasiment. C'est parce que tout le monde trouve son
intérêt à essayer que cela se fasse vite dans cela.
M. Gauthier: Cela va.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Merci. Je devrai vous dire, au point de
départ, que je suis entièrement d'accord avec votre
cinquième paragraphe, parce que c'était l'objet de la
première résolution que j'ai présentée au
comité de travail, c'est-à-dire d'étudier non seulement le
financement, mais l'endettement agricole au complet, ce qui devait
déboucher, évidemment, sur une commission beaucoup plus vaste.
Comme nous n'avons pas eu la majorité et que cela a été
modifié, c'est la raison pour laquelle nous sommes en train
d'étudier ce dossier de façon partielle en étudiant le cas
des grévistes de la faim de Saint-Cyrille.
J'ai eu l'occasion, à quelques reprises, d'aller vous visiter
à Longueuil et de constater sur place jusqu'à quel point vous
êtes un syndicat professionnel très bien organisé, avec
beaucoup de professionnels à l'intérieur qui travaillent dans le
milieu de l'agriculture. J'aimerais savoir, puisque souventefois, dans nos
bureaux de comté, dans nos bureaux de député, il y a des
agriculteurs qui arrivent chez nous... J'en ai vu encore trois cas au moins la
semaine dernière. Ils nous disent: On en est rendu à un point
où il va falloir abandonner, il va falloir faire faillite, il va falloir
liquider; or il nous semble que, selon l'évaluation qu'on possède
de notre ferme, de ce qu'elle vaut, l'évaluation que le crédit
agricole a faite ne correspond pas. (11 h 15)
II y a une foule de spécialistes, d'ailleurs, dans le domaine
financier qui vont même se débattre à l'Office du
crédit agricole. J'ai pris des rendez-vous pour certains agriculteurs
avec des gens du bureau de M. Moreau afin qu'ils puissent discuter avec des
spécialistes en financement. Des choses déterminées par
l'Office du crédit agricole et par certains spécialistes sont
très différentes. J'aimerais savoir de vous, vous qui êtes
près de la classe agricole, quels services vous offrez aux agriculteurs
en difficulté. J'imagine que cela ne relève pas uniquement de
vous, mais surtout de vous. Je pense que le premier intérêt que
vous avez est celui de défendre cette classe d'agriculteurs. Vous le
faites d'ailleurs, j'en suis convaincu, mais quels services offrez-vous
à l'agriculteur qui arrive chez vous et vous dit qu'il est en
difficulté? Cela se fait par l'entremise de l'Office du crédit
agricole, du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation et par vous. Vous êtes très bien organisé.
J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Proulx (Jacques): On n'a pas de service spécifique de
dépannage. Au départ, on n'a pas cela, mais c'est quand
même notre responsabilité d'aider les agriculteurs. Cet organisme,
c'est l'organisme des agriculteurs, et ils paient pour cela. Au départ,
il y a deux façons de le faire; il y a les services de nos conseillers
sur l'impôt, la comptabilité, etc., qui sont en même temps
de plus en plus des conseillers pour les entreprises agricoles et les
producteurs agricoles qui demandent nos services, et on a nos dirigeants, nos
responsables un peu partout, à différents niveaux, qui, à
mon avis - cela se fait beaucoup - ont le devoir d'aider chaque producteur qui
demande leurs services. C'est peut-être malheureux qu'il n'y ait pas plus
d'agriculteurs qui demandent ces services. Alors, on pourrait progresser
davantage. C'est un peu un cercle vicieux. On met sur pied ces services au fur
et à mesure. On a cela à l'heure actuelle. Je peux vous dire
qu'il y a tout de même un assez grand nombre d'agriculteurs qui s'en
servent. Je souhaite que tous ceux qui sont en difficulté s'en servent
dans les régions. On ne les donnera pas à Longueuil, si vous
voulez... Je ne veux pas dire que c'est un grand principe de ne pas les offrir,
mais on ne prendra pas des rendez-vous pour discuter de grands principes qui
nous viennent d'un peu partout lorsqu'on se rend compte que quelque chose se
généralise. Mais, en ce qui concerne nos régions, on peut
regarder ces deux aspects: nos services de comptabilité, etc., nos
conseillers, nos syndicats de gestion, nos conseillers en gestion dans les
régions qui sont probablement les mieux placés pour venir en aide
à ces producteurs.
M. Picotte: M. le Président, nous sommes deux gars
pratiques, vous et moi. Nous avons parlé assez souvent ensemble pour se
connaître sur ce plan. Prenons un cas spécifique. Il doit y avoir
quelqu'un de votre bureau ou quelqu'un dans la salle qui vient d'une
région et qui peut nous donner ce renseignement. Ce serait important
pour moi. Je suis un agriculteur en difficulté. Je paie une cotisation
chez vous, à l'UPA. Je ne sais plus à qui m'adresser, parce que
j'ai fait à peu près le tour de tout le monde. C'est sûr et
certain que je vais chez vous et que je vous dis: Écoute, mon affaire ne
fonctionne plus. Je suis dans une situation impossible. Que faites-vous pour
moi, en pratique? Je ne veux pas savoir ce que vous
devriez faire, mais je voudrais savoir ce que vous faite en
pratique.
M. Proulx (Jacques): Je vais vous donner un exemple très
pratique. Si vous étiez un producteur agricole de la région de
Saint-Hyacinthe, je vous enverrais rencontrer mon deuxième
vice-président, M. Couillard, et je demanderais à M. Couillard de
me dire ce qu'il va faire dans votre cas.
M. Picotte: J'aimerais entendre M. Couillard.
Le Président (M. Vallières): M.
Couillard.
M. Couillard: M. le député, c'est sûr que
l'agriculteur doit venir nous rencontrer. Il doit aussi accepter de nous
fournir son dossier au complet afin qu'on puisse le regarder, au départ.
S'il n'accepte pas cela, c'est évident qu'on ne peut pas fonctionner. Si
l'agriculteur accepte et qu'il vient nous rencontrer, on regarde cela avec nos
services d'impôt. En particulier, à Saint-Hyacinthe, nous avons un
service d'impôt et un agriculteur qui connaît l'agriculture en
plus. Cela facilite quand même les choses. On regarde ses dettes et on
essaie de savoir s'il peut y avoir une rentabilité dans son dossier.
C'est sûr que, lorsqu'on a tout calculé, il y a quand même
une possibilité pour celui-ci de continuer, soit en vendant de la
machinerie en trop ou en louant une ferme qui lui permette d'être
rentable. À ce moment-là, on demande au directeur du service du
crédit de Saint-Hyacinthe, évidemment, de le rencontrer. C'est
bien sûr qu'une telle rencontre se fait normalement avec le directeur et
celui qui a toujours eu le dossier en main, l'agriculteur et moi-même.
J'ai participé à plusieurs rencontres. C'est là qu'on
regarde ensemble, avec ces gens aussi, de quelle façon on va
préparer le dossier pour que le gars puisse continuer de fonctionner.
C'est ainsi qu'on prépare un dossier le plus positif possible pour
être acheminé à Québec. Si le dossier part d'une
région et qu'il est négatif, je ne pense pas qu'il devienne
positif lorsqu'il arrive à Québec.
M. Picotte: M. le Président, M. Couillard...
M. Couillard: Oui.
M. Picotte: ...vous devez avoir la possibilité d'aller
cogner à une porte quelque part. Vous devez faire comme bien d'autres
intervenants, vous devez aller cogner de temps en temps à l'Office du
crédit agricole. Si vous voulez prendre le dossier de votre gars, le
défendre au maximum, j'imagine qu'une démarche doit se faire par
l'Office du crédit agricole. Souventefois on se fait dire, dans nos
régions - vous vous l'êtes sûrement fait dire par vos
agriculteurs - qu'il y a bien des choses qui ne concordent pas; par exemple:
l'évaluation de la ferme. Quand vous frappez à la porte de
l'office, venez-vous en accord, comme représentant syndical, avec les
chiffres des spécialistes de l'office ou si vous n'avez pas plutôt
tendance à faire ce que bien des agriculteurs nous disent: Quelque chose
ne fonctionne pas à l'autre bout, on n'est pas sur la même
longueur d'onde? Cela allume-t-il des lumières auprès des gens
qui travaillent à ces dossiers? Êtes-vous plutôt prêt
à dire que l'office à certainement raison dans certains cas? Si
vous préparez le dossier uniquement pour évaluer la
rentabilité avec ce qui existe présentement - c'est là
qu'est le gros point d'interrogation, il y a des choses qui ne concordent pas -
vous êtes-vous déjà posé des questions à la
suite des discussions que vous avez eues avec l'office ou si, nettement, vous
n'êtes pas d'accord? La majorité des membres, dans le champ, qu'on
rencontre nous disent ne pas être d'accord.
M. Couillard: Écoutez, M. Picotte, ce n'est pas tout
à fait comme cela que ça se fait. Il est bien sûr que, dans
certains dossiers, les actifs sont très élevés,
c'est-à-dire que la personne possède des actifs qui sont
très élevés, mais il n'y a pas de rentabilité. Il
est bien certain qu'à court ou à moyen terme, s'il n'y a pas de
rentabilité, malgré que vous ayez des actifs
élevés, vous vous en irez vers une faillite. Lorsqu'on regarde le
dossier, ce n'est pas une question d'essayer de l'ajuster, mais plutôt
d'essayer de trouver les mécanismes nécessaires pour le
rentabiliser.
Si vous dites: II a beaucoup d'actifs, on peut lui prêter de
nouveau, cela veut dire que ses remises vont encore augmenter. Si on lui
prête de nouveau, elles vont encore augmenter. C'est là qu'on
regarde pour trouver la rentabilité à l'intérieur de cette
ferme. Ce n'est pas de dire: Prête-lui plus, malgré qu'il n'ait
pas de rentabilité. C'est pourquoi on essaie d'améliorer cette
rentabilité et de savoir de quelle façon il y parviendra. On peut
le faire avec des conseillers en gestion et également avec nos
directeurs d'impôt, voir comment conseiller la personne pour tâcher
de lui trouver une rentabilité. On procède de cette
façon.
M. Picotte: En général, dans les cas que vous
traitez - je ne sais pas combien vous en avez traités dans la
région comme telle...
M. Couillard: Assez pour avoir mal au coeur par bout.
M. Picotte: Pas mal, bon! Vous devriez
pouvoir me dire quel est votre pourcentage de réussite dans le
traitement de vos cas. Est-ce 40%, 50% ou pas du tout?
M. Proulx (Jacques): Cela sera assez difficile. C'est un chiffre
comme les...
M. Picotte: Environ. Non, non, je ne veux pas avoir un chiffre.
Je veux bien qu'on se comprenne, M. Proulx...
M. Proulx (Jacques): Non, non.
M. Picotte: Je ne veux pas avoir un chiffre absolu, je veux avoir
un à-peu-près.
M. Couillard: Quand même, cela dépend des situations
particulières. Dans une région comme Saint-Hyacinthe, près
de Richelieu, Sorel, où il y a eu l'année dernière des
difficultés d'approvisionnement en foin, en moulée, en fourrage
de toutes sortes, c'est bien certain que la rentabilité pour
l'année dernière est moindre. Pour cette année, lorsqu'on
révise des dossiers et qu'on peut y voir une bonne année de
fourrage, on peut dire à la personne: Tu pourras le faire ton quota. Tu
n'auras pas un manque de lait ou de cultures, la rentabilité est bonne.
Il est bien certain que, cette année, c'est plus facile de dire que le
dossier deviendra positif. C'est plus facile dans des cas comme cela. Dans
d'autres cas, c'est plus difficile. Dans certains cas particuliers, on dit
à la personne: Avant d'aller plus loin, tu serais sûrement bien
mieux, si on ne peut pas atteindre la rentabilité de cette façon,
de commencer à liquider et de te retrouver avec de l'argent dans tes
poches plutôt que de rester avec rien. C'est bien sûr qu'on va
aussi loin que cela. Ce n'est pas facile de le dire. Ou bien il faut la
trouver.
M. Picotte: Parce que, bien souvent -on parle de
rentabilité - le temps que... Vous me parlez de rentabilité cette
année, mais bien souvent l'agriculteur était en difficulté
l'année dernière à cause de la situation et il n'est plus
capable de tenir. Vous êtes capable d'évaluer qu'il va s'en sortir
cette année, mais au moment où vous dites ou que vous êtes
en train d'évaluer qu'il va s'en sortir, il y a quelqu'un qui tire la
"plug" quelque part.
M. Couillard: Oui, il est...
M. Picotte: Quand on tire la "plug" quelque part, vous savez ce
que cela fait.
M. Proulx (Jacques): C'est justement ce qu'on veut arrêter.
C'est vrai ce que vous dites là. Il n'y a pas seulement la
rentabilité qui est la première chose, parce qu'on vit dans un
système économique et il faut que tu sois rentable. Si tu n'es
pas rentable...
M. Couillard: En somme...
M. Proulx (Jacques): II y a parfois un
réaménagement qui peut aussi se faire, et c'est probablement le
plus grand nombre de cas; on dit: On va essayer de réamanager toutes les
dettes et ainsi de suite, et c'est dans ce sens-là qu'on va travailler.
Quant au pourcentage, vous ne l'avez pas su et je ne pense pas qu'on soit
capable de le donner. C'est un peu comme vous: quand cela se replace
après, ils ne reviennent pas nous le dire. Quand les cas viennent
à bout de se replacer et qu'ils s'en sortent pour le mieux, on ne les
revoit plus.
M. Couillard: En somme, ce que je voudrais mentionner...
M. Picotte: Mais vous le savez d'une certaine façon.
M. Proulx (Jacques): Oui.
M. Picotte: L'année d'après, s'il ne paie plus de
cotisation, il n'est plus là.
M. Proulx (Jacques): Non, ce n'est pas la meilleure
manière. Si on ne le voit plus à nos réunions, on le sait.
La cotisation, ce serait trop long de vérifier cela.
M. Couillard: II y a quand même un problème, M. le
Président, que je voudrais aussi mentionner. C'est certain que, quand on
parle de l'application, que ce soit au niveau de l'Office du crédit
agricole ou des assurances, on ne dit pas que le système... On n'est pas
ici pour détruire le système. Au contraire. On dit qu'il y a de
bonnes choses qui ont été mises en place, mais, au niveau de
l'application, c'est un peu différent. Il est bien certain que cela
prend des délais, mais pour le gars, que ce soit pour les assurances,
à un moment donné, qu'il y ait des abandons au niveau des
assurances, c'est bien sûr qu'avant que les assurances ou que son revenu
lui parvienne, cela prend un certain laps de temps qui est trop long, qui est
beaucoup trop long. C'est bien sûr aussi qu'à ce moment-là
l'agriculteur paie des intérêts. Souvent, dans plusieurs cas, ce
qu'il reçoit en compensation, cela rembourse les intérêts
et une faible partie du capital.
Ce que je voudrais dire, c'est que le gars qui a semé au
printemps n'a pas un temps indéfini pour payer les engrais chimiques,
pour payer les semences. Ce que vous avez, si vous voulez avoir des prix, c'est
que, la journée où vous achetez, il faut quasiment payer tout de
suite. Pour avoir de bons prix, il ne faut pas que vous achetiez juste avant
les semences. Il faut acheter un mois avant. C'est pour vous dire tout l'argent
qui est avancé. Mais au moment où il y a des abandons ou des
choses semblables
et où vous recevez votre paiement, souvent, maintes fois, c'est
quatre ou cinq mois après. C'est peut-être normal, ce
délai, mais pour nous, en agriculture, en tout cas, ce n'est pas normal.
Cela ne nous permet pas après de rembourser notre capital. Cela
rembourse l'argent qu'on devait sur notre engrais ou qu'on devait sur nos
semences, ces choses-là. Cela nous permet simplement de rembourser les
intérêts, parce que les intérêts des compagnies, vous
savez comment cela s'accumule. C'est intérêt par-dessus
intérêt à tous les mois. Rendu au bout du dixième
mois, cela a doublé la facture.
M. Picotte: Depuis trois ans à peu près, deux ou
trois ans, depuis la crise du porc, vous avez combien de dossiers, à
votre connaissance, du côté des agriculteurs, d'abandon à
cause de non-rentabilité, de faillite ou de vente et liquidation?
Combien d'agriculteurs ont dû utiliser un de ces trois moyens depuis les
trois dernières années?
M. Proulx (Jacques): On ne le sait pas.
M. Couillard: Ils ont utilisé d'autres moyens.
M. Proulx (Jacques): On ne le sait pas. On sait qu'il y en a un
grand nombre, mais je ne suis pas capable de préciser le chiffre. On a
des chiffres du gouvernement fédéral. C'est bien évident.
On a des chiffres récents. Il faut regarder véritablement ce que
cela veut dire: si ce sont tous des agriculteurs, c'est combien, parce que
c'est toujours pêle-mêle. Tu n'es jamais capable de t'adresser
à la bonne place pour avoir les bons chiffres. C'est cela, le maudit
problème. Il y a une chose qui est évidente: il y en a un grand
nombre de ces trois façons-là, mais donner un chiffre, je serais
malhonnête si je disais aujourd'hui que c'est 500, que c'est 1000 ou que
c'est 2000.
M. Picotte: De toute façon, est-ce qu'on s'entend pour se
dire qu'il y en a suffisamment pour mettre un gros point d'interrogation sur
une foule de politiques dans le domaine agricole et sur la façon dont
est géré le financement agricole? Est-ce qu'on s'entend assez
pour cela? Je pense que cela doit être un fait. J'imagine que, si
j'étais président de l'UPA et si on me disait qu'il y en a pas
mal, je pense que ce serait un point majeur ou cela a dû être un
point majeur qui vous a inquiété comme syndicat professionnel
depuis déjà un certain temps. (11 h 30)
M. Proulx (Jacques): C'est un point majeur et c'est toujours
inquiétant. Je vous ai dit tout à l'heure que même une
seule faillite en agriculture, c'est un drame. Imaginez-vous, au lot de
faillites qu'il y a, sans pouvoir vous les préciser, c'est important.
Encore une fois, ce sont des ajustements qu'il faut faire aux politiques
agricoles. Ce sont des ajustements qu'il faut adapter aux
réalités des années qu'on a à vivre. En tout cas,
comme union, on ne rejette pas les politiques agricoles, mais nous sommes pour
qu'on les réaménage et qu'on les rende plus conformes aux besoins
d'aujourd'hui. Je pense qu'à partir de là on va éliminer
une bonne partie des faillites et des abandons.
M. Picotte: J'aimerais souligner que cela m'inquiète un
peu de constater que votre organisme et votre syndicat n'en connaissent pas le
nombre. J'aimerais vous demander alors quel organisme, selon vous, serait le
plus habilité à connaître ce nombre afin qu'on puisse
s'orienter, à un moment donné. Selon vous, est-ce que l'UPA
devrait être celle qui devrait avoir une façon de procéder
pour connaître la réponse rapidement? Est-ce que cela devrait
être le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation par un fichier central? Est-ce que cela devrait être
laissé dans les mains de Statistique Canada? Je crois qu'il va
être opportun et urgent qu'on connaisse les intervenants dans le domaine
agricole. Que la FTQ ne connaisse pas ces chiffres, je pense qu'on peut lui
pardonner cela. Ces gens en connaissent assez dans le secteur de la
construction et ils sont capables de nous donner des renseignements assez
justes. Mais que le monde qui oeuvre dans le domaine agro-alimentaire ne le
sache pas, je pense que c'est inquiétant parce qu'on peut se retrouver
un bon matin avec pas mal moins d'agriculteurs qu'on s'y attendait ou on va
s'apercevoir, dans un an ou dans un an et demi, qu'on est complètement
déphasé de la réalité.
M. Proulx (Jacques): C'est bien évident. On n'est pas
niaiseux au point de ne pas savoir qu'il y a des problèmes et qu'il y a
des faillites. Mais de là à dire le nombre... Écoutez, je
vais vous dire ce qui se produit. Il est bien évident que je suis
capable de vous dire aujourd'hui qu'au moment où on a voté le
plan conjoint il y avait environ 8000 producteurs. Aujourd'hui, il y en a
environ 5500, sans avoir les chiffres exacts. Il est facile de voir qu'il y a
une différence de 2500. Mais qui étaient ces producteurs?
Était-ce un laitier qui avait des truies ou qui faisait un peu
d'élevage et qui a abandonné parce que cela ne payait pas? C'est
tout cela aussi. Cela devient difficile.
Je pense que, si Statistique Canada, par exemple, avait un
aménagement plus fonctionnel... Je vais vous donner un exemple. Hier, on
a eu une liste. On est venu à bout d'avoir un compte rendu sur les six
premiers mois de l'année. Mais, avant de
lancer des chiffres, il faut dire qu'on retrouve là-dedans de
grandes corporations agricoles qui ne sont pas des cultivateurs. C'est de
l'agriculture, mais ce ne sont pas des cultivateurs. C'est pourquoi c'est mal
aménagé et qu'il devient difficile de dire qu'il y a 285
faillites en agriculture ou qu'il y en a 1325. C'est tout cela qui rend la
chose difficile.
Mais comment allons-nous réussir à obtenir le chiffre
exact? C'est peut-être de le faire à la mitaine et de demander
à tous nos gens de vérifier, chacun dans leur paroisse, qui a
disparu soit par la faillite, l'abandon, etc. Ce sera peut-être la seule
façon pour nous d'avoir les chiffres bien justes.
M. Picotte: Il a été porté à notre
connaissance hier, au cours de l'audition de nos invités, la
façon pour le moins peu scrupuleuse et peut-être pas trop
catholique de faire des encans quand survient une liquidation de ferme.
Tellement que tout le monde autour de cette table s'est interrogé. J'ai
même des collègues, en particulier, qui m'ont dit: Cela n'a pas de
maudit bon sens la façon dont cela fonctionne de ce
côté-là. Est-ce que l'UPA a déjà fait des
recommandations ou a déjà eu l'occasion de souligner aux
autorités que ce n'est pas ainsi que cela devrait se passer? Quelle
démarche avez-vous faite auprès des personnes responsables pour
éviter que l'un de vos membres - parce que, la plupart du temps, c'est
presque toujours un de vos membres -ne soit lésé au point de
perdre 50 000 $, 75 000 $, 100 000 $ ou 150 000 $ parfois, lors d'encans
semblables qui se pratiquent assez régulièrement, d'après
ce qu'on a pu constater?
M. Proulx (Jacques): Je vais demander à M. Gras de
répondre, si vous permettez.
M. Gras: D'abord, il faut dire que, malheureusement, les
cultivateurs - le président l'a souligné tout à l'heure
s'inquiètent... C'est un métier qui est long. On
s'inquiète souvent en retard de la situation financière. Cela
prend une année pour s'apercevoir qu'on a mangé de l'argent qu'on
a investi un an d'avance. C'est déjà un handicap comme
métier. C'est déjà une difficulté.
Deuxièmement, quand vous parlez des questions de faillite,
l'inquiétude que j'ai, c'est de savoir que le cultivateur, dans le fond,
n'est pas comme le reste de la société où il y a une
espèce d'obligation de faire faillite quand on n'arrive plus. On le
plume tranquillement. J'appelle cela se faire plumer, comme un coq dans une
basse-cour. Ensuite, il y a parfois une faillite personnelle mais qui n'entre
pas dans la faillite de l'agriculture. On ne peut pas vous donner de chiffres,
parce que, justement, plus des trois quarts des producteurs ne font pas de
faillite comme telle de leur entreprise; c'est une faillite personnelle qui
vient conclure, après qu'il s'est fait plumer. Les statistiques, je n'ai
pas l'impression... Il va falloir faire des enquêtes - je ne sais pas si
vous avez les moyens de le faire - dans différents secteurs pour arriver
à les trouver.
M. Picotte: Est-ce que vous vous êtes aussi
interrogé, dans le même ordre d'idées... Je pense que, dans
vos milieux, vous savez exactement comment cela se passe et je pense qu'il y a
des choses qui sont complètement répréhensibles, du moins
à ce qu'on nous a dit et cela doit être la vérité,
j'imagine; je n'en doute pas, de toute façon. Je pense qu'il existe un
autre beau phénomène: la revente des terres qui est faite
à des agriculteurs. Est-ce que c'est fait selon les normes qui devraient
être là pour protéger les agriculteurs et la classe
agricole? Est-ce qu'il y a quelqu'un chez vous qui s'est soucié de cela
et qui a examiné cela pour être bien certain qu'en fait vos
membres ne se font pas "fourrer" -en langage québécois - trop
souvent, en tout cas?
M. Gras: Une fois que la terre est revendue par l'Office du
crédit agricole, dans le fond, elle n'appartient plus au producteur. La
saisie a été faite; il n'y a plus rien. Le cultivateur
lui-même n'est plus lésé - si vous parlez de cette partie -
au moment de la revente de la terre. Le problème qu'on devrait essayer
de voir, c'est comment on fait cette revente et par quel canal on la fait. Je
pense que c'est un peu inquiétant dans certains cas. J'ai quelques
soupçons sur la façon dont les soumissions sont pratiquées
et aussi sur qui a le droit d'acheter. Je n'ai pas les moyens de
vérification; je pense que votre commission devrait en avoir les moyens
et qu'elle devrait faire quelques enquêtes là-dessus. Je connais
des cas, par exemple, à Saint-Célestin - je ne voudrais pas faire
de cas particuliers - où je m'inquiète de voir à quel
montant on a émis la soumission et qui a eu la terre. Personnellement,
j'ai déjà fait une soumission et j'ai dû me battre pour
avoir mon chèque: trois ou quatre mois après que la soumission
est sortie, je n'avais toujours pas de réponse. Ensuite, on a fait du
marchandage entre différents cultivateurs. Je n'accepte pas ce
système. C'est peut-être un bon système, mais, comme
producteur, je ne l'accepte pas. Je pense qu'une soumission doit être
faite d'une façon crédible.
M. Picotte: Sans identifier qui que ce soit - je pense que ce
n'est pas le but de la commission d'identifier des personnes et je ne voudrais
pas que ma question en arrive là - de quelle nature... Vous dites qu'il
y a des
soupçons qui vous viennent à l'esprit. Pourriez-vous
expliciter davantage le genre de soupçons que vous avez sur cette
pratique?
M. Gras: Que la soumission n'ait pas été
acceptée comme telle. On fait soit du marchandage entre deux
producteurs... Ensuite, on va chercher par la soumission les noms de ceux qui
seraient des acheteurs éventuels et on fait du marchandage entre les
différents producteurs. Ce n'est pas nécessairement le plus haut
ou le plus bas soumissionnaire. Je suis prêt à accepter que
l'Office du crédit agricole ait un rôle à jouer pour ne pas
nécessairement donner une terre en faillite au plus gros. Il devrait
voir qui pourrait rentabiliser cette ferme. Est-ce que c'est l'ancien
propriétaire, ou sa femme, ou ses enfants? Cela devrait être
possible. Surtout quand l'office n'est plus impliqué dans le prix, je
pense qu'on devrait accepter une soumission comme cela. C'est tout ce que je
peux dire là-dessus.
M. Picotte: De cette façon, il n'y a pas de danger du
côté de la surenchère, d'une part... D'autres
phénomènes ont été portés à mon
attention, c'est qu'il peut même y avoir danger, dans certains cas, de
soumissions fictives. Je dis bien de soumissions fictives.
M. Gras: J'ai des doutes semblables aux vôtres
là-dessus.
M. Picotte: De quelle façon les gens ont-ils le droit
d'aller voir les dossiers pertinents? Est-ce qu'on met un embargo, comme on a
fait dans les dossiers des grévistes? C'est si facile de mettre un
embargo et de "désembargoter" uniquement ce qui nous intéresse en
refilant cela à des journalistes. C'est facile de faire cela. Je pense
que c'est aussi un point qui n'est pas négligeable. Peut-être
qu'une bonne journée, si on ne s'interroge pas trop là-dessus,
qui vous dit qu'on ne réalisera pas, qu'il n'y a pas une compagnie
quelque part qui, par un système quelconque, va peut-être racheter
la majorité ou 10, 15 ou 20 fermes de cette façon et qu'on ne
retrouvera pas exactement le phénomène des grosses compagnies
avec lequel vous n'êtes pas d'accord, qui nous éloignera de notre
définition de "ferme familiale"? Je pense que ce sont des points
importants qu'il faut poser.
J'imagine que le syndicat accrédité qui défend la
classe agricole doit avoir des gens qui s'interrogent là-dessus. C'est
un commentaire que je vous fais.
On a parlé de fermes rentables. Quand l'Office du crédit
agricole prête, il est question de rentabilité de la ferme,
à un moment donné. On sait très bien que l'Office du
crédit agricole ou la société ne prêtera pas des
sommes si, en bout de piste, il ne constate pas qu'il y aura une
rentabilité, c'est-à-dire qu'un couple ou une famille pourra
vivre décemment de l'agriculture.
Pour vous qui travaillez dans le domaine agricole, quelle doit
être la rentabilité d'une ferme à la fin de l'année?
Des articles de journaux ont mentionné à un moment donné
qu'un producteur de lait travaille à quelque 3,47 $ l'heure. Des
agriculteurs sont venus nous dire qu'à la fin de l'année il leur
reste 6000 $ ou 7000 $ pour se vêtir et se nourrir. Quelle serait, dans
votre esprit, la rentabilité d'une ferme qui ferait vivre trois
personnes - on n'exagérera pas - le père, la mère et un
enfant?
M. Proulx (Jacques): Si ce sont des chiffres que vous voulez, je
pense que je vais demander à François de vous dire ce que cela
peut représenter. On a, par nos syndicats de gestion, une multitude de
données. François.
M. Côté (François): Dans le fond, il n'y a
pas de réponse simple à cela. Celui qui fait une demande
d'emprunt, c'est un gars qui se met dans une situation d'endettement. C'est une
réalité de la vie, tout le monde est conscient que, lorsque tu es
endetté, tu vas comprimer ton revenu, mais que cela va se
rétablir à mesure que tu vas acquérir de
l'équité. Donc, celui qui emprunte, en réalité, la
rentabilité qu'il va chercher à obtenir au départ, c'est
une rentabilité qui correspond à son coût de vie. J'ai
déjà vu des dossiers des syndicats de gestion où cette
approche est suivie. Cela dépend un peu des individus. Il y a des gens
qui vont être prêts à s'endetter pour des obligations
familiales. Il y a un coussin de risque à considérer aussi, c'est
l'élément important là-dedans.
M. Picotte: Je saisis cette dimension-là, mais ce n'est
pas ce que je vous demande. On fait des statistiques un peu partout et, quand
on parle du seuil de la pauvreté, par exemple, on dit qu'une famille
québécoise qui ne gagne pas tel montant annuellement vit en bas
du seuil de la pauvreté, au seuil de la pauvreté ou au-dessus.
Pour vous autres, comme syndicat professionnel, quel est le seuil de
rentabilité pour un agriculteur qui vit avec sa famille et qui n'a qu'un
ou deux enfants? Vous devez déterminer cela. Je ne veux pas savoir si
cela dépend de l'individu, je veux savoir quel est votre chiffre.
M. Côté (François): Si on aborde la question
en théorie, à savoir ce qu'on affirme comme objectif, là
où c'est concrétisé, c'est dans les coûts de
production qui sont faits au comité technique. Il y a des personnes
à temps plein dans l'entreprise
et il faut mettre un salaire à ce temps plein: c'est 24 000 $
dans les coûts de production actuellement. C'est à un niveau
idéologique, mais quand quelqu'un emprunte ce n'est pas comme cela que
cela se présente. Je vous ai parlé de la façon dont cela
se présente en réalité. La rentabilité, c'est ce
qui permet de faire face aux premières années d'un emprunt et
d'acquérir de l'équité. Cela se rétablit à
mesure que l'équité arrive. (11 h 45)
M. Picotte: Les 20 000 $ ou 24 000 $ dont vous parlez, est-ce
qu'on dit que c'est ce qui doit rester à l'agriculteur quand il a
payé sa capitalisation, quand il a payé les
intérêts, quand il a payé l'investissement et les
réparations qu'il a à faire? Les 20 000 $, ce qui lui reste,
c'est pour manger, se vêtir et faire vivre sa famille, lui payer des
loisirs de temps en temps, etc.
M. Côté (François): C'est cela.
M. Picotte: On parle de 20 000 $ à 24 000 $. C'est cela
que j'ai cru comprendre.
M. Côté (François): Pour un producteur
moyen.
M. Picotte: Cela devrait être ça.
M. Côté (François): Ce serait dans la
moyenne. Fatalement, celui qui a plus d'équité, dans la
même situation prix-revenus, aurait moins de paiements
d'intérêts, il aurait un revenu plus élevé, et celui
qui aurait moins d'équité aurait des revenus... Les 24 000 $
s'appliqueraient à celui qui est dans une situation moyenne du point de
vue de l'endettement. C'est ainsi que c'est conceptualisé dans les
coûts de production.
M. Picotte: Sauf que, pour un travail comme celui de
l'agriculteur, il faut, à un moment donné, être capable de
se baser, peu importe l'investissement, etc. Précisément à
cause de la capitalisation qu'un agriculteur est obligé de faire sur sa
ferme, on doit se dire que telle personne qui exerce tel travail doit au moins
avoir un montant d'argent X, doit au moins bénéficier d'un
montant d'argent X. Si on parle de 20 000 $ ou 24 000 $, est-ce que,
d'après vous, la majorité des agriculteurs au Québec, en
tout cas une grande majorité des agriculteurs peuvent dire: Au moins, je
suis dans la moyenne, ou si c'est pas mal inférieur à cela?
M. Couillard: Pour répondre à cette question, cela
m'inquiète un peu quand vous parlez de 24 000 $. Si les agriculteurs
entendent cela, ils vont être tous heureux.
Le problème...
M. Picotte: Ne vous inquiétez pas. J'ai pris les chiffres
qu'on m'a donnés.
M. Couillard: C'est cela, on calcule 24 000 $, mais il y a de
petits problèmes. Il y a toujours des petites choses qui ne sont pas
ajoutées dans le coût de production et qu'on essaie de faire
inclure, mais on n'en est pas capable. Alors, cela diminue un peu les 24 000 $.
Les 24 000 $, bien sûr, au départ, on les inclut dans le
coût de production, mais il y a toujours des petits
éléments.
Une voix: II est à 70%.
M. Couillard: II est à 70% dans les coûts de
production. Il y a toujours des éléments qui font qu'à un
moment donné, ce n'est pas 24 000 $ qu'on a.
M. Gras: C'est le contexte idéal. Dans le fond, c'est
quand la ferme remplit exactement cela. Prenons l'exemple du coût de
production dans une culture céréalière il y a trois ou
quatre ans, quand on l'a fait; il y a cinq ans maintenant. On avait basé
à environ 425 acres une ferme céréalière. Alors, on
a essayé de trouver un modèle qui était fictif parce qu'il
n'y a pas deux cultivateurs qui se ressemblent. On a trouvé un
modèle et on a dit: Dans cette ferme, le producteur doit travailler
normalement sur 425 acres de céréales; cela devrait être
une ferme à peu près à temps plein. Quand on a fini de
faire les calculs, on lui a trouvé 1200 ou 1400 heures. Donc, il n'avait
pas 24 000 $ malgré que c'était une ferme idéale. De plus,
quand le prix de production baisse et qu'il est stabilisé, il
reçoit 70%, 80% ou 90% de ce montant. Donc, on ne peut pas se baser sur
un montant de 24 000 $. Par contre, celui qui aurait eu la même ferme
céréalière et qui n'aurait pas un cent de dette - il
aurait hérité de la ferme de son père - aurait
certainement fait 24 000 $ et plus. Comprenez-vous? C'est là qu'est
toute la différence. Mais l'agriculture étant ce qu'elle est,
cela ne se ressemble pas tous les ans.
M. Picotte: J'essaie de voir l'agriculteur comme un travailleur
ordinaire. Le fonctionnaire qui travaille pour nous autres, à l'Office
du crédit agricole, s'il a hérité de son père, on
ne lui dit pas: Parce que tu as hérité de ton père, tu vas
gagner 20 000 $ de moins par année, parce que tu as eu un
héritage de ton père l'année dernière. Un
travailleur agricole, s'il a eu un héritage quelconque ou s'il
bénéficie d'un avantage quelconque à cause du
passé, ne doit pas être pénalisé. Un taux de 3,47 $
l'heure - c'est ce que rapportait l'article - à
moins que je ne me trompe ou que ma mémoire ne me soit pas
fidèle, c'est inférieur au salaire minimum. Est-ce que c'est du
charriage de dire que c'est à peu près ce montant qu'un
producteur laitier gagne?
M. Proulx (Jacques): Ce n'est pas du charriage, parce que c'est
basé sur une technique...
M. Picotte: Est-ce que cela se rapproche de la
réalité?
M. Proulx (Jacques): Bien sûr.
M. Picotte: Alors, les agriculteurs, c'est du "cheap labour".
M. Proulx (Jacques): C'est cela. Mais cela n'est pas nouveau; ce
n'est pas d'aujourd'hui. On n'apprend pas cela aujourd'hui.
M. Picotte: Non, mais c'est parce qu'à la lecture de votre
document, à certains endroits, j'avais l'impression que cela avait
augmenté tellement en agriculture depuis un certain temps, les
politiques gouvernementales étaient tellement favorables que cela me
surprend que ce soit 3,47 $ l'heure. Cela me surprend même qu'il n'y ait
pas autre chose qui vienne se greffer à cela pour qu'on puisse dire: Ce
n'est pas vrai de penser que l'agriculture... Il ne faudrait pas trop charrier.
Ou bien les chiffres nous échappent quelque part ou bien il ne faut pas
faire dire quoi que ce soit aux chiffres.
M. Proulx (Jacques): C'est toujours la même chose partout.
C'est toujours vrai sur papier et faux en réalité. C'est encore
plus vrai en agriculture parce que tu es dépendant d'un tas de facteurs
sur lesquels tu n'as aucun contrôle. On dit clairement dans notre
document: Température et tout la matière vivante avec laquelle tu
travailles. À partir de là, le moindre écart vient fausser
toutes tes données. Il faut dire que c'est un modèle. Il faut
toujours garder à l'esprit que c'est un modèle. Un modèle,
à ma connaissance, c'est beau quand tu le fais. Après, cela ne se
révèle jamais vrai.
M. Picotte: Sur la rentabilité, on parle un peu des
politiques gouvernementales. Je m'interroge là-dessus. Pour moi, il y
aurait une réelle rentabilité si je n'examinais pas trop souvent
les paiements que font l'assurance-récolte et l'assurance-stabilisation.
Pour moi, quelque chose de rentable, c'est lorsque tu n'as pas besoin, d'une
année à l'autre, d'avoir un chèque quelconque. Il est
important que cela existe là parce qu'il peut y avoir des
intempéries, il peut y avoir tellement de choses. Mais cela semble
curieux de parler de rentabilité alors qu'à tous les ans on est
obligé de payer des montants d'argent qui, encore une fois, je vous le
dis, sont nécessaires et importants. Le mot "rentabilité" prend
peut-être une dimension différente.
On a peut-être une définition un peu plus faible, à
ce moment, de la vraie rentabilité agricole.
M. Proulx (Jacques): Vous soulevez un point que je ne peux
absolument pas laisser passer quand vous parlez de stabilisation, etc. C'est
bien sûr que la stabilisation, pour nous autres, c'est de stabiliser le
bien-être social. Pour nous, c'est clair et net. Sauf qu'il faut
arrêter de penser qu'au Québec on est les plus stabilisés,
les plus subventionnés, etc. Je ne dis pas que vous avez dit cela, mais
je dis: Ce n'est pas une catastrophe, cela va toujours être comme cela.
C'est un choix de société de nourrir sa société et
c'est donné aux consommateurs et non aux producteurs. Je vais vous
donner des chiffres. Aux États-Unis, sous le gouvernement de M. Reagan
qui pourtant passe pour ultraconservateur, etc., l'aide à l'agriculture
est passée de 4 000 000 000 $ à 19 000 000 000 $ en quatre ans.
Arrêtons de nous scandaliser. Cela me choque un peu d'être
obligé d'admettre que, plus cela va aller, plus on va être
obligé de stabiliser l'agriculture. Cela me choque de vous dire cela.
Sauf que c'est une réalité. Est-ce qu'on trouve des moyens pour
s'en sortir? Si on trouve des moyens, les consommateurs vont payer parce qu'il
va falloir que j'aie un prix pour mon produit. Ou bien l'État va devoir
combler le manque à gagner aux producteurs parce qu'on ne pourra pas
travailler continuellement à un salaire moindre que celui du reste de la
société. Il ne faut pas nier non plus que, depuis un certain
nombre d'années, dix ou quinze ans, si vous voulez, il y a eu une
évolution positive dans ce sens. Mais on a encore du retard. On est
conscient de cela. C'est pour cela qu'on fait des efforts et qu'on
préconise énormément de choses pour le faire.
M. Picotte: Je suis d'accord avec vous quand on dit tout
simplement que c'est un choix de société. Cela doit être un
choix de société parce que c'est nourrir les gens. Cela doit
être un choix d'une collectivité. Mais je m'interroge surtout
quand on parle de rentabilité. Arrêtons de trop parler de
rentabilité. Disons que c'est un choix de société qu'on
doit faire. L'État doit mettre des millions là-dedans, d'accord,
à cause du choix de société qu'il fait. Mais, à ce
moment, révisons nos notions de rentabilité parce que cela ne
veut plus rien dire à partir de ce moment. Dites-vous bien une chose,
c'est que je suis entièrement d'accord
sur ce point. On ne fera pas de guerre idéologique
là-dessus. Je suis entièrement d'accord.
J'aurais peut-être une autre question à poser. Je me suis
interrogé. Vous vous rappelez quand le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation a institué des crédits
spéciaux dans le temps de la crise du porc? J'étais un de ceux
qui se posaient des questions en mentionnant que, évidemment, un
crédit spécial, c'était peut-être prolonger un
cancer pour un an ou deux. C'était probablement, dans mon esprit,
prendre un agriculteur qui était endetté jusqu'au cou et lui en
mettre jusqu'aux oreilles. Je voyais cela comme cela, peut-être à
tort. Cela devait être à tort parce que le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation m'a dit tout simplement
que je ne comprenais pas le système. Vous autres, comment analysez-vous,
avec le recul du temps, ce fameux crédit spécial? Cela a eu quel
effet au niveau de la classe agricole, au niveau des productions? Vous avez
sûrement eu des commentaires là-dessus et vous avez sûrement
eu le temps de vous pencher là-dessus. Qu'est-ce que cela a eu comme
effet sur la classe agricole? J'aimerais connaître votre opinion
là-dessus.
M. Proulx (Jacques): Pour un certain nombre de producteurs, cela
a simplement prolongé l'agonie.
M. Picotte: Le cancer.
M. Proulx (Jacques): Appelez cela comme vous le voulez, vous en
mourez quand même au bout.
M. Picotte: C'est une agonie, de toute façon; c'est un
calvaire en plus.
M. Proulx (Jacques): C'est cela.
M. Picotte: Un certain nombre, cela veut dire quelle
proportion?
M. Proulx (Jacques): Encore là, je ne suis pas capable de
donner de chiffres là-dessus. Il y en a probablement qui traînent
encore, qui ont réussi à remettre cela, qui réussissent
à reporter encore l'échéancier. Il y en a qui ont
abandonné dans tout cela, c'est évident, parce que cela ne
pouvait rien corriger. Au moment de l'échéance, toute la question
extrêmement importante d'avoir des prix pour notre produit, on ne l'avait
pas encore; il n'y avait pas eu d'amélioration de toute
l'économie en général, de toute la situation
économique. Il y en a qui sont tombés au bout de cela. Ceux qui
ont eu ces crédits ne sont pas encore tous tombés, c'est bien
évident, mais il y en a qui sont encore poignés avec cela. Je ne
suis pas capable de dire le nombre. C'est un peu comme les faillites. J'ai
oublié d'en parler tout à l'heure, mais il y a une chose
évidente: même si on n'est pas capable de vous donner le nombre de
faillites, on n'est pas d'accord avec le nombre donné par l'Office du
crédit agricole. C'est évident. Pour le savoir, qu'on rende la
liste publique ou qu'on la mette entre les mains d'un comité qui va la
vérifier et, à partir de là, on pourra savoir si c'est
vrai ou non. En tout cas, je tenais à préciser cela.
M. Picotte: Une dernière question, M. le Président.
On. voit que certaines choses qui nous ont été
suggérées hier par les agriculteurs rejoignent les vôtres,
dans le fond. On a parlé d'une commission d'appel. Je pense que cela
nous a aussi été souligné hier. Des abus de pouvoir, on en
a entendu parler beaucoup hier. Je remarque, en parlant d'abus de pouvoir,
qu'à la page 16 de votre document vous dites, comme les gens qui nous
ont rencontrés hier: "Étant dispensateurs d'une aide importante
de l'État, les officiers du crédit agricole disposent d'un
pouvoir considérable sur les agriculteurs. Et est bien naïf celui
qui pense qu'une telle situation n'engendre pas des abus de pouvoir."
J'aimerais que vous me disiez plus précisément quels sont dans
votre esprit les abus de pouvoir qui existent.
M. Proulx (Jacques): Excusez-moi. Je suis obligé de dire
que vous m'en posez une bonne, parce que je ne voudrais pas...
M. Picotte: Vous nous l'avez dit vous-mêmes.
J'imagine...
M. Proulx (Jacques): Ce serait difficile de commencer à
parler de...
M. Picotte: Sans parler de cas.
M. Proulx (Jacques): Même de cas. C'est un ensemble de
choses qui font que ce sont des abus de pouvoir. Je ne sais pas s'il y en a qui
peuvent en donner. Jean-Claude.
M. Blanchette: Je peut peut-être l'expliquer. Pour
illustrer cela, le producteur qui a un projet, qui veut le faire financer et
qui va rencontrer l'organisme susceptible de le financer n'est pas sur un pied
d'égalité avec celui qui est en face de lui pour discuter de son
projet. Si celui qui est en face lui dit: On va te financer, mais à
telle condition, il n'a pas beaucoup d'arguments et de pouvoirs pour discuter
de cette condition et essayer d'en proposer d'autres. Il peut le faire, mais il
n'est pas sur le même pied. Cela justifie qu'on en arrive après
à un mécanisme d'appel pour vérifier et voir si, dans tous
les cas, il n'y a pas eu des cas comme cela qui se sont
présentés, afin
d'assurer tout le monde, autant le producteur que l'office, que la
décision qui a été prise est bien celle qui devait
être prise, en tenant compte de la réglementation, des lois et du
projet qui était présenté par le producteur. Cela peut
illustrer un peu plus ce qu'on veut dire par l'abus de pouvoir.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
Avez-vous d'autres questions à poser, M. le député de
Maskinongé?
M. Picotte: M. le Président, l'abus de pouvoir...
Évidemment, la personne concernée peut être
accompagnée d'un conseiller n'importe quand et d'un avocat.
M. Blanchette: Oui. (12 heures)
M. Picotte: À ce moment-là, je pense qu'elle a les
moyens pour se défendre. J'imagine qu'on peut parler de beaucoup
d'autres sortes d'abus de pouvoir. On nous donnait l'exemple hier d'un gars qui
a des contrats avec un intégrateur. Il pouvait être à la
merci de certaines décisions ou de certains changements de
décision. Cela m'a surpris qu'on me dise que le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation favorisait
l'intégration dans le domaine des bovins de boucherie. C'est ce qu'on
nous a répondu hier. Cela m'a vraiment surpris de voir que le ministre
de l'Agriculture des Pêcheries et de l'Alimentation était
favorable à cela dans le domaine des bovins de boucherie. La personne
qui voit son contrat changer dans l'espace de peu de temps... Est-ce qu'il n'y
a pas là une situation aberrante parce que, quand on se présente
à l'Office du crédit agricole et qu'on veut avoir un prêt,
on dit souventefois à vos agriculteurs: Va te chercher un contrat
d'intégration et, quand tu l'auras dans ta poche, on va te prêter?
N'y a-t-il pas là une situation qui suscite des points
d'interrogation?
M. Proulx (Jacques): Certainement. On a toujours dit qu'il
était inacceptable que cela se produise.
M. Picotte: Sur l'abus de pouvoir, il me semble que cela doit
agir beaucoup plus sur le gars qui est endetté que sur le gars qui va
s'endetter. Lorsqu'il arrive là, c'est beaucoup plus facile et il ne
doit pas y avoir beaucoup d'abus de pouvoir de ce côté, à
part une décision avec laquelle on ne serait pas d'accord. J'imagine
que, lorsque le gars est bien endetté, qu'il est dans cette situation et
qu'il ne peut s'en sortir, j'aurais bien plus peur des abus de pouvoir dans ce
sens. Avez-vous eu connaisssance d'abus de pouvoir dans ce sens?
M. Proulx (Jacques): Moi...
M. Picotte: Cela est plus dangereux.
M. Proulx (Jacques): Je vous dirai que cela agit sur les deux.
Autant sur le gars, le producteur ou n'importe qui, sur la personne
coincée, rendue au bout du rouleau. On a d'autres exemples. Vous l'avez
probablement vu hier. Il y a eu de l'abus de pouvoir dans l'incitation d'aller
plus en grand qu'ils voulaient et ainsi de suite. C'est pour cela que je dis
que je ne peux pas faire un partage 50-50. Il y a de l'abus de pouvoir dans les
deux parties. Il n'est peut-être pas pire dans l'une que dans
l'autre.
M. Picotte: Mais il n'est pas mieux. Merci.
M. Proulx (Jacques): II ne sera jamais mieux, même s'il
était à 25-75.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: M. le président, à la page 9 de
votre document, vous dites: "Une ferme familiale est une entreprise où
la famille..." Pour vous, M. le président, qu'entendez-vous par la
famille?
M. Proulx (Jacques): Par? M. Dupré: Par la
famille?
M. Proulx (Jacques): Ah bien, la famille...
M. Dupré: Est-ce que c'est le père, la mère,
les enfants ou les frères? On a plusieurs exploitations.
M. Proulx (Jacques): Normalement, la famille c'est le
père, la mère, les enfants, mais, à un moment
donné, cela devient le père, la mère, les frères et
les soeurs. Cela ne se détermine pas de même. Dans l'idée
générale, la famille, c'est...
M. Dupré: Je trouve cela important parce que, si vous
parlez de regroupement et de compagnie de frères et soeurs sur une terre
qui font vivre trois ou quatre familles ou une ferme qui fait vivre seulement
une famille, c'est...
M. Proulx (Jacques): Le débat de la ferme familiale - je
pense que c'est là qu'on en vient...
M. Dupré: Oui, c'est là-dessus que je m'en viens,
oui.
M. Proulx (Jacques): Ceux qui pensent qu'un bon matin ils vont
trouver une solution tranchée au couteau, on est persuadé qu'ils
sont dans l'erreur parce que jamais on n'aura
cela. Jamais on n'encadrera la définition d'une ferme familiale
dans un cadre bien rigide. Je ne pense pas qu'on fasse cela. Pour nous, la
ferme familiale - et on l'exprime clairement - c'est le capital investi, le
travail et la gestion. On peut être accusé de donner des
critères faciles, mais c'est une réalité. C'est
déjà un départ. Je pense que c'est par différentes
mesures qu'on va se donner autour de cela qu'on va garder des fermes à
la mesure que la majorité veut avoir dans le cas de fermes familiales.
On court à un échec si on veut, encore une fois, encadrer un
modèle de ferme tellement rigide que plus personne ne va s'y retrouver
au moindre écart. Il faut plutôt se diriger vers un modèle
que la société veut se donner. Par exemple, par des politiques
incitatives qui vont faire qu'on va garder un certain niveau de ferme, un
certain niveau de production, par des choses comme cela.
Au Québec, actuellement, je parle avec beaucoup de gens et jamais
un cultivateur ne m'a dit qu'il n'avait pas une ferme familiale chez lui.
Jamaisl Même ceux qui avaient quatre ou cinq gars avec eux, même
ceux qui étaient trois, quatre ou cinq frères ensemble. Ils ont
tous des fermes familiales. C'est un débat qu'on ne terminera jamais,
mais qu'on peut entourer d'une série de mesures qui feront en sorte de
garder une grosseur moyenne, si on veut.
M. Dupré: Je vais lire très attentivement le
document que M. Boucher nous a remis hier et, ensuite, je ferai la concordance
avec le bas de la page 8 de votre document. Il dit - naturellement, c'est
toujours vérifiable: "Un auteur américain, Tweeten, et
cité par le professeur Wampach, a calculé qu'aux
États-Unis, si toutes les fermes avaient été d'une
dimension moyenne, environ 50 000 $ de revenus bruts, on aurait pu produire la
même quantité de produits agricoles à un coût
inférieur de 23%, soit une économie de 15 200 000 000 $
annuellement. Le même auteur affirme que la production américaine
pourrait provenir de 1 200 000 fermes, soit deux fois plus que le nombre actuel
et qu'il en résulterait un gain substantiel pour les agriculteurs et
pour les consommateurs." Alors que vous, à la page 8, vous dites: "En
même temps, les agriculteurs sont conscients qu'il y a une
évolution nécessaire, que la taille d'une ferme familiale
"normale" évolue à cause de l'évolution de la technologie,
laquelle engendre, etc." Vous connaissez votre citation. Je voudrais vous
entendre là-dessus, parce que c'est complètement contradictoire.
Vous avez l'air de dire qu'on s'en va vers des fermes plus grandes et plus
mécanisées, alors que ces études ont l'air de
démontrer tout à fait le contraire.
M. Proulx (Jacques): Oui, mais je pense que personne n'a
publié cela. On vit en Amérique. Si tu n'évolues pas, tu
régresses. Les nouvelles techniques sortent. Personne ne les refuse. Il
n'y a plus beaucoup de gens qui travaillent avec un "team" de chevaux. Quand tu
t'achètes un tracteur, cela veut dire qu'il faut que tu grossisses un
peu. C'est une évolution normale avec la technologie et ainsi de suite.
On ne peut pas nier cela. On vit parmi le monde et on ne peut pas nier cela.
Jean-Claude.
M. Blanchette: J'aimerais ajouter peut-être, en
réponse à votre question, comme complément, qu'il faut
d'abord prendre en considération que le phénomène de la
concentration en agriculture aux États-Unis a commencé bien avant
au Canada et au Québec. Il est beaucoup plus avancé que ce qu'on
retrouve ici. Dans ce sens, le pourcentage de fermes aux États-Unis qui
produisent une très grande partie de la production est beaucoup plus
restreint que celui qu'on retrouve ici au Québec. Il faut faire
attention lorsqu'on fait des comparaisons entre la situation aux
États-Unis et ici. Un seul producteur d'oeufs aux États-Unis
produit plus que ce que les producteurs d'oeufs du Québec produisent. On
n'en est pas rendu encore là, mais, dans notre définition, ce qui
est important aussi quand on parle de la famille, c'est que la famille peut
s'étendre aussi à plusieurs familles, mais qui gardent les
mêmes caractéristiques. Dans ce sens, dans une entreprise, ce
n'est pas nécessairement un père, une mère ou encore deux
adultes -parce qu'il faut employer aussi cette définition - qui vivent
ensemble avec des enfants. Cela peut être, pas nécessairement une
communauté, mais plusieurs pères, mères et adultes qui
vivent ensemble et qui ont les mêmes caractéristiques tout en
mettant, par certaines politiques, des limites pour éviter les tailles
gigantesques dans l'application des politiques agricoles gouvernementales.
M. Dupré: Lorsque vous...
M. Proulx (Jacques): Tout en étant conscient qu'il y a un
danger qui nous guette - c'est évident - je voudrais seulement rappeler
un chiffre qui nous a extrêmement frappés dans nos études,
dans le travail qu'on a fait pour le crédit agricole. En 1981, il y
avait 74% des fermes au Québec qui produisaient à moins de 50 000
$ de revenu brut. Encore une fois, ce n'est pas pour dire: II ne faut pas faire
attention, il ne faut pas être vigilant, mais il ne faut pas dire non
plus qu'on en est rendu au rythme des États-Unis.
M. Dupré: À la page 13, lorsque vous parlez de
certaines productions à temps plus ou moins partiel, vous finissez en
disant: "II
faut toutefois être prudent si on évolue dans cette
direction car plusieurs dangers se présentent à nous."
Pouvez-vous m'en identifier quelques-uns?
M. Proulx (Jacques): Bon! Écoutez...
M. Dupré: Oui, avant, je vais compléter ma
question. Tantôt, le député de Roberval a parlé
d'agriculture à temps partiel et a dit pourquoi on ne démarrait
pas. C'est rare car à peu près dans tous les autres domaines...
Vous avez certainement aussi, au coin de chez vous, dans votre entourage, un
grand nombre de restaurateurs qui ont commencé avec des roulottes
à patates frites et non seulement ils prennent de l'expérience en
alimentation, mais en gestion en même temps et, à un moment
donné, ils prennent de l'expansion. Mais là, on a eu l'air de
dire - en tout cas hier - qu'en agriculture tu ne peux pas faire cela. Il faut
que tu partes avec 400 boeufs ou bien tu ne pars pas. Il me semble que c'est
contrariant. C'est différent des autres domaines où la plupart
des gens commencent avec une petite business et, à un moment
donné, ils grossissent tranquillement, souvent à temps partiel ou
avec l'aide d'autres personnes. Mais, en agriculture, on a établi - ou
cela a tout lieu de l'être - des stéréotypes de fermes. On
dit: C'est rentable à 400 têtes. Si tu ne prends pas cela...
De plus, tantôt, vous avez mentionné qu'il y avait environ
75% des fermes qui ne rapportaient pas 50 000 $ brut. Moi, je verrais d'un
très bon oeil l'agriculture à temps partiel pour que les gens
habitent là. Le gars ou la femme a l'occasion de voir et
d'expérimenter s'il aime cela d'abord. Parfois, même si cela fait
dix ans que tu es retourné en ville et même si tu as
été élevé sur la terre, cela a tellement
changé que tu n'es pas sûr que tu vas aimer cela.
M. Proulx (Jacques): C'est parce que la notion du temps partiel,
qu'on soulève dans ce paragraphe, a toujours été
acceptée par l'union. Je pense que tout le monde est conscient que la
majorité d'entre nous a quasiment fait cela. On a pris de l'expansion
avec le temps. Enfin, pour une bonne partie d'entre nous. On va plus loin quand
on parle de temps partiel. On peut presque parler du temps partiel permanent.
Cela pourrait être toute la vie d'un agriculteur d'être à
temps partiel sur sa ferme. C'est ce point qu'il faut développer
graduellement. Mais moi, je ne suis pas capable de vous dire que, si les
agriculteurs, dans l'ensemble, avaient fait un choix, ce qu'ils visaient,
c'était d'être des agriculteurs à temps plein, que la
profession agricole se fasse à temps plein.
Aujourd'hui, on est comme n'importe quelle partie de la
société, il faut probablement s'ajuster en conséquence des
nouvelles choses qui se produisent. C'est cela qu'il faut et je pense qu'on va
évoluer dans ce sens-là. On va favoriser cela davantage si c'est
le désir de l'ensemble des agriculteurs. Comme union, on va selon les
désirs et les besoins exprimés par les producteurs agricoles du
Québec.
Personnellement, il est bien certain que je suis persuadé qu'il
faut envisager un certain nombre de productions. C'est la solution. Mais il
faut évoluer avec cela et le plus rapidement possible.
M. Dupré: Même dans la région de
Montréal, il y a une quantité de petites terres ou de lopins et
il y a certainement plusieurs personnes qui y seraient
intéressées. Mais pour ce monde-là, il n'y a presque pas
de programme. Je pense qu'il n'y en a pas parce que tu n'es pas reconnu au
départ comme un agriculteur. C'est donc extrêmement difficile.
Au bas de la page 13, lorsque vous dites: "L'actif total de la ferme
moyenne est passé de 53 000 $ à 285 000 $", est-ce l'actif
net?
M. Proulx (Jacques): Non. C'est l'actif total.
M. Dupré: C'est l'actif total, c'est la valeur de la
ferme. C'est bien. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Dans votre
mémoire, M. Proulx, vous citez plusieurs statistiques. Il y en a une en
particulier, comme le souligne le député de Saint-Hyacinthe, qui
m'intéresse: c'est que, de 1971 à 1981, les actifs ont eu une
augmentation de 335%, en partant de 2 200 000 000 $ à 9 900 000 000 $.
Ceci veut dire aussi que le taux d'endettement a subi la même croissance.
Dans une autre statistique que vous nous donnez, on apprend que le revenu moyen
a diminué de 31%, comparativement à la période de 1973
à 1975. Comment voulez-vous qu'un agriculteur moyen, avec une
augmentation de sa capitalisation de même que de sa dette, puisse arriver
à payer des paiements semblables avec une diminution de revenu?
M. Couillard: D'accord. Ce n'est pas compliqué. Vous
l'avez dit vous-même. Je vais reprendre vos paroles. Effectivement, il y
a eu un accroissement énorme de la dette, mais aussi de l'actif. Si vous
vérifiez avec l'Office du crédit agricole ou avec la
Société du crédit agricole, vous allez constater
qu'à une certaine époque ils n'ont fait que reconsolider des
prêts. C'est de là que l'argent provenait en grande partie.
M. Maltais: D'accord. (12 h 15)
M. Côté (François): Pour ajouter à
cela, pour voir la situation telle qu'elle s'est produite, les actifs ont
augmenté, les dettes ont augmenté, mais l'équité a
aussi augmenté. L'enquête de la Société du
crédit agricole en 1981 démontrait que les agriculteurs canadiens
avaient un taux d'équité de 85% en moyenne, et les agriculteurs
du Québec, de 80%. Une partie de la réalité qu'on a
vécue, c'est que, finalement, il y a eu des plus-values jusqu'en
1980-1981; il y a eu des plus-values foncières aux livres. Dans l'esprit
des gens, ils acceptaient de se serrer la ceinture quand ils voyaient leur
avoir augmenter. Sauf qu'au niveau des valeurs c'est le contraire qui se
produit; actuellement, il y a une baisse des valeurs.
M. Maltais: Cela m'amène à poser la question
suivante: Comment voulez-vous qu'un agriculteur en 1984 puisse avoir un revenu
décent alors que son taux d'endettement a augmenté dans la
même proportion que l'augmentation de la capitalisation de sa ferme?
Trouvez-moi un Québécois qui vit en 1984 avec des revenus de 31%
de moins qu'en 1975. Est-ce que ce n'est pas là une cause des faillites,
M. le Président?
Une dernière question sur les faillites. Vous l'avez
souligné tantôt: lorsque les agriculteurs déclarent
faillite, on a tendance à penser que ce sont des faillites personnelles.
C'est peut-être une raison pour laquelle vous ne trouvez pas de
statistiques réelles des faillites d'agriculteurs. Est-ce qu'il y a une
solution à cela afin de s'assurer que, comme syndicat, vous êtes
certain que vous avez un nombre X de membres qui ont fait faillite à la
fin de l'année? Dans les greffes de cours, on dit que ce sont des
faillites personnelles; ce ne sont pas des faillites industrielles ni en
agriculture. Est-ce que cela ne fausse pas un peu les chiffres?
M. Proulx (Jacques): C'est bien évident. Cela
soulève un des points qui faussent les données un peu partout.
Dans bien des cas, cela est considéré comme des faillites
personnelles. C'est pour cela que je disais tout à l'heure qu'à
partir de là il faudrait avoir, partout où c'est possible, la
liste des faillites et, à l'aide de notre système,
vérifier chaque cas - Arthur Bleau, de tel rang... On peut
décortiquer jusqu'à un certain point si cela vient d'une paroisse
rurale. Si on veut être encore plus juste et savoir quel est le chiffre
exact, il faudrait étudier cas par cas et s'informer si c'est
réellement une faillite en agriculture ou non.
M. Maltais: D'accord. Vous êtes le syndicat et vous
représentez les agriculteurs. On est ici présentement pour
étudier aussi le cas des sept grévistes de la faim. J'aimerais
savoir ce que vous avez fait, à titre de syndicat, dans ces cas
précis: il y en a sept. Il y a peut-être beaucoup de faillites,
comme vous l'avez dit, qu'on ne connaît pas, mais il y en a sept qu'on
connaît et ces gens sont venus témoigner en commission
parlementaire. J'aimerais savoir ce que l'UPA a fait de concret pour eux.
M. Proulx (Jacques): Je n'ai pas de réponse
spécifique. Il faudrait le demander à nos dirigeants des
régions respectives de ces producteurs. Est-ce qu'ils s'en sont servis,
est-ce qu'ils sont allés les voir? Il faudrait poser la question
à nos représentants dans nos bureaux. Je ne peux pas
répondre. Cependant, le même service que celui qu'on a
décrit tout à l'heure était disponible pour eux comme pour
d'autres. Ce sont des producteurs agricoles, c'est leur union et ce sont eux
qui paient pour la faire vivre.
M. Maltais: Vous n'avez pas ici aujourd'hui de
représentant de la région qui pourrait nous dire cela? Merci.
Le Président (M. Vallières): Très bien. M.
le député de Gaspé.
M. Le May: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Je voudrais faire une
précision auparavant. Compte tenu que le temps est maintenant
épuisé du côté de l'Opposition, il n'y aura plus
d'alternance dans la période des questions jusqu'à la fin de nos
travaux, soit 13 heures.
M. le député de Gaspé.
Une voix: Le député de Maskinongé a pris
trop de temps, si je comprends bien.
Une voix: Non, il a pris son temps.
M. Le May: Vous disiez dans votre document que le débat
doit se faire autour de l'office. Vous manifestez de l'inquiétude sur la
lenteur de l'office qui demande trop de garanties pour les prêts offerts
et vous dites qu'il y a même des abus de pouvoir, on en a parlé
tout à l'heure. Vous apportez comme solution la commission d'appel. Quel
rôle voyez-vous à cette commission? J'ai un peu peur que ce soit
une structure de plus qui soit peut-être de connivence avec l'office et
que cela ne règle pas du tout le problème des agriculteurs.
Comment le voyez-vous?
M. Proulx (Jacques): Absolument pas! Premièrement, je veux
faire une correction au départ. On dit que ce n'est pas seulement
l'office qui est la cause des choses, ce sont les politiques agricoles. Il y a
deux causes.
Le meilleur exemple que je peux vous donner pour la commission d'appel,
c'est celui qui existe pour la Société du crédit agricole
qui est composée d'agriculteurs avec un président permanent, dans
le sens que c'est toujours le même président, mais avec des
représentants dans chaque région du pays et des provinces. Ce
sont des gens qui regardent un dossier d'une façon bien
différente de celle des technocrates qui ont à administrer une
loi et qui font des recommandations à partir de là. Cela a
donné de très bons résultats, d'excellents
résultats. Quand je dis "excellents", ce n'est pas parce qu'ils ont dit
oui à tous les cas auxquels on avait dit non. C'est bien loin de cela,
sauf que cela a permis, dans certains cas, de pouvoir analyser plus en
profondeur et, en même temps, cela oblige la société - dans
le cas de la société, par exemple, parce que cela existe -
à être plus prudente, dans un premier temps. Deuxièmement,
même quand elle l'a fait très bien et qu'une décision est
renversée, cela la dégage drôlement. Je pense qu'à
partir de là, si cette commission fonctionne très bien au niveau
de la Société du crédit agricole, je ne vois pas pourquoi
elle serait baroque au niveau de l'Office du crédit agricole. Je ne vois
pas pourquoi, ce sont des agriculteurs.
M. Le May: Oui, mais il reste qu'il y a tellement de facteurs
à l'intérieur de la faillite d'une ferme qui est en
difficulté. Je prends un cas qu'on a souligné hier. Un homme
arrive avec 100 000 $; au bout de quelques années, il a un actif de 500
000 $ et, le lendemain, il est en faillite parce que la banque dit: Je ne te
donne plus de marge de crédit, c'est fini. Que pensez-vous qu'une
commission d'appel puisse faire contre les intervenants financiers, l'office et
tous les organismes qui sont impliqués là-dedans?
M. Proulx (Jacques): C'est le deuxième comité qu'on
suggère devant les difficultés financières qu'on vit
actuellement. Si la banque - je ne connais pas votre exemple d'hier - a
rappelé sa marge de crédit, si c'était un crédit
à la production, cela veut dire que l'office avait donné l'ordre
à la banque qu'il ne garantissait plus. C'est un des problèmes
qu'on soulève dans cela et qui a été la cause de plusieurs
difficultés. À partir de là, au moins, le comité
qu'on demande de mettre rapidement en place... Je ne sais pas si la commission
d'appel pourra toucher à cela, mais il reste quand même...
M. Le May: Mais, selon vous, ce serait un outil important pour
l'agriculteur.
M. Proulx (Jacques): C'est un outil indispensable pour
l'agriculteur et pour l'Office du crédit agricole.
M. Le May: Verriez-vous également un rôle de
prévention, parce que ce n'est peut-être plus le temps, quand
quelqu'un est endetté jusqu'aux oreilles, d'essayer de trouver des
solutions pour l'en sortir? Ce serait peut-être avant que ce serait le
temps de l'aider ou de l'orienter. Est-ce qu'à l'intérieur de
votre syndicat ou de votre organisme vous avez des moyens, des gens, de l'aide
technique pour venir en aide non pas à ceux qui sont coulés - il
est trop tard - mais à ceux qui sont en train de couler?
M. Proulx (Jacques): D'ailleurs, là aussi, on est clair et
net. On avance des choses. En raison de montants de plus en plus importants
à manipuler, etc., probalement qu'à l'avenir il va falloir faire
un effort pour mettre des exigences de gestion, de comptabilité, etc. On
est favorable à cela. Je pense que c'est précisément ne
pas agir en pompier, mais prévenir. On a vécu cette
expérience dans les années soixante, pour ceux qui s'en
souviennent, avec les prêts surveillés; l'agriculteur avait
l'obligation de tenir une comptabilité, d'avoir un bon système.
Il y avait un suivi et je pense que personne n'en est mort. Plus cela va, plus
ce sera nécessaire. Précisément, ce sera une forme de
prévention drôlement efficace et intéressante pour tout le
monde.
M. Le May: Est-ce que vous croyez que ce serait le rôle de
l'UPA de mettre cela sur pied?
M. Proulx (Jacques): L'UPA ne pourra pas tout faire. Il y a des
responsabilités que le gouvernement doit prendre et il doit les prendre
jusqu'au bout. Quand il instaure un système, qu'il veut le
considérer et qu'il le veut efficace, il doit mettre tout ce qui se
rattache à cela. On aura les disponibilités pour servir. Je pense
qu'il y a des moyens, mais il faut...
M. Le May: J'ai envie de vous répondre la même
réponse que celle que vous avez faite. Le gouvernement ne veut pas tout
faire non plus.
M. Proulx (Jacques): Certainement.
M. Le May: Une dernière question. Tantôt, M.
Couillard répondait qu'il recevait les agriculteurs pour les aider quand
ils étaient mal pris. Il y avait, cependant, une condition - je ne cite
pas M. Couillard au texte - il fallait que l'agriculteur soit d'accord pour
remettre son dossier à M. Couillard. Hier, on s'est fait dire toute la
journée que les cultivateurs n'étaient pas capables d'avoir leur
dossier. Est-ce que vous êtes plus capables que les cultivateurs?
M. Proulx (Jacques): Quand on parle de
dossier, ce n'est pas son dossier qui est au crédit agricole,
mais c'est son dossier de... Quand quelqu'un est en difficulté, cela
fait une secousse qu'il ramasse des papiers, cela fait une secousse qu'il y a
des factures quelque part. C'est ce dossier-là dont M. Couillard parle
et non du dossier de l'office. On ne l'a pas. On parle de remettre son dossier,
le gars a commencé à en monter un.
M. Le May: Quelle est la relation entre vous autres et l'office
concernant ces dossiers de personnes en difficulté? Est-ce que vous avez
un canal régulier qui fait que vous êtes en communications avec
l'office pour avoir des renseignements sur les agriculteurs en
difficulté, qui viennent vous voir?
M. Proulx (Jacques): II y a peut-être des gens qui ont des
contacts, mais il n'y a pas de canal institutionnalisé.
M. Le May: Ce n'est pas institutionnalisé. Merci.
M. Proulx (Jacques): On n'est pas rendu là dans la
collaboration.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
M. Le May: Pourtant, tout le monde travaille pour
l'agriculteur.
M. Proulx (Jacques): Certainement. J'en suis persuadé.
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Merci. J'aimerais tout de suite, au
départ, éclaircir un point. À plusieurs reprises dans
cette commission, on a signalé que le ministre de l'Agriculture, M.
Garon, aurait pris position ou aurait invité les agriculteurs à
s'intégrer s'ils voulaient sauver leurs terres. Ce serait lors d'une
rencontre qu'il y a eu avec des agriculteurs, je suppose bien, à la
Flèche d'or de Saint-Cyrille. C'est hier qu'on a dit cela. On disait
cela textuellement: Si vous voulez sauver vos terres, vos entreprises, passez
à l'intégration. Est-ce que l'UPA a entendu cette expression du
ministre ou a pris connaissance de cette prise de position?
M. Proulx (Jacques): Moi, je ne l'ai jamais entendue. Je ne sais
pas s'il y a des membres ailleurs. Je ne sais pas s'il y en a d'autres qui ont
entendu cela. Moi, je ne l'ai pas entendu.
M. Baril (Arthabaska): Quelle aurait été votre
position, votre réponse si le ministre avait pris cette position? Votre
déclaration après cela?
M. Proulx (Jacques): J'aurais été en maudit parce
que c'est complètement à l'encontre de ce qu'on développe
et qu'on défend. D'autant plus que j'aurais été encore
plus... Je pense que c'est aussi le contraire de cela que le gouvernement
actuel propose, préconise.
M. Baril (Arthabaska): Également, vous avez fait mention
tout à l'heure, et je pense que tout le monde reconnaît la
justesse de ces propos, que l'assurance-stabilisation, c'est une sorte de
bien-être social assuré ou garanti. Par contre, également,
tout le monde reconnaît qu'il y a des problèmes en agriculture. Je
crois qu'ensemble on a différents organismes, nous avons essayé
de nous donner des outils. J'aimerais vous entendre pour savoir si, au niveau
de la formule des plans conjoints, vous définissez cela comme une autre
sorte de bien-être social assuré ou garanti?
M. Proulx (Jacques): C'est tout à fait le contraire. C'est
justement une formule qui permet d'éliminer le bien-être social et
qui permet d'aller chercher le prix juste et équitable pour un produit.
C'est pour cela aussi qu'il ne faudrait jamais mettre cela de
côté. Absolument jamais, parce que tu auras beau avoir toutes les
meilleures politiques au monde, si tu n'as pas un prix au bout pour ton
produit, tu vas toujours arriver au même cul-de-sac. C'est que tu ne
seras pas capable de payer. Pour nous autres, il faut mettre
énormément d'énergie et l'État devrait, dans les
nouvelles productions, parce que c'est terriblement cher d'organiser la mise en
marché au départ... Je pense que, dans une politique de
développement de l'agriculture, dans des politiques où on a tout
mis en oeuvre pour augmenter la production agricole, cela a été
un problème d'avoir négligé cette partie, de ne pas avoir
tenu compte justement de toute la mise en marché. On peut nous relancer
la balle, comme on le fait souvent, en disant: C'est votre
responsabilité, l'UPA, mais, au départ -notre
responsabilité, on la prend - il faut que tout cela se fasse ensemble.
Je suis persuadé qu'en même temps qu'on met en place des
politiques de développement, on devrait aussi tenir compte de cela. Cela
a été une erreur dans le passé.
M. Couillard: M. le Président, si vous me le permettez,
j'ajouterais quand même que cela permet aux petites exploitations comme
aux grandes d'avoir les mêmes avantages pour les prix. Je pense que, par
ce fait, cela les empêche de devenir vite plus grandes. En tout cas,
c'est ce que je voulais ajouter.
M. Baril (Arthabaska): Je vais vous poser une autre question. Je
connais la
réponse, mais, entre personnes qui connaissent la même
situation, nous nous comprenons; d'autres ne comprennent pas parce qu'on ne
l'explique pas assez souvent. J'aimerais que vous me donniez la
définition - cela se rattache à la formule des plans conjoints
également - d'une production intégrée et d'une production
indépendante ou d'un producteur intégré et d'un producteur
indépendant. Comme je vous le dis, c'est peut-être pour le bien
de... (12 h 30)
M. Proulx (Jacques): On pourrait en parler toute la
journée, parce qu'il y a autant de contrats d'intégration qu'il y
a de producteurs qui sont poignes avec ceux-ci. En fait, pour nous autres,
voici une définition bien imagée: une production
intégrée, c'est un ouvrier agricole et une production non
intégrée, c'est un producteur agricole. Ce qui veut dire que, la
plupart du temps, quand on est intégré, on a très peu de
choses à dire dans la production; mais, comme je vous dis, il y a autant
de contrats d'intégration qu'il y a d'intégrés. En
général, c'est parce qu'on est plus libre des décisions
qu'on a à prendre. On est en fait un ouvrier agricole. On produit
à partir d'un salaire ou à partir de la pièce ou ainsi de
suite. On n'a vraiment plus le contrôle de notre gestion ou on n'a plus
le contrôle d'un tas d'autres décisions. Je ne sais pas s'il y a
d'autres définitions.
M. Baril (Arthabaska): D'accord. Vous avez également dit
qu'une des conséquences de la situation de l'agriculture d'aujourd'hui,
ce sont les politiques agricoles. Peut-être pas juste cela, mais
certaines politiques agricoles. Est-ce que vous pourriez donner un exemple ou
des exemples de politiques agricoles du gouvernement qui ont fait en sorte
qu'on a mis les agriculteurs dans l'embarras?
M. Proulx (Jacques): Encore là, on ne
généralise pas parce que cela dépend de plusieurs
facteurs. Il y a toute la crise économique qui dépend de
différents gouvernements, qui dépend même de tout le
continent. Il y a, comme on l'a dit à plusieurs reprises, des politiques
sur lesquelles on a été trop incitatif. On n'avait pas
l'expertise. On n'avait pas l'expérience dans ce domaine. On n'avait pas
les moyens à fournir aux producteurs agricoles ou les techniques, etc.
On a eu de la très mauvaise planification sur un certain nombre de
politiques. On a peut-être été trop rapidement. Dans ce
sens, je dis que ce sont des erreurs comme cela.
Au niveau du crédit, on l'a soumis à quelque chose. On a
peut-être parfois, dans ces incitations... Cela a fait qu'on a
prêté sur des calculs du moment. On a le plus bel exemple dans le
porc. On calculait sur des capacités de remettre l'argent pendant que le
prix du porc était très élevé. Dans le gros
développement du porc, il n'y avait pratiquement pas de
possibilité de perdre de l'argent à produire du porc. Sauf que
ceux qui faisaient ces calculs auraient dû savoir que, dans le porc comme
dans le boeuf, ce sont des productions cycliques; ils auraient dû savoir
qu'il n'y avait pas d'organisation d'offre et de demande, qu'il n'y avait aucun
contrôle, que cela ne pouvait pas durer. On ne pouvait pas établir
des capacités de remettre l'argent sur X années avec un revenu
qui est cyclique. Cela est une erreur. Ne reprochons pas cela au cultivateur.
Le cultivateur a été obligé de prendre les chiffres qu'on
lui a donnés quand il est allé à l'office ou qu'il est
allé à son bureau régional, etc.
On veut bien prendre notre partie des responsabilités. On ne veut
pas tout rejeter sur les autres. Il y a eu, dans des cas, de la mauvaise
gestion. Il y a eu probablement... On va venir dire aussi: On n'a tordu les
bras de personne. Cela n'est pas si certain. Il reste quand même qu'on
est obligé de se fier à du monde, on n'a pas le choix. Si on veut
avoir l'argent, il faut qu'on se fie à des conseils et, par la suite, on
s'attend d'avoir de l'expertise, on s'attend d'avoir des conseils, on s'attend
d'avoir un suivi, et cela a été faussé au départ.
Cela fait qu'une partie des producteurs a fait des faillites.
M. Baril (Arthabaska): Dans les faillites, depuis quelques
années, pouvez-vous me dire dans quel secteur d'activité elles se
sont le plus concentrées?
M. Proulx (Jacques): J'ai l'impression qu'elles ont
été plus fortes dans le porc et dans le boeuf et également
dans les céréales. Ce sont trois productions où on
contrôle très peu encore l'offre et la demande, mais c'est
particulièrement dans le porc que j'ai l'impression qu'il y a eu des
faillites.
M. Baril (Arthabaska): Tout à l'heure, on a parlé
du crédit spécial à la production pour le porc et les
céréales également. Aujourd'hui comme hier, on nous dit
que ce crédit spécial a été une forme de
prolongation de l'agonie de la personne. Est-ce que l'UPA aurait plutôt
préconisé une subvention directe aux agriculteurs en
difficulté? Quelle est la solution que l'UPA préconisait dans le
temps?
M. Proulx (Jacques): C'est une des solutions qu'on a mises sur la
table, à ce moment-là; des subventions plus directes, de devancer
la stabilisation. On a même proposé justement, au départ,
un plan de redressement de la production, un plan de transformation de la
production parce qu'on réalisait rapidement qu'on s'en allait vers
un
cul-de-sac dans le genre de production où on s'était
lancé.
On a déposé, on a présenté au ministre un
plan de redressement de la situation, de la transformation, dans la
façon de produire du porc au Québec. On y est allé avec
plusieurs éléments à la fois. On ne voyait pas comment,
avec un crédit spécial que tu es obligé de remettre au
bout et en sachant qu'une crise économique ne se résorbe pas d'un
coup sec... Qu'est-ce que tu faisais? Tu prolongeais l'agonie, point final.
M. Blanchette: Le problème de l'application des
crédits spéciaux, dans le porc, quand ils ont été
votés, c'est qu'un crédit spécial, normalement, c'est bon
quand vous êtes dans le creux de la vague et que cela permet de passer le
creux de la vague pour prendre le haut de la vague ensuite. Ce qui s'est
produit, dans le porc, c'est que les crédits spéciaux sont sortis
pour essayer de prendre le creux de la vague; la période de hauts prix a
été très courte et n'a pas été aussi haute
que prévue et l'autre cycle est arrivé immédiatement. Ce
qui fait que les producteurs n'ont pas pu, avec le crédit
spécial, passer au travers de la crise; ils sont entrés tout de
suite dans une nouvelle crise. C'est dans ce sens que cela n'a pas
réglé bien des cas.
M. Baril (Arthabaska): Au niveau de l'assurance-stabilisation
payée aux producteurs, avez-vous des données... En tout cas, il y
a une certaine surveillance au niveau du gouvernement du Québec pour que
l'assurance-stabilisation n'aille pas aux intégrateurs, justement parce
que je crois que nous voulons, que le gouvernement du Québec veut
préconiser la ferme familiale ou la ferme du producteur
indépendant.
Par contre, on sait que le gouvernement canadien, lui - je ne sais pas
s'il s'en préoccupe, mais il n'y a pas grand surveillance pour savoir si
le chèque reste au producteur ou va à l'intégrateur...
Avez-vous de l'information est-ce qu'il y a un moyen de contourner la
surveillance du gouvernement du Québec? Est-ce que, de toute
façon, le chèque qui est envoyé au producteur se retrouve
dans les mains de l'intrégrateur? Il y a toujours des moyens de
contourner la loi.
M. Gras: Moi, je pourrais en ajouter d'autres. Vous savez, quand
vous avez des producteurs qui étaient aux assemblées et que, le
lendemain, ils n'y sont plus, vous pouvez vous poser certaines questions. Je me
rappelle avoir vu des producteurs qui étaient vraiment en faveur du plan
conjoint, par exemple, dans les naisseurs.
Vous avez ces gens-là qui, à un moment donné, se
sont retrouvés devant la situation où ils ne pouvaient plus
vendre leurs petits porcs. Il n'y avait plus de producteurs indépendants
qui étaient finisseurs, ou pratiquement plus, et de toute façon
ils étaient coincés.
On a tout simplement vu ces gens-là disparaître de la
circulation, de nos assemblées et tout cela, pour être capables,
parce qu'ils étaient pris, de se taire. Je n'ai jamais entendu dire que
leurs truies avaient été vendues à tel ou tel
intégrateur, mais on le sait et vous n'avez pas de preuve de cela. C'est
le gouvernement qui a les moyens de faire cela. On a dénoncé des
cas et on sait où ils sont; ils ne sont pas rien qu'un petit peu. Je
peux vous dire que, dans Nicolet, il y en a énormément.
Je ne peux pas blâmer le cultivateur qui est pris à la
gorge; il ne peut plus vendre ses cochons. Que voulez-vous qu'il fasse?
Il passe ses truies à l'intégrateur. Il devient un salarié
et il reçoit sa stabilisation, et il n'a pas le droit d'en parler non
plus. S'il ne reçoit pas la statilisation, il n'est plus
intégré non plus.
M. Baril (Arthabaska): C'est une des difficultés de la
mise en place du plan conjoint, de l'application.
M. Gras: De l'application sans aucun doute.
M. Couillard: Est-ce que je pourrais vous poser une question au
lieu de s'en faire poser? Avez-vous en main les contrats d'intégration
avec une évolution?
Une voix: Dans les mains des fonctionnaires...
M. Couillard: Bien, la commission, je ne sais pas si on est en
droit d'avoir ces contrats.
M. Picotte: Hier, on en a déposé quelques-uns, mais
on n'a pas eu le temps de les scruter comme commission.
M. Couillard: C'est drôlement intéressant.
Le Président (M. Vallières): Au début des
travaux, nous ne les avions pas. Cela a été déposé
hier pour quelques-uns, dans quelques cas.
M. Couillard: Lorsque vous allez en prendre connaissance, vous
allez trouver que c'est drôlement intéressant. Cela va quand
même en donner une bonne idée. Est-ce que je peux expliquer
quelque chose, M. le Président?
Le Président (M. Vallières): Je m'excuse, mais si
on veut terminer.
M. Couillard: Juste trente secondes. Ce n'est pas un contrat qui
a été déposé hier, il ne faut pas se tromper. C'est
un avenant qui a été déposé et non un contrat. Je
connais cela un contrat pour l'élevage du porc, je vous le garantis. Ce
n'est pas un contrat qui a été déposé hier, c'est
seulement un avenant, advenant un octroi fédéral ou provincial
qui serait versé à l'intégrateur, soit une
coopérative ou un intégrateur, un marchand de moulée, si
vous voulez. Mais ce n'est pas un contrat. Il n'y avait pas de contrat comme
tel hier.
Le Président (M. Vallières): Merci, pour la
précision.
M. Picotte: ...j'ai demandé à mon collègue
d'Arthabaska. Est-ce que j'ai bien entendu? Avez-vous dit que des cas que vous
aviez eus avaient été référés au MAPAQ?
M. Gras: On en a référé quelques-uns. M.
Picotte: Quel résultat avez-vous eu?
M. Gras: On n'a jamais eu de suite de cela.
M. Picotte: D'accord.
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Dans votre mémoire, vous faites
mention, également à la page 13, qu'il faut être
très prudent - je résume vite - au niveau de l'aide pour les
fermes à temps partiel, les agriculteurs à temps partiel.
Pourriez-vous spécifier un peu? Pourquoi cette prudence et quelles
seraient les conséquences d'une aide directe aux agriculteurs à
temps partiel?
M. Gras: Je pense qu'il faut dire qu'on a toujours
souhaité que l'agriculture soit un métier et qu'on y vive
à temps plein. Au départ, si vous vous rappelez, il y a quelques
années, tous les cultivateurs partaient avec de petites fermes.
Aujourd'hui, c'est de plus en plus difficile de partir de ce côté.
Où on a une certaine inquiétude, c'est de voir n'importe qui
entrer en agriculture, recevoir des subventions et, en fait, que cela soit un
peu une échappatoire. Ce sont des inquiétudes qu'on peut avoir et
qui sont sérieuses. Mais ce qu'on pense qui devrait être
étudié ensemble, c'est comment on entre en agriculture. Par
exemple, je vais prendre des jeunes qui pourraient très bien... Je
connais des exemples où le bonhomme a acheté une ferme, il fait
des céréales, c'est un fils de cultivateur, mais il s'est
acheté un camion pour essayer de se dépanner parce que les
revenus de sa ferme n'étaient pas suffisants. Mais il ne peut pas avoir
de crédit agricole. Alors, il paie 17% ou 18% à la Caisse
d'établissement et il n'a aucune chance de se développer avec ce
système. Alors, ce sont ces choses et on dit: Il faudrait qu'elles
soient regardées. Comment peut-on donner une aide? Quel temps va-t-on
donner pour s'établir? Jusqu'à quel point cela devient-il une
ferme à temps partiel? Quelles sont les productions? On n'a pas de
solution, mais il faut regarder cela attentivement.
M. Proulx (Jacques): Quand on parle de l'agriculture à
temps partiel, il va falloir qu'il y ait des politiques d'accrochées
à cela. Prenons l'exemple des aspirants agriculteurs, à l'heure
actuelle, qu'on accepte, mais il n'y a à peu près pas de
motivation d'accrochée, il n'y a à peu près pas d'aides
d'accrochées à cela. Je pense que c'est dans ce sens qu'on en
parle, les aspirants et les autres. Il existe certaines possibilités
aujourd'hui. Je ne voudrais pas qu'on en vienne dans le débat à
dire que nous, nous ne sommes pas fixés complètement sur
l'agriculture à temps partiel de peur de perdre des membres.
Écoutez, la base, c'est 3000 $. On n'a pas besoin d'être partiel
bien longtemps pour produire 3000 $ brut. C'est juste parce que je ne voudrais
pas qu'on entende le débat dans le sens que nous sommes craintifs pour
cela. C'est une évolution et il faut qu'elle se fasse.
M. Baril (Arthabaska): Remarquez bien que ce n'est pas notre but
non plus. À l'heure où on se parle, est-ce que vous avez
identifié un ou deux ou quelques secteurs qu'on pourrait peut-être
regarder plus attentivement pour aider la production à temps partiel?
Est-ce que vous avez des secteurs d'identifiés actuellement?
M. Proulx (Jacques): Qu'on ait des politiques moins exigeantes
dans la production d'agneau et mouton, peut-être dans la production de
vache-veau. Je pense qu'on n'a pas au Québec... Arrêtons de penser
qu'on est l'Ouest canadien, qu'on va avoir des troupeaux de 1000 bêtes.
Il y en aura peut-être un ou deux au Québec, un ou deux
producteurs de 1000 vaches-veaux, cela se peut. Ce serait bon qu'il y en ait un
pour avoir une expertise de cela. Je suis persuadé que la production de
vaches-veaux au Québec va se faire en très grande partie à
temps partiel. Écoutez, par exemple, j'ai 50 vaches et veaux, j'ai le
temps de faire autre chose, ne vous fatiguez pas. Cela est un genre
d'agriculture à temps partiel et c'est cela qu'on devrait encourager au
Québec. (12 h 45)
Si je veux en venir à 100, c'est le modèle, par exemple,
allons-y avec le modèle. À 100, on a établi que
c'était un modèle à temps plein, sauf que je suis heureux,
avec autre chose à côté, avec 50
ou 25; c'est un apport pour l'agriculture et pour la
collectivité. Tout le monde est heureux de même. C'est dans ce
sens-là que je parle de ces productions, autant pour les agneaux et
moutons que pour d'autres productions.
On pourrait penser de faire l'élevage du lapin où on n'a
pas de techniques ni d'expertise et d'indiquer des élevages de je ne
sais pas combien, mais ils vont tous crever. C'est la même chose pour la
chèvre; c'est important qu'on en ait, mais on n'a pas toute l'expertise.
Commençons graduellement, cela va évoluer et peut-être que,
dans 20 ou 30 ans... Le laitier, au Québec, n'a pas toujours
été ce qu'il est aujourd'hui. On a évolué
graduellement et le monde s'y est fait; je pense que c'est dans ce
sens-là. C'est ce qu'on a oublié dans les dernières
années. On a voulu aller bien vite.
M. Baril (Arthabaska): C'est peut-être un dernier secteur
que je voudrais toucher. Hier, pendant toute la journée, on a fait le
procès de l'Office du crédit agricole du Québec. Comment
l'UPA apprécie-t-elle le travail des fonctionnaires de l'office en
région? Quand je dis en région, je veux dire au niveau local. Vos
membres ont sans doute formulé des appréciations quelconques.
M. Proulx (Jacques): II y a de belles choses et de moins belles
choses. Je veux dire qu'il y en a qui sont appréciés; il y a des
bons et des pas bons. Je ne suis pas plus capable de faire le partage que tout
à l'heure. Il y a des choses qui seraient gênantes à dire
et qui se disent sur certains, mais il y en a d'autres qui travaillent
très bien. Il ne faut pas généraliser. Il y a des gens
très professionnels à l'office comme ailleurs. Il y a des
régions où cela fonctionne très bien. Il y a des gens qui
font leur boulot parfaitement. Pourtant, il y en a dans d'autres qui ont
cochonné tout le monde et qui ont tout fait pour écoeurer des
gens. C'est une réalité. C'est humain cela aussi et remarquez que
cela ne se produit pas seulement à l'office; cela se produit dans
n'importe quelle profession.
M. Baril (Arthabaska): Je suis d'accord et j'aime cela vous
l'entendre dire parce que tous et chacun, nous sommes portés à
généraliser. Avez-vous des personnes - je ne vous demande pas les
noms - chez vous, avez-vous identifié des personnes dans certaines
régions ou dans certains bureaux où certains fonctionnaires ont
apprécié les démarches que certains agriculteurs faisaient
ou que vous faisiez d'une façon, je dirais, peut-être arrogante ou
quoi que ce soit? Y a-t-il des régions ou des bureaux
d'identifiés ou des personnes?
M. Proulx (Jacques): À la confédération, on
ne s'est pas rendu au point d'identifier les régions ou parties de
régions où il y avait des difficultés. Les gens en
discutent parfois entre eux, ils se le disent, mais cela serait plus une
question à poser à nos responsables régionaux. Je ne suis
pas capable de dire, en tant que confédération en tant qu'UPA en
général, que telle région est plus pénalisée
qu'une autre de ce côté.
M. Baril (Arthabaska): On faisait également mention hier -
ce n'est peut-être pas à vous qu'il faudrait que je pose la
question, mais, vu que vous êtes là, je vais en profiter - de
certains appels téléphoniques que le président de l'office
ferait à des heures assez avancées - s'il y a un fonctionnaire
qui appelle quelqu'un à 23 heures ou à minuit, peu importe
l'heure, au moins je m'en réjouis, parce qu'il y en a au moins
quelques-uns qui travaillent passé 16 heures - est-ce vrai? Avez-vous
entendu parler de cela au niveau de vos responsables régionaux et de vos
présidents, c'est-à-dire que M. Moreau les appellerait pour
différentes sortes d'interventions? Est-ce discuté?
M. Proulx (Jacques): Personnellement, je n'en ai jamais entendu
parler. Il ne me téléphone pas parce que je n'ai pas de
téléphone.
M. Baril (Arthabaska): Vous êtes chanceux.
M. Proulx (Jacques): La nuit. Je n'ai pas couru de risque.
M. Baril (Arthabaska): Ah, vous n'avez pas de
téléphone la nuit!
M. Proulx (Jacques): La nuit; le jour, j'ai un appareil. Non,
c'est peut-être une blague, mais il reste que je suis obligé de
répondre non, je ne peux pas avancer cela. Encore là, s'il y a
des gens ici... Ils sont libres de répondre.
M. Couillard: M. le Président, je peux répondre, si
vous me le permettez. C'est bien sûr qu'au niveau des régions on
est plus impliqués dans les dossiers des agriculteurs qu'au niveau de la
confédération. C'est bien certain que j'ai aussi des contacts
assez fréquents avec les bureaux régionaux, ceux de la
région. J'ai deux bureaux de la région avec qui je fais affaires:
Saint-Hyacinthe et Saint-Jean. C'est bien sûr que, pour les responsables
de ces bureaux, chaque fois qu'on a travaillé à des dossiers,
c'était professionnel. Je ne sais pas si cela se fait
différemment avec les agriculteurs, mais, avec moi, c'était
professionnel.
Je dois dire également qu'au niveau de l'Office du crédit
agricole c'est certain que
je téléphone. Je ne me gêne pas pour le dire, je
pense que c'est mon devoir de le faire, je le fais. C'est bien certain qu'il y
a des retours, cela ne veut pas dire que le président... Chaque fois que
je téléphone, c'est bien certain qu'on cherche toujours à
communiquer avec le président. C'est bien sûr que souvent, c'est
avec l'avocat, Mme Louis Simard ou d'autres, mais il est certain que,
lorsqu'ils ne sont pas là, il y a des retours qui se font. Je dois vous
dire quand même que les retours se font parce que mon numéro
personnel à ma résidence est ouvert à tous les
agriculteurs et à tous ceux qui veulent me téléphoner.
Bien entendu, si l'appel se fait à 8 heures ou 9 heures, cela ne me
dérange pas; qu'il se fasse le samedi ou le dimanche, cela ne me
dérange pas non plus. Je peux vous dire qu'il y a des retours qui seront
faits. C'est que moi-même j'ai placé des appels et non pas parce
que lui veut me téléphoner. Quand je veux avoir des appels, je
lui demande de me téléphoner à n'importe quelle heure,
n'importe quand. À ce moment, les appels sont souvent à des
heures en dehors des heures de travail et également en dehors des
journées de travail.
M. Baril (Arthabaska): Au sujet des aspirants agriculteurs, parce
qu'on sait que la relève, ce n'est pas parce qu'il n'y en a pas
aujourd'hui, mais il y a une énorme difficulté pour ceux qui
veulent acheter des fermes, est-ce que l'Union des producteurs s'est
penché sur la définition des mots "aspirant agriculteur"? On sait
les problèmes que moi je vis, en tant que député, au
niveau des aspirants agriculteurs, c'est-à-dire de la définition
des mots "aspirant agriculteur". Il y a des fils ou des filles d'agriculteurs
qui vont louer une ferme pour un an, deux ans et, parce qu'ils ont loué
cette ferme, ils ne sont plus reconnus par l'office comme aspirants
agriculteurs. Est-ce que vous avez fait des démarches, que vous avez
étudié ce problème?
M. Proulx (Jacques): Oui, on a une fédération -
vous vous rappelez la relève agricole? - qui est à
l'intérieur de nos choses et qui fait un travail énorme de ce
côté. Elle doit même être à préparer de
nouveaux critères parce que comme on l'a dit plus tôt, il faut
s'adapter continuellement au rythme d'évolution et elle a fait un
travail dans cela qui sera connu bientôt. Certainement que nous aurons
beaucoup de choses à dire, à partir du travail et des recherches
que ces gens ont faits, par les propositions que nous ferons lors de la refonte
du crédit agricole. On est à préparer tout ce qu'on aura
à dire et à proposer sur cela et cela en sera certainement un des
éléments parce que c'est important.
M. Baril (Arthabaska): Dernière question, M. le
Président, si vous me permettez. L'un des buts de cette commission
était d'abord d'étudier les dossiers des grévistes de la
faim de Saint-Cyrille tels qu'ils étaient identifiés. Il y a
certains membres dirigeants de l'UPA qui ont appuyé ce mouvement ou
cette attitude au niveau de la grève de la faim. Malheureusement, j'ai
fouillé dans mes papiers, mais je ne l'ai pas trouvé. Entre
autres, il y a le président de la région de Sherbrooke qui a
appuyé d'une façon assez vive cette façon d'agir du
mouvement de survie pour les agriculteurs et de la cour des miracles de faire
en sorte qu'on ait cette grève de la faim. Est-ce que cela
reflétait l'idée générale de l'UPA ou bien si
c'était à titre personnel qu'il l'a fait?
M. Proulx (Jacques): II faudrait dire au départ qu'il n'a
pas appuyé entièrement cela. Il a appuyé un certain nombre
de demandes des grévistes de la faim et un certain nombre de ces
demandes sont mentionnées dans nos textes et un peu partout.
Je voudrais aussi rappeler que notre organisme est démocratique
et que nos membres gardent leur unité de pensée, c'est
important.
M. Baril (Arthabaska): Je ne reproche pas à M. Blais
d'avoir pris position.
M. Proulx (Jacques): II reste quand même qu'il y a une
nuance à apporter. Il a appuyé un certain nombre de demandes qui
avaient été faites qui sont évidentes et qu'on n'a jamais
arrêté de demander et de crier.
M. Baril (Arthabaska): Une dernière question. Hier, en
prenant connaissance des dossiers, on s'apercevait que, lorsque l'office ou la
société, ou encore une institution prêteuse, venait pour
s'approprier ou plutôt reprendre les biens qui avaient été
donnés en garantie pour toutes sortes de prêts consentis, certains
de ces biens étaient disparus ou s'étaient envolés de
différentes façons. Pourriez-vous nous expliquer un peu les
répercussions que cela pourrait avoir sur le financement futur des
institutions financières, sur l'ensemble des agriculteurs, si ce
mouvement s'intensifiait dans tout le Québec et dans tout le pays? Ni
les institutions prêteuses ni l'office ne pourraient plus se fier et
reprendre un bien pris en garantie. Qu'est-ce qui arriverait, pensez-vous?
M. Proulx (Jacques): Cela pourrait devenir dangereux. C'est
justement, cela presse de trouver des correctifs pour éliminer les
faillites le plus possible. Alors, ces choses-là n'arriveront pas.
M. Beauséjour: M. le Président...
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Iberville.
M. Beauséjour: À la page 5, vous faites état
qu'en 1981 il y avait 48 144 fermes. Dans le document que M. Boucher nous a
donné hier, on reproduit un tableau de Statistique Canada où
c'est le même nombre, 48 144. On dit que les grandes fermes de plus de
250 000 $ sont au nombre de 741, les fermes moyennes de 40 000 $ à 250
000 $ sont au nombre de 11 904 et les petites fermes de moins de 40 000 $ sont
au nombre de 35 499. On sait que, pour être reconnu pour un prêt
à l'Office du crédit agricole, il faut avoir une ferme qui est
rentable. Ce que M. Boucher indique: "Selon ce tableau, selon la
définition d'un agriculteur en vertu de la Loi sur le crédit
agricole, plus de 75% des agriculteurs du Québec ne sont pas
éligibles à un prêt de l'Office du crédit agricole
puisqu'un exploitant agricole au sens de la loi de l'OCAQ est toute personne
physique dont l'agriculutre est la principale occupation. Pour répondre
à cette définition, il faut en toute logique vendre pour plus de
50 000 $ de produits agricoles puisque le revenu net engendré par la
vente de ces produits agricoles serait d'environ 15 000 $ avec au moins la
moitié qui irait en paiement à l'office." De là à
conclure qu'il faut une ferme rentable pour être reconnu par l'office et,
si 75% ne sont pas admissibles, on pourrait dire que, sur les 48 000 fermes,
75% d'entre elles ne sont pas rentables. Qu'en pensez-vous? Quel serait le
nombre de fermes rentables au Québec?
M. Proulx (Jacques): On va y aller avec des chiffres.
M. Côté (François): On ne l'a pas
calculé. La réponse à cette question dépendra de la
place faite à l'agriculture à temps partiel. Il est certain
que... Les chiffres que vous citez ont des conséquences
inévitables. Si on veut développer des entreprises rentables
à temps plein, si c'est ce vers quoi on tend, il y aurait une
élimination considérable. Un grand nombre des fermes
recensées n'ont pas le revenu brut pour procurer le revenu net qui
ferait vivre à temps plein. Cela pose la question de l'agriculture
à temps partiel. On peut l'aborder de bien des façons. Ce qui se
dégage des choses qu'on a dites aujourd'hui... Ce n'est pas
nécessairement pour préserver le nombre de fermes, mais pour que
cela ait un sens, que ce soit rentable, qu'on épargne plus et qu'on
considère plus sérieusement la possibilité de produire
à temps partiel qu'on ne l'a fait jusqu'à maintenant.
Le Président (M. Vallières): Je m'excuse
auprès du député d'Iberville et d'autres intervenants,
mais il me faudrait le consentement unanime des membres si on veut continuer.
J'aimerais qu'on m'indique, pour la bonne organisation de nos travaux, le temps
qu'on s'allouerait si nous le dépassons.
M. Dupré: Je vous demanderais dix minutes, M. le
Président. (13 heures)
M. Picotte: On a convenu ensemble, des deux côtés,
qu'on pouvait accorder dix minutes additionnelles au cas où il y aurait
des questions de la part du député de Saint-Hyacinthe et du
député de Berthier, ce qui terminerait aussi les questions que je
veux poser. Vous avez déjà la parole. On n'a pas l'intention de
vous l'enlever.
Le Président (M. Vallières): Donc, nous convenons
de 20 minutes réparties également entre les deux formations
politiques. M. le député d'Iberville.
M. Beauséjour: Je reste quand même avec mon
interrogation au niveau du nombre de fermes qu'on peut considérer
rentables. En tout cas, vous semblez dire que la solution des fermes à
temps partiel peut assurer plus de fermes rentables, mais vous n'avez pas de
chiffres au niveau des fermes rentables du côté de l'UPA.
M. Proulx (Jacques): Non, parce que cette année, cela peut
être un certain nombre de fermes rentables, mais, l'année
prochaine, il peut y en avoir plus ou moins. On vous l'a dit tout à
l'heure, dans certaines productions, c'est une partie et ensuite il y a aussi
ce qu'on lance dans le débat des fermes à temps partiel, comme
François vient de le dire ici.
M. Beauséjour: Je prends votre document à la page
11, quand vous parlez de la différence entre 1970 et l'évolution
récente: "il faut collectivement amplifier les efforts vers une
meilleure efficacité technique et économique des fermes." Et je
reviens aussi à la page 18 où on dit: "Nous sommes conscients
qu'une bonne partie du problème relève de l'emprunteur." Mais
vous avez aussi - on peut le dire - fait un portrait; cela ne dépend pas
seulement de lui, mais un peu de tout le monde. Parfois, il manque d'expertise,
il manque d'expérience et le reste. Vous n'avez pas fait état de
l'importance d'augmenter les connaissances au niveau des producteurs,
c'est-à-dire s'il faut suivre des cours et quel est
l'intérêt des producteurs de se perfectionner, soit en suivant des
cours... Est-ce que les services qui sont donnés au niveau des cours -
je sais qu'il y a maintenant des cours par correspondance, tout ce qui peut
aider à ce niveau - sont adéquats ou si cela devrait être
amélioré?
M. Proulx (Jacques): Je réponds tout de suite à la
deuxième question. Ils ne sont pas adéquats et ils peuvent
certainement être améliorés. La première question,
c'est qu'on n'a aucune objection à ce qu'il y ait des incitatifs en plus
de notre formation, parce que je pense que c'est tout cela qu'on va combler.
Quand on parle de gestion, quand on parle de comptabilité, cela comprend
le fait d'avoir aussi des connaissances, mais, jusqu'à aujourd'hui, avec
les règlements qui existent, on ne tient pas compte de ta formation. Il
va probablement falloir à l'avenir tenir compte de cette partie avec les
autres facteurs, qu'il y ait un facteur... Cela entre dans l'expertise que tu
possèdes. Cela peut combler une partie de ton manque d'expérience
et ainsi de suite, mais il va falloir en tenir compte quelque part et
l'encourager.
M. Beauséjour: Je sais que, dans un cours
général, ils en tiennent compte. Quelqu'un qui veut retourner aux
études... Je connais même des gens de 50 et de 54 ans qui sont
retournés aux études. Ils ont passé des examens et on leur
donne des équivalences. Vous semblez dire qu'au niveau des producteurs
agricoles cela ne se fait pas.
M. Proulx (Jacques): Je veux dire qu'on n'en tient... Quand on
vient pour faire un prêt, que je sois un agronome ou que j'aie une
douzième année, je ne pense pas - en tout cas, pas à ma
connaissance, on me corrigera - qu'on tienne compte de cela pour me
prêter un peu plus ou un peu moins. C'est dans ce sens que votre question
était posée: Est-ce que, dans l'avenir, on devrait tenir compte
de cela?
M. Beauséjour: Oui, c'était...
M. Proulx (Jacques): Est-ce qu'on devrait faire un effort de ce
côté-là?
M. Beauséjour: Cela peut être dans ce
sens-là, mais c'était aussi: Est-ce qu'au niveau des producteurs
- je sais qu'il y a une augmentation de la scolarité au niveau des
producteurs - il y a une sensibilisation que vous trouvez assez forte à
ce niveau et au niveau des services ou au niveau des cours qui sont
donnés pour réaliser qu'il peut y avoir de
l'amélioration?
M. Proulx (Jacques): L'expérience, aujourd'hui, avec la
capitalisation qu'il faut faire, n'est plus suffisante. Je pense qu'on a
à développer - il se développe - cet esprit chez nos
producteurs agricoles.
M. Beauséjour: Entre autres, il y a des syndicats de
gestion...
M. Proulx (Jacques): Ah oui! Dans...
M. Beauséjour: ...qui font partie de mon comté. Je
suis heureux que cela se soit propagé parce que j'ai vu le bienfait que
cela produisait au niveau du syndicat de gestion.
J'arrive à la page 14, un, deux, trois, quatrième
paragraphe. Je dirais que cela touche aussi l'ensemble des
responsabilités des uns et des autres. Vous dites: "Nous croyons, quant
à nous, que la situation de l'agriculture est tellement
particulière à toutes sortes de points de vue qu'il est
désirable que l'agriculture soit financée par des institutions
spécialisées dans l'agriculture..." Cela laisse presque supposer,
j'imagine, un manque de spécialisation au niveau des institutions.
Lesquelles? Les caisses? Les banques? L'office?
M. Proulx (Jacques): En fait, je pense qu'on
réitère ici l'importance d'avoir un organisme comme l'office qui
est spécialisé en agriculture. C'est ce qu'on dit aujourd'hui, ce
qu'on réaffirme et, en même temps, c'est bien évident, et
on est tous à même de le constater, que les banques et les caisses
ont fait un effort depuis quelques années. Cet effort doit continuer en
vue de se spécialiser et de se donner des gens qui connaissent vraiment
l'agriculture pour pouvoir s'impliquer encore davantage. En fait, cela existe
et on dit: C'est essentiel que cela continue de se développer.
M. Beauséjour: D'accord.
M. Blanchette: Il faut mettre ce paragraphe en relation avec le
précédent qui dit: Est-ce qu'on doit faire financer l'agriculture
par les caisses et les banques ou par les institutions privées? Nous, on
dit: C'est préférable à cause des particularités de
l'agriculture. C'est désirable que ce soit fait par des institutions
spécialisées en agriculture en collaboration avec les
institutions privées.
M. Beauséjour: Merci.
Le Président (M. Vallières): Très bien. M.
le député de Berthier.
M. Houde: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au
président ou à un autre. Est-il vrai qu'il existe encore, pour
avoir un prêt ou un crédit à l'Office du crédit
agricole du Québec, certains fonctionnaires qui demandent des contrats
d'intégration? Peu importe le secteur, soit dans le secteur du barbecue,
de la poule pondeuse, du boeuf ou du porc ou dans le secteur laitier. Enfin,
dans le secteur laitier, c'est plutôt rare parce qu'on ne voit pas ce
secteur intégré. Mais les autres?
M. Proulx (Jacques): Non. Je suis obligé
de donner la même réponse que celle que j'ai donnée
tout à l'heure. À ma connaissance, je ne le sais pas. Je n'ai pas
de cas à vous citer.
M. Houde: Personne ne peut me répondre non plus à
savoir si cela a déjà existé ou si cela existe encore.
M. Proulx (Jacques): Que cela ait déjà
existé, on vous l'a dit tout à l'heure. De nos membres...
M. Houde: Vous n'êtes pas au courant si cela existe
encore.
M. Proulx (Jacques): Non.
M. Houde: Voici ma deuxième question. Pour aller dans le
même sens que celui du député de Roberval tantôt,
lorsqu'il parlait des agronomes qui allaient visiter les cultivateurs et comme
on a dit hier que c'étaient plutôt des personnes qui vendaient des
programmes, est-ce que, depuis un certain temps - je ne dirais pas depuis trois
ou quatre ans - depuis quelques mois, peut-être un an, les agronomes sont
moins au service des agriculteurs qu'ils ne l'ont été par le
passé? Deuxièmement, est-ce qu'il y aurait moins d'agronomes qui
seraient plus près des agriculteurs qu'ils ne l'étaient? Je veux
dire sur le terrain. Dans les bureaux aussi, si vous voulez.
M. Proulx (Jacques): C'est certain qu'il y a un certain nombre de
nos dirigeants qui soulèvent cette question à l'heure actuelle
et, particulièrement, avec toute la transformation qui se fait
actuellement au ministère, dans les bureaux régionaux, etc. On a
souvent des plaintes révélant que les services ont
diminué. À quel rythme? Je ne suis pas capable de vous le
dire...
M. Houde: Non, ce n'est pas nécessaire.
M. Proulx (Jacques): ...mais on sait qu'il y a une transformation
qui se produit à l'heure actuelle. Plusieurs de nos présidents
ont fait des représentations et viennent avec des demandes très
précises pour que l'union fasse globalement des pressions. Je suis
persuadé qu'on aura d'autres pressions cet automne, lors de notre
congrès, pour garder précisément le personnel et les
services les plus disponibles possible aux cultivateurs.
M. Houde: En un mot, c'est qu'il y en a moins qu'il n'y en avait.
Mon autre question s'adresse à M. Couillard. Vous avez parlé
tantôt des dossiers que vous étudiez, les gens vont vous voir ou
encore l'UPA va voir les personnes ou peu importe. Est-ce que les dossiers que
l'office avait refusés et que vous avez examinés par la suite ont
été quand même refusés ou s'ils ont
été acceptés par la suite? Sans vous demander la
quantité, est-ce qu'il est arrivé de temps en temps que vous ayez
fait des démarches auprès de l'office pour que ce dernier change
d'idée pour dire: D'accord, on va donner notre accord?
M. Couillard: Bien sûr, quand on trouve des
éléments nouveaux qui permettent de trouver une
rentabilité à l'intérieur de cela, le dossier est
réacheminé positivement à Québec. C'est bien
sûr.
M. Houde: Mais est-ce que vous voulez dire par là
que...
M. Couillard: Ce que je veux dire, c'est que, s'il n'y a pas
d'éléments...
M. Houde: S'il n'y a pas d'éléments nouveaux...
M. Couillard: Quand on reprend le dossier et qu'on est capable,
à la lumière de toutes les données qui existent
actuellement, de trouver des éléments nouveaux, cela veut dire
qu'il peut y avoir des changements au point de vue économique, que les
prix peuvent monter et qu'il peut y avoir quand même une
rentabilité qui aidera le gars à améliorer son sort s'il
peut ajouter 50 arpents à sa terre ou s'il vend un tracteur qu'il a en
trop et dont il peut se passer. Ainsi, il n'aura pas besoin de rembourser les
intérêts et le capital là-dessus. On essaie de regarder un
dossier sur des points comme ceux-là pour tâcher de rendre ces
éléments positifs. À ce moment-là, il est
acheminé favorablement, c'est bien sûr.
M. Houde: Autrement dit, s'il n'y a pas d'éléments
nouveaux, c'est un non qui se répète.
M. Couillard: II faut trouver des éléments
nouveaux. Quand on regarde l'ensemble, on essaie quand même de les
trouver. L'agriculteur doit alors se plier à certaines contraintes.
Parfois, cela arrive. C'est bien beau. Par exemple, moi, chez nous, j'aimerais
peut-être bien avoir une batteuse de 135 000 $. Mais je me contente
d'autre chose. Il y a des choses qu'il faut considérer tous
ensemble.
M. Houde: Merci beaucoup. J'ai terminé.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Merci, M. le Président. Pour favoriser
l'agriculture à temps partiel dont je parlais tantôt, est-ce que
l'UPA est prête à ce que l'office prête à des gens
pour qui
l'agriculture n'est pas l'emploi principal ou à temps plein?
M. Proulx (Jacques): La question est là et il faut la
débattre. On va la débattre. Cela fait déjà un
certain...
M. Oupré: Au moment où on se parle.
M. Proulx (Jacques): Je suis obligé de dire non et oui. Je
ne suis pas capable de vous répondre là-dessus. Je ne peux pas
dire: Non, on n'est pas prêt, parce que...
M. Oupré: Dans le communiqué de l'UPA qui demande
un sommet économique, on lit: "L'UPA, réunie en conseil
général, s'est refusée à endosser sans nuance
l'analyse que les grévistes font de la situation actuelle." Dans la
Terre de chez nous, on lit: "M. Gras se dit d'accord avec une commission. Il
partage le point de vue des grévistes de la faim concernant un moratoire
sur les saisies tant que l'on ne connaîtra pas les conclusions de la
commission parlementaire." Il y a déjà un certain temps, un
projet de loi a été déposé au gouvernement
fédéral qui contenait l'arrêt des saisies lorsque la ferme
n'était plus rentable. Est-ce que vous êtes intervenu à ce
moment-là sur ce projet de loi?
M. Proulx (Jacques): Sur le projet de loi, le concordat, etc.?
C'est énorme, les démarches qu'on a faites avec la
Fédération canadienne de l'agriculture, qui regroupe tous les
organismes des provinces, auprès de nos députés et
ministres fédéraux; on est revenu souvent à la charge. On
a fait énormément de démarches et on sait que c'est devenu
le projet de loi C-17 qui est mort pour la nième fois au feuilleton. On
continue. La Fédération canadienne de l'agriculture continue
à travailler dans ce sens.
M. Dupré: Je voudrais entendre M. Gras sur un arrêt
des saisies et le comportement des offices prêteurs. Vous avez,
d'après l'article que j'ai cité, endossé... Je pense que
c'est important. Je voudrais vous entendre là-dessus.
M. Gras: En fait, je pense que c'est un peu brutal de parler
d'arrêt de saisies comme cela. Je pense qu'on devait trouver un moyen -
et on le réclame aujourd'hui dans notre document - pour que l'office, ou
n'importe quel organisme qui mettrait un cultivateur en faillite, soit
obligé d'aller devant une espèce de comité ou de
commission - appeliez cela comme vous voudrez - pour examiner tous les moyens
et examiner aussi la façon dont va se faire la liquidation. Je pense
qu'il y a vraiment un travail à faire. Si vraiment il y a quelque chose
au bout, on devrait être capable de trouver des solutions. Il y a des
saisies qui ont été faites où on a laissé faire les
organismes prêteurs sans regarder plus loin et où l'office aurait
pu intervenir pour les empêcher de le faire. Mais il y avait des droits:
la banque protégeait ses biens, etc. Je comprends qu'elle a le droit de
protéger ses biens. Mais on aurait pu se mettre devant une table pour
essayer de trouver ensemble des solutions. On sait comment cela s'est
passé dans certains cas où, du fait d'un manque de marge, on a
tout simplement vendu des animaux à des prix absolument
dérisoires. La ferme est restée là; l'Office du
crédit agricole a encore la ferme entre les mains et même le
producteur l'a dans certains cas. Elle n'est même pas encore saisie. Je
trouve que c'est vraiment... On aurait dû faire un effort de ce
côté et on ne l'a pas fait.
Le Président (M. Vallières): Je m'excuse
auprès des intervenants. Il nous reste environ trois minutes et, si je
veux respecter le droit de parole du député de Maskinongé,
il faudrait faire le plus brièvement possible pour la dernière
question.
M. Dupré: J'ai une dernière question très
courte. Tantôt, on a parlé des chèques qui arrivaient et
qui devaient être versés... Vous avez dit qu'il y avait quelques
cas dans le comté de Nicolet qui avaient été
référés au MAPAQ?
M. Gras: Oui.
M. Dupré: Vous n'avez pas eu de réponse. Est-ce que
c'est un ou deux cas? Pouvez-vous être un peu plus précis?
M. Gras: Lors d'une rencontre avec le ministre, je lui ai
donné verbalement deux noms en particulier.
M. Dupré: Deux noms en particulier. Il n'y a pas eu de
dossier là-dessus?
M. Gras: Pas à ma connaissance.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Je voudrais simplement
faire remarquer que, dans une entrevue en août 1984, dans la revue Le
Banquier - on parlait de concordat tantôt - le ministre de l'Agriculture
disait: "Le Québec n'a pas marché avec le projet de loi
fédéral qui prévoyait d'interdire la saisie des biens
quand l'entreprise n'était plus rentable. Nous n'avons pas
emboîté le pas car le prêteur a besoin d'avoir des
garanties." Est-ce que vous avez fait des démarches auprès du
ministre de l'Agriculture pour essayer de le convaincre
du contraire?
M. Proulx (Jacques): Non.
M. Picotte: Non. J'imagine que vous vous proposez d'en faire.
M. Proulx (Jacques): On propose des choses concrètes qui
touchent le provincial. On a fait nous-mêmes nos démarches
à Ottawa. On n'a pas demandé au ministre de nous appuyer parce
qu'il y avait des urgences.
M. Picotte: Comme il ne semble pas convaincu de la même
façon que vous autres j'imagine que vous allez sûrement lui
soumettre, à un moment donné, un mémoire de vos
doléances ou de votre prise de position.
M. Proulx (Jacques): C'est une bonne suggestion.
M. Picotte: Ce serait souhaitable. M. le Président, vous
me permettrez, au nom de mon groupe et aussi au nom de la commission, de
remercier les dirigeants de l'UPA et tous ceux qui se sont
déplacés pour cet échange fructueux que nous avons eu ce
matin, en espérant que des correctifs pourront être
apportés, toujours pour le mieux-être de la classe agricole.
Le Président (M. Vallières): Je veux remercier
aussi les représentants de l'Union des producteurs agricoles, et
indiquer aux membres de la commission et aux différents intervenants que
nous recommencerons nos travaux cet après-midi avec la comparution de
l'Office du crédit agricole, à 15 heures.
La commission suspend donc ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 17)
(Reprise de la séance à 15 h 8)
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission permanente de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux.
Nous avions convenu, à la fin de nos travaux de cet avant-midi,
de procéder à la comparution de l'Office du crédit
agricole. La comparution comportera une heure d'exposé et deux heures
d'échanges avec les membres de la commission suivront.
Je demanderais à M. le secrétaire de procéder
à l'assermentation de M. le président de l'Office du
crédit agricole.
M. Moreau (Camille-G.): Je, Camille-G. Moreau, jure que je dirai
toute la vérité et rien que la vérité.
Le Président (M. Vallières): M. Moreau, vous pouvez
commencer votre exposé.
L'OCAQ
M. Moreau: M. le Président, en premier lieu je voudrais
remercier la commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation pour l'occasion qu'elle nous offre de présenter le point
de vue de l'Office du crédit agricole du Québec en regard de la
situation de ses emprunteurs en difficulté financière et,
particulièrement, en ce qui concerne les dossiers des sept agriculteurs
qui ont récemment fait la grève de la faim.
Notre participation aux travaux de la commission contribuera -
j'espère - à apporter un éclairage factuel et objectif,
permettant ainsi de faire contrepoids aux affirmations et aux thèses de
toutes sortes qui ont été véhiculées sur la place
publique en marge de ces dossiers.
Jusqu'ici notre contribution aux travaux de la commission s'est
concrétisée par la mise à sa disposition, en premier lieu,
d'une copie intégrale de chacun des dossiers des agriculteurs
impliqués; en deuxième lieu, d'un sommaire desdits dossiers pour
chacun des membres de la commission accompagné d'un dossier
synthèse sur la Cour des miracles des cultivateurs et le Mouvement pour
la survie des agriculteurs et, enfin, d'un dossier de références
relatif au régime québécois de financement agricole et
forestier pour chacun de membres de la commission.
Avec votre permission, M. le Président, je m'emploierai dans un
premier temps à définir le rôle de l'Office du
crédit agricole du Québec dans le cadre du régime
québécois du crédit agricole et d'en définir le
fonctionnement tant pour le traitement d'une demande d'emprunt que pour le
suivi des prêts, pouvant même déboucher, le cas
échéant, sur la réalisation des garanties. Dans un
deuxième temps, j'aborderai la situation de nos emprunteurs en
difficulté financière, particulièrement des
ex-grévistes de la faim, pour, enfin, faire le point sur la Cour des
miracles des cultivateurs et le Mouvement pour la survie des agriculteurs.
Rôle et fonctionnement de l'Office du crédit agricole dans
le cadre du régime québécois de financement agricole. Le
rôle de l'office. Même si l'office s'avère probablement l'un
des doyens des organismes gouvernementaux au Québec, son existence
remontant au mois de novembre 1936, il n'a pas pour autant perdu son souci
d'adaptation à la réalité agricole,
particulièrement au cours des dernières décennies.
En 1969, en 1972, en 1975 et en 1978 furent successivement
modifiées les trois lois de financement agricole existantes, la Loi du
crédit agricole, la Loi du prêt agricole et la Loi de
l'amélioration des fermes, cependant
que de nouvelles lois ont vu le jour, soit la Loi favorisant la mise en
valeur des exploitations agricoles qui prévoit des subventions à
l'établissement et à l'agrandissement, en 1969; la Loi favorisant
le crédit à la production agricole, marge de crédit
à court terme et la Loi favorisant un crédit spécial pour
les producteurs agricoles au cours de périodes critiques, crédits
spéciaux, en 1972; la Loi sur le crédit forestier, prêts
à moyen et à long terme, en 1975; la Loi favorisant le
crédit agricole à long terme par les institutions privées,
prêts à long terme, et la Loi sur l'assurance-prêts
agricoles et forestiers, en 1978; la Loi visant à créer une
banque de terres arables pour l'achat, la vente et la location de terres, en
1979; la Loi favorisant l'établissement de jeunes agriculteurs, en 1982,
et, enfin, la Loi favorisant le crédit forestier par les institutions
privées, en 1983, alors qu'une refonte du régime actuel de
financement agricole s'avère imminente.
Qu'il suffise en outre de mentionner qu'au-delà de 350 000
prêts de toutes sortes ont été consentis ou
autorisés, selon le cas, par l'office dans le cadre du régime
québécois de financement agricole depuis son existence pour un
montant de 3 600 000 000 $. Nous soulignions, le 18 septembre dernier, la 5000e
assemblée du bureau de direction de l'office. L'encours des prêts
s'établit présentement à 1 600 000 000 $ alors que les
montants de subvention d'intérêt sur ces prêts pour les six
derniers exercices de l'office, incluant l'exercice en cours, sont de 515 000
000 $.
Essentiellement, l'office vise à favoriser le
développement des entreprises agricoles par le biais de la ferme
familiale et leur fonctionnement optimal en s'inscrivant dans la poursuite des
objectifs définis par le ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, en concertation avec les agents du
milieu.
Il n'appartient donc pas à l'office de faire de la promotion, de
mousser des projets, mais bien de procéder à l'analyse des
projets qui lui sont soumis, d'en évaluer l'impact et la
faisabilité et de voir à leur financement lorsque c'est
possible.
Il est donc tout à fait fantaisiste de laisser entendre, comme on
l'a fait récemment, que l'office incitait les agriculteurs à
emprunter. L'office constitue en quelque sorte une banque
spécialisée en matière de financement agricole et doit
rigoureusement répondre à des impératifs d'ordre
économique.
En somme, l'office constitue le dossier du requérant en ce sens
qu'il procède à l'expertise complète en vue de
l'émission du certificat, qu'il évalue les biens pouvant
être offerts en garantie, qu'il jauge le candidat, apprécie le
risque, vérifie la structure financière pour enfin émettre
un certificat sur la foi duquel le requérant peut obtenir un prêt
auprès de l'institution de son choix. L'office verse au surplus la
contribution gouvernementale au paiement de l'intérêt et assure le
bon fonctionnement du régime.
De son côté, le prêteur autorisé consent le
prêt dans les limites établies sur le certificat et assure
l'administration normale du prêt. La réalisation du prêt en
cas de défaut peut même être confiée à
l'office par le prêteur.
Pour sa part, le fonds d'assurance-prêts agricoles et forestiers
assure tous les prêts contre toute perte de capital et
d'intérêt que pourraient éventuellement subir les
prêteurs autorisés.
Ce fameux Tandem permet de réaliser une véritable
synthèse entre l'État et les institutions privées dans le
développement d'une ressource vitale qu'est l'agriculture au
Québec; expérience qui nous permet de réaliser
également une synthèse entre l'institution
spécialisée que constitue l'Office du crédit agricole du
Québec et les institutions tous services que représentent nos
partenaires au dossier. Une synthèse, enfin, entre le secteur des
banques à charte et celui de la mutualité, principalement
représentée par les caisses d'épargne et de
crédit.
Fonctionnement de l'office. D'abord, dans le cheminement d'une demande
d'emprunt. Il m'apparaît important au départ de décrire le
cheminement d'une demande d'emprunt depuis son acceptation jusqu'à
l'émission du certificat. Au niveau local, le conseiller en financement
agricole procède à l'expertise complète sur la ferme du
requérant et formule une recommandation; le directeur régional,
sur le plan de la région, prend connaissance du dossier et formule sa
recommandation; au siège social, la division de la révision de la
Direction du financement agricole procède à une révision
technique du dossier; le directeur de la DFA ou l'un de ses adjoints prend
également connaissance du dossier et formule sa recommandation, deux
régisseurs, membres du bureau de direction de l'office, examinent
à leur tour le dossier et y apposent leur signature; enfin, le bureau de
direction statue sur la demande au cours de son assemblée
quotidienne.
J'ai apporté quelques exemplaires des rudiments d'un dossier pour
illustrer simplement... Les membres de la commission ont des exemplaires du
même genre dans leur dossier. Je pense qu'il est bon de mentionner quand
même comment on procède. Il y a la signature de notre conseiller
en financement, le commentaire et la signature de notre conseiller
régional; il y a ensuite l'analyse faite par le directeur et la
direction du financement agricole et sa signature à la suite de la
révision technique dont je vous parlais. Finalement, vous avez les deux
régisseurs qui apposent leur
signature en bas du dossier. Enfin, après ce cheminement, le
bureau de direction statue sur la demande à savoir s'il l'accepte ou la
refuse.
J'ai malheureusement omis ceci: je pense qu'on pourrait ajouter, au
niveau du cheminement du dossier, la partie de l'évaluation. Dans un
dossier, l'évaluation se fait avec la même rigueur par des
spécialistes pour éviter l'arbitraire suivant une technique
très particulière, suivant des cours qui sont donnés en
collaboration avec l'Université Laval, une discipline fort rigoureuse.
Ce n'est pas de l'improvisation; dans chacun des dossiers, vous avez trois
données comparables qui permettent d'établir la valeur de la
ferme sur une base strictement scientifique.
Les diverses étapes franchies dans le cheminement d'une demande
offre à nos yeux une garantie contre l'arbitraire et le
discrétionnaire tant à l'endroit de ceux qui traitent la demande
qu'à l'endroit des requérants eux-mêmes.
Critères d'admissibilité: II m'apparaît
également important de souligner les critères
d'admissibilité à un prêt dans le cadre des diverses lois
de financement agricole. Le requérant doit d'abord démontrer le
besoin du prêt et, s'il dispose de ressources suffisantes, il sera
appelé à recourir prioritairement à ses ressources de
sorte que le prêt qui peut lui être consenti ne vient alors que
combler ses besoins de crédit.
L'occupation principale constitue également un critère
pour être admissible à un prêt agricole. Il s'agit du fait
pour une personne de consacrer la majeure partie de son temps à son
exploitation agricole, d'en tirer la plus grande part de son revenu, d'y
contrôler l'emploi de son temps et l'ensemble de ses décisions et
d'être reconnu dans son milieu comme s'adonnant principalement à
l'agriculture.
La rentabilité prend également une place importante dans
l'évaluation d'un projet. Pour les fins de nos prêts, la ferme
rentable est la ferme susceptible de produire, compte tenu de l'ensemble de ses
ressources, un revenu permettant à celui qui l'exploite d'en acquitter
les frais d'exploitation, y compris l'entretien et la
dépréciation, de remplir ses obligations et de faire vivre sa
famille convenablement.
Pour apprécier cette rentabilité, on déduit les
dépenses prévisibles des revenus anticipés dont le
résultat, après avoir permis d'assumer les paiements annuels sur
tes prêts, donne un solde agricole disponible qui, ajouté aux
revenus provenant d'autres sources que de l'exploitation, constitue le revenu
net duquel on déduit les frais de subsistance. Ce calcul de la
rentabilité est étroitement relié - cela va de soi -
à la mise de fonds et à l'avoir net du requérant. Je
pourrais ici encore illustrer par un exemple. Le revenu, en l'occurrence 47 100
$; le montant des dépenses, 29 900 $; ce qui donne un excédent de
17 200 $. Il y a des paiements annuels de 4772 $, ce qui signifie ce qu'on
appelle un solde agricole disponible de 12 428 $; les revenus d'autres sources,
en l'occurrence ce sont les améliorations familiales et les allocations
d'autres sortes, sont de 3555 $; ce qui donne un revenu net de 15 983 $ pour
payer un coût de vie de 10 000 $. Vous avez le cheminement. C'est
mathématique. Il n'y a pas d'arbitraire là-dedans. C'est factuel
à partir des chiffres fournis par l'agriculteur.
Il reste la capacité de remboursement qui constitue un
critère essentiel, une condition sine qua non au consentement d'un
prêt, faute de quoi nous serions en présence d'une subvention
déguisée. C'est là du reste une règle d'or dont ne
saurait déroger un prêteur sérieux dans quelque secteur
d'activité qu'il se trouve.
Je me permettrai d'ajouter que les coûts de production qui nous
servent de guide dans le calcul de la rentabilité sont établis
par un comité quadripartite composé de spécialistes du
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, de
l'Office du crédit agricole du Québec, de la
Société du crédit agricole Canada ainsi que de la
faculté de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université
Laval, comité doté d'une structure permanente et des effectifs
nécessaires pour assurer le suivi et la mise à jour continue
desdits coûts qui sont, finalement, consignés dans un recueil
communément appelé le "Recueil des données
technico-économiques". Chacun des organismes désigne, pour
chacune des productions, les ressources les plus compétentes et les plus
rompues avec les exigences des productions concernées, avec le
résultat que les données en question collent vraiment à la
réalité. En. fait, ce sont les données du vécu que
nous observons dans l'ensemble des dossiers.
Il s'agit là, bien sûr, d'indications en ce sens que ces
données peuvent subir des ajustements lorsque les requérants
démontrent une performance au-delà de la moyenne ou encore que
des impératifs régionaux commandent un "différentiel".
Les critères énoncés jusqu'ici sont en règle
générale quantifiables et permettent passablement de rigueur.
C'est une tout autre chose que d'évaluer un candidat à un
prêt agricole. Nous sommes confrontés avec la complexité de
l'humain. Même si nous ne pouvons pas recourir à des
critères nous permettant d'apporter un jugement indéfectible,
nous en retenons quand même quelques-uns susceptibles de nous assurer le
plus de chances de succès.
Ainsi, au chapitre de la formation, le nombre d'années de
scolarité, le nombre d'années de formation professionnelle en
agriculture et les connaissances pertinentes dans le domaine sont un
atout considérable. De leur côté, les succès
antérieurs du requérant, les résultats obtenus, sa
structure financière, sa réserve accumulée, le nombre et
la nature de ses emplois antérieurs sont autant de facteurs qui nous
permettent de jauger son expérience.
Enfin, plusieurs aptitudes et qualités personnelles contribuent
à orienter notre jugement: l'habileté de gérer des
ressources, l'aptitude au management, le réalisme et la
prévoyance dans l'élaboration des projets, la capacité
physique en regard de la nature et de l'envergure de l'entreprise. Le
comportement en regard des obligations financières et de l'utilisation
du crédit et la réputation dans le milieu, tant auprès des
créanciers que des proches, permettent également
d'apprécier la valeur morale du requérant.
Enfin, l'attitude et les aspirations du conjoint et de la famille face
à l'exploitation et au développement de l'entreprise sont loin
d'être négligeables dans l'évaluation du candidat à
un prêt agricole.
Est-il nécessaire de signaler que la rigueur avec laquelle ces
différents critères sont observés expliquent en
très grande partie le fait que nous ayons, bon an mal an, un volume de
25% à 30% de demandes d'emprunt ou de subventions qui sont
refusées. Il devient parfois, en effet, aussi difficile de maintenir un
refus justifié, même pour la quatrième et la
cinquième fois, que pour procéder à la réalisation
des garanties sans la collaboration de l'emprunteur.
Activités de suivi de prêts. Bien que les ressources de
l'office soient limitées pour appliquer un programme de suivi de
prêts mieux structuré, il n'en demeure pas moins que les
conseillers en financement rencontrent annuellement plus de 6900 emprunteurs
relativement à des demandes diverses qui comportent une bonne part de
suivi. Ces activités nécessitent plus de 10 800 visites à
la ferme et quelque 4800 visites de ces agriculteurs à leurs bureaux.
Cela ne comprend pas le travail d'expertise relié au premier prêt
de ceux qui s'établissent ainsi que les rencontres nombreuses qui se
produisent dans le cadre de la réalisation des garanties de prêts
dans les cas où la situation financière a atteint un point de
non-retour. (15 h 30)
Ce suivi se pratique particulièrement à la faveur du
contrôle du déboursement des prêts, du contrôle des
prêts consentis avec nantissement, du contrôle des versements, du
déboursement des subventions de mise en valeur, du rapport des encans et
des ventes de quotas, des activités inhérentes à un
prêt: tranferts, mainlevée, cession, substitution de garantie,
affectation des fonds en fidéicommis, modifications aux contrats,
location, etc., et d'études spéciales en raison d'une conjoncture
économique ou des hasards climatiques.
Accommodements et réalisation des garanties. Avant de
procéder à la réalisation des garanties, l'office explore
les solutions possibles pour convenir des accommodements avec les emprunteurs,
soit sous forme: de réamortissement du prêt sur toute la
période restant à courir; de versements spéciaux, sans
modifier la cédule normale de remboursement du solde; de report de
versements à la fin du terme du prêt et de refinancement pour
englober les versements non payés, dans certains cas exceptionnels.
Lorsque aucun arrangement n'est possible, l'office tente d'obtenir la
collaboration de l'emprunteur pour procéder à la vente de
certains actifs, lorsque la situation le permet, aux fins de sauver
l'entreprise, ou alors de minimiser les pertes éventuelles, minimiser
les dégâts sans toutefois porter préjudice aux autres
créanciers.
Lorsqu'une telle approche n'est pas possible, nous amorçons les
procédures légales, généralement par voie d'action
hypothécaire, qui débouchent, après des délais
d'environ six mois, sur la vente par le shérif, alors que le
prêteur autorisé ou l'office, selon le cas, se porte
généralement adjudicataire et procède par la suite
à des appels d'offres par la voie des journaux en vue de la vente de la
ferme au meilleur prix possible. Il nous faut parfois recourir à deux ou
trois appels d'offres pour réaliser un prix acceptable.
Précisons que ce n'est qu'après avoir tenté tous
les efforts et lorsqu'il devient évident qu'aucun espoir n'est
prévisible que l'office amorce le processus de réalisation des
garanties, alors qu'il le fait de la façon la plus humaine et
civilisée qui soit et dans le respect des droits de tous les
intéressés.
Voilà donc, M. le Président, le rôle qu'est
appelé à jouer l'office dans le cadre du régime
québécois de financement agricole, et surtout comment il
s'acquitte de son rôle tant en amont qu'en aval du consentement d'un
prêt. Ces considérations m'apparaissent essentielles, comme toile
de fond, pour aborder la deuxième partie de mon exposé sur la
situation de nos emprunteurs en difficulté financière.
Situation des emprunteurs de l'office en difficulté
financière. La conjoncture économique des dernières
années, fortement marquée par la hausse des taux
d'intérêt, n'a pas épargné le secteur agricole.
Cette conjoncture fut aggravée par la chute des prix de certaines
productions, particulièrement par la crise dans la production porcine
qui fut fort sévère et beaucoup plus longue que prévue,
d'autant plus que nous venions tout juste d'assister à une phase
d'expansion dans ce secteur.
Abandons et arrérages. Avec le résultat que nous avons
connu des faillites et des abandons au cours des dernières
années. Depuis le 1er avril 1979, par exemple, nous avons
dénombré chez nos 21 000 emprunteurs à long terme 303
abandons volontaires ou forcés dont 160 faillites; ce qui
représente 1,4% de l'ensemble de nos emprunteurs à long terme.
Vous avez les annexes I et II qui vous montrent un tableau et un graphique en
relation avec ces abandons. Vous avez un comparatif avec la production porcine
pour montrer l'importance des abandons avec la crise du porc que nous avons
connue.
Permettez-moi, M. le Président, d'attirer votre attention sur le
fait que 148 des 303 emprunteurs (soit 48,8%) qui ont abandonné
l'agriculture au cours des derniers exercices financiers de l'office
étaient des producteurs de porc qui sont récemment sortis d'une
crise très sévère qui avait duré un peu plus de
quatre ans. De ce nombre de 303 emprunteurs, celui des producteurs de bovins
s'établit pour sa part à 30 (soit 9,9%), ce qui représente
2,98% de l'ensemble des emprunteurs s'adonnant à cette production.
De leur côté, les emprunteurs qui accusent du retard dans
leurs versements dans le cadre des programmes de crédit à long
terme administrés par l'office ont vu leur nombre diminuer par rapport
au mois d'août 1982. En effet, de 1680 qu'il avait été
identifié à ce moment-là, leur nombre s'établissait
à 1627 au 31 mars 1984, soit à un peu plus de 7,78% de l'ensemble
des emprunteurs à long terme dénombrés alors. À ce
chapitre, l'expérience de l'office révèle que nombre
d'emprunteurs qui font défaut de payer à l'échéance
un versement acquittent généralement ce versement dans le cours
du semestre suivant.
Bien sûr, les données reliées aux abandons et aux
arrérages contrastent avec celles des premières décennies
d'activités de l'office alors que les prêts consentis reposaient
exclusivement sur des garanties hypothécaires et touchaient des
productions traditionnellement stables.
Dans un contexte de développement et de diversification des
productions, il nous apparaît normal d'assumer un capital de risque,
particulièrement lors du démarrage de nouvelles productions.
L'évolution de l'agriculture nous conduit donc nécessairement
à assumer plus de risques en termes de nombre et des risques plus
grands, compte tenu de la complexité des exploitations.
Nous pourrions ajouter la poussée d'une technologie de plus en
plus avancée et les exigences accrues au chapitre du management qui
présentent également un handicap pour un certain nombre de
producteurs. L'étude des dossiers est fort révélatrice
à ce sujet. Au surplus, certains impératifs
socio-économiques d'apparition récente, de la nature des
exigences reliées à la qualité de l'environnement, par
exemple, pèsent parfois lourd sur la situation financière de
certaines catégories de producteurs.
Principales raisons d'abandon. À la lumière de ces divers
facteurs, il m'apparaît pertinent de considérer les principales
raisons pour lesquelles les emprunteurs de l'office en difficulté
financière ont abandonné la production agricole.
Parmi les 303 cas d'abandon dont nous avons déjà fait
état, 27 sont des abandons volontaires, par exemple, ceux où
l'emprunteur a remis ses clés. On dénombre parmi les abandons
volontaires treize producteurs de porc, cinq producteurs de bovins et deux
producteurs de visons, toujours pour la période de cinq ans et quatre
mois.
Les 276 autres cas se répartissent entre ceux qui ont
déclaré faillite, soit 160, ce qui représente 52,8%, et
ceux pour lesquels l'office n'avait d'autre choix que de procéder
à la réalisation des garanties, soit 116 ou 38,3%.
En comparant l'ensemble de ces cas avec la totalité des
emprunteurs et en regard de la production principale, il devient évident
qu'une partie des abandons est survenue à la suite de la crise des prix
du porc.
Si l'on exclut les 148 abandons reliés à la production du
porc qui ont été victimes d'une conjoncture sévère
au niveau des prix, il est difficile de conclure à une situation
catastrophique, alors que 155 abandons se sont produits pour l'ensemble des
autres productions sur une période de cinq ans et quatre mois.
Par ailleurs, la crise des prix du porc et la flambée des taux
d'intérêt ne sont pas les seules raisons des échecs.
Examinons la situation de plus près.
L'examen de l'annexe III démontre que, dans 56 cas - soit 18,5%
des cas - des raisons hors du contrôle de l'exploitant ont
provoqué l'abandon. Dans 79 cas - soit 26,1% de l'ensemble - des
investissements inopportuns, excessifs et faits trop rapidement ou de
façon inconsidérée, de même que le fait de ne pas
avoir respecté les exigences de l'environnement ou encore le fait
d'avoir passé d'une production à l'autre sans planification
aucune ont précipité l'abandon. On retrouve également,
dans 17 cas - soit 5,6% - des raisons très diverses n'ayant rien
à voir avec l'agriculture. Par ailleurs, 80 emprunteurs - soit 26,4%
-avaient une productivité insuffisante, dont 37 n'auraient pu survivre
dans un contexte normal à cause d'une productivité
extrêmement faible et 43 pour lesquels une faible productivité
était associée à la crise des prix du porc et à la
conjoncture en général. Enfin, pour 71 cas - soit 23,4% - il
n'y a pas d'autres raisons apparentes que les crises des prix du porc et
du vison et la conjoncture en général.
Au risque de décevoir les alarmistes, nous devons bien conclure
que, de l'ensemble de nos 20 924 emprunteurs à long terme, seulement 114
d'entre eux, soit 37,6%, parmi les 303 qui ont abandonné la production
agricole sur une période de cinq ans et quatre mois, l'ont fait pour des
raisons directement reliées à la crise des prix du porc et du
vison, 37, ou à la conjoncture économique qui sévit
présentement, 34, ou encore à l'effet combiné de ces deux
facteurs associés à celui d'une faible productivité,
43.
J'ajouterai que la situation financière des emprunteurs de
l'office, pour préoccupante qu'elle soit dans certains cas, n'est
toutefois pas alarmante. Je m'inscris en faux contre les propos apocalyptiques
de certains ténors du défaitisme. Bien sûr, il existe des
problèmes en agriculture. Plusieurs productions sont soumises à
des variations de prix et à des cycles qui placent parfois les
producteurs touchés dans une situation inconfortable. La situation
sérieuse qu'ont connue les producteurs de porc, les producteurs de
céréales et les producteurs de visons en sont des exemples.
Les agriculteurs ex-grévistes de la faim. Chaque cas d'abandon
est déplorable. Il faut voir les problèmes de toutes sortes et
les drames dont nous avons été témoins au cours des
dernières années. Personne ne peut rester insensible à de
telles situations. Il demeure cependant qu'aucun système ne peut
échapper à de telles conjonctures. Vouloir sauver tous les cas
nonobstant les impératifs économiques se traduirait par des
coûts exorbitants qui risqueraient tout simplement de saborder le
régime actuel de financement agricole.
Je ne puis que m'inscrire en faux contre les propos libelleux, haineux
et venimeux tenus par le porte-parole des ex-grévistes hier à
l'endroit de l'organisme que j'ai l'honneur de diriger de même
qu'à l'endroit de son président. J'ai la ferme conviction d'avoir
fait mon devoir dans le cadre des attributions qui me sont dévolues et
avec la collaboration d'une équipe exceptionnelle. Je dois rendre
témoignage ici à tous mes collaborateurs et collaboratrices qui
ont vécu, comme moi, des heures difficiles.
Une chose est certaine: les ex-grévistes ont été
traités par l'office avec la même objectivité, la
même mesure, la même attention que tous les autres emprunteurs. Il
serait trop long d'aborder chacun des cas individuellement dans le cadre du
présent exposé. J'espère que la période
d'échanges avec les membres de la commission nous permettra de le
faire.
Je déplore le fait, cependant, que les ex-grévistes se
retranchent dans des mouvements dont le comportement se révèle
pour le moins discutable, voire répréhensible dans certains cas.
(15 h 45)
Comportement de la Cour des miracles et du Mouvement pour la survie des
agriculteurs. C'est au début de 1982 qu'on a assisté à la
naissance de la Cour des miracles des cultivateurs dont la pensée et les
actions se sont rapidement radicalisées au point de constituer une
entrave au bon fonctionnement du régime de financement agricole et au
cours normal de la justice. "Tentatives d'empêcher l'exécution de
jugements des tribunaux ou de saisies, menaces, incitations à commettre
des actes frauduleux ou de la violence, telles furent certaines des actions
posées par la Cour des miracles ou d'aucuns de ses membres".
Après quelques mois d'existence de la Cour des miracles, certains
membres s'en séparaient pour former le MSA, le Mouvement pour la survie
des agriculteurs, principalement à cause de mésentente avec le
président de la Cour des miracles, M. Gérard Chamberland, mais en
prenant bien soin de rappeler, ainsi que le faisait M. Jean-Claude Boucher -
à la fois dirigeant du nouveau mouvement, chef de secteur et
rédacteur de la CMC - dans deux articles, l'un dans La Guerre de chez
nous et l'autre dans La Nouvelle Guerre, que l'orientation du nouveau
groupement allait demeurer la même que celle de la Cour des miracles des
agriculteurs.
Le texte suivant de La Nouvelle Guerre de septembre 1982, sous la
signature de M. Jean-Claude Boucher, est fort révélateur: "II
nous apparaît évident, cependant, que les gens de la Cour des
miracles ont fait montre de beaucoup de mauvaise foi au détriment de la
classe agricole dont ils se disent les défenseurs. C'est dommage."
Et M. Boucher décrivait comme suit le grand commandeur et
trésorier de la Cour des miracles dans La Guerre de chez nous de
juillet-août 1982, ainsi que dans La Nouvelle Guerre de septembre 1982:
"Certes, Chamberland avait un passé chargé et ne possédait
pas de lettres de noblesse. Mais il avait l'expérience d'un mouvement
réactionnaire des années soixante-dix: La Milice populaire du
Québec. Il y avait occupé un poste de porte-parole... et se
vantait de mille et un exploits." "Il pouvait être l'homme qui leur
fallait. Chamberland accepta de les diriger dans un combat qui devait devenir
politique et qui avait pour but de faire reconnaître ses torts au
gouvernement. Chamberland prit donc la direction de ce qui allait devenir la
Cour des miracles, à condition que les membres défraient ses
dépenses d'automobile, de loyer, de papeterie, de nourriture, et
celles de son ami, Pierre Grenier, également un ancien membre de
la Milice populaire du Québec." "Grossier et gueulard, Chamberland
attira facilement sur lui l'attention de quelques médias d'information.
Ses déclarations de révolutionnaire de république de
bananes faisaient rire les journalistes, mais, dans cette drôle de
société où nous vivons, ils se disaient: "On ne sait
jamais" et ils donnaient au mouvement un minimum de couverture."
M. Boucher poursuivait un peu plus loin en faisant état des
délibérations de membres à une réunion de la Cour
des miracles: "Tous, sauf Chamberland, qui acceptait n'importe quelle
structure à condition qu'il demeure grand commandeur et
trésorier; à condition qu'il dirige et que reviennent sur lui
tous les mérites; à condition qu'il puisse continuer de vivre sur
son groupe de faillis, à condition qu'on continue de le nourrir, de le
loger..."
Des gestes illégaux posés par les membres de l'un ou
l'autre groupe ont donné lieu à un certain nombre de
condamnations rendues, notamment, l'une dans le district de
Saint-François, le 11 mai 1983 - je dis notamment, parce qu'ici il y en
a cinq; on en a dénombré neuf et il y en a d'autres à
venir - pour aliénation de biens avec l'intention de frauder ses
créanciers; les autres, dans le district de Drummond, les 7 septembre
1982, 17 octobre 1983, 24 novembre 1983 et 22 mars 1984, pour diverses raisons
consistant principalement dans l'aliénation de biens avec l'intention de
frauder ses créanciers et vol par dépositaires de biens nantis.
D'autres causes sont actuellement devant les tribunaux, toujours contre des
membres de l'un ou l'autre mouvement.
De tels agissements ont des répercussions néfastes pour
l'ensemble de la classe agricole qui demeure, et j'insiste, profondément
honnête et soucieuse de s'acquitter de ses obligations. Disparition de
biens nantis en garantie des prêts; vente de ces biens avec l'intention
de frauder; occupation illégale d'immeubles vendus par le shérif
ou réinstallation illégale dans ces mêmes immeubles et
autres actes tendant à priver les créanciers de leurs recours
légitimes, tout cela est de nature à les rendre inquiets et
à provoquer une restriction du crédit. Il en va de même
pour des menaces d'incendie des bâtisses reprises, les assureurs
deviennent plus craintifs et il y a un cas où la prime exigée
pour assurer des bâtisses de ferme a coûté plus de trois
fois le coût de la prime normale. Et qui paie la note pour ces
comportements des membres de la Cour des miracles et du Mouvement pour la
survie des agriculteurs? Ce sont en définitive les bons
agriculteurs.
Mais il y a plus. Nous avons dans les dossiers plusieurs
éléments de preuve qu'il s'exerce actuellement, dans le milieu de
certains adhérents à ces mouvements, un climat de menaces ou de
terrorisme. On tente d'imposer la loi de l'omertà qui s'apparente
drôlement au climat qu'exercent de petites mafias. L'office connaît
aussi des cas de dommages causés par représailles, d'individus
qui ont reçu des menaces et les victimes n'osent témoigner ou
porter plainte en justice dans la crainte de ce qui pourrait leur arriver.
En conclusion de cet exposé l'Office du crédit agricole du
Québec:
Considérant l'impact financier de la situation actuelle
où, dans plusieurs cas, il ne peut réaliser les garanties des
prêts à cause de l'occupation des fermes par des grévistes
de la faim, ce qui augmente le fardeau des intérêts qui courent et
risque aussi d'accroître les pertes par suite de la dévaluation de
ces fermes;
Considérant que l'office a traité les dossiers de tous ces
grévistes avec le même soin et le même souci de service,
d'équité et de justice qu'il apporte à tous les autres
dossiers qu'il traite;
Considérant que, devant la situation irrémédiable
de ces emprunteurs, l'office, de par le rôle qu'il doit exercer, n'avait
d'autre choix que d'intenter des procédures et de tenter de
réaliser des garanties;
Considérant les actes illégaux et frauduleux posés,
les menaces faites, les représailles prises par des membres de la Cour
des miracles et du Mouvement pour la survie des agriculteurs dont plusieurs
exgrévistes de la faim ont fait déjà et font encore
partie, actes, menaces et représailles dont l'office détient de
nombreux éléments de preuve;
Considérant que les gestes ainsi posés peuvent avoir un
effet d'entraînement dans le milieu agricole et que donner suite aux
demandes de ces gens créerait un dangereux précédent et
risquerait de saper le climat de confiance qui doit exister entre le
prêteur et l'emprunteur, risquant de saborder ainsi tout le
système de crédit;
L'office demande à votre commission:
Que soit rejetées comme non fondées et non avenues les
demandes des grévistes de la faim.
Que votre commission fasse les recommandations et les
représentations nécessaires pour qu'une enquête soit
menée par une escouade spéciale de la Sûreté du
Québec sur tous les actes illégaux ou frauduleux, les menaces et
les représailles dont il a été fait état
ci-dessus.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. le
président. J'invoque ici le règlement afin d'attirer l'attention
du public à savoir qu'aucune manifestation verbale n'est permise
quand on entend les témoins ou lors d'échanges entre les
membres de la commission et les témoins.
Jusqu'à présent, j'ai reçu deux demandes
d'intervention, l'une du député de Maskinongé et l'autre
du député de Saint-Hyacinthe.
M. le député de Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Vous comprendrez sans
doute qu'à la lumière de ce que nous avons entendu aujourd'hui et
aussi de ce que nous avons pu entendre hier, toujours sous le sceau de
l'assermentation, concernant certaines déclarations qui sont pour le
moins troublantes et qui mettent en cause des serviteurs de l'État, des
gens qui travaillent pour l'État, je voudrais poser certaines questions
en relation avec ce qui a été dit de part et d'autre.
À la page 14 de l'exposé du président de l'Office
du crédit agricole - et je me rendrai volontiers à votre demande
- quand vous dites: "II serait trop long d'aborder chacun des cas
individuellement dans le cadre du présent exposé, j'espère
que la période d'échanges avec les membres de la commission nous
permettra de le faire", j'ajouterai: d'éclaircir certaines choses qui
ont été dites et qui ont été
véhiculées. Vous dites, entre autres: "Je ne puis que m'inscrire
en faux contre les propos libelleux, haineux et venimeux tenus par le
porte-parole des ex-grévistes, hier, à l'endroit de l'organisme
que j'ai l'honneur de diriger de même qu'à l'endroit de son
président." J'aimerais que vous nous précisiez ce que vous
entendez par "propos libelleux, haineux et venimeux".
M. Moreau: J'ai pris connaissance des notes de la commission, de
ce que M. Boucher a déclaré hier. Je retiens deux choses qui sont
vraies et pour lesquelles je n'ai aucune raison de me repentir - je m'en
glorifie - c'est le fait que je sois président de l'Office du
crédit agricole du Québec et le fait que je sois avocat. Tout le
reste, à mon point de vue, c'est de la foutaise. Si vous voulez avoir
mon opinion là-dessus -elle est peut-être très brève
- si vous m'en accordez le temps, je pourrais reprendre ce document paragraphe
par paragraphe et vous en faire la démonstration. Je ne sais pas si
c'est la façon dont la commission entend procéder, mais, si vous
voulez qu'on le fasse plus tard... Je pense que j'ai été pris
à partie drôlement là-dedans. Je n'accepte absolument rien.
Il n'y a absolument rien de fondé et j'apprécierais beaucoup que
la commission me donne la latitude pour faire la lumière. Je pense que
je peux avoir droit à une défense complète et absolue.
J'espère, en tout cas, obtenir cette faveur de la commission. Mon cas
personnel, le président de l'office, c'est secondaire. J'aimerais que
vous suiviez le cours normal de vos travaux et, par la suite, s'il reste du
temps, on verra. Mais j'apprécierais beaucoup - je le dis au
départ - que vous me permettiez et que vous me donniez la latitude pour
faire une défense pleine et entière contre le charriage qui s'est
fait littéralement hier.
M. Picotte: M. le Président, j'aurai des questions
précises à poser à M. Moreau. Il y aura des explications
dans des cas particuliers. Je ne vois pas d'objection, à la fin de la
période des questions des parlementaires, s'il reste des choses à
clarifier et à ajouter, qu'on puisse le faire et qu'on puisse donner le
temps voulu à M. Moreau pour le faire. Je n'ai pas d'objection à
cela.
M. Moreau: Merci beaucoup.
M. Picotte: II est fait état, dans le dossier de M.
Boucher, à la page 4 plus précisément, et je cite: "Nous
demandons que la commission s'informe auprès du rédacteur en chef
de la Terre de chez nous, M. Pierre Courteau, à savoir comment le
président de l'Office du crédit agricole l'a menacé de
faire perdre à la Terre de chez nous toute la publicité
gouvernementale si ce journal ne lui donnait pas une bonne couverture de
presse."
Évidemment, un fait s'est produit ces derniers temps qui
m'amène à me poser une question additionnelle. On m'a
informé que M. Courteau ne travaillait plus depuis quelque temps - et
cela tout récemment - à la Terre de chez nous. Il avait
été congédié pour être remplacé par
une ex-collaboratrice du bureau du premier ministre, Mme Évelyne Dumas.
Dans ce contexte-là, je me demande jusqu'à quel point les dires
et ce qui a été souligné par M. Boucher, cela peut avoir
une certaine crédibilité. Qu'est-ce que vous avez à dire
sur ce cas bien précis où on a mentionné que vous aviez
fait des menaces à M. Courteau de retirer, évidemment, la
publicité gouvernementale? (16 heures)
M. Moreau: J'ai parlé, depuis nombre d'années,
peut-être une fois à M. Courteau au téléphone.
J'étais à mon bureau, en présence de mon collègue
Maurice Vézina, du vice-président et des autres collègues.
Je l'ai appelé tout simplement parce que je voulais faire - vous lirez
la Terre de chez nous du temps - faire une rectification dans le cas d'Oscar
Ellenberger. Effectivement, la Terre de chez nous, la semaine suivante, a fait
une rectification parce qu'il y avait eu des informations mensongères
dans le cas d'un procès-verbal ou le résultat ou le rapport.
Personnellement, je n'ai jamais, je ne m'en souviens pas, en tout cas, que je
sache, menacé M. Courteau de quelque nature que ce soit. Je vous dirai
même que c'est
l'inverse. J'ai demandé à M. Courteau comment ça se
fait qu'on prend l'office à partie parce que, si vous avez suivi la
Terre de chez nous depuis quelques années, vous avez vu qu'on en a eu
pour notre change, à l'Office du crédit agricole. On a
été à maintes reprises pris à partie. Les raisons
pourront faire l'objet d'une autre discussion peut-être plus tard, mais
c'est une incidence dans l'élément en question. Alors, je lui ai
demandé: Comment se fait-il que vous preniez l'office à partie
comme cela? Il a dit: Tu ne veux pas collaborer avec nous autres, on te demande
des informations, tu ne veux pas fournir d'information. Si tu ne veux pas
fournir d'information, on va continuer à le faire. C'est peut-être
voilé comme menace. Moi, c'est la perception que j'ai eue.
Maintenant, que M. Courteau ait entendu dire, et je l'ai
déjà dit à maintes reprises... Moi, je vous donne une
opinion strictement personnelle, ce que j'en pense moi, personnellement. Je
trouvais aberrant qu'on se fasse démolir dans les pages de la Terre de
chez nous alors que le ministère payait je ne sais pas combien de
centaines de milliers de dollars par année pour avoir des pages dans la
Terre de chez nous de son côté. C'est une appréciation
très personnelle. J'ai peut-être parlé de cela à lui
ou à d'autres, remarquez bien. Cela est possible. Mais, à ce
moment, parce qu'on est un peu placé en conflit, si on voulait qu'un
message passe, il fallait pratiquement le faire passer dans les pages du
ministère.
M. Dupré: Question de règlement.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Je voudrais que vous m'éclairiez sur la
télévision des débats. Je me demande s'il y a une
directive en ce sens. On sait que, lorsque les débats ne sont pas
télévisés, ordinairement, les cameramen peuvent prendre
des prises avant que cela commence et après que c'est commencé.
Maintenant, lorsqu'il y a télédiffusion des débats, c'est
la commission qui est télévisée. Ce sont les membres et
non pas... Parce que je pense que cela dérange même
drôlement. On va chercher des zooms un peu partout dans la salle, on va
chercher des zooms de la personne qui est en train de discuter; moi, je
voudrais être éclairé là-dessus. Je pense que cela
dérange la commission.
M. Picotte: Sur la question...
Le Président (M. Vallières): Sur la question de
règlement, M. le député de Maskinongé.
M. Picotte: Merci. Sur la question de règlement, je pense
qu'il est de tradition et de coutume que les journalistes qui sont sur place
puissent faire du vidéo. Je pense qu'ils sont libres de prendre les
vidéos et les séquences qu'ils veulent bien prendre. Moi, en tout
cas, personnellement, cela ne me dérange d'aucune façon qu'il y
ait des séquences qui soient prises. J'ai regardé, quand M.
Moreau a fait son exposé tantôt, cela ne semblait pas le
déranger non plus d'avoir les caméras en face de lui.
Le Président (M. Vallières): Là-dessus, je
pense que je suis suffisamment éclairé. Je vous rappelle qu'il y
a beaucoup de gens qui veulent assister à nos travaux. S'ils veulent
continuer à le faire, je leur demande d'éviter toute
manifestation dans la salle. Je suis suffisamment éclairé sur la
question. On m'indique que la règle qui prévaut à
l'Assemblée nationale, quand les travaux ne sont pas
télévisés, c'est que c'est une permission qui est
accordée aux médias au début de nos travaux de prendre des
parties de film, des séquences. À ce moment-ci, j'ai l'intention
de demander aux différentes caméras de cesser leur travail de
prises de vues afin de permettre au témoin - à tout le moins, de
ne pas le déranger - de s'exprimer dans la plus grande liberté et
aussi la plus grande aisance possible. Je demanderais aux cameramen de se
retirer non pas de la salle, mais de l'endroit où ils sont
présentement. M. le député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): M. le Président, je ne veux
nullement mettre en doute votre décision, mais ce que je déplore,
c'est que, lorsque M. Boucher a fait son intervention, des caméras l'ont
filmé de A à Z.
M. Picotte: C'est cela.
Le Président (M. Vallières): Je tiens à
faire remarquer au député d'Arthabaska qu'à ce
moment-là aucune question de règlement n'a été
soumise au président. Il y en a une présentement et je rends ma
décision.
M. Picotte: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Merci. J'ai compris dans vos propos que vous avez
parlé de certaines discussions que vous auriez pu avoir avec certains
collaborateurs ou d'autres personnes. Vous avez dit que les propos
étaient à peine voilés. Est-ce cela qu'on appelle des
menaces? Vous avez dit qu'effectivement le charriage que la Terre de chez nous
pouvait faire à l'endroit de l'Office du crédit agricole
était à peine voilé. Vous avez trouvé cela dommage,
compte tenu du fait que plusieurs milliers de dollars ont été
envoyés à la Terre de chez nous pour la
publicité.
M. Moreau: Non, ce n'est pas cet aspect. Je donne une opinion
strictement personnelle. J'ai pris la précaution de le dire. Je trouvais
qu'il y avait une contradiction, à ce moment-là, entre descendre
un organisme à une page et, à l'autre page, faire sa promotion
avec des annonces. Remarquez bien que c'est une opinion personnelle. Si c'est
cela qu'il a appelé une menace, c'est possible, je ne me prive pas de le
dire. Je l'ai déjà dit; je vous donne une opinion personnelle.
Cela n'a jamais été une menace, à mon sens. La preuve,
c'est que, toutes les semaines, on a le reproche d'avoir trop d'annonces dans
la Terre de chez nous, bien encadrées et en gros caractère. Si on
avait menacé quelqu'un, on aurait procédé... La plus belle
preuve qu'il n'y a pas eu de menace, lisez les numéros de la Terre de
chez nous depuis un an et demi ou deux ans et vous verrez des annonces presque
toutes les semaines. À mon point de vue, cela me paraît
fantaisiste et non fondé.
Par ailleurs, je vous ai donné la teneur d'une conversation
téléphonique - il y a de mes collègues ici qui pourront
témoigner, s'ils le désirent - dans le bureau d'un de mes
collègues, justement pour la mise au point qui a été faite
d'ailleurs la semaine suivante. Je peux vous parler de cela. J'ai aussi tous
les articles de la Terre de chez nous.
M. Picotte: Par la suite, vous avez mentionné que vous
auriez pu dire cela ou avoir des conversations là-dessus.
M. Moreau: Non.
M. Picotte: Vous me permettrez de différer quelque peu
d'opinion avec vous. Vous ne considérez peut-être pas cela comme
des menaces, mais, personnellement, je trouve que cela frise les menaces d'un
président d'organisme d'avoir eu de semblables propos, sans vous les
reprocher évidemment. Vous êtes évidemment libre de dire ce
que vous voulez, mais je tenais à faire ressortir ce point. À
moins que la Terre de chez nous ne soit un organisme officiel de l'Office du
crédit agricole, je ne vois pas ce qu'il peut y avoir de contradictoire
dans le fait de critiquer certaines politiques gouvernementales, certaines
politiques de l'Office du crédit agricole et d'avoir, par contre, des
annonces dans cette revue de l'Office du crédit agricole. Il y a
souventefois des annonces de ventes de terres d'ailleurs. Il y en a
passablement et on en a passablement chaque semaine dans la Terre de chez
nous.
M. Moreau: J'ajouterais simplement, si vous le permettez, que je
n'ai rien à dire concernant la politique de publicité
gouvernementale. Cela concerne strictement la publicité faite par
l'office. Effectivement, il y a de la publicité faite par l'office. Je
vous donne mon opinion personnelle. Je ne me souviens même pas de l'avoir
mentionné à M. Courteau lui-même. Je vous donne une opinion
que j'ai déjà donnée. M. Courteau en a peut-être
entendu parler, c'est possible. Si c'est par personne interposée, c'est
possible, mais cela ne va pas plus loin que cela.
M. Picotte: La discussion que vous avez eue avec M. Courteau date
d'il y a combien de temps?
M. Moreau: C'est dans l'affaire Ellenberger. Je pourrais le
savoir par les dates de la Terre de chez nous. Il y a eu une correction la
semaine suivante dans le cas Ellenberger, une précision, parce que des
propos avaient été...
M. Picotte: Mais, en termes de semaines ou de mois, cela date de
quelques mois ou de quelques semaines.
M. Moreau: Non, cela date de plusieurs années,
l'année 1982, quelque chose comme cela.
M. Picotte: C'est la seule fois que vous avez parlé avec
M. Courteau?
M. Moreau: Je ne me souviens pas d'avoir parlé à M.
Courteau depuis ce temps et depuis combien de temps avant je n'ai pas
parlé à M. Courteau.
M. Picotte: Vous ne lui avez pas parlé ou vous ne vous
souvenez pas de lui avoir parlé? Vous ne lui avez pas parlé.
M. Moreau: Je ne me souviens pas de lui avoir parlé. On va
dans des congrès. Je peux lui avoir dit: Bonjour! Comment ça va?
Je vous dis que j'ai parlé à M. Courteau cette fois-là au
téléphone et c'était dans un but très
précis. Certains de mes collègues étaient justement
là dans ce bureau, lorsque j'ai pu le rejoindre.
M. Picotte: Puisque nous sommes dans ces dossiers, en plus de M.
Courteau, on a souligné le nom de M. Jean Pelletier, de Radio-Canada,
"parce qu'il n'a pas voulu couvrir la conférence honteuse du
président de l'Office du crédit agricole, en date du 10 septembre
1982". Avez-vous effectivement parlé à M. Pelletier?
M. Moreau: II est venu à mon bureau m'interviewer une
cinquantaine de minutes une fois et je ne suis même pas passé
trois secondes à son émission - je ne me rappelle
pas son nom - après les nouvelles. Je n'ai pas eu de nouvelles et
je n'ai jamais reparlé à M. Pelletier depuis ce temps, et je n'ai
jamais fait de commentaire concernant M. Pelletier depuis ce temps. Je ne sais
pas d'où cela sort.
M. Picotte: Vous n'avez jamais parlé avec M. Pelletier du
fait que la conférence n'avait pas été couverte, le 10
septembre 1982.
M. Moreau: Ce n'est pas moi qui... Il y a plusieurs divisions
à Radio-Canada; des gens de Radio-Canada étaient en
conférence. Je ne vois pas pourquoi M. Pelletier aurait dû
être là. Cela est complètement de la foutaise.
M. Picotte: M. le Président, il est aussi fait mention
dans le document de M. Boucher du cas - plus précisément, je ne
sais pas s'il en est fait mention dans le document d'un des ex-grévistes
de la faim, M. Brousseau, qui est venu hier nous entretenir quelque peu. Il
nous a parlé de pratiques quelque peu spéciales d'une personne
qui travaille à l'Office du crédit agricole. Entre autres, il a
cité le nom de M. Viateur Daoust qui, à des heures indues,
tardives en tout cas, après discussion durant quelques heures, finit par
imposer, à ce qu'on nous a dit - je rapporte toujours ce qui s'est
véhiculé ici, en commission; je dis bien imposer - un
dénommé Jules Côté comme encanteur, lui faisant
perdre par la même occasion plusieurs milliers de dollars. Quelle est la
relation des gens de l'Office du crédit agricole? De quelle façon
procèdent-ils? Est-ce que c'est dans les habitudes des gens de l'office
d'obliger les gens à prendre un encanteur plutôt qu'un autre?
Est-ce dans les habitudes des gens de l'office de travailler à des
heures comme 22, 23 heures ou minuit le soir? Pourrait-on vous entendre
précisément sur le cas cité, entre autres celui de M.
Viateur Daoust et possiblement d'autres, mais, en tout cas, c'est
celui-là qu'on a présentement?
M. Moreau: D'abord, M. Daoust est ici. La commission lui
permettrait-il de donner sa version des faits?
M. Picotte: S'il a été assermenté, je suis
bien d'accord.
M. Moreau: Deuxièmement, si j'avais un reproche à
faire à M. Daoust, ce serait de ne pas y être allé le soir
et la nuit parce que le tracteur ne serait pas parti s'il était
resté assis sur le tracteur. Vous connaissez l'histoire du même
bonhomme - à ce qu'on m'a raconté hier - qui est allé
porté son tracteur devant sa maison...
M. Picotte: II a été très franc hier, M.
Moreau. Il nous a dit exactement comment cela s'est passé.
M. Moreau: Oui, c'est cela. Cela veut dire que, si notre gars
avait été assis dessus, probablement que le tracteur ne serait
pas parti ou on aurait su qui était venu le chercher. Remarquez bien que
c'est en dehors, cela n'a pas été fait. Si vous le voulez, je
vais demander à M. Daoust de venir déposer lui-même.
Le Président (M. Vallières): M. Daoust, vous pouvez
vous approcher de la table des témoins, nous allons procéder
à votre assermentation.
M. Daoust (Viateur): Je, Viateur Daoust, jure que je dirai toute
la vérité et rien que la vérité.
M. Dupré: M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Hyacinthe, sur...
M. Dupré: Avant de continuer, j'aimerais demander à
cette commission de réserver un temps d'une demi-heure à M.
Moreau afin qu'il touche les points importants qui n'auront pas
été touchés, afin qu'il ait droit à une
défense pleine et entière ou au moins afin qu'il puisse faire
valoir son point de vue.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Sur la question de règlement, je vous ai
mentionné tantôt que je n'avais pas d'opposition à cela,
sauf que je voudrais bien vous faire remarquer qu'on voudrait avoir le temps
qui, normalement, nous est dévolu de part et d'autre, j'imagine, soit
une période d'environ 60 minutes, d'après le temps qui restait au
début de la période de questions - il s'est dit tellement de
choses - pour avoir suffisamment de temps pour questionner. Je vous ferai
remarquer qu'il nous arrive un autre témoin par la bande et nous n'avons
pas d'opposition, son nom a été mentionné. Une foule de
gens ont été nommés à l'intérieur de cette
commission. Il est heureux qu'on puisse interroger les gens qui ont
été nommés. On commence avec... Entre autres, M. Daoust
s'ajoute à cela. Je ne voudrais pas, pour aucune considération...
Et je suis prêt à déborder le temps, je suis même
prêt à couper l'heure du lunch, en ce qui me concerne - je ne
parle pas pour mes autres collègues - pour pouvoir donner le temps
à M. Moreau, par la suite, quand on aura fini de le questionner, de nous
donner sa version des faits.
M. Dupré: Je suis d'accord, M. le député de
Maskinongé. Même s'il y a lieu de continuer ce soir, je n'ai
aucune opposition. (16 h 15)
Le Président (M. Vallières): Je veux bien
comprendre l'entente qui semble se dessiner, à savoir que nous pourrions
continuer nos travaux jusqu'à 18 heures, tel que prévu. Si c'est
le voeu de la commission de continuer d'entendre M. Moreau par la suite, elle
pourrait le faire. Par ailleurs, si nécessaire, je veux indiquer
à M. Moreau qu'à partir du moment où une question lui est
posée, il a toute la latitude requise pour y répondre en long et
en large à partir du moment où cela tombe à
l'intérieur du mandat de la commission. Donc, je ne voudrais pas non
plus en faire un privilège puisque je pense que vous avez le droit de
procéder de cette façon. Les autres témoins qui ont
comparu n'ont pas eu de privilège. C'est un droit que vous avez dans
cette commission de vous exprimer librement et de répondre avec toute la
latitude nécessaire aux questions qui vous sont posées.
M. Dupré: J'ajouterais même, M. le Président,
que, s'il y a lieu et en temps et lieu, c'est même possible qu'on fasse
revenir certains témoins qui ont été entendus hier,
à la suite de la comparution de M. Moreau.
M. Picotte: Non, M. le Président. Je vais dire ceci au
moment où c'est mentionné. Non seulement j'ai objection à
ce qu'on fasse revenir certains témoins qui ont passé hier et qui
nous ont dit des choses, mais, à ce moment-là, faudrait-il encore
qu'on ait la possibilité d'interroger les gens qui ont été
cités et qu'on n'a pas pu interroger, soit qu'ils n'étaient pas
ici... On a la chance, parce que toute l'équipe du crédit
agricole est ici cet après-midi, d'avoir M. Daoust avec nous, mais il y
a d'autres personnes qui ont été citées tout au long du
"procès". J'ai parlé de M. Courteau. J'ai parlé de M.
Pelletier. Je veux dire tout au long de la commission parlementaire, je
m'excuse. De la façon que certains mémoires nous ont
été présentés, on est en train de se demander si ce
n'est pas cela.
Le Président (M. Vallières): Cela va. Sur la
question de règlement, j'ai donc statué. Je veux vous indiquer
que, si la commission décidait, à un moment donné, de
modifier le mandat qu'elle s'était donné, il y a des
règles qui prévalent pour le faire et nous le ferons.
Nous continuons la période des questions telle
qu'enclenchée tout à l'heure.
M. Picotte: Alors, monsieur...
Le Président (M. Vallières): Sur la question de
règlement, M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Je voudrais bien m'assurer, M. le Président,
que cette commission ne sera jamais taxée d'être partiale. Si,
pour une raison ou pour une autre, il est important de laisser à M.
Moreau soit une demi-heure ou soit plus de temps vers la fin de la
séance pour donner des commentaires additionnels, je pense que, pour ne
jamais être taxé d'être partial, il faudrait avoir le
même comportement vis-à-vis d'autres personnes que M. Moreau
pourrait nommer ou il pourrait contredire les propos tenus hier. À ce
moment-là, cela ne finirait plus. Je pense qu'il serait important
d'avoir le même comportement pour tous les membres qui sont
convoqués ici en commission, d'une façon bien précise.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. le
député de Huntingdon. Nous revenons à la période
des questions.
M. Picotte: Bienvenue, M. Daoust. J'aimerais vous entendre
raconter la version des faits de la rencontre qui a eu lieu chez M.
Clément Brousseau...
M. Daoust: Je voudrais d'abord remercier...
M. Picotte: ...de même que la discussion qui a
entouré cette rencontre au sujet de l'encan possible.
M. Daoust: Bon! Je voudrais d'abord remercier les membres de la
commission parlementaire de me donner l'occasion de me faire entendre, parce
que j'ai été injustement attaqué hier soir par M.
Brousseau. Je m'inscris en faux contre les propos et les pratiques de M.
Brousseau. D'abord, il faudra se rappeler, dans le dossier - les documents dans
le dossier des membres de la commission - qu'une saisie a été
effectuée par l'Office du crédit agricole et cette saisie est
datée du 12 février 1982. Je pense que c'est peut-être une
date à retenir, au départ. À ce moment-là, M.
Brousseau affichait beaucoup d'arrérages dans son dossier. C'est la
raison pour laquelle l'Office du crédit agricole avait commencé
des procédures contre M. Brousseau. À la suite de la
réception de cet avis de communiquer avec mon bureau... Il faut se
rappeler que cette chose a probablement été montée par M.
Boucher, parce que M. Boucher avait déjà fait des
allégations dans un certain livre, à la page 48 - j'aimerais
préciser cela tout de suite - qui disaient que Viateur Daoust avait
probablement des allégeances avec un commerçant.
Là-dessus, MM. les membres de la commission, j'aimerais mentionner que
nous avons deux affidavits et une soumission en ce qui concerne M. Boucher pour
des
ventes de saisie d'équipement. Ce n'était pas une seule
personne qui s'était rendue sur les lieux pour vérifier
l'équipement, pour faire une soumission. C'étaient trois
personnes. Je pense que c'est une chose à préciser tout de suite.
Par la suite...
M. Picotte: De quel dossier voulez-vous parler?
M. Daoust: C'est dans le dossier de Jean-Claude Boucher.
M. Picotte: Ah bon!
M. Daoust: Mais, au départ, la chose a commencé
à ce moment-là.
M. Picotte: Oui, mais, pour ne pas nous mêler, revenons
à M. Brousseau.
M. Daoust: Par la suite, la même chose a été
répétée par M. Brousseau dans la "Guerre de chez nous". Il
y a un article en trois colonnes qui a été publié dans la
"Guerre de chez nous". Quand j'ai eu connaissance de cela, j'ai composé
un mémoire qui pourrait être déposé aux membres de
la commission. Le 20 juillet 1982, j'ai fait un mémoire sur les
allégations ou les prétentions de M. Brousseau, concernant mon
comportement.
M. Picotte: M. le Président, immédiatement, est-ce
que je pourrais demander que l'on dépose le mémoire, s'il vous
plaît? Puisqu'on fait allusion à un mémoire.
Le Président (M. Vallières): Oui, je voulais
d'abord en prendre connaissance, si vous permettez, avant le
dépôt.
M. Daoust: Je pense que le mémoire en question est
déjà dans le dossier. C'est le 20 juillet 1982.
Le Président (M. Vallières): Ah bon!
M. Daoust: Vous l'avez dans votre dossier.
Une voix: II y avait un embargo. M. Picotte: Oui,
d'accord.
Le Président (M. Vallières): Très bien,
continuez M. Daoust.
M. Daoust: M. Brousseau a téléphoné à
mon bureau, le 12 et le 15 mars 1982, à la suite d'une saisie qu'il
avait reçue de l'office, pour m'informer qu'il pensait faire un encan et
qu'il avait déjà contacté des encanteurs et des
commerçants à ce sujet. Là, je vous lis un passage de mon
mémoire: "D'autre part, il m'a demandé, avant de finaliser ces
ententes, de le rencontrer afin d'évaluer avec lui les
différentes alternatives pour la vente de sa ferme." Effectivement, j'ai
rencontré M. Brousseau le 16 mars 1982, l'avant-midi. Non pas la nuit,
mais le matin. Avant de me rendre chez lui, j'ai rencontré le
gérant de la Caisse populaire de Saint-Félix, M. Michel Carrier,
parce qu'à ce moment-là, M. Brousseau avait un prêt Tandem,
lequel a été fait à la Caisse populaire de
Saint-Félix et qui était garanti par l'office. "Au cours de cette
rencontre, j'ai discuté avec le gérant de la caisse des
différentes possibilités pour essayer d'aider M. Brousseau
à se sortir de son pétrin financier. À ce
moment-là, M. Brousseau avait 180 000 $ de dette. Lors de la rencontre
avec M. Brousseau, j'ai discuté de la vente complète de sa ferme.
J'ai discuté de la vente en bloc des animaux et de la machinerie
à un commerçant ou par un encan, la vente de toute sa ferme, sauf
la maison et la porcherie, la vente en bloc des animaux, machinerie, quota et
la vente de la ferme à un cultivateur voisin - c'était une des
possibilités qui avaient été envisagées -avec la
possibilité pour M. Brousseau de racheter sa maison et sa porcherie avec
un emplacement." Il faudrait se souvenir que, lors d'un transfert de quota, il
fallait qu'un agriculteur voisin achète toute la ferme pour avoir le
transfert du prêt. "Plusieurs de ces alternatives nous paraissaient
difficiles à réaliser parce qu'elles seraient conditionnelles
à une acceptation de la Commission de la protection du territoire
agricole." Il est bien certain que, si M. Brousseau pensait garder sa maison,
avec plus d'un demi-hectare, il avait une permission à demander à
la Commission de la protection du territoire agricole. "De plus, certaines
possibilités exigeraient des délais que M. Brousseau, tenant
compte de sa situation financière, ne pourrait probablement pas soutenir
très longtemps." C'était le texte de mon mémoire. Je
poursuis. "J'ai ensuite proposé à M. Carrier de le rencontrer
ensemble. Il a alors allégué qu'il n'avait malheureusement pas le
temps ce jour-là. À mon arrivée, il m'a fait part d'une
offre qu'il avait reçue pour la vente de ses animaux, de son
équipement, que d'autres personnes étaient
intéressées à sa ferme et à son quota et que,
finalement, il avait téléphoné à M. Jules
Côté pour discuter de l'encan de ses biens-meubles." Il avait
déjà discuté avec M. Côté. "Il m'avait aussi
dit qu'il avait assisté, en février 1982, à l'encan de la
ferme Catillaz de Saint-Félix-de-Kingsey." C'est-à-dire que M.
Brousseau était allé à un encan qui était fait par
M. Jules Côté, à la ferme Catillaz. En passant, la ferme
Catillaz
n'avait pas de prêt avec l'Office du crédit agricole. Je
poursuis: "Et que les animaux et la machinerie s'étaient vendus à
de très bons prix." À noter que cet agriculteur n'était
pas un emprunteur à l'office. "Sur cela, je lui ai mentionné que
M. Côté avait une bonne réputation dans le milieu et que je
ne connaissais pas les autres encanteurs qu'il m'a nommés, sauf une
certaine compagnie de Montréal pour laquelle je lui ai
suggéré d'être plus prudent. Finalement, je lui ai dit
d'étudier les possibilités que je lui avais soumises et de
prendre sa décision dès que possible puisque je ne voyais pas de
solution à ses problèmes et que la vente au shérif
était prévue pour le 29 mars 1982. "Je lui ai aussi
mentionné que, s'il conservait sa ferme ou une partie de sa ferme,
incluant sa porcherie et sa maison ainsi que les truies et l'équipement,
en temps et lieu, si l'endettement n'était pas trop élevé,
après la vente de ses principaux actifs, que j'étudierais la
possibilité de laisser une hypothèque et un nantissement sur la
ferme, pour autant que la rentabilité de la ferme le permette et que
notre siège social l'approuve. J'ai finalement quitté cette ferme
vers 12 h 30" et non à minuit, comme c'est indiqué dans le
document de la "Guerre de chez nous". "Par la suite, j'ai eu quelques appels du
gérant de la caisse sur ce sujet et un appel de l'encanteur, M. Jules
Côté, qui se trouvait sur la ferme pour discuter soit de l'achat
global ou de l'encan. Lors de cette conversation téléphonique, M.
Côté s'est informé des possibilités que la
Commission de la protection du territoire agricole accorde son consentement
à la vente d'une partie de la ferme. J'ai finalement été
informé par le gérant de la caisse, M. Carrier, que l'encan
aurait lieu à la fin d'avril. J'en ai informé notre siège
social de Québec, le 26 mars 1982. J'ai recommandé
d'arrêter les procédures de saisie. À la suite des propos,
j'ai également fait une enquête. M. Jules Côté,
encanteur, m'a informé que M. Brousseau a communiqué avec lui
à quelques reprises avant mes visites sur la ferme, le 16 mars 1982."
Avant ma visite sur la ferme, M. Brousseau avait déjà
communiqué avec cet encanteur. "L'encan a été signé
le 24 mars 1982. J'ai aussi été informé que M.
Clément Paradis avait offert une somme de 165 000 $ pour toute la ferme
et tous les animaux, incluant le quota. M. Brousseau a refusé cette
offre, parce que ses dettes étaient de 180 000 $." Je peux continuer la
lecture du mémoire ou tout simplement m'arrêter si vous avez des
questions.
Il y a peut-être une chose importante pour vous: Si M. Brousseau,
comme il le prétend, a été frustré par l'encanteur,
Jules Côté, comment se fait-il que, quelque temps après, il
s'est rendu à l'encan de Luc Lebel, le 15 juin 1982, et que, lors de cet
encan -écoutez bien cela - il a acheté une antenne de
télévision et quatre bières de M. Luc Lebel à 1,50
$ l'unité. M. Brousseau s'est rendu à l'encan de M. Lebel, fait
par Jules Côté - après son propre encan qui semble avoir
mal été, selon ses dires - et il a acheté une antenne de
télévision et quatre bières. M. Brousseau a pensé
que tous ceux qui allaient mal en agriculture faisaient affaires avec Jules
Côté alors que ce n'était pas vrai. Par la suite, il a
acheté des truies de M. Jules Côté pour repartir dans
l'élevage de la truie. Il a assisté à d'autres encans
-c'est écrit dans mon mémoire - faits par Jules
Côté. Comment se fait-il qu'il continue à faire des
affaires avec l'encanteur alors qu'il semble avoir été
frustré par le même encanteur?
M. Picotte: Dans votre mémoire, à la page 2, vous
faites référence aux 165 000 $. Un peu plus loin, dans la
conclusion, je lis: "L'encan a rapporté la somme de 58 200 $...
M. Daoust: Oui.
M. Picotte: ...et M. Brousseau a conservé un tracteur et
entre-temps une cabine d'une valeur d'au moins 10 000 $. Ce résultat a
dépassé l'offre de 65 000 $." C'est vous-même qui avez
signé cela. Je crois comprendre qu'il y a une erreur de 100 000 $.
M. Daoust: Non, non, il n'y a pas une erreur de 100 000 $ parce
que différentes possibilités ont été
proposées à M. Brousseau par différentes personnes. Un des
commerçants en question avait offert 65 000 $ pour les animaux et la
machinerie, incluant les 2000 ballots de foin. Avant de prendre la
décision de faire encan, il a rencontré quelques
commerçants pour discuter de la façon de vendre ses actifs.
Je peux vous donner certains détails sur les résultats de
l'encan; je les ai ici au dossier. L'encan du quota... Cela a été
vendu par la Fédération des producteurs de lait. La vente du
quota, des animaux et de la machinerie a rapporté la somme nette de 94
633 $; les animaux qui ont été gardés par M. Brousseau
ainsi que la machinerie ont été évalués dans notre
dossier à 34 600 $. On avait évalué sa ferme à 60
000 $. Cela fait un total de 189 233 $, alors que la meilleure offre, à
notre connaissance et selon les propos tenus par M. Brousseau, avait
été, l'une de 165 000 $ et l'autre de 175 000 $. On ne peut pas
dire que son encan a si mal été; cela lui a permis de payer une
bonne partie de ses dettes.
M. Picotte: Mais quand M. Brousseau faisait
référence à une offre qui lui avait
été faite, évidemment, il conservait cinq hectares
de terrain; il conservait sa maison aussi; il conservait quelque machinerie.
Est-ce qu'il vous a souligné si c'était un souffleur John Deere,
si ma mémoire est bonne? Ce qui veut dire que, forcément, la
valeur était encore plus élevée.
M. Daoust: Selon l'information dont je me rappelle, les deux
offres de 165 000 $ et de 175 000 $ comprenaient tout; il n'y avait plus rien
qui restait à M. Brousseau, à ce moment-là.
M. Picotte: Dans son mémoire, il dit: "Quelques mois avant
l'encan, un particulier m'avait offert d'acheter ma ferme à 160 000 $ et
j'aurais pu conserver ma maison, mon tracteur et mon souffleur." Il a
parlé aussi d'un demi-hectare de terrain.
M. Daoust: Je pense que, pour répondre
précisément à votre question, cette décision de
faire encan avec M. Jules Côté a été prise par M.
Brousseau; c'est lui-même qui a signé l'encan avec l'encanteur.
(16 h 30)
M. Picotte: Vous me dites - et j'aimerais préciser ces
détails - qu'en aucun moment vous n'avez discuté avec M.
Brousseau des noms qu'il vous aurait soumis, sauf pour une firme de
Montréal.
M. Daoust: C'est cela.
M. Picotte: Dans le dossier, on parle de MM. Réal
Benoît, Marcel Lambert et Lucien Houle.
M. Daoust: C'est cela.
M. Picotte: Ce sont les trois encanteurs de la région que
M. Brousseau nous disait connaître et avoir l'intention de demander.
Finalement, il nous a dit que, par la suite, vous lui aviez
suggéré fortement...
M. Daoust: C'est absolument faux.
M. Picotte: ...M. Côté. Vous n'avez jamais
discuté de ces trois noms ni fait de commentaires...
M. Daoust: En fait, il m'a demandé... M. Picotte:
Un instantl M. Daoust: Excusez-moi!
M. Picotte: ...sur les trois encanteurs que vous a
proposés M. Brousseau.
M. Daoust: II m'a demandé: Connais-tu Jules
Côté? Est-ce un bon commerçant? J'ai dit: D'habitude, les
encans avec Jules Côté se déroulent bien. Je ne connaissais
pas du tout les autres encanteurs qu'il me nommait. C'est lui qui a fait le
choix, à ce moment-là.
M. Picotte: Vous n'avez jamais vous-même appelé
Jules Côté dans ce dossier?
M. Daoust: Absolument pas, c'est lui-même qui a
appelé Jules Côté. Avant ma visite sur la ferme, il avait
déjà communiqué avec lui.
M. Picotte: Vous ne lui avez pas non plus suggéré
d'appeler M. Jules Côté?
M. Daoust: Non, non, non. M. Picotte: Absolument pas!
M. Daoust: Absolument pas! Que M. Brousseau prenne Jules
Côté ou un autre commerçant ou un autre encanteur, cela n'a
aucune influence sur mon salaire. Écoutez!
M. Picotte: Vous n'avez jamais rencontré M.
Côté à une période autre que celle de 9 heures
à 5 heures.
M. Daoust: Absolument pas!
M. Picotte: D'aucune façon vous n'avez rencontré M.
Brousseau...
M. Daoust: Du travail de 20 heures le soir à 1 heure du
matin, je ne fais pas ça chez les agriculteurs. Il peut arriver que j'en
fasse dans ma maison dans des dossiers compliqués, mais je ne fais pas
de visites chez les agriculteurs le soir.
M. Picotte: À chacune des occasions où vous avez
rencontré M. Brousseau c'était entre 9 heures et 5 heures.
M. Daoust: Absolument! Absolument!
M. Picotte: M. le Président, je pense que cela a
clarifié certaines choses en ce qui concerne ce dossier-là.
J'aurais d'autres questions pour M. Moreau. Je pourrai revenir à M.
Moreau. J'accepterai évidemment un aparté de M. Daoust sur le
même sujet pendant qu'il est à la table.
Le Président (M. Vallières): J'ai une demande
d'intervention du député de Saint-Hyacinthe également.
M. Dupré: Comme c'est sur le même sujet, je vais
permettre à mon collègue de...
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Arthabaska. Nous reviendrons ensuite, par alternance,
à ma gauche.
M. Baril (Arthabaska): Je voudrais
profiter de l'occasion que vous êtes ici, M. Daoust.
D'après le mémoire que M. Brousseau nous a
présenté, à moins que les dates qu'il nous a
mentionnées ne correspondent pas, il aurait préféré
vendre son troupeau de porcs au lieu de vendre son troupeau laitier. On dit,
dans le texte: "Dans une lettre du 5 avril 1982, M. Camille Moreau accepte la
vente de mon troupeau porcin pour rembourser mon prêt sur nantissement
sur lequel portent les arrérages et il affirme que les procédures
seront suspendues si je m'engage par écrit à verser 1000 $ tous
les quinze jours. Cet arrangement me convenait car je voulais garder mes vaches
qui m'apportaient un revenu régulier et vendre mes porcs où
j'étais déficitaire. Le 16 avril, le directeur régional de
l'office pour la région de Sherbrooke vient me voir à mon
domicile et m'informe que je ne peux vendre mes porcs et que je dois faire
encan de ma machinerie, de mes vaches et de mon quota pour satisfaire les
exigences de l'office."
Pourriez-vous nous démêler cela?
M. Daoust: Non, ce n'est pas correct, la visite de la ferme le 16
avril. L'encan a été tenu le 17 avril. Cela voudrait dire que je
serais allé sur la ferme la veille de l'encan. C'est totalement
faux.
M. Baril (Arthabaska): On disait également, dans le
mémoire, si je continue... On peut dire qu'on a corrigé les
dates, mais il faudrait corriger d'autre chose dans le mémoire parce
qu'on dit: "Aussitôt que j'ai accepté de vendre mon...
M. Oaoust: L'encan s'est tenu le 17 avril, j'ai le rapport de
l'encan ici devant moi.
M. Baril (Arthabaska): Donc la visite du 16 à la ferme
serait fausse.
M. Daoust: C'est faux.
M. Baril (Arthabaska): C'est pour le point 1. Plus loin, dans le
mémoire, on nomme que, le soir même, on ne dit pas M. Daoust, mais
on dit que le directeur régional a appelé M. Côté
pour venir faire encan le lendemain matin.
M. Daoust: Non, parce que...
M. Baril (Arthabaska): Alors, si on corrige le 1, il va falloir
corriger...
M. Daoust: Pour votre information, l'encan a été
signé par M. Brousseau - c'est une date à retenir et cela peut
être vérifié dans les registres de l'encanteur - le 24 mars
1982. C'était déjà décidé - vous parlez de
quoi? du 16 avril - depuis le 24 mars 1982 qu'il ferait encan. Il avait
déjà signé son encan avec l'encanteur.
M. Baril (Arthabaska): Mais la lettre de M. Moreau qui acceptait
la vente du troupeau porcin au lieu de vendre le reste, est-ce que c'est vrai
ou si...
M. Daoust: Lors des discussions que j'ai eues avec M. Brousseau,
lors de ma visite chez lui, on a discuté de cela. Tantôt, je vous
mentionnais que M. Brousseau, au moment de ma visite, avait environ 180 000 $
de dettes. Seulement la vente de son troupeau, de ses truies, ce n'était
pas assez pour réduire ses dettes, pour lui permettre de continuer.
C'est la raison pour laquelle il avait décidé, à ce
moment-là, de procéder plutôt par encan des bovins
laitiers, du quota et de la machinerie. C'est la raison, parce que son
endettement était trop élevé. En vendant ses truies, cela
ne lui donnait pas assez d'argent pour diminuer ses dettes et être
capable de continuer.
M. Baril (Arthabaska): Donc, ce n'est pas l'office qui l'a
forcé à vendre ses vaches et son quota.
M. Daoust: C'est sa décision personnelle.
M. Baril (Arthabaska): C'est sa décision personnelle.
M. Daoust: Absolument.
M. Baril (Arthabaska): Merci.
M. Picotte: M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: J'ai une question complémentaire à M.
Daoust. Dans un document que M. Brousseau a déposé hier, il est
dit ceci: "Quand j'ai fait encan, Viateur Daoust avait promis qu'il me
laisserait le prêt de 32 000 $ pour repartir sur le porc. Pour prouver
qu'il m'avait dit de continuer sur le porc, il avait envoyé une lettre
à mon gérant de caisse pour me dire de prendre 10 000 $ sur
l'argent de l'encan pour grossir mon troupeau de truies." Est-ce
qu'effectivement il a été question de cela dans vos
discussions?
M. Daoust: Oui, effectivement. On en avait discuté avec M.
Brousseau. Si l'encan rapportait suffisamment d'argent, de même que la
vente du quota, il aurait peut-être été possible pour lui
de continuer dans l'entreprise porcine, c'est-à-dire de prendre une
partie de l'argent de l'encan pour payer des dettes d'abord, des
arrérages, pour
mettre le dossier régulier, et une partie de l'argent devait
servir pour l'achat de truies. D'accord? Tout de suite après l'encan
habituellement, il faut attendre le consentement de notre siège social,
mais cela semblait urgent - M. Brousseau me pressait de débloquer 10 000
$ du dossier, qui étaient déposés à la Caisse
populaire de Saint-Félix-de-Kingsey. À ce moment-là, j'ai
fait un appel ou j'ai peut-être envoyé une lettre - je pense que
c'est plutôt un appel; il faudrait que je vérifie mon dossier -
pour demander qu'on débloque 10 000 $ pour lui permettre d'acheter
immédiatement pour 10 000 $ de truies.
Par la suite, l'Office du crédit agricole a accepté
d'utiliser les autres sommes d'argent qui étaient retenues au dossier
pour consolider des dettes. Une certaine somme a été
utilisée pour payer M. Francoeur, un meunier, et également pour
payer la Coopérative de Saint-Félix. Cela a permis de consolider
le solde des dettes de M. Brousseau pour lui permettre de continuer dans le
porc. C'est cela qui a été fait. C'est une décision qui a
été rendue par l'office.
Je ne sais pas si cela répond à vos questions.
M. Picotte: M. Brousseau aurait pu comprendre, à ce
moment-là, quand vous lui avez dit cela, que vous étiez
prêt à recommander un autre prêt...
M. Daoust: Non.
M. Picotte: ...de l'office pour qu'il puisse fonctionner.
J'imagine qu'il a dû comprendre cela de cette façon.
M. Daoust: Non, ce n'est pas cela qui a été
discuté. Il a été discuté d'utiliser une partie de
l'argent qui provenait de la vente du quota et des animaux pour, si vous
voulez, se consolider dans le porc, parce qu'il avait déjà des
truies. Mais c'était pour augmenter, pour remplir sa bâtisse - sa
bâtisse n'était pas pleine, à ce moment-là -et pour
payer des dettes, pour lui permettre de regrouper ses emprunts. On a un rapport
dans le dossier qui confirme ce que je viens d'expliquer.
M. Picotte: M. le Président, compte tenu que je veux
respecter la règle, en tout temps d'ailleurs, émise par la
commission concernant ce dossier que vient de nous lire M. Daoust, je
demanderais qu'il soit déposé à la commission de sorte que
les gens pourront en prendre connaissance.
M. Daoust: Cela fait partie du rapport.
M. Picotte: Oui, sauf que ce n'est pas tout le monde qui y a
accès.
M. Daoust: Ah!
M. Picotte: C'est pour cela que je demande le dépôt.
Ainsi, tout le monde pourra le consulter.
Le Président (M. Vallières): Est-ce qu'on peut
m'apporter le document?
Nous allons continuer avec les questions. Je me réserve le droit
de regarder le document avant son dépôt.
M. Picotte: II y a un autre fait qui est souligné dans le
document de M. Boucher et auquel je veux faire référence parce
que j'aimerais bien qu'on puisse aussi avoir la version de M. Moreau concernant
ces assertions. Je fais référence au rapport que nous a soumis M.
Boucher et qui a trait au fameux concours du plus bel homme. Il est dit,
à la page 4 du dossier: "Si le gouvernement actuel craint les
journalistes, la commission pourrait interroger Mme Lise Payette, ex-ministre
du gouvernement et ancienne animatrice de Radio-Canada, à propos des
menaces qu'elle a reçues du président de l'Office du
crédit agricole, après avoir découvert que
l'intègre Camille Moreau avait tenté de déjouer son
concours du plus bel homme du Québec en faisant fabriquer par son
personnel de l'office des milliers de bulletins de votation truqués pour
devenir le plus bel homme du Québec."
Je pense que cela a été mentionné dans le dossier.
On fait référence au fait que les bulletins avaient
déjà été préparés par du personnel
à l'Office du crédit agricole. J'aimerais connaître votre
version des faits face à ce paragraphe.
M. Moreau: Voici, je vais vous donner le contexte. Je m'excuse,
cela va peut-être prendre un peu de temps, mais je pense qu'il faut vider
l'abcès. Il n'y a pas de cachette là-dedans et on a les
pièces. Si la commission désire avoir des pièces, on les
fournira. Cet incident, si on peut parler d'un incident, pour ne pas dire un
accident, s'est présenté dans le cadre d'un dossier chaud.
C'était une dame qui revendiquait un prêt chez nous et qui avait
dit à ce moment que le prêt lui avait été
refusé parce qu'elle était dame et non pas... Ce qui
n'était pas fondé, bien sûr. Toujours est-il qu'un bon jour
le dossier de cette dame s'est rendu au programme "Appelez-moi Lise". Ce qui
est arrivé, c'est que moi, j'ai été absent, en vacances
à l'extérieur du Québec. Mme Payette, dans son
émission, avait fait venir la dame en question. Elle
répétait lors de ses émissions qu'elle voulait rencontrer
le président de l'office.
Moi, je discutais avec mes collègues. Nous en sommes venus
à la conclusion que le programme, avec tout le mérite qu'il
pouvait avoir, ce n'était pas la place pour discuter
d'un dossier de crédit agricole. J'ai donc écrit à
Mme Payette, qui a d'ailleurs lu ma lettre sur les ondes, pour décliner
son invitation et lui dire que, pour autant que nous étions
concernés, nous ne trouvions pas que c'était l'endroit
souhaité pour discuter du contenu d'un dossier du crédit
agricole. Vous voyez cela. Vous avez quelques-uns des dossiers, la
complexité de ces dossiers. Vous voyez cela, à "Appelez-moi
Lise", aller discuter de ces dossiers! Je pense que notre décision...
Remarquez, je ne regrette rien là-dessus. Mais, j'étais absent,
à ce moment.
À mon retour, j'ai constaté une chose, c'est qu'il y avait
eu une initiative qui avait été prise par le club social de
l'office dont le président est M. Hêtu qui est là, à
ce moment. Si vous voulez l'entendre tout à l'heure, vous aurez
l'occasion de le faire. Une initiative avait été prise par le
club social de l'office qui n'avait rien à faire avec l'office en tant
que tel. Ils se sont dit ceci: Le président n'avait pas rencontré
Mme Payette, on va lui faire rencontrer Mme Payette, on va le faire participer
à son concours et il va être obligé de rencontrer Mme
Payette.
Remarquez bien que c'est une option comme une autre. Ce n'est
peut-être pas le sujet en question, par exemple, je ne veux pas me
prendre pour un autre. C'était peut-être un très mauvais
choix sur le sujet. C'était un choix. Toujours est-il... (16 h 45)
M. Picotte: ...là-dessus.
M. Moreau: On blague pour ne pas pleurer. Toujours est-il que je
reviens au bureau et que j'entends dire, ici et là, qu'un concours est
amorcé, etc. La première réaction que j'ai eue en fut une
de colère. Je m'excuse. J'en ai parlé à quelques-uns de
mes collègues qui m'ont dit: Ne fait pas un plat avec cela. Qu'y a-t-il
là-dedans? Les gars s'amusent. C'est un jeu. L'office n'est pas
impliqué du tout là-dedans. C'est un club social. Il aurait pu
organiser une partie de golf. 11 aurait pu organiser un "party"
d'huîtres, mais là, il a participé au concours. "So what!"
laissez donc faire. C'est la réaction que j'ai eue. Certains de mes
collègues ici en ont été témoins.
Malheureusement, un de mes principaux collègues est
décédé depuis ce temps. Il n'est pas mort de cela, mais il
est décédé depuis ce temps-là. C'était un
bonhomme assez aisé. Il a assumé à peu près tous
les coups, la majeure partie des coups finalement. Il avait une compagnie
d'assurances; les photocopies, les timbres, c'était timbré par sa
compagnie d'assurances, etc. C'est sûr que cela a pu prêter
l'office à assumer ces coups. Je peux vous jurer en mon âme et
conscience - nous avons des pièces également - qu'il n'y a pas un
cent des contribuables... J'espère en tout cas que l'éthique des
médias va rétablir les choses. J'ai entendu dire à la
radio que le président de l'office a utilisé des fonds publics
à des fins personnelles, ce matin, à la radio, et je vous dis que
cela fait mal. Je suis très scrupuleux sur ce point. Je vous mets au
défi, il n'y a pas un cent qui a été utilisé
à des fins personnelles. C'est de la foutaise de A à Z.
Ce qui est arrivé, c'est qu'il y a eu une participation. Les
hommes et les filles qui voulaient travailler au club social y allaient le
soir. Ils adressaient des lettres et les distribuaient. Il ne s'est pas fait de
travail le jour dans ce cadre-là. C'était une blague, comme il y
a en a eu dans d'autres organisations. Il n'y a pas eu de rang, parce qu'on a
été disqualifié. Je ne me souviens pas pourquoi. Dans le
concours, l'office a été disqualifié. Il n'y a pas eu de
rang. On parle de 7e rang. Je ne sais pas où on a pris cela. À
mon point de vue, c'est de la foutaise. Il y a eu une participation, soit. Je
vous explique le cadre dans lequel cela s'est passé.
Je suis heureux de le faire, d'une certaine façon, parce que je
ne veux pas laisser planer des doutes sur mon intégrité et
l'intégrité de l'équipe que j'ai l'honneur de diriger. Je
peux déclarer en mon âme et conscience que pas un cent des deniers
publics n'a été utilisé à cette fin. J'ajouterai
que la première réaction aurait été de tout
stopper, mais, après discussion avec mes collègues, on a
laissé porter, parce que c'était un jeu. Il faut quand même
avoir un peu d'humour et savoir s'amuser d'une certaine façon. Je peux
vous dire qu'une équipe - j'ai parlé, dans mon document, d'une
équipe exceptionnelle - cela se motive. Le club social a joué un
rôle chez nous dans la motivation de notre équipe. Je le prends
comme un élément qui a contribué à donner une
activité au club social, point, sans autre conséquence.
Malheureusement, cela a pu être perçu par d'aucuns... Cela l'a
été. Je me souviens qu'à ce moment-là un entrefilet
avait été écrit dans ce sens et cela a été
corrigé. Lorsqu'on a pris le numéro de la machine à timber
les lettres, on s'est aperçu que cela venait de l'extérieur, que
c'était justement la compagnie d'assurances de mon collègue. Il y
a eu une rétractation dans le journal. On a dit: On s'excuse,
l'accusation qui a été faite n'était pas fondée. Il
n'y a absolument rien eu. Je réitère, M. le Président,
qu'en mon âme et conscience je peux assurer la population qu'il n'y a pas
eu un cent de l'argent des contribuables qui a été affecté
à cette fin.
M. Picotte: M. Moreau, quant à faire de l'humour, je suis
heureux que vous ayez dit cela devant certains de mes employés. S'ils
peuvent avoir autant d'admiration envers leur patron que les vôtres en
ont eu envers
vous, je pense que cela va bien aller. Il semble ne pas y avoir de
danger. On me dit que je ne les paie pas assez cher. M. le Président,
trêve de plaisanteries.
Je vais revenir à deux autres points pour terminer l'étude
de ce dossier. C'est mon voeu à moi et le vôtre aussi, j'imagine.
C'est à votre satisfaction, je l'espère. Il est dit, à un
moment donné: "La campagne électorale du président de
l'office a été placée sous la présidence d'un
régisseur de l'office qui avait été député
de l'Union Nationale - je ne sais pas si c'est le gars auquel vous faites
référence - pendant 16 ans et qui met son expérience
d'organisateur aux traditions duplessistes et aux télégraphes. On
organise tout d'abord une campagne de financement comme lors de vrais
élections auprès des employés qui cotisent volontairement
forcés à cette campagne. Tous les jours, la liste des donateurs
est déposée sur le bureau du président. Plusieurs
employés voient leur don comme un bon investissement puisque,
après tout, c'est lui qui accorde les augmentations de salaire."
Est-il exact que les listes étaient déposées sur
votre bureau, sinon quotidiennement, souvent?
M. Moreau: Il ne faut pas savoir comment les salaires sont
fixés dans la fonction publique. Quand même! C'est une blague.
Est-ce qu'on a quelque chose à dire sur la manière de fixer les
salaires? Vous savez que c'est une table centrale; on n'a pas un mot à
dire sur le salaire de ses employés. Dans le cas des cadres, il y a des
échelles depuis quelques années. Si ma mémoire est bonne,
il n'en était pas question à cette époque. C'est de la
blague.
M. Picotte: Vous n'avez rien à dire ni sur les salaires ni
sur les promotions des employés.
M. Moreau: Bien sûr que les promotions des
employés... Si j'avais une nomination... Mais, encore là, c'est
fait par concours. Je ne peux pas voir comment, même à ce
moment-là, lors d'une nomination, un adjoint devienne directeur ou un
adjoint aux cadres devienne cadre. Il y a des promotions qui sont
réglées par concours. Je n'ai absolument rien à faire
là-dedans. C'est gratuit. Je peux vous dire qu'en aucun temps je ne me
suis senti influencé... D'ailleurs, ce n'est pas vrai qu'elles
étaient déposées journellement sur mon bureau, cela
n'avait rien à foutre, c'était une initiative du club social. En
aucune façon, cela ne peut affecter mon jugement d'une personne. Ce
serait très bas et ce ne serait pas une façon de motiver une
équipe que de procéder de cette façon.
M. Picotte: M. le Président, tantôt je me
référerai à quelques points dans le texte et, après
cela, je céderai mon...
M. Moreau: C'était sur le bureau du président du
club social et ce n'était pas moi.
M. Picotte: "Le président de l'OCAQ faisait adopter une
résolution - c'est qui ce qui a été dit dans les rapports
- du bureau de direction de l'office afin qu'il puisse pousser sa candidature
du plus bel homme. M. Garon pourrait consulter les minutes de l'office et
téléphoner aux personnes de l'époque qui furent
"tablettées" pour s'être élevées contre le
président sur ce sujet, et qui préconisaient plutôt des
services accrus aux agriculteurs qu'une campagne électorale pour que le
président devienne le plus beau." Je souligne, entre parenthèses
- j'imagine que ce sont des gens qui auraient été
"tablettés" - "entre autres M. Chevrette et M. Tessier."
M. Moreau: II n'en est rien, absolument rien.
M. Picotte: La résolution de l'office?
M. Moreau: Cela n'existait pas. C'est une résolution qui
aurait été adoptée en mon absence. Je n'ai jamais entendu
parler d'une résolution de l'office en regard de cela. C'est de la pure
fantaisie, à mon point de vue; c'est de la fiction. Ce qu'il y a dans le
livre, on pourrait en discuter si on a une minute. C'est de la science-fiction,
des élucubrations. Il n'y a absolument rien de fondé
là-dedans. J'espère qu'on aura l'occasion de faire la
lumière sur tout cela.
M. Picotte: Pouvez-vous nier que MM. Chevrette et Tessier ont
été "tablettés"?
M. Moreau: Non, ils n'ont pas été
"tablettés". Je m'excuse. M. Chevrette est arrivé comme
régisseur et il était régisseur quand il est parti. M.
Tessier était agent de recherche et il est parti de chez nous comme
agent de recherche, le statut qu'il avait lorsqu'il est parti. Je ne comprends
pas ce que vous voulez dire par "tablettés".
M. Picotte: C'est souligné, "tablettés".
M. Moreau: Vous avez peut-être une autre définition
que la nôtre. Pour moi, un gars qui occupe la même fonction
à son départ que celle qu'il occupait à son
arrivée, je ne peux pas dire qu'il est "tabletté". Pour moi, un
gars "tabletté" est sorti du sérail, de la chaîne et il est
placé sur une tablette quelque part. C'est ce que j'ai entendu dire pour
un "tabletté". Je peux vous assurer en mon âme et conscience que
ces gens n'ont pas été "tablettés". Maintenant, qu'ils
soient partis de l'office par la suite, c'est pour
d'autres considérations et longtemps après. Je ne sais pas
si cela peut faire partie des questions de la commission. D'ailleurs, ce n'est
pas moi qui les ai mis à la porte, ils ont opté pour changer
d'endroit; c'est leur choix.
M. Picotte: Pouvez-vous me dire vers quelle date environ MM.
Chevrette et Tessier ont quitté l'office?
M. Moreau: On me dit que M. Chevrette serait parti il y a environ
cinq ans. Le concours en question a eu lieu en 1975. À ce qu'on me dit,
M. Chevrette serait parti en 1976... C'est après cela, M. Garon
était là; c'est en 1978 qu'il est parti. M. Tessier en juillet
1976 et M. Chevrette en 1978, à ce qu'on me dit.
M. Picotte: M. Tessier en juillet 1976...
M. Moreau: II est parti pour le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, aux environs de juin
1976 et M. Chevrette est parti en 1978, à ce qu'on me dit. Si vous
voulez avoir l'information, on pourra vous la confirmer. Je vais demander au
directeur du personnel...
M. Picotte: S'il y avait moyen de nous la faire parvenir, M. le
Président.
M. Moreau: Volontiers.
M. Picotte: Je laisse le soin...
M. Moreau: Volontiers, monsieur.
M. Picotte: ...à d'autres de poser des questions, M. le
Président.
Le Président (M. Vallières): Très bien. M.
le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Dans le mémoire déposé par
M. Boucher, à la page 7, il est question du dossier "opération
choc". À ce moment-là, un bon groupe de fonctionnaires sont ainsi
temporairement assignés dans la région de Montréal, plus
précisément à l'hôtel Méridien. Pour conduire
l'opération choc qui s'est déroulée à
Montréal en 1979, est-il exact que l'office a loué un
étage de l'hôtel Méridien comme c'est affirmé
là-dedans? On sait aussi qu'il y a plusieurs bureaux à
Montréal. Avez-vous pris la peine de louer un étage à
l'hôtel Méridien - des banquiers, des notaires - pour
procéder à cette opération?
M. Moreau: On a loué un tout petit local au Centre
Desjardins et non au Méridien, parce que je pense qu'une semaine au
Méridien aurait coûté à peu près ce que cela
a coûté pour six mois, toute l'expérience, si on avait
loué un étage au Méridien. Donc, c'est de la pure
fantaisie, encore là. On a loué un étage avec... C'est le
ministère des Travaux publics qui l'a loué pour nous, finalement.
Dans le truc gouvernemental que vous connaissez, dans le cheminement des
dossiers avec les organismes centraux, l'approbation du Conseil du
trésor, l'intervention des Travaux publics, ce sont les Travaux publics
qui ont aménagé eux-mêmes le local. Il n'y a rien
là, à mon point de vue. C'était une expérience
pilote qu'on voulait faire et je vais vous expliquer pourquoi, dans quel cadre
on a voulu faire cette expérience pilote.
On avait essayé à maintes reprises d'améliorer le
fonctionnement à l'intérieur et on a voulu pousser à la
limite ce que cela prenait, le délai idéal, quasiment in vitro.
On est sorti du contexte et on s'est dit: Essayons pour quatre régions
de la province -Saint-Jean, Saint-Hyacinthe, Sherbrooke et L'Assomption - de
changer le système pour voir, si on pousse à la limite notre
fonctionnement, dans quel délai on peut sortir des prêts. Et on
l'a fait pour 1011 dossiers. À la suite de cela, quand on a
fermé... Parce que cela avait été convenu que
c'était une expérience pilote de six mois. À la suite de
l'expérience pilote, on a fermé, on a plié bagage. On est
revenu au siège social et on a essayé d'implanter cela et de
transposer au siège social l'expérience qu'on avait vécue
à Montréal. C'est tout simplement cela, l'expérience
pilote. Il n'y a pas de Méridien là-dedans. C'est tout simplement
un petit local qui a été loué. Plusieurs l'ont
visité ici, je pense bien, les gens de l'UPA probablement. C'est un
petit local qu'on avait au Centre Desjardins. Je ne me souviens plus à
quel étage. C'était très restreint comme local,
d'ailleurs, parce qu'on savait qu'on y allait simplement pour six mois. Boni
Cela répond à la question. Je ne sais pas si c'est assez
complet.
M. Dupré: Un peu plus loin, M. Boucher affirme que vous
avez tenté de noyauter l'émission "Forum" de Mathias Rioux et de
Jean Cournoyer sur l'autosuffisance alimentaire en "paquetant"
l'émission avec une trentaine de vos fonctionnaires.
M. Moreau: Les seuls fonctionnaires de l'office qui
étaient présents à l'émission, c'est celui qui est
à ma droite, André Saint-Aubin, qui est directeur adjoint de la
Direction du financement agricole; il y avait douze autres fonctionnaires de
l'office. Effectivement, je les avais fait venir, mais ils n'ont pas
participé à l'émission, finalement. Quand j'ai vu le genre
d'émission que c'était, ils n'ont pas participé à
l'émission. C'était Viateur Daoust qui était ici tout
à l'heure, du bureau régional de Saint-Hyacinthe, parce qu'il y
avait des cas
de cette région-là. Finalement, ils ne sont même pas
entrés. Ils n'ont pas descendu de leur voiture, je pense, à ce
qu'on me dit, ni l'un ni l'autre. Il n'y a pas eu 34 personnes de l'office
à la porte. Voyons donc! C'est de la foutaise. Il y en avait deux, M.
Saint-Aubin et moi-même.
M. Dupré: Combien y avait-il de personnes dans la salle,
environ?
M. Moreau: Une minute! Dans la salle, ils ont compté,
à un moment donné, une quarantaine, peut-être 43 ou 44,
quelque chose comme cela. Il y avait plusieurs agriculteurs. Il y en avait
quelques-uns du ministère de l'Agriculture qui étaient là.
Il y avait M. Charbonneau qui était là, M. Norbert Dubé
qui s'occupe de la production bovine et M. Raymond Laflamme. Ce n'est pas de
l'office. De l'office, nous étions deux. C'est loin de 34, en tout cas.
Ajoutez trois ou quatre du ministère au maximum. Je , pense que c'est
trois.
M. Dupré: À la première page de votre
déposition, vous dites: "Alors qu'une refonte du régime actuel de
financement agricole s'avère imminente." Est-ce que vous pourriez... (17
heures)
M. Moreau: Vous savez que cela a été annoncé
à plusieurs reprises par M. Garon. Je ne peux pas vous dire quand le
sommet va être tenu. Il y a un sommet d'annoncé, mais j'ai dit
"imminente" dans le sens que le sommet a été annoncé pour
l'automne. S'il se tient à l'automne, cela veut dire que, dans les mois
qui vont suivre, normalement, il devrait y avoir une loi. Je sais que nous
travaillons actuellement sur une recherche dans ce sens à l'office. Nous
nous employons à préparer cette refonte. Nous attendons le sommet
pour essayer de voir quelles sont les recommandations qui sortiront du
sommet.
M. Dupré: À la page 3, vous dites: "II n'appartient
donc pas à l'office de faire de la promotion, de mousser des projets,
mais bien de procéder à l'analyse des projets." Non seulement
l'avons-nous entendu ici hier, mais c'est courant, cela m'a été
dit à plusieurs occasions par certains de mes commettants, à
savoir que souvent les préposés disaient: Soit, tu vends ton
troupeau et après on va te prêter pour exploiter le porc. Tu fais
ci, puis tu fais ça. Jusqu'à quel point cela va-t-il? Parce que
ce n'est pas seulement ici qu'on a entendu cela. C'est très
répandu dans le domaine agricole et particulièrement dans le
secteur du porc. Dans notre région, où il y a plusieurs fermes
laitières, à peu près tout le monde a abandonné
pour se lancer dans la grande culture. Jusqu'à quel point les
incitations sont-elles faites?
M. Moreau: Disons que, pour clarifier au moins une chose, on ne
court pas après les clients. Il faut au moins clarifier ce point. On est
littéralement débordé. Vous avez vu les délais dans
les dossiers. Présentement, c'est un délai de 99 jours. Donc, on
n'a pas le temps de partir comme des vendeurs de balayeuses ou faire le tour
des rangs pour aller solliciter ou vendre des prêts agricoles. On n'a pas
encore eu le temps de le faire. Je pense que ce n'est pas notre rôle,
comme je l'ai expliqué dans mon document.
Par contre, les agriculteurs viennent nous voir et nous demandent ce
qu'on pourrait faire. Vous avez toutes sortes de cas qui se présentent.
Vous avez des gens qui ne le savent absolument pas. On reçoit des
lettres qui nous disent: Cela fait six mois que je suis en chômage.
L'agriculture m'intéresserait. Où pourrais-je me lancer?
Qu'est-ce qui est le plus payant? Qu'est-ce que vous faites avec cela? Cela
arrive que les gens nous demandent cela. On va leur donner des conseils. On
peut dire: Écoute, si tu vas dans le lait, cela te prend des quotas.
Es-tu capable d'avoir des quotas? Ce n'est pas facile. Si tu vas dans le
porc... C'est tout cela, finalement. Depuis 1980, dans le porc, nous n'avons
pas fait de développement. Ce sont simplement des transferts. Alors, ce
n'est pas dans le porc non plus. Quoi qu'il en soit, c'est le genre de conseils
qu'on peut donner.
Mais, dans tous les cas, on n'a jamais à se substituer à
la décision de l'agriculteur. Il est bien sûr que l'agriculteur ou
le requérant prend sa décision. On peut lui donner un conseil. Je
pense que c'est un petit peu notre rôle de l'orienter, lui apporter un
éclairage. On nous reproche de ne pas faire assez de suivi. On nous
reproche de ne pas prendre le temps de s'en occuper. Quand on lui donne un
conseil, il dit que c'est l'office qui l'a envoyé là. Mais, en
tout cas, disons que cela fait partie de la panoplie des griefs qu'on peut
avoir, à un moment donné. Surtout quand cela va mal, on cherche
un bouc émissaire. C'est naturel. C'est normal.
Moi, je peux vous dire, et on insiste beaucoup chez nous
là-dessus, qu'il n'est pas question d'être directif ou de faire du
dirigisme dans ce sens-là, en aucune façon. Ce sont simplement
des conseils que l'on prodigue et c'est toujours à l'agriculteur
à prendre sa décision.
M. Dupré: Lorsqu'il y a eu la montée dans le porc,
est-ce que les directeurs financiers demandaient fréquemment aux
indépendants d'aller se chercher un contrat d'intégration et que
ce serait seulement à ce moment-là qu'ils auraient droit au
prêt? Je comprends qu'aujourd'hui il s'en fait un peu moins dans le porc,
mais, quand même, on a eu les résultats. Vous avez dit
tantôt que le
plus grand nombre de faillites ou le plus grand nombre de
difficultés se retrouve dans le porc. Jusqu'à quel point est-ce
vrai?
M. Moreau: Je dirais que ce n'est pas fondé à 99%.
Je vais vous expliquer le contexte du 1% qui reste. Quand un agriculteur vient
nous voir, nous lui remettons cette formule-ci qui constitue toute la
nomenclature des documents dont nous avons besoin pour compléter son
dossier. Notre conseiller en financement coche les documents. Il fait un
crochet dans le carreau pour les documents dont il est question pour son propre
dossier. Par exemple, le carreau pour le contrat de mariage, s'il n'est pas
marié, il n'a pas besoin de le cocher, etc. Ou encore si c'est une
corporation ou s'il y a des actes notariés, etc. Cela date
déjà de plusieurs années.
Voici ce que j'ai pour le contrat d'intégration. Je vais vous
lire la clause dans ce formulaire qui est le premier document remis à
l'agriculteur. D'accord. Celui-ci date de 1982, parce qu'on en a ajouté
trois ou quatre depuis, avec les transformations dans le secteur. Mais cela
date de bien avant cela. J'aurais dû en prendre un plus ancien, mais
quand même. Celui-ci date de 1982.
L'article 15: "Si vous détenez un contrat d'intégration,
ou si vous avez l'intention d'en obtenir un..." On laisse les gens libres. J'ai
dit tout à l'heure qu'on ne faisait pas de promotion ni d'un bord ni de
l'autre, ni de dirigisme. On laisse les gens libres. C'est une belle preuve de
ce que j'ai dit dans l'intervention antérieure. "... si vous avec
l'obtention d'en obtenir un, veuillez produire une copie dudit contrat, ou
projet de contrat, pour que l'office puisse juger de votre degré
d'autonomie." Dans mon document, concernant l'occupation principale, j'ai
énuméré les quatre critères: la majeure partie de
son temps, la majeure partie de ses revenus, être maître de ses
décisions... Vous n'ignorez pas qu'il y a des contrats
d'intégration dans lesquels l'agriculteur est un mercenaire. Il nous
faut vérifier le contrat pour voir jusqu'à quel point il est
maître, il est autonome de son exploitation. On refuse souvent des
contrats ou souvent on les modifie parce que cela ne satisfait pas à nos
exigences. On demande le contrat, non pas pour le pousser à
l'intégration, mais pour voir s'il répond aux critères
d'occupation principale chez nous.
J'ai dit 99%; le 1%, qu'est-ce que c'est? J'ai, à la demande d'un
député, je me souviens fort bien... Je pourrais citer... Un des
députés présents autour de la table s'en souvient. J'ai vu
un cas vraiment tragique: il s'agissait ou bien de faire un compromis sur
l'intégration ou de le laisser couler. Son projet était d'avoir
une porcherie-maternité et de faire de l'engraissement, ce qui est
souhaitable en soi. D'ailleurs, la Fédération des producteurs de
porcs souhaite une forme d'intégration à l'unité, sur la
même exploitation. Mais lui, il ne pouvait pas se le permettre à
cause de son endettement, parce qu'il était en train de sombrer. Nous
avons donc fait un compromis. Nous avons dit: Nous allons financer ta
porcherie-maternité. C'est moi-même qui lui ai
suggéré... Je ne m'en accuse pas ni ne m'en excuse; je vous dis
simplement ce que j'ai fait, je ne pense pas que ce soit plus grave qu'il ne
faut, parce que j'ai contribué à sauver un agriculteur qui est
venu me voir, à la demande d'un député qui m'a dit:
Pourriez-vous le rencontrer? Il est bien mal pris. J'ai dit: Certainement, cela
me fait plaisir. Ce que j'ai suggéré à ce
moment-là, c'est de faire un compromis: Reste avec ton
intégrateur pour l'engraissement et nous allons faire un effort pour
consolider ton secteur maternité. Si ma mémoire est bonne - cela
fait déjà trois ou quatre ans - je pense qu'il a encore son
exploitation. Ce serait peut-être une chose à vérifier.
Alors, le 1%, cela arrive très rarement. Dans ce cas, c'est que le
dossier et la conjoncture le commandaient.
Pour répondre à votre question, ce n'est pas le rôle
de l'office de demander à un bonhomme de s'intégrer. La meilleure
preuve, c'est que j'ai des textes ici que j'ai moi-même
préparés: je pense à la Terre de chez nous de 1978,
à la Terre de chez nous de 1976, où il y a eu des dossiers sur le
crédit agricole. Je vais vous lire ce qu'on y écrit. Vous vous
rappelez la nomenclature des lois que j'ai faite au début de mon
exposé: en 1972 a été créé, par la Loi
favorisant le crédit à la production agricole, un régime
de crédit à la production agricole. Voici ce qu'on dit ici: "Les
conditions avantageuses qui assortissent le crédit devraient en outre
permettre à l'exploitant d'obtenir de meilleur prix pour ses intrants en
les payant comptant, tout en lui offrant l'opportunité de rompre le
cordon ombilical avec certaines formes d'intégration à outrance
voire même parfois en le dégageant de l'emprise de certains
prêteurs peu scrupuleux."
C'était l'un des objectifs du crédit à la
production en 1972 de permettre à l'agriculteur qui le voulait -
c'était sa décision; on mettait un outil additionnel à sa
disposition - de sortir de l'intégration. Ce serait illogique de notre
part de précipiter systématiquement les gens dans
l'intégration. L'exception qui vient confirmer la règle, c'est le
cas... À ma connaissance, c'est le seul cas que je connaisse
personnellement où j'ai suggéré au bonhomme... Lui,
c'était "Crois ou meurs", il n'avait pas le choix; s'il n'avait pas fait
de compromis, il ne serait plus en agriculture.
M. Dupré: Vous vous basiez
effectivement sur ceux qui apportaient un document pour prouver la
rentabilité de leur future exploitation, mais ne saviez-vous pas que les
intégrateurs pouvaient à tout moment, comme moyen de pression,
diminuer la livraison de porcelets à certaines conditions ou
peut-être essayer de forcer la main? En fin de compte, vous aviez ce
document, mais je ne sais pas quelle garantie cela pouvait vous donner.
M. Moreau: Il n'y a pas un congrès où on allait
où on ne se faisait pas reprocher cela. Imaginez-vous; Chaque fois que
je revenais au bureau, je disais: On m'a encore parlé de ce maudit
contrat d'intégration. Vous pouvez vous imaginer qu'on veillait au
grain. Les directives ont été très fermes de ne pas, en
aucun temps... Ce dont je vous parle, cela fait des années. Cela
m'étonnerait qu'il s'en fasse. Je vous ai donné un cas qui
confirme la règle. Qu'il y ait deux cas qui confirment la règle,
c'est possible. Je vous ai donné le cas que j'ai vécu. Je vous
dis cependant que, chez nous, la règle - les documents sont là
pour l'attester, les orientations sont là et les outils si je parle du
crédit à la production -est de permettre à l'agriculteur
qui le désire de sortir de l'intégration. Dieu sait qu'au cours
de la crise du porc plusieurs... Notre crédit à la production, si
vous regardez les statistiques, depuis les quatre ou cinq dernières
années, va dans une direction de croissance assez
accélérée. C'est signe que plusieurs en sortent pour
devenir autonomes.
M. Dupré: À la page 5 de votre document vous dites:
"Pour apprécier cette rentabilité, on déduit les
dépenses prévisibles des revenus anticipés." Vous faites
ensuite la nomenclature de vos opérations. Le loyer, les denrées
qui sont fournies sur la ferme, l'auto, le camion, jusqu'à quel point
cela entre-t-il dans les bénéfices nets? De quelle manière
est-ce évalué lorsque vous jugez un dossier comme rentable ou
lorsque vous décidez d'accorder un prix sur une ferme en disant que,
selon vos calculs, c'est rentable? Le loyer et les taxes sont à
moitié déduits, etc.
M. Moreau: On essaie d'établir un équilibre -
j'admets avec vous que ce n'est pas facile - entre ce qui doit être
affecté à l'exploitation proprement dite et ce qui entre dans son
coût de vie finalement, comme la voiture. Si vous regardez les
règlements de la Loi favorisant l'amélioration des fermes, je
pense au 4X4, si ma mémoire est bonne, il n'est pas encore admissible.
On fait attention, il y a des limites. Évidemment, des fois, je ne veux
pas dire que ce ne serait pas justifié; c'est une question sur laquelle
on a eu des demandes et qu'on va peut-être réviser avant
longtemps, pour la cerner davantage. Je donne des exemples. Pour éviter
les abus, on a quand même des contraintes pour s'assurer que, s'il
procède à l'achat d'un véhicule, ce soit bien pour
l'agriculture. Comme je vous l'ai dit, on essaie d'établir une
espèce d'équilibre entre la partie qui est affectable à
l'exploitation proprement dite et celle qui est affectable à son
coût de vie. Le dernier module dont je vous ai parlé tout à
l'heure concerne son coût de vie: l'essence, les frais d'auto, qui font
partie de ses choses personnelles.
M. Dupré: À la page 9, lorsque vous parlez des
appels d'offres par voie de journaux en vue de la vente de fermes, M. Gras qui
était ici ce matin a des doutes sérieux dans au moins quelques
cas sur la procédure que vous employez. Vous l'avez mentionné un
peu tantôt, mais je voudrais vous entendre en parler davantage.
M. Moreau: Dans le dossier de références qu'on vous
a soumis dernièrement, vous avez un dossier complet sur la vente de
fermes dans lequel vous avez notre procédure en détail. Je vais
vous référer, si vous me permettez, à la section
"Ordinogrammes". Vous avez à la fois tous les ordinogrammes
reliés aux arrérages à la vente de fermes. Vous en avez un
qui prévoit justement comment on fonctionne dans la vente de fermes;
revente de terres acquises. Malheureusement, ce n'est pas paginé...
M. Dupré: Oui, je l'ai.
M. Moreau: C'est quelques pages avant la section suivante. Vous
avez l'ordinogramme pour la revente des terres acquises et, tout à
côté, la procédure in extenso de la vente des terres
acquises. Voici comment nous procédons. Nous avons des appels d'offres
qui sont lancés dans les journaux.
M. Dupré: M. le Président, je comprends que vous
avez un plan et que c'est la méthode qui devrait être suivie,
mais, lorsqu'une personne aussi compétente que M. Gras, avec le poste
qu'il occupe... Je crois qu'il faut tout de même avoir certaines
réserves lorsqu'il a déclaré ce matin qu'il avait de
sérieux doutes quant aux opérations et quant à la
manière dont cela se passait. Tenons pour acquis qu'ordinairement il y a
un plan. En principe - je n'ai pas de doute -il doit être suivi. Mais,
à la suite des révélations de M. Gras, ce matin, je me
dois de soulever la question. (17 h 15)
M. Moreau: Oui, et j'ai ici le dossier en question, le dossier
qui concerne M. Gras. J'ai une déclaration de mes officiers dans ce
sens-là également. Si vous me le permettez, je vais vous
expliquer comment on fonctionne
- c'est ce que je m'apprêtais à faire - parce qu'il y a
plusieurs séquences.
La première séquence, c'est de faire paraître un
appel d'offres dans les journaux. À la suite de cet appel d'offres, les
personnes intéressées nous envoient leur soumission sous pli
cacheté. Les enveloppes sont ouvertes à une réunion
officielle du bureau de direction à laquelle assistent,
évidemment, le secrétaire de l'office dont c'est la
responsabilité, parce que c'est à lui que les soumissions sont
adressées, ainsi que tout le bureau de direction et les
représentants de la direction de la gestion des prêts de qui
relève toute la question de l'administration des terres acquises et
revendues.
Comme je l'ai expliqué dans mon texte, lorsque le prix de vente,
le prix d'achat, devrais-je dire, nous apparaît trop bas, le bureau de
direction donne instruction de retourner les chèques. J'ai entendu, ce
matin, un petit bout de la déclaration de M. Gras qui disait que cela
avait pris trois mois. Cela a été corrigé depuis ce
temps-là. Aujourd'hui, ce n'est plus cela. On les retourne dans les
jours qui suivent. Mais c'est possible qu'on ait déjà eu des
délais dans le passé, surtout lorsqu'il y avait des cas
problèmes et des problèmes de titres. C'est ce qui s'est
passé dans ces cas-là. En tout cas, il y a eu des délais
qu'on déplore, mais, généralement, il n'y a pas de
délais si longs. Je dois admettre qu'il y a eu des délais dans
son cas. Nous donnons alors instruction de retourner les chèques et nous
donnons instruction au directeur régional de rencontrer les personnes
qui ont soumissionné pour leur expliquer, quand il leur remet les
chèques, qu'il y aura un nouvel appel d'offres, que la première
offre n'a pas été retenue.
Je vous donne un exemple. Un bonhomme a soumissionné, la semaine
dernière ou il y a quinze jours, 1 $ pour une ferme de 180 000 $. C'est
nous faire perdre du temps tout simplement. Il a fallu recommencer l'appel
d'offres, etc. Ce que je veux dire, c'est que, compte tenu que tant de
personnes ont soumissionné, si les offres ne sont pas acceptables, on
refuse, on retourne les chèques et on donne instructions à notre
directeur régional de rencontrer les personnes, d'abord, pour
vérifier si elles sont toujours intéressées à
soumissionner et pour leur dire qu'il y aura un deuxième appel d'offres.
Parfois, si des personnes, pour une raison ou pour une autre - par exemple, un
voisin - n'avaient pas soumissionné et que cela nous intrigue qu'elles
ne l'aient pas fait, on va leur dire: Etes-vous intéressés? Il y
aura un nouvel appel d'offres. Et ce, sans jamais donner de prix, parce que la
mise à prix apparaît dans l'avis qui apparaît dans les
journaux. Il y a une mise à prix minimale. Notre homme, son rôle,
c'est tout simplement de vérifier s'ils sont toujours
intéressés à la ferme et de leur dire qu'il y aura un
second appel d'offres. Ensuite, on procède au deuxième appel
d'offres.
Quand on dépouille les offres, nonobstant le formulaire qui est
rempli, il arrive parfois qu'on ait des doutes sur la personne qui propose
d'acheter. Souventefois, la personne va dire: Ce sera avec un prêt de
l'office. Il nous faut, à ce moment-là, vérifier si c'est
quelqu'un qui est admissible à un prêt, s'il répond
à nos critères d'admissibilité à un prêt
agricole. Alors, on fait une enquête. On gèle les offres. On va
voir la personne, on vérifie si elle a vraiment l'intention de se lancer
en agriculture ou si c'est purement un essai, si elle est qualifiable en vertu
de nos programmes. Cela nous permet de nous assurer qu'on vend des terres, non
pas à des intégrateurs, non pas à des multinationales,
comme on l'entend charrier. C'est de la foutaise. On s'assure que les acheteurs
ont l'intention de cultiver eux-mêmes, conformément à nos
critères, que la principale occupation va être l'agriculture,
conformément à nos critères, qu'ils seront admissibles
éventuellement à un prêt agricole, conformément
à nos critères. C'est pour cela qu'il y a des contacts qui se
font et je pense que c'est normal. Autrement, ce qui se produirait, pour dire
comme l'autre, on s'en ferait passer des "petites vites."
C'est tout simplement cela le jeu et tout se fait officiellement. Le
deuxième appel d'offres se fait de la même façon, avis dans
les journaux. S'il y a un deuxième appel d'offres, il y a une
deuxième ouverture des soumissions. Si ce n'est pas satisfaisant, il y a
un troisième appel d'offres. On a eu des cas où on est
allé au quatrième appel d'offres toujours en procédant de
la même façon. Il y a des terres pour lesquelles on fait deux ou
trois appels d'offres. Personne ne fait des soumissions. On dit à notre
directeur régional: Va donc voir dans le coin s'il y a des personnes
intéressées. Il est même arrivé quelquefois qu'on a
donné cela à des agents d'immeubles spécialisés
dans un coin et on leur a dit: N'oubliez pas une chose, dites à
l'agriculteur qu'il doit répondre éventuellement aux
critères pour l'admissibilité à un prêt. C'est comme
cela que nous fonctionnons.
Vous avez ici la procédure qui est très claire. Vous avez
le fonctionnement que je vous donne. J'en ai glissé un mot dans le
texte. C'est comme cela que nous fonctionnons en pratique. Le directeur
régional qui va faire ce boulot - j'ai ici une déclaration dans
ce cas - est mandaté officiellement par une résolution du bureau
de direction et, normalement, il va y aller même avec un autre, il est
avec un témoin pour s'assurer que c'est indiscutable. En l'occurrence,
c'est arrivé dans ce cas.
M. Dupré: Dans le cas dont on parlait, justement, est-ce
que présentement la terre est vendue?
M. Moreau: Oui, la terre a été vendue. M.
Dupré: À qui?
M. Moreau: Je peux vous dire cela. Le 14 mai 1982 - attendez un
peu - il y a eu deux appels d'offres parce qu'il y avait deux terres. La
première terre, celle de Saint-Célestin, dont il était
question: ouverture des soumissions par le bureau de direction le 3 mai 1982.
Huit offres d'achat furent présentées dont celle de la personne
intéressée au montant de 30 000 $ dont 3000 $ au comptant. Le 3
mai 1982, mandat donné par le bureau de direction à M.
André Gagnon de rencontrer - c'est le directeur de la gestion des
prêts - les trois principaux soumissionnaires pour tenter d'obtenir de
leur part des offres atteignant l'évaluation faite par l'office. On
essaie de minimiser les dégâts. C'est tout simplement agir en bon
gestionnaire, en gens responsables.
Le 7 mai 1982, nouvelle assemblée du bureau de direction pour
statuer sur les offres. Rejet de six des huit offres dont celle formulée
par la personne en question. Les 11 et 12 mai 1982, rencontre des trois
principaux soumissionnaires ainsi que d'autres agriculteurs qui avaient
manifesté le désir de soumissionner sur la ferme. J'ai les noms
de tous ceux qui ont voulu soumissionner. Le 11 mai 1982, à l'occasion
de la rencontre des soumissionnaires et autres intéressés, MM.
André Gagnon et Clément Perrault ont fait part à chacun
des soumissionnaires que le bureau de direction n'avait pas jugé bon
d'accepter les soumissions produites - on vous relate exactement ce qu'on a
fait tout à l'heure - car elles étaient trop basses eu
égard à la valeur. Nous leur avons demandé s'ils
manifestaient toujours de l'intérêt pour la ferme en question et
s'ils étaient toujours intéressés à
présenter de nouvelles offres. Alors, c'est ce qui est
arrivé.
Il y a eu un deuxième appel d'offres. Attendez un peu, vous allez
voir le deuxième appel d'offres. Le 14 mai 1982, ouverture des offres
d'achat par le secrétaire de l'office, Me Paul Charest, en
présence du bureau de direction. Trois nouvelles soumissions furent
présentées dont celle de la personne en question. Elle est
là. Elle a fait une soumission en due forme. C'est ouvert.
Deuxième appel d'offres. Il y en a un qui propose 55 000 $. La personne
en question, 50 000 $. Il était agriculteur. Deux frères qui sont
agriculteurs, de Saint-Célestin, se sont portés acquéreurs
de la ferme en question et ont offert 5000 $ de plus que l'autre personne.
Quant à l'autre ferme, la même personne intéressée a
coté et elle l'a obtenue, cela lui a été vendu parce
qu'elle a offert 41 000 $. Le deuxième soumissionnaire avait offert 33
150 $. C'est donc la personne qui l'a obtenue. Je pense que c'est "fair". Ce
sont exactement les lois économiques qui agissent. Je pense que,
là-dedans... Autrement, on aurait des pertes énormes si, lors du
premier appel d'offres, il fallait liquider les fermes à prix de
rabais.
M. Dupré: Deux courtes questions pour terminer. Dans la
déposition de M. Boucher, il demande le décret immédiat
d'un moratoire sur les saisies. D'après vous, quel serait
l'inconvénient ou quel serait le résultat si jamais, à la
suite de notre commission, on décidait d'acquiescer à sa
demande?
M. Moreau: Je pense qu'un moratoire, ce serait - je n'emploierai
pas le mot "catastrophique" - vraiment dangereux pour le fonctionnement normal
d'un système. Je m'explique. Je pense toujours à un
système de crédit agricole. Il faut bien comprendre que ces
prêts sont contractés bilatéralement, par deux personnes,
comme dans tous les cas. Dans les PME, n'importe où, c'est la même
chose; c'est un contrat. Il y a des conditions qui doivent être
respectées dans un contrat. Imaginez que nous disions: Que tu paies ou
que tu ne paies pas - on pourra revenir tout à l'heure à la
subvention d'intérêt reliée à cela; j'ai lu cela
aussi dans un mémoire - c'est la même chose; on va t'attendre. Le
bon agriculteur fait des efforts. Si on pouvait s'abstenir de payer, personne
ne ferait ses paiements nulle part, ni pour l'auto, ni pour les maisons;
l'ouvrier s'abstiendrait de payer. Il ne faut pas oublier cela. C'est la
même chose en agriculture. Je pense que, si on disait aux personnes: Paie
ou ne paie pas, c'est la même chose; on va t'attendre. Les autres
diraient: Qu'est-ce que cela me donne? Je vais changer d'auto cette
année. "So what", même si je n'arrive pas, ce n'est pas plus grave
que cela, l'office va m'attendre.
Lorsqu'on parle de l'office, n'oubliez pas que, finalement, ce sont les
banques et les caisses et, lorsqu'il y a des pertes, le fonds
d'assurance-prêts; nous assumons la différence
d'intérêt. Ce serait à quels coûts pour le fonds
d'assurance-prêts agricoles et forestiers? Cela voudrait dire quoi comme
impact pour les agriculteurs qui font des efforts pour payer? Il ne faut pas
oublier -je vous l'ai démontré tout à l'heure - que la
très grande majorité des agriculteurs paie et paie bien. Je ne
voulais pas laisser entendre autre chose. L'agriculture, c'est un des meilleurs
risques. Il ne faut pas oublier cela. J'ai insisté là-dessus dans
mon exposé. Généralement, les agriculteurs - il y en a qui
sont malchanceux; on a donné les raisons des abandons tout à
l'heure - paient et
paient bien leurs dettes. C'est une excellente clientèle. Si on
devait dire, dans ces cas: Ne paie pas et cela ne changera rien, je pense que
ce serait extrêmement dangereux pour un système de crédit
agricole et, à mon point de vue, ce serait saper à sa base
même l'effort qui doit être fait par tout emprunteur pour faire
honneur à ses dettes.
M. Dupré: Une dernière question. Est-il exact que
le nantissement agricole en regard du prêt consenti à Jean-Claude
Boucher n'a jamais été signé par l'office?
M. Moreau: C'est vrai. Je ne sais pas si c'est par l'office, mais
il n'a jamais été signé, point; ni par l'office ni par
d'autres. C'est vrai. On peut dire dans ce cas que c'est une "mal-practice",
d'une certaine façon. On a des lettres dans notre dossier disant que
nous avons refusé la garantie à ce moment-là,
c'est-à-dire qu'on a refusé la réclamation. On a averti le
prêteur - il pouvait avoir recours à son notaire ou à son
avocat, je ne sais trop; cela le regardait -que, lorsqu'il arriverait avec sa
réclamation, il ne l'aurait pas, parce qu'on ne considérait pas
cela comme un prêt garanti. Ce n'est pas le gouvernement qui paie pour
cela. Cela arrive dans quelques dossiers. Je pourrais vous citer des exemples.
Sur des milliers de prêts qui sont donnés, ne vous imaginez pas
que cela baigne toujours dans l'huile, il y a de petits accrochages. C'est un
oubli. Je n'essaie de lancer la pierre à personne, mais nous ne
considérons pas cela, en vertu de l'article 9, je pense, de la loi du
fonds, comme un prêt garanti. D'ailleurs, ce n'est pas à l'office
à le faire signer. L'office est complètement en dehors du
portrait. L'office est concerné par l'appréciation de la
réclamation qu'il y aura. C'est au prêteur à faire signer
le nantissement par l'agriculteur, sauf si le notaire du prêteur ou, je
ne sais trop, son avocat fait un oubli. Cela peut arriver dans des dossiers. On
le voit. À ce moment-là, on en tient compte dans la
réclamation éventuelle qui sera déposée chez
nous.
M. Dupré: Merci, M. le Président. J'ai
terminé pour le moment.
Le Président (M. Vallières): J'ai
étudié les documents que M. Daoust nous a demandé de
déposer tantôt. Ils sont considérés comme
étant déposés devant la commission. J'ai une petite
demande à faire aux membres de la commission. Il nous reste maintenant,
en temps de parole à épuiser, pour respecter le temps qu'on
s'était donné, 36 minutes. À 18 heures, nous aurons 30
minutes. Il nous reste 30 minutes en réalité à
écouler jusqu'à 18 heures. Il faudrait que chacun accepte que
nous retirions 3 minutes de son enveloppe, ce qui fait qu'il resterait 19
minutes à ma droite et 11 minutes à ma gauche. Sinon, il faut
d'ores et déjà convenir qu'on dépassera 18 heures.
M. Maltais: On dépassera 18 heures, M. le
Président. Si on ne peut pas poser de question, cela ne donne rien
d'avoir une commission parlementaire.
Le Président (M. Vallières): Non.
M. Dupré: Je suis d'accord pour continuer.
Le Président (M. Vallières): Nous
dépasserions officiellement 18 heures de 6 minutes.
M. Maltais: M. le Président, question de règlement,
à ce moment-ci.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: Je comprends que M. le président de l'office
donne de très bonnes réponses, mais y aurait-il moyen de les
raccourcir un peu? On n'a pas quinze jours en commission parlementaire. On doit
terminer avec vous ce soir, et il y a plusieurs députés qui
avaient des questions à poser. Je suis convaincu que vous pourriez nous
en dire autant dans un délai plus court. (17 h 30)
M. Moreau: C'est parce qu'il y a un membre de la commission qui
m'a dit que je pouvais prendre tout le temps voulu. Je n'ai pas d'objection
à m'ajuster à votre désir et au désir des membres
de la commission.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
J'indique à nouveau à M. Moreau que, malgré certains
contretemps que nous avons, il peut prendre le temps dont il a besoin pour
répondre aux questions qui lui sont posées. La commission
ajustera son horaire en conséquence s'il le faut et à la demande
des membres de la commission.
M. Moreau: Merci.
Le Président (M. Vallières): J'ai une demande du
député de Berthier pour une intervention.
M. Houde: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au
président. M. le président, vous avez cité un paragraphe
du texte de M. Marcel Talbot qu'il nous a donné hier: "Mon épouse
a fait un avis d'adresse le 21 avril 1983 et une déclaration de
résidence familiale le même jour à Drummondville, alors que
j'étais encore propriétaire de ma ferme. Le 3 mai 1983, lors de
la vente par shérif de ma ferme, je présente ce document au
huissier qui, après avoir consulté M.
Viateur Daoust, décide de ne pas en tenir compte et de
procéder à la saisie. Pourquoi a-t-on écarté du
revers de la main ce document qui protégeait ma résidence
familiale comme l'atteste la lettre du 27 septembre 1984 que mon épouse
a envoyée au ministère de la Justice?" Ceci est ma
première question.
M. Moreau: On me dit qu'il y a de la jurisprudence en
quantité pour dire qu'un enregistrement de résidence familiale
n'est pas opposable à une vente au shérif. C'est la
première nouvelle que j'en ai; je n'ai pas vérifié cette
dimension du dossier. C'est ce que notre conseiller jurique nous dit; il faut
croire que, s'il y a de la jurisprudence, on a agi suivant les normes.
M. Houde: Suivant les normes. Ma deuxième question. Je me
cite en exemple. J'achète une ferme. Je m'en vais à l'Office du
crédit agricole pour avoir de l'argent. Ma femme a déjà
pris, dans les mois précédents - parce que ce n'est pas d'hier
qu'elle a acheté la ferme - un enregistement de la résidence
familiale elle aussi. Qu'arrive-t-il dans ce cas, si je demande de l'argent
pour la ferme en question et que ma femme a déjà pris un
enregistrement sur la ferme en question, sur la maison?
M. Moreau: Il y aura une caution de la part de la femme. On va
trouver un moyen quelconque. Si cela n'était pas possible, cela veut
dire qu'on ne pourra pas prêter pour toute la valeur, s'il y a un risque
de ce côté. Cela devient une question de cas par cas. On tient
pour acquis qu'ils peuvent s'entendre entre eux pour dire: Je vais cautionner
pour la valeur de cette partie de la maison en question. C'est possible. Je ne
peux pas vous dire. Il faudrait regarder chaque dossier à son
mérite.
M. Houde: Ce ne seraient pas tous des dossiers... Ce sont des cas
individuels.
M. Moreau: Oui, s'il y a des priorités
d'hypothèques, chaque dossier est étudié à son
mérite.
M. Houde: Merci.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Jean.
M. Proulx (Saint-Jean): Si je regarde, M. le président, ce
qu'on a dit hier à votre sujet, soit que vous étiez un grand
plaideur, je pense qu'on avait raison, un grand manipulateur. On peut le
nuancer. On parle de votre arrogance et on dit aussi que vous êtes un
homme puissant. C'est peut-être un compliment. Pour ce qui est du reste,
je trouve les accusations extrêmement graves: vous trompez le ministre;
vous trompez les agriculteurs, l'opinion publique, le gouvernement. Vous
faussez les statistiques, vous trompez les jeunes, vous trompez les futurs
agriculteurs. On parle de tromperie pure et simple. Ce sont des accusations
extrêmement graves qu'on adresse à un président d'office et
que je trouve fondamentalement inacceptables. Vous avez dit que vous aurez
à vous défendre. C'est fondamental; on ne peut pas accuser un
organisme de tromper un ministre d'une façon officielle en commission.
Cela exige une réponse claire et formelle et votre part.
M. Moreau: D'accord, excusez. Je veux...
M. Proulx (Saint-Jean): Vous avez dit tout à l'heure que
vous prendriez du temps pour vous défendre de cette accusation
fondamentale. C'est peut-être le fond de la question. Pardon? À la
fin, oui.
Tout à l'heure, dans votre texte, vous avez donné toutes
les conditions pour accepter un prêt. Il y en a 16: nom,
scolarité, nombre d'années, succès antérieurs. Si
on tient compte de tout cela, il n'y aurait pas grand monde qui pourrait
l'obtenir. Cela me rappelle quand M. Ryan avait imposé toutes les
conditions pour être candidat libéral. Il fallait remplir 16
conditions et il a eu des problèmes.
Ce qui me frappe là-dedans, M. le Président, c'est le
suivi. Vous dites que vous faites un suivi annuellement. Voici la question que
je me pose: Est-ce qu'un suivi annuel est suffisant, quand je regarde, à
la page 13, les causes d'abandon: investissements inopportuns;
productivité insuffisante? Y aurait-il dans toutes les causes de
faillite et d'abandon une faiblesse à ce niveau, au niveau du suivi?
À l'annexe III, investissements inopportuns, y aurait-il une faiblesse
à ce niveau, M. le Président? Est-ce que vous comprenez ma
question?
M. Moreau: Oui.
M. Proulx (Saint-Jean): Est-ce que c'est suffisant, une fois par
année, d'avoir un suivi, quand on fait des emprunts aussi importants?
Une visite une fois par année, à mon avis, c'est trop faible. Ce
n'est pas assez.
M. Moreau: C'est une question complexe. Si vous me permettez, je
regrette... Il y a un membre de la commission qui veut que je sois très
bref, mais la question est très lourde de conséquences et
très complexe. Je vais essayer de faire le mieux possible.
M. Proulx (Saint-Jean): La question au niveau du suivi.
M. Moreau: Oui, oui, le suivi, strictement le suivi.
M. Proulx (Saint-Jean): Oui, oui.
M. Moreau: C'est très complexe. D'abord, il y a des
personnes qui peuvent nous donner des conseils - on n'a pas tellement besoin de
suivi - beaucoup d'agriculteurs. Ce n'est pas ceux dont il faut se
préoccuper. Il y a quand même une limite au niveau des ressources.
Le suivi est systématique. Je vais vous le donner ici. Dans le
contrôle du déboursement, le prêteur informe l'office de
tout déboursement de paiement. Il y a donc un contact; il y a une
vérification du dossier à ce moment-là. Environ 70% des
prêts consentis comportent un différé, pour
amélioration foncière, construction, achat d'équipement et
autres. Chaque différé compte en moyenne cinq
déboursés et on parle de deux rencontres par
déboursé. Les différés pour construction comptent
plus de deux visites d'inspection en place en moyenne et par le
représentant de l'office. On peut donc estimer à quelque 700 le
nombre de visites effectuées et je pourrais vous en donner la
nomenclature. J'en ai plusieurs pages dans toute l'année. Ce qui nous
fait dire qu'il y a, en dehors de nos attributions normales de prêt, 10
800 visites sur la ferme qui sont faites par nos hommes. Quand on dit dans le
texte qu'on reste un peu sur notre appétit et qu'on aurait
préféré un suivi mieux structuré, c'est dans le
sens qu'on pourrait l'intensifier - je suis bien d'accord - et surtout le
structurer dans le sens d'employer des moyens modernes comme l'informatique
pour le rendre pratiquement instantané. C'est là-dessus qu'on
travaille. On est en train justement de faire une révision de la gestion
des systèmes pour améliorer ce suivi.
Je pourrais vous donner le suivi qui a été fait dans le
cas des sept grévistes.
M. Proulx (Saint-Jean): Non, je veux seulement au niveau
général. Il y a des cas d'abandon - une soixantaine - à
cause de la productivité insuffisante, de la productivité
extrêmement faible, de la productivité faible. N'y a-t-il pas eu
une faiblesse dans l'analyse dans ces cas-là? Comprenez-vous ma
question?
M. Moreau: Oui. Les cas de suivi dont je vous parle, ce sont les
cas justement qui demandent une attention particulière de l'office, les
cas que vous soulignez, et on s'en occupe. Quand je vous ai dit dans mon
document ou dans mon exposé qu'il y avait des crédits
spéciaux et des études spéciales de faites, soit pour des
conditions climatiques, soit pour des conjonctures économiques, c'est
justement ces cas-là que je vise. Je pourrais vous sortir les cas, vous
donner le nombre de rencontres qu'il y a eu sur la ferme, dans le cas des sept
grévistes, les contacts qu'il y a eu, même les lettres qui ont
été envoyées à telle ou telle date; j'ai toutes les
lettres et la correspondance, à toutes les dates. C'est pour cela que je
vous disais que c'est très complexe si on embarque là-dedans,
mais il y a un suivi qui est plus intensifié dans les cas
problèmes qui demandent plus de sollicitude. Il y a des fois où
on peut y aller trois fois dans l'année. D'autre fois, on peut y aller
six fois dans l'année et le prêteur fait aussi un suivi. Il nous
informe et il y a une collaboration. Souventefois, j'ai vu des cas - je ne
dirais peut-être pas dans tous les cas - des cas assez fréquents
quand même, où il y a une collaboration entre le
représentant de l'office et le prêteur. Par exemple, ils vont se
relayer au niveau du contrôle des inventaires. Un va y aller dans trois
mois et, les trois mois suivants, c'est le gars de l'office qui y va. Il y a
une collaboration qui s'établit de plus en plus, un contact entre les
prêteurs et l'office. Évidemment, il faut bien remarquer une
chose: l'expérience du Tandem, avec 1465 prêteurs
d'impliqués potentiellement, c'est relativement récent. C'est
bien sûr que cela demande au début un certain contrôle,
certains ajustements. Je peux vous assurer que cela se fait. Seulement, il faut
aussi y mettre la patience et le temps.
M. Proulx (Saint-Jean): Dans le cas de certains producteurs
agricoles, il y en a certainement qui n'ont pas besoin de suivi. J'imagine
que...
M. Moreau: Absolument.
M. Proulx (Saint-Jean): ...cela marche tout seul et que cela ne
vous cause aucun problème. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Très bien. M.
le député de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. M. Moreau, ce matin,
sous serment, le vice-président de l'UPA nous a déclaré
que, selon lui, il y avait du tripotage dans la vente des fermes. À
votre connaissance, est-ce que, d'après vos officiers et d'après
votre expérience, il y a du tripotage, oui ou non?
M. Moreau: Je ne crois pas qu'il y ait du tripotage. Je vous ai
expliqué la façon dont nous fonctionnions tout à
l'heure.
M. Maltais: Au niveau de la procédure. M. Moreau:
II n'y a pas de tripotage.
M. Maltais: Vous déclarez qu'il n'y a aucun
tripotage...
M. Moreau: Absolument pas.
M. Maltais: ...dans aucun cas...
M. Moreau: Aucun cas.
M. Maltais: ...de vente de ferme.
M. Moreau: Aucun cas. S'il y en avait, j'aimerais qu'on les
déclare parce que je pense que ce serait ma responsabilité de
faire en sorte que cela ne se répète plus.
M. Maltais: Merci. Est-ce que c'est le cas que les agriculteurs
qui ont des dossiers de prêts chez vous ne peuvent pas voir ces dossiers?
Oui ou non?
M. Moreau: Ils peuvent voir les dossiers. La seule chose est que
nous observons, que nous n'échappons pas au contrôle de la loi 65.
Nous avons fait faire des études par nos conseillers juridiques sur les
parties du dossier qui pouvaient être consultées et celles
auxquelles ils n'avaient pas accès. On a un homme qui est responsable
chez nous de la loi 65 et de ces dossiers. Il donne accès au dossier de
l'agriculteur qui en a le droit, conformément aux dispositions de la loi
65.
M. Maltais: Est-ce que l'agriculteur a le droit de voir tout ce
qu'il y a dans son dossier?
M. Moreau: Tout ce à quoi il a accès en vertu de la
loi 65.
M. Maltais: D'accord. Vous avez parlé dans votre
mémoire, ce matin... C'est-à-dire que ce n'est pas vous
directement, mais l'UPA, ce matin, a dit qu'il n'y avait pas de statistiques
sur le nombre réel d'agriculteurs au Québec. Est-ce que vous
auriez cela, vous?
M. Moreau: Les statistiques que j'ai sont des statistiques
fédérales, bien sûr.
Celles des 10 000 et moins, etc. Mais les chiffres que je vous ai
cités...
M. Maltais: Non, vous n'avez pas cité le nombre
d'agriculteurs dans votre mémoire.
M. Moreau: On parle des 11 000 emprunteurs chez nous. On parle de
ceux chez nous, si vous voulez.
M. Maltais: D'accord.
M. Moreau: Mais, chez nous, il faut qu'ils répondent au
critère de la principale occupation. Mais je pourrais quand même
vous donner une indication. Quand on parle de 21 000 dossiers chez nous, il
s'agit des emprunteurs à long terme.
M. Maltais: C'est cela.
M. Moreau: Bon. Si on parle des prêts hypothécaires,
cela va à près de 24 000 dossiers de prêts
hypothécaires, d'emprunteurs ayant des prêts hypothécaires
chez nous. Mais il y a des gens qui ont des prêts hypothécaires
à long terme chez nous, en vertu de la Loi sur le crédit agricole
et en vertu de la loi Tandem. C'est le même bonhomme. Alors, cela fait 21
000 emprunteurs.
M. Maltais: D'accord.
M. Moreau: Mais j'ajouterais ceci: Vous avez entre 21 000 et
jusqu'à 30 000 clients chez nous qui sont emprunteurs à la
Société du crédit agricole - il y en a 7600 ou 7700 -et
qui viennent emprunter chez nous à moyen ou à court terme ou qui
ont des subventions de mise en valeur. Ce qui veut dire que cela va quasiment
à 30 000. Ce sont ceux qui répondent au critère de la
principale occupation, chez nous. C'est assez complexe.
M. Maltais: Cela va. Merci. On a parlé beaucoup
aujourd'hui de la rentabilité de la ferme. Sur le nombre d'emprunteurs
que vous avez chez vous - vous me dites 21 000 -combien y en a-t-il qui sont
rentables?
M. Moreau: D'abord, pour nous, il faut qu'il y ait la condition
de la rentabilité, comme je l'ai expliqué dans mon document. Au
départ. Si, par la suite, la situation change, je vous ai
expliqué ce qu'il en était. Une indication de la
difficulté que ces gens-là pourraient avoir, ce sont les
arrérages. Vous avez tout cela dans mon document. Si cela va plus loin,
vous avez les cas en difficulté dont j'ai fait état dans mon
document. Normalement, je dirais que ceux qui n'ont pas d'arrérage - et
même, concernant les arrérages, il faut y aller prudemment, parce
que, pour des gens, je dirais que c'est une habitude; ce n'est pas parce qu'ils
n'ont pas les moyens, mais ils paient seulement quand ils ont reçu deux
ou trois avis - et qui ne sont pas en difficulté financière,
généralement, ce sont des dossiers qui sont rentables selon les
définitions dont on a parlé. Une définition de la
rentabilité, il faut bien l'admettre, confine davantage à la
viabilité de l'exploitation.
M. Maltais: Ce matin, l'UPA nous a dit que la rentabilité
- on parlait de l'industrie laitière en particulier - se chiffrait
à moins que le salaire minimum. Est-ce le cas chez vos emprunteurs? On
nous disait ce matin 3,48 $ l'heure pour à peu près 18 heures par
jour, comme lorsque le député de Kamouraska travaille sur sa
ferme.
M. Moreau: J'ai entendu cela, oui. J'essaie de voir si on a une
étude spécifique sur le point que vous soulevez.
M. Maltais: Vous pourriez toujours vous informer à l'UPA.
Ils nous ont donné cela ce matin. Je n'ai pas les statistiques, mais
l'UPA les a.
M. Moreau: C'est possible. Je ne conteste pas, je n'infirme
pas...
M. Maltais: À votre avis, à 3,48 $ l'heure, est-ce
que c'est rentable sur une ferme?
M. Moreau: Je dirais ceci: C'est peut-être rentable pour un
jeune qui commence, pour un an, deux ans ou trois ans, mais pour quelqu'un qui
veut faire carrière, ce serait discutable. Chaque cas est un cas
d'espèce. La rentabilité, cela dépend de son
investissement; c'est très relatif.
M. Maltais: D'accord. Chez vos 21 000 emprunteurs, le taux moyen
d'endettement, qu'est-ce que c'est?
M. Moreau: Je vais vous donner l'information. Je peux vous donner
le taux moyen au moment de l'emprunt. Mais si vous parlez du taux moyen dans la
vie...
M. Maltais: Je parle du taux moyen d'endettement de vos 21 000
emprunteurs. C'est quoi? Est-ce 25%, 40%, 50%, 70%? Je ne le sais pas.
M. Moreau: II faut consulter le résultat de
l'enquête faite dernièrement par la Société du
crédit agricole; c'est de l'ordre de 25%. (17 h 45)
M. Maltais: Alors, le taux moyen d'endettement des agriculteurs
québécois qui font affaires avec l'Office du crédit
agricole au Québec est de 25%.
M. Moreau: Attention, ce sont tous les agriculteurs.
L'enquête faite par la Société du crédit agricole
porte sur l'ensemble; c'est un sondage.
M. Maltais: Oui.
M. Moreau: J'en ai ici. C'est par année lors du
prêt. Je pourrais vous les donner.
M. Maltais: Si vous avez 21 000 emprunteurs chez vous, vous devez
quand même savoir, dans ces 21 000 dossiers, quel est le taux moyen
d'endettement. C'est très important.
M. Moreau: On l'a au moment du prêt, oui.
M. Maltais: Vous n'avez pas de statistiques là-dessus?
M. Moreau: Oui, j'en ai au moment du prêt.
M. Maltais: Pour un agriculteur, mais je vous parle des 21 000.
Comment voulez-vous qu'on sache au Québec quel est le taux d'endettement
des agriculteurs si vous, vous ne le savez pas?
M. Moreau: Écoutez, cela a été fait par
sondage au plan national.
M. Maltais: C'est quoi?
M. Moreau: Nous, on arrive sensiblement avec les chiffres qui
sont là.
M. Maltais: Je ne l'ai pas, ce document. C'est quoi, votre taux
d'endettement? Vous m'avez dit 25%?
M. Moreau: C'est 25%. C'est à peu près la
même chose que l'an passé. On l'a fait chez nous, mais cela
demeure sur une base de sondage. Si vous me demandez si on a des statistiques
pour les 21 000 agriculteurs, on ne les a pas. On les a par année lors
de l'emprunt, mais on ne les a pas spécifiquement. Par sondage, on l'a
fait et cela concordait avec le sondage fait par la Société du
crédit agricole.
M. Maltais: Une dernière question, très rapidement.
Qui va me dire combien il y a d'agriculteurs au Québec? Ce n'est pas
vous, ce n'est pas votre société, ce n'est pas l'Office du
crédit agricole. L'UPA ne le sait pas.
M. Moreau: Je peux vous donner des statistiques. J'ai un tableau
ici.
M. Maltais: Combien y a-t-il d'agriculteurs au Québec?
M. Moreau: II y a une question de définition.
M. Maltais: Écoutez, entendons-nous sur la
définition et essayons de savoir combien il y en a à plein temps;
enlevons les temps partiel pour dire à plein temps.
M. Moreau: À plein temps, remarquez, on en a 21 000
à l'office, 7800 à la société; ajoutez-en 1000 ou
1200, c'est à peu près ça si vous parlez de ceux qui
répondent à la définition d'avoir comme principale
occupation l'agriculture. Cela veut dire à peu près 32 000.
Ensuite, viennent s'ajouter à cela ceux qui...
M. Maltais: Supposons qu'il y en a à
peu près 32 000, on n'est pas chatouilleux là-dessus.
D'après vous combien de ces fermes-là sont rentables?
M. Moreau: Si vous me demandez mon opinion, je vous dirai la
très grande majorité. Vous le voyez par les arrérages que
j'ai mentionnés tout à l'heure.
M. Maltais: Merci.
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Iberville.
M. Beauséjour: Cela touche aussi le domaine de la
rentabilité. Dans le document de l'UPA, on disait qu'en 1981 il y avait
48 144 fermes. Le document de M. Boucher donne les données de
Statistique Canada pour 1981 aussi et l'ensemble des fermes était de 48
144. Les grandes fermes de plus de 250 000 $ étaient de 741; les fermes
moyennes de 40 000 $ à 250 000 $, 11 904; les petites fermes de moins de
40 000 $, 35 499.
Je regarde, à la page 5, les critères
d'admissibilité de l'office: besoin du prêt, l'occupation
principale, ferme rentable, capacité de remboursement. M. Boucher
indiquait dans son texte: "Selon ce tableau et selon la définition d'un
agriculteur en vertu de la Loi sur le crédit agricole, plus de 75% des
agriculteurs du Québec ne sont pas éligibles à un
prêt de l'Office du crédit agricole puisqu'un exploitant agricole,
au sens de la loi de l'office, est toute personne physique dont l'agriculture
est la principale occupation." Il ne détaillait pas autant que votre
texte. De là, je dirais, la possibilité de conclure que, si 75%
des fermes ne sont pas admissibles à un prêt, elles ne sont pas
rentables.
Je voudrais vous faire part de l'argument qu'il évoquait: "Pour
répondre à cette définition, il faut, en toute logique,
vendre pour plus de 50 000 $ de produits agricoles puisque le revenu net
engendré par la vente de ces produits serait d'environ 15 000 $ avec au
moins la moitié qui irait en paiement à l'office." Est-ce que
vous arriveriez à la même conclusion? De quelle façon
voyez-vous cela au niveau de la rentabilité des fermes au
Québec?
M. Moreau: Vous dites: 50 000 $ de ventes pour arriver à
quel paiement à l'office?
M. Beauséjour: "15 000 $ avec au moins la moitié
qui irait en paiement à l'office."
M. Moreau: Prenons les établissements de l'année
dernière chez nous, en 1983-1984. Si on prend la moyenne de tous nos
établissements, vous avez l'actif moyen, 265 759 $; les prêts
à long terme, 112 094 $; les prêts LAF et ceux que le père
va consentir parfois sur billet, 36 347 $. Cela donne dans son cas un avoir net
de 117 318 $. Le solde après dépenses est de 23 700 $, pour des
paiements annuels de 14 065 $. Il lui reste donc 9635 $. Cela concerne le jeune
de l'an dernier.
Les 622 cas, c'est strictement ceux qui ont
bénéficié de la subvention en vertu de la Loi favorisant
l'établissement de jeunes agriculteurs, la LEJA. C'est pour cela que,
dans ces cas-là, on a le prêt à partir du dossier, parce
que c'est une subvention accrochée à un prêt.
Systématiquement, on fait l'étude et on a la moyenne.
M. Beauséjour: Quel est le nombre de fermes qui n'ont pas
besoin de prêt? Est-ce que c'est assez considérable? Vous n'avez
pas de données.
M. Moreau: II faudrait faire une enquête. C'est parce qu'il
y a le "gentleman-farmer", il y a des gars... Tout à l'heure, je vous
entendais parler de rentabilité. Il y a peut-être des fermes
à temps partiel qui sont rentables aussi. Il ne faut pas penser que,
parce qu'elles ne répondent pas à nos définitions, elles
ne sont pas rentables. Elles peuvent fort bien, à cause de l'occupation
principale, ne pas répondre à nos définitions à
cause de nos critères. Par exemple, on en refuse sur le critère
du besoin. Ils n'ont pas besoin d'un prêt parce qu'ils ont trop d'actif.
Cela n'arrive pas tous les matins, mais cela arrive. À ce
moment-là, le bonhomme n'a pas de prêt chez nous; il n'est pas
admissible parce qu'il ne répond pas au critère du besoin. Dans
ce sens, il n'a pas besoin d'un prêt; il peut s'autofinancer. Si c'est
une ferme qui est trop grosse, où l'équilibre des ressources de
la famille est disproportionné, où il y a trop d'employés
par rapport à l'implication de la famille, on refuse parce qu'elle ne
répond pas à nos critères de ferme familiale, de ce qu'on
conçoit comme la ferme familiale. Cela ne veut pas dire que cette ferme
n'est pas rentable. Je pourrais vous citer un cas vécu l'an dernier. Le
revenu brut était de 2 700 000 $, pour le mari et la femme, après
treize ans, dans trois productions. On l'a refusé parce qu'ils avaient
treize employés. Ce n'était pas, selon nous, une ferme familiale.
L'implication de la famille était disproportionnée par rapport
à la main-d'oeuvre, à l'ensemble de l'exploitation.
Effectivement, on leur a dit: Écoutez! Essayez de vous financer
ailleurs.
M. Beauséjour: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Huntingdon...
M. Dubois: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): ...en vous rappelant
que vous disposez de trois minutes.
M. Dubois: Ma question s'adresse à M. Moreau. Vous avez
peut-être pris connaissance des propos de M. Marcel Talbot, hier. Il nous
a lu son texte. Il nous a fait part de sa triste histoire. Dans son document,
à la page 2, il dit: "Au printemps 1979, cinq personnes se
présentent chez moi: l'agronome régional du MAPAQ, un inspecteur
du ministère de l'Environnement, le directeur régional de
l'office à Sherbrooke, un agronome du MAPAQ de la région de
Nicolet et un officier régional de l'office. Le directeur
régional de l'office -on indique ici M. Viateur Daoust - m'annonce qu'il
a trouvé une solution à ma ferme, soit un parc d'engraissement du
bouvillon. Il me dit: Cela fait trois fois qu'on essaie de partir le boeuf au
Québec, cette fois-ci les agriculteurs ne se casseront pas la gueule."
Je cite au texte. Ce programme suivait, selon le texte, le document sorti en
mars 1979 qui s'intitulait "Les parquets d'engraissement du bouvillon". Il
semble, selon les propos de M. Talbot, qu'on lui aurait fait miroiter des
revenus possibles d'environ 30 000 $ par année s'il se dirigeait vers
l'élevage du bouvillon. M. Talbot a accepté et s'est
embarqué dans cette production. On connaît, quand même, la
fin de ce dossier.
J'aimerais vous demander ici: Combien y a-t-il de producteurs de
bouvillon au Québec qui sont actuellement en difficulté? Aussi,
quel serait le pourcentage d'endettement des producteurs? Je parle des
producteurs spécialisés dans ce domaine.
M. Moreau: Je pense qu'on peut vous dire cela. D'abord, les
prêts à long terme chez nous, depuis 1976-1977, dans le bovin, il
y en a eu 894. Il y a eu 30 abandons, comme je l'ai mentionné dans mon
texte tout à l'heure. Au 31 juillet 1984, c'est cela la situation chez
les emprunteurs à long terme chez nous s'adonnant à la production
bovine.
Maintenant, quant à savoir leur endettement, par
déduction, on va essayer de vous le donner ici. Parce que cela comprend
l'ensemble vache-veau, bouvillons et le veau de grain aussi. Dans le cas
Talbot, nous autres dans notre étude, avant le prêt, au 27 juin
1979, le revenu brut agricole était de 63 500 $, les dépenses
totales de 44 000 $, l'excédent des revenus sur les dépenses, de
19 500 $ et les paiements annuels de 11 518 $. À ce moment, pour nous,
c'était acceptable. Il avait un avoir net de 17 525 $ et il se ramasse
au 12 janvier 1982 avec un avoir net dans le rouge de moins 73 879 $. Alors, il
y a eu un endettement qui a complètement fait balancer
l'exploitation.
M. Dubois: On sait qu'il y a eu une chute des prix très
importante à la période où M. Talbot a eu des
difficultés. Mais moi, je connais d'autres éleveurs de bouvillons
qui me disent que le profit net par tête est tellement bas qu'il est
à peu près impensable actuellement d'aller vers cette production
et d'y faire sa vie. Ce sont des commentaires que j'entends
fréquemment.
Sachant très bien que le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation préconise un plus grand
degré d'auto-approvisionnement dans le boeuf de boucherie, que cela fait
même partie des programmes principaux du ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, je pense qu'il serait intéressant
de savoir quelle est exactement la situation financière des vrais
éleveurs, parce qu'il y a des éleveurs et il y en a d'autres qui
font le commerce aussi. J'aimerais connaître la situation
financière de ceux qui sont strictement spécialisés dans
l'élevage des bovins, leur degré d'endettement, le nombre de
personnes en retard dans leurs paiements. On pousse, d'une part, vers la ferme
modèle de 400 têtes. D'autre part, il serait bon que les
agriculteurs sachent jusqu'à quel point c'est difficile d'aller dans
cette production, d'y faire sa vie avec le régime
d'assurance-stabilisation actuel.
Le Président (M. Vallières): Je m'excuse
auprès du député de Huntingdon. Sur une question de
règlement, M. le député de Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, considérant qu'il est
18 heures et après avoir discuté avec certains de mes
collègues qui ont encore des questions à poser à M.
Moreau, puis-je vous faire la proposition suivante? Si elle était
acceptée de part et d'autre, on pourrait suspendre immédiatement,
nous donnant une heure trente pour souper, revenir ici à 19 h 30 et
prendre encore une heure pour interroger les gens de l'Office du crédit
agricole, de 19 h 30 à 20 h 30. On aurait une heure additionnelle pour
poser des questions. Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation pourrait venir nous rencontrer, tel que prévu, de 20 h 30
à 22 h 30, ce qui aurait pour effet de permettre à tous les
députés autour de cette table de poser les questions qu'il leur
reste à poser. Le ministre de l'Agriculture serait décalé
d'une demi-heure et il aurait ses deux heures, tel que prévu dans le
règlement et tel que prévu dans notre entente. Je demande le
consentement pour que cet horaire soit accepté, si c'est possible.
M. Dupré: II faudrait demander à M. Moreau s'il est
libre pour revenir ce soir
M. Moreau: Je suis à la disposition de la commission.
M. Picotte: II nous a mentionné tantôt qu'il
aimerait faire la lumière sur toutes les choses; alors, je pense qu'il
est disponible. J'ai tenu cela pour acquis.
Le Président (M. Vallières): Nous pourrions, donc,
convenir de cela. Cependant, j'attire votre attention sur le fait que cette
heure inclurait la période de questions et que cela compléterait
l'audition de M. Moreau en tout et partout.
M. Picotte: C'est cela.
M. Dupré: Une heure au maximum.
Le Président (M. Vallières): Une heure au
maximum.
Donc, la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise de la séance à 19 h 41)
Le Président (M. Vallières): La commission de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux
avec déjà une douzaine de minutes de retard, ce qui fait que dans
la répartition du temps comme tel, il nous resterait environ une
vingtaine de minutes de la période de questions de la part des
formations politiques et une quinzaine de minutes seraient allouées, tel
que demandé par les membres de la commission. C'est un voeu qui semble
général de permettre à M. Moreau de conclure sur les
travaux de la commission, sur les travaux de son interrogatoire. M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Parlez-vous de 20 minutes par formation politique ou
20 minutes en tout?
Le Président (M. Vallières): Non, 20 minutes par
formation politique.
M. Picotte: Merci.
M. Gauthier: Pour le reste du...
M. Picotte: Chacun 20 minutes, plus 15 minutes...
M. Gauthier: II me semblait qu'il nous restait du temps quand on
a suspendu.
Le Président (M. Vallières): II vous restait
effectivement du temps, mais nous avons accepté la proposition de nous
repartager une heure de temps. C'est ce que j'ai compris tantôt.
M. Gauthier: 20-20-20.
Le Président (M. Vallières): 20-20-15.
M. Picotte: Compte tenu, M. le Président, qu'il restait un
peu de temps aux membres du parti au pouvoir, je serais prêt à
dire, pour compléter l'heure, qu'on donne 25-20 et 15.
M. Gauthier: Vous êtes bien gentil, M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Très bien. J'aime tellement cela vous
écouter.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. Gauthier:
Cela vous instruit.
Le Président (M. Vallières): Nous en étions
à une question du député de Huntingdon qui était
à compléter sa question quand on a l'a interrompu à 18
heures. Nous allons poursuivre, après le député de
Huntingdon, avec le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Dubois: Merci, M. le Président. J'avais cité
à M. Moreau le cas de M. Talbot qui, selon le texte lu par M. Talbot
hier, a été incité fortement à construire un
parquet d'engraissement, à construire un silo horizontal. Il a
reçu effectivement un prêt de l'office. Il a eu aussi un
prêt très important à la production: 360 000 $ si je ne me
trompe pas. Finalement, on connaît le résultat de cette incitation
très forte d'il y a quelques années d'aller vers la production de
boeuf de boucherie; on connaît la situation de beaucoup de producteurs,
même dans la région au sud de Montréal; certains
producteurs qui ont laissé l'industrie laitière pour aller dans
la production du boeuf de boucherie ont beaucoup de difficulté
actuellement. Le profit est très bas par tête, malgré
l'assurance-stabilisation. On me dit qu'environ 25% des paiements de
l'assurance-stabilisation sont considérés comme des profits
actuellement, ce qui est très minime. J'aimerais demander à M.
Moreau quelle est la situation, au moment où on se parle, des
producteurs de boeuf de boucherie et, particulièrement, de ceux qui ont
des parcs d'engraissement de l'envergure d'environ 400 et aussi leur taux
d'endettement. C'étaient les questions que j'avais commencé
à poser à M. Moreau. J'aimerais avoir des réponses
là-dessus.
M. Moreau: Au niveau de cette production proprement dite, on n'a
pas d'enquête générale. On a des cas d'espèce,
mais on n'a pas de statistiques pour l'ensemble de la production et sur
la situation financière. En ce qui concerne le cas de M. Talbot
proprement dit, à la lecture du dossier, on constate qu'il y avait,
à la première année, une projection pour 200 allant vers
400. C'était le projet qui avait été fait. Par la suite,
on constate que, après avoir fait ses premiers 400, comme vous l'avez vu
au dossier, il y a un rapport assez élaboré qui lui
suggère justement de ne pas aller plus que cela, de se maintenir
plutôt dans la production laitière, parce que ses succès
n'étaient pas trop mirobolants au niveau du boeuf. Si on se
réfère à un rapport du ministère que vous avez au
dossier - je ne me souviens plus de quelle date - on lui disait: Écoute,
ce n'est pas un succès, ton affaire dans le boeuf. Reste donc dans le
lait et consolide ton secteur laitier. C'est la meilleure chose que tu peux
faire. Je pourrais peut-être... Vous l'avez au dossier.
M. Dubois: Je ne veux pas en faire un cas d'espèce, M. le
Président, mais encore aujourd'hui, quelqu'un qui décide d'aller
vers un parquet d'engraissement de 400 têtes, par exemple, se
présente à l'office pour un crédit. La réponse de
votre office, c'est quoi? Prêtez-vous encore actuellement?
M. Moreau: Certainement.
M. Dubois: C'est-à-dire selon le taux d'endettement,
j'imagine.
M. Moreau: Exactement.
M. Dubois: Oui, mais vous allez jusqu'à quel taux
d'endettement pour un parquet d'engraissement de boeuf de boucherie?
M. Moreau: Quel taux d'endettement... Cela dépend ce que
vous entendez par taux d'endettement.
M. Dubois: Disons que quelqu'un qui a pour 200 000 $
d'équité a besoin de 500 000 $ en prêt.
M. Moreau: Oui, mais en crédit en production ou à
long terme?
M. Dubois: Cela prend les deux, généralement.
M. Moreau: Ah! Oui.
M. Dubois: Vous devez avoir des normes assez précises qui
vous permettent de dire: On accepte ou on refuse.
M. Moreau: Actuellement, notre définition - je vous l'ai
expliqué cet après-midi - est notre calcul de la
rentabilité.
Généralement, on va demander au jeune qui part dans le
bovin de boucherie, par exemple, au moins 25% de liquidité. Partant de
là, le calcul de la rentabilité se fait exactement de la
façon que je l'ai expliqué cet après-midi dans mon
exposé. Les revenus moins les dépenses, cela donne
l'excédent et les paiements annuels, finalement, vous arrivez au solde
agricole disponible, ses revenus additionnels, son revenu net et finalement, du
revenu net vous soustrayez le coût de la vie. C'est la seule façon
qu'on a. Comme je vous le mentionnais également cet après-midi,
c'est une définition qui confine davantage à la viabilité,
bien sûr, qu'à une rentabilité économique en
survol.
M. Dubois: Pouvez-vous me dire, M. le président, si
certaines fermes productrices de bovin rencontrent le modèle qui a
été créé par le MAPAQ, 400 têtes, tant de
profit avec un certain degré de liquidité? Cela prend 25%, ce qui
fait que c'est basé là-dessus. Avez-vous des données
spécifiques sur les profits qu'un producteur peut réaliser avec
400 têtes? Je comprends que le modèle peut être basé
sur le prix de 1 $ la livre, mais quand cela tombe à 0,63 $ la livre
comme c'est arrivé, il y a quelques années, c'est sûr que
cela peut clarifier le modèle, mais n'empêche que l'idée
qui est vendue est basée sur des données assez précises de
prix de vente...
M. Moreau: Oui.
M. Dubois: ...ce qui n'a pas été le cas. On peut le
voir dans différentes productions, que ce soit là-dedans, que ce
soit le porc ou que ce soit le maïs-grain qui a chuté en 1982, si
on présente un modèle qui est alléchant à un
producteur qui veut se recycler ou qui veut changer de production, le
modèle sert de base et finalement, les prix chutent. Cela commence
à aller mal. On coupe la valve. Finalement, on s'aperçoit que si
l'office coupe la valve, c'est fini. Il est mort. Le producteur n'existe plus
comme c'est le cas de plusieurs. Je ne parle pas strictement des sept cas qu'on
a eus hier, parce que c'est fréquent, mais actuellement, un jeune
producteur qui veut se lancer, avec une liquidité de 25%, dans la
production de boeuf de boucherie, vous lui prêtez, d'accord...
M. Moreau: Effectivement, on lui prête.
M. Dubois: ...mais il n'est pas sûr de survivre, par
exemple, actuellement. Il est loin d'être sûr de survivre et je
pense que vous le savez.
M. Moreau: Cela dépend.
M. Dubois: Avez-vous des données
précises qui...
M. Moreau: S'il est trop serré, il est, bien sûr,
plus vulnérable qu'un autre, mais s'il a une très bonne structure
financière, je dirais qu'il va s'en réchapper aussi bien que
d'autres.
M. Dubois: Avez-vous une indication assez précise de ce
que rapporte une tête au producteur, basé sur une production de
400?
M. Moreau: Parce qu'il y a l'ASRA à considérer. Ces
gens-là sont admissibles à l'ASRA et cela vient, bien sûr,
compenser, à ce moment-là.
Nous arrivons dans nos données économiques à 116 $
de revenu net avant amortissement, les paiements faits.
M. Dubois: Ce sont les données de 1984.
M. Moreau: II reste l'intérêt du loyer de l'argent
à déduire de cela.
M. Dubois: Ah, bon!
M. Moreau: Alors s'il n'est pas tellement endetté ce n'est
pas trop pire, comme je vous le mentionnais tout à l'heure. Si par
ailleurs c'est un gars qui est à la marge, à ce moment, il est
plus vulnérable.
M. Dubois: Autrement dit, cela prend quelqu'un qui est riche pour
aller dans la production de bovin ou à peu près.
M. Moreau: Pas nécessairement mais qui peut avoir une
bonne structure financière. Il faut s'entendre.
M. Dubois: À présent, seriez-vous prêt
à dire que l'assurance-stabilisation, telle qu'elle existe actuellement,
devrait être augmentée?
M. Moreau: Je préfère ne pas porter de jugement
là-dessus parce que ce n'est pas notre secteur d'activité, vous
l'admettrez. Je pense que vous aurez l'occasion d'en discuter avec M. le
ministre. À ce moment-là, peut-être qu'il sera mieux
placé pour répondre à cette question.
M. Dubois: Mais vous êtes celui qui pourrait quand
même conseiller le ministre sur les difficultés qui existent dans
ce domaine.
M. Moreau: Oui, mais en relation avec le crédit agricole.
Quant à la structure de l'ASRA ou des modalités, je pense que ce
n'est pas mon rôle.
M. Dubois: D'accord. Merci.
Le Président (M. Vallières): Très bien. M.
le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Merci, M. le Président. Ce matin, nous avons eu un mémoire
qui provenait de l'Union des producteurs agricoles. J'ai eu l'occasion de le
parcourir avec eux. Je trouve que cela reflète réellement les
questions que l'on peut se poser. Je pense qu'ils ont fait un survol de
l'agriculture depuis les années soixante-dix. Ayant moi-même
oeuvré dans ce métier pendant plusieurs années, au moment
où on se parle, on peut dire qu'il est certain qu'il y a eu des
améliorations. Comme le disait le président de l'UPA, M. Proulx,
il est certain qu'il y en a encore à faire.
Dans leurs recommandations ou propositions, je voudrais avoir votre
point de vue à ce sujet. Ils disaient aussi qu'il y avait quelque chose
à faire en ce qui a trait à la relève agricole. Mais quant
aux cas spéciaux ou aux cas types qui relèvent de l'Office du
crédit agricole, ils parlaient d'avoir un mécanisme neutre
d'appel et même consultatif. À la fin du paragraphe, on disait:
"Tous ne peuvent pas profiter de l'existence d'une commission d'appel. Il est
étonnant qu'elle n'ait pas encore été mise sur pied alors
qu'elle est réclamée depuis plusieurs années". Je voudrais
savoir ce que vous pensez d'une commission d'appel par rapport à
l'office.
M. Moreau: Entendons-nous bien. J'aimerais bien préciser.
Si c'est une commission d'appel à l'instar de ce qui existe au niveau
national, la Société du crédit agricole, qui est une
commission consultative finalement parce que c'est encore le président
qui a le dernier mot, le mot "appel" est un grand mot. Juridiquement, elle n'a
pas le pouvoir de renverser une décision. C'est une recommandation
qu'elle fait au président de la commission. Alors, ce n'est pas un appel
au sens juridique du terme mais on utilise quand même le mot "appel".
Ainsi, quant à mon appréciation personnelle, si vous
voulez avoir mon opinion là-dessus, je suis parfaitement d'accord et je
vais vous en donner les raisons. La première raison, c'est que,
psychologiquement, pour l'agriculteur, je pense qu'il va se sentir jugé
par ses pairs. La deuxième raison est une préoccupation
administrative. C'est que pour nous, actuellement, le dossier est, à
toutes fins utiles, toujours ouvert. On a des cas où il y a eu quatre,
cinq, six révisions. Dorénavant, on va dire: Mon cher monsieur,
voici l'adresse de la commission d'appel. Vous êtes le bienvenu. Allez-y.
Pendant ce temps-là, nous travaillons sur d'autres dossiers.
Personnellement, je le souhaiterais volontiers. Ce n'est pas à
moi de prendre la décision mais, si vous voulez avoir mon
opinion, à plusieurs égards, je vous donne les deux
principales raisons pour lesquelles, personnellement, je serais très
heureux que nous ayons une commission d'appel. "Appel", au sens où je
l'ai mentionné précédemment.
Par ailleurs, si vous me parlez d'une commission d'appel à
l'instar de ce qui a été demandé hier dans ce secteur,
surtout nommée par les grévistes, vous avez déjà
mon opinion, je pense bien, sur ce type de commission. Je n'ai malheureusement
pas lu le rapport de l'UPA, mais une commission d'appel qui viendrait juger par
la suite des cas en difficulté, à ce moment-là, c'est une
question de budget. Qui va payer la facture? Écoutez, c'est un petit peu
l'argument que j'ai utilisé avant que la séance soit suspendue au
souper. Qui va payer la facture? Si on dit au bonhomme: Écoute, ce n'est
pas grave que tu retardes de deux ans, on va t'attendre. Qui va payer le manque
à gagner avec les intérêts que nous allons continuer
à payer au prêteur? C'est une autre question. Cela devient une
question budgétaire. Cela devient un choix. Cela veut dire que la
commission d'appel doit être constituée de personnes qui vont
répondre au ministre de l'Agriculture en Chambre pour le budget qui sera
affecté à cela. Il va falloir que quelqu'un comble le manque
à gagner quelque part.
En principe, je n'ai rien contre cela si, comme je vous le disais, on
respecte l'incidence budgétaire qui est reliée à cela. Il
faudrait alors voir que le type de commission en question y réponde.
Moi, cela m'étonnerait. Personnellement, j'ai expliqué cet
après-midi tous les efforts qui se faisaient et je vous dis que c'est
vraiment lorsqu'il n'y a aucun moyen prévisible et aucun espoir au
dossier. C'est quand il y a des indications au dossier qu'il n'y a plus rien
à faire, je dirais des éléments positifs qui nous
permettent de dire que c'est irréversible, qu'il y a un point de
non-retour, qu'il n'y a plus rien à dire. C'est à ce
moment-là que, de notre côté, on dit: Écoutez! Pour
éviter le pire, et les raisons que j'ai alléguées avant la
suspension, eh bien, c'est dommage, mais allons-y.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Cela revient à dire que les dossiers qui sont, non pas en rappel,
mais en révision, et révision par-dessus révision, cela
équivaut à peu près à une commission ou un
mécanisme d'appel consultatif.
M. Moreau: Ah oui. Les dossiers sont ouverts. On a eu, à
quatre ou cinq fois... On pourrait vous soumettre des cas. L'agriculteur
appelle, il écrit. S'il y a un élément nouveau, tout de
suite on repart. On envoie même un autre bonhomme pour qu'il y ait de
l'objectivité dans le dossier, de l'impartialité. Si la figure de
notre bonhomme ne lui revient pas, on en envoie un autre, pour donner la chance
au coureur et donner un service impeccable à la clientèle. C'est
très mobilisant et c'est très laborieux pour l'office, mais je
pense qu'on doit le faire à partir du moment où on a une
clientèle bien définie et qu'on veut rendre un service
adéquat à cette clientèle. Le jour où nous
disposerons d'une commission d'appel - comme je vous le mentionnais, ce genre
de commission, je le souhaite - on va simplement avoir à donner
l'adresse de la commission d'appel.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Un peu comme la Commission des affaires sociales. D'accord.
J'ai une autre question concernant les délais apportés au
traitement de différents dossiers. On sait que, parfois, cela peut
dépendre aussi bien de l'agriculteur lui-même que du notaire
travaillant pour l'agriculteur. Ce sont parfois des dossiers qui exigent un
surplus, un surcroît de travail et même des délais.
Après votre soi-disant, non pas pèlerinage, mais la
réunion que vous avez eue à l'hôtel, qui n'était pas
le bon hôtel -vous l'avez dénoncé cet après-midi -
est-ce qu'il y a eu une amélioration sensible de ce
côté-là?
M. Moreau: Oui, il y a une amélioration concernant les
délais. Le dernier calcul que nous avons fait, le dernier relevé
qui a été effectué à la fin de l'exercice,
c'était de 99 jours. C'est encore trop. D'ici à quelques
semaines, nous allons améliorer la situation. Il faut dire que
l'opération Montréal, comme on l'a appelé, a
été réalisée dans un contexte normal. Vous
n'ignorez pas que la conjoncture, notamment dans la production du porc, a
changé toutes les règles du jeu avec le résultat que le
fardeau de travail s'est déplacé. En termes de suivi, en termes
de préoccupation pour les cas difficiles, ce qui était
l'exception est pratiquement devenu la règle. On a inversé les
règles du jeu, de sorte que le temps à consacrer pour les
nouvelles demandes a été moins considérable que pour le
suivi. Par ailleurs - je suis heureux de pouvoir en parler aux
distingués membres de la commission; je n'ai malheureusement pas eu
l'occasion de le mentionner dans les rapports qu'on vous a produits - nous
avons, tout récemment, signé avec le Conseil du trésor un
protocole de productivité qui devrait nous permettre d'améliorer
substantiellement les délais dans notre secteur. Nous avons retenu des
indicateurs de productivité. Nous avons modifié la base, je
dirais, de notre fardeau de travail dans les régions. Nous avons des
soupapes pour les incidences conjoncturelles. Avec un meilleur équilibre
entre les ressources et la demande pour un meilleur suivi et un meilleur
service à la clientèle,
nous devrions être en mesure de réduire substantiellement
les délais. Nous devons, très prochainement, rencontrer le
secrétariat du Conseil du trésor précisément pour
discuter de cet équilibre. L'office a été très
heureux de participer, en collaboration avec le Conseil du trésor,
à une expérience pilote sur la productivité.
J'espère - je pense que c'est également la volonté de
l'équipe que j'ai l'honneur de diriger - qu'on va en faire un
succès, qu'on ne trahira pas la confiance qu'a mise en nous le Conseil
du trésor en nous offrant ce protocole. (20 heures)
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le
président. Ce que j'ai dit concernant le document de l'Union des
producteurs agricoles, personnellement j'ai trouvé qu'il
reflétait - je le dis parce que M. le président Proulx est
arrivé - pour moi, en tout cas, un peu le survol que vous avez fait de
l'agriculture depuis les années soixante-dix, et au moment où on
se parle, que ça représentait assez fidèlement. Il y en a
beaucoup de fait et il y en a encore à faire. Merci.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Merci. J'ai quelques questions. M. le
président de l'office, dans le dossier Robidas, pourquoi l'Office du
crédit agricole ne s'est-il pas porté adjudicataire lors de la
vente par shérif comme cela s'est fait dans d'autres cas?
M. Moreau: C'est très simple. C'est en vertu du
règlement. Le règlement de la Loi favorisant le crédit
à long terme par les institutions privées prévoit l'option
ou bien le prêteur procède lui-même à la
réalisation des garanties, ou encore, il donne mandat à l'office
de réaliser à son lieu et place. Ce qui arrive, il y a même
des cas où le prêteur va commencer à amorcer le processus
et c'est l'office qui va continuer. Lorsque l'office réalise
lui-même les garanties, à ce moment, c'est lui qui se porte
adjudicataire et lorsque c'est le prêteur qui réalise les
garanties, c'est le prêteur qui se porte adjudicataire. Une fois que le
dossier est clos, il fait parvenir sa réclamation à l'office.
L'office apprécie le bien-fondé de la réclamation et fait
une proposition au Fonds d'assurance-prêt agricole et forestier qui lui
paie la note. C'est comme cela que cela fonctionne.
M. Picotte: M. Robidas vous aurait mandaté, en fait.
M. Moreau: Maintenant, dans le dossier Robidas, n'oubliez pas que
c'est la coopérative et non pas le prêteur, si ma mémoire
est bonne - on pourra le vérifier - pour employer une expression qui a
été utilisée cet après-midi, qui a tiré la
"plug" dans le dossier Robidas. Nous, ce que nous avions, c'était un
prêt hypothécaire de 16 000 $ ou 18 000 $, très petit
prêt hypothécaire. Ce n'était pas à nous d'agir. On
ne pouvait rien faire. Pour sauver le dossier, il eut fallu tout rembourser les
autres prêts en dehors, tous les créanciers pour - et on avait un
petit prêt hypothécaire de combien? C'était un petit
prêt. 50 000 $. Écoutez, cela dépend de l'envergure de
l'exploitation. Moi je n'ai pas dit 50 000 $. J'ai parlé de 16 000 $. Si
c'est rendu 50 000 $, c'est un prêt un peu plus gros.
M. Picotte: C'est 50 000 $. M. Moreau: C'est 39 400 $.
M. Picotte: Tout près de 39 000 $.
M. Moreau: Cela dépend. Si c'est une ferme de 1 875 000 $
c'est un petit prêt. Si c'est une ferme de 40 000 $, c'est un gros
prêt.
M. Picotte: Dans le cas de M. Robidas.
M. Moreau: Dans le cas de M. Robidas, je peux vous dire cela. La
terre vaut 50 000 $ dans le cas de M. Robidas. Les animaux 3000 $, la
machinerie 13 000 $ pour un total de 66 000 $. Il y avait au départ 62
731 $ d'avoir net. À la fin il y avait minus, en négatif 35 000 $
d'avoir net.
M. Picotte: Un gros prêt.
M. Moreau: C'est un prêt moyen.
M. Picotte: Dans le dossier Boucher, après avoir
regardé les documents dans le dossier Boucher, il y a un
quatrième soumissionnaire qui a pu soumissionner après la date de
fermeture des soumissions soit après le 28 février 1984. C'est
habituel cela ou quoi? D'après le dossier que vous nous avez remis, le
28 février 1984, les soumissions étaient closes. Le 1er mars il y
a l'ouverture des soumissions officiellement. À ce moment, il y a trois
soumissionnaires qui s'appellent Roger Ménard, Jean-Claude Boucher et
Carmen Boissay et Yvan Brodeur, évidemment, qui sont ensemble. Le 18
avril 1984, les soumissions sont fermées. L'ouverture a
été faite. Le 18 avril 1984, une autre offre a été
reçue de Ferme Jacques Dupont & fils et Nicole Janson au montant de
35 900 $. Que vient faire le quatrième soumissionnaire après
l'ouverture des soumissions?
M. Moreau: C'est le processus que j'ai expliqué cet
après-midi. On fait un premier appel d'offres. Lorsque ce n'est pas
satisfaisant, qu'on ne trouve pas un prix acceptable, on fait un
deuxième appel d'offres, un troisième, un quatrième... On
refuse toutes les soumissions et on recommence, mais dans le cas Boucher, il y
a une particularité. C'est qu'on n'a pas assisté aux
règles du jeu. Les menaces qui ont été
proférées dans le dossier ont empêché, dans certains
cas, des gens de visiter et ont empêché les gens de faire une
offre valable. C'est la raison pour laquelle nous avons tout
arrêté, et nous serons obligés de procéder par
expulsion, comme dans d'autres cas, pour réaliser le dossier, le clore,
et ensuite faire un appel d'offres normal.
M. Picotte: À la suite des menaces, qu'est-ce que vous
avez fait comme office?
M. Moreau: À la suite des menaces - je vais certainement
vous dire ce qu'on a fait -nous avons renconté les personnes. Nous leur
avons demandé: Êtes-vous disposées à porter plainte
à la Sûreté du Québec? Elles ont dit: On a trop
peur. On a des affidavits au dossier. On a des affidavits avec des embargos. Le
dossier, vous l'avez.
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Moreau: Vous avez le dossier in extenso. On n'a rien
gardé, même les notes téléphoniques sont au dossier.
Nous avons tout remis à la commission. Là où il y avait
danger, on a mis un embargo. Je pense qu'on a pris nos responsabilités.
On a livré le dossier tel quel pour ne pas être taxé
d'envoyer des parties de dossier.
M. Picotte: Vous n'avez pas voulu référer le
dossier à la Sûreté du Québec comme office.
M. Moreau: II y a été référé
dans ce cas-là, ne vous inquiétez pas, sauf que, s'il n'y a pas
de plainte, que voulez-vous que la Sûreté du Québec fasse?
Il y a plusieurs cas dans ce dossier. Regardez les embargos qu'il y a dans ce
dossier. L'office a fait ce qu'il avait à faire. Il ne pouvait pas aller
plus loin. Dans ce qui reste, avec les moyens légaux qui nous restent,
nous allons procéder dans les prochaines semaines.
Une voix: Des menaces.
M. Picotte: Dites-moi si, chez vous, les pertes qui sont
comptabilisées par employé, afin que vous fassiez une
évaluation... Par exemple, dans certaines régions, s'il y a plus
de pertes que dans d'autres, vous faites l'évaluation de vos
employés par le fait même. S'il y a beaucoup plus de faillites ou
de liquidations dans telle région que dans telle autre, à ce
moment-là, cela vous permet de savoir si certains de vos employés
ont le oui plus facile.
M. Moreau: Ce n'est pas à jour. On n'en exclut pas la
possibilité. Je ne me suis pas livré à cet exercice pour
la bonne raison que, dans certaines régions, il y a du porc, dans
d'autres, il n'y en a pas. Notre pauvre conseiller régional, ce n'est
pas lui qui va fixer le prix du porc à Chicago. C'est la même
chose pour les grains. Il n'a rien à foutre là-dedans. Ce serait
injuste de dire: Tu as tant de pertes dans le porc, tu es un mauvais
employé. On va t'envoyer au purgatoire ou ailleurs. Je ne peux pas
souscrire à cela. On a une équipe qui est bien
préparée. Vous avez au dossier la préparation de notre
équipe. On a des critères d'admissibilité universels pour
l'ensemble du Québec, qui sont respectés. Je vous ai
donné, cet après-midi, le cheminement d'un dossier. Tous les
dossiers sont traités de la même façon, suivant le
même cheminement. Je ne connais pas une exception. À ce
moment-là, je pense que ce serait quasiment indécent que de
procéder à un exercice comme celui-là.
M. Picotte: M. le Président, je reviens au dossier
précédent. Ais-je bien compris? Vous m'avez dit qu'une
enquête avait été demandée à la
Sûreté du Québec dans le dossier Jean-Claude Boucher. Du
fait qu'il n'y avait pas de preuve, finalement, cela n'a pu aller plus loin que
cela. C'est cela que j'ai compris.
Une voix: Pas de plainte.
M. Picotte: Du fait qu'il n'y ait pas de plainte, oui.
M. Moreau: Il y a eu des contacts avec la Sûreté du
Québec, mais compte tenu que les gens n'ont pas voulu porter plainte,
c'est tombé.
M. Picotte: Mais le 28 mars...
M. Moreau: On a des affidavits au dossier.
M. Picotte: ...1984, M. Gilles Mongrain, directeur adjoint
à la Direction de la gestion des prêts a présenté un
mémoire à M. Normand Bellefeuille à la Direction de la
gestion des plaintes qui dit ceci: "En rapport avec cette affaire - là,
on parle du dossier Jean-Claude Boucher, portant le no 24997-9...
M. Moreau: La Sûreté du Québec, oui.
M. Picotte: ...permettez-moi de vous signaler qu'aucune demande
d'enquête n'a été
transmise à la Sûreté du Québec, section
crimes économiques, puisqu'il n'est fait mention d'aucune fraude dans ce
dossier et qu'aucune demande en ce sens ne nous a été transmise."
C'est une note de service de M. Mongrain.
M. Moreau: J'ai ici...
M. Picotte: Y a-t-il eu une demande à la
Sûreté du Québec ou non?
M. Moreau: Le 24 mai, j'ai "dossier référé
à la Sûreté du Québec". Il faudrait vérifier
si...
M. Picotte: Dans le même dossier, une personne chez vous
dit qu'il n'y a pas eu de demande à la Sûreté du
Québec et une autre dit qu'il y a eu une demande.
M. Moreau: On me dit que la fraude et les menaces, c'est d'autre
chose. Il faudrait vérifier cet aspect. J'ai une note ici à
savoir qu'il a été référé à la
Sûreté du Québec.
M. Picotte: II n'y a pas de fraude, il y avait eu menace.
M. Moreau: Ce n'est pas à nous à faire
enquête. Nous référons les dossiers, c'est à la
sûreté à faire son travail.
M. Picotte: Pouvez-vous me dire exactement où dans le
dossier noir que vous nous avez fourni on peut retrouver la deuxième
note que vous venez de me montrer du bout des doigts? Vous venez de me montrer
une...
M. Moreau: À la page 6.
M. Picotte: Dans notre dossier?
M. Moreau: À la page 6 du dossier sur l'historique. Ah! Ce
n'est pas le bon. Excusez-moi. Je ne veux pas induire la commission en erreur.
Je vais tourner la page.
M. Picotte: On ne le trouve pas nous ici.
M. Moreau: D'accord.
M. Picotte: On a peut-être un...
M. Moreau: Je m'excuse, j'ai fait erreur.
M. Picotte: ..."black list" différent des autres,
mais...
M. Moreau: Non, non. Ce n'est pas le même dossier, alors je
m'excuse. J'avais un autre dossier, attendez un peu.
M. Picotte: Je comprends qu'il manque des documents aux
grévistes dans leur dossier, mais nous, il n'est pas supposé nous
en manquer.
M. Moreau: D'accord. Cela me revient. Il y a eu une demande en
vertu d'un autre dossier. Il y a un embargo dessus. Ce n'est pas l'un des sept.
M. Boucher était impliqué et on a demandé à la
Sûreté du Québec de faire enquête pour
connaître le rôle de M. Boucher là-dedans.
M. Picotte: M. le Président, nous avons nous aussi dans
nos listes des documents qui sont signés embargo. Même si le
vôtre a un embargo, pourquoi ne se retrouve-t-il pas dans le nôtre?
Comme cela on n'a pas tous les documents.
M. Moreau: Vous avez tous les documents...
M. Picotte: C'est un autre dossier de M. Boucher.
M. Moreau: Non, non. Je vous ai dit que c'est dans un autre
dossier d'une personne qui n'est pas dans les sept. M. Boucher a joué un
rôle, vous l'avez dans les embargos à la fin de la Cour des
miracles et le Mouvement pour la survie. Je vais vous le trouver. C'est
pourquoi on a demandé à la sûreté de faire
enquête. Ce n'était pas sur son dossier à lui, mais son
rôle dans un autre dossier.
M. Picotte: Ne trouvez-vous pas qu'il aurait été
pertinent qu'on ait cette information?
M. Moreau: Vous l'avez, je vais vous la trouver, vous l'avez.
M. Picotte: II n'y a pas d'enquête de la
sûreté si c'est dans un autre dossier.
M. Moreau: Dans les cas de menaces, on est en contact avec la
sûreté. S'il n'y a pas de plainte de déposée, ils ne
font pas enquête. On a essayé d'avoir la collaboration de trois ou
quatre personnes et cela n'a rien donné.
M. Picotte: Je vais passer à un autre dossier; on va
arrêter de parler de menaces. On va finir par avoir peur nous aussi, de
ce côté.
M. le Président...
Le Président (M. Vallières): Je m'excuse, M. le
député de Maskinongé, votre temps est expiré.
M. Picotte: II me reste une question, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): S'il y a consentement,
c'est que...
M. Picotte: Une courte question.
Le Président (M. Vallières): Avec une
réponse très rapide, sans quoi.
M. Dupré: Si la réponse est aussi courte que la
question, d'accord.
M. Picotte: Pourriez-vous me dire, M. le Président,
combien il y a de dossiers en procédures chez vous au moment où
on se parle, comme des retards de paiement, de liquidations et de faillites.
C'est cela.
M. Moreau: Ce qui arrive et c'est pour cela que c'est bien
délicat dans ce sens, c'est que souvent le gars paie avant la vente au
shérif ou la veille ou le matin. Cela donne... Si je vous dis 20, il y
en a peut-être 5 qui vont décrocher sur les 20. C'est dans ce
sens-là. On peut vous le dire cela par expérience, maintenant le
nombre, on va le savoir probablement.
M. Picotte: Pour ne pas retarder indûment la
commission...
M. Moreau: Oui.
M. Picotte: ...s'il y avait moyen de faire parvenir aux membres
de la commission...
M. Moreau: Volontiers.
M. Picotte: ...les dossiers en procédures du
côté...
M. Moreau: Cela fait partie du rapport.
M. Picotte: ...liquidations, faillites et retards de paiement.
(20 h 15)
Le Président (M. Vallières): Très bien. La
parole est maintenant au député de Roberval.
M. Gauthier: M. le Président, ma première question
est assez globale. On a vu au cours des deux derniers jours - on a
étudié sept dossiers, plus particulièrement -que
différents intervenants sont plus ou moins responsables des
problèmes qui ont pu être vécus par ces agriculteurs. Je
voudrais savoir, en termes très clairs de la part du président de
l'office, sur les sept dossiers, dans combien de dossiers l'office a
été l'organisme qui, finalement, a tiré la "plug". Il y en
a combien que l'office a placés dans une situation de faillite, sur les
sept?
M. Moreau: Le cas Talbot, à la demande du prêteur,
vente au shérif le 3 mai; le cas Boucher, à la demande de
l'office, vente par le shérif le 31 août 1982; l'autre
c'était le 3 mai 1983. Il est indiqué qu'il était en
défaut depuis le 1er novembre 1981; Clément Brousseau, à
la demande du prêteur, l'OCA prendra des procédures à cause
des arrérages depuis mai 1983. Il y a eu, dans le cas Brousseau, si vous
vous rappelez, un "stop" parce que les paiements ont été faits et
on a repris par la suite pour cause d'arrérages. Les fermes Girouard,
à la demande de la Société du crédit agricole,
vente par shérif le 27 septembre 1984 -c'est tout récent; Marius
Montigny à la demande de la Société du crédit
agricole, vente par le shérif le 1er mai 1984. Ce n'est pas l'office,
c'est la Société du crédit agricole, les deux que je viens
de mentionner. Étienne Girardin, les procédures seraient
entreprises par la Société du crédit agricole. On met le
conditionnel parce que les informations, ce n'est pas quand il s'agit de nos
dossiers. Avec la société, on a d'excellentes relations, mais
pour l'échange d'informations - je ne fais pas de reproche en disant
cela - c'est assez fragmentaire. Yvon Robidas, à la demande de la
Société coopérative agricole de Saint-Félix, vente
par le shérif le 4 septembre 1984. C'est tout récent.
M. Gauthier: Si je comprends bien, dans le fond, l'Office du
crédit agricole est loin d'être responsable de tous les dossiers.
Même si ce sont tous des agriculteurs qui sont placés dans des
situations analogues, ce n'est pas nécessairement l'office dans tous les
cas qui...
J'aimerais savoir de votre part... Il y a une chose qui nous a
été dite par les agriculteurs et qui mérite, je pense,
d'être reprise ici. C'est ce que j'appellerai cette indélicatesse
qui nous a été retransmise de la part de certains agents de
l'office lorsqu'on est pour procéder à une liquidation. On nous a
dit - et j'aimerais avoir vos commentaires à-dessus - que les agents
sont plutôt difficiles, assez directs. Bon! On vend. On liquide. Tu n'es
plus capable de produire. Tu n'es plus capable de rencontrer tes obligations.
Il faut aller à l'encan. On vend ci. On vend ça, etc. On sait
qu'une situation comme celle-là est traumatisante pour n'importe qui,
quand tu perds les biens que tu as accumulés au cours des années.
Je voudrais savoir s'il existe - parce qu'il doit y avoir des plaintes,
j'imagine, qui sont formulées à l'office - un comité de
surveillance ou de supervision qui se charge de ce type de plaintes pour
vérifier si effectivement, parce qu'il peut arriver - la nature humaine
étant ce qu'elle est - que certains agents, pour une raison ou pour une
autre, n'utilisent pas une approche très humaine et très
appropriée dans les circonstances. Est-ce qu'un organisme
semblable existe?
M. Moreau: Un comité en tant que tel n'existe pas. Cela
fait partie, je pense, des attributions de chacun des gestionnaires. Le
conseiller en financement répond de ses activités au directeur
régional. Nous avons neuf directeurs régionaux. Quatre d'entre
eux de la région de Québec répondent de leurs
activités à un directeur adjoint, en l'occurrence M. Benoît
Dubuc qui, lui, est directeur adjoint à la direction du financement
agricole et les cinq autres de la région de Montréal
répondent de leurs activités à M. André
Saint-Aubin, qui est également directeur adjoint de la direction du
financement agricole. Ces deux messieurs répondent directement de leurs
activités à M. Jean-Paul Tremblay, qui est le directeur de la
direction du financement agricole lequel répond directement au
président. À l'intérieur même de la structure, vous
avez une autocensure. Cela fait partie du travail d'un bon gestionnaire
d'être attentif aux desiderata et aux doléances de la
clientèle. S'il y a quelque chose d'anormal, leur rôle est d'en
faire part. Cela peut venir jusqu'à mon niveau et, s'il y a lieu, je
fais faire enquête. Il y a eu des cas où on a eu des plaintes et
on a fait faire enquête. Je pense que c'est normal. Je peux vous assurer
qu'on prend toutes les mesures appropriées pour s'assurer, si les
plaintes sont fondées, qu'il y ait des changements.
M. Gauthier: D'accord. Il y a aussi un aspect qui, je vous
l'avoue, me travaille un peu. C'est que les agriculteurs qui sont venus
témoigner ont dit que l'office, quand il faisait un premier prêt
ou un prêt d'appoint, prenait en quelque sorte dans l'investissement
toutes les liquidités des agriculteurs, les laissant ainsi quelque peu
démunis pour faire face à des situations conjoncturelles un peu
difficiles et passagères. J'ai remarqué, dans votre document, que
vous dites... Si les députés de l'Opposition peuvent
écouter, on va peut-être se comprendre comme il faut. Vous ne
dérangez pas que moi.
Je voudrais savoir de la part du président... Dans votre
document, vous aviez décrit qu'on considère l'actif, les
liquidités du type en question. On investit. On prend la part qui
revient et on prête le reste. Je voudrais savoir s'il est exact que les
normes ou les critères que vous devez déterminer pour
établir le crédit font en sorte que les agriculteurs restent un
peu démunis de capital au moment où ils investissent?
M. Moreau: Si c'était cela, je vous dirais que ce serait
une bonne chose et que cela protégerait les gens contre eux-mêmes
peut-être. Mais cela ne va pas aussi loin que cela. Je m'explique. On en
a vu qui ont planté, qui ont plongé parce que,
précisément, ils avaient assez de latitude pour se mettre la
corde autour du cou. S'ils avaient été plus serrés, ils
auraient été obligés de demander l'autorisation
auparavant. Cela aurait peut-être été une bonne chose. Ils
auraient peut-être réfléchi davantage avant. C'est dans ce
sens que je dis que cela pourrait être une bonne chose, mais on ne va pas
jusque là.
Généralement, on prend les garanties que cela prend pour
garantir notre prêt. On n'est pas là, nous, pour handicaper les
gens. On est là pour développer l'agriculture. C'est notre
rôle, comme je l'ai expliqué cet après-midi. Mais c'est une
question délicate, vous savez. Pour le bonhomme qui est concerné,
on en prend toujours trop. Par ailleurs, il y a eu des hautes instances qui
nous ont dit d'être plus vigilants. Vous avez sans doute lu cela dans les
journaux. Que faire dans tout cela? Si on n'en prend pas assez, on est
blâmé. La crise dépend de nous autres parce qu'on n'a pas
été prudents. Par ailleurs, on nous dit: Vous en prenez bien
trop. Vous êtes trop "safe". Vous êtes constipés, etc. Que
faire dans tout cela finalement?
Ce que nous faisons, c'est qu'on a des normes - que je vous ai
mentionnées cet après-midi - et on essaie de demeurer dans
l'ordre du raisonnable et du réalisme pour permettre au gars de
développer son entreprise. C'est notre attitude. C'est une question
d'appréciation. D'aucuns vont dire que c'est trop et d'autres, que ce
n'est pas assez. Alors, on essaie, nous - in medio stat virtus - de jouer
là-dedans le mieux possible pour protéger l'agriculture et
l'agriculteur également.
M. Gauthier: Vous avez cette marge de manoeuvre quand même
qui vous permet d'exercer un jugement.
M. Moreau: Et, parfois, ce n'est pas facile. On a plusieurs
griefs depuis un certain temps. C'est qu'il y a des partages de garantie avec
la Société du crédit agricole. Il y a des chevauchements.
Il est arrivé qu'on dise: Allez demander à la
société pour voir s'ils vont donner main levée sur telle
garantie. La société va le dire et vice-versa. Remarquez bien que
je ne veux pas accabler la société, cela peut être dans
l'autre sens. On dit, non, on est à découvert si on fait cela.
Finalement, c'est tout cela.
Il y a aussi tout le dossier des quotas. Vous savez qu'on est
vulnérable dans certains dossiers là-dessus. Parce que qu'est-ce
qu'un quota justement? Si le bonhomme vend son quota ou le transfère,
pour nous autres, c'est de l'air. Je vous dis qu'on fait ce qui est
raisonnable, je pense. Quand on regarde ce qui se fait ailleurs, au
fédéral, dans les autres provinces et même dans les autres
pays, je ne pense pas qu'on soit plus
exigeant que les autres. Je pense qu'on est juste dans la norme, comme
un créancier hypothécaire ou un autre créancier doit faire
pour protéger ses garanties de prêt.
M. Gauthier: Dans le cas précis où M. Talbot, je
pense, nous avait déposé, sauf erreur, un pro forma qui avait
été fait par quelqu'un - je ne sais pas si c'est un agent de
l'office ou si c'est par un agronome du ministère, de toute façon
- j'aimerais avoir des éclaircissements là-dessus parce que ce
pro forma semblait, selon toute vraisemblance, lui garantir un revenu
assuré pour les années à venir. J'aimerais savoir ce qui a
pu se passer dans un cas comme celui-là pour qu'il se retrouve
acculé à la faillite aussi rapidement par la suite. Est-ce que
c'est parce que le pro forma était irréaliste? Ou est-ce qu'il y
a eu d'autres problèmes qui ont joué ou qui ne devaient pas jouer
au départ? Il s'agissait d'une projection de revenus...
M. Moreau: Ce que j'ai dans le dossier concernant le prêt
qu'on a fait, le 31 mai 1979 - il ne faut pas oublier que M. Talbot
était déjà à la Société du
crédit agricole; si ma mémoire est bonne, c'est en 1979; il a
commencé en 1977, si ma mémoire est bonne - il avait un avoir net
de 81%, un avoir net de 100 464 $, avant d'investir pour 115 000 $, parce que
c'était l'ordre de grandeur du prêt qu'on anticipait à ce
moment-là. Le 30 octobre 1981, son avoir net était de 18 420 $,
ce qui veut dire 5%. Il était baissé de 81%, avant le prêt,
à 5%. Il faut calculer, bien sûr, les 115 000 $ à
l'intérieur de cela. Je pense que vous avez dans votre dossier les
divers...
Je vais vous donner le budget qu'on avait au moment où on a fait
le prêt. Le revenu brut agricole était de 491 900 $ et les
dépenses totales, 353 600 $, ce qui faisait un excédent des
revenus sur les dépenses de 38 300 $. Ses paiements annuels
étaient de 11 150 $. Excellent cas. Nous étions tout à
fait justifiés de prêter. Vous avez entendu, cet
après-midi, les critères que nous avons établis. Excellent
cas. Par ailleurs, on a inversé la situation. Le 30 octobre 1981, le
revenu brut agricole était de 409 220 $ et les dépenses totales,
392 917 $, pour un excédent des revenus de 16 303 $, alors que les
paiements annuels -c'est là que le bât blesse - étaient de
34 125 $. Les commentaires, vous les avez au bas de la page: l'évolution
de la situation financière; le taux de mortalité, 7,5%, alors
qu'il se situe normalement à 2%; le coût des aliments par
tête s'établissait à 330 $, 1,5 fois plus
élevé que la normale; également, l'analyse des ventes de
bouvillon, de mars à octobre 1981, indiquait un prix moyen de vente de
0,62 $ la livre comparativement à un prix de vente moyen payé
à l'ensemble des producteurs de 0,77 $ la livre.
M. Gauthier: Là-dessus, je me souviens qu'en
réponse à une question, M. Talbot nous répondait qu'il
avait dû vendre prématurément compte tenu qu'on "tirait la
plug", pour employer l'expression, un peu trop vite. Est-ce possible?
M. Moreau: Écoutez! "Tirer la plug" un peu vite. Il faut
admettre que, dans le cas Talbot, il était en défaut. Si vous
consultez l'autre tableau, le tableau voisin, il était en défaut
depuis le 1er novembre 1981. On est en novembre 1984. Je pense qu'il a eu le
temps d'étudier certains scénarios et il y a eu pas mal de
tolérance et de la latitude, pour autant que cela nous concerne. On a
utilisé, comme je vous le mentionnais cet après-midi, la
même mesure, la même règle, avec la même
tolérance que dans d'autres dossiers.
M. Gauthier: Je vous remercie. Je vais permettre à mon
collègue de poser une question, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Tout en vous indiquant
qu'il restera deux minutes au député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Merci, M. le Président, pour les
deux minutes. Depuis le début de cette commission, divers intervenants
sont venus à la table et ont avoué que le crédit
spécial, cela a été seulement une façon de
prolonger l'agonie des personnes ou des entreprises. Vous devez avoir des
chiffres là-dessus. Combien y en a-t-il qui sont encore dans la
production et qui ont bénéficié du crédit
spécial et depuis quand? Combien y en a-t-il qui ont agonisé? (20
h 30)
M. Moreau: Des crédits spéciaux, il y en a eu huit
jusqu'ici. Vous avez eu les oeufs en 1972, les récoltes pour 34
comtés en 1972, les pluies excessives en 1974, tornades et glissements
de terrains en 1975, la sécheresse en 1975, le porc en 1980,
supplémentaire dans le porc en 1981 et les céréales en
1983. Dans le cas des oeufs, il y a eu exactement 89 prêts de consentis
pour 1 196 963 $. Il y a des pertes cumulatives pour 1983 $. Je pense que
l'expérience est excellente.
Le règlement no 2. 3555 prêts consentis pour un montant de
12 110 051 $. Un cas de perte et disons qu'il y a eu, en pertes cumulatives, 13
cas pour 15 712 $. 15 000 $ sur 12 110 000 $, il faut se rappeler que c'est un
crédit spécial de dépannage. Excellente performance.
Règlement no 3. Prêts consentis de 243 prêts pour 615
357 $. Je passe sous silence les subventions pour ne pas prendre trop de temps.
Les pertes cumulatives, deux cas,
pour 12 922 $ sur 615 000 $.
Règlement no 4. 46 prêts consentis pour 301 753 $. Aucune
perte.
Règlement no 5. Sécheresse. 106 prêts consentis pour
797 414 $, aucune perte.
Règlement no 6. Porc. 1980, vous avez eu 892 prêts pour 22
726 625 $. 26 pertes cumulatives, 26 dossiers, pour 695 813 $.
Crédit supplémentaire, porc, qui est encore plus
vulnérable que le premier parce que vous savez qu'il était
admissible à celui qui avait déjà emprunté. 210
prêts consentis pour 2 266 900 $. Deux pertes pour 19 650 $.
Les céréales. 143 prêts consentis pour 4 513 156 $.
Aucune perte enregistrée pour l'exercice au 31 mars à ce moment
parce que pour la perte il y a un délai. Il va y en avoir quelques-uns.
Il y a un délai bien sûr. Cela prend que la réclamation
soit produite et étudiée, etc.
L'ensemble des huit règlements, c'est au 31 mars dernier, vous
avez eu 5284 prêts pour 44 528 219 $. 44 prêts. Alors, 44 sur 5284,
44 prêts en défaut. Perte pour 746 080 $. C'est
l'expérience de nos crédits spéciaux depuis 1972.
Le Président (M. Vallières): Merci. Je vous
interromps à ce moment-ci. C'est que si on veut permettre à M.
Moreau de conclure, tel que nous l'avions convenu, il faudrait lui demander de
compléter l'exposé qu'il a commencé devant la commission
au début de ses travaux. Je m'excuse auprès des membres de la
commission.
M. Baril (Arthabaska): Est-ce qu'on me permet deux minutes, 30
secondes?
Le Président (M. Vallières): II faudrait demander
à M. Moreau s'il consent à donner de son temps pour que la
question soit posée.
M. Baril (Arthabaska): D'abord, je vais laisser aller. C'est
parce que j'aurais aimé cela que la commission m'accorde... Je n'ai pas
abusé du temps. Deux minutes ou je ne sais pas quoi.
Le Président (M. Vallières): Si de part et d'autre
les gens y consentent, pas de problème.
M. Baril (Arthabaska): Pour le temps qu'on m'accorde, je ne
voudrais pas non plus qu'on le prenne sur son temps à lui parce qu'on a
démontré au début, on a voulu démontrer une
certaine flexibilité.
M. Picotte: M. le Président, si le député
d'Arthabaska est prêt à faire ce que j'ai fait, on a consenti
tantôt au député de Maskinongé une courte question
avec une courte réponse, c'est ça, et si ça dure le temps
que cela a duré dans mon cas, je n'ai pas d'objection.
Le Président (M. Vallières): Cela va. Il faut
également mentionner qu'on a convoqué le ministre pour 20 h 30 et
j'aimerais qu'on puisse l'entendre.
M. Baril (Arthabaska): Cela va être court, garanti.
Le Président (M. Vallières): Très bien. M.
le député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Merci. M. Moreau, je ne veux pas faire le
bilan parce que cela me prendrait trop de temps, mais très rapidement,
en écoutant les réponses que vous apportez, si on analyse cela
d'un oeil un peu neutre, il ne semblerait pas y avoir de problème en
agriculture. J'aimerais que vous précisiez, dans toutes les
réponses que vous donnez, quels sont les problèmes. Si on regarde
les dossiers des sept grévistes, peu importe l'âge des personnes,
cela semble quand même un problème de relève agricole,
parce que, aujourd'hui, en ce qui concerne la relève, ce n'est pas
nécessaire d'avoir 20 ans pour s'établir sur une terre. Ma
question est celle-ci: Y a-t-il des problèmes en agriculture ou si
l'office dit: Tout va bien; tout est beau; le ciel est bleu et l'enfer est
rouge.
M. Moreau: II y a des problèmes en agriculture. Je l'ai
mentionné. Si vous vous souvenez, cet après-midi, j'ai ralenti et
j'ai insisté sur le fait qu'il y avait des problèmes en
agriculture. J'ai cité l'expérience dans le domaine du porc. J'ai
cité l'expérience dans le domaine des céréales et
j'ai cité l'expérience dans le domaine du vison. Il y a des
problèmes en agriculture. Il y a des problèmes chez les
agriculteurs en place. Il va y avoir encore des problèmes en agriculture
et il va y en avoir encore chez les producteurs en place, parce que cela exige
énormément de préparation, d'aptitudes de management.
Personnellement, c'est une des dimensions qui m'inquiète le plus,
davantage même que ceux qui accèdent à l'agriculture, parce
qu'il y a des gens qui étaient très bien préparés,
qui ont fait une grande partie de leur carrière dans ce secteur, qui
avaient des habiletés pour diriger, pour gérer une exploitation
de 70 000 $ ou 80 000 $ qui, dès qu'ils ont eu à faire un
investissement un peu plus substantiel, dès qu'il y a eu un changement
de cap, ont été dépassés.
Malheureusement, sur le plan humain, c'est parfois très
pénible. Il y en a des problèmes. On ne le cache pas. Des cas en
difficulté, on en a parlé. Les arrérages, on ne les cache
pas; on vous a donné des chiffres. C'est factuel, c'est
vérifiable. Il y
a des problèmes, sauf que j'ai dit que ce n'est pas
catastrophique. J'ai dit que la situation était préoccupante,
mais elle n'est pas catastrophique.
Vous parliez de la relève. Étudions les cas de ceux qui
ont abandonné. C'est important, parce que, chez les sept
grévistes, c'est révélateur le tableau que je vais vous
donner. Je pense que vous l'avez dans votre livre. Les grands succès, ce
sont les plus jeunes qui les ont. Si vous prenez les statistiques, ceux qui
s'établissent entre 18 et 24 ans, la proportion des abandons est de
1,7%, parmi l'ensemble de ceux qui ont abandonné pour
l'établissement. Si vous prenez ceux de 35 ans et plus qui se sont
établis, le taux d'abandon est de 12,6%. Il est sept fois
supérieur. Ils sont plus vulnérables pour plusieurs raisons.
Peut-être qu'ils suivent les conseils plus ou moins. Ils sont
structurés. On va les étudier les régions. Remarquez que
les dernières statistiques sorties sont récentes. C'est un
constat que nous avons fait. Cela me préoccupait. À la
lumière des cas que nous avons vécus ici, j'ai fait extraire des
statistiques sur l'âge des établissements, la "stratification"
à ces âges et ce que cela nous donne comme statistique. Cela
n'enlève pas le problème de la relève. Bien sûr, il
y a un problème de la relève, non pas en termes de contingent,
parce que, depuis 10 ans, il s'est établi en moyenne par année
1269 jeunes. Ce n'est pas en termes de contingent, c'est en termes de
problème de transférabilité de l'exploitation à
cause de l'envergure des exploitations. C'est la raison pour laquelle vous avez
des lois, des outils qui aident le jeune. Il suffit de penser à la LEJA,
par exemple, cinq ans sans intérêt qui, pour le prêt moyen
des agriculteurs - je pense l'avoir mentionné cet après-midi
-donne un intérêt de 4,5% je pense pour les cinq premières
années sur un prêt de 112 000 $ en moyenne sur le plan individuel,
ce qui est le prêt moyen pour les jeunes qui s'établissent. Il est
de 5,6%, lorsque c'est un groupe, parce qu'il y a un "mixture" avec d'autres
intérêts. La banque de terre qui commence est un autre outil qui
va permettre de favoriser la location et, par le biais de la location, le jeune
sera moins appelé à investir au niveau du fonds de terre. Cela va
lui permettre de consacrer plus d'énergie au niveau du cheptel, au
niveau de son exploitation, de la rotation des sols, etc., et il pourra
peut-être s'en porter acquéreur un peu plus tard.
Le Président (M. Vallières): Merci. Je demanderais
maintenant... Je m'excuse auprès du député d'Arthabaska,
je sais que c'est très intéressant, mais on a convenu de
certaines choses. Je demanderais maintenant à M. le président de
se servir du temps qu'on a mis à sa disposition pour conclure son
exposé. M. Moreau.
M. Camille-G. Moreau
M. Moreau: Je vais aller à bâton rompu. Vous
m'arrêterez quand mon temps sera écoulé. J'ai lu
très rapidement le texte. On dit, par exemple, que je terrorise mes
fonctionnaires. Je ne sais pas où cela a été pris et
pourquoi. Si tel était le cas, je vois mal comment mes fonctionnaires,
si j'enlève ceux qui étaient en vacances quand la pétition
a été adoptée, lorsqu'ils ont vu qu'une des demandes des
grévistes était la démission du président de
l'office, 90% des fonctionnaires m'ont envoyé... Je peux vous donner la
pétition, je vais vous la lire si vous permettez, M. le
Président. "M. le Président, conscients de difficultés que
traversent l'Office du crédit agricole du Québec et des attaques
injustifiées qui vous sont adressées personnellement et qui
tendent à mettre en doute votre intégrité et celle de
l'office, les soussignés désirent vous assurer de leur confiance
entière et de leur plein appui dans la lutte que vous avez entreprise
jusqu'ici pour faire éclater la vérité et dénoncer
les fauteurs de trouble. "Nous estimons que vous êtes la seule personne
à l'heure actuelle capable de faire face efficacement à la
situation provoquée par quelques personnes qui ne constituent qu'une
infime minorité. "Aussi nous désirons instamment que vous
demeuriez à votre poste et nous vous assurons de notre pleine confiance
et de notre entier appui actuellement et pour l'avenir."
Je peux la déposer si la commission le veut. Cela a
été signé à 90%. Si j'étais une personne qui
terrorise, si tel était le cas, les fonctionnaires auraient
été très heureux que je me fasse "knockouter".
Une autre point que j'aimerais rétablir. On a dit que je trompais
mon ministre. J'aimerais savoir quand et comment. Parce que, pour moi, la
loyauté n'a pas de compromis. On n'est pas loyal à 80%, il faut
être loyal à 100%. Je n'ai jamais fait de compromis
là-dessus et je n'en ferai jamais "over my dead body". J'aimerais
savoir, qu'on me donne des exemples, qu'on me donne des cas où j'ai pu
mentir à mon ministre, où j'ai pu mentir à la population
parce que je crois que j'ai une certaine loyauté aussi à
l'endroit de la clientèle qu'on a à desservir. Je ne peux pas
vous dire autre chose que cela. Qu'on me donne des preuves si tel est le cas.
Qu'on nous dise quand j'ai menti au ministre, s'il est vrai que je trompe le
ministre, que je trompe le public, que je trompe les agriculteurs. Je m'inscris
en faux contre de telles accusations. J'ai eu jusqu'à maintenant
d'excellentes relations avec les journalistes, ceux que j'ai eu le plaisir
de
rencontrer. Un journaliste du Soleil a écrit: "Les livres sont
ouverts". Il n'y a pas de cachette; ils sont les bienvenus. On a discuté
très librement. Je ne crois pas tromper les journalistes. Si tel
était le cas j'aimerais qu'on relève les points qui ont
été lancés dans ce sens-là.
Quant au dossier complet, on n'en a même pas. Comme j'ai
répondu cet après-midi à un des distingués membres
de la commission, nous avons la contrainte de la loi 65 et nous nous y sommes
conformés dans l'appréciation des documents que nous devions
remettre aux intéressés.
L'OCA ne discute pas, ne fait pas d'arrangement. Vous devriez voir le
temps, les heures, les soirées qui ont été
consacrées à étudier des cas problèmes. J'ai vu
à mon bureau pendant trois et quatre heures de discussion sur un
dossier, nonobstant les heures, nonobstant les repas. Un peu comme le
député le disait cet après-midi: même si on doit
reculer le lunch. Nous aussi, nous sautions le lunch pour le faire parce qu'il
s'agissait de la vie et de la carrière d'un agriculteur, de la famille
d'un agriculteur. Souventefois, plus qu'une famille, ce sont deux
générations. On était conscient de cela. On a vécu
des heures - je l'ai mentionné cet après-midi - difficiles. Toute
l'équipe de l'Office du crédit agricole est sensible à ces
situations et a vécu des heures difficiles. Je me dois de
défendre une équipe qui agit avec intégrité, qui
agit avec dynamisme et qui, à mon point de vue, constitue des
professionnels au vrai sens du mot, au sens "dedicated". (20 h 45)
Je ne peux pas laisser planer des soupçons de manque
d'intégrité, des soupçons de tromperie, que notre
équipe ne serait pas à la hauteur. Il suffit de voir les
exigences qu'on a pour notre équipe pour convenir que ces
soupçons ou ces accusations sont non fondées. On dit: "Dans une
allocution qu'il faisait devant les membres de la Fédération de
la relève agricole, M. Moreau a précisé que le taux
d'intérêt moyen pour un individu se situe à 4,5%." Je l'ai
répété encore tout à l'heure. Ce sont des
statistiques. Je ne pense pas avoir commis un crime de
lèse-majesté en disant cela. Ce sont des statistiques que nous
avons. Si on n'accepte pas les statistiques... Écoutez, c'est le langage
des chiffres. "Le taux d'emprunt sur l'ensemble de cet agriculteur qui veut
s'établir sur une ferme moyenne serait donc de Il % à 12% et non
de 4,5% comme le propagandiste Moreau le fait croire à la
relève." Sur un prêt de 100 000 $ ou 112 000 $ quelque chose -
j'ai mentionné le montant tout à l'heure - c'est un taux moyen de
4,5% ou 4,6%. J'ai des tableaux à cet effet. "L'OCA encourage de trop
grosses entreprises". Là-dessus, j'en ai glissé un mot cet
après-midi, on nous accuse d'assassiner les petites fermes et
d'assassiner l'agriculture.
Si vous l'avez lu - je souhaite, en tout cas, que les membres de la
commission aient lu le volume; moi, pour autant que je suis concerné, je
l'ai lu - c'est un fouillis d'accusations contre tout ce qui bouge,
truffé de sophismes, de mensonges, de complexes, d'incohérences
et servi par une prose laborieuse, une forme d'exhibitionnisme et une
opération de défoulement de mauvais goût. Bref, des
élucubrations à faire dormir debout. C'est mon opinion
après avoir lu ce bouquin. Il y a des mensonges là-dedans,
à peu près comme dans le document qui vous a été
remis hier. Aucune rigueur.
Je vais vous lire simplement un petit paragraphe pour dérider un
peu l'assemblée. Dans le petit poème du départ, on dit
pour montrer que cela trime fort etc.: "Peut-être ailleurs, bien loin
d'ici, pourrait-on construire un vrai pays et de l'aube jusqu'à
l'aurore." De l'aube à l'aurore, cela ne fait pas une journée
longue. Il faut comprendre que cela ne peut pas faire bien des journées
sur la ferme, parce qu'il y a quelques minutes... D'après mes
informations, l'aube, c'est quand c'est jaune or, l'aurore, c'est quelques
minutes après quand cela rougit et ensuite, le soleil pointe. De l'aube
à l'aurore, cela ne fait pas long pour travailler sur la ferme. Il ne
faut pas se surprendre des résultats. C'est truffer des mots pour des
mots, ce que j'appelle des élucubrations. Je regrette, je suis
peut-être sévère là-dessus, mais lisez-le. Je
souhaite que vous le lisiez. Vous allez porter un jugement par
vous-mêmes.
En tout cas, j'espère que... Les accusations qui ont
été lancées hier sont non fondées à mon
point de vue. Elles sont très graves. On m'accuse de manipulation. On
m'accuse de détournement de fonds pour des usages personnels. Je
voudrais voir un cent qui a été détourné pour usage
personnel. On m'accuse d'ostracisme à l'endroit des fonctionnaires. Je
pense que la preuve vient d'être faite tout à l'heure. Ce sont
toutes des accusations sans fondement, mais malheureusement, ce que je
déplore, bien sûr, c'est que cela ait un certain rayonnement, une
certaine résonnance. Mentez, mentez, il en restera toujours quelque
chose. C'est déplorable et j'espère que la commission aura
l'occasion peut-être de rétablir les faits.
Pour ma part, je peux vous assurer d'une chose: je demeure à
votre disposition. Je souhaite que la vérité sorte, la
vérité avec un grand "V" dans toutes ses dimensions et sous tous
ses angles, qu'elle sorte. Venez à l'office. Je souhaiterais que vous
veniez voir nos dossiers. Venez voir comment nous fonctionnons. Que la
commission se déplace et qu'elle vienne voir à
l'extérieur, dans nos régions, comment nous fonctionnons.
Venez
voir notre contact avec l'agriculteur. Venez voir comment le bureau
d'administration siège. Venez voir comment les offres sont ouvertes chez
nous, comment elles sont étudiées; vous allez voir que ce sont
des professionnels qui font une "job" de bons professionnels. En tout cas - je
m'excuse, M. le Président - je suis profondément meurtri par des
accusations sans fondement, de la foutaise. Je pense qu'on n'a pas le droit de
laisser démolir la réputation de gens qui travaillent
honnêtement et objectivement pour leur province, pour la classe agricole,
une clientèle pertinemment...
En tout cas, je peux vous dire que cela fait au-delà de 20 ans
que je travaille dans le secteur. M. Boucher dit dans son livre: "Grâce
à moi, Moreau a été vedette pour quelques semaines et
là, il est retourné dans l'ombre." "Grâce à moi".
C'est lui qui arrive en agriculture. Il est là depuis quelques
années et il s'imagine tout connaître en agriculture. Il savait...
La Terre de chez nous, souvenir 60 ans, a relaté la semaine
dernière la marche sur Québec, les événements, il
n'y a pas grand agriculteur au Québec qui n'a pas eu à faire avec
nous et qui ne nous connaît pas, soit personnellement ou soit par
personne interposée. Mais M. Boucher a eu la chance de faire
connaître, imaginez-vous, le président. C'est un tissu de
mensonges, de frustration, de défoulement. Je trouve cela très
grave. Je souhaite que ce soit un cas isolé et que ce soit une des
seules fois que la démocratie puisse permettre des écarts, des
abus d'une telle nature qui me paraissent extrêmement graves.
Ceci étant dit, M. le Président, je ne veux pas abuser du
temps que la commission m'a accordé. Je vous remercie infiniment pour
l'attention que vous nous avez accordée. Je l'ai dit ce matin: de nous
avoir invités d'abord. Je vous remercie de nous avoir
écoutés. Je vous remercie pour la patience que vous avez
manifestée. Je m'excuse si, à certains moments,
l'émotivité l'a emporté. Pour celui qui subit ces
choses-là, cela fait mal.
Il y a une chose que je pourrais laisser avant de quitter. J'ai ici une
lettre que M. Boucher m'avait adressée. Il l'avait envoyée
à 26 médias d'information. J'ai répondu à M.
Boucher. Mais plusieurs journalistes m'ont appelé pour me dire qu'ils
n'ont pas eu la réponse. Est-ce que je pourrais laisser cette
réponse à la commission? Pour les journalistes qui, eux, avaient
reçu la lettre de M. Boucher et peut-être même pour le
public qui aurait pu avoir pris connaissance dans une certaine mesure de la
lettre qu'il m'avait envoyée. Je pense que si on n'a pas peur de donner
les deux côtés de la médaille, si on veut être
objectif, la réponse devrait également être adressée
aux journalistes qui ont eu la chance d'avoir la première lettre. Si la
commission m'y autorise, je déposerai volontiers ce document à la
commission.
Sur ce, je vous remercie, M. le Président, encore une fois. Si,
éventuellement, vous avez besoin de statistiques ou de la collaboration
de l'office, soyez assurés qu'elle vous est acquise. Merci bien.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. le
président. Je rappelle aux gens qui sont dans la salle qu'on n'a pas le
droit de manifester. Je veux également indiquer à M. Moreau que
le document qu'il nous a présenté il y a quelques minutes, qui
comporte une en-tête de requête, peut être
considéré comme étant déposé devant la
commission. Pour ce qui est de l'autre document, je vais le regarder et je
pourrai statuer sur son dépôt comme tel.
En terminant, habituellement, on permet aux deux formations politiques
en présence de conclure sur les témoignages qu'on a entendus. Je
demanderais au député de Maskinongé de
procéder.
Conclusions sur les auditions M. Yvon Picotte
M. Picotte: Merci, M. le Président. Je ne voudrais pas
m'aventurer au point de discuter du livre de M. Boucher. D'abord, je ne l'ai
pas lu. Il me semble que s'il y a matière à libelle
là-dedans, les gens concernés peuvent toujours porter une plainte
de ce côté-là. Je ne veux pas aborder cet aspect.
Je me dois de vous dire que je m'étais posé plusieurs
questions sur cette commission quand, au début, j'ai
présenté une motion pour étudier l'endettement en
général de l'agriculture au Québec et des agriculteurs.
Évidemment, cette motion a été changée et elle est
devenue la motion d'un autre membre de la commission, d'un membre du parti au
pouvoir, qui voulait qu'on étudie les dossiers des sept
grévistes. J'avais dit à la commission à ce
moment-là que j'avais beaucoup de réticence à
l'étude de ces sept dossiers, pour la raison suivante: C'est qu'il faut
penser que si, au Québec, il y avait sept autres personnes qui avaient
été refusées par l'Office du crédit agricole et qui
décidaient de faire la grève de la faim un bon matin, on serait
probablement obligé de se réunir en commission chaque fois que
ces choses surviendraient. C'était un dangereux
précédent.
Il y avait aussi le fait et là-dessus, je rejoins un peu ce que
M. Moreau a dit tantôt. C'est pourquoi j'ai pris la peine de faire
assermenter les témoins à l'ouverture de la commission. J'ai
demandé qu'on assermente les témoins. Je pense que les
réputations des gens sont importantes. Elles ne peuvent pas
être charriées à gauche et à droite. C'est pour cela
que la commission, à mon avis, ne pourra pas conclure ce soir. Surtout
pas. Parce que, effectivement, on a des versions contradictoires. Il va falloir
à tout prix que le Parlement du Québec - si notre commission peut
servir de modèle à cet effet, je serai un de ceux qui en seront
heureux - puisse statuer à un moment donné sur
l'imputabilité des témoins qui sont appelés à venir
en commission parlementaire.
J'espère, M. le Président, pour rendre justice peu importe
à qui... Selon ma conception, si on me demandait de porter un jugement
ce soir, je suis en face d'une foule de personnes qui sont venues prêter
serment et qui nous ont donné des versions contradictoires. Il va
falloir trouver une vérité quelque part. Là-dessus, je
m'associe à vous pour dire qu'effectivement il faut trouver la
vérité quelque part. C'est le message que je veux laisser en
terminant.
Je vous remercie, de même que votre équipe, d'être
venu éclairer la commission.
Le Présidant (M. Vallières): Merci, M. le
député de Maskinongé. La parole est maintenant au
député de Saint-Hyacinthe.
M. Maurice Dupré
M. Dupré: Merci, M. le Président. D'abord, je
voudrais rafraîchir la mémoire du député de
Maskinongé. Lorsque nous avons reçu l'avis de convocation de la
séance de travail, le député de Maskinongé avait
demandé la tenue d'une commission parlementaire pour étudier le
cas des sept grévistes. Si, par la suite, vous avez changé
d'idée et vous avez présenté à la commission une
motion qui était tout à fait différente du premier avis de
convocation...
M. Picotte: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Vallières): Question de
règlement, M. le député de Maskinongé.
M. Picotte: Ce ne sera pas long, parce que je ne veux surtout pas
engager de débat. Vous vous souviendrez, M. le Président,
qu'à la suite des grévistes de la faim, j'avais demandé
que la commission se réunisse. Par la suite, je suis arrivé ici
même en commission avec une motion bel et bien structurée dont on
peut n'importe quand, puisque c'est inscrit dans nos procès-verbaux, en
relever le texte. J'avais cette motion avec moi dans le but de la
présenter ici à la commission. Évidemment, il y avait eu
une interprétation. C'est à la suite des cas qui étaient
déposés sur la table que j'avais demandé la convocation de
la commission, mais le sens de la motion, ce n'était pas
d'étudier ces cas-là. La motion, je l'ai apportée avec
moi. J'ai voulu qu'on en débatte et on m'a dit tout simplement que cette
motion, on ne l'acceptait pas.
M. Dupré: M. le Président, question de
règlement.
M. Picotte: J'avais une motion bel et bien faite.
Le Président (M. Vallières): Oui, une question de
règlement.
M. Dupré: Est-ce que nous avons ici, dans les dossiers,
l'avis de convocation demandé par M. le député de
Maskinongé?
M. Picotte: M. le Président, sur la même question de
règlement.
Le Président (M. Vallières): Un instant, s'il vous
plaît!
M. Picotte: L'avis de convocation avait été
expédié par le secrétaire de la commission et non pas par
le député de Maskinongé.
M. Dupré: À votre demande, M. le
député de Maskinongé.
Le Président (M. Vallières): S'il vous
plaît!
M. Picotte: Et ma demande de convoquer la commission.
Le Président (M.Vallières): À l'ordre! M.
Dupré: Sur le cas des sept grévistes.
Le Président (M. Vallières): Je m'excuse.
M. Dupré: Cela dit, M. le Président...
Le Président (M. Vallières): Je me permets de vous
rappeler que nous sommes en commission pour discuter d'un sujet bien
précis dont le mandat a d'ailleurs été accepté par
la double majorité, donc par la majorité des membres
présents ici à cette commission. Par conséquent, je
demanderais au député de Saint-Hyacinthe de bien vouloir
conclure.
M. Dupré: M. le Président, je voulais simplement
relever l'anomalie du député de Maskinongé. Je profite de
l'occasion, M. le président de l'office, pour vous remercier. Je
comprends que ce n'était pas un travail facile. Cela a été
tout de même ardu, mais je suis persuadé que vous avez
apporté à cette commission des éclairages nouveaux. Je
suis d'accord qu'on n'a peut-être pas fait la
lumière sur tous les points. L'agriculture, c'est complexe: les
prêts, l'endettement, la relève. On aura l'occasion, au cours de
l'automne et de l'hiver prochains, d'étudier la relève agricole
et le financement de l'agriculture au Québec. Au nom de ma formation
politique et comme vice-président de la commission, je vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Picotte: M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: J'aimerais revenir sur une question de
règlement parce que je pense que j'ai le droit de rétablir les
faits. Vous allez me permettre de lire exactement le télégramme
que je vous ai fait parvenir ainsi qu'au vice-président,
télégramme expédié à neuf heures, le 28
août 1984. Il se lit comme suit: "M. le Président,
considérant la situation alarmante qui touche présentement les
productions porcine, bovine, maraîchère et les grandes cultures;
considérant l'endettement élevé des producteurs
engagés dans ces secteurs; considérant particulièrement la
situation inquiétante des grévistes de la faim de
Saint-Cyrille-de-Wendover, je vous demande, au nom de l'Opposition officielle
à l'Assemblée nationale, de convoquer dans les meilleurs
délais les membres de la commission parlementaire de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation. "La tenue de cette commission permettra
d'étudier les modalités contenues dans les programmes de l'Office
du crédit agricole du Québec afin de recommander à
l'office les correctifs qui s'imposent dans les productions porcine, bovine,
maraîchère et les grandes cultures. La commission devra donc faire
comparaître à cet effet le ministre québécois de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ainsi que le
président de l'Office du crédit agricole." Il n'était
même pas question de faire comparaître les grévistes de la
faim dans la demande que je vous ai expédiée par
télégramme à 9 heures le 28 août 1984, signé
par le député de Maskinongé, porte-parole de l'Opposition
officielle, dont la copie a été expédiée en bonne
et due forme à votre vice-président qui n'a pas le droit
d'ignorer cela puisque le vice-président, c'est le député
de Saint-Hyacinthe; copie à M. Maurice Dupré, 1775 des Cascades,
Saint-Hyacinthe, J2S 3J2.
Une voix: Numéro de téléphone.
M. Picotte: Oui, numéro de téléphone,
514-773-1171. M. le Président, moi je vous ai demandé de
convoquer la commission comme cela. Je ne sais pas qui a convoqué la
commission, mais la demande était exactement cela. C'est confiné
au journal des Débats. Vous pourrez vous-même en prendre
connaissance. Il n'est nullement question des grévistes de la faim. Il
n'est même pas question de les entendre.
M. Dupré: Nous avons reçu comme membres de cette
commission un avis de convocation. "Aux membres de la commission de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. À la demande du
président de la commission, M. Yvon Vallières, veuillez prendre
note que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation se réunira en séance extraordinaire de travail, le
mercredi 29 août 1984, à compter de 16 heures, à la salle
80 de l'Hôtel du Parlement. À l'ordre du jour: Demande du
député de Maskinongé, M. Picotte, concernant le
problème des grévistes de la faim de Saint-Cyrille-de-Wendover et
du financement agricole."
Le Président (M. Vallières): Signé par qui,
s'il vous plaît?
M. Dupré: Doris Arsenault, secrétaire de la
commission.
M. Picotte: M. le Président, sur la même question de
règlement. J'aimerais que vous fassiez porter le blâme au
secrétaire de la commission et non pas au député de
Maskinongé.
M. Dupré: M. le Président...
Le Président (M. Vallières): ...vos
éclairages respectifs.
M. Dupré: Question de règlement.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Lors de cette réunion, il y a eu un
amendement et je le lis: D'ajouter à la fin de la proposition... Comme
vice-président, j'avais fait une proposition d'étudier les
dossiers. M. le Président...
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît! S'il vous plaît, à l'ordre.
M. Dupré: Le vice-président a...
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Le vice-président...
Le Président (M. Vallières): Je pense être
suffisamment éclairé. Ce n'est pas le
but de notre commission. Nous pourrons discuter du mandat de la
commission lors d'une prochaine séance de travail. Le ministre est
convoqué. Nous avons clos nos discussions là-dessus.
M. Dupré: M. le Président, je pense que ce n'est
pas une question d'être éclairé. Il s'agit de savoir la
vérité. Le député de Maskinongé a
ajouté: "D'entendre à cette fin et dans l'ordre suivant les sept
grévistes concernés, l'UPA, l'Office du crédit agricole et
le ministre de l'Agriculture." C'est une proposition même du
député de Maskinongé.
Le Président (M. Vallières): Je vais indiquer aux
médias d'information à qui on avait fait remarquer de ne pas
prendre de prises de vue, entre autres, pendant que les travaux se
déroulaient que nous allons suspendre pour cinq minutes et leur
permettre, au début de l'audition ,du ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation de faire des prises de vue. Nous
suspendons pour cinq minutes, le temps de changer l'air.
(Suspension de la séance à 21 h 3)
(Reprise de la séance à 21 h 12)
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation reprend ses travaux. Je voudrais, à ce moment-ci, compte
tenu que, dans les dernières interventions auxquelles nous avons
assisté, on a eu l'occasion de parler du mandat de cette commission - je
l'ai déjà lu à plusieurs reprises - et compte tenu que la
présidence est concernée par l'avis de convocation qui a
été envoyé au membres afin de réunir la commission
parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, vous
indiquer qu'effectivement, le télégramme que le
député de Richmond et président de cette commission a
reçu mentionnait bien que le député de Maskinongé
demandait: "Je vous demande, au nom de l'Opposition officielle à
l'Assemblée nationale de convoquer, dans les meilleurs délais,
les membres de la commission parlementaire de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation. La tenue de cette commission permettra
d'étudier les modalités contenues dans les programmes de l'Office
du crédit agricole du Québec, afin de recommander à
l'office les correctifs qui s'imposent. La commission devra donc faire
comparaître à cet effet le ministre québécois de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, ainsi que le
président de l'Office du crédit agricole du Québec."
Signé par Yvon Picotte, député de Maskinongé.
Je veux également indiquer que l'avis de convocation tel que lu
tantôt par le député de Saint-Hyacinthe et
vice-président de cette commission mentionnait qu'à l'ordre du
jour, il y avait une demande du député de Maskinongé
concernant le problème des grévistes de la faim de
Saint-Cyrille-de-Wendover et du financement agricole. Il était
signé par le secrétaire de la commission, M. Doris Arsenault.
Je dois vous dire que l'ordre du jour, tel que présenté
là, c'est évidemment un résumé qu'a voulu faire le
secrétaire et, conséquemment, interpréter possiblement le
télégramme que nous avait remis le député de
Maskinongé. Ceci étant dit, le président devait et pouvait
convoquer la commission, chose qu'il a faite et, à la suite des
nombreuses heures de travail qu'on a consacrées à l'étude
de notre mandat, heureusement pour notre commission, nous avons accouché
d'une motion qui a été adoptée à l'unanimité
de tous les membres présents à la commission. J'ose
espérer que, compte tenu du climat qui a prévalu au cours de ces
séances, on pourra continuer dans un climat plus serein peut-être
et entendre le dernier intervenant, le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, et dans le meilleur climat possible pour
tous.
M. Picotte: M. le Président, je vous remercie d'avoir fait
la correction qui s'impose. Je tiens à vous dire que je n'en tiens pas
rigueur ni au secrétaire ni à personne. C'était une
première expérience, mais la correction étant faite, je
l'accepte et, à ce moment-là, je suis prêt à ce
qu'on écoute le dernier intervenant en appliquant le processus
habituel.
Le Président (M. Vallières): Oui. Auparavant, je
voudrais indiquer aux médias que, une fois écoulées les
quelques minutes qu'on leur accorde, on pourra procéder. Je demanderais
maintenant au secrétaire de la commission de bien vouloir
procéder à l'assermentation du prochain témoin qui est le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Dupré: Objection, M. le Président. Question de
règlement.
Le Président (M. Vallières): Oui, M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation étant député, il a
prêté serment dans un premier temps. Il a aussi prêté
serment comme ministre. Je ne vois aucunement l'utilité de devoir
l'assermenter à nouveau aujourd'hui. Si on se rappelle la commission de
la Baie James, tous les témoins avaient été
assermentés; lorsque le premier ministre est venu pour
témoigner, il n'a pas été assermenté ayant fait un
serment comme député et un autre comme premier ministre.
M. Picotte: M. le Président...
Le Président (M. Vallières): Oui, je pourrais
entendre maintenant le député de Maskinongé sur la
question de règlement.
M. Picotte: On m'informe... Je suis prêt à ce qu'on
suspende pour que vous puissiez faire les vérifications qui s'imposent
à savoir si le premier ministre du Québec, lors de la commission
parlementaire de la Baie James, a prêté le serment devant les
caméras tel qu'on le lui avait demandé. Si c'est exact, je ne
verrais pas pourquoi on dégagerait le ministre de l'article 52 de la
loi. Si vous n'avez pas cette information pertinente, il y aurait lieu de
suspendre pour la vérifier afin qu'on puisse prendre une décision
à cet effet.
Le Président (M. Vallières): Je vous remercie de
vos éclaircissements. Je veux immédiatement m'excuser
auprès des gens qu'on a à entendre, mais le genre de commission
que nous tenons est nouveau. Chaque fois qu'arrive une décision
nouvelle, on crée jurisprudence. Ce qui fait que je vais vous demander
que l'on puisse suspendre pendant quelques minutes, le temps de vérifier
ce qu'on m'a dit de part et d'autre et rendre une décision à la
suite de ce délibéré.
Nous suspendons donc pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 21 h 17)
(Reprise de la séance à 21 h 30)
Le Président (M. Vallières): La commission de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses
travaux.
Je voudrais à ce moment-ci vous lire l'article 52 de la Loi sur
l'Assemblée nationale qui dit ce qui suit: "Le président ou tout
membre de l'Assemblée, d'une commission ou d'une sous-commission peut
demander à une personne qui comparaît devant elle de prêter
serment ou de faire la déclaration solennelle prévue à
l'annexe 2." On a fait allusion à cet article du règlement
tantôt. Le député de Saint-Hyacinthe, de son
côté, a fait allusion à une commission qui a porté
sur LG 2 qui a siégé de mars à juin 1983, si ma
mémoire est fidèle, où le premier ministre du
Québec, qui avait aussi été assermenté, n'aurait
pas été dans l'obligation de prêter le serment comme tel.
J'ai vérifié au journal des Débats du 2 juin 1983 et je
veux citer ici le premier ministre lui-même, puisque sa comparution avait
été l'objet de pareille discussion au sein d'une autre
commission. Le premier ministre a donc fait la déclaration suivante et
je cite M. Lévesque: "Oui, M. le Président, la toute petite
hésitation que j'avais à reprendre sous une autre forme, à
peu près l'essentiel des trois ou quatre serments d'office que j'ai
déjà eu l'occasion de prêter, c'est qu'on crée ici,
je crois, un précédent qui, probablement ou possiblement,
pourrait affecter mes successeurs, mais je n'ai pas la moindre objection. Pour
simplifier, je pourrais fort bien prêter serment, mais je me contenterai
de jurer ou plutôt de déclarer solennellement que je dirai ici
toute la vérité et rien que la vérité."
Là-dessus, j'ai l'intention de demander au ministre de
l'Agriculture s'il consent à faire comme son premier ministre et se
contenter de jurer ou de déclarer solennellement qu'il dira ici toute la
vérité et rien que la vérité, tel que le
précise la déclaration solennelle contenue à notre
règlement. Je pose la question au ministre.
M. Garon: M. le Président, comme je n'ai jamais
été libéral avec la vérité, je n'ai aucune
objection à me conformer à l'article 52 et à dire que je
n'entends dire que la vérité, toute la vérité, rien
que la vérité.
Le Président (M. Vallières): Je remercie M. le
ministre. Je veux indiquer aux membres de la commission que nous sommes
déjà à 21 h 30 et que nous avions convenu de prendre deux
heures. Je veux indiquer à M. le ministre qu'il dispose d'une
période d'une heure pour procéder à son exposé et
que par la suite, nous procéderons à une période de
questions en partageant également le temps entre les deux formations
politiques à cette table. Là-dessus, M. le ministre, aviez-vous
un texte à proposer à la commission ou si vous en faites
lecture?
M. Garon: Je n'ai pas de texte. J'ai des notes.
Le Président (M. Vallières): Très bien. M.
le ministre, vous avez la parole.
Le témoignage du ministre M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, la commission permanente de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation est réunie
depuis deux jours pour examiner le cas de sept producteurs agricoles qui ont
choisi le moyen de la grève de la faim pour attirer l'attention du
public sur leurs déboires. Je respecte la décision de la
commission qui, dans un souci humanitaire, a décidé d'entendre
ces personnes et pour ce faire, de mobiliser des ressources très
importantes pour étudier quelques cas particuliers, alors
qu'il est déjà prévu depuis plusieurs mois qu'elle
aura prochainement à se pencher de façon beaucoup plus exhaustive
sur le financement et la relève agricole, puisque cette décision
a été prise dès le printemps 1984. D'ailleurs, des
députés de cette commission avaient demandé si j'y voyais
quelque objection et au contraire, j'ai dit: Comme nous entamons actuellement
un processus de discussion et de consultation sur la refonte des lois du
crédit agricole, que ce soit le thème de la commission cette
année, ce serait une très bonne chose. C'est pourquoi les
sparages des semaines ou des mois derniers concernant les...
Les nouvelles que j'entendais encore à la
télévision, tout à l'heure, ne sont pas conformes à
la vérité, puisque la décision de faire siéger
cette commission a déjà été prise depuis le mois de
mai en complet accord avec... Au contraire, j'avais suggéré au
député qui m'en avait parlé que c'était une
très bonne idée puisque nous étions dans un processus de
consultation sur le crédit agricole et que cela devrait
intéresser la commission.
Je ne puis toutefois que condamner le recours à la grève
de la faim comme moyen de pression dans notre société. Cela
équivaut à une prise d'otages où les victimes et les
agresseurs ne font qu'un. Les grévistes de la faim ont misé sur
un phénomène, à mon sens, déplorable, mais qui est
très réel dans notre société: l'attrait du
sensationnel sur les médias d'information. En huit ans, au
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation,
aucun événement n'a suscité autant d'appels de la part des
journalistes. Fait à souligner, les journalistes qui suivent
habituellement les dossiers agricoles ne se sont pas intéressés
outre mesure à ce dossier. Ceux qui ont appelé étaient
pour la grande majorité des personnes qui communiquaient avec nous pour
la première fois. Il y a là un phénomène sur lequel
nous devrons nous interroger comme société. Est-il normal que les
médias d'information puissent être aussi facilement
transformés en gigantesque instrument de pression sur les pouvoirs
publics par quelques individus qui posent des gestes
désespérés?
En toute justice pour l'ensemble des citoyens, le gouvernement peut-il
accepter d'accorder un traitement de faveur à des personnes qui font du
chantage avec leur propre santé ou avec leur propre vie? On a
été habitué à voir des grèves de la faim
dans les pays totalitaires, de la part de personnes qui luttent pour leur
liberté. Nous ne sommes pas un pays totalitaire et ce pourquoi les
ex-grévistes jeûnaient, ce n'était pas pour leur
liberté ou leur vie mais pour qu'on leur redonne des biens qu'ils
avaient perdus à la suite de difficultés financières.
J'aimerais situer la présente commission dans le processus en
cours de réexamen du financement agricole. J'ai indiqué
précédemment que la commission parlementaire de l'agriculture,
des pêcheries et de l'alimentation se penchera dès cet automne sur
la question de la relève agricole et le financement agricole sera au
centre des délibérations.
J'ai bien apprécié la suggestion de l'Union des
producteurs agricoles, ce matin, de tenir une conférence
socio-économique sur le financement agricole. Je suis d'accord avec ses
porte-parole pour dire que c'est un forum beaucoup plus approprié que la
présente commission pour étudier l'ensemble du dossier dans la
perspective d'une refonte de nos lois de crédit agricole. J'aimerais
rappeler à l'UPA que cela fait plus d'un an que le processus de
consultation et de préparation des documents en vue de cette
conférence est enclenché.
J'ai, personnellement, dans le but de faire cette conférence,
assisté à six séances de consultation régionale
avec des agriculteurs de la base: à Lévis, le 17 novembre 1983,
pour la région entourant Québec; à Buckingham, le 1er
décembre 1983; à Rimouski, le 8 décembre 1983; à
Alma, le 15 mars 1984; à Amos et Noranda, le 22 mars 1984. Dans toutes
ces réunions, le président de l'Office du crédit agricole,
le sous-ministre de l'Agriculture, les sous-ministres adjoints, à peu
près tous, de même que le président de la Régie des
assurances agricoles, étaient présents. Il reste une
séance de consultation à tenir avec les agriculteurs anglophones
de la région de l'Outaouais et aussi des consultations avec les
institutions, c'est-à-dire les organismes représentant les
agriculteurs et les prêteurs, qui ont déjà fait l'objet de
consultation mais qui sont en train d'être complétées.
C'est un travail colossal qui est entrepris et je n'ai pas l'intention
d'escamoter aucune de ces étapes puisque la Loi sur le crédit
agricole est une des lois les plus importantes de toutes les lois agricoles
qu'il y a au Québec. C'est sans doute pourquoi le premier ministre
Duplessis aimait bien dans le temps l'amender chaque fois devant le Parlement
pour augmenter les montants qu'il affectait au crédit agricole. Il
savait à quel point ces mesures étaient populaires. Cela
enrageait bien les libéraux du temps de voir le premier ministre
proposer des amendements à chaque session. Cela lui permettait en
même temps de montrer un peu ce qui se faisait.
J'aurais aimé aussi que la commission invite la
Société fédérale de crédit agricole à
venir - parce que si on vit dans un pays démocratique, les institutions
fédérales peuvent venir aussi - rencontrer la commission
parlementaire, puisque, sur les sept personnes qui ont été
touchées par cette grève de la faim, on peut dire qu'il y en a
trois et demie - parce que ce dossier
n'était pas seulement à l'Office du crédit agricole
- si on veut, à l'Office du crédit agricole et aussi trois
dossiers à la Société fédérale de
crédit agricole. Je suppose que, comme la société
fédérale ne touche pas tout le monde dans ce Parlement, l'on ne
voyait pas le même intérêt. Je suppose que cela fait partie
des motifs partisans.
J'aimerais dire également, concernant M. Moreau, qu'en huit ans
comme ministre, chez les cinq fonctionnaires les plus travaillants, sur
près des 4000 qu'il y a au ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, M. Moreau est sûrement l'un des
cinq. Je ne me rappelle pas avoir appelé à toute heure à
son bureau, dans la soirée, le samedi, le dimanche, parfois tard dans la
soirée et, à moins qu'il ait été en réunion
quelque part, je ne me rappelle pas avoir manqué M. Moreau à son
bureau. C'est l'un des fonctionnaires les plus travaillants, les plus
dévoués. Je peux dire, et je le dis assez facilement puisqu'il
est entré à l'Office du crédit agricole en 1967 sous
l'Union Nationale, qu'il a été secrétaire et conseiller
juridique et qu'en 1969, il a été régisseur en plus
d'être conseiller juridique. En 1972, il était nommé
président. Son mandat a été renouvelé en 1980
à la présidence de l'Office du crédit agricole. Sur ce
plan, je ne pense pas qu'on puisse dire grand-chose de mal. Il avait
l'expérience puisqu'il a été nommé, en 1961,
à la Banque d'expansion industrielle.
Si je dis tout cela, M. le Président, c'est parce que je n'ai pas
senti que personne se sentait un certain devoir moral de faire aussi la
contrepartie pour M. Moreau. En 1963, il était à l'UPA comme
secrétaire, un poste qui équivalait au secrétaire adjoint.
En 1965, il a été secrétaire de la Commission royale sur
l'agriculture qu'on a appelée la commission April. J'espère que
tous ces gens-là ne se sont pas trompés sur M. Moreau. Il a fait
l'objet de plusieurs nominations importantes au cours de sa
carrière.
Quant à moi, j'ai trouvé en M. Moreau quelqu'un de
très travaillant, très dynamique, je dirais très
convaincu. Vous l'avez connu; plusieurs d'entre vous le connaissent. Quand il
est convaincu de quelque chose, il est vraiment convaincu. Aussi, nous avons eu
de nombreuses discussions ensemble. On ne partageait pas le même point de
vue, mais on pouvait avoir une discussion véritable sur un
problème pour lequel lui ou d'autres ne partageaient pas le même
point de vue, pour arriver à des consensus pour le meilleur
développement en agriculture.
C'est pourquoi, si les commissions parlementaires, avec la nouvelle
réglementation, permettent le genre de spectacle qu'il y a eu ici
récemment, mais qui touche les individus, j'ai l'impression que ce
nouveau règlement ne fera pas fureur dans les annales de l'histoire
parlementaire du Québec et que ce ne sera pas non plus à
l'honneur de la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries
et de l'alimentation.
Quant à moi, j'aimerais vous dire quel a été, au
cours des dernières années, le développement de
l'agriculture, la performance de l'agriculture québécoise durant
des périodes difficiles. Quand les taux d'intérêt ont
atteint plus de 20%, entre 20% et 25%, en juillet 1981, on n'avait pas beaucoup
de recours à cet égard au ministère. Je ferai remarquer,
cependant, que celui qui était responsable de ces taux, M. Bouey, le
gouverneur général de la Banque du Canada, dès le mois de
décembre de la même année, recevait la médaille de
l'Ordre du mérite du Canada. Je ne sais pas s'il y a une
corrélation, s'il y a mérite à créer du
chômage, à avoir des taux d'intérêt les plus
élevés qu'on a connus.
J'ai dit à plusieurs reprises que, quand j'étais plus
jeune, je me rappelle que c'était considéré comme un
péché de prêter à un taux usuraire et M. Réal
Caouette, pour avoir combattu cela en 1962, a fait élire 26
députés alors que les taux des compagnies de finance
étaient de 2% par mois, 24% par année. C'est devenu à peu
près les taux officiels de la Banque du Canada au cours de 1981. Il est
évident que, dans une période comme celle-là, beaucoup de
personnes ont eu des difficultés, pas seulement les agriculteurs, tous
les gens. Toute notre société a connu une période
très difficile. Les consommateurs, des gens qui gagnaient un salaire,
qui avaient un emploi et qui avaient une maison ont vu le taux
d'intérêt de leur hypothèque doubler ou tripler. Parce que
c'était pour une période temporaire, ils ont connu une
période très difficile.
Malgré tout cela, je veux qu'on se rappelle bien le contexte, le
taux d'intérêt que vous n'avez jamais connu... Quand on a
créé le crédit agricole, en 1936, je pense que le taux
d'intérêt était à 2% ou 3%. C'est demeuré
à 2% ou 3% durant les années trente, quarante et une partie des
années cinquante. Ceux qui sont en économie se rappelleront que
la Loi sur les banques, qui a été amendée il n'y a pas
tellement d'années, permettait des prêts qui ne dépassaient
pas 6%. Cela ne fait pas tellement longtemps. Les banques, c'est vrai,
prêtaient aux compagnies de finance qui, elles, prêtaient ensuite
à 4% par année.
Durant toute cette période où le taux de crédit
était à bon marché, j'aimerais d'abord dire le nombre de
fermes. On a fait des affirmations à cette commission. J'espère,
M. le Président, que quand vous faites prêter serment, ceux qui
disent des mensonges en commission vont payer un prix pour cela. Je le souhaite
parce que autrement, ce que vous faites, cela ne sert à
rien, cela ne donne rien. Si on peut dire n'importe quel mensonge devant
la commission et qu'on n'encoure aucune sanction, le règlement est une
farce et on devrait abolir l'article 52. Je vais donner les chiffres officiels.
Ma source: Statistique Canada. Je ne sais pas si c'est une bonne source, mais
c'est celle que j'ai choisie. (21 h 45)
Au sujet du nombre des fermes, on a dit: Sous le gouvernement actuel, le
nombre des fermes est en train de disparaître. C'est la seule
époque dans l'histoire du Québec où le nombre des fermes
s'est maintenu. Ceux qui ont dit le contraire ont menti ou ont
été incompétents ou ont affirmé n'importe quoi. En
1951, il y avait 134 336 fermes au Canada. On comptait là-dessus toutes
les fermes qui avaient plus de 50 $. Celles qui produisaient plus de 50 $, on
comptait cela. Mais c'est resté le même chiffre, la même
dénomination dans toutes les statistiques du Canada. À
Québec. Pour le Québec, nombre de fermes en 1951, 134 336. En
1956, 122 617 donc baisse de 11 719 fermes dans ces cinq ans. En 1961,
c'était rendu à 95 777 fermes. Cela avait baissé de 26 840
fermes. En 1966, sous le gouvernement Lesage, 80 294 fermes,
c'est-à-dire 15 843 fermes de moins. En 1971, le gouvernement de M.
Bourassa arrive, 61 257 fermes. 19 037 fermes de moins.
En 1976, 51 585 fermes, baisse de 9670 fermes. En 1981, on change de
détermination. On compte les fermes au-dessus seulement de 250 $. On ne
reste plus à 50 $, on augmente à 250 $. Le nombre de ferme en
1981 est de 48 144 c'est-à-dire 3443 de moins. Ce qui veut dire que si
nous avions gardé les mêmes statistiques à 50 $, sans doute
que le nombre de fermes au Québec aurait augmenté. Mais on ne
donne plus des statistiques sur la base de 50 $. Cela a monté à
250 $. Là c'est quand même, malgré cela, le plus bas
tôt de baisse de fermes dans toute l'histoire du Québec.
Au fond, si on regarde l'ensemble de la statistique, de 1976 à
1981, le nombre de fermes, sur la même base de statistique, est
resté stationnaire à toutes fins utiles, tandis que dans toutes
les années auparavant, cela a été une hémorragie
terrible, quel que soit le gouvernement qui a passé à
Québec. Maintenant, qu'est-ce qui s'est passé au cours des
dernières années? Je vais donner ces données-là
parce que je ne peux pas croire... On a dit: M. Moreau, vous trompez tout le
monde.
Je comprends qu'il peut emplir M. Ouellette, qu'il peut m'emplir. Cela
en fait pas mal à emplir, mais en tout cas. Il peut emplir beaucoup de
gens, mais on ne peut pas emplir toute la province au complet. Si on regarde ce
qui s'est fait au cours des dernières années, les statistiques
dans le secteur céréalier... On a dit: On a eu comme gouvernement
trois politiques essentiellement. Développer des céréales,
développer le boeuf, développer la production horticole. Dans le
secteur céréalier, les superficies en 1977 étaient de 914
000 acres. En 1984, c'est rendu à 1 540 000 acres. Cela fait juste 630
000 acres de plus. C'est pas mal. En termes d'augmentation, c'est assez
considérable, de 900 000 acres à 1 500 000 acres. La production
qui était de 838 000 acres en 1977, cette année, d'après
les prévisions, pardon, pas en acres, en tonnes, production en millions
de tonnes, autour de 838 000 tonnes en 1977 était rendue l'an dernier
à 1 823 500 tonnes. Cette année on prévoit 2 336 000
tonnes. Ce qui veut dire plus de 500 000 tonnes de plus en 1984 qu'en 1983.
C'est quasiment la production totale lorsqu'on a pris le pouvoir. Seulement
l'augmentation en 1984 sur 1983, pas tout à fait, mais 60% de la
production totale de ce temps. Ce qui veut dire que la production, à
toutes fins utiles, a triplé entre 1977 et 1984. Quand vous expliquez
cela à n'importe quels gens de n'importe quel pays, ils vous disent
quasiment que c'est un miracle.
Ce n'est pas rien cela. À moins que les gens qui sont dans le
secteur céréalier soient tous un peu malades et aiment cela
souffrir, moi je me dis qu'il y a des gens qui pensent qu'il y a quelque chose
à faire dans ce secteur puisque cela a augmenté d'autant. La
production en 1977, qui était de 95 000 000 $, en 1984 était - ce
qu'on estime actuellement, sur des chiffres très conservateurs -
à 315 000 000 $. En estimant des prix beaucoup plus bas qu'ils le sont
actuellement. 315 000 000 $. C'est quand même 220 000 000 $ de plus dans
l'année de production que lorsqu'on est arrivé au gouvernement.
Ce qui veut dire des changements considérables, extraordinaires et qui
ont supposé que des milliers d'agriculteurs ont cru à ces
choses-là.
J'ai dit des milliers, et je vais vous en faire la démonstration
aussi. Il y a des milliers de personnes qui continuent à produire.
L'année 1984, vous voyez que c'est la plus grosse année. Ce ne
sont pas des gens qui ont abandonné, ce sont des gens qui sont en
production. Qu'est-ce qu'ils ont fait pour arriver à cela? Je vais vous
dire que lorsque nous sommes arrivés au gouvernement, les gens nous
disaient: Le principal problème pour développer la production
céréalière, M. Garon, c'est qu'il n'y a pas de
possibilité d'entreposage. Même si on en produisait, on ne saurait
pas où mettre les céréales. On s'est dit: Ce serait
peut-être une bonne idée d'avoir un système d'entreposage.
De 1978 à 1984, il s'est installé sur les fermes, avec l'aide du
gouvernement, 11 782 silos. C'est pas mal de silos, n'est-ce pas? Comme vous le
savez, en ce qui concerne les silos, il y avait une clause disant qu'on
subventionnait seulement
les silos fabriqués au Québec. Allez voir dans certaines
entreprises comme Victoria, dans le bout de Victoriaville, si les gens sont
heureux de nos programmes, combien de centaines de personnes ont
travaillé, combien de personnes travaillaient là avant que
commencent nos programmes et combien il y en a eu après cela pendant
toutes ces années où on a construit des silos.
On a installé 11782 silos; 777 systèmes d'aération
de séchage et de prénettoyage; 750 "rims" pour des
investissements de plus de 50 000 000 $ pour les agriculteurs, avec l'aide du
gouvernement. C'est-à-dire que ces gens ont quand même fait ces
investissements, mais ce ne sont pas les seuls investissements qu'ils ont
faits. Pendant les mêmes années, on a installé 8354
séchoirs à foin. C'est beaucoup de séchoirs. On a
évidemment essayé de faire moins de bruit, parce que les gens de
l'Environnement trouvaient que les séchoirs faisaient un peu de bruit.
On a fait toutes sortes de recherches pour trouver des systèmes afin que
les séchoirs fassent moins de bruit. On a installé 2687 silos
verticaux. J'ai remarqué -je vous invite à lire la revue - que
l'UPA est parfois, comme on le dit dans l'Évangile, ni chair ni poisson.
Elle ne se prononce pas toujours sur certaines questions. Comme ici, elle ne
s'est pas encore prononcée, mais lors du soixantième anniversaire
de la Terre de chez nous, j'ai lu le journal d'un bout à l'autre. Je
vous invite à regarder la photo sur la première page. Elle montre
une ferme d'autrefois et une ferme d'aujourd'hui. Comptez le nombre de silos de
la ferme d'aujourd'hui. On a montré une ferme. Si ma mémoire est
bonne, c'est trois silos. Je prends cela comme c'est. Je dis trois, mais je ne
suis pas certain que cela n'ait pas été quatre; mais c'est au
moins trois.
Je suis certain que parmi tous les gens qui nous accompagnent ici, il y
a quelqu'un qui a ce numéro. Il pourrait vous montrer le numéro
du soixantième anniversaire de la Terre de chez nous pour voir la ferme
d'aujourd'hui. Lorsqu'on vit le soixantième anniversaire, on veut
montrer une photo de la ferme d'hier et de la ferme d'aujourd'hui. Si on montre
autant de silos, c'est parce qu'une ferme d'aujourd'hui fonctionne de cette
façon.
Évidemment, si on n'a pas de silos, il faut importer davantage de
l'Ouest. Lorsqu'on a fait le plan, on a commencé par les
céréales. L'autosuffisance était de 32%, en 1976. En 1977,
c'était la même chose, on n'avait pas eu le temps de faire des
programmes. On s'est dit: On va augmenter la production. Au cours des cinq
prochaines années, on vise 50%. Plusieurs personnes se moquent de nos
objectifs d'autosuffisance. Des éditorialistes qui ne connaissent pas
trop cela disent que je me vante. Je ne me vante pas, je vante l'agriculture
québécoise. On a dit 50%, et on était conservateur
à 50%. J'ai été critiqué, parce que lorsqu'il y a
des critiques, elles s'adressent au ministre. Lorsque c'est bien, il y a
beaucoup de gens pour en tirer le bénéfice. Lorsque c'est mal, je
me retrouve souvent seul.
Je regarde M. Ouellette. Il prend parfois une partie du blâme,
mais je vous dis qu'il n'y a pas tellement de personne qui prennent les
blâmes. Il a dit: 50% en cinq ans. Il y a eu 115% d'augmentation en
quatre ans. L'autosuffisance était rendue, il y a trois ans, autour de
50%. Divisons donc avec un plan de trois ans qui va couvrir, 1983, 1984, 1985:
70%, en 1985. Je me disais: On tire fort en péché. Surtout si on
fait les élections en 1986 et qu'on a manqué notre objectif, je
me suis dit: à 70%, on tirait fort pas mal. Je peux vous dire que cette
année, si nos prévisions se réalisent -il n'y a plus
tellement de risque que le temps nous donne tort maintenant - on a atteint 70%
un an avant le temps.
C'est 70,8% de taux de suffisance qui serait atteint d'après les
prévisions de cette année. S'il continue de faire beau comme
cette semaine, cela va sans doute être dépassé. S'il
faisait le moindrement beau jusqu'à la fin d'octobre, cela
dépasserait ce taux. Ce qui veut dire que ce n'est pas une mince
réalisation de passer de 32% d'autosuffisance dans les
céréales à 71% en si peu d'années. Je ne voudrais
pas que le gens pensent que je m'attribue les mérites à moi seul,
mais j'en prends un peu des mérites. Non! Beaucoup de gens ont
travaillé très fort.
Je regardais M. Ouellette dont un ami a dit qu'il n'était pas
crédible, j'ai encore confiance en lui; avec des gens de l'office, des
gens d'assurances et toutes les équipes, on a bâti des programmes
et on a aussi consulté des gens. Les gens des fédérations
des productions de cultures commerciales; on a consulté ces programmes.
On les a changés combien de fois pour mieux les adapter, pour qu'ils
fassent mieux l'affaire. On a encore changé. Il y a encore eu un
changement ce matin dans le programme pour qu'on puisse permettre des silos
à fourrage pour les producteurs de boeuf qui, au lieu d'importer...
Pourquoi avoir de la nourriture importée alors qu'ils ont des
silos à fourrage et qu'ils peuvent acheter les fourrages des
agriculteurs autour et nourrir leurs animaux avec de la nourriture d'ici, en
diminuant les coûts aussi et en important moins. Il y a eu des
résultats. On peut tous être fiers, l'Université Laval
aussi. Pourquoi? Parce qu'elle fait des rercherches; on a
accéléré les recherches dans les céréales.
L'an passé, on a adopté 13 nouveaux programmes dans le domaine
des céréales; 13 volets pour développer la culture des
céréales. On a
accéléré la recherche à l'Université
Laval; Semico, des entreprises qui développent des
variétés adaptées au Québec. Aujourd'hui, on ne
fait plus des cultivars seulement à Saint-Hyacinthe. Il fait chaud
à Saint-Hyacinthe; il y a plus de différence entre
Saint-Hyacinthe et Rimouski sans doute qu'entre Saint-Hyacinthe et les Prairies
pour avoir des variétés adaptées aux différentes
régions. Cela ne se fait pas d'un coup sec. Cela ne se fait pas... C'est
comme des enfants. Tous, nous ne sommes pas nés grands comme on est,
cela a pris du temps à nous faire comme on est présentement. Dans
les céréales, c'est pareil. C'est la naissance, c'est la vie.
C'est de prendre des céréales, faire de la
génétique, développer des variétés.
Tout cela pour en arriver... Je peux dire une chose, l'objectif prochain
- ceux qui ne sont pas content ne sont pas obligés d'embarquer dans
l'autobus - personne n'est obligé de faire des céréales au
Québec, personne n'est obligé d'embarquer dans l'autobus. Quand
l'autobus passe, il va à Québec ou Montréal; on n'est pas
obligé d'embarquer dans l'autobus. S'il arrive un accident à
Trois-Rivières, je ne peux pas dire: Maudit autobus, tu n'aurais pas
dû m'embarquer! Personne ne dit cela à l'autobus. Quand quelqu'un
embarque dans les céréales, il n'est pas obligé
d'embarquer, on vit dans un monde libre. Avant longtemps, on va viser
l'exportation de céréales. Je vais vous dire une chose: on vient
d'obtenir une mesure du gouvernement fédéral qui est excellente
au mois d'août; les libéraux n'ont même pas eu le temps de
l'annoncer. Comprenez-vous? Ils ont été trop vite à la
fin. La subvention qui était juste sur les grains de l'Ontario pour
venir au Québec sera maintenant possible du Québec vers les
provinces Maritimes ou certaines régions du Québec.
C'était discriminatoire contre le Québec. Finalement...
Évidemment, je me suis fait accuser de faire de la chicane, mais
à force de chialer, pas tout seul non plus, l'UPA chialait et je leur
disais: vous ne chialez pas assez souvent. Chialez plus, on va chialer tous les
deux ensemble et cela n'est pas correct; il faut qu'il change cela. C'est
changé. Cela aidera encore la production céréalière
au Québec.
Je suis convaincu que le potentiel québécois est beaucoup
plus grand que tout le monde l'a imaginé, mais même dans le
passé, on a regardé notre potentiel en voyant un verre à
moitié vide plutôt qu'un verre à moitié plein. Dans
l'Abitibi, une réunion pendant laquelle un monsieur s'est levé
dans la salle et nous a parlé des nouvelles méthodes
d'alimentation du troupeau en fonction des recherches qui ont été
faites dans une ferme de l'Ontario. J'ai pris cela en note. Je vais vous dire:
j'en prends le mérite. C'est moi qui l'ai pris en note; je me suis dit:
c'est vrai. Le soir, on a téléphoné. Le monsieur
était professeur à l'Université Laval, M. Wauthy, il y
avait un monsieur Comeau de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, on l'a fait
venir. Mon chef de cabinet, le sous-ministre, M. Ouellette et moi avons
passé une soirée avec (M. Wauthy pour lui demander: est-ce vrai
ce que quelqu'un a dit dans la salle? Il a dit: oui, c'est vrai. Si c'est vrai,
de quelle façon pourrait-on mieux le développer pour que les gens
prennent ces nouvelles méthodes? (22 heures)
On s'est finalement décidé, au lieu de faire une ferme
gouvernementale à laquelle personne ne croirait, d'avoir un petit
programme avec douze cultivateurs pour élever différentes
variétés, soit avec des vaches, du boeuf, de l'agneau et pour
faire en sorte qu'ils appliquent ces méthodes. On leur donnait une
compensation pour cela. Un bon suivi technique était fait avec les
cultivateurs. Résultat: aujourd'hui - et je ne le croyais pas; quand j'y
suis allé ce printemps j'étais en tournée avec le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue apparemment il y a
maintenant 400 cultivateurs qui prennent ces méthodes. Au lieu de
bâtir des silos, ils prennent des grands sacs de plastique et ils font
des meules à terre. Je dirai aussi que quand on est arrivé au
gouvernement, il y avait un rapport Côté-Duvieusart qui disait de
fermer à toutes fins utiles l'Abitibi-Témiscamingue. On a dit: On
va prendre le rapport et on va le jeter dans la poubelle. Je n'ai jamais revu
ce rapport. Il n'est peut-être pas complètement dans la poubelle.
On a dit: On va travailler avec les gens de cet endroit.
Résultat: aujourd'hui, qui vous aurait dit que - je n'ai pas
encore les chiffres de cette année - l'an dernier il y a eu 15 000 acres
en céréales dans le Témiscamingue? En 1976, il n'y en
avait pas une acre. Personne ne pensait que c'était possible de faire
des céréales dans le Témiscamingue. Aujourd'hui, on est en
train d'étudier un projet pour un centre de grains de semence pour la
région et il va se développer des variétés
adaptées à la région.
Je me rappelle, quand j'ai suivi les cours du père
Lévesque, qu'il y en avait un que j'ai suivi à
l'Université Laval dans le temps - c'était un des derniers cours
qu'il a donnés - qui s'appelait: Morale et technique de l'action. M. le
ministre Ouellet qui a fait son cours d'économique à peu
près en même temps, un peu avant moi, a également suivi ce
cours. Qu'est-ce que le père Lévesque disait? Il nous parlait,
à un cours de philosophie, de l'homme prudent. Qu'est-ce que c'est un
homme prudent? Il disait d'abord, qu'un homme prudent c'est un homme d'action.
Ce n'est pas un homme d'inaction. Un homme d'inaction n'est pas un homme
prudent, il ne fait rien. Il ne peut
pas se tromper. Il ne peut pas être imprudent ni prudent, il ne
fait rien. Première chose, un homme prudent c'est un homme d'action.
Qu'est-ce qu'il fait quand il est prudent? Il met toutes les chances de son
côté. Il étudie très bien sa question avant d'agir
et par la suite il agit. Mais il a dit que même s'il est prudent, il peut
arriver que cela ne fonctionne pas comme il avait pensé. Il peut arriver
des circonstances imprévues. C'est cela la vie dans une
société.
On n'a pas trop pris de risque. On a fixé des objectifs. On a
fait, dans l'état des connaissances, ce qu'on pensait être le
meilleur et je peux dire d'une façon générale que cela a
été un grand succès. Je finis avec mes séchoirs:
8354 séchoirs, pensant à ces années; silos verticaux,
2687; silos horizontaux, 291; investissement, 55 000 000 $. Donc, seulement en
entreposage par les cultivateurs pour ces questions, 105 000 000 $ au cours de
ces années et les chiffres de 1984-1985 ne sont pas encore complets.
Cela c'est le secteur des céréales.
Dans le domaine de l'horticulture, il y a eu là aussi un
changement très important. Comment s'est-il fait? D'abord, il s'est fait
par de la modernisation. Il y a eu un accroissement, pas au même rythme
que dans le végétal, mais aujourd'hui on peut dire d'une
façon générale que pour les légumes de
conservation, on est autosuffisant au Québec. Pas autosuffisant dans le
sens qu'on fait uniquement ce qu'on mange, on exporte beaucoup aussi. On
exporte beaucoup de carottes, de certains types de légumes qu'on produit
en beaucoup plus grande quantité que ce qu'on consomme. Quand on parle
d'autosuffisance, au fond c'est d'un équilibre de la balance commerciale
dans ce secteur. C'est cela qu'on vise. On ne vise pas à empêcher
les produits d'entrer. Je n'ai jamais parlé aux gens d'arrêter de
manger des olives, d'arrêter de manger des oranges, mais on a
essayé de faire la promotion de nos produits pour occuper le maximum de
place sur notre marché et en plus en exporter le maximum pour compenser
ce que les gens voudraient manger qu'on ne peut pas produire. La philosophie,
cela a été cela.
Si on regarde les superficies ensemencées, en 1977 et 1984, dans
l'horticulture, c'est passé de 48 645 hectares à 51 450 hectares.
Cela n'a pas monté beaucoup, mais cela a augmenté. La production
en tonnes est passée de 767 000 tonnes à 857 000 tonnes. La
valeur de la production a augmenté considérablement, de 67 000
000 $ à 145 000 000 $. Je n'arrondis pas, c'est 146 000 000 $ si
j'arrondis. Qu'est-ce qu'il s'est fait pour cela? L'entreposage des produits
horticoles en 1977 et 1982, 370 projets d'entrepôt. Implantation de
lignes de conditionnement et de calibrage des fruits et légumes, 161
projets. Ensuite, amélioration de la conservation des fruits et
légumes, 44 projets. Aide à la mise en marché des fruits
et légumes, préconditionnement sous vide, 8 projets qui sont
souvent des projets collectifs qui regroupent plusieurs cultivateurs. Grand
total des fruits et légumes pour la commercialisation, 600 projets pour
22 300 000 $ d'investissement au total avec des subventions du gouvernement de
7 500 000 $.
Aujourd'hui les gens sont mieux équipés. Il faut dire que
quand nous sommes arrivés au gouvernement on demandait toujours et puis
le député de Huntingdon est un de ceux qui rapportaient leurs
paroles. Il disait: "Essayons donc d'empêcher les fruits et
légumes de l'Ontario d'entrer au Québec". "Essayez donc de dire
que les carottes sont croches ou que les tomates ne sont pas belles, que les
pommes ne sont pas belles". Ce n'est pas si facile que cela parce qu'on exporte
beaucoup. S'ils se mettaient à dire que notre fromage qui ne devrait pas
avoir de trous a des trous et puis toutes sortes d'affaires de même, on
ne vendrait pas beaucoup en Ontario. On vend beaucoup de fromage aussi; on vend
beaucoup ailleurs. Alors, faire une concurrence déloyale, on n'est pas
capable de faire cela. Notre système d'inspection a été
correct mais on a essayé d'organiser les producteurs pour qu'ils
puissent vendre davantage...
M. Dubois: Une question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Vallières): Sur une question de
règlement, M. le député de Huntingdon.
M. Dubois: Je ne voudrais pas engager de discussion avec le
ministre de l'Agriculture, M. le Président, mais il est en train
d'induire les membres de cette commission en erreur et les gens qui y assistent
aussi. Tout ce que j'ai demandé un jour au ministre, c'est d'avoir un
service d'inspection québécois aussi ferme que celui de
l'Ontario; c'est tout. Je voulais corriger les propos du ministre et je
l'invite à avoir des propos plus justes et plus équitables envers
les membres de la commission. En plus, M. le Président, j'aimerais qu'il
réponde aux gens qui sont ici, en arrière; je pense qu'il y a des
gens qui sont venus ici pour écouter le ministre et non écouter
ses programmes agricoles. Il pourrait quand même répondre aux sept
personnes qui sont venues ici.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Huntingdon, je comprends que vous avez voulu rectifier
les propos tenus par le ministre et votre question de règlement est
terminée.
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Garon: Je continue. Sur la production horticole, il y aura
sans doute des nouvelles avant longtemps pour un plus grand
développement de l'horticulture parce qu'on a travaillé fort. On
a annoncé des programmes dans les céréales, l'an
passé -tantôt je reviendrai sur le boeuf et les productions
animales - on les a annoncés récemment et puis on a
travaillé aussi fort sur d'autres types de production. Je suis
persuadé que les cultivateurs vont être contents.
Production de porc au Québec. En 1971 et 1984, qu'est-il
arrivé? La production annuelle de porc de 1971 à 1976 est
passée de 2 069 000 porcs à 2 459 000 porcs, c'est-à-dire
390 000 porcs de plus entre 1971 et 1976.
Entre 1976 et 1983 - je n'ai pas encore les chiffres pour 1984 - c'est
passé de 2 459 000 porcs à 4 622 000 porcs. Je dois dire que le
pic est atteint en 1980 avec 4 844 000 porcs... pardon, en 1981 avec 4 878 000
porcs; en 1982, 4 745 000 porcs; en 1983, 4 622 000 porcs et on n'a pas encore
les chiffres pour l'année 1984 parce qu'on n'a pas eu l'année
complète mais je peux vous dire qu'en 1984 cela augmente.
Je vais vous donner des chiffres, si vous voulez, pour l'inventaire du
1er juillet de chacune de ces années, pour vous montrer comment cela
fluctue. En 1980, si vous voulez avoir la comparaison avec 1976... En 1976, au
1er juillet, il y avait 1 634 000 porcs. Je vais vous donner les chiffres pour
chacune des années, cela va être plus précis. En 1977, 1
930 000 porcs; en 1978, 2 340 000 porcs; en 1979, 3 021 000 porcs; en 1980, 3
482 000 porcs, c'est la pire; en 1981 cela baisse, 3 440 000; en 1982, 3 325
000; en 1983, 3 340 000; cela commence à remonter en 1983 et en 1984
cela continue à augmenter, 3 405 000 porcs.
Vous savez, cela ne peut pas être des centaines de personnes qui
font faillite qui font que la production se maintient. Il y a toutes sortes
d'arguments disant qu'il y avait des masses de faillite. Que voulez-vous? Ce
n'est pas les données. On a beau dire cela mais je vous dirai,
tantôt, les faillites qu'il y a globalement au Québec par rapport
à celles qu'il y a à l'office. Avez-vous remarqué que
celles à l'office, c'est un bien petit pourcentage de toutes les
faillites? Les statistiques sur les faillites, ce n'est pas nous qui les
faisons. Certains ont dit: "Ah! oui, on sait bien, il y en a d'autres qui ne
sont pas comptées". Voyons donc! On va prendre les chiffres tels qu'ils
sont produits; ce ne sont pas mes chiffres à moi, ce sont les chiffres
officiels.
La stabilisation. Maintenant si on regarde dans le boeuf... On est dans
le porc.
Dans le porc, on n'a pas eu de programme incitatif pour
développer la production du porc. Je vais vous dire une chose, j'ai eu
beaucoup plus de représentations parce qu'on ne prêtait pas assez
que de représentations parce qu'on prêtait trop dans le porc.
Pour ceux qui se rappellent les années 1978, 1979 et 1980, je
pourrais ressortir le courrier, je pourrais ressortir tout cela. Je vais vous
dire que je ne me rappelle pas avoir eu une seule lettre dans ces
années-là pour dire qu'on prêtait trop. On disait qu'on ne
prêtait pas assez, que nos gars étaient lents. L'Office du
crédit agricole se faisait accuser bien plus souvent d'être lent
que d'être vite. Moi, je suis surpris, d'un coup sec, on dit: "Ils sont
bien trop vites, ils prêtent trop". Même les évêques
ont dit qu'on était trop prêteur. C'est quand même un
renversement de la situation. Même vous autres, dans l'Opposition, vous
nous disiez que l'office n'était pas assez vite et puis, d'un coup sec,
il prêterait à tour de bras. J'aimerais cela que le yo-yo
s'arrête quelque part.
Les statistiques maintenant sur le boeuf. Les unités
assurées de 1976 à 1984. Les veaux d'embouche, en 1976, il y en
avait 44 159 d'assurés. Je n'en prendrai pas d'autres, je vais prendre
juste ceux qui sont assurés. En 1984, c'est 120 588 qui sont
assurés. Bouvillons d'engraissement, l'assurance a commencé en
1979, 8150. Il n'y en avait pas beaucoup plus qui se produisaient, c'est
à peu près cela et on avait la politique des parcs
d'engraissement qui venait de commencer. En 1984, 66 976. Mais pour ceux qui
disent que tout cela s'en va chez le diable, je vais vous donner les
années une par une, pour vous montrer où cela s'en va. En 1979,
dans le boeuf, 8150 assurés; en 1980, 19 261; en 1981, 36 381; en 1982,
48 758; en 1983, 54 976; en 1984, 66 976. C'est une progression constante.
Alors que la production diminue ailleurs, au Québec elle augmente de
façon constante. Elle n'augmente pas avec des gens qui ont
arrêté la production, c'est parce qu'il y a des gens qui
développent leur production dans cela. Il faut arrêter de se
compter des blagues. La réalité est là.
Pour le veau de grain, je ne peux rien dire sur 1976, 1977 et 1978, il
n'y en avait pas. On a commencé à développer cette
production en 1980, avec 4544 veaux de grain assurés. En 1981, 24,741;
en 1982, 39 863; en 1983, 54 300 et, en 1984, 58 240. Ce sont des veaux qui
avant étaient vendus à trois ou à quatre jours et qui s'en
allaient en Ontario ou aux États-Unis. Aujourd'hui ils sont vendus entre
400 et 500 livres, plutôt entre 450 et 500 maintenant. Ce sont soit des
veaux de lait lourds ou des veaux de grain lourds. Ce sont les chiffres
réels. Le gouvernement le sait, le Conseil du trésor le sait
parce qu'il sait combien cela
coûte aussi à la fin de l'année pour ses programmes
d'assurance stabilisation, et ceux qui paient le savent aussi. La
réalité est là, c'est une croissance. Je vais vous dire
une chose. Dans le programme du boeuf on vise encore bien plus que cela. On
vise 100 000 d'ici peu d'années. Pourquoi? Parce qu'on produit à
peu près 325 000 veaux au Québec. Pourquoi les enverrait-on,
à trois jours, aux États-Unis ou en Ontario? L'objectif c'est de
tous les engraisser au Québec. Pourquoi? Parce qu'en les engraissant au
Québec il y a des gens qui vont gagner leur vie en les engraissant et il
y en a d'autres qui vont la gagner en les abattant, en les transformant et en
faisant quelque chose avec. Là, on va avoir d'autant plus de
facilité parce que nous avons des marchés maintenant. Ce qui nous
bloquait un peu c'est que les devants de veaux on avait de la misère
à les vendre. Là on a trouvé des marchés aux
États-Unis pour les vendre. On vendait facilement les derrières
de veaux mais on vendait mal les devants. Maintenant on a
développé des marchés pour les devants et cela va nous
permettre de pousser davantage cette production.
Il faut dire aussi que si l'on regarde aujourd'hui les chaînes
d'alimentation... Allez chez Métro, Provigo, Steinberg vous allez voir
des comptoirs de veau de grain. Il n'y en avait pas avant. C'est long
convaincre du monde. On a commencé à zéro en 1979. C'est
long de convaincre les chaînes d'embarquer dans cela et de commencer
à habituer le consommateur, lui faire connaître cela. C'est un
travail qui a été fait par les gens du ministère.
Les cours d'eau. En 1977 et 1984, tout cela se tient, on a creusé
5336 cours d'eau. C'est des cours d'eau! Des fois, un cours d'eau a plusieurs
kilomètres. Cela a coûté 61 000 000 $. Pourquoi? Parce que
tout cela se tient. Je veux aller vite parce que je veux finir en dedans de mon
heure. (22 h 15)
Le drainage. On a drainé sans doute deux fois plus depuis 1977 au
Québec - je n'ai pas les chiffres finaux - que de 1908 à 1976. Le
total entre 1977 et 1984 - et 1984 je n'ai pas encore beaucoup de chiffres pour
cela - c'est 322 000 hectares. Additionnez cela, 322 000 hectares, cela fait
à peu près 750 000 acres drainées. C'est un changement par
rapport à ce qu'il y avait avant. C'était quoi en 1976? 300 000
acres ou 253 000? Je n'ai pas le chiffre par coeur. C'étaient 300 000
acres de drainées? Je vous dis cela sous réserve, c'était
à peu près cela: 300 000 ou 325 000 acres. 750 000 acres
drainées depuis 1977, et cela, c'est en comptant une bien petite portion
pour 1984. On n'en a quasiment pas de marqué pour 1984 parce que les
chiffres ne sont pas encore entrés.
M. le Président, c'est un peu cela la réalité de
tout le secteur en développement pour l'agriculture. On a dit aussi: Les
gens sont-ils ou ne sont-ils pas formés? Cela ne se tranche pas au
couteau, vous savez. C'est beaucoup plus compliqué qu'on le pense. J'ai
remarqué que l'UPA dans son témoignage a été
très prudente sur ces questions. On pourrait dire, comme le Danemark:
Pour avoir accès au crédit agricole, cela prend trois ans de
scolarité dans l'agriculture et cinq ans d'expérience. J'ai
l'impression que si je voulais ajouter cela aux règlements, les premiers
impliqués seraient les gens de l'Opposition pour dire qu'ils ne sont pas
d'accord, que l'expérience vaut bien de la scolarité etc., sauf
qu'il y a eu des changements considérables de faits au cours des
dernières années en termes de scolarité des agriculteurs.
C'est incroyable le changement qu'il y a eu à ce niveau-là. J'ai
cela ici.
En 1966, 42% des agriculteurs avaient moins d'une quatrième
année. Si on va jusqu'en huitième année, il y en avait
83,1% qui avaient une huitième année ou moins, 16,9% qui avaient
plus d'une neuvième année, et plus de treize ans de
scolarité il n'y en avait pas assez pour écrire un point dans les
statistiques: c'était écrit zéro. Il devait y en avoir
quelques-uns, mais c'est écrit zéro. J'en connais au moins un: M.
Brûlé, qui est de la famille Therrien de
Saint-François-de-Montmagny, avait un cours classique et était
cultivateur. Aujourd'hui c'est un homme entre 75 et 80 ans qui a une grosse
famille agricole à Saint-François-de-Montmagny. Mais, il n'y en
avait pas assez pour les statistiques.
En 1983-1984, quel est le résultat? Il faut arrêter de se
faire l'image que le cultivateur est un gars qui n'est pas allé à
l'école longtemps. Cela n'est plus vrai. C'était vrai autrefois
et pas seulement pour les cultivateurs, c'était vrai pour l'ensemble de
notre société. Les gens n'avaient pas été à
l'école longtemps. Je ne suis pas encore épouvantablement vieux
et je suis certain que M. Proulx, le président de l'UPA, qui n'est pas
trop vieux lui non plus, il a à peu près mon âge, un peu
plus jeune même, se souvient que ceux qui allaient longtemps à
l'école en ce temps-là n'étaient pas nombreux.
Aujourd'hui, ceux qui ont moins d'une quatrième année cela fait
zéro dans les statistiques parce qu'il n'y en a pas assez pour faire des
chiffres. Ceux qui ont cinq ou six de scolarité font 1,1%; ceux qui ont
sept ou huit ans de scolarité: 7,4%. Ce sont tous des emprunteurs de
l'office. Au total, huit ans et moins de scolarité: 8,5%; plus d'une
neuvième année: 91,5%, et plus de treize ans de scolarité
- cela varie dans deux années -entre 20% et 22%. C'est un renversement
complet.
Quand vous regardez les cours par correspondance donnés par l'UPA
de La
Pocatière... Le ministère de l'Éducation est un peu
surpris. On l'a fait avec lui, mais il a été estomaqué. On
a battu les records. Ce sont nous qui avons eu le record dans les cours par
correspondance. Cela a fonctionné d'une façon extraordinaire.
Là on a une pièce de théâtre qui parcourt le
Québec pour convaincre les gens que dans l'agriculture il faut avoir le
plus de formation possible. Mais va-t-on arriver d'un coup sec et dire aux
cultivateurs: Si tu n'as pas tant d'années de scolarité, on ne
prêtera pas? J'ai pensé longtemps à cette formule-là
mais qui les formerait? Un réseau est en train de s'établir:
l'ITA de La Pocatière et l'ITA de Saint-Hyacinthe, les facultés
d'agriculture, principalement la faculté de l'Université Laval.
Les cégeps ont commencé en enseignant plus les plantes exotiques,
les plantes tropicales que l'agriculture québécoise, mais on a
pas mal brassé là-dedans et aujourd'hui dans les cégeps on
commence à avoir des cours sur l'agriculture qui ont du bon sens. On a
un sous-ministre adjoint à l'enseignement pour la recherche pour faire
une meilleure coordination avec le ministère de l'Éducation au
niveau des cégeps, l'ITA, l'université, etc., pour savoir qui
fait quoi et pour avoir un meilleur enseignement.
Cela a été une préoccupation constante à
l'office et au ministère. On a discuté de ces
questions-là, mais va-t-on changer? Cela n'est pas notre faute. Dans le
passé, des gens nous disaient qu'on avait des traditions d'ignorance.
Ils se sont bien occupés de les maintenir à part cela. Mais on a
essayé d'aller le plus vite possible et quand on regarde le cheminement
qu'il y a eu dans les dernières années, c'est fantastique au
fond. Le secteur agricole est peut-être un des secteurs aujourd'hui
où les gens connaissent le mieux leur secteur. Cela ne s'est pas fait
d'un coup sec.
Qu'on regarde maintenant l'avoir net. Moi, quand je regarde un gars, je
ne regarde pas ce qu'il doit, je regarde ce qu'il a parce que les gars les plus
riches habituellement sont ceux qui doivent le plus. Si vous regardez des
entreprises... Je me souviens avoir entendu un discours de Jean Lesage il y a
plusieurs années qui disait: Si j'ai une maison à appartements
qui vaut 50 000 $ et que je dois 40 000 $ dessus, je vaux 10 000 $, mais si
j'ai une maison à appartements de 100 000 $ et que je dois 75 000 $, je
vaux 25 000 $. Il ne faut pas regarder ce que je dois et dire: Oui, mais tu
dois 75 000 $, ce n'est pas ce qui est important. Si vous regardez, en
1976-1977, le total global des actifs des emprunteurs de tout l'ensemble du
crédit agricole au Québec,
Il y avait en moyenne 128 000 $ de total actif, 75 864 $ de total
passif, ce qui veut dire que l'avoir net représentait 52 221 $, soit
40,8% en 1976. C'est là qu'on a pris l'agriculture en 1976: 40,8%
d'avoir net. En 1983, c'est quoi? La ferme a un total d'actif de 329 332 $, le
passif total est de 165 933 $, donc la différence de 163 399 $ est de
l'avoir net, soit 49,6%. L'agriculteur qui avait un avoir net total sur sa
ferme de 40,8%, aujourd'hui il est rendu à 49,6%. Cela veut dire qu'il
est moins endetté que jamais. Il ne doit plus de dettes en chiffres
absolus mais il a plus d'actif que jamais. C'est cela qui compte. Pour ceux qui
comptent autrement, on peut faire des figures de style, mais ce qui compte
c'est: Le total des avoirs moins le passif égale quoi? C'est cela les
avoirs de quelqu'un.
En terme de revenus, cela varie. Cela varie considérablement et,
à ce moment-là, les revenus de chacun, les besoins de chacun, on
ne peut pas jouer là-dedans. Quelqu'un a posé la question
à l'UPA cet après-midi qui n'a pas pu répondre. Il n'y a
pas un individu pareil.
Quant aux fermes à temps partiel, je dois vous dire que je vais
à des conférences fédérale-provinciales depuis
1977; même la première était en décembre 1976. Ce
fut un point à l'ordre du jour depuis ce temps, les fermes à
temps partiel, avec des comités fédéraux-provinciaux pour
étudier cela et il n'est jamais arrivé de réponse à
cela. Pourquoi? Parce que c'est bien plus compliqué qu'on pense, une
ferme à temps partiel. Quand je vois seulement les modalités du
crédit agricole, c'est difficile, c'est très complexe cette
question-là. Pourquoi? Si quelqu'un a la réponse... Si demain
matin les agriculteurs me disait: Pour ce qui est des fermes à temps
partiel on est prêt, allez-y, M. Garon, pas de problème, les
agriculteurs professionnels sont prêts à partager le crédit
agricole avec des fermes à temps partiel, on n'aurait sans doute pas
d'objection, ce serait regardable. Je ne suis pas convaincu que cela se
voterait facilement dans les réunions de cultivateurs, par exemple. Je
ne suis pas convaincu que l'agriculteur dirait: Le médecin qui
élève du boeuf devrait avoir accès au crédit
agricole comme le cultivateur professionnel. Je ne suis pas convaincu qu'on
dirait que l'avocat devrait avoir accès au crédit agricole comme
le cultivateur professionnel. J'ai vu des cas, par exemple, d'autres
ministères et parfois même des projets fédéraux
où des comptables de la région de l'Estrie ont eu des subventions
pour bâtir une grosse érablière. Je peux vous dire le
nombre de cultivateurs qui m'ont dit qu'ils n'auraient jamais dû faire
cela et que les érablières devraient être
réservées à ceux qui gagnent leur vie dans ce secteur.
Comprenez-vous? Moi, je vais vous dire une chose. Il y a toute sorte de monde
qui fait des commentaires. Il y a un jugement qui arrive au moment des
élections et je suis persuadé que réserver les mesures
financières pour les
agriculteurs professionnels, actuellement, l'ensemble des gens ne nous
blâment pas de faire cela. Mais on donne de l'aide technique à
tout le monde. Dans certains secteurs, des mesures sont possibles pour des gens
qui développent l'agriculture mais qui n'ont pas accès au
crédit agricole. D'autres mesures fiscales sont accessibles, tant au
fédéral qu'au provincial, pour les cultivateurs
d'agrément. Ceux qui font un peu d'agriculture à
côté peuvent faire des déductions d'impôt s'ils ne
font pas d'argent avec cela. Ils ont des possibilités au plan fiscal. Il
faut aussi tenir compte, concernant les fermes à temps partiel, que
souvent - on me dit que c'est le cas de plus en plus en Californie et ce sera
sans doute de plus en plus le cas ici - des gens achètent des fermes non
pour avoir les revenus de la ferme, parce qu'ils ne la louent pas cher aux
cultivateurs, mais pour avoir la plus-value parce qu'ils ne payent pas
d'impôt là-dessus. Quand des gens font cela, souvent ce sont des
professionnels qui ont d'autres sources de revenus, et c'est ce qu'ils
recherchent.
C'est pour cette raison que lorsqu'on parle de ce concept, il faut
être bien prudent. C'est plus complexe que les gens pensent. S'il y a des
gens qui ont la pierre philosophale concernant les fermes familiales, les
fermes à temps partiel, je pense qu'ils peuvent adopter des mesures,
proposer cela dans des programmes et essayer de vendre cela à la
population, mais je ne suis pas convaincu que ça va fonctionner. Si le
président de l'UPA arrivait demain matin au congrès ou nous
disait tout de suite, ce soir: Les fermes à temps partiel, on embarque
à mort là-dedans à l'UPA, je ne suis pas convaincu qu'il
serait réélu au mois de décembre. Les cultivateurs, au
contraire, veulent surtout que les mesures soient réservées aux
agriculteurs professionnels. Dans les grands débats, on demande
de...
Maintenant, on a certaines mesures pour aider des gens à
démarrer alors qu'ils veulent commencer l'agriculture à temps
partiel. Il y a certains programmes qui leur sont accessibles parce que la
mesure pour avoir accès au programme, c'est de produire 3000 $ par
année. Avant 3000 $, on calcule que quelqu'un est capable de s'essayer
lui-même. À partir de 3000 $, on est prêt à lui
donner accès à certaines mesures au ministère, mais pas
à toutes les mesures. Quand il devient un agriculteur professionnel,
c'est-à-dire dont c'est la principale source de revenu, il a
accès à d'autres mesures, notamment au crédit
agricole.
Je ne suis pas convaincu, je suis loin d'être convaincu, et si les
députés du Parti libéral pensent que ça devrait
être différent, je pense qu'ils peuvent en faire un engagement
électoral... Je ne pense pas que notre parti soit prêt à
faire cela. Je ne connais pas beaucoup de fermes au Québec qui ne sont
pas familiales. Il y a eu bien du charriage là-dedans. Des fermes
gigantesques, des fermes industrielles, j'aimerais ça qu'on m'en montre.
Il peut arriver que trois frères forment une ferme familiale. Le
médaillé d'or ou d'argent, le père et deux garçons
ont formé une ferme qui faisait au total, si ma mémoire est
bonne, 450 acres. La ferme moyenne, au Québec, c'est 197 acres, et les
trois ensemble, ça faisait 450 acres. Ce sont trois fermes familiales
qui se sont regroupées.
On a fait faire des conférences aux groupes de syndicats de
machineries agricoles de Saint-Boniface. Cinq cultivateurs se sont
groupés à Saint-Boniface, dans le comté de Saint-Maurice
et on les a cités en exemple en essayant de démontrer pourquoi
les gens devraient les imiter. Quand des cultivateurs décident de se
regrouper, souvent, ce sont des frères, des soeurs ou des conjoints,
différents couples qui disent: On a deux ou trois fermes, on va se
regrouper. C'est évident qu'ils rationalisent l'utilisation des
équipements et ils deviennent plus productifs et à meilleur
coût. Ce sont toujours des fermes familiales.
J'ai déjà demandé au ministère, à des
gens du ministère et à des gens de l'UPA: Essayons donc de
décrire une ferme familiale. Le premier rapport que j'ai eu, je l'ai
retourné tout de suite, j'ai eu peur parce qu'ils ont dit: Une ferme
familiale, ça pourrait aller jusqu'à 15 000 porcs. On est
allé jusqu'à 5000, et les gens trouvent déjà qu'on
est gros. On a pris une ferme familiale, pas la plus grosse, une moyenne. Le
crédit agricole maximum pour un individu, c'est 250 000 $, pour un
groupe. 450 000 $. Vous regarderez les résolutions de l'UPA, elle nous
demande d'augmenter les maximums. Parce qu'ils pensent qu'on prête trop
ou qu'on ne prête pas assez? En assemblée générale,
ils nous ont demandé d'augmenter tous les maximums, et ils nous disent
souvent: II ne devrait même pas y avoir de maximum. J'ai dit: Non, j'ai
peur de cela. Pourquoi? Parce que je ne voudrais pas qu'à un moment
donné... C'est vrai qu'à Saint-Hyacinthe, une ferme peut valoir
1000 $, 1200 $ l'acre, mais quand on arrive dans le Bas-Saint-Laurent, on peut
acheter le rang au complet pour le même prix. Il faut faire attention
là-dedans, il ne faut pas être trop incitatif. Il faut
l'être assez, mais pas trop.
Garder la juste mesure, maintenant, c'est plus difficile qu'on pense. Je
n'ai pas vu beaucoup de mesures, à ce jour. Les sept grévistes se
sont plaint qu'ils avaient été trop incités. Je n'ai pas
vu ça souvent. La plupart des gens me disent qu'on n'est pas assez vite,
qu'on ne pousse pas assez, qu'on est trop lent, trop conservateur, que l'office
ne fonctionne pas. Je ne voudrais pas être méchant, mais je n'ai
pas eu le temps
d'écouter cela, il faut que je travaille sur autre chose, j'en ai
écouté des bouts. À un moment donné, vous avez
demandé à un producteur quel était sa moyenne par truie,
et il n'a pas répondu. J'aurais aimé qu'il réponde parce
qu'on m'a dit quelle était sa moyenne par truie - je n'ai pas
vérifié parce que je n'ai pas les moyens de le faire - et si
c'est vrai, il n'y a pas un cultivateur qui va réussir avec cette
moyenne. Vous, M. le Président, vous avez déjà cité
un cas de votre comté. Je ne pouvais pas aller trop loin, mais à
la moyenne qu'avait ce producteur il ne pouvait jamais réussir parce que
sa moyenne c'est à peu près la moitié de la moyenne
normale. La moyenne on la regarde actuellement, c'est 16, 17 porcelets par
truie. Quelqu'un qui a 8, 9 ou 10 porcelets par truie, il ne peut pas arriver.
C'est impossible. Je ne veux pas être méchant là-dedans.
Notre problème c'est quoi? On va prêter à qui? Quand est-ce
qu'on arrête? Est-ce que nos mesures doivent être axées sur
l'agriculteur le plus faible ou sur l'agriculteur moyen? (22 h 30)
Je peux vous dire que, quand est arrivée la période
difficile en 1980-1981, le mot d'ordre qu'on s'est donné, on s'est
rencontrés - l'office, l'assurance-stabilisation, le ministère et
moi - et, à ce moment, j'ai demandé une chose aux organismes,
j'ai dit: Dans une période difficile, les taux d'intérêt
sont très élevés. Tous ceux qu'on peut sauver, on va
essayer de les sauver. On va consolider, on va prendre tous les moyens
possibles si l'agriculteur est un gestionnaire normal, qui a une certaine
efficacité dans sa gestion; s'il n'y a aucun moyen, on ne pourra pas. Si
l'agriculteur n'a pas un certain niveau d'efficacité, comment va-t-on le
justifier?
Je peux vous dire qu'au cours des dernières années, que ce
soit dans le vison, dans toutes les différentes productions, les gens
ont dit: Les prêts spéciaux ce n'est pas diable. M. Moreau - je ne
veux pas revenir là-dessus - a donné les chiffres. Ceux qui ont
eu des prêts spéciaux ont pu à peu près tous passer
au travers. C'est exceptionnel ceux qui n'ont pas passé au travers.
Il a eu des périodes difficiles, mais il faudrait dire une chose.
Et je termine là-dessus, M. le Président. En 1979, au
Québec il y a eu 14 faillites. Il y en avait une en agriculture à
l'Office du crédit agricole du Québec. En 1980, 44 faillites, il
y en avait 19 à l'office. Je vous ferai remarquer que cette
année-là il y en avait 123 en Ontario. En 1981 il y en avait 54
au Québec, 140 en Ontario et seulement 27 à l'office. En 1982 il
y avait 143 faillites au Québec, il y en avait 56 à l'office. En
1983 il y en avait 125 au Québec, il y en avait 41 à l'office.
Depuis le début de l'année, il y a eu 116 faillites du mois de
janvier au mois d'août au Québec, il y en a eu 24 à
l'office. En 1983, dans le même nombre de mois, il y avait 62 faillites
au Québec, 24 à l'office.
Je peux vous dire que si on regarde le résultat, en termes de
faillites - et les statistiques des faillites ce n'est pas nous qui les
faisons, c'est fait par le gouvernement fédéral - vous
remarquerez la moyenne au bâton de l'office, en fonction des prêts
qu'on fait. Le gros pourcentage des prêts au Québec est fait par
l'Office du crédit agricole du Québec, mais c'est une faible
proportion de l'ensemble des faillites qui ne sont pas très
considérables sur le territoire québécois par rapport
à d'autres, si on regarde la période qu'on vient de traverser; le
très faible pourcentage est à l'office. Je ne veux pas être
plus long parce que tantôt vous m'avez dit qu'il me restait une ou deux
minutes. Si les membres veulent poser des questions, cela me fera plaisir d'y
répondre si j'ai les renseignements.
Le Président (M. Vallières): Très bien, je
vous remercie, M. le ministre. Je voudrais à ce moment-ci indiquer aux
membres de la commission que je procède officiellement au
dépôt du document que m'a remis M. Moreau tout à l'heure
pour dépôt, lettre à M. Jean-Claude Boucher. Donc, le
document est considéré comme étant
déposé.
J'ai relevé au moins une interrogation de M. le ministre à
savoir les recours dont pourrait disposer la commission à l'endroit de
gens ou de témoins qui sont entendus par la commission et qui ne
diraient pas la vérité. Je souhaiterais, avant de céder la
parole aux autres membres de cette commission, indiquer qu'il existe
effectivement, tant à la Loi sur l'Assemblée nationale qu'aux
règles de procédure de l'Assemblée, des recours
très clairs à l'endroit de témoins qui rendraient un
témoignage faux devant une commission de l'Assemblée nationale.
Comme notre temps est très limité ce soir, je me contenterai de
vous envoyer à l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale
au chapitre V de la même loi qui prévoit, dans un tel cas, une
amende pouvant aller jusqu'à 10 000 $. Le titre VI des règles de
procédure de l'Assemblée, adoptées en mars dernier,
prévoit également d'autres recours à l'initiative de
n'importe quel des membres de l'Assemblée nationale. Il existe donc des
recours à l'endroit d'un témoin qui ne dirait pas la
vérité en commission et je crois qu'il était de mon
devoir, pour le plus grand bien de la commission aussi, en tant que
président, de le souligner afin de dissiper toute ambiguïté
possible. Là-dessus, je vais remettre maintenant la parole au
député de Saint-Hyacinthe. Nous procéderons à une
heure de questions à l'endroit du ministre: trente minutes - trente
minutes.
M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Merci, M. le Président. Vous
avez parlé d'une conférence sur le financement agricole.
Vous étiez sur le point ou vous acheviez vos consultations. Est-ce qu'on
peut savoir à peu près quand est-ce que cette conférence,
tant attendue, pourra se tenir?
M. Garon: Évidemment, le temps qu'on a consacré
à la préparation des documents pour la commission, on ne faisait
pas autre chose pendant ce temps-là. Je pensais faire cela à
l'automne; je pense bien qu'il va falloir penser maintenant peut-être
plus au début de 1985 parce qu'il a fallu, quand même, mettre
quelques semaines pour préparer ces documents pour la commission
parlementaire, à la suite de la grève de la faim.
On espère pouvoir tenir cela... Je n'ai pas encore
acheminé les documents au Conseil des ministres à cet effet mais,
normalement, cela devrait être au début de 1985, j'imagine.
M. Dupré: Merci. Dans le témoignage de l'UPA, cet
après-midi, on demandait un mécanisme neutre d'appel, même
s'il n'est que consultatif; il serait absolument nécessaire aussi bien
pour les emprunteurs que pour ceux qui prennent les décisions. Je
voudrais avoir votre opinion là-dessus.
M. Garon: Bien c'est un des sujets qui ont été
étudiés depuis plusieurs mois par l'office et le
ministère. La seule chose c'est que je ne voulais pas établir un
mécanisme d'appel avant la refonte parce que je me disais que si on
change tout le mécanisme de la refonte, au lieu d'avoir huit ou neuf
lois, on aurait seulement une loi du crédit agricole avec un
crédit qui serait conçu différemment à long terme,
moyen terme et court terme. Une foule de contraintes qu'il y a dans les lois
actuelles disparaîtraient parce qu'elles ne sont plus nécessaires,
il y a des programmes gouvernementaux maintenant dans ces domaines. Un
mécanisme d'appel est une des choses qui ont été
considérées et étudiées; ce n'est pas une chose qui
est impossible. Maintenant, ce qu'on veut c'est circonscrire. C'est beaucoup
plus facile à la société fédérale d'avoir un
mécanisme d'appel quand tu ne prêtes pas beaucoup.
Évidemment, si à la plupart de vos prêts vous dites non en
partant parce que vous n'avez pas d'argent, vous n'avez pas de budget... L'an
passé, tous les prêts au Canada, c'était rendu que
c'était seulement 4% dans la société
fédérale. Le mécanisme d'appel, si je ne prête pas,
ce n'est pas compliqué. Je pense qu'il y a 1100 dossiers; il n'y a pas
beaucoup de dossiers à la société fédérale.
La société a maintenant à peu près 7000 dossiers,
mais au cours des deux dernières années elle n'a presque pas
prêté au Québec; 357 prêts qu'on me dit l'an dernier.
C'est beaucoup plus facile le mécanisme d'appel tandis qu'à
l'Office du crédit agricole, à Québec, on a entre 21 000
et 22 000 dossiers, avec beaucoup plus de dossiers chaque année. Cela ne
veut pas dire la même chose.
C'est un projet qui est étudié et qui va faire l'objet de
consultations dans le cadre de la conférence socio-économique sur
le crédit agricole.
Maintenant la conférence socio-économique, j'ai
répondu au début de 1985 à votre question, j'ai le premier
document, maintenant. Il faut le regarder, le retravailler; on a un premier
brouillon qui a été travaillé. Il faut l'imprimer, il faut
que les gens aient le temps de le lire, consulter. Voyez-vous, on est
déjà rendu au mois d'octobre; ce n'est pas le genre
d'opération qui se fait très bien en décembre. C'est pour
cela que je dis plutôt au début de l'année 1985.
Maintenant, beaucoup de consultations, il m'en reste une que je veux
faire absolument avant, mais je pense qu'au début de 1985 c'est
réaliste, quelque chose comme février possiblement.
M. Dupré: M. le Président, lorsque vous avez
parlé des veaux, vous avez parlé d'environ 350 000 veaux, soit la
production au Québec présentement.
M. Garon: 325 000. M. Dupré: 325 000.
M. Garon: Je le disais de mémoire, mais c'est cela.
M. Dupré: Est-ce que je peux savoir de quel endroit
viennent ces veaux? N'est-il pas vrai qu'il y en a une bonne partie qui vient
de l'Ontario?
M. Garon: Non, non. Ce sont nos veaux laitiers, nos veaux des
vaches laitières.
M. Dupré: Ce ne sont pas pour les parcs
d'engraissement.
M. Garon: Ce n'est pas la même chose. Quand on parle de
veaux pour faire des veaux lourds ce sont en grande partie les veaux
mâles des vaches laitières. Quand les vaches laitières ont
un veau, le veau femelle peut être gardé s'il est correct pour la
production laitière; le veau mâle était vendu en Ontario.
Sur les 325 000, pas en proportion exacte, mais le potentiel c'est de 175 000
qu'on me disait pour des veaux lourds.
M. Dupré: Pour en revenir aux parcs d'engraissement -
c'est le sujet dont je voulais parler - on sait qu'il y a une bonne
partie qui s'approvisionne en Ontario. Est-ce que je pourrais savoir la
raison et pourquoi ils ont tant de difficultés à s'approvisionner
au Québec?
M. Garon: Non. Ils ne s'approvisionnent pas en Ontario, ils
s'approvisionnent dans l'Ouest en partie. En Ontario, ils s'approvisionnent
eux-mêmes dans l'Ouest. Maintenant, l'Ouest - peut-être pas cette
année, il y a peut-être une année de répit à
cause de la sécheresse qu'ils ont eue - veut adopter des mesures pour
faire en sorte que leurs veaux soient élevés chez eux, abattus
chez eux, débités chez eux et envoyés en boîte en
petites coupes parce qu'ils veulent avoir les retombées
économiques chez eux. À ce moment là, ils couperaient
l'approvisionnement de l'Ontario et aussi aux quelques éleveurs du
Québec qui s'approvisionnent en Ontario. Alors, ceux qui
s'approvisionnent en Ontario, pourquoi exactement? Il y en a qui vont vous dire
que c'est parce qu'ils considèrent qu'ils aiment mieux les veaux de
l'Ouest parce qu'ils ont une meilleure carcasse, qu'ils vont engraisser mieux,
mais il y a aussi des bons veaux au Québec. Tous les programmes qu'on a
mis en place, qu'on a annoncés - j'ai oublié de le dire
tantôt dans mon exposé, je suis sauté et je ne suis pas
revenu sur cela - les huit programmes dans le boeuf qu'on a mis dans
l'ensemble, ceux de l'an dernier et ceux de cette année, ont pour but
d'améliorer la génétique de notre cheptel et la
régie des troupeaux d'élevage de vaches/veaux et de boeufs de
boucherie.
M. Dupré: Dans les faillites, même si le nombre
qu'on veut laisser croire n'est pas le même pour tout le monde, il reste
que tout le monde a admis qu'il y avait des faillites tout de même et je
pense qu'il y en aura toujours. Dans la recommandation de l'UPA entre autres -
et je pense que cela a été aussi un souhait de la commission
-lorsqu'un producteur fait un paiement en retard ou est en défaut de
paiement, l'office cesse de verser sa subvention d'intérêt et
l'intérêt devient dû au complet par l'emprunteur. On sait
que, lorsque cela arrive, c'est parce que la personne est déjà en
difficulté mais peut-être pas à l'extrême et
là, au lieu de l'aider, on lui met une charge supplémentaire en
disant: Là, on coupe tes intérêts. J'ai de la misère
à comprendre cela.
M. Garon: C'est parce qu'on ne veut pas donner une subvention sur
un paiement qui n'est pas fait. C'est pour l'inciter à faire le
paiement.
M. Dupré: Vous ne trouvez pas qu'au moment où cela
se passe, si le gars ne fait pas son paiement, c'est justement parce qu'il
commence à être en difficulté ou il l'est? Là au
lieu de l'aider vous lui dites: Là, on ne te donne plus ton retour
d'intérêt. Je pense que cela le pénalise doublement.
M. Garon: S'il n'est pas capable de faire ses paiements.
L'idée ce n'est pas de lui donner des subventions alors qu'il ne fait
plus ses paiements, c'est de reconsolider son affaire, refinancer son
affaire.
M. Dupré: Des fois sur le bord de la faillite ou tout
près, c'est peut-être cela ou c'est peut-être aussi - je
voudrais parler des
M. Garon: Imaginez-vous un peu que quelqu'un qui ne fait plus ses
paiements, on va continuer à lui envoyer ses subventions. Cela fait un
drôle de régime, tandis que normalement, ce que le cultivateur va
faire, il va venir à l'office et il va dire: Écoutez, moi, je
suis trop serré financièrement. Il va s'arranger avec l'office et
dans le cadre de ces arrangements on va tenir compte de cela et il va avoir sa
subvention d'intérêt. (22 h 45)
M. Dupré: Une fois que les arrangements sont pris, il les
reçoit, mais des fois c'est justement assez, il ne se rend pas
là. Je pense que cela est peut-être une partie infime.
L'autre sujet qui m'a agacé un peu c'est le crédit
à la production. J'ai eu plusieurs plaintes de ce
côté-là, entre autres, dans les domaines des
céréales, du boeuf et du porc.
Si le gars est obligé d'emprunter pour semer et que son
crédit à la production n'arrive pas à temps, s'il
reçoit son crédit à la production au mois de juillet, cela
n'est plus le temps. Quand il doit remplacer ses porcs ou ses boeufs, je ne
sais pas s'il n'y aurait pas lieu d'accélérer les versements. Des
fois cela prend jusqu'à deux mois, deux mois et demi ou trois mois.
M. Garon: C'est le but de la refonte, accélérer le
mécanisme. Actuellement, ce qui est lourd comme mécanisme c'est
d'avoir à administrer huit ou neuf lois. Quand on aura une seule loi...
Là on a commencé à mettre un seul dossier, mais ce qui est
arrivé en cours de route c'est que la période qu'on vient de
vivre avec les hauts taux d'intérêt nous a obligés à
reconsolider, à faire un paquet de travail qu'on ne faisait pas avant
parce que cela n'était pas nécessaire. Il y a eu beaucoup de
consolidation; il y a eu des crédits spéciaux. Il y en a eu
plusieurs dans les dernières années. C'est beaucoup d'ouvrage
à administrer. Quand quelqu'un a un crédit spécial, ce
n'est pas parce qu'il roule sur l'or, c'est parce qu'il est serré. Alors
cela fait une administration beaucoup plus difficile pour l'office parce que
c'est du
crédit accordé à des gens qui sont plus
serrés financièrement.
Vous comprendrez que, dans le domaine du porc avec les taux
d'intérêt qu'on a connus et en même temps les prix à
terre, il y a beaucoup de gens qui étaient serrés. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Vallières): D'autres demandes
d'intervention?
M. le député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Excusez-moi, je pensais que l'Opposition
aurait quelques mots ou quelques questions. Rapidement, M. Talbot est venu en
commission et à maintes reprises a essayé de démontrer que
le programme de parc d'engraissement ne correspondait pas à la
réalité au Québec parce qu'il disait qu'il aurait
aimé se partir avec seulement à peu près 200 têtes,
mais l'aide à l'établissement des parcs d'engraissement exigeait
au moins 400 têtes et que c'était trop gros.
M. Garon: C'est le programme du temps des libéraux qui
était comme cela. S'il y a eu un programme comme celui-là c'est
le programme du temps des libéraux. Ils exigaient pour commencer, je
pense, 300 têtes, mais on a fait des programmes où on commence
à 50 têtes, mais on peut aller jusqu'à 400 têtes;
personne n'est obligé de prendre 400 têtes. D'ailleurs, le nombre
de producteurs qui ont bénéficié de ce programme... Le
premier programme qu'on a fait en 1977, le programme régional de
l'Outaouais, était pour encourager les petits. De mémoire, on
commençait à 20 têtes pour qu'ils commencent
tranquillement. Mais la meilleure preuve c'est qu'on a financé par notre
programme de parc d'engraissement 630 parcs pour 66 000 têtes, ce qui
fait une moyenne de 100 têtes par parc. Cela n'est pas vrai. Il y en a
qui voulaient 400 têtes et il y en a même, je vais vous dire une
affaire, on a mis notre affaire plus étanche, qui essayaient même
d'en profiter deux fois. Il est arrivé un cas et on a donné le
bénéfice du doute; le père et le fils voulaient absolument
avoir deux fois 400 têtes. En tout cas, la moyenne ce sont 100
têtes.
M. Baril (Arthabaska): M. Talbot nous a remis l'entête du
programme ou du volume qui est le "Guide d'établissement, mars 1979,
parquets d'engraissement de bouvillons; et c'est à partir de ce document
que M. Talbot disait que c'était trop gros, que cela n'avait pas de bon
sens et que cela n'était pas adapté à nos besoins au
Québec, à la réalité.
M. Garon: Ah non, le programme n'était pas... Le maximum
était de 400 têtes.
M. Baril (Arthabaska): Le maximum était de 400, mais tu
n'étais pas obligé de partir avec 400?
M. Garon: Non, non, au contraire, je vous le dis, 630 parcs pour
66 000 places dans les parcs. La moyenne est de 100 têtes par parc. Plus
que cela, quand c'était au-dessus de 25 000 $ c'est moi qui signais.
J'ai exigé de signer chacune des lettres d'offres quand c'était
au-dessus de 25 000 $ parce que je voulais m'assurer qu'on ne partirait pas des
gars très gros. Je voulais justement vérifier cela. Quand
c'était en bas de 25 000 $ la subvention, cela voulait dire en bas de
250 têtes, et je ne signais pas la lettre d'offres. Mais, quand
c'était au-dessus de 25 000 $, je signais parce que je voulais
vérifier qu'il n'y ait pas d'encouragement à la
surproduction.
M. Baril (Arthabaska): Merci, je vais laisser, s'il y en a
d'autres, je reviendrai peut-être plus tard.
M. Garon: Évidemment, je ne peux pas vérifier
chacun des dossiers et il y a une chose qu'il faut se dire aussi. Il faut
être bien prudent dans cela. Toute l'attitude du ministère qu'on a
mise en place était de considérer l'agriculteur comme un chef
d'entreprise, comme quelqu'un qui dirigeait son entreprise. Autrefois,
c'était le gouvernement qui décidait qui faisait son plan
d'ingénieur, c'était le gouvernement qui décidait quelle
firme il emploierait, c'était le gouvernement qui décidait qui
avait des heures de bulldozers. Il paraît que pour les avoir il fallait
payer à la caisse électorale du Parti libéral. Pour les
heures de bulldozers les cultivateurs avaient des heures qui leur
étaient données, il y avait tout un système de favoritisme
et de patronage qu'on a défait en considérant que l'agriculteur
était un chef d'entreprise. Moi je vais vous dire une chose - et c'est
la cassette et puis elle va tourner la cassette, je peux vous le dire, parce
que je suis assez fier d'avoir détruit ce système et ce
n'était pas facile de le détruire, il a fallu que je fasse
disparaître six bureaux régionaux pour être certain que
j'enlevais le chiendent jusqu'au fond. Pour enlever tous les rouages qui
pouvaient exister j'ai fermé six bureaux régionaux et en une
semaine tout le monde a été relocalisé dans les bureaux
locaux. Je ne savais pas qui jouait et qui ne jouait pas là-dedans. Je
ne pouvais pas faire d'enquête. Ce qu'on a fait à ce moment, on a
dit: Le cultivateur, la philosophie est de le considérer comme chef
d'entreprise. Les gens du ministère lui donnent des conseils. Dans nos
programmes, il y a des balises mais on n'administre pas la ferme à la
place du cultivateur, c'est le cultivateur qui est le chef de l'entreprise et
moi je suis certain
que les cultivateurs ne veulent pas revenir à ce que
c'était avant. Ils aiment trop cela maintenant être les boss sur
leurs terres. Combien de gens sur la route à qui j'ai
arrêté parler m'ont dit: M. Garon, ce que j'aime aujourd'hui c'est
quand j'appelle le gars pour les bulldozers et que je lui dis, tu viens le 6
août et si tu n'es pas content j'en prends un autre. Si tu ne peux pas et
que tu as d'autres hommes le 6 août, moi je vais en prendre un autre
parce que moi c'est le 6 août que cela fait mon affaire. Avant ce
n'était pas cela, le gars disait je vais y aller le Il novembre, il
était presque au temps de la neige, il allait faire les routes avant
puis, quand il avait une minute, il allait chez le cultivateur et on
travaillait dans la bouette, cela nous coûtait bien plus cher parce qu'il
donnait son meilleur temps aux routes pour le gouvernement et il nous donnait
son temps lorsqu'il pleuvait; c'était glissant et cela coûtait
cher. Il disait, on avait toujours la "scrap". Les cultivateurs sont
très contents du système qu'on a mis en place. On les
considère comme des chefs d'entreprise et moi je n'ai pas l'intention de
changer cela.
C'est la même chose dans le secteur des pêches actuellement.
Je peux vous dire que le monde est de plus en plus heureux. Au lieu de les
considérer toujours sous tutelle, considérer que les gens ne
savent rien, moi j'aime considérer qu'ils connaissent quelque chose mais
on a des spécialistes qui les conseillent; il n'y a pas de gêne
à cela d'avoir des spécialistes qui conseillent, moi je me fais
conseiller à la journée; il y a toute sorte de monde qui me donne
des conseils et le problème c'est que si je prends le mauvais conseil,
à un moment donné je ne blâme pas le gars qui m'a
donné le conseil je ne suis pas obligé de le prendre son conseil.
Pour l'agriculteur, c'est la même chose, il engage les gens qui lui
donnent des conseils. On en a un certain nombre qui donnent des conseils
gratuits mais il n'est pas obligé de les suivre, souvent il ne les suit
pas et par la suite, s'il arrive une difficulté, qui est responsable?
C'est celui qui prend la décision mais pensez-vous qu'on est heureux
quand quelqu'un a de la difficulté? On essaie au contraire de sauver le
maximum de gens parce que c'est notre job, puis il n'y a pas d'heure pour cela.
J'ai rencontré au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries
et de l'Alimentation des gens paresseux. Il y en a dans toute place mais j'ai
rencontré les gens les plus dévoués et je ne suis pas un
"vanteur" de fonctionnaires, je n'ai pas cette réputation, tout le monde
le sait, mais j'ai rencontré les gens les plus dévoués,
les plus contents de travailler dans le secteur où ils travaillent au
ministère, dans les sociétés comme l'Office du
crédit agricole, la stabilisation, les assurances agricoles, les gens
qui travaillent parce qu'ils aiment ce qu'ils font et il n'y a pas de
"turn-over" comme il y a dans les autres ministères. Regardez dans les
autres ministères, les gens changent constamment d'emploi. Chez nous,
ils restent là parce qu'ils aiment cela. En termes d'emploi, j'ai
été invité à l'ITA de La Pocatière et
à l'ITA de Saint-Hyacinthe. J'y suis allé, j'ai donné des
poignées de main et il m'ont offert sans que je ne le demande de donner
des certificats à chacun des étudiants. J'ai demandé
à chacun - j'étais invité là et j'ai
été aussi invité à l'Université Laval et
j'ai accepté. Je vais faire la même chose à
l'Université Laval même si les gens dans la salle attendent un
peu. Ils parlent entre eux et cela ne me dérange pas, moi je parle avec
les étudiants. À chacun j'ai demandé: Vous avez fini au
printemps, d'où venez-vous, avez-vous un emploi, dans le secteur
où vous vouliez aller avez-vous un emploi permanent et êtes-vous
content de ce que vous faites? Il y en a 160 qui ont terminé à
l'ITA de La Pocatière et 160 à Saint-Hyacinthe. Sur 320, 95% ont
des emplois. Il y en a plus de 300 quiont un emploi. J'ai
été surpris même parce que n'étant pas
personnellement un gars qui va à cheval je me disais,
péché, un cours spécialisé en technologie
équine, est-ce que c'est si bon que cela? J'avais des réserves
personnelles mais je n'en parlais pas. Alors, j'y suis allé et j'ai vu
que, parmi les finissants, 20 étaient des filles. Ils m'ont dit cela, et
j'ai dit dit: Péché! Quand j'ai demandé à chacune,
tout le monde travaillait, les 20 avaient un emploi. Donc, dans l'agriculture,
il y a du développement. Quand quelqu'un a des difficultés, on
n'est pas heureux. On a fait le maximum. Dans l'élevage du vison, vous
demanderez les heures qu'on a passées là-dedans. Tantôt, je
vais annoncer une nouvelle mesure qu'on a adoptée au Conseil du
trésor hier. On ne prendra pas toute la bouchée, mais on va aider
même des gens qui sont financés au crédit agricole; quand
le taux de la Société fédérale du crédit
agricole est trop haut par rapport à ce qu'ils pourraient avoir chez
nous, on va en prendre une strate.
Pourquoi est-ce qu'on ne prendra pas toute la bouchée? Parce que,
si on prend la bouchée trop grosse, on va pénaliser les gens qui
sont déjà avec nous. Alors, on va faire un effort particulier
parce qu'on n'est pas heureux quand les gens sont en difficulté
financière. Je n'ai pas vu une seule fois, quelle que soit l'heure,
qu'on n'a pas essayé de sauver quelqu'un en difficulté. On n'est
pas capable de sauver tout le monde. Quand il n'y a aucune perspective de
rentabilité, l'Office de crédit agricole... En tout cas, c'est ce
que je pense. M. Moreau, ce n'est pas un gars malade qui dit: Plus tu vas faire
faillite, plus je suis heureux. On essaie d'en avoir au minimum. Notre bilan
est toujours plus beau quand personne ne manque son
coup. C'est ça qu'on vise.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Vous me permettrez de
faire deux remarques préliminaires avant de poser une question qui se
rapporte directement au texte. Lorsque le ministre de l'Agriculture a fait son
plaidoyer pour les agriculteurs à temps partiel, tantôt, j'ai cru
qu'il s'adressait à l'Opposition et je voudrais le rassurer. Les
discussions intervenues en ce qui concerne les agriculteurs à temps
partiel étaient entre mon collègue de Saint-Hyacinthe, le
vice-président de la commission, et le président de l'UPA. De
notre côté, il n'a pas besoin de nous convaincre, on comprend
pourquoi on ne favorise pas les agriculteurs à temps partiel. À
ce moment-là, il a renseigné adéquatement son
collègue de Saint-Hyacinthe.
J'ai entendu le ministre tantôt nous dire qu'il va retarder
l'échéance du sommet économique sur le financement
à cause de la préparation des dossiers des sept grévistes
de la faim. C'est malheureux, je ne sais pas si vous avez gardé votre
dossier en secret, mais je m'attendais à ce que votre intervention d'une
heure touche le dossier des sept grévistes de la faim puisque
c'était là le mandat de la commission. De toute façon,
probablement que vous avez mis beaucoup de temps à préparer ce
dossier pour retarder votre sommet économique, et, quand vous aurez
l'occasion de nous l'envoyer, vous serez le bienvenu, on en prendra
connaissance.
Je voudrais vous rappeler le texte qui a été lu à
la commission, l'intervention de M. Marcel Talbot qui a été
faite, d'ailleurs, comme toutes les autres, sous la foi du serment. Je vous
lirai un passage. On se souviendra, pour se situer dans le contexte de cette
commission, que M. Talbot, à ce moment-là, montrait à la
commission un document d'environ deux pouces d'épaisseur concernant le
programme du MAPAQ sur les bovins de boucherie. C'est un document, d'ailleurs,
qui a été signé par une foule de spécialistes et M.
Talbot y a fait référence régulièrement. (23
heures)
Dans son intervention, il dit ceci: "Le directeur régional de
l'office, M. Viateur Daoust, m'annonce qu'il a trouvé une solution
à ma ferme, un parc d'engraissement du bouvillon. Il me dit: Cela fait
trois fois qu'on essaie de partir le boeuf au Québec, cette fois-ci, les
agriculteurs ne se casseront pas la gueule. Ce programme est sorti en mars 1979
pour les parquets d'engraissement du bouvillon. J'ai demandé à
réfléchir et je suis allé voir les parquets
d'engraissement de la région avec mon agronome. Par la suite, j'ai
contacté Clément Lavoie, officier régional de l'office,
à qui je propose de bâtir un parquet d'engraissement de 200
têtes. Ma proposition est refusée car le modèle type est
une ferme de 400 têtes en 1979. Je n'ai plus le choix. Je commence
à les croire puisqu'ils veulent prêter pour 400 têtes et
qu'on m'encourage à embarquer dans ce programme gouvernemental. Je veux
commencer avec 200 têtes, mais je dois bâtir un parc
d'engraissement de 400 têtes. Je finirai 200 têtes la
première année et 400 têtes - pour compléter,
j'imagine - la deuxième année. Clément Lavoie, officier
régional de l'office, a fait une projection chiffrée pour quatre
ans de 1979 à 1982 selon laquelle ma dette sur marge de crédit
aurait été payée en quasi-totalité en 1982. Il me
serait resté un solde à payer en 1982 de seulement 8818 $. Je
considère avoir été aveuglé par cette projection de
Clément Lavoie où le gouvernement assurait mes revenus. Je
suppose que Clément Lavoie a pris les chiffres dans le document de mars
1979 du MAPAQ et qu'il les a transposés à ma ferme en se servant
du revenu net garanti car il calculait un profit net de 125 $ par
tête..." etc. Et là, je ne continuerai pas de lire pour en arriver
à ma question, mais de toute façon il termine son paragraphe un
peu plus loin en invoquant qu'il y a certaines lacunes d'encadrement technique
et de la génétique dans ce domaine qui ont fait qu'il ne pouvait
pas, à toutes fins utiles, avoir une certaine rentabilité.
J'aimerais vous demander, M. le ministre, lorsque le MAPAQ lance une
programmation dans une production quelconque, quelles sont les
précautions prises par votre ministère, non seulement pour savoir
si, effectivement, il y a une rentabilité à long terme, si
effectivement il y a des débouchés aussi face à cette
production, parce que c'est sûr qu'on grossit les productions. Vous avez
donné une tonne de chiffres tout à l'heure concernant
l'augmentation de tonnes dans ci et dans ça - il y a une multiplication
- mais y a-t-il des projections faites du MAPAQ? Il a souvent brandi son
document pour nous dire qu'il y avait une rentabilité assurée
quand on lui a vendu 400 têtes et même on lui a proposé de
changer des cours d'eau de place pour être capable de se construire et on
lui a dit: C'est 400 têtes. Si tu n'embarques pas là-dedans, il
n'y a plus de solution à ta ferme. Ou bien tu disparais, ou bien tu t'en
vas dans 400 têtes. Il a dit: Moi, je ne suis pas capable. Il a dit: Au
moins, fais cela sur deux ans. C'est ce que j'ai cru comprendre de cet
échange. Et vous m'avez dit tantôt que la moyenne est de 100
têtes. Pourquoi n'a-t-on pas exigé de Marcel Talbot 100
têtes tout de suite en partant et voir si...
M. Garon: Ce que j'ai entendu dire...
M. Talbot, c'est celui qui travaillait pour la compagnie...
Une voix: General Motors.
M. Garon: General Motors. Ce que j'ai entendu dire de M. Talbot,
c'est que, quand il est parti de General Motors, il a acheté une ferme
laitière avec la Société fédérale du
crédit agricole - on n'était même pas là-dedans - et
qu'il s'est rendu compte qu'il n'avait pas un quota suffisant pour être
à temps plein là-dedans. Comme acquérir du quota,
c'était compliqué, il a décidé de s'en aller dans
le boeuf parce qu'il voulait être à temps plein dans ce secteur.
C'est ce que j'ai entendu dire. Ce n'est pas possible, ce que vous me dites
là, parce que le guide d'établissement, il ne fallait pas avoir
le couvert. Tu l'as ou tu ne l'as pas, le guide d'établissement. Ce
n'est pas ce qu'il dit. Ce n'est pas notre politique, de mettre des gars
à 400 têtes en partant pour une affaire semblable, sauf qu'il y en
a qui veulent. Quand les gens le veulent et le demandent, s'ils demandent une
projection sur 400 têtes ou une projection de 200 têtes avec
l'agronome, l'agronome va faire avec eux une projection.
M. Picotte: M. le ministre, ne nous trompons pas...
M. Garon: Attendez un peu! Puis-je...
M. Picotte: Non, seulement un petit mot.
M. Garon: Non, je voudrais finir ma réponse, parce
que...
M. Picotte: Ne nous trompons pas. M. Talbot est venu nous dire
ici qu'il ne voulait pas avoir 400 têtes. Vous semblez nous dire
que...
M. Garon: Oui, mais on ne prête pas aux gens de force.
Voyons donc!
M. Picotte: II ne voulait pas. On l'a obligé à 400
têtes. C'est ce qu'il nous a dit.
M. Garon: Oui, mais on ne prête pas aux gens de force. Nous
autres, on n'est pas une société avec but lucratif. À
l'Office du crédit agricole, on ne prête pas aux gens de force. Je
vais vous dire une chose; je ne connais personne qui va vous dire qu'on a
essayé de lui dire: On va te prêter. Tu n'as pas le choix, on va
te prêter. Les gens font des demandes et ils disent ce qu'ils veulent
avoir. Il a pu parler avec quelqu'un et dire: Moi, je voudrais avoir un revenu
et je voudrais fonctionner de telle façon. Il est possible que
l'agronome ait dit: Si tu vois cela de telle façon, pour avoir un type
de revenu et être à temps plein dans le boeuf, tu ne pourras pas
réussir si tu as une petite production; il va falloir une production
plus grosse pour avoir les revenus qui la justifient. Nous, on ne fait pas de
modèles théoriques. On avait un modèle pour les
coûts de production qui était théorique, mais, quand on
fait des prêts ensuite, la rentabilité est une obligation de la
loi. La Loi sur le crédit agricole oblige l'Office du crédit
agricole à prêter dans une perspective de rentabilité. Elle
fait ces analyses et détermine si, oui ou non, le projet est rentable,
mais dans des conditions données, au moment où on l'analyse. Si
quelqu'un arrive ensuite et ne vous parle pas de tous les prêts qu'il a
contractés - je ne parle pas du cas de M. Talbot. C'est
déjà arrivé à l'office. Les gens nous disent qu'ils
ne doivent rien ailleurs et, une fois qu'ils ont eu leur prêt, on
s'aperçoit qu'ils devaient 25 000 $ ou 50 000 $ ailleurs. Cela change
tout le portrait.
M. Picotte: Vous parlez de rentabilité, M. le ministre.
C'est justement le cas de M. Talbot, je pense. Il nous dit: À 200
têtes, il n'aura pas de rentabilité et l'office ne prête
pas. Mais on va prêter à 400 têtes, parce qu'il va y avoir
une rentabilité. C'est ce qu'il est venu nous dire.
Écoutez...
M. Garon: J'ai le document ici: "Guide d'établissement,
mars 1979, parquets d'engraissement de bouvillons." C'est écrit:
Investissements à faire et crédits disponibles; investissements
spécifiques requis selon la grosseur du parquet; données de base,
investissement requis à 50, 100, 150, 200, 300 et 400 têtes.
Pourquoi aurait-on émis toutes ces hypothèses si on prenait
seulement 400 têtes? Voyons donc!
M. Picotte: Oui, mais c'est ce que je vous dis, M. le ministre.
C'est ce que je viens de vous dire.
M. Garon: Le document est là. Il donne différentes
hypothèses. Si vous dites: Moi, je veux m'établir avec...
M. Picotte: Écoutez...
M. Garon: Laissez-moi finir.
M. Picotte: Vous ne me répondez pas.
M. Garon: Je vous dis que si quelqu'un arrive et dit: Moi, je
voudrais telle chose; voici comment je conçois mon projet, on va
regarder le modèle en fonction du type de projet de l'agriculteur.
M. Picotte: Ce n'est pas cela qu'il nous a dit. Il nous a dit: Je
voulais 200 têtes et l'office m'a dit: On on ne te prête pas;
il
n'y aura pas de rentabilité à 200 têtes dans votre
cas; cela prend 400 têtes pour que cela soit rentable. On ne veut pas lui
prêter à 200 têtes parce qu'il n'y a pas de
rentabilité, mais on lui prête à 400 têtes. On dit:
Ta rentabilité est à 400 têtes. Écoutez, vous me
dites qu'il aurait pu partir à 50 têtes; il était
prêt à le faire, selon ce qu'il nous a dit. C'est l'office qui n'a
pas voulu, selon ses dires. Moi, j'essaie de voir clair dans les dossiers des
gens qui sont venus nous parler.
M. Garon: II aurait fallu que vous posiez la question aux gens de
l'office qui sont venus. Vous auriez eu l'occasion de poser cette question. Ce
sont eux qui administrent chacun des cas individuels. Moi, je vous dis que le
programme du ministère et que les documents que je signe ne disent pas
ce que vous dites actuellement. Vous aviez beau tantôt... Je ne sais pas
si vous avez posé la question à M. Moreau. Lui, il pourrait vous
dire ce que l'office fait quand il arrive... S'il y a des choses au dossier...
M. Moreau est à côté de moi et il me dit qu'il n'y a rien
au dossier qui démontre cela. Je vous dis que nos politiques ne
fonctionnent pas comme cela. Si vous voulez faire venir le fonctionnaire pour
l'assermenter, vous avez bien beau, sauf que nos documents ne disent pas cela.
On n'a jamais dit cela. Il y avait un programme quand on est arrivé au
gouvernement qui disait cela au temps des libéraux: il fallait qu'ils
commencent à 300 têtes. Il y avait un programme en 1976 et on l'a
aboli, parce qu'on trouvait que cela n'avait pas de bon sens. J'ai
demandé au sous-ministre, d'ailleurs: Pourquoi y a-t-il un programme
à 300 têtes? Il m'a répondu: Les libéraux ne
voulaient pas dépenser d'argent et ils savaient qu'avec un programme
semblable, personne ne ferait de demande. Il a dit: Cela n'a pas
coûté cher; il y en eu quatre ou cinq qui ont fait une demande.
Nous, immédiatement, on a conçu un programme régional dans
l'Outaouais avec 20 têtes au point de départ jusqu'à 50 ou
100. C'est un petit programme régional qui a bien fonctionné et,
ensuite, on a généralisé à l'ensemble du
Québec un programme pour partir avec un niveau de têtes
inférieur. Dans certaines régions où on pensait que cela
se développerait plus spécifiquement pour le boeuf, on a mis des
petits programmes régionaux pour les partir de 20 à 50 et le
programme national les prenait à 50 pour aller plus haut, s'ils le
voulaient. Mais personne n'était obligé de faire partie d'un
programme. Il est possible aussi qu'un projet à 200 têtes ne soit
pas rentable; c'est possible. Mais je ne suis pas capable...
M. Picotte: Mais c'était quand même plausible, M. le
ministre. Puisque votre programme parle de 50, 100, 200, 400 - vous allez
jusqu'à 400 - le programme des libéraux était quand
même plausible à 300 têtes. Vous allez...
M. Garon: II fallait partir à 300.
M. Picotte: ...jusqu'à 400, vous-même.
M. Garon: II fallait qu'ils partent à 300 têtes et
il n'y avait pas de boeuf au Québec.
M. Picotte: M. Talbot a été obligé de partir
à 400 têtes...
M. Garon: II y avait 5000 têtes.
M. Picotte: ...et il a fait faillite. C'est ce qui est
arrivé à M. Talbot; on l'a obligé à partir à
400 têtes et cela n'a pas fonctionné.
M. Garon: Vous pouvez bien charrier...
M. Picotte: M. le Président, je m'excuse...
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Picotte: Je m'excuse. Je voudrais faire une question de
règlement. Je n'accepterai pas que le ministre me dise que je charrie
quand j'essaie de savoir la vérité. Il y a un témoin qui a
prêté serment qui nous a dit cela et un autre témoin nous a
dit autre chose. Moi, j'essaie de voir clair. Il n'y a pas de charriage
là-dedans.
Le Président (M. Vallières): M. le ministre.
M. Garon: Si c'est cela, M. le Président, que la
commission fasse venir le fonctionnaire pour donner une chance égale au
fonctionnaire. Ce n'est pas moi qui ai fait le dossier. C'est facile à
affirmer et là, c'est ce que vous affirmez. Je pense qu'il ne faut pas
faire d'affirmation gratuite alors que tous les documents qu'on a
démontrent le contraire. Je peux vous produire le programme, le guide
d'établissement, pas la couverture, le guide complet. Si vous voulez
qu'on vous en dépose une copie, on va vous en faire parvenir une copie
et vous verrez que ce ne sont pas 400 têtes; ça commence à
50 têtes. C'est le programme national et on avait plusieurs programmes
régionaux. Je me demande s'il n'y avait pas un programme régional
en Estrie. Il y avait des petits programmes dans plusieurs régions.
M. Picotte: M. le ministre, je vais aller plus loin que cela.
Quand M. Talbot a comparu, il nous a, en plus, déposé un document
signé faisant état des 400 têtes
exigées. Je le lis: "1979-06-08 C. L. (Clément Lavoie)
OCAQ." C'est un document officiel de rentabilité qu'on a écrit et
qui a été déposé par M. Talbot.
M. Garon: Et puis?
M. Picotte: II était sous serment. J'essaie de
découvrir la vérité. On lui a parlé d'une
rentabilité à 400 têtes et, à 200, il n'y en avait
pas.
M. Garon: Mais si M. Talbot a demandé d'avoir des
projections de types d'établissement en fonction du nombre,
écoutez, vous avez dit tantôt vous-même qu'il y en avait une
à 200 et une à 400. J'ai bien compris, vous avez dit qu'il y
avait une projection à 200 et une à 400.
M. Picotte: On lui a...
M. Garon: Un instant! M. le Président, je vais relever les
notes parce que je pense que le député de Maskinongé a dit
qu'il y avait une projection à 200 et une autre à 400.
M. Picotte: Non. J'ai dit que M. Talbot voulait avoir 200, qu'on
lui a imposé 400, qu'il a pris la peine de réfléchir et
qu'ensuite il a dit: La première année, 200 têtes, mais la
deuxième année, il va se rendre à 400 selon les
projections. C'est pour cela que j'ai parlé de 200 et 400, parce que
c'est ce qu'il a fait comme projection avec le fonctionnaire de l'Office du
crédit agricole avec document déposé ici par lui comme
projection. C'est ça qu'il nous a dit ici à la commission.
M. Garon: Je peux vous dire qu'il n'y a aucune mesure, rien. Je
n'étais pas là lors de l'entrevue entre le fonctionnaire et
l'agriculteur. Je peux vous dire qu'il n'y a aucun document, aucune formule du
ministère, rien n'exige cela. Ce n'est pas comme cela que cela
fonctionne; c'est de 50 à 400. Vous me poseriez toutes les questions que
vous voudriez, la seule chose que vous pourriez faire, c'est de faire venir le
fonctionnaire qui a fait l'entrevue. Vous avez beau le faire venir.
L'office dit avoir eu une demande de 400. C'est pour cela qu'ils ont
fait une projection à 400 parce qu'en l'occurrence le client avait fait
une demande de projection à 400, après une discussion avec eux.
Apparemment, vous auriez le document dans le dossier du 23 mai 1979.
M. Picotte: II y a eu une demande de 400, selon ce qui nous a
été rapporté ici parce que, justement, l'officier de
l'Office du crédit agricole qui l'a rencontré lui a dit: II faut
que tu fasses une demande de 400, tu n'as pas de rentabilité autrement.
C'est ce qui nous a été dit ici. C'est l'officier, le responsable
de l'Office du crédit agricole qui l'a dirigé et il s'est,
évidemment, fié au programme établi.
M. Garon: II n'y a pas de modèle là-dedans. Si
quelqu'un veut être à temps plein, ils vont discuter pour savoir
ce que cela rapporte à temps plein. Si quelqu'un dit: Je vais "chauffer"
un camion pour les écoles...
Des voix: Un camion!
M. Garon: Un autobus scolaire à mi-temps, je vais faire
l'élevage du boeuf et, avec ça, je calcule qu'une production de
tant de têtes serait suffisante, l'office va faire une projection
là-dessus.
Si quelqu'un d'autre dit: Je veux être à temps plein parce
que j'ai déjà une ferme. M. Talbot, si ma mémoire est
bonne, avait une ferme laitière, une entreprise, quelque chose qu'il
voulait transformer en élevage de boeuf. S'il a discuté de son
cas et qu'il a dit, à un moment donné: Je veux aller à
400, le fonctionnaire lui a fait une projection à 400. Je suis
persuadé que, si on regarde dans la région, il y a plusieurs
fermes et qu'elles ne sont pas toutes parties à 400. (23 h 15)
M. Picotte: Quand vous lancez un nouveau programme, M. le
ministre, soit dans le bouvillon ou peu importe le programme, quelle relation
s'établit entre votre ministère et l'Office du crédit
agricole? Quand un programme est lancé, souvent on entend dire que
l'Office du crédit agricole ouvre la machine et dit: Maintenant, dans ce
domaine-là, il y a un nouveau programme; il semble y avoir une
rentabilité et on prête; ne vous gênez pas; on y va. Je vous
dis ce qu'on s'est fait dire. J'essaie de savoir ce qui est vrai et ce qui
n'est pas vrai. Je suis bien obligé de poser des questions dans ce
sens-là.
M. Garon: D'abord, il y a toutes sortes de gens...
M. Picotte: Quelle sorte de relation s'établit entre le
MAPAQ et l'Office du crédit agricole? Est-ce que quelqu'un parle
à M. Moreau et lui dit: On a un nouveau programme maintenant et on
prétend qu'il y a une rentabilité; il va falloir X millions, en
tout cas, des possibilités d'emprunt de la part des agriculteurs si on
veut que cela fonctionne. Vous parlez d'autosuffisance et vous voulez que cela
grossisse, mais il faut, d'autre part, qu'il y ait de l'argent provenant de
l'office qui soit injecté pour que les gens aillent dans cette
production et que cela fonctionne. D'abord, quelle sorte de discussion y
a-t-il? Entre qui cela a-t-il lieu? Entre le président et le ministre,
j'imagine,
ou un sous-ministre. À ce moment-là, on va peut-être
déceler que, dans l'euphorie du moment, quand on vend un nouveau
programme, avec la meilleure volonté du monde, les fonctionnaires de
l'Office du crédit agricole disent: Les gars, il faut embarquer
là-dedans; ce sera bon. J'essaie de savoir ce qui se passe quand vous
établissez un nouveau programme.
M. Garon: Ce que vous dites n'est pas exact. Je vais vous en
donner la meilleure preuve. Je pense que la meilleure preuve c'est quand on a
commencé à parler de développer la production du boeuf. On
importe en moyenne au Québec pour 800 000 000 $ de boeuf par
année. Le secteur du lait ne progressera plus beaucoup. Cela va prendre
un gros effort pour maintenir le niveau de production. Les trois plus grandes
possibilités, c'est le boeuf, les céréales et
l'horticulture. Le boeuf, c'est un marché de 800 000 000 $. C'est
évident, quand on a commencé à parler de développer
la production du boeuf, que beaucoup de gens n'y croyaient pas. Je me rappelle
même une réunion tenue à Saint-Hyacinthe où on
m'avait rapporté que le coordonnateur adjoint avait dit publiquement
qu'il n'était pas fort pour la production du boeuf. Les gens avaient
dit: Vous devriez le condamner parce qu'il ne partage pas les idées du
ministère. J'avais répondu: S'il faut que je condamne tout le
monde qui ne partage pas nos politiques, cela fera peut-être beaucoup de
gens à "maganer". Qu'est-ce que vous voulez, il a donné son
opinion! Il y a des gens qui y croient beaucoup; d'autres qui y croient moins.
Il y a des agronomes qui jurent rien que par le lait. Il y en a d'autres qui
croient beaucoup aux céréales. Il y en a d'autres qui croient
beaucoup au boeuf.
Quand on fait des projets, quand on travaille ainsi, c'est
évident qu'on travaille ensemble. Souvent, les modèles sont
étudiés par l'office, le ministère et les régies
des assurances en même temps. Ils travaillent sur ces projets-là.
Quand quelqu'un fait une demande, il n'y a pas un cas pareil. J'ai
écouté les représentants de l'UPA. J'ai beaucoup
aimé quand ils ont dit: Cela dépend de la ferme familiale; c'est
bien difficile à définir. Il n'y a pas un cas pareil. Il va
arriver quelqu'un qui va dire: Je veux emprunter de la société
fédérale et je veux la subvention du ministère; je me suis
fait financer à la société fédérale. Il y en
a d'autres qui ne veulent pas se faire financer, qui se financent sans passer
par nous autres, mais qui veulent la subvention. Il y en a beaucoup, surtout
dans la production du boeuf, qui ne sont pas à temps plein. Ce n'est pas
leur principale production. Donc, ils n'ont pas besoin du crédit
agricole, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas accès au crédit
agricole. Il y en a beaucoup qui sont dans la production du boeuf qui n'ont pas
accès au crédit agricole, parce qu'ils ne sont pas à temps
plein. Par ailleurs, ils produisent plus que pour 3000 $ par année; ils
ont droit aux mesures du ministère. Cela dépend de chacun des
cas. Il y a plusieurs cas différents là-dedans.
Mais quand il y a des gens qui veulent se faire financer par l'office et
qu'ils vont voir les gens du ministère, il y a un rapport qui se fait
entre eux. De plus en plus, d'ailleurs, les bureaux de l'office et les bureaux
du ministère vont être dans la même bâtisse. C'est ce
qu'on est en train de faire. D'ailleurs, je pense que quelqu'un a dit, cet
après-midi, qu'on voulait faire des réaménagements. Oui,
on veut faire des réaménagements, parce qu'on veut avoir des
meilleurs services. Autrefois, c'était uniquement la production
laitière.
Aujourd'hui, il faut penser en termes de production polyvalente dans les
régions. On veut avoir des bureaux polyvalents. On va transférer
les gens du bureau régional dans des bureaux locaux pour une meilleure
accessibilité aux cultivateurs, pour que les gens donnent un meilleur
service, avec l'Office du crédit agricole, dans le même bureau.
C'est cela qu'on fera pour que les gens puissent travailler ensemble. C'est
cela le but.
M. Picotte: M. le ministre, on ne se contera pas d'histoires
ensemble. On va tout simplement faire une discussion pratique. Je ne nie pas
cela et je ne conteste pas cela. Quand le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, par une décision
politique - c'est son choix, c'est son droit, cela lui appartient et c'est lui
qui doit en assumer la responsabilité; je ne mets pas cela en cause,
d'aucune façon -décide de vouloir atteindre l'autosuffisance dans
une production donnée - peu importe laquelle...
Une voix: Oui.
M. Picotte: ...ne discutons pas pour savoir laquelle - on ne se
contera pas d'histoires ensemble, on sait très bien qu'automatiquement,
si on veut que cette production prenne de l'expansion, il faut injecter des
montants d'argent du côté de l'Office du crédit agricole.
C'est vrai aussi. Il n'y a pas d'histoires là-dedans. Quelle sorte de
relation avez-vous avec le président de l'office à ce
moment-là pour lui dire: M. le président, on a un nouveau
programme, on y croit, cela va révolutionner le monde? Tel que je vous
connais, vous devez employer des termes comme cela. Cela va
révolutionner l'agriculture au Québec. Qu'est-ce que vous dites
au président de l'office pour ouvrir les valves? Il devine
peut-être cela aussi. J'ai écouté M. Moreau cet
après-midi et c'est
vrai qu'il est perspicace. Je crois qu'il devine cela. Il voit cela dans
vos programmes. Effectivement, il doit y avoir une relation...
M. Garon: M. le Président, je pense que le
député de Maskinongé est complètement en dehors de
ce qui a été dit dans les témoignages. Les
témoignages ont plutôt mentionné que ce n'était pas
moi qui dirigeais le président, que c'est lui qui me manipulait. C'est
ce qui a été dit ici.
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Garon: Je peux vous dire une chose.
M. Picotte: Vous avez l'air tous les deux difficiles à
manipuler.
M. Garon: Je vais vous dire une chose: Lorsqu'on veut
développer une production, on n'oblige personne de force à
développer cette production; on rend des programmes accessibles,
disponibles. Ce sont des mesures incitatives. Lorsque vous enseignez
l'économique - j'ai déjà enseigné un peu
l'économique et il y a quelques économistes ici - il y a des
distinctions entre les mesures incitatives et les mesures impératives;
on parle de la planification incitative et de la planification
impérative. On a des mesures incitatives parce qu'on souhaite
développer la production du boeuf au Québec, mais on ne veut pas
la développer de force. Pour ceux qui le veulent, il y a des mesures
possibles. C'est la même chose pour Corvée-habitation. Celui qui
veut se bâtir une maison a le droit de recourir au programme et d'avoir
une subvention sur son intérêt, mais il n'est pas obligé de
se bâtir une maison. Dans tous les programmes du gouvernement, les gens
ne sont pas obligés. Ils peuvent le faire.
Je vais vous dire une chose: Plus on va développer le boeuf au
Québec, plus je vais être heureux, parce que cela va faire
travailler des gens. M. Moreau a donné des chiffres sur les faillites
dans le domaine du boeuf. Je l'ai entendu tantôt sur le perroquet.
Pendant que je préparais mes affaires, le perroquet fonctionnait. Pour
ceux qui ne le savent pas, le haut-parleur, au gouvernement, on appelle cela
des perroquets. C'est parce qu'ils savent qu'il y a beaucoup de
députés de l'Opposition qui parlent dans ces machines. Blague
à part, M. Moreau disait, par exemple, combien d'emprunteurs dans le
boeuf avaient fait faillite sur tous les emprunteurs dans le boeuf. Sur 984, il
y en a 30 qui ont fait faillite. Alors que la production nord-américaine
baisse de façon fulgurante, celle du Québec progresse. Pourquoi?
Parce qu'on a des mesures de soutien. Avec les mesures de stabilisation des
revenus, on a payé des gros montants. Je dois assez me battre au Conseil
du trésor pour les maintenir que je sais ce que je veux dire.
M. Picotte: Ne serait-il pas possible...
M. Garon: Allez voir dans les autres provinces, il n'y a pas de
mesures de cet ordre. Pourquoi? Parce qu'on sait qu'on vit actuellement une
phase d'implantation dans le boeuf. Les gens de l'Ontario ont commencé
la production du boeuf avant, parce qu'il y avait des gouvernements plus
dynamiques en Ontario qu'au Québec dans ce temps-là.
M. Picotte: Ne serait-il pas possible...
M. Garon: Laissez-moi finir. Le boeuf s'est
développé en Ontario et, aujourd'hui, ils ont des
équipements amortis qui leur coûtent moins cher de frais de
fonctionnement. Au Québec, il faut tenir compte de ces facteurs dans les
coûts de production pour l'assurance-stabilisation. C'est pour cela que
nos paiements sont plus élevés au Québec qu'en Ontario.
Cela se justifie. Chaque fois qu'on défend les budgets au Conseil du
trésor, je peux vous dire qu'on emploie les arguments. On emploie les
arguments, parce qu'on est dans une phase d'implantation et, lorsqu'on implante
un secteur économique, il faut l'aider davantage que lorsqu'il est rendu
à maturité.
M. Picotte: On va mettre Corvée-habitation à part.
Ne serait-il pas possible que, lorsque le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation a vanté son programme qu'il veut
atteindre de toute façon puisqu'il l'a conçu - il a vanté
cela, j'imagine, à M. Moreau qui était président de
l'office; je ne nie pas cela, il n'y a pas de problème à cela, il
n'y a pas de honte ni de péché à faire cela - dans cet
engouement et dans cet optimisme, ce débordement d'optimisme, M. Moreau,
après avoir consulté ou après avoir eu, j'imagine, une
rencontre avec ses officiers, ait tellement mis d'optimisme à vendre le
programme du ministre de l'Agriculture que le gars est arrivé chez M.
Talbot et lui a dit: Il y a une rentabilité à 400 têtes,
mon ami Talbot, et il faut que tu y ailles? Parce qu'il y a du
débordement d'optimisme, ne serait-il pas possible que cela arrive, des
cas comme cela?
M. Garon: II faut être cohérent. L'Office du
crédit agricole ne fournit pas, à peu près. On dit: II
faut trop de temps pour avoir un prêt. Pensez-vous qu'il court
après les gens pour leur prêter? Il en a assez des demandes qu'il
a là. La demande est trop forte. On en refuse un certain nombre; je ne
sais pas si on vous a donné les statistiques
des refus: 25% à 30%. Ce sont les gens qui viennent. On ne court
pas après les gens. On ne fait pas de publicité pour...
M. Picotte: M. le ministre, c'est vrai qu'ils ne doivent pas
courir après les gens, mais ne se pourrait-il pas, que cela arrive
lorsqu'on veut faire changer de production un gars? On ne court pas
après lui. Il est en difficulté. Il est devant l'office et se
dit: II faut que je trouve une façon de m'en sortir. Alors, on n'a pas
besoin de courir après parce que c'est nous qui allons lui dire:
Écoute, je pense que tu devrais te lancer là-dedans parce que
cela va bien aller. On a un optimisme, on sait qu'on a un programme à
vendre et on a les piastres qui vont avec; pour partir, il n'y a rien de trop
beau. Là, on ne court pas après le gars parce qu'on lui dit: Il
faut que tu changes; c'est toi-même qui nous soulignes qu'il faut que tu
changes d'orientation. C'est là parce que c'est beau, c'est le paradis
terrestre.
M. Garon: Puis?
M. Picotte: Alors, c'est cela. Quand les gens sont dans des
difficultés comme cela...
M. Garon: Vous ne me parlez pas des députés
libéraux qui appellent à l'office pour faire
accélérer des prêts, qui incitent des gens...
M. Picotte: Cela ne change rien.
M. Garon: ...à avoir des prêts alors...
M. Picotte: Bien oui. Il y a des députés
péquistes qui font cela.
M. Garon: ...que le fonctionnaire analyse tranquillement le
dossier.
M. Picotte: L'UPA fait cela. M. Garon: Un instant!
M. Picotte: Des députés péquistes et des
députés libéraux.
M. Garon: Non, non.
M. Picotte: Cela ne change absolument rien. Cela ne change pas le
programme et cela ne change pas l'incitation.
M. Garon: Alors que les fonctionnaires analysent le prêt
tranquillement pour voir s'ils doivent prêter ou non, des
députés libéraux appellent pour faire des pressions pour
accélérer le prêt.
M. Picotte: Oui, parce que cela prend six, huit mois et un an. On
a parlé de 99 jours. On a fait une opération-choc...
M. Garon: II faut que vous soyez cohérent; cela prend du
temps.
M. Picotte: ...qui n'a pas duré bien longtemps.
M. Garon: Cela prend du temps ou bien on court après les
gens.
M. Picotte: Cela n'a pas duré beaucoup plus longtemps que
le concours du plus bel homme d'après ce que je peux voir.
M. Garon: Vous savez... M. Picotte: Écoutez! M.
Garon: Oui.
M. Picotte: II ne faut pas charrier parce qu'il y a des
députés libéraux qui appellent à l'office. Ils font
exactement le travail...
M. Garon: Les députés libéraux aimaient
mieux faire cela pour Jean Lesage.
M. Picotte: ...que leurs commettants leur demandent de faire.
L'UPA l'a fait dans certains cas - j'ai posé la question - pour certains
de ses membres. Les députés péquistes autour de la table
qui n'ont jamais appelé à l'office pourraient lever la main. On
va regarder ce qui se passe pour voir. J'ai l'impression que les mains ne
seront pas... On n'a pas l'air de compter grand monde qui lève la main.
Il n'y a rien là! Qu'on n'amène pas le charriage des
députés libéraux qui appellent à l'office. J'ai
appelé - il n'y a pas de honte à cela - j'ai parlé
à M. Moreau et je vais continuer d'appeler parce que j'essaie de sauver
certains de mes commettants qui sont près de la faillite ou de la
liquidation. C'est tout simplement cela. On parle d'un programme du MAPAQ avec
de l'argent qui est mis à la disposition des agriculteurs et de
l'incitation que font, d'après ce qui nous est rapporté, des
membres de l'office...
M. Garon: Les interventions politiques auprès de
l'office.
M. Picotte: ...auprès d'agriculteurs pour qu'ils aillent
dans ces domaines. C'est de cela qu'on parle.
M. Garon: L'office est là pour administrer une loi. Vous
n'avez pas besoin, comme député, de faire des interventions
politiques auprès de l'office.
M. Picotte: Je n'ai fait aucune intervention politique.
M. Garon: Je suis un peu surpris qu'il y
ait autant d'interventions politiques.
M. Picotte: J'ai appelé, à la demande d'un
commettant, pour savoir si son dossier ne pourrait pas être
révisé et s'il ne pourrait le recevoir. C'est cela. Reprochez
donc cela à qui vous voudrez...
M. Garon: Vous vouliez le faire passer avant un autre?
M. Picotte: Non, non. M. Moreau, est-ce que je vous ai
demandé de faire passer un dossier avant un autre? Le ministre de
l'Agriculture dit n'importe quoi, j'aimerais savoir cela.
M. Garon: Pourquoi téléphonez-vous?
M. Picotte: Pour qu'il puisse rencontrer quelqu'un, car il n'est
pas capable de dépasser les frontières du bureau régional,
M. le ministre. C'est un autre point. Lorsque cela arrive au bureau
régional, cela fait cela... Même si le gars veut aller plus loin
avec des spécialistes, cela prend des bons téléphones pour
aller en haut. C'est cela qu'on fait. Il n'y a rien là.
Le Président (M. Vallières): À l'ordre s'il
vous plaît, M. le député de Maskinongé!
M. Picotte: Bien souvent, cela rend service, à part
cela.
Le Président (M. Vallières): Je m'excuse de devoir
vous interrompre. C'est que le temps qui était mis à votre
disposition est maintenant écoulé.
M. Picotte: C'est sûr que, si un député ne
fait pas de bureau, il n'appelle pas à l'office, mais il ne rencontre
pas d'électeurs, non plus.
Le Président (M. Vallières): Merci. J'ai une
demande d'intervention du député d'Arthabaska. (23 h 30)
M. Baril (Arthabaska): M. le Président, je voudrais
essayer d'éclaircir cela. Vous me direz si mon calcul est faux, s'il
n'est pas bon ou s'il n'a pas du tout de bon sens. On laisse entendre que, dans
le cas Talbot, il a été forcé par l'office d'accepter ce
prêt ou d'aller à 400 têtes. Que ce soit dans le cas de M.
Talbot ou dans un autre cas - je ne veux pas faire de personnalités -
est-ce possible qu'à cause du taux d'endettement de l'emprunteur, si on
calcule sa rentabilité -parce qu'on sait que l'office ne prêtera
pas si ce n'est pas rentable et je pense que c'est correct - le conseiller
financier puisse lui dire: À 200 têtes, tu n'es pas rentable;
donc, cela te prend 400 têtes pour être capable d'augmenter tes
revenus globaux pour couvrir ta dette ou être capable de rembourser ton
prêt? Je ne sais pas si mon calcul est bon ou s'il n'est pas bon, mais si
c'était cela le problème, après que le conseiller
financier lui a dit: II faut que tu aies 400 têtes pour obtenir la
rentabilité, l'emprunteur reste toujours libre de dire: Oui, je vais
à 400 têtes ou je n'y vais pas parce que je trouve que c'est trop
gros. Est-ce que ce peut être cela, la solution au problème?
M. Garon: Ce que vous dites là est possible. C'est
l'étude d'un dossier. Chacun des dossiers est différent, mais en
fonction de chaque situation le dossier est analysé et le conseiller du
crédit agricole va dire: Si ta ferme n'a pas de perspective de
rentabilité, on ne peut pas te prêter. Mais il n'oblige personne
à avoir tel niveau de ferme.
M. Baril (Arthabaska): D'accord, mais je pense que c'est
important pour qu'on ne se laisse pas sur une impression peut-être
fausse.
Une dernière question pour ma part, M. le ministre. J'ai
sursauté un peu quand on a cité - c'est M. Talbot qui l'a fait -
que, lors d'une rencontre que vous auriez eue avec des agriculteurs
probablement à la Flèche d'or à Saint-Cyrille, vous auriez
dit aux gens: Si vous voulez sauver vos terres, vos entreprises, passez
à l'intégration. Je suis resté un peu surpris de cela.
J'aimerais que vous puissiez commenter.
M. Garon: Tout le monde sait que, dans toutes les mesures qu'on a
adoptées, l'intégration n'a pas été admise. Par
exemple, l'assurance-stabilisation, ce n'est pas possible pour des fermes
intégrées. Le mouvement coopératif, Cobec, a bien
essayé, mais on a regardé cela et on a dit: il n'y a pas de
différence avec l'intégration privée, vous n'aurez pas
droit aux mesures. Les avocats ont fouillé cela de toutes les
manières possibles et ce n'était pas possible de faire la
distinction entre l'intégration coopérative et privée,
puis on n'a pas voulu. Si j'avais été un partisan de
l'intégration... Au contraire, voici ce que j'ai déjà dit
publiquement à un seul endroit, soit au Colisée, quand il y a eu
une assemblée avec plusieurs cultivateurs où on voulait me
forcer. J'ai même résisté à une manifestation de
8000 personnes qui disaient - pas résisté, il y avait toutes
sortes de raisons là-dedans - Vous devriez permettre la stabilisation
coopérative pour l'intégration coopérative. J'ai dit
publiquement, devant 8000 personnes: Si vous voulez qu'on accepte
l'intégration comme la production indépendante, je vous demande
deux choses: une résolution de l'assemblée générale
de l'UPA et une résolution de l'assemblée générale
de la Fédérée. Après, on regardera cela. Avant,
j'ai dit que l'intégration n'était
pas notre politique. Notre politique, c'est la production
indépendante. J'ai toujours exprimé cela partout.
Mais j'ai toujours dit aussi que, si quelqu'un voulait
s'intégrer, c'est sa décision à lui, ce n'est pas la
mienne. Ce n'est pas à moi de décider pour lui. Sauf qu'il y a
des mesures au gouvernement qui ne sont pas disponibles pour les producteurs
intégrés. Au contraire, on a essayé d'en
désintégrer plusieurs, de les aider s'ils se
désintégraient. L'intégration n'a jamais été
notre politique. La seule chose que j'ai dite déjà, pas une fois,
plusieurs fois: Si les gens veulent s'intégrer, c'est leur affaire, mais
on n'est pas obligé de les aider pour s'intégrer parce que ce
n'est pas notre politique.
Plusieurs m'ont demandé qu'on ait des politiques en faveur de
l'intégration. Jamais on n'a embarqué là-dedans. Cela a
été toujours clair et je pense bien que, si vous le demandez
à tous ceux qui me connaissent, qui ont travaillé avec moi au
cours de dernières années, à quelque niveau que ce soit,
ils vont vous dire que là-dessus j'ai toujours été
d'accord avec la politique des producteurs indépendants. Mais s'il y en
a qui veulent s'intégrer, contrairement à ce qu'on dit, je suis
beaucoup plus démocrate qu'on ne le pense, ce n'est pas à moi de
décider de la forme de tenure que les gens veulent faire. Sauf que notre
politique, ce n'est pas une politique d'intégration, c'est une politique
de production indépendante. Par ailleurs, s'il y a de
l'intégration volontaire, je ne peux pas aller fouiller chez chacun pour
décider à sa place, si les gens veulent produire de cette
façon.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. le ministre.
Au terme de nos travaux, je veux vous indiquer que la commission a maintenant
complété le mandat qu'elle s'était donné et que,
dans un avenir prochain, nos recommandations et nos conclusions seront rendues
publiques dans un rapport que je déposerai à l'Assemblée
nationale. À moins d'avoir une demande d'intervention, je me
préparais à ajourner.
M. le député de Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, effectivement, vous allez me
permettre sans doute - compte tenu du temps, j'essaierai d'être bref -
d'émettre certains commentaires et certains voeux à la fin de ces
deux journées de travaux à la commission parlementaire.
Nous sommes obligés de constater - et je pense que cela ne sera
pas difficile à démontrer; la lecture du journal des
Débats pourra nous le préciser davantage - que nous avons entendu
je ne sais pas si je dois dire plusieurs vérités ou plusieurs
mensonges, dépendamment de l'idée qu'on peut se faire des
interventions comme telles. Une chose est certaine, c'est que, sous la foi du
serment, beaucoup de personnes ont passé en avant, ici à la
commission; des gens sont venus nous jurer que tel objet était noir
pendant que d'autres sont venus nous jurer que tel objet était blanc. Je
sais très bien que la vérité c'est blanc ou c'est noir,
mais cela ne peut pas être les deux à la fois.
Notre commission ne pourra pas, à mon avis, tirer une conclusion
sans qu'on ait une séance de travail que nous pourrions avoir la semaine
prochaine ou dans les jours subséquents. Étant donné que
les gens ont assisté, que les médias d'information étaient
là et que cela a été public, j'espère que notre
séance de travail pourra aussi être publique puisqu'il y a des
choses qui peuvent intéresser des gens. J'imagine qu'on ne pourra pas
faire des recommandations sans, pour autant, se donner l'occasion possiblement
d'interroger d'autres personnes pour essayer de savoir où est la
lumière. Sinon - plusieurs des intervenants qui ont passé, le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, M. Moreau
aussi et d'autres l'ont souligné - des gens vont être venus nous
dire des choses qui n'étaient probablement pas conformes à la
vérité et pour lesquelles il n'y aura pas d'autres suites.
Je serais déçu, moi aussi, comme le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, si notre commission,
qui a voulu être un modèle de commission dans les discussions
qu'on a amorcées à ce jour et dans les mandats qu'on s'est
donnés, ne puisse pas aller plus en profondeur pour faire
réellement la lumière et pour rendre justice à ceux
à qui cela doit rendre justice, sans me prononcer parce que je ne peux
pas me prononcer présentement. Je ne suis pas capable de le faire
maintenant; j'ai entendu tellement de versions contradictoires, dois-je le
dire. Je pense qu'il faut rendre justice à des gens et cette justice
devra sortir. Je vous dis immédiatement que nous devrions, normalement,
avoir la possibilité d'entendre d'autres personnes qui ont
été citées pour essayer de voir si effectivement il est
exact ou pas que des choses se sont produites. J'aimerais que ce comité
soit public puisque nos délibérations le sont aussi. Cela rendra
encore possiblement justice à ceux à qui cela doit rendre
justice. J'ose espérer que la conclusion à laquelle nous
arriverons sera empreinte de sagesse, de sérénité et
surtout de justice.
Le Président (M. Vallières): Merci. Est-ce qu'il y
a d'autres demandes d'intervention?
M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: M. le Président, je veux, tout
simplement, remercier tous ceux qui, de près ou de loin, ont rendu
possible cette
commission. Il est certain que cela n'a pas toujours été
facile. Le travail qui nous attend sera probablement encore plus difficile,
mais je suis persuadé qu'ensemble, en mettant toute la bonne foi
possible, on essaiera de tirer les conclusions qui s'imposent afin de faire
toute la clarté et la lumière sur ce dossier. Je vous
remercie.
Le Président (M. Vallières): Très bien. Pour
employer un langage très populaire depuis le passage d'un certain grand
personnage au Québec, je vous dirai à tous: "Dormez bien" et la
commission...
M. Picotte: M. le Président, en terminant, je voudrais non
seulement féliciter les gens qui sont venus nous éclairer ou qui
devaient venir nous éclairer, mais souligner aussi votre excellent
travail et le travail aussi du secrétaire de la commission qui nous a
fourni une assistance un peu spéciale, de même que son personnel,
lors de ces études.
Le Président (M. Vallières): Merci. La commission
ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 23 h 41)